p^.-.^'i^^- "^ ' '•^*^'^;/'.':> ,, /:v' ::'
j^,»>, ■ -;■'■'■■;■••/.('/;■.'.''/'.**'.'•'' '■ ■''■■.'a''' ■' '• '^,' ■ê'jÏsI
^:
:?;,«, •:.iï
■'.■5» <>'^. •»;-*"••' V
HISTOIRE GÉNÉRILE
DES
TRAITÉS DE PAIX
ERRATA.
Page Au lieu de Lùez
101, ligne 22; Frédéric VI, Frédéric IV.
«B L'IMPRIMMIE DB CRAPEi.ET, Hl'E DE VAUCIRARD , 9.
HISTOIRE GÉNÉRALE
DES
TRAITÉaJ)E PAIX
AUTRES TM^^ PRINCIPALES
ENTRE TOUTES EES PUISSANCES DE L'EUROPE
EPIlSiLA PAIX DE WESTmALIE
PARIS : AMYOT, RUE DE LA PAIX
i
/'
. /
/ /•
SUITE
QUATRIÈME PERIODE
OU
HISTOIRE DES TRAITES
DEPUIS LE COMMENCEMENT DES GUERRES DE LA RÉVOLUTION
FRANÇAISE JUSQU'AU TRAITÉ DE PARIS DE 181i5
1791—1815
VII
QUATRIÈME PÉRIODE,
OU
HISTOIRE DES TRAITES
DEPUIS LE COiMMENCEMENT DES GUERRES DE LA RÉVOLUTION
FRANÇAISE JUSQU'AU TRAITÉ DE PARIS DE 181S.
1791—1815.
CHAPITRE XXXL
TRAITÉ DE niX D AMIENS ENTRE LA FRANCE ET SES ALLIÉS, ET LA
GRANDE-BRETAGNE, DU 27 MARS 1802*.
Desseins du premier Consul à l'égard de l'Angleterre. — Mission de M. Otto
à Londres. — Ses instructions. — Sa conduite habile. — Négociation
pour un armistice maritime , au mois d'aoïU 1800. — Projet présenté par
M. Otto. — Contre-projet de lord Grenville. — Conférence entre M. Otto
et M. Hammond. — Capitulation de Malle. — Négociation relative à la
saisie des pêcheurs français. — Nouveau contre-projet de M. Otto. —
Le mmslere Addington prend la direction des affaires le 16 mars 1801. —
Communication de lord Eawkcshury à M. Otto., louchant le rétablis-
sement de la paix. — Négociation des articles préliminaires. — Campa-
gne maritime de 1801.— Combat d'Algésiras, du 6 juillet; l'amiral Imots:
l'amiral Saumarez. — Articles du traité des préliminaires de Londres, du
1" octobre 1801. — Enthousiasme qu'excite à Londres la conclusion de
la paix. — Le général J.auriston arrive en cette ville, porteur des
ratifications. — Congrès à Amiens; plénipotentiaires; Joseph Bonaparte:
marquis Cornwallis : chevalier Azara: M. Schimmelpenninck. — Les
conférences s'ouvrent au mois de décembre. —Discussions préliminaires
— Affaire de Malle. — Difficultés relatives à la Porte ottomane el à l'Italie
— Traité de paix d'Amiens, entre la France et ses alliés et la Grande-
Bretagne, du 27 mars 1802. — Considérations générales sur la paix d'A-
miens.
• Pièces officielles relatives aux préliminaires de Londres et au traité
d'Amiens. Paris, de l'imprimerie de la République, an xi. — Pièces
officielles mises sous les yeux du parlement britannique le 31 no-
La France, après les transactions de Lunéville, n'était
plus en guerre qu'avec la Grande-Bretagne : le pre-
mier Consul faisait les préparatifs d'une invasion de
ce royaume, et cependant il avait de sérieux motifs
pour désirer la paix ; le commerce la demandait à
grands cris, et Bonaparte lui-même comprenait bien
que la paix seule pouvait consolider le nouveau gou-
vernement.
Aussitôt après qu'il se fut saisi du pouvoir, en
même temps qu'il avait fait une démarche directe au-
près du roi d'Angleterre, Bonaparte avait formé le
projet d'envoyer à Londres un agent qui sût prépa-
rer les voies à un rapprochement. Sieyhs lui indiqua
M. Otto, qu'il avait laissé- comme Chargé d'affaires à
Berlin, et qui, par son habitude de la langue et des
mœurs anglaises, aussi bien que par son esprit conci-
liant, était éminemment apte à remplir cette mission.
Le caractère à lui donner présentait seul quelque dif-
ficulté. Cependant, comme la France avait à Londres
un commissaire chargé de traiter de tout ce qui était
relatif aux prisonniers, M. Otto fut désigné pour le
remplacer. Quant à l'objet réel de sa mission, nous
allons le trouver défini dans les instructions qui lui
furent remises.
« La nomination du citoyen Otto, y est-il dit , sera
interprétée en Europe d'une manière très-étendue; le
poste qu'il quitte, l'ancienneté de sa réputation, la si-
tuation actuelle des affaires donnent à cette mesure le
caractère d'une avance du gouvernement. Elle en est
vembre 4800. — Suite de pièces relatives aux discussions , communica-
tions et négociations qui ont eu lieu entre la France et l'Angleterre , de-
puis le 5 nivi'ise an vin ('20 décembre 1799), jusqu'au terme de la négo-
ciation qui s'ouvrit à la fin du ministère de M. Fox, et qui fut rompue
par le départ de lord Lauderdale, en octobre 4806. Paris, de 1 injpri-
incrio du gouvernorncnl, 7 cal)icrs in-4''.
— 5 —
une en effet; mais il faut en laisser l'interprétation au
public.
(( Le citoyen Otto ne se présentera, à son arrivée,
que sous le rapport de son agence avec le ministère de
la marine, pour les prisonniers. Quant à la partie di-
plomatique de sa mission , il sera observateur, et
attendra qu'on lui fasse connaître l'impression pro-
duite par le choix qu'on a fait de lui. Si elle se mani-
feste d'une manière vague et indécise, il laissera dou-
ter qu'il l'ait aperçue; si elle se prononce d'une
manière plus décidée, il se prononcera dans le même
degré. Enfin, s'il arrive au point de pouvoir donner à
ce qui lui aura été transmis de la part du ministère
anglais le caractère d'une mesure correspondante à
l'avance renfermée dans sa nomination, il pourra sor-
tir du rôle passif d'observateur. »
M. Otto, parti de Berlin, chercha vainement dans
les ports de la Hollande un bâtiment pour passer en
Angleterre, tant les communications avaient cessé
entre les deux pays ! Il vint jusqu'à Calais où il en
fréta un, et s'embarqua.
S'il se fût renfermé dans le rôle passif qui lui était
prescrit, on se serait attendu réciproquement, et sa
mission n'eût abouti à rien, car les ministres anglais
étaient peu portés à la paix ; mais il forma des rela-
tions avec les hommes qui la désiraient davantage. On
le fit rencontrer fréquemment à la campagne avec les
ministres, avec le prince de Galles; il ne négligea
point d'encourager les efforts des membres de l'oppo-
sition qui poussaient à la paix, et six mois après son
arrivée, il fut en position de pouvoir demander une
autorisation explicite de traiter. C'est alors que com-
mencèrent les négociations qui, plusieurs fois inter-
rompues, furent cependant conduites à bonne fin. Le
premier Consul, irrité au delà de toute expression des
— 6 —
injures dont il était l'objet dans les journaux anglais ,
avait donné l'ordre à M. Otto de revenir. Mais celui-ci
ne se hâta pas d'obéir, et s'efforça de le calmer. Il pré-
voyait, d'après les discussions du Parlement, un pro-
chain changement dans le Cabinet, et l'arrivée d'un
ministère plus favorable à la paix. En effet, le 8 fé-
vrier 1801, M. Pitt résigna volontairement le pouvoir
qu'il avait si longtemps exercé.
Afin de suivre avec exactitude le fil des négocia-
tions, il est nécessaire de les reprendre au point où
elles étaient, lors de la mission du comte de Saint-
Julien\ On se rappelle que, dans cette circonstance,
le Cabinet de Vienne avait donné une preuve de con-
stance et de loyauté en rejetant toutes les offres pour
le rétablissement de la paix que lui faisait le gouver-
nement français « pourvu qu'il voulût la négocier sans
le concours de la Grande-Bretagne. »
Pour que François II consentît à traiter, à Lunéville,
d'une paix séparée, il fallut que la Cour de Londres
elle-même, convaincue que les efforts de l'Autriche ne
réussiraient pas à abattre le colosse de la puissance
française, et pensant qu'il valait mieux ménager les
forces de cette monarchie pour des temps plus oppor-
tuns, plutôt que de les user par une résistance inutile,
dégageât ce monarque des obligations qu'il avait con-
tractées. La Cour de Londres fit un pas de plus; sans
y avoir été provoquée, elle manifesta le désir de pren-
dre part elle-même à la négociation que l'Autriche al-
lait entamer par ses conseils.
Tel fut l'objet d'une Note que lord Minto, ministre
britannique à Vienne, adressa, le 9 août 1 800, au ba-
ron de Thugutf et que celui-ci communiqua, le 11 du
• Voy. t. VI, p. 239.
même mois, à M. de Talleyrand-Périgord , en lui pro-
posant Schélestadt ou Lunéville pour lieu du Congrès.
Le premier Consul, « pour empêcher que l'admission
de l'Angleterre dans les négociations avec la Cour de
Vienne ne fut une occasion de délai ', » ou pour tirer
de cette disposition pacifique de la Grande-Bretagne
le parti le plus favorable à ses vues , en retardant la
chute de Malte et d'Alexandrie, bloquées par les flottes
anglaises, chargea M. Otto de proposer au Cabinet
britannique la conclusion d'un armistice par mer,
semblable à celui qui existait entre les armées fran-
çaises et autrichiennes, de manière qu'on prit, à l'é-
gard des places assiégées ou bloquées par les forces
anglaises, des mesures analogues à celles qui avaient
eu lieu en Allemagne par rapport aux places d'Ulm,
d'ingolstadt et de Philippsbourg.
La proposition de Bonaparte fut remise à lord
Grenville le 24 août. Ce ministre ne jugeant pas con-
venable d'entrer en rapport direct avec M. Otto^ qui,
ainsi que nous l'avons vu, n'était pai accrédité ni
reconnu comme négociateur, chargea le commis-
saire anglais qui traitait habituellement avec lui
pour l'objet de sa mission, 1" de lui dire que la
Note de lord Minto contenait l'expression des senti-
ments du Roi; 2° de demander si le gouvernement
français s'était expliqué sur les propositions du baron
de Thugutf relatives à la tenue du Congrès; 3" de dé-
clarer que, dans ce cas, le Roi enverrait à l'endroit
convenu un plénipotentiaire pour traiter de la paix
avec les plénipotentiaires français et autrichiens,
pourvu que le gouvernement français s'engageât à
respecter les communications directes de ce ministre
' La phrase placée entre guillemets est tirée du rapport officiel
français.
— 8 —
avec sa Cour; mais 4° d'observer en même temps qu'il
n'avait jamais été usité de conclure un armistice pour
les opérations par mer pendant le cours des négocia-
tions pour la paix; que les discussions auxquelles un
tel armistice donnerait nécessairement lieu, pourraient
retarder la pacification, bien plutôt que de l'accélérer;
mais qu'en supposant qu'il fût possible de parvenir à
une suspension des hostilités par mer, il ne le serait
au moins pas de prendre un parti décisif sur cet objet
avant de savoir comment la France pensait que les
conditions convenues pour les armées d'Allemagne
pouvaient être appliquées à un armistice par mer.
Dans la conférence que M. Otto eut à ce sujet, le
29 août avec le capitaine George^ il annonça en ré-
ponse aux questions de lord Grenville, que les Cabi-
nets de Vienne et de Paris s'étaient entendus pour te-
nir les conférences à Lunéville. Il s'expliqua sur la
manière d'appliquer à un armistice maritime les prin-
cipes sur lesquels se fondait la suspension d'armes en
Allemagne. Comme elle ne s'étend, disait-il, que sur des
places actuellement bloquées par les Français, l'ana-
logie demanderait aussi que l'on comprît dans l'armis-
tice de mer des places effectivement bloquées par les
forces anglaises; qu'ainsi Belle-Ile, Malte et Alexan-
drie devaient être mises sur le même pied qu'Ulm,
Ingolstadt et Philippsbourg. H ajouta qu'il avait or-
dre d'insister sur une décision avant le 3 septembre;
c'était l'époque oii les hostilités devaient recommen-
cer en Allemagne.
Le 2 septembre, on notifia au commissaire français
que le lloi avait nommé son plénipotentiaire à Luné-
ville, M. Grenvillei et secrétaire de légation, M. Gar-
like, qui remplissait alors les mômes fonctions à
Berlin.
Le 4 septembre, M. Otto exposa, dans une nouvelle
— 9 —
Note, que la France n'avait consenti à l'armistice avec
l'Autriche que dans l'espoir d'une prompte pacifica-
tion; qu'en supposant que l'armistice maritime fût à
certains égards désavantageux à la Grande-Bretagne,
celui d'Allemagne ne l'était pas moins aux intérêts de
la France; qu'en conséquence, les hostilités recom-
menceraient sur le Continent le 1 1 septembre, et que
si elles étaient une fois reprises, le premier Consul
ne pourrait plus consentir, à l'égard de l'Empereur,
qu'à une paix séparée et complète.
Le même jour, lord Grenville fit demander à M. Olto '
s'il était muni d'un projet de convention pour l'ar-
mistice, et s'il était autorisé à y comprendre les alliés
du Roi, et à y faire insérer des articles relatifs à la sortie
des flottes française et espagnole stationnées à Brest.
Le commissaire français communiqua alors un pro-
jet d'armistice en sept articles dont il était porteur, et
qui renfermait les stipulations suivantes : il y aura
suspension d'hostilités entre les flottes et armées de
France et celles de la Grande-Bretagne; les bâtiments
de guerre et de commerce de Tune et l'autre nation
pourront librement naviguer, sans être soumis à au-
cune visite; à dater d'un tel jour, tous les bâtiments
réciproquement pris seront restitués; les places de
Malte, d'Alexandrie et de Belle-Ile seront assimilées à
celles d'Ulm, de Philippsbourg et d'Ingolstadt, c'est-
à-dire que tous les bâtiments de commerce neutres ou
français pourront y porter des vivres; les flottes qui
bloquent Brest, Cadix, Toulon, Flessingue, se retire-
ront. Des officiers anglais, députés vers l'amiral qui
commande dans la Méditerranée, et vers les comman-
dants des blocus de Malte et d'Alexandrie , traverse-
ront la France; enfin, l'Espagne et la République
batave seront comprises dans rarmistice\
' Il paraîtrait, par le Recueil français des pièces, que M. Otto a dé-
— 10 —
Au reçu de cette pièce, lord Grenville demanda
d'abord une prolongation de l'armistice sur le Conti-
nent, afin qu'on eût le temps de discuter le projet
communiqué par M. Otto; cependant, dès le 7, il lui
transmit un contre-projet plus analogue, d'après lui, à
la convention d'armistice qui avait été conclue en Alle-
magne. Voici les modifications du projet de M. Otlo,
qu'on y remarque :
1° Les hostilités ne pourront être renouvelées
qu'après une notification préalable de quinze jours ;
et, en cas de renouvellement d'hostilités entre la France
et l'Autriche, l'armistice entre la Grande-Bretagne et
la France sera également considéré comme rompu
de fait.
2' Malte et les villes maritimes de l'Egypte seront
mises sur le même pied que les places qui, quoique
comprises dans la démarcation de l'armée française en
Allemagne, sont occupées par les troupes autrichien-
nes. En conséquence, rien n'y sera admis , par mer ,
qui puisse leur donner de nouveaux moyens de dé-
fense, et elles ne recevront de provisions que pour
quatorze jours à la fois.
3° Des munitions navales et militaires ne pourront
être importées, pendant la durée de l'armistice, dans
les ports français bloqués, et aucun des vaisseaux de
guerre actuellement mouillés dans ces ports ne pourra
en sortir pour prendre une autre station.
4" Les alliés des deux puissances contractantes pour-
ront accéder à cette convention.
Le premier Consul rejetait ce contre-projet, dans la
supposition qu'on voulût le regarder comme une com-
pensation de l'armistice continental; il l'admettait, si
buté dans sa négociation par la communication de ce projet; on voit,
par le Recueil anglais, que les choses se sont passées ainsi que nous les
avons rapportées.
la Grande-Bretagne voulait qu'il fût indépendant des
événements du Continent, et seulement relatif à une
négociation particulière qui s'ouvrirait entre la France
et la Grande-Bretagne : c'était supposer que cette puis-
sance voudrait abandonner l'Autriche et renoncer en
même temps aux avantages que sa position lui don-
nait sur un ennemi qui n'avait aucun moyen de l'at-
taquer. Le Cabinet britannique avait pensé que son
consentement à une cessation des hostilités par mer,
à conditions égales, devait être le prix de la prolonga-
tion de l'armistice continental. Bonaparte^ au contraire,
soutenait que cette prolongation était trop favorable
aux intérêts de l'Autriche, pour qu'on ne la rachetât
pas au prix de concessions importantes en faveur de
la France. « Par l'armistice continental , dit M. Otto
dans sa Note du 16 septembre, la Cour de Vienne ac-
quiert le moyen de réorganiser ses armées; de con-
vertir en hommes, en armes, en munitions de toute
espèce les subsides que le gouvernement anglais lui
paye; de fortifier, d'approvisionner ses places de se-
conde et de troisième ligne, qui se trouvaient en mau-
vais état, parce que la marche rapide des armées
françaises n'avait pas été prévue. » A ces raisons,
fondées dans la vérité, la Note française ajoute une
phrase qui paraissait peu séante dans une négociation
entre deux grandes puissances obligées à respecter les
convenances. (( Par l'armistice continental, tels sont
les mots qui furent généralement blâmés, l'impres-
sion des victoires des armées françaises diminue, leur
effet s'affaiblit. Six mois de repos suffiraient pour que
le matériel et le moral des armées autrichiennes se
trouvassent rétablis, pour que les vaincus ne fussent
plus frappés de l'ascendant des vainqueurs , et pour
que cette chance de supériorité si bien acquise à la Ré-
publique fût encore pour elle à ressaisir. »
— 12 —
A cette Note était joint un nouveau contre-projet
auquel celui de lord Grenville avait servi de base, mais
avec des changements dont nous allons indiquer les
plus essentiels.
V Les hostilités ne pourront recommencer qu'un
mois après la dénonciation de l'armistice; et cette dé-
nonciation ne pourra se faire que par ordre même des
gouvernements contractants
2° La clause du projet anglais , qui faisait dépen-
dre la durée de l'armistice de celle de l'armistice con-
tinental, est omise.
3° Il sera fourni à Malte pour onze jours de vivres
à la fois, et à raison de dix mille rations par jour.
4° Six frégates pourront partir du port de Toulon,
débarquer à Alexandrie et en revenir sans qu'elles
puissent être visitées. L'intention avouée du gouver-
nement français était d'envoyer en Egypte douze cents
hommes et dix mille fusils.
5° Aucun vaisseau de ligne de deux et trois rangs
de batterie, actuellement mouillés dans les ports de
Brest, Toulon et dans les autres ports , ne pourra en
sortir avant le renouvellement des hostilités, pour
prendre une autre station ; mais les frégates, corvettes
ou autres petits bâtiments de guerre pourront libre-
ment sortir et naviguer.
G" Les troupes de terre à la solde de la Grande-Bre-
tagne ne pourront débarquer en aucun port d'Italie,
pendant la durée de l'armistice.
Dans la lettre d'accompagnement, M. Otio demanda
qu'on lui accordât une conférence pour donner plu-
sieurs éclaircissements qui pourraient accélérer l'ac-
cord entre les deux puissances.
La réponse de lord Grenville, datée du 20 septem-
bre, rejeta toute idée d'une pacification partielle, en
observant que si les engagements de la Grande Bre-
— 13 —
tagne lui permettaient de séparer ses intérêts de ceux
de ses alliés, ce serait moins encore le cas de conclure
un armistice maritime, auquel elle ne pourrait con-
sentir qu'à titre, de compensation. Cette lettre relève
aussi l'exagération avec laquelle le gouvernement fran-
çais évaluait les avantages que les alliés retiraient de
l'armistice continental, et fait voir que la France par-
ticipait elle-même à ces avantages j elle opposa à la
phrase choquante de la Note française une observation
remplie de dignité, a II paraît à Sa Majesté, dit lord
Grenville, qu'aucune partie des succès variés de la
guerre continentale n'autorise ses ennemis à s'attri-
buer un ascendant sur les armées autrichiennes. » Le
ministre déclara en même temps que le contre-projet
qu'il avait communiqué le 7, était regardé comme
l'ultimatum de ce que la Grande-Bretagne pouvait
accorder. 11 refusa au reste la conférence deman-
dée.
Le commissaire français répondit le 23 septembre.
Sa lettre a deux objets : l'un, de prouver que la né-
cessité de négocier une paix séparée à laquelle la
Grande-Bretagne se refusait, existait de fait, puisque
le gouvernement français avait prévenu le ministère
britannique que, si l'armistice maritime n'était pas
conclu avant le 1 1 septembre, les hostilités auront re-
commencé ', et que, dans ce cas , le premier Consul ne
pourrait plus consentir, à l'égard de l'Autriche, qu'à
une paix séparée et complète; qu'il était donc natu-
rel, dans l'état actuel des choses, de s'attendre éven-
tuellement à une paix séparée avec l'Autriche , et par
conséquent à une paix également séparée avec la
Grande-Bretagne. Le second objet de la Note de M. Olto
est de se plaindre qu'on ne lui ait point accordé la
conférence qu'il avait demandée, quoiqu'il eût prévenu
qu'il avait des explications satisfaisantes à donner tou-
— 14 —
chant les principales objections du gouvernement bri-
tannique à l'armistice proposé.
M. Otto atteignit son but. Le gouvernement britan-
nique nomma M. Hammond pour traiter avec lui. Il y
a, dans la Note de lord Grenvillef par laquelle il répon-
dit, le 25 septembre, à celle de M. Otto, du 23, une
observation dont l'expérience des temps suivants a
trop bien prouvé la justesse pour que nous ne l'insé-
rions pas ici. (( En considérant avec attention, dit le
ministre, les événements passés de cette lutte, et en
jugeant avec quelque exactitude la situation présente
des affaires, il est impossible de ne pas croire que la
guerre actuelle ne saurait être terminée par une suc-
cession de traités séparés entre les différentes puissan-
ces qui y sont engagées, et qu'on ne saurait fonder
sur une pareille base la tranquillité générale. » En ef-
fet, la succession des traités qui fut conclue en 1801
et 1802, depuis la paix de Lunéville jusqu'à celle
d'Amiens, ne put assurer la tranquillité de l'Europe
pendant deux ans seulement. La guerre recommença
en 1 803 , et dura jusqu'en 1814; car tous les traités de
paix qui furent conclus pendant ces douze ans ne fu-
rent que des trêves plus ou moins longues.
Dans les conférences qui eurent lieu entre MM. Olto
et Hammond, on se rapprocha de part et d'autre sur
divers objets de la négociation, mais on ne put s'en-
tendre sur les points suivants :
1° Les dix mille rations demandées pour la garnison
de Malte parurent exagérées au gouvernement britan-
nique. M. Otto finit par restreindre cette demande au
premier mois, pendant lequel on pourrait vérifier les
véritables besoins de la garnison.
2° Le gouvernement français insista sur la nécessité
d'envoyer six frégates en Egypte pour faire voir aux
troupes françaises qui se trouvaient dans ce pays, qu'on
^ 15 —
prenait intérêt à leur sort. Le ministère britannique
s'y refusa constamment.
3° Le premier Consul exigea de pouvoir faire sortir
des ports de France des frégates et autres petits vais-
seaux armés : son intention était de rétablir, par leur
moyen, la communication avec les colonies françaises.
Le ministère britannique n'y voulut pas consentir,
quoique M. Otto offrît de faire prendre l'engagement
qu'il ne serait pas envoyé par mer des provisions na-
vales à Toulon et à Brest.
4° La Grande-Bretagne ne voulut pas s'interdire la
faculté d'envoyer de nouvelles troupes en Italie.
Le résultat de ces débats fut consigné par M. Otto^
dans une Note verbale ^
Les négociations étaient ainsi terminées ; et si le
premier Consul avait dû renoncer à l'espoir d'amener
la Grande-Bretagne à conclure un armistice maritime,
cet armistice avait aussi perdu pour lui de son prix
depuis la chute de Malte. Le général Vaubois fut obligé
de capituler le 5 septembre 1 800, et de remettre Malte
aux troupes britanniques. Quoique cet événement dé-
rangeât les plans de Bonaparte^ cependant M. Otlo fit,
par ses ordres, une dernière tentative pour engager le
Cabinet de Londres à rouvrir une négociation pour
une paix particulière , soit à Paris, soit à Londres;
mais le gouvernement britannique déclara, le 9 octo-
bre 1800, de la manière la plus posive, qu'il ne con-
sentirait pas à séparer ses intérêts de ceux de ses alliés.
M. Otto continua de résider à Londres en qualité de
commissaire pour l'échange des prisonniers de guerre.
Au mois de janvier 1801 , il eut occasion d'entamer
• Elle manque dans le Recueil français de l'an xi.
— 16 —
une nouvelle négociation, dont l'objet ne serait pas
assez important pour nous y arrêter, s'il ne tenait aux
principes généraux sur le Droit de la guerre.
Le gouvernement français avait donné, le 27 mars
1800, un exemple digne d'être imité, en défendant à
tous les vaisseaux français d'arrêter des pêcheurs an-
glais , pourvu qu'ils ne fussent pas munis d'armes ;, ni
convaincus d'intelligences suspectes avec des bâtiments
de guerre de leur nation. Cette ordonnance ayant été
communiquée par M. Otto au Transport-Office de Lon-
dres*, le gouvernement britannique révoqua, de son
côté, le 30 mai, les ordres qui avaient été donnés le
24 janvier 1798 , aux commandants des vaisseaux an-
glais, pour faire saisir les pêcheurs français et hollan-
dais et leurs bateaux. Quelque temps après , le Trans-
port-Office se plaignit que des bateaux pêcheurs
avaient été armés en brûlots à Flessingue. Le premier
Consul, tout en soutenant que chaque puissance avait
le droit de disposer à son gré de ses bâtiments, ordonna
cependant de rendre les bateaux pêcheurs à leur pre-
mière destination, parce qu'il voulait éviter une con-
testation qui pouvait nuire à l'arrangement convenu.
Mais bientôt les sujets de plainte se multiplièrent. On
prétendit, en Angleterre, que Bonaparte avait mis en
réquisition les pêcheurs français et leurs bateaux, et
les avait envoyés à Brest pour servir dans la flotte ; on
accusa même le gouvernement d'avoir compris dans
cette réquisition des pêcheurs que les Anglais avaient
relâchés, sous condition de ne pas servir. Les lords
commissaires de l'Amirauté prirent alors la brusque
résolution de révoquer, le 21 janvier 1801, l'ordre
donné le 30 mai précédent , et de remettre en vigueur
celui du 24 janvier 1798.
' Le Transport-ofTice est l'aiilorilé chargée de tout le service concer-
nant les prisonniers de guerre.
-^ 17 —
Aussitôt que le premier Consul fut informé de cet
incident, il ordonna à M. Otto de déclarer que « si,
d'une part, cet acte du gouvernement britannique,
contraire à tous les usages des nations civilisées et au
droit commun qui les régit, même en temps de guerre,
donnait à la guerre actuelle un caractère d'acharne-
ment et de fureur qui détruisait jusqu'aux rapports
d'usage dans une guerre loyale; de l'autre, il était im-
possible de ne pas reconnaître que cette conduite du
gouvernement anglais ne tendait qu'à exaspérer davan-
tage les deux nations, et à éloigner encore le terme de
la paix; qu'en conséquence, lui, M. Otto, ne pouvait
plus rester dans un pays oiî non-seulement on avait ab-
juré toute disposition à la paix, mais où les lois et les
usages de la guerre étaient méconnus et violés. M. Otto
déclara en même temps que le gouvernement ayant eu
toujours pour premier désir de contribuer à la pacifi-
cation générale, et pour maxime d'adoucir autant
que possible les maux de la guerre, ne pouvait songer,
pour sa part, à rendre de misérables pêcheurs victimes
de la prolongation des hostilités, et qu'il s'abstiendrait
de toute représaille. »
Les nouveaux ministres que la retraite de M. Pitt,
avait porté à la direction des affaires , et dont M. Ad-
dingtorij Orateur de la Chambre des Communes, était
le chef, entrèrent en exercice le 16 mars'; dès les pre-
miers jours , ils révoquèrent les ordres qui avaient
été donnés par leurs prédécesseurs contre les pêcheurs
français, et cette mesure engagea M. Otto à prolonger
son séjour à Londres. Nous dirons encore que, dans
les discussions qui eurent lieu au sujet de cet inci-
dent, le gouvernement britannique mit en avant que la
liberté de la pêche n'était fondée que sur une simple
' Lord Hawkesbury, depuis lord Liverpool, remplaça M. Grenville
aux Affaires Étrangères.
Tii 2
— 18 —
concession de sa part, et que cette concession n'avait
jamais porté sur la grande pêche, ni sur le commerce
d'huîtres ou de poisson; ce qui réduirait cette pêche
à celle du coquillage qui se fait sur les côtes.
Les tentatives pour arriver à une réconciliation entre
la France et la Grande-Bretagne paraissaient définiti-
vement ne pouvoir amener aucun résultat lorsque, tout
à coup, le 21 mars 1801, \orà Hawkesbury annonça
à M. Otto que le Roi était disposé à entamer immédiate-
ment des négociations pour le rétablissement de la paix,
prêt à envoyer à Paris, ou à tout autre endroit dont on
conviendrait, un ministre autorisé à négocier et conclure
un traité. Le gouvernement français accueillit cette pro-
position; mais il demanda préalablement deux choses :
savoir, la conclusion d'un armistice, et une négociation
pour des articles préliminaires. Le gouvernement bri-
tannique refusa l'armistice, mais il accéda à la proposi-
tion d'ouvrir la négociation des articles préliminaires,
et on entra en discussion à cet égard. Lord Hawkesbury
communiqua, le 14 avril, à M. Otto, les conditions que
l'Angleterre regardait comme articles préliminaires;
c'était, de la part de la France, l'évacuation de l'Egypte;
de la part de la Grande-Bretagne, la restitution par-
tielle des conquêtes qu'elle avait faites sur la Fri^nce
et ses alliés, d'après une liste qui, parmi les pays à
restituer, ne nommait pas l'île de Malte, Tabago, la
Martinique, la Trinité, Esséquibo, Démérary et Ber-
bice, enfin l'île de Ceylan, que la Grande-Bretagne
prétendait toutes garder; à la restitution du cap de
Bonne-Espérance était attachée la condition qu'on en
ferait un port franc. Enfin, on exigeait de la Répu-
blique batave une indemnité entière pour les pertes
que la maison d'Orange avait éprouvées dans ses pro-
priétés. La Grande-Bretagne ajouta encore une réserve;
— 19 —
c'était que si, avant la signature des préliminaires, on
recevait la nouvelle de la conclusion d'une convention
pour l'évacuation de l'Egypte par les troupes françaises,
l'Angleterre ne serait pas tenue à souscrire à ces con-
ditions dans toute leur étendue; c'est-à-dire que l'An-
gleterre regardait une partie des restitutions qu'elle
offrait comme le prix de celle de l'Egypte, et par con-
séquent si l'évacuation de ce pays n'était pas une suite
du traité à conclure entre la Grande-Bretagne et la
France, mais que les événements de la guerre y forças-
sent les Français, la Grande-Bretagne se regardait
comme autorisée à retenir le prix auquel elle avait
voulu racheter l'abandon de l'Egypte.
Ces hases ayant été jugées inadmissibles, les négo-
ciations traînèrent en longueur ou éprouvèrent même
une interruption pendant laquelle les deux parties
espéraient voir arriver des événements qui pourraient
mettre du poids dans la balance de leurs intérêts poli-
tiques. Les Anglais terminèrent, dans cet intervalle, à
leur entière satisfaction, les différends qui s'et?iiPRt
élevés entre eux et les puissances du Nord; ils débar-
quèrent en Egypte, et purent se flatter d'en expulser
sous peu les Français; enfin, ils augmentèrent la masse
de leurs conquêtes, en s'emparant de Saint-Eustache
et de Saba. Bonaparte , de son côté , poussa l'Espagne
à faire la guerre au Portugal, parce qu'il espérait que
les conquêtes qu'on ferait dans ce royaume forceraient
le Cabinet de Londres à se désister de ses prétentions.
Aussi fut-il très-mécontent de ce qu'après quelques
succès, le roi d'Espagne eût conclu, le G juin, avec le
Prince-Régent, une paix qui ne lui laissa que la pro-
vince d'Olivença; il refusa, pour sa part, de la ratifier,
et déclara « qu'en signant ce traité, Charles IV avait
consenti à la perte de la Trinité. »
Les négociations recommencèrent au 1 5 juin 1801 *
— 20 —
Bonaparte fit demander à lord Hawkesbury » si, dans
le cas où le gouvernement français accéderait aux ar-
rangements proposés pour les Grandes-Indes par l'An-
gleterre, et adopterait Vante hélium pour le Portugal,
le roi d'Angleterre consentirait à ce que le status ante
bellum fût rétabli dans la Méditerranée et en Amé-
rique? » Exprimons plus clairement cette question.
Le premier Consul demanda si, dans le cas où le gou-
vernement français consentirait à ce que les Anglais
conservassent dans les Grandes-Indes et les provinces
qu'ils s'étaient attribuées dans le partage de l'empire de
Tippo-Saîb, et l'île de Ceylan qu'ils avaient conquise
sur les Hollandais, à charge de rendre tout ce que, dans
cette partie du monde, ils avaient conquis de plus sur
les Hollandais et les Français; que ce même gouver-
nement consentît à évacuer l'Egypte; enfin qu'il se
prêtât non-seulement à faire rendre au Portugal la pro-
vince d'Olivença, mais promît aussi de ne pas tenter
de nouvelles conquêtes sur ce royaume; si, disons-
nous, dans ce cas, la Grande-Bretagne évacuerait Malte
et l'île de Minorque, et rendrait toutes ses conquêtes
en Amérique, c'est-à-dire la Trinité, les possessions hol-
landaises sur la terre ferme, Saint-Eustache et Saba,
la Martinique, Tabago, Sainte-Lucie, les Saintes, Saint-
Pierre et Miquelon, les îles Saint-Marcou sur la côte de
Normandie, etc.?
Lord Hawkesbury répondit, le 25 juin, que l'éva-
cuation de l'Egypte par les Français, et de Malte et
de Minorque ' par les Anglais, ne suffisait pas pour
rétablir le status ante bellum dans la Méditerranée;
qu'il serait encore nécessaire que le gouvernement
français évacuât le comté de Nice et tous les États
' Minorque n'est pas nommée dans cet oflTice; mais comme la resti-
tution de celte île avait déjà été offerte par la Grande-Bretagne, nous
suppléons à cette omission.
— 21 —
du roi de Sardaigne , que le grand-duc de Toscane
fût rétabli, et que le reste de l'Italie recouvrât son
ancienne indépendance; que si cela ne pouvait être,
et que la France conservât encore une partie de l'in-
fluence qu'elle avait dernièrement acquise en Italie, le
Roi était autorisé à garder l'île de Malte, pour protéger
le commerce de ses sujets dans cette partie de l'Eu-
rope ; que la restitution du Portugal dans le status ante
hellurriy ne pouvait être un équivalent des conquêtes
que la Grande-Bretagne avait faites en Amérique, et
que d'ailleurs on n'aurait pas véritablement rétabli le
status ante hélium en Amérique, si l'on n'accordait à la
Grande-Bretagne une compensation pour l'acquisition
que la France avait faite d'une partie de Saint-Do-
mingue, contrairement aux conditions de la paix
d'Utrecht. Enfin, lord Hawkesbury finit par modifier
ses premières propositions, en offrant la restitution de
la Trinité comme compensation du rétablissement du
status ante bellum pour le Portugal, c'est-à-dire de la
restitution d'Olivença.
Le 23 juillet, le plénipotentiaire français transmit
au ministre britannique un contre-projet qui renferme,
à l'égard des Indes orientales, de l'Egypte, de la mer
Méditerranée et du Portugal, les conditions qui furent
admises par les préliminaires, et auxquelles, par ce
motif, nous ne nous arrêterons pas icij mais, quant
à l'Amérique, ce projet demandait la restitution de
toutes les conquêtes. Ce ne furent plus , dès ce mo-
ment , que les arrangements relatifs à cette partie du
monde qui arrêtèrent la négociation. Le 14 août, lord
Haickesburij proposa une alternative; savoir, que la
Grande-Bretagne conserverait seulement la Trinité et
Tabago, à condition que Démérary, Esséquibo et Ber-
bice fussent des ports francs; ou qu'elle garderait
Sainte-Lucie, Tabago, Démérary, Esséquibo etBerbice.
— 22 —
Ainsi la Grande-Bretagne consentait à rendre la
Martinique; et> en supposant qu'elle renoncerait en-
corfe à Tabago et à Sainte-Lucie , le gouvernement
français avait le choix entre celui de ses alliés qu'il
voudrait sacrifier, ou du roi d'Espagne, en lui faisant
perdre la Trinité , ou de la République batave, en exi-
geant qu'elle renonçât à ses possessions dans la
Guyane. Peut-on douter du parti que Bonaparte va
prendre? L'Espagne l'avait mécontenté en se hâtant
de conclure la pîiix de Badajoz ; il l'en punit par la
perte de la Trinité, et les préliminaires de la paix fu-
rent signes à Londres, le 1" octobre 1801.
Avant d'en rapporter les conditions , nous devons
consigner le résultat de la campagne maritime de 1 801 .
Bonaparte avait fait, sur les côtes de France, des pré-
paratifs qui indiquaient un projet de débarquement
en Angleterre. Pour dissiper les inquiétudes que ces
armements avaient causées dans l'île, l'amiral Nelson
fit, dans les mois de juillet et d'août, plusieurs tenta-
tives pour détruire les flottilles françaises; mais il ne
recueillit aucun honneur dans ces expéditions.
L'amiral français Linois eut dans cette campagne un
succès qui, dans l'état de la supériorité que la marine
anglaise n'avait cessé de maintenir jusqu'à présent,
pouvait paraître brillant. Il commandait trois vais-
seaux de ligne et une frégate, lorsque l'amiral Sauma-
rez l'attaqua, le 6 juillet, dans la baie d'Algésiras,
avec six vaisseaux de ligne et une frégate. Linois le
força de se retirer à Gibraltar, et s'empara d'un vais-
seau de soixante-quatorze canons. Six jours après, le
même amiral livra un combat qui ne fut pas aussi
heureux. Renforcé par cinq vaisseaux de ligne et une
frégate espagnole, commandés par l'amiral Morena, il
avait fait voile pour Cadix ; ayant rencontré l'amiral
— 23 —
SaumareZf il lui livra bataille; mais comme il faisait
miit, deux vaisseaux espagnols se prenant pour enne-
mis firent feu l'un sur l'autre , et sautèrent; un troi-
sième tomba au pouvoir des Anglais.
Les préliminaires de Londres vinrent mettre fin aux
hostilités. Voici quelles étaient les principales stipula-
tions*:
V article 1" rétablit la paix entre la Grande-Breta-
gne, la République française et leurs alliés respectifs.
Toute conquête faite de part ou d'autre, après la rati-
fication des préliminaires, sera regardée comme non
avenue.
La Grande-Bretagne restitue à la République fran-
çaise , au roi d'Espagne et à la République batave ,
toutes lès conquêtes qu'elle a faites, excepté l'île de la
Trinité et les possessions hollandaises dans l'île de
Ceylan. Art. 2.
Le port du cap de Bonne-Espérance sera ouvert au
commerce et à la navigation des deux jiarties contrac-
tantes. Art. 3.
L'île de Malte sera évacuée par les troupes anglaises,
et tendue à l'Ordre de Saint Jean dé Jérusalem, sous
la garantie et la protection d'une puissance tierce qui
sera désignée dans lé traité définitif. Art. 4. Dans le
cours des négociations , la Grandè-Ëretagne avait pro-
posé de charger de cette protection l'empereur de Rus-
sie , qu'on prierait d'envoyer une garnison dans l'île
de Malte : car lord Hawkesbury rie dissimula point là
crainte du gouvernement britannique , que la France
ne profitât de rinfluënce qu'elle avait acquise en Italie
pour envahir encore une fois l'île de Malte.
L'Egypte sêi-à restituée à la t*orte, dont les terri-
• Voy. Martens , Rec, t. IX , p. 543.
— 24 —
toires et possessions sont maintenus' dans leur inté-
grité, tels qu'ils étaient avant la guerre. Art. 5.
Les territoires et provinces du Portugal seront main-
tenus dans leur intégrité. Art. 6. Les mots : tels qu'ils
étaient avant la guerre, n'y sont pas ajoutés, ce qui
indique qu'on n'exigera pas de l'Espagne la restitution
d'Olivença. Presque au même moment où les prélimi-
naires de Londres furent signés, le Portugal avait con-
senti , par la paix de Madrid, à une cession qui violait
cette intégrité de son territoire. Nous verrons à quel
changement, dans la rédaction du traité définitif,
cette circonstance donna lieu.
Les troupes françaises évacueront le royaume de
Naples et l'État romain. Les troupes anglaises éva-
cueront Porto Ferrajo et tous les ports et îles qu'elles
occupent dans la Méditerranée et dans l'Adriatique.
Art. 7. Les Français avaient occupé une partie du
royaume de Naples , par suite des articles secrets du
traité de Florence, du 28 mars 1801 \
La République française reconnaîtra la République
des Sept-lles. Art. 8. Cette république, instituée par
la convention du 21 mars 1800*, entre la Russie et la
Porte, avait été reconnue par la Grande-Bretagne, le
13 janvier 1801.
Varticle 9 détermine les époques des évacuations et
restitutions réciproques.
Varticle 10 est ainsi conçu : « Les prisonniers res-
pectifs seront, d'abord après l'échange des ratifications
du traité définitif, rendus en masse , et sans rançon,
en payant de part et d'autre les dettes particulières
qu'ils auraient contractées. Des discussions s'étant éle-
vées touchant le payement de l'entretien des prison-
niers de guerre, les puissances contractantes se réser-
• Voy. t. VI, p. 270.
' Voy. Ibid, p. 220.
2d
vent de décider cette question par le traité définitif,
conformément au droit des gens et aux principes con-
sacrés par l'usage. »
Voici ce qui avait donné lieu à ces discussions.
L'article 21 des préliminaires de Versailles, du 20 jan-
vier, et l'article 3 du traité définitif, du 3 septembre
1783, avaient stipulé que chaque gouvernement sol-
derait respectivement les avances qui auraient été
faites, pour la subsistance et l'entretien de ses prison-
niers, par le souverain du pays où ils auront été dé-
tenus. Dans la guerre qui fut terminée par les préli-
minaires de Londres, on était convenu que chaque
gouvernement fournirait à l'entretien de ses prison-
niers détenus en pays ennemis; mais lorsque le Di-
rectoire exécutif se trouva dans le cas d'entretenir un
grand nombre de prisonniers autrichiens, russes et
autres , avec les gouvernements desquels il n'existait
pas de pareils arrangements , il jugea à propos d'aban
donner au gouvernement anglais le soin d'entretenir
les Français qui se trouvaient prisonniers en Angle-
terre. Dans ses négociations avec M. Olto , lord Haw-
kesbury demanda le remboursement de cette avance;
mais , puisque la France n'avait pas formé une pré-
tention de ce genre contre les alliés de la Grande-Bre-
tagne, elle se refusa constamment à ce rembourse-
ment. Nous verrons de quelle manière les deux États
transigèrent par la suite sur cette difficulté.
V article \ 2 dit que tous les séquestres mis de part et
d'autre sur les fonds, revenus et créances, de quelque
espèce qu'ils soient, appartenant à une des puissances
contractantes, ou à ses citoyens ou sujets, seront levés
immédiatement après la signature du traité définitif,
et que la décision de toutes réclamations entre les in-
dividus des deux nations, pour dettes, propriétés, ef-
fets ou droits quelconques , qui , conformément aux
— 26 —
usages reçus et au droit des gens, doivent être repro-
duites à l'époque de la paix, sera renvoyée devant les
tribunaux compétents, et que dans ce cas il sera rendu
une prompte et entière jiistice dans le pays où les ré-
clamations seront faites respectivement. Enfin cet ar-
ticle sera appliqué aux alliés respectifs.
Les pêcheries sur les côtes de Terre-Neuve et des
îles adjacentes, et dans le golfe de Saint-Laurent,
seront remises sur le même pied où elles étaient avant
la guerre, et les deux puissances se réservent de pren-
dre, par le traité définitif, les arrangements qui pa-
raîtront justes et réciproquement utiles pour mettre
l'a pêche des deux nations dans l'état le plus propre à
maintenir la paix. Art: 13. C'est un des articles sur
lesquels les négociateurs eurent le plus de peine à
s'accorder. Le plénipoteiltiaire français proposa trois
articles touchant de nouveaux arrangements à prendre
pour lies pêcheries, parce qu'on se plaignait en France
de ceiix iqui avaient été convenus par Varticle 3 des
préliminaires de 1783; mais lord Hmrkesbury tefusà
noh-seulemertt de les admettre , mais même d'entrer
en discussion sûr cet objet, disant que, vu là supé-
riorité inarUime de la Grande-Bretagne, c'était à elle
plutôt qu'à la France à stipuler de nouveaux avanta-
ges pbur la pêche de ses sujets. Il paraît que les arti-
cles proposés par M. Otto et rejetés par lord Hawkes-
hury avaient pour objet de stipuler : 1" l'échange des
îles Saint-Pierre et Miquelon contre une partie de l'île
de Tet-re-Neuve; 2" là feessiori d'un établissement de
pêche aux îles Malbuines; 3° là neutralité des pêcheUrS
en temps de guerre.
Les ratifications de ces articles préliminaires serbnt
échangées à LoHdres dans le tebme de quinze jours
pour tout délai ; et aussitôt après il sera tlommé de
part et d'autre des plértipotiRntiaire& qui se rendront à
— 27 —
Amiens, pour procéder à la rédaction du traité défini-
tif, de concert avec Ifes alliés defe puissance contrac-
tantes. Art. 15. Les ratifications furent échangées à
Londres le 12 octobre.
La conclusion de la paix excita un enthousiasme gé-
néral parmi le peuple anglais^ qui célébra la fête de la
ratification par des illuminations ist des feux de joie.
M. OltOy l'heureux négociateur, fut comblé, à Londres,
des témoignages de la reconnaissance publique. La
gravure reproduisit son portrait , la poésie célébra ses
louanges. Le général Laurislon, aide de camp du pre-
mier Consul, envoyé en Angleterre pour porter les ra-
tifications, fut accueilli avec transport; le peuple détela
les chevaux de sa voiture et le traîna jusqu'à son hô-
tel. Mais cet enthousiasme ne fut point partagé par
une certaine classe de la nation qui regardait « la re-
connaissance et la consolidation du pouvoir de Bona-
parte comme la ruine de la cause de la légitimité à la-
quelle tient la tranquillité des peuples , et comme le
renversement de l'équilibre des puissances en Europe,
ainsi que de tout ordre, civilisation et propriété \ »
' AnnualHegisierÛQ 1801, article Histortj of Europe, p. 277. Le fait
suivant, rapporté dans le même ouvrage , caractérise l'état deâ esprits,
à cette époque.
« La nuit de ce jour, si brillante à Londres par les illuminations, fut,
pour les émigrés français qui se trouvaient dans cette gcpnde ville,
une huit de ténèbres et d'hobreur. La mélancolie, le découragement et
l'indignation qui s'emparèrent de l'esprit du clergé français, surtout
des prêtres de la dernière classe, parurent sanctionnés par la voix du
ciel. Entre dix et onze heures, il s'éleva la plus furieuse tempête que
la génération actuelle ait peut-être vue , et qui paraissait encore plus
extraordinaire dans cette saison de l'année; le vent, le tonnerre, les
éclairs, la pluie, ne discontinuèrent pas un instant pendant Une heure
entière; la vdûte du ciel parut embrasée pendant tout ce temps. Ce
qui, aux yeux des hommes superstitieux, ajoutait à cet augure malheu-
reux, c'est qu'au bureau de l'Amirauté, où l'illumination représentait
une couronne et un ancre, le vent éteignit la coiironnè, tandis que
l'ancre brillait dans toute sa clarté. »
— 28 —
Cependant les deux gouvernements se préparèrent
à exécuter Varticle 15 du traité des préliminaires.
Napoléon Bonaparte nomma son frère Joseph plénipo-
Voici un autre passage, qui peut servir à l'explication douloureuse
de C8 qu'on vient de lire.
« L'empereur Paul, ayant abandonné la cause dont il avait été un
si zélé protecteur, invita Louis XVIH à quitter Miltau; ce prince mal-
heureux trouva un asile dans les États du roi de Prusse, d'abord à
Kœnigsberg, ensuite à Varsovie. La Russie avait été la seule puissance
du continent entièrement indépendante de la France. Quand cet appui
leur manqua , les royalistes français trouvaient encore une consolation
dans l'attitude non-seulement indomptée, mais même hostile, que la
Grande-Bretagne présentait à la République, et il leur resta quelques
éclairs d'espérance que les vicissitudes de la fortune pourraient donner
une tournure favorable à leur cause; les émigrés français, à Londres,
étaient longtemps demeurés dans cet état de résignation , d'anxiété et
de patience ; supportant l'adversité en l'adoucissant par de nobles
souvenirs, par la fierté de l'honneur, tempérée par l'affliction, et par
quelque faible espoir d'un meilleur avenir. Les misérables restes de
leur fortune naufragée furent employés pour préserver de la contagion
du vice et des sentiments vils du vulgaire, les enfants destinés, dès
leur entrée dans le monde, à participer aux souffrances et aux soucis
de leurs parents; et, pour nourrir dans leurs cœurs des sentiments
de morale et de religion , ainsi que l'attachement, le respect et le dé-
vouement pour la famille des souverains de la France. On éleva une
modeste chapelle , et on institua une école dans un faubourg de
Londres, ou les maisons sont bâties des proportions convenables à de
pauvres gens. Un digne prêtre, M. Caruon le jeune, se chargea de la
direction de cet établissement, où les enfants des émigrés, avec tous
ceux de la Grande-Bretagne ou de l'Irlande que leurs parents ou tu-
teurs voulurent y envoyer, furent élevés avec le plus grand soin dans
les principes de la morale et de la religion, et dans toutes les connais-
naissances analogues à leurs tendres années. Le comte d'ARTOis, le
prince de Condé, et d'autres princes et seigneurs français, assis-
taient aux examens; et, en distribuant parmi les élèves de légers prix
encourageaient les sentiments vertueux que les auteurs de l'institution
avaient eu pour but de propager. Dans cette humble retraite on s'aban-
donnait, des deux côtés, aux élans les plus purs et les plus exaltés. Le
dévouement des Français pour la race de leurs rois, si bonne et si ai-
mable, se manifestait par des cris répétés de vive le Roi! mêlés de larmes ;
celles des princes Bourbons exprimaient éloquemment la réciprocité de
leurs sentiments. C'étaient des scènes touchantes et instructives; une
école instituée potir montrer les vanités de ce monde, et surtout la va-
nité et l'espoir qu'on met dans les promesses des gouvernements. »
— 29 —
tentiaire au Congrès d'Amiens; le marquis de Cormoal-
lis fut nommé pour la Grande-Bretagne. Le roi d'Es-
pagne y députa le chevalier Azara , et la République
bataveM. Schimmelpenninck ; mais ces deux ministres
n'assistèrent pas aux conférences générales; on ne les
appelait que lorsqu'il était question des intérêts de
leurs commettants.
Lord Comwallis se rendit d'abord à Paris. Il eut
dans cette ville, depuis le 24 novembre 1801, quel-
ques conférences préliminaires avec Joseph Bonaparte.
Dès le principe, on vit que l'article de Malte serait
celui du traité à conclure qui présenterait le plus de
difficultés. Cependant Varticle 4 avait prononcé sur le
sort de cette île, de manière qu'il paraissait que tout
ce qui restait à faire était de déterminer la puissance
chargée de la garantie et de la protection de cette île ;
mais on avait fait sentir aux ministres anglais la faute
qu'ils avaient commise en renonçant à une possession
qui aurait rendu l'Angleterre maîtresse absolue de la
Méditerranée et du commerce du Levant; et ils s'é-
taient proposés de réparer, s'il était possible , cette
faute. Il est probable que cette résolution était la
cause du retard qu'ils avaient mis à renvoyer lord
Comwallis sur le continent.
Les conférences d'Amiens s'ouvrirent enfin au com-
mencement de décembre. Avant d'entamer les ques-
tions principales qui devaient être des objets de né-
gociation, on discuta quelques demandes formées par
le plénipotentiaire français. Il proposa, 1" que les îles
de Saint-Pierre et de Miquelon qui , en exécution de
Varticle 2 des préliminaires, devaient être rendues à
la France, fussent échangées contre une partie de l'île
de Terre-Neuve; 2" qu'on cédât à la France un éta-
blissement pour la pêche dans les îles Malouines;
3" que l'on reconnût que les pêcheurs seraient neutres
— 30 —
en temps de guerre. Joseph Bonaparte retira ces trois
demandes, sur l'observation que lui fit lord Cornwallis,
qu'elles avaient été présentées et rejetées avant la signa-
ture des préliminaires.
Une autre discussion s'éleva sur une addition que
le plénipotentiaire français voulait faire à Varticle 12
des préliminaires. Elle devait exprimer la condition que
des créanciers anglais en France ne seraient pas plus
favorisés que les Français eux-mêmes. Lord Cornwal-
lis observa qu'une pareille condition serait injuste et
préjudiciable à l'Angleterre, puisque le gouvernement
anglais n'avait touché à aucune propriété ni fonds ap-
partenant à un. Français j tandis que la France s'était
emparée de tout ce que les Anglais possédaient en
France, et n'avait fait que des remboursements imagi-
naires. Quelque droit qu'elle eût à agir ainsi envers
des citoyens français, elle ne ppuvait se permettre
d'appliquer ses lois injustes à des étrangers. La force
de ce raisonnement l'emporta, et Varticle subsista.
Il s'éleva alors des débats sur une augmentation de
territoire dans l'Inde, que Joseph Bonaparte demanda,
en faisant observer que la sim})le restitution des pos-
sessions françaises dans ces contrées devait être regar-
dée plutôt comme une charge que comme un avantage.
En conséquence, il proposa, 1 " que les Anglais cédassent
ou fissent céder à la France les sept joukans ou doua-
nes de Villehour, d'autant plus que le district de Vil-
lehour, faisant partie du territoire de Pondichéry,
avait été concédé, sans réserve ni restriction, à la
compagnie française des Indes orientales par le sou-
bah de Decan et par le nabab d'Arcot. Le traité do
1783 avait confirmé cette possession à la France sans
restriction, et néanmoins elle avait le déplaisir de voir
qu'on percevait sur son territoire, au nom d'un sou-
verain étranger, des droits onéreux et extrêmement
— 31 —
gênants pour son commerce. En 1 785, MM. de Bussy
et Coutanceau savaient fait des représentations à ce su-
jet à lord Macartney , qui avait répondu que les jou-
kans en question faisaient partie de l'ancien district
de Valdahour, et appartenaient au nabab d'Arcot. On
lui répondit que le district de Villehour lui-même
avait fait partie de celui de Valdabpur; mais que, de-
puis la concession susdite, il avait foymé un district
entièrement séparé; que par conséquent chaque nation
devait jouir des accessoires de sa portion. La conven-
tion explicative du 15 janvier 1787^ n'ayant rien dé-
cidé sur cette question, Joseph Bonaparte exprima spq
espoir qu'on allait enfin faire droit à la réclamation de
(a France.
11 proposa, 2° que la Grande-Bretagne consentît à
échanger le district de Valdahour contre celui de Ba-
hour, qui appartenait à la France : cet arrangement
devait assurer aux habitants de Pondichéry les pre-
miers besoins de la vie, et terminer, sans un sacrifice
bien grand, des difficultés continuellement renais-
santes.
3° Qu'à l'époque de la restitution de Yanaon , la
France fût aussi mise en possession du district situé
sur la rive gauche du Corigny, qui lui avait toujours
appartenu, et où se trouve le point d'embarquement des
marchandises destinées pour Yanaon; et comme la ri-
vière avait successivement enlevé la plus grande par-
tie du district où les ateliers étaient situés, Bonaparte
demanda un district équivalent sur la rive opposée,
où les tisserands, chassés par l'inondation, pussent
trouver un asile. Enfin il ajouta la demande qu'en
exécution des traités de 1783 et 1787, les Français
eussent, pour leur commerce sur la côte de Coroman-
' Voy. Martens, Rec, t. III, p. 30.
— 32 —
del, et principalement pour l'exécution de leurs mar-
chés dans l'intérieur du pays, les mêmes moyens de
sûreté et de protection qu'au Bengale.
4° Que , sur la côte de Malabar, la France , en ren-
trant en possession de Malié et de ses dépendances, re-
couvrât aussi le petit district de Courchy, qui lui avait
toujours appartenu depuis la cession que le roi de Co-
lastrie en avait faite à M. Mahé de La Bourdonnaye, et
dont Tippo-Sultan n'avait jamais pu disposer en faveur
des Anglais, puisqu'il n'en était pas propriétaire; en-
fin, que la France eût la permission d'établir une for-
teresse à Alèpe, pour prendre part au commerce de
poivre dans le royaume de Travancore.
Dans une conférence suivante, Joseph Bonaparte ^
se réclamant de l'article 13 des préliminaires, de-
manda encore :
1 " Que les pêcheurs français à Terre-Neuve jouissent
de la même protection que les Anglais mêmes;
2° Qu'il fût libre à la France d'avoir un agent com-
mercial à Saint-John;
3" Que la France eût le droit de pêcher exclusive-
ment, et dans toutes les saisons, sur les côtes qui lui
avaient été assignées; d'autant plus que, lorsqu'elle
céda la propriété de l'île de Terre-Neuve, en se réser-
vant la pêche dans une étendue déterminée , elle ne
s'imposa pas la condition de ne pêclier qu'une cer-
taine espèce de poisson et durant une saison particu-
lière de l'année seulement; mais qu'elle s'était simple-
ment engagée à ne fortifier aucune place et à n'ériger
aucun bâtiment, excepté les huttes nécessaires pour
sécher le poisson; que de là découlaient nécessaire-
ment divers droits qui lui avaient été tacitement ac-
cordés, comme de couper du bois, d'ériger des hôpi-
taux sur la côte et de faire des magasins de vivres;
enfin, le droit de laisser des personnes pour protéger
— 33 —
les canots et les ustensiles de la pêche. La plus grande
partie de ces droits ont été souvent contestés et aussi
souvent reconnus, puisque, à différentes occasions,
l'Angleterre avait accordé des indemnités aux pro-
priétaires des canots que les Anglais avaient brûlés ou
détruits; et il était à craindre que la même contesta-
tion ne se reproduisît, si l'on n'y remédiait par des
dispositions précises. Joseph Bonaparte fit observer que
les îles de Saint-Pierre et Miquelon allaient être rendues
à son gouvernement, entièrement ravagées par suite de
la guerre; qu'en conséquence il espérait obtenir que
la permission précédemment accordée aux Français
de couper du bois dans la baie de Saint-George, qui
est éloignée de tous leurs établissements, fût appliquée
aux baies de Fortune ou du Désespoir. Cette demande
fut accordée; mais ce fut la seule facilité que la France
pût obtenir pour ses pêcheries.
Après toutes ces discussions préliminaires, il fallut
enfin entamer la grande question, l'objet principal des
négociations, l'affaire de Malte. Sans s'expliquer sur
le vœu de son gouvernement de conserver cette île,
le plénipotentiaire anglais suscita toutes sortes de
difficultés, tantôt sur l'organisation intérieure de
l'Ordre, tantôt sur le genre de garantie dont une
tierce puissance devait être chargée; sur la force de
la garnison qui devait être placée dans l'île; sur la
nation dans laquelle on choisirait cette garnison;
tantôt sur l'époque où l'île serait remise aux cheva-
liers de l'Ordre. Soit que le ministre français ne de-
vinât pas l'arrière-pensée du négociateur anglais, soit
qu'en allant au-devant de toutes les difficultés, il vou-
lût le forcer de s'expliquer, Joseph Bonaparte pro-
posa, comme un moyen de parer à tous lés inconvé-
nients que la Grande-Bretagne paraissait craindre, de
vu 3
— 34 —
changer toute la composition de l'Ordre , de manière
qu'au lieu d'un Ordre nobiliaire, il devînt simple-
ment un Ordre hospitalier, suivant son institution
primitive, et que, les fortifications de Malte étant dé-
molies , cette île fût convertie en un grand lazarej;
destiné à servir également aux diverses nations qui
faisaient le commerce de la Méditerranée et du Le-
vant. Cet arrangement ne pouvait pas convenir à
l'Angleterre; aussi lord Cornwallis je rejeta-t-il pé-
remptoirement, le 12 janvier 1802, comme contraire
aux préliminaires.
Le plénipotentiaire français proposa alors de sé-
parer la pro^ec^on de \3L garantie ; de déférer la pre-
mière au roi de Naples, comme seigneur suzerain de
l'île; d'attribuer la seconde simultanément à la France,
à l'Angleterre, à la Russie, à l'Espagne, à l'Autriche
et à la Prusse, de manière que chacune de ces puis-
sances fournirait deux cents hommes qui seraient
payés par l'Ordre , et dont les officiers seraient nom-
més par le Grand-Maître, à condition qu'il les prît
dans la nation à laquelle chaque corps appartenait.
Le plénipotentiaire anglais présenta un contre-
projet dont voici les principales stipulations : L'île
sera mise sous la garantie et la protection des six
puissances nommées dans le projet français; mî^is
elles n'y enverront pas de garnison. Ce droit sera ac-
cordé au suzerain de l'île, le roi de Naples, mais
pour un certain nombre d'années seulement, lues
ports de Malte seront en tout temps neutres ; l'Ordre
renoncera au principe d'une guerre perpétuelle contre
les infidèles, mais il fermera ses ports aux vaisseaux
des puissances barbaresques , toutes les fois que
celles-ci seront en guerre avec le roi de Naples. La
Grande-Bretagne et la France payeront au roi des
Deux-Siciles une somme annuelle pour l'entretien de
— 35 —
la garnison. Il sera établi une Langue maltaise, qui
sera entretenue par les revenus territoriaux et les
droits commerciaux de l'île.
Dans les conférences suivantes, on s'accorda sur
la plupart de ces points, excepté V article d'après le-
quel le roi des Deux-Siciles devait entretenir pendant
quelque temps une garnison dans l'île. Le gouverne-
ment français eut beaucoup de peine à lui accorder
cette faculté. Il proposa de remplacer les troupes sici-
liennes par un corps de mille Suisses, dont les officiers
seraient nomniés par le Landamman. Ce corps devait
être soldé par la France et l'Angleterre pendant un
an, et, après cette époque, passer à la solde de l'Ordre
et se recruter de Maltais. 11 consentit enfin que le roi
des Deux-Siciles fournît ce corps de mille hommes,
mais à condition qu'il ne serait composé que d'anciens
soldats, natifs des États de ce monarque, et qu'il ne
restât qu'un an dans l'île : finalement le plénipoten-
tiaire français porta ce corps à deux mille hommes ,
et ce fut à ce nombre que l'on s'arrêta.
Une seconde difficulté s'éleva relativement à la ma-
nière dont la Porte ottomane devait prendre part au
traité d'Amiens. La Grande-Bretagne voulait que
l'ambassadeur de la Porte fût admis aux conférences
d'Amiens, ou comme partie contractante, ou comme
partie accédante au traité, et elle motivait cette de-
mande sur ce que le Grand Seigneur avait refusé de
ratifier le traité qii Ali- Effendi^ son ministre, avait
signé le 9 octobre 1801 '. Joseph Bonaparte, au con-
traire, prétendait que ce traité avait été simplement
et dûment ratifié, parce que la restriction que la Porte
avait attachée à son approbation par la phrase sui-
• Voy. t. YI, p. 297.
— se-
yante : (( Autant que ces articles ne seraient pas con-
traires au traité de Londres, » c'est-à-dire aux préli-
minaires du l^"" octobre, devait être regardée comme
nulle, puisqu'en effet le traité du 9 octobre ne renfer-
mait rien qui fût contraire à celui de Londres. Le
premier Consul, qui désirait renouveler ler, liaisons
qui avaient anciennement subsisté entre hi France et
la Porte, voulait faire la paix directement avec elle ;
mais il prit l'engagement que le traité ne renfermerait
pas d'article secret, et qu'il serait entièrement basé
sur les préliminaires. On trouva un moyen qui satisfit
tout le monde : la Porte accéda, par une déclaration
du 13 mai 1802, au traité d'Amiens, et elle signa,
le 25 juin suivant, sa paix définitive avec la France'.
La reconnaissance du roi d'Étrurie et des Républi-
ques italienne et ligurienne par la Grande-Bretagne,
présenta une troisième difficulté. Le Cabinet britan-
nique s'y refusa; le plénipotentiaire français la de-
manda par des motifs qui se rapportent à l'Angleterre
elle-même. 11 prétendait que le commerce anglais
souffrirait des entraves qu'y mettraient ces trois États,
qui, ne faisant aucune espèce d'affaires avec l'Angle-
terre , étaient pourtant des débouchés utiles et même
nécessaires aux produits de son industrie. Quoi qu'il
en soit, plutôt que de reconnaître ces États, la Cour
de Londres aima mieux qu'il ne fût fait aucune men-
tion de la haute Italie dans le traité; et par conséquent
le Piémont fut aussi passé sous silence.
Enfin, les plénipotentiaires des (juatre puissances
s'étant accordés sur tous les objets de la négociation
dont ils étaient chargés, le traité fut signé le 27 mars
1802*. En voici les principales stipulations :
' Voy. t. Vl,p. 299.
' Mautens, liée, t. IX, p. 563. On doit noter ici une singulariléremar-
— 37 —
Il y aura paix , amitié et bonne intelligence entre la
Grande-Bretagne, d'une part; la République française,
l'Espagne et la République batave, d'autre part. Cette
condition est exprimée, dans \e premier article, d'après
le protocole usité en pareille occasion: on se promet
d'éviter tout ce qui pourrait respectivement porter
préjudice aux parties contractantes. Nous verrons par
la suite que, de la part de la France, on s'est plaint
de ce que cette promesse n'a pas été observée par
l'Angleterre.
Les prisonniers seront restitués de part et d'autre
sans rançon. Chaque partie contractante soldera res-
pectivement les avances qui auraient été faites par
aucunes des parties contractantes pour la subsistance
et l'entretien des prisonniers dans le pays où ils ont
été détenus. Les commissaires nommés pour régler
cette comptabilité porteront en compte non-seulement
les dépenses faites par les prisonniers des nations
respectives, mais aussi par les troupes étrangères qui,
avant d'être prises, étaient à la solde et à la disposi-
tion de l'une des parties contractantes. Art. 2. C'est
ainsi qu'on éluda la difficulté qui s'était élevée, dès
les négociations pour les préliminaires , sur la ques-
tion de savoir si la France était tenue de rembourser
à la Grande-Bretagne ses avances pour les prisonniers
français, que les feuilles anglaises faisaient monter à
deux millions de livres sterling. La Grande-Bretagne
sauva le principe, et la France put se dispenser de
payer.
Les articles 3, 4 ef 5 sont la répétition et l'explica-
quable : dès le 26 mars, la conclusion delà paix fut officiellement annon-
cée à Paris, comme ayant eu lieu le 25. Cette paix ne- fut signée que
le 27; mais le ministre de la Grande-Bretagne ayant reçu, dès le 25 ,
un courrier qui l'autorisait à la signer, les deux plénipotentiaires dres-
sèrent un protocole par lequel ils s'engagèrent à signer le traité con-
venu , dès que les expéditions des instruments seraient achevées.
— 38 —
tion de Y article 2 des préliminaires , avec cette diffé-
rence que, dans celui-ci j la Grande-Bretagne s'était
réservé de ne pas rendre la Trinité ni Ceylan, et que,
dans le traité définitif, l'Espagne et la République
batave, qui n'avaient pas été parties contractantes à
Londres, cédèrent formellement ces îles. Ce furent les
seules cessions que l'Angleterre obtint par le traité
d'Amiens*.
Varticle 6 explique l'article 3 des préliminaires en
ce qui regarde la liberté accordée aux bâtiments des
parties contractantes de relâcher au cap de Bonne-
Espérance.
Varticle 7 statue que les possessions et territoires
du Portugal seront maintenus dans leur intégrité, tels
qu'ils étaient avant la guerre : cependafit les limites
des Guyanes française et portugaise sont fixées à la
rivière d'Araouari, dont la navigation, fort impor-
tante, est déclarée commune, et la cession d'Olivença
en faveur de l'Espagne est reconnue. C'est ainsi que
fut modifié l'article 6 des préliminaires.
Les territoires, possessions et droits de la Porte
sont maintenus dans leur intégrité, tels qu'ils étaient
avant la guerre. Jrt. 8.
La République des Sept-lles est reconnue. Art. 9.
Varticle 10 rend à l'Ordre de Saint-Jean de Jérusa-
lem les îles de Malte, de Gozo et de Comino, sous des
stipulations qui sont exprimées dans treize para-
graphes. Cet article est le plus important de tout le
traité, mais aucune des conditions qu'il renferme n'a
été exécutée; et il est devenu le {)rétexte d'une gtiérre
qui s'est renouvelé en 1803, et a duré sans interrup-
tioti jusqu'en 1814.
• Il faut consulter, sur l'importance de l'île de la Trinité, pays pëù
visité par des voyai^eurs instruits, le Voyage de M. Dauxion Lavatsse.
Paris, 1813, 2to1. in-8».
— 39 —
Les chevaliers des Langues qui continueront de
subsister, retourneront à Malte pour élire un grand-
maître, à moins qu'il n'en ait été nommé un depuis
l'échange des ratifications des préliminaires. Cette
élection sera seule reconnue valable, à l'exclusion de
toute autre antérieure.
Ce paragraphe de l'article 1 0 est expliqué parle pas-
sage d'une dépêche adressée, le 5 juin 1802, par lord
Hawkeshury^ à M. Merry, iiiinistre de la Grande-Bre-
tagne, à Paris. « L'objet de ce paragraphe, dit ce lord,
était que, dans le cas où une élection aurait eu lieu
postérieurement à l'échange des ratifications des ar-
ticles préliminaires et antérieurement à la conclusion
du traité définitif, cette élection fat regardée comme
valide; et quoique l'article ne fasse pas mention de la
proclamation publiée par l'empereur de Russie peu
après son avènement au trône, par laquelle les cheva-
liers de l'Ordre avaient été invités à s'assembler et à
procéder à l'élection d'un grand-maître, néanmoins la
stipulation dont il s'agit se rapporté évidemment à la
contingence d'une élection faite sur le continent par
suite de cette proclamation. Vous informerez le gou-
vernement français que Sa Majesté est prête à regar-
der comme valide, conformément à la stipulation de
l'article 10, l'élection qui a dernièrement eu lieu à
Saint-Pétersbourg.)) C'est improprement que lord Hato-
kesbury parle ici d'une élection faite à Saint-Péters-
bourg; les divers prieurés de l'Ordre, invités parl'em-
pereur Alexandre à élire un grand-maître, avaient
envoyé à Saint-Pétersbourg leurs votes portant que,
pour cette fois seulement, le souverain pontife fût
prié de choisir le chef de l'Ordre parmi les candidats
qu'ils avaient désighés. Bonaparte ayant, à l'exemple
de la Grande-Bretagne, reconnu ce mode d'élection, le
Pape proclama, le 9 février 1 803, grand-maître le bailli
— 40 —
Tommasi, amiral de l'Ordre, et, dans les derniers
temps, ministre du grand-duc de Toscane à Malte.
Il n'y aura plus, continue l'article 10 de la paix
d'Amiens, ni Langue française ni Langue anglaise, et
nul individu, français ou anglais, ne pourra être ad-
mis dans l'Ordre. Il faut observer que la Langue an-
glaise avait cessé d'exister depuis longtemps, et que les
trois Langues françaises (de Provence, d'Auvergne et
de France) avaient été supprimées par la Révolution.
11 sera établi une Langue maltaise qui sera entrete-
nue par les revenus territoriaux et les droits commer-
ciaux de l'île. Il ne faudra pas de preuve de noblesse
pour être reçu dans cette Langue.
Les forces britanniques évacueront l'île et ses dé-
pendances dans les trois mois qui suivront l'échange
des ratifications. A cette époque, l'île sera remise à
l'Ordre dans l'état où elle se trouvera, pourvu que le
grand-maître ou des commissaires, pleinement auto-
risés suivant les statuts de l'Ordre, soient dans ladite île
pour en prendre possession, et que la force qui doit
être fournie par le roi de Naples y soit arrivée.
La moitié de la garnison au moins sera toujours
composée de Maltais natifs. Le commandant en chef
de la garnison sera nommé par le grand-maître.
L'indépendance de l'île et le présent arrangement
sont mis sous la protection et garantie de la France,
de là Grande-Bretagne, de l'Autriche, de l'Espagne,
de la Russie et de la Prusse.
La neutralité permanente de l'Ordre est proclamée.
Les ports de Malte seront ouverts au commerce et à
la navigation de toutes les nations, qui y payeront
des droits égaux et modérés.
Les États barbaresques sont exceptés des deux dispo-
sitions immédiatement précédentes, tant qu'ils n'au-
ront pas renoncé à leur système. Cette clause diffère de
— fi-
celle des préliminaires, d'après laquelle le port de
Malte devait être fermé aux Barbaresques, seulement
dans le cas où elles seraient en guerre avec le roi des
Deux-Siciles.
Les statuts de l'Ordre sont rétablis, et les dispositions
législatives de cet article seront converties en statuts.
Le roi des Deux-Siciles sera invité à fournir deux
mille hommes natifs de ses Etats pour servir de gar-
nison dans l'île. Cette force y restera un an, et plus
longtemps si les puissances garantes le jugent néces-
saire.
Les puissances garantes seront invitées à accéder
aux présentes stipulations.
Avant de passer aux autres articles de la paix d'A-
miens, nous dirons que l'empereur d'Allemagne ga-
rantit l'article 10 par une déclaration qu'il donna le
6 octobre 1802; mais l'empereur de Russie, ne trou-
vant pas ces stipulations conformes au désir qu'il avait
manifesté relativement à l'Ordre de Saint-Jean de
Jérusalem, ni à ce qui avait été en quelque sorte ar-
rêté antérieurement entre lui et la Grande-Bretagne,
refusa, le 24 novembre 1802, sa garantie, à moins que
la France et la Grande-Bretagne ne s'accordassent sur
quelques points additionnels qu'il proposa. Voici les
principales stipulations de ces articles proposés :
1" La souveraineté de l'Ordre sur l'île de Malte sera
reconnue; on reconnaîtra également le grand-maître et
le gouvernement civil de l'Ordre, selon ses anciennes
institutions , en y admettant les natifs de Malte. Sur ce
dernier point, et sur tout ce qui pourrait avoir rapport
à l'organisation intérieure de l'Ordre, il dépendra de
son gouvernement légal de statuer des règlements
comme il le jugera convenable. L'empereur Alexandre
rejeta ainsi l'établissement de la Langue maltaise.
2" Les droits du roi des Deux-Siciles, comme suze-
— 42 —
rain dé l'île, resteront tels qu'ils existaient avant la
guerre.
3" L'indépendance et la neutralité de l'île de Malte
seront assurées et garanties pour tous les cas de guerre,
soit entre les deux puissances garantes, soit entre l'une
d'elles et une autre puissance, sans excepter le roi des
Deux-Siciles, dont le droit de suzeraineté sur l'île ne
s'étendra pas jusqu'à causer un changement dans la
neutralité.
4° Jusqu'au moment où l'OMre setaen état de pour-
voir, par ses propres moyens, au maintien de son in-
dépendance et de sa neutralité, et à la défense de Son
chef-lieu , les forts de l'île seront mis sous la garde
des troupes que le foi des Deux-Siciles y enverra en
nombre suffisant pour la défense de l'île et de ses dé-
pendances ; ce nombre sera réglé entre ce souverain et
les deux puissances contractantes, qui se chargeront
concurremment de l'entretien du total de ces troupes,
tant que la défense de l'île continuera de leur être con-
fiée, et pendant lequel temps elles dépendront de l'au-
torité du grand-maître.
Le gouvernement français accepta ces modifications;
mais, côinme à l'époque où elles furent proposées, la
Grande-Bretagne avait déjà pris son parti de ne pas
se dessaisir de l'île dé Malte, elle ne fut pas fâchée de
se prévaloir des propositions de la ÏVliséie poiir avanter
que l'Empereur avait refusé une garantie qu'il n'avait
donnée queconditionrtëllement. En conséquence, elle
n'y adhéra pas. Quant à la Priisse, saris donner un acte
de garantie forhiellc, elle déélara, par son ministre
à Paris, qu'elle adhérait à la proposition de la Russie.
Varlicle 1 1 du traité d'Amiens est une répétition de
Vartidel des préliminaires i et ordonne l'évacuation
du royaume de Naples et de l'État romain par les trou-
pes françaises, de Porto Ferrajo et de tous les ports et
— 43 —
îles dé là Méditerranée et de l'AdHatique par lès trou-
pes anglaises.
Les évacuations, cessions et restitutions convenues,
se feront, en Europe, dans le mois; en Amérique et
en Afrique, dans les trois mois; en Asie , dans les six
mois qui suivront la ratification du présent traité.
Art. 12.
Les articles 1 3 eM 4 stipuleht que les fortifications
sont rendues dans l'état où elles se trOuvétit, fixent un
délai pour la vente de leurs biens aux habitants qui
veulent quitter les pays cédés ou restitués, et ordon-
nent la levée des séquestres.
V article 15, ainsi que V article 13 des préliminai-
res, rétablit les pêcheries sur les côtes de Terre-Neuve
et des îles adjacentes, et dans le golfe de Saint-Lau-
rent, sur le même pied où elles étaient avant la guerre.
11 n'est plus question des arrangements réciproque-
ment utiles que les préliminaires avaient renvoyés au
traité définitif; seulement la Grande-Bretagne accorde
aux pêcheurs français de Terre-Neuve et aux habitants
des îles Saint-Pierre etMlquelon, la faculté de couper
les bois qui leur seront nécessaires dans les baies de
Fortune et du Désespoir, pendant la première année,
à compter de la notification du présent traité.
Par V article 16, on cofavient de la restitution des
prises qui pourront avoir été faites un mois après la
signature des articles préliminaires, dans des délais
qui varient d'après les distances.
Lés ambassadeurs, ministres et autres agents des
puissances contractantes jouiront respectivement des
mêmes rangs et privilèges dont jouissaient avant la
guerre les agents de la même classe. Art, 17.
V article 18 dit : k La branche de la maison de Nas-
sau, qui était établie dans la ci-devant République des
Provinces-Unies, actuellement la République batave,
— 44 —
y ayant fait des pertes, tant en propriétés particuliè-
res que par le changement de constitution adoptée en
ce pays, il lui sera alloué une compensation équiva-
lente pour lesdites pertes. »
Quand on pense aux services éminents que la mai-
son de Nassau a rendus à la République des Pays-Bas
et à l'importance des charges qu'elle y remplissait, on
regrette de voir que lord Cornwallis ait consenti à
une rédaction par laquelle on affecta de méconnaître
l'auguste caractère dont cette maison était revêtue.
L'article ne dit pas , au reste , par qui cette compen-
sation équivalente sera fournie. Dans le moment
même où la paix d'Amiens fut signée , Joseph Bona-
parte et M. Schimmelpennink conclurent une conven-
tion particulière, par laquelle la France garantit à la
République batave que l'indemnité promise, par l'ar-
ticle 1 8, à la maison d'Orange, ne pourra, dans aucun
cas et d'aucune manière , tomber à la charge de cette
dernière République. Nous verrons qu'on en chargea
l'Empire germanique, auquel les pertes de la maison
d'Orange étaient étrangères.
« Le présent traité définitif de paix, dit V article 19,
est déclaré commun à la Sublime Porte ottomane, al-
liée de Sa Majesté Britannique, et la Sublime Porte sera
invitée à transmettre son acte d'accession dans le plus
court délai possible. » L'accession signée par le sultan
Gazi Sélim Khan, est datée du ^V jour de la lune Mou-
hawer. Van de f hégire 1237 (13 mai 1802)^
Varticle 20 détermine les conditions et le mode
d'extradition des criminels, dans les États respec-
tifs.
Il faut d'abord observer ici que, contrairement à ce
qui se pratique ordinairement lorsque deux gouverne-
• Marte.ns, PpcupH, t.. X , p. 206.
— . 45 —
ments rentrent dans l'état de paix, les traités antérieure-
ment conclus entre les parties contractantes n'ont pas
été renouvelés par le traité d'Amiens. Comme il est de
principe en Droit politique que les hostilités rompent
les traités existants, cette formalité est regardée comme
nécessaire pour lier de nouveau les gouvernements à
des obligations anciennement contractées, et dont ils
peuvent se prétendre dégagés, ainsi que pour valider les
cessions faites antérieurement, et que ces gouverne-
mentspourraientregardercommerévoquées.Onadonc
fait aux ministres anglais un grave reproche de ce qu'ils
n'ont pas suivi cette marche dans le traité d'Amiens.
En rétablissant la bonne intelligence sur les bases seu-
lement de ce traité, ils ont fait, disait-on, revivre tou-
tes les anciennes prétentions auxquelles la France,
l'Espagne ou la Hollande avaient renoncé; ils ont an-
nulé la clause du traité d'Utrecht , qui interdit à la
couronne d'Espagne la faculté de céder la moindre de
ses possessions à la France, et par conséquent ils ont
reconnu de fait la validité de l'abandon que l'Espagne
avait fait de la moitié de l'île de Saint-Domingue, dont
ils avaient cependant évité de parler dans le traité;
ils ont, par cette négligence, sanctionné la réunion
de la Belgique à la France, à laquelle la Grande-Bre-
tagne n'a aucun moyen de s'opposer, si ce n'est en
vertu du traité d'Utrecht; ils ont fait revivre les droits
de la France sur le Canada, etc. On pourrait peut-être
opposer à ces reproches que, si le gouvernement bri-
tannique avait voulu que les traités antérieurs fussent
rappelés, le plénipotentiaire français aurait sans doute
exigé que la cession de la Belgique et de la partie es-
pagnole de Saint-Domingue fût reconnue , et qu'il va-
lait mieux, pour l'Angleterre, ne pas donner son as-
sentiment à des arrangements contre lesquels on pour-
rait revenir dans des temps plus opportuns, plutôt
— 46 —
que d'obtenir la confirmation de concessions antérieu-
res dont elle était en possession, et qu'on ne pouvait
lui arracher sans lui faire la guerre. Les amis du mi-
nistère britannique ne se sont pas contentés de faire
valoir cette excuse en sa faveur; ils ont prétendu que
l'omission tant reprochée aux ministres britanniques
était, au contraire, une suite de leur politique pré-
voyante , et qu'en ne renouvelant pas les traités anté-
rieurs, et nommément ceux de 1783 et 1713, ils ont
fait triompher contre la France le nouveau droit ma-
ritime que la Grande-Bretagne avait fait prévaloir
pendant la guerre terminée par la paix d'Amiens. En
effet, et nous l'avons remarqué plus d'une fois', le
traité de navigation et de commerce signé à Utrecht le
même jour où fut conclue la paix entre la France et la
Grande-Bretagne, avait consacré le principe de la li-
berté du commerce des neutres, et l'axiome que le pa-
villon couvre la marchandise; et comme tous les trai-
tés subséquents jusqu'à la paix de Paris de 1 783 avaient
renouvelé les conventions d'Utrecht, le silence observé,
dans celui d'Amiens sur les traités précédents replaça
la Grande-Bretagne , à l'égard de la France , dans les
rapports du droit commun, dont l'axiome favorable
aux neutres n'est , dans le système de l'Angleterre,
qu'une exception qui ne peut avoir lieu que par suite
d'une stipulation expresse. 11 s'ensuit que, depuis le
traité d'Amiens, le gouvernement britannique ne re-
connaît plus, à l'égard de la navigation française, que
les principes du Consulat de la mer, d'après lesquels
la marchandise ennemie ne se trouve pas à l'abri sous
le pavillon neutre; législation regardée par les An-
glais comnpip tellement importante, qu'iU n'ont pas
hésité î^.se brouiller avec tp^tes les puissances ^\i
• T. II, p. 308;etl. V, p.20.
~ 47 —
Nord plutôt que de permettre qu'elle fut enfreinte. Di-
sons encore que si l'humanité regrette que ce droit,
imaginé dans des siècles moins civilisés;, ait de nou-
veau prévalu , et forme dorénavant le code maritipie
entre les nations européennes, ce retour vers la bar-
barie est dû aux aberrations de la Convention nationale.
Ce fut elle qui, la première, rétablit légalement l'ancieq
Droit maritime. Se fondant sur une série de faits, ou
faux ou exagérés, elle avait décrété, le 9 mai 1 793 \ que
les bâtiments de guerre et corsaires français pouvaient
arrêter et amener dans les ports de la République
française les navires neutres qui se trouveraient char-
gés en tout ou en partie, soit de comestibles apparte-
nante des neutres et destinés pour des ports ennemis,
soit de marchandises appartenant aux ennemis; que
les dernières seront déclarées de bonne prise, et que
les comestibles seront payés sur le pied de leur valeur
dans le lieu pour lequel ils sont destinés.
Si le ministère britannique fut conséquent dans ses
principes en ne renouvelant pas les traités antérieurs,
il lui fut plus difficile de se justifier, aux yeux de sa
nation, de plusieurs autres reproches qu'on lui adressa.
Jamais traité donnant à un peuple une paix vivement
désirée n'a rencontré plus d'antagonistes qu'il ne s'en
est élevé en Angleterre contre la paix d'Amiens. On
la reçut avec une défaveur si grande, que ses au-
teurs, qui ne l'avaient conclue que pour se maintenir
I dans leurs postes, ne virent d'autre moyen, pour apai-
ser l'opinion publique, que de la rompre. En effet, un
cri général s'éleva contre les ministres anglais qui
avaient remplacé M. Pitt et ses amis, ces pilotes expé-
rimentés qui avaient tenu d'une main ferme le gou-
vernail de l'État au milieu des orages dont il fut assailli.
On demanda à M. Addingtonetk lord Hawkeskiry quel
• Voy. t. VI, p. 305.
— /.8 —
prix revenait donc à la Grande-Bretagne des efforts ex-
traordinaires qu'elle avait faits pendant huit années
de guerre? La masse de sa dette s'était prodigieusement
accrue, tant par les nombreuses troupes qu'elle avait
mises sur pied que par les gros subsides qu'elle avait
payés aux puissances continentales \ Ses flottes avaient
remporté des victoires telles que les siècles précédents
n'en avaient vu de pareilles. Elles l'avaient rendue
maîtresse de presque toutes les colonies françaises et
hollandaises, du cap de Bonne-Espérance et delà na-
vigation de la mer Méditerranée. La paix d'Amiens la
dépouilla de toutes ces conquêtes, à l'exception des îles
de Ceylan et de la Trinité, deux possessions impor-
tantes, il est vrai, mais qui ne compensaient pas les
énormes sacrifices qu'elle avait faits. Encore les mi-
nistres anglais avaient-ils oublié de faire renouveler,
en faveur de leurs compatriotes , le droit de couper du
bois dans la baie de Campêche, que les traités anté-
rieurs avec l'Espagne leur avaient assuré. Quel dé-
dommagement la paix offrait-elle aux îles britanniques
' Les subiides que l'Angleterre avait payés aux puissances continen-
tales depuis 1793 se montaient seuls à la somnne de 12,599,287 livres
sterling, ou environ 300 millions de francs, d'après le tableau suivant,
qui a été officiellement publié :
A la Prusse, en 1794 1 325 891 1. st. 10 sh. 6 d.
A la Sardaigne, de 1793 à 1796 500 000
A l'Kmpereurdansles années 1795-1797. 6 920 000
Au Portugal, en 1797 et 1798 367 218
A la Russie, en 1799 825000
A l'Électeur de Bavière et d'autres
princes d'Allemagne 500 000
Nouveaux subsides à l'Empereur 1 066 (66 13 4
Nouveaux subsides à la Russie 545 494
Nouveaux subsides à la Bavière 501017 6
A l'Empereur pour le rétablissement des
magasins de Stockach, enlevés par les
Français • < 50 000
12 599 287 l. st.
— 49 —
pour la perte de leurs rapports intimes, politiques et
commerciaux avec la Hollande? La réunion de la Bel-
gique avec la France, qui, en d'autres temps, aurait
suffi pour allumer une guerre interminable entre les
deux nations, était un des événements les plus désas-
treux pour le commerce de ces îles. L'Europe ne re-
venait pas de son étonnement de voir l'Angleterre aban-
donner la haute Italie, dont le nom ne se trouve même
pas dans le traité : cette circonstance seule suffirait
pour faire penser que le ministère britannique, en au-
torisant lord Cornwallis à accepter cette convention, a
voulu signer une trêve et non une paix, si l'on pouvait
deviner le motif qui lui faisait désirer une suspension
des hostilités. Comment, en effet, pouvait-on croire
que la Grande-Bretagne voulût faire dépendre de la
bonne volonté du gouvernement français son commerce
avec Livourne et Gênes, et laisser entre les mains de ses
rivaux le Piémont, qui, seul, pouvait fournir les soies
nécessaires pour alimenter les manufactures anglaises ?
La prépondérance que la possession de la plus
grande partie de l'Italie devait donner à la France, au-
rait été contre-balancée, aux yeux des adversaires
du cabinet si la Grande-Bretagne avait persisté à
conserver l'île de Malte, que la marine réunie de la
France et de l'Espagne n'aurait pu lui enlever. On
accabla donc le ministère des reproches les plus vio-
lents pour avoir rendu sans motif et sans compen-
sation Minorque et Malte, ces deux points qui, avec
Gibraltar, devaient mettre entre les mains de la Grande-
Bretagne le sceptre de la Méditerranée.
En France, au contraire, la renommée du premier
Consul fut portée au plus haut degré , par le traité
d'Amiens, et l'on peut dire que, dès ce moment, sa
puissance se trouva fondée sur la force des armes, et
YII 4
— 50 —
sur la force plus grande encore de l'opinion publique.
Aussi, nous verrons le Tribunat puiser dans le traité
même le motif du vœu pour qu'il soit donné au premier
Consul un gage éclatant de la reconnaissance nationale j
immense, en effet, devint le gage, car il frayait le che-
min du trône; c'était le Consulat à vie.
Maintenant, voici l'appréciation de la paix d'Amiens
telle qu'elle fut développée, au sein du Corps législa-
tif, dans un travail remarquable et qui doit rester
comme un modèle de ce genre d'exposition. « Ce
traité, disait l'orateur du Tribunat, rétablit l'union
entre deux peuples dont la guerre ou la paix pro-
duit depuis un siècle la guerre ou la paix du monde;
il est le dernier acte de la pacification générale.
{( Cette guerre désastreuse, qui pendant dix années
avait bouleversé l'Europe, si terrible par l'énergie de
sa cause, par toutes les passions qu'elle avait soule-
vées, par tous les moyens d'action et de résistance
qu'elle avait inspirés, par les revers comme par les
succès des principes contraires qui en dirigeaient les
mouvements,, est enfin terminée par une paix que
peuvent également avouer l'honneur et l'intérêt des
nations, par une paix digne des triomphes qui l'ont
préparée et de tous les sentiments généreux qui l'ont
invoquée et accomplie.
« Comment un peuple qui voulait être libre et in-
dépendant put-il trouver au rang de ses ennemis un
peuple qui devait à son indépendance et à sa liberté
toute sa puissance, son bonheur et sa gloire? Législa-
teurs, laissons sur l'origine et toutes les circonstances
de cette guerre le voile dont l'humanité vient enfin
de les couvrir; ce n'est pas au jour de la réconcilia-
tion qu'il faut rappeler les souvenirs de la discorde.
« Trop longtemps les assemblées nationales des
deux peuples ont retenti des serments de la haine et
— 51 —
des cris d'extermination; trop longtemps des vœux
impies contre l'humanité ont été accueillis, honorés
comme les vives expressions de l'amour de la patrie :
on voulait exalter les âmesj on ne faisait qu'enflam-
mer les imaginations, et, sans donner à la guerre des
moyens plus décisifs, on rendait le retour à la paix
plus difiicile.
K Dans le cours de cette longue et cruelle division,
quelques paroles de paix se firent entendre; mais la
défiance, la crainte, d'anciens et profonds ressenti-
ments étaient restés au fond des cœurs, et l'humanité
perdit l'espérance de voir finir tant de maux. Il fallait,
pour que la paix fût véritablement rétablie, que les
hommes dont les passions avaient allumé la guerre,
ou dont l'aveugle obstination l'avait tant prolongée,
eussent perdu leur funeste influence dans les conseils
des Etats; il fallait qu'en France un gouvernement,
appelé par tous les vœux et tous les intérêts, fort de
la confiance de la nation et de l'ascendant de la gloire,
pût offrir à l'Europe, dans la paix intérieure rétablie
par ses soins, un gage de stabilité pour la paix étran-
gère.
(( Alors l'Europe vit un terme aux calamités dont
elle était accablée; tous les obstacles qui s'opposaient
à la paix furent enfin écartés; tous les motifs, toutes
les circonstances qui pouvaient en diminuer les difli-
cultés se trouvèrent réunis; et tandis que le roi de la
Grande-Bretagne présentait à la France, pour la sin-
cère et prompte conciliation de leurs intérêts, l'hono-
rable caractère d'un des plus illustres citoyens de
l'empire britannique , le premier magistrat de la na-
tion confiait l'expression du vœu public et de ses
sentiments à la noble franchise, à la libéralité d'esprit
et aux affections personnelles du négociateur qui l'avait
secondé avec tant de succès dans les premiers actes de
— 52 —
la pacification générale : ce choix fut pour ainsi dire
la proclamation de la paix. Trois mois, en effet,
s'étaient à peine écoulés, et la paix était rendue au
monde.
« Législateurs, avant de vous offrir les considéra-
tions générales qui résultent de ce traité , je dois
mettre sous vos yeux l'examen de ses dispositions
principales.
« La première est relative aux prisonniers des deux
États. Il a été décidé par l'article 2 que les dépenses
d'entretien et de nourriture des prisonniers de chaque
nation seraient payées par leurs gouvernements res-
pectifs.
« C'est à la paix de 1763 que cette règle a été éta-
blie pour la première fois. L'Angleterre avait pris
pendant le cours de la guerre environ vingt et un mille
matelots français; elle exigea par l'article 3 du traité
que leurs dépenses seraient payées par la France. La
même disposition fut renouvelée à la paix de 1783.
« Les discussions qui s'étaient élevées sur cet objet
à l'époque des préliminaires se sont reproduites dans
la négociation du traité défmitif. « Les puissances
« contractantes, disaient les préliminaires, se réser-
« vent de décider celte question par le traité définitif,
« conformément au Droit des gens et aux principes
(( consacrés par l'usage. » Le Droit des gens et les
principes consacrés par l'usage étaient sans doute suf-
fisamment établis par cette longue suite de traités
uniformes d'après lesquels, y est-il dit, « les prison-
(( niers sont rendus sans rançon ni répétition quel-
u conque; » et ce droit et cet usage ne pouvaient être
altérés par les seuls traités de 1703 et de 1783, qu'on
ne doit regarder que comme des exceptions. Le gou-
vernement français, après avoir refusé de reconnaître
cette disposition comme principe, Ta adoptée comme
— 53 —
moyen plus prompt de conciliation et de paix; mais
il a fait admettre par compensation « qu'on porterait
(( en compte non-seulement les dépenses faites parles
« prisonniers des nations respectives , mais aussi par
c< les troupes étrangères qui , avant d'être prises ,
« étaient à la solde et à la disposition de l'une des
(( parties contractantes. »
« La justice de cette compensation a été hautement
reconnue par l'un des ministres britanniques dans la
séance de la Chambre des communes du 4 novembre
dernier. Il a déclaré que, « puisque ces troupes étaient
« non-seulement à la solde, mais à la disposition de
<( l'Angleterre, il était raisonnable de les traiter comme
(( prisonniers de guerre anglais. »
« Déjà le gouvernement anglais s'est empressé de
rendre à leur patrie ces braves Français qui dans les
rigueurs d'une longue captivité, aggravées encore sans
mesure par des passions politiques qui leur étaient
étrangères, ne cessaient de faire des vœux pour la
prospérité de la France, et lui offraient chaque jour,
dans les chants consacrés à la victoire nationale, leur
enthousiasme pour sa gloire , et l'oubli de tous les
maux qu'ils souffraient pour elle.
« Toutes les possessions et colonies de la Républi-
que française et de ses alliés, qui ont été conquises
par l'Angleterre dans le cours de la guerre actuelle,
leur sont restituées, à l'exception de l'île de la Trinité,
qui est cédée par l'Espagne à l'Angleterre, et les éta-
blissements de l'île de Ceylan, qui lui sont cédés par
la République batave. Le cap de Bonne-Espérance
reste à la République batave en toute souveraineté
comme avant la guerre.
« Ainsi la France recouvre la Martinique, Sainte-
Lucie et Tabago, améliorées, et surtout préservées des
calamités de la guerre et de la dévastation des trou-
-- 54 —
blés intérieurs; elle recouvre ses établissements d'Afri-
que et de rinde, prêts à recevoir toutes les impulsions
d'une industrie plus libre, plus active et plus forte.
Bientôt le commerce, reprenant son essor, protégé par
une législation éclairée, par un gouvernement juste
et ferme, par la gloire du nom français, rentrera dans
ses anciennes routes, et en cherchera de nouvelles.
(( Nos pêcheries sur les côtes de Terre-Neuve, etc.,
« sont remises, par l'article 15, sur le même pied où
M elles étaient avant la guerre. »
« On sait que le traité de paix du 3 septembre 1 783
termina toutes les contestations qui existaient depuis
le traité d'Utrecht, en réglant de nouvelles limites, et
que la déclaration explicative du même jour donna à
la pêche française plus de facilités et de sûreté. Il ré-
sulta de ce nouvel ordre de choses une très-grande
amélioration: on voit en effet, par les tableaux com-
paratifs de 1773 et de 1788, que dans l'espace de ces
quinze années les valeurs d'exportation s'élevèrent de
de six millions à douze millions et demi. L'honneur du
pavillon français fut rétabli par ce traité; la pêche fut
protégée par les bâtiments de guerre jusqu'en 1793;
nos pêcheries, sur un territoire borné, occupaient au-
tant de bras que toutes les pêcheries anglaises.
(( Le traité d'Amiens nous replace dans la même
situation où nous étions avant la guerre. Bientôt une
grande activité régnera dans les ports de l'Océan des-
tinés à ces expéditions; et déjà les capitaux, reprenant
leur ancienne direction, vont ranimer et étendre cette
branche précieuse du commerce et de la marine de
la France.
(( L'Angleterre restitue à la République batave ses
îles à épiceries, ses établissements de l'Inde et ses co-
lonies de Surinam, Démérari, Berbice, Esséquibo, que
les capitaux et l'industrie des Anglais ont portées au
— 55 —
plus haut degré de prospérité. Des états authentiques
publiés récemment prouvent qu'en 1801 les exporta-
tions de quelques denrées ont été les unes vingt fois,
les autres quarante fois plus considérables qu'en 1 799.
Ainsi l'occupation temporaire de ces colonies par
l'Angleterre aura donné à la République batave un
accroissement de richesses dans cette partie du monde.
{( L'Angleterre n'a pu certainement faire valoir
comme un sacrifice la restitution du Cap ; il a été
prouvé , par des calculs qui paraissent mériter toute
confiance, que le commerce du Cap depuis que l'An-
gleterre le possède, c'est-à-dire depuis 1795, n'est
entré dans son commerce général que pour la six-
centième partie.
(( On sait d'ailleurs dans quelles dépenses exces-
sives cet établissement a jusqu'ici entraîné le gouver-
nement anglais. Ce n'est que sous l'administration
économe et attentive des Hollandais que le Cap peut
être une possession utile, et payer les frais de son ré-
gime civil et militaire.
(( Le changement que la-révolution batave a produit
dans le système politique et administratif de la Répu-
blique, en faisant cesser la domination des intérêts
exclusifs, et introduisant plus de liberté dans l'orga-
nisation commerciale du Cap, va donner à cette colo-
nie un degré de prospérité qu'elle n'avait jamais eu.
« Tout ce que l'Angleterre pouvait désirer, c'est le
droit qui lui est accordé, ainsi qu'aux autres puis-
sances contractantes, « d'y faire relâcher leurs bâti-
« ments de toute espèce, et d'y acheter les approvi-
(( sionnements nécessaires, comme auparavant, sans
« payer d'autres droits que ceux auxquels la Répu-
c( lîlique batave assujettit les bâtiments de sa nation. »
{( Les établissements de l'île de Ceylan sont pour
l'Angleterre une acquisition très-utile, considérés sous
— so-
le rapport de l'intérêt politique; elle y trouve des
moyens de défense pour ses domaines de l'Inde, des
ports vastes et sûrs pour ses flottes, des retraites pour
ses armées, mais, sous le rapport de l'intérêt com-
mercial, Ceylan n'a rien ajouté jusqu'ici à la richesse
de ses possesseurs. Les longues et sanglantes guerres
que la Compagnie hollandaise a eu à soutenir pen-
dant un siècle avec les habitants de l'île et les vices
de son régime intérieur y avaient arrêté tout progrès
d'amélioration : il est reconnu qu'avant la guerre le
revenu territorial, les douanes et les autres petites
branches de commerce ne suffisaient pas pour payer
les frais de son administration et de sa défense.
(( Par l'article 4 le roi d'Espagne cède à l'Angle-
terre l'île de la Trinité, qu'elle occupe depuis 1797.
Le gouvernement espagnol avait déjà commencé la
prospérité de cette colonie en ouvrant ses ports à tous
les vaisseaux, en y appelant les capitaux et l'industrie
de toutes les nations. Placée entre le nord et le sud de
l'Amérique, cette île sera pour l'Angleterre un nouveau
théâtre de combinaisons commerciales. Mais l'Espagne
trouvera sans doute dans les améliorations qu'elle a
déjà faites à son système colonial, et dans celles dont
il est encore susceptible, le moyen d'affaiblir une ac-
tivité qui lui serait nuisible.
« La République, vous a dit le gouvernement dans
« son message du 1 G de ce mois, devait à ses engage-
i( ments et à la fidélité de l'Espagne de faire tous ses
« efforts pour lui conserver l'intégrité de son terri-
« toire : ce devoir elle l'a rempli dans tout le cours
« des négociations avec toute l'énergie que lui par-
er mettaient les circonstances. I^e roi d'Espagne a re-
(( connu la loyauté de ses alliés, et sa générosité a fait
« à la paix le sacrifice qu'ils s'étaient efforcés de lui
.< épargner • il acquiert par là de nouveaux droits à
— 57 —
« la reconnaissance de l'Europe. Déjà le retour du
« commerce console ses États des calamités de la
(( guerre, et bientôt un esprit vivifiant portera dans
« ses vastes possessions une nouvelle activité et une
« nouvelle industrie. »
« L'article 7 détermine de nouvelles limites entre
la Guyane française et la Guyane portugaise. La limite
de l'intérieur reste au même point où l'avait fixée le
traité de Madrid du 7 vendémiaire dernier. Celle du
côté de la mer est établie à la rivière d'Arawari, et se
trouve ainsi reculée d'environ un degré vers le nord.
Mais le véritable objet qu'on devait se proposer est
rempli, puisqu'on a enfin terminé des difïicultés qui
existaient depuis un siècle entre les deux Etats, en
réglant des limites que le traité d'Utrecbt avait mal
indiquées, et qu'on a fait cesser de vains motifs d'in-
quiétude et de crainte.
« La rectification des frontières de l'Espagne et du
Portugal, en Europe, reste fixée conformément à l'ar-
ticle 3 du traité de Badajoz, par lequel le district
d'Olivenza a été cédé à l'Espagne.
« L'article 10a pour objet la nouvelle organisation
de l'île de Malte. La création d'une Langue maltaise ,
et le droit accordé aux habitants d'occuper la moitié
des emplois civils, auront une grande influence sur
l'amélioration du régime intérieur; les abus qu'on
reprochait à l'ancienne administration pourront être
plus facilement corrigés. Les Maltais, trouvant dans
un gouvernement plus national la protection et l'exer-
cice des droits dont ils se plaignaient d'être privés ,
n'iront plus, pour se soustraire à l'autorité établie,
s'attacher au service des autres puissances, ou acheter
les patentes d'un évêque ou d'un inquisiteur : on ne
les verra plus faire naître leurs enfants sur une terre
voisine pour leur donner, par le titre d'une naissance
— 58 —
étrangère, le droit de concourir au gouvernement de
leur pays.
(f D'après les articles préliminaires, l'île de Malte
devait être évacuée par les troupes anglaises, et rendue
à l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem; on avait stipulé
en outre que, pour assurer l'indépendance absolue de
cette île, soit envers la France, soit envers l'Angle-
terre, elle serait mise sous la garantie et la protection
d'une puissance tierce qui serait désignée par le traité
définitif.
(c On a trouvé sans doute trop de difficultés dans ce
choix : on a dû craindre que l'indépendance d'un État
faible placée sous la garantie d'un État puissant ne
ressemblât trop à une dépendance réelle, et qu'une
telle disposition ne fît naître les dangers mêmes qu'on
voulait prévenir; on a dû voir que le seul moyen
d'établir cette indépendance était d'appeler à la pro-
tection et à la garantie de ce nouvel ordre de choses
toutes les puissances dont les intérêts opposés ne pou-
vaient être conciliés qu'en les réunissant dans un in-
térêt commun.
« L'indépendance de Malte et sa neutralité sont une
mesure utile à toutes les puissances maritimes. Sa
situation dans la Méditerranée, sa proximité des côtes
d'Afrique, de celles d'Italie, de France et d'Espagne,
auraient fait pour chacune d'elles, de la possession
exclusive de cette île , un objet continuel de jalousie
et d'inquiétude; aucune n'eût trouvé dans cette nou-
velle acquisition des avantages sufiisants pour dédom-
mager des frais de défense et d'administration qu'elle
aurait exigés. Quant à l'Angleterre en particulier, qui
occupait Cette île depuis deux ans, il est bien reconnu
que Malte ne peut offrir à son industrie aucun nou-
veau moyen de développement ; l'Angleterre n a jamais
eu dans le Levant qu'un commerce très-borné; ses
^ 59 —
importations n'étaient pas de plus de sept millions de
notre monnaie dans le même temps où celles de la
France étaient de plus de trente-cinq. Pendant tout le
cours de la guerre les exportations des manufactures
anglaises n'ont pas excédé deux millions sept cent
mille livres par année.
(( L'intérêt commun des puissances maritimes est
que les ports de Malte soient ouverts à leur commerce
et à leur navigation, et que chacune d'elles puisse
trouver dans un hospice général des moyens égaux de
secours et de sûreté : cet avantage leur est assuré par
le traité.
« Une seule puissance est exceptée de ces disposi-
tions; ce sont les États barbaresques. L'entrée des
ports de Malte leur est interdite «jusqu'à ce que, dit
« le paragraphe 9, par le moyen d'un arrangement
i( que procureront les parties contractantes, le système
« d'hostilités qui subsiste entre les États barbares-
« ques, l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem et lespuis-
« sances possédant des Langues, ou concourant à leur
(( exécution , ait cessé. »
« On ne pouvait en effet, dans l'état actuel d'hosti-
lités, établir que l'Ordre de Malte, qui reçoit de ces
puissances une partie de ses revenus, offrirait dans
ses ports à leurs ennemis un asile sûr , où ils pour-
raient attendre les bâtiments de commerce à leur sortie
des ports de la Sicile, de l'Adriatique, du Levant.
H Mais cette union des quatre grandes puissances
maritimes pour la liberté et la sûreté des mers , cette
stipulation solennelle en faveur de la justice et de la
civilisation, distinguent par un caractère bien hono-
rable le système de politique qui a dirigé la négocia-
tion d'Amiens. Ce n'est point en effet pour leur propre
intérêt qu'elles forment ce noble concours; leurs trai-
tés particuliers avec les puissances barbaresques don-
— 60 —
nent à leur commerce et à leur navigation une garantie
suffisante : c'est pour des intérêts étrangers, que leurs
anciens principes de politique, que les maximes hau-
tement avouées de leurs écrivains et de leurs hommes
d'Etat leur ont jusqu'ici dénoncés comme des intérêts
ennemis, et que l'humanité peut justement leur repro-
cher d'avoir longtemps combattus par des moyens
trop peu dignes d'elles.
« Puisse ce généreux projet , si digne d'un siècle
qui donne tant d'espérances pour le triomphe des idées
libérales, ramener enfin la culture, l'industrie, tous les
bienfaits de la société civile sur ces côtes, si célèbres
autrefois par leurs arts, leurs richesses, leur commerce,
et où depuis tant de siècles une population immense
végète dans l'ignorance, l'oppression et le pillage!
(( L'article 20 consacre une disposition que récla-
maient depuis longtemps la morale publique et l'inté-
rêt général de la société : il autorise chacune des puis-
sances contractantes à demander le renvoi devant les
tribunaux de son territoire de toutes les personnes
qui, après y avoir commis des crimes de meurtre, de
falsification, de banqueroute frauduleuse, se seraient
réfugiées sur le trrritoire de l'autre puissance. Mais
cette traduction en justice ne pourra avoir lieu, est-il
dit dans l'article, « que lorsque l'évidence du crime
M sera si bien constatée que les lois du lieu où l'on
« découvrira la personne ainsi accusée auraient auto-
" risé sa détention et sa traduction devant la justice,
(( au cas que le crime y eût été commis. »
« Cet article fait cesser le scandale de ces asiles po-
litiques qui offraient, dans le droit de juridiction ter-
ritoriale, une invitation permanente aux délits étran-
gers; qui ouvraient aux plus grands coupables de tous
les empires une retraite sûre, où ils pouvaient braver
les lois de leurs pays, et recueillir le fruit de tous
— 61 —
leurs attentats. Il établit enfin le principe qu'il est des
crimes qui par leur nature sont des actes d'hostilité
contre le genre humain. Mais, en ôtant aux coupables
cette grande espérance d'impunité, il laisse à l'inno-
cence persécutée ou méconnue tous les secours que
lui doit la bonté, tout l'appui que lui doit la justice;
il lui laisse le droit de respirer en paix dans l'asile
qu'elle a choisi. Il concilie ainsi le maintien de l'ordre
public avec la protection de la liberté individuelle,
les devoirs envers la sodété générale avec l'indépen-
dance de l'État, la punition du crime avec le respect
dû à la vertu malheureuse.
(f Tels sont, législateurs, les principales disposi-
tions du traité que vous avez offert à l'examen du
ïribunat; vous y remarquerez, comme lui, l'esprit
d'équité qui a présidé à la discussion de tous les
droits, au balancement de toutes les prétentions, de
toutes les espérances. C'est en effet dans ces compen-
sations réciproques, dans ces combinaisons de pouvoir,
de territoire et d'influence, faites avec justice et
modération, que se trouve la véritable garantie de
toute paix, parce que c'est là que se trouve l'intérêt
qu'ont les puissances contractantes de n'en point
interrompre le cours.
ff L'expérience ne l'a que trop appris, ce n'est point
l'acte de la pacification qui constitue la paix des
peuples ; un traité de paix n'est trop souvent qu'un
appel au temps et à la fortune.
{( Qu'attendre en effet, pour le repos des empires,
de ces stipulations immodérées qui satisfont un
moment l'orgueil d'une nation aux dépens de son
véritable intérêt, et ne savent que placer les peuples
entre la jalousie qu'excite la puissance et le mépris
qu'inspire la faiblesse? Elles laissent le présent sans
stabilité, et l'avenir sans garantie.
— 62 —
(( Heureusement pour la tranquillité de l'Europe ,
cette paix est utile à chacune des puissances contrac-
tantes. Dans la situation forcée où les tenait depuis
dix ans l'exagération continue de tous leurs moyens ,
la paix était devenue pour elles le premier, le plus
impérieux des besoins; toutes avaient un égal intérêt
de terminer une guerre destructive de leur agriculture,
de leur industrie, de leur commerce. Il n'est aucune
d'elles pour qui l'avantage qu'elle aurait désiré acqué-
rir, ou qu'elle aurait voulu conserver, eût pu balancer
les malheurs d'hostilités nouvelles.
« Partout en effet les plus éclatants , les plus
solennels témoignages de la joie publique ont donné
à cette paix, si longtemps désirée, la sanction de la
conscience nationale ; partout la voix des peuples a
déclaré que les gouvernements pacificateurs avaient
bien mérité de la patrie et de l'humanité.
« Le traité d'Amiens laisse la France et l'Angleterre
dans la possession des avantages qui convenaient plus
particulièrement à l'une et à l'autre par rapport à sa
situation politique ; elles ne peuvent ni se nuire par
la nature de leurs acquisitions, ni se troubler dans
l'emploi des moyens qui y sont analogues.
a La France a agrandi son empire continental.
Forcée de vaincre pour n'être pas soumise à la domina-
tiop du vainqueur, d'occuper le territoire de ses
ennemis pour ne pas subir le partage du sien , elle en
a conservé une partie comme compensation des cala-
mités de la guerre.
(( Et cet accroissement même, pour nous servir ici
des propres expressions de l'un des ministres de Sa
Majesté Britannique, k cet accroissement n'est pas
« aussi grand qu'il pourrait le paraître si on le compare
(( à l'accroissement des autres puissances principales
« du Continent. »
— 63 --
(c Mais la France a, comme l'Angleterre, de grands
maux à réparer : elle a besoin de rétablir sur son terri-
toire les principes de prospérité que la guerre exté-
rieure et les troubles civils ont détruits ou affaiblis ;
elle a besoin de créer de nouvelles sources de richesses,
proportionnées à l'accroissement de son empire et de
son existence politique ; elle a besoin qu'une législa-
tion éclairée, qu'une administration vigilante étendent
partout leur commune influence, pour faciliter à
l'industrie nationale tous ses moyens d'action, pour
écarter les obstacles qui pourraient en contrarier les
mouvements.
(( Et cependant, au moment même où toutes les
pensées , tous les intérêts se dirigent vers le développe-
ment de sa force intérieure, des hommes dont les
conseils violents ont si longtemps égaré les chefs des
nations , menacent l'Europe de l'ambition de la France,
et appellent de nouvelles calamités pour le monde !
« Non, l'Europe n'a point à craindre que la France,
enivrée du souvenir de ses triomphes et du sentiment
de sa grandeur, aille rouvrir la carrière des combats
pour y chercher un prix si peu digne de sa véritable
gloire. Lorsqu'elle vit son indépendance attaquée, son
territoire menacé et près d'être envahi , elle s'arma ,
pour le maintien de ses droits, de toute la puissance
que lui offraient la dignité nationale outragée et la
liberté en péril : à sa voix la partie la plus généreuse,
la plus active, la plus énergique du peuple français
courut se précipiter sur tous les champs de bataille
pour y triompher ou périr. Elle triompha , et l'indé-
pendance de l'Europe fut sauvée avec l'indépendance
de la France. La terre a retenti de ces miracles de la
valeur, de la constance, du dévouement à la patrie ,
et l'histoire les redira aux dernières générations pour
l'exemple et l'honneur de la nature humaine. Aujour-
— 64 —
d'hui le noble objet de tant d'efforts est rempli ; la
France a fait assez pour sa sûreté, pour sa gloire; elle
sait que la force réelle d'un État est dans sa force
reproductive, dans l'augmentation du travail, dans
l'accroissement et la circulation des capitaux, dans la
liberté du commerce et de l'industrie, dans un système
défensif bien organisé, dans les lois civiles qui pro-
tègent les personnes et les propriétés, dans les lois
politiques qui sont la garantie des bonnes lois civiles
et de leur impartiale exécution.
(( Bien des années, vous disait le gouvernement il y
« a peu de jours, bien des années s'écouleront désor-
« mais sans victoires, sans triomphes, sans ces négo-
ce dations éclatantes qui font la destinée des Etats ; mais
« d'autres succès doivent marquer l'existence des
« nations, et surtout l'existence de la République.
(( Partout l'industrie s'éveille; partout le commerce et
« les arts tendent à s'unir pour effacer les malheurs
« de la guerre ; des travaux de tous les genres
« appellent la pensée du gouvernement. Le gouverne-
« ment remplira cette nouvelle tâche avec succès aussi
'< longtemps qu'il sera investi de l'opinion du peuple
« français. Les années qui vont s'écouler seront moins
(( célèbres ; mais le bonheur de la France s'accroîtra
« des chances de gloire qu'elle aura dédaignées. ^)
M C'est dans cette direction invariable de toutes les
pensées et de tous les efforts individuels, de tous les
actes de la législation et du gouvernement vers l'amé-
lioration de l'État, que se trouvent ainsi heureusement
réunies et la garantie de la prospérité de la France et
celle de la paix de l'Europe.
<( L'Angleterre , pendant le cours de la guerre qui
vient de finir, a acquis dans l'Inde un royaume riche
et puissant, qui, réuni à son ancien territoire, forme
le tiers du continent indien : la paix d'Amiens lui
— 65 —
assure la possession des établissements hollandais de
Ceylan et de l'île de la Trinité. Ainsi un théâtre plus
grand s'est ouvert aux entreprises de son industrie ;
bientôt de nouvelles combinaisons vont lier ensemble
d'une manière plus intime toutes les parties de la
puissance commerciale et de la puissance politique de
la Grande-Bretagne.
« Tandis qu'elle enverra ses vaisseaux rouvrir ses
anciens marchés, chercher partout des marchés nou-
veaux, la France, riche d'elle-même, ranimera, multi-
pliera sur son vaste et fertile territoire tous les éléments
de sa prospérité, elle rétablira ses routes, en construira
de nouvelles, creusera des canaux, agrandira sa
navigation et sa marine , étendra son commerce par
son agriculture, excitera l'action de toutes les indus-
tries, donnera plus de stabilité à ses institutions civiles
et politiques, et assurera sur leurs véritables bases la
richesse , la puissance et la liberté de la nation.
(( Ainsi la France et l'Angleterre, placées chacune
dans une situation différente, et développant dans
cette situation tous les moyens d'activité qui lui sont
propres, marcheront ensemble vers un but commun,
leur bonheur mutuel et le maintien de la paix du
monde.
« Éclairées enfin par une trop longue et trop funeste
expérience, elles sauront que ce n'est plus ni la
jalousie mercantile qu'elles doivent choisir pour
conseil, ni les préventions nationales qu'elles doivent
prendre pour règle de leurs rapports de commerce et
de politique ; elles sauront que leur véritable intérêt
est dans l'accroissement réciproque de leur agricul-
ture, de leur commerce et de leur industrie, pour que
tous leurs moyens d'échange deviennent plus nom-
breux, que tous les produits du territoire et de l'art
acquièrent une plus grande valeur dans un marché
VII 5
— . 66 —
plus étendu , plus rapproché , et dont les retours sont
plus prompts ; pour que des modèles nouveaux de
perfection dans l'immense domaine des arts, des lettres
et des sciences, soient constamment offerts à leur
commune activité ; enfin pour que la richesse de l'une
devienne le gage permanent de la richesse de l'autre.
Elles sauront que cette politique libérale est aujour-
d'hui le résultat nécessaire de la force des choses, du
progrès des lumières, de l'état des sociétés; et elles
diront, avec cet illustre pair d'Angleterre dont la mort
prématurée a été une calamité publique : donnons un
autre but à la rivalité nationale; faisons fleurir ensemble^
au sein de la paix, l'agriculture, les manufactures et le
commerce.
(c Que ce dernier vœu d'une âme généreuse, d'un
véritable ami de son pays, devienne enfin le vœu des
deux nations ! Que l'émulation des bonnes lois, de la
liberté, de tous les efforts de la raison humaine pour
le perfectionnement de la société vienne enfin rempla-
cer, dans le siècle qui commence, cette sanglante
rivalité qui pendant huit siècles, et pendant quarante
années du siècle dernier, a désolé les deux empires
pour de vaines prétentions de territoire, de trône et
de commerce exclusif! Oui, c'est à ce noble concours
de toutes les lumières, de tous les arts, de toutes les
vertus des deux nations, que sont maintenant attachées
leurs nouvelles destinées et toutes les espérances du
genre humain.
CHAPITRE XXXII.
RECÈS DE LA DÉPDTATION DE l'eMPIRE, DD 25 FÉVRIER 1803.
Le Recès de la Députation de l'Empire, du 25 fé-
vrier 1803, complète les dispositions de la paix de
Lunéville relatives à l'Empire germanique. Nous divi-
sons le chapitre, contenant l'exposition de cette loi
fondamentale, en quatre sections.
Dans la première, sous la forme d'introduction, nous
donnons un précis historique de la Constitution ger-
manique jusqu'à l'époque de la promulgation du
Recès.
L'histoire de cette loi est l'objet de la seconde section^
mais on y trouve, en outre, les traités conclus après
la paix de Lunéville, qui ont amené la nouvelle organi-
sation, ainsi que l'aperçu des travaux de la députation
de l'Empire, jusqu'à sa quarante-sixième et dernière
séance.
La troisième section renferme le texte même du Re-
cès, accompagné d'un commentaire.
Enfin, dans la quatrième section, où l'histoire de la
députation est continuée jusqu'à sa dissolution, nous
rapportons divers événements et négociations dont la
connaissance est nécessaire pour l'intelligence de la
Constitution que la France et la Russie ont donnée à
l'Allemagne en 1 803.
SECTION PREMIERE.
PRÉCIS HISTORIQUE DE LA CONSTITUTION GERMANIQUE'.
InlroducUon. — Origine du royaume d'Allemagne. — Paix de Verdun, en
843. — Les droits des Étals sont reconnus. — Assemblées de Mersen, en
851, et de Coblenlz, en 800. — Louis le Germanique rétablit les ducs
supprimés par Charlemagne. — Origine des ducs de Tliuringe, de Ba-
vière, de Saxe et de la France rhénane. — Formation et partage du
royaume de Lotbaringia. — Traité de Procaspis, en 870. — Sé|)aralion
définitive des royaumes de France et d'Allemagne, eu 887. — La royauté
d'Allemagne devient élective.— Les ducs de Saxe donnent cinq rois à l'Al-
lemagne, 919-1024. — Origine des villes, sous Henri I. — Formation d'un
tiers élat libre. — Création des Margraves. — Oiigine des grands oIDciers
de la couronne. — Commencement de l'Empire d'Allemagne ou duSaint-
Ernpire romain de la nation germanique. — L'empereur d'Allemagne
chef séculier de la chrétienté. — Les ducs et comtes s'approprient les
domaines de la couronne. — Oihon I veut convertir au christianisme
les nations slaves. — Origine de plusieurs nouveaux évêchés. — La mai-
son des ducs de France est appelée au trône et fournil quatre rois à
l'Allemagne, 1024-1125. — Réunion du royaume d'Arles. — Les fiefs de-
viennent héréditaires. — (Changement dans les dénominations. — Origine
du grand nombre des principautés en Allemagne. — Guerre entre l'Em-
pire et le Sacerdoce, sous le règne de Henri IV. — Origine des Communes,
sous Henri F. — Concordai de Worms, en 1122.— Élection de Lo-
thaire II, duc de Saxe. — Les quatre grands ofluners s'attribuent, avec
les trois arcbichanceliers le droit d'élire les Empereurs. — La maison
de Hohenstaufen donne six empereurs à l'Allemagne, 1138-1254. — Pé-
riode brillante de l'Empire, les lettres y sont en honneur. — Origine des
, factions Guelfe et Gibeline. — Le Margraviat d'Autriche est érigé en
duché. — Privilège célèbre. — Avènement de la maison de Wiltelsbach
an duché de Bavière. — Premiers ducs de Méranie. — Révolution et dé-
' GÉRARD DE Rayneval, Institutions du Droit public de l'Allemagne,
Leipzig, 1706, in-8°. — De Pfeffel, Abrégé chronologique de l'histoire
et du droit public d'Allemagne. Paris, HTG, 2 vol in-i". — Mich. Ign.
ScuMiDT, Gesch. der Deutschen. Ulm, 1785, 22 vol. in-8°. — Joii. Steph.
PUtter's hist. Enttcickelung der deutschen Staatsverfassung. Gœltin-
gen, 1789, 3 vol. in-8°. — II/EBERLiN'sy/om/6. des deutschenSlaatsrechts.
Berlin, 1797, 3 vol. in-8''. — J. Cu. Leist, Lehrbuch des deutschen StaatS'
rechts. Goetting. 1806, in-S". — Histoire du droit public et des législa-
tions de l'Allemagne, par M. Fa. Cu. Eichhorn (ministre d'État et con-
seiller privé actuel de S. M. le roi de Prusse). 4 vol. in-8^ (îœtt. 3' édit.
1821-1823 en alleinand). — Exposé du droit public de l'Allemagne , par
M. le baron de Scuutz. Genève et Paris, 2* édition, 1849.
— 69 —
membremenl tlu duclié de Saxe. — Premières lois fondamentalos de
l'Empire données par Frédéric IL— Diplôme de 1220, délivré à Franc-
fort, en faveur des princes ecclésiastiques. — Diplôme de 1232, signé à
Udine, en faveur des princes séculiers. — Origine des États provinciaux.
— Cause de la grande variété dans les constilulions des Ëtats d'Alle-
magne. — Établissement de l'Ordre Teulonique en Prusse.— Révolulion
d'Italie. — L'autorité impériale est anéantie. — Frédéric II reconnaît la
supériorité territoriale des États d'Allemagne. — Institution de la charge
de juge du palais. — L'extinction des ducs de Zseringue prépare la ré-
volulion qui détacha la Suisse de l'Allemagne. — Extinction de la mai-
son. d'Autriche-Babenberg. — Extinction des ducs de Méranie. —
Exlinclion des landgraves de Thuringe. — Extinction de la maison de
Hohenslaufen. — Les sept électeurs. — La couronne impériale mise à
l'enchère. — Origine de la maison de Habsbourg. — Autriche. — Éta-
blissement des préfectures impériales. — Droits de suzeraineté sur le
royaume de Bourgogne. — Investiture du comté de Neufchàtel. — Avè-
nement de la maison de Hohenzollern, — Bourgraviat de Nuremberg. —
Exemple de la destitution d'un empereur. — Origine de la confédération
helvétique. — Le tiers état est, pour la première fois, représenté à la
Diète de Spire, en 1309.— Démembrement du royaume de Bourgogne.—
Suppression de l'Ordre des Templiers. — Schisme à l'occasion du succes-
seur de Henri VII. — Union électorale de Rensé, en 1338. — Les États
d'Empire déclarent que la puissance impériale dérive immédiatement de
Dieu. — Prétentions ponlificales anéanties. — La maison de Luxembourg
donne quatre empereurs à l'Allemagne, 1347-1437. — Bulle d'or de
Charles IV, en 1350. — La Silésie est incorporée au royaume de Bo-
hême. — Nouveaux démembrements du royaume d'Arles. — Origine du
duché de Milan. — Dernier exemple de la destitution d'un empereur. —
Le maison de Hohenzollern obtient l'électoral de Brandebourg. — La
maison de Misnie obtient l'électoral de Saxe. — Pragmatique sanction
germanique de Mayence, en 14.39. — Concordat de la nation germa-
nique, en 1448. — L'archiduc Maximilien épouse Marie de Bourgogne,
— Grandeur de la maison d'Autriche. — L'usage s'introduit de faire
tenir les Diètes par des envoyés. — Désordre du règne de Frédéric TII.
— Domination du droit du plus fort. — Paix publique de 1495. — Éta-
blissement de la Chambre impériale. — Institution d'un Conseil de Bé-
gencea la Diète d'Augsbourg, en 1500. — Division de l'Empire en cercles.
— Origine des capitulations impériale. — Matricule de 1521. — Réfor-
mation du XVI" siècle. — L'Ordre Teutonique est expulsé de la Prusse.
— Premiers exemples de la confédération des États. — Alliance de
Torgau et ligue do Smalkade. — Origine des deux branches de la maison
d'Autriche. — Paix de religion. — Traité de 1542, fixant les rapports
entre le duché de Lorraine et l'Empire. — Ordonnance d'exécution pour
la transaction de Passau. — Nouvel ordre de succession. — Statut de fa-
mille de la maison de Brandebourg, en 1473. — Changements introduits
par le droit de primogénilure. — Diète de 1582. — Révolulion complète
opérée par la guerre de Trente ans. — Dernier Recès d'Empire de 1654.
— Diète de 1G03. — Elle enlève à l'Empereur le droit de convoquer et de
dissoudre l'assemblée des Étals. — Les princes adoptent la coutume de
se faire représentera la Dlèle par des plénipotentiaires. —Établissement
d'un neuvième électoral, en faveur de !a maison de Brunswic. — Réunion
de la Lorraine à la France, en 1738. — Nouvelle maison de Habsbourg-
— 70 —
Autriche. — Exlinclion de la branche cadette de la maison de Wittels-
bach, en 1778. — La maison de Bavière devientia troisième en puissance
de l'Allemagne. — Union des princes protecteurs des libertés germa-
niques.— États qui composaient l'empire d'Allemagne. — Forme de gou-
vernement.^— Droits et prérogatives du chef de l'Kmpire. — Droits que
l'Empereur exerçait avec le concours des Étals. — Supériorité territo-
riale des États, ou droits qu'ils exerçaient sans le concours de l'Empe-
reur.— Diète de l'Empire. — Sa composition. — Commissaire impérial.
— Présidence ou Directoire. — Collège des électeurs. — Collège des
princes. — Collège des villes impériales. — Modes suivis pour les voles-
— Avis, placita imperii. — Décret de commission. — Conclusum de
l'Empire. — Recès. — Députalions de l'Empire. — Noblesse immé-
diate. — Don gratuit ou caritalivum. — Cercles de Souabe, de Franco-
nie et du Rhin. — Ganerbinats. — Division de l'Empire en dix cercles. —
Roi des Romains. — Vicaires de l'Empire. — Contributions ou collectes.
— Mois romains. — Cours suprêmes de justice. — Conseil aulique. —
Chambre impériale de Wetzlar.
Depuis la paix de Westphalie, l'Empire germa-
nique n'avait éprouvé d'autre changement dans sa
Constitution, que les faibles altérations résultant de
la désuétude, ou celles que lui faisaient périodique-
ment subir les capitulations impériales ou pactes
que les Électeurs avaient coutume de former avec les
princes qu'ils plaçaient sur le trône impérial. Cette
paix de Westphalie, l'ouvrage des plus grands poli-
tiques du XVII* siècle, avait déterminé les rapports entre
le chef de l'Empire et les membres de ce corps; elle
avait donné une existence légale au parti protestant
qui prétendait à la gloire d'être le principal appui de
la liberté politique ; on voyait en elle l'égide de l'in-
dépendance de tous les gouvernements européens, et
le pivot de tout ce Système d'équilibre qui opposait à
l'ambition de celui d'entre les princes qui voudrait
s'élever sur les ruines des autres , un obstacle qu'alors
on regardait comme infranchissable. Dix années d'une
guerre malheureuse, durant laquelle tous les vices
inhérents à la Constitution germanique se montrè-
rent à découvert, suffirent pour renverser un édifice
cimenté par le sang des peuples du Nord et du Midi,
qui avaient pris part à la guerre de Trente ans.
— 71 —
En détachant de l'Empire germanique les provinces
situées sur la rive gauche du Rhin, et en procla-
mant le principe que les princes héréditaires qui per-
draient par cette cession une partie ou la totalité de
leurs territoires , seraient indemnisés aux dépens des
États ecclésiastiques situés sur la rive droite de ce
fleuve, la paix de Lunéville anéantit la Constitution
de l'Empire, et fit naître la nécessité de la recon-
struire sur de nouvelles bases. Une loi fondamentale,
préparée par quelques-unes des principales puis-
sances du Continent, discutée dans les séances d'une
députation extraordinaire de la Diète de l'Empire,
et approuvée par cette Assemblée et par l'Empereur,
donna à l'Allemagne une nouvelle organisation et
remplaça l'œuvre des négociateurs d'Osnabruck, à
laquelle on avait présagé une éternelle durée. Pro-
duction de l'injustice et de la violence qui ne bâ-
tissent que sur le sable, le nouveau pacte social ne
put assurer au delà de dix-huit mois l'existence du
Corps germanique. Avec lui disparut pour quelque
temps la dernière trace de la liberté allemande, et la
grande nation porta pendant dix ans le joug d'un op-
presseur étranger qui, abusant de la patience de ses
peuples, les fît sex'vir d'instrument pour subjuguer
les États voisins.
C'est ici que finit l'histoire de l'Empire germanique.
Dorénavant l'Allemagne subira, sous le vain nom de
Confédération du Rhin, la domination de ce qu'on
nommait le Système fédératif de l'Empire français;
elle portera ce joug jusqu'à ce que le patriotisme de
ses habitants, ranimé par l'excès même de leur abais-
sement, rende à un peuple estimable par ses antiques
vertus, cette énergie que des formes vicieuses de son
gouvernement et la faiblesse de ses chefs avaient trop
longtemps contenue.
— 72 —
L'étude (le l'ancienne Constitution germanique
semble d'abord n'offrir que peu d'attraits à la curio-
sité; cependant, une connaissance de ce système com-
pliqué est nécessaire pour l'intelligence d'une grande
partie de l'histoire des deux derniers siècles. Cette
considération nous engage à placer en tête de la der-
nière loi fondamentale de l'Empire, un précis histo-
rique de cette Constitution, qui fut le résultat d'une
longue lutte de la féodalité, de l'anarchie et du des-
potisme ligués contre les idées philosophiques aux-
quelles le progrès des lumières donna naissance.
L'Allemagne ou le vaste pays qui est renfermé
entre les Alpes au sud, la mer du Nord, l'Eyder et la
Baltique au nord, dont les limites occidentales ont
varié et les orientales ont été longtemps incertaines,
faisait originairement partie de la monarchie des
Francs, fondée par un des peuples nombreux qui ha-
bitaient sa surface. Elle eut des rois particuliers de-
puis la paix de Verdun, par laquelle les trois fils de
Louis le Débonnaire se partagèrent, en 843 , toute la
monarchie de Charlemagne y leur aïeul. En bornant
le royaume de Germanie vers l'ouest au Rhin , le traité
de Verdun adjugea encore à Louis ^ son premier roi,
les cantons de Mayence , de Spire et de VVorms , à cause
du vin qu'ils produisent. C'est l'époque où commen-
cent les royaumes d'Allemagne et de France, jusque-
là compris dans la monarchie des Francs.
Le pouvoir des premiers rois d'Allemagne n'était
rien moins qu'arbitraire. Dès l'origine, les monar-
ques des Francs avaient pour habitude de con-
sulter les grands de leur empire dans les affaires les
plus importantes. L'autorité royale, de plus en plus
affaiblie sous les derniers Mérovingiens, avait repris
de la vigueur sous Charlemagne; mais elle fut avilie
— 73 -^
sous le règne de son successeur, et les fils de Louis le
Débonnaire furent obligés, dans les assemblées tenues
en 851 à Mersen, et en 860 à Coblentz, de reconnaître
au clergé et à la noblesse de leurs royaumes la qua-
lité de vrais conseils, d'aides et de coopérateurs des
souverains dans les affaires de gouvernement. Cette
époque est remarquable comme celle où, pour la pre-
mière fois, les droits des États furent solennellement
proclamés et clairement établis.
Il se fit, sous Louis le Germanique y un changement
notable dans le gouvernement. Par suite de sa poli-
tique, Charlemagne avait tâché de supprimer les ducs*,
qui réunissaient en leur main l'administration civile
au gouvernement militaire des grandes provinces, et
dont l'autorité était devenue dangereuse pour celle des
rois. Ce prince avait partagé les anciens duchés en
petits districts, à chacun desquels présidait un comte*;
mais les incursions que les Hongrois, les peuples
slaves et les Normans firent en Allemagne , sous Louis
le Germanique, engagèrent ce prince à créer de nou-
veau des gouvernements dont l'autorité s'étendant sur
des provinces considérables, pût leur faciliter les
moyens de rassembler avec promptitude des forces
suftisantes pour s'opposer à ces barbares. Les duchés
de Thuringe, de Bavière et de Saxe lui durent leur
origine; la Bavière comprenait alors aussi l'Autriche;
la Saxe se composait des pays situés entre l'Ems, le
Weser et l'Elbe; car ce qu'on appelle aujourd'hui
Saxe, ou le pays situé entre laSaale et l'Elbe, et sur
la droite de ce fleuve, faisait, à l'époque dont nous
parlons, partie des possessions des Sorabes, peuple
Heerzoge, chefs militaires.
Grawen. vieillards.
— 74 —
slave, tributaire des rois d'Allemagne. Le duché de la
France rhénane fut érigé sous les fils de Louis le Ger-
manique : il fut le berceau de l'électorat palatin.
Dans le partage de Verdun, les provinces bornées à
l'est par le royaume d'Allemagne et par l'Italie, et à
l'ouest par l'Escaut, la Meuse, la Saône et le Rhône,
avaient été adjugées à Lothaire^ fils aîné de Louis le
Débonnaire. Elles ne faisaient donc partie ni de la
France ni de TAllemagne. Lothaire eut encore dans
son lot le royaume d'Italie. Ses fils se partagèrent ses
Etats. L'un d'eux, appelé comme le père, Lothaire ^
eut pour sa part les pays situés au nord de la Saône,
entre le Rhin, la Meuse et l'Escaut. Il y attacha son
nom, et la Lotharingia comprenait la Lorraine d'au-
jourd'hui, l'Alsace, la Belgique, et la partie de la
rive gauche du Rhin qui n'avait pas été assignée h Louis
le Germanique; ainsi que la Franche-Comté, le Lyon-
nais et une partie du Dauphiné. Le royaume de Lo-
tharingia ne dura que jusqu'à 8G9; il fut partagé par
le traité de Procaspis de 870, entre les rois de France
et d'Allemagne. Neuf ans plus tard, les Allemands
s'emparèrent aussi de la partie que ce traité avait ad-
jugée à la France, à l'exception des provinces méri-
dionales, oùBoson venait de fonder un royaume in-
dépendant sous le nom de Bourgogne; il comprenait
la Franche-Comté, une partie de la Bourgogne, Lyon,
le Dauphiné et la Provence.
Quelques années après, en 888, un gouverneur de
la Suisse, du Valais et d'une partie de la Savoie se fit
couronner roi de la Bourgogne transjurane. Les deux
Bourgognes furent réunies en 930. Nous verrons com-
ment les rois d'Allemagne trouvèrent moyen de joindre
cette couronne à la leur.
Les royaumes d'Allemagne et de France, séparés
— 75 —
par le traité de Verdun, furent réunis encore une fois ,
pour un instant, sous Charles le Gros; mais, en 887,
les Allemands destituèrent ce prince, et depuis ce
temps les deux États ont été constamment séparés.
La branche de la maison carlovingienne régnante
en Allemagne s'éteignit en 911 . Conrad, duc de l'Au-
strasie ou de la France rhénane, fut élu roi par les
Francs et les Saxons. Sous le premier nom, les auteurs
du temps entendent les Franconiens, les Thuringiens,
les Souabes et les Lorrains qui, avec les Saxons, for-
maient les cinq nations dont rAllemagne se compo-
sait. Depuis cet événement, l'Allemagne n'a cessé de
former un royaume électif. Conrad fut obligé d'aban-
donner la Lorraine à Charles le Simple j, roi de France;
il se maintint cependant dans la possession de l'Al-
sace, qui fut réunie au duché de Souabe à l'époque de
son érection, en 916, et y demeura annexée jusqu'à
l'extinction des ducs héréditaires de cette province.
Conrad étant mort sans descendance , une nouvelle
famille fut élevée sur le trône germanique; c'est celle
des ducs de Saxe, qui, de 919 jusqu'en 1024, fournit
cinq rois d'Allemagne : Henri /, les trois Otton et
Saint-Henri II. La couronne était en même temps hé-
réditaire dans la famille choisie, et élective, en ce
qu'à chaque vacance du trône le successeur était con-
firmé par les États. Henri I réunit son duché de Saxe
à la couronne. Il reprit aussi, en 925, le royaume de
Lorraine, dont le titre n'a pas cessé depuis d'être réuni
au royaume d'Allemagne, quoique les rois de France
eussent profité des circonstances pour en arracher une
province après l'autre. Henri I fonda un grand nom-
bre de villes, qui devinrent le berceau d'un tiers état
libre, institution tellement étrangère au système féodal,
— 76 —
qu'on peut dater de son origine la décadence de ce
système. Pour défendre les frontières contre les incur-
sions des peuples barbares , auxquelles l'Allemagne
fut continuellement exposée par sa situation, Henri I
établit des espèces de commandements , sous le titre
de marches \ Telle est l'origine des margraves. On
rapporte à cette époque l'érection des margraviats
de Lusace, de Misnie et de Brandebourg.
Le couronnement à'Otton I, fils de Henri j offre
deux particularités qu'on ne doit pas perdre de vue,
si l'on veut suivre la Constitution germanique dans sa
naissance et ses progrès successifs. Les trois arche-
vêques deMayence, de Trêves et de Cologne se dispu-
taient le droit de sacrer le nouveau roi; et au grand
banquet par lequel cette auguste cérémonie fut ter-
minée, les quatre ducs, savoir: ceux de Lorraine, de
la France rhénane, de Souabe et de Bavière, firent les
fonctions de grand chambellan, de grand maître, de
grand échanson et de grand maréchal. C'est la pre-
mière trace de l'existence des grands officiers de la
couronne, qui, depuis, s'arrogèrent une autorité bien
différente de ce qu'elle était dans l'origine.
L'Italie qui, dans le partage de la monarchie des
Francs, avait été adjugée au fils aîné de Louis le Dé-
honnaire^ eut depuis des rois particuliers, ordinaire-
ment décorés de la couronne impériale, qu'on regar-
dait comme attachée à celle d'Italie. Olton I conquit,
en 961, le royaume d'Italie, et prit, en 962, la cou-
ronne impériale, que tous les rois d'Allemagne, ses
successeurs, ont portée en leur qualité de rois d'Italie.
Ce fut à cette époque que commença la dénomination
d'Empire germanique^ ou de Saint-Empire romain de la
nation germanique^ dénomination sous laquelle on en-
' Marcha, mark, frontière.
— 77 —
tendait la réunion de la dignité impériale et des royau-
tés d'Allemagne, d'Italie, de Lorraine et de Bourgogne.
Ce fut alors qu'on s'habitua à regarder l'empereur ro-
main ou d'Allemagne comme le chef séculier de la
chrétienté, dont la suprématie s'étendait sur tous les
monarques de la terre.
Olton rétablit le duché de Saxe, et partagea la Lor-
raine en deux duchés, celui de la haute Lorraine ou
de la Lorraine Mosellane, et celui de la basse Lor-
raine, appelé depuis duché de Brabant. Les ducs et
les comtes qui , d'après leur constitution originaire,
n'étaient que des gouverneurs militaires ou civils, tra-
vaillaient à rendre leurs titres héréditaires en s'appro-
priant les domaines de la couronne situés dans leurs
ressorts, et dont la jouissance leur avait été concédée
en guise de traitement. Cette révolution, qui ne put
se consolider que lentement, prit une certaine consis-
tance sous Olton /; mais elle ne fut consommée qu'un
siècle après lui.
Cependant les nations slaves fixées sur la frontière
orientale de l'Empire, l'inquiétaient sans cesse par
leurs incursions et leurs brigandages. Pour les civili-
ser, Otton I conçut le projet de les convertir au chris-
tianisme : dans cette vue , il fonda sur la frontière
plusieurs évêchés dont les pasteurs furent spéciale-
ment chargés de travailler à une œuvre si méritoire.
Les sièges de Havelberg, de Brandebourg, d'Ol-
denbourg, deMeissen, de Mersebourg, de Zeitz, de
Posnanie et de Prague doivent leur origine à ce plan.
Prague fut soumis à l'archevêché de Mayence, Olden-
bourg à celui de Brème. Pour les autres évêchés nou-
vellement érigés, il fut fondé une cinquième métropole
à Masdebouro;.
Otton I dota ces sièges, et enrichit les autres évê-
— 78 —
chés d'Allemagne, en leur concédant des domaines et
des droits régaliens jusqu'alors attachés à la cou-
ronne. La dévotion ne fut pas l'unique motif de ces
largesses; la politique y entra pour quelque chose.
Otton espérait que les prélats qui lui devaient leur no-
mination, et qu'il avait comblés de bienfaits, devien-
draient son appui contre les ducs et les comtes qui,
ayant trouvé moyen de rendre leurs charges hérédi-
taires, commençaient à porter ombrage à un prince
jaloux de son autorité.
Otton III, petit-fils à' Otton le Grand, fonda un sixième
archevêché à Gnesne^ auquel furent subordonnés les
sièges de Cracovie, de Breslau, de Posnanie et de Col-
berg. Nous rapportons ce fait pour indiquer jusqu'où
s'étendait alors, vers l'orient, la domination des rois
d'Allemagne.
Après l'extinction de la maison de Saxe, en 1024,
celle des ducs de France (ou de la France rhénane) fut
appelée au trône par une élection libre des nobles de
toutes les provinces, campés sous la bannière des huit
ducs\ sur les deux rives du Rhin, depuis Mayence
jusqu'à Worms. La maison de France a fourni quatre
rois à l'Allemagne, Conrad II , Henri III, IV et F,
depuis 1 024 jusqu'en 11 25.
Conrad II, surnommé le Salicjue, réunit à l'Empire
germanique le beau royaume de Bourgogne, lorsqu'en
1032 la dynastie des rois d'Arles s'éteignit. Cette réu-
nion avait été stipulée par un traité conclu sous son
prédécesseur, et auquel il donna force par les armes.
C'estl'époque de lagrandeur de l'Empire d'Allemagne,
dont la domination s'étendait ainsi depuis les côtes de
la Flandre jusqu'à la Méditerranée, et renfermait toutes
• De la France rhénane, de la Moselle, du Brabant, de Saxe, de
Bavière, de Carinlhie , de Souabe et de Bohême.
— 79 —
les provinces aujourd'hui françaises qui sont situées
sur la Meuse et sur la rive gauche du Rhône. Les liens
politiques qui attachèrent le royaume de Bourgogne à
l'Allemagne étaient les mêmes que ceux qui réunis-
saient le royaume de Lorraine, c'est-à-dire que ce
royaume fut entièrement incorporé, et que ses États
prirent place dans les assemblées de la nation germa-
nique. Le royaume d'Italie, au contraire, acquis et
réuni par droit de conquête, continua à former un
État séparé, soumis de droit au roi que le libre choix
des Allemands avait placé sur leur trône. Aussi les
rois d'Allemagne avaient-ils la coutume d'aller prendre
à Milan la couronne d'Italie, avant de se faire couron-
ner empereurs à Rome. Nous ferons encore observer
qu'on trouve sous le règne de Conrad II la première
trace du corps de la noblesse immédiate, ainsi nommée
parce qu'elle jouissait de la prérogative de ne pas être
subordonnée à l'autorité intermédiaire des ducs, mar-
graves et comtes.
L'époque où l'Empire germanique parvint à sa plus
grande étendue, fut celle où l'autorité de ses rois dé-
clina par les usurpations des grands. Cette révolution,
préparée depuis Otton I , fut consommée sous la mi-
norité orageuse de Eenri IVj, dont les ducs et les
comtes profitèrent pour rendre leurs charges hérédi-
taires. Ce changement en produisit un dans la géogra-
phie politique de l'Allemagne. Ce pays était divisé en
cantons ou gau^ dont chacun portait un nom particu-
lier (tels que Nordgau, Rheingau, Kletgau, Bris-
gau, etc.), et était administré par un comte; mais
quand les comtes devinrent des chefs héréditaires, on
cessa de les désigner d'après le district auquel ils
étaient préposés, et on les nomma d'après la ville ou le
château où ils établirent leur résidence. Ainsi, les
— 80 — .
anciennes dénominations disparurent successivement.
L'hérédité des duchés et des comtés produisit encore
un autre changement. Ouhliant que les duchés et les
comtés étaient des charges ou fonctions indivisibles
par leur nature, les nouveaux seigneurs traitèrent ces
fiefs comme de véritables domaines et les partagèrent
parmi leurs fils ; telle est l'origine de cette foule de
principautés et de comtés entre lesquels l'Allemagne
fut divisée \
L'autorité impériale, affaiblie par cette révolution,
souffrit un autre échec plus funeste sous le règne de
Henri IV f parles dissidences qui s'élevèrent entre ce
prince parvenu à la majorité, et les souverains pon-
tifes, au sujet de l'investiture des évêques. L'issue de
cette longue lutte privales empereurs de leur influence
sur le choix des évêques, en faveur desquels les pré-
décesseurs de Henri IV s'étaient dépouillés de leurs
plus beaux domaines. L'élection des évêques fut alors
confiée aux Chapitres, qui reçurent, à cette époque,
l'organisation qu'ils ont conservée jusqu'à nos jours.
L'origine des communes date du règne de Henri V,
Ce monarque accorda aux gens de métiers et aux arti-
sans, qui formaient la plus grande partie de la popula-
tion des villes, des immunités et des privilèges, parmi
lesquels la liberté personnelle était sans doute le plus
précieux. Cette nouvelle législation établit dans les
villes un régime qui, sauf quelques altérations, s'est
maintenu jusqu'à nos jours.
Un concordat, conclu en 1122, à Worms, entre
• On trouve dans le xi* siècle, les familles suivantes qui existent en-
core : les margraves de Bade, les comtes de Wurtemberg, ceux de
WiTTELSBAcn, de ZoLLER.N , de Wettin (souche de la maison ac-
tuelle de Saxe et de celle d'ÛLDENBouRc).
Henri V et le pape Calixte U, mit fin à la guerre entre
l'Empire et le sacerdoce, et restreignit les droits de
l'Empereur à la prérogative d'envoyer un commissaire
pour assister en son nom aux élections des évêques,
et à celle d'investir les élus de la puissance temporelle
attachée à leurs sièges.
A l'extinction de la maison de France, les États
d'Allemagne exercèrent le droit d'élection dans toute
sa plénitude. Tous les princes ecclésiastiques et sécu-
liers, avec leurs vassaux en armes, étant campés dans
les environs de Mayence, on nomma parmi les diffé-
rentes nations des seigneurs qu'on chargea de propo-
ser des candidats, entre lesquels l'assemblée se ré-
serva de choisir celui qui lui paraîtrait le plus digne
de gouverner. Le choix tomba sur Lothaire 11^ duc de
Saxe. A son couronnement parurent les quatre archi-
officiers séculiers qui, par la suite, s'attribuèrent,
avec les trois archichanceliers, le droit exclusif d'élire
les empereurs; savoir : le duc de Bohême comme
archiéchanson, le comte palatin du Rhin comme archi-
grand maître, celui de Saxe comme archimaréchal, et
le margrave du Nord, qu'on appela par la suite mar-
grave de Brandebourg, comme archichambellan.
Lothaire II avait destiné le trône impérial à son gen-
dre, Henri le Fier, duc de Saxe et de Bavière; mais
les États qui craignaient sa puissance et la violence
de son caractère, élurent Conrad de liohenstaufen ,
frère puîné du duc de Souabe et d'Alsace. La maison
de Hohenstaufen a fourni six empereurs depuis 1138
jusqu'en 1254; c'est une des périodes les plus bril-
lantes de l'histoire d'Allemagne. Ce pays fut alors gou-
verné par des princes aimant les lettres; à leur exem-
ple, les grands les protégèrent; l'Allemagne eut même
une littérature presque classique qui dépérit dans les
vu 6
— 82 — .
siècles qui suivirent. Les six empereurs de la maison
de Souabe sont : Conrad III ^ Frédéric /, Henri VI ,
Philippe, Frédéric II et Conrad IV. Il faut y joindre un
empereur de la maison guelfe, Otton /F, qu'une par^
tie de l'Allemagne reconnut de 1 198 jusqu'en 1218,
en opposition de Philippe et de Frédéric II.
Ce fut sous Conr(^d IIÏ que commencèrent les que-
relles entre les Guelfes et les Gibelins. Conrad III avait
enlevé à la maison des Guelfes un des deux duchés
dont elle était en possession. Cette mesure donna nais-
sance à deux factions dont les fureurs troublèrent
l'Empire et l'Italie pendant plusieurs siècles. Les
Guelfes, s'érigeant en défenseurs de la liberté publi-
que, attaquèrent tous les gouvernements existants. Les
Gibelins, tout en professant du respect pour l'autorité
légitime, espéraient de s'emparer du pouvoir. Ce m[0t
est une corruption de Waiblingen, ville de la Souabe,
dont le nom avait servi de cri de guerre au parti im-
périal. La proscription de Henri le Fier, duc de Saxe,
de la maison de Guelfe, procura l'immédiateté aux
margraves du Nord (Brandebourg ), qui jusqu'alors
avaient dépendu des ducs de Saxe. Le duché de Ba-
vière, enlevé aux Guelfes , fut donné à 1^ première
maison d'Autriche, surnommée de Batenberg. Les
margraves d'Autriche avaient été subordonnés jus-
qu'alors aux ducs de Jiavière.
A la mort de Conrad III, on élut le fils de son frère
aîné; et, par cette élection, le duché de Souabe fut
réuni à la couronne. Frédéric I rendit, en 1150, à
Henri le Lion, le duché de Bavière, dont son père
Henri le Fier y avait été dépouillé. Pour dédommager
le margrave d'Autriche du sacrifice auquel cette res-
titution le condamnait, il démembra son margraviat
de la Bavière, l'éleva au rang de duché, et lui accorda
— 83 ^
un privilège célèbre dans les annales de l'histoire ;
cette concession, qui est sans exemple, rendit ce du-
ché presque indépendant de l'Empire \
Henri le Lion répara la perte qu'il avait essuyée par
le démembrement du margraviat d'Autriche , en éten-
dant vers le nord les limites du duché de Saxe. Il sou-
mit les princes slaves qui régnaient dans le Mecklen-
bourg et la Poméraniej mais le lustre qu'il procura à
la maison de Guelfe s'éclipsa promptement. Brouillé
avec l'Empereur, à l'occasion d'une expédition que ce-
lui-ci fit en Italie, Henri le Lion fut proscrit en 1 1 80
et déclaré déchu des deux duchés de Bavière et de
Saxe. Le premier fut conféré à la maison de Wittels-
bach, qui occupe encore le trône de Bavière : elle n'eut
pourtant pas ce duché dans l'étendue qu'il avait eue
sous les Guelfes; les comtes de Tyrol, de Gœrz (Go-
rice) et d'Andechs, qui en dépendaient, furent décla-
rés immédiats. Les derniers prirent par la suite le ti-
tre de ducs de Méranie. La ville de Ratisbonne fut aussi
soustraite à la domination du nouveau duc de Bavière,
et immédiatement soumise à l'Empereur.
Ce fut à cette époque que le duché de Saxe éprouva
une révolution mémorable. Ce duché s'étendait depuis
le Rhin jusqu'à l'Elbe; cependant les provinces situées
entre laSaale et l'Elbe, et que, dans un sens restreint,
on nomme aujourd'hui Saxe, n'appartenaient pas im-
médiatement à ce duché; elles étaient gouvernées par
les landgraves de Thuringe et les margraves de Mis-
' Le nouveau duché fut rendu tellement héréditaire dans la maison
de Henri d'Autriche, que non-seulement il devait passer aux femmes,
mais même que le dernier possesseur, si la maison venait à s'éteindre
entièrement, pouvait en disposer soit par vente soit de toute autre ma-
nière, en faveur de qui il voudrait.
^ 84 —
nie, reconnaissant la suprématie du Duc, aussi bien
que les princes de Poméranie et de Mecklenbourg , et
les comtes de Holstein et d'Oldenbourg lui devaient
hommage. Le duché de Saxe lui-même se composait
de ce qu'on a nommé depuis cercle de Westphalie et
pays de Brunswic-NYolfenbuttel et Hanovre. Il était
divisé en trois districts, l'Angrivarie, la Westphalie et
rOstphalie. En proscrivant la maison des Guelfes,
Frédéric I ne pouvait pas la dépouiller en entier de
rOstphalie, où se trouvaient le patrimoine et les alleux
de cette maison. Il disposa d'une partie de l'Angriva-
rie et de la Westphalie en faveur des archevêques de
Cologne, qui prirent alors le titre de ducs de ces deux
provinces. Le reste des fiefs composant le duché de
Saxe, et comprenant une grande partie de ce que, jus-
qu'en 1806, on a nommé cercle de Westphalie, le
comté de Holstein, les États ci-devant ecclésiastiques
du cercle de basse Saxe, les duchés de Mecklenbourg et
de Poméranie, etc., devaient former dorénavant le du-
ché de Saxe , qui fut conféré à une branche de cette
maison ascanienne qui possédait déjà le margraviat
de Brandebourg. Mais le nouveau duc de Saxe ne put
se mettre en possession que de la moindre partie des
pays qui lui avaient été adjugés; le duché de Saxe fut
entièrement démembré. Les comtes de Holstein et les
princes de Mecklenbourg et de Poméranie se rendi-
rent indépendants; Lubeck devint ville immédiate;
les archevêques de Brème et de Magdebourg, les évê-
ques de Verden , de Minden, de Munster, de Pader-
born, de Hildesheim, de Halberstadt, s'emparèrent des
districts situés à leur convenance; les Guelfes eux-
mêmes se maintinrent dans rOstphalie, de manière
qu'il ne resta au duc de Saxe que quelques districts
situés sur l'Elbe, et qui forment ce qu'on nomme au-
jourd'hui cercle de Wittenberg, pays d'Anhalt et
— 85 —
de Lauenbourg. Comme par suite des partages usités
dans la nouvelle maison de Saxe, les pays d'Anhalt et
de Lauenbourg eurent des princes particuliers, la di-
gnité de duc de Saxe resta finalement affectée à la ville
de Wittenberg et à son district, et le nom de Saxe, qui
originairement désignait les contrées situées entre le
Rhin et le Weser, passa ainsi à une province récem-
ment arrachée aux Slaves.
La maison de Wittelsbach , à laquelle Frédéric I
avait donné le duché de Bavière, obtint, par le petit-
fils de cet empereur, le Palatinat du Rhin, ou l'an-
cien duché de la France rhénane, qui a formé, jus-
qu'en 1803, le patrimoine de la maison de Wittels-
bach, et a été longtemps possédé par la branche aînée
de cette famille , tandis que la cadette régnait en Ba-
vière.
Le règne de Frédéric II fait époque dans l'histoire
de la Constitution germanique , parce que ce prince
publia les deux premières ordonnances qu'on peut
ranger dans la classe des lois fondamentales de l'Em-
pire. Elles sanctionnèrent les droits que les États
avaient successivement usurpés depuis deux siècles,
et pour lesquels ils n'avaient d'autres titres que l'ob-
servance. Le premier de ces règlements se trouve dans
un diplôme que cet empereur accorda en 1220, à
Francfort, aux princes ecclésiastiques; un diplôme
semblable fut alloué en 1232, à Udine, aux princes
séculiers \ Ces deux actes sont de véritables chartes
octroyées par le souverain à une classe de ses sujets;
ils détaillent les franchises et immunités que l'Empe-
reur concède aux princes ecclésiastiques et séculiers.
Tout dans l'histoire de la Constitution germanique
' Voy. ScHMAuss, Corp.jur. publ. academ., p. 4 et 6.
— 86 —
montre d'une part des usurpations faites par des vas-
saux aux dépens de l'autorité suprême; de l'autre,
des concessions faites par le prince; nulle part une
seule trace que le Corps germanique se soit formé par
suite d'une association politique conclue entre des
États indépendants. Dans le diplôme de 1220, on
trouve déjà la distinction entre villes impériales et
villes épiscopales, et il y est statué que les dernières
ne seraient soumises à la juridiction de l'Empereur
que lorsqu'il viendrait y tenir sa cour, huit jours avant
et huit jours après son arrivée. Dans tout autre temps,
et même lorsque l'Empereur s'arrêtait dans une ville
épiscopale autrement que pour y tenir sa cour, elles
étaient soumises à la juridiction des évêques. L'acte
de '1232 confirme aux princes toute liberté et juri-
diction dans leurs pays, selon l'observance. Ces deux
Constitutions impériales renferment les éléments de la
supériorité territoriale des États de l'Enipire.
Cette supériorité que les princes, comtes et sei-
gneurs exerçaient dans l'enceinte de leur territoire,
n'était rien moins qu'arbitraire. De même que l'Em-
pereur ne pouvait prendre une décision dans les affai-
res qui intéressaient l'Empire, sans avoir pris conseil
des Èlats (Reichsstœnde) ; de même ceux-ci ne fai-
saient rien sans l'avis des prélats , des propriétaires
nobles et des villes de leur territoire. Cet usage, au-
quel les assemblées des États provinciaux {Lands-
tœnde) doivent leur origine, ne fut pourtant pas géné-
ral; il ne fut guère suivi dans les territoires de moin-
dre étendue qui ne renfermaient qu'un petit nombre
de fondations ecclésiastiques, de villes et de grands
propriétaires. Par suite de l'extinction graduelle des
familles, plusieurs de ces petits territoires furent suc-
cessivement réunis ou incorporés à de plus grands
États; mais comme les Allemands, rigides observa-
— 87 —
leurs des formes, ne s'écàrteht pas facilement de ce
qu'on nomme observance ^ ces parcelles réunies à d'au-
tres territoires conservèrent leur régime particulier et
originaire. De là celte grande variété datis les Cohsti-
tutions des divers États d'Allemagne, qui s'est conser-
vée jusqu'à ces derniers temps, et Cette bizarrerie que
l'autorité de quelques grands princes était bornée par
celle de leurs Etats, tandis que des princes beaucoup
nloins puissants, soUs le rapport de l'étendue de leur
territoire, y jouissaient d'un plus grand pouvoir.
Ce fut encore sous le règne de Frédéric II que VOr-
dre Teutonique, fondé en Palestine, obtint Un établis-
sement en Prusse. Un duC Piast de Cujavie l'y appela
pour convertir et subjuguer les Prussiens attachés au
paganisme. 11 accorda à l'Ordre la ville de Culrri, qui
devint le berceau de sa puissance. Frédéric /f confirma
ce traité en qualité de chef de l'Etlipire, sous la pro-
tection duquel fut placé cet Ordi^e, qiii, dépouillé, par
la suite des temps, de ses possessions sûr la mer Ëal-
tique, conserva en Allemagne de riches domaines, et
siégea jusqu'au xix" siècle parmi les Etats d'Empire.
Enfin, il faut rapporter à l'époque de Frédéric îï
l'anéantissement presque absolu de l'autorité impé-
riale en Italie. Pendant les guerres de ce f)rince avec
le Siège pontifical, les villes de là Lombardie expul-
sèrent de leuts murs le parti des Gibelins fidèles à
l'Empereur, et se rendirent presque toutes indépen-
dantes, il est vrai que \a plupart d'entre elles, déchi-
i*ées pat des factions qui y dominèrent toUr à tour,
firlireht par tomber sous là verge du despotisme, qui
est le dénoûment ordinaire des troubles civils dans les
républiques. Mais l'autorité des chefs de l'Empire,
aUssi redoutable aUx tyratis Qu'elle avait été abhorrée
— 88 —
par les républiques, fut presque entièrement effacée
par ces révolutions.
La supériorité territoriale des États d'Empire avait
été reconnue par un acte solennel de Frédéric II ; mais
les princes n'en restèrent pas moins soumis, pour leurs
personnes, à la juridiction impériale. L'Empereur
pouvait même les proscrire , c'est-à-dire les déclarer
déchus de leurs dignités et de leurs fiefs, sans l'avis
de la Diète, pourvu que, dans le jugement qui devait
prononcer cette peine, il fût assisté par sept princes,
pairs de l'accusé. Pour juger les causes des princes
entre eux, ou les appels interjetés des jugements qu'ils
avaient prononcés, Frédéric II institua, en 1235, la
charge de Juge du palais : ce magistrat, assisté de
quelques assesseurs, prononçait au nom de l'Empe-
reur. 11 était nécessairement choisi dans la classe de
la haute noblesse, parce que c'était un privilège de
tout homme libre d'être jugé par ses pairs.
A l'époque dont nous parlons, l'Empereur disposait
encore librement des fiefs devenus vacants par l'ex-
tinction des familles qui en étaient pourvues, ou par
la félonie des titulaires; mais la jalousie des États ne
permettait pas que ces fiefs fussent réunis à la cou-
ronne; l'Empereur devait en disposer dans l'année.
C'est surtout à cette prévoyance que les États durent
la conservation de leur existence politique. Elle pré-
vint ce qui est arrivé dans un État voisin. Les rois de
France, en réunissant successivement à leur couronne
les grands fiefs devenus vacants, préparèrent et conso-
lidèrent la puissance absolue, qui ne reconnut dans le
royaume d'autre autorité que la volonté du monarque.
Si la chute de la puissante maison de Guelfe opéra,
vers la fin du xii* siècle , un bouleversement dans
— 89 —
l'état politique de l'Allemagne septentrionale, l'ex-
tinction des maisons de Zceringue, d'Autriche-Baben-
berg, de Thuringe et de Méranie, qui eut lieu en 1 21 8,
1246, 1247 et 1248, causa des changements tout aussi
considérables, quoique moins violents.
La maison de Zaeringue descendait de Berthoud le
Barbu, qui, après avoir été pendant quelque temps
revêtu de la dignité de duc de Carinthie , conserva
abusivement le titre ducal qui, par un autre abus, fut
attaché aux terres que ce seigneur possédait en Souabe
et en Suisse. 11 laissa deux fils, dont l'un fut la tige
de la maison de Zaeringue , et l'autre le fondateur de
celle de Bade, qui fleurit encore. Berthoud /F, duc de
Zœringue, fut nommé, en 1 1 27, régent du royaume de
Bourgogne : il mit cette dignité à profit pour étendre
sa puissance en Suisse, où il bâtit Fribourg. Berthoud V,
le fondateur de Berne, mourut en 1218, sans enfants.
L'extinction de sa maison prépara la révolution qui,
dans le xiv" siècle, détacha la Suisse de l'Allemagne.
Les possessions de Berthoud, en Souabe, échurent aux
comtes de Fribourg et de Fiirstenberg; une partie de
ses domaines en Suisse passa aux comtes de Kybourg;
le comte de Savoie s'empara du pays de Vaud. Toutes
ces familles étaient alliées aux ducs de Zœringue. Le
clergé, la noblesse et les villes de la Suisse profitèrent
de l'extinction de cette maison pour se rendre immé-
diats. Depuis des temps immémoriaux , les habitants
d'une partie d'Uri, de Schwytz, d'Unterwald et du
pays de Hasli, étaient en possession du droit de se
gouverner d'après leurs propres lois , sous l'inspec-
tion des avoyés (landvôgte) que les Empereurs en-
voyaient pour résider au milieu d'eux. L'évêque de
Constance était maître d'une partie considérable de
la Thurgovie; l'abbé de Saint-Gall possédait le Rhin-
thal et l'Appenzell. La ville de Lausanne appartenait
— 90 —
à l'évêque qui y siégeait; celui de Baie, sans exercer
de supériorité dans cette ville^ y jouissait de quelques
droits qui en dérivent. Lucet*he était une possession
de l'abbaye de Murbach en Alsace : le chapitre de
Saint-Léger, à Lucerne, était maître d'une partie d'Un-
terwald. Une autre partie de ce catiton , et de ceux
d'Uri et de Schwytz, était du domaine du chapitre de
Munster dans l'Ergau.
Les plus puissants parmi les seigneurs laïques de la
Suisse étaient les comtes de Habsbourg, qui, avant la
fin du xiii^ siècle, recueillirent toute la succession de
Kybourg. Ils possédaient des domaines considérables
en Thurgovie; ainsi que les comtés de Habsbourg, de
Kybourg j de Lehzbourg et de Bade. 11 y avait des
comtes particuliers en Argovie , à Toggenbourg et à
Rapperschweil. Les comtes de Neufchâtel, de Thier-
stein, de Savoie, de Gruyère, de VYerdenberg, de Sar-
gans, les seigneurs de Waedischweil, de Regensberg,
et beaucoup d'autres richement possessionnés en
Suisse, reconnaissaient la souveraineté de rEmpire>
mais devinrent immédiats par l'extinction des ducs
de Zœringue. Les villes de Zurich, de Baie, deSoleure,
de Berne, de Schafhouse, obtinrent le rang de villes
impériales.
La succession de la maison d'Autriche, dite de Ba-
benberg, qui s'éteignit en 124G, fut contestée par les
margraves de Moravie et par ceux de Misnie; mais
les rois de Bohême, d'origine slave, s'en emparèrent
et s'y maintinrent jusqu'au temps de Rodolphe de Habs-
hourgf qui fonda la seconde maison d'Autriche.
La succession des ducs de Méranie, comtes d'An-
dechs, ne fut pas moins éparpillée que celle de Zâs-
ringue. Les comtes de Gœrz (Goi'ice) eurent le Tyrol
— 91 —
et ce que la maison éteinte avait possédé sur l'Adige.
Les Vénitiens s'emparèrent des duchés d'Istrie et de
Dalmatie. Une des sœurs du dernier duc porta dans la
maison de Châlons la dignité de comte palatin de Bour-
gogne, dont son frère avait été revêtu. Les terres qu'il
avait possédées dans le Vogtland passèrent à une au-
tre sœur, épouse du comte à'Orlamunde. La ville de
Bayreuth, avec une grande partie des domaines qui
formèrent par la suite les deux margraviats de
Franconie, berceau de la maison royale de Prusse,
échut à une troisième sœur qui avait épousé Frédéric
de Hahenzollenif bourgrave de Nuremberg.
Henri le Baspon, detnier landgrave de Thuringe,
laissa une sœur et une nièce , la première mariée au
margrave de Misnie, l'autre au duc de Brabant. Après
une vive contestation^ la succession fut partagée entre
les deux prétendants. Le margrave de Misnie eut là
Thuringe sans la Seigneurie de Hesse, qui en dépen-
dait alors, et prépara, par cette acquisition, la gran-
deur de sa maison, qui porte aujourd'hui la couronne
de Saxe. Sophie^, duchesse de Brabant, eut la seigneu-
rie de Hesse. La maison de Brabant se partagea alors
en deux branches; Henri r En faut, second fils de So-
phie, prit, comme héritier du landgrave de Thuringe,
le titre de landgrave de Hesse, et devint la souche des
électeurs et grands-ducs de Hesse.
La maison de Hohenstaufen elle-même, qui, outre
le duché de Souabe dont l'Alsace faisait partie, et ce-
lui de Franconie, possédait le royaume des Deux-
Siciles, s'éteignit en 1268 par la mort tragique du
jeune Conradin que le ravisseur de sa couronne fit
décapiter à Naples. Les princes de cette maison, dont
le nom rappelle l'époque d'une littérature antérieure
— 92 —
à un siècle d'ignorance et de barbarie, avaient donné
peu de soins à la conservation de leurs domaines situés
en Souabe et en Alsace. La foule de comtes, de sei-
gneurs, de nobles et de villes libres qu'on trouvait na-
guère dans ces provinces, doivent leur existence à la
libéralité ou àl'insouciance des derniers Hobenstaufen.
Si, à l'extinction de cette maison illustre, il restait en-
core quelque cbose de son patrimoine, le duc de Ba-
vière, le comte palatin du Rhin, les margraves de
Bade, les comtes de Wurtemberg et de Habsbourg
pensèrent que la mort de Conradin les autorisait à se
l'approprier. Le titre de duché de Souabe cessa avec
ce prince, sans doute parce qu'il ne restait plus de
domaines pour servir à la dotation d'un nouveau duc.
Guillaume, comte de Hollande, opposé par un parti
à Conrad IV y fut généralement reconnu empereur à la
mort de ce dernier; mais il ne régna que deux ans. A
sa mort, on vit les sept électeurs exercer seuls le droit
de donner un chef à l'Empire. Ils en abusèrent indi-
gnement en mettant la couronne à l'enchère. Ils ne
s'accordèrent pas dans leur choix; un parti nomma
Richard de Cornouailles, fils de Jean sans Terre ^ roi
d'Andeterre; un autre déféra la couronne à Alfonse X
l'Astronome, roi de Castille. Vingt années d'anarchie
qui suivirent ce schisme , replongèrent l'Allemagne
dans la barbarie dont les dernières traces étaient à*
peine effacées. Lassés enfin des désordres qui en
étaient résultés, les électeurs nommèrent en 1273
Rodolphe, comte de Habsbourg et landgrave de la haute
Alsace, ou plutôt il fut nommé par le comte palatin du
Rhin, sur lequel les six autres électeurs avaient com-
promis.
La fondation de la seconde maison d'Autriche est
— 93 —
révénement le plus remarquable du règne de Rodolphe.
Ayant enlevé les duchés d'Autriche et de Stirie à Otto-
car, roi de Bohême, qui s'en était injustement emparé,
Boâolphe en accorda en 1282 l'investiture à son fils;
toutefois la Carinthie qui en avait fait partie, en fut
alors démembrée en faveur du comte de Tyrol, beau-
frère de Rodolphe. Rodolphe de Habsbourg s'efforça de
recouvrer les droits régaliens et utiles en Souabe et en
Alsace, dont les Etats de ces provinces s'étaient saisis
avec les domaines qui y appartenaient. 11 établit en
Souabe deux préfets ou avoyers ( landvôgte), chargés
d'exercer ces droits en son nom; un troisième préfet
fut préposé aux villes libres de l'Ortenau, et un qua-
trième fut placé à la tête des dix villes impériales
d'Alsace. Ces préfectures, devenues héréditaires, fu-
rent successivement réunies dans les mains des archi-
ducs d'Autriche. Nous avons vu que celle d'Alsace fut
cédée au roi ^e France par la paix de Westphalie;
l'Autriche céda celle d'Ortenau, par le Recès de 1 803,
au duc de Modène. La préfecture réunie de la haute
et de la basse Souabe, dont il ne restait que quelques
légers droits, fut éteinte par les dispositions de la paix
de Presbourg.
Les États du royaume de Bourgogne ou d'Arles
avaient profité de là faiblesse dont le gouvernement
était frappé sous les derniers empereurs, pour relâcher
le lien qui les unissait à l'Empire. On voit, par plu-
sieurs événements qui eurent lieu sous le règne de
Rodolphe, qu'il s'occupa des moyens de le resserrer.
Ce fut devant son tribunal que furent plaides les droits
que les filles de Raymond Berengier, dernier comte de
Barcelone et de Provence, prétendaient à ce dernier
pays. Rodolphe prononça pour la plus jeune, instituée
héritière par le testament paternel, et donna en 1280
— 94 —
l'investiture du comté de Provence à Charles d'Anjou,
roi de Naples, veuf de cette princesse. En 1288, il
accorda h Jean de Châlons, comte de Bourgogne, l'in-
vestiture du comté de Neufchâtel. Jean conféra ensuite
ce dernier comté, à titre d'arrière-fief de l'Empire, à
un certain Rollin^ dont la petite-fille le porta dans la
maison des comtes de Fribourg en Brisgau, à l'extinc-
tion desquels il passa par mariage successivement dans
celles de Bade et de Longueville. La dernière héritière
de cette maison le posséda jusqu'à sa mort en 1706.
Alors les États du pays, après avoir discuté les droits
des divers prétendants, adjugèrent la succession au roi
de Prusse, en fondant cette décision sur les conditions
exprimées dans l'acte d'investiture de l'empereur fio»
dolphe. Enfin Rodolphe fit la guerre à plusieurs sei-
gneurs du royaume de Bourgogne qui s'étaient confé-
dérés pour le maintien de leurs usurpations. Dans ce
nombre étaient les comtes de Ferrette, de Montbéliard
et de Savoie. Rodolphe les contraignit de venir à Baie,
pour recevoir de ses mains l'investiture de leurs fiefs,
Frédéric de Hohenzollern , dont le bisaïeul avait
acquis le bourgraviat de Nuremberg, et qui, par son
mariage avec la sœur du dernier duc de Méranie, avait
obtenu de belles terres en Franconie *, fut admis par
Rodolphe, qui était son oncle maternel, au nombre des
princes d'Empire : cet empereur comprit, dans l'in^
vestiture qu'il lui accorda, les débris du duché de
Franconie, resté vacant depuis l'extinction de la maison
de Hohenstaufen y et dont par la suite les évêques de
Wiirzbourg s'arrogèrent le titre.
Le règne d'Adolphe de Nassau, qui fut nommé,
en 1292, successeur de Rodolphe de Habsbourg, n'offre
♦ Voy. cMessus, p. 91.
— 95 —
rien de remarquable pour l'objet qui nous occupe, si
ce n'est la fin de ce règne. Elle nous fait voir, en 1 298,
l'exemple d'une destitution du chef de l'Empire, pro-
noncée par les mêmes princes qui l'avaient élevé au
trône. Elle ne le fut pourtant que par une majorité de
quatre électeurs, et sans le concours des trois autres.
Les premiers élurent à sa place Albert d'Autriche, fils
de Rodolphe. Adolphe ayant été tué dans une bataille
que ce compétiteur lui livra, Albert fit procéder à une
nouvelle élection, à laquelle tous les électeurs prirent
part. Il acheta leurs suffrages par la concession de
divers droits et privilèges. Parmi les prérogatives qu'il
accorda à l'électeur de Mayence, il faut remarquer celle
d'archicbancelier - né de l'Empire, avec droit de
nommer le vice-chancelier résidant à la cour impé-
riale : les électeurs de Mayence n'ont pas cessé d'exercer
ce privilège jusqu'à la dissolution de l'Empire germa-
nique.
L'origine de la Confédération helvétique est l'événe-
ment le plus remarquable du règne d'Albert. Son projet
d'ériger dans la Suisse, devenue, par l'extinction des
ducs de Zœringue, province immédiate de l'Empire,
une principauté destinée à un de ses fils, fut la cause
de cette révolution, et devint l'occasion de sa mort.
Néanmoins, il faut remarquer que l'insurrection des
Suisses n'était pas proprement dirigée contre l'Empire;
les cantons se révoltèrent plutôt contre les usurpations
de la maison d'Autriche.
Henri, comte de Luxembourg, fut nommé, en 1 308,
à la place d'Albert. Sous ce prince, l'ancienne famille
des rois slaves de Bohême, qu'une tradition populaire
faisait remonter à un prince fabuleux nommé Crocus
et à sa fille Libussa, espèce de fée ou de magicienne,
s'éteignit, et Henri trouva moyen de faire passer cette
— 96 —
couronne sur la tête de son fils Jean l'Aveugle. La Diète
de Spire, où cette affaire s'arrangea en 1309, est la
première où les députés des villes immédiates ou im-
périales parurent; ils y formèrent un collège ou Etat
particulier. Cette admission du tiers état aux assem-
blées nationales fut une suite de la révolution qui s'était
opérée dans les esprits : six ans auparavant, Phi-
lippe IV, le Bel, roi de France, avait appelé, pour la
première fois, le tiers état à faire partie de l'Assemblée
des États de son royaume.
Ce fut sous Henri VU que commencèrent les démem-
brements du royaume de Bourgogne, réuni à TAUe-
magne. Lyon en donna l'exemple. Cette ville impériale
se soumit, à la France, en 1312, à l'occasion d'un
différend qui s'était élevé entre elle et ses arche-
vêques.
La suppression de l'Ordre des Templiers est un
autre événement remarquable de ce règne. Sans sévir
contre ces chevaliers, on se contenta en Allemagne de
supprimer leur Ordre, dont les biens passèrent à celui
de Saint-Jean de Jérusalem. Ce dernier, représenté par
le grand prieur de Heitersheim, siégea parmi les États
du Corps germanique jusqu'à sa dissolution.
Il y eut, à la mort de Henri VII , un schisme : au
lieu de sept Electeurs, il s'en présenta neuf, parce qu'il
y avait deux prétendants à chacun des électorats de
Bohême et de Saxe. Le parti autrichien, qui désirait
replacer la couronne impériale sur la tête d'un Habs-
bourg, reconnut comme roi de Bohême le duc de Ca-
rinthie, en rejetant Jean V Aveugle. Le parti de Luxem-
bourg, au contraire, admit comme électeur de Saxe le
duc de Lauenbourg, à l'exclusion de la branche de
Wittenberg. Ce dernier parti élut empereur Louis, duc
— 97 —
de Bavière; l'autre lui opposa Frédéric , duc d'Au-
triche. Le Pape s'étant arrogé le droit de prononcer
entre les deux compétiteurs, il en résulta une querelle
entre Louis de Bavière et la Cour de Rome; querelle
qui, à cause de l'importance de son objet, se prolongea
beaucoup au delà de la mort de Frédéric d'Autriche.
Elle porta un coup mortel aux prétentions de supré-
matie que les Papes essayaient de faire revivre, mais
auxquelles le changement qui s'était effectué dans les es-
prits était contraire. Ceux des électeurs qui avaient
nommé Louis de Bavière, se réunirent, au mois de
juillet 1338, à Rensé, et y signèrent un acte de Con-
fédération, connu sous le nom d'Union générale élec-
torale. Elle avait pour objet le maintien de la dignité
de l'Empire et des droits et privilèges des Electeurs
contre qui que ce soit, sans exception. Cet acte, con-
firmé et souvent renouvelé depuis, formait un des
statuts fondamentaux du Droit public germanique j
c'était le titre sur lequel reposaient les droits des Elec-
teurs comme corps politique- Les prétentions ponti-
ficales donnèrent encore naissance à un autre acte fon-
damental, publié au mois d'août suivant à la Diète de
Francfort. Les États d'Empire déclarèrent dans cette
Constitution que la puissance impériale dérive immé-
diatement de Dieu, et que celui que la majorité des
Electeurs aura nommé Empereur ou Roi, doit être re-
gardé, par le seul fait de cette élection, vrai Roi et Em-
pereur des Romains, et qu'en cette qualité, obéissance
lui est due par tous les sujets de l'Empire, sans qu'il
soit nécessaire que le Pape confirme cette élection ^
Louis V fut le premier empereur d'Allemagne qui ait
fixé sa résidence ordinaire dans une ville de ses États
héréditaires, tandis que ses prédécesseurs avaient pour
* L'Union de Rensé et la Constitution de 1338 se trouvent dans
ScHMAUSS, Corp. jur. publ acad., p. 9 et iO.
VII 7
— 98 —
usage de transporter leur cour d'une ville de l'Em-
pire à l'autre, et de s'y faire défrayer, soit par les re-
venus des domaines de la couronne situés à portée de
cette ville, soit par les subsides des princes et États.
Quatre princes de la maison de Luxembourg furent
successivement élevés à la dignité impériale, depuis
1347 jusqu'en 1437; ce furent Charles /F, Wenceslas,
Sigismondj tous les trois rois de Bohême, et Josse, mar-
grave de Moravie. Il y eut cependant une interruption
entre Wenceslas et Sigismondf de 1400 à 1411. Robert,
Électeur palatin, occupa le trône pendant ces onze ans.
Le nom de Charles IV est célèbre parmi les législa-
teurs d'Allemagne. La loi, dite Bulle d'or, qu'il fit
promulguer en 1356, à la Diète de Nuremberg, est une
des principales lois fondamentales de l'Empire, et la
source du Droit public de l'Allemagne. Cette Constitu-
tion détermine le nombre des Électeurs, leurs droits ,
la forme à suivre dans les élections, et décide quelques
autres questions d'un intérêt public et général. Le
nombre des Électeurs y est fixé à sept, dont trois ecclé-
siastiques. La Bulle d'or ne dit pourtant pas que ce
nombre ne puisse être augmenté. Elle ne parle pas du
duc de Bavière, elle nomme seulement parmi les Élec-
teurs le chef de la maison deWittelsbach, le comte pa-
latin du Rhin, archisénécbal ou grand-maître de l'Em-
pire, et Vicaire, pendant la vacance du trùne, dans les
provinces dullhin.LaBulled'orétablitdans les maisons
des Électeurs séculiers la succession linéale agnatique
avec le droit de primogéniture. En Bohême seule-
ment, les femmes pouvaient succéder en vertu d'un
ancien privilège.
Le comté de ïyrol était devenu vacant sous le règne
de Louis V. Les maisons d'Autriche et de Bavière s'en
disputèrent la possession jusqu'à ce que la comtesse
— 99 —
Marguerite, héritière de ce pays, le cédât en 1 363 à la
maison d'Autriche, qui depuis l'a toujours regardé
comme une possession importante^ parce qu'elle lui
assure la communication avec l'Italie et la Souabe.
Chaînes IV agrandit considérablement la Bohême,
son patrimoine, en y réunissant la Silésie et la Lusace.
Ces provinces étaient regardées comme des dépen-
dances de la république de Pologne ; mais Casimir le
Grand, roi de Pologne, avait cédé ses droits à Jeafi
r Aveugle, père de Charles IV. Jean engagea successi-
vement les ducs Piasts de Troppau, d'Oppeln, de Tes-
chen, de Glogau, de Sagan, de Liegnitz et de Brieg à
se soumettre à la couronne de Bohême. Charles IV
ayant épousé l'héritière des duchés de Schweidnitz et
de Jauer, publia en 1355 une Pragmatique Sanction
par laquelle la Silésie fut incorporée au royaume de
Bohême. Nous ne comptons pas comme un agrandis-
sement de la maison de Luxembourg, l'acquisition que
Charles IVût de l'électorat de Brandebourg, parce que
cette maison ne s'y maintint pas longtehips.
Les démembrements du royaume d'Arles continuè-
rent sous Charles IV. La reine Jeanne de Naples, com-
tesse de Provence, ayant cédé en 1 348 la ville d'Avi-
gnon au Pape, Charles IV renonça formellement, par
des lettres patentes, aux droits de l'Empire sur ce dis-
trict. La suzeraineté de l'Empire sur le comtat Venais-
sin avait cessé depuis 1273, époque où les Papes
s'étaient saisis de ce pays.
Le Dauphiné fut cédé en 1 349, par Humbect, dernier
dauphin de Vienne, à Charles, fils aîné de Jean, alors
duc de Normandie, et par la suite roi de France. Le
nouveau dauphin prit encore l'investiture de l'empe-^
reur Charles /F y mais par la suite on se dispensa dé
cette formalité.
— 100 —
La suzeraineté de l'Empire sur le comté de Bour-
gogne fut encore reconnue sous Charles IV i^ar Philippe
le Hardi ^ duc de Bourgogne, qui prit de l'Empereur
l'investiture de ce duché, que lui avait apporté Mar-
guerite de Flandre, son épouse.
Enfin, Charles IV fut le dernier Empereur qui ait été
couronné roi de Bourgogne. Ce couronnement eut lieu
à Arles en 1365.
Les Viscontif maîtres de Milan, étaient revêtus de la
dignité de Vicaires de l'Empire : ils avaient profité de
ce titre et de la haine dont étaient animés les divers
partis qui se disputaient le pouvoir dans les divers pe-
tits Etats, pour se soumettre la plus grande partie de
la Lombardie; mais, pour jouir avec tranquillité de
ces usurpations, il fallait qu'elles fussent sanctionnées
par l'autorité impériale. L'empereur Weiiceslas vendit,
en 1395, à Jean Galéas Visconti, la confirmation de ses
États, en le créant duc de Milan.
Cet Empereur fut destitué en 1399 par les Électeurs :
dernier exemple d'une procédure qui ne s'est pas re-
nouvelée depuis dans l'histoire d'Allemagne.
Deux nouvelles maisons électorales commencèrent
sous le règne de l'empereur Sigismoiid; celles qui
possèdent encore aujourd'hui le Brandebourg et la
Saxe.
La postérité d'Albert l'Ours , issu de l'ancienne mai-
son d'Ascanie, et premier margrave de Brandebourg,
s'était éteinte dans la branche aînée, en 1322. 11 res-
tait cependant trois branches collatérales de la maison
ascanienne, celle de Saxe, de Lauenbourg et d'Anhalt,
toutes descendantes d'un fils cadet d'Albert. Mais
l'empereur Louis prétendant que le margraviat ou
électorat de Brandebourg était fief vacant de l'Em-
— 101 —
pire, en donna, en 1324, l'investiture à son fils aîné,
Louis de Bavière, qui le céda à ses frères contre une
partie de la haute Bavière, qu'ils lui abandonnèrent.
Ottoîij le plus jeune de ces puînés, vendit, en 1373,
l'électorat à son beau-père, l'empereur Charles IV. Si-
gismond, fils de celui-ci, dont les finances étaient
épuisées par les guerres de Hongrie, le conféra, en
1 41 7, à Frédéric VI de HohenzoUern, bourgrave de Nu-
remberg, souche des rois de Prusse. Afin de réunir les
sommes qu'il devait payer à l'Empereur pour cette ac-
quisition, le nouvel Électeur vendit à la ville de Nu-
remberg le bourg de cette ville, c'est-à-dire le château
où il résidait comme Juge impérial. Cette vente donna
lieu à une contestation qui, après avoir été long-
temps assoupie, s'est renouvelée au commencement du
xix^ siècle. La ville de Nuremberg, prétendant avoir
acquis avec le château la juridiction qui en dépendait,
se mit en possession d'une immunité entière, tandis
que les Électeurs, en aliénant le matériel du château ,
s'étaient réservé de droit la juridiction qu'ils tenaient
de l'Empire à titre de fief.
Albert III, dernier Électeur de Saxe delà maison as-
canienne, mourut en 1422. Sans égard aux droits des
ducs de Saxe-Lauenbourg et des princes d'Anhalt,
qui descendaient de Bernard, premier acquéreur du
duché do Saxe, l'empereur Sigismond conféra l'électo-
rat à Frédéric le Belliqueux , margrave de Misnie et
landgrave de Thuringe, qui, réunissant ces deux pro-
vinces à l'électorat de Saxe, lui donna un nouveau
lustre. Le Roi et tous les ducs de Saxe d'aujoud'hui
descendent de ce prince.
Après les Empereurs de la maison de Luxembourg,
celle d'Autriche occupa le trône impérial , sans inter-
ruption pendant trois cent trois ans jusqu'en 1740.
— 102 —
Le règne d'Albert II n'a duré qu'un peu plus d'une
année; néanmoins le Droit public et ecclésiastique
date de ce règne une Constitution importante; c'est
celle qui est connue sous le nom de Sanction Pragma-
tique de Mayence, Cet acte a été adressé en 1 439 par
l'Empereur, les Électeurs et États d'Empire, en pré-
sence des députés du concile de Baie. Il proclame la
supériorité des conciles sur le Pape; abolit les réserves
et les grâces expectatives , ainsi que les annates ; re-
connaît que la confirmation des prélats appartient de
droit aux supérieurs immédiats , et interdit les appels
en Cour de Rome. Grâce à l'indolent Frédéric III , l'in-
curie des temps suivants fut si grande, que cette Con-
stitution, fruit du progrès que les lumières avaient
fait vers le milieu du xv" siècle, tomba bientôt dans
l'oublia
Frédéric III, cousin d'Albert II, régna cinquante
ans, sans énergie et sans gloire. Les intrigues des mi-
nistres du Pape profitèrent de la faiblesse ou de la
nullité de ce prince, exclusivement voué aux études,
pour lui faire signer, en 1448, un nouvel arrangement
connu sous la dénomination de Concordat de la nation
germanique, et qui était destiné à remplacer la Sanc-
tion Pragmatique. Les publicistes allemands ne sont
pas d'accord sur le degré d'authenticité de cette trans-
action.
? SancliO'pragmatica Germanorum illustrata . edidit Christoph-
Guill. Kocii , Sacri Romani Imperii eques. Argentorati, i789, in-4°. Il
existe trois exemplaires authentiques de la Sanction Pragmatique de la
nation allemande. L'édition de M. de Koch est faite d'après une cplla-
tion exacte do ces trois manuscrits. Il y a joint le texte des concordats
■ de la nation germanique , conclus en H48 avec le pape Nicolas V, et
qui sont moins favorables aux libertés de l'Église allemande que la
sanction de 4 439 , à laquelle la Cour de Rome n'a jamais voulu con-
sentir.
— 103 —
Frédéric III n'oublia pourtant pas les intérêts de sa
maison. Il négocia un brillant mariage pour son fils
Naximilien. Cet archiduc épousa Marie, fille du der-
nier duc de Bourgogne. Cette riche héritière apporta
à son époux des provinces qui, par leur étendue, leur
situation, l'opulence et l'industrie de leurs habitants,
valaient un royaume. Par ce mariage, les duchés de
Brabant, de Limbourg, de Luxembourg et de Gueldre,
et les comtés de Flandre, d'Artois, de Namur, de
Hainaut, de Hollande, de Zéelande, de Westfrise, de
Zutphen et de Bourgogne, furent joints aux domaines
de la maison d'Autriche.
Frédéric III assembla fréquemment les États d'Em-
pire ; mais il se dispensai td'y aller en personne, et son
exemple fut suivipar les princes. C'est ainsi que s'établit
l'usage de faire tenir les Diètes par des envoyés chargés
de traiter avec les commissaires de l'Em^pereur. A l'une
de ces Diètes, tenue sous Frédéric, en 1474, les dépu-
tés des villes se partagèrent pour la première fois
en deux bancs.
L'autorité impériale, exercée par une main ferme et
vigoureuse, était le seul frein capable de retenir dans
le devoir la foule des petits souverains dont l'Alle-
magne se composait. Cette autorité s'anéantit entière-
ment sous le règne de Frédéric III. L'anarchie la plus
complète la remplaça, et le gouvernement fut complè-
tement désorganisé. Cette époque, dont le souvenir
s'est perpétué dans toutes les classes de la nation, est
connue sous le nom de domination du droit du plus fort
(Faust-und Kolben-Recht).
L'excès du mal en amena le remède. Maacimilien,
élu Roi des Romains du vivant de son père, lui suc-»
céda en 1493. Ce prince ayant convoqué, en 1495,
une Diète à Worms pour obtenir des subsides contre
— 104 —
les Turcs qui avaient fait des incursions en Autriche,
et contre Charles VUI , roi de France, qui avait envahi
l'Italie, les États exigèrent qu'il donnât les mains à un
arrangement qui pût garantir la tranquillité publique
et la sûreté des personnes, sans que les États fussent
obligés de recourir au remède des confédérations par-
ticulières, par lesquelles ils avaient tâché jusqu'alors
de se mettre à l'abri des vexations. Cet arrangement,
convenu à la Diète de Worms, est connu sous le nom
de Paix publique. Toute voie de fait d'État à Etat et de
particulieràparticulier, yestdéfenduesouslespeinesles
plus sévères. Un tribunal sédentaire fut chargé de pro-
noncer dans tous les différends qui s'élèveraient. Cette
Cour, nommée Chambre impériale, devait être compo-
sée d'un juge représentant l'Empereur, et par lui choisi
dans la haute noblesse, et de seize assesseurs nommés
à vie, dont la moitié serait prise dans la classe
des lettrés ayant un grade dans les universités.
La nomination des assesseurs fut d'abord regardée
comme une prérogative impériale; mais comme parla
suite les États se chargèrent de l'entretien du tribu-
nal, on leur abandonna aussi le droit de nommer aux
places vacantes d'assesseurs. La Chambre impériale
fut établie à Francfort; transférée ensuite successive-
ment à Worms, à Spire, à Esslingue, à Augsbourg ou
à Nuremberg, elle se fixa enfin, en 1693, à Wetzlar,
où elle resta jusqu'à l'époque de la dissolution de
l'Empire germanique.
L'établissement d'une cour de justice suprême, in-
dépendante de l'Empereur, était une véritable atteinte
portée aux droits du chef de l'Empire , regardé jus-
qu'alors comme l'unique source de toute juridiction.
Les États ne se bornèrent pas à cette première tenta-
tive. A la Diète d' Augsbourg de 1500, ils instituèrent
un Conseil de régence qui devait assister l'Empereur
— 105 —
dans le gouvernement de l'Empire. Ce conseil devait
être composé de six Électeurs, à l'exclusion de celui
de Bohême, qui, à cette époque, n'envoyait pas de
ministre à la Diète, de deux princes ecclésiastiques
alternant sur six, de deux conseillers de l'Empereur,
en sa qualité de duc d'Autriche et de Bourgogne, d'un
prélat pris sur quatre qui alterneraient entre eux, de
deux sur huit villes impériales, et de six Etats nom-
més par tous leurs co-États, à l'exclusion des Elec-
teurs et de la maison d'Autriche. Pour procéder au
choix de ces représentants , les États qui devaient y
concourir furent distribués en six cercles; savoir :
ceux de Franconie , de Bavière , de Souabe , du Rhin,
de Westphalie et de Saxe.
Les abus auxquels le Conseil de régence donna lieu,
les empiétements qu'il se permit sur l'autorité impé-
riale, engagèrent Maximilien / à le dissoudre en 1 502 j
mais, comme on avait fait l'expérience des avantages
qui résultaient, pour le maintien de la tranquillité
publique, de la division de l'Empire en cercles, on ré-
solut de la conserver. Néanmoins le but différent qu'on
se proposait par cette division, en fit altérer l'organisa-
tion. On comprit dans la nouvelle division les États qui
n'avaient pas fait partie des six cercles originaires,
c'est-à-dire l'Autriche et les Électeurs. En conséquence
on ajouta, en 1512, aux six cercles existants quatre
autres; savoir : ceux d'Autriche, de Bourgogne, de
haute Saxe et le cercle électoral du Rhin. On dressa
un règlement pour la constitution intérieure des dix
cercles, et on leur donna des chefs ou directeurs char-
gés d'y exercer le pouvoir exécutif.
L'élection de Charles -Quint devint l'occasion de
l'établissement d'une nouvelle loi fondamentale de
— 106 —
l'Empire, qui a retenu le nom de Capitulation impériale.
Les appréhensions qu'inspirait aux Etats la puissance
d'un prince qui, aux possessions liéréditaires de la mai-
son d'Autriche, réunissait la monarchie espagnole , fit
naître l'idée de lui faire signer une espèce de pacte
renfermant les conditions de son élection , et posant
des barrières à son autorité. Depuis Cliarles-Quint, tous
les Empereurs ont signé de pareilles reversales.
La Diète de Worms, de 1521, accorda au nouvel
Empereur, pour l'expédition romaine qu'il projetait,
une armée de vingt mille fantassins et quatre mille
chevaux. On dressa à cette occasion un nouveau ta-
bleau, ou, comme on dit, une matricule réglant le
contingent de chaque État. Jusqu'à la dissolution de
l'Empire, cette matricule a subsisté comme échelle de
toutes les contributions que les États ont été appe-
lés à payer. On admit une certaine somme comme
équivalent des frais d'entretien de chaque contingent
pendant un mois; cette somme fut appelée mois ro-
main; et lorsque le cas se présentait où il fallait que
l'Empire fournît des subsides à l'Empereur, celui-ci
avait coutume de demander un certain nombre de
mois romains. Jusqu'en 1 545 , les États payèrent ces
contingents de leurs domaines ; mais, à cette époque,
il leur fut accordé de pouvoir les lever sur leurs sujets
à titre de contribution ; car jusqu'alors ce droit ne
leur appartenait pas. On sent bien qu'une fois inves-
tis de cette prérogative, les princes trouvèrent des
prétextes pour lui donner de l'extension.
La révolution qui s'opéra dans la religion au com-
raencement du xvi" siècle , influa puissamment sur la
Constitution de l'Empire ; c'est cette révolution sur-
— 107 —
tout qui lui a donné la forme qu'elle a conservée jus-
qu'au Recès de la députation de 1803.
Une première conséquence des innovations en fait
de religion fut la translation du grand-maître de l'Ordre
Teutonique en Franconie. Un prince cadet de la mai-
son de Brandebourg, nommé Albert, avait été élu, en
1512, grand maître de cet Ordre en Prusse. Se trou-
vant enveloppé dans une guerre contre la Pologne,
le ^rand-maître se présenta, en 1524, à la Diète de
Nuremberg, et, en sa qualité de vassal de l'Empire,
réclama l'assistance de ce corps. N'ayant pas obtenu
de la Diète les secours qu'il avait droit d'en attendre,
il traita, en 1525, avec le roi de Pologne, lui
abandonna la partie occidentale de la Prusse, que
depuis ce temps on nomma la Prusse royale , et reçut
de sa main l'investiture de la Prusse orientale à titre
de duché héréditaire. Immédiatement après il se dé-
clara pour la nouvelle doctrine religieuse , et se ma-
ria. Sa petite-fille apporta le duché de Prusse en ma-
riage aJean-Sigismond, Electeur de Brandebourg. Quant
à l'Ordre Teutonique, il protesta contre tout ce qu'Al-
bert de Brandebourg avait fait, le destitua en lui nom-
mant un successeur qui, se mettant en possession des
biens de l'Ordre situés en Allemagne, fixa sa résidence
à Mergentheim. Nous verrons des princes d'Empire se
concerter avec Bonaparte pour dépouiller l'Ordre de
ces restes de son ancienne grandeur.
Une autre conséquence , mais bien funeste, des
innovations en fait de religion, fut l'usage des confé-
dérations entre des États d'un parti contre ceux de
l'autre, qui s'introduisit alors. L'alliance de Torgau,
conclue en 1 526 entre l'Électeur de Saxe, le landgrave
de Hesse , l'archevêque (protestant) et la ville de
Magdebourg , les ducs de Brunswic-Lunebourg et de
— 108 —
Mecklenbourg , les princes d'Anhalt et les comtes de
Mansfeld , et la fameuse ligue de Smalkalde, donnè-
rent les premiers exemples de confédérations de ce
genre. Ils furent imités, dans le xvii^ siècle, par la
Ligue des États catholiques et l'Union des protestants,
qui , divisant l'Allemagne en deux corporations en-
nemies, préludèrent à la guerre de Trente ans.
Un événement du règne de Charles-Quint , étranger
en apparence à l'Allemagne, mais qui a eu la plus in-
time liaison avec l'histoire et la politique de ce pays ,
est l'avènement de Ferdinand , frère de l'empereur
Charles-Quint y aux trônes de Hongrie et de Bohême. Il
joignit ces deux couronnes aux États héréditaires de la
maison d'Autriche en Allemagne , que Charles-Quint
lui avait cédés en 1 521 , en se réservant toutefois les
pays de la succession de Bourgogne, qu'il attacha à la
monarchie espagnole. Ferdinand obtint les deux cou-
ronnes par son mariage avec Anne, sœur du jeune roi
Louis , qui périt , en 1 526 , à la bataille de Mohacz ,
âgé de vingt ans seulement. En 1531 , Ferdinand fut
élu roi des Romains. La branche de la maison d'Au-
triche, qu'il fonda, a possédé le trône de l'Empire
jusqu'en 1740.
Dans une Diète que Charles-Quint avait convoquée
en 1529, à Spire, la majorité des États avait rendu
une loi par laquelle on espérait arrêter les progrès de
la nouvelle doctrine religieuse. Le parti attaché à cette
doctrine protesta contre le décret; et c'est de cette
circonstance que les adhérents de la doctrine prêchée
par Luther furent dès lors désignés par le nom àQ pro-
testants, qui indiquait plutôt un parti politique qu'une
secte religieuse. Depuis la Diète de Spire, les protes-
tants, formant la minorité à la Diète, disputèrent à la
majorité de cette assemblée le droit de rendre des lois
— 109 —
généralement obligatoires. La lutte entre les deux par-
tis se prolongea pendant plus d'un siècle. Nous avons
vu' que la ligue de Smalkalde , formée des princes et
Etats protestants, succomba sous les armes victorieuses
de Charles-Quint; mais que celui-ci, ayant abusé de
l'autorité que la victoire avait mise entre ses mains,
pour rendre sa puissance arbitraire, l'électeur Maurice
de Saxe le força à conclure la Paix de religion, une
des lois fondamentales de la Constitution germanique,
qui, sanctionnant les droits politiques des protestants,
laissa indécises plusieurs questions relatives aux rap-
ports entre les deux partis , et qui devinrent la source
de longues guerres intestines.
Le territoire de l'Empire éprouva un nouveau dé-
membrement sous le règne du puissant Charles-Quint.
Henri II, roi de France, se rendit maître des villes de
Metz, Tout et Verdun, qui depuis sont restées séparées
de l'Allemagne.
Un traité conclu, en 1542, par le roi des Romains
avec le duc de Lorraine, et confirmé la même année
par l'empereur Charles-Quint à la Diète de Spire, dé-
termine les rapports entre le duché de Lorraine et
l'Empire germanique : ces rapports ont subsisté jus-
qu'en 1 738 ; un autre traité de 1 548 fixe ceux qui liaient
à l'Empire le cercle de Bourgogne ou les Pays-Bas.
Sous Charles-Quint, la paix publique fut consolidée
par de nouveaux règlements : on compléta aussi l'or-
ganisation de la Chambre impériale et des cercles. Il
fut convenu que le premier prince en rang de chaque
cercle, ou, quand le rang était contesté entre un prince
ecclésiastique et un séculier , tous les deux seraient
chargés de porter à la connaissance des membres du
' Voy. 1. 1, p. 7.
— 110 —
cercle les réquisitions que l'Empereur leur adressait,
et de les convoquer pour délibérer sur les affaires qui
les concernaient ; telle fut l'origine de ce qu'on a ap-
pelé Diètes de cercle et princes convoquants {Kreistage
und Kreisausschreibende Fûrsten), La turbulence d'un
membre du cercle de Franconie, Albert^ margrave de
Bayreutb, quij refusant de se soumettre aux disposi-
tions de la paix de Passau , continua, comme allié de
la France, à faire la guerre à l'Empereur et aux évê-
ques catholiques de la Franconie et du Rbin qu'il mit
à contribution, engagea, en 1554, quelques cercles à
se liguer plus étroitement pour leur défense commune.
Les autres cercles ayant imité cet exemple , on s'en-
tendit enfin, à la Diète d'Augsbourg de 1 555, sur un
règlement ayant pour objet l'exécution de la transac-
tion de Passau et le maintien de la tranquillité géné-
rale. Ce conclusum, connu sous le titre d'Ordonnance
d'exécution , occupe une place dans le code du Droit
public germanique.
Avant la fin du xvi" siècle, la primogéniture ne don-
nait aucune prérogative par rapport à l'ordre de succes-
sion dans les principautés d'Empire, excepté toutefois
les maisons électorales, auxquelles la Bulle d'or avait
interdit tout partage des terres constituant proprement
l'électorat. Plusieurs circonstances empêchèrent les
princes d'imiter ce que cette loi avait déterminé pour
les Electeurs ; la première fut l'influence qu'eut sur
les idées du siècle l'esprit du Droit romain, auquel
la succession linéale est opposée : on fut longtemps à
s'apercevoir de l'inconvénient qu'il y avaità appliquer
au Droit public les dispositions du Droit civil. En par-
tageant les territoires entre plusieurs héritiers, on aug-
menta le nombre des États votants à la Dièie, et les
princes séculiers s'assurèrent ainsi la majorité sur les
— 111 —
princes ecclésiastiques. La maison de Brandebourg fut
la première qui, en 1 473; établit, par un statut de famille,
qu'à l'exception des margraviats de Franconie, que l'É-
lecteur Albert-Ulysse venait de donner en apanage à
ses fils cadets, toutes les autres provinces et acquisitions
futures resteraient réunies sous le gouvernement du
chef de la famille. L'Autriche et plusieurs autres mai-
sons suivirent cet exemple. L'introduction du droit
de primogéniture, qu'aucune loi générale n'a pres-
crite, produisit plusieurs résultats. Les princes ca-
dets, réduits à leurs apanages, contractèrent moins
fréquemment des mariages, et préparèrent ainsi l'ex-
tinction de plusieurs branches ou familles illustres.
La Diète prit alors une nouvelle forme. Jusqu'alors
on regardait le droit d'y siéger comme appartenant aux
familles dont les chefs avaient droit d'y paraître ; mais,
dans le \yf siècle, on commença à suivre un autre
principe qui, depuis, a prévalu comme maxime du
Droit public germanique. D'après le nouveau système,
le droit de prendre part aux délibérations générales
appartenait moins aux familles, qu'il n'était affecté
aux pays. On prit pour règle la Diète de 1582. Toutes
les voix que les différents chefs de branches d'une
maison avaient portées à cette Diète se réunissaient,
par l'extinction des branches, sur la tête des chefs des
branches survivantes, auxquels passait le territoire
que les branches éteintes avaient possédé en 1582.
D'un autre côté, le pays dont le prince n'avait pas as-
sisté à cette Diète, resta sans représentant. C'est ainsi
que la branche aînée de la maison palatine eut, indépen-
damment de la voix électorale, cinq voix dans le collège
des princes, parce qu'à la Diète de 1 582, il avait paru
des comtes palatins de Lautern, de Simmern, de Neu-
bourg, de Deux-Ponts et de Veldenz, dont les fiefs fu-
rent, par la suite des temps, successivement réunis
— 112 —
sur une seule tête; tandis que le duché de Bavière, si
important par son étendue et sa population, n'en eut
qu'une seule, et que la maison de Hohenzollern, celle
de Nassau, qui avait donné un Empereur à l'Allema-
gne, se trouvèrent excluesdes délibérations de la Diète.
Autre conséquence de ces changements : jusqu'alors
tout vassal, décoré par le chef de l'Empire de la di-
gnité de prince, se présentait à la Diète pour prendre
place dans le collège auquel il venait d'être agrégé;
mais, depuis le nouveau Droit public, les États ne re-
connurent plus à l'Empereur le droit de leur adjoin-
dre un collègue sans leur autorisation expresse; et pour
l'accorder, ils exigeaient que le suffrage de l'aspirant
fût attaché à une possession immédiate analogue au
rang auquel il prétendait. Les assemblées des cercles
imitèrent le procédé de la Diète de l'Empire, de ma-
nière que chaque prétendant fût obligé de négocier
son admission. Il arriva que tel prince qui n'avait pu
parvenir à siéger à la Diète générale, prenait part aux
assemblées des Diètes particulières des cercles, ou que
des princes occupaient dans les assemblées des cercles
le rang de princes, quoique la Diète de l'Empire ne
les eût admis qu'avec le titre de comtes.
La guerre de Trente ans opéra dans la Constitution
germanique une révolution complète, et lui donna la
forme qu'avec de légères modifications elle a conser-
vée jusqu'aux derniers temps. Nous avons fait un am-
ple exposé de la guerre de Trente ans et de la paix de
NN estphalie qui la termina; ici, nous donnerons en peu
de mots le résumé des changements que cette époque
mémorable produisit en Allemagne.
1" Les provinces unies des Pays-Bas, la Suisse, les
trois évêchés de la Lorraine, et l'Alsace furent démem-
brés de l'Empire.
— 113 —
2" Par une nouveauté inouïe jusqu'alors, une puis-
sance étrangère, la Suède, fut reçue membre du Corps
germanique.
3° On donna en Allemagne le premier exemple de
sécularisations ; elles ne frappèrent pourtant que des
corporations ecclésiastiques qui avaient embrassé la
religion protestante, et l'on n'osa pas encore les éten-
dre sur des fondations dont les titulaires étaient restés
fidèles à l'ancienne croyance.
4° On vit le premier exemple d'une collation de la
dignité électorale.
5" On alloua aux protestants V égalité des droits avec
les catholiques y en comprenant sous le nom général
de protestants , les adhérents de la Confession d' Augs-
bourg et les réformés.
6" On admit comme principe qu'en certaines ma-
tières, la majorité des suffrages à la Dihte ne ferait pas
loi.
V Tous les droits et privilèges des États, ainsi que
la plénitude de la supériorité territoriale, telle que les
États l'avaient successivement obtenue ou usurpée, et
qui leur était en partie contestée, furent sanctionnés
dans toute leur étendue.
8° On leur reconnut particulièrement le droit de
faire des alliances entre eux et avec les puissances
étrangères, pourvu qu'elles ne fussent pas dirigées
contre l'Empereur et l'Empire, contre la Paix publique
ni celle deWestphalie; et par là, on plaça véritablement
ces États au rang de souverains.
9" Il fut statué que les suffrages des villes impériales
avaient la même valeur que ceux des autres États ,
qu'ils étaient délibératifs, et non puremement consul-
tatifs; on n'établit pourtant pas le principe que l'ac-
cord de deux collèges quelconques, parmi les trois
dont la Diète se composait, ferait loi.
vu 8
— 114 —
10" On reconnut le droit des États de participer,
par leurs suffrages à la Diète, à la décision de toutes les
affaires qui concernaient la généralité de l'Empire ,
nommément à la législation civile, à l'assiette des con-
tributions, à la fixation de l'état militaire, aux décla-
rations de guerre et à la conclusion des traités de paix
et d'alliance.
11 " La juridiction concurrente du Conseil aulique de
l'Empereur avec la Chambre impériale fut sanctionnée,
et les deux Cours reçurent une organisation conforme
aux stipulations de la Paix de religion.
1 2" L'Empereur ayant prétendu que le droit démet-
tre un État d'Empire au ban était réservé à la majesté
impériale, et les parties contractantes n'ayant pu s'ac-
corder sur cet objet , la décision de la question fut
renvoyée à la prochaine Diète.
Plusieurs autres objets étaient dans le même cas ;
mais cette Diète qui devait se réunir six mois après
la conclusion de la paix, ne s'assembla qu'en 1653.
On y admit dans le deuxième collège plusieurs princes
qui n'y avaient pas eu de suffrages jusqu'alors, savoir ;
les princes de Hohenzollern, ceux d'Eggenberg éteints
en 1717; de Lobkowitz, deSalm, de Dietrischtein, de
Piccolomini', d'Auersberg, les princes de Nassau-Ha-
damar et Siegen, et ceux de Nassau-Dillenbourg et
Dietz. Les prélats d'Empire non siégeants dans le col-
lège des princes, qui jusqu'alors n'avaient eu qu'une
seule voix curiale ou collective, en obtinrent deux : il
en fut de même des comtes. Les autres matières réser-
vées à cette Diète furent renvoyées à l'assemblée d'une
dépulation de l'Empire qui devait se tenir prochaine-
' Le prince Octave Piccolomini, duc d'AiiALFi, étant mort en 1C56
sans liiijser d'enfants, son droit de suffriige s'éteignit.
— 115 —
ment à Francfort. La Diète de 1653, qui se prolongea
jusqu'à 1654, est remarquable comme la dernière qui
ait publié un Reces, ou acte renfermant l'ensemble
des dispositions arrêtées par les États pendant leur
réunion. La Diète qui suivit immédiatement, celle de
1 663, resta assemblée jusqu'en 1 806, où elle fut dis-
soute d'une manière violente, sans avoir pu publier
un Recès. Le Recès de 1 654 statue, entre autres, que
les sujets aideront les États à conserver et garder les
forteresses; disposition qui devint un nouveau motif
sur lequel les États fondèrent le droit d'imposer des
contributions à leurs sujets.
Les Électeurs qui dressèrent la capitulation de Léo-
pold I portèrent de nouvelles atteintes aux droits de la
nation , en enlevant aux États provinciaux la préroga-
tive d'administrer les caisses publiques, et celle de se
réunir spontanément sans avoir été convoqués par les
princes. On peut dire que c'est cette disposition qui a
vraiment établi le gouvernement monarchique des
princes d'Empire \
En se perpétuant depuis 1663, toutefois sans en
avoir expressément déclaré l'intention, la Diète priva
de fait l'Empereur d'une des prérogatives dont il avait
joui auparavant, celle de convoquer et de dissoudre
l'assemblée des États. Jusqu'alors les princes avaient
assisté en personne aux Diètes, et il était rare qu'ils
s'y fissent représenter par des plénipotentiaires;
mais, depuis 1663, un usage contraire a prévalu,
surtout depuis qu'un conclusum, pris en 1670,
autorisa les États à faire supporter à leurs sujets les
frais causés par les légations à la Diète ^ L'autorité de
' Voy. Cap. Imp., art. xv, g 2.
* Les États dressèrent même, au mois d'octobre 1 670, à la pluralité des
voix, un avis par lequel, étendant beaucoup la disposition du Recès de
^ 116 —
la Diète a beaucoup souffert de ce changement; le plus
souvent, les objets de délibération étaient convenus
depuis longtemps entre les grandes Cours, par l'inter-
médiaire des légations qu'on y entretenait, pendant
qu'on les discutait encore longuement à la Diète. Par
la même raison, cette assemblée de ministres a pris la
forme d'un Congrès tenu entre des puissances indépen-
dantes, plutôt que d'une assemblée de délégués de di-
verses parties d'un même royaume.
En 1692, l'empereur Léopold I accorda à la maison
de Brunswic-Lunebourg la dignité électorale. De très-
vives discussions s'élevèrent alors entre le chef de
l'Empire et les États, sur la question de savoir si la
prérogative en vertu de laquelle l'Empereur seul était
regardé comme la source d'où émanaient toutes les di-
gnités, s'étendait jusqu'au droit de nommer des Élec-
teurs. La question fut enfin décidée par forme de trans-
action. Le nouvel Électeur fut reconnu; mais l'Empe-
reur promit de ne plus conférer sans le consentement
des États, une dignité à laquelle étaient attachées des
fonctions si augustes.
L'Empire germanique souffrit encore un démembre-
ment considérable dans le xviii" siècle ; la paix de
Vienne de 1 738 donna à la France le duché de Lor-
raine, dont le souverain fut indemnisé par la posses-
sion de la Toscane.
La maison de Habsbourg-Autriche s'éteignit en
1740. Cet événement n'eut pas, par lui-même, de ré-
4 654 dont nous avons parlé, ils s'attribuèrent presque Siins aucune res-
triction le droit d'imposer leurs sujets; mais l'autorité lutélaire do
l'Empereur fit échouer ce projet. La ratification fut refusée le 3 fé-
vrier 1671, parce que, dit le décret, l'Empereur a l'obligation de main-
tenir chacun dans ses droits acquis. Voy. Schmauss, Corp. jur. publ.
acad., p. 1077.
— 117 —
sultats importants pour la Constitution de l'Empire ;
il ne produisit pas le bouleversement que la France
voulait opérer. Il n'en fait pas moins époque dans
l'histoire d'Allemagne, parce qu'il fournit au roi de
Prusse l'occasion d'élever sa monarchie au rang d'une
puissance prépondérante. Dès lors, on put regarder
l'Allemagne comme partagée, pour ainsi dire, en deux
corps politiques ayant des intérêts différents et souvent
opposés; l'un, qu'on peut appeler le parti autrichien,
se composait surtout des princes ecclésiastiques dont
le grand nombre assurait à l'Autriche la majorité à la
Diète; les princes héréditaires, et principalement ceux
de la confession d'Augsbourg, se rangeaient sous la
bannière de la Prusse, et aimaient à être regardés
comme les défenseurs des libertés de l'Allemagne
contre les empiétements de l'autorité impériale. Cette
division, dont nous avons plus d'une fois, dans cet
ouvrage, indiqué les effets, est du nombre des causes
qui renversèrent la Constitution germanique.
- Après la mort de Charles VI, les Électeurs, influencés
par la France, nommèrent un Empereur de la maison
de Bavière; mais, en 1745, ils retournèrent à la mai-
son d'Autriche, c'est-à-dire à cette nouvelle maison
fondée par l'héritière de Habsbourg. Son époux, Fran-
çois /, qui avait échangé son duché de Lorraine contre
la Toscane, Joseph II et Léopold II, ses fils, et Fran-
çois II, fils du dernier, terminent la série des Empe-
reurs d'Allemagne.
Sous le règne de Joseph II, en 1 778, la branche ca-
dette de la maison de Wittelsbach s'éteignit : l'Électeur
palatin réunit le duché de Bavière à ses autres posses-
sions, et reprit la cinquième place parmi les Électeurs.
Cette maison devint ainsi la troisième en puissance de
TAllemagne.
— 118 —
L'ambition remuante de l'empereur Josep/i// inspira
aux États d'Empire des appréhensions pour le main-
tien de la Constitution de l'Empire. Le roi de Prusse
devint l'auteur d'une confédération des principaux
princes d'Allemagne, qui s'annoncèrent comme les
protecteurs des libertés germaniques.
La Diète, convoquée en 1663, avait continué sans
interruption ses séances pendant le règne de Léopold I
et de son fils Joseph I; mais, pendant les interrègnes
qui eurent lieu en 171 !, et 1740, on avait élevé des
doutes sur le droit de cette assemblée de continuer ses
séances, et sur celui des Électeurs palatin et de Saxe
qui, à ces époques, remplissaient les fonctions im-
périales , de nommer un plénipotentiaire à la Diète.
Cette question de Droit public, que les Électeurs avaient
essayé de faire décider en faveur des Vicaires, par la
capitulation de Charles VII, fut renouvelée dans l'in-
terrègne qui eut lieu en 1790, après la mort de Jo-
seph IL Les collèges de l'Empire arrêtèrent alors de re-
connaître le commissaire que les Vicaires enverraient
à Ratisbonne, sans cependant lui accorder le rang et
les prérogatives dont jouissait celui de l'Empereur. Les
Vicaires n'ayant pas été satisfaits de ce projet de con-
clusum, la question restade nouveau indécise jusqu'à
l'interrègne de 1792. A cette époque, on s'entendit sur
les points litigieux, et, pour la première et la dernière
fois, on vit à Ratisbonne un commissaire des Vicaires
de l'Empire.
Nous avons fait voir par quelle suite de concessions,
d'usurpations et de transactions, se forma successive-
ment la Constitution do l'Empire jusqu'à l'époque du
Recès de la députation do 1 803. Si l'on demande main-
tenant ce qu'était cette Constitution germanique , pré-
conisée par les uns comme le boulevard de l'indépen-
— 119 —
dance des États d'Europe, décriée parles autres comme
une machine compliquée dont le frottement avait usé
les rouages, et que le premier choc renverserait, nous
ne pouvons mieux répondre à cette question qu'en résu-
mant le tableau historique que nous venons de tracer.
On peut envisager l'Allemagne sous un double point
de vue, l'un géographique et l'autre politique.
Sous le rapport géographique, l'Empire d'Alle-
magne se composait de quatre monarchies, ancienne-
ment indépendantes. Trois de ces États, les royaumes
d'Allemagne, de Lorraine et de Bourgogne, étaient
réunis à des conditions parfaitement égales, et leurs
habitants tellement amalgamés, que leurs droits étaient
les mêmes; mais de ces trois royaumes, un seul avait
conservé l'intégrité de ses limites; des deux autres, il
ne restait plus que de faibles parcelles. La France
s'était emparée des plus belles provinces de ces
royaumes. La Provence, le Dauphiné, Lyon, la Suisse
et la Franche - Comté , anciennes dépendances du
royaume d'Arles, étaient perdus depuis longtemps :
la Savoie, la principauté de Montbéliard et l'évêché de
Baie étaient tout ce qui en rappelait encore l'existence.
La Lorraine fut démembrée en 1738; les belles con-
trées, situées entre la rive gauche du Rhin et la mer
du Nord, et formant le reste du royaume de Lorraine,
ne furent cédées que par la paix deLunéville. Le qua-
trième royaume dont se composait l'Empire d'Alle-
magne, celui d'Italie, n'avait jamais été tellement
réuni , que ses habitants eussent joui des mêmes
droits politiques avec les Allemands, les Lorrains et
les Bourguignons, qui ne formaient qu'une seule na-
tion. L'Italie était plutôt regardée comme un pays
conquis, ou comme un État annexé aux autres, et
placé sous le gouvernement d'un seul chef. Elle était
exclue du droit de concourir à la nomination de ce
■— 120 —
chef; elle le recevait des mains des Allemands. Celui
que les États d'Allemagne avaient élevé sur le trône,
était, par ce fait même, roi d'Italie. Il allait, il est
vrai, prendre la couronne lombarde à Milan; mais il
le faisait pour se conformer à un antique usage; et les
États d'Italie pouvaient aussi peu lui refuser cette
couronne, qu'il avait dépendu de leur faveur de la lui
déférer. Si, sous ce rapport, le royaume d'Italie pa-
raissait n'occuper dans l'Empire d'Allemagne qu'un
rang subordonné, d'un autre côté on pouvait l'envi-
sager comme le premier en considération, parmi les
quatre États dont l'ensemble formait cet Empire. C'est
au royaume d'Italie qu'était proprement attachée la
dignité d'Empereur romain. Ce n'était, dans l'origine,
qu'après avoir ceint la couronne de fer, que les mo-
narques allaient prendre celle d'Empereur romain :
jusqu'à ce moment, ils ne portaient que le titre de
roi d'Allemagne. Lorsque, parla suite, ces princes
cessèrent de se faire couronner à Rome, ils prirent le
titre d'Empereurs élus; c'est celui qu'ils ont porté
jusqu'à la dissolution de l'Empire. Au reste, les princes
et les villes du royaume d'Italie avaient si bien profité
de l'éloignement du souverain, et des embarras dans
lesquels les rois d'Allemagne se trouvaient presque
continuellement, qu'ils s'étaient rendus entièrement
indépendants, et que le faible lien qui, dans les der-
niers temps, les réunissait encore à l'Empire d'Alle-
magne, n'était plus qu'un lien féodal.
Sous le point de vue politique, la question se réduit
à savoir quelle était la forme du gouvernement de
l'Allemagne. Jusqu'à l'époque oii ce gouvernement fut
renversé, les publicistes ont répondu selon qu'ils
étaient attachés à ce qu'on appelait le parti autrichien
ou catholique, ou bien au parti protestant qui aimait
— 121 —
à se nommer le parti de la liberté. Aujourd'hui que
les passions et l'esprit public ont pris une autre di-
rection, il deviendra plus facile de résoudre la question,
en prenant pour guide l'histoire d'Allemagne, sans se
placer sous les bannières d'aucun des deux partis.
Les écrivains protestants, depuis celui qui s'est
masqué sous le nom à'Hippolyttis a Lapide, voulaient
faire envisager l'Allemagne comme une confédération
politique, ayant à sa tête un chef électif. Mais s'il existe
une forme de gouvernement pour laquelle le contrat
social ne soit pas une feuille de papier, c'est l'asso-
ciation politique d'États souverains et indépendants
qui se réunissent pour leur défense commune. Avant
de former une telle union, les États dont elle se com-
pose doivent avoir existé, un instant au moins, comme
souverains. En entrant dans une société politique, ces
États consentiront à modifier, pour l'utilité générale,
quelques-uns de leurs droits de souveraineté; mais
ce consentement ne saurait être supposé, et ces États
continueront d'exercer tous les droits de souveraineté
auxquels ils n'auront pas expressément renoncé. La
monarchie, l'aristocratie, tous les régimes mixtes se
forment successivement. Dans la confédération poli-
tique, il faut un acte instantané, il faut une volonté
positive, clairement exprimée; aucune supposition
de droit ne saurait la remplacer.
Or, un tel acte n'a pas existé en Allemagne : sa
Constitution n'a pas été l'œuvre d'un moment; elle
s'est faite successivement , comme s'est formée la
Constitution anglaise, comme se forment toutes les
constitutions, par l'influence des circonstances et par
le changement qu'ont éprouvé les opinions politiques
et religieuses des peuples. Jamais les États dont l'Em-
pire germanique était composé, n'ont été un instant
indépendants ni souverains. Tous les droits qu'ils ont
— 122 —
possédés tant à l'égard du mode de leur dépendance
du chef, que dans leurs rapports avec le peuple sou-
mis à leur volonté, ils les ont successivement acquis,
usurpés ou arrachés à ce chef. Quoiqu'ils aient habi-
lement profité des événements, ils ne sont pourtant
jamais parvenus à s'assurer même le degré d'indé-
pendance et de souveraineté auquel restent placés des
États qui ont conclu une confédération. Jamais il n'a
existé de pacte par lequel ils seraient entrés volontai-
rement dans une société politique. Réclamaient-ils un
droit de souveraineté, ils vous citaient la loi qui le
leur accordait, l'acte qui le leur octroyait; enfin cette
possession ou observance à laquelle ils avaient si ha-
bilement assigné la même valeur qu'aux lois, parce
qu'elle sanctifiait à la longue toutes les usurpations.
Mais, dans tous ces cas, la supposition de droit était
contre eux; c'était à eux à prouver la possession.
L'autorité centrale, créée par une réunion d'États sou-
verains, ne peut prétendre qu'aux prérogatives, à
l'exercice desquelles les membres de la corporation
ont expressément renoncé en sa faveur, et c'est par
conséquent à elle de prouver cette renonciation; les
États d'Empire, au contraire, ne jouissaient que des
prérogatives qu'ils avaient acquises soit par la con-
cession, soit parla possession; encore n'avaient-ils
pas réussi à s'attribuer certains droits qui sont essen-
tiellement l'apanage de la souveraineté. Si le chef de
l'Empire ne pouvait rien faire sans l'avis des États,
encore moins les États, même unanimes entre eux,
pouvaient-ils quelque chose sans ce chef, qui était la
source de toute autorité. Et, quoique les Etats fussent
parvenus à arracher, l'un après l'autre, les fleurons de
sa couronne, ils n'avaient jamais pu se soustraire à l'au-
torité qu'il exerçait comme leur juge suprême. Non-seu-
lement il y avait, dans la règle, appel des tribunaux
— 123 —
qu'ils avaient établis dans leurs territoires, à ceux de
l'Empire, dont l'un se composait de juges nommés
par l'Empereur seul ; mais les princes , pour leurs
personnes, étaient soumis aux jugements de l'Empe-
reur; et si, dans le xviii^ siècle seulement, ils ont
restreint le pouvoir qu'il exerçait jadis de les dépouil-
ler, par le ban de l'Empire, du gouvernement de leur
territoire, le droit lui-même n'a pas cessé de subsister
comme un monument éternel et une preuve irréfra-
gable de leur dépendance.
Avant de terminer cette discussion, qu'il nous soit
permis de relever la nullité de la prétention de ceux
qui, en minant les droits du monarque, s'appelaient
les défenseurs de la liberté; comme si la liberté, ou,
pour parler plus exactement, l'indépendance des
princes assurait la liberté des peuples ! Une funeste
expérience n'a-t-elle pas prouvé, au contraire, qu'il
n'existait pour ceux-ci d'autre garantie contre le des-
potisme et le pouvoir arbitraire, qu'un ordre de choses
qui assujettissait les princes au règne des lois et à
l'autorité d'un chef suprême, véritable protecteur de
la liberté des peuples?
Disons donc que l'Allemagne n'était ni une confé-
dération politique, ni une république aristocratique;
elle était une monarchie limitée, tant par les privilèges
que les États avaient possédés dès l'origine de la mo-
narchie et en vertu desquels ils étaient les conseils du
prince, que par les prérogatives qu'ils avaient succes-
sivement obtenues à divers titres. Quoique le gouver-
nement du roi d'Allemagne fût étroitement limité, il
n'en était pas moins essentiellement monarchique;
car le Roi l'exerçait seul, et les États ne lui donnaient
que des avis qu'il dépendait de lui d'agréer ou de re-
jeter.
Telle était la plus belle prérogative de l'Empereur;
— 124 —
car les autres droits de souveraineté , dont Texercice
lui avait été abandonné à lui seul, avaient été succes-
sivement restreints à un petit nombre de prérogatives
plutôt honorifiques que réelles, pour lui donner une
grande autorité. Outre le premier rang parmi les mo-
narques, attaché à sa dignité, et qui le rendait le pro-
tecteur de la chrétienté et l'avoyer ou défenseur du
Saint-Siège, il était regardé comme la source de la
noblesse et de toutes les dignités dans l'Empire, et le
dispensateur de privilèges qui étaient respectés dans
toute l'étendue de ce pays. Il accordait l'investiture
des fiefs de l'Empire à chaque mutation, et disposait
de ceux qui devenaient vacants par extinction ou au-
trement.
11 exerçait, avec le concours des États, le droit de
donner et d'interpréter les lois, le droit de la guerre et
de la paix, le droit de recevoir et d'envoyer des am-
bassadeurs et ministres, de contracter des alliances et
de conclure des traités, le tout au nom de l'Empire.
Les droits de souveraineté qui appartenaient aux
États et autres membres de l'Empire , et qu'ils exer-
çaient sans le concours de l'Empereur, formaient ce
qu'on appelait la supériorité territoriale. Quelques pu-
blicistes l'ont nommée quasi- souveraineté. Ces droits
étaient en partie politiques, en partie ecclésiastiques.
Dans le nombre des premiers se trouvait la puissance
législative, renfermant aussi le droit de faire grâce
et la haute police; la juridiction que les États exer-
çaient par leurs tribunaux et otîiciers; le droit très-li-
mité d'établir, soit par leur propre autorité, soit avec
le concours des États de leurs pays, des contributions
pour certains besoins publics; plusieurs droits réga-
liens, tels que celui de battre monnaie, d'exploiter les
— 125 —
mines et salines, d'établir des péages, etc.; le droit
d'entretenir des armées, de faire la guerre aux puis-
sances étrangères, de faire la paix, de conclure des
traités et des alliances entre eux et avec les étrangers,
de recevoir et d'envoyer des ministres, d'avoir des
charges de Cour, etc. Quant aux droits ecclésiastiques
appartenant à la supériorité territoriale, tous les Etats
n'en jouissaient pas dans la même étendue. Les Etats
catholiques séculiers ne possédaient que ce qu'on nom-
mait jus circa sacra, c'est-à-dire l'inspection sur le culte
et le droit de le réformer, autant que ce droit n'a pas
été limité par la paix de Westphalie, dans le cas où le
prince et les sujets ne professent pas la même religion \
Les États protestants et les États catholiques ecclésiasti-
ques possédaient le jus sacrorum, qui, outre \ejus circa
sacra, renfermait plusieurs prérogatives importan-
tes : la direction suprême des affaires de l'Église , la
juridiction ecclésiastique, la disposition des biens ec-
clésiastiques, en tant qu'elle n'était pas bornée par la
paix de Westphalie , et le droit diocésain ou le droit
de régler le culte, autant que, quant aux ecclésiasti-
ques catholiques, son exercice n'était pas restreint par
l'autorité du Saint-Siège.
Les États possédaient des domaines considérables
et plusieurs droits qu'on comptait parmi les domai-
nes, tels que le droit de détraction, la navigation et
la pêche, les droits de passage, les ports et la mer, en
tant qu'elle est dominée sous la portée du canon, le
droit de varech, celui d'établir des moulins, la chasse,
le droit de s'emparer des trésors découverts dans la
terre, etc., en tant que ces droits n'étaient pas limités
par les privilèges particuliers ou par l'observance.
Tous les États d'Empire ne possédaient pas sans
' Voy. 1. 1, p. 199.
— 126 —
partage la supériorité territoriale. 11 y avait des pays
où les États Ytroyinciaux (landstœn de) participaient à
l'exercice de ces droits. On appelait ainsi les person-
nes et les corporations possédant des biens-fonds aux-
quels les lois constitutionnelles ou l'observance atta-
chaient la prérogative de représenter jusqu'à un certain
point la nation. Tout en concourant avec le prince à
l'exercice de certains droits appartenant à la supério-
rité territoriale, les États provinciaux ne cessaient
pourtant, ni comme corps ni individuellement, d'être
sujets à cette même supériorité territoriale, de ma-
nière que le véritable caractère de la représentation
nationale leur manquait.
Les États d'Empire ne jouissaient pas du droit d'é-
tablir des postes dans leurs territoires : l'exercice de
ce droit régalien avait été érigé en fief par les Empe-
reurs , et conféré comme tel à la maison des princes
de la Tour et Taxis. Il est probable que, sans cette
circonstance, les États d'Empire auraient trouvé moyen
de se l'arroger.
La supériorité territoriale, telle que nous venons
de la définir, était l'apanage de tous les membres de
l'Empire^ c'est-à-dire des Électeurs, princes, comtes,
seigneurs et villes qui relevaient immédiatement de
l'Empereur et de l'Empire. Mais le hasard, plutôt
qu'un principe généralement suivi, n'avait pas pro-
curé à tous ces membres le droit de siéger à la Diète;
cette prérogative constituait la qualité d'Etats d'Em-
pire.
D'après un ancien usage, la première Diète ou réu-
nion des États d'Empire de chaque règne devait être
convoquée par le nouvel Empereur à Nuremberg;
mais l'accumulation des affaires , à laquelle contri-
buait l'extrême lenteur avec laquelle elles se traitaient
— 127 —
fut cause que la Diète qui s'était assemblée ,
en 1 663, à Ratisbonne , se perpétua , sans que cette
permanence ait été expressément décrétée. La per-
sonne de l'Empereur, comme tel , était représentée à
cette assemblée par un commissaire principal , qui
était ordinairement choisi dans la classe des princes
d'Empire , et auquel , à titre de concommissaire , était
adjoint un publiciste ou un jurisconsulte. Les Elec-
teurs et autres princes se faisaient représenter par des
Envoyés revêtus d'un double caractère ; comme mem-
bres de la Diète, ils votaient au nom de leurs commet-
tants sur les objets soumis à sa délibération ; comme
ministres plénipotentiaires de leurs Cours, ils étaient
chargés de veiller aux intérêts de celles-ci. Les repré-
sentants des villes impériales étaient regardés comme
de simples députés. La présidence de la Diète, ou,
comme on disait, le directoire^ appartenait à l'Électeur
de Mayence , archichancelier de l'Empire : en cette
qualité, il recevait toutes les communications desti-
nées à la Diète, soit par le commissaire impérial, soit
par un membre de l'Empire, soit par une puissance
étrangère : c'était lui qui les faisait passer aux trois
collèges qui formaient la Diète.
Chacun de ces collèges délibérait séparément. Le
premier collège se composait des huit Électeurs, qui
étaient Mayence, archichancelier de l'Empire en Al-
lemagne; Trêves, archichancelier en Gaule (c'est-à-
dire dans le royaume de Lorraine et dans le royaume
d'Arles); Cologne, archichancelier en Italie; Bohême,
archiéchanson; Palatinat, archisénéchal; Saxe, archi-
maréchal; Brandebourg, archichambellan; Brunswic-
Lunebourg, architrésorier. L'Électeur de Mayence pré-
sidait ce collège.
Le collège des princes se composait de deux bancs,
l'un destiné aux princes séculiers, l'autre aux ecclé-
— 128 —
siastiquesj il y avait un troisième banc, dit transver-
sal, pour les évêques protestants. Les prélats et comtes
siégeaient avec les princes; mais, au lieu de voix vi-
riles , ils n'avaient que des voix curiales ou collec-
tives.
Les princes ecclésiastiques étaient l'archevêque de
Salzbourg, le grand-nriaître de l'Ordre Teutonique,
vingt-deux évêques, y compris un protestant et un autre
dont le siège était alternativement rempli par un protes-
tant et un catholique; septjprinces, chefs de fondations,
sous le titre d'abbés ou de prévôts, et le grand prieur de
l'Ordre de Saint-Jean, à Heitersheim.. Parmi les princes
séculiers qui portaient les titres d'archiduc , duc ,
prince, landgrave, margrave, etc., siégeaient d'abord
les douze ou treize anciennes maisons : c'est ainsi
qu'on nommait celles qui s'étaient trouvées à la Diète
de 1 582, et y avaient eu un suffrage, en opposition à
celles qui avaient été reçues postérieurement'. Ces
douze maisons avaient quarante-neuf suffrages. Ve-
naient ensuite les nouveaux princes avec treize voix,
et parmi eux la maison de Brandebourg pour la prin-
cipauté d'Ostfrise. Les prélats et les abbesses étaient
distribués en deux curies, qu'on appelait le banc de
Souabe et le banc du Rhin : chaque banc ou curie
• Les douze ou treize anciennes maisons sont : 1° l'Autriche (trois
voix); 2' la maison palatine, avec cinq voix pour la branche du Rhin
et deux pour celle de Bavière; 3" Brunswic, avec six voix pour l'Élec-
teur et une pour la branche ducale; i" Saxe , avec six voix; 5° Bran-
debourg, avec six voix; 6" Ilolstein, avec trois voix; 7» Mecklonbourg,
avec cinq voix; 8° Wiiitfinberiï, avec deux voix; 9" Bade, avec trois;
^0" Hesse, avec trois; 11° Anhait, avec une; 12° Savoie, avec une;
43° Arenberg, avec une. Enfin le roi de Suède y siégeait, non en sa
qualité de duc de Ilolstein, mais pour la Poméranie suédoise. Les ducs
d'Arenberg ayant siégé à la Diète de 1582, appartiennent véritable-
ment aux anciens princes; mais comme le nombre de treize a paru de
mauvais augure à quelques publicistes, ils ont mieux aimé déroger à
un principe que de les admettre.
— 129 —
avait une voix collective. De même les comtes étaient
divisés en quatre curies dont chacune avait un sui-
i'ragej savoir, les bancs de Wétéravie , de Souabe, de
Franconie et de Westplialie. Parmi ces comtes, il se
trouvait plusieurs princes qui n'avaient pas réussi à se
procurer des voix viriles j de ce nombre étaient les
princes de Nassau de la branche aînée dite de Wal-
ram, ceux d'Ysenbourg, de Solms, de Linange, de
Waldeck, de Fiirstenberg, d'Oettingen, de Schwar-
zenberg, de Hohenlohe, etc. Parmi les comtes sié-
geaient des princes des maisons les plus illustres, à
raison des terres qu'ils avaient acquises depuis 1 582.
L'archiduc d'Autriche et l'archevêque de Salzbourg
alternaient pour la présidence du collège des princes.
Les suffrages y étaient recueillis par le comte de Pap-
penheim, grand maréchal héréditaire de l'Empire.
Les villes impériales formaient le troisième collège.
Elles étaient divisées en deux bancs, celui du Rhin et
celui de Souabe : chaque ville avait un suffrage parti-
culier. La ville où la Diète se tenait était chargée de
la présidence; s'il était arrivé que la Diète eût été
convoquée dans quelque ville médiate , celle de Co-
logne aurait présidé de droit. Le banc du Rhin se
composait de quinze, celui de Souabe de trente-sept
villes.
Dans chacun des trois collèges, la pluralité des voix
décidait, excepté lorsqu'il s'agissait de la religion
ou des droits de quelque État en particulier. On
regardait comme concernant la religion toutes les af-
faires sur lesquelles les catholiques et les protestants
n'étaient pas d'accord. Quand on s'en occupait, la
Diète se partageait en deux corps j les évangéliques
formaient l'un, les catholiques l'autre. Aussitôt la
matière contestée devenait l'objet d'une négociation.
Par une bizarrerie de la Constitution, le chef du corps
VII 9
— 130 —
évangélique était un prince catholique, l'électeur de
Saxe. Dans tous les cas ordinaires, où cette scission
n'avait pas lieu, les deux collèges supérieurs se com-
muniquaient leurs résolutions, et leurs directeurs con-
féraient entre eux pour parvenir à un accord, moyen-
nant lequel on pût donner un avis commun de ces
deux collèges. Dès qu'on y avait réussi, il existait une
majorité de deux collèges sur trois; aussi se conten-
tait-on de faire parvenir la résolution commune au col-
lège des villes, afin que, s'il le jugeait convenable, il
pût y adhérer.
L'arrêtéprisparlesdeuxcollégessupérieursou parles
trois collèges réunis ne portait pas le titre de décret;
le respect pour l'antique forme monarchique se mon-
trait dans la manière dont les résolutions des collèges
étaient présentées au chef de l'État. C'étaient de sim-
ples avis, des consultations données par l'Empire,
placita Imperii. L'Avis sur lequel on s'était accordé
était porté, par l'électeur de Mayence, à la connais-
sance du commissaire principal de l'Empereur. L'ap-
probation de l'Empereur, si elle avait lieu, était annon-
cée au même Électeur par un décret de commission
portant ratification. L'Avis ratifié prenait le titre de
conclusum de V Empire et le caractère d'une loi obli-
gatoire pour tous ses membres. Si l'Empereur refusait
la ratification, la matière restait indécise. A la fin
d'une Diète, on réunissait en un seul corps de loi
tous les conclusums qu'elle avait pris. Cette réunion
de lois portait le titre de rech. Le dernier Recès est
de 1654.
On appelait dépulalions de l'Empire des comités
auxquels l'Empereur et l'Empire donnaient pouvoir
de prendre, sur certains objets déterminés, des arrê-
tés qui étaient soumis ensuite à la sanction de la Diète
et du chef du Corps germanique. Nous avons suivi
— 131 —
les travaux d'une semblable députation au Congrès de
llastadt; ici, nous allons voir le dernier exemple que
l'histoire d'Allemagne en ait offert.
Indépendamment des États, l'Empire renfermait
des membres qui, sans siéger à la Diète, étaient,
comme eux, immédiatement soumis à l'Empereur et
à l'Empire. Tels étaient les cadets et les princesses
des familles régnantes, les assesseurs et employés des
tribunaux de l'Empire, et surtout le corps de la no-
blesse immédiate. Cette noblesse, très-nombreuse en
Souabe, en Franconie et sur le Rhin, possédait indi-
viduellement la supériorité territoriale, et, en corps,
le droit d'envoyer des ministres ou députés, et de con-
tracter des alliances. Elle payait à l'Empereur un don
gratuit, sous le nom de caritativum. Les possessions
des membres de la noblesse immédiate ne faisaient
pas partie des cercles de l'Empire, mais elles for-
maient à elles seules trois cercles particuliers (Ritler-
kreise)f dits de Souabe, de Franconie et du Rhin, et
divisés en cantons : chaque canton avait son direc-
toire. La noblesse avait formé, dans le moyen âge, des
associations qu'on appelait ganerbinats. Ces confédé-
rations avaient pour objet la défense commune des
biens des familles qui y entraient, et pour lesquels
elles établissaient entre elles une réciprocité de suc
cession et un régime commun.
La division de l'Empire en dix cercles avait pour
objet principal le maintien de la paix publique et
l'exécution des sentences des tribunaux de l'Empire.
A cette destination se joignaient quelques objets secon-
daires , tels que la répartition des forces armées re-
quises pour former les armées de l'Empire. Des direc-
teurs, des princes convoquants, et des colonels ou
— 132 —
chefs militaires, dirigeaient les délibérations des
cercles ou exécutaient les mesures qu'ils avaient or-
données. Les cercles n'embrassaient pourtant pas la
totalité de l'Empire. Nous avons dit que la noblesse
immédiate n'en faisait pas partie; il en était de môme
de quelques seigneuries non comprises dans l'organi-
sation de la noblesse immédiate, telles que lever,
Schauen, etc., ainsi que des parcelles du royaume
d'Arles qui appartenaient encore à l'Allemagne.
Si, pendant la vie d'un Empereur, on désignait son
successeur, celui-ci portait le titre de l'oi des Romains.
En cas d'interrègne, le gouvernement impérial pas-
sait entre les mains de deux vicaires, les Électeurs pa-
latin et de Saxe , qui pourtant ne l'exerçaient pas par
indivis, mais l'un dans les provinces du Rhin, de
Souabe et du droit franconien; l'autre dans ceux du
droit saxon. L'Autriche et la Bavière, pendant qu'elle
n'était pas possédée par l'Électeur palatin, ne recon-
naissaient pas l'autorité des vicaires, et se trouvaient
par conséquent, pendant l'interrègne, placées pour
ainsi dire hors de l'Allemagne.
Les domaines qui fournissaient anciennement à
l'entretien de la Cour impériale ayant été dilapidés, il
ne restait aux chefs de l'Empire que de très-chétifs
revenus. Les contributions ou collectes, par lesquelles
on remédiait au défaut des finances, étaient consen-
ties par les États. Il y en avait une qui était destinée
à l'entretien de la Chambre impériale, et qui se mon-
tait à environ quarante mille rixdales. Les contribu-
tions extraordinaires étaient principalement accordées
en temps de guerre. Les États les consentaient sous le
litre de mois romains, parce qu'en prenant pour base
un rôle ou matricule de 1 521 , qui fixait le nombre
-- 133 —
de troupes que chaque État avait à fournir à l'Empe-
reur pour son expédition de Rome, on avait évalué en
argent les contingents de chaque État.
Il existait en Empire deux tribunaux suprêmes par
lesquels la justice était rendue au nom de l'Empereur.
Le Conseil aulique, organisé en 1512, et composé de
membres nommés par l'Empereur, cessait pendant
l'interrègne. La Chambre impériale qui, depuis 1693,
siégeait à Wetzar , était présidée par un juge et des
présidents nommés par l'Empereur, et formée par des
assesseurs que les Électeurs et les cercles présentaient.
Ces deux cours jugeaient en première instance les
causes dont les deux parties étaient immédiates, et
celles dont le demandeur était médiat et le défenseur
immédiat ne jouissant pas du droit des austrhgues ou
d'un for privilégié. Elles jugeaient en seconde instance
les causes qui y étaient portées par appel des tribunaux
austrégaux, c'est-à-dire des fors privilégiés des Élec-
teurs, princes, comtes et nobles immédiats; car les
villes libres ne jouissaient pas de ce privilège. Elles
jugeaient encore de cette manière les appels des tribu-
naux établis dans les territoires des États d'Empire, en
tant que ceux-ci ne jouissaient pas du privilège de non
appellando. Des cours impériales, le recours à la Diète
était ouvert aux parties.
Après cet exposé rapide de la Constitution germa-
nique, nous allons suivre les délibérations de l'assem-
blée de Ratisbonne, et présenter le texte même de
l'acte qui a fixé la répartition des indemnités stipulées
par l'article 7 du traité de Lunéville.
SECTION II.
mSTOlRK DE lA Dl^PUtATlOît HE L'EMPÎRE DE 1803 , îUSQU'a SA QPARANTE-
SIXItUE SÉANCE '.
Trailé de Paris, du 24 août 1801, entre la France et la Bavière ; M. Cail'
lard : M. de Cetto. — Négociations à Paris, de l'année 1802. — Traités
secrets entre la France et la Prusse, du 23 mai, entre la France et la
Bavière, du 24 mai; entre la France et la Russie, du 3 juin. — Conven-
tion de Paris, du 23 mai 1802, entre la France et la Prusse, relative aux
intérêts de la maison de Nassau-Orange; général Betirnonville : marquis
de Lucchesini. — Convention de Berlin, du 14 novembre 1802, entre la
Prusse et la République batave; comte de Ilaugioits : M. llulimau. —
Traité de Paris, du 20 juin 1802, entre la France et le Wiirlemberg;
M. d'ilaulerive : le baron de Normanii. — La Prusse, la Bavière et l'Au-
Iricbe prennent possession de leurs indemnités. — Déclarations autri-
cbiennes et prussiennes. — Déclarations des puissances médiatrices , du
18 aoiit 1802; M. de Talleyrand : le prince Kourakine. — Rapport fran-
çais, du 21 août 1802; observations sur ce rapport. — Ouverture des
séances de la dépulalion de l'Empire, le 24 août. — Deux partis se for-
ment au sein de l'assemblée. — Deuxième séance. — Note des commis-
saires de France et de Russie. — Demandes de l'Aulriclie en faveur
de la Toscane. — Déclaration sur l'occupation de la ville de Passau.
— Réponse du plénipotentiaire de Prusse. — Troisième séance ,
du 8 septembre. — Le sort de l'Allemagne est décidé. — Adoption
du premier plan d'indemnités. — Convention de Paris, du 5 sep-
tembre 1802, entre la France, la Prusse et la Bavière; M. de Talley-
rand : le marquis de Lucchesini : M. de Cetto. — Quatrième séance,
du 14 septembre. — L'Empereur refuse de ratifier le premier plan d'in-
demnité. — Note française, du 13 septembre, contre l'occupation de
' Vôy. Prolocoll der ausserordentl. Reichsdeputation zu Regensiburg,
1803. Regensb. 4 vol. in-l" (A. Ch. Gaspari), Der Franzoaisch-rus-
siche l'Jntschadigunsplan, u. s. ic. Regensburg, 1802,in-8°. A. Ch. Gas-
pari, der Deputationss-Recesa. Hamburg, ISOfi, 2 vol. in-8». (Winkopp)
Der ileutsche Zuschauer oder Archiv aller merkwiirdigen Vorfdlle ,
ivelche auf die Vollziehung des zu Luneville geschlossenen Frialens
Reziehunq /ia6en. Offenbach , 1802, 2 vol. in-S° (Wi^kov?) Der neue
de.utsche Zuschauer. Frankenlhal , 1804, 2 vol. in-8". (II. v. Scheliias)
Vragm. Gesch. der deutschen Reichsverhandl. von dein neiiesten Depu-
tationx-Hauptschlusse bis gegert das Ende des Jahrs 1804. Regensb.
1805, in-8°. (Harl) Deutschhnds neueste Staats-und Kirchenverân-
J<?rungien. Berlin, 1804, in-8".
— 135 —
Passau. —Cinquième séance, du 16 septembre. — Requête pour la sei-
gneurie de Marhange. — Sixième séance, du 18 septembre. — Discus-
sion entre le plénipotentiaire impérial et le subdélégué de Brandebourg.
— Septième séance. — Le rapport entre la dépulation et les média-
teurs est régularisé. — Huitième et neuvième séances. — Affaires par-
ticulières. — Note autrichienne, du 26 septembre, en réponse à la note
française du 13. — Dixième séance, du 28 septembre. — Rapport sur la
sustentation des ecclésiastiques. — Discussion sur l'indemnité de Hesse-
Cassel. — Onzième séance. — Réclamation de quelques villes impériales
de Souabe et de Franconie. —Douzième et treizième séances. — Second
plan d'indemnités, du 9 octobre. — Note des médiateurs, du 8 octobre.
— Examen comparatif du nouveau plan. — Quatorzième séance, du
\i octobre. — Expressions remarquables du vote de Brandebourg. — •
Quinzième séance, du 14 octobre. — Observations du subdélégué de
Mayence. — Propositions du subdélégué de Saxe relativement à la sus-
tentation.—Seizième séance, du 18 octobre. — Discussion touchant la
constitution des pays sécularisés. — Dix-septième séance, du 19 oc-
tobre. — Réponse des médiateurs aux observations concernant les prin-
cipes. — Dix-huitième séance, du 21 octobre. — Protestation du sub-
délégué de Bohême au nom du grand-duc de Toscane. — Le second
plan d'indemnités est adopté. — Conclusum du 21 octobre 1802. — Dix-
neuvième séance , du 23 octobre. — Représentation du subdélégué de
la Bohême touchant certains droits de la maison d'Autriche. — Ving-
tième séance, du 26 octobre. — Déclaration remarquable du ministre
du roi de Suède. — Vingt et unième séance, du 30 octobre. — Observa-
lions concernant les quatre villes impériales de Brème , Hambourg ,
Augsbourg et Lubeck. — Les séances 22, 23, 24 et 25 sont consacrées à
des réclamations particulières. — Vingt-sixième séance, du 11 novembre.
— Délibérations relatives à la sustentation des ecclésiastiques. — Vingt-
septième séance, du 16 novembre. — Note des ministres médiateurs,
renfermant des modifications au plan général. — Séances des 18, 20, 23
et 25 novembre. — Réclamations particulières. — Trente-deuxième
séance, du 4 décembre. — Démission de l'archiduc Antoine de l'arche-
vêché de Cologne. — Note des ministres médiateurs , du 3 décembre
1802. — Trente-troisième et trente-quatrième séances, des 7 et 14 dé-
cembre.—Objets soumis à la délibération par le subdélégué de Bohême,
— Trente-cinquième séance, du 22 décembre. — Observations du sub-
délégué de Brandebourg au sujet du nombre des suffrages. — Conven-
tions de Paris, du 26 décembre 1802, entre l'Autriche et la France;
comte Piiilippe de Cohen:sl : Joseph Bonaparte. — Trente-sixième
séance, du 4 janvier 1803. — Difficultés au sujet de la ratification du
plénipotentiaire impériil. — Trente-septième séance, du i9 janvier. —
Note des ministres médiateurs. — Séances des 23 janvier, 3, 8, 12, 15,
IC et 18 février. — Discussion et approbation des 38 premiers articles.
— Quarante-sixième séance, du 25 février. — Le Recès définitif est adopté
et soumis à l'approbation de l'Empereur et de l'Empire. — Résumé.
Le dernier Avis de la Diète relatif à l'exécution de
la paix de Lunéville avait été ratifié le 7 novembre 1 801 ,
et l'on s'attendait à voir incessamment la députation
— 136 —
nommée par l'Empire commencer ses opérations à
Ratisbonne, lieu convenu pour cette assemblée. Ce-
pendant les séances de la députation ne furent ouvertes
que le 24 août 1 802. Cet intervalle avait été employé
en négociations que l'on n'a guère connues que par
leurs résultats.
Le premier fruit de ces négociations fut un traité
particulier conclu à Paris entre la République et l'é-
lecteur de Bavière. Ce prince avait succédé à Charles-
Théodore, dernier Électeur de la branche de Sulzbach,
le 1 6 février 1 799, c'est-à-dire au moment où la guerre
allaitrecommencerparlarupturedu Congrès deRastadt.
Forcé, comme membre de l'Empire, et plus particu-
lièrement par la position géographique de ses Etats, à
prendre part à la guerre, il ne s'était pas contenté de
fournir son contingent; mais, par des conventions con-
clues en 1 800, après le départ du corps auxiliaire russe,
il avait mis d'abord douze mille hommes, et ensuite le
reste de son armée à la solde de l'Angleterre \ La paix
s'était conclue, un peu moins d'une année après, à
Lunéville; par V article 6 de ce traité, l'Electeur per-
dait de belles et importantes possessions situées sur la
rive gauche du Rhin, le duché de Juliers, une grande
partie du Palatinat, les principautés du Hundsriick qui
en dépendaient, le duché de Deux-Ponts, son patri-
moine personnel, dont il n'avait jamais joui, ayant
succédé aux droits de son frère, le duc de Deux-Pouls,
pendant que ce pays était occupé par les Français;
enfin il perdait de beaux domaines en Alsace, qui lui
étaient devenus chers, parce qu'il y avait passé la plus
belle partie de sa vie. 11 est vrai que la paix de Luné-
ville promettait de l'indemniser de ces pertes; mais
• Vol. t. VI, p. 223 et 230.
— 13T —
comme le même traité assurait un dédommagement en
Allemagne à un prince étranger, le grand-duc de Tos-
cane, et qu'on n'ignorait pas que la convention secrète
du 5 août 1796 \ entre la France et la Prusse, promet-
tait au prince de Nassau-Orange, pour les pertes qu'il
avait éprouvées hors de l'Allemagne, les évêchés de
Wiirzbourg et de Bamberg, les deux provinces qui
convenaient le mieux à la Bavière, en supposant que
l'Autriche se fat réservé l'archevêché de Salzbourgpour
legrand-duc de Toscane, il était à craindre que le nombre
de pays ecclésiastiques qu'on voudrait séculariser pour
les princes héréditaires, ne serait pas suffisant pour la
masse des indemnités qu'on avait promis d'accorder.
L'Électeur, abandonné à ses propres forces, sans allié
dont il pût se promettre beaucoup d'appui, se rappelait,
non sans inquiétude, que l'Autriche avait jeté depuis
longtemps son dévolu sur une partie de la Bavière, qui
lui semblait indispensable pour donner à sa mo-
narchie une frontière militaire. Ce qui devait ajouter
à l'anxiété de ce prince, c'est la circonstance que,
malgré de pressantes sollicitations, la Grande-Bre-
tagne s'était refusée à lui garantir, par la conven-
tion du 16 mars 1800, l'intégrité de ses possessions
sur la rive droite du Rhin.
Dans ces conjonctures, l'Électeur pouvait craindre
que, lorsqu'il serait question d'évaluer ses pertes et
de lui trouver un dédommagement, les intérêts de sa
maison ne fussent sacrifiés à des considérations supé-
rieures. Recherchant un allié et ne le trouvant peut-
être pas dans la Prusse, qui avait à discuter ses propres
intérêts et ceux de la maison à'Orange^ les yeux de
l'Electeur se tournèrent vers la France, à laquelle d'an-
ciens souvenirs l'attachaient. Il paraît que les ouver-
• Voy. t. V, p. 359.
— 138 —
tures de ses ministres furent bien accueillies à Paris.
On y regardait la Bavière comme l'alliée naturelle delà
France contrel'Autriche : on n'avait point de reproches
personnels à faire à l'Électeur, qui pouvait facilement
justifier le traité du 16 mars 1800, et même celui du
15 juillet, par les circonstances impérieuses où il s'é-
tait trouvé.
Il fut signé, le 24 août 1801, à Paris y un traité au
nom de l'Électeur, par M. de Cetto, son ministre au
cercle électoral et à celui du haut Rhin, et, au nom
de la France, par M. Caillardy alors garde des Archives
du ministère des Affaires Étrangères. On expose dans le
préambule que cette paix particulière est conclue avec
l'Electeur, parce qu'il n'a pas seulement pris part à la
guerre, moyennant son contingent, comme membre
de l'Empire, mais aussi comme auxiliaire des puis-
sances alliées : c'est ainsi qu'on pallia ce qu'il y avait
d'irrégulier dans un traité particulier d'un État d'Em-
pire avec la France, dans un moment oii une députa-
tion solennelle devait régler les intérêts de tout le corps
germanique.
Par les articles 1 et 2, l'amitié est renouvelée entre
les deux États, et l'Électeur renonce personnellement
à toutes ses possessions sur la rive gauche du Rhin ,
qui avaient déjà été cédées à Lunéville.
V article 3 , qui est précisément celui pour lequel
cette convention a été faite, est ainsi conçu : « Con-
vaincue qu'il existe un intérêt personnel à empêcher
l'affaiblissement des possessions bavaro-palatines, et
conséquemment à réparer la diminution des forces
du territoire, qui résulte de la renonciation ci-dessus,
la République française s'engage à maintenir et à dé-
fendre efficacement l'intégrité des susdites possessions
à la rive droite du Rhin, dans l'ensemble et l'étendue
qu'elles ont ou qu'elles doivent avoir d'après le traité
— 139 —
et les conventions conclues àTeschen le 13 mai 1779,
sauf les cessions qui auront lieu du plein gré de Son Al-
tesse Électorale et du consentement de toutes les parties
intéressées. La République française promet en même
temps qu'elle usera de toute son influence et de tous ses
moyens pour que Varticle 7 du traité de paix de Luné-
ville, en vertu duquel l'Empire est tenu de donner aux
princes héréditaires qui se trouvent dépossédés à la rive
gauche du Rhin, un dédommagement pris dans son
sein, soit particulièrement exécuté à l'égard de la mai-
son électorale palatine de Bavière, en sorte que cette
maison reçoive une indemnité territoriale, située autant
que possible à sa bienséance, etéquivalente auxpertesde
tout genre qui ont été une suite de la présente guerre. »
Varticle 5 renferme encore une stipulation favo-
rable à l'Électeur. Nous avons vu que , par Varticle 8
de la paix de Lunéville, la France ne s'était chargée
que de celles des dettes hypothéquées sur le sol des
provinces de la rive gauche du Rhin, qui résultaient
d'emprunts formellement consentis par les États de
cespaysj mais le duché de Deux-Ponts et les parcelles
du Palatinat, situées sur cette rive, n'avaient pas
d'États. Il fut donc convenu que les dettes de ce pays,
qui, à leur origine, avaient été enregistrées par les
corps administratifs supérieurs, seraient assimilées à
celles qui avaient été consenties par les États dans les
pays où existaient de pareilles assemblées.
Le 8^ article n'est pas moins favorable à l'Électeur.
Les séquestres qui avaientété mis, à cause de laguerre,
sur les biens des sujets ou serviteurs de l'Électeur,
domiciliés sur la rive gauche du Rhin , devront être
levés à compter du jour de l'échange des ratifications \
Paris devint, au commencement de l'année 1802,
* Mahtens, Rec, t. IX, p. 539.
— 140 —
le centre de négociations fort animées. L'Autriche et
la Prusse y traitèrent de leurs indemnités particu-
lières ; mais le gouvernement français se montra peu
favorable aux réclamations de la première puissance ,
tandis qu'il se prêta ù d'autres projets d'agrandis-
sement.
CinqtraitésfurentlerésultatdesnégociationsdeParis.
1" Un traité signé le 23 mai entre la France et la
Prusse y et déterminant les indemnités qui seraient ac-
cordées à la Prusse.
2" Un second traité du même jour, entre la France et
la Prusse, relatif aux réclamations de la maison de Nas-
sau-Orange.
3" Un traité signé le lendemain 24 entre la France et
la Bavière f sur les intérêts de cette dernière puis-
sance.
4" Un traité du 3 juin entre la France et la Russie^
par lequel ces deux puissances convinrent de se char-
ger de la médiation pour le règlement des indemnités
en Allemagne, et dressèrent, à cet effet, un plan géné-
ral destiné à être présenté à la Diète. Bonaparte aurait
peut-être disposé en maître absolu du sort de l'Empire,
s'il n'avait été arrêté dans ses projets par l'intervention
de l'empereur de Russie. Nous avons dit^ que, peu de
jours après le rétablissement de la paix entre Alexan-
dre et la France, le premier Consul s'était engagé, par
une convention qui fut signée le il octobre 1801, à
laisser la Russie prendre part à l'arrangement des af-
faires d'Allemagne et d'Italie. L'entrevue que ce prince
eut, au mois de juin 1802, à Memel, avec le roi de
Prusse, le confirma sans doute dans le dessein de mo-
dérer l'ambition de Bonaparte en s'associant avec lui
dans le rôle de médiateur de l'Allemagne.
• Voy. l. VI, p. 287.
— 141 —
5" Une convention particulière entre la France et le
duc de Wurtemberg f signée le 20 juin 1802.
Les premier, deuxième et quatrième traités ont été
tenus secrets, mais on a pu connaître leur contenu
par le premier plan d'indemnisation dont nous par-
lerons sous peu, par les diverses occupations mili-
taires, ainsi que par le traité de Berlin du 14 novem-
bre 1802, qui fait voir que la Prusse promit de céder
à la Hollande Sevena3r, Huyssen et Malbourg. D'un
autre côté, on a su que par V article 13 de la conven-
tion du 23 mai, le roi de Prusse reconnaissait et garan-
tissait à la République française les arrangements
qu'elle avait pris en Italie, savoir: 1" l'existence du
royaume d'Étrurie; 2° celle de la République italienne;
3" la réunion au territoire français des pays qui for-
maient la vingt-septième division militaire, c'est-à-dire
du Piémont, dont la réunion cependant n'était pas en-
core opérée, et lorsqu'il ne pouvait pas y avoir de certi-
tude sur l'engagement que l'on contractait. Enfin l'on a
également appris qu'en ratifiant, le 16 juillet le traité
du 3 juin, l'empereur de Russie avait réservé une in-
demnité plénière au roi de Sardaigne, dont les intérêts
paraissent avoir été passés sous silence dans le plan
de répartition, aussi bien qu'au duc de Holstein-01-
denbourg, pour le sacrifice du péage d'Elsfletli qu'on
voulait lui imposer. En outre, l'Empereur demandait
la dignité électorale pour le duc de Mecklenbourg-
Schiverin, dont le fils avait épousé la grande-duchesse
Hélène^ sœur de l'Empereur.
La deuxième convention du 23 mai 1812 fut signée
par le général Beurnonville au nom de la France, et par
lemarquis de Lucchesini pour la Prusse. Nous avons dit*
qu'à l'instant même où fut signée la paix d'Amiens,
' Voy. ci-desbus, p. 44.
— 142 •—
la France prenait , avec la République batave, renga-
gement que la compensation que l'article 1 8 de cette
paix promettait à la maison de Nassau pour les pertes
qu'elle avait faites dans la ci-devant République des
Provinces-Unies , tant en propriétés particulières que
par la suppression des charges dont elle était revêtue,
ne serait pas fournie aux dépens de la République.
Cette compensation fut déterminée, par la convention
du 23 mai 1802, entre la France et la Prusse, dont
voici les principales dispositions :
Le prince de Nassau-Orange-Dillenbourg-Diez re-
nonce, pour lui, ses héritiers et successeurs, à la di-
gnité de stathouder , et à tous les droits et privilèges
qui en dépendaient, de même qu'à tous ses domaines
et propriétés foncières dans toute l'étendue du terri-
toire de la République j mais il conservera les revenus
perpétuels et annuels qu'il a à prétendre de la Répu-
blique. Art. 1 et 2.
L'article 3 détermine l'indemnité que recevra le
prince en Allemagne. Nous en parlerons à l'article du
Recès de la députation de l'Empire , où il sera ques-
tion des acquisitions que fit la maison de Nassau-
Orange en Allemagne.
Par V article h , la succession dans cette maison est
réglée. La ligne masculine exclura la ligne féminine;
mais, à défaut d'héritiers mâles, les femmes succé-
deront dans tous leurs droits. En cas de l'entière ex-
tinction de la ligne directe descendant du prince ré-
gnant, la maison de Prusse héritera des possessions
nouvelles de cette maison. Ce droit est assuré à la
maison de Prusse , à cause des justes prétentions
qu'elle formait depuis 1 702 sur la succession d'Orange,
qui est remplacée par les nouvelles possessions en
Allemagne. Henri -Frédéric de Nassau, prince d'Orange
et stathouder des Pays-Bas , laissa , entre autres en-
— 143 —
fants, un fils et deux filles. Le fils lui succéda sous le
titre de Guillaume II, et eut à son tour pour succes-
seur son fils Guillaume III , qui mourut en 1 702 sans
enfants. Louise-Henriette, fille aînée de Henri-Frédéric ,
avait épousé le Grand-Électeur; son fils, le premier
roi de Prusse, se porta héritier de Guillaume III;
mais celui-ci avait institué Jean- Guillaume, prince ré-
gnant de Nassau-Diez , stathouder de Westfrise, petit-
fils ai Alhertine- Agnes , seconde fille de Henri-Frédéric.
La France réunit alors la principauté d'Orange comme
fief éteint; mais les riches domaines des comtes de
Nassau dans les Pays-Bas devinrent le patrimoine de
la maison de Nassau-Diez, que, depuis ce temps, on
appelle la maison de Nassau-Orange.
V article 5 assure à la maison de Nassau la garantie de
la France et de la Prusse pour ses nouvelles possessions.
Le roi de Prusse et le prince de Nassau-Orange re-
connaissent la République batave. Art. 6.
V article 7 dit : « Immédiatement après l'échange des
ratifications, S. M. le roi de Prusse et S. A. S. le prince
de Nassau-Orange-Dillenbourg-Diez peuvent prendre
possession des États et pays qui leur sont tombés en
partage. ))Deux choses pourraient surprendre ici : l'oc-
cupation prématurée avant qu'on eût demandé le con-
sentement de l'Empire, et la singulière rédaction
de l'article, qui laissait voir que les huit articles
qu'on a publiés comme formant une convention parti-
culière conclue, le 23 mai, entre la France et la mai-
son de Nassau, entraient plutôt dans une convention
générale, qui stipulait à la fois les intérêts de la Prusse
et ceux du stathouder'. Effectivement on a su, depuis,
que l'article 14 secret de la convention du 23 mai,
autorisait la prise de possession, aussitôt après l'é-
chéance des ratifications.
' Martens, Rec.^ t. X, p. 219.
— 144 —
On apprit, par une convention qui fut signée à
Berlin, le 14 novembre 1802^, entre le ministre d'État
comte de Haur/wilz et M. Hultman, Envoyé de la Répu-
blique batave, que la Prusse avait pris, par Tarticle 2
de son traité du 23 mai , l'engagement de céder à la
République les enclaves de Sevenœr, Huyssen et Mal-
bourg. La convention de Berlin règle le détail de cette
cession. Cette convention ne fut pas exécutée. La
Hollande n'obtint la possession de ces trois districts
qu'après la paix de Tilsit et par suite de la convention
de Fontainebleau, du 11 novembre 1807.
Le cinquième traité, celui du 20 juin 1802, fut
signé, au nom de la France, par M. à'Hauterive, et, au
nom du duc de Wurtemberg, par le baron de Normaîm,
son conseiller privé.
Le duc de Wurtemberg renonce à ses possessions sur
la rive gauche du Rhin et en Alsace, qui sont toutes
détaillées dans Varticle 1 , ainsi qu'aux seigneuries,
fiefs et domaines possédés par les héritiers et succes-
seurs du duc Léopold-Eberhard de Wûrtemberg-Mont-
béliardy et qui sont réversibles à la maison ducale.
Léopold-Eberhard , dernier duc de Wurtemberg-Mont-
béliard, était mort en 1723. Il avait laissé des enfants
légitimes, issus d'un mariage morganatique, et qui
par conséquent n'avaient pu lui succéder, et des en-
fants naturels de deux sœurs , filles d'un baron de
l'Espérance. Les descendants légitimes portent le nom
de comtes de Sponeck; les descendants des enfants
naturels sont les barons de YEspérance. 11 paraît que
ces deux familles ont perdu leurs possessions par la
cession de la rive gauche du Rhin. Cependant on ne
les trouve pas parmi celles auxquelles le Recès de la dé-
putation accorde des indemnités : nous ignorons si la
• Voy. Mabtens, Recueil, t. X, p. 221.
— . 145 ~
maison de Wurtemberg les a dédommagées de leurs
pertes.
Far V article 'S de la convention du 20 juin 1802, le
duc de Wurtemberg renonce à toutes demandes qu'il
pourrait former à titre d'arrérages et de non-jouissance
de droits et revenus des pays cédés.
Par Vnrticle h, la République française s'engage à
faire obtenir au Duc des indemnités territoriales qui
seront, autant que possible, situées à sa convenance et
à son gré, égales aux pertes de tout genre résultées de
la guerre, et conformes aux avantages et privilèges
attachés aux possessions cédées. Toutefois, le traité ne
spécifie pas les indemnités, comme on l'avait fait pour
la Prusse et la Bavière.
Les articles 5 à 8 sont relatifs aux dettes , aux sé-
questres et à l'échange des ratifications\
Peu de temps après la conclusion de ces traités, et
avant que la députation de l'Empire eût encore com-
mencé ses séances, plusieurs souverains d'Allemagne
se mirent en possession de leurs lots. Le roi de Prusse
en donna l'exemple, non par une occupation effective,
mais en annonçant, le premier, ce projet. Une pa-
tente datée de Kœnigsberg, du 6 juin 1802, déclara
que, par suite des stipulations de la paix de Lunéville
et des conventions sur lesquelles on s'était accordé,
les évêchés et villes dont nous donnerons plus tard la
liste, avaient été adjugés à la Prusse. L'occupation eut
lieu le 3 août 1802. Les troupes bavaroises avaient
pris possession, dès le 16 juillet, du territoire situé
sur la rive gauche du Lech. Elles entrèrent, au mois
d'août, dans l'évêché de Passau, et firent des disposi-
tions pour occuper la ville même de Passau. Cette ville
• Martens, jRec, t. X, p. 224.
TII 10
— 146 —
avait effectivement été promise à l'Électeur; mais
l'Empereur la réclamait pour son frère, le grand-duc de
Toscane. Pour empêcher que la Bavière ne s'en mît
en possession, l'Autriche la prévint; les troupes au-
trichiennes entrèrent à Passau le 17 août; le 19, elles
occupèrent l'archevêché de Salzbourg.
Au mois de juillet, le ministère autrichien avait
adressé aux Envoyés de Prusse, de Bavière, de Saxe et
de plusieurs autres États d'Allemagne à la Diète de
Ratisbonne, une Note circulaire dans laquelle on leur
annonça que, dès le mois de février, l'ambassadeur de
l'Empereur, à Paris, avait reçu l'ordre d'entamer une
négociation pour se concerter avec le gouvernement
français sur l'exécution des articles 5 et 7 du traité de
Lunéville; que cependant cet ambassadeur n'avait pas
été appelé aux négociations qui avaient eu lieu à ce
sujet; que le gouvernement français avait fait connaî-
tre récemment que, d'accord avec la Russie, il dési-
rait que la fixation de l'affaire des indemnités eût lieu
de la manière prescrite par les lois de l'Empire; qu'en
conséquence, l'Empereur allait prendre les mesures
nécessaires pour que la députation de l'Empire pût
incessamment ouvrir ses séances. On ajouta, au reste,
que l'Empereur était convaincu que la tranquillité et
le bien-être de l'Allemagne exigeaient non-seulement
que le règlement se fît avec concorde et avec des
égards réciproques, surtout entre les principales par-
ties intéressées; mais aussi que l'exécution du plan
qui, de concert avec la Russie et la France, aurait été
adopté, eût lieu d'une manière conforme aux lois, sans
qu'on se permît des démarches arbitraires et des actes
de violence qui forceraient d'autres parties intéressées
à prendre de semblables mesures pour s'assurer l'in-
demnité complète qui leur était due; enfin que de
_ 147 —
telles démarches occasionneraient une grande confu-
sion et détruiraient le lien qui réunissait les membres
de l'Empire.
La Cour de Prusse déclara, en réponse à cette Note,
qu'il n'était, à la vérité, plus possible de suspendre
l'occupation des nouvelles possessions prussiennes;
mais que le Roi désirait que cette occupation fût en-
visagée comme une mesure provisoire, et qu'il ne re-
garderait les provinces occupées comme à lui appar-
tenantes, que lorsque la députation de l'Empire aurait
terminé la mission dont elle était chargée.
L'Empereur convoqua effectivement la députation,
par un décret de commission du 23 juillet, dans le-
quel il annonça qu'il avait nommé comme plénipoten-
tiaire impérial auprès du Congrès le baron de Hugelf
son commissaire à la Diète; et comme subdélégué de
Bohême, le conseiller aulique Schraut. Le 4 août sui-
vant, la Diète dressa les pleins pouvoirs pour la dépu-
tation.
Avant l'ouverture de ses séances, les ministres deRus-
sie et de France à la Diète de l'Empire, MM. de Klupfel
et Laforesl, remirent, le 18 août, à cette assemblée
une déclaration uniforme, signée àPariSj le 6 août,
par M. de Talleyrand-Périgord, et à Saint-Pétersbourg,
le /g- juillet, par le vice-chancelier, prince Kourakine.
Il est nécessaire, pour l'intelligence de l'histoire du
Recès, que nous insérions ici en entier cette décla-
ration.
(( S. M. l'empereur de toutes les Russies [le pre-
mier Consul de la République française], étant animé
du désir de contribuer à consolider le repos et la tran-
quillité de l'Empire germanique, aucun moyen ne lui
a paru plus propre à obtenir cet effet de sa sollici-
tude, que celui de fixer, par un plan d'indemnité
— 148 --
approprié, autant que les circonstances ont pu le per-
mettre aux convenances respectives , un arrangement
propre à produire cet effet salutaire ; et un concert de
vues s'étant établi à cet égard entre Sa Majesté Impé-
riale et le gouvernement français [le premier Consul
de la République française et S. M. I. de toutes les
Russies], elle [il] a autorisé son ministre plénipoten-
tiaire à Paris [le ministre des Relations Extérieures] à
se concerter avec le ministre de la République fran-
çaise [le ministre plénipotentiaire de S. M. I. de toutes
les Russies], sur les moyens les plus propres à appli-
quer les principes adoptés pour ces dédommagements
aux différentes demandes des parties intéressées.
« Le résultat de ce travail ayant obtenu son approba-
tion, elle [il] a ordonné au soussigné de le porter à la
connaissance de la Diète de l'Empire par la présente
déclaration, démarche à laquelle Sa Majesté Impériale,
aussi bien que le premier Consul de la République
française [le premier Consul de la République fran-
çaise aussi bien que Sa Majesté Impériale], se sont
déterminés par les considérations suivantes :
« L'article 7 du traité de Lunéville ayant stipulé
que les princes héréditaires dont les possessions se
trouvaient comprises dans la cession faite à la Répu-
blique française des pays situés sur la rive gauche du
Rhin, seraient indemnisés, il a été reconnu que, con-
formément à ce qui avait été précédemment décidé au
Congrès de Rastadt, cette indemnisation devait s'opé-
rer par voie de sécularisation; mais, quoique parfaite-
ment d'accord sur la base du dédommagement, les
États intéressés sont demeurés si opposés de vues sur
la distribution, qu'il a paru jusqu'ici impossible de
procéder à l'exécution de l'article précité du traité de
Lunéville. Et, quoique la Diète de l'Empire ait nommé
une commission spéciale chargée de s'occuper de cette
— 149 —
importante matière, on voit assez, par les retards
qu'éprouve sa réunion , combien l'opposition des in-
térêts, et la jalousie des prétentions, mettent d'obsta-
cles à ce que le règlement des indemnités en Empire
dérive de l'action spontanée du corps germanique.
C'est ce qui a fait penser à S. M. l'empereur de toutes
les Russies et au premier Consul de la République
française [au premier Consul de la République fran-
çaise et à S. M. l'empereur de toutes les Russies] qu'il
convenait à deux puissances parfaitement désintéres-
sées de présenter leur médiation, et d'offrir aux déli-
bérations de la Diète impériale un plan général d'in-
demnisation rédigé d'après les calculs de la plus
rigoureuse impartialité, et dans lequel on se serait
appliqué tant à compenser les pertes reconnues, qu'à
conserver, entre les maisons principales en Allemagne,
l'équilibre qui subsistait avant la guerre.
(( En conséquence, après avoir examiné avec la
plus scrupuleuse attention tous les mémoires, tant en
évaluation des pertes qu'en demandes d'indemnités ,
présentés par les parties intéressées, on est demeuré
d'accord de proposer que les dédommagements soient
répartis de la manière suivante :
« A V archiduc grand-duc, pour la Toscane et dé-
pendances : l'archevêché de Salzbourg, la prévôté de
Berchtolsgaden, l'évêché de Trente, l'évêché deBrixen,
la partie de l'évêché de Passau située au delà de l'IUz
et de rinn du côté de l'Autriche , à l'exception des
faubourgs de Passau avec un rayon de cinq cents
toises, les abbayes, chapitres et couvents situés dans
les diocèses sus-mentionnés.
(( Les principautés ci-dessus seront tenues par l'ar-
chiduc aux conditions, engagements et rapports fon-
dés sur les traités existants. Lesdites principautés
seront retirées du cercle de Bavière et incorporées au
— 150 —
cercle d'Autriche; et leurs juridictions ecclésiasti-
ques, tant métropolitaine que diocésaine , seront pa-
reillement séparées par les limites des deux cercles.
Mûhldorff sera uni à la Bavière, et son équivalent en
revenus sera pris sur ceux de Freisingen.
« Au ci-devant duc de Modène., pour le Modénois et
dépendances , le Brisgau et l'Ortenau.
i( A V électeur palatin de Bavière ^ pour le duché de
Deux-Ponts, le duché de Juliers, le Palatinat du Rhin,
le marquisat de Berg-op-Zoom , la seigneurie de Ra-
venstein et autres, situées dans la Belgique et en
Alsace : les évêchés de Passau, à la réserve de la part
de l'archiduc: de Wûrzbourg, sous les réserves ci-
après; deBamberg, d'Aichstedt, de Freisingen, d'Augs-
bourg, la prévôté de Kempten, les villes impériales de
Rothenbourg, Weissenbourg, Windsheim, Schwein-
furt, Gochsheim , Sennefeld , Althausen , Kempten ,
Kaufbeuren, Memmingen, Dinkelsbûhl , Nœrdlingen,
Ulm, Bopfîngen, Buchhorn, Waugen, Leutkirch, Ra-
vensbourg et Alschhausen, les abbayes de Saint-Ulric,
Irsée, Wengen, Sœfflingen, Elchingen, Ursberg, Ro-
kenbourg, Wettenhausen, Ottobeuren etRaysersheim.
« Au roi de Prusse, pour les duchés de Clèves ( à la
gauche du Rhin) et de Gueldre, la principauté de
Mœrs, les enclaves de Sevenaer, Huissen et Malbourg,
et les péages du Rhin et de la Meuse : l'évêché de Hil-
desheim et celui de Paderborn , le territoire d'Er-
fort et Untergleichen, l'Eischfeld et partie mayençaise
de Tréfort, la partie de l'évêché de Munster située à la
droite d'une ligne tirée d'Olphen par Munster sur
Tecklenbourg, les deux villes d'Olphen et de Munster
y comprises, ainsi que la rive droite de l'Embs jusqu'à
Linghen, les villes impériales de Mulhausen, Northau-
sen et de Goslar; les abbayes de Herforden, Quedlin-
bourg, Elten, Essen et Werden.
— 151 —
(( Aux princes de Nassau; savoir :
« Nassau-Usingenj, pour la principauté deSaarbruck,
les deux tiers du comté de Saarwerden, la seigneurie
d'Ottweiler et celle de Lahr dans l'Ortenau : les restes
de l'électorat de Mayence à la droite du Mein (à la ré-
serve du grand bailliage d'Ascliaffenbourg), et ceux en-
tre le Mein, le pays de Darnstadt et le comté d'Erbach,
Caub et les restes de l'électorat de Cologne proprement
dit (à la réserve du comté d'Altwied), les couvents de
Seligenstadt et Bleidenstadt, le comté de Sayn-Alten-
kirchen après la mort du margrave d'Anspach, les
villages de Soden et Sulzbach.
c( Nassau-Weibourg , pour le tiers de Saarwerden et
la seigneurie de Kichheim-Bolanden : les restes de l'é-
lectorat de Trêves avec l'abbaye d'Arnstein et celle de
Marienstadt.
« Nassau-Dillenboiirg f pour indemnité du statbou-
dérat et des domaines en Hollande et en Belgique, les
évêchés de Fulde et de Corvey, la ville de Dortmund,
les abbayes et chapitres situés dans ces territoires, à la
charge par lui de satisfaire aux prétentions subsistan-
tes et précédemment reconnues par la France sur
quelques successions réunies au majorât de Nassau-
Dillenbourg pendant le cours du siècle dernier, l'ab-
baye de Weingarten et celle de Kappel au comté de la
Lippe, de Kappenberg au pays de Munster et de Diet-
kirchen.
u Au margrave de Baden, pour sa part au comté de
Sponheim, et les terres et seigneuries dans le Luxem-
bourg, l'Alsace, etc. : l'évêché de Constance, les restes
des évêchés de Spire, Baie et Strasbourg, les bailliages
palatins de Ladenbourg, Bretten et Heidelberg, avec
les villes de Heidelberg et Manheim, la seigneurie de
Lahr, lorsque le prince de Nassau sera mis en posses-
sion d' Altenkirchen ; les restes du comté de Lichten-
— 152 —
berg à la droite du Rhin, les villes impériales d'Of-
fenbourg, Zell-Hamersbach, Gengenbacs, Uberlingen,
Biberach, PfuUendorff et Wimpfen; les abbayes de
Schwarzacb, Frauenalb, AUerheiligen, Lichtenthal,
Gengenbach, Ettenheiin-Munster, Petershausen et Sal-
mansweiler.
« Au duc de Wurtemberg j, pour la principauté de Mont-
béliard et ses possessions en Alsace et Franche-Comté :
la prévôté d'Elwangen, l'abbaye de Zwiefalten, les
villes impériales de Weil, Reutlingen, Eslingen, Roth-
weil, Giengen, Aalen, Hall, Gemùndt etHeilbronn.
« Au landgrave de Hesse-Cassel, pour Saint-Goar et
Rheinfels, et moyennant qu'il sera chargé de l'indem-
nité de Hesse-Rothenbourg : les enclaves mayençaises
d'Amœnebourg et de Fritzlar, avec leurs dépendances,
et le village de Holzhausen.
ce Au landgrave de Hesse-Darmstadt, pour la totalité du
comté de Lichtenberg et dépendances : les bailliages
palatins de Lindenfels et Otzberg, et les restes du bail-
liage d'Oppenheim, le duché deWestphalie, à la réserve
de l'indemnité du prince de Witgenstein, les bailliages
mayençais de Gernsheim, Bensheim, Heppenheim, les
restes de l'évêché de Worms, la ville de Friedberg.
« Au prince de Hohenlohe-Bartensteinf au comte de
Lowenhaupt , aux héritiers du baron de Dielrich, pour
les parties allodialesdu comté de Lichtenberg; savoir :
({ A Hohenlohe, pour Oberbronn : le bailliage de
Yaxtberg et les portions de Mayence et de Wiirzbourg
au bailliage de Kunzelsau.
(( Aux autres, pour Rauchenbourg, Niederbronn,
Reishofen, etc. : l'abbaye de Rothenmimster.
« Au même comte de Lowenhaupt et au comte de
Hillesheim, pour Reipoltzkirchen : l'abbaye de Hei-
lighreutzthal.
« kxxiL princes et comtes deLowenstein, pour le comté de
— 153 —
Virnebourg, la seigneurie de Scharfeneck et autres ter-
res dans les pays réunis à la France : la part de Wiirz-
bourg aux comtés de Rhineck et de Wertheim à la
droite du Mein, l'abbaye de Brombach.
« Au prince de Linange : les bailliages mayençais de
Miltenberg, Amorbach, Biscbofsheim, Kœnigshofen,
Krautheim et toutes les parties de Mayence comprises
entre le Mein, la Tauber, le Necker et le comté d'Erbach,
les parcelles de Wiirzbourg à la gauche de la Tauber,
les bailliages palatins de Boxberg et Mosbach, l'abbaye
d'Amorbach et la prévôté de Combourg, avec supério-
rité territoriale.
(c Au comte de Linange-Guntersblum : le bailliage
mayençais ou Kellerey de Billigheim.
« Au comte de Linange-Heidesheim : le bailliage
mayençais ou Kellerey de Neidenau.
(( Au comte de Linange-Westerbourg , branche aînée :
le couvent de Schœnthal sur la Yaxt, avec supériorité
territoriale.
« Branche cadette : la prévôté de Wimpfen.
« Aux priîîces de Salm-Salm et de Salm-Kirbourg, aux
RhingraveSj aux princes et comte de Salm-Reiferscheid :
les restes du haut évêché de Munster.
« Au prince de Wied-Runckel, pour le comté de
Créange : le comté d'Altwied, à la réserve des baillia-
ges de Lintz et d'Unckel.
« Au duc d'Aremberg, au comte de la Mark, au prince
de Ligne, pour la principauté d'Aremberg, les comtés
de Sassenberg, Schleyden et Fagnolles : le comté de
Becklinghausen, avec le bailliage de Diilmen au pays
de Munster.
« Aux princes et comtes de Solms , pour Rohrbach,
Hirschfeld : les couvents d'Arnsbourg et d'Ilbenstadt.
(( Au prince de Wittgenstein y pour Neumagen, etc. :
— 154 —
l'abbaye de Graffschaft, le district de Zuschenau et la
forêt de Hellenhergestreil au duché de Westphalie.
M Au comte de Wartemberg, pour Wartemberg : la
Kellerey de Necker-Steinach, celle d'Erenberg et la
ferme de Wimpfen dépendante de Worms et de Spire.
(( Au prince de Stolberg, pour le comté de Rochefort ;
les couvents d'Engelthal et Rockenberg.
« Au prince d'Isenbourg : la part du chapitre de Ja-
cobsberg au village de Geinsheim.
« Au prince de la Tour-Taxis, pour indemnité du re-
venu des postes impériales dans les provinces cédées
et domaines dans la Belgique : l'abbaye de Buchau
avec la ville, celle de Marchthal et de Neresheim, le
bailliage d'Ostrach dépendant de Salmansweiler.
« Au comte de Sickingen, pour le comté de Land-
stuhl, etc. : les abbayes d'Ochsenhausen et de Miin-
chroth.
i( Au comte de la Leyen, pour Bliecastel, etc. : les
abbayes de Schussenried, Guttenzell, Hegbach, Baindt
et Buxheim.
a Au prince de Brezenheim : l'abbaye de Lindau avec
la ville.
« A la comtesse de Colloredo, pour Dachstuhl : l'ab-
baye de Sainte-Croix de Donauwerth.
« A la comtesse de Sternherg, pour Manderscheid-
Blanckenheim : les abbayes de Weissenau etYsny avec
la ville.
(( Au prince de Dietrichstein, pour la seigneurie de
Trasp, qui sera abandonnée aux Grisons : la seigneu-
rie de Neu-Ravensbourg.
Aux comtes de Westphalie :
de Bassenheim, pour Ollbruck ;
de Sinzendorf, pour Rhineck :
de Schœsberg, pour Kerpen :
-- 155 —
d'Ostein, pour Millendonck :
de Quadt, pour Wickerade :
de Plettenberg, pour Wittem :
de Metternich, pour Winnebourg, etc. :
d'Aspremont, pour Reckhoim :
de Tœrring, pour Gronsfeld :
de Nesselrode, pour Wylré, etc. :
Le bas évêché de Munster.
(( Au grand prieur de Malte, pour les commanderies
à la gauche dn Rhin : l'abbaye de Saint-Blaize avec le
comté de Bondorf et dépendances , les abbayes de
Saint-Trutpert, de Schuttern, de Saint-Pierre et de
Tennenbach.
« Après avoir proposé de régler ainsi les indemnités
exigibles des princes héréditaires, on a reconnu qu'il
était à la fois possible et convenable de conserver dans
le premier collège de l'Empire un électeur ecclésias-
tique. On propose en conséquence :
(( Que Tarchichancelier de l'Empire soit transféré
au siège de Ratisbonne, avec les abbayes de Saint-
Emeran, Obermunster et Niedermunster, conservant
desesanciennes possessions le grand bailliage d'Aschaf-
fenjjjfourg, à la droite du Mein, et qu'il y soit réuni
d'ailleurs un nombre suffisant d'abbayes médiates
pour, avec les terres ci-dessus, lui parfaire un revenu
anniiel d'un million de florins.
« Et comme le meilleur moyen de consolider le
corps germanique, c'est de faire entrer au premier
collège les princes les plus influents de l'Empire, on
propose que le titre électoral soit accordé au mar-
grave de Bade, au duc de Wurtemberg et au landgrave
de Hfisse-Cassel.
« De plus, comme le roi d'Angleterre, en sa qualité
— 156 —
d'électeur de Hanovre, a élevé des prétentions sur Hil-
desheim, Corvey et Hœxter, et qu'il serait intéressant
qu'il se désistât de ses prétentions, on propose que
l'évêché d'Osnabriick, qui appartenait déjà par alter-
nat à la maison électorale de Brunswic, lui soit dé-
volu à perpétuité sous les conditions suivantes :
(c Premièrement, que le roi d'Angleterre, électeur
de Hanovre, renoncera à tous ses droits et prétentions
sur Hildesheim, Corvey et Hœxter.
« Deuxièmement, qu'il fera pareillement abandon
aux villes de Hambourg et de Brème, des droits et pro-
priétés qu'il exerce et possède dans lesdites villes et
dans l'étendue de leur territoire.
« Troisièmement, qu'il cédera le bailliage de Wild-
hausen au duc d'Oldenbourg et ses droits à la succes-
sion éventuelle du comté d'Altenkirchen au prince de
Nassau-Usingen. Moyennant la cession du bailliage de
Wildhausen au duc d'Oldenbourg et la sécularisation
qui sera faite à son profit de l'évêché et du grand cha-
pitre de Lubeck, le péage d'Elsfleth demeure supprimé
sans pouvoir être rétabli sous aucun prétexte ou dé-
nomination quelconque, et les droits et propriétés des-
dits évêchés et chapitres dans la ville de Lubeck seront
réunis au domaine de la ville.
« Ces propositions, par rapport au règlement des
indemnités en Allemagne, conduisent encore à énon-
cer ici plusieurs considérations générales qui sont de
nature à devoir fixer l'attention de la Diète, et sur les-
quelles il ne pourra manquer d'être pris des décisions
convenables.
« H paraît nécessaire d'établir :
« Premièrement, que les biens ecclésiastiques des
grands chapitres et de leurs dignitaires devront être
incorporés au domaine des évêques, et passer, avec les
évêchés, aux princes auxquels ceux-ci sont assignés.
— 157 —
(( Deuxièmement, que les biens des chapitres, ab-
bayes, couvents, tant d'hommes que de femmes, tant
médiats qu'immédiats, dont il n'a pas été formel-
lement fait emploi dans la présente proposition, se-
ront appliqués :
« A.) Au complément de l'indemnité des états et
membres héréditaires de l'Empire, s'il est reconnu
qu'il n'y a pas été suffisamment pourvu par les assi-
gnations ci-dessus, et sauf la souveraineté qui demeu-
rera toujours aux princes territoriaux.
{( B.) A la dotation des nouvelles églises cathédrales
qui seront ou conservées ou établies, tant pour l'en-
tretien des évêques que de leurs chapitres et autres
frais de culte.
« C.) Aux pensions viagères et alimentaires du clergé
supprimé.
(( Troisièmement, que les biens et les revenus ap-
partenant aux hôpitaux, fabriques, universités, collè-
ges et autres fondations pieuses, comme aussi celles
des communes de l'une des deux rives du Rhin situées
sur l'autre rive, devront en demeurer distraits et mis
à la disposition des gouvernements respectifs.
(( Quatrièmement, que les terres et propriétés as-
signées aux états de l'Empire, en remplacement de
leurs possessions à la rive gauche du Rhin , demeu-
reront spécialement affectées au payement de dettes
desdits princes, tant personnelles que de celles pro-
venant de leurs anciennes possessions.
« Cinquièmement, que tous les péages du Rhin per-
çus soit à la droite, soit à la gauche du fleuve, devront
être supprimés, sans pouvoir être rétablis sous quel-
que dénomination que ce soit, sauf les droits de
douane.
(( Sixièmement, que tous les fiefs relevant des cours
féodales établies ci-devant à la rive gauche du Rhin ,
— 158 —
et situés à la rive droite, relèveront désormais direc-
tement de l'Empereur et de l'Empire.
« Septièmement, que les princes de Nassau-Usin-
gen, Nassau-Weilbourg, Salm-Salm, Salm-Kyrbourg ,
Linange, Aremberg, seront maintenus ou introduits
au collège des princes, chacun avec vote viril affecté
aux possessions qu'ils recevront en indemnité de leurs
anciennes terres immédiates; que les votes des com-
tes immédiats d'Empire seront pareillement transfé-
rés sur les terres qu'ils recevront en dédommagement,
et que les votes ecclésiastiques seront exercés par les
princes et comtes qui, par l'effet du traité de Lunéville,
se trouveront en possession des chefs-lieux.
«Huitièmement, que le collège des villes devra
demeurer composé des villes libres et impériales
deLubeck, Hambourg, Brème, Wetzlar, Francfort,
Nuremberg, Augsbourg et Ratisbonne, et qu'il devra
être avisé au moyen de pourvoir à ce que , dans les
guerres futures où l'Empire pourrait intervenir, les-
dites villes ne soient tenues d'y prendre aucune part,
et que leur neutralité soit assurée par l'Empire, autant
qu'elle serait reconnue par les autres puissances bel-
ligérantes.
(( Neuvièmement, que la sécularisation des couvents
de femmes recluses ne devra s'effectuer que du con-
sentement de l'évêque diocésain; mais que les cou-
vents d'hommes seront à la disposition des princes
territoriaux , qui pourront les supprimer ou les con-
server à leur gré.
« Tel est l'ensemble des arrangements et des consi-
dérations que le soussigné a reçu ordre de présenter à
la Diète impériale, et sur lesquels il croit devoir appe-
ler ses plus promptes et plus sérieuses délibérations ,
en lui exprimant, au nom de Sa Majesté Impériale [du
premier Consul de la République française], que l'in-
— 159 —
térêt de l'Allemagne, la consolidation de la paix et la
tranquillité générale de l'Europe , exigent que tout ce
qui concerne le règlementdes indemnités germaniques
soit terminé dans l'espace de deux mois.
« Saint-Pétersbourg, le ^e juillet 1802 [Paris, ISther-
midor an x(6 août 1802)].
Signé :
« Le PRINCE DE KouRAKiN, vîce- chancelier.
[Ch. Maur. Talleyrand.] »
Il n'est pas moins nécessaire d'avoir sous les yeux
le rapport fait, en Sénat, au premier Consul par le mi-
nistre des Relations Extérieures, dans la séance du
21 août 1802.
(( Le traité de Lunéville avait opéré le rétablisse-
ment absolu de la paix entre la France et l'Allemagne.
Il avait réglé d'une manière expresse et définitive les
rapports généraux entre ces deux pays ; et la France,
se trouvant de tout point satisfaite, l'entière exécution
du traité n'aurait eu besoin d'aucun règlement ulté-
rieur, s'il n'avait été reconnu juste et formellement
stipulé que la cession consentie par l'Empire, au pro-
fit de la République, serait supportée collectivement
par la fédération germanique, en admettant toutefois
la distinction des princes laïques héréditaires et des
ecclésiastiques usufruitiers.
« Ce principe une fois posé, il paraissait que c'était
au corps germanique à s'occuper spontanément, et
sans délai, de son application.
(( Le vœu sincère du gouvernement français, uni-
quement appliqué aux affaires de l'intérieur, était de
n'entrer pour rien dans le règlement des indemnités
promises; et il borna son influence à témoigner sou-
— 160 —
vent qu'il était empressé de voir que le traité de Lu-
néville reçût le complément de son exécution par celle
de l'article 7. Mais ces excitations restèrent sans effet,
et plus d'une année s'écoula sans qu'on pût s'aperce-
voir qu'il y eût seulement rien d'entamé pour la ré-
partition des dédommagements.
« Le défaut d'exécution d'une des stipulations ca-
pitales du traité de Lunéville , laissait l'Allemagne
entière dans un état d'incertitude qui devenait chaque
jour plus embarrassant, en cela que les prétentions,
les intrigues s'élevaient et se fortifiaient à mesure qu'il
y avait plus d'indécision dans les affaires et dans les
esprits. L'espèce de dissolution où se trouvait le corps
germanique retardait pour l'Europe entière les avan-
tages de la paix, et il pouvait, à quelques égards,
compromettre la tranquillité générale. Le gouverne-
ment de la République n'eut pas seul le sentiment de
ce danger; et, tandis qu'il recevait de toutes parts les
réclamations des parties intéressées à la répartition
des dédommagements, la Cour de Russie témoigna
combien il lui paraissait urgent que les affaires d'Al-
lemagne fussent réglées. L'empereur Alexandre, à son
avènement au trône, sentit le noble désir de contribuer
au maintien de la paix rétablie; et un concert intime,
une association franche et complète des vues les plus
généreuses s'étant promptement formés entre le pre-
mier Consul et l'Empereur, il fut reconnu par eux que
la pacification du Continent ne pouvait être solide-
ment garantie qu'autant que le traité de Lunéville au-
rait reçu sa complète exécution; et que celte exécution
ne pouvait plus être procurée que par l'initiative et
l'influence de deux puissances parfaitement désinté-
ressées, dont la médiation prépondérante écarterait
tous les obstacles élevés depuis dix-huit mois contre
la répartition définitive des indemnités.
— 161 —
« Ce fut donc uniquement pour mettre le sceau à
la pacification de l'Europe et pour en garantir la sta-
bilité, que le premier Consul et S. M. l'empereur de
Russie se déterminèrent, d'un commun accord, à in-
tervenir dans les affaires d'Allemagne pour effectuer,
par leur médiation, ce qu'on aurait vainement attendu
des délibérations intérieures du corps germanique.
« Ce premier point étant convenu, une discussion
fut ouverte et suivie entre les deux Cabinets pour l'exa-
men des voies et moyens qui devaient conduire au
résultat désiré. Il fut arrêté qu'un plan général d'in-
demnisation serait présenté à la Diète; et ce fut dans
la rédaction de ce plan qu'on porta, des deux parts,
le soin le plus scrupuleux à compenser toutes les per-
tes, à satisfaire tous les intérêts, et à concilier sans
cesse les réclamations de la justice avec les convenan-
ces de la politique.
« Il ne suffisait pas, en effet, de déterminer rigou-
reusement la valeur des pertes éprouvées, et d'y pro-
portionner les compensations : les résultats de la
guerre ayant altéré l'équilibre intérieur de l'Allema-
gne, il fallait s'appliquer à le rétablir. L'introduction
de princes nouveaux dans le système germanique exi-
gait des combinaisons nouvelles. La valeur réelle des
dédommagements ne devait plus seulement résulter
de leur étendue, mais souvent de leur position; et les
avantages que pouvaient procurer à quelques puissan-
ces la concentration de leurs anciens et nouveaux do-
maines , étaient eux-mêmes d'une considération im-
portante et qui devait être observée.
(( Les deux gouvernements s'appliquèrent donc à
examiner avec un soin scrupuleux la question des in-
demnités sous tous ses rapports. Ils sentirent que si
la politique exigeait la complète satisfaction des mai-
sons principales, il n'était pas d'une justice moins ri-
vn 11
— 162 —
goureuse de procurer aux Efcats du second et du troi-
sième ordre le dédommagement de leurs pertes; et le
premier Consul mit un empressement particulier à sou-
tenir des droits qui auraient pu trouver moins d'appui
au milieu des intéressés.
« Le concert parfait qui s'était formé entre la
France et la Russie, résultat heureux des rapports di-
rects que le premier Consul avait aimé à entretenir
avec S, M. l'empereur de Russie, ayant présidé à tou-
tes les discussions, on fut bientôt d'accord sur tous
les points , et un plan général d'indemnisation arrêté
à Paris entre les plénipotentiaires respectifs , reçut
l'approbation du premier Consul et celle de l'Empe-
reur.
« 11 a été convenu que ce plan serait présenté à la
Diète de l'Empire sous la forme d'une déclaration qui
serait faite simultanément pax des ministres extraor-
dinaires nommés à cet effet. De la part du premier
Consul, c'est le citoyen Laforesty ministre de la Répu-
blique près l'électeur palatin de Bavière, qui a eu or-
dre de se rendre à Ratisbonne; de la part de l'empe-
reur de Russie , c'est pareillement le baron de Bilhler,
son ministre à Munich.
(( Cette déclaration doit avoir été présentée ces jours
derniers, et la lecture que le premier Consul a ordonné
qui lui en fût faite en Sénat, va faire connaître les
principes qui ont dirigé les deux gouvernements, et
le soin qu'ils ont mis à en ménager l'application.
<( En effet, si l'on examine le plan proposé, on verra
que, dans l'exécution d'un système qui a pour but
principal de consolider la paix de l'Europe, on s'est
surtout appliqué à diminuer les chances de guerre.
C'est pourquoi on a pris soin d'éviter tout contact de
territoire entre les deux puissances qui ont le plus sou-
vent ensanglanté l'Europe par leurs querelles, et qui, ré-
— 163 —
conciliées de bonne foi, ne peuvent avoir aujourd'hui
un désir plus vif que celui d'éloigner toutes les occa-
sions de mésintelligence qui naissent du voisinage, et
qui, entre des États rivaux, ne sont jamais sans péril.
« Ce même principe adopté, non dans toute sa ri-
gueur, mais autant que les circonstances ont pu le
permettre, a décidé à placer aussi les indemnités de
la Prusse hors de contact avec la France et la Batavie.
(( De cet arrangement , l'Autriche aura retiré l'im-
mense avantage de voir toutes ces possessions con-
centrées;
(( La maison palatine aura pareillement reçu une
organisation plus forte et plus avantageuse pour sa
défense,
K Et la Prusse continuera à former, dans le système
germanique, la base essentielle d'un contre-poids né-
cessaire.
« Le règlement des indemnités seconc aires a aussi
été proposié d'après des convenances générales et par-
ticulières, et on n'a rien négligé pour les établir dans
une juste proportion des pertes reconnues. Il pourra
cependant paraître que la maison de Bade a été plus
avantagée que les autres ; mais il a été jugé néces-
saire de fortifier le cercle de Souabe, qui se trouve in-
termédiaire entre la France et les grands États germa-
niques; et le premier Consul s'est applaudi que, dans
cette circonstance, la politique fut parfaitement d'ac-
cord avec la disposition du gouvernement français,
qui ne pouvait voir qu'avec plaisir une augmentation
de puissance accordée à un prince dont les vertus
avaient obtenu depuis longtemps l'estime de l'Europe,
dont les alliances avaient si honorablement distingué
la famille, et dont la conduite, pendant tout le cours
de la guerre, a mérité particulièrement la bienveillance
de la République.
— IC'f —
« C'est aussi avec une véritable satisfaction que la
France et la Russie, obligées de prendre la séculari-
sation pour base des dédommagements, ont reconnu
la possibilité de conserver en Empire un électeur ec-
clésiastique , et qu'ils ont proposé de lui assigner un
sort convenable en lui laissant le titre et les fonctions
d'archichancelier.
(c On a dû présenter encore à la Diète de l'Empire
quelques considérations générales qui doivent servir
de base aux règlements intérieurs qu'exigera la nou-
velle organisation du corps germanique; et le premier
Consul et S. M. l'empereur de Russie peuvent sans
doute se rendre le témoignage qu'uniquement animés
du désir de consolider la paix en Europe , et n'étant
mus par aucun intérêt personnel , il n'a rien été né-
gligé de leur part pour présenter à la Diète de l'Empire
un plan d'indemnisation tel, qu'il a paru impossible
d'en rédiger 'm dont les bases et les développements
fussent plus',j^,onformes à l'esprit et au texte du traité
de Lunéville, plus analogues aux convenances politi-
ques de l'Europe, plus favorables au maintien de la
paix.
(( Les deux gouvernements de France et de Russie
ont la persuasion que le temps qu'ils ont marqué doit
suffire pour la décision des intérêts germaniques, et
ils trouveront, dans la longue prospérité qui en ré-
sultera pour l'Allemagne , une douce et honorable
récompense des efforts qu'ils auront faits pour la lui
procurer. »
On voit, par le préambule de la déclaration du
18 août et par le rapport otficiel qu'on vient de lire,
qu'il ne s'agissait pas seulement de proposer une in-
demnité aux États qui avaient perdu des possessions
sur la rive gauche du Rhin, mais qu'il était principa-
— 165 —
lement question de rétablir l'équilibre qui subsistait
avant la guerre entre les principales maisons d'Alle-
magne. On se demande : quel est cet équilibre qu'il
s'agissait de rétablir? Est-ce l'équilibre de droit repo-
sant sur les lois fondamentales qui, en assujettissant
les États à l'Empereur et à l'Empire, mettaient des
bornes à l'autorité du premier? est-ce celui qui exis-
tait entre les trois collésies de la Diète? est-ce celui
que la paix de Westphalie avait établi entre les deux
principales religions? Mais le dernier n'avait pas été
dérangé parla guerre; le second a été plutôt troublé
par le plan d'indemnité qui a privé le collège des
villes de son influence, et le premier était assuré par
des lois que ce plan n'a pas consolidées.
Il n'était donc point question de l'équilibre de droit;
il s'agissait uniquement de l'équilibre de puissance.
Les médiateurs voulaient maintenir, contre la prépon-
dérance de l'Autriche, un équilibre dont la Prusse et la
Bavière devaient être les pivots. On a demandé s'il est
vrai que cet équilibre ait été troublé. Il paraît que, lors-
qu'on vit, en 1 792, l'union intime entre l'Autriche et la
Prusse , on aurait eu raison de craindre pour l'équi-
libre politique en Allemagne, si, dès l'origine de cette
alliance, qui alors paraissait peu naturelle, on avait pu
concevoir des doutes sur son objet ; mais bien loin de
tendre à l'asservissement de l'Allemagne, cette union
se proposait, au contraire, le maintien de son indé-
pendance. L'équilibre que la France veut rétablir
était-il dérangé par les pertes que la Prusse et la Ba-
vière avaient éprouvées? la première avait sacrifié une
population d'environ cent vingt-sept mille habitants,
avec un revenu qui n'allait pas tout à fait à un demi-
million de florins. C'était une bien faible partie de la
monarchie; on ne pouvait, dans aucun cas, la com-
parer à l'importance de la Prusse méridionale el des
— 166 —
principautés de la Franconie qu'elle avait acquises
pendant la guerre.
En 1792, la Prusse possédait : trois mille six cents
milles carrés, sept millions d'habitants, trente et un
millions de rixdales de revenus.
A la paix de Lunéville , cinq mille quatre cents
milles carrés, neuf millions d'habitants, trente-six
millions de rixdales de revenus.
Ce n'est donc pas par son affaiblissement que
l'équilibre a été troublé.
Il n'en futpas demêmeparrapportàlaBavière. L'Élec-
teur perdait, parla cession de la rive gauche du Rhin,
une surface de cent quatre-vingt-six milles carrés, fai-
sant plus du cinquième de l'étendue de ses États, cinq
cent quatre-vingt mille âmes formant le quart de ses su-
jets, et le tiers de ses revenus, qu'on estimait alors
pouvoir s'élever à douze millions de florins. Mais, en
supposant qu'on ne lui eût accordé qu'une stricte in-
demnité, l'Électeur gagnait en puissance par la con-
centration de ses forces : les provinces qu'on lui assigna
arrondissaient ses Etats, tandis que celles qu'il avait
perdues étaient éloignées du centre de son pouvoir.
Si l'équilibre n'avait pas été dérangé par les pertes
de la Prusse; s'il avait peu souffert par celles de la
maison palatine, il faut chercher ailleurs le danger
dont il était menacé. On pouvait craindre, en effet,
qu'il ne fût renversé par les avantages que la paix de
Lunéville avait accordés à la maison d'Autriche. La
Prusse avait pu voir sans jalousie entre les mains de
cette maison les Pays-Bas, dont la possession exposait
l'Autriche à de fréquentes contestations avec la
France ; elle ne devait pas regar-der comme ajoutant
un poids important à la puissance autrichienne la
Lombardie, séparée de ses autres États héréditaires, et
convoitée sans cesse par un voisin qui, depuis un
— 167 —
siècle et demi, épiait toutes les occasions de s'agran-
dir. Mais la Prusse était effrayée de l'immense accrois-
sement de puissance que la maison d'Autriche gagnait
en échangeant les Pays-Bas et la Lombardie, dont la
possession était si précaire, contre une grande partie
des États de Venise, qui, étant contiguë au reste de la
monarchie, diminuait prodigieusement ses lignes de
défense, et favorisait le développement de l'industrie
et du commerce de ses anciennes possessions. La
Prusse et la Bavière pouvaient encore être inquiètes
du projet de transplanter en Allemagne le grand-duc
de Toscane. Où trouver un équivalent pour le beau
pays auquel ce prince avait renoncé, si ce n'est aux
dépens de la Bavière, ou en s'appropriant les provinces
sur lesquelles elle avait jeté son dévolu ?
Si les moyens de parer à ces inconvénients ne sont
pas clairement expliqués dans les deux pièces que
nous avons insérées, elles y sont ébauchées. Il s'agis-
sait d'abord d'empêcher que le grand-duc n'obtînt en
Allemagne l'indemnité pleine et entière qui lui avait
été promise; il fallait au contraire considérablement
augmenter le lot auquel la Prusse et la Bavière auraient
eu droit, si l'on s'en était tenu strictement au traité
de Lunéville ; il fallait ensuite accorder à quelques
États du second ordre une influence assez grande dans
les affaires d'Allemagne pour balancer celle de TAu-
triche, mais pas assez prépondérante pour pouvoir se
passer de la protection de la France. Pour atteindre ce
but, il fallait enfin que l'Empereur, quoique partie
principalement intéressée à l'arrangement des indem-
nités, en fût écarté. Ce fut lorsqu'on eut adopté cette
marche, « que Paris devint Vraiment le foyer de
toutes les intrigues, le marché où se vendaient les
biens ecclésiastiques d'Allemagne*. »
• On a vu qu'en effet la mesure radicale d-ei sécularisations avait été
— 168 —
La députation extraordinaire de TEmpire, nommée
par un Avis de l'Empire du 2 octobre 1 801 , que l'Em-
pereur avait ratifié fe 7 novembre suivant, et chargée
d'exécuter les articles 5 et 7 de la paix de Lunéville,
s'assembla pour la première fois et se constitua le
24 août 1802, après avoir tenu, le 22, une conférence
préalable dans laquelle on était convenu d'écarter
toute espèce de cérémonial. Elle était composée de
quatre Électeurs, Mayence, Saxe, Bohême et Brande-
bourg, et de quatre membres du collège des Princes;
savoir : Bavière, Wurtemberg, le grand-maître de
l'Ordre Teutonique et Hesse-Cassel. Quoique le plé-
nipotentiaire impérial, les subdélégués des députés
et les ministres des puissances médiatrices soient
nommés dans le préambule du Recès que nous donnons
plus loin dans toute son étendue^ il est utile, pour
l'intelligence des débats, de les désigner ici.
décidée. Mais «cette grande opération des indemnités de l'Empire a été
tellement dominée par une politique de Cabinet, qu'à peine a-t-on re-
marqué l'idée philosophique du mode d'exécution. Ce n'est point ce-
pendant un événement sans importance que cette sécuUuisation uni-
verselle des biens ecclésiastiques d'Allemagne , que l'abolition d'une
théocratie bizarre qui soumettait de nombreuses populations au gou-
vernement d'un prêtre élu par le chapitre d'une cathédrale. Si le frac-
tionnement du vaste territoire de la Germanie en douze ou quinze cents
souverainetés particulières, avait le funeste effet de rapetisser les hom-
mes à la mesure de leur gouvernement, combien le mal ne devait-il pas
être plus grand encore là où le prince n'avait pas même à ménager, à
mettre en valeur le sol et les hommes dans l'intérêt de ses enfants; là
où le pouvoir, étant électif, le choix d'un maître viager se concentrait
dans une compagnie de chanoines , et s'opérait dans une sacristie ! Dès
longtemps la raison publique appelait la réforme d'un ordre de choses
aussi révoltant. C'était un des rêves de Faédéric II; mais, dans ce
prince, le vœu du philosophe tenait de bien près à l'intérêt direct du
monarque. » La France et la Russie, « en consommant ce grand ou-
vrage, dans un système de politique générale, ont non-seulement servi
l'Allemagne; elles ont bien mérité du genre humain. »
— 169 —
MÉDIATEURS.
PLÉNIPOTENTIAIRE
IMPÉRIAL.
SUBDÉLÉGUÉS.
FRANCE :
RUSSIE :
MAYENCE :
M.Laforest^minhtve ex-
Le baron de Hiiget.
Le baron à'Albini.
traordinaire. ( Parmi
les conseillers adjoints
BOHÊME :
à ce ministre, celui au-
M. de Schraut, et en-
quel on attribuait le
suite le comte de Col-
plus d'influence était
loredo-Mansfeld.
M. Jacques Mathieu ,
chef aux Relations Ex-
SAXE :
térieures et auteur du
M. de Globig.
premier plan d'indem-
nité.)
BRANDEBOURG :
Le comte de Gœrtz et
RUSSIE :
M. Hœnlein.
M. deKliipffel, ministre
résident prés la Diète
BAVIÈRE :
générale de l'Empire;
Le baron de Rechberg
et ensuite le baron de
et Rothenlœwen.
Buhler, ministreextra-
ordinaire.
GRAND-HAlTRETEUTONlQUE.
Le baron de Nordegg-
Rabenau.
WURTEMBERG :
Le baron de Normann,
et, l'arrivée de ce mi-
nistre ayant été retar-
dée, dans la première
séance , le baron de
Buhler.
HESSE-CASSEL i
M. de Gunterrode, et
ensuite M. Starkloff.
Le plénipotentiaire de l'Empereur parut dans la
première séance qui, ainsi que les suivantes, fut te-
— 170 —
nue à l'hôtel de ville de Uatisbonne, et y fit la propo-
sition suivante :
((Depuis l'avis de l'Empire du 2 octobre 1801,
l'Empereur a vainement proposé à plusieurs reprises,
par écrit et verbalement, au gouvernement français ,
la réunion de la députation de l'Empire avec des plé-
nipotentiaires français, pour se concerter sur ce qu'il
restait encore à faire pour la paix. Il n'a pas mieux
réussi à entamer avec ce gouvernement une négocia-
tion préalable sur ses propres intérêts; et, quoiqu'il
ait accédé avec empressement à la proposition que la
Russie lui a faite, à la fin de l'année passée, d'une né-
gociation commune à Paris, néanmoins son ambassa-
deur dans cette ville n'a pas été appelé à cette négo-
ciation, ni informé de son succès et de ses résultats.
Ainsi aucun retard de sa part, ni la moindre négli-
gence dans l'exercice de ses fonctions de chef de l'Em-
pire, n'a pu contribuer à priver l'Empereur et l'Em-
pire, qui ont été parties contractantes à la paix de
Lunéville, du droit qui leur a été réservé dans cet in-
strument, de traiter directement et de régler l'affaire
des indemnités. Aussitôt qu'il a connu ce qui avait été
convenu sur cet objet entre la Russie et la France,
l'Empereur, plein de confiance dans le respect de ces
puissances pour les droits inviolables d'un Etat indé-
pendant tel que le corps germanique, s'est empressé
de convoquer la députation de l'Empire, afin qu'elle
coopère à une affaire qui concerne à un si haut degré
l'intérêt, la propriété, la constitution et le salut de
l'Empire. Il y a été porté par un nouveau motif, lors-
qu'il a su que si ces deux puissances, en leur qualité
de parties désintéressées, ont jugé utile de contribuer,
par leurs conseils et leur intervention amicale, à ar-
ranger une affaire très-embrouillée, elles ne pensent
pourtant pas disputer à l'Empire et à la députation
— 171 —
qui le représente, le droit de prendre part elle-même à
l'arrangement des indemnités. La mission de la dépu-
tation est de conclure, de concert avec des plénipo-
tentiaires français, la convention particulière qui man-
quait encore pour compléter les arrangements de la
paix de Lunéville, et nommément pour déterminer,
par le moyen de sécularisations, les indemnités pro-
mises par les articles 5 et 7. Le premier objet de la
députation sera, en conséquence, de délibérer mûre-
ment sur les principes d'indemnisation adoptés dans
la déclaration remise par les puissances médiatrices,
et sur les applications multipliées qui en ont été faites;
de procurer avec une égale justice l'exécution des in-
demnités promises par le traité; de ne pas perdre de
vue les principes généraux établis dans la paix et par
les négociations de Rastadt, sans permettre que, sous
le prétexte d'un équilibre à fixer entre les princes
d'Allemagne de la première classe, on y fasse des ex-
ceptions nuisibles; de réfléchir tant sur l'application
de ces principes que sur les autres points concernant
la constitution de l'Empire, et recommandés, par la
déclaration, aux soins de l'Empire; enfin de porter à
ce travail l'attention que réclament l'importance de la
chose et les conséquences qui doivent nécessairement
en résulter pour le bien-être de l'Empire en général ,
de ses Etats et de tous ses membres. »
Le plénipotentiaire finit par engager la députation
à accélérer son travail; « cependant, dit-il en faisant
allusion au terme de deux mois que la déclaration des
puissances médiatrices avaient prescrit, une affaire
de cette importance ne permet pas qu'on lui fixe un
terme péremptoire,,et le Droit des gens, ainsi que les
lois de l'Empire, n'autoriseraient pas le chef de l'Em-
pire à l'ordonner. »
Ce que le plénipotentiaire impérial avait dit fut
— IT'i —
développé, après sa sortie de la salle, par le sub-
délégué de Bohême, qui dit, entre autres choses, que
M. de Talleyrand-Périgord avait assuré le ministre
d'Autriche à Paris, qu'on était convenu avec la Russie
de faire à l'Empire une simple proposition; qu'on ne
pouvait pas même la qualifier de plan; que c'était
un simple projet soumis à la députation , un conseil
qu'on croyait utile pour satisfaire toutes les préten-
tions; d'où ce subdélégué conclut qu'on devait ré-
pondre à la déclaration des puissances médiatrices,
en les assurant que la députation prendra en consi-
dération leur mns amical.
Une observation qu'il faut faire, parce qu'elle sert
à l'intelligence des délibérations suivantes de la dé-
putation, c'est que ce corps se divisa, dès le commen-
cement de ses séances, en deux partis. A la tête de
l'un était l'Autriche qui avait tout sujet d'être mécon-
tente du plan d'indemnité, non-seulement parce qu'on
l'avait exclue des négociations qui avaient précédé la
rédaction de ce plan, mais encore parce qu'au lieu
d'une indemnité pleine et entière que la paix de Lu-
néville avait positivement promise au grand-duc de
Toscane, on ne lui offrait maintenant qu'environ le
tiers de ce qu'il avait perdu. Au surplus, s'il était
vrai que le plan dût établir un équilibre en Allemagne,
l'Autriche avait un motif de plus pour réclamer une
augmentation du lot du grand-duc, puisque, le plan
ayant disposé à peu près de tout ce qu'il y avait à
donner en Allemagne, cette augmentation devait né-
cessairement être prise sur la part qui était échue à
ceux qu'on avait voulu agrandir pour contre-balancer
la puissance autrichienne. A l'Autriche se joignait,
dans la députation, le grand-maître de l'Ordre Teu-
lonique, prince de cette maison. La Prusse était à la
têto du parti opposé, dans lequel se trouvaient la
— 173 — .
Bavière, le Wurtemberg et Hesse-Cassel, trois princes
dont les intérêts n'avaient pas été négligés par les
médiateurs. L'électeur de Mayence, placé dans une
situation très-difficile, balançait entre les deux partis.
La Saxe seule, comme partie entièrement désintéres-
sée, pouvait s'attacher strictement aux instructions
données par la Diète, et nous verrons que, pénétrée
de la beauté de son rôle, elle ne s'en est pas écartée
un instant.
Dans la seconde séance, qui eut lieu le 31 août, il
fut donné lecture d'une Note que le ministre de France
avait remise le 28, et celui de Russie le 29 août, au
ministre de Mayence, et qui contenait ce qui suit :
« Le soussigné, plénipotentiaire de S. M. \. l'em-
pereur de toutes les Russies près de l'Empire germa-
nique, a reçu de M. le subdélégué de Bohême, en forme
officielle, l'extrait manuscrit d'un rescrit de sa Cour,
en date du 20 août, lu à la séance de la députation
extraordinaire de l'Empire, du 24 du même mois, in-
séré au protocole de cette séance, et répandu depuis
hier matin par la voie de l'impression. Ce rescrit
porte que M. le subdélégué a ordre de faire part de
son contenu au soussigné.
(( Le soussigné ne peut donc se dispenser d'observer
que le gouvernement de la République française a
montré, dès l'échange des ratifications du traité de
Lunéville, l'empressement qu'a partagé S. M. l'em-
pereur de toutes les Russies pour parvenir aux arran-
gements complémentaires de cette paix; que la justice
due à tous les princes à indemniser voulait que tant
d'intérêts divers fussent considérés collectivement;
qu'enfin les déclarations faites d'une part au nom de
S. M. L l'empereur de Russie, de l'autre au nom du
du premier Consul de la République française, toutes
— 174 —
les deux signées par leur ordre exprès, portent un ca-
ractère et contiennent des explications qui attestent
leur longue sollicitude pour le bien-être de l'Empire
germanique.
« Le soussigné ne croit pas qu'il y ait lieu de faire
de plus amples réflexions sur un état de choses aussi
généralement compris. Il se réfère avec confiance à la
déclaration même de sa Cour, et demande que cette
Note soit lue à la première séance de la députation
extraordinaire et insérée au protocole.
« Ratisbonne, le |^ août 1802'.
« Le baron de Bùhier. w
Ensuite le subdélégué de Brandebourg dit que le
Roi son maître avait regretté que, malgré le désin-
téressement qu'il avait montré à l'égard des pertes
qu'il avait éprouvées, soit comme puissance souve-
raine ^ soit comme mem.bre de l'Empire, il ait ren-
contré des difficultés qui ne lui avaient pas permis
d'atteindre le but qu'il s'était proposé. Il paraît que
le subdélégué a voulu dire par là que le Roi aurait
désiré procurer une indemnité entière au grand-duc
de Toscane, mais que le principe d'équilibre adopté
par les médiateurs s'y était opposé. Le subdélégué
ajouta que ses instructions lui prescrivaient de voter
pour que le plan fût adopté dans sa généralité par un
conclusum préalable, en réservant toutefois aux déli-
bérations futures les modifications que des réclama-
tions fondées pourraient rendre nécessaires.
La Bavière vota dans le même sens ; mais le subdé-
' La Note française était mot à mol la même, sauf les titres et qoa*
litée.
' Ceci se nippoile au duché de tiueldre, qui n'appartenait pas à
l'Empire germanique.
— 175 — •
légué du grand-maître de l'Ordre Teutonique demanda
qu'en exprimant aux médiateurs la reconnaissance de
la députation pour leur intervention, on leur annonçât
qu'en vertu des pouvoirs dont elle était revêtue , la
députation allait vérifier chaque perte en particulier,
et examiner, d'après les principes énoncés dans ses
instructions, les indemnités réclamées; après quoi,
elle aurait recours au conseil renfermé dans la décla-
ration, et, s'il se rencontrait quelque difficulté, s'en
expliquerait avec les plénipotentiaires des puissances
médiatrices.
Les subdélégués de Wurtemberg et de Hesse-Cassel
ayant opiné dans le sens de celui de Brandebourg, et
le ministre de Saxe s'étant réservé de voter dans une
prochaine séance, le ministre de Mayence, après une
introduction qui remettait sous les yeux de ses collè-
gues le devoir que leur mission leur imposait, dit;
« Les médiateurs ayant pensé avec raison que l'Em-
pire seul ne parviendrait pas à arranger cette affaire
importante, ont remis à la députation un plan qu'ils
lui ont recommandé d'examiner avec soin, et cepen-
dant avec célérité, parce que l'intérêt de l'Allemagne,
la consolidation de la paix et la tranquillité générale
de l'Europe exigent que tout ce qui concerne le règle-
ment des indemnités germaniques soit terminé dans
l'espace de deux mois. ,
« Il est notoire que , sans attendre ces règlements,
plusieurs Cours allemandes ont occupé , soit définiti-
vement, soit militairement et provisoirement, les pays
que les déclarations leur destinaient. Il serait superflu
de remarquer que l'état des choses que l'Empire a
envisagé lorsqu'il a tracé les pouvoirs de la députa-
tion, a été ainsi considérablement altéré. En suppo-
sant que la célérité, si instamment recommandée,
n'eût pas été aussi nécessaire qu'elle l'est devenue en
— 176 —
effet après que les déclarations des deux puissances
ont été rendues publiques, les événements dont on
vient de parler auraient imposé à la députation le de-
voir de hâter, autant que possible, cette affaire diffi-
cile, quelque triste et quelque compliquée qu'elle pa-
raisse. La première question qui se présente est celle
qui se rapporte à la marche à suivre dans ce moment.
Il est indubitable qu'on est obligé de négocier avec les
deux puissances sur la base de leurs déclarations.
(( Ces déclarations renferment deux parties : d'abord
les indemnités déterminées, et ensuite divers autres
objets qui sont présentés sous le titre de Considéra-
tions générales^ comme dignes de fixer l'attention de
la députation; parmi celles-ci il y a des questions in-
timement liées aux indemnités mêmes, et sur lesquelles
il faudra prendre un parti, ou au moins établir des
règles générales aussitôt qu'on réglera celles-là. Telles
sont la sustentation de toutes les personnes qui per-
dent leur existence constitutionnelle dans les pays sé-
cularisés, les dettes et pensions attachées aux pays qui
vont être sécularisés, surtout lorsque ces pays ne
passent pas entre les mains d'un seul prince. Il sera
donc nécessaire qu'en assignant une indemnité, on
prononce et statue en même temps d'une manière
claire que, de même que tous les droits et revenus
d'un pays sécularisé passent au nouvel acquéreur, il
sera aussi chargé de toutes les charges inhérentes aux
pays qui lui sont concédés. »
Le même plénipotentiaire dit encore : « Pour ce qui
concerne la masse des indemnités établie par les dé-
clarations, et la répartition des pays sécularisés, ainsi
que des villes libres qu'on y a englobées, il est évident
que les deux puissances médiatrices ne se sont pas
astreintes à exécuter à la lettre la paix de Lunéville,
qui est cependant la base des instructions de la dé-
—' 177 —
putation. Elles ne dissimulent pas qu'en fixant les lots
des Cours du premier rang et des Etats qui ont des
suffrages virils, elles n'ont pas voulu prendre pour
échelle le montant exact de la perte, mais qu'elles ont
été guidées par des considérations politiques particu-
lières; tandis qu'à l'égard des États qui n'ont que des
voix curiales, l'intention des médiateurs est, qu'après
un examen impartial, on détermine d'une manière con-
forme à la perte, l'indemnité que cette classe d'États
devra recevoir. Mais comment, avec les meilleures in-
tentions, aurait-il été possible que des puissances
étrangères fussent pourvues des connaissances locales
nécessaires pour dresser un plan exact d'indemnités?
C'est le sentiment de cette impossibilité qui porte ces
puissances à demander que la députation examine soi-
gneusement le plan proposé, et c'est le devoir le plus
sacré de celle-ci d'aller au-devant de ce vœu. »
Après avoir ensuite exprimé la reconnaissance de
son souverain envers les médiateurs , qui , ayant re-
connu la néc^sité de conserver sa métropole, avaient
voulu la doter d'une manière analogue à sa dignité,
ainsi que ses regrets de ce que les deux autres électo-
rats ecclésiastiques dussent cesser, et qu'on eût trop
généralisé la sécularisation, le plénipotentiaire de
Mayence accéda aux votes de la Bohême et du grand-
maître de l'Ordre Teutonique, qui avaient demandé un
examen du plan proposé : il y accéda toutefois avec
cette modification , que l'on ne devait pas entrer en
discussion sur les indemnités destinées aux puissances
du premier rang, parce qu'à leur égard il ne s'agissait
pas d'indemnités seulement, mais de principes qui
étaient placés hors du cercle des opérations de la dé-
putation.
Dans la même séance , le subdélégué de la Bohême
remit une réclamation formelle de sa Cour contre l'in-
VII 12
— 178 —
suffisance de l'indemnité destinée au grand-duc de
Toscane, et proposa d'ajouter aux principautés de
Salzbourg, de Berchtolsgaden et de Passau, ayant en-
semble un revenu de un million trois cent cinquante
mille flor. , un supplément d'indemnisation dans le
cercle de Souabe, moyennant des principautés ecclé-
siastiques et des villes impériales d'un rapport annuel
de deux millions trois cent soixante-neuf mille cent
flor.^ 11 présenta ensuite une déclaration sur l'occu-
* Voici la liste de ce que l'Autriche demandait pour le grand-duc ,
indépendamment de Salzbourg, Berchtolsgaden et Passau :
m. c. hab. fl. de rev.
L'évêché d'Augsbourg avec Sainl-Ulric. . . 54 70 000 450 000
Kempten 46 45 000 230 000
Les abbayes immédiates suivantes :
Salmansweiler 4J 7 000 80 000
Weingarten 6 il 000 i 00 000
Petershausen 1 2 300 45 000
Weissenau 1 2 400 30 000
Schussenried 2 3 200 40 000
Ochsenhausen 4 8 000 95 000
Roth : . . 1 2 000 34 000
Ottobeuren 2f 6 000 70 000
Irsée U 4 000 50 000
Roggenbourg 1 i 3 000 42 000
Ursperg U 2 000 48 000
Wettenhausen -Ij 3 000 50 000
Les villes impériales suivantes :
Augsbourg H 36 000 250 000
Kempten ^k 3 200 22 000
Ulm U 48 000 300 000
Memmingen 2 11000 45 000
Kaufbeuren U 8 000 28 000
Ysny — 1300 4 600
Wangen 2 3 000 14 000
Leutkirch 2| 1 800 6 000
Biberach 2 10 000 35 000
Gmund î 12 000 38 000
Aalen k 3 200 15000
Halle 6 16 000 90 000
99i 200 100 1 634 600
— 179 —
pation de la ville de Passau par des troupes autri-
chiennes. Il dit, entre autres, dans cette dernière
pièce : K Lorsque les plans dans lesquels on réglait le
sort de l'Allemagne étaient encore un secret impéné-
trable pour l'Empereur et le corps germanique, on
procéda déjà, dans le Nord, à des occupations aux-
quelles il ne manquait, pour leur donner la nature
d'incorporations, que d'avoir fait prêter hommage
par les habitants. En même temps on fit, au centre et
au sud de l'Allemagne, des préparatifs pour une sem-
blable mesure, à laquelle on paraissait vouloir donner
une si grande extension, que non-seulement on y
comprenaitles pays qu'une négociation antérieure avait
destinés au grand-duc de Toscane, mais qu'on rendait
même impossible leur remplacement par d'autres dis-
tricts. L'Empereur crut devoir envoyer un ministre à
Munich, pour faire des représentations, proposer que,
jusqu'à ce que ladéputation aurait terminé son travail,
on s'abstînt, de la part des deux Cours, de toute oc-
cupation provisoire, et offrir une négociation pour
s'entendre sur les prétentions réciproques; mais l'É-
lecteur a décliné toute représentation et proposition,
.et s'est mis en mesure de s'emparer de Passau. Alors
l'Empereur cédant aux sollicitations du prince-évêque,
a occupé cette ville , ainsi que les pays de Salzbourg
et de Berchtolsgaden. Cependant l'administration et
De l'autre part
Rothweil
Buchau ,
Pfullendorff
Ravensbourg
Uberlingen i i
Buchhorn
Lindau
Total.
m. c.
hab.
fl. de rev.
99^
200 100
1 634 600
n
15 000
60 000
—
800
3 000
1
2
4 000
14 000
1
4 500
16 000
n
6 000
26 000
800
2 500
1
5 000
16 000
4381
353 700 2 369 100
— 180 —
les revenus de ces trois principautés ont été laissés
entre les mains des possesseurs actuels; car l'Empe-
reur, tout en se regardant comme autorisé à assurer
la possession de ces pays à son frère , ne pense pas
pouvoir le mettre en possession effective avant que
l'affaire des indemnisations ait été réglée d'une ma-
nière conforme aux traités et à la Constitution. »
A cette déclaration, qui renfermait une attaque di-
rigée contre la Prusse, le plénipotentiaire de Brande-
bourg répondit de la manière suivante : « Comme
dans toute les négociations pour la paix avec la Répu-
blique française, ainsi que dans la guerre qui les a
précédées, la Prusse n'a pas seulement agi en qualité
d'État d'Empire, mais qu'elle y a en même temps dé-
veloppé le caractère d'une puissance souveraine, cette
double qualité, que l'Autriche a également fait valoir,
ne saurait être perdue de vue, et il est nécessaire d'y
avoir égard lorsqu'il est question de déterminer l'in-
demnité de la Prusse. Quoique, en sa qualité de puis-
sance souveraine, le lloi n'ait eu nulle obligation d'ac-
quiescer à la cession que, dans son traité avec la
France, l'Empereur avait faite des provinces transrhé-
nanes de la Prusse, et môme, parmi elles, d'une pro-
vince qui n'appartenait pas à l'Empire , le duché de
Gueldre', néanmoins, par amour pour la paix, on ne
s'y est pas opposé ; mais, en votant à la Diète pour la
ratification de la paix, on s'est expressément réservé
ses droits. Pour les maintenir, on n'a pu, de la part
de la Prusse, suivre d'autre marche que celle que
l'exemple de l'Autriche avait tracée Non-seulement
cette puissance a, dans ses traités de paix avec la
France, stipulé une indemnité pour les provinces
' Ici la mémoire de M. le comte de Gobuz se montre infidèle. L'arti-
cle 6 de la paix de Lunéville dit en toutes lettres : « qui faisaient par-
lie de l'Empire germanique. »
— 181 —
qu'elle cédait, mais elle s'est mise sur-le-champ en
possession de ces indemnités*. Le Roi devait donc à
sa dignité et aux droits que lui donnait l'égalité de ses
rapports, de faire la même chose à l'égard de son in-
demnité, et de se placer ainsi sur une même ligne avec
l'Autriche. C'est sous ce point de vue qu'il faut envi-
sager les négociations que le Roi a entamées avec les
puissances médiatrices. Une convention du 23 mai de
cette année ^ ne lui assigne pas seulement, sans restric-
tion, les indemnités connues par le plan, mais elle dit
expressément que ces pays doivent être occupés sur-
le-champ. Cette stipulation positive, l'exemple de l'Au-
triche et les inconvénients qui résultent, pour un peu-
ple destiné à changer de maître, d'un état précaire et
incertain, ont engagé le Roi à occuper les pays qui lui
avaient été assignés. Si la conduite de la Prusse, dans
cette occurrence, n'a eu rien d'arbitraire; si son exem-
ple est fait pour accélérer l'arrangement des indem-
nités, et mettre fin aux incertitudes sous lesquelles
tant d'États allemands gémissent depuis si longtemps;
si ses démarches ont plutôt consolidé qu'ébranlé la
tranquillité de l'Allemagne septentrionale, le Roi est
en droit de s'attendre à ce que tout ce qui peut man-
quer aux formes constitutionnelles recevra son com-
plément par la sanction que l'Empire accordera aux
indemnités en général. »
Le subdélégué de Bavière énonça à cette occasion
une proposition qui dut étonner tout le monde. Il
s'offrit de démontrer, par des données statistiques très-
exactes, que les indemnités accordées à l'Électeur ne
pouvaient, sous aucun rapport, être regardées comme
un équivalent pour le sacrifice des provinces du Pala-
' Ceci se rapporte à l'État de Venise.
* Ce fut pour la première fois que l'on mentionnait officiellement
cette convention. Voy. ci-cle=su?, p. MO.
— 182 —
tinat. Nous reviendrons sur cette assertion, et remar-
quons ici seulement qu'elle contredit le rapport de
M. de Talleyrand , où l'on dit qu'il a été nécessaire
d'agrandir la Bavière, parce qu'elle devait servir de
base à l'équilibre de l'Allemagne.
Le sort de rAllemagne fut décidé dans la troisième
séance qui eut lieu le 8 septembre, si toutefois le sort
de l'Allemagne n'était pas décidé d'avance. Ce jour-là,
le subdélégué de Saxe, qui n'avait pas encore voté sur
l'objet qui était en discussion, dit que, puisque les
ministres médiateurs demandaient avec instance une
prompte résolution sur leur déclaration, l'Electeur ne
pouvait, d'après les instructions données par la Diète,
voter que pour qu'on exprimât de la reconnaissance
pour la communication de la déclaration, comme d'un
fil qui guidera les délibérations de la députation, et
pour qu'on prît maintenant en mûre délibération les
points importants qu'elle renfermait, en y liant tou-
tefois le règlement des dettes dans les pays qui servi-
ront d'indemnité, et la sustentation convenable des
possesseurs actuels, ainsi que tout ce qui tenait à la
constitution politique et religieuse et aux droits des
tiers.
Les subdélégués de Brandebourg, de Bavière, de
Wurtemberg et de Hesse-Cassel ayant accédé à la pro-
position faite dans la séance précédente par le pléni-
potentiaire deMayence, pour qu'on fît des stipulations
à l'égard de la sustentation des ecclésiastiques et des
dettes des pays sécularisés, le baron iVAlbini ajouta à
son premier vote un supplément qui le dénatura tout
à fait. Il dit : « Comme les médiateurs exigent que
l'affaire des indemnisations soit terminée dans l'espace
de deux mois, il est évident qu'il n'entre pas dans
leur intention qu'on demande à chaque partie iuté-
__ /|83 —
ressée une liquidation formelle de sa perte, que ces
états soient examinés et les indemnités fixées en con-
séquence. Comment, en effet, la députation pourrait-
elle faire un tel examen , vu que la déclaration com-
prend des parties dont la paix de Lunéville n'avait pas
fait mention *? Ce serait en vain qu'on se flatterait de
l'espérance de sauver encore une partie des biens ec-
clésiastiques et des villes que les médiateurs avaient
compris dans la masse des indemnités. Dans ces cir-
constances, il ne reste à la députation d'autre parti
que de limiter l'examen du plan que son devoir lui
impose, et de ne considérer que les réclamations pres-
santes contre le plan qui lui seront adressées. Mais
comme elle ne connaît pas les calculs et les évaluations
qui ont motivé chaque indemnité en particulier, il sera
nécessaire qu'on prie les ministres des puissances mé-
diatrices de les communiquer. »
Le subdélégué *se résuma en proposant « qu'il fût
déclaré à ces ministres qu'on adoptait en général le
plan d'indemnité, en se réservant toutes les modifi-
cations auxquelles des réclamations donneraient lieu,
ou que la députation elle-même jugerait nécessaires;
mais qu'en même temps il était indispensable de statuer
qu'avec les pays formant l'indemnité, chaque partie
intéressée prît aussi sur elle la sustentation convenable
des personnes qui jusqu'à présent y avaient eu une
existence constitutionnelle, ainsi que les dettes qui y
étaient hypothéquées. »
Les quatre membres du parti opposé à l'Autriche
ayant adhéré à cette prjoposition, et le plénipotentiaire
de Saxe ayant déclaré que, quoique ses instructions
ne lui permissent pas (l'adopter le plan sans distinc-
' La maison de Nassau-Orange , le duc d'Oldenbonrg , le prince de
Dietrichstein, le prétendant au titre de prince de Nassau-Siegen.
Jjji)
— 184 —
tion, il se soumettait cependant à la pluralité des voix;
le vote de Mayence fut changé, par la pluralité des suf-
frages, en conclusum, et la proposition des puissances
médiatrices fut ainsi adoptée.
Par un second conclusum du même jour, on arrêta
que les trois réclamations qui, jusqu'à ce jour, avaient
été présentées de la part du grand-duc de Toscane, du
grand-maître de l'Ordre Teutonique et du comte de
StadioUj seraient renvoyées aux ministres des puis-
sances médiatrices.
Peu de jours avant ce conclusum, le 5 septembre 1 802,
la France, la Prusse et la Bavière avaient signé, à
Paris, une convention, ou plutôt une espèce de décla-
ration, qu'on pouvait regarder comme hostile envers
l'Autriche. Comme elle ne saurait être abrégée, et qu'il
est nécessaire de l'avoir sous les yeux pour l'intelli-
gence de la suite de ces négociations, nous l'insérons
ici en entier.
« Le premier Consul de la République française et
S. M. l'empereur de toutes les Russies ayant résolu de
se charger de la médiation dans l'arrangement des
affaires allemandes, et désigné, par leur déclaration
du 18 août, les indemnités qu'en conformité de l'ar-
ticle 7 du traité de Lunéville ils ont cru devoir adjuger à
chaque prince, S. M. le roi de Prusse s'est hâtée d'ac-
cepter le plan présenté, et s'est scrupuleusement
bornée, lors de la prise de possession des États à elle
adjugés, aux limites assignées par la déclaration.
Comme S. M. l'Empereur avait annoncé aussi, de
son côté, le dessein de faire occuper ses diverses pos-
sessions, le premier Consul et S. M. l'empereur de
Russie et le roi de Prusse se sont fait respectivement
un devoir de lui donner à connaître qu'il ne serait pas
convenable que ses troupes outre-passassent les limites
— 185 —
fixées dans la déclaration, et occupassent d'autres ter-
ritoires que ceux désignés pour l'indemnisation de l'ar-
chiduc Ferdinand. Cependant, au mépris de cette ou-
verture, faite à l'ambassadeur impérial à Paris, par
les ministres des trois puissances, ainsi que de celle
faite à M. de Sladion à Berlin, par M. le comte de
Haugwitz, les troupes autrichiennes ont pris possession
de la ville de Passau, et Sa Majesté Impériale a fait
déclarer à la Diète d'Empire qu'elle ne pouvait point
l'évacuer, à moins que les pays occupés par d'autres
princes ne fussent également évacués; ce qui montre
que Sa Majesté Impériale n'attache aucun prix à la
déclaration des puissances médiatrices, et la considère
comme non avenue. En conséquence, le premier Consul
de la République française et S. M. le roi de Prusse
s'obligent de renouveler, de concert, à Ratisbonne et à
Vienne, leurs efforts pour que le plan d'indemnisation
présenté soit accepté en entier par l'Empire germa-
nique et ratifié par l'Empereur, en particulier dans ce
point qui garantit à l'électeur de Bavière la conserva-
tion de ses possessions sur la rive droite de l'Inn et
lui assure la ville de Passau. Et quand, contre leurs
espérances et contre leurs efforts réunis, S. M. l'Em-
pereur, qui a occupé la ville de Passau, se refuserait à
l'évacuer de nouveau dans l'espace des soixante jours
destinés aux délibérations de la Diète, les gouverne-
ments français et prussien s'engagent à réunir leurs
forces aux forces bavaroises pour assurer à la Bavière
tant la conservation de ses anciennes possessions sur
la rive droite de l'Inn, que la possession de Passau et
toutes les indemnités à elle adjugées. Ainsi fait à Paris,
le 18 fructidor an x (5 sept. 1802).
« Signé : Talleyrand,
Marquis de Lucchesini,
Cetto. »
— 186 —
Les conclusums du 8 septembre avaient été adressés
au plénipotentiaire de l'Empereur. Dès la quatrième
séance de la députation, qui fut tenue le 14 septem-
bre, le plénipotentiaire de Mayence annonça que celui
de l'Empereur avait refusé de ratifier le premier con-
clusum qui avait accepté, en général, le plan d'indem-
nités. Le 'décret de ce plénipotentiaire rappela à la
députation, et ses instructions qui exigeaient un exa-
men, et les dispositions du traité de Luné ville, seule
boussole qui devait la guider dans ses délibérations.
Dans la même séance, on lut une Note du ministre
de France, du 13 septembre, dirigée contre le vote
que le subdélégué de Bohême avait émis dans la séance
du 24 août. Voici cette Note :
c( Le soussigné, ministre extraordinaire de la Répu-
blique française près la Diète de l'Empire germani-
que, s'est empressé de transmettre à son gouverne-
ment le rescrit communiqué par M. le subdélégué de
Bohême à la députation extraordinaire de l'Empire,
dans sa séance du 24 août, et pareillement communi-
qué au soussigné le 28 dudit mois. H est chargé de faire
parvenir à la députation les observations suivantes :
« Le premier Consul a été vivement affecté de voir
que ses intentions pour l'affermissement de la prospé-
rité du corps germanique aient été méconnues.
« Puisqu'on lui reproche de n'avoir point répondu
aux ouvertures faites par Sa Majesté Impériale et
Royale depuis la conclusion du traité de Lunéville,
et d'avoir ainsi retardé, pour l'Allemagne, cette in-
téressante portion de l'Europe, les avantages de la
paix, il doit déclarer que les ouvertures qui, quoi-
que confidentielles et secrètes, sont aujourd'hui rappe-
lées publiquement par la Cour de Vienne , bien loin
d'être propres à procurer l'exécution de Varticle 7
— 187 —
du traité de Liinéville, ne pouvaient tendre qu'à l'é-
loigner, en cela qu'au lieu d'indiquer les moyens de
pourvoir à l'indemnisation de tant de princes séculiers
qui avaient fait des pertes si considérables , elles n'a-
vaient pour but que de régler le dédommagement de
l'archiduc Ferdinand y en y employant des domaines
laïques et héréditaires.
« Les projets de la Cour de Vienne tend aient à por-
ter son territoire jusqu'au Lech , et auraient eu par
conséquent pour eiîet de rayer la Bavière du nombre
des puissances. La justice et la générosité, qui sont
toujours les premières écoutées dans le cœur du pre-
mier Consul, lui ont donc fait une loi d'oublier ce que
l'Électeur pouvait avoir eu de torts envers la Républi-
que, et de ne pas laisser périr un État affaibli, menacé,
mais garanti cependant jusqu'ici par la politique des
gouvernements intéressés au maintien d'un juste équi-
libre en Allemagne; car si l'équilibre de l'Europe
veut que l'Autriche soit grande et puissante , celui de
l'Allemagne exige que la Bavière soit conservée intè-
gre, et mise à couvert de tout envahissement ultérieur.
Que deviendrait le corps germanique , si les princi-
paux États qui le composent voyaient leur indépen-
dance à tout moment compromise ; et l'honneur même
de cette antique fédération ne souffrirait-il pas de l'af-
faiblissement d'un prince dont la maison a si hono-
rablement concouru à l'établissement et au maintien
de la Constitution germanique?
« Ce n'est donc pas à Paris que les insinuations de
la Cour de Vienne sur les affaires d'Allemagne ont pu
être accueillies; et, quoiqu'elle les ait renouvelées
depuis à Pétersbourg, elles n'ont pu y avoir un meil-
leur succès. L'âme grande et généreuse de l'empereur
Alexandre ne pouvait lui permettre de négliger les in-
térêts de la Bavière, qui étaient également recomman-
.— 188 —
dés par les liens du sang et par tous les calculs d'une
sage politique.
« N'ayant pu réussir ni à Pétersbourg ni à Paris, la
Cour de Vienne n'en poursuivait pas moins à Munich
l'exécution de ses projets, et ce fut la communication
que fit l'Electeur de ses inquiétudes aux gouverne-
ments de France et de Russie qui contribua surtout à
leur faire sentir la nécessité de réunir leur influence
pour protéger les princes héréditaires, garantir l'exécu-
tion de V article 7 du traité de Lunéville, et ne pas laisser
tomber au dernier rang une maison des plus anciennes
et naguère des plus puissantes de l'Allemagne.
(( Le soussigné est donc chargé de déclarer à la dé-
putation que les États héréditaires de S. A. S. l'élec-
teur palatin de Bavière, ainsi que les possessions qui
lui sont destinées comme dédommai^ements et comme
nécessaires au rétablissement de l'équilibre en Alle-
magne, se trouvent naturellement et indispensablement
placés sous la protection des puissances médiatrices;
que le premier Consul, personnellement, ne souffrira
pas que la place importante de Passau demeure aux
mains de l'Autriche, ni qu'elle obtienne aucune partie
du territoire que la Bavière possède à la droite de l'Inn,
car il regarde qu'il n'y aurait point d'indépendance
pour la Bavière du moment où les troupes de l'Autri-
che seraient si voisines de sa capitale.
« Il reste encore au soussigné à exprimer àladéputa-
tion le regret qu'éprouve le premier Consul de divul-
guer des négociations qui n'ont eu lieu que sous le
sceau de la confidence, et dont le secret, par consé-
quent, aurait du demeurer sacré; mais il y a été con
traint par une juste représaille et par le prix qu'il attache
à l'opinion et l'estime du brave et loyal peuple germain.
« A Ratisbonne , le 26 fructidor an x ( 13 septem-
bre 1S02\ M IjAFOREST. »
— 189 —
Le subdélégué de Bohême fit observer, dans cette
séance, qu'en admettant en masse le plan d'indemnité
proposé, la députation avait donné à chaque réclamant
des antagonistes dans la personne de tous ceux qui
avaient reçu des lots trop considérables, parce que ces
Etats favorisés regardant ce qu'on leur avait destiné
comme une propriété bien acquise , seront naturelle-
ment peu disposés à la justice envers ceux dont on ne
pouvait satisfaire les réclamations, sans diminuer quel-
que chose de ce qu'on avait donné de trop aux premiers.
Après cette introduction, le subdélégué annonça que sa
Cour, dans l'intention d'accélérer la marche de l'affaire,
avait ouvert de nouvelles négociations avec la France
et la Russie, et qu'elle protestait solennellement con-
tre toute acceptation provisoire du plan d'indemnité.
Quant à la Note française, il assura que, pendant tout
le temps qu'il avait pris part aux négociations de
Paris , il n'avait jamais eu la moindre connaissance
d'un projet tendant à étendre les frontières de la mo-
narchie jusqu'au Lech, ni de détruire l'état actuej des
possessions bavaroises; que, pour chaque cession pro-
posée, on avait offert la valeur complète, et qu'en gé-
néral on n'avait jamais eu en vue de faire le moindre
changement sans le consentement de la Bavière.
L'impartialité exige que nous remarquions que si,
d'une part, les votes émis dans les diverses séances
de la députation contre le projet d'indemnité des mé-
diateurs, renfermaient de grandes vérités, on ne pou-
vait, d'un autre côté, se dissimuler que l'unique mo-
tif qui rendait l'Autriche contraire à ce plan , était le
peu d'égard qu'on avait eu à la réclamation du grand-
duc de Toscane , et cette circonstance donnait un cer-
tain poids à l'assertion des ministres de France, que la
Gourde Vienne n'avait négocié que pour le grand-duc.
— 190 --
Le subdélégué de Brandebourg protesta formelle-
ment contre la qualité de commissaire impérial prise
par le plénipotentiaire de l'Empereur, qui indiquait
que l'intention de ce ministre était de regarder les dé-
crets de la députation comme de simples Avis. Il émit
l'opinion que le conclusum , provoqué par des circon-
stances extraordinaires , et arrêté par la pluralité des
voix, restait, malgré le refus du plénipotentiaire de
l'Empereur de le ratifier, dans toute sa force et vali-
dité, et qu'en le prenant pour base, la députation pou-
vait continuer ses discussions et ses négociations avec
les ministres des puissances médiatrices , jusqu'à ce
qu'il fût possible de s'entendre sur un conclusum dé-
finitif qui pût être soumis à l'Empereur et à l'Em-
pire.
La députation n'adopta pas cet avis, mais elle arrêta
de faire au plénipotentiaire de l'Empereur des repré-
sentations sur son refus, et de relever, à cette occa-
sion, d'une manière indirecte, le titre de commissaire
impérial qu'il avait pris. Nous avons vu* qu'une diffi-
culté du même genre s'était présentée au congrès de
Rastadt.
Sur la proposition du subdélégué de Brandebourg,
on arrêta, dans cette séance, que les réclamations qui
avaient été ou seraient encore adressées à la députa-
tion contre des points du plan d'indemnisation, se-
raient transmises aux ministres médiateurs pour con-
naître leur avis, et qu'on engagerait les directeurs des
collèges des comtes de la Westphalie et de la Wétéra-
vie à se faire communiquer, par les parties inté-
ressées de leurs collèges, les états de liquidation
qu'elles avaient remis à la France; d'examiner la par-
tie de l'évêché de Munster, que Vartide 30 du plan
' Voy. t. VI, p. U. ; '"• '
— 191 —
destinait à ces comtes, et de proposer une répartition
de ce district parmi les parties intéressées.
Ce fut dans le cours de la discussion qui avait pré-
cédé cet arrêté, que le subdélégué de Brandebourg dit
qu'il lui paraissait qu'il ne pouvait pas être dans l'in-
tention des médiateurs de disposer, à titre d'indem-
nité, de biens ecclésiastiques médiats situés sous la
souveraineté de princes séculiers. 11 paraît cependant
que telle avait été l'opinion des médiateurs , puisque
le paragraphe 2 de Varticle 36 du plan dit « que les
biens des chapitres, abbayes, couvents tant d'hommes
que de femmes, tant médiats qu'immédiats , dont il
n'a pas été formellement fait mention dans la présente
proposition , seront appliqués au complément de l'in-
demnité des États et membres héréditaires de l'Em-
pire , s'il est reconnu qu'il n'y a pas été suffisamment
pourvu par les assignations ci-dessus , et sauf la sou-
veraineté qui demeurera toujours aux princes territo-
riaux. » Nous verrons comment on changea par la
suite cette disposition qui portait évidemment atteinte
à la supériorité territoriale des Etats, en vertu de la-
quelle eux seuls pouvaient supprimer des fondations
médiates qui se trouvaient dans leurs territoires, sup-
posé que les restrictions mises par la paix de Westpha-
lie au droit de réformer ou d'autres pactes et rêver-
salés ne leur enlevassent pas cette faculté.
La requête que le baron de Helmstœdt présenta à la
cinquième séance, le 16 septembre, pour demander
une indemnité pour la seigneurie deMorhange^, donna
' Celle seigneurie, nommée en allemand Morchingen, avec celles de
Hunsingen et Altroff, qui en font partie, est située en Lorraine , dans
les environs de Dieuze. L'immédiateté de celte seigneurie a été recon-
nue par la paix de Westphalie (art. 4, § 34) ; mais elle l'avait perdue
par la paix de Ryswick. Elle se composait de trente et un villages, et
rapportait soixante-quatorze mille cinq cent trente-trois florins.
— 192 —
lieu à un conclusum, portant qu'on réclamerait auprès
des ministres de France l'exécution du 9' article de
la paix de Lunéville , qui ordonnait la levée du sé-
questre mis sur les biens de tout propriétaire quel-
conque. Nous avons remarqué', en parlant de cet ar-
ticle, qu'il était rédigé avec bien peu de clarté, et que,
pour lever l'apparente contradiction qui subsistait
entre cet article et la disposition àeV article 6, laquelle
cédait à la France tous les domaines qui avaient fait
partie de l'Empire , il aurait fallu préciser qu'on ne
cédait que les domaines des États d'Empire, et qu'on
réservait les possessions des membres de l'Empire et
autres particuliers. Le gouvernement français avait
laissé subsister le séquestre sur la seigneurie de
Morhange , parce qu'il confondait cette terre immé-
diate, à laquelle on donnait abusivement le titre de
comté, mais à laquelle n'était attachée aucune voix, ni
à la Diète, ni aux assemblées de cercles, avec les do-
maines des États d'Empire.
On annonça, dans cette séance, à la députation, que
les ministres des puissances médiatrices avaient re-
fusé d'accuser réception du deuxième conclusum, et
par conséquent de tous les suivants, parce qu'ils
croyaient devoir attendre qu'on leur communiquât
d'abord le premier.
Dans la discussion l\ laquelle donna lieu, à la
sixième séance du 18 septembre, le refus réitéré du
plénipotentiaire impérial, de ratifier ce conclusum, le
subdélégué de Brandebourg rétorqua , contre l'Au-
triche, le reproche fait à la députation de s'être écar-
tée de la paix de Lunéville. H dit que la Cour de Vienne
en avait donné le premier exemple en comprenant,
' Voy. t. VI, p. 2o7.
— 193 —
dans la liste des indemnités qu'elle avait demandées
pour le grand-duc de Toscane, dix-neuf villes libres de
la Souabe.
La septième séance fut tenue le 21 septembre. Le
plénipotentiaire impérial y fit connaître à la députa-
tion que, quoiqu'il n'eût pu accéder au premier con-
clusum, il l'avait cependant communiqué aux minis-
tres médiateurs. Ainsi le rapport entre la députation
et les ministres médiateurs, par l'intermédiaire du
plénipotentiaire impérial, se trouvait établi , et la dé-
putation pouvait dès lors leur transmettre les réclama-
tions qui lui parvenaient.
Comme nous nous bornons à extraire des protocoles
les points qui offrent un intérêt général, nous passons
sous silence les nombreuses réclamations particulières
qui furent présentées à la députation dans cette séance
et dans les suivantes , à moins qu'elles ne donnent
lieu à discuter un principe ou à éclaircir un point his-
torique. Nous aurons occasion de revenir sur ces ré-
clamations lorsque nous donnerons le texte même du
Recès.
Les huitième et neuvième séances, des 23 et 25 sep-
tembre , furent entièrement remplies par des affaires
particulières.
Le lendemain de la dernière séance, le plénipoten-
tiaire impérial remit au ministre de France une Note
en réponse à la sienne du 13 septembre. Nous la pla-
çons également ici :
« La déclaration remise à Ratisbonne, au nom des
puissances intervenantes, renfermait une imputation
grave et non méritée sur les retards qu'avait éprouvés le
rassemblement de la députation de l'Empire. Sa Majesté
YII 13
_ 194 —
se devait à elle-même, ainsi qu'à l'Empire germanique,
de prouver par des faits que rien n'avait été négligé
de sa part pour abréger ces délais. Loin de vouloir
inculper personne, l'exposé fidèle de ce qui s'est passé
n'avait pour objet que de mettre en évidence la pureté
de la conduite de l'Empereur.
« Tel est également le motif qui oblige Sa Majesté de
rappeler ici d'autres faits relatifs aux pourparlers an-
térieurs qui ont eu lieu sur l'indemnité de la Toscane,
afin de les opposer aux assertions que renferme la Note
remise, le 13 de ce mois, au soussigné, par le ci-
toyen La/bresï, ministre extraordinaire de la République
française.
« Sa Majesté s'en remet volontiers au jugement de
toute l'Europe, si elle peut être taxée d'injustice ou
d'ambition pour avoir insisté sur l'indemnité pleine et
entière que le traité de Lunéville assure à son auguste
frère. Quant aux moyens qu'elle a employés pour ob-
tenir l'exécution d'une stipulation aussi formelle, bien
loin d'avoir à craindre de les exposer au grand jour,
elle ne peut qu'en désirer la publicité, d'autant que
tous ses efforts n'ont eu pour but que de combiner la
stricte exécution de la paix de Lunéville avec le main-
tien de la Constitution germanique.
« Quelques insinuations indirectes faites à Vienne par
une personne distinguée au service de la Cour de Mu-
nich, ont dû faire croire que l'Électeur palatin désirait
lui-même de s'arranger avec le grand-duc de Toscane
sur les échanges à leur convenance mutuelle, personne
ne doutant alors que l'indemnité de Son Altesse Royale
serait telle que portait le traité. Dans la supposition
que le complément de l'indemnité de la Toscane ne
pouvait être trouvé que dans des biens ecclésiastiques
de la Souabe, il s'agissait de concentrer les posses-
sions respectives par un échange de la Bavière, voi-
— 195 — .
sine de l'archevêché de Salzbourg. Sa Majesté n'ayant
aucun motif de refuser un pareil arrangement, ne se
montra pas éloignée à donner suite à ces ouvertures.
« Des insinuations de même genre eurent lieu à Pa-
ris, au moment de la ratification du traité de Luné-
ville, et on alla même jusqu'à mettre en doute, dans
ce qui a été dit au plénipotentiaire autrichien, si l'Élec-
teur pourrait conserver la ville de Munich; mais ja-
mais il n'a été ni pu être question , dans ces différents
pourparlers, de porter jusqu'au Lech l'indemnité de
monseigneur le grand-duc de Toscane. A quel titre au-
rait-on pu priver l'Electeur de la totalité de la Bavière,
ou trouver les moyens de l'en dédommager? et quand
Sa Majesté aurait eu des vues aussi éloignées de ses
sentiments, comment pouvait-on seulement concevoir
l'idée d'engager le gouvernement français à les adopter?
« On en appelle à son propre témoignage, à celui de
la Cour de Munich, de la Cour impériale de Russie, à
laquelle tout a été communiqué à ce sujet. Tous ceux
qui ont eu connaissance de ce qui se traitait alors
n'ignorent pas qu'il n'était question que de l'Iser, en-
core avec la proposition, faite par l'Autriche, de lais-
ser à l'Électeur un arrondissement convenable pour
éloigner la ville de Munich de la frontière ; et que ce
projet, qui sûrement n'était pas exagéré dans la sup-
position d'une indemnité pleine et entière pour la Tos-
cane, en même temps que Son Altesse Électorale Pa-
latine aurait obtenu en Souabe un équivalent complet
des cessions auxquelles elle se serait portée volontai-
rement, a été entièrement abandonné par l'Empereur,
aussitôt qu'il s'est aperçu que l'Électeur n'inclinait
pas à y donner les mains. Dès lors les vues et les de-
mandes de Sa Majesté, pour convenir du lot supplé-
mentaire à donner à son auguste frère, se sont unique-
ment fixées sur des biens ecclésiastiques et des villes
— 196 —
libres situées dans le cercle de Souabe. Le tableau en
a été rédigé à Paris, et également proposé ensuite par
Sa Majesté Impériale de toutes les Russies, qui, dans
sa sagesse, l'avait adopté en plein.
« En se bornant à cet exposé fidèle de tout ce qui s'est
passé à cet égard, on peut se dispenser de relever les
inductions contenues dans la note susmentionnée du
citoyen Laforest. Jamais l'Empereur n'a pu avoir la
pensée de procurer à son auguste frère une partie
quelconque de la Bavière, d'aucune autre manière
que par un arrangement de gré à gré à la parfaite
convenance de l'Électeur palatin.
« Sa Majesté a déjà donné, relativement à la ville de
Passau, toutes les assurances qu'on pouvait attendre
de sa justice et de sa modération. Elle est prête à re-
mettre cette ville à celui qui, par l'arrangement légal
et définitif des indemnités, en aura été reconnu le
légitime propriétaire; ce n'est qu'alors que son pos-
sesseur actuel cessera de l'être , et que Sa Majesté sera
dégagée de l'obligation que lui ont fait contracter les
demandes du prince-évêque de pourvoir à sa sûreté
jusqu'à la décision de son sort.
(( L'Empereur ne veut pas renoncer à l'espoir que
les propositions aussi modérées qu'équitables dont
il a chargé récemment son ambassadeur près la Répu-
blique française, mettront fin à toute différence d'opi-
nion entre lui et le premier Consul ; mais s'il en était
autrement, son auguste frère, sans avoir de préten-
tions à former sur aucune partie de la Bavière, qu'il
n'a jamais songé à acquérir que par la voie d'un
échange de gré à gré, n'en conserverait pas moins le
droit incontestable que lui assure le traité de Lunéville
à un dédommagement plein et entier de la Toscane;
droit dont l'Empire et la France se sont solennellement
engagés à le faire jouir.
— 197 —
« Le soussigné saisit avec empressement cette occa-
sion pour renouveler au citoyen Laforest, ministre
extraordinaire de la République française, l'assurance
de sa haute considération.
« Ratisbonne, le 26 septembre 1 802.
« Signé: Baron de Hugel. »
Dans la dixième séance , le 28 septembre , le Direc-
toire, pour répondre au vœu que la députation lui
avait adressé le 25 , fit un rapport sur la sustentation
des personnes qui avaient eu jusqu'alors une existence
constitutionnelle dans les pays à séculariser. Il les di-
visa en six classes, savoir :
r États ecclésiastiques qui passent en entier sous
la domination d'un prince séculier, et dans lesquels il
faut prendre en considération les prieur, abbé ou ab-
besse, leurs chapitres, leurs officiers civils, ecclésias-
tiques et militaires;
2" Pays ecclésiastiques qui vont être partagés, mais
dont la plus grande partie, avec la résidence, est si-
tuée sur la rive droite du Rhin ;
3° Ceux dont la plus grande partie, avec la rési-
dence, sont situés sur la rive gauche du Rhin, mais
dont cependant une portion considérable est située
sur la droite;
4" Ceux qui n'ont presque plus rien sur la rive
droite, tels que l'évêché de Baie;
5° Ceux qui sont entièrement situés sur la rive gau-
che, comme l'évêché de Liège;
6" Les ecclésiastiques et les employés dont les cor-
porations sont supprimées sur la rive gauche , et qui
ont été renvoyés, sans pension, sur la rive droite,
mais dont les corporations ont plus ou moins de biens
ou de revenus sur la rive droite du Rhin.
-^ 198 —
D'après cette classificatiou, le subdélégué deMayence
proposa une série de questions sur laquelle il invita
la députation à voter quand le moment en serait venu.
Le landgrave de Hesse-Cassel s'étant plaint de l'in-
suffisance de l'indemnité qui lui était assignée, le sub-
délégué deMayence prouva, en entrant dans beaucoup
de détails, que l'indemnité offerte surpassait considéra-
blement la valeur de la perte que ce prince éprouvait.
Comme, outrela perte réelle, leLandgravevoulaitencore
faire valoir celle de protection et d'avoierie sur Corvey,
Hoxter, Herse et Oberwesel, le baron à'Albini observa
que tous ces droits de protection qui, dans les temps
où le droit du plus fort prévalait, avaient été déférés,
souvent contre leur gré, aux États puissants en faveur
des États faibles, n'étaient, pour la plupart, que des
droits honorifiques, plus onéreux qu'utiles. Le même
ministre se plaignit encore que, sans attendre que
l'électeur de Mayence eût été mis en possession de la
dotation que le plan lui promettait, le landgrave de
Hesse se fût emparé des quatre bailliages mayençais
que ce même plan lui assignait; qu'il eût mis la main
sur les caisses publiques, et fait prêter serment aux
sujets qui n'avaient pas encore été déliés de celui qui
les attachait à leur souverain. L'histoire doit remar-
quer ces irrégularités commises par un prince qui,
quatre ans après, a été lui-même la victime du pouvoir
arbitraire. Au reste, le conclusum pris sur la récla-
mation du Landgrave porte qu'il paraît suffisamment
indei^nisé.
Les villes impériales de Souabe et de Franconie,
destinées à perdre leur immédiateté, avaient présenté
un n^émoire dans lequel, sans protester contre cette
décision, elles avaient seulement réclamé le maintien
de leurs Constitutions. Ce mémoire avait été l'objet de
— 199 •—
discussions pendant plusieurs séances; le 30 septem
bre, dans la onzième, le Directoire résuma les divers
votes émis, et en forma un projet de conclusum qui
conservait à ces villes divers beaux privilèges. Nous
en parlerons à V article 27 du Recès; mais nous obser-
vons ici que la question de savoir si des villes impé-
riales pouvaient, contrairement à la paix de Lunéville,
faire partie de la masse des indemnités, n'a pas été
formellement discutée dans la députation ; on l'a re-
gardée comme décidée par l'adoption du plan d'indem-
nités.
On transmit aux médiateurs la réclamation du duc
de Modene, pour un supplément d'indemnités, mais on
refusa d'accueillir celle de l'archiduchesse Marie y sa
lille, pour les principautés de Massa et de Carrara,
parce qu'on jugea qu'elle n'était pas du ressort de la
députation.
On rejeta également la réclamation de la noblesse
immédiate, qui demandait à être indemnisée de la perte
des revenus qu'elle éprouvait par la cession de la rive
gauche du Rhin, vu que les lois françaises la dépouil-
laient des dîmes, prestations féodales et droits seigneu-
riaux. Le canton du haut Rhin avait évalué cette perte
à soixante-dix-neuf mille huit cent soixante-quatorze
florins ; celui du bas Rhin à cent trente-trois mille
cent quarante-huit florins par an.
Dans la douzième séance, du 5 octobre, on s'occupa
d'objets particuliers.
On avait jusqu'alors envoyé aux ministres des puis-
sances médiatrices toutes les réclamations qui avaient
paru fondées; on pensait ou on affectait de croire que,
comme ces ministres avaient annoncé qu'ils étaient en
possession des mémoires et évaluations formés parles
parties intéressées, il leur serait facile d'y puiser tous
— 200 —
les renseignements qui manquaient à la députation :
mais, jusqu'au 8 ociobre, ces ministres n'avaient
transmis aucun éclaircissement. Ce jour ils adressè-
rent au plénipotentiaire impérial une nouvelle rédac-
tion modifiée, suppléée et rectifiée de leur première
déclaration , ou un second plan général d'indemnisa-
tion, dans lequel on avait eu égard aux réclamations
qui avaient été présentées, excepté toutefois à l'égard du
grand-duc de Toscane^ dont l'indemnisation n'était pas
changée.
Ce nouveau plan fut communiqué le 9 octobre^
dans la treizième séance de la députation.
Il était accompagné de la Note suivante :
« Le soussigné, ministre plénipotentiaire de S. M.
l'empereur de toutes les Russies [extraordinaire de la
République française] près la Diète de l'Empire ger-
manique, a reçu du plénipotentiaire impérial l'arrêté
principal que la députation extraordinaire a pris dans
la séance du 8 septembre dernier en adoption préala-
ble, sous la réserve de modifications ultérieures, du
plan tracé par la déclaration remise au nom des puis-
sances médiatrices le 18 août 1802 (30 thermidor der-
nier). Il a également reçu les réclamations, observa-
tions et pétitions qui ont été renvoyées à l'examen des
ministres des gouvernements médiateurs par des arrê-
tés subséquents de la députation.
« 11 s'est empressé, ainsi que le ministre extraordi-
naire de ia République française [ plénipotentiaire de
S. M. l'empereur de toutes les Russies], de se concer-
ter à ce sujet avec les membres de la députation, et de
donner avec lui, à chaque pièce, l'attention que les
principes et les ordres de leurs gouvernements respec-
tifs, aussi bien que la nature des circonstances, pou-
vaient permettre.
— 201 —
« Les dernières instructions des puissances média-
trices, en conséquence des réclamations, observations
et pétitions qu'elles ont elles-mêmes reçues, soit di-
rectement, soit par l'organe de leurs ministres, étant
en même temps parvenues au soussigné et au ministre
extraordinaire de la République française [plénipoten-
tiaire de S. M. l'empereur de toutes les Russies], il a,
d'accord avec lui, l'honneur de reporter à l'adoption
immédiate et définitive de la députation extraordinaire
les dispositions de la déclaration remise le 1 8 août
(30 thermidor), modifiées, suppléées et rectifiées,
dispositions combinées dans leur ensemble en exé-
cution du traité de Lunéville, et d'après les prin-
cipes qui ont guidé les deux puissances médiatrices
dans l'interprétation et l'application qu'elles en ont
faites.
« Il se flatte que la députation sera sensible à cette
nouvelle preuve de la sollicitude des puissances mé-
diatrices pour le bien-être de l'Empire germanique.
Elle reconnaîtra aussi combien ont été utiles les éclair-
cissements que ses membres ont donnés avec le zèle
et le patriotisme qui les distinguent.
c( Mais le soussigné ne peut trop fortement exposer
à la députation combien est grande l'urgence des cir-
constances, et combien il importe qu'une décision
prompte et finale fasse jouir l'Empire germanique du
résultat des intentions amicales des puissances média-
trices.
« La députation ne perd pas sûrement de vue que le
terme qu'elles ont désigné à l'espérance publique est
presque écoulé.
ce A Ratisbonne, ce 'i^- 1802 [i^,^^;].
« Le baron de Buuler.
« [Laforest.] »
— 202 —
Quant au plan même, nous allons seulement indi-
quer en quoi il différait de celui du 1 8 août.
r Au paragraphe 3, qui détermine le lot du roi de
PrussCf la ligne qui sépare la partie de l'évêché de
Munster qu'on lui alloue, de la partie qui est divisée
entre plusieurs autres princes , est déterminée avec
plus de précision.
2° La fin de ce paragraphe renferme les lots des
ducs d'Arenbei^Qf de Croï, de Looz et de Coswarenf des
princes de Li^ne, de Salm-Salm, Salm-Ryrbourgf Salm-
Reifferscheid, et du comte de Reifferscheid-Dycky ainsi
que nous verrons qu'ils ont été assignés par le Recès,
avec la différence cependant que le prince de Ligne
fut rayé de ce paragraphe, et que son lot fut changé.
3" La maison de Bruiisîcic-Wolfenbutlel , dont il
n'était pas question dans le premier plan , occupe dans
le nouveau un alinéa du paragraphe A.
4" Le second plan enlève au margrave de Bade une
partie de l'abbaye de Salmansweiler, qu'il remplace
par celles de Reichenau et d'Ochningen et par la pré-
vôté d'Odenheim.
5" Le lot du duc de Wurtemberg est augmenté des
abbayes et couvents de Schœnthal, Combourg, Koth-
mûnster, Heiligenkreuzthal , Obristenfeld , Holzhau-
sen Margarethausen et du village de Diirmestetten;
mais il est chargé de servir diverses rentes, montant
à quatre-vingt-huit mille florins, aux personnes aux-
quelles le premier plan avait destiné ces abbayes.
6° La part du landgrave de liesse-Cassel est aug-
mentée des bailliages mayençais de Naumbourg et
Neustadt; des chapitres de Fritzlar et Amœnebourg,
et de la ville de Gelnhausenj il renoncera à ses droits
surCorvey, et payera au landgrave de Hesse-Rothen
bourg une rente de vingt-deux mille cinq cents florins.
7" Le landgrave de Uesse-Darmsladt recevra, outre
— 203 —
ce que le premier plan lui avait destiné , neuf autres
bailliages mayençais, les restes des bailliages palatins
d'Umstadt et d'Alzey, l'abbaye de Seligenstadt qui,
dans le premier plan, était donnée à Nassau-Usingen,
celle de Marienschloss, et la prévôté de Wimpfen, et
une rente de vingt et un mille florins sur Franc-
fort; il en payera une de quinze cents florins au
prince de Wittgenstein-Berlehourg ^ et augmentera d'un
quart la rente apanagère du landgrave de Hesse-Hom-
bourg.
8° L'indemnité duduc d'OMe/ièowr^ est plus exacte-
ment réglée.
9" Le duc de MecJdenbourg-Schwerin , les princes de
Hohenzùllern et à' Oettingen y passés sous silence dans
le premier plan, reçoivent des indemnités.
10° L'indemnité de Nassau-Usingen q^X^Xws, claire-
ment exprimée ; au lieu des abbayes de Rappel et de
Kappenberg, on donne à Nassau-Dillenbourg celles de
Hofen, Saint-Gérold et Banderen.
1 1 ° Indépendamment de l'indemnité que le premier
plan allouait à la maison de La Tour et Taxis, le second
plan lui donne la garantie dont nous parlerons à l'ar-
ticle 13 du Recès.
1 2" L'indemnité du prince de Lœioenstein-Wertheim
est augmentée; néanmoins le second plan ne lui donne
pas encore la rente de douze mille florins que le Recès
lui déféra.
1 3" La maison de Solms recevra l'abbaye d'Alten-
bourg à la place de celle d'Ilbenstadt.
14° L'indemnité que la maison de Stolherg devait
recevoir en terres, est changée en une rente.
1 5° Le lot de Hohenlohe-Bartenstein est augmenté ,
et il est dit que c'est le prince Charles de cette maison
qui reçoit cette indemnité. Hohenlohe-Waldenbourg ,
oublié dans le premier plan, reçoit une rente; il n'est
— 204 —
pas encore question d'une indemnité pour Hohenlohe-
Ingelfingen et Hohenlohe-Neuenstein.
^ 6" L'indemnité du prince à'henhourg se compose
des villages de Gainsheim et de Burgel; on assigne
une rente à la comtesse de Parkstein.
17° L'indemnité de la maison de Linange est réglée
ainsi que nous la trouverons au paragraphe 20 , ex-
cepté les rentes dont il est question dans celui-ci , et
dont le second plan ne parle pas encore.
18° Les indemnités de Wied-Runked y Brezenheim,
etWittgensteinBerlebourg, sont réglées, comme nous
le verrons aux paragraphes 21 , 22 et 23.
1 9° L'indemnité des comtes de Wartemberg, Sickin-
gen , la Leyen , Colloredo , Sternherg, et des comtes de
laWestphalie, a fait place à la disposition dont nous
parlerons à l'occasion de V article 24.
20° L'indemnité de l'archichancelier est réglée,
ainsi qu'elle a été déterminée par les trois premiers
alinéa du paragraphe 25. Le complément d'indemnité
d'un million de florins devra lui être fourni par des
assignations sur des fondations immédiates.
J? 21° Il est assigné une indemnité au grand-maître
de l'Ordre Teutonique, originairement omis.
22° Les paragraphes 27, 28, 29 et 30, concernant
les villes libres, l'Ordre équestre, la République hel-
vétique et les rentes, se trouvent pour la première fois
dans ce projet.
23° Le paragraphe 32 propose quelques nouveaux
votes virils.
24° Les paragraphes 33 à 34 sont ébauchés.
Aussitôt que la députation eut pris connaissance
de ce nouveau plan, le Directoire demanda l'avis des
subdélégués. Ceux de Bohême, de Saxe et du grand-
maître de l'Ordre Teutonique se réservèrent de s'ex-
pliquer ultérieurement; les cinq autres adoptèrent
— 205 —
sur-le-champ le nouveau plan; cependant il ne fut pas
fait de conclusiim.
On vota encore sur ce plan dans la quatorzième
séance, le 1 2 octobre. Dans le vote de Brandebourg se
trouvent ces expressions remarquables: «S. M. le Roi,
en sa qualité de souverain, s'est entendue amicalement
sur le plan de la Russie et de la France avec ces deux
hautes puissances, et elle en a fait faire l'ouverture
confidentielle à la Cour impériale, d'après les relations
également amicales qui existent entre elle et cette
Cour. En cette même qualité. Sa Majesté a conclu, le
23 mai dernier, avec la République française, et de
concert avec la Russie, une convention particulière,
par laquelle les pays d'indemnité connus par le plan
présenté lui ont été donnés, avec la supériorité terri-
toriale et la souveraineté, sur le même pied qu'elle
possède ses autres États allemands, lesquels pays lui
ont été cédés pour en prendre immédiatement posses-
sion, et garantis. La subdélégation de Brandebourg
croit essentiellement nécessaire de déclarer ici publi-
quement qu'il s'ensuit de ces transactions, comme con-
séquence immédiate, que les indemnités de Sa Majesté
Prussienne se trouvent dans une catégorie particulière
par rapport aux autres, et qu'on doit y avoir égard
dans toutes les restrictions que d'autres stipulations
pourront établir. »
On ne prit pas de conclusum^ le Directoire ayant
averti qu'il avait été présenté des réclamations contre
le nouveau plan.
Dans la quinzième séance qui eut lieu le 14 oc-
tobre, le subdélégué de Mayence dit entre autres;
« Après avoir maintenant mûrement réfléchi sur
le plan, il me paraît qu'il ne reste autre chose à faire
— . 206 —>
que d'accéder à ceux de MM. les subdélégués qui
proposent son adoption dans son ensemble.
« Quant aux grandes Cours, on ne peut guère
espérer que les puissances médiatrices admettront
d'autres modifications ultérieures de leur première
déclaration que celles qui ont effectivement été faites
en plusieurs endroits dans le plan général, d'autant
moins que S. M. le roi de Prusse, comme puissance,
vient de déclarer qu'elle ne voulait consentir à aucun
changement ultérieur. Les observations que la dépu-
tation a faites aux ministres des puissances média-
trices, sur d'autres articles, ont été, pour la plupart,
prises en considération de manière à satisfaire les
réclamations, et la voie a été ouverte pour la décision
ultérieure sur d'autres, de sorte qu'on peut en espérer
des résultats conformes à la justice. Il a été, à la vé-
rité, ajouté à ce second plan plusieurs nouvelles dis-
positions auxquelles la députation n'a pas donné oc-
casion, et contre une partie desquelles il a déjà été
présenté des réclamations, et pourrait bien encore
être élevé quelques plaintes de la part des intéressés.
Cependant la députation ne peut pas s'occuper de ces
dernières ex offîcio; quant aux premières, le sub-
délégué est d'avis, aim unanimibus, qu'on devra en-
core les examiner. On peut cependant être persuadé
d'avance que les ministres des puissances médiatrices
qui ont dû avoir des raisons particulières pour établir
de pareilles dispositions, sauront satisfaire ces petits
et grands intéressés. Ces objets, qui, proportionnel^
lement, sont de peu de conséquence, ne peuvent donc
point arrêter l'adoption du nouveau plan dans son
ensemble.
« On a de plus porté à la dictature, immédiatement
avant la remise du second plan général, quelques
nouvelles réclamations qui devront, au moins en
— 207 —
partie, être portées à la connaissance de MM. les mi-
nistres médiateurs.
« Tout ce que la députation a jugé essentiellement
nécessaire d'observer, au sujet des dettes et de toutes
les personnes qui ont une existence constitutionnelle
dans les pays à séculariser, a été trouvé juste et équi-
table par les puissances médiatrices et leurs ministres :
d'accord avec la députation, elles veulent qu'il soit
établi sans délai à ce sujet le règlement nécessaire.
« Après tout cela, de quelle utilité pourrait encore
être la non-adoption du nouveau plan général? à quoi
pourrait-elle mener? On n'aurait pas du aller aussi
loin, quant aux prises de possession, qu'on est effec-
tivement allé, si on voulait encore proposer, avec
quelque espoir de succès, un changement dans le fond :
on n'a pas besoin de prouver que l'état actuel est, sous
tous les rapports, le moins supportable pour les sou-
verains, les personnes à leur service, et les sujets qui,
sûrs des changements, les attendent d'un jour à l'autre.
« L'Allemagne elle-même et sa Constitution, et celle
des cercles, se trouvent entièrement paralysées. Ce
qu'on ne peut plus changer doit être effectué, afin
que la tranquillité et l'ordre soient rétablis dans les
pays, et que l'Empire obtienne une constitution. >)
Le même membre observa que, s'il était question
d'instituer de nouveaux votes virils dans le collège des
Princes, il serait juste de conférer plusieurs suffrages
à quelques grandes maisons d'Allemagne, et nommé-
ment à l'Autriche et à la Saxe, puisque la première
cédait les deux suffrages qui lui appartenaient pour
le cercle de Bourgogne et pour Nomény, et n'en con-
servait par conséquent qu'un seul; et que l'électeur
de Saxe n'en avait jamais eu qu'un seul, celui de
Henneberg, pour lequel il alternait même avec la
branche aînée de sa maison. Comme ce qu'on appe-
— 208 —
lait les principes était, dans le nouveau plan , déclaré
inséparable des autres dispositions, le subdélégué
pensait qu'il serait nécessaire de faire quelques obser-
vations aux ministres médiateurs, sur le troisième
principe auquel des Universités d'Allemagne étaient
intéressées; sur le quatrième, relatif aux dettes; le
cinquième, relatif aux péages du Rhin; le neuvième,
concernant la sustentation des ecclésiastiques et de
leurs officiers; que le plan donnerait aussi lieu à faire
des représentations sur le onzième principe, si, par
une Note qui venait d'être transmise, les ministres
médiateurs n'avaient, de leur propre mouvement,
décidé cette question ainsi qu'on l'avait désiré.
De tous les arrangements dont la députation était
chargée, il n'y en avait pas de plus difficile et de plus
compliqué que la fixation de la sustentation future des
ecclésiastiques et des officiers, et en général des per-
sonnes employées dans les pays sécularisés. Le travail
était devenu d'autant plus difficile qu'à cette question
on attacha celle de la constitution future des pays
concédés en indemnisation ; question qu'il aurait
peut-être été convenable de traiter séparément. Quel-
ques milliers de personnes, de toutes les classes et de
tous les rangs, attendaient avec anxiété une fixation
qui devait assurer leur sort et l'existence de leurs fa-
milles. Les subdélégués étaient pénétrés de la nécessité
de mettre fin à cette incertitude; mais l'extension
qu'on avait donnée à la question fut cause qu'on ne
commença à s'en occuper que dans la quinzième
séance. Le subdélégué de Saxe fut le premier qui émit
son vote; il demanda qu'on laissât aux anciens princes
ecclésiastiques, leur vie durant, ceux de leurs reve-
nus domaniaux qui avaient toujours été employés à
l'entretien de leur Cour, ou qui, destinés à leurs menus
— 209 —
plaisirs, entraient habituellement dans leurs caisses
particulières; et qu'on affectât irrévocablement ces
revenus à certains bailliages et rentes, sans en réduire
le montant, quand même les revenus du pays auraient
éprouvé quelque diminution par la cession de la rive
gauche ; enfin qu'il fût permis à ces prélats de conti-
nuer à demeurer dans leurs résidences, en conservant
la dignité dont ils avaient joui jusqu'alors; qu'on leur
abandonnât à cet effet, en propriété, le mobilier né-
cessaire, de même que les épargnes de leur Chambre
des finances, en tant cependant que celles-ci n'étaient
pas spécialement destinées à amortir les dettes de ces
Chambres. Quant à la constitution des pays sécula-
risés , la Saxe établit en principe que les nouveaux
possesseurs ne faisaient que remplacer les anciens;
qu'en conséquence les droits et les libertés des États
et sujets, par rapport aux contributions et aux presta-
tions, devaient être maintenus. En parcourant en par-
ticulier les six classes de personnes établies dans le
rapport directorial, la Saxe demanda que si ce qui
restait de l'électorat de Trêves n'était pas suffisant
pour faire un fonds de sustentation qui égalât le re-
venu annuel qui avait été destiné à l'entretien de la
Cour de l'Électeur, il serait juste que ceux des États
séculiers qui, par les sécularisations, ont obtenu une
augmentation considérable de leur territoire, se char-
geassent de concourir à cette contribution temporaire.
La discussion continua à la seizième séance, le
18 octobre. Le grand-maître de l'Ordre Teutonique
distingua entre le caractère d'évêque et celui de sou-
verain. La question de savoir si les princes ecclésias-
tiques, dont les pays servaient d'indemnité, et qui,
par conséquent, perdaient le caractère de princes,
resteraient encore évêques ou non , parut au subdélé-
VII 14
— 210 —
gué n'être pas du ressort de la députatiori. Il fut d'avis
que les princes d'Empire dépossédés devront conti*
nuer à porter leur ancien titre et à prendre leur ancien
rang; qu'il leur sera libre de fixer leur séjour hors
des pays dont ils perdaient le gouvernement; que,
s'ils préfèrent y rester, ils pourront choisir une habi-
tation d'été qui soit de nature à leur fournir les plai-
sirs de la campagne; que leurs habitations d'hiver et
d'été seront convenablement meublées , et que les
meubles et le service de table seront entretenus par le
nouveau souverain; qu'il leur sera permis d'emmener
des écuries de la Cour les chevaux et équipages néces-
saires; que leurs serviteurs toucheront leurs salaires
des revenus domaniaux du nouveau prince; enfin
qu'on leur fixera une pension proportionnée et calcu-
lée sur le moyen terme de dix années des sommes qui
ont été employées par le passé pour l'entretien de
leur Cour; et que ces pensions seraient assignées sur
certains bailliages dont les préposés prêteront serment
de ne faire qu'à eux seuls les remises d'argent et li-
vraisons en nature qui auront été stipulées. A l'égard
de la constitution des pays sécularisés, le subdélégué
distingue entre constitution et gouvernement ou ad-
ministration. 11 doit être libre, d'après lui, au nouveau
prince, d'établir telle administration qu'il jugera con-
venir aux pays; il n'en est pas de même de la Consti-
tution, et le subdélégué pense qu'il ne dépend pas plus
de la volonté arbitraire des nouveaux princes de la
changer, que l'ancien possesseur n'en avait eu le droit.
La paix de Lunéville, qui est la loi d'après laquelle
la députation de l'Empire est tenue de prononcer,
n'assure aux princes héréditaires que des dédomma-
gements. L'estimation de la perte et de la compensa-
tion est le résultat du calcul combiné de la surface,
du nombre des habitants et de la richesse des pays
— 211 —
perdus et donnés; mais elle ne demande pas la viola-
tion des droits qui, par la Constitution des pays cédés,
sont assurés aux habitants. Violer ces droits, ce serait
violer le Droit des gens, qui, même lors de la paix de
Westphalie, fut si religieusement respecté. Le roi de
Suède et l'électeur de Brandebourg firent jouir alors
d'une égalité de droits les pays qui leur étaient tombés
en partage. Le subdélégué est, en conséquence, d'avis
que ;, pour tranquilliser tant de millions d'Allemands
libres, il faut, au moment même où l'occupation a
lieu, proclamer le principe que les nouveaux souve-
rains ne sont pas autorisés à faire des changements
arbitraires dans la Constitution. 11 s'ensuit que les
Etats doivent être conservés où ils existent, et que les
nouveaux souverains doivent être tenus de prendre
leur consentement lorsqu'ils voudront changer ou
augmenter les contributions ordinaires, contracter des
dettes, aliéner des domaines, etc. On doit aussi s'at-
tendre à ce que tous les établissements de bienfai-
sance garantis par les États , tels que fonds d'amor-
tissement, d'assurances en cas d'incendie, etc., seront
religieusement maintenus. Les sujets des pays qui
passent sous un autre souverain doivent de même avoir
la liberté de quitter ce pays dans un délai déterminé ;
de s'établir partout où ils voudront, et d'emporter
toute leur fortune. Le subdélégué cita, outre les prin-
cipes du Droit des gens, les lois de l'Empire qui ga-
rantissent cette liberté aux sujets.
On ne peut que regretter que ces observations, qui
honorent infiniment le prince qui les a fait communi-
quer à la députation, et le ministre qui a été son organe,
n'aient pas été prises en considération, et que le Recès
ait passé sous silence une matière si importante. Il a
été réservé au Congrès de Vienne de consacrer des prin-
cipes qui avaient été tant de fois violés depuis dix ans»
— 212 —
Quant à la sustentation des ecclésiastiques auxquels
la paix de Lunéville ne laissait que peu de chose ou
rien sur la rive droite du Rhin, le grand-maître de
l'Ordre Teutonique vota pour qu'on exigeât que la
France en fût chargée; si, contre toute attente, elle
s'y refusait, il pensait qu'il serait du devoir de l'Em-
pire d'avoir soin de ces personnes, en s'imposant le
payement d'une certaine quantité de mois romains.
On délibéra ensuite sur l'article 34 du plan d'in-
demnité renfermant les principes. Le paragraphe 4 de
cet article, qui est le paragraphe 38 du Recès princi~
pal, et qui transporte sur les pays donnés aux États
d'Empire , en remplacement de ceux qu'ils ont perdus
sur la rive gauche du Rhin , les dettes personnelles des
anciens possesseurs , parut au subdélégué de Brande-
bourg attentatoire à l'article 8 du traité de Lunéville.
(( Le Roi, dit ce ministre, regarde comme son devoir,
en sa qualité de député de l'Empire, de réclaTner
contre le projet d'accabler les pays et sujets allemands
de ce fardeau nouveau , inattendu et exorbitant ; la
générosité et la justice du gouvernement français ne
lui permettent pas de douter qu'il ne suffise de cette
réclamation pour obtenir du ministre de France l'as-
surance tranquillisante de l'exécution fidèle et reli-
gieuse de l'obligation que la France avait contractée
par un traité solennel. «
On prit ce jour-là deux conclusums : l'un, relatif à
l'article 24, établit une commission particulière pour
faire la répartition entre les comtes d'Empire de plu-
sieurs abbayes qui se trouvaient encore disponibles en
Souabe ; l'autre conclusum proposa des modifications
à quelques-uns des principes de l'article 34.
On tint la dix-septième séance le 19 octobre. On y
reçut la réponse des médiateurs aux observations qui
— 213 —
avaient été faites sur les principes. Ils étaient d'accord
sur la plupart de ces modifications ; mais ils rappe-
laient en même temps à la députation que les deux
mois fixés pour ses délibérations étaient sur le point
d'expirer. On continua à recueillir les voix sur le plan ;
mais personne ne vota dans cette séance, si ce n'est
que la Saxe accéda à la majorité des suffrages, qui s'é-
tait déjà prononcée pour l'adoption du plan.
Dans la dix-huitième séance, le 21 octobre, le sub-
délégué de Bohême protesta de nouveau , au nom du
grand-duc de Toscane , contre l'admission du second
plan, dans lequel on n'avait pas eu égard aux justes
réclamations de ce prince. Il démontra la frivolité de
l'objection qu'on lui opposait; savoir : que la masse
des indemnités n'était pas suffisante pour lui donner
le dédommagement plein et entier que le traité de
Lunéville lui avait promis; il fit voir que si cela était
il serait injuste de faire peser sur un seul la réduction
à laquelle tous devaient se soumettre dans une pro-
portion égale. Il annonça pourtant que la Cour de
Vienne avait fait la proposition d'échanger la presque
totalité de ses possessions en Souabe contre la partie
de la Bavière située sur la rive droite de l'Inn, et celle
d'une augmentation de l'indemnité du grand-duc, qui
la porterait seulement à dix-huit cent mille florins de re-
venus, ne faisant pas la moitié de ceux auxquels il avait
droit. Il fit voir que les circonstances n'exigeaient nul-
lement une précipitation qui ne permît pas d'attendre
le résultat de cette négociation. Malgré cette protesta-
tion, le second plan des médiateurs fut adopté , dans
cette séance, par un conclusum formel, qu'on adressa
à la plénipotence impériale.
Dans la même séance, le Brandebourg vota sur la
question de la sustentation des ecclésiastiques et de
— 214 —
leurs officiers, et sur l'affaire des dettes. Comme la
première partie de son vote a été la base du conclusum
définitif, nous ne nous y arrêterons pas, nous conten-
tant de rapporter le passage suivant :
« Plus, dit le subdélégué, la Constitution religieuse
et ecclésiastique a fourni jusqu'ici dans beaucoup de
pays un prétexte pour exercer contre tout parti reli-
gieux autre que celui qu'on nommait dominant, la
plus criante intolérance, en privant non-seulement les
membres de ces partis du droit de suivre leur culte,
mais en les dépouillant même de l'exercice des droits
civils et les excluant de la participation à toute espèce
d'industrie et de commerce; plus l'esprit du siècle
dans lequel nous vivons exige que, faisant hommage
aux principes actuels, nous ne sanctionnions aucun
règlement restrictif qui serait opposé au système d'une
sage tolérance et d'une liberté absolue de religion. »
Dans la dix-neuvième séance du 23 octobre, le sub-
délégué de Bohême présenta la liste des objets dont le
nouveau plan d'indemnité disposait, quoiqu'ils fus-
sent propriétés de la maison d'Autriche ou du grand-
duc de Toscane, ou soumis à leur souveraineté, ou sur
lesquels cette maison exerçait quelques droits. Tels
étaient;
V Miihldorff et la partie du comté de Neubourg
située sur la rive gauche de l'Inn, assignées à la Ba-
vière : Miihldorfl' dépendait de l'archevêché de Salz-
bourg, et le comté de Neubourg était, quant à la su-
périorité territoriale, sous l'évêché de Passau; mais,
quant à la souveraineté, sous l'Autriche ;
2° L'Ortenau qu'on avait envisagé comme dépen-
dance du Brisgau, assigné au duc de Modène, et qui
formait un district entièrement détaché;
3" La prévôté de Kempten, située sous la juridic-
— 215 —
tion territoriale de l'Autriche; l'abbaye médiate de
VValdsassen, sur laquelle elle avait le droit de protec-
tion; l'abbaye d'Ottobeuren et les villes impériales de
Buchhorn, Wengen, Leutkirch et Ravensbourg, qui
dépendaient de la préfecture autrichienne en Souabe
ou lui payaient diverses rétributions. Tous ces pays
faisaient partie de l'indemnité promise à la Bavière;
4" Les abbayes de Gengenbach, Petershausen, Sal-
mansweiler, les villes impériales d'Offenbourg , Zell,
Gengenbach, Uberlingen, Biberach et PfuUendorff,
soumises soit à la préfecture autrichienne d'Ortenau
qui y exerçait divers droits, soit à la préfecture autri-
chienne en Souabe, étaient assignées au margrave de
Bade;
5° Les villes impériales de Weil, Reutlingen, Eslin-
gen et Aalen , soumises à la même préfecture , à la-
quelle elles payaient un droit de récognition, et le
couvent de Heiligenkreuzthal, qui n'était pas immé-
diat, faisaient partie du lot du Wurtemberg;
6° L'abbaye de Weingarten, soumise à la préfec-
ture de l'Autriche, et en partie même à sa supériorité
territoriale, était destinée à la maison de Nassau;
7" L'abbaye et la ville impériale de Lindau, se trou-
vant dans le même cas, devaient être données au
prince de Bretzenheim ;
8° De môme la ville et l'abbaye de Buchau, desti-
nées au prince de La Tour et Taxis;
9° On assignait aux comtes d'Empire, à l'indem-
nité desquels il n'avait pas été pourvu ailleurs, les
abbayes d'Ochsenhausen , de Mùnchrotb , Schussen-
ried, Gutenzell, Baindt, Buxheim, Weissenau et Ysny,
avec la ville de ce nom; mais toutes ces abbayes rele-
vaient sous différents titres de l'Autriche, ou lui
payaient des redevances ;
1 0° On voulait donner au grand-maître de l'Ordre
— 216 —
Teutonique, et au grand prieur de Heitersheim , les
abbayes, chapitres et couvents médiats du Vorarlberg
et de la Souabe autrichienne, à l'égard desquels le sub-
délégué se référa aux opinions émises dans la qua-
trième séance, d'après lesquelles on ne pouvait pas ,
sans léser les droits de supériorité des tiers, disposer
des biens ecclésiastiques médiats;
11° L'Autriche avait la supériorité territoriale sur
la seigneurie de Trasp que le plan donnait à la Répu-
blique helvétique.
(( Si, ajoute le subdélégué, on ne parle pas, de
notre côté, de l'étendue inappréciable des droits pour
immédiatement après en déterminer pourtant la va-
leur j si on ne remonte pas à des prétentions qui datent
du xv"' et du xvi" siècle; cette discrétion prouve seule-
ment que celui qui ne veut que conserver ce qui lui
appartient, sans porter atteinte aux droits d'autrui, ne
peut jamais former une demande qui blesse les senti-
ments légitimes d'un tiersl On doit, par cette raison,
attendre avec d'autant plus de confiance que celui qui
respecte les droits d'autrui, et qui se prête atout ar-
rangement équitable, trouvera dans les autres la même
disposition. »
En votant sur la sustentation des ecclésiastiques, le
subdélégué de Wurtemberg dit qu'en accordant le
principe qui assurait aux princes ecclésiastiques un
traitement conforme à leur rang, il pensait pourtant
qu'on ne devait pas prendre pour échelle la dépense
que ces princes avaient faite jusqu'à présent, parce
qu'un prince régnant était obligé à une dépense plus
considérable que celui qui s'était démis du gouverne-
ment.
La Saxe opina pour que les villes hanséatiques se
chargeassent de contribuer à l'entretien de l'archi-
chancelier de l'Empire.
— 217 —
Une déclaration remarquable remise par M. de
Bildt, ministre du roi de Suède, comme duc de Pomé-
ranie, ouvrit la vingtième séance , qui eut lieu le
26 octobre; en voici la teneur:
« Le ministre de Suède croit qu'il doit rompre le
silence, puisque l'Empire d'Allemagne est de nouveau
menacé de dangers et de secousses, et cela à une oc-
casion où tous les membres de l'Empire auraient plu-
tôt dû s'unir à son chef pour soutenir l'indépendance,
sans laquelle il ne peut pas y avoir de repos durable
ni de sûreté. Le Roi pense avec trop de générosité
pour désirer agrandir ses possessions en Allemagne ;
il n'a pas d'autre but que le vrai bien de l'Empire ger-
nique, le maintien de ses lois constitutionnelles et de
son indépendance; cependant il n'aurait point pris
part aux affaires d'Allemagne, s'il n'avait pas appris
que des puissances étrangères se mêlaient des impor-
tantes négociations qui sont maintenant en activité;
dans ce cas, comme prince de l'Empire et garant de
ses constitutions, il avait dû penser être beaucoup
plus autorisé à participer à ces délibérations. Le Roi
reconnaît, à la vérité, la nécessité de changements
dans l'Empire d'Allemagne, comme suites du principe
des indemnisations; mais aussi, en conséquence de
ce principe, on doit agir, d'après lui, avec la plus
grande équité et justice, de manière que ceux qui ont
éprouvé de véritables pertes ne reçoivent pour cela
que des dédommagements. Par les prises de posses-
sion militaire de pays qui même maintenant n'ont
pas encore été adjugés par l'autorité compétente, l'on
a donné un exemple dangereux et illégal. »
Après cette déclaration , le subdélégué de Bohême
annonça que les négociations relatives à la Toscane
— 218 —
étaient parvenues à un point qui faisait espérer qu'elles
auraient un prompt résultat.
Ce fut dans cette séance que fut arrêté le conclusum
qui régla le sort des anciens souverains, et qui forme
les articles 47 et suivants du Recès. Nous plaçons ici
le préambule de ce conclusum, comme un monument
qui fait honneur à la justice et à la sensibilité des sub-
délégués. « Comme il est du devoir de l'Empire d'a-
doucir, autant que possible , le sort des innocentes
victimes de la paix, et d'empêcher qu'elles ne soient
exposées à l'arbitraire, mais plutôt d'assurer leur exis-
tence politique et personnelle sur le pied oii elles en
avaient joui jusqu'à présent, ainsi que leur sustenta-
tion future, d'une manière convenable à leur dignité,
et d'étendre sa sollicitude sur toutes les classes d'in-
dividus qui entrent dans la même catégorie; il devra
être statué que, etc.
La vingt-unième séance qui fut tenue le 30 octobre,
eut ceci de remarquable que, quoique tous les subdé-
légués eussent unanimement reconnu l'injustice du
principe d'englober dans la masse des indemnités, des
biens ecclésiastiques médiats, situés sous la supério-
rité territoriale d'un autre prince, cependant on aban-
donna l'idée de faire valoir cette opposition, parce
qu'on avait éprouvé que les médiateurs persistaient
dans leur manière de voir.
Un conclusum du même jour statua qu'en échange
des avantages importants que le plan général assurait
aux quatre villes impériales de Brème, Hambourg,
Augsbourg et Lubeck, il était juste de les faire con-
tribuer pour remplir ce qui pouvait manquer à la
masse des indemnités, et spécialement au complément
des revenus de l'archichancelier de l'Empire. Cette idée
avait été discutée dans plusieurs séancesj mais, depuis
_ 219 —
le 30 octobre, où elle fut consacrée par un conclusum,
on n'en entendit plus parler; et ce conclusum, sur
l'admission duquel la députation avait été unanime,
n'entra pas dans le Recès. Il est probable que ces villes
trouvèrent le moyen de rendre, par des négociations
particulières, les médiateurs favorables à leur cause \
Les vingt-deuxième, vingt-troisième, vingt-qua-
trième et vingt-cinquième séances (les 2, 4, 6, et 8 no-
vembre) étaierit principalement consacrées à des récla-
mations particulières.
Comme la plénipotence impériale, .tout en accédant
au conclusum du 26, relatif à la sustentation des ecclé-
siastiques dont les possessions seraient sécularisées,
avait cependant fait quelques réserves, surtout à l'é-
gard de la quatrième et de la cinquième classe des
personnes ecclésiastiques, en faveur desquelles le
conclusum avait trop peu fait ^, on délibéra sur ces
observations dans la vingt-sixième séance du 1 1 no-
vembre. Le subdélégué de Bohême dit, à cette occa-
sion : (f Les successeurs de ces évêques, qui, dans les
premiers temps de l'Empire, ont siégé avec les plus
anciennes et les plus illustres maisons d'Allemagne
dans le conseil des empereurs, toutes les fois que ceux-
ci voulaient connaître leur avis sur tout ce qui tenait
à la religion, aux mœurs, aux lois et à la justice, sur
tout ce qui pouvait contribuer à la civilisation de la
' Ceci rappelle ce qui avait été dit dans une autre occasion des
villes de Brème , Francfort et Hambourg , qu'elles savaient apprécier
l'amitié de la France. Voy. t. VI, p. 60.
* Il avait été dit que l'Empire, en général, devra concourir (par des
mois romains) à la sustentation des personnes de la quatrième classe ,
et que, quant à celles de la cinquième, on n'avait pas perdu l'espoir
de leur voir trouver un établissement dans leur patrie (sur la rive gau-
che du Rhin), et qu'en conséquence on les recommanderait à la solli-
citude de l'Empereur et de l'Empire.
— 220 —
nation et au perfectionnement de sa constitution, des-
cendent après mille ans de leurs sièges, et font à l'a-
mour de la paix le sacrifice des droits régaliens les
plus précieux et les plus légitimement acquis. Ils ver-
sent dans la masse des biens qui doit servir à indem-
niser leurs co-États séculiers de la perte qu'ils ont
éprouvée, une propriété sacrée, incomparablement su-
périeure en étendue à tout ce que les princes séculiers
ont jamais possédé sur la rive gauche du Rhin, et cette
vaste propriété se trouve aujourd'hui tellement par-
tagée, que lorsque deux princes-évêques \ forts de la
sainteté de leurs droits, de l'égalité de leur dignité, se
confiant dans l'honneur de l'Empire, et certains des
intentions des médiateurs, demandent où ils trouve-
ront dorénavant une sustentation conforme à leur rang,
on paraît douter qu'il puisse être fait quelque chose
pour eux, si ce n'est une recommandation stérile à
l'Empereur et à l'Empire. Car on ne peut pas se dis-
simuler que les mois romains qu'on pense leur assi-
gner, n'offrent qu'une ressource infiniment précaire.
Les médiateurs savent aussi bien que la députation,
quels sont les princes qui ont reçu des indemnités
nullement proportionnées à leurs pertes. Peut-on
croire qu'ils veulent que l'abondance soit d'un côté et
le plus grand dénûment de l'autre? Non, ils trou-
veront juste que les princes héréditaires qui, par la
sécularisation, obtiennent une augmentation considé-
rable de leur territoire, se chargent d'une partie de
cette contribution temporaire. En admettant ce prin-
cipe, nous serons conséquents avec nous-mêmes,
puisque nous avons reconnu la justice de ce principe,
en chargeant les villes impériales de l'obligation d'y
concourir. Un grand nombre d'États d'Allemagne sont
* Ceux de Liège et do Bâie.
— 221 —
indifférents aux pertes et aux avantages qui résultent
de cette négociation; étrangers à la députation, ils
n'influent pas sur ses délibérations; mais lorsqu'un
jour ses arrêtés leur sont officiellement connus, ils
seront autorisés, avant de les ratifier, de nous demander
compte de l'emploi des propriétés de l'Église qui étaient
à notre disposition, avant que nous exigions que leurs
sujets fournissent les contributions qu'on veut leur
imposer. Si, lorsqu'ils se seront aperçus alors que
quelques-uns de leurs co-États se sont considérable-
ment enrichis en pays et en revenus, et que tous
jouissent des revenus des grandes prébendes, calculés
sur le pied du denier dix, ils consentent à se soumettre
au payement des mois romains, certes on pourra ad-
mirer leur débonnaireté; mais on ne pourra l'en exiger
comme un devoir; et, puisque cette contribution ne
peut leur être imposée malgré eux, où est la garantie
qui la sanctionne? »
Le conclusum qui fut rendu à ce sujet n'améliora
guère le sort des personnes pour lesquelles on s'était
intéressé; il se borna à placer la cinquième classe
dans la quatrième, en lui promettant, comme à celle-ci,
des mois romains.
Dans la vingt-septième séance, du 16 novembre, il
fut donné lecture d'une Note des ministres médiateurs,
renfermant de nouvelles rectifications du plan général,
qui, en partie, avaient été proposées par la députation,
et en partie étaient le résultat de négociations parti-
culières. Cette Note confirma en même temps l'espoir
d'un prochain arrangement avec l'Autriche pour la
Toscane. Nous allons en placer ici le préambule et la fin :
« Le soussigné, ministre plénipotentiaire de S. M.
l'empereur de toutes les Russies [extraordinaire de
la République française] près la Diète de l'Empire ger-
— 222 —
manique, a reçu de M. le plénipotentiaire impérial,
depuis l'arrêté de la députation extraordinaire du ^ oc-
tobre 1802 [,7r"m2]> portant adoption définitive du
plan général d'indemnités, tous les arrêtés subséquents
dont la députation a demandé que communication fût
faite aux ministres des puissances médiatrices.
(f La députation s'est acquis des droits à la recon-
naissance de l'Empire germanique par l'activité et la
sagesse avec lesquelles elle s'est livrée à l'examen d'un
plan aussi étroitement lié au repos de l'Allemagne.
Elle ne s'est pas moins distinguée par la rédaction
prompte, autant que réfléchie, des règlements qui en
découlaient le plus immédiatement.
(( Le soussigné a remarqué, dans le règlement du ^oc-
tobre 1802 [lèoêlngdî]» l'empressement de la députation
à faire jouir les comtes d'Empire réclamants des com-
pensations que les puissances médiatrices ont eu en
vue de leur procurer. Il espère qu'il sera pourvu à tous
les droits légitimes.
(( 11 a applaudi aux intentions prévoyantes et géné-
reuses qui ont dicté le règlement du -^ octobre 1 802
[iVS^]; règlement qui, en assurant le sort de plu-
sieurs milliers d'individus, empêchera qu'aucun regret
ne trouble la satisfaction donnée aux princes et Etats
indemnisés. Les arrêtés supplémentaires des fi^^\ 1802
[StwI] et f^: 1802 [î^-l^^ y ajoutent quelques dis-
positions qui restaient à désirer. Cependant le sous-
signé ne peut cesser d'exprimer une vive sollicitude
pour le sort des personnes comprises dans la quatrième
et la cinquième classe du règlement. Le traité de Lu-
néville les a conliés aux soins de l'Empire, et l'Empire
ne saurait remplir trop promptement les engagements
bienveillants contractés à leur égard.
(( Le soussigné, enfin, n'hésite pas à déclarer qu'il
partage l'opinion générale de l'Allemagne sur la jus-
— 223 —
tice et l'équité du règlement du || oct. 1 802 [so-S^]
relatif aux dettes; d'autant que l'arrêté du '^ 1802
[-'noTisoî] a remédié aux objections qui s'étaient élevées.
Il exprime le vœu que les princes et États en accélèrent
l'exécution, et que, dans les opérations qu'ils doivent
faire pour prendre leurs parts respectives des charges,
ils apportent l'un envers l'autre les sentiments qui ont
animé la députation.
« Mais le moment est arrivé où la députation, après
avoir épuisé l'examen de toutes les demandes qui pou-
vaient porter sur les objets qui l'occupent, n'a plus
qu'à fondre le plan général et les règlements, dans un
Recès également attendu par l'Empire et par les puis-
sances médiatrices. Le soussigné s'étant concerté avec
le ministre extraordinaire de la République française
[plénipotentiaire de S. M. 1. de toutes les Russies], ne
peut différer plus longtemps l'exécution des ordres de
son gouvernement. Il va répondre, en conséquence,
tant aux questions qui lui ont été référées par la dé-
putation, qu'aux judicieuses observations de ses mem-
bres et aux réclamations nombreuses qu'il a reçues
sur des points de pure rédaction.
Nous passons les rectifications, pour donner la fin
de cette Note :
« En terminant cette Note, le soussigné renouvelle
à la députation l'instante invitation de former un Recès
du plan général d^indemnité et des règlements déjà
adoptés, sauf à s'occuper ensuite des autres règlements
qui seraient jugés nécessaires. Il la prie d'ailleurs de
s'en rapporter avec confiance aux soins des puissances
médiatrices pour amener à une heureuse issue les dis-
positions manifestées par Sa Majesté Impériale et
Royale.
« ARatisbonne, le ^novembre 1802 [fl-^^^fl-
« Le baron de Buhler [Laforest], »
— 224 —
Dans la vingt-huitième séance, du 1 8 novembre, la
députation eut connaissance d'une missive du pléni-
potentiaire impérial, qui l'engageait à trouver un fonds
pour assurer la sustentation des ecclésiastiques de la
quatrième et de la cinquième classe. On statua que l'on
s'occuperait de la rédaction d'un conclusum principal.
Une partie du projet de conclusum principal fut
soumise aux députés dans la vingt-neuvième séance,
du 20 novembre, ainsi qu'une Note des médiateurs,
renfermant encore quelques changements et additions
qui furent sur-le-champ adoptés.
On s'occupa de la fin du conclusum principal dans
la trentième séance, le 23 novembre, et dans la sui-
vante, du 25, d'affaires particulières.
Le plénipotentiaire annonça à la députation, dans
sa trente-deuxième séance, du 4 décembre, que le
conclusum principal dont elle s'occupait, ne pourrait
être regardé que comme un projet de rédaction sur
lequel il se réservait de faire ses observations : il re-
commanda à la députation de s'occuper de quelques
objets arriérés, tels que la navigation du Rhin. Une
Note des ministres médiateurs exprima le vœu que la
rédaction française des quarante-sept premiers articles
fût envisagée comme l'original du futur Recès; ils
consentaient que, pour les articles suivants, le texte
allemand fût regardé comme tel. Ils annoncèrent en
même temps qu'ils se proposaient de porter le conclu-
sum à la Diète de l'Empire.
Dans la même séance du 4 décembre, le subdélé-
gué de Bohême remit la démission de l'archiduc
Antoine f de l'archevêché de Cologne et de l'évêché
de Munster, auxquels il avait été élu , et dit, entre au-
tres ; « C'est à celte occasion que la Cour impériale
royale croit devoir observer que, dans le cours des
— - 225 —
présentes délibérations, elle n'a pas éprouvé la réci-
procité d'égards que méritaient les facilités qu'elle y
avait apportées de son côté. Toutes les parties princi-
palement intéressées aux indemnités ont été traitées
avec libéralité, tant par les puissances médiatrices que
par la Députation : dans le choix des territoires qu'on
leur destinait, on a eu égard à leur convenance, et on
a eu soin de les arrondir; toutes les réclamations ont
été examinées d'après des principes justes et équita-
bles : deux fois les médiateurs ont, en leur faveur,
modifié le plan originaire. Un seul intéressé éprouve
un traitement différent : les réclamations autrichien-
nes, fondées sur des stipulations expresses et sur des
faits évidents, sont restées sans succès; au lieu d'y
avoir égard, on a fourni à cette puissance, par les
changements du second plan, de nouveaux motifs de
se plaindre. Si la Députation a senti la justice de ces
plaintes, elle n'a au moins rien fait pour y remédier.»
Le même subdélégué ajouta encore que les der-
nières modifications du plan ne faisaient pas droit
aux réclamations de l'Autriche; que celle-ci avait con-
senti à ne recevoir pour la Toscane que la moitié de
l'indemnité qui lui était due, et à se contenter du
supplément proposé à Paris; que si cependant la Dé-
putation ne voulait pas attendre la conclusion d'un
arrangement avec les médiateurs , qui paraissait pro-
chain, il serait convenable d'ajouter au conclusum
principal une clause qui rendît possible l'exécution
de ce qui aurait été ultérieurement convenu avec la
maison d'Autriche, et que, dans tous les cas, le sub-
délégué de Bohême ne pouvait accéder à ce conclusum
que sous la réserve d'une telle clause. Il proposa en-
suite que la dignité électorale fut accordée au grand-
duc de Toscane; que le même rang fût attaché à la
charge de grand-maître de l'Ordre Teutonique. Il pro-
vn 15
— 226 —
posa aussi l'introduction de nouvelles voix viriles dans
le collège des Princes, en faveur de princes catholi-
ques, puisque, par le grand nombre de suffrages, an-
ciennement portés par des princes catholiques, qui
maintenant passaient à des protestants, la proportion
entre les deux religions était dérangée.
Dans cette séance, le ministre directorial commu-
niqua aussi une Note que les ministres médiateurs
avaient adressée, le 3 décembre, au plénipotentiaire
impérial en ces termes :
« Le soussigné, ministre plénipotentiaire de S. M.
l'empereur de toutes les Russies [extraordinaire de la
République française] près la Diète de l'Empire ger-
manique, s'empresse d'exprimer la satisfaction avec
laquelle il a reçu de M. le plénipotentiaire impérial
une expédition authentique de l'acte solennel et défi-
nitif émané le 23 novembre [2 frimaire] de la Dépu-
tation extraordinaire, revêtue de pleins pouvoirs de
l'Empire.
(( Cet important résultat fixe dès à présent d'une
manière invariable l'arrangement des indemnités, et
assure la tranquillité de l'Allemagne, en mettant fin à
toutes les incertitudes, en réglant tous les intérêts, en
conférant par anticipation , à chacun des princes et
États indemnisés, la possession et la jouissance des
pays qui lui sont dévolus. Les irrégularités qui pour-
raient encore subsister, vont sans doute disparaître ;
et ceux qui auraient, ou par méprise ou sous des pré-
textes quelconques, occupé des points attribués à un
de leurs co-États, se feront un mérite de les restituer,
sans attendre que les dispositions arrêtées soient con-
sacrées par le complément des formes constitution-
nelles.
f< M. le plénipotentiaire impérial rappelle qu'il reste
toujours au chef de l'Empire des vœux à former sur
— 227 —
ce qui touche sa maison. Il s'abstient encore de donner
une adhésion parfaite à toutes les parties de l'acte dé-
finitif de la Députation ; il renouvelle à ce sujet l'ex-
pression de sa confiance dans les puissances média-
trices. La Députation peut être en effet de plus en plus
assurée qu'elles ne négligeront aucun des moyens
propres à consolider ce qui a été fait jusqu'ici. C'est
l'objet d'une négociation qui sera suivie à Paris, et
qui ne doit avoir aucune influence sur les mesures à
prendre à Ratisbonne.
« Dans l'intervalle, le soussigné remplit à la fois
les vues de son gouvernement et celles de la Députa-
tion, en portant à la Diète générale de l'Empire l'œuvre
de leur sollicitude commune; œuvre que les puissan-
ces médiatrices considèrent aujourd'hui comme étant
plus spécialement confiée à leur surveillance amicale.
L'acte définitif du 23 novembre [2 frimaire] présente
dans ses dispositions l'ensemble le plus complet. Il
contient les principes du peu d'objets à régler ulté-
rieurement, tels, par exemple, que l'affectation des
trois cent cinquante mille florins assignés générale-
ment à l'électeur archichancelier. Cet acte est enfin
susceptible de recevoir successivement toutes les
sanctions qui le convertiront en acte du Corps ger-
manique, et les puissances médiatrices se chargent
encore de ce soin avec le même zèle qui les anime
pour le bien-être de l'Empire.
(( La Députation reconnaîtra dans cette marche une
suite de l'extrême attention qu'ont les puissances mé-
diatrices, de s'occuper préférablement des arrange-
ments qui conduisent le plus promptement les princes
et États de l'Empire à recueillir les premiers fruits de
la paix de Lunéville. Elles ont l'intime conviction que
la Députation appréciera de son côté, avec sa sagesse
ordinaire, toutes les propositions incidentes qui ten-
— 228 —
(iraient à entraîner dans des voies dilatoires ou à com-
pliquer les matières.
H II est agréable au soussigné de pouvoir ajouter
que l'acte qui vient de lui être transmis, répond par-
faitement à l'attente de son gouvernement; mais il ob-
serve que les paragraphes 1 à 47 inclusivement, étant
l'expression d'un texte rédigé, examiné et accepté en
langue française, la scrupuleuse fidélité avec laquelle
ils paraissent rendus dans la langue allemande ne dis-
pense pas de conserver la version originale. 11 a en
conséquence l'honneur de remettre une expédition en
langue française de ces quarante-sept paragraphes tels
qu'ils ont été proposés ou subséquemment consentis
par les puissances médiatrices et finalement agréées
par la Députation, pour entrer dans son acte définitif
du 23 novembre [2 frimaire]. Il demande que cette
pièce soit annexée à l'acte définitif, pour que les par-
ties intéressées puissent y avoir recours en cas de be-
soin. Cette précaution obvie évidemment aux inter-
prétations erronées ou aux doutes qui pourraient
s'élever dans l'avenir. Peut-être même serait-il utile
que la Députation voulût bien faire une dernière con-
frontation des deux versions; et, si elle aperçoit quel-
que nuance équivoque dans la dernière, la rectifier au
protocole, pour détruire jusqu'à la possibilité des
discussions de ce genre dans des temps plus reculés.
(( A Ratisbonne, le \Z::^: 1802 [-l^l^l^^^rrw;].
« F^e baron de Buhler.
« [Laforest.] »
Dans la trente-troisième séance, le 7 décembre, le
subdélégué de Bohême indiqua les objets suivants
comme devant être soumis à la délibération : 1 " le sup-
■— 229 —
plément de la dotation de l'archichancelier, en ayant
soin de fixer cette dotation de manière que le premier
prince de l'Empire ne soit pas rendu dépendant de
ceux qui sont chargés de lui servir une rente; 2° la
pension de l'électeur de Trêves ; 3" la sustentation des
évêques de Liège et de Baie , et de leurs chapitres ;
4" la confirmation des droits constitutionnels de la No-
blesse immédiate ; 5" la conservation des droits des
sujets des pays sécularisés, en tant que ces droits
étaient fondés sur des conventions et sur l'observance.
Une missive de la plénipotence impériale, lue dans
la trente-quatrième séance, le 14 décembre, désigne
les points suivants comme devant encore être discutés :
1" la sustentation des ecclésiastiques; 2" le sort de
ceux qui avaient obtenu des prébendes , par suite du
droit des premières prières de l'Empereur; 3° les con-
stitutions territoriales et les droits des sujets ; 4" les
biens des églises ou des paroisses, à distinguer des
biens ecclésiastiques; 5° un fonds stable pour le clergé
de la rive gauche du Rhin; 6" les péages du Rhin,
dont la plénipotence désirait le maintien ; 7° la confir-
mation de la paix de Westphalie et des traités subsé-
quents ; 8" le maintien des droits et des libertés de la
Noblesse immédiate.
Dans la trente-cinquième séance, du 22 décembre,
le subdélégué de Brandebourg dit que, d'après les
assurances données par les ministres, au sujet de la
Toscane, il n'était plus nécessaire de joindre une ré-
serve au conclusum général, ainsi que la Bohême l'a-
vait demandé, n Le Roi, ajoute ce plénipotentiaire,
peut consentir à ce qu'on propose d'augmenter le
nombre des suffrages catholiques dans le collège des
Princes, mais nullement par le motif mis en avant
— . 2;^0 —
par le subdélégué de Bohême, et d'après lequel il se-
rait nécessaire de rétablir la proportion entre les deux
religions. Depuis des siècles, les voix protestantes ont
été en minorité dans ce collège et dans le collège élec-
toral , sans que le parti protestant y ait vu son exis-
tence compromise. En général, grâces en soient ren-
dues à l'esprit du siècle, les temps sont passés où la
superstition et le fanatisme faisaient de toute affaire
politique une affaire de religion. Il y aurait peu de
conséquence à insister sur la nécessité d'une parité de
religion à la Diète, dans un moment où la députation
proclame l'égalité parfaite des religions en Allemagne. »
On prit, dans cette séance, un conclusum portant
qu'incessamment, et avant le commencement de la dé-
libération de la Diète de l'Empire sur le conclusum gé-
néral, la Députation fera à ce sujet son rapporta l'Em-
pereur et à l'Empire.
Dans l'intervalle qui s'écoula entre la trente-cin-
quième et la trente-sixième séance , le différend qui
subsistait depuis si longtemps entre l'Autriche et la
France fut enfin arrangé j mais comme en politique
les services ne peuvent pas être gratuits, il fut signé à
Paris, le 26 décembre 1802, deux conventions : l'une
entre l'Autriche et la France seules, l'autre également
entre r Autriche etla France, avec accession de laRussie.
La première de ces conventions, dont M. Schoell n'a
pas eu connai8sance,^etqui ne figure point dans les Re-
cueils, est seulement composée de deux articles destinés
à rester secrets. Ils n'intéressaient que la France, mais
ils l'intéressaient à un haut degré. Obtenus de la com-
plaisance de l'Autriche, ils étaient la répétition de ce
que la Prusse avait déjà concédé par la convention se-
crète du 23 mai, savoir: une garantie des possessions
— 231 —
respectives, et notamment, pour la France, celle des ar-
rangements pris par elle en Italie. Ainsi, par l'article 1 ,
on reconnaissait pour roi d'Étrurie l'infant d'Espagne,
qui était en possession de la Toscane; et par l'article 2
on reconnaissait également tous les changements sut-
venus en Italie depuis le traité de Lunéville. C'était,
comme on le voit, un résultat des plus importants pout"
le gouvernement consulaire.
La seconde convention du 26 décembre, (Jui seule
fut rendue publique, était signée par lé comte Philippe
deCobenzl, au nom de l'Empereur; Joseph Bonaparte,
au nom de la France, et par le comte Markof, au nOttî
de l'empereur de Russie.
Voici l'analyse du traité :
Pour augmenter l'indemnité du duc de Modem, l'Em-
pereur lui cède le bailliage oU le pays d'Ortenau. Art. 1 .
Pour indemniser l'Empereur de l'Ortenau, les deux
évêchés de Trente et de Brixen sont sécularisés en sa
faveur. Art. 2.
Pour compléter l'indemnité du grand-duc de Tos-
cane, l'évêclié d'Eichstelt est ajouté à ce qui lui a été
adjugé par le conclusum général du 23 novembre , à
l'exception cependant des bailliages de Sandsee, Wern-
fels-Spalt, Ahrberg-Ohrnbau et Wahrberg-Herrieden
et de toutes les dépendances de l'évêclié d'Eichstett qui
sont enclavées dans les pays d'Anspachetde Bayreutb.
Ces territoires resteront à l'Électeur bavaro-palatin , et
le grand-duc recevra en remplacement une indemnité
équivalente en argent comptant qui sera prise sur les
domaines de l'Électeur palatin en Bohême , et, en cas
d'insuffisance, sur d'autres revenus de ce prince.
Sous la réserve de ces stipulations et des droits de
propriété et d'autres qui compétent à l'Empereur,
comme souverain des États héréditaires autrichiens et
chef suprême de l'Empire, et qui peuvent s'accorder
— 232 —
avec l'exécution du plan d'indemnité, l'Empereur
s'oblige d'employer son influence pour que le plan
général d'indemnité, arrêté par la députation de l'Em-
pire, sauf les modifications contenues dans la pré-
sente convention, soit ratifié par l'Empire et reçoive
ainsi, dans le plus court délai, la sanction impériale
même. Art, 4.
Il est nécessaire de fixer l'attention du lecteur sur la
rédaction de cet article. L'Empereur s'oblige à prêter
la main à l'exécution du plan d'indemnité, tel qu'il est
modifié par la présente convention j mais il ne le pro-
met « que sous la réserve des droits de propriétés et
d'autres qui lui compétent en sa double qualité de
chef de l'Empire et de souverain des États d'Autriche. »
Ainsi , quelles que soient les stipulations du plan et
celles du Recès qui l'aura adopté, elles ne peuvent pré-
judicier en rien aux droits de la maison d'Autriche, qui
resteront intacts, ainsi que ceux de l'Empereur. Nous
verrons l'usage que la Cour de Vienne fera de cette
réserve à l'occasion des différends qui s'élèveront sur
l'introduction de nouveaux princes à la Diète et à l'é-
gard du droit d'épave.
« 11 s'entend expressément, dit l'article 5 de la con-
vention , qu'après l'échange du présent acte , les pays
mentionnés dans les articles précédents pourront être
occupés civilement et militairement par les princes
auxquels ils sont adjugés, ou en leur nom, et nom-
mément aussi la ville de Passau et les faubourgs Innstadt
et Iltzstadt, qui seront aussitôt évacués par les troupes
de Sa Majesté Impériale et Royale et cédés en pro-
priété à Son Altesse Électorale Bavaro-Palatine , néan-
moins, sous ces conditions, que les fortifications de
ladite ville ne seront point augmentées, mais seule-
ment entretenues, et qu'il ne pourra point être élevé
de nouvelles fortifications dans les faubourgs Innstadt
\
— 233 —
et Iltzstadt. Il ne pourra point non pins être élevé de
nouvelles fortifications dans le territoire de l'évêclié
d'Eichstadt, par S. A. R. l'archiduc Ferdinand ou ses
héritiers.
Le premier Consul de la République française se
réunira avec Sa Majesté Impériale de toutes les Russies,
pour procurer à S. A. R. l'archiduc Ferdinand et à ses
héritiers la dignité électorale. Art. 6.
Les hautes parties contractantes se garantissent
réciproquement l'exécution de tout ce qui est contenu
dans les articles ci-dessus, et le ministre plénipoten-
tiaire de Sa Majesté Impériale de toutes les Russies
sera invité à accéder à la présente convention, pour
Sa Majesté Impériale et en son nom, comme principale
partie contractante. Art. 7.
Le 4 janvier 1 803 fut tenue la trente-sixième séance
de la Députation. Le subdélégué de Brandebourg y dit
entre autres : « Pour ce qui regarde la Noblesse immé-
diate de l'Empire, possessionnée sur la rive droite du
Rhin , dont les intérêts ne sont en aucun rapport avec
les indemnités , il en sera aussi peu question , dans
les négociations actuelles, qu'il y est question d'au-
tres classes d'États , de dynasties et de membres de
l'Empire. La Constitution germanique est maintenue
dans tous les points qui n'ont point été changés par
le règlement des indemnités , par conséquent aussi
dans ce qui se rapporte aux droits de la Noblesse im-
médiate que les termes exprès du paragraphe 28 de
l'article 5 du traité de Westphalie ne reconnaissent
qu'autant qu'un noble n'est pas soumis à un État
d'Empire sous le rapport de ses biens et à l'égard du
territoire ou du domicile. » Dans le même vote, le
subdélégué protesta contre le titre de commissaire im-
périal que le plénipotentiaire prenait, et contre sa pré-
_-. 234 —
tention de ratifier les conclusuiîiâ de laDéputation. Un
Vote émis par la Saxe dans cette séance nous fournit
une occasion de parler de cette difficulté qui s'était
reproduite à différentes reprises depuis que la Dépu-
tation était réunie.
« La question de savoir, dit le subdélégué de Saxe, si
chaque conclusum d'une députation extraordinaire de
l'Empire a besoin de la ratification du plénipotentiaire
impérial, n'a été décidée par aucune loi de l'Empire;
l'observance seule fait règle à cet égard. Mais cette
observance a varié selon la nature des travaux dont
les députations ont été chargées; si ces travaux sont
d'une telle nature que la Députation se trouve dans le
cas de donner, sur certains objets de législation, des
décisions définitives, non soumises à une ratification
spéciale de f Empereur et de l'Empire ^ il paraît qu'il est
indispensable que la ratification de VEmpereur soit
attachée à chaque conclusum. Mais, lorsque laDépu-
tation n'a été instituée que pour préparer un avis qui
sera soumis ensuite à l'Empereur et à l'Empire, ceux-ci
ne donnent leur ratification qu'à cet avis, qui est porté
devant eux à la fin de la discussion. 11 s'ensuit que
dans un tel cas il n'existe aucun motif pour soumettre
un conclusum à une double ratification. Plus d'une
affaire importante éprouverait des retards préjudi-
ciables, s'il fallait attendre la ratification de chaque
point, et qu'en cas de refus les discussions fussent in-
terrompues. 11 est arrivé que, pour éviter cet incon-
vénient, principalement dans des négociations de paix,
les États d'Empire, appelés à y prendre part par leurs
subdélégués, ont exigé qu'on ne bornât pas leurs
pouvoirs à une négociation indirecte avec les ministres
étrangers, par l'intermédiaire des plénipotentiaires
impériaux, mais qu'on les admît à des conférences
générales. Cette demande n'ayant pas été totalement
— 235 —
accordée aux députations de 1 682 et 1 697, on inséra
dans la capitulation de 1 741 le passage qui se trouve ar-
ticle 1 1 , paragraphe 1 2, et qui assure aux États le droit
de prendre une part immédiate aux négociations avec
les puissances étrangères. Aussi l'instruction donnée à
la députation de Rastadt portait-elle expressément que
la Députation délibérerait soit par elle-même, soit, le
cas échéant, sur la proposition du plénipotentiaire im-
périal; qu'elle porterait son conclusum à ce plénipo-
tentiaire, et s'entendrait avec lui sur le mode de former
un avis commun. Ce rapport entre le plénipotentiaire
impérial et la Députation a été observé à Rastadt; et
lorsque le plénipotentiaire de l'Empereur réclama l'ini-
tiative des propositions, et qu'il voulut exercer le droit
de ratification, en se qualifiant de commissaire, et ses
communications de décrets de commission, on protesta
contre ces prétentions. Comme la Députation actuelle a
unanimement résolu de suivre la même marche, on ne
pourra regarder comme une innovation le refus qu'elle
fait d'accorder au plénipotentiaire la faculté de ratifier
chaque conclusum, droit qui n'est fondé ni sur la capi-
tulation impériale, ni sur l'observance. »
Le conclusum de ce jour porte qu'on invitera les mi-
nistres médiateurs à faire des ouvertures ultérieures :
1" Sur le complément de la dotation de l'électeur
archichancelier; 2° sur le mode d'assigner les rentes
ou pensions déjà déterminées; 3° sur les péages du
Rhin; 4" sur un mode de pourvoir à la sustentation de
l'électeur de Trêves sans le secours de mois romains ;
5° sur la sustentation des évêques de Liège et de Bâle.
On approuva aussi le projet de rapport proposé par
le Directoire pour servir d'introduction au conclusum
général du 23 novembre; et le ministre du margrave
de Bade annonça que son souverain s'était entendu
avec l'évêque de Constance (l'électeur archichance-
— 236 —
lier), sur la rente qui serait payée pour son entretien.
Dans la trente-septième séance (19 janvier 1803),
on donna lecture de deux Notes des ministres média-
teurs. La première était relative aux nouvelles voix
viriles, et la seconde à la sustentation de l'électeur de
Trêves , dont on proposait de charger tous les Élec-
teurs, à l'exception de l'archichancelier, et à la susten-
tation des évêques de Liège et de Baie, dont devaient
se charger les évêques jouissant de plus d'une pension.
Une communication du plénipotentiaire impérial
porta à la connaissance de la Députation l'arrangement
qui avait été conclu le 26 décembre au sujet du grand-
duc de Toscane. Ainsi le seul obstacle qui retardait
encore l'affaire des indemnités se trouva levé; la Bo-
hême accéda au conclusum qui avait décrété l'adoption
du plan d'indemnité, et le plénipotentiaire impérial y
adhéra également.
Les ministres de Bavière et de Wurtemberg annon-
cèrent que leurs souverains s'étaient entendus avec
l'évêque d'Augsbourg et le prévôt d'Ellwangen (l'élec-
teur de Trêves) sur le montant de leur sustentation.
Dans la trente-huitième séance ( le 23 janvier 1 803 ),
la Députation arrêta d'inviter les ministres médiateurs
à s'occuper du complément de la dotation de l'électeur
archichancelier, dont leur dernière Note ne parlait pas.
Un conclusum fait le 29 janvier, dans la trente-
neuvième séance, déclare que si les évêques de Liège
et de Baie sont nommés à quelque autre évêché, ils con-
serveront intacte la rente fixée pour leur sustentation.
Le plénipotentiaire impérial n'ayant pas trouvé con-
venable que la Députation eût accueilli des requêtes
présentées par des princes, à l'effet d'obtenir des voix
viriles, on établit, dans la quarantième séance, le 3 fé-
~ 237 —
vrier, le principe que la Députation ne pouvait accueil-
lir de pareilles demandes qui lui étaient adressées par
les pétitionnaires mêmes, mais qu'elle devait les ren-
voyer à la décision de l'Empereur et de l'Empire; que
si, au contraire, ces demandes étaient faites par les
ministres médiateurs, la Députation était autorisée
par ses pouvoirs à les discuter et à prendre une déci-
sion à leur égard.
Dans la même séance, la Bavière demanda un dé-
dommagement pour la portion de l'évêché d'Eichstett,
que la convention du 26 décembre avait adjugée au
grand-duc de Toscane. Il fut arrêté, le 8, dans la qua-
rante-unième séance, que ce mémoire serait transmis
aux ministres médiateurs, mais sans leur être recom-
mandé.
Les objets sur lesquels les ministres médiateurs
s'étaient réservés de revenir, furent développés dans
une Note dont on fit lecture dans la quarante-deuxième
séance , le 1 2 février : on approuva le même jour le
travail de la commission, qui avait été chargée de répar-
tir entre les comtes les indemnités réservées en Souabe.
Comme la dernière Note des ministres médiateurs
renfermait trop d'objets pour qu'on pût les joindre
par forme de supplément au conclusum principal, on
convint, dans la quarante-troisième séance, le 15 fé-
vrier, de le rédiger de nouveau, et on approuva, dans
la même séance, la rédaction des trente-huit premiers
articles. Cette discussion fut achevée, le 16, dans la
quarante- quatrième séance j le 18, dans la quarante-
cinquième, on fit quelques nouveaux changements de
peu d'importance, que les ministres médiateurs avaient
proposés verbalement au Directoire. Enfin, le 25, dans
la quarante-dixième séance, le llecès définitif fut adopté
et soumis à l'approbation de l'Empereur et de l'Empire,
— 238 —
On voit, en résumé, qu'il a existé quatre plans d'in-
demnisation, et deux conclusums principaux.
1" Le premier plan est celui qui fut soumis à la Dé-
putation, dès sa première séance, le 24 août, et adopté
le 8 septembre, dans son ensemble;
2" La Députation ayant porté aux ministres média-
teurs un grand nombre de réclamations, ceux-ci les
firent entrer dans un second plan, qu'on appela général,
parce qu'on se flattait qu'il s'étendait sur tous les ob-
jets. Il fut porté à la Députation le 9 octobre, et sur-le-
champ adopté par la majorité;
3" Comme les ministres médiateurs proposèrent de
nouveaux changements les 1 3 et 1 9 octobre et 1 5 no-
vembre, il en résulta un troisième plan, qui fut adopté
le 23 novembre par le premier conclusum principal;
4° La convention du 26 décembre, sur l'indemnisa-
tion du grand-duc de Toscane, et d'autres change-
ments proposés par les ministres dans les Notes des
3 décembre 1 802, 1 8 et 31 janvier, et 1 1 février 1 803,
nécessitèrent la rédaction du quatrième plan , qui fut
adopté, le 25 février, par le deuœihme conclusum prin-
cipal, ou le Rechs de la députation.
Avant de nous occuper du Recès lui-même, qui a
donné une nouvelle forme au Corps germanique, fai-
sons quelques observations générales sur les points à
l'égard desquels la Députation n'a pas réussi à obtenir
des décisions favorables des médiateurs.
1'' Quoique ses instructions lui eussent prescrit
d'examiner dans toutes ses parties le plan qui lui
était proposé, elle ne put pourtant pas; la moitié des
membres dont elle était composée ne le voulut même
pas, et leur opinion prévalut sur celle des autres,
sans doute parce qu'on l'envisagea comme le seul
moyen d'éviter de plus grands inconvénients;
2° Elle ne parvint pas à obtenir des ministres mé-
— 239 —
diateurs à lui donner communication des mémoires et
évaluations qui, à ce qu'on disait, avaient servi de base
au plan d'indemnité : ce refus, de la part des ministres,
fut très-sage ; ces mémoires n'auraient fait que provo-
quer une discussion dont il était impossible de pré-
voir la fin : d'ailleurs on sut que, par d'autres motifs,
les évaluations devaient rester un secret ;
3** Quoique unanime sur le principe que des fon-
dations médiates situées hors des pays qui entraient
dans la masse des indemnités, ne pouvaient pas être
employées en indemnisation, la Députation ne réussit
pas à faire admettre cette maxime de Droit public;
4° Quoique unanime, la Députation ne put obtenir
de la France la levée du séquestre qui , d'après l'ar-
ticle 9 du traité de Lunéville, aurait dû avoir lieu à
l'égard des pays cédés à la France, elle ne sut pas non
plus si l'on était disposé en France; à suivre sur ce
point certaines règles. Le gouvernement français agit
avec une volonté arbitraire , qui n'eut égard à au-
cune convenance, et moins encore aux principes de la
justice ;
5° La moitié de la Députation ne put obtenir de
l'autre que ceux qui avaient reçu des indemnités au
delà de leurs pertes, se chargeassent, à ce titre, de con-
tribuer au fonds de sustentation des ecclésiastiques ;
6" Quoique tous les membres fussent d'accord, elle
ne put imposer aux quatre villes impériales l'obliga-
tion de contribuer au fonds de sustentation ;
7° Quoique la masse des pays qui formaient les in-
demnités fût supérieure à celle des pertes, néanmoins
la Députation ne trouva pas moyen de doter convena-
blement en biens-fonds le premier prince de l'Empire;
elle fut obligée d'assigner une partie de son revenu
sur la navigation du Rhin.
En définitive, il faut le reconnaître, la Députation
— 240 —
n'a pas fait tout le bien qu'elle aurait sans doute ac-
compli si elle avait été abandonnée à ses propres
lumières et à ses inspirations généreuses, cependant
le Recès qu'elle a présenté à ses commettants n'en
mérite pas moins, par son importance et la multipli-
cité des objets qui y sont traités, une place à côté de
la paix de Westphalie. L'histoire doit à cette assem-
blée le témoignage honorable que, dans une situation
très-difficile, elle a montré une prudence consommée,
et que, lorsqu'il lui a fallu céder à la force, elle n'a
pas compromis sa dignité. Les votes émis par les sub-
délégués, toujours fondés sur les principes, sont aussi
l'expression des plus nobles sentiments; laDéputation
a décidé avec modération et sagesse des questions
très-compliquées; elle a écouté avec patience et pesé
avec impartialité toutes les réclamations qui lui ont
été soumises ; et si parfois il n'a pas été en son pouvoir
d'y faire droit, du moins toujours a-t-elle eu la volonté
d'être juste. L'esquisse de ses travaux, que nous ve-
nons de mettre sous les yeux de nos lecteurs, est tirée
du Recueil des protocoles de cette assemblée. 11 nous
aurait été facile d'ajouter à l'exposé des négociations
de Ratisbonne ou de celles qui, à la même époque, se
suivaient à Paris et se continuèrent sur les bords du
Rhin, certains faits individuels, caractéristiques de
Vabus des influences alors exercées et qu'un personnage
des Relations Extérieures, avec son accent méridional,
nommait si plaisamment la campagne d'or des indem-
nités; mais de pareils traits feraient un affligeant con-
traste avec la droiture et la loyauté qui présidèrent aux
délibérations des subdélégués de l'Empire, et nous les
avons rejetés comme indignes de la majesté de l'histoire.
SECTION m.
RECÈS DE LA DÉPCTATION DE l'eMPIRE, DU 25 FÉVRIER 1803,
TEXTE ET COMMENTAIRE'.
InIroducUon. — Indemnilé de l'Autriche. — Indemnité de la Toscane. —
Indemnité de Modène. — Indemnilé de la Bavière. — Indemnité de la
Prusse. — Indemnilé d'Arenberg. — Indemnité du duc de Croï, — In-
demnité du duc de Looz. — Indemnilé des deux maisons de Salm. —
Indemnité de la maison de Brunswic-Lunébourg. — Indemnité du duc
de Brunswic. — Indemnité du margrave de Bade. — Indemnité du duc
de Wurtemberg. — Indemnilé de la maison de Hohenlohe. — Indemnilé
de Salm-Beiffersciieidt. — Indemnité de Limbourg-Styrum. — Indem-
nité de la maison de Hesse-Cassel. — Indemnité de la maison de Hesse-
Darmstadt. — Indemnilé du duc d'Oldenbourg. — Convention de
Ratisbonne, du 6 avril 1803; M. de Koch : le baron de Bûhler : M. I.afo-
rest : le comle de Gœrlx. — Indemnité de Mecklenbourg-Schwerin.
^Indemnité de Hohenzoliern. — Indemnité de Dietrichstein. — Indem-
nité du prince de Ligne. — Généalogie de la maison de Nassau. —
Indemnité de Nassau-Usingen. — Indemnilé de Nassau-Weilbourg. —
Indemnilé du prince de Nassau-Siegen. — Indemnité du prince de
La Tour et Taxis. — Indemnilé de la maison de Lœwenslein-Wert-
heim. — Indemnité de la maison d'Oettingen-Wallerstein. — Indem-
* Le texte du Recès est indiqué par des guillemets. Nous devons
faire une observation relative aux données statistiques produites dans le
commentaire. On sait combien, en général, les notions qu'on trouve
dans les livres sur l'étendue, la population et les revenus des pays sont
incertaines et inexactes, lorsqu'elles ne se fondent pas sur des mesures
trigonométriques , des dénombrements effectifs ou des comptes rendus
aux gouvernements. La statistique est donc parfois une science conjectu-
rale; mais, à l'époque où siégea la Députation dont nous publions les
travaux, l'intérêt et la convoitise avaient troublé à dessein tout ce qui,
auparavant, paraissait clair. Les plénipotentiaires des réclamants pré-
sentèrent des évaluations évidemment exagérées de tout ce que leurs
souverains avaient perdu , et s'efforcèrent de diminuer la valeur des in-
demnités qu'on leur offrait. Nous avons presque toujours suivi les ren-
seignements que nous avons trouvés dans les auteurs cités au commen-
cement de la seconde section. Lorsqu'ils n'étaient pas d'accord entre
eux, nous avons adopté les données qui nous paraissaient les plus pro-
bables ; mais le genre de cet ouvrage ne nous a pas permis de discuter
les motifs de notre préférence. Très-souvent nous avons corrigé les chif-
fres de Gaspari et de Winkopp d'après des publications officielles qui
ont eu lieu depuis que leurs ouvrages ont paru.
TII 16
— 2A2 —
nité de la maison de Solms. — Indemnité de la maison de Stolherg.—
Indemnité de Hohenlohe. — Indemnité d'Isenbourg. — Indemnité
de la maison de Linange. — Indemnité de la maison de Wied-Runkel.
— Indemnité du prince de Bretzenheim. — Indemnité de la maison
de Wiltgenstein. — Indemnité des comtes du Collège de Weslplialie.
— Indemnité d'Aspremont. — Indemnité de Bassenheim. — Indem-
nité de Metternich. — Indemnité d'Ostein. — Indemnité de Pletten-
berg. — Indemnité de Quadt, — Indemnité de Schœsberg. — Indem-
nité de Sinzendorff. — Indemnité de Sternberg. — Indemnité deToeiring.
— Indemnité de Warlemberg. —Indemnité deGolstein, de Hallberg.
— Indemnité de Nesselrode. — Indemnité de Sickingen. — Comtes de
la quatrième classe, — Comtes de la cinquième classe, — Dotation de
l'archichancelier, — Indemnité de l'Ordre Teutonique, — Indemnité
de l'Ordre de Malte. — Droits des villes impériales, — Indemnité de la
ville d'Augsbourg. — Indemnité de la ville de Lubeck. — Convention
du 2 avril 1804, entre le duc d'Oldenbourg et la ville de Lubeck. —
Noblesse de l'Empire. — République belvétique. — Racliat des rentes.
— Nouveaux électeurs. — Votes virils du Collège des Princes. —Privi-
lège de non appellando, — Biens des grands chapitres. — Fondations
non employées. — Biens des chapitres. — Biens des fabriques, —
Dettes des pays. — Péage du Rhin, — Convention de Paris, du 15 août
1804, sur l'octroi delà navigation du Rhin, — Fiefs. — Yoles des comtes.
— Sécularisation des couvents, — Époque de la jouissance des indem-
nités.—Aliénations annulées. — Successions de famille. — Échanges et
transactions. — Sort des anciens souverains. — Leurs rangs. — Leur
juridiction. — Leur sustentation. — Évêques suffraganls. — Sn^tenla-
lion des chanoines. — Années de carence. — Chanoinesses. — Sefvi-
teurs des cliapitres. — Conventuels.- Précisles. — ^Panistes. — Serviteurs
des souverains ecclésiastiques. — Constitution politique des pays sécula-
risés. — Droits régaliens, — Diocèses. — Cultes. — Fondations médiates.
— Fondations pieuses. — Garantie des pensions. — Les directeurs des
Cercles sont chargés de l'exécution du Recès. — Pays sécularisés entre
plusieurs seigneurs. — Électeur de Trêves. — Sa sustentation. — Cha-
pitre de Cologne. — Autres ecclésiastiques. — Serviteurs de la rive gauche.
— Chanoines. — Évéques de Bàle et de Liège. — Serviteurs des corpo-
rations su]»|)rimées. — Dettes affectées aux pays d'indemnité. — Créances
hypothécaires. — Nouvelles detles. — Dettes des Cercles. — Dettes des
Cercles du Rhin. — Dettes des Cercles sur la rive gauche. — Chambre
impériale. -^ Conclusion,
« Pour terminer la guerre élevée entre Sa Majesté
Impériale et l'Empire germanique d'une part, et la
République française de l'autre, il avait été, confor-
mément à l'article 20 du traité de paijc conclu à Gampo
Formio, le 17 octobre 1797, ouvert un Congrès de
paix à Uastadt, dans la même année, entre Sadite Ma-
jesté Impériale et une Députation extraordinaire de
l'Empire, nommée à cet effet, d'une part, et les pléni-
— 243 —
potentiaires de la République française de l'autre. Les
négociations y étaient déjà avancées , au point que ,
non-seulement la cession des pays situés sur la rive
gauche du Rhin avait été consentie au nom de l'Em-
pire germanique, mais qu'on y était même convenu
de la base des indemnités par la voie des sécularisa-
tions pour les pertes résultant de cette cession, lors-
que ces négociations de paix furent rompues par la
reprise des hostilités. La paix fut ensuite conclue à
Lunéville, le 9 février 1801, par Sa Majesté Impériale
et au nom de l'Empire germanique, avec le premier
Consul de la République française, en se rapportant
à la base déjà consentie par la Députation de l'Empire
au précédent Congrès de Rastadt. Ce traité de paix fut
ratifié, le 7 mars 1 801 , par les Électeurs, Princes et
Etats, avec le concours du chef suprême de l'Empire;
mais, daiis ce traité même, quelques objets étaient
renvoyés à un arrangement ultérieur, puisque non-
seulement l'indemnité assurée par l'article 5 au grand-
duc de Toscane en Allemagne n'y était pas déterminée,
mais qu'en vertu de l'article 7, les indemnités des
Etats héréditaires de l'Empire, conformément aux
principes déjà mentionnés qui avaient été établis à
Rastadt devaient être réglés ultérieurement.
« Sa Majesté Impériale ayant ensuit^, pour l'exécu-
tion de ces articles, immédiatement après la commu-
nication faite du traité de paix de Lunéville, demandé
à la Diète générale de l'Empire , par un décret parti-
culier de commission impériale, du 3 mars 1801, un
avis ultérieur sur le mode de coopération des États de
l'Empire, aux arrangements complémentaires de cette
paix, il a été formé, le 2 octobre 1801 , un avis de
l'Empire portant qu'il gérait nommé à cet effet une
nouvelle Députation extraordinaire d'Empire compo-
sée de huit membres; savoir :
— 244 —
Du Collège électoral :
Mayence, Bohême,
Saxe, Brandebourg.
Du Collège des Princes :
Bavière, Grand-maître Teutonique,
Wurtemberg, Hesse-Cassel.
Et cet avis ayant été approuvé par Sa Majesté Impé-
riale, le 7 novembre 1801, elle a enfin notifié à la
Diète, par un nouveau décret de commission du 2 août
de cette année, que le moment était venu où la Dépu-
tation extraordinaire devait se réunir; qu'en consé-
quence tous les États députés devaient envoyer leurs
sous-délégués à Ratisbonne, comme le lieu de réunion
fixé de concert avec le gouvernement français, et que
les pleins pouvoirs nécessaires à la Députation pour
l'entier arrangement de l'œuvre de la paix devaient
être expédiés; Sa Majesté Impériale, en sa qualité de
chef suprême de l'Empire, ayant déjà nommé pour
son plénipotentiaire M. le baron de Hugel, conseiller
intime actuel de Sa Majesté Impériale, et concommis-
saire impérial à la Diète générale de l'Empire.
« Les pleins pouvoirs de l'Empire, à l'effet d'exami-
ner, discuter et régler , de concert avec le gouverne-
ment français, les objets réservés à un arrangement
particulier par les articles 5 et? du traité deLunéville
ayant été expédiés, le 3 août de cette année, pour cette
Députation extraordinaire, les États députés de l'Em-
pire ont envoyé leurs subdélégués en cette ville de
Ratisbonne; savoir:
(( Mayence : M. le baron François- Joseph d'Albini ,
conseiller privé impérial, commandeur de l'Ordre de
Saint-Étienne et ministre d'État de S. A. Électorale de
Mayence.
— 245 —
(( Bohême : M. François Albin de Schrauty conseiller
aulique impérial, et ensuite M. le comte Ferdinand de
CoUoredo-Mansfeldy chambellan impérial et ministre
de l'électeur et roi de Bohême à la Diète de l'Empire.
« Saxe : M. Jean-Ernest de Globig , conseiller privé
de S. A. S. Électorale de Saxe.
(( Brandebourg : M. Jean-Eustache, comte de Schlitz,
dit GœrtZy ministre privé actuel d'État et de guerre de
S. M. le roi de Prusse, son ministre à la Diète de l'Em-
pire, chevalier des Ordres de TAigle-Noir et de l'Aigle-
Rouge; et M. Conrad-Sigismond-Charles Eœnlein ^ mi-
nistre directorial de Sa Majesté Prussienne au cercle
de Franconie, et vice-président de la chambre des
finances à Anspach.
« Bavière : Aloyse-François-Xavier, baron de Rech-
berg et Rothenlœwen , chambellan , conseiller privé
actuel et ministre de S. A. Électorale à la Diète de
l'Empire.
« Grand-maître Teutonique : M. Philippe-Ernest,
baron de Nordegg-RabenaUy chevalier de l'Ordre Teu-
tonique, bailli de Franconie, commandeur de Donau-
werth, conseiller actuel de cour, de régence et de
chambre du prince grand-maître de l'Ordre Teutoni-
que, et grand bailli du district de Scheuerberg à
Hornegg.
c( Wurtemberg : M. Philippe Christian y baron de
Normann, conseiller privé actuel , vice-président et
chambellan de S. A. S. le Duc, et chevalier de son
grand Ordre.
c( Hesse-Cassel : M. Philippe-Maximilien de GiXn-
terode, conseiller privé de S. A. S. le Landgrave et
son ministre à la Diète de l'Empire j et ensuite M. le
conseiller de guerre de Hesse-Cassel, George-Guillaume
Starkloff.
« Cette Députation, après s'être dûment légitimée,
— 246 —
s'est constitué le 24 août; et ses séances ont été ou-
vertes par la proposition de M. le plénipotentiaire im-
périal.
« Le premier Consul de la République française
ayant envoyé en même temps à Katisbonne un ministre
extraordinaire en la personne du citoyen Laforest , et
S. M. l'empereur de Russie s'étant déterminé à inter-
poser sa haute médiation, conjointement avec le gou-
vernement français, pour le règlement de l'affaire des
indemnités et pour l'affermissement du repos de l'Al-
lemagne j et ledit ministre de la République française,
citoyen Laforest, ayant simultanément, avec M. de
Klûpffel, ministre résident de Russie près la Diète gé-
nérale de l'Empire, communiqué à cet effet, dès le
18 août, à la Députation de l'Empire, deux déclara-
tions uniformes par lesquelles ces hautes puissances
médiatrices ont proposé , pour faciliter les délibéra-
tions, un plan général d'indemnités; et S. M. I. de
toutes les Russies ayant jugé à propos d'envoyer bien-
tôt après, pour cet objet, un plénipotentiaire particu-
lier à Ratisbonne en la personne de M. le baron Charles
de Bûhler, son conseiller privé et chevalier de plusieurs
Ordres, jusqu'ici son Envoyé extraordinaire à la Cour
électorale bavaro-palatine ; et la Députation de l'Em-
pire ayant mûrement examiné dans toutes leurs par-
ties les déclarations remises, et ayant fait parvenir
ses arrêtés à ce sujet auxdits ministres des puissances
médiatrices, en leur communiquant chaque fois les
réclamations nombreuses qui lui ont été adressées; et
ceux-ci ayant ensuite remis, le 8 octobre , à la Dépu-
tation, un plan modifié comme résultat de leurs der-
nières Instructions ; la Députation ayant de môme pris
en nouvelle délibération ce second plan , et commu-
niqué pareillement à MM. les ministres sus-mention-
nés ses arrêtés ultérieurs, et ceux-ci s'étant encore
— 247 —
expliqués plus en détail par des Notes subséquentes
des 1 9 octobre, 1 5 et 1 9 novembre, 3 décembre de
l'année dernière^ 18 et 31 janvier, et enfin du 11 de
ce mois.
(( 11 a été rédigé, en conséquence et d'après tous les
arrêtés précédents et particuliers de la Députation, le
Conclusum principal suivant.
« La répartition et le règlement définitif des in-
demnités ont lieu ainsi qu'il suit :
§1-
«AS. M. l'empereur et roi de Hongrie et de Bohême^
archiduc d'Autriche ^ pour la cession du bailliage
d'Ortenau : les évêcliés de Trente et de Brixen, avec
tous leurs biens, revenus, propriétés, droits et préro-
gatives, sans aucune exception quelconque, et les cha-
pitres, abbayes et couvents situés dans ces deux évê-
chés, à charge néanmoins de pourvoir à l'entretien
viager des deux princes-évêques actuels et des mem-
bres des deux chapitres de la manière dont ils pour-
ront convenir entre eux, ainsi qu'à la dotation subsé-
quente du clergé à préposer à ces deux diocèses^, sur
le pied établi dans d'autres provinces de la monarchie
autrichienne. Tous les droits de propriété et autred
qui compétent à S. M. l'Empereur et Roi, comme sou-
verain des États héréditaires d'Autriche et comme
chef suprême de l'Empire, compatibles avec l'exécu-
tion du présent acte, lui restent réservés ; et ceux, au
contraire, dont il est disposé spécialement, passeront
aux nouveaux possesseurs. »
Le dernier paragraphe de cette première partie du
premier article, qui est destiné à régler les indemnités
des trois branches de la maison d'Autriche, est em-
— 248 —
prunté mot pour mot de l'article 4 de la convention du
26 décembre 1 802, depuis ces mots : Tous les droits
de propriété, etc., jusqu'à ceux-ci : lui restent réser-
vés. Il est probable qu'en signant cette convention, les
ministres de France ne se doutaient pas de l'impor-
tance de cette réserve, demandée par la maison d'Au-
triche, et qui fournissait à l'Empereur un moyen
pour se refuser à l'exécution de tous les articles du
Recès qui blesseraient ses droits, soit comme chef de
l'Empire, soit comme monarque. Avertis de leur er-
reur, ils proposèrent, par une Note du 1 1 février 1 803,
la rédaction du paragraphe 1 , telle que nous venons de la
donner. Tout en y insérant les mots sacramentaux que
l'Autriche regardait comme l'égide de ses droits, ils
crurent en diminuer l'efficacité en y ajoutant ces mots :
(( et ceux au contraire dont il est disposé spéciale-
ment, passeront aux nouveaux possesseurs. )) Ils eurent
l'air de s'en vanter, dans leur Note du 9 mars 1 803,
en disant que les réserves de la convention du 26 dé-
cembre ne pouvaient préjudicier aux États, à l'égard
des droits que pouvait avoir eus la maison d'Autriche
sur des pays que le Recès leur abandonnait ; que la
transmission de ces droits aux nouveaux possesseurs
était établie par le Recès, et que la première partie
du paragraphe 1 exprimait clairement l'accord qui
régnait là-dessus entre l'Empereur et les puissances
médiatrices.
Mais cette précaution fut vaine ; et cette fois-ci les
ministres de France ne furent pas les plus lins : le
subdélégué de Bohême laissa passer la nouvelle ré-
daction; mais lorsqu'il fut question de ratifier le Re-
cès, l'Empereur ne le fit qu'en réservant toute la teneur
de la convention du 26 décembre 1802, d'après le
texle littéral de ses articles. Cette réserve détruisit la
clause salvatoire du paragraphe 1 .
— 249 —
« À l'Archiduc Grand- Duc , pour la Toscane et dé-
pendances : l'archevêché de Salzbourg, la prévôté de
Berchtolsgâden, la partie de l'évêché de Passau située
au delà de l'iltz et de l'Inn du côté de l'Autriche, à
l'exception néanmoins d'Innstadt et d'Ilzstadt, avec
un rayon de cinq cents toises françaises , à prendre
de l'extrémité desdits faubourgs; enfin, les chapitres,
abbayes et couvents situés dans les diocèses sus-men-
tionnés.
« Ces possessions seront tenues par l'Archiduc ,
aux conditions , engagements et rapports fondés sur
les traités existants.
i< Elles sont retirées du cercle de Bavière et incorpo-
rées au cercle d'Autriche. Leurs juridictions ecclésias-
tiques, tant métropolitaine que diocésaine, sont pa-
reillement séparées par les limites des deux cercles,
pour être, quant aux parties ci-dessus distraites, réu-
nies aux diocèses de la Bavière.
c( Miihldorff et la partie du comté de Neubourg à la
gauche de l'Inn sont, avec toute supériorité territoriale,
réunis au duché de Bavière. L'équivalent du revenu
de Mishldorff et celui de la supériorité territoriale
de Neubourg sera pris sur ceux de Freisingen encla-
vés dans le territoire autrichien.
« L'Archiduc Grand-Duc recevra et possédera en ou-
tre, pour lui et ses héritiers , en toute souveraineté
et indépendance, l'évêché d'Eichstett avec tous les
biens, revenus, droits et prérogatives y annexés^ tels
que le prince-évêque en jouissait à l'époque de la si-
gnature du traité de Lunéville, à l'exception seulement
des bailliages de Sandsée, Wernfels-Spalt , Abenber,
Ahrberg-Ohrnbau et Wahrberg-Herrieden , et toutes
autres dépendances de l'évêché d'Eichstett qui se
trouvent enclavées dans le pays d'Anspach et de Ba-
reuth, lesquels demeureront à l'électeur palatin de
— 250 —
Bavière^ et seront compensés à l'Archiduc Grand-Duc
par un équivalent complet pris sur les domaines de
l'Électeur en Bohême, et, en cas d'insuflisance, sur
d'autres revenus quelconques de ce prince. Dans le
territoire dudit évêclié d'Eichstett , il ne pourra être
élevé aucune fortification nouvelle par l'Archiduc
Grand-Duc ou ses héritiers.
« Le Brisgau et l'Ortenau forment l'indemnité du ci-
devant duc de ModènCf pour le Modénois , apparte-
nances et dépendances j et ces deux pays seront pos-
sédés par ce prince et ses héritiers aux termes de
l'article 4 du traité de Lunéville, qui doit à cet égard,
sans aucune restriction et limitation, s'entendre de
rOrtenau comme du Brisgau. »
Dans le premier plan, présenté par les ministres
médiateurs, les évêchés de Trente et de Brixen étaient
assignés au grand-duc de Toscane, avec Salzbourg et
une partie de l'évêché de Passau, et on donnait au duc
de Modène l'Ortenau, qu'on affectait de regarder comme
une dépendance du Brisgau'. Par la convention du
' Le mol û' Or tenau a deux significations, l'une géographique, l'autro
politique. Dans la première, il comprend tout le district situé du sud au
nord, entre le Brisgau et le margraviat de Bade, et de l'ouest à l'est en-
tre le Rhin et la forêt Noire. En Ce sens il renfermait : ^° le» bailliages
de Wildsliedt et de Lichlenau,- appartenant, jusqu'en 1803, à la maison
de Darmstadt ; 2° le bailliage d'Oberkirch de l'évêché de Strasbourg ;
3° la préfecture d'Orlenau , ou l'Ortenau dans le sens politique. Cette
préfecture s'étendait , \° sur les villes impériales d'Olfcnbourg, de Zel
et de Gengenbach ; 2° sur un certain nombre de Villages répandus dans
l'Ortenau pris dans le sens géographique. La maison d'Âulriche « à la-
quelle cette préfecture appartenait comme patrimoine de celle de Habs-
bourg, l'avait donnée ù litre de lief à la maison do Baden-Baden; elle
l'avait réunie à ses domaines, û l'extinctiori de cette branche , en 1771,
Dans l'enceinte de la préfecture se trouvaient encore, 3" plusieurs vil-
lages appartenant à la noblesse immédiate, et formant ce qu'on appe-
lait le canton d'Ortenau. En cédant l'Ortenau, l'Autriche donna au duc
de Modèhe cè qu't'Ue possédait, c'fcst-à-dlre la piéfeotufe d'OHdnau, et
rien de plus.
— 251 «-
26 décembre, la maison d'Autriche renonça à l'Orte-
nau en faveur da duc de Modène, et on lui donna, à
titre de compensation, les évêchés de Trente et de
Brixen. Ces pays se trouvaient déjà dans des rapports
de sujétion envers l'Autriche. Quoique Etats d'Empire
et siégeant aux Diètes, les évêques étaient en même
temps États duTyrol, et soumis à la suzeraineté autri-
chienne. L'évêché de Trente avait, sur une surface
de soixante-quinze milles carrés une population de
cent cinquante mille habitants; celui de Brixen trente
mille sur dix-sept mille carrés; mais comme ces évê-
chés étaient, sous le rapport de la surface et de la popu-
lation, censés faire partie de la monarchie, l'Autriche
bien loin de gagner, sous ces deux rapports, par
l'échange, y perdrait au contraire seize mille habi-
tants que renfermait l'Ortenau; mais elle mit fin aux
discussions que la double qualité dont les évêques
étaient revêtus comme États d'Empire et comme États
du Tyrol, faisait continuellement naître; elle gagna
aussi considérablement en revenus, puisque l'évêché
de Trente rapportait cinq cent cinquante mille florins,
et celui de Brixen deux cent cinquante mille, tandis
que les revenus du Brisgau et de l'Ortenau se rédui-
saient à très-peu de chose.
Le subdélégué de Bohême avait dit, dans la seconde
séance, que, d'après un dénombrement exact, la Tos-
cane renfermait un million, cent cinquante mille ha-
bitants sur quatre cent quarante milles carrés. Ce der-
nier nombre était exagéré : d'après les données les
plus modernes , le grand-duché a trois cent quatre-
vingt-seize milles carrés'; mais comme les média-
* La population , au contraire , a été trouvée de un million quatre
cent trente-six mille sept cent quatre-vingt-cinq habitants , répartis
dans trente-six villes, cent trente-quatre bourgs et deux mille quatre
-. 252 —
teurs avaient adopté le principe que les revenus seuls
devaient être pris en considération lorsqu'il s'agirait de
déterminer l'indemnité d'une perte , l'examen de la
surface devient superflu. Quant aux revenus ils étaient
très-connus, grâce à la publicité que le grand-duc
Léopold avait donnée à son administration. Ils se
montaient, en 1789, déduction faite des frais de per-
ception, à plus de neuf millions de livres de Florence,
équivalent à près de trois millions huit cent mille
florins d'Empire, et s'étaient accrus, dans l'espace de
dix ans, jusqu'à quatre millions. En remplacement de
cette belle possession, leRecès donne au Grand-Duc ;
m. c. habit. rev. en flor.
L'archevêché de Salzbourg ayant 4 80 i 94 000 i 000 000 '
Une partie de l'évêché de Passau i 0 24 000 400 000
L'évêché d'Eichslett i 6 50 000 400 000
La principauté de Berchtolsgaden 4 4 1 8 000 200 000
Total... 220 286 000 2 000 000
A quoi il faut ajouter l'indemnité que le Grand-Duc
dut recevoir pour la partie de l'évêché d'Eiclistett
qui fut donnée à la Bavière, et à laquelle le IVecès
destine les possessions provenant de la succession de
cent cinquante-quatre paroisses. Nous verrons, plus lard, les différences
qui sont résultées de la prise de possession du duché de Lucques.
' Le bénéfice net des salines se monte annuellement à près de deux
cent mille florins.
Le nombre des milles carrés et celui de la population du duché de
Salzbourg et de la principauté de Berchtolsgaden, sont admis ici tels
qu'on les croyait à l'époque du Recès. Mais des données exactes que
X. de Kocu-Sternfeld publia en i810 , ont prouvé que Salzbourg n'a
que cent soixante-trois nulles carrés, et qu'il avait, en 1808, cent qua-
tre-vingt-sept mille neuf cent vingt-neuf habitanLs, tandis que Berchtols-
gaden n'en avait que huit mille deux cent soixante-seize sur un peu
moins de huit milles carrés. Dans les tableaux statistiques qui ont été
dressés au Congrès de Vienne par les commissions statistiques, on
donne à Salzbourg une population de cent quatre-vingt-seize mille, et
à Berchtolsgaden une de douze mille âmes.
— 253 —
Deux-Ponts, que l'Électeur avait en Bohême. On n'en
connaît pas la valeur, mais il est probable qu'elles
rapportent au moins un million de florins. Quoi qu'il
en soit, ces pays formaient un faible dédommagement
pour la belle Toscane. La défense d'établir de nou-
velles fortifications dans la partie de l'évêché d'Eich-
stett, abandonnée à la Toscane, est motivée sur ce
qu'on regardait avec raison le nouvel État formé en
faveur de ce prince, comme une dépendance de la
monarchie autrichienne.
On dit que le Cabinet de Vienne avait le projet
d'échanger les États du Grand-Duc en Allemagne con-
tre une partie de l'ancienne République de Venise, y
compris cette ville, et que le plan de cet échange avait
été dressé par le ministre du Grand-Duc. On ajoute
que les représentations de l'archiduc Charles , sur
l'importance militaire de Venise, pour la sûreté de
l'Autriche intérieure, de la Croatie et de la Dalmatie,
y firent renoncer, et que ce ne fut que depuis lors
qu'on demanda pour le Grand-Duc la dignité élec-
torale.
Nous devons encore remarquer une inexactitude
qui se trouve dans la rédaction de l'article. Il donne
au Grand-Duc les chapitres, abbayes et couvents
situés dans les diocèses de Salzbourg et Passau : il est
évident néanmoins, par ce qui suit, qu'on a eu l'in-
tention de ne lui laisser que les couvents situés dans
les territoires qu'on lui assignait, et non dans les dio-
cèses qui s'étendaient bien au delà des premiers : les
territoires étaient les pays que ces prélats gouvernaient
comme princes; les diocèses ceux qui leur étaient sou-
mis, comme évêques.
Le duché de Modène et ses appartenances avaient,
sur une surface de quatre-vingt-seize milles carrés,
— 254 —
une population de trois cent quatre-vingt mille habi-
tants*, et rapportaient, dans les derniers temps, sept
millions de livres de Modène, équivalant à un million
deux cent soixante mille florins d'Empire; ou, en sup-
posant que les frais d'administration ne soient pas
déduits de cette somme, au moins un million cin-
quante mille florins. Quant au Brisgau, il ne rappor-
tait à la maison d'Autriche qu'une somme nette de
cent soixante-trois mille florins par an, y compris le
Frickthal, mais sans les revenus des mines et les at-
tributions directes. Le Brisgau, sans le Frickthal, mais
avec rOrtenau, avait, sur une surface de cinquante-
trois milles carrés, une population de cent soixante-
sept mille habitants. Ces pays pouvaient rapporter
tout au plus quatre cent mille florins , de manière
qu'ils n'offraient au duc de Modène une indemnité
que pour le tiers de sa perte. Ce qui diminua consi-
dérablement la valeur de cette indemnité, c'est qu'on
ne laissa pas au nouveau souverain la disposition des
abbayes et couvents situés dans le Brisgau , qui
auraient doublé ses revenus. Nous verrons que ces fon-
dations furent données au grand prieuré de Heiters-
heim. 11 faut encore observer que le Brisgau et l'Orte-
nau ne renfermaient pas une résidence convenable
pour le souverain, ni même une maison de plaisance.
L'article 4 du traité de Lunéville dit que le duc de
Modène possédera le Brisgau aux mômes conditions
que celles en vertu desquelles il possédait le Modénois.
Le paragraphe 1 rappelle cette clause. Le duc de Mo-
dène possédait le Modénois conime vassal de l'En^pire,
mais en pleine souveraineté. Pogsédera-t-il de même
le Brisgau et l'Ortenau, qui ainsi seront détaché^ de
' Le dénombrement de < 81 0 n'en a fait trouver que trois cent soixante
nei|f mille trois cent soixante-quatre.
— 255 —
l'Allemagne? Le paragraphe paraît l'indiquer; mais
ce paragraphe se trouve, à cet égard, en contradic-
tion avec le paragraphe 32 , qui nomme ce prince
parmi les États d'Empire. Enfin nous remarquerons,
dans la rédaction du paragraphe 2, encore une de
ces inexactitudes qui proviennent de la circonstance
que le Droit public d'Allemagne était étranger aux ré-
dacteurs des quarante-sept premiers articles. Le Bris-
gau, dans toute son étendue, n'appartenait pas à la
maison d'Autriche ; elle ne possédait que la préfecture
de BrisgaUy qui en faisait partie, et ce n'est que cette
province qu'elle a pu céder au duc de Modène.
§ 2.
« A l'électeur palatin de Bavière, pour le Palatinat
du Rhin, les duchés de Deux-Ponts, Simmern et Ju-
liers, les principautés de Lautern et Veldenz, le mar-
quisat de Berg-op-Zoom, la seigneurie de Kavenstein
et autres seigneuries situées dans la Belgique et en
Alsace : l'évêché de Wiirzbourg, sous les réserves ci-
après, ceux de Bamberg, Freisingen, Augsbourg et
celui de Passau, sauf la part ci-dessus de l'Archiduc
Grand-Duc, avec la ville et les faubourgs et leurs dé-
pendances quelconques en deçà de l'inn et de l'iltz,
et, de plus, un rayon de cinq cents toises françaises à
prendre de leur extrémité. Plus, la prévôté de Kempten,
les abbayes de Waldsassen, Eberach, Irsée, Wengen,
Sœfflingen, Elchingen, Ursberg, Roggenbourg, Wet-
tenhausen, Ottobeuern, Kaisersheim et Saint-Ulric;
plus, les droits, les propriétés et revenu^ epclésiasti-
ques dépendant des chapitres, abbayes et couvents
situés dans la ville et banlieue d' Augsbourg, à la ré-
serve de tout ce qui est compris dans ladite ville et
sa banlieue; enfin, les villes impériales ou villages de
— 256 —
Rolhenbourg, Weissenbourg, Windsheim, Scbwein-
furt, Gochsheim, Sennfeld , Kempten , Kaufbeuern,
Memmingen, Dinkelsbiibl, Nordlingen, Ulm, Ropfin-
gen, Buchborn , Wangen , Leutkirch et Ravensbourg,
avec leurs territoires, y compris les Freyenleute der
Leutkircber-Heide.
(( Les fortifications de la ville de Passau ne pour-
ront être augmentées. Elles seront seulement entrete-
nues, et il ne pourra être élevé aucun nouvel ouvrage
de fortification dans les faubourgs. L'électeur palatin
de Bavière possédera en outre, en toute propriété et
supériorité, les parties d'Eicbstett détacbées du lot de
l'Arcbiduc Grand-Duc aux conditions mentionnées. Il
est réservé de pourvoir ultérieurement, par une com-
pensation territoriale, à ce qui manque encore à l'élec-
teur palatin de Bavière pour l'évêcbé d'Eicbstett qui
lui avait été assigné antérieurement. »
L'indemnité allouée à la maison palatine est la plus
considérable que le Recès ait accordée, mais aussi
celle sur l'évaluation de laquelle il a existé le plus de
différence dans les opinions. La perte que cette maison
avait supportée fut liquidée de la manière suivante,
dans l'évaluation qui a servi de base à la convention
du 3 juin 1802 :
1 . Possessions en Alsace
2. Possessions en Belgique 10
3. Duché de Deux-Ponts
4. Duché de Juliers
5. Partie du Palatinat située sur la rive
gauche du Rhin 48
6. Dilo sur la rive droite
7. Arriéré de revenus de huit ans à
2i pour <00
Total...
non compris les péages du Rhin , qui rapportaient
m. c.
habit.
rev. en flor.
24
118000
300 000
10
50 000
200 000
36
96 000
61 4 000
75
210 000
706 000
48
170 000
1 490 000
27
136 000
940 000
4 620 000
220
780 000
5 870 000
— 257 —
cent quarante mille florins. Ces données sont tirées
de la déclaration que le subdélégué de Bavière fit dans
la vingt-neuvième séance de laDéputation. On opposa
à cette évaluation :
V Que, dans les deux cent vingt milles carrés et
sept cent quatre-vingt mille habitants, on avait com-
pris les possessions médiates en Alsace et en Belgi-
que, pour trente-quatre milles carrés et cent soixante-
huit mille âmes. Mais l'Électeur ne pouvait évaluer
cette perte que d'après les seuls revenus qu'un calcul
exagéré portait, pour ses domaines en Alsace, à trois
cent mille florins, et pour ceux de la Belgique, à deux
cent mille florins. On pense que ce demi-million était
bien compensé par les fondations médiates des pays
qui furent assignés à l'Électeur, et que quand même
il y aurait eu, sous ce rapport, quelque déficit, il
était compensé par l'avantage d'acquérir des posses-
sions immédiates;
2" De la somme de cinq millions huit cent soixante-
dix mille florins de revenus annuels, il faut encore
déduire celle de un million six cent vingt mille florins
que la Cour de Munich demandait comme intérêts
d'un capital représentant la perte des revenus pendant
huit ans de guerre. Cette perte doit être mise dans la
classe de ces malheurs dont on ne peut espérer le dé-
dommagement, et qui n'ont été pris en considération
dans aucune autre réclamation portée à la Députation;
3° Quoique, dans l'évaluation, on ait porté en
compte la totalité du Palatinat du Rhin, puisqu'il fut
convenu, dès le principe, que l'Électeur, pour procu-
rer un arrondissement convenable au margrave de
Bade, lui abandonnerait ce pays, cependant on a
lieu de penser que l'estimation des revenus du Pala-
tinat à deux millions quatre cent trente mille florins
est exagérée de quatre cent trente mille florins.
VII 17
— 258 —
D'après ces rectilications, la perte de la maison pa-
latine se serait montée ;
111. c. habil. rcv. en flor
Pour le Palatinat du Rhin, à 75 è 340 000 2 000 000
Le duché de Deux-Ponts 36 60 000 600 000
Celui de Juliers 75 210 000 706 000
Les possessions en Alsace et en Belgi-
qae 500 000
Total... 186i 580 000 3 806 000
Une perte qui ne peut qu'avoir été sensible à l'Élec-
teur, est celle du Palatinat du Rhin , que la paix de
Lunéville et le Recès de la Députation partagèrent en-
tre plusieurs souverains. On est accoutumé à regarder
ce pays comme le berceau de la maison de Wittels-
bacb, parce que, depuis le xiv^ siècle, il a appartenu
à la branche aînée de cette famille; nous avons dit
cependant que la Bavière, quoique dans ce partage
elle devînt l'apanage de la branche cadette, est le plus
ancien patrimoine de la maison.
Parlons maintenant de l'indemnité qui fut allouée
pour cette perte. La principale est l'évêché de Wiirz-
bourg. Les géographes d'Allemagne ne sont pas d'ac-
cord sur la population de ce pays , ni sur le montant
des revenus que le prince-évêque en tirait. L'électeur
de Bavière n'eut pas la totalité de cet évêché; on en
détacha, en faveur des princes de Lœwenstein , de
Hohenlohe et de Linange, plusieurs parcelles renfer-
mant sept villes, quatre-vingt-dix-sept villages, et
près de cinquante mille habitants sur environ quinze
milles carrés. Quant aux revenus, il paraît que, sans
compter ceux du chapitre, parce qu'ils durent servir
à la dotation de l'évoque, mais en y comprenant ceux
des abbayes et autres fondations médiates, on peut
les évaluer à deux millions et demi. Il est vrai que
le Recès ne donne expressément à l'Électeur que l'ab-
— • 259 —
baye d'Ëberach, une des plus riches parmi les .ab-
bayes médiates d'Allemagne; mais la disposition gé-
nérale du paragraphe 35 le rendit maître de toutes
les fondations qui se trouvaient dans cet évêché, ex-
cepté cependant le chapitre noble de Combourg, situé
près de Halle en Souabe, et celui de Schœnthal, sur
le Jaxt^ que le paragraphe 6 alloua au duc de Wur-
temberg.
Parmi les indemnités adjugées à l'Electeur, se trouve
une partie de l'évêché d'Eichstett, qu'on ne peut éva-
luer que par rapport à la surface et à la population,
mais non par rapport aux revenus, puisque l'Électeur
fut obligé de céder, à titre d'équivalent, ses terres en
Bohême. Cependant, la possession de la totalité de
l'évêché ayant été garantie à l'Électeur par la France
et la Russie, le Recès lui promit une compensation
territoriale. Il était impossible de la trouver en terres
immédiates, et la promesse faite à l'Électeur resta sans
effet jusqu'à la dissolution de l'Empire germanique.
La sécularisation de la langue bavaroise de l'Ordre de
Saint-Jean augmenta, il est vrai, les revenus de l'Élec-
teur de cent soixante-dix mille florins; mais, en ad-
mettant que cet objet puisse être regardé comme une
indemnité pour la perte de l'évêché d'Eichstett, il res-
tait encore un déficit de deux cent trente mille florins.
Voici maintenant le tableau des pays donnés à la
Bavière à titre d'indemnités; ils sont évalués, d'après
leur surface, leur population et leurs revenus :
L'évêché de Wurzbourg , y compris Ebe-
rach et les autres fondations immé- ">• c- habit. rev. en fior.
diates 79 250 000 2 500 000'
L'évêché de Bamberg, avec les fonda-
tions immédiates. 65 220 000 1 500 000
A reporter . . . U4 470 000 4 000 000
ScHOEPF, Histor. slat. Beschreib. des Hochst. Wurtzburg. Hildbur-
— 260 —
nepurt ... 114 470 000 4 000 000
L'évêché d'Augsbourg avec l'abbaye de
Saint-Ulric 45 92 000 450 000
Celui de Freysing avec Miihldorf, enclave
qui avait appartenu à Salzbourg 4 5 30 000 200 000
Celui de Passau avec Neubourg 5 20 000 ' 200 000
La prévôté de Kempten 46 50 000 250 000
Une petite partie de l'évêché d'Eichstett. 4 42 000
L'abbaye d'Elchingen 2 * 4 000 60 000
Celle d'Irséc 2 4 400 60 000
Celle de Kaisersheim 3 6 000 90 000
Celle d'Ottobeuren 5 12 000 100 000
Celle de Roggenbourg 2J 5 000 75 000
Celle de Sœflingen 1| 3 000 65 000
Celle de Saint-Ulric, comprise dans Augs-
bourg If 3 600 50 000
L'abbaye d'Ursperg
Celle de Wettenhausen 2 3 000 70 000
Celle d'Elberach , comprise sous WUrz-
bourg
Celle de Waldsassen 200 000
Celle de Wengen à Ulrn 20 000
La ville libre de Bopfingen J 1 800 6 000
Celle de Buchborn, ^ 1 000 10 000
Celle de DLinkelsbiihl 1 8 000 50 000
Celle de Kaufbeuern 2 7 000 22 000
Celle de Kempten l 3 600 30 000
Celle de Leutkirch, y compris les villages
libres i\ 5 000 25 000
Celle de Memmingen 2 41500 45 000
Celle de Nordlingen 4 a 8 000 20 000
Celle de Ravensbourg ^ 6 000 20 000
Celle de Rothenbourg sur le Tauber 5 24 000 60 000
A repwler. . 267 J 792 900 6 178 000
ghause, 1802, dit (jue , d'après le dernier dénombrement fait pour la
conscription, la population se montait à deux cent soixante-deux mille
quatre cent neuf; mais il donne de bonnes raisons pour l'estimer à
trois cent soixanto-dix-liuit mille. Dans ce nombre n'est pas comprise la
population des parcelles de l'évêché que le Recèsen avait détachées. On
est autorisé à porter les revenus nets de l'évêque et du chapitre à trois
millions, non compris ceux de l'abbaye d'Eberach, qui passaient cent
mille florins; mais on ne met ici que deux millions et demi, parce
que le Recès démembra diverses parcelles de l'évêché en faveur d'au-
tres intéressés.
' D'après d'autres , quarante-quatre mille.
— 261 —
Report ... 267 f 792 900 61 78 000
Celle de Schweinfurt 2 6 200 20 000
Celle d'Ulm U 38 000 3-50 000
Celle de Wangen ]{ 4 300 18 000
Celle de Weissenbourg 4 6 500 48 000
Celle de Windsheim 1 4 000 13 000
Les villages libres de Gochsheim et Senn-
feld... I 2 600 10 000
Total... 288 854 .HOO 6 607000
Si nous n'avons compris dans ce tableau l'abbaye de
Waldsassen que pour les uevenus, et non pour le ter-
ritoire, qui était de treize milles carrés, ni pour la po-
pulation qui se montait à dix mille âmes, c'est qu'elle
était située dans un pays qui, depuis longtemps, appar-
tenait à l'Électeur, c'est-à-dire dans le haut Palatinat. Il
paraît qu'elle lui a été nominativement assignée pour
mettre fm tant à une réclamation de l'abbé qui pré-
tendait à l'immédiateté , qu'à celle des rois de Bo-
hême, qui exerçaient le droit d'avoirie sur ce riche
couvent.
Le comté de Neubourg, dont il est question à
l'article de Passau, était situé sur l'inn, et avait ap-
partenu à une branche de la maison des anciens
comtes de Salm, qui le vendit, dans le wif siècle, à
une branche de la maison de Sinzendorf. Après l'ex-
tinction de celle-ci, en 1767, le comté échut à l'évê-
ché de Passau. Au reste, il faut combiner ce qui est
dit dans l'article au sujet de Passau, avec ce que dit
de cette ville l'article 1 . La ville de Passau est située
dans l'angle que forme l'Inn en versant ses eaux dans
le Danube; mais elle a au delà de l'Inn un faubourg
nommé Innstadt, et, au delà du Danube, un autre
nommé Ilzstadt, d'après la petite rivière d'Ilz qui à ce
point se jette dans ce fleuve, de manière que Passau
se compose de trois villes différentes. Ilzstadt est dé-
fendue par deux châteaux forts, situés sur une même
— 262 —
montagne, et nommés Oberhauss et Niederliauss. Les
trois villes, et, en outre, à l'égard d'Instadt, nn rayon
déterminé, furent donnés à la Bavière.
Avec la ville de Leutkircli on céd^ à l'Électeur les
villages libres (die freyen Leute der Leutkirchp.r Heide).
Ces villages, au nombre de trente-neuf, habités par
des paysans libres et appartenant immédiatement à
l'Empire et à l'Empereur, élaient soumis à la juridic-
tion d'un tribunal portant le titre de tribunal provin-
cial particulier en haute et basse Souabe, dans la plaine
de Leutkirch et dans les chasses libres (dm freye Kai-
serl. Landgericht , in Ober-nnd Nieder Schtoaben, auf
Leutkircher Heid und in der Gepilrs). L'Empereur,
comme chef de la maison d'Autriche, nommait le juge
qui résidait à Altorff, bourg libre et immédiat près de
Ravensbourg; il tenait ses assises quatre fois par
mois, alternativement à Altorff, Wangen, Ravens-
bourg et Ysny. Ce tribunal s'étendait au delà du dis-
trict des villages libres; ceux-ci avaient un bailli par-
ticulier, qui résidait à Gebratzhoffen. Les villages
jusqu'alors libres deGochsheim etSennfeld sont situés
près de Schweinfurt. Dans le premier plan, on avait
aussi donné à l'Électeur le village libre d'Alschhausen
situé en Souabe, que ce plan avait nommé Althausen ,
mais comme l'Ordre Teutonique fit valoir les droits
que la commanderie du même nom prétendait sur ce
village, il fut omis dans le second plan.
En comparant les indemnités de la Bavière avec ses
pertes, on pourrait être étonné que le subdélégué de
cette puissance ait déclaré, le 30 octobre, et par
conséquent à une époque où on lui destinait encore
l'évêchéd'Eichstett, que les indemnités étaient insuffi-
santes d'un million et demi de llorins par an. D'après
nos calculs, la Bavière a gagné cent quatre milles
carrés avec deux cent soixante-quatorze mille habi-
— 263 —
tants, et un revenu annuel de deux millions huit cent
mille florins. Un fait peut expliquer l'assertion bava-
roise : dans son calcul, la Bavière portait les revenus
de l'évêché d'Augsbourg, de la prévôté de Kempten,
de l'abbaye d'Irsée et des villes de Kempten et de
Kaufbeurn, à quatre cent mille florins. L'Autriche, au
contraire, en réclamant ces mêmes pays pour le grand-
duc de Toscane, faisait monter ces revenus à huit cent
mille florins, : de part ou d'autre, il y avait donc er-
reur dans les évaluations.
« Au roi de Prusse^ électeur de Brandebourg^ pour
le duché de Gueldre et la partie de celui de Clèves,
située à la rive gauche du Rhin , la principauté de
Mœurs, les enclaves de Sévenœr, Huissen etMahlbourg,
et les péages du Rhin et de la Meuse : les évêchés de
Hildesheim et de Paderborn; le territoire d'Erfurtavec
Untergleichen et tous les droits et propriétés mayen-
çaises en Thuringe, l'Eichsfeld et la partie mayençaise
de Tréfort ; plus, les abbayes de Herforden , Quedlin-
bourg, Elten, Essen, Werden, et Cappenberg, et les
villes impériales de Mûlhausen, Nordhausen et Goslar;
enfin la ville de Munster avec la partie de l'évêché de
ce nom, située sur et à la droite d'une ligne tirée sous
Olphen, passant par Seperad , Kakelsbeck, Hedding-
schel, Ghischink, Notteln, Hulschhofen, Nannhold,
Nienborg;, Uttenbrock, Grimmel, Schœnfeld et Greven,
se prolongeant en suivant le cours de l'Ems jusqu'au
confluent de l'Hoopsteraa, dans le comté de Lingen.
(( Les restes de l'évêché de Munster sont partagés
ainsi qu'il suit; savoir : Au duc d'Oldenbourg : les
bailliages de Vechte et de Kloppenbourg.
(' Au duc à'Arenberg : le bailliage de Meppen avec
le comté de Recklinghausen , pays de Cologne; au
duc de Cro'i : les reste du bailliage de Diilmen; au
— 264 —
duc de Looz et Corswarem : les restes des bailliages de
Bevergern et de Wolbeck.
(( Les chapitres, prébendes archidiaconales, ab-
bayes et couvents situés aux bailliages formant les
restes ci-dessus mentionnés de l'évêché de Munster, y
sont incorporés.
« Aux princes de Salm : les bailliages de Bocholt et
d'Ahaus, avec les chapitres, archidiaconés , abbayes
et couvents y situés ; le tout dans la proportion de
deux tiers pour Salm-Salm et d'un tiers pour Kyr-
hourgy dont le départ sera fait très-incessamment par
un règlement ultérieur.
« Les restes du bailliage de Horstmar, avec les cha-
pitres, archidiaconés, abbayes et couvents qui s'y
trouvent, passent exclusivement au rhingrave, à la
charge de remplir les engagements contractés envers
les princes de Salm le 26 octobre dernier.
« Il résulte de la division faite de l'évêché de Mun-
ster, que l'ancienne constitution des États ne peut
plus avoir lieu.
« La maison de Salm-Reiferscheidt-Bedbur reçoit le
bailliage mayençais de Krautheim , avec les droits de
juridiction de l'abbaye de Schœnthal audit bailliage,
et, en outre, une rente perpétuelle de trente-deux mille
florins sur Amorbach.
« Le prince de Sahn-Reiferscheidt, pour le comté de
Niedersalm : une rente perpétuelle de douze mille flo-
rins sur Schœnthal.
« Le comte de Reiferscheidt-Dyck, pour les droits
féodaux de son comté : une rente perpétuelle de vingt-
huit mille florins sur les biens des chapitres de Franc-
fort. ))
Ce paragraphe est un de ceux qui ont éprouvé le
plus de changements, comparativement au premier
plan. Coliii-ci, après le lot de la Prusse, avait «issigné
— 265 —
au duc d'Arenberg le comté de Recklinghausen, et le
bailliage de Diilmen; aux princes de Salm-Salm, Salm-
Kyrbourg, aux rhingraves et aux princes et comtes
de Salm-Reiferscheidt, les restes du haut évêché de
Munster, sans qu'il y fût question des ducs de Croï
et de Lqoz.
La première partie du paragraphe détermine l'in-
demnité de la Prusse. Cette puissance avait perdu :
m. c. habil. rev. en finr.
Une partie du duché de Clèves 16 43 000 j
La principauté de Mœurs 6 29 000 «>232 000 900 000 *
Le duché de Gueldre 24 60 000 =^|
Les péages du Rhin et de la Meuse. . 450 000
Sevenser, Huissen et Malbourg 2 5 000 50 000
Total... 48 137000 1 400 000
Il parait au premier abord que la politique de la
Prusse aurait dû la porter à chercher son indemnité
en Franconie, où elle avait fait assigner celle de la
maison d'Orange , dont elle est l'héritière. Cet arran-
gement lui aurait été avantageux en concentrant ses
forces ; et si elle avait pu encore échanger ses posses-
sions sur le Rhin, elle cessait d'être en contact avec la
France. Un jour on connaîtra, sans doute, les motifs
qui l'ont engagée à renoncer à ce système. Les pays
qu'elle obtint surpassèrent, il est vrai, de beaucoup
ceux qu'elle avait perdus, mais ils sont isolés et com-
* D'après un dénombrement de 4792, il y avait vingt-sept mille deux
cent cinquante-huit habitants.
* Estimation officielle.
" D'autres estiment ce nombre exagéré. Us se fondent sur ce que le
dernier démembrement de 1782 a donné quarante-sept mille deux cent
soixante-dix-huit habitants, et croient que l'augmentation, en vingt ans,
ne peut pas avoir outre-passé trois mille habitants, parce que, de
1744 jusqu'en 1782, elle n'avait été que de sept mille cinq cent cin-
quante-huit habitants.
* Estimation officielle.
— 266 —
posés de parcelles dont chacune est trop peu considé-
rable par elle-même. Les revenus de ces pays ne sont
pas connus avec certitude; cependant les sommes sui-
vantes ne paraissent nullement exagérées.
m. c. hal)it, rcv. en flor.
L'évèché de Hildesheim 32 ' 4 29 000 750 000
Celui de Paderborn 50 97 000 • 900 000
Sa part de l'évèché de Munster 80 f 126 000 900 000
L'Eichsfeld avec Trefurt 36 75 000 450 000
Erfurt et Untergleichen 1 1 f 45 000 300 000
MUlhausen , Nordhausen , Goslar 5 34 000 200 000
Herforden, Quedlinbourg, Elten, Essen ,
Werden et Cappenbourg 6 20 000 300 000
Total... 221-1 526 000 3 800 000
Ce qui fait un excédant de
173 \ milles carrés;
409 000 habitants;
2 400 000 florins de revenus.
Les revenus de l'évèché de Hildesheim étaient pro-
bablement plus considérables que ceux de Testimation
officielle, et quelques auteurs les font monter à un
million; mais comme le pays avait aussi des dettes,
nous avons suivi l'estimation modérée. La part prus-
sienne de l'évèché de Munster est la plus fertile , la
mieux peuplée et la plus industrieuse. L'Eichsfeld,
district de la Thuringe, avait appartenu aux électeurs
de Mayence , qui l'avaient successivement acheté des
comtes de Gleichen et des ducs de Grubenhagen. Tre-
furt est une ville hessoise située surlaWerra; mais
un tiers de la ville et quatre village faisaient, sous le
nom de bailliage de Trefurt, partie de l'Eichsfeld.
Erfurt, capitale delaThuringe, appartenait également
à l'électeur de Mayence.
Sous le nom d' Untergleichen, le Recès entend la
• D'après Hassrlt, Stanis und Adress-Handbuch der Imtftchen Run-
des-Staaten, fur 1816, t. I, p. 172. Auparavant on n'eftimail les ha-
bitants qu'à quatre-vingl-qualori^e mille.
— 267 —
partie du comté de Gleichen qui était sous la domi-
nation de Mayence. Les anciens comtes de Gleichen,
célèbres dans l'histoire du moyen âge, possédaient en
Thuringe deux districts, appelés le comté de haut
Gleichen et le comté de bas Gleichen. A leur extinc-
tion, en 1631 , le premier passa à la maison de Hohen-
lohe, qui le possède encore. Le comté inférieur fut
partagé entre la maison de Schwarzbourg et une ligne
des comtes ou princes de Hatzfeld. Celle-ci s'étant
éteinte en 1 704, l'électeur de Mayence prit possession
de sa part du comté de Gleichen, comme d'un fief va-
cant. Elle comprenait, outre le château ruiné de Glei-
chen et le bourg de Wandersleben, les seigneuries de
Kranichfeld et de Blankenhain. C'est ce district qui,
par le Recès, fut cédé à la Prusse.
La ville de Goslar, située au pied du Harz , renfer-
mait deux fondations luthériennes immédiates, celle
de Saint-Siméon et Saint-Juda, et celle du Petersberg,
dont le Recès ne fait pas mention. L'abbaye de Her-
vorden, composée de dames nobles, était située près
de la ville de ce nom, dans le comté de Ravensberg
en VVestphalie, et n'avait qu'un territoire de peu
d'étendue. Celle de Quedlinbourg était bien plus con-
sidérable, mais se trouvait déjà sous la protection de
la maison de Brandebourg, ce qui n'empêchait pas la
princesse abbesse d'avoir voix et séance à la Diète,
aussi bien que celles de Hervorden et d'Essen. Ces deux
abbayes, ainsi que celles d'Elten et de Werden, habi-
tées par des religieux et le couvent de Cappenberg,
étaient situées en Westphalie. Ce dernier avait d'abord
été destiné au prince d'Orange ; mais le second plan
le donna à la Prusse^ et c'est le seul changement que
l'indemnisation prussienne ait éprouvé.
La seconde période du 3' paragraphe déter-
mine une indemnité pour le duc d'Oldenbourg; mais
— 268 —
comme nous aurons encore une occasion de parler des
intérêts de ce prince, nous devons ici nous borner
à cette mention.
La maison d'Arenberg est une branche de la maison
de Ligne, ainsi nommée d'après une ville du Hainaut.
Elle se partagea, dans le xv" siècle, en deux branches,
celle des barons de Ligne et celle des barons de Bar-
banson : Jean, baron de Barbanson, épousa l'héritière
du comté d'Arenberg, et fut élevé à la dignité de
prince.
Le duc d'Arenberg perdait, par la cession de la rive
gauche :
1" Le duché d'Arenberg, situé dans l'Eyffel, entre
le duché de Juliers et l'électorat de Cologne, d'une
surface de quatre milles carrés , d'une population de
deux mille neuf cent dix-huit âmes, et d'un revenu de
trente mille soixante-douze florins;
T Les comtés de Kerpen et de Kasselbourg, sur
l'Erft; le bailliage de Neukirchen , qu'il possédait en
commun avec l'électeur de Trêves ; le village de Gillen-
feld et la Fcigneurie de Floringen, six milles carrés,
trois mille sept cent trente-quatre âmes, trente et un
mille cent quatre-vingt-six florins de revenus;
3° La baronnie de Commern, avec la seigneurie de
Harzheim et la moitié de celle de Mechernich , dans
le duché de Juliers, un mille carré, mille deux cent
seize âmes, treize mille sept cent quatre-vingt-deux
florins de revenus ;
4" La seigneurie de Sassenbourg, dans l'Eyffel, un
mille carré, mille cinq cent soixante-quatorze âmes, sept
mille quatre cent quatre-vingt-dix florins de revenus;
5° Divers biens à Ahrweiler dans l'élecîorat de Co-
logne, rapportant deux mille quatre-vingt-dix-sept
florins ;
— 269 —
G" La seigneurie de Schleideu, dans l'Eyffel, avec
celle de Muringen, provenant l'une et l'autre de la
succession de la Mark-Ijimay, dont l'héritière était la
mère du Duc ([ui régnait en 1 802, huit milles carrés*,
quatre mille huit cent quatre-vingt-sept âmes, trente-
cinq mille quatre cent vingt-six florins de revenus.
Le total de ces revenus en terres immédiates se mon-
tait à environ cent vingt-six mille florins, dont qua-
rante-quatre mille provenant de forêts, et trente-six
mille d'autres domaines. La maison d'Arenberg per-
dait aussi de belles possessions dans les Pays-Bas, et
entre autres le duché d'Arschot.
Le premier plan lui avait assigné le comté de Reck-
linghausen, qui faisait partie de l'électoral de Cologne,
et le bailliage de Diilmen , dépendant de l'évêché de
Munster; dans le second plan, on échangea ce bail-
liage contre celui de Meppen. Ce bailliage a une sur-
face de quarante-huit milles carrés, mais est en grande
partie inculte et marécageux. Il renferme le village de
Papenburg, connu par le commerce maritime de ses
habitants. La population de Meppen, qu'en 1803 on
estimait à vingt-quatre mille habitants, se montait,
en 1809, à trente et un mille. Les revenus étaient por-
tés à soixante-seize mille florins, indépendamment
d'un riche couvent appartenant à l'évêché de Corvey.
Le comté de Recklinghausen a, sur une face de douze
milles carrés, trente mille habitants'^, et rapporte cent
vingt mille florins. 11 s'ensuit que le duc d'Arenberg
a été indemnisé bien au delà des pertes qu'il avait
' Peut-être lieues curréos.
"^ Ea 1803 , on n'estima ce comté qu'à sept milles et demi carrés de
surface , avec dix-huit mille habitants; et alors le revenu de cent vingt
mille florins paraissait exagéré. En 1810, lorsque Bonaparte dépouilla
arbitrairement le duc d'ARENBEUc de cette possession, on apprit qu'elle
renfermait trente mille habitants. Les droits seigneuriaux seuls furent
estimés alors à cent six mille sept cent deux francs par an.
— 270 —
éprouvées en terres immédiates. Ses possessions en
France et dans la Belgique, en tant qu'elles n'avaient
pas été aliénées*, lui furent rendues par un décret de
Bonaparte, du 28 octobre 1 803, après que, conformé-
ment à une disposition des lois françaises qui ne per-
mettaient pas à un Français de posséder une princi-
pauté étrangère, il eutcédéMeppen et Recklinghausen
à son fils aîné, le duc Prosper-Louis.
Les ducs de Croï descendent des anciens rois de
Hongrie. Marc, petit-fils de Bêla l'Aveugle , s'établit
dans le xii* siècle en France, et y épousa l'héritière
d'Airaines et de Croï, dont il prit le nom. Cette mai-
son avait de riches possessions en France, en Belgique
et en Allemagne, mais aucune qui fût immédiate.
En 1486, l'empereur Maximilien lui accorda le titre
de prince d'Empire; et, en 1G6G, l'empereur LéopoUl
essaya de lui faire accorder séance à la Diète. On ne
connaît pas le montant des pertes que le duc de Croï
avait éprouvées par la cession de la rive gauche du
Rhin; il ne paraît pas que, d'après les stipulations de
la paix de Lunéville, il fût dans le cas de recevoir une
indemnité. Aussi n'était-il pas fait mention de lui dans
le premier plan, et n'avait-il présenté aucune réclama-
tion à la Députation. Il paraît donc que ce fut par une
protection spéciale du gouvernement français qu'on
le plaça dans le second plan. Le bailliage de Dulmeii,
qui lui échut, a une surface de six milles un quart
carrés et dix mille habitants. Il rapporte cinquante
mille florins, y compris la chartreuse de VVelderen.
Les ducs de Looz et Corswarem, dont on avait en-
' Le du(; (I'Arenbemg dil, dans un inémoiro qu'il fit préscnU-r an
mois d'octobre 1814 au Congrès de Vienne, que la France a vendu une
partie de sed domaines situés dans le duché d'Arschot, pour une somme
de un million trois cent neuf mille florins.
— 271 —
tendu parler pour la première fois en Allemagne, lors
des négociations de Rastadt, font remonter leur ori-
gine aux anciens comtes de Hainaut. Ils avaient pos-
sédé les comtés de Looz et de Hoorne, qui depuis plu-
sieurs siècles étaient incorporés à l'évêché de Liège ;
dans les derniers temps, ils avaient des terres en Bel-
gique. Nous ne trouvons dans aucune géographie le
comté immédiat de Nyel, dont ils portent le titre. Ils
n'étaient pas plus que les ducs de Croï dans le cas de
recevoir une indemnité en Allemagne; aussi le pre-
mier plan n'avait-il pas fait mention d'eux. Le second
plan et le Recès leur allouent les restes des bailliages
de Bevergeren ou Rheina et Wolbeck , dans l'évêché
de Munster, treize milles trois quarts carrés, seize
mille habitants et cent mille florins de revenus. Le
duc de Looz ayant obtenu une voix virile dans le col-
lège des Princes, a donné à ce petit pays le titre de
principauté de Rheina-Wolheck.
H existait en Allemagne deux comtés de Salm; l'un,
situé dans les Vosges, entre l'Alsace et la Lorraine ;
l'autre, entre le duché de Luxembourg et l'évêché de
Liège : on les distinguait par les épithètes de supérieur
et à' inférieur . Ces deux pays appartenaient dans l'ori-
gine aune même famille, qu'on désigne par la déno-
mination ô'miciens comtes de Salm. Dans le xi" siècle
elle se divisa en deux branches; l'aînée eut pour héri-
tage le comté supérieur dans les Vosges; la cadette, le
comté inférieur dans le Luxembourg. L'aînée s'étei-
gnit dans les xv'- et xvi*" siècles, à l'exception d'une
branche collatérale qui avait acquis le comté de Neu-
bourg, sur l'Jnn, et qui se perpétua jusqu'en 1781 \
Comme elle n'eut pas de part au comté de Salm , et
' Voy. ci-dessus, p. 261.
— 272 —
que d'ailleurs elle n'existait plus à l'époque du llecès,
nous n'en dirons rien de plus. A l'extinction de la
branche aînée de Salm, le comté supérieur de Salni
fut partagé entre deux héritières ; l'une porta sa por-
tion dans la maison de Lorraine; l'autre, dans une
branche des Wild-et-Rhingraves, qui prit alors le nom
de Salm. La branche de Salm qui posséda le comté
inférieur, s'est perpétuée jusqu'à nos jours, divisée
en quatre branches qui, jusqu'en 1803, portaient
les titres suivants: V Salm-ReilTerscheidt-Bedbur;
2" Salm-Reifferscheidt; 3° Salm-Reifferscheidt-Ains-
pach; 4° Salm-Reifferscheidt-Dyck. Ces quatre bran-
ches forment seules la véritable maison de Salm;
aussi, pour se distinguer des Wild-et-Rhiugraves qui
ont pris ce nom, ils s'appellent vieux comtes de Salm
{AUyraven von Salm).
Quant aux Wild-et-Rhingraves , ils formaient pri-
mitivement deux familles: OtloUy comte de Wittelsbach
qui, après avoir tué l'empereur Philippe^ se réfugia
dans les Ardennes, est regardé comme la souche des
VVildgraves; les Rhingraves sont bien plus anciens, et
remontent au x^ siècle. Les VVildgraves s'éteignirent
dans le xv" siècle , et leurs possessions passèrent par
mariage aux Rhingraves. Jean V, Wild-et-Rhingrave,
épousa Jeannettey comtesse de Salm, qui lui apporta la
moitié orientale du comté supérieur de Salm; ce qui
fut cause que son fils s'appela Wild-et-Rhingrave de
Salm. Cetle maison se divisa en deux branches prin-
cipales; celle de Salm, et celle des Wild-et-Rhingra-
ves; celle de Salm se subdivisa dans les branches de
Salm-Salm et Salm-Kyrbourg; celle des Wild-et-Rhin-
graves forma les branches de Grumbach et de Rhein-
grafenstein.
11 paraît que les rédacteurs du premier plan d'in-
demnité avaient confondu ces maisons, puisqu'ils les
— 273 —
comprirent dans une seule phrase ainsi conçue : aux
princes de Salm-Salm et Salm-Kyrbourg, aux Rhin-
graves, aux princes et comtes de Salm-Reifferscheidt .
les restes du haut évêché de Munster, c'est-à-dire ce
qui restait, déduction faite de la partie prussienne et
du bailliage deDûlmen, Le Recès, au contraire, dis-
tingue la maison llhingravienne de celle des anciens
comtes de Salm, et, à son exemple, nous allons parler
séparément de leur indemnité.
Les possessions de la maison desWild-et-Rhingraves
de Salm consistaient dans le comté supérieur de Salm,
le bailliage de Kyrbourg, sur la Nahe; le comté de
Rheingrafenstein, sur la même rivière ; le bailliage de
Grumbach, surlaGlen; la seigneurie de Putelange
en Lorraine, et divers bailliages situés dans le Hunds-
rûck, indépendamment du comté d'Anholt en West-
phalie, que la paix de Lunéville ne leur avait pas en-
levé. D'aprèslesévaluationsprésentéesparcette maison,
la tolalilé des possessions qu'elle avait perdues rap-
portait quatre cent vingt mille florins'. Le Recès lui
' La Révolution française avait fait éprouver à cette maison une perte
qu'aucune indemnité ne pouvait réparer. Le prince régnant de Salm-
Kyrbourg, qui vivait à Paris, y fut décapité en 1794.
Les possessions me'dîa/es de la branche de Salm-Salm, situées sur la
rive gauche du Rhin, qui, d'après les articles 9 et tO du traité de Luné-
ville, devaient être rendues à cette branche, consistaient dans les por-
tions suivantes : 1° les biens patrimoniaux et droits non supprimés du
duché d'Hoogstraten et du vicomte d'Alost dans les Pays-Bas; 2" les
biens patrimoniaux et droits non supprimés des seigneuries de Puligny-
Ogerviller, Ceintrey et Voinémont en Lorraine, avec une rente per-
pétuelle de neuf cent vingt-trois livres sur les États de Lorraine. Ces
ijiens et droits rapportaient, avant la Révolution française, environ
neuf mille cinq cents livres de France, dont les droits supprimés for-
maient à peu près trois dix-neuvièmes; 3° un neuvième des revenus de
la principauté d'Arches et Charleville en Champagne, par indivis avec
la maison de Condé, lequel neuvième, pour le produit des domaines,
bois et fermes patrimoniales, se montait à environ quatre mille cinq
cents francs par an ; i° un tiers des trois rentes sur l'Hôtel de Ville de
Paris, l'une de mille livres, l'autre de mille cinquante-iieuf livres, et la
vu IS
— 274 —
donne; savoir : aux princes de Salm-Salm et de Salm-
Kyrbourg, les bailliages d'Ahaus et de Bocholt, de
révêché de Munster, renfermant cinquante-cinq mille
deux cent quatre-vingt-six habitants^ sur vingt-huit
milles carrés, et rapportant deux cent cinquante mille
florins, et aux branches Rhingraviennes la partie de
celui de Horstmar , qui n'était pas entrée dans le lot
de la Prusse, et qui avait cinquante mille habitants
sur trente milles carrés, avec un revenu de trois cent
mille florins. Dans le calcul des revenus , ceux des
chapitres, archidiaconés, abbayes et couvents qui s'y
trouvent, entrent pour les trois cinquièmes. Mais
comme dans cette répartition , les branches de Salm-
Salm et de Salm-Kyrbourg étaient lésées, lesRhingra-
ves furent obligés de leur servir une rente annuelle de
troisième de quarante-quatre livres onze sous huit deniers; 5° un tiers
d'une rente sur les domaines confisqués de la maison d'Orléans, laquelle
rente était de mille trois cent trente-trois livres six sous huit deniers.
Les deux autres tiers de ces quatre rentes appartenaient aux maisons
d'Ursel et de Bournonville. Le prince de Salm-Salm ayant déclaré le
47 septembre 1803, qu'il était dans l'intention de conserver son État
en Allemagne, en se soumettant à vendre dans un délai fixé ses posses-
sions en France, qui, d'après la paix de Lunéville, devaient lui être
restituées, le gouvernement français ordonna, le 21 floréal an xii, que
le séquestre existant sur les biens de ce prince situés dans la Belgique,
serait levé à son profit; qu'il prendrait ces biens dans l'étal où ils se
trouvaient, sans restitution de fruits et sans indemnité pour ceux qui
auraient pu être aliénés ou affectés, soit à la Légion d'honneur, soit à
la dotation des sénatoreries, soit à tout autre service public; que le
prince serait tenu de vendre ces biens dans le délai de trois ans; qu'il
renoncerait à tous les biens auxquels sa famille pourrait prétendre en
France (c'est-à-dire dans l'ancienne France). Le prince signa cette re-
nonciation le 8 octobre 4804; mais il ne put pas obtenir ta restitution
des biens situés dans la Belgique. Il n'est rentré dans la jouissance de
ces biens que par un arrêté du roi des Pays-Bas, du 20 avril 4 84 5.
* Gaspari ne parle que de quarante-huit mille ; mais les détails qu'on
trouve dans Winkopp, Rhein. Bund, t. XIII, p. 281, donnent la somme
que nous indiquons. Dans un travail soumis à la commission statistique
du Congrès de Vienne, cette population est portée à cinquante-six mille,
en y comprenant celle d'ÂnhoIt, qu'on estime à trois mille âmes.
— 275 —
quarante-deux mille florins. Ce sont là les engagements
dont il est question dans l'article. Les comtés de Bo-
cholt et d'Ahaus furent donnés aux deux branches de
Salm par indivis, à charge de les partager, ulté-
rieurement, dans la proportion de deux tiers pour
Salm-Salm, et un tiers pourSalm-Kyrbourg.Ce partage
n'a jamais eu lieu; seulement le prince Salm-Kyrbourg
fixa sa résidence à Ahaus, et le prince de Salm-Salm fixa
la sienne à Anholt. Mais, il y a peu d'années, les in-
térêts respectifs des deux familles princières ont été ré-
glés par une transaction définitive.
L'ancienne maison de Salm était divisée, comme
nous l'avons vu, en quatre branches ; mais l'une d'elles,
celle de Hainspach en Bohême, n'avait rien perdu par
la cession de la rive gauche du Rhin. Les trois autres
avaient fait les pertes dont nous parlerons, et pour les-
quelles le premier plan les avait renvoyées, avec la
maison Rhingravienne, aux restes du haut évêché de
Munster. Mais comme dans le second plan on en avait
encore détaché le bailliage de Diilmen pour le donner
au duc de Croï , et que la maison Rhingravienne eût
obtenu au delà de la valeur de ses pertes, on renonça
à placer les anciens princes et comtes de Salm en
Westphalie. En conséquence on assigna :
V A la maison de Salm-Reifferscheidt-Bedbur, pour
le comté de Reifferscheidt et la seigneurie de Bedbur
qui, d'après les estimations présentées, rapportaient,
le premier, sous la supériorité territoriale de l'élec-
teur de Cologne, sept mille huit cent florins, et
l'autre vingt-sept mille six cents florins : le bailliage
mayençais de Krautheim, sur le Jaxt, qui, sans Na-
gelsberg, Billigheim et Neidenau, qui en furent déta-
chés, le premier pour Hohenlohe-ïngelfingen , et les
deux autres pour Linange-Westerbourg , avait encore
sur quatre milles carrés et demi, huit mille habitants;
__ 276 —
on y ajouta une rente de trente-deux mille florins sur
Amorbach, c'est-à-dire sur le prince de Linange. Cette
nouvelle possession de la maison de Salm fut élevée,
en 1 804, par l'Empereur, au rang d'une principauté,
sous le titre de Krautheim. Par un arrangement qui
fut conclu immédiatement après le Recès, le prince
de Linange racheta la rente de trente-deux mille flo-
rins par la cession de l'abbaye de Gerlachsheim, du
bailliage de Grûnsfeld et du village de Distelhausen,
que le paragraphe 20 lui avait abandonnés; et, au
mois d'avril 1805, Distelhausen fut échangé contre
Boppenhausen. D'après des données statistiques
exactes, qui furent publiées quelques années plus
tard, on sut que la principauté de Salm-Krautheim
renfermait treize mille huit cent soixante-dix habi-
tants, et rapportait quatre-vingt mille florins ;
2° A la branche de Salm-Reifferscheidt, qui avait
perdu le comté médiat de Salm dans le Luxembourg,
une rente de douze mille florins fondée sur l'abbaye
de Schœnthal-sur-le-Jaxt, et payable par le duc de
Wurtemberg';
3° A celle de Salm-Reifferscheidt-Dyck , pour les
droits féodaux et seigneuriaux de la seigneurie de
Dyck, passée sous la domination française, une rente
de vingt-huit mille florins payable par la ville de
Francfort, qui la racheta en 1805. Le chef de cette
branche ayant été créé comte de l'Empire français en
1809, fut réintégré dans ses biens situés en France. Il
a été élevé à la dignité de prince par le roi de Prusse,
en 1816.
S 4.
« Au roi d'Angleterre y électeur de lirunsicic-Lu-
ncbourg pour ses prétentions au comté de Sayn-Alten-
kirchen, Hildesheim, Corvey et Hœxter, et ses droits
— 277 —
et propriétés dans les villes de Hambourg et de Bremen
et leurs territoires, notamment dans le territoire de
cette dernière, tel qu'il sera déterminé ci-après, comme
aussi pour la cession du bailliage de Wildeshausen :
révêché d'Osnabruck.
(( Au duc de Brunswic-Wolfenbûttel : les abbayes
de Gandersheim et de Helmstsedt, à charge d'une
rente perpétuelle de deux mille florins envers la fon-
dation de la princesse Amélie à Dessau. »
Ce paragraphe se rapporte en entier aux deux bran-
ches de la maison de Brunswic. Cette maison n'avait
rien perdu par la cession de la rive gauche du Rhin ; par
conséquent, elle n'étaitpas comprise dans lacatégorie de
celles auxquelles la paix de Lunéville avait promis une
indemnité. Aussi le premier plan l'avait-il passée sous
silence. Mais comme les médiateurs réunirent en une
seule masse les fondations immédiates évangéliques
et les biens ecclésiastiques catholiques, la maison
de Brunswic se trouva favorisée par leur plan , et ap-
pelée à recevoir une indemnité. Elle l'obtint dans
une proportion bien supérieure à sa perte.
L'électeur de Brunswic-Lunébourg perdit par le
Recès :
r Ses prétentions au comté de Sayn-Altenkirchen.
Plusieurs princes d'Empire ont réclamé des indem-
nités pour de simples prétentions à des droits souvent
douteux, presque toujours éventuels. La prétention de
la maison de Brunswic au comté de Sayn-Altenkir-
chen n'est pas de cette catégorie. Les anciens comtes
de Sayn s'éteignirent en 1 606, et l'héritière du comté,
qui avait épousé un comte de Wittgenstein, le transmit
à son fils unique, qui mourut en 1636, laissant deux
sœurs, qui se partagèrent le comté : l'une eut Hachen-
— 278 —
bourg, dont nous ne parlons pas ici', la cadette Alten-
kirchen. Celle-ci épousa Jean-George , duc de Saxe-
Eisenach, et ordonna que le comté de Sayn-Altenkir-
chen passerait de préférence à sa fille, qui était l'aînée
de ses enfants. Cette fille, nommée Èléonore, épousa
le margrave d'Anspach, Jean-Frédéric. Elle laissa un
fils et une fille. Le fils régna après la mort de deux
frères consanguins, ses aînés, comme margrave d'Ans-
pach, et hérita aussi de sa mère du comté de Sayn-
Altenkirchen. Il transmit ses États à ses descendants,
dont le dernier était Alexandre y margrave d'Anspach
et de Bayreuth. Comme celui-ci n'avait pas d'enfants,
il résigna, en 1 792, ses margraviats au roi de Prusse ;
mais il conserva le comté de Sayn-Altenkirchen qui,
après sa mort, devait passer au roi d'Angleterre,
électeur de Brunswic-Lunébourg, comme descendant
de la fille à'Éléonore de Saxe et du margrave Jean-Fré-
déric. Comme le Recès disposa autrement du comté de
Sayn-Altenkirchen, il fallut que l'Électeur renonçât à
cette succession qui lui serait échue en 1 806. Ce comté
rapportait quatre-vingt mille florins*;
2° L'Électeurperdit ses prétentions surHildesheim,
Corvey et Hœxterj c'était un droit de protection ou
d'avoierie plus onéreux que lucratif;
3" 11 perdit les droits et propriétés qu'il possédait
dans les villes de Hambourg et Brème, comme duc de
Brème, successeur des archevêques. Nous en parle-
rons à l'occasion du paragraphe 27;
4° Le bailliage de Wildeshausen, situé sur la Hunte,
• Nous rappellerons seulement que le comté de Sayn-Hachenbourg
entra par mariage dans la maison des bourgraves de KincuBEna, et qu'à
l'extinclion du dernier mâle de celle-ci, en 1799, il échut à la princesse
régnante de Nassau- Weilbouro.
• Estimation commune. Une autre, qu'on dit tirée des Archives, ne
les porte qu'à trente mille rthlr. ou cinquante-cinq mille florins.
Voy. Polit. Jour»., 4805, 1. 1, p. 475.
— 2T9 —
en Westphalie, dont le Recès disposa en faveur du
duc d'Oldenbourg : il rapportait vingt-cinq mille, ou,
selon d'autres, seize mille cinq cents florins seule-
ment ;
5" Le dôme de Brème, dont les revenus annuels se
montaient à quarante-sept mille cinq cents florins.
Total de la perte, cent quarante-quatre mille florins de
revenus.
En compensation de ces pertes actuelles ou futures,
le Recès accorde à la maison de Brunswic-Lunébourg
l'évêché d'Osnabruck, comprenant sur cinquante milles
carrés, une population de cent vingt-six mille habi-
tants, et rapportant sept cent cinquante mille florins;
magnifique indemnité, qui avait été convenue à la
suite d'une négociation particulière qui eut lieu à
Londres, et sur laquelle on ne connaît aucun détail :
ce qui en diminue cependant la valeur, c'est que,
d'après les stipulations de la paix de Westphalie,
Osnabruck avait alternativement un évêque catholique
et un évêque protestant de la maison de Brunswic,
de manière que, le cas échéant, il servait d'apanage
à un prince puîné de la maison. En effet, depuis 1 764,
le duc d'York, second fils du roi d'Angleterre, était
évêque d'Osnabruck.
Le premier plan d'indemnité alloua cet évêché à la
maison de Brunswic-Lunébourg, sans autres condi-
tions que celles qui sont exprimées dans le Recès; le
second lui imposait une double charge, savoir une
rente annuelle de dix mille florins en faveur du duc
de Mecklenbourg-Schvi^erin, et la cession de l'abbaye
de Wittmarsen. L'Électeur s'y étant constamment re-
fusé, le premier conclusum général, du 25 novembre,
lui laissa Wittmarsen, et le Recès l'exonéra de la
rente.
La maison de Brunswic-Wolfenbùttel n'avait rien
— 280 —
perdu, ni par la cession delà rive gauche du Rhin, ni
par les dispositions du premier plan d'indemnités, à
moins qu'on ne veuille compter pour quelque chose
les droits qu'ainsi que celle de Lunébourg, elle pré-
tendait sur l'évêché de Hildesheim; mais comme les
auteurs du premier plan avaient oublié de faire men-
tion de deux abbayes situées dans l'enceinte du duché,
le duc les réclama, et le Recès les lui alloua; c'étaient
Gandersheim et Helmstaedt. L'abbaye protestante de
femmes qui se trouvait à Gandersheim, ville du Harz,
était immédiate, et l'abbesse avait voix et séance à la
Diète : celle d'Helmstœdt , située dans la ville de ce
nom, et dépendant de l'abbaye de Werden, était sous
la supériorité territoriale des ducs de Brunswic. Ces
deux fondations rapportaient quarante mille florins.
Elles furent données au Duc, à charge d'une rente
perpétuelle de deux mille florins envers la fondation
de la princesse Amélie à Dessau. Cette princesse, morte
en 1 793, avait acquis, dans les environs de Kreuznach,
des terres de la valeur de quarante-six mille deux cent
sept florins, que, par son testament, elle légua aux
pauvres et malades de sa ville natale. Le gouverne-
ment français les avait séquestrés en 1 799, et ce fut
une heureuse idée de la Députation d'imposer, en fa-
veur de cette institution, une charge perpétuelle à un
prince qui n'avait fait que gagner aux arrangements
de 1803.
§ 5.
« Au margrave de Bade, pour sa part au comté de
Sponheim et ses terres et seigneuries dans le J^uxem-
bourg, l'Alsace, etc. : l'évêché de Constance, les restes
des évêchésde Spire, Baie et Strasbourg; les bailliages
palatins de Ladenbourg, Bretten et Heidelberg, avec
les villes de Heidelberg et de Mannheim; plus, la sel-
~ 281 —
gneurie de Lahr, aux conditions convenues entre ledit
margrave, le prince de Nassau-Usingen et les autres
intéressés; plus, les bailliages hessois de Lichtenau et
de Wildstœdtj plus, les abbayes de Schwarzach ,
Frauenalb, AUerheiligen , Lichtenthal, Gengenbach,
Ettenheim-Munster, Petershausen, Reichenau, Oehnin-
gen, la prévôté et le chapitre d'Odenheim, et l'abbaye
de Salmansweiler, à la réserve d'Ostrach et des an-
nexes ci-après, les villes impériales d'Offenbourg,
Zell am Hammersbach , Gengenbach, Ueberlingen,
Biberach, Pfullendorff et Wimpfen; enfin, les droits
et possessions tant médiats qu'immédiats dépendant
des établissements publics et corporations de la rive
gauche du Rhin au sud du Necker. »
De tous les princes qui ont fait des pertes par la
cession de la rive gauche du Rhin, il n'y en a pas qui
ait reçu une indemnisation proportionnellement plus
grande que le margrave de Bade. Elle surpasse six
fois sa perte, et, après le Recès de 1 803, ses revenus
se trouvèrent doublés. Il dut ce traitement favorable
autant à la considération que ses vertus avaient inspi-
rée pour sa personne, qu'à son alliance avec l'empe-
reur de Russie qui avait épousé sa petite-fille. La
maison de Bade avait perdu sa part du comté de Spon-
heim qui, sur huit milles carrés, renfermait vingt-
cinq mille cinq cents habitants, et rapportait cent
soixante-deux mille florins, ainsi que des possessions
médiates en Alsace et dans le Luxembourg, dont le re-
venu se montait à soixante-dix-huit mille florins.
Comme il ne se trouvait pas à la convenance du mar-
grave d'évêché considérable au moyen duquel on
eût arrondi ses États, on se vit obligé d'y réunir di-
verses parcelles de territoire détachées, situées dans
la proximité du margraviat, en engageant les maisons
de Hesse-Darmstadt et de Nassau-Usingen à lui céder
— 282 —
les terres qu'elles possédaient en Souabe. Malgré ces ar-
rangements, on ne put établir la contiguïté entre tous les
districts qu'on assigna au margrave. L'évêché de Con-
stance, qu'on lui donna, était séparé des autres posses-
sions qu'il avait alors, etleBrisgau se trouvait interposé
entre le haut margraviat et le margraviat inférieur,
qui, sans cette interruption, auraient formé une éten-
due de cinquante lieues le long du Rhin.
L'évêché de Constance était situé sur le lac de ce
nom : la ville de Constance n'y appartenait pas. L'évê-
que, dont Mœrsbourg était la résidence, avait un dio-
cèse beaucoup plus considérable que son territoire ; il
étendait sa juridiction sur une grande partie de la
Suisse.
L'évêque de Spire avait perdu quelques bailliages
situés sur la rive gauche du Rhin, ainsi que ses pos-
sessions médiates en Alsace; cependant la plus grande
partie de l'évêché avec Bruchsal, la résidence, et la
forteresse de Philippsbourg, étaient situées sur la rive
droite de ce fleuve.
Il n'en était pas de même des évêchés de Strasbourg
et de Baie. Le premier, dont les plus belles possessions
étaient situées en Alsace, n'avait sur la rive droite
que le bailliage d'Oberkirch dans l'Ortenau, et Etten-
heim dans le Brisgau , dont le chef-lieu , une année
plus tard, acquit une si malheureuse célébrité. L'évê-
que de Bâle n'avait sur cette rive que le seul bailliage
de Schlingen à quelques lieues de Bâle, sur le Rhin.
La partie la plus importante de l'indemnité assignée
au margrave de Bade, consistait dans le district du
Palatinat, composé des bailliages de Ladenbourg, Bret-
ten et Heidelberg, avec les villes de Heidelberg et de
Mannheim, les deux capitales de Télectorat, auxquelles
aucune autre ville du margraviat ne pouvait se com-
parer. Par cette cession, le pays de Bade eut aussi son
^ -283 —
université particulière; elle était établie à Heidelberg.
La seigneurie de Lahr, dans l'Ortenau, appartenait
au prince de Nassau-Usingen. Elle fut cédée au mar-
grave de Bade aux conditions convenues entre ce mar-
grave, le prince de Nassau-Usingen et les autres inté-
ressés. On ne connaît pas cette convention; mais il
paraît qu'à l'égard du prince de Nassau-Usingen, elle
renfermait la stipulation qu'il ne se dessaisirait de ce
domaine que lorsqu'il aurait été mis en possession du
comté de Sayn-Altenkirchen, c'est-à-dire après la mort
du dernier margrave de Brandebourg-Anspach et Bay-
reuth. C'est ainsi, du moins, que la condition était ex-
primée dans le premier plan. Peu de temps après le
Recès, le margrave de Bade engagea celui d'Anspach
à abdiquer le comté de Sayn-Altenkirchen, contre une
pension de trente mille florins qu'il promit de lui
payer; ce comté passa alors au prince de Nassau, et
le margrave de Bade fut mis en possession de la sei-
gneurie de Lahr.
L'acquisition que fit ce prince des bailliages hessois
de Lichtenau et de Wildstœdt, était fort intéressante,
tant par la fertilité de ces deux bailliages que parce
que cette possession arrondissait ses États : nous re-
viendrons sur ce petit pays à l'article 7 du Recès.
Quatre abbayes immédiates furent sécularisées en
faveur du margrave ; savoir: SalmansweilerenSouabe,
distraction néanmoins faite du bailliage d'Ostrach qui
fut donné à un autre prince; la prévôté d'Odenheim,
dont le siège était à Bruchsal ; l'abbaye de Gengen-
bach, dans la ville de ce nom, et Petershausen, près
de Constance. Les sept autres abbayes étaient médiates;
savoir: Reichenau, dans une île du lac de Zell, qui
fait partie de celui de Constance; Oehningen, dans
l'évêché de Constance; Allerheiligen et Ettenheim-
Munster, dans l'évêché de Strasbourg; Frauenalb et
— 284 —
Lichtenthal, dans le margraviat inférieur de Bade, et
Schwarzach, près de Lichtenau.
Parmi les villes impériales qui échurent au mar-
grave, Biberacli était la plus considérable par son éten-
due et par l'industrie de ses habitants.
Récapitulons les nouvelles acquisitions de ce prince .
m. c. habitants. tlor. de rev.
L'évêché de Constance 5 U 000 80 000
Celui de Spire 'l\ 30000 150 000
Celui de Strasbourg 6^ 20 000 130 000
Celui de Bâle | 1000 10000
Une partie du Palatinat 17 99000 500 000
La seigneurie de Lahr 1 7 000 40 000
Les bailliages hessois 5 15 000 80000
Sept villes impériales 7f 37 000 150 000
Quatre abbayes immédiates 6 14000 1 75 000
Sept abbayes médiates 225000
Total... 59f 237 000 1540 000
Montant de la perte 8 25500' 240000
Augmentation 51 J 211500 1300000
§6.
« Au duc de Wurtemberg, pour la principauté de
Montbéliard et dépendances; comme aussi pour ses
droits, possessions , charges et répétitions en Alsace
et Franche-Comté: la prévôté d'Elwangen, les cha-
pitres, abbayes et couvents de Zwiefalten, Schœnthal,
Combourg, avec supériorité territoriale (sauf les droits
des princes séculiers et du comté de Limbourg),
Rothmunster, Heiligenkreutzthal, Obristenfeld, Mar-
garethhausen, et tous ceux situés dans ses nouvelles
possessions; plus, le village de Durrenmetstetten et
' Dans diverses évaluations , on a fait monter la perte du mar-
grave à trente-huit mille quatre cent trente habitants; mais nous sup-
posons que, dans ce nombre, ceux des possessions médiates sont com-
prises.
— 285 —
les villes impériales de Weil, Reutlingen, Eslingen,
Rothweil, Giengen, Aalen,Hall, Gmiindtet Heilbronn;
le tout à charge de servir les rentes perpétuelles sui-
vantes; savoir :
« Aux princes de Hohenlohe-Waldenbourg, pour
leur part au péage de Boppard ; six cents florins, dont
moitié à Bartenstein, moitié à Schillingsfiirst.
« Au prince de Salm-Reifferscheidt, pour son comté
de Niedersalm : douze mille florins.
« Au comte de Limbourg-Styrum, pour la seigneu-
rie d'Oberstein : douze mille deux cents florins.
« Au comte de Schall , pour sa terre de Megen :
douze mille florins.
H A la comtesse de Hillesheim, pour sa part à la
seigneurie de Reipoîtskirchen : cinq mille quatre cents
florins.
« A la comtesse douairière de Lœwenhaupt, pour
les droits féodaux de sa part à la seigneurie d'Ober
et Niederbronn . onze mille trois cents florins.
« Aux héritiers du baron de Dietrich pour idem :
trente et un mille deux cents florins.
« Aux sieurs Seubert, pour les fiefs Benthal etBre-
tigny : trois mille trois cents florins. »
Les pertes qu'avaient éprouvées le duc de Wurtem-
berg se rapportent aux indemnités qu'il reçut comme
deux à trois, et les dernières furent choisies de ma-
nière qu'elles arrondirent parfaitement ses anciens
États.
Sa perte consistait dans le comté de Montbéliard,
un des restes de l'ancien royaume d'Arles, qui, an-
ciennement régi par des comtes particuliers, avait été
porté, vers la fin du xiv" siècle, par mariage, dans la
maison de Wurtemberg. Indépendamment de ce comté,
le seul pays immédiat dont la paix de Lunéville dé-
-- 286 —
pouilla ce prince, il avait encore perdu les seigneuries
d'Héricourt, de Châtelet, Blamont, Clermont, Granges,
Clerval et Passavant , regardées comme dépendances
du comté , mais sur lesquelles la France exerçait la
souveraineté. Le comté, sans les seigneuries, avait
sept milles carrés de surface, avec quatorze mille ha-
bitants; avec les seigneuries, il rapportait deux cent
quarante-huit mille florins.
A l'indemnité que le premier plan avait destinée au
duc de Wurtemberg, le second ajouta les abbayes de
Schœnthal, Combourg, Rothmiinster, Heiligenkreutz-
thal, Obristenfeld et Margarethliausen, et le village de
Durrenmetstetten, près Dornstetten, c'est-à-dire la
moitié de ce village qui appartenait au couvent de
Mûri en Suisse , car l'autre moitié était déjà wiirtem-
bergeoise. Le même plan y ajouta encore le couvent
de Holzhausen , qui était omis dans le premier con-
clusum général.
Schœnthal et Combourg étaient situés dans l'évêché
de Wiirzbourg; Combourg était soumis à la supério-
rité territoriale de l'évêque; Kothmiinster était une
abbaye de femmes, sur le Neckar, près de Rothweil ;
Heiligenkreutzthal était un couvent de femmes , dans
la préfecture autrichienne de Souabe, et sous la supé-
riorité territoriale de l'Autriche; mais, malgré les
réclamations du subdélégué de Bohême, les média-
teurs le comprirent dans la masse des indemnités.
Nous verrons par la suite que la maison d'Autriche se
maintmt dans cette possession. Obristenfeld était éga-
lement une fondation de dames nobles, dans un bourg
wiirtembergeois du bailliage de Beilstein. Marga-
rethhausen, couvent de religieuses, était agrégé au
canton de Necker et de Forêt-Noire de la Noblesse im-
médiate.
Outre ces couvents, l'article du Recès adjuge encore
— 287 —
au duc de Wurtemberg tous ceux qui se trouvent dans
ses nouvelles possessions. Le second plan disait : dans
ses nouvelles possessions aussi bien que dans les an-
ciennes; mais comme cette stipulation aurait renversé
la constitution du pays, le premier conclusum ajouta :
sans préjudice de l'emploi constitutionnel des der-
nières; et enfin le Recès principal omit ces mots:
dans les anciennes possessions, et la clause salvatoire.
On sait que le duché de Wurtemberg renfermait onze
anciens couvents qui, depuis la Réformation, ont été
sécularisés, et dont les prélats protestants siégeaient
parmi les États du pays.
Ce fut en considération de l'augmentation que le
second plan accorda au Duc, laquelle se montait à un
revenu de cent cinquante mille florins, qu'on char-
gea ce prince de servir diverses rentes s'élèvant à une
somme de quatre-vingt-huit mille florins. Voici un
aperçu des indemnités wûrtembergeoises :
m. c. habit. rev. en flor.
La prévôté d'Elwangen 6| 20 000 1 30 000
L'abbaye de Zwiefalten 3| 8 000 60 000
Les six autres abbayes et couvents 2| 7 000 i 50 000
Neuf villes impériales et un village 1 6| 85 000 360 000
700000
Dont à déduire les rentes 88 000
Total 29^ 120000 612000
Perte 7 14000 240000
Augmentation.... 22^ 106000 372000
Disons encore un mot des rentes dont le duc de
Wurtemberg fut chargé.
Un péage du Rhin, qui se percevait à Boppard, ville
de l'électorat de Trêves, appartenait à plusieurs con-
sorts. Une des deux branches principales de la maison
de Hohenlohe, celle de Waldenbourg , y participait
pour environ cinq cent vingt-six florins; le duc de
— 288 —
Wurtemberg fut obligé de l'en indemniser, moyennant
une rente annuelle de six cents florins dont il s'est
probablement racheté.
Nous avons déjà parlé de la perte du comté infé-
rieur de Salm : la maison de Reifl'erscheidt, pour la-
quelle on n'avait plus trouvé d'indemnité en West-
phalie, eut une rente de douze mille florins sur le duc
de Wurtemberg.
H y avait en Allemagne deux maisons d'une origine
très-différente, dont l'une s'appelait Limbourg , et
l'autre Limpourg. La dernière avait ses possessions en
Franconie, et s'éteignit en 1713. Son comté fut alors
divisé entre un grand nombre de princes et de parti-
culiers; mais le titre et le droit de siéger aux Diètes
du cercle de Franconie passa à la maison de PûcJder,
dont une branche prit le nom de Limpourg-Sontheim.
La maison de Limbourg avait une origine plus illustre ;
elle remontait aux anciens comtes de Teisterbant en
Gueldre, qu'on trouve dès le viii" siècle, et desquels
descendaient, 1" la maison de Limbourg-Luxembourg,
qui donna quatre Empereurs à l'Allemagne et s'éteignit
en 1437, 2° la maison des ducs de Juliers, Clèves et
Berg, éteinte en 1609. Le comte de Limbourg-Styruni,
ainsi surnommé d'après un château que ses ancêtres
avaient bâti dans le duché de Berg, ne possédait plus,
des grands biens de sa maison , que quelques terres
éparsesen Westphalie, en Belgique, et la seigneurie
d'Oberstein dans l'Eyffel. 11 perdit la dernière par la
cession de la rive gauche du Rhin ; elle était peu con-
sidérable, ne renfermait que deux mille deux cents
habitants, et rapportait quatorze mille florins. Dans
le premier plan, on avait oublié d'en parler. La rente
de douze mille deux cents florins, affectée sur le duché
— 289 —
de Wurtemberg, indemnisa donc largement le comte
de sa perte. Au reste, cette rente ne fut pas longtemps
à la charge du duc de Wurtemberg, puisque le comte,
qui était le dernier de sa maison, mourut en 1809-
La seigneurie de Reipoltskirchen, dans le Hunds-
drûck, était bien immédiate, mais n'avait pas voix et
séance à la Diète. Le premier plan avait supposé que
ce comté appartenait aux comtes de Lœwenhaupt et
de Hillesheim; il se trouva depuis qu'il avait été la
propriété de la comtesse de Hillesheim et de la prin-
cesse d'Isembourg. Celle-ci eut sa compensation par
le paragraphe 19. Ce comté rapportait à la com-
tesse de Hillesheim quatre mille trois cent quarante-
quatre florins, ainsi un peu moins que la rente qui
fut donnée à titre d'indemnité. Les autres personnes
nommées dans ce paragraphe n'avaient aucun droit à
une indemnité; la faveur seule les a fait placer sur
cette liste.
« Au landgrave de Hesse-Cassel , pour Saint-Goar
et Rheinfels , et ses droits et prétentions sur Corvey :
les bailliages mayençais de Fritzlar, Naumbourg, Neu-
stadt et Amœnebourgj les chapitres de Fritzlar et d'A-
mœnebourg, et les couvents auxdits bailliages; plus,
la ville de Gelnhausen et le village d'Empire de Holz-
hausen; le tout à charge d'une rente perpétuelle de
vingt-deux mille cinq cents florins envers le landgrave
de Hesse-Rothenbourg, laquelle rente néanmoins sera
transférée dans la suite sur l'excédant du produit de
l'octroi de navigation mentionné au paragraphe 39,
si, après le payement des rentes directement assi-
gnées sur ce produit dans le présent acte, il se trouve
un excédant suffisant.
(( Au landgrave de Hesse-Darmsladt ., pour le comté
vn 19
— 290 —
de Lichtenberg, la suppression de ses droits de pro-
tection sur Wetzlar et de haut conduit à Francfort,
et la cession des bailliages hessois de Lichtenau et de
Wildstaedt, de Kazenellenbogen, deBraubach,d'Embs,
de Kleeberg, d'Epstein et du village de Weiperfelden :
le duché de Westphalie avec dépendances, et notam-
ment Volkmarsen avec les chapitres, abbayes et cou-
vents qui se trouvent dans ledit duché, à charge d'une
rente perpétuelle de quinze mille florins envers le
prince de Wittgenstein - Berlebourg , laquelle rente
néanmoins sera transférée dans la suite sur l'excédant
du produit de l'octroi de navigation mentionné au
paragraphe 39, si , après le payement des rentes
directement assignées sur ce produit dans le pré-
sent acte, il se trouve un excédant suffisant; plus,
les bailliages mayencais de Gernsheim, Bensheim,
Heppenheim, Lorsch, Fûrth, Steinheim, Alzenau, Vil-
bel, Rockenbourg, Hassloch, Astheim, Hirschhorn,
les possessions et revenus dépendant de Mayence, au
sud du Mein, situés au pays de Darmstadt, notamment
les cens de Mœnchshof, GundhofetClarenberg, comme
aussi ceux dépendant des chapitres, abbayes et cou-
vents assignés ci-après au prince de Nassau-Usingen,
à la réserve des villages de Burgel et deSchwanheim,
plus, les bailliages palatins de Lindenfels, Umstadtet
Otzberg, et les restes de ceux d'Alzey etd'Oppenheim;
plus, les restes de l'évêché de Worms, les abbayes de
Seligenstadt et de Marienschloss, près Rockenbourg,
et la prévôté de Wimpfen et la ville impériale de
Friedberg; le tout à charge d'augmenter d'un quart
au moins la rente apanagère du landgrave de Hesse-
Hombourg. »
Ce paragraphe détermine l'indemnité des différentes
branches de la maison de Hesse. La ligne aînée, dite
— 291 —
de Cassel, et la branche apanagée de Rheinfels-Ro-
thenbourg avaient perdu, sur la rive gauche du Rhin,
la ville de Saint-Goar et la forteresse de Rheinfels,
avec deux mille cinq cents habitants. Le landgrave
de Rheinfels-Rothenbourg, qui était propriétaire des
domaines, estima sa perte à dix-huit mille cent soixante-
sept florins par an ; les droits de souveraineté , qui
appartenaient au landgrave de Hesse-Cassel, ne peu-
vent pas avoir rapporté au delà de sept mille cinq
cents florins. Pour cette perte, le premier plan avait
assigné au landgrave de Hesse-Cassel les bailliages
mayençais d'Amœnebourg et de Fritzlar, avec leurs
dépendances, et le village de Holzhausen , à charge
d'indemniser le landgrave de Hesse-Rheinfels-Rothen-
bourg. Les dépendances d'Amœnebourg et de Fritzlar
étaient les petites villes de Neustadt et de Naumbourg,
tous enclaves de la Hesse. Holzhausen ou Burg-Holz-
hausen, bourg du comté de Hanau, prétendait être
immédiat; mais les landgraves de Hesse-Cassel s'étaient
maintenus en possession de cet endroit, de manière
qu'en le leur accordant à titre d'indemnité, le premier
plan n'avait d'autre objet en vue que de terminer une
discussion qu'on pouvait faire revivre, sans pour cela
augmenter les revenus du Landgrave. Les deux bail-
liages mayençais, qui renfermaient treize mille habi-
tants, rapportaient soixante mille florins ^ y compris
toutefois les chapitres de Fritzlar et d'Amœnebourg.
Ainsi, en supposant que le Landgrave eût payé à Hesse-
Rheinfels une rente de vingt-deux mille cinq cents
florins, il lui restait quarante mille florins pour l'in-
demnité de la perte de ses droits de souveraineté sur
deux villes.
Cependant le landgrave de Hesse-Cassel fut mécon-
tent de cette compensation. Son ministre, qui siégeait
dans la Députation, réclama une indemnité pour ses
— 292 —
prétentions peu liquides sur Corvey, Hœxter, Herse et
Oberwesel; il éleva d'abord des difficultés sur les cal-
culs ; et quand il se vit réfuté par le subdélégué de
Mayence, qui connaissait parfaitement le pays, il dé-
clara qu'il ne voyait pas pourquoi , parmi toutes les
maisons d'Allemagne du premier rang, celle de Hesse
devait être la seule dont l'indemnité serait détermi-
née d'après la perte réelle, et sans qu'on eût égard, en
sa faveur, à l'équilibre de puissance qu'on avait ob-
servé envers les autres.
Cet argument était sans réplique , aussi le lot du
Landgrave fut-il augmenté. Non-seulement on y com-
prit expressément les chapitres de Fritzlar et d'Amœ-
nebourg et les autres couvents, dont le premier plan
ne parlait pas, ainsi que la ville libre de Gelnhausen;
mais on voulut aussi le dispenser de l'obligation de
payer une rente au landgrave de Rothenbourg. A
vrai dire, en soumettant à sa supériorité territo-
riale la ville de Gelnhausen, on n'ajouta pas à ses re-
venus. Cette ville, anciennement impériale, avait été
engagée par l'empereur Charles IV, et cet engagement
avait été cédé par la suite au comte de Hanau. Une
sentence de la Chambre impériale deWetzlar déclara,
en 1734, la ville immédiate , et elle se mit en posses-
sion du droit de voter à la Diète; mais comme le
landgrave de Hesse avait pris son recours à la Diète,
et que la ville se vit menacée d'un procès long et dis-
pendieux, elle renonça, sous le règne de Charles VII,
à son immédiateté.
La seconde ligne principale de la maison de Hesse,
celle de Darmstadt, avait souffert une perte beaucoup
plus considérable (jue son aînée.
1° Elle avait perdu, par les décrets de l'Assemblée
nationale , la partie du comté ou de la seigneurie de
— 293 —
Hanau-Lichtenberg, située en Alsace et dans les Vosges.
Reinhard II, comte de Hanau , mort en 1451 , laissa
deux fils qui formèrent ligne. L'aîné, Reinhard III, eut
le comté de Hanau, qu'on appela dès lors comté de
Hanau-Milnzenberg ; Philippe, le cadet, qui avait épousé
Aîine, héritière de la baronnie de Lichtenberg, située
en Alsace et en Souabe, devint la souche des comtes
de Hanau-Lichtenberg. Les comtes de Hanau-Mûnzen-
berg s'éteignirent pendant la guerre de Trente ans,
en 1 642, et la branche de Lichtenberg réunit tout le
comté; mais comme elle n'avait réussi à se mettre en
possession de cette succession que par l'assistance de
la maison de Hesse-Cassel, il fut conclu, en 1 643, un
pacte de confraternité, d'après lequel le Landgrave de-
vait hériter du comté de Hanau-Mûnzenberg, à l'extinc-
tion des mâles de la maison. Le cas arriva en 1 736. La
maison de Hesse-Cassel se mit alors en possession du
comté de Hanau-Mûnzenberg ; et le comté de Hanau-
Lichtenberg fut porté, par la fille du dernier comte,
dans la maison de Hesse-Darmstadt. La partie de la
seigneurie de Lichtenberg, située en Alsace , était di-
visée en douze bailliages, et renfermait soixante-seize
mille habitants. Elle était riche en beaux domaines;
et, quoique par suite de la paix de Ryswick elle eût
été placée sous la souveraineté de la France, les lettres
patentes qu'obtint, en 1701, le comte de Hanau^ lui
donnèrent des privilèges tels qu'aucun autre vassal
n'en possédait sous le sceptre des rois de France. Aussi
le landgrave de Darmstadt a-t-il fait monter les reve-
nus de ce pays à six cent soixante-six mille cinquante
florins, et s'il est vrai que ce calcul ait été un peu
exagéré, nous ne pensons pas, comme quelques géo-
graphes allemands, qu'il l'ait été de moitié, ni même
du tiers.
> Voy. t. Il, p. 167.
— 294 —
Telle était l'unique perte que la maison de Hesse-
Darmstadt eût soufferte, lorsque le premier plan d'in-
demnités fut présenté par les médiateurs; mais ce plan
y ajouta :
2" Les bailliages de Lichtenau et de Wildstœdt, ou
la partie du comté de Hanau-Liclitenberg , située en
Souabe. Le plan les donna au margrave de Bade, et
nous avons vu, en parlant de l'indemnité de ce prince,
que ces deux bailliages rapportaient quatre-vingt mille
florins.
3° Pour arrondir les États du prince de Nassau-
Usingen, le Landgrave céda les bailliages de Kazenel-
lenbogen, de Braubacb, d'Embs et d'Epstein, dans le
comté inférieur de Kazenellenbogen, et celui de Kle-
berg avec les villages de Weiperfelden, dans la baute
Hesse, qu'il possédait en partie en commun avec la
maison de Nassau. Ils avaient quinze mille habitants sur
cinq milles carrés, et rapportaient quatre-vingt-dix
mille florins;
V Enfin le Landgrave renonça à ses droits de pro-
tection sur Wetzlar, et de haut conduit à Francfort.
Ce prince prétendait à plusieurs droits sur Wetzlar, à
titre de droits d'ouverture, d'engagement impérial,
d'avoierie, de protection, de haut conduit et de juri-
diction sur le château de Carlsmunde. Il y tenait gar-
nison, et nommait un des membres du Sénat. Le droit
de haut conduit à Francfort était un reste de la bar-
barie du moyen âge, où les particuliers ne pouvaient
voyager sans s'exposer à être pillés par les barons et
seigneurs. A cette époque, plusieurs princes se char-
gèrent du soin de protéger les voies publiques, en
exigeant des voyageurs une petite rétribution à laquelle
ceux-ci se soumirent volontiers. Par la suite des temps,
cette protection devint inutile; mais les princes ne
renoncèrent point à ce prétexte pour augmenter leurs
— 295 —
revenus. Pendant la foire de Francfort, célèbre en
Allemagne, le landgrave de Darmstadt plaçait sur la
route qui conduit de sa capitale à cette ville, quelques
détachements de troupe en apparence destinés à pur-
ger les routes des voleurs qui les infestaient*.
Tels furent les sacrifices que fit la maison de Darm-
stadt. Nous avons vu que d'après le premier plan elle
n'avait perdu que le comté de Hanau-Lichtenberg, sur
les deux rives du Rhin. Cette possession peut avoir
rapporté cinq cent mille florins. Le plan lui donna
pour cela trois bailliages du Palatinat, Lindenfels,
Ozberg et les restes d'Oppenheim, le duché de West-
phalie, à la réserve d'une partie destinée au prince de
Wittgensteinj trois bailliages de Mayence, Gernsheim,
Bensheim et Heppenheim, les restes de l'évêché de
VVorms, et la ville de Friedberg.
Le llecès y ajouta neuf bailliages mayençais , deux
bailliages du Palatinat, et plusieurs abbayes; enfin il
donna au Landgrave la totalité du duché de Westpha-
lie, avec les couvents considérables que ce pays ren-
fermait; mais il lui imposa une double charge, 1" le
payement d'une rente de quinze mille florins envers
le prince de Wittgenstein; 2" l'augmentation de l'apa-
nage du landgrave de Hesse-Hombourg. Volkmarsen
est un bailliage du duché de Westphalie; mais la mai-
son de Cassel et le prince de Nassau-Orange, comme
étant par le Recès aux droits de l'évêque de Corvey, y
formaient des prétentions, ce qui fut cause qu'on le
donna nominativement au Landgrave. Les bailliages
mayençais qu'il réunit en vertu de cet acte, forment
la nouvelle principauté de Starkenbourg.
' En supprimant l'abus du haut conduit, à l'égard de la maison de
Darmstadt, les auteurs du Recès oublièrent d'abolir également le droit
que la maison de Nassau percevait à ce titre. Elle y renonça volontaire-
ment par une déclaration qu'elle publia le \" elle 3 mars 1810.
— 206 —
En récapitulant ces acquisitions, nous trouvons que
la maison de Darmstadt a obtenu :
m. c. liabii. rev. en flor.
Bailliages mayençais 11j 28000 150000
Bailliages du Pulatinat 3| 8 000 60 000
Duché de Westphalie 72 -130000 650000
Évêché de Worms 1i 3000 23000
Abbaye de Seligenstadt 50 000
Abbaye de Marienschloss
Prévôté de Wimpfen iOOOO
Ville de Friedberg 2000 10000
Total... 88A 171000 953000
A ces revenus il faut ajouter les revenus peu consi-
dérables de l'abbaye de Marienschloss ; mais il faut en
déduire la rente de quinze mille florins , assurée au
prince de Wittgenstein, et l'augmentation de l'apanage
de Hombourg. Cette branche de la maison de Hesse
ne possédait rien sur la rive gauche du Rhin : cepen-
dant elle fit valoir les pertes qu'elle avait éprouvées
par la guerre, et qu'on estimait à quatre millions sept
cent mille florins, pour réclamer le bailliage mayen-
çais d'Oberwesel, entouré de ses possessions. La Dé-
putation ne crut pas pouvoir accorder cette demande ;
mais elle fut favorablement accueillie par les média-
teurs. En augmentant la rente apanagère d'un cin-
quième, ces ministres voulurent sans doute parler de
V apanage (ou plutôt parage), caria renie apanagère de
cette maison n'était que de deux mille florins. Celle
que le landgrave de Darmstadt lui alloua par suite de
cet article fut de vingt mille florins, ce qui indique
que les revenus de cette maison se montaient à cent
mille florins.
Nous dirons plus loin pourquoi une indemnité fut
allouée au prince de Wittgenstein. Quant à la faveur
que l'on témoignait à la maison de Flesse-Hombourg,
elle était une suite de l'intérêt que les princes de cette
— 2!)? —
maison avaient inspiré par leurs qualités personnelles
aux généraux français pendant le long séjour que les
troupes de la République avaient fait sur la rive gauche
du Rhin.
§8.
« Au duc de Hohtein-Oldenhourg , pour la sup-
pression du péage d'Elsfleth , la cession des villages
au territoire deLubeck, déterminés ci-après, et pour
ses droits et propriétés et ceux du chapitre dans la
ville de ce nom : l'évêché et grand chapitre de Lubeck,
le bailliage hanovrien de Wildeshausen, et les bail-
liages déjà mentionnés de Vechte et de Kloppenbourg,
au pays de Munster. »
Le duc de Holstein-Oldenbourg refusa pendant
quelque temps de prendre part à un règlement d'in-
demnités qui, d'après la situation de ses États et les
stipulations du traité de Lunéville, devait lui rester
étranger. Il regardait l'évêché deLubeck comme sécu-
larisé de fait en faveur de sa maison, puisqu'à l'ex-
ception de quelques chanoines catholiques, le chef et
les membres du chapitre étaient séculiers. Mais comme
la ville de Brème avait obtenu, à force de sollicitations,
que la France demandât la suppression du péage
d'Elsfleth, il fallut penser à une indemnité pour le
propriétaire. Elsfleth est un bourg du duché d'Olden-
bourg, situé sur le Weser, à l'endroit où la Hunte y
verse ses eaux. Le péage que payent les bâtiments
qui veulent remonter jusqu'à Brème, a été accordé à
titre de fief impérial aux anciens comtes d'Oldenbourg,
Il rapportait annuellement cent trente mille florins.
Le premier plan donna au Duc, pour la renonciation
ù ce péage, le bailliage de Wildeshausen, et sécularisa
— 298 —
à son profit l'évèché et le grand chapitre de Lubeck.
Le bailliage de Wildeshausen qu'on avait engagé l'é-
lecteur de Brunswic à céder , pour avoir quelque
chose à offrir au duc d'Oldenbourg en compensation
de la renonciation qu'on lui demandait, est un ancien
domaine des comtes d'Oldenbourg, dont les archevê-
ques de Brème avaient trouvé moyen de s'emparer.
Il est situé à la convenance du duc d'Oldenbourg j mais
il n'ajoute aux revenus de ce prince qu'une somme
de vingt-cinq mille florins, ou peut-être moins encore.
En y réunissant les revenus de l'évèché de Lubeck,
qui se montent à soixante-quinze mille florins, il man-
quait encore une somme annuelle de trente mille flo-
rins pour indemniser de la suppression du péage. Une
autre circonstance diminuait encore, aux yeux du Duc,
l'indemnité qu'on lui offrait. En sa qualité d'évêque
de Lubeck, il avait conclu, en 1 799, avec son chapi-
tre, un traité par lequel celui-ci s'était engagé à pos-
tuler pendant trois générations consécutives les des-
cendants de ce prince. L'Empereur avait confirmé
cette convention j la Russie et le Danemark l'avaient
garantie, et il était probable que, sans sécularisation
formelle, l'évèché ne sortirait pas de cette maison.
Au surplus, le roi de Danemark demandait une in-
demnité pour son droit de protection sur l'évèché,
pour celui d'en conférer une prébende, et pour la su-
périorité territoriale sur plus de quarante villages du
chapitre situés en Holstein.
L'insuffisance de la compensation étant évidente,
les médiateurs y ajoutèrent, dans le second plan, le
bailliage de Vechte et de Cloppenbourg, appartenant
à l'évèché de Munster. Ils sont considérables, renfer-
ment, sur une surface de quarante-six milles et demi,
soixante mille habitants, et rapportent soixante-quinze
mille florins; mais en même temps le plan détacha.
— 299 —
en faveur de la ville de Lubeck, quelques parcelles de
l'évêché. La députation s'occupa peu de cet arrange-
ment, qui devint l'objet d'une négociation entre les
médiatenrs ; ils eurent quelque peine à s'accorder à
cet égard. L'article resta dans le Recès tel que nous
l'avons donné ; mais le Duc refusa de s'y soumettre.
Ce ne fut que le 6 avril 1 803, après que la Diète de
l'Empire eut ratifié le Recès, qu'il fut conclu, sous
la médiation de la Prusse, une convention par laquelle
le duc d'Oldenbourg accéda au Recès, mais à condi-
tion qu'on lui accordât pour dix ans, depuis le T' juin
1803 jusqu'au 31 décembre 1812, la jouissance du
péage d'Elsfleth.
Cette convention ne se trouvant point dans le Re-
cueil primitif de M. de MartenSy nous l'insérons ici
textuellement.
Nous parlerons plus loin de la convention que ce
prince conclut avec la ville de Lubeck.
Convention relative aux intérêts de S. A. S. monseigneur le
duc d'Oldenbourg , prince-évêque de Lubeck, en date du
25 mars [6 avril] 1803.
S. A. S. le duc administrateur régnant deHolstein-
Oldenbourg, prince-évêque de Lubeck, ayant chargé
de ses pleins pouvoirs M. le baron de Koch, son mi-
nistre à la Diète générale de l'Empire, à l'effet de con-
venir à Ratisbonne avec les ministres plénipotentiaires
et extraordinaires des puissances médiatrices, agissant
au nom et en vertu des pouvoirs de leurs gouverne-
ments respectifs, de l'aplanissement des difficultés
qui ont subsisté jusqu'ici, relativement à l'exécution
des clauses du plan d'indemnité qui touchent aux
intérêts de Son Altesse Sérénissime.
— 300 -^
Et S. M. le roi de Prusse ayant été invitée, par
S. M. I. de Russie à concourir à la satisfaction de
Son Altesse Sérénissime, et y ayant coopéré, tant par
ses bons conseils que par l'intervention en son nom
de son ministre plénipotentiaire à Ratisbonne, il a
été convenu entre lesdits ministres, et rédigé par
écrit, pour prévenir tout malentendu, les articles
suivants :
Art. 1 . Son Altesse Sérénissime accède entière-
ment, et sans exception ni réserve quelconque, tant
dans sa qualité de duc-administrateur régnant d'Ol-
denbourg, qu'en celle de prince-évêque de Lubeck ,
à toutes les dispositions de l'acte général des arran-
gements d'Allemagne, tel qu'il a été rfitifié par la Diète
et soumis à la ratification de l'Empereur le ^ mars
1803 (germinal an xi ), notamment au second, qua-
trième et septième alinéa du paragraphe 3, au para-
graphe 8, au second, sixième , septième , dixième et
onzième alinéa du paragraphe 27, et aux paragra-
phes 34, 3G, 43 et 47 de cet acte.
En conséquence de quoi, le péage d'Elsfleth reste
supprimé à perpétuité, suivant la teneur de l'acte
susmentionné; le privilège de ce péage sera caduc du
jour de la ratification du chef de l'Empire; Son Altesse
Sérénissime se démet de l'investiture qu'elle en avait
reçue; l'évêché et le grand chapitre sont sécularisés,
et deviennent possession héréditaire de la maison de
Holstein-Oldenbourg; les villes de Bremen et Lubeck
pourront entrer immédiatement en possession et jouis-
sance, sans être tenues à aucune compensation, à cet
égard, envers Son Altesse Sérénissime, savoir : la pre-
mière du Grolland, la seconde du territoire de l'évê-
ché et du grand chapitre de Lubeck avec leurs droits,
bâtiments, propriétés et revenus quelconques compris
dans les limites à elles assignées par ledit acte.
— 301 —
Néanmoins, la ville de Lubeck devra, selon les
principes adoptés et suivis à l'égard des autres évo-
ques, laisser aux capitulaires du chapitre, leur vie
durant, les maisons respectivement accordées à cha-
cun d'eux.
Elle devra, également, suivant les mêmes prin-
cipes, contribuer à la sustentation des capitulaires au
prorata des revenus du chapitre qui lui tombe en par-
tage, le loyer des maisons excepté , et s'entendre à
l'amiable, à cet effet, avec Son Altesse Sérénissime.
Art. 2. Son Altesse Sérénissime et ses héritiers pos-
séderont l'évéché et les biens du grand chapitre de
Lubeck de la même manière qu'ils étaient possédés
par le prince-évêque et le grand chapitre. Si quelque
tiers réclamant répétait de la ville de Lubeck, à un
titre quelconque, une compensation, relativement aux
objets de l'évéché et du grand chapitre qui lui sont
attribués, Son Altesse Sérénissime s'interposera comme
si ces objets en faisaient encore partie, pour en main-
tenir les droits, et dans le cas où Son Altesse Sérénis-
sime aurait, en raison desdits évêché et grand cha-
pitre, à satisfaire un tiers réclamant, la ville de
Lubeck sera tenue à fournir un juste contingent en ce
qui la concernait, à Son Altesse Sérénissime.
Art. 3. Son Altesse Sérénissime retirant les réserves
qu'elle a fait faire à la Députation et à la Diète, sur les
dispositions auxquelles elle accède aujourd'hui , son
ministre déclarera à la Députation et à la Diète sa
pleine et entière adhésion , à leur plus prochaine
séance après la signature.
Art. 4. En supplément de l'indemnité assignée à
Son Altesse Sérénissime tant pour la suppression du
péage d'Elsfleth, que pour les distractions faites en
faveur des villes de Bremen et de Lubeck, elle con-
— 302 —
servera l'administration et la perception de ce péage,
pendant dix ans, à compter du 1*" janvier 1803, s'en-
gageant de la manière la plus formelle, tant en son
nom, qu'au nom de ses successeurs, à ne prolonger,
sous aucun prétexte, par delà le 1" janvier 1813, la
perception temporaire qui lui est laissée.
Art. 5. Les ministres des puissances médiatrices
feront, immédiatement après la signature, les décla-
rations nécessaires pour que l'Empire connaisse et
approuve la fixation de l'époque où la perception tem-
poraire du .péage d'Elsfleth doit cesser.
Art, 6. Son Altesse Sérénissime s'engage à prendre
les mesures les plus efficaces, pour que la disposi-
tion de l'acte ci-dessus mentionné, en faveur de la
libre navigation du bas Weser, reçoive, dès ce mo-
ment, toute l'application compatible avec la percep-
tion temporaire du péage d'Elsfleth.
Art. 7. Le péage continuera d'être perçu confor-
mément au tarif existant, inséré dans les lettres d'in-
vestiture, sans pouvoir être augmenté.
Art. 8. Si, à une époque quelconque, pendant le
cours de cette perception temporaire, la ville de Bre-
men convenait avec Son Altesse Sérénissime d'un ar-
rangement satisfaisant. Son Altesse Sérénissime se
réserve le droit de faire cesser dès lors la perception,
ou de la conférer à la ville pour un certain nombre
d'années restant à courir, selon la nature de l'arran-
gement qui serait convenu à l'amiable.
Art. 9. Il sera donné communication officielle des
articles ci-dessus, aux députés des villes de Bremen
et de Lubeck, par les ministres des puissances mé-
diatrices et de Son Altesse Sérénissime.
Art. 10. Tous les arrangements seront exécutés sans
délai, Son Altesse Sérénissime s'engage particulière-
— 303 —
ment d'obtenir l'approbation de S. M. I. de Russie,
chef de son auguste maison.
Fait et signé à Ratisbonne, le 25 mars (6 avril)
1803.
(L. S. ) Signé y Koch.
(L. S. ) Le baron de BOhler.
( L. S. ) Laforest.
( L. S. ) Le comte de Goertz.
§ 9.
« Au duc de Mecklenbourg-Schwetin , pour ses
droits et répétitions sur deux canonicats héréditaires
de l'église de Strasbourg, qui lui avaient été donnés
en remplacement du port de Wismar, ainsi que pour
ses prétentions sur la presqu'île de Priwal dans la
Trave, dont la propriété reste exclusivement à la
ville de Lubeck : les droits et propriétés de l'hôpital
de Lubeck dans les villages de Warnekenhagen , Al-
tenbuchow et Crumbrook, et dans ceux de l'île de Pceel;
plus une rente perpétuelle de dix mille florins sur
l'octroi de navigation mentionné au paragraphe 39. ))
Le paragraphe 2 de l'article 12 de la paix d'Os-
nabrûck accorda à la branche des ducs de Mecklen-^
bourg-Schwerin, qui réunissait alors les deux branches
actuelles de Schwerin et de Strelitz, deux canoni-
cats dans la cathédrale de Strasbourg \ Un arrêt du con-
seil d'Alsace de 1687 l'en priva, et elle n'en a pas joui
depuis. Nous ferons observer au reste qu'elle rentra
bientôt, après l'achèvement du Recès, dans la posses-
sion de la ville de Wismar, en compensation de la-
•• Voy. t. I, p. 235.
— 304 —
quelle elle avait obtenu, non pas seulement les deux
canonicats, ainsi que le Recès semble le dire, mais
aussi deux commanderies de l'Ordre de Saint-Jean, et
les évêchés de Schwerin et de Ratzebourg. Par un
traité conclu à Malmô, le 26 juin 1803, entre le baron
de Toll, au nom du roi de Suède, et le baron de Lutzow
et M. Brunig, au nom du duc de Mecklenbourg-Schwe-
rin, le Roi céda au Duc, à titre d'antichrèse et moyen-
nant une rétribution de un million deux cent cin-
quante mille écus de banque de Hambourg, pour cent
ans, la possession usufruitière de la ville et seigneurie
de Wismar, et des bailliages de Pœl et de Neukloster*.
Le premier plan d'indemnité n'avait pas fait men-
tion du duc de Mecklenbourg-Schwerin ; mais le second
plan, en lui imposant la renonciation à ses droits sur
l'île de Priwal dans la Trave, lieu de pâturage dont la
ville de Lubeck avait la copropriété, lui donna les
droits et propriétés de l'hôpital de Lubeck, dans les
trois villages nommés, et dans l'île, alors encore sué-
doise, de Pœl. Il y ajouta une rente annuelle de dix
mille florins, assignée sur les couvents d'Osnabrûck,
et destinée à acquérir le bailliage lauenbourgeois de
Neuhaus entre l'Elbe et la Regnitz; mais l'électeur de
Brunswic protesta tant contre la charge dont on vou-
lait grever la principauté d'Osnabrûck, que contre la
destination qu'on donnait à cette rente, puisqu'il
n'était pas disposé à aliéner ledit bailliage. Cette pro-
testation engagea la députation à ajouter, dans le
premier conclusum général, cette clause : sous la ré-
serve d'un arrangement entre les puissances média-
trices et l'électeur de Hanovre. Par suite de cet arran-
gement, la principauté d'Osnabrûck fut dispensée du
payement de la rente, et on raya la phrase où il était
' Yoy. Martbns, Recueil, t. X, p. 488.
— 305 —
question de son emploi à l'acquisition d'un bailliage
de Hanovre.
Le duc de Mecklenbourg-Strélitz réclama une part
de l'indemnité qui avait été allouée à la branche aînée
de sa maison, pour une prétention à laquelle il n'avait
pas moins de droitj mais les deux souverains ne pu-
rent pas s'accorder, etle ducdeMecklenbourg-Schwerin
se plaignit qu'il n'avait pas été traité par la Députa-
tion avec les égards auxquels le rang et l'ancienneté
de sa maison lui donnaient droit. Cette observation se
rapportait sans doute à la dignité électorale, qu'il
croyait lui être due aussi bien qu'aux trois maisons
qui en furent revêtues par le Recès.
§ 10.
« Au prince de Hohenzollern-Hechingen , pour ses
droits féodaux dans le comté de Geule et les sei-
gneuries de Mouffain et de Baillouville, au pays de
Liège : la seigneurie de Hirschlatt et le couvent de
Stetten.
(( Au prince de Hohenzollern-Sigmaringen j pour
ses droits féodaux dans les seigneuries de Boxmeer,
Dixmuide, Berg, Gendringen, Elten, Wisch, Pan-
nerden et Miihlingen, et pour ses domaines dans la
Belgique : la seigneurie de Glatt et les couvents d'In-
zikhotîen, de Klosterbeuern et de Holzheim, au pays
d'Augsbourg. »
La maison de HohenzoUern n'avait perdu aucune
possession immédiate, et par conséquent elle n'avait
aucun droit aune indemnisation, d'après les principes
que la Députation avait adoptés. Aussi le premier
plan ne lui en avait-il pas accordé; et elle n'avait pas
présenté de réclamation. On voit, par la rédaction
même de l'article, que la France avait restitué à cette
Yii 20
— 306 —
maison les biens qu'elle possédait dans la Belgique,
puisqu'on ne l'indemnise que de la perte de ses droits
féodaux. C'est sans doute à la protection prussienne,
ou à quelque autre liaison, que ces princes durent
une faveur, que tant d'autres maisons avaient sol-
licitée en vain.
Parmi les seigneuries et terres médiates dont la
branche de Hohenzollern-Sigmaringen avait perdu les
revenus féodaux , le liecès nomme Berg. C'est un
ancien comté , situé dans l'enceinte du pays de Zut-
phen, qui avait anciennement ses comtes particuliers.
Après la mort du dernier, en 1 71 2, le comté passa à
sa sœur, qui avait épousé un prince de Sigmaringen.
Ce petit pays s'appelle aussi S'Heerenberg; il se
compose de la ville de ce nom, des seigneuries de
Genderingen et Elten, que le Recès nomme, et de plu-
sieurs autres endroits. Pannerden, qu'il nomme éga-
lement, est peut-être la maison de chasse de Paverden,
située près du village de Zeddam, dans ce comté.
L'indemnité accordée à la branche deHechingen est
peu considérable; Hirsclilatt et le couvent de Stetten.
La seigneurie de Glatt, sur le Necker, dans l'enceinte
du comté inférieur de Hohenberg, se compose d'un
seul village et d'un château avec ses domaines; il
appartenait à l'abbaye de Mûri en Suisse. Le couvent
d'Inzikhoffen, près Sigmaringen, était immédiat; ceux
de Klosterbeuern et de Ilolzheim, l'un et l'autre dans
l'enceinte de l'évêché d'Augsbourg (quoique le texte
allemand de l'acte ne le dise que de Holzheim ), pos-
sédaient chacun plusieurs villages *.
On connaît, au reste, la parenté qui existe entre les
princes de Hohenzollern et la maison royale de Prusse,
• Voy. Histoire, géographie et topographie des principautés de Ho-
henzollern-UechingenetlIohenzollern-Sigmaringen. Ulm, -1824(60 alle-
mand).
— 307 —
à laquelle ils viennent lout récemment de céder leurs
possessions territoriales. Lamaison de HohenzoUern ou
de ZoUern remonte à la plus haute antiquité et a une
origine commune avec celle de Habsbourg; car l'une et
l'autre descendent à'EthicuSy duc d'Alsace. Conrad ,
frère de Frédéric IV, comte de Zollern, obtint, vers
la fin du XII* siècle, le bourgraviat de Nuremberg,
et devint la souche des margraves de Brandebourg*.
§ 11.
a Au prince de Dietrichstein ^ pour la seigneurie
de Trasp au pays des Grisons : la seigneurie de Neu-
Ravensbourg.
« Au prince de Ligne , pour Fagnolles : l'abbaye
d'Edelstetten , à titre de comté. »
Les Dietrichstein sont une ancienne maison pos-
sessionnée en Autriche et soumise à la supériorité
territoriale du duché de Carinthie. UnDietrich (Didier)
de Zeltschach est regardé comme le fondateur du
château de Dietrichstein ; mais la généalogie de cette
maison remonte, avec plus de certitude, à Reinpert,
qui a vécu vers la fin du x^ siècle. Les barons de
Dietrichstein , investis de la charge héréditaire de
grands échansons du duché de Carinthie, obtinrent,
dans le xvf siècle, le titre de comte, et, en 1622, la
plus jeune des branches fut élevée à la dignité de
prince à'Emi^ire. Ferdinand-Joseph , prince de Dietrich-
stein , acquit , en 1 686 , la seigneurie de Trasp dans
le Tyrol, à laquelle fut dès lors affectée une voix virile
dans le collège des Princes à la Diète de l'Empire.
Cette principauté se composait d'un château et de
quelques villages sur l'Inn. Les médiateurs l'ayant
' Voy. ci-dessus, p. \0^.
— 308 —
destinée à la république des Grisons , dont elle était
entourée de tous côtés , on assigna au prince la sei-
gneurie de Neu-Ravensbourg, près du lac de Con-
stance, qui jusqu'alors avait appartenu à l'abbaye de
Saint-Gall en Suisse.
Dans le premier plan, on avait réuni en un seul
article les indemnités du duc d'Arenberg et du prince
de Ligne f et on leur avait destiné le comté de Reck-
linghausen et le bailliage de Dulmen; mais lorsque,
dans l'intervalle entre le premier et le second plan,
l'indemnisation du duc d'Arenberg eut été complétée,
on disposa autrement du pays de Dulmen, et on des-
tina au prince de Ligne l'abbaye médiate de Witt-
marsen, située dans le comté de Bentheim; mais
l'électeur de Hanovre, qui, à titre d'engagiste, possé-
dait ce comté, s'y opposa. Alors le premier conclusum
général le remplaça par Edelstetten, chapitre immé-
diat de dames nobles dans le margraviat de Burgau,
possédant quelques villages, et rapportant seize mille
florins, tandis que la seigneurie de Fagnolles n'avait
que cinq mille cinq cents florins de revenus. Le
mérite personnel du prince Charles- Joseph ^ célèbre
comme militaire et comme littérateur, lui fit sans
doute décerner une indemnité si large. La seigneu-
rie de Fagnolles, située près de Philippeville, avait
été érigée, en 1770, en comté d'Empire, sous le
nom de Ligne, et agrégée, en 1786, au collège des
comtes de Westphalie : c'était donc le dernier comté
d'Empire en rang d'ancienneté.
En 1804, le prince de Ligne vendit Edelstetten au
prince d'Esterhazy, avec le droit de siéger dans le col-
lège des Princes, que le Recès y avait attaché.
309
§ 12.
i< Au prince de Nassau -Usingerif pour la princi-
pauté de Saarbruck, les deux tiers du comté de
Saarwerden, la seigneurie d'Otteweiler et celle de
Lahr dans l'Ortenau : les bailliages mayençais de
Kœnigstein, Hœchst, Cronenberg, Riidesbeim, Ober-
lahnstein, Eltwill, Cassel, avec les possessions du
grand chapitre à la droite du Mein sous Francfort ;
plus, le bailliage palatin de Caub avec dépendances,
les restes de l'électorat de Cologne proprement dit
(à l'exception des bailliages d'Altwied et de Nurbourg);
les bailliages hessois de Kazenelnbogen , Braubach,
Embs, Epstein et Kleeberg, dégagé des prétentions
de Solms, les villages de Weiperfelden , Soden,
Sulzbach, Schwanheim et Okriftel; les chapitres et
abbayes de Limbourg, Rumersdorff, Bleidenstadt,
Sayn, et tous les chapitres, abbayes et couvents situés
dans les terres qu'il reçoit en indemnité; enfin, le
comté de Sayn-Altenkirchen, à charge de se confor-
mer à la convention arrêtée pour le dédommagement
de la maison de Sayn-Wittgenstein , dont les préten-
tions sur le comté de Sayn et dépendances demeurent
éteintes.
(( Au prince de Nassau-Weilbourg y pour le tiers
de Saarw^erden et la seigneurie de Kirchheim-Polan-
den : les restes de l'électorat de Trêves avec les
abbayes d'Arnstein, de Schœnau et de Marienstadt.
« Au prince de Nassau-Dillenbourg , pour indemnité
du Stathoudérat et de ses domaines en Hollande et
dans la Belgique : les évêchés de Fulde et de Corvey,
la ville impériale de Dortmund, l'abbaye de Wein-
garten, les abbayes et prévôtés de Hofen, Saint-Gérold
au pays de Weingarten , Bandern au territoire de
Liechtenstein, Dietkirchen au pays de iNassau, ainsi
— 310 —
que tous les chapitres , abbayes , prévôtés et couvents
situés dans les pays assignés, à charge par lui de
satisfaire aux prétentions subsistantes, et précédem-
ment reconnues par la France, sur quelques succes-
sions réunies au majorât de Nassau - Dillenbourg
pendant le cours du dernier siècle. »
Ce paragraphe renferme l'indemnité des trois bran-
ches de la maison de Nassau, qui existaient encore en
1803. Avant d'en expliquer le détail, qu'il nous soit
permis de rappeler la généalogie d'une maison si fé-
conde en grands capitaines et en habiles politiques.
Cette maison illustre , qui a fourni un Roi à l'Alle-
magne , et dont le nom est si célèbre dans l'histoire
des Pays-Bas , est une des plus anciennes d'Europe.
Son origine se perd dans la nuit des temps j mais on
regarde comme sa souche un frère de Conrad /, roi
d'Allemagne, nommé Otton ou Udoiif qui fut comte
dans le Lahngau , et seigneur de Laurenbourg. On
voit encore les ruines de ce château sur la Lahn,
dans le comté de Holzeppel, qui appartient à la maison
d'Anhalt-Bernbourg-Schaumbourg. Les seigneurs de
Laurenbourg ayant bâti, en 1181 , le château de Nas-
sau, s'appelèrent dès lors comtes de Nassau. Walrah,
seigneur de Laurenbourg, mort en 1020, laissa deux
fils, Walrah et Otton. Le premier est la souche de
toutes les branches de la maison de Laurenbourg ou
Nassau existantes ou éteintes.
Otton épousa en premières noces l'héritière du
comté de Gueldre , et en secondes celle du comté de
Zutphen. Rainault II le Roux, son descendant au sep-
tième degré, comte de Gueldre et de Zutphen, fut
créé duc en 1333. Sa descendance masculine s'éteignit
en 1423, et le duché de Gueldre passa par héritage
— 311 —
dans la maison des comtes d'Egmont, qui le posséda
jusqu'en 1518.
Henri le Riche y cinquième descendant de Walrab,
laissa deux fils, Walram et Otton^ qui se partagèrent
la succession du père, et devinrent les souches des
deux lignes de la maison de Nassau , qui fleuris-
sent encore aujourd'hui dans la dynastie royale des
Pays-Bas, et dans la branche ducale de Nassau.
Walram l'aîné eut les possessions situées sur le haut
Rhin; son fils fut le roi Adolphe, dont les fils parta-
gèrent la ligne de Walram en plusieurs branches.
Mais toutes ces branches se trouvèrent réunies dans
la personne du comte Louis , qui mourut en 1627, et
qu'on doit regarder comme la dernière souche des
branches de Nassau de la ligne de Walram. Ses fils
étaient au nombre de trois, qui fondèrent les maisons
de Saarbriick, Idstein et Weilbourg. Idstein fut la pre-
mière à s'éteindre en 1721 ; mais Saarbriick et Weil-
bourg continuèrent. La ligne de Saarbriick se subdivisa
en deux branches : Saarbrûck-Usingen et Saarbriick-
Saarbrûck-Otteweiler. Il existait donc, au commen-
cement de la guerre de la Révolution française , trois
branches de la ligne aînée ou de Walram; savoir ;
1° Saarbrûck-Usingen; 2" Saarbriick - Saarbriick , et
3" Weilbourg. La première ne possédait rien sur la
rive gauche du Rhin , tandis que toutes les terres de
la seconde branche, savoir : le comté de Saarbriick,
la seigneurie d'Otteweiler,les deux tiers de Saarwerden
et quelques autres seigneuries de moindre étendue ,
étaient situés sur cette rive; la troisième branche
possédait la seigneurie de Kirchheim, le tiers de
Saarwerden et quelques autres districts. Les armées
françaises envahirent ce pays en 1791, et elles l'oc-
cupaient lorsque le prince Henri de Nassau -Saar-
briick-Saarbrtick , dernier de sa branche, mourut à
— 312 —
Kadolsbourg en Franconie, le 1" mai 1797 : les droits
à sa succession passèrent exclusivement à la branche
d'Usingen.
La perte de cette branche consistait, en conséquence,
uniquement dans la succession qu'elle aurait dû re-
cueillir en 1797. On estimait que le territoire de la
maison de Saarbrûck avait dix-neuf milles carrés et
cinquante-trois mille deux cent quatre-vingt-six ha-
bitants, et rapportait quatre cent sept mille flo-
rins; mais comme il entrait dans la vue des média
teurs de donner au margrave de Bade la seigneurie de
Lahr, qui appartenait au prince d'Usingen, il faut
ajouter à cette perte cinq milles carrés, sept mille ha-
bitants et quarante mille florins de revenus.
Voyons maintenant l'indemnité qui fut donnée pour
ces pertes au prince de Nassau-Usingen.
Sept bailliages mayençais avec les pos-
sessions du grand chapitre à la droite «1- c. habit. rev. enflor.
du Mein, formant 8^ 24 000 200 000
Le bailliage palatin de Caub | 2000 10 000
Le reste de l'archevêché de Cologne. . . ^\ 5 000 30000
Cinq bailliages hessois avec Weiper-
felden 5 15000 90000
Soder et Sulzbach 1 ,
Schwanheim et Okriftel j T 2000 20000
Le comté de Sayn-Altenkirchen 5 12000 80 000
Quatre chapitres, et tous les chapitres,
abbayes et couvents situés dans les
terres qu'il a reçues en indemnité. • . 1 50 000
2li 60 000 580 000*
L'indemnité égala par conséquent la perte sous les
rapports de l'étendue et de la population, mais la sur-
passa de cent trente-trois mille florins sous celui des
revenus. Elle fut extrêmement avantageuse à la maison
d'Usingen, parce qu'au lieu de deux possessions éloi-
* Telle fut l'estimation qu'on fit à l'époque de 1803; mais, douze
— 313 —
gnées, elle lui donna des districts situés dans sa proxi-
mité, et arrondissant parfaitement son territoire.
Parmi les bailliages mayençais qui furent donnés au
prince de Nassau-Usingen, se trouvent ceux d'Eltwill
ou EUfeld et Riidesheim, qui forment le Rhingau,
canton célèbre pour ses vins, la petite ville de Cassel,
située en face de Mayence, et le village de Hochheim,
plus célèbre encore que le Rhingau, par ses vi-
gnobles : ce village avait appartenu au chapitre de
Mayence. Dans l'enceinte du Rhintal est situé le Johan-
nisberg, dépendant de l'évêché de Fulde; mais ce
beau domaine passa au nouveau possesseur de Fulde,
de manière que le prince de Nassau-Usingen n'en eut
que la souveraineté, ainsi que l'avait eue l'électeur de
Mayence.
Soden et Sulzbach sont deux villages considérables
qui se prétendaient immédiats, mais sur lesquels
l'électeur de Mayence et la ville de Francfort exer-
çaient le droit de protection en vertu duquel ils s'en
regardaient comme les souverains, chacun pour moi-
tié. Il y a à Soden de belles salines qui appartiennent
à des particuliers ; mais le prince de Nassau-Usingen
perçoit le dixième des revenus de ces établissements.
années plus tard, M. Hassel publia l'estimation suivante, pour laquelle
ce publiciste eut sans doute des données exactes ;
m. c. habit.
1. Les bailliages mayençais, avec Schwanheim... 24 60 000
2. Les restes de l'archevêché de Cologne if 4 000
3. Le bailliage de Caub i 4 800
4. Les cinq bailliages hessois 4| 10000
5. Sayn-Altenkirchen 5 15000
6. Sulzbach, Soden, Weiperfelden et Okriftel 1* 2 000
7. Les abbayes
36| 92 800
Voy. Hassel allg. europ. Staats-und Address-Handb. fiir das Jahr 1816,
Bd. I, Ablh. 1, p. 386.
— 314 —
Le village d'Okriftel fut enlevé au prince d'Isen-
bourg contre un dédommagement dont nous parlerons.
Le comté de Sayn-Altenkirclien convenait d'autant
mieux à la maison de Nassau, que par cet arrangement
la totalité du comté deSayn devait un jour être réunie
à cette maison. En effet, la branche d'Usingen s'étant
éteinte le 23 mars 1816, toutes ses possessions pas-
sèrent à celle de Weilbourg, qui déjà tenait Sayn-
Hachenbourg par la comtesse de Kirchberg, épouse
de Frédéric-Guillaume , prince de Weilbourg.
Les quatre chapitres nommément cédés au prince
de Nassau-Usingen, sont celui de Saint-George à Lim-
bourg-sur-la-Lahn, ville anciennement dépendante de
rarchevôché de Trêves, et donnée par le Recès au
prince de Weilbourg, ainsi que le bailliage de Monta-
baur, dans lequel était située l'abbaye de Rummers-
dorfj le chapitre noble de Saint-Ferrutius, dans le
village de Bleidenstatt, appartenant à Usingen ; enfin
l'abbaye de Sayn située dans le bailliage de Vallendar,
qui appartenait en commun à l'électeur de Trêves et
au comte de Wittgenstein : la part électorale fut dévo-
lue par le Recès au prince de Weilbourg. Ainsi ces
quatre abbayes étaient toutes sous la souveraineté de
ce dernier prince.
Nous avons déjà fait connaître Tune des conditions
qui furent attachées à la possession du comté de Sayn-
Altenkirchen*, et, à l'occasion du paragraphe 23, nous
reviendrons sur celle qui regarde les prétentions de
la maison de Wittgenstein.
L'indemnité du prince de Nassau-Usingen ne fut au
reste pas tout à fait conforme à celle que le premier
plan lui avait assignée. Il lui donnait aussi la partie
de l'ancien électoral de Mayence qui était située
entre le Mein, le pays de Darmstadt et le comté d'Er-
• Voy. p. 278.
— 315 —
bach (savoir les bailliages de Lorsch, Fûrth, Stenbeim,
Alzenaii, Vilbel, Rockenbourg, Hassloch, Astheim et
Hirschhorn); mais comme ces districts arrondissaient
parfaitement le landgrave de Darmstadt, on les échan-
gea contre les bailliages hessois situés à la portée du
prince de Nassau.
La perte de la maison de Nassau-Weilbourg se
montait à six milles carrés avec quinze mille cinq
cents habitants, qui, à ce qu'on prétendait, avaient
rapporté cent soixante-dix-huit mille florins; calcul
exagéré de plus de cinquante mille florins. Le reste
de l'électorat de Trêves, qu'on abandonnait à cette
maison, formait encore seize milles carrés avec trente-
sept mille habitants, et rapportait deux cent cinquante
mille florins : il consistait dans la partie des bailliages
d'Ehrenbreitstein et de Bergpflege, située sur la rive
droite du Rhin, une grande partie du comté de Bas-
Isenbourg, les bailliages de Hammerstein, Welmich,
Montabaur et Limbourg, dans lequel se trouve le vil-
lage de Niederselters , ayant des eaux célèbres * , des
parties de Camberg, Wehrheim, Vallendaret Mûnzfel-
den. Le Prince n'obtint pas les abbayes renfermées
dans ce pays et dont on avait disposé en faveur du
prince de Nassau-Usingen , excepté Schœnau ; mais
on lui donna la riche abbaye immédiate d'Arnstein
sur la Lahn et de Marienstadt, dans le comté de
Sayn-Hachenbourg. Ces trois abbayes rapportaient
soixante-quinze mille florins ; d'où il s'ensuit que la
totalité de l'indemnité de Nassau-Weilbourg se mon-
tait à un revenu annuel de trois cent vingt-cinq mille
' Le prince de Nassau-Weilbourg n'eut que la supériorité territoriale
sur la kellerey de Villmar, dépendant du bailliage de Limbourg ; Wied-
Runkel en eut les domaines.
—- 316 —
florins, qui surpassait près de deux fois celui de la
perte.
L'électorat de Trêves avait anciennement une Consti-
tution représentative. Se fondant sur ce que dit, à
l'égard de Munster, le paragraphe 3 du Recès, le Prince
la supprima. Les États adressèrent leurs plaintes au
Conseil aulique, mais ils en furent déboutés.
Il nous reste à parler de la branche ottonienne de
la maison de Nassau. Dans le partage de la succession
de Henri le Richej Otton, son fils puîné, obtint Dillen-
bourg, Siegen et Bielstein. Ses descendants se parta-
gèrent en plusieurs lignes ; mais toutes se réunirent
dans la personne de Guillaume l'aîné, qui vécut du
temps de la Réformation et mourut en 1 559. Les biens
de la maison s'étaient beaucoup accrus; des posses-
sions considérables dans les Pays-Bas, et le comté de
Dietz avaient été acquis soit par mariages, soit par
achats. Guillaume était héritier, par sa mère, du comte
de Catzenellenbogen et de la partie du comté de Dietz,
qui n'avait pas appartenu à sa maison; mais la maison
de Hesse se mit en possession du premier comté et
n'abandonna à celle de Nassau que le reste de Dietz.
Guillaume l'aîné s'appelait en conséquence comte de
Nassau-Catzenellenbogen .
Il laissa deux fils qui fondèrent deux lignes; l'aîné,
dit Guillaume le jeune, eut les possessions de sa maison
dans les Pays-Bas et hérita de la principauté d'Orange;
le cadet, dit Jean l'aîné, eut les terres d'Allemagne.
La ligne fondée par Guillaumele jeune s'est illustrée
sous le nom de princes d'Orange; elle s'éteignit en
1 702, par la mort de Guillaume III, roi d'Angleterre.
Sa succession fut contestée entre le roi de Prusse et la
ligne allemande de la maison de Nassau; mais celle-ci
obtint les domaines situés dans les Pays-Bas et les di-
— 317 —
gnités dont la branche d'Orange avait été revêtue; et
elle prit alors le nom de Nassau-Orange.
Cette seconde maison d'Orange descendait, comme
nous l'avons dit, de Jean l'aîné, second fils de Guil-
laume l'aîné. Jean l'aîné partagea ses possessions entre
ses quatre fils, qui fondèrent les lignes de Siegen, de
Dillenbourg, de Dietz et de Hadamar. La première, la
seconde et la quatrième s'éteignirent en 1743, 1739
et 171 1 , et il ne resta, par conséquent, que la maison
de Dietz qui réunit toutes les possessions d'Allemagne
de la ligne ottonienne, et l'héritage de la première
maison de Nassau- Orange. Guillaume F, prince de
Nassau-Dietz ou d'Orange, avait été dépouillé, en 1 795,
de son patrimoine dans les Pays-Bas, et des dignités
dont sa famille y était revêtue.
Nous avons parlé plus haut des pertes que cette mai-
son avait supportées, et des conventions par lesquel-
les l'Allemagne avait été chargée de l'en indemniser.
L'article 3 de la convention conclue à Paris, le
23 mai 1802 , entre la France et la Prusse, avait dé-
terminé cette indemnité; c'étaient les évêchés de Fulde
et de Corvey, l'abbaye de Weingarten, les villes de
Dortmund, Isny et Buchhorn. On ne sait pourquoi le
premier plan proposa, à la place des villes d'Isny et
de Buchhorn, les abbayes de Rappel dans le comté de
Lippe, de Kappenberg dans le comté de Munster, et de
Dietkirchen. Le Recès y fit de nouveaux changements,
et on accorda au prince d'Orange l'indemnité suivante :
m. c. habit. rev. en flor.
L'évêché de Fulde 33 96 000* 660 000
Celui de Corvey 5 iOOOO iOOOOO
La ville impériale de Dortmund 2 6 000 60 000
Areporter... 40 412 000 820 000
' Le nombre de quatre-vingt-seize mille est placé ici par estimation.
Un dénombrement fait en 1795 ou 4796, dont on peut voir les détails
dans WiNKOi'P, deutsche Zuschauer, t. I, p. 286, donne quatre-vingt-
L'abbaye de Weingarten
Saint-Gérold
— 318 —
Beport. . . 40
avec Hofen et
6
112 000
1 4 000
820 000
150000
Bandern et Dietkirchen . .
30 000
46
126000
1000000
Les revenus de l'évêché de Fulde ne se montaient,
sous les évêques, qu'à la somme de quatre cent qua-
tre-vingt-dix mille florins, mais dans cette somme
n'étaient pas compris: 1" les revenus du chapitre,
qui étaient de quatre-vingt-dix mille florins; 2" ceux
des nombreux couvents de l'évêché; 3" les revenus de
Johannisberg, domaine placé sous la souveraineté de
l'électeur de Mayence, et attribué, par le Recès, à celle
du prince de Nassau-Usingen. Le domaine de Johan-
nisberg, déjà renommé par ses vins au bouquet déli-
cieux, est devenu célèbre, depuis 1816, à un titre
d'une bien autre valeur, par l'investiture qu'en a
donnée l'empereur François au prince de Metlernich.
L'évêché de Corvey était le dernier de l'Allemagne;
il n'avait été élevé à cette dignité qu'en 1783 par le
Pape, et en 1 793 par l'empereur François IL
La ville libre de Dortmund est située en Wesphalie,
et renfermait plusieurs couvents. L'abbaye de Wein-
garten est située en Souabe, sur la rivière de Schussen;
elle possédait la seigneurie de Blumeneck dans le Val-
gau ou Voralberg , où se trouve également l'abbaye de
Saint-Gérold; Bandern est sur le Rhin, dans l'enceinte
de la principauté de Liechtenstein. Hofen est une an-
cienne abbaye de bénédictins, sur la partie du lac de
Constance qu'on appelle lac d'Uberlingen. Dietkirchen
se trouve dans la partie du comté de Dietz qui appar-
tenait aux électeurs de Trêves. On voit que l'indemnité
dix mille vingt âmes, dont soixante-dix-sept mille cent trente-six dans
les bailliages du Prince, et douze raille huit cent quatre-vingt-quatre
dans ceux du chapitre.
— 319 —
donnée à la maison de Nassau-Orange se composait
entièrement de parcelles détachées. Elle en abandonna
les plus éloignées à l'Autriche, par une convention
dont nous aurons occasion de parler.
Au reste, on ne sait pas pourquoi le premier plan
et le Recès appellent la maison d'Orange de la ligne
ottonienne princes de Nassau-Dillenbourg . Si on avait
des motifs d'éviter le nom d'Orange, rien ne s'op-
posait à ce que l'on donnât à cette maison le nom de
princes de Dietz, qui est celui qu'elle portait depuis des
siècles.
A l'indemnité de cette maison, on ajoute une clause
qui exige quelques éclaircissements ultérieurs; la
voici : K à charge par lui (c'est-à-dire par le prince de
Nassau-Dillenbourg) de satisfaire aux prétentions sub-
sistantes et précédemment reconnues par la France
sur quelques successions réunies au majorât de Nas-
sau-Dillenbourg pendant le cours du dernier siècle. »
Cette même clause avait été exprimée de la ma-
nière suivante dans l'article 3 de la convention du
23 mai 1 802 : « à condition que Son Altesse Sérénis ■
sime soit, tenue de donner satisfaction, relativement
aux prétentions existantes et précédemment reconnues
par la France, du droit de succession, lesquelles con-
cernaient la branche aînée de sa maison dans le cours
du dernier siècle ; cette satisfaction sera déterminée
par des arbitres à nommer à volonté pour cet effet
par les parties contractantes. »
Quelles étaient donc ces prétentions, précédemment
reconnues par la France, de droits de succession qui
concernaient la branche aînée de la maison de Nassau,
de la ligne ottonienne, et qui obligeaient à une satis-
faction la troisième branche de cette ligne, celle de
Dietz, que le Recès appelle Dillenbourg ?
Nous avons dit que la branche de Siegen s'était
— 320 —
éteinte, en 1 743, par la mort de Guillaume-Hyacinthe.
Ce prince avait été précédé dans la tombe par un frère
puîné et consanguin qui s'appelait Emmanuel, et qui,
d'après le Droit public d'Allemagne, n'aurait pu suc-
céder , parce que sa mère , Isabelle -Claire-Eugénie de
LaSerre, n'était pas de naissance assez illustre, et que,
par conséquent, son mariage avec Jean-François-Désiré,
père de Guillaume-Hyacinthe et à'Emmcmuelf n'était
regardé que comme morganatique, espèce d'union
qui donne aux enfants le droit de légitimité, mais non
celui de succession. Si Emmanuel n'avait pas le droit à
succéder aux fiefs de Siegen, il ne pouvait pas en trans-
mettre à sa descendance.
Emmanuel di.-i-\\ laissé des descendants légitimes?
Cette question a été vivement discutée. Il avait été
marié à Charlotte de Mailly , marquise de Ncsle, qui
s'en était séparée en 1727. Cette dame avait mis au
monde un fils, nommé Maximilieîi, qui prétendait être
û\s A' Emmanuel, mais que les princes de Nassau-Dietz
ne voulurent pas reconnaître, et que les tribunaux de
l'Empire déclarèrent bâtard et adultérin. Cependant sa
mère, la marquise de Nesle, par ses démarches persévé-
rantes, obtint du parlement de Paris, en 1 75G, un arrêt
qui déclara son fils légitime. Il est clair qu'une sentence
rendue par un tribunal français, d'après les lois fran-
çaises entièrement différentes de celles de l'Allemagne,
ne pouvait donner au fils de la marquise de Nesle au-.
cun droit aux possessions de la maison de Nassau en
Allemagne. Cependantcefils adultérin futtoujours traité
en France de prince de Siegen, et transmit ce titre à
son fils, Charles - Henri -Nicolas. Celui-ci se distingua
par sa bravoure au siège de Gibraltar, et dans les
guerres de la Russie contre la Porte et la Suède j et ce
fut sans doute l'intérêt qu'il avait personnellement
inspiré, beaucoup plus que la justice de sa cause, qui
— 321 —
engagea les médiateurs à imposer à la maison d'O-
range l'obligation de l'indemniser de ses prétendus
droits de succession. La manière dont cette maison
s'en est acquittée n'a pas été officiellement connue;
mais on assure qu'il a été payé au prince une somme
de cent trente mille florins, et qu'une rente viagère
de quinze mille florins, dont il n'a pas joui longtemps
lui avait été constituée.
§ 13.
{( Au prince de La Tour et Taxis, pour indemnité
des revenus des postes de l'Empire dans les provinces
cédées à la France : l'abbaye de Buchau avec la ville,
celles de Marchtlial et de Neresbeim, et le bailliage
d'Osterach dépendant de Salmansweiler dans toute
l'étendue de son administration actuelle, avec la sei-
gneurie de Schemmelberg, et les hameaux de Tiefen-
tlial, Franzhoff et Stetten. La conservation des postes
du prince de La Tour et Taxis, telles qu'elles sont con-
stituées, lui est d'ailleurs garantie. En conséquence,
lesdites postes sont maintenues in statu quo pour l'é-
tendue et l'exercice qu'elles conservaient lors du traité
de Lunéville; et, pour en assurer d'autant plus l'éta-
blissement dans toute son intégrité, tel qu'il se trou-
vait à ladite époque, elles sont mises sous la protec-
tion spéciale de l'Empereur et du collège électoral. »
La maison de La Tour et Taxis n'est pas une de
celles qui brillaient parmi les souverains par l'anti-
quité de leur race ou par l'éclat de leurs services ; mais
si les fondateurs d'établissements utiles ont droit à la
reconnaissance de leurs contemporains et de la posté-
rité, personne n'a plus de titres à la considération que
cette maison. Originaires de la Lombardie, les Tour
VII 21
— 322 —
et Taxis se transportèrent, dans le xv" siècle, dans les
Pays-Bas, où ils imaginèrent d'établir des postes, ser-
vice alors entièrement inconnu. Us en conservèrent
la direction sous les empereurs Maximilien et Charles-
Quint. L'empereur Mathias chargea Lamoral, baron de
Taxis, d'introduire les postes dans le reste de l'Empire,
et lui accorda, en 1 G1 5, avec le titre de comte, la charge
de grand-maître héréditaire des postes en Empire.
Son arrière-petit-fils, Eugène-Alexandre ^ fut élevé eu
1795 à la dignité de prince d'Empire. La charge
de grand-maître héréditaire des postes de l'Empire fut
érigée, en 1 744, en fief du trône; et, en 1 754, le prince
Alexandre-Ferdinand obtint voix et séance au collège
des Princes à la Diète , sous la condition qu'il ferait
l'acquisition d'une terre immédiate à laquelle ce suf-
frage serait affecté. Cette acquisition fut faite par son fils
Char les- Anselme, 11 acheta, en 1 785, du comte de Truch-
sess-Waldbourg , pour une somme de deux millions
cent mille florins, les seigneuries de Scheer, Fried-
berg, Diirmentingen et Buss, que l'Empereur éleva,
en 4787, au rang de comté princier, sous le nom de
Scheer. Il obtint en conséquence le droit de siéger
parmi les princes du cercle de Souabe. Par la cession
de la rive gauche du Rhin, le prince de La Tour et
Taxis perdit les postes dans les provinces cédées, et
des domaines dans la Belgique. Les revenus qu'il
tirait de ces derniers sont inconnus; on ne connaît
pas non plus d'une manière olïicielle le produit des
postes dont cette maison était en possession. D'après
des calculs qui nous ont été communiqués, et que
nous pouvons regarder comme authentiques, les postes
de l'Empire, sans celles de la Belgique, rapportaient
deux millions de florins nets, dont à peu près un
dixième venait des provinces situées sur la rive gauche
du Rhin. On peut y ajouter les postes des Pays-Bas,
— 323 —
qui rapportaient environ cinq cent mille florins d'Em-
pire, dont il faut toutefois déduire cent cinquante
mille florins de Vienne, que la maison de La Tour et
Taxis payait pour cette jouissance à titre de bail. On
peut donc estimer à six ou sept cent mille florins de
revenus nets la perte de cette maison. Si les districts
qui lui étaient assignés à titre d'indemnité ne la dé-
dommageaient pas de cette perte, on voit au moins
avec plaisir que l'article qui la concerne a été dicté
par ce sentiment de bienveillance que cette maison
avait inspiré à tous ceux qui étaient en rapport avec
elle. Jamais souverain n'a eu des serviteurs plus atta-
chés que cette maison, parce que jamais souverain n'a
mieux possédé le secret de s'assurer par des bienfaits
du zèle et du dévouement de ses serviteurs. Deux cir-
constances qui ont sans doute contribué à rendre la
rédaction de l'article 1 3 , si favorable à la maison de
Taxis, furent l'alliance que le prince Alexandre avait
contractée avec une sœur de la reine de Prusse, et la
considération personnelle qu'il avait acquise par sa
manière d'exercer les fonctions de commissaire prin-
cipal de l'Empereur auprès de la Diète de l'Empire à
Ratisbonne, lieu du Congrès.
Voici comment le premier plan s'exprimait à l'égard
du prince de La Tour et Taxis : « Pour indemnité du
revenu des postes impériales dans les provinces cé-
dées, et domaines dans la Belgique : l'abbaye de Buchau
avec la ville, celles de Marchthal et de Neresheim, le
bailliage d'Osterach, dépendant de Salmansweiler, »
Dès le troisième plan on raya les mots qui sont en
italique, mais on donna à la cession d'Osterach une
extension considérable, et on ajouta la garantie des
postes dans l'Empire.
Buchau est une ville peu importante , située sur le
lac de Feder en Souabe; mais l'abbaye dont les do-
— 324 —
maines sont en partie placés entre ce même lac et la
principauté de Scheer est considérable. L'abbaye de
Marchthal y est contiguë et plus riche encore. Le
bailliage d'Osteracli touche aussi à la principauté de
Scheer; mais les accessoires qu'on y ajoute en sont
détachés, quoique situés dans la proximité. Il n'en est
pas de même de l'abbaye de Neresheim, située dans
le comté d'Oettingen. Ce couvent était célèbre par sa
bibliothèque et ses cabinets de monnaies et d'histoire
naturelle. 11 convenait, par sa situation, au prince de
la Tour et Taxis, parce qu'il touchait à sa seigneurie
de Dischingen. Au reste, il faut lire dans l'acte Tie-
fenhiihle et Frankenhofen, au lieu de Tiefenthal et
Franzhoff.
Voici le résumé de l'indemnité donnée à la maison
de Taxis :
m. c. habit. rev. en flor,
Villeet abhayedeBiichau 2 5 000 75 000
Abbaye de Marchthal 3 7000 75000
Abbaye de Neresheim i| 5000 50000
Oslerach avec les dépendances 4 ^ 4 000 25 000
8 21000 225000
Pour ce qui regarde la conservation des postes du
prince de La Tour et Taxis, le Recès ne put la lui ga-
rantir. Le roi de Prusse abolit les postes de Taxis dans
ses possessions; l'électeur de Wurtemberg en fit de
même au mois de décembre 1S05. La paix de Pres-
bourg occasionna d'autres changements. Le roi de Ba-
vière conféra, le 1 4 février 1 806, au prince de La Tour
et Taxis, la charge de grand-maître héréditaire des
postes, comme un fief de la couronne. Le 25 septem-
bre 1805, le grand-duc de Bade fit de môme; le
22 novembre 180G, le grand-duc de Wurzbourg
suivit cet exemple. Le prince-primat et les princes de
Nassau-Weilbourg et Usingen accordèrent la même
— 325 —
faveur à la maison de Taxis; mais le grand-duc de
Berg le dépouilla de la poste dans ses États.
§ 14.
« Au prince de Lœivenstein - Wertheim , pour le
comté de Putlange^ les seigneuries de Scharfeneck, de
Cugnon et autres, les deux villages mayençais de
Wiirth et de Trennfurth, les bailliages de Rotlienfels
et de Hombourg au pays de Wiirzbourg, les abbayes
de Brummbach, Neustadt et Holzkirchen, les régies
wiirzbourgeoises de Widdern etThalheim, une rente
perpétuelle de douze mille florins sur l'octroi de
navigation mentionné au paragraphe 39, et les droits
et revenus de Wiirzbourg dans le comté de Wert-
heim ; sous la clause néanmoins de rétrocéder le susdit
bailliage de Hombourg et l'abbaye de Holzkirchen à
l'électeur palatin de Bavière, contre une rente perpé-
tuelle de vingt-huit mille florins, ou tout autre équi-
valent dont ils pourront convenir.
«Aux comtes de Lœwenstein-Wertheim, pour le
comté de Virnebourg : le bailliage de Frudenberg, la
chartreuse de Griinau, le couvent de Triefenstein
et les villages de Montfeld, Rauenberg, Wessenthal et
Trennfeld. ))
Le comté de Lœwenstein est situé dans les environs
de la ville de Heilbronn, entre l'ancien duché de Wur-
temberg et le comté de Hohenlohe. Il faut distinguer,
dans l'ordre chronologique, deux maisons de comtes
de Lœvenstein. La première, qui possédait ce comté
à titre d'alleu, s'éteignit en 1441, après que le dernier
comte, nommé Wolfgang, l'eût vendu pour la somme
de quatorze mille florins à Frédéric le Victorieux^ Élec-
teur palatin. Ce prince avait épousé, en mariage mor-
— 326 —
ganatique, une demoiselle de Dettingen, dont il eut
un fils. Il donna à ce fils la seigneurie de Scharfe-
neck, près Landau, avec Weinberg, Neustadt-sur-le-
Kocher, Meckmiihl, Utzberg et Umstadt. Mais le suc-
cesseur de l'électeur Frédéric annula la donation ; il
laissa cependant à son cousin Scharfeneck, et lui donna
le comté de Lœwenstein en remplacement des autres
terres démembrées en sa faveur de l'électorat. Ce sei-
gneur devint la souche de la seconde maison de Lœ-
wenstein; mais dans les troubles qui eurent lieu en
1504 dans le Palatinat, il fut obligé de se soumettre,
pour Lœwenstein, à la supériorité territoriale du duc
Ulrich de Wurtemberg, de manière qu'il ne posséda
d'autre terre immédiate que Scharfeneck. Son petit-
fils, Louis II , épousa une comtesse de Stolberg, qui
hérita, par sa sœur, le comté de Wertheim en Fran-
conie, et une partie de celui de Rochefort, situé dans
l'enceinte du duché de Luxembourg. Depuis ce temps,
Louis II s'appela comte de Lœwenstein-Wertheim. Ses
fils fondèrent deux lignes : celle de Virnebourg, ainsi
appelée du comté de ce nom, situé dans l'Eyffel,
qu'elle eut par mariage, et celle de Rochefort. Ces
deux lignes, qui possèdent en commun les comtés de
Lœwenstein et de Wertheim, subsistent encore; la
cadette est décorée du titre de prince.
Le comté de Virnebourg, appartenant à la branche
des comtes, la seigneurie de Scharfeneck, et les autres
possessions des princes de Lœwenstein-Wertheim dans
les Pays-Bas, faisant leur part du comté de Rochefort,
furent perdus par la cession de la rive gauche du
Rhin. Le premier plan assigna vaguement à ces deux
maisons une indemnité, en s'exprimant ainsi : « Aux
princes et comtes de Lœwenstein , pour le comté de
Virnebourg, la seigneurie de Scharfeneck, et autres
terres dans les pays réunis à la France : la part de
— 327 —
Wûrzbourg aux comtés de Rlieineck et de Wertheim,
à la droite du Mein; l'abbaye de Brombach. » Cet ar-
ticle était très-mal rédigé; ces mots : « à la droite du
Mein, » devaient sans doute être placés après celui de
Rheineck, puisque le bailliage de Rothenfels qui, an-
ciennement, avait appartenu aux comtes deRheineck,
ou plutôt Rieneck, et qu'après l'extinction de cette
maison , les évêques de Fulde avaient repris comme
fief dépendant d'eux, est situé sur la rive droite du
Mein, tandis que les bailliages d-e Remlingen, de Lau
tenbach, de Freudenberg et Schwanberg, qui, aveâ
les couvents de Brummbach, Holzkirchen et Grûnau,
formaient la partie du comté de Wertheim, dont les
évêques de Wûrzbourg avaient dépouillé les comtes
de Lœwenstein, en 1 598, sont tous situés sur la rive
gauche du Mein. Tout cela s'éclaircit par la discus-
sion à laquelle les réclamalions de la maison de Lœ-
wenstein donnèrent lieu, et le Recès détermine clai-
rement l'objet de la perte et l'indemnité.
La ligne princière n'avait perdu, en terres immé-
diates, que la seigneurie de Scharfeneek; et comme
la qualité d'Etat d'Empire n'y était pas attachée, cette
perte n'était pas dans le cas d'être compensée par une
indemnité, d'après le principe admis par la Députa-
tion, sauf à cette maison de réclamer de la France
la levée du séquestre mis sur ses terres médiates et
immédiates. Il y avait encore moins de motifs d'al-
louer à cette maison un dédommagement pour les
terres qu'elle avait possédées sous la souveraineté de
la France. Cependant on ne voulut pas seulement la
dédommager de sa perte qui, en déduisant ce que
son mémoire avait d'exagéré, pouvait aller à quatre-
vingt-sept mille florins par an; mais on voulut, à ce
qu'il paraît, réparer à son égard le tort que les évo-
ques de Wûrzbourg avaient fait depuis deux siècles à
~ 328 —
cette famille; car on doubla son indemnité, ainsi
qu'on va le voir par l'aperçu suivant ;
Les villages mayençais de Wiirth et m. c ha))ii. rev. en non.
Trennfurlh i 600 5000
Les bailliages wurzbourgeois deRolhen-
fels et de Hombourg 5^ 15 000 62000
Les régies wiirzbourgeoises de Widdern
et Thalheim 8 000
Les abbayes de Brummbach , Neustadt
et Holzkirchen ij 3000 60000
Les droits et revenus de Wiirzbourg dans
le comté de Wertheim 3 000
Une rente sur l'octroi de la navigation
duRhin 12 000
7 18 600 150 000
Cependant , comme le bailliage de Hombourg et
l'abbaye de Holzkirchen sont situés de manière que
l'électeur de Bavière diit en désirer l'acquisition, on
lui laissa la faculté de les racheter contre une rente
perpétuelle de vingt-huit mille florins. Au reste, tout
ce qui fut donné au prince de Lœwenstein arrondit
parfaitement son comté de Wertheim.
La branche des comtes de Lœwenstein-Wertheim
ne fut pas moins bien dédommagée. Son comté de
Virnebourg avait sur un mille un quart carré deux
mille six cents habitants, et donnait à son possesseur
dix-neuf mille sept cent treize florins de revenus; on
lui alloua pour cela le bailliage de Freudenberg, par-
tie du comté de Wertheim qui avait appartenu à
l'évêque de Wiirzbourg, avec plusieurs couvents et
villages, ensemble un mille trois quarts carré avec
quatre mille cent habitants, rapportant quarante-cinq
mille florins.
§ 15.
« Au prince d'Oettingen-W aller stein , pour la sei-
gneurie de Dachstuhl : l'abbaye de Sainte-Croix de
— 329 —
Donauwerth, le chapitre de Saint- Magnus à Fiissen,
et les couvents de Kirchheim, d'Eggingen et Maihin-
gen au pays de Wallerstein. »
La seigneurie de Dachstuhl , renfermant sur deux
milles carrés six mille habitants , et rapportant cin-
quante-six mille florins, est située entre la Lorraine
et l'ancien électorat de Trêves; son possesseur avait la
qualité d'État du cercle électoral, mais il n'était pas
État d'Empire. Cette seigneurie appartenait à la maison
d'Oeltingen-Baldern, qui s'était éteinte dans les mâles
en 1 799. La succession était réclamée par la prin-
cesse de CoUoredo-Mansfeld, née princesse d'Oettin-
gen. C'est pourquoi le premier plan adjuge au prince
de CoUoredo, à titre d'indemnité, l'abbaye de Sainte-
Croix de Donauwerth. Cependant la succession de
Dachstuhl était aussi réclamée par les princes d'Oet-
tingen-Wallerstein, et elle leur fut adjugée par une
transaction qui fut conclue le 3 octobre Ï802. Il ne
fut donc plus question, dans le second plan, du prince
de Colloredo, mais bien du prince d'Oettingen- Wal-
lerstein, dont on augmenta l'indemnité en y ajoutant
plusieurs abbayes d'un rapport annuel de quatre-
vingt mille florins.
§16.
« Aux princes et comtes de Solms , pour la seigneu-
rie de Rohrbach, celle de Kratz-Scharfenstein, Hirsch-
feld, et pour leurs droits et prétentions sur l'abbaye
d'Arensbourg, et sur le bailliage de Kleberg : l'abbaye
d'Arensbourg et celle d'Altenbourg au pays de Solms. w
Les possessions que la maison de Solms avait per-
dues n'étaient pas médiates, et, par conséquent, ne
devaient pas être compensées; cependant on lui donna
— 330 —
deux couvents situés à sa portée, et rapportant qua-
rante-cinq mille florins.
§17.
c( Aux princes et comtes de Stolberg, pour le comté
de Rochefort et leurs prétentions sur Kœnigstein :
une rente perpétuelle de trente mille florins sur l'oc-
troi de navigation mentionné au paragraphe 39. »
L'antique maison de Stolberg, dont l'origine se
perd dans la nuit des temps, se divise en deux lignes
dont chacune se subdivisait, à l'époque du Recès, en
deux branches : l'aînée se composait des comtes de
Stolberg-Wernigerode, et des princes de Stolberg-
Gedern; la cadette se formait de Stolberg-Stolberg, et
Stolberg-Rosla. Les quatre branches possédaient une
partie du comté de Rochefort, dans le Luxembourg ,
renfermant la ville de ce nom, la seigneurie de Bri-
quemont, le comté de Montaigu et d'autres domaines.
La moitié appartenant à la seconde ligne, avait été
rendue par le gouvernement français, par le motif
singulier que cette ligne n'avait pas pris part à la
guerre; mais l'autre moitié avait été confisquée. La
totalité du comté rapportait quatorze mille quatre
cent six florins de revenus nets. Mais la maison de
Stolberg avait des prétentions légitimes sur le comté de
Kœnigstein, dont l'électeur de Mayence avait pris pos-
session à titre de dépôt, en 1581, lors de la mort du
dernier comte, dont la sœur avait épousé un Stolberg.
La rente de trente-deux mille florins indemnisait en
môme temps pour la perte et pour la prétention.
§ 18.
u Au prince Charles de llohenlohe - Bartenstcin ,
pour la seigneurie d'Obcrbronn : les bailliages de
— 331 ~
Haltenbergstetten , Lautenbacli, Jaxberg et Brauns-
bach, les péages de Wlirzbourg au pays de Hohenlohe,
sa part au village de Neuenkirchen , le village de
Munster et la partie orientale du territoire de Carls-
berg; le tout sous la clause de rétrocéder, contre un
juste équivalent, à l'Électeur palatin, le territoire
nécessaire pour établir une route militaire et de com-
munication directe et non interrompue de Wiirzbourg
à Rotbenbourg.
f< Aux chefs des deux branches de Hohenlohe-
Waldenbourg, pour leur part au péage de Boppard :
la rente perpétuelle déjà mentionnée de six cents
florins sur Combourg.
« Au prince de Hohenlohe-Ingelfîngen, pour ses
droits et prétentions sur les sept villages de Kœnigs-
hofen , Rettersheim , Reiderfeld , Wermuthhausen ,
Neubronn , Streichental et Oberndorf : le village de
Nagelsberg.
« Au prince de Hohenlohe-Neuenstein , pour la
cession du village de Munster et de la partie orientale
du territoire de Carlsberg , savoir : un rayon de cinq
cents toises françaises à prendre de l'extrême fron-
tière , le village d'Amrichshausen et les parts de
Mayence, Wiirzbourg et Combourg, au bourg de
Kiinzelsau. »
Les princes de Hohenlohe, ainsi nommés d'après
un ancien château en Franconie , descendent d'un
frère de Conrad I^ roi d'Allemagne, qui fut duc de
Franconie. Malgré une origine si illustre, cette maison
n'est revêtue de la dignité de prince que depuis 1744
et 1764; les empereurs Charles VII et François I, par
égard pour son antiquité, la déclarèrent princière
plutôt qu'ils ne relevèrent au rang de prince. Elle se
divise en deux principales lignes, celle de Neuenstein
■— 332 —
et celle de Waldenbourg ; chacune comprend plu-
sieurs branches, savoir : Neuenstein (sans parler de
Neuenstein-Neuenstein, qui s'est éteinte après l'époque
du Recès de l'Empire en 1805), celles de 1° Langen-
bourgj 2" Langenbourg-Ingelfingen; 3° Langenbourg-
Kirchberg. La ligne de Waldenbourg se divise en
deux branches : I^Bartenstein qui, par suite des dis-
positions du Recès, se subdivisa en Bartenstein et
Jaxtberg, et 2° Schillingsfiirt.
La maison de Hohenlohe se trouvait placée, dans le
premier plan , en ces termes : « Le prince de Hohen-
lohe-Bartenstein pour Oberbronn : le bailliage de
Jaxtberg et les portions de Mayence ou Wiirzbourg au
bailliage de Kiinzelsau. »
Oberbronn , dans la basse Alsace , faisait partie du
comté de Hanau , ou plutôt était une seigneurie
détachée en 1541 de celle de Lichtenberg, et com-
posée de quinze villages , de deux châteaux , formant
deux bailliages dits d'Oberbronn et de Niederbronn.
Oberbronn avait passé, par mariage, partie aux comtes
de Lœwenhaupt, partie aux princes de Hohenlohe;
Niederbronn avait été acheté par le baron de Dietrich.
C'est à cause de cette possession qu'on trouve les noms
de Lœwenhaupt et de Dietrich dans le paragraphe 0
du Recès. La partie d'Oberbronn , qui appartenait à
la maison de Hohenlohe-Bartenstein , formait l'apa-
nage du prince Charles ^ frère du prince de //o/ien/o/ie-
Barlenstein. Comme cette seigneurie avait été médiate,
le prince n'était pas plus dans le cas de réclamer une
indemnité que les comtes de Lœwenhaupt et les barons
de Dietrich. 11 dut à l'intervention des amis qu'il avait
à Paris et à Ratisbonne, non-seulement d'être compris
dans le premier plan , mais de voir successivement
s'accroître son indemnité, sans avoir jamais réclamé,
au moins publiquement. Le second plan ne donna plus
— 333 —
cette indemnité au prince de Bartenstein, mais au
prince Charles lui-même.
Elle renfermait, sur trois milles et demi carrés,
huit mille cinq cents habitants, et rapportait cinquante
mille florins. Les bailliages de Haltenbergstetten et
Lautenbach forment ensemble l'ancienne seigneurie
de Niederstetten , qui appartenait aux princes de
Hatzfeld-Wildenberg, après l'extinction desquels , en
1783, elle avait été réunie, comme fief vacant, à
l'évêché de Wurzbourg. On y joignit, pour le prince
Charles, le bailliage v^ûrzbourgeois de Jaxtberg, d'après
lequel cette nouvelle branche de Hohenlohe se nomma j
la seigneurie de Braunsbach sur le Kocher, sans faire
mention des droits de la famille de Greifenklau, à
laquelle appartient la nue propriété de ce district
engagé au grand chapitre de Wurzbourg, et quelques
autres parcelles nommées dans le texte. La condition
ajoutée en faveur de l'électeur palatin de Bavière n'est
pas fort claire; une route directe de Wurzbourg à
Rothenbourg-sur-le-Tauber doit traverser la princi-
pauté d'Anspach ; mais on ne voit pas comment elle
pouvait atteindre les possessions de Jaxtberg.
Après cela, le Recès répète la stipulation du para-
graphe 6 d'une rente de six cents florins à servir par
le duc de Wurtemberg aux deux branches de la ligne
de Hohenlohe-Waldenbourg, pour leur part au péage
de Boppard sur le Rhin.
Les villages sur \esque\s lîigelfîng en a fait valoir ses
prétentions, qui ont été compensées par la cession
de Nagelsberg, sont situés dans l'ancien évêché de
Wiirzbourg
Le prince de Hohenlohe-Neuenstein fut largement
indemnisé par le beau village de Kiinzelsau sur le
Kocher et par Amvichshausen, du léger sacrifice qu'il
avait fait pour arrondir le territoire de Jaxtberg.
— 334- --
§ 19.
« Au prince d'Isenbourg, pour la cession du village
d'Okriftel : le village de Gainsheim , près du Rhin ,
avec les restes du chapitre de Jacobsberg, à la droite
du Rhin , à la réserve des enclaves au territoire du
landgrave de Hesse-Cassel ; et le village de Biirgel,
près d'Offenbach.
« A la princesse d'Isenbourg, comtesse de Parkstein,
pour sa part à la seigneurie de Reipoltskirchen et
autres seigneuries à la rive gauche du Rhin : une
rente perpétuelle de vingt-trois mille florins sur l'oc-
troi de navigation mentionné au paragraphe 39. »
Le prince d'Isenbourgavaitperdu le village d'Okriftel
sur la droite du Mein , que le paragraphe 12 avait
donné au prince de Nassau*. Il en fut indemnisé par
celui de Gainsheim, en facedeMayence, et par Riirgel,
qui avait appartenu à une fondation à Mayence,etqui
est situé près d'Offenbach, sa résidence.
La comtesse de Parkstein, fille naturelle de Charles-
ThéodorCf électeur de Bavière, avait épousé un grand-
oncle du prince d'Isenbourg. Sa part de la seigneurie
de Reipolzkirchen rapportait dix- sept mille cinq cent
cinquante-cinq florins, y compris cependant diverses
possessions médiates ^
§ 20.
« A la maison de Linange , pour la principauté de
ce nom, le comté de Dabo et la seigneurie de Wei-
hersheim, ainsi que pour ses droits et prétentions
sur Saarwerden, Lahr et Malberg, savoir : au prince
de Linange : les bailliages mayençais de Miltenberg,
' Voy. ci-dessus, p. 309.
• Voy. aussi paragraphe 6.
— 335 —
Buchen, Seligenthal, Amorbach et Bischofsheim;
les bailliages de Grûnsfeld , Lauda , Hartheim et
Rittberg, détachés de Wurzbourg; les bailliages pala-
tins de Boxberg et Mosbach, et les abbayes de Ger-
lachsheim et d' Amorbach.
Au comte de Linange-Guntersblum, pour ses pertes
et sa part auxdites prétentions : la kellerey mayen-
çaise de Billigheim, et une rente perpétuelle de trois
mille florins sur l'octroi de navigation mentionné au
paragraphe 39.
c( Au comte de Linange-Heidesheim, pour ses pertes
et sa part auxdites prétentions : la kellerey mayen-
çaise de Neidenau, et une rente perpétuelle de trois
mille florins sur l'octroi de navigation mentionné au
paragraphe 39.
« Au comte de Linange-Westerbourg, branche
aînée : l'abbaye et le couvent d'Ilbenstadt en Wetté-
ravie, avec supériorité territoriale dans son enclos, et
une rente perpétuelle de trois mille florins sur l'octroi
de navigation mentionné au paragraphe 39.
(( Au comte de Linange-Westerbourg, branche ca-
dette : l'abbaye d'Engelthal en Wettéravie, et une
rente perpétuelle de six mille florins sur l'octroi de
navigation mentionné au paragraphe 39. »
Il existe en Allemagne deux maisons qui, portant le
nom du même château de Linange, ont une origine
toute différente, et qui toutes les deux ne descendent
que par les femmes de la véritable maison de Linange.
Le Recès confond les deux familles en un seul article.
L'antique et vénérable maison de Linange, dont l'ori-
gine remonte aux premiers temps de la monarchie ,
s'éteignit en 1220. Le neveu du dernier comte, fils de
sa sœur Luccarda et d'un comte de Saarbruckf prit
alors le nom de son oncle maternel, et devint le fon-
— 336 — •
dateur de la seconde maison de Linange-Hardenbourg,
qui acquit par mariage le comté de Dabo dans les
Vosges. Frédéric et Jo/frid , deux frères, fondèrent
deux lignes, dont la seconde se subdivisa en plusieurs
branches; celle des princes de Linange-Hardenbourg-
Dabo, celle des comtes de Linange-Guntersblum , et
celle des comtes de Linange-Heidesheim, existent en-
core, mais avec des désignations différentes. La pre-
mière ligne, qui descendait de FrédériCf portait le titre
de Landgrave ; elle s'éteignit en 1 467. La sœur du der-
nier Landgrave avait épousé un comte deWesterbourg,
qui prit alors aussi le nom de Linange, et devint le
fondateur d'une nouvelle maison de ce nom qui est
partagée aujourd'hui en deux branches, dites Vieux-
Linange-Westerbourg , et Nouveau-Linange Wester-
bourg, l'une et l'autre avec le titre de comtes.
Les princes de Linange avaient perdu la totalité de
leurs possessions, savoir : 1" la moitié du comté de
Linange oii sont situés le château de Hardenbourg, et
Dûrckheim leur résidence; 2" le comté de Dabo; 3" le
village considérable de Weihersheim en Alsace. Ces
deux dernières possessions n'étaient pas immédiates.
On faisait monter à deux cent vingt mille florins les
revenus annuels du prince, dont les domaines étaient
considérables. On porta encore en ligne de compte
les prétentions que le prince formait sur Saarwerden,
Lahr et Mahlberg, pour créer en sa faveur une belle
principauté, située entre le Mein, le Tauber et le
Necker. On y employa des restes de l'électorat de
Mayence, de l'évêché de Wiirzbourg et du Palalinat.
Les bailliages mayençais sont : 1" Miltenberg, sur la
rive gauche du Mein, entre les comtés d'Erbach et de
Wertheim; car la petite partie de ce bailliage qui
est située sur la rive droite, fut donnée à l'Électeur
archichancelier, ainsi que nous le verrons au para-
~ 337 —
graphe 25; 2" le grand bailliage d'Amorbacli, composé
des bailliages de Buchheim (nommé Buchen dans le
Recès), Seligenthal et Amorbach au sud de Milten-
berg; S" Bischoffsheim-sur-le-Tauber; au sud de ce
bailliage est située une terre qui avait anciennement
appartenu à la famille de Hatzfeld , et que Mayence
avait réunie comme fief vacant. Quoique le Recès ne
la nommât pas, néanmoins le prince s'en mit en pos-
session comme d'une dépendance de Bisclioffsheim.
Les bailliages wurzbourgeois de Grûnsfeld, Lauda,
Hardheim et Rittberg et les bailliages de Boxberg et
de Mosbach, qui ont anciennement appartenu à l'Elec-
teur palatin, sont contigus à ces possessions. Les ab-
bayes d'Amorbach, dans la ville de ce nom, et de Ger-
lachsheim sur le Tauber, dans le bailliage de Lauda,
sont très-riches. Voici la récapitulation de ces districts^
m.c. habit. rev. en flor.
Les 3 bailliages mayençais l/^f 37 300 183 000
Les 4 bailliages wurzbourgeois 6,^ 17 600 93 000
Les 2 du Palatinat 6| 28 000 157000
Les 2 abbayes 125000
Total... 27| 82 900 558 000
Il faut cependant déduire de ces revenus, V une
rente de trente-deux mille florins que le paragraphe 3
du Recès a assignée sur Amorbach en faveur du
prince de Salm-Krautheim; 2" les intérêts des dettes
considérables dont le prince de Linange fut obligé de
se charger pour sa part de l'électorat de Mayence et du
Palatinat, ainsi que de celles qu'il avait été obligé de
contracter dans les temps qui précédèrent immédia-
* Ces évaluations sont empruntées de Gaspari. D'après une note
plus exacte qu'on trouve dans Winkopps Rhein. Bund, t. VI, p. 98,
le nombre des habitants était, en 1 807, de quatre-vingt-neuf mille cent;
les revenus, déduction faite de cent dix-neuf mille florins pour dépenses
locales, se montaient à quatre cent quatre-vingt-dix mille florins nets,
les dettes passaient cinq millions.
\n 22
— 338 —
tement le llecès. Il n'en est pas moins vrai que le
prince de Linange est un des États d'Empire qui ont
reçu la plus large indemnité, en proportion de sa
perte.
Le comte de Linange-Guntersblum estima sa part
au comté de Linange à Un revenu annuel de vingt-
deux mille neuf cent soixante douze florins en droits
seigneuriaux, et de six mille six cent vingt-cinq flo-
rins en domaines; il avait encore perdu dix-huit mille
cinq cent soixante-quinze florins de revenus de plu-
fcieurs terres que le dernier Électeur palatin, dont il
avait épousé une fille naturelle , lui avait conférées.
Le comte de Linange-lleidesheim réclama pour sa part
seize mille florins de revenus. Les deux kellereys de
Billiglieim et do Neidenau, situées entre le Jaxt et le
Necker, au sud de la nouvelle principauté de Linange,
ne rapportant ensemble que trente-trois mille florins,
on alloua à chacun de ces comtes une rente supplé-
mentaire de trois mille florins. 11 paraît qu'on supposa
que les terres allodiales en France leur seraient ren-
dues.
Les deux branches de la maison de Linange-Wester-
bourg, qui possèdent le comté de Westerbourg, et,
avec Wied-Runkel , la seigneurie de Schadek sur la
Lahn, ont perdu leur part du comté de Linange avec
la ville de Grlinstadt. L'aînée faisait monter sa perte
à un revenu annuel de quarante-cinq mille cinq cent
quinze florins; la cadette, le sien à trente-neuf mille
quatre cent vingt-cinq. Le premier plan avait donné â
celle-là le couvent de Schœnthal sur le Jaxt, avec la
supériorité territoriale , et elle ne réclama pas contre
cette disposition. Mais le duc de Wurtemberg ayant
demandé cette abbaye, le second plan donna au comte
de Westerbourg le couvent d'Ilbenstadt en Wcttéravie,
qui était médiat et ne rapportait pas vingt mille florins;
— 339 —
le conelusum général y ajouta la supériorité territo-
riale, et le llecès une fente de trois mille florins.
Le premier plan avait destiné à la seconde branche
l'abbaye de Wimpfen, qui ne rapportait que huit mille
llorins nets; le second plan, au lieu d'améliorer son
sort, mit à la place de cette abbaye le couvent d'Engel-
thal, prés celui d'Ilbenstadt, qui n'avait ni immédia-
teté ni sujets, et dont les revenus étaient minimes.
Cependant, d'après le plan des médiateurs, le comte
dut rester chargé des dettes considérables pour les-
quelles ses possessions d'outre-Rhin se trouvaient
grevées sous administration. Après plusieurs récla-
mations, on finit par lui accorder une rente de six
mille florins.
On a lieu d'être surpris de la rigueur avec laquelle
les quatre branches de la maison des comtes de Li-
nange ont été traitées, tant par les médiateurs que par
la Députation.
§ 21^
« Au prince de Wied - Runkel , pour le comté de
Créange; les bailliages de Nurbourg et d'Alt-Wied, au
pays de Cologne, et la kellerey de Vilmar. »
Le prince de Wied-llunkel, dont le comté de Runkel
est situé sur le Lahn, avait possédé le comté de Créange
(en allemand Krichingen) avec les seigneuries de Saar-
wellingen, Ravilleou Rollingen, Helflingen, Laningen,
ïettingen, Miinzingen, Remilly et Volmhaut, dans les
environs de Sarguemines. D'après les états qu'il fit
remettre à la Députation, ces terres rapportaient cin-
quante mille florins; d'autres n'estiment les revenus
qu'à vingt-huit mille florins. Le premier plan lui avait
assigné le bailliage d'Aldenwied dans l'électorat de
Cologne, qu'il nomma le comté d'Altwied ; il en avait
— 3/.0 —
cependant démembré les petits bailliages de Linz et
Unkel qui, à ce qu'il paraît, étaient réservés au prince
de Nassau-Usingen. Le prince de Wied-Runkel ayant
réclamé contre l'insuffisance de cette indemnité, le
second plan et le Ilecès lui laissèrent le bailliage
entier, et ajoutèrent à son lot la recette de Vilmar,
qui appartenait à l'abbaye de Saint-Mathias près Trê-
ves. Le bailliage de Neurbourg, que le Recès appelle
Nurbourg, est une appartenance de celui d'Alden-
wied. On estime que ces différents objets rapportaient
cinquante mille florins.
§ 22.
« Au prince de Bretzenhcim , pour Bretzenlieim et
Winzenheim : la ville et l'abbaye de Lindau, au lac
de Constance. »
L'électeur palatin de Bavière, Charles-Théodore,
acheta de l'électeur de Cologne, pour une somme de
trois cent mille florins, la seigneurie de Bretzenheim,
sur la Nahe, qu'il donna au comte de Heideck, son fils
naturel. En 1790, Joseph H éleva le nouveau comte de
Bretzenheim au rang de prince d'Empire. Le premier
plan lui destina la ville de Lindau. Le prince se plaignit
de l'insuffisance de cette indemnité, et obtint aussi
l'abbaye de Lindau. Dans les mémoires qu'il fit pré-
senter à cette occasion à la Députation, on trouve la
clef de la différence frappante qu'on remarquait dans
toutes les évaluations entre les revenus des pays situés
sur la rive gauche du Rhin, et ceux qui sont sur la rive
droite : c'est que dans les premiers tous les revenus
en nature ont été calculés aux prix de vente, tandis
que dans les autres on a pris pour base ce qu'on ap-
pelle les taxes des Chambres, qui, faites il y a plus
— 341 —
d'un siècle, sont souvent inférieures des deux tiers
aux prix actuels des choses.
Les terres que perdait le prince de Bretzenlieim
avaient une surface de huit milles carrés, et une po-
pulation de six mille neuf cent trente-huit âmes, rap-
portant soixante-huit mille six cent sept florins;
savoir :
1. La seigneurie de Bretzenheim avec Winzenheim 36249
2. Celle (ie Weisvveiler et Poland 8040
3. Celle de Breitenbend 1518
i. Celle de LUtzelstein avec la saline de Kreuznach 15700
5. Loyer de maisons 7100
68 607
L'indemnité donnée en compensation de cette perte,
présentait six mille habitants et rapportait quarante-
six mille florins. Deux mois après la signature du
Recès, le prince de Bretzenheim échangea la ville et
l'abbaye de Lindau contre des terres en Bohême, que
lui céda la maison d'Autriche.
§ 23.
« Au prince de Wittgenstein-Berkbourg , pour les
sei2:neuries de Neumasen et de Hemsbach : la rente
perpétuelle déjà mentionnée de quinze mille florins
sur le duché de Westphalie.
« Il est pourvu à la satisfaction de la maison de
Sayn-Wittgenstein , pour ses prétentions reconnues
légitimes sur les comtés de Sayn-Altenkirchen et de
Hachenbourg, au moyen de l'arrangement concerté
entre le margrave de Bade, les princes de Nassau et
lesdits comtes de Wittgenstein. »
La maison de Wittgenstein est la branche cadette de
cette maison de Sayn, qui s'éteignit en 1606^, et qui
* Voy. ci-dessus, p. 277.
— 342 —
avait possédé ITachenbourg et Altenkirclien. La bran-
che aînée de la famille de Wittgenstein, portant le nom
de Berlebourg, avait perdu Neumagen et Hemsbacli,
deux possessions médiates sur la Moselle, rapportant
quinze mille florins. Le premier plan leur avait des-
tiné quelques districts du duché de Westphalie; le
second les remplaça par une rente. L'arrangement
concerté pour donner satisfaction à la maison de Witt-
genstein en général, pour ses droits sur le comté de
Sayn, n'a pas été rendu public. On assure que cette
maison a obtenu une somme de trois cent mille flo-
rins, et une rente de douze mille florins.
§ 24.
Parmi les États d'Empire lésés par la cession de la
rive gauche du Rhin, il s'en trouva plusieurs qui per-
daient toutes leurs possessions; d'autres qui se
voyaient dépouillés de celles sur lesquelles se fon-
dait leur qualité d'État d'Empire^ ou au moins des
domaines immédiats pour lesquels, d'après les prin-
cipes adoptés par la Députation, il leur revenait une
indemnité. Le premier plan d'indemnité avait indiqué
nominativement plusieurs de ces Etats; de ce nombre
étaient Sternberg, Wartemberg, Sickingen, la Leyen,
et quelques autres compris dans les articles précé-
dents. Dix autres : Bassenheim, Sinzendorf, Schuîs-
berg, Ostein, Quadt, Plettenberg, Metternich, Aspre-
mont, Tœrring et Nesselrode, étaient réunis dans le
paragraphe 30, sous la dénomination de comtes de
Westphalie^ et ce paragraphe leur donnait la partie in-
férieure de l'évôché de Munster. Mais ces comtes en
masse, et plusieurs d'entre eux en leur nom particu-
lier, réclamèrent contre une indemnisation si peu
analogue aux pertes qu'ils avaient éprouvées. En con-
— 343 —
séquence, la Députation résolut, dans sa quatrième
séance, de prier les ministres médiateurs de faire con-
naître les mémoires et évaluations qui avaient été la base
de leur travail; mais, en cette occasion comme dans
toutes les autres, ces ministres se gardèrent de commu-
niquer les pièces réclamées, qui probablement n'étaient
pas de nature à être portées à la connaissance du pu-
blic. Dans la môme séance, la Députation chargea les
deux directoires du collège des comtes de la West-
pbalie, et celui du collège de Wettéravie, comme sur-
arbitre, de se faire remettre, par les parties intéres-
sées, copie des liquidations qu'elles avaient présentées
aux puissances médiatrices, de faire examiner, sous
le rapport géographique et économique, le district
que le plan destinait à ces maisons, et de dresser un
projet de répartition de ce district entre ceux qui y
avaient droit.
Mais comme dans l'intervalle il s'était élevé un
grand nombre d'autres réclamations contre le plan ;
que le duc d'Oldenbourg surtout se récriait contre le
dédommagement qui lui était offert pour le péage
d'Elsfleth, et que cependant on ne pouvait trouver
d'équivalent pour ce prince que dans l'éveché de
Munster, on donna, dans le second plan, une nouvelle
destination au bas évêché, en le partageant entre Ol-
denbourg, Arenberg, Croï et Looz. On se vit obligé
alors de reprendre les abbayes et autres districts que
les paragraphes 24, 25 et 2S avaient assignés aux
comtes de Sickingen, de la Leyen et de Sternberg, et
d'en former un fonds destiné à satisfaire tous les com-
tes auxquels il revenait une indemnité; cependant,
comme ce fonds était évidemment insuffisant, on ne
voulait en attribuer à chaque intéressé que la part re-
quist', pour la qualité d'État d'Empire ; et quant aux
suppléments on voulait former un second fonds com-
-^ 344 —
posé des biens ecclésiastiques médiats. Ce second
fonds n'a pas été établi, parce que, comme nous
l'avons vu , la plupart des intéressés auxquels on a
donné des terres ci-devant ecclésiastiques , se sont
aussi réservé la possession des biens médiats qui s'y
trouvaient.
Le premier fonds fut effectivement formé; il se
composait des abbayes de Baindt, Buxheim, Guttenzell,
Heggbach et Schussenried, qui avaient été destinées
au comte de la Laye; de celles d'Ochsenhausen et de
Rodt, qui avaient été assignées au comte de Sickingen ;
de la ville et de l'abbaye d'Isny, et de l'abbaye de
Weissenau, promises à la comtesse de Sternberg. Le
16 octobre 1802, une commission, composée du duc
de Wurtemberg et du margrave de Bade, fut chargée
d'administrer provisoirement ces districts, d'examiner
les prétentions des comtes, de désigner ceux d'entre
eux auxquels on devait assigner des terres immédiates,
et de proposer une répartition proportionnée. L'in-
struction de cette commission indiqua cinq classes de
comtes qui devaient être distingués, savoir :
1" Ceux qui avaient possédé des terres immé-
diates chargées de contribuer aux frais généraux de
l'Empire et à ceux d'un cercle, et qui , à cause de
ces terres, avaient siégé comme États d'Empire à la
Diète , et comme États de cercle aux assemblées de
cercle ;
2" Ceux qui avaient possédé des terres immédiates
chargées de contribuer aux frais de l'Empire et à ceux
d'un cercle, et qui, pour cela, avaient voix et séance
aux assemblées de cercle, sans les avoir à la Diète ;
3° Ceux qui avaient possédé des terres immédiates
chargées de deux espèces de contributions, mais sans
voix à la Diète et à l'assemblée du cercle;
4" Ceux qui avaient possédé des terres immédiates
— 345 —
exemptes de toute charge et n'ayant voix ni à la Diète
ni aux cercles;
5° Les seigneurs, portant le titre de comte, qui
n'avaient possédé que des terres nobles et des terres
médiates, et qui, par conséquent, n'appartenaient pas
à la classe de ceux auxquels une indemnité était pro-
mise, mais devaient solliciter la levée du séquestre
mis sur leurs biens.
Après avoir établi ces classes, la commission dut
faire la distribution des indemnités en passant d'une
classe à l'autre, de manière cependant que, dans tous
les cas, ceux de la seconde obtinssent des terres aux-
quelles leur droit de suffrage à un cercle pût être af-
fecté.
La commission, composée, de la part du duc de
Wurtemberg, de M. Von der Lûh, et, de la part de
Bade, de M. Hofer^ arriva, le 1'2 novembre, à Ochsen-
hausen, fit dresser des inventaires, et entra en posses-
sion civile, pour compte du fonds d'indemnité, des
abbayes réservées. Elle établit les principes généraux
suivants, comme devant servir de base au calcul des
pertes :
\ ° D'après le paragraphe 24 du premier conclu-
sum général, on ne peut indemniser que pour des
territoires perdus; on ne peut accorder de dédomma-
gement à titre de dommage de guerre, perte d'effets et
de revenus;
2° On prendra, pour base du calcul des pertes, les
revenus annuels, et non la surface ni la population;
3" On ne fera pas entrer en ligne de compte la valeur
des bâtiments;
4" Il ne pourra rien être accordé pour droits pure-
ment honorifiques;
5" Les revenus doivent avoir effectivement existé;
ainsi on ne fera pas entrer en calcul les améliorations
— 346 —
qui promettent un rapport futur, les mines non ex-
ploitées, etc.
6° Dans le calcul des revenus, tant des possessions
perdues que de celles à recevoir en compensation, il
faut déduire les charges perpétuelles, et les frais de
- perception primitive, mais non ceux de régie ou d'ad-
ministration, dont le montant est arbitraire et dépend
du plus ou moins d'économie des possesseurs;
7° On ne peut porter en ligne de compte les dettes
hypothéquées sur les possessions perdues, parce qu'on
ne sait pas encore si elles passeront aux nouvelles
possessions.
La commission termina son travail vers la fin de jan-
vier, et la Députation l'adopta avec de légères modifica-
tions; il fut inséré dans le Uecès, dont il forme le
paragraphe 24, que nous allons parcourir. En voici le
préambule ;
« A l'égard des comtes d'Empire, comme les parties
de territoire immédiat qui restent disponibles sont
insuffisantes pour leur indemnisation, et qu'il con-
vient néanmoins de leur faire à chacun un établisse-
ment proportionnel auquel leur droit de vote puisse
être transféré, les abbayes et couvents immédiats sui-
vants, avec leurs dépendances, demeurent réservés à
cette fin; savoir : Ochsenhausen, Miinchrolh, Schus^
senried, Guttenzell , Ileggbach, Ikiindt, IJuxheim,
Weissenau et Isny, avec leurs dépendances, ainsi que
la ville d'Isny, ayant été réservés à cette fin. Cette masse
d'indemnités est répartie do la manière suivante. »
Après cette introduction, viennent d'abord les in-
demnités des comtes de la première et do la seconde
classe, savoir :
« 1" Au comte d'Aspremont-Linden, pour Reck-
heim : l'abbaye de Uaindt; plus, une rente annuelle
— 347 —
de huit cent cinquante florins sur Ochsenliausen. »
Le conité d'Aspremont est situé 4ans le duché de
Fiimhourg, et la seigneurie de Lynden dans l'évêché
de Liége^ L'un et l'autre étalent médiats, et par con-
séquent les possesseurs n'avaient pas d'indemnité à
réclamer pour leur pef te : piais ils avaient aussi perdu
le pomté de Reckheim ou Reekem près Maëstricht,
pour lequel ils se trouvaient dans la première classe
de comtes établie par l'Instruction de la Députation.
Ce comté rapportait treize mille cinq cents florins j il
avait deux mille huit cents habitants sur un mille et
demi carré. L'abbaye de femmes de Baindt qu'on lui
donna, est située dans l'enceinte de ce qu'on appelait
alors préfecture autrichienne d'Altorf. Elle n'avait ni
territoire ni sujets.
« 2" Au comte de Bassenheim, pour Pyrmont et
OUbriick : l'abbaye de ïJeggbach (à la réserve de
Mietingen et Sullmingen, de la dîme de Baldrin-
gen, et des cinq cents»arpents de bois qui sont affec-
tés à cette part détachée) ; plus, une rente de treize
cents florins sur Buxheim. »
La famille de Bassenheim, originaire d'un château
des environs de Coblentz, porte le nom de Waldbott,
ce qui veut dire défenseur de la forêt. Henri Waldbott
de Bassenheim fut, en 1 1 90, le premier grand-maître
de l'Ordre Teutonique, et la famille de Bassenheim
devait à cette circonstance la distinction que son chef
était chevalier-né de l'Ordre, quand même il était
marié. La seigneurie d'OUbriick près d'Andernach^
de mille cinq cents quatre-vingt-dix habitants, et d'un
rapport de huit mille cent quatre-vingt-dix-huit flo-
rins^ était le seul territoire perdu par cette maison,
' La famille d'Aspremont possède de riches domaines en Hongrie.
— 348 —
que la commission établie à Ochsenliausen crut devoir
ranger dans la seconde classe : on fut embarrassé de
savoir quelle classe il fallait assigner à la seigneurie
de Pi'ermont (non Pyrmont, comme dit le Recès), si-
tuée près de Mûnster-Megenfeld. Cette seigneurie ren-
dait son possesseur État d'Empire, puisque depuis
1787 il siégeait à la Diète comme membre du collège
des comtes de Westphalie ; mais, par une bizarrerie
singulière, Piermont n'appartenait à aucun cercle, et
ne payait aucune contribution ni d'Empire ni de cer-
cles. Elle rapportait trois mille vingt et un florins.
On donna au comte de Bassenheim l'abbaye de
femmes de Heggbach près de Biberach, mais en en dé-
tachant les deux principaux villages qui constituaient
son territoire. Le comte possédait encore sur la rive
gauche du Rhin les seigneuries de Bassenheim, He-
resbach, Heckenbach et Sevenach, pour lesquelles on
ne put lui donner une indemnité, pas plus que pour
le château de Bassenheim.
« 3" Au comte de Metternich , pour Winnebourg
et Beilstein : l'abbaye d'Ochsenhausen (à la réserve
du bailliage de Tannheim) , à charge d'acquitter
une rente annuelle de vingt mille florins, dont huit
cent cinquante au comte d'Aspremont, onze mille
au comte de Quadt, et huit mille cent cinquante au
comte de Wartemberg. »
La famille de Metternich dont le nom brille d'un
si vif éclat dans l'histoire diplomatique des xviii" et
XIX* siècles , a fourni dans le xvii* plusieurs prélats
aux sièges archiépiscopaux de Mayence et de Trê-
ves ; elle possédait les seigneuries de Winnebourg et
Beilstein, dans l'enceinte de l'électorat de Trêves.
Le territoire de l'abbaye d'Ochsenhausen était très-
considérable et divisé en cinq bailliages.
— 349 —
« 4° Au comte d'Ostein , pour Mylendonk : l'ab-
baye de Buxheim (à la réserve du village de Pless),
à charge d'acquitter une rente annuelle de neuf
mille florins, dont treize cents au comte de Bassen-
heim, six mille au comte de Plettenberg, et mille sept
cents au comte de Goltstein . »
La seigneurie de Mylendonk est située entre le du-
ché de Juliers et l'électorat de Cologne. Elle rapportait
neuf mille huit cents florins; sa surface était de
trois quarts de mille carré; sa population de mille six
cents âmes. Le dernier comte d'Ostein l'avait héritée
de sa mère. On lui donna, par le Recès, la chartreuse
de Buxheim près de Memmingen, avec quelques vil-
lages. Le comte d'Ostein mourut en 1809, sans laisser
d'autre héritier qu'une sœur octogénaire, veuve d'un
comte de Hatzfeld. On ignore si la seigneurie de Bux-
heim qui, par l'acte de la confédération du Rhin, fut
soumise à la souveraineté du roi de Bavière, a été
réunie par ce monarque comme fief vacant.
(( 5° Au comte de Plettenberg, pour Wittem et
Eyss : les endroits de Mietingen et Sullmingen , déta-
chés de Heggbach, avec la dîme deBaldringen et cinq
cents arpents de bois pris sur les parties des forêts les
plus voisines de Mietingen ; savoir : celles de Wolf-
loch, Laitbiihl et Schneckenkau; plus, une rente an-
nuelle de six mille florins sur Buxheim. »
VValther de Plettenberg a été grand-maître de l'Ordre
Teutonique en Prusse, de 1495 à 1535. Les seigneu-
ries de Wittem et Eyss sont situées dans le duché de
Limbourg. On indemnisa le comte de Plettenberg de
sa perte, estimée à quatorze mille florins de revenus,
eu lui donnant une partie de l'abbaye de Heggbach et
une rente.
— 350 —
« 6" Au comte de Quadt, pour Wickeratli etSclnva-
nenbefg : l'abbaye et la ville d'Isny; plus, une rente
annuelle de onze mille florins sur Ochscnhausen. »
Les seigneuries de Wickeralh et de Schwîinenberg
sont situées entre le ducbé de Juliers et l'élcctorat do
Cologne; elles avaient une surface de un dcmi-milio
carré et une population de trois mille âmes.
« 7" Au comte de Schœsberg, pour Kerpen et Lotu-
mersum ; le bailliage de Tannbeim, délacbé d'Oclisen-
bausen (à la rései*ve du village de Winterrieden), à
cbarge d'acquitter une rente annuelle de deux mille
florins, dont quinze cents au comte de Sinzendorffj cH
cinq cents au comte de Hallberg. »
Les seigneuries de Kerpen et Lommersum sont
situées dans le ducbé de Juliers j elles rapportaient
douze mifle florins.
(( 8" Au comte de Sinzendorff, pour le boi "graviat
de Reineck : le village sus-mentionné de Winterrie-
den, avec titre de bourgraviat; plus, une rente an-
nuelle de quinze cents florins sur Tannbeim. »
La maison de Sinzendorff, dont le nom se trouve si
souvent dans les annales de la diplomatie européenne,
a une origine illustre : elle la fait remonter à Ktliico,
comte d'Altorff, petit-fils de Henri Gnelf, duc de lîa-
vière. Si cette généalogie était bien prouvée^ cette
maison serait une brandie cadette de celle de Bruns-
wic; branche formée longtemps avant l'époque où
les Guelfes ont obtenu le ducbé de Saxe. Le château de
Sinzendorff est situé en Autriche. Les comtes étaient
depuis 1635 grands trésoriers héréditaires de l'Em-
pire. Us sont encore grands échansons héréditaires de
ôo
l'archiduché d'Autriche au-dessus de l'Ems; grands
écuyers tranchants, grands écuyers, et juges de camp
héréditaires des deux Autriches. La perte de cette
maison consistait dans le bourgraviat de Reineck, au-
quel appartenait la ville de ce nom, située sur le lUiin,
près d'Andernach. L'Empereur éleva, en 1 80r)j le vil-
lage de Winterrieden au rang de bourgraviat, titre
équivalant à celui de principauté.
« 9" Au comte de Sternberg, pour Blankenheim ,
Junkrath, Geroldstein et Dollendorf : les abbayes de
Schussenried et de Weissenau, à cliarge d'acquitter
une rente annuelle de treize mille neuf cents florins,
dont cinq mille cinq cents au comte de Wartemberg
pour Sickingen, onze cent dix au comte de Sickingen-
Sickingen, six mille huit cent quatre-vingts au comte
de Nesselrode-lleichenstein, et cent cinquante au comte
de Goltstein.»
Les comtes de Sternberg sont originaires de la Fran-
conie : le berceau de leiir famille est dans l'évêché
d'Eichstett, et appartient aujourd'hui à la famille de
Gultemberg. Jaroslaw de Slernberg remporta, en 1 241 ,
sur les Mongols, la fameuse bataille à'Olmiilz qui
préserva l'Europe du joug de ces barbares. Il bâtit un
nouveau château de Sternbers en Bohême. Son frère
fut le premier grand-maître de l'Ordre de la Croix à
l'étoile rouge en Bohême. Le chef de cette maison
avait obtenu, en 1780, à la mort du dernier comte de
Manderscheid, dont il avait épousé la fille aînée , les
comtés de Blankenheim et Geroldstein dans l'Eiffel,
auxquels appartenaient les seigneuries de Junkrath et
Dollendorf. Les abbayes de Schussenried sur le lac de
Feder, et celle de Weissenau ou Minderau sur la
Schuss, sont riches et considérables, mais on les a
grevées d'une rente de treize mille neuf cents florins.
— 352 —
(( 1 0" Au comte de Tœrring , pour Gronsfeld : Fab-
baye de Guttenzell. »
La famille de Tœrring, une des plus anciennes de la
Bavière et qui fait remonter sa généalogie jusqu'à
l'époque de Tassilon, posséda héréditairement les
charges de grand-maître des chasses de la Bavière,
grand chambellan de l'archevêché de Salzbourg, et
grand maréchal de l'évêché de Ratisbonne. Une bran-
che de cette maison, celle de Jettenbach, avait perdu
le comté de Gronsfeld, dans le duché de Limbourg,
ayant un mille carré de surface, mille neuf cents ha-
bitants, et rapportant douze mille sept cents florins.
L'abbaye de Guttenzell , est située sur la rive gauche
de l'iller.
« 1 r Au comte de Wartemberg, pour VVartemberg:
l'abbaye de lloth, et une rente annuelle de huit mille
cent cinquante florins sur Ochsenhausen.
i( 12" Au comte de Wartemberg, pour Sickingen ,
en remplacement d'Ellerstadt, Aspach et Oranienhof :
le village de Pless, détaché de Buxheim; plus, une
rente annuelle de cinq mille cinq cents florins sur
Schussenried. ))
Le comté de Wartemberg est situé dans le Palatinat,
et se compose de plusieurs districts détachés, ayant
ensemble trois milles carrés, et rapportant quarante-
six mille six cents florins. Metlenheim, entre Worms
et Oppenheim, était la résidence des comtes. L'ab-
baye de lloth, qu'on leur donna en remplacement du
comté de Wartemberg, est située au nord du comté
de Waldbourg. En 1788, le comte avait vendu à celui
de Sickingen le village d'Ellerstadt et les fermes d'As-
pach et d'Oranienhof : le Uecôs assigna pour cet objet
une indemnité particulière.
— 353 —
Tout ce qui formait la masse des indemnités étant
ainsi épuisé, et tous les intéressés des deux premières
classes ayant obtenu un dédommagement qui, d'a-
près les règles ci-dessus établies, pouvait être regardé
comme suffisant, il ne resta plus à répartir, entre les
classes suivantes, qu'une masse de dix mille six cents
florins de rentes annuelles, réservées sur Buxheim et
Schussenried. D'après les instructions que la commis-
tion avait reçues, ces rentes devaient être assignées à
la troisième classe des comtes ; mais ceux-ci avaient
liquidé un total de vingt -deux mille neuf cent
soixante florins. La masse qui leur était destinée, of-
frant ainsi un déficit, on ne put prendre d'autre parti
que de distribuer à ces intéressés les dix mille six
cents florins au marc la livre, de manière que chacun
reçût quarante -six pour cent de sa perte. C'est pour
quoi le Recès continue ainsi :
H 13° Au comte de Goltstein^ pour Schlenacken : une
rente annuelle de mille huit cent cinquante florins,
dont mille sept cents sur Buxheim, et cent cinquante
sur Schussenried.
(( 14° Au comte de Hallberg j pour Fussgœnheim
et Ruchheim : une rente annuelle de sept mille trois
cent quatre-vingts florins, dont six mille huit cent
quatre-vingts sur Schussenried et cinq cents sur
Tannheim.
« 15° Au comte de Nesselrode-Reichejistein ^ pour
Burgfrey et Mechernich : une rente annuelle de deux
cent soixante florins sur Schussenried.
« 16" Au comte de Sickingen-Sickingen , pour le
bailliage de Hoheneinœden : une rente annuelle de
onze cent dix florins sur Schussenried. »
Schlenacken, que le comte de Goltstein avait perdu,
faisait anciennement partie des seigneuries de Wittem
vu 23
— 364 —
et Ey8s; les comtes de Plettenberg l'avaient vendu au
comte de Goltstein qui, n'ayant pas voix à la Diète,
n'était pas du nombre des Etats d'Empire , quoique
État de cercle.
Ruchheim et Fussganheim , deux villages considé-
rables du comté de Linange, avaient été concédés à la
famille des barons ou comtes de Hallberg, mais la
possession lui était contestée.
La maison de Nesselrode, d'origine saxonne et très-
ancienne, était décorée de la charge héréditaire de
chambellan et maréchal du duché de Berg; elle avait
voix et séance au cercle de Westphalie, pour la sei-
gneurie de Reichenstein, dans l'enceinte du comté de
Wied-Runkel. Burgfrey et Mechernich se trouvaient
dans le duché de Juliers. Cette maison forme deux
branches, celle de Reichenstein et Landeskron, et
celle d'Ereshoven à laquelle appartient un des plus
célèbres diplomates de notre temps, le chancelier de
l'empire de Russie, comte Charles-Robert de Nessel-
rode.
Les comtes de Sickingen, dont le nom se retrouve sou-
vent dans les annales du xvi* siècle, étaient membres du
collège des comtes de la Souabe, pour leur seigneurie
de Burg-Sickingen ; ils possédaient, sur la rive gauche
du Rhin, la seigneurie de Dachstuhl, et d'autres do-
maines considérables, pour lesquels les médiateurs
leur avaient assigné les abbayes d'Ochsenhausen et de
Roth; mais, en examinant leurs titres, la Commission
trouva qu'à l'exception des villages du comté de War-
temberg, pour lesquels ils appartenaient à la première
classe, et le bailliage de Hoheneinœden, qui leur assi-
gnait une place dans la troisième, toutes leurs posses-
sions, rapportant encore cent vingt-deux mille sept
cent quatre-vingt-dix-neuf florins, étaient de la cin-
quième classe, à laquelle, non plus qu'à la quatrième,
— 355 —
rinsiiffisance des fonds assignés ne permit pas d'ac-
corder une indemnité.
Nous allons donner le dénombrement de ces deux
classes.
Quatrième classe :
Le comte de la Leyeriy État d'Empire pour le comté
de Hohengeroldseck, était de cette classe pour sa sei-
gneurie de Bliescastel et une partie de ses dépendances
du côté du duché de Deux-Ponts, rapportant cent cinq
mille florins. L'article 1 2 secret du traité de Campo
Formio avait nommé ce seigneur parmi les États qui
devaient être indemnisés; et le premier plan lui avait
assigné, pour ses domaines de la quatrième et de la
cinquième classe, les abbayes de Schussenried, Gut-
tenzell, Heggbach, Baindt et Buxheim. Il fut d'autant
plus à plaindre que, pour l'autre moitié de ses reve-
nus, il rentra dans la cinquième classe, dont nous ve-
nons de faire connaître le sort. Cependant il obtint la
restitution d'une grande partie de ses domaines en
France, de ceux qui n'avaient pas été aliénés ni don-
nés en dotation à la Légion d'honneur.
Le comte de Hallberg , pour Heuchelheim, rappor-
tant deux mille florins.
Cinquième classe :
Aspremont-Lynderij pour un capital de deux cent
vingt mille florins.
Bassenheim, pour Bassenheim, Heresbach, Hecken-
bach, Sevenach, rapportant quarante-huit mille flo-
rins.
Bentheim-Steinfurt, pour la seigneurie d'Alpen dans
l'électorat de Cologne, dix-huit mille florins.
Hallberg f pour Horst, Luxheim, etc., cinq mille
huit cent soixante-deux florins.
— 356 —
De la Leyen, pour Adendorf, Mûnchweiler , etc.,
encore cent treize mille florins.
Metternich - Winnebourg - Beilstein , pour Oberahe ,
Reinhardstein, etc., rapportant seize mille quatre
cents florins.
Les deux branches de la maison de Nesselrode, pour
Thumb et autres domaines, d'un revenu de quatorze
mille florins.
Ostein, pour des domaines médiats, rapportant
quatre cents florins.
Créange, pour la seigneurie de Pittanges , dans le
duché de Luxembourg, rapportant neuf mille florins.
Schœsherg, pour des terres médiates d'un revenu de
vingt-sept mille cinq cents florins.
Sickingetif pour Hohenburg, Landstuhl, etc., cent
vingt-deux mille septcent quatre-vingt-dix-neuf florins.
Siern&er^^ pour Manderscheid, etc., ayant soixante-
sept mille cent florins de revenus.
Tœrring, pour deux mille trois cents florins de re-
venus en biens médiats, situés en Hollande.
Le paragraphe 24 se termine par les dispositions
générales suivantes :
« Les dispositions générales qui suivent sont insé-
parables de cette répartition.
« 1 . Les votes des comtes d'Empire indemnisés, dont
la perte consistait en territoire immédiat contribuant
aux prestations de l'Empire et du cercle, et qui avaient
en même temps une voix ou partie de voix aux Diètes
de l'Empire ou du cercle ; savoir : les comtes d'Aspre-
mont, de Bassenheim , de Metternich, d'Ostein , de
Plettenberg, de Quadt, de Schœsberg, de Sinzendorfî,
de Sternberg, de ïorring et de Wartemberg, sont
transportés sur leurs nouvelles possessions.
« 2. Les parties d'indemnité détachées du chef-lieu
— 357 —
acquittent leurs quotes-parts aux prestations de l'Em-
pire et du cercle dans la caisse principale, dans les
mêmes proportions qu'auparavant, et fournissent le
même nombre d'hommes qui était fourni au contin-
gent précédent. Le possesseur de la partie détachée a
le droit de faire la sous-répartition de sa quote-part, et
de lever son contingent d'hommes.
« 3. Le droit de détraction entre les possessions du
chef-lieu et de la partie détachée reste dans ses rap-
ports actuels.
« 4. Le possesseur d'une partie détachée acquiert
le mobilier qui s'y trouve ou qui en dépend, de même
que les arrérages sur lesquels il doit s'entendre avec
l'ancien possesseur.
« Il n'a aucune part aux capitaux actifs et passifs
de la caisse générale du chef-lieu , parce qu'ils ont
déjà été portés généralement en ligne de compte dans
les calculs du produit.
« 5. Il est tenu de fournir sa quote-part pour la sus-
tentation du clergé du chef-lieu, en proportion du re-
venu de la partie qui est détachée.
i' 6. Aux rentes assignées ci-dessus sont attribués
tous les avantages et dispositions qui sont déterminés
dans le présent acte pour les rentes qui y sont établies.
(( 7. Le propriétaire d'une rente est aussi tenu de
supporter une partie des frais de sustentation du
clergé du chef-lieu, sur lequel la rente est assignée ;
cependant, comme il n'a aucune part au mobilier
dudit chef-lieu, il ne peut être tenu de fournir que la
moitié de la quote-part établie en raison des revenus
de l'objet d'indemnité, déduction faite des charges.
(( 8. Pour égaliser les charges temporaires, surtout
les frais de sustentation, justement évaluées d'après
les dispositions des paragraphes 51 et 57 du présent
acte, pour le clergé des neuf abbayes, les capitaux
— 358 —
actifs de la chartreuse de Buxheim, montant à cent
soixante-seize mille florins, seront employés d'après
les principes suivants :
« 1° La somme de sustentation qui n'excède pas le
tiers des revenus d'une abbaye, est considérée comme
compensée tant par l'universalité de cette charge com-
mune à tous, que par l'acquisition du mobilier.
« 2" Lorsque la somme de sustentation excède le
tiers du revenu, cet excédant est bonifié à l'octuple
par lesdits capitaux.
« 3" Le futur possesseur de Buxheim est chargé
d'administrer ces capitaux, d'en payer les intérêts à
raison de trois et demi pour cent à ceux qui y ont
part, et de les acquitter en huit termes d'une année
chacun, après les avoir successivement dénoncés.
« 4" En conséquence de ces dispositions, les futurs
possesseurs des abbayes recevront de ces capitaux
actifs, savoir :
« Pour Roth, sept mille cinq cents florins; pour
Weissenau, six mille quatre cent cinquante; pour
Buxheim, vingt mille deux cents; pour Heggbach,
cinquante-trois mille neuf cent cinquante; pourBaindt,
trente-huit mille six cent cinquante; pour Guttentzell,
quarante-cinq mille deux cent cinquante : les quatre
mille florins restant doivent être considérés comme
un excédant destiné à couvrir les pertes possibles.
« 5" S'il y avait une plus grande perte qui ne pût
être attribuée à tort à l'administration de ces capi-
taux, elle serait supportée proportionnellement par
tous ceux qui y ont part.
« Le complément de Tindemnité, s'il y a lieu, et eu
tant qu'il n'y serait pas pourvu par la levée future du
séquestre, sera, pour lesdits comtes et pour tous au-
tres réclamants à ce titre, assigné sur les revenus qui
pourraient être ultérieurement disponibles. »
— 359 —
On ne sait sur quoi se fonde la dernière phrase ;
la Députation savait parfaitement qu'il ne restait plus
rien de disponible en Empire.
§ 25.
« Le siège de Mayence est transféré à l'église cathé-
drale de Ratisbonne. Les dignités de prince-électeur-
archichancelier de l'Empire, ainsi que celles d'arche-
vêque métropolitain et de primat de Germanie, y
demeureront unies à perpétuité. Sa juridiction métro-
politaine s'étend sur les anciennes provinces ecclé-
siastiques de Mayence, Cologne et Trêves (en tant
qu'elles se trouvent à la rive droite du Rhin, et en
exceptant les États du roi de Prusse); enfin sur celle
de Salzbourg, en tant qu'elle s'étend sur les pays unis
à l'électorat palatin de Bavière.
« Quant au temporel, ladotation del'Électeur-Archi-
chancelier est formée de la principauté d'Aschaffen-
bourg et de la principauté de Ratisbonne. La première
est formée du grand bailliage d'Aschaffenbourg, dans
son intégrité et étendue actuelles j plus, des bailliages
d'Aufîenau, Lohr, Orb, avec la saline, Prozelten et
Klingenberg, à la droite du Mein, et du bailliage wtlrz-
bourgeois d'Aurach au Sinn-Grund; la seconde com-
prend la principauté actuelle de Ratisbonne , la ville
de ce nom et toutes les dépendances, avec les chapi-
tres, abbayes et couvents, tant médiats qu'immédiats,
qui s'y trouvent, notamment Saint-Émeran, Ober-
Munster et Nieder-Mûnsterj le tout dans les rapports
actuellement existant à l'égard de la Bavière. Cette do-
nation est formée, en outre, de la ville impériale de
Wetzlar, à titre de comté et en pleine supériorité terri-
toriale, ainsi que de tous les chapitres, abbayes et
couvents situés dans lesdites principautés et comtés ;
— 360 —
plus, de la maison de Kompostel à Francfort, et des
propriétés et revenus du grand chapitre de Mayence,
tenues et perçues hors des bailliages assignés au roi
de Prusse, au landgrave de Hesse-Darmstadt, aux prin-
ces de Nassau-Usingen et de Linange.
« Le revenu des objets ci-dessus spécifiés est évalué
à six cent cinquante mille florins.
« Il sera pourvu immédiatement au complément
d'indemnité derÉlecteur-Archichancelier, fixée à un
million de florins, par des assignations sur l'octroi de
navigation mentionné au paragraphe 39.
« En attendant que cet octroi soit en activité , les
péages à la rive droite du Rhin qui auraient continué
à être perçus depuis le \" décembre 1802, serviront
à l'acquit dudit complément d'indemnité. L'Électeur-
Archichancelier s'entendra à cet effet avec les princes,
au nom desquels ils auraient été perçus. S'il se trouve
des fonds suffisants après l'acquit de son complément,
ils serviront à payer d'autant les assignations portées
aux paragraphes 9, 14, 17, 19 et 20.
« L'Électeur-Archichancelier continuera d'être élu
conformément aux statuts de son ancienne métro-
pole.
« Les villes de Ratisbonne et de Wetzlar jouiront
d'une neutralité absolue, en cas de guerre même
d'Empire, attendu qu'elles sont, l'une le siège de la
Diète générale, l'autre le siège de la chambre impé-
riale. »
L'Empire germanique avait trois chanceliers, pour
les royaumes d'Allemagne, de Lorraine-Bourgogne et
d'Italie. Les trois premiers princes de l'Église alle-
mande en étaient revêtus; mais les fonctions des ar-
chevêques de Trêves et de Cologne, comme chance-
liers, étaient tombées en désuétude. Ces dignités furent
— 361 —
tacitement supprimées par le Recès. Mais on ne pou-
vait se passer d'un chancelier qui, d'après la Consti-
tution germanique, était le principal ressort de la ma-
chine politique. En conséquence, on conserva cette
charge au successeur de l'électeur de Mayence, qui y
réunit les dignités d'électeur, d'archevêque etde primat
d'Allemagne. Cette dernière qualité avait été attribuée
jusqu'alors à l'archevêque de Salzbourg, mais comme
un vain titre sans réalité. On agrandit considérable-
ment la province métropolitaine de l'archevêque, dont
on transféra le siège à Ratisbonne; car on y joignit ce
qui restait des trois autres archevêchés, en tant que
les diocèses qui leur étaient soumis ne se trouvaient
pas dans les États du roi de Prusse, ni dans ceux de
la maison d'Autriche; cette dernière exception n'est
exprimée qu'indirectement par ces mots : en tant
qu'elle s'étend sur les pays unis à Vélectorat palatin de
Bavière. Le Recès ne dit pas expressément que sa pro-
vince s'étendra aussi sur les évêchés qui jusqu'alors
étaient immédiatement soumis au saint-siége, tels que
Bamberg et Fulde; mais cet arrangement n'a sans
doute pas souffert de difficulté dans son exécution,
d'autant plus que les archevêques de Mayence contes-
taient l'immédiateté de Fulde. 11 fallut, pour la trans-
lation du siège archiépiscopal à Ratisbonne, une con-
firmation du souverain pontife : elle fut donnée par
une bulle que le Pape signa le 2 février 1 805 , pen-
dant son séjour à Paris.
L'électorat de Mayence, composé de vingt-cinq bail-
liages situés presque tous sur la rive droite du Rhin,
de la ville d'Erfurt, capitale de la Thuringe, et de
l'Eichsfeld, formait un État de cent soixante-neuf mil-
les carrés, renfermant trois cent cinquante mille habi-
tants, et rapportant deux millions de florins. On a lieu
d'être surpris que^ décidés à conserver la dignité d'Ar-
— 362 —
chichancelier, qui donne à son titulaire le premier
rang parmi les princes de l'Empire, les médiateurs
n'aient pas conservé à ce prince les États qui lui res-
taient après la perte de sa capitale et de quelques dis-
tricts situés sur la rive gauche du Rhin. On est plus
étonné encore, qu'après avoir morcelé cet État de ma-
nière qu'il n'en restât plus qu'un district de vingt et
un milles carrés , avec quarante-huit mille habitants,
ils n'aient pensé à assurer à l'Archichancelier une do-
tation analogue au rang qu'il devait occuper, que lors-
qu'il ne se trouva plus rien de disponible. Voici com-
ment le premier plan s'était exprimé à cet égard :
« S. M. l'empereur de Russie et le premier Consul
de la République française [Le premier Consul de la
République française et S. M. l'empereur de Russie],
après avoir proposé de régler ainsi les indemnités exi-
gibles des princes héréditaires, ont reconnu qu'il était
à la fois possible et convenable de conserver dans le
premier collège de l'Empire un électeur ecclésiastique.
Ils proposent, en conséquence, que l'archichancelier
de l'Empire soit transféré au siège de Ratisbonne, avec
les abbayes de Saint-Emeran, Ober-Mûnster et Nieder-
Munster, conservant de ses anciennes possessions le
grand bailliage d'Aschaffenbourg, à la droite du Mein,
et qu'il y soit réuni d'ailleurs un nombre suffisant
d'abbayes médiates, pour, avec les terres ci-dessus ,
lui parfaire un revenu annuel d'un million de florins. «
Pour parfaire ce million, on augmenta d'abord l'é-
tendue du grand bailliage d'Aschaffenbourg, en y lais-
sant réunie la portion située sur la rive gauche du
Mein, et y comprenant expressément le bailliage de
Lohr ou la partie mayençaise du comté de Rieneck ;
Orbe-Haussen , qui a une saline considérable; Auf-
fenau, terre appartenant au canton du Rhin de la No-
blesse immédiate, mais que l'électeur de Mayeooe
— 363 —
avait acheté, en 1 780, de la maison de Forstmeister j
les parties de Prozelten et Klingenberg, situées sur la
rive droite du Mein, et que, sans cette disposition eX"
presse, le prince de Linange aurait pu réclamer comme
dépendances du bailliage d'Aurach sur le Sinne, ou
la partie wiirzbourgeoise du comté de Rieneck. On
ajouta ensuite à l'évêché de Ratisbonne la ville de ce
nom et celle de Wetzlar : le premier plan avait con-
servé à ces villes leur immédiateté, comme étant, l'une
le siège de la Diète de l'Empire, et l'autre celui de la
Chambre impériale.
Moyennant ces additions, on était parvenu à former
au premier prince de l'Empire un État de vingt-quatre
milles un quart carrés, habité par quatre-vingt-deux
mille âmes et rapportant six cent cinquante mille flo-
rins. Les trois cent cinquante mille florins qui man-
quaient furent assignés sur l'octroi de la navigation du
Rhin. Il faut encore observer une petite différence en-
tre la rédaction de cet article et celle du premier plan;
celui-ci disait : L'archichancelier de l'Empire sera
transféré à Ratisbonne; le Recès s'exprime ainsi : Le
siège de Mayence est transféré à l'église cathédrale de
Ratisbonne. Les médiateurs pensaient que l'archi-
chancelier devait résider dans la ville où siégeait la
Diète, dont il était le directeur : le Recès lui laissai*
faculté de se choisir une autre résidence.
§ 26.
« Les Ordres Teutonique et de Malte sont, en con-
sidération des services militaires de leurs membres ,
soustraits à la sécularisation; et, à raison de leurs
pertes à la rive gauche du Rhin, ils reçoivent en com-
pensation, savoir :
c( Le prince grand-maître et l'Ordre Teutonique les
— 364 —
chapitres, abbayes et couvents médiats du Vorarlberg,
de la Souabe autrichienne, et généralement tous les
couvents médiats des diocèses d'Augsbourg et de
Constance et Souabe, dont il n'a pas été disposé, hors
ceux du Brisgau.
« Le prince grand prieur et le grand prieuré d'Al-
lemagne de l'Ordre de Malte : le comté de Bondorf, les
abbayes de Saint-Biaise , de Saint-Trutpert, de Schut-
tern, de Saint-Pierre et de Tennenbach, et générale-
ment tous les chapitres, abbayes et couvents du Bris-
gau, avec toutes les dépendances respectives à la rive
droite du Rhin des objets ci-dessus désignés, à charge
par lui d'acquitter les dettes personnelles des ci-devant
évêques de Baie et de Liège, contractées depuis qu'ils
sont hors de leurs sièges , telles qu'elles seront ulté-
rieurement liquidées. »
On a fait des observations critiques sur le préam-
bule de ce paragraphe, qui détermine que les Ordres
Teutonique et de Malte sont conservés à cause des ser-
vices militaires de leurs membres; mais, on répon-
dait que si ce n'était point là précisément le motif, du
moins il devait paraître juste et convenable qu'à une
époque où, par la sécularisation de tant de chapitres
etde fondations, on enlevait à la noblesse allemande la
facilité d'établir ses cadets etde parvenir aux premiè-
res dignités de l'Église etde l'État, on lui conservât au
moins deux institutions enrichies par les dotations de
l'ancienne noblesse. Cependant, il y a lieu de croire
que le véritable motif auquel elles durent leur conser-
vation, fut la protection que la Russie accordait à l'une
d'elles. Ce qui l'indique, c'est que dans le premier
plan il n'était question que de l'Ordre de Malte, et
que l'Institution toute nationale de l'Ordre Teutonique
y était complètement oubliée.
— 365 —
Dans le Recès, l'Ordre Teutonique occupe le pre-
mier rang. Nous avons parlé ailleurs de la grande
fortune que cet Ordre avait acquise , et de la manière
dont il fut dépouillé des conquêtes qu'il avait faites
sur la mer Baltique, et réduit à ses possessions en
Allemagne. A l'époque de sa grandeur les terres que
l'Ordre avait acquises en Autriche, dans le Tyrol, sur
le Rhin, en Souabe, en Alsace et en Bourgogne, étaient
immédiatement soumises au grand-maître de Marien-
bourg, ce qui est cause que, jusqu'au dernier moment,
elles portèrent le titre de province prussienne. Les
autres possessions de l'Ordre formaient la province
allemande, soumise à un maître particulier auquel,
vers la fin du xv* siècle, il fut assigné un district
dont Mergentheim était le chef-lieu. Le grand-maître
en Prusse et le maître Teutonique avaient voix et
séance à la Diète.
Albert de Brandebourg, grand-maître de l'Ordre en
Prusse, s'étant fait donner, en 1525, par le roi de
Pologne, la Prusse orientale à titre de duché héré-
ditaire, le maître Teutonique, Walther de Cronberg,
fut investi par Charles-Quint du titre de grand-maître
de l'Ordre, administrateur de la province de Prusse.
Il réunit sous sa maîtrise les possessions de l'Ordre
en Allemagne, qui avaient immédiatement dépendu
de la province de Prusse. Il occupait à la Diète la
place qui avait anciennement appartenu au grand-
maître de l'Ordre en Prusse, et était le second prince
ecclésiastique, non-électeur. Ce rang lui était cepen-
dant disputé par l'évêque de Bamberg.
Les domaines de l'Ordre étaient répandus sur toute
l'Allemagne, et divisés en douze bailliages, indépen-
damment de ceux qui formaient ce qu'on appelait
abusivement la principauté de Mergentheim. Ces bail-
liages étaient ceux de Franconie, d'Alsace et de Bour-
— 3G6 —
gogne, d'Autriche, de l'Adige, de Coblentz, d'Alten-
biesen (dans la Belgique), deWestphalie, de Lorraine,
de Hesse, de Saxe, deThuringe et d'Utrecht. Les bail-
liages d'Alsace et de Coblentz avaient voix et séance
à la Diète, parmi les prélats du banc du Rhin. Les
revenus des commanderies situées sur la rive gauche
du Rhin se montaient à trois cent quatre-vingt-dix-
huit mille six cent quatre florins , dont quarante-cinq
mille trois cent soixante-dix entraient dans la caisse
du grand-maître'.
• Voici le détail de cette perte :
I. Possessions du grand-maître :
revenus annuels.
i. La commanderie de Weissembourg 23 23< flor.
2. Celle de Spire M 973
3. La ferme d'Oppau 5 231
4. La châlelienie de Weinheim, proche Alzei. 2 172
8. La commanderie de Mayence 2 763
45 370
IL Province d'Alsace et de Boulogne :
1 . La commanderie de Rixheim 1 665
2. La seigneurie de Fessenheim 4 679
3. La commanderie de Miilhausen 6 650
4. Partie de celle de Bâie 1 958
6. La commanderie de Ruffach 6 672
6. Celle de Guebwiler 4 422
7. Celle d'Andlau 4 273
8. Celle de Strasbourg 8 891
9. Celle de Brucken 2 895
10. Celle de Kaisersberg 949
42 754
IIL Province de Coblentz :
1. La commanderie provinciale de Cologne. 23 429
2. La seigneurie d'Elsen 9 880
3. La commanderie d'Anvers 33 655
4. Celle de Coblentz 13 425
5. Celle de MufTendorff i 541
6. Celle de Trar et Rheinberg 2 737
87 667
IV. Province de Hesse :
La commanderie d'Oberflorsheira 7 586
A reporter 183 377
— 367 —
Le second plan fixa l'indemnité de l'Ordre, telle
qu'elle est déterminée par le Recès ; mais dans la vingt
et unième séance de la Députation, le subdélégué du
grand-maître , l'archiduc Charles^ déclara que l'Ordre
n'acceptait que ceux des couvents médiats qui se trou-
vaient dans des terres faisant partie des indemnités,
mais qu'il refusait ceux qui étaient situés dans des
pays anciennement héréditaires; ou, ce qui revient
au même, il n'accepte que celles qui se trouvaient
dans les diocèses de Constance et d'Augsbourg. Un
Report 183 377
V. Province d'Altenbiesen :
1. La commanderie provinciale d'Altenbiesen. 68 277
2. La commanderie de Maëstricht 15 753
3. La seigneurie et les recettes de Dieppen-
bur, Beverst et Damnis 3 744
4. La recette de Saint- Trond 3 018
5. Celle de Tongres 1 418
6. Celle de Vogt 2 282
7. Celle de Holt 1 952
8. La commanderie de Gemmert 18 903
9. Celle deSiersdorf 10 789
10. Celle de Bernsheim 10 778
11. Celle de Beckevort 12 249
12. Celle de Cologne 5 886
13. Celle de Petersfuhren 4 787
11. Celle d'Aix-la-Chapelle 3 908
18. Celle de Gruyrode 3 369
16. Celle d'Ordingen 5 166
17. Partie de celle de Raraersdorf 4 613
VI. Province de Lorraine :
1. La commanderie provinciale de Trêves,
avec les fermes de RachtigetdeTammels.. 12 184
2. La commanderie de Beckingen 13 742
3. Celle de Saarbourg 2 052
4. Celle de Saarbruck 4 1 92
5. Celle de Meinsiedel 4 824
è. Celle de Luxembourg 1 341
176 892
38 335
Total... 398 604
— 368 —
chapitre général de l'Ordre, tenu au mois d'août 1 806,
les réunit à la grande-maîtrise.
L'Ordre de Malte, dont toutes les Langues devaient
se regarder comme solidaires, avait bien le droit de
n'être pas si scrupuleux. Le grand prieur de cet Ordre
en Allemagne avait la qualité d'État d'Empire et
siégeait à la Diète parmi les princes. Il résidait à
Heitersheim dans le Brisgau, où était située sa prin-
cipauté. On n'a pas fait connaît la valeur des com-
manderies que la Langue allemande a perdues par
la session de la rive gauche du Rhin. Le grand prieur
accepta sans difficulté ce que le Recès lui don-
nait; savoir : 1" le comté de Bondorf, pour lequel
le prince abbé de Saint-Biaise avait voix et séance à
la Diète de l'Empire j 2" cette abbaye elle-même qui
possédait, outre ce comté, la seigneurie de Stauff'en;
enfin 3° les abbayes de Saint-Trutpert, Saint-Pierre,
Schuttern et Tennenbach, quoique ces cinq abbayes
fussent sous la supériorité territoriale du Brisgau, qui
n'était pas dans la catégorie des pays dont on avait
formé la masse des indemnités, mais avait été cédé
au duc de Modène, dans l'État où il avait appartenu
à la maison d'Autriche. Les sciences ne peuvent que
regretter la suppression de l'abbaye de Saint-Biaise,
institution utile par les travaux littéraires auxquels
ces moines se livraient; elle était le principal foyer
de l'érudition parmi les catholiques du midi de l'Al-
lemagne. On estime les acquisitions que l'Ordre de
Malte fit par cette disposition, à neuf milles car-
rés, ayant quatorze mille habitants et rapportant
cent quatre-vingt mille florins. Pour satisfaire à la
condition que la fin de l'article avait imposée au grand
prieur, il prit l'engagement, par une convention parti-
culière, signée sous la garantie de la France, de payer
— 369 —
par termes huit cent quarante mille florins à l'évêque
de Liège, et deux cent soixante mille florins à celui
de Bade. Dans un mémoire que le premier avait pré-
senté à la Députation, dans sa séance du 24 septembre,
il faisait monter à un million sept cent quatre-vingt-
dix-neuf mille neuf cent soixante-quatre mille florins
les dettes qu'il avait contractées pour son entretien,
et pour celui de cent vingt-trois ministres et conseil-
lers, et vingt-quatre employés subalternes. On sut à
cette occasion que les revenus nets de l'évêché de
Liège se montaient à deux cent quatre-vingt-dix-huit
mille trois cent onze florins.
§27.
c( Le collège des villes impériales demeure com-
posé des villes libres et immédiates d'Augsbourg, Lu-
beck, Nuremberg, Francfort, Brème et Hambourg.
« Elles jouissent, dans toute l'étendue de leurs terri-
toires respectifs, de lapleine supériorité et detoute juri-
diction quelconque, sans réserve ni exception, sauf
néanmoins l'appel aux tribunauxsuprêmesdel'Empire.
« Elles jouissent pareillement d'une neutralité abso-
lue, même dans les guerres de l'Empire : à cet effet,
elles seront franches à perpétuité de toute contribu-
tion militaire ordinaire et extraordinaire, et, dans
toutes les questions de paix ou de guerre, dispensées
pleinement et nécessairement de tout concours aux
votes de l'Empire. »
Le nombre des villes impériales était, en 1 802, de
quarante-sept. Le premier plan le réduisit à huit, et
le second priva encore de leur immédiateté Ratis-
bonne et Wetzlar. Il s'éleva entre les six villes que
le Recès conserva, une contestation sur le rang; elle
vn 24
—. 370 —
fut décidée le 4- mai 1803 par un acte qui statua que
Hambourg aurait, pour la première fois, le directoire,
mais que cette charge alternerait de deux ans en deux
ans, et que pour le reste elles conserveraient Tordre
que l'article leur assigne.
Après avoir déterminé en général les privilèges
de ces villes, l'article continue ainsi qu'il suit :
(( Elles reçoivent en outre une indemnité, compen-
sation et concession, savoir :
« La ville d'Augsboiirg tous les biens, bâtiments ,
propriétés et revenus ecclésiastiques de son territoire,
tant en dedans qu'en dehors de ses murs, sans aucune
exception quelconque. »
La ville d'Augsbourg n'avait rien perdu par la ces-
sion de la rive gauche du Rhin : ce qu'elle obtint, fut
une concession purement gratuite. C'étaient les bâti-
ments appartenant à l'évêché et au chapitre d'Augs-
bourg, parmi lesquels se trouvait la balance publique;
cependant, d'après les dispositions de l'article 50, le
prince-évêque dut conserver son palais épiscopal sa
vie durant. Indépendamment de ces bâtiments, la
ville eut ceux des abbayes de Saint-Ulric et Sainte-
Afra, des abbayes médiates de Sainte-Croix et de Saint-
Georges, de quatre couvents de religieux, de la fon-
dation noble pour les femmes, dite de Sainte-Ursule,
et de trois couvents de femmes. Tout ce que ces fon-
dations possédaient hors des murs de la ville entra
dans le lot de la Bavière.
< La ville de Lubeck, pour la cession des villages
et hameaux dépendant de son hôpital dans le Meck-
lenbourg : tout le territoire de l'évêché et grand cha-
pitre de Lubeck avec leurs droits, bâtiments, propriétés
et revenus quelconques, compris entre la Trave, la
— 371 ■—
Baltique, le lac de Himmelsdorf, une ligne tirée de là
au-dessus de Swartau, à une distance de cinq cents
toises françaises, au moins, de la Trave, le Holstein
danois et le Hanovre.
(( Quant aux parcelles dépendant de la ville de Lu-
beck hors du territoire ainsi déterminé, et enclavées
dans les États du duc de Holstein-Oldenbourg, il en
sera traité à l'amiable. »
Lubeck fut richement dédommagée de quelques vil-
lages que le Recès lui avait enlevés en faveur du duc
de Mecklenbourg, puisqu'elle obtint, à titre de compen-
sation, deux ou trois villages de l'évêché de Lubeck,
et huit du chapitre, avec les bâtiments de l'évêché.
Le 6 avril 1 803, le duc d'Oldenbourg conclut, ainsi
que nous l'avons dit*, àRatisbonne^ avec les puis-
sances médiatrices, une convention particulière relative
à son indemnisation; mais ce ne fut que le 2 avril
1 804 que son arrangement définitif avec la ville de
Lubeck fut signé à Eutin. Les plénipotentiaires dans
cette négociation étaient, de la part du Duc, le conseil-
ler de justice Escheji, et le docteur BuchhoUz, syndic
du chapitre; de la part de la ville, les sénateurs Rodde
et Tesdorpf. La convention est très-détaillée et se com-
pose de quarante et un articles et dix articles séparés,
dont nous allons donner le sommaire ^
Le duc d'Oldenbourg, prince-évêque de Lubeck,
cède à la ville le palais épiscopal et quarante-quatre
maisons appartenant à l'évêché ou au chapitre, et sises
dans la ville, de manière cependant que les chanoines
* Voy. ci-dessus, p. 299.
* Voy. Polit. Journal, 1804, t. II, p. 864. Cette convention manque
dans le recueil primitif de M. de Martens.
— 372 —
et autres bénéficiers en jouiront leur vie durant.
Art. 1-3.
La part de l'évêché à la cathédrale, avec la caisse de
la fabrique, est cédée à la ville, à la réserve des sé-
pultures des évêques dans l'église. Arl. A.
Le culte catholique sera maintenu dans l'évêché,
dans l'état où il était. Art. 5. Pour l'intelligence de
cet article, il faut savoir que, sur les trente chanoines,
quatre étaient catholiques.
Tous les payements que la caisse du chapitre était
jusqu'à présent chargée de faire à des fondations ou
officiers de Lubeck, cesseront, en tant qu'ils ne repo-
sent pas sur des fondations particulières. Art. 1 4 eM 5.
Le Duc cède à la ville sept villages situés entre la
Trave, la mer et le lac Himmelsdorf, et rapportant
cinq mille cinq cent quatre-vingt-seize marcs sept
schellings et demi, à condition que ces revenus soient
employés au contingent que la ville doit verser pour
le fonds de sustentation. Art. 16 eH7.
La ville contribuera au prorata au payement des
charges de l'évêché à l'égard de l'Empire et du cercle.
Art. 21 .
La ville renonce à l'établissement de la ligne dont
il est question dans le Recès. Art. 22.
VârV article 2^ f leDuc abandonne àla ville plusieurs
villages contre la restitution, stipulée dans Varticle 24,
des mêmes villages que par l'article 10 le Duc lui avait
cédés, et la cession de quelques autres.
L'article 27 du Recès fixe l'indemnité de la ville de
Francfort de la manière suivante :
« La ville de Francfort, pour la cession de sa part
aux villages de Soden et Sultzbach : les chapitres, ab-
bayes et couvents situés dans son enceinte, avec toutes
leurs dépendances, tant au dehors qu'en dedans de
— 373 —
son territoire, et notamment Mockstadt, ainsi que
tous les biens, bâtiments, propriétés et revenus ecclé-
siastiques compris dans ladite ville et ledit territoire
(le Kompostel excepté), sous la condition de servir une
rente perpétuelle de vingt-huit mille florins au comte
de Salm-Reiffercheidt-Dyck, une de trois mille six cents
florins au comte de Stadion-Warthausen, et une de
deux mille quatre cents florins au comte de Stadion-
Tannhausen, lesquelles rentes montant en tout à
trente-quatre mille florins, seront transférées dans la
suite sur l'excédant du produit de l'octroi de naviga-
tion mentionné au paragraphe 39, si, après le paye-
ment des rentes directement assignées sur ce produit
dans le présent acte, il se trouve un excédant suffisant.
« Le commerce de Francfort est en outre affranchi
de tous droits de haut conduit exercés ou prétendus
par aucun des États d'Empire. »
L'article 12 avait cédé au prince de Nassau les vil-
lages de Soden et Sulzbach : ils étaient immédiats,
mais la ville de Francfort y formait des prétentions
en vertu de son droit de protection. En lui assignant
les chapitres et couvents situés dans ses murs % on
crut lui donner une si riche indemnité qu'on la char-
gea du payement d'une rente de vingt-huit mille flo-
rins au comte de Salm-Reiffercheidt-Dyck, et d'une
autre de six mille florins au comte de Stadion; mais
l'expérience prouva qu'on s'était bien trompé. Le Ma-
gistrat, qui se doutait de l'erreur^ ne prit possession
de ces biens qu'après avoir mis ses droits à couvert
' Ces chapitres et couvents sont ; 1 ° le chapitre de Saint-Barthélémy;
2" celui de Saint-Léonard ; 3° celui de Notre-Dame-ès-Monts; i" le cou-
vent des Dominicains de Saint-Frédéric; 5° celui des Dominicaines de
Rosenberg, qui s'occupent de l'éducation des filles ; 6° un couvent de
Carmes; 7» la maison des Dames anglaises, qui se vouent à l'éducation.
— 374 '—
par une protestation. L'inventaire qui en fut dressé
démontra un revenu de cinquante-neuf mille quatre
cent soixante-quinze florins cinquante-trois kreutzers;
mais les charges, pensions, intérêts, frais d'adminis-
tration et d'entretien, frais de culte, etc., se montaient
à soixante-six mille six cent trente-neuf florins vingt-
quatre kreutzers, sans la rente de trente-quatre mille
florins. Ainsi, loin d'être indemnisée de ses droits sur
Soden et Sulzbach, la ville de Francfort voyait ses
charges augmentées; aussi refusa-t-elle de servir les
rentes des comtes de Salm et de Stadion. Cependant
nous trouvons que la ville s'arrangea, en 1 805, avec
le comte de Salm-Reiffercheidt-Dyck, moyennant une
somme qu'elle lui paya une fois pour toutes; nous
ignorons ce qui a été fait pour les comtes de Stadion,
auxquels ces rentes furent assignées en remplacement
des maisons qu'ils possédaient à Francfort.
« Le territoire de Brème comprend le bourg de We-
gesack avec dépendances, le Grolland, le Barkhof, le
moulin de Hemlingen , les villages de Hastede ,
Schwaghausen et Wahr, avec dépendances, et tout ce
qui est compris entre le Weser, les rivières de Wumme,
Leesum, les frontières actuelles et une ligne à tirer de
Sebaldsbriicke, par le moulin de Hemlingen, jusqu'à
la rive gauche du Weser, avec tous les droits, bâti-
ments, propriétés et revenus quelconques dépendant
du duché et du grand chapitre de Brème, et en général
de l'électeur de Brunswic-Lunebourg , dans ladite
ville et son territoire.
{( Pour mettre le commerce de Brème et la naviga-
tion du bas Weser à l'abri de toute entrave, le péage
d'Elsfleth est supprimé à perpétuité, sans pouvoir être
rétabli sous aucun prétexte ou dénomination quel-
conque ; et les vaisseaux ou bâtiments, et les mar-
— 375 —
chandises qu'ils transportent, soit en montant ladite
rivière, soit en la descendant, ne pourront être arrêtés
ni empêchés sous quelque prétexte que ce soit. »
L'augmentation de territoire que ces dispositions
assuraient à la ville de Brème, était prise sur le terri-
toire du duché de Brème ou de l'électorat de Brunswic,
qui en avait été indemnisé par le paragraphe 4. Parmi
les droits que l'électeur de Brunswic-Lunebourg exer-
çait dans la ville de Brème, le principal était celui de
nommer le chef de la justice criminelle, qui portait le
titre de Stadtvogt. La cathédrale lui appartenait avec
le gymnase, deux cents maisons et une maison d'or-
phelins. Ces domaines passèrent par le Recès à la ville
de Brème; mais un avantage beaucoup plus grand
que cet acte lui assurait, était la suppression du péage
d'Elsfleth. Sans parler de la perte de temps qu'éprou-
vaient les bâtiments en faisant halte à cet endroit, le
commerce de Brème gagnait par cette suppression une
somme annuelle de cent cinquante mille florins. Nous
avons déjà dit que, par la convention du 6 avril 1803,
le péage dut encore être maintenu pendant douze ans.
« La ville de, Hambourg a à sa disposition tous les
droits, bâtiments, propriétés et revenus du duché de
Brème et de son grand chapitre, et en général de l'é-
lecteur de Brunswic-Lunebourg, situés dans son en-
ceinte et dans son territoire. »
L'électeur de Brunswic-Lunebourg était regardé
comme le propriétaire de la cathédrale de Hambourg;
il nommait aux canonicats qui devenaient vacants
dans les mois de janvier, mars, mai, juillet, septem-
bre, novembre, le grand chapitre nommait aux autres.
Ce dernier possédait dans la ville quelques maisons de
peu de rapport.
^' 376 —
Le Recès dépouilla l'électeur de Brunswic de tout
ce qu'il possédait à Hambourg; mais il ne parla pas
des droits que le roi de Danemark exerçait, comme
duc de Holstein, sur le chapitre de Hambourg. Comme
le Roi ne voulut pas y renoncer gratuitement, il fut
conclu, le 21 avril 1803, àHambourgy une conven-
tion entre le baron à'Eyben, ministre de Danemark
accrédité auprès du cercle de basse Saxe, et le baron
de Brockdorf, chancelier de la régence de Gluckstadt,
au nom du Roi; le syndic Doormann et le sénateur
Schulte, au nom de la ville ^
Le Roi renonce, par V article \, à tous les droits
quelconques qu'il avait sur le chapitre de Hambourg.
Il se charge de la sustentation des prébendiers qui
avaient été nommés par le Danemark. Art. 2.
La ville renonce aux villages de Poppenbiittel et
Spitzendorf, appartenant au chapitre sous la supério-
rité territoriale du Roi, comme duc de Holstein et sei-
gneur de Pinneberg. Art. 3.
Elle renonce également à tous les revenus que le
chapitre tirait des États allemands du Roi. Art. 4.
Elle cède au Roi le village de Bilsen, appartenant
au couvent de Saint-Jean à Hambourg, et la part du
village de Boisbûttel qui avait appartenu à la ville.
Art. 5.
Le Roi renonce à la supériorité territoriale sur le
village hambourgeois d'Alsterdorff. Art. 6.
Nous devons encore ajouter une observation géné-
rale qui est nécessaire pour l'intelligence de ce qui a
été dit aux articles de Brème et de Hambourg. L'arche-
vêché de Hambourg fut fondé en 834, et saint Ans-
gaire fut le premier prélat qui occupa ce siège ; mais
' Polit. Joum., 4803, t. II, p. 4082. Celte convention ne se trouve
pas dans le Recueil de M. Martens.
— 377 —
les incursions réitérées des peuples païens des envi-
rons forcèrent les archevêques à transférer leur siège
à Brème. Il en résulta des discussions entre les cathé-
drales des deux villes; on les termina en 1223, par un
arrangement qui fixa à Brème le siège de l'archevêché,
en conservant toutefois le grand chapitre de Ham-
bourg. L'archevêché de Brème fut donné, par la paix
de Wesphalie, à la couronne de Suède, à titre de du-
ché séculier; cette cession comprenait les droits que les
archevêques avaient exercés sur le chapitre de Ham-
bourg, mais elle réserva ceux de la ville, du duc de
Holstein et du chapitre même. Il s'ensuivit que ce cha-
pitre fut conservé, ainsi que celui de Brème. Avec le
duché de Brème les deux chapitres passèrent sous la
domination de la maison de Brunswic-Lunebourg.
Ils ne furent supprimés que par le Recès de 1803.
Le paragraphe 27 de ce Recès se termine ainsi qu'il
suit.
(( Quant à la fixation du territoire de Nuremberg,
elle est remise à des transactions ultérieures.
« Les six villes ci-dessus nommées ne peuvent per-
mettre de recrutement militaire dans leur enceinte et
dans leur territoire, que pour les États de l'Empire.
« Les Electeurs et princes auxquels des villes
impériales tombent en partage comme indemnité,
traiteront ces villes, par rapport à leur constitution
municipale et à leur propriété, sur le même pied que
les villes les plus privilégiées comparativement de
chaque pays, autant que l'organisation dudit pays et
les dispositions nécessaires pour le bien général le
permettront. Il leur est assuré en particulier le libre
exercice de leur religion et la possession paisible de
tous leurs biens et revenus consacrés à des usages
pieux ou de bienfaisance.
— 378 —
S 28.
« Les indemnités qui pourraient être dues à au-
cuns des membres de l'ordre équestre, seront^ à Tins
tar du complément des indemnités des comtes d'Em-
pire, et en tant qu'il n'y serait pas pourvu par la levée
future du séquestre^ assignées sur les revenus qui
pourront être ultérieurement disponibles, et dans des
proportions relatives à leurs prétentions légitimes. »
Nous avons déjà dit que les promesses renfermées
dans ce paragraphe étaient illusoires, puisqu'il ne
restait plus de revenus disponibles.
§ 29.
« La République helvétique, en compensation de
ses droits et prétentions sur les possessions situées en
Souabe, dépendantes de ses établissements ecclésiasti-
ques, desquels il a été disposé par les articles précé-
dents, reçoit l'évêché de Coire, en pourvoyant à l'en-
tretien de l'évêque, du chapitre et de leurs officiers;
plus, la seigneurie de Trasp. Elle est en outre autori-
sée à racheter, au moyen de rentes perpétuelles équi-
valentes au produit net, remboursables au taux établi
par les lois helvétiques, ou de tel arrangement dont
elle pourra convenir avec les parties intéressés, tous
les droits quelconques, dîmes, domaines, propriétés
et revenus appartenant, soit à l'Empereur, aux princes
et États d'Empire, soit aux établissements ecclésiasti-
ques sécularisés, seigneurs et particuliers étrangers
dans toute l'étendue du territoire helvétique.
(( Les sécularisations que ladite République pour-
rait faire chez elle auront lieu sans perte et préjudice
des dépendances en Empire de ses établissements re-
ligieux, sauf ce dont il a été disposé; et la réciprocité
— 379 —
a été stipulée pour les dépendances, en Helvétie, des
établissements religieux d'Empire. Toute juridiction
d'un prince, Etat ou membre de l'Empire, cessera
désormais dans l'étendue du territoire helvétique,
ainsi que toute suzeraineté et tous droits purement ho-
norifiques; et la même chose a lieu à l'égard des pos-
sessions helvétiques situées dans l'Empire germani-
que. »
Le Recès avait disposé de quelques domaines ap-
partenant à l'abbaye de Mûri et à celle de Saint-Gall;
savoir : du village de Durenmestetten, de la seigneurie
de Glatt, et de celle de Neu-Ravensbourg. On en in-
demnisa, non ces chapitres, mais la République hel-
vétique, parce qu'on supposait qu'elle supprimerait
toutes ces fondations.
S 30.
« Toutes les rentes perpétuelles établies par les ar-
ticles précédents seront perpétuellement rachetables
au denier quarante, sauf tout autre arrangement, dont
les parties intéressées conviendront de gré à gré. L'é-
chéance de ces rentes perpétuelles est fixée au V dé-
cembre de chaque année.
(( Le payement s'effectue sur le pied de vingt-quatre
florins au marc, en bonne monnaie courante d'argent. »
§31.
(( La dignité électorale est accordée à l'Archiduc
Grand-Duc. Elle est accordée également au margrave
de Bade, au duc de Wurtemberg et au landgrave
de Hesse-Cassel, qui, pour le rang, alterneront entre
eux d'après les strophes établies au collège des Prin-
ces, et, pour leur introduction, observeront les forma-
lités d'usage. A l'extinction de la maison de Hesse-
— 380 —
Cassel, le titre électoral passera à la maison de Hesse-
Darmstadt. »
Les deux premiers plans et le premier conclusum
général ne parlent que de trois nouveaux Électeurs ,
Bade, Wurtemberg et Hesse-Cassel. Après la conven-
tion du 26 décembre 1802, on y ajouta le grand-duc
de Toscane, comme premier en rang; de manière que
dorénavant le collège électoral se composait de quatre
Électeurs catholiques : l'Archichancelier, la Bohême,
la Bavière et le Salzbourg, et de six protestants: la
Saxe, le Brandebourg, Brunswic-Lunebourg et les
trois nouveaux qui deva.ient alterner pour le rang. La
dignité électorale avait aussi été demandée dans le
cours des négociations, pour le grand-maître de l'Ordre
Teutonique, et, après la rédaction du Recès, pour le
duc de Mecklenbourg-Schwerin.
Cette dernière proposition fut présentée dans une
Note que les ministres médiateurs transmirent à la
Députation, le 6 mai 1803, trois jours avant sa disso-
lution. L'empereur Alexandre demanda cette dignité
pour son allié , en motivant son désir d'une manière
qui n'aurait pas manqué son effet , si la Députation
avait encore eu le temps de délibérer sur cet objet.
L'Empereur, auquel l'histoire rendra la justice, que,
dans toute cette négociation, il n'a été dirigé que par
des considérations de l'intérêt le plus élevé, par le seul
désir de pacifier le monde et de diminuer l'influence du
chef de la France, déclara qu'il regardait l'accomplisse-
ment de ce vœu comme le prix de sa sollicitude pour le
bonheur et la tranquillité de l'Allemagne. Il ajouta que le
chef de la maison de Mecklenbourg-Schwerin ferait,
à cet effet, les démarches requises par les lois et les
usages.
En nommant quatre nouveaux Électeurs, et parmi
eux un seul catholique , non-seulement la proportion
— 381 —
qui avait eu lieu jusqu'alors dans le collège électoral,
par rapport à la religion , fut dérangée , mais les pro-
testants obtinrent même une prépondérance dont
l'histoire n'avait offert qu'un seul exemple , dans les
années 1 543 à 1 584. A cette époque, où l'électeur de
Bohême ne prenait pas encore part aux délibérations
de la Diète , non-seulement les trois autres Électeurs
séculiers étaient protestants, mais parmi les Électeurs
ecclésiastiques il y en avait même un qui professait le
culte luthérien; c'était Guebhard TruchsesSf électeur
de Cologne.
Parmi les dix Électeurs de 1803, six étaient pro-
testants, savoir: la Saxe *, le Brandebourg, l'élec-
teur de Brunswic-Lunebourg, celui de Bade, celui
de Wurtemberg et celui de Hesse-Cassel. Cependant
nous verrons que l'Empereur ne fit aucune difficulté
de ratifier cet article du Recès.
Pour apprécier la modération dont le Cabinet de
Vienne a fait preuve en cette occasion, on doit se re-
porter à l'époque dont l'histoire nous occupe. Grâce
aux secousses violentes que l'Europe avait éprouvées
depuis 1 789, on avait parcouru en treize années un
demi-siècle; si l'expérience avait prouvé la vanité de
ces théories politiques, auxquelles alors on attachait
tant de prix, elle avait aussi renversé les barrières
qu'une malheureuse division religieuse avait placées,
non-seulement entre les nations , mais aussi entre les
citoyens d'un même pays. Le sang de nos frères, qui a
coulé à grands flots, a chèrement payé cet avantage.
Le paragraphe 31 dit que les nouveaux Électeurs
observeront, pour leur introduction, les formalités
d'usage. Nous voyons, par le décret de commis-
sion de l'Empereur, du 13 août 1803, dont il sera
' Quoique l'Électeur, de sa personne , fût catholique, son ministère
était protestant et dirigeait le corps évangélique.
— 382 —
question plus tard, ce que la Cour impériale enten-
dait par les formalités d'usage. Il fallait, 1" déter-
miner la portion de territoire à laquelle la dignité
électorale devait être affectée. D'après la constitution
de la Bulle d'Or, cette dignité passait nécessairement
et sans division à la primogéniture, tandis que cet
ordre de succession, quoique devenu à peu près général
en Allemagne, n'était pourtant pas constitutionnel, et
n'y avait guère été introduit que par des pactes ou des
statuts de famille; 2" il fallait être revêtu d'un archi-
office, et le même décret de commission, du 13 août,
nous apprend que l'Empereur ne se croyait pas autorisé
à le conférer de son propre mouvement; 3" il fallait
avoir reçu l'investiture du chef de l'Empire , source
unique de toutes les dignités; enfin, 4" il fallait se
charger du payement d'une part proportionnée des
contributions pour l'Empire et les cercles, et con-
courir dans la même proportion à l'entretien de la
Chambre impériale. A ces quatre obligations il faut
encore ajouter celle de payer, une fois pour toutes, une
taxe à la chancellerie impériale.
S 32.
Ce paragraphe traite des nouveaux votes virils au
collège des Princes à la Diète, et remplace le para-
graphe 7 du premier plan, qui dit simplement :
« Que les princes de Nassau-Usingen, Nassau- Weil-
bourg, Salm-Salm, Salm-Kyrbourg, Linange, Arenberg,
seront maintenus ou introduits au collège des Princes,
chacun avec un vote viril, affecté aux possessions
qu'ils recevront en indemnité de leurs anciennes terres
immédiates; que les votes des comtes immédiats
d'Empire seront pareillement transférés sur les terres
qu'ils recevront en dédommagement, et que les votes
— 383 —
ecclésiastiques seront exercés par les princes et com-
tes qui, par l'effet du traité de Lunéville, se trouveront
en possession des chefs-lieux, n
Le second plan proposa de plus de nouveaux votes
pour le Brandebourg, Hesse-Cassel, Hesse-Darmstadt
et Solms-Braunfels, et le premier conclusum annonça
encore un supplément. Il en résulta la rédaction sui-
vante :
. De nouveaux votes virils au collège des Princes sont
accordés, savoir :
votes.
A l'Empereur, comme archiduc d'Autriche: pour la Styrie, 1 ;
pour la Carniole^ 1 ; pour la Carinthie, \ ; pour le ïyrol,1 ;
total 4
A l'Électeur palatin, comme duc de Bavière: pour le duché de
Berg, 1 ; pour Sulzbach, \ ; pour la basse Bavière, 1 ; pour
Mindelheim, 1 ; total 4
Au roi de Prusse, comme duc de Magdebourg : pour Erfurth, 'I;
pour l'Eichsfeld, 1 ; total 2
A l'Électeur-Archichancelier : pour la principauté d'Aschaffen-
bourg, 4 ; ci 4
A l'électeur de Saxe, comme margrave de Misnie: pour le mar-
graviat de Misnie, 1 ; pour le bourgraviat de Misnie, 1 ; pour
Querfurlh , 1 ; total 3 '
Au même, alternativement avec Saxe-Weimar et Saxe-Gotha:
pour la Thuringe, 1 ; ci 1
Au roi d'Angleterre, comme duc de Brème: pour Gœttingen, 1 ;
ci i\
Au duc de Brunswic-Wolfenbiittel : pour Blankenbourg, 1; ci. i
Au margrave de Bade : pour Bruchsal, au lieu de Spire, 4 ; pour
Ettenheim, au lieu de Strasbourg, 1 ; total 2
Au duc de Wurtemberg : pour Teck, 1 ; pour Zwiefalten,, 1 ;
pour TUbingen, \ ; total 3
Au roi de Danemark, comme duc de Holstein : pour Plœn, 4; ci. 1
Au landgrave de Hesse-Darmstadt : pour le duché de Westpha-
Ue, 1 ; pour Starckenbourg, I ; total ; 2
Au landgrave de Hesse-Ga3?el : pour Fritzlar, 1; pour Hanau, 1;
total 2
Au duc deModène : pour le Brisgau, 1 ; pour l'Ortenau, i ; total. 2
Au duc de Mecklenbourg-Strélitz : pour Stargard, 1 ; ci i
Au duc d'Arenberg, le vote qu'il exerçait précédemment, trans-
porté sur ses possessions à la rive droite du Rhin 4
— 384 —
Au prince de Salm-Salm, à lui seul le vote qui était précédem-
ment en commun avec Salm-Kyrbourg, ci
Au prince deNassau-Usingen, 1; ci
Au prince de Nassau -Weil bourg, 1 ; ci
Au prince de Hohenlohe-Sigmaringen, 1 ; ci
Au prince de Salm-Kyrbourg, 1 ; ci
Au prince de FUrstenberg : pour Baar et Stuhlingen, \; ci
Au prince Schwarzenberg : pour Kletfgau, 1 ; ci
Au prince de La Tour et Taxis : pour Bucliau, 1 ; ci
Au prince de Waldeck, i; ci
Au prince de Lœwenstein-Wertheim, 1; ci
Au prince d'Oettingen-Spielberg , 1 ; ci
Au prince d'Oeltingen-Wallersteiii, i; ci
Au prince de Solms-Braunfels, i; ci
Au prince de Hohenlohe-Neuenstein, 1 ; ci
Au prince deHuhenlohe-Waldenbourg-Schiliingsrdrst, 1; ci
Au prince de Hohenlohe-Waldenbourg-Bartenstein, i ; ci
Ati prince d'Isembourg-Birstein, 1 ; ci
Au prince de Kaunitz : pour Ritlberg, 1 ; ci
Au prince de Reuss-Plauen-Graiz, i ; ci
Au prince de Linange, 4 ; ci
Au prince de Ligne : pour Edelstetten, 1 ; ci
Au duc de Looz : pour Wolbeck, 4 ; ci
Le commencement de ce paragraphe dit : De nou-
veaux votes virils au collège des Princes sont accor-
dés, etc.; ensuite il fait le dénombrement de cin-
quante-cinq votes ; mais cette rédaction a quelque chose
d'inexact, car, parmi ces cinquante-cinq votes, il n'y
en avait véritablement que cinquante et un nouveaux,
puisque ceux de Bruchsal, d'Ettenheim et d'Arenberg
remplaçaient trois anciens suffrages, et que celui de
Salm-Salm était également ancien.
Le paragraphe continue ainsi :
« L'ordre d'appel des votes, tant anciens que nou-
veaux, au collège des Princes de l'Empire, est
déterminé, d'après la dixième strophe, de la manière
suivante :
— 385
1. Autriche*.
2. Bavière [haute] *.
3. Styrie*.
4. Magdebourg.
5. Salzbourg*.
6. Bavière [basse]*.
7. iîaiîs6onne*.
8. Sulzbach*.
9. Ordre Teutonique*.
10. Neubourg*.
11. Bamberg*.
12. Bremen.
13. Margraviat de Misnie.
14. Duc/ie de Berg*.
15. WUrzbourg*.
16. Carinthie*.
17. Eichstett*.
18. Saxe-Cobourg.
19. Bruchsal.
20. Saxe-Gotha.
21. Ettenheim.
22. Saxe-Altenbourg.
23. Constance.
24. Saxe-Weimar.
25. Augsbourg*.
26. Saxe-Eisenach.
27. Hildesheim.
28. Brandebourg- Anspach.
29. Paderborn.
30. Brandebourg-Bayreuth.
31. Freisingen*.
32. Wolfenbuttel.
33. Landgraviat de Thuringe.
34. Brunsvnc-Zell.
35. Passoit*.
36. Brunsicic-Calemberg.
37. ^Trente*.
38. Brunswic-Grubenhagen.
39. Brixen*.
40. Halberstadt.
41. Carniole*.
42. Bade-Bade.
43. Wurtemberg-Teck.
44. Bade-Durlach.
VII
45. Osnabriick.
46. Fercien.
47. Munster.
48. Bade-Hochberg.
49. Lubeck.
50 . Wurtemberg.
51. Hanau.
52. Holstein-Gliickstadt.
53. Fulde.
54. Holstein-Oldenbourg.
55. Kempten*.
56. Mecklenbourg-Schwerin.
57. Elivangen.
58. Mecklenbourg-Gustrow.
59. Ordre de Malte*.
60. Hesse-Darmstadt.
61 . Berchtolsgaden* .
62. Hesse-Cassel.
63. Westphalie.
64. Poméranie citérieure.
65. Holstein-Plœn.
66. Poméranie ultérieure.
67. Brisgau*.
68. Saxe-Lauenbourg.
69. Corvey.
70. Minden.
71 . Bourgraviat de Misnie.
72. Leuchtenberg* .
73. Anhalt.
74. Saxe-Henneberg.
75. Schwerin.
76. Camin.
77. Ratzebourg.
78. Hirschfeld.
79. Tt/ror.
80. Tiibingen.
81 . Querfurth.
82. Arenberg*.
83. Hohenzollern-Hechingen'
84. Fritzlar.
85. Lobkowitz*.
86. Salm-Salm*.
87. Dietrichstein*.
88. Nassau-Hadamar.
26
— 386
89.
Ztviefalten.
112.
Schwgrtzenberg-Klettgau *.
90.
91,
92.
93.
94.
95.
96.
97.
Nassau-Dillenbourg.
Auersberg*.
Starkenbourg.
Ostfrise.
FUrstenberg*.
Schwarzenberg*.
Gottingen.
Mindelheim *.
113.
114.
115.
La Tour et Taxis, Buchau*.
Waldeck.
Lœwenstein-Werlheim *,
116.
117.
118.
119.
Oettingen-Spielberg*.
Oettingen-Wallerstein *.
Solms-Braunfels.
Hohenlohe-Neuenstein.
98.
Lichtenstein *•
120.
Hohenlohe - Waldenbourg-
99.
La Tour et Taxis*.
Schillingsfiirst*.
100.
Schwarzbourg.
121.
Hohenlohe - Waldenbourg-
101.
Ortenau*.
Bartetisteift*.
102.
Aschaffenbourg *.
122.
Isembourg-Birstein .
103.
104.
105.
106.
107.
108.
109.
Eichsfeld.
Blankenbourg.
Stargard.
Erfurth.
Nassau-Usingen.
Nassau-Weilbourg.
HohenzoUern-Sigmaringen*.
123.
124.
425.
126.
127.
128.
Kaunitz-Rittberg*.
Reuss-Plaueû-GrâiZ,
Linange.
Ligne*.
Looz*.
Comtes de Souabe*.
110.
Salm-Kyrbourg*.
129.
Comtes de Wettéravie.
111.
FUrstenberg-Baar et Stuhlin-
130.
Comtes de Franconie.
gen**
131.
Comtes de WestphaUe.
« Le Directoire du collège des Princes reste comme
il était précédemment.
(( Les alternats qui ont eu lieu jusqu'à présent con-
tinueront à être observés, et les différentes maisons,
ainsi que les branches de la même maison, convien-
dront entre elles des alternats nouveaux.
(( 11 n'est rien changé, par l'appel des Votes, à l'élé-
vation ou à l'égalité du rang des princes entre eux, et
les droits de chacun sont réservés.
(( Les votes des principautés sécularisées sont main-
tenus à leur ancienne place, de manière que les latera
puissent être conservés aussi longtemps que le collège
le jugera utile.
« Les princes qui ont à exercer des votes affectés
aux États ci-devant ecclésiastiques , qui leur sont
— 387 —
donnés en indemnité , n'acquièrent point par là des
titres à un rang plus élevé que celui qu'ils avaient
précédemment.
{( Les princes qui reçoivent de nouveaux votes en
remplacement des votes perdus, conservent le rang
des anciens.
« Les neuf autres strophes seront arrangées d'après
la dixième, qui a servi de base pour l'ordre établi ci-
dessus.
Dans ces cent trente et une voix, on ne voit plus
les voix curiales qu'avaient possédées auparavant les
prélats supprimés. Il faut encore faire deux autres
observations. Des cent trente et une voix, soixante-
quatre*, ou en certain cas soixante-six, et ainsi la
majorité, appartenaient aux Électeurs ; ce qui donnait
à ces princes une telle prépondérance, que désormais
les délibérations des simples princes devenaient pres-
que inutiles. Voici la distribution de ces voix :
voix.
A l'Archichancelier, les numéros 7 et i 02 2
A la Bohême : 1, 3, 16, 37, 39, 41, 79 7
A la Bavière : 2, 6, 8, 40, 1i, 44, 45, 25, 31, 35, 55,72, 97..* 13
A la Saxe: 13,74, 84 3
Au Brandebourg : 4, 27, 28, 29, 30, 40, 47, 66, 70, 76, 93, 403,
406 43
A Brunswic-Lunebourg : 12, 34, 36, 38, 45, 46, 68, 96 8
A Salzbourg : 5, 17, 64 3
A Bade : 19, 24, 23, 42, 44, 48 6
Au Wurtemberg : 43, 50, 57, 80, 89 5
A la Hesse : 51, 62, 78, 84 : 4
61
Les soixante-cinquième et soixante -sixième voix
électorales ne l'étaient pas constamment; ce sont celles
qui , dans le tableau ci-dessus , portent les n°' 33 et
74, et la dénomination deThuringe et de Saxe-Henne-
' Ces soixante-quatre noms sont imprimés en italique, p. 385 et 386.
— 388 —
berg. L'Électeur et les Ducs de Saxe jouissaient alter-
nativement de ces voix.
La seconde observation est relative à la proposition
dans laquelle les catholiques et les protestants devaient,
d'après le Recès, prendre part aux délibérations du
collège des Princes. Avant le Recès de la Députation ,
le collège des Princes se composait en tout de quatre-
vingt-dix-neuf voix, savoir :
Princes catholiques, y compris la voix curiale des comtes du ^'oix*
banc de Souabe * 52
Princes prolestants, y compris les comtes de Wettéravie et de
Franconie, avec deux voix curiales 45
Auxquelles il faut ajouter les voix d'Osnabriick et des comtes de
Westphalie, que les deux parties possédaient alternativement. 2
" 99
Il s'ensuit que, dans le cas le plus défavorable, les
catholiques formaient la majorité absolue, et qu'il
pouvait arriver que la majorité relative fût de neuf
voix. Il en était tout autrement ordonné dans le Recès.
Cette loi accordait :
voix.
Aux catholiques * 53
Aux protestants 77
Auxquelles il faut ajouter la voix des comtes westphaliens, qui
demeura alternative 4
431
Par conséquent la forte majorité était acquise au
parti protestant. Cette circonstance était d'autant plus
préjudiciable à l'autorité impériale , que le chef de
l'Empire avait toujours eu la plus grande influence
sur les décisions du second collège. Aussi les ministres
de la Cour de Vienne n'avaient-ils cessé de réclamer
' Mais à l'exclusion des ducs de Savoie et des archevêques de Besan-
çon, qui ne votaient plus depuis longtemps, bien qu'ils fussent compris
dans la matricule.
* Nous les avons distingués des voix protestantes par un astérisque.
— 389 —
au moins la parité entre les protestants et les catho-
liques \
' Voici une liste qui avait été proposée de la part d'un ministre d'Au-
triche.
Votes catholiques.
Autriche: pour Autriche, Styrie, Carinthie, Carniole, Gorice,
Gradisca, Tyrol, Feldkirch, Bregenz, Piudenzet Sonnenberg. 10
Sazbourg : pour Salzbourg, Trente, Brixen, Berchtolsgaden,
Gurk, Chiemsee, Sekau, Lavant 8
Bavière : pour haute et basse Bavière, haut Palatinat, Neu-
bourg, Bamberg, Wiirzbourg, Augsbourg, Passau, Freysing,
Kempten, Eichstett, Leuchtenberg 42
Grand-maître de l'Ordre Teiitonique 1
Archichancelier : Ratisbonne , Aschaffenbourg, Wetzlar 3
Ordre de Saint-Jean : Grand prieuré, Bondorff 2
Arenberg 4
HohenzoUern-Hechingen i
Hohenzollern-Sigmaringen H
Lobkowitz 4
Salm-Salm i
Salm-Kyrbourg 1
Dietrichstein i
Auersberg 4
Fiirstenberg 2
Schwarzenberg : pour Schwarzenberg et Klettgau 2
Liechtenstein 1
Prince de La Tour et Taxis : pour Scheer et Diirmetingen, pour
Buchau, Marchthal et Neresheim 2
Oe ttingen-Wallerstein 4
Oettingen-Spielberg 4
Lœwenstein-Wertheim 4
Croï 4
Lamberg 4
Portia 4
Hohenlohe- Waldenbourg 4
Hohenlohe-SchillingsfUrt 4
Modène : pour Brisgau et Ortenau 2
CoUoredo ; 4
Kaunitz 4
Ligne • 4
Khevenhiiller 4
Looz 4
A reporter... 66
— 390 —
Ce qui est dit dans le paragraphe 32 des strophes
exige encore un mot d'explication. On comptait
.dans le collège des Princes ai:£ anciennes maisons,
savoir : Wurtemberg, Poméranie, H esse, Bade, Hol-
stein et Mecklenbourg, qui, n'ayant pu s'accorder sur
le rang, alternaient d'après un tour de rôle nommé,
fieport. . . 66
Bretzenheim ,,,,,..,,..,..,,,,,..,., l
Comtes catholiques ,,..,,,»»,.,.,,,.,..,,.,..,...., 3
70
Votes protestants.
Brandebourg : pour Magdebourg, Anspach, Culmbach, Halber-
stadt, Poméranie ultérieure , Minden, Gamin, Ostfrise , Hil-
desheim, Paderborn, Munster, Erfurt, Eichsfeld 43
Brunswic - Lunebourg : pour Celle, Calenberg, Grubenhagen,
Brème, Verden, Lauenbourg, Osnabriick 7
Brunswic-Wolfenbiittel 4
Saxe électorale 4
Saxe- Weimar et Eisenach 2
Saxe-Gotha et Altenbourg 2
Henneberg 4
Les deux Mecklenbourg 4
Cassel : pour la Hesse, Hirschfeld, Hanau, Fritzlar 4
Darmstadt : pour la Hesse, Westphalie, Starkenbourg 3
Anhalt 1
Bade : pour Durlach, Bade, Hochberg, Constance 4
Schwarzbourg 4
Wiirtemberg : pour Wiirtemberg, Elwang, Teck, Calw 4
Lubeck, Holstein-Oldenbourg , Holstein-Gluckstadt 3
Poméranie citérieure 4
Nassau-Orange : pour Siegen, Dillenhourg, Pulde, Gorvey 4
Nassau-Usingen 4
Nassau-Weilbourg 4
Solms-Braunfels 4
Linange 4
Reuss-Plauen 4
Hohenlohe-Neuenstein 4
Waldeck 4
Isenbourg 4
Les comtes protestants 3
Ce qui donnait la parité 70
— 391 —
du grec, strophe, qui présentait un grand nombre de
variations distinguées par des chiffres. La dixième
variation ou strophe est celle d'après laquelle ces
princes sont nommés dans le Recès.
Anticipons sur les événements pour dire que l'Em-
pereur n'a jamais ratifié cet article du Recès , de
manière qu'il n'eut pas force de loi.
§33.
(( Le privilège de non appellando illimité appartient
à tous les Électeurs pour toutes leurs possessions ; au
landgrave de Hesse-Darmstadt, pour ses anciennes et
nouvelles possessions; et est accordé à la maison de
]>[as8au, en commun, tant pour ses anciennes que pour
ses nouvelles possessions. »
Rien de plus contraire à l'esprit de la Constitution
que l'abus du privilège de non appellando, en vertu
duquel les princes qui jouissaient de cette préroga-
tive privaient leurs sujets de la faculté d'interjeter
appel des sentences de leurs tribunaux à la justice
suprême de l'Empereur et de l'Empire , qu'adminis-
traient le Conseil auUque et la Chambre impériale. La
Bulle d'Or avait confirmé cette prérogative aux Élec-
teurs; les archiducs d'Autriche en jouissaient en vertu
de leur grand privilège, ainsi que les ducs de Saxe et
de Wurtemberg et le roi de Suède. La maison de
Mecklenbourg l'avait obtenue par la paix de Teschen-
Enfin, le Recès l'accorda, non -seulement aux quatre
nouveaux Électeurs, mais aussi au landgrave de Hesse-
Darmstadt et à toute la maison de Napsau,
§34.
« Tous les biens des grands chapitres et de leurs
dignitaires sont incorporés aux domaines des évêques,
— 392 —
et passent, avec les évêchés, aux princes auxquels
ceux-ci sont assignés. Dans les évêchés partagés entre
plusieurs, lesdits biens sont incorporés aux portions
respectives. »
Il s'ensuit que tous ces biens des chapitres, incor-
porés aux domaines des évêques et passés entre les
mains des princes auxquels sont cédés les évêchés et
leurs domaines, sont mis à la libre disposition de ces
princes pour être sécularisés et employés de la manière
qu'ils le jugeront à propos.
§35.
« Tous les biens des chapitres, abbayes et couvents,
fondés, tant des anciennes que des nouvelles posses-
sions, tant protestants que catholiques, tant médiats
qu'immédiats, dont il n'a pas été formellement fait
emploi dans les arrangements précédents , sont mis à
la libre et pleine disposition des princes territoriaux
respectifs, tant pour dépense du culte, frais d'instruc-
tion et autres établissements d'utilité publique, que
pour le soulagement de leurs finances, sous la réserve
formelle :
« De la dotation fixe des cathédrales qui seront con-
servées j
(c Des pensions du clergé supprimé, conformément
aux règlements dont une partie se trouve ci-dessous ,
et les autres seront déterminées incessamment. »
Ce paragraphe renferme une disposition qui choquait
le sentiment des convenances et un usage consacré
par la pratique de près de trois siècles. Les princes
d'Empire, en introduisant dans leurs États la ré for-
mation de Luther , sécularisèrent un grand nombre de
— 393 —
fondations pieuses; lorsque la paix de Westphalie
étendit cette mesure même à des fondations immé-
diates, les princes ne pensèrent pas qu'il leur appar-
tenait d'en dénaturer la destination pour les employer
au soulagement de leurs finances : ils continuèrent à
en consacrer les revenus à des objets d'utilité géné-
rale, à l'instruction publique, à l'encouragement des
sciences, à l'entretien des pauvres, aux récompenses
des services rendus à l'État. Souvent ils conservèrent
même les formes extérieures de ces Institutions, et l'on
vit jusqu'au xix* siècle des évêchés, des abbayes, des
chanoines et des chanoinesses, n'ayant d'ecclésias-
tique que le nom*. On pouvait s'attendre que les
princes qui se partagèrent, en 1803, la dépouille de
l'Église allemande, suivraient d'autres maximes. Après
les pertes que ces princes avaient éprouvées, il leur
fallait des ressources extraordinaires pour rétablir leurs
finances ; et, dans ce partage, plusieurs fondations ec-
clésiastiques furent tellement morcelées, qu'il aurait
été impossible de les consacrer dorénavant à des éta-
blissements d'utilité générale; il était donc naturel
d'abandonner aux besoins des uns, à la convoitise des
autres, tout ce qui pouvait, dans les pays ci-devant
ecclésiastiques, être employé à soulager leurs finances ;
mais il est pénible de voir que les princes se soient ré-
servé la faculté d'envelopper dans cette destruction gé-
nérale tous les établissements protestants et catholiques
portant le titre d'abbayes, de chapitres et de couvents.
La justice exige toutefois de dire qu'ils n'ont guère fait
usage d'une ressource que le Recès mettait à leur dis-
position.
' L'Université de Strasbourg a possédé jusqu'à la Révolution un cha-
pitre composé de seize chanoines protestants laïques, remplissant des
chaires de professeurs.
— 394 —
§ 36.
« Les chapitres, abbayes et couvents nommément
et formellement assignés en indemnité, de même que
ceux mis à la disposition des princes territoriaux, pas-
sent à leurs nouveaux possesseurs avec tous leurs
biens, droits^ capitaux et revenus, en quelque lieu
qu'ils soient situés, sauf les distractions expresses. »
On a eu pour but de prévenir parce paragraphe une
mesure que la maison d'Autriche avait annoncé vou-
loir prendre, en confisquant à son profit les biens que
des couvents donnés en indemnités et sécularisés par
leurs nouveaux acquéreurs, possédaient dans la mo-
narchie autrichienne. Aussi les médiateurs mirent-ils
le plus grand soin à rédiger l'article avec clarté et pré-
cision; ils demandèrent, nommément par leur Note du
11 février 1803, qu'on y insérât le mot de capitaux,
à cause des fonds considérables que les évêques de
Bamberg et de Wiirzbourg avaient placés à la banque
de Vienne. Ces ministres manifestèrent cette intention,
en disant, dans leur Note du 9 mai 1 803, par laquelle
ils prenaient congé de la Députation, que tous les États
d'Empire sans distinction devaient avoir devant les
yeux l'obligation que l'Empire avait contractée de
contribuer collectivernent aux indemnités, et que le
paragraphe 36 de la nouvelle loi était principalement
celui par lequel cet engagement était rempli.
Nous l'avons déjà dit, toutes ces clauses, toutes ces
précautions étaient devenues vaines et illusoire^, par
la réserve que le ministre d'Autriche à Paris avait
trouvé moyen de faire glisser dans l'article 4 de la
convention du 26 décembre 1802.
-~ 395 —
S 37.
« Les biens et revenus appartenant aux hôpitaux,
fabriques, universités, collèges et autres fondations
pieuses, comme aussi ceux des communes de l'une des
deux rives du Rhin situés sur l'autre rive, doivent en
demeurer distraits, et sont mis à la disposition des gou-
vernements respectifs, c'est-à-dire, quant à la droite
du Rhin, des gouvernements locaux; et il est entendu
que les biens et revenus appartenant aux institutions
littéraires précédemment communes aux deux rives,
et aujourd'hui continuées à la droite, lesquels ne sont
pas situés dans le territoire des princes indemnisés,
resteront attachés auxdites institutions continuées à la
droite du Rhin. »
§ 38.
« Les terres et propriétés assignées aux États d'Em-
pire en remplacement de leurs possessions à la rive
gauche du Rhin, demeurent spécialement affectées au
payement des dettes desdits princes, tant personnelles
que de celles provenant de leurs anciennes posses-
sions, sauf les stipulations du traité de Luné ville et
des traités particuliers conclus sur ce point entre la
France et aucuns des États d'Empire. »
Cet article important, qui n'est qu'une interpréta-
tion de l'article 8 du traité de Lunéville *, contraste
avec les prétentions que l'ancien Directoire de la Ré-
publique française avait élevées à Rastadt, et à l'égard
desquelles la postérité reprochera toujours à la Dépu-
tation d'alors d'avoir montré une condescendance,
non-seulement très-préjudiciable au bien-être de ses
' Voy. t. VI, p. as6.
— 396 —
commettants et ruineuse pour l'Allemagne, mais d'au-
tant plus dangereuse, qu'elle a sanctionné tout ce
que l'orgueil de la victoire a jamais exigé de plus
injuste.
Les dispositions de cet article exigent quelque dé-
tail.
Il faut distinguer entre trois sortes de dettes : dettes
affectées aux caisses des contributions publiques,
dettes affectées aux domaines publics, dettes person-
nelles des princes. Les deux premières espèces seules
existaient dans les pays gouvernés par des princes ec-
clésiastiques. Originairement et à une époque où l'on
n'avait pas encore des idées fort claires sur la diffé-
rence entre les domaines et les contributions, et où il
n'existait pas de caisse particulière pour chaque espèce
de revenus, toutes les dettes des pays d'Église étaient
domaniales. Pour en contracter, les princes avaient
besoin du consentement soit de leurs chapitres seuls,
soit de ces corps et des États, s'il en existait. Ces cha-
pitres, composés de chanoines dont chacun avait la
perspective de remplacer un jour le souverain, se sont
toujours montrés peu complaisants envers les princes
à leur accorder ce consentement j ce qui souvent a
forcé ceux-ci à pourvoir à de pressants besoins par les
économies de leurs domaines. Fallait-il se résoudre à
contracter des dettes, on engageait au créancier quel-
que domaine dont il percevait les revenus jusqu'à
parfait payement du capital et des intérêts. Ce ne fut
que dans le xvn^ siècle, lorsque la guerre de Trente ans
et les guerres que l'Empire eut à soutenir ensuite con-
tre la France augmentèrent considérablement la masse
des dettes, qu'on pensa à en affecter une partie sur les
caisses des contributions. Les pays ecclésiastiques se
sont toujours distingués par l'exactitude avec laquelle
ils payaient les intérêts de leurs dettes. Cette régularité
— 397 —
et l'impossibilité de charger le pays des* dettes per-
sonnelles des princes, maintinrent leur crédit; et il
n'existe pas un exemple, que le chef de l'Empire se
soit vu dans le cas de placer un pays ecclésiastique
sous administration, comme il est arrivé fréquemment
à l'égard des principautés séculières.
Dans celle-ci , on suivit un autre système. En con-
tractant une dette, on l'affectait ordinairement sur la
caisse des contributions, et on établissait autant de
nouvelles impositions qu'il en fallait pour payer les
intérêts et rembourser le capital. Si cet arrangement
devenait quelquefois une charge momentanée trop forte,
les résultats en ont été à l'avantage de la postérité.
Les dettes domaniales des pays séculiers proviennent
soit des temps de guerres où on ne pouvait avoir re-
cours à des impositions extraordinaires, soit des dota-
tions des princesses, soit de voyages entrepris par les
princes; souvent de leur amour pour le luxe : dans
ce dernier cas, elles ne pouvaient être affectées aux
domaines sans le consentement des agnats ; mais si
ceux-ci le refusaient d'abord , on trouvait moyen
par la suite, et lorsque l'auteur des dettes n'existait
plus, de leur arracher.
Lorsque l'Empereur céda, par la paix de Campo For-
mio, ses possessions héréditaires sur la rive gauche
du Rhin, il stipula, par l'article 41 , que toutes les
dettes hypothécaires, avant la Révolution, sur le sol
de ces pays, et dont les contrats seraient revêtus des
formalités d'usage, seraient à la charge de la France.
Cette disposition était conforme à la justice, pourvu
que ces mots : avant la Révolution, fussent identiques
avec ceux-ci : avant la conquête de ces provinces par les
armes de la République; comme ils l'étaient probable-
ment à l'égard des Pays-Bas autrichiens; mais cette
même disposition devenait souverainement injuste si,
— 398 —
par analogie, on voulait ensuite l'appliquer aux pays
de la rive gauche du Rhin , à la cession desquels la
Députation de l'Empire , réunie à Rastadt, consentit ,
parce qu'une grande partie de ces dettes avait été con-
tractée depuis la Révolution française et pour la guerre
de France. Néanmoins, les ministres de France à Ras-
tadt ne bornèrent pas là l'injustice de leurs préten-
tions. Nous avons dit, dans le précis de l'histoire de
cette négociation, qu'ils exigèrent que la rive gauche
du Rhin leur fût cédée franche de toutes dettes, et que
toutes les dettes de cette rive fussent transportées sur
la rive droite : prétention contraire à tous les principes
du Droit public. On se rappelle que les agents du Di-
rectoire exécutif offrirent dérisoirement, comme une
preuve de leur facilité, de se charger de celles des
dettes communales qui avaient été contractées depuis
que les communes étaient occupées par les troupea
françaises.
Nous n'aurons pas à louer souvent la modération
du pouvoir qui a succédé en France à ces prétendus
républicains, auxquels Montesquieu enseignait vaine-
ment que la vertu est le principe des républiques;
saisissons donc cette occasion pour signaler la diffé-
rence entre la conduite du gouvernement directorial
en 1798, et celle du gouvernement consulaire en
1802. V article 8 de la paix de Lunéville rend un
hommage plein et entier aux principes, en reconnais-
sant que ceux auxquels les pays appartiendront se
chargeront des dettes hypothéquées sur le sol de ces
pays. Cependant un paragraphe de la première décla-
ration des ministres médiateurs, qui certainement
n'a pas été rédigé sous l'inspiration de celui qui a
dicté la paix de Lunéville, montrait qu'oubliant ce que
ce traité avait statué , on voulait revenir aux principes
monstrueux de Rastadt. u Que les terres, disent ces
— 399 —
ministres*, et propriétés assignées aux États d'Em-
pire, en remplacement de leurs possessions à la rive
gauche du Rhin , demeureront spécialement affectées
au payement des dettes desdits princes , tant person-
nelles que de celles provenant de leurs anciennes pos-
sessions. » Dans le second plan, ils ajoutèrent: « sauf
les traités particuliers conclus sur ce point entre la
France et aucuns États d'Empire. » Les ministres
ayant ainsi dérogé au premier principe, il fut facile
de les ramener dans la voie de la justice , en leur rap-
pelant V article 8 de la paix de Lunéville, qui déroge
à leur disposition en faveur de tous les États d'Em-
pire. Varticle 38 fut alors dressé tel qu'on le lit dans
leRecès; il est conforme à la justice quant à l'effet;
mais on doit regretter que, par la forme de sa rédac-
tion, il consacre un principe monstrueux, qu'un jour
peut-être un nouveau conquérant ne craindra pas
d'invoquer en citant cet article.
§ 39.
« Tous les péages du Rhin perçus soit à la droite,
soit à la gauche du fleuve, sont supprimés sans pou-
voir être rétablis, sous quelque dénomination que ce
soit, sauf les droits de douane et un octroi de navi-
gation , lequel est consenti sur les bases suivantes :
H Le Rhin étant devenu, depuis les frontières de la
République batave jusqu'à celles de la République hel-
vétique, un fleuve commun entre la République fran-
çaise et l'Empire germanique, l'octroi de navigation
est établi, et sera réglé et perçu en commun entre la
France et l'Empire.
« L'Empire, avec le consentement de l'Empereur,
délègue pleinement et entièrement tous ses droits, à cet
' Voy. ci-dessus p. 157.
— 400 —
égard, à l'Électeur-Archichancelier, qui est revêtu des
pleins pouvoirs du Corps germanique pour arrêter,
avec le gouvernement français, tous les règlements
généraux et particuliers relatifs à l'octroi de naviga-
tion, lesquels règlements seront portés à l'approbation
du collège électoral et à la connaissance du Corps ger-
manique par l'Électeur-Archichancelier.
« La taxe sera combinée de manière à ne pas excé-
der le montant des péages supprimés. Elle sera plus
forte sur la navigation des étrangers que sur celle des
riverains français ou allemands, et sur les bâtiments
qui remonteront le Rhin, que sur ceux qui le descen-
dront.
« La perception en sera confiée à des mains uni-
ques, et le mode à adopter sera tel, que la navigation
soit retardée le moins possible.
« Le directeur général de l'octroi sera nommé en
commun par le gouvernement français et l'Électeur-
Archichancelier, qui tiendront respectivement un con-
trôleur près de chaque bureau de perception. Les per-
cepteurs de la rive droite seront nommés par l'Élec-
teur-Archichancelier, avec l'agrément du souverain
territorial.
« Néanmoins ces bases d'administration et de per-
ception sont subordonnées à l'arrangement qui sera
conclu sur l'organisation de l'octroi de navigation
entre le gouvernement français et l'Électeur-Archi-
chancelier.
« Il n'y aura pas moins de cinq ni plus de quinze
bureaux de perception. Ces bureaux ne seront nulle-
ment exempts de la juridiction des souverains terri-
toriaux, hors des objets de leur service. Ils en rece-
vront, au contraire, toute assistance en cas de besoin.
{< Le produit brut de l'octroi est spécialement affecté
aux frais de perception, administration et police.
~ 401 —
« Le surplus sera partagé en deux parties égales,
chacune destinée principalement à l'entretien des che-
mins de halage et travaux nécessaires à la navigation
sur chaque rive respective.
« Le reliquat net de la moitié appartenant à la rive
droite est hypothéqué : 1 " au complément de la dota-
tion de l'Électeur-Archichancelier et autres assigna-
tions portées aux paragraphes 9, 14, 17, 19 et 20;
2" au payement des rentes subsidiairement et condi-
tionnellement assignées par les paragraphes 7 et 27.
M S'il y avait un surplus annuel de revenu , il ser-
virait à l'amortissement graduel des charges dont le
droit d'octroi de navigation est grevé.
« L'Electeur-Archichancelier se concertera annuel-
lement avec le gouvernement français et les princes
territoriaux riverains de la droite du Rhin, pour l'en-
tretien des chemins de halage et travaux nécessaires
à la navigation dans l'étendue des frontières respec-
tives sur le Rhin. »
Voici ce qu'à la place de ce long article, disait le
premier plan d'indemnité proposé par les médiateurs :
(( Que tous les péages du Rhin perçus, soit à la droite,
soit à la gauche du fleuve, devront être supprimés ,
sans pouvoir être rétablis, sous quelque dénomina-
tion que ce soit, sauf les droits de douane. » Le se-
cond plan et le premier conclusum général n'en disent
pas davantage. Mais bientôt l'impossibilité de trouver
un gage pour les dettes hypothéquées sur les péages
qu'on supprimait engagea plusieurs États à proposer
la conservation de quelques péages dont on emploie-
rait le produit uniquement au payement de ces dettes.
Ensuite on eut l'idée d'y affecter aussi ce qui man-
quait à la dotation de l'archichancelier, au lieu de
destiner à cet objet un fonds formé par des fondations
VII 26
— A02 — ■
médiates. Ces considérations furent cause qu'on ré-
solut de conserver les péages du Rhin, ou plutôt de
les recréer sous la dénomination d'octroi de navigation .
De là la rédaction bizarre de cet article, qui rétablit ce
q ue le premier plan proposait seulement de supprimer,
et ce qui, par conséquent, existait au moins de droit.
Les vingt-quatre péages anciennement établis sur
le Rhin rapportaient, d'après des états authentiques ,
près de deux millions de florins. L'octroi ne doit pas
aller au delà. Les étrangers, qu'on oppose ici aux rive-
rains, sont sans doute les Hollandais et les Suisses;
mais cette difi'érence ne fut pas observée. Voici la ré-
capitulation des rentes que le Recès affecte au reliquat
net de la moitié appartenant à la rive droite.
A l'Archichancelier 350 000 flor.
A Mecklenbourg-Schwerin 16 000
Au prince de Lœwenstein-Wertheim 12 000
A la maison de Stolberg 30 000
A la comtesse d'Isenbourg 23 000
A Linange-Guntersblum 3 000
A Linange-Heidesheim 3 000
A la branche aînée de Linange-Westerbourg 3 000
A la branche cadette 6 000
Total... 446 000
S'il reste un excédant, on y assigne :
Hesse-Rothenbourg , avec 22 500
Wittgenstein-Berlebourg 15 000
Sôlm-ReifiFerscheidt-Dyck 28 000
Stadion-Warlhausen 3 600
Sladion-Thannhausen 2 400
Total... 517 500
S'il y avait un surplus annuel de revenus, il servi-
rait à l'amortissement graduel des charges dont le
droit d'octroi de navigation est grevé, dit le Recès.
Cette phrase est peu claire. Qu'entend-on par les char-
ges dont l'octroi est grevé? Sont-ce les rentes dont
nous venons de donner le tableau? et l'intention des
— 403 —
auteurs du Recès est-elle qu'on exécute à leur égard
l'articl 30, en rachetant graduellement ces rentes au
denier quarante? Cette interprétation paraît fort natu-
relle, lorsqu'on n'envisage que les stipulations mêmes
du Recès, sans consulter son histoire; mais en se rap-
pelant que l'octroi a été originairement imaginé pour
être employé à l'amortissement des dettes hypothé-
quées sur les péages du Rhin , on est tenté de croire
que ce sont là les charges dont il est grevé; mais alors
on ne peut s'empêcher de s'étonner que l'amortisse-
ment de ces dettes, auxquelles on enlevait leur hypo-
thèque, n'ait pas été plus clairement exprimé, et qu'on
ait subordonné le sort d'une dette si sacrée à la chance
incertaine d'un double reliquat.
Le règlement que l'Électeur-Archichancelier avait
été chargé de dresser, de concert avec le gouvernement
français, fut arrêté par une convention signée, à Pmis
/e15 août 1804, entre MM. Cretet, directeur général
des ponts et chaussées ; Colliriy directeur général des
douanes ; Coquebert de Montbret et Pfeffel, au nom de
la France, et de Bemt, ministre de l'Archichancelier,
au nom de ce prince. Elle renferme cent trente-deux
articles, dont nous ne citerons que quelques-uns qui
sont d'un intérêt général*.
La base de cette convention est le principe énoncé
dans y article 2, d'après lequel le thalweg du Rhin forme
à la vérité la limite entre la France et l'Allemagne ;
mais le Rhin sera toujours considéré, sous le rapport
de la navigation et du commerce, comme un fleuve
commun entre les deux empires.
' En donnant le sommaire de la convention pour l'octroi de la navi-
gation du Rhin, nous ne nous astreignons pas à l'ordre des article?
Nous suivons l'ordre systématique observé par M. KlIjber dans son
Staatsrecht des Rheinbundes. Tiibingen, 4808, in-8°.
— 404 —
La convention établit deux espèces de droits :
1" un droit de reconnaissance, et 2° un droit d'octroi.
Le premier sera perçu dans chaque bureau de l'octroi
pour chaque embarcation chargée ou non chargée,
du port de cinquante quintaux et au-dessus, qui pas-
sera devant un bureau en remontant ou en descendant.
Ce droit varie, d'après le jaugeage de cinquante à deux
mille cinq cents quintaux et au-dessus, de dix centi-
mes à quinze francs. Art. 94.
Le droit d'octroi sera payé pour toutes les marchan-
dises au quintal, d'après un tarif calculé sur les dis-
tances d'un bureau à l'autre. En remontant, la tota-
lité des droits à payer aux douze bureaux, depuis
Griethausen * jusqu'à Neubourg , forme un franc
quatre-vingt-cinq centimes par quintal, et en descen-
dant, depuis Strasbourg jusqu'à Griethausen, un franc
vingt-huit centimes. Art. 97-99.
Le droit d'octroi sera perçu d'avance et à raison
de la distance à parcourir qui sera toujours comptée
entière, quoique l'embarcation décharge avant d'y
arriver; de même on ne payera pas pour la distance
parcourue avant d'arriver au premier bureau. Art. 93.
L'administration générale de l'octroi sera composée
d'un directeur général nommé en commun par la
France et l'Archichancelier, et de quatre inspecteurs,
dont deux nommés par la France et deux par l'Élec-
teur-Archichancelier. Elle siégera à May ence. Art. 42,
43, 45, 48, 49.
Il y aura douze bureaux pour la perception de
l'octroi, six sur la rive gauche et six sur la rive droite ;
et dans chacun il y aura un receveur, un contrôleur,
deux visiteurs et un commis aux écritures. Art. 47.
Les franchises des foires de Francfort, en ce qui
* Ce bureau fut placé à Lobiih.
— 405 —
concerne la navigation du Rhin, continueront d'avoir
lieu comme par le passé. Les embarcations apparte-
nant au port de Mayence, et conduites par des bate-
liers de cette ville, lesquelles auront été chargées à
Cologne pour Francfort, ne seront point obligées de
rompre charge à Mayence. Art. 1 0 eH 1 .
La navigation entre Strasbourg et Mayence sera
libre et les embarcations venant du haut du Rhin pour
se rendre à Francfort entreront dans le Mein, sans se
détourner, pour aborder à Mayence. Art, 12.
On n'admettra aucune demande en exemption ou
modération de droits , à quelques personnes que les
embarcations appartiennent, et nonobstant tout pri-
vilège ou usage contraire. Art. 112. Néanmoins les
coches ou diligences d'eau et les nacelles unique-
ment employées au transport des voyageurs et de leurs
effets , ne seront point assujetties aux règlements de
la grande navigation, ni par rapport aux stations, ni
aux associations de bateliers. Art. 22. Ces espèces
d'embarcations payeront le droit d'octroi comme si
elles étaient chargées du quart des marchandises
qu'elles pourraient embarquer en raison de leur ton-
nage. Art. 101.
Les droits de l'octroi de la navigation du Rhin ne
pourront jamais être affermés. Art. 111.
Une commission composée d'un commissaire fran-
çais, d'un autre nommé par l'Électeur -Archichance-
lier et d'un jurisconsulte choisi par les deux com-
missaires précédents, s'assemblera chaque année à
Mayence pour juger les recours en matière de per-
ception de l'octroi et de police de la navigation.
Art. }23etsuiv. Cette commission s'assembla pour la
première fois le 15 février 1808.
Les dépenses pour l'entretien des chemins de ha-
lage ne seront point prélevées sur la masse des pro-
— 406 —
duits de l'octroi avant le partage; mais chaque partie
y pourvoira sur sa rive. Art. 34.
Si la guerre avait lieu entre quelques-uns des États
situés sur le Rhin, ou même entre les deux empires,
la perception du droit d'octroi continuera à se faire
librement sans qu'il y soit porté obstacle de part ni
d'autre. Il sera donné des sauvegardes pour les bu-
reaux et les caisses. Art. 31 .
Les principales stations seront Strasbourg, Mayence
et Cologne. Toutes les embarcations seront obligées
d'y rompre charge et de verser leurs chargements dans
d'autres embarcations. Art, 3-6.
Le droit d'étape ou de mise en vente forcée de
Mayence et Cologne est aboli, et tous les droits qui
ont été perçus pour cela sont supprimés. Art. 8.
La navigation qui a lieu, à partir de Mayence et de
Cologne, est confiée à des associations de bateliers,
qui recevront une organisation particulière, et dans
laquelle les bateliers des deux rives pourront entrer.
Art, 14-17.
En conformité d'un Avis du collège électoral de
l'Empire, du 1 8 mars 1 805, cette convention fut rati-
fiée par l'Empereur le 1 1 mai de la même année ^
Le 19 février 1810, à une époque où la violence et
le pouvoir arbitraire avaient fait taire la voix de la
justice eu Europe, l'Électeur-Archichancelier, ou,
comme il se qualifiait depuis 1806, le Prince Primat
de la confédération du Rhin , conclut avec Napoléon
une convention, par l'article 6 de laquelle il céda à
celui-ci la moitié de l'octroi du Rhin, non possédée
par la France, en se chargeant d'acquitter, conformé-
ment au Recès de l'Empire, les rentes qui, par les
« Voy. Mabtbns, R«c., t. XI, p. 36.
— 407 —
paragraphes 7, 9, 14, 17, 19, 20 et 27 duditRecès, ont
été assignées sur ladite moitié de l'octroi du Rhin;
l'hypothèque spéciale que les propriétaires de ces
rentes avaient sur cette moitié de l'octroi étant pleine-
ment et à perpétuité transférée sur les biens domaniaux
des principautés de Fulde et de Hanau, cédées à Son
Altesse Électorale par le présent traité.
En conséquence de ce traité, le grand-duc de Franc-
fort publia, le 1" décembre 1810, une déclaration
ayant pour objet de faire connaître l'état de la compta-
bilité de l'octroi. Il y annonça que, sur les deux mil-
lions quatre cent cinquante mille florins qui auraient
dû lui être payés sur l'octroi, pour les années 1 804
à 1810, il lui était dû une somme de six cent mille
florins, dont il était en droit de réclamer le payement
dans les années 1811 à 1 81 4, à raison de cent cinquante
mille florins par an, mais qu'il y renonçait en faveur
des deux départements de Fulde et de Hanau. Les ren-
tes de seconde classe, fondées, par les paragraphes 9,
14,17, 1 9 et 20 sur l'octroi de navigation, se mon-
taient à quatre-vingt-dix mille florins par an; le Grand-
Duc promit d'ajouter annuellement, pendant quatre
ans, soixante mille florins de ses propres revenus, afin
qu'en 1 81 5 les propriétaires des quatre-vingt-dix millç
florins pussent entrer en pleine jouissance de leurs
rentes. De 1815 à 1828, les départements de Fulde
et de Hanau ajouteraient annuellement ces soixante
mille florins; de manière qu'en 1829, l'arriéré de la
seconde classe serait couvert, et qu'on pourrait penser
au payement des rentes de la troisième classe, établies
par les paragraphes 7 et 27 du Recès \
' WiNKOPP, Rhein. Bund, t. XVII, p. 442.
— /«.08 —
{( Tous les Fiefs situés à la rive droite du Rhin et re-
levant de cours féodales ci -devant établies à la rive
gauche, relèvent désormais directement de l'Empereur
et de l'Empire, si la supériorité territoriale y est atta-
chée comme États d'Empire; dans le cas contraire,
ces fiefs relèvent du prince territorial dans les États
duquel ils sont enclavés. Néanmoins les fiefs ci-devant
de Mayence et jouissant de la supériorité territoriale,
relèvent d'Aschaffenbourg.
« Il dépend des nouveaux souverains de se con-
tenter provisoirement, et jusqu'au prochain cas de re-
prise de fief, d'une simple reconnaissance de la part
des nouveaux vassaux, ou bien d'insister sur la forma-
lité de l'investiture. Les vassaux seront toutefois, dans
ce dernier cas, affranchis des taxes féodales et autres
émoluments d'usage. »
Par cet arrangement, les rapports des États entre
eux et envers l'Empire furent infiniment simplifiés.
Les terres situées sur la rive droite du Rhin, qui
jusqu'alors avaient dépendu de seigneurs directs qui
n'existaient plus (parce que la République française
avait pris leur place), cessaient d'être arrière-fiefs de
l'Empire, si elles appartenaient à un prince État d'Em-
pire. Si leur possesseur n'était pas revêtu de la supé-
riorité territoriale, celui-ci devenait vassal du prince
sous la supériorité duquel ces terres étaient situées,
de manière que la supériorité territoriale et le do-
maine direct fussent confondus dans les mains de ce
prince. On fit une exception à cette règle en faveur
des fiefs de l'Archichancelier de l'Empire.
§ 41.
M Les Voies des comtes immédiats d'Empire se trou,
vant, d'après le paragraphe 24, transportés sur les
— 409 —
territoires qui leur sont donnés en indemnité, le mode
d'exercice de ces voix et des prérogatives y attachées
sera déterminé par un règlement particulier.
(( Les votes etcclésiastiques sont exercés conformé-
ment aux dispositions du paragraphe 32. »
Le règlement particulier dont il est ici question ne
fut pas fait, parce que tout ce qui tenait à la question
des suffrages à la Diète fut ajourné.
§ 42.
« La Sécularisation des couvents de femmes recluses
ne peut s'effectuer que de concert avec l'évêque diocé-
sain ; mais les couvents d'hommes seront à la disposi-
tion des princes territoriaux ou des nouveaux posses-
seurs, qui pourront les supprimer ou les conserver à
leur gré. Les uns et les autres ne peuvent recevoir de
novices que du consentement du prince territorial ou
du nouveau possesseur, »
Ce paragraphe renferme en partie une répétition,
en tant qu'il met à la disposition des princes territo-
riaux les couvents d'hommes, et une contradiction
avec le paragraphe 35, en ce qu'il en excepte les cou-
vents de femmes.
§ 43.
« La jouissance des biens assignés en indemnité
commence du 1*' décembre 1802, pour les princes et
États indemnisés qui n'auraient pas été dans le cas de
prendre possession civile avant la présentation des
déclarations des puissances médiatrices ; et la posses-
sion civile a lieu, pour tous, huit jours avant le i" dé-
cembre.
(( Les arrérages des fonds qui étaient à la disposition
des usufruitiers jusqu'à l'époque des jouissances nou-
velles, appartiendront aux anciens possesseurs, sauf
— 410 —
tous autres arrangements convenus entre les parties
intéressées. »
% 44.
« Toutes les aliénations qui ne sont pas une suite
de l'administration ordinaire, et qui auraient été faites
par les abbayes et couvents après le 24 août 1802,
sont déclarées nulles. »
Cet article fut provoqué par une plainte du grand-
maître de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem , qui
dénonça les ventes faites par les couvents du Brisgau
que le premier plan lui destinait. On a fixé l'époque
du 24 août 1 802 , parce que ce fut ce jour-là que la
Députation tint sa première séance.
S 45.
« Les dispositions précédentes rendent caduques
toutes les prétentions qui existaient sur les terres cé-
dées à la République française par le traité de Luné-
ville. Néanmoins, il est entendu que les droits de suc-
cession de famille f existant sur des possessions situées
à la rive gauche du Rhin et échangées, sont transportés
sur les objets donnés en indemnité et en échange
comme surrogat. Sont également caduques les préten-
tions qui, existant sur les biens donnés en rempla-
cement à la rive droite du Rhin , n'auraient pas été
produites et jugées ou arrangées à l'amiable dans le
terme d'un an, à compter du T" décembre 1802. S'il
arrivait que, par défaut de jugement ou par refus
de transaction équitable, une prétention produite ne
fût pas terminée à l'expiration de ladite année, elle
sera jugée sans appel , par jugement des austrègues ,
dans le terme d'une seconde année. Comme l'Électeur-
Archichancelier est doté eœ jure novo, il faut, pour
maintenir sa dotation, qu'en cas de perte de revenus ré-
— 411 —
sultant d'une prétention contre lui, cette perte soit com-
pensée par la concession de ceux des fiefs relevant de
l'Empereur et de l'Empire qui deviendraient vacants. »
Ce paragraphe se rapporte aux prétentions autres
que pour dettes, c'est-à-dire aux prétentions dites
réelles y et ayant pour objet les terres et domaines
mêmes. Le premier plan d'indemnité s'était borné à
libérer les provinces cédées à la France de toute
dette qui y avait été affectée, sans parler des autres
prétentions dont ces pays pouvaient être l'objet. Le
second plan déclara caduques toutes ces prétentions,
de manière que la France reçut la rive gauche du
Rhin dégagée de toute espèce de prétentions, que
quelque État ou membre de l'Empire pourrait vouloir
y former. Comme cependant il restait une classe de
prétentions qui pouvait subsister, sans préjudice à la
cession pleine et entière qui avait été faite à la France,
savoir les droits de succession de famille, on trans-
porta ces droits sur les pays de la rive droite du Rhin
donnés en échange j c'est-à-dire que, le cas arrivant
où une famille anciennement possessionnée sur ]a
rive gauche s'étant éteinte, une autre aurait eu droit
de succéder dans les possessions perdues, elle succé-
dera dans les possessions données en indemnité.
Toutefois cette disposition générale laisse indécise une
question qui devrait se présenter et donner lieu à des
difficultés. Une famille qui a reçu, sur la rive droite,
une indemnité pour ce qu'elle a perdu sur la rive
gauche, s'étant éteinte, il peut se trouver divers pré-
tendants ayant droit, non à toute la succession , mais
à une partie seulement, à une terre ou un domaine
isolé j on demandera : sur quelle partie de l'indemnité
ce droit de succession a-t-il été transporté? Dans
quelle proportion l'a-t-il été, dans le cas où l'indem-
— 412 —
nité n'était pas d'égale valeur avec la perte , mais ou
supérieure ou inférieure?
Mais une autre condition se présentait encore. Les
pays donnés en indemnité pouvaient aussi être l'objet de
quelque prétention réelle. On demanda si, par la cession
à titre d'indemnité, ces prétentions devenaient aussi ca-
duques ou si elles continuaient d'exister. L'une etl'autre
supposition renfermaient une injustice et offraient des
inconvénients. Pourquoi les droits qu'un tiers pouvait
avoir sur ces terres auraient-ils été anéantis, puisque
la transmission de ces terres des mains d'un souverain
dans celles de l'autre se faisait sans le concours et le
consentement de ce tiers ? D'un autre côté, le nouveau
possesseur pouvait ainsi avoir reçu une indemnité
illusoire, puisque l'issue du procès intenté par le tiers
prétendant pouvait le priver d'une partie de son in-
demnité. Le second plan d'indemnité avait préféré le
premier inconvénient, en déclarant caduques toutes
les prétentions existant sur des biens donnés en rem-
placement à la rive droite du Rhin; mais les obser-
vations faites par les subdélégués engagèrent les
ministres médiateurs à modifier cette disposition par
une Note du 1 3 octobre 1 802, dans laquelle ils propo-
sèrent que ces prétentions ne seraient regardées comme
caduques, qu'autant qu'elles n'auraient pas été pro-
duites et jugées ou arrangées à l'amiable dans le terme
d'un an. Le conclusum général ajouta la nouvelle
modification : S'il arrivait, etc., et, dans la dix-
huitième séance, la Députation interpréta le paragra-
phe, en déclarant que la préclusion ne s'appliquait ni
aux prétentions futures (actiones nondum natœ), pour
lesquelles il n'y avait pas de demeure f ni aux procès
pendants, et qu'à l'égard de ces derniers il suffisait que
la décision fût pressée dans le terme prescrit d'une
année.
— 413 —
Ce paragraphe laissa indécise une question qui
donna lieu à un procès entre les maisons d'Arenberg
et de Lœwenstein-Wertheim. Cette dernière formait
des prétentions sur les seigneuries de Kerpen et Kas-
selbourg, que la première avait possédées sur la rive
gauche du Rhin. Elle avait fait valoir ces prétentions
pour réclamer une plus grande indemnité que celle
que le premier plan lui avait adjugée; elle obtint cette
augmentation, mais le Recès ne comprit pas expres-
sément ces prétentions dans l'énumération des objets
que cette maison perdait , et pour lesquels elle était
indemnisée*. Elle s'en prévalut pour donner suite à
son procès contre la maison d'Arenberg, et le gagna ^
§ 46.
« Tous échanges^ purifications de territoire et trans-
actions quelconques des princes, États et membres
de l'Empire entre eux, qui auront lieu dans le terme
d'un an, auront même force et exécution que s'ils
étaient effectivement insérés dans le présent acte. »
« Quant au sort des anciens souverains et possesseurs,
et du clergé qui en dépend, ainsi que de leurs anciens
officiers, tant auliques que civils et militaires, et
quant aux obligations particulières des princes et États
indemnisés concernant l'entretien convenable desdits
souverains et autres individus, les constitutions des
pays , l'acquittement des dettes , et en particulier le
payement de la contribution destinée à l'entretien de
' Voy. ci-dessus, p. 325.
'■* Voy. (Daniels) Der 45 Art. des R. Deputations-schlusses vom 25
Hom. 1803 aus den Mmisterial-Noten und den Verhandl. der çiusserord.
R. Deputation erlautert, Co\fï. 1805, in-i".
— 414 —
la Chambre impériale, lesquelles obligations commen-
cent à l'entrée en jouissance effective des pays donnés
en indemnité, les paragraphes suivants contiennent
les dispositions arrêtées à leur égard. »
Cet article est le dernier dont le texte français con-
stitue l'original.
S 48.
'< Tous les souverains dépossédés conservent leur
dignité personnelle avec le rang qui y est attaché, de
même que la jouissance de leur immédiateté per-
sonnelle. )i
Lorsque par la suite l'Empire germanique fut dis-
sous, on traita les souverains dépossédés à l'instar de
ceux qu'on appela alors médiatisés.
S 49.
« Les princes-évêques, abbés ou prévôts princiers,
conservent en outre la juridiction sur les personnes
employées à leur service, de manière qu'ils puissent,
dans les causes civiles, choisir, après en avoir informé
les autorités supérieures du pays, le tribunal de pre-
mière instance auquel elles devront être portées, et,
dans des cas criminels, prendre les premières infor-
mations. Les causes civiles passeront, quant aux au-
tres instances, aux tribunaux d'appel du souverain;
dans les affaires criminelles, au contraire, lorsque la
compétence sera dûment constatée, le prévenu sera
traduit devant les tribunaux criminels du pays. Il est
entendu que tous les serviteurs d'un tel prince de-
vront se soumettre aux lois existantes du pays ou qui
pourront être rendues par la suite, et particulièrement
aux ordonnances de police.
— 415 —
§ 50.
(( Il est assuré à tous les souverains ecclésiastiques
dépossédés, à vie durante, et suivant leurs différents
grades, un logement gratuit convenable à leur rang et
état, avec l'ameublement et le service de table. Les
princes-évêques et princes-abbés du premier rang
auront, de plus, une habitation d'été. Il est aussi
entendu que tous les meubles qui leur appartiennent
en propre doivent leur être laissés entièrement, mais
que ce qui appartient à l'État doit retourner à celui-ci
après leur décès. »
§ 51.
La sustentation des souverains ecclésiastiques dont
les pays passent en entier ou en majeure partie avec
leurs résidences à des souverains séculiers, ne peut
être déterminée, vu la différence de leurs revenus,
qu'en proportion desdits revenus; en conséquence, il
ne peut être établi qu'un minimum et un maximum,
lesquels sont réglés de la manière suivante; savoir :
« 1" Pour les princes-évêques, le minimum à vingt
mille, et le maximum à soixante mille florins.
f( Pour le prince-évêque de Wiirzbourg, en sa qua-
lité de coadjuteur de Bamberg, en sus la moitié de ce
maximum.
(f 2" Pour les princes-abbés et prévôts du premier
rang, le minimum des princes-évêques.
c( Pour tous les autres princes-abbés, le minimum à
six mille, et le maximum à douze mille florins,
(( Pour les princesses-abbesses , le minimum à trois
mille, et le maximum à six mille florins.
« 3" Pour les prélats et abbesses d'Empire, de même
que
— 416 —
« 4° Pour les abbés immédiats, le minimum à deux
mille, et le maximum à huit mille florins.
« Pour toutes ces déterminations, on n'entend point
restreindre la générosité des nouveaux souverains :
chacun d'eux est libre de déterminer ultérieurement
ce qu'il croira pouvoir accorder par des considérations
et égards particuliers.
« LaDéputation dEmpire s'attend que les nouveaux
souverains séculiers lui feront connaître positive-
ment, au plus tard dans quatre semaines, comment
ce règlement aura été exécuté à la satisfaction des
souverains dépossédés, ou devra l'être dans la suite
par les prélatures à supprimer, afin que si, contre son
attente, l'application des règles ci-dessus établies
éprouvait quelque difficulté pour lune ou l'autre dé-
termination, la Députation pût en connaître. »
§ 52.
« Les évêques suffragants pourvus de prébendes, les
capitulaires des grands chapitres, dignitaires et cha-
noines des chapitres nobles, conserveront à vie leurs
habitations chapitrales. Les dépenses faites pour
l'achat ou le droit d'option de leurs maisons, devront
être bonifiées, soit à eux, soit à leurs héritiers, si le
souverain veut en disposer après leur décès. Il leur est
réservé, en outre, la propriété particulière de leurs
habitations là où elle leur était attribuée par l'obser-
vance, n
§ 53.
« Pour leur sustentation future, on devra laisser
aux capitulaires des grands chapitres, dignitaires et
chanoines des chapitres nobles, les neuf dixièmes du
total de leurs anciens revenus, et à chacun en parti-
— 417 —
culier ce dont il a joui jusqu'à présent. On devra éga-
lement laisser aux vicaires la jouissance de leur loge-
ment actuel; et, attendu qu'ils sont pour la plupart
mal payés, celle de leurs revenus en entier, jusqu'à
ce qu'ils soient placés dans d'autres emplois ecclésias-
tiques, à charge par eux de continuer, en attendant,
de vaquer au service de l'église.
w Les domiciliaires qui auront déjà joui d'une par-
tie de leurs prébendes, devront être traités à l'instar
des capitulaires, quant à leur quote de sustentation,
et ils entreront successivement en jouissance des pré-
bendes à mesure qu'elles viendront à vaquer, à moins
que le souverain ne s'arrange avec eux d'une autre
manière, n
§ 54.
« Les capitulaires et les domiciliaires des grands
chapitres, ainsi que des chapitres nobles et médiats
qui, suivant leurs différents statuts, n'entrent en
jouissance qu'après l'expiration des années de carence j
ou à la suite d'autres circonstances, pourvu qu'ils se
trouvent dans la possession effective de leurs prében-
des, ont les mêmes droits que ceux qui s'en trouvent
déjà en jouissance réelle. »
§ 55.
« Les chanoinesses conserveront la jouissance de ce
qu'elles ont eu jusqu'ici, aussi longtemps que les nou-
veaux souverains ne préféreront pas de les supprimer,
moyennant un arrangement à déterminer à leur satis-
faction, n
§ 56.
« Les dispositions suivantes, à l'égard des person-
nes au service des princes , sont également applicables
VII ^ 27
— 418 —
aux serviteurs, soit ecclésiastiques, soit séculiers des
chapitres. »
§ 57.
« Les conventuels des abbayes princières et immé-
diates de l'Empire continueront d'être entretenus dans
quelque communauté d'une manière convenable et
conforme à leur ancien genre de vie. Ceux qui en sor-
tiront avec l'agrément du souverain toucheront, jus-
qu'à ce qu'ils soient autrement établis, une pension
de trois à six cents florins, suivant les revenus de leur
fondation.
« Il sera pourvu de la même manière à la sustenta-
tion des frères lais. Les novices qui ne sont pas en-
core liés par des vœux peuvent être renvoyés par le
souverain avec une pension proportionnelle de trois
années. »
§ 58.
« Les précistes impériaux qui ont déjà présenté
leurs titres aux chapitres, et qui n'auront pas laissé
passer leur tour lorsqu'il aura lieu, recevront, en cas
de vacance, une pension proportionnelle.
« Cette disposition est également applicable auxpa-
nistes qui ont un droit acquis et reconnu sur leurs bé-
néfices laïques. »
Une des prérogatives dont jouissait l'Empereur était
le droit des premières prières, en vertu duquel il dis-
posait une fois, pendant son règne, d'une prébende
dans chaque chapitre et couvent immédiat de l'Em-
pire, et dans les chapitres et couvents médiats où il
exerçait ce droit en 1 624. Celui qui était l'objet de la
grâce impériale n'était pas obligé à prendre la pre-
mière prébende vacante, et pouvait attendre et choisir
celle qui lui convenait.
— 419 ~
Un autre droit réservé à l'Empereur était celui des
lettres de partis , en vertu duquel il pouvait, une fois
pendant son règne, accorder dans chaque couvent une
prébende laïque. Le paniste ou porteur d'une telle
lettre de grâce recevait, sa vie durant, du couvent,
les aliments, le logement et le vêtement.
S 59.
« Quant aux serviteurs auliques, ecclésiastiques et
séculiers , aux militaires et aux pensionnaires des sou-
verains ecclésiastiques, villes impériales et corpora-
tions immédiates, que le souverain dépossédé n'aura
pas conservés à son service personnel, ainsi qu'aux
serviteurs des Cercles là où ceux-ci subiraient un chan-
gement, il leur est conservé à tous la pleine et entière
jouissance à vie de leurs rang, appointements et émo-
luments légitimes; et, ces derniers cessant, il leur
sera alloué une bonification à régler en remplacement,
à charge par eux de se laisser employer , même ail-
leurs et dans d'autres emplois, au gré du nouveau
souverain, et d'après leurs talents et connaissances.
Cependant ceux de ces serviteurs qui seraient domici-
liés dans une province et qu'on voudrait transférer
contre leur gré dans une autre, auront le choix de se
faire porter sur l'état des pensions. Dans ce dernier
cas, on conservera comme pension à celui qui aura
quinze années de service, ses appointements et émo-
luments en entier; à celui qui aura dix années de ser-
vice, la moitié de ses appointements. Les pensionnai-
res actuels continueront de toucher leurs pensions,
à moins qu'il n'y ait eu récemment des abus à ce
sujet.
« Si le nouveau souverain ne voulait pas garder à
son service quelque employé, il conservera ses ap-
— 420 —
pointements à vie; mais si, depuis le 24 août de cette
année, il a été accordé de nouvelles pensions, des
augmentations de traitements, ou bien établi de nou-
veaux traitements, il dépend, comme de raison, du
nouveau souverain de décider s'il juge ces concessions
conformes aux principes de la justice et d'une bonne
administration. »
§ 60.
« La Constitution politique actuelle des pays à sécu-
lariser, en tant qu'elle est fondée sur des conventions
formelles entre le souverain et le pays et sur d'autres
lois de l'Empire, sera maintenue intacte, sans que
cependant le nouveau souverain ait les mains liées
pour ce qui a rapport à l'administration civile et mi-
litaire, à son amélioration et simplification. »
§ 61.
« Les régaliens, domaines épiscopaux, possessions
et revenus des grands chapitres passent au nouveau
souverain. »
5 62.
« Les diocèses archiépiscopaux et épiscopaux restent
dans leur état actuel, jusqu'à ce qu'il soit établi une
autre organisation diocésaine, conformément aux lois
de l'Empire, de laquelle dépendra aussi l'établisse-
ment futur des chapitres cathédraux. »
6 63.
« \S exercice du culte actuel de chaque pays est main-
tenu et mis à l'abri de toute atteinte. Il est laissé en
particulier, à chaque religion, la possession et la jouis-
sance paisible des biens d'église et fonds d'écoles qui
— 421 —
lui appartiennent, conformément aux stipulations du
traité de Westphalie. Toutefois, il dépend du souve-
rain de tolérer des individus d'un autre culte, et de
leur accorder la pleine jouissance des droits civils. »
Quoique cet article reconnaisse aux souverains le
droit de tolérer des individus d'un autre culte et de
leur accorder la pleine jouissance des droits civils, il
ne renverse pourtant pas les barrières que le traité de
Westphalie, des pactes particuliers et des lettres re-
versales opposaient au droit de réforme des princes
attachés à une autre religion qu'à celle de leurs sujets.
Ainsi l'article ne donne rien aux princes en matière
ecclésiastique, dont ils n'aient été en possession aupa-
ravant.
§ 64.
(f Les chapitres, abbayes et couvents médiats dans les
pays à séculariser, seront traités sur le pied établi ci-
dessus pour les immédiats, c'est-à-dire que les cha-
noines des chapitres médiats supprimés conserveront,
avec leurs habitations, les neuf dixièmes de leur revenu
actuel. Les vicaires le conserveront en entier; et les
domiciliaires, les neuf dixièmes de ce dont ils peuvent
déjà avoir joui, et ils succéderont aux capitulaires.
Néanmoins, les chanoines dont le revenu n'excède pas
en totalité huit cents florins, le conserveront en entier
à l'instar des vicaires. Les abbés dont l'immédiateté
a jusqu'ici été contestée, ou qui sont incontestable-
ment médiats, recevront proportionnellement au re-
venu de leurs abbayes, une pension de deux à huit
mille florins; leurs conventuels et ceux des autres cou-
vents, trois à six cents florins. Les frères lais et no-
vices seront traités sur le même pied établi ci-dessus
pour ceux des fondations immédiates. Ce qui a été
stipulé à l'égard des employés en général, s'applique
également aux serviteurs de toutes ces corporations.
— 422 —
§ 65.
c( Les fondations pieuses et de charité seront conser-
vées comme toute propriété particulière, en restant
toutefois soumises à la surveillance et à l'autorité des
souverains. »
§ 66.
« Afin de garantir autant que possible la subsis-
tance de ce grand nombre de personnes de distinction
et autres victimes, les nouveaux souverains devront
assigner tous ces fonds de sustentation sur les recettes
les plus à leur portée , et les faire acquitter par tri-
mestre et sans retard, comme ayant l'iiypothèque la
plus privilégiée sur les revenus du pays , en bonnes
espèces, sur le pied de vingt-quatre florins au marc.
En conséquence, ils ne pourront pas permettre à leurs
tribunaux de saisir ces fonds alimentaires. »
§ 67.
« Les directoires des cercles sont chargés de veiller
à Vexécution de toutes ces stipulations , et de décréter
et faire effectuer, à la première réquisition des pen-
sionnaires, sans accorder de délai ni admettre d'op-
position, l'exécution contre les autorités déléguées à
cet effet, qui ne pourront pas justifier du payement
par la quittance; et, dans le cas où ces payements cour-
raient quelques risques , de prendre les revenus en
administration immédiate en tant qu'ils seraient né-
cessaires pour cet objet. »
§ 68.
« Quant aux pays ecclésiastiques qui ne passent
pas en totalité ou en majeure partie, avec leurs rési-
— 423 —
dences, à un seul souverain séculier, mais qui sont
répartis entre plusieurs , et dont les résidences et la
plus grande partie du territoire se trouvent sur la rive
droite du Rhin, les principes établis ci-dessus sont
également applicables, tant à la sustentation des per-
sonnes lésées par ces changements, qu'à la sûreté des
serviteurs, à la garantie du culte, etc. La répartition
des sommes fixées pour cette sustentation et les fonds
sur lesquels elles seront assignées, exigent cependant,
pour ces pays, de nouvelles dispositions particulières.
En conséquence , les charges spécialement affectées à
quelques districts, telles que l'entretien d'un couvent
médiat, celui des employés et serviteurs d'un bail-
liage, etc., seront supportées par les seuls souverains
auxquels ce district aura été dévolu. La sustentation
des personnes dépendantes des chapitres cathédraux
et des corporations ecclésiastiques et séculières qui
possédaient des fonds en propre ne peut, dans un pays
ecclésiastique démembré, être supportée par toute la
masse, mais uniquement par ceux qui acquièrent les
biens et revenus desdits chapitres cathédraux et cor-
porations, et sera répartie entre eux proportionnelle-
ment.
« Il ne reste donc à répartir, entre tous les nouveaux
possesseurs d'un tel pays, que les charges qui concer-
nent la totalité dudit pays, auxquelles charges appar-
tient principalement la sustentation du souverain ec-
clésiastique dépossédé. Tous les copartageants devront
s'entendre à ce sujet le plus tôt possible. Dans le cas'
cependant oii ils ne pourraient pas s'arranger à l'amia-
ble dans l'espace de quatre semaines, les princes con--
voquant des cercles, et, dans les cercles du haut et-
du bas Rhin qui sont particulièrement dans ce casy
Mayence et Hesse-Caséel, examineront conjointement
ces objets, et arrêteront les dispositions nécessaires. «»'
— 424 —
Nous verrons, à l'occasion de V article 29 de l'acte
de la Confédération du Rhin, quels ont été les résultats
de la commission dont les électeurs de Mayence et de
Hesse-Cassel furent chargés par cet article.
S 69.
« Quant aux pays dont les souverains ecclésiasti-
ques ont perdu leur résidence sur la rive gauche du
Rhin avec lesdits pays y situés, mais qui ont cepen-
dant encore conservé des possessions considérables
sur la rive droite, on doit principalement avoir égard
à S. A. Électorale de Trêves, comme Électeur d'Em-
pire, à son grand chapitre et à ses serviteurs. Comme
les restes des pays et revenus de l'électorat sur la rive
droite ne suffisent pas, à beaucoup près, pour sub-
venir à cette sustentation, d'autant plus que le grand
chapitre de Trêves n'a pas conservé de fonds particu-
lier sur cette rive, l'entretien de Son Altesse Électorale
est fixé à cent mille florins.
(( Le collège électoral, y compris les nouveaux élec-
teurs à introduire, est invité à se charger de cette
somme, à la payer annuellement à l'électeur de
Trêves à des époques déterminées, et à statuer sur le
règlement de cet objet par un arrêté particulier du
collège électoral. Il est, déplus, arrêté que la ville im-
périale d'Augsbourg laissera à vie à Son Altesse Électo-
rale son château épiscopal et les bâtiments nécessaires
pour les personnes à son service, avec l'ameublement
actuel et les immunités dont ce prince a joui jusqu'à
présent, dans toute leur étendue. »
§ 70.
i( Les nouveaux possesseurs des restes du pays de
Trêves étant entièrement dispensés de contribuer à
-- 425 —
cette sustentation, devront se charger d'une part pro-
portionnellement plus grande pour la sustentation du
grand chapitre et des serviteurs de Trêves. Mayence
et Hesse-Cassel sont également chargés de déterminer
leur juste quote-part à ces pensions. »
§ 71.
« Le règlement de la sustentation du grand chapitre
de Cologne devra, à l'instar de celui de Trêves, être
non-seulement proportionné aux possessions et reve-
nus dudit chapitre sur la rive droite, mais on aura
aussi égard à ce que les nouveaux possesseurs ne sont
pas dans le cas d'entretenir un prince sur les revenus
des pays qui leur sont dévolus; en conséquence, les
commissaires sus- mentionnés devront chercher à
pourvoir à la sustentation convenable du grand cha-
pitre de Cologne, d'après les considérations établies
ci-dessus. »
§ T2.
c( Tout ce qui a été établi pour les ecclésiastiques
qui passent en totalité ou en majeure partie avec les
résidences des anciens souverains à un souverain sé-
culier, ou qui ne passent ni en totalité ni en majeure
partie, avec les résidences, à un possesseur séculier,
mais qui sont répartis entre plusieurs, et dont les ré-
sidences et la plus grande partie du pays sont situées
sur la rive droite du Rhin, est également applicable à
tous les autres souverains ecclésiastiques, grands cha-
pitres, serviteurs, chapitres, fondations et couvents
médiats, corporations ecclésiastiques et séculières,
constitutions civile et ecclésiastique, compris dans
cette classe. Il est entendu toutefois que la sustenta-
tion de toutes les personnes appartenant à cette classe,
dont les fonds ne sont pas situés en entier sur la
— 426 —
rive droite, ne peut pas être ausai considérable que
celle des personnes désignées ci-dessus, mais qu'elle
sera principalement déterminée d'après les revenus
qui leur restent sur cette rive. En conséquence, la
sustentation de ces chapitres et couvents ne peut être
généralement fixée aux neuf dixièmes de leurs anciens
revenus. »
§ 73.
« Les serviteurs qui n'ont pas d'emploi local dans
les bailliages de la rive droite ne peuvent attendre
quelque secours des nouveaux possesseurs que dans
la proportion des parties de territoire restant sur cette
rive, comparées à tout le pays, à moins qu'à l'instar
des serviteurs électoraux de Cologne, employés sur
la rivG droite du Rhin, ils n'aient été appelés expres-
sément par leurs souverains pour l'administration
des pays de ladite rive, dans lequel cas on leur conti-
nuera leurs appointements en entier. »
§ 74.
(t Cette disposition est, en général, restreinte aux
capitulaires et aux serviteurs qui ont suivi leurs sou-
verains sur la rive droite du Rhin, et qui n'ont point
établi depuis leur domicile sur la rive gauche, prin-
cipe qui doit être appliqué généralement. Cependant
les chanoines qui n'ont pas passé sur la rive droite
du Rhin, mais qui sont restés à leurs cathédrales,
seront assimilés à ceux qui ont passé ce fleuve, dans
le cas où ils s'établiraient dans la suite sur la rive
droite. »
S 75.
(( Quant aux souverains ecclésiastiques auxquels il
reste très-peu de pays et de revenus à la rive droite
— 427 —
du Rhin, tels que le prince-évêque de Baie, et à leurs
grands chapitres et serviteurs, ou qui ont tout perdu
sur la rive gauche, tels que le prince-évêque de Liège,
il est nécessaire de déterminer un fonds particulier
pour leur sustentation convenable. En conséquence,
la sustentation du prince-évêque de Liège, dont la
situation est unique, est fixée à vingt mille florins.
Les princes-évêques qui étaient en possession de deux
ou plusieurs évêchés, contribueront, pour la forma-
tion de cette somme, du dixième de la pension qu'ils
tirent pour l'un de leurs évêchés. Ils consacreront
également un vingtième des revenus d'un de leurs
évêchés pour former la moitié de ce minimum, c'est-
à-dire dix mille florins pour le prince-évêque de Baie,
vu qu'il ne lui est resté que quelques parcelles de
son pays sur la rive droite du Rhin. Dans le cas où
l'un des princes-évêques contribuant d'un dixième
et d'un vingtième sur un de ses bénéfices en faveur
des princes-évêques de Liège et de Baie, viendrait à
mourir avant l'un de ces derniers, le prince territorial
à qui une telle pension retomberait serait chargé
de continuer auxdits princes-évêques le payement
du dixième et du vingtième qui leur reviennent. Les
princes-évêques de Baie et de Liège sont, en outre,
recommandés à la collation des premiers sièges épi-
scopaux disponibles. Il leur sera toutefois libre d'ac-
cepter ou non des évêchés, sans que, dans aucun
cas, il puisse leur être tenu compte sur les revenus de
l'èvêché de leur somme de sustentation déjà fixée au
minimum.
« Les deux sommes sus-mentionnées seront fournies
d'après la répartition suivante par MM. les princes-
évêques; savoir :
« L'archevêque de Trêves donnera de sa pension de
soixante mille florins, comme évêque d'Augsbourg;
— 428 —
savoir : à l'évêque de Baie, trois mille florins ; à l'é-
vêque de Liège, six mille florins.
(( Plus, comme prévôt d'Elwangen , de sa pension
de vingt mille florins, à l'évêque de Baie, mille flo-
rins; à celui de Liège, deux mille florins.
« L'évêque de Wiirzbourg, de sa pension de trente
mille florins, comme coadjuteur de Bamberg, à l'évê-
que de Baie, mille cinq cents florins; à celui de Liège,
trois mille florins.
« L'évêque de Hildesheim et Paderborn reçoit pour
ces deux sièges cinquante mille écus de PrussC;, ou
quatre-vingt mille florins : ainsi, de la moitié il don-
nera deux mille florins à Baie et quatre mille à Liège.
(( L'évêque de Ratisbonne, de sa pension de vingt
mille florins, pour Freysingen, mille florins à Baie, et
deux mille florins à Liège.
« Le même, de celle de vingt mille florins pour la
prévôté de Berchtolsgaden, mille florins à Baie, deux
mille florins à Liège.
« L'Électeur-Archichancelier, de sa pension de dix
mille florins, comme prince-évêque de Constance,
cinq cents florins à Baie, mille à Liège.
« A l'égard des grands chapitres et serviteurs aux-
quels les nouveaux princes territoriaux, en raison de
leurs biens et revenus situés sur la rive droite du
Rhin, ne seraient pas en état de fournir leur susten-
tation nécessaire, tels que ceux de Cologne , Trêves,
Worms, Liège, Baie, Spire, Strasbourg et autres qui
se trouvent dans le même cas, il sera formé pour eux
une caisse particulière, pour laquelle il sera retenu,
à chaque chanoine ayant plus d'une prébende, deux
dixièmes de chaque neuf-dixième qu'ils ont à retirer
de cette prébende; laquelle caisse sera confiée à l'É-
lecteur-Archichancelier de l'Empire, pour la distribu-
tion en être faite par lui dans de justes proportions, et
— 429 —
de manière à satisfaire à cet objet autant que les fonds
pourront le permettre. N'en seront pas moins tenus
pour cela les princes territoriaux qui reçoivent les
restes de ces pays, ainsi que des revenus des grands
chapitres et autres corporations, de pourvoir propor-
tionnellement à l'entretien des parties souffrantes. »
Pour l'administration de cette caisse de sustenta-
tion, l'Archichancelier établit une commission parti-
culière qui siégea d'abord à Ratisbonne, et fut ensuite
transférée à Francfort.
On voit, par un rapport que le chef de cette com-
mission fit, le 31 décembre 1810, à l'Archichancelier,
devenu alors grand-duc de Francfort, que, pendant
les années 1803 à 1809, la caisse de sustentation n'a
pu payer que le minimum des pensions fixées par ce
paragraphe î mais, dans le courant de cette dernière
année, elle éprouva un déficit si considérable, qu'au
lieu de quatre-vingt-treize mille cinq cent soixante-
treize florins montant du maximum pour cent vingt-
deux personnes, ou au moins de soixante-huit mille
huit cent quarante et un qui étaient le minimum,
on n'a pu payer, en 1810, que vingt-quatre mille
cent quatre-vingt-neuf florins, et la recette probable,
pour 1811, était encore au-dessous de cette somme.
L'incorporation de l'évêché de Munster, dans le
grand-duché de Berg, avait fait tarir la source des
revenus que la caisse tirait auparavant de ce pays. Il
en fut de même pour le royaume de Westphalie, où
des titulaires cessèrent de contribuer après le décret de
Jérôme Bonaparte, du 29 octobre 1810, supprimant
tous les chapitres. Le chapitre d'Osnabriick discon-
tinua également de fournir son contingent, après
que cette principauté eut été incorporée à l'Empire
français.
— 430 —
§ 76.
« Enfin, quant aux ecclésiastiques et serviteurs dont
les corporations ont été supprimées sur la rive gauche
du Rhin, et qui ont cependant encore plus ou moins
de biens sur la rive droite, biens qui sont mis à la
disposition des nouveaux souverains locaux, il est
entendu que lesdits souverains, autant que ces revenus
y suffiront, sont, à l'instar de tous les autres nou-
veaux possesseurs, chargés de la sustentation des
personnes qui, étant nées sur la rive droite du Rhin,
y ont été renvoyées par le gouvernement français sans
pension, pour y être entretenues, ou qui se sont déjà
établies sur cette rive pendant la guerre à cause de
ces revenus et de leur administration, ainsi que pour
leur subsistance, et qui en ont effectivement joui
jusqu'à présent. En conséquence, ils sont tenus de
laisser, à vie durante, à ces infortunés, la jouissance
desdits revenus, auxquels ils ont un droit fondé, et il
ne pourra en être disposé qu'après leur décès. »
§ 77.
« Comme il est nécessaire, pour rassurer les créan-
ciers, de pourvoir aux dettes affectées aux pays don-
nés en indemnité, il est entendu que, dans les pays
qui passent en entier d'un souverain ecclésiastique à
un souverain séculier, ce dernier doit se charger de
toutes ces dettes, tant domaniales que territoriales,
les acquitter, et en payer les intérêts sur ses nouveaux
revenus et impositions , de la même manière que le
souverain ecclésiastique aurait été tenu de le faire. »
S 78.
« Dans les pays ecclésiastiques partagés entre plu-
sieurs, le créancier auquel il a été assigné une hypo-
— 431 --
thèque spéciale peut s'en tenir à cette hypothèque,
de manière que les copartageants d'un tel pays qui
sont nantis de cette hypothèque spéciale, soient obli-
gés de lui en payer provisoirement les intérêts. Ces
dettes, ainsi que celles qui n'ont qu'une hypothèque
générale, ou versionem in rem, et enfin celles qui ont
perdu leurs hypothèques spéciales, telles que les
péages, seront ensuite réparties comme dettes géné-
rales du pays entre tous les copartageants dudit pays,
en quotes-parts proportionnelles, savoir les dettes
domaniales à raison du produit des domaines, et
les dettes territoriales d'après le rôle des contribu-
tions. »
s 79.
« Mais afin que les créanciers ne soient pas obligés
d'attendre le payement de ces intérêts jusqu'à cette
répartition, il est établi, à l'égard des capitaux dé-
pourvus d'hypothèque spéciale, que le possesseur du
chef -lieu ou de la plus grande partie du pays acquit-
tera provisoirement ces intérêts jusqu'à la liquidation
définitive, à moins que les copartageants, là où les
parts ne sont pas très-inégales, ne s'entendent provi-
soirement entre eux sur le payement des intérêts de
ces capitaux. »
§ 80.
« Lorsque les pays ecclésiastiques dont les dettes
sont à régler se trouvent en partie sur la rive gauche
du Rhin, les dettes territoriales qui ont leur hypo-
thèque spéciale sur la rive gauche, ou qui sont dans
le cas, d'après le traité de Lunéville, de passer à la
République française, seront préalablement déduites
de la masse à répartir des dettes d'un tel pays. »
— 432 —
§ 81.
« Si de nouvelles dettes ont encore été contractées
quelque part après le 24 août de cette année, leur
acquittement tiendra à la question de savoir si l'avan-
tage ou les besoins réels de l'État ont exigé ces em-
prunts. »
S 82.
« Quant aux dettes de cercles entiers , nommément
de ceux situés entièrement sur la rive droite du Rhin,
tels que les cercles de Franconie et de Souabe, tous
les pays qui en ont jusqu'ici fait partie restent char-
gés du payement de ces dettes; mais lorsque quelque
pays ecclésiastique du cercle est partagé entre plu-
sieurs souverains séculiers, il est également nécessaire
de régler le plus tôt possible , pour chaque portion
d'un tel pays, sa quote matriculaire aux prestations
de l'Empire et du cercle, et ce sera d'après cette échelle
que les nouveaux possesseurs concourront à l'amortis-
sement des dettes du cercle et au payement des inté-
rêts. En attendant que cette répartition ait eu lieu, la
contribution de tous ces pays démembrés aux presta-
tions du cercle et au payement des intérêts des dettes,
sera acquittée de la manière établie ci-dessus à l'égard
des dettes territoriales des pays démembrés. »
§ 83.
« Enfin, quant aux dettes contractées par les cercles
du haut et bas Rhin, situés l'un et l'autre sur les deux
rives de ce fleuve; savoir, par le cercle du bas Rhin,
immédiatement avant la guerre, et par celui du haut
Rhin, pendant et pour la guerre, les créanciers de ces
deux cercles sont, eu égard aux circonstances, en droit
de s'en tenir, pour le remboursement de leurs capi-
— 433 —
taux et intérêts, aux pays des deux cercles situés à la
rive droite. Les souverains des pays situés sur cette
rive , et qui appartiennent à l'un ou à l'autre de ces
cercles, devront s'entendre entre eux sur l'acquitte-
ment de ces capitaux et de leurs intérêts. Il sera, à
cet effet, préalablement nécessaire de poursuivre la
rentrée aux caisses générales et particulières, établies
dans le cercle du haut Rhin, des arrérages exigibles,
en tant qu'il n'existe pas d'exception valable, lesquels
arrérages devront être affectés au payement des inté-
rêts et des capitaux. Le surplus sera acquitté en mois
romains ordinaires du cercle, par les pays qui en font
encore partie. »
§ 84.
« Dans le cas où la quote matriculaire des pays de
cercles situés sur la rive gauche auxdites dettes ne
serait pas comprise par la République française dans
la catégorie de celles dont elle devra se charger, la
part des pays séculiers des cercles situés sur cette
rive sera ajoutée à celles dont les États d'Empire in-
demnisés doivent se charger, sans en grever leurs nou-
veaux, sujets; et la part seule des pays ecclésiastiques
aux dettes des cercles ne sera pas transférée, et aug-
mentera la masse des dettes du reste des pays du cer-
cle situé sur la rive droite, parce qu'il n'est point
donné d'indemnités pour ces pays. »
La commission, établie par le paragraphe 88, s'as-
sembla effectivement le 6 mars 1804, et fut réunie
jusqu'au 31 août 1806; elle augmenta la masse des
dettes des deux cercles du Rhin d'un capital de qua-
rante-trois mille deux cent trois florins, pour les frais
qu'elle occasionna.
VII 28
— 434 —
S 89.
u Enfin on s'en repose sur l'Empereur et l'Empire
du soin de statuer le plus tôt possible et définitive-
ment sur le rapport principal dudit tribunal, relative-
ment à sa sustentation, et d'en déterminer légalement
l'organisation, en raison de la diminution des fonds
affectés à son entretien et des changements survenus.
« Fait à Ratisbonne, le 25 février 1 803. »
Ainsi fut terminée l'œuvre de la régénération de
l'Empire confiée à la Députation extraordinaire de Ra-
tisbonne. Six mois avaient suffi pour aplanir toutes les
difficultés et pour construire un édifice que l'Allema-
gne, abandonnée à elle-même, n'aurait peut-être ja-
mais achevé. Le Recès de la Députation était en grande
partie l'ouvrage des ministres étrangers qui , dans le
cours de cette négociation , agirent quelquefois plutôt
comme des maîtres annonçant leur volonté que comme
des médiateurs chargés de concilier des intérêts oppo-
sés. Toutefois ils ne se montrèrent aussi absolus que
dans les questions touchant à la politique de leurs
gouvernements j pour ce qui tenait au régime intérieur
de l'Allemagne, ils se bornèrent à donner des avis,
laissant aux subdélégués le soin de les débattre. Ainsi
les articles purement réglementaires de cette loi sont
presque uniquement dus aux subdélégués; ils témoi-
gnent de l'esprit de justice et des sentiments d'huma-
nité qui animaient leurs auteurs. Quoique souvent di-
visée d'opinion et obligée parfois à sacrifier ses
principes, la Députation, tout en cédant à l'empire des
circonstances, a maintenu la dignité qui convenait
aux représentants d'une grande nation. Les noms des
subdélégués de Ratisbonne seront inscrits avec hon-
— 435 —
neurs dans les fastes de la Diplomatie. Parmi ces
hommes d'État que leurs talents recommandent à la
publique estime, on distinguera surtout le ministre
directorial qui n'a cessé de faire preuve d'une impar-
tialité difficile à conserver au milieu de tant d'inté-
rêts divers, et d'un esprit de méthode et de clarté qui
a puissamment contribué à l'accélération des travaux
de l'assemblée. L'ouvrage de ces ministres cependaut
fut de peu de durée, mais à cet égard leur prévoyance
et leur patriotisme sont à l'abri de toute atteinte; les
événements qui vont se développer nous montreront
bientôt les causes de la fragilité de leur œuvre.
SECTION IV.
liVÉNEMENTS POSTÉRIEURS AU RKCÈS DE LA DÉPUTATION DE L'EMPIRE.
Ralificalion du Recès par l'Empereur et l'Empu-e. — Dissolution de la Dé-
pulalion de l'Empire. — Traités d'épuration. — Introduction des nou-
veaux Électeurs. — Discussion sur l'organisation du Collège des Princes.
— Conleslalions sur le droit d'épave. — Convention de Ratisbonne, du
2 juin 1804, enlre l'Autriche et le WUrlemberg. — Convention du
23 juin 1804, entre l'Autriche et Nassau-Orange. — Commission execu-
tive de Francfort. — Différend au sujet de la Noblesse immédiate. —
Conservatorium du 2.3 janvier 180'f. — Subdélégalion de Ratisbonne;
baron d'Albini ; baron de Globig ; baron de Gemmingen ; baron de Hiï-
gel ; comte de Sfadion. — Communication finale de M. Bâcher.
En transmettant, le 25 février 1 803, aux ministres
de Russie et de France le Recès qu'on vient de lire,
le plénipotentiaire impérial ajouta que l'Empereur se
réservait de faire connaître à la Diète de l'Empire ses
sentiments sur quelques nouveaux articles qui avaient
été introduits dans le conclusum général de laDéputa-
tion, et qui ne découlaient pas de la convention du
26 décembre 1802, ou n'étaient point relatifs à l'affaire
des indemnités; que les délibérations de la Diète à la-
quelle une partie de cet acte avait déjà été portée ne
manqueraient pas d'avoir promptement un résultat dé-
finitif, et qu'en attendant il devait déclarer que, d'après
sa manière de voir, tout ce qui ,se rapportait à la pro-
position d'accorder de nouvelles voix viriles dans le
collège des Princes, devait être entièrement abandonné
à l'Empereur et à l'Empire.
Les délibérations de la Diète ne furent pas longues.
Le 24 mars elle donna son Avis pour 1° approuver
au nom de l'Empire le conclusum de la Députation ;
2" confirmer les lois fondamentales de l'Empire sub-
— 437 —
sistantes, spécialement la paix de Westphalie et tous les
traités subséquents, en tant qu'il n'y avait pas été ex-
pressément dérogé; 3" maintenir pour l'avenir la Con-
stitution de l'Empire germanique, dans tous les autres
points auxquels il n'avait point été porté formellement
atteinte, tels qu'ils avaient jusqu'ici subsisté pour les
Électeurs, Princes et États de l'Empire, y compris
aussi l'Ordre Teutonique et la Noblesse immédiate.
Le décret de commission, par lequel l'Empereur ra-
tifia cet Avis, et qui lui donna la forme d'un conclu-
sum ou loi obligatoire, est du 27 avril 1803. Aux
réserves faites dans l'Avis, l'Empereur en ajouta plu-
sieurs autres :
r Que la convention du 26 décembre 1802 sera
maintenue dans toute sa vigueur et dans toutes ses
obligations, d'après le texte littéral de ses articles,
surtout en ce qui concernait les réserves contenues
dans l'article 4. Moyennant cette réserve positive,
claire et précise, l'Empereur annula indirectement la
clause salvatoire que les ministres de France avaient
placée à la fin de l'introduction du premier article du
Recès, et par laquelle ils s'étaient flattés de rendre
illusoire la réserve exprimée dans l'article 4 de la con-
vention du 26 décembre 1 802 \
2" Qu'en tant que les réserves regardent les droits
qui compétent à Sa Majesté, comme Empereur et chef
suprême de l'Empire , l'exercice de ces droits sera
maintenu sans restriction , tant pour l'exécution du
présent acte de l'Empire que pour les temps à venir;
3° Que la confirmation des lois fondamentales de
l'Empire, mentionnée dans l'Avis de la Diète, et la
réserve qui y est proposée pour le maintien de la Con-
' Voy. ci-dessus, p. 248.
— 438 —
stitution de l'Empire, seront réalisées ^ eœéculées el
maintenues ;
A" Que les objections que Sa Majesté Impériale a fait
produire à l'occasion des propositions que la Députa-
tion avait faites antérieurement pour augmenter le
nombre des votes virils au collège des Princes, n'ayant
point été levées par les propositions postérieures,
Sa Majesté Impériale se voyait obligée, par les devoirs
auxquels ses serments la liaient pour le maintien de la
Constitution de l'Empire et la protection de la religion
catholique, de suspendre provisoirement sa ratification
relativement à cet objet, et de se réserver de demander
incessamment, par un décret de commission, qu'il t'ùt
formé un Avis ultérieur de l'Empire, pour pourvoir,
par des propositions convenables, à ce qu'une majorité
de voix si décidée étant déjà dévolue aux États protes-
tants dans le collège électoral et dans celui des villes
impériales, les proportions usitées entre les deux reli-
gions ne fussent pas tellement changées au collège des
Princes, que la parité des voix fût essentiellement
outre-passée ;
5" Qu'à l'égard des points du dernier arrêté de la
Députation dont le règlement était encore sujet à des
propositions et négociations futures, tels que ceux
qui se trouvent exprimés à la fin des paragraphes 2
et 39, l'intervervention ultérieure, qui appartenait à
l'Empereur et à l'Empire, leur fût réservée.
Dans ces deux actes, l'Avis de l'Empire et le Décret
de commission impérial, deux choses doivent être
remarquées : 1 " la mention expresse, faite dans l'Avis
et répétée dans le Décret, de la Noblesse immédiate
comme d'un corps constitutionnel et placé sur la môme
ligne que les États d'Empire j 2* les mots ajoutés à la
troisième réserve, et qui font dépendre la ratification
de l'acte de la mise en exécution et du maintien des
— 489 —
droits assurés aux États ainsi qu'à l'Ordre Teutonique
et à la Noblesse immédiate. Cette condition n'ayant
pas été observée, l'Empereur pouvait, sous le point de
vue du Droit, regarder comme non avenue sa ratifica-
tion, et par conséquent comme frappé de nullité le
Recès de l'Empire dans toutes ses stipulations.
La Députation de l'Empire n'avait tenu que trois
séances, depuis le 25 février, pour laisser à la Diète le
loisir de délibérer sur son conclusum. Celui-ci ayant
été ratifié, à l'exception d'un seul article, par l'Avis de
lEmpire du 24 mars et le Décret de commission impé-
rial du 27 avril, le baron de Hûgel remit à la Dépu-
tation , dans sa cinquantième séance, le 1 9 mai , un
décret du 9, par lequel il déclara qu'elle était dis-
soute ; que les pouvoirs dont elle avait été investie
étaient révoqués , ainsi que l'étaient ceux que lui-
même tenait de la part du chef de l'Empire. Le même
jour, les ministres médiateurs prirent congé de 1»
Députation par la Note suivante :
« S. M. l'empereur de toutes les Russies et le pre-
mier Consul de la République française [le premier
Consul de la République française et S. M. l'empereur
de toutes les Russies], voyant avec satisfaction que le
but qu'ils s'étaient proposé, lors de leur intervention
amicale dans l'arrangement des indemnités, est heu-
reusement atteint , et que le Corps germanique est
désormais en situation de pourvoir, par ses propres
moyens, aux mesures d'organisation intérieure qui,
sans découler directement des articles 5 et 7 du traité
deLunéville, peuvent lui paraître une suite nécessaire
de l'acte qui en est le complément, le soussigné, plé-
nipotentiaire de S. M. l'empereur de toutes les Russies
[ministre extraordinaire de la République française]
près de la Diète générale de l'Empire, a ordre d'an-
— 440 —
noncer que la mission dont il a été honoré par son
gouvernement [sa cour] est en ce moment terminée,
et qu'il retourne à ses fonctions précédentes.
« La sollicitude de S. M. l'empereur de toutes les
Russies et du premier Consul [du premier Consul et
de l'empereur de toutes les Russies] pour le bien-être
de l'Allemagne, ne leur laisse en effet plus rien aper-
cevoir qui n'appartienne spécialement à l'action
ordinaire du Corps germanique; et les expressions de
reconnaissance avec lesquelles l'Empire et son chef
suprême ont accueilli le résultat de leurs soins , ne
leur permettant pas de douter qu'une loi adoptée sous
leur médiation et revêtue de toute la solennité des for-
malités constitutionnelles , ne soit ponctuellement
exécutée dans toutes ses parties.
« C'est par cette exécution scrupuleuse que chaque
État d'Empire doit prouver son patriotisme et l'im-
portance qu'il attache à la tranquillité générale aussi
bien qu'à la sienne.
« Les dispositions fondamentales que le Corps ger-
manique vient de consacrer abrogent quelques dispo-
sitions précédentes dont le souvenir subsiste encore.
Celles-ci ne sauraient plus être invoquées à l'avenir.
Il n'est aucun membre de l'Empire qui ne doive avoir
sous les yeux que le Corps germanique s'était lié, par
le traité de Lunéville, à subvenir collectivement à l'in-
demnisation. Le paragraphe 36 de la nouvelle loi est
surtout celui par lequel est accomplie l'obligation
commune; et, comme dans un système étendu toutes
les parties s'enchaînent, les rentes assignées, les pen-
sions, les dettes doivent aussi être acquittées avec une
honorable exactitude. L'intérêt de tous et de chacun
en particulier, la sûreté des États et des propriétés, le
maintien de l'ordre établi, exigent qu'aucun des Etats
d'Empire ne cherche la solution des doutes qu'il pour-
_ A41 —
rait concevoir, que dans le texte même de la loi con-
certée avec les puissances médiatrices. Elles ne sont
engagées à rien qui n'y soit fidèlement exprimé. Les
droits conférés et les droits réservés s'y trouvent éga-
lement.
'( S'il arrivait cependant que, dans la nouveauté de
tant d'arrangements divers, un des États de l'Empire
se trouvât conduit à léser par méprise les droits d'un
autre, la justice et la bonne foi auront promptement
réparé l'erreur que des mesures de rétorsion aggra-
veraient au contraire. S. M. l'empereur de toutes les
Uussies et le premier Consul [le premier Consul de la
République française et S. M. l'empereur de toutes
les Russies] sont intimement convaincus, au reste,
qu'aucun mauvais exemple ne sera donné, et bien
moins encore imité.
« Le soussigné s'acquitte d'un dernier devoir, eti
assurant la Diète de l'intérêt constant que S. M. l'em-
pereur de toutes les Russies [le premier Consul]
prendra à la prospérité du Corps germanique.
« A Ratisbonne, le %^ 1803 [le ,^^,^^].
« Le baron de Buhler.
[Laforest.] »
Le paragraphe 46 du Recès de la Députation avait
statué que tous échanges, purifications de territoires
et transactions quelconques des Etats entre eux, qui
auraient lieu dans le terme d'un an, auraient même
force et exécution que s'ils étaient insérés dans l'acte.
Nous avons vu des exemples de pareilles transactions
dans une convention que le ministre d'Oldenbourg
conclut, le 6 avril 1803, à Ratisbonne, avec les mi-
— 442 —
nistres médiateurs* ; dans celle du 21 avril de la même
année, entre le roi de Danemark et la ville de Ham-
bourg*; dans celle du 2 avril 1804 entre le duc d'Ol-
denbourg et la ville de Lubeck^ Un autre exemple
d'une transaction de cette nature fut un traité qu'on
signa le 30 juin 1803, Ce traité fit naître de vives ré-
clamations de la part de la ville de Nuremberg, qui
se prétendait lésée par plusieurs de ses stipulations.
L'électeur de Bavière céda, par cet arrangement, au
roi de Prusse, toutes les terres, tous les droits et re-
venus qui lui appartenaient dans les margraviats de
la Franconie, comme possesseur des- évêchés, abbayes
et couvents de ce cercle , que le Recès lui avait décer-
nés.
Le décret de commission, annoncé dans celui du
27 avril 1803, fut signé le 30 juin, et dicté à la Diète
le 8 juillet 1803. Il représentait la nécessité d'une
parité entre les voix catholiques et protestantes, fon-
dée sur la paix de Westphalie et sur l'observance ,
et invitait les États à lui soumettre un Avis dans le-
quel ils lui proposeraient la nomination de nouveaux
princes catholiques en nombre nécessaire pour réta-
blir celte parité, s'ils ne préféraient qu'en atten-
dant, une partie des princes nommés par le Recès ne
fût pas introduite. Comme le collège électoral refusa
de prendre cet objet en délibération avant l'introduc-
tion de quatre nouveaux Électeurs, l'Empereur or-
donna cette introduction par un décret du 13 août.
Conformément à la Bulle d'Or, il y détermina les pays
auxquels la dignité électorale devait être spécialement
affectée. C'étaient, pour l'électeur de Salzbourg, l'an-
• Voy. p. 299.
• Voy. p. 376.
» Voy. p. ^^^.
— 443 —
cien archevêché, aujourd'hui duché de Salzbourgj
pour celui de Bade, les provinces qui, dans la nou-
velle organisation, étaient appelées Palatinat du Rhin
et margraviat de Bade; pour Wurtemberg, l'ancien
duché; et pour la flesse, tout l'ensemble des États de
l'Électeur. La Diète était invitée à délibérer sur les
grandes charges qui devaient être attachées à chacun
de ces électorats. Comme les événements subséquents
ne laissèrent pas à la Diète le temps de donner un
Avis sur cet objet, nous dirons seulement que le nou-
vel électeur de Wurtemberg avait demandé la charge
d'archibanneret, comme attachée depuis longtemps à
sa maison j et celui de Hesse la dignité d'archigéné-
ral , comme répondant au mérite militaire de la
sienne. L'introduction des nouveaux Électeurs eut
lieu le 22 août 1803.
Cette affaire étant terminée à la satisfaction com-
mune, on put s'occuper du décret de commission
du 8 juillet et de la nouvelle organisation du collège
des Princes. Déjà un grand nombre de princes d'Em-
pire avaient réclamé des voix viriles, s'ils n'en avaient
pas, ou une augmentation de celles que le Recès leur
attribuait. Nous allons les nommer dans l'ordre chro-
nologique de leurs demandes.
La princesse régente de Lippe-Detmold, pour son fils
mineur, le 4 février 1803.
Le prince de Wied-Runkel , le 26 du même mois.
Le comte de Metternich-Winnebourg-Beilsteiny au
nom des comtes catholiques de la Westphalie, qui de-
mandaient une voix curiale, indépendamment de
celle qu'ils possédaient en commun avec les comtes
protestants; le 10 mars 1803.
Le duc de Saxe-Meiningen, qui en demanda une,
_ 444 —
outre celle de Henneberg pour laquelle il alternait avec
les autres branches de sa maison; le 14 mai.
Le duc de Saxe-Cobourg, qui se trouvait dans la
même condition; le 10 juin.
Le prince de Fùrstenberg; le 1" septembre. Cette
maison avait, depuis 1667, une voix à la Diète, et le
, Recès la lui avait conservée; mais elle croyait être au-
torisée à en demander deux pour les landgraviats de
Stiihlingen et de Baar, quoique le premier ne fut
qu'arrière-fief de l'Empire.
Le prince Fugger-Babenhausen , que l'Empereur
avait élevé, le 1" août 1803, à la dignité de prince,
demanda le droit de voter; le 1*"" octobre.
Les chefs des trois branches de la maison des Truch-
sess-Waldbourg, auxquels l'Empereur avait conféré,
le 21 mars 1803, le rang de princes. Leur mémoire
fut présenté le 4 novembre 1803.
Le prince de Salm-Salm demanda, le 4 novembre,
une seconde voix pour Anholt.
Le duc de Croï, que le Recès avait placé parmi les
princes d'Empire, demanda, le 10 novembre, son
introduction dans le collège.
Le même jour, la maison de Sayn-Wittgenstein ré-
clama cette faveur.
Le 18 novembre se présenta le prince de Metternich,
que l'Empereur avait décoré, le 30 juin , de ce titre,
en attachant la dignité princière à la terre d'Ochsen-
liausen.
Les comtes de Khévenhûller sont originaires de la
Franconie. Vers la fin du xi° siècle, ils s'établirent en
Carinthie, oùils obtinrent, à titre héréditaire, la charge
de grands écuyers du duché. Ils se partagèrent en
deux branches, dont la cadette, qui porte le nom de
Khévenhûller - Melsch et Aichelberg , possède depuis
1764 la dignité de prince, tandis que l'aînée a con-
— 445 —
serve le titre de comte. Le prince de Khévenhiiller de-
manda, le 18 novembre 1803, voix et séance à la
Diète; et comme il ne possédait pas suffisamment de
^ terres immédiates, il prit l'engagement de satisfaire
à ce que le paragraphe 5 de l'article 1 de la capitula-
tion impériale prescrit en pareille circonstance.
Le duc à'Arenbergf possesseur de Meppen et de
Recklingshausen, demanda, le 5 décembre 1803, deux
voix au lieu d'une seule que le Recès lui accordait.
La princesse régente d' Oettingen - Wallerstein de-
manda, le 24 décembre, outre la voix que le Recès
donnait à sa maison, une seconde pour la succession
de la branche de Baldern, pour laquelle le même acte
lui avait alloué une indemnité.
Le roi de Suède avait demandé une voix pour la
seigneurie de Wismar ; mais comme il venait de céder
ou d'hypothéquer cette ville au duc de Mecklenbourg-
Schwerin, il demanda, le 24 décembre, une voix
comme prince de RiXgen, indépendamment de celle
qu'il avait comme duc de la Poméranie citérieure.
Le prince de Lcewenstein-Wertheim demanda, le
12 janvier 1804, une seconde voix comme possesseur
du bailliage de Rothenfels.
Le bourgraviat de Winterrieden ayant été élevé à
la dignité princière, le prince de Sinzendorff, qui avait
obtenu cette possession par le Recès, demanda, le
16 janvier 1804, son admission.
Le prince de Salm-Krautheim ^ après avoir obtenu
cette dignité au mois de février, sollicita, le 1" mars
1804, l'admission des deux branches de sa maison à
la jouissance d'une seule voix.
Le 21 avril 1 804, le prince de Liechtenstein demanda
une seconde voix.
Le comté d'Egloff ayant été élevé, le 24 mai 1804,
au rang d'une principauté, sous le nom de Windisch-
— 446 —
grœtz, la princesse régente demanda, le 15 juillet
1804, l'admission de son fils.
Comme il paraissait que les princes avaient Tinten-
tion d'exclure le collège des villes du droit de prendre
part à la délibération sur le décret impérial du 8 juil-
let, les villes remirent, le 10 août, un mémoire dans
lequel elles réclamèrent ce droit en vertu des stipula-
tions de la paix de Westplialie, qui leur accordaient^
sans restriction, la coopération aux délibérations de la
Diète. La seule exception de cette règle que les villes
voulurent reconnaître est celle que renferme le para-
graphe 27 du Recès de la Députation, qui les exclut
de la délibération sur la guerre et la paix. Elles citè-
rent l'exemple de 1708, où elles avaient voté sur la
réadmission de l'électeur de Bohême et sur l'intro-
duction de celui de Brunswic dans le premier collège.
Enfin elles firent observer qu'il ne s'agissait pas
seulement de la réception dans le collège des Princes
de quelques nouveaux membres, mais plutôt d'une
question qui présentait un intérêt majeur, de savoir
si à l'avenir les voix des États d'Empire devaient se
conformer à la religion du pays ou à celle du souve-
rain. Cette représentation produisit son effet, et le
collège des villes prit part à la délibération.
Avant qu'elle commençât, on eut connaissance d'un
rescrit que la Cour de Berlin avait adressé à son mi-
nistre à la Diète, pour lui dire qu'on ne pouvait accé-
der aux principes énoncés dans le Décret de commis-
sion du 30 juin. 11 est remarquable que le roi de Prusse
fut engagé à cette démarche par l'électeur de Bavière,
celui de tous les princes catholiques auquel le Recès
destinait le plus grand nombre de voix.
Le comte de Cobenzly vice-chancelier de l'Empire,
réfuta cette déclaration par un rescrit qu'il adressa ,
le 10 novembre 1803, au ministre directorial d'Au-
— 447 —
triche près la Diète. Il y exposa, entre autres motifs, que
l'Empereur était d'autant plus autorisé de refuser la
ratification de l'article 32 du Recès, que, dans la con-
vention du 26 décembre 1 802, il s'était expressément
réservé les droits qui lui compétaient comme chef su-
prême de l'Empire, droits qu'il exerçait principale-
ment lorsqu'il s'agissait d'accorder des votes; que si
la Cour de Berlin avançait que le parti catholique pou-
vait aussi bien se contenter de la minorité et du droit
de faire corps à part (itio in partes), comme les pro-
testants avaient été obligés de faire jusqu'à présent, il
fallait considérer que la guerre qu'on venait de termi-
ner n'avait pas été, comme celle de Trente ans, une
guerre de religion; qu'on n'avait pas vu, comme alors,
la population de pays entiers passer d'une religion à
l'autre , que le rapport existant avant la guerre entre
les adhérents des différentes religions n'avait pas été
altéré ; qu'à la vérité, le parti catholique avait été for-
tement diminué par la cession de la rive gauche du
Rhin, mais qu'il conservait toujours sa supériorité de
nombre sur les protestants; et que par conséquent les
raisons qui, à l'époque de la paix de Westphalie,
avaient accordé la prépondérance aux catholiques,
subsistaient toujours; que, bien loin cependant de
vouloir faire obtenir une majorité aux princes catho-
liques, l'Empereur ne demandait que la parité; qu'il
consentait même à ce que, provisoirement et sans pré-
judice, l'appel nominal fût fait d'après l'article 32.
Les délibérations commencèrent le 14 novembre
1803. Tous les Électeurs, à l'exception de ceux de
Bohême et de Salzbourg, votèrent pour qu'on priât
l'Empereur de ratifier le paragraphe 32 sans insister
sur la nécessité d'une égalité arithmétique entre les
adhérents des deux religions. Nous allons rapporter
ici quelques-unes seulement des observations les plus
— 448 —
frappantes qui furent faites dans le cours de cette dis-
cussion.
L'électeur palatin de Bavière (car c'est depuis le
Recès de 1 803 que ce titre a été officiellement sub-
stitué à celui d^Électeur palatin) proposa de tran-
cher toute la difficulté en proclamant comme loi fon-
damentale de l'État une parfaite liherté de religion^
et en complétant le paragraphe 63 du Recès par une
déclaration portant que tous les obstacles que les pac-
tes etlesreversales opposaient au droit de réformer des
princes, étaient annulés j il soutint que cette décla-
ration serait même conforme à l'esprit de la paix de
Westphalie, qui n'avait voulu autre chose qu'empê-
cher l'oppression d'un parti, tandis que par ces re-
versales on avait accordé l'exclusion à l'un ou à l'au-
tre culte. Au reste, l'Electeur lui-même, attaché à la
religion catholique, ne pensa pas qu'une parité nu-
mérique des votes fût nécessaire, soit parce que l'es-
prit des temps avait changé, soit parce que les lois de
l'Empire établissaient une parité de droit (par Vilio in
partes).
L'électeur de Saxe dit qu'il ne s'opposait pas à ce
qu'indépendamment des princes auxquels le para-
graphe 32 accordait le droit de siéger à la Diète, on
introduisît par la suite de nouveaux compétiteurs, sans
distinction de religion, pourvu qu'ils fussent suffisam-
ment qualifiés^ mais qu'avant tout il fallait que le pa-
ragraphe 32 eût été ratifié.
Le ministre de l'électeur de Brandebourg s'énonça
dans le même sens ; il ajouta que si, à l'exemple de
ce qui avait lieu dans les États de la monarchie prus-
sienne, on voulait établir pour toute l'Allemagne une
égalité parfaite des religions, une pareille loi serait
sans doute conforme aux lumières du siècle, pourvu
qu'on ne liât pas les mains aux souverains qui de-
— 449 —
valent rester les maîtres de faire à cet égard les modi-
fications que les localités exigeraient.
Le vote émis par le ministre de Wurtemberg ren-
ferme une nouvelle raison contre la nécessité de la
parité arithmétique. Ce ministre fit observer que l'iné-
galité qui se trouvait maintenant entre les deux partis
n'était pas l'effet d'une préméditation, mais le résultat
des circonstances malheureuses qui avaient fait périr
dix-neuf voix catholiques', sans compter la Savoie et
l'archevêché de Besançon, perte qui avait été augmen-
tée encore de deux voix par la sécularisation des pré-
latures ; que cependant sur les dix-huit voix par les-
quelles on avait remplacé celles des États sécularisés,
onze étaient restées à des États catholiques , et sept
seulement avaient été attribuées à des protestants;
enfin que, lorsque les médiateurs avaient demandé
l'introduction de nouveaux votes dans le collège des
Princes, ils avaient assez bien observé la parité, puis-
que le nombre des nouvelles voix protestantes ne sur-
passait que d'une celui des catholiques. L'électeur de
Wurtemberg toucha aussi une question de Droit pu-
blic qui a été souvent agitée en Allemagne, et sur
laquelle les publicistes ne sont pas d'accord : les votes
des États de l'Empire sont-ils de l'une ou de l'autre
religion, selon la religion du prince ou selon celle du
pays? Cette question se confond avec une autre qui
est d'un intérêt plus relevé ; savoir : les princes parais-
sent-ils à la Diète comme représentants de leur pays
ou par leur propre droit? Les plus grands juriscon-
sultes protestants du xviu^ siècle voyant de si fréquents
exemples des princes de leur culte embrassant la re-
ligion catholique, ont soutenu la première opinion j
' Savoir Bourgogne, Worms, Spire, Strasbourg , Bâle , Liège, Coire,
Wissembourg, Priim, Stable, Lautern, Simmern, Deux-Ponts, Veldenz,
Nomény, Montbéliard, Arenberg, Salm et Dietrichstein.
VII 29
— 450 —
«
mais les circonstances ayant changé , le ministre de
Wurtemberg défendit l'avis contraire, et il est hors
de doute que ce dernier peut être soutenu par l'ana-
logie de l'observance.
Le ministre de Bohême, en votant dans le sens du
décret de commission, rappela qu'un Avis de l'Empire,
du 30 juin 1708, ratifié par l'Empereur, assurait une
double voix à l'électeur de Mayence , pour le cas où
le nombre des électeurs protestants augmenterait. Il
proposa dix-huit nouvelles voix catholiques; savoir:
six à l'Autriche (pour la basse Autriche, pour Gorice
ou Gœrz, Gradisca, Burgau, Nellenbourg et Hohen-
berg) ;'une seconde à l'Archichancelier, pour Wetzlar,
et à l'électeur de Salzbourg, pour le basPassau; six
voix aux princes de Metternich, Fugger-Babenhausen,
Truchsess, au duc de Croï , aux princes de Colloredo
et de Khévenhûller; une seconde voix, aux princes de
Ftirstenberg, de Salm-Salm et de Liechtenstein et au
duc d'Arenberg. Il ajouta que, de la part de la mai-
son d'Autriche, on s'opposait à la requête des princes
de Lippe-Detmold et Wied-Runkel, et des ducs de
Saxe-Meiningen et Saalfeld.
Le ministre de l'électeur de Salzbourg ajouta aux
dix-huit voix proposées par celui de Bohême cinq de
plus, savoir : pour l'Ordre Teutonique, pour celui de
Saint-Jean, pour les comtes catholiques de la West-
phalie et de la Franconie , et pour la maison de Tru-
chsess.
L'Archichancelier ouvrit, dans la séance du 12 dé-
cembre 1803, un avis tendant à concilier les deux
partis. Il proposa la ratification du paragraphe 32, à
condition qu'on accordât aux catholiques les vingt-
sept voix qui leur manquaient pour la parité. Et comme
Texamen des qualités des divers compétiteurs deman-
derait du temps, il voulut qu'en attendant on accordât
— 451 —
âubsidiairement vingt-sept votes de plus aux cinq
principaux princes catholiques, savoir : six à l'Autri-
che, autant à la Bavière, et cinq à Salzbourg, Ratis-
bonne et au grand-maître de l'Ordre Teutonique. Si
cependant on voulait immédiatement laisser prendre
séance à quatre princes catholiques dont les qualités
étaient connues , savoir : aux ducs de Croï', aux prin-
ces de Truchsess, de Fugger-Babenhausen et deMetter-
nich, la Bavière, Salzbourg, Ratisbonne et le grand-
maître auraient chacun une voix subsidiaire de moins;
dans ce cas , on donnerait des votes supplémentaires
aux deux branches de Saxe qui en demandaient, ainsi
qu'à la maison catholique de Fûrstenberg. Si on vou-
lait accorder sur-le-champ une voix aux princes de
CoUoredo et de Khévenhilller, on accorderait la même
faveur à ceux de Lippe-Detmold et de Wied-Runkel.
L'électeur de Brunswic-Lunebourg ne vota que
dans la séance du 3 février 1 804. Il proposa l'établis-
sement d'une députation chargée d'arranger le diffé-
rend; et, dans la séance du 20, la ratification du para-
graphe 32, et l'introduction immédiate de quatorze
nouveaux votes, savoir : six pour l'Autriche et un pour
l'Archichancelier, Salzbourg, Croï, Fugger-Babenhau-
sen, Truchsess, Metternich, les comtes catholiques de
la Westphalie et de la Franconie.
Le 1 4 novembre 1 803, les délibérations avaient aussi
commencé dans le conseil des princes. Comme l'Em-
pereur n'avait pas ratifié le paragraphe 32, le direc-
toire fit l'appel nominal d'après l'ancienne matricule.
Il s'éleva à ce sujet diverses réclamations que nous pas-
sons sous silence, parce qu'elles ont perdu leur impor-
tance. L'appel se fit de manière qu'il ne comprenait pas
' Cette maison était en effet très-qualifiée par son origine.
— 452 —
les États qui avaient entièrement cessé d'exister, mais
que les voix ci-devant ecclésiastiques furent portées par
les possesseurs actuels de ces pays. Dans le premier
cas étaient les quinze suivants : Bourgogne, Baie,
Liège, Coire, Wissembourg,Prum, Lautern,Simmern,
Deux-Ponts, Stablo, Nomeny, Montbéliard , prélats de
Souabe et du Rhin. Le nombre des votants se trouva
ainsi réduit à quatre-vingt-quatre, ou plutôt à quatre-
vingts , Hesse-Darmstadt , Deux-Ponts et Henneberg
n'ayant pas voté, et le vote des comtes de Westpha-
lie étant devenu si insignifiant qu'on ne peut pas le
compter.
De ces quatre-vingts voix, les électeurs de Bavière,
de Saxe, de Brandebourg, de Wurtemberg, de Bade et
de Hesse, votèrent contre la parité numérique. Ils
avaient en tout trente voix.
Auxquelles accédèrent :
voix.
Le duc de Saxe-Weimar, avec 2
Celui de Gotha, avec 2
Brunswic-Wolfenbiittel 1
Lubeck, avec 2
Fulde et Nassau-Orange
Schwarzbourg
Mecklenbourg-Strelitz
Anhalt
Les comtes de Wettéravie
Ceux de Franconie
En tout. . . 46
Vingt voix votèrent pour la parité arithmétique ; savoir :
L'Autriche, avec 3
Salzbourg, avec 3
L'Archichancelier 4
Arenberg, Lobkowitz, Salm, Dielrichstein , Auersberg, Fursten-
berg, Liechtenstein, Tour et Taxis, Schwarzenberg, Hohen-
zollern, l'Ordre Teutonique, celui de Saint-Jean, les comtes
de la Souabe, avec 43
Total... 20
— 453 —
Les autres voix avaient proposé l'établissement
d'une députation particulière et des moyens concilia-
toires. Pour empêcher la majorité de prendre un con-
clusum , la minorité pouvait avoir recours à la sépa-
ration en corps, itio in partes; mais ici s'élevait une
question qui ne s'était pas encore présentée : Le corps
des catholiques peut-il faire envisager comme affaire
religieuse une question dans laquelle neuf voix catho-
liques ( celles de la Bavière ) avaient voté avec les
adversaires? On ne se vit point dans la nécessité de la
décider, parce que la majorité , avertie que l'Empereur
ne ratifierait pas un avis qui serait contraire à la pa-
rité, ne se pressa pas de prendre un conclusum. La
chose resta indécise ; les nouvelles voix accordées par
le Recès ne devinrent pas effectives, et les grands évé-
nements qui survinrent en 1 805 firent perdre de vue
cet objet , que le bouleversement de l'Empire , en
1 806, entraîna dans le néant.
Une affaire qui occasionna beaucoup de réclamations
fut l'exercice , par la maison d'Autriche , d'un droit
qu'en empruntant un mot de l'ancienne jurisprudence
française , elle appela le droit d'épave. En se référant
aux réserves que l'Empereur avait insérées dans la
convention du 26 décembre 1 802 \ et sous l'abri des-
quelles il avait placé la plénitude des prérogatives
impériales et des droits de sa maison , ce monarque
prit possession, non-seulement de l'abbaye de Heili-
genkreuzthal que, malgré la protestation du subdélégué
de Bohême , le Recès avait donnée à l'électeur de
Wurtemberg *, mais en général de tous les immeubles,
cens et capitaux que des évêchés, chapitres, abbayes
et couvents, situés hors des provinces autrichiennes
Voy. ci-dessus, p. 230.
Voy. ci-dessus, p. 284.
--. 454 —
et sécularisés par le Recès, possédaient dans les pays
héréditaires. Cette démarche était évidemment con-
traire aux stipulations du Recès j mais la Cour de
Vienne avait mis ses droits à couvert par la réserve
dont nous avons parlé, et elle prétendait quç les biens
de toutes les fondations sécularisées devant être regar-
dés comme n'ayant pas de maître, retombaient en
vertu du droit d'épave au fisc du souverain. En vertu
de ce droit, la maison d'Autriche ne saisissait les biens
des fondations données en indemnité, qu'autant que
le nouveau possesseur les sécularisait j mais elle sai-
sissait aussi les biens des couvents sécularisés dans
des pays non donnés en indemnité, comme par
exemple en Bavière.
La Députation de l'Empire n'était pas encore dis-
soute que déjà on lui adressa des plaintes sur la vio-
lation de Variicle 36 de son Recès que la maison
d'Autriche s'était permise. Dans sa quarante-huitième
séance, du 20 avril, et dans la quarante-neuvihme j du
7 mai, les électeurs de Bavière et de Wurtemberg, les
princes de Nassau-Fulde , de La Tour et Taxis et de
Hohenzollern, le grand prieur de l'Ordre de Saint-
Jean, et les comtes d'Aspremont, d'Ostein, de Quadt
et de Sternberg, lui présentèrent des mémoires à ce
sujet. La Cour de Vienne en prit occasion de s'expli-
quer sur ses principes par un décret que la chancel-
lerie adressa, le 1 9 mai 1 803, aux ministres de Bohême
et d'Autriche, à la Diète. Nous allons rapporter sona-
mairement les motifs sur lesquels elle fonda la légi-
timité du droit d'épave :
1" Le droit d'épave a été généralement exercé à
l'occasion des sécularisations qui ont eu lieu dans
la dernière moitié du xviii" siècle j il a été nommé-
ment exercé contre l'Autriche, par quelques-uns des
princes réclamants à l'occasion do la suppression
— 455 —
des jésuites et des sécularisations ordonnées par l'em-
pereur Joseph II. Le rescrit se dispense toutefois de
citer le décret du Conseil aulique, qui avait décidé
tout autrement la question à l'époque du procès qui
s'était élevé en 1781 entre l'Université de Mayence
et les landgraves de Hesse-Darmstadt et Hesse-Hom-
bourg ,
2** C'est en vain qu'on veut opposer à la maison
d'Autriche le paragraphe 47 de Varticle 5 de la paix
d'Osnabruck; ce paragraphe ne se rapporte qu'aux
sécularisations qui ont eu lieu depuis les troubles de
religion : il n'établit pas un principe général pour les
temps à venir.
3" La maison d'Autriche ayant renoncé aux indem-
nités ultérieures qu'elle pouvait exiger, on ne peut
pas prétendre qu'elle contribue encore à l'indemni-
sation d'autrui par le sacrifice de ses droits.
4° Soutenir que les réserves exprimées dans Var-
ticle 4 de la convention de Paris, pour être conciliées
avec l'exécution du plan d'indemnité, devraient être
parfaitement d'accord avec toutes les stipulations du
Recès, sans exception, serait prétendre que ces ré-
serves ne concernent que des droits auxquels le Recès
n'a pas porté atteinte , c'est-à-dire qui n'avaient pas
besoin de réserve. Le rescrit convient que, parmi les
droits qui compétent à la maison d'Autriche, il y en a
plusieurs dont l'exercice est incompatible avec ïes-
sence d'une sécularisation , et, par conséquent, avec
l'exécution du Recès; il en cite quelques-uns, tels que
le droit d'avocatie sur des fondations immédiates si-
tuées en Souabe j le droit du seigneur direct des fiefs
autrichiens possédés par ces fondations, de les réunir
au domaine, lorsque les vassaux cessent d'exister.
5" Si, par l'exercice du droit d'épave, plusieurs
États d'Empire souffrent un préjudice notable, la
— 456 —
faute en est à ceux qui n'ont observé aucune propor-
tion entre la valeur des pertes et la masse des objets
d'indemnité.
6° Si, par V article 1 du Recès, la maison d'Au-
triche a renoncé aux enclaves de l'évêché de Freisin-
gen, dans les pays héréditaires , cette renonciation a
eu lieu en faveur d'une branche de sa maison, et est
expresse. On ne peut pas opposer à cette maison une
autre stipulation du même paragraphe, par laquelle
il est dit que les enclaves d'Eichstett, dans les pays
d'Anspach et de Bayreuth, appartiendront à la Ba-
vière, ces enclaves étant immédiates, et la maison
d'Autriche ne prétendant exercer le droit d'épave que
sur des terres médiates, le cas n'est pas identique*.
Ce fut par ces motifs que la Cour de Vienne per-
sista à donner suite au droit d'épave, qui frappa sen-
siblement plusieurs petits princes ou comtes, aux-
quels on avait assigné leurs indemnités en Souabe, et
qui, à raison des pertes qu'ils éprouvaient, refusèrent
de contribuer à l'entretien des moines des couvents
sécularisés, ou de servir les rentes dont ils avaient été
chargés par le paragraphe 24 du Recès.
Quelques-unes de ces réclamations furent réglées
par des transactions. Le 2 juin 1 804, la Cour de Vienne
signa à Ratisbonne, avec l'électeur de Wurtemberg,
une convention , par laquelle l'abbaye de Heiligen-
kfeuzthal fut l'endue à l'Électeur, qui consentit à la
posséder sous la supériorité territoriale de l'Autriche;
celle-ci resta en possession de toutes les appartenances
* On peut consulter sur cette discussion deux ouvrages, dont l'un,
intitulé : Bas HeimfaUs-oder fiscalische Occupattonsrecht des Erzhauses
OEstreich, etc., 1803, in-S", est un commentaire du rescrit dont nous
avons donné l'analyse. L'autre : Bas Occupattonsrecht des Landesherrl.
Fiscus, von K. (Klubea), 1804, in-8<', en est une réfutation.
— 457 —.
d'Ellwangen, Zwiefalten, Rothenmiinster et Marga-
rethenhausen, ainsi que de celles du couvent des do-
minicains de Rothweil, qui avaient été saisies en vertu
du droit d'épave, à l'exception des biens des orphe-
lins et des caisses de fondations pieuses.
Une convention semblable fut conclue le 23 juin 1 804
avec le prince de Nassau -Orange, qui céda à l'Autri-
che les parties les plus écartées de l'abbaye de Wein-
garten, la seigneurie de Blumeneck, Saint -Gérold,
Bandern, Hofen, la seigneurie de Lubenau et diverses
autres parcelles, à condition que la maison d'Autriche
lui payerait quarante florins par chaque quinze flo-
rins de revenus nets des immeubles immédiats. L'Au-
triche leva les séquestres mis sur les biens du couvent
de Weingarten, situés dans ses États, à condition que
le prince reconnût la supériorité territoriale et la juri-
diction de cette maison.
Les articles 68 et 70 duRecèsde la Députation avaient
donné le soin aux électeurs de Mayence et de Hesse-
Cassel de répartir entre les États restants des cercles
du haut et bas Rhin les charges qui concernaient
la totalité de ces deux cercles, et principalement la
sustentation des souverains ecclésiastiques dépossé-
dés. L'Électeur-Archichancelier nomma, pour le re-
présenter à cette commission, son conseiller privé, le
baron de Kieningen. L'électeur de Hesse-Cassel nomma
son subdélégué, le baron de Gayling-d' Altheim. Cette
commission se constitua à Francfort, le 8 mars 1 804,
et tint une suite de séances qui se prolongèrent jus-
qu'à l'époque où l'Empire germanique cessa d'exister.
Ses travaux sont étrangers à notre plan.
Une discussion très -animée s'éleva sur le sort ré-
servé à la Noblesse immédiate. Nous avons déjà eu
— 458 —
plusieurs occasioQs de parler de cette Institution dont
l'origine remonte à l'époque des derniers Empereurs
de la maison de Souabe ou de Hohenstaufen. Quoique
la Noblesse immédiate ne fût pas parvenue au droit de
siéger à la Diète, elle était, sous tous les autres points,
traitée comme l'égale des États d'Empire. Ses posses-
sions éparses en Souabe, en Franconie et sur les deux
rives du Rhin, ne faisaient pas partie des Cercles ou
grandes divisions de l'Allemagne; mais elles for-
maient elles-mêmes trois cercles particuliers, de
Souabe, de Franconie et du Rhin, et chaque cercle
était divisé en cantons , ayant leurs directoires char-
gés de l'administration générale et de l'exercice de la
justice en seconde instance et par appel de la justice
seigneuriale, et composée de plusieurs nobles élus par
leurs pairs, et d'un Syndic choisi dans la classe des
jurisconsultes. Si toutes les possessions de ce corps
avaient été réunies, elles auraient formé une belle
principauté, puisqu'elles étaient habitées, avant la
cession de la rive gauche du Rhin, par quatre cent
cinquante mille âmes, et rapportaient deux millions
quatre cent mille florins. Par cette cession , la No-
blesse perdit trente-cinq mille sujets et deux cent
quatre-vingt-dix mille florins de revenus.
L'existence de ces petits souverains portait ombrage
aux princes dans les États desquels leurs terres étaient
situées. Probablement, dès 1802, les médiateurs fu-
rent sollicités de la faire disparaître j mais ils furent
sauvés par l'esprit chevaleresque et favorable à la
noblesse qui, depuis Paul /, dominait dans le Cabi-
net russe. Toutefois, à peine les ministres médiateurs
eurent-ils déclaré leur mission terminée, qu'on fit de
nouvelles tentatives pour soumettre la Noblesse immé-
diate à la supériorité territoriale des grands États.
L'électeur de Bavière en donna l'exemple. L'Avis
— 459 —
de l'Empire, du 24 mars, avait de nouveau garanti les
droits de la Noblesse immédiate ; cependant, en pre-
nant possession des évêchés de Wiirzbourg et de Bam-
berg, le gouvernement de Munich se saisit des rentes
des nobles, occupa militairement leurs terres, y établit
des impositions, et entrava l'exercice de la justice
seigneuriale. Une proclamation bavaroise du 9 octo-
bre 1 803 annonça que l'existence de la Noblesse im-
médiate était abusive sous plusieurs rapports, et de-
vait être ramenée au point d'où elle n'aurait jamais
dû s'écarter. Le 17 novembre suivant, les nobles poa-
sessionnés dans l'enceinte des provinces électorales
furent sommées de prêter, dans le délai de huit jours,
serment de fidélité, sous peine de voir leurs terres sé-
questrées.
La Noblesse réclama la protection du chef de l'Em-
pire; elle lui fut accordée, et l'Empereur fit inviter,
par une Note du 6 décembre , la Cour de Munich de
rétablir la Noblesse immédiate dans le status quo \ La
Noblesse s'était aussi adressée au gouvernement fran-
çais qui lui répondit le 1 6 décembre par une Note dont
la seconde partie parut contradictoire avec la pre-
mière. On y dit que le premier Consul, déterminé à
maintenir r existence de la Noblesse immédiate^ a or-
donné à son ministre à Munich de faire le nécessaire
pour arrêter les entreprises et actes de violence de
l'Électeur contre la Noblesse immédiate, mais qu'on
souhaitait cependant quelle s'arrangeât amiablement
avec l'Electeur et les autres princes, et qu'on avait
communiqué aux Cours de Vienne, Pétersbourg et
Berlin le vœu d'un pareil arrangement.
L'exemple de l'électeur de Bavière était trop sédui-
* Cette Note, présentée par le baron de Buol-Schauenstein, se trouve
dans HiSBEJiLiN, Staats-Arçhiv, Heft 44, 4804, p. 393.
— 460 —
sant pour ne pas trouver des imitateurs. Les prises de
possession se suivirent rapidement : de la part de Nas-
sau-Orange-Fulde le 29 novembre, de l'électeur de
Hesse le 6 décembre, de Hesse-Darmstadt le 9, d'Isen-
bourg le 14, de Linange le 16, de la maison de
Hohenlohe le 26, de Salm-Reifferscheidt le 29, et de
Nassau-Usingen le 31 décembre. 11 arriva même que
plusieurs princes prirent possession des mêmes terres
seigneuriales. Un acte particulièrement remarqué fut
la surprise du bourg de Friedberg, dans la soirée ora-
geuse du 20 janvier 1804, par des troupes de Darm-
stadt. Ce bourg était un ganerbinat, c'est-à-dire le
siège du gouvernement d'une de ces confraternités
qui se formèrent dans le moyen âge, et qui avaient
pour objet la sûreté des terres pour lesquelles on en-
trait dans cette union, et le droit de succession réci-
proque dans les terres ainsi mises en commun.
La Note impériale du 6 décembre 1 803 étant restée
sans effet, et même, à ce qu'on prétend, sans réponse,
le Conseil aulique, tribunal suprême de l'Empire,
traitant l'usurpation de l'Électeur en simple affaire de
justice, publia, le 23 janvier 1804, une ordonnance,
ou, comme on dit, un conservatorium , par laquelle il
fut enjoint à l'Électeur de s'abstenir de ces actes arbi-
traires, et de rétablir la Noblesse dans son immédia-
teté ; et, à défaut d'obéissance de la part de ce prince,
l'Archichancelier, les électeurs de Saxe et de Bade et
l'Autriche furent commis pour exécuter cet arrêt.
Quelques jours après, le roi de Suède se trouvant
à la Cour de Munich, fit, en sa qualité de duc de Po-
méranie, présenter à la Diète une Note dirigée contre
les procédés de la Bavière. Il y invita l'Empereur à
faire usage des moyens que la Providence avait mis
entre ses mains, pour maintenir la Constitution, et
repousser les atteintes qu'on voudrait y porter.
— 461 —
La Prusse ne partagea pas cette manière de voir.
Voici quelques passages extraits d'une Note que le
ministre de cette puissance à la Diète remit le 25 jan-
vier 1 804. « Si, avec les États sécularisés, non-seule-
ment les droits qu'ils ont exercés, mais aussi leurs
prétentions, ont passé aux nouveaux acquéreurs, ceux-
ci, en leur qualité de souverains héréditaires, ont
une autre manière de voir, et d'autres intérêts, que
des princes ecclésiastiques. Ils doivent fréquemment
se voir dans le cas de réclamer, comme parties essen-
tielles de leurs lots, des droits que la négligence des
gouvernants et l'usurpation des temps antérieurs ont
obscurcis. Plusieurs États du premier rang ont mani-
festé leurs prétentions sur les terres de la Noblesse,
situées dans l'enceinte de leur territoire ou sur leurs
confins, soit parce qu'elles y ont anciennement appar-
tenu, soit parce qu'elles se trouvent, à l'égard de ces
territoires, dans des rapports de féodalité et de juri-
diction, qui prouvent l'ancienne supériorité territo-
riale. » Le ministre ajoute que, quels que soient les
droits des souverains et de la Noblesse, cette affaire
ne pouvait pas , par sa nature , être portée devant les
tribunaux, et que le Roi, pour sa part, ne se désiste-
rait pas des mesures qu'il avait cru devoir prendre
envers la Noblesse possessionnée dans des principautés
de la Franconie.
Le 30 janvier, les ministres d'Autriche à Ratisbonne
annoncèrent officiellement que leur maître avait ac-
cepté la commission dont le conservatorium du 23 jan-
vier l'avait chargé. Les trois Électeurs donnèrent des
déclarations semblables.
L'électeur de Bavière, cédant à l'orage, se soumit
au conservatoire, et les autres princes, à l'exception
de la Prusse, suivirent encore son exemple. Cette con-
descendance, qu'on pouvait regarder comme tempo-
— 462 —
raire, n'empêcha pas que les quatre cours, indiquées
par le décret du Conseil aulique, n'instituassent à
Ratisbonne une subdélégation, composée du baron
d'Albinif au nom de l'Archichancelier; du baron de
Glohig , en celui de l'électeur de Saxe; du baron de
Gemmingeiif pour celui de Bade, et du baron de Hûgel
et du comte de Stadion, au nom de l'Autriche. Elle
ouvrit ses séances le 27 mars 1 804. Dès le 1 1 du même
mois, le Chargé d'affaires de France à la Diète,
M. Bâcher y remit une Note par laquelle il annonça
que l'empereur de Russie avait proposé au premier
Consul d'intervenir encore une fois pour prévenir les
suites désastreuses que pourraient avoir les différends
relatifs à l'Ordre équestre.
Le 27 du même mois, le ministre de Brandebourg à la
Diète donna connaissance d'un mémoire du Roi, dans
lequel, en se référant à la précédente Noté, on ferait
observer que, d'après la déclaration donnée par l'élec-
teur de Bavière, la question cessait d'être du ressort des
tribunaux; que le Roi croyait au reste devoir mettre
à couvert, par une protestation formelle, ses droits et
ceux de ses co-États, contre la mesure inconstitution-
nelle ordonnée par le Conseil aulique; qu'il engageait
toutefois ses corÉtats à accepter la médiation de la
Russie et de la France.
Le 28 avril, M. Bâcher expliqua par une communi-
cation faite par manière de conversation f que la situa-
tion où se trouvaient les affaires d'Allemagne exigeait
qu'on évitât tous différends, et surtout toutes discus-
sions intérieures qui étaient inutiles, dans un moment
où l'Empire attendait une médiation qui aurait lieu
incessamment de la part de la France et de la Russie.
Il dit qu'il serait désagréable aux médiateurs que la
commission établie pour l'exécution du commissorium
du Conseil aulique, prétendît donner cours à ses opé-
— 463 —
rations, et qu'on espérait plutôt qu'elle tomberait
d'elle-même.
Lorsque le délégué de Bonaparte présenta cette
Note , son maître « s'était rendu coupable de ce grand
coup d'État f dont f exécution barbare a retenti si pro-
fondément dans tous les cœurs\ » et qui ne permettait
plus à l'empereur Alexandre d'agir de concert avec
lui. Plus de démarches combinées dès lors! Le sort de
la Noblesse immédiate fut ajourné jusqu'à la conclu-
sion de la paix de Presbourg, oii les possessions de
tant de faibles princes furent réunies aux grands États
qui, depuis longtemps, avaient jeté leur dévolu sur
ces territoires.
' Expressions attribuées au comte de Stadion. « Un Français n'au-
rait pas su déplorer dans un plus noble langage l'assassinat du duc
d'ENGHIEN. »
FIN DU TOME SEPTIÈME.
TABLE DES MATIÈRES
DU SEPTIÈME VOLUME.
SUITE
QUATRIÈME PERIODE,
HISTOIRE DES TRAITÉS DEPUIS LE COMMENCEMENT DES
GUERRES DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE JUSQUAU TRAITÉ
DE PARIS DE 1815. — 1791-1815.
CHAPITRE XXXI.
TRAITÉ DE PAIX d'aMIENS ENTRE LA FRANCE ET SES ALLIÉS, ET LA
GRANDE-BRETAGNE , DO 27 MARS 1802.
Page 3.
Desseins du premier Consul à
l'égard de l'Angleterre 4
Mission de M. Otto à Londres. . tt>.
Ses instructions ih.
Sa conduite habile 6
Négociation pour un armistice
maritime , au mois d'août
1800 7
Projet présenté par M. Otto 9
Contre-projet de lord Gren-
ville 10
Conférence entre M. Otto et
M. Hammond 14
VII
Capitulation de Malte 15
Négociation relative à la saisie
des pêcheurs français 16
Nouveau contre-projet de M.
Otto 17
Le ministère Âddington prend
la direction des affaires le 16
mars 1801 ib.
Communication de lord Haw-
kesbury à M. Otto^ touchant
le rétablissement de la paix. 18
Négociation des articles préli-
minaires ibi
30
— 466 —
Campagne marilime de 1801. . . 22
Combat d'Algésiras, du G juil-
let; l'amiral Linois: l'amiral
Saumarea ib.
Articles du traité des prélimi-
naires de Londres, du 1" oc-
tobre 1801 23
Entbousiasme qu'excile à Lon-
dres la conclusion de la paix. 27
Le général Lauriston arrive en
celle ville, porteur des rati-
fications ib.
Congrès à Amiens ; plénipoten-
tiaires ; Joseph Bonaparte :
marquis Cornwallis: cheva-
lier Azara: M. Schimmel-
penninck 28
Les conférences s'ouvrent au
mois de décembre 29
Discussions préliminaires ib.
Affaire de Malte 33
Difiicultés relatives à la Porte
ottomane et à l'Italie 35
Traité de paix d'Amiens, entre
la France et ses alliés et la
Grande-Bretagne, du 27 mars
1802 36
Considérations générales sur la
paix d'Amiens. . » 44
CHAPITRE XXXII.
RECÈS DE LA DÉPDTATION DE l'eMPIRE, DU 25 FÉVRIER 1803.
Page 67.
SECTION PREMIÈRE.
PRECIS HISTORIQUE DE LA CONSTITUTION GERMANIQUE.
Page 68.
Introduction 70
Origine du royaume d'Allema-
gne 72
Paix de Verdun, en 843 ib.
Les droits des Étals sont recon-
nus ib.
Assemblées de Mersen, en 851,
et de Coblentz, en 8Go 73
Louis le Germanique rétablit
les ducs supprimés par Ctiar-
lemagne ib.
Origine des ducs de Thuringe,
de IJavière, de Saxe cl de
la France rhénane ib.
Formation cl partage du royau-
me de Lotharingia 74
Traité de Procasjtis, en 870. . . ib.
Séparation déflnitivc des royau-
mes de France et d'Allema-
gne, en 887 75
La royauté d'Allemagne devient
élective ib.
Les ducs de Saxe donnent cinq
roisà l'Allemagne, 919-1024. ib.
Origine des villes, sous Henri I. ib.
Formation d'un tiers élal libre. 75
Création des Margraves 76
Origine des grands officiers de la
couronne ib.
Commencement de l'Empire
d'Allemagne ou du Saint-Em-
pire romain de la nation ger-
manique ib.
L'empereur d'Allemagne chef
séculier de la chrélienlé 77
Les ducs et comtes s'appro-
prient les domaines de la cou-
ronne ib.
Oihon l veut convertir au chris-
tianisme les nations slaves. . . ib.
Origine de plusieurs nouveaux
évôchés ib.
La maison dos durs de France
est appelée au trône cl four-
nit quatre rois à l'Allemagne,
1024-1115 78
Réunion du royaume d'Arles., ib.
Les fiefs deviennent héréditai-
res 79
Changement dans les dénomi-
nations ib.
467
Origine du grand nombre des
principaulés en Allemagne. ; 80
Guerre entre l'Empire cl le Sa-
cerdoce , sous le règne de
Henri IV ib.
Origine des Communes , sous
Henri V ib.
Concordai de Worms, en 1 122. ib.
Éleclion de Lothaire II, duc
de Saxe 81
Les qualre grands officiers s'al-
Iribuent, avec les Iroisarchi-
chanceliers le droit d'élire les
Empereurs ib.
La maison de Hohenstaufen
donne six empereurs à l'Alle-
magne, 1138-1254 ib.
Période brilianle de l'Empire,
les lellres y sont en honneur, ib.
Origine des factions Guelfe cl
Gibeline 82
Le Margraviat d'Autriche est
érigé en duché ib.
Privilège célèbre 83
Avènement de la maison de
Willelsbach au duché de Ba-
vière ib.
Premiers ducs de Méranie ib.
Révolution et démembrement
du duché de Saxe ib.
Premières lois fondamentales
de l'Empire données par Fré-
déric II 85
Diplôme de 1220, délivré à
Francfort, en faveur des prin-
ces ecclésiastiques ib.
Diplôme de 1232, signé à Udine,
en faveur des princes sécu-
liers ib.
Origine des États provinciaux. . 86
Cause de la grande variété dans
les constUulions des Élals
d'Allemagne 87
Établissement de l'Ordre Teu-
lonique en Prusse ib.
Révolution d'Italie ib.
L'autorité impériale est anéan-
tie 88
Frédéric II reconnaît la supé-
riorité territoriale l'es Étals
d'Allemagne ib.
Institution de la charge de juge
du palais ih.
L'extinction des ducs de Zaîrin-
gue prépare la révolution qui
détacha la Suisse de l'Alle-
magne 89
Extinction de la maison d'Au-
Iriche-Babenberg 90
Extinction des ducs de Méra-
nie ib.
Extinction des landgraves de
ïhuringe 91
Extinction de la maison de Ho-
henstaufen ib.
Les sept électeurs 92
La couronne impériale mise à
l'enchère ib.
Origine de la maison de Habs-
bourg ib,
Autriche ib.
Établissement des préfectures
impériales 93
Droits de suzeraineté sur le
royaume de Bourgogne ib.
Investiture du comté de Neuf-
châlel 94
Avènement de la maison de Ho-
henzollern ib.
Bourgraviat de Nuremberg ib.
Exemple de la destitution d'un
empereur 95
Origine de la confédération hel-
vétique ib.
Le tiers état est, pour la pre-
mière fois, représenté à la
Dièle de Spire, en 1309 9G
Démembrement du royaume de
Bourgogne ib.
Suppression de l'Ordre des Tem-
pliers ib.
Schisme à l'occasion du succes-
seur de Henri VII ib.
Union électorale de Rensé, en
1338 97
Les Étals d'Empire déclarent
que la puissance impériale dé-
rive immédialemeul de Dieu. ib.
Prétentions pontificales anéan-
ties ib.
LamaisondeLuxembourg don-
ne qualre empereurs à l'Al-
lemagne, 1347-1437 98
Bulle d'Or de Charles IV, en
135G il.
La Silésie est incorporée au
royaume de Bohême id
Nouveaux démembrements du
royaume d'Arles il.
— 468 —
Origine du duché de Milan.. . . lOO
Dernier exemple de la deslitu-
Uon d'un empereur ib.
Le maison de Hohenzollern ob-
Uenl l'éleclorat de Brande-
bourg 101
La maison de Misnie obtient
l'électoral de Saxe ib.
Pragmatique sanction germani-
que de Mayence, en 1439. 102
Concordat de la nation germa-
nique, en 1448 ib.
L'archiduc Maxiniilien épouse
Marie de Bourgogne 103
Grandeur de la maison d'Au-
triche ib.
L'usage s'introduit de faire tenir
les Diètes par des envoyés. . ib.
Désordre du règne de Frédé-
ric IH ib.
Domination du droit du plus
fort ib.
Paix publique de 1495 104
Établissement de la Chambre
impériales ib.
Institution d'un Conseil de Bé-
gencea la Diète d'Augsbourg,
en 1600 ib.
Division de l'Empire encercles. 105
Origine des capitulations im-
périales 106
Matricule de 1521 ib.
Réformation du xvi* siècle ib,
L'Ordre Teutonique est expulsé
de la Prusse 107
Premiers exemples de la con-
fédération des Étals ib.
Alliance de Torgau et ligue de
Smalkade ib.
Origine des deux branches de
la maison d'Autriche 108
Paix de religion 109
Traite de 1542, fixant les rap-
ports entre le duché de Lor-
raine et l'Empire ib.
Ordonnance d'exécution pour la
transaction de Passau 110
Nouvel ordre de succession . . . ib.
Statut de famille de la maison
de Brandebourg, en 1473... 111
Changemenis introduits dans le
droit de primogéniture ib.
Diète de 1582 ib.
Révolution complète opérée par
la guerre de Trente ans 112
Dernier Recès d'Empire de 1654. 116
Diète de 1663 ib.
Elle enlève à l'Empereur le
droit de convoquer et de dis-
soudre l'assemblée des États, ib.
Les princes adoptent la coutu-
me de se faire représenter à
la Diète par des plénipoten-
tiaires ib.
Établissement d'un neuvième
électoral, en faveur de la mai-
son de Brunswic lie
Réunion de la Lorraine à la
France, en 1738 ib.
Nouvelle maison de Habsbourg-
Autriche 117
Extinction de la branche ca-
dette de la maison de Wittels-
bach, enl778 ib.
La maison de Bavière devient la
troisième en puissance de
l'Allemagne ib.
Union des princes protecteurs
des libertés germaniques.. . 118
Étals qui composaient l'Empire
d'Allemagne 119
Forme de gouvernement 120
Droits et prérogatives du chef
de l'Empire.. 123
Droits que l'Empereur exerçait
avec le concours des États. . 124
Supériorité territoriale des
Élals, ou droits qu'ils exer-
çaient sans le concours de
l'Empereur ib.
Diète de l'Empire 126
Sa composition 127
Commissaire impérial ib.
Présidence ou Directoire ib.
Collège des électeurs ib.
Collège des princes t&.
Collège des villes impériales. . 129
Modes suivis pour les voles. . . . ib.
Avis, placita împerii 130
Décret de commission ib.
Conclusum de l'Empire ib.
Recès ib.
Dépulalions de l'Empire ib.
Noblesse immédiate 131
Don gratuit ou caritativum. . . ib.
/i69
Cercles de Souabe, de Fi-anco-
nieetduRhin I3i
GanerJjinats . , ib.
Division de l'Empire en dix cer-
cles ib
Roi des Romains 1 32
Vicaires de l'Empire 132
Conlril)Ulions ou collectes ib.
Mois romains. ib.
Cours suprêmes de jusUce.. .. 133
Conseil aulique i^-
Chambre mp^naie deWetzlar. ib.
SECTION II.
HISTOIRE DE LA. DÉPUTATION DE l'EMPIRE DE 1803, JUSQU'A SA QUARANTE-
SIXIÈME SÉANCE.
Page 134.
13G
139
Traité de Paris, du 24 août 1801 ,
entre la France et la Bavière ,
M. Caillard : M. de Cetto. ,
Négociations à Paris, de l'année
1802
Traité secret entre la France
et la Prusse, du 23 mai i40
Traité secret entre la France
et la Bavière, du 23 mai.. . . ib.
Traité secret entre la France et
la Russie , du 3 juin ib.
Convention de Paris, du 23 mai
1802, entre la France et la
Prusse, relative aux intérêts
de la maison de Nassau-Oran-
ge ; général Beurnonville :
marquis de Lucchesini 141
Convention de Berlin, du 14 no-
vembre 1802, entre la Prusse
et la République balave ;
comte de Haugwitz : M.HuU-
man 143
Traité de Paris, du 20 juin 1802,
entre la France et le Wur-
temberg; M. d'Hauterive: le
baron de Normann 144
La Prusse, la Bavière et l'Au-
triche prennent possession de
leurs indemnités 145
Déclarations autrichiennes et
prussiennes 147
Déclarations des puissances mé-
diatrices, du 18 août 1802;
M. de Talleyrand : le prince
Kourakine ib.
Rapport français, du 21 août
1802 ; observations sur ce rap-
port
Ouverture des séances de la Dé-
putation de l'Empire, le 24
août
159
168
Deux partis se forment au sein
de l'assemblée 172
Deuxième séance n3
Note des commissaires de Fran-
ce et de Russie ib.
Demandes de l'Autriche en fa-
veur de la Toscane 174
Déclaration sur l'occupation de
la ville de Passau 179
Réponse du plénipotentiaire de
Prusse 180
Troisième séance, du 8 septem-
bre 182
Le sort de l'Allemagne est dé-
cidé il'-
Adoption du premier plan d'in-
demnités I8'i
Convention de Paris, du 5 sep-
tembre 1802, entre la France,
la Prusse et la Bavière; M. de
Talleyrand : le mar([uis de
Lucchesini: M. de Cetto... ib.
Quatrième séance, du 14 sep-
tembre 186
L'Empereur refuse de ratifier le
premier plan d'indemnité. . . ib.
Note française, du 13 septem-
bre, contre l'occupation de
Passau ib.
Cinquième séance, du 16 sep-
tembre 191
Requête pour la seigneurie de
Marliange ib.
Sixième séance, du 18 septem-
bre 192
Discussion entre le plénipoten-
tiaire impérial et le subdélé-
gué de Brandebourg ib.
Septième séance 193
— 470 —
Le rapport entre laDépulalion
et les médiateurs est régu-
larisé 193
Huitième et neuvième séances, ib.
Affaires particulières ib.
Note autrichienne, du 2G sep-
tembre, en réponse à la noie
française du 13 ib.
Dixième séance, du 28 septem-
bre 197
Rapport sur la sustentation des
ecclésiastiques ib.
Discussion sur l'indemnité de
Hesse-Cassel 198
Onzième séance 199
Réclamation de quelques villes
impériales de Souabe et de
Franconie ib.
Douzième et treizième séances, ib.
Second plan d'indemnités, du 9
octobre 200
Noie des médiateurs, du 8 oc-
tobre ib.
Examen comparatif du nouveau
plan 202
Quatorzième séance, du 12 oc-
tobre 205
Expressions remarquables du
vole de Brandebourg ib.
Quinzième séance, du 14 oc-
tobre ib.
Observations du subdélégué de
Mayence ib.
Propositions du subdélégué de
Saxe relativement à la susten-
tation 208
Seizième séance, du 18 octobre. 209
Discussion touchant la consti-
tution des pays sécularisés, ib.
Dix-septième séance, du 19 oc-
tobre 212
Réponse des médiateurs aux
observations concernant les
principes ib.
Dix-huitième séance, du 21 oc-
tobre 213
Protestation du subdélégué de
Bohême au nom du grand-
duc de Toscane ib.
Le second plan d'indemnités est
adopté ib
Conclusum du 21 octobre 1802. ib.
Dix-neuvième séance, du 23 oc-
tobre 214
Représentation du subdélégué
de la Bohême touchant cer-
tains droits de la maison
d'Autriche 214
Vingtième séance, du 26 oc-
tobre 217
Déclaration remarquable du
ministre du roi de Suède. . . ib.
Vingt et unième séance, du 30
octobre 218
Observations concernant les
quatre villes impériales de
Brème , Hambourg, Augs-
bourg et Lubeck ib.
Les séances 22, 23, 24 et 25 sont
consacrées à des réclama-
tions particulières 219
Vingl-sixième séance, du 1 1 no-
vembre ib.
Délibérations relatives à la sus-
tentation des ecclésiastiques, ib.
Vingt-septième séance, du IG
novembre 22 1
Note des ministres médiateurs,
renfermant des moditlcalions
au plan général ib.
Séances des 18, 20, 23 et 25 no-
vembre 224
Réclamations particulières ib.
Trente-deuxième «éance, du
4 décembre ib.
Démission de l'archiduc i4n<otne
de l'archevêché de Cologne, ib.
Note des ministres médiateurs,
du 3 décembre 1802. 22G
Trente-troisième et trente-qua-
trième séances, des 7 et 14
décembre 228
Objets soumis à la délibération
par le subdciégué de Bohême, ib.
Trente-cinquième séance, du 22
décembre 229
Observations du subdélégué de
Brandebourg au sujet du
nombre des suffrages ib.
Conventions de Paris, du 2G dé-
cembre 1802, entre l'Autri-
che et la France ; comte
Phili|)|)e de Cobenxl: Joseph
Bonaparte 230
Trente-sixième séance , du 4
janvier 1803 232
Diflicullés au sujet de la rali-
lication du plénipotentiaire
impérial 233
— 471 —
Trenle-seplième séance, du 19
janvier 2-35
Note (les ministres médiateurs, ib.
Séances des 23 janvier, 3 , 8,
12, 15, IG et 18 lévrier 23G
Discussion et approbation des
38 premiers articles 237
Quarante-sixième séance, du 25
février 237
LeRecès définilif est adopté et
soumis à l'approl^alion de
l'Empereur et de l'Empire., ib.
Résumé. ib.
SECTION III.
RECÈS DE LA DÉPIITATION DE l'EMPIRE , DU 25 FÉVRIER 1803, TEXTE ET
COMMENTAIRE.
Pase 241.
Introduction 242
Indemnité de l'Autriche 247
— de la Toscane 249
— de Modène 250
— de la Bavière 255
— de la Prusse 263
— d'Arenberg 2G8
— du duc de Croï... 270
— du duc de Looz ib.
— des deux maisons de
Salra 271
— de la maison deBruns-
wic-Lunebourg . 27G
— duducdeBrunswic. 277
— du margrave de Ba-
de 280
— du duc de Wiirtem-
berg 284
— de la maison de Ho-
heniohe 285
— de Salm Reiffer-
sclieidl ib.
— de Limbourg-Sty-
rum ib.
— de la maison de Hes-
se-Cassel 289
— de la maison de Hes-
se-Darmstadt ib.
— du duc d'Olden-
bourg 297
— de Mecklenbourg-
Schwerin 303
— de Hohenzollern. .. 305
— de Dielrichstein. . . 307
— du prince de Ligne. 308
Généalogie de la maison de
Nassau 310
Indemnité de Nassau-Usingen 312
— de Nassau - Weil -
bourg 315
— du prince de Nassau-
Siegen 316
— du prince de La Tour
et Taxis 321
— de la maison de
Lœvenslein-Wert-
heim 325
— de la maison de
d'Oettingen--Wal-
lerslein 328
— de la maison de
Solms 329
— de la maison de Stol-
berg 330
— de la maison de Ho-
henlohe ib.
— d'isenbourg 334
— de la maison de Li-
nange ib.
— de la maison de
Wied-Runkel.... 339
— du prince de Brel-
zenheira 340
— de la maison de Witt-
genstein.. . . — 341
— des comtes du col-
lège de Wesphalie. 342
— d'Aspremonl 346
— de Bassenheim 347
— de Metternich 348
— d'Ostein 349
472 —
Indemnité de Pletlenberg
349
— de Quadt
350
— de Schœsberg
ib.
— de Sinzendorff
ib.
— de SlerDl)erg
351
— de Toerring — —
352
-— de Wartemberg. . . .
ib.
— de Golstein
353
— de Hallberg
ib.
— de Nesselrode
ib.
— de Sickingen
ib.
Comtes de la quatrième classe.
355
— de la cinquième classe
ib.
Dotation de l'Archichancelier. .
359
Indemnité de l'Ordre Teutoni-
que
3G3
— de l'Ordre de Malle.
3G8
Droits des villes impériales. . . .
3G9
Indemnité de la ville d'Augs-
bourg
370
— delà ville de Lubeck.
ib.
Convention du 2 avril 1804,
entre le duc d'Oldenbourg
et la ville de Lubeck
371
Noblesse de l'Empire
378
République helvétique
ib.
Rachat des rentes
379
Nouveaux électeurs
1^
Votes virils du Collège des
Princes
38?
Privilège de non appellando. .
391
Biens des grands chapitres
ib.
Fondations non employées —
392
Biens des chapitres
394
— des fabri<iues
395
Dettes des Pays
ih
Péage du Rhin
399
Convention de Paris, du 1 5 août
1804, sur l'octroi de la navi-
gation du Rhin...
403
Fiefs
408
Votes des comtes
ih
Sécularisation des couvents. . .
409
Époque de la jouissance des in-
demnités
ib
Aliénations annulées
410
Succession de famille
ib.
Échanges et transactions
413
Sort des anciens soi<yerains. . . ib.
Leurs rangs 414
Leur juridiction ib.
Leur sustentation 416
Évoques suffraganls 416
Sustentation des chanoines. . . ib.
Années de carence 417
Ghanoinesses ih.
Serviteurs des chapitres ib.
Conventuels 418
Précistes ib.
Panistes 419
Serviteurs des souverains ecclé-
siastiques ib.
Constitution politique des pays
sécularisés 420
Droits régaliens ib.
Diocèses ib.
Cultes ib.
Fondations médiates 421
— pieuses 422
Garantie des pensions ib.
Les directeurs des Cercles sont
chargés de l'exécution du
Recès ib.
Pays sécularisés entre plusieurs
seigneur» ib.
Électeur de Trêves 424
Sa sustentation ib.
Chapitre de Cologne 425
Autres ecclésiastiques ib.
Serviteurs de la rive gauche. . . 426
Chanoines t7>.
Évoques de Bàle et de Liège. . ib.
Serviteurs des corporations sup-
primées 430
Dettes affectées aux pays d'in-
demnité ib.
Créances hypothécaires. . ib.
Nouvelles dettes 432
Dettes des Cercles ib.
— des Cercles du Rhin. . . . ib.
— des Cercles sur la rive
gauche 433
Cliambre impériale 434
Conclusion ib.
— 473 —
SECTION IV.
ÉVÉNEMENTS POSTÉRIEURS AU RECÈS DE LA DÉPUTATION DE L'EMPIRE.
Pace 43G.
Ralification du Recès par l'Em-
pereur et l'Empire 436
Dissolution de la Députation de
l'Empire 439
Traité d'épuration 441
Introduction des nouveaux
Électeurs 442
Discussion sur l'organisation
du Collège des Princes 443
Contestations sur le droit d'é-
pave 453
Convention de Ratisbonne, du
2 juin 1804, entre l' Autriche
et le "Wiirlemberg 456
Convention du 23 juin 1804,
entre l'Autriche et Nassau-
Orange 457
Commission executive de Franc-
fort... ib.
Discussion sur la Noblesse im-
médiate 458
FIN DE LA TABLE.
â
JX Garden, Guillaume de, comte
152 Histoire g^n^rale
G35
t.7
PLEASE DO NOT REMOVE
CARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET
UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY