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HISTOIRE GENERALE
DES
AUTEURS SACRÉS
E T
ECCLESIASTIQUES,
QUI CONTIENT LEUR VIE, LE CATALOGUE,
la Critique , le Jugement , la Chronologie , l'Analyfe & le Dénom-
brement des différentes Éditions de leurs Ouvrages ; ce qu'ils
renferment de plus intérelTant fur le Dogme , la Morale , & fur
la Difcipline de l'Eglife ; l'Hiftoire des Conciles, tant généraux,
que particuliers , & les Aéles choifis des Martyrs.
Par le R. P. Dom Rem y Ceillier, Prieur Tiiulaire de Tlavigny , ù" Préfuknt
de la Congrégation de Saint pannes (y de Saint rijdulphe,
TOME V I N G T-D E U X I E'M E.
A FAR I S, RUE S. JACQUES,
La Veuve Lottin,&;J. H. Butard, Imprimcur-Litraires,
Chezi ^ ^^ Vérité.
La Veuve D. A. Pierres , Libraire , à S. Ambroife ,
& à la Couronne d'Epines.
M. D C C. L V I I L
#*^£Ç APPROBATION ET PRIVILEGE DU ROY;
Digitized by the Internet Archive
in 2010 witii funding from
University of Ottawa
littp://www.arcliive.org/details/histoiregnra22ceil
TABLE
DES CHAPITRES
Contenus en ce Volume.
C H A p. I. j[fjL ^ -'^ ''^^ ' Chanoine ie Brème , Page i
C H A p. 1 1. Le Vaurahlc Hildebert^ Evêque du Mans »
ejijuite Archevêque de Tours ,. 1 2
A R T. I. Hijîoire de fa vie , ibid.
Art. II. Des Ecrits d'Hildehert , 1 5
§. I. Des Lettres d'Hildehert , ibid.
§. 1 1. Des Sermons d'Hildehert , 25*
§. III. Des Opufcules d'Hildehert > 31
§. IV. Des Poèmes d'Hildehert, 38
§. V. Jugement des Ecrits d'Hildehert. Editions qu'on
en a faites. 4I
C H A p. III. Marhode , Evêque de Rennes , 44
Chap. ï V. Eftienne Harding ^ Ahhé de Cîteaux , &
quelques autres Ecrivains du douT^iéme jiécle , 5 3
Ç H A p. V. Hugues de Fleuri , Florent Bravon > Pierre
de Honejlis , &* quelques autres Ecrivains , 72
aij
îv TABLE
Chap. VI. Des Papes Honorius IL Innocent U,
Celejîin IL Lucius IL 6" Eugène IIL Page 82
Ç H A p. VII. Rupert , Abbé de Tuy , ou de Duits ;
m
Chap. VIII. Le Bienheureux Guiges f ou Guigues,
cinquième Prieur de la Chartreufe , 134
.Chap. IX. Guillaume de Malmejhuri , ou de Somerfet >
6* quelques autres Hijloriens Angiois , 145
Chap. X. Pierre Abaillard, Abbé; Ç^HeloiJfe, Abbefi
du Paraclet, 1^4
Chap. XI. Gilbert de laPorrée, Evêque de Poitiers;
Abandus ; f rançon , Abbé d'Affiighen j ip jf
Chap. XII. Hugues j Chanoine Régulier de Saint
Viêlor j 200
Chap. XIII. Hugues Metellus , Chanoine Régulier de
Toul, 2.2^
Chap. XIV. Orderic Vital j Moine de Saint
Evroul, 237
Chap. XV. Suger , Abbé de Saint Denys , Miniflrc
d'Etat , & Régent du Royaume de France , 245
Chap. XVI. Alger, Diacre & Scholajlique de Liège,
254
Chap. XVII, Guillaume , Abbé de Saint Thierri,
26 j
DES CHAPITRES. v
Çhap. XVIII. Robert Fullus , Cardinal & Chan-
celier de VEglije Romaine ; & Bernard des Portes,
Page 275-
Chap. XIX. Hervé, Moine Bénédiâin ; &* plufieurs
autres Ecrivains , 29^
Çhap. XX. SaintBernardf premier Abbé de Clairvaux,
Doâeur de UEglij'e , o\y
Art. I. Hijîoire de fa vie, ihid.
Art. 1 1. Des Ecrits de Saint Bernard , 330
§. I. De fes Lettres , ibid.
S- 1 1. Des cinq Livres de la Conjidération , 3^ j;
§. III. Traité des mœurs &* des devoirs des Eveques y
406
§. IV. Livre de la Réforme des Clercs , 408
§. V. Vivre du Précepte & de la Difpenfe , 410
§. VI. Apologie de faim Bernard j 41^
§. VII. Livre à la louange des Chevaliers du Temple,
419
§. VIII. Traité des dégrés d'humilité & d'orgueil,
425
§. I X. Traité de l'amour de Dieu , " 424.
§. X. Traité de la Grâce & du libre Arbitre j 42(5
§. X I. Traités du Baptême ? 6* contre les erreurs d'A~
baillard, 432
§. XII. Vie de faim Malachie , Archevêque dTrlande,
vj TABLE
§. XIII. Traité du Chant , ou de la correâiion de
rAntiphonier , Page 438
$. X ï V. Des Ouvrages de faim Bernard , contenus
dans Us troifiéme & quatrième Tomes , 440
§. X V. Des Ouvrages contenus dans les cinquième &
jixiéme Tomes , 4J^
§. XVL De quelques Ecrits de faint Bernard , publiés
depuis la dernière édition dejes Oeuvres % 46^
§. XVII. Jugement des Ecrits de faim Bernard. Cata."
logue des éditions qu'on en a faites, ^66
Chap. XXI. Pierre, Abbé de Cluni , furnommé le
Vénérablçj 470
Chap. XXII. IFibald , Abbé de Stavelo , & de
Corbie, 517
Chap. XXIII. Chunon , ou Conrad , Abbé de
Moury en Suijfc^ 539
Chap. XXIV. Des Conciles de Formes, dTn-
gelheim , de NarboJine , d'Acclech , de Fincenhalle »
de Frioul , de Katisbonne , de Francfort, &• d'Angle-
terre , y ^7
Chap. XXV. Des Conciles de Rome , d'Vrgel ,
d'Aisç - /« - Chapelle , de Rome ù de Clovishou ,
5î^
DES CHAPITRES. vij
Chap. XXVI. Conciles d'Altino , d' Aix-la-Cha-
pelle y d'Arles, de Mayence, de Reims , de Tour s, de
Châlons-fur-Saône , d'Aix-la-Chapelle, Page 560
Chap. XXVII. Conciles de Conjîantinople , de
JSloyon , d'Aix-la-Chapelle , de Celchyte, de Thion-
ville j de Trebur , de Cloveshou , & d'Atrigny ,
^574
Chap. XXVIII. Concile de Paris au fujet des
Images i d'Ingelheim, de Rome & d'Aix-la-Chapelle >
Chap. XXIX. Concile de Paris ^ ^ç^j
Chap. XXX. Conciles de Vormes , de Langres , de
Nimeguty tie Vormes, de Londres , de Compiegne ,
d* Aix-la-Chapelle , de Mantoue , de Stramiac , de
Kinjlon , de Châlons-j'ur-Saone ) d'Engelheun, & de
ïontenai , 60G
Chap. XXXI. Des Conciles de Bourges , de Conjîan-
tinople , de Coulaine , de Lauriac , de Toulouje , de
Thionville , de Verneuiljde Beauvais ^ de Meaux , de
Paris, 614
Chap. XXXII. Des Conciles de Mayence , de
Bretagne , de Qiàercy , de Paris , & de Pavie ,
626
Chap. XXXIII. Des Conciles de Sens , de Ben-
ningdon , de Kingeshiuie , de SoiJfonS}de Cordoue , de
Mayence , d& Quiercy , & de Verherie, 63.6
viij TABLE DES CHAPITRES.
Chap. XXXIV. Des Conciles de Rome , de Conf-
taminople, de Valence , & de Pavie , 641
Chap. XXXV. Des Conciles deVmcheJlre,de.Bonoil,
de QiLiercy ,de Mayence j de Conjlantinople , de Mef^y
de Langres, de Scivomeres , de Conjlantinople , de
Sijleron , 6^"/
Chap. XXXVI. Quatrième Concile de Conflami-
nople , que l'on compte pour le huitième général j ôji
Chap. XXXVII. Des Conciles de Verherie, de Mety^,
& autres , depuis l'ait S6^ ,juj qu'en 875? , 6p I
Chap. XXXVIII. Concile de Conjlantinople pour le
rétahlijfement de Fhotius, 710
Chap. XXXIX. Des Conciles de Rouen , de Mantes,
& autres , juj'quen Van 5^04 , 718
Chap. XL. Des Conciles de Saint-Oyan^de Narbonnei
& autres ,jujquen l'an 950 , 744
Chap. X L I. Des Conciles d'Ausbourg , & autres ,
jujquà lajin du dixième fiécle , 76a
Fin de la Table des Chapitres.
HISTOIRE
HISTOIRE GENERALE
DES AUTEURS
SACRES ET ECCLESIASTIQUES.
CHAPITRE PREMIER.
A DAM 3 Chanoine de Brème,
'E s T à lui que l'on cil redevable de la con- AJam ,
noiflancc des origines des Eglifes du Nord , Ch:>noine d«
& de la fuite des Evêques de Brème & de ^'''""'*
Hambourg; perfonne avant lui n'ayant entre-
pris de les faire connoîtrc à la pofterité. Ne
en Thuringe ou dans la Mifnie , il quitta de
bonne heure la Fatrie pour aller à Brème (a) oi:i il fut chargé
du foin des Ecoles de cette Ville. Il y arriva l'an 1067, le
vingtième de l'Epifcopat d'Adalbert. Ce Prélat étant mort le
\6 de Mars 1072, on lui donna pour Succefleur Liemar ,
jeune Eccléfiaftique de grande efperance , & très-inflruit
(«) Lih. 1, , hifî, cav. ç pag, 34.
Tome XXI L
a ADAM,
des Arts libéraux. Adam continua fous Ton Pontificat de régen-
ter les Ecoles de Brème , mais en 1077 il fut fait Chanoine de
l'Eglife Aletrcpoiitaine ( <2 ).
IlrraTaî'ie I J. Dans le deilein de donner une llifloire Ecclcfiaflique des
'esFeli'ièsT Eglifes du Nord , Adam (ir une recherclieexade des mémoires
Nord, qui pouvoient l'en inllruire, particulièrement des Lettres des
Princes & des Papes ; il'recueiliit auiiî ce que la tradition vivante
lui en apprit. Suenon, furnommé Deilrilie, Roi de Danne-
marc, etoit en réputation de fcavoir, ôc zélé pour la propa-
gation de la foi. Adam l'alla trouver & en fut très-hien reçu,
car ce Prince reoevoit volontiers les Etrangers ; ce fut dans les
entretiens qu'il voulut bien lui accorder ( 6 ) qu'Ad.im s'inf-
truilit de la partie de fon hifîoire qui concerne les Barbares , ôc
les noms des Saints qui avoient de fon temsfouifert le martyre
en Suéde 6: en Norvège.
Ceqiiecom- J I J. Ce font-là les fourccs dans lefquelles Adam a puifé
Hift'^ire"'"^ pour compcfer fon hlQoire ; il étoit encore jeune, lorsqu'il
l'acheva, comme il nous l'apprend lui-ménie dans l'épilogue
en vers (c) adreiTé à l'Arclicvéque Liemar , à qui il dédia
cet Ouvrage. Il le commence à l'entrée de faint Villehade en
Saxe, & le finit à la mort de l'Archevêque Adalbert, ce qui
fait un efpace de tems d'environ trois cens ans , c'cft-à-dire
depuis l'an de Jefus-Chrift 788 jufqu'en ib7''5. Hiftorien fincerc
ôc fidèle , il protefte ( d ) que la pafiion n'a eu aucune part à
fonhidoire, qu'il n'y a rien bazardé, mais rapporté fidèlement
les faits tels qu'il les avoit trouvés dans des mémoires autenti-
ques. Il cfl cité avec élopc dans la Chronique des Sclaves par
Hclmold ( e ) , ôc dans les Annalles de Baronius. Lambecius lui
reproche quelques parachronifmcs ; m-ais fuivant la remarque
du Dotle Albert Fabricius (/) on doit les pardonner facilement
à un Ecrivain qui nous a fait connoître tant de fi belles chofes
ôc C] inrereffantes pour rîîifloireEccléfiaaiqueduNord.
/naly'e <^e IV. Celle que nous a donnée Adam e't divilée en quatre
*!'/"r'j*^7' I-'vres, ô: les Livres font divifés en chapitres. Il met à la tête
rnr.dc f'am- du premier Livre l'hlKloire de la Nation des Saxons, ce qui
IrurgtniTot, i
fcL -r^T-
-, .(^; AJam. i ■! .prfffqt.
(«') r.'it, ï, atp. 14, B.ircnius ai an^
( h ) L'h. 4 , cap. ^f .V'^'. 4S. /
»rnis , pj- . 67 , rà'it. lixmlcurg. itC-
ic.ttr's Ujd.t anC» , ce qui revient au
mfoif.
if) Fatrîiiùs ^rttfat. in Adùm~
CHANOINE DE BRESME. 5
lui paroifToit nécelTaire , à caufe que Hambourg , dont il fe pro- Cap, t,
pofe de faire connoitre les Evcques , ell: litude dans la Saxe.
Les Saxons , depuis longtems tributaires aux Francs , s'en fcpa-
rerent pour fe délivrer de cette fervitude. Pépin leur fit la guerre , Cj;. r.
Charlemagne fon fils la continua, les Saxons furent vaincus , la
paix ne leur fut accordée qu'à condition de renoncer au culte
fuperftitieux des faux Dieux, & d'embrafler la Religion Chré-
tienne. Le premier de leurs Miifionnaires fut faint Vilfrid , An- C'-?' s-
glois de naiflance ; le fécond, faint Boniface; le troifiémc,
faint Villehade avecfes Difciples. Ils trouvèrent de laréfiflance Cay. 9.
de la part des Idolâtres ; mais enfin Nidel;ind , le Chef de la
révolte , fe fournit ôc reçut le Baptême avec les grands Seigneurs
de la Nation ; alors la Saxe fut réduite en Province , ôc l'on y
érigea huit Evéchés que l'on fournit aux Archevêchés de Co-
logne & de Mayence. Adam rapporte l'acte qui en fut padé ÔC
figné de Charlemagne ôc d'Hildebald, Archevêque de Cologne ,
Chapelain du Palais, au mois de Juillet 78S. Le premier Evêque Caji. n.
de Brème fut "Willerie ou "^Zillehaire, l'un des Difciples de faint
Willehadc.
V. Adam parle enfuite de la converfion des Danois ôc des ^■'^- '^"
autres Peuples voifins , par le miniflerc de fùnt Anfchaire qui
fut facré le premier Archevêque de Hambourg , l'an 853 , par
Drogon , Evêque de Metz , allifté des Archevêques de Mayence ,
de Trêves, de Reims, 6c de quelques autres. Ce dernier qui fe
nommoit Ebon , fe joignit à faint Anfchaire dans la prédication
de l'Evangile , mais ne pouvant plus foutenir la fatigue des
voyages, il retourna à fon Archevêché de Reims, donnant q,.
pour Compagnon à faint Anfchaire fon neveu Gaudbert , après
l'avoir eux deux facré F.vêque fous le nom de Simon. Adam dit
ici que toutes ces chofes étoient rapportées plus au long dans la
vie de faint Anfchaire écrite par faint P..embert fon SucceiTeur
dans le Siège Epifcopal de Hambourg; enfuite il nomme ceux C'?* ''•
qui gouvernèrent, après faint Anfchaire, l'Eglife de Brème ;
marque le fiége de Cologne par les Normans , ôc l'incendie de
la Ville de Hambourg, de fon Eglife , de fon Monallere ôc de
fa Biblioteque ; ajoutant que faint Anfchaire qui y étoit alors "^''■*'*
fut obligé d'en fortir, n'emportant avec lui que des Reliques
de Martyrs, fçavoir de faint Xyfle ôC de faint Sinnicius. Il gou-
verna l'Eglife de Hambourg pendant feize ans, puis celle de
Brème pendant dix-huit ans , enforte qu'il fut fuccenïvement
trente-quatre ans Archevêque , premièrement de Hambourg,
Aij
^ A D A M,
Cap. î4. enfuite de Brème , qui fe trouvoit fans Pafteur , lorfque les Nor-
■mans ruinèrent la Ville de Hambourg. Quoique cette tranflation
fut conforme aux Décrets des Conciles qui portent qu'un Evê-
que chalfé de fon Siège dans le tems de la perfécution, fera
reçu en une autre Eglife dont le Siège fera vacant, Saint Anf-
chaire fut quelque tems à réliiler à llimpereur Louis le Pieitx
Cap. 17. qui vouloiî cette tranflation. Le Pape Nicolas L qui fut confulté
là-delTus , ota toute difficulté en unilfant l'Eglife de Brème avec
Cl .19. celle de Hambourg. Les Succeifeurs dans l'Archevêché de
Brème furent Rimbert, Adalgaire, Moine de CorbieiHoger,
Reginwart , Unnus , &c.
Livre c?eu- Y ]. l£n donnant la fuite de ces Evêquesdansie fécond Livre,
xicme, p,w. ^^^^y^^Q fe contente pas de les faire connoître par leurs noms ,
Cap. I. mais il donne, comme dans le preniier , Un précis de leur vie,
la durée de leur Epifcopat, fépoque de la mort des Papes,
des Empereurs , des Rois ; il fait même remarquer par quel
Pape le Tallium leur a été envoyé, par qui ils ont été confacrés;
C^F- »• les guerres entre les Empereurs & les Nations feptentrionales ;
l'éreclion des nouveaux Evcchés; fous quelle Métropole on les
avoir mis; les diihcultés mues par l'Archevcque de Cologne au
fujet de l'union dc3 deux Egiifes de Hambourg & de Brème;
"?■ >>^ > 7. l'origine des Ducs de Saxe, de l'Archevêché de Magdebourg,
& des cinq Evéchés foumis à cette Métropole. Il prend de-là
occafion de donner une defcription des pays on ces Eglifcs
C'7-s,?, font fituées, des Heuves nulles arrofent , des Nations qui les
habitent.
VIL II palTc enfuite au Royaume de Dannemarc dont la
Roi Harold embrafl^:\ la religion chréùciuie, 6c la favocifa dansf
Caj. is 17 ^^^ Etats jufqu'à fa mort. Il nomme les Evèques qu'Adaldag ,
j8. Archevêque de Brème , ordonna en Dannemarc; les Villes où
il plaça les Sièges Epifcopaux , & raconte les troubles dont le
Chrifl ianifme fut agité fous le règne deSwenotte , fils de Harold.
Ce Prince , après avoir régné cinquante ans, i'jt dépouillé de fes
Etats par les Danois même , de concert avec fon iils , en haine
de la religion chrétienne qu'ilsavoienï abandonnée , ÔC mourut'
le jour de la Fcte de tous les Saints d'une bleiïure qu'il avoic
reçue erv fe défendant contre ces rébelles , ce qui le (ic regarder
comme un Martyr. Son fils , inilexibleaux prières fie aux remon-
trances des Evèques qui le preffoient de rentrer dans le fein de
l'Eg.ife , fut lui-même privé de fes Etats pendant un gnnd
nombre d'années, c'ofl-a-dire jufquJi la m )rc d'Heric , Roi
dcoSjcuivns ou Suédois, c[ui ksavoit ufurpés.
-«p. tO, ÏT.
Cip.i^.
CHANOINE DE BRESME. j
VIII. Adam defcend dans le détail de ce qui regarde Ileric, Cap. 16 &•
en même tems Roi de Suéde & de Danneniarc , 6t de fon Suc- ■'^'^'
cefleur dans ces deux Royaumes; de la propagation de la foi
dans la Suéde, d'un grand nomlrc de Martyrs chez les Nations
barbares , & de 1 L^reclion de nouveaux Evtchés chez lesSclaves, f-.
lesiuedois, les Norvégiens, les Anglois & les autres Peuples 33,54.'
du Nord. Il a foin de remarquer que les Archevêques de Brcme
recevoientl'invefliture de leur dignité par lacrolTe quel Empe- Cap.4^,^0^
reur leur mettoit en main après 'euréledion , & quele Paliium 5' i^ feq.
leurctoit envoyé parle Pape. Sur la (indu fécond Livre, Adam
fe p'aint du rei^cheinent des mœurs dans le Clergé , ôc le regarde
comme plus préjudiciable à TEglife que ne le lut à celle de
Brtme binceiidie qui la confuma avec fon tréfor , fon cloître,
fes iivre!^, fes ornemens, & les édifices de la Ville, environ
deux cens foixante-dix ans depuis fa fondation par S. VillehaJe.
IX. Adam commence fon troiliéme livre par réiore de li-retroî-
l'Arclievôque Adalbert dont il relevé la noblelie , lelprit , le "■'"'^'^■'^•SJ'
fcavoir, Téloquence, la beauté, la prudence, la libéralité, la C^p^l,^,J.
charité envers les Pauvres & les Etrangers , le zèle pour i'ac-
croiilement delà religion, la pieté, & une dévotion il tendre
qu'il fondoit en larmes lorfqu il oiTroit le faint Sacriiice. Dès la _
première année de fon Epifcojat il s'appliqua à réparer l'Eglifc ^^' ^' '
de Brème, 1-e cloître, ôc les autres bàtimens nécelfaires aux
Chanoines, ôc voyant que lesDucs la vexoient continuellement il
lui rendit fa première liberté en faifant avec eux une paix folidc.
Il envoya des Députés aux Pvoisdu Nord pour lier amitié avec Q". 10.
eux; écrivit aux Evèquesôc aux Prêtres établis en Dannemarc ,
en Suéde 6c en Norvège, pour les exhorter à la garde de leurs
Eglifes, ôc à travailler fans crainte à iaconverfion des Payens r Q". n,
menaça d'excommunication Suenon , Roi de Dannemarc, s'il
ne fe féparoir de fa parente qu'il avoit époufée contre les règles
de l'Eglife , ce que ce Prince ne fit qu'après les lettres du Pape y
encore prit-il enfuite pludeurs femmes ôc pluiie-urs Concubines.
La Reine Gude , après cette féparation , fe retir.i fur fes terres , (7-.,, ,^^
où elle vi eut dans la pratique de toutes les vertus ; elle y reçut
les Députés que l'Archevêque de Brème avoir envoyés pour
détromper le Roi de Suéde au fujet d'un nommé Ofmund qui q
fe difoit ordonné Archevêque de ce Royaume par le Pape , ôc
en conféquence portoit devant foi la Croix comme les Arche-
vêques.
X. En Norvège, le Roi Harold exerçoit une cruelle tyran-- Cap.tir
A il]
« A D A M;
nie , abbatoltlesEglifeSjfaifoit mourir les Chrétiens par divers
fuplices , s exerçoit aux malérices , & loin d'être touché des
Cip.ip. miracles qui fefaifoient au tombeau du Roi Olaf fon frère, il
en enlevoit les offrandes qu'il dillribuoit à (çs Soldats. L'Arche-
vêque Adalbert lui envoya des Députés chargés de lettres où il
lui faifoit des reproches fur tous ces défordres , & fur ce qu'au
mépris de fa Jurifdidion il faifoit venir des Evêques de France
& d Angleterre. Harold renvoya les Députés avec mépris ,
difant qu il ne reconnoiffoit en Norvège ni Archevêque , ni autre
perfonne plus puilfante que lui. Adalbert en porta fes plaintes
au Pape Alexandre II. qui écrivit en ces termes au Roi Harold :
Comme vous êtes encore peu indruit dans la foi ôc la difcipline
canonique , nous devrions , nous qui avons la charge de toute
i'Eglife, vous donner de fréquens avertiffemens , mais la lon-
gueur du chemin nous empêchant de le faire par nous-même ,
fçachez que nous en avons donné la commillion à Adalbert ,
Archevêque de Brème, notre Légat; or il s'eft plaint à nous
parfes lettres que les Evêques de votre Province ne font point
facrés , ou fe font facrcr pour de l'argent en Angleterre ou en
France ; c'eft pourquoi nous vous admonedons vous ôc vos
Evêques de lui rendre la même obéiffance que vous devez au
Saint Siège.
Ca.p.10. XI. Adalbert fongea enfjite à fe reconcilier avec le Roi
Suenon , dans i'efpcrance que ce Prince lui ayant rendu fon
amitié, faciliteroit l'exécution de fes deffeins dans le Danne-
marc pour l'aggrandiffement de I'Eglife; il perfuadaaufli à l'Em-
pereur Henri III. de conclure avec Suenon une alliance perpé-
tuelle, & par-là l'Archevêque de Brème procura de grands
avantages à fon Eglife , ôc l'accroiflement de la miifion dans les
pays du Nord. L'Evangile fit aulli de grands progrès dans les
x8 19.' ' Provinces au-delà de l'Elbe, enforte qu'elles furent bientôt
remplies d'Eglifes , de MonaReres tant d'hommes que de filles;
d'Evêques ôc de Prêtres qui y préclioient librement la foi de
Jefus-Chrift. Il y avoit jufqu'à trois Convents à Meckelbourg ,
Capitale des Obodritcs ; la religion profperoit auHi chez les
Sclaves à la faveur de Gothefcalc, fils d'Uton , un des Princes
des Sclaves. (îothefcalc avoit époufé la fille du Roi de Danne-
marc, ôc par cette alliance il sétoit rendu puiffant comme un
Roi ; il étoit pieux , ami de l'yVrchevêque de Brème , ôc zelti
pour la propagation de la foi ; fouvent il parloir dans I'Eglife
pour expliquer au Peuple plus clairement en Sclavon ce qu3
difoiciit les Evêques ôc les Prêtres.
CHANOINE DE BRESME. t
XII. L'Evangile fe fcroit même répandu plutôt chez les dp. ij.
Sclaves fans l'avarice des Seigneurs Saxons, Gouverneurs delà
frontière, qui ne fongcoient qu'à les charger d'impôts, Ôc qui
par leur cru iuté les obligèrent à la révolte; mais il venoit des
Députés d iilande , de Utoenlande, des Orcades à Adalbert
lui demander des Millionnaires , ôc il en envoyoit. M ctoit dp. x6,
tellement attaché à procurer la gloire de Dieu qu'il ne ncgiigeoit-
pas les embelliiremens qui font une partie de la gloire humaine ;
ninfi ]>ar fes foins la Viile de Brème, quoique petite, devint
la Rome du Nord, & on y accouroit de toutes parts. Il fe fit ^•'^•^^*
auffi un plaifir ilngulier de rendre refpedable la Métropole de
Hambourg qu'il appelloit la Mère des Niuions; il Torna , il
la fortifia peur la mettre en état de fe défendre contre les Bar-
bares', il y fit célébrer avec pompe les folemnités de Pâques ,
de Pentecôte 6c de la fainte Vierge, y aflemblant à cet eiTetun
grand nombre de Clercs, ceux-là furtoutqui par la douceur de
leur voix pouvoient plaire aux Peuples. Il fuivoit dans la céie- Cip.-.,.
bration des jMyfieres , non le Rit Latin , mais un je ne fçai quel
mélange du Pvit Grec & Romain , faifant partout où il fe trouvoit
chanter trois Méfies, ôc yallifloit. llaimoit aulîi dans les céré-
monies la fumée des aromates , un grand nombre de luminaires
& un concert de voixfortes, pour imiter en quelque forte ce
qui fe paffa au Mont Sina'i lorfque Dieu y apparut à Moyfe.
XIII. En lojî , la feptiéme année de fon Epifcopat , Cîp, 31.
Adalbert afîif! a au Concile de Mayence , auquel le Pape Léon
IX. préfida, rSmpercur Henri ïll. préfeht; les Archevêques
de Mayence , de Cologne , de Trêves y afilflerent avec celui
de Magdebourg, & plufieurs Evoques. Celui de Spire accufé
d'adultère, s'en jufiifiapar l'oblation du Saint Sacrifice. On fit
dans ce Concile des Décrets contre la fimonie & les mariages
des Prêtres., 6c il y fut ordonné que l'on chafieroit de l'Eglife
& des "Villes les femmes publiques. L'Archevêque Adalbert ,^;''*,j_^'^^*
ctoit en grande confideration tant auprès du Pape Léon eue
de l'Empereur Henri , ôc fa réputation avoit pénétré iufqu'cà
rEm{)ereur de Condantinople ; fiatté d'un Ci grand crédit, il
elTaya d'ériger lEglife de Hambourg en Patriarchat, en quoi il
dtoit fécondé par le Roi de Dannemarc qui fouhaitoit avoir un
Archevêché dans fon Royaume; mais la mort du Pape ôc de
l'Empereur fit difparoître tous ces projets. L'Eglife même de Cep. jâ &-
Brème fereHentit de l'application qu'Adalbertdonnoit aux alTaires- ■^^'^'
de l'Etat ; celles de cette Ealife allèrent en décadence-
44
Cap. e ,
8 ADAM;
Livre qua- XIV. Herman , fils de Bernard, Duc de Saxe, ravagea
tùéme.pa^. l'Arclievêclié de Brème 6c de Hambourg; mais le Roi Henri
**• IV. confola en quelque façon ces Eglifes en leur envoyant des
■^^' '' ^' ornemens , des vafes d'argent, trois calices d'or, des chan-
deliers , des cncenfoirs d'argent , ôcdes livres dont un pfeautier
dtoit écrit en lettres d'cr.Adam raconte enfuite comment rEglife
de Hambourg & de Brème devint riche 6c lî pullFante qu'il n'y
avoit dans l'Empire que celle de Viribourg qui la furpaflat ;
Cdp. î , 6. mais il fe plaint amèrement que l'Archevêque Adalbert , en
voulant lui acquérir des Comtés , un entr'autres iltué dans la
Frife , avoit , pour en payer le prix , vendu ou fait brifer des croix
d'or ornées d; pierres précieufes , des autels , des couronnes , ôc
d'autres ornemens , qui toutefois ne purent former qu'environ la
moitié de la fomme , enforte que l'Eglife de Brème tomba dans
la défolation , 6c que fon Archevêque devint la rifce de tout le
monde.
X "V. Vers le mcnie tems le Prince Gothefcalc qui avoit aidé
Cip. II, II, ^ convertir une grande partie de la Sciavonie , fut mis à mort
»j- avec le Prêtre Ippon , ôc un grand nombre de Clercs ôc de
Laïcs, pour la confelllon du nom de Jefus-Chrift , par ceux-là
même qu'ils avoient convertis, mais qui étoient retombés dans
l'idolâtrie. Ces Barbares ravagèrent enfuite route la Province
O
de Hambourg , mettant tout à feu ôc a fang , ôc en chaiïerent
l'Archevêque. Tous ces maux, dit l'Hiftorien , nous avoient
été annoncés par une comète qui avoit apparu la même année
Ci I ' vers la Fête de Pâques. L'Archevêque fut trois ans hors de fon
Eglife , ôc pour rétablir fcs affaires il fe reconcilia avec ceux
qu'il avoit auparavant traités avec trop de hauteur. Sa mort , Ct
l'on en croit Adam , fut précédée de plufieurs prodiges ; on vit
entr'autres à Brème les crucilix jetter des larmes. Il mourut à
Gollar le \6 de Mars 1072, ôc fut rapporté à Brème, où oa
l'inhuma au milieu du Chœur de la nouvelle Eglife qu'il avoit
bâtie. On ne trouva rien dans fon tréforque des Reliques des
Saints ôc des ornemens facrés ; le Roi Henri s'en (liifit , ôc d'un
bras de faint Jacques , Apôtre , qu'Adalbcrt , en paflant àVcnife ,
avoit reçu de Vital , Evèquc de cette Ville.
XVI. Adalbertvoyant dans les Provinces du Nord un nombre
fuflîfant d'Evêques , fongea à tenir pour la première fois ua
Concile en Dannemarc : fon delfein étoit de réformer plulleurs
abus qui s'étoient gliffés dans ces nouvelles Eglifes ; les Evêques
ycndoicnt les Ordinations i les Peuples refufoient de payer les
dix mes
Cj?. 4'
CHANOINE DE BRESIVÎE. 9
dixmcs & s'abandonnoient à de grands excès. Il indiqua ce
Concile à Siefvic par l'autorité du Pape Alexandre II. dont il
^toit Légat, 6c fondé fur l'efperance que le Roi de Dannemarc
lui prcteroit fecours ; il n'y eut que les Evcques d'outre-met
<|ui fe firent longtcms attendre. Adam rapporte la lettre que
le Pape Alexandre II. écrivit fur ce fujet à tous les Evêques de
Dannemarc; ôc deux de celles que l'Archevêque addreila aux:
Evêques fournis à fa Métropole pour les inviter au Concile.
XVII. Il marque enfuite les Evêques qu'Adalbert avoit Cap.Ah^^
•ordonnés, fçavoir neuf en Dannemarc , fix en Suéde , deux en 46.
Norvège , vingt en tout, mais dont trois demeurèrent inutiles, ne
cherchant que leurs intérêts , ôc non ceux de Jefus-Chrilt. Cet
Archevêque traitoit avec beaucoup d'honneur les Légats du
Pape , difant qu'il ne reconnoifToit que deux Maîtres , le Pape
ôc le Roi. Le Pape lui accorda , ôc à fes SuccefiTeurs , le privi-
lège d'établir des Evêchés partout le Nord , même malgré les
Rois , dans tous les lieux où il jugeroit à propos , ôc de choifir
de fa Chapelle ceux qu'il voudroit pour les ordonner Evêques.
XVIII. Voilà ce qui nous a paru de plus remarquable dans Dcfcrip-îo*
THiftoire Eccléfiaftique d'Adam de Brème. Pour la rendre plus ^^"v^'ord'pj"
complette il y a ajouté une defcription trcs-intereflànte des j^.
Royaumes ôc des Provinces du Nord qui avoient de fon tenis
■embrafTé la foi de Jefus-Chrilt , c'cft-à-diredu Dannemarc, de
la Suéde, de la Norvège, ôc des Illes qui en dépendent; outre
la defcription des lieux il fait des remarques fur les mœurs ôc
les ufages des Peuples. Il dit des Danois que quand quelqu'un P'S- f^
d'eux eft convaincu d'un crime de leze-Majefté , il aime mieux
qu'on lui tranche la tête que de fouffrir les verges ou la bafto-
nade ; que c'eft une gloire pour eux de témoigner de la joie
lorfqu'ils vont au Tjplice ; qu'ils ont les pleurs en horreur , en-
forte qulls n'en verfent ni pour leurs péchés , ni pour la mort
de leurs parens ; que dans la Curlande les Habitans font Ci cruels p^^^ ^g.
que tout le monde lesfuye, ôc auffi parce qu'ils font très-atra-
chés au culte des Idoles ; que leurs maifons font pleines de
Necromontiens qui font confultés de tous côtés , furtout des
Efpagnols ôc desGrecs; que leslflandois adorent des dragons auf- P'^if- î?»
quels ils immolent des hommes qu'ils achètent des Marchands
après avoir examiné s'ils n'ont aucun défaut de corps.
XIX. Les Suédois puniffent de mort l'adultère ôc la vio- pjg. 6*i
Icncc faite à une Vierge. Ils regardent comme un opprobre dç
ïefufer l'hofpitalité aux Etrangers ^ c'eft à qui dentr'eux les
Tome XX IL B
PMg.61.
,0 A D A M ,
recevra , & ils les tiennent dans leurs maifons autant qu'ils
fouhaitent d'y refter ; ils font auiïl beaucoup de carelTes aux
Prédicateurs de l'Evangile quand ils les connoifTent pour chaftes
P'Z- 6t. & prudens. Cette Nation a un Temple fameux à Uplal, il eft tout
revêtu d'or , ôc on y révère les Statues de trois Dieux , au milieu
eft le Trône du plus puiflant qu'ils nomment Thor ; des deux
côtes font les deux autres nomme's Vodan ôc Friccon. Thor y
félon eux , gouverne l'air , le tonnerre , la foudre , les vents , les
pluies , les faifons , les fruits ; ils lui donnent un fceptre , ÔC
c'ell comme le Jupiter des anciens Romains. Vodan efl: le Dieu
de la guerre, armé comme Mars. Friccon donne la paix ôc les
plaifirs , ôc efl repréfenté fous la ligure infâme de Priape. Ils
adorent auffi de=; hommes qu'ils croyent être devenus Dieux par
leurs belles actions, lous les neuf ans ils célèbrent une Fête
folemnelle où tous font obligés d'envoyer leur offrande à Upfal ,
perfcnne n'en eft exempt , les Chrétiens même font contraints
a fe racheter de cette fuperflition. En cette Fête on immole
neuf animaux mâles de toute efpece, ôc on en pend les corps
dans un bois proche du Temple dont tous les arbres paffent
pour facrés. On y voit auffi des corps humains fufpendus pèle
mêle avec ceux des chiens. En tems de pefteôc de famine on
immole au Dieu Thor; fi on efl en guerre on facrifie au Dieu
Vodan ; s'il faut célébrer un mariage , ccfl à Friccon qu'on offre
des facrifices.
Pa^.fii. XX. Dans la Nordmannie que l'on appelle aujourd'hui la
Norvège, les Peuples font très-chafles ôc très-fobres en tout.
Ils ont tant de refped pour les Prêtres ôc pour les Eglifes qu'il
n'y a pas de jour que chaque Chrétien ne falTe fon ofi'rande à la
Aleffe qu'il entend. En cette Province comme en plufieurs
endroits de la Suéde , les Nobles , à la manière des anciens Pa-
triarches, gardent les troupeaux ôc vivent du travail de leurs
mains. Le corps d'Olaph , Roi ôc Martyr , repofe dans l'Eglife
de la Métrople à Trondemn , où il fe fait de fréquens concours
de Peuples à caufe des guerifons miraculcufes qui s'opèrent à
fon tombeau.
"'■^. <^4>«;î. XXI. Les Habitans de rifle de Thyle font de mœurs très-
douces , ôc l] charitables que tout efl commun entr'eux , comme
avec lesEtrangers. Ils regardent leur Evêque comme leurRoi , ils
fe règlent fur fa volonté, ôc tout ce qu'il leur dit, foit de la
fart deDieu,foit par l'autorité des divines Ecritures , foitfelon
ufage des autres Nations , ils le tiennent pour Loi.
CHANOINE D E B R E S M E. li
XXII. L'épilogue d'Adam à l'Archevêque Liemar , Suc- P-^s- 67.
ceffeur d'Adalbert , cft en vers hexamètres. Le Poète y lait
l'éloge de ce Prélat, de Ton éloquence , de fon intelligence dans
les divines Ecritures , de fon ailîduité à la leèlure des Pères. Il
compare fon élection à celle que l'on faifoit anciennement dans
l'Eglife, ôcla regarde comme l'époque du rétabliiïement de la
liberté & de la paix dans l'Eglife de Brênie ôc de Hambourg.
XXIII. La première édition de Thidoirc des Eglifes du EJitions de
Nord par Adam de Brome el't due à André-Severin Velleus qui ci/n,,ftinue'^*
la fit imprimer à Coppenhague en 1 5^7^ r;z-4<'. On n'y trouve H'Alsm de
point le Livre de la defcription du Dannemarc 6c des autres ^'■'•'"^•
Provinces du Nord ; mais Erpold Lindenbrogius lui donna
place dans l'édition del'Hiftoire Eccléllaftique d'Adam qu il fit
paroître à Leyde en ijyj" in--^°. & depuis à Francfort en 1609
ôc 16^0 in-fcl dans le Recueil des Ecrivains Septentrionaux. Il
y en a une cinquième édition par les foins de Joachin Maderus ,
àHelmfladen 16 jo i/z-^^.C'eft fur celle-là qu'Albert Fabricius en
a donné une fixiémc à Hambourg en 1^06 in-fol. avec plu-
ficurs autres écrits qui ont rapport à î'Hifloire compofée par Adam
deBrême, dont voici lalifte : L'Hiftoire des Archevêques de
Brênie depuis Charlemagne jufqu'à Charles IV. par un Ano-
nyme. Un petit Eloge de l'Eglife de Brêmc& de îés Archevê-
ques jufqu'à la mort de Louis le Débonnaire. L'Hifloire du Pape
Benoît V. mort à Hambourg en 841 , & fon épitaphe tirée de
deffus la pierre de fon tombeau en l'Eglife Cathédrale de Ham-
bourg où il fut inhumé ; fcsoffemens furent depuis tranfportés
à Rome. Un Poëmeen l'honneur de l'Evêque Viceiin qui avoit
enfeigné à Brème fous l'Evêque Adalbert. L'Epitaphe de Gode-
froi , Archevêque de Brème , mort en 1 3 (55. Les privilèges ac-
cordés à cette Eglife par les Empereurs, par les Papes , ôc par
d'autres perfonnes puiffantes. Les Chroniques & les Annalles
Sclavones. L'Hiftoire d'Eric, Roi de Dannemarc ; de"NX''ratin;-.s
VII. Duc de Pomeranie ; ôc celle de l'origine de la Nation
Danoife , de fes Rois , ôc de leurs adions. A toutes ces pièces
Fabricius a ajouté la vie de faint Anfchaire en profe par faint
Rembert, ôc en vers par Gualdon , Moine de Corbie; ce que
Lambecius a écrit touchant les origines de la Ville de Hambourg,
ôc un Recueil d'anciennes infcrintions par Théodore Hanckel-
m-ann. Il s'ed fait une verfion de I'Hifloire Eccléfiaflique d'Adani
de Brème en langue Suedoife par Jean-FridericPeringskioldius ,
que l'on a imprimée à Stockholm en 1 7 ip i/z-^^.
B ij
12 LE VENERABLE KILDEBERT,
CHAPITRE II.
Le Fenerable H i l d e b e rt ^ Evoque du Mans ,
enjuite Archevêque de Tours,
Article I.
HiJIoire de fa vie.
, HilJebert J. T E lieu de fa naiiTancc flit le Château de Lavardin , dans
Son*^"éJuc;J'- j  le Veiidomois. On la met en i o J7 , ôc c'eft l'opinion la
lion.^'iraHi.- plus appuyée. Quelqucs-uns le font nakre en 10J4, mais cette
, '" d"".'' époque ne s'accorde point avec les seftes des Evéques du Mans>.
170*. comme la première. (Quoique ne de parens dunerortune mé-
diocre , il s appliqua de bonne heure à l'étude des Lettres. Ses
Ouvrages , foit en profe , foit en vers, font des preuves de fes
progrès dans les hunianités. Il n'en tit pas moins dans Icsfciences-
luperieures. Bercnger futun de fes Maîtres; mais il n'en fuivit
point les erreurs. Voulant fe perfectionner dans l'intelligence des
Livres laints , il alla à Cluni , où cette forte d'étude Heuriffoic
fous l'Abbé Hugues. On dit même qu'il y prit l'Habit Mona-
ftique.
l\ préfîJe i I \. La réputation de fon fcavoir étant parvenue jufqu'aa
Aia'n?^ eft ^^"s , Hocl qui en étoit Evcque , le chargea du foin de l'Ecole
i.itArchiJia- de fon Eglife ; puis l'en fit Archidiacre en 1092 y qui étoit la
cre de ceirr trentc-cinquiéme année de l'Ape d'Hiluebert. Il lit les fondlions
jcvr. de cette cJiarge pendant cinq ans , c eit-a-dirc , julquen 1097.
Alors l'Evéque Hocl étant venu à mourir, on lui donna pour
fucceffeur Hildebert , âgé de quarante ans.
II efl fait III. Son éieclion foulTrit quelque oppoinion de la part de
1-vcquc en Goifircde , Doyen de la Cathédrale. Mais les fuPrrages du reftc
*"*''* du Clergé prévalurent , & Hildebert fut ficré le jour de Noël
de la même année 1 op-- par Raoul , Archevêque de Tours. Cela
n'empêcha pas le parti opnofé de noircir la réputation du nouvel
Evêque. On l'accula d'avoir mené une viedilfo'ue pendant qu'il
ëtovt Archidiacre ; & ccttecalomnie rit imprelTion pour un tems
fur Yve-, de Chartres ; mais dans la fuite il reconnut l'innocence
de rEvé.jue du Mans , ôc ils vccureut en uiùoa.
E V E s Q U E D U M A N s , &c. 15
I V. Hildebert , dès le commencement de fon Epirct.pat , eut ^' 'r'^ "'*
., -, ■ \ r rr ■ \ ' / j "n ■ • « i "^n pnlon pat
d autres perlecutions a lounnr du cote des Kois a Angleterre, 1,, koi d'An-
Guillaume le Roux,& Henri I. fon frère. Ces deux Princes iji'tcrre. U
prétendant que la Ville du Mans leur appartenoit, employèrent ''^^\ \^^mrl
îucceirivcment les menaces Ôc lescareilcs pour engager l'Evêque coput.
à féconder leurs prétentions. Guillaume le Roux !e voyant
ferme , le tint un an en prifon. Henri 1. le contraignit de paffec
en Angleterre pour s'y juftifier du crime de trahilon, dont ou
l'accuioit ; &. voyant que tous les mauvais traitemcns qu'il faifoit
à Hildebert , ne pouvoient vaincre fa réfiftance , il le dépouilla
de tous fes biens. Les Confuls du iMans , pour gagner les bonnes
grâces du Roi , ne ceflerent pendant trois ans de perfécuter leur
Évcque , qui prit le parti de taire le voyage de Rome pour de-
mander au Pape Pafclial II. la permiflTion d'abdiquer bEpifcopat.
Son defiein ctoit de fe retirer à Cluni & d'y vivre en Moine.
Mais le Pape n'eut aucun égard à fes remontrances. Il le renvoya
à fon Eglife, en lui ordonnant de vive voix & par écrit, de
reprendre fes fondions Epifcopales.
V. Hildebert à fon retour trouva la Ville du Mans en paix y II combat
parce que Foulques Px-echin, Comte d'Anjou , avoit contraint ^^11"'^-^^' '^^
par la force des armes le Roi d'Angleterre à repaffer la mer. Aiais MV.iri,
en partant pour Rome , l'Evêque avoit lailîé dans fon IJiocèfe
une efpece d'ennemi , qui y caufa de grands ravages pendant fon
abfence. C'étoit un Clerc nommé Henri ; de muLUi'ô réglées en
apparence, il furprit le Prélat & obtint de lui la permillion de
prêcher dans tout fon Territoire. Comme il avoit quelque tein-
ture de l'éloquence , il féduiiit non-feulement le Peuple , mais
plufieurs des premiers delà Ville, & quelques-uns du Clergé,
On le regardoit au 7vïans comme un Apôtre. Ses erreurs étoient ,
que le Baptême ne fervoit de rien aux enfans ; que les adultes
ne tiroient aucun avantage de leurs bonnes œuvres ; qu'il ne .
falloir point bâtir d'Eglife , mais renverfer celles qui fubfilloient;
que le culte ôc l'invocation des Saints étoient itiperilus; qu'on
ne devoit point chanter d'Hymnes dans l'Eglile ; qu'il falloic
fouler aux pieds les Images ôc les Reliques des Saints ■■, brifer les
Croix. H enfeignoit encore d'autres erreurs, répandues cut.'efois-
par Vigilance , &: quelques anciens Hérétiques. Hildel e;c entra
en dilpute publique avec Henri ; le convainquit ; le ch; fia de
fon Diocèfe, ôc ramena à l'unité delà foi ceux qui s'en étoienc
éloignés. Il elt mis
\ I. Ceae vi(?-oire devoit rendre plus fîable la tranquillité "°^ (""onde:
C 111
14 LE VENERABLE HILDEBERT,
qu'il avoir trouvée au retour de fon voyage de Rome. Mais la
guerre s'éunt rallumée entre Foulques Rechin , Comte d'Anjoa ,
6c Henri L Roi d'Angleterre , Hiidebert fut pris en trahifon par
Rotrou, Comte du Perche, & mis en prifon ; d'où il ne fortit
que vers l'an i ; 20 , après être rentré dans la bienveillance du
Roi d'Angleterre.
Sa con.^ii'te VII. Rendu à fon Egllfe , il la gouverna avec beaucoup de
ptncîuin fou j ^ ^^ ^^jg ^ ^g prudence , travaillant autant rrar fon exemple
que par fes difccurs , a reparer les brèches que les calamités
publiques avoient caulécs à la difcipline. Sa vie ctoit audere.
Il couchoit fur la dure, pcrtoit le cilice, fe nourrilloit fobre-
ment , veiiloit fouvent , prioit beaucoup, & faifoit de grandes
aumônes.
Il efl f:ilt V 1 1 1. Cependant Gilbert , Archevêque de Tours , étant
Archevêque ^lort en 1 1 ?. j , Ilildebert , comme premier fufFragant de cette
i^iiî."""^' INÎétropole par le privilège deTon Siège , alla à Tours pour
prendre foin de l'Eglife vacante, l'ous unanimement ,1e Clergé
& le Peuple , lechoifirent pour leur Archevêque. Louis le Gros,
Roi de I rance , approuva l'cledion ; 6c le Pape Honorius II. la
confirma, malgré l'oppofiticn dTiildebert. Il étoit alors prcfque
feptuagenaire. Mais Ion grand âge ne l'empêcha pas de s'appli-
quer alliduement à la réformation des mœurs du Clergé fie du
Peuple , des mariages inceltueux, du concubinage des Prêtres.
Il afl'embla un Concile à Nantes , vifita fa Province. Il fit l'un
ôc l'autre en i 127.
iKlçmeure IX. En(re plufieurs Lettres que funt Bernard écrivit pour
attaclié au amener tout le monde à l'obéiffance du Pape Innocent, il y en
cent! ""°' aune à Hiidebert écrite vers l'an 1 131. Ce n'efi: pas que ce
Prélat s'en fut féparé; mais faint Bernard craignoit que Gérard
d'Angoulême ne l'attirât au parti de Pierre de Léon.
Sa mort en X. Ce qu'il y a dc certain , c'eft qu'Hildcbert demeura attaché
11350U1154. j,u Pape Innocent lercfîedefes jours , c"efi-à-dire, jufqu'à l'an
1133 ou 1 I J4j auquel il mourut dans une heureufe vieillcfic
le 18 de Novembre , environ la quatre-vingtième année de fon
âge, félon les geftes des Evoques du Mans. On lui a donné le
titre de Saint à la tête de fes ouvrages dans les Biblioteques des
Pcres Ôc dans quelques Martyrologes , entr'autres, dans le Gal-
lican par Monficur du Sauffai. L'Editeur de fes Oeuvres ne lui
donne que celui de Vénérable : Titre qu'il porte aulFi dans quel-
ques manufcrits , ôc qui peut être fondé fur ce que faintBernard.
dans fa Lettre 123 àcet Archevêque, l'appelle un homme dign»
de toute vénération.
EVESQUE DU M A N S, 5cc. i;
A R T I C 1. E 1 1.
Des Ecrits d'Hddebert.
§. I.
Des Lettres d'Hildeberc,
DA N s la nouvelle édition , Dom Beaugcndre n'a eu OrJre des
aucun égard à l'ordre que ces Lettres tiennent dans les L-ttresd'Hii.
manuicrits. Jl les a diftribuées en trois claffes, où fans obferver troituvaT
le tems auquel elles ont été écrites , il donne de fuite toutes
celles qui font fur une même matière. La première claiTe contient
les Lettres morales & afcetiques ; la féconde , celles qui
traitent du Dogme ; ôc la troifiéme , les Lettres familières , ou
de pure amitié. Ces trois clafTcs forment autant de Livres.
IL Avant de commencer le premier, l'Editeur donne par Anrîiyfedu
forme d'appendice quelques Lettres recouvrées depuis l'im- premier Li-
predion des Oeuvres d'Hildcbert. Jl y en a une à Tu -(lin, ^l'^^'i'"^: '»
Archevêque d Y orc , par laquelle il 1 allure qu il n a jamais nea 1708.
fait contre lui en faveur de Pvodulphe , Archevêque de Cantor^
beri , ni à Rome , ni ailleurs ; & qu'il ne fera jamais rien contre
fes intérêts. Dans une autre adrefféc à Marbode , Evêque de
Rennes , il décide d'après faint Auguftin , qu'une femme qui
avoit confenti que fon mari étant malade demandât l'Habit
Monadique , & fît voeu de continence , ne pouvoit plus habiter
avec lui. Une troifiéme Lettre explique comment il ell vrai que
Dieu punit quelquefois un péché , jufqu'à la quatrième & ci;v
quiéme génération. Il donne pour exemple ce qui eft dit de
Caïn & de Lamech dans le Livre de la Genefe. Ces trois
Lettres font fuivies de quelques diplômes accordés par tlilde-
bert à divers Monafleres.
III. Guillaume de Cliampeaux avoit par un motif de pie.té Enil, i,
abandonné fa Chaire de philofophie , pour fe retirer dans la
Chapelle de faint 'Vidor , hors des murs de Paris'j'.ôc y avoic
commencé un Monaftere. Hildebert le félicita fur 'fàn changer
ment ce vie ; mais il l'exhorta à continue r de prêcher. Ce^-ç
Lettre fut écrite vers l'an t loo. "Vers le u ême téms il .envoya EnP,2ji
à un de fes amis, apparerrrment Evêque' oa Frétrc, un'eyen--
r^ LE VENERABLE HLLDEBERT,
tail pour chafler les mouches pendant la célébration des Saints
Myftercs. Ce petit inftrumcnt ctoit en ufage , tant en Occident
qu'en Orient, pour éloigner ces infeâes incommodes à celui
quioflroit le Sacrifice. Ilildebcrt donne à cet éventail 6c à fon
Epi/?. 5- ufage une exjilication myftique. Dans fa Lettre à Adèle , femme
d'Eftienne, Comte de Blois , il entre dans le détail des vertus
néceiïaires à un Souverain ; être porté à la clémence , punir le
crime, en fe fouvenant que celui que l'on punit eO: homme;
avoir l'empire furfoi-meme ; fcrvir le Peuple ; ne mépriler le
fang de perfonne ; ne profcrire qu'avec peine. On met cette
£}"ji- *• Lettre vers l'an iioi. Quelque tems après, cette ComtefTe
ayant perdu fon mari , nt voeu de la vie MonaRique. Hildebert
l'en congratula , 6c l'exhorta à fe procurer la perféverance dans
le bien par la pratique de l'humilité , qu'il lui fait envifagec
comme le fondement 6c la confonimation de toutes les vertus.
Epijl.f. Jllui écrivit encore vers l'an 1104. fur le même fujet.
Evilî î ^^' ■D^""''' ^"5 auparavant il feiicita Agnès , veuve d'Helic ,
Comte du Mans, ôc filje de Pierre, Duc de Polders, de ce
qu'au lieu de faire le pèlerinage de la Terre fainte , elle s'étoit
confacrée à Dieu dans un JVÎcnaftere. Il donne pour raifon de
cette préférence , que nous devenons Difciples de Jefus-Chrift
en portant fa Croix volontairement , 6c non en allant vifiter fon
bpijt.7 y?' tombeau. Il écrivit à la PrincelTe Mathilde mariée depuis peu
à Henri I. Roi d'Angleterre, de rendre grâces à Dieu de cette
alliance, ôc d'ufer des Liens du fiécle avec d'autant plus de
rnoderation qu'elle devoit en rendre compte au jufte Juge. Il faut
rapporter cette Lettre à l'an 1 1 ro. Mathilde envoya à Hildeberc
deux cliandeliers d'or bien travaillés. Le Prélat l'en remercia par
Epijl. s. une Lettre écrite l'année fuivante. Il louoitun Eccléfiaflique de
fes amis d'avoir refufé divers préfens en or 6c en argent , fans
EpiJl. 10. fe laifTer éblouir par les raifons qu'on allègue ordinairement ,
qu'un Clerc doit faire de la dépenfe , 6c avoir toujours par-dcvers
lui, de quoi donner aux pauvres. Le remcdc quilui paroifToit
le plus puiffant contre les tentations , eft la confiance en Dieu.
EpiJl. 11. 'V, Un Evêque de Chartres , que l'on croit être Yves , s'étoit
prefenté devant la porte d'un Monaftere , vraifemblablement de
Vendôme , demandant qu'on la lui ouvrît. Les Moines le refufe-
rcnt, difant qu'ils n'ctoicnrpasen état d'exercer à fon égard l'hofpi-
talité ; mais auffi parce qu'ils craignoient en recevant un Evêque
de Chartres , qui étoit leur Diocèfain , de déroger au privilège
qu'ils avoient d'être founiis immédiatement au Saint Siège. Soif
que
E V E s Q U E DU M A N S, &c. 17
que cet Evoque s'en fût plaint à Hildebert, foit qu'il i eut appris
d'ailleurs, il écrivit à ces Moines qu'ils auroient dû non -feulement
inviter ce Prélat à loger chez eux y mais vendre même les ornc-
mens de l'Eglife pour le recevoir , plutôt que de le laifTer expoft;
devant la porte aux injures de l'air. Il dit de belles chofes fur
l'hofpitaiitc , ôc propofe là-deiïus l'exemple d'Abraham Ôc de
Loth.
VI. La Lettre à Henri I. Roi d'Angleterre, efl: pour le con- E;;i,l n.
foler de la perte de fes deux iils , Guillaume & Richard, qui
embarqués l'un ôc l'autre fur un VailTeau différent de celui du
Roi , firent naufrage , le VaiiTeau s'étant allé brifer contre ua
rocher. Ce funefte accident arriva en 1 1 20 au mois de Novembre.
On ne peut donc mettre cette Lettre plutôt qu'en 1 121. Hil-
debert y fait un paralelle entre l'homme dans l'état d innocence,
ôc l'homme après le péché. Henri I. époufa en fécondes noces
l'an 1 122 la PrincefTe Adèle , qui lit demander à Hildebert par
l'Abbé de faint Vincent du Mans, d'être affociée aux filles de
cette Eglife , ôc d'entrer en communion des prières publiques de
la Cathédrale. L'Evcque le lui accorda avec plaifir , ôc l'affura £yifi^ ,^;
qu'à l'avenir elle feroit comptée parmi les filles de fon Eglife,
ôc nommée à l'Autel pendant la célébration du fliint facrilîce.
Dans la même Lettre, qui efl: de l'an 1 1 23 , Hildebert appelle
les Moines de faint Vincent, fes enfans ôc fes frères. Quoiqu'il
ne défaprouvât pas les pèlerinages aux lieux faints , il vouloit que
le motif en fût raifonnable ôc religieux. Hors cela , il étoit d'avig
qu'il valoit mieux remplir les devoirs de l'état auquel on efl:
appelle de Dieu , que de s'obliger même par vœu à ces fortes de
voyages. C'eft fur ce principe qu'il détournoit le Comte d'Angers
du pèlerinage de faint Jacques , difant qu'il feroit plus utile pour ^'■' *
lui ôc pour fes peuples , de refier avec eux pour les gouverner.
Vît. Hildebert étoit Archevêque de Tours lors de fa féconde Epi^c iS,
Lettre à la Reine Adèle. Comme elle n'avoir point d'enfans ,
il effaye de la confolcr de fa fterilité , en lui difant qu'elle pou-
voit fe procurer des enfans, en adoptant les pauvres ; qu'il efl;
plus heureux d'être féconde d'efprit que de corps ; ôc que le bien
qu'elle feroit aux pauvres , pourroit lui obtenir de Dieu des
enfans. Sur cela il lui cite les exemples de Saraôc deRcbecca ,
à qui Dieu accorda des enfans en confidcration des prières de
leurs maris, ou de leurs bonnes œuvres. Cette Lettre fut écrite
lorfque la Reine Adèle retournoit de Normandie en Angleterre,
c'çft-à-dire, vers l'an 1130. Hildebert écrivit la fuivante avant ^fi% ''^
Toms XX IL G
I? LE VENERABLE HILDEBERT,"
le Carême de Tan 1 1 3 1 , auquel le Pape Innocent IL vint en'
France ; puifqu'il promet à une Religieufe de faire voir lui-même
fon innocence au Pape dans l'audience qu'il cfperoit de lui ;
qu'elle pouvoir en confequence lui envoyer un EAprès après la
première femaine de Carême pour lui marquer la volonté ÔC
recevoir fa réponfe.
p ,7j , VII I. La Lettre à une Reclufe nommée Athalie , ed un é'oge
'■''■' ' delà virî-inité qu'Hiidebert montre être préférable au mariage
& à la vidaité , pourvu qu'elle foit accompagnée d'humilité.
Epijl. îz Celle qui eft à Guillaume, Abbé de faint Vincent du Mans,
traite de l'avantage qu'il y a de joindre la vie active , avec la
contemplative : ce qu il prouve par plufieurs paffages de l'Ecri-
ture & par l'exemple de Rachel & de Lia. On conjecture que
Fptjl. i;. ce fur cet Abbé qui confulra Hildebert fur les tentations d'im-
pureté dont un de Tes Religieux étoit fouvent attaqué , furtout
dans le tems de la prière. L'Evêque répondit que le Démon
ennemi déclaré de la virginité ôc de la prière , faifoit ce^ qu'il
pouvoit pour fliire perdre l'une & interrompre l'autre; mais qu'il
ne remportoit la victoire, que lorfque l'on confentoit à fcs fug-
gefiions ; qu'il failoit que ce Moiie refifiât à l'ennemi ; qu'il fc
levât la nuit pour prier; qu'il multipliât fes jeûnes ; qu'il mor-
tiliât fa chair par de fréquentes & fortes difcip'ines ; qu'il fe
munît du ligne de la Croix & de l'afperfion de leau bénite avec
du fel , fie qu il combattît la tentation par des larmes &c des foupirs.
£;"■'?. ;5. Hildebert met cette différence entre l'amour du monde ôc
l'amour de Dieu , que l'amour du monde eft doux dans fes
commencemens , 6c amer à la fin ; au lieu que l'amour de Dieu
commence par l'amertume, & finit par la douceur.
Analv/edu J X. Confulté vers l'an 1098 piir l'Archidiacre de Séez , dont
le nom n'elt pas marqué , s'il étoit permis à une veuve d'époufer
le frère de fcn mari , avec qui elle n'a voit pas habité de fou
£0. u vivant; il répondit que cela ne fe pouvoit , parce que le mariage
ne confificpas effentieilemcnt dans fa confommstion , mais dans
la pacliori conjugale , ainfi que le dit faint Ambroife , & que les
^?'j • »• Conciles font décidé. L'Archidiacre peu (lui, fait de cette-
réponfe vouloit paffer outre & célébrer le mariage. Hildebert
écrivit à l'Evéque de Séez de l'empêcher , pour les raifons
alléguées dans la Lettre précédente. Il y ajoute l'autorité de faint
Chryfoftôme & de faint Ifidore de Seville.
^n'- î- X. Vers le môme tems , Marbode n'étant que Chanoine &
Archidiacre d'Angers , voulut le démettre de fon Canonicat
feci n'J.ivie
/""f 77
EVESQUE DU MANS,&c. i?
en faveur de fon neveu. La chofc n'ctoit pas airée , à caufe de
roppofition de l'Evêquc ôc des Chanoines. Il eut donc recours
à Hildcbert pour lever ces difficultés. Le Prélat en parla à
l'Evcquc d'Angers , qui parut d'abord favorable ; mais il changea
enfuite de fentiment ; & les Chanoines continuèrent de
s'oppofer, parce qu'ils prenoient ombrage du grand pouvoir de
Marbode 6c de fa famille. Elle eft connue aujourd'hui à Rennes
fous le nom de Marbœuf. Hildebert confellla à Marbode de ^P^-r- ■♦•
Î)rendre une autre voye pourréullir dans fon delTein , c'eft-à-dire ,
a voye d'amitié ôc de conciliation. L'Evêque d'Angers ne dévoie
pas même écouter favorablement Hildebert dans cette aifaire ;
lui qui s'étoit oppofé à fon Ordination , en écrivant à TArche-
vêque de Tours , que l'élection de Raynaud de Marrigne ,
c'étoit le nom de l'Evêque d'Angers, étoit vicieufe dans toutes
fes parties. Il écrivit deux Lettres à Raynaud même , pour le £..iq^ ^^g,
détourner d'accepter l'Epifcopat , à raifon de la nullité de fon
cledion.
X I. Sa Lettre à Serlon , Evêque de Séez , écrite vers Tan Epifl. r.
1 05) <? , eft pour le congratuler de s'être oppofé à ceux qui avoient
violé l'immunité de T'Eglife , en tirant avec violence des per-
fonnes qui s'y étoient réfugiées. Hildebert lexhorte àtirer ven-
geance de cette infulte faite aux droits de l'Eglife , 6c à foire
remettre en liberté ceux que l'on avoit tirés viulemment du
lieu d'azile. Dans la Lettre fuivante qui eft de l'an 1100, il Epijl. I;
s'excufe auprès de Jean & Benoît , Cardinaux ôc Légats du
Pape Pafchal IL de n'avoir pas alFifté au Concile indiqué par
eux , à Poitiers , fur ce qu'il n'avoir pas eu le moyen de faire
la dépenfe de ce voyage , ayant été dépouillé de tout par le Roi
d'Angleterre 6c les Confuls du Mans. Saint Anfelme, Arche-
vêque de Cantorberi, avoit aftlfté en 1098 à celui de Bari , ôc
réfuté folidement l'erreur des Grecs touchant la proceflion du Epifl. 9;
Saint-Efprit , Hildebert le pria de lui envoyer par écrit ce qu'il
avoit dit de vive voix fur cette matière. Saint Anfelme lui Eji,/?.n&'i j,-
donna fatisfaftion ; ce qui occaiionna à Hildebert une Lettre de
remerciement.
XII. Il écrivit vers l'an 1103 à l'Archevêque de Rouen, EpiJl. m
qu'un mariage entre parens dans les dégrés prohibés ne devoir
pas fe permettre , même pour terminer une guerre entre les
deux familles , parce que, félon l'Apôtre, nous ne devons pas
faire le mal pour qu'il en arrive un bien. Il étoit d'ufage en E;"j?. ij.
quelques Monafteres ^ nommément à Cluni , de tremper l'Eu-
io LE VENERABLE HILDEBERT,
chariftie dans le précieux Sang , avant de la donner aux Com-
munians.Hiliebcrtdéfaprouve cecuuige , non-feulement comme
n'étant autorifé pir aucun Décret de l'Eglife , mais comme
contraire à l'infîitution de ce Sacrement. Qu'on life iaint
Matthieu , faint Marc & faint Luc , & l'on verra que Jefus-
Cbrifl: donna féparément le pain & le vin à fes Apôtres; que
Judas fut le fcul à nui il préfeata un morceau trempé , mais que
Gc n'écoit pas rEuchariftie . ni rien qui la défignat; que ee n't'toit
qu'un ligne par lequel il vculoit faire connoître celui qui le
trahiroit. il cite fur cela un paflage de iliint Auguilin fur le trei-
zième chapitre de faint Jean.
Epijî. 17. XIII. Hildebert écrivit de faprifon vers l'an 1 1 10 uneLettre cir-
culaire auxEvéques , aux Prêtres & à tou's les Fidèles pour les inf-
truire de la nianiere dont leComte de Rotrou l'avoit fait artêter,5c
pour quel fujeî.Ii leur déclare qu'ayant été racheté du fang dej .C.
il ne dcmantte pas dôtre racheté de fa prifon , par argent , d'au-
tant qii"il"i:i'aquereroit en ce cas fa libercé, qu'en ôtant à TEglife fa
liberté ; qu'ainii il aimoir mieux mourir efclave , ou du moins
Epljl. is. courir les rifques de fa liberté. 11 fe plaignit néanmoi'.ts à i'Evéque
de Séez , de l'avoir laiOc en pr'.fon , (ans aucune confolation , &
l'e horta à frapper d'anathôme le Comte de Rotrou. il efl remar-
qué dans la Lettre circulaire d'îiildebert , que ce Comte confus
des reproclies qu'on lui faifoit d'avoir emprifonné l'Evêque ,
avoir ordonné de le faire fortir de prifon , ôc que pour marque
de la fincerité de fa parole , il avoir coupé une partie des cheveux
de fa tcte ôt les avoir envoyés à fa mère : circonflance que M.
du Cange a relevée dansfon Didionnaire( a) pour montrer qu'il
étoit d'uf)ge chez les Anciens de fe couper volontairement quel-
ques ciievcux pour attefler la vérité de leur parole.
Epil. 1$. XIV. lin Prêtre , qui fe trouvant à l'Aurel , fans s'être muni
de pain azyme , avoit offert le ficrilîce avec du pain commun
ou fermenté , s'adrefla à MildeLeit , ou pour être abfous de fa
faute , ou pour la connoître. Ce Prélat le renvoya à Raynaud,
Evêque d'Angers , fijnchant qu'il étoft'de fon Di(jcèfe, &c qu'il
lui parpiflbit jude que la faute fut réparée où elle avoir été
commifc : car le peuple avoit été fcandalifé en voy^int ce Prêtre
offrir avec du pain levé. C'cfl fur ce fcandale , & iur la négli-
gence de ce Mmidre, qu'Hildebcrt appuyé le pkis. Du relie.
(n) //.''yiriumcapUli,
EVESQUE DU MANS,6cc. 21
il dit que ce Prêtre a plutôt péché contre la coutume , que
contrela Foi. CcfL pourquoi il prie l'Evoque d'Angers de rendre
contre lui une Sentence qui tienne plus de la bonté d'un père,
que de la févcrité d'un Ji;ge.
XV. Il y a dcuxLettresd'Hildebcrt danslefquellesilgéinit fur rpiluG-iî,
les mauvais traitemens que l'Empereur Henri V. avoir f.iit
foufî'rir au Pape Pafchal II. au Clergé &: au peuple Romai-i.
Dans une autre écrite vers la fin de l'an 1 1 1 2 , il combat un Epijl. zj.
certain Hérétique qui renouvelloit l'hérefie deVigilancc, & fou-
tenoit qu'on ne devoir pas invoquer les Saints. Il l'attaque d'au-
tant plus vivcnent , que ce Novateur publioit qu'Hildebert
penfoit comme lui fur cette matière. Je penfe ( t) & je crois ,
dit cet Evéque, que les âmes des Saints qui régnent déjà avec
Jefus-Chrift , fçavent ce que nous faifons , & qu'ils prient pour
nous lorfqu'il efl befoin. Il prouve cette do6lrine par l'autorité
de rEcri;ure & '^s Pères. Hildebert Ht revenir à l'unift,' de EpiJl. i+i
l'Eglife deux Clercs , Cyprien ôc Pierre , qui s'étoient laiffé
féduire par l'hérétique Henri ;& après s'être afluré delà fincerité
de leur converfion , il en donna avis à tous les Archevêques ÔC
Evoques par une Lettre circulaire. Il s'intérefTa auprès de Girard p^^.„
Cardinal Légat , pour la rétontie du Monadcre d'Ebron dans le '''' '
Diocèfe du Mans ; écrivit à Raynaud de IVÏartigne , Evcque
d'Angers , qu'il n'avcit pu fans injuilicc frapper d'anathcmeuii
certain Lifiard, parce que le rapt dont il l'accufoicétoit fuppofé ;
ôc que ce Liibrd ôc fon époufc , fille de Goulrede , s'étoient ^P'f^- ^5»
mariés d'un mutuel confentement ôc très-librement , ôc promit
d'envoyer à un Evcque d'Angleterre les extraits des Décrets, ^Pl^- -7.
qu'il avcit commencé de recueillir.
XVI. Il exhort:i vivement l'Evêque de Clermont vers l'an EpiJl. 19,
1 124. , de déraciner un abus qu'il avoir foufferrjufques-là ; fçavoir
que dans fon Diocèfe, les Dignités Eccléfiaftiques ôc les Cano-
nicats étoient héréditaires dans les familles. Hildebert fait voir
que cela ne fe peut faire fans un péché confiderable ; que toutes
les Dignités de l'Eglife fe conferoient autrefois par éleclion ;
que la difpofition des biens Eccléfiaftiques eft interdite aux Laïcs ;
que l'Evêque qui introduit dans l'Eglife des coutumes abufives ,
ôc celui qui les tolère , font coupables ; qu'il en eH de même
( a ) Sentie enim fentio & dico Sanflo- j oponet & fxpeifit orare pro nolis.HUdei,
rum animas jnm cu'u Chrifto re;;n.ir,ics | Itb, z, evil, ii,
fïire lii.iJ agatur à n jjis , & eardew tua»
C ii;
42 LE VENERABLE HILDEBERT,
d'un fucceffeur qui ne corrige pas le mal quefon prédécefleuf
Ej^iljoD-ji. a fait. £11 1127 Hildeberc re'forma plufieurs abui dans les
Eglifes de Bretagne, comme Métropolitain, & aîTembla à ce
fujet un Concile à Nantes. On y fit plufieurs Statuts, dont il
demanda la confirmation au Pape Honorius IL qui l'accorda
par une Lettre airerfée aux SuîFragans de la Métropole de
Tours.
Efjl. 3-. X V IL II y a neuf autres Lettres d'Hildebcrt au même Pape
Honorius. Dans la première , il intercède pour les Chanoines
defaint Martin de Tours , qui en défendant leurs privilèges,
avoient encouru la difgrace du Pape; apparemment en les fai-
fant valoir en des termes peu refpedueux. Parla féconde, il le
prie de ne pas accorder le pallium aux Evoques de Dol en Bre-
tagne , fes Suffragans, attendu que l'ufage n'en avoir jamais été
accordé qu'à Bauditj à caufe de fes qualités perfonnelles, ÔC
^11 -, non à cauie de fon Siège. Il fait dans la troifiéme des plaintes au
Pape contre ceux qui avoient mutilé un de les Chanoines , ôc
Epijl, î6, lui demande comment il doit le comporter envers eux. La qua-
trième contient auiil une plainte contre le Roi de France , dont
il avoir été maltraité, pour n'avoir pas voulu recevoir de fa main
un Doyen ôc un Archidiacre, incapables l'un ôc l'autre de ces
Epifl-i^O-p- Dignités. Il efl parlé dans la môme Lettre ôc dans la précédente
au même Pape , du Procès que Nicolas, Chanoine de Tours,
avoir avec fon Doyen nommé Raoul , frère de celui qui avoit
mutilé ce Chanoine. Raoul étoit accufé d'avoir confeillé cette
mutilation. Comme ce dilfcrend jettoit le trouble dans l'Eglife
de Tours, Hildebert fuppiie le Pape de le terminer. Ces trois
Epijl- 40. Lettres font de l'an 1128. La fixiéme efl de l'année fuivante
1 1 2p. L'Archevcque de Tours s'y excufe de n'avoir pu exécuter
la commiffion que le Pape lui avoit donnée d'examiner la cano-
nicité du mariage entre Hugues de Craon, ôc Agnès fa femme ;
foit parce que cette Dame n'avoit pas eu le tems , ni la liberté de
fc rendre au lieu ôc au jour marqué ; foit à caufe qu'il avoit été
lui-mcmc obligé de fe trouver , avant ce jour , à Reims pour
t/ifi. 41- affifler au facre de Philippe, fils aîné de Louis le Gros. Dans la
feptiéme , il f.\it de vives, mais refpcclucufcs remontrances fur
l'abus dcc. fréquentes appellations à Roms. Nous n'avons point ,
lui dit-il , appris au-deça des Alpes , ôc nous ne trouvons pas dans
les Loix Eccléfiadiques , que l'Eglife Romaine doive recevoir
toutes fortes d'appellations inditfcrcmmcnt. Si l'on établit cette
nouveauté , l'autorité des Evoques périra , Ôc la difcipline de
E V E s Q U E D U M A N S,&:c. aj
l'Eglife n'aura plus aucune vigueur. Qui fera le raviireur , qui
étant menacé d'anathéme , n'appellera pas auiTitôt ? Qui fera le
Prêtre qui ne continuera pas fa viefcandaleufeà l'abri d'un pareil
frultratoire? Les facri'cres, les pillages^ les adultères inonderont
de toutes parts , tandis qi;e les Évêques auront la bouche fermée
par des appellations fuperrlues. Je fçui , ajoutc-t-ii , & toute
rEpiif.-renfeigne, que le fecours de l'appellation eft dii à ceux
qui font bleflés par un jugement ; qui tiennent leurs Juges pour
l'ufpeds, ou quicraignentia violence d'une multitude emportée;
d'où vient qu il eft dit dans un des Décrets du Pape Corneille:
Si quelqu'un connoît que le Juge lui eft contraire , qu'il fe ferve
de la vove d'appellation , qu'on ne doit refufer à peri'onne. Cette
Epirre décretaie du 'Pape Corneille , paffoit alors pour i.'.;tcn-
tiquc. La Huitième eft une fupplique au Pape pour la coniîr- p,^.„
mation d'une aumôneannuelle accordée par Henri L Roi d'An- ''■' '
glcterre , au Monaftere de Fontevrault. Dans la neuvième il fe
plaint au Pape de ce qu'il avoit abfous ôc rétabli dans leurs
Bénélices des Clercs de l'Eglife de Tours, excommuniés, fans
lui en avoir écrit auparavant , ôc fans leur avoir ordonné de
fatisfaciion.
XVlIf. Quoiqu'Hildebert fût fouvent inquiété par le Roi -p'Jf-n^i^'
de France, & par quantité d'autres perfonries, parce qu'il fou-
renoit avec vigueur les droits de fon Eglife, il prenoit le parti
de recourir à la protection du Ciel , à l'exemple de Jofeph ôc de
David; ôc il avoit pour maxime, qu'on devoit agir envers les
Princes par vove de remontrances refpcctueufes , ôc non pardes
réprimendes on des chàtimens. C'eft pourquoi il s'adreii'a à
Girard d'AngouIcme , Légat en France , pour adoucir l'efprit
du Roi , qu'il n'avoit néanmoins aigri qu'en ufant des droits que
lui donnoit fa qualité d' Arche viêque. Cette Lettre ôc la précé-
dente font de l'an 1 1 28. Aimeric , Evêque de Clermont , avcit
interdit les fondions facrées à un Prêtre , qui attaqué par un
voleur qui en vouloir à fa vie , l'avoit lui-même tué d'un coup
de pierre. Le tems de l'interdit écoulé , il demanda à îlildebert,
s'il pouvoir rétablir ce Prêtre dans fes fondions. La réponfe de tr„;,7 ,,
1 Archevêque tut , que n étant pas permis a un Prêtre de répandre
le fang d'autrui pour conferver fa propre vie , il ne croyait pas
qu'on pût lui permettre l'adminiftration dcschofesfaintes; qu"?.u
refte , fi ce cas lui étoit arrivé , il en aurcit demandé la '^'.^''^.'^loii
au Saint Siège.
XIX. La Lettre 4.; que l'on a mife dans les Trluiioteques des E-'ff
4f.
J4 LE VENERABLE HILDEBERT,
Pères , de Paris en i j 8 9 , de Cologne en 1 5 1 8 , & de Lyon en
1 577 , au nombre de celles d'Hildebert , nefl: qu'un fragment de
Epijl. 46. la Lettre de S. Jérôme à laVierge Demetriade. Il paroît par la fui-
vante , que cet Evêque étoit rentre' entièrement dans les bonnes
grâces de Henri L Roi d'Angleterre , ôc que ce Prince s'étoit"
même employé auprès du Roi de France pourlengager à rendre
à Piildebert une Prévôté de i'Eglife de Tours , dont il setoit
emparé depuis quatre ans : cette Lettre eft de l'an 1 1 5 1 . On ne
fcait pas la date de celle qui ell adrefl'ce à Guillaume, Archi-
diacre du Mans. Hildebert lui donne avis qu'il avoit fufpendu
Ep'J^- 48. jij Diaconat un Clerc , qui l'avoit reçu par fimonie, & qu'il lui
avoit aulli défendu de fc faire promouvoir au Sacerdoce. Dans
Epifl. j«. une autre Lettre, il reproche à un Prêtre d'avoir employé la
torture à la queflion pour découvrir un vol qu'on lui avoit fait ;
fie foutient que cette forte de voye n'efl: connue que dans les
Juîlices civiles, ôc non dans les Tribunaux Ecclefialliques. La
Epi'"' n- dernière du fécond Livre eft la Préface de la compilation des
Décrets ou des Règles Ecclefiaftiques , par Hildebert. Il y iit
entrer des Extraits des Epîtres décrerales des Papes ; des actes
des Conciles , des Ouvrages des Pères ; des Ordonnances des
Princes Catholiques. Cette compilation commençoit parce qui
reoarde la foi ; puis on y traitoit des Sacremens ; enfuite de ce
qui concerne les mœurs. Hildebert commença, mais n'acheva
pas ce recueil. On croit qu'Yves de Chartres y mit la dernière
main. D'où vient que Juret dans fon édition met cette Lettre
pour la 288 d'Yves de Chartres.
XX. Les Lettres du troifiéme Livre, font, comme on l'a
jiiîTme Li- déjà remarqué , prefque toutes, d'amitié ou de recommandation ,
vre,pa^.i7o, fie ne demandent pas qu'on s'y arrête longtems. Hildebert
Euill.r. n'ayant pas de planète pour le Service de l'Autel , il prelTa la
ComtelTc de Blois de lui envoyer celle qu'elle lui avoit promile.
Il envoya à un de fes amis une copie de l'hifloire des miracles
^'•' ' ^' de l'Eglife d'Excéder , on ne fçait ce qu'elle eft devenue. LePapo
Calixte II. avoit ordonné aux Evoques de deçà les Alpes de fe
rendre en 1 1 02 au Concile que l'on devoir tenir à Rome. Hilde-
^'; ' ^' bert fe difpofa à ce voyage , mais il n'eft pas certain qu'il le Ht. Il
^K*'" yalla en \\o6ou 1107 pour demanderau même Pape d'être
ç," '-hargé del'Epifcopat. On croit qu'il afliila h même année au
E;'i.'J. 8. fg^Qj.^J Concile de Troyes , 6c que pour y aller avec plus d'ai-
fjnr-,. "il n",' ' la Comteiïedc Biois de lui permettre l'ufage de la
lancc 11 p.i^ . , ^ \ r^\
voiture quelle a, 't»it: procurce a 1 Lvcque de Chartres.
XXL II
troi
E V E s Q U E DU M A N S , drc. 2/
XXI. Il reçut de Reginold, Moine de faint Auguftin , F.pijl. ly.
riiiftoire du Moine Malck qu'il avoit écrite en vers. Un de fes
amis lui ayant demandé ce que Jefus-Chrifl: avoit écrit fur terre
lorfque les Phariiiens lui préfenterent la femme adultère, il
répondit avec faint Ambroife , qu'il avoit écrit ces paroles pro- ^^'^" ^^•
phetiques qui font dires de Jeconias dans Jéremie : Terra, J-rsm. tt.
terra , fcribe hos viros abdicatos. Dans une autre lettre qu'on con-
jedure être adrefTée à faint Anfeime de Cantorberi , Hildebert
le remercie des fandales pontificales qu'il lui avoit envoyées ; il
remarque qu'en France elles étoient ouvertes par-defTus , enforte
qu'on voyoit le pied. Il en rend cette raifon myftique que le Epijl. 31;
Prédicateur ne doit ni cacher ni découvrir à tout le monde les
myfleres de l'Evangile , & ajoute que c'ed de-là qu'ell: venue
la coutume de porter à l'Evêquc le livre de l'Evangile ouvcrc ,
au lieu qu'on le porte fermé aux autres.
X X 1 I. Il eft incertain fi les trente-deux & trente-troifiémc ^p'-J^-i^^U»
lettres font d'Hildebert. Ce font des inflructions à des Moines
qui demeuroient en quelque Cellule ou Prieuré. La trente-qua-
trième eft une fupplique au Pape Urbain II. à qui Hildebert
repréfenta en 1099 , dtins le tems qu'il étoit encore Evêquedu
Mans , que fes Prédecefleurs s'étoient clioifi leur fépuîture dans
lAbbayc de faint Vincent , de même que les Chanoines , ôc
ordonné qu'une partie du cimetière feroit deftinée aux Clercs;
<ju'à cet effet les Moines de cette Abbaye jouiroient d'une
Prébende; que contrairement à cet ctabliffcment quelques Cha-
noines avoienr porté ailleurs un de leurs Confrères , ôc l'avoient
même enterré en un lieu non confacré. Hildebert prioit donc
le Pape de maintenir les Moines dans leur droit & dans la
jouiffance d,e la Prébende qui leur avoit été adjugée.
§. II.
Des Sermons d'Hildebert.
I.T L y a tant de conformité de ftile entre les Sermons que l'on Sermons
I nous a donnés fous le nom de cetEvêque.ôc fes autresEcrits , ^^^'"'f'?"'
que 1 on ne peut reruler de 1 en reconnoitre Auteur. Un voit ^çg^
partout le même génie, le même tour de phrafe, les mêmes •
expreflions , les mêmes confonanccs. C'efl: fur cette conformité
que DomBeaugendre a reilituéà cet Ecrivain plufieursdifcours
Tome XXII. D
■a.6 LE VENERABLE HILDEBERT,
que l'on avoit trop légèrement attribués à d'autres Auteurs, Otf
qui fe trouvoientancnymes dans les manufcrits.Jufqu'en 1708
que parut la nouvelle édition des Oeuvres d'Hildebert, on
n'avoit mis au jour que trois de fes Sermons. Dom Antoine
Beaugendre en a publié cent quarante , fçavoir huit fur l'Avent ,
trois fur la naiiïance de Jefus-Chrift , un fur la Fête de la Cir-
concifion, trois fur l'Epiphanie, un furie troifiéme Dimanche
qui fuit cette Fête , un fur le Dimanche de la Septuagefime,
un fur le commencement du Carême où il traite de la Péni-
tence , un fur le premier Dimanche , neuf fur le Carême , cinq
fur le Dimanche des Rameaux, fept fur la Cène du Seigneur ,
deux fur fa Paifion, deux fur la Fête de Pâques, quatre fur les
Rogations, deux pour la Fête de l'Afcenfion, deux pour celle
de la Pentecôte, un fur la très-fainte Trinité , un pour la Fête
du Sacrement de l'Euchariftie.
Sermons fur I L Suivent les Sermons en l'honneur des Saints ; un de l'An-
Ics Saints. nonciation de la fainte Vierge , trois pour la Fête de la Purifica-
tion , trois pour celle de l'Affomption , un à la louange de
fainte Geneviève, deux fur faint Jacques ôcfaintChriftophe, un
fur faint Jean-Baptifte, trois pour la folemnité de fairft Pierre ôt
faint Paul, un pour fainte Magdelaine, un fur faint Pierre-aux-
liens, un fur l'Exaltation de la fainte Croix, un Eloge de la
Croix, trois Sermons pour la Fête de tous les Saints, un fur
faint Nicolas , un fur faint André , Apôtre ; deux fur faint Ef-
tienne, premier Martyr; deux fur faint Jean rEvangeliftc, fix
fur la Dédicace.
Sermons fur j j j^ L^g difcours fur divers fuiets font au nombre de cin-
divers iujets. , ^ . -'ri-j oi-
quante-deux ; tous relpirent une piete iolide , & 1 on y trouve
des traits trcs-intereffans pour le dogme, la morale , ôc la difci-
pline de l'Eglife. Voici les plus importans.
Doftrine ^^' Aucun des hommes nés avant la venue de Jefus-Chrift
J'Hiidebert n'a pù être fauve {a) fans la foi en ce Médiateur de Dieu 6c
j"f 'Vh°-(>*" ^^^ hommes. Sorti du fein de Dieu fon Perc de toute éternité,
c'eft-à-dire engendré de lui avec une égalité parfaite (t),il eft
venu en ce monde , non en changeant de lieu , parce qu'il
étoit dans le monde par fon immenfité , mais en fe revêtant
de la chair pourfe montrer, fans aucun changement de fa nature.
C'étoit le moyen le plus convenable ( c ) pour racheter les hom-
(a.) Sermon. 7 , pag. J9S. 1 (r) Sermon. ^ , j^ag. ij^,
(i) Seracn.t , pag. ij^6, 147. [;
Sur rincar-
nation.
T: V E S Q U E DU M A N S , Ôcc. 27
mes , ce qui étoit le motifdefon Incarnation. Le premier homme
avoir perdu tous fes defcendans , il falloit que l'homme les
délivrât de refclavage du Démon. S'il eût été vaincu par tout
autre que par un homme, la vidoire n'auroit pas été jufte,
parce qu'il y auroit eu de l'injufticc d'enlever de force au Démon
l'homme qui s'étoit adujetti volontairemefit à fon empire ; d'un
autre coté il falloit que cet homme Rédempteur fût Dieu , afin
qu'il ne fût pas lui-même fujet au péché.
V. Voilà ce que Dieu a fait de nouveau fur la terre (a) , Jefus-
Chrift eft né de la chair fandiriée d'une Vierge par l'opération
feule du Saint-Efprit. Né donc Fils de Dieu dans la vérité de
Ja nature, il eft né aulfi Fils de l'homme dans la vérité de la
nature^ enforte qu'il eft vrai Dieu & vrai homme, mais un
feul Fils ôc un feul Chrift par l'union des deux natures fans
x;onfufion ni mélange. Nous difonsque la fainte Vierge eft la
Mère, non-feulement de l'homme, mais de Dieu, parce que
-Celui que le Père a engendré de toute éternité, la fainte Vierge
l'a conçu ôc enfanté dans le tems.
VI. La nature humaine qu'il venoit racheter étoit corrom- SurTEucha
pue dans l'ame comme dans le corps. Pour guérir l'un & "'■''^•
l'autre il a livré fon ame ôc fon corps ; ôc c'cft pour les repré-
fenter que nous mettons fur l'Autel du pain ôc du vin , afin
■que par le pain fait corps ôc reçu dignement de nous , notre
corps participe en quelque manière à l'immortalité ôc à limpaf-
iîbilité de celui de jefus-Chrift , ôc que par le vin changé en
fang ôc reçu de nous, notre ame devienne conforme à celle de
Jefus-Chrift foit dans ce monde, foit dans la gloire. Il ne faut
pas toutefois s'imaginer qu'en recevant le Sang de Jefus-Chrift
flous ne recevions que fon ame ( ^ ) , ÔC fon Corps feul quand
(a) S'frmon. 55 , pag. 501.
(i) Ncc tamen iiuelliijendum eft quod
înfanguinis accepdone (oljin animam , &
non corpus, vel in acceptione coiporis ,
folummodo corpus & non animam acci-
piam\is , fed in acceptione finguinis totum
CUriftum verum Deiun & hominem , S: in
acceptione corporis (irailiter totum (umi-
mus , & quia bis feparatim corpus & lepa-
ratim fançuinem , non tamen bis , -fed
femel Chrirtuni accipimus . . . Nec
dubitare debemus quin panis per facra
verba benedidionis Sacerdotisj in verum
Dotnini Corpus immutetur , ita ut panis
fubftantia non remaneat , (c-d colorem &
(aporem panis voluit Chriûus reiiuMiere,
& lub illa fpecie verani Corporis Chnili
lubft-jntiam latere , ne (l in ea qualitate ,
in qua reverà eft , vetum bominem ani-
mas hominis fumera abiiorreret
Débet autem necelFario creJerc Cliriftia-
nus manibus Sacerdotis cujuslibet ,tantuta
modo Sacerdotii ordinem habentis, Itve
mali , (ive boni oequaliter per verba po-
teftativa benedidionis Corpus Domini
pollê conl'ecrari , & tunc Spiritum Sanc-
tum in confecratione illa adeile. Hildeb».
Sirm, 38, pag . 411, 4M.
23 LE VENERABLE HILDEBERT;
nous recevons fon Corps. Nous recevons J. C. tout entier , vrar
Dieu ôc vrai homme, foit en ne recevant que fon Sang , foit en ne-
recevant que fon Corps; & quoique nous recevions féparémentlc
Sang ôc le Corps , nous ne recevons pas pour cela deux fois J. C
mais une feule fois. L'ufige de recevoir féparement le CorpS'
& le Sang s'eft introduit dans l'Eglife à l'exemple de Jefus-
Chrift qui dans la dernière Cène donna féparement fon Corps
& fon Sang à fes Difciples. L'eau que l'on mêle avec le vin dans
le Sacrement eft pour repréfenter l'eau qui coula avec le fang du
côtéde Jefus-Chril!:. Au reftenous ne devons pas douter que le
pain ne foit changé au vrai Corps du Seigneur par les facrées
paroles de la bénédidion du Prêtre , enforte que la fubflance du
pain ne demeure plus. Jefus-Chrili: a voulu que la couleur ôcla
faveur du pain demeuralfent , ôc cacher fous cette efpece la vraie
fubftance de fon Corps, de peur qu'en fe prJfentant à nous fous
la qualité d homme , nous n'ayons horreur de manger fa chair.
Hildebert pour marquer le changement du pain ôc du vin au
Corps ôc au Sang du Seigneur, fe fert du terme de tranfub-
ftantiation {a), ôc c'efl le premier qui lait employé ; les autres
Ihéologiens comme Pierre de Celle , Efticnne d'Autun s'en
font fervi depuis. Il exige de tous les Chrétiens qu'ils croyent
indubitablement que ie Corps de Jefus-Chrift peut être confacré
par tous les Prêtres , foit bons , foit mauvais , en prononc^ant les
paroles de la confécration qu'il appelle potentielles , ôc que le
Saint-Efprit eft préfent en cette confécration.
Surla Prc- VII. Hildebert dit , en parlant de la prédeftination (b), que
UgracT" *^ le Fils de Dieu qui a préparé de toute éternité ce qui étoit né-,
cefiaire pour létablilTement de l'figlife, a prévenu auffi par une
difpofition ôc une éledion éternelle , le nombre ôc le mérite des
Elus, alinquece qu il avoit arrêté avant les fiécles fe fit dans le
tems, en la manière qu'il l'avoit arrêté. S'adrellant à l'homme
déchu de fon premier état par le péché originel , il lui dit: Vous
qui créé dans le bien ( c ) ôc placé dans un lieu de félicité , avez
vieilli dans la mifere , ôc le péché étant fait membre du vieil
homme, réparé enfuite ôc reconcilié par la grâce du nouvel
homme, vous tombez tous les jours fd), Ôc toutefois la grâce
Tcrbura tranlutftanti/tionis, & os meum
plénum el{ contradictione f( aniaritudine
ii. do'O , cjuîinivi.' cum honorem labiis ,
taracn fpuo in faciemSalyatoris. Id, ^erm
( C > S-rm . n I , /> i^f. 7 ■' i .
(d) Qiiorii'ie tadis , i ec fie camei
gratia nuxiliuuix t: dcferir. liid.
E V E s Q U E DU I\î A N S , &c. a^
fecourable ne vous abandonne pas. Il enfeigne en un autre
endroit (a) que la grâce de Dieu eft trcs-ofticieufe envers les
hommes , 6c comme engage'e par ferment à les fecourir {b) •■, que
fi la créature n'cft pas julle , c'elt fa faute , ôc non celle de Dieu ;
qu'il veut que tous les hommes foient bons , ôc que pour ôter
toute excufe il leur prépare fa grâce qui les foutient , qu'il dif-
tribue des moyens pour les aider, qu'il oiTrc des récompenl'es
pour les exciter , qu'il menace pour les intimider. Cette doctrine
fuppofe de la part d'Hildebert celle de la transfulion du péché
originel qu'il établit en eftet d'une manière très-exprelfe en
plulieurs de fes difcours (c).
V 1 1 1. Il femble fe déclarer pour la Conception immaculée SurlaConJ
de la fainte Vierge, en diiant {d) que Vierge fans tache & macu°ld5. *'^"'
exempte de tout péché , elle a mis au monde le Saint des Saints;
qu "elle n'a point connu le péclié ni fenti en elle le foyer de la
ccncupifcence , parce qu'il étoit éteint. Ailleurs , il dit feulement
que lorfque le Saint-Elprit defcendit fur elle (e) il la trouva
purifié du péché d'autrui, ôc exempte de péchés propres. Il
s'explique plus nettement fur fon AlTomption dans le Ciel erï
corps ôc en ame (/) , ôc il appuie fon fentimcnt fur l'oraifôa que
l'Eglife chantoit alors à l'Othce de ce jour, différente de celle
que nous chantons aujourd'hui.
. I X. Il exhorte les Séculiers même à s'abftenir des viandes -^^^f T'^''?""
dans le tems deTAvent (g). Pour ce qui eft des jours des Roga- cjpii ^ ^ '
tions , le jeûne ôc l'abftinence en étoient indifpcnfables (h) ; on
palToit audi ces jours en prières, ôc les Fidèles confeffoient leurs
péchés. Hildebert diftingue entre les péchés véniels ôc les mor-
tels , entre les péchés lecrets (i) ôc les péchés publics; tous
étoient matière de confeffion ; mais nous devons , dit-il , con-
fefler les grands péchés ou les crimes à ceux qui ont reçu les clefs
du Ciel, ce font les Evêqucs ou les Prélats , ôc les Dotleurs de
la fainte Eglife. On n'eft difpenfé de fe faire abfoudre ( k) par le-'
Une.
( a ) Lib t , f'iij;, i 6 , p.i;:. < ^ .
.( b ) OrticioS.linia eft honiin.bus Fjit'n
Dei&ventin eorum iuratu obieuuium.
Ibid.
( f ) Serm. 15, Jit , JXi ,p.tg. 116 ,
133 > 781.
(d) S'rm. 61, pag. 557, &- Serm.
69 , y :7g. jSo.
(e) Serm. loi , pag. 731.
(/; Sfrm. jj , pag. iij.
( A ) S;rm. 4^ , pag. 463.
• ( -«-^ ëtl:confelîio-v<^iaimni",'Sreftcon-'*
fell'io mortaliuTi , funt peccata occulta j,
fuiit S: manifeftj^ majora peccaw feu dé-
livra illis confitcri liebcmua qui daves ac«
cepî^ruiit; h. lune Prelaii atque Doàores
tlc'.l^l'x. Hiu'.eb. S'.rm. 45 , p.nr, 4^ g.
( ^ } Pœniien» j iiifi nece:i.ta:c niordî
co;atur. loUenJus ell à AliniiiroEccleir
i\s. Id, &rm. 25 tP-g. )''ty.
t) ii|
3© LE VENERABLE HILDEBERT,
Prêtre que dans le cas de nécelïïté , c'eft-à-dire lorfqu'il ne fc
trouve point de Miniftre de l'Egliie. L on devoit fe confelTec
avant de commencer le jeûne du Carême (a ) , parce que ceft
renverfer Tordre, de punir les péchés avant de les confelTer. Les
Pénitens étoient exilés de leurs propres maifons {b) pendant le
tems de leur pénitence. On les couvroit d'un cilice (c), oa
iettoit fur eux de la cendre ; il leur étoit défendu de fe rafer la
barbe ôc de fe faire couper les cheveux , on les chalîoit de l'E-
glife ; pour l'ordinaire ils étoient reconciliés le jour du Jcudy-
Saint , atin qu'ils pufl'ent recevoir le Corps de Jefus-Chrift à
Pâques avec les autres Fidèles ; ôc quelquefois on leur accor-
doit en ce jour ( ^ ) la grâce de la reconciliation quoiqu'ils n'euf-
fent pas achevé leur pénitence. Les jours de jeûne (e) on ne
mangeoit que le foir. Le Dimanche des Rameaux (/) on lavoic
la tête aux enfans j afin qu'elle fût nette le Samedy-Saint lorfqu on
leur feroit les Onctions faintes.
X. La Fête de tous les Saints étoit fuivie de la Commémorai-
fon des Fidèles trépafles ; on jeûnoit ce jour-là & on faifoit
«es points de J'o^]^I.es bonnes œuvres {g) pour procurer aux âmes détenues
dans le Purgatoire, ou leur délivrance, ou l'adouciiTement à
leurs peines. En confideration des fatigues que fouffroient les
Fidèles qui venoient de tous cotés pour alliller à la Dédicace
des Eglifes , les Saints Percs avoient ordonné qu'on leur accor-
deroit en ces folemnités {h) des indulgences. A la Procellîoqi
du Dimanche des Rameaux on portoit des fleurs & des palmes
quel'on benllFoit enfemble ( J )• A celle du jour de la Purification
on portoit des cierges {h) , fuivant le Décret des Pères. Hilde-
bcrt dit que de fon tems l'on avoit coutume dans l'Eglife de
prier lu fainte Vierge avec plus d'afiedion que les autres Saints,
& que lorfque Ton prononçoit fon nom ( / ) on fléchifibit les
genoux. Lorfque le Pape ordonnoit un Prêtre (;72), celui-ci tenant
un cierge en (es deux mains TotFroit au Pontife qui Tordonnoit.
L'habit ordinaire des Clercs («) étoit une tunique qui defcen^
Sur le Pur-
gatoitc Si ai;
(a) Serm. iS , pag. 301.
( è) Ibid. jiag. 19S.
(c) Serm. 34, pag. 393.
( rf) Uiii. Strm. 34 , pag. 594,.
( e ) Serin. 13 , pag. 317.
(/) Serm, 33 , pag. ;K7.
( f ) iMeiiioria nioriuorum a^itiir ut lii
çui in Purgatorio p.itiuntur , plenam con-
fequantHrabrohitionem , vel pxiue mitiga-.
tionem. Serm. 8y , pjg. «50,
( h) Serm. 87, ^fli,'-. 6f8,
(/■) Serm. a, pag. 386,
( k )S,'rm. S7 ,pig. f 17.
( / ) Srrm. 58 , pa^r. jiS.
( /n ) Serm. 90 , pag, 5 7 7,
(/i) Uni.
EVESQUE BU MANS, &c. 5ï
d'où jufqu'aqx talons. Dans le Sermon quatre-vingt-dixidme oii
Hildebert fait cette remarque, il cite un traité delà virginité,
& il en fait aulTi mention dans la lettre quarante-cinquième du
fécond livre ; cet Opufcule n'a pas encore été rendu public.
X I. Le célibat 6c la continence font indifpenfables aux Minif- ^,"'' [' <^*'.'^'"''
très facres (a) ,.&c 1 on ne doit ordonner aucun rretre qui ne desPrcirc»,
s'y engage." Celui qui entre dans les Dignités de l'Eglife par la
main des Laïcs , dit Hiidcbert (6) , n'y entre pas par la porte;
ce n'eftpas aux Laïcs que l'on a confié la difpenfation des chofes
fpirituelles , ceft aux Vicaires du Seigneur, c'efl-à-dire à ceux
qui tiennent la place des Apôtres. Etre avare (c) , c'eO être
indigne du nom de Prêtre. Ceux-là font fimoniaques qui vendent
les Sacremens, qui tirent de l'argent pour les Meires,le Baptême^
les confelïions , la Prédication , la fépulture.
§. 1 1 L
Des Opufcules d'Hildeberr,
LT7 N T R E les Opufcules d'Hildebert , le premier dans la n Y'^ '^'j^^**'
W Â nouvelle édition de fes Oeuvres efl: la vie de fainte Rade- njg. gss. *
gonde , Reine de France. Dom Mabillon à qui on l'avoit envoyée
deRomesetoit propofé de la mettre au jour; mais occupé de
divers autres projets il s'ell; contenté d'en publier le prologue
parmi fes Analedes , laiiTant à Dom Bcaugendre de publier la
vie entière qui n'avoit pas été jufques-là mifefousla preffc. Le
manufcrit d'où elle a été tirée repréfente Hildebert aux pieds
de cette Sainte , à qui il ofl're un livre pour figniiier apparemment
celui de fa vie. L'Editeur rapporte à la fin une autre préface tirée
d'un manufcrit de Poitiers, ôc différente de celle que Dom
Mabillon avoit dans fon manufcrit ; mais il efl à remarquer qu'il
y a eu d'autres vies de fainte Radegonde 6c des recueils de fes-
miracles d'où cette préface peut avoir été tirée.
I L Le fécond Opufcule d'Hildebert efl la vie de faintHugucs , Vie âe S,-
Abbé de Cluni, fous lequel il avoit vécu dans ce Monaftere ^.^0";''^''^'^
ôc étudié les divines Ecritures; il la compofa à la prière de s,op,
Pons , SuccefTeur de feint Hugues. En un endroit ( d) Hildebert
(fi ) 6erm, pi , pa^, 681.. | (dj Num,- 17,-
5ï LE VENERABLE HILDEBERT;
appelle Hoël, Evêque du Mans, ion Prédeceffeur, d oii il fuît
qu'il étolc Evèque du Mans lorfqu il écrivit cette vie. On la
trouve dans i)urius au ap d'Avril, ôc dans la Biblioteque de
Cluni , par Dom Martin Marrier , avec les notes d André du
Chefne. h efl: parlé de cette vie dans la Chronique de. Cluni
compoice par Doni François de Rive qui ap.peile Hildeberc
Dilcipie 6c Moine de lliint Hugues, ceit-à-dire de Cluni dont
ce Saint étoit Abbé.
De la piaîn e I IL Le Livre intitulé , de la plainte & du combat de la chair
& du .omi^t gj- de 1 aiiiie^ qui f'iit le troiliéme Opufcule diiildebert, fuÉ
à^yame. imprimé: pour iapremieie fois en i6^^ dans le fupplément du
P';reHorn,m«y , lur un-manuicrit de la Biblioteque du floi. Dom
Beaugendre l'a revu lur plulieurs autres manuicrits dont il a
donné les variantes:. Ce traité a tant de conformité Je ftile , de
gcnie, d'exprellions avec les Lettres , les Sermons ôc les autres
écrits d'Kildebert qu'on ne,peuti"y méconnoitre. Quelques-uns
l'ont mis entre les Ouvrages douteux de Hugues Dufoliet , qu'ils
font Moine de Corbie vers l'an i i^o ; mais ce Hugues ne fut
jamais Moine de ce Monaflere, il étoit Chanoine Régulier, ôc
fuivoit la rcgle, non defaint Benoit, mais de faint Auguftin,
D'ailleurs le recueil manufcrit de fes Ouvrages, qui efl de i\x
cens ans au moins , n'en préfente aucun dont le titre ait rapport
à celui de plainte ôc de combat de la chair 6c de Tame. Il y a
appar-ence quHildebert compofa ce traité après la devaftatioa
de l'Eglife du Mans , de la maifon ôc des biens de l'Evêché ,
par les Confuls , fauteurs des defTeins ôc des entreprifes de
Guillaume le Roux, Roi d'Angleterte , 6c dans laprifonoùcc
Prince l'avoit fait mettre. C'eil: pourquoi , à l'imitation des Li-
vres de la Confolation philofophique de Boëce , il l'écrivit
P*S' PJ'" partie en profe, partie en vers. Il dit en un endroit que les
Ouvrages de faint Auguflin lui étoient familiers , c'eft ce que
Ton remarque furtout dans fon traité théologique où il les ciic
fréquemment.
Traité de IV. Il y a plus quc des raifons de fcile pour attribuer à Hil-
rhonntte & debert le traité intitulé , de l'honnête ôc de l'utile. Dom Beau-
fif' gendre 1 a trouvé dans deux manuicrits d environ lix cens ans a
la fuite des Epitres de cet Evoque , ôc écrit de la même main ;
on conjecture que c'efl: le même dont Hildebcrt fait mention
dans la Lettre douzième du premier Livre , adrelfée à
Henri I. Roi d'Angleterre , pour le confoler de la perte de fes
deux hls fubmergés dans la mer ; 6c dans la troifiéme du même
Livre
E V E s Q U E DU M A N S , &c. 5î
Livre écrite à Adèle , femme d'Efticnne de Blois , Comte Pala-
tin, pour l'exhorter à ufer de clémence envers fes Sujets dont
le gouvernement lui étoit dévolu pendant l'abfence de fon
mari. Dans ce Traité, Hildebert tait ufage furtout du Livre de
Seneque fur la clémence , mais il emprunte aufTi plufieurs ma-
ximes des Poètes prophanes, ce qui donne lieu de croire qu'il le
compofa étant jeune ôc dans le tems qu'il s'appliquoit à l'étude
des Belles-Lettres.
V. Un très-ancien manufcrit de la Biblioteque de Monfieur qu^tre^^ert!!
Colbert, met parmi les Ouvrages d'Hildebcrt un Livre qui a deiaviehon-
Eour titre: des quatre vertus de la vie honnête; la prudence, ncte^a£;.j»>»«.
i force , la tempérance , la juftice. Ce n'eft qu'un précis des
maximes & des préceptes du Traité de l'honnête ôc de l'utile
qu'Hildebert avoit fait, ou pour fon propre ufage, ou pour
rinftruction des jeunes Etudians ; car on leur donnoit à lire les
Lettres de ce Prélat pour en imiter l'éloquence & la politefle ,
& apparemment encore fes autres écrits , je parle de ceux qui
pouvoient être à la portée des Ecoliers Ôc propres à leur former
un ftile. Pierre de Blois (a) nous affure qu'étant jeune 6c dans
les études on l'obligeoit d'apprendre par cœur les Lettres d'Hil-
debcrt, ôc Orderic Vital (6) dit que l'on envoyoit aulfi fes vers
dans les Ecoles de France ôc d'Italie, qu'on yen admiroit la
beauté. Nous faifons ici cette remarque , parce que le Livre des
quatre vertus de la vie honnête eft en vers élegiaques.
VL Le principal des Opufcules d'Hildcbert eft un Traité de Traité'n»éi»*
Théologie qui a fervi de modèle aux Théologiens Scholaftiques ,^','0"*' ^''^*
qui font venus après lui , ils en ont fuivi non-feulement la mé-
thode , ils y ont encore puifé divers argumens , quoiqu'ils les
ayent fouvent rendus en difFerens termes. Hildebert prouve or-
dinairement ce qu'il avance par les témoignages de l'Ecriture 6c
des Pères j furtout de faint Auguftin , mais il y emploie auffi des
argumens tirés des lumières de la raifon. Dom Beaugendre attri-
bue ce Traité à Hildebert fur ce que dans un ancien manufcrit
du Monaftere de la Lyre , il fe trouve au milieu des Ouvrages
de cetEvêque, quoiqu'il paroifle quelque variété dans l'infcrip-
tion , ôc fur ce qu'en conférant la do£lrinc établie dans cet Ou-
vrage avec celle des Sermons de cet Auteur, elle eft la même ,
& fouvent en mêmes termes.
.(#) Petrus Blefenf. epijl. lo». | (6) Orieric Vital, llb. lo , hipr.pag.
Tome XXIL Ë
54 LE VjEKFERABLE HILDEBERT^
Ana'yfe de .VU. Il cft divifé cti quarante-un chapitres, précédés d'un
ce Traité. pçtix pcologue.'Hildebprt traite d'abord de la foi , dont il donne
^^F' '• ciç^fc d(îjmicions ; la prenilere, delApotre ; la féconde en cette
raaxîiere :'La foi eil une certitude volontaire des chofes qui ne
tombent pas fous nos yeux, qui eft au-delTus de Topinion , mais
aAi-deffous dela'fcience. Il dit qu'elle eft au-deffus de l'opinion,
parce que croire eil plus, qu'opiner j qu'elle eft au-d.e(lous de
la fcience , parce que nous ne croyons qu'aiin que nous fçachions,
un jour.- Dieu s'eft: tellement fait comioître dès lecommence-
C.12. 1. ment , que comme on n'a pu l'ignorer entièrement , en n'a pi^
auffi le comprendrei C'eft par la Loi écrite que la çojinoiirancô
de la foi a pris des accroiffemens ; dès-lors le Meftie fut promis,!
mais on ne connoifloit pas la manière dont il viendroit. L In-
carnation n'étoit connue avant la Loi & après la Loi que de peu
de perfonnesà qui Dieu l'avoitrevelée & qui étolcnt comme les
colonnes de l'Egiife. C'étoit néanpoins la foi au Médiateur qui
fauvoitles Juftes, les petits avec les grands ^ c'eft à-dire ceu^ç
quiéeoient fcavans avec ceux qui vivoient dans la firapHcité ; en--
forte que la foi,des uns fuppléoit en quelque manière pour le?
fimples qui né connoilToient pas ce Myftere, comme aujour-
d'hui beaucoup de Fidèles fimples qui ne connoilTent pas dif-
tinctement Je Myftere de la Trinité ,. le crpyent cependant ,
parce qu'ils font; liés de çptt^i3Lunioa-&; de (oi avec ceux dont la
foieft plus éclairée.,;- -,:., ^,, f.-, . " -. ,,■
y^n , ;. , vu I. Hildebért traite enfuite de l'unité ôc de l'exiftence de
«-, 7 , 8. Dieu , de la Trinité , de la diftinclion & des propriétés des per-
fonnes, de leur égalité. Surquoiil allègue le fymbole attribué
Q,„ à faint Atlian,are.. Il pa(Tedc-là à la préfcience & à la prédefti-
nation ,ôc dit qu'il y a entre l'uiie &: l'autre cette différence, que
la préfcience regarde également les Elus ôc les Réprouvés , ôc
que la prédeftination n'a pour objet que ceux qui doivent être
Cap. lo. fauves. 11 dit de la volonté de Dieu qu'elle eft la caufe de toutes
chofes , ôc immuable , que Dieu nous la fait cor.noitre en quatre
manières, par fes commandemens , par fes défenfes , par fes
Cap. n. oeuvres, par fes permiiiioi\s;dcla toute-puilfancede i3ieu,qu'en7
core qu'il puiffe tout , il ne fait que ce qui convient à fa vérité
Op. i:. ôc à fa juftice ; fur l'Incarnation , qu'il était convenable que la fé-
conde perionne de la Trinité s'incarnât, i.fin que le Fils de Dieq.
le fùtaufti de Ihomme ; & que comme c'eft par fafageftfe que
Dieu a créé le monde , il le rachetât par la môme liigeife ; que
le Verbe en fe faifant chair.'a'aipris qiiè la nature de l'homme ,
■ÉVESQUE DU MANS, 6cc; ^f
Se non la perfonne; queTame humaine unie au Verbe fçavoit ^?- '^'
tout par grâce , au lieu que le Verbe fçait tout par nature ; qu'il C;;. 14, ry,
y a en Jefus-Chrifl deux natures & deux volontés , la divine ôd '^•
l'humaine; que depuis que le Fils de Dieu s'ell fait, homme
il e(l toujours demeuré homme-Dieu & Dieu-homme, enforre
qu'il n"a pu pêcher.
I X. Sur les Anges, Hildebert enfeigne qu'ils ont été créés ^P- '7'''»
en môme-tems que l'homme , & mis dans le Ciel Empirce ;
que Dieu dans la création les a faits fpirituels, immortels, in-
tclligens, qu'il ne les a pas créés heureux', mais pour le devenir^
avec le fecours de la grâce qu'ils avoient reçue dans leur créa-
tion ; qu'il n'y a point eu d'intervale entre leur création & leut
chute; que Lucifer étoit le plus excellent de tous; que le5 C.p. 10, ir.
Démons ne font ni dans le Ciel, qui efl; le féjour des bons An.nes ,
ni fur la terre , de peur qu'ils riô faiTeiit trop de peine aux hom-
mes ; qu'ils font leur demeure dans un air ténébreux qui leur
fert de prifon jufqu'au'jour du Jugement oiVils feront précipités
dans les Enfers. Il parle des divers ordres d'Anges 6c de leur dp.zt.
miiFion vers les hommes, & dit, d'après faint Grégoire, que
chacun a deux Anges, un bon pour le garder , & un mauvais pour
le tenter.
X. Venant à l'ouvrage des fix jours, il l'explique en peu de C'.'"'. 17, i*.
mots. Puis il parle de la création de l'homme, delà formcition ^^ ' ^ ' ^'''
de la femme; de l'état de l'homme avant le péché ; de fon péché
qu'il fait confifter dans un mouvement d'orgueil; il pouvcit
réprimer ce mouvement & réfifter au Tentateur par le fecourà "'*
de la grâce qu'il avoir reçue dans la création ; par ce péché leà 50.
forces de fon libre arbitre font diminuées , de façon qu'après
même la rédemption du genre humain il a befoin pour faire
le bien d'une grâce intérieure opérante qui le délivre , excitante
& coopérante, au lieu qu'avant le péché il ne lui fiiloit qu'une
grâce coopérante , parce qu'alors il n'avoir pas befoin de Libé-
rateur, mais feulement de Cooperateur.il faut fçavoir, 'dit ce
Prélat, que le libre arbitre ne s'appelle pas ainfi parce qu'il eft
porté également à l'un ôc à l'autre , c'eft-à-dire au bien & au
mal (û), chacun peut bien tomber de lui-même, niais il ne
(a) Prxtcrpa (ciencium eft qucd non
îdeo dicitur liberum arfeitritim quod xciua-
litfr le Ii.ibcat ad utrumqiie , l'cilicet ad ho-
num & nd mulum , cutn pcr fe quilque
ponît catlere , fed per fo non poteft
(uigere , nifi juvetur à gratia Dei. Hild,
Traéldt.Theolo^xap. ^o.
Eij
5^ LE VENERABLE HILDEBERT,'
peut fe relever s'il n'eft aidé de la grâce de Dieu ; le libre arbitre
eft fuififant de lui-même pour le mal , mais il ne fuffit pas de lui-
mcme pour le bien.
Cjp. ji,3i, XL Kildehert traite après cela des pe'che's , de l'originel &
îî- dePaduei ;le preniiereft ainfi appelle^ parce que nous le con-
tractons dès notre origine , c'e!l-a-dire , de nos parens , qui nous
le tran 'mettent par la concupifcence. C'eil par cette voye que
Cjy. 34 trff]. le péché d'Adam eu pafié à tous fes defcendans. Le péché actuel
cft celui que l'on commet par foi-a\cme. Qn, diiîingue fept
péchés capitaux, quilbnt lafource de tous les autres ; ôc on leur
oppofe fept vertus, qui produifent en nous les fept Dons du
Saint-Efprit.
Op. 4». XI L Pour remédier aux maux que caufent les péchés originel
& aduels , Jefus-Clirift a établi les Sacremens. Ce font des fignes
vifibles des grâces invifibles qu'ils produifcnt. Par exemple,
dans le Baptême, l'ablution extérieure qui fe fait par l'eau , eft
le figne de l'ablution intérieure du péché, foit originel , foit
a£luel. L'ablution extérieure te failbit encore fur tout le corps
du tems d'Hildebert ; ce qui montre que le Baptême fe donnoit
par immerfion. Cet Auteur n'encre pas dans le détail des Sacre-
nicns, ôc h'nit fon Traité par quelques réflexions fur l'ancien &
le nouveau Teftament. Mais il n'en eft venu qu'une partie
jufqu'^à nous. Les autres manquoicnt dans le n-sanufcrit fur lequel
ce Traité a été publié. Il eft écrit avec beaucoup de méthode ,
de netteté & de précinon. Hildebert commence ordinairement
par rapporter les diFLn'cns léntimcns des Auteurs fur une
queftion ; puis il donne le iTen & l'appuyé de raifons ôc d'auto-
rités. Enfuite il propofe les objections ôc les réfout.
Traité fL-ile XTIL Lc Traité du Sacrement de l'Autel que l'on donne
VA^tcr"^ '^* ^^ l^ublic pour la première fois , s'eft trouvé joint à celui de
l'honnôte ôc de l'utile dans le manufcrit de Monfieur Colbert,
La Doctrine de 1 Eglifc fur la préfence réelle y eft Ci clairement
établie , que l'on ne peut douter de la catholicité d'Hildebert
fur ce point , ni de fon éloignement des erreurs de Berenger
fon Maitre.
Anaiyfe ^e XIV. Cet Evôquc convient que de tous les myfteres que la
«e Traite, p^j pQ^g enfcignc , ôc de tous les elfets de la puiftance de Dieu ♦
P-S- II03. ., , • - I T I ' • 1
il n V en a point ou la railon humaine pénètre moins que dans ce
qui fe palL à légnrd delEuclurillic ; mais-il en établit la réalité ,
en difant que le Corps de Jefus-Chri'l eft en mcme-tems dans
le Ciel ôc fut nos Autels , en quclq^ue nombre ôc en quelque
EVE s QUE DU M A N S, &c: 37
îicu qu'ils foient ; qu'il eft fur chaque Autel , non par parties , mais
tout entier ; non en iigure , mais réellement ; non dans une forme
fenfible , mais infcnfible ; qu'encore que l'Hodie Ibit divifce en
plufieurs parties, le Corps de Jefus-Chrift ell: entier (a) fous
chacune de ces parties , enforte que tous les Communians le
reçoivent entier ôc fans divifion ; que quoique la fublbnce du
pain ôc du vm foit chiingée au Corps 6c au Sang de Jcfus-Chriîl ,
les accidens du pain ôc du vin ( b ) demeurent fans être changés ,
ôc fans fubftance , ou fans fujet : tout cela eft inconnu à la raifbn;
mais ce qu'elle ignore , la Foi le connoît. Elle connoît par la
grâce ce que la raifon ne peut f(^avoir par Texperiencc.
XV, C'eft encore fur l'autorité d'un manufcrit de la Blblio- Fxpofîtion
tequede M. Colbert que Ton attribue à Hildebert une expofition '''-' '" ■'^'«'^«y
ou Commentaire moral fur la Méfie ; on y remarque auffi fou
génie pour les allégories ; ôc une grande conformité de fentiniens
avec fes pocnies furl'Euchariftie , dont le principal cfl imprimé
fous fon nom dans toutes les éditions. Le commencement de ce
Commentaire avoit déjà été publié par IVlelchior Hittcrpiusà
Cologne en 1 <^6S. Hildebett donne en premier lieu une explica-
tion morale de tous les habits Sacerdotaux. Enfuite il explique
dans le môme goût toutes les parties de la MelTe , dont il donne
aufii quelquefois une explication littérale. On faifoit alors dans
le Canon mémoire du Saint ou des Saints au jour de leurs FêteS'.
Nous ne le faifons plus. Il s'explique fur la préfcnce réelle,
avec autant d'énergie (c), que dans le Traité précèdent, eia
ajoutant, que le Corps de Jcfus-Chrift ccnfacré par le Prêtre,
eft le même Corps qui eft né de i?. Vierge. A foccafion de la
(a) Sacra'îi.-ntoper partes divifo , non
tarnen Corpus in pr.iifcs Icin-.iiiurj ut &
jplum iJiviliiTi& per partes lurnatur , fed ( f ) Xam lîtut caro Chrifti quam ::f-
fub pr.r£il>us divilis & in par:ibi;s lîn^tilis
à fina^ulii pe rcipicnt?bus iûQxm pîrcipitur
tO!um rtqae imiivifum. Hid. de Eu'ch.i-
rijfr.i , pag. 1 1 o?.
(b ) îs'uinqi.id ei ( rationi humsni )
capabik elî , qualiter rubflarttia panis &
Tiiii in fubftn-ntir.tn Corporiî ?c Siinwuinis *• Chrifti , nec fu nt dao corfor.i i'Ia
fiJei. Rntvo Itîc totum ignorât, fed fides
pr^rumit quod r.^fio non capit. lb:d.
fumpf.t in utero vir;jinali , vcrum Ccr-
pLs ejus éft. , S: pro nolira faUite occifum ;
ita panis q'iicm ("hii.lu!. tr.ldidit DifcipuiTs
(liis & qiiem quMidif Ci^nlvC r.int Spccr-
dotc's in Fcclelî;'. , cuin virtute Divinitr.tis
qua: illum replet , venim Corpus eft
Domini converfd , non tamfR converla
funt paritcr , ied manenr immutnt.i , line
panis ic fine iri.ii l\ibftanria , tam panis ut Jum liic frangitur &comeJitur, Chriftuî
quam vini acciùi.n;ia/ (^uoniodo acciden
tia fin» fuLjeclo , yel lii-c a^cidentia in
quo nan fi»t line (iibjcv'^o ! Viainiftiseft
i£iiot4 raiigui , fej non pcjiitùs ignota. ,
quam aJTumpfit & iflep:^nisj fed un.iiiï
& vtrum Corpus fiint Clirifti, in faiit?i:ii
immoletur & comcdatur, & tamen inteî;er
& vivus permaneàt, HiM. expaf, MiJJie^
£ iij
58 LE VENERABLE HILDEBERT,
bénédi£lion qui fe donne à la fin de la MefTe , il remarque qu'il
étoit dufage dans un entretien avec un ferviteur de Dieu , de
prendre fa bénédidion lorrqu'on fe féparoit de lui : coutume
obferve'e parmi les Moines à légard de leur Supérieur , lorfquils
fartent du rJonaftere , ou qu'ils y retournent. Quoique les
de fon PaHeur.
§. IV.
Des Pûcmes d'Hildebert.
Traité de la L X E poëmc d'Hildebert fur le facrifice de la Mefle eft
concorae ^e | j intitulé diverfement . dans les différentes e'ditions qu'on
1 ancien & du -"■.■* n i -n '• -l -r^ i
nouveau Sa- en a taites. Dans celle de rans en i^-^S ,■ il a pour titre: De la
j^"^*^^' ow-^^ Concorde de l'ancien & du nouveau Sacrirtce ; dans celle
d'Anvers en i j 60: Vers fur le myflcre delaMeile. Le titre dans
l'édition de Lyon en 1 677 jefl le même ; mais il y cft ditqu'Hil-
debert étoit Archevêque de Tours lorfqu'il compofa ce poëmc,
ce qui n'eft pas vraifemblable , puifquil ne paffa du Mans a Tours
qu'en 1 1 2j , dans la foixante-dixiéme année de fon âge, & que
depuis il fut occupé de très-grandes affaires. Il eft plus probable
qu il récrivit ou étant à Cluni avec l'Abbé Hugues , ou au Mans
dans le tems qu'il en gouvérnoit l'Ecole. Ce dernier fentiment
eft appuyé de l'autorité d'un manufcrit de Marmoutier, ôc du
témoignage dePierre Paillard , Moine du même Monaflere , qui
vivoit peu de tems après Hildebert. Quoiqu'il en foit de l'époque
& du titre de pocme, il eft vifible que l'Auteur ne le compcfa
de mcme que les deux Traités fur lEuchariftie dont nous avons
déjà parlé , que pour faire voir au public combien il étoit éloigné
des erreurs de Berenger , & attaché à la Dodrine de l'Eglife que
ctx. héréfiarque avoir combattue.
Analvfe de I !• Son poëme eft précédé d'une élégie de la façon de Pierre
ce pocmc. Paillard, dans laquelle il annonce ce poëmefous le nomd'Hil-
P"£' "34. debcrt , & d'une autre pièce en vers hexamètres au nombre de
quatorze, intitulée Apologie. Ce Prélat dit dans fa Préface, qu'il
fe propofe de montrer ce que fignifioit la Meffe des Anciens,
c'cft-à-dire, les Sacrifices de l'ancienne Loi. Il commence par
rintroït de la Meffe & donne de fuite l'explication de toutes les
EVESQUE pu M A N S, ôcc. ^-p
autres parties. Sur la leçon de l'Evangile il remarque qu'elle fe
faifoit au côté gauche de l'Autel, ôc qu'alors les Alliflans met-
toient bas les bâtons fur lefquels ils s'appuyoient pendant le
refte de l'Oiîice , qu'ils entendoient ordinairement debout.
C'efl: pour cela qu'on leur permettoit l'ufage d'un bâton pour le
foutenir dans les grandes lolemnitcs. Il parle clairement de la
tranfubflantiation du pain ôc du vin au Corps & au Sang de
Jcfus-Chrifl: ; il s'exprime de la même manière dans le fécond
pocme , qui eft aulli fur le Sacrement de l'Autel , 6c s'y fait
reconnoître par le terme iSacrj/èjc pour fignilier leMiniftre : terme
qu'il employé audl dans fes autres opufcules fur cette matière,
ôc qui lui eft particulier. ,/'
111. Le fuivant eft encore fur l'Euchariftie ; il n'eft pas fur- Livre fur
prenant qu'Kildebert ait traité fcuvent cette matière dans un l'Euchariftie,
tems , où les Bcrengeriens répandoient partout leurs erreurs fut ^''^^' "'''*
ce Dogme. Il y eniéigne en plus d'un endroit , que le pain ôc
ievin(a) font changés au Corps ôc au Sang de Jefus-Chrift ;
que ce Corps eft le même qui eft né de la Vierge, ôc qui a été
attaché à la Croix. Ces endroits font cités fous le nom de cet
Evêque dans les manufcrits ; ce qui ne lailTe pas lieu de douter
jque le Livre où ils fe trouvent enchallés , ne foit de lui. Ajoutons
que le terme de Sacrif.'X y eft aufll employé plus d'une lois. Il fe
.propofe dans cet ouvrage de montrer pourquoi l'on ofîVc du pain
&. du vin dans le Sacrement du Corps ôc du Sang deNotre-Sei-
gneur ; pourquoi l'on y mêle de l'eau ; enfuite il prouve , que la . j
chair deJ.C. confacrée fur l'Autel, eft la même que nous croyons
être née de la Vierge, ôc avoir été attachée à la Croix ; que nul
^utrequej. C. ne pouvoir fatisfaire pour le péché d'Adam; que le
Prêtre à l'Autel n'eft que le Miniftre de Dieu qui eft le Sacrifi-
cateur ; qu'il n'eft permis à aucun Fidèle d'ignorer ce quec'eft
que le Sacrement d'Euchariftie , parce que cette ignorance le
rendroit indigne de la recevoir ; que fuivant la diverfité des
mérites de ceux qui la reçoivent , elle leur eft profitable , ou
nuifible. Ce Traité eft rempli defentimens de pieté 6c d'oncliouv
Il ne faut que le lire pour trouver vrai ce que dit l'Auteur des
ades des Ëvêques du Mans , que lorfqu'Hildebert montoit à
l'Autel pour y célébrer le faint Sacrifice , il étoit fi vivement
•pénétré de douleur à la vue de fou indignité, qu'il fcndoitea
larmes.
(a) Pdg. 115}, iiî5> "57. 11)8'
4» LE VENERABLE HILDEBERT;
Polmésfur IV. Hildcbert exerça fa mufe fur divers autres fujets,maîs
Touvrage des mêlant toujours dans fes vers des réflexions édifiantes , &
Ex jourf , & j • j l'T- • • -rr 1 •
autres fujets, donnant aux endroits de IJicriture qui en paroillent le moins
pag. iiùffù- fufceptibles , un fens fpirituel & moral. C'efl: ce que l'on remar-
quera dans (on poëme fur l'ouvrage des fix jours ; fur les Livres
des Rois , ôc fur divers paflages de l'ancien Teftamcnt. Il mit
auifi en vers le premier chapitre de l'Ecclefiafte ; les plus beaux
endroits des Evangiles ; des remarques fur quelques points de
difcipline ou de morale; la défenfe de Suzanne par Daniel; le
martyre des Maccabées ; celui de S. Vincent; de fainte Agnès >
l'Invention de la fainte Croix ; la vie de fainte Marie d'Egypte ,
celle-ci efl: en vers léonins. Tous ces poèmes portent le nom
d'Hildebert dans les meilleurs manufcrits. Son nom fe lit aufli
dans un très-bon manufcrit de l'Abbaye de faint Amand , à la
tête de l'Hiftoire de Mahomet. Mais elle efl: défigurée par
flufieurs anachronifmes , ôc autres fautes contre la vérité de
Hiftoire ; cnforte qu'en l'attribuant à Hildebert, oneft obligé
de dire qu'il l'écrivit étant encore jeune , appliqué à l'étude des
Belles-Lettres ; &. que fon but dans la compofition de cette
Hiftoirc , étoit plutôt d'infpirer par une pièce académique delà
haine contre Mahomet ôc fes Sedateurs , que de les faire con-
noître tels qu'ils étoient véritablement.
Autres poë- V. Ceft du m«me manufcrit que l'on a tiré le Livre d'Hilde-
«nei a'Kildc- j^gj.j ^ intitulé Mathématique. C'efl: une pièce académique, faite
pii»'/, ^'^'' dans le mêmc-temsque la précédente, mais en dérifion de laftro-
logie judiciaire. Il n'y attaque perfonne en particulier. Ce
pocme ne paroît pas achevé.
Poi-mej fa- VI. Il fit lui-même un Recueil de fes poëmcsfacrés ôc moraux j;
crcs & mo- qu'il envoya à un Evêque, qui les lui avoir demandés. On croit
r»ux, ptig. q^e ç'ç(^ Qyiii^uiiie ^ Evêque de Vinchefl:er, qui en effet lui
demanda quelques-uns de fes opufcules , ôc à qui il en promit,
comme on le voit par la trentième Lettre du troifiéme Livre. Ce
Recueil fe trouve fous le nom d'Hildebert dans un manufcrit
d'environ cinq cens ans , avec le titre de Floridus afpe6lus qui efl
le même que l'Auteur lui donne dans le prologue. Il commence
par un poème fur la NaifTancede Jefus-Chrifl. Suit l'épitaphe de
Kobert d'Arbriflel , ôc quantité d'autres , pour des pcrfonnes de
la première condition. Les éloges qu'il donne à Robert, font
voir ou que la Lettre dans laquelle il lui reproche fa familiarité
avec les femmes , n'efl pas de lui , ou que fi elle en efl: , il penfa
depuis plus fainement de ce faint Fondateur , ayant connu pac
iui-mêmç
EVESQUEDUMANS,ôcc. 44
lui-même la faufTeté des bruits répandus fur fon compte. Il y
paroît de Texcès dans les louanges qu'il donne à Berenger fon
Maître. Maison doit par donner quelque chofe à la reconnoif-
fance d'un Difciple, qui croit d'ailleurs perfuadé que fon Maître
ëtoit mort pénitent, & dans la Foi Catholique , après l'avoir
combatue de fon vivant.
VII. Suivent divcrfcs Oraifons ôc Profes rimées ; un pocme P-^g- «Jî?*
contre l'avarice ; une élégie fur fon exil ; des vers fur les douze
Patriarches ; fur les fept Heures Canoniales ; fur les trois Ordres
del'Eglife; d'autres à la louangedes Rois 6c des Reines d'Angle-
terre ^ ôc fur différentes matières.
§. V.
Jugement des Ecrits d'Hildebert.
Editions qu'on en a /dites.
I. T L eft furprenant qu'un homme occupé de tant d'affaires, Jugement
I • / I '^ 1 r- • ' rr j 1 T de les poefies.
X agite de tant de periecutions , ait trouve allez de loilir pour *^
-compoler un fi grand nombre de vers ôc de toute efpece. On
les fait monter à plus de dix mille , foit en poëmes , foit en épi-
grammes , foit en épitaphes. Mais il faut fe fouvenir qu'il cultiva
de bonne heure les Belles-Lettres ; qu'il s'y appliqua férieufe-
ment, ôc qu'ilyréuiïit de façon, que fui vaut le rapport des actes Adap. HilL
des Evêques du Mans , il furpalTadans la fcience des beaux Arts , yxfat.
prefque tousfes Condifclples ; ôc qu'il s'acquit dans la fuite par
les écrits , tant en profe qu'en vers , une réputation qui s'étendit
jufques dans les Provinces les plus éloignées. Orderic Vital
témoigne ( a ) la même chofe , ôc il va jufqu'à l'appeller un
Verfificateur incomparable ; à mettre fes vers en paTallelle avec
ceux des Anciens, ôc à dire qu'il leségaloit , ou môme les fur-
paffoit. Quelques Critiques de ce fiécle n'en ont pas jugé fi
favorablement. Ils trouvent fes pièces poétiques groilieres , ôc fc
plaignent qu'il n'y a pas même obfervé les règles de la quantité.
Mais fi Hildebert a péché en cela , ce n'a pas été par ignorance ,
(a) Hic facer h;ros HilJcbertus tam t mu'ta carmina priftis poematibus r.-îra'îa
ïivinarum qu^m fjEcu'.anum eruditiorie 1 vel eminentia condidit. {Jrderx Vltil. Lib»,
littemrum fti'liofus , tîrnponoas iioftris I lo , thjl, jJ^l^. ijo,
incomparabil's vr"'' ■" - •laruit , & i
Tome XXI L F
42 LE VENERABLE HILDEBERT,
puifqu'ii y a de fes poèmes ^ où il s'eft affujetti avec autant d'exac-
titude, que nos Poètes modernes aux règles de l'art poétique^
S'il a été moins fcrupulcux en d'autres , c'eft qu'il étoit plus
^ permis à un Evêque ( a ) qui traite des matières d'édification , &
dont le fond eft tiré des divines Ecritures , de ne pas s'aftraindre
fi rigoureufement aux Loix de la Grammaire , qu à des Laïcs
qui s'occupent de matières prophanes. Nous ajouterons . qu'écri-
vant dans un fiécle qui n'étoit pas dépouillé de toute barbarie,.
qu'il y auroit un manque d'équité , d'exiger qu'alors il eût
écrit comme dans le nôtre , où l'on a à tous égards plus de
facilité de former de bons vers. Pour juger fainement de ceux
d'Hildebert, il faut lire fes poëmes fur l'ouvrage des fix jours ;fuc
l'ornement de l'Univers ; fur Suzanne ; fur les Rois ô: les Reines
d'Angleterre ; fur fon exil ; fur la vraye amitié ; fur les mathéma-
tiques ôc quelques autres fujets qu'il a remplis très-exaftement.
Juçemei t I L A l'égard de fes Lettres elles font bien écrites , d'un ftyle
defesLetfns correiSt , élégant, poli, net, agréable. Saint Bernard en admi-
Ecrits?^""'* roit l'érudition ôc la douceur, 11 y a moins d'élégance dans les-
fermons, & peu de feu. Mais ils font folides, très-infirudifs,
pleins de fcntimens de pieté , & propres à 1 infpirer. On y
apprend la plus faine théologie ,&à connoitre plulieurs anciens
Rits de l'Eglifc. De fes opufcules , le plus intéreifant eft fon
Traité théologique. Celui de l'Euchariftie cft moins clair pour
le ftyle ; ce qui vient apparemment de la difîiculté de bien
traiter un fi profond myflere.
Edîtions par- HJ. La vie de fainte Marie d'Egypte par Hildebert a été
tKuiieres de jf^prinf^^g (jans Bollandus au tome premier d'Avril; & celle de
faint Hugues , Abbé de Cluni , au troifiéme tome du môme
mois ; ôc dans la Bibliotcque de Cluni par André du Chefne , 6c
dans Surius. En KÎ37 Rivinus rendit publics à Leipfic les
a£les du martyre de fainte Agnès, fous le nom du même Evoque.
Ils avoient déjà été publiés par Barthius au chapitre 13 de foa
trente-unième Livre. Son Hymne & fes Rythmes fur la Tri-
nité, avec fon Oraifon au Seigneur , fe trouvent dans le Traité
du Symbole par Uflcrius , ôc ont été imprimés fcparément à
Helmflad , ôc dans le fupplémcnt des Pères , du Père Homey , à
Paris en 1 684. Le poème fur le myftere de la Mcfle , a été
fouvent publié fans nom d'Auteur. Il eft fous celui d'Hildebert
(a) Gruumatici legcs plcrumquc Ecclc/îa fpcrmt.
E V E s Q U E D U M A N S , &c: Af
dans l'édition de Paris en 15-48 par Gui de Mont-Rocher, dans
la colledion de Melchior Hittorpius à Cologne en 15-58 infol,
ôcdans les Biblioteques des Pères, de Paris, de Cologne & de
Lyon. Le poëme de la création du monde & de lojvrage des
fix jours , avec celui du Siège de Troyes , fait partie de l'Hif-
toire desPoëtes Latins du moyen âge par Polycarpe Leyferus. . ^'^S' î'*»
IV. En 170S Dom Antoine Beaugendre publia une édition ' Fjitiongé-
de tous les Ouvrages d'Hildebert chez Laurent le Conte en un neraie.
volume in-fol. Elle efl: dédiée au Cardinal d'Eflrées. Dans une
Préface générale, Dom Beaugendre rend compte de fon édition ,
& nomme avec éloge les Sçavans de qui il a tiré quelques
fecours. Enfuite il donne la vie d'Hildebert ; les gelles des
Evêques du Mans, où il efl parlé de lui ; des notes fur ces geftes;
les témoignages que faint Bernard , faint Anfelme , Yves de
Chartres , 6c quelques-autres ont rendus à fon fçavoir ôc à fa vertu.
Suivent les Oeuvres d'Hildebert dans l'ordre que nous les avons
analyfés ; l'Editeur a mis au bas des pages des notes ou théolo-
giques, ou hiftoriques, ou grammaticales , félon qu'il en eft
beloin pour i'éclairciflement des endroits difficiles. Ilamisau.'Ii
à la tcte des trois Livres de lettres , des fermons , des opufcules
& des poëfies d'Hildeiiert , de fçavantes obfervations pour affurer
à cet Evêque les écrits qui font de lui ; ou lui ôter ceux qui lui
font fauflement attribués. Dom Beaugendre avoue humblement
dans fa préface que les notes 6c fes obfervationsont été retouchées
par Dom Malfuet , Auteur de l'édition de faint Irenée. C'étolt
bien imiter l'efprit de modedie qui règne dans les écrits d'Hil-
debert. A fes notes Dom Beaugendre a joint celles de Mon fieuc
Loyauté, Avocat au Parlement de Paris , fur quelques Lettres
d'Hildebert; 6c il a eu foin d'en avertir dans une préface parti-
culière. Les Sçavans ont eftimé fon édition , qui efl en effet bien
exécutée. Il étoit oûogenaire lorqu'il l'acheva , 6c il ne l'avoit
commencée que quelques années avant fa mort qui arriva le 16
d'Août l'an 1708 , en l'Abbaye de faint Germain-des-Prés à
Paris.
'4^ M A R B O D E ,
CHAPITRE III.
Ma rbo d e, Erêque de Rennes.
ATarbo<if ,1. /% P R e' S avoir revu les Ouvrages d'Hildebert, Dom Beau-
Evèque de j^jL gendre travailla aulTi à l'édition de ceux de Marbode,
ao^"e fes Evêque dc Pvennes. On en avoir déjà publié qudques-uns à
Oeuvres. Rennes en 1^24-, à Fribourg en ijji , à Cologne en lyjp,
à Francfort chez Egenolphe en i5'40, àLubccen ij7J> chez
Balhornc, à Leipfic en i jSj , à Leyde en KÎpj. Cette dernière
édition efl de Jacques Gronovius. Celle de Doni Beaugendrc
parut en 1708. L'Editeur joignit dans un même volume les
écrits de cet Evêque ôc ceux d'Hildebert ; mais en donnant a
ceux-ci la première place , parce que l'édition en fut achevée ,
avant qu'il fongeât à en donner une des écrits de Marbode. S'il
en eût voulu fuivre l'ordre chronologique , les ouvrages de cet
Evêque euffent précédé, puifquil fut fac ré Evêque de Rennes
en io^ôi ôc mourut en i 125 ; au lieu qu'Hildebcrt n'eft mort
qu'en 1 1 34. , ôc n'avoit été fait Evêque qu'en 1 0^7.
Riîfons ds II. Dom Beaugendre fut engagé à une nouvelle édition des
la dernière Qeuvrcsde Marbode , autant parlafoUicitation des Sçavans que
édiuon. 1 • Ti - A * /
par la rareté des exemplaires. 11 n en trouva pas même un dans
la Ville de Rennes, où s'étoit faite la première édition en i ja^;
Ôc de toutes lesBiblioteques de Paris , celle du Collège ?vlazarin
fut la feule , où il rencontra un exemplaire de cette édition.
Mais elle ne contenoit qu'un très-petit nombre d cpufcules de
Marbode, non plus que celle que Piflorius fit paroître à Fri-
bourg en I J3 1 , ôc Alard à Cologne en i jjp. Les manufcrits
recueillis en divers endroits , ont fourni à Dom Beaugendre
plufieurs autres ouvrages de Marbode qui n'avoient pas encore
été mis fous la prelTe. C'efl ce qui rend fon édition la plus com-
plette de toutes , ôc en même tcms la plus correile par la con-
frontation qu'il a faite du texte imprimé, avec les meilleurs
ntanufcrits.
Qui ctoit III. Autant qu'il apulcconnoître parles diplômes de l'Abbaye
Mifbode. (3e faint Aubin d'Angers , il paroît que Marbode étoit né dans
l'Anjou , ôc môme à Angers, d'une fan-.ille noble ôc nombreufe.
Prerfat. in Dcs fcs premières années il fe confacra à Dieu ôc au fervice de
tp. Marbirdi , i'£alife , ÔC fut fait Chanoïnc de cette Ville. Comme il étoit très
EVESQUE DE RENNES. 4;
?erf(édans les beaux Arts, & qu'il s'étoit acquis la réputation
d éloquence , on le choifit pour préiider aux Ecoles d'Angers.
Il femble môme qu'il fonda dans la fuite l'Univerfité de cette
Ville. Après y avoir enfeigné pendant quatorze ans , depuis
1067 jufqu'en 1081 , il fut fait Archidiacre de cette' Eglife.
11 remplit ks fondions de cette Dignité avec tant d'exac-
titude , feus trois Evêques , Eufebel. Geoffroi I. ôc Gcoffroi II.
quecelui de Rennes étant mort enio^5, l'on choifit Marbodc
pour lui fucceder, & cette élcttion fe Ht par le Pape Urbain If.
dans le Concile tenu à Tours la môme année.
l'V. Contraint d'accepter l'Epifcopat, il gouverna l'Eglife Sa morte»:
de Rennes avec beaucoup de prudence, de fagefle, de douceur n^J.
& de fermeté pendant vingt-huit ans ; c'eft-à-dire , jufqu'en
112? qu'il abdiqua , pour fe retirer au Monadcre de faint Aubin
d'Angers, où il fit profeffion de la Règle de faint Benoît. Il y
mourut la même année le troifiémc de Septembre âgé d'environ'
quatre-vingt-huit ans. Les Moines de faint Aubin donnèrent
avis de fa mort par une Lettre circulaire , où ils font l'éloge de
fa vertu & de fa fcience. Ils relèvent la douceur de fes mœurs ÔC
de fes difcours ; fon érudition ôc fon éloquence , qui étoit telle
qu'on le regardoit comme le Prince des Orateurs , & le premier
Maître de l'éloquence françoife. Ulgcr fon fucceffeur dans l'Ar-
chidiaconé d'Angers ôc enfuite Evoque de la même Eglifc , fie
fon éloge funèbre en trente vers élegiaques , que l'on grava fur
fon tombeau ; ôc un autre en fept vers hexamètres. Il y en a unff
troifiéme de Rivallon , Archidiacre de Rennes. Marbode cfl aU'
nombre des Saints dans le ?vIartyrologe d'André du Saufiai. Oii'
trouve fon nom parmi les Evoques qui allillerent au Concile
tenu à Troyes dans le commencement d'Avril de l'an 1 104..
V. Des fix Lettres que nous avons de lui , à la fuite des EcHts Je
Oeuvres d'Hildebert, ôc dans le vingt-unième tome de la Bi- M.irbode. Ses
blioteque des Pères , la première eft à Pvaynaud , Evêque' "'
d'Angers. ATarbode avoit favorifé fon éleûion , engagé l'Arche- Ei'ii. i,
vêque de Tours à le facrer, ôc fait le voyage de Rome pour/''^^^- is^;..
la faire confirmer par le Pape Pafchal II. Raynaud de Martigne
oubliant tous ces fervices , conçut de la haîne contre Marbode ,
trouva le moyen de le dépouiller lui ôc les fiens des biens qu'ils
avoient dans le Diocèfe d'Angers , lui en défendit l'entrée , ôc la
communication avec fes Clercs. Marbode fe plaignit à Raynaud-
même d'une conduite fi injufîe. Ils fe réconcilièrent li bien,
que Raynaud obligé d'aller à Rome en 1 lojp , confia à Marbodis:
F ni
45 M A R B O D E ,
le foin de fon Diocèfe. Tel efl le fujet de ccttz première Lettre.
E i^ î , VI. La féconde ôc la troifiéme font à Ingilger, Solitaire ÔC
Prêtre , de grande réputation pour la fainteté de fes mjcjrs.
Mais on laccufoit de ne vouloir pas entenira la Meile d ua
Prêtre qui n'étoit pas de bonnes moeurs, &d empêcher lepcup.c
de recevoir de ce Prêtre quelque Sacrement que ce fiit. Ingilger
?voit communiqué i^es fentimens aux Solitaires qu il avoit fous
fa conduite. Marbode les attaque tous dans fes Lettres; leur
fait vol: par l'exemple de Jefus-Chrift qui donna l'Eucliariftie
à Judas , de même qu'aux autres Apôtres, 6c par l'autorité de
faint Augullin , 6c du Pape Nicolas dans fa Lettre aux Bulgares,
que le défaut de probité dans le Miniflre n'empêche ni la réalité
ni l'effet du Sacrement. La réponfe d Ingilger fut , qu il ne
doutoit pas de la validité des Sacremens adminidrés par de
mauvais Prêtres , mais qu'il penfoit qu'on devoit éviter les Héré-
tiques ôc dépofer les Prêtres fornicateurs. Marbode lui dit dans
une féconde Lettre , qu'on ne devoit condamner perfonne que
fuivant les règles de l'Êg-life , 6c l'exhorta à corriger les pécheurs
avec douceur , &; à prier pour eux ; ou à les acculer devant leurs
Juges , alin qu'étant convaincus ils fuffent punis.
Epijl. 4. VIT. Dans la quatrième Lettre , il prie Vital , Fondateur d'un
Monadere de Filles, d'y recevoir une pauvre Orpheline, qui
quoique bien inflruite n'avoit pu trouver place dans d'autres
Monafteres , où par abus l'on préferoit l'argent à la fcience. li
s'offre toutefois de donner quelque chofe , Ci Vital l'exige. La
EpJ^.^. cinquième Lettre efl; une indrudion fur les devoirs de la vie
chrétienne , 6c fur les dangers de renvoyer au tems delà vieilleffe
laconverfion de fes mœurs,
Epijl. <• V 1 1 1. La fixiéme ne porte le nom de Marbode dans aucun
manufcrit,ni celui de la perfonne à qui elle efladreffée. Mais
elle lui efl attribuée dans l'édition de fes Oeuvres à Rennes en
I j 24. , 6c infcrite à Robert d'Arbriffelle. L'Editeur ne rend
aucune raifon de cette attribution. Comme il eft tombé dans des
fautes trcs-g'roffieres , on ne doit pas l'en croire aifément fur fa
parole. Nous ne citerons qu'un exemple de fon peu d'exactitude.
Au frontifpicc de fon édition , il met la mort de Marbode en
II 80; tandis qu'elle efl: Hxée à 1125 dans la Lettre circulaire
des Moines de faint Aubin d'Angers , qu'il rapporte à la page
fuivante. Il y a apparence que cette Lettre efl de quelques-uns
des Clercs concubinaircs, contre lefquels Robert d'Arbr'iffelle
iiivedivoit louvent dans fes difcours publics, Ôc qui pour fe
EVE s QUE DE RENNES. 47
mettre à couvert de fes reproches , l'accufoient des fautes dont
ils étoient eux-mêmes coupables.
IX. On avoit à Angers une vie de faint Licinius , Evoque de Viedefamt
cette Ville , mais d'un ftyle trop diffus , ôc peu châtié. Marbode Licinius, Evc-
à la prière des Chanoines, la mit en un ftyle plus poli ôc plus ^^t.^^t"*
précis. En reconnoiffance le Chapitre lui promit des prières de
Ion vivant ôc après fa mort. Quelques-uns ont inféré de-là , que
Marbode n'avoit pas été Chanoine d'Angers. Mais outre qu'il
appelle ces Chanoines fes frères , il eft arrivé fouvent que des
Chanoines ont fait dans leurs propres Eglifes des Fondations,
pour avoir après leur mort les fuffragcs de leurs Confrères. On
en voit dts exemples dans les Obituaires des Eglifes d'C Paris ÔC
de Chartres. Quel inconvénient y avoit-il donc qu on en promît
à Marbode pour avoir retouché la vie de faint Licinius f C'eft la
même que les BoUandiftes ont donnée au i 3 de Février. Marbode
ctoit Archidiacre d'Angers quand il mit la main à cet ouvrage.
X. Vers le même tems il mit en meilleure forme la vie de Vie de faint
feint Robert, Abbé de la Chaife-Dieu , écrite auparavant par Robert, Abbé
Gerauld de Venue, Difciple du Saint , ôc témoin oculaire de ^-^^ Chaife-
fes allions , mais d'un flyle fi dur ôc fi prolixe , qu'il ennuyoit
les Lefteurs. L'ouvrage plut fi fort à l'Abbé ôc aux Moines de la
Chaife-Dieu , qu'ils prefîerent Marbode de retoucher encore un
fécond écrit de Gerauld , intitulé : Des vertus du Bienheureux
Robert. Marbode les fatisfit, ôc dédia cet Ouvrage à l'Abbé ; il
ne le nomme pas. Mais on fçait qu'il s'appelloit Seguin. Le
Moine Gerauld fit quelque tems après la mort de Robert, un
voyage à Rome, où ayant fait récit de fes vertus , en préfence
du Pape ôc des Cardinaux , il obtint que l'on en feroit la Fête.
La vie du Bienheureux Robert fe trouve dans les aftes de l'Ordre
de faint Benoît, par Dom Mabillon , en la féconde partie du
fixiéme fiécle, ôc dans Bollandus au dix-feptd'Avril^ telle qu'elle
a été corrigée par Marbode.
XI. Il étcit Evêque de Rennes, lorfqu'il retoucha la vie de Vleie faint
làint Magnobode , Evêque d'Angers, publiée par un Anonyme , Mas'nobode ,
mais avec trop d'étendue. Il fut engagea ce travail parles Cha- ^ "' ^^ ^* .
noines de la Collégiale érigée fous l'invocation de ce Saint , qui
pour marque de leur gratitude, lui accordèrent la même grai,'e
que les Chanoines de faint Maurice lui a voient offerte pour avoir
mis en meilleur flyle la vie de faint Licinius , c'ell-à-dire , des
prières pendant fa vie ôc après fa mort. Dom Beaugendre a fait Bolhnd^.
précéder la vie de faint Magnobode par Marbode j de celle que
4§ MARBODE;
l'Anonyme avoir compofée^ parce que celle-ci ne paroîtn! dans
Bollandus ni aiileurs.
Hiftoirede XII. Toutes les vies dont on vient de parler font en profe.
Théophile en T^Iarbode en écrivit plulieurs autres en vers , prefque tous hexa-
vers, & p.u- • 'i T-i / 1 -i 1 j HT 11/
^eu's vipMies mctres ; Icavoirla vie del heophiie ; le martvre des Macchabées ;
Samts , pjge ^elui de faint Laurent: de faint Victor ; de faint Maurice & de
fio7 , Jt^î- j^^ Compagnons ; la vie de fainte 1 haï; ; les a fies de la PalTioa
des Saints Félix 6c Adaufte; la vie de f.iint Maurllle, Evoque
d'Anrcrs. La vie de Théophile, Econome de l'EgUfe d'Adanc
dans la Cilicie , vers l'an j 3 8 , fut écrite en grec par Eutychien ,
;Cc traduite en latin par Paul , Diacre de TEgùfe de Napîes, fous
le règne de Charlemagnc. Sigebert fait mention (a) de cette
iraduetion. Bolîandus l'a fuivie; mais il a aulfi donné la vie de
Théophile en vers , de la faivîon de Marbode , après avoir dé-
jaiontré l'autenticité {b] de l'Hiftoire de ce Théophile , que
quelques Critiques avoient fans raifon fait paffer pour fabuleufe.
Quelques-unes des autres vies raifes en vers par Marbode fe
Jifent dans l'édition de f^s Oeuvres à Rennes en .15' 24., chez
Jean Macé. Surius (c) a donné ceile de faint Laurent.
Autres pjc- XIII. Les autres poëfies de Marbode font trois Hymnes fur
fies de Mar- fainte Madeleine ; des prières à Dieu &: à la fainte Vierge ; une
tîvî ' ^ * Ily^'"'^ ^^^ ^'^^ PrCtres ; une épigramme à Hildebert fur fes
lécrits ; l'éloge de la chafteté ôc des autres vertus ; une épigramme
très - mordante contre un Abbé qui ufurpoit les ornemens
Epifcopaux , l'anneau, les gants, les fandales , la mitre; l'éloge
de la vie Monaflique ; des épigrammes à diverfes perfonnes ,
cntr'autres ^ à la ComtelTe Ermengarde , iiile de Foulques
Rechin, ôcà Mathilde , Reine d'Angleterre; des poëmes fur
les Fêtes de l'Epiphanie , de l'Annonciation , de la Purification,
de lAfcenfion ; fur les avantages de la folitude ; le mépris de la
vie préfente ; fur l'utilité de la Croifade ; fur le naufrage de
Jonas , ôc quantité d'autres fujcts. Marbode mit en vers
héroïques le Livre de Ruth , ôc l'Hiftoire du rapt de Dina ,
rapportée dans le trente-quatrième chapitre de la Genefe.
LWre de XIV. Le Livre de l'ornement des termes , avoit déjà été
l'ornement imprimé dans l'édition de Rennes en i c 24 , de même que celui
def termes , .» . ia i- ^i • »» ■ t^ n i
fag. 1587, & qui a pour titre : Des dix Chapitres. Mais Dom ceaugendre a
de la bonne
manière d'é- ———-——-—-—-—-----—---——— ——^——— ——-^——— ——^——^— —
srire , pjgf (a) Sigebert de Scriptor. Ecdef. cip. ' (b) BnH.in-'. aâ diem 4 Fd. tcm. i,
J ^ c ; 6wius ad 10 Aii^-
revja
EVESQUE DE RENNES. 451
revu & corrigé le premier fur pluficurs manufcrits. Marbode
lescompofa l'un & l'autre à Angers dans le tems qu'il y enlei-
gnoit les Belles-Lettres. Par lurnement des teriîies ou des
verbes , il entend l'ufage qu^on en doit ftiire , pour donner de la
grâce, de la force, & de la légèreté au difcours. Pour réuHîr à
fixer cet ufage, il donne la dértnition des différentes figures qui
■entrent dans un difcours, 6c rapporte fur cliacune des exemples.
Ainfi après avoir dit que TeNclamation cfl une figure par laquelle
■nous marquons notre douleur , ou notre indignation , en nous
adrelfant à un homme , ou à une Ville , ou à quelqu'autre
chofe ; il en propofe un exemple en ces termes : 0 yffix flos
Troiapoîens : 0 gloria qitœnuncl In c'meres collapfajaccs. Dans
le Livre des dix Chapitres qu'il avoit compofé étant jeune & qu'il
•corrigea dans fa vieilleffe , il traite, i''. de la bonne manière
d'écrire , qui confifte dans la netteté da difcours ; à ne pas fe
■fervir dexpreflions trop recherchées, ni triviales , & à n'être
ni trop long ni trop court. 2°. Du tems & de l'éternité. Il
^ marque qu'il étoit alors dansfafoixantiéme année. 9". Des maux
que caufcnt dans le monde les femmes débauchées, a". Des
avantages que procurent aux hommes les femmes vertueufes.
^°. Delà vieil! e(Te & de fes incommodités. 6°. Du deftin ôc de
lartrologie judiciaire , dont il fait voir la fauffeté , en montrant
que les aflres n'ont aucune influence fur les hcmmes. 7°. De la
volupté & de fes fuites pernicieufes. 8°. De la vraie amitié.
p^. Du bien de !a mort pour les JuRes. 10°. Des avantages de la
réfurreclion des corps.
X V. Parnii 'les vers fuivans , nous remarquerons qu'il y en a
à la louange d'Anfelme de Laon , célèbre par fon fçavoir , ôc
Maître d'AbalUard ; l'épitaphe de Chariemrgne ; celle de Lan-
franc , Archevêque de Cantorberi. Le poëme fur l'Ordre Mo-
i^aftique & Eccléfiaftique que Dom Beaugendre croyoit n'avoir
pas encore vu le jour , fut imprimé à Bailc en 1 7 5'7 i/z-S°. d^ns le
llecueil de Matthias Flaccius. Il y eil; même plus ample que par.ié^^.
dans la nouvelle édition. Quelques manufcrits l'attribuent à
Gualon, Anglois, qui écrivoit vers l'an 1170. Les proverbes
fous le nom de Caton le Philofophe , font peut-être du mcmc
Auteur qui lui a fuppofé des inltrudions morales à fon lîls,
divilées en quatre Livres.
XV I. Le Livre qui a pour titre: Des pierres précieufes. Livre des
porte le nom de Marbode dans les manufcrits des Bibiioteques 'erres pré-
dc Colbert & de faint Vidor. En celui-ci , le texte litin eft Vtt/* ' '"'^'
Tome XXIL G
■\^ers
fur
.ifer s
lu-
•tts ,
fage
I6I5-
l'ag. 1
l6z9.
50 M A R B O D E ,
joint à une traduflion françoife écrite de la même main que le
texte original. Dom Bcaugendre a fuivi cette difpofition dans
l'édition de cet opurcule , & fait connoître par cette traduc-
tion , qu'elle éroit notre langue il y a cinq ou lix cens ans. Il
n'eft qu en latin dans l'édition de Rennes en i ^24 , &il y porte
le nom d'Evax. Ce n'eft pas que Marbode ait été fumommé
ainfi , comme l'affurent Balsus ôc Pitfïrus , mais l'Editeur a
intitulé ce poëme , Evax , parce que le prologue commence par
ce terme , qui défigne Evax , Roi des Arabes , fous le règne de
Néron. Dans le corps de l'ouvrage Marbode explique la nature
ôcles propriétés de foixante pierres précieufes : ce qu'il fait en
P.:g. 1677. fept cens trente vers hexamètres. Il en donna depuis une expli-
cation morale en profe , qui fe trouve aulfi dans le même
manufcrit de faint Victor , que Ton croit de fix cens ans
ôc plus.
Profe fur X V 1 1. On y lit encore une explication morale , en forme de
les douze ^ profe, des douze pierres précieufes mentionnées dans le vingt-
cieufesdeFA- unième chapitre de lApocalypfe , ôc un vocabulaire latin-fran-
pocajypiî , cois des foixante oufoixante-une pierres précieufes expliquées
pag.io79,ij^ dans le premier Traité. La Lettre du Roi Evax à l'Empereur
Tibère , & la réponfe de ce Prince , fe lifent à la tcte d'un autre
poëme fur les pierres précieufes dans laDaflyliotheca d'Abraham
Gorlœus, imprimée à Leydc en kî^jj', fous le nom de Marbode,
ancicnPocte François. Mais Gorlœus ne dit point de quel manuf-
crit il a tiré ni les vers , ni les deux Lettres,
livrefurle X "V I 1 1. On avoit déjà achevé l'imprefTion des Oeuvres
Can.iqiie ces d'Hildebert ôc de Marbode, lorfque Dom Beaugcndreeut com-
antjquci. niunication d'un manufcrit de la Bibliotequc du Collège de
Clermont , où entre les opufcules de divers Auteurs fe trouvoic
un Commentaire moral ôc allégorique en vers, fur le Cantique
des Cantiques. Quoiqu'il ne fut point infcrit du nom de Mar-
bode , on y reconnoilToit fon ftyle & fon génie. D'ailleurs
Sigebert (a), dans le Catalogue des Oeuvres de cet Evêquc,
met un Commentaire allégorique en vers fur ce Cantique. Ce
font là les raifons qui ont engagé lEdtteur à donner ce Traité
fous le nom de Marbode. Il y a joint un Sermon d'Hildebert fur
le Dimanche des Rameaux , qu'il avoit oublié de publier avec
les autres Sei mous de ce Père.
( * ) Sigtb, de Striptor. Ealff, cap, i j 8,
EVESQUE DE RENNES. p
XIX. Monfieur Balufe publia en 1 7 i <; ( « ) , dans le feptiéme Opurctiles
tome de fes mélanges , trois Chartes d'Hildebert. La première f^'Hildebcrt
efldelan i i 14.. Lalecondedii 21 de Septembre. Latroifiome, pûint"f!ans la
fans date. Ce font toutes des donations faites à Marmoutier. nouvelle édi-
Nous de\'cns l'édition de fon poëme élegiaque fur la création du f"^'] \"i'.5"*
monde & l'ouvrage des lix jours a Polycarpe Leyferus, qui la
fait entrer dans fon Hiiloire des Poètes du moyen âge (fe ) fur un
manufcrit de laBibliotequede Leipfic. Le poëme fur la création'
futauili imprimé dans le Journal théologique en 1725. On a déjà
remarqué que nous n'avions plus l'Hifloirc qu'Hiidebert avoit
faite des miracles (c) derEgliled'Excefire , dont il fiit mention
lui-mcmc dans fa Lettre à Clarembauld {d] ; ni les Statuts qu'il
avoit compofés pour le Diccèfe du Mans ; ni le Livre de la
virginité , qu'il témoigne ( e ) avoir écrit avant l'âge de trente ans.
Hildebert cite fouvent l'Ecriture fuivant la verfion des Septante ,
qui étoit encore en ufage de fon tcms , de môme que la
vulgate.
X X. Dom Beaugendre n'ignoroit pas que Marbode eût écrit
la vie de faint Alexis. Il la cite fur un manufcrit que les Boilan-
diiles avoient en main. Mais ne la trouvant pas dans les fiens j
il n'a pas cru devoir la donner. Elle a été publiée dans le qua-
trième tome des attes des Saints du mois de Juillet , au jour de
fa Fête qui eft le dix-fept. Cette vie eft en vers hexamètres;
Celle de faint Gautier , Abbé & Chanoine de l'Ederpe , au
Diocèfe de Limoges , mort en 1 070 , eft en profe. Les Eollan-
dilles l'ont inférée au fécond tome de Mai, pour l'onzième jour
decemois. Ils ont encore promis de donner dans les actes des
Saints de Septembre, au vingt-deuxième jour, celle de faint
Florent , Martyr. Dom Luc d'Acheri rapporte dans le treizième
tome de fonSpicilege (/), une Lettre de Marbode adreffée, dans
un manufcrit de faint Aubin d'Angers , à Kildebert , Evoque dti
Mans , qu'il confultoit au fujet d'une femme qui ayant confenti
que fon mari fe fit Moine , voulut depuis l'obliger à revenir
avec elle. Mais la même Lettre eft la deuxième de celles que
Dom Beaugendre a mifes dans l'appendice (g) des Oeuvres
d'Hildebert , où cette Lettre eft adreffée, non à Hildebert,
( a ) Pdfr. ioi , ioj , 2oy. ( ( f ) Lib. i , Epiji. 45 , O-ferm. 3 . pag.
( c) BeaueendrCj Prxfat. gênerai. -pag. } (/) Va^. i^y.
M. " {g) P^g. 5.
{d) Lib. i , EpiJl. i. I
Gij
des Ecrits di
Marbode,
'52 MARBODE, EVESQUE DE RENNES.
mais à Marbode par l'Evêquc du Mans ; ôc cela fur l'autorité
d'un manufcrit de la même Biblioteque 6c les remarques de
Monfieur Balufe. Dom Beaugendre a rapporté d'après le Père
Homey rdioged'Hildebert & de fes écrits par Marbode ; mais
il n'a pas jugé à propos de mettre parmi les écrits de cet Arche-
vêque le Livre intitulé (a) : Des trois ennemis de l'homme , les
femmes , l'avarice , l'airibition; ni quelques autres pièces en vers
comprifes dans le manufcrit d'où efl: tiré l'éloge d'Hildebert..
Le Père Homey convient qu'elles n'y portoient point le nom
d'Hildebert , ôc qu'il ne les lui a attribuées que par une pure:
conjedure.
XXL Un Èvêque contemporain de Marbode (b) ,\e com-
paroir pour fon éloquence à Ciceron;^& pour la beauté de fes
vers à Virgile & à Homère , difant qu'il leur étoit même fupe-
rieur dans l'un & l'autre de ces genres d'écrire ; ôc qu'à l'égard
des Ecrivains de Çon tems , il les furpalToit tous par l'élévation de
fonefprit, ôc l'élégance de fes difcours. Sans trop preiTer ces
comparaifons, nous dirons qu'il y a dans la profe de Marbode ,
du naturel , de la clarté , de lélegance , de la facilité ; que parmi
fes vers, il s'en trouve un certain nombre marqués au meilleur
coin; qu'étant jeune, il fe livra au brillant de fon imagination ;
& fuivit , comme les Poètes de fon fiécle, le mauvais ufage des
rimes ôc des confonances ; mais que dans un âge plus avancé ÔC
plus mûr ( c ) , il fecoua ce joug , ôc s'attacha plus à dire des
chofes utiles , qu'à les orner d une manière il frivole. Ses der-
nières poëHcs font en effet remplies de réflexions folides , qui
portent de la lumière dans l'efprit , ôc del'onftion dans le cœur;
Ceftcequel'on remarquera furtout dans le Livre des dix cha-
pitres, dans celui des pierres précieufes ôc quelques autres. On
trouve aulli dans fes Lettres d'excellens principes de morale,,
foutenus de l'autorité de l'Ecriture ôc des Pères,
( a ) Homty , fufiplcri. Pa'. pa^ .547.
(A) Omnf.' f.Kuni!o; fibi vUiumisclTc
fccundos , nuUiis in ingenso p^r nec iii
elo()uio. CefTii tri Ciccro , teliit Maro
junftus Homero : Ut dicam breviter ,
vieil eos pariter. Ulçerius Andegavenfîs
Epifcopus , aj!ud Marbod. pag 158?.
(c; Kiyix juvenis fcripfî , Itnior dum
plura rctrado pinitet , tk quiiitm vcl
[ fcripn. Tel edim nollem .... Utrerum
virtus , vfrbon,m lcs;e fiibaââ , fervetur,
rerbifiiue cîinor fub rébus abL'n-let ; quod
juçi Audio tune afFeânre viJebar. Sed
milii nunc tnelius fuadet matunor «tas ,
quam decet ut f.icili contenta fit utilitate ,
utquc riiper/aciium lludeat vitarelaborera,
Marbcd. cap'n, i , yag 15^5.
E s T I E N N E H A R D I N G, 6cc. n
lilâlllMIilIIIâllâlilillIMâiïiM
CHAPITRE IV.
E s T I E N N E H A R D î N G j Abbé de Cîteûux y
& quelques autres Ecriva'ms du dow^ième fiécle.
I. T L naquit en Angleterre d'une famille noble. Apres avoir F.nîcnne
J[ mené quelque tems la viemonaftique dansle iMonafterede H;inling. Son
Schirburne , il faffa en Ecofle , ôc de-là en France, pour s'y ^ """°"'
former fucceiîivement dans les Belles-Lettres & dans la Théo-
logie. D'un efprit profond , ôc capable d'application , il fit de S: -rhani
grands progrès dans fes études; s'appliquant en même tems aux ^'f-nrud Bol-
devoirs de la pieté Chrétienne , & aux exercices de fon état, 'j"'^; /-'"• ^ >
I / ■ 1 M ■ 1 T> 1 / npnlis , ad
Il ht par dévotion le peierinage de Kome; d ou étant revenu en diem j , pog.
France , il s'arrêta à Molefme , attiré par la réputation de ce '^^^■>^M-
nouveau Monaderc. Saint Robert qui en étoitAbbé,le quitta
pour bâtir celui de Cîteaux , où il fe retira avec All)eric &
Eftienne. Mais contraint de retourner à?vlo!efme, Robert céda
la place d'Abbé à Alberic , qui donna à Elrienne celle de
Prieur.
II. A la mort d'Alberic arrivée en i locj , la Communauté H eft fait
choifit pour Abbé , Eftienne. Elle étoit pauvre ôc en petit ^'''^' ^'^ ^"
nombre; ce qui cauloit de 1 ennui aux Moines qui la compo-
foient. Dieu les confola par la venue de fliint Bernard , accom-
pagné de trente jeunes hommes , qui abandonnoient le fiécle
pour vivre dans la retraite. Ellienne leur donna l'Habit de
l'Ordre , ôc prononça devant eux un difcours , que l'on a eu foin
de confervcrà la pollerité [a).
III. En iii5 Eftienne affembla à Citeaux un Chapitre II aflèmble
général de tous les Monaderes , qu'il avoit établis , ou qui ^? ^jiapitre
s'étoient unis à fon Ordre. Il en tint un fécond en 1 1 15) , où il ^'l'i/ikiiï?.
publia la charte de charité , dont il fera parlé dans la fuite.
Comme cette charte contenoit les Réglemens fondamentaux da
gouvernement de ce nouvel Ordre , Ellienne alla trouver le Pape
Calixteïl.pour le prier de confirmer ces Réglemens. La Bulle
(a) Bernard. Bdtus , lih. i , caf. zi , Hijlcr. Cijlercieiif.
G iij
j4 E S T I E N N E H A R D I N G ,
qui lui fut accordée à cefujct, efl datée de Saulieu le 25 de
Décembre 1 1 ip.
Il Te Jtrnet 1 V. Eiliennc gouverna l'Abbaye de Citeaux , jufqu'à ce que
mem°d-^c!- cafiede vieilleffe, ôcprefque privé de la vue, il fe crut obligé
rcaux. de fe démettre de fa dignité d"Abbé. Il mourut faimement le
28 de Mars l'an 1 1 54. Bucelin a mis fon nom dans fesMéneloges,
6c JVÎonfieur du SauHai dans le Martyrologe Gallican.
Ses Ecrlti. V. On cite ( a ) fous le nom de î'Abbé Efticnne , un Livre de
Sermons fairsen particulier aux Moines de Citeaux; l'Oraifon
funèbre d'Alberic (on prédccefleur , rapportée (b) par Manriquez ;
divers P^its ôcL'fagesde la vie Monallique , que quelques-uns
attribuent à faint Bernard ; le petit commencement de l'Ordre
de Citeaux , imprimé avec les Notes d'Ignace Firmin en i6io\
plufieurs Lettres , dont deux fe trouvent parmi celles de faint
Bernard , l'une à Louis, Roi de France , l'autre au Pape Honorius
IL 6c la charte de charité.
Lettres d'F.f- V L Eftienne de Senlis , Evêque de Paris , étant devenu
tiemveau Roi odic'jx au Roi Louis pour s'être retiré delà Cour, ôc oppofé aux
PapT Hoiio" exactions que le Doyen 6c les Archidiacres de fon Eglife fai-
ïius. foient fur le Clergé par ordre de ce Prince , vint avec l'Arche-
vêque de Sens au Chapitre général de Cîteaux eni 127 demander
la médiation de l'Abbé 6c de fes Religieux , dont il avoit de
E i/?. 45 , niême que le Roi obtenu des Lettres de fraternité. C'eftlefujet
ifiter '^ii-mr- de la Lettre qu'Eftienne 6c fa Communauté écrivirent au Roi
Louis , ou plutôt faint Bernard en leur nom , ôc de tout le
Chapitre général. Ils remontrent à ce Prince qu'en perfécutant
comme i! faifoit l'Eglife de Paris ôc fon Evêque leur père 6c leut
ami , ils ne pourront plus avec coniiance lever les mains au
Ciel pour attirer fur fa pcrfonne 6c fon Royaume la protection
de Dieu ; ni refufer à cet Evoque des Lettres au Pape en fa faveur,
£ -n Le Roi n'ayant eu aucun égard à leurs remontrances, ils fup-
inter ^Bernar- plièrent le Pape de prendre connoiiTance de l'affaire , lui fai^uit
'''"• entendre qu'en la laiffant juger devant le Roi , c'étoit livrer
l'Evoque de Paris à fes ennemis.
Charte de Vil. A l'égard de la charte de charité, Eftienne en avoir
djaritc. conçu le deffein pendant la tenue des deu.v premiers Chapitres
généraux en iii5 6c iiip. Ayant remarqué avec les autres
Abbés de fon Ordre , que leurs Moriaderes fe multiplioient
(s ; B.i.iXiis 11,63. * (. ^J Manriijucl , !oin. i Aiin.u. .id. an,
I 110^.
A B B É D E C I s T E A U X, &c. ry
chaque jour en divers lieux , ils crurent qu'il éroit néccfiaire , ■
pour maintenir dans l'union de la charité tous ceux qui les com-
pofoient , de les obliger à l'obfervation d'une môme règle & des
mêmes ufages. C'elt pourquoi on donna aux llcglemens qui
furent faits à cette occalion , le titre de Charte ou Carte de la
charité , parce que la charité eft le feul but de ces Réglemens.
VIII. Cette Carte efl: compofée de cinq chapitres ; mais C- qu'elle
on peut en rapporter les Décrets à deux chefs, à l'inditution des '^°""*="f-
mœurs , ôc au régime général de tout 1 Ordre. Quant au premier
chef qui regarde les mœurs , nous voulons dès-à-préfent , (ce
font les paroles de la Carte ) ôc nous commandons à tous les
Abbés & Religieux de f Ordre , d'obferver la Règle de faint
Benoit en tous fes points comme elle efl pratiquée dans le Mo-
nailerc de Cîtcaux , fans lui donner d'autre explication que celle
de nos prédécefTeurs , & que nous lui donnons encore aujour-
d'hui ^alin que tous l'entendent & la pratiquent de même. Suc
le fccond chef on décide que les obfervances ôc les cérémonies ,
foitpourle chant & pour les livres néceffaires à toutes les heures
du jour 6c de la nuit & aux Méfies , feront partout les mêmes ;
qu'il ne fera permis à aucun Monaflerc de demander à qui que
ce foit des privilèges contraires au commun Inftitut , ni dc"
retenir ceux qu'on auroit obtenus. Il efl: ordonné à l'Abbé de
Cîteaux dc vifiter une fois l'an en pcrfonne , ou par quclqu'autre
Abbé , tous les Monafteres de fa Fondation ; la vifite dc Cîteaux
eft réfervée aux quatre premiers Abbés de l'Ordre , fcavoir de
la Ferté j dePontigni, de Clairvaux ôc de Morimond. Tous les
Abbés doivent fe trouver chaque année au Chapitre général qui
fe tiendra à Cîteaux , fi ce n'eft qu'ils en foient empêchés par
maladie ou autrement ; ce dent ils donneront avis. Défenfe à
quelque Monaflere que ce foit , de fe choifir un Abbé d'un autre
Ordre. Les Abbés incorrigibles /eront dépofés après quatre
nionitions. S'il arrive que l'obfervance foit négligée dans l'Ab-
baye de Cîteaux , les quatre premiers Abbés travailleront à l'y
rétablir. C'eft aufli à eux qu'il appartient de prendre foin de ce
Monaflere pendant la vacance , jufqu'à ce qu'il y ait un Abbé
élu ôc établi.
I X. La Carte de charité a été mife fous prefle plufieurs fois Editions Je
& en divers endroits. Il y a une édition chez Plantin à Anvers cette Cane,
en i 66^ , ôc une à Lyon en \6-{i ^ dans le premier tome des
Annales de Cîteaux , d'Ange Manriquez fur l'an 1 1 15?. Elle fut
imprimée en Ltin ôc en Irancois en 1(^78 à Paris chez Mabre
'{6 E S T I E N N E H A R D I N G ;
Cramoify , dans un ouvrage intitule : Le véritable gouvernement
de l'Ordre de Citeaux.
Frowin , X. Il ell parlé dans le fixidme tome des Annales Bénédictines ,
Ab'.<é du d'un Abbé du Mont des Anges , vulgairement Engelberg , dans
MoatdeiAn- j^ q^j-j^qj^ deZurich en Suiiie, qui ie rendit recommcndable par
fes vertus ôc fon fçavoir vers l'an 1 1 5 i ( a ), Cet Abbé fe nommoir
FroNvin, ôc avoit fuccedéï Adellieme , premier Abbé de ce
Aionadere : Dom Mabilion étant à Linlidelen ,ou Notre-Dame
des Hermites , y trouva deux Ouvrages de Fro* in , fçavoir une
.explication de l'Oraifon Dominicale, adrefTée à Bertholde fon
Difciple ; 6c fept Livres à la louange du libre arbitre , dans
lefquels l'Auteur traite les principales qucflions de théologie,
contre certains Novateurs, qui fe faifoient gloire de leurs nou-
velles inventions. C'étoit peut-être contre Abaillard. Du moins,
dit-on , qu'en ce tems-là Gerhoh , Prevot de Reicherfpergdans
la Bavière, écrivit contre les Difciples d'Abaiilard. Il ne feroit
pas furprenant que les nouveautés de cet Ecrivain fuffent paiïees
de la Bavière dans la Suiflc qui n'en efl pas fort éloignée.
Ses Ecrits, X I. Dom Mabillon , pour exciter les poOTelTeurs des Ouvrages
de Fro Cv'in à les mettre au jour, a publié dans l'appendice du
fixiéme tome de fes Annales {b ] , les Prologues ou Préfaces des
deux écrits dont nous venons de parler , avec les fommaires de
tous les chapitres , dont les fept Livres fur le libre arbitre font
compofés. Frowin marque dans le Prologue fur TOraifon
Dominicale , qu'il ne dira rien de neuf fur cette Prière; & qu'il
fe contentera de rapporter ce que les Pères en ont dit. Il paroit
par la Préi'acc fur les Livres du libre arbitre , que le Moine
Adelbert l'avoit engagé à écrire fur cette matière ; & que Frowin
l'intitula , à la louange du libre arbitre , parce que le libre arbitre
l'emporte fur tous les autres dons que le Créateur a faits à la créa-
ture raifonnable ; ôc que toutes les vertus de l'homme , fa fagelTe,
.fa juftice, fa félicité , font fondées fur» le libre arbitre. Frowin
jcitoit contre les erreurs nouvelles , non-feulement les Docteurs
fin ftécle précèdent , mais auili ceux du fien , c'efl-à-dirc , de
l'onzième & douzième.
Turçot , XII. Jean SelJen (c) a revendique à Turgot THilloire dç
Evcqiie de s. l'Eglife de Dunclme ou Durham depuis fa fondation par le lloi
tToifc '^" Ofwald jufqu au tems de Guillaume le Roux, en 1097. Il fe
(a) Mabillon, Annal, fit^wi. li!/, 75 , | (,c) Siidtn , prafat. in iîcriproiLS >o ,
Kwn. 148. I Londini, an.iô^i,
fende
ABBÉ DE CISTEAUX,&c. ^7
fonde fur un manufcrit d'Angleterre de l'âge même de Turgot ,
6c fur certaines circonftances rapportées dans cette Hiftoire qui
ne conviennent qu'à Turgot. Tel eft l'endroit du troifiémc
Livre , où il eft dit , que l urgot fut bien reçu au Monafterc de
Durham par le Prieur Aklwin ; qu'il ne voulut pas quitter
l'habit Clérical pour fc revêtir de l'habit Monaflique, qu'après
avoir été éprouvé longtems par Aldwin ; qu'enfuite Turgot lui
fucceda dans la dignité de Prieur. Turgot la polTeda pendant
vingt ans, veillant avec foin & crainte de Dieu iur l'intérieur ôc
les dehors du Monaftere. Enfuite il fjt fait Evêque de faint
André en Ecolfe , Ôc gouverna cette Eglife pendant fept ans.
XIII. Pendant fon féjour à Durham, il écrivit en quatre Se; Ecrits.
Livres l'Hiftoire de ce Tvloriafterc ; en la commençant , comme Tom.t,ScTip-
on l'a dit , au règne d'Ofwald , ou plutôt à l'année que ce Prince '^,,"/"r, Lon-
fonda cette Eglife, c'eft-à-dire , à lan 63 j. Il la conduifit jufqu'en dini,an.i6si..
iop7 , la feiziéme année de l'Epifcopat de Guillaume, aupa-
ravant Abbé de faint "Vincent , Martyr. Turgot rapporte une
Lettre de cet Evoque aux Moines de Durham , dans laquelle il
leur témoigne le défir qu'il avoir de demeurer avec eux , fi la
chofe lui eût été polTible. Puis il les exhorte à chanter avec
décence 6c modeftie l'OHice Divin ; à feconfefler fréquemment
à leur Prieur , & à recevoir avec charité les Etrangers. Le Prieur
de Dunelmeétoit alors Aidwin. Turgot marque fa mort , & dit
que les Frères du Monaflere le choifirent d'un commun confjn-
tement pour lui fucceder la vingt-deuxicme année du règne du
Roi Guillaume, c'eft-à-dire , en 1087. Il ajoute, que l'Evêque
Guillaume ayant encouru la difgrace du Roi Guillaume le
Roux, ce Prélat fut envoyé en exil ; qu'il en fut rappelle quelque
tems après ; & qu'étant de retour il le chargea en préfcnce des
Fidèles du Diocèfe , d'en prendre foin , en le faifmt Archi-
diacre , non-feulement lui, mais tous les Prieurs fes fuccefleurs.
Quoique Seiden ait reflitué à Turgot les quatre premiei^ Livres
de l'Hiftoire de l'Eglife de Dunelme , il n'a pas laifl'é <ie les faire
imprimer fous le nom de Symeon , Moine de Dunelme , elle
eft la première dans la collection des Ecrivains de celle d'An-
gleterre , imprimée à Londres en 16^2 chez Jacques Flesher ,
par les foins de Jean Seiden.
X I V. La fuite de l'HiHoirede Durham dans cette collcaioh , j^f^l'^'^J'sl
eft due à Symeon , Moine ôc Prëchantre de cette Eglife, dont tn yr^^at.
il fera parlé dans la fuite. " '''"• ^ ^''^*
XV. Un autre Moine Anglois , mais François de naiflancé , '^'Q^^eiin
Tome XXI L "H ''
5S ESTIENNE HARDING,
Moîne de fe rendit célèbre dans le même tems par plufieurs Ecrits. Il fe
Cajiiorbcn. nommoit Gotcelin , ou Gotzelin. Moine d'abord de fainr
Bertin , il pafîa enfuite en Angleterre , avec Heremann , Evoque
de Sarisberi. Il étoit habile dans les Lettres , & fçavoit très-
bien le chant ôc la mufique. Après Osberne, on n'en avoit pas
vu qui rt^ur^ît mieux que Gotcelin dans ce genre de fcience.
Audi en laifl'a-t-il des monumens dans tous les Evêchés ôc les
Abbayes qu'il parcourut ; mais il s'appliqua furtout à mettre par
écrit les vies des Saints , morts récemment ; à retoucher celles
qui croient écrites depuis longtems , ôc à en rétablir un grand
nombre altérées ou confumées par les flammes, ou quelqu'autre
accident pendant les Guerres. Nous apprenons tout ce détail de
Guillaume de Malmefburi [a). ^
Viesdefaint XVI. On avoit déjà riiifcoire de la vie de faint Auguftin ,
Auguftin , & Apôtre d'Angleterre, dans le Vénérable Bede {h), ôc dans la
Hiftoiredeia chronique de Sigebert de Gemblous. Gotcelin la donna en deux
Opufcules réparés, l'un plus grand , l'autre plus petit. Celui-ci
fe trouve fans nom d'Auteur ( c ) parmi les Ouvrages de Lanfranc,
de l'édition de Dom Luc d'Acheri à Paris en 164.8 , & dans le
fécond tome de l'Angleterre facrée parWarthon f d]. L'autre a été
imprimé dans le premier tome des actes de l'Ordre de faint
Benoît (e), avec une Epitredédicatoire à l'Abbé ôc aux Moines du
Monaftere deS.Auguflin. DomiMabillon a joint à cette vie l'Hif-
toire des miracles du mcnie Saint (/) , compofée auffi par Got-
celin. Il écrivit encore l'Hifloire de la trandation de fes reliques ,
faite en 1051 1 , le <î de Septembre. Le Prologue ou l'Epîrre dédi-
catoire efl à faint Anfelme , Archevêque de Cantorberi. Dom
Mabillon a placé cette ïlidoire fur la fin du neuvième tome des
a£les de l'Ordre. On la trouve avec la vie de (aint Auguftin dans'
BoHandus au 25 de Mai. Orderic Vital dit, en parlant de la
defcription de cette cérémonie , que Gotcelin la décrit d'une
manière Ç\ patétique , qu'il femble au Lecteur la voir de fes
propres yeux.
AutresTles X V 1 1. Il donne dc fuite, mais en abrégé, la vie de faint
icGotccLii. Letard; du Roi Ethelred ; defainte Mildrede , avecl'lîifloirede
la tranllation de fes reliques , ôc de l'établilîement de fon Mo-
(a ) JJb, 4 , il Regib. Ang. cap. ultimo.
(b) Lib.i , Hijl. Angl. cap. 1 5 , 0-feq.
Cr Lb. 1, , ca . i (f j.
(à) P,/?. 7.
(e ) Pj^. 48 î.
(/) Pa^. 510.
ABBÉ DE CISTEAUX,&c. jp
naftcre. Ilfit un autre écrit pour prouver^ que ceux qui fevan- VTnrthon;
toient de s'être empares des reliques de cette Sainte, étoient [-j^^'i^ 'J^^*
dans l'erreur, parce qu'elles ne repofoient pas dans l'Eglife de /:t. num. j,
faint Grégoire a Cantorbcri, comme ils fe i'imaginoient, mais P'^i^- *•
dans le Monadere de faint Auguftin , où elles avoient été trans-
férées par l'Abbé Elfllan fous le Roi Canut. Un ancien manuf-
crit de la Biblioteque Cottoniene, met encore fous le nom de
Gotcelin les vies des Saints Laurent , Mellite , J ude , Honorius ,
Dieudonné, ôc Théodore , Archevêques de Cantorberi , dont le
fond de l'hiftoire eft pris deEede; ôc la vie d'Adrien, Abbé de
laint Auguftin , mort en 708 , avec riiifloirede la tranflation de
fon corps fous le Roi Guillaume. Balxus (a) lui fait auflî
honneur des vies des Saints Swithun, Grimbald, Erhen-ccald,
Eadgathe , Miiburge , Wereburgc , Yves , ôc del'hiftoire de la
tranlbtion de ce dernier Saint. On attribue encore à Gotcelin
une Chronique , ôc une Profc en l'honneur de faint Ethelrede ,
ôc la vie de faint Guthlac , Prêtre ôc Anaciiorete enCroyiande
vers l'an 740. On peut voir fur cette vie les Bollandiftes à l'on-
zième jour d'Avril. Celle de faint Swithun , EvêquedeVin-
chcftre, mort en S62 , efl dans Surius ôc dans Bollandus au
fécond jour de Juillet. Ce dernier a publié la vie de fainie
"Vereburge ,î Vierge , liUe du Roi des Aierciens , au premier
tome de Février (6 ) ; ôc celle d'Yves , Evcque en Perfe dans le
feptiéme Hécle , au fécond tome de Juin(c). Nous ne fçavons
ce que c'eft que le Livre de Gotcelin (J), intitulé : Co/7/orfa-
torius , qui faifoit partie des manufcrits de la Biblioteque de
Menars , vendue à la Haye en 1720. L'Obituaire de faint
Augufrin de Cantorbcri met fa mort au quinzième de INIai ,
on ne fçait de quelle année.
X V 1 1 L Un des plus illuflres de la Gourde Charlcmagne , H?riuirp &
fut Angilbert. SanaifTanceôcfes qualités perfonnelles engagèrent AD(Ihpr,Au-
ce Prince à lui donner en mariape fa tiiIe Berte. Il occupa les T^f'^'^^rf
premiercs Charges du Palais. Dans le déiir de vaquer à fon falut , giibert.
il fe retira du confentement de fa femme ôc de Charlemagne
au Monaftere de faint Riquier , dont il fut choifi Abbé en 793.
Environ trois ans après y être entré , l'Empereur le rappclla à fou
Palais , oii Angilbert fit les fondions d'Archi-Chapelain. Il
(a) B'Jceus , c-ntur, 15 , cap. 17. . {d) Fibrkius , ton. 3 , Bibliot. Latin.
(4 ) P.ir. ^86. fjg. ii7.
(,c) P^. iSs,. i
Hij
Autres Ecrits
d'Hariulfè.
€o ESTIENNE HARDING,
rebâtit le Monaftere de faint Riquier , l'orna , en augmenta les
revenus , & obtint un Diplôme de Charlcmagne , portant , que-
le Monaftere de Forefl-Montier que l'on en avoit féparé , lui
feroit fournis à l'avenir. Angilbert mourut en 8 14.. On connoît
deux Ecrivains de fa vie ; Hariulfe , Moine de faint Riquier , &
enfuite Abbé d'Aldenbourg (a), mort vers l'an 1130 le ip
d'Avril; ôc Anfcher aufli Moine de faint Riquier, ôc depuis
Abbé du même Monaftere. Dom Mabillon a rapporté ces deux-
vies dans le cinquième tome des aftes (^) de l'Ordre de faint
Benoît , avec des obfervations ôc des notes de fa façon.
XIX. Hariulfe compofa auffi en 1114 (c) la vie de faine
Arnoul , premier Abbé d'Aldenbourg. Il la divifa en deux Livres
aufquels Liliard, Evêque de SoifTons , en ajouta un troifiéme ,
qui comprenoit les miracles du Saine. Hariulfe étoit Abbé de
ce Monaftere , lorfqu'il travailla à cette vie, 6c qu'il Ht lever
de terre le corps de faint Arnoul. Mais n'étant que Moine de
faint Riquier, il acheva l'an 1088 en quatre Livres la Chronique
de ce Monaftere commencée longtems auparavant par Saxo-
Walon. Il ne laifla pas dans la fuite d'y ajouter , comme on voit
par ce qu'il y dit du Pape Urbain II. elle eft imprimée dans le
quatrième tome du fpiciicge de Dom d'Acheri (c/). On le fait
encore Auteur de la vie de Gervin fon prédéceiïcur & fécond
Abbé d'Aldenbourg ; ôc d'un Recueil des miracles opérés en'
cette Abbaye par lintercelTion de l'Apôtre faint Pierre. A la
tête des deux Livres de la vie de faint Arnoul , Hariulfa mit
trois Lettres ; la première à Lambert, Evêque de Tournai, qu'il
prie de la faire approuver parLifiard , Evêque deSoiffons , ôc de
fe joindre enfemble pour l'offrira Pvaoul , Archevêque de Reims,
leur Métropolitain. La féconde eftàLiliard, à qui il demande
cette grâce ; ôc la trcnfiéme à Pvaoul , à qui il prefente cette vie..
De ces deux Livres ôc du troifiéme compofé par Lifiard , Surius
n'en a fait qu'un qu'il a mis en fon ftyle ; attribuant le tout à
Lifiard , quoiqu'il ne foit Auteur que du troifiéme, c'eft- à-dire,
du Recueil des miracles. Hariulfe vécut jufqu'en 1 150. Il avoit
fait lui-même fon épitaphe en vers élegiaques. On l'a rapportée
fur l'année de fa m-ort ( e ) dans les Annalles Bénédidincs , avec
( a) Mabillon. Annal. Ub. 7^, num. \o<;.
(A) Pai. 87, &• H.
( c) Mabillon. Ub. 67 , Annal, num. 37
{d)Pag. 616.
(e) Lii. 75 , Anna!, num. i«î.
ABBE DE CISTEAUX,&c. 6t
les trois vers par lefquels il dédia fa Chronique à fes Confrères
de faint Riquier.
XX. Anfcher le fécond Hiftorien de faint Angilbert, ayant Errlf»
fuccedé à Gervin , Abbt^ de faint Riquier en iop8 , commença '''A"''^^*''
fon gouvernement (a ) par recueillir ôc mettre en ordre toutes
les Cliartes de fon Monaflere. Il ajouta à la vie qu'il avoit faite
de fiiint Angilbert , un Livre de fes miracles , qu'il prefenta avec
la viemêmeàKaoulj Archevêque de Reims [b) , pour l'engager
à faire lever de terre le corps du Saint. C'ëtoit en i i lo. 11 pre-
fenta les mêmes monumens au Pape Pafchal II. en lui deman-
dant la même grâce. Elle fut accordée. Le Pape mit Angilbert
au nombre des Saints , ôc fixa fa Fête au i8 de Février. Alors
Anfcher fit tranfporter fon corps , du veftibule de la Bafilique
du Sauveur , dans la Bafilique même. Pour donner plus d'auten-
ticité aux miracles qui fe laifoient à fon tombeau , Anfcher avoit
prié Geoffroi , Evêque dAmiens , 6c un Prêtre d'une faintc vie ,
de venir fur les lieux être témoins de ces évenemens miraculeux.
Ce qu'ils firent l'un ôc l'autre. Hariulfe compofa du vivant
même d'Anfcher une élégie en fon honneur , dans laquelle il
relevé la noblelTe de fa naifîance; la bonté de fes mœurs; fa
pieté ; la folidité de fon efprit , fon application à reparer les torts
faits à fon Monaflere; à faire refpecter les corps des Saints qui
y étoient inhumés ; à fournir des ornemens décens pour la célé-
bration des myfteres. Cette élégie fe trouve dans l'appendice du;
cinquième tome des Annales Bénédictines (c). Anfcher figna;
comme témoin ( d ) , avec la qualité d'Abbé de faint Riquier , à
la charte de donation d'un perfonnat dans l'Eglife de fainte
Marie , faite à l'Abbaye de Marmoutier en i loo , par Gervin ,
Evêque d'Amiens.
XXI. Ernulphe,que Symeon deDurham nomme Arnulph?, Arnuin^e-
étoit ( e ) , félon Guillaume de Malmefburi , François de nation. Evêque de
Après avoir été afiez longtems Moine dans lAbbaye de faint ^°'^^''"'*'^''«
Lucien de Beauvais , voyant qu'il ne pouvoit ni corriger , ni
fupporter certains dérangemcns , il penfa à s'établir ailleurs.
Avant de faite cette démarche , il confulta Lanfranc qu'il avoit
eu pour Maître en l'Abbaye du Bec. Cet Archevêque qui con-
noilToit fes talens, lui perfuada de venir à Cantorberi. Il fut fait
(a) Mihillon. lïb. 69 , num. Sr.
(h) llid. Uh. 7 1 , num. lo'i.
C à ) Lib, 69 , Annal, num. 13?.
(e) AU'mefl'ur. de gefl. Pomif, Anglor,-
lib. 1 ,di Pô m if. Roîlen^.
H iij
?2 E S T I E N N E H A R D I N G ,
Prieur du Monallere de faint Augudin par Hunt Anfelme,
fucceffeur de Lanfranc; enfuite Abbé de Burck; puis Kvêque
de Rochefter , en 1114.. II donna dans tous ces Offices des
preuves de fa probité 6c de fa prudence. Son Epifccpat fut de neuf
ans & quelques jours. Il mourut, comme l'on croit , au mois de
Mars de l'an 1124, âgé de quatre-vingt quatre ans. Quelques
Hifloriens ne mettent le commencement deibn Epifcopat qu'au
mois de Décembre 1115".
Ses Fciifs. XXII. On lui attribue une hiûone{a) de l'Eglife de Ro-
ses Lettres, chefter ; mais on ne l'a pas encore rendue publique ; & nous ne
counoiiTons d'Arnulphe que deux Lettres aflez longues pour leur
donner le litre de Traités. Dans la première , qui efl adrelTée à
Walquelin , Evoque de Vindfor, à qui il avoir (outenu dans une
Conférence qu'ils avoient eue enfemble à Cantorberi , qu'une
femme coupable d'adultère avec le lils de fon mari, devoit en
être féparée; il répond aux objettions que cet Evcque faifoit
Prtmieie contrC ce fentiment. Arnulphe avoir prouvé le fien par l'autorité
Lettre,rom. 2, çjgg Peres , des Conciles , des Livres pénitentiels , & parl'u{age
jpia eg. yig. ^^ l'Eglife. Wa'quelin s'en tcnoit aux paroles de l'Evangile &
de faint Paul , prétendant qu'elles décidoient en fa faveur.
Contens l'un ôc l'autre de leurs preuves , ils s'étoicnt féparés
Matt. 5 , amiablcn^ent fans avoir fini leur contefration. Arnulphe !a reprit
'*,v'^ ' ^ ' par écrit , ôc prouva , que les palfages de l'Ecriture allégués par
9. Marc. Jo, r ,.' r ' 1 1 r j i j 1
7. Luc. 16 , \^alquehn, pour montrer que la remme adultère dans le cas
18. Rom. 7, propolé , ne devoit pas être féparée de fon mari, ne faifoicnt rien
* j/' '"■ acttte quedion ; qu'on devoit les entendre d'une féparation
volontaire entre des perfonnos qui netoient pas coupables
d'adultère; enforte qu'il étoit vrai, félon les endroits cités, que
de deux perfonnes innocentes , le mari ni la femme ne pouvoient
fc féparer fansun confentement mutuel , ni de leur propre
autorité. Venant enfuite aux preuves de fa propofition , qui
étoit , que l'on devoit féparer de fon mari une femme qui avoit
commis un adultère avec le fils que ce mari avoit eu d'une autre
femme ; il cite les Décrets des Conciles de Mayence , de Ver-
berie , de Tribur ; les Epitres décretales des Papes Innocent ÔC
Ccleflin I. ÔC la coutume de l'Eglife , qu'on ne peut , félon faint
Auguflin , violer fans péché. Il s'obje£le que le mari étant inno-
cent, ily auroitdefinjufliccde le féparer defa femme pour une
( « ) Ma'.nijlur. ubi fuprd.
ABBÉ D E C I S T E A U X, &ç. 6^
faute commife avec fon fils. A quoi il nf pond que rhomme&la
femme n'étant qu'un corps ôc qu'une chair à caufe de leur union ,
ils méritent d'ctre punis dans ce qui fait qu'ils ne font qu"une
feule chair ; que félon faint Auguftin , il eft non-feulement permis
à un mari de fe féparer de fa femme lorfqu'elle eft tombée en
fornication , mais qu'il le doit, de peur qu'à fon imitation il n'y
tombe lui-mcme ; que cela n'cft pas contraire au confeil que
l'Apôtre donne au mari lidele , de demeurer avec fa femme
infidèle, parce que ce confeil n'imoofe aucune ndcefl"ité au mari ; ' Cor. 7, it,
que le môme A potre ayant dit que celui qui s'unit à une adultère
devient un même corps avec elle, il fuit de-là , que la femma
dont il eft quefiion étant devenue par l'adultère un même corps
avec le fils de fon mari , ce mari en habitant avec elle, habitera
en même-tems avec fa femme & avec fa fille. Il cite l'exemple
de David, qui ne voulut plus connoître fes Concubines depuis
qu'elles eurent eu commerce avec fon fils Abfalon.
XXIII. La féconde Lettre d'Arnulphe, eft une réponfeà '^ecomle Ln-
cellequ"il avoir reçue d'un homme de pieté nommé Lambert ♦ '?„ '^''"''"
où illuifaifoitcinq queftions. La première: pourquoi l'on don- 431.
noit alors aux Communians l'Hoftie trempée dans le fang , au lieu
que Jefus-Chrift avoit donné à fes Apôtres , fcn Corps &; fort
Sang féparément. Arnulphe répond , que Jefus-Chrifi étant venu
pour Icfalut des hommes, a enfeigné à fes Apôtres, de vive
voix, ou par fon excmple,ce qui étoit néceffaire pour la réparation
de l'infirmité humaine ; mais qu'il n'en a pas prefcrit la manière y
laiffant à fonEglife le pouvoir de la déterminer.Ainfi en ordonnant
leBsptême , il n'a pas dit : Vous baptiferez de cette façon ; vous ne
plongerez qu'une fois, ou vous en plongerez trois ; vous ferez le
fcrutin ; vous confacrerez le Chrême ; mais feulement : yiUe'^ ,
bapîifei les A\ztwf7s , au nom du Père , du Fils , y du S. Efprit. D'où
il fuit , que pourvu que l'on baptife , la manière de baprifer peut
varier, foit par raifon de nécefilté , fcit par raifon de décence.
Au commencement on adminiftroit les Sacremens d'une façon ;
on les a enfuite adminiftrés d'une autre. Les Apôtres commu-
nièrent après avoir foupé. Par refpect pour un fi grand Sacren:ient ,
il a été ordonné depuis, de le recevoir à jeun, ôc cet ufage a
prévalu dans toute l'Eglife. Les Aucels n'étoient autrefois que
de bois; ils font aujourd'hui de pierre. Le pain quotidien faifoir
la matière de l'Euchariftic ; nous formons aujourd'hui ce paia
en figure ronde comme un écu. Il donne pour raifon de la
coutume introduite de tremper l'Euchariftie dans le Sang. d«
?t ESTIENNE HARDING,
Jefus-Chriil , la crainte bien fondée qu'il n'arrivât quelque
acciJent, lorfque le Prêtre donnoit le Calice à une grande mul-
titude j c'ell-à-dire , ou qu'il ne s'en répandît , ou qu'il ne refiât
du précieux Sang fur la barbe de ceux qui le recevoient ; il aioute
qu'on ne doit pas appréhender d'imiter dans cette façon de
communier, Judas, à qui le Sauveur donna un morceau de
pain trempé , puifque ce fait n'a aucun rapport à la communion
Eucharillique. Ce morceau trempé étoit un figne de la trahifon
. de Judas , Ôc de fa malice. Nous recevons au contraire l'Eucha-
riftie pour nous préferver du péché.
fîg, 457. X X I V. La féconde qucfiion étoit de fçavoir , pourquoi l'on
met la quatrième partie de l'Hodie dans le Calice ?La réponfe
d'Arnulphe efl:, que ce n'cfl: pas la coutume de mettre la qua-
trième, mais feulement la troifiéme partie de rHoftic dans le
Calice , parce qu'on la partage non en quatre , mais en trois ; que
dans quelques Eglifes on a attention de faire cette troifiéme
partie , de la grandeur de la quatrième partie de 1 Hoflic ; mais
qu'en d'autres, on la fait de la grandeur de la troifiéme partie.
Il donne pour raifon de cette divifion en trois parties, que 1 if oftic
qui eft fur l'Autel doit être confumée par le Célébrant, le Diacre
6c le Sous-Diacre ; que le Célébrant prend dans le Calice la
partie qui lui arrive ; & quil réferve fur la patène les deux autres
parties pour fes deux Minières s'ils font préfens ; ôc qu'en cas
d'abfcnce , le Prêtre les prend pour lui. Ladiviiion de l'IJofcie
en trois peut auffi , félon lui , figurer le Corps myllique de Jefus-
Chrift, qui eft rEglife,compofée de trois Ordres : des Supérieurs
ou du Clergé , des Vierges , & des perfonnes mariées; ou les
trois Perfonnes de la Sainte Trinité ; ou les trois états de Jcfus-
Chrifl., fur terre, dans le tombeau, ôc immortel dans le Ciel.
Tag. 4}8. XXV. Lambert demandoit en troifiéme lieu , pourquoi 1 on
recevoir féparément du Corps , le Sang de Jefus-Chrift, ôc fon
MttT.zé ,i6. Corps féparément de fon Sang ? Arnulphe répond , qu'on le fait
pour imiter Jefus-Chrifl , qui dans l'Evangile propole la com-
munion de fon Corps , féparément de celle de fon Sang; mais
qu'il ne laiffe pas d'être vrai, que nous recevons Jefus-Chrift
tout entier fous chaque efpece : fon Sang avec fon Corps , ôc
fon Corps fous l'efpece du Sang. En répondant à la quatrième
queftion , reçoit-on dans l'Euchariflic l'Ame avec le Corps ?
Arnulphe reiettç les vaines fubtilite's , que la vanité plutôt que
l'amour de la Religion faifoit naitre fur les Sacremens , ôc veut
que fans samufer à difputer , l'on croie Iknshéiitcr, que l'Eur
chariftie
ABBÉ DE C I S T E A U X, &"c. 6^
jcharlflie eft le Corps & le Sang de Jefus-Chrift , puifqu'il l'a dit
ainfi , qu'étant la Vérité il n'a pu mentir , mais qu'il a pu faire
comme Tout-puilTant ce qui elt au-deflfus des lumières de notre
raifon. C'eft pour cela , ajoute-t'il , qu'elle eft appellée le myftere
de la Foi, parce que la Foileuleen pénètre le fecret. Jefus-Chrin:
n'a-t-il donc pas pu faire la chofe ( a ) comme il l'a dite ? N'a-t-il
pu changer le pain en la fubftance de la chair , fans lui faire
prendre les qualités de la chair? Y a-t-il quelque chofe que le
Tout-puiirant n'ait pu faire ? Non. Nous croyons & nous tenons
pour certain , que la fubftance du pain par la vertu des paroles ,
cH: changée en la fubflance de la chair du Seigneur. Mais nous
fi^avons auHi très-certainement , ôc nous prouvons par les fens
corporels, que les qualités du pain demeurent immuablement,
<juoique la fubftance de ce pain ne demeure plus, parce qu'elle
eft , comme nous le croyons , changée en chair. En effet, la
blancheur , la faveur 6c les autres qualités du pain continuent à
afTeder nos fens. Mais fi les qualités du pain fe trouvent dans
l'Euchariftie , quoique la fubftance du ]>ain n'y foit pas, les
qualités de la chair n'y font pas , quoique la fubftance de la
chair y foit. C'eft donc fans raifon que l'on demande fi la chair
de Jefus-Chrift dans l'Euchariftie eft morte ou immortelle: (î
elle eft animée, ou ne i'eft pas? Comme ceux qui font Fidèles
demanderoient mal-à-propos aux Fidèles , fi l'Hoftie confacrée ,
où nous voyons les apparences de pain , eft du pain?
X X V I. La cinquième queftion regarde le fens de ces paroles ^^i- 445
du Prophète : Qui fçait li Dieu ne changera pas & s'il ne pardon- '^' ' ' **•
nera pas? S'il ne laillera point après lui de bénédiction? Arnulphe J^^l i, 13
fait voir par les paroles mêmes du Prophète Joël , qui précèdent
celles que nous venons de rapporter , que le changement de
Dieu confifte dans le pardon qu'il accorde a\j pécheur converti ;
& que par la bénédidion qu'il laiile après lui , il fiut entendre
la paix ôc la grâce qu'il donne à ceux qui le fuivent , ou qui font
fa volonté. Ces deux Lettres d'Arnulphc ont été imprimées dans
le fécond tome du fpicilege de Dom d'Acheri.
( il ) Quid erîTO ? Nonne (îcut dixit
facf r(" potuit ? Nowne potuit inutsre p;mein
in lubilinti;)!)! c?.rnis , fine ahumptione
qualitatura ipfius c?rnis :■ Q.uiJ omnipo-
tens faccre non potuit f Creclimits & cer-
tum tenei" '"^ (!;l-!h<p* ^^i n-inis vetbotuni
virtute eilo inuta'nm in fubftantiam Domi-
nici' Garnis. Certirtlmè tanirn le mus &
lènlibus corporeis comprobamus qua;i;a-
tcs panis imniobiliter perip ' erc , tujus
(ubftantiam quia caro fada eft çredimus
non mancre. Pdg. 4-1 1.
Tome XXII I
-ï^6 E S T J E N N E H A R D I N G ;
Clarius, X X V 1 1. Il a fait entrer dâiis le même tome , la Chronique
Moine de S. (jg faint Picrre-ls-vif à Sens, en fupprimant tout ce que l'on y
sàchrônVquei svoit mis des anciennes Chroniqucs d'Eufebe , de faint Grégoire
tom. 2 SîKil. de Tours , de Sigebert , & de quelques autres. L'Auteur nommé
^ag. 70J. Clarius avoit d'abord été Moine de Fleuri ; d'où il pafla à Sens
dans l'Abbaye de faint Pierre-le-vif. Daïmbert, Archevêque de
cette Ville, n'ayant pu pourcaufede maladie aiTiller au Concile
indiqué à Bcauvais en 1120 , invita Arnaud, Abbé de faint
Pierre , d'y aller avec les Evêques ôc les Abbés de fa Métropole.
Arnaud étant tombé malade en chemin , envoya au Concile
Clarius (a) pour y faire fes excufes Ôc celles de l'Archevêque.
On lui permit d'être prcfent au Concile, foit parce qu'il étoit
envoyé de la part defon Archevêque ôc de fon Abbé , foit parce
qu'il avoit la réputation de fçavoir. Cefl: à la mort de fon Abbé
qu'il finit fa Chronique. Le refle, c'eft-à-dire , depuis l'an 1 124
jufqu'en 1184., eft d'une autre main. Elle commence en 44.5 ,
la féconde année du Pontificat de faint Léon. Clarius l'a rendue
intéredante en y rapportant plufieurs Lettres des Papes , des
Cardinaux & des Légatsjôc parles dates des Conciles. Il y a faute
fur celui de Troyes (è), qu'il met en 1 loj , ce fut en 1 104.
Clarius fe trompe encore lorfquil dit , que fon Abbé Arnaud
étant allé à Rome en cette année poury faire confirmer par le
Pape Pafchal tous les biens de fcn Monaflere , y trouva Richard ;
il faut lire Anfelme Arclievêque de Cantorbcri, qui y étoic des
l'an I lo? ,& en revint l'année fuivante.
Eerengore X X V I ï I. Bcrengofe mis au nombre des Abbés de faint
rfe ''TbL.ri'e ^î«i-"<i""'i" ^^ Trev^es dans le quatrième tome (c) de l'ancienne
fajntM;xim:n Gaulc chrétienne , vivoit fous l'Empereur Henri V. de qui il
lieTrcveî. obtint un privilège pour l'advocatie de fon Abbaye. Btunon ,
Archevêque de Trêves; Frideric, de Cologne ; Brunon , de
Spire \ Otbert , de Liège ; Richard, de Verdun ; Richuin ^ àé
Toul , 6c quelques -autres fignerent ce Diplôme comme
témoins. Richuin ne fut fait Evêque de Toul qu'en i ro7, &
Berengofc , Abbé de faint Maximin , qu'en 1112. Il eft dit dans
le Nécrologe de faint Arnoul de Metz ( i ) , que le même Empe-
reur confirma à la prière de l'Abbé Berengofc en 1 1 1 y tous les
biens de cette Abbaye.
( a ) Tom, z fpicileg. pa^. 771. 1 ( <" ") Pf?- ^}s.
( i ) Mahiiion. lit. ro , Annal, nam. 7^. j ( d) Mabillon, iib. 7 1 ,Aiind. iium. yv.
ABBÉ DE C I S f K^A^Ù X,&c. 67
- XXI X. On a fous le nem de Berengofe dans la Biblioteque Ses Ecrit*,
des Pères à Cologne en 1 5-5 f, ôt dans le douzième tome de celle
de Lyon en 1677 , trois Livres de l'Invention de la Croix da
Notre-Seigneur ; un du niyftere du bois de la Croix ôc de la
lumière vililîle & inviliMe, dont les anciens Pcres ont mérité
d'Ctre éclaires , ôc'cinq Sermons fur les Martyrs , les ConteHeurs,
la Dédicace de l'Eglife , &: la vénération des Reliques. Dans le
troifiéme Livre de l'Invention delà Croix , Bcrengcfe marqué
aflez clairement qu'il avôit demeuré à Trêves , par la defcription
quil iàit de la magniHcence fa) des édifices que fîtintc Heleine
y avèfrtait bâtir, ôc qui rubliftoient encore en partie du vivant de
cet Aiiteur. Il adopt-e comme certaine {-b ) ,' la faulTe Hiftoire dil
baptême de Conltantin. Ce qu'il dit(c')"fHr l'Invention delà
Croix n'eft point fondé dans Tantiquité , 6c rt'eft pas même vrai-
fcrablable. Dans tout ce Traité il montre un efprit extrcmement
crédule, & plus de pieté que de lumières. .Le fuivant eft une
fuite de réflexions morales & allégoriques fur le myftere de la
Croix. Ses difcout's fur les Martyrs & fut 4és Confeiieurs, font
communs pour tous les Saints. Il n'y donne Ihiftoire d'aucun en
particulier. Ildit dans le difcours(rf)furlaT5édicace & la véné-
ration des Reliques, qu'il faut croire que les âmes des Saints
defcendent le jour de leur Fcte vers leurs corps , & qu'ils inter-
cèdent pour tous ceux qui viennent les vifiter.
XXX. Il n'eft plus queftion parmi les Sçavans de mettre Fft il Auteur
entre les Ecrits de faint Ambroifc le Commentaire fur l'Apo- tà'ire furTA-
calypfeque Tonftalle (e), Evêque de Dunelme , fit împrimet [o:a!ypfe.
fous le nom de ce Père en i Ç48. Les citations fréquences d'Ecri-
vains poflerieurs à faint Ambroife , & de lui-même ; la différence
du ftileôc quelques traits hiRoriques qui annoncent un Ecrivain
plus récent que le huitième fiécle ; tout cela prouve qu'il faut
attribuer ce Commentaire à quelqu'autre qu'à faint Ambroife
mort en 3p7. L'Auteur, quel il foit , a tellement prétendu fe
cacher , qu'il veut bien qu'on le connoiffe en formant fon nom
des premières lettres de fon Commentaire fur les fept chapitres
des vifions. Or ces lettres font B. R. N. G. U. D. S. aufquelles
on doit joindre les voyelles E. E. A. I. U. O, ce qui fldt
( j) h'ih. 3 , fffp. I G- 1.
«i; * ) Ibiâ. cap. 7.
(c) Lib .1 ,cap. 7,
<i) P.y. 58J.
(e " At'm"r:'r. in hune Comment, tam. t ,
On. An-biof. edlt. 1690, P'g. 4PS , ui
Appind.
ïJS ESTIENNE HARDING;
Berengaudus ou Berengaudos. Plufieurs manufcrits donnent eti
effet ce Commentaire à Berengaudus ; mais il y en a auili où il
porte le nom de Berenger. Berengofus de Trêves n'a pour lui
que quelque relTemblance dans le nom , & dans la profellion :
car il profeffoit , comme l'Auteur de ce Commentaire , la Règle
de faint Benoît. Berenger au contraire ne fut jamais Moine
Bénddiclin : ôc cette raifon feule doit prévaloir fur l'autorité
des manufcrits. Il efl fut mention dans les Lettres de Loup,
Abbé de Ferrieres {a) , d'un Moine nommé Berengaud , ou
Bernegaud , qu'il envoya vers l'an 8 fj à Auxerre pour y achever
fes Etudes fous Hoirie qui enfeignolt avec réputation danîj^-Ab-
baye de faint Germain. On peut plus vraifemblablement lui
attribuer qu'à tout autre , le Commentaire dont nous parlons^
Son nom fe rencontre avec celui qui eft délîgné dans les pre-
mières lettres de ce Commentaire furies chapitres desvillons. Il
étoit Moine Bénédiclin , & inflruit dans les Belles-Lettres , ôc
dans les divine? Ecritures.il falloit toutes ces connoiflances pour
compofer un Commentaire , qui pour fon ftile & fa foiidité'
a mérité les éloges des plus habiles Interprètes , entr'autres,
de Denys-le-Chartreux(i), ôc de Monfieur BofTuet , Evéque
de M eaux.
Rodulplif, XXXI. Rodulphe ou Raoul né dans un Village fitué fur la
Abbé de làjiii Sambre, appelle Mon{lier,à caufe d'un Monaftere de Filles
vêtues de noir , fit fes Etudes à Liège jufqu'à l'âge de dix-huit
Mabillon. ans. Il entra dans le Clergé , ôc fut fait Sous-Diacre. En allant
hb.ji, Annal, ^^jj. jg^ bains d'Aix-la-Cuapelle j il entra dans un Monaftere
voifin, qui étoit de l'Ordre de Cîteaux. La lecture qu'il entendit
à Compiles , lui fit naître le défir de fe faire Moine. Il demanda
d'être adm;^ au Noviciat , ôc prit l'Habit le jour de la Converfioa
de faint Paul , fous l'Abbé Azelin. Voyant que la difcipline
régulière étoit négligée dans ce Monaftere, il alla vifiter ceux
du Dioccfe de Cologne, ôc revint enfuite en Flandres, où il'
fe décida pour celui de faint Tron. Thierri qui en étoit Abbé ,
lechargea d'enfeigner les lettres ôc laMufique aux enfans. Il le fit
enfuite Prieur. Raoul profita de fon autorité pour réformer divers
abus , ôc régler le chant des Offices, la forme des habits ôc les
Id<m. hh. cérémonies de l'Eglife. Enfin il vint à bout d'introduire à faint
73, /iu/n.Hj. Xron les ufages de Cluni. Fait Abbé après la mort de Thierri ,
(.a) Epjl, 116,114. I (^b) Admonii. in hunç Cûvimentar,
ABBÉ DE C I S T E A U X , &c. 69
il maintint le bon ordre dans fa Communauté ; rétablit les édi-
fices qui avoient été confumés parle feu. Le fchifme entre les
Partifans de Frideric ôc d'Alexandre, qui prétendoient l'un ôc
l'autre à l'Evcché de Liège , mcttoit tout le Dioccfe en trouble.
On preifa Raoul de prendre parti , ou de fortir de fon Abbaye.
Attaché d'un coté à fes Religieux qu'il aimoit tendrement , il
avoit peine à les quitter ; il craignoit de l'autre de fe féparer de
la communion de l'Eglife Catholique. L'amour de la Religion
l'emporta fur lui. Il fe retira d'abord dans l'Abbaye d'Afflighen ;
enfuite en celle de faint Bavon à Gand ; puis à faint Pierre ,
dont Arnoul étoit Abbé.
X X X I L II arriva, pendant ce tems-là , que Frideric , ç,
Evcque de Liège , mourut. C ctoit cn-i 121. Raoul rut appelle ujs.
pour l'cledion. Les Partifans d'Alexandre firent leur polfible
pour le gagner. Il fortit de Liège ; vint à Cologne, où les
Moines de laint Pantaleon le choifirent pour leur Abbé. Il ne le
fut pas longtems. Adalberon , frerc du Duc de Louvain , ayant
été choifi Evoque de Liège , & facré par l'Archevêque de
Cologne, Raoul , aux inftances des Moines de funt Tron ,
accompagna jufqu'à Liège le nouvel Evoque, ôc revint delà en
fa première Abbaye, après deux ans ôc cinq mois d'abfence.
Il la trouva défolée tant dans fes biens que dans fes bâtimens,
Saifi de douleur à la vue d'un fi trifte fpetlacle, il 'àt le voyage de
Rome , jufqu'à deux fois , avec Alexandre , l'un des Contendans
à l'Evêché de Liège. A fon retour il reprit le gouvernement de
fa Communauté , qu'il édiHoitpar fon alfiduité aux exercices. Il
mourut de paralyfie en 1 1 3 S.
X X X 1 1 1. Le principal de fes Ecrits , cft la chronique de fon ^gj Ecrits,-
Monailere, aulfi eftimable pour la bonté du fli'ie que pour la Chronique de
candeur ôc la netteté avec laquelle Raoul raconte les évenemens. '^'"' ^'^°"*
Il ne prend parti nulle part. Les faits qu'il rapporte, ou il les
avoit appris des meilleurs Ecrivains , ou tirés des anciens monu-
mens , ou entendus des témoins oculaires , ou vus lui-même. Il
ne laifTe pas de fe plaindre («) de la pénurie de 'Livres ôc de
Mémoires , dont il rejette la faute fur la négligence de fes pré-
décelTeurs. Sa Chronique efl: divifée en treize livres , dédiée au
Prévôt de faint Denys , qu'il ne nomme pas , ôc imprimée dans
le feptiéme tome du fpicilege de Dom d'Acheri. Après una
(«) T.'/n. 7 /f.c;/ g. paj. 34Î,
I iij;
70 E S T I E N N E H A R D I N G,
Lettre ou un Prologue à tous les Abbés fes fuccefleurs & aur
Religieux de fainti roii , préfensôcà venir , à qui il rend compte
de fo'.i travail , il donne la fuite de tous ^es Abbés de ce Uonaf-
tere,avec le nombre des années qu ils ont gouverné, lorfqu'il
a pu le découvrir. 11 marque audi leurs bennes qualités , & leurs
actions mémorables: bur Adalard II. mort en 1082, il dit*
qu'élevé dès l'enfance dans le Monaftere de faint Tron , il
apprit les Belles-Lettres , la Sculpture & la Peinture ; qu'il
Pj^- 3î5- peignoir 6c fculptoit des Images, il commence au fécond Livre
ihilloire de la dévaflation de. L'Abbaye , qu'il ne feint pas de
comparer à celle de Jérudilem fous T ite ôc Vefpafien. Depuis
le huitième Livre jufquà la fin , il parle , mai? en troiliéme
perfonne,de fon éledion, ôc de tout ce qu'il Ht à l'avantage de fon
Monaftere pendant tout le tems qu'il le gouverna. Il marque dans
le treizième Livre en quoi confiftoit la Prébende de chaque
Fecr. Ï07. Moine , tant en pain qu'en vin ôc bierre. On fervoit à- tous un
mets (le légumes cuite^ avec delà graifle , ôc en certains jours
du poilTon ; au fouper quatre œufs , ou la moitié d'un fromage.
Vie Je '■p!"t XXXI V. La vie de faint Lictbert , Evêque de Cambrai ,
Lietbert.Evc- ^Q^t au mois de Mai l'an 1 075 , a été publiée fans nom d'Auteut
brTi ''*tom''.T dans le neuvième tome du fpicilege ; mais dans un manufcrit de
Spicileg. yag. l'Abbaye d'Anchin(û), elle eft attribuée à Raoul, Moine, le
*'^- même fans doute qui fut Abbé de faint Tron ; ce qui Je prouve ,
c'eft que l'Auteur de cette vie marque clairement qu'il écrivoit
au commencement du douzième fiécle. C'efl: en parlant de
Gérard , prèdécelTeur de Lictbert : // rcfix encore {b) , dit-il , des
hommes de vertu qui font témoins de la faintcté de fa vie , (y comment
il a gouverné fon EgUfe fuivant les faims Canons.
Lettre à S> XXXV. Il étoit d'ufage autrefois que les parens ofFrilTent
bcrt , Pvicir leurs cufaus à Dieu dans les Monafieres ; Ôc que le voeu pat
de faint l'ai- jçqye[ \\^ \ç^ confacroieut à Dieu fut irrévocable .félon qu'il eft
\Qgne. dit dans le cinquante-neuvième chapitre de la règle de laint
T3enoît. On voit encore des formules de ces fortes d'oblations.
Dom d'Achcri en a rapporté quelques-unes dans fes Notes fué
Guibcrtde Nogent. La pKipart des parens accompagnoient la
confècration de leurs enfans , de grandes libéralités : d'où eft
venue l'opulence des Monafieres. Quelques-uns elTayerent fous
{ a) M.ihillon.tib. fi^ , Anna!, num. iji, J ( J; Vita Lietbcrti, cap.i , pjr. 6jf.
if in AnaleSlis , pjg. 47 «. 1
A B B É D E C I s T E A U X , &c. 71
le règne de Louis le Pieux d'abolir cette coutume. Rhaban ,
alors Moine de Fulde , en prit h défcnfe dans un Livre que
l'on n'a pu encore recouvrer , mais dont il efl fait mention dans fa
vie par le Moine Rudolphe. Soit que fes raifons ayent prévalu ;
foit que l'ufage d'offrir les enfans ait été attaqué foiblenient , il
étoit encore en vigueur dans le douzième fiécle. Cela fe voit
par une Lettre de Sibert, Prieur de faint Pantaleon , à Raoul,
Abbédefaint Tron , par laquelle il le confultoit (a) fur ce que .
l'on devoir répondre à un avare très-riche , qui vouloir offrir ton
fils à ce Monafiere fans lui donner aucune dot. Le Prieur au
contraire & les Pvloines exigeoient de cet avare, qu'il aban-
donnât à fon fils la part qu'il avoir dans les biens de fa
famille.
X X X V L Raoul repondit de fliçon à Sibert , qu'il Aiiaiyfe de
le mit en état de juger ce qu'il convenoit de faire à l'égard de cet ['"."^^„a"ffij
avare, ôcdeprefcrire aux Moines de faint Pantaleon la manière RhihilUn.pag.^
dont ils dévoient fc comporter en cette affaire. Sa réponfe eft '*^5"
donc compoféc de deux parties. Dans la première il traite dure-
ment cet avare de ce qu'en offrant fon fils à Dieu dans le Monaf-
tere , il vouloir frauder cet enfant des biens qui lui étoient dûs.
La raifon que le père alleguoit , étoit qu'il ne pouvoit fans fimo-
nie faire une oblation de cette nature. Raoul fait voir que ce
n'étoit de fa part aucune crainte de fimonie, mais un motif
d'avarice qui le faifoit agir ; que la portion de bien échue à fon
fils dans le fiécle, devanr le fuivre de droit divin & humain dans
l'Eglife , il n'y avoit point, de fimonie du côté de ceux qui
l'exigeoient. Il ajoute que les Monafteres ne font pas érablis pour
décharger les familles des riches , mais pour y nourrir ceux qui
font véritablement pauvres de biens , comme les riches qui choi-
fiffent ces retraites par un efprit de pauvreté. Dans la féconde
partie Raoul avertit Sibert ôc fes Moines de ne rien exiger de
cet avare, ni de qui que ce foir, pour la réception de leurs enfans y
qu'on peut toutefois les avertir , qu'ils doivent à l'Eglife à qui ils
les offrent , la portion de bien qui leur eft éch.ue ; mais non pas^
les contraindre à la donner ; enfin que comme il eft au pouvoir
des Moines de ne pas recevoir l'enfant , le perc eft libre auffi de
ne pas donner au Monafiere les biens échus à fon iils. Il décide
en général , que les Moines ne peuvent exiger quoique ce f^it
pour la réception des enlans , ou des Novices , fans encourir l&
(.a)EpiJ.SileTt. ad [iodulp,-in. Andc6',pag. 4.0 j.
7i HUGUES
crime de fimonle. Il va plus loin , 6c dit que d'en recevoir par
i efperance de la rétribution , c'eft encore limonic , linon devant
les hommes , du moins devant Dieu. Ces deux Lettres , celle de
Sibert , 6c la rcponfede Raoul , ont été' publiées pour la premiece
fois par Dom MaLillon dans les Analedes.
Ecrits ae XXXVII. Au huitième Livre de fa Chronique, Raoul
Raoul non fait mémoire d'un ouvrage qu'il avoit compofé contre les Hmo-
impnmcs. j^;^ques [a). Il étoit dédié à Lietbert, Ciianoine de Lille, ôc
divifé en fept Livres. Dom Mabillon dit l'avoir vu avec les deux
Lettres dont nous venons de parler , dans un manufcrit de
l'Abbaye de Gemblou, Parle fommaire qu'il donne de ces fept
Livres , on voit que Raoul entreprenoit de montrer , que dans
les Egllfes , foit des Villes , foit de la Campagne, il n'y avoit ni
OiUces , ni Prébendes , ni Dignités , ni Ordinations exemptes de
fimonie. Cet Abbé pofTedoit l'Ecriture fainte , ôc n'étoit pas
ignorant dans la belle littérature. Mais il fut plus recommandabic
par fa pieté , ôc par fon zèle pour l'Obfervance régulière.
CHAPITRE V.
Hugues de Fleuri, Florent B ra vo n ,
Pjerre de Honestis , 6* quelques autres Ecrivains.
Hueues de ^' X_T U G u E S fumommé de Sainte-Marie , étoit Moine de
Fleuri", JlJ- 1 Abbaye de rleuri-fur-Loire dans le Dioccfe d'Orléans.
On ne Içait ni l'année de fa naiffance , ni celle de fa mort ; ôc l'on
n'eft pas plus informé de fon origine, ni de ce ru'il étoit avant
de fc confacrer à Dieu dans l'état Monafliquc. Mais on voit par le
grand nombre ôc la qualité de fes écrits , qu'il faifoit fon applica-
tion principale de l'étude ; qu'il avoit une grande connoilfance de
l'Hifîoire , tant facrée que prophane ; ôc qu'il étoit Théologien ôc
Canonille. Ses ouvrages n'ont pas encore été tous rendus publics.
Ses Coin- 1 1- Son Commentaire fur les Pfcaumes fe trouve parmi les
niemaircs Si manufcrits des Bibliotcques d'Angleterre. Il eft cité (6) dansla
t "cicîhlfti-"^*' Biblioteque facrée du Père le Long. On confervc ( c ) dans celles
Çue. «--—-—-.——--———--—————------— --^— —--——— --^--— —————— —
( J ) Roiiulp. iii Chron. pag. -i^o, i (i) Id. Biblio:. Hijlor, G.ii.ix , nu;n,
du
D E F L E U R I, ôcc; 75
eu Roi & de S. Victor , fes quatre Livres de l'hiftoire Ecclefiaf-
tique. Hugues les dcdia à Yves de Chartres. Ils commencent à
la création du monde, ôc vont jufqu'en 1034. André Duchefne ,
rapporte un fragment du troilicme Livre {a} , où il eft parlé de la 1 a:^ .-.'...i^u
fttuation & des Provinces de la Gaule. L'infcription dé cettc'^j -''-^ - -'^"^V
hiftoire danslemanufcrit defaint Denys (t) porte , que Hugues
la compola en 1 1 1 o pour Dame Adèle , ComtelFe de Chartres ,
deMeaux^ôcde Blois; & qu'il fe fervit des hiftoires publiées
auparavant. Cette infcription eft fuivie de TEpitre dédicatoire
à Yves de Chartres. Le premier Livre dans ce manufcrit ne
commence qu'à Ninus , premier Roi des AfTyriens ; & le qua-
trième Hnit à Charles le Chauve, Roi de France , ou à la mort
de Lothaire en Syj'. Le manufcrit eft donc bien différent de
celui de laBiblioteque du Roi, où Ihiftoire Ecclcfiaftique de
Hugues commence avec le monde, ôc ne iinit qu'en 1054.. Dans
celui de faint Denys cette hiftoire eft fuivie de celle des geftes
des Rois de France , tirée des écrits de faint Grégoire de Tours ,
de Fredcgaire , & autres anciens Hiftoriens. Mais elle parole
d'un autre Ecrivain, L'hiftoire Eccléfiafiique de Hugues fut
imprimée fans divition de Livres à Munfter en Weftphalie en
165 8 , avec un prologue en vers à Louis le Gros , enfuite de la
Lettre à Yves de Chartres. L'édition eft 1/2-4°. & due aux foins
de Bernard de Rottendorff , qui la enrichie de fes Notes.
Marquard Freherus en avoit publié une partie fous le nom
d'Yves , dans le corps de l'hiftoire de France imprimée à
Hanowre en 1611 , c'eft à-dire, ce qui regarde Ninus ôc la fuite
des évenemens jufqu'au grand Conftantin. Lambecius rapporte
à l'Evéque de Chartres (c) ce qu'on lit dans cette hiftoire,
touchant Louis le Débonnaire. On doit( (I )à André Duchefnc
deux autres parties , celle qui va depuis l'an 5*25 jufqu'en 987;
& l'autre qui contient ce qui s'eftpalTé depuis 987 jufqu'en 10^4*
On donne quelquefois le nom de Chronique à cette hiftoire ,
& c'eft , lepenfe, ce qui a occafionné d'attribuer à Flugues de
Fleuri , deux ouvrages à peu-près de môme nature ; une hiftoire
univerfelle, ôc une chronique dans le même goût: ce qui ne peut
gueres fe foutenir.
( a ) Tom. t , rerum Francar. jag. 347. 1 (,d) Diichefne , tom. 3, Scriptor. de reb.
(i ) Mabilhn. lib.ji ,Anniil. nwn.9%. | Fraac, pag. 347 , 545», &• tom. 4, pag,
^c) Lamb'cnii , tom. z ypa^. ii^S, 1 141,141,
Tome XXIL K
74" HUGUES
Hiftoîredfs 1 1 î. Mais il compofa pour l'Impératrice Mathilde une
geftes des hiftoire des Rois modernes de France , c'eft-à-dire , de la féconde
ce tom. 1, ra<^e, afin de faire connoître la nobleffe de fes Ancêtres à la
anecdou Md.r- poftcrité. Hugues dit que jufques-là aucun Hiftorien n'avoir-
tenne , pag. ^q^^£ jg fuite ies geftesdeces Princes ; mais feulement quelques
morceaux épars de leur hiiloire. Il commence la fienne à Charles
le chauve , fils de Louis le débonnaire. Dom Martenne a placé
dans le premier tome de fes anecdotes l'Epître dédicatoire à
Mathilde, ôc le commencement du Livre, tirés l'un & l'autre
d'un manufcrit de faint Tron. Ce ne peut être la même hiftoire
que celle du manufcrit de faint Denys , dont on a parlé plus
haut , intitulée : Desgefies des Rois de France; puifque celle-ci
remonte jufqu'aux Rois de la première race , & que l'Auteur ne
parle qu'après Grégoire de Tours & Fredegaire.
Ce qu'elle ^ ^' Quoiouc le fragment publié par Dom Martenne foie
contient de petit , il ne lailTe pas de contenir plufieurs chofes remarquables.
n^^^'^^^y^'^' ^" y ^°'f T-^- Charles le chauve bâtit la 'Ville de Compiegne,
}i9. ' & qu'il lui donna fon nom , voulant qu'on l'appellât Gîrc/opoZ/^/
qu'il enrichit l'Egiife de ce lieu du précieux linceul qui fervit à
enfevelir le corps de Notre-Seigneur , qu'il fit prêtent à l'Abbaye
de faint Denys d'un des clnux avec lefquels on attacha Jefus-
Chrift à la Croix ; ôc d'une particule de fa couronne d'épines ;.
que Girard , Comte de Bourgogne , bâtit deux Eglifes , dont
une à Vezelai , où efl à prefent , dit l'Auteur, le tombeau de
fainte Magdeleine ; l'autre à Pouticres , où il fut enterré lui-
même.
Traite de h V. Hugues de Fleuri voyant que les difputes élevées depuis
puiirMce quelque tems dans l'Eelife , au fujet de la puilfance royale ôc de
Royale 8l de ? ,-^ ■ , f , i ^' • -rr • j • • «
1 <')?-nitc (a- ia dignité lacerdotale , s aignlioient de jour en jour , & commen-
cerJotale , çoient à fe répandre de tous côtés , elfaya de les appaifer par urr
tom.^.Mif- ^crit qu'il compofa fur ce fujet, &: quil dédia à Henri L Roi
pjg. 9. ''' d'Angleterre. Ce fut avant l'an 1157, puifque ce Prince mourut
en cette année , au mois de Décembre. Hugues le prie défaire
examiner fon ouvrage par des gens habiles , d'y corriger ce qui
fe trouve défectueux ; ôc qu'au cas qu'on le juge utile au public ,
d'em[)loyer fon autorité pour lui donner cours. Il fuppiie au/Il
les Evêques , tous les Prélats <Sc les Clercs de l'Eglifc Catholique,
de le prendre en bonne part , ôc de le lire dans le même efprit
qu'il l'avoir compofé , cefl-à-dire , pour le bien de l'Eglife.
Anniyfc de "VI. Son but en efi'et eft de détruire une erreur qui s'y étoit
"/u/frm.'4 r«^pandue, qui confiûoit à foutenir^ que la puiflance royale ne
D E F L E U R I, ôcc. ^f
vient point de Dieu , mais des hommes ; qu'ainfi la dignité ' -mv) 'r"-^
facerdotale lui efl: fuperieure , puifqu'elle a été établie de Dieu» '^'' " ''
Hugues fait voir que l'une ôc l'autre font de Dieu, parce que, Cap. t.
félon faint Paul, il n'y a point de puilTance qui ne vienne de
Dieu ; ôc commençant par la puifTance royale, il dit, que ce
que la tête efl dans le corps, le Roi l'ell dans fon Royaume ; Cap. i.
que tous les Evêques du Royaume lui font fournis , non à raifon
de leur dignité , mais du bon ordre qui demande l'unité, ou
l'union des membres avec leur chef ; qu'il efl du devoir d'un Cap. j.
Roi de corriger fes Sujets , ôc de les rappeller à la voye de
l'équité ôc de la jullice ; qu'il peut les y rappeller par la terreur dp. 4.
des peines , comme par les Loix; qu'à cet égard le Royaume
céleflc reçoit des avantages par le R.oyaume tcrredre , en ce que
la puilTance royale fait par la crainte, ce que le Prêtre ne peut
faire par la force feule de fes difcours. 11 ajoute qu'encore que les
Rois doivent s'appliquer à être utiles à leurs peuples , on ne
doit pas refufer l'obéilfance ôc le refpect aux Princes qui agilfent
autrement, parce que Dieu fouventà caufede nos péchés, nous
donne des Rois dans fa fureur ; que nous devons au contraire
prier pour eux , fuivant la coutume de l'Eglife , ôc rendre à Cefar
ce qui eft dû à Cefar, c'efl-à-dire, l'honneur ôc le fer vice , en
confervant à Dieu une inviolable pureté de corps ôc d'efprit.
VII. Hugues penfe aufîi que le Roi a le pouvoir d'accorder Cap. %,
à un Clerc l'honneur de l'Epifcopat ; mais que c'eft à l'Arche-^
vêque à lui confier le foin des âmes. Il fonde Ion fentiment fut
l'ufage où les Princes Chrétiens étoient de nommer aux Evêchés.
Mais il en excepte les Eglifcs où le Clergé ôc le peuple étoient
en polTeflion de choifir leur Evêquc ; ôc regarde comme une
tyrannie la tentative que le Roi feroit , de les troubler dans cette
polTcfTion. Il ne veut pas non plus que l'Evêque élu reçoive l'in-
veftiture delamain du Roi par la tradition du bâton palloral ÔC
de l'anneau , mais feulement l'invefliture des biens temporels
de l'Eglife. C'eft de l'Archevêque qu'il doit recevoir l'anneau
ôc la crofTe.
VIII. L'Auteur defcend dans le détail des devoirs d'un O;;. (î.s,^^
Evêque ôc de fes pouvoirs; difant , qu'il tient de Dieu ôc de
Notre-Seigneur Jefus-Chrift la puifTance d'ouvrir ôc de fermer
le Ciel aux hommes. Ilenfeigne, que les Rois mêmes doivent Cip.io^iu
s'éloigner de ceux que l'Evêque a excommuniés ; ôc déclame
contre la fimonie ôc contre le parjure- Tel eil; en fubftance le
premier Livre de Hugues de Fleuri.
Kij
7^ HUGUES
LivrefeconcI, IX. Dans le fécond il prouve plus particulièrement que Diea
pdg. 46. a établi deux puiffances dans fon Egiife , la Royale ôc la Sacer-
dotale , pour le bien des peuples dont elle eft compofée. II
commence h preuve par les Rois ôc les Prophètes de l'ancien
Tedament , aufquels il dit que les Rois & les Evêques ont
fuccedé dans le nouveau. Sous le nom d'Evêques , il entend
particulierenient les Succefleurs de faint Pierre dans le Siège
Apoilolique; 6c pour marquer avec quel concert les Rois ôc les
Empereurs Chrétiens ont agi avec les Payeurs de lEglife , il
rapporte d'un côté les avantages que le Grand Confiantin a faits
à l'Eglife de Rome , félon qu'il eft marqué dans l'acte de dona-
tion fuppofée à ce Prince ; les fecours que les Rois de France
ont prêtés aux Papes opprimés ; ladépoiition des Papes intrus ,
par ordre des Empereurs, qui en même-tems leur en ont fait
fubftituer de légitimes ; la part que les Rois ôc les Princes ont
eue aux életlions Eccléfiaftiques , ôc le Décret du Pape Nicolas
II. par lequel il accorda en 1078 a l'Empereur Henri ôc à fes
fuccefleurs , que l'éledion d'un Pape ne lé feroit pas fans lui en
avoir donné avis. Il fait remarquer de l'autre côté l'autorité que
les Prophètes dans l'ancienne Loi , ôc les Evêques dans la nou-
velle, ont toujours eue furies Rois, pour les obliger à rentrer
dans la voye du falut. C'eft Nathan qui reproche à David forv
adultère ôc quH'en abfout ; faint Ambroife interdit à Theodofe
la Communion de l'Eglife jufqu'à une fatisfa£tion convenable
pour fon crime; faint Germain, Evêque de Paris , excommunie
Aribert , Roi de France , pour s'être féparé de fa femme , ôc tenir
dans fon Palais deux femmes fous-introduites. De tout cela
Hugues conclut , que fi chaque puiffance veut fe contenir dans
fes bornes , ôc ne pas empiéter fur les droits de l'autre , il fera
aifé de maintenir la paix entr'elles. Il paroît dire fur la fin du
fécond Livre , qu'il avoir traité la même matière avec étendue
dans un autre Livre. Mais cela fe peut à la rigueur entendre du
premier Livre de ce Traité. Il eft écrit clairement Ôc folidement.
Alonfieur Balufe lui a donné place dans le quatrième tome de
fes mélanges.
Vieder.iim X. On a dans les BoUandiftes au cinquième de Mai, une
Sactrdos. vie de faint Sacerdos , Evêque de Limoges , compofée par
10m. 1 " A"«ii Hugues de Pleuri. Mais il femble dire en un endroit qu'il n'a
cd diem s > fait que corriger une ancienne vie du Saint qui étoit demeurée
^ag. 14 . il. j,j,^j, lobfcurité. On lui attribue une petite chronique desGaules^
depuis Phatumond jufcLu'à Philippe 1. mort en noS. Elle eu
D E F L E U R 1 , 6cc. 77
imprlmëeàlafindcs Oeuvres d'Yves de Chartres, de I'(^dition
de Paris en 1 6^j ; de qui elle foit , on ne la trouve pas digne
de foi {a).
X I. Vers le même tems , un autre Moine Bénédi£tin compofa „ Florent
tine chronique depuis le commencement du monde juiqu en ncAngiois,
1 1 18. Il droit Anglois de Nation, du Monaflerede Worchellre ,
& fe nommoit Florent Bravon. Très-inftruit dans les Lettres
divines & humaines, il fe fit par fes ouvrages une grande répu-
tation. Sa chronique toutefois n'eft , à proprement parler , qu'une
compilation des anciennes , de celles de Gildas , de Bede, de
Marianus , de Sigebert; mais on lui doit la connoiflance des
évenemens qui fe palTerent fous les Rois , dont il fut contem-
porain , ou prefque contemporain , c'eft-à-dire , Guillaume le
Conquérant, & fes deux (ils, Guillaume le Roux, & Henri I.
Rois d'Angleterre. Il ne vit même qu'une partie du règne de ce
dernier Prince qui vécut jufqu'en i H 5 , s'il efl: vrai , comme on
le dit , que Florent foit mort au mois de Juillet 1 1 1 8.
XII. Ce qu'il y a de certain , c'eft qu'il ne conduifit fa chro-^ Ses Ecritfc
nique que Jufques-là , ôc qu'un Anonyme , Moine comme lui de
'WorchelTre , la pouiïa jufqu'en 1 1 65 ; elle fut imprimée avec
cette continuation , pour la première fois à Londres en i^Ç2f
1/1-4". P^f Iss foins de Guillaume Houard , depuis Comte de
Northampton , avec un autre écrit de Florent Bravon intitulé:
Livre de la Race Royale des Anglois , ou la généalogie des
Rois d'Angleterre. On la réimprima en la même Ville en i j'p^
in-fol. dans la colledion des Hiftcriens Anglois par Henri Savi-
lius , ôc à Francfort en i5oi chez les Wechels avec Matthieu
de '^'eftminfter. Florent remarque que le comput de Denys le
Petit, eft contraire à la maniéré de compter les années de l'Incar-
nation, fuivant l'Evangile ; ôc que la vingt-troîfiéme année, feloa
l'Evangile , eft la première fuivant l'Ere Dionyfienne.
XIII. Il a déjà été parlé de Pierre de Honeftis , dans Tarticle Pierre rf«
de faint Pierre Damicn , avec qui on l'a quelquefois confondu , ^'^"«ais,
foit à caufe de l'identité de nom , foit parce qu'ils étoient nés
dans la même Ville , c'eft-à-dire , à Ravenne. Mais ils étoient en
effet très-differens; l'un fut Moine de l'Ordre de faint Benoît,
Evêque d'Oftie ôc Cardinal, ôc mourut en 1072; l'autre n'ell
mort qu'en 1 iip , ôc n'eut d'autre grade dans l'Eglife, que de
Prévôt ou d'Abbé dans le Monaftere qu'il fonda au Port de
(.a.) Ljjoe ds S:np[jr. dcciefuj. tom. z. , \>.Lg. jov,
K iiji
78 HUGUES
Ravenne. Il étoit (a) de h famille noble des Honeftis , établie
en cette Ville. En un voyage fur mer il fut attaqué d'une tem-
pête violente. Dans le danger, il s'obligea par vœu, lorfqu'il feroit
: de retour au Port de Ravenne d'y bâtir un Monaftere en l'hon-
neur de la fainte Vierge. Il exécuta fa promelfe; afiembla en
cette maifon un certain nombre de Prêtres, avec qui il vécut
conformément à la règle qu'il leur prefcrivit. Il étoit lui-même
honoré du Sacerdoce.
Sa Rfg>. XIV. Conftantin Cajetan qui a fait imprimer cette règle à la
fuite des Oeuvres de faint Pierre Damien , remarque qu'elle
fut écrite pour les Clercs ôc les Chanoines qui vivoient réguliè-
rement dans les Cloîtres des Eglifes Cathédrales, ou dans les
Collégiales fuivant les Statuts du Concile d'Aix-la-Chapelle ,
& non pour les Chanoines Réguliers qui fuivent pour règle,
celle de faint Anguftin. Pierre de Honeftis conipola la fienne
fur les écrits des Saints Pères, & prit beaucoup de chofe de la
Règle de faint Benoit. Mais avant de rétablir dans fon Monaf-
cere , il l'adrefla par une Lettre au PapePafchalII.en lefuppliant
de la conlirmer. 11 prend dans cette Lettre le titre de pécheur,
félon qu'il étoit d'ufage alors à toutes les perfonnes qui vivoient
dans la pieté. On a mis cette Lettre à la tête de la Règle, ôc celle
du Pape à la fin. Elle eft dattée du mois de Décembre 1 1 i 5, ÔC
fignéc de treize Cardinaux, qui tous confirment 6c autorifent
cette Règle conjointement avec Pafchal II.
■Analyfe de X V. Elle efl: divifée en trois Livres , dont le premier eft
cette Keçic , compofé de trente-fix chapitres , avec un Prologue , où l'on voit
hamiani "^ ^^^ ^^^ Obfervances qui y font prefcrites avoient été mifes ea
Paris 1641. pratique dans le Monaftere de Pierre de Honcftis , avant qu'il les
Livre pre- ^^^^f p^f écrit', ÔC qu'il ne le fit qu'afin qu'on les obfervât plus
exatiement dans la fuite. La Règle prefcrit le renoncement à
Cdp.i, 3. tous les biens temporels, ôc à la propre volonté. Que celui,
dit-elle, qui eft choifi pour Supérieur, aime fes frères ; qu'il les
Cap. f . reprenne librement , ôc qu'il leur donne l'exemple. Que trois
ou au plus quatre femaines après la mort du Prieur , l'on en
Cap. 7. choifiiïe un autre , à qui le Prevot , ou l'Ancien, difc avant la
Melfe de Tierce , en préfence de la Communauté : Vos P'reres
vous ordonnent de vous charger du foin de leurs corps ôc de
Cap. 9. leurs âmes félon Dieu. Elle porte , que les parens pourront
( a ) Rubeus Hiflor, Rifenna:. Ub, j , (j- Cajetanus obfervât. in reguL Pétri.
D E F L E U R r , &c. ^3
offrir d'eux-mêmes leurs enfans à Dieu dans le Monaftere , avant
l'âge de quatorze ans ; mais qu'après cet âge ils ne le pourront
fans le confentement de leurs enfans. Elle ne règle pas le tems
de probation , le laillant à la prudence du Prieur ôc de la Com-
munauté.
XVI. Si le Prieur le trouve utile au bien commun, il mettra Cap, 13.
dans les premières places ceux qui font venus les derniers ; parce
qu'en fait de fuperiorité, il faut avoir égard aux mérites per-
fonnels , 6c non au tems de la profellion. Défenfe de rien donner
ni recevoir Hms la permiilion du Prieur. Il doit lire toutes dp. ly.
les Lettres des Frères , tant celles qu'ils écrivent , que celles
qu'on leur adreffe. Le Cloître de ces Chanoines Réguliers étoic
fermé ôc voifin de l'Eglife ; ils avoient de fuite tous les édifices q» ^^
néceflairesj un Chapitre, un Réfettoire, un Dortoir, ôcc. mais
ils mettoicnt au-dehors les bâtimens pour les Domeftiques ôc C.zp.ij.
les Ouvriers.
XVII. La Règle défend aux Clercs toute converfation Cz;;. ij,.
particulière avec les femmes , fi ce n'efl: à ceux qui font Prêtres
& de mœurs éprouvées , pour les entendre en confefîion. Elle Cap. 24,
permet au Prieur d'employer les Frères au travail manuel ,
tant dans le jardin qu'ailleurs; ôc d'établir dans fa Communauté
des Prêtres pour recevoir les confe^Fions de leurs Confrères. On Gvp. <o,
ne permettoit que difficilement à un Chanoine Régulier de
mener en gardant fon habit la vie folitairc; ôc ceux à qui on
l'accordoit , demeuroient dans des cellules voifines d'une Eglifc
éloignée , fous l'ohéifïance du Prieur. Le filence eft ordonné Cap.^x^
tant au Dortoir qu'au Réfedoire , depuis les Vêpres jufqu'au
lendemain matin, lorfqu'on fort du Chapitre^ pendant tout le Cip. jf,
jour du vendredi, ôc aux grandes Fêtes.
XVIII. Dans le fécond Livre qui eft de vingt-huit chapitres ,- AnnlyfeJu:
Pierre règle ce qui regarde la nourriture ôc les vêtemens des '«fcond Livre..
Frères , pour toute l'année. Ils mangeoient de la viande tous les Cap. 1,1,1^
jours de la femaine^ excepté le mercredi ôc le vendredi. Quel-
quefois ils y ajoutoient le famedi. Depuis la Pentecôte jufqu a
la Nativité de faint Jean , ils s'abftenoient de viande ôc Jeùnoient
le lundi , le mercredi ôc le vendredi. Depuis ce jour jufqu'à la
Fête de faint Matthieu, ils ne s'en privoient que le mercredi,,
le vendredi ôc le famedi ; mais ils jeùnoient le vendredi. L'abfti-
nence du fang fuivoit ordinairement celle de la chair. Hors les
jours de jeûnes prefcrits par l'Eglife , ils mangeoient deux fois
le jour. Depuis la Quinq[uagelime jufqu'à Pâques y ôc depuis Cag, g.
Ï6 HUGUES
l'A vent Jufqu'à Noël , ils s'abftenoient d'œufs & de fromage ;
ce qu'ils faifoient auffi depuis la Pentecôte jufqu'à la faint Jean ,
O?. II. ôc depuis le premier Novembre jufqua l'Avent. Ils fe retran-
choient le vin aux veilles des Fôtes , tous les vendredis depuis la
. Quinquageiime jufqu a Pâques , ôc les vendredis des quatre-
tems.
dp. i8, XIX. On lifoit au Réfectoire pendant le repas , 6c tous
gardoient le lilence en mangeant ; fi ce n'efi: que le Prieur voulût
dire quelques mots d'édilication pour les Frères , ou qu'il l'or-
donnât à quelqu'un d'eux. A l'égard des habits, on leur en
donnoit autant qu'il étoit nécefiaire , fuivant les différentes
C^. II. (àifons de Tannée. Les malades dévoient avoir un appartement
féparé , où Ion prenoit encore plus de foin de leur ame que de
C:ip. îi. Leur corps. On avoir attention dans le cas de da. ger de les munir
des Sacremens de la Pénitence, de l'Extrême-Onttion , ôc dq
l'Euchariftie ; ôc après leur mort , de célébrer pour eux des
Meffes , de dire des Pfeaumes ôc autres prières ; ôc de donner aux
pauvres les portions qu'on leur auroit fervies, s'ils euffent été
en vie. Il y a un chapitre particulier pour les vieillards ôc les
Cip. »î , i^- infirmes habituels ; un pour l'éducation des enfans ôc des jeunes
Cap, 17. gens qu'on élevoit dans le Monaftere ; ôc un pour former dans
les fciences divines ôc humaines ceux en qui l'on trouveroit les
difpofitions néceflaires.
Analyfe du X X. Le ttoifiéme Livre traite de l'Office divin , tant de nuit
L^rè "^ que de jour , ôc des heures aufquelles on doit le célébrer pour la
diftribution des Pfeaumes , ôc autres parties des Heures Cano-
Cav. 1,1,1, niales, la règle s'en rapporte à l'ufage de l'Eglife. Les Frères
«'g-Vm! ^' s'affembloient après Prime , au Chapitre où l'on faifoit une
Ci;), ij. lecture en commun ,puis on difoit les coulpes. La même chofe
fe faifoit après Nones. Suivent des réglemens pour le choix ÔC
Cap. \9 ^ les fondions de tous les Officiers du Monaftere ; ôc pour \^
réception des Hôtes.
Gilb'rt, XXI. Parmi les Lettres de faint Bernard , il y en a une ( a ) à
Londres ^ Gilbert , Evoque de Londres , dont il parle comme d'un homme
célèbre par fon fçavoir, mais plus admirable encore par le mépris
qu'il faifoit des richelfes. Il n'a pas été furprenant, dit-il , que
Maître Gilbert fût fait Evcque ; mais on ne peut trop admirer
qu'un Evêque de Londres vive pauvrement. Il étoit Angloisdç
naïUance ^
D E F L E U R I, 5cc; ïïi
nalfTance , & fi inflruit dans toute forte de litt^ratufe IJ qu'on
l'appelloit univerfel. Il pafTa d'Angleterre à Paris , où il fe fit
une grande réputation parmi les Philofophes & les Théologiens.
Etantalléde-là à Auxerrc, il en fut fait Chanoine, & ordonné
fucceffivcment Sous-Diacre , Diacre 6c Prêtre. On le tira de
cette Eglife pour le faire Evêque de Londres, après la mort de
Richard. Ilfutfacréau mois de Janvier 1127 par Guillaume,
Archevêque de Cantorberi , 6c mourut en 1 1 54. Il laifTa divers
écrits, qui n'ont pas encore vu le jour ; fçavoir une explication
abrégée ou glofe ibr l'ancien ôc le nouveau Teftament ,fpccia-
lement fur jfaïe , Jéremie , les lamentations, les douze petits
Prophètes , quelques Pfeaumes , ôc faint Mattliieu ; des riome^
lies fur les Cantiques de Salomon ; un Commentaire fur le
Prologue de faint Jérôme fur la Bible. Ilefl parlé de Gilbert 6>c
de fes ouvrages dans l'hifloire del'Univerfité dcParis {a). Nous
3Vons dit quelque chofe plu« haut d'un autre Gilbert, Evoque
de Limeric en Hibernie, qui vivoit encore en 1 1 5p. Il y a de
lui dans le Recueil des Lettres Hibernoifes (6) , par UfTerius, un
Traité de l'état dcl'Eglife; une Lettre aux Evêques âc aux
Prêtres de ce Royaume; ôc une à faint Anfclme, Archevêque
de Cantorberi.
XXII. On met au nombre des Ecrivains Eccléfiafliques^ Uùnlnc de
■ Udalric , ou Ulric de Bamberg , uniquement à caufe de fou Eamberg.
Recueil Epiflolaire; car nous ne connoiiîons point d autres
ouvrages de lui, que le Prologue en vers qu'il a mis à la tête
de ce Recueil, pour en marquer l'Auteur âc Tannée. Il fé nomme
tantôt Udalric , tantôt Ulrlc , fuivant le befoin de fes vers , qui
font hexamètres. Il fit ce Recueil en 11 25-, ôc le dédia à
Gebehard , Evêque de Bamberg , qu'il nomme la perle des
Evêques. Ce ne fut pas fans peine ôc fans dépenfe qu'il vint à
bout de ramafier tant de Diplômes ôc de Lettres. Il paroît que
fon but fut de former un corps de modèles , ou de formules
de Chartes ôc de Lettres; c'eft pourquoi dans celles qu'il rap-
porte , il omet ordinairement les noms propres des perfonnes ôc
des lieux ; mais il eft aifé de les deviner , pour peu que l'on foit
au fait de l'hiftoire du tems. On ne trouve pas ailleurs tant
de monumens touchant les contefîations entre le Sacerdoce
(a) P.ig. 101 , £> in Caulogo , p.i:^. { (i ) Pjg. 77 , 7Î , Cr 88.
7iU " 1
Tome XXI L L
82 LESPAPES
& TEmpirefous les Empereursllenri IV. ôc HenriV. ni touchant
le fchifnie de l'Antipape Guibert , connu fous le nom de Clément
III. Ces monumens continent ou en aftes des Conciles , ou en
Lettres des Papes , des Cardinaux , des Evêques , ôc des
Princes fe'culiers , ou en Chartes & Diplômes , ou en formules
de ferment & de profeillon de foi. Il commence par des
épigrammes fur divers fujets ; par des épitaphes , ôc par des
formules de falutations uficces dans les Lettres des Papes ôc des
Rois ; ôc finit par un petit poëme d'Eberhard fur la Salutation
Ange!i.que , ôc l'épitaphe de Frédéric , Duc d' Autriclie , par un
Moine Saxon de l'Ordre de Cîteaux , nommé Conrad. Le
Recueil d'Ulric eft le premier des monumens du moyen âge
dans le fécond tome de la collection d'Eccard imprimée k Leipfic
en 1723.
CHAPITRE VI.
Des Pares Honorius IL Innocent IL Celestin IL
Luc lus IL 6' ElUGENE IIL
Honorius II. I. A P R e' S la mort de Calixte II. arrivée le 1 2 de Décembre
Papeenn24. ^^J|^ p^^^ ^ i24,on lui donna d'abord pourfuccclTeurThibaud,
Cardinal Prctre de fainte A-naftafie , fous le nom de Celeftin.
Maislhibaud voyant que Ton penfoit à travcrfer fon élection",
céda le jour même, ôc on élut à fa place Lambert , Evêquc
d'Ortie, à qui l'on donnale nom d'Honorius II. Cette féconde
éledion ne sétoit point paflce fans tumulte ; Lambert craignant
qu'elle ne fût pas canonique, quitta fcpt jours après la mître ÔC
la chape rouge en préfence des Cardinaux. Touchés de cette
démarche édifiante , ils rcclifierent ce qu'il y avoir eu de défec-
tueux dans fonélettion , ôc le reconnurent unanimement comme
Pape.
î?a naifTnnce , I L Cela fe fit le 2 I de Décembre , qui tombant au Dimanche
{1 s e ! lois , en 1 1 24 , il eft probable qu'il fut ce jour-là même facré ôc cou-
ronné. Il étoit né dans le Comté de Bonh gne ( a ) d'une famille
médiocre ; mais fon fçavoir engagea le Pape Pafchal II. à le faire
venir à Rome , ôc à lui donner lEvêché de Vc. tre , ou d'Oiiic ;
(a)P«i'ei*cicA. in coiutu Chi-onic. adliouor. IL
avan ^a P
pautc
H O N O R I U s I I. 6cc. '85
car ces dent Villes ne lirent quelques années après qu'un feul
Diocèfe. En i 121 le Pape Calixte II. l'envoya Légat en Alle-
magne (a) , avec Saxon , Cardinal-Prêtre , vers l'Empereur
Henri , pour moyenner la paix entre l'Empire ôc l'Eglife. La
négociation réuffit , ôc il fe lit une paix folide au gré du Pape 6c
de l'Empereur.
III. La féconde année de Ton Pontilicat , Honorius ayant H p-xcom-
appris que Ponce , Abbé de Cluni , mais qui depuis quelque tems |[^"JJ^'^ ^,g"'
avoir renoncé à cette dignité , vouloit la reprendre ôc caufoit du lonnes étant
trouble dans l'Abbaye , le fit excommunier avec fes fauteurs par ^^P^*
Pierre , Cardinal (b) , qu'il envoya à Cluni en qualité de Légat,
avec Hubald , Primat de Lyon. L'année fuivante qui étoit l'an
1126, il lit venir Ponce à Rome pour rendre compte de fa
conduite ; & le trouvant rebele à fes ordres, il confirma réletliou
de Pierre le vénérable, choifi par ceux de Cluni depuis l'abdi-
cation de Ponce. Il excommunia encore Conrad(c), Duc de
Franconie , ôc Frideric, Duc d'Allemagne, pour s'être révoltés
contre Lothaire ; ôc Roger , Comte de Sicile , parce qu'il s'étoit
emparé du Duché de Pouille après la mort de Guillaume II.
Il afl"embla même contre Roger un Concile à Troyes en 1 1 27,
où il l'excommunia une féconde fois. Cela n'empêcha pas ce
Prince d'entrer dans la Pouille avec une grande armée. Le Pape
fe mit en devoir de l'en chafljer , fécondé du Prince de Capouë.
Cette tentative ne réuffit pas. Roger fit fa paix avec le Pa[)e de
qui il reçut linveftiture du Duché de Pouille par l'étendart. Le
traité fait entr'eux eft du 22 Août 1128.
IV. La même année Honorius dépofa les Patriarches ri jc'pofa
d'Aquilée ôc de Venife, comme fauteurs (d) de la révolte de '" ^.'""^f"
Conrad de Franconie , contre Lothaire ; ce fut par le même lée&'jeVe-
motif qu'il dépouilla Anfelme , Archevêque de Milan, de fa niie,
dignité. En 1 i2p le Roi de Dannemarc lui ayant demandé un
Légat , il députa Grégoire de Crefcent ( c ) , Cardinal-Diacre du
titre de (aint Théodore, avec une Lettre pour ce Prince, dans
laquelle il relevé le mérite du Légat (/), ôc s'explique fur
les pouvoirs qu'il lui avoit donnés d'arracher ôc de planter
dans tout le Royaume de Dannemarc , fuivant les intentions
du Roi.
(a) Pandulphin in vira Caiiijli. 1 (d) Guido in Chronico Belgico.
( 6 1 Pet, venerabil. lib. i ,de miracuUs , 1 ( e ) Pd:;,i ad an. 1 1 »9 , num, 7.
op. I}. 1 (/) Homr. Epijl, .i,
( c ) Alexander ie rébus Rogerii, J
noriiis
1150
84 LESPAPES
Mortd'Ho- V. Le Pape Honorius étant tombé malade dans le Palais de
"' ' Latran , & fe voyant en dan-ger de mourir, fe fit tranfporter au
Monaflere de faint André ( a) ,0i\ il mourut le quatorzième jour
de Février 113e, après cinq ans ôcdeux mois de Pontincar.
Onuphre ajoute trois jours ; d autres mettent cinq ans fix mois
ôc vingt-neuf jours.
5-esLettrc?, yj, jl ^ous refte onze Lettres de ce Pape. La première efl:
cil. V27. 9cs '^ lierre , Abbe de Cluni , a qui il témoigne , qu en confiaeratioii
£■;/?. I, <^c ce Monaftere , il avoit accordé à Ponce unefépuîturehono-
£ :,3 , rable. Dans la féconde, qui efl au Clergé & au peuple de Tyr ,
& aux Suffragans de cette Métropole j Honorius leur donne avis
qu'il avoit accordé à Guillaume leur Archevêque, confacré par
FfiJI. 3 & j. le Patriarche de Jerufiilem , le Pallium. Il écrivit la même chofe
à Gueremond, Patriarche de Jerufalem ; & c'efl: le fujet de la
troifiéme Lettre. Par la fixiéme adreiTée à Louis VL Roi de
France , il marque b. ce Prince , qu'il a pris fous la protedion da
Saint Siège Henri fon lils qu'il deftinoit au faint Miaiftere. C'eft
le même Prince qui fut depuis iMoine de Clairvaux , enfuitô
•Evêque de Beauvais , puis Archevêque de Reims.
£„ifl (/ V I L La fixiéme Lettre e(l une confirmation de la Sentence
d'excommunication prononcée par fon Légat contre Foulques ,
Comte d'Anjou , parce qu'il ne vouloit pas confentir au divorce
ordonné de fa fille avec le fils du Comte Robert. Le Pape
Epiji 7. renouvelle dans la feptiéme tous les privilèges que fes préde'-
ceffeurs avoient accordés à lAbbaye de Cluni ; elle eO: de l'aa
I12J, fignée de lui 6c de neuf Cardinaux. Les trois Lettres
fuivantes font partie des a£i:es du Concilede Londres en la même
£,.;'. ". année. L'une efl adrefl!ée à Jean de Crème, Prêtre-Cardinal da
titre de faint Chryfogone, Légat en Angleterre , à qui il recom-
mande de fe comporter dans fa légation avec la même foUicitude
Epijl. 0. que Calixte II. lui avoit déjà recommandée. L'autre efl aux
Archevêques, Evêques fie Abbés de ce Royaume, qu'il prie
de prêter leurs fecours à fon Légat , pour l'extirpation des
défordres & la réformation des moeurs & de la difcipline , ôc
E;(/?. 10. pour l'accroilTement de la Religion. Dans la Lettre à David,
Roi d'Ecoffe , Honorius l'engage à obliger les Evêques de fes
Fltacs à fe rendre aux Conciles qui feront indiqués par Jean de
Crème. Il marque au même Prince que le Légat étoit charge
d'examiner la caufe des deux Archevêques, Turftain d'Yorc,
(a) Pag^ibroih, in conatu , Cr" Pagi ad aiTn, 1 1 50 ; nuni. i C-' i.
H 0 N Ô K I U S I i: ôcc. "Sf
&. Guillaume de Cantorberi , & de renvoyer au Saint Siège la
Sentence définitive de leur différend. Jean de Crênie !es em-
mena l'un ôc l'autre à Rome pour y plaider leur caule devant
le Pape.
VIII. L'onzième Lettre s'adreffe aux Evêques de la Pro- Epijî. m
vince de Tours , qu'il exhorte d'obferver les Décrets qu'Hilde-
bert avoit faits au Concile de Nantes en 1 1 2 j contre les mariages
inceftueux & les abus qui fe commettoient dans la collation des
Bénéfices , 6: dont il avoit demandé la confirmation au S. Siégé,
IX. Le Pape Honorius étant mort le 14 de Février, des le Tnnocentll,
lendemain (a) les Cardinaux qui l'avoient ailifté pendant' fa ''^^'
maladie, avec le Chancelier Aimeric, fe prefterent de faire Pé-
lettion de fon fuccefîeur , &. fe réunirent en faveur de Cregôire-,
Cardinal de Saint-Ange. Il fut nommé Innocent II. ordonné
Prêtre lefamedi fuivant 22 de Février , ôcconfacré le lendemain
Dimanche dansTEglife de fainte Marie la neuve. Le même joitc
Pierre de Léon, Prétre-Cardinal de fainte Marie-Tralleverej
élu Pape par les autres Cardinaux fous le nom d'Anaclet IL fut
facré dans l'Eglifede faint Pierre. Ainfi il y eut un fchifme dans
l'Eglife Romaine , qui ne fe termina que par la ceffion de
l'Antipape Viclor,le 25) de Mai i ijSj quelgue-tems après là
mort de l'Antipape Anaclct , arrivée le feptiéme de Février la
même année. '^ ■:■ ;i , . ,
X. Innocent II. étoit Romain de naiflance {h) , d'une famille, tes qualités
noble , fils de Jean , de la région d'au-delà du Tibre. Ses moeurs <J''"'''°<^«"tîi»-
dès fa jeunelTe furent fans reproche. Après avoir été Moine de
faint Jean de Latran , ôc Abbé du Monaftere de faint Nicolas
& de faint Primitif hors de P^ome , le Pape Urbain II. le fit
Cardinal-Diacre. Enii 21 Calixte IL l'enAoy'a Légat en AUê^
magne pour y négocier là paix avec l'Empereur Henri V.
L'année fuivante il pafia en France avec la même qualité. Il y
tint deux Conciles en 1124, l'un à Clermont , l'autre à Vienne.
De retour à Rome , il fut choili Pape.commc on l'a dit. Arnoul ,
Archidiacre de Séez (c) , affurff dans fan Traitii dii fchifme,
qu'Innocent refufa jufqu'à deuix fois la Papauté', ôî -qu'il ne; l'ac-
cepta , que parce qu'on ne voulut avoir aucum égard à fes raifons"».
XI. Quoiqu'Innocent IL eût dix-neuf Cardinaux de fon côté ^ rnnccTt IT..
' fe relire en;
— — France,
{a)?agi,ai .17. 1 130 , y)um. 5. } (f) Cip, A, ^ P.igi. ad an. iijo,
p(iro:h, in. conaiu , hiji, ad inmc. 11, \
L iij
8^ LESPAPES
l'Antipape Anaclet fe trou voit le plus fort dans Rome, où il
avoit gagné par fes largefles le Peuple & la plupart des Grands.
Il écrivit aulli à tous les Princes de l'Europe pour fe faire
reconnoitre Pape. Innocent ne fe- croyant donc pas en fureté
à Ronie , fe retira d'abord à Pife , où il paffa la plus grande
partie de Tannée i 1 50 ; puis il vint en France. Ses Nonces l'y
avoient précédé pour inflruire l'Eglife Gallicane de ce qui s'étoit
fait à Rome , 6c les exhorter à condamner le Schifmatique.
Saint Hugues , Evêque de Grenoble {a) , inllruit que ce n'étoit
pas le mérite , mais les richelTes ôc la violence qui avoient élevé
Pierre de Léon fur le Siège Pontifical , l'excommunia avec les
autres Evoques de France qui s'étoient affemblés avec lui au
Puy;& cette excommunication porta un grand préjudice à la
caufe de l'Antipape. D'un autre côté Louis le Gros informé
aulPi de ce qui s'étoit paffé à Rome (6), aifembla un Concile
à Eflampes , auquel il invita faint Bernard. Ce fut à fa décifion
que les Evoques s'en rapportèrent. C'efl: pourquoi ayant mûre-
ment examiné la forme des deux élections , le mérite des
Elecleurs, les mœurs ôc la réputation des Elus, il fe déclara
pour Innocent II (c). Le Concile s'en tint à la déclaration de
faint Bernard.
Il tient un XII. Le Pape Innocent arriva en France parlaProvence ; puis
Cierm\*en ^7^"^ traverfé la Bourgogne , il vint à Orléans , oili il fut reçu
.1130, honorablement (ri) parle Roi Louis & parles Evêques. Avant
ce tems le Pape avoit préfidé à un Concile affemblé à Clermont
en Auvergne ( e) , dans le mois de Novembre. On y traita de la
Foi catholique , de la réformation des moeurs , & de la difcipline ;
& l'éleclion d'Innocent y fut reconnue de tous les affidans pour
canonique. Le 13 de Janvier de l'année ii^i , Henri, Roi
d'Angleterre , à qui S. Bernard avoit pcrfuadé de reconnoître ce
Pape pour feul légitime (/) , vint le trouver à Chartres fuivi de
plufieurs Evêques & Seigneurs de fes Etats , ôc lui promit
obéiflance filiale. Il fut auHî reconnu par le Roi Lothaire ôc les
Evêques d'Allemagne dans le Concile que Gauthier, Arche-
vêque de Ravenne , fon Légat ( g ) , célébra à Virsbourg au mois
d'Octobre de l'an 1150.
( a) Vita S. Hugonis,cap. ^. ( ^ ' ^ Guida libtllo de Concil. 0- Pii^i >
(i)Sug-r%'kaLudfyv.pae;.m7. I «d û/i. i i?o, «. 38.
( c ) Arnild. i'it.iS. Bern. Ub i ,cip.i. \ (f) Orderic Vital, lib, i ; , pag. Sjy,
( d ) Arnald. ibid, 1 ( g ) Pagi id an, it^a , nmm. -ii.
H O H O R ï U s I I. &c. 87
XIII. Après quelque féjour en France , le Pape vint à Concile J»
Liège, où ii le tint(£0 une aifemblée noinbreufe d'tv(:ques , ^^^^ ^"
d'Abbés , Allemands ôc Lorrains , & de Seigneurs. Le Roi Lo-
thair;.* s'y trouva avec la Reine Richirefon époufe.X'afieniblt-e
fe fit le troiiiéme Dimanche de Carême de l'an i 1 3 i. Le Pape
céielrala .Melle, couronna le Roi & la Reine, & rc'tablit à
leurs prières Ûtton , Evoque d'iJaiberfiat , qu'Honorius IL avoit
dcpofé trois ans auparavant. Le Roi Lothaire prelFa Innocent II.
de lui rendre les inveiiitures ; mais faint Bernard fit voir que les
prétentions de ce Prince n etoient pas fondées. De Liège le
Pape vint à Paris. Il célébra à faint Denys (fc ) la Fête du jeudi
faint j l'Office du vendredi ôc du famedi , 6c la MelTe le jour de
Pâques , ailidé de l'Abbé & des Moines. Comme il alloit à cette
Abbaye, une foule de peuple vint au-de\'ant de lui, même les
Juifs de Paris. Ils lui prcfenterent le Livre de la Loi , couvert
d'un voile. Alors le Pape fit pour eux cettePriere : Plaife au Dieu
tout-puiflant d'ôter le voile de vos cœurs.
XIV. Le iS d'06tobre de la même année 1 1 5 1 il affembla Concile de
un Concile à Reims , où affiflerent treize Archevêques ( c ) , deux '^*™' ^"^
cens foixante-trois Evêques , grand nombre d'Abbés , de "^''
Aloines & de Clercs , tant François ôc Allemands , qu'Anplois
ôc Efpagnols. Saint Bernard écoit du nombre. L'életlion d'Iano-^
cent il. y fut folemnellement déclarée canonique , ôc l'Antipape
Anaclet excommunié jufqu'à ce qu'il revînt à réfipifcence. Phi-
lippe , fils aîné de Louis le Gros, avoit été couronné à Soiffons
le 14 Avril 112p. Mais ayant été tué à Paris par un accident,
le Roi Ht couronner par le Pape , Louis fon fécond fils. Le Pape
fit en plein Concile un difcours , où s'adrefiant au Roi : Dieu ,
lui dit-il (d) , a pris votre fils aîné dans l'innocence pour le
faire régner dès-à-prefent avec lui dans le Ciel , vous en iailTant
plufieurs autres pour régner ici bas après vous. C'eft à vous à
nous confoler nous autres Etrangers chaffés de notre Pays :
comme vous avez fait en nous recevant avec tant d'honneur
ôc nous comblant de tant de bienfaits , dont vous recevrez une
récompenfe éternelle. Le Pape fit aulfi dans ce Concile (ejla
(a) Chromeon Aur''ie-vaUis , cav. ï'' , | ( c) Orâerkus Vieil, l'ih. i ; , v.ir. S? j ,.
&* ChronUon Corruri , tom. ;, Eccardl , | ^ CkronkonCcrniri ,'p.ig. 673.
fa?. (~7i. I {d)Cl\ron:c. hhuriniacenf. fag. jjt,
( l ) Sug:r. liu Lud.iv 6 , jiî». 3 1 S &• l \e ) P.igl ad a«. n j r»
1^9. 1 r
M L E S P A P E S
cérémonie de la canonifation defaint Godehard , Evêque d'Hil-
desheim , feion que Bernard , Evoque de cette Ville , l'en, avoit
prié au Concile de Liège.
Innocent n. XV, Le Pape après avoir reçu des. François (tz) toutes les
retourne a .niarques de foumiiîion & d amitié qu'il pouvoit défirer , repaila
Rome en , ^ . t i i- ti - • \ * n i ■ j
ijjj. les monts , & entra en Lombardie. 11 etoit a Au le jour de
Pâques de l'an 1132, Etant paflé de-là à Plaifance , il y alTembla
un Concile des livcques de Lombardie , de la Province de
Kavenne ôc de la Bafie-Pvîarche. Il étoit encore en Lombardie
lorfque le RoiLothaire y arriva à la tête de fon armée. Ce Prince
tint à Roncaille avec le Pape & les Lombards une aflemblée
générale pour régler les affaires de l'Eglife ôc de l'Empire. Il eut
avec le Pape une féconde conférence àPife , où il fut convenu de
marcher incefianiment à Rome. Ils y entrèrent le premier
jour de Mai de l'an 1133. Le Pape logea au Palais de Latran ,
,& non au Vatican qui étoit occupé par l'Antipape. Le Roi
campa avec fon arniée furie mont Aventin. Innocent II. pour
reconnoitre les fervices de Lothaire, le couronna Empereur,
& la Reine Ricliife fon cpoufe, Impératrice , dans l'Eglife du
Sauveur à Latran. Cette cérémonie lé lit le quatrième de J-uin.
Lothaire donna avis (b) par une Lettre circulaire à tous les
J^rélats 6c Fidèles de l'Eglife Catholique de ce qu'il avoit fait
pour mettre fin au fchifme ; ôc ne fe trouvant pas aflez de forces
pour attaquer Anaclet dans fes Forterefics ( c), il reprit le chemin
de l'Allemagne. Le Pape Innocent ne fe croyant pas non plus en
fureté à Rome , revint à Pife.
Concile de XVI. Dans le Concile qu'il y affenibla le 30 de Mai 1134^
Pife. les Milanois qui avoient julques-là fuivi le parti de l'Antipape
Anaclet , fe réunirent à Innocent II. L'Antipape y fut excom-
munié (d); l'on dépofa fcs fauteurs en leur ôtant l'efperance
de rétabliffement ; ôc l'on condamna l'hérétique Henri ( e), qui
troubloit la France depuis le Pontificat de PafchalII. Le Pape
InnocentdemeuraàPilejufqu'en 1 137 qu'il parrit pour Viterbe,
oii il vouloit (/j s'aboucher avec l'Empereur Lothaire qui y
dtoit venu avec une armée beaucoup plus nombreufe que la
(a) Crderjcus Viialis , Uh. 13 , p.-.g. j (e) Malillon, in anahâis ^ tom. 3 j^a^.
S?J,'8j6- ! 34' ^ &" in-fol.fa^.
( b) Tom. i , fpUHeg. pag. -180. (/) rako, in ckronico , y 3g. 303 , &•
(c) On/eric^iw/. iii, I 5, Drtg. 8?7. ' /*?•
( c ) Vriieric y irai, lib, i 5 , pag. 8?7. <
{(1) Arnal. vita Bernard, lib. i , cap. 1, |
première,
H O N O R I U s I I. ôcc. . 1S>
première. Leur defiein croit d'obliger Roger , Roi de Sicile , à
quitter le parti de l'Antipape. La voie des armes n'ayant pas
réuin , on prit celle de la ndgocation qui fut aufTi inutile.
XVIL La mort de l'Antipape Anaclet arrivée le 7^ Janvier Mort dé
1138, auroit dû mettre (in au fchifme ; mais le Roi Roger ( a ) a'5"'1P'p''„
permit aux Cardinaux de Ion parti de lui donner un luccelleur. Ils , , js.
■élurent Grégoire, Fretre-C'ardinal, à qui ils donnèrent le nom
de Vittor. Mais environ deux mois après fon élection ^ il quitta
la mître ôc la chape ôc fe fournit à l'obédience d'Innocent I[. le
ap de Mai 1158. Alors le Pape rentré dans Rome dès le premier
jour du même mois, ôc peut-être auparavant, s'appliqua à y
rétablir le Service Divin, & à réparer les ruines que le (chiime
^voit occafionnées.
XVIII. Les frères de l'Antipape Anaclet {h) reconnurent Le Pap<
Innocent II. peur vrai Pane ,& vinrent lui jurer fidélité. Paifible l"nDcent eft
I .' -^ ',,.., j' A •! r< connu gc-
polielkur de fbn Siegc , il convoqua pour le huitième a Avril ^^vakniçnt.,
ï 1 3P un Concile à Rome. C'eh le fécond de Lairan , que l'on H tient ua
met parmi les Conciles généraux. Arnaud de Brcfle y fut con- ^^^'^^ 5.^
damné , Ôc Ton déclara nulles toutes les Ordinations faites par mort en
l'Antipape Anaclet Ôc les autres Schifmutiqucs , c'eft-à-dire, '^■♦J*
qu'on leur interdit (c ) leurs fondions , Ôc qu'on les dépofa de
leurs Sièges. Le Roi Roger y fut aulfi excommunié ; mais ayant
fait fa paix quelque-tems après avec le Pape , lui ôc fes deux
iils [à) lui promirent cLéid'unce, ôc le Pape de fon côté donna à
Roger l'invelliture du Royaume de Sicile par l'étendarr. Inno-
cent II. mourut le 24 de Septembre 114-3, après treize ans, fept
mois ôc neuf jours de Pontificat.
XIX. Des quarante-trois Lettres qu'on a de lui dans la Ses Lettres.
coUedion des Conciles, les 5 , 12, 3 j , ^5, 57, 59, 40*^. ne font
que des confirmations de donations , droits ôc privilèges accor-
dés à diverfes Eglifcs. Voici quelle fut Toccafion de la preniiere, £„■/;. j. tom,
adrefi'éc à Rainaud , Archevêque de Reims; Hugues de Rouen ; 10 ', CondU
Hugues de' Tours, ôc leurs fuffragans. Eftienne , Evêque de ^''■=»^" *^'*
Paris , revenant de l'Abbaye de Chelies , où il étoit allé pour
réformer quelques abus , fut attaqué avec ceux qui l'accompa-
gnoient , par une troupe de gens armés , qui mafîacrerent entre
fes mains Thomas , Prieur de faint Victor. C'étoit en 11 33 , le
(a) Vita. Bernardi , lih, i , ça^, 7, I {c) Ckronic, Mauriniac. ad an. 113?*
(6) Falco'uii fupri. yig. jS;.
1 {d) ïalco ai an, 1 139.
TojneXXlL M
^o LESPAPES
vingtième d'Août. Vers le même-tenis , Jean , intrus dans la
RernarJ , dignité d'Archidiacre à Orléans , ne pouvant fouffrir qu'Ar-
epi(l.i4.i Pe- chambaud , Sous-Doyen de la même Eglile , s oppofàt à fcs vexa-
EmLiy'. '' tions, 'élit tuer. Saint Bernard & Pierre de Ciuni e'crivirent au
Pape de punir fe'vcrement ces deux meurtriers , ôc de confirmer
la Sentence portée contr'eux dans le Concile de Jouarre. Inno-
cent II. confirma non-feulement la Sentence rendue dans cette
airembléc, mais la trouvant trop modérée , il ordonna de plus ,
que partout où les meurtriers i'eroient préfens, on ne célebre-
roit point l'Otîice Divin ; que tous leurs fauteurs feroient excom-
muniés ; qu'en outre Thibaud Notier , Ôc les autres qui avoient
acquis ou confervé leurs Bénéfices par les crimes de leurs
parens, en feroient privés. On s'étoit contenté à Jouarre d'ex-
Tom. 10, communier les Auteurs de ces deux meurtres; ôc de menacer
ConaL pa^ ^^ \^ même peine ceux qui leur denneroient le loeement, ou
«74. . * • ^ '-'
commumqueioient avec eux.
Epil. î , ibid. ^ ^- î'^i'^ 1^ féconde Lettre le Pape cède à Lothaire ôc à
/'^i-j»4f. Eichife fï fille mariée à Henri de Bavière, les biens allodiaux
que la Comtefle Mathilde avoic donnés au Saint Siège , à charge
par ce Prince ôc fa fille d en rendre par chaque année cent livres
d'argent au Pape ôcà fes fuccelfeurs , ôc que lefdits biens après
la mort de Lothaire 6c de Richife retourneroient au Saint Siège.
Epifî. i. Foucher, fécond Archevêque de Tyr entre les Latins, ayant
été facré par Guillaume, Patriarche de Jérufalem, en 1 138 ,
voulut , à l'exemple de fes prédécefleurs, aller à Rome demander
le Pallium ; mais il n'y arriva qu'avec bien de la peine , parce
que le Patriarche lui fit drelTer des embûches fur le chemin ,
pour l'empêcher de le continuer. A fon retour à l'yr , le
Patriarche fit encore difficuUé de rétablir cette Eglife dans fon
ancienne dignité , ôc de réparer les dommages faits à l'Arche-
vêque Foucher. Il lui avoit entr'autres oté trois Evêchésdépen-
dans de fa Métropole, Acre, Sidon ôc Beryte; ôc le Patriarche
d'Antioche avoit ufurpé fur Tyr , les Evcchés de Biblis, de
Epif. 4 î- TripoH , ôc d'Antarade. Le Pape Innocent écrivit fur cela deux
Lettres au Patriarclie de Jérufalem , quien conféquence rendit
Epiji, (. à Foucher les trois fuffragans qu'il lui retenoit. Il écrivit aufli
«ux Evtques de Biblis , de l'ripoli ôc d'Antara'le de revenir fous
la Jurifdidion de leur Métropolitain ; au Patriarche d'Antioche,
Epji. 7 O-s, de les rendre à l'Arciievêque de Pvr ; ôcaux Evêques d'Acre,
de Sidon , ôc de Beryte, de rendre au même Archevêque leur
refpcd ôc leur obéillancc.
H O N O R I U s 1 1. &c. -pY
XXI. Après que le Roi Roger eut fait fa paix avec le Pape Epijl. 9. '
Innocent en 1 1 39 , le Pape lui confirma le Royaume de Sicile
avec le titre de Roi , lui donna encore le Duché de Poiiille &
la Principauté deCapoue , tant pour lui que pour fes fuccelTeurs ,
à condition d'en'faire i'hommage lige, ôc d'un cens annuel de Cunçr. ghff.
fix cens fquifates:c'étoit une monnoye d'or marquée d'une coupe; ^"l^u'V g'c'
c'eft le premier titre de ce Royaume qui a depuis pris fon nom pir. 553 ,
de la Ville de Naples. La date eft du 27 Juillet 1 1 35». '«'"• '■*•
X X J I. Les Archevêques de Sens & de Reims ayant envoyé Epiif. 10 &«
au Pape les propofitions d'Abaillard qu'ils avoient condamnées r'^^riî'"' !a/
dans le Concile de Sens en 1 140 , Innocent II. après avoir pris ion.*
le confeil des Evoques & des Cardinaux, les condamna ôc tous
les autres Dogmes erronés de cet Auteur, avec fa perfonne &
les fauteurs de fes erreurs ; déclarant qu'ils dévoient être excom-
muniés. Il ordonna de plus aux Archevêques de Sens , de Reims
&c à leurs fuiTragans , de faire enfermer en des Monafleres ,
Pierre Abaillard ôc Arnaud de Breife, ôc de faire brîjler leurs
Livres.
XXIII. Les Lettres à Adalberon , Archevêque de Ham- Ppin^ ,,^ ,^-
bourg ; à Nicolas, Roi de Dannemarc, ôc au Roi de Suéde, ly.'
font datées du 27 de Mai 1 1 5 5 , ôc tendentà maintenir les droits
de Métropole à l'Eglife de Hambourg , fur les Evêcliés de
Lunden ôc autres , fitucs dans le Dannemarc , la Suéde ôc la
Norvège. Celle que le Pape Innocent écrivit à Hugues , Arche-
vêque de Rouen , eft au contraire pour l'engager à fe relâcher
envers Henri , Roi d'Angleterre , ôc Duc de Normandie , du
droit d'exiger des Abbés la profelfion ôc l'obéiflance, La raifon Fp'Jî. j6.
qu'il en donne eft , qu'il faut quelquefois fe relâclier de la rigueur
delà juftice , ôc que dans le cas prefent, cette indulgence pour-
roit mériter à l'Eglife de Rouen les bonnes grâces de ce
Prince.
XXIV. Auiïi-tot qu'il fut arrivé à Cluni , il en donna avis Epijl. ir &•
à Louis VI. Roi de France, qui lui envoya l'Abbé Suger lui ^7, iS, 15,
faire fes premiers complimens. Le Pape demeura quinze jours ^°' ''' ^'"
en cette Abbaye, dont il dédia la nouvelle Eglife en l'honneur
de faint Pierre. Ce fut de-là qu'il écrivit une Lettre circulaire
à tous les Archevêques , ôc Evêques , où il confirma tous les
privilèges accordés à Cluni par fes prédécelTeurs. Il confirma
aufli l'autorité accordée à l'Abbé de Cluni fur tous les Monaf-
teres de fa dépendance ; la donation qu'Henri , Roi d'Angleterre ,
avoit faite à cette Abbaye d'un cens annuel de cent marcs d'ar-
Mij
^2 LESPAPES-
gent ; & la commutation de ces cent marcs en uii bien fonds
^pifl- 34. P^"^ Éftienne , auiïi Roi d'Angleterre. Il confentit encore que
le Monadere de faitw Facundus &de faint Primitif en Efpagne ,
fût fournis à l'Abbc de Cluni , pour en rétablir les biens & la
difcipline.
Epifl. i8. XXV. On voit par les autres Lettres du Pape Innocent , qu'il
chargea Eftienne , Evêque de Paris , ôc Geoffroi de Chartres ,
de faire reftituer à Archambaud , Sous-Doyen d'Orléans , & aux
autres , que l'Archi-DiacreJean avoit , ou dépouillés ou deftitués,
leurs biens ôc leurs dignités : cette Lettre fut donc écrite avant
le meurtre d'Archambaud en 1153 ; qu'il pria jufqu à deux fois
Epijî. j?. le même Evêque de Paris de lever finteruit qu'il avoit jette fut
l'Eglife de fainte Geneviève ; qu'il renvoya l'Abbé de Vezelai
EpiJl. îo. à l'Evcqued'Autun , pour en recevoir la bénédiction Abbatiale ,
en lui recommendant en même-tems ce Monaftere , qui avoit
depuis peu beaucoup fouffert dans le fpirituel & le temporel.
EpiU. zi. L'Abbé de Vezelai fe nommoit Ponce. Edienne , Chanoine
d'Auxerre , fe plaignit de lui au Pape , qui lui ordonna de répondre
aux plaintes en préfence de TEvcque de Langres & de faint
Epi/î. 3 2. Bernard. Ponce répondit au Pape par un Exprès , que fon Eglife
avoit joui pendant plus de trente ans de ce qu'Eftienne lui
conteftoit , ôc qu'elle en avoit joui par un privilège du Pape
EpiJl. 13. Pafchal. Sur cela Innocent II. écrivit à laint Bernard qu'il
falloit laiiïer l'Abbaye de Vezelai dans fa poffelîion.
EpiJl. 14. XX VL Alvife , Abbé d'Anchin , élu Evêque d'Arras ,
refufoit d'accepter cet Evcché. Le Pape ielui ordonna , en lui
remontrant que cette Eglife avoit autant befoin de fes confeils ,
que de fon bon exemple. Il exhorta Otton , Evêque de Bamberg ,
EpiJl. --s à maintenir dans fon Diocèfe , ôc môme dans les Monafteres en
dépendans , le même bon ordre qui s'y étoit obfervé avant lui ,
ôc de n'y rien changer , fi ce n'étoit en mieux ; d'en bannir furtout
la fimonie , s'il sappercevoit qu'on voulût l'introduire dans les
tutji. 2i. {<le£l;ions. Le Pape prit fous la prote£lion du faint Siège Hugues,
Archidiacre d'Arras, ôctous les biens qu'il poifcdoitcanonique-
mcin , lui permettant , au cas qu'on l'inquiétât dans fes biens,
ou dans fa perfonne , d'en appeller au Siège Apoftolique.
ifijl. 5î. XXVII. Sur lesconteRations entre Pierre, Abbé de Cluni ,
ôc Pierre , Abbé de faint Gilles , le Pape décida que fi la difci-
pline régulière venoit à s'affoiblir dans le Monaftere de faint
Gilles y, ce feroit à Pierre, de Cluni ou à fes fuccefleurs à la
xûublir i que (^uaad ii;iroi.t lui ou fes fucccfTeura, il y feroit
lï O'^N O R I U S IL &c. , . V3
reçu honorablement & entretenu avec les fiens pendant tout le
féjour qu'il y ferolt ; qu'il y prendroit même la place de l'Abbé ,
& afTembleroit le Chapitre , l'Abbé même prtl'ent ; que toutefois
l'Abbé de faint Gilles venant à mourir , ou à être transféré
ailleurs , les Religieux de cette Abbaye auroient la liberté de fe
choifir un autre Abbé ; mais de Cluni feul , Ci cet Abbé étoit
feulement pafié à un autre Monaftere ; qu'ils pourroient au
contraire le choifir de leur Corps , fi l'Abbé étoit mort. Il fut
aulh adjugé à l'Abbaye de Cluni une compenfation des dépenfes
qu'elle avoit foites pour le Monaflere de iaint Gilles. La Lettre
d'Innocent II. fur ce fujet efl du mois de Février 1:32. Celle
qui eft à l Evêque de Luques regarde la qualité ôc les motifs de
ceux qui dépolént touchant les dégrés de parenté entre deux
perfonnes. Par la quarante-troifiéme le Pape charge Gui , Prieur
de la Chartreufe , d'écrire ce qu'il fçavoit de la vie & des
miracles de Hugues , Evêque de Grenoble , qu'il venoit de
canonifer.
XXVIII. Son fucceffeur dans le faint Siège, fut Gui de Celeflinli.
Caftel, Tofcan de naifiance , Prctre-Cardinal du tirre de faint ^"''F-
ALirc , qui prit le nom de Celeftin II. Il fut élu le 26 de Sep-
tembre U43 j ôc intronifé le même jour, qui étoit le troifiéme
depuis la mort d'Innocent IL fon prédécefTeur. C'ctl ce qu'il
marque lui-même dans la Lettre qu'il écrivit aux Moines de
Cluni pour leur donner avis de fon éledion , qu'il dit avoir été Celcfiin;,
faite aux infiances & aux acclamations du Clergé & du Peuple '■/'{,'?• i«
Romain. Cette Lettre eft datée du 6 de Novembre. L'année
fuivante \ 144 le 6 de Mars il en adrclfa une féconde à Pierre,
Abbé de ce Monaftere , par laquelle il lui confirme la donation
que Berenger, Evoque de Salamanque , avoit faite du con- Ceieftin,
fcntement du Roi , à l'Abbaye de Cluni , de l'Eglife de "f'-^^' ^•
Saint Vincent à Salamanque. Vers le même-tems le Pape Epi^i. 3.
Ccleftin en écrivit une à l'ArcI'evêque de Tolède pour
le charger de reftituer à l'Evêque d'Auria , deux Paroiffes dont
l'Evcque d'Aftorga s'éîoit emparé. Ce font là lesfeuls monumens
qui nous reftent de Celcilin IL II leva l'interiiit que le Pape
Innocent IL avoit jette fur le Royaume de France en 1 141 ^
au fujet de l'éledion d'un Archevêque de Bourges , après la
mort d'Alberie en 1 1 40. Le Pape lui avoit donné pour fucceffeur
Pierre de la Chaftre. Le Roi Louis le jeune fâché qu'on ne l'eût
prs confulté en cette alTaire, défendit à Pierre l'entrée dans fon
RoyaiTrAC. Le Pape le mit en interdit. Celeflm II. mourut le
Miii
51 LESPAPES
p de Mars 1144, n'ayant tenu le faint Siège que cinq mois ôc
treize jours. Arnoul , qui d'Archidiacre de Séez étoit devenu
Evêque de Lifieux , ayant appris l'e'leclion de Celeftin II. dont
il étoit très-aimé , lui écrivit une Lettre (a) de congratulation ,
dans laquelle il loue la conduite qu'Innocent II. avoit tenue dans
le gouvernement de TEglife.^
Luclus II. XXI X. Le troifiénie jour d'après la mort de Celeftin ,
Pape. 5c qui étoit le 1 2 de Mars & un Dimanche , Gérard , natif de
Boulogne, Chanoine Régulier, & Prêtre-Cardinal du titre de
faintc Croix en Jerufalem , fut élu & confacré Pape , fous le
nom de Lucius II. Il avoit été fait Cardinal & Bibliotecaire de
l'Eglife Romaine par Honorius II. Chancelier ôc Camerierpar
Innocent II. Son Pontificat ne fut que d'onze mois 6c quatorze
jours , étant mort le 27 de Février i Hj".
Ses Lettres. XXX. Le ij de Mai 1 144, le Pape Lucius confirma par
Tom.io,Con- une Bulle addreffée à Hugues , Archevêque de Tours , la Sen-
cil.pag.ioi^. çence rendue cinquante ans auparavant par Urbain II. contre
Epi!}, ai i'£y£,qye de D^l , portant que cet Evêque & tous ceux de la
tom. I , am- Bretagne feroicnt foumis dans laluiteal Eglue de 1 ours comme
fUJÇ. colleôl. ^ jgyp Métropole. Lucius voulut bien néanmoins mettre une
Aîar£f«. pag. j.gf^j.j£|.;Q,^ ^j^ faveur de Geoffroi , alors Evcque de Dol ; fçavoir ,
que tant qu'il gouverneroit cette Eglife , il porteroit le Pallium
ôc feroit foumis immédiatement au làint Siège. En conféquencc
de cette Bulle il déchargea par Lettres les Evêques de faint Brieu
6c de Treguier , de l'obéifTance qu'ils avoicnt promife à l'Evêque
de Dol , &c leur enjoignit delà rendre à l'Archevêque de Tours.
Il enjoignit de plus au Comte Geoffroi 6c aux Seigneurs de
Bretagne , de n'apporter aucun obftacle à l'exécution de ce
jugement,
Epi[l. I. X X X I. Il y a trois Lettres de Lucius II. à Pierre , Abbé da
Cluni. Par la première j il lui donne avis du rétabliiïement de fa
fanté ôc de la paix ou trêve qu'il avoit faite avec le Roi de
Sicile. Il le prie par la même Lettre de lui envoyer treize de
fes Moines pour les placer dans le Monaflere de faint Sabas.
g„,n Dans la féconde , qui eft du 22 Mai i 144 , il confirme tous les
' ' biens donnes à l'Abbaye de Cluni , 6c tous les droits 6c privilèges
que fes prédéceffeurs , au nombre de dix-fcpt , lui avoienc
J^pijl. 6. accordés. Il marque dans la troifiéme , qu'il lui dqnne 6c à
(«) Tom, tSpkile^ii ,paf. jof.
H O N O R I U s I I. &c. 5>;
fes fucceneurs pouvoir fur le Monaftere de falnt Sabas , fondé
parlàint Grégoire le Grand , pour y rétablir le bon ordre & les
biens prcfquentierement diiiipés. Cette Lettre efl du ip Janvier
1144.
XXXII. L'Abbé de flùnt Gecmain d'Auxerre avoit fait F.pijl. 7.
prendre des hommes de l'Abbaye de Vezelai , dans U4i bois
commun à ces deux Monalleres, & les avoit livres au Comte
de Nivernois pour les mettre en prifon ; Ponce , Abbé de
Vezelai , les répéta 6c ne put les faire mettre en liberté qu'en
donnant des rcpondans , & le Livre des Evangiles. Sur la plainte
qu'il en porta au faint biege , le Pape Lucius ordonna à lAbbé
de faint Germain de rendre le Livre des Evangiles , 6c do
décharger les rcpondans, avec ordre de sadreller à l'avenir à
Geoti'roi , Evêque de Langres , pour terminer fes diflicukés avec
Ponce. Le Pape écrivit à cet Abbé ôc aux Moines de fon Mo-
naflere fur une affaire d'une autre nature. On avoit affalTmé Epifl. %,
Ortald , Abbé de Vezelai , prédéceffeur de Ponce ; 6c le Pape
Pafchal II. informé de ce meurtre, ordonna aux Evêques des
Gaules de punir les coupables par un exil , 6c au cas qu'ils refu-
faffent dobéir , de les excommunier. Il défendit encore au
Prévôt de l'Abbaye ôc à celui qui en feroit élii Abbé , de recevoir
aucun de ces homicides dans le Monaftere. Lucius II. confirma
cette Sentence , 6c ajouta , qu'on n'y reccvroit pas même leurs
héritiers, nommément Eftienne, Clerc d'Auxerre. La Lettre
ell du 8 d'Avril 1 144.
XXXIII. Le 24 de Mai il en écrivit une au Comte de Epijl. f,
Nivernois pour le prier de rendre à l'Abbaye de Vezelai ce qu'il
lui avoit ôté. Ce Comte prétendoit , contre l'autorité du Siège
Apoftolique , obliger l'Abbé Ponce à comparoître devant Ion
7'ribunal pour quelque plainte que ce fût , ôc y obliger aulli
les fujets de l'Abbaye. Le Pape chargea faint Bernard d'avertir
ce Comte , de fe défifler de fon entrepi4fe , qu'il traite d'exadlion.
Cette Lettre eft du i <? de Novembre 1 144.
XXXIV. Dom Martenne rapporte une Lettre de Lucius II. Marten.
à deux Seigneurs, pour les exhorter à continuer leurs bienfaits ''^"'- ' ' ^"^'^'
aux Moines de Savigni , fie à les défendre contre ceux qui les °'-P^^-^^^'
attaqueroient dans leurs biens, ou dans leur réputation. On cite MaliUcn. m,
du même Pape un privilège en faveur de l'Abbaye de faint ""■ > '"''"^'
Germain-des-Prez à Paris.
XXXV. Nous apprenons d'Otton de Frifingue , que les £fi/?. »,
Roniuinj voulant fe rctablirdans leur ancienne autorité, aiou- """" '°'^''""
^^6 L E S P A P E S
£> Otto Fri-' terent un Patrice aux Sénateurs qu'ils avoient déjà nommés?
f:ng. L. VII. ^ qu'étant allés trouver le Pape , ils lui demandèrent tous les
r^mc. cap. jj.QJj.g régaliens , foutenant qu'il devoir fe contenter pour fa
fubfiftance des dixnies & des oblations. Le Pape Lucius, dans
cette circonflance , s'adreiTa à Conrad , Roi des Romains , par
une Lettre, où il l'invitoit à prendre l'Lglife Romaine fous fa
proteclion. On rapporte cetic Lettre à l'an 1144.. La même
Evijî- -. année ie Pape conlirma par une Bulle dr.tce du 13 de Mai à
Raymond , Archevêque de Tolède , la primatie que le Pape
Urbain IL lui avoir accordée. 11 eft dit dans cette Bulle que les
Diocèfes des Villes qui ont perdu leurs Tvlétropolitains par l'in-
vafion des Sarrafins , feront foumis a l'Archevêque de Tolède,
jufqu'à ce que leurs anciennes Métropc'.cs foient rétablies. Il y a
dans le fécond tome des mélanges de M. Balufe, pag. 220 , une
Lettre d'Alphonfe , Roi de Portugal , au Pape Lucius , avec la
rép.onfe de ce Pape , par laquelle il accepte de la part de ce
Prince 6c de fcs fuccelTcurs un cens annuel de quatre onces
d'or; ôc prend toute la ramilk Royale fous la protection du
faint Siège.
Autres! et- XXXVL L'appendice du dixième tome des Conciles
très des Pap.s rapporte une Lettre d'Honorius IL aux Clercs de lEglife de
Honorius & Xours , dans laquelle il les avertit , qu'étant informé que fon
Innocent !(._,'. ^ , ^ -, >■ . . ^
f.i/n. 10 Co/- Légat avoit prononce Sentence c! e.icommunication contre
ciiyag.iii^, Foulques, Comte d'Anjou , pour n'avoir pas voulu confentir à
•'''''■ la diflblution ordonnée du mariage de fa lille avec Guillaume ,
fils du Comte Robert , ôc pour avoir aufTi maltraité les Envoyés
du Légat , il confirme cette Sentence , ôc veut qu'elle ait
fon e<écution jufqu'à fatisfaclion de la part de Foulques. Suivent
dans le même appendice quatre Lettres du Pape Innocent II.
La première à Conrad, Archevêque de Salzbourg, qu'il laiflc
le maître de continuer l'interdit fur certaines Eglifes , quoique
Henri, Ducde Carinthic, s'en fût plaint. Il ordonne à Conrad
de fe comporter envers Hugues de BrefTe , fuivant ce que les
Conciles avoient ordonné touchant les Partifans de l'Antipape
Guibert. Par la féconde Lettre qui eft encore à Conrad , il le
charge de montrer à l'Evêque de Ratisbonne, la Lettre par
laquelle il le fufpendcit de fes fonctions Epifcopales , pour avoir
refufé à lEglife Romaine l'obéiflance qu'il lui avoit promife,
6c n'avoir pas même voulu recevoir la Lettre qui lui avoit été
portée de la part du faint Siège par l'Abbé de faint Emme-
tamme. Henri , c 'étoit ie nom de l'Evêque de Ratisbonne , pour
le
H O N O R I U s I î. &c. $j
fe vanger de cet Abbé , lavoit dellitué, & cherchoit les moyens
de fouflraire fon Monaftere à la Jurifdidion du faint Siège
d'où il dépeiidoit. Le Pape Innocent lui écrivit de rétablir en
entier l'Abbé , 6c de rendre à l'Eglife Romaine l'obéifTance qu'il
lui devoit , le déclarant interdit de fes fondions jufqu'à ce qu'il
■eût obéi. Le Pape ne lui donnoit que vingt jours pour exécuter
l'ordre porté par fa Lettre^ qui ed la troifiéme. Dans la quatrième
adrelTée à Henri, Evoque de ïoul , le Pape confirme l'accom-
modement fait entre lui ôc Frédéric, Comte de Toul ; ôc règle
le droit d'hofpitalitéquece Comte prétendoit exiger de l'Evêque
& de Ces Chanoines ; le déclarant privé de la communion du
Corps & du Sang de Jefus-Chrift , au cas qu'il exigeât au-delà
de ce qui étoit réglé. On trouve encore deux Lettres d'Linocent t-^,,,. tj
II. dans le fécond tome des mélanges de Monfieur Balufe;; Mifc/iian.
l'une à Ulger , Evêque d'Angers , par laquelle il conlirme tous ^''»* '^^
les biens ôc les privilèges de cette Eglife ; l'autre à Robert,
Abbé d'un Monaftere de Chanoines Réguliers, fous la règle de
faint Auguflin , dans le Diocèfe d'Angers , dont il confirme auiïi
les droits & les privilèges. Le Code d'Ulric de Bamberg en
•contient deux du même Pape. La première adrelTéc au Clergé j-^^ ^
& au Peuple du Royaume Teutonique , par laquelle il leur ScH'^ror. tb?-
recommande fon Légat , & la fidélité à Lothaire qu'ils avoient r' '^l" ^^'"
choifi pour Roi , ôc qui devoit venir à Rome dans peu pour y jji.
recevoir la couronne impériale. Il les prie de lui prêter fecours
tant pour foutenir fa dignité , que pour la défenfe de l'Eglife.
La féconde eft à Lothaire , à qui il fait part de fon éleûion , pj,._ ,-;o.
en l'invitant de venir à Rome accompagné des Archevêques ôc
des Grands de fon Royaume , pour y être couronné Empereur.
Il dit beaucoup de chofes au défavantage de Pierre de Léon ,
connu fous le nom de l'Antipape Anaclet.
XX X V II. Après la mort de Lucius II. arrivée le 25- de F.urc.nelII.
Février ii45' , les Cardinaux affemblés dans l'Eglife de faint iapcnii4î.
Cef;;ire , élurent pour lui fucceder Bernard , natif de Pife,
Abbé du Monaflere de faint Anaflafe , de l'Ordre deCîteaux.
AulTitot après fon élcdion , on le mena au Vatican ; on le fit
aiïeoir dans la chaire Pontificale , ôc on lui donna le nom
d'Eugène III. Cela fe pafia le 2~i de Février de la même an'-ée
114.J. Son facre auroit dû fe faire le Dimanche fuivant ; mais
les troubles qui regnoient à P\.ome l'ayant obligé de fe reti-
ler avec les Cardinaux , au Monaftere de Farfe , il y fut or-
Toms XXI L . N
Pc
^^8 LES PAPES
donné le quatrième de Mars (a) , qui étoît un Dîmancîié.'
S. Bernard XXXVIII. Saint Bernard , dont il avoit été Difciple ,
Cardin au'rilir ^yant appris fon éledion , s'en plaignit aux Cardinaux en ces
cettetiedion. termes : Que venez-vous de faire? \ ous avez tiré un mort du
Bern^.rd ,. tombeau ; plongé dans le tumulte & l'embarras un homme qui
s'eft confacré au repos ôc à la retraite : Vous avez placé au
premier rang celui qui occupoit le dernier , & rendu par ce
changement fon état plus dangereux. Pourquoi renverfer les
)rojets ôc troubler les faints propos d'un pauvre pénitent ?
^ourquoi lui oter des mains fa bêche , fa coignée , le traîner au
Palais , le faire affeoir fur le thrône , le revêtir de la pourpre ôc
lui mettre en main des armes pour châtier ôc corriger lesPeupleS',
pour affujettir à fes Loix les Princes ôc les plus grands des Rois î
Mais puifque l'affaire eft faite , aidez-le , concourez avec lui à
l'œuvre pour laquelle Dieu Fa appelle par votre moyen. L'Abbé
Bernard , de Clairvaux en écrivit au Pape même. Bernard mon fils , lui
'fifi'iiS. dit-il, fe nomme Eugène , ôc devient mon père. Le doigt de
Dieu tire de la poulTiere , ôc le pauvre de la mileie pour le mettre
au rang des Princes ôc le faire affeoir fur le thrône. Il employé '
le refle de fa Lettre à lui repréfenter les dangers de fa dignité ,
ôc à l'animer à remplir fes devoirs. De Farfe qui étoit un Mo-
nafterc de l'Ordre de faint Benoit dans la Terre de Sabine,,
éloigné feulement de vingt-cinq milles de Rome, Eugène IH.
alla à Witerbe pour y célébrer la fête de Pâques. Son léjour ei\ ■
cette Ville fut de huit mois. Pendant qu'il y étoit, les Députés
des Evêques d'Arménie , ôc de leur Patriarche , vinrent le
faluer ôc lui rendre toute forte de foumilîion de la part de leiw:
Églife. Ils étoient chargés de propofer au Pape les différends
qu'ils avoicnt avec les Grecs , ôc de l'en rendre Juge. Otton
de Frifingue ih) , qui étoit alors à Witerbe, s'ett contenté de
remarquer , que les Arméniens ne differoient de nous qu'à l'égard
de certains Rits dans le facrifice ; fçavoir , qu'ils ne mettoient
point d'eau dans le vin ; qu'ils y employoient du pain levé ; qu'ils
ne faifoient qu'une fête de Nocl ÔC de l'Epiphanie. Mais on
prétend qu'Otton de Frifingue a été trompé à l'égard du pain
levé \ que les Arméniens ie fervoient depuis long-tems de
pain azyme dans le facrifice, ôc qu'ils ne fe font point écartés
de cette pratique.
(/:) Pagi a(f afl. 1145 ,"«"!. ?• ( (i) Otîo ïn^ing. lib.7 , Chronk. cup.
H O N OR lus II. &c. p<>
XXXIX. Quoiqu'il en foit , Eugène III. fît aHlHer les Le Pape_
Députds d'Arménie à fa Meiïe, & voulut qu'ils fuffent placés [erbè'lcs Dél
près de l'Autel , afin qu'ils ohfervaflent exatlement comment les putes d'Ar-
Latins célebroient le faint lacrifice. Le Pape reçut ( a ) encore "'«l'^e- H/c-.
à Witerbe un Légat des Eglifes de Syrie. C'étoit TEvôque de Rome.
Gabale qui venoit demander aux Rois des Romains & des
François du fecours pour les Eglifes d'Orient , défoiées de la
perte d'EdclTe, prife par les Turcs le jour de Noël l'an 1 144^.
Le Pape ayant réduit les Romains rébelles , foit par les cenfures ,
foit par les armes des Tiburtins , rentra dans Rome aux accla-
mations du Peuple , même des Juifs , & y célébra la fête de
Nocl. Il s'éroit logé au Palais de Latran ; mais foUicité vivement
par lesRomains de ruiner la Ville de Tibur(&),ilfut obligé pour
ie délivrer de leurs importunités , de fe retirer au-delà du Tibre ,
c'eft-à-dire , au Château Saint-Ange.
X L. Apres y avoir fait quelque féjour , il en fortit pour fe II p^^^ c«
rendre à "Witerbe ( c ) , enfuite à Hugues , puis à Brefle , ôc de-là j """"^^^ ^°'
en France par la Bourgogne. Il arriva à Paris au commencement
de l'an xi^-y, & fut conduit en grande folemnité en lEglife
de Notre Dame. La vie des Chanoines de fainte Geneviève
n'étoit pas régulière ; le Pape les réforma en leur donnant pour
Abbé Odon, Prieur de faint Vidox. Cela fe fit de concert avec
l'Abbé Suger, à qui Eugène III. en écrivit de Verceil le feize
de Juin 1 148 ( d). Il .avoit d'abord été réfolu de mettre ( 0) à
fainte Geneviève des Moines de faint Martin des Champs; mais
à la prière des Anciens , le Pape permit d'y mettre des Chanoines
Réguliers de faint Victor i ôc c'ell: ce qui retarda la réforme de
cette Maifon.
XLI. Il célébra la fête de Pâques de l'année 1147 à faint
Denys ; d'oii étant revenu à Paris il y tint un Concile , où les
erreurs qu'on attribuoit à Gilbert de la Poirée furent examinées.
Il étoit prefent ôc avoit faint Bernard pour principal adverfaire.
Mais le Concile ne décida rien. La chofe fut renvoyée à celui
que l'on devoir tenir l'année fui vante à Reims le 22 de Mars,
qui étoit le Lundi d'après le quatrième Dimanche de Carême.
3Le Pape étoit encore à faint Denys le mercredi d'après la Pen-
l a) Otto Frifing. ihid. i (d) Eugenii epijl. qute ejl irutr Sugeria^
(b ) Otto , ibid. cap. j4. 1 noi 31.
.( f) -P'^gi ad an, 1146, num. i , ». j (e) Eugtn. epijl. ad Suger. qux ejl i J
inter Sugcr.
Le Pape va
i Trever.
iod LES PAPES
tecôte de l'an 1 147 , lorfque le Roi Louis y vint recevoir la
pannetiere , le bourdon de Pèlerin & l'oriflamme. Il reçut aufli
la bénédiciion du Pape , 6c partit pour la Croifade le famedi
fuivant quatorze de Juin.
XL II. De Paris Eugène III. alla à Verdun (a) , le cinq
de Novembre , où il ht le neuf du même mois la tranflation
du corps defaint Vannes. A Trêves il célébra la fête de Noël ;
& le trente-un de Janvier de l'an 1 148 il dédia la Bafilique de
faint Paulin. Il avoir confacré le treize du même mois l'Eglife
de l'Abbaye defaint Matthias en la même Ville. Il y aflembla
vers le même tems un Concile , où fe trouvèrent plufieurs
Archevêques, Evéques ôc Abbés , entr'autres , laint Bernard.
Les écrits de fainte Hildegarde y furent apportés [b ) , lus publi-
quement par le Pape même ; & fur les témoignages que l'on
rendit à la fainteté de cette fiUe^ le Pape lui permit de s'établir
avec fes fœurs , après en avoir eu la permiiiion de fon Evêque ,
au lieu qui lui avoir été révélé , ceft-à-dire, au Mont faint
Rupert , près de Bingue fur le Rhin , à quatre lieues au-deffous
de Mayence , ôc d'y vivre en clôture , félon la Règle de faint
Benoît.
X LUI. Le Pape demeura à Trêves ( c ) depuis le commen-
cement de Décembre 1 14-' , jufqu'au mois de Mars de 1 année
fuivante 1 148 qu'il fe rendit à Reims , où il préfida au Concile
qui s'y tint le vingt-deux du même mois , comme on vient de
le dire. On y condamna quatre articles de la dottrine de Gilbert
de la Poirée ; mais on épargna fa perfonne , parce qu'il promit
de corriger ce qu'il avoir avancé mal-à-propos. Il y fut aufïi
ordonné {d ) , que tous ceux qui étoient de l'Ordre de Savigni
prendroient fans délai l'habit de l'Ordre de Cîteaux. Nous par-
lerons dans l'article des Conciles , des autres Réglemens faits
dans celui de Reims.
X L I V. Le tems du Chapitre général de Cîteaux approchoit.-
'"' Le Pape en y allant palTa par Paris , dc-là à Meaux , puis à Sens ,
pure ^tnerJl /- • x .^i • , \ -i /j-/- i r^ ■
de Cîteaux, cnfuitc a Clairvaux ( e) , ou il. édiha toute la Communauté par
eniJ48. (^ régularité ôc par fes difcours. Il portoit laferge , ôc dans lin-
Concile de
Reims eu
Le Pape
afTifte au \\\:\
( n) Laurent, de Leoâio , tam. it ,fp'ci-
le^'d ad an. 1 147.
{b)Trithem. Chronic. Hirfau^. ai an.
1150.
{ c ) Trithem. ilid, &• S'ijiOnius , Ub. 1 1 ,
de R^ib. iiaHœ,
(d) Tom. j , Monajiic. ÂngUcdni ,par,
871.
(r) Ârn.iid. liraBernardi , lïh. i , cap,
8 , &• lïb, 4 , fiiji. 7,
HONORIUS IT. &c: loi
teneur du Cloître la coulle , couchant fur la paille & avec des
draps de laine. A Cîteaux il allîfla au Chapitre, non avec l'au-
torité d'un Pape , mais comme un des Abbés. Nous avons fuivi
la route qu'il tint depuis Reims , pour montrer qu'avant d'y tenir
un Concile , il en avoit convoqué un à Trêves , & que celui-ci
eft antérieur à l'autre ; en quoi Manriquez ôc quelques-autres
Hiflorlens fe font trompés.
XL V. Au fortir de Cîteaux, lePape reprit le chemin d'Italie^ Eugène ni;
ôc arriva à Tufculum , où il eut (a) une conférence avec le ""fou^'ie à
Roi Louis, qui revenoit de la Palefiine. Après le départ de ,,4^. '
ce Prince pour la France, Eugène entra dans Rome. Mais les
troubles excités dans cette Ville ( /; ) , l'obligèrent d'en fortir
quelques mois après, c'eft-à-dire, au commencement de l'an
1 1 ^o , & de fe retirer en Campanie* Il ne retourna ( c ) à Rome
qu'en iijs après la paix faite avec les Romains. Ainfi fut
accomplie la prophétie de fainte Hildegarde , qui avoit dit au
Pape , qu'il nauroit la paix avec eux que fur la tin de fon
Pontiticat.
XLVL II mourut en effet l'année fuivanteà Tibur(J) le Mort du
huitième de Juillet, après avoir tenu le faint Siège huit ans ^^p^ Eugène
quatre mois ôc quelques jours, bon corpsrut tranlportéa Kome
avec grande pompe ôc enterré au Vatican , où il fit plufieurs
miracles aullitot après fa fépulture. On ne lui a pas néanmoins
décerné jufqu'ici de culte public.
XL V IL II nous a laiffé un grand nombre de Lettres. Lettres d'Eu-«
près de Viterbe, pour 1 engager a repr
la Ville d'Edefie , 6c à défendre contr'eux TEglife d'Orient.
Il accorde à tous les François qui fe croifcront , les mêmes £,,f^^ j^?.
indulgences que le Pape Urbain II. accorda à la première Croi-
fade ; mettant les femmes , les enfans , les biens des Croifés
fous la protedion du faint Siège , avec défcnfe d'intenter aucune
aÊtion contr'eux jufqu'à leur retour; ordre de leur remettre les
intérêts des femmes qu'ils pouvoient devoir ; ôc permiffion d'en-
gager leurs biens aux Eglifes, ou à des Particuliers , fans qu'ils
puiffent être reclamés. 11 exhorte les Croifés à ne faire de dépenfe-
( a) Anonym. Cijfmenf. ad an. 1148. j (c) Id ad. an. iifi.
(b)Id.adan. 114p. Cet Hiftorien de- j ( d ', Codex Vatican. Pagi, ad an, ii^j ,■■
Vance ordinairement d'un an, i tom, 10, Cvncil.pag, 10 <i^
N ii;.
102 L E S P A P E S
que pour les chofes abfolument néceflTaires au voyage & à la
guerre ; 6c leur accorde la rémiflion des péchés dont ils fe feroiit
confefTés avec un cœur contrit ôc humilié.
Epijl.i. XL VIII. Le Pape étant à Meaux en ii^S, Bernard^
Vide Mil- Evêquede Meneve,-ou faint David , vint lui porter fes plaintes
ÂnZ.ï!°Bene- '^^ ce que Thibaud , Archevêque de Cantorberi , vouloir le
àiÉiin. pjg. priver de fon droit de Métropole , ôcle foumettre à la fienne.
4^1. Thibaud vint auffi fe plaindre , que Bernard vouloir fe fouftraire
à la Métropole de Cantorberi. Les deux Parties oùies contra-
dictoirenient , Eugène III. ordonna par provifion , que Bernard
feroit fournis à la Jurifdiftion de Thibaud , & les cita l'un 6c
l'autre à Rome, pour la faint Luc de l'année luiv^ante,. afin de
juger définitivement leur conteftation.
■Evip. 3- X L I X. Informé pendant fon féiour à Trêves en 1 147, ou
J148, des grâces particulières que Dieu accordoit à une fille
vertueufe nommée Hildegarde, jufqu'à la favorifer du don de
P;7g. 1118. prophétie, le Pape lui écrivit de conferver ce3 faveurs par fon
humilité , & de déclarer avec pmdence ce qu'elle connoîtroit ea
cfprit devoir publier. 11 ordonna à quelques Eccléfiafliqucs de
Epi/?. 40' 5. Rome , féduits par Arnauld de Brelfe , de fe féparer de lui
comme d'un Schifmatique, & de rendre à leurs Supérieurs le
refpect & l'obéilTance , fous peine de privation d'Ofiice ôc de
]3énéfice. Conrad^ Roi des Romains , s'étoit croifé , ôc avancé
avec fon armée jufques dans la Natolie. Une partie de fes Troupes
périt dans cette expédition ; ôc il fut contraint de revenir en
Ep:J}. 6. Allemagne. C'efl: à ce fujet que le Pape lui écrivit pourlecon-
foler de ce mauvais fuccès. Sa Lettre eft datée de Tufculum le
Ejjj/?. 7. 24 d-e Juin i 1 49. Celle qu'il adreffa à Egelbert , Evêque , ôc aux
Ç^lianoines de Bamberg , efl d'au-delà du Tibre, c"eft-à-dire,
de l'an lijo. Il leur donne avis de la canonifuion de faint
Henri , à laquelle il a\'oit procédé , dit-il, à leurs prières 6c fur
Je rapport de deux Légats envoyés en Allemagne, pour s'in-
former furies lieux de la vie ôc des miracles de ce faint Empereur,
Jl dit encore que la canonifation des Saints ne fe dcvroit faire
régulièrement (^ ) que dans des Conciles généraux; mais que
^^ar Tautorité de l'Églife Romaine , qui eft l'appui ôc le foutien
^e tous les Conciles , il a eu égard à leur fupplique ôc mis ce
iiï in I omn
genernlibus Conciliis aiimitti non foleat : 1 petitionibus veftris ncquielcimus. Eiigei}.,
authoritatî tamcn Ecclcfîx Romana; ,qua: ev'ji. 7 i ndBambergenf,
H O N OR I us IL &c; io>
VÛûce au rang des Saints, de l'avis des Archevêques & Evêques
qui fe font trouvés avec lui.
L. Ceux d'Allemagne vouloient l'engager à donner fon Epifl. g.
confentement pour la tranflation de l'Evêque de Naumbourg ,
à rArchevcclié de Magdebourg. Mais leur demande n'c'tant
fondée fur aucun des motifs pour lefquels la tranflation dun
Evcque eft autorifée par les Conciles ; il leur repondit , qu'agif-
fans dans cette affaire uniquement par des vues de plaire au Roi
Frédéric , il ne pouvoir entrer dans leur deffein. Il accorda aux Epijî. yi-
Chanoines de faint Pierre de Rome laquatriémepartie de toutes
les offrandes , afin qu'ils y cclebraffent avec foin les Offices de
jour ôc de nuit , 6c des Aleffes tant pour les vivans que pour
les morts. Sa Lettre eft foufcrite d'un grand nombre deCardinaux,
& datée de Rome la neuvième année de fon Pontificat , c'eft-
à-dire , de l'an un- Celle qu'il écrivit à Arnauld , Archevêque Epiji. loj
de Cologne , eft une confirmation des droits ôc des privilèges
de cette Eglife. Plufieurs Cardinaux y foufcrivirent. La date eft
de Segni le huit de Janvier i ly i. Dans la fuivante le Pape £'/?. Ho
confole Suger , Abbé de faint Denys , fur la mort de fon neveu.
L L II y en a dix autres du Pape au même Abbé , alors Rc?-cnt
<3u Royaume en l'abfence du Roi Louis le jeune. Le Pape
approuve le foin qu'il fe donnoit pour l'Eglife de Paris; le prie g,,;/^ ^ ,
de lui nommer quelques-uns des Evêques qui refufoient de lui
prêter fecours dans la défenfc du Royaume , afin qu'il les en
reprît ; le remercie de l'offre qu'il lui avoit fait d'affembler un
Concile en quel endroit du Royaume qui lui feroit le plus
agréable ; ôc promet de lui rendre juftice contre le Duc de
Lorraine , déjà excommunié pour d'autres fautes. Cette Lettre
eft datée d'Auxerre le fix d'Odobre ii4.7i lien écrivit deux de"
Langres le vingt-neuf d'Avril de l'année fuivante i 148 jlorfqu'il
retournoit en Italie. Dans l'une, il marque à Suger de mettre Epifc. ij,
dans l'Abbaye de fainte Geneviève le Prieur dAbbeville , avec
huit Moines de faint Martin des Champs, afin que par leurs
bons exemples , le bon ordre fe rétabliffe à fainte Geneviève*
Dans l'autre , il ordonne aux Chanoines de fainte Geneviève de E^ifî. 145-.
îecevoir avec décence ce Prieur avec les Moines de fiint
Martin , les affurant qu'il avoit pourvu à leur fubfiftance. Étant
à Verceil lefeizede Juin , il changea de fentiment , ôc permit Epiji. ly..
à Suger de mettre des Chanoines Réguliers à fainte Geneviève ,
au lieu des Moines de faint Martin. Les Chanoines de fainte ■
CseneYieve le demandèrent eux-inêmes y. aiiifi que Suger l&î
,04 L E S P A P E S
témoigne dans fa Lettre au Pape {a). On leur donna pour
Abbé , le Prieur de faint Victor avec douze de fes Religieux,
qui furent conduits fans délai à fainte Geneviève. Le Pape
Epijl. lé. Eugène remercia l'Abbé Suger de ce qu'il avoir fait en cette
occafion.
£pj/j ,8 , L I L Cette réforme ne fut pas établie i\ vite , 6c il fallut toute
X9 , io. la fermeté Ôc tout le pouvoir de Suger pour maintenir les Cha-
noines de faint Viclor dans l'Abbaye de fainte Geneviève, ÔC
pour les foufcraire aux mauvais traitemens des anciens Chanoines.
Hugues de faint Viclor fut même obligé d'allertrouver le Pape
pour cette affaire. Par une Lettre datée de Pife , Eugène III.
Ep'll. 17. nomma les Evêques d'Au:;erre , de Soilfons , ôc l'Abbé Suger ,
pour fe faire rendre compte de la manière dont s étoit faite
l'élecYion d'un Evêque à Arras , au préjudice de l'appellation
au faint Siège.
E-îjl II. LU I. Le Pape averti que le Roi Louis , après avoir beau-
coup fouffert dans le voyage de la Terre fainte , étoit arrivé en
Sicile, en donna avis à Suger, afin qu'il vint au-devant de ce
Prince avec fes fidels Suiets. Par une autre Lettre , il lui mande
qu'il a donné ordre aux Archevêques ôc aux Evêques de France,
Evill. 11- d'excommunier ceux qui troubloient ce Royaume. C'eft en effet
ce qui eft porté dans fa Lettre à l'Archevêque de Sens ôc à fes
•Em'î. 13, Suffragans. Les quatre Lettres fuivantes regardent des affaires
44, î-î,'^*' particulières dont il renvoyé la connoiffance 6c le jugement à
:i7 &- 3°- Suger ôc à l'Archevêque de Sens. Le Pape écrivit aulfi à cet
Abbé de retirer aux dépens des Chanoines Séculiers 6c Régu-
£ ;/j ^8. liers de fainte Geneviève le tréfor de cette Eglife , qui avoit été
' ' rnis en gage chez des Laïcs , ôc d'engager le Roi à acquitter
E m r- l^s dettes que le Comte de Soiffons avoit occafionnées au Mo-
naflerc de faint Médard par fes exacl;ions.
£pijl. is. L I V. Il le chargea aulli de fonder l'efprlt du Roi ôc des
Barons, ôc autres grands Seigneurs de France, pour fçavoir
s'ils étoient effeclivement difpofés à la Croifade ; ôc en ce cas ,
■de leur promettre de fa part tout le fecours qu'il pourroit,
ôc la rémiffion de leurs péchés. Par une autre Lettre, le Pape
E'iji. 31, loua Suger des foins qu'il donnoit à cette grande entreprife ,
ôc lui donna commiffion , ôc à lEvêque de Noyon , de travailler
au rétabliffement de la Rcligon dans l'Eglife de Compiegne.
(«) Epji. A,o , biter Sugerian. ^lom. io,Concil. pi^. lofs.
HONORIUS IL kc. lo?
Ses Lettres à Eftienne , Roi d'Angleterre , 6c à la Reine
JVlathilde fon époufe , font pour engager ce Prince à rendre ^^'•/^•ÎI'W
fes bonnes grâces à Robert , Evêque de Londres , ôc à ne
plus l'inquiéter fur le ferment de fidélité qu'il vouloit exiger
de lui.
LV. Il y avoit depuis longtems de grandes difficultés entre Epi'/!, jy , «I
Guillaume, Comte de Nevers , ôc Ponce , Abbé de Vezelai, *'•
& entre cet Abbé ôc l'Evêque d'Autun. Le Comte prétendoic
priver le Monafterc de Vezelai des privilèges que le faint Siège
lui avoit accordés ; ôc l'Evêque d'Autun trouvant mauvais que
Ponce eût fait ordonner quelques-uns de fes Moines par l'E^
vêque d'Orléans , leur avoit interdit les fondions de leurs
Ordres. Ces deux différends ayant été portés à Eugène III. il
prefTa vivement le Comte de fe délifler de fes pourfuites, fous
peine d'excommunication ; ôc il écrivit là-deffus à diverfes
pcrfonnes, mêmeauRoi de France. A l'égard de l'autre con-
teflation , le Pape donna jour aux Parties pour être oiiies ; mais
l'affaire ne fut iinic que fous Anaftafe IV. fucceffeur d'Eugène
III. Tel eft le fujet des Lettres de ce Pape depuis la trente-cin-
quième inclufiveraent , jufqu'à la foixante-uniéme.
LVI. Elle cfl: adreffée à Ebehard , Evêque de Bamberg, Epijl.6i0'i*i
à qui il ordonne de rétablir dans l'Eglife d'Hildesheim les
Moines que Gebehard, Evêque d'Eichftet, y avoit introduits ; ôc
que fon fucceffeur ôc l'Archevêque deMayence avoient renvoyés,
pour y remettre les Chanoines. Le Pape traite leur démarche de
téméraire ; ôc dit qu'en rigueur de la Juftice , ils mériteroient
punition. Il écrivit fur la môme affaire à l'Archevêque de
Mayence, nommé Henri. Ces deux Lettres font fans date.
L V I I. Celles qu'il écrivit au Clergé 6c au Peuple de Epiji, ^^
Tournai , ôc à Louis VII. Roi de France , font datées d'au-
delà du Tibre le quinze de Mars i i^6. Par la première , il
ordonne à ceux de Tournai de reconnoître pour leur Evêque
Anfelme , Abbé de faint Vincent de Laon , qu'il venoit de
confacrer ; ôc les atfout du ferment de fidélité ôc d'obéiffance
envers Simon , Evêque de Noyon. Dans la féconde , il exhorte
le Roi de France à reconnoître Anfelme pour Evêque de Epljf. i^i
.Tournai , à l'aider ôc à le maintenir dans fon Siège.
L V 1 1 1. Le 25 de Mars 1 148 le Pape étant au Concile de £,,;,?. f^,
Reims, écrivit à jMoyfe , Archevêque de Ravennc , que fans
préjudice à fes droits , il avoit confirmé l'éledlion de l'Evêque
4e Plaifance ; ôc que pour s'affurcr pleinement des droits de fon
Tome J(XJL O
io5 LES PAPES
Eglife à cet dgard , il eut à fe préfenter à la Fête de faînt Luc
prochaine , avec tous fes titres & fes raifons. De retour en Italie,
Epijl. <6. ilmandadePifele iode Novembre 1 14.9 au même Archevêque,
qu'ayant cgard à fes demandes ôc à fes -droits , il avoit ordonné
que les Evcques de Plaifance recevroient de lui ôc de fes fuc-
celTeurs la confécration ; fauf en tout l'autorité du Siège Apofto-
Epfc. C-. lique. Il pria encore l'Archevêque Moyfe de recevoir avec bonté
l'Evêque de Plaifance , attendu fon obéiiTance au faint Siège
& les travaux qu'il avoit fouiferts , même pour l'Eglife de
Ravenne.
T.y'i^. 6%. L I X. Il étoit d'ufage que les Rois reçulTent folemnellement
P^i , aà an. la couronne dans les principales Fêtes de l'année. Samfon ,
lii^6,«uro,7. Archevêque de Reims, la donna au Roi Louis en uneaflemblée
tenue à Bourges le jour de Noël 1 145" , en labfence de Pierre ,
Archevêque de Bourges , qui étoit alors à Rome. Pour cette
ufurpation dont Pierre avoit porté fes plaintes , & autres fautes
commifes par l'Archevêque Samfon , Eugène IIL lui interdit '
l'ufage du pallium , le cita à Rome & l'obligea de rendre à
l'Eglife de Bourges les oifrandes qu'il avoit reçues en cette
eccafion. La Lettre eft datée de Sutri le 16 de Mars 114.5.
L'Archevêque de Bourges étoit très attaché à l'Eglife Romaine ;
Efi^. C9. il avoit même reçu à Rome les Ordres facrés ; par ces confide-
rations ôc autres , le Pape accorda à Pierre un privilège confir-
matif de fon droit de Primatie fur les deux Provinces de Bourges
ôc de Bordeaux , déclarant que fes fucceffcurs dans l'Archevêché
de Bourges jouiroient de la même prérogative.
LX. Sur les remontrances que Pierre, Abbé de Cluni, fit au
Pape, delanécelTité de bâtir une Eglife en un endroit dépendant
lË,^ï^. 70. de fon Monaftere , Eugène III. écrivit à Bernard , Evcque de
Saintes , de ne pas s'y oppofer. Il conlirma à la requête des
E;>;jî. 71. Abbé ôc Religieux de Cîteaux les conOitutions de cet Ordre,
afin qu'elles fuffent uniformément obfervées dans toutes les
Maifons qui en dépendoient.
L X I. Raymond , Archevêque de Tolède , étant au Concile
de Reims en 1 14S , fe plaignit de la part du Roi de Portugal,,
que le Pape Eugène III. avoit accordé à Alphonfe Henriquez
le titre de Roi, fous une redevance annuelle de quatre livres
RoJcric , d'or. Il forma encore des plaintes contre l'Archevêque de Braguc
To/<rr. hh. T , 5^ fes autres SufFrasans , difant , qu'ils refufoient de le recon-
Biji. cap. 6. ., UTB 'I- r j i
noitre pour Primat. Le râpe s expliqua lur ces deux articles
Epijl. 74, dans une Leurc au Roi de Caftille. Il dit fur le premier, qu'il
HONORIUS IL kc: 107
n'a jamais penfé à diminuer en rien les droits de la couronne de
Caftille ; & fur le fécond , que fa volonté eft , que l'Archevêque
de Brague ôc fcs Suffiragans foient fournis à l'Archevcquc de
Tolède comme à leur Primat. Il déclare l'Archevcque de Brague
fufpens de fcs fondions pour fa dcfobéiffance. Par la même
Lettre il donne avis au Roi de Caftille , qu'il avoir charge l'E-
voque de Ségovie , de lui porter de fa part la rofe d'or que le
Pape a coutume de porter chaque année le quatrième Dimanche
de Carême, en mémoire delà Paflion & de la Réfurrettion de
Notre-Seigneur. A la prière du même Roi , Eugène III. permit Epi/!, /y.-
à l'Archevêque de Compoflelle de faire porter la Croix devant
lui. Le Pape , avant que d'écrire au Roi de Caftiile, avoir écrit Epijî. 75,
à l'Archevêque de Brague, & l'avoit fommé de reconnoîtredans
trois mois la Primatie de Tolède. Voyant fa réfiftance , il lui
figniHa par écrit la fufpenfe de fes fondions Epifcopalcs , jufqu'à E/H. 76,
ce qu'il fe fût fournis. L'Evêque fe rendit ôc reconnut la Primatie
de Tolède, que le Pape confirma de nouveau à Jean, Evêque ^"■'^' ^'*
de Ségovie, fuccelfeurde Raymond, par une Bulle dattée de EF'f'- 7^-
Rome le I 3 de Février 1 1 j2. Il y a trois Lettres du Pape , tant f^-pi'!.??
aux Evoques d'Efpagne ôc à Bernard , Archevêque de Tarra- ^-'^J-
gonc , qu'au Clergé 6c au Peuple de Tolède , pour foutenir la
Primatie de Jean , Archevêque de cette Ville.
L X 1 1. Dans celle-ci le Pape dit avoir été informé , que ceux Ep'J^- Sj.
que l'on nommoit Mofarabes refufoient d'obéir à l'Archevêque ;
qu'ils recevoient des Eglifes de la main des Laïcs , & fuivoient
leur ancienne coutume , différente de celle du Siège Apollolique
dans la célébration de la Méfie &c de l'OfBce Divin , dans la
tonfure Cléricale & dans leurs habits. C'efl pourquoi il ordonne
au Clergé & au Peuple de cette Vill« , d'avertir férieufement
ces Mofiirabes de fe conformer en tous ces points à la pratique
de l'Eglife Catholique , ôc d'obéir à leur Archevêque , s ils
veulent demeurer encore dans la Province. Sous le nom des
Mofarabes , le Pape entend les anciens Chrétiens qui étoient
reliés en Efpagne fous la domination des Mufulmans.
LXIII. Le Pape Eugène IIL avoir défendu aux Abbés de AitresLet-
faint Pons ôc de Graile de recevoir ceux que l'Archevêque de '/" "' t-"gene
arbonne auroit excommunies, ôc de mettre dans les raroihes OnàLmap-
dépendantes de leurs Abbayes , des Prêtres , fans le confente- F'"'^- I"^*
ment de ce Prélat ; ainfi que le Pape Urbain IL l'avoir réglé '^^^*
-dans le Concile de Clermont. Toutefois ces deux Abbés n'a-
Oij
io8 L E S P A P E S
voient eu aucun égard à cette défenfe. Sur de nouvelles plaintes
de la part de l'Archevêque , le Pape réitéra fes ordres à ces
deux Abbés , leur déclarant , qu'en cas de défobéiflance , il avoit
donné pouvoir à l'Archevêque d'excommunier ces Prêtres ÔC
ViZ- l8^7. d'interdire ces Eglifes. Par une féconde Lettre, il leur ordonna
d'envoyer les Prêtres qu'ils deflinoienr au fervice de cesParoiffes ,
à l'Archevêque de Narbonne , afin qu'ils rec^uffent de lui leur
miffion , fuppofé qu il les trouvât capables du foin des âmes.
Il ordonna dans une troifiéme Lettre , que ces Prêtres rece-
vroient de la part de l'Archevêque la portion des dixmes ÔC
des oblations des Fidèles , dont la répartition lui appartient
fuivant les Canons ; ôc que les Abbés & les Moines de faine
Pons 6c de Grafle en tireroient la part qui leur a été accordée
tAg. 1848. parle Siège Apoftolique. Le Pape défendit aulFi à ces Abbés
î'adminiflration folemnelle du Baptême , ôt de donner aux
Laïcs les Sacremens de Pénitence 6c d'Euchariftie.
p ,g L X I V. La Lettre du même Pape à Geoffroi , Archevêquo
de Bourdeaux , à tous fes SufFragans ôc aux Abbés de fa dépen-
dance , efl une confirmation des privilèges qui leur avoient été
accordés par les Rois de France, 6c autorifés par les Décrets des
Papes; fçavoir, que l'élettion des Evêques ôc dee Abbés dans
l'étendue delà Métropole de Bourdeaux feroit libre, fans que
les Evêques ni les Abbés fufTent obligés de faire ni foi ni hom-
mage, ni prêter ferment de fidélité. L'atte efl daté de Sutri \z
24 d'Avril I 14.5. On ne fçait pourquoi l'on a donné dans l'ap-
pendice du dixième tome des Conciles la Lettre d'Eugène IIL
pjo-. t8 jo , a Louis VII. pour l'exhorter à la Croifade ; puifqu'elle fe trouvs
fe- 1046. d<f ja à la tête des autres Lettres de ce Pape , dans le même
tome. C'efl fans doute une pure inadvertance.
Autres Let- LXV. On trouve dans le fccond tome des mélanges de M,
très d'Eu Balufc uuc Lettre datée de Viterbe le 27 Octobre i i^y , par
^Miîc'tlhf^^ laquelle le Pape Eugène III. défend aux Evêques de Regio ôc
tom. i ,\eig. de Forli , de rien exiger de l'Eglife de Bari, qui étoit fous
»»»• la prote£tion du faint Siège, ôc d'impofcr de nouvelles taxes
dans leurs Diocèfes , voulatit qu'ils fe conformaflcnt à ce
qui étoit d'ufage fous leurs prédéccfleurs. Il interdit auffi les
Prêtres de ces deux Diocèfes , qui enterreroient des excom-
muniés dans le Cimetière ordinaire.
Lettre à L X V I. Trancavelle^ Vicomte de Beziers, revenant de la
Bc?"'' /° Croifade, paiTa à Tufculum,oii étoit le Pape Eugène , pour
HONORIUS II. &c. 'ioj>
lui demander perminion de bâtir une Ciiapelle dans fon Palais , i, anecdot.
& d'y avoir un Chapelain. La grâce lui fut accordée ; ôc en Marten. pa^.
conféquence le Pape écrivit à Bermond , Evêque de Béliers, '*'^'
de donner le foin des amcs au Chapelain que le Vicomte lui
prefenteroit , pourvu que ce fût un fujet capable ; 6c deconfacrer
cette Chapelle , quand on l'en prieroit. Mais il veut que cette
grâce ne porte aucun préjudice aux droits de l'Evcque ni de
Ton Eglife.
LXVII. Les quinze Lettres que Dom Martenne a inférées Lettrfs Cut
dans le fécond tome de fa grande coUedlion , font fur divers «l'vedes aft^j-
fujets & à difierentes perfonnes. La première efl un Règlement amv. cchec-
des droits conteflés entre l'AbbefTe & les Rcligieufes de faint ''""• ^"■-
Pierre à Reims , ôc l'Abbé 6c les Moines de faint Nicaife. Il '/^"^"'^ 'j^P?|;
cft parlé dans la féconde de certains Hérétiques qui dogmati-
foient dans le Diocèfe d'Arras ; mais on ne les nomme pas. Ils
erraient fur les Sacremens. Par la troiliéme , le Pape Eugène
oblige les Chanoines d'Orléans de rendce à Philippe, fils de
Louis ^'I. une Eglife qui lui appartenoit en qualité de Doyen.
Il fut depuis Archidiacre de Paris. C'étoit le cinquième fils du
Roi. Dans la quatrième, il efl défendu aux Moines de Lobes
de manger en un même Réfectoire avec les Chanoines, ôc de
chanter enfemble au Chœur. Les f, 5, 10,12, 13, 14, ij*..
regardent l'Evcque 6c l'Eglifé de Beauvais. Le Pape s'intérelTe
auprès du Roi Louis pour empêcher les vexations que l'on
failoit , foit à l'Evêque qui étoit fon frère, foit à fon Eglife.
Henri, c'étoit le nom de l'Evêque , voulut même abdiquer
l'Epifcopat. Eugène IIL n'y voulut pas confentir ; mais pour
faire fa paix avec le Roi Louis VIL fon frère , il employa la
médiation des Archevêques de Rouen, de Reims 6i de Sens;
dcHugues , Evêque d'Auxerre, 6c de faint Bernard. La neuvième
Lettre à Hugues , Archevêque de Rouen, eft pour le prier de
s'intércifer pour la reflitution d'une fomme coniiderable. Dar«
la treizième , le Pape prie Henri , Evêque de Beauvais , de
donner une Prébende de fon Eglife à Pierre Lombard pour lui
aider à foutenir fes travaux dans l'étude de la théologie fcholaf-
tique. Saint Bernard ôc plufieurs autres perfonnes de confidera-
tion avoient recomn-iandé Pierre Lombard à Eugène III.
L XVI IL Dom Martenne a publié deux autres Lettres du Autres tft-
Pape Eugène IIL à l'Abbé Suger , l'une eft pour lui recom- p"^''" ^"^^
mander un Sous-Diacre de l'Eglifé Romaine ; l'autre, pour , ,- anecd^t'.
Ravoir des nouvelles de l'invalion que le Comte d'Angers fe Mancnne ,
O iii ^'^'''''
Tio .^ L E S P A P E S
difpofoit à faire avec fon armée dans les Terres de fon frère
Ilobert. Cet Editeur a publié encore deux Buiies du même
Pape; la première, en faveur des Abbé & Moines de Uedon,
Uid V3S ^^'^^ prend fous la protection du faint Siège, & à qui il permet
<oj , 404. ' la libre élection , fuivant la règle de faint Benoit ; cette Bulle eft
de fan 1147. La féconde ell de l'année fuivante ; le Pape
y permet à Serlon , Abbé de 5avigni , d'établir dans fon Mo-
naflere l'Obfervance de Cîteaux , ôc dans tous les autres dépen-
dans de Savigni. Cette Bulle fut donnée en conféquence du:
Règlement fait au Concile de Reims en 114-8, touchant l'union
de Savigny à l'Ordre de Cireaux , à l'égard delà difcipline régu-.
liere. Les deux Lettres à l'Abbé 6c aux Moines du Bec , rappor-
tées dans le (eptiémetome des mélanges de M. Balufe, regardent
la conceirion qui leur avoir été faire de l'Eglife de Beaumont pat
l'Archevêque de Rouen.
LXIX. On a dans le fixiéme tome des Annales EJne.iittines
une Lettre d'Eugène IIL aux Abbés de Cîteaux alTemblés en
1 1 jo , dans laquelle il les exhorte à ne pas dégénérer de la vertu
de leurs Fondateurs ; une autre Lettre aux Evêques de France,
où il règle les droits de l'Abbaye de Marmoutier fur les Paroilfcs
de fa dépendance ; un privilège pour le Monadere deFerrieres ,
à qui le Pape accorde la liberté d'élire fon Abbé , ôc de le faire
bénir par quel Evoque il trouvera à propos ; des diplômes en
Paj. sSrt. faveur des Abbayes de Marmoutier , de Molcfme, & de faint
Pvlihiel fur Meufe ; une Lettre à l'Abbé Suger pour l'engager à
P.i^.43S. la défenfe du Monallere de faint ?vlédard de Soiffons; c'eft la
trente-unième dans la collection des Conciles ■■, un diplôme pour
Pierre , Archevêque de Bourges , rapporté tout entier dans le
Lnbbe,p.z-. deuxième tome des manufcrits du Père Labbe ; une Lettre à
.8S, S'j. Hugues, Abbé de faint Rémi à Reims, & aux Moines de ce
Annal pag. Monaftere ,par laquelle Eugène IIL leur recommande les Char-
^^^- treux du Mont-Dieu , Scl'obéiflance à leur Abbé Hugues ; trois
Lettres à l'occafion de l'élection d'un Abbé à Fulde ; la première
Pjir. 438. à Henri , Roi des Romains, dont il implore le fecours contre
les fadieux qui traverfoient cette élection , ou qui en empê-
.choient la canonicité; la féconde aux Moines de Fulde, dans
laquelle il déclare nulle l'élection de Ruggere , & leur ordonne
de fe choifir un Abbé dans un autre Monaftere , de l'avis de
P-^g. 69^ , quatre Abbés qu'il nomme ; la troifiéme à ces Abbés à qui il
4^4 , 700 , or(jQi-ine defe tranfporter à Fuide pour y choifir un Abbé d'une
/76,'ù'c. ' autre Maifon , capable de mettre la réforme à F'ulde ; enfin
plulleurs Bulles pour divers Monalleres,
Trm. 6 ,
'Annal.
Bc:ie-
dlciin.
Mahi'.-
Ion.
?ag
• 47'--
^H
. 708.
Ihiâ.
H O N O R I U s I I. écc; - tiï
LXX. Quelques-uns ont prétendu que le Pape Eugène III. TraJudion
avoit ordonné la traduction latine des Oeuvres de faint Jean 'j'""^ ^^ ^"'"5
Damafcene , ôc engage rierre Lombard a donner le corps de cène,
théologie que nous avons de lui. Pierre n'en dit rien dans fon
prologue , 6: ce n'ctoit pas une chofe à oublier. Mais il efl: très-
poflibie que ce Pape ait foUicitc Burgondion (a) , Jurifconfultc
& Citoyen de Pife , à traduire les Oeuvres de ce Père. Cet
Ecrivain étoit contemporain du Pape Eugène III. ècie mcloit de
traduire les écrits des Pères Cirées. En ii6o il traduifit un
Ouvrage de Hiint Grégoire de Nyfle ,{b) ou plutôt de l'Evcque
Nemelius , qui a pour titre : delà nature de l'homme. Il dédia fa
tradutlion à Friderlc I. Empereur des Romains. On dit qu'il
traduifit auifi le Commentaire de faint Chryfoftôme fur faint
Matthieu, & lesLivres de faint Jean Damafcene , intitulés : de la
Foi orthodoxe. Burgondion mourut en i ip-j.
CHAPITRE VIL
RuPERTj Abbé de Tuy 3 ou de Diàîi.
I. ^"^ N ne connoît ni l'année ni le lieu de fa nailTance ; mais Rupen;,
V^ il y a railbn de conjedurer qu'il eut Liège pour patrie, ^^^^ JeTuy.;
ou du moins le voifinage de cette Ville, puifqu'il fut élevé dès tion. Mahil-
fon enfance dans le Monaflere de faint Laurent fur la montagne '"''• ^''^- ^^ »
de Liège , y ayant été offert à Dieu par fes parens. Il y fit enfuite ^^^[^ '
profelhon de la règle de faint Benoît , fous l'Abbé Berenger,
qui prit foin de le former dans tous les exercices de la vie Mo-
naftique. Son Maître dans les Belles-Lettres & dans les autres
Sciences , fut Heribraud , fuccefleur de Berenger.
II. Rupert étoit d'un efprit tardif: ôc quoiqu'il fe donnât Sa fciente--
beaucoup de foins pour furmonter par un travail opiniâtre ce ji'"*^" ^^°''
défaut de la nature , fes progrès étoient lents & peu confide-
rablcs. Dans la peine qu'il en refiTentoit , il eut recours à la Mers
de la SagefTe incrééc ; ôc s'étanc mis à genoux devant fon image'
C fl ) Voye?. lom. t S, pj,r. i $, ^ Fabricius, j ( J ) Voyez tom, 8 , pag. 1^4.
Tom. I Bihiiot. Latin, p.i^, i II.
112 R U P E R T,
de marbre, que l'on voit encore dans TEglife du Monadere de
falnt Laurent à Liège, fes prières furent fuivies de l'intelligence
des Livres faints. Il raconte lui-même le fait dans fon. douzième
Livre fur faint Matthieu.
II eft fa't 1 1 L Bercnger le voyant avancer dans la vertu 6c dans les
Prêtre , ibii. fciences , l'obligea de recevoir la Prêtrife. Rupert qui s'en
çroyoit indigne, objettoit outre fes défauts perfonneis , la dif-
corde que le fchifme avoit jettée dans l'Eglife , ôc le danger
où l'on dtoit d'être ordonné par un Evèque fchifmatique. Il
céda toutefois aux ordres de fon Abbé , faifant réflexion , que
tandis que le Miniflrc des Sacremens demeure dans l'unité de
l'Eglife univcrfcUe , tout ce qu'il adminiflre eft valide.
Il pafTe au ^ V. Vers l'an 1 1 13 l'Abbé Berenger fe voyant proche de (a
Wonaftere de fin , & Craignant que Rupert , dont il avoit toujours pris le parti
lib^^l^ n m contre ks envieux , n'eût plus à l'avenir de défenfeur , le reconi-
itfj] ■ ' manda à Cunon, Abbé de Sibourg. Cet Abbé le reçut en effet
dans fon Monaftere. Mais ceux qui, avant la mort de Berenger,
avoicnt blâmé Rupert d'avoir commenté les divines Ecritures,
expliquées tant de fois avant lui par les Saints Pères ôc les Liter-
pretes Catholiques , lui firent les mômes reproches après la mort
de cet Abbé. Rupert trouva de Tappui dans Frédéric, Arche-
vêque de. Cologne, ôc dans Guillaume, Evcque de Prœnefte ,
&. Légat du faint Siège. Ces deux Prélats l'aimèrent pour fa
vertu ôc fon fçavoir , ôc l'obligèrent malgré fa répugnance , à
continuer fes ouvrages,
llcflcboliî V. Apres la mort de Marc ward. Abbé de Tuy , Rupert fut
Abbé de Tuy. niis à fa place , vers l'an i i 20 , ôc gouverna ce Monaftere quinze
voyages. ^^^^^ H uous apprend lui-mêmc qu'étant jeunc , c'cft-àdirc , vers
frJabdlon. hb p^,-, j 1 1 g , il fit un Voyage en France , dans le deftein de difputer
l.um^ii^^ù- ^v^c Guillaume de Champeaux , Evêque de Châlons , ÔC
iib. 7} f num. Anfelm.e, Doycn de l'Eglife de Laon. Ils l'avoient provoqué par
'^' Lettres au couTbat. Il fit ce voyage monté fur un ane , accom-r
pagné d'iui feul Domeftique. Comme il entroit à Laon , Anfelme
mourut; ainfi il n'eut à difputer qu'avec Guillaume de Cham-
peaux , ce qui fe fit à Châlons devant une nombreufe aflembléç
fie Maîtres ôc d'Ecoliers. La difpute fut poufl^ée avec chaleur
de part ôc d'autre. Il étoit queftion entr'eux de la voloi)té ôc de
latoute-puiflancede Dieu. Guillaume ôc Anfelme enfeignoient,
f\VLC Dieu veut que le mal fe faffe , 6c que fa volonté a été
qu'Adam prévariquât. Rupert foutenoit au-contraire, que Dieu
n'a jamais permis le mal en voulant qu'on le fit; mais qu'il a
fi^ontté fa paticnc: ea fuppQrtant Jes méchans, Y 1. Oi\
ABBÉ DE TUY,ou DE DUITS. 115
V I. On voit par plufieurs endroits de fes écrits , qu'il fît un Vo^ajre de
voyage en Italie , & palTa quelque tems à Mont-Caiïin. Le motif ue^^Ss^ mon
de fon voyage fut vrail'emblablement de préfenter au Pape en 1135. Mi-
Honorius IL fes neuf Livres de la glorification de la fainte *'/''"' ' '^■''"
Trinité, foit pour les lui faire approuver ,foit pour lui demander k;;,^-/;*.?/,
fa protection contre ceux qui en vouloient à fes écrits ôc à fa ''"'«• ^3'
perfonne. Il mourut faintement comme il avoit vécu , le qua-
trième de Mars 1155'.
VIL Entre plulieurs catalogues de fes ouvrages , le plus exa£l Catalogue
eft celui où ils font placés fuivant l'ordre chronologique, ÔC 55/*°"'"
diftribués en trois clafTes ; la première comprend les écrits qu'il
compofa avant fa Prôtrilë ; la féconde, ceux qu'il fit étant Prêtre ;
la troifiéme , ceux qu'il écrivit depuis qu'on l'eut choifi Abbé.
On met dans la première claffe deux Hymnes du Saint Efprit ,
l'une en vers faphiques , l'autre en ïambiques ; un Recueil de
diverfcs Sentences de l'Ecriture ; un poëme de l'Incarnation
en vers héroïques ; une hiftoire en profe du Alonarterc de faint
Laurent de Liège , depuis Eracle , Evoque de cette Ville ,
jufqu'à Otbert ; un poëme en vers faphiques fur le même fujet ;
la vie de faint AuguUin ; celle de fainte Odile , Vierge. La
féconde clalTe contient des Hymnes en l'honneur de faint
Thibaud , Martyr ; des SS. Goar ôcSevere , ConfefTeurs ; douze
Livres des divins Ol^ces ; un Commentaire fur Job ; un Livre
de la volonté de Dieu ; un de fa toute-puiffance ; des Commen-
taires fur faint Jean ; l'Apocalyfe ; le Cantique des Cantiques ;
les fix premiers petits Prophètes & les fix derniers; un traité de
la Trinité ; un de la vidoire du Verbe de Dieu. Dans la troi-
fiéme clalTe fe trou vent les Livres intitulés , de la gloire du Fils ;
l'explication des Livres des Rois , fous le titre du glorieux Roi
David ■■, quatre Livres fur la règle de faint Benoît ; l'anneau , ou le
Dialogue d'un Chrétien ôc d'un Juif; neuf Livres de la glorifica-
tion de la Trinité ôc de la procelFion du Saint-tfprit ; un de
l'incendie du Monaftere de Tu y ou Duits; deux delà méditation
de la mort; cinq fur l'Ecclefiafte ; la vie de fiint Heribert,
Archevêque de Cologne ; la paffion de faint Clophe, Martyr;
la difpute d'un Clerc 6c d'un Moine ; un traité où l'on examine
fi l'on peut confacrer une fille qui n'a pas gardé la virginité ; un
contre les Concubinaires ; des Dialogues fur la vie Apofto-
lique.
VIII. Quoiqu'on n'ait pas fuivi cet ordre chronologique . Commen-
dans les éditions générales des Oeuvres de l'Abbé Rupert, nous p=rt fur la"'
Toim XXII. ?
'lié R U P E R T,
Genefe, on ne laifTerons pas de nous attacher à celui qu'elles ont tenu ; & de
Çn trait; de Ip. ^j^^j. J'aJUeurs les ouvrages de ce Père que fes Editeurs ncnt
1 ^"edit! Mo- pas infères dans leurs collettions. Ils ont mis en premier lieu le
gunriicx , art. traité de la Triaifié & de fes ouvrages. Rupert le dcdia à Cunon ,
t-ii ,tjm.i. ^1^1^^ ^g Sibourg , l'an 1 1 17. Il ell divifë en trois parties , dont
la première reprefente les éveneniens depuis la création du
monde , jufqu a la chute du premier homme ; la féconde , depuis
cette chute jufqu'à l'Incarnation ou Palhon du fécond homme ,
Jefus-Ciirill: Pils de Dieu; la troifiéme, depuis ce tenis'jufqu'à
la çonfommation des fiécles, c'eft-à-dire^ jufqu'à la réiurredioa
générale. Rupert attribue, au Père les ouvrages de la première
partie ; ceux de la féconde , au Fils ; & ceux de la troiliéme ,
au Saint-Efprit. Tout ce qu'il dit fur ce fujet efi renfermé dans
quarante-deux Livres ; fçavoir, trois de Commentaires fur les
trois premiers chapitres- de la Genefe ; fix fur le refie de cette
hiftoire ; quatre fur lExode ; deux fur le Lévitique; deux fur
les Nombres ; autantfur le Deutéronome ; un fur Jofué ; ôc un
fur les Juges ; cinq fur divers endroits des Livres des Rois &
des Pfeaumes ; cinq fur Ifaïe , Jéremie & Ezechiel ; un fur
Daniel , Zacharie & Malachie ; un fur quelques pallages des
quatre Evangiles. Les neufs derniers Livres contiennent une
explication de plufieurs endroits de l'Ecriture , fans fuite ni '
liî'ifon , au choix de l'Interprète. Dans ces Commentaires
l'Abbé Rupert explique le texte de l'Ecriture félon le fens littéral
& allégorique , & quelquefois félon le fens moral. Il cite l'hébreu
& le grec qu'il fçavoit apparemment ; il cite auflî de tems en
tems les anciens Interprètes de l'Ecriture ; mais il n'embraffe
pas toujours leurs explications. On ne laiffe pas de s'appercevoir
qu'il avoir profité de leurs découvertes.
Commen- IX. L'Abbé Cunon l'engagea encore -à expliquer les douze
taire fur ks petits Ptophetes-rYnais après avoir achevé le Commentaire fur
P^plietés "'* Michée , qui eftilé fixiéme , il s'arrêta , incertain s'il continue-
F'd- 7°i' roit l'ouvrage , dont il femble qu'il étoit dégoûté , parce qu'il na
trouvoit que peu de chofe de Jefus-Chrift dans les Prophètes
fuivans. Il le dédia à Frideric, Archevêque de Cologne. Ayant
quelque tems après repris vigueur , excité par Ekkembert ,
Abbé de Corbie en Saxe , il commenta les autres fix petits
Prophètes. Il donne dans le Prologue ou Epître dédicatoire à
cet Abbiî , pour raifon de l'interruption de l'ouvrage , que
Cuhon le croyant achevé , l'avoit oblipé à compofer le Livre
intitulé : de la victoire du Verbe de Dieu , dont il fera parlé
ABBÉ DE TU Y, ou DE DUIT s. ii^
dans la fuite. Ces Commentaires font dans legoi'itdesprccedens>
mais plus fuivis.
X. Dès avant fa Prètrife, il avoit conçu le deflein de faire Commcn-
quelque traité fur l'Incarnation, & d'en prendre occafion par "'■■'^. '""i' '^
un Commentaire fur le Cantique des Cantiques. Il y fut excité cant'ques "
par diverfes vifions nocturnes , qu'il regardoit comme miracu- pag. 1054.
îeufes; 6c enfin par l'Abbé Cupon, qui' ne lui laiflbit point de
repos. Ce Commentaire a pour titre : de l'Incarnation du Sei-
gneur, parce que l'Abbé Rupert rapporte à ce myd-ere tout ce
qui ell dit dans le Cantique des Cantiques, de l'Epoux & de
l'Epoufe. . A .,.
X I. Faifant dans fa Lettre à Cunon , alors Evêque de Ratif- Commen-
bonne, le catalogue de fes ouvrages, il met de ce nombre dix ""^-'""''J"'^»
Livres de Commentaires lur Job , avouant qu u n avoïc
qu'abrégé ceux ^de faint Grégoire le Grand fur le même Livre.
Il y avertit lui-même , quand il pa-fTe du Cens littéral à l'allego-
^ rique j ou au moral : Précaution qu'il ne prend pas toujours dans
fes autres Commentaires. Il donne dans Is fentiment de ceux:
qui font Job , Auteur du Livre qui porte fon norti ; mais il ne le
croit pas plus ancien que les Livres de Moyfe , c e(l-à-dire , que
le Pentateuque. Cela nempêcbe pas qu'il ne le croye né plufieurs
années avant ce- LégilLvtcur.-Pourconcîilier tette contradidioil
apparente, il dit que Moyfe ne vécut que cent vingt ans, & Proh^-ro u
que la vie de Job fut de deux cens foixante-feize ans, dont il ^'^b.
palTa une partie avant la naiilance de Moyfe ,rautre*depuis fa
mort , ôc que ce fut dans fes dernières années qu'il écrivit fon
Livre. Ce Commentaire n'efl dédié à perfonne.
XII. Il adrefla celui qu'il fit fur l'EccIéfiaiie à Grégoire j C mmcn-
qu'il fe contente de repréfenter comme un homme d'un grand "''c fi^r ' Kc-
mérite, fans nous apprendre qui il étoit. Grégoire qui avoic '-^^'''- '^^ '"■'!•
exigé de lui ce Commentaire , voulut qu'il y fuivît la tradu£tion
fiiite fur l'hébreu ; car il ne trouvoit point exatte la corredion
quefaint Jérôme avoit faite de ce Livre fur l'édition des fep-
tante. Rupert confronta cette corre£iion avec le texte hébreu ,
& trouva en effet , qu'elle en étoit très-éloignée. C'efl une nou-
velle preuve qu'il pofledoit cette langue.
XIII. Cunon étoit pafTé du Siège Abbatial de Sibourg au t ' «d i
Siège Epifcopal de Ratii'bonne , lorfque Rupert lui ad relTa fon çloirj du Fiis
ouvrage fur faint TvLitdiieu , fous le titre : de la gloire & de «1^ l'iiomme ,
l'honneur du Fils de l'homme. L'idée de cet ouvrage étoit ■^'^'5•'•
venue à l'Evêque de Ratisbonne, des paroles de faint Paul aux
Pij
ii6 R U P E R T,
AiHeb. 1,7. Hebreux : vous l'avez couronné de gloire & d'honneur : vous
lui avez donné l'empire fur les ouvrages de vos mains. Pour
remplir cette idée , Rupert dès-lors Abbé de Duits , ou Tuy ,
explique tout ce qui eit dit du myllere de ilncarnation dans
l'Evangile de faint Mattliieu ; de la naifiance du Sauveur, de
fes prédications , de fes miracles , de fa mort , de fa réfurrection ,
de fa gloire dans Ciel , & defon pouvoir fur toutes les créatures.
L'ouvrage eft divifé en treize Livres. L'Auteur marque dans le
Prologue , qu'avant de l'entreprendre , il avoir achevé celui qui
efl intitulé: de la victoire du Verbe de Dieu; ce qui auroic
du engager les Editeurs à le placer avant celui dont nous
parlons.
Traké cch\ XIV. Suit daus les imprimés une Hymne du Saint-Efprit,
pirire de l- que l'on n'a mis ce femble à la fin de l'^ouvrage précèdent , que
h "roce^o" P^rce qu'il y eft parlé ( a ) de plulieurs Hymnes que Rupert avoit
du S. Ffpnt compofées en l'honneur de cette troiliéme Perfonne divine,
pag.ii^. avant qui! fut Prêtre. Il dédia encore à l'Evêque Cunon le
traité de la glorification de la Trinité ôc de la proceffion du
Saint-Efprit ; qu'il préfenta depuis au Pape Honorius II. pour
fe procurer une audience favorable. La Lettre qu'il lui écrivit
à ce fujet fe trouve à la tête du traité dans les éditions de
Mayence & de Paris. Sur la fin de cette Lettre l'Abbé Rupert
fait le catalogue des Livres qu'il avoit compofés jufques-là ;
s'excufant en quelque fa(^on de ce qu'il n'avoit pu encore les
offrir à ce Pape. Il y nomme entr'autres , l'anneau ou Dialogue
d'un Chrétien & d'un Juif, intitulé aufii : des Sacremens de la
Foi. Cet écrit a été imprimé à la fuite des Oeuvres de faint
Anfelme , de l'édition de Dom Gerberon. A l'égard de celui
que nous avons fous le titre de la gloire de la Triniié & de la
procellionduSaint Efprit , Rupert fepropofe d'y montrer contre
les Juifs, parles témoignages de la Loi & des Prophètes , qu'il
y a trois Perfonnes en un feul ]3ieu ; qu'il appartenoit à la
perfonne du Fils de s'incarner ; que Jefus-Chnft eft le Meilie,
& qu'il efl né dans le tems marqué par les Prophètes , nommé-
Gemf. 49. ment par le l'atriarche Jacob. Cunon s'étant trouvé avec Guil-
Ir.ume, Evêque de Prœnefle, Légat en Allemagne, lui montra
plufieurs ouvrages del' Abbé Rupert. Le Légat, homme fludieux
6c fvjavant , dv^manda s'il n'avult rien écrit fur la proceilion du
( «) Lit. 1: j p.ig. iij.
ABBÉ DE TU Y, ou DE D U I T S. 117
Saint-Efprit ; ayant répondu que non , il prit occafion de l'etn-
preffement du Légat , pour engager l'Abbé à écrire fur cette
rnatiere. Pv.upert qui travailloit alors au traité de la gloire de la
Trinité, y joignit ce que la Foi nous enfeigne du Saint-Efprit.
C'eft la matière du neuvième Livre.
X V. 11 eil: fait mention dans la Lettre au Pape Honorius If. Commen-
des Commentaires fur i'Evangiiede laiut Jean, lis étoient donc "^''^^ furi'U-
achevés avant que 1 Al hj Rupert mit la main au traité dont oii j'"f J^lf
vient de parler, ilsfcnt divifé-, en quatorze Livres , ôc précédés ^'7.'
dans l'édition de Cologne de l'an 1^26 , dune Lettre à Cunon ,
Abbé de Sibourg. Ce qui fait voir que Rupert les compofa
avant l'an 1 126 , auquel Cunon fut pourvu de l'Evéché de
Ratislîonne. Lnc ces principales raifons qu'il eut de travaillera
ce Commentaire , fut de foutenir la vérité du Corps 6c du
Sang de Jcfjs-Chrift dansTEucharillie , contre les Berengariens.
Audi s'y explique t-il très-clairement fur cefujet, comme on le
prouvera dans la fuite.
XVL Cunon étoitenrnr« all^; Jt oiuuu.t; , luuqu u engagea Commcn-
Rupert à commenter l'Apocalyfe. Il avoir quelque droit ''"'"^«^s lur ta-
d'exiger delui ce travail , puifqu'il étoit alors du nombre de fes p°"?Js! '
Religieux. Il le fit connoitre à Frédéric , Archevêque de
Cologne , à qui il montra ce que Rupert avoit fait fur quelques
chapitres de l'Apocalvpfe. L'Archevêque le prefTa d'achever le
Commentaire , Ôc de donner fur l'Apocaiypfe quelques nouvelles
explications , différentes de celles des anciens Interprêtes , dont
il lui permit toutefois de faire ufage. Rupert obéit , ôc l'ouvrage
achevé , il l'adreiTa à cet Archevêque. Jean Ccclée faifoit tant MdiUon.
de cas de ces Commentaires, qu'il les préferoit à tous les autres •'^••75/^'n'îa/.
qu'il connoifToit. Ils font en douze Livres. '' ""''"•
X V 1 1. Il y en a treize pour le traité intitulé : de la victoire Traité de la
du Verbe de Dieu. Voici quelle en fut roccafion. L'Abbé de vidoire du
Sibourg étant au Tvîonaltere de faint Laurent à Liège , s'entre- g,'^j * ' ^''^'
tenoit un jour avec Rupert fur les quatre grandes hctes dont
il efl parlé dans une des viilons de Daniel , Ôc fur les Royaumes
qu'elles fignilioient. Cunon quittant cette matière , deaianda à
Rupert , pourquoi l'on rendoit dans l'Eglife le mw-me culte aux
JVIaccabées morts pour la défenfe deleurs Loix ôc de leur patrie,
qu'aux Martyrs, &qu'on lifoit publiquement leu '.5 i.cles ou leur
hiftoire. La réponfe de Rupert fut que les " laccabces avoient
combattu pour fauver le Peuple léni de Dieu en Abraham,
que c étoit par .eur miaitlere que le Verbe de Dieu avoit con-
ïiS R U P E R Tj
fervé la race de laquelle il s'étoit propofé de naître en fe faifant
homme pour racheter le genre humain. Sur cela, Cunon dit à
Mahillcn Rupert : écrivez-moi un Livre qui ait pour titre : de la victoire du
aum.Sô. Verbe de Dieu. Un met cet écrit vers 1 an i i ip , dans ie tems
que Rupert demeuroit à Sibourg. Il fuit d'âge en âge tous les
combats du Peuple de iJieu contre les impies ; montre que c'eil
le Verbe de Dit:u qui a toujours vaincu dans ceux quicombat-
toient pour lui ; & qu il vaincra toujours jufqu à ce qu'il ait mis
àmortl'Anteçhrift.
Livre .!es XVIII.- Environ trenfî jours depuis fa promotion au
Offices Di- Sacerdoce , Rupert fe fentit (a) li rempli de l'efprit de Dieu .
& de la connoiliance des choies dnines, qu il craignit pour la
diflblution de fou ame avec fon corps. Mais ce torrent de déiices
fpirituels s'arrêta ; & l'ardeur de l'amour divin dont il étoit
embrafé , fe ralentit infenfiblement. Dès-lors il commencja à
inftruire de vive voix ôc par écrit , & ne ceffa de le faire , ne fe
"-.ivnpf cas en liberté de fe taire. C'efl: une des circonftances
de fa vie quii nous apprena luw.â^. Son premier ouvr.qc
tut le traite des Orîices Divins , ceft pourquoi il l'appelle les
prémices de toutes fes œuvres. Quoiqu'il l'eût ccmpoléen un
il ne le rendit public qu'en 112^, qu'il le dédia à Cunon , Evêaue
de Ratisbonne. L'ouvrage eft divifé en douze Livres. Dans le
huitième il raconte , que le jour du Vendredi-faint de l'an un
lorfqa'on eut éteintles cierges fuivant la coutume, & que l'on
entonnoit à l'Abbé Berengerl'antienne Mulïeres pourle Cantique
de l'Evangile , ou le Benedieius , la ceinture dont il étoit étroi-
tement ferré tomba à fes pieds, & il entendit en même-tems
une voix foible qui lui dit en latin (t) : 11 a été aulîi facile à
Jefus-Chiift de fortir de fon tombeau où il étoit enfermé
Quoique l'Abbé ne doutât point de la réfurredion du Sauveur *
il ne lailTa pas d'admirer ce qui lui étoit arrivé : & pendant
qu'il y penfoit, il lé fouvint d'avoir lu quelque chofe de fem-
blable touchant l'illuflre Petronia dans le huitième chapitre du
vingt-deuxième Livre de la Cité de Dieu. Rupert fait dans
j l'Epitre dédicatoireà Cunon des plaintes contre ceux qui trou-
voient mauvais qu'il expliquât les divines Ecritures, après que
tant d'autres l'avoient fait avant lui. Il y donne encore le cata-
(.0 Rupert, lib. Il , in Hhnhxum , | 'b) Sic potuit claufo Chriflus prodire
ABBÉ DE TU Y, ou DE D U î T S. iip
liDgue des ouvrages qu'il avoit coniporés jufqucs-là , c'eil-à-dire ,
julqu'enl'an 1 126.
XIX. Dans le traité des Oflîces Divins , Rupert rend raifon Analyfe ie
de l'inftitution des fept lieures Canoniales , & du tems auquel ^'-' 'f^'^^, t )w.
chacun de ces Offices doit être recité dans tous les jours de 'Jjhf.'
l'année. Il tire ces raifons des différentes circonftances de la
vie ôc de la mort de JeCus-Chtift rapportées dans les divines
Ecritures; il en ufe de rncme à l'égard de toutes les parties de
l'Office. Ceft auffi de l'Ecriture qu'il prend les explications
myftiques des ornemensfucerdotaux & pontificaux ; de ceux des
Egliles, 6c généralement de tout ce qui appartient au facré
minillere ; enl'uite de l'Avent & de fes quatre Dimanches; du
jeûne des Quatre-tems ; puis de l'Office de la veille de Nocl ,
du jour de la Fête , des trois Meffes que l'on y difoit. li fuit dans
fes explications qui font prefque toutes morales ou myfiiquesla
difpolition de la liturgie Romaine. Il remarque fur le premier
Dimanche de Carême , que dès ce jour on couvroit les Autels
d'un voile; que le mercredi de la quatrième (êmaine on faifbit
folemnellement les fcrutins des Cathécumenes pour les difpofer
au Baptême ; quele Dimanche des Rameaux , outre la proceffion
deflinée à repréfenter l'entrée triomphante du Sauveur à Jéru-
falem , on faifoit encore celle que l'on avoit coutume de faire
chaque Dimanche; qu'en ce jour ,1c mardi fuivant, le mercredi,
& le vendredi , on chantoitla Padion félon qu'elle eft rapportée
par les quatre Evangelilles ; que le jeudi-^faint l'Evêque réconci-
lioit les Pénitens , confacroit le fxint Chrême , lavoit les pieds
aux pauvres; que les Abbés en faifoient autant dans les Cloîtres
de leurs Monafteres , aidés de leurs Moines , qui avoient foin de
régaler les pauvres à qui on avoit lavé les pieds. Tout ce qui fe
faifoit alors ce jour-là ôc les trois fuivans , le fait encore aujour^
d'hui. Rupert ne fait qu'expliquer à fa façon , c'eft-à-dire, dans
un fens moral ou allégorique , les cérémonies marquées dans
l'Ordre Romain, La raifon qu'il donne de ce qu'on ne fléchit
point les genoux à la prière que l'on fait le vendredi-faint pour
les Juifs, efl: qu'étant certains par les oracles divins qu'ils ne
feront éclairés qu'après la converfion des Gentils , nous ne
devons pas faire trop d'inlîances auprès de Dieu' pour accélérer
la grâce qu'il s'efl réfervé de leur faire dans le tems que lui feul uh. 6 , cm,
connoît. 18,^^.813.
XX. Pvupert enfeigne, que la Fête ôc l'Office de la fainte ui. n ^
Trinité ont été h;iés au Dimanche d'après la Pentecôte, parce .•-j. S63.
120 R U P E R T;
qu'auiïîtôt après la defcente du Saint-Eprit fur les Apôtres , ils
allèrent partout le monde prêcher la foi de ce myllere. Il établit
à cette occafioH l'unité de fubllance ,& la Trinité des perfonncs
en Dieu, par l'autorité de l'Ecriture ôc par divers raifonnemens
théologiques. Puis reprenant le cours des Dimanches d'après la
Pentecôte , il en explique les parties de l'Office , furtout de la
MelTe. 11 finit par des remarques furies leçons des Offices de la
nuit tant en Eté qu'en Hy ver.
Relation ife X X I. En 1128 le vingt-cinq d'Août , il y eut à Tuy un
j '"'^^"l'.'^ ';'; incendie fi confiderable , que le Rhin , la Ville de Cologne, &
Tuy, p.7r]'^ la région voifine , en refplendifloicnt. C'étoit pendant la nuit.
884. Les Moines de faint Laurent coururent pour aider à l'éteindre.
Un d'eux ayant pris dans le Sacraire un corporal qui avoit déjà
fervi au facrilice de la Melle , l'attacha à une perche , & l'oppofa
aux flammes , dans l'efperance que ce meuble facré en arréteroit
Timpétuofité. Voyant fa tentative inutile , il enfonça le corporal
au milieu des flammes. Il l'en retira entier ; mais la perche à
laquelle il étoit attaché, fut brûlée en partie. Farune troifiéme
tentative , il jetta le corporal feul dans le feu ; mais le feu le
rejetta , & le poufla du côté de la Ville, où l'incendie ne devoir
pas pénétrer. Comme il croiffoit toujours à caufe de la grande
quantité des bleds dont on venoit de remplir les granges, le
feu prit à l'Eglife Paroiffiale de faint Martin , voifine du Mo-
naftere. Rupert qui en étoit Abbé, crut que l'on ne le garan-
tiroit pas des flammes. Mais par une providence particulière,
il n'y eut que quelques ufuines extérieures de confumées. Il y
avoit dans l'Eglife de faint Martin , dans l'épaifleur du mur
à côté de l'Autel , une armoire couverte d'effies de bois, avec
une porte de planches , & une ferrure , 6c dans l'armoire une
boëte de bois qui renfcrmoit le Corps de Jefus-Chrift ; une autre
boëte où étoient des hofties non confacrées ; un flacon d'étain à
vinaigre ; un encenfoir ôc quelques autres vafes pour le fervice
de l'Autel. Le feu qui avoit pénétré dans l'intérieur de l'Eglife,
confuma tout ce qui étoit dans l'abfide ou armoire , excepté la
boéte qui contenoit le Corps de Jcfus-Chrift. L'Abbé Rupert,
témoin oculaire du miracle, le rapporte dans la relation qu'il
nous a laiiTée de cet incendie. Il prit le corporal ôc la bocte
que le feu avoit refpedtés ; & les confiderant comme des reliques
très-précieufes , il les tranfporta au grand Autel , avec cette
infcription : Hoc Corpus Domïnïflammas in pyxide vicit. Pendant
que dura l'incendie , Rupert fut dans de grandes inquiétudes au
fujet
ABBÉ DE TUY, ou DE DUITS. 121
fujet de fes écrits, dont il n'avoit point envoyé de copies ailleurs ;
en particulier des Livres de la glorificaiicn de la Trinité, ÔC
de la proceîïion du Saint-Erprit. iMais il n'en perdit aucun.
L'incendie fini , il fit bâtir à la porte du Monaftere un Oratoire
en l'honneur de faint Laurent, & tout auprès un Hôpital poury
recevoir & nourrir les pauvres à l'exemple de ce faint Martyr.
XXIL Les dangers qu'on avoir courus dans cet incendie, Traité de la
& le miracle opcré fur le Corps de Jefus-Chrift que l'Apôtre '^f^on^lJl
nous fait envifager dans l'Euchariftie comme le mémorial de fa Sp4.
mort , firent de vives impreliions fur Tefprit ôc le cœur de l'Abbé
Rupert. Il penfa férieufement à la mort , ôc mit par écrit toutes
les réflexions qu'il avoir faites fur cette fin dernière de l'homme,
foit afin de s'y préparer lui-même en les relifant , foit pour
fournir à fes Leîleurs les moyens de s'y préparer eux-mcmes.
Ce fut le premier écrit qu'il compofa depuis la relation de fin- Lih.T,c.7p.i.
cendie de la \'ille deTuy ; il e(l divifé en deux Livres.
XXI I L Dansletems qu'il demeuroit à Sibourg, Marc ward. Vie de faint
Abbé de Tuy , dont il fut le fuccefTeur , le pria de mettre en un Henbert,^^^.
meilleur flile la vie de faint Keribert , Archevêque de Cologne.
Rupert interrompit pour l'obliger quelques autres ouvrages, ôc
lui dédia cette vie. CefI: fans doute par inadvertcnce que Dom Apohg. pra
Gerberon la mife entre les écrits que Rupert compofa depuis ^^^P^^to , pur,
qu'il fut Abbé ; ne faifant pas réflexion qu'il avoir fuccedé à
Âlarcward dans l'Abbaye de Tuy.
XXIV. Rupert mit aufll en meilleur (lile celle de faint ViedeC-int
Clophe, aux infiances' d' A Ibane , Abbé de faint Martin de Ciophe, Mar-
Cologne , où l'on avoir tranfporté les reliques de ce Saint, delà ^ '^
Ville de Gand dans le Diocèfe de Toul , oia il avoir fouffcrt le
martyre fur une montagne fituée entre Fromeiiteufe ôc Gand ,
où l'on voit encore des relies d'un ancien amphithéâtre.
XXV. Vers l'an i 1 16, Rupert étant à Sibourg apprit par un Traité de l«
des Ecoliers de Guillaume de Champeaux ôc d'Anfeime de volonté de
Laon qu'ils enfeignoient l'un ôc l'autre, que Dieu veut ou ^,'^" ' ^*^'
permet qu'on falTe le mal , ôc que fa volonté a été qu'Adam
défobéit à fes ordres ; qu'en conféquence ces deux Docleurs
diltinguoient en Dieu une volonté qui approuve le mal & une
volonté qui le permet. Il écrivit contr'eux le Livre intitulé ,
de la volonté de Dieu , dans lequel il attaque cetre diftinclioii
par ce dilemme: ou la volonté qui permet, eft bonne: ou elle
cft mauvaife. Si elle efl: mauvaife , comment eft-elle oppofée à Cap. i.
la volonté qui approuve le mal r Si elle efl bonne, comment
Tome XXIL Q
t22 R U P E R T,
veut-elle le mal ? Ce dilemme dans Rupert fuppofe que Guil-
laume ôc Anfelme admettoient un genre de volonté du mal ; &
que les différences divilives de ce genre, étoient la volonté qui
approuve le mal , & la volonté qui le permet. Pour lui il foutient ,
appuyé de Tautcrité ('es Ecritures , que la permilliondu mal en
Dieu, n'eft autre chofe que fa patience;queDicu n"a jamais permis
le mal en le voulant, mais qu'il a fait voir fa patience en fupportant
Cap. 1. lesméchans. Le Livre de Rupert choqua Guillaume & Anfelme.
Leurs Difciples prirent parti contre lui , difant que c'étott un
Ignorant , qui n'étant jamais forti de fon Cloître , n'avoit vu ni
Malillon, jje (] grands Maîtres, ni de femblables. Anfelme écrivit à Heri-
rum.^'iz-'^^" bfantl , Abbé de faint Laurent à Liège, de qui Rupert dépendoit,
li-j. quoiqu'il fôt alors à Sibourg , pour fe plaindre de fon Livre.
Anfelme expliquoit dans fa Lettre en quel fens il difoit que Dieu
veut le mal , c'e(l-à-dire , qu'il veut tout ce qui eft , ce qui
renferme les chofes mauvaifes : non qu'il approuve le mal, ni
qu'il lui foit agréable. L'Abbé Heribrand cita Rupert devant le
Doyen de Liège ôc plufieurs autres fçavans. ïl défendit lui-même
fa caufe en leur préfence ; fit voir qu'il n'avoit compofé fon
traité delà volonté de Dieu, que pour réprimer la témérité de
ceux qui enfeignoient , que Dieu veut que le mal fe falTe , &
qu'il a voulu la prévarication d'Adam. Il ajouta , que comme
ils craignoient qu'en difant que le mal fe fait quoique Dieu ne le
veuille pas , il ne s'enfuivît que Dieu n'eft pas tout-puiffant , il
feroit voir la fauffeté de cette conféquence dans un ouvrage exprès.
Traifcdela XXVL II eft intitulé de la toute-puiffance dc Dieu ; Rupert
toute pvMfTan- y prouve , que le mal ne fe fait pas par la volonté de Dieu > ôc
pas sî<.'^" ' ^"'^^ "'^" ^^ P^^ moins tout puiffant. Il tire fes preuves de
l'Ecriture ôc des Pères , furtout de faint Auguftin , avec qui il
dit : que la volonté de Dieu étant que tous les hommes foient
fauves , il n'eft pas douteux que les Infidèles ne faffent contre fa
Cap. lo. volonté, lorfqu'ilsnecroyent pas à l'Evangile ; que toutefois la
volonté de Dieu n'eft pas vaincue par eux; qu'ils fe privent au
contraire du fouverain bien , ôc fe jettent dans des fupplices
éternels, où ils éprouveront les effets de la puiffance de celui
dont ils ont méprifé les mifericordes ; qu ainfi la volonté de
Dieu demeure invincible malgré les contrariétés des méchans.
Rupert, non content d'avoir combattu p.ir écrit Guilluumedc
Cliampeaux ôc Anfelme de Laon , fit exprès un voyage en F'rance
en 1118 pour les combattre de vive voix. On a vu plus haut
les fuites de fon voyage.
ABBÉ DE TUY, ou DE DUITS. 123
XXVII. A Ton retour il mit par écrit quelques obfervations Obrervations
qu'il avoir faites avec l'Abbé Cunon fur certains endroits de la '1^ '^"F^/f '"■"
règle de laint r5enoit qu ils prorelioient 1 un & 1 autre ; par rres de la
exemple , fur l'ordre des Offices de la nuit , le nombre des '^s'e de famt
pfeaumes , des levons , ôc des répons. Ces obfervations font ^ul'i^piT^
difiribuées en quatre Livres , mais dont le premier eft occupé 946.
prefqu'entierement à raconter ce qui fe paiïa en France entre
Guillaume de Champeaux ôc Rupert. Il rapporte les objections
que fon (it contre fon fentiment , ôcfes réponfes. Ces objedions
rouloient furies padages de l'Ecriture , où il efl: dit , que Dieu
endurcit le cœur de Pharaon ; que c'eft lui qui aveugle les
impies & qui les rend fourds à fa voix , de peur qu'ils ne fe
convertiffent. Rupert répondit , que Dieu ne livre pas les
méchans à leurs pallions , mais qu'ils s'y livrent eux-mêmes ;
que Pharaon s'étoit endurci , avant que Dieu l'endurcît ; ôc que
quand on dit que Dieu endurcit ce Prince, c'efl comme fi l'on
difcit qu'il ne le délivra point de fon endurcifiément, qu'il lui
refufa la grâce qui auroit pu attendrir fon cœur ôc le rendre
docile à fes ordres. Rupert appuyé cette réponfe de l'autorité de
faint Paul , de faint Auguftin , ôc des autres Pères.
XXVIII. Dans le fécond Livre il donne des raifons LiJ. i.
myftiques des Heures Canoniales , tant de nuit que de jour; du
verfet par lequel on commence l'Office , du pfeaume qui fert
d'invitatoire à Matines , ôc de toutes les autres parties des
Aîatines, ou Vigiles ,fuivantla diftribution qui en efl: ordonnée
dans la règle de faint Benoît. Il ne dit que peu de chofes des
autres Heures , renvoyant au traité où il en avoir parlé plus au
long. Il rapporte l'origine du chant des Hymnes de S. Ambroife
à Matines, au tems de la perfécution des Ariens contre les
Catholiques , qui pour empêcher qu'on n'emmenât ce faint
Evêque en exil , s'aiïcmbloient avec lui dans l'Eglife pour le
garder, ôc s'y occupoient au chant des Hymnes , la plupart de
fa compofition. Les Catholiques firent la mêmechofe à Conftan-
tincp'e fous faint Jean Chryfoflôme.
XXIX. Le troifiéme Livre traite de la liturgie. Ondifputoit ^:j
lequel des deux étoit plus conforme à la règle de faint Benoît ,
ou de vivre du travail de fes mains à l'imitation de l'Apôtre,
ou de vivre du fervicc de l'Autel. Rupert décide pour le fervice
de l'Autel. Il prouve que faint Benoît n'oblige au travail des
mains que pour éviter l'oifiveté , fi ce n'eft quand la pauvreté du
Monaflere eft telle , que les Moines foient nécellîtés de fe pro-
Q y
-124 R U P E R T,
curer les chofes néceflaires à la vie. En effet , ce Léglflateur veut
que l'on ait dans l'enclos tout ce qui eft de befoin , afin que
les Moines ne foient pas obligés de fortir ; ce qui ne pourroit
s'exécuter , s'il falloit qu'ils allaffent labourer , femcr , moif-
fonner , effarter. Rupert croit néanmoins qu'il eft cûixforme à la
règle de faint Benoit, que les Moines qui n'ont pas les qualités
néceffaires aux fondions facrées, exercent des métiers dans l'in-
térieur du Monaftere. Il convient qu'encore que faint Benoît
n'ait rien ordonné touchant le facré miniftere, il a approuvé
que l'Abbé qui voudra avoir un Prêtre ou un Diacre dans fa
Communauté , choififfe celui qui fera digne des fondions de ces
Ordres. Mais pourquoi , direz-vous , tant de Prêtres aujourd'hui
dans les Monafteres ? C'eft j répond Rupert , que les chofes ne
font plus dans le même état : Les Rois Ôc les Princes ont enrichi
les Monafteres; ôc les Fidèles en leur faifant des donations, fe
font recommandés aux prières des Prêtres ; enforte que par
rapport aux obligations contradéas envers les bienfaiteurs , il n'y
a pas trop de Prêtres dans les Monafteres. Venant enfuite aux
habits , Rupert veut conformément à l'efprit de la règle , que
les Moines foient vêtus proprement, mais de façon qu'il n'y ait
rien dans leurs vêtemens qui marque delà vanité, ni qui puifîe
fcandalifer le public. Il croit que dans l'Ordre de f.ùnt Benoît
on a toujours porté l'habit noir , foit dans les Monafteres
d'hommes, foit dans ceux de filles.
Lib. 4. XXX. Dans le quatrième Livre il fe plaint des jaloufies &
des difputes qui s'étoient élevées depuis quelque tems entre
ceux qui fuivoient la règle de Hiint Auguftin , ôc ceux qui
faifoient profeffion de celle de laint Benoît. Les premiers fe
vantoicnt d'avoir pour Inftituteur un Evêque, ôc difoient aux
autres : faint Benoît n'étoit que Moine : l'Evêque étant fans
doute plus grand qu'un Moine, notre Ordre eft plus élevé que
le vôtre. La conféquence qu'ils tiroient de ce principe étoit
qu'un Clerc ne pouvoit fe faire Moine , ôc que c'écoit te degré
de perfedion à un Moine de devenir Clerc. Ceux néanmoins
qui témoignoient tant de mépris pour les Moines , ne laiffoient
pas de fe donner le nom d'Abbé ôcde porter la croffe ou bâton
paftoral ; ce qui n'appartenoit , après les Evéques, quaux Supé-
rieurs des Moines. Rupert rapporte la Lettre que Frédéric,
Archevêque de Cologne , écrivit fur cet abus à l'Evêque de
Liège. Il y dit que les Clercs , qii ayant reçu les Ordres delà
main de l'Eve jue , font deftin Js au miniilere de l'Autel >.
ABBÉ DE TU Y, ou DE D U I T S. isy
demeurent fous la verge ou la croffe de l'Evoque ; & que ceux
qui par la profeflion monaftique ont embraflé la vie pénitente,
font fous la crofTe de l'Abbc ; que s'il arrive qu'un Clerc devienne
JVloine , ou qu'un Moine foit admis dans le Clergé , il dépend
alors de l'Evcque 6c de l'Abbé , & ne peut être jugé par l'un des
deux feul. Frédéric ajoute: Suivant ces principes nous ne pou-
vons ni admettre ni approuver la coutume qui s'introduit parmi
les Prélats, ou Prévôts des Clercs Réguliers, de fe faire donner
l'invçftiture par la tradition de la croffe , afin de s'en fervir
comme les Abbés des Moines ; on ne lit point que faintAuguftin
dont ils profellent la règle , ait porté le titre d'Abbé , dans le
tems qu'il embralfa la vie régulière ; il n'étoit alors ni Abbé,
ni Evêque , mais llmple Prctre , ôc converti depuis peu à la
Foi Catholique. L'Archevêque établit enfuite l'ufage oii ctoient
les Supérieurs des Monafteres de porter & la croffe ôc le nom
d'Abbés , qui leur eft donné par la règle même de faint Benoit.
Puis s'adreffant aux Clercs qui méprifoient les Moines , ôc qui
fe glorifioient dans la peau dont ils fe couvroient alors tout
le corps , comme d'une marque diilinûive de leur état aux
yeux des ignorans , il leur dit que ces deux états ne font point
tellement oppofés , qu'ils ne puifTent fe rencontrer en une même
perfonne; ôc que la profelfion monaflique eft d'autant plus ref-
pedable , que celui qui l'a embraffée peut être chargé du foin
des âmes.
XXXI. C'eft ce que Rupert entreprend lui-même de Tmiré du
prouver dans un traité fait exprès. Il eft en forme de Dialogue : pouvoir
Les interlocuteurs font un Clerc ôc un Moine. Sa meilleure j^ij;"' ^^?
preuve eft que le faint Siège dès le tems de faint Grégoire le pr.xlier.
Grand, a confié à desMoines le miniftere Apoftolique , ôc qu'on ,, ^t»ie à
a continué depuis jufqu'à nos jours à le leur confier. Le Clerc y.ir. 570.'
lui objedoit l'autorité de faint Jérôme ôc du Pape Pie , qui
femblent l'un ôc l'autre interdire aux Moines même lettrés
l'office de la prédication. Everhard , Abbé de Brunwilers, lui
fit la même objection dans une Lettre qu'il lui écrivit fur ce
fujet. L'Abbé Rupert lui répondit, comme il avoit fait dans le
Dialogue dont on vient de parler , que tandis qu'un Moine n'efl
point élevé à la Prêtrife , il doit fe contenir dans les bornes de
fcn état , qui prefcrit la retraite , la pénitence , le filer ce ; mais '
que lorfqu'on l'employé au miniftere des Autels, il peut égale-
ment être chargé comme Prêtre, du miniftere de la parole. H
le prouve par l'exemple de lant Jercme, qui Moine ôc Prctre
Q iij
126 R U P E R T;
n'a cefTé toute fa vie denfeigner de vive voix & par écrit.
Traité ae la X X X 1 1. Un Moine de l'Abbaye de Stavelo confulta l'Abbé
corruption de Rupert fuf ce qui fait perdre la virginité dans l'un & l'autre
P«g'P7i. lexe, & il Ion ptut conlacrer celie qui la perdue. La reponie
de l'Abbé fut , que celui ou celle qui tombe feul dans le péché
d'impureté, perd le mérite delà virginité, mais non la virginité
même ; & que puifque , félon les Canons, on peut admettre au
facré miniilere celui qui n'eft tombé qu'en fecret dans la forni-
cation , on peut auHi confacrer celle dont le péché efl fécret.
Cequilditdela cérémonie de donner l'anneau aux filles qui fe
confacroient à Dieu , fe pratique encore aujourd'hui.
Dialofi-e X X X 1 1 J. Doni Gerberon en faifant imprimer l'apologie de
d'unChreti'ii pAbbé Rupert en 1669 , avertiffcit dans le catalogue des
tom. oy. An ouvrages de ce rere , que 1 on n avoir plus Ion traité inntuie :
felmi in app. Anneau , ou Dialogue d'un Chrétien & d'un Juif, divifé en
F^S' Jï4. jpQJg Livres. Il le recouvra depuis , & le mit à la fuite des œuvres
de faint Anfelme dans l'édition qu ilen publia à Paris en 1575',
réimprimée en la même Ville l'an 1721. Le nom de l'Abbé
auquel il efl: dédié n'eft pas marqué. Mais il dit lui-même dans
fon prologue furies Livres de la glorification de la fainte Trinité,
qu'il lavoit adreffé à Cunon , Abl é de Sibourg , fon ami , fon
protecteur, & pour ainfi dire, le folliciteur {a) de fes ouvrages, ne
le laiiïant prelque jamais en repos. 11 fallut des infiances fouvent
réitérées pour déterminer Rupert à celui-ci. Il le fit attendre
longtems. C'efl: , fuivant fon expreilion , une monomachie contre
un Juif, qui par le Dialogue devient un duel, dans lequel le
Chrétien d'un côté invitele Juif àla religion Chrétienne; & de
l'autre , le Juif réfute tous les argumens du Chrétien , par l'au-
torité de la Loi de Moyfe , qu'il explique tantôt à la lettre , Se
quelquefois comme il croit le mieux. Sur la fin du premier
Livre, Rupert faifant allufion à la parabole de l'Enfant prodigue ,
preffe le Juif d'entrer dans la chambre du feflin , 6c lui ofî're la
robe blanche qu'il avoir reçue lui-même dans le Baptême av:;c
l'anneau de la foi. C'eft à raifon de cet anneau , qu'il en a donné
le titre à ce Dialogue , qui efl: divifé en trois Livres. Il les com-
pofa vers l'an 1 1 27. Pour convaincre le Juif par lui même , il lui
demande d'où il fçait que Dieu a parlé à Moyfe & aux Prophètes.
Le Juif ayant répondu qu'il le fçavoit de l'Ecriture, ôc par des
( a ) Voyez l'article d'Origent," , tom. t,pi^. ^9 '.
ABBÉ DE TUY, ou DE D U I T S. 127
témoisjnages que Dieu avoit confirmés par plufieurs miracles :
Il eu ell; de même de mes Pères les Apôtres , répliqua Rupert :
l'Ecriture m'apprend que Dieu leur a parle ,&: qu'il a conlirmé
fon difcours par des prodiges. Il avoit oublié de preiïer le Juif
fur raccompliiremenr de la prédiction delà ruine de Jérufalein.
Cet arguiuent étant de grande importance , il le propofe dans L'f>. 3 , p.?^.
toute fa force , quoiqu'cn peu de mots. Lors , dit-il , que votre ^"^'**
Ville, la Ville de Jcrufalem étoit dans toute fa gloire , les
Apôtres après l'avoir oiii de la bouche de Jefus-Chrift leur
Maître , ont dit ôc écrit quelle feroit bientôt détruite. Ils l'ont
dit avant que la chofe arrivât. Elle efi: arrivée comme ils l'ont
dit ôc écrit. Vous ne pouvez du moins cacher une partie delà
vérité de cette préJidion qui regarde votre baniflcment. N'avez-
vous pas été menés captifs^ non en un lieu, mais par toute la terre,
ôc dans toutes les Nations, par les armes des Romains ?
XXXIV. Rupert étoit encore jeune , & Moine de faint Hifloiro Ju
Laurent à Liège , lorfqu'il écrivit Thiftoire des Evoques de Monaftcre de
cette Ville , & des premiers Abbés de fon Monaftere. Elle étoit à"Lie.^e''"om'
en cinq Livres, dont il ne nous reûe que le quatrième ôc le cin- 4 , amphjfim.
quiéme , tranfcrits par Dom Martenne fur un manufcrit de '^ojleilwnis ,
i'»ii A J/--T o- •' r-1 I Martenne ,
lAbbave même de lauit Laurent, ôc miprimcs eniuite dans le p^, io;4,
quatrième tome de fa grande collection. On trouve dans ces
deux Livres un précis de ce qui s'eft paffé de plus intérelTant
dans l'Eglifc de Liège fous l'Epifcopat d Lleraclius , jufqu'à
celui d'Otbert , c'cd-à-dire , depuis l'an 979 jufquà 1116 , avec
l'hiftoire de la fondation du Monaflcre de faint Laurent , par
l'Evêque Heraclius. L'ouvrage de Rupert fut continué par
Reinerus, auin Moine de faint Laurent, qui prit foin de faire
connoître à la poderité les mérites de Rupert , fon application
à l'Etude, ôc quelques-uns de fcs écrits, en particulier l'hiftoire
dont nous venons de parler.
XXXV. On a vu dans le quatrième Livre des Obfervations Traité Je îa
de Rupert fur la régie de faint Benoît , avec quelle hauteur les vie Apoftoii-
Clercs ou Chanoines Réguliers traitoient les Moines de l'Ordre "^"^ ;', , '"'",■, V
de lamt Benoît , ôc comment r rederic , Arcneveque de Cologne, Mmsn. pa^,
avoit efTayé de faire ceffcr ces jaloufies d'Ordres , fi mefléantes vés.
dans des perfonnes confacrécs à Dieu , ôc qui ne doivent fe
gloriher que dans la Croix de Notre-Seigneur Jefus-Chrift.
Rupert ne dit alors que peu de chofes pour la défenfe de fon
Ordre. Mais voyant que ces Clercs continuoient à répandre
partout , que les Moines étoient incapables de prêcher la parole
128 R U P E R T,
de Dieu , d'adminiftrer les Sacremens , de gouverner des Pa-
roiffes ; qu'ils dévoient fc renfermer dans leurs cellules & dans
leurs Cloîtres ; excité par fes Confrères , il prit leur parti, mais
en déclarant qu'il ne mettroit point fon nom à la tcte de
l'ouvrage , content de n'en recevoir aucune louange , pourvu
qu'il tournât à l'honneur de Dieu & de TEglife.
Ce traité XX X V L II eft en forme de Dialogue , ôc diftribué en cinq
paroit être de Lîvres. Ce qui.prouve que Rupert en eft l'Auteur , c'eft que
e t'^/iii "' *^^ deux manufcrits que l'on connoît de cet ouvrage , l'un eft de
l'Abbaye de Tuy que Rupert a gouvernée longtems , ôc l'autre ,
de celle de Graifehaten , dans le Diocèfe de Cologne , où eft auiïi
le Monaftere de Tuy ; & qu'il eft fait mention d'un traité de
l'Abbé Rupert fur cette matière , dans la Lettre d'Anfelme
d'Havelberg à l'Abbé d'Husberg. Les raifons de Rupert pour
laifier aux Moines le pouvoir qu'ils avoient depuis plufieurs
fiécles , de prêcher l'Evangile ôc d'adminiftrer les Sacremens ,
font les grands fruits qu'ils ont faits par leurs prédications dans
toutes les parties du monde , dont ils ont converti prefque la
moitié , comme les hiftoires en font foi ; le pouvoir qu'on leur
donne, lorfqu'ils font admis à l'Ordre facré de la Prêcrife , de
baptifcr, de prêcher, ôc de faire les autres fondions du Sacer-
doce. A l'égard de la préférence de l'Ordre monaftique, pour
ceux qui veulent vivre dans une plus grande perfedion , il en
donne pour Juges de grands Evêques , qui ont abdiqué l'Epif-
copat pour vivre dans les Monafteres. Il cite nommément
Guillaume de Champeaux , Evéque de Châlons , qu'il a voit
connu particulièrement , qui de Chanoine Régulier étoit devenu
Evéque; ôc qui après plulleurs années d'Epifcopat , fe retira à
Clairvaux où il mourut. C'eft encore une raifon d'attribuer ces
Dialogues à Rupert.
Des ouvra- X X X "V 1 1. Il ne dit rien dans les trois catalogues qu'il a
jres de l'Abbé laiffés de fes ouvrages , de fes Livres apologétiques ; mais il en
^"k perdus" ^^ ^"^'^ mention dans la Lettre qu'on lui écrivit de Stavelo.
Tcm.i, paz. Quoique l'Auteur de cette Lettre eût lu ces Livres étant à
ii/j. Liège , où il étoit allé exprès pour voir Rupert ôc fes écrits ,
il fouhaitoit de les lire encore , ne fe fouvenant pas bien de la
réponfe qu'il avoit faite à ceux qui trouvoient a redire à fon
Mxtt. 6, lo. explication de ces paroles de J. C. Quz votre volonté f oit faite
y ]ç en la Terre comme au Ciel. Ces Livres font perdus avec plufieurs
catalogue ds autres du môme Auteur , ôc la perte en doit être d'autant plus
fes ouvrages fenfiblc , qu'il s'y juftifioit de quantité de reproches que Çqs
deiLl*^ '" - Adverfaires
ABBÉ DE TUY,ou DE DUITS. 12^
Adverfaireslui faifoient fur fa doclrine. Les principaux étoient
Guillaume de faint Tliierri , Guillaume de Champeaux , &
Anfelme de Laon.
XXXVIII. On lui reprochoit d'avoir dit{a) , que le Corps Rcponfe*
de Jcfus-Clirill: dans l'Euchariftie n'a d'autre vie que la fpiri- ^"^ r°\''T'
tuelle; ôc que cette vie cil dans le corps du facrifice , comme chanftie,
le foleil dans le corps de la lune , où il elt fans chaleur ; que
la fubftance du pain ôc du vin ( /?) n'eft point changée dans lEu-
chariftie , non plus que la fubftance du Verbe dans l'Incarna-
tion. On peut répondre à la première objettion , que l'Abbé
Rupert penfûit comme la plupart des Théologiens modernes,
que Jefus-Chrifl; dans l'Eucliariftie ne fait aucune fonction de
fes fens extérieurs , & que ion facré Corps eft dans le Sacrement
comme mort , quoique vivant ; ou bien que difiinguant avec
quelques anciens EcrivainsEcclefiailiques , le Corps dcJ.C. dans
l'Eucharillie de fon Corps naturel , il difoit comme eux , que
c'étoit le même quant à la nature & à l'elfence ; mais que ce n'é-
toit pas le même quant à la manière d'exifter. Il donne lui-même
la folution à la féconde .objection dans l'endroit d'où elle efl
tirée, en difant, que la fubflance du pain & du vin n'eft pas
ciiangée , félon l'efpece extérieure & fenfible , enforre que la
couleur & la faveur reftenr. Mais pour mettre en évidence la
foi de l'Abbé Rupert fur la préfence réelle du Corps ôc du
Sang de Jefus-Chrift dans TEuchariftie , & fur la tranfubflan-
tiation du pain & du vin au Corps & au Sang du Seigneur , il ne
faut que rapporter fes propres paroles. Croyons, dit-il , (c)fur
la parole du Sauveur ce que nous ne voyons pas , c'eft- à-dire ,
que le pain &: le vin ont pailé en la vraie fubftance de fon Corps
& de fon Sang , aiin que le mangeant ôc le buvant , nous vivions
•éternellement. Dans la Lettre à Cunon , Evêque deRatisbonne ,
d'où ce pafTagc eft tiré , il combat expreffément l'erreur de
Berenger ôc de ceux qui vouloient queTEuchariftie ne fut que
Je figne d'une chofe facrée ; ôc dit (d) pour marquer ce qu'il en
(■<i) hib. z , de O^ciis divinis , cap. 9, | ad Cunonem , prxjixx Comment.:!-, in
{i ) Lib. 1 , in Exodum , c.ip. lo. j Joannein,in editione Colonhnfi,
(.c; CrL'damiis fideli Salvatori Deo in {d) Ego autem veram Corpus Chrifti
<o quod non -.idtmus , fcilicet panem & quod pic nobis tradiium eft , & verum eflê
vim;in in veram corporis & f :n<;uinis tran- de certo fariîruinem , qui pro noMs cirufus
fîiffe lliblbiiiism ; v com^dcrtes atque bi- \ eft, ficut Eci.lefîa Catholica tenet. Ihid,
.Ijjsntes vu cnius in xternuin. Rupertus eiuj.'. J
Tome XX IL R
t3o R U P E R T;
penfoît : Je crois que c'eftle vrai Corps de Jefus-Chrift qui a
été livré pour nous, & je foutiens que c'eft fon vrai Sang quia
été répandu peur nous , comme le croit TEglife Catholique,
Rupert ajoute dans la même Lettre , que riiérefie de Berengec
n'avoit plus alors que très-peu de Sectateurs , du moins qui
cfaiTent la défendre publiquement ( û) , parce que l'Eglife Catho-
lique enfcignoit partout , que l'Euchariftie eli le vrai Corps &
le vrai Sang de Jefus-Chrift. Cet Abbé ne fe déclare pas moins
ouvertement contre l'erreur de l'impanation , dans fes Commen-
taires fur faint Jean ( /? ) , où il dit plus d'une fois , que le paia
& le vin font changés & convertis au Corps ôc au Sang de Jefus^-
Chrift , enforte qu'il ne reile de ces deux fubflances , que ce
qui en paroît à l'extérieur. 11 dit aufli fur l'Exode : les deux
efpeces du pain & du vin [c) {q prennent de la terre; mais
lorfque Dieu , Créateur des efpeces & des fubflances, agit fur
elles , il les change réellement , &: non en apparence , en fa
Chair ôc en fon Sang , quoique fefpece extérieure du pain ôc du
vin demeure.
Autres ol-- XXXIX. Quelques Théologiens {d) ontaccufé Rupert
jéôions fur d'avoir dit, qu'il n'y avoit que ceux qui en étoient dignes qui
afec'ïf!.": recuffent le vrai Corps de Jefus-Chrift. Mais cet Abbé rejetts
Boufes, clairement cette erreur, en difant dans fon fixiéme Livre fur
faint Jean: 11 y en a (e) qui peuvent manger indignement le
Corps de J. C mais il n'y en a point qui le doivent manger ainli.
Car le pain une fois confacré ne perd plus la vertu de fanc-
tihcation , ô: ne ceffe pas d'être la chair de J. C. mais aufli il ne
fert de rien à celui qui le reçoit indignement , ôc dont la foi eft
morte , parce qu'elle eft fans les bonnes oeuvres. On ne peut
nier toutefois qu'il n'y ait dans les écrits de l'Abbé Rupert
quelqu'expreffion fufceptible d'un fens contraire à la dottrine
de l'Eglife fur l'Euchariftie. Mais il eft de l'équité d'expliquer les
( il ) Hoc jam ferc nemo palanx profitcri
aut dcfeiidcie nudet , uiuvcrla fciente
Ecclclîa Catliolica , quia verum Corpus
& verus r.inyuis Chrifti eft. Ibià.
( i ) Lih. 6 ,in Joan, per totum maxime ,
cap. 6,
(c) Specics utrjcque panis & vini de
terra fumuntur : Scd accedens fubflan-
tiaruni ac fpeciarun» creator Deus , non
fuperficie t_mis inducit , ied cfficaciter
hx'c in canieiu i^ fanguiiiciu cjui convertit,
permanente Ucetfpecie exteriori. Rupert ^.:
cap. 7 , lib. I J in Exod.
(d) Bcilarmin , ds Scriptor Eccl. ad
Rupertwn; (j- Vafque/. , in 3, D. So, cap.t,
{ e ) Non nemo indigné manducare
pottft , (cd nemo ind;giiè manducare
débet , panis nannjiic (emel confccratus ,
namquam pofiea virtuteni limdifîcationis
aniittit , aut Clirifti caro elle définit : SeA
non prodell quidquani indigno cujus fides
fine operibus mortua eft. Rupcrtus, iib.f,i/i
Joan. pa^. jii.
ABBÉ DE TUY,ou DE DUITST. \^i^
■paroles dures ôcobfcures , par des plus claires & des plus expref-
lîves , furtout quand l'Auteur déclare qu'il condamne les erreurs
oppofées , & qu'il s'en tient aux vérités enfeignées par l'Eglife ,
comme fait cet Abbé , dont la dodrine 6c la pieté ont mérité
l'approbation de Frédéric (a) , Archevêque de Cologne ; de
Cunon, Evoque de Ratisbonne, même du Pape Honorius II.
C'eft fur ce principe qu'on doit expliquer flivorabicment ce qu'il
dit dans le fécond Livre des Offices, que l'unité du Verbe fait
l'unité du facrifice; ôc fur faint Jean {b) : que l'unité du Verbe
fait qu'il n'y a qu'un corps ; enforte que celui qui a été attaché
à la Croix , 6c celui que la foi de l'Eglife confacrc par les
paroles facrées , font une même chair 6c un même fang. Car il
ne fuit pas de-là qu'il ait cru que le pain 6c le vin dans l'Eucha-
riftie foient unis hypoftatiquement au Verbe ; mais feulement
que le corps qui a été attaché à la Croix , 6c celui qui efl confacré
fur l'Autel , eft le même corps par la médiation du Verbe. C'eft
ainli que faint Jean Damafcene , Rémi d'Auxerre, 6c plufieurs
autres Pères , fe font expliqués.
X L. Un autre reproche fait à Rupert , fut qu'il avoit dit dans Autres. ob-
le troifiéme Livre ( c ) des Offices fur le quatrième Dimanche de jeaions con-
l'Avent , que le Saint-Efprit s'étoit incarné dans le fein de la Rupen.'^^'^'^
Vierge Marie. Ce reproche lui fut fait par un homme de fainte
vie qui lui avoit emprunté ce Livre pour le lire , 6c qui en fut fi
<;hoqué, qu'il le jugea digne d'être jette au feu, comme conte-
nant l'hérefie. Ruoert reconnut dans cette accufation faint
Norbert , à qui il avoit en effet prêté les Livres des Offices
divins. Elle lui fit horreur {d); mais il lui fut aifé de s'en juflifier ,
parce qu'il avoit emprunté de faint Grégoire le Grand les
paroles dont on lui faifoit un crime ; 6c que par le Saint-Efprit,
le Pape ôc Rupert après lui avoient entendu , non la troifiéme
.perfonne de la fainte Trinité , mais la féconde ou le Verbe , qui
,en effet eft appelle très-fouvent l'Efprit de Dieu dans les Livres
de l'ancien Teftament. Ceux dont il avoit combattu en France le
fentiment fur la volonté de Dieu , examinèrent avidement fes
.écrits pour y trouver quelqu'endroit digne decenfure, 6c l'accu-
ferent d'hérefie pour avoir avancé (e) que les Anges ont été
(a) Mâhillonius , Ub. 76 , Annal, num. < (d) Rup. lïb, i , in regul. S. BnifàiEli ,
84. Jfag-?5'.
( h ) Lïh. e , pa?. y.i. I ^ *■ ^ ^"P- '^''^'
ic) Lib.i, ce b§c.ca'^. II. \
Rij
152 R U P E R T;
créés des ténèbres. Rupert répondit , que pour être hérétique
il faut , ou affirmer ce qui eft nié par l'Ecriture fainte , ou nier ce
qu'elle affirme. Citez-moi, leur dit-il , un palTage de l'Ecriture
oppolé à ma propoiition. Comme ils n'en aileguoient point , il
leur dit, qu'il y avoit de bonnes & de mauvaifes ténèbres; de
bonnes telles que celles dontl Aporre dit , que Dieu a fait luire
la lumière, c'ell-à-dire , les Anges, fuivant le fentiment de
faint Auguflin. D'autres Adverlaires de Rupert lui lirent ua
procès d avoir dit, que Jefus Chrift ne donna pas fonCorpsà
Judas dans la dernière Cène, comme aux autres Apôtres; ils
s'autorifoient du témoignage de faint Auguflin , qui aflfure le
contraire. Rupert ne croyant pas devoir céder à cette autorité,
répondit, que les Livres de faint Auguftin n'étoient pas dans le
Canon des divines Ecritures. Sur cela ils firent pafl'er cet Abbé
pour un Hérétique. Mais il fe délivra de leurs pourfuites , en
faifant voir que faint Hilaire avoit penfé comme lui fur le refus
de la Communion du Corps du Seigneur à Judas. V^oyez l'apo-
logie de l'Ai bé Rupert par Dom Gerberon.
JujTcni'" t X L 1. C'en efl; affez pour montrer que cet Abbé ne fut jamais
des écrits ce infecté de Terreur des.Berengariens , ni des 1 mpanateurs, & qu'il
"^'^"* eut fur le myflere de l'Euchariaie la même fui que l'Eglife
Catholique. Si fon fçavoir le rendit célèbre , fa pieté ne le rendit
pas moins recommandable. Ses envieux ne lui reprochèrent^
ou que des fentimens qu'il n'avoit pas , ou qu'une conduite
qu'ils auroient dû imiter, je veux dire, l'application aux Etudes
utiles ôclérieufes. Le plus grand nombre de fes écrits confifte ,
comme on vient de le voir , en Commentaires fur l'Ecriture.
Ils font, fuivant le goût qui commençoit à s'introduire , mêlés de
diverfes queflions de Théologie , traitées félon les principes de
la dialectique : ce qui rend ces Commentaires trop diffus & trop
chargés de matières étrangères. Il ell rare que Rupert approfon-
dide le fens littéral de l'Ecriture. Le mydique ôc le moral étoicnt
plus de fon goût.
Eiitions XLIL Jean Cochlée, Doyen de l'Eglife de Notre-Dame à
qu'on en a Francfort, Ht imprimer une grande partie des ouvrages de cet
î^ent. ^''^^'^' -A^b<^ ^ Cologne en i<;26, lî^y, 1Ç2S, 1J29. L'édition des
Commentaires fur les ouvrages de la Sainte 1 rinité & fur les
Prophètes ôc les Evangelifles, efl: de l'an 1728, aux frais de
Fran(;ois & Arnold Birckmann , de même que celle de Louvain
en 1 J j 1 in-fol. chez Servais SafTen , qui mit aufli fous preflc la
même année, mais féparément, les Commentaires furies douze
ABBÉ DE TUY, ou DE DUITS. 155
petits Prophètes. Il s'en fît audi une édition particulière à Nu-
remberg en I ja^. Le traité de la gloire du Fils de l'homme , ou
Commentaire lur faint Matthieu , fut imprimé à Cologne en
I j 5 ^ , avec celui de la glorifîcation de la Sainte-Trinité ôc de la
proceflion du Saint-Elprit ; & en 1 J40 , de même que le Com-
mentaire fur le Cantique des Cantiques. En 1 J4j il fe fît à Paris
une édition particulière de l'ouvrage intitulé , de la glorification
de la Trinité. Il y a eu trois éditions des C ommentaires fur faint
Jean; deux à Cologne en 1 j 26, avec la Lettre àCunon,ôcen
1^4,1 ; l'autre à Paris en ij^-j ; une du Commentaire fur i'Apo-
calypfe à Cologne en i 74.0 ; ôc une à Nuremberg en i J2(5. Les
treize Livres de la victoire du Verbe de Dieu parurent en la
même Ville en i j 23 ; à Ausbourg en 148^ par Antoine Sorg,
Bourgeois de cette Ville; & à Louvain en lyji. Nous avons
plufîeurs éditions de? Livres des Otrices divins. Une à Cologne
en 1 5'-t3 in-Jcl. Une a Anvers en • 5 93 ; & une à Paris en \6 o
dans la collection des Livres liturgiques. Les deux Livres de la
méditatii n ce la nicrt , furent publiés avec la relation delincen-
die >le l'Ai l aye de 1 uy , à Colcgne en 1 5'72. On a dans Surius
au 1 6 de I^'ar^ & 1 6 d Ocictre les vies de faint Heribert & de
faint CI: plie. Eollandus a donné celle de faint Heribert au i6
de. Mars. On a nfîs dans une même édition à.Nurem'jerg en
1524 les Livres de la volonté & de la toute puifîaiice de Dieu.
XLIIÏ. Tous ces ouvrages & quelques autres que Ton n"a- Eâlùons-
voit pas i r.primés fcparément , furent recueillis en trois volumes S-^trales.
vi-jcl. à Co'ogne en 1 j 3 3 , 1 56, 1 ^77 , aux dépens de François
6c d'Arnold Hirckmann , puis de leurs héritiers. Arnold Mylius
Vcantces éditions épuiiées ,en fî: une nouvelle en deux volumes
in fol. en i jp^ & 1602, qui parurent l'un & l'autre à Cologne.
Elles furent fuivies de l'éfiition de Mayence en i<53 i , dont
Hermann Mylius fit la dépenfe ; & decelle de Parisen 1638 chez
Charles Cafiellain. On ne trouve dans aucune l'ouvrage de'
Rupert , intitulé : du glorieux David , divifé en quinze Livres ,
& dédié à Frédéric, Archevêque de Cologne , aux inftances de
qui il l'avoit entrepris. On le croit perdu ; peut-être fe trouvera-
t'il dans l'édition qu'on dit avoir été faite à Venife en quatre
tomes ïn-foL l'an 1752.
B iij
134 LE BIENHEUREUX GUIGES,
CHAPITRE VIII.
Le Bienheureux Guiges ou Guigues , cinquième Prieur
de la Chaitreufè.
reux Guigùcs. I. T L <^toit du Diocèfe de Valence (a) , né de parens nobles ,
J|_ très-inftruit des Lettres divines & liumaines, d'un efprit
pénétrant, d'une mémoire heureufe , d'une éloquence admirable.
A tous ces talens il joignoit une vertu très-épurée. Son autorité
fut grande dans l'Ordre des Chartreux , dont il avoit embrafle
l'inflitut , 6c fa réputation ne fut point au-deflbus de celle des
premiers Prieurs de la Chartreufe.
Prieur de k ^ L Guiges en étoit le cinquième l'an i i 1 4 , lorfque Godefroi ,
Chartreuie. Evêque d'Amiens , fatigué de l'indocilité de fon Peuple & des
violences que les Nobles exerçoient dans fon Diocèfe , fe retira
à la Chartreufe (/? ) , pour s'y appliquer en liberté aux exercices
de la vie fpirituelle. Il y fut reçu avec le refpect que méritoit fa
dignité ôcfa vertu. Guiges lui donna une cellule. Pv'Iaisle Concile
de Soiffons de l'an 1 1 i j l'obligea de retourner à Amiens.
^r"rOrJrc 1 1 !• En 1 1 5 j Pons de Laraze, connu fous le règne de Louis
deCiteaux. le Gros par fon efprit, fa valeur & fes richeffes , fe repentant
d'avoir abufé de (es talens (c) , prit le parti de la retraite 6c
s'adrefla à Guiges pour le décider fur le choix dun état religieux.
;Guiges lui confeilla d'embraiïer la réforme de Citeaux , ce qu'il
iit. 11 offrit même fa maifon de Salvanez pour en faire un Monaf-
tere. Fondé en 1 1 3 5 , il exifle encore dans le Diocèfe de Vabres.
Guiges donna le même confeil à Eflienne , Prieur d'Obazine,
qui étoit venu également le confulter fur llnftitut qu'il devoit
établir dans fon Monaftere. Les Cifterciens (d), lui dit-il,
tiennent la voye royale : leurs Statuts peuvent conduire à toute
,.. , , laperfedion.
fieurs" Char- IV. Il y avoit dix-lluit ans qu'il gouvernoit la Chartreufe en
weiifes. qualité de Prieur , car il n'y avoit point d'Abbé à la Chartreufe,
(a)Labbe, Bibliot. tom. i ,fag.6i9. \ (<:) Hiftoire de Languedoc, tom. i,
{b)ViuGoà:J.lïb. i,ça^, 6(r II. Xfag.'^zi.
• {ci) MahiUon. hb. t6 , Anu.il. num, 71»
CINQUIEME PRIEUR DE LA CHARTREUSE. 13?
TEvcque de Grenoble en tenoit la place , lorfquU prit la riffo-
lution de mettre par écrit les ufages qui y avoient été en vigueur
depuis Ta fondation, c'eft-à-dire, depuis environ quarante-cinq
ans. Il adrefla le recueil qu'il en fit aux Prieurs de trois Maifons
de fon Ordre, Bernard des Portes, Humbert de faint Sulpice,
& Milon de Ivlajoreve. La Chartreufedes Portes lui devoit fon-
ëtablillemcnt, & il contribua à la fondation de piulieurs autres,
GU à leur accroilTement tant à l'égard du nombre des Religieux ,.
que des bâtimcns néccflaires.
V. Les bonnes études qu'il avoit faites , lui donnèrent de ^ H s'applique
l'amour pour les Livres. Il lit chercher les meilleurs , & les cHre'^dcs Li-
cxemplaires les plus autentiques ,les tranfcrivit , & corrigea ce vres. Lnbbo,
qu'il trouva dedéfeclueux dans ceux qui étoient moins corrects. '* ''^'^'''Jf»
La vingtroifiémc année de fon gouvernement, il le détacha des ' ' ^ *
rochers des Alpes une li prodigieafe quantité de neiges, que
toutes les cellules des Chartreux , excepté une , en furent ren-
verfées ; fix Moines & un Novice furent enveloppés dans les
ruines de ces bâtimens , & y périrent. Mais au bout de douze
jours il en lortit un , nommé Arduin , L orrain de Nation , qui fe
trouva fans bleifures, Tefpritfain , ôc avec toute fa mémoire. Il
dit peu de chofes à fes Confrères , fe confefia , reçut l'Extreme-
Ondion & l'Euchariflie après avoir donné à tous le baifer de
paix , puis il s'endormit au Seigneur avec une grande tran-
quilité.
VI. Guigcs mourut le vingt-fept de Juillet 1157^ âgé d'en- .Aïo-t de
viron cinquante-quatre ans , dont il en avoit paflc trente dans C^"'g". en
l'Ordre des Chartreux , ôc vingt fept en qualité de Prieur. On le '^^'' ' •
nommoit Guiges de faint Romain. Ceux qui ont écrit fa vie ne
doutoient pas qu'elle n'eût été fuivie de h récompenfe promife
aux Juftesdansle Ciel.
V 1 1. Le recueil qu'il fît des ufages & des Statuts de fon Ordre Ses Ecrit?}-
fut imprimé à Bafle en 1 < 10 in- fol. 6c à Paris en 1 C82 , avec les nf'"'^ '^°^'
privilèges accordés aux Chartreux. On les réimprima en 1705 ,
dans le premier tome de leurs Annales. Voici ce qu'on peut y
remarquer. Pendant toute la femaine les Chartreux gardent le Sintut 7.
filence , & le famcdi au foir ils confefTent leurs péchés au Prieur ,
ou à celui qui en a la commifîion. Le Dimanche après Primes
ils vont au Chapitre; quelque tems après, ou après Tierce, ils
afTiftent à la MefTe ; ôc lorfqu'on a dit Nonc , ilss'affemblent au
Cloître pour y conférer de chofes utiles. Enfuite on leur donne
des plumes , des parchemins ; des Livres pour lire , ou pour les-.
135 LE BIENHEUREUX GUIGES,
tranfcrire. Le Sacriftain eft chargé de cette diftribution ; & le
Cuifinier , de leur donner des légumes, du fel , ôc les autres
befoins de cette nature.
Cap. 9. VIII. On ne rafe les Frères que fix fois Tan , ôc en fiience.
Les Etrangers n'entrent point dans le choeur , s'ils ne font Reli-
Cap.io. gicux. Lorfqu un Frère malade fe trouve proche de fa fin,
toutela Communauté s'aflemblepourlui -rendre vifitc; le malade
-confeffefes péchés, Ôc après quelques prières , le Prêtre lui fait
Çip. 12. roncVion des infirmes. Enluiteon efiuye la bouche du moribond,
à qui tous donnent le baifer de paix, comme devant partir. Il reçoit
la Communion , ôc quelques momens avant d expirer , on le
couche fur de la cendre bénite ; pendant ce tems en récite les
Litanies. Le jour de la fépulture les Frères font difpenfés de
garder la chambre; ôc pour leur donner quelque coniblation ,
on leur permet de manger deux fois , ôc en communaïué.
Wid. IX. Chaque femaine on chante une Méfie pour les Ueniliteurs ,
les Habitans du lieu , ôc généralement pour tous les défunts.
Cette Meflefedit en Eté avant Primes : en Hyver, après Primes.
Nous difons ici rarement la Méfiée , dit Guiges , parce que la fin
Ciii.iT. principale de notre Inilitutefl le fiience ôc la retraite. Nous ne
recevons point d'enfans ni de jeunes gens au-defious de vingt ans ,
Caj». 28. afin qu'ils foient en état de combattre l'ennemi du falut. Nous
prenons grand foin des Livres , comme étant la nourriture de
notre ame ; ôc nous nous occupons à en tranfcrire , afin de
prêcher des niains la parole de Dieu , ne le pouvant faire de
Cep. 2.'j. bouche. En aucun tems l'on ne fc recouche après Matines,
Depuis Tierce jufqu'à Sexte en Hyver ; ôc depuis Primes jufqu'à
Tierce en Eté on s'occupe du travail des niains ; ôc depuis None
jufqu'à Vêpres : mais on interrompt quelquefois ce travail par de
courtes prières. Les Matines ôc les Vêpres fe difent à TEglife j
£.n. 51. Compiles dans la cellule. i>i les Frères ont befoin dédire quelque
chofe , ils le feront en peu de mots, fans recourir à des lignes ,
comme il fe pratique dans les Monafteres de Cluni.
Ccv. 33. X. Le lundi , le mercredi , ôc le vendredi, on fe contentera
fion leveut, de pain , d'eau , ôcdefel ; le mardi, le jeudi , ôc le
famedi,on fera cuire des légumes, ou quelque chofe de fem-
blable. En ces jours-là on donnera du vin , ôc le jeudi du fromage.
Depuis la mi-Septembre jufqu'à Pâques on ne mangera qu'une
fois le jour : le reîle de l'année on fera deux repas , fçavoir le
mardi , le jeudi ôc le famedi. En Avent on ne fervira ni œuft
iC(7j). ji. ni fromage. Les Frères ne boiiont point le vin pur ^ ôc ne man-
geronc
CINQUIEME PRIEUR DE LA CHAPvTRÉUSE. 137
geront peint de pain blanc , fût-ii de froment. Il n'eft permis à Cap. jf,
aucun de faire des abrùnenccs paniculieres , de fe donner la
difcipline , de veiller , hors ce qui eli prefcrit , fans la permiffion
du Prieur, tout devant ctrefandifié parrobciifance.
XI. Si à l'heure du repas il arrive un Evêque , un Abbé , un dp. j^.
Religieux , le Prieur l'admettra à la table ôc rompra le jeûne
en fa faveur, fi ce n'efl; un jeûne principal, c'efl-à-dire , com-
mandé par l'Eglife. Dans les affaires de conféquence le Prieur
convoquera la Communauté pour prendre fon avis j & après les C^P- n-
avoir oui tous , il fera ce qui lui paroîtra de mieux. On ufoit
rarement de médecine à la Chartreufe ; mais on permettoit aux (;.,„ ,§ ^
Frères de fe faire faigner cinq fois par an. A chaque fois on leur î4.
accordoit pendant trois jours de faire deux repas , quelque chofe
de meilleur qu'à l'ordinaire , ôc de conférer après le repas. On
avoit coutume d'acheter du poifTon pour les malades.
XII. Les Chartreux n'avoient ni or , ni argent dans leur dp. 40.
Eglife^ fmon un Calice 6c un chalumeau pour prendre le précieux
Sang. Ils ne recevoient aucuns préfcns des ufuriers , ni des
excommuniés ; ne pofledoient rien hors les bornes de leur défert ;
n'y enterroient que leurs Confrères , ou quelque Religieux qui y Cip. 41,
fût mort; ôc ne fe cliargeoient d'anniverfaire pour perfonne,
dans la crainte de rendre les prières vénales.
XIII. Il y avoit à la Chartreufe des Laïcs , ou Frères Cip. ^^ , ^y.
Convers ; la plupart ne fçachant pas même lire , ils ne chantoient
pas à l'Office ; mais ils alfilloient à celui que leur difoit le
Religieux du Chœur , charge de leur conduite. En fon abfence
ils récitoient un Parer pourchaque Pfeaume. Occupés du travail
des mains , leur abftinence étoit moindre que celle de la Com-
munauté. En Avent ôc en Carême ils fe donnoient la difcipline
quand ils réfidoient àla Maifon. S'ils alloient dehors, ils réci- c.ip. 77.
toient fept fois le Pater pour une difcipline. Un Frère forti ou
chaffé de la Chartreufe, y étoit reçu une féconde fois , s'il pro-
mcttoit de fe corriger ; mais on le mcttoit à la dernière place ,
fmon on lui permettoit de pafler à un autre Monaftere , où il pût
fauver fon ame. Le nombre des Moines de la Chartreufe étoit C7. 73.
fixé à treize ; celui des Frères Convers à feize. Il fut réglé ainfi ,
parce qu'alors la Maifon nétoit pas en état de fupporter une
plus grande dépenfe. Guiges confeille à fesfucceifeurs , ôc géné-
ralement à tous ceux de fon Ordre de régler le nombre de leurs
Religieux fur les facultés des Maifons ^ pour n'être pas réduits à
l'odieufe néceffité de mandier.
Toms XXII. S
fur ce» Sta-
tuts.
13S LE BIENHEUREUX GUI GE S,
Remarques XIV. On ne voit en aucun endroit de fon Recueil (j), que
l'ufage de la viande ait été défendu aux malades. Mais dans les
Statuts recueillis par RufFerius en 12^9 , on lit au chapitre
quarante-quatrième : l'ufage de la chair auquel notre Ordre a
renoncé ne s'accorde à aucun de nous , fût-il lépreux. Dans une
troifiéme colledion des Statuts par François Dupui , il eft
défendu de mettre le moribond fur la cendre , de peur d'ac-
célérer fa mort.
Livre des X V. Guiges s'appliquaauflî dans fa retraite à méditer fur Ics
méditatioiis. vérités pratiques de la Religion , & mit par écrit fes réflexions ,
qui ne pouvoient être que très-utiles à fes Religieux comme à
toutes autres perfonnes. L'ouvragefut mis fous la pre(Te à Anvers
en I jjo & lySp , avec les méditations de Guillaume, Abbé
de faint Thierri ; & réimprimé dans le premier tome du fupplé-
ment de la Biblioteque des Pères à Paris; dans le douzième de
celle de Cologne , & dans le vingt-deuxième de celle de Lyon. Il
eft divifé en viogt chapitres.
Ce qu'il XVI. On y voit que l'on ne peut avoir une véritable paix
contient, fow, qu'en fêla procurant pour la vérité, qui eft la vie & le falut
pl'ruL ^p'a^. éternel; que le premier pas à la vérité, eft de fe déplaire dans
Ti<t. ' " l'erreur; que la porte du lalut ne pouvoit être ouverte au Publi-
Ctip. I , ;. cain, qu'en confeffant humblement les péchés que le Pharifien
Cip. 3. orgueilleux lui reprochoit ; que plus les chofes paflageres caufent
de plaifir , plus elles font mortelles ; que l'attache que l'on y a
caufe néceflairement du trouble , de la douleur , & de vaines
Cip 4. craintes ; que l'ame humaine ne ceffe de foufFrir en elle-même,
tant qu'elle aime autre chofe que Dieu , que demander une
Cip. 5,6, longue vie , c'eft fouhaiter d'être tenté longtems ; parce que tout
eft pour nous un piège en cette vie, le boire , le manger, les
vêtcmens , lefommeil , le défit de la gloire, des louanges, des
faveurs. Guiges envifage les adverfités du fiécle comme un
moyen dont Dieu fefert pour nous obliger à retourner vers lui.
Il ne veut pas que l'on abandonne le pécheur , mais qu'on l'aime
& qu'on le fupporte , dans Tefperance qu'il fe corrigera. Vous
u. ne devez point, dit-il, vousréjouir,s'ilfe trouve que vous foyez
meilleur que les autres , mais plutôt vous affliger de ce qui leur
17. manque en fait de vertu. Il dit que l'amour du prochain doit
être gratuit, parce quefi l'on ne rendoit amour que pour amour,
ce feroit un change qui ne mériteroit aucune récompenfc; que
7, 8
M-
( a ) Mali'doH. Uh. 71 , Ar.ai. nutn. loj.
CINQUIEME PRIEUR DE LA CHARTREUSE, mp
ce que les Anges ont reçu de plus grand & de plus précieux de Ja
part de Dieu , c'cll h; cliarité , qui en effet cil: Dieu même. II Cdp. i8.
met la perfeâion de l'homme à eftiraeries chofes autant qu'elles
valent ; ce qu'il trouve renfermé dans les deux préceptes de Cap.i^ù-io.
l'amour de Dieu & du prochain : perfection , dit-il , dont le
Verbe incarné nous a tracé lui-même le modèle.
XVII. Le Pape Innocent II. ayant de l'avis des Evêques Viedefain
ôc des Cardinaux canonifé au Concile de Pife en 11545 ^^int ^^"^"ff'^T
Tr T^A iy^ \/^ .. lus lie o re-
Hugues, Eveque de Grenoble, écrivit a Guiges qui avoit une noble. Bo!-
connoiffance particulière de ce faint Evêque, d'en écrire la vie , l^n<^-'om. i ,
ôc les miracles opérés par fon intercelFion. La Lettre efi: dattée ,'/ ad diemi.
de Pife le 22 Avril de cette année. D'autres perfonnes très-
refpedables avoient preffé Guiges fur le même fujet , ôc il s'en
étoit excufé fur diverfes raifons , notamment fur fes infirmités
continuelles. Mais il ne put rclifter à l'autorité de faintPierre
que le Pape avoit employée. Ccfî ce qu'il dit dans fa réponfe à
la Lettre du Pape. On les a mifes l'une ôc l'autre à la tête de la
vie de faint Hugues compofée par Guiges , &: rapportée par
Surius 6c BoUandus au premier jour d'Avril.
XVIII. On n'efl: plus en doute que la Lettre ou Traité aux l^}"'^ °>»
Frères du Mont-Dieu , attribué longtems à faint Bernard , ÔC p,.ê,.es du
quelquefois à Guillaume , Abbé de faint Thierri près de Pveims, Mont-Dieu,
nefoit de Guiges , cinquième Prieur de la Chartreufe. Son nom
fe lit tout entier à la tête de ce Traité dans un manufcrit très-
bien écrit de l'Abbaye dePontigni, dont la date, qui eft delà
même main que le manufcrit , efl de 1 1 J 5 , dix-neuf ans après la
mort de Guiges. On le lit encore après la Préface, au com'men-
cement du Traité , ôc à la fin. Le Copifte a même pris la pré-
caution de défigner l'Auteur par fes qualités , afin qu'à l'avenir
on ne le confondît pas avec d'autres de même nom. Il l'appelle Profit, in
Prieur de la Chartreufe : ce qui ne convient ni à faint Bernard, .',^iTj'ç6^ J'di-
ni à l'Abbé Guillaume. Ce traité dans le manufcrit de Charlieu ùon 17 19.
cft aufli intitulé , du nom de Guiges , Prieur de la Chartreufe.
Il efl: vrai que quelqu'un qui avoit envie de le faire paffer fous le
nom de faint Bernard, a tâché d'effacer celui de Guiges; mais
il n'a pas réuffi : on le voit encore , ôc on connoît la fraude parla
main de l'impodeur, beaucoup plus récente que celle du ma-
nufcrit qui eft de plus de cinq cens ans , ôc conféquemment
peu éloigné de l'âge du manufcrit de Pontigni. Ajoutons que
l'Auteur fe déclare en plus d'un endroit , du même Ordre que
les. Frères du Mont-Dieu, qui étoient Chartreux ; qu'il avoit
Sij
140 LE BIENHEUREUX GUIGES;
pafTé quelque tems avec eux , 6c qu'il travailloit pour l'inftruûîoil
de ceux qui embraflToient cet état.
Analyfe de XIX. Guiges écrivit ce Traité dans le tems que l'on bâtifToît
ce Traité , J^ Chattreufe de Mont-Dieu , c'eft- à-dire , vers l'an 1 1 5 j. Il efl
l^S' '-03 » i ■ jiyif^ gi^ ^fQJs Livres. Gerfon en cite le fécond dans fon fermon
fur la Cène du Seigneur , où il avertit qu'on doit lire avec pré-
caution ce qui y eft dit de l'union des Juftes avec Dieu. Cela
n'empêche pas que l'ouvrage ne foit regardé comme un modèle
achevé de la vie Monaftique , par ceux qui connoiffent en quoi
coniifte la perfeâion de cet état. L'Auteur adrefle la parole à
Cap. I. Haimond, Prieur, & aux Frères du Mont-Dieu; qu'il congra-
tule d'avoir renouvelle la ferveur des anciens folitaires d'Egypte j
ôc d'avoir mérité parleur fimplicité, que Dieu leur rit connoître
les vérités inconnues au monde. Pour les engager à la conferver ,
il dit que le plus grand des miracles de Jefus-Chrift efi; d'avoic
fubiugué le monde entier, & toute la fageife mondaine par un
petit nombre de perfonnes fimples, c'eft- à-dire, parles Apôtres.
Cflf. I. Il paffe de-là à la fublimité de leur profeffion. C'eft aux autres,
dit-il , de fervir Dieu ; & à vous de lui être uni. Ils doivent croire
en lui , fi^avoir qu'il efl: , l'aimer, l'adorer. Vous devez le con-
noître ôc en jouir. La vertu doit vous être chère, non-feulemenc
pour vous-mêmes, ôc pour en donner l'exemple à ceux qui vivent
maintenant , mais encore pour fervir de modèle à ceux qui
Cfl]/. j. viendront après vous. Il entre dans le détail des avantages de la
vie folitaire ; mais il diflingue le folitaire d'avec celui qui efl: feul.
Cfl/. 4. Celui-là efl feul avec qui Dieu n'eft pas. Sa cellule neft plus pour
lui une cellule , c'efl une prifon. Le folitaire avec qui Dieu eft y
jouit librement de la joie que lui donne fa bonne confcience ;,
ôc vivant fuivantles règles de fon état , il eft plutôt dans le Ciel
que dans fa cellule.
C(jp. j. XX. Il diflingue auiïi dans la vie religieufc trois états:
ranima! , le raifonnable , le fpirituel ; le premier , eft des com-
mençans; le fécond, de ceux qui avancent dans la vertu; le
troidéme , des parfaits. La première chofe que Ton doit enfeigner
au Novice, eft de mortifier fon corps , ôc d'en faire une hoftie
Cap. T. vivante, fainte, agréable à Dieu. Enfuite il faut le prémunir
contre les tentations ôc lui apprendre les moyens de les furmonter»
Il fait envifager l'oifiveté comme la fentine de toutes mauvaifes
Crp. 8,9, 10, tentations. C'eft pourquoi il veut que l'on foit toujours occupé
■ "• dans fa cellule ; tantôt à la prière ; tantôt à la lecture ; tantôt à
l'examen de fa confcience ; tantôt au travail des mains. Il s'étend
CINQUIEME PRIEUR DE LA CHARTREUSE. 141
fur toutes ces différentes occupations. Dès fon tems les Chartreux
avoient introduit la fomptuofité dans leurs bâtimcns 6c fait même
àcefujet des emprunts. Guiges en te'moigne de la douleur. Il Cjp. i»;
invite fes Frères à imiter les exemples des premiers Moines,
qui afpirant à une Cité permanente , ne fe procuroient d'autres c^p, i».
logemens en cette vie, qu'autant qu'il en falloit pour fe mettre
à couvert des injures de l'air. Enfin il veut qu'on enfeigne aux Cap. 14.
Commen(;ans à s'approcher de Dieu par l'amour ôc par la prière.
XXI. Les infcrudions du fécond Livre font pour les raifon- Lib.z cap. r.
nables , ou ceux qui ont déjà fait du progrès dans la vertu.
Guiges ne trouve rien de plus digne de l'ame raifonnable , unie c^,. ,.
au corps pour le gouverner , que de s'attacher à Dieu qui eft fon
fouverain bien ; de l'aimer , de lui obéir. Quant au troifiéme
état de la vie Religieufe , qui renferme les fpiritucls ou parfaits ,
l'Auteur fait confifter cet état dans la reflemblance avec Dieu , Cap. 3.
telle qu'on peut l'avoir en ce monde, par la pratique delà vertu ;
& non dans la reffemblance que les Saints ont avec Dieu dans le
Ciel , par la perfedion de leur charité.
XXII. Il explique dans le troifiéme Livre ce que c'efl; que LiJ. j,c<ip. 1,
la Béatitude, & il en diftingue de deux fortes : celle qu'Adam
pcffedoit dans le Paradis terreftre , & qu'il a perdue par fon
péché ; ôc celle dont les Saints jouiiïent dans le Ciel. La première
ne fut que pour un tems ; la féconde eft éternelle. Elle eft Ci Cap. 1,
grande, fi admirable, que l'homme ne peut la concevoir , moins
encore l'exprimer. Il donne une idée des qualités que les corps
des Saints auront dans le Ciel , de leur beauté , de leur légèreté ,
de leur force ; & compare cette légèreté à celle d'un rayon de
foleil ; il met parmi les qualités de l'ame des bienheureux , la
connoiflfance du paffé , du préfent , du futur ; l'amitié ou la dp. 3.
charité parfaite ; la concorde avec tous les Habitans de cette
célefte patrie; le contentement de fon fort, ou degré de béati-
tude ; le pouvoir qui s'étendra aufTi loin que fa volonté ; la
fécurité entière de fon état glorieux ; une joie inexprimable ;
l'abondance de tous biens. Il finit fon Traité par la defcription dp. 4,
des miferes des damnés.
XXIII. De toutes fes Lettres il n'en rede que quatre. Dans Lettres de
la première , qui eft à Heimeric , Cardinal ôc Chancelier de Guides , tom..
l'Eglife Romaine , il l'avertit que nous avons deux principaux nàrl^'' ^J'
ennemis à combattre, l'orgueil ôc la volupté; que fi nous venons ioôô.'
à bout de les vaincre, nous n'aurons plus rien à craindre. Les
armes dont nous devons nous fervir contr'eux font Thumilité ôc
S iij
ï^2 LE BIENHEUREUX GUIGES,&c.
la mortification de la chair. Il ne croit pas que l'on puifle recourir
' aux armes matérielles pour foutenir ou aggrandir i'Eglife ; & fe
plaint que le luxe étoit pafle des Palais des Rois dans les Cours
Eccléliaftiques. La féconde, au Prieur de la fainte Milice , ou
des Chevaliers du Temple, traite aufTi de la guerre fpirituelle
contre les ennemis du falut. C'eft à cette guerre que Guiges
l'exhorte, & non à combattre les ennemis de I'Eglife. Par la
troificme adrefiee au Pape Linocent IL il le raffure contre les
efforts des Schifmatiques , par les viftoircs que I'Eglife a rem-
portées en tout tems contr'eux & contre les hérétiques. Il ajoute,
que prefque tout le monde entier doit être confideré comme fon
Diocèfe ; ôc que comme il n'y a qu'un Dieu , de même le Vicaire
de faint Pierre, c'eft-à-dire , le Pape doit être un. Guiges s'étoit
appliqué à recueillir les ouvrages des faints Pères, 6c à corriger
les manufcrits qui les renfermoient. Il recueillit entr'autres les
Lettres de faint Jérôme , dans lefquelles il corrigea quantité de
fautes ; mais il ne fit pas entrer dans fon Recueil celles que la
dift'erence du ftile ôc des fentimens rendoit indignes d'un fi
fçavant homme ; comme la Lettre à Démetriade que faint
Augudin allure être de Pelage. 11 envoya une copie de fon
Recueil aux Moines de la Chartreufe de Durbon , en les aver-
tiflant de mettre fa Lettre à la tête de toutes celles de faint
Jérôme , afin qu'elle fervît à faire diftinguer les Lettres de ce
Père d'avec celles qu'on lui a fuppofées. Cette quatrième Lettre
de Guiges a d'abord été donnée au Public par Dom Mabillon
dans fes Analedes. Guiges corrigea encore celles (a) qui font
véritablement de faint Jérôme.
Ouvrages XXIV. André Duchefne dans fesNotes f t) fur la Bibliotequc
stiribués à dcCluni,citc foùs Ic nom deGbiges un traité de la Contemplation;
^^^^' un autre des quatre dégrés fpirituels ; un troifiéme de la vérité de
la paix,ôc un quatrième à la louange de la vie folitaire.Mais peut-
être font-ils de Guiges II. Prieur général de la Chartreufe , qui
fe démit de fa charge en i 175 ,& mourut en i 188. Le traité de
la contemplation ou de la vie contemplative , fe trouve dans le
fixiéme tome ( c ) des oeuvres de faint Auguflin , & parmi celles
de faint Bernard (d) j fous le nom de Guiges^ avec le titre
d'échelle du Paradis, ou des Cloîtres. Cet Auteur écrivoit avec
(a) Trithem, di Scnptor. Ecdefujl. \ ( c) In appendice ,tom. 6 ,pag. 6.i}.
cap. 176. ! (djFdg. 11^ ,eû'n. irm.
(b) Pair. 1,1. J
GUILLAUME DE MALMESBURI,&c. 14^
noblefle; & dans un tems où la critique étoit peu cultivée , il en
avoit un goût très- fa in ôc trcs-exatt.
CHAPITREIX.
Gl'/ll^l^;iie de AI a lm es bu ri , ou cle Somerset,
Ù quelques autres Hifioriens Anglais.
I. T L fut nommé de Somerfct, du lieu de fa naifTancc, & Gi'illnume
X furnommdde Malmefburi jduMonaflereoùilfitprofeflion '^^ Someriec.
de la Règle de faint Benoît, fitué dans le Comté de \vilt en
Angleterre. Il en fut Bibliotequaire & Pré-Chantre. Sa pieré le
fit refpeûer ( a ) ; 6c par fon fc^avoir il mérita d'être confulté ,
même par les plus grandes lumières du Royaume , je veux dire ,
par faint Anfelme , fuccelfeur de Lanfranc dans le Siège de
Cantorberi. On contefloit à ce faint Archevêque les droits de
fon Eglife. Guillaume qui avoit fait une étude férieufe des
anciennes coutumes de toutes les Eglifes d'Angleterre , étoit en
état de décider de celle de Cantorberi. Il vivoit encore en 1 145 ,
ôc fe trouvoit alors affez de forces pour donner de nouvelles pro-
duftions de fon efprit. On n'en connok toutefois aucune qui foit
pofterieure à cette année.
II. Son hilloire des Rois d'Angleterre contient ce qui s'efl Ses Ecrits.
pafTé de plus confiderable en ce Royaume pendant environ fept T'''^"!''^ ''^
cens ans ; en commençant a 1 arrivée des Saxons vers 1 an 44P , i^^re. Édu.
jufqu'à la dix-huitiéme année du règne de Henri I. ou l'an 1 1 27. Francofan.
Elle efl divifée en cinq Livres ôc dédiée à Robert, Comte de ''^' '^*''
Gloceftre, fils naturel de ce Prince. Le vénérable Bede avoit
travaillé fur le même fujet ôc conduit bhiftoire des Anglois
jufquà fon tems , c"eft-à-dire , jufqu'à l'an 731. Perfonne n'en-
treprit la fuite de cette hifloire. Eadmer fe contenta de donner un
précis des principaux évenemens depuis le Roi Edgar jufqu'à
la première année de Guillaume le Conquérant. Enlorte qu'il
lailTaun vuide de plus de 223ans.Cefut pourlerempiirôc mettre
dans un plus grand jour les évenemens dcsPvCgncs n-entionnés
(«) liahulon. l'ih. 69 , Annal, num. ^\,
144 GUILLAUME DE MALMESBURÎ,
par Eadmer , que Guillaume de Malmesburi reprit la fuite des
tems depuis l'entrée des Saxons en Angleterre. Sans copier Bede,
il en tira ce qui lui parut de meilleur.
Ceouecon- II L Dans le premier Livre il donne l'hiftoire de ce qui fe
tient cette hifr pafla en Angleterre , depuis qu'elle fut occupe'e par les Saxons >
toire. Premier jufqy'^u Roi Egbert , qui ayant défait en divers combats les
\resl°vag. 7, petits Rois du Pays , devint le feul Monarque de prefque toute
C^jf^. î'Ifle de la Grande Bretagne en 817 , c'eft-à-dire , des quatre
anciens Royaumes de Weftfex , Suffex , Effex & de Kent. Pour
les autres il les iaifla à des Rois particuliers , à charge de lui en
faire hommage ôc de payer un tribut. Le fécond Livre continue
l'hidoire des Anglois depuis Ethelwolph qui reçut la couronne
après la mort de fon père Egbert en S37 , jufqu'à Guillaume I.
dit le Bâtard & le Conquérant , qui fe rendit maître du Royaume
d'Angleterre après la défaite & la mort d'Harold dernier Roi
Saxon en 1066. Dans le Prologue l'Auteur remarque, que fes
parens lui avoient infpiré de bonne heure le goût des Livres ; que
l'étude fiifoit fon principal plaifir ; qu'il étudia la logique pour
apprendre à raifonner ; la phyfique pour fa fanté ; la morale pour
former fes mœurs relativement à Dieu; qu'enfuite il s'appliqua
à l'hiftoire , furtout à celle de fa Nation ; qu a cet effet il acheta
même les Livres hiftoriques des Nations étrangères , dans l'ef-
perance d'y trouver quelque chofe pour celle d'Angleterre ; ôc
que peu content de ce que les anciens Anglois avoient écrit , il
travailla à donner une hiftoire plus cxafte ôc plusfuivie.
TroKîtme I V. Le troifiéme Livre eft occupé entièrement à l'hiftoire de
Livre , fig. Guillaume le Conquérant. Les Normans en avoient fait dans
'** leurs écrits des éloges outrés. Les Anglois , au contraire , le
regardant comme un ufurpateur, l'avoient chargé de reproches.
Notre Hiftorien qui tiroitfon origine de parens , dont l'unétoit
Normand , l'autre Anglois , prend le parti de ne louer ni blâmer
qu'avec beaucoup de rcferve ; de ne s'attacher qu'au vrai ôc à
rendre fun hiftoire utile ôc agréable au Lefteur. C'eft ce qu'il
obferve dans l'hiftoire de Guillaume ôc de fes deux fils , Guil-
laume II. dit le Roux , ôc Henri I.
Quatrième V. Lc premier monta furie thrône au mois de Septembre de
Livre , pag, l'an ic88 i le fécond au mois d'Août de l'an 1 100. Quelques-uns
*'^* trouvèrent mauvais qu'on écrivît leur hiftoire de leur vivant;
difant que dans ces fortes d'écrits la vérité fait fouvent naufrage ,
ôc que le menfonge prend fa place ; la plume de l'Hiftorien étant
guidée, ou par la crainte , ou par la flatcrie. D'autres ne croyoient
pas
ou DE S O M E R S E T , &c. iÇ?
pas que Guillaume de Malmesburi fût affez habile pour écrire
avec dignité l'Hiftoire de ces deux Princes. Les confeilsdefes
amis l'emportèrent. Il fe rendit à leurs foUicitations ; & comptant
fur le fecours du Ciel, il renferma dans le quatrième Livre les
évenemens du règne de Guillaume le Roux, le premier des
cnfans de Guillaume le Conquérant. On trouve aulTi dans le
quatrième Livre la relation de la Croifade , que Guillaume
commence au Concile de Clermont où le Pape Urbain IL la
propofa en lo^)^. Après avoir rapporté le couronnement du Roi
Beaudoùin à Bethléem le jour de Noël de l'an 1 1 oo , par le
Patriarche Daïmbert, il dit , que la veille de Pâques de l'année
fuivante iioi , où le feu facré avoit coutume d'éclairer de ^'^S- '-t'a-
bonne heure cette veille , tarda plus qu'à l'ordinaire; qu'on lut
à l'alternative les leçons de l'Otfice tant en grec qu'en latin;
qu'on chanta trois fois Kyrie eleifon , ôc plulieurs chofes en
mufiquc, toujours dans refperance de voir paroître ce feu ; &
que l'on fut obligé de fortir de TEglife fans cette confolation ;
que le lendemain les Latins allèrent en proceffion au Temple
appelle de Salomon , pour y implorer la mifericorde de Dieu;
que les Syriens tirent la même chofe au faint Sèpulchre ; & que
Dieu feniiblc aux infiances des uns & des autres , envoya le feu
facré qui s'étant attaché à une des lampes du faint Scpulchre ,
l'alluma ; ce qui rendit la joie à toute raflembléc. Guillaume
ajoute, que le Patriarche averti par un Syrien accourut, ouvrit
la porte delà Chapelle du faint Sèpulchre , alluma un cierge à
la lampe, & fit enfuite voir le miracle à tous ceux qui y accou-
rurent. On croyoit donc dans le douzième fiècle qu'il y avoit
ordinairement du miraculeux dans le nouveau feu delà veille de
Pâques à Jèrufalem.
VI. Le cinquième Livre eft confacré à l'hifloire deHenriL Cinquième
fécond fils de Guillaume le Conquérant. L'Auteur convient qu'il ^'"''^ > P^Z'
n'a rapporté qu'une partie des attions de ce Prince, & fur la '*'**
relation d'autrui ; fa condition de Moine ne lui ayant pas permis
de pénétrer dans les myfleres de la Cour. Il convient encore
qu'il n'en a pas dit tout ce qu'il en fçavoit. Pour indemnifer en ^
quelque façon fon Ledeur , il l'inftruit de quantité d "évenemens
qui fe font paflcs dans les Pays étrangers à l'Angleterre. Ces
cinq Livres font intéreffans par quantité de monumens qui
regardent l'Hilloire Ecclèfiaftique ; par les Lettres des Papes
contemporains des Rois d'Angleterre dont il y cft parlé ; ôc par
celles de ces Princes ou d'autres perfonnes confiderables. Il en a
Tome XXI I. T
nouvcll
14*^ GUILLAUME DE MALMESBURI,
été dit quelque chofe dans le cours de cette hiftoire , à mefure
que l'occafion s'eneft prefentée. Henri I. mourut au commen-
cement de Décembre l'an 1 1 3 y dans la foixante-huitiéme année
defon âge, après un règne de trente-cinq ans & quatre mois.
Mais l'hiftoireque Guillaume de Malmesburi en a faite, ne va
que jufqu'en 1127, la vingt-huitième année du règne de ce
Prince. Il en reprit apparemment la fuite dans un autre ouvrage
qu'il intitula : Chroniques , divifé en trois Livres , qui n'ont pas
encore été rendus publics.
Hiftoires V 1 1. Il en parle dans le Prologue des deux Livres qui ont
pour titre : Hiftoires nouvelles , qu'il dédia encore à Robert ,
Comte de Gloceftrc. C'efl: un fupplément àl'hiftoire de Henri I.
ôc en même-tems la fuite des cvenemens mémorables de l'An-
gleterre. Le premier Livre commence à la vingt-fixiéme année
du règne de Henri I. quiétoit l'an 1x26 de l'Ere vulgaire, ôc
finit à Tan 1 1 3 8, le quatrième du règne d'Eftienne, fils d'Eftienne,
Comte de Blois ; & d'Adèle , fille de Guillaume le Conquérant,
Le fécond continue l'hiftoire de ce Prince jufqu'en 1 143. Guil-
laume ne va pas plus loin , quoiqu'Eftienne ait régné jufqu'au
mois d'0£lobre \i^^. Ces deux Livres contiennent, comme
les cinq précedens , divers traits intéreflans pour THiftoire de
l'Eglife , comme la tenue des Conciles en Angleterre par les
Légats du faint Siège.
Les sertes VIII. Il manquoit à l'Angleterre une hiftoire fuivic de fes
des tvcques Evêques , Ôc l'on ignoroit même le nom de plufieurs. Guillaume
pV"f!;5." ' de Malmesburi crut qu'il y avoit de l'ignominie à laiffer dans
l'oubli ceux de qui l'on a reçu les premiers élemens de la foi ôc
les règles de la vie chrétienne ; dans cette penfée il entreprit d'en
faire l'hiftoire. Elle lui coûta beaucoup plus que celle des Rois
d'Angleterre, parce qu'il trouva moins de fecours. Les Chroni-
ques qu'il avoit pardevcrs lui le guidèrent dans le premierouvrage.
Il n'avoit pour le (econd que des hiftoires fort embrouillées.
La tradition vint à fon fecours, ôc apparemment l'archive de
chaque Eglife. Il en a renfermé l'hiftoire en quatre Livres , inti-
tulés : les geftes des Evâques d'Angleterre.
Ce que cor- I X. I.c premier Livre traite des Archevêques dcCantorberi ,
tiennent ces depuis faint Auguftin, Difciplc de faint Grégoire le Grand,
''^".' ^'^'"' jufqu'à Raoul , mort au mois de Novemlre de Tan 1122.
j^j, *■ ^ Guillaume de Malmesburi s'étend beaucoup fur l'Epifcopat de
Lanfranc ôc de faint Anfelme. Il donne enfuitc quelque chofe de
la vie des Evêques dcRucheftcr , don: le Sie^c étoit voifin de
celui dcCantorberi.
ou DE SOMERSET,&c. 147
X. L'Ëvêché de Londres n'ctoit pas non plus éloigne. C'efl livrefeconJ,
pourquoi Guillaume commence fon (econd Livre parle dcnom- ''^^' *^
brement des Evoques de cette Ville , dès-lors très-opulente par
fon commerce avec toutes les Provinces du monde , furtout
avec l'Allemagne. Le premier Evêque fut iVIellite , envoyé de
Rome à faint Auguftin pour l'aider dans la converfion des
Anglois. L'Auteur donne après cela la fuite des Evêques orien-
taux Anglois , ôc des Evoques occidentaux Saxons; des Evêques
de Dorcheftre , de Wincheflre , de Schirburn , de Velles ,
d'Excheflrc , de Cridicn , deCornouailles, de Selefig, ôc des
Abbés des divers Monafleres fitués dans ces Diocèfes.
X L La notice des Archevêques d'Yorc ôc des Evêchés Livfe fo»-
dépendans de cette Métropole , occupe le troifiéme Livre. ,'^^_^ ' ^"'^'
Paulin en fut le premier Archevêque fous le Pape Honorius,
de qui il reçut le Pallium ; ôc faint Wilfrid , le troifiéme. Guil-
laume fait mention des Evêques de Hauguftad fie de Cafe-
Blanche , mais en avertiffanc qu'ils ne fubfilloient plus ; que de
tous les Evcchés du Northumberland fournis à la Métropole
d'Yorc , on ne connoifToit alors que celui de Lyndisfarne. Il cite
un fragment d'une Lettre d'Alcuin à Higebald , ou Hingebald ,
Evêque , ôc à toute la Congrégation de l'Eglife de Lyndisfarne ,
dans laquelle il témoigne fa douleur des ravages que les Payens
y avoicnt caufés, en fouillaiu les Sanduaires de Dieu , en répan-
dant le fang des Saints autour de l'Autel , 6c en foulant aux
pieds les faintes reliques. Alcuin leur promet fur la fin de la P'^i- -7f-
même Lettre de s'employer auprès de Charlemagne pour le
rachat des cnfans que ces Payens avoient emmenés captifs.
Guillaume parle cnfuitede la fondation del'Evêché de Dunelme
ou Durham , ôc de fes Evêques.
XIL II n'y avoir de fon tems d'autres Evêchés dans la Livre qua-
Province des Merciens que Worceftcr , Herfords , Lichfelds , '""g'"*^ ' ^'^^'
Cefler, Lcgcefler, Lincolne , ôc Cly. On voyoit dans ces Evêchés
des Monaftcres d'hommes ôc de filles. Il donne le dénombrement
des Evêques ôc des Abbés. Il ajoute un précis delà vie de faint ^'i- »7i>.
.Wlftan , Evêque de Worcefter , qui après avoir rempli les
devoirs de la vie Monaftique , ôc la charge de Prieur , fut élevé
à l'Epifcopat. Mais on l'a toute entière (a) dans le fécond tome
de l'Angleterre facrée, ôc au fixiéme tome de Mai {b) avec les
notes d'Henfchenius.
(«) Piig.i^t. . i (b-) Bolland. ad di-m ii Muii.
148 GUILLAUME DE MALMESBURI,
Vîe ie fa'nt XIIL Cette vie eft divifée en trcis Livres , ôc dédiée à Guarin ,
Wlfian. Prieur, & aux Moines de Worchefter , qui l'avoicnt engagé
à l'écrire. Perfonne avant lui ne l'avoit écrite ; mais on confervoir
les mémoires que le Moine Colemann mort en 1 1 1 3 avoit laiffés
en Anglois.Les actions du Saint ôc fes miracles étoient d'ailleurs
connus & atteftés par tant de gens de probité qu'il y auroit eu
de la témérité à les révoquer en doute. Colemann avoit été
Difciple de faint Wiftan , & fon Chapelain pendant quinze ans.
C'en étoit alTez pour connoître fes moeurs & le détail de fes
vertus. Guillaume eut donc ordre de travailler fur les mémoires
de Colemann , d'en fuivre l'ordre , ôc de ne rien ajouter du fien
aux faits rapportés par cet Ecrivain.
l<emarqi>-s XIV. Nous remarquerons fur cette vie que Wlftan dès le
fur cette vie, lendemain de fon Ordination dédia une Eglife fous le nom du
Lit. i, cap. -4. bienheureux Bede , voulant confacrer les prémices de fes
fondions Epifcopales en l'honneur de celui qui avoit été le
0.3, cap, 7. Prince de la littérature chez les Anglois ; qu'il recevoir avec
bonté les Pénitens qui venoientlui confeffer leurs péchés , pleu-
rant avec eux fur leurs fautes, fans les rebuter ; les exhortant à
ne plus retomber ôc à prendre conliance en la mifericorde de
Dieu ; ce qui lui attiroit des Pénitens de toute l'Angleterre , qui
n'ofoient ccnfefler leurs péchés à d'autres ; qu'aullitot qu il
apprenoit la mort de quelqu'un , il récitoit l'Crailon Domini-
cale ôc trois pfeaumes, f^avoir les 1 15, 1 29, i jo ; ôc qu'e.\cepté
r/id. cep. II. les Dimanches ÔC les Fêtesfolemnelles, il faifoit chanter chaque
léii. lai. i^. jour une Meffe pour les morts; qu'il changea en Autels de pierre
dans fon Diocèfe tous ceux qui n'étoient que de bois fuivant
l'ancien ufage du Royaume.
Yiiiehnt X. V, En parlant des Evêqucs de Schirbum OU Salisburi daP5
Ade'ime.Fv - Icfccond Livre des Evcques d'Angleterre, Guillaume de Mal-
quedeSchir- nicsburi ne crut point devoir entrer dans le détail de la vie de
faint Adelmc ; remettant à le faire , quand il auroit recouvré les
mémoires néceffaires. 11 fe donna à ce fujet tous les mouvemens
qui dépendirent de lui ; parcourut tous les Evêchéî d'Angle-
terre j ôc trouva en divers endroits de quoi exécuter fon deflein ,
fans recourir au Recueil de l'Abbé Fa •^'icius , qui lui paroifToir
fans autorité. Guillaume compofa non-feulement la vie de faint
Adclme, il recueillit encore fes miracles, ôc fit uncdefcription
du Monaflere de Malmesburi, dont ce Saint étoit Fondateur.
C'eflcequi forme le cinquième Livre des gcfles des Evoques
d'Angleterre. 11 ne parut q[ue longtems après les quatre premiers.
ou DE SOMERSET,ôcc. 14^
Dc-là vient, que les exemplaires manufcrits en font très-rares;
au lieu qu'il y en a beaucoup des quatre autres.
XVI. Dom Mabiliou a publié la vie de laint Adelme dans la ^^"'°'" ^'
■ 1 • / * ,' / I i-i / / I- 1- • X • cette Vie.
première partie du quatrième iiécle Dcnediain ; mais tres-impar- u-Wton ,
faite , ôc telle qu'il favoit trouvée dans un manufcrit de la Bi- prxf.u. in
blioteque Cottonienne d'environ cinq cens ans. Henri Warton 'fà[r(^.Lindiiii
s'étantapperçu qu'elle ne contenoit gucres qucla huitième partie m. léyi.
de l'hiftoire du Saint, l'a donnée toute entière à la tête du fécond
tome de l'Angleterre facrée fur un manufcrit de Jean Fox. On
l'imprima en meme-tems à Oxfort dans le fécond tome des
Hiftoriens d Angleterre de Galeus. \^'arton ayant trouvé cette
édition plus correcle que la (ienne , en quelques endroits , mit
cescorredions fur une feuille féparée ; où il corrigea au(îi grand
nombre de fautes de Icdition d'Oxfort.
XVII. Guillaume a divifé la vie de faint Adelme en quatre Aaionsre-
parties. 11 fait voir dans la première qu'il étoit d'une nailfance ')i^''S"='4''f ,
•11/1 o >/ I-/V1W 11 A 1-1 „i l'.e laint Adcl-
iliuftre ; & que s étant applique a 1 étude des Arts libéraux 6c des me , ton. z ,
Belles-Lettres, il fut le premier de l'Angleterre qui s'apoliqua A?'- f<^'=-
à faire des vers en Anglois; qu'il écrivit grand nombre de Lettres Voyei tcm.
& compofa plufieurs difcours. Dans la féconde il fait le dénom- ^7,v'-&T)i-
brement des Monafleres fondés par faint Adelme , des privilèges
& des biens dont il les enrichit. Guillaume rapporte une épi-
gramme, ou, comme il l'appelle, l'épithalame que le Saint fit en
vers hexamètres latins, pour la Dédicace de l'Eglife des Apôtres
faint-Pierre & faint Paul. Il raconte dans la troiliéme les actions
merveilieufes qu'il fit étant jeune , & confirme ce qu'il en dit par
divers fragmens de fes Lettres ou de fes écrits. Enfin la qua-
trième partie eft employée à montrer les progrès du Monaflerc
de Malmesburi , ôc les évcnemens confiderables fous îes Abbés
qui l'ont gouverné fucceffivement jufqu'en 1 laj , quatre cens
feize ans depuis la mçrt de faint Adelme.
XVIII. Galeus a publié deux autres écrits de Guillaume de Autre«çcriti
Malmesburi , l'un intitulé , de l'antiquité de l'Eglife de Gladon , '^^ ^yiH^'ume
à Oxfort en 165) i , dans la colledion de quinze Hiftoriens ùuri. '
Anglois; l'autre eft une Lettre de Guillaume à Pierre, Moine
de Malmesburi. Elle fe trouve à la tête des cinq Livres de Scot
Erigene , qui ont pour titre : delà divifion des natures, imprimés
en la même Ville en 1 68 1 , in-fol. P .
X I X. Ce n'eft là qu'une partie des ouvrages de Guillaume Guii aume
de Malmesburi; il s'en trouve beaucoup d'autres dans les Bi- °"' nom pai
blioteaues d'Angleterre, que l'on n'a pas encore rendu publies. °' " "
T iii
enc.o:e etc.
i no lime s...
ijo GUILLAUME DE MALMESBURI,
Lelancl. c.ip. Voici ce qui en efl: dit par Lelande , Baleus & Pitfeus : quinze
1^6. Baleus , Livres en vers de différentes efpeces fur les Evangiles ; quatre
"'""prf-'uj ' Livres de Commentaires fur les lamentations de Jéremie ; quatre
pag. I09. ' Livres des miracles de la fainte Vierge ; un Recueil des miracles
Lavus , ad an. ^q f^^^t André & des Saints du Pays ; l'abrégé de l'hiftoire
^^1° 'ho2is d'Aymon , Moine de Fleuri , depuis Juftinien jufqu'à Charle-
Gakus ,prœ- magne ; la généalogie de Henri IL Roi d'Angleterre; Titine-
/jr. ad I? , j.gjj.g jg Jean, Abbé de Malmesburi, ou fon voyage à Rome
criptor. ng. ^^g^, pjg^^g ^ Moine de fon Monaftere; les antiquités du Mo-
naftere de Gleffobourg ; vie d Lidracl , Roi d'Irlande; vies de
faint Patrice, de faint Bénigne ôc de faint Dunftan ; hiftoire des
Wgdenes , ou Wugdenes ; plufieurs Lettres ôc plufieurs Ser-
mons ; trois Livres de Chroniques ; l'abrégé des Livres des
Offices Ecclefiadiques d'Amalaire dédié à un de fes amis
nommé Robert. Pierre AUix en a fait imprimer la Préface à la
fin de celle qu'il a adreffée à Jean de Paris fur la manière dont
le Corps de Jefus-Chift eft dans l'Euchariftie , à Londres en
1^85. Guillaume y parle ainfi : Si vous voulez fçavoir ce que
fignifieles différentes parties deiaMeffe, lifez ce qu'en a écrit
en vers Hildebert , Evêque du Mans , ôc enfuitc Arciievêque de
Tours. Si vous êtes curieux de connoître les diverfes fignifica-
tions des ornemens facrés , vous les apprendrez dans les difcours
d'Yves de Chartres. Ces deux Evêques étoient très-verfés dans
l'intelligence de ces fortes de matières , ôc les ont très-bien
expliquées. A l'égard des Offices Divins, nous n'avons rien de
plus profond que ce qu'en a écrit A malaire.
Jugement X X. Guillaume eft de tous les Hiftoriens Anglois celui qu'on
des écrits de eftimc le plus, foit pour fa candeur ôc fon exaftitude dans le
Maîmeîbifri^^ récit des évenemens ; foit parce qu'il n'en eft point parmi' les
anciens de fa Nation qui nous ait donné une plus longue fuite
d'hiftoire. Il eft prefque le feul (a) qui ait rempli les devoirs
d'un Hiftorien. C'eft cequeditSavilledans l'Epîtredédicatoirc,
à la tête de l'édition des œuvres de cet Ecrivain , imprimées à
Londres en i 5915, ôc à Erancfort en \6o\ in-fol. chez Claude
Marnius. Henri Warton ne laiffe pas de fufpetter quantité de
chartes du Monaftere de Malmesburi , inférées par Guillaume
dans fon hiftoire des Evoques d'Angleterre-, furtout celles qui
exemptent ce Monaftere de la Jurifdidion des Evcqucs. Mais ce
( j ) E noftris propc l'olu.s Hilloritiii 1 ad EUfiibeth-ini Rf^ina:/:,
Biuiius explefTe vàdetur, Savil. in epijl, j
ou DE SOMERSET, &c. ifv
qu'il dit fur ce fujet n'attaque point la bonne foi de Guil-
laume, ôc prouveroit tout au plus que cet Auteur a employé
quelquefois des monumens qu'une critique épurée lui auroit fait
rejetter , s'ils font fuppofés , comme le dit "Warton ( a ).
XXI. Suit dans la colle£lion des Hiftoriens Anglois , par Hem-i de
Henri Saville, l'hifïoire des Anglois par Henri, Archidiacre Hungtingto».
de Hungtington , auparavant Chanoine de Lincolne. Il l'écrivit des" An^ioiT
à la prière d'Alexandre , Eveque de cette Ville , & la divifa en edh.S.ivil.an.
huit Livres , qui commencent à l'entrée des Saxons ôc des ^îséiO-iéoi,
Anglois dans la Bretagne en 4.4P , ôc finilTent à la mort du Roi
Eftienne en 1 1 j ]. Pour donner une introduction à fon hiftoire ,
Henri employé le premier Livre à celle des Empereurs Romains
depuis Jules Cefar , le premier qui déclara la guerre à la Grande
Bretagne, julqu'à Theodcfe le jeune qui perdit le pouvoir que
fesprédéceffeurs avoienteu fur ce Royaume. A ces huit Livres
l'Archidiacre de Hungtington en ajouta quatre (è) qui n'ont pas
encore vu le jour. Le neuvième traite des Saints d'Angleterre ôc
de leurs miracles. Le dixième a pour titre : de la fublimité des
chofes. L'onzième contient des fatyres ôc des épigrammes. Le
douzième , des Hymnes facrées ôc autres pièces de poëfie.
Dans la Préface qu'il écri^'it en 1155 , il traite de la lin du
monde. Cette Préface efl fuivie d'une Lettre au Roi Henri ,
contenant la fuite des Rois ôc des Empereurs , des Juifs , des
' Affyriens, des Perfes , des Macédoniens ôc des Romains jufqu'à
fon tcms ; puis d'une autre Lettre à Warin le Breton touchant
l'origine des Rois Bretons depuis Brutus jufqu'à Cadwalladrus ,
dont il n'avoir rien dit dans fon hiftoire , parce qu'il n'avoit alors
aucun Mémoire fur ce fujet. Il en trouva depuis au Bec dans le
Livre de Galfrede Arthur ; ôc c'eft ce qui lui donna occafion
d'écrire cette Lettre.
X X 1 1. Il y en a une troifîéme adreffée à Vautier , Evêque de Lettre de
"Winchefter , ôc intitulée: du mépris du monde. Dom Luc !1^"". '^^
1. * 1 • o TT • wrr i> I II- TT • Hungtington,
d Achericc Henri Warton 1 ont rendue publique. Henri pour :om. s, Spi-
s'imprimcr à lui-même ôc à fon ami le niépris des biens , des "-''^' f^S-
honneurs, des plaiiirs du monde , propofe piufieurs exemples l^^ An^/fZ'.
d'Evêques, de Princes, de Miniftrcs d'Etat , de Dignitaires pi'g.6?^.
Ecclcfiailiques , de grands Seigneurs , qui après avoir vécu dans
le luxe ôc fatisfait leurs pallions , leur avarice , leur cruauté ,
(.<t) V/annn prxfat in i tom. Angl.fav. f ( J) îVarion uhifup.pag. t?»
t^2 GUILLAUME DE MALMESBURI,
leur cupidité , leur gourmandife , font morts miferablemenr ,
condamnés quelquefois à des fupplices infâmes. Il pafle de ceux
qui en punition de leur vie licencieufe ont fouffert une fin tra-
gique , aux Evéques qui ont vécu avec honneur & gouverné
fagement leurs Eglifes ; & dit , que leur bonne vie ne les a pas
difpenfés de la mort ; qu'il en fera de même de ceux qui vivoient
de fon tems. Ce qu'il conclut de tout cela , c'ciï que la mort
étant pour nous une Loi inévitable , nous ne devons point
nous attacher à la vie préfente , mais nous appliquer à nous
rendre heureufe la vie future , qui ne finira pas. Avant de finir
fa Lettre, Henri apprit la mort de Wauthier à qui il l'écri-
Ihii. par. voit ; au lieu donc de la lui envoyer , il envoya une épicaphe
r»». pour mettre fur fon tombeau. Elle eft en feize vers élegiaques.
Il y fait mention des épigrammes ôc de quelques pièces de
poëfie qu'il lui avoir adreiîées autrefois , & qui fe trouvoient dans
fon onzième Livre de Ihidoire des Anglois. Les vers en l'hon-
neur d'Elflede (û) , Reine des Merciens , & d'Alfrede , Roi
d'Angleterre , font partie du cinquième Livre. Henri rapporte
dans le troifiéme Livre les Lettres de faint Gregoire-ôc de fes
fuccefleurs touchant la miffion de fiint Auguftin en Angleterre.
Il eftaufii parlé dans le quatrième de la converfion des Angloi^.Lc
feptiémc donne un précis de la Croifade fous Urbain II. de forte
qu'on peut regarder l'ouvrage de Henri de Hungtington comme
une Hiftoire Civile ôc Ecclefiaftique de l'Angleterre. On lui
attribue encore un opufcule fur la Province de Bretagne, dont
le manufcrit fe trouve dans la Biblioteque de Cantbrige ; & un
autre opufcule intitulé : de l'image du monde , & quelquefois
du défit du monde, ou des Evoques & des hommes illuftres de
fon tems ; mais ce n'eft autre chofe que la Lettre à "Wautier dont
on vient de donner le précis.
Simeon de X XI 1 1. Il a déjà été parlé plus haut de Simeon de Durham ,
Durham ou Moine Bénédidin ôc premier Chantre de ce Monadere. Jean
Dunelmc. Lelande qui en a écrit la vie , le met au rang des plus fçavans
de fon fiécle. Plein d'ardeur pour tranfmettre à la pofterité l'hif-
toire de fon Pays , il en fit une étude particulière , ne doutant
pas que ravagé par les guerres continuelles des Danois , il ne
manquât d'Hiftoriens ^ s'il ne prenoit le foin de mettre par écrit
les grands évenemens de fon tems, & de préferverdé l'oubli ce
qui s'étoit paflé dans les ficelés préccdens. Il fit fur cela des
ia) Edic. Sui'ilL fag. 3 54 > 3Îî.
recherches
ou B E S O M E R S E T, ôcc. in
recherches exa£tes , qu'il ne difcontinua point jufqu'à ce qu'il'
eût trouvé une fuite de Mémoires qui le mît en état de continuer
l'hiftoire des Rois d'Angleterre ôc de Dannemarc depuis l'an
73 1 , où le vénérable Bede avoir fini , jufques vers l'an 1 1 30 ,
cinq ans avant qu'Edienne s'emparât du Royaume d'Angleterre
après la mort de Henri I.
XXIV. Nous avons d'autres ouvrages fous le nom de Hiftoire ie
Simeon dans la colledion de dix Ecrivains Anglois, imprimée Du'rham tomi
à Londres en 16^2 par les foins de Jean Seldcn , chez Jacques i , Scriptor.
Flesher. Le premier , efl l'hiftoire de l'Eelifc de faint Cuthbert > ^"g-Londint,
veque de Uurham. (Quoique omieon dans Ion apologie, que i.
l'on a mife à la tête de cette hiftoire , dife qu'il l'a entreprife par
ordre de fes Supérieurs ôc de fes anciens; qu'il l'a compoféc
fut des Mémoires cpars ça ôc là^ après les avoir mis en ordre ;
que la Préface de l'ouvrage porte fon nom , ôc qu'il lui foit
attribué dans les manufcrits , il eft n<;an moins vrai que les
quatre premiers Livres font mot à mot les mêmes que ceux de
Turgot, Moine , ôc enfuite Prieur de Durham , comme cela fe
prouve par un manufcrit de 1 âge même de Turgot, ôc par plu-
fieurs circonftances marquées dans le troifiéme , qui ne con-
viennent qu'à Turgot ; mais que Simeon de Durham a fuppri-
mées , ou changées pour s'approprier l'ouvrage. On peut lire
là-delTus la préface du premier tome de Ja coUeclion deSelden.
II faut donc attribuer à Turgot l'hiftoire de 1 Eglife de Durham
depuis l'an 65 y jufqu'en io<?7 , ôc donner à Simeon la fuite de
cette hiftoire , depuis le facre de l'Evêque Ranulphe en lopp ,
jufqu'à l'Ordination de Hugues en 1 1 5'4. L'hiftoire de faint
Cuthbert, Patron de l'Eglife de Durham , ôc des donations faites
à Ton Eglife, appartient encore au Moine Simeon , de même
que la Lettre à Hugues , Doyen d'Yorc, où il donne la fuite des
Archevêques de cette Métropole, depuis Paulin en ^27 , jufqu'à
Roger qui gouvernoit cette Eglife en 11J4. Suit l'hiftoire du
Siège de Durham en 9 (5p fous Ethelred, Roi des Anglois, ÔC
Kined , Roi des Ecoffois.
XXV.. L'hiftoire des Rois d'Angleterre ôc de Dannemarc HiiloîreJes
par Simeon de Durham s'étend , comme on vient de le dire, Ro's'l'Afigle-
depuis l'an 731 jufques vers l'an 1 130; ce qui fait une fuite Dar.nemarc
d'évcnemens d'environ quatre cens ans. Ce que dit Simeon du p^g.se,
martyre dEthelbert ôc d'Ethelred vers l'an 6\6 , eft tiré du
vénérable Bede , de même qu'une partie de ce qu'il dit des
Rois de Nc-rthumberland ôc de Kent. Il fait entrer dans l'hiftoire
TomXXIL' V
•1^4 PIERRE ABAILLARD; ABBÉ;
des Rois d'Angleterre , celle de plufieurs Evêques du RoyaumèJ
& des difputes occalîonnées entre l'Empire & le Sacerdoce , au
fujet des inveftitures , des élettions Ôc autres droits refpedifs de-
Tune 6c l'autre puiflance.
Jean cî'Ha- XXVI. Jean , Prieur d'Haguftad , Monaflere de Be'nédiftins^
guftad. Hif- mais qui en i 113 fut cédé aux Clianoines Réguliers , continua
dVLn^feterr-'* l'hiftoirede Simeon , depuis 1 1 50 jufqu'en 1 1 ^4. Contemporain
jig' î57. ' des évenemens qu'il rapporte , on le regarde comme un Hiftorien
digne de foi.
CHAPITRE X.
P/ERRE Ab AILLARD 3 Abbé i & HeLO I S S Ey
Abbeffe dii Parader.
Pierre AhnH- I- T L cfl: peu d'hiftoire plus connue que celle d'Abaillard ôc
lard écrit lu'- J|_ d'Heloifife, ni qui foit plus intéreffante par la variété ôc la
même la vie. (],-,g,jlarit^ c]es évenemens. Elle a encore cet avantage qu'elle a
été écrite parAbaillard même (a ) , qui en rapporte ordinairement
les circondances avec affez de candeur , racontant fes mauvaifes
comme fes bonnes attions ; ce qu'il y avoit en lui de blâmable ,
ou de digne d'éloge. Il y a toutefois des endroits où il paroît trop
de paflion , & qu'on doit lire avec précaution.
ç -tr IL Pierre Abaillard naquit en 1 070 au Bourg de Palais à trois
oa nailliince, _^i o/- -o
fon cduca- licucs de Nantes en Bretagne. Son pcre fe nommoit Berenger ,-
non , fon a- ç^ f^ mcre Lucie. Ils fe réunirent à faire prendre à leur fils
fnoiir pour les ■ i t i i> i i • j
Lettres. une teinture des Lettres avant de J engager dans le parti des
armes. Pierre préférant l'étude à la gloire militaire, s'appliqua
particulièrement à la Dialetlique , & dans ledeflein de s'y rendre
habile , il parcourut diverfes Provinces, où il fçavoit que l'étude
de cet Art étoit en réputation. Un de fes premiers Maîtres , félon
Otton de Frifingue , fut Rofcelin de Compiegnc ; Abaillard n'en
dit rien ; puis il fe mit fous la difcipline de Guillaume de Cham-
peaux (b).
Il enfcigne 1 1 !• Pendant qu'il étudioit à Paris fous Guillaume ( c ), il s'en-
aMelun. w.^ ■ '■ ■ "
(a)Abxlard,epif{. i. I ^"^^ ^^'"'•
l.b) Abxlard, epift,*^ l
ETHELOISSE, ABBESSE DU PARÂCLET. ï;;
-fit: aimer d'abord par les faillies de fon efprit ; mais ayant enfuitc
■entrepris de réfuter quelques-unes de fes opinions, ôcaffedéde
le pouffer dans la dilpute , jufquà paroître l'emporter fur lui,
il devint odieux au Maître ôc aux Ecoliers. Alors plein de
confiance en lui-même , il alla , quoique jeune , ouvrir une
Ecole à Melun , qu'il transfera quelque tems après à Corbeil ,
•pour être plus près de Paris. Il eut un grand nombre de Difciples.
Son ardeur à fe rendre capable de les bien inflruire , lui occa-
fionna une maladie qui l'obligea d'aller reprendre fon air natal.
Après quoi il revint à Paris fe rendre une féconde fois Difciple
de Guillaume deChampeaux , qui tenoit alors fes Ecoles à faint
iViclor, où il avoit pris Ihabit de Chanoine Re'gulier. Ils eurent
•enfemble de fréquentes difputes fur les univerfaux. Guillaume
enfeignoit, que la même chofe eft effentiellement toute entière
<ians chaque individu. Abaillard foutenoit le contraire ; ôc fur
fes raifons , Guillaume changea de fentiment (a ). Cela fit
augmenter la réputation d'Abaillard , qui ouvrit de nouveau
■une Ecole à Melun , d'où il revint peu de tems après à Paris
s'établir fur le Mont de fainte Geneviève.
I V. C'étoit vers l'an 1 1 1 5 & dans la trente-quatrième année II ouvre un«
d'Abaillard. La réputation d'Anfelme qui enfeignoit la théologie Ecole a Pans.
à Laon , l'y attira. Il en fortit peu fatistait ; & de retour à Paris ,
il reprit fes leçons de Dialectique. Etant à Laon il avoit com-
mencé à expliquer la prophétie d'Ezechiel (b) , fans avoir aupa-
ravant étudié l'Ecriture fainte. Ses leçons fur cette matière
plurent à fes Ecoliers : Ils le crurent aufli habile dans l'intelli-
gence des Livres faints que de la philofophie.
V. En voyant augmenter fa réputation , il fe laifla aller à la liremariei
vanité , ôc lâcha la bride à fes autres pafTions. Chargé par un
Chanoine de Paris nommé Fulbert^ d'inftruire HeloîfTe fa nièce,
fille d'une beauté médiocre , mais de beaucoup d'efprit, ôc déjà
fçavante , qui outre la langue latine pofledoit la grecque ôc l'hé-
braïque , ils prirent l'un pour l'autre de l'amour , dont les fuites
furent la naiiïance d'un fils qui fut nommé Pierre ,ôc furnommé
Aftrolabe , ou Alhe brillant. Il fallut pour appaifer la colère de
i'oncle , époufer HeloïlTe. Elle s'y oppofa , ôc fit fur cela à Abail-
lard un difcours des plus éloquens (c ) , où elle lui faifoit voir,
iqu'en l'époufant il facrifioit fa fortune , foit dans l'Eglife qui
(il) Abœhrd epiji. i, 1 (c) i*«^.
{b) Ibid. {
Vi)
rf6 PIERRE A B AI L L ARD, A B B É;
pourroit récompenfer fon fçavoir par quelque Bénéfice confidë-^
rable , car il nétoit encore que Cler-c , mais Chanoine ; foit dans
le monde par la réputation que lui donneroient fes talens. Elle
concluoità ce quelle fut toujours fon amie & jamais fon époufc.
Toutes ces confiderations furent inutiles. Abaillard ne craignit
pas même les mauvais traitemens de l'oncle, que la nièce luî
iaifoitenvifager comme certains. Renonçant donc à fon Gano-
nicat, il époufa HeloïfTe dans une Eglife de Paris à PilTue de
Matines , en préfence de l'oncle & de quelques témoins affidés ;
& aufîltôt après la bénédiction nuptiale , ils fe féparerent.
Heloiife rcfla chez fon oncle j ôc Abaillard reprit fes leçons
publiques.
n fe fait VL Cependant ayant fçu que Fulbert maltraitoit fa nièce ^.
Moineafaint jj l'envova à Argenteuil , où il lui fit prendre 1 habit de Rdi-
gieufe , à l'exception du voile. L'oncle fe croyant trompé par
Abaillard, s'en vangea {a) , ç.ï\ le faifant mutiler , comme il
dormoit , par des gens qui trouvèrent le moyen d'entrer la nuit
dans fon logis. Abaillard reconnut les juftes jugemens de Dieu,
qui le punifloit par où il avoit péché ; ôc ne pouvant plus fup-
porter la honte qui lui en revenoit , il fe fit Moine dans l'Abbaye
de faint Denys , ôc Helo'ifle prit le voile à Argenteuil. Ce fut
l'Evcque de Paris , qui le bénit , ôc le mit far l'Autel. Hcloiffc
fortant du Chœur pour l'aller prendre ôc le mettre elle-même fur
fa tête , fut arrêtée par plulleurs perfonnes qualifiées , qui
eiïayerent de la détourner de fon delTein. Mais elle ne fe laiflâ
point, ébranler ; ôc malgré les larmes qui couloient de fes yeux
ôc les foupirs que fon cœur pouiToit , elle accompagna fon facri-
Hcc du récit des vers de la pharfalc de Lucain {h) , où ce Poëtc
reprefente Cornelie déplorant la mort du grand Pompée fon
époux, s'accufant de l'avoir rendu malheureux, ôc déclarant
qu'elle va s'en punir.
Abaillard en- VIL Abaillard nc fut pas longtems caché à faint Denys.
feit^iicdaBsun, Plufieurs Clcrcs Ô£ auttes Etudians vinrent l'y trouver, lui
Prifurc dé reprefcntant qu'étant dans le repos de la folitudc , il pourroit plus
pendant deS. . i., , ^ , j i a r- i i->- >-\
B^nys. facilement leur donner des leçons,ôc taire alors pour Dieu ce qu il
n'avoir fait étant dans le monde, que pour gagner de l'argent,
ou s'attirer de la gloire. Ils mirent dans leurs intérêts l'Abbé ÔC
les Moines de faint Denys , qui commençant, à fe laffer d'un
Cenfeur imponundc leur vie, furent bien ailes de s'en défaire»
ta) Ataiurd, lèid, J {^b ) l'hc.rfai, iib. i ,y. »<.
ET HELOISSE, ABBESSE DU PARACLET. 1^7
ïls l'envoyèrent à Deiiil , Prieuré dépendant de l'Abbaye.
Auiïîtôt que l'on fut averti qu'Abaillard y avoir ouvert uneEcole,
il lui vint un fi grand nombre d'Ecoliers ( a ) , qu'il ne fc trouvoit
pas dans le lieu affez de maifons pour les loger, ni de quoi les
faire fubfifter. Quoique fes léchons roulaiïent principalement fur
l'intelligence de l'Ecriture & la théologie, il ne laiiToit pas
pour contenter fes Difciples , de leur expliquer les arts libéraux.
C'ctoit comme un appas dont il fefervoit pour les conduire à la
connoiffancc des grandes vérités de la Religion. Telle étoit,
dit-il , la méthode du grand Origene.
VIII. Les Ecoles de la plupart des Villes , nommément de ^' ^,^ ^<'"*
Reims, le trouvant déferres j Alberic & Lotulphe qui en avoient condie'"de'
foin ,: s'élevèrent contre Abaillard ; & engagèrent dans leur Soiirons eiJ
parti, des Archevêques , des Evêques , ôc des Abbés. Leurs '"■'*
raiions étoient , qu'il ne convenoit pas à un Moine d'enfeigner
les Belles-Lettres ; & qu'à l'égard de la théologie & de lEcri-
turefainte, Abaillard étoit incapable d'en donner des leçons,
n'ayant jamais eu de ALaitre dans cette forte de fcience. Il fournit
lui-même un autre fujet de plainte par un Traité de l'unité de
Dieu & de la trinité des perlonnes , dans lequel , aux inftances
de fes Ecoliers , il expliquoit & prouvoit ces myfteres , plus par
des raifons de philofophie, que parles autorités de l'Ecriture &
des Pères , dont ils étoient déjà inflruirs. Abaillard Ôc fon Livre'
furent déférés au Légat Conon (b) , Evêque de Paleftrine , & à'
Raoul le Ver J , Archevêque de Reims , qui en conféquence le
citèrent au Concile qu'on devoit tenir à Soiiîonsen 1 121 , avec
ordre d'y apporter fon Livre. Il obéit ; ôc auffitôt fon arrivée à
SoiiTons , ilalla trouver le Légat , lui donnant fon Livre à exa-
miner , offrant de corriger tout ce qu'il y auroit de contraire à la'
foi Catholique. Le Légat lui ordonna de le porter à l'Archevêque'
de Reims , à Alberic ôc à Lotulphe , qui étoient Ces Accufateurs,
Le jugement du Livre fut renvoyé à la fin du Concile; ôc après
plufieurs délibérations entre les Evêques, on obligea Abaillard
de jetter lui-même fon Livre au feu , fans qu'on l'eût auparavant'
examiné.
I X. Quoique cité au Concile comme accufé d'erreur, on ne . Conâàiar^
faiffa pas de lui permettre de monter en chaire (c) chaque jour dansTe Cooj-
avant que les Pères s'alTemblaffent , ôc d'expliquer quelques cik.
(■a) Ahxiard, ep'd.t, \ (c) Ihïd^
Vil};
^j8 PIERRE ABAILLARD , ABBÉ;
points de notre croyance. Le Clergé & le Peuple en furent
édifiés , ôc n'y remarquant rien que d'orthodoxe , les Auditeurs fe
difoientl'un à l'autre: Voilà cet homme qui parle publiquement,
&c perfonne n'ofe lui rien dire : Ne feroit-ce pas que nos Evêques
ont enfin reconnu qu'ils font eux-mêmes dans l'erreur , & qu'il
a raifon ? Un certain jour ( a ) Alberic l'attaqua au fortir de la
prédication, 6c croyant avoir trouvé des propofitions erronées
dans fon Livre , lui cita entr'autres celle où Abaillard difoit , que
Dieu nes'eftpas engendré lui-même. Il demanda à Alberic le
tems d'expliquer cette propofition ; & celui-ci ayant répondu ,
qu'il vouloir non des raifons , mais des autorités , Abaillard lui
montra deux lignes après la propofition , un paflage de faint
Augufiin , qui difoit la même chofe. Alberic s'en retourna
confus.
OnluiJonne X. Après la Condamnation du Livre d'Abaillard , on lui fît
pour P" j" faire fa profeiTion de Foi , ce qui fe réduifit à lui faire lire tout
l'Abb3yG rie r ^ ^ ^
faint Mé'iar.1 ; liaut , le fymbolc de faint Athanafe ; puis on le mit lui-même
puisonleren- g^tre Ics mains de Geoffroi , Abbé de faint Médard, pour le
Denys^ '"" tenir enfermé dans fon Cloître. Cet Abbé & fes Moines le
reçurent avec joie & le traitèrent avec honneur , dans l'efperance
qu'ils le garderoient quelque tems. Mais il n'y demeura que
quelques jours , 6c le Légat le renvoya à faint Denys. Abaillard
y retrouva les Moines ( b ) qu'il s'étoit rendus odieux en cenfurant
leurs moeurs. Mais il ne fut pas longtems avec eux , fans les
irriter encore davantage , au fujet de l'hilloire de faint Denys
i'Aréopagite écrite par l'Abbé Hilduin. Comme il avoir lu dans
Bede que faint Denys I'Aréopagite avoit été plutôt Evêque de
Corinthe que d'Athènes , il foutint cette opinion , d'où il fuivoit,
que celle d'Hiiduin , qui le faifoit Evêque d'Athènes , étoit
faufle ; ôc que cet Abbé n'avoit pas mieux rencontré en faifant
faint Denys I'Aréopagite Apôtre de la France. L'Abbé Adam
informé de cette difpute , menaça Abaillard de l'envoyer au
Roi pour en être puni. Il s'offrit de fubirla pénitence régulière,
au cas qu'il fut coupable ; mais fa foumiffion n'ayant pas appaifé
les efprits , il fc fauva de nuit ôc fe retira à Provins fous la pro-
te£tion deThibaud , Comte de Champagne.
{) fonde le XL Abaillard effaya envain d'obtenir de l'Abbc Adam de ne
fàfidct, pjyg retourner à faint Denys; mais l'Abbé Suger(c) fon fuc-
ia) Epift. I. ICC) ii>'d.
ib)Ep,iJl.i,
ET HELCISSE, ABBESSE DU PARACLET. ifp
cefTeur, lui accorda de fe retirer en quelle folitude il voudroit,
pourvu qu'il nefe fournit à aucune Abbaye. Ilchoifitun endroit
proche de Nogent-fur-Seine , dans le Diocèfe de Troyes, y
éleva une Chapelle avec des joncs ôc des branches d arbres, la
dédia à la fainte Trinité ; & s'y étant bâti pour lui-même une
cabane , il y fixa fa demeure accompagné d'un feul Clerc. Ses
Ecoliers l'ayant appris , accoururent auprès de lui , fe logèrent
comme ils purent fur le bord du ruiiTeau qui arrofoit cette foli-
tude ; ôc tirèrent une partie de leur nourriture des herbes que la
Campagne peut fournir. L'Oratoire étoit trop petit. Ils en bâtirent
un plus grand , avec de la pierre & du bois, qu'Abaillard nomma
Paraclet , à caufe des confolations divines qu'il avoit reçues en
ce lieu. Halton , Evéque de Troyes , lui permit d'y demeurer j
on dit même qu'il lui donna le terrein. Ce nouvel établilTemenc ,
ôc le grand nombre de Difciples qui lui venoient de tous côtés ,
déplurent à Alberic ôc à Lotulfefes Accufateurs dans le Concile-
de SoiiTons. Ils prévinrent contre Abaillard , faint Norbert ÔC
faint Bernard , qui avoient l'un ôc l'autre une grande autorité
dans le monde , ôc lui fufciterent tant d'ennemis , qu'il prit le
parti de fe retirer ailleurs.
XII. Il étoit dans cette penfée lorfqu'on lui apporta la IJ «1 ^aù
nouvelle qu'il venoit d'être choifi Abbé deiaint Gildas de Ruïs Hdoiir^"'^''
en Bretagne , au Diocèfe de Vannes. L'Abbé de faint Denys Puraciet. '*
confentit à l'éledion ; ôc Abaillard lailfant au Paraclet deux de
fes amis , alla prendre polTelfion de fon Abbaye {a). Elle étoit
en mauvais ordre , tant pour les revenus que pour la difcipline
régulière. Abail'ard n'entendoit pas la langue du Pays ; fes
Moines étoient indociles ; il ne pouvoit les remettre dans le
devoir que par fon exemple : ils ne vouloient pas le fuivre. Tout
cela lui faifoit regretter fon Paraclet. Mais ayant appris que les
Religieufes d'Argenteiiil , dont Heloïfle étoit Prieure, avoienc
été obligées de quitter ôc de céder ce Monallere à l'Abbé ÔC
aux Moines de faint Denys , il offrit à Heloïfle le Paraclet, où
elle fe retira en effet en i lap , fuivicde huit ou dix Religieufes
d'Argenteiiil. Abaillard vint fur les lieux pour les recevoir, ôc
les mettre en pofTefTion des biens qu'il leur donnoit. Telle fut
l'origine de l'Abbaye du Paraclet à qui l'on donna dans la fuite
de grands biens. Le confentement de l'Evêque de Troyes inter-
vint, ôc il y eut des Bulles de confirmation de la part du Pape-
C») Abalard, efijl..i.-
Aêo PIERRE ABAILLARD , ABBÉ;
Innocent II. & de plufieurs de fes fuccefîeurs. On y fuivit
d'abord la Règle de faint Benoit ; mais à la prière d'HeioiiTe ,
Abaillard leur en donna une particulière.
Abaîllard X 1 1 1. Il leur rendoit de fréquentes vifites ; ce qui ayant
condamne au .tJonné lieu à de mauvais bruits , il retourna en Bretagne , où il
Concile de > \ r j- ti ' • rr' t?
Sensenii4o S occupa a compoler divers ouvrages. 11 etoit repalle en France
Tom. ïo , avant Tan 1 1 4-0 , puifqull fut prefent au Concile qui fe tint à Sens
Concil. pcig. ]ç deux de Juin de cette année. Quelque tems auparavant,
■Guillaume , Abbé de faint Thierri , avoir remarqué plufieurs
■erreurs dans un de fes Livres.; dont les unes regardoient la fainte
Trinité ; les autres , le libre arbitre , le péché originel , le Sacre-
ment de l'Autel, & divers articles de la Foi, U en donna avis à
faint Bernard , qui avertit Abaillard avec tant de douceur ,
qu'il promit de le corriger. Mais fçachant que l'on devoit tenir
.dans peu un Concile à Sens, il fe plaignit à l'Archevêque des
invectives de faint Bernard contre fes Livres , & demanda qu'ils
fuflent tous les deux appelles au Concile. L'Abbé de Clairvaux
produifit le Livre de la rhéologie d'Abaillard , & les propofitions
gu'il en avoit extraites. Abaillard ne voulant point les défavouer,
ôc ne pouvant les jullifier , fut condamné. Mais il appella de la
Sentence , au Pape Innocent II. {a) qui confirma ce qui avoit
■été jugé par le Concile de Sens. Abaillard étrangement furpris
•qu'on l'eût condamné à Rome fans avoir été entendu , ne laifla
pas de fe défifler de fon appel ( 6 ). Il quitta aulTi le deflein d'aller
à Rome ; & fur les offres de l'Abbé de Cluni , il çonfentit à pafTer
le refte de fes jours en ce Monaflere. L'Abbé fe chargea d'en
demander l'agrément au Pape, qui l'accorda volontiers , & leva
les cenfures dont il avoit frappé Abaillard , en condamnant fa
doctrine,.
Aîort <rA- X l V. Son féjour à Cluni fut de deux ans , pendant lefquels il
bn:ii:ird tn édifia la Communauté par fcs exemples & par fes difcours. Il y
' '• '■* écrivit fon apologie , où il défavoue tout ce qu'il peut y avoir de
mauvais dans fes écrits ; ôc une confellion de foi fur tous les
;irticles que l'on avoit condamnés dans fes ouvrages. Quant aux
çirconflances de fa mort , Pierre , Abbé de Cluni, témoin ocu-
laire , ks a.rappor-técs dans une Lettre ( c) qu'il écrivit fur cefujet
à Heloïffe. Cette Lettre contient en fubftance , que rien n'étoit
femblable à l'humilité d'Abaillard , tant dans fes habits que dan?
(ç) Tom. ïo ,Condl.fig. 10:1. j (cj Fctrus ibid. epiJL 11.
l h ) Parus Clu/ùic. iib, 4 , cpijî. u \
ET HELOISSE , ABBESSE DU PARACLET. léi'
fon maintien ; qu'il obfcrvoit une égale fimplicité dans tous les
befoins du corps ; qu'il partageoit Ton tems entre la ledure &
la prière, ne s occupant que de méditer ou d'enfeigner les vérités
de la Religion ; quefe voyant réduit à l'extrémité , il fit d'abord
fa confeilion de foi , puis celle de fes péchés , ôc re^ut enfuite le
Viatique. L'Abbé de Cluni fit porter fecretement le corps d'A-
baillard au Paraclet , ôc le remit lui-même à cette Communauté.
Nous avons encore î'épitaphe ( a) qu'il fit pour mettre fur foa
tombeau , 6c l'abfolution qu'il lui donna après fa mort , comma
il ctoit d'ufage en ce tems-là. Dans l'épitaphe il l'appelle le
Socratedela France; le Platon d'Italie; le Maître & le modèle
de l'éloquence. Mais il relevé furtout en lui la fageffe qu'il fit
paroître , en mettant dans fes dernières années toute fa gloire à
vivre en Difciplede la Croix. Il mourut le 21 d'Avril 1 142.
XV. L'édition de fes écrits faite à Paris en 1616 chez Nicolas Ecrits d'A-
Buon i/z-4°. par les foins de r'rancois d'Amboife , Confeillcr ''-"Hard. Sas
,,„ ^ t n '/• ■" I • ^ r Lettres.
G Etat, commence par une rretace apologétique, ou ce Içavant
Magiftrat s'eft eflx)rcé de rétablir la mémoire d'Abaillard ^ fiéttie
par fes ennemis ; ôc de montrer combien il s'eft rendu utile à
î'Eglife , foit par fes leçons publiques , foit par fes écrits. Il ne
didimule ni fes fautes ni celles d'Keloifie ; mais il n'oublie pas
aufTi de faire remarquer qu'ils les ont l'un ôc l'autre effacées par
une fcvere pénitence ; que fi elle parut plus tardive dans
Heloïfle , ce ne fut pas une raifon d'en fufpetter la finccrité.
XVI. Apres cette Préface viennent les Lettres d'Abaillard Lettre d'A-
ôc d'Heloïfie. Il étoit encore dans l'Abbaye de faint Gildas en ^^^^^^"^ ^ "'
Bretagne , lortqu'un de fes amis lui écrivit pour chercher auprès EpUl. t , pas:.
de lui quelque confolation dans divers accidens fâcheux , dont ' > eàr.Pans
il étoit accablé. Abaillard perfuadé qu'en cette ôccafion les
exemples font plus efficaces que les difcours , répondit à cet ami
par un récit fort détaillé des fouffrances 6c des perfécutions qu'il
avoit eu lui-même à fupporter depuis fa jeuneffe. C'efi: pourquoi
on a intitulé cette Lettre : l'hiftoire des calamités d'Abaillard.
Elle comprend l'hiftoire de fa vie , depuis fa naiffance jufqu'aux
mauvais traitemcns qu'il recevoit de la part des Moines de faint
Gildas , lorfquil i'écrivoit.
XVII. Cette Lettre étant tombée entre les mains d'Heloifile , , ^^^^^ f I^«-
clleen reconnut ailcment le caractère, quoiqu elle n en eut point i^^rd.
reçu de lui depuis un grand nombre d'années , c'eft-à-dire , depuis Epjl. ».
Tome XXI h X
1(2 PIERRE ABÂILLARD,ABBÉ;
qu'il avoit fait profelTion de laReglc de S. Benoît en l'Abbaye de
S. Denys. Elle fe plaignit à lui même d'un Ci long filence, & qu'il
refufat à fon époufe les confolations qu'il accordoit à un ami. He-
loïfle ne luidiffimule pas qu'elle ne s'étoit faite Religieufe que
pour lui plaire. Mais penfant depuis plus chrétiennement ^ elle lui
témoigne qu'il devroit du moins ne lui pas refufer des Lettres
pour la porter à Dieu ôc à la pratique des règles de fon état ; ou
que s'il nelajugeoit pas digne d'en recevoir de fa part» il ne
pouvoit gueres fe difpenfer d'en écrire aux Religieufes du
Paraclet , qui étoient fes filles , & qui lui dévoient le Monafterc
qu'elles pofledoient. Faites-vous réflexion , lui dit-elle , à ce
que vous me devez ? Vous devez quelque chofe à toutes les
femmes qui vivent dans la pieté , & qui ont befoin de votre
fecours ; mais vos obligations font infiniment plus grandes envers
votre chère ôc unique. Votre profonde érudition ne vous permet
pas d'ignorer les foins empreffés que les faints Pères ont eus pour
les perfonnes de notre fexe ; combien de fçavans Traités ils ont
compofés pour les inftruire ôc les former dans la vertu ; combien
de fermons ôc d'exhortations ils ont prononcés pour les animer,
les encourager; combien de Lettres ils leur ont écrites pour les
confoler dans leurs affligions. Enfin lesVierges ôc les Veuves ont
toujours fait l'objet principal de leur vigilance ôc la matière de
leurs travaux. C'efl: ce qui fait que je m'étonne , que ni l'exemple
de ces grands Saints , ni le défir de plaire à Dieu , ni l'amour que
vous me devez , n'ayent pîi jufqu'à préfent vous engager à me
procurer la moindre eonfolation , ou par votre préfcnce , ou par
vos Lettres , quoique vous ne puilliez ignorer le befoin extrême
que j'en ai eu , non-feulement dès les premières années de ma
converfion où )'étois encore flotante entre le Ciel ôcla Terre,
•' entre Dieu ôc le monde, mais même depuis qu'étant toute à
Dieu , j'ai été accablée de douleurs ôc de chagrins , fans que
vous ayez paru y prendre aucune part.
Ltttred'A- X V I IL Abaillard répondit que fon filence n'étoit l'effet ni
loliVc.'^ ' ^' de fon oubli , ni de fa négligence , mais de h perfuafion où il
Epijl. j, étoit , qu elle pouvoir par fa vertu ôc fes talens , faire pour elle-
même ôc pour fes Soeurs tout ce qui étoit nécefTaire dans la
conduite de la vie. Mais , ajouta-t-il , fi vous croyez avoir befoin
de mes inftrudions, ducs-moi fur quelle matière vous voulez
que je vous parle, >l>c je tacherai de vous dire ce que le Seigneur
m'infpirera pour votre fandification ôc ce4Ie de vos filles. Il lui
ET HELOTSSE , ABBESSE DU PARACLET. f^j
demande, & à fes Religieufes, le fecours de leurs prières ; &
fait voir par divers exemples , combien celles des Vierges font
puiffantes auprès de Jefus-Chrid ; & celles des femmes pour leurs
époux. Il y avoit déjà quelques années que la Communauté
du Paraclet faifoit pour Abaillard à la fin de chaque Heure
Canoniale , une prière à Dieu tirée entièrement des Pfeaumes.
Il lui en envoyé une autre pour être récitée auffi à la fin de chaqup
Heure, afin qu'il fut délivré des dangers évidens où il étoit tous
les jours, de perdre la vie. Incertain du moment ni du lieu de
fa mort , il prie HeloïfTe de faire enlever fon corps ^ & de le
faire porter dans le Cimetière du Paraclet , afin que les Sœurs
ayant toujours devant les yeux fon tombeau , offrifient leurs
prières pour le repos de fon ame.
XIX. Au lieu des confolations qu'Heloïfle attendoit d'A- Lettre d'H»-
baillard, elle fut accablée de douleur par la nouvelle du danger |°^'^^- " A^^'^*
d'unc mort prochaine. Elle s'explique là-defTus d'une manière EpilL ^.
très-touchante ; ôc ne ménageant plus les termes , elle s'en prend
à Dieu , de tous fes malheurs. Mais revenant auflitot à des fen-
timens plus chrétiens , elle demande à Dieu la grâce de faire
une véritable pénitence de fes fautes. Elle entre dans le détail
de fes peines; & après s'être écriée avec l'Apôtre: Malheureux Rem. r.
que je Juis , qui me délivrera de ce corps de mort ; elle prie le Ciel ,
qu'elle puifle voir en elle l'accomplifTement de ce qui fuit :
Ce fera la grâce de Dieu, par Jefus-Chrijî Notre-Seigneur. Mais
elle s'en croyoit bien éloignée, 6c regardant fon cœur comme
attaché encore à la terre , elle avoue avec humilité , qu'elle
n'avoit que les dehors de la Religion. C'eft pourquoi elle prie
Abaillard de ne lui plus donner de louanges. Si vous croyez ,
lui dit-elle , qu'il y a en moi quelqu'ombre de vertu , craignez
qu'elle ne fe diiïîpe par un air auiïi dangereux que font les
louanges. Voulez- vous être la caufede ma perte ? Non je ne puis
croire que vous ayez afTez peu d'amitié pour moi , pour cxpofcr
mon falut en m'expofant à perdre l'humilité. Demeurez donc
toujours dans une fainte appréhenfion fur mon fujet : craignez
pour moi & pour mon peu de vertu , afin que cette crainte vous
oblige à me fecourir par de ferventes prières.
AX. On a blâmé Heloïffe d'avoir découvert dans cette LettretTA-
Lettre toutes fes foibleflcs ; mais c'étoit à fon mari qu'elle les loiffe.
découvroit , âc elle ne le faifoit que pour s'humilier du peu i^i'i'î. î-
de progrès quelle avoit fait dans la vertu. Gémiffant fous la dure
fcrvitude du corps, elle demandoit d'en être délivrée par le
Xij
i6^ PIERRE ABAILLARD , ABBÉ;
fecours de fes prières. Abaillard dans fa réponfe employa tout
fon fçavoir pour faire ceffer le trouble que fa première Lettre
avoit occafionné à HeloïlTe. Elle s'étoit plainte qu'en lui écri-
vant , il l'avoit nommée la première dans linfcription de fa
Lettre , au lieu qu'il devoit fe nommer le premier comme étant
au-deflus d'elle. Il fe jufiifie là-defTus en lui faifant remarquer ,
qu'étant devenue par fes vœux l'Epoufe de Jefus-Chrill , elle
étoit , fui vant que le dit faint Jérôme dans fa Lettre à Euftoquie ,
fa Dame & fa Maîtrefle. Prenant de-là occafioa dinftruire
HeloïJTe fur les devoirs d'une Epoufe de Jefus-Chrifl , il donne
une explication de ce qui elt dit de l'Epoufe dans le Cantique
des Cantiques, & en fait l'application aux perfonnes du fexe
confacrées à Dieu. 11 fait des reproches à HclcïfTe fur la trop
grande fenfibilité aux nouvelles qu'il lui avoit données des dangers
où il étoit de mourir ; ôc dit qu'il ne l'en auroit pas informée , Ci
elle-même ne l'avoit conjuré de ne lui rien cacher de l'état de
fes affaires. A l'égard des louanges dont elle fe plaignoit : Faffe
le Ciel , lui dit-il , que votre efprit ôc votre cœur s'accordent
avec les exprelTions de votre langue ! Si cela eft ainfi , votre
humilité eft fmcere. Mais prenez garde que vous ne cherchiez
les louanges par les mêmes voyes que vous fcmblez prendre
pour les éviter , & que vous ne rejettiez du bout des lèvres ce
que votre cœur fouhaite avec plus de palTion. Heloïlfe neceflbit
de plaindre le fort d'Abaillard ; ôc lui au-contraire , lui fait voir
que Dieu l'a traité dans fa mifericorde , plutôt que félon la
rigueur de fa juftice ; que Dieu en a agi de même envers elle ;
qu'ainfi ils dévoient l'un ôc l'autre le remercier de les avoir déli-
vrés des dangers de périr éternellement. Il repréfente à Heloïfle
qu'en reftant dans le monde elle n'auroit pu donner qu'un petit
nombre d'enfans ôc avec beaucoup de peine ; au lieu qu'étant
dans la Religion , elle élevoit pour le Ciel une nombreufe
famille. Il l'exhorte à réfifter de tous fes efforts aux tentations de
la vie préfente, dont elle -s'étoit plainte dans fa Lettre; ôc lui
donne tout au long la prière qu'il avoit compofée pour elle
& pour lui, en lui confeillant de la réciter chaque jour avec
attention.
Lettre d'He- XXI. Heloïffe pout obéïr à Abaillard ne lui écrivit plus
larii^* '^' ^^^^ î ^^ ^"'- ^^^ peines particulières , ni fur leurs infortunes com-
rpijl. 6. munes ; mais portant fes vues à quelque cliofe de plus utile ,
elle le pria de lui apprendre ôc à fes Sœurs l'origine de leur état ;
quelle autorité* ôc quel rang il avoit dans fEglife ; fur quels fon-
ET HELOÎSSE , ABBESSE DU PARACLET. 1 5j
démens il avoit étc établi , en quel tems il avoit commence. Il
efl: honteux , difoit-elle ^ à des Religieufes d ignorer toutes ces
chofes ôc d'embraffer une profellion fans la connokre. Une per-
fonne bien née dans le monde fçait la généalogie de fa famille ôc
d'où elle fort. Faut- il que nous en fçachions moins en Religion ?
Et notre état eft-il fi obfcur qu'on ne puiffe en connoitre les
commencemens ? Elle lui demanda encore une règle pour fa
Communauté. On y obfervoit celle de faint Benoît comme dans
tous les autres Monaflcres de Filles ; mais Heloiiie ne la trouvoit
pas praticable en plulieurs points, pour les perfonnes de fon
fexe , à l'égard des habits , des chemifes de ferge, de la letlure
publique de TEvangile à Matines, de l'hofpitalité, des travaux
de la Campagne , de l'épreuve d'un an dans les Novices avant la
profellion ^ ôc de l'aufterité des jeûnes ôc de l'abftinence de la
chair. Ce feroit affez pour nous , dit-elle , eu égard à notre foi-
bleffe , fi en matière d'aufterité ôc d'abflinence nous faifions
autant que les Evoques ôc les autres Eccléfiaftiques , qui com-
pofent le Clergé ; fi , comme eux , nous confentions de garder
la chaftetéôcles jeûnes que l'Eglife ordonne. Elle cite encore
pour exemple à imiter les Chanoines Réguliers , qui n'étant pas ,
a ce qu'ils difent , inférieurs en matière de perfedion aux Moines,
portent néanmoins du linge , mangent de la viande , ôc n'ont
point d'autres aufterités , que celles du commun des Chrétiens.
Elle détaille les dangers du vin , mais elle ne laiffe pas de vouloir
en conferver Tufage à fes Religieufes en une quantité qui ne
puilTe nuire. Enfin elle prie Abaillard de régler encore l'Office
divin de façon qu'on ne foit pas obligé de répeter plufieurs fois
les mêmes pfeaumes en unefemaine, ôc de marquer comment
on devoir fe comporter touchant la lecture de l'Evangile à
Matines , fans qu'on foit obligé de faire entrer un Prêtre ou un
Diacre pour le chanter.
XXII. La réponfe d'Abaillard aux deux demandes d'He- lettre d'A-
loïffe forme deux Lettres. Dans la première il fait voir, que io,Ve.'^"' *^*
l'Ordre Monaftique , foit d'hommes, foit de filles, a reçu de Epift.?.
Jefus-Chrifl: fon établifiement , fa perfettion , Ôc toutes les
grâces qui l'accompagnent ; que le Sauveur a jette les fondemens
de l'état religieux , en aflcmblant fous fa conduite un certain
nombre de perfonnes de l'un ôc l'autre fexe , à qui il a donné
les règles d'une vie fainte, ôc les inftruttions nécefi"aires pour
rendre à Dieu ce culte intérieur ôc parfait qui forme les vrais
adorateurs ôc l'état religieux. Abaillard relevé tout ce qui eH '
X ii]
t66 PIERRE ABAILLARD , ABBEî
dit dans l'Evangile à l'avantage des faintes Femmes qui fer-
voient Jefus-Chrifl ; & ce que faint Luc dans les Attes , ôcfaint
Paul dans fesEpîtres, difent des Vierges & des Veuves, qui
faifoientprofeilîon de fervir Dieu par les fervices qu'elles ren-
doient à fes Miniftres , qu'elles entretenoient de leurs biens.
Enfuiteil montre par le témoignage des anciens HiftoriensEccle-
liaftiques , que le nombre de ces Vierges s'étant multiplié , on ea
vit dans prefque toutes les Villes fe réunir en une même maifon
pour y vivre dans les exercices de pieté ; que les Empereurs les
prirent fous leur protettion ; que les Evoques ôc les Dotteurs de
l'Eglife fe chargèrent volontiers de compofer des Traités de
dévotion pour les inftruire , ôc que leur état paffoit dans l'Eglife
pour fi refpedable, que l'on choififioit pour donner le voile à
une Vierge , les Fêtes les plus folemnelles ; ce qui ne fe faifoic
pas même pour la confécration des Evêques ; 6c que fi une fille
engagée dans le mariage , vient à changer de réfolution avant
que le mariage foit confommé , on lui permet d'entrer en Reli-
gion , & de répudier fon mari.
Lettre d'A- XXIII. La féconde Lettre eft la Reele même qu'Abaillard
loVr * ^' compofa pour la Communauté du Paraclet. Il dit dans la Préface
E'/iJl. 8. que les coutumes non écrites étant fujettes à de grands change-
mens , capables de défigurer entièrement une Maifon Religieufe,
il lui a paru néceflaire de mettre par écrit les règles qu'on devoit
fuivre conftamment en ce ?:ionaflere ; qu'il les a tirées des Com-
munautés les mieux réglées ; des inflrudions des Pères de
l'Eglife ; des maximes de l'Evangile , ÔC de ce que le bon fens
prefcrit de plus jufte & de plus raifonnable. Il met refl*entiel de
la vie Monaflique à vivre dans la chafleté , la pauvreté , l'obéïf-
fancc, le filence , la retraite; ôc après avoir dit beaucoup de
chofes fur ces vertus , il remarque qu'à l'égard de la diftribution
des Oflicines duMonaflerc, il faut s'en tenir à ce qui en eft
ordonné dans le foixante-fixiéme chapitre de la Règle de faint
Benoît.
Règle du XXIV. Venant au détail de la Règle du Paraclet , il donne
Paraciei, ^ jj Supérieure le titre d'Abbefie avec l'autorité fur toutes les
vJmcieres du r \ t in i /-> ii i -n i i
Monaftere. Officieres fubalternes , la Portière , la Celleriere , la Robbiere ,
l'Infirmière , la Chantre , la Sacriftaine. Outre les Religieufes
du Chœur, il y aura des Soeurs converfes, dévouées au fervicc
de la Communauté , mais qui n'en porteront point l'habit. On
choifira pour Abbeiïe , celle qui furpalfera toutes les autres en
pieté, en fagcfle , endotlrine, en expérience, ôc d'un ûge qui
ET HELOÎSSE , ABBESSE DU PARACLET. 1 67
foie comme un garant de la probité de fes mœurs. Il eil befoin
qu'elle ait appris à commander par une longue obciifance ;
qu'elle fçache bien la Kegle , non pour l'avoir entendu lire , mais
pour l'avoir pratiquée. On nechoifira pas pour Abbeffe une fille
de qualité, parce qu'ordinairement ces fortes de perfonne.s com^-
mandent avec trop d'empire ; ni dont la famille taffe fa réfidence
dans le Pays , à caufe des fréquentes vifites qu'elle occafionneroit ,
& qu'elle accorderoit en faveur de fes parcns des chofes qu'elle
devroit refufer. Mais on paflera pardeffus cette défenfc , s'il y
ctï a des raifons particulières & unenécel'lité indifpenfablc.
XXV. Chargée de la conduite des âmes , l'Abbeffe penfera Condintedc
fouvent qu'elle en rendra compte à Dieu. Elle n'aura aucune l'AbbeiIe.
diflindicn du relie de fes Sœurs quant à l'habillement & à la
nourriture ; mangera en un même Réfeâoire avec elles , ôc
couchera en un môme Dortoir , afin qu'elle fe trouve toujours
à la tête de fa Communauté ; qu'elle connoifle mieux les befoins
de fes Sœurs , ôc qu'elle y pourvoye. Elle fera fon principal foin
. du fpirituel de la Maifon. Les affaires temporelles Ôc extérieures
du Monaflere feront confiées à des Religieux qui auront avec
eux quelques Frères convers. Les Moines Prêtres diront la
Méfiée à la Communauté ôc lui annonceront la parole de Dieu.
Lorfqu'elle tiendra fon Confeil , il fera permis à chacune de dire
fon fentiment : mais on s'en tiendra toujours à la réfolution
qu'elle prendra, ne fut-elle pas bonne ; parce que tout ce qui fe
fait par obéïfiance efl: bien fait.
XXVI, Il devoit donc y avoir au Paraclet un Monaflere Religieux
double , l'un de filles , l'autre d'hommes , mais dans des enceintes |^p°"e 'lu M -
féparées pour ne pas contrevenir à la défenfe du feptiéme Concile naiiere.
général. Le Supérieur du Monaflere d'hommes avoir auiTi le
nom d'Abbé. Un de fes Religieux faifoit pour le Monaflere de
filles les fondions de Procureur , avec l'intendance de tous
leurs biens , foit à la Ville, foit à la Campagne , ôc pourvoyoit
à toutes leurs néceffités temporelles. Il étoit défendu aux Reli-
gieux d'avoir aucune familiarité avec les Religieufes , ôc d'entrer
dans l'intérieur de leur Monaflere. L'Abbé môme ne devoit
leur tenir aucune conférence fpirituelle qu'en préfence de l'Ab-
beffe. La Règle ordonne , que le Religieux chargé par [oa
Abbé du foin des affaires temporelles des Religieufes , ait aupa-
ravant l'approbation de l'Evêque ; que tant l'Abbé que les Reli-
gieux foient de môme Ordre que les Religieufes; que l'Abbé
iûit Supérieur des unes ôc des autres ; qu'aullitôt après fon élec-
i5S PIERRE ABAILLARD , ABBÉ;
tion , il fafTe ferment de fidélité en préfence de l'Evêque &c de la
Communauté , avec promeiïe de s'acquitter de la charge avec
toute l'équité pofiible ; que les Religieux en faifant leurs vœux ,
s'obligent aulii avec ferment envers les Religieufes , de ne jamais
fouffrir qu'elles foient moieilées ; qu'en outre ils promettront
obéiflance à lAbbelTe , 6c feront comme les Religieufes pro-
feiïion entre fes mains. On avoir établi la même choie dans
rOrdî-e de Fontevrault , ôc fournis les Religieux à la Jurifditlion
del'AbbeiTe.
Devoirs des XX VIL La Règle fait un détail de tous les devoirs des
Offitiere.. Officieres fubalternes , que nous avons nommées plus haut. La
Chantre avoit foin de la Blblioteque, d'où elle tiroir les Livres
dont les Sœurs avoient befoin, ôc les rcmettoit à leur place quand
elles les lui rapportoient. L'Infirmerie étoit difpofee de façon,
que les Religieux pouvoient y entrer ôc en fortir pour donner
les Sacremens , fans voir la Communauté , ôc fans en être vus.
La fépulture de l'Abbefle n'avoir rien de particulier , fi ce n'efl
qu'on la revétoit d'un cilice. Toutes les Otficines du Monaftere
étoient à la charge delà Celleriere ; & les aumônes commifcs
aux foins 6c à la prudence de la Portière. Elle ne pouvoir intro-
duire aucune peribnne du fexe dans la clôture, £ans la permiilion
expreffe de l'Abbeffe.
Ornemcr.s X X V î II. Il faut , dit la Règle , chercher dans les ornemens
ie l'Eglife. de l'Eglife , plutôt la propreté que la magnificence ; qu'il n'y ait
donc ni or ni argent ; fi ce n'eft un ou deux calices qui feront
feulement d'argent. Il n'y aura aucune image ni en bofle , ni
en peinture. Une Croix de bois toute fimple fera élevée fur
l'Autel ; elle en fera tout l'ornement ; fi l'on veut toutefois y
attacher une image du Sauveur , on le pourra. On fe contentera
de deux cloches , ôc à la porte du Chœur on mettra un bénitier,
afin que les Sœurs en entrant le matin à l'Eglife , 6c en fortant
le foir après Compiles , puilfe prendre de feau-bénite pour fe
purifier.
Office Divin, XXIX. On didribuera de telle forte les leçons de Matines ,
que dans le cours de l'année on life toute l'Ecriture faintc. Quant
aux Commentaires des Pères ou à leurs fermons , on les lira au
Chapitre ,ou au Réfectoire. Les 'Vigiles ou Matines fe commen-
ceront à minuit ; ôc les Laudes au point du jour. Pendant l'in-
tervale entre ces deux Ollices, les Sœurs prendront leur iomniciL
Les lectures fe feront dans le Cloître. A l'ilfue de Frimes on ira
au Chapitre lire le Martyrologe ; après quoi celle qui préfidc
fera
ET HELOISSE, ABBESSE DU PARACLET. \6^
fera une exhortation à la Communauté , ou la ledure de quelque
Livre ddiiiant. LafTembice (e terminera par la correclion des
fautes. Perfonne ne cachera les Tiennes , ni celles de fes Sœurs ,
quand elles ne s'en accuferont pas.
XXX. Il fera permis aux Reiigieufes de manger de la viande , N'ourriture.
mais feulement une fois le jour , & trois jours de la femaine, le
Dimanche , le mardi & le jeudi. On ne leur fervira qu'une por-
tion , ôc que d'une forte de viande; quelque Fête il arrive dans
le cours de la femaine , on ne changera rien à cet ordre. Au
défaut de viande, on donnera aux Soeurs deux portions, ou
dœufs, ou de légumes , ou de poiffon. A fouper elles n'auront
que des fruits. La nourriture pour tous les vendredis fera la
même qu'en Carême. Il n'y aura pas d'autres jeunes que ceux
que l'Eglife prefcrit à tous les Fidèles ; mais depuis les ides de
Septembre on ne fera qu'un repas par jour jufquà Pâques, oii
toutefois l'on fervira de la viande , à l'exception du Carême.
On permet l'ufage du vin en petite quantité, ôc avec un tiers
d'eau.
XXXI. Les Reiigieufes feront vêtues de noir pour les Habits de»
habits extérieurs. Delfous elles porteront quelques peaux d'à- l^'-'-S'^»''^'*
gneaux. Leurs voiles feront d'une toile , ou d'une petite étamine
noire : ce qui s'entend des Profelfes feulement, & non des
Novices , qui apparemment le portoient blanc. Pour diftinguer
entre les Reiigieufes celles qui avoient embralfé cet état étant
Vierges , d'avec celles qui étoient venues au IVlonaltere depuis
leur veuvage, on mettra fur le voile des premières une Croix
blanche faite avec du fil , alin que tout le montre connoiffe
qu'elles appartiennent plus particulièrement à Jefus-Chrift.
Toutes porteront fur leur chair une chemife de groffe toile, &
coucheront fur un matelas , avec des draps de toile. En hyver
elles porteront un manteau , dont elles pourront fe fervirla nuit
pour fe couvrir. Leur coëfî'ure fera fimple , & confilTera en un
bonnet de peau , un bandeau de toile blanche qui defcendra fur
le front , ôc un voile qui couvrira toute la tête. Jamais elles n'iront
nuds pieds, fous quelque prétexte que cefoit, même de mor-
tification.
XXXII. L'heure de la Mefle fera celle de Tierce. Si le MefTes ,
nombre des Religieux le permet, le Semainier fe fera afTifter Cimmunion,
d'un Diacre ôc d'un Sous-Diacre. S'il eft befoin de dire pluùeurs
Melles , on fera enforte qu'elles n'empêchent pas que l'Office
Divin fe fafie dans le Monafterc des Religieux. On prendra un
ToimXXIL Y
'570 PIERRE ABAILLART5 , ABBÉ;
des plus anciens pour communier les Sœurs après la Meffe ,
îorfque le Diacre & le Sous-Diacre fe feront retirés. Or les
Soeurs communieront au moins trois fois l'année , à Pâques ,
à la Pentecôte, ôc à Noël. Avant chaque communion , elles
pafferont trois jours en prières & en pratiques dhumiliré , ÔC
jeûneront au pain &, à l'eau. Le premier jour elles confèfferont
leurs péchés : les deux autres jours feront employés à la fatisfac-
tion de leurs fautes. Etant ainfi difpofées , elles s'approclieront du
Pain de vie. Après laMeffe, elles travailleront jufqu'à Sexte. Alors
elles iront dîner , à moins que ce ne foit un jour de jeûne : car en
ce cas il faudroit attendre après Nones , ou après Vêpres , fi c'étoit
en Carême. En tout tems on fera la ledure pendant le repas ,
jufquà ceque l'AbbcfTedife tout tiaut : c'eft allez. Aux jours de
jeûnes , le loir on ne prendra qu'un verre d'eau ; enfuite on lira les
collations de CafTien ; mais avant cette ledure , i\ c'cfl: le famedi,
l'AbbelTe lavera les pieds & les mains des Sœurs , alïiftée de
celles qui auront fervi à la cuifine durantcette femaine.
Etude Je XXXIII. Le dernier article de la Règle eft conçu en ces
l'Ecruure termes : puifque vous vous privez volontiers de toutes les vaines
^'"^' converfations qui ne font que delTccher le cœur , vous «m-
ployerez ce tems à Ictude de l'Ecriture, furtout celles à qui
Dieu a donné plus de talent , plus d'ouverture d'efprit, plus de
grâce pour s'énoncer , afin qu'elles s'mftruifent à fond de ce qui
regarde la pieté ôc la vie fpirituellc.
StatafsattTÎ- XXXIV. Ce fent là les articles principaux de la Règle
bues à He- drelTce par Abaillard , félon les manufcrits de Nantes ôc de faint
• Vidor. Mais celui du Paraclet en contient quelques autres qu'on
croit être d'Hcloiffe. Il en fera parlé dans la fuite.
Autres Let- XXXV. Viennent enfuite plufieurs Lettres tant d'Abail-
trcs d'Abaii- j^j-^j q^jç d'autres perfonnes de fa connoiffance. La première eâ
,17. ' ^' une Lettre de confolation de la part de Foulques , Prieur de
Deuil, fur l'infulte que Fulbert , oncle d'Heloïffe , avoit iàice
£.,in j^ à Abaillard. Il lui confcille de quitter le dellein qu'il avoit
d'aller à Rome, pour fe plaindre de ce Chanoine. Abaillard
étant un jour avec quelques Moines de faint Denys , ils tom-
bèrent fur un paiïagc du vénérable Bcde , qui dit , que f«int
Denys l'Aréopagite étoit Evêque de Corinthe : Voilà , leur
dit-il, un palfagc qui n'cll: pas favorable à l'opinion où vous
êtes , que le faint Denys Aréopagite , dont vous avez le corps ,
«ftoit Evêque d'Athènes. Cette réflexion ôc quelques difcours
qu'il tint fut le même fujet, mirent fes Confrères de mauvîii'fe
ET HELOISSE , ABBESSE DU PARACLET. 171
humeur contre lui : il prit donc le parti pour les ramener, d'écrire Epijl. >i
une Lettre contre ceux qui en s autorifant du témoignage de
Bede , foutenoient que faint Denys l'Aréopagite avoit été
Evêque de Corinthe. Il adrcfla cette Lettre à l'Abbé Adam &
aux Moines de faint Denys. Elle contient en fubflance, ou que
Bede s'cil trompé , ou qu'il a rapporté l'opinion des autres 6c
non la Tienne ; ou enfin que faint Denys l'Aréopagite après
avoir été Evêque de Corinthe , le fut aulfi d'Athènes , d'où faint
Clément l'envoya dans les Gaules pour y annoncer l'Evangile.
X X X V L Dans la troifiéme Lettre Abaillard combat un Epijl 3-;
certain Chanoine Régulier, qui élevoit beaucoup fes Confrères
au-deffus des Moines. Abaillard fait voir que ceux-ci ne font
point inférieurs à ceux-là , puifqu'on voit fouvent des Clercs
cmbrafTer la vie Monafliquc ; qu'après l'avoir embraffée , il ne
leur cfl plus permis de retourner à l'Ordre Clérical ; que les
Aîoines , choilis pour les fondions Cléricales , ne changent point
d'habits , au lieu que les Clercs en changent quand ils fe font
Moines ; que pluiieurs fois l'on a pris des Moines pour les faire
Evêques, & jamais de Clercs pour gouverner des Monafleres;
que faint Jérôme préferoit l'état des Moines comme plus
çarfait que celui des Clercs. lien donne encore d'autres raifbns.
X X X V I L La quatrième Lettre cfl contre un ignorant qui ^pifi- 4.
blâmoit l'ufage de la Dialedique. Abaillard le compare au
renard de la fable , qui ne pouvant parvenir à avoir des cerifes
qu'il voyoit fur un arbre , dit que le goût n'en valoit rien. Il
montre que les Percs de l'Eglife ont cru cet art néceffaire pour
l'intelligence de l'Ecriture ; & que fans le fecours de la Dialec-
tique , il ne feroit pas aifé de réfuter les fophifmes des héré-
tiques.
XXXVIII. Saint Bernard s'étant trouvé au Paraclet dans Epijf. y-*
le tems que Ton chantoit Vêpres , remarqua que la Supérieure
en récitant l'Oraifon Dominicale à haute voix , comme il fe pra-
tique dans l'Ordre de faint Benoît , dit : Donnez-nous aujourd'hui
notre pain fuperfubjîanûel , & non pas , notre pain quotidien. Il fit
là-deOus des remontrances à HeloïfTe , difant que c'étoit une
nouveauté dangereufe. Elle prouva par le texte grec ôc
hébraïque de faint Matthieu , qu'il falloit dire : Notre pain,
fuperfubjlantiel. Mais le faint Abbé infifla toujours fur ce que
l'on devoir s'en tenir à l'ufage de lEglife. Heloïffe donna avis
de cette entrevue à Abaillard , qui prenant fa défenfe écrivit une
Lettre à faint Bernard , où il dit, qu'on ne pouvoir le traiter de
Yij
172 PIERRE ABAILLARD,ABBÉ;
Matt.4 , iT, Novateur pour un terme qui eft de l'Ecriture ; & qu'étant dans
faint Matthieu , qui a rapporté l'Oraifon Dominicale toute
entière , on doit plutôt fuivre cet Evangelifte , que faint Luc ,
qui n'en met qu'une partie , ôc qui n'étoit pas préfent lorfque
Jefus-Chrift dicta cette prière , au lieu que faint Matthieu l'avoit
entendue de la bouche même du Sauveur. Abaillard ajoute ,
que l'Eglife grecque qui ce femble devroit fuivre la leçon de faint
Luc qui a écrit en grec , s'en tient néanmoins à faint Matthieu.
Venant aux reproches de nouveauté, il cenfure vivement les
coutumes de Citeaux , différentes de celles de l'Eglife univerfelle.
On y difoii ûi/e/uia même après la Septuagefime ; & à Matines
les jours de Noël , de Pâques & de Pentecôte , on récitoic
l'Hymne , Eterne rerum Conduor , au lieu de celles qui font
propres à ces folemnités. Ils séloignoient encore à Cîteauxdes
Rits communs de l'Eglife , en difant un Invitatcire ôc une
Hymne aux Ténèbres pendant la femainc fainte , ôc Gloria Patri
à chaque pfeaume. Si vous me répondez , dit- il à faint Bernard ,
que ces ufages font conformes à la Règle de faint Benoît , je
vous dirai auffi que l'Oraifon Dominicale en la manière qu'on
la récite au Paraclet , dans l'Eglii'e grecque ôc ailleurs , eft con-
forme à l'Evangile , dont l'autorité eft fuperieure à celle de faint
Benoît. Il ajoute , que les nouveautés défendues dans l'Eglife ,
ne font pas celles des exprellions , mais des fentimens contraires
à la foi; ce qu'il prouve par l'invention des termes de confub-
ftantiel , de perfonne , de Trinité , pour expliquer nos myfteres :
termes que l'on chercheroit envain dans les divines Ecritures.
Il dit encore qu'il y a une infinité de différences dans les coutumes
des Eglifes , même entre les Clercs ; qu'à Rome 1 Eglife de
Latran eft la feule qui conferve l'ancien Office ; qu'il en eft de
même de l'Eglife de Milan ôc de celle de Lyon , pendant que
ies Eglifes foumifcs à ces trois Alétropoles en font de differcns.
De tout cela Abaillard conclut qu'il eft libre à un chacun de réciter
l'Oraifon Dominicale en la manière qu'il jugera à propos.
F.pijl. 6. XXXIX. Sa fixiéme Lettre eft une exhortation aux Reli-
gieufesdu Paraclet^ de s'appliquera l'étude de l'Ecriture fainte,
à l'exemple de Lïta , de Blefille , ôc de plufieurs Dames Ro-
maines, qui l'étudioient fous la conduite de faint Jérôme. Il
rapporte une partie des préceptes ôc des confcils que ce Père
,leur donnoit fur cefujet , ôc leur dit qu'elles ne peuvent s'excufer
de ce travail , puifqu'elles avoient dans Helo'ilTe leur Abbeffe une
MaîtrefTe , de qui elles pouvoient apprendre le latin , le grec
ET HËLOISSE, ABBESSE DU PARACLET. 173
ÔC l'hébreu , langues néceffaires pour l'intelligence des Livres
facrés , mais qu'on négligeoit alors. C'eft pourquoi il fouhaite ,
que pour donner de Icmulation aux hommes ôc condamner leur
négligence à cet égard , elles s'appliquent avec fuccès à cette
fcience, qu'ils ont comme abandonnée. La feptiéme Lettre eft ^p'Jl. 7.
le panégyrique de faint Eftienne , premier Martyr. Abaillard
l'adrelTa aux mêmes Religieufcs du Paraclet.
XL. Suivent plulieurs Lettres de faint Bernard ôc du Pape Eyi". s ,
Innocent IL contre Alaillard & fa doftrine. Un jeune homme "J/^"^'- '*•
nommé Berenger , qui avoit été Difciple d'Abaillard , effaya de
le jullificr des reproches qu'on lui faifoit fur fa foi. jMais fon
écrit n'eft qu'un tilfu d'injures contre faint Bernard ôc les Evéques
du Concile de Sens , qui avoient condamné Abaillard. Guil-
laume II. Evcque de Nîmes , ritlà-delTus une réprimendefévere
à Berenger. Il reconnut û\ faute, écrivit à cet Evêque pour lui ^■pi'i- »7 G*
en demander pardon; reconnut la fainteté de la vie Ue faint '^*
Bernard , la pureté de fa do£trine , ôc témoigna qu'il ne vouloir
plus prendre la défenfe des articles objectés à Abaillard , parce
qu'encore qu'ils pulTent être pris en un bon fens , ils fonnoient
mal ; qu'il auroit même fupprimé l'apologie qu'il en avoit faite,
s'il n'y en eût eu un grand nombre d'exemplaires répandus par
toute la France ôc en Italie ; qu'il la condamnoit , ôc fe défiftoit
du deffein qu'il avoit eu d'en écrire une féconde. Le même Ejjf,'?. i^.
Berenger voyant que les Chartreux s'élevoient auffi contre Abail-
lard , les traita durement. Il en ufa de même envers un Moine
de Marfeille , que l'on ne connoît pas d'ailleurs. L'Evêque de
Nîmes l'en reprit encore. Berenger prétexta qu'il n'avoit écrit
contre les Chartreux , que pour fermer la bouche à des gens qui
làifoient profelllon de garder le filence. On a joint à la Lettre
qu'il leur écrivit un petit Traité en forme de Dialogue. On le p^g.. ^^g
croit d'Abaillard. Il roule fur l'origine du nom de Chrétien.
X L I. Quelque tems après la condamnation des erreurs F-i?. 10.
d'Abaillard dans le Concile de Sens , on répandit un écrit qui ,^''?"V"*
]• r -11 • 1 apoloirJed A-
contenoit dix-!ept articles de ces erreur," , comme extraites de h,:\\?id ,pa^.
fes écrits, ôc condamnées dans cette afl'emblée. Ce fut pour fe i>^'
jufliher fur tous ces articles , qu'il compofa fa première apologie
adreifée à tous les Fidèles. Il eut foin d'en tirer plulieurs copies,
6c de les répandre dans le monde. Il y déclare , i°. Qu'il déteOe
la propolîtion qu'on lui a attribué malicieufeinent , que le Pcrc
eft la pleine puiflance , le Fils une certaine puiflancc , ôc que le
Saint-ilfprit n'clt aucune puiflance ; qu'il crcit au contraire que.
Y iij
174 PIERRE ABAILLARD,ABBÊ;
le Fils ôc le Saint-Efprit font de la même fubftance que le Père ;
qu'ils ont une même puifTance , une même volonté. 2°. Qu'il
reconnoit que le Fils de Dieu feul , s'cfl: fait homme pour nous
racheter. 3°. Que Jefus-Chrift comme Fils unique de Dieu,
eft né de la fubftance de fon Père avant tous les fiécles ; & que
le Saint-Efprit , qui ell latroificme Perfonnede la fainte Trinité ,
procède du Père & du Fils. 4.°. Que la grâce de Dieu eil telle-
ment néceffaire à tous les hommes, que ni la nature , ni la
liberté, ne peuvent fuffirepour le falut ; parce qu'en effet c'eft
la grâce qui nous prévient , afin que nous voulions ; -qui nous
fuit, afin que nous puiiiions ; qui nous accompagne, afin que
nous perféverisns. ^^. Que Dieu ne peut faire que ce qu'il eft
convenable qu'il fade, ôc qu'il y a beaucoup de chofcs qu'il ne
fera jamais. 6^. Qu'il y a des péchés d ignorance , furtout quand
-ils font occafionnés par la négligence à nous inliruire de nos
devoirs. 7**. Que Dieu empêche fouvent le mal , fuit en pré-
venant l'effet de la mauvaife valonté , foit en la changeant ea
bien. 8°. Que nous avons contracté la coulpe ôc la peine du
péché d'Adam ; ôc que ce péché a été la fource 6c la caufe de
tous les nôtres, p". Abaillard confefie encore , que ceux qui ont
attaché Jefus-Chrift à la Croix , fe font rendu coupables d'un
grand péché. 10^. Que la perfedion de la charité , qui n'exclut
point une crainte chafte , telle que les Anges ôc les Bienheureux
l'ont dans le Ciel , a été en l'ame de Jefus-Chrift. 1 1*. Que la
puiifance des clefs fe trouve dans tous les Evèqucs , que TEglifc
reconncît pour tels, i 2**. Que tous ceux qui font égaux en amour
de Dieu Ôc du prochain , le font en perfection ôc en mérite.
I j°. Qu'il n'y a aucune différence entre les trois Perfonnes
divines , quant à la plénitude du bien 6c la dignité de la gloire.
14''. Il protefte qu'il n'a jamais penlé ni dit que le dernier
avènement du Fils pouvoit être attribué au Père. 1 5;°. Qu'il
croit que l'ame de Jefus-Chrift eft réellement ôc fubftantielle-
mcnt defcendue aux Enfers. i6°. Il déclare encore qu'il n'a
jamais dit ni écrit , que l'nttion , la volonté , la cupidité , le plaifir ,
ne font pas des péchés , ôc que nous ne devons pas fouhaitec
l'extinction de cette cupidité. 1 7*. Après avoir défavoué le Livre
des Sentences que l'on faifoit pafler fous fon nom , quoiqu'il
ne fiit pas de lui , il prie les Fidclcs de ne pas noircir fon inno-
.ccnce, en lui imputant des erreurs qu'il n'enfeignoit pas ; ôcde
donner un bon fens à ce qui leur paroitroit douteux dans fes
(dcrits. 11 y avoit , ce femble ; plus de légèreté que de malice dans
ET HELOISSE, ABBESSE DU PÂRACLET. 17;
les erreurs qu'on reprochoit à Abaillard. Du moins prend-il
Dieu à témoin , que dans tout ce qui faifoit la matière des
reproches de fes Accufateurs , il n'avoit rien avance ni par
malice ni par orgueil. Mais on ne voit pas bien comment il a pu
nier dans cette apologie , qu'il eût jamais dit que le Père efl la
pleine puiflance, le Fils une certaine puiflance , & que leSaint-
Efprit n'eft aucune puiflance ; puifqu'il l'aflure aiïez clairement
dans fon introduttion à la théologie [a). D'où vient que TAno-
nime, qui après avoir été fon Difciple devint fon Adverfaiie,
l'accufe de menfonge en cet endroit (b ).
X L n. Abaillard eut aufiTi grand foin de raflurer les Reli- , Seconde
gieufes du Paraclet contre les bruits fâcheux qui fe répandoient baiiiai-d!
fur fa dotlrine. Il leur envoya à cet effet une profeU'ion de Foi, Epiji. 17»
oppofée à toutes les erreurs qu'on lui imputoit. On jugera de ^'^^" 5°^*
ces erreurs par le défaveu qu il en fait. Je détefte , dit-il j
riiéref^e dei-abeilius ,qui fouten'oit que le Père , le Fils , 6c le
Saint-Efprit ne font qu'une même perfonnp, & conféquemment
que lePcre a été crucifié : d'où eft venu à fes Sedateurs le nom
de Patripafiiens. Je crois que le Fils de Dieu s'ell fait homme ,
en unifiant la nature divine & la nature humaine en une même
perfonne ; & qu'après avoir confciuimé par fa mort fceuvre dp
notre Rédemption , il eft reffufcité & monté au Ciel , d'oiÀ il
viendra juger les vivans & les morts. Je confeffe que tous les
péchés font remis par le Baptême ; que nous avons befoin de
la grâce , foit pour commencer , foit pour achever le bien ; àç.
qu'après être tombes , nous pouvons nous relever par La péni?
tence. Qu dl-il befoin de parler de la réfurrection de la chair^
purfque fi je ne la croyois pas , je me fhtterois envain dcrrç
Chrétien. 11 condamne encore l'hérefie d'Arius , fe déclare pour
la confubflantiaiiîé du Fils & du Saint-Efprit avec le Père,
reconnoiffant que le Pcre, le Fils , & le Saint-Efprit, ne fo,nc
qu'un feul Dieu , une même nature , une même puifTauce.
XL III. Abaillard fe voyant vivement attaqué par un CHa=. E^tH. xs,
noine de f'Egiife de faint Martin, qu'il ne nomme pas, le fît
connoître à Girbert , Evêque de Pari-s, pour un homme ,q,.uj
avoir ofé diffamer par écrit faint Robert d'ArbrifîèUes, & atta^
quer faint Anfelme avec tant d'impudence, que chafïé d'AngjLe^
terre par ordre du Roi, il eut peine à en fortir la vie fauve. j[|:
■(•«)P-if.. 99i & loSj. I (i; Tom, 4 , Bïbliot, Cijlercienfts,-.
1 FS- 13?»
^'6 PIERRE ABAILLARD , ABBÉ;
ajoute , qu'il fut encore chafTé de France pour fon arrogance ;
enfin que comme il n'étoit pas vrai Dialedicien , il ne pouvoit
non plus palFer pour vrai Chrétien , puifqu'il corrompait même
le fens des divines Ecritures par fes fauiles interprétations.
Ej;i/f. zi. XLIV. Pendant que plufieurs perfonnes flétriflbient la
réputation d'Abaiilard-, Ôt que pour arrêter les fuites de la
Sentence du Concile de Sens , il alloit à Rome pourfuivre fon
appel , Pierre le vénérable , Abbé de Cluni , le détourna de ce
voyage ; travailla avec l'Abbé de Citeaux à faire fa paix avec faint
Bernard , & l'engagea fou? le bon plaifir du Pape à pafTer le
refte de ft vie à Cluni. C efl: le fujet de la Lettre de lAbbé
Epijl.il- Pierre au Pape Innocent II. Abaillard étant mort quelque tems
après j Pierre écrivit cette f?.cheufe nouvelle à Heloïffe , mais en
lui donnant des motifs de confolation par le récit de la manière
édifiante qu'il avoit menée à Cluni jufquau dernier foupir. Il
joignit à cette Lettre l'épitaphe d'Abaiilard. Il en a été parié plus
haut. I'«Jous n'avons pas la réponfe d'Keloïfie à cette Lettre. Mais
dans une autre qu'elle écrivit à Pierre le vénérable, elle le prie
Epijî. 2^. de lui envoyer l'abfolution qu'il avoit accordée à Abaillard , afin
d'en fufpendre la fcedule à fon tombeau. Pierre l'envoya fignée
EpiJl. 15. de lui & fcellée de fon fceau. Il marquoit par la même Lettre à
HeloïnTe , qu auiïitôt qu'il en auroit l'occafion , il travailleroic
à procurer à Aflrolabe une Prébende dans un Chapitre de
Nobles. L'abfolution étoit conçue en ces termes : Moi Pierre ,
Abbé de Cluni , qui ai reçu Pierre Abaillard au nombre de mes
Religieux , ôc qui après avoir levé de terre fon corps fecret-
tement , en ai fait prélent à Heloiffe, AbbcITe duParaclet, ôc à fes
Religieufes , je déclare que par l'autorité de Dieu tout-puiffant
ÔC de tous les Saints , je l'abfous de tous fes péchés en vertu du
droit que me donne ma charge.
Commen- X L V. On a mis après les Lettres qui nous refient d' A bail-
tairesd'Abaii- j^^^j gj- d'Heloiffe , les Bulles des Papes en faveur de lAbbaye
ralfon^Domi- du Paraclet , ôc le Diplôme de Hugues , Archevêque de Sens ,
nicaie , les pour la fondation de l'Abbaye de Ponimeraye , dépendante du
fymboies des J}^^^^;!^^^ Suivcnt Ics Commentaires d'Abaiilard fur l'Oraifon
Apijtres Bc (le ... 1/-. 111 aa or i- • 1
S. Athanafe. Dommicale , l6 Symbole des Apôtres , ÔCiur celui qui porte le
nom de faint Athanafe. Il fuit dans le premier le texte de cette
prière telle qu'on la récite communément dans l'Eglife , fans
P-1I- 3î>. infiftcr comme il fait dans fa Lettre à faint Bernard fur la leçon
de faint Matthieu , qui porte : Donnez notre pain fupcrfub-
flantiel.
ET HELOISSE, ABBESSE DU PARACLET. 177
fi:anticl , au lieu de quotidien , comme lifoit faint Luc. Il
remarque fur le fymbole des Apôtres que perfonne ne tenoit un
enfant fur les Fonts de Baptême , qu'auparavant il n'eût recité
à haute voix l'Oraifon Dominicale & ce Symbole en prdfence
du Prêtre; ôc il prouve cet ufage par plufieurs Canons des P<^^' 3*'J
Conciles. Abaillard expliqua ce Symbole huit jours avant Pâques, ' ^'
c'eft-à-dire, le Dimanche des Rameaux ; mais on ne fçait en
quelle année. Tout ce qu'il dit dans cette explication cil con- >
forme à la Foi de lEglife , & peut fervir à le juftifier des erreurs
qu'on lui a attribuées fur le myftere de la Trinité. Il n'explique ^'^S- 3*^«
qu'en partie leSymbole deS.Athanafe; mais il en prend l'efTentiel.
X L V I. La Lettre qu' Abaillard avoit écrite à HeloïfTe , ôc Problcmed
Eiux Beligieufes du Paraclet , pour les exhorter à létude de l?i|j!^fj
l'Ecriture fainte, produifit fon effet. Elles s'y appliquèrent for- nvccles folu*
tement. Mais arrêtées de tems en tems par des ditiicultés , qu'il "°"= > F5-'
n'étoit pas aifc de réfoudre , elles en firent un recueil. Helo'ilTe ^^'*'
les mit par ordre , &c les propofa à Abaillard : d'où vient qu'elles
portent le nom de cette Abbelfe. On les a intitulées : problêmes.
Ils font au nombre- de quarante-deux ; quelques-uns fur les
Livres desP^ois ; d'autres furies pfeaumes ; le plus grand nombre
fur le nouveau Teflamenr. Abaillard y répondit avec autant de
jufteffe que de netteté , mais en peu de paroles, à moins que la
chofe ne demandât plus d'étendue. Ses folutions font tirées
ordinairement ou de l'Ecriture même , ou des Pères de l'Eglife ,
furtout de faint Auguftin.
XLVII. Quelques-uns ont douté que le L'ivre contre les LWrecontrt;
îiérefies fut d'Abailiard , parce qu'il ne paroît pas û éloquent que ^" litreiics,
fes autres ouvrages. Mais ils dévoient remarquer, que n'étant ''
<qu'un tiHu de pafTages de l'Ecriture , il n'étoit pas polTible à
i'Auteurd'y fuivre fon Ityle ordinaire. Il faut donc s'en tenir à
l'autorité des manufcrits , qui donnent ce Livre à Abaillard. Les
•premiers Hérétiques qu'il combat font les Manichéens , qui
admettoicnt deux principes , un bon ôc un mauvais. Ils difoient
celui-ci Créateur du Ciel que nous voyons , de la Terre & de
tout ce qu'ils contiennent. Abaillard les réfute par des paflages
de l'ancien & du nouveau Tefiament ; c'efl: la méthode qu il fuit
dans tout fon Livre ; il rapporte d'abord les erreurs de chaque
fede, puis il leur oppofe les témoignages de l'Ecriture. Il ne
dit rien là-defTus que d'autres n'ayent dit avant lui. Nous nous
arrête ons toutefois un moment fur ce qu'il enfeigne touchant le
Sacrement de f Euchariflie. Ceux qui de fon tems conteftoient
Tome XXI L Z
lyS PIERRE ABAILLARD , ABBÉ;
la préfence réelle , difoient que le pronom démonftratif hoc , ne
fe rapportoit pas au pain que Jefus-Chrift prit entre fes mains ,
mais à fon propre Corps. Abaillard fait voir que l'Evangile ne dit
nulle part , que Jefus-Chrift ait pris fon propre Corps , qu'il
l'ait béni, ôc donné à fes Difciples; mais que les Evangelilles
affurent , que le Sauveur prit du pain , le rompit en le béniflant,
& le donna en difant : Ceci ejl mon Corps. D'où il fuit évidemment
que le terme /zoc a rapport au pain , qu'il changea en fon propre
Corps par la vertu de fa toute-puifiance , & l'efficacité de fes
paroles ; comme il fît fortir du néant le Ciel & la Terre ,
lorfqu'il prononça ces paroles : que le Ciel Cf laTerre f oient faits.
Il montre que par l'inflitution-de ce Sacrement, Jefus-Chrift
a accompli la promefTe faite à fes Apôtres de leur donner fon
Corps à manger & fon Sang à boire ; mais qu'il a enveloppés
fous les efpeces du pain ôc du vin , pour ne leur caufer aucun
dégoût j êc ménager leur foiblefle. Il fe moque ue ceux qui
prétendoient que par ces paroles , ceci ejî mon Corps , il falloit
entendre la Doctrine Evangelique , fans laquelle il n'y a point
de falut ; en effet, Jefus-Chrifl: n'a pas dit : ma chair eft vérita-
blement d'entendre la parole de Dieu ; mais par l'opération
fpirituelle de la grâce, ma chair eft vraiment viande, ôc mon
Sang vraiment breuvage.
P^r. 474, XL VII I. Abaillard pafTant enfuite aux autres Sacremens,
irfeq. prouve que dans le Baptême , ce n'eft pas l'impofition des mains
du Miniftre qui fanftirte , mais l'invocation de la fainte Trinité
avec l'eau qui lave le corps , ôc à qui Jefus-Chrift donne la vertu
de laver l'ame ; que Jefus-Chrift en ordonnant le Baptême , a
compris dans ce précepte , les grands & les petits ; les adultes &
les enfans; les hommes ôc les femmes ; Ôc que l'efficacité de ce
Sacrement ne dépend point de la probité du Miniftre, parce que
Png. 478. c'eft Jefus-Chrift qui baptife. Il dit fur la Pénitence, qu'elle eft
compofée de trois parties j de la contrition du coeur , de la
confeffion des péchés, ôc de la pénitence impofée par le Prêtre
à qui on s'eft confeffé. Certains Hérétiques ne faifoient de ce
Sacrement ôc de ceux de la Confirmation ôc de l'Extrême--
Ondion , qu'une cérémonie qu'ils appclloient confolation. Selon
eux , les femmes comme les hommes pouvoicnt ladminiftrer.
Pag. 4S1, Abaillard prouve facilement, que le fexe n'a jamais été admis au
^/'î- Sacerdoce, ôc qu'on ne lui a confié l'adminiftration d'aucun
Sacrement , fi ce n'eft le Baptême dans le cas d'une nécclîité
ibfolue. Il réfute auffi ceux qui nioient laréfurredion des morts ,
ET HELOISSE , ABBESSE DU PARACLET. Î7>
l'utilitd de la prière pour les morts , ôc l'interceflicn des Saints
dans le Ciel pour les vivans.
XLIX. Son Commentaire fur l'Epître aux Romains eft . Commen-
divifé en cinq Livres , & chaque Livre contient l'explication de p/Jç .,""x RoJ
trois chapitres. Abaillard s'y applique principalement à dc've- maint , p.ir.
lopper le fens delà lettre; & pour en donner le fens avec plus ^^''
de fuite , il fe fert de paraphrafes. Dans la préface qu'il a mife en
tête, il traite en peu de mots des diverfes parties de l'Ecriture,
tant de l'ancien que du nouveau Teftament. Mais il donne
plus d'e'tendue à ce qui regarde l'Epître aux Romains. Haymon
d'Halberftat dans fon prologue fur cette Lettre , dit que ce ne fut
pas faint Pierre qui annonça le premier l'Evangile aux Romains,
mais quelqu'un des Juifs convertis , qui étoit venu de Jcrufalem
à Rome. Cet Interprète paroit en cela contraire à Eufebe , à
faint Jérôme, & aux autres anciens qui difent nettement que
les Romains ont reçu la Foi de faint Pierre. Abaillard tâche de
concilier ces Auteurs , en difant , que fuivant Eufebe , faint
Pierre eft le premier des Apôtres qui ait annonce à Rome la
doctrine de l'Evangile, ce qui n'empêche pas que d'autres qui
n'étoient pas du nombre des Apôtres , ne l'ayent annoncée avant
lui ; ôc que lorfque faint Jérôme dit que les Romains ont reçu
la Foi par la prédication de faint Pierre , cela a pu fe faire d'abord
par des Difciples de cet Apôtre, envoyés de fa part à Rome.
Dans le corps du Commentaire , Abaillard traite les grandes
queftions du péché originel , du libre arbitre , de la grâce, de la
prédeftination , & de la réprobation.
L. Dans le recueil des proportions extraites des écrits d'A- Remarques
baillard, qui furent lues au Concile de Sens & envoyées au ^"'' ^^. ^
Pape, celle-ci faifoit la huitième : Quand on dit que les enfans
contradent le péché originel , cela fe doit entendre delà peine
temporelle ôc éternelle qui eft due , à caufe du péché du premier
homme ; enforte que fuivant ce Théologien (a) , nous ne tirons
point d'Adam la coulpe du péché originel , mais feulement la
peine. Cette propofition n'étant point exatte , Abaillard la rétracta
dans le huitième article de fa première apologie ( 6 ) , où il recon-
noît que nous contractons en naiffant la coulpe ôc la peine du
péché d'Adam. Il rétracta auffi dans la même apologie ( c ) , ce
qu'il avoit dit dans ce Commentaire , que Dieu n'a pas donné
• plus de grâces à celui qui eft fauve, qu'à celui qui ne l'eft pas-,
(a) P.!.<. 5 SI. i ("c ) Pag. ôTlTé î 3^
( 6 ) Apotogii Abiehrd. p.ig, jji. (
oiu*
mentnirc
;,8o PIERRE ABAILLARD , AEBÊ;
avant que le premier eût coopéré à la grâce; que Dieu offre fa
grâce à tout le monde ; ôc qu'il dépend de la liberté des hommes
de s'en fervir , ou de la rejetter. Je crois , dit-il ( a ) , que la grâce
eft tellement nécelTaire à tous , que ni la nature, ni la liberté n3
peuvent (uffire pour le (alut ; quaulîi c'eft la grâce qui nous
prévient atinque nous voulions : qui fuit afin que nous puiffions ;
qui nous accompagne afin que nous perfeverions.
Sermons L I. Abaillard après avoir compoié à la prière d'Hcloiffe un
d'Abaiiiard, petit Livtc d Hymucs ôc de Séquences pour la célébration des
Vi- 1-9- Offices 6c des myfleres , fit à fes inllances ôc de fa Communauté
grand nombre de Sermons, oii fans affecter les ornemens des
pièces d'éloquence , il cî^plique avec netteté les paffages de
l'Ecriture qui ont rapport au myflere qui fait le fujet du difcours ,
ôc en tire des moralités très-folides. Ces difcours font difpofés
félon Tordre des Fêtes , en commençant toutefois par la Fête
de l'Annonciation , qui eft en effet la première par rapport à
l'économie du myflere de notre Rédemption. Le fuivant efl
fur la Fête de la ]\ai(fance de Jefus-Chrifl: félon la chair. Il yen-
a deux pour cette folemnité ; un pour laCirconcifion ; un pour
TEpiphanie ; un pour la Purification de lafainte Vierge ; trente-
deux en tout. Il les adreiïe ordinairement aux Vierges du
Paraclet. Dans le difcours fur la Fête de faint Pierre ^ il remarque •
que fEglife Romaine a la prééminence fur toutes les autres ,
même furcelledejérufalcm,àcaufe delà prérogative d'honncuc
que Jefus-Chrift a accordée à cet Apôtre au-deffus des autres
'Pàçt 894. Apôtres. Il cite dans le Sermon fur faint Paul les Lettres de
Pj Seneque à ctx. Apôtre comme autentiques. Ce qu'il dit de la ■
rencontre de tous les Apôtres au moment du trépas de la fainte
p ,, Vierge, eft tiré de faint Grégoire de Tours; ôc c'eft aulTi d'après
ce Pcre qu'il dit qu'elle a été enlevée au Ciel , ôc qu'elle y eft
en corps ôc en ame. Dans le Sermon fur Suzanne , il adrelfe la
parole , tant aux Pvcligieufes du Paraclet , qu'aux Prêtres qui
leur difoient la MefTc , ou les adminiftroicnt dans leurs maladies,
Fag.fi^- ôc les reprend févercment de quelques familiarités. Le difcours
fur faint Jean-Baptifte eft en partie une invective très-aigre contre
quelques Chanoines Réguliers ôc contre quelques jMoines ;
en particulier contre ceux qui gardant leur habit Monaftique
dans i'Epifcopat , yivoicnt d'une manière contraire à leuc
profefTion.
{a) Apclog, Abcdurd, pag. 331.
ET HELOISSE, ABBESSE DU PARACLET. i8i
LU. Le plaifir que les Difciples d'Abaillard trouvoient . Iftroduc-
dans la ledure de fes écrits philol'ophiques , comme dans les logie ^ Lg.
traités qu'il avoit compofés fur les Belles-Lettres, les engagea à ptj.
lui demander un abrégé de Théologie, qui les mît en état, non-
feulement de parvenir à l'intelligence des divines Ecritures ,
mais aulii de défendre les vérités de la Religion par la force des
raifonnemens humains , contre ceux qui l'attaquoient par la même
voye. Il fut quelque tcms à balancer ; mais enfin il fit ce qu'ils
fouhaitoient , ôc compofa le traité qui a pour titre , Introduçlion
à la. Théologie. On voit par le prologue qu'il ne penfoit à rien
moins qu'à innover dans la Foi ; qu'il n'avoit pas même defleia
d'en établir les vérités , mais uniquement de propofer fes opi-
nions fur la manière dont on pouvoit les défendre. C'efl pourquoi
il déclare être prêt de corriger les erreurs dans Icfquelles il
pourroit tomber , pourvu qu'on les lui démontrât ou par l'auto-
rité de l'Ecriture , ou par la force de la raifon.
LIIl. L'ouvrage eft divifé en trois Livres. Dans le premier Analyfe de
il traite fommairemcnt de la Foi , de la Charité & des Sacremens, 'i.^ Traite ,
qu'il croit ncceflaires au falut , comprenant lEfperance dans la ^^^^^j^^ '
Foi , ccmnie lefpece dans fon genre. 11 définit la Fci , la croyance
des cbofes qu'en ne voit pas,c'eft-à-dire, qui ne lont pas à la
portée des fens corporels. La Foi regarde le bien & le mal , le
préfent & le futur. L Elperance au contraire n'a pour objet que
les biens futurs, on la définit l'attente de quelque bien. 'Et la
Charité , un amour honnête dirigé à la fin que l'on fe doit pro-
pofer ; en quoi elle eft oppofée à la cupidité , qui eft un amour
honteux 6c desl^onnête. Quant au Sacrement, Abaillard le définit
un figne vifible de la grâce invifible de Dieu: Ainfi, lorfque
l'homme eft baptifé , l'ablution extérieure que nous voyons eft le
figne de l'ablution intérieure de l'ame. Ces principes pofés, il
vient à l'objet de la Foi , qui eft un Dieu en trois perionnes : Il
prouve l'unité de Dieu, fon immutabilité, la fimplicité de fa
nature , & la trinité des perfonnes , non-feulement par des
paffages de l'Ecriture ôc des Pères, mais encore par les témoi-
gnages d'Ariftote , de Platon , & des autres Philofophes payens.
LIV.Ne doutant point que cette faconde prouverles myfteres Livre feconcr,-
de notre Religion ne déplût à quelques-uns, il employa une ?ag.ioi,i.
partie du fécond Livre à juftifier fa méthode. Premièrement , par
l'exemple de faint Jérôme , ôc des autres Pères. Secondement ,
en montrant que la dialectique ne peut être qu'utile , même à la
^Religion , quand on en fait bon ufage. Troifiémement , en faifant ■
Z iij
i32 PIERRE ABAILLARD, AEBÉ;
voir qu'il eft avantageux , fur-tout quand on a affaire au.v Juifs ,
aux Payeas, aux Hérétiques, de leur prouver par des exemples
ôc des comparaifons , que ce que la Foi nous enfeigne n'eft pas
contraire à la railon. Il répond à ceux qui vouloient qu'on ne fe
fervk que d'autorités pour prouver les myfteres de la Foi , qu'un
Théologien, & même un (impie Chrétien, eft obligé de rendre
compte de fa foi , ôc Je montrer à ceux qui les conteftent, qu'ils
Pr.g. 1066. n'ont rien de contraire au bon fens ôc à la raifon. Cesoccafions
pouvoient en être fréquentes, parles diverfes erreurs que répan-
doient alors un Laïc nommé Tanquelme , en Flandres ;
Pierre de Bruys , en Provence ; ôc d'autres en Bourgogne, ôc en
différentes Provinces de France. Abaillard reprenant après cette
digreffion , la fuite de fon fujet , traite de la Nature divine , de la
diftinction des trois Perfonnes en Dieu , de leur co-éternité, de
la génération du Fils , Ôc de la proceiFion du Saint-Efprit. Il
prouve contre les Ariens , que le Fils eft confubftantiel au Père ;
ôc contre les Grecs , que le Saint-Efprit procède du Père ôc du
Pug. 10S7. F'ils , ôc que le terme FUioque a pu être inféré dans le Symbole,
pour donner une idée de l'unité de fubilance en trois Perfonnes.
Il compare la Sainte Trinité à un cachet de cuivre, ôc dit , que
comme la matière ôc la lîgure qui eft fur ce cachet , ne font
qu'une même fubftance , quoique la matière ne foit pas la figure ,
ni la figure la matière : de môme, quoique le Père, le Fils ôc le
Saint-Efprit dans la Trinité ne foient qu'une même fubftance, le
Fils néanmoins n'cft pas le Père, ôc le Père n'eft pas le Fils , ôc
ni l'une ni l'autre de ces Perfonnes n'eft le Saint-Efprit. On
reprocha cette comparaifon à Abaillard dans le Concile de Sens ;
ôc en eftet , elle n'eft pas jufte ; mais y en a-t-il fur cette matière
qui foit parfaite? L'exemple qu'il donne pour faire entendre
la co-éternité des Perfonnes, a quelque chofe de mieux , il eft
tiré de la lumière ôc de la fplendeur de cet Aftrc , qui exiftent
dans le même inftant que le Soleil même. Mais la manière dont
il diftingue la proceffion du Saint-Efprit , de la génération du
Fils , lui a attiré de grands reproches , comme s'il eût nié que le
Pa^. lûSj, Saint-Efprit fut de la fubftance du Père ôc du Fils. Il dit en effet ,
i- iqS6. que le Fils, parce qu'il eft engendré , eft de la fubftance même
du Père , étant la Sageffe même ; mais que fi l'on veut parler
proprement ôc avec précifion , on ne doit pas dire que le Saint-
Efprit eft de la fubftance du Père , quoiqu'il lui foit confubftan-
tiel , parce qu'il ne procède pas de lui par la voye de généra-
tion, comme le Fils, mais par voye d'amour. Quoique cette
ET HELOISSE, ABBESSE DU PARACLET. i8j
fac;on de parler ne foit pas exacte , & qu'elle femble Hworifet
l'Arianifme , on ne peut toutefois accufer Abaiilard de cette
erreur, puifqu'il la condamne en difant le Saint-Efprit confub-
ilantielau Père, ôc qu'il procède du Père comme du Fils. Ilavoit ".y. jss,
dit plus haut, qu'encore que l'attribut de Puiflance fe donne '^^*
fpécialement au Père, celui de Sageffe au Fils, ôc la Charité ou
l'amour au S. Efprit , ces attributs font néanmoins communs au
Père, au Fils ôc au S. Efprit, à caufc de leur nature (qui eft une, )
ôc que par cette raifon nous difons du Fils ôc du Saint-Efprit,
comme du Père, qu'ils font Tout-puiffans. L'erreur d'Abaillard
en cet endroit eft donc plus dans les termes , que dans le fens de
fa propofition ; ôc il n'y eft tombé que pour avoir voulu fubftituer
la fubtilité de l'Ecole aux façons de parler des Pères de l'Eglife, P^i- ^^^''•
qu'il reconnoît s'être exprimés autrement que lui.
L V.Dans le commencement du troifiéme Livre il fait voir qu'il Uvte troi-
eft bien plus avantageux à l'Univers d'être gouverné par un feul , fi^me , pag.
que par plufieurs ; ôc qu'en effet c'eft un feul Dieu qui l'a créé , ôc ' ''^*'
qui le gouverne , il cite fur cela le témoignage de Ciceron.
Traitant enfuite de la puifTance de Dieu , il dit : Qu'on ne doit
pas s'imaginer que Dieu foit impuiftant parce qu'il ne peut
pécher, puifque dans nous-mêmes, pouvoir pécher n'eft pas
puiOance, mais foiblefle. Quand on dit donc que Dieu peut tout,
ce n'eft pas qu'il puifTe tout faire ; mais qu'en tout ce qu'il veut ,
rien ne peut réfifter à fa volonté : Il ne peut faire des chofes injuf-
tes, parce qu'il eft la fouveraine J uftice , ôc la bonté même : Il eft
Tout-puifiant , non qu'il puifle tout faire , mais parce qu'il peut
faire tout ce qu'il veut , ôc il eft néceilaire qu'il veuille ce qui eft
convenable ; d'oij il fuit , que ce qu'il ne fait pas , n'eft pas conve-
nable. Abaiilard avoue que cette opinion lui eft particulière. Par, ms.
Saint Bernard s'éleva contre ces propohtions , ôc Abaiilard en
rétratta la doctrine dans fon apologie , où il déclare (a), qu'il
croit que Dieu ne peut faire que ce qu'il lui convient de faire ;
mais qu'il peut faire beaucoup de chofes qu'il ne fera jamais. II
traite après cela de Timménfité de Dieu , de fa fageCe , de fa
bonté , de fa fcience ôc de fa préfcience des chofes futures. Sur p j
quoi il dit : Qu'encore que Dieu ait tout prévu ôc préordonné ,
fa préfcience toutefois n'impofe aucune nécefTité à notre libre
arbitre , qu'il définit la délibération de l'ame par laquelle elle fe
propofe de faire une chofe , ou de ne la pas faire. Il enfeigne que
~— I I ■ ■ I I III I i ■ Il .^.^i^— ti n
(«) Pilg. 331.
1^4 PIERRE ABAILLARD , ABBÉ;
pag. 1131, cette forte de liberté ne convient pas à Dieu, mais à ceux-Ik
feulement qui peuvent changer de volonté , ôc prendre un parti
contraire. Ce qu'il dit fur l'Incarnation du Verbe, efl: entièrement
conforme à la foi Catholique. Ce troifiéme Livre eil imparfait.
Profe d'A- L V I. Il a été remarqué en parlant du Prologue d Abaillard
^iixT^ '^'^' fur fon recueil de Sermons , qu'il en avoitfait un autre d'Hymnes
ôc de Séquences , ou de Profes pour les Oiîiccs divins. On a
dans le Bréviaire ( a) du Paraclet plufieurs de fes Hymnes ; mais
nous ne connoiiîons de lui d'autre Profe que celle qui cft im^-
primée à la fin de fes (Euvres , ôc qui eft en l'honneur de la Sainte
Vierge. L'Editeur l'a tirée de VElucïdatorïum de Jofle Clithou,ÔC
juge par la facilité, 1 élégance ôc la grâce de cette Profe, qu'elle
peut être d'Abailiard.
Théologie L V 1 1. Il compofa plufieurs autres ouvrages qui n'ont vu le
^m% a«i?c- J^u"^ ^"^ depuis quelques années. Le plus confidérable eft celui
dq:. Manenn. qu'il a intitulé , Théologie chrétienne , divifé en cinq Livres,
fag. 114-8. Dom Martenne ôc Dom Durand qui l'ont inféré dans le cin-
quième tome de leurs Anecdotes , fur un manufcrit de
l'Abbaye de Marmoutier , ne doutent pas que ce ne foit
le même qu'Abaillard fut obligé d'apporter au Concile deSoif-
fons en 1 120 , ôc de jetter au feu de fa propre main : ou l'un des
<;leux qui tombèrent entre les mains de Guillaume de Saint
Thierri , ôc qui en tira plufieurs proj^ofitions qu'il envoya à
■llïL G eofîVoi , Evoque de Chartres, ôc à faint Bernard. On trouve
en efict dans ce traité plufieurs de ces propofitions , ôc d'autres
dans l'Introducbion à la Théologie , dont nous venons de parler,
ôc quicft fans doute le fécond des deux que Guillaume de Saint
Thierri avoir eu en mains. Il efl à remarquer que le pre-naier ôc
le cinquième Livre de la Théologie chrétienne , fe trouvent
prefque mot pour mot dans l'Introduction à la Théologie.
Analyfe Ju L V II I. Dans le premier Livre Abaillard examine ce que
.i>iemier Livre (--gf} q^g l;i difiindion dcs Perfounes cn Dieu, ôc ce que figni-
■^''^' "^" fient les noms de Père , de Fils ôc de Saint-Lfprit. Il rapporte fur
ces différens articles les paflTages de l'Ecriture ôc des Pères , auf-
quels il joint les témoignages des Philofophes, qui , félon lui,
font parvenus à la connoilTance de Dieu par les lumières de la
raifon , & font encore méritée en quelque forte , par la fobriété
de leur vie. Il préfère à tous les Philofophes, Platon ôc fesDif-
ciples, parce que félon le témoignage des faints Pères, ils ont eu
ia\ Notœ mI Hifior. Caldinii, AbixUrùi y'pa^, 1161,
plus
Fitg. 1 1 7 1 .
ET HELOISSE, ABBESSE DU PARACLET. lÊf
|)lus de connoiiïance de la Religion Chre'tienne, ôc exprimé
dans leurs écrits ie myilere de la fainte Trinité, reconnoiiïant un
Verbe né de Dieu , & co-éternel à Dieu, & une troifiénie Pcr-
fonne , qu'ils nomraoient l'Ame du monde. Il dit beaucoup
d'autres chofes à l'avantage des Platoniciens , dans le deflein de
montrer que leur dotlrineapprochoit de la nôtre. Il n'oublie pas P^^« "*«
ce que Valere-Maxime dit de Platon , qu'étant enfant, des
Abeilles vinrent fe pofer fur ù\ bouche , & y dégorgèrent du
miel ; d'où les Interprètes des prodiges inférèrent qu'il feroit un
jour très-éloquent. Abaillard va plus loin , ôr. regarde cet évé-
nement comme un préfage des myfleres dont il devoit faire part
aux autres. Aux témoignages des Philofophes il ajoute ceux
de la SybiUe , ôc de la quatrième lettre de Seneque à faint
Paul.
L I X. On trouva mauvais qu'Abaillard prouvât les dogmes Deixiém*
<le la Religion par l'autorité des Payens qui ne la connoilToient ,',^'7/ ^"^'
■pas. Il fe juftihe là-deiTus par l'exemple de faint Jérôme , qui
blâmé de ce que dans fes écrits il alleguoit les témoignages ôc des
Payens 6c des Hérétiques , fe juftifia lui-même , en difant , que
faint Paul avolt cité dans fes Epîtres Ephymenide ôc Menandre ;
■& que faint Hilaire s'étoit fervi des Verfions ôc des Homélies
^'Origene. Saint Jérôme fçavoit , dit Abaillard , que l'on trouve
quelquefois des grains de bled dans les pailles, ôc des perles fur
les fumiers , plus précieufes que fur les couronnes des Rois. Il Pa^. nojj
avance même, mais fans l'alTurer pofitivement, que tous les '-°'*'
Philofophes ont eu le don de la foi , ôc que les myfteres de la
Trinité ôc de l'Incarnation ont été révélés à quelques-uns d'en-
tr'eux : d'où il conclut, que rien ne nous oblige à defefperer du
falut de ceux, qui avant la venue du Rédempteur faifoienc
naturellement ce que prefcrit la Loi , fans en avoir été inftruits.
Il décrit la vie humble , fobre ôc laborieufe des Philofophes, ôc P^rg. tîof>
les vertus de quelques Empereurs payens; entr'autres, deTrajan, \',°/ ' '/'/ '
dont il dit que lequitéôc la juftice furent fi agréables à Dieu, ôc à
faint Grégoire le Grand , que ce Pape obtint par fes prières , que
i'ame de ce Prince, quoique mort fans Baptême, fortiroit des
Enfers ; c'eft ce qu'Abaillard a-voit lu dans la vie de faint Grégoire p,^., ,,j^,
par Jean Diacre. Il efi furprenant qu'ajoutant foi l\ légèrement à Voye/ro/n.
une hittoire fabuleufe , il ofe combattre le fentiment de faint i7,p.îi-4i4i,
Ambroife , qui connoiilant les bonnes œuvres que l'Empereur ''''"•
yalentinien avoit faites avant d'être reçu Cathecumene, alTuroit,
qu'encore qu'il fût mort fans Baptême , parce qu'il n'avoit pas eu pjg, j, j4i
Tome XX IL A a
ï8<5 PIERRE ABAILLARD ; ABBE*;
le tenis de le recevoir , il ne laifToit pas d'être dans le féjour des
Vc^. 1233, Elus. On ne doit pas être moins furpris qu'il ait cru , fur la foi de
Suétone, que Vefpaiien, avant d être Empereur , avoit fait des
Far. 1207. miracles. Enlin Âbaiilardfembie préférer la manière dont Platon
z parié de la création , à ce qu en a dit Moyfe.-
• ■ '"n-oiTiéme ^ ^- Dans le ^^ Livre il inveclive contre les Diale£liciens,
Livre , p„-^'. qui foutenoient que l'on pouvoir comprendre la nature de Dieu
**^^" par des railons humaines, & que l'on ne devoir pas croire ce qui
ne fe pouvoir prouver , ni défendre par la force de la raifon. Il
propofe la foi de l'Eglife fur l'unité de nature, ôc la trinité des
Vag. iij-s Ferfonnes en Dieu , 6c il s'explique là-defTus de façon à effacer
&'/'''2' tous les foupçons qu'il avoit fait naître fur fa doilrine touchant le
Saint-Efprit , dans fon Introdudlion à la Théologie. Il dit, que
les trois Perfonnes font égales en tout, 6c co-éternelles ; que le
Père n'eft pas autre chofe que le Fils 6c le Saint Efprit, c'eft-à-
dire , autre en nature , parce que chacune ( a ) des trois Perfonnes
efl; abfolument la même fubllance divine , quoique chacune per-
fonnellement foit ditlinguée de l'autre ; que la fubftance divine
efl: fimple,. exemte d'accidens ôc de forme , n'y ayant rien en
Dieu ,. qui ne foit Dieu. Enfuite il réfout les objettions des
Dialediciens contre le myflere de la Sainte Trinité , 6c prend fes
folutions , pour la plupart , dans les écrits de faint Auguftin 6c de
faint Jérôme,
Quatricme L X I. Il continue la même matière dans le quatrième Livre ;
tivre , f.ig. 5j; après avoir montré que les trois Perfonnes de la Trinité ne font
' ^' pas de fimples noms , comme le difoient les Sabelliens , mais
des réalités , ainfi qu'il efl: dit dans i'Epître de faint Jean :
I Jo&n. f , lly en a Trois qui rendent témoignage dans le Ciel , G* ces Trois font
7- une même chofe ; il répond aux difllcultés que l'on formoit contre
la génération du "Verbe. C'efl: dans ce Livre qu'il répète ce qu'il
Paz. lîis. ^^^ ^^^^ rintrodudion à la Théologie , que le Père efl: la pleine
puiffance ; le Fils , une certaine puilfance ; ôc que le Saint-Efprit
n'efl: aucune puilfance; expredions toutefois, qu'il alTure dans
fon apologie n'être jamais forties de fa plume, 6c qu'il rejette avec
In Apolog. horreur, comme hérétiques 6c diaboliques. Il établit la procellion
fflf. 5<='- du Saint-Efprit du Père 6c du Fils , 6c prouve contre les Grecs ,
Tag. ij'o, qu'on a eu raifon d'ajouter au Symbole la particule Fdioque. Il
à-feq. rapporte fur la procelfion du Saint-Efprit ,les palTagesdes Pères ,
tant Grecs que Latins.
{a >-oncrt, n uani , aliiul in iiHtura, j cailciu pcnitus Jiyina fubfl.'iniia , p:ig'
cuin una 'jua'<jue trium pcrfonarum iit J 1261.
ET HELOISSE, ABBESSE DU PARACLET. 187
LXII. Son but dans le cinquième Livre eft d'établir la foi en Cinquième
unfeulDieu, la perfection 6c rimmutabilitd du fouverain bien. ''^ ' ^^^'
Ce Livre contient, ainfi qu'on l'a déjà remarqué , à peu près les
mômes chofesque l'Introdudion à la Théologie. Il enfeigne que
comme Dieu veut néceliairement, il agit aulfi nécelTairement ;
qu'ainfi il a voulu ôc fliit néceiïai rement le monde; qu'il ne fuit Pa^. >3î4v
pas toutefois de-là qu'il ait été oifif avant de le créer, parce qu'il
ne devoir pas le faire avant qu'il l'a fait. L'Anonyme qui écrivit
contre Abaillard , s'efl: élevé fortement contre ces façons de
parler dans fon troifiémc Livre. 11 lui en efl: échapé beaucoup '-'^
d'autres qu'on ne pourroit lui pardonner, s'il n'avoit fournis fes
écrits au jugement des Gens habiles , 6c conféquemment au Pjg. 115?;
Jugement même de l'Eglife.
LXIIL Dom Martenne a donné à la fuite de la Théologie Commen-
d'Abaillard , fon Commentaire fur l'ouvrage des fix Jours, tireimiou-
Heloille le lui avoir demandé avec beaucoup d inftances , parce ■■r,v'r?,tom.u
qu'elle avoir peine à comprendre certains endroits du commen- .inecdot.Ahr-
cement de la Genèfe. Comme il ne fçavoit lui rien refufer , il '^'^"[^ ^^'
rendit ce Commentaire le plus parfait qu'il pût , en y donnant le
fcns littéral , ou hiilorique , le moral 6c l'allégorique. On croit
qu'il s'étoit dès-lors retiré à Cluni, aind ce fut un de fes derniers
écrits ; du moins elt-il certain que dans le tems qu'il le compofa ,
il ne confondoit plus l'ame du monde, des étoiles 6c des pla-
nettes avec le Saint-Efprit, conmie il avoit fait en écrivant fa Pag, 1534.
Théologie chrétienne. Il cherche l'intelligence du texte, non-
feulement dans S. Augufl:in,ôc dans quelques-autres anciens Com-
mentateurs, mais auHi dans l'Hébreu. Il remarque fur ces paroles
Dieu créa, que les trois Perfonnes de la Trinité concoururent à la f'^'- '37i.
création de l'Univers , ôc que les œuvres de la Trinité font indi-
vifibles. Il n'efi: pas de l'opinion de ceux qui croyent que le monde
a été créé au Printems ; fa raifon efl , qu'il n'y avoit pas encore de Pig. 13S1.
Soleil , dont l'approche fait ce que nous appelions le Printems i
mais il panche beaucoup pour le fentiment des Interprètes qui
■penfent que nos premiers parens demeurèrent quelques années
dans le Paradis terreftre, avant de tomber dans le péché -, & Pif-i4i4.
il en juge aind par le tems qu'il fallut pour inventer une langue ,
& donner le nom à tous les animaux. Sur les volatiles, il dit,
-qu'étan: créés des eaux, comme les poiffons, ils font moins nour-
•riffans que la chair des animaux à quatre pieds ; que c'eft pour cela P-^g. ij88,
-que faint Benoift qui défend de manger de ceux-ci , n'interdit pas
i'ufage de la volaille. Doni Martenne a tiré ce Commentaire
Aa ij
îgg PIERRE ABAILLARD ,- ABBE';
d'un manufcrit du Mont-Saint-Michel. Il trouva dans un autre
manufcrit de Notre-Dame-des-Fontaines , dans le Diocèfe de
Tours , fous le nom d'Abœlard , V Elucidarium imprimé parmi
Pfl^. 5362. les Opurcules attribués fauffement à faine Anfelme ; mais il
remarque que dans un manufcrit de Clairvauxj ce traité porte le
nom d'Angeld de Mont-Lecn.
Morale d'A- L X I V. Il s'en trouve un de la Morale d'Abaillard dans
fcaïUard , wm. J' Abbaye de faint Emmeram à Ratifbonne , ôc ceft de-là que
Pe?. part i, Dom Bernard Pez l'a fait pafler dans le troifiéme tome de fes
jmg.6i6. Anecdotes; il porte aufli ce titre : ComioiffeT^-vous vous-même ;
ce qui revient aiTez à l'idée que fournit le titre de Morale.
^ Abaillard y donne diiférens préceptes pour la formation des
mœurs , qu'il réduit à la pratique de la vertu , ôc à la fuite
du vice. Il examine en quoi confiftele péché , 6c fe fait là-dellus
plufieurs quedions , dont la folution eft , qu'il n'y a point de
péché fans le confentemcnt de la volonté. A l'égard de la récon-
ciliation du pécheur avec Dieu , elle confifte en trois chofes , la
Psg. 6(1. Pénitence , la Confedîon , la Satisfaction. La pénitence qui naîç
de l'amour de Dieu, eft utile. Abaillard ne fait point de cas de
celle qui n'a d'autre principe que la craintedes peines de l'Enfer ,
parce que ce n'eft pas le péché qui déplaît , mais la peine dont il
doit ctre puai; mais il ne doute pas que Dieu ne pardonne à
celui , qui véritablement contrit ds fes fautes, ne trouve pas
l'occafion de les confefler, ôc n'a pas leloilir de les expier par la
?tg. éjy. pénitence. Par le péché irrémilfible en ce monde ôc en l'autre , il
entend l'impénitence finale. Il dit que les Prêtres font les Miniftres
de la Pénitence , en ce qu'ils l'impofent à ceux qui fe font con-
felTés à eux ; qu'encore que les Evêques donnent aux autres le
pouvoir d'abfoudre, ils ne font pas .difpcnlës de confefler leurs
Pa^.67(. péchés, ni d'en faire pénitence; ôc qu'ils peuvent choilir entre
leurs inférieurs quelqu'un pour entendre leur confelTion , ôc leur
impofer une fatlsfatVion. Il parle du fecret de la Confcllion^comme
Pag. 677. inviolable, ôc ne defapprouve pas les Pénitens, qui ayant fujet
de douter de la prudence de leur Prélat , s'adrclfent avec leur per->
miffion à d'autres , pour fe confefTer.
Pag. «Si. LXV. Sur la fin duTraité Abaillard demande: S'il appar-
tient généralement à tous les Evoques de pouvoir lier , ou délier?
Sa réponfe eft , que le pouvoir des Clefs a été accordé aux Apô^
très perfonnc'llement, ôc non généralement à tous les Evoques.
Il croit toutefois que ceux qui par leurs vertus font les imitateurs
des Apôtres, ont le même pouvoir qu'eux , à l'égard des Clefs:}
ET HELOÎSSE , ABBESSE DU PARACLET. 1 8^
enforte qu'ils ne l'ont pas précifémcnt en vertu de la dignité
Epifcopale : ce qui eft une erreur dans Abaillard. Elle ne lui fut ^''S- ^^^'
pas objetle'e par Guillaume, Abbédefaint Thierri; mais il faut
bien qu'on lui en ait fait un crime , puifqu'il s'en juflilie dans fon /^polog.pa^.
apologie, où il déclare que le pouvoir de lier 6c de délier a été ^^"*
donné non-feulement aux Apôtres , mais encore à leurs Suc-
ceffeurs; ôc que les Evoques, foit dignes, foit indignes, jouilTcnt
de ce pouvoir , tant que l'Eglife les rec^oit. Dans le treizième P'^ê- ^f-^»
chapitre de fon Traité contre les Héréfies , il attribue le même
pouvoir à tous les Prêtres , fans aucune diftindion de mérites ;
ce qui donne lieu de croire qu'Abaillard écrivit fa Morale avant
fon Apologie , & avant le Traité contre les Héréfies.
L X V J. Ses autres écrits , mais qui n'ont pas encore été mis Afti-esécrîM
fous la Predé , font un Livre intitulé h Ouï ù' le Non , où l'Au- '^''^^a'^'ar'* .
teur rapporte fur chacun de ces deux articles les paflages de mL , Mallî-
l'Ecriture , 6c des Pères. Un livre des Sentences , que Dom ^'^''- '''*• 7i ,
Mabillon dit avoir vu manufcrit dans la Bibliothèque de faint 'J''"''/ """*
Emmeram àRatifbonne, Ôc compofé de trente fept chapitres.
Abai'lard dit dans fon Apologie que ce livre n'efl pas de lui , ôc ^/^"%- v^i'
M. Duchefne foutient que faint Bernard s'eft trompé en le lui ^y,''
attribuant; mais M. Duchefne met au nombre des Opufcules nco.
d'Abai'Iard , une Logique, ou Dialectique, il avoir même
promis de la rendre publique. On donne encore à Abaillard un
Commentaire fur la Genèfe , qui eft apparemment le même que
fur l'Ouvrage des fix Jours ; un fur les Ffeaumes ; des Glofes fur
Ezechiel ; des Elégies fur les moeurs & la bonne conduite de la
vie , adreffées à fon Hls Aftrolabe ; ôc des Rithmes , ou Profes fur
la fainte Trinité, imprimées dans le neuvième (a) tome de la
grande Colleilion de Oom Martenne , ôc auparavant {h ) dans le
Supplément des Pères, par le Père Homey, fous le nom d'Hil--
debertj Evoque du Mans, puis Archevêque de Tours^
L X V I L Après la mort d'Abaillard , HcloïlTe voyant que Rcfîe d'Hè^
rinflitut du Paraclet fe répandoit , ôc qu'on lui demandoit de ^'^'f' ' f'^'
fes Religi eu fes pour fonder de nouveaux Monafteres, mit par
écrit tout ce qui fe pratiquoit dans le fien , ôc en fit un petit
recueil , afin que les Filles ne fuffcnt pas différentes de leur
Mère , ôc que l'on gardât par-tout l'uniformité dans les ufages ôc
dans les exercices de la Religion. Quelques-uns ont contefté ces
eonftitutions à HéloifTe , mais leurs raifons ne roulent que fut
A^a iij;
,po PIERRE ABAILLAPvD , ABBE';
quelque différence de ftyle , qui en effet n'eft pas fi e'iegant dans
ces Statuts, que dans les lettres de cette Abbeffe. Mais quel
Légillateur s'eft avifé de chercher l'éiegance dans des règles de
vie , qui doivent être à la portce des moins intelligens ? La tradi-
tion du Paraclct cft que ces Statuts font d'Hcloïffe, ôc ils portent
fon nom dans un manufcritduParaclet, où ils font joints à fes
lettres & à celles d'Abaillard.
' €e qirel'e LX V 1 1 1. Lhabit des Religieufes doit être fimple & grof-
contient àe ^ j^^^g robes feront de laine , leur linge , les peaux d'agneaux
remarquable. ^ , , i r t ' , -t
VAL qu'on leur permet en hyver,tout cela lera acheté au plus vii
prix; elles coucheront fur une paillaffe, ayant un oreiller de
plumes ôc des draps ; elles mangeront du pain de bled , s'il s'en
trouve dans la Maifon, finon elles fe ferviront d'autres grains.
Les racines j les légumes , & les herbes du jardin de la Maifoa
fourniront la nourriture ordinaire. On donnera quelquefois da
hit, des œufs & du fromage, mais rarement. A Fé^ar-j de la
viande , on n'en fervira jamais au réfecloire. Si Ton fait préfent au
Monailere de quelque poiffon , on les donnera à la Communauté,
.mais on n'en achètera point.On voit ici qu'Helo'iffe avoit renonce
aux mitieations portées dans la Règle d'Abaillard, & qu'elle fe
rapprochoit de celle de faint Benoift , qu elle avoit fui\ie d abord.
Ces Religieufes ne pouvant par elles-mêmes cultiver leurs
,terres,Heio'iffe reçut au Faraclct des Frères convers qui logeoient
au dehors, ôc des Sœurs converfes au dedans , pour les ouvrages
trroiliers. Celles du Chœur ne fortoient pas duMonadere , d ce
-n'eft qu'il fût néceffaire d'en envoyer quelqu'une dans les fermes;
alors elle fe faifoit accompagner d'une Sœur converfe. Si un
Frère convers faifoit quelque faute confidérable , on l'obllgeoit
à venir au Chapitre, où en préfence de la Communauté, la
Supérieure lui faifoit une févere réprimende, afin que la honte
rengageât à fe corriger. Au commencement de toutes les Meures
de l'Office divin, après le Deus in adjutorium , la Semainiere
commençoit reni Sancle SpirUus , on y ajoutoit le verfet ôc la
collecte. On introduifitcet ufligeauParaclet, à caufe que cette
Maifon étoit dédiée au Saint-Efprit.
Canons des L X I X. Dans le manufcrit du Paraclet , les Conftitu-
Conciles pour tions d'Heloiffe font fui vies de plufieurs Canons des Con-
«JSdt- cUes, -des Décrets des Papes, ôc des paffages des Pères pour le
giuuies , ;'.i^. gouvernement des Religieufes; apparemment pour faire voie
*°*' qu'elle n'avoit rien ordonné qui ne fût conforme à l'efprit de
PEglife,
ET HELOÎSSE, ABBESSE DU PARACLET, i^i
LXX. Heloïile furvêcut vingt-deux ans à Abaillard , dtant nfortd'He-
■rnorte vers l'an ii54.,le 17 de May, auquel jour fa mort eft ^*^'"^'
marquée dans le Necrologe du Paraclet , comme en ayant été la
première AbbeiTe. Il y ei\ aulU fait mention de fa mcre Herfende;
d'Agnès , nièce dAbaiilard , & Prieure du Monaflcre ; de
Denyfc , fœur d'AbaiHard , & d'Aftrolabe fon fils. HeloifTe étoit Amboeiîu»^
de la famille des Montmorenci , moins confidérable alors que ^''^^'^'j, '?
fous le Roi Henri IL qui érigea la Terre de Montmorenci en a^. "
Duché. Le corps d HeloifTe fut mis dans un caveau {a) aflez
vaflc^où l'on avoir dépofé long-tcms auparavant celui d'Abail-
lard : Cette circondancc tait tomber la tradition fabuleufe de la
Chronique de Tours, où il efl dit, qu'Heloïlle étant malade
demanda dôtre inhumée dans le tombeau d'AbaiHard ; ôc que
lorfqu'on l'eût ouvert pour y defcendre le corps d'HeloifTe , foiv
mari étendit fes bras pour la recevoir.
. L X X L lis étoient l'un & l'autre de ces génies heureux, à Ju^pment
qui il coûte peu ncur fc rendre habiles dans toutes fortes de ^''^ cents (i' A-
• • > - bni lard 8z
fciences. Un efl lurpris en lilant les lettres d Heloiife , d"y d'HeloifTe.
trouver une li grande étendue de connoiflances. Elle cite avec
aifance les Ecrivains facrés, les Pères de l'LgJife, les Auteurs
prophanes , furtout les Poctes , ce qui fait voir que la ledurc lui
en étoit familière. Rien n'égale la vivacité de fon pinceau , quand
elle peint fes malheurs & les peines. Quelle force d'exprelTionsôC
de raifonnemens dans ic difcours qu elle fait à Abaillard pour le
détourner du mariage ! Sonftyle efl toujours élégant ; mais il eft
des endroits dans les lettres où elle s'eft furpaflee. Les penfées en
font fines ôc délicates , les idées nobles, la latinité pure, le tour
naturel. Il y a moins de feu ôc moins de légèreté dans le flyle
des lettres d'AbaiHard , mais elles font écrites folidementôc avec
élégance, remplies, comme tous fes autres ouvrages, d'érudi-
tion fac ré e & prophane. Un Anonyme Florentin, prefque con-
temporain d'AbaiHard (6 ) , écrivit en France pour avoir le recueil
de fes lettres , difant , qu il n'en avoit jamais lu de plus agréables.
Ses autres écrits n'ont pas eu un fort fi heureux. Plus Philo-
fophe que Théologien , il voulut, darïs les premières années qu il
fe montra au Public , enfeigner des matières qu'il n'avoir pas
approfondies, ôc pénétrer par les lumières de la raifon , dans des
myfteres au-deffus du raifonnement humain. De- là les reproches
(a) Miihilion. Uh, 77 , Annal, num, j (ô) M.irtenne , tom.i, ampiijf, collec-
119.- \ tion. pag, 1455.
rp2 PIERRE ÂBATLLARD , ABBE'&c;
qu'il eut à efluyer de la part des plus fçavans Hommes de fort
fiécle,foit dans les Conciles, foit à Rome; ôc la nécelFité de
rétracter par des monumens publics , desfentimens que la pureté
de la foi Catholique n'admet point.
Editions de LXXII. Nous ne connoiflbns qu'une feule édition corn-
Çsi Oeuvres, plette de fes (Euvres faite à Paris en i6i6 ,in ■^°. par les foins de
François Amboêfe ; mais en 171 8 fes Lettres furent réimprimées
à Londres, 1/24°. avec les corretlions de Richard Bawiinfon.
François Amboefea mis en tête de fon édition une Préface apo-
logétique de la perfonne ôc des fentimens d'Abaillard & d'He-
• loilfe , & à la fin , des notes de M. Duchefne fur la Lettre à un
ami, qui contient l'hirtoire de fes calamités. Après la Préface
apologétique , fuit la cenfure faite par les Dodeurs de Paris , des
proportions qui leur avoient paru répréhenfibles dans les écrits
d'Abaillard & d'HeloïlTe. En idpî" ii parut à Cologne une tra-
dudion Françoife de leurs Lettres, mais aulli inridelle, qu inju-
rieufe à l'un & à l'autre. 11 s'en (it deux éditions à Paris , ! une en
17 14, l'autre en 1721 ; celle de Cologne ell attribuée à BuiTyr
R.abutin ; les deux autres au P. F. Godard de Beauchamp. Doni
Gervaife, ancien Abbé de la Trappe , voulant venger l'honneur
d'Abaillard ■& d HeloilTe , & celui de la vie Monatlique attaqué
dans cette tradutlion , en donna une nouvelle à Paris en 1725 ,
chez Jean Mufier , où il a taché de rendre exactement , non-feu-
lement les penfées d'Abaillard ôc d'HelcifTe , mais encore leurs
termes , autant que la Langue Françoife a pu le permettre ; ôc
afin que l'on fut en état de juger de fon exactitude , il a mis le
texte Latin dans une colonne fcparée vis-à-vis fa traduction. Ce
Traducteur ayoit fait imprimer chez le même Jean Alufier en
1720, la vie d'Abaillard 6c d'Heloiffe , dans laquelle il a difcuté
exactement tous les ri.proches faits à Abaillard , tant fur {^ con-
jCay. II. duite, que fur fa doctrine. Cette vie efl terminée par une diiïer-
tatioa où Dom Gervaife fait voir que cet Ecrivain, en difant dans
fon Livre contre les Héréfics , quefi dans la primitive Eglife les
Difciples des Apôtres fe lliifoient baptifer pour les morts,
croyant par-là contribuer au falut de ceux qui étoient morts fans
Baptcnie ; à plus forte raifon devons-nous croire, que la foi des
Parens fuffit pour procurer aux enfans la grâce de la régénéra-
tion ; il n'a point prétendu autoiiferle Baptême pour les morts f
mais feulement réfuter certains Hérétiques de fon tems , qui
vouloient qu'on attendit que les enfans fufl'ent en état de croire^
ayant de leuradminiltrçr le Baptême,
CHAPÎTRÇ
GILBERT DE LA PORRÉE,&c. T^/
CHAPITRE XL
Gilbert de la Porrée, Evêque de Poitiers;
Abandus i Francon f Abbé d'Affîighen.
I. TV T A T I F de cette Ville , il y fit fes premières études ; Gilbert de
X 1 puis il s'appliqua à la Philofophie j & pour s'y rendre ^ °MaWlon.
habile, il Tctudia dans les plus fameufes Ecoles de France. A pmfat.inBer-
Laon il eut pour Maîtres Anfelme , Doyen de cette Eglife , ôc "iird.mtm.^t,
Raoul fon frère ; à Poitiers , Hilairc ; Bernard à Chartres. Il ^nnal.' nui».
enfcigna lui-incme la Philofophic en divcrfes Provinces du "j»
Royaume avec fu&cès. Admis dans le Clergé de Poitiers , il en
devint Chanoine.
II. L'Evêque Guillaume Adelelme étant mort au mois il eft fau
d'0£lobre de l'an 1 14.0 , on élut à fa place l'Abbé Grimoard, qui j^^V']"'^ ^^
ne fut facré qu'au mois de Février de l'année fuivante 1 14.1. Le ,,4,.
Roi Louis lui défendit de fe mettre en poffeflion de fon Siège
avant la Pentecôte. Grimoard ne l'occupa que peu de tems , puif-
quc Gilbert lui fucceda la même année.
III. Ses mœurs étoient graves & pures ; mais d'un génie vif n/onnccînns
& fubtil , il fe plaifoit trop dans les raifonnemens de la Dialetli- J/-' ft-ntin-xus
que , d'où vint qu'il donna dans des fentimens finguliers, même '"^" '*"'
en matière de Religion.
I V. Deux de fes Archidiacres, Arnaud ôc Calon, en portèrent Pbintes fur
leurs plaintes au PapeEugenelII.cn i i45.Ilétoit alors à Sienne, ^Y'?h""^Jj
& dans le deffein de pafler en France ; c'eft pourquoi il renvoya i,b. 7a ,'num'.
l'examen de cette affaire au Concile qu'il devoir y tenir. Gilbert 85 , &• no.
continuant à foutenir les propofitions qu'il avoit avancées ,
Arnaud & Calon vinrent une féconde fois s'en plaindre au Pape ,
dans le tems qu'il étoit à Auxerre. Eugène leur ordonna de fe
rendre à Paris pour la Fête de Pâques.
V. On y aÎTembla un Concile , auquel le Pape préfida affilié Concile da
de plufieurs Cardinaux , d'Evêques, d'Abbés, & de Gens de GTibert^er
Lettres. Gilbert de la Porrée qu'on y avoit appelle, fut cité 1147.
au Confiftoire,pour répondre aux reproches qu'on lui fiifoit Maldlon.
fur fa dodrine. On l'accufoit d'enfeigner que l'EfTence divine
n'eft pas Dieu; que les propriétés des Pcrfonncs divines ne font
Tqihz XXII. B b
194 GILBERT DE LA PORRÉE,
pas les Perfonnes mêmes ; que la Nature divine ne s'efl pas
incarnée ; & quelques autres erreurs de moindre conféquence.
L'on produifitcontrelui pour témoins deuxMaîtresenThéologie,
Adam de Petit-Pont , Chanoine de l'Eglife de Paris , ôc Hugues
de Champ-Fleuri , Chancelier du Roi, ôc l'Evêquc de Soiffons.
Tous trois afTurercnt par ferment qu'ils avoient oiii de fa bouche
quelques-unes de ces propofitions. Lui-même n'en difconvenoit
pas entièrement, mais il les expliquoit favorablement, foutenant
qu'il n'avoit jamais dit ni écrit que la Divinité ne fût pas Dieu ; il
citoit pour témoins de la pureté de fa do£lrine Raoul, Evêque
d'Evreux , ôc un Docleur nommé Yves de Chartres , qui avoient
l'un & l'autre étudié fous lui. Saint Bernard , que les deux Archi-
diacres avoient engagé dans cette affaire , fut le principal adver^
faire de Gilbert en ce Concile ; mais il fe déclara encore plus
hautement contre lui dans le Concile deHeims , où le Pape avoit
renvoyé ia décifion de la caufe.
Concile lie VLll fut affemblé à la mi-Carême de l'ani 148, le 22 de Mars.
Rei'ns en Parmi le grand nombre d'Evêques ôc d'Abbés qui y afîifterent,
MMUon, on nomme Geoffroi de Lorroux, Archevêque de Bordeaux ,
ihid. lib. 79 , Milon , Evêque de Terrouane , ôc Joffelin de Soiffons , recom-
mandables par leur fçavoir , l'Abbé Suger ôc faint Bernard.
Eugène II J. préfida au Concile. Avant qu'il fe tînt , Gilbert lui
envoya fon Commentaire fur Boëce , le Pape le donna à exa-
miner à Gotefcalque, alors Abbé du Mont-Saint-Eloy , près
d'Arras , enfuite Evêque de cette Ville. Il en tira quelques
propofitions qui lui parurent erronées, ôc leur oppôfa plufieurs
paffages des Pères. Alberic , Evêque d'Oftie , Légat en France ,
avoit fait aufii des recherches fur la vie ôc la doctrine de Gilbert i
mais ce Légat mourut avant la tenue du Concile.
V 1 1. A la première feflion Gilbert lit apporter par fes Clercs
plufieurs gros volumes , pour fe mettre en état de montrer que
fes Adverfaires avoient tronqué les paflages allégués contre lui,
ou qu'ils les avoient pris à contre-fens. Qu'efl-il befoin, lui dit
faint Bernard , de tant de livres ôc de paroles f Le fcandale que
vous avez donné ne vient que de ce que plufieurs affurent
que vous croyez ôc que vous enfeignez que refl"cnce , ou la
nature de Dieu , fa divinité , fa fageffe , fa bonté , fa grandeur ,
n'eft pas Dieu , mais la forme par laquelle il efi Dieu : déclarez fi
vous pcnfezainfi , ou non. Gilbert eut la hardieflTe de répondre
que cette forme n'ofl pas Dieu. Nous tenons , dit faint Bernard ,
ce que nous cherchions ', qu'on écrive cette confc»iion. Henri de
Arui.il.nuin.\.
Ln
do(SrJne
do Gilbert y
tft
condam-
nce.'
Ibli.
&- tom.
)o ,
Concil.
p.iç.
1J09 ,
>ii]
: &• feq.
. nis ae
EVESQUE DE POITIERS , &c. ifj
Pife , Cardinal, récrivit. Alors Gilbert s'adreffant à faint Bernard,
lui dit : Ecrivez aulFi que la Divinité efl: Dieu. Oui , répondit le
Saint, gu'on l'écrive avec un flilet defcr,ûc fur un diamant.
Après qu'on eut beaucoup difputé de part ôc d'autre fur cette
propofition , & fur quelques-autres avancées par Gilbert , on
chargea faint Bernard de dreffcr une confelfion de foi pour oppo-
fer aux erreurs de Gilbert. Il la fit en quatre articles, que l'on
rapportera dans l'hiftoirc des Conciles. La profefllon de foi fut
approuvée du Pape 6c de tout le Concile; tous condamnèrent
auîn les erreurs de Gilbert; il acquiefça lui-même au Jugement
du Concile , fe reconcilia avec les deux Archidiacres fes accu-
fateurs , Ôc retourna à Poitiers reprendre fes fondions , & jouir en
paix des honneurs de fa dignité. ,
VIII. Il compofa divers écrits. Un Commentaire fur les r,i
Pfeaumes , un fur l'Evangile de faint Jean , un furies Epitres de Gilbert.
faint Paul , un fur le Traité delà irinité par Bocce, & un furie
Livre des deux Natures unies en une Perfonne dans Jefus-Chrill,
par le même Auteur. De tous ces ouvrages, il n'y a que le Com-
mentaire fur les Livres de la Trinité de Boëce , qui ait été
rendu public. On le trouve dans l'édition générale des (Euvres
de Boëce, à Bafle en 1^70. Le Livre de Gilbert, intitulé des
fix Principes, a été imprimé fouvent dans les anciennes éditions
Latines d'Aridote, par les foins d'Hermoîaus Barbarus. Nous
avons huit Traités d'Albert le Grand dans le premier tome de fes
ouvrages , fur cet opufcule de Gilbert.
IX. Le Moine GeofFroi dans fa lettre àl'Evêque d'Albane, Rema'-owei
remarque, que Gilbert après avoir rapporté dans faglofefur le ''^r fosé^iits,
Pfeautier , ces paroles de faint Aucruftin ; Jefus-Chrift a pris chair ^^f ■ '°'
de la chair de Marie, nous adorons cette chair lans impieté,
parce que perfonne ne mange fpiritueiiement la chair de Jefus-
Chrift, qu'il ne l'ait auparavant adorée; ajoute: Non de cette
adoration qui eftappellée Latrie, qu'on doit au Créateur feul;
mais de celle qui efl; plus digne que l'adoration deDulie,que
l'on rend même à la créature. Geoffroi avoir encore lu dans les m^
Glofes de Gilbert fur les Epîtres de faint Paul , que le nom de
Dieu & de Fils de Dieu , n'eft pas donné à l'Homme en Jefus-
Chrift , finon par adoption. Il ne releva point ces deux endroits
au Concile de Reims , où il étoit avec faint Bernard , parce qu'il
n'avoit pas lu alors ces deux écrits de Gilbert. D'autres difent
que cet Evêque enfsignoit dans ces mêmes Commentaires , qu'il'
n'y a que Jefus-Chrift qui mérite , &c que les Elus qui foient véri-
tablement baptifés. ' B b ij
i(jtf GILBERT DE LA PORRÉE,
Lettre âe X. Sa lettre à Matthieu , Abbé de faint Florent'', eft inte-
vv^T •A^""' reflante. Dom Lued'A-cheri l'a publiée dansfes(a) Notes fur
Guibert deJNogeiit ; iJom Martenne ( t? ; , dans le premier tome
de fes Anecdotes ; & Dom Mabillon ( c) au fixiéme tome de fes
Annales. Matthieu avoit coni'ulté Gilbert fur la pénitence que
l'on devoir impofer à un Prêtre , qui après la confécration du
pain, avoit prononcé fur le Calice vuide les paroles facrées, ôc qui
s'en étant apperc^u à la fra£lion du pain , lorfqu'il falloit en mettre
une parcelle dans le Calice , avoit fait une nouvelle confécration
du pain comme du vin. Gilbert témoigne par fa réponfe,quefem-
blable cas étoit déjà arrivé ; ôc fé fouvenant de ce que des gens
fages & prudens avoient ordonné pour des fautes de cette nature ,
il dit, que ce Prêtre doit s'abftenir pendant quelque tems de
célébrer la Meffe ; qu'il convient aulFi de lui impofer des jeûnes
& des macérations corporelles , ôc d'obliger même la Commu-
nauté à expier cette faute par des prières. Au relie , il ne croit pas
que la pénitence du Prêtre doive être de longue durée , parce
qu'elle ne venoit que d'inadvertance. Gilbert ajoute qu'il avoit
eu tort de réitérer la confécration du pain , qu'il pouvoit s'abftenir
de la confécration du vin ôc de l'eau , ôc ne communier que fous
la feule efpece du pain , parce que le Corps de Jefus-Chrift eft
tout entier fous chaque efpece ; qu'ainfi le Corps ôc le Sang
étoient fousl'efpece du pain , quoiqu'il n'y eût point devin con-
f«cré. Il cite ( d ) l'ufage de l'Eglife , de ne communier les enfans
baptifés que fous l'efpece du vin, ôc les malades fous la feule
efpece du pain , dans la perfuafion où l'on étcir, que les uns ôc
les autres recevoient autant fous une feule efpece , que ceux qui
communioientfous les deux. Saint Bernard écrivit en dcsternries
à peu près femblables (e) , à Gui , Abbé de Trois-Fontaines.
Hugues de faint Vi£tor , Auteur contemporain , dit (/) que pour
adminiftrer l'Euchariflie aux enfans fous l'efpece du vin , le
Prêtre trempoit fon doigt dans le Calice , ôc le donnoit à fuccer à
CCS enfans.
(a) In ofpend.pag. ^6^.
(h) Pa^. 417.
( f Lib, 77 , num. i t j,
(li) Quoniam & pueri baptiCnti in
folius Calicis , Se inHrmi in IoIils pnnis
Sacraniento (rpc comnumicnnr,S{ nihilo-
mi'ius quantum nd rem ip -\m & ar! invor-
«ipî.oiUj iitun iai.riiinent¥in accipiunt
qunntum illi à quibus in utroque panis
Icilicet & Calicis Sntr.'.mt nto iii Kcclelîa
de ip'« in-iiU i)oniiii ca C hriftus alluiiii-
tur. GilUcn , epijl. ad Matt. S. Floreatii.
( f ) Hcrnard , epiji. 69.
(/) liii^o Vitiona, lib, i , ie Sairan.
Ci!'), I O.
EVESQUE DE POITIERS, ôcc. ipy
XI. Après la condamnation de riiëréfie de Berenger , ôc la Abandus
confefilon de foi qu'on lui propofu à ligner dans le Concile de '^'■''
Rome, il s'éleva plufieurs queftions, même entre les Catho-
liques , fur le fens de certains termes dont cette confelFion eft
compofée. L'une ctoit touchant la fratlion du Corps de Jefus-
Chriii ; quelques-uns étoient de fentiment que cette fraction ne fe
faifoit que dans les efpeces du pain ; d'autres vculoient qu'elle fe
fit dans le Corps même de Jefus-Chrift. Ils fe fondoient fur l'ana-
thêmeque l'on dit dans cette confellion de foi à quiconque nie
que le Corps de Jefus-Chrift foit manié par les mains du Prêtre ,
ou rompu, ou déchire par les dents. Les Auteurs du premier
fentiment foutenoient , qu'après le changement du pain ôc du
vin en la fubftance du Corps ôc du Sang de Jefus-Chrift, les
efpeces du pain ôc du vin demeuroient , ôc qu'en elles fe faifoit
lafradion; ceux qui prenoient le parti de la féconde opinion
prétendoient que les efpeces, comme la fubflance du pain ôc du
vin , changeoient au Corps ôc au Sang du Sauveur , ne
pouvant concevoir que la blancheur ôc la rondeur puOent être
fcparées du Corps qui efl: blanc ôc rond. L'Abbé Abandus
étoit de ce fentiment , ôc quoiqu'il combatte l'opinion oppofée ,
il fc réunit avec fes Adverfaires touchant le dogme (a) de la
Tranfubftantiation. Son petit Traité fur la fraclion du Corps de
Jefus-Chrill fe trouve ( b ) parmi les Analeftes de Dom Mabillon.
On met fa niort vers le même tems que celle d'Abaillard.
X I ï. On peut rapporter au même tems, ce que nous avons à Fmncon ,
dire de Francon , élu Abbé d'Afflighen dans le Brabanten 1122, ^.^'^'^' «i'Affli-
ôc mort en cette Abbaye au mois de Septembre de l'an 1 1 jf. "^
Son fçavoir, joint à une grande pureté de mœurs , lui attira
l'amour ôc le refpeft des Princes de la Terre, des Evêques, ôc de
toutes les perfonnes de piété.
XIII. N'étant encore que Moine d'Afllighen , Fulgencefon Ses écrits.
Abbé ôc fon PrédécelTeur , lui ordonna d'écrire fur la grâce de I-'^fes de la
Dieu , ou fur fes bienfaits ôc fes miféricordes. Il obéit , mais UioLEdglca,
il n'acheva l'ouvrage qu'après la mort de Fulgence , étant Abbé p'g- i^^-
lui-même. Il eft divifé en douze Livres , ôc dédié à l'Abbé Fui- ■
( a ) Credo itaque quod pnnem quem
acccpit , benedicendo, Corpus fuum tecit.
Ideoque Corpus fuum fregit , & de eodem
Corpore liio jam beneditho & fraâo , DiC-
cipuljs dixit : Hoc cil Corpus nicura.
Abi/id. in. Anïi:âiis MuHUonii , pug. ji.
Quivis facilL- vident alLedinem feu rotim-
ditatem ab ipfo Corjiore quod albu n vel
rotundum eu fepardri non pofll^. Ibhl. pag.
H- _ ^
(i) Llabillon analec. fcl. pag. jî^ jj.
B b iij
ipg GILBERT DE LA PORRÉE,
gence ; la première édition s'en fit à Anvers en ij^^j" , chez
Bellerus , & à Fribourg en 1620 , in 12. On ie trouve au vingt-
unième tome de la Biblioteque des Pères , à Lyon en 1 67 j.
Ce qu'ils XIV. L'Abbé Fulgence prefcrivit lui-même le flijet de
contiennent , pouvrase , ôc l'ordre que Francon y devoit fuivre. Vous le com-
T m. zi , et- ° 1 • 1- M 1 r \ -^ 1 / • 1 DIT •
hiiot.Pat.pag. mencerez, lui dit-il dans la lettre, a la création del Univers, &
»?î' vous le conduirez jufqu'au dernier jour auquel le Fils de Dieu
viendra dire à fes Elus : Venez les Bénits de mon Père , recevez
le Royaume qui vous eft préparé dès le commencement des
fiécles. C'eft conformément à ce deiî'ein que Francon defcend
dans le détail des principaux bienfaits accordés aux hommes
depuis la création ., jafqu'au moment de la béatitude éternelle;
ce qui lui donne lieu de parler de la création ôc de la chute des
Anges ; de la création deThomme, de fa chute, ôc de fa rédemp-
tion ; des grâces faites aux Patriarches , au Peuple de Dieu , par
le miniftere de Moyfe ôc des Prophètes ; des myfteres de la Loi
nouvelle, de la prédication de l'Evangile, de laconverfion des
Gentils , de la réunion de toutes les Nations en une même
Eglife. Il s'applique particulièrement à montrer la grandeur de la
charité de Jefus-Chrifl: envers les hommes, lorfqu'il veut bien
les nourrir de fa Chair ôc de fon Sang dans l'Euchariftie. Francon
enfeigne que par la même puifiance que le Verbe sePi fait chair
dans le fein de fa Mère , il change ( a ) en fon Corps le pain qu'il
bénit. L'Auteur finit fon ouvrage pr.r une Elégie fur la félicité
Cnp. 39. des Saints en l'autre vie ; c'eflapparemment cette petite pièce de
Poêfie que Henri de Gand appelle l'ouvrage en vers de la gloirt
de Vautre vie , dans le catalogue des écrits de Francon.
Lettre de X V. Il y a de lui une lettre à Lambert , où il prouve que ,
Francon , fuivant la Règle de faint Benoift , un Moine qui en a quitté
ï'uo't ^^?at '' l'habit ne peut être fauve , l'eût-il quitté pour prendre l'habit
pa^. 3*7. ' Clérical. Lantbertpenfoit le contraire, ôc s'appuyoit fur ce que
la bénéditlion folemnelle de l'habit Monaflique ne fàifoit rien au
falut, ôc fur divers exemples, entr'autres, du Solitaire Abraham ,
qui prit un habit de Soldat pour aller retirer fa nièce du défordre
où elle vivoit. Francon répond qu'on ne peut fans impiété,
regarder comme inutile , la confécration des habits, des orne-
mens , des vafes deftinés au faint Miniflere , telle qu'elle fe fait
(il) Eadem. Veibi potentia alTiimit j Corpus fmim, falufisnoftrrSacnîiiientum.
pane;>rinmaniUi:s,?; divin:? hene 'i^iioniï J Fnnco , lib. 1 o ^ de j^raiu , pag. ^ i ^ .
ac V'eibi quod.ipfe cft cffcJtu vertit in •
EVESQDE DE POITIIERS, &«. 155
dans l'Eglife ; qu'encore que la bénédi£lion de l'habit ne ferve de
rien à un mauvais Moine pour le falut , c'eft toujours quand il le
quitte un témoignage de damnation. A l'exemple du Solitaire
Abraham il dit, qu'il ne prouve rien , parce qu'il ne quitta fou
habit que peur un tems , & dans le defTein de fauver fa nicce.
XVI. Nous avons une féconde lettre de Francon à dcsReli- Aub-s Lrt~
gieufes , qu'il exhorte à vivre dans une grande vigilance fur "^'j/''-^'/*"'
elles-mêmes, afin de n'être pas furprifes par l'ennemi; ôc à re-
courir à Dieu par d'inftantes prières , pour en obtenir les fecours
néccflaires dans les tentations. Tritheme attribue à Francon Tnthem.ât
plufieurs Sermons en l'honneur de la fainte Vierge , 6c quelques cNmI' cau.
Lettres. L'Auteur de la Biblioteque Belgique pcnfe qu'on doit 367.
donnera Francon , dont nous parlons, le traité du Cours de la
Vie fpirituelle , divifé en douze tomes , qui fe trouve à Tongres ,
fous le nom du Moine Francon. Ce pourroit être la même
chofe que les douze Livres de la grâce de Dieu. Son nom fe lit
encore à la tête de deux Traités manufcrits , l'un intitulé du jeûne OuJin , tom.
des Quatre-Tems ; l'autre ^ des louanges de la fainte Vierge ^' F-^S- s>i?.
Marie.
XVIL Vers l'an 1140 Achard , Moine de Clairvaux , en AcharJuj,
dirigeoit les Novices, fous les ordres de faint Bernard. Il écrivit Mojne de
la vie de faint Gotcelin , Hermite, imprimée à Douai en 1626 "^Ucrherz
in- 12 , par les foins d'Arnold Raifius. On a de lui de courts lib. i, d; mi-
Sermons à fes Novices , mais qu'on n'a pas encore mis au jour. '"'"'"•• "?• ^ *
11 cft parlé d'Achard dans le premier Livre des miracles des Ber'narh,pag'.
Moines de Cîteaux par Herbert. , 1140, edh,
X V 1 1 1. 11 faut ajouter à ce qu'on a dit du Moine Alulfe , que ' Abife AJal-
fontroifiéme Livre des Extraits de faint Grégoire fur le nouveau bert.
Teftament , fut imprimé à Paris eni<; 16 in-^°. A Strasbourg la Tom. 1 7 ,
même année chez Jean Knoblauchius , 6c fous le nom de P^i-^^^'
Paterius , dans l'édition des Oeuvres de ce faint Pape , à Rome
en I J n • Alulfe dit ( a ) dans le prologue de tout l'ouvrage , qu'il
écrivoit après l'an 105)2 ; qu'il l'entreprit par ordre d'Odon fon
Abbé, depuis Evêque de Cambrai. On trouve ce prologue dans
les Analettes de Dom Mabillon. Le Lévite Adalbert , que
Pitfeus dit avoir été Moine Bénéditlin de la Congrégation de
Clunidans le Monaflere de Spaldingen en Angleterre, vers l'an
1160 j fit aufli des Extraits du Commentaire de faint Grégoire
fur Job , qu'il dédia au Prêtre Herimann. L'Epître dédicatoire ,
( « ) Apuà^Mil'illonium in Analeilis,
«00 HUGUES;
ou Prologue (a) , Ce lit dans le premier tome des Anecdotes de
Dom Martenne. Pitfeus fait mention de quelques Homélies du
Diacre Adalbert 6c d'un defcs Ouvrages intitulé: Miroir de l'état
de l'homme.
CHAPITRE XII.
Hugues , Chanoine Régulier de Saint Viâior.
Huçues , !• ^^ C) N nom fut célèbre dans le douzième fiécle , & fe«
fon ?»^. ^^ Ouvrages ont continué fa réputation dans les fiécles fui-
vans. Il s'eft formé une difpute entre les Sçavans fur le lieu de fa
naiifance. L'Auteur de fa vie le fait naître en Saxe , d'une famille
illuftre; 6c Henri Meibomius le jeune, a fait une dilTertatiof»
exprès pour appuyer cette opinion ; elle eft imprimée à la fin du
troifiémetome {b) des Ecrivains d'Allemagne. Les témoignages
qu'il allègue font d'Engelhufius , de Gobelin Perfona, de
Tritheme j 6c de plulieurs autres aufquels on peut ajouter celui
d'Alberic de Trois- Fontaines , dont la chronique a été rendue
publique à Hanovre en i6^S par Guillaume Leibniz. La plupart
de ces Ecrivains difent encore , que Hugues prit 1 habit de
Chanoine Régulier en Allemagne , dans le Monaftere de faint
Pancrace à Hamerleve. Dom Mabillon (c) a embraffé un fen*
timent contraire. Il foutient fur l'autorité d'un ancien manufcrit
de l'Abbaye d'Anchin , où le lieu de la naiffance de Hugues
eft marqué , avec l'année de fa mort , qu'il naquit à Yprcs en
Flandres , ôc qu'il en fortit dès fa plus tendre jeunefle. Robert
Abbé du Mont faint Michel , qui écrivoit dans le douzième
fiécle , fait Hugues originaire de Lorraine ; ce qui revient au
témoignage du manufcrit d'Anchin , parce que la Flandre faifoit
partie du Royaume de Lothaire. Robert ayant été contemporain
de Hugues , eft à l'égard de fa naiflTance , plus croyable , que
ceux qui n'ont écrit que plufieurs fiécles après , comme Engel-
(«) Mantn. tom. i, ancalot. pag. 84, 1 Iprenfî tcnitorio orri;s , à pucro exiilnvit.
(è) Edic. Hdii'.jf.ii. an. ifiSS. I Ft lixc & plura alit lui ingenii luonu-
(c) Atino ;ib liK-.irna'iciiir Domini I mi'm?i.rc\\i\u\t. A}!Uif D^lcJnUon.in ande&'u,
s I Ml j ol^iit Dùniiiuis Hu:;o Canonicus 1 tcin. i , pa/. i6j , &" edit. fol. yag. tjv
o.Viftoris, III. iJus Fcbr-jarii. Qui ex | Vid: NhbUlon. lih.Tj, ann<il.n\m. 141.
huiius f
CHANOINE ÏIEGULTER DE S. VICTOR. 20 i
liuflus, Gobelin Perfona , Tritheme, 6c autres, qui n'ont dcrit
que dans le quinzième (iécle.
IL D'un goiit décidé pour l'étude , Hugues ne négligea Ses ctudeï<
aucune des conuoiflances (a) qui forment les Sçavans. 11 s'in-
formoit exa£lement du nom de toutes les chofes qui fe préfen-
toient à fes yeux , difant qu'il n'étoit pas poflible de connoître la
iiature des chofes dont on ne connoifloit pas le nom. Ce fut
apparemment ce déilr d'apprendre , qui lengagea à quitter de
bonne heure fa patrie , pour aller s'inflruire fuus les meilleurs
Maîtres. Dansun voyagea Marfeille (6 ), il viilta le tombeau
de faiiu Vittor, y fît fes prières, ôc obtint de celui qui étoit
chargé de la garde de fes reliques , une dent & quelques autres
parcelles.
III. Il en fît préfent à Gilduîn , Atbé de faint VilSIor , proche H (e fait
•de Paris. Cette Abbaye qui ne faifoit que de naître, étoit en Cliir.oineRé-
-réputatioii de grande régulante. Hugues demanda d y être admis, Vidor ; y en.
& après fes épreuves il prononça fes vœux entre les mains de ^e-g"e.
Gilduin. C'ctoit en 1 1 1 j' , la dix-huitiéme année de fon âge;
•donc il étoit né en 1 097. Après s'être perfettionné dans les études
de philofophieôcde théologie à fiint Victor, il y enfcigna lui-
même ces deux fciences avec applaudilfement. Il eut parnîi fes
Difci})les grand nombre de perfonnes diftinguées, dont plufieurs
furent dans la fuite élevées au Cardinalat, à l'Epifcopat & aux
autres principales dignités de l'Eglife. L'émincncede fa dodrine
le faifoit regarder comme un des plus grands Théologiens de fon
fiécle. On lappelloit un fécond Auguftin ( c) , ou la langue de
ce faint Docteur, parce qu'il s'étoit appliqué plus particulière-
ment.à la lecture des écrits de ce Père.
I V. Entièrement occupé des exercices de la vie régulière & S;i moa e»
de l'étude, il ne fut élevé à aucun grade de fuperiorité à faint '!''-•
Vidor. Trithcme & quelques autres difent néanmoins qu'il en
fut Prieur. 11 y en a même qui ont avancé, qu'après la mort de
•Gilon , Cardinal 6c Evêque de Tufculum , qui tenoit le parti
d'Anaclet , Hugues lui avoit fuccedé. Mais on ne produit
ià-delTus aucun témoignage des Ecrivains contemporains. La
veille de fa mort , Osbert fon Infirmier lui ayant adminillré
i Extrême-Onction en préfence de toute la Communauté, lui
demanda s'il ne vouloit pas encore recevoir le Corps du Seigneur,
( a ) Hu^o , Jzè. 3 , Didiifcal cjy. 3. j (c ; Hugon.iiu, ibid,
TonieX^lL Ce
202 H IT G U E S,
qu'il avoit déjà reçu deux jours auparavant. Hugues d'un aîr 6c
d'un ton qui inarquoit fa furprife & une efpece- d'indignation :
Bon Dieu , lui dit-il j vous me demandez fi je veux recevoir mon
Dieu ! Allez vite à lEglife (a), & apportez-moi le facrc Corps
de mon Seigneur. Osbert y courut auilitôt , l'apporta, Ôc tenant
entre fes mains ce Pain de vie , il dit à Hugues : voici celui que
vous avez défiré ; reconnoilTez 6c adorez le Corps de notre
Seigneur. Alors fe levant à fcn féant ôc étendant les deux bras
vers le faint Sacrement : oui je l'adore , dit-il , en préfence de
toute cette compagnie, 6c je le reçois comme la Iburce 6c le
principe de mon falut. Ayant demandé enfuite la Croix , il la
baifa ; invoqua la fainte Mère de Dieu, ôc expira en préfence de
fes Frères, un mardi onzième de Février l'an 1 142. Ses vertus
le firent refpetler devant ôc après fa mort. On alloit fur foii
tombeau ( 6 ) où l'on affure qu'il fe faifoit des miracles. Son
corps fut depuis transféré du Cloître derrière le grand Autel de
TEglife de faint Vitlor , où l'on conferve les reliques de ce Saint ^
que Hugues avoit apportées de Marfeille.
Ses écrits "V. Ayant palfé toute fa vie à l'étude des Belles-Lettres , des
diftribués en i^gjjy^ Arts , de l'Ecriture fainte, de la Philofophie , de la Théo-
imprimés à' logie , de l'Hiftoire facrée Ôc prophane , Hugues fe trouva en
Pariseniîié, état d'écritc fur toutes ces matières , car il avoit l'efprit très--
1*48.°"^" ''" pénétrant ôc une grande facilité d'écrire comme de parler. Ses
Ouvrages ont été imprimés en trois volumes in-fol. à Paris en-
1 J26; à "Venifeen iy88 ;à Cologne en i(5"i7 ;àRouen en i5'j8.
L'édition de "Venifc eft de Thomas Garzon , Chanoine Régulier
de faint Jean de Latran ; celle de Rouen , des Chanoines Régu--
liers de faint "Victor de Paris, chez JeanBerthelin.
Ecrits con- "V I. François Bordier , Abbé de faint Vidor , qui prit foin
tenus dans le ^q j^ première édition des Oeuvres de Flugues , c'cll-à-dire , de
ïdh"Tn.jé^i. celle de l'an ip5, la dédia à Michel Boudct , Evcque de
Rotcm.igifjg. Langres. L'Epîtrc dédicatoire a été réimprimée dans les éditions
pofterieures. L'Editeur commence le premier tome par les
Frologomenes de Hugues fur l'ancien 6c le nouveau Teftament ,
(n) Ciirre rit» in Ecclelîam & affer I lens utrarqiie manus funs r.J fanda ill;
I.
cito Corpus Domini mti. Quod cura
prout juflerat fi-ciiTem: Vciii ;in(c Icâuni
ejus , Si. tcnens p;iiien» (anflum vice
ïternif manibus mcis: Adora, inquio,
& co::no1-e Corpus Domini noftri. Ille
vcro II- crit^cns quantum vakbat , & extoU
adorOj inquit, coram omBilms nobis, Do-
niinum mcum "caccipio ut lalutem meani
&c. Ojl?r!us tpij}. ad Joan. lom, 1 , Oj",-
Hugcn. in vita ejus,
<^b) Ittd,
CHANOINE REGULIER DE S. \1CT0R. ^of
:OÎi 11 examine ce que Ton entend fous le nom d'Ecriture divine ;
les divers fens dont elle eft fufceptible ; l'ordre , le nombre ,
l'autorité des Livres dont elle eft compofée ; qui en font les
Auteurs ; les diôerentes verfions qui en ont ctc faites ; quels
font les Livres que l'on nomme apocryphes ; comment on peut
concilier les contrarietifs apparentes des Livres hiftoriques de
l'Ecriture ; ôc pluiîeurs autres queilions intéreflantes.
VIT. Hugues donne enfuite des notes courtes fur les cinq Notes fur le
Livres de Aloyfe que l'on nomme Pentateuque. Il fuit dans ces Pentaieuque >
notes le feus littéral ôc liiftorique. Celles qu'il fait fur le prologue ^'^^' ° ■^"' *
de faint Jérôme au Prctre Didier , font dans le même goût ;
de même que celles qu'il fait fur les Livres des Juges, des Rois.
On verra dans la fuite , que les notes fur les pfeaumes ne font
pas de lui.
VIII. Dans l'explication de l'Ecclefiafte , Hugues fe fait un Homélies
principe d'entrer dans les vues que Salomon a eues en écrivant ^^'^^ p.p Vï"
ce Livre , fçavoir de porter l'homme au mépris des chofes mon-
daines en leur en faifant voir l'inftabilité. Il s'attache donc uni-
quement au fens moral, qu'il développe en dix-neuf homélies.
On voit par la Préface , qu'avant de réduire fes explications en.
•forme de difcours , ôc de les mettre par écrit , il les avoir données
de vive voix ôc avec plus d'étendue.
IX. Ses notes fur les lamentations de Jércmie , ôc les pro- Notes fut
pheties de Jchel^ d'Abdias , renferment l'explication du texte lesProphetes,
€n plufieurs manières, félon le fens littéral, l'allégorique , ôc ^''^•^'*^'
le moral.
X. Les allégories fur l'ancien Teftament ne paroiffent pas Exp'irntioiîs
être de Hugues de faint Vitlor, ni celles qui font fur les quatre ^i'''P'iq^es
Evangiles. On verra dans la fuite qu'elles font de l'Auteur des j_^ nouv"a\i
vingt-quatre Livres d'Extraits, ôc que cet Ecrivain étoit pofte- Tcnameut,
rieur de plufieurs années à Hugues ; que ces allégories faifoient ^'^^' "''*
la féconde & troifiéme parties de ces Extraits ; ôc que la pre-
mière qui eft imprimée dans le fécond tome a un objet tout
différent , ne traitant que des Arts ôc de l'Hiftoire. Ce qui fuit ,
tant fur l'Evangile de faint Jean , que fur les Epîtres de f?.int
Paul , n'eft pas non plus de Hugues de faint Vi£lor : ce n'c^t ni
fa méthode , ni fon ftile. C'eft l'ouvrage de quelque Scholaflique
du treizième fiécle , oia lufagc commun étoit de n'éclaircir les
difficultés que par demandes ôc par réponfes. Celles qui regardent
l'Evangile de faint Jean , paroiffent même être d'un autre inter-
prète que les queflions ôc les réponfes fur les Epîtres de faintPaul.
C'eft un ftile différent. C c ij
Comrf.en-
Éaire furla hié-
rarchie ccleile
de S. Denyj ,
pag. 46?.
Ouvrnq-es
204 H U G U E Si
X I. Hugues dans fon Commentaire fur la hiérarchie céleCté
de faint Denys , fuit la verfion latine de ScotErigene. Il ne
témoigne aucun doute fur la f-ippcfition de ce Livre ,- qu'il
croyoit de bonne-foi être de f Aréopagire. Ce Commentaire fut
imprimé féparément en 15' 02. On le trouve fous le nom de
Hugues de faint Victor parmi les manufcrits d'Alexandre PetaW;
dans la Biblioteque du Vatican.
XII. Le premier opufcule du fécond tome eft un Commen-
«ontenusdans j^ire fur le Décalogue , où l'on reconnoît aifément le ftile ôc le
lume.°'com- g^'^i^ de Hugucs de faint Viclor. Mais le quatrième chapitre
mentaire fur intitulé : de la fubftancc de l'amour , & de Tordre de la charité ,
le Dccaiogue, n'appartient point à ce Commentaire. C'eft un difcours parti-
culier que le Copifte ou l'Editeur y a joint à caufe de la relfem-
blance de la matière , & peut-être pour allonger le Commen-
taire. Quoiqu'il en foit, ce difcours eft imprimé fans nom d'Au-
teur dans l'appendice du fixiéme tome ( a ) des Ouvrages de faint
Auguftin. Mais il porte celui de Hugues de faint Victor dans
un manufcrit du Vatican (è), de la Biblioteque d'Alexandre
Petaw. Tritheme le lui attribue, & on trouve dans ce difcours
certaines exprelTions particulières ( c ) , qui fe lifent dans quelques
autres écrits deHugues {d), fçavoir que Dieu a opéré la répara-
tion du genre humain , partie par les hommes , partie par les
Anges , partie par lui-même. Cette période a été fupprimée par
l'Editeur des Oeuvres de Hugues , avec une partie du difcours ,
qui eil plus entier dans l'appendice de fiint Auguftin.
Explication XIII. Le Commentaire de Hugues fur la règle de ce Père;,'
s^ a"^ fti'^ contient des réflexions très-folides & trcs-fages fur toutes les
pg. j. ' obfervances qui y font prefcrites. Il a été imprimé plufieurs fois
féparément , à Venife en 1^61 , à Côme en i6oj , à Rome en
i52j , ôc ailleurs.
Tnaitutions X I V. Henri de Gand ôc Thritheme (e) reconnoilTent Hugues
<k>s Novices , pour Auteur de i'inftitution des Novices. On y trouve quelques
P£. 3.6. endroits qui ont rapport à fes obfervations fur la règle de faint
Auguftin. Quelques-uns ont néanmoins attribué ce Traité à
Guillaume Perault , Dominicain , mort vers le milieu du trei-
( a ) ?ag. 71.
( i) Montfauccn. :om^ i , Biblict, mj[.
fig. 66.
Ce) Ibid-p-ig. 74.-
( d ) Hù^o, lih. 4 , Jï ana moralf, cap.
3 j î ) &■ y ; &* lii- ï , de vanit.ut munai» ■
(r) Hinricus GandM. de S'ripwr.
Ecclef. cap. 7 , in appendice^ &• TrUkemius
cap, 363.
CHANOINE REGULIER DE S. VICTOR. 20;
feitfmefiécle. Mais Técrit qu'il a compofd fur cette maticre a pour
titre : Inftitution des Religieux , ôc non des Novices.
X V. Les quatre Livres du cloître de l'âme ne font point Du cloître
de Hugues de faint Victor , mais de Hugues Foliet, ainfi fur- ^i*^ l'a"^^' ?".?•
nommé du lieu de fa naiflance, à quelque diftance de Corbie en hÙ^iiss de
Picardie. Il fe retira (a) au Monaftere de faint Laurent d'Hel- ^'oiict.
iiac , où Ton obfervoit la régie de faint Auguftin. Hugues y
iiienoit une vie très-pauvre ôc trcs-auflere , quand il fut choifi
Abbé de faint Uenys à Reims en 114P, au mois de Mars.
Il s'excufa d'accepter cette dignité par une Lettre, où il dit ,
qu'il ne croyoit pas pouvoir fans fcandale quitter fa retraite & fa
vie laborieufe , pour aller vivre dans une Abbaye opulente, &
lituée près de la Cour de l'Archevôque. Dom Mabiilon qui
rapporte cette Lettre , digne d'être lue pour la modcftie ôc la
folidité des fentimens, dit avoir vu [b] un grand nombre de
manufcrits , ou le Traité du cloître de l'ame porte le nom de
Hugues Foliet, à quiTritheme l'attribue auffi (c). Cet Ouvrage
qui fera toujours dune grande utilité aux perfonnes conficrées
à Dieu , eft diflribué en quatre Livres, dont le premier explique
les tentations de ceux qui vivent dans les Monafteres , & les
avantages de la Religion. Hugues dit dans le fécond , où il traite
de larrangement du cloître matériel, que le nombre des Reli-
gieux doit être proportionné aux facultés de la Maifon ; enforte
que la pauvreté ne foit pas un prétexte de vivre irrégulièrement ;
ôc que l'on ne prenne pas occaficn du grand nombre, de leur
procurer des chofes défendues par la règle , pour pourvoir à
leurs befoins. Il n'approuve pas les Celles où il n'y avoir que deux,
trois , quatre , ou même cinq Religieux , & loue les Cillerciens,
qu'il défigne fous le nom d'héritiers de faint Benoît, de l'ufage
où ils étoient d'envoyer ordinairement douze Moines dans les
Monafteres fondés nouvellement. Il permet le beurre , îe lait,
riiuile; mais défend d'aiTaiflbnner les mets des Frères avec de la
graiffe, ôc de leur fcrvir de la viande, finon en cas de maladie.
Dans le détail des habits, il fait voir qu'il parloit à des Cha-
noines Réguliers; il donne môme ce nom à ceux pour qui il
écrivoit. Il dit dans le prologue du troifiéme Livre , où il eâ
parlé de l'ordre du cloître de l'ame , que le régime de vie prefcrit
(a) MSaUlon. iih.y$i , Ann,-.I, num, ^7 , l (c) Tritkem. de Saipt. Ecdef. cap;'-
Si.ù'feq. 374.
( h) Ibid.
C c ii]
^og HUGUES,
dans îe fécond Livre avoit été approuvé de tous , excepté de
quelques Frères Laïcs ou Convers, qui ne fupportoient le joug
qu'en murmurant, quoiqu'ils fuffent plus à Taife dans le Mo»
naflere qu'ils n'étoicnt dans le monde. Le quatrième Livre a
pour objet le cloître qui n'eft pas fait de la main des hommes ,
c'eft-à-dire , le Ciel. Hugues y explique ce que c'eft que la
Jéiufaleni terreftre ôc la Jérufalem célefle ; les chemins qui y
conduifent ; la beauté de cette demeure ; la félicité de fes Habi-
tans ; les mouvemens qu'on doit fe donner pour être du nombre.
Il cite de tems en tems la Règle de faint Benoît , dont il
emprunte diverfes pratiques ; ce qui fait conjedurer que Hugues
avant de fe retirer dans le Monafterede faint Laurent , avoit été
élevé à Corbie.
Autres Ou- XVL Outre les quatre Livres du cloître de \'^me{a), oïl
vrages attri- trouvc fous le nom de Hugues Foliet dans quelques manufcrits>
Foliet. "^"^^ ui"! Traité fur les Noces charnelles & les fpirituelies , adreffé à
un ami qui vouloir fe marier. Hugues l'en détourne , &; lui fait
voir que l'union de l'ame avec Dieu efl plus avantageufc, que
l'union des corps ; un Traité intitulé , de la médecine de l'ame;
un des Payeurs & des brebis ; quatre Livres de la vanité du
fiécle; deux Livres des oifeaux ôc des Lâtes féroces ; ôc quatre
Livres de l'Arche myfiique ôc morale. Mais quelques-uns de
ces écrits fe trouvent aufli dans divers mnnufcrits , ayant en tête
le nom de Hugues de faint Vi£lor , de môme que dans le cata-
logue de fes Ouvrages ( b ) par Henri de Gand ôc Tritheme.
de XVI L Des quatre Livres de l'ame ôc de fes affe£tions, le
fe= premier efl: de Ciuiliaume de faint Thierri ,' imprimé parmi les
' Oeuvres de faint Bernard , fous le titre de méditations ôc de
maifon intérieure. Le troifiéme efl: aulfi tiré de ces méditations.
Le fécond , que l'on a quelquefois attribué à faint Auguflin ,
a été reftitué à Ifaac , Abbé de l'Etoile , dans l'appendice du
fixicme volume des Oeuvres de ce Père ( c ). Les onze premiers
chapitres du quatrième Livre font tirés du Manuel imprimé dans
le même appendice (d). Le douzième chapitre eft un Extrait
d'un Traité anonyme de la charité ; les cinq chapitres fuivans
font des fragmens mal coufus de divers ouvrages. On voit pat
le quatorzième chapitre que le Compilateur étoit Moine.
Livres
i'ame &
aftedioiià
( a ) MMlon. iib. 79 , Annal, num. ^8 ,
(b) Henric. Gandav. cjp. if ; Cr- Tri-
35-
( c) In append. tom. 6 , Augufin. pag»
[à) P. 7g. ,js,ii;rf.
CHANOINE REGULIER DE S. VICTOR. 207
XVIII. On vient de dire que dans quelques manufcrits , le pvfe de la
Livre qui a pour titre, de la médecine de lame , portoit le nom |',|^^''^'^'"« ^'^
de Hugues de faint Laurent, ou Foliet. Dans celui de l'Abbaye m.
d'Aine en Flandre , le prologue (a) commence par ces mots :
Cogis me , fratcr chanjjime. Dans nos éditions on lit : Rogas me ,
frater. Cette différence n'eft pasconfiderable , ôc je ne (çai Ci elle
fuffit avec Tautorité de l'ritheme ( b ) pour laifier Hugues de faint
Vidor en poneilion de cet Ouvrage. Le ftile n'eft pas de Hugues
"de faint Vidor.
X I X. Je ne vois point qu'on lui difpute le foiiloque de Tame, Soliloque,
ou de larrhc de l'amc , adrefic aux ferviteurs de Dieu qui ^■'^S- -^h
demeuroient à Hamerleve. C'eft un Dialogue où les Interlo-
cuteurs font Thommc & l'ame. Lcfujet de l'entretien eft l'amour
& fon objet. L'homme prouve à l'ame , que Dieu fcul eft
aimable pour lui-même; qu'après tant de bienfaits de fa part,
c'eft manquer de gratitude de ne pa-, l'aimer; qu'elle n'a point
d'autre époux à choifir quele Fils de Dieu, qui l'a rachetée de
l'efclavage où elle étoit tombée par fes péchés ; que la Chambre
nuptiale eft l'Eglife ; que c'cft-1 1 où elle reçoit de lui tous fes
crnemens; le Baptême , la Coniirmation , l'Euchariftie ; les
grâces nécefl'aires pour la pratique des vertus ; les faintes Ecri-
tures qui fervent comme d'un miroir, où elle peut voir quels
ornemens lui conviennent ; enlin les moyens d'elTacer les fautes
eommifes depuis le Baptême. Ce foiiloque Hnit par une con-
felBon où l'homme ôc lame fe répandent en fentimens de-
reconnoilTance, d'amour envers Dieu, ôc de regrets de leurs
péchés pafTés.
XX. L'éloge de la charité ôc la manière de prier portent le L',îiope de
nom de Hugues de faint Vidor, tant dans les manufcrits que '^ charité ,
dans les imprimés, ôc dans 1 ritheme(c ). Hugues compofa le P'S-.'^^i- La
premier pour le renouveller dans le louvenir d un de les amis prier, pag.-
nommé Pierre , ôc ranimer fon amitié envers lui. Il fait voir ^>''*
que c'eft la charité qui a fait d'Abel un Martyr ; engagé Abraham
à fortir de fon Pays ; Jefus-Chrift à foufiVir pour racheter les
hommes ; que Dieu eft la charité même ; que pofTeder cette
.vertu , c'eft pofTeder Dieu ; que l'on ne peut entrer dans le
chemin de la juftice que par la charité ; mais auffi qu'elle eft
inféparable de la pratique des Commandemens de Dieu. Dans
(a) Mabiilon. uhi fu-ra. I (c) Montfaucon , Bih.ict. mjf. tcm, i,, .
tfr) Cap. J65. I pag. 66,
2o§ HUGUES ,
le Traité de la prière , il montre que nous devons nous ycîfcîtet
& par la conlideration de nos miferes , & par la vue de la mifc-
ricorde de Dieu. Quelques-uns difoient : A quoi boa réciter dans'
nos prières des pfeaumes , ou quelques autres endroits de TEcri-
' ture, qui n'ont point de rapport à ce que nous demandons pour
' nous, eu pourles autres ? Hugues répond qu'il y a cette différence
entre les prières que nous adreflons à Dieu , & celles que nous
adreflons aux hommes : Ceux-ci ne peuvent connoître nosbe-
fuins , fi nous ne les leur expofo.ns. Au-contraire , Dieu les connok
par lui-même. Nous pouvons donc ians les lui expofer toujours ,
mêler dans nos prières des pfeaunies , qui n'y ayent point d'autre
■ rapport, que de nous faire fouvenir de nos miferes, en louant
la bonté de Dieu , & fes mifericordes. En nous fouvenant de nos
•miferes , nous en devenons plus humbles ; en nous rappellant fcs
mifericordes , nous nous fentons plus portés à l'aimer : difpo-
fitions utiles à la prière.
Difcoursiur y^ XI. Il faut joindre aux écrits qu'on ne doute pas être de
l'Epoux & ce Hugues ne faint Viclor , le petit difcoursfur l'amour de l'Epoux
A'Epoufe,v.:g. & de lEpoufe ; de Jefus-Chrift & de famé fîdel!e; mais on ne
j^'^r •. r? -^'olt rien de lui dans le Livre intitulé : des fruits delà chair &
des rruits de la , ,, - ^^ ^ . ,,,,..
chair & de' de 1 efprit. Ce n'eu qu'une fuite de dehnitions des vertus & des
l'oiprit, p.ig. ^vices,
^'^Livrcs des XXIL Les deux Livres des Noccs chamelles 6c fpirituelles ,
Nucas&deia dont il a été parlé plus haut , paroiflent être de Hugues Foliet.
de "^ 7." •' 6 Tritheme n'en dit rien dans le catalogue des écrits de Hugues de
ôcifij." faint Viecor. il y fait mention de l'ouvrage, qui a pour titre:
de la vanité du fiécle; mais il paroît n'en avoir connu que le
premier Livre , dont il rapporte 1-e commencement. Il y en a
quatre Livres dans les imprimés, qui font en forme de Dialogue.
Quelques-uns les donnent encore à Hugues Folict. Je doute
qu'ayant prefque toujours vécu dans la retraite , il ait allez connu
le monde pour en faire la peinture , telle qu'on la trouve dans ces
Livres.
Livres de la XXIII. Hugues enfeigne dans fon Opufcule de la manière
'"•''■'^'V"" ? de méditer , à s'inftruire dans les divines Ecritures de ce que l'on
& de l'Arche , . ^ . ' , . . v . , ^ ,
deNoc,p.;/. doit hure ce éviter ; puis a examiner tous les mouvemens du
1.84 &i86. cœur , leur origine, leur but; enfuitc à régler tellement fcs
mœurs , que le prochain en foit échfié ,6c que la confcience n'aie
jrien à reprocher. Apres avoir donné ojne defcription myflique
Peg. 15c. ,<le l'Arche de Nop , il en donne une morale en quatre Livres,
la faifant envifager comme la ligure de l'Eglife. Dans l'^u-
meration
CHANOINE REGULIER DE S. VICTOR. 209
ïîieration des Papes il finit à Honorius II. fous le Pontilicat
duquel il écrivoit. Ainfi il fit la defcription myftique de l'Arche
au plus tard en 1 1 ? o , qui fut celui de la mort de ce Pape.
XXIV. On a attribue les dix Livres d'Extraits, tantôt à Livres de«
Hugues de faint Vider , tantôt à Richard de faint Vidor fon Extraits, ^a^.
Difciple. Mais fi l'on fait attention qu'il efl: parlé dans le dernier
chapitre du règne de Philippe Augufte , nls de Louis VII. qui
lacté à Reims le premier Novembre 1177 , ne commença à
régner qu'au mois de Septembre de l'année 1180, après la mort
de fon père ; on verra que l'hilloire des Rois de France depuis
Pharamond jufqu'à Philippe-Augufte , rapportée dans le dixième
Livre de ces Extraits, ne peut être de Hugues de faint Vitlor
mort en 1 142 , ni de Richard de faint Vidor , dont on met la
mort vers lan 1 175. On pourroit répondre, que les noms de
Louis IL ôc de Philippe fon fils ont été ajoutés après la mort de
Hugues ; ce qui s'eft fait fouvent dans ces fortes d'ouvrages. Ce
qui appuyé cette réponfe, eft que dans un manufcrit de la Reine
de Suéde (a), aujourd'hui du Vatican, la fuite des Rois de
France dans ce dixième Livre, ne va que jufqu'en 1157, c'eft-
à-dire , jufqu'au règne de Louis VI. dit le Gros , mort en 1 157.
Mais il refle toujours une difficulté confiderable ; fçavoir que
Hugues après s'être occupé pendant fa vie d'ouvrages importans ,
enfantés par fon propre travail , aura employé fes dernières années
à piller de tous cotés pour donner quelque chofe fur l'origine ÔC
la divifion des Arts , foit libéraux , foit méchaniques ; fur les
Ecritures divines ôc prophanes ; fur l'ouvrage de la création ;
fur l'Hiftoire facrée depuis Adam jufqu a Herode , fils d'Anti-
patre ; fur l'hiftoire des Scythes , des AiTyriens , des Medes , des
Perfes, des Romains, des Empereurs, des Rois de France,
& autres Potentats de l'Univers; car c'eft ce que contiennent
en abrégé ces dix Livres d'Extraits. On conjedure {b ) qu'ils font
de Richard de Cluni qui écrivoit vers Tan i iSo ou i ipo ; ÔC
que l'identité de nom , les a fait attribuer quelquefois à Richard
de faint Vidor. L'Auteur dans le Prologue divifc fes Extraits
en trois parties, les deux premières de dix I^ivres chacune; la
troifiéme de quatre. Nous venons de donner lefommaire des dix
premiers Livres ; les dix fuivans qui compofent la féconde partie ,
Ibnt les allégories fur l'ancien teftament, avec les Sermons fut
( a ) Montfauson. Bihliot. mjf. tom. i , i (i ) Oudin , tom. ^ ,àe Scriptor. Eccle-
Tome XXII. Dd
2Cio HUGUES,
divers fujets , dont on va parler. La troifiéme partie qui n'eft
que de quatre Livres , comprend resplication des quatre Evan-
giles , qui fe trouve à la fuite des allégories de l'ancien Teflament
imprimées dans le premier tome.
Livres des XXV. Parmi les manufcrits d'Alexandre Petaw , qui font à
trois Colon.- prefent an Vatican , il y en a un fous le nom de Hugues de faine
inai;x "m'i^. Victor ( a ), intitulé : de la nature des animaux mentionnés dans
ÎJ14. la fainte Ecriture. Il eft dans le catalogue de fes Ouvrage*
par Tritheme ( fc ) , qui en donne le commencement en ces:
termes : Leûorem divinarum Scripturarum. On ne lit rien de fem-
felable dans les Livres des trois Colombes, ôc autres animaux ^
imprimés dans le Recueil des Ouvrages de Hugues de faimt
Victor. Les deux premiers font attribués dans quelques manuf-
crits à Hugues Foliet; les deux derniers à Guillaume Perault^
Dominicain dans le treizième fiécle. Le quatrième Livre con-^
tient les définitions des termes félon l'ordre de l'alphabet.
Sermons de X X V L On a mis enfuite fous le nom de Hugues de faine
Hugues de s. Vidor , cent Sermons , fans y obferver aucun ordre , ni de
Viftor, p.ig. jTT^atiere , ni de tems. On vient de voir, que ce Recueil doit
faire le dixième Livre de la féconde partie des extraits , qui
n'étant qu'une compilation , ne mérite pas de porter le nom de
Hugues , qui avoir affez de capacité pour en publier de fore
propre fond. C'eû par la même raifon qu'on doit lui ôter le
difcours fur l'Affomption de la fainte Vierge, qui fait le cent
unième. L'Auteur qui paroît être le même que des Extraits ,
Pa-r. éjj. fe reconnoît pour un Compilateur , qui ne fe réferve que le droit
de changer quelquefois l'ordre des mots de fon original.
Ouvrai^et X X V IL Les Ouvrages de Hugues de faint Vi£lor , contenus
contenus dans dans le troifiémc tome , font dogmatiques. Le premier intitulé:
le troiiîcme ErmJitions didafcaliques , ou inftruttives , eft diftribué en fept
Eru^'itions Livtcs. Dans le premier qui a pour titre : de l'application à Ja
jiidafcaliques , leûure , il remarque qu'il y a trois chofcs dans la lecture : 1°. De
pag. I. f(çavoir ce qu'on doit lire. 2". En quel ordre on doit lire.
5°. Comment on doit lire. Les préceptes qu'il donne fur ces trois
articles , regardent également la letture des Livres qui concer-
nent les Arts, comme ceux qui conduifent à l'intelligence des
Livres faints. Le dernier chapitre , c'cft-à-dire , le treizième
manquoit à ce Livre* Dom Mabilloi> l'a donné parmi fes
l a) Momjaucon , BMiot, mjj. tom. i , | C^) C'i;). 363,
CHANOINE REGULIER DE S. VICTOR, ai.t
Anale£tes ( û j , fur un manufcrit du Monaflere de faint Taurin
au Dioccfe d'Evreux, Il traite dans le fécond Livre , des Arts
libéraux 6c méchaniques , dont il donne des notions générales.
Dans le troifiéme il fait connoître les Inventeurs des Arts > ceux
aufquels les Anciens s'appliquoient le plus , pour parvenir plus
facilement à la pleine connoilfance des vérités philcfophiques.
C'étoient les lept Arts libéraux. 11 traite daiis le quatrième de
i'Ecriture fainte , de l'ordre ôc du nombre des Livres , de leurs
Auteurs ; du rétabliflement des Ecritures par Efdras ; du Canon
■des Evangiles inventé par Ammonius ; des Canons des Conciles
généraux , nommément des quatre premiers; des écrits des
Pères ; des Livres apocryphes de l'ancien ôc du nouveau Tefta-
nient ; ôc de ceux des Ecrivains Ecclefiaftiques que l'Eglife
Catholique ôc Romaine a condamnés. Il explique dans le cin-
quième les divers fens de l'Ecriture fainte, ôc donne dans le
"iixiéme des règles pour la lire avec fruit. Cela ne peut fc
faire qu'en méditant férieufement fur ce qu'on a lu. C'efl:
pourquoi il parle dans le feptiéme Livre de la méditation par
•laquelle on parvient de la connoiflance des chofes vifibles à la
connoiiïancedes invifibles , c'eft-à-dire , de Dieu ôc de la Trinité
des perfonnes. Cet ouvrage fut imprimé féparément à Paris en
1 jo5 m-^°. On trouve quelque choie {b) du feptiéme Livre
dans la vie de fainte Lidwige au 1 4 d'Avril ( c ) dans Bollandus.
Ce qui ell: dit des Arts dans les autres Livres , e(t imprimé dans
le vocabulaire de "'Ç^'enceflas Brack en 1483.
XXVIII. Quelques-uns agitoient la queflicn , laquelle des Tmhé delà
deux eft la plus grande, ou de la puiffance de Dieu , ou de fa pifTiince Sf
volonté; Hugues après avoir rapporté les difficultés qu'ils for- |^eDieu°^""r
moient là-dcifus, décide en difant , que comme la puiffance J5.
de Dieu n'eft point reflrainte en ce qu'il ne fait rien fans fa
volonté : de même fa volonté n'eft point relTcrrée , pour ne pas
s "étendre à tout ce qui eft en fa puiffance. Il prouve que la
puiffance & la volonté étant en Dieu une même chofe, parce
que l'une ne fçauroit être féparée de l'autre; tout ce que Dieu
fait il le fait également par fa volonté ôc par fa puiffance. Ce
Traité n'eft qu'un tiffu de raifonnemens fcholaftiques ; on y
trouve même divers termes inufités dans les autres Ouvrages
de Hugues.
(a) P3^. i;^. - I (c) P^^- »Si.
( fc) Ex tau. i6, lib. 7. 1
Ddij
212 HUGUES,
Des quatre XXIX. Il étoit encore queftion du nombre des volontés
Jefus'-Chrift" ^^^ Jefus-Chrift. Hugues établit d'abord le dogme des deux
pag. 5é. volontés , l'une divine , l'autre humaine; parce que Jefus-Chrifl:
eft Dieu & homme tout enfemble. Puis il divife la volonté
humaine, fuivant fes difFerens égards ; en volonté de raifon ,
volonté de pieté, volonté de la chair. Suivant cette divifion, il
admet quatre volontés en Jefus-Chrifl. Par fa volonté divine,
il dictoit les Décrets de Juftice ; par fa volonté de raifon , il y
obéilToit; par fa volonté de pieté, il avoit compaffion de nos
miferes ; la volonté de la chair lui faifoit trouver de la peine
dans lesfouffrances; mais en cela même , il n'étoit pas contraire
à la volonté divine, parce qu'il étoit dans l'ordre de Dieu,
que la nature humaine s'oppoiât à fa propre deftrudion. Cet
Opufculc efl: intitulé dans 1 ritheme ( a ) , de la triple volonté en
Jefus-Chrift.
Traité de la XXX. Le Traité de la fageffe de Jefus-Chrifl efl dédié à
fageiïè de ''^- Gautliier de Mauritanie , Prédicateurcélebre du tems de Hugues
Chrift /pal', de faint Victor. Il y examine fi la fagefle de Jefus-Chrifl a été
j8. égale à la fagefTe divine ; la difficulté étoit , qu'en la fuppo-
fant égale, il fuivoit de-là une égalité de la créature avec le
Créateur. Flugues répond , qu'il y a une grande différence
entre avoir la fageffe , ôc être la fageffe ; qu'avoir la fagefTe , c'eft
l'avoir reçu par grâce ; être la fageffe , c'eft l'être par nature ; qiTe
Jefus-Chrifc a reçu la fageffe par grâce , c'efl-à-dire , par l'union
de fa nature humaine avec la divine en une feule perfonne;
qu'ainfi Tame de Jefus-Chrifl a tout par grâce, ce que Dieu eft
par nature ; qu'il ne s'enfuit pas néanmoins que 1 ouvrage du
Créateur lui foit égal, parce qu'encore que la créature auroit
reçu limmenfité de grâce , elle n'auroit pas pour cela perdu la
qualité de fa nature. La nature humaine par fon union avec le
Verbe , a reçu ce qu'elle n'avoit pas ; mais elle n'a pas cefTé
d'être ce qu'elle étoit. Elle a reçu la plénitude de la fageffe,
dans laquelle & par laquelle elle efl pleinement & parfaitement
fage ; mais elle n'a pas reçu d'être la fageffe même. D'où il fuit
que la fageffe de l'ame de Jefus-Chrill ne peut paffer pour égale
à la fageffe de Dieu , ni même lui être comparée. Oudin en
faifant imprimer le prologue de ce Traité ( /? ) , donne à entendre
(<0 Qf. 363, 1 (*) Tom. i , S.riptor. Lcclef. pa-.
I (*)
CHANOINE REGULIER DE S. VICTOR. 215
qu'il manque dans l'édition de Rouen , où il eft néanmoins tout
entier.
XXXI. Les deux fragmens , dont l'un a pour titre : de De Vunion
l'union du corps & de l'efprit ; ôc l'autre , de l'unité du Verbe de jl" «^OT* & <^e
Dieu , font tirés du premier Livre des mélanges , dont il fera luiiiié ' du' *
parlé ci-après. Quant à l'apologie du Verl)e incarné, il ne faut ^'«'■'^e incar-
que le lire pour fe convaincre qu'il n'eft pas de Hupues de faint ?'"/ ^î^' ,^*
Vittor ; mais qu u a cte écrit dans un tems ou la méthode fcho- gie du Verbe
lallique avoit déjà fait de grands progrés; ôc conféquemment '"carné,y.j^.
longtems après la mort de Hugues. On l'attribue à Jean de '
Cornouaille. Les trois difputes fuivantes, quiontaulli rapport à
l'incarnation du Verbe , paroiffent de même ftile que les mélanges
& du même Auteur.
XXXII. Henri de Gand & Tritheme (a) mettent le De la vîr-
Traité de la virginité perpétuelle de la fainte Vierge, au nombre ^'"'^ perpé-
des écrits de Hugues de faint Victor ; ôc il fe nomme lui-même rL^LV! &T.
dans le Prologue ou Epître dédicatoireà unEvêque,dont le nom
nefl: déligné que par un G. Ce Prélat lui avoit donné avis de la
façon indécence ôc peu refpectueufe dont une perfonne avoit parlé
de la fainte Vierge , trouvant mauvais qu'on la qualiiiat Vierge
des Vierges. Hugues écrivit fur cela une Lettre à cet Evoque,
où il fe propofe de prouver quatre articles; le premier, aue la
fainte Vierge en confentant au mariage , ne changea pas le deirein
de garder la virginité ; le fécond , qu'elle conçut , non d'un
homme , mais du Saint-Efprit ; le troifiéme , qu'elle enfanta fans
douleur ôc fans bleffer fa virginité ; le quatrième , que la confom-
mation du mariage n'eft pas elTentielle au mariage. Il prouve
la quatrième propofition en montrant , que l'eflence du mariage
confilte dans le confentement mutuel du mari ôc de la femme de
former enfemble une Société légitime ôc confiante , dont le
noeud eft l'amitié ôc la charité ; ôc que le commerce charnel n'en
cft qu'un office ôc non pas le lien ; enforte que fans lui , le mariage Pag. 8j.
peut fubfifter. L'Adverfaire obje£loit ces paroles d'Adam , en
voyarnt la femme que Dieu lui avoit donnée pour aide: Cejî-lû
Vos de mes os , G* la chair de ma chair : cefl pourquoi Vhomme Genef. 1, sj,
quittera fon père G* fa mère , ■*> s'' attachera à fa femjiie , &• ils
feront deux en une chair ^ ^uÇc\uQ[[es il joignoit celles que Dieu
prononça en bénillant le premier homme ôc la première femnoe
qu'il venoit d'unir: CroijJqG' multipliei-vous. Ce qui prou voie,
C " ) Hinnc, Gojidav. c.ip.^ i j , (f Triih, cap. j6;.
D d iij
214 HUGUES,
difoit-il, que la première ôc principale caule du mariage efl k
propagation. Hugues repond que ces paroles j il s'attachera à fa
j'e.nim , doivent s'entendre de l'affection du cœur, & du lien de
l'amitié qui unit le mari & la femme, en quoi conflue le pade
matrimonial; & que les fuivantes -.ils feront deux m une chair. y
défignent le mariage , qui a pour but la propagation ; mais
qu elles n'en conftituent pas l'eîfencc. Il ajoute , que depuis
■même que Jefus-Chrift a élevé le mariage à la dignité de Sacre-
ment, la vertu du Sacrement conjugal neft pas dans la chair.,
mais dans l'efprit 6c le cœur des Conjoints.
p gjf^jjj. XXXIII. Hugues trouve la preuve de fa première propo-
fition dans la réponfe de la fainte Vierge à l'Ange : Comment cela
Luc. t, 33. fe fera-til, car je ne cannois point àliomme ? En effet , fi elle
eût connu ou voulu connoître fon mari , elle n'auroit point
trouvé de diruculté dans le difcours de l'Ange. Sa crainre 6c fon
embarras ctoient donc une preuve de la ferme réfolution où
-elle ctoit de demeurer Vierge. Il étoit facile à Hugues de faint
Vi'tlor de prouver la féconde propofition en rapportant la fuite
des paroles de l'Ange, qui expliquent clairement commentAlarie
concevroit : Le Saint- Efprit , lui dit-il , furviendra en vous , (y la
llid- îî- vertu du Très Haut vous couvrira de fon ombre. Le Saint-Efprit
forma en elle 6c de fa chair , la chair de Jefus Chrift. La vérité
de la troifiéme propofition fuit de la féconde. Si Marie a con^^u
du Saint-Efprit, elle a dii enfanter fans douleur; parce que les
douleurs de lenfantement dans les femmes , font la fuite du
péché.
Pag. sr. XXXIV. Les réponfes de Hugues de faint Vider n'ayant
pas eu tout l'effet qu'il en atten doit , il fit une nouvelle reiitative
pour mettre (in aux difcours indécens des ennemis de l'intégrité
de la f\inte Vierge. C'eft la matière du quatrième chapitre de fa
Lettre, & de fa quatrième propofition . comprife dans la pre-
mière. Il prouve donc une féconde fois , que la fainteté du
SacremJînt conjugal , fon eflence ne confifie point dans le
commerce charnel , mais dans le lien d'une focieté légitime ,
où,excepté ce commerce , les deux conjoints s'engagent mutuel-
lement 6c d'un commun confentement à demeurer inféparable-
menr unis. S'il en eft ainfi , difoit-on , le mariage peut fe con-
tracter entre deux perfonnes d'un même fexe. Non , répond
Hugues, 6c il n'en faut pas d'autre preuve que l'infiitution du
Créateur, qui a établi le mariage entre deux perfonnes de diffé-
rent fexc. On peutcncorecndonner une autre, qui eft qu'il y a
CHANOINE REGULIER DE S. VICTOR. 217
deux chofes dans le mariage , le Sacrement du Mariage , ôc le
Sacrement de l'office conjugal. Le mariage confifte dans une
alliance d'amitié qui unit les cœurs ; & l'office du mariage , dans
la génération des enfans. L'amour conjugal ell: le Sacrement de
i'amour fpirituel qui eft entre Dieu & l'ame ; le commerce
charnel dans les époux ,eft: le Sacrement de l'union quieft entre
Jefus-Chriftôc fon Eglife fur terre.Or à cet égard, il eit néceflTaire
que le Sacrement de Mariage foit entre deux perfonnes de diffé-
rent fexe.
XXXV. Les Editeurs des Ouvrages de Hugues de faint Urret des.
Vittor conviennent qu'ils avoient eu en mains deux cahiers "^ },^"s^^ >i]é-
r ■ t n 1-/ j- • j 1 ■ / • ra-Jit; on theo.
manulcrits des mélanges d érudition , dont le premier etoit [oii^ique , vag.
divifé en deux Livres; le fécond en quatre. Le premier Livre "•
du premier cahier commence à la page ^ i du troifiéme tome , &
vajufqu'à la page 1 63. Il contient deux cens titres ou anicles fur
diverfes matières , tant de théologie , que de phyfique , d'hiftoire
& de morale. Le fécond Livre eft imprimé dans le premier
tome, depuis la page ^c jufqu'à la 75■^ Il comprend quatre-vingt
deux titres, qui annoncent des remarques , ou rcHexions morales
fur un grand non'ibre d'endroits des pfeaumes. Les quatre Livres
du fécond cahier font dans le même ftile Ôc dans le même Foût
que les précedens. On les a placés dans le troiliéme tome à la
page 163, d'où ils s'étendent jufqu'à la Î25)*. Le quatrième
Livre ne traite que des Rits ôc des Offices Ecclefiafliques.
Les trois autres font un mélange informe ôc fins aucun ordre
d'un grand nombre de réflexions allégoriques ôc morales fur
divers endroits de l'Ecriture, tant de l'ancien que du nouveau
Teftament. Quoiqu'on foit partagé fur l'Auteur de ces mélanges ,
on s'accorde à dire qu'ils ne font pointde Hugues de faint Vidor,
ni de fon flile ; qu'ils ont été trouvés dans des manufcrits où il n'y
avoit aucun de fes ouvroges ; enfin que le Compilateur a tiré des
écrits même de Hugues , quantité de chofes : raifon qui fuffit
feule pour ne pas l'en croire Auteur , étant fans apparence qu'il
eût compofé un i\ long ouvrage des Extraits des liens ôc des.
autres. Ce qui le prouve encore , c'efl: que parmi ces Extraits iî
y en a plufieurs pris des écrits de faint Bernard , mort plus de
dix ans après Hugues. Au refte, de qui foient ces mélanges ,
foit de Richard de Cluni, ou de quelqu'autre , ils ne laiflent pas
de renfermer un grand nombre de chofes très-utiles.
XXXVI. Il n'eft rien dit du Traité du vœu fait par Jephté,. Traité Jr la
dans les anciens catalogues des Oeuvres de Hugues de iàint J^"','^ J."'!^^,
5t5 h U g U E S;
Miroir tîcs Viclor ; auffi n'eft-il pas digne de lui. On n'y lit point non plus
re^lifr '^^ 1« Livre intitulé : Miroir des myfteres de l'Eglife , dont le Pro-
logue feul fait voir qu'il eft d'un Ecrivain plus accoutumé à
traiter les matières de logique ou féculieres , que de théologie;
ce qui ne fe peut dire de Hugues. D'ailleurs le ftile en eft bas ,
barbare Ôc négligé ; il y a des puérilités dans fes explications
Kiyftiques ; fes applications de l'Ecriture ne font pas heureufcs ;
& ce qui fait voir qu'il n'étoit ni Chanoine Régulier, ni Béné-
didin, c'eft qu'en parlant de l'heure de Prime, il dit: à cette
heure nous chantons chaque jour cinq pfeaumes, aufquels nous
joignons l'e.xpofition de la Foi Catholique , c'efl-à-dire , le
fymbole Quicumqm; ce qui ne fe fait dans ces deux Ordres que
le Dimanche ; l'heure de Prime aux autres jours de la femaine ,
n'ayant que trois pfeaumes , & point d'expofition de foi.
Livres des XXXVII. Les trois Livres des cérémonies , des Sacremens ,
cérémonies , des Offices, ôc des Rits Ecclefiaftiques , après avoir écé impri-
Offices&Ri'ts "'''^'''' ^^"S "^"^ d'Auteur , ont été publiés fous celui de Hugues
Ecclefiafti- de faint Victor dans la Biblioteque des Pères à Paris en 154.4,
ques •> v^S- puis dans le troifiéme tome de fes Oeuvres de l'édition de Rouen
de Robert Çii i^^-S. Mais dans un manufcrit de l'Abbaye de Corbie , ils
Pauluius,Prc- portent le nom de Robert Paululus , Prêtre de l'Eglife d'Amiens,
tre a Amiens, j^j jj^. j^^^ le Prologue qu'il y a peu du (len dans cet Ouvrage ;
qu'il l'a compofé de divers Livres qui traitoient ces matières ;
qu'il n'a fait que les abréger , en prenant toutefois ce qui lui
paroiffoit de meilleur, comme feroit un homme qui pour avoir
le grain plus pur , en éloigneroit les pailles; que s'il s'y trouve
quelques autres remarques qui ne foient pas dans les Livres où
ij apuifé, il les doit aux Maîtres qui les lui ont faites de vive
voix. Le Cartulaire de l'Abbaye de Corbie (a) contient plufieurs
actes aufquels Robert Paululus foufcrivit en 1174, ^'^19^^
1184, en ces termes : Maître Robert Paululus , Miniftre de l'E-
voque d'Amiens.
Remarques XXXVIII. Le premier Livre de cet Auteur traite delà
furlcTraitéde Pédicace de l'Eglife, ôc des cérémonies ufitées dans cette con-
\n\\\T tom!^i, ftcration, dont il donne une explication allégorique & morale.
Oj>. Hugon. \\ traite auffi des Sacremens. On faifoit encore alors le fcrutiii
à- S. l lâior. jg ceux qu'on deftinoit au Baptême à la Fête de Pâques , c'eft-
à-dire qu'on les inftruifoit de la foi qu'ils dévoient profeffer. Cela
(a) Mdillon. in Prœfac. ad tom. 3 , Aôbr. Oràin. S. Bencdiéli. pajy. 35, edit.
Venuœ.
fe
P<ig' 357.
CHANOINE REGULIER DE S. VICTOR. 217
fc faifoit le mercredi de la quatrième femaine de Carême. Ils L/f. t.wf.
recevoicnt le Baptême la veille de Pâques, par la triple immer- '^^"*
fion. Les autres cérémonies qui accompagnoient l'adminiftration
de ce Sacrement , étoient les mêmes qu'aujourd'hui , fi ce n'eft
qu'enfuite du Sacrement de Baptême ,on donnoit aux nouveaux
baptifés le Corps ôc le Sang de Jcfus-Chrifl: ; ce que nous ne
failbns plus. Si le baptifé étoit nouvellement né , le Prêtre ayant Cap, »•.
trempé fon doigt dans le précieux Sang , le donnoit à fuccer à
cet enfant , fi cela pouvoit fe faire fans danger i autrement on ne
l'admettoit point à la participation de l'Euchariftic. Robert fc
plaint de l'ignorance de certains Prêtres , qui au lieu de donner
aux baptifés le précieux Sang fous l'efpcce du vin , ne leur admi-
niftroicntque du vin non confacré. Il reconnoît que le Sacrement Ctp.tt,
de Confirmation n'eft pas néceffaire au falut , fi toutefois ce n'eft
pas par mépris qu'on fe foit abftcnu de le recevoir. Il dit qu'il
appartient a l'Evêque fcul de le conférer , 6c que conféré par un
autre , on doit le regarder comme de nul effet.
XX. XIX. Il enfeigne que la pénitence confîfte à pleurer fes Cip.ti.
péchés , & dans la volonté de n'en plus commettre ; que pour
qu'elle foit utile , trois chofes font nécefi'aires , la componction
de cœur , la confelTion de bouche , ôc la fatisfaciion ; que les
péchés ne laifl^ent pas d'être remis par la contrition de cœur ,
même avant la confefiion ; qu'il eft néanmoins très-utile de
confefler de bouche fes péchés , parce qu'encore que la coulpc
& la peine de la damnation éternelle due pour les crimes , foit
pardonnée , il y a encore la peine temporelle à fubir ; qu'à l'égard Cap. 14.
de la pénitence publique , on ne la réitère pas , quoiqu'on
retombe dans les crimes qui l'ont méritée , afin d'en donner plus
d'horreur. Robert donne à l'Extrême-Onclion le titre de Sacre- Cap. tr»
ment ; enfeigne qu'elle a été inftituéc par les Apôtres , qu'elle
remet les péchés ; qu'on peut la réitérer ; que, fauf le mépris ,
on peut ne pas la recevoir fans courir rifque d'être damné. Il met
l'eUence du Sacrement de Mariage dans le confentemcnt des
perfonnes exprimé par les paroles du tems prefent ; enfortc
qu'après que les conjoints fc font donné mutuellement la foi , ils
ne peuvent plus fe féparer , foit en contra£lant un autre mariage ,
foit en entrant dans un Cloître , foit en faifant voeu de conti-
nence, finon du confentement de l'autre partie, ôc à la charge
qu'elle s'obligera aufii à la continence. Robert s'objede quelques
hiftoires , où il eft dit , que des Saints , prêts à confommer le
mariage , ont quitté leur époufeôclc lit nuptial, pour vivre dans
Tome XXII. Ee
2i8 H U G U E S,
le célibat ; à quoi il répond , que cela ne leur efl; arrivé qu'après
les fiançailles , où la promeiïe n'eft que pour le futur , ôc non
après les noces où le confentement mutuel efl; donne par des
C(Ç. soG- î I. paroles du tems prefent. 11 marque les empêchemens du mariage ,
à-peu-prcs tels qu'ils font encore , fi ce n'eil celui de parenté qu'U.
met jufqu'aufeptiéme degré.
Cao. 4î. X L. En parlant du Sacrement de l'Ordre & des differens
dégrés du miniftere Ecclefiaftique > il dit que le Pape eft ainfi
nommé, parce qu'il efl: le Père des Pères j qu'on l'appelle uni-
. verfel , parce qu'il préfidc à l'Eglifc univerfelle : Apoiiolique , à
caufe qu'il tient la place du Prince des Apôtres : & fouverain
Pontife, parce qu'il eil le chef de tous les Evêques ; que c'efl: à
lui que font données les clefs , comme elles furent données par
Jefus-Chrifl: à faint Pierre ; que fon Office efl: d'ordonner les
Méfies , & les Offices divins ; de publier ou de changer les
Canons fuivant l'utilité de l'Eglife ; de confacrer l'Empereur ;
d'envoyer le Pailium aux Archevêques i d'accorder des privilèges
aux Eglifes , ôc de gouverner l'Eglife entière comme Vicaire de
Jefus-Chrift , dont il tient la place.
Put. 37i. X L I. Les deux autres Livres de Robert Paululus regardent
le détail des Offices Ecclefiafliques , ôc les Rits de la MelTe ,
fuivant la variété des tems 6c des circonftances. Dans le trente-
deuxième chapitre du fécond Livre , il marque en termes fort
clairs , le changement du pain ôc du vin au Corps ôc au Sang
de Jefus-Chrift par la vertu des paroles facramentelles , ou de la
vertu divine , qui opère le changement dans le moment que le
Lih. 1. Prêtre prononce les paroles. 11 met le commencement du
^'^P- 3*- Carême au mercredi de la Quinquagcfime , ôc dit que dès ce jour
on difoit pendant tout le Carême la Mefle à l'heure de None ,
LU: j. c'efl-à-dire , à trois heures , excepté les Dimanches où on la
Cap. H. célebroit à l'heure de Tierce, ou à neuf heures.
Canon At la X L II. Le petit Livre intitulé , de la Cène myfliquc , ou des
Ccne myfii- fepj ordres de la Melfe , a été imprimé à Rome en i jp i dans le
?c!*t o.îrés e'e R^cucil des Autcurs Hturgiques , ôc dans le di'xiéme tome de la
l:iMe!re,p3„. Biblioteque dcs Peresà Paris. C'efl une explication des fignes de
^^^' Croix ôc des prières du Canon de laMeile. L'Auteur , que les ma-
nufcrits d'Angleterre prouvent êtrejean deCornuuaille, yrecoa-
noît clairement en deux ou trois endro.cs [a) le changement réel
( a ) Cap. 1,4,5,
CHANOINE REGULIER DE S. VICTOR. 21$
du pain ôc du vin au Corps ôc au Sang de Jefus-Chriil. Jean de
Cornouaille écrivoit vers l'an i 170. Il eft aulîi Auteur de l'apo-
logie de riiicarnation , imprimce au troificme tome des Oeuvres
de Hugues de faint Vidor ; ôc d'un Traité qui a pour titre :
Eulogium, adreffé au Pape Alexandre III. dont voici l'occafion.
A peine eut-on introduit dans les Ecoles du douzième fiécle la iMartcnne
méthode fcholadique, que les Maîtres s appliquèrent à propofer ««. ?, an:c-
des queftions , où il entroit plus de fubtilité ôc de curiolité , que '':°'' *^*^"„^f-
d'amour de la vérité , dont la plupart alloient à renverfer les bg.pag.ie^i.
fondemens de la Religion chrétienne. Quelques-uns oferent
avancer que Jefus-Chrift en tant qu'homme n'ell rien ; ôc que le
Verbe divin s'efl' uni au corps ôc à lame humaine, comme fi
c'eût été un vêtement ; renverfant ainll la foi de l'Eglife touchant .
l'union perfonnelle du Verbe avec la nature humaine. Cette
erreur trouva tant de fauteurs , que l'on fut obligé d'affembler
un Concile à Tours en \ 16^ , où les Evoques , tant de France
que d'Angleterre , la condamnèrent. Le Pape Alexandre III. qui
l'avoit convoqué , la condamna encore dans fcs Lettres à Guil-
laume , Archevêque de Sens , ôc lui ordonna d'aflcmbler par
l'autorité du faint Siège, les Maîtres de Paris, en préfence de
fes SufFragans , pour leur défendre de rien enfeigner de fem-
blable à l'avenir. Jean de Cornouaille fut pendant pluficurS'
années infeâé de cette pernicieufe doctrine ; mais ayant eniin.
reconnu la vérité , il abjura ôc condamna l'erreur ; ôc pour
marquer au public la fincerité de fon repentir, il la réfuta dans
un écrit fait exprès , qu'il intitula , Eulogium. Ce ne fut qu'après
l'an 1 17 J , puifquil y parle de Guillaume de Sens comme Jéja
transféré à Reims ; ce qui arriva en cette année-là.
X L 1 1 1. Jean de Cornouaille rcprefente au Pape dans cet Cuvraee de
Ouvrage, que l'on abufoit de la clémence dont il avoit ufédans J'^--".'''? Cor-
le Concile de Tours ôc dans fa Lettre à cet Archevêque^ en M^acnno
défendant de frapper d'anatheme les Sectateurs de cette erreur , 'i^.
dans le doute s'il n'y avoit pas plus d ignorance dans leur fait,
<jue d'opiniâtreté ; qu'une infinité d'Ecoliers bùvoient dans ce
Calice empoifonné , ôc qu'après s'y êtreenyvrés , ils foutenoient
avec fureur , que ce dogme pervers- étoit catholique ; qu'il n'y
avoit pas d'autre moyen de couper chemin à l'erreur , qu'en
retranchant du corps de l'Eglife ces chairs ôc ces membres pourris.
Il confefie hautement que Jefus-Chrift eft homme , ôc quelque
ehofe de réel lelon Ihumaniré , c'eft-à-dire , une fubftance corpo-
relle , comme il en ek une fpirituelle félon fa divinité; que. le
E e ij
niere
aîo HUGUES;
même qui félon la divinité eft inctéé , a été créé 6c fait fcloo
l'humanité. Il prouve toutes ces propofitions par l'autorité de
l'Ecriture ôc des Pères , 6c répond a toutes les difficultés en
diftinguant en Jefus-Chrift les deux natures unies en une per-
fonne. Il ne diffimule pas que Gilbert de la Porrée ôc Pierre
Abaillard nayent favorifé les femimens qu'il combat ; mais il
déclare avoir oui-dire de Pierre Lombard , en préfcnce de fes
Auditeurs , un peu avant qu'il fût Evêque de Paris , qu^ ce
qu'il avoit dit là-defTus , étoit moins fon opinion que celle de
fon Maître, c'eft- à-dire, de Pierre Abaillard. Dom Martenne
a donné place à ce Traité de Jean de Cornouaille dans le cin-
quième tome de fes anecdotes. Lelande ( a ) , Baloeus 6c Pitfeus
aittribuent à Jean des Commentaires fur l'Ecriture , des Lettres
fie quelques Opufcules , qui ne font point imprimés.
De la ma- XLIV. Dom Martenne a fait entrer dans le mêmetomedcfes
?re d';.p anecdotes un Traité de Hugues de faint Vi£tor , fous le titre :
mcJirer.Mar' delà manière d'appccndrc & de méditer. On lit , de dire Cf de
ttnne,tom.u méditer ^ mais ce titre ne répond point à l'Ouvrage. Dans le
fl^« or. p.ig. jnanufcrit du Monaftere defaint Ouen de Rouen , d'où ce Traité
a été tiré , Hugues eft appelle Parifien ; ce qui vient apparemment
de ce qu'il s'eft fait Chanoine Régulier à faint Vitlor de Paris ,
qu'il y a vécu, ôc qu'il y eft mort. Il demande à celui qui veut
apprendre , qu'il foit humble ; qu'il ne méprife aucune fcience ,
ni aucune écriture ; qu'il apprenne volontiers de tous; ôc que
lorfqu'il aura appris , il ne méprife perfonne. Les trois chofes
qu'il croit néceftaires à tous les Etudians , font la nature, ou les
difpofitions naturelles , qui font de concevoir aifément , ôc de
retenir ce qu'on a coni^u; l'exercice néceflTaire pour cultiver les
talens naturels par un travail affidu ; la difcipline, afin d'allier la
pureté des mœurs avec la fcience. Quant à la manière de
méditer, il veut qu'on commence par la lc£lurc; qu'enfuite
l'efprit rcHéchiflefouvent fur l'objet qu'il veut s'imprimer ; qu'il
en examine l'origine, l'utilité ôc toutes les autres circonftances.
Dom Martenne a mis à la tête de cet Opufcule la Lettre
d'Obert touchant la maladie ôc la mort de Hugues de faint
"Vitlor, déjà imprimée dans le premier tome de fes Oeuvres.
Brs Sacre- X L V. Le troifiéme contient un Dialogue entre le Maître ÔC
riens <|e lai oi le Difciplc , où l'on réfout quantité de quellions fur la Loi natu-
laLoi <;crite*' relie Ôc la Loi écrite. Thritheme ôc Hean de Gand n'en dilent
SP h- • ^g,^ Lsland. caf. 1,00, Balaus Cent, ut , (, Pitfeits , pa£..x.}6.
CHANOINE REGULIER DE S. VICTOR, aa»
rien. Mais on trouve dans ce Dialogue pluficurs explications
fcmblables à celles que Hugues donne dans fes Notes fur la
Genefe, & dans le quatrième chapitre de l'onzième partie des
Sacremens , notamment fur la formation de la femme d'une
côte d'Adam. Je ne vois rien d'ailleurs dans cet écrit qui ne foit
digne de Hugues de faint Vidor.
XL VI. Le premier de fes Ouvrages dans le Catalogue de Somme Je«
Trithême eft une fomme de Sentences divifëe en fept Traités , Sntfnce$,
qui concernent les matières les plus intéreflantes de la religion i
les vertus théologales ; les Sacremens ; les myfleres de la Tri-
nité ôc de l'Incarnation; la création des Eflres vifibles & invi-
fiblcs. Hugues paroît faire allufion à cet écrit dans fa Préface fur
les Sacremens , où il dit qu'il avoir déjà traité cette matière,
mais avec peu de fuite 6c peu d'exaditude , croyant que cela
fuffifoit alors ; & qu'ayant revu ce qu'il avoir écrit , il y avoit
changé , foit en y ajoutant , foit en retranchant plufieurs endroits
qu'il étoit néceffaire, ou de changer , ou de retrancher. Il parle
encore plus exprelTément de cette fomme de Sentences dans le
Prologue du premier Livre fur les Sacremens ; enforte qu'on ne
peut douter qu'il ne foit Auteur de cette fomnie. Henri de
Gand ( a) le reconnoît comme l'Abbé Trithême.
X L V 1 1. Ils mettent aufTi l'un & l'autre au nombre de fes LïTre» des
ouvrages , celui des Sacremens de la Foi chrétienne. C'eft même h Fo^'d^ré-
le plus confiderable & le plus intéreflant de tous. Il eft divifé en tienne , pa^,
deux Livres, dont le premiercommence à la création du monde , ^^*'
& va jufqu'à l'Incarnation du Verbe ; le fécond , depuis l'Incar-
nation jufqu a la fin ôc la confommatron de toutes chofes. II y
a douze parties dans le premier Livre , 6c dix-huit dans le
fécond. Voici ce qu'ils contiennent de plus remarquable.
XLV III. Après avoir fait ledénombrement des Livres qui Ce qu'iU
font dans le Canon des divines Ecritures , Hugues de faint contiennent
Vitlor dit , qu'on n'y mettoit pas les Livres de Tobie , de Judith bie."'" ^"*"
& des Maccabécs , quoiqu'on les lût dans lEglife. Il eft de Pa^. 187.
fcntiment que tous les Eftrcs vifibles 6c invifibles , c'eft-à-dire ,
ks Anges furent créés dans le même moment , ôc qu'il ne fe Pa^. 48^,
fit rien depuis y. dont la matière n'eût été créée dans ce premier
inftant. En Dieu la fageffe , la bonté , la puiflance , font éter-
nelles. Il a voulu aulli éternellement , ce qu'il n'a tait que dans
le tems. D'oîf il fuit qu'encore que la volonté de créer le monde p^^. yoo,
^a; Hcnrk, Ganduy. cjp, 15 j ù' Tnihem. cap. 30 j.
E c iij
Ail HUGUES,
foit ea lui de tonte éternité , le monde n'en efl pas pour cela
éternel. Dans la Trinité eft le Père, le Fils,, & le Saint-Efprit.
?ag. joj». Le Père eft de lui-même, le Fils du Perefeul, ieSaint-Ei'prit du
Pereôc du Fils ; une Trinité en une nature & une fubllance:
on n'y diflingue que les perlonnes , & ce qui leur efl propre.
PflT. ïii. Quoiqu'il n'y aie en Dieu qu'une volonté qui ell immuable , oti
Pjct. yi4. ne laille pas d'en dillinguer deux, mais qu'on n'appelle volonté
que parce que ce font des (ignés de fa volonté ; l'une qui opère ;
l'autre qui permet. Dieu veut le bien ; il permet ou tolère le
mal. La volonté éternelle en Dieu de faire une chofe , eft ce que
Pjt. 515. Hugues appelle volonté de bon plailîr , voluntas bsneplaciti ; ce
qu'il fait dans le tems , il le nomme vclontc de figne , voluntas
figni , parce que l'effet de la volonté de Dieu eft un figne qu'il
a voulu cette chofe éternellement.
Piiç. 511. X L I X. La créature raifonnable ccant la feule qui ait été
faite à la reffemblance de Dieu , on doit dire qu'elle a été faite
la première, à raifon de fa dignité , & non du tems , puifque
tout a été créé en un même moment, c'eft-à-dire, la matière
de tout, comme du corps de l'homme. A l'égard de fon ame,
Pftg. îj°' Dieu l'a créée dans l'inftant que fon corps a été formé. Hugues
fe propofe oc réfout grand nombre de queftions fur l'état d'Adaai
avant Ôc après fon péché ; fur le péché originel ôc fur fes fuites ;
fur la réparation du genre humain par l'Incarnation du Verbe ; ÔC
fur rinftitutio'n desSacremens , tant dans la Loi naturelle, que
dans la Loi écrite & la Loi de l'Evangile.
Par. 571. L. Hugues de faint Vidor met cette différence entre les Sacre-
mens de la L.oi de nature , ôc ceux des deux Loix écrites ; que
les premiers étoient de volonté ; les autres de précepte. Il penfe
toutefois que Dieu avoit enfeigné intérieurement aux Patriarche»
de lui offrir des vœux ôc des facrifices ; d'où vient, en efîet , n'of-
froient-ils pour la dixmede leurs fruits ,que la neuvième partie,
s'ils n'avoient eu là-deffus aucune inftrudion ? Après avoir établi
auffiles différences entre les Sacremens de l'ancien Tcflament
ôc du nouveau , il traite de la Foi , de l'Incarnation , ôc de la
Pj . jj8. Sainte-Trinité. En parlant de la mort de Jefus-Chrift , il remarque
que quelques-uns croyoient que la divinité s'étoit féparée en ce
moment de l'humanité. Mais regardant ce fentiment comme
infoutenable , il dit que la nature divine ayant été unie perfon-
nellement avec la nature humaine en Jefus-Chrift , le corps ea
demeurant mort dans le tombeau , ôc l'amc en defcendant aux
Enfers , n'ont pu rompre cette union i qu'on doit dire que Jefus-
CHANOINE REGULIER DE S. VICTOR. 225
Chrift Dieu eil mort , mais félon la nature humaine ; qu'il a été
mis dans le tombeau félon fon corps ; qu'il eft defccndu aux
Enfers félon fon ame.
L I. Il enfeigne que l'Eglife efl: le Corps de Jefus-Chrifl: Pag. go(.
vivifiée par un même efprit ; unie & fanftifie'c par une môme
Foi ; que chaque Fidèle eft membre de ce corps ; que tous ne
compofent qu'un corps , à caufe d'un même efprit & d'une
même Foi. Sur les poliellions temporelles de l'Eglilè, i! remarque
que les Princes de la Terre lui en accordent quelquefois; tantôt Pj^. ««s.
feulement l'utile de certaines Terres ; tantôt l'utile & le pouvoir
d'y exercer la Juftice , non par des Ecclefiaftiques , mais par
desjuges Laïcs fuivant la teneur desLoix & les ufages des lieux ;
à charge aux Eglifes de reconnoître qu'elles tiennent ce droit des
Princes ; & de leur prêter fecours dans le befoin , pour la pro-
teclion qu'elles en reçoivent.
L 1 1. U ne doute pas que la Circoncifion n'ait remis les p.i^. 613.
péchés, avant i'inftitution du Baptême ; qu'il n'y ait eu un tems
où la Circoncifion ôc le Baptême avoient l'un & l'autre ce pou-
voir ; ôc il croit que l'obligation générale de recevoir le Baptême
n'a commencé que quand les Apôtres ont été envoyés prêcher
l'Evangile par toute la Terre. Après avoir diflingué dans l'Eu-
charillie l'efpece vifible ; la vérité du Corps ôc du Sang de Jefus-
Chrift, ôcla vertu de la grâce fpirituelle produite par le Sacre-
ment , il marque en ces termes f?. croyance fur la préfence réelle :
Ce que nous voyons (a), eft l'efpece du pain ôc du vin : Ce que Pa^. 633,
nous croyons être fous cette efpece , eft le vrai Corps de Jefus-
Chrift qui a été attaché à la Croix , Ôc fon vrai Sang. qui a coulé
de fon côté. Il ajoute : Par les paroles de fantlification ( /> ) la vraie
fubftance du pain ôc du vin eft convertie au vrai Corps ôc au
vrai Sang de jefus-Chrift ; la feule efpece du pain ôc du vin refte^^
la fubftance en étant changée en une autre fubftance.
L 1 1 1. Hugues fait mention de la cérémonie ufitée dans Pcg- «jr.
l'Eglife de bénir des cendres le mercredi de la Quinquagefime ;
d'en mettre fur la tête des P'ideles cn.difant les paroles dieia
Gencfe, que nous dilbns encore^ de bénir des palmes le.Di-
(fl^ Qiiod videmus , fpecies eftpanis
& v:ni : Quod autem fiib fpecie illa crcdi-
mus , verum Corpus Chrifti eft : & veriis
Sanguis Jclus Chrifti quod pcpeiiJit in
Cruce , & qui fluxit de laierc. Lu^c. lib.
x yde Saaui.i. f)ar:. 8 , luj,-, 7.
(il) Ptr TPrba fanâificationis vcra
panis & vcra vini fuLfiantia in> Vi-um
Corpus & Saiiguinem Chrifti cofivir.i'ur:
vSoIa îpfcie p:.nit & vini ren aiieine : Sib-
ftsntia in Se û.bflant;aiii (r-inleunte. Uii!*
cap, f.
£24 HUGUES, «ce.
manche qui précède immédiatement celui de Pâques , & de
plufieurs autres Rits de i'Egiife. Il fe propofe plufieurs cas fur
le mariage qu'il réfout avec beaucoup de prudence. Enfuite il
traite des vœux , des vices ôc des vertus ; puis du pouvoir
des clefs ôc de la eonfelfion des péchés ; de l'Extrême-
Onftion ; des peines du Purgatoire ôc de l'Enfer; de l'utilité du
faint Sacrifice Ôc de la prière pour les morts ; du tems auquel
fe fera le fécond avènement de Jefus-Chrift , la réfurredion
générale ôc le jugement dernier ; enfiu de l'état du fiécle futur ,
ôc en quoi conliftera la félicité des bienheureux ; ces deux
Livres des Sacremens furent imprimés féparémcnt à Strasbourg
en i4^j in-fol.
Ouvrages LI V. On cite fous icnom deHugucs dcfaînt Vittorbeaucoup
de Hugues de d'autres écrits , qui n'ont pas encore été rendus publics ,
non impH- entr'autres une Chronique des Papes ôc des Empereurs. Alberic
mes, de Trois-Fontainesen parle dans la Tienne , fur l'an 1 1 jo , ôc dit
que Hugues avoir conduit jufques-là cette Chronique. On n'a
pas imprimé non plus fon explication de l'Oraifon Dominicale;
du Cantique Magnificat ; fon Traité fur la confedion ; un autre
des fept Dons du Saint-Efprit ; un de la difcipline , ni fon
Commentaire fur le feptiéme verfet du quatrième chapitre du
Cantique des Cantiques. Trithenie ôc Henri de Gand ( a ) font
mention de tous ces Opufcules dans le Catalogue des Ouvrages
de Hugues de faint Vidor.
Jugement LV. Cet Autcur fera toujours eflimable pour la façon dont il
»îes cents de (jjjjjg jçg matictes de la Religion. Il met les plus abftraites dans
" tout le jour dont elles font fufceptiblcs , réfout les difficultés
avec précifion ôc avec clarté , toujours appuyé fur l'autorité de
l'Ecriture ôc des Pères ; <ftablit folidement les vérités de la Foi ;
ôc ne laifle prefque rien à défirer fur les points importans de la
difcipline de I'Egiife. Son ftile eft grave , noble , précis , net , ôc
débaraffé des termes ôc des raifonnemens que la fcholaftiquc
commençoit à mettre en ufage. Il prit pour modèle les Anciens ,
nommément faint Auguftin , dont il fuit les principes ôc la
doÊlrinc. Ce fut un des plus profonds Théologiens de fon fiécle.
(«) Trithem. de Scripwr. Ecd. ap. j6j, &• Hcnric. Gandxv. ccL'p, ij &• 17.
CHAPITRE
HUGUES M E T E L L U S , ôcc; 22J
yV, -j»M liy* 'Vlr. -^*r. '^ -jfc^ 'jfc, -JV. "ifc^ ^U . liy' . 'JV% .^ 'Mn. "Ur- -Jlr. '^C^ -JV- '»!>-. -41-. '^V,
CHAPITRE XIII.
Hu GUES 3iET ELLu S i Chanoine Régulier de Tout,
I. "VT E en cette Ville vers la fin de l'onzicme fiécle, d'une Hugues Mei
X 1 famille honnête ôc opulente,ilcutTiecelin pour Maître t'^l'us- S«
dans les Lettres humaines , & s'y rendit habile. Inflruit des '''"''"*
fubtilitcs ( a ) de la Philofophie d'Ariftote^ il falloit être furfes
gardes lorfqu'il argumentoit : il s'appliqua auiïl avec fuccès à la
Grammaire, à la Rhétorique, àlaMufique, à l'Arithmétique, à
la Géométrie, à l'Aflronomie & à la Pocfie. Son talent pour les
vers étoit tel qu'il pouvoit en compofer mille étant debout fur
un pied ; & il avoit acquis une fi grande facilité de s'exprimer,
qu'il didoit, quand il vouloit, à deux ou trois Scribes en même-
tems. Aux beaux Arts il joignit l'étude de la Langue Grecque,
puis il alla étudier la Théologie, & l'Ecriture fainte, à Laon
fous Anfelme ôc Raoul fon frère, qui y enfeignoient avec répu-
tation.
1 1. Il apprit dans leurs Ecoles à réfoudre ( fc ) les difficultés qui II fe fo'f
fe rencontrent dans l'ancien & le nouveau Teftament. Appliqué Chanoi-.eRé-,
à des études aulTiférieufes, il prit du dégoût pour le monde, ôc ^^'^^'
dans le deflTein de vaquer plus furement à fon falut, il fe fit Cha-
noine régulier dans l'Abbaye defaintLeon à Toul , fous l'Abbé
Siebaud. Il nous apprend ( c ) lui-même quelle étoit fa vie avant
fa converfion , ôc quelle elle fut depuis. Dans le monde il fe
revétoit de fourures précieufes, fe nourriffbit de ce que la terre
& l'eau produifent de plus délicat , ôc ne bûvoit que les vins les
plus exquis. Etant Chanoine régulier, il fe couvrit de peaux de
chèvres & de brebis , vécut de choux , de légumes fauvages , de
téves , ôc ne but que de l'eau , ou une liqueur compofée d'avoine j
car on vivoit ainfi dans le Monaftere de ces Nazaréens blancs,
comme il les appelle , parce qu'ils ( d ) étoient alors vêtus de
blanc, comme les Chanoines réguliers de fainte Geneviève, de
faint Vidor à Paris , ôc de Murbach en Alface. Nous avons de
( a ) Hu?o , epil. ^ t . l (c) Id. epijl. 1 1 .
( *3 i.i. ej J't. 5 1- 1 (, 'O ■^'i5'. in hanc evijf.
Tome XXI L Ff
S25 HUGUES METELLU S,
Hugues deux ( a ) Lettres à Simon , Abbé de faint Clément à
Metz , mort en i 148 ; peut-ôrrefurvccut-ilà cet Abbé, mais on
n'en a point de preuves.
Ses Lettres. 1 ^ i- I^ relie de Hugues Metellus cinquante-cinq Lettres ,
dont on ne connoit que deux manufcrits,l"un du Collège de
Clermont , l'autre de l'Abbaye de fainte Geneviève. Dom
Mabillon sert fervi du premier dans ce qu'il a publié de ces
Lettres parmi fes Analedes. L'Abbé Hugo , après les avoir
revues fur tous les deux , les a fait imprimer dans le focond tome
des Monumens hifloriques , dogmatiques, diplomatiques, à
faint Dié en 1731, m-fol. chez jofeph Chariot.
Analyfe de j V. Elles font la plupart adrelTées à des perfonnes de la pre-
Th "'"^ ' "''^^'^^ diflinûion , ce qui fait voir que le nom de Hugues
Metellus étoit célèbre. La première eft à faint Bernard , Abbé de
Clairvaux ; c'eft un éloge de fes vertus & de fes écrits , oii
Aletellus prodigue les métaphores , les antithèfes ôc les autres
figures de Réthcrique ; ce n'efl: qu'allégories ôc allufions conti-
nuelles à divers endroits , tantôt de l'Ecriture fainte , tantôt de
l'Hidoire Romaine, tantôt de la Fable, dont il fait l'application
à la vie de faint Bernard , ôc à la fienne : car après avoir donné à
ce faint Abbé les louanges que méritoient fa piété ôcfon fçavoir ,
il parle de lui-même , ôc raconte les égaremens de fa jeuneffejfon
dégoût du monde , fa retraite dans le Monaflere de faint Léon.
Quoiqu'il fe crût beaucoup au-deffous de faint Bernard , poar le
mérite de la vie , il ne laifl'e pas de lui donner des avis touchant la
pratique de l'humilité, fondé fur ce principe: Qu'il e'à rare que le
fçavoir ôc lafainteté des mœurs fe rencontrent en quelqu'un dans
un grand degré, fans être agités par quelque vent d'orgueil,
encore qu'on ne s'en apperçoive pas. Il finit fa Lettre par dix vers
de mefure inégale , ôc de fort mauvais goût.
Epijl. 1. Y. Soit qu'on eût critiqué cet éloge de l'Abbé de Clairvaux ,
foit qu'il appréhendât que fes envieux ne le cenfuraiTent , il les
prévint par une Lettre adrelfce en général à ceux qui fréquen-
toient les Ecoles chrétiennes , ôc leur fit voir qu'il navoit loué
que ce qui méritoit de l'être, que le menfongc ni l'adulation
n'étoient entrés pour rien dans le panégyrique de ce faint
homme.
Efj/?. 3. YJ_ A la prière de Tiecelin fon premier Maître, mais qui
n'avoir point étudié en Théologie, il compofa un petit traité fur
(a) Eplfu 54 j 5i'
CHANOINE REGULIER DE TOUL. 227
la Trinité, dans lequel il propofe ce que l'Eglife croit de ce
myftere ; Hugues n'y dit rien, ou peu de chofes de lui-môme , il
ne parle que d'après faint Auguftin, faint Ambroife, faint Atha-
nafe, faint Jérôme ôc Boëce. Il n'y a en Dieu qu'une nature,
qu'une fubftance , & trois Perfonnes. Tout ce qui eft eflentiel à la
Nature divine, la toute-puiflance, l'éternité & tous les autres
attributs , eft commun au Père , au Fils , au Saint-Efprit , 6c ce
qui eft relatif eft propre à ces trois Perfonnes; engendrer eft;
propre au Père ; être engendré, propre au Fils ; procéder , propre
au Saint-Efprit qui procède du Père ôc du Fils. Telle eft la matière
de la Lettre à Tiecelin.
VII. Celle qu'il écrivit au Pape Innocent II. avoit pour but Epijl. 4 &* ï*
de l'engager à réprimer les erreurs que Pierre Abaillard répandoit
dans les Églifes de France , foit de vive voix, foit par écrit. Il
reconnoît la primauté de l'Eglife Romaine fur toutes les Eglifes ,
le droit qu'elle a de décider les queftions de la foi , & l'indéfedi-
bilité de fa foi ; il écrivit aufli à Abaillard pour l'obliger à rétratlec
fes erreurs , & à rentrer dans fon Cloître pour y fuivre la Règle
qu'il avoit profelTée. Un peu moins d'amertume dans le zèle de
Metellus , l'auroit rendu plus perfuafif.
VIII. Dans fa Lettre à Alberon , Archevêque de Trêves , il EpiJl. 6.
fait une peinture alTez vive des défordres qui regnoient alors dans
le Diocèfe deToul; lesinceftcs, les homicides, ôc beaucoup
d'autres crimes fe commettoient hautement fans qu'on les punît;
& ces chofes étoient venues au point qu'on croyoit prochaine
l'arrivée de l'Antechrift. Hugues fait là-deffus de grands reproches
à Alberon , fe plaignant qu'il n'apportoit aucun remède à ces
maux , quoiqu'il fût Métropolitain ôc Lég:it du faint Sicge : il le
prefte d'affembler un Concile , ôc d'ufer du pouvoir des deux
glaives qu'il avoit en main , le glaive fpirituel ôcle glaive royal,
aufquek il lui étoit facile de recourir. Il convient que l'Arche-
vêque avoit des lumières , qu'il prenoit foin de fon Diocèfe ;
mais il fouhaitoit qu'il étendît fon zèle fur les Diocèfes voifins ,
en qualité de Métropolitain. Saint Bernard qui avoit pris auprès
du Pape Innocent IL la défenfe d'Alberon , ne s'accorde pas
tout-à-fait avec Metellus fur la fituation des chofes ôc les éve-
nemens : il ne dilfmiule pas que les Diocèfes qui relevoient de
l'Archevêque deTreves, ne fuffent tellement dérangés, (a) qu'on
n'y connoifloit plus ni ordre , ni juftice , ni honneur , ni religion ;
( a ) Bir.iard , epiji. 176 , 177.
Ffij
aiS HUGUES M E T E L L U S;
mais il foutient qu'Alberon n'étoit ni une ombre , ni un phdn-
tôme d'Archevêque ; que s'il ne faifoit point de fruit ailleurs
que dans fon Diocèfe , c'eft qu'on lui avoit donné pour Suftra-
gans de jeunes Prélats de qualité , qui au lieu de l'aider , le tra-
verfoient & le contrarioient ; que Ci ces Suft'ragans manquoient
de zèle pour le bon ordre , ils avoienfdes Archidiacres zélés &
éclairés , nommément Henri , Archidiacre de Toul.
Epi/Z. 7, 8. I X. La Lettre à Adam , Confrère de Metellus , c'eft-à-dire.
Chanoine régulier comme lui, eft une exhortation à la pratique
exacle des vertus de fon état. Ami de Guileneus , Evêque de
Langres depuis l'an iiaj jufqu'en 115 i, il lui donna les avis
néceffaires pour la conduite de fon Diocèfe, en particulier de
diftribuer au peuple de Dieu le pain de la parole, & aux pauvres
la nourriture corporelle , fans craindre d'en manquer lui-même.
Il écrivit à Eftienne , Evêque de Metz , pour le congratuler fur
fon voyage de Rome; mais il l'avertit de reftituer avant fon
Epijl. p. départ aux pauvres Chanoines de faint Léon, ce qu'on leur avoit
Epijl. 10. enlevé, s'il vouloit rendre fon voyage heureux. On avoit fait à
faint Bernard un faux rapport touchant ces Chanoines ; l'Abbé
Siebaud alla exprès à Clairvaux pour le détromper..
Epifl. II, X. L'Editeur penfe que Gemma à qui l'onzième Lettre e(t
adrelTée , n'eft autre que Guillaume, Abbé de faint Thierri,
ami intime de faint Bernard , ôc célèbre par fa vertu ôc fon
fçavoir, cela peut être; mais il y a là-defTus une difficulté qu'il
n'eft pas facile de réfoudre , c'efl: que dans cette fuppofition il
faudroit dire , que Guillaume eût d'abord le nom de Gemma,
qu'enfuite il le changea en celui de Guillaume, ce qui ne paroît
par aucun autre endroit. Siebaud écrivant (a) à Guillaume de
faint Thierri , ne le nomme pas autrement que Guillaume ;
comment dans le même tems , Ôc dans une même Maifon,
cet Abbé étoit-il nommé Gemma , & Guillaume f Gemma par
Aletellus, Guillaume par Siebaud? JVletellus dans fa Lettre lui
donne de grandes louanges , tant pour s'être confacré à Dieu dès
fa tendre jeuneiïe , que pour fes vertus 6c lumières ; il fe reproche
au contraire de n'être venu travailler à la vigne du Seigneur que
vers l'onzième heure , ôc dans un âge avancé. C'elt dans cette
Lettre qu'il parle de la vie ôc des vêtemens des Chanoines régu-
liers de faint Léon , comme on l'a dit plus haut.
E/iJl. II.. XL Hugues n'avoit pas encore embraffé la vie régulière
(.1) Eyijl. .8.
CHANOINE REGULIER DE TOUt. 225^
idans ce Monaflere, lorfqu'il écrivit fa féconde Lettre à Tiecelia
fon premier Maître , puifqu'il s'y plaint à. lui de ce qu'il avoit
accordé l'hofpitalité à un nommé Garnier de Bourges , qui après
lui avoir volé fon argent 6c fes Livres, en ouvrant fon armoire
avec une fauffe clef, avoit encore répandu fur fon compte plu-
fieurs calomnies parmi le peuple. Il n'épargne pas à fon tour ce
voleur , mais à la fin de fa Lettre il apporte un lénitif à fes
exprelîions dures ôc violentes, en difant , qu'il l'avoit écrite en
Réthoricien, tantôt en accufant Garnier ^tantôt en l'e.xcufànt,
fous l'enveloppe de certains termes.
X I L Par fa Lettre à Henri de Lorraine, Evcque de Toul , EplJ!. rj;
il lui donne avis qu'il fe trouve dans fon Diocèfe des hommes
infedés d'erreurs , qui après les avoir répandues en fecret ,
commencent à les publier hautement. Ils détefient, lui dit-il , le
Mariage, ont en horreur le Baptême , tournent en dérifion les
Sacremens.de l'Eglife , abhorent le nom de Ciirétien , & vivent
comme des bêtes.. C'étoient les Henriciens ôi. les Petrobuliens ,
que faint Bernard combattit de vive voix, & contre lefquels il
écrivit à Hildephonfe, Comte de faint Gilles, pour les empêcher
de dogmatifer à Touloufe, comme ils avoient fait à Laufhnne ,
au Mans , à Poitiers , à Bordeaux , ôc ailleurs , vers l'an 1 1 4.6 &
1 14.7. Hugues exhorte fon Evêque à aflénibler fon Concile , ôc
à faire tout ce qui convenoit pour diliiper cette compagnie de
Satan.
XIII. Plus Metellus s'efl: appliqué à rendre Abaillard odieux Epifi. i^, 17,.
dans fes Lettres au Pape Innocent II. plus il a ailecté de relever
les vertus ôc le fçavoir d'HeloïlTe dans les deux Lettres qu'il ,
lui a adreflces; il avoue toutefois qu'il ne. la connolifoit que de
réputation. Pour fe faire connoître à elle, il lui dit qui il étoit ,
d'où il étoit , ôc lui vante fes talens Poétiques, ôc les ouvrages
qu'il avoit faits en vers : il fait encore remarquer à Heloiile que
la Ville où il étoit né avoit deux noms , Leuque ôc Toul;. le
nom de Leucha, ou. Leuque., lui venait. de la blancheur des
hommes de cette Ville , ôc de fon vin blanc , parce que Leuchon
en Grec , (ignifie blanc en François ; pour k nom de Toul , i! fut
donné à cette Ville depuis que Tullus s'en fut eraparéfousleDuc
Cœfarien.
XIV. La dix-huitiéme Lettre n'efi pas de Hugues , mais de Epi(l. iB-^-
Siebaud fon Abbé, qui l'écrivit à Guillaume de faint Thierri
pour lui rendre compte de la Façon un peu dure dont il avoir
traité un de fes Religieux nommé Herbert, de qui il avoit reçu
F f iij.
250 HUGUES METELLUS;
des injures. La fuivante eft au Prêtre Rainald , que Hugues loue
pour fes bonnes œuvres, en particulier pour fes libéralités envers
les pauvres 6c les étrangers.
Epijl. 10. X V. Confulté Cl l'on pouvoit unir par un légitime mariage ,
ceux qui avoient vécu auparavant dans des conjonttions illi-
cites , ôc fi ceux que l'on a féparés pour caufe dincelle , peuvent
contracter un nouveau mariage, il répond affirmativement fur
Epijl. II. l'un ôc l'autre cas. Ilétoitlié d'amitié avec Embricon , Evêque
& Duc de Virzbourg , car ce Prélat avoit ces deux titres ;
fçachant donc qu'Embricon fe conduifoit avec prudence dans
l'Epifcopat , il l'en congratula , ôc lui apprit en même-tems qu'il
avoit renoncé au monde , ôc aux occupations mondaines , pour
vivre fous la Règle de faint AugulVm : il parle encore dans cette
Lettre de fa pallion pour la Poëlie , pour la Philofophie d'Aridote,
ôc de fes travaux inutiles dans la recherche de la quadrature du
Epijl. 11. Cercle. Dans fa Lettre à un Abbé de fon Ordre, qui paflbit
pour excéder dans les corredions , Hugues lui dit que nous ne
fommes point fous la loi qui ne fv,avoit que punir , mais fous la
grâce qui pardonne ; qu'un Supérieur doit avoir égard dans fes
corredions au caradere de fes Religieux , punir avec douceur
ceux qui font doux ôc dociles , être ferme envers les rebelles ÔC
les orgueilleux , les châtier avec féverlté au dehors , mais en
confervant intérieurement des fentimens de compalfion ôc de
charité.
Epijl. »4. XVL Dans fa Lettre à Scibert , il fuit le fenti ment de faint
Auguflin fur l'origine de l'ame, ôc penfe comme lui , qu'elles
Epijl. i(- font chaque jour créées de Dieu. Dom Mabillon conjedurequc
Gérard à qui la vingt-fixiéme Lettre efcadrelfée , n'eft pas diffé-
Maiidon. rent de Gedand à qui la trente-troifiéme eft écrite , mais il paroît
Ohferviir i" par l'iufcription même qu'on doit les diftinguer ; Gérard y efl
"^F' ^e^Ana- appel'^ Moine d'un efprit éprouvé, ôc on voit par le corps de
leil'or. ' la Lettre qu'il faifoit fon étude de la Théologie, ôc fon occu-
pation de la ledure des Pères. Gerland au contraire eft qualilié
dans le titre de laLettre, d'homme vain , enflé de la connoilTance
qu'il avoit acquife dans les beaux Arts, la Grammaire , la Rétho-
rique , la Dialedique , l'Aftrologie , la Géométrie , l'Arithmé-
tique, la Mufique. Gérard propofa à Mctellus deux queftions
fur l'Euchariftie ; la première , fi l'on doit recevoir chaque jour le
Corps de Jefus-Chrift ; la féconde , fi c'eft fon vrai Corps que
l'on confervc fur l'Autel, ou fi ce n'eft pas la figure du Corps
régnant dans le Ciel. Hugues répond à la première par les paroles
CHANOINE REGULIER DE TOUL. 231
de faint Ambroife & de faint AuguiHn , que l'on doit recevoir le
Corps de Jefus-Chriit toutes les fuis qu'on en eil digne; qu'il
faut fe rendre digne d"ea approcher chaque jour , parce que
péchant chaque jour , nous avons befoin chaque jour de remède ;
qu'en recevant le Corps de Jefus-Chrin: , notre vie devient
meilleure , & nos péchés nous font remis ; que celui qui eft dans
la volonté de pécher , ne doit pas approcher de la Table du Sei-
gneur ; que li au contraire il a quitté entièrement la volonté de
pécher , il peut approcher avec coniiance de l'Autel , quoique
jufques-là il ait été pécheur. Sur la féconde queftion , Hugues
répond qu'il eft vrai que faint Auguftin trouvoit de la ligure dans
ces paroles du Sauveur: 61 vous ne niangei la Chair du Fils de
l'Homme j Gfc. parce que Jefus-Chrift les avoir dites pour
annoncer aux incrédules , fa Pailion , fous une ex^reflion figurée ,
ôc faire entendre à fes amis l'union fpirituelle qui devoit être
entre le Chef & les Membres , par une charité opérante. Mais il
cite d'autres endroits des écrits de ce Père, où il dit nettement,
que nous recevons dans le Pain Euchariflique celui-là même qui
a été attaché à la Croix , & le Sang qui a coulé de fon côté. Il
protefte qu'il le croit ainfi ,& rapporte ce quief} dit delà préfence
réelle dans le Concile d'hphèfe, dans faint Jérôme, dans faint
Ambroife, ôc ce qu'en [a) croit l'Eglife Romaine, dont la foi,
ajoute-t-il , n'a jamais été fouillée d'aucune erreur.
XVII. Il confeilla à un jeune homme nommé Ulderic , qui Spiji. 17-
s'appliquoit à vérifier ce qui eft dit dans faint Matthieu , de la
Généalogie de Jefus-Chrift , de lire ce qu'en ont écrit faint
Jérôme , faint Auguftin , faint Ambroife , faint Grégoire le
Grand. Suppofant dans Ulderic beaucoup de leclureôc de capa-
cité, il le prie de lui expliquer la propliétic de Jacob ôc celle
de Daniel , ôc d'en montrer l'accomplilfement en Jefus-Chrift. Epif^. is.
L'explication d'Ulderic ne lui ayant pas plu , il en donna une
lui-même de la prophétie de Jacob , montrant qu'elle avoit été
accomplie à la venue de Jefus-Chrift , où le Sceptre étant palTé
de Juda à Herode, qui étoit un étranger, celui-ci eut pour
fuccelTeur Archelaus , à qui les Romains fubftituerent un autre
Herodcjfous le règne duquel Jefus-Chrift fut crucifié. Hugues
réfout aufli une autre queftion qu'il avoit agitée avec Ulderic ,
( ,; ; v eitu 11 oft qi:;a éventas rei c^r- t autfm Ecclefia in pridida tiiie Cor:>oriï
tifi-;'.t fi! m Ronian.ï tcc!efî.t locundain [ Clirifti fuit & fideliter perAitit , Se p.fr
promiiliuii Dei nuniquam defecilTe , nec pncones fuos eam longi latcque diflènô»
aliiiiù hsrcû tcmeratam elle. Ro;nana I nat. Hi^o. epip. 16.
232 HUGUES ME TEL LUS;
eétoitfur la prédeftination ; il fuit dans fa folutionle fentiment de
faint Auguftin.
Epijl. i9. X V 1 1 L II y a deux fautes dans la Lettre de Hugues à
Foulques , l'une de dodrine, l'autre de fait : la première , en ce
qu'il avance , contre le fentiment de l'Eglife , que les prières
que l'on fait pour les Chrétiens condamnés pour leurs péchés aux
fupplices éternels j adouciffent ces fupplices : la féconde, en
dilhnt que faint Grégoire le Grand a prié pour le falutdel'Em-
Voyer.tom. pereur Trajan , fait dont on a montré ailleurs la fauifeté. Dans
ï/jP^j. 414. une féconde Lettre à Alberon, Archevêque de Trêves, Metellus
fe congratule de ce que fa mère avoir fourni aux befoins de ce
Epijî. 30. Prélat pendant fon bas-âge ; il lui demande en reconnoifT;\nce Is
fecours de fes prières ôc pour fa mère , & pour lui-même après fa
EpiJl. 31. mort, quilcroyoit prochaine. Il dit dans une autre Lettre que
le repentir en Dieu , n'eft pas changer de deffein , mais d'adions ;
qu'encore que l'ame foit toute entière dans chaque mciibre du
corps , elle n'y eit pas entière félon fon effence , mais par rapport
Epift. 32. à la vie qu'elle communique à chacun , parce qu'étant incorpo-
relle de fa nature , elle ne peut animer le corps par une diffufion
locale.
iEpiJf. 33. XIX. Un nommé Gerland, homme d'efprit & defçavoir,
mais infecté de l'héréfie de Berengcr , la répandoit parmi le
peuple : il s'appuyoit ordinairement de l'autorité de faint
Auguftin , & foutenoit que ce Père avoir pris dans un fens
ligure les paroles de Jefus-Chrlft à fes Difciples, touchant l'obli-
gation de Hianger fon Corps ôc de boire {ou. Sang. Hugues
iVîctellus lui écrivit pour le détromper , ôc le mettre au tait du
vrai fentiment de faint Auguftin ; il dit que ce Père reconnoilToic
en efll't dans les paroles du Sauveur , un fens figuré , mais qui
fuppofoit la réalité; qu'il entendoit les paro'e? de Jefus-Chriftà
fes Apôtres, delà Communion fpirituelle de fon Corps & de fon
Sang , qui n'eft commune qu'aux bons, 6c non de la facramen-
telle , qui eft commune aux bons & aux méchans ; & que telle
écoit la penfée du Sauveur , comme on le voit par le texte
Joxn. 6 , 5'4 ^ Evan?elique , car après avoir dit : Si vous ne mcuige? la Chair du
^^- [ils de l'Homme , Gf ne bûve?^ fon Sang , vous n'awe'^ point la vie,
Jefus-Chrift ajoute: Celui qui mange ma Chair Cf bcit mon Sang
demeure en moi, Gr moi en lui. Or, il y en a beaucoup qui mangent
la Chair du Seigneur, qui ne demeurent pas en lui , ou qui ne
Ibnc pas fes membres. Hugues convient encore que dans le fenti-
«icnt de làint Auguftin ; la Communion, ou comme il dit, l'ia-
corporatioa
CHANOINE REGULIER DE TOUL. "255
corporation facramentelle du Corps de Jefus-Chrift , eft une
figure, ou un (Igne de l'union par laquelle nous fommes, 6c
ferons unis avec Jefus-Chrill. Mais pour montrer que ce faint
Dotleur, outre ces fens (igure's de l'Euchariftie, croyoit nette-
ment qu'elle eft le vrai Corps 6c le vrai Sangde Jefus-Clirift , il
rapporte fes paroles dans 1 explication dun Pfeau me : Le même
Sang, dit-il {a), que les Juifs perfécuteurs de Jefus-Chrift ont
répandu , a été bii cnfuite par les Juifs qui ont cru en lui.
Gerland nioit que le Corps de Jefus-Chrift pût être en divers
lieux dans le môme moment, mais il ne niuit pas qu'il fut né
d'une Vierge, qu'il fût entré dans la chambre des Apôtres les
portes fermées. Hugues dit qu'en croyant l'un , on ne doit pas
nier l'autre , puifqu'ils font également contre les règles de la
Nature. Il ajoute , que fi le Pain fandifié n'eft pas le Corps ,
mais la figure du Carps de Jefus-Chrift , c'eft fans raifon que
l'Apôtre dit , que ceux qui le mangent indignement, mangent
leur propre condamnation ; qu'il n'en a pas eu plus, de préférer
le Pain fanttifié fur l'Autel , au Pain bénit par le Prêtre à la table
commune. Hugues donne des raifons de cette préférence, c'eft
que celui qui (andifie fur l'Autel , ôc ce qui eft fandifié , eft
le même; c'eft le même qui immole, 6c qui eft immolé, le
Prêtre 6c lavid:me,lemêmeDieu ôc Homme; c'eft pourquoi le
Pain ainfi fandifié peut remettre les péchc^ , ce que ne fait
pas le Pain bénit à la table commune. Ne difcutons point les
grandeurs de Dieu par les lumières delà raifon , la foi doit nous
les rendre vcriérables. Il rapporte ce qu'on lit dans la vie de faint
Grégoire le Grand , qu'à fa prière le Pain confacré fur l'Autel
prit la figure de chair; 6c après avoir cité un paftage de S. Au-
guftin pour la prcfence réelle , il prelTe Gerland de fc rendre au
fentiment unanime des pcrfonnes de piété 6c de fçavoir , qui
croyent fermement que le Pain {b) fandifié fur l'Autel n'eft plus
du pain , mais le Corps vivant de Jefus-Chrift; 6c à la dodrinedu
faint Siège ^ qui , conformément à la foi de faint Pierre , a
toujours crû (c) ce qu'il croit encore touchant le Corps ôc le
Sang du Seigneur dans l'Euchariftie. On cite de Gerland un
( .i ) .[■fuR\ l;i:vruinfm qvcm fudpn.:nt | faiiftificntum non Jam panem , feiî vinuiii
JuiLti pcr.tquct.us , poft modum biberimt Corpus Chrifti cfle .' Hu^. c: ijl. ■ j.
Judïi crukiufs. Auguflin , Strnon. 77, i ( i' ) Verum eil iidem Pc tri de Corrorç
Cflu. 5 , psg'. 4») , i<^n'-. î , & S:rn. 81. j & Sanguine Domini , ab eo dcrjv..tam,
(6) Nonne vides reliçioios vires & j ulijue ad temporr' noftra pcr P.;cctfri,):'.f5
tnaçni nominis Dodorcs in hac fentrntia I Apollolicorum virorum manaire inu.iie-
ihre , i;i h-^c fde rerftnrp p.;neni al.iris l ratar.i. Ibid.
Tome XXIL G g
254 HUGUES METELLUS,
Comput Ecclefiaftique non imprimé, que l'on trouve manufcrrc.
dans quelques Biliotheques, avec le Livre de Hefperic (a).
£>'/?. 34, 5î. XX. La Lettre à Hugues, Maître des Ecoles à Chartres,
eft pour le prier d'examiner certains ouvrages que Metellus
avoit compofés dans fa vieilleiïe. Dans celle qui eft adreffée à
un Chanoine régulier nommé Humbert, il répond aux queftions
qu'il lui avoit faites , qu'on n'efl; obligé de fe féparer de la
communion de quelqu'un , dans la table & dans la prière ,
qu'après qu'il aura été excommunié nommément pour crimes ,
par un Jugement Eccléfiaflique ; que l'on peut anathêmatifer
après la mort , ceux que l'on croit avoir eu des fentimens
contre la Foi pendant leur vie ; que lorfqu'il eft polîible de
trouver aifément des Sujets pour la Prêtrife , il ne faut les
ordonner qu'à trente ans , f;non qu'on peut les ordonner à vingt-
Epijl. î6, cinq ans. Il décide dans la Lettre à Garbode,que lorfqu'il y a
néceffité , on peut élever aux Ordres facrés les enfans des Prêtres ;
& qu'auiïi dans le cas de néceflité , une ordination faite fans le
confentement de l'Evêque Diocèfain , doit fubfifter.
£pl^-37- XXL Les deux Lettres fui vantes contiennent la folution de
deux queftions fur les Anges. On avoit demandé à Hugues
pourquoi les Anges font appelles Animaux dans l'Ecriture, 6c
pourquoi Dieu a racheté les hommes, ôc non les Anges ? Il
répond à la première queftion qu'ils font appelles Animaux , non
à raifon de leur nature, mais de leur innocence, comme les
âmes des Saints font quelquefois figurées fous le nom des boeufs
E?i/î. j8. & des brebis. Il dit fur la féconde que Dieu a racheté l'homme ,
parce que fait d'une matière fragile, 6c entraîné au péché par
l'amour qu'il avoit pour fa femme, il s'eft repenti de fa faute;
au lieu que l'Ange a péché par orgueil , par ingratitude, 6c n'a
point témoigné de repentir. Il écrit à un de fes amis , furpris de
ce quefaint Auguftin dit dans fa Lettre à Macedonius , que celui
qui pèche une féconde fois après avoir été admis à la Pénitence ,
ôc au Sacrement de l'Autel , n'eft plus reçu à faire pénitence,
Epijl. 39. de peur qu'elle ne devienne méprifable; que cela doit s'entendre
de la pénitence publique , qui en effet ne s'accordoit qu'une
fois.
Epi/î. 40. XXII. Sa Lettre à Humbert fon co-difciple , contient le
détail des études qu'ils avoient faites enfemble , ce qui lui donne
occafion de parler des divcrfes fedes de Philofophes , Peripathé-
l a) Ouiliii ytcm, z ,di Scriptor. Ecucf. y<ig, icji/.
CHANOINE REGULIER DE TOUL. 23^
tîciens, Platoniciens, Stoïciens, Epicuriens, &c d'expliquer en
latin ce que tous ces noms fignitient en grec. Mais lorfqu'il
écrivit cette Lettre , ils avoient l'un & l'autre fait leur étude de
la Théologie, n'ayant confervé que du mépris pour les chicanes
de la Dialeciique.
XXIII. L'établifTement du nouvel Ordre des Norbertins , I^y'J^. 41.
ou Prémontrés, rit tant de déplaifir à Hugues , qu'il fe plaignit
aux Cardinaux de la grande variété qu'ils fouffroient dans les
habits des difFérens Ordres Religieux : il leur dit qu'on n'ob-
tient pas le Royaume des Cieux par la forme ou la couleur des
habits , mais par la pureté des mœurs ; que fi elles fe corrompent,
ce ne feront pas les habits qui rendront l'Eglife heureufe ; il
préfère le furpiis des Chanoines de faint Auguftin , à la tunique
des Norbertins , difant , que ceux-ci étoient tout récens, au lieu
que les Chanoines réguliers exidoicnt depuis plus de deux cens
ans. Hugues parle apparemment de quelque Congrégation parti-
culière de Chanoines réguliers, puifque deux lignes plus bas , il
fait Auteur de la règle des Chanoines, faint Urbain, Pape 6c
Martyr en 225 , ôc qu'il attribue à faint Auguf^in celle qu'il
fuivoit dans fon Monaflere de Toul , fitué dans le voifinage de
celui de faint Manfui. Il furvint entre ces deux Abbayes quelque Epijî. 4t.
difficulté qui y occafionna du réfroidiflement , Hugues n'en
explique pas bien la raifon ; mais en prêchant à Thierri , Moine
de faint Alanfui , les devoirs de la charité , il a grand foin de
l'humilier en lui difant, que les Moines Cénobites font étrangers
au Sacerdoce ; qu'ils mangent par ufurpation les pains de propo-
fition , qu'il n'eft permis qu'aux feuls Prédicateurs de manger ;
qu'il n'en efl pas des Moines, comme des Clercs; qu'il appar-
tient à ceux-ci de paître les brebis, ôc aux Moines de pleurer,
mais non d'enfeigner. Il convient toutefois que faint Grégoire
le Grand, Grégoire VIL ôc Urbain IL ont fous Ihabit Monafli-
que, préfidé à l'Eglife Romaine , & enfeigné. Mais pouvoit-il
ignorer que depuis le Concile d'Aix-la-Chapcllc en 817, il y
avoit eu des Ecoles publiques dans un grand nombre de Mo-
nafteres de l'Ordre de faint Benoît , tant pour les Laïcs que
pour les Moines ; ôc qu'à Toul , Adfon , Moine de l'Abbaye de
Luxeu , invité par faint Gauzelin, tint dans l'Abbaye de faint
Evre des Ecoles , où cet Evêque envoyoit fes Clercs ?
XXIV. Un jeune homme nommé Foulques, demanda à EpiJ!. 45.
Metellus pourquoi Dieu avoit créé l'homme qu'il fçavoit devoir
tomber, ôc pourquoi il i'avoit fait capable de chute ? Sa réponfe
236 HUGUES M E T E L L U S ,
fut que l'Ange avoir été créé de même , avec pouvoir de perfé-
verer dans foii état primitif , ou d'en déchoir; & que l'homme
ayant été fait pour remplir la place des Anges apoflats , Dieu lui
alaiffé, comme à eux, la liberté de perféverer , ou de ne pas
perféverer dans l'état d innocence. Il s'explique dans cette
Lettre fur la différence de la crainte filiale , & de la crainte
Epjf. 44. fervile,fuivant les principes de faint Auguftin , qu'il fuit ordi-
nairement dans fes décifions ; c'efl: de lui aulTi ôc de Boëce , qu'il
emprunte l'explication qu'il donne du myftere de la Trinité
£pi/Z. 4y,46. dans fa Lettre à l'Abbé Odon , ôc la folution des difficultés qut
regardent les futurs contingens marqués dans l'Ecriture. Il
Epjî. 47. condamne le duel , mais il n'approuve ni défaprouve les épreuves
de l'eau chaude ôc du fer chaud , difant , qu'elles ne font auto-
rifées par aucune Loi , ôc qu'elles ont été mifes en ufage par U'
Epijl. 48. néceflité des tems. Il n'eft pas d'avis qu'on molefte les Juifs ^
à caufe qu'ils font utiles à la Religion , par le témoignage que lut
rendent les Livres dont ils font dépofitaires ; mais il penfe diffé"
remment des Paycns, qui enlèvent aux Chrétiens leurs biens ÔC
les perfécutent.
Epiji.fiifi^. XXV. Dans les deux Lettres à Conftantin , Hugues réfout
plufieurs qucftions touchant les ufages ôc les rits de l'Eglife
pendant le Carême , ôc les trois femaines précédentes. La plupart
de fes folutions ne font fondées que fur des explications mylli-
ques , mais qui fuppofent toujours la- réalité de ces rits ôc de ces
ufages , qui nous apprennent qu'à l'office de la nuit de l'Epi-
phanie, on fupprimoit l'invitatoire ; que i'yilleluia ne fe chanioit
pas depuis la Septuagefime jufqu'à Pâques ; que pendant le
Carême on s'abftenoit de viande, mais qu'on pouvoir manger
du poiffonjcommp moins propre à nourrir la concupifcence;
que durant ce faint tems l'on fufpendoit un voile devant l'Autel y
ôc en quelques endroits , un autre à l'entrée du Chœur ; que tous
les Jeudis de Carême n'avoient point d'offices propres, ôc le
Samedy-faint point d'office de nuit, celui que l'on' y célebroit
appartenant à k.Fête de Pâques ; que pendant les trois jours pré-
cédens l'on éteignoit tous les luminaires.
p ■« - ^, XXVI. Les deux dernières Lettres font à Simon, Abbé de
faint Clément à Metz; dans l'une, Metellus fait l'éloge de fes
vertus , de ("on anrour pour les pauvres , de fa libéralité envers les
étrangers , de la douceur de fon gouvernement ; dans l'autre , il
répond à la queftion que Simon lui avoir propofée , f<;;avoir,fil'
rJ>(ûlutian donnée par un Prêtre, qui; par compaffion pour la
CHANOINE REGULIER DE TOUL. 237
ftagilité humaine , ou par ignorance , n'impofe pas une pénitence
proportionnde au crime , eft valide. Hugues répond que cette
abfolution vaut , fi le Pénitent accomplit , avec toute la ferveur
dont il eft capable, la pénitence qui lui eft impofée. La raifon
qu'il en donne , c'eft que Dieu même opère dans le Sacrement ,
c'eft lui quiabfout, ou qui baptife par le miniftere du Prêtre ,
dont le mérite, ou démérite ne fait rien à l'effet du Sacrement ;
parce que ce n'eft pas par le mérite de fa vie qu'il remet les péchés ,
c'eft parfon office , ou caraètere de Prêtre.
XXVII. Par l'extrait que nous venons de donner des Lettres PocHes de
de Hugues Metellus /On voit qu'elles méritent d'être lues , foit fl"g"" ^'^
à caufe des qucftions importantes qu'il y traite , foit pour l'exade
difcullion qu'il en fait. Elles font d'ailleurs écrites avec efprit j
mais on ne trouve ni daiTs fon ftyle , ni dans fa latinité, l'élégance,
la douceur , ni la pureté des Ecrivains du ficelé d'Augufte ,
dont il s'étoit toutefois rendu la lecture familière dès fajeunene.
Il employé fouvent des termes barbares, & il fe plaît prefque
partout dans des jeux de mots, & d'une mémererminaifon. Sa
pccfie eft au-dcffous de fa profe. Content des penfées & des
fentimcns vulgaires , il ne donne à fes vers ni l'air de nobleffe,
ni le ton de dignité , fouvent même il néglige les règles de l'Art;
fes poëfies font une fable du Loup ôc du Berger, où l'Auteur n'a
gardé ni la décence, ni le refpeti dû à la Religion ; divers Pro-
blêmes félon les lettres de l'Alphabeth ; 6c quelques EpigrameS'
fur les myfteres & fur quelques fujets prophanes. On peut les
voir à la fuite de fes Lettres de l'édition de M. l'Abbé Hugo ; la
Bibliothèque Lorraine par Doai Calmet , en rapporte aulli quel-
ques-unes.
CHAPITRE XIV.
O RD E R 1 c Vital, Moine de Saiiit Evrout.
I. ¥ L nous fera aifé de rapporter les principales circonftances Orderic V!-
J. defa vie,puifqu'il a eu foin lui-même de les mettre par '*!• Sa naif-
éctit. Il naquit en Angleterre le 1 5 de Février l'an 107J. Son ^»"<=««ni<'7t-
père nommé (a) Odeliri étoit né à Orléans , de Conftance,.
(*j Orderk Viîdylib. j , pag. j7j> , jSo , j8i.
Gg iij
238 O R D E R I C V I T A L;
Citoyen de cette Ville; mais étant paffé en Angleterre avec
Roger de Montgomery,il s'établit dans un des Fauxbourgs de
Scrobefburi. Il eut trois enfans , dont Vital fut le premier.
L'année même de fa naiflance il reçut le Baptême la veille de
Pâques à Ettingesham dans l'Eglife de faint Catte , Confeffeur ,
& fut nommé Orderic,du nom du Prêtre qui le baptifa. Cefî
pourquoi il l'appelloit depuis fon Parein ( a ).
Ses études. II. A l'âge de cinq ans, Odeliri fon père le mit entre les
Il efl admis n^^itis du Prêtre Siwade , pour apprendre les premiers élémens
dans le Ck - ' a ^ J- T 1 T 1 • TI • iT-
gé. des Lettres, c elt-a-dire, de la Langue Latme. 11 y apprit aulii
les Hymnes , les Pfeaumes , 6c les autres chofes néceflaires pour
remplir fes fondions dans le Clergé de la Bafilique des faints
Apôtres, oii on l'avoit admis. Cette Bafilique netoit dans fon
origine ( b ) qu'une Chapelle bâtie de bois dans un Fauxbourg de
Scrobefburi; Roger, Seigneur du Comté de ce nom , l'avoit
donnée à Odeliri, qui, quoique marié ,étoit Prêtre; & celui-ci
avec le feccurs de fon Bienfaiteur , l'avoit conftruite de pierres ,
& convertie en un Monaftere. La charte ( c) de la fondation par
le Comte Roger e(l de l'an 1082.
Il mbralTe 1 1 !• Orderic ne fervit dans cette Eglife que jufqu'à l'âge
h profeiTion (Je dix ans {d). Alors fon père le fie paffer d'Angleterre en
.lonaftique. jyQfj^^i-jjje ^ fous la Conduite d'un jMoine nommé Rainald.
Quoiqu'il n'eût point appris la langue du Pays , il fentendoir,
ôc en cela il fe compare au Patriarche Jofeph , à qui le langage
Egyptien devint familier aufiitôt qu'il entra en Egypte. Mainere ,
Abbé de faint Evroul, reçut Orderic avec bonté, lui donna
l'habit monaftique , ôc la tonfure cléricale. Au lieu du nom
d'Orderie , il voulut qu'on l'appellât Vital , du nom d'un des
Compagnons de faint Maurice, Martyr, dont onfaifoit la Fête le
jour qu il reçut la tonfure, c'eft-à-dire , le 21 de Septembre de
l'an 1 o85. Il fe fit aimer & confidérer de fes Confrères.
II eft promu J V. N'étant âgé que de feizc ans ( e ) , Serlon fon Abbé le fît
fàcrcs '^^ ordonner Diacre par Gillebert , Evoque de Lizieux ; il fervit dans
ce grade pendant quinze ans, au bout defquels il fut ordonné
Prêtre aux Quatrc-Tems de Décembre de l'an 1 107 , par Guil-
laume , Archevêque de Rouen , qui ordonna le même jour
deux cens quarante-quatre Diacres ôc cent-vingt Prêtres. Orderig
(a) Onlrrir Viral , iih. i} , paf;. 9X4- | (c) lÀb. <; , vng. î79.
!.. ;;i4. * {t j Ibid. pag. 9i-i y s;î.
MOINE DE S. EVROUL. sjp
écoit dans la trente-troifiéme année de fon âge. Il en avoit
foixante-fept lorfqu'ii écrivoit toutes les particularités de fa vie ,
ôcavoit vécu àfaint Evroul, fous fix Abbés, Mainere , Serlon,
Roger, Guarin , Richard ôc Rannulfe.
V. Ce fut par ordre de l'Abbé Roger (a) qu'il entreprit Son Kiftolre
d'écrire l'Hifloire de fon tems, il la dédia à l'Abbé Guarin fon '-cdeflufti-
fuccelTeur. Il s'appliqua moins à rapporter les grands évenemens '
de l'Etat , que ce qui avoit trait aux affaires de lEglife ; c'efl pour
cela qu'il intitula fon ouvrage , Hifloiie Ecclcfiallique. Il conce-
voir bien qu'il !a rendroit plus intcrelfante en y failant entrer ce
qui s'étoit pailé de remarquable dans les Eglifes de Rome &
d'Orient ; mais fon vœu de fiabilité dans le Monaflere de faint
Evroul , & les obfervances de fon état , ne lui permettoient point
des recherches fi étendues. Il fe borna donc à la Normandie , &
aux Provinces voillnes, pour les chofes qui fe palTerent de fon
tems: il divifa fonHiftoire en trois tomes , &. le tout en treize
Livres.
V I. Dans le premier il fait un précis des principaux évene- Premier Li-
mens , depuis flncarnation du Sauveur, jufques vers l'an 1 140 : Y/'^'^-^' ^"''
il rapporte les ditférens fentimens des Anciens fur le nombre des
années qui fe font écoulées depuis la création du monde jufqu'à
la nailTance ôc la paillon de Jefus-Chrifl , puis entrant dans le
détail de fa vie , il la donne , en accordant les quatre Evangelifles
dans les endroits 011 ils paroiffent ne pas fe rencontrer ; enfuite il
parle de tous les Empereurs, en commen<;ant à Tibère; des Rois
de France &. d'Angleterre ; des Ducs de Saxe , de Bourgogne ôc
de Normandie ; des fix premiers Conciles généraux , ôc de
quelques Conciles particuliers. Il a recours dans ce Livre aux
écrits d'Eufebe de Céfarée , de faint Jérôme , du Sophifte Hibe-
rius, d'Oforius, de faint Ifidore de Seville , ôc du vénérable
Bede.
VII. Il commence fon fécond Livre par l'abrégé des AiSles Second ri-
des Apôtres; des Livres des Récognitions qui portent fauffe- vre,p.î^. 3 7 ri-
ment le nom de faint Clément; ôc de celui d'Arator , Soiidiacre
de l'Eglife Romaine , qui a mis en vers les Ades des Apôtres ,
les combats ôc les fouffrances de faint Paul. Ce qu'il dit de faint
André , il l'avoit tiré d'un Livre dont il ne connoiflbit pas l'Au-
teur ; c'étoient les actes que nous avons fous le nom des Prêtres-
( a) Lib. I , in prafat, fcg. Jii,
540 O R D E R I C V I T A L;
îv- 6c des Diacres d'Achaïe. Il cite pour l'hiftoire de faint Jean, le
f ; faux Meliton ; ôc fur le martyre de faint Jacques , frère du Sei-
Tr" ■ gneur , les Commentaires d'Egefippe. Après avoir donné la vie
•lî;-i' des autres Apôtres, & de quelques-uns de leurs Difciples, il
'r.- donne la fuite des Papes , depuis faint Pierre jufqu'à Innocent II.
qui fut élu en 1 1 jo, prenant dans les fauffes Décretales ce qui
concerne les Papes des fix premiers fiécîes.
Livre troi- VIII. Le troiliéme Livre a une préface , dans laquelle
^■"^ » P^^' Orderic avertit que fes Maîtres lui ont ordonné de rapporter les
évenemens de la guerre des Normands dans la France , 1 Angle-
terre, la Pouille , les fondations des Monafteres , la fuite des
Evêques ôc des Abbés dans prefque toute la Neuftrie , ôc les
chofes mémorables du règne de Guillaume II. furnommé le
Bâtard ôc le Conquérant. Il entend par Neuftrie , ce que nous
appelions la Normandie, ôc on la nommoit ainfi de fon tcms. Il
compte pour le premier Duc de Normandie, depuis l'invafion
des Danois, RoUon qui fut baptifé par Francon , Archevêque
de Rouen , en p i 2 , ôc renonça avec toute fon Armée au culte
des Idoles ; les Ducs fes fuccelTeurs furent Guillaume L Richard
I. Richard II. Robert. I. Orderic raconte dans fon troifiéme
Livre ce qui fe paffa fous leur gouvernement. 11 donne de grands
éloges à Thierri , Abbé de faint Evroui fous le Duc Guillaume :
ia^. 470. il fçavoit fe faire aimer des bons , ôc craindre des méchans. Aifidu
à la prière, il aimoit auffi le travail des mains; il réufùflbit à
tranfcrire des Livres ; un art fi utile ne pouvoit erre trop mis
en pratique ,il l'enfeigna aux jeunes Religieux de fon \Ionallere>
oii l'on vit par ce moyen fe former une aombreuR' Bibliothèque.
Outre les Livres d'Églifc , les miffels , les ledionnaires , les
antiphonaaires , les graduels, il copia lui-même, ou fit copier
tous les Livres de l'Ecriture fàinte, les ouvrages de faint Gré-
goire^ de faint Jérôme^ de faint Auguftin, de faint Ambroife,
de faint liidore, d'Eufebe , d'Orofe , ôc de plufieurs autres
Docteurs de l'Eglife. Cet Abbé avoit coutume de dire à fes
Moines qu'il vouloit préferver des tentations du démon : Priez,
lifez , pfalmodiez, écrivez, ou appliquez-vous à quelqu'autre
ouvrage femblable.
livre qur- 1 X. Guillaume II. fucceda à Robert dans le Duché de Nor-
iricme p.i^. candie en io56, puis il conquit l'Angleterre, dont il fe fit
*°^" couronner Roi après la mort d'Harold. L'hiftoire de ce Con-
quérant, ôc des grands Hommes qui fieurirent fous fon règne,
fait la matière du quatrième Livre. On y trouve la réponfe
édifiante
MOINE DE S. E V R O U L. 2^1
ëd'ifiantcque Guitmond , Moine de la Croix de faint Leufroi au
Diocèfe d'Evrcux , rit à ce Prince qui le preflbit d'accepter un
ïLvèché en Angleterre. Sa niodeftie fut admirée de toute la
Cour , ôcle Roi lui permit de retourner à fou Monaftere.
X. Orderic continue dans le cinquième Livre l'hiftoire du .f'^'f^ "<*'
-- -' ' - ' — qmer"" "•■'
règne de Guillaume IL II y rapporte le teftament que Roger *^"' '""■' ^^^'
de Montgomeri , Comte de Scrobelturi , fit en faveur du
Monaftere de faint Evroul , ôc le difcours qu'Odeliri fon père
fit à ce Seigneur pour l'engager à fonder l'Abbaye de faint Pierre
à Scrobefburi : Odeliri y donna lui-même la plus grande partie P.;^. ^19»
de fon bien , y confacra à Dieu Benoît fon fécond fils , ôc y
embralTa la vie monaftique. On trouve dans le même Livre plu-
fieurs Chartes de donations faites à des Monafteres , furtout à
celui de faint Evroul.
X L Celle que lui fit Guillaume le Conquérant cft rapportée Livre lîxié-
dans le fixiéme Livre. Orderic y demande pardon à fes Lecteurs ^ /oz.
de les avoir entretenu Ç\ long-tems des bienfaits dont tant de
pcrfonnes avoient enrichi cette Abbaye ; ôc dit , qu'en cela il n'a
eu d'autre intention que d'engager les Moines fes fuccelfeurs , à
fe fouvenir de leurs Fondateurs ôc Bienfaiteurs dans leurs prières.
Il donne enfuite la vie de faint Evroul fur les mémoires qu'en Vag. 60t.
avoient laifTés ceux qui l'avoient connu , ôc celle des Abbés
qui avoient gouverné ce Monaftere depuis la mort du Saint.
XII. Le feptiéme Livre préfente d'abord une fuite des Rois .^Livre fep-
de France, depuis Pépin julqu'à Henri fils de Robert, ôc les ^'^""^ ' P"^'
diverfes révolutions arrivées dans le Royaume de la part des
"Wandales.des Normands ôc des Saxons , les guerres entre les
Ducs de Bourgogne ôc les Rois. Viennent enfuite les différends
de Henri IV, Roi d'Allemagne , avec le Pape Grégoire VII.
Les tentatives de Robert Guifcard, Duc de Fouille, fur l'Em-
pire d'Orient. Orderic met la mort de ce Prince, qu'il regardoit
comme un des plus grands Héros de fon fiécle , en 1 08 5- , ôc dit ,
que Robert s'y difpofa par la confelfion de fes péchés, ôc la
communion falutaire de l'Euchariftie. Il rapporte aufiî la mort de
la Reine Mathilde , ôc celle du Roi Guillaume fon époux ;
rhiftoire de la tranfiation des Reliques de faint Nicolas , de
Myre àBari; ôc de l'enlèvement d'un bras du Saint , enchâfié
dans un reliquaire d'or ôc d'argent, par Eftienne, Chantre du
Monafterede faint Nicolas à Angers.
XIII. Robert II. fucceda à Guillaume fon père dans le Lîvre huî--
Duché deNormandie,ôc Guillaume le Roux dans le Royaume "^'"^ , pag.
Tome XX IL H h '''•
i42 ORDERIC VITAL,
d'Angleterre. Henri, qui étoit le troifie'me fils de Guillaume le
Conquérant, n'eut que de l'argent en partage. Ils eurent foin
d'orner fuperbement le tombeau de leur père ; mais ils n'imi-
tèrent ni fa piété , ni fon attachement à l'Eglife. Orderic rapporte
leurs principales atlions dans le huitième Livre.
Livre neu- XIV. 11 décrit dans le neuvième l'hiftoire de la première
Tïéme , pjg. Croifade, fous le pontificat d'Urbain II. & de Pafchal IL Elle
^^^' avoir été écrite en quatre Livres par Baudrie,Evêque de Dol,
qui la conduifoit depuis le départ des Croifés , jufqu'à la première
guerre qui fuivit la prife de Jerufalem. D'autres, Grecs & Latins,
travaillèrent fur le même fujet ; mais Orderic croyant l'hiftoire
de l'Evêque de Dol plus fincere, s'y attacha, en abrégeant ce
qui lui paroilToit trop diffus , ôc en ajoutant quelques circonftan-
Pag. 720. ces intércffantes qui lui avoient échappé. Il remarque que l'em-
preffement pour la Croifade étoit fi général , qu'il n'y avoit pas
jufqu'aux femmes ôc aux enfans qui ne fe préfentafient ; que les
Seigneurs vendoient ou engageoient leurs Châteaux & leurs
Terres, même à vil prix ; que chacun quittoit ce qu'il avoit de
plus cher , femme , enfans , père ôc merc ; que les voleurs même
& les fcélérats confeflbient leurs péchés, efpérant les expier par la
guerre fainte.
Livre dixic- XV. La Ville de Jerufalem fut prife par les Croifés quel-
le,pdg.jei. ques jours avant la mort d'Urbain II. arrivée le vingt-neuvième
de Juillet 1099. L'Antipape Clément étoit mort quelque tems
auparavant. Henri IV. mourut le feptiéme d'Août 1106 aban-
donné de tous fes amis , & excommunié. Son corps que font
avoit d'abord inhumé dans une Eglife de Liège, fut déterré &
mis en un lieu prophane. Henri V. fon fils & fon fucceffeur ,
imita la tyrannie de fon père; il fit des vexations fur fes Peuples
& fur le Clergé , affiéga Rome , y répandit beaucoup de fang , fe
faifit du Pape, obtint de lui tout ce qu'il voulut, notamment
une conceflion des inveftitures. Le Pape Pafchal fe trouvant en
liberté aflembla un Concile , où de l'avis des plus habiles Jurif-
confultes , l'on cafia tout ce qu'il avoit accordé malgré lui à es
Prince. Après avoir raconté ce qui fc fit en cette occafion ,
Orderic vient à ce qui fe pafia dans le même tems en Angleterre ,
dans la Normandie & au Mans ; puis il reprend l'hiftoire de la
Croifade ,& retourne enfuite à celle de Normandie ôc d'Angle-
terre. Il finit fon dixième Livre par la prife deBoèmond , Prince
d'Antioche, ôc fa délivrance par le moyen de Mclaz, ûUe du
Prince d'Aiimann.
MOINE DE S. E V R O U L. 245
XVI. L'onzième Livre continue Thiftoice delà Croifade; Livroon/î?-
mais il eft employé particulièrement à faire connoître l'e'tat de la '"^'F''^'^"*'
ISIormandicôc de l'Angleterre, fous le règne des deux enfans de
Guillaume le Conquérant , Robert ôc Henri. Il y eft parle aulîi
de la venue du Pape Pafchal en France ; de la mort du Roi
Philippe, ôc de fon riis Louis fonfucceiTeur ; defaint Anfelme,
Archevêque de Cantorberi ; de Plugues , Abbé de Cluni , ôc de
plufieurs Evêques de réputation. Orderic remarque que le Roi
Philippe fe voyant près de fa fin , aflembla les Seigi>eurs de fa
Cour qu'il aimoit le plus , 6c leur dit : Je fçai que la fépulture des
Rois eft à faint Denis ; mais en confidérant le grand nombre de Paj. 83^
mes péchés , je n'ofe me faire enterrer auprès du corps d'un
Martyr fi rcfpeâable , de peur qu'en punition de mes fautes , je
ne fois livré au démon , ôc qu'il ne m'arrive ce qu'on dit être
arrivé à Charles- Martel : J'aime faint Benoît , j'invoque humble-
ment le pieux Père des Moines, ôc je défire être inhumé dans
l'Eglife bâtie fous fon nom furlaLoire.il eft bon ôc clément ,
& reçoit avec bonté tous les pécheurs qui défirent de fe corriger ,
& de fe réconcilier avec Dieu en obfervant fa règle. Ce Prince
fut donc enterré, félon fes défirs,au Monaftere de Fleury-fur-
Loire, entre le Choeur ôc l'Autel, la quarante-feptiéme année
de fon règne , de Jefus- Chrift i 1 08.
XVII. On trouve dans le douzième Livre la fuite de Livre dou-
l'hiftoire d'Henri , Roi d'Angleterre; fes démêlés avec Louis, ^"^'"'^ » F"^*
Roi de France ; les a6les du Concile de Reims en 1 n 9 , auquel
le Pape Callixte H. préfida; ceux du Concile de fvlouzon , la
Lettre de Roger, Abbédefaint Evroul,à Henri , Roi d'Angle-
terre , par laquelle il le prie , à raifon de fon grand âge ôc de fes
infirmités, de le décharger du gouvernement de ce Monaftere,
ôc de le donner à un autre ; la permillion que ce Prince accorda à p^i^. 873.
la Communauté de fechoifir un Abbé; l'ordre du Roi à l'Evêque
de Lifieux , aux Comtes ôc aux Barons de Normandie de recon-
noître pour Abbé , Guerin qui avoir été élu par les Moines de
faint Evroul , ôc de le laifiîer jouir paifiblement de tous fes droits ;
ôc plufieurs autres évenemens depuis l'an 1 1 1 8 jufqu'en i 1 3 1 ,
qui fut l'année de la mort du Pape Honorius , ôc de i'életlion
d'Innocent IL
XVIII. Orderic raconte dans le treizième Livre ce qui fe LVre «cî-
paffa dans la guerre qu'Hildephonfe , Roi d'Arragon , eut à 'itme.
foutenir contre les Sarrafins ; les fuites fâcheufes du fchifme
occafiomié par l'éledion de deux Papes en mcme-tems , Inho-
Hh jj
244 O R D E R I C V I T A L ,
cent II. ÔC Anaclet II. Les calamités dont on fut affligé en
divers endroits l'an 1 1 54 & 1 1 36 ; la mort de Louis , Roi de
France ; ôc de Henri , Roi d'Angleterre. Il fait de ce dernier un
grand éloge, & rapporte fon épitaphe. Eftienne de Boulogne,
neveu de Henri, lui fucceda dans le Royaume d'Angleterre.
Son règne fut troublé par la révolte de quelques Seigneurs vers
l'an 1 141. Le jour qu'il devoir leur livrer bataille , il entendit
la MefTe ; le Cierge béni qu'il tenoit en main fe rompit ôc tomba
trois fois. Ceux qui s'en apperçurent en tirèrent un mauvais
augure , que l'événement vérifia. La victoire tourna du côté des
rébelles , ôc le Roi fut fait prifonnier.
ju??mfr.t XIX. Telle eft en fubflance l'HiftoireEccleliaftique d'Or-
«^f l'H'.'^^''"'' det'jf. Vital. Quoiqu'il y ait peu d'ordre ôc de méthode , ôc
plufieurs fautes de chronologie (a), elle eft néanmoins fort
mtéreffante par le grand nombre de faits qu elle contient ôc qu'on
ne trouve point ailleurs , du moins , Ci bien détaillés. Elle eft
encore recommandable par fon air de naïveté ôc de fincerité. Il
paroît que l'Auteur revit fon ouvrage après l'avoir achevé. Car
en finiliant le premier Livre , il dit qu'alors Lothaire regnoit en
Allemagne , Louis en France , Eftienne en Angleterre , Jean ,
fils d'Alexis, à Conftantinople, Cependant l'Empereur Lothaire
ne mourut qu'en 11^6 ; Ôc Orderic ne finit fon treizième Livre
qu'en 1 142 , dans le tems qu'Eftienne , Roi d'Angleterre, étoit
détenu en prifon ; ôc au commencement de ce Livre , il fait
mention de la mort de l'Abbé Guerin , à qui il avoir dédié fon
Pag. 910, Ouvrage. Il compte dans le même Livre deux autres Abbés
depuis Guerin , fçavoir Richard ôc Rannulfe. Tout cela fait
voir , qu'après avoir fini fon hiftoircj il mit à la fin du premier un
précis des principaux évenemens qu'elle renfermoit.
EJition de ^ ^' François de la Croix avoir promis de la mettre au jour ;
cetteHiftoire. ©n ne fçait quelloTaifon l'a empêché de tenir fa promefle. André
Duchefne y a fuppléé , en lui donnant place dans fon Recueil
des Hiftoriens de Normandie, imprimé à Paris en i(îip chez
Scbaftien Cramoify, in-fol. fur trois manufcrits , dont l'un étoit
de M. Bigot. Il y a ajouté par forme d'appendice l'hiftoire ano-
nyme du Roi Eftienne, fucceffeur de Henri dans le Royaume
d'Angleterre, écrite par un Auteur contemporain; une Chro-
nique aufli anonyme, depuis l'an 1 i jp jufqu'cn i 2j^ ; une autre
Chronique de faint Eftienne de Cacn , qui commence à l'an
(a; f'.^: (id .in, U4' > «"'". 7 , '^-itu.^r.. :om. 4 , Aiin.i'.. -çag, 345 ,51'), î^j.
MOINE DE S. E V R O U L. 247
(Î53 , 6c finit en 1275 ; divers Catalogues des Seigneurs de
Normandie, qui fuivirentle Roi Guillaume en Angleterre , ÔC
rei^urent de lui des Fiefs dans ce Royaume ; les noms des Che-
valiers qui portoient les Bannières en Normandie 6c dans les
autres Provinces de France ; plufieurs Cliartes des Ducs de
Normandie ÔC des Rois de France, avec quelques autres pièces
pour fervir à Ihiftoire de France 6c d'Angleterre. On ne dit
point en quelle année Orderic Vital mourut , mais il nous
apprend lui-même (a) , qu'il n'avoit que foixantc-fept ans lori-
qu'il acheva fon hifioire.
G II A P I T R E X V.
Su G E R 3 Abbé de Saint Denys , Minijire d'Etat ,
& Régent du Royaume de France.
I. T^ O u s ces titres que Thifloire donne à Suger , font bien NalfTmce
J^ voir qu'on peut parvenir aux premières dignités , fans 'je Su?,cr. Son
Être de naiiïance illuflre ; ôc qu'il ell des hommes de baffe
extraction, qui ont par la force ôc l'étendue de leur efprit mérité
ÔC rempli avec honneur les Charges les plus éclatantes de l'Etat.
Né, comme on le croit (6), dans la Ville de faint Denys , il fut
de bonne heure offert à Dieu par Elinaud fon peve , homme fans
nom , dans le Monafiere litué au même lieu. C'étoit en 1 102 ,
fous l'Abbé Adam. Suger y fut élevé avec Louis VI. qui l'honora
dans la fuite de fa bienveillance.
II. Après avoir pris quelque teinture des Lettres dans II va étudier
l'Abbaye de faint Denys , l'Abbé Adam qui remarquoit en lui ^^^^ ^^ ^'^'
de l'efprit ôc des difpofitions pour les Sciences [c), l'envoya ^^"*
faire fes humanités dans une Ecole famcufe aux environs de
Tours ôc de Poitiers, mais affcz près de Fontevrauld , dont
l'établiffement étoit tout récent. Il aima toujours depuis cette
Maifon , ôc pria le Pape Eugène de la prendre fous fa protection.
( (j ) Ordtric , infnc Uh. 1 3 , G' i/i limine
XL pag. 80 î.
(0 ) Mibilion. lib. 70 , Annd, num. z i ^
&• Suger. in tejia.i.tnt.
(c) Ihid. v> tom. 4. Duclitfiio , }'ag.
{12.
H h
l'J
24<? s U G E R;
De retour à faint Denys , il y acheva fes études de philofophie
ôc de théologie.
Il eil fait III. Ses études ordinaires ne i'empêchoient pas de feuilleter
Prevot de quelquefois les Archives de l'Abbaye. 11 s'appliquoit furtout à la
difculfion des Chartes ( a ) qui en contenoient les privilèges Ôc les
immunités; ce qui le mit en état d'en prendre la défenfe en i 1 07
contre Guaion , Evêque de Paris , en préfence du PapePafchal
II. Jeune encore , on lui donna la Prévôté deToury ,Ia plus
confiderabJe de l'Abbaye de faint Denys, fituée dans la Beaufle.
Il eut beaucoup à fouffrir pour défendre ce lieu des vexations
des Seigneurs de Puifet ; ôc il ne trouva pas de meilleur
MiMlon. expédient , que défaire caufe commune contr'eux avec les Sei-
Zii. 7i , nwn. gj^g^-g yQ^fn-jg ^ & de Ics oxiter contre ceux de Puifet.
Suger airifte IV. En I I o5 il afiifla au Concile tenu à Poitiers par Brunon ,
aux Conciles gy^que de Segni & Cardinal. Il dit lui-même qu'il étoit revenu
dctxÇims ix. (le . i/if" \ ■AVI"
Latraji. tcut récemment des études. Six an? après j c eir-adirej en 1 1 12,
il fut préfent à celui que le Pape Pafchal II. affembla à Rome ,
pour fe purger des calomnies ( b ) que l'on répandoit fur fa con-
duite ôc fur fa doctrine au fujet des inveRitures qu'il avoit accor-
dées par contrainte au Roi Henri. Ceft de Suger que nous
apprenons une partie de ce qui fe pafla à Cliâlons-fur-Marne
entre le Pape Pafchal II. ôc les Ambafiadeurs de l'Empereur
Henri en 1 107 , parce qu'il y étoit préfent (c ) avec Adam fon
Abbé. Ils fuivirent l'un ôc l'autre le Pape au Concile de Troyes.
lieftchoilî V. Geîafell. fuccefl'eur de Pafchal II. étant arrivé en Pro-
Abbc de faint yencc Tan 1 1 1 8 , dans le deflein de pafler plus avant dans le
wllV " Royaume, le Roi Louis envoya au-devant de lui {à) Suger
chargé de préfens. Il fut encore envoyé en Italie par le même
Prince en 1122 pour quelques affaires d'Etat. En chemin
il apprit la mort de l'Abbé Adam, 6c qu'on l'avoit élu pour fon
fucceffeur. Le Roi Louis défaprouva d'abord cette élection ,
parce qu'elle avoit été faite fans fon agrément ; mais enfuitc il la
confirma. Suger n "étoit alors que Diacre. Il reçut la Prêtrife le
famedi de la quatrième feniaine de Carême , 6c le lendemain la
Bénédidion Abbatiale de la main de l'Archevêque de Bourges ,
devant le Corps de faint Denys. Il étoit dans la quarantième
année de fon âge.
( (I j Mabillon. lib. 70 , Annal, num. i 1 , > ( l> ) MablUon. lib, 7 1 , Annul. num. 1 3 ,
& Hu^cr. Lud. l'Ud, tcm, i. Du.helpc, j Cr lib. 72. num. i\.
yng. 18^. 1 ^ '^ ■' ^'^^' ''"" ^'■'^"^'- V^^- ^^^ ' *'°*
t ( d) Ludoïknita, pti^. jo^, 5 10 6" j 1 1.
ABBÉ DE S. D E N Y S , &c. m7
V I. L'année fuivante 1 1 23 , le Pape Callixte II. tint à Rome n afTifte au
dans le Palais de Latran un Concile o,énéral de plus de trois cens ^«"^'''K^""^-
111' A 1 1 ' <-■ 11 ^ '31 tic Latran
Eveques , ôc de plus de iixcens Abbes. ouger , que ce Pontife en ii2j.
aimoit , y alla ( a ) , & fit un féjour de fix femaines en cette Ville ,
carefle de toute la Cour , ôc logé dans le Palais duPape. En i 1 24.
il fc mit encore en chemin pour Rome, invité par Callixte IL
mais il apprit en Tofcane la mort de ce Pape. L'année fuivante
il fe trouva à l'alTemblée de Mayencc, où Lothaire , Duc de
Saxe , fut choifi Empereur. Il y lit en préfence de l'Archevêque
de cetteVille(t) un accommodement avec le Comte Maynard ,
qui pour les maux faits à l'Abbaye de faint Denys , étoit excom-
munié , & leva enfuite l'excommunication. L'accommodement
confilloit dans la cefîion du Prieuré de Celle , Diocèfe de Metz ,
à l'Abbé ôc aux Moines de faint Denys.
VII. L'Abbé Suger étoit Confeiller d'Etat en 1 14.1 (c) , avec Tl e([ ftit
l'Evêque de Soiffons ; mais en 1147, quelque teins avant le ^.p"''^''^rR ■
départ du Roi Louis pour la Croifade , il fut choifi Régent du gent'.
Royaume , de l'avis des Evêques ôc des grands Seigneurs. Il
n'accepta la Régence qu'après un ordre exprès du Pape Eugène
III. 6c l'on n'eut pas fujet de fe repentir de la lui avoir confiée.
Habile dans les affaires , fage ôc prévoyant dans le gouvernement ,
prudent dans fes entreprifes , défintéreflé dans le maniement des
Finances , équitable , mais ferme dans l'adminiflration de la
jultice , il étoit , félon l'exprelTion de faint Bernard ( d ) , l'ami du
Roi ôc du Royaume.
VIII. On verra dans l'article du Pape Eugène III. combien II met h
l'Abbé Suger fe donna de mouvemens pour mettre la réforme à ^/}°^"^^^ f
r • r> > • Tl \ r ■ • \ \ 11. iaiiue Gcne-
lamte (jenevieve. 11 eut beloin pour en venir a bout , de 1 auto- vieve & à S.
rite du Pape , ôc de celle du Roi, dont il étoit dépofitaire Dcv--
pendant l'abfence de ce Prince. Il s'étoit réformé lui-même dès
l'an 1130 (e) , ôc obligé les Moines de faint Denys à fuivrc
fon exemple. Saint Bernard qui lui avoir fans doute infpiré du
mépris pour la vie faftueufe ôc toute féculicre quil menoit aupa-
ravant , le félicita de fon changement (/) , ôc de celui qu'il avoit
apporté à fon Monafîere , en y faifant revivre par fes difcours ôc
par fon exemple la difcipline la plus exa£le. Il fut aufli choifi eii
(a) Luifcivic. rira, pa^. jii , 3 ri, i ( tf) Bernard , ffi/?. 377.
(S) Mabilhn. lib. 74, Annal, num. I (f) A'.alilkn. iib.1% , num. fo.
ï'M. I ^/) BiriurJ, epljl. ?«•
( c ) Bcrnar J , .fjl.
248 S U G E R ,
1 1 jo par le Pape Eugène III. ôcle Roi Louis , pour (a) mettre
la réforme dans l'Eglile de faint Corneille de Compiegne ; ce qui
ne fe put faire qu en faifant fortir les Chanoines , ôc en leur
fubftituant des Moines de faint Denys.
Il tombe I X. Sur la lin de la même année , Suger fut attaqué ( b ) d'une
malade ; va fiévre,qui lui Ht envifager fa lin comme prochaine. Alors il de-
de s'Ahnin" ^landa quon le conduifit au Chapitre ^ où après quelques mots
d ediHcation , il fe profterna aux pieds de fes Religieux , 6c les
pria de lui pardonner les fautes qu'il avoir commiles contreux ;
ce qu'ils lui accordèrent les larmes aux yeuv. Il avoit fait quelque
tcms auparavant le pèlerinage de faint Martin de Tours ; 6c
voyant qu'il ne pouvoit faire celui de Jérufalem , quoiqu'il en
eut la dévotion , il en chargea un des principaux Seigneurs
François, à qui il fournit tous les frais du voyage. Pendant fa
maladie , il difoit fouvent la Méfie ; ôc ne pouvant quelquefois
fe foutenir lui-même , il fe faifoit aider de fes Confrères.
Mon de X. Saint Bernard le fçachant en danger de mort (c) , lui
Suger eniryi, écrivit une Lettre pleine de tendrede ôc de pieté , pour l'encou-
rager à cette dernière heure, ôc lui témoigner l'on défir de le
voir encore 6c de recevoir fa bénédiction. Suger lui répondit en
des termes qui marquoient le peu de cas qu'il faifoit d'un plus
long féjourfur la terre ; fon défir fincere d'aller au plutôt à Dieu ;
fa confiance dans la feule mifericorde de Dieu , ôc dans les
prières du faint Abbé de Clairvaux ôc de toute fa Congrégation.
Il en écrivit une autre au Roi Louis pour lui recommander
l'Eglife de faint Denys , affurant ce Prince , que de fon côté il le
recommandoit , ôc fon Fvoyaume à Dieu. Ces deux Lettres nefe
trouvent que dans les Annalles de l'Ordre de faint Benoît.
Quoique Suger vît avec joie approcher la mort , il fouhaitoic
néanmoins qu'elle n'arrivât qu'après les Fêtes de Noël , pour ne
pas en troubler h joie par des cérémonies funèbres. Il ne mourut
que le treize de Janvier i i ^^ i .
Eloge de X I. Guillaume , Moine de faint Denys , qui avoit afiTiflé
Suger. l'Abbé Suger à la mort, en donna avis partout par une Lettre
circulaire ( d), où fans entrer dans le détail des grandes aftions
de fa vie, il ne touche que fes qualités perfonnelles ôc les cir-
conftances de fa maladie. Il relevé en lui une grande pénétration
d'efprit ; une facilité admirable d'exprelTion , foit lorfqu'il parloit.
{a) Mahillùn. iib. 7i> , num. ?9. 1 \ c ) BiThard. f^ifl. \i'6.
(b) Mabillin. lib. 7?, Annal, num. 1 3 ^« I {<^) Mibiilon. lib. 79 , Aiuul. num. i ; ? .
foit
ABBÉ DE S. D E N Y S , &c. 24^
folt lorfqu'ii écrivoit ; un efprit cultivé par les fciences ; une
mémoire heureufe ; une fobrieté fi grande dans le boire ôc dans
le manger , qu'il étoit le même après le repas qu'avant de fe
mettre à table. Pendant les quinze derniers jours de fa vie , dit
encore Guillaume , Suger fe confelToit chaque jour , ou aux
trois Evêques de SoifTons, de Noyon ôc de Senlis, enfemble ou
féparément ; il faifoit devant eux fa confefTion de foi , ôc reccvoit
de leur main les Sacremens du Corps ôc du Sang de Jefus-Chrift,
Il cxhortoit fes Frères à la paix , à l'union , au maintien de
rObfervance , au culte de Dieu ôc des Saints. Six Evêques
affilièrent à fes funérailles , avec plufieurs Abbés. Le Roi Louis
le jeune y affifta auffi , fondant en larmes , de même que le Maître
du facré Temple , avec plufieurs de fes Chevaliers.
XII. Suger écrivit la vie de Louis VI. furnommé le Gros, .S« «rit»;
& la dédia à Joflene , Evêque de Soiflbns , avec qui il avoir été ^i. tom.°^\
Confeiller d'Etat fous le règne de ce Prince. Mais en donnant Op.Duchefoc
la vie du Roi Louis , Suger y a mis quantité de traits de la fienne i^^' ***''
propre , que l'on ne trouvcroit pas ailleurs. Nous en avons
rapporté quelques-uns. Nous remarquerons fur Louis VI. que
fe voyant à l'extrémité , il fc difpofa à la réception du faint
yiatique par la confeilion de fes péchés , ôc par de grandes
aumônes , tant aux pauvres qu'aux Eglifes ; qu'il donna fa Cha-
pelle qui étoit très-riche aux faints Martyrs , c'eft-à-dire , à l'Ab-
baye de faint Denys; ôcque s'étant mis humblement à genoux i
devant le facré Corps ôc Sang de Jefus-Chrifl: , il fit fa profeffioii
de foi , déclarant qu'il croyoit chacun des articles du Symbole.
Sur l'article de l'Euchariftie il dit : Nous croyons (a) fermement,
& nous confcfTons de bouche ôc de cœur , que ce très-facré
Corps de Jefus-Chrift , eft le même qui a été pris de la Vierge,
qu'il a donné à fes Difciples , afin qu'ils lui fuflent affociés , unis ,
ôc qu'ils demeuraffent en lui ; ôc que ce très-facré Sang eft le
même qui a coulé de fon côté lorfqu'ii pendoit à la Croix. Louis
le Gros reçut donc le Viatique fous les deux efpeces. Avant
que M. Duchefne publiât la vie de Louis le Gros par l'Abbé
Suger , elle avoit été imprimée à Francfort , chez les héritiers
(a) Hanc autem facratifTimi Corporis
eju6 Euch:iriftiam , ilU\J iiistn credimus
Corpus, quo.l alTumptum eft de Virgme ,
quoi Difcipulis fuis ad confxJtrandum
& unlendum & :n fe commanendum tra-
didit. Hune facr.^ti^'imu^l fansuinem |
Torm XXI L " li
illum eumdem effe qui de latere ejus in
Crucc penJentis defluxit , & firmifliTic
credimus , & ore & corde confitcmur,
Vïti. Ludovici-GroJJi.tcm. ^. Duchefne,
pd^. 510.
2^o S U G E R,
d'André "Wechel en i yp5 , avec Glaber , Helgaud , ôc quelques
autres Hiftoriens François.
Hiftoirede XIII. Quclqucs-uns oHt attribué à Guillaume, Auteur de la
ce que fit Su- yie de Sugcr , le détail de ce qu'il fit dans l'Abbaye de faint
eouverne- ^ Dcnys , pendant qu'il en fut Abbé ; mais Suger à chaque page
mentdel'Ab- s'en fait lui-même honneur. Il dit dès le commencement,
^y^ f^ 1^*"/ qu'étant au Chapitre général , la vingt-troifiéme année de fon
pag. 33 1. ' " adminiflration , les Frères le preflerent de mettre par écrit tout
ce qu'il avoit fait pour l'Abbaye de faint Denys , foit par de nou-
velles acquifitions ; foit en recouvrant des biens aliénés; foit en
bonifiant les biens dont l'Abbaye jouifloit ; foit en bâtimens ; foit
en décorant l'Eglifc par des meubles précieux de toute efpecc.
Ils prétextoicnt pour l'y engager deux motifs ; l'un , que la
mémoire de fes bienfaits ôc de fes travaux , lui mériteroit les
fuffrages & les prières des Religieux à venir; l'autre, que fon
exemple donncroit de l'émulation aux Abbés fes fuccefleurs pour
faire fleurir le culte de Dieu. L'Abbé Suger fe rendit à ces raifons,
& laifl'a un mémoire exacl de ce qu'il avoit fait , tant dans
l'Abbaye de faint Denys, qu'à l'égard desPrieurés ôcMétairies en
dépendans. Il s'étend principalement fur les dépenfes qu'il avoit
faites pour rEglife,qu'il renouvella en partie , ôc fur les ornemcns
dont il enrichit les Autels , nommément celui de faint Denys. Ce
n'étoit qu'or , argent ôc pierres précieufcs. Mais il a foin de
marquer les Bienfaiteurs qui avoient fourni aux frais de toutes
ces décorations j ôc ce qu'il y avoit contribué de lui-même. Il
n'y a pas jufqu'aux peintures des vitraux dont il ne fade le détail ,
marquant ce que chacune reprefcntoit. Toutes ces explications
font en vers de différentes mefures. Il parle fur la fin, de la
manière dont il fut offert étant enfant ; ôc demande qu'au jour
annuel de fa mort, tous lui accordent leurs prières, étr.nt perfuadé
que le peu de pénitence qu'il avoit faite avant que de mourir,
n'étoit pas capable d'effacer tous les péchés de fa vie. . Son
anniverfaire fe fait folemnellement tous les ans le treizième
de Janvier.
XI V. L'Abbé SugeralaifTé par écrit l'hifloire delà Dédicace
de l'Eglife de faint Denys en 1 140 , ôc de la Tranflaticn des
reliques de ce faint Martyr ôc de faint Ruflique ôc faint Eleutherc
fes Compagnons , qu'il qualifie Apôtres de la brance. Il décrit
Jation des re- cette cérémonie avcc étendue , marquant en quel ordre elle fe
Martyr. Ibid. fit ÔC par quelles petfonncs. Aux reliques des Saints, dont on fit
p-t,- }5c.. le.tranfport , il joint le: doux ôc la couronne de I\'oire Se-gneur ,
ABBÉ DE S. D E N Y S, &e. sjt
& un bras du vieillard Synieon. Il s'y trouva dix-fept Prélats ,
tant Archevêques qu'Evêques , avec les Principaux de leurs
Eglifes Cathédrales ; le Roi Louis , la Reine fa mère , & tous
les Grands de la Cour , avec un nombre infini de Peuples. Il
manque quelque chofe à la fin de ce Livre. Dom Mabilîon y a
fuppléé dans ies anale£tes ( a ).
X V. Il n'y avoir pas longtems que Sugcr étoit Abbé de faint f^onOitutions
Denysjlorfqu'ilfitune conftitution, portant, que chaque famedi j|f,„ I^^^du-
à perpétuité, & chaque jeudi on feroit mémoire folemnelle de clierne, ^ag,
la fainte Vierge. Ce Statut fut approuvé dans un Chapitre général ^'*^'
tenu à faint Denys & confirmé par les deux Légats du faint
Siège , Pierre , Prêtre-Cardinal ; & Grégoire de Saint-Ange ,
Cardinal-Diacre. Comme ils afpirerent tous les deux à la Papauté
après la mort d'Honorius IL en i 130 , il faut rapporter à ce
tems-là , la conftitution de Suger , qui ne porte aucune date
chronologique.il y cft dit encore, qu'après la mort du Roi Louis
VI. on fera à perpétuité fon anniverfaire dans l'Abbaye de faint
Denys. Par une autre conftitution datée du mois de Mars 1 1 2 J , Tag. 548.
l'Abbé Suger remit aux Habitans de faint Denys le droit de main
morte que l'Abbaye avoit fur eux.
XVI. Son teftament, qui eft du mois de Juin 1 137 , fut lu Teftament
en plein Chapitre ôc figné des Religieux de la Communauté, deSuger, jii^.
des Archevêques de Tours & de Reims , de quelques Evêques, '^Y' E/.Feli-
ôc de Robert , Abbé de Corbie. Suger le commence par l'énu- bien, Kûloire
meration des bienfaits dont Dieu l'avoit comblé , en le faifant i,^ Denys.
affeoir avec les Princes , quoiqu'il fut né pauvre & d'une famille -o.
obfcure; il avoue avec humilité, qu'il n"a pas reconnu comme
il devoir tant de grâces , & en demande pardon à Dieu. N'ofant
i'efperer qu'avec le fccours des prières de fes Frères , il ordonne
que dès le dix-fept de Juin de la môme année, le jour même
qu'il avoit fait fon teftament , on célebreroit une Méfie du Saint-
Efprit ; ôc qu'après fa mort , elle feroit changée en une Mefife de
RequieniTWL jour anniverfaire de fa mort, pour le repos de ^o\\
ame ; que la Communauté chanteroit le même jour l'Ofiicc
des Morts ■■, que tous les Prêtres ofTriroient pour lui le facrifice
de l'Autel ; que les autres Religieux réciteroient cinquante
pfeaumes à fon intention ; ôc que ceux qui ne fçavoient pas lire,
teroient dans le mêmedefiTein quelqu'ocuvre de pieté. Il ordonna
aufli qu'en ce jour on feroit de grandes aumônes aux Pauvres j
{a) ?ar. ^6i , foi.
Xi ij
»J2 S U G E R ;
& qu'en confidcration des fatigues de l'Office, les portions de
Religieux feroient plus abondantes qu'à l'ordinaire. Le même
teftament porte encore , que dans les Prieures dépendans de
faint Denys , où il avoit également travaillé à rétablir les biens ,
on feroit pour lai des prières ôc des aumônes. Toute la Commu-
nauté confentit à l'exécution des volontés deSuger , quiafligna
les fonds nécefTarres pour fubvenir à toutes ces dépenfes.
Lettres de XVII. Son teftament dans l'édition de M. Duchefne, eft
Suger , pag. fuivi de dcux Lettres ; l'une à Pierre, Archevêque de Bourges,
''î^' à qui il recommande l'Abbaye de faint Denys & toutes fes
dépendances ; l'autre, par laquelle il affocie quatre Hermitesà
l'Abbaye de faint Denys , en leur permettant, ou de garder leur
habit , ou de prendre celui de la Communauté , à la charge
qu'il ne leur fera plus libre de recevoir d'autres Hermites fans
le confentement du Prieur de l'Eglife de la Chapelle , à qui ils
s'étoient fournis en donnant tout ce qu'ils avoient à l'Abbaye de
faint Denys. M. Duchefne a recueilli d'autres Lettres de l'Abbé
Suger ; mais fon recueil qui efl de i ($4 , n'en prefente que feize
de l'Abbé Suger; les autres lui font adrefieesde lapart dediverfes
perfonnes. Nous remarquerons ce que celles de cet Abbé con-
tiennent d'intéreffant pour l'hilloire de l'Eglife.
Epijl. 10. X V 1 1 1. A la requête du Doyen ôc Chapitre de Chartres , qui
Pag, 4? 8- avoient élu Joflenc pour leur Evêque , il confentit à cette élec-
tion de la part du Roi , 6c à donner à Joflene après fa confécra-
tion & ferment de fidélité au Roi & au Royaume , les régales ,
c'eft-à-dire , la jouiflancedu temporel & desdroi:s de fon Eglife,
I>i/Î. 4«,47. Ses deux Lettres au Pape Eugène regardent l'introduâron des
Chanoines Réguliers de faint Victor en l'Abbaye de fainte
Geneviève pour y mettre la reforme, & les oppofitions queles
anciens Chanoines y formèrent. Par une autre Lettre il pria le
Pape d'obvier aux troubles de l'Eglife de Paris , en procurant l'é-
Epi^. 61. ledion canonique d'un Doyen. Voyant que les Barons & les
Seigneurs qui avoient accompagné le Roi Louis à la Croifade
£j,ijl. j7, étcient de retour, il écrivit une Lettre aufll tendre que refpec-
tueufe à ce Prince , pour l'engager à revenir au plutôt dans fes
Etats, où il étoit fouhaité univcrfellement , 6c attendu comme
l'Ange de Dieu. Son abfence avoit occafionnc des troubles dans
l'Etat >'k dans l'Eglife, par la liberté que les méchansledonnoicnt.
■^M'Jf' ti'- Ce fut pour y remédier , que l'Abbé Suger indiqua une iiHemblée
à SoilTons le Dimancl.e d'avant les Rogations , où fe dcvo;eut
tnouvc g^randt nombre d'Hvêques Ll de Seig^iieurs..
ABBÉ DE S. D E N Y S , &CC. ajj
XIX. Sa Lettre à Roger , Roi de Sicile, ne contient que ^yili- H*-
des témoignages de refpeil ôc de reconnoifîance; mais le Porteur
dtoit chargé de dire bien des chofes à ce Prince. Dans celle qu'il Epijl. ijo.
écrivit au Roi Louis , il le prie de ne point faire la guerre au
Comte d'Angers ôc Duc de Normandie , fans en avoir auparavant
délibéré avec les Grands 6c les Archevêques de fon Royaume.
Suger écrivit même à ce Comte pour lui repréfenter, que le Fpijf. irj.
différend qu'il avoit avec le Roi , ne lui étoit ni honorable, ni
avantageux ; qu'il lui confeilloit pendant qu'il étoit encore tems ,
d'employer des moyens convonables pour rentrer dans l'amitié
du Roi. ]1 preffa l'Evêque d'Amiens de chaffer de fon Diocèfe ^p'^fi- >U'
un fameux Apofiat , qui s'y étoit retiré, ôc qui pouvoit y faire
beaucoup de mal.
X X. On a vu plus haut que Suger avoit été choifi par le Pape ^pJ^- »î»'
Eugène IIL avec l'Evêque de Noyon pour faire fortir les Cha-
noines de Compiegne , ôc mettre à leur place des Moines.
Comme il leur falloir un Abbé , Suger pria cet Evêque de fe
tranfporter fur les lieux le jour même de la Fête de S. Corneille ,
ôc de bénir l'Abbé devant l'Autel, fi cela fe pouvoit fiire fans
beaucoup de bruit. Les Chanoines foutenus de Philippe de Epijt jf?.
France , frère du Roi , eurent recours à la violence pour fe
rétablira Compiegne. Mais leurs efforts fcandaleux furent inu-
tiles. La Puiffance rovale maintint le nouvel établiffement. Suger
écrivit au Comte de Vermandois de ne point fe dcfaifir de ce ^f'J- ^^'•■
que ces Chanoines avoient mis fous fa garde; parce que s'ils
étoient privés de leurs Offices ôc du Lcnélice de FEglife, ils-
l'avoient mérité par leur mauvaife conduite. Ces Clercs ayant
pris les devants , le Comte ne put fe faifir que de peu de
chofe.
XXI. Eudes élu ôc béni Abbé de Compiegne, alla à Rome
pour raconter au Pape Eugène tout ce qui s'étoit paffé. Suger le £p/7. i^ 3,
chargea d'une Lettre pour le Pape , à qui il dit en peu de mots
ce qui étoit arrivé au fujet de la réforme de fainte Geneviève ôc
de faint Corneille. Il cliargea Eudes de deux autres Lettres; ^^Phf.i6y,
l'une pour l'Abbé de Cluni , qui étoit Pierre le 'Vénérable; "^*
l'autre pour faint Bernard , par lesquelles il les prie de le recevoir
avec bonté , ôc de le recommander au Pape.
XXII. Parmi un grand nombre de Lettres adreffées à l'Abi-d Autres tcr-
Suger , Dom Martenne en rapv:'orte quelques-unes de cet Abbé "■" '^^^"S".
même. 11 y en a une a Henri , Evcque de beauvais ; au Cierge dot.Minenne-^
& au Peuple de cette Ville , pour les détounier de k révolte F'iT- 41? &«-
T • • • • J'î-
1 j.. njj J ^
Pis. 414.
2^4 SUGER , ABBÉ DE S. DENYS,&c.
qu'ils méditoient contre le Roi. Henri étoit fon frère. Suger lui
fait voir , qu'outre les dangers aufquels il s'expofoit, ôc laVille de
Beauvais , il ne convenoit pas à un Evêque de prendre les armes
contre le Seigneur commun du Royaume , l'ami & le protecleur
des Eglifes , à qui tous les Archevêques , les Evêques , les
Barons font attachés néceffairement par le ferment de fidélité
qu'ils lui ont prêté. Il repréfente à la Ville de Beauvais fon
impuilTance dans un cas femblable , & la compare à une fourmi
qui entreprendroit de tirer feule un chariot. La Lettre fuivantc
eft la réponfe de Suger à celle qu'il reçut de faint Bernard, étant
à l'extrémité. Elle efl: rapportée dans les Annalles de S. Benoît ,
ôc on en a parlé plus haut. Celle qu'il écrivit à Jollene, Evêque
Ibii. ^pag. (Je Soiiïons, eft uneLettre d'amitié. Il a été auffi parlé ci-deflus de
''*'■ fa Lettre au Roi , pour lui recommander l'Abbaye de S. Denys
& les Pauvres.
Sujer ap- XXIII. Nous finirons l'article de Suger en remarquant que
pelle Père de jg p^^j Louis le jeune au retour de la Croifade fut fi content de
' ^Ahbilbn. la manière dont cet Abbé avoit aàminiftré le Royaume , qu'il lui
Ub. 79, An. donna le nom de Père de la Patrie, & qu'il lui fut aulii donné
«««•'^7- par le Peuple.
CHAPITRE XVI.
Alg ERj Diacre & Scholajlique de Liège.
Alger. Sci J, "V T A T I F de cette Ville , il y fit fes études fous les meilleurs
commence- I ^ Maîtres , & elle en avoit d'excellens ; Hezelon & Teze-
menç. 11 en- O- "« v 1 1 r • f ri ' r
feigneàLiege. Im. Ses progrès dans les Icienccs turent ii grands, quen Gonli-
deration de fon mérite feul , on l'admit dans le Clergé de l'Eglifc
de faint Barthclemi , où il fut enfuite fait Diacre , & chargé du
foin de l'Ecole. L'Evêque Otbert le fit Chanoine de la grande
Eglife. Il y demeura jufqu'à la mort de l'Evoque Frideric en
Il 21, c'eil-à-dire , pendant environ vingt ans. Sa réputation
s'étendit en Saxe & dans les autres parties de rAllemagnc.
Plufieurs Evêques le demandèrent , lui offrant des richclTes &
des honneurs. Content de la médiocrité de fes revenus , il préfera
le féjour de la Ville de Liège aux honneurs qu'un iui olFroit
ailleurs.
A L G E R , &c. ajj
1 1. Plus touché encore de fon falut que des biens qu'il H Ce f.iît
poflfedoit , il abandonna tout pourfuivre Jefus-Chrifl: , & le retira '''î^"'"»Ciu-
f 1 ■ • 1 1 • o 1 1 • 11 "'• ^* mort
a Cluni , pour y vivre dans la retraite & dans la pratique de la c:i nji.
Règle de faint Benoît. Pierre le Vénérable en étoit alors Abbé.
Ecrivant à Alberon {a) , Evcque de Liège , il tait l'éloge d'Alger
èc de fes écrits. Il le compte pour le troifiémc des Scholaftiques
de Liège, qui s'étoient retirés à Cluni. On conferve dans l'ar-
chive de cette Abbaye l'atle de donation que lui fit Alger,
lorfqu'il y vint embraiîer l'état Religieux. On ne fçait pas bien
l'année de fa mort. Le Père Pagi la met en ii52(6),ôc rien
n'empêche qu'on ne s'en tienne à cette époque.
1 1 L L'ouvrage qui lui a donné le plus de réputation eft celui s?s écrits.
qu'il a compoié fur l'Euchariftie. Pierre le Vénérable le préfère '^?''^'^ .^"f"
à ceux queLanfranc 6c Guitmond d'Averfe ont écrit fur le même ^'' '^" "**
fujet ; mais il donne aufli à ces deux Ecrivains les éloges qu'ils
méritent. 11 y a toutefois dnns le Traité d'Alger quelques expref-
fions peu correctes. Nous les remarquerons dans l'analyfe.
IV. Alger rapporte dans le Prologue les diverfcs erreurs Anaivfe t!*
répandues lur cet auçufte mvflere. Les uns , dit-il , crovent que ^'' Traué ,
1 ' • o 1 • r 1 X 1 'i- j ^°^- i'» Bi-
le pain & le vin ne lent pas clianges , non plus que i eau du i.ht.Vai.-pag.
Baptême, ou l'huile du Chrême; enforte que le pain ôc le vin ^51- l'roloi,.
ne font qu'en figure le Corps ôc le Sang de Jefus-Chrift. D'autres
difent, que Jefus-Chrift eft dans le pain , comme le Verbe dans
la chair par l'Incarnation ; c'eft ce qu'on appelle l'erreur del'im-
panation. Quelques-uns enfeignent , que le pain 6c le vin font
changés au Sang & à la Chair , non de Jefus-Chrift , mais de
tout homme qui eft par la fainteté de fa vie agréable à Dieu. Il
y en a qui penfent > que l'indignité du Prêtre eft un obftacle au
changement du pain ôc du vin en la Chair ôc au Sang du
Seigneur. D'autres, que le changement fe fait par la confécration ;
mais que le Corps de Jefus-Chrift ne demeure pas dans ce Sacre-
ment pour ceux qui le reçoivent indignement ; 6c qu'il retourne
en ce qu'il étoit avant la confécration , c'eft-à dire , en pain ôc ,
en vin. La dernière erreur eft de ceux qui croyent que le Corps,
de Jefus-Chrift , lorfque nous l'avons mangé , eft fujet aux luites
ordinaires des autres alimens.
V. La méthode qu'Alger fe prefcrit pour détruire toutes ces n eiit^iviTé
erreurs , eft de ne s'appuyer point lur les lumières de la raifon , en trois Li--
mais fur l'autorité de TEcriture 6c des Pères. Il avertit fes Lee- ^^"'
tcurs , que fi le myftere de l'Euchariftie eft incompréhenfible,;
aj(? ALGER ,
il n'eft pas pouf cela incroyable ; parce que le pouvoir de Dieu
ne doit pas fe mefurer fur l'étendue de nos connoilTances. Son
Traité eft divifé en trois Livres. Dans le premier^ il prouve la
vérité du Corps de Jefus-Chrift dans l'Euchariftie. Il réfout dans
le fécond diverfes quedions qui ont rapport à ce mydere.
Premier Li- VL Dieu s'cit fait homme, a(in qu'incompréhenfible de fa
yre,pag.z^z. j^gj-y^g i[ fg fit connoîtrc à nous par la nôtre ; qu'étant élevé au-
deffus de toutes chofes par le mérite de fa Pailion , & fait notra
Chef par fon Incarnation , nous devinlllons fes membres. Il a
fait plus en inftituanti'Euciiaridie. ParceSacrementilnousunità
lui & nous incorpore en lui-môme. Alger explique cequec'efl;
que Sacrement , 6c en combien de manières on peut prendre ce
Cap. j. terme ; puis il diftingue dans l'Euchariftie, le Sacrement ôc la
chofe du Sacrement. Le Sacrement eft la forme , la figure ôc
tout ce qui eft vifible dans le pain & le vin. Mais la fubftancc
invifible couverte de ce Sacrement , en laquelle la fubftance
du pain ôc du vin a été changée, eft véritablement ôc proprement
Cap, 6. dite le Corps de Jefus-Chrift. Il fait voir contre les Impanateurs,
que le changement qui arrive dans l'Euchariftie n'a aucun rapport
avec celui qui s'efl: fait par rincarnation. Dans ce myftere , c'eft:
un Dieu fait chair, fans être changé en chair, ôc la chair refte.
Dans TEuchariftie , le pain ni le vin ne demeurent point , ils font
changés eti la Chair ôc au Sang de Jefus-Chrifl:. Quand donc
l'Ecriture donne à l'Euchariftie le nom de pain , ou c'eft figura-
tivement , ou parce que le pain lui a fervi de matière , ou à caufc
qu'elle en retient encore les qualités.
Q 7. VII. Ce n'eft pas la forme , mais la fubftance du pain qui eft
changée : la forme ôc les autres qualités du pain reftent , afin de
donner lieu au mérite de la foi. Il n'en eft pas de même de la
fubflance du pain ôc du vin , fi elle demeuroit , ôc que Jefus-
Cav. 8. Chrift fut en même-tems dans l'Euchariftie. Cette union du vrai
Pain , qui eft la vie éternelle , avec le pain commun , feroit aux
Fidèles une occafion d'erreur, ôc l'on pourroit croire que l'Eu-
chariftie eft fujette aux fuites honteufes de la digeftion.
ç^ VIII. Quelques-uns demandoient , fi Jefus-Chrift dans la
dernière Cène avoir donné à fes Difciples fon Corps incorrup-
tible ôc immortel, comme nous le recevons aujourd'hui ? La
raifon de douter étoit que lorfqu'il communia fes Difciples, il
étoit encore mortel , ôc à la veille de là Padion. Alger répond,
que le Sauveur leur donna fon Corps immortel 6c incorrup-
tible, quoiqu'il dût bientôt mourir; comme il leur montra fon
Corps
DIACRE ET SCHOLÂSTIQUE DE LIEGE. 2J7
Corps glorieux dans (a Transriguration , quoiqu'il fût alors
mortel, ôc le leur fit voir percé de ("es playes après fa Réfur-
rection , encore qu'il fut pour lors invulnérable : l'un ôc l'autre de
cesévenemensfont l'efTet de la Puilîancc divine. Il donne pour
-certain que le Corps de Jefus-Chrift , tel que nous le recevons
maintenant, eft abfolument ôc fubftantiellemcnt le même Corps
que celui qu'il donna à fes Difciples. Sur quoi il cite ces paroles
de faint Auguftin aux nouveaux Baptifés : Recevez dans le Pain ,
■celui qui a été attaché à la Croix : Recevez dans le Calice, ce
qui eft forti du coté de Jefus-Chrift.
I X. 11 prouve eafuite que ces paroles : Si vous ne mangez la Cap. i
Chair du Fils de l'Homme, ne doivent s'entendre que de Jefus- "'"•
Chrilt ; que quoique fon Corps foit d'une manière invifible dans
l'Euchariftie , il y eft réellement ôc fubftantiellement; que la foi
de l'Eglife univerfelle , depuis le commencement de fon éta-
bliffemcnt (û) eft, que c'cft la vraie Chair du Sauveur ôcfon
vrai Sang que l'on immole fur l'Autel; ôc que Jefus- Chrift, pour Cip. jj.
affermir notre foi fur cet article, a bien voulu quelques fois y
paroîtrc en fa Chair naturelle , en fupprimant par miracle les
apparences du pain ôc du vin ; que par une autre merveille , Jefus-
Chrift eft en mêmc-tems dans le Sacrement de l'Autel fur la
terre , ôc à la droite de fon Père dans le Ciel. En effet , ce feroit
en vain ( b ) que dans le teras qu'on l'immole fur l'Autel, nous
dirions : Vous qui êtes aflis à la droite du Père, ayez pitié de
nous ; fi nous faifions un menfonge ,cn difant que celui que nous
adorons dans le Sacrement , eji dans le Ciel. Alger remarque que dp. 14-
le Prêtre formant fur l'Autel d'ici-bas , le Corps du Seigneur
en la place de Jefus-Chrift même , ne s'attribue rien de ce qu'il
fait, mais rapporte tout à la puilTance ôc à la grâce divine , lorf-
qu'il prie Dieu le Père dans le Canon de la Méfie , en lui difant :
Commandez que ces offrandes ne vous foient pas feulement
préfentées par les mains ôc la vertu de votre Fils , qui eft l'Ange
du Grand-Confeil , fur cet Autel viiible d'ici-bas , mais qu'elles
foient portées jufqu'à votre Autel fublime du Ciel, qui n'eft
autre que ce Fils même. Ce qui fait voir , dit cet Auteur , que le
(a) Univcrfalis Ecdefî-t Cttholica
£<)e, qu.ï ab initio converfionis lui iti
creJillit, & it.i (u'vata eft, fufïicicnter
Eftniftuin eft quoi] vera ("hrifti caro verul-
que Sniiguis in menla Dominica immo-
letur. Qip. II.
Tome XXIL K k
{h ) Fraftra enim immolationis fur
ffmpore Jiceremtis , qui ledes aci ûexte-
ram l'atris , miferere nobis : Si quem
adoramus in Sacramento , mentiremur
effe in calo. Cap. 14,
5;S
ALGER
Fils de Dieu , félon l'ordre de fon Père, eft tout enfemble dans
le Ciel i & rOfîrant , & l'Hoftie, & l'Auiel fur lequel on l'offre.
Auffi , nous appuyant avec une parfaite conliance en la iidélité
des promefles 5c de la grâce de Dieu , nous croyons ( a ) que les
corps terrellres du pain ôc du vin font changés en Jelus-Chrift j
& qu'il eft tout enfemble , ôc intercédant pour nous dans le Ciel
où il eft allis à la droite du Père, & confacrc ôc rendu prëfcnt dans
le Sacrement de l'Autel.
Cap. ij. X. Encore donc que Jefus-Chrift fe foit féparé de nous en fa
forme humaine , lorfqu'il ell monté au Ciel , il ne laiffe pas de
demeurer avec nous , d'une manière non moins véritable &:
fubftantielle dans le Sacrement de fon Corps ôc de fon Sang,
afin d'être préfent, même corporellement, ôc là-haut, Ôc ici bas,
comme ne faifant qu'une feule perfonne avec fa divinité qui eft
par-tout. C'eft ainfi que lorfque le Corps du Sauveur eft reçu
dans [b) la bouche des Fidèles , il eft partagé à chacun d'eux,
& ne laiffe pas de demeurer tout entier ôc indivilible en chacun
d'eux , étant mangé , ôc n'étant point confumé , enlbrte que l'on
croit par la foi, qu'ainfi qail e!t indivilible lorfqu'on ledivife,
de même il eft incorruptible lorfqu'on le mange. C'eft une mer-
veille qui caufe de l'étonnement à la raifon , ôc de l'admiration
à la foi même ; mais quand elle conlidere la puiffance de la
Divinité qui y eft jointe , ôc qui eu préfente par-tout en ce Corps
fpirituel, ou plutôt qui eft devenu divin par la toute-puiffancc
qui lui a été conférée, alors ce miracle ne lui paroiffant plus
impoffible , elle le révère fans en douter.
Cap. 16. XI. Au rcfte, quoique ce foit le même Chrift, ôc la même
fubftance de fon Corps qyi a été offert fur la Croix , ôc qui left
fur l'Autel, ce n'eft pas néanmoins de la même manière: Sur la
Croix, Jefus-Chrift a été réellement mis à mort pour nous : Sur
l'Autel , ce n'eft qu'en figure ôc en mémoire de fa Paffion. C'eft
une immolation qui fe fait fans douleur de la part de Jefus-Chrift ;
immolation que nous appelions myftique, ou fans effufion de
fang. Nous péchons tous les jours , c'eft pour cela que nous
offrons tous les jours le Sacrifice myftique. Il prouve que c'eft le
(a) Q^uia orr.nmo fi Jci & gratii' ejut
înnitiiT.ur quod lerrcna corpora in ( hnf-
fum converti , ijifuiuque in crleftibus ad
dextpram Vatris feJei'tc m , pro nobis in-
terpellare , 8f iti Sa r.imepto altaris con-
fecrari & tlTe cieJimus. Ibïd.
' b I ])iim ify'.u.n Corpus fiiiini in ora
fid;?liu;ii dr,tutn 5' fingulis dividicdr , &
iinuin tôt!. 111 univerîis inùjviduum & intf-
grum liaLetur , (umptum non coiilump-
tum : Ur (îcut indivi.àium cum dividitur,
fie int orrijp'i'm , c«m fumjtum fccril,
crci'.aiur. Ça^, ij.
DIACRE ET SCHOLASTIQUE DE LTEGE. 5?^
môme Sacrifice, paice que (i celui que nous offrons tous, les
jours étoit différent, il feroit fuperflu , celui qui fut offert fur la
Croix ayant été fuftifant pour nous communiquer la vie éter-
nelle. Alger rapporte la profelfion de foi par laquelle Berenger Ctp. 19.
condamnant fon erreur, reconnoît que le pain ôc le vin font
après la confccration , le vrai Corps & le vrai Sang de Jefus-
Chrili. Il confirme cette doctrine par lautorité de faintAuguftin, Qp. ro,
ôc allègue un pafTage du mî-me Père , où il efl: dit : Que les
mœurs bonnes ou mauvaifes du Miniflre, n'influent point dans
la confécration , comme la différence des mœurs n'empêche pas
dans ceux qui communient, qu'ils ne rec^civent réellement le Cj^- »r.
Corps & le Sang du Seigneur.
XII. 11 prefcrit les moyens de les recevoir dignement , non- Cap. xi.
feulement d'une manière fpirituclle, mais aulïi corporelle; ÔC
montre qu'il efl plus dangereux aux impudiques qu'aux autres
pécheurs de s'en approcher, parce que c'eft l'Agneau de Dieu,
& le Fils de la Vierge ; & qu'il n'arrive prefque jamais que i'im-
pudicité foitfuivie d'une véritable pénitence.
XIII. Dès le commencement de la féconde partie, Alger Livre fécond,
combat ceux qu'on appelloit Stercoranifics , parce qu ils ^^??* '■'^*
croyoient que l'Eucharillie alloit au retrait, comme les alimens
communs. Deux Anonymes du neuvième fiécle traitant cette Yoyfznm.
quedion , dirent nettement , qu'ils ne pouvoient s'imaginer ^9,]?ig.^%<>-
qu'un il grand mylTere fut expofé à des fuites fi honteufes , ni que
le Corps de Jefus-Chrift fepourriff"e,oufoit confumé par le feu,
n'y ayant aucune apparence qu'il puilfe être fujet à ces fortes
d'évenemens. Alger époufe ccfentiment , ôc l'explique avec plus
d'étendue , en foutenant qu'aucune partie de l'Eucharillie ne
fouffire ni C(jrruption , ni altération ; qu'encore que les e!'jt?ces
du pain ôc du vin femblent en fouffrir, comme lorfqu elles font
avalées par des bêtes , ou confumées par le feu , cela ne fc fait pas
réellement, mais feulement en apparence, pour punir ou cor-
riger la négligence des Minières, ou pour châtier l'incré 'uliré
des niéchans. 11 convient toutefois que l'efpece du pain ôc du
vin ne pouvant être éternelle , il cH: ncceffaire qu elle ait une fin ;
mais il veut que cette défedibilité ne foit accompagnée d aucune
tache de la corruption , ôc qu'elle n'en ait point ia iai.leur. Pour
fauver à ces efpeces les fuites ficheufes que que!que:-uns leur
attribuoient, il a recours au minifrere des Anges , ôc cite fur cela
un trait de l'hifloire du Martyr Tharfyiius. Pris par les Payens
dans le moment qu'il portoit le Corps de Jefus-Chrifl:, ils lui
Kk ij
Seiulmen
d'Alger fui
les efpeces
Eucharjfti
ques
mun à beau-
coup d'autres,
Cap.
i?ô ALGER,
demandèrent ce qu*îl portoit ; il refufa de le dire , de peur de
livrer les chofes faintes aux chiens. Ils le firent mourir, puis
cherchèrent exaftement ce qu'il avoir fur lui ; ils ne trouvèrent
que les linges dont le Corps de Jefus-Chrill étoit enveloppé?
ce Corps facré ayant été enlevé dans le Ciel par le miniRcre des
Anges.
XIV. Tout ce difcours d'Alger n'a pour but que de fauver
le refpeiSl dû au Sacrement de l'Autel ^ ôc de montrer combien il
avoir d'éloignement de l'erreur de Stercoraniftes, qu'il ne con-
cora- noiflbit que par ce qu'il en avoit lu dans les écrits du Cardinal
Humbert; mais cette erreur n'étoir point avouée des Grecs, ce
n'étoit qu'une conféquence que ce Cardinal tiroit des reproches
qu'ils faifoient aux Latins, de rompre le jeûne en Carême lorf-
qu'ils difoient la MelTe à neuf heures. Il paroît au contraire que
le flercoranifme étoit condamné des Grecs , comme des Latins.
Nous citerons là-delTus ce que dit faint Damafcene, le Théo-
logien le plus accrédité dans i'Eglife Grecque: Voilà, dit-il ,.{a)
ce pur & non fanglant Sacrifice que le Prophète a prédit devoir
être ofi^ert à Dieu depuis le lever du foleil jufqu'au couchant ^
c'eft- à-dire , le Corps ôc le Sang de Jefus-Chrifl: , qui devient la
force & le foutien de notre ame & de notre corps, qui ne f&
confume point , qui ne fe corrompt point, ôc ne va pas au retrait :
à Dieu ne plaife. Alger n'en dit pas davantage ; ôc Guitmond
d'Averfe en avoit dit autant avant lui. On ne peut donc l'accufer
de nouveauté , quoique dans les fiécles fuivans les Théologiens
n'ayent pas fait difficulté de dire que les efpeces facramentelles
font fujettes à la corruption.
X V. On demandoit pourquoiDieu qui eft invifible, ôc qui a
déclaré qu'il vouloir être adoré en efprit ôc en vérité , a ordonné
àfon Eglife un Sacrifice vifible? Alger répond que Dieu en a agi
ainfi , afin de nous exciter plus vivement au fouvenir de fes
grâces; ôc que Ihomme étant compofé de corps ôc d'ame, il
étoit jufte qu'il offrît à Dieu des facrifices corporels ôc fpirirucls.
Cette réponfe eft tirée de faint Auguftin , dans fon dixième Livre
de la Cité de Dieu.
(a) Hoc eft purum illud & incrucn-
mn> !:ii rificium cjuod ab ortu foJii ufqixe
f.ii occ 'fum filii obl;'.nini iri per Prophe-
Wm r>orninus ait , Corpus nimiruni Se
Sangui's Chriili :vd animi & corporis
noftri firmamenfum cedens , quoJ non
confumiur , nec coriuinpitur , i:ec in
fecelluin projrcditur i abïit , nbiîr. Da.'-
m.ifcea- lib^ 4 , dejid: Ortkoiaxx , cjp, i .4.
DIACRE ET SCHOLASTIQUE DE LIEGE. 26%
XVI. L'on demandoit encore pourquoi le Sacrifice de ^'?- ?"•
l'Eglife n'efl pas compofé du feul Sacrement , ou du Corps ôc
du Sang de jefus-Chrid fims ie Sacrement, ou pourquoi il eft
eompofé de l'un ôc de l'autre? La réponfe d'Alger elt , que fi-
rEuchariCie étoit un fimple Sacrement , elle ne difîereroit pas
des Sacrifices de l'ancienne Loi , qui n'étoient que des figures ;
que Jefus-Chrifl a donné à fon Eglife la vérité, c'eft- à-dire , fon
Corps & fon Sang, afin que ce que l'ombre ancienne n'avoir pu
faire, il le fit lui-même, opérant tous les jours fur l'Autel l'ou-
vrage de la rédemption qu il avoir opéré une feule fois fur la
Croix; mais que jcfus-Chrift n'a pas voulu nous donner fon
Corps ôc fon Sang fans Sacrement , parce que s'il nous les
donnoit fans voile & à découvert, perfonne n'ofcroit en appro-
cher, foit qu'il fe préfentât à nous en la forme qu'il avoir avant fa
mort , foit comme il eft depuis fa réfurreftion. Il convenoit
d'ailleurs, que fon Corps ôc fon Sang dans l'Euchariftie fuffent
couverts du voile du Sacrement , autant pour exercer la foi des
Chrétiens , que pour ôter aux Payens l'occafion de reprocher
aux Chrétiens démanger de la chair humaine, ôc de boire du.
fang.
XVII. Pourquoi , dira-t-on encore. Dieu demande-t-il de Cap. ^i,
nous tant de foi dans le Sacrement de l'Euchariftie? C'eft, dit
Alger, qu'Adam s'étant perdu pour avoir ajouté trop de foi aux
paroles du démon , qui lui confeilloit de manger du fruit
défendu , il faut que nous nous fauvions en croyant à la parole de
Dieu , qui nous ordonne de manger fon Corps & fon Sang dans ce
Sacrem.ent.
XV II I. A la queftion pourquoi Jefus-Chrift a choifi préfé- Cj?. y,
rablement le pain ôc le vin pour la confécration de fon Corps
ôc de fon Sang , Alger répond, que c'a été à caufe que l'homnie
fe nourrit ordinairement de ces deux efpeces , ôc qu'elles ont une
reflemblance avec ce qui fe paffe dans ce myftere. En effet , de
même que le pain ôc le vin fe changent en chair &; en fang , ainfi
ils font changés dans le Sacrement au Corps ôc au Sang de J. C.
Il en donne encore d'autres raifons.
XIX. On lui demandoit aufli pourquoi Jefus-Chrift ayanr Q^. 6,
dit : Celui qui mange ma Chair ôc qui boit mon Sang, a la vie
éternelle , nous ne paffonspas à cette vieaufiitôt que nous avons
reçu l'Euchariftie ? Il répond , que Dieu diffère de nous faire
jouitde la vie éternelle, afin qu'en y arrivant avec plus de mérite
par la pratique de la vertu , nous la recevioiTs avec plus de pléiïl-
lude. Kk iii
3^2 ALGER,
Ca;. 7. XX. Sur la queflion pourquoi Dieu punit ou récompenfe
éternellement des mérites temporels , Alger dit que Dieu ne
regarde pas Taîlion temporelle , mais qu'il punit ou récompenfe
Cap. s. la volonté éternelle du mal ou du bien. Il réfout cette autre
queftion , pourquoi l'on confacre les deux efpeces féparément , le
pain au Corps , le vin au Sang ; que ce neù pas que le Corps de
J. C. foit (ans le ùr^.g, ni le (ang fans corps, puifque le Sauveur eft
tout entier fous chaque efpece ; mais que telle eft la coutume de
l'Eglife qui l'a reçue de Jefus-Chrift même, qui, à la dernière
Qj). 9- Cène , confacra ôc donna féparément fon Corps ôc fon Sang. Il
décide que l'on peut confacrer avec du pain, de quelle couleur
il foit , mais qu"il eft de la décence de prendre le plus blanc ; &
après avoir combiné les raifons des Grecs & des Latins fur
Cap. 10. Tufagedu pain fermenté & du pain azyme, il dit, qu'encore que
l'on puilTe fe fervir de l'un & de l'autre, il eft mieux de faire
ufage dans le Sacrifice du pain azyme, dont l'Eglife Latine s'eft
fervi dès le commencement.
Livre troi- XXL Dans le troifiéme Livre Alger examine fi les Prêtres qui
Ccme , fag. font hors de l'unité de l'Eglife Catholique, les Hérétiques , les
*^^' Schifmatiques confacrent véritablement TEuchariftie. il rap-
Cjj, I. porte quelques palTages de faint Auguftin , de faint Jerame , du
Pape Pelage, ôc de quelques-autres Anciens, qui femblent dire,
que hors de l'Eglife il n'y a point de vrai Sacrifice ; qu'ainfi les
Hérétiques , ni les Schifmatiques ne conûcrent pas vaiidement.
Cap. t , 3- Enfuite il remarque que ce fenrimenc eft fujet à de grands incon-
véniens , parce qu'il s'enfuivroit que les Sacremens dépcndroient,
non de la grâce de Dieu , mais du mérite des Miniftres ; qu'alors
le Baptême ni l'Eucliariftie ne feroient pas les mêmes, quanta
l'effet , dans un bon , comme dans un méchant Miniftre , ce qui
en détruiroit l'unité.
Cjp.\,u XXIL Alger ayant donc pofé pour principe, que la vali-
'» 7* ■ dite des Sacremens ne dépend ni de la foi , ni de la piété du
Minifire, puifqu'un Laïc même peut baptiferen cas de néce'Àité,
fut-il encore Payen ;il en conclut que, comme les Schifmatiques
& les Hérétiques peuvent baptifer vaiidement , ii= peuvent aulli
Qtp.i. confacrer l'Euchariftie vaiidement , ces deux Sacremens é^ant
égaux en dignité, 6c l'Euchariftie le complément ôc la perfedion
du Baptême.
Ckp 9. XXI IL Tl apporte en preuves les pafTages de faint Auguftin,
où ce Père dit: Que comme c'^^ft Jefus-Chrift qui baprife , c'eft
lui auifi qui, par la même vertu, change le pain ôc le vin en fa
DIACRE ET SCIÎOLASTIQUE DE LIEGE. 263
Chair & en fon Sang ; ôc ce qu'il dit dans Tes Livres à Vincent le
Donatide , que les Sacremens des Hérétiques & des Schifma-
tiques font de l'Eglife , & fe font dans l'Eglife, pourvu qu'ils les
adminiflrentôc les confiicrcnt fuivant les rits de l'Eglife Catho-
lique. Par le même principe il foutient, que ceux qui ont été o-;. 10.
ordonnés Prêtres fuivant les mêmes rits, confervenr les pouvoirs
du Sacerdoce ; & que comnie le Baptême demeure entier en
eux, il en efl: de même de lOrdination : d'où vient que faint
Auguflin dit, que le Sacrifice chez les Hérétiques efl non-feulc-
mcnt véritable , mais falutaire à ceux qui y participent digne- ^''^'' ""
ment, ce qu'il entend des Catholiques, qui ne pouvant faire
autrement , reçoivent les Sacremens confacrés par des Schifma-
tiques.
XXIV. Alger répond aux palTages des Pères qui paroiflfent Ci-j. n.
contraires à fon fentiment, qu'on doit les entendra", non des
Sacremens en eux-mêmes, comme s'ils les avoient cru nuls
lorfqu'ils font confacrés ou adminiftrés par des Hérétiques , ou
des Schifmatiques : mais de l'abus que ces Miniflres en font , &
de l'inutilité des Sacremens à leur égard , puifqu'au lieu d'eu
tirer de l'avantage , ils tournent à leur perte & à leur condam-
nation , comme faifant illicirement les fondions du facré Minif-
tere. Alger penfoit donc que les Hérétiques & Schifmatiques
confacroient validement , mais non licitement.
XXV. En examinant fi les Sacremens font valides lorfque, /-
foit par malice , foit par négligence , Ion ajoute, ou l'on change
quelque chofe aux paroles facramentelles , il dit par rapport au
Baptême , que pourvu que l'on prononce les paroles eftentielles
de la forme ordinaire, le Sacrement a fon effet, eut-on omis
quelque cérémonie , ou changé par ignorance quelque chofe
dans les paroles facramentelles. C'eft fur ce principe que le Pape
Zacharie approuva le Baptême conféré en cette forte par un
Prêtre qui ne fçavoit pas le latin : Baptifo te in nomine Patria , Cs"
Filia, ù" Spiritua Saji6ia ; mais il ajoute que le Baptême donné
par des Hérétiques dans une autre forme que celle de l'Eglife ,
doit être rejette. En général il défend dintroduire dans la célé-
bration des Myftercs, les nouveautés des fedes ôc des héréfies,
&. veut que l'on s'en tienne exademcnt à ce qui a été inflitué par
Jefus-Chrifl:.
XXV^I. Nous avons dit plus haut que Pierre, Abbé de Jugementde
Cluni,préferoit le Traité d'Alger fur l'Euchariftie , à ceux que pj"'"*. "''r*'''
Lar.fra.ic Ôc Guitmond d'Averfe ont écrits fur le même fujet. Ses ena faàe'.
2^4 ALGER,
paroles font remarquables. Lanfranc , dit-il (a) , d. bien écrit fur
l'Euchariftie , pleinement , parfaitement ; Guitmond encore
mieux , plus pleinement , plus parfaitement ; 6c Alger très-bien ,
très-pleinement , très-parfaitement. Erafme ( b ) difoit , en parlant
de cet excellent ouvrage, à un Evêque: Je n'ai jamais douté de
la vérité du Corps ôc du Sang de Jefus-Chrilt , mais j'avoue que
la lecture de ce Livre également pieux ôc dottc, m'en a fortifié
la croyance , ôc augmenté le refped. Ce fut aulTi le Traité d'Alger
que Jean Ulimer, Chanoine régulier de Louvain , clioifit avec
ceux de Lanfranc , de Pafchafe, ôc de Guitmond, pour les
oppofer aux Proteftans de Hollande, par l'édition qu'il en fit à
Louvain en 1761; il fut réimprimé dans les Bibliothèques des
Pères de Paris en ij 75" , ijSp, K^ii j' i(ÎJ-i » de Cologne en
1 6 1 8 , ôc de Lyon en 1 677.
Traitédela X X V IL Le Traité d'Alger intitulé, de la Miféricorde ôc
mitencodeSc ^ j^ Juftice , eft demeuré lonç-temps caché dans les Biblio-
de la JuHice , -^ ? »» i^'ri ^^ j i n /r i
tom. 5 , anfc- thcques manulcrites. Uom Mabuion en donna la rrérace dans
dot.Martenne, fes (r) Analcdcs , avec la vie d'Alger par Nicolas de Liège.
pas. loio V -r^ . ,, ' . f f v\- ' T\ ^x j
l-gj^ Depuis, 1 ouvrage entier a été public pat Uom Martenne, dans
le cinquième tome de fes Anecdotes. 11 eft divifé en trois parties,
•dont la première traite de la miféricorde prefcrite par les Canons
envers les pécheurs. Alger examine en quelle manière on doit
enufer, ôc jufqu'à quel tems. La féconde traite delà juftice;
l'Auteur y fait voir comment, ôc en quel ordre elle doit fe rendre
dans l'Eglife, pour le maintien de la difcipline. Il eft queftioii
dans la troifiéme des diverfes héréfies , en quoi leur dottrinc
diffère de celle de l'Eglife Catholique , ôc en quoi elles font
différentes entr'elles. Alger n'avance rien q.u'il ne le prouve par
l'autorité des Papes , des Pères ôc des Conciles ; mais il ne
rapporte pas toujours leurs pafTages entiers. Souvent il n'en prend
que ce qui fert précifémeiu à fon fujet. Ce qu'il rapporte des
Papes eft prefque toujours tiré des fauffes Décretales. Les diffé-
rentes erreurs que l'on répandoit de fon tems, ôc les fcliifmes
dont l'Eglife étoit affligée alors , l'engagèrent à compofer cet
écrit, afin qu'en mettant aux Fidèles fous les yeux les règles de
l'Eglife, les bons fe confîrmaffent dans la vérité , ôc les méchans
ne puffent fe refufer à l'autorité évidente des Canons.
(a ) Pitrus contra Htnrkian. lih. ^, i ( c ) Mabillon. in andeSis , p,7g. 1 jo.
pas-
{a) fitrus contra ntnncuin. tm. i. 1
(i ) Erafm. epill. »8 , edh, Londinsnf. I
[pr. I. i
xxvin.
DIACRE ET SCHOL ASTIQUE DE LIEGE, a^f
XXVIII. Nous remarquerons dans la première partie , qu'il Analyfe dt
y a des préceptes , foit divins, foit eccléfiaftiques , dont il faut parne^""/*;!
quelquefois difpenfcr , à raifon des circonftances des tems , des pag. 1014.
perfonnes, de la nécclfité , de l'utilité. Dieu avoit commandé à
David de bâtir un Temple , mais voyant enfuite qu'il étoit
un homme de fang , il révoqua cet ordret Saint Paul avoit
défendu la circoncifion aux Gentils , cependant il circoncit
Timothée, pour empêcher que les fimples ne tombalTent dans
l'erreur, en s'imaginant que la circoncifion étoit aufli facrilege
que l'idolâtrie. Alger enfeignc d'après faint Auguflin, qu'il faut p
quelquefois tolérer les méchans pour le bien de l'unité de
l'Eglife & de la paix ; qu'il n'eft pas nuifible de. recevoir les p^^ ,04,.
Sacremens de la main des Miniftres indignes; que le Baptême
donné , même par un Payen , ne doit pas être réitéré ; qu'avant Pag. 1044.
la confécration le pain ôc le vin font fubftantieliement du pain 6c
du vin , ôc qu'après la confécration ils font changés , enforte que
c'cft la Chair ôc le Sang du Seigneur, en la même chair dans
laquelle il eft né de la Vierge,ôc qu'il eftalfis à la droite du Père ;
que foit dans le Baptême , foit dans le Sacrement de Pénitence , p ^^^^^
nous recevons parle minillere d'un mauvais Prêtre, mais Catho-
lique , la rémillion de nos péchés , ôc qu'il en eft de même des p.^^, lo^i
autres Sacremens; que quand le mal s'eft emparé de la multi- &* »°î^'
tude,il nerefteauxbons qu'à gémir ôcà fouffrir , de peur que la pa^. losi.
féverité de la correction n'occafionne un fchifme.
XXIX. Il dit dans la féconde partie , qu'encore que la Second»
pénitence d'un Prêtre , dont le crime eft public , doive être partie.
connue de tout le monde , elle doit fe faire fecrettement , ^^' '°^'*
comme dans un lieu féparé du Cloître ou du Monaftere ; ôc que
s'il fait une digne pénitence de fes fautes , on doit le rétablir dans
fa dignité ; qu'il faut punir de verges celui qui a attaqué la repu- p^g. n>gj.
tation de quelqu'un publiquement , foit de vive voix , foit par
écrit. Alger entre dans le détail des qualités des Juges, des
témoins , des accufateurs ôc de leur nombre , ôc de la manière
dont les accufés doivent fe juftifier.
XXX. Dans la troifiémc partie il donne la différence de Troifiéme
l'héréfie d'avec le fchifme. L'hérciis eft un dogme contraire à la partie. Pig.
foi Catholique : le fchifme , une féparation de l'Eglife Catho- "°°^/'^î-
lique. Les Sacremens conférés par les Schifmatiques font vali-
des , mais inutiles à ceux qui font dans le fchifme ; s'ils revien-
nent à l'Eglife , on ne réitère en eux ni le Baptême , ni l'Ordina-
tion, on fe contente de leur impofer les mains : on l'inipofe aulîi
Tome XXI L Ll
s6S ALGER.;
à ceux qui ayant été baptifés par les Hérétiques , embraflTent la
foi Catholique, pourvu que le Baptême leur air été conféré au
nom des trois Perfonnes de la fainte Trinité. Alger s'élève forte-
ment contre la fmionie ; ôc diflinguant entre la puifTance Royale
ôc la Pontificale, il dit, que comme les Prêtres doivent être
fournis aux Rois en ce qui regarde les chofes terreftres , les Rois
doivent être encore plus fournis aux Prêtres en ce qui regarde la
p Religion. Il établit les prérogatives du Siège Apoftolique fur
' toutes les Eglifes , fon droit de juger leurs caufes par appel , de
p j condamner feul les Hérétiques, 6c d'abfoudre ceux qui auroienc
été condamnés injultement dans quelque Synode.
Hiftoirede XXXI. Alger s'étoit appliqué à recueillir tout ce qu'il
TEgiiCe de avoit oûi , OU trouvé par écrit touchant la dignité 6c les privi-
2*' leges de i'Eglife de Liège ; ôc afin qu'à l'avenir quelques Clercs
inquiets ôc amateurs de nouveautés , ne s'avifafTcnt pas de cou-
telier à cette Eglifefes anciennes prérogatives, il fît là-deffus un
Traité hiftorique. Nicolas de Liège le cite dans ( a ) fes Remar-
ques fur les écrits d'Alger j mais il n'eft pas venu jufqu'à nous,
non plus qu'un Livre de vers ou depoëmes;car Tritheme [b)
dit qu'Alger étoit Poète. Nous avons aufîi perdu grand nombre
de Lettres ( c) à diverfes perfonnes , ôc àdiverfcs Eglifes fur des
aflfeires Ecclefiaftiqucs. Tritheme fait encore mention d'un
Traité d'Alger fur la grâce ôc le libre arbitre. Il a été publié
depuis qu«lques années par Dom Bernard Fez , au quatrième
tome de fes Anecdotes.
Trpné(^ela XXXII. Voici ce que contient ce petit Traité divifë en
frace & du cinq chapitres. Adam avant fon péché étoit tellement libre, qu'il
^^ r^anec'- "^ pouvoit être Contraint ni pour le bien, ni pour le mal. Il
det.Pe\.parr. pouvoit tomber de lui-même dans le péché, ôc ne pouvoit fe
*,;«£. H3. foutenir dans l'état où il avoit été créé, que Dieu ne l'aidât de
fa grâce. Se fiant trop à fes propres forces , il confentrtlibremait
aux mauvais confeils du démon. Par fa chute tous fes defcendans
en devinrent les efclaves , ôc ils l'onc été jufqu'à ce que le
Seigneur nous a rétabli dans notre premier degré de liberté. La
préaeftination des bons à la vie éternelle, ôc la prcfcience des
méchans à la peine éternelle , ne nuit en rien à notre libre arbitre.
Il a prévu que par fbn fecours nous ferions vertueux , ou que de
(a) Tom.. ir antcéot. Mjrten. pag. | -tiS ,(!'■ !ib. x ^ capt 90, ii iUui'rih. Ori,
ICI • 16". E'-n'c'ifù.
i^b) Tiith^m. ie Script, Ecclef. a^. ' {^c j iutr^ '.,m:cdpt.i\}arte.i pjj.io: :.
DIACRE ET SCHOLASTIQUE DE LIEGE. 26^
flous-mêmes nous ferions méchans. Quel inconvénient y a-t-il ,
que félon les divers mérites qu'il a prévus, il ait préordonné les
uns à la gloire, les autres aux fupplices f Sa prévifion étec- Cap. %,
nelle n'impofe aucune nécclTité aux bons , ni aux mauvais.
XXXIII. Aulfi l'on ne peut douter que nous ne pui/Tîons C^- 4.
par nos mérites ôc par nos prières obtenir une place parmi les
prédeftinés , parce que Dieu en prédeftinant les bons, lespré-
deftinc de façon qu'ils obtiennent ( a ) eux-mêmes par leur»
mérites 6c par leurs prières cette prédcftination. Mais il faut Cag. a
remarquer qu'encore que notre libre arbitre foit excmt de cott-
trainte extérieure , il peut bien de lui-même vouloir le mal , mais
noripas le bien fans l'infpiration de la grâce de Dieu. Alger dans
ce Traité n'allègue aucune autorité des Percs de l'Eglifc , ni
même de l'Ecriture , qui ait un rapport direft à fa matière. Il ne
procède que par voye de raifonnement. Tritheme ( h ) parle de
ce Traité , & il porte le nom d'Alger dans le manufcrit d'Uffen-
bach fur lequel il a été donné au Public par Dom Pez. Nicolas
de Liège n'en dit rien , peut-être le comprenoit-il dans le
nombre des Lettres de cet Auteur. C'cft la conjedure ( c ) de
l'Editeur.
CHAPITRE XVI L
GuiLLAu ME t Abbé de Saint ThierrL
I, /^'EsT faire en un mot fon éloge, que de dire, qu'il fut Guillaume;
V^ jufqu'à fa mort uni d'une étroite amitié avec S. Bernard, j^^^^^ ^°*
Guillaume étoit originaire (d) de Liège, 6c né d'une famille m»,
noble. Envoyé à Reims avec Simon fon frère pour y faire leurs
études , ils fe confacrerent l'un 6c l'autre au fervice de Dieu dans
l'Abbaye de faint Nicaife, célèbre alors par l'exa^litudc de la
difcipline régulière que l'on y obfervoit. Ils la pratiquèrent eux-
mêmes avec tant de zèle , qu'on les jugea dignes de la fairo
obfccver aux autres. Simon fut choifi pour Abbé de faint Nicolas
( a ) Sed cum Dominui bonus ad vitam 1 ( 6 ) Trithem. de Script. Ecclef. cap. ? i8.
prideftinaverit , ita eos pracdeftinavit ut I ( c ) Pf^. dijjertat. in tom. 4 , pag- X.
ipfa fua prrJelUnatio mentis & precibus (d) MabiUon. notis in epijl. 8f, B«r-
aoftris obtineacur. Cap. 4. 1 nardi, tom. i ,pag. 34 •
LHj
irfg GUILLAUME,
aux Bois dans le Diocèfe de Laon ; ôc Guillaume envoyé à
l'Abbaye de faint Thierri proche de Reims, pour prendre la
place de l'Abbé Geoffroi que l'on venoit de transférer à faint
Mcdard de Soiflbns , c'étoit en i i 20.
S«liai(bi» 1 1. Guillaume n'étant encore que Moine à faint Nicaife fît un
arec laintBer- yQy^gg ^ Clairvaux , fur le bruit que faint Bernard , dont les vertus
éclatoient par-tout , y étoit tombé malade. Ce fut dans cette
première entrevue que fe forma entr'eux cette liaifon d'eftime ÔC
d'amitié qui fubfifta toujours entreux. Guillaume , autant attira
à Clairvaux par la pauvreté & la Hniplicité de la vie de faint
Bernard, que par la douceur & l'onâion de fcs entretiens , fc
préfenta plufieurs fois pour y être re»;u dans la Communauté ;
mais. voyant que le faint Abbé lui refufoit cette grâce, il quitta
volontairement fon Abbaye de faint Thierri ^ & fe retira au
Monaftcre de Signi, Ordre de Cîtcaux , dans le Diocèfe de
Reims.
II quitte 111. Il faut mettre cette retraite en 1 1 54 , puifqu'il eft
^'^^^^^ ^*" conftant oar le catalogue des Abbés de faint Thierri , que Guil-
faintThiern, ' i- i r -l- j j- • / j
& fe retire à laume y remplit les ronctions de cette dignité pendant quatorze
Shni en ^^g gc cinq mois. Il fit vœu de fiabilité à Signi en 1 1 5 j , ôc y
ènilîo!"'"" vécut pendant environ quinze ans dans la pratique exatte de la
Règle , toujours occupé de la méditation des chofes céleftes. 11
mourut vers l'an i 1 yo > après avoir écrit le premier Livre de la
vie de ce Saint , qui fut continuée par Arnaud de Bonneval.
Saint Bernard faiîbit tant de cas de l'érudition ôc de la dodrinc
de Guillaume, qu'il lui dédia fon Livre de la grâce ôc du libre
arbitre, en le foumettant à fa cenfure. Luc , Abbé de Cuilli.,
l'ayant confulté fur quelques difficultés , il lui répondit : Je
fuis (a) furpris qu'étant fi éloigné , vous vous foyezadreffé à moi
pour réfoudre vos queflions , tandis que vous avez près de vous
un homme fage , qui eft porté d'inclination poux votre Maifou,
je veux dire l'Abbé de faint Thierri.
Ses écrits. I V. Ses ouvrages ont été recueillis par Uom Bertrand Tîfîier,
dans le quatrième tome de la Bibliothèque de Cîteauï , imprimée
à Bonne-Fontaine en ï56j? in-fol. en voici le Catalogue : le
miroir de la Foi; Ténigme delà Foi; un Livre de Méditatiotis
publié à Louvain en 1 J46 , à Anvers en lyjo, 1 jpo, ôc dans
le vingt-deuxième tome de la Bibliothèque des Pères à Lyon eu
3677 ; le Traité de la nature ôc de la dignité de l'Amour divin,
(.«_) fciuacd , f^ij.. 7I) in primjk tdit. i/i Jifiu/ita yj.
ABBÉ DE SAINT T H I E R R I. 269
qui a été imprime à Loavain , à Anvers avec ie Livre des Médi-
tations, ôc dans les nouvelles éJitions de faint Bernard. On y
trouve un autre Traité de Guillaume de faint Thierri, intitulé
de la contemplation de Dieu. Il compofa aulli deux Livres de la
nature du corps ôc de l'ame , adreflés à Théophile ; trois autres
qui ont pour titre : Difpute des Pères Catholiques contre les
dogmes de Pierre Abaillard , dédiés à Hugues , Archevêque de
Rouen , avec une Lettre à Geoffroi , Evéque de Chartres , ôc à
faint Bernard ; un Traité des erreurs de Guillaimiede Conches;
un Commentaire imparfait furie Cantique des Cantiques ; un fur
l'Epître aux Romains, dont il efl: fait mention dans l'Appen-
dice fa) à Henri de Gand ; ôc un Traité du Sacrement de
l'Autel. Tritheme en parle dans fon Catalogue ( b ) des Ecrivains
Eccléliafliques. Tous ces écrits font contenus dans le quatrième
tome de la Bibliothèque de Cîteaux. Il y en a d'autres imprimés
ailleurs; fcavoir, un Commentaire fur le Cantique des Can-
tiques , à la rin du premier tome des (Euvres de faint Ambroife;
ôc un fécond Commentaire fur le même Livre tiré des écrits de
faint Grégoire le Grand. Ce dernier Commentaire a été rendu
public par CafiinirOudin , avec quelques opufcules des anciens
Ecrivains de France ôc de Flandres, à Leyde en 1692 m-8®.
Le premier Livre de la vie de faint Bernard par l'Abbé Guil-
laume, fe trouve dans Surius ôc dans Bollandus au vingtième
d'Août , fie dans diverfes éditions des (Ëuvres de ce Père.
Tritheme (c) fait mention d'un Livre de Guillaume , fous le
titre de Sentences de la Foi. Oudin dit en avoir donné un à
Dom Thomas Blampin , pour le mettre dans l'Appendice au
dernier tome des ouvrages de faint Augudin ; on ne l'y trouve-
point ; ôc les Sentences mêlées d'i^n Auteur inconnu imprimées
dans l'Appendice du fixiémc tome, n'ont point de rapport à cet
opufcule , étant plus morales que dogmatiques. Mais il faut
entrer dans le détail de quelques-uns des ouvrages de Guil-
laume.
V. Il étoit autrefois d'ufage aux perfonnes de grande piété, Livre dçjr
de compofer pour elles-mêmes des formules de prières ôc de '"^'i'»"''"'.»
méditanons , ahn de ranimer de tcms en tems leur ferveur , ôc j/i^f. pat.
de fe rappeller plus aifément les vérités du falur. C'eft dans cette '^H' "♦»•
vue que faint Augudin écrivit fes Soliloques ôc fes ConfelHons»
(« . Ld'^. 6. I (c) IbiJ.
ih Ca^. 383. \
L 1 iij
270 GUILLAUME,
Guillaume , dans fes formules de méditations ôc de prières , fe
propofa non-feulement fon utilité particulière, mais aufTi celles
des Novices, dont il étoit important de former de bonne heure
l'cfprit dans les exercices de la viefpirituellc. Ses méditations ÔC
fes prières roulent fur divers paffages de l'Ecriture , fur-tout
des Pfeaumes , dont il donne en paffant le fens myftique ÔC
moral,
Traîtcdela V I. Dans le Traité de la nature & de la dignité de l'amour
nature & de la (Je Dieu , Guillaume inftruit le vrai Philofophe, c'eft-à-dire , le
inour^divin* vrai Chrétien , par quels dégrés 6c en quelle manière il peut par-
lom. i Op. venir à la pcrfetliou de l'amour de Dieu , telle qu'on peut l'avoir
Bcrnardi,pag. ^^ ^^^^^ ^j^^
* Traité de la VII. Le Traité de la contemplation de Dieu a été attribué
contempla- quelquefois , de même que le précédent , à faint Bernard, fous
t!fm ! 'n*,' le titre de Soliloques ; mais Guillaume fe reconnoît Auteur de
Uernarà.pi^. l'un 6c l'autrc , dans le catalogue de fes ouvrages rapporté par
***' Dom TifTier. Ils font aufll fous fon nom dans la lifte de fes écrits
par l'Abbé Tritheme, 6c dans l'abrégé de la vie de Guillaume
cité (a) par Dom Mabillon. Il eft à remarquer, que ce Traité
cft le même , qui dans le vingt-deuxième tome de la Bibliothèque
des Pères, a pour titre, de l'amour de Dieu, ôc que l'on n'a
fupprimé que le Prologue- L'Auteur fait voir la néceffité d'aimer
Dieu, & que le premier précepte du Décalogue ne peut s'ac-
complir que par l'obfervation des autres Commandemens. Pour
montrer les avantages de la contemplation , ilrepréfente en ces
termes ceux qu'il en tiroit lui-même: Quelquefois, Seigneur,
lorfque je vous contemple, les yeux quafi fermés, vous envoyez
dans la bouche de mon cœur un je ne fçai quoi qu'il ne m'eft
Cal- 9. point permis de connoître. Je fens une faveur douce qui me
fortifie de telle forte , que fi elle demeuroit toujours en moi , je ne
chercherois rien au-delà.
Traita» du V 1 1 1. Les deux opufcules , l'un intitulé , le miroir de la Foi ;
r^^iemedela l'autre , l'énigme de la Foi , ont un même but , qui efi de nous
Foi ; de la na- apprendre en peu de termes , mais très-clairs , ce que nous devons
turc du corpi f.,Q\^Q^ Dans le petit Traité de la Phyfique , c'eft-à-dirc , de la
& de lame, '''^ , «ji. -i Jin, ^^ -^
tom. 4 , Bi- nature du corps ôc de 1 ame , il apprend au Letteur a le connoître
Hiou Cpr- foi-même.
**ï^rres con- I ^' Guillaume de faint Thierri voyant que Pierre Abaillard ,
tre Pierre A- environ dix-huit ans après fa condamnation au Concile do
baillard &
( « ) Pratfat. in lii. àe contsmplvido Dto tf de MWa amorit Dei,
ABBÉ DE SAINT THIERRI. 271
Soiflbns, rccocnmcnçoit en iijp à ënfeigncr des nouveautés» LettreàGeoF-'
que fcs écrits paiïbient les Mers , ôc traverfoient les Alpes > ^''°' *'*-.S''"*
que fes nouveaux dogmes fe répandoient dans les Provinces , & '
qu'on les y foutenoit librement, en écrivit àGeofFroi, Evêque
de Chartres, & à faint Bernard. 11 fit plus. Ayant trouvé par
hazard la Théologie d'Abaillard , il en fit divers extraits qu'il
ïéduifit à treize propofitions. Il les réfuta par un ouvrage divifé
en trois Livres, 6c dédié à Hugues, Archevêque de Rouen ,
fous ce titre : Difpute des Pères Catholiques contre les dogmes
dePierre Abaillard.il rapporte en plufieurs endroits les propres
paroles de cet Ecrivain , ôc leur oppofe celles des Pères. La
Lettre à Geoffroi de Chartres ,& à faint Bernard , fert de Préface
à tout l'ouvrage. Guillaume les exhone l'un & l'autre à réfuter
au-Ti Abaillard. L'Abbé de Clairvaux (a) goûta beaucoup l'écrit
de Guillaume , le crut afTcz fort pour renverfer les impiétés qu'il
attaquoit, & lui promit d'en conférer avec lui. Il a déjà été parlé
de tout ce qui fe pafTa en cette occafion , & il en fera encore dit
quelque chofe dans l'article de faint Bernard.
X. C'efl au même Saint que Guillaume adrelTa la réfatation Traité con-
des erreurs de Guillaume de Conches, qui avoir expliqué le tre les erreurs
myftere de la fainte Trinité, à peu près de la même manière que j^ Conch"eT'
Pierre Abaillard. Il difoit entr'autrcs , que le Père étoit la tom. 4 , Bi-
puiflance ; le Fils , la fageiïe; le Saint-Efprit , la volonté. Confias *^''''* O^en^
d'avoir raifonné plus en Philofophc qu'en Théologien fur nos
Myfleres , il rétratla ce qu'il avoir avancé de contraire aux
dogmes de la Religion, Le Livre oia il fit cette, rétradation eft
un Dialogue entre Henri II. Duc de Normandie , & lui , \xvà-
tulé Dragmaticon j que l'on conferve encore dans la Bibliothèque
du Mont faint Michel. Le Pcrele Long (6) cite de Guillaume
de Conches une Glofc manufcrite fur les quatre Evangiles. Ses
autres écrits traitoient des matières Philofophiques» On met fai
mort vers l'an 1150.
X I. Guillaume de faint Thierri étant (c ) malade à Clair- Commerv-
vaux, pria faint Bernard de lui expliquer le Cantique des Can- 5?'''" ^""^ ,'t
1 r lor I in Caïuique de*
tiques dans un lens moral, ôc lans entrer dans les mylteres que Cantiques ,
ce Cantique renferme. Chaque jour il mettoit par écrit , autant 'S"/^- V-a^'"
que fa mémoire pouvoir lui fournir , ce que l'Abbé de Clairvaux '°'" ^*'^^
avoit dit , dans le deflein d'en faire un Commentaire fuivi ; mais
(0:) EpiJl.B^rnard iz6(y ^i7,edit.an. \ (i)Paj;. 7î3.
■713. / (c) Lib.i,.divi::iBernirdiyCa2^yx^
272 GUILLAUME,
il ne le conduifit que jufqu'au troiliéme verfet du chapitre
troifiéme. C'eft ce Coniaientaire qui efl: imprimé dans le qua-
trième tome de la Bibliothèque de Citeaux. Il y sp, a un autre
fur les deux premiers chapitres du méina Livre , qui n'ell qu'un
abrégé des Sermons de S. Bernard fur le Cantique des Cantiques.
P<ig- î75. Dom Mabillon l'a publié dans le fécond tome des œuvres de ce
Pece , fur un manufcrit de l'Abbaye de Dunes en Flandres , où ii
fe trou voit joint à deux opufcules de Guillaume ; l'un, de la
contemplation de Dieu ; l'autre , de la nature Ôc de la dignité de
l'Amour divin. Cela lui donne lieu de conjecturer que ce Com-
mentaire efl du môme Auteur que ces deux Traités ; ôc il appuyé
la conjeclurc fur la conformité du (lyle. Guillaume de faint
Thierri , dans le catalogue de fes ouvrages , fc déclare Auteur de
deux autres Commentaires fur le Cantique des Cantiques ; l'un ,
tiré des écrits de S. Anibroife , trouvé (a) dans le Monaftere
deSigni, écrit de la main même de Guillaume ; l'autre , extrait
des ouvrages de faint Grégoire le Grand. Le premier fe lit à la lin
du premier tome des oeuvres de laint Ambroile ; le fécond fut
imprimé à Leyde en 1692 , par les foins de Calimir Oudin ,
Comme on l'a déjà remarqué.
Semences XII. L'opufcule des Sentences de la Foi n'a pas encore été
T '*ë d*^'<^ ^^^ ^°"* '^ prelTe. On le dit écrit de la main de Guillaume dans
cremcnt "de l'Abbaye de Signi. Il y traite de l'elTence divine, de fes attri-
l'Autei, tom. buts , de /a trinité des Perfonnes , de l'unité de nature , & de la
urclnf.' création des Anges ôc de l'Homme , employant prefque toujours
les propres paroles de faint Auguftin ôc de Boéce. Guillaume
met ce traité au nombre de fes ouvrages , avec celui du Sacre-
ment de l'Autel ; celui-ci e(l imprimé dans le quatrième tome de
la Bibliothèque de Citeaux. L'Abbé de faint Thierri l'envoya à
faint Bernard pour l'examiner ôc le corriger avant de le rendre
public. Il y compare les autorités des Pères fur l'Eucharillie, 6c
rapporte leurs paflages , fur-tout de faint Auguflin, qui n'étant
pas entendus de tout le mondé , caufoient quelques troubles aux
perfonnes moins inftruites. Pour les tranquillifer , ôc rendre en
même-tems raifon pourquoi les Anciens lembloient quelquefois
penfer différemment fur ce Myftere , ou , comme il dit , fur les
faints Sacremens, qu'il i\ommoit ainfi à caufe des deux efpeces
du pain ôc du vin , il fait dans l'onzième chapitre cette
( a ) Ouiin àe Scriptor. Ecclef. tom i , pag. 1 4 J 7 , &• tom. i , Oper. A ahrofi , par. \^a6.
remarque
ABBÉ DE SAINT THIERRI. ^^yj
remarque importante : (a) que la queflion de l'Euchariftie n'ayant
point étc agitée depuis le commencement de l'Eglife, julques
vers fon rems, les Pères ne déFendoient point ce qui n'étoit pas
contefté ; qu ils le contentoient dans leurs Traités de dire ce qui
étoit de leur fujet ; que n'ayant pas répondu aux queftions qui
n'ont été agitées que depuis , il n eft pas furprenant que l'on ne
trouve pas dans leurs écrits la folution aux objeûions qu'on a
faites depuis; que nes'attendant pas à ces difficultés, ils ont dit
plufieurs chofes fur le Sacrement de l'Euchariftie, qui dans leurs
écrits , 6c félon leur fens , font bien dites ; mais qui déplacées , ÔC
dans la bouche de ceux qui aiment à difputer , femblent dire tout
le contraire ; enfin ,que ne pouvant pas prévoir toutes les calom-
nies ÔC les chicanes des héréfies futures , ils fc font fervi quelque-
fois de certains termes obfcurs, ou ambigus, qui pris dans un
mauvais fens , ont occafionné des difputes. Guillaume ajoute
qu'il en eft arrivé ainfi à faint Auguftin , dans ce qu'il a écrit fur
la grâce : ce qull faut entendre de fes premiers écrits fur cette
matière. «
XIII. L'Abbé de faint Thierri s'expliqua une féconde fois .^^"""^ .^"
fur l'Euchariftie dans une Lettre à l'Abbé Rupert , dont la façon ^j;^"*" *" "^ '
de penfer fur ce Myftere lui paroiffoit nouvelle. Nous avons déjà
parié de cette Lettre, qui eft très-polie, ôc pleine de fentimens
d'amitié ôc de charité ; nous nous contenterons de rapporter
l'endroit où il reconnoît ( b ) que l'Eglife a toujours crû le dogme
de la Tranfubftantiation ; qu'elle a eu en horreur l'erreur qui
cnfeignequelepain rcftc après la confécration , ôc l'a condamnée
dans Berenger. En effet, fi ^ comme le difoit cet Héréfiarque , le
( a ) Quia ab nmio liindi- EclIcIiï
ufque ad noitra pêne tempora , hxc ab
omnibus queûio intada relifta eft , lanfti
Patres, quodnon impusjnabatur, non Je-
fendçbant : Nifî aliquando in traftatibus
fuis hoc inde proferebant , quod res poftu-
lïbat , qui in manibus habebatur. Quod
quia quïftionibus non relpondebat , qux
rondùm erant ; pariim mouo iufficere vi-
detur ad Cas, cum exfurijunt , compei'cen-
das. Contra quas , quia tune non vii^labat
intentio eorum ; plurima de Sacramentis
fanais , in fuis fcnptls reliqueruat ; qus
fuo loco , fuo fenlu benè dida , ab eis qui
contendere , vel errare amant ; eruta de
locis fuis , aliud per fe videntur fonâre ,
quamibi fonent uncie (unita funt , & quani
fenferit qui fcripdc ; le<i & inulta de
e,iuc?ni rc k:b cis reJ8a lunt, quz banc
dida , vel obfcurius , utpote ab eu qui,
ut liomines renturas omnes errorum ca-
lumnia? nonpoterant prxvidere,nialéintef-
leCta , materiam errandi vel contrndcndi ,
per-ditis vidpntur prEflare. Gnulelmus ,
tom. 4 , Bibliot. Cijlerc. pag. 131.
(b) Panis fubftantiam poft conlecrationem
in altari fupereffe femper horruit pie:a«
Chriftiana , nuperque damnavit in Btren-
gario Turonenfi , cjufque fequacibus : Nam
C\ lioc admittsretur , jam Verbum non
incarnatum tantùm , fed etiam fi dici
pollct impanatum , fi ficut ille diccbst ,
panis fie in Corpus Domini tranfire: , S:
tamen panis effe non dcfifteret. Gu'dlelm. .
epi'}. ad rjuimdam Monacli. mm. 4 , Bihliot.
OJiercisnfis , pag. 130,
Tome XXI I. Mm
a74 GUILLAUME, ABBÉ, &c.
pain ^toit tellement changé auCorps de Jefus-Chrift,qu'il ne cefîat
pas d'être pain ; on diroit , fi cela le pouvoit dire , que le Verbe a
non-feulement été fait chair, mais aufTi pain.
Comm-n- XIV. Le Commentaire de Guillaume fur l'Epître aux
taire fur l'Fpi- Romains , n'eft qu'une compilation de ce que les faints Pères
mainT^ ibid. °^^ ^^^ ?^^^ l'expliquer. Il ne paroît point par le catalogue de fes
&• Hfnricu! ouvragcs , qu'il en ait compofé quelqu'un contre Gilbert de la
Gandiv. cap. Po^réc. Toutcfois on lui en attribue un dans la Biblioteque de
de Scnptor. ^^ , , '■
Eccleftajî. Citeaux ( a )._
VieJefaint XV. Guillaume n'a conduit la vie de faint Bernard que
Bernard, jufqu'en 1 1 jo ; 6c on croit qu'il n'y mit la main qu'après l'an
114.^ , c'eft-à-dire , quelques années avant fa mort. Il dit clai-
rement dans la Préface , qu'il avoir entrepris cet ouvrage à l'infçu
du faint Abbé de Clairvaux. Ce qu'il en a écrit fait le premier
Livre de fa vie. On la trouve dans les éditions des Oeuvres de
ce Père , & dans les agiographes au vingt du mois d'Août.
Lettre ou XVI. On a prouvé dans l'article de Guignes , cinquième
Traité aux Prieur de la Chartreufe , qu'il eft Auteur de la Lettre ou Traire
Mont-Dieu, de la viefolitaire , adrefîc aux Frères de la Chartreufe du Mont-
Dieu ; ôc répondu aux raifons que l'on a alléguées pour la donner
à Guillaume de faint Thierri. Nous renvoyons le Lecteur à cet
article.
Jugement XV 1 1. Cet Abbé avoit écrit ( 6 ) un grand nombre de Lettres
des écrits de à faint Bernard , ôc fans doute à d'autres perfonnes de confide-
aumc. j^jiQj^^ ji j^e j^f^ç quç celles dont nous avons parlé. On voit dans
fa Lettre à Geoffroi de Chartres ôc à faint Bernard , quel
étoit fon zèle pour la pureté de la Foi Catholique , ôc avec quelle
ardeur il s'oppofoit aux nouveautés en fait de Religion. Ses
autres écrits ne refpirent qu'amour, que charité, qu'humilité ,
que mépris du monde, que defir du vrai bien ; il y règne une
on£tion qui pénètre le coeur , ôc une lumière qui porte dans
l'efprit la convi£lion des vetités éternelles.
(«) Pag. 137. 1 (è) B.riiaTd.e^ifl.&^ , adQuiHei.tu
ROBERT P U L L U S , &c. 27;
CHAPITRE XVIII.
KoBERT P U L L U S f Cardinal & ChancelieT
de l'EgliJe Romaine i Ç/ Bernard des Portes.
I. A Nglois de Nation , il s'appliqua de bonne heure k Robert Pul-
X"! 1 étude des Belles-Lettres ôc des beaux Arts , puis à la |^"^'; j^" J^iii
théologie ôc à l'intelligence des Livres faints, L'Académie i-Academie
d'Oxfort ( a ) , auparavant fi célèbre dans toute l'Europe , étoit d'Oxfon.
à la veille de fà ruine. Robert entreprit de la remettre en vigueur.
Il y ouvrit des Ecoles publiques ; enfeigna lui-même les Sciences
gratuitement ; fit venir des Provinces voifines des ProfeflTeurs ôc
des Difciples ; en défi-aya une partie à fcs dépens ; rendit aux
autres tous les offices de l'humanité , & fe déclara hautement le
Protedcur des gens de lettres ôc leur Mœccnas.
1 1. Il gagna par fa candeur , par la beauté de fon cfprit , par II eft aimé
la probité de fes mœurs, ôc par fon fçavoir, l'eftimeôc l'amitié f",^'"3"g^"'^
de Henri I. Roi d'Angleterre ; ôc ce ne fut apparemment qu'après Fr.ince , pu«
la mort de ce Prince en 1 1 3 J , qu'il paffa en France. Car il y à i^ome.
^toit en 1 140 , comme on le voit par la Lettre de faint Bernard
à Afcelin ou Anfelme , Evoque de Rochefter , écrite cette
année-là. Étant à Paris, Robert y enfeigna publiquement la théo-
logie. Sa doûrine étoit faine ; ôc ce fut cette raifon qui engagea
faint Bernard à écrire à cet Evoque , pour le prier de ne plus
infifter furie rappel de Pullus en Angleterre. Anfelme, au lieu
d'accorder ce qu'on lui demandoit , répondit durement , ôc fit
faifir tous les biens de Robert , apparemment à caufe qu'il ne
faifoit aucune fonction de l'Archidiaconé de Rocheder , dont il
étoit pourvu. Celui-ci appuyé du crédit de quelques perfonnes
puiffantes à la Cour de Rome , appeila du jugement de l'Evêquc
de Rochefter; ce ne put être que depuis Tan 1 141 , puifqu'An-
felme ne fut élu Evêque deRocheftcr qu'en cette année, félon
la Chronique de Gervais ( b ).
III. Le Pape Innocent II. connoifiant le mérite de Pullus, Le Pape
Innocent l'ap-
(a) Jacob, i Sanii} Carolo , Prafat. I (i) Gen.af.i Chron. ai an. 1147.
in oper.i ? utii. \ , .
Mm ij
i-f^. ROBERT P U L L U S ;
pelle àRomp. l'appclla à Rome vers l'an 1 142. Lucius IL fon fuccefTeur , le
fait^Ca di'nal ^^ Cardinal du titre defaint Eufebe en 1 144., & Chancelier de
' l'Eglife Romaine Saint Bernard ayant appris l'éledion d'Eugcne
III. be'nit Dieu d'avoir pre'paré à ce Pape un fecours fi puiffant
en la perfonne de Robert. Car l'Abbé de Clairvaux n'ignoroit
pas que le Chancelier de l'Eglife Romaine étoit le principal
JMiniftre du Pape. Voici comme il s'explique fur ce fujet dans
fa réponfe ( a ) à la Lettre du Cardinal Pullus , qui n'eft pas venue
jufqu'à nous.
Letre de S. 1 V. Je rends grâces au Seigneur de ce qu'il a préparé à Eugène
BernarJaPul- ç^^ ferviteur ôc notre ami , un Miniftre intelligent capable de le
foulager dans les pénibles fondions de fa charge. Entrez donc
dans les delTeins de Dieu , mon très-cher ami ; foyez le confo-
lateur & leconfeil de celui auquel il vous attache; ufez de la
fagefie qu'il vous donne , pour garantir le Pontificat d'Eugène,
de tout ce qui peut le déshonorer. Pour préferver ce Pape des
furprifes où la foule ôcla multiplicité des affaires i'expofent conti-
nuellement, rempliffez avec honneur la place que vous occupez :
ayez un zèle mêlé de fermeté & de prudence; un zèle qui procure
la gloire de Dieu , votre falut, ôc le bien de l'Eglife , afin de
1 CoT. T^ 10. pouvoir dire : La grâce de Dieu li'a point été infruElueufe en mou
Mort de V. Robert Pullus ne fit les fondions de fa charge, que jufqu'à
Robert vers la troifiéme année du Pontificat d'Eugène III. félon Onuphre.
aniijo. CJaconius dit jufqu'à la cinquième. Mais l'opinion d'Onuphre
paroît la mieux fondée , puifqu'on trouve ( b ) des Lettres Apollo-
liques de l'an 1 147 fignées du Chancelier Gui. On ne met toute-
fois fa mort que vers l'an i i jo. C'efl: le premier Cardinal
Anglois que l'on connoiffe (c). Quelques-uns mettent Uiric
avant lui ; mais ils n'en donnent point de preuves. En mémoire
des travaux de Pullus pour' le rétabliffement de l'Académie
d'Oxfort, on y fait [d) chaque année fon panégyrique.
SesOuvrages. VI. Excellent Interprète , bon Théologien , éloquent Ora-
teur , il laiffa quantité de monumens de fon efprit ôc de fon
fcavoir. On connoît de lui un ouvrage intitulé : Des Sentences,
d'ivifé en huit parties ; quatre Livres fur les paroles remarquables
des Doûeurs ; un du mépris du monde ; un de fes leçons > un de
_ ^ ^ _
(n) Eernard, epid. zC-t. [ (f) MabU'on. in nous ad epij}. jé»
{b ) Konajlkon Ant^ncan.rom.i ,pag. SaJi3i Bfrrardi.
108, Z- iniwiis ad Guiknum Novtgent. {d) Prafar. in 0}'cra Pulli.
fag. 6 10,-
CARDINAL 6c CHANCELIER, 6cc. 277
fes fermons , différent de celui qui en contenoit pluHeurs pour
le commun des Saints ; des Commentaires fur quelques pfeau-
mesôcfurfApocalyfe. Mais de tous ces écrits ^ le feul qui ait vu
le jour , eft celui des Sentences. Il fut imprimé à Paris chez
Simeon Piget en i6jî in fol. par les foins de Dom Claude-
Hugues Alathoud , Bcnédidin de la Congrégation defaint Maur.
Dans le defiein de rendre l'édition complette , il fe donna tous les
mouvemens néceiïaires pour recouvrer les autres écrits de PuUus
cachés dans les Biblioteques de l'Europe , nommément dans
celles d'Angleterre ôc de Suéde. Il employa même le crédit de
Meffieurs de Valois. Mais rien ne lui réulfit à cet égard ; ôc il fallut
fe contenter de rendre publics les huit Livres des Sentences,
fur un manufcrit de l'Abbaye de faint Rémi à Reims , qui paroît
de l'âge de l'Auteur. Dom Mathoud a fait fur cet ouvrage de
très-amples obfervations, dans lefquelles il a été aidé par Dom
Hilarion le Febvrc , habile Théologien. L'édition ell dédiée à
Monfieur de Gondrin , Archevêque de Sens ; ôc dans l'infcrip-
tion , l'Editeur donne à Pullus le titre de premier Théologien
Scholaftique.
VII. Il n'en fuit pas néanmoins la méthode. On ne voit dans Analyfe d»
fes écrits , ni termes , ni diftindions fcholaftiques. Les queftions F*™^'"' Livre
qu'il agite ne font ni fubtiles , ni métaphyfiqucs ; elles regardent HditionPûri/;
ou la foi , ou la difcipline , ou la morale; ôc pour les réfoudre , '»"• i^-îî-
il n'employé pas les principes de logique, ou de philofophie ;
mais l'autorité de l'Ecriture ôc des Pères , ôc quelquefois les
lumières de la raifon. Pullus montre dans le premier Livre , Cav. x, »,
que Dieu exifte par lui-même; qu'il eft un en trois perfonnes ,
fimple de fa nature , fans aucune forme ; que comme il n'a point
de commencement, il nepeut avoir de fin ; que lesPayens en
admettant des Dieux plus jeunes ou plus puiflans les uns que les
autres , ignorent la vraie eflence de la Divinité , qui ne reconnoît
ni d'inégalité d'âge , ni de puiffance ; que fi ie Fils étoit d'une Cap. 3.
autre fubflance que le Père , le Fils feroit un monflre , parce que
chaque efpece doit engendrer fon femblable. C'efl un raifonne- AïK^uf'in,
menttiré de faint Auguftin. Pullus cite, comme de faint Jérôme, 5'™.°"" ^""
que nous confcflons non-feulement les noms des trois Perfonnes
divines , mais audi leurs propriétés, c'eft-à-dire , que le Père eft
non engendré; que le Fils unique eft né du Père , ôc que le
Saint-Efprit procède de l'un ôc de l'autre. Mais l'expofition du
Symbole qu'il attribue à ce Père , eft de l'hérétique Pelage j
comme l'a remarqué faint Auguftin ; elle a néanmoins pafTé
M m iij
avS R O B E R T P U L L U S ,
longtems pour être de faint Jérôme ; 6c ce qu'en cite PuIIus , n'a
rien de contraire à la foi.
Cap. {. V 1 1 L Les difFerens attributs de Dieu ne nuifcnt pas à fon
unité. C'eft le même qui eft tout-puilTant , jufte ,fage , immenfe.
Tous ces attributs étant eiïentiels à ianature divine, conviennent
Cap. 6. à cet égard aux trois Perfonnes. Elles ne font diftinguées que par
leurs propriétés perfonnelles , ou relatives ; le Père n'eft pas le
Fils ; le Fils n'eft pas le Père de qui il eft engendré ; le Saint-Éfprit
qui procède du Père & du Fils, neft ni l'un ni l'autre. Mais
Cap. 8. quoique le Père foit autre que le Fils , il n'eft pas autre chofc.
Leur nature eft la même ; le Fils eft tout-puidant comme le Père ;
Cof.p, 10. il lui eft égal en tout. Comme Dieu eft tout entier en tous lieux,
ainfi l'ame de l'homme eft toute entière dans le corps qu'elle
anime; n'étant pas compofée de parties, elle cfl: indivifiblc. PuUus
enfeigne, que le Père & le Fils font deux principes du Saint-
Cap. 6. Efprit , non à raifon de leur nature , qui eft une ; mais parce que
ce font deux perfonnes diftinguées l'une de l'autre. Il n'a donc
pas cru , comme il fenible le dire d'abord , que le Père ôc le Fils
font deux principes diftingués en fubftance ; mais feulement que
ces deux Perfonnes en produifent une troifiéme , par une aiSlion
ou fpiration , qui , quoique réellement la même , peut être
regardée comme diftindc, à caufe des deux perfonnes qui la
Cap. II. produifent. Il admet les deux prédeftinations dans le fens de faint
Cap. M. Auguftin; ôc dit en parlant de la prière des Fidèles pour les
morts , qu'elle profite à ceux qui ont mérité en cette vie , qu'elle
Âur. Ançhi' leur profitera en l'autre ; ce qui eft encore le fentiment de faint
nd.cap. iio. Auguftin^
Livre fe- I X. Dans le fécond Livre PuUus enfeigne que Dieu a créé
cond , ptig. |ç jYionde quand il a voulu ; qu'il pouvoir le créer plutôt , ôc en
Cap. 1. créer plufieurs , fi c'eût été fa volonté. Moyfe dit , que l'ouvrage
Ecdi. i8 , i. de la création fut achevé en fix jours ; on lit ailleurs que toutes
chofes furent créées enfemble. L'Auteur explique cette contra-
riété apparente , en difant , que Dieu a fait tout à la fois, parce
que depuis le jour du repos qui étoit le feptiéme , il ne créa
plus rien. Il agite plufieurs queftions touchant les Anges , le
moment de leur création , leur demeure , leur pcrféverance dans
Cap. i. le bien, ôc la chute de plufieurs d'entr'eux. Son fentiment fur
cela , eft qu'ils ont été créés avec le Ciel ôc dans le Ciel qui
devoir leur fervir d'habitation ; qu'ils ont été créés tous bons ôc
dp. j, 4. fages ; doués du libre arbitre , Ôc d'une liberté fupcrieure à celle
de l'homme; que tous pcuvoient perfcvcrer dans le bien avec le
CARDINAL &: CHANCELIER, &c. 27^
fecours de la grâce ; que le péché de ceux qui font tombés a été
l'orgueil ; que les autres pour avoir ufé avec reconnoiiïancc du-
fecours de Dieu , ont perféveré dans la vérité & y ont été confir-
més; enforte qu'ils ne peuvent plus en déchoir, comme l'homme C«/. f,
ne pourra plus pécher après la réfurredion. PuUus ne doute pas
que les Anges nayent connu Dieu clairement , & qu'ils ne l'ayent
vu dès le moment de leur création ; & c'cft dans cette vue intui-
tive de Dieu qu'il fait confifier leur béatitude. Quant aux Anges
apoftats, ileft dans l'opinion deplufieurs Anciens, qu'ils ne font
pas encore tourmentés par les flammes de l'Enfer ; qu'en attendant
ils fouffrent dans les airs , par les différentes vicilfitudes des
faifons. Il dit que le Démon étoit non-feulement bon de fa nature ^'^P- *•
quand Dieu l'a créé, mais très-bon ; qu'après fon péché, fa fub-
ftance n'eft plus bonne , ni créature de Dieu ; ce qu'il explique
enfuiteen dlîant qu'il a corrompu lui-même , ôc dégradé fa nature
par fon péché. PuUus , fuivant la do£lrine de quelques Théolo-
giens de fon tems , ne diftinguoit pas la fubftance ou la nature
de fes facultés.
X. Il croit que l'ame n'eft unie au corps, qu'après que ïeCip. 7,
corps efl: formé ; qu'elle eft créée de Dieu , & ne vient point par
la génération comme le corps ; qu'unie à un corps corrompu
dans fon origine , elle contracte le péché originel , dont elle Cap. s , ?,.
n'eft délivrée que par le Baptême dans la Loi évangelique ; par '"'' ^'*
la Circoncifion fous la Loi de Moyfe ; ôc auparavant par la foi
des parens , ou les facrifices qu'ils offroient à Dieu.
X 1. C'eft ce que PuUus établit dans le troifiéme Livre. Mais Livre trot-
il met cette différence entre l'obligation du Baptême & de la '"''"' ' P'^^'
Circoncifion, que la Loi du Baptême étant générale , oblige en c^i?. 1, j.
tout tems ôc toutes fortes de perfonnes; au lieu que celle de la
Circoncifion n'obligeoit queles mâles , ôc feulement au huitième
jour ; enfone que les enfans qui mouroient auparavant , n'encou-
roient aucune faute ni châtiment pour n'avoir pas fubi cette
Loi. Il remarque que l'on n'inhumoit pas dans le Cimetière-
commun des Fidèles , les enfans morts fans Baptême , ceux
mêmes que l'on tiroit du fein de leur mère dans le dcflein de.
les baptifer s'ils avoient vie. Il s'étend fur la différence des pré- Cip.e^ 7,8,
ceptes ôc des obfcrvances de la Loi ancienne ôc de la nouvelle ;
ôc après avoir montré que la grâce étoit moins abondante pour
le Juif que pour le Chrétien , il fait mention de l'ufage ancien Cip.9„.
ôc qui duroit encore , d'adminiflrer le Sang du Seigneur aux
lideles {_'ar les mams des Diacres , dans la céitbration des divins.
i%o R O B E R T P U L L U s ;
myfleres. Lors , dir-il {a), que l'on vous donne à boire du Sang
du Calice , fouvenez-vous que Jefus-Chrift a fait couler le Sang
pour nous de fon côté ; & lorfque vous prenez Ton Corps avec
votre bouche , comme pour l'écrafer avec vos dents ^ fouvenez-
vous qu'il a fouffert pour nous.
Caf. M. XII. PuUus traite enfuite des Sacremens ôc des promelTes de
" l'ancien Teilament , ôc montre que n'ayant été que les figures
des Sacremens du nouveau , les premiers ont ceiïc aulluôt après
que Jefus-Chrift eut fubilitué dans la dernière Cène , à la Paque
légale & à fes cérémonies , une autre Pâque , fçavoir la partici-
Caf. lî, i6, pation de fon Corps & de fon Sang. Il remonte de la Paiiion du
17. Fils de Dieu à fon Incarnation dans le fein delà fainte Vierge par
l'opération du S.Efprit ; & à cette occafion il établit l'union des
deux natures, la divine ôc l'humaine, à une feule Perfonne, fans
changement ni confufion des natures. Il emploie fur cela les ex-
preflions du Symbole attribué à S. Athanafe, foit pour expliquer
comment J. C. Fils de Dieu eft moindre que fon Père félon la
nature humaine , ôc égal à fon Père félon la divinité ; foit pour
montrer qu'il a pris non-feulement un corps , mais aufli une ame
humaine. Par le moyen de la diftinûion des deux natures unies
Caj. 18, \9 , perfonnellement enJ.C. il explique toutes les diiiicultés que l'on
*"• a coutume d'objefter fur le myfiere de Tlncarnation. i>on fenti-
ment eft , que le Fils de Dieu s'unit fuccelïivement à la maffe du
fang dont il forma fon Corps ; puis au corps ôc à l'ame humaine
lorfqu'elle anima ce corps; ce qu'il prouve par les paroles du
Symbole de Conftantinople , où les Pères du Concile difent
d'abord : Il a été fait chair par V opération du Saint-Efprit ; ÔC
enfuite : il a été fait homim. A quoi il ajoute , qu'il n'y a pas plus
de répugnance que le Verbe ait été uni à une chair inanimée dans
le fein de la Vierge , que dans le tombeau , lorfque fon ame def-
cendit aux Enfers. Il croit que Jefus-Chrift a eu toutes les foi-
C<i];.xi,ii, bleffes de la nature humaine, excepté le péché ôc l'ignorance;
*3' mais il ne penfe pas qu'il ait eu dès le moment de fa conception
cette connoiflance humaine que nous appelions expérimentale j
ôc il ne doute pas qu il n'y ait liait des progrès avec 1 âge. Pour ce
qui eft de fa fcience , PuUus embraffe l'opinion de ceux qui attri-
Caf. 30. bucnt à J. C. une fcience égale à fa toute-puiiïance ; & parce
qu'il fuivoit de-là qu'il étoit égal au Père , PuUus répond qu'il
{ai Krgo Juin S.;r,î^u;s tibi iiifuiiJitnr
de Calice , meniineris pro te Snn;^i:inc!n
Chnftum fuoiire ex latere ; Dum Corput
Ctirilli qusf; contorcn.Iuin orj Imnii- ,
Chriilum pro te tiibu!a:i;;n re;uinil'cere.
PuUus , lib. 3 , Sent. cap. f par. 105.
lui
CARDINAL ET CHANCELIER, ôcc. 281
lui étoit inférieur , en lui fuppofant même cette fcience infinie ,
parce qu'il l'avoit reçue , comme un don de Dieu. Dom Hugues Ohftrvut. in
Alathoud rapporte une Lettre de Gauthier de Mauritanie à P"^'""» ?<ig-
Hugues de faint Vidor , où prenant le milieu entre les Théolo- ^^^ ' ^^**
giens qui attribuoient à Jefus-Chrift la plénitude de la fcience ,
ôc ceux qui foutenoient qu'il avoit ignoré quelque chofe , il
dit que J. C. étant félon fa nature divine égal à fon Pcre , il a ,
félon la même nature , tout ce que le Père a lui-même , ôc con-
féquemment la plénitude de la fcience; mais qu'étant moindre,
félon la nature humaine, que le Perc , il a aufli une fcience in-
férieure à la fienne.
X 1 1 1. Pullus employé lui-même cette diftinâion , pour Livre qua-
réfoudce plufieurs queftions qu'il fe propofe fur l'Incarnation f^"^"»* . ?«£•
dans le quatrième Livre. Il y rapporte les divers fcntimcns des *'^'
Théologiens fur l'impeccabiiité de Jefus-Chrift. Quelques-uns Cy. i.
ont cru qu'il pouvoir pécher , parce que n'ayant rien rejette de
ce qui eft effentiel à la nature humaine, il a pris le libre arbitre
qui de fa nature peut pécher ou ne pas pécher; d'autres fou- ^iderwai,
tiennent que 1 homme Chrift n'a pu pécher i & il paroît que Ctp.^1*'
Pullus penche plus pour cefentiment que pour l'autre. Il prouve
que les trois Perfonnes divines font égales en puiflance , ôc que
les œuvres de la Trinité font indivis , parce que leur fubftancc
ôc leur nature eft une ; ainfi l'ouvrage de la Création eft également
des trois Perfonnes. Que fi l'on dit que le Fils ne peut engendrer
comme le Perc, ni procéder comme le i)aint-Efprit ; Pullus
répond , qu'engendrer en Dieu , n'efl pas opérer , ôc ne marqu»
pas dans le Perc une puiflance, mais la propriété finguliere de fa
relation avec le Fils.
XIV. Il enfeigne que la crainte qui eft féparée de la charité Cap. ».
parfaite , n'a pas été en Jefus-Chrift ; mais qu'il a eu cette crainte
iaintc, qui demeure même dans les Bienheureux, ôc qui, à
proprement parler, n'eft que le refpe£l 6c la révérence que l'on
doit à Dieu ; qu'au lieu de la foi , qui eft comme un miroir dans Cap. t.
lequel nous voyons Dieu en ce monde, Jefus-Chrift voyoit la
Divinité très-clairement , ôc comme elle eft; que, quoique les Cnf.ié.
anciens Juftes âyent été égaux en vertus , ôc fupéricurs à plufieurs
de la Loi nouvelle par le mérite de leur foi , leurs fautes n'ont pu
être remifes que par le fang de l'Agneau qui eft venu ôter les
péchés du monde , les facrifices des taureaux ôc autres animaux
n'ayant pas eu ce pouvoir ; que ccft pour cela que ces Juftes font (-■
demeurés en enfer , où Dieu ne leurprocuroit aucun bien , parce
Toni& XXII. Na
2g2 ROBERT PULLUS,
qu'ils n'en étoient pas encore clignes , ôc où il ne les faifoit pas
non plus fouffrir, à caufe que leur foi rendoit leurs fautes excu;
Cj;». is, 19, fables, Pullus dit beaucoup de cliofes fur la détention de ceî
Juftes dans les enfers , ôc fur leur délivrance par le mérite du
fang de J.C. & fa defcente en ces lieux où ils étoient ,jufqu'à ce
que purifiés parce fang précieux^ilsfufTenttranfporrésdansleCiel.
Livre c!n- XV. Il ell parlé dans le cinquième Livre de laréfurrection
quiéme, pag. de Jefus-CIirlll , de fon afcenfion au Ciel, de la defcente du
Q,'., I - •> Saint-Efprit fur les Apôtres, de leur difperfion chez les Gentils
4 ;, t>c. pour leur annoncer l'Évangile , de la néceilité du Baptême pour
îefalut, de refiicacité de la foi & du "martyre, lorfqu'il ne fe
Ctk tî r- trouve point d'eau ,nide Miniftre du Baptême. Puîius enfelgac
»4, 15- avec toute l'Eglife, qu'on ne peut baptiieravec d'autre liqueur
que de l'eau ; que leau ne fufiit pas fans l'invocation de lafainte
Trinité; que cette invocation eit nécefiaire; qu'il convient de
conférer le Bapt6ine par la triple immerfion; que le défaut de
probitsé dans le Miniftre n'empêche point l'effet du Baptême,
pourvu qu'il obferve ce qui eu prefcrit pour le Baptême , quand
même il tourneroit intérieurement cette cérémonie en dérifion ;
qu'au contraire celui qui le recevroit par dérifion feroit fruftré de
fon effet, quand mêmeleMinifrrelelui confereroit félon la règle
de l'Eglife. Il ajoute qu'il en eu de même de l'abfolution des
péchés dans le Sacrement de Pénitence. En faifant le parallellc
du Baptême & de la Paffion du Sauveur, il dit , que l'on plonge
Cap. y?, trois fois en baptifant , non-feulement en l'honneur des trois
Perfonnes de la Trinité , mais auffi à caufe des trois jours que
Jefus-Chrifl fut dans le tombeau ; que hors le cas de néceffité l'on
Cip. 1?. doit différer le Baptême jufqu'à Pâques , afin de prendre le loifir
d'infîruire les Cathécumencs , de faire fur eux les prières , de dé
s'affurer de leur fui , comme d'une condition néccffaire à la
validité du Baptême; que c'eft la raifon de donner aux enfans
desPareins, parce que ne pouvant avoir la foi que demande ce
Sacrement, il eft befoin qu'ils foient préfentés au Prêtre par le
miniûere de ces Pareins , afin que témoins de leur Baptême , en
Cap. ir. n'ait dans la fuite aucun doute qu'ils ne l'aient rec^u ; car toutes
les fois qu"il y a doute fur le Baptême d'unenfiuit, on doi-t îé
Liptifer, de crainte qu'il ne périffe éternellement , faute de ce
Sacrenient ; les faints Pères n'ont pas cru que ce fût réitérer
le Baptême, quand on ne fçavoit q.ril ei.t déjà été conféré.
Il eft du devt)ir des Pareins de répondre pour les enfans qu'ils
lèvent des Fonts ^ 6c d'être la caution de leur foi ôc de leurs
CARDINAL ET CHANCELIER, &c. 285
promefles ; c'eft pourquoi ils doivent veiller qu'étant adultes ^''P- *••
ils accompliflent ce qu ils ont promis pour eux au Baptême,
lorfque le Prêtre les a interrogés fur leur foi ôc leur renoncement
au démon. Quoiqu'on différât le Baptême des Cathécumenes Cap. tu
adultes jufquà Pâques , il étoit d'ufage de ne pas retarder le
Baptême des enfans , à caufe de la foibleffe de leur fanté, ôc du
danger qu'ils ne fuffent furpris de la mort fans avoir été baptifés.
XVI. Quoique le Prêtre foit le Miniftre du Baptême , toute c^p. n,
perfonne peut baptifer dans le cas de nécelFité; mais le Baptême
ne doit jamais fe réitérer , ni la Confirmation , qui une fois reçue
fuifir. L'effet de ce Sacrement efl: de remettre les péchés , de
confirmer dans le bien le Baptifé , ôc de l'armer , comme un
Athlète, contre les ennemis du falur. On doit adminiftrer la Cap. i^.
Confirmation, même aux enfans, ôc c'eft une faute à ceux qui
en font chargés , quand ils les laiffent mourir fans ce Sacrement.
Comme il n'eft point auffi néccifaire au falut que le Baptême,
c'eft aux feuls Evêques à l'adminillrer , ôc cet ufage eft de tous
les fiécles depuis les Apôtres. Il y a d'autres Sacremens qu'on Cap. i^.
peut réitérer, comme la Pénitence ôc l'Euchariftie; le premier,
parce qu'il cft néceffaire de confeil'er nos péchés toutes les fois
que nous en commettons ; le fécond , pour nourrir notre amc , ÔC
affermir notre cfprit contre l'infirmité de la chair. C'eft en effet
le fruit que nous retirons de l'Euchariftie, quand nous nous en
approchons dignement : elle remet même les péchés , mais elle
produit un effet contraire quand on la reçoit mal. Pullus met cette ''* " *
différence entre laCirconciiion ôc leBaptême, quclaCirconcifion
ne remettoit que le péché originel , au lieu que le Baptême efface
l'originel ôc l'acliucl; qu'il en remet même la peine, ôc ouvre Cap. 17,
la porte du Ciel à ceux qui meurent auflltot après l'avoir reçu.
XVII. Il en eft de même du martyre; mais la confedion Cip.iy.
des péchés n'a pas ce privilège, parce qu'elle doit être fui vie des
fruits de la pénitence. Il eft encore néceffaire que la confeffion
des péchés foit accompagnée de douleur de les avoir commis :
c'eft dans cette douleur que la corredion des mœurs prend fon
origine ; ôc celui qui s'accufe d'un péché qu'il ne hait pas , fe '^''' ^'*
condamne lui-même en s'accufant , n'y eût-il qu'un péché dont
il ne voulût point fe corriger. Pullus recnnnoît l'utilité de la
crainte des peines de l'enfer, ôc la regarde comme un don de
Dieu , mais il ne croit pas qu'elle obtienne le pardon feule; il ne
la regarde que comme une difpofltion que Dieu met dans le
pécheur, pour l'excitera recourir aux gémiffemens de la péni-
Nn ij
C:?'. ?i
Ù-
cap. 4P ,
. 6
]/ irtis , ù-
ng~
ur.pag, 3
4S.
484 ROBERT PULLUS,
Cç. jT&'j?. tcnce. II dit que perfonnc n'eft jufte que par la charité; qu'on
peut la perdre, 6c conféquemment ia juftice; mais il admet une
autre charité, qu'il appelle charité miire , que l'on croit être
la grâce de la prédeflination , par le bénélicc de laquelle les
Juftes , quoique fujets à tomber quelquefois dans le péché , s'en
relèvent finalement & (ont fauves.
LjTre (îxjc- XVIII. Dans le fixiémc Livre Puil'is traite de ce qui fe
r '* P^^2 dans Ihomme avant & après leBapreme, c'eftà-dirc , du
^' '* péché originel ôc de la concupifcence , avant que ce péché foit
remis par le Baptême, ôc des effets de la concupifcence depuis
la rémilîîon du péché originel par ce Sacrement , ou de la cupi-
Cav. ï,^ ,(■. dite. Il traite auili de l'ignorance ôc des autres fuites du péché,
& réfout quelques cas de confcience fur des fiits arrivés par
Caj). 10, &-f. ignorance. II remarque que Dieu dans les guerres , comme dans
beaucoup d'autres évenemens , fe fert des pallions des hommes
pour accomplir fes deiTeins. Ainfi voulant détruire ia Judée, il
laiflfa agir les Romains , qui mécontens des Juiis en ce qu'ils
refufoient de payer les tributs , les attaquèrent , & ravagèrent
Cap. 19. leurs pays. Dieu fe fert de mauvais, commede bons Minières ,
pour exécuter fes volontés , tantôt des Anges, tantôt des hom-
Ob.1i, 13, mes , même des démons. Il croit que chaque ame, tandis quelle
t^.ù-Jeq. eft unie au corps, a fon bon Ange pour la garder; qu'il y en a
auïïi de conffirués à la garde des Nations , pour combattre les
Cap. 17 , 15». puiffanccs de l'air , pour porter les prières des Fidèles aux pieds
du fouverain Juge, ôc introduire les âmes des Saints dans le
Cap uO-reo Paradis. Il explique les ditiérens ordres d'Anges, ou d'Efprits
célefles , leurs offices , leurs noms , la fubordination qui cit
Ctp-^cO-feq entr'eux. Puis il paife à ce qui regarde les démons , qui font
auffi en difFcrcns dégrés , 6c fubordonnés les uns aux autres.
Cap. ji. X I X. Il defcend dans le détail des moyens qui conduifent à
Dieu , ôc que le Prêtre doit prendre pour remettre les pécheurs
dans la voyc du falut. Un de ces moyens cft la confeiFion des
péchés faite au Prêtre avec candeur 6c avec douleur, fans l'ui
cacher aucune des injufliccs commifcs. Comme la pénitence du
coeur cft inutile fans la confellion de bouciic , ccUe-ci e<\ au li
infruttueufe fans l'autre. Ce n'eft pas même alTez d^avoir du
regret de fes péchés , d'en cfpcrer le pardon , Ôc de les confefTer ,
fi l'on n'en fait pénitence. Il s'objede que Pierre ôc Marie ont
obtenu le pardon dcleurs péchés farrs fes avoir confefîés , ôc ce
«|uc dit faint Ambroifc , que les larmes lavent le péché dont on a
konie de fe conjejj'er. A quoi il répond , i**, que tojt ce qui ed
CARDINAL ET CHANCELIER, &c. aSy
arrivé n'cft pas écrit. 2*. Que !a préfence du Seigneur a pu
opérer fur faint Pierre ôc fur Marie , ce que les pécheurs ne
peuvent ordinairement efperer. 3°. Que ia conteîiion des péchés
eQ ordonnée pnr ! Ecriture & par l'Egiife. 4". Qu'il eft bien vrai
que les larmes etfaccnt les péchés que l'on confcfle avec pudeur;
& qui s ne s'effaceroient point par les ris , ni en les confeiranc
avec impudence. Quant au Prctre , FuUus veut qu'il examine Cap. fi , r?.
attentivement !a qualité du crime que le Pénitent confefie , 6c
toutes les circonftances ; qu enluite il lui ordonne une pénitence
proportionnée à ce crime , en faifant toutefois diliintcion dun
Pénitent infirme de corps, d'avec celui qui fe porte bien. On P.15. ht,
voit que du tems de Pullus,les Prêtres ne rccevoient pas la
confeliiondc celui qui étoit condamné au dernier fupplice, après
avoir été ccnvaincu de crime , ÔC qu'ils ne lui adminiftroient pas
le Sacrement de f Euchariftie. On accorde aujourd'hui à ceux
qui lent condamnés à mort le Sacrement de Pénitence , ôc on
n'a jamais refufé celui de 1 Euchariftie à ceu-x qui foutirvjient le
martyre pour la Foi de Jefus-Chrift. Les épreuves du feu & de ^-W- 1^-
l'eau chaude étoient encore en ufage dans le douzième fiécie ;
Pullus les appelle l'examen , ou le jugement de Dieu.
X X. Il dit que les deux glaives dont il eft parlé dans l'Evan- ^W- '>^'
gile , nepeuvent pas être maniés par une même main , qu'autre-
ment ils ne le feroient pas , comme il faut ; que l'un clr confié
aux Clercs , l'autre- anx Laïcs ; que le premier appartient à la
dignité Sacerdotale , le fécond à la Puiflance fécuiierc ; que l'un-
étend fa rigueur fur l'ame , l'autre lur le corps. Pullus diltingue
auffi deux fortes de péchés , ceux qui font publics , ôc ceux qui
font fecrers. La connoiffance & la punition des premiers appar- Cav. or-
nent à l'Evêque ; les Prêtres peuvent connoître des autres , & les
punir. 11 fcmble dire que le Prctre ne remet point les péchés en Ci. fi , ^
donnant l'abfolurion , mais qu'il neYait que les déclarer remis P'-i- >'*^-
par le Sacrement: ce n'ell pas-là néanmoins fon fentiment. Il
reconnoit quelques lignes plus bas , 6c en d'autres endroits de
fon ouvrage, la puiiTance judiciaire dans les Prêtres de la Loi
nouvelle, ôc dit nettement (a) , que comme il ablbut, il lie
aulli le pécheur; qu'il le lie, quant à la peine, ôc quant à la p ^^^^
^a i>iv.ut liutein oactrios (o.vit , ita j veniam conicc,»! Jeiiuntiat ; &■ lîc itiinet-
ft li^at , dum utriulijuc rei <>actiu»ernMim
célébrât. SacerJos ergo lig»t \i£U£ , liirat
culps , dum illum pro deliftis ufque
ad teinpus poft confeflTionem onerat. liium
UKem à.maioceii4L'â voientein , non poile i
peccata , rticnta quoijue apuu Deum Siiut
c conira ceiTanti 5f conMreoti ab oivem'o
rem\ttit pecc^fa , rem.fTà <jUOijue apiUcf
Deum. Pulius , Ut. 6 , ap. 6 1 , p.tg. »-i7^
N n iij -
a/. 3.4.
2S5 ROBERT PULLUS,
coulpc ; qu'il lie celui-là , quant à la peine, lorfquaprcs la con-
fefllon de fcs péchés > il lui impofe une pénitence pour un tems ;
qu'il lie l'autre , quant à la coulpe , lorfque voyant fon obftiniuioa
dans le mal, il lui déclare qu'il ne peut obtenir le pardon , ôc
retient ainfi des péchés qui font liés dans le Ciel ; comme au
contraire il abfout ôc remet les péchés à celui qui s'en eft con-
tefle & corrigé , 6c ils font remis dans le Ciel.
Livre fep- • XXI. La fatisfadion étant une fuite de ta confeifion ôc de
ticrae , p.i;. l'abfolution des péchés , PuUus en parle dans le feptiéme Livre.
^^^' Il veut qu'on impofe aux Pénitensla pratique des vertus oppofées
à leurs mauvaifes habitudes, comine la continence aux impu-
diques ; ôc qu'à l'égard des œuvres fui s facto ires , on ait égard aux
forces ôc à l'inlirmité du Pénitent. Parles œuvres fatisfadoires ,
il entend le jeune , l'aumône , la prière, tant pour foi que pour
le prochain ; les macérations du corps , entr'aurres , les Hageila-
tions ou volontaires , ou impofées par le Prêtre. Il étoit d'ufage
du tems ( <2 ) de PuUus , que les Pénitens fe jettafTent quelquefcis
aux pieds du ConfelTeur pour fe ii:igeller eux-mêmes en fa pré-
NoT. in c^p. fence : ufage nouveau , Ôc dont l'origine ne patToit pas la fin du
3 , pjj. jiii. dixième fiécle. Il dit que nos prières foiit inutiles aux Sainis qui
font dans le Ciel , à ceux qui font morts dans leurs péchés, aux
enfans morts fans Baptême ; mais qu'elles peuvent profiter à ceux
qui ayant vécu négligemment , ont péanmoins donné en mou-
Can. ^_ ranc des fignes de pénitence ôc de piété , 6c qui pour leur
négligence ont befoin d'être purifiés par les peines du Purgatoire.
Cap. 6. XXII. Pullus en parlant de la dixme,dit, qu'on doit la
payer à Dieu pour l'entretien des Clercs occupés à fon fervice ;
qu'on la doit non-feu!ement des fruits delà terre , mais auffi des
animaux ôc de toutes fortes de grains ; que les Laïcs n'ont rien à
voir fur la vie des Clercs , ôc que quelque foit leur vie, ils ne
font pas difpenfés de leur donner ce qui leur efl dû ; que quand
même les Clercs auroient du bien en fuffifance , ce n'ed pas une
raifon aux Laïcs de les priver de ce qu'on leur doit ; que c efl à
l'Evêque à faire la répartition des revenus de l'Eglife , à en
donner à chacun des Prêtres qui font fous fa Jurifdidion en fuffi-
fance pour s'entretenir eux-mêmes , ceux qui les aident à dcfler-
vir les Paroifles , ôc leurs Domefliques ; ôc à employer le refle à
l'ornement des Eglifes, mais furtout au foulagement des pau-
(a ) Eft quseJaiii fatisfrnâio quam cii-uf- j lior , tum (juilibet , Sacnlotis proftratus
libct natura tolerare fcrc viik-at , afpera . ad pciles , le la-dt-nisum vir;;i5 ixliibet
tamen &tancc> Deo gratior,quaiuo humi- ) nuùum. PuUus , Ub. j , ca^i. j .[u^. iio.
I
CARDINAL ET CHANCELIER, &c. 287
vrcs ; qu'il pourra même , fi les revenus fonr abond;>ns , en defli-
ner une partie pour un tems [a] , ou pour toujours , a quelque
Communa'ué Re'.igieufe. Il ajoute queies deux Puinances , la ^^p ^^
Sacerdotale 6c la Royale , font établies de Dieu pour le falut &
la paix de l'homme ; que ces deux PuilTances fe p'rctent un fecour;$
mutuel; ôc que le glaive que Jefus-Chrifl a mis en main à là
Puiflance Royale , doit prêter fecours à la Dignité Sacerdotale ,
qui ne pourroit avec le glaive feul de faint Pierre , retrancher
tous les maux qui renaifTent fans ce(ie dans l'Eglife. C'eft à 1 Evê-
que à guérir les maladies deTame ^ 6c au Roi à venger les injures
extérieures. Pui'us donne dès confeils fijr le choix des Minifires ;,
ôc l'exercice des deux Puinan>.es. Il veut que l'on ne parvienne
auMinintreni par l'ambition, ni par l'argent ; que les Princes c^s. 8.
fe fervent de Miniflres qui punifTent les méchans, ôc honorent
les bons; qu'en cas de guerre les Soldats combattent fous les Qd. 9.
ordres du Roi p'pur le (alut de la patrie, fort en chairant. les
Nations ennemies , foit en réprimant les guerres^ intefiines; que
les Sujets payent des tributs au Roi, ôç que le Roi prenne fous fa
garde fes Sujets.
■ X X I H. Le La'ic qui ^.'ect embraOer la Clerlcature doit ctre Cii. i«.
libi-e , lettré , renoncer à la Milice , au Négoce & à la Judicacure ,
parce qu'il lui efi également défendu de répandre le fang , & de le
faire répandr-e. Il peut bien cmbra{re,rdelui-mêrnel''état Clérical,
mais c'eft aux autres à le promouvoir /aux difTerens dégrés du
CTergé.On ne le doit point ordonner que pour une Eglife parti-
culière , à laqtîelle il eft fi attaché dès le moment de fon Ordina-
tion , qu'il ne peut pafl'er à une autre fans n'écéiTtté. Dc.ns tous les
degrés" au-deifous du Sous-Diaconat il eft encore permis de fe . .„,.•)
marier', mais le mariage eu. i'nterdit aux Sous-Diacres , aux Dia-
cres & aux Prêtres ; c'éÏÏ pour cela (b ) que ces trois Ordres
font appelles facrés. Néanmoins ils ne font pas a haute voix Cav. n.
profeiïion de continence, non plus que les Woines. Leui;I\at)it
6c leur état font les preuves de leur engagement. La place des
Clercs cfl dans le Cliœur , celle des Laïcs hor^; du Chœur. Pullus
defcend dans le détail des qualités nécefiaires pour être proixiit
aux divers dégrés de la Clerlcature 6c des fonctions desPrêtres. 11 Cap,izù-fiq,
parle de l'ufageaoffrir quelque chofe après le Baptême, la Con-
(a) Qiiod (i tcnt^ ell rtnim 1- c^ i' lire vaut ad ptrpetuum jUs. ilid. lOf. 6 , ^ag.
rflfiii n-i;i , ut & iptï luffitcre , ,S- ;tliis J ;ij. ■,
fUeant proJcife; ra>ionr.bili?Pr'ftr' p^r'-ft"' ' ff~),'fli!e6 ruMque f(?rirèmi' tr^ç r^r^rt
s.tûe f9 ijsoclexubêrat,^ailiii«ia?iiiin oon- Ordintes nuac«pa«tu**-'f iflaj'y -iiifj^^jlli'
ventui fratruin iu.lrageiur , att aJ t ni£us j. iaf. ii- ' ^,, ^^i j
2SS ROBERT PULLUS,
fefTion, ôc le facrifîcc de la Meflc , foit pour la Fabrique de
i'Eglife, foit pour l'entretien des Miniitres; mais il remarque
qu'il leur étoit défendu de rien exiger , parce qu'on ne ie pouvoit
fans iiraonie. A l'égard des perfontics engagées dans le mariage,
il dit, qu'ils peuvent bien garder la continence d'un commun
confentement , mais non pas rompre leur mariage.
Ccj?. 18. XXIV. PuUus traite de la polygamie des anciens Patriar-
ches, de celle des Gentils, du mariage Ciirétien , du devoir
réciproque entre le mari ôcla femme, le tout dans les principes
de faint Auguftin.Il enfeigne que dans le cas d'adultère , il eft
également au pouvoir du mari & de la femme de faire divorce ;
Cap. 33. mais que leur mariage n'étant pas rompu parcetteféparation, ils
ne peuvent ni l'un ni l'autre contrarier d'autre engagement ; que
le divorce eil aulfi permis dans l'ad ulcère fpirituel , c'ell-à-dire ,
dans le cas où l'une des Parties ne peut demeurer avec l'autre
fans un rifque évident de fon falut , à caufc de la perverlité des
Cap.i^tiU mœurs, ou de la doiStrine. Il marque entre les empêchemens
î** dirimans du mariage , la tendrelTe de l'âge , le vceu implicite de
chafteté dans les Ordres facrés & dans la profeiiion Monaftiquc,
Cap. 38. la parenté ôc l'airlinité , même Ipirituelie, ôc i iiupuiflance natu-
relle.
Livre hui- XXV. Il paroîtqucdu tems de Pullus quelques Fidèles peu
ti*n»e , piig. jnfti-uits témoignoient autant de vénération pour le Pain béni
Ctp, I. que l'on diftribue en plufieurs Eglifes au fortir de la Melfc
folemnellc, àtousceuxquiyontallillé, que pour l'Euchariftic :
Il rejette cette erreur, ôc témoigne qu'il ne comprend pas fur
quel fondement on a pu l'introduire , attendu que toutes les
dp. 1. figures de l'Eucharillie ont celle depuis fon établilTement. Point
d'autre pain que de froment, point d'autre liqueur que du vin ,
Cuf. 3. ne font admis à la Table du Seigneur. La tradition de l'Eglife eft
que l'on doit y mêler de l'eau , parce que l'eau eft fortie avec le
fang du coté du Seigneur. Dans la participation de ce myftere ,
le Prêtre prend d'aburd le Corps de Jefus-Chrift, enfuite fou
Sang : tel eft l'ordre dans lequel il a communié fcs Difciples ,
l'on n'y doit rien changer i mais il a laifTé à la prudence de fon
Eglife la manière de diftribuer ce myftere aux Laïcs ; elle leur
diftribue la Chair du Sauveur , mais non pas fon Sang , parce
qu'il y a du danger de diftribuer l'efpece liquide à une multitude:
à plus forte raifon , de ia porter aux malades, d'autant que cela
n'eft point néceflaire , puifque la chair n'étant pas fans fang , celui
qui mange la chair , prend aulii le fang.
XXVI.
CARDINAL ET CHANCELIER, &c. 28p
XXVI. Pullus s'élève contre ceux qui trempoient le Corps Ct^. j;
de Jefus-Chrift dans le Calice avant de le donner aux Fidèles ; ôc
il fe fonde fur ce que le Sauveur n'en a pas ufé ainfi , ayant donné
féparément fon Corps 6c fon Sang. Il s'obje£le qu'on devroit
donc auiTi , à l'imitation de Jefus-Chrift , donner aux Fidèles le
Corps ôc le Sang fépare'nient. A quoi il répond que l'Eglife a eu
fes raifons pour faire ce changement ; fçavoir , le danger de
répandre ce Sang précieux en le diftribuant à la multitude , &
que ce danger fe trouve également lorfqu'on donne aux malades
le pain trempé, c'eft-à-dirc, le Corps de Jefus-Chrifl: trempé
dans le calice de fon Sang. Car Jefus-Chrift par la vertu de fa
bénédiiSlion , par lui-même & par fes Miniftres ( a) , change le Cap. u
pain en fon Corps , ôc le vin en fon Sang , enforte que le painôc
le vin ne font plus ce qu'ils étoient auparavant, mais font
changés en une autre nature, le pain en chair, le vin en fang;
cette chair n'eft autre que celle qu'il a e.nportée dans le Ciel
pour nous ', ôc le fang en qui le vin eft converti, eft le n^êmc
qui a coulé de fon côté , ôc qui eft encore dans fa chair. Pullus
prouve tout ce qu'il dit fur ce fujet par les paroles delaconfé-
cration rapportées dans l'Evangile ; ôc pour ne laifTer aucun Matu is.
doute (t) fur fa croyance à cet égard, il répète plufieurs fois
que le pain eft changé en chair , ôc ie vin en fang, de façon que
la fubftance du pain ôc du vin celle d'être ce qu'elle étoit , ôc
devient ce qu'elle n'étoit pas , quoiqu'elle conferve après la
confécration les mêmes propriétés extérieures qu'elle préfentoit
avant à nos fens ; qu'il n'en eft point du Corps de Jefus-Chrift,
comme de la chair que l'on acheté au marché , ôc qui fe mange
par morceaux ; que ceux qui communient le mangent entier fans
le divifer en parties; qu'encore qu'il paroiffe qu'«n le rompt,
qu'on le déchire avec les dents , il n'eft ni rompu , ni déchiré ;
que la fraâure ôc maftication ne tombent que fur les efpeces ( c) ,
ôc non fur la fubftance du Corps du Seigneur.
( a ) Domimis virtute benedictionis fu.c
& per fe & pcr Miniflros p.Tiiem in Corpii;
fuum , vinumque in San:;uiricm (Dvni
convertit : Ita ut neque panis , neqiia
vinum , i^l ouoi ar.t'i crat , reranncnt ,
verùm in alterani traulèat natuTum : panis
în carnein , vinum in fani^uinein. Non '
inique in alinm , niiî in illam qi.am pro
nobis ccelis invenii. Neque alius eft San-
puisinquem vinum tr/nfa , ni/i ille oui
Bianavit d? latf re , quique adhuc manet in
<arneChfi;li. Pul W; .Uh.'^ . c. î , p. l'jj.
(_b) Cum auteni panis in canv. m ,
vinum quoque viituie Chrifti vcvt?tiir in
innpuinem , (uliftantis utiqu? vini \ panî»
dflinit eifc quod fuerat , itique fit quod
prius non crnt : proprietates tamen am-
borum tran(euntium mv:ncnt; unde fît ut
it! quinque 'enfus noftri poft co.t ccrntio-
nem inveniant quoi anté conieçi;'.tionem
invcnicbant. Ibid. p.ii;. i55.
( f ) Contritio S: fraftur.i (pecicmcomir
tantiir non et.atn rem. Itid. ., .1
Tome XXII. O.
"^s'^;^^^-" ^-^;R OBERTPULLUS,
•Ca^''À'" i -X X"V'Ï I. ïl n'appartient qu'aux Prêtres feuls de célébrer les
Sacrtmens de TAutel. Fuffent-ils de mauvaifes mdeurs , ils coii-
facrenf, pourvu qu'ils obfervéïlt te rit Ecclefiaftique. C'eft audi
aux Prêtres à examiner ceux à qui l'on doit accorder l'Eucha-
riftie, ôc ceux à qui on doit la refufer. Il fiiut h refufer à tous
ceux qui font pénitence publique, & à ceux qui mènent une
vie honteufe , de peur que les foibles n'en foient fcandalifés , fi
toutefois ce refus petit feflnre fans bruit. Comme il y aVoit une
féconde Pâque pour ceux qui pour quelqu'impureté ne pou-
voient participer à la première, nous devons de même , lorfque
nos péchés nous empêchent de participer avec les autres Pldeles
à la Pâque commune, différer de communier, jufqu'à ce que
nous foyons purifiés de nos péchés. Puikis dit qu'à l'égard des
pécheurs fecrets , il faut d'abord les avertir de fe corriger ; mais
que s'ils font des inftances pour recevoir l'Euchariilie comme
les autres Fidèles , on doit la leur accorder, de crainte que par
un refus on ne rende publique leur iniquité. Il cite fur cela
l'exemple du Sauveur , qui cimmunia Judas avec les autres
^^P- '• Apôtres. Il ne décide rien fur la fréquente Communion ; mais il
Veut que l'on s'en tienne du moins dux décrets des Pères ôc des
Conciles qui ordonnent de conimunier trois fois l'année j à Noçl ,
à Pâques & à la Pentecôte.
Cap. 12,13 XXVIII. PuUus traite enfuite du Jugement dernier, de ce
•^'^' qui le précédera , ôc de ce qui le fuivra , des Miniftres de l'Ante-
chrift , des Elus , du dernier feu qui purifiera les âmes deS
Fidèles , de la réfurreftion des morts , de l'état des hommes
après la réfurredicn , de celui des bienheureux ôc des damnés.
Il fait fur tous ces articles des recherches très-intereffanies , fit
dans tout fon ouvrage il montre un efprit éclairé Ôt jude dans fes
raifonnemens. Il feroit à fouhaiter qu'il eût apporté plus de
•netteté Ôc de facilité drais fon ftyle. On lui reproche d'avoir
donné dans quelques fentimens particuliers. Nous en avons
remarqué quelques-uns dans Tanalyfe de fes oeuvres. La feule
édition que l'on en ait faite cft celle de Dom H ligues Matthoud ,
à Paris chez Piget en lôjj , infcl. L'Editeur y a ajouté le
Livredes Sentences de Pierre de Poitiers, Chancelier de l'Eglife
de Paris , mort en 1205', avec des Notes théolcgiques de fa
fa<^on , dans le goût de celles qu'il a faites fur les endroits difficiles
du texte de Pullus.
Pernrrd Jç3 XXIX. La Chartreufe des Portes , que l'on compte pour
Ponce, Fon- la ttoifiéme de l'Ordre, eu égard au tems de fa fondation , fut
CARDINAL ET CHANCELIER, 5cc. 2^j
bâtie en II I j par Bernard , connu depuis fous le nom de Bernard J»*^"' <l« •*
des Portes, qui fut celui de cette nouvelle Charcrcufe. Il quitta cenomt"^^*^^
leMonaftcred'Ambournai où il avoit profeffé la Règle de fa'.nt
Benoît, pour fc mettre à la tête de la Communauté des Portes.
Saint Bernard y alloit quelquefois , lié d'amitié avec les Religieuse
de ce nouveau Monaflere;maisfurtout avec Bernard leur Prieur.
Il demandoit avec empreffement à l'Abbé de Clairvaux des Bernard, epifi.
Sermons fur le Cantique des Cantiques.Que ne fuis-je capable , ' n . 1 54.
lui réponditfaintBernard ,de quelque produttion digne devous!
Pourrois-;e alors refufer quelque chofe à une perfonne pour qui
je facriiierois ma propre vie , à un ami intime , à un cher ôc
tendre frère que j'aime erv Jefus-Chrift de toute l'étendue de mon
cœur ? Bernard des Portes en étoit encore Prieur en 1 1 47 ; mais
la même année , fcs infirmités autant que fon grand âge l'ob i-
gerent à fe démettre de cette charge entre les mains d'Antelmc
ou Nantelme , qui avoit été autrefois fon Novice. Bernard mourut
le 12 de Février 1 i ja.
XXX. Nous n'avons aucune de fes Lettres à faint Bernard, SciLettrfs.
& il en refte très-peu de celles qu'il avoit écrites à diverfes per- ^/''"''^^"*
fonnes. On lit dans un manufcrit de la Chartreufe des Portes^, J^îd^ ' Bern.
qu'elles étoient fur des matières de pieté , particulièrement fur 10m. 14 , Bi-
la vie Religieufe ; qu'il y en avoit une à Falcon , Doyen de ^ '''^'^"Yl}',
i'Eglife de Lyon ; & une féconde , après qu'il fut élevé à l'Epif-
copat;uneà Aymond de Rohieres; une à un Reclus nommué
Raynaud ; qu'il avoit aulfi écrit aux Religisufes de Lyon ; à
Berlion , Evêque de Bellai ; aux Religieufes de Blefie ; au Pape
Eugène III. à faint Bernard , Abbé de Clairvaux ; & à Ifmion ,
Abbé d'Ambournai, à qui il rendoit raifon de fa forcie de ce
Monaftere & de fa retraite dans le défert des Portes. Celle-là
étoit la plus belle de toutes , au jugement de l'Auteur de ce
manufcrit.
XXXI. Les trois Lettres données parle PercChifflet, Lettres pu-
font , l'une à Aymon de 'Varennes , ôc à Aymon de Rohieres ; ^'''''' .l'^i, '*
l'autre aux B.eligieufes de Lyon ; la troifiéme auReclus Raynaud. j^^ ^'
Elles ont été imprimées à Dijon en i5j7.m-8°. ôc réimprimées 501.
dans le vingt-quatrième tome de la Biblioteque des Pères à Lyon ^-P'fi- '•
en 1577. Celle qui efl à Aymon de Varennes ôc Aymon de
Rohieres , a pour titre : de la fuite du ficelé. Bernard les prede
de quitter le monde pour vivre dans la retraite, où il.leur promet
des plaifirs plus folides que ceux qu'ils avoiei,nt. goûtés dans le
fiéclc. Il leur fait voirie dangendes conycrfions tardives ; en ce
O o ij
-.•.t\
api ;^,;^^"R OBERT PULLUS,
,! ,"; que les renvoyant au moment de la mort ., ou à quelque maladie
dangereufe , ce n'eft pas nous qui mettons fin à nos crimes, mais
Dieu , en nous faifantfortir de cette vie.
Epijl. 1 ,piig. XX XII. La Lettre auxReligieufes deLyon , c'eft-à-dire , de
'^°** fainte Eulalie , qui étoit alors le leul Monaflere de Filles en cette
Ville, eft pour les exhorter à perféverer avec joie dans la vie
régulière qu'elles venoient d'cmbraffet. Bernard veut , que celles
qui avoient pris avec zèle le parti delà reTorme , confolent celles
qui ne s"y étoient foumifes qu'avec peine ; qu'elles prient pour
elles , & les invitent par leur exemple , à prier elles-mêmes , & à
faire de néceffité vertu. Il leur expofe les différentes manières
dont nous fommes tentés en cette vie , & leur fait voir qu'il n'y
a que leconfentement aux fuggeflions de l'ennemi, qui foit un
péché.
EA!^. 5 ,pûg. XXXIII. Le MoineRaynaud vivoit enReclus dans un Kermi-
's°>- tage à deux lieues delà Chartreufe des Portes. Il avoir demandé
à Bernard une règle de vie. Voici celle qu'il lui preTcrit : En Été
'depuis Compiles jufqu'à Primes , 2c en Hyver jufqu"à Tierce ,
W " vous garderez un lllence exacl, il cen'eft qu'il y ait une grande
nécellité de le rompre , ce que vous ferez en peu de mots. Ne
fouffrcz pas que perfonne vous entretienne de chofes vaines &
inutiles , ni des affaires extérieures. N'écoutez que des chofes
dont vous puilliez rendre grâces à Dieu. Que tous ceux qui
viennent vous voir , voUs difent des chofes édifiantes , ou qu'ils
en entendent de vous. Si ce font des Sçavans , écoutez-les plutôt
que de leur parler; partagez votretems entre lii prière , la le£ture
des Livres laints , la pfalmodie & le travail des mains , 0 ce n'efl
les jours de Dimanche où vous vous occuperez entièrement
d'exercices fpirituels. Soit que l'on Vous donne les befoins delà
vie jfoit que vous les acquériez par votre travail , donnez ce qui
vous refiera aux pauvres , fans rien retenir auprès de vous, dottt
vous n'ayez pas befoin.
P«£:- 15-4. XXX IV. N'ufez point de chemifcs dclin , mais de laine ; &
■pour vos vêtcméhs extérieurs, fcrvcz-vous de peaux. Ne vous
livrez point à de grandes abfiinences ; 6c contentez-vous de
■jeûner tous les vcHoredis', nepreriaiit en ce jour qu'un repas, faris
vin ; à moins que ce ne foit un jour de Fcte. Si vous voulez en
Ofer de mén^e les mercredis , c'cft tout ce qtie vous pourrez faire.
Depuis le mois de Septembre jufqu'à Pâques vous ne mangerez
qu'une fois par jour ; mais depuis Pâques juf.u'au cinq de, ce
mois, vous ferez deux 'repas i votis boirez Ju vin, mais mêlé
CARDINAL ET CHANCELIER , &c. 2^3
d'eau. Jamais vous ne mangerez de chair qu'en cas de maladie.
A l'égard de l'Ofiice divin , vous fuivrez l'ufage des Clercs. En
Été vous ferez la mdridiane, fuivant la coutume des Moines.
Dans vos prières vous vous fouviendrez de vos Bienfaiteurs &
de tous les Fidèles , tant vivans que trépaflés. A la pfalmodie 6c
à la prière , vous ferez fucccder la leûure des Livres faints ,
ayant grand foin des Livres que l'on vous prêtera. Bernard lui
recommancie cnfuite la pratique des vertus d'humilité ôc de
charité. Après quoi il lui confeilie de fe choillr dans le Monafterc
un Religieux fage ôc difcret , auquel il puifTe de tems en tems
confefler fes péchés , ôcà cet effet, de les écrire fur une tablette
de cire , ou bien de s'en accufer de mémoire.
XXXV. Aux trois Lettres de Bernard des Portes , le Père Lfttres Je
Chifflet en a ajouté cinq de Jean , & une d'Eflienne de Chalmet, cimtrenfetîes
Moines l'un &: l'autre du même Monadere vers le milieu du Portes, ii/rf.
douzième fiécle. La première des cinq eft une inftrudion folide P'^ë- •ïo'^-
fur la fuite du fiécle. Il eft aifé d'y remarquer que l'Auteur étoit ^■P'J'^- '•
rempli des fentimens de pieté qu'il vouloit infpirerà EHienne fon
frère. Dans la féconde , qui eft adrelTée à Latolde, le Moine BriJ}.!,
Jean , pour contenter fes déflrs , lui propofe plufieurs formules
de jrieres , toutes en termes differens, tirées ou de l'Ecriture
l'ainte, ou des Oraifons ufitées dans les Oliiccs divins. Il dit,
que quand nous prions pour nous , nous devons demander trois
chofes : 1°. Le pardon de nos péchés, non-feulement de ceux
dont nous nous reconnoiffons coupables , mais auffi de nos
péchés d'ignorance., 2". De connoître la volonté de Dieu ôc de
l'accomplir. 5°. Notre Hdut éternel, c"e!l-à-dirc , de chercher
Dieu dans toutes nos actions avec un œil limplequi ne ferelfente
ni de la vanité , ni de IhypocriHe. Jean rapporte des formules
de prières nu Père ôc au Fils ; les unes pour obtenir la connoif-
fancede la vérité ; les autres , le pardon des péchés ; une pour
les Prélats ôc autres Minières de i'Eglife. La troifiéme Lettre ^;# 3»
contient d'autres formules que l'on peut adrelTcraii Saïnt-Efpr't ,
a !a fainte Trinité , lorfque l'on rend grâces pour quelques bien-
faits. Cette Lettre efl à un nomme Hugues.
XXXVI. La fuivante à Berard a pour titre : De la garde E^ijf. 4.
du coeur ; c'eft le réfultat d'un difcours danslequel Jean lui avoit
fait voir , ôc aux Frères qui l'accompagnoient , que nous devons
veiller continuellement fur nous-mêmes , ôc faire enforte que
notre efprit ôc notre corps foient toujours foumis à Dieu , ôc
prêts à taire fa volonté. Dans la cinquième intitulée, de fa e»^. f.
O û lij
2p^ ROBERT PULLUS,&c.
confiance dans ce qu'on s'efl: propofé , il détourne Bernard fon
neveu , de h penfée où il droit de quitter l'Ordre des Chartreux
pour pafTer à un autre. Il lui repréfente , que les raifons de fanté
ôc d'aufterité ne doivent point rompre fon engagement , parce
que le falut éternel eft préférable à la fanté ; qu'à l'égard des
aufterités , on n'eft tenu qu'à ce que l'on peut.
Lettre d'Ef- XXXVîI. La Lettre d'Eftienne de Chalmet efl fur le même
liî"?* ^ fuiet. Il récrivit à des Novices , qui encore dans leur année de
Chai met, pa^. ' . . ,,.,. j r- o r • ^ i j >->
15 18. probation, dans 1 Abbaye de lamt oulpice, Ordre de Citeaux,
fondée au Diocèfe de Bellai par Amedée , Comte de Savoye ,
en 1 1 30 , fembloient vouloir en fortir pour fe faire Chartreux.
Edienne leur fait envifager cette inconftance comme une tenta-
tion du Démon ; & pour les engager à perféverer dans l'état
qu'ils avoient choifi , il leur cite ces paroles de faint Paul aux
I Cor. 7 , io. Corinthiens : Que chacun demeure dans Vétat où il etoit quand Dieu
Va appelle. Il leur repréfente , qu'il n'efl: pas dit : Celui qui aura
commencé , mais celui qui perféverera fera fauve ; ôc que la
mifericorde de Dieu nous ayant prévenu , il eft certain quil ne
nous retirera pas lefecours de fagrace, fi nous ne l'abandonnons
pas les premiers.
Traité des XXXVIII. A la tête de toutes ces 'Lettres , le Père Chifflet a
qvatre exer- placé dans fon Manuel des Solitaires , un 1 raité qui a pour titre :
*^'n"\ ^^ibà Livre des quatre exercices de la cellule , qu'il croit être de Gui ,
pa^. 1469. ' Prieur général de la Chartreufe , qui ayant abdiqué le généralat
en 1175 , mourut en i 188. L'Ouvrage eft dédié à Bavon ,
Prieur des Pauvres de Jefus-Chrift, de \ ittehamen Angleterre ;
c'eft ainfi qu'on nommoit les Chartreux dans les commencemcns
de leur Inftitut , à caufe de la pauvreté de leur nourriture ôc de
leurs habits. Gui y traite des moyens de fanttificr le féjour des
Chartreux dans leurs cellules , fçavoir en évitant de s'y occuper
l'efprit des affaires du monde ; en méditant les vérités de la Reli-
gion ; en s'appliquant à la prière , & en certaines heures au travail
des mains. Le premier ôc le I y*, chapitre regardent le Chapitre
général ôc annuel de la grandeChartrcufe ; ôc l'avantage qui en re-
vient à tout l'Ordre pour le maintien de la difcipline. L'Auteur
cite aux 1 2*. ôc trente-fixiéme chapitres les Statuts de l'Ordre ré-
digés par écrit parGui^ cinquiémcPricur de la grande Chartreufe,
dont il a été parlé plus haut. Dans le trentième il s'explique d'une
manière orthodoxe fur la trinité des pcrfonnes en Dieu dans
l'unité de fubftance ; ôc fur la procefïlon du Saiiu-Efprit , du
Père ôc du Fils. Fabricius n'eft pas éloigné d'attribuer à Gui
H E R V É , ôcc. 2^;
IVchelle du Paradis , ou des Cloîtres , intitulée auffi de la Faincius^
manière de prier, ôc de la vie contemplative, imprimée parmi """• 3 ' ^^"
les Oeuvres de faint Auguftin ôc de faint Bernard. pj^.'sfiii.
CHAPITRE XIX.
Hervé , Moine Bénéiiâin ; & plufieiirs autres Ecrivains.
I. "V T A T I F du Mans ^ il en fortit de bonne heure , pour aller Hervi ,
J[> embrafler la Règle de faint Benoît , dans le Monaflere f^' ^^■"^-
du Bourg de Dol, au Dioccfe de Bourges. Pendant environ
cinquante ans qu il y demeura , il s'appliqua également à former
fes mœurs dans la pieté , ôc à cultiver fon efprit par l'étude des
fciences utiles. Il apprit à connoître à fond la bonne tliéologie ;
lifant avec foin l'Ecriture fainte, ôc les Ouvrages des principaux
Dodeurs de l'Eglife latine , fùnr Augullin , faint Ambroife",
laint Grégoire , ôc quelques autres fcavans Interprètes Catho-
liques.
1 1. Rien ne pouvoit le détourner de fon application à l'étude. Ses é.u.lef.
Il y paHoit les jours ôc les nuits , ôc toujours dans la recherche
de la vérité. D'un génie excellent ôc d'une mémoire heureufe
ôc tenace , il remplit fon coeur de tout ce qui lui paroilToit de
plus intéreiîiint , choififTant à la manière des colombes les grains
les plus mûrs ôc les meilleurs : ce font les expreiîions de la
Lettre circulaire que fes Confrères du Bourg de Dol écrivirent
après fa mort. lis ajoutent qu'il vécut toujours dans une rigou-
reufe abftinence , ôc dans une grande pureté ; qu'il étoit fagc dans
fes confeils , humble dans fes fentiméns, parlant peu , éloigné
déroute vanité, d'unedodrineorthodoxe, de mœurs très-pures ;
que pendant le faint tems de Carême , il affligeoit fon corps par
de fréquentes macérations ; qu'il offrolt chaque jour le facririce du
Corps ôc du Sang de Jefus-Chrift ; que le jour de Pâques qui
précéda fa mort , il chanta la Meffe Conventuelle , ôc fit dans le
Chapitre un difcours à la Communauté ; qu'étant tombé malade
le lendemain, après avoir encore chanté la Mefle, comme Tour-
naire , il re<;ut le mercredi l'Extrême-Ondion , enfuite les faints
my(}eres du Corps ôc du Sang de Jefus-Chrift , ôc mourut le
Dimanche dans l'Oûave. On ne fcait en quelle année. Mais
i^6 HERVÉ,-
î'opinion commune efl qu'il florifîbit vers le milieu du douzième
fiécle.
Se; Ouvra- III. Cette Lettre circulaire , qui a été donnée d'abord au
gts, tûm. i , Public dans le fécond tome du SpicileF^e deDom Luc d'Acheri ,
514. Oudin. eniuite par Oudin , puis par xJom liernard rez , contient le
tom. 1 , pag. catalogue des Ouvrages d'Hervé, dont la plupart fe" trouvent
Prxfat. al' encore dans les Biblioteques , mais manufcrits. Le premier dans
tom. 3,a/!fr- cc catalogue , efl: une explication du Livre de faint Denys ,
dût. pag. ^. intitulé: De la Hiérarchie des Anges. Enfuite il expliqua tout
l'ancien Te'i"^ le Livre d'ifaie ; les lamentations de Jcremie;ôcla dernière partie
tament. d'Ezechiel , commençant où faint Grégoire le Grand avoir fini.
Son Commentaire fur Ifaie eft adreflc à Jean , Abbé de Dol ,
ôc divifé en huit Livres. Suivirent fes Commentaires fur le
Deuteronome , l'Ecclefiafte de Salomon , les Livres des Juges ,
de Ruth & de Tobie. Le but d'Hervé efl de montrer qu'on ne
doit point dans ces Livres fe contenter du fens littéral , mais
découvrir fous l'écorce delà lettre les myfteres de Jefus-Chrift
ôcdel'Eglife.
Commen- I V. Il commenta auiïi les Epîtres de faint Paul. Ses Commen-
taires fur les çgij-es ont été imprimés pour la première fois à Cologne, avec
PauMaGe- la préface d'Hittorpius en i^^j , parmi les écrits de fain»
nefe & les Anfelme , & plufieurs fois depuis. Dom Gerberon les a fuppri-
Prophetes. ^^^^ j^^^^ ç^^ édition des œuvres de cet Archevêque , efperant
donner quelque jour au public tous les Ouvrages d'Hervé ; ce
Prcefat. in qu'il n'a pas fait. L'Auteur de la Lettre circulaire dit , que les
operaAnfelmi. Commentaires d'Hervé fur faint Paul furent fi eflimés de fon
teras, que l'on convenoit entre les Sçavans, qu'on n'avoit rien
de plus exa£l fur cette matière ; qu'on trouvoit aufii admirables
fes explications du Livre des douze Prophètes j & de celui de la
Genefe.
SurlesEvan- V. Il fit des Commentaires fur les Evangiles , donna des
giles. o explications des Cantiques que l'on lit dans les Offices de
l'Eglife ; ôc ren-varqua plufieurs variétés qui fe trouvoient entre
les leçons de l'Ecriture , telles qu'on les lifoiten quelqur:sEglifes,
& le texte de la Bible. Par exemple , dans une leçon du Carc.me
tirée du Livre d'Eflher, on lit : Eflher pria le Seigneur, en lui
difant:Dieu, Roi tout-puiffant , toutes chofcs font en votre
puifiance ; au lieu que le texte de la Bible attribue cette prière
a Mardochée. _
Livr" clos VI. Il y avoit dans l'iiglife du Monadere de Dol une image
miracles Je ia miraculeufc de la faintc Vierge. Auffitôt qu'il fe faifoir quelque
hinteV.er^-e. miracic,
ET PLUSIEURS AUTRES ECRIVAINS. 297
miracle , Hcrvd le mettoit par écrit en la manière qu'il l'appre-
noit de celui fur qui le miracle avoit e'téfait , ou du Sacriflain du
Monaflere. Son recueil faifoit unLivreaflezgros.
VII. Après la rnorc d'Yves de Chartres arrivée l'an i iTf , GoJefrou
on élut pour fon fuccelTeur Godefroi ilTu de la noble famille ^{,'i'|,"*p/'
des Sei2;ncurs de Levés , ôc Chanoine de lEelife de Chartres.
Thibaud , Comte de cette Ville , s oppofa a cette élection ; mais ^^^^^ j^ ^\
y y confentit quelque tems après par les remontrances de Robert 11^4.
d'ArbriflcUcs. Ce ne fut pas le feul fervicc qu'il rendit à l'Eglife
de Chartres ; il en bannit la fimonie qui l'infectoit depuis long-
tems, 6c Godefroi fit apparemment de fon avis , 6c du confen-
tement des Chanoines , un Décret portant qu'aucun d'eux ne
donneroit ni ne recevroit rien pour les places d'honneur , ni
pour les Prébendes. Le Pape Calixte II. confirma ce Décret
par une Bulle adrelîée à l'Evêquc Godefroi , datée de Reims
l'an 1 1 ip. Godefroi aflTifta en 1 128 au Concile de Troyes, où
l'on donna une Règle aux Chevaliers du Temple avec Ihabit
blanc. L'?,n 1 130 il accompagna le Pape Innocent II. dans fon
voyage d'Orlcans à Chartres , ôc fit en fa préfence un difcours
dans l'Eglife de ]Maurigni,à la confécration de l'Autel de faint
Laurent. On croit que ce fut vers ce tems-là que le Pape lui
donna la légation furies Provinces de Bourges , de Bourdeaux,
de Tours ôc de Dol, dont il s'acquitta avec beaucoup d'honneur
ôc d'intégrité , ôc à fes frais. C'eft le témoignage que lui rend faint
Bernard au chapitre cinquième du quatrième livre de la Confidé-
ration. Godefroi mourut le 24 Janvier 1 14S.
VIII. Le recueil des Lettres de Godefroi, Abbé dcVen- Ses Lcf;r.-f.
dôme , en contient plufieurs de la part de cet Abbé à Godefroi , iji. i ,
Evêque de Chartres, qui fuppofe vifiblement cntr'eux un com- Efiflcl.G'^ce'
merce de lettres. Il n'en refte toutefois aucune de cet Evcque à ^''^n^ "^t"'
l'Abbé de Vendôme ; mais il y en a une à Hubert, fuccefl'eur de mw cd E-^l^.
■Godefroi, au fujct de la profefiion de foi que lesEvéquesde -J ' ?V'''^
Chartres vouloient exiger des Abbés de ce Monaffere , lorfqu'ils t'<n. n Bihl.
les beniflbient , comme ils l'exigeoient des autres Abbés du Put-F-is-'o''
Diccèfe. L'Abbé Godefroi refufa de la donner; Fromond fon
fucceffcur immédiat en ufa de même. Ils fe fondoient fur un
Induit d'Urbain II. ôc de Pafchal II. qui défend aux Abbés de
Vendôme de faire cette profelFion devant l'Evêque de Chartres ,
lors de fa bénédldion , ôc leur permet , au cas de refus de la part
de l'Evêque de cette Ville , de fe faire bénir par quel autre
Evoque ils voudront. Godefroi ayant vu ces Bulles , bénit
Tome XX IL Pp
25j8 HERVÉ, moine BENEDICTIN;
non-feulement ces trois Abbés fucceiïivemen,t , mais il confirma'
encore les privilèges du Monaflcre de Vendôme , ôc tout ce
qu'il pofledoit, foit en dixmes , loit en terres, avec pouvoit
aux Moines de s'adrefler à tout autre Evcque que lui pouc
l'Ordination. Il y a deux Lettres de Godefroi dans les troifiéme
& treizie'me tomes du Spiciiege : dans l'une, il recommande à
Henri , Archevêque de Sens , Archambaud , Sous-Doyen de
l'Eglife d'Orléans , maltraité par l'Archidiacre Jean : dans
l'autre , il permet aux Chanoines de Chartres de fe choifir un
Doyen.
Galfrede, I X- Ce fut à Godefroi de Chartres que Galfrede le Gros,
Moie >Ti- Moine de Tiron, dédia la vie de Bernard , Fondateur de ce
*ie"'de Ber- Monadere. Bernard étoit Abbé de faint Cyprien de PoitierS'
tiard , Fo-di dès l'an 1 loo , mais ayant fait élire un autre Abbé à fa place , il
' s'a .''! "^^^°" ^^ tetira avec quelques Difciples en un lieu écarté dans les bois
nommés Tiron , du ruilTeau qui l'arrofe, ôc y bâtit un Monadere
avec l'agrément d'Yves de Chartres, Evêque Diocèfain, dont il
reçut la bénédidion. Le Monaftere de Tiron s'accrut en peu de
tems par les libéralités du Comte Rotrou , ôc devint Chef
d'une Congrégation nombreufe. Galfrede, ou Geofroi le Gros y
Auteur de la vie de Bernard, dit que lorfqu'il l'écrivoit, il y
avoit déjà cent Maifons de cette Congrégation , tant en France,
qu'en Angleterre ôc en EcoHe. La réputation que Bernard
s'étoit acquife par fes vertus ht fouhaiter à Louis le Gros, Roi
de France , à Guillaume , Duc d'Aquitaine , à Foulques,
Comte d'Anjou, à David, Roi d'EcolIe, ôc à plufieurs PrinccS'
de le voir. Il mourut le 25 d'Avril 1 1 1(5; fa vie fut écrite par
Geofroi l'un de fes Difciples, fur ce qu'il avoit vu lui- même, ou
appris de perfonnes dignes de foi. Jean-Baptiftc Souchette la fit
imprimer à Paris en i6^() vi-^°. avec le catalogue des Abbés de
Tiron. On la trouve encore au fécond tome d'Avril de la col-
lection dcsBoUandiftes.
Eccad ^- Eggohart , ou Eccard , premier Abbé de faint Laurent
Abbé de faint d'Uragen dans le Dioccfe de Virzbourg, écrivit en profe ôc en
ra^'Yn"' ''''^" vcrs un ouvragc divifé en cinq Livres, fous le titre de Lanterne
des Moines: il le fit à l'imitation des Livres de Bocce intitulés
de la Confolation de la Philofophie. Trithcme (a) lui donne
(a) Tniktnu de Scri^^ior. Ecdef. cap. j7i . & de illuflnh. Benii'iSin. ii. pxgt
JO/,
zagen.
ETPLUSTEURS AUTRES ECRIVAINS. 299
auffj plufieurs Sermons & plufieurs Lettres. On met la more
d'Eccard en 1 1 5 o , ainli il auroit cté vingt un ans Abbé , puifqus
leMonaflerc de faint Laurent d'Uragen fut fondé en i 109 (a)
par Otton de Bamberg. Doni Mabillon (b) \e croit aulïï Auteur
d'une Chronique des Evcques d Hildesheini adrefTée à Egbert,
Abbé de Corbie en Saxe ; elle commence au règne de Charle-
inagne, & va jufqu en 1180. Chriilophe Broverus la fit impri-
mer à Mayence en 1616 in-^°. avec la vie de GodeharJ p
Evêque d'Hildesheim. Cette Chronique fe trouve aulii dans
le ( c ) premier tome des Ecrivains de Brunfvic ; mais il faut , ou
que l'on ait ajouté à la Chronique d'Eccard , Abbé d'Uragen dès
l'an I lop , ou qu'il y ait eu deux Abbés de ce nom, comme le
croit Fabricius {d) , n'étant pas pollibie que le môme ait été
Abbé depuis l'an iiop jufqu'eu 12S0 où finit cette Chro-
nique.
X I. On connoît un Auteur de même nom , & Chanoine de EccaH';
■faint Vittor à Paris, qui dans le douzième fiécle compofa plu- ^uiierdefaiia
■fleurs Traités fpirituels que le Père Gourdan , Chanoine de \iitor.
<;ette Maifon, traduifit delatin enfrançois , ôc que l'on a impri-
més en ces deux langues à Paris en 1729.
XII. Un autre Chanoine régulier de l'Eglife de faint Paul à Qç^{^^"'^°*
■Befancon , 6c ProfelTeur en Théologie , compofa ver5 le même écrks , ' tom.
tems un Traité théologique ôc moral divifé en vingt-fix articles , ' ' An?xdot.
intitulé Chandelle Evangelique , parce qu'il prétendoit y diliiper ,,"1/"'
toutes les ténèbres de refprit,&réclaircir des vérités de la religion.
.Gerland , c'étoit le nom de ce Théologien , avoit puifé fes
connoifiances dans les Livres ftints , dans les Décrets des Papes ,
& dans les Ecrits des Pères , furtout de faint Ambroife , de faint
Jérôme , défunt Auguftin ôc de faint Grégoire. Nous n'avons p.,
que le Prologue de cet ouvrage dans le premier tome des Anec-
dotes de Dom Martenne. Le tout fe trouve parmi les manufcrits
de l'Abbaye de faint Vi£tor.
X 1 1 L Op. a dans le même tome des Anecdotes de Dom Hugues it
Martenne , une Lettre de Hugues de Ribomond fur la nature R'^omand.
de l'ame. Il rejette comme une erreur , le fentiment de ceux qui . " f"^'
cnfeignent que l'ame eft ou une partie de la Divinité , ou
qu'elle efl un corps , ou qu'elle a été jettée dans le corps pour la
punir des fautes commifes antérieurement. Il convient que
(.1; Mubd-oa. Annal, lih. 71 , num. [ (c) Pig. 771, 774.
9\. \ {d) Eibrkius , Bibiiot. Litin. tom. i ^
( i ; Id. ihid. lit. 71 , num. 10, I p-ig. i jj».
Ppij
^oo HERVÈ,MOINE BENÊDICTIN^,.
l'Ecriture ne définit rien fur l'origine de l'ame ; maisilparoit
pcrfuadé qu'elle ne vient point comme le corps , d'Adam par la
voie de génération, & qu'elle eft créée de Dieu à la formation
de chaque corps. Il ajoute que fon union avec le corps fe fait par
des liens invifibles , & qu'unie à une chair qui a en elle le
foyer du péché , elle pèche librement quand elle confent aux
mouvemens déréglés de cette chair.
Lettres tou- XIV. Cette Lettre eft fuivie de deux autres dont la féconde
thoJe & i^r- ^^ ^ ^^^ nommé Hugues, foit celui de qui on vient de parler ,
dredelirel'E- foit quelqu'autre. Elles font l'une ôc l'autre fur la le£ture de
«ti^urejzintt. l'Ecriture fainte. L'Auteur de la première confeille de s'attacher
■^^ • P'^i- d'abord à l'intelligence de la lettre de l'Ecriture avant de recher-
cher d'autre fcns , comme le fpirituel ou le moral. Pour faciliter
la connoiffance du fens littéral , il renvoie aux Canons d'Ammo-
nius d'Alexandrie 6c d'Eufebe de Cefarée , où Ton voit d'un
coup d'oeil ce que les quatre Evangeliftes ont dit fur un même
fait , en quoi ils font femblables , en quoi ils font différens. Il
remarque que Julien l'Apoftat , faute d'avoir recouru à cette
faij'on ds concordance , avoit accufé les Evangeliftes d'être
tombés dans des contradiîlions, quoiqu'ils s'accordalTent parfai-
tement» L'Auteur rapporte divers exemples objectés par cet
Empereur,,&en donnela folution. Julien objedoit que Jofeph
étoit appelle fils de Jacob par faint Matthieu, ôc fils d'Heli par
faint Luc. L'Auteur répond que Jofeph ayant été fils de Jacob
félon la nature , ôc fils d'Heli félon la Loi , parce que Jacob avoit
époufé la veuve d'Heli fon frère de n>ere mort fans enfans ,. faint
Matthieu ôc faint Luc l'ont pu appeller , l'un , fils de Jacob,
l'autre , fils d'Heli..
Ibisi. pirg. XV. Il eft dit dans la féconde Lettre que dans les Livres,
48<?,-i87. foif (jç l'ancien^ foit du nouveau Teftament , il y a trois fens ,
l'hiftorique ou littéral, l'allégorique, ôc le moral; qu'on doit
commencer la letture de la Bible par les Livres de la Loi,
c'eft-à-dire ,. du Pentateuque, puis de Jofué, des Juges, des
Rois , des Paralipomenes, ôc avoir à côté les écrits de Jofeph
ôc d'Hegefippe.; ôc pour faciliter rintelligence des termes, avoir
auffi les étymologies de faint Ifidore,, l'explication des noms
Hébreux par faint Jérôme, le Livre des dérivaifons ôc Ie(jlof-
faire. L'Auteur croit encore néceffaire , ou du moins très-utile ,
le Livre de faint Auguftin intitulé, des Queftions dciancier»
Teftament. Avec tous ces fecours il croit qu'on peut avec con-
liance entreprendre la ledure des Prophckics, en diftinguant
ET PLUSIEURS AUTRES ECRIVAms. 501
foigneufement dans le texte , les chofes ddja accomplies félon la
lettre,d'avec celles qui font à venir félon la lettre. Il veut, après la
ledure des Prophètes , qu'on paffe à celle des Livres d'Efther ,
d'Efdras, des Aiacchabe's,de Judith, deTobie, des Proverbes, de
la SageïTe , de rEcclefiaftique , de rEcclefiafle , du Pfeautier, de
Job,&:duCantique desCantiques, dans lefquels le feul fens littéral
qui puilTe être utiic,efl; celui qui regarde J. C. ôcfon Eglife. Pour
bien entendre les Livres du nouveau Teftament , on doit recou^
rir à la defcription que S. Jcrômea faite des lieux de laPaleflincy
&. à k' Concorde des Evangiles. La lefture de la Bible achevée , ii
propofe ,. pour l'intelligence des Myûeres que l'on célèbre dans
l'Eglife pendant l'année, les Livres de Maître Hugues Ribo-
mond , la Chandelle Evangelique de Gerland , dont nous avons
parlé plus haut, un Livre de Maître Simon, intitulé Quare , àc
les Livres de la DoSrinc chrétienne par faint Auguftin. Il
détourne de la ledure des Livres apocryphes de l'Ecriture,
comme étant plus dangereux qu'utiles.-
XVI. Vers l'an 1157 Odon, Abbé de faint Rémi à Reims ^ P^on, Ab-
fe trouvant à Rome le Vendredi d'après le Dimanche de TAfcen- J- *; '^'"!'^^-
fion , fut préfent a la réception que le Pape Innocent il. fit aux
Légats de 1 Empereur de Conuantmople, & tcmom du récit /inpka. p.ir.
que fit un Archevêque des Indes du miracle qui fefaifoit annuel- 41^4, edit.ik-
lement dans fon Eglife huit jours devant 6c huit jours après la ^°'-
Fête de faintThomas. Le corps de cet Apôtre repofoit dans cette
Eglife, & quoiqu'environnéed'un fleuve très-profond, pendant
les quinze ou fcize premiers jours on y entroit à pieds fecs , l'eaiv
prenant fon cours ailleurs. Le jour de la folemnitc l'Archevêque y
tous les Grands & tout le Clergé de la Province s'y aifembloient
avec le Peuple, L'Archevêque sapprochoit du tombeau du faint
Apôtre ,. prioit avec ferveur ôc avec larmes, tiroir enfuite le
corps-du tombeau, le pofoit décemment fur la chaire Pontifi-
cale, & après s'être mis à genoux , ofiTroit au faint Apôtre fon
préfent 5. le Saint étendant fon bras ôc ouvrant fa main le recevoir,
& en ufoitde même à l'égard des offrandes de tous les Fidèles ;
mais il rebutoit celles des Hérétiques , s'il s'en trouvoit dans
l'alTemblée. On fit rapport au Pape de cette hilloirerairaculeufe^-
& la regardant comme une fable , il appella l'Archevêque
Indien , ôc lui défendit fous peine d'anathême, de rien raconter
de femblabledans le Palais. L'Archevêque de fon cocc protcfla
devant tout le monde que rien n'étoit plus vrai que ce miraclc»-
Le Paper^dmit à l'attelîer par ferment fur l'Evangile irArche=-
Ppu,
502 HERVÉ, MOINE BENEDICTIN,
vcque le fit ; alors le Pape & toute fa Cour ajo atercnt foi au
récit du Prélat. L'Abbé Odon à fon retour de Rome écrivit tout
ce qui s'y étoit paffé fur ce fujet , au Comte Thomas , qu'il
f<^avoit être curieux de ces fortes d'évenemens. Sa Lettre fc
trouve parmi ics Analecles de Dora Mabillon.
0(bert de XVI L Entre les Ecrivains de la vie de faiiit Edouard III.
Stockec^are. j^^j d'Angleterre, donc l'Eglife fait la Fête le cinquième de
llécritplu- Janvier, un des plus céîebres eft Ofbert de Stockeclare dans
SïnL'''" ""^ ^^ Comté de Suttbid, Moine de l'Ordre de faint Benoît, ÔC
Prieur de faint Pierre de Londres. Il l'écrivit vers l'an.iij^î,
Âiem T J^n. aptès avoir été délivré d'une fièvre quarte par l'interceflion de ce
^ag. 190. Saint. On ne l'avoit pas encore canonifé. Ofbert écrivit à Henri ,
Evêque de Wincheitre , Légat du faint Siège , pour i'eng:îger à
-travailler à cette canonifacion , 6c au Pape Innocent IL mais la
Bulle n'en fut eApéJiée que par le Pape Alexandre III. en 1 i5i«
Ofbert eft auiîi l'Auteur de l'hifloire de la vie & du marevre de
faint /Ethelrede , Roi des Anglois Orientaux ; decelle de lainte
Edburge , Vierge; & d'un recueil des miracles du Martyr faint
Edmond. On conferve dans les Bibliothèques d'Angleterre deux
■volumes de Lettres d'Ofbert, où fe trouvent celles dont nous
venons de parler , à Henri , Evêque de Wincheftre , & au Pape
Innocent IL 6c une autre à Adelide , Abbeffe du Monallerc de
Berkingen , oii il traite de la chafleté.
îHii^es de X V 1 1 L Hugues de Mâcon recommandable par fanobleffe,
ftlàcon,Evc- fa probité 6c fes richefTes, mais plus encore par fon union avec
.que d~Auxer- ^^^^^^ Bernard , mérita par fes vertus d'être le premier Abbé de
. , Pontirni , qu'il avoit lui-même fait bâtir. En recevant la béné-
tlh. 71'! An diâion Abbatiale de Humbaldd'Auxerre , Evêque Diocèfain ,U
nd.-ps.g. 571. Ivù promit foumiilion , révérence ôc obcilTance , félon les Statuts
des Pères &c la Règle de faint Benoît , de même qu'à fes fuccef-
■feurs élus canoniquement, fauf les droits 6c les privilèges de fon
Ordre ; 6c cette formule de profeilion fut fuivie dans la fuite par
lâeinthi. ^^^g jgg ^bbés de Cîteaux". Hugues gouverna le Monaftere de
*'■ ' Pontigni jufqu'à l'an i 135, qu'il fut élu Evêque d'Auxerre. Il
mourut en 1 i p après quinze ansd'Epifcopat. En 1 14.S il allida
.;iu Concile tenu à Reims contre Gilbert de la Porrée. Il eft fait
niention dans la Bibliothèque de Citeaux d'un opufcule de
Hugues, qui avoit pour titre, du foin que l'on doit avoir de
Tom. 4,ru- conferver les privilèges de l'Eglife. Il nous refle de lui une
.clicinc , dt j^ç^j^g ^ l'Abbé Suger , à qui il demande fa proteûion pour
'lug^-^'ii. '"" i'Alibé 6c l'Abbaye de Trois Fontaines , cette Lettre lui eft
ET PLUSIEURS AUTRES ECRIVAINS. 3-05
commune avec faint Bernard. Etant Abbé de Pontigni Hugues
reçut dans fa Communauté un Moine nommé Drogon , qii
étoit d'un autre Monaftere iitué dans le DiocèCe de Reims.
L'Archevêque ôc l'Abbé prefTerent faint Bernard de le rede-
mander à lAbbé Hugues , qui le refufa. Il écrivit à faint Bernard
pour fe juflilier là-dclTus , cette Lettre eft perdue; mais nous ^f'^- 3î*
avons la réponfe de ce Saint. Nous avons aulli des Lettres d In-
nocent II. & d'Eugène III. à l'Abbé Hugues. DomMartennea
rapporté dans le premier tome de les Anecdotes un acle de ^'^^' '*°^'
Hugues, alors Evcquc d'Auxerre, qui efl une déclaration des
biens que Hugues deTilly, quelque tems avant fa mort , avoit
déclaré en fa préfence^ ôc de beaucoup d'autres témoins, lui
appartenir.
XIX. Le crédit que Geoffroi de Loriole , ainfi nommé du Geoffroi Je
Heu de fil naiflance au Oiocèfe de Tours près du Poitou , s'étoit Loriole, Ar-
acquis par fa vertu &: fon fçavoir , fut un des motifs qui enga- BoTcSuL ^^
gèrent faint Bernard à lui écrire pour l'engager à travailler à"la' q^h q^-^
deftrudion du fchiline del'Antipape Léon. Vousavez, lui dit-il, 10m. z , ylg.
une grande autorité dansle monûe 6c dans l'Eglife : vous avez "^^^^fi'i-
de la fcience , de la fermeté , le don de la parole , une éloquence £ , n
forte , perfuailve ôc inGnuante ; avec de fi beaux talens abandon-
nerez-vous dans un befoin prelfant l'Eglife de Jefus-Chrift fi
vous êtes l'ami de l'Epoux f Je fçai bien qu'étant un enfanc de
paix , vous ne vous lailferez jamais aller à rompre l'unité ; mais
ce n'eft pas aflez , vous devez la défendre , & combattre de
toutes vos forces ceux qui la veulent détruire. Saint Bernard ne
donne pas à Geoffroi le titre d'Archevêque, ainfi fa Lettre fut
écrite avant l'an i 136 , qui fut le premier de l'Epifcopat de
Geoffroi , ayant fuccedé dans le Siège Archiépifcopal de Bor-
deaux à Gérard d'Angoulême, mort la même année. Il allîfla en
1 14S au Concile de Reims , où il parut prendre le parti de-
Gilbert de la Porrée ; mais il ne laiffa pas l'année fuivante 1 1 4P~
de lui fliire perdre un procès qu'il avoit avec l'Abbé & les-
Moines de faint Cyprien. Il fut auffi du nombre des Evêques-
affemblés à Beaugenci l'an 1 1J2 , qui , à la requête du Roi.
Louis VIL dit le Jeune , ordonnèrent la diffolution de fon'
mariage avec la Reine Eleonore. Geoffroi mourut le 1 8 de-
Juillet de l'an X 1 s-8 , & fut enterré dans la Chapelle de la fainte
Vierge en l'Eglife Métropolitaine. Il paroît par un { a ) a.
icrnara
paroit par un ( a ) acte de"
(<i) GdLic. Chnjiun.p.:^. ij 15 ,
304 Hr-.RVÉ, MOINE BENEDICTIN,
cette Eglife, qu'en 1145' les Chanoines de la Cathédrale, de
{ecuUers devinrent réguliers; & qu'avant ce changement , ils
ne iailToient pas de manger dans un rcfecloire commun.
Ses Lettrfr. X X. Dans le recueil des Lettres de l'Abbé Suger il y «n a
Duchefne, cinq de Geoffroi , Archevêque de Bordeaux, à ce Miniflre
ioBi. 4 , V'S' d'Etat , mais elles regardent les affaires temporelles de fon Dio-
^, , \ jj6 ) cèfe, & de la Gafcogne. On voit par la troifiémcjque le Pape
î4î- j'avoit chargé d'unecommilTion qui interelïoit l'Archevêque de
Bourges, & d'une autre pour l'Abbaye de Fontevraud. Il nous
apprend dans la quatrième, qu'il s'étoitaffemblé avec fes Suffra-
gans , les Grands du Pays, & i'Envové du Roi, à faint Jean
d'Angeii le fécond Dimanche d'après Pâques, pour confolidec
la paix & maintenir l'honneur du Royaume. Dans la cinquième,
ii témoigne fon chagrin de n'avoir pu fe trouver à l'aflemblée
indiquée à Chartres par l'Abbé Suger , fes infirmités l'ayaiit
empêché de continuer fon chemin. Geoffroi compofa plufieurs
Sermons trcs-élégans fur les Dimanches ôc Fêtes de l'année , que
l'on voit encore manufcrits en diverfes (a) Bibliothèques de
France. On lui attribue auffi un Commentaire furies cinquante
premiers Pfcaumes de David ; d'autres le donnent à Godefroi ,
Abbé de Vendôme ; & quelques-uns à Geoffroi , quatrième Abbé
de Clair vaux.
Geoffro'da XXI. Il y cut vers le même tems un au-tre Ecrivain de
BT-tei:ii. e:> j^^^.,^-jg iiq^-j Chanoine réoulicr de fainte Barbe dans -la Neuftrie,
Lettres, tom. ,..-,' i*^]it /
2 , Anecào'- dont il reuc un grand nombre de Lettres rapportées au premier
M^irteii. p%' tome des Anecdotes de Dom Martcnne. La plupart font adref-
'^^^' fccs à l'Abbé & aux Moines de Beauger.cy , Ordre de Cîteaux ,
£."i/?- '• dans -le Diocèfe de Tours. Geoffroi élevé depuis peu à la
dignité d'Âbté , fe plaignoit que pour en faire les fondions , il
"" le trouvait obligé de quitter la méditation des chofes fpirituelles ,
pour s'occuper des temporelles ; de ferviraux moeurs différentes
de fes Frères , Ôc d'enfcigncr ceux qui en fçavoient plus que lui.
Ejiljî. 1. L'Abbé de Beaugcncy lui répondit qu'il pouvoir , en fe déchar-
geant fur des Officiers fubaltcrnes du foin des affaires tempo-
telles, continuer à jouir du pîaifir que lui caufoit l'étude des
fcicnces , ôc la pratique des exercices fpirituels , ôc maintenir en
même tems la régularité de la difcipline dans fon Monaftere.
^j'ijl. 7. Dans une autre Lettre au même Abbé, Geoffroi le prie, & fa
Conimunauté , de faire mémoire pendant le facrilice de la
( .1 ) Cudin , icm. x ^ Script, l'xdtf. pag. 1193, ii9\.
Meflc^
ET PLUSIEURS AUTRES ECRIVAINS, jof
MelTe , du Celerier de fon Monaftere , mort depuis peu. U Efiji. i».
croyoit une Bibliothèque audi nécelTaire au Monaftere , qu'un
Arlciial à une Fortereflc , ôc vouloit que tout âge, tout fexe ôc
toute condition pût y trouver des inftrudions pour le falut
éternel, furtout dans les Livres faints. GeofFroi fut chargé lui- ^^'^* *'^*
même par l'Abbé de Beaugency d'en acheter une qui étoit à
vendre ^ ôc qu'on lui avoit dit être fort bonne.
XXII. Geoffroi fouhaitoit avec ardeur que Hugues , Moine, ^'
& enfuite Prieur de faint Martin de Séez , écrivît la vie de
Vaultierde Mauritanie, dont nous avons quelques Lettres dans
le fécond tome du Spicilege ; ôc pour l'engager à ce travail , U
lui faifoit entrevoir que la matière en étoit agréable ôc noble ;
qu'il feroit fecouru de la grâce de celui-là même qui le récom-
penferoit de fes peines. Les Lettres de GeofFroi font pleines de
fentimens , foutenues partout des autorités de l'Ecriture ôc des
Pères. Il cite môme les Poètes prophanes , notamment le
comique Turpilius. Toutes finilTent par une épigramme en vers
de diverfes mefures. Il paroît par la quarante-quatrième Lettre
qu'il avoit compofé un recueil de Cantiques fpirituels , adrcffé à
un de fes amis nommé Auguflin.
XXIII. Il n'y a rien de certain touchant l'année de Ja Saint OKle-
■ rr 1 /- • r^\ i • • r • ••! « • v T> ?aire,Arine>-
raiiiance de iaint Uldegaire; mais on Içait qu il naquit a rJarcc- vêquedeTar-
lone, que fon père fe nommoit OUegairc , fa mère Guilia, 6c ragone.
que l'un ôc l'autre l'offrirent dès l'enfance à l'Eglife de fainre J° ^'^"^j'^^
Êulalie,dont il fut Chanoine ôc enfuite Prévôt iTade de fon .(,^.481.
oblation e(l de l'an 1075, le 24. de Mai. Il paffa au Monaflere
des Chanoines réguliers de faint Ruf près d'Avignon , dont on Pa;f. 484-
l'avoit choili y\bbé . cette Maifon étoit alors en réputation d'une
grande régularité. Oldegaire eut foin d'en faire confirmer les
Biens & les privilèges par une Bulle du Pape Pafchal II. Ray-
mond , Evêque de Barcelone, ayant été tué à la guerre contre
les Maures dans l'Ille de Majorque en 1 1 14. , Oldegaire fut élu
pour fon fucceffeur. Audltôt qu'il en fut averti il prit la fuite , ÔC
le retira en Provence. Le Comte de Barcelone, à la follicitation ^^^- ■*'^*
du Clergé ôc du Peuple^ envoya des Députés à Rome au Pape
Pafchal , qui obligea Oldegaire d'accepter l'Epifcopat. La même P^j. ^8^.
année l'Eglife de Tarragone étant devenue vacante par la mort
de Berenger, Oldegaire en fut fait Archevêque, ûins quitter
toutefois l'Evêché de Barcelone , parce que Tarragone étoit
ruinée ôc déferre.
XXIV. Le Comte Raymond lui donna, ôc à fés fuccefTcurs, ^' rétablit
Tome XXII. Qq Tarratcw.
50(? HERVÉ, MOINE BENEDICTIN,.
la Ville & fon terrkoife, avec la liberté de la peupler & de la
gouverner félon les Loix. Oldegaire fit le voyage de Rome dans
le defiein de faire confirmer cette donation , qui elt du 23 Janvier
1117. Gelafe IJ. la confirma par une Eulle du 21 Mars 1118,
accorda le PalUwn à Oldegaire , avec tous les droits de Me'tro-
politain , ôc TEvéclié deTortofo, fi les Chrétiens la reprenoient
fur les Maures , jufqu'à; ce que cette Ville put avoir un Evêque
particulier.
II afïïfte au XX V. A peine étoit-il de retour à Barcelone qu'il fut obligé
La°ran^n^ de tetoumer en Italie airifler au Concilc de Latran , affemblé en
m 5. 1123 pour procurer du fecours aux Princes Chrétiens dans la
Pag, 488. Terre fainte contre l'invafion des Sarralins. Oldegaire, à la folU-
citation du Comte de Barcelone , profita de cette occalion pour
l'aider aulh à chafTerles mômes Sarrafins de rEfpagne. Ce Con-
cile accorda des fubiides, ôc le Pape Calixte IL pour en faciliter
l'exécution , fit Oldegaire fon Légat en Efpagne.
Il fifnt un XXVI. Après que les principaux des Sarrafins fe furent
Bai^elone foumis au Comte Raymond , ôc que la paix eut été rétablie ,
Bolland. ad Oldegaire afiTembla en 1 1 2(5 le dixième de Mars , un Concile à
di m 6 M.in. Barcelone pour y rétablir la police civile, & les droits des Eglifes
p^-^^. dont les Séculiers s'étoieat emparés. A ce Concile fc trouvèrent
Raymond , Evéque d'Aufone , Bernard de Gironne , plufieurs
Abbés, Comtes, Perfonnes nobles , & Députés des Villes.
Oldegaire , comme Préfident de l'AfTemblée , en propofa les
motifs, ôc il y fut décidé qu'à Tavcnir l'immunité des Eglifcs
s'étendroit à une enceinte de trente pas ; que les corps Ôc les
biens des Eccléliaftiques feroient à couvert de toutes vexations ;
que le Comte ôc fon fils rcllitueroient , du confentement des
Barons , à l'Archevêque ôc aux Evêques de la Principauté,
toutes les Eglifes avec leurs droits , leurs cimetières , leurs
biens, librement ôc fans procès; enfin que les Eglifes perce-
vroient fans aucune fraude les dixmcs, fans que ceux qui les
Ilid. jag payeroient cncouruffent pour cela aucun danger. Le Concile fit
^*°' plufieurs autres Reglemens rapportés dans le recueil des Ami-
quités de Barcelone.
Il procure XXVII. La même année 1 1 26 Oldegaire procura la paix
le Toi d Ar- entre Alphonfe, Roi de Caftille , ôc le Moine Ramirequi pré-
raeoni'^: cc'ui tcndoit au Royaumc d'Arragou à la place de fon frère mort fans
^' M^f l!!r* ^' enfans ; ôc voyant que la Ville ôc le territoire de Tarragone que le
Got'vcrneurà (Jomtc Raymond Ocrenget lui avoit donnés , ne pourroit jamaig
"^^xl'^^ '^ fc peupler û cstte Ville u'ctoit gouveriide par im honiuie. Je
450, 45» 1.
ET PLUSIEURS AUTRES ECRIVAINS. 507
guerre, en état de la défendre contre les Infidèles , il en établit
Gouverneur Robert d'Aiguillon, Gentilhomme Normand, à
qui il donna Tarragone pour la polTeder comme Vaffal de
l'Eglife, en fe retenant feulement les dixmes & les biens Eccle-
fiaftiques. L'aûe de cette donation efl: de l'an 1128, 6c en forme
de Lettre adreffée par Oldegaire à Robert. A cette Lettre efl:
joint i'ade d'acceptation de ce Gentilhomme , avec fon ferment
de fidélité à l'Archevêque de Tarragone 6c à fes fuccelTeurs.
X X V I 1 1. On voit par un autre a£le d'Oldegaire , qu'il ^^ |'^'j"'« "»
fonda à Tarragone un Hôpital auquel il afFeda tous les lits ôc \iai;on de"
linges des Clercs de fon Eglife après leur mort ; qu'il fonda en la Templiers.
même Ville une Maifon de Templiers , pour s'oppofer aux '^''"' ^'^'
incurfionsdcs Maures ; qu'à cet effet il obtint en 1 1 j^. du Maître
des Templiers , un certain nombre de fes Religieux pour occuper
cette Maifon. Quelque tems avant fa mort il alTembla un Con-
cile au mois de Novembre, fuivant la coutume, dans lequel il
fit pendant trois jours plufieurs difcours fur l'état préfent de
l'Eglifc , fur les devoirs des Pafteurs , fur la Religion , fur la foi
6c les bonnes mœurs, fur l'office Sacerdotal , fur l'obéiflance ,
ôc fur le Saint-Efprit. Il ne nous rcfte rien de tous ces difcours.
XXIX. Nous fçavons de cet Ecrivain même qu'il avoit Herma««,
cmbraffé étant jeune la profeilion Monaftique dans l'Abbaye de l^i^^f^'^da '"'
faint Martin de Tournai, Ordre de faint Benoît , 6c qu'il en fut Tournai.
enfuite Abbé. Il fit deux fois le voyage de Rome. La première
fois , il en revint avec Samfon , Archevêque de Reims , ÔC
rapporta des Lettres du Pape Innocent II. par lefquelles il écoit
ordonné au Clergé ôc au Peuple de Tournai de fe choifir un
Evêque particulier , le Pape les ayant abfous de l'obéiffancc
qu'ils rendoient à l'Evêque de Noyon , dont l'Evêché étoit uni à
celui de Tournai. Ils élurent Abfalon , Abbé de faint Amand,
qui engagea aulFitôt Hermann à retourner à Rome pour les
affaires de fon Eglife, ôc les fienncs propres , c'eft-à-dire, pour
faire confirmer fon élection par le Pape. Hermann , nommé
aufli quelquefois Herimann , fut Abbé de faint Martin depuis
l'an 1127, jufqu'en 1 1 3 <5 ou 1 1 3 7 qu'il abdiqua. On ne f^ait pas
combien de tems il vécut depuis.
XXX. Les Religieux de fon Monaftere l'avoicnt fouvent ^onîiîftoîre
prié de mettre par écrit ce qui s'y étoit pafTé depuis que les '^f.^^\^^l\^,
•bâtimens en avoientété réparés , 6c le rétablifiement delà difci- h^ve .le faint
■pVme régulière. Il y trouvoit deux difficultés ; l'une , que ne '^"tln , rom.
' n. • I • A t * I • Mil. Sricileg.
reitant rien des anciens monumens , pas même des Arcluvcs , il ^^g^
3o8 HERVÉ, MOINE BENEDICTIN, ■ t
ne pourroit donner de liaifon à fon hifloire , par i'iinporTibilitë
de montrer ce qu avoir été l'Abbaye de faint Martin avant qu'on
l'eût rétablie ; l'autre , qu'y ayant encore des perfonnes qui
avoient contribué à la rétablir, il craignoit qu'en leur donnant
de juftes louanges , on ne l'accusât de flaterie. Cette dernière
difficulté s'étant évanouie par la mort de plufieurs d'entr'eux , il
fe mit à l'ouvrage; & pour ne rien avancer d'incertain, il fc
contenta de rapporter ce qui s'étoit pafTéde fon tems, & com-
nifnça fon hidoire à Samfon , Archevêque de Reims , & à
Innocent lî.éiu Pape en 1 1 50. Hermana l'écrivit à Rome , dans
•le Palais de Latraa , dans le tems qu'il y attendoit la coniîrma-
tion de 1 életlion d'Abfalon , nommé Evoque de Tournai ; & ce
fut de Rome qu'il l'envoya à fes Confrères, en leur marquant
que les grandes chaleurs de l'Eté lui donnant lieu de craindre de
ne plus !es voir , & de mourir à Rome, il les exhortoit à la
charité fraternelle , &c à l'obfervation exatle de leur Règle.
Ce ri'ily^ XXXI. L hiiloire du rétabliflement de l'Abbaye de faint
àc re n r la ]viart'n à Toumai n'eft pas entièrement de Hermanii , il ne Ta
euviâ e. ' conduite que jufqu'à la mort de Raoul , l'un des Bienfaiteurs de
la Maifon , Ôc qui avoir à fes frais réparé l'Eglife , pour la plus
grande partie. Le nombre 103 qui fuit la relation de cette morr,
ôc les luivans, contiennent tant de chofes à la louange d'Her-
mann , homme d'une grande modeflie, qu'on ne doit pas l'ea
fuppofer Auteur. Le Continuateur a pouffé fa narration jufqu'à
l'an / 160. Toute cette hiftoire a été inférée par Dom Luc
d'Acheri dans le douzième tome de fon Spicilege. Elle eft inte-
reiTante par l'hifloire des Rois de France , des Comtes de
Flandres , 6c des difficultés qu'il y eut de divifer les deux Evê-
chésde Noyon ôc def ournai. Nous y remarquerons qu'un Cierc
Pag. 360. d'Orléans nommé Odon, après avoir tenu les Ecoles dans laVille
de Toul, fut appelle à Tournai parles Chanoines de Notre- 1 'amc
pour faire en cette Ville les mômes fondions ; qu'il y enfeigna
pendant cinq ans avec tant de fuccès 6c de réputation , qu ii lui
venoit des Ecoliers de tous cotés , de France , de Flandres , de
Normandie , de Saxe, d'Italie; que fui vaut tantôt la coutume
des Peripateticiens , il enfeignoit fes Difciples en fe promenant,
tantôt aiiis , à la manière des Sto'iciens ; que dans les P coles du
foir qu'il tenoit devant les portes de l'Eglife , il pouflbit les
difputes jufques forr avant dans la nuit; 6c qu'alors il montroit
du d. igt le cours des aftres, 6c les variétés du Zodiaque; que
P'Z-l'^- quoique très-iultruit des Arts libéraux ^ il excelloit ncanmoii^s
ET PLUSIEURS AUTRES ECRIVAINS. 305»
dans la Dialetlique, fur laquelle il compofa trois Livres, dont
le premier apprenoit à coiinoitre & à rcfoudre les iophifmes;
enfin qu'il ne liiivoit pas la dotlrine de certains Piiilofophes
modernes , appelles Nominaux, mais celle de Bocce 6c des
Anciens , à qui l'on donna le nom de Réalifles. Il compofa aufifi P^g- ^f?»
•un Commentaire ou explication du Canon de la Meiïe , un
Traité de l'origine de Tame, ôc un autre fous le titre de Difpute
contre un Juif.
XXXII. On peut encore remarquer dans cette hifloire que P'^g- 440.
les Moines de l'AbLayedefaint iMartin s'occupoient en certaines
heures à tranlcriredes Livres pour fe former une Bibliothèque ,
& en d'autres à la leèture des Livres de piétt; qu'ils -ferfoient
ces exercices dans le Cloître, enforte qu'en y entrant on voyort P^g 44j.
quelquefois jufqu'à douze jeunes Religieux occupés à tranfcrire
en filence , avec beaucoup d'art 6c d'exaclitude , les Livres de
l'Ecriture ôc des Pères; que par ce moyen la Bibliothèque de ce
Monaflere devint îi conlidérable, qu'il ne s'en trouvoit point
de pareilles dans les Abbayes voifines, furtout pour l'exaclitude
des exemplaires , ce qui engageoit ceux qui vouloient en avoir
de bien corre£ls, à recourir à la Bibliothèque de faint Martin.
On nomme pour le plus fameux de ces Copiftes, Godefroi. Il ^'-^-440,
n'y avcit alors dans l'Archevcché de Reims que trois iMonafleres
où les coutumes de Cluni fuflTent en ufage, fçavoir, celui de
faint Martin à Tournai , celui d'Anchin dans l'Artois , ôc Afflin- ^'^S' 443.
ghem dans leBrabant. Il étoit d'ufage de mettre les moribonds
fur la cendre ôc fur le cilice , de leur réciter à haute voix le
Symbole qui porte le nom de faint Athanafe,ôc les Litanies des . ■^' '^/°-'
Saints, ôc de leur donner l'Extrême-Onction avant le Viatique ^ ' ^'
du Corps du Seigneur.
XXXIII. Nous avons auflî de l'Abbé Hermann un Traité j^^"^"''^. ^^
de l'Incarnation imprimé à Leyde en iiîpa m-8°. dans le
Recueil de Cafimire Oudin. Il efl: adrefTé à Eflienne, Arche-
vêque de Vienne. Hern>ann déclare dans la préface qu'il n'a
rien mis du fien «ans cet ouvrage, mais ce qu'il avoir trouvé fur
cette matière dans les écrits des faints Dotleurs , particuliè-
rement de faint Anfelme; ôc ce qu'il avoit retenu d'un Sermon
.qu'Odon fon Abbé avoit fait, félon fa coutume, la veille de
•Noël. Il remarque. que cet Abbé , qui étoit le premier depuis le
rétabliffement de l'Abbaye , ôc de qui il avoit reçu l'habit
_Monaftique , prcchoit ordinairement en ce jour depuis le matin
jufqu'à l'heure ic oexte, c'eft-à-dire, jufqu'à midi.
Qqlij
yio HÊRVÈ, Ï^ÔÎNE BENEDICTIN,
Livre des XXXIV. Dom Luc d'Acheri a mis dans l'Appendice des
NoTre^Dime ^i^vrcs de Guibcrt de Nogent , imprimées à Paris en i5ji,
deLaon,nm. trois Livrcs des miracles de Notre-Dame de Laon , fous le nom
ep. Guibiri, jy Moine Hermann, adrefTés à Barthelemi, Evèque de cette
* • Ville. Il y a toute apparence que cet Hermann eft le même que
l'Abbé de faint Martin , dont nous venons de parler. Il croit
Moine, 6c vivoit en même tems que TEvêque Barthelemi , qui
tint le Siège Epifcopal de Laon depuis l'an i 1 1 3 jufqu'en 1 1 jo.
Dans cette fuppoiltion, il faudra lui attribuer aulfi une vie de
-faint Ildephonfe , Evêque de Tolède , puifqu'Her.nann s'en dit
Auteur dans fon Epître dédicatoire à TEvêque Barthelemi;
ajoutant, qu'il avoit joint fes trois Livres des miracles de lafaintc
Viergc,c'eft-à-dire, faits par fon intercelfion dans les lieux où l'oa
confervoit de fes Reliques, tant en France, qu'en Angleterre,
aux trois Livres delà Virginité faits par faint Ildephonfe, ôc qu'il
avoit trouvés dans la Ville de Châlons.
Anfelm? , XXXV. Anfelme, Evêque d'Havelburg dans la Marche
Ercqued'Ha- ^ç Brandebourg en BalTe-Saxe , fous la Métropole de Magde-
^^^' bourg , fe rendit recommandable par fa do£lrine & par fes écrits.
Très-inftruit des Lettres humaines & de la belle Littérature , il
fit auffi fon étude des écrits des Pères, d'où il tira les connoif-
fances néceflTaires pour la défenfe des dogmes de la Religion.
Envoyé en qualité d'AmbaflTadcur à Conflantinople par l'Empe-
reur Lothairell. il y eut avec les Evoques Grecs les plus habiles,
des conférences , tant publiques que particulières , fur les
dogmes qui les divifoient d avec TEglife Romaine. Ces Evêques
l'avoient eux-mêmes provoqué à la difpute; ôc quoiqu'il défendît
avec force la vérité Catholique , tout fe paffa du coté des deux
partis avec beaucoup de décence ôc de modeftie. Lothaire
reçut en 1137 une Ambaflade de l'Empereur Jean Comaene,
& ce fut appafcmnient à cette occafion qu'Anfelme alla 4
Conflantinopie. C'étoit la dernière année du règne de Lothaire
II. Quelques années après , c'efl-à-dire , fur la fin ds l'an 11^5.5 ,
faint Bernard étant en Allemagne pour y prêcher la Croifade ,
Fiti ÇanBi Anfelme d [-lavelburg attaqué d un mal dégorge, qui lui lailfoic
Bfrn. Ub. 6 , à peine le pouvoir d'avaler ou de parler, dit au fuit Abbé qui
Ci?. ^. guériffoit beaucoup de malades : Vous devriez auili me guérir.
Si vous aviez ,lui répondit fiint Bernard, autant de foi que ie^s
femmelettes, peut-être pourrois-jeVous readfe fervice. L'Evê'-
que reprit : Si je n'ai pas de foi , que la vôtre me guérifTc. Saint
Bernard le touclKi «n faifant le ligne de la Croix , ôc aulfitôt
ET PLUSIEURS AUTRES ECRIVAINS, jir^
toiKe la douleur ôc lenflurc ceffejrent. Artfelme vivoit encore en
ïi-{() , comme on le voit par une Lettre du Pape Eugène 111. au
Roi Conrad, dont Anleime fut le porteur. Il étoir chargé en
même tcms avec Artvic , Archevêque de Brème , de conColer ce
Prince fur le mauvais fuccès de la Croifade, dont ii ctolt, de
retour. Cette Lettre cft du 24. Juin i 14p.
XXXV 1. Etant cette année à 1 ufculum auprès du Pape Corftrcnce
Eugène III. dans le courant du mois de Mars, le Pape lui dit, ^vec'ks'"*
qu'il avoit reçu depuis peu un Evcque en qualité dAmbaffadeur Grec»,
de l'Empereur de Conflantinople ; que cet Evoque , qui lui
paroilToit bien inflruit des Livres des Grecs , lui avoit propofé
plufieurs objeûions touchant leur dodrine & leurs rits , préten-
dant en prendre la défenfe , en particulier de ce qu'ils enfei-
gnoient fur la proceiïion du Saint-Efprit, 6c fur les Azymes:
C'eft pourquoi , ajouta le Pape , informé que vous avez été
autrefois Ambalîadeurde l'EmpereurLothairc à Confiant inople^
6c que pendant votre féjour eu cette Ville vous y avez eu des
conférences , tant publiques que particulières fur ce fujet avec,
les Grecs, je vous prie de compofer un Traité en forme de
dialogue, où vous rapporterez ce qui s'eft dit de part 6c d'autre.
Anfclme obéit avec humilité, u'affeclant dans fon écrit ni l'air, 4'„r.im. in
ni l'autorité d'un Maître, mais fe contentant de rapporter ce Prolog. wm.
qu'il avoit appris. On avoit choifi pour difputer avec lui, i ? » ^^-''^'^f •
Nechitès, Archevêque de Nicomedie , le plus renommé des, * '
^ouze Docteurs qui gouvernoient les études, 6c que l'on con-
fultoit fur les queflions difficiles , 6c dont les réponfes paf-
foient pour des Senienees irrévocables. La conférence fe tint
dans le quartier des Pifans, près àc l'Fglife de faint Irène. Outre
les Grecs il s'y trouva plufieurs Latins , 6c un nommé Moyfe de
Bergamç pour fervir d'Interprète. Anfelme en s'appliquant à
rapporter ce qui s'étoit paffé dans ces conférences , autant que fa
mémoire pouvoitlui fournir, évita l'écueil de quelques Contro-
verfiûes Latins , qui n'ayant ouï les Grecs qu'en paifu'u , leur fo:v6
dire ce qu'ils ne difent pas. Son ouvrage a pour titre , Antily-
menon, ou Recueil d'objetlions. Il eft précédé d'un Traité de. la
perpétuité ôc dç l'uniformité de l'Eglife.
XXXVII. Anfelme y répond à ceux qui étoient choqués. !^"''^ ,-e
delà multitude desOrdres Religieux, 6c de la variété de leurs ^""'["f™!^
obfcrvances , 6c qui n'étoient pas moins fcandallfés des diverlltés- rom. 13 , ^^r
de pratiques, de loix, de coutumes , de règles qu'ils remat- ""^^•/"^•5-»'
qucient, difoienc-ils, dans la Px-eli^rion ChtCiicnne. Ces £en& u'^' "' "''^'
>i2 HERVÉ, MOINE BENEDICTIN,
oififs, comiTie les appelle l'Evèque d'Avelburg, en vouloietic
particulièrement aux Ordres Religieux nouvellement étub.is.
Ils en cenfuroient l'habillement , la manière de vivre ôc de pfal-
modier , leur abdinence , les bornes qu'ils mettoient à leur
nourriture. Ils auroient voulu , ce femble, que les Ordres Reli-
gieux fuirent réduits aux Moines qui vivent fous la Règle de
faint Benoît , ô: aux Chanoines réguliers qui obfervent celle de
faint Augullin. Ils pouffoient plus loin leurs mauvaifes humeurs.
Quand il arrivoit que quelqu'un de ces Religieux s'éloignoit de
fon devoir , ils blàmoient l'Ordre entier ; ÔC pour un (èul
Apoftat ils décrioient ceux-là mômes qui vivoient dans :a crainte
de Dieu, & dans l'obfervation de 'eurs Règles.
Fag. y4 , XXXVIII. Pour répondre à toutes ces objeilions , An-
cap. 1. felme fait voir que l'Eglife eft une dans la foi Ôc dans la charité,
qu'elle n'eft qu'un Corps vivifié ôc gouverné par le Saint-
Efprit ; qu'encore qu'il y ait diverfité de grâces, de dons fpiri-
ïCor. ri,4 tueis, de minilleres , d'opérations , il n'y a néanmoins , félon
faint Paul , qu'un même Efprir , qu'un même Seigneur; quefoit
Cap. j. dans l'ancien , foit dans le nouveau Tefl-ament, il y a eu divers
facriiices pour honorer Dieu, ôc flichir fa jufl;ice;que fans le
»ti . -, fecours de la Loi écrite, Noé ôc Abraham ont été agréables à
"1 ÔÇ.T4. Dieu par la foi ; que quoique la plupart des anciens Patriarches
'" \ ' ne connufT-înt pas pleinement tous les articles de la foi Chré-
tienne , on ne laifTe pas de croire qu'ils ont été fauves par la foi
Cil- 5. qu'ils avoient au Meiîie futur ; que la doctrine établie dans l'an-
cienne ôc dans la nouvelle Loi, a été autorifée par des prodiges;
que Cl la première ne parloir claire nient que de Dieu le Père , ÔC
*^' ■ olfjurement du Pils, fa Divmiié, comme celle du Saint-Efprit,
a été manifellée dans ia féconde.
Cap. 7' XXXIX. L'Auteur explique les fept fceaux de l'Apoca-
lypfe , des fept états différ^-ns de l'Eglife. Elle brille dans le
premier par les miracifs que Dieu fait pour fon établiflement ,
Cap.i. ÔC par l'accroilîementdu nombre des Croyans. Dans le fécond ,
[es Prélicareurs difperfés dans tout l'Univers font perfécutés;
mais enfin les Rois ôc les Princes reçoivent eux-mêmes fa
doctrine avec ardeur ; ôc l'on bâtit partout des Temples magni'
Cap. 9. fiques en l'honneur du vrai Dieu. Troublée dans le troilicme par
les erreurs des Hérétiques , elle les condamne ôc les dilfipe dans
fes Conciles; ôc après avoir établi folldement la foi Catholique,
elle fait des Loix ôc des Statuts pour le règlement de la difcipline
ôc des mœurs. A couvert delà perfécution des Infidèles , ôc de
la
ET PLUSIEURS AUTRES ECRIVAINS. 3.15
la perfidie des faux Frères, elle prefcrit dans le quatrième état
tout ce qui eft nccciTaire pour la décence du culte de Dieu , & ^''''" '*"
l'honneur de fes Temples & de fes Auteis, permet rinditutidii
,des Ordres Religieux. Les trois autres états regardent la fin du
monde , fie le ficelé futur. Anfelme conclut que les changemcns
arrivés dans i'Eglife , par rapport à la police &. à la difciplinc
Eccléfiaftique , ayant eu pour principe une condefcendance
néceîlaire pour linfirmité humaine & la viciffitude des tems,
ne doivent fcandalifer pcrfonne ; parce qu encore que la foi de
l'Eglife foit toujours la même , la manière de vivre parmi les
hommes n'til pas toujours uniforme.
XL. La principale objedicn des Grecs contre les Latins Di^ilog»*»*
rcgardoit La procelfion duSainr-Efprit. lis foutcnoient qu'on ne ^'•'' ''^'
pouvoit dire que It Saint-Efprit procédât du Père & du Fils, C.?. 18, ijij
lans admettre en Dieu une pluralité de principes ; qu'encore qu'il ^°*
foit dit dans l'Evangile que le Saint-Efprit efi: du Fils , qu'il
«ft envoyé par lui , qu'il reçoit de lui , qu'il tient de lui ce
/^u'il dit , il ne fuit pas de ces façons de parler, qu'il procède
du Fils ; enfin que l'Evangile ne le dit pas formellement-
Anfelme répond qu'il n'y a en Dieu qu'un feul principe; que
le Saint-Efprit , en procédant du Père & du Fils, n'en procède
que comme d'un leul principe , parce que le Père & le Fils
font un ; enfcrte que nier que le Saint-Efprit procède du Fils
comme du Père, c'ell: nier fon exiflance, ôc conféquemment
renverfer le myftere de la fainte Trinité. En elfet, cne & pro-
céder eft une même chofe , à l'égard du Saint-Efprit, parce que
fa procelTion efl fubflantielle, 6c il n'y a point de différence
entre recevoir fon être du Père , fie procéder de lui. Anfelme
ajoute, que le Fils ayant de Dieu le Père, d'être Dieu lui- Op. i*.
même, puifqu'il efi: Dieu de Dieu , il a aulTi de lui que le Saint-
Efprit en procède; ce qui fait qu'il efi: avec le Père un même
principe du Saint-Efprit , à caufe de l'unité de fubfiance. Il
rapporte lespaflages de l'Ecriture qui prouvent cette procefifion,
fie dit, que fi lEvangile ne dit pas expreffément que le Saint- q.. ,,.
Efprit procède du Père &: du Fils, il ne dit pas non plus le
contraire , ni que le Saint-Efprit procède du rere fcul ; qu'on
peut fans témérité ajouter aux Symboles delà foi, des cxpref- q.. ,j t.-
lions qui ne font pas dans l'Evangile, comme on l'a fait plulieurs
fois dans les Conciles. Il y fut décidé que le Fils efi: confubfian-
tiel.au Père; que Marie efi mère de Dieu;qu'il faut adorer le
Saint-Efprit : exprefhons qui font reçues par les Grecs , quoi-
Terne XXI I. Rr
314 HERVÉ, MOINE BENEDICTIN,
qu'elles ne foient pas formellement dans TEcriture , mais feule-
ment eu fubflance.
C;/. 14. XLI. ïï produit plufieurs paffages des Pères Grecs, de
Didyme , de faint Cyrille , de laint Chryfoftôme , ôc du
Symbole qui porte le nom de faint Athanafe, où ces Pères difent
que le Saint-Efprit procède du Fils comme du Père. Il rapporte
aulfi des témoignages des Pères Latins, de. faint Jérôme, de
P«^»ij. faint Auguftin, defaint Hilairc, dans les écrits defquels on voit,
comme dans ceux des Grecs , que , quoique le Saint-Efprit
procède du Père ôc du Fils , il procède proprement ôc principa-
lement du Père , comme delà première caufe. Il rejette le lan-
C-rp. ic gage de ceux qui difent que le Saint-Efprit procède du Père par
le Fils, ôc fait pafier pour ridicule l'exemple qu'ils apportoient
pour le jufcifier. La fin de la première Conférence fut que l'on
Çap.ij. ibuhaita des deux partis, qu'il fe tînt un Concile général de
l'Eglife d'Occident ôc d'Orient par l'autorité du Pape , ÔC
du confentement des Empereurs , pour y décider la queflion
de la procedion du Saint-Efprit , ôc quelques autres qui inte-
relTent la foi Ciithoîique.
Dialogue 1, XLÏI. Dans la fccoudc Conférence qui fe tint à la B'afilique
pag. \9-i. ç|g fainte Sophie , l'Archevêque Nechitès invediva contre'
Gcp. 1,8. p£glife Romaine. Quoiqu'il ne lui refufât pas le premier rang
entre les Eglifes Patriarchales , ni le droit de préfider au Concile
généra! , il avança qu'elle s'étoit féparée de TEglife d'Orient par
fa hauteur ; que célébrant fes Conciles avec les Evêques d'Occi-
cidentfeuls, elle ne pouvoit obliger les Cirecs à. recevoir fes
Décrets , ni leur envoyer fes ordres ; qu'on ne trcuvoit dans
aucun Symbole qu'il foit ordonné de confeflTer en particulier
l'Eglife Romaine , mais une Eglife Sainte , Catholique 6c Apof-
tolique ; que quoiqu'il la révérât , il ne croyoit pas devoir la
fuivre en tout, ni que les Grecs dulTent quitter leurs rits , pour
recevoir ceux de l'Eglife Romaine dans lufage des Sacremens ,
fans les avoir auparavant examinés par la raifon ôc l'autorité des
Ecritures.
ç , . X L III. L'Evêque d'Havelburg , qui avoir déjà prouvé par
l'autorité de l'Ecriture, que la Primauté de l'Eglife Romaine efi:
de Droit divin, ôc non par conceOîon de quelques Conciles;
qu'elle a par-dciïus les Fglifcs Patriarchales d'Orient le privi-
■ç g lege de n'avoir été infe£tée d'aucune héréfic ; que Libère , l'un
de fes Pontifes , n'avoit pu être engagé ni par les promclTes , ni
par les menaces de l'Empereur Conftantius, à foufcrire l'héréfie
Cap.'^;
ET PLUSIEURS AUTRES ECRIVAINS. 51?
'Arienne , ôc à la condamnation de fai'.it Athanafe , interrompit
l'Archevêque de Nicomedie, pour Taire connoître à i'Afiemblée
que ce Prélat ne connoiiroit ni la Religion de l'Eglife Romaine,
ni fa fincerité , ni fa douceur, nifon équité, ni fa fageiîe , ni fa
charité envers tout le monde, ni fon exactitude dans l'examen
des caufes Ecclefiaftiques , ni fa liberté dans les jugemens ; &
que s'il eût connu en elle toutes ces grandes qualités, comme
elle les a en effet, ainfi que l'expérience le fait voir, il n'en auroit
pas parlé de la forte , mais fe fcroit rangé de lui-mcme à fa com-
munion 6c à fon obéifTance. Enfuire après avoir prouvé que
l'établiffement du Patriarchat de Conilantinople étoit une entre- Qp. tii,
prife des Conciles de Conftantinople & de Calcédoine, il fie
voir que pour être devenu le fiége 6c la demeure des Empereurs,
elle n'en étoit pas pour cela Chef des Eglifes; qu'autrement ou
pourroit accorder la même qualité à l'Eglife d'Antioche , 6c aux
autres qui ont été le féjour des Empereurs ; qu'il faivroit aufli
de-là qu'il y auroit non un Pierre, Prince des Apôtres, mais
plufieurs, ce qui e(t abfurde , l'Eglife, qui eft une, ne devant
avoir qu'un Chef. Il établit pour maxime que l'on ne doit tenir
aucun Concile , que le Pape n'y prélide , ou par lui-même , ou
par fes Légats ; ôc il en donne des preuves par le détail des Con-
ciles tenus même en Orient. Ncchitès convint que tout ce
qu'Anfelmeavoitdit fur ce fujet fe trouvoit dans les Archives de
l'Eglife de fainte Sophie.
X L I V. On propofa enfuite la queflion des azymes , &: l'on c y. 13 , t^i
convint qu'étant une chofe indifférente en elle-même, d'offrir
avec du pain fermenté , ou du pain azyme , puifqu'à Rome il y a
des Moines Grecs qui offrent avec du pain fermenté , 6c d'autres
avec du pain azyme, la variété des ufages en ce point , n'auroit C.;;- ^î»
pas dû fournir une occafion de divilion entre les Grecs 6c les
Latins ; que toutefois il feroit difficile de changer la pratique
des Grecs à l'égard du pain fermenté , fans l'autorité d'un Con- Cw. u.
elle général , à caufe de la longueur des tems qu'ils font dans cet
ufage. Ils en avoient un autre , qui étoit de ne point mettre d'eau
avec le vin dans le calice avant la confécration , mais d'y en
mettre après la confécration. Nechitès en donne pour raifon , Cap. *-•!
que l'Ecriture ne dit point qu'à la dernière Cène, Jefus-Chrifl
ait mêlé de l'eau avec le vin dans le calice. Il ajoute , que fi les
Grecs y en mettent après la confécration , c'efl afin que le
peuple repréfenté par cette eau, foit fandlfié par fon union au-
Sang confacré , 6c par la participation du Sacrement, Il reconnoît
R r ij
ta
^i6 HERVÉ, MOINE BENEDICTIN,
en termes clairs , que le vin offert ( a ) dans le calice efl fait par
l'cpération & la vertu divine,&: parle miniftereduPretrejle Sang
de la nouvelle & éternelle allirince. Répondant aux reproche»
qu'on failbit auxGrecs de rebaptiferles Latins, fous prétexte qu'ils^
arrofoient d'huile bénite , & iavoient enfuite partout le corpS'
celle qu'un Grec vouloit époufer, avant de ratifier leur mariage ,
il rejette ces reproches comme des calomnies qui ne venoient
que de ce que les Latins n'étoient point allez vcrfcs dans les-
rits des Grecs. Il protefte que chez eux l'on ne rebaptifolt aucun'
Çap.ij. j^ ceux qui avoient été baprifés au nom de la très-fainte Tri-
nité ; que fi l'on oignoit ceux ou celles qui paiToient des Latins-
chez les Grecs , ce nétoit que dans le doute s ils avoient reçu le
Sacrement de l'Onclion , ou de la Confirmation ; Ôc qu'ils ne
l'adminillroient à perfonne, quand ils avoient des preuves du
contraire. On finit cette féconde Conférence", comme la pre-
mière , en fouhaitant un Concile univerfel pour la réunion
parfaite des deux Eglifes d'Orient ôc d'Occident ; & toute
rAffeniblée applaudit , en rendant grâces à Dieu , Ôcen deman-
dant que l'on mit par écrit ce qui venoit de fe paffcr.
Apoioiic de X L V. On attribue à Anfelme un ouvrage d'un autre genre,-
lOrdre Jes qui eft l'Apologie des Chanoines réguhers. Dom Bernard Pez ,.
gulîcrs " nm' ^P^ ^^i a donné place dans le quatrième tome de fes Anecdotes ,
4 , A.'ircdot. fur un manufcrit de la Bibliothèque d'Hanaerlebe, dit qu'elle
Bcn:crJ.Pci, rioïte en tête le nom d'Anfelme ; ôc ne doute pas qu'il ne fe
' trouve dans l'original , comme dans la copie que le célèbre
George Eccard lui a communiquée; mais il ne dit pas qu'An-
felme y foit qualifié Evêque d'Haveiburg. Ce n eft donc que-
fur le nom fcul d'Anfelme , qu'on le fait Auteur de cet ouvrage.
On peut fortifier cette conjedure, en difant , que l'Auteur étoit
contemporain , puifqu'il vivoit {b) , comme l'Evoque d'Havei-
burg, fous le Pontificat d'Eugène III. Mais , i**. il ne paroîf
par aucun endroit de cette Apologie, que celui qui J'a com-
pofée ait été Evoque. Il navoit, ce femble, d'autre qualité que
celle de Chanoine (c) régulier, vivant fous la Régie de faint
Auguflin;ôc c'efi; apparemment pour illuftrer fon Ordre qu'il
appelle Saints , Erlebald ,{d) Archevêque de Milan , martyrifé
(a) Vinum menim tantfim in Calice
©ft'c-imus , quod per ciiTinaTi operarionem
S virciiteni ,& per minifttrium S^icerJotis
foniccrntunvjfit Sa^iguis novi & aeterni
Tcfiamenri. Anfdm, Di.i
( b ) Cjp. ^f' ,yig. loi,
( c) Cap. « , ij , iïc.
3 , c.ip. 10.
ET PLUSIEURS A UTRES ECRI VA INS. 317
en 1076 par les Sclùfmatiques ôc les Simoniaques; Appon de
Salzbourg ; & les Clianoines de i'Eglife de faint Nicolas à
PaflaW , qu'il nomme fes Frères, & qui nvoient aufii foulîert
perfccution. 2°. Quand il parle de faine Norbert, c'eftconime
d'un Saint qui lui étoit étranger. Il ne dit pas môme quel étoit
fon Siège. Ainfelme, Evôqite d'Havelburg , n'en a pas ufc de
même dans fes Dialogues, 011 il eft queflion de la défenfe des
Ordres Religieux. Il lait de ce faint Inllituteur un grand cioge,
marque en quel tems il fut fait Archevêque de Magdebourg,
le lieu de fa fdpulture dans I'Eglife Métropolitaine, l'endroit
où il avoir fait les Ordinations. Toutes ces remarques convien-
nent à un Sufîragant, par rapport à fon Métropolitain , quand il
Veut en parler. 3". Le ilyle de. l'Apologifle des Chanoines régu-
liers eft différent des Dialogues d'Anfelme d'Havelburg; il n eft
ni fi bien foutcnu, ni fi r.et, & les raifonnemens tt'en font pas
fi folides. Il ennuie par fes froides applications de l'Ecriture
fainre , prefque toujours déplacées & inutiles. Nous croyons
donc qu'il faut le diftinguer d'Ani'elme , Evéque d'Havelburg.
XL VI. Ce Prélat compofa aufti plufieurs vies des Saints, . Vi-s cfes
dont le recueil faifoit de gros volumes; ôc écrivit nombre de txs'd'Anrei-
Lettres à diverfes perfonnes. me d'Hivei-
burn , Fiibri-
pag. 304.
CHAPITRE XX.
Saint Bernard, premier Abbé de Clairvaux y
Doâleur de l'EgliJk
Article I.
Hijîoire de fa Vie,
I. /^ E grand Homme de Dieu , que l'on regarda ( ^ ) de fon^ N- iiTânce^cie
\7 tems comme l'organe du Saint-Efprit , & l'Interprète ^^intBem.ira,
de la volonté divme, naquit a ronraines dans le Duché de io>ii.
Bourgogne > à une demie lieue de Dijon , fur la fin de l'an Sesândcs^
Rr ii]
3iS SAINT BERNARD,
1090, ou au commencement de 1091. On fixe l'annce de fa
naliTaace fur l'époque de fon entrée en Religion. Il ctoit dans fa
vin^t-troifiéms ( a ) année , félon Guillaume de faint Thierri , ôc
Jean l'Hermite, lorfqu'il entra à Citeaux ; & ce fut ( ^ ) en i 1 1 5.
Bernard eut pour perc Tefcelin , (c) idu des Comtes de
Ciiatillon, &: pour mère A-leth^ delaMaifon de Monibar. Elle
l'envoya [à) faire fes études à Chatillon-fur-Seine , fous de
fcavans Ecciéfiafciques qui y tenoient les plus célèbres Ecoles
delà Province. Bernard s'y appliqua à la lecture des meilleurs
Auteurs proplianes ; mais non content de s'être formé dans les
Lettres humaines , il commença dès-lors à lire les Livres
faints.
l\ e f^it IL II revint de Chatillon dans fa dix-neuviéme année. Six
•Moine 1 Cl- ,^^QJg aprcs il perdit fa mère. A mefure qu'il avancoit en âsfe ,
■^eauxcn 1113.,.! r^ 1^ > o^
croiiToient ch lui les belles qualités de fon efprit, 6c les grâces de
fon corps. Bien fait de fa perfonne, beau de vifage, de mœurs
douces j d'un efprit vif, mais flexible , d'un génie valle ÔC
•fublime, parlant avec élégance: tous ces talens lui ouvraient
une entrée avantageufe dans le monde. Il en connut & éprouva
les dangers ; & perfuadé qu'il ne pouvoir y demeurer avec
fureté , il fe retira ( e ) à Citeaux en 1 1 1 3 , accompagné de trente
Gentilshommes qu'il avoit convertis. Jufques-là cette Abbaye
■s'étoit vue réduite à un petit nombre de Religieux. L'Abbé
Eftlenne en gémiiïoit devant Dieu , mais dans l'efpérance que fa
miféricorde multiplieroit fes Serviteurs. Au bruit de la retraite
de Bernard & de fesCompagnons à Cîteaux,i}s y furent fuivis [f)
pardesperfonnesde tout âge, de toutes dignités, ôc de tous les
cotés, voyant que ce qui leur avoit d'abord paru au-deflus des
forces humaines dans l'obfervance établie en cetteAbbayc,n'étoit
pas impraticable.
5:i contkiire I IL Dès le premier jour que Bernard entra dans l'appar^;
pcnJrju fon tement defliné aux Novices , il commença (e) de pratiquer ce
Noviciat. ,., , . • r- ti •. . • J
qu il devcit un jour cnieigner aux autres, il avoit toujours dans
le cœur , ôt fouvent dans la bouche cette parole : Bernard ,
qu'eft-tu venu faire? Jamais il nefe pardonnoit rien , mortifiant
continuellement les défirs fenfuels , ôc les fens par lefquels ils
( (i) Guillflm. in v'ua Bernard, cap. 4,1 (d" J'id.
l,l_^, 1 {c)nid.caf.A.
ic)jibtd.cap. X, * {g)(JuilUlm.cap.^.
PREMIER ABBÉ DE CL AIRVAUX , &c. 5 ip
entrent dans le cœur; à peine leur accordoit-il la liberté nccef-
faire pour le commerce de la vie civile & extérieure. Il fe iit de
cette conduite une habitude qui fe changea prefque en nature ,
ne vivant plus que pour les chofes fpirituc-lles ; enforte que
voyant des yeux du corps , il ne voyoit pas ; écoutant , il n'écou-
toit pas; mangeant , il ne goutoitrien. On s'en apperçut, quand
après avoir paiïé une année entière dans le dortoir des Novices ,
il ne fcavoit pas , lorfqu'il en fortit , (1 le haut du plancher étoit
en voûte , ni s'il y avoit dans l'Eglife plus d'une fenêtre. Il
veilloit au-delà de ce que peut la foiblelTe humaine , n'apportant
d'autre modération à fes veilles, que de ne point palier toute la
nuit fans dormir. A l'égard du manger, il ne s'y portoit que par
îa feule crainte de tomber en défaillance. Quoique ( a ) d'uti
naturel fort délicat, il ne fe difpenfoit d'aucun exercice de la vie
Gonimune, travaillant des mains , bêchant la terre, coupant du
bois , le portant fur fes épaules, fciant les bleds. Il aimoit à lire
TEciiture fainte , fuis commentaire & de fuite, difant, qu'il ne
l'entendoit jamais mieux que par elle-même : néanmoins il lilbit
audi les interprétations des faints Pères de l'Eglife , fe flùlant un
devoir deconfonuer fes fentimens aux leurs.
ï Y. Ayant fini fon Noviciat (t) il fut revêtu de l'habit Reli- .,", f^^/^''
gieux avec les Compagnons , & tous enlembie le conlacrerent a vauxennH,
Dieu par la profeiiion folemnelle, au commencement de l'an
1 1 14. I.'un d'eux, nommé Hugues, fut choili la mcme année
pour Al bé de Pontigny , & préféré à Bernard , peut-êcre comme
Ion ancien. L'année fuivante l'Abbé Eftienne envoya les frères
de Bernard, Pveligieux comme lui de Cîteaux, pour bâtir le
Monafleré de Clairvaux, & leur donna Bernard pour Abbé. Ils
firent d'une retraite de voleurs un Temple de Dieu, ôc une
JVÏaifon de prières ; (c) vivant dans une grande fimplicité & une
merveilleufe pauvreté d'efprit , dans la faim , dans la foif , dans
le froid, dans la nudité, faifant fouvent du potage de feuilles de
hêtres , mangeant du pain d'orge , de millet & de vefce. L'Ab-
baye de Clairvaux étant fituée dans le Diocèfe de Langres ,
c'étoit à Joceran qui en étoit Evêque, de donner à Bernard la
bénédidion Abbatiale; mais cet Evêque étant ou abfent, ou
occupé d'autres affaires, Bernard alla à Châlons la recevoir de
(a)Ibii. t ( c) Guilulm. vita Bernant. Ci:p. ^ , Se
( i ) Mibllloa. Vu). 71 , Aand, num. 77. j MahilUn. lib. 71. Annai. nani.s^, 9e, 97.
320 SAINT BERNAPvD,
Guillaume de Champeaux, avec qui il lia depuis ce moment-là
une amitié très-étroite.
San-aniere V. L'établiiTenient de Clairvaux qui ne s'étoit formé que
gouveiiîcr. je.^j-gpj-ient , prit infcnfibleir/ent des accroiffemens. Grand nom-
bre de perfonnes venoient à ce Monaftere , les uns pour con-
verfer avec Bernard , & jouir de fa préfence ;'es autres pour fe
mettre fous fa difcipiine. Il difoit à ceux qui .témoignoient de
remprellement pour être reçus à Clairvaux : Si vous ( a) délirez
viv.re dans cette Maifon , il faut que vous lailfiez dehors les corps
.que vous apportez du monde ; ii n'y a que les âmes qui doivent
entrer ici , la chair ne fert de rien. Voyant que les Novices
s'effravoient par la nouveauté de ce difcours, il foulageoit leur
foibieife en leur difant , que par le corps qu'il leur ordonnoit de
laifTer dehors, il entendoit la concupifcence. Il fortit deClair-
.vaux ( b ) une Colonie pour aller .établir un Monviftere dans le
Diccèfe de Châlons , en un lieu qui fut nommé 1 roio-Fontaines.
.Guillaume de Charapeaux avoit demandé cet établlfTement à
Jjernard , pour s'unir enfemble encore plus étroitement. Cet
Abbé envoya une autre Colonie dans le Diocèfe d'Autun , qui
donna nailTance au Monallere de Fontenay , cela fe pafl'a en
I 1 18. L'année fuivante il céda à faint Norbert le lieu dit Pré-
i-nontré, qu'nn homme de bien nommé Guy itii avoit donnd
pour y établir un Monaftere fuivant la Règle obfervée à Clair-
vaux.
Convei-'i y-\ V I. De toutc la fimiîle de Bernard il ne reftoitdans le monde
.de la fœurae g^g ç.-^ {(y^^^^ flumbeiine. Ses frères s'étoient confacrés à Dieu
■ ■' ' * dans ( c) le Monaftere. Elle y vint avec toutes fes parures monr
dalPi.es. Aucun de fes frères ne voulut l'entretenir. Mais.ayant
déclaré qu'elle fcpréfentoit comme une pécherefie pour deman-
dej confe'il des gens de bien , Bernard vint à elle pour eflayec
àc la convertir. Il lui rappella les exemples de leur mère com-
n'une , celui de fes frères, uniquement occupés de leur falut ,
jandis qu'elle ne l'étoit que du foin de fon corps , 6c ne penfoit
qu'à la terre. Honteufe de fes égaremens elle entra dans le defleia
que fon frère lui infpiroit de renoncer au monde, êc de fe donner
toute entière à Dieu.
yoyajl'i'pa- VU. En.ii22 Bcriiard fut obligé {d)àe flùre un voyagea
jis , afîifte A
divers Conci- ■■■■ — — — ^
(a ' GuiUtlm. in.iita |î?rn.in/. c.:)/. 4. J (<".' C:ii!;-'m. Ihid.cap. (.
( i) II/, itid. cap. ij. l (.(/y Alaiiriquci, ad ann, itiî.
Paris ,
PREMIER ABBÉ DE CL AIR VAUX, &c. 521
Paris, où , à la prière d'Eftienne Evcque de cette Ville , il (ît un
dilcours , imprimé dans le Recueil de fes ouvrages, fous le titre :
de la réforme des Eccléfiajiiques. En 1 1 26 il écrivit ( a ) au Pape
Honorius II. en faveur d'Alberic , élu Evêque de Châlons
d'une voix unanime du Clergé 6c du Peuple. Invité en 1 1 28 au
Concile de Troyes, il s'excufa d'abord d'y venir, fur une fièvre
aiguë dont il étoit tourmenté ; mais enfuite il s'y rendit avec les
Abbés de Cîteaux, de Pontigny , deTrois-Fontaines. Il écrivit
môme à Thibaud , Comte de Champagne, pour le féliciter fur
l'honneur que le Cardinal Matthieu , Evéque d' Albane , & Légat
du Pape en Prance , avoit fait à la Ville de Troyes , de la choilir
.f our cette Affemblée. Louis VI. Roi de France, furnommé le
Gros , voulant examiner lequel des deux l'on reconnoîtroit pour
Pape , ou d'Innocent , ou d'Anaclct , indiqua en 1130 un Con-
cile à Ellanipes,où Bernard fut nommément appelle , de l'avis
commun du Concile. On s'en rapporta (6) à lui pour la déci-
lion de cette alïairc. Bernard n'accepta la commilTion qu'avec
crainte, & parleconfeil de fes amis. Il examina foigneufement
Ja forme de l'élection , le mérite des Eletleurs , la vie & la répu-
-tation de celui qui avoit été élu le premier ; puis il déclara que
l'on devoit recevoir Innocent pour Pape. Tous y applaudirent ,
i& ayant chanté les louanges de Dieu, félon la coutume, ils
promirent obéiflance au Pape Innocent , ôc foufcrivirent à fon
éledion. Elle fut auili confirmée dans un Concile (c)de feize
Evêques affembiés à Virzbourgau mois d'Ottobre de la même
année 1150 par ordre du Roi Lothaire. Le Pape, à l'invita-
tion [d) des deux Rois, & des Evêques des deux Nations , fit un
■voyage en France 6c en Allemagne. Etant à Liège , où l'on avoit
aiïemblé un Concile , Lothaire le prelTa de lui rendre les inverti-
tures ; S. Bernard (e) qui étoit préfent, s'oppofa à la propofition
du Roi , en fit voir la malignité, 6c obligea Lothaire à fe défifter
-de fa demande. Après le Concile de Liège , le Pape Innocent en
tint un à Reims au mois d'Oclobre de l'an 1 1 5 i , où il cou-
ronna Roi, Louis, fécond fils de Louis le Gros, devenu fon
;aîné par la mort de Philippe, qui avoit été couronné dès le r^,
d'Avril 112p. Saint Bernard , que le Pape (/) vouloit avoir
(,,■!) Bernurd. Ffi'?. 15. t 'Prxf.it. in tom. i. Bernard.
( b I Ern.ildus , l:b. 1 , de vira Bernard,
cap. 1. Sii^en , j ira Ludoiici , pag, 377.
( c) An-ïi. Magdd'urg. amiMibillon.
(_ d '1 Ernatdus , ùb. î , caç. t.
(ejld.ibid.
(/) Li.ibid.
Tome XXIL Si
522 S A I N T B E R N A R D,
toujours auprès de lui , fe trouva à ce Concile , affin-ant avec les
Cardinaux aux délibérations publiques. Les Particuliers s'adref-
foient môme à lui pour leurs affaires, dont il faifoit enfuite le
rapport à la Cour.
S. Bernard VIII. Sigefroi , Evoque de Gènes , étant ( a ) mort en 1 1 3 o,
Evéchés'^rè- ^" offrit à Bernard de le remplacer; mais il s'en excufa , ôc
çoitie Papeà rcfufa l'année fuivante l'Evêché de Châlons , pour lequel il fit
Claùvaux tn £\\^q Geoffioi, Abbé de faint Medard deSoiffons. LePape Inno-
cent, pendant fbn féjour en France, alla vifiter l'Abbaye de
Clairvaux. Il y fut reçu {b) par les Pauvres de Jefus-Chrift,
groffiercment vêtus , portant une Croix de bois fimple & mal:
polie , chantant les Pfeaumes d'un ton modefte , les yeux attachés
a la terre, fans regarder ni de côté ni d"autre. A ce fpeftacle le-
Pape ôc les Evoques quil'accompagnoient ne purent retenir leurs
larmes. Tous admirèrent la gravité ôc la modeftie de cette
Communauté. Il nefe trouva rien dansClairvaux qui pût exciter
la cupidité , ni flater la fenfualité. On ne pouvoit y envier que
les vertus ; les murailles étoient nues , même dans l'Eglife.
Toutes les délices de la table confifterent en herbes & en
légumes, avec du pain bis. Si par hazard on eut du poiffon , il fut
fervi au Pape feul , les autres n'en eurent que la vue.
Voy!!?f de I X. Son féjour dans les Gaules ne fut pas long. Il étoit ea
S. nern-.aen Lombardie en Avril de l'an in2, ôc célébra à Alt la Fête de
raques, qui en cette année ctoit le 10 de ce mois. L Abbé
Bernard le fuivit en ce(c) voyage, fut le médiateur delà paix
entre les Génois Ôc les Pifans , ôc refufa une féconde fois l'Evêché
de Gènes , foit que Syrus eût abdiqué , foit qu'il n'eût pas encore
été placé fur le Siège Epifcopal de cette Ville. Le Roi Lothaire
avoir fourni au Pape deux mille hommes pour lui aider à rentrer
dans Rome. Ce fecours n'étant pas fuffifarit, Bernard écrivit au
Roi d'Angleterre , qui joignit fes troupes à celles du Roi de
Germanie. Le Pape entra dans la Ville le premier de Mai de
l'an 1 15 j. Bernard après y avoir fait quelque féjour avec le Pape,
paffa par fon ordre en Allemagne, pour reconcilier l'Empe-
reur Lothaire avec les neveuz de fon prédéceffeur, Conrad ôc
Frédéric.
(a) MubV.ion. in Ckronolog. Bernard. | ( c ) Mabillon. in Chronclcg, Btrnaril,
eda.in.iiio. \ ad a/in, 1 1 ^2.,
( h.j Erndd. lit. i , cap. i, .l-
l
PREMIER ABBÉ DE CL AIRVAUX,&Ô. 52?
X. Il n'y avolt pas longtems que Bernard étoit de rerour à . ^- ^''!'"'^i
Clairvaux,lorrquc^(a) le Pape Innocent l'appella au Concile ^ZpzJeahn-
convoqud à Pile. En palTant parla Lonibardie, les Milanois le lie en 1134.
rierent par lettres de les reconcilier avec l'Empereur ôc le Pape
nnocent qui les avoit excommuniés & ôté à leur Ville la
dignité de Métropole, pour avoir pris le parti de l'Antipape
Anaclet. Bernard leur promit fa médiation, & auliitôt que le
Concile de Pife fut fini, il alla à Aîilan avec deux Cardinaux
envoyés par le Pape; Gui , Evoque de Pife ; Matthieu , Evêque
d'Albane ; & Geolfroi , Evéque de Chartres. Les Milanois vin-
rent au-devant deux jufqu'àfept milles. On traita en public du
fujet de leur voyage. Toute la Ville fe fournit à l'obéiflance du
Pape Innocent. Elle quitta le parti de Conrad , pour ne recon-
noître d'autre Roi que Lothaire. Les Peuples, aux difcours de
Bernard , fe convertirent , frappés de fes vertus & defes miracles.
Ils firent leur pollible pour l'obliger d'accepter le Siège Archié-
pifcopal de Milan , vacant par la dépofition d'Anfelme ; mais il
le refufa conflamment. De cette Ville il pafla , ( 6 ) par ordre du
Pape , à Pavie ôc à Crémone pour y rétablir la paix. Sa médiation
fut inutile aux Cremonois.
X L II eut la confolation , en revenant à Clairvaux , d'y trou- ^^chuï bi-
%^er la Communauté dans une union parfaite. Le nombre des timensàClair-
Reliçieux setoit augmenté, ôc le lieu où ils étoient lopés fe vaix , va en
^ r'i ••! /x/n-'?i Aquitaine en
trouvant trop lerrc pour les contenir , il parut (c) nécellaire de
bâtir le Monaflcre en un lieu plus étendu ôc plus commode.
Thibaud, Comte de Champagne, les Evêques voifins, ôc plu-
fieurs Nobles ôc riches Marchands fournirent aux frais. Pendant
qu'on fe difpofoit à exécuter le plan de ce nouveau bâtiment,
Bernard reçut ordre du Pape de pafler en Aquitaine avec le
Légat Geolfroi , Evoque de Chartres, pour travailler de concert
à délivrer cette Province du fchifme dans lequel Gérard , Evê-
que d'Angouléme , lavoit engagée. Guillaume IX. Comte de
Poitiers , & Duc d'Aquitaine , étoit le plus fort appui du
fchifme. Dès l'an 1 151 , Bernard avoit eu avec lui une confé-
rence fur ce fujct , mais fans fuccès. Dans une féconde , qui fe i\t
à Parthenai en 1 154, le Duc parut fe déclarer pour le Pape
Innocent , mais à des conditions trop onéreufes. L'Abbé de
Clairvaux {d) étant entré dans l'Eglife le lendemain de la
( a) Ahbiilon. Chrcnolog. Bernr.rc. ,id j (i) Bernard F.yiJ]. 154.
*nn. iij-, , (j-Ern^ld, lib. *. vicx Btrn. j (c ) Ern^ild.lib. 1 ,ca'. ,-.
"i"-*' 1 (d)Id.iiil
Sf ij
iijî.
524 S A T N T B E R N A R D,
conférence, pour offrir les faints Myfteres , le Duc n'ofant '5^'
entrer , parce qu'il étoit d'une autre communion , refta à la porte;
Après la confécration le Saint donna la paix aux Fidèles; puis
pouilé par un mouvement plus qu'humain , il met le Corps de
JefuG-Chriil: fur la patène , le porte avec lui , de le vifage tout err
feu , & les yeux dtincellans,iifort de l'Eglife , non en fuppliant,
mais en menaçant ; & adreffe au Duc ces paroles terribles: Nousr
vous avons prié , & vous nous avez méprifés; voici le Fils de
la Vierge qui vient à vous; le Chef, le Seigneur de l'Eglife que
vous perfécutez: Voici votre Juge au nom duquel tout fléchie
au Ciel, fur la terre, & aux enfers : Votre Juge entre les mains
duquel votre ame viendra. Le mépriferez-vous aufii , comme
vous avez méprifé fes ferviteurs ? Tous les affiflans fondoicnt en
larmes, attendant avec frayeur le fuccès de cet événement. Le
Duc faifi depeur tombe par terre , hors de lui-même, jettant de-
profonds foupirs. Le Serviteur de Dieu le pouffe du pied , lur
ordonne de fe lever, & d'écouter debout la Sentence de Dieu.
Voilà, lui dit-il, l'Evêque de Poitiers que vous avez chaffé de fon
Eglife ; reconciliez vous avec lui par le baifer de paix , & le
remenez vous-même à fon Siège. Rétabliffez l'union dans vos
Etats 5 fou mettez-vous au Pape , comme toute l'Eglife lui obéit.
Le Duc exécut:j,fans répondre,cc que le faint Abbé venoit de lui
ordonner. Ainfi les troubles que le fchifme avoit caufés dans
l'Aquitaine furent appaifés. Il n'y eut que Gérard , Evêque d'An-
goulcme , qui s'opiniâtradansle parti d'Anaclet.
S. Bernard XH.Son Crédit diminuoit de jour en jour,&: celui duPapelnno-
fàituntroiiié- qq^^ s'augmentoit. Il nelaiffa (a) pas d'écrire à Bernard en i 1 37
hkieenfiiT. '^^ venir au fecours deTEgnfc; il en fut auffi prié par les Cardi-
naux. Arrivé à Viterbe, le Pape «S: les Cardinaux lui firent part
de la dirpofition où étoit l'Empereur de foutenir l'Eglife par la-
force des armes. L'Abbé de Clairvaux informé que la plupart desr
Schifmatiques ne tenoient pour l'Antipape , que parce qu'ils
craignoient les reproches qu'on leur feroit, s'ils l'abandonnoient,
après le ferment de fidélité qu'ils lui avoient fait, entra en confé-
rence avec eux , les défabufa fur leur ferment , & les fît rentrer
dans l'unité de lEglife. Il fie à Roger , Roi de Sicile , des condi-
tions de paix pour l'engager à rentrer dans l'obéiilance du Pape
Innocent.Roger propofa uneconférence pour examiner la validi-
té de fon éleûion.Les difputes durèrent huit jours en préfence dé
(a; Lrna'.d, lib. i. ap. 7.
PREMIER ABBÉ DE CL AIRVAUX, &c. 12;
ce Prince. Le dernier jour il n'y eut que Pierre de Pife ôcBernard
qui parlèrent. Pierre avoir été nommé de la part du Roi, parce
qu'il le connoifloit pour éloquent ; mais Bernard l'emporta fur
lui par fes raifons. Le fuccès de la conférence jetta Anaclet dans
un chagrin qui lui donna la mort le feptiéme de Janvier de l'an
1158.
X 1 1 L Ceux de fon parti élurent , de concert avec le Roi H f-iif fim'ï*
Roger , Grégoire, Prêtre-Cardinal , à qui ils donnèrent le nom ^^ ''^^"'"^e crv
de Vidor. Mais par cette élection , ils avoient moins en vue de
perpétuer les troubles inféparables du fchifme , que de fe faire
des conditions avantageufes en fe reconciliant avec le Pape. Les
parens d'Anaclet fe réconcilièrent en effet avec Linocent II. &
Vittor étant venu de nuit trouver faint Bernard , ce faiat Abbé
lui fit quitter tous les ornemens Pontificaux, & le mena aux pieds
d'Innocent II. qu'il reconnut pour feul Pape légitime , le jour de
i'Odave de la Pentecôte, 25 de Mai 1138. Cinq jours après
Bernard fortit de Rome pour retourner à Clairvaux, ( a) n'em-
portant avec lui qu'une dentde faint Cefaire , & quelques autres
reliques des Saints. Le Clergé , la Noblefie & le Peuple le
reconduifirent hors de Rome , le regardant comme fauteur de la
paix.
XIV. Avant fon départ il réconcilia Pierre de Pife, Car- Concile de
dinal , avec le Pape, qui lui rendit fa dignité dont il l'avoit L-tmu en
privé pour s'être attaché à l'Antipape Anaclet; mais dans le '^^'
Concile qu'il tint à Rome le huitième d'Avril 1 1 3 (j , il l'en priva
une féconde fois. Bernard s'en plaignit au Pape môme , par
une {b) Lettre très-forte, où il prend la défenfc de Pierre de
Pife, ôc fait voir que le Pape ne pouvoit , fans ternir fa propre
réputation , révoquer ce qu'il avoir accordé à ce Cardinal en le
rétabiiiTant dansûi place ôc dans tous fes honneurs. Je ne parle
pas ainfi , lui dit-il , pour trouvera redire à la rigueur Apoflolique,
& au zèle ardent dont Dieu vous dévoroit contre les ennemis de
l'unité ; mais quand la faute n'eft pas égale , la punition ne doic
pas l'être ; ôc il ne convient pas d'envelopper dans la même
Sentence celui qivi a quitté le péché , ôc ceux que le péché
quitte.
XV. Guillaume, Abbé de faint Thierri, ôc quelques autres Cond'.ede
vculoient eneager Bernard à écrire contre les erreurs qu'Abail--^'"'''^'"''*'^''
*^ ° ^ tom. 10, Con-
(a) hib. 4., liîrtt BtrnciTi. cai. i , C- I (b) Evll. 115.
Erjidld.iib.i^cip.r, l ' ■^-'
^26 SAINT BERNARD,
lard contlnuoit de répandre, quoiqu'elles euITent été condamnées
au Concile de Soifibns. L'Abbé de Clairvaux aima mieux l'aver-
tir en fecret , que de le confondre publiquement. Cette démar-
che de charité lui réulUt pour un tems ; mais Abaillard fe fiant
trop à fon efprit ôc à fon expérience dans la difpute , demanda à
l'Archevêque de Sens de fe défendre en public contre fes Adver-
faires , & dappeller Bernard au Concile. Il fe tint le 2 de Juin
1 140. Henri, Archevêque de Sens y préfida, aillfté des Evêques
de Chartres , dOrleans , d'Auxerre, deTroyes, deMeaux, &
d'un grand nombre d'Abbés. Louis , R.oi de France, s'y trouva,
avec les Comtes de Nevers ôc de Champagne. L'Archevêque de
Reims y .vint aulîi. L'Abbé Bernard produifit au milieu de
raiTemblée le Livre de la Théologie d' Abaillard , ôc les propofi-
tions abfurdes , ou plutôt hérétiques, qu'il en avoit extraites,
demandant ou qu'iiles prouvât, ou qu'il les défavouâr. Abaillard
ne iitnil'un , ni l'autre. Bernard au contraire ayant prouvé évi-
demment lafauffeté despropofitions , le Concile les condamna,
& pria le Pape, auquel Abaillard avoit appelle , de les condanv
ner aufli. La lettre Synodale au Pape , efl de l'Abbé de Clair-
vaux.
S.Bernard XVI. Dans les années fuivantes , comme dans les précé-
Alonafteres!"^' dentcs , il fut occupé dc la fondation de plufieurs Maifons de
DeiFeia de la fon Ordre en diverfes Provinces.En i 144 ii fut le médiateur ( a )
OojfaJe. ^g ^^ p^l^ entre le Roi Louis , ôc Thibaud Comte de Cham-
pagne. L'année d'après le jeune Roi ayant reçu du Pape Eugène
xinc lettre, où il exhortoit tous les François à fecourir l'Eglife
d"Orient , déclara à quelques Seigneurs dc fa Cour qu'il étoit
féfolu de fe croifer, pour accomplir le vœu que Philippe fon
frère aîné avoit fait , ôc qu'une mort imprévue ne lui avoit pas
permis d'accomplir. Ces Seigneurs lui confcillcrent de confulter
là-delTus l'Abbé dc Clairvaux , qui fut d'avis , qu'une affaire de
cette importance dcvoit être renvoyée au Pape pour en déli-
bérer. La réponfe du Pape fut favorable. En conféquence le Roi
JLouis afTcmbla les Evêques ôc les Seigneurs à (6) "Vezelai eu
Bourgogne, le 5 1 de Mars 1145, qui étoit le jour de Pâques.
La Croiiade fut réfoluc , ôc Bernard charge de la prêcher. A fon
•premier difcours , on s'écria de tous cotés pour demander des
Croix ; le nombre de celles que l'on avoit préparées ne fuffîfiint
( a)Bent.ir(\.t]n'}. iio, îii. I l'ib. 5 , vkx Bernardi , ap. 4.
(i)) Bernard, epijl. 4»6 , &• CuiiUlm, \
PREMIER ABBÉ DE CLAIRVAUX,&c. 527
pas , Bernard fe trouva obligé d'y fuppléer en mettant en pièces
fes habits. Il lit en cette occafion plulieurs miracles. Le troiiiéme
Dimanche d'après Pâques le Roi Louis aflembla un Parlement à
Chartres , pour régler le voyage de la Croifade. Pierre , Abbd de
Cluni , invite à ceite affembiée, ne put y venir ^ ( a ) parce qu'il
tenoir le mcme jour un Chapitre de Ton Ordre. Lavis commua
t-toit de choilir Bernard pour Chef de la Croifade. Il {b) le
refufia.
XV IL En 1 147 Albcric, Evâque d'Oftie, envoyé à Tou- ^^^•J"""^!
loufe, comme Légat du Pape Eugène, pour combattre Ihéré- Henricien»
tiqueHenri , Difciple de Pierre de Druis , prit avec lui Geof- e'^ inr.
froi , Evêque de Chartres , & l'Abbé deClairvaux. Henri étoit
un ( c) Moine apollat , qui étant retourné dans le fiécle , s'y
adonna à la déi>auche, furtout à l'impureté. Se trouvant dénué
de tout > il fut obligé de mandier fon pain^ & d'errer par-tout en
vagabond , parce que perfonne ne vouloir le recevoir. Pour fe
tirer de la mifere, il fe mit à prêcher dans le Mans ôc à Tou-
loufe les erreurs de fon Aîaître. Les peuples amateurs de la"
nouveauté, fe laiiTerent féduire. Bernard par fes difcours ôc par
fes miracles , détronipa ceux qui avoient été infedés d'erreurs ,
foit au Alans, foit à Touloufe , foit ailleurs. Un des plus éclatans
miracles fur celui qu'il lit à Sarlat en Perigord. .^près avoir fini,
fon difcours, grand nombre de perfonnes lui préfenterent des
pains à bénir ; en les beniiTant , ( rf ) il éleva la main , lit deffus le-
ligne de la Croix , 6c dit : Vous connoîtrez que ce que nous vous
difons eft vrai, 6c que ce que les Hérétiques vous prêchent eO:
faux, fi vos malades guérifîent auflîtôt qu'ils auront mangé de
ces pains. L'Evêquede Chartres, craignant qu'il ne fc fiu trop
avancé par une propofition fi générale, ajouta: S'ils le mangent
avec foi , ils recouvreront la faute. Mais Bernard qui ne craignoit
point, reprit: Cen'cfl pas ce que je dis ^ mais allurément ceux
qui en goûteront feront guéris , afin qu'ils fçachent que nous
fommes véritables , ôc vraiment envoyés de Dieu. La chofe
arriva ainfi : Tous les malades qui goûtèrent de ces pains y trou-
vèrent la guérifon à leurs maux. Les Henriciens répandus dans
le Perigord avoient pour Chef un nommé Ponce. LeMoinc
Heribcrt décrit les erreurs des Henriciens du Perigord, daus-
( a ) Bernard, ejîj;?. 3^4^ \ (.à) Gaufridus , ùti Bernardi^ /ià.-j.v
((') Id. (pift. 15 6. cap, 6.
(.ci Jrf. tyi;/. 141 , 141, |.
52S S A I N T B E R N A R D,
une Lettre adreflee à tous les Fidèles, ôc imprime'e dans les
Analecles de Dom Mabillon. On aura lieu de les détailler dans
la fuite, de même que celles des divers Hérétiques de ce tems.
Nous remarquerons feulement ici que la plupart ne reconnoif-
foient point d'Eglife hors de leur feâe; qu'ils rejettoient le baptê-
me des enfans,& le mariage, le culte des Saints^ les jeimes, ôc les
autres mortifications corporelles.
H comiirt XVIII. Gilbert de la Porrée, Evêque de Poitiers , étoit
^orrireil'^ '^ accufç d'erreurs toutes dilTércntes ; fçavoir d'enfeigner que
-1148. l'EfTence divine n'eft pas Dieu; que les propriétés des perfonnes
divines ne font pas les perfonnes mêmes ; que la Nature divine
■ne s'eft pas incarnée, mais feulement la perfonne du Fils. Toutes
,ces erreurs lui furent reprochées dans le Concile de Paris en
1 14.7 , en préfencc du Pape Eugène qui préfidoit à cette alTem-
•blée. On y dilputa beaucoup fur cette matière ; mais le Pape en
irenvoya la déciiion au Concile qu'il devoir tenir à Reims le 22
-de Mars de l'année fuivante 1 14.8. Bernard quiavoit été le prin-
cipal adyerfairç de Gilbert dans le Concile de Paris , l'attaqua
encore dans celui (a) de Reims , & le convainquit d'erreur. Le
Concile en condamna tous les articles , défendit la ledure du
Livre de Gilbert, &c ordonna que l'on y corrigeroit tout ce qui
avoit rapport aux erreurs condamnées.
Bernanl XIX. La Croifade n'ayant pas {b) eu le fliccès qu'on en
cent les Li- ^YQij. attendu , le Roi Louis revint en France en 114-9. La
Confiaération même année le Pape Eugène rentra dans Rome ; 6c ce fut poiu:
en 114? , [ç confoler au milieu de tant d'aifliclions dont fon Pontificat
inMfj'."^^" avoit été agité , que faint Bernard compofa l'ouvrage intitulé,
de la Confidération. Il reçut lui-môme une lettre de confolation
;de Jean , Abbé de Cafemarie, aufujet de la Croifade. Eugène
III. mourut le huitième de Juillet 1 1 n 5 ^J'rès huit ans &: près
de cinq mois de Pontificat.Bernard,dont les forces défailliffoient
de jour eii jour, lui furvecut de peu, étant mort le vingtième
d'Août de la même année , dans la foixante-troifiéme de fon
âge , trente-huit ans depuis qu'il avoit été élu Abbé de Clair-
vaux.
$ûE éloge, X X. Sa piété connue de toute l'Eglifc ; fon zclc pour la
pureté de la foi ; le grand nombre defes miracles l'ont tait mettre
( a ) Gaufridus , v'ui Birnaid. iib. 5 , 1 (b) MMllon. Chronel. Bern^ircl, ad aiin.
r^. 5.. j «I4J, iijo, I153.
au
PREMIER ABBÉ DE CLAlRVAUX,&c. U9
au (a) nombre des Saints, prefqu'auflTitôt après fa mort, c'eft-
à-dire, en ii74> par Alexandre III. Ce Pape, qui n'étoit pas
moins informé de ion fçavoirôc defadod:rine,que de fa faintcté,
lui donna le premier , le titre de Dodeur de l'Eglife , en lifant à
la Meffe qu'il célébra le jour de fa Canonifation, la Colleîte ôc
l'Evangile que l'on a coutume de lire le jour de la Fête des
Dotlcurs. Innocent HI. élu en i ip8 , fit lui-même en l'honneur
de faint Bernard une Collège particulière , où il lui donne la
qualité d'Abbé & de Dodeur excellent. Quelques-uns l'ont
qualifié depuis , Dodeur mielleux , à caufe de la douceur de fon
ftyle ôc de fcs expreflions. Nicolas leFevre , Précepteur de Louis
le Jufte, nommoit faint Bernard, le dernier des Pères, parce
qu'il eft le dernier qui ait fuivi la méthode des anciens Pères , de
traiter les mat'ieres théologiques en s'appuyant fur l'Ecriture ôc
fur la Tradition. On les traita depuis par des raifonnemens phi-
lofophiques ; ôc c'eft ce qu'on appelle Théologie fchoiafliquc,
par oppofition à la Théologie pofitive fuivie par les Pères. Saint
Bernard avoir lu leurs écrits , furtout ceux de faint Auguftin,
comme il cft aifé de le voir , par fon Traité de la grâce ôc du
libre arbitre. Lors donc qu'il difoit (è) à fes amis , qu'il n'avoit
eu d'autres Maîtres dans l'étude de l'Ecriture fainte que les
chênes ôc les hêtres , il ne vouloit dire autre chofe , finon , qu'il
avoir plus ( c ) de confiance en la prière, qu'en fa propre induflrie
■ôc en fon travail. D'où vient qu'après avoir (d) dit , qu'il avoit
reçu principalement dans les champs ôc dans les bois l'intelli-
gence des Ecritures , il ajoute, par la méditation ôc par la prière.
On ne peut mieux juger de l'autorité ôc du crédit qu'il s'étoic
acquis dans le monde ôc dans l'Eglife par fes vertus ôc par fa
fcience, que fur le rapport de Guillaume, Abbé de faint Thierri,
témoin oculaire. S'eft-il trouvé , dit-il, (e) un homme, en
parlant de faint Bernard, à la volonté duquel les plus grandes
Puiflances de la terre, foit du fiécle, foit de l'Eglife, ayent
déféré avec tant de foumilfion , ôc aux confeils duquel elles fe
foient rendues avec tant d'humilité ? Les Rois , les Princes , les
Tyrans les plus fuperbes , les Gens de guerre, les Ufurpateurs
les plus violens le craignent , ôc le révèrent de telle forte, que
(a) Tom. lo, Concil. pig. 1576 , &•
Mabillon, Pnrfat. in po. B.T/nrrfi , num. 1.
{b) GuiUdm. vir.: Bernard, lib. i , num,
»} , ca?. 4. 1
Tom XXI L T t
(c) Id. lib, 3 , cap. i , num. i.
(à) Id. lib, I , aip, 4 , num. 13.
(f ) llid cap, 14, num. 70.
'5t5« .•->^ "S' A, X N T B E R N A R T) ,
l'on voit en quelque façon en lui cette parole de Notre-Seigncut
Luc, i<j. ^ fçg Difç^ples ; Je vousiai donné le pouvoir de fouler aux pieds
les ferpens, les fcorpions , & toute la puiffance de l'ennemi , ôc
rjen ne vous pourra nuire. Trois Abbés contemporains de faint
Bernard, ont pris foin d'en écrire la vie; Guillaurne, dont nous
venons de parler; Arnaud^ Abbé de Bonneval dans le Diccèfe
de "Vienne ; ôc Geoflroi , Religieux de Clairvaux , Secrétaire du
3aint. Leurs ouvrages que l'on a imprimés à la fuite des' édrits
de faint Bernard , ont été traduits en François par M. le Maitre ,
fous le nom emprunté du/i^^i^ Lamy , ôc imprimés en cette
langue à Paris , chez Antoine Vitré, en 1 648 in 4°. ôc i ô^p in 8**;
*'' A R T I CL E''II.
Des Ecrits de faint Bernard.
§. I.
De Jes Lettres.
Lettres de J. T E premier tome des Ouvrages de faint Bernard , félon
. ernar . | j l'édition de Paris en 1719 , comprend fes Lettres
qui y font au «ombre de quatre cens quarante-fept , rangées pour
la plus grande partie fuivant l'ordre chronologique. Nous
fuivrons cette difpofition. Pendant que ce faint Abbé féparé de
"Epifl.ijeà'.t. fa Communauté pour caufe de maladie, vivoit feul dans une
'• """• cellule hors de Tenceintc du Alonaflere , le Grand Prieur de
Cluni,que l'on croit être Bernard furnommé le Gros, vint à
Clairvaux fous le prétexte de s'y édifier , mais en effet pour en
retirer Robert , coufin germain de faint Bernard \ qui après
avoir été d'abord offert à l'Abbaye de Cluni , avoir fait profellion
à Cîteaux , d'où il étoitforti pour paffer à Clairvaux. Il ne lui fut
pas difficile de tenter ce jeune homme, h qui la vie dure de
Citeaux ôc de Clairvaux étoit peut-être devenue à charge. Quoi-
qu'il en foit , le Grand Prieur l'emmena , le revêtit de 1 habit de
l'Ordre de Cluni, obtint de Rome un Refcrit qui ordonnoit à
Robert de fe flabilier à Cluni, ôc lui fit faire une nouvelle pro-
feffîon. Saint Bernard fut quelque tems à attendre fi Robert
reviendroit de lui-mâne; mais fruflré de fon efpcranctr, il lui
écrivit une Lettre que l'on peut rr^arder comme la plus élo-
PREMIER ABBÉ DE CL AIR VAUX, &c. jy^i
feUente de toutes , également remplie de force , de fentimeris de
tendrefie & de charité. Comme il ia didoic en pleine campagne ,
pour Ja tenir plus fecrette, à Guillaume Ion i>ecretaire , depuis
premier Abbé de Rieval en An^deterre, il farvint une pluie. Le
Secrétaire voulant ferrer le parchemin fur lequel il écrivoit,
faint Bernard lui dit: C'eft l'œuvre (tz) de Dieu , écrivez , ne
craignez rien. Le Secrétaire continua ; & encore qu il plût tout
autour , la lettre ne fut pas mouillée. Saint Bernard fait envi-
fager doucement à Robert qu'il n'a pu fortir de Clairvaux fans
violer fon vau d'obéilîance , ni en quitter l'habit fans apoflafie;
que perlonne ne s'étant trouvé à Rome pour réfuter les raifons
expufées dans la fupplique des Cluaides , il fe fiatoit en vain que
le Siège Apoftolique l'avoit délivré , . tandis que la Sentence du
fouverain Juge tenoit fa confcience enchaînée ; qu'au relie ,
l'Abbaye de Cluni n'avoit eu aucun droit de le revendiquer,puif-
qu'ii n'avoit été que promis, ôc non pas donnéà ce Monaftere ;
que fes parens n'avoicnt pas demandé qu'on le reçût ; qu'il
n'aA'oit pas été cflert en préfence de témoins, ni fa malncou-
verte delà palle de l'Autel ; qu'ainfi c'étoit du fiécle , ôc non de
Cluni , qu'il étoit venu à Cîteaux ; qu il avoit demandé d"y être
reçu , fait un an de Noviciat , après lequel il avoit fait prolbilion.
Saint Bernard ceufure en pafiant la vie molle , con-imoie &
délicate que l'on menoit à Cluni , & fait voir à Robert.qu'étant
très-dangereufe pour le falut, il lui eft expédient de revenir a
Clairvaux obferver l'abflinence , les veilles , le filence , le travail
des mains, 6c les autres auflerités. Cette Lettre écrite vers l'an
1 1 ip fut pour lors fans effet ; mais en 1122 Pierre devenu Abbé
de Cluni , renvoya RoL-ert à faint Bernard.
II. Son zèle ne fe bornoit pas aux Religieux de fon Ordre. Epif..z,pig.
Ayant fçu que Foulques , Chanoine régulier , gagné par les ^•
careffes & les promefTes de fon oncle, avoit quitté fon Moiallere
pour vivre dans le monde en Clerc féculier , lui écrivit qu'il
devoir plutôt obéir à Dieu avec qui il s'étoit engagé par vœu >
qu'à fon onc'e qui ne cherchoit qu'à le perdre en le tirant da
Cloître , pour le jetter dans les délices du fiécle. Vous qui
l'aviez méprifé , comment, lui dit-il, vous y attachez-vous de
nouveau ? Si vous prétendez jouir des avantages temporels , &
enfu'te des biens éternels, on vous dira : 6ouvc.'je^-i'cus , moiX Luc, 16, ij.
fils , que vous avei reçu vos biens da.ns votre vie. Mais quels font.
{i)B:rnard. litjpsrGu.Udia. Itb. i , cii^. 11.
Ttij
352 SAINTBERNARD,
donc ces biens que vous avez re(^us ? Des Be'néfices de l'Eglife?
Fort bien. Vous vous imaginez que vous n'en recevez pas gra-
tuitement les revenus , parce que vous afTiflez à Aiatines , à la
MeflCjaux Heures du jour ôc de la nuit. En eftet , il eft jufte
que celui qui fert à l'Autel , vive de l'Autel ; c'eft ce que l'on
vous accorde fans peine, fi vous fervez bien. Mais on ne vous
permet pas d'ufer des biens de l'Autel pour le luxe, pour con-
tenter votre vanité , pour acheter des brides dorées , des felles
brodées , des éperons argentés , des bracelets de pourpre au col
ôc aux mains. Non , tout ce que vous retenez des revenus ( a) de
l'Autel, après avoir fourni à votre nourriture 6c à votre habil-
lement , neft pas à vous : c'eft une rapine , cefi un facrilege.
Epijl.s. III. Les Chanoines d'Audicour dans le Diocèfe de Châlons,
paroifioient inquiets de quelques-uns de leurs Confrères qui
s'étoient retirés à Clairvaux. Saint Bernard les raflura en leur
écrivant , qu'il n'avoit reiçu ces Chanoines dans fon Monaftere,
qu'à la prière de plufieurs perfonnes de confideration , nommé-
ment de Guillaume de Champcaux , Evêque de Châlons, qui
leur avoir même confeillé cette retraite, dans la vùedepafTer
d'une vie plus douce , telle que prelcrit la Règle de S. Auguftin ,
à une plus auftere, comme eft celle qui eft prefcrite parla Règle
de faint Benoît. On met cette Lettre vers l'an 1120, de même
que la précédente,
^i"'^. 4. i> ^' IV. La fuivante fut écrite avant l'an 1126. Elle eft adreffée à
Arnold , premier Abbé de Morimont. Après avoir gouverné
cette Maifon depuis fa fondation , c"eft-à-dire, depuis Tan 1 1 1 J
jufqu'en i 12 j , dégoûté du gouvernement par les vexations des
Séculiers, voilins du Monaftere, ôc par la défobéiflance de
quelques-uns de fes Moines , il quitta Morimont avec quatre de
fa Communauté , fans l'agrément de l'Abbé de Citeaux. Saint
Bernard en étant informé écrivit à Arnold , pour l'engager à
revenir à Morimont, dans la crainte que fon exemple ne fut
nuifible à d'autres ; mais Arnold étoit pailé dans la Flandres , où
il mourut le troifiéme de Janvier 1 126. Ce que faint Bernard
ayant appris , il écrivit par ordre du Chapitre général aux quatre
Aloines qui avoient accompagné Arnold dans fa retraite, de
retourner en leur Monaftere fous peine d'excommunication.
Adam ôc Evrard , deux d'entreux , s étoient retirés dans le
( a ) Quidqiiitl pnrfpr neceflarium î rétines , nium non eft: rapina eftifacri-
Yit'tuin ac liin,)licfm vtkimui de Ak.iiio 1 k -^ium eil. Btrn.ini ,epij, z.
PREMIER ABBÉ DE CLAIRVAUX,&c. jn
Diocèfe de Cologne. Saint Bernard pria Brunon ^ qui en f'dt
fait Archevêque quelque tems après, de les prefler de rentrer
dans leur devoir. Ils s'cxcufoient , en difant : Notre Abbé nous a Epijl. 7.
commandé de le fuivre , devions-nous lui défobcir. Saint Ber-
nard répond : Qu'ils ne dévoient pas lui obéir dans une chofe
mauvaife; qu en tout cas, leur Abbé étant mort, ils dévoient
revenir à leur Monaftere. 11 regarde comme nulle, ou comme
fubrepticc, la permilhon qu'ils difoient avoir obtenue du Saint
Siège, de paflerà une autre Alailon ; & parce qu'ils pouvoient
lui objeder qu'il étoit pailé lu'i-mème de Citeaux à Clairvaux, il
dit , qu il y avoit été envoyé par fon Abbé. Il prévient une autre
objection qu'on auroit pu lui faire; fçavoir , qu'il recevoir à Clair-
vaux ceux qui fortoient des autres Monafteres , contre le gré de
leurs Supérieurs. Je les reçois , dit-il , pour les aider à accomplir
les vœux qu'ils ont faits en un lieu oli ils ne peuvent les obfe^ver.
Par robfervation des autres préceptes de la vie monaftique , ils
récompenfent l'infiaclion de la ftabilité. Adam retourna à Mori-
mont i ôc l'on croit que c'eft lui qui fut choifi pour Abbé
d Eberbach dans le Diocèfe de Virzbourg en Franconie, l'an
1 127.
"V. Brunon dont on vient de parler, fîlsd'Engclbert, Comte Ep'1.
d'Altcna, ayant été éiu Archevêque de Cologne, demanda à
faint Bernard , s'il devoir accepter l'Epifcopat. Quel efl l'homme
alTez hardi , lui répondit le faint Abbé , pour décider une queftion
aulîi délicate ? Peut-être que Dieu vous y appelle; oferoit-on
vous en détourner? Mais s'il ne vous y appelle pas, vous con-
feillera-t-on de vous y ingérer ? Laiflant donc fa réponfe indécife,
il fc contente de repréfcnter à Brunon la néceflité où l'on eft de
travailler à fon propre falut , avant de fe charger de celui des
autres ; de confulter Dieu fur fa vocation , les dangers infépa-
rables de la conduite des âmes, la fermeté que l'on doit avoir
dans la punition des crimes. Il le renvoie à faint Norbert , difant,
que plus ce faint perfonnage approchoit de Dieu par fa vertu ,
plus il avoit de lumières pour lui découvrir les deileins cachés
de la Providence. Brunon accepta l'Epifcopat , ôc fut facré en
11^2.
'VI. Saint Bernard brûlant du feu de ia charité queGuigues, £;•:/?. m»
cinquième Général des Chartreux . avoit allumé dans fon cœur
par fa Lettre , lui fit une réponfe dans laquelle j après s'être loué
de l'accueil qu on lui avoit fait à la Chartreufe , il traite de
la charité, de la nature, de fes effets, de ies differens dégrés.
T t iij
vers l'an
iiji.
$54 SAINT BERNARD,
îi tnOrit'e qu'élis conllfte dans un cœur pur, une confciencé
droite, ôc une foi fincere qui nous fait aimer le bien de notre
prochain , comme le nôtre ; qu'il n'y a que la charité , cet amour
pur , qui détache le cœur de lamour du monde & de foi-nièmc>
pour l'attacher à Dieu feul ', que l'on peut dire en un fens crès^
véritable que la charité eft Dieu même, & qu'elle eft un don de
Dieu, enCorce que la charité ei'Icntielle communique la charité
accidentelle ; que cette charité nous rend léger le joug de la
Loi , en nous la faifant aimer avec une pleine liberté ; qu'elle
purilie la crainte en fe mêlant avec elle, mais fans l'anéantir. Il
diftingue dans l'homme quatre dégrés d'amour. L'homme com-
mence à s'aimer pour lui-même , p:uce qu'il eft charnel ; mais
faifant réflexion qu'il tient de Dieu fon être, il fe fent obligé ds
recourir à lui par la foi , 6c de l'aimer. Mais il s'aime pour foi-
même, & non pour Dieu , jufqu'à ce que prefTé par fcs propres
befoins , il fe familiarife , pour ainfi dire , avec Dieu , en s'occu-
pant de lui dans la méditation , dans la le£l»re, dans la prière.
Alors il goûte combien le Seigneur eft doux, ôc l'aime non-
feulement par rapport à foi , mais aulîi pour Dieu même. C'eft-
là le plus haut degré d'amour où l'homme puiiTe monter en cette
vie. De s'aimer uniquement pour Dieu, cela paroît ref^-rvé aux
Bienheureux dans le Ciel. Par une autre Lettre au même Guignes
Epijl. II. g^ ,^ Cgg Religieux, il leur témoigne fa douleur d'avoir pailé
auprès de leur Monaftere fans avoir pu s'y arrêter , ôc fc recueillie
avec eux pendant quelques jours.
Epi/?. 13,14, VII. Le Clergé ôc le Peuple de Châlons avoient en 1126
»5>i . ï7. ^|j(^;,q pQj^jr ]ejf Evêque, Aiberic, Dodcur célèbre à Reims.
Saint Bernard qui en connoiifoit le mérite , pria le Pape Hono-
rius de confirmer l'cleclion. Elle n'eut pas lieu. Mais en 11 jp
Aiberic fut élu Archevêque de Bourges. Saint Bernard , dans
jinfcription de cette Lettre , ne fe défigne que fous le titre de
Moine ôc de pécheur , mais il fe nomme dans la fuivante au
même Pape , qu'il follicitc en faveur de l'Abbaye de faint Béni-
gne de Dijon. Il s'agiiToit de la maintenir en poiTclTion de deux
Celles ou Prieurés qu'on lui difputoit. L'affaire fut décidée en
1I2P par iiftienne , Archevêque de Vienne. L'Abl)é de Clair--
vaux écrivit fur le même fujet à Haimeric , Chancelier du Saint
Siège, ôc à Pierre, Cardinal-Prêtre. Celui-ci [c plaignit de ce
que faint Bernard n'étoit pas allé le voir, comme il le lui avoit
ordonné. Le faint Abbé s'excufa fur la réfolution qu'il avoit faite
de ne jamais fortir de fon Cloître , fans y être contraint par de
PREMIER' ABBÉ DE CLÂIRVAUX,2^c. 55^
certaines raifons. Il s'excufe aufTi de ne pas lui avoiï trxnbyé
d'ouvrages , ne fçachant de quelle nature il les fcuiiaitoit. Ld ^^'^* '*'
Cardinal Pierre s'expliqua là-defTus ; & faint Bernard promit de
le contenter. Il recommanda au même Cardinal , & au Chance-» Ef-Jl. 19 , tô-
lier Haimeric, les Députés de rEglifede Reims, qui alloiencà ■' ' ^
Rome demander , ce femble , le Pallium pour Renaud dé
Martigni, transféré à ce Siège en i 1 24. de celui d'Angers. Peut-
être avoient-ils encore d'aurresafTaires à ménager auprès du Saint
Siège. On voit par ces Lettres que Gebuin^ Chantre & Archi- ^>:'^- 17.
diacre de Troyes , avoit fait un recueil des Sermons de faint
Bernard, à mefure qu'il les prononçoit. Le Cardinal Pierre lui
témoignoit une grande conildcration. Cette faveur, lui répondit Epijl. rs.
le faint Abbé , me donne beaucoup de joie ; mais ce qui la tem-
père, c'eft la honte d'en être redevable, non à mon mérite , mais
a l'idée qu'on vous en a donnée. Je fuis confus d'être fufceptiblc
du vain plaifir de voir qu'on honore, ou qu'on aime dans ma
perfonne, non ce que je fuis , mais ce qu'on veut que je fois. Ce
n'eft point moi qu'on aime alors , mais je nefçai quoi qu'on met à
ma place, c'efl-à-dire, rien du tout. C'cd ainfi que faint Bernard
penibit de lui-même. Il difoit de tous ceux qui louent : les uns
parlent pour flater , ôc ce font des fourbes & des impofleurs : les
autres parlent félon leur opinion , & ce font des ignorans trop
crédules ; mais dans quelqu'efprit qu'on nous loue , nous fommcs
également vains de nous enfler de ces éloges. 11 n'y a de fage que
celui qui dit avec l'Apôtre : Je me retiens , de peur que quel-
qu'un ne m'eflirae au-defl'us de ce qu'il voit en moi , ou de ce
qu'il entend dire de moi. A la troific.ne Lettre au Cardinal
Pierre , faint Bernard joignit un mémoire de quelques-uns 7^ -'
de fes ouvrages , po-ur lui en laiffer le clioix ; fçavoir , un
de l'humilité ; quatre Homélies fur la fainte Vierge, ou fur
le Mifjus ejî Angdus Gabrld ; une Apologie touchant les
obfervances de Cluniôc de Citeaux ; quelques Lettres & quelques
Difcours recueillis par fes Religieux.
VIII. Il étoit malade lorfque Matthieu , premièrement
Chanoine de Reims, enfuite Moine de Ctuni à faint Martitïr • •
des-Champs , puis Evêque d'Albane , Cardinal & Légat du Saint
Siège , le manda pour quelques affaires de lEglife.. Sdn excuffc
étoit toute naturelle.il en donna toutefois encore une autre , fon
incapacité de manier des affaires dithciles. Il ne laiffa r:'ô de fe
foumeurc à fes ordres, quand fa fanté lui permetrr.it .de les
exécuter. Cette Letirc iut écrite un peu avant le Concik de
)5^ SAINT BERNARD;
Epifl. iî. Troyesen 1 128. Versiemême tems il en écrivit uneàHum-
bauld , Archevêque de Lyon , ôc Légat du Saint Siège , pour
lui recommander la caufe de l'Evêque de Meaux , qui écrivit
lui-même de Clairvaux à cet Archevêque. Dans celle qui eft à
Epijl. 13. Atton, Evêque de Troyes , faint Bernard le félicite fur le réta-
bliflement defafanté , ôc de ce que pendant fa maladie il avoit
diftribué fes biens aux pauvres, fans attendre que la mort lui
ôtât le pouvoir de les donner , ou de les retenir , comme font la
plupart. Remerciez Dieu , lui dit-il , de vous avoir infpiré le
mépris d'une fauffc gloire , ôc de vous avoir frappé d'une crainte
falutaire à la vue du danger où vous étiez de périr. La Lettre à
Eiiiji. 14. Gilbert , Evêque de Londres, eft fur un fujet à peu près fem-
blable. Saint Bernard ne trouvoit pas extraordinaire quêtant en
grande réputation de fçavoir , il eut été fait de Chanoine d'Au-
xerre , Evêque de Londres ; mais il ne trouvoit rien de plus
grand que de voir un Evêque d'une fi grande Ville , mener une
vie pauvre. La patience fait fupporter la pauvreté; lafageffcla
fait aimer. On admire celui qui n'a point couru après les richcf-
fes ; combien plus eft admirable celui qui s'en dépouille ?
Epijl. i^ IX. Hugues, Archevêque de Rouen, fe plaignoit à faint
Bernard que la malice de fes Diocèfains s'accroiiToit tous les
jours. Dans la crainte qu'elle ne le jcttât dans le découragement,
l'Abbé de Clairvaux lui rcprcfentoit , que Ci ce monde eft une
mer pleine d'orages, il y a dans le Ciel un Tout-puilTant pour
les calmer ; qu'être bon parmi les bons , c'eft l'effet d'une vertu
commune; mais qu'être bon au milieu des méchans, c'eft quel-
que chofe d'héroïque ; queceferoit pour lui une grande gloire
Pfalm.izf, de pouvoir dire: J'étois doux & paifible au milieu des ennemis
de la paix. Il lui confeille donc d'être patient, comme ayant à
vivre avec des méchans ; ôc d'être paifible,parce qu'il avoit à gou-
verner des méchans. Que votre charité , ajoute-t-il , foit zélée ,
mais que votre zèle foit moderé,ôc qu'il s'accommode au tems. Le
relâchement n'eft jamais bon ; mais fouvent une fage condefcen-
dance eft plus propre à gagner les cœurs. Saint Bernard marque
Epijl. »(=. en quatre lignes à Guf, Evêque de Laufanne, les devoirs d'un
Evêque. Vous êtes chargé d'un emploi très-pénible, vous avez
befoin de courage ; vous êtes établi furveiilant de la Maifon
d'Ifraël , vous avez befoin de prudence ; vous êtes redevable aux
fous ôc aux fages , vous avez befoin d'équité. Enfin , pour ne pas
vous perdre en fauvant les autres, vous avez furrout befoin de
Efifi.iitf\t. tempérance ôc de fobrieté. Les deux Lettres à Ardution élu
Evêque
PREMIER ABBlê DE CLAIRVAUX,&c. î57
Evoque de Genève , ont pour but de l'engager à rapporter à
Dieu fon élection , à y coopérer avec fidélité, ôc à fe rendre
digne de l'Epifcopat. Il l'exhorte à prendre pour modèle faint
Puul ; à rendre, comme lui ,.le facre' Miniftere honorable par fa
gravité , fa fagefle , fa pieté ; 6c à ne rien faire que par le confeil
des gens de bien.
X. Nous apprenons par la Lettre à Eflienne , Evêque de fîp''/î. i?. p
Metz, qu'il s'étoit fait aflbcier à la Communauté de CJairvaux,
afin de lui être uni par la communion des prières & autres
bonnes œuvres. Ce fut une occafion à faint Bernard 6c à fes
Religieux, de congratuler .cet Evêque fur la paix qu'il avoit
procurée à fon Eglilê. Il en écrivit une à Alberon , Primicier de
la même Eglife , pour lui repréfenter qu'il falloir attendre quel-
que tems pour la fondation du Monaftere dont il avoit formé le
projet avec l'Evêque Eflienne. Celle à Hugues , troifiémefilsde ^P'J^- î'«
Thibaud, Comte de Champagne, eft pour le féliciter de s'être
lait Religieux parmi les Templiers. Il écrivit à Jorann , Abbé de ^Pb'^- ;*•
iaint Nicaife de Reims , qu'il defapprouvoit que Drogon eût
quitté ce Monaltere pour palier à une autre Maifon ; que s'il fc
fût préfenté à Clairvaux, il ne l'auroit pas re.tjU; qu'il avoit même
ccrit à l'Abbé de Pontigny chez quijce Religieux s'écoit retiré.
Ayant donc fait tout ce qui dépendoit delui, il tâche de con-
>foler Jorann de la perte qu'il avoit faite, comme il fe confoloit
lui-même de n'avoir plus avec lui Robert fon neveu , enlevé par
les Cluniftes. Il rapporte ce que dit un homme de pieté dans
•une conjonîlurc femblable. Animé .par fes Religieux à rede-
mander un de leurs Confrères qui étoit allé demeurer dans un
-autre Monaftere : Non, leur dit-il , quelque part qu'il foit , s'il
cfl: homme de bien , je le regarde comme à moi. L'Abbé à qui ^F'f- 5î«
faint Bernard avoit écrit étoit Hugues , Abbé de Pontigny.
•Cette Lettre cft perdue. Hugues lui écrivit les raifons qu'il avoit
eues de recevoir Drogon. Sur cela faint Bernard lui adrefia une
féconde Lettre dans laquelle il lui dit, que fon intention dans la
première n'avoir pas été de le portera renvoyer Drogon , dont il
connoiffbit depuis longtemsle zèle ôcla ferveur ; mais uniqu/î-
4iient de détromper l'Abbé de faint Nicaife & l'Archevêque de
Reims , qui le foupçonnoient d'avoir eu part au changcmer.c de
■ce Religieux , & de lui expofer les fuites que pouvoir avoir
cette affaire ; qu'au rcfte, il lui avoit aflez marqué fa penfée , en
difant fur la fin de fa Lettre : Si vous jugez qu'il vaut mieux
■endurer tout ce que je vous repréfente , que de renvoyer ce ^Pl^- 3+'
Terne XX IL Vu
538 SAINT BERNARD,
Religieux , c'eft votre affaire, je ne m'en mêle plus. Saint Ber-
nard félicita même Drogon d'avoir paffé à un Monaflere dont
l'oLfervance étoit plus étroite , & l'exhorta à y perféverer , fans
s'inquiéter des traits envenimés , ni des menaces de fes en-
nemis.
^p'i^- 35. XI. En répondant au Dofteur Hugues de FatrutjAbbé de faint
■''•' Jean aupiès de Chartres , qui fe plaignuit qu'il eut brûlé fa
Lettre j làint Bernard faifure qu'il la coiifcrve chèrement , mais
qu'il y a un endroit qui ne paroît pas conforme à la créance de
l'Êglife fur les Sacremens. L'Abbé Hugues s'expliqua ; & faint
Epijt, 16, Bernard ne douta plus de la pureté de fa foi. Mais il le pria de ne
pas inquiéter les cendres d'un faint & fçavant Evêque , qu'il
avoit laifTé en repos pendant fa vie ; de peur qu'en devenant fon
accufateurdans un temsoij il n'éroit plus en état de fe défendre,
toute l'Eglife ne répondît pour lui. On croit que c'étoit Guil-
laume de Champcaux , Evêque de Cliâlons , dont Hugues de
Farfit cenfuroit apparemment les écrits, qui font , pour la plus
grande partie dans l'Abbaye de Cheminon en ce Diocèfe. Dans
les deux Lettres dont on vient de parler , faint Bernard recom-
5 'j^' .0^41' i"3nde à Hugues l'affaire d'un certai'.i Humbert que l'on avoit
exilé, ôc qui avoit été deshérité in jugement. Il recommanda la
même affaire , & quelques autres , à Tiiibaud , Comte de Cham-
pagne, On a renvoyé parmi les opufcules de faint Bernard fa
Ept". <)ï , ^ei;tre à Henri, Archevêque de Sens, à caufe de fa longueur.
' C'eft en effet un i'raité fur les mtcursôc les devoirs des Evè-
ques. Saint Bernard lui en écrivit deux autres pour le prier de ■
iaifler les Religieux de Molefme en pcifefilon de TEglife de
Senan , Prieuré du Diocèfe de Sens , dont ils avoient joui paifi-
blement fous fes prédéceffeurs.
Epijl. 4j- XII. Quelque tems après qu'Eftienne de Senlis, Chancelier
de France , eut été mis fur le Siège Epifcopal de Paris , il fongea
férieufement à mener une vie digne de l'on caractère ôc de fa
MaUUon. dignité , par les confeils des Evêques fes Confrères, 6c de faint
«or. ai epiji. ]3efnjjrd. ]l commença par n'être plus courtifan , ni complaifaur
pour le Doyen ôc les Archidiacres de fon Egllfe, qui, fuivant
les ordres du Pvoi Louis le Gros, faifoient des cxadions furie '
Clergé, au préjudice de la liberté Ecclcfiafiique. Ils s'en plai-
gnirent à cePiince dont ils aigrirent tellement l'efprit contre
l'Evéque, qu'une partie de fon bien lui fut enlevée, ôc qu'on
penfa à attenter à fa vie. Sa reffource fut de mettre les terres du
iloj Cil interdit ; puis pour fe mettre à couvert de l'indignation.
PREMIER ABBÉ DE C LÀ IR V AUX, ôcc. ^^^
de ce Prince , il fe retira vers l'Archevêque de Sens. Ils allèrent
enfemble au Chapitre qui fetenoit à Cîceauxen 1 127, demander
lefecours de cesiaints Moines, dont ilsavoient,de même que le
Roi, des Lettres de confraternité. Saint Bernard lui écrivit au
nom de toute la Congrégation deCiteaux, pour l'engager par
les motifs les plus preflans , à ne plus inquiéter l'Evéque de
Paris , déclarant au Roi que s'il méprifoit leurs prières, iîs en
écriroient au Pape. Ils ajoutent, qu'Eftienne offroit de s'accom-
moder avec le Roi , par l'entremife des Religieux de cette
Congrégation , pourvu que préalablement on lui reflituât ce
qu'on lui avoir enlevé injuflement. Le Roi n'eut point d'égard à
cette lettre, ni aux remontrances que l'Archevêque de Sens,
tous Tes Suffragans ôc faint Bernard , lui llrent de vive voix ; mais
il écrivit au Pape Honorius pour le prier de lever l'interdit que
l'Evêque de Paris avoir jette fur les terres de fon Domaine. Le
Pape leva lintcrdit. Saint Bernard lui écrivit qu'on avoit furpris ^'À^- ^^
fa religion ; & lui fit écrire par Geoffroi , Evêque de Chartres,
comment s'ctoit palTée l'affaire de l'Evêque de Paris; le rcfjs
que le Roi failoit de lui reftituer fon bien ; les nouvelles vexa-
tions qu il e.\erçoit contre ce Prélat. Ainfi, concluoit Geoffroi
en parlant au Pape , votre Bref qui révoque l'interdit de l'Evê-
que , efl caufe non-feulement qu'on retient ce qu'on a pris , mais ^^L- 47.
-encore qu'on eft plus hardi à piller ce qui refte^ parce qu'on efl:
affuré de pouvoir le garder impunément.
XIII. Dans une Lettre au Chancelier Haimeric , faint Epjî. ^a^
Bernard fe plaint encore que le Saint Siège donnoit par fon
autorité de nouvelles armes à la tyrannie ; que la Lettre du Pape
couvroit les innocens de confullon , enfloit le coeur des impies ,
& les faifoit triompher dans leur crime. Il fe juftirte fur les repro-
ches qu'on lui faifoit à l'occaiion de quelques affaires particu-
lières jugées dans des Conciles aufquels il avoit afliflé , & pro-
téfte qu'il ne s'y eO: trouvé qu'après y avoir été appelle , & m jme
entraîné ; qu'il eft depuis longtems dans la réfolution de ne fortir
de fon Cloître, que pour les affaires de fon Ordre, ou par le
commandement d'un Légat du Saint Siège , ou de fon Evêque ,
parce qu'en ces cas ceferoitun crime à un fimple Religieux rie
ctéfifter. Cependant le Pape Honorius prit le parti de l'Evcque d^ E^ià. 4/.
Paris , dont on avoit tâclié de fiétrir l innocence par des calom-
nies atroces ; mais le Roi demeurant irrité contre l'Arciievcque
. de Sens , s'efforiça d'abbattre fa fermeté , dans l'efperance qu'après
^'tre venu à bout du Métropolitain , il gagneroit aifément tous fcS
y u ij
540 S A I N T B E R N A R D ;
SufFragans. Saint Bernard écrivit là-defTus deux Lettres air-
Pape ; l'une pour le prier de p.rendre connoiflance de cette-
affaire, parce qu'en la laiffant juger devant le Roi , cétoit livrée
Epijl. jo. l'x^rchevéque à fes ennemis; l'autre j>our le pri©r de permettre
au- moins à cet Archevêque d'en appeller au Saint Siège. IL
écrivit aufli au Chancelier Haimeric pour lui recommander cette-
^F'^' ?!• aiîiiire, qu'il nous fait connoître en ces termes: Autrefois , l'Ac--
chevcque de Sens étant féculier ôc plein de l'efprit du fiéclejr
étoit approuvé & applaudi dans fa vie mondaine ; maintenant-
qu'il eft couvert des langes de Jelus en-fant , on cherche à le taire''
pafler pourfimoniaque , ôc parmi fes vertus naiffantes , on a la-
malignité de fouiller & de déterrer des vices déjà morts , ôc dont-
il ne refle, pour ainfi dire, que les odemens. Dans une autre-
Lettre à Haimgric , il l'affure au nom de l'Evêque de Chartres ,
Epilî. f i , qu'il n'a eu aucun deffein de faire le voyage de la Terre fainte ,
y3*î4' ni d'en demander la permilTion au Pape. Il promet au Chance-
lier de lui envoyer un Traite fur la grâce ôc le libre arbitre , qu'il
avoit compofé depuis peu. Cette Lettre fut écrite vers l'an 1 1 28.-
Les deux Suivantes font des lettres de recommandation.
EpiJl. îî. XIV. Il y en a troii à Geoffroi , Evêque de Chartres. Pur la-
première , il le prie de -ccevoir avec bonté un Religieux reclus ,.
qui après s être renftrmé dans une cellule écartée pour yfervir
Dieu, avoittranfgrefléfon vœu, ôc quitté fon hermitage. Il lui
Epijl. <i6. ,-nande par la féconde qu'il ne fçait fi le vénérable Norbert fera le-
voyage de la Terre fainte ; qu'ayant été,- il y avoit quelques
jours , en conférence avec lui , il avoit foutenu quel' Antechri(fe^
paroîtroit-bientôt, ôc du vivant- des hommes de fon tems. Mais
m'étant informé, ajoute faint Bernard, des raifons fur lefquelles
il fe fondoit, elles ne me déterminèrent pas à^ntrer dans foa
fentiment. Il dit encore que faint Norbert l'affura qu'il y auroit
du moins avant fa mort une perfécution générale dans l'Eglile.
tyij'i. jr* Dans la troifiéme , il décide qu'un moindre vœu ne peut fervir-
d'obflacle à un plus graixl, ôc que Dieu n'exige pas une petite
dette , quand on lui paye d'ailleurs plus qu'on a promis.
E;)i/7. 58. XV. L'Abbaye de tous les Saints, dans le Diocèfe de Châ-
lons, étant vacante , il pria Eubale, Evêque de cette Ville,
d'établir pour Abbé le faint Religieux <]uela plus faine paeiie de
la Communauté avoit élu , pourvu qu'il fiit tel en elTet qu'on le
publioit ; que ii cela ne fe pouvoit , d'en c!ioi(ir un autre qui
aimât le bon ordre, plus entendu ôc plus vigilant pour le fpirituel
t.p^- 59- quc-pour le temporel, 11 coufeilla à Guilcne^Evêque de Lungrey,
PREMIER ABBÉ DE CLAIRVAUX,&c. 541
'de céder à l'Abbaye de faintEftienne de Dijon , les biens qui
<3épendoient d'elle , 6c dont l'Archidiacre Garnier avoir joui
pendant fa vie. Saint Bernard convient toutefois que cet Evéquc
pouvait retenir ces biens , en vertu d'un truite fait précédemment
entre le Chapitre de Langres ôc Herbert premier Abbé régulier
de faint Ellienne. Il pria le même Eveque d'être favorable à la E-iJf. éo.
caufe de l'Abbaye de Molefmc, qui nedeniandoitque cequilui
appartenoit de droit.
XVI. On ne peut mettre la Lettre à Ricùin , Evêque d^-EpiJl. et.
Toul , plus tard qu'en 1126 , puifque ce fut l'année de là mort.
Gct Eveque avoit envoyé un Pénitent à faint Bernard, pour le
confulter fur fa confcience. Il lui eonfeilia d'aller fe jetter aux
pieds de fon Eveque, ôc ne voulut point lui impofer de péni-
tence pour fes crimes , difant , qu'il ne lui appartenoit d'en
impofer qu'à fes propres Religieux. Quelle témérité à un
pécheur & à un ignorant comme moi, de s'ingérer dans les
fondions Epifcopales , ôc dans des fondions de cette confé-
quence ! Je fuis dépendant de mon Evêque , comme le relie'
des Fidèles. Toutes les fois qu'il n-iefurvient une affiiiredilliclle
que je ne puis, ou que je n'ofc terminer , je recours à fon juge-'
ment; ôc je ne fuis en affurance qu'après m'être fortifié de fes-
décilions ôc de fes conleils. iiaint Bernard re^^ut charitablement E.'i'?. f^i'
une pécherelle pénitente , ôc l'aida à rentrer dans le chemin du
(alut, au lieu delà rebuter ; mais il la renvoya à Henri, Evéque-
de Verdun, fon Palleur, pour lui impofer une pénitence propor-
tionnée à fa fiute,ôc la reconcilier à fon premier mari; ou s'il
rcfufoit de la reprendre , les obliger tous les deu-x à vivre fans fe
remarier. Dans une autre Lettre au même Evêque , il lui protefte '£;:';"<. 63.
qu'il ne s'eft jamais avifé de critiquer fa conduite , ôc lui recom-
mande i'étabiiffement de la Chalade , Abbaye du Diocèfc de
yerdun.
XV I L Un Chanoine deLincoIne penfoit à faire le voyage^;]/?. ^^;.
de Jerufalem. Changeant de delfein , il fe retira à Clairvaux.
Saint Bernard en écrivit à Alexandre, Evêque de Lincol-ne, le-
priant de trôuverbon qucPhilippe,c'étoit Icilom deceClianoine,^
fit profcfliondela vie monaftique j ôc de payer fur le revenu de
fa Prébende, des dettes qu'il avoit contradces en Angieterre;'
Il avoit re<^u à Clairvaux un R-eligieux de l'Abbaye d'Anchin.Âl- c, ,-7^ ^, -
vife qui en étoit Abbéle trouva mauvais. S. Bernard lut en fit des*
excufes, difant , qu'il n'avoit pu ne pas ouvrir la porteà un Saint»
qui frappoit avec infiance, ni le mettre dehors après la lui avoir.
Vu lij
'^ *,
•i s A T N T B Ë R N A R D,
Epi/î. 66. ouverte. Il envoya fa Lettre àGeoffroi , Abbi d-^ faint ^-îeiard ,
en le priant de la faire palTer à Alviie, 6c de lui écrire lui- m .^me ,
pour donner du fuccès à fa Lettre. Il en écrivit une fur un fujet
Epjl. 67. pareil à Hildegaire, Abbé de faint Germer de ¥\zy. Ceidi-ci
avoit écrit à fainr Bernard avec beaucoup d aigreur, le reprenant
furtout d'avoir reçu chez lui un Religieux d'un iMonaftere
connu , ce qui eft défendu par la Règle de (aint Benoît. L'A.bbé
de Clairvaux fe juflifia , en difant , que cette Règle permet
d'exercer Ihofpitalité envers un Religieux étranger ; dele garder
autant de tems qu'il voudra ;& même de l'inviter à demeurer
;tou jours. Il ajoute, qu'il avoit preffép'ulieurs fois ce Religieux
.de retourner à fon Monaflere ; que fe voyant obligé de fortir , il fe
retira dans un hermitage voifin où il vécut fept mois d'une ma-
nière irréprochable ; que ne fe croyant pas en fureté dans cette
folitude, il revint à Clairvaux , & donna de il bonne.^ r^ifons de
fa fortie de faint Germer , qu'on ne put fe difpenfer de ie recevoir
à- Clairvaux. On voit par cette Lettre «qu'il y avoit alors divers
idiomes en France ,par rapport à la diverfité ôc à l'éloignement
des Provinces. Les Moines de faint Germer mécontens des rai-
fons de (aint Bernard , formèrent contre lui de^îouve!]es plain-
tes, entr'autres , qu'il avoit reçu ce Religieux quoiqu'excom-
munié de leur part. Il leur répondit par une féconde Lettre , que
Sfiji. 6?. de leur aveu , ils n'avoient excommunié ce Religieux que depuis
fa réception à Clairvaux ; qu'au relie, le faiHînt paffer pour un
-vagabond & un libertin, courant de tous côtés pour exercer,
fans permiliion de fes Supérieurs, la profeifion de Aledecin , ils
devroient être dans la joie d'apprendre qu"il vit actuellement dans
Je Cloître , rempliffant parfliitement fes premiers vœux , par la
pureté de fcs inccurs & par une exacte obéifiance , fans laquelle la
fiabilité dans le Monaflere n'efl qu'illufion.
;Epi/?. t-f. X V 1 1 f. Gui , Abbé de Trois-Fontaines dans le Diocèfede
Châlons , célébrant un jour la MefTe , le Miniflre ne mit que de
l'eau dans le calice. L'Abbé ne s'en apperçut qu'après avoir mis
dans le calice une parcelle del'Hofiie. Alors, pour réparer ea
quelque forte le défaut du facritice^ il verfa du vin fur la parti-
cule de l'Hoflieconfacrée , 6c acheva la Mede. Cet accident le
remplit detrilleHe. Saint Bernard à qui il avoua cette faute , liai
écrivit pour le confoler , fçachant qu'il y avoit de l'ignorance de
fa part, ôc delà négligence de la part des Minillres > mais qu'il
n'y avoit aucune malice dans les uns ni dans les autres. Néan--
«îoins , afin de calmer les troubles 6c les fcrupules de l' Abbc Gui ,
PREMIER ABBÉ DE CL AIRVAUX,&c. 345
ôc pour ne pas donner occafion par Timpunité de cette faute , à
quelque plus grand mal, il lui inipofa pour pénitence de réciter
tous les jours juiqu'à Pâques , les lept Pieaumes pénitentiaux ,
de fe prollerner fept fois en les récitant , & de prendre fept fois
la difcipline. Il ordonna la même pénitence à ceux qui avoient eu
part à la faute , & décide qu'au cas que cet accident fût répandu
dans la Communauté , chaque Religieux fe donneroit un^ fois
la difcipline. Venant au fait, faint Bernard approuve que Gui ait
verfé du vin fur THoûie confacrée ; car , ajoute-t-il , quoique le
vin n'ait pas été changé au Sang de Jefus-Chiili par la vertu des
paroles facramentelles , je penfe qu'il eii devenu comme facré
par raitouchement du Corps du Seigneur. Il rapporte le fenti-
ment d'un Théologien qui (butenoit que le pain , le vin ôc l'eau '
font trois chofes li eîTentielles à l'intégrité du facriiice , qu'au
défaut de l'une des trois , les autres ne font peint confacrées ;
mais il ne croit pas que l'autorité 'de ce Théologien fafle loi.
Pour lui , il dit , que s il (e fut trouvé dans un cas pareil , il eût
remédié à en inconvénient en deux manières, ou en faifant ce
qu'avoit fait l'Abbé Gui, ou en répétant les paroles de la confé-
cration depuis ces mots : Simili modo pojîquam cœnaium ejî ;
qu'enfuite il auroit achevé la Méfie , dans la perfuadon que le
Corps demeure con'acré féparcment. En effet , Jefus-Chrift
conliicra les deux efpeces l'une après l'autre; ôc ccft l'ufage
général de l'Egiife. Dans une autre Lettre faint Bernard ptie E:l''.. 7a.
l'Abbé Gui d'ufcr de mifericorde envers un Religieux excom-
munié pour fes fautes. Le même Saint écrivit une Lettre de Kii? 71V
confolation à la Communauté deTrois-Fontaines^ fur la mort
de Roger leur premier Abbé, arrivée en 1 128 ,oai 12p. Il eut
pour fucceffeur Gui dont on vient de parler. Ainfi les deux
Lettres que lui écrivit faint Bernard font pofterieures à ce tems-
là.
X IX. Il y en a trois à l'Abbé de Foigny. Dans la l'Mlleprie F:pljî. 72.
de ne plus lui donner dans fes lettres le titre de Père ôc deAîaitre,
mais de fe contenter de celui de Confrère. Il lui remontre dans la
féconde, que n'étant Supérieur que pour fupporter les foiLles F/i*?. 73.
afin de les guérir , il doit fe confoler des inquiétudes que donne
la fuperiorité. La trciliéme eft fur le même fujet. Il y cite à cet Iplfl. 741
Albé nommé Kayaaud , un vers d'Ovide, fon Poëte favori ,
dont le fens ell : Je me grolfis les dangers au-delà de la vérité : Je
fovpçonne tout, parce que je ne fçai rien , 6c je m'attrifled'un
nul qui n'eft qu'imaoinaire. Ayant appris qu'Artaud, Abbé de
Î44 SAINT BERNARD,
Epijf. -<). PruUy , étoit dans le dcfTein d'emmener en Efpagne quelques-uns
de fes Religieux pour y faire un établilTemcnt, il l'en détourna ,&
lui confeilla de le faire à Vauluifant, Maifon appartenante à
l'Abbé de Pontigny. Cet établiflement fe iît en 1 127 ^ l'année
:^êi"ne de la date de cette Lettre.
E/ijl. 76. XX. Saint Bernard confulté fur un homme qui s'étoit rema-
-rié après avoir porté longtems l'habit religieux à faint Pierre-
Mont, répondit , que ce fécond mariage s'étant fait avec toutes
•les formalités accoutumées , on ne pouvoit fans danger le dif-
fbuJre ; que le mieux ^toit de parier à la femme, de la faire
cop.fentir à -quittei: cet homme , -& à vivre dans la continence-;
fmon de prier l'Evêquc de les faire venir devant lui, & de les
Ei/i]l. 77. féparer. La Lettre à Hugues de faint Vitlor, fur le Baptême,
,& quelques autres queftions , eft la dixième des opufcules.
'Epfl. 78. XXL Celle qu'il écrivit vers l'an ,1127 a l'Abbé Suger , fut
.pour lui témoigner combien tout le monde prenoit part à la
réforme qu'il avoit faite dans fes mœurs & dans fon Monaftere
de faint Dcnyiî. N'en étant encore que Moine en 1 1 18 , le Roi
-Louis l'envoya au Pape Gelafe , aurtitot après fon arrivée en
Provence , pour convenir du jour auquel ce Prince l'iroit voit
lui-même à Vezelai. Sous le Pontiticac de Calixte IL Sug■e^r fuc
.envoyé en Italie par le mcmc Roi pour les affaires de fon lloyau-
aiie. Il étolt en chemin pour retourner en France , lorfqu'à la
,, anort d'Adam fon Abbé, on le choifit pour hji fucceder. Sugef
• n'étoit que Diacre. Il fut ordonné Prêtre le Samedi de la qua-
.triémc feniaine de Carême l'an 1122, 6c le lendemain il rc<;ut la
bénédidion Abbatiale. Les premières années de fon gouver-
.nement il donnadans le fille, menaiu une vie toute féculiere. Les
.gens de bien cenfuroicnt fesdélbrdrcs. Ce qui révoltoit le pl-us,
•étoit de le voir marcher en public dans un habit & un équipage
trop fuperbe. Ses Moines n'édificient pas par leur conduite ; mais
je Public ctolt moins indigné de leurs excès, que de ceux de
J'Abbé. il fc fit en lui un changement miraculeux & fubit. Pour
illire cclTer les juftes murmures, il renonça au fade , reprit les
iiabits conformes à fon état , rétablit la difciplinc dans fon Mo-
.nadere, 6c la maintint par fo4i exemple. Auparavant l'Abbaye de
.faint Dcnys étoit le théâtre de la chicane 6c de la guerre; on y
^endoit àCefurce qui lui étoit dû , mais Dieu n'y étoit pas ferv-i
jde même. Aujourd'hui , dit faint Bernard , l'on y eft abforbé en
lui ; on s'y applique à confervcr la tluiflcté , à fiire Heurir 4a
Jifcipline régulière , à fç nourrir de iedurcs i^-)irituellcs ; un
iilençe
PREMIER ABBÉ DE CL AIR VAUX, &c. 54?
filence continuel , un recueillement profond, élevé refprit au
Ciel. Le doux chant des Pfeaumes déiafle des rigueurs de l'abfti-
nence , 6c des exercices laborieux de la vie religieufe. Ce Saint
ne rappelle dans cette Lettre les dérangemens paffés , que pour
rehaufler l'éclat de la réforme établie par l'Abbé Suger ; mais il
inve£live vivement contre Eflienne de Garlande , qui tout à la
fois Archidiacre , Doyen ôc Prévôt en diverfes Eglifes , &
Grand-Maître de la Maifon du Roi Louis VI. faifoit un alTem-
blage monftrueux de Prélat ôc de Guerrier, allant de pair avec
les Evêqucs par le rang qu'il tenoit dans le Clergé , & s'éle-
vant parmi les Officiers de Guerre au-de(Tus des Généraux
d'Armées.
X X IL Dans fa Lettre à Luc , Abbé de CuilTi , il lui %)?• ^?-
confeillc d'envoyer en une Maifon éloignée un de fes Religieux
coupable d'une faute confiderable , de peur que par fapréfence
il ninfedât la Communauté qui n "étoit compolée que de jeunes
gens. Il lui confeille encore de ne pas confier l'adminiflration des
affaires publiques , même à des Frères convers. Celle à l'Abbé £pin_ g,,
de Molefme eft pour l'exhorter à fupporter & à pardonner une
injure qu'il avoit reçue. Informé que Gérard, Abbé de Pottieres, £piji_ g,,
l'accufoit d'avoir écrit contre lui au Comte de Nevers , il le
défabufa en proteftant que fa Lettre à ce Comte n'avoit pour but
que la paix de cette Abbaye, pour laquelle il avoit appris qu'il
s'étoit lui-même concerté avec ce Seigneur.Il détourna Eflienne, ^-p'f^- 8t.
Abbé de faint Jean de Chartres , de quitter le Monaftere dont il
avoit pris la conduite , ôc de faire le voyage de la Terre fainte ;
l'un , parce qu'il ne pouvoit en confcience abandonner âcs âmes
dont il s'étoit chargé; l'autre^ p?.rce que le bien qu'il fe propo-
foit dans fon voyage étoit très-douteux. Saint Bernard difoit à un
Abbé dont le zèle avoit trop d'ardeur : Ce n'eft pas toujours un Epijl. 8j.
défaut de pieté dans un Particulier , de faire céder fes funts dédrs
au grand nombre de ceux qui s'y oppofent ; Aaron céda maigre
lui aux clameurs d'un peuple féditieux. Je vous confeille d'ufer
de ménagement envers les foiblcs , ôc de tempérer pour un tems
la vie auftere que vous vous étiez propofé d'embraffer avec
quelques Religieux de votre Maifon. Il y faut inviter, mais non
pas forcer des Religieux qui ne fe font engagés de vivre fous
votre direîlion , que félon les obfervances de Cluni. Pour ceux
qui veulent pratiquer une Règle plus rigide , vous devez les
porter à ufer envers les foibles d'une charitable condefccndancc,
ou leur permettre de s'affocier à quelqu'autre Maifon où i'oa
Tome XXII. Xx
54<^ SAINT BERNARD,
EpiJ}. 84. pratique les mêmes obfervances. Il renvoya au même Abb(^ un
de fes Religieux qui s'cfoit retiré à Clairvaux dans le cléllr d une
vie plus auliere , 6c le prie de le recevoir avec bonté.
E/ijî.Ss. XXIII. Des deux Lettres à Guillaume, Abbé de faint
Thierri , la première eft une réponfe à la plainte obligeante de cet
Abbé , conçue en ces termes : Je fuis moins aimé que je n'aime.
Epijl. i6. Dans la féconde, faint Bernard lui confeille de continuer à tra-
vailler au bien de ceux dont il avoit la conduite : C'eft, dit-il ,
un malheur d'être un Supérieur inutile ; mais c'en eil un plus
grand de refufer d'être utile, en refufant d'être Supérieur. Ce fut
fur ce principe qu'il blâma Oger, Chanoine régulier, d'avoir
Epil. S7 , quitté le foin de l'Abbaye du Mon:-faint-Eloy près d'Arras. Il
88, Sj, 90. lui écrivit plufieurs Lettres remplies d'inflrudions falutaires, &
lui fit part de quelques-uns de fes écrits , entr'autres, de fou
Apologie à Guillaume de faint Thierri , avec défenfe de les
tranfcrire.
Fptjl. 9^. XXI 'V. Il faifoit voir dans cette Apologie que lui & les
fiens étoient très-éloignés de blâmer aucun Ordre Religieux , ÔC
qu'on l'accufoit à tort d'être l'auteur des différends entre ceux de
Cluni ÔC de Cîteaux. Guillaume de faint Thierri qui avoit engagé
faint Bernard à faire cette Apologie , en pritoccaiion de s'aflem-
bler avec tous les Abbés de la Province de Reims , en l'Abbaye
de faint Medard de SoilTons , fous l'Abbé GeofTroi , vers l'an
I 130 , pour rétablir la difcipline Monaftique qui tendoit à fa
ruine. Saint Bernard auroit fort fouhaité pouvoir être de cette
affemblée, que l'on regarde comme le premier Chapitre général
des Moines noirs en cette Province , c'efl-à-dire , des Béné-
dictins. Ses occupations ne lui ayant pas permis , il écrivit à ces
Abbés d'établir les reglemens qui leur paroîtront les meilleurs;
de ne pas écouter ceux qui , pour s'oppofer à la réforme , diront :
Nous ne voulons pas être meilleurs que nos Pères. Ils déclarent ,
dit-il , par-là, qu'ils font enfans de Pères tiedes ôc relâchés ; mais
s'ils fe font gloire d'être fortis de Pères faints , qu'ils les imitent
dans leur fainteté, au lieu de fe faire une loi de ce qu'ils ont fim-
plement toléré en difpenfant de la Loi.
Ep'r''. 91 , XXV. En faifant paffer en Angleterre quelques Religieux
de fon Ordre pour y fonder l'Abbaye de Rieva'le, faint Bernard
les recommanda au Roi Henri. Sa Lettre à lEvêque de Vin-
chcfler efl de pure polireffe. Il en écrivit une à Geoffroi , Abbé de
fainte Marie dans le Diocèfe d'Yorck , au fujet de la fc rtie de lori
Prieur 6c de douze de fes Religieux. Leur dcflein étoit de pafler
'3> ^4.
PREMIER ABBÉ DE CL AIR VAUX, &c. 547
dans l'Ordre de Cîteaux ; mais n'en ayant pu obtenir la permif-
fion , ils fe retirèrent auprès de TurfHn , Archevêque d'Yorck , Ep^Jl. pf.
que faint Bernard remercia pour l'accueil charitable qu'il leur
avoit tait. Nous av'>ns une Lettre de cet Archevêque adreiïée à £^,y?. 441.
Guillaume, Archevêque Je Cantorberi , avec qui il s'explique
fur le motif que ces Religieux avoient eu de fortir de leur
Monaftere. La Règle de (aint Benoît n'y étoit pas obfervée
exadement. Ces douze Religieux ayant leur Prieur à leur tête,
propolerent à leur Abbé de rétablir l'obfervance. L'Abbé n'en
paroilToit pas d'abord éloigné ; mais les autres Moines du Mo-
naftere s'y oppofoient. L'Archevêque Turftin intervint dans cette
affaire , & voyant qu'il n'y avoit point d'apparence de réuliir , il
reçut chez lui ces treize Religieux , jufqu'à ce qu'il eut trouvé
le moyen ou de les établir ailleurs, ou de fliire leur paix avec
l'Abbé d'Yorck , le même à qui faint Bernard écrivit fur la fortie
de ces Religieux. Il donna vers le môine tems, c'eft-à-dire , vers
l'an 1132, de grandes louanges à Richard , Abbé de Fontaines
dans le Diocèfe d'Yorck , ôc aux Religieux de fa Communauté E^'ijl. 96.
qui étoient paflés dans l'Ordre de Citeaux , leur faifant envifager
dans ce changement le doigt de Dieu. Il dit dans cette Lettre ;
On voit aiTez de féculicrs fe convertir ; mais où voit-on des Reli-
gieux fe réformer ?
XXVI. Il y avoit guerre entre Conrad , Duc de Zetingen , E-piji, si.
de la Maifon d'Haplbourg , & Amedée , premier Comce de
Genève. Le premier s'emparoit d'un Pays qui n'étoit pas à lui,
démoliffoit les Eglifes, bruloit les maifons , chaffoit les pauvres
de leur demeure. Le fécond s'offroit de lui faire juftice fur toutes
fes prétentions. Saint Bernard envoya deux de fes iMoines à
Conrad , avec une Lettre où il employé des moyens très-pref-
fans pour le porter à une paix, ou du moins à une trêve avec
Amedée.
XXVII. La Lettre fuivante dans un manufcrit de Cîteaux e.,;\î. jj.
eft adrefféeà Brunon , Archevêque de Cologne; en d'autres , à
Hugues de faint Victor. Ce qui fivorife la première infcription ,
ceft qu'il e!l quedion dans cette Lettre des Macchabées, dont
on avoit des Reliques à Cologne ; mais il faut remarquer qu'elles
n'y furent apportées qu'après la mort de faint Bernard , par l'Ar-
chevêque Reinold à qui l'Empereur Frideric I. en fit préfent.
On avoit demandé à faint Bernard pourquoi les Macchabées
font les feuls Martyrs de l'ancienne Loi dont l'Eglife Chrétienne
faffe la Fête ? 11 répond que , feloa le tem s ,les Macchabées font
Xxij
548 'S A I N T B E R N A R D ,
au rang des Martyrs de l'ancienne Loi ; que félon la manière
dont ils ont fouftert , ils font au nombre des Martyrs de la Loi
nouvelle. Ils furent foUicitds, comme nos Martyrs ^ de facrifier
aux idoles, & à fouler aux pieds la Loi de Dieu. Etant morts ,
comme nos Martyrs, pour la dét'enfe de la Loi de Dieu, ils ont
mérité le même honneur de la part de lEglife.
Epijl. loo. XX VI IL En louant la libéralité d'un Evcque envers les
pauvres , faint Bernard dit : Il fied bien à un Evoque dette
libéral. Kien ne fignaîe tant votre Sacerdoce , n'illuiire tant votre
dignité j que de faire du bien aux pauvres , &: de montrer par-là
que fi votre état vous empêche de vous rendre pauvre, votre
pieté vous fait aimer ceux qui le font. Ce n'efi: pas une vertu
dette pauvre, mais (j"en eft une d'aimer la pauvreté. Il confeille
Epifl. \t>i à un Abbé demplover envers un Religieux incorrigible les
bienfaits, les avertiifemens , les corredions fecrettes , les exhor-
tations publiques , les paroles dures , le fcuét même , & la
difcipline; enrin de faire prier pour lui. Et au cas que toutes ces
tentatives ne réuiTilTent pas , de le retrancher de la Communauté.
Ne craignez pas , ajoute-t-il, de blelTer la charité en confervant
la paix de toute une Maifon aux dépens d'un feul dont le liber-
tin.ige eft capable de rompre la bonne intelligence qui y règne.
Epijf.xo^, Les Lettres fnivantes font ou des éloges de la pauvreté reli-
1°^ ' ]°il ' gieufe , ou des exhortations à la fuite du monde, ou des confeils
113 /i 14. ' d'embrafier la vie Monaftique. Thomas, Prévôt de Beverla dans
le Diocèfe d'Yorck , avoir fait vœu de fe faire Religieux à
Epiji. 107, Cîteaux,mais il ne raccompiifToit pas. Un autre Thomas de
faint Orner demandoit un an au-delà du terme qu'il avoit prefcrit
pour fe confacrerà Dieu. Saint Bernard les prefle l'un & l'autre
d'accomplir leur promelle. Le premier , à force de dillerer , fe
refroidit peu à peu , & mourut en féculier. Saint Bernard fe fcrt
de cet exemple pour engager le fécond à accélérer (a converfion.
EpiJl. T09 On voyoit alors un grand nombre de perfonnes méprifer la
gloire du monde, fouler aux pieds les charmes de la jeunefle ,
les di.ltndions de la naiffance , traiter de f:)rie la fagefie mon-
daine , être infenfil'ies à la chair & au (ang , s'endurcir aux larmes
de leurs parens & amis, compter pour rien le crédit , l'honneur,
les dignités, afin de pofTeJer Jefus Chrift. Quand les parens
s'elTrnyoient de l'nnflerité de la Règle pour leurs enfuis tendres
f.pijf. ne. & délicats , faint Bernard leur répondoit : Je les conduirai avec
tant d'égards ôc de ménagemens , que l'efprit s'avancera daj^s la
fertUj fans que le corps fuccombe fcjus le poids de la pénitence.
108
PREMIER ABBÉ DE CLAIR VAUX, &c. 3#
Ils goûteront tanv de douceurs à fervir le Seigneur,qu'ils en chan-
teront éteriiCiiement la grandeur & la gloire. A l'égard des pères &
mères quiempcchoient leurs e;- fans d'entrer en Religion, ou qui
vouloient les taire fortir du Monadere , il les traite dans les Epijl. ur.
termes les plus durs. li n'ctolt point d'avis que des Religieufes
quittafl'jnt leur Cummuijauté pour vivre l'eules dans un lieu
relire, ta raiion , c'ell que dans une Communauté on a la liberté
défaire le bien, &. Ion craint d'y faire le mal, parce qu'il eft ^P'Jf- «if»
d'abord appcrçu : au lieu que da.'.s la retraite on pèche avec
plus de licence ,. parce qu'on eil à couvert de la ceniure.
XXIX. Les deux Lettres de faint Bernard à trmengarde, En//?. ,,g^
Comtefie de Brctrgne, font des témoignages delà coniiaiKe que "^ ' "^ >
cette PrincelTe avoit en lui , & de l'efcime qu'il faifoit de fa vertu. [[1/ ^^° '
Sa Lettre à une Uame iliuflre nommée Beatrix , ell dans le
même goût, il écrivit à 6imon , Duc de Lorraine, 6c à Adela'ide
fon époufe , de conlirmer à l'Abbaye de Clairvaux l'exemption
du droit de paiTage qu'ils lui avoient accordé , & que leurs Offi-
ciers vouloient exiger. 11 parok que cette PrincelTe lit un voyage
à Clairvaux dans la vue de contribuer à la fondation de cette
J\îaifon. Saint Bernard s'employa auprès de Mathilde, Ducheiïe
de Bourgogne , femme de Hugues 1. pour l'engager à confentir
au maricge d'un de fes Sujets. D'où l'on peut inférer, ceiemble,
qu'en Bourgogne un Sujet ne pou voit fe marier fans l'agrément
de fon Souverain.
XXX. La réputation de faînt Bernard fe rcpandoit de tous £.-{/?• i^^>
côtés. On faifoit par-tout l'éloge de fes vertus. Tout le monde de ''''
concert n'avoit qu'une voix pour le louer. Hildebert alors Arche-
vêque de Tours, en conçut un ardent déiir de lier avec lui une
étroite amitié. C'eft le fujet de la Lettre qu'il lui écrivit vers
l'an 1 1 50. Les louanges qu'il y donnoit à faint Bernard , ne lui
firent rien diminuer des bas fentimens qu'il avoit de lui-même.
Votre Lettre, lui répondit-il, me repréfente moins tel que je
fuis, que tel que je voudrois être, 6c que j'ai honte de n'être
pas. Il en écrivit une féconde à Hildebert pour l'engager à recon- ^P^-'^-' ^^'
noître le Pape Innocent II. reconnu par les Rois de France,
d'Angleterre , d'Efpagne , 6c par l'Empereur. Il ne fe trouvoit
que Gérard d'Angoulefme qui demeurât attaché au parti de
l'Antipape Anaclet. Saint Bernard interefla aulli en faveur du
Pape Innocent, Henri, Roi d'Angleterre ; Geofroi de Lorroux, Epi!l. lîf ,
depuis Aichevêque de Bourges ; les Evêrues de Limoges, de J^j \ 'y' ■"
Poitiers , de Ferigueux , de Saintes ; Guillaume , Comte de '
Xx ii]
5^0 S A I N T B E R N A R D,
Poitou , en lui écrivant au nom de Hugues , Duc de Bourgo"
gne ; les Sénateurs & les Citoyens de Pife 6c de Milan. Il y a ,
leur difoit faint Bernard , deux chefs de conteftations ; l'un
regarde le mérite perfonnel des deux Prétendans ; ôc 1 autre, la
forme de leur élection. Pour ce qui efl: de leur perfonne, afin
qu'on ne me croye ni médifant, ni flateur, je ne dirai que ce
qu'on dit par-tout , & ce qu'on ne fçauroit nier : Que le Pape
que nous foutenons, ceft-à-dire , Innocent, eft d'une vie &
d'une réputation au-delTus de la médifance ; au lieu que fou
Concurrent n'eft pas même à l'abri des langues de fes propres
amis. En fécond lieu, fi l'on examine les circonftances de leur
éledion , celle d'Innocent eft la première à l'égard du tems, la
plus pure par rapport à ceux qui l'ont élu , la plus canonique
félon les régies de la raifon. Pour le tems , cela eft inconteftable.
Pour les deux autres points , ils font aulfi clairs , fi Ton a égard
au mérite ôc à la dignité des EleiSleurs. En effet , cette éledion
a été faite parla plus faine partie des Cardinaux , Evêques , Dia-
cres & Prêtres à qui appartient le droit de nommer un Pape ; 6c
ils fe font trouvés en nombre fuiiifmt pour rendre leur élection
valide , fuivant les anc'ennes conftitutions. De plus , il a été
confacré par l'Evêque d'Oftie, à qui ce privilège particulier efl:
réfervé.
Epji. ii8. XXXI. Saint Bernard s'intereffa encore pour les Chanoines
de faint Hiiaire de Poitiers, que le Comte Guillaume avoit, fur
Fa'l. Il', de mauvais confeils, chaOes de leur tglife. Sa Lettre aux Génois
eft pour les exhorter à fe maintenir dans la paix qu'il leur avoit
procurée étant dans leur Ville. Depuis le matin jufqu'au foir il
leur annonçoitla parole de Dieu ; tous par pieté y accourôient
en foule. J'apportois la paix , leur dit-il , & comme vous en étiez
les enfans,eilefe repofoit fur vous. Je répandois la femence de
Dieu , & cette femence tombant dans une terre fertile produifoit
jufqu'au centuple. Il exhorte aulfi les Génois à entretenir la paix
avec les Pifans leurs alliés , à être foumisau Pape, & fidèles à
Epi]}, ip' l'Empereur. Ceux de Pife rei;urent le Pape Innocent ; faint Ber-
nard les en félicita. Le Pape a fait , dit-il , de Pife une nouvelle
Rome , ûc le Siège du Chef de TEglife. Ce choix n'eft point
l'effet du hazard , ou de la politique ; c'eft un ordre du Ciel , une
faveur de Dieu toute particulière. Quelle Ville n'eft pas jaloufe
de votre bonheur ? Celle de Milan quitta le parti d'Anaclet , fur
les remontrances du Clergé. Dans la Lettre que faint Bernard
Epijl. ijv. lui écrivit pour le congratuler de cette bonne oeuvre, il témoigne
PREMIER ABBÉ DE CL AIR V AUX, &c. jp
qu'il devoir fe rendre inceiïamment au Concile indiqué à Pife
en 1134; elle fut donc écrite vers ce tems-là. Il en adreifa une
autre aux Citoyens de Milan , où il leur témoigne fa joie de ce E^ijl. 1J3.
qu'ils l'avoient choifi pour médiateur de leur réconciliation avec
le Pape Innocent. 11 remit à fon retour du Concile de Pife, la
vilite qu'il vouloit rendre à ceux de Milan qui étoient revenus ^,'!^- iJi-
à l'unité de i'Eglife Catholique. Il les appelle ( a) Novxes; ce
qui a donné lieu à qu-elques-nns de croire qu'il y avoir dès-lors
à Milan, c"eft-à-dire, en 1134, un Monallere de l'Ordre de
Cîteaux. Mais Ughelll fait voir que ce ne fut que l'année fui-
vante 113^, que l'on en bâtit un à deux milles de Milan , fous le
nom de Clairvaux. S:iint Bernard s'acquit beaucoup de gloire EpiJI. 13^.
dans fon voyage d'Italie; mais il rapportoit tout à Dieu , ne fe
regardant quecommefon Minillre.
XXXII. Quelques Evoque, au retour du Concile de Pile en ^P'J^- ^>^'
1 1 j -1, , tombèrent entre les mains des voleurs qui les dépouillè-
rent. L'un des voleurs nommé Dauiin fe repentant de fon crime ,
s'offrit d'en faire fatisfiidion au nom de tous , & de reftituer ce
qu'ils avoient volé. Mais avant d'aller fe jetter aux pieds du
Pape, il demanda à faint Bernard une lettre de recommanda-
tion. Il y dit au Pape: Je voudrois qu'en l'obligeant de faire à
rEglife une jufle fativ'facl,ion , on ne le poullat point à bout , de
peur qu'il ne fe repentit d'avoir luivi mon confeil. Saint Bernard
pria aulfi l'Impératrice Richize de traiter avec bonté les Mila- ^f'-''^- ^3''*
nois qui avoient renoncé publiquement au parti de Conrad, 6c
reconnu Lothaire pour fcul 6c légitime Empereur des Romains.
Il écrivit à ce Prince qu'il devoir , en qualité de Proteileur de Eplfî. ij>.
I'Eglife, la mettre à couvert des fureurs du fchifme ; ôc comme
Empereur , arracher des mains d'un ufurpateur la Sicile. Il par-
loir du Comte Roger , fauteur de l'Antipape. Dans la même
Lettre , S.Bernard fait des remontrances à l'Empereur Lothaire
fur l'opprelTionoiaétoit I'Eglife de faint Gengoul à Toul, ôclui Kf/î. m©.
fait entendre que l'on avoit furpris fa religion pour opprimer
cette Eglife. On l'avoit également aigri contre les Habitans de
Pife , quoiqu'ils euffent levé les premiers l'étendart contre
Conrad , ufurpateur de l'Empire. S. Bernard détrompa Lothaire,
6c le rendit favorable aux Pifans.
XXXIII. Il reprit vivement Humbert, Abbéd'Igny, de EpiJl. i^r.
( a ) MJidlon. lu:. in. epijl. i j 4.
5J2 SAINT BERNARD,
ce qu'il a voit quitté fon Abbaye fous le prétexte de fc préparer
à la mort. Votre défertion, lui dit-i!, fait la douleur de vos
Religieux , & la rifce de vos ennemis. Elle affligeoit d'autant
plus laint Bernard , qu'occupé des preiTantes nécelfités de Î'E-
glife , il fe trouvoit hors d'état de fournir aux befoins de cette
Abbaye abandonnée. On avoit enlevé à l'Abbaye des Alpes
l'Abbé Guarin , pour le faire Evêque de Sion en Vêlai. Saint
Epjt. i4î. Bernard écrivit aux Religieux de ce Monaftere de fe choifir au
plutôt un autre Abbé ; d'appeller à cette élection Geoffroi,
Prieur de Clairvaux , ôc d'y procéder avec le confeil de Guarin
leur Père. L'Abbaye des Alpes avoir une focieté particulière
avec celle de Clairvaux ; & ce fut fans doute ce qui engagea faint
Bernard à prendre part à cette élection. Il marque dans cette
Lettre queile place les Moines doivent tenir dans la Maifon du
Seigneur: La place qui nous convient, dit-il , c'eft l'abbaifle-
jtiient, l'humilité , la pauvreté , l'obéiflancc, la paix & la joie
dans le Saint-Efprit. Notre place eft d'être fournis à un Supé-
rieur , à une règle , à des obfervanccs ; c'eft d'aimer le fdence ,
de nous exercer aux veilles , aux jeûnes , à la prière , au travail
des mains. C'eft pâr-de{fus tout cela pratiquer la charité , comme
la plus excellente de toutes les vertus, C'eft enfin faire un progrès
continuel dans la pieté , ôc y perféverer jufqu'à la fin.
Epijl. 143 , XXXIV. Vers l'an 1 1 3 ^ il écrivit à fes Religieux de Clair-
*"**• vaux pour leur témoigner fa peine d'être fi longtems féparé
d'eux. Toute fa confolation pendant fon abfence, étoit dans le
fuccès que Dieu donnoit à fes travaux pour l'Eglife ; mais pref-
que toujours malade, il craignoit de ne pas mourir entre les
^/iJi' I4Î. mains de fes frères ôc de fes intimes amis. Sa Lettre aux Abbés
aflemblés à Citeaux eft dans le même goût. Il en reçut une vers
l'an 1 1 37 de Burchard , premier Abbé deBalerne dans le Dio-
cèfe de Befançon , qui lui caufa beaucoup de joie par le dérail
que cet Abbé y faifoit de fes progrès dans la vie fpirituelle. Saint
EplJl. 146. Bernard qui l'avoit formé dans la pieté en rapporte à Dieu toute
la gloire, ôc dit à Burchard : ReconnoilTez , mon Frère, que vous
avez été prévenu dans les grâces abondantes que vous avez re-
çues ; que ce n'eft pas moi qui vous ai prévenu, mais celui de qui
j'ai écé prévenu moi-même , pour vous porter à votre falut. Je
ne fuis au plus que celui qui a planté , ôc qui a arrofé ; mais que
fuls-je fans le lecours de celui qui a donné raccroifTeinent ? Saint
Bernard reçut aulll une Lettre de confolation de Pierre , Abbé de
^yJ- '47. Cluni i ôc il eut lui-même la joie do lui annoncer la lin du fchifine
pat
PREMIER ABBÉ DE CL AIRVAUX , &c. ^i
par la mort de l'Antipape Anaclet , & de Gérard d'Angoulême
fon principal fauteur. Par une autre Lettre il pria cet Allé de ne
pas pouffer avec tant de chaleur Tes prétentions fur l'Abbaye de
laint Bertin, aujourd'hui faint Orner , attendu qu'il lui feroit Epijl. 149-
aulH dilHcile de s'en mettre en poiiellion , que de s'y maintenir.
XXXV. Philippe neveu de Gillebert Archevêque de Tours Hpll., 150.
s'étoit emparé de cette Eglife, ôc la défoloit. On avoir rendu
Sentence contre lui, & il y avoir eu des Coniînilfaires de la part
du faint biége ; cependant il s'ctoit pourvu au Tribunal même
du Pape Innocent. Saint Bernard lui écrivit fur cette affaire,
pour l'engager à prendre la défenfe de l'Eglife de Tours , avec
la même vigueur qu'il avoit fait paroitre dans le rétablifTement
de la difcipline du Monaflere de Vezelai, dans le refus des
inveflitures à l'Empereur Lotîiaire , & en beaucoup d'autres
occafions. Il écrivit?. Pliiiippe mcme, qu'il qiuiline Intrus dans
Tinfcription de fa Lettre. Quf'lque fentitnent que vous ayez de £p;jf^ ,j,.
yous , lui dit-il , vous me paroilîez devoir être pleuré d'un torrent
de larmes. Je déplore le trifte état où vous réduifez l'Eglife qui
vous a élevé dans fon fein. Si vous reconnoilllez votre mifere,
vous en feriez touché vous-même , & ceux qui vous plaignent
ne vous plaindroient pas inutilement. Saint Bernard écrivit
cette Lettre de Viterbe en i 1 5 j , de même que la précédente.
XXXVI. Il s'employa auprès du Pape Innocent pour la £>{,'?. iji.
défenfe d'Atton , Evêque de Troyes , contre fes Chanoines dont
il s'éroit attiré la haine en reprenant leurs défordres. Il attribue
l'infolence du Clergé à la négligence des Evêques , qui au lieu de
s'élever avec force contre les déreglemens de leurs Clercs, les
tolèrent avec lâcheté^ & les enrichiiTent fans fe mettre en peine
de le-, corriger. Leur ame , dit-il , nourrie dans la molîefTe & fans
difcipline, le fouille ôc fe corrompt entièrement ; ôc dès qu'on
entreprend de guérir une plaie invétérée, ils ne peuvent fouffrir
qu'on la touche du bout du dcigr , ils fe déchaînent ôc fe révol-
tent. Sur la fin de fa Lettre il repréfente au Pape qui lui avoit
ordonné de l'aller trouver, qu'il ne pourroit faire ce voyage fans
cxpofer à un grand danger le falut de fes Frères.
XXX VII. Il ne fe détermina qu'avec peine à envoyer à ^P'fl- 'tj
Bernard , Prieur de la Chartreufe des Fortes à trois lieues de '''^'
Bel!ai,fès difcours fur le Cantique des Cantiques ; ôc il voulut
avoir fon avis fur les premiers avant de les continuer. Il arriva r-^-„
que le Pape Innocent jetta les yeux fur Bernard des Pcriet pour • "' '
le faire Evêque , peut-être dePavie. S. Bernard qui connoilToit
Terne XX IL Y y
5?4 SAINT BERNARD,
combien ce Diocèfe étoit déréglé ôc difficile à gouverner par un
Religieux d'une fanté déjà ufée,pria le Pape de le réferver pour
un autre Evêché. Il fut en effet Evêque de Bellai. Saint Bernard
Èpift. 1^6 , écrivit encore au Pape & au Cardinal Haimeric Chancelier du
IÎ7 . léi , faint Siège, en faveur de l'Egiife d'Orléans opprimée dans plu-
*' ficurs de fes Clercs , parce qu'ils avoient pris le parti du Pape
Innocent. Hugues , Doyen de cette Eglife , revenant de la Cour
fut aflalTmé. On mit aulli à mort le Sous-Diacre Archembaud.
Tous ces défordres arrivèrent à Orléans pendant la vacance du
Sicge , qui commença en 1 1 3 3 à la mort de l'Evêque Jean , ÔC
dura jufqu'en 1 137. Ihomas , Prieur de faint Vidor de Paris,
fut encore affafllné pour s'être oppofé aux injudes cxatlions que
fon meurtrier faifoit fur les Cures de fon Archidiaconné. Le
coupable fe fauva à Rome pour y trouver un asyle. Saint Ber-
Efifi. is8. nard pria le Pape de ne pas laiffcr ce crime impuni. Efàenne ,
Evêque de Paris, fe fervit de la plume du même Saint pour
demander au Pape de n'ajouter aucune foi à ce que le meurtrier
pourroit lui dire pour fà jufli(ication. Il parle de Thomas,
Epi/?. iîj>, comme d'un Religieux de grande pieté, & appliqué fous fes
ordres à l'œuvre de Dieu. J'avois , dit-il , le titre d"Ev cque , ôc il
en rempliffoit les fondions : Il méprifoit l'honneur attaché à
cette dignité , ôc il en foutenoit tout le fardeau : Voilà ce qui le
fait vivre encore après fa mort, ôc ce qui me fait mourir , avant que
de cefTer de vivre.
Epi/I. 1^4. X XX "V III. Guillaume de Sabran, Evêque de Langres,
étant mort en 1 1 58 , l'Archevêque de Lyon alla à Rome avec
le Doyen ôc un Chanoine de TEglifc de Langres , demander
au Pape pour eux 6c pour leur Clu'pitre, la permiiiion d'élire
un Evcque. Ils folliciterent faint Bernard , alors à Rome, de les
aider de fon crédit. Il le promit, à condition qu'ils n'éliroient
qu'un bon Sujet. On convint de deux , dont on laiffcroit le choix
aux Eledcurs. Le Pape ordonna d'obfervcr inviolablcment cette
convention. L'Archevêque ôc les Chanoines le promirent; mais
au lieu de l'un des deux Sujets propofés , ils jetterent les yeux
fur un Moine de Cluni foutenude IJugues, Duc de Bourgogne.
Saint Bernard averti en palfant les Alpes de ce qui étoit arrivé,
pr't fou ch.emin par Lyon , ôc trouva que l'on faifoit les prépa-
ratifs pour l'élection. 11 fit fur cela des reniontrances à l'Arclie-
Têque, qui furent fms fucccs. L'Archevcque ordonna de pro-
céder à l'éiedicn , ôc écrivit fur cela une Lettre aux Chanoines
de Langres ; mais après qu'on l'eut lue , on en produifit une
PREMIER ABBÉ DE CLAIRVAUX, &c. 5n
autre du même Prélat, cù il affignoit un jour pour décider
l'aliaire .ie 1 cicction. Elle fut arrêtée par la contradidion qui fc
trouvoit entre ces deux Lettres. Le Moine de Cluni obtint du
Roi l'invediture des droits Régaliens , ou des biens ôc des Fiefs
de i'Eglife ; des Lettres pour changer le lieu du Sacre , & en
anticiper le jour. Falcon, Doyen de I'Eglife de Lyon; Ponce Fpr. i6f.
Archidiacre de Langres , & quelques autres , s'oppoferent à
cette élection , & appellerent au falnt Sicgc. L'Elu ôc ceux qui
dévoient le facrer y furent cités; ma'^s ils paflerent outre. Saint
Bernard s'en plaignit vivement au Pape Ôc aux Cardinaux , P4>'ji- '^^»
n'épargnant ni l'Archevêque de Lyon , qui en effet avoit manqué |^J ' '^ '
à la parole, ni le Moine de Cluni , dont la réputation n'étoit pas
faine. Son ordination fut dcfipprouvée du faint Siège ; le Pape
nomma des Commiffaircs pour procéder à une nouvelle élettion.
Les fuffragcs fe réunirent en faveur de Geoffroi , Prieur de
Clairvaux. Saint Bernard ne s'y attendoit pas ; il n'avoit pas %!/*• '7*«
même penfé qu'on dut jettcr les yeux fur lui ; néanmoins il
écrivit à Louis le Jeune, Roi de France , pour juftilier l'élection
de Geotfroi , ôc pour engager ce Prince à la confirmer , en accor-
dant la pr'ifi de pollellion , ôc de faire cefler par-là l'affliction de
PEglife de Langres vacante depuis longtems. Celle de Lyon
vint auili à vaquer par la mort de l'Archevêque Pierre. On éiut à
fa place Faicon , Doyen de la Cathédrale. Il joignoit à une ^?-l^- *7i.
naiffance illudre l'érudition , la vertu , ôc une réputation fi pure ,
qu'elle étoit au-deffus de l'envie ôc de la médifance. Cefl: le
témoignage que faint Bernard lui rendit auprès du Pape Innocent
vers l'an r i jp. Il lui écrivit encore pour le prier de lui envoyer EpiJ^- i7t«
le Pallium , l'alTurant qu'il avoit été facré félon les formalités
ordinaires ; mais cette Lettre étoit au nom de Geoffroi j Evêque
de Langres, l'un des Suffragans de Lyon. Saint Bernard, en
rendant compte à l'Archevêque de ce qu'il avoit fait pour lui
avec l'Evêque de Langres , ôc de leur difpofirion à le féconder,
lui recommanda les Moines de l'Abbaye de Beniffon-Dieu fituée Epijl. 17?.
dans le Diocèfe de Lyon ; ôc d'empêcher furtout qu'ils ne fulTent
moleflés par les Moines de Savigny.
XXXIX. Quoique la Fête de la Conception de la fainte EpiJ!. 174.
Vierge Mère de Dieu , ne fût point encore autorifée de I'Eglife
en I 140, il y avoit déjà quelques perfonnes qui la célebroient.
Saint Bernard ferma les yeux fur cette pratique, excufant une
dévot'ion que leur infpiroit la fitnpUcité de leur cœur, ôc leur
zèle pour la fainte Vierge. Mais aullitôt qu'il fcut que cette
Yyij
s{é SAINT BERNARD;
Fêre s'introduifolt dans une Eglife auiTi illuftre que celle de
Lyon , dont il fe regardoit com.ne l'enfant, il crut ne devoir
plus diiTimulerfa penlée. 11 écrivit donc vers cette année-là une
longue Lettre aux Chanoines de cette Eglife , où , après en avoi
relevé la prééminence fur toutes les autres Eglifcs de France , le
bon ordre &: les beaux reglemens que Ion y obfervoit , il fe plaint
que quelques-uns de les Chanoines vouloient flétrir l'ancien
luftre de leur Eglife en y introduifa it une b ête que l'ufage de
bEglife ignoroit , que la raifon défapprouvoit , ôc dont l'ancienne
tradition ne nous laiffe aucun veflige. 11 convient que la Mère
de Dieu mérite de grands honneurs; mais ils doivent, dit-il,
être fondés fur la railon. Elle eft comblée de tant de préroga-
tives , qu'elle n'a pas befoin qu'on lui fuppofe de faux titres.
Donnez-lui les noms magnifiques d'Jnftrument de la grâce, de
JVlédiatrice du falut,de Réparatrice du monde, voiià ce que
l'Eglife relevé. Elle m'apprend que je dois célébrer ce jour
folemnel où elle eft fortie du monde pécheur pour rronterau
Ciel. Elle m'enfeigne auih à célébrer fa fainte Nativité, parce
que je crois fermement ce quelle m'ordonne de croire, que
JVIarie fut fandtiriée avant que de naître. Je fuis de plus perfuadé
qu'ayant reçu cette grâce avec plus d'abondance, elle n'a pas
feulement été fainte dans fa nailTance , mais encore préfervée
de tout péché pendant qu'elle a vécu : Grâce fi fingubere ,
; qu'elle n'a été accordée à aucun autre. Enfuite faint Bernard
réfute les raifons fur lefquelles on Ibndoit la Fcte de fa Concep-
tion. La première étoit que , fi la Conception de la (aintc
Vierge n'eût précédé , on n'auroit pu honorer fa Nailfance. La
féconde , que la Fcte de la Conception avoit été révélée. Saint
Bernard répond à la première , que fi l'on doit honorer la Con-
ception de Marie, on eft en droit, par la même raifon , d'infti-
tuer des Fêtes en 1 honneur de fon Père 6c de fa Mère , même
defes Ayeux & Bifayeux, ce qui iroit à multiplier les Fêtes juf-
qu à l'infini ; qu'encore qu'il ait été néccffalre que fa conception
précédât fa nailfance, il ne s'enfuit pas qu'elle ait eu part à fa
fainteté ; qu'il falloir au contraire qu'elle fut fanclifiée après avoir
été conçue , afin de pouvoir naître dans la fainteté qu'elle n'avoit
point eue dans la conception qui l'avoit précédée. Sur la féconde,
il dit , qu'il tient pour l'ufped l'écrit que l'on produifoit en
peuve que la Fête de lu Conception avoit ctérévelcej cet écrie
étant fans autorité.
J. C. feut ^^ jL, jj foucientque nul n'a été cjn:a dans la fainteté, à la
con(;u dans U T. > ^
l.-»int«vV
PREMIER ABBÉ DE CL AIRV A UX , &c. ?J7
réferve de Jefus-Chrift , qui devant fanctifier tous les hommes
ôc expier le péché , en devoit feul être exemt , parce que lui feul
eft faint avant d'être conçu; que tous les cnians d'Adam doi-
vent s'appliquer ces paroles de l'un deux : f aï été conçu dans P/i.'m. 50,
r iniquité , ma mère m'a conçu dans le péché. D'oii il conclut,
qu'il n'y a point de fondement d'établir la Fête de la Concep-
tion de la lainte Vierge , ou que du moins on devoit, avant
de l'établir , confulter le faint Siège , ce que n'avoient pas
fait les Chanoines de Lyon. Cependant faint Bernard fuumet fon
fentiment à des Dodeurs plus fages ôc plus éclairés, fuftout à
Tautorité de l'Eglife Romaine , déclarant qu'il étoit prêt de fe
dédire , s'il avoir avancé quelque chofe contre le jugement
qu'elle prononcera.
XLI. Sa Lettre au Patriarche de Jerufalcm fuppofe qu'il en ^pf- ï7f.
avoir reçu plufieurs fans y avoir fait de réponfe ; mais il ne put fe
difpenicr de le remercier du morceau de la vraie Croix dont il
lui avoit fait prélênt. On dit qu'on le montre encore à Clairvaux.
Par la même Lettre faint Bernard recommande à Guillaume ,
c'étoit le nom du Patriarche , les Chevaliers du Temple, comme
de braves défenfeurs de l'Eglife. Il écrivit cinq Lettres au Pape Epijl, ijf.
Innocent au nom d'Adalberon , Archevêque de Trêves. Parla
première , il l'aiïure derobéilTancede toutes les Eglifes de France
& d'Allemagne , & d'un fecours prochain de la part de l'Empe-
reur Lothaire ; elle fut écrire vers l'an 1157. Dans la féconde ^P'^- '77.
Adalberon fc plaint de l'indocilité de fes Peuples, & de ce qu'il
avoit pour Sutiragans de jeunes Prélats de qualité , qui au lieu de
l'aider à maintenir le bon ordre , le traverfoient & le contra-
rioient; aulii ne connoiflbit-on dans leurs Diocèfes ni ordre, ni
juftice, ni honneur, ni religion. Saint Bernard dans la troifiéme ^^'■j'^' '^*''
repréfente au Pape que la Cour de Rome en recevant les appels
des Sentences rendues par les Evêques , leur ôtoit le moyen de
venger lu querelle de Dieu, 6c de réformer leurs Diocèfes; qu'on
outrageoit partout les Evêques ; mais que le mipris qu'on faifoit
de leurs IViandemens , donnoit atteinte à l'autorité du (àint Siège.
Il le prie de renvoyer au Métropolitain le jugement des diffé-
rends qui regnoient dans les Eglifes de Toul , Meiz ôc Verdun ,
parce qu'il en étoit pleinement inftruit , ôc qu'il avoir tait voir c\
p'ufieurs occafionsîa droiture ôc fon intégrité. Dans la quatrié;ne .^ '"•-''■ ^"^^ '
il prend le parti de l'Archevêque Adalberon contre l'Abbé de
faint Maximin , qu'il repréfente comme ind'gnede fon rang. Il
ne traite pas mieux les Moines de cette Abbaye. Le Pape, ne;
\ y iii
5j8 SAINT BERNARD,
laiffa pas de rendre une Sentence en faveur de cet Abbé Ôc des
Moines ; mais faint Bernard fçachant qu'e.leavoitété rendue pat
Epifl. 180. furprife, pria le Pape par une cinquième Lettre de révoquer
cette Sentence. Il paroît que l'Archevêque vouloir réunir à fa
Jurifdidion l'Abbaye de faint Maximin , que l'Abbé ôc les Moi-
nes s'y oppoferent, & que le Pape favorifa l'exemtion de ceux-
ci.
E;ii/?. 181. XLII. Saint Bernard définit un cœur généreux, celui qui
fe plait à faire du bien , & à qui ie feul plaifir de faire du bien
tient lieu de toute récompenfe. Sa Lettre à Henri, Archevêque
de Sens , eft une remontrance des plus vives fur l'humeur intrai-
Epijl. 18'-. table & l'opiniâtreté de ce Prélat, qui ne fuivoit d'autre règle
que fon caprice, & qui faifoit tout par empire, fans confulter
jamais la volonté de Dieu. Dans celle qu'il écrivit à Conrad , Roi
Epil. iS;. des Romains, il l'exhorte à rendre au Siège Apoûolique 6c au
'Vicaire de faint Pierre , l'hommage & l'obéiffance qu'il exigeois
lui-même de fcs Sujets. On demandait de tous côtés à faint Ber-
nard des Religieux de Clairvaux pour faire de nouveaux éta-
blilTemens , ce qui diminuoit beaucoup fa Communauté ; enforte
que pour contenter le Pape Innocent qui lui en demandoit audi,
Epijl. 184. il fut obligé d'en prendre ailleurs qu à Clairvaux pour lui en
envoyer. Ilaimoitles Religieux de Vaucelles comme une por-
Epijî. 18 . tion de lui-même , & il avoir en effet eu part à leur établiffement
fait en 113. dans le voifinage de Cambrai. Le Châtelain de cette
Ville (it à lAbbaye de 'Vaucelles une donation de la terre de
Ligecourt, en préfeice de faint Bernard, qui en demanda la
EpiJl. 185. confirmation à Simon fils de ce Châtelain. La Lettre à Euftache,
ufurpateur du Siège Epifcopal de Valence en Dauphiné vers
l'an 1138 , contient les motifs les plus prelfans pour l'obliger à
fe délifier. Eudache étoit moins retenu par le défit de l'honneur
& des autres avantages de 1 Epifcopat , que par une fauffe honte
de le quitter. O honiie déraiionnable ! s'écrie faint Bernard ,
ennemie du falut, contraire à la probité. Honte funefle , qui,
félon le Sage , retient dans le péché. Eft-il donc honteux à
l'homme de fefoumettre à Dieu , de s'humilier fous la main du
Très-Haut ? Céder à la majeflé d'un Dieu , eft la plus grande de
toutes les vidoires ; fe foumettre à l'autorité de rEglife,eftle
plus grand de tous les honneurs. Etrange aveuglement! On a
honte defc purifier , ôc l'on n'en a point de fe fouiller. Il repré-
fente à Eu.lache, qu en s'obftmaiit dans fon ufurpation , il perdoit
fcs n^éritcs palfcs , ôc tecnilToit fes belles qualités par une' fin
PREMIER ABBÉ DE CL AIR VAUX, &c. 3^9
malheurcufe ; qu'il n'avoit plus qu'un moment à demeurer avec
cesflateurs quilexcitoient au mal ; qu'ils n'avoicnt pour but que
de le réduire par leurs fauifes louanges , dont ils efperoient être
payés par quelque bienl'aic.
XL III. En 1140 Pierre Abaillard informé qu'on devoit ^P'J^- i'7.
tenir à Sens un Concile nombreux contre lui, demanda à l'Ar-
chevêque que l'Abbé de Clairvaux y fvit appelle. Sa demande lui
fut accordée ; mais faint Bernard s'excufa d'y aller, & fe con-
tenta d'écrire aux Evêques qui dévoient s'afTenabler , de fignaler
en cette occalion leur zèle pour la foi. Le Concile fé tint à
rOdave de la Pentecôte qui étoit le fécond jour de Juin. Saint
Bernard prelTépar fes amis ,s'y rendit, mais avec beaucoup de £ ■«, ,,^,
répugnance. Il produifitau milieu de l'AfTemblée où fe trouvè-
rent Louis, Roi de France; Guillaume, Comte de Nevers ,
avec les Archevêques de Sens , de Reims , ôc leurs SufFragans , le
livre de la Théologie d'Abaiilard, 6c fit la lecture des propoli-
tions abfurdes ôc hérétiques qu'il y avoit remarquées, deman-
dant qu'il les defavouât; ou , s'il les avouoit, qu'il Irs prouvât ,
ou les rétradât. Abaillard chercha des défaites , & rcfufi de
répondre, quoiqu'il fût en pleine liberté de parler , dans un lieu
fur, devant des Juges équitables. Il en appeila au faint Siège , ôc
fortit de l'Afiemblée avec ceux de fon parti. Cet appel ne parut
pas canonique aux Evêques du Concile ; néanmoins par refpetl
pour le Siège Apoflolique,ils ne prononcèrent aucun jugement
contre fa peifonne. Mais i'y\bbé de Clairvaux ayant fait voir dès
la viille que les proportions d'Abaiilard éroient hérétiques, ils
les condam-nereni, ôc fupplierent le Pape Innocent, parleur
Lettre fynodale , de les condamner, ôc de punir tous ceux qui
oferoient les foutenir. Ce fut faint Bernard qui écrivit cette Lettre
au nom des Evêques de France. Il en écrivit une autre aux Eve- Epjl. 188.
ques ôc aux Cardinaux de la Cour de Rome, qu'il exhorte à
s'oppofer aux erreurs de ce nouveau Dodeur. Lifez , leur dit-il ,
le LivredePierre Abaillard, intitulé. Théologie ;ileft aifé de le
trouver , puifqu'il fe vante que prefque toute la Cour de Rome
l'a entre les mains ; vous y verrez comme il parle de la faince
Trinité , de la génération du Fils , de la procciïion du Saint-
Efprit , d'une infinité d'autres points fur lefquels il s'explique
d'une manière nouvelle ôc contraire à la foi orthodoxe, Lifez fes
deux Livres, dont l'un a pour titre , /e^ 6e/2fe;;ce5 y l'autre, Con-
7wiJ!e:(voi!S vous même. Remarquez quelle quantité monflrueufe
ci'erreurs ôc de facrilcges il y rallemble ; ce qu'il penfe de l'amc de ■
5<?o SAINT BERNARD,
Jefus-Chrifl , de fa perfonne, de fà defcente aux enfers , da
Sacrement de l'Autel , de la puilfance de lier & de délier , du
péché originel, de la concupifcence , du péché de déiectarion,
du péché de fuibleiîe , du péché d ignorance , de l'attion du
péché , & de la volonté de pécher. Si vous jugez que j'aye raifoii
de m'a larmer, foyez allarmés vous-mêmes ; & faites defcendre
au fond des envers ce téméraire qui oie monter au plus haut des
Cieux.
^P}fl' m- X L I V. Cet homme, dit faint Bernard dans fa Lettre au
Chancelier Haimeric , employé les paroles de la Loi pour la
combattre , profane les chofes faintes ôc les richelT^s de TEvan-
gile, corrompt la foi des fimpies, fouille la pureté de l'Egiife. Ce
corrupteur des Fidèles propre à pervertir les âmes frnples , pré-
tend comprendre par la raifon . ce qui eftréfervé à une foi vive &
docile. Non content d'avoir Dieu pour garant de fa créance^ il
veut que fa raifon en foit larbitre. Il fuppofe dans la Trinité des
dégrés , comme Arius ; élevé le libre arbitre au-deffus de la
grâce, comme Pelage; divife Jefus-Chrift , comme Neflorius.
Saint Bernard écrivit plufieurs autres Lettres {a) au fujet des
erreurs de Pierre AbaiUar d , furtout aux Cardinaux de l'Egiife
Romaine. Il y en a encore trois (6 )au Pape fur la même matière ;
mais la plus confiderable eft celle oà il réfute les principales
erreurs d'Abaillard , aulfi l'a-t-on placée parmi les Traités de
faint Bernard. Nous en donnerons néanmoins ici le prc'cis.
Epi/?, iço. X L V. AbaillarJ en expliquant ces paroles du Sage :
Ecdef. 19 , 4. Czlui qui croit ygerement ejî un téniiralre , difoit que croire légè-
rement ,c'étoit faire marcher la foi avan: a raifon. Saint Bernard
foutient que Salomon ne parle pas de la foi que nous devons à
Dieu , mais de la créance que nous avons les uns aux autres , qui
ne doit pas être trop facile. II prouve par l'autorité de faint Gré-
goire , que la foi divine efl fans mérite dès que la raifon lui tburnit
Mxrr. 14, »î. des preuves ; que fuivant le témoignage del'Evaigile, les Difci-
I-«c. i> 8. pies furent blâmés d'avoir été trop lents à croire ; que Marie fut
louée d'avoir prévenu la raifon par la foi;& que Zacharie fut
puni pour avoir cherché dans la raifon des preuves de fa foi.
Abaillard difoit fur le myftere de la fainte Trinité , que le Père
cft la pleine puiflance ; que le Fils elt une certaine puilTance ; que
le Saint-Efprit n'eft aucune puiflance ; qu'encore que le Saint-
35*. 3}3> 334. 335. I _ .
Efpnt
PREMIER AJBBÉ DE CLAIR VAUX, &c. 361
Efprit procède du Père ôc du Fils, il n'eft de la fublLmce ni de
l'un , ni de l'autre. Par ces façons de parler il entendoit que
toute la puilFance ctoit propre au Père ; la fageiïe feulement , ou
la puiflance de difcerner le bien & le mal , propre au Fils ; 6c la
bonté propre au Saint-Efprit , à l'exclufion de toute-puiilance.
Saint Bernard fe recrie contre ces fortes d'expreiïions qui vont à
détruire la confubdantialité des Perfonnes divines, ôc à établir
une ditference entr'elies. En effet , fi le Saint-Efprit n'eft point
de la fubflance du Père & du Fils , ôc fi le Père ôc le Fils ne font
point de celle du Saint-Efprit, en quoi feroit leur confubftan-
tialité. D'ailleurs, s'il n'y a que le Père ôc le Fils qui foientde
même fubflance , ce n'eft plus trinité , mais dualité ; car il feroit
indigne de la Trinité d'y admettre une perfonne , qui dars fa
fubflance , n'a rien de commun avec les deux autres. Saint Ber-
nard renvoyé Abaillard à la Lettre de faint Jérôme à Avitus , ôc
au Livre de faint Athanafe intitulé , de l'unité de la Trinité. Puis
il ajoute : S'il y a quelque inégalité dans les Perfonnes divines , la
plus grande ôc la plus parfaite efl: la feule qui foit Dieu , puifque
Dieu efl l'Efire fouverainement parfait ; ôc qu'un tout infiniment
parfait en tous fens , eft plus parflut qu'un tout qui ne l'efl: que
dans fa partie. Mais au vrai le Père efl tout aufîi-bien que le Fils
ôc le Saint-Efprit. Le Fils eft tout comme le Père ôc le Saint-
Efprit. Le Saint-Efprit efl tout comme le Père ôc le Fils; ôc ce
tout n'eft qu'un dans les trois Perfonnes , fans partage ôc fans
diminution. Saint Bernard rejette toutes les comparaifons dont
Abaillard fefervoitpour appuyer fes erreurs, ôc fait voir qu'il n'y
eft tombé , que parce qu'il a cherché la diflindion des Perfonnes
divines dans les attributs efientiels communs à toutes les trois,au
lieu de chercher cette diftin£lion dans les propriétés perfonnelies
6c relatives.
X L V I. Saint Bernard dit à cette occafion qu'il n'en eft pas ib'd.
des noms abfolus, comme des noms relatifs, qui figniiîant ce
qu'une perfonne eft à l'autre , font finguliers à chaque personne ,
ôc incommunicables à toute autre. Le Père n'eft point le Fils ; le
Fils n'eft point le Père; parce qu'on défigne par le nom de Père
ce qu'il eft , non en foi , mais par rapport au Fils ; ôc qu'on
exprime parle nom de Fils, non ce qu'il eft en foi, mais ce qu'il
eft par rapport au Père. Il n'en eft pas de même des noms abfolus
de puiflance, de fageffe ôc des autres attributs, ils font communs.
à toutes les Perfonnes divines ; les noms feuls de Père , de Fils ôc
de Saint-Efprit leur font finguliers , à caufe de leur relation
Tome XXII, Z z
S62 SAINT BERNARD,
perfonnelle. Par ce principe il renverfe ce que difoit Abaillard ,
que la puiffance appartient au Père , ôc la fageffe au Fils , d'une
manière propre & particulière. Il revient à la définition qu'A-
baillard donnoit de la toi ^ l'appellant une opinion , &: lui oppofe
faint Auguftin qui définit la foi une convidion intérieure , ôc- une-
démonftration claire &; évidente j &. faint Paul qui dit que la foi
efl le fondement des chofes que Von efpere , G' une preuve certa'me de
ce qui ne fe voit point. Si elle efl: le fondement , elle eil donc
quelque chofe de fixe & de certain.
^'''- XLVJI. Ce nouvel Ariflote, comme l'appelle faint Ber-
nard , ofoit avancer dans fa Théologie que Notre-Seigneur
n'avoir point eu l'efprit de crainte ; que la crainte pure & chafl:e
ne fubfiîlera point en l'autre monde ; qu'après la confécration da
pain ôc du vin les accidens demeurent fuf.endus en l'air; que les
dénions fe fervent des pierres & des herbes pour faire des im-
preilions furnos fens ; que le Saint-Efprit efl lame du monde;
que le monde , félon Platon , efl: un animal d'autant plus excel-
lent , qu'il a une ame plus excellente. Saint Bernard ne s'arrête
pas à réfuter toutes ces fauifes opinions ; mais il combat fort au
long ce qu'Abaillard enfeignoit centre le Myflere de notre
rédemption dans fon livre des Sentences , & dans (on explication
dcl'Epitre aux Romains ; fçavoir, que le démon n'a jamais eu
de pouvoir fur l'homme, qu'autant que Dieu lui en a donné ,
comme au Geôlier de la prifon; & que le Fils de Dieu ne s'efl:
point incarné pour le délivrer. En cela Abaillard s'éloigncit,
comme il en convient lui-même, de la dottrine commune ÔC
unanime des Pères de l'Egiife. Saint Bernard ne les lui oppofe
donc pas; mais il allègue contre lui les témoignages des Pro-
phètes, des Evangeiifles, des Apôtres , nommément de faint
Paul, qui nous apprennent que le dérnon a un empire fur l'homme;
que cet empire efl jufte ; que le Fils de Dieu s'efl fait chair pour
délivrer l'homme; que la fervitude de l'homme, à l'égard du
démon-, efl un effet de la jufl:ice ; que fa délivrance efl 1 ouvrage
de la mifericorde , mais d'une mifericordc mêlée de juûice,
parce qu il étoit de la mifericorde du Libérateur d ufer de juflicc
plutôt que de pu i fiance, comme d'un remède plus propre à
détruire l'empire du démon ; car de quoi étoit capable l'homme
cfclavedu péché ôc du démon, pour pouvoir recouvrer la juftice
dont il étoit déclra f 11 étoit nécefiairc qu'on lui imputât la juflicc
d'un autre. C'eft ce qji s'efl fait par l'Incarnation, enfortequela
juftice de Jefus-Chrifl eft devenue la nôtre. Abaihard difoit
PREMIER ABBÉ DE CL AIR VAUX, &c. 363
encore que le Seigneur de la gloire ne s'étoit fait homme , que
pour nous tracer un modèle de vie dans fa conduite & dans fes
inflrutlions , & de preicrire par fes fouffrances des bornes
à notre charité. Si cela eft , répond faint Bernard, Jefus-Chrift
s'eft donc réduit à enfeigner la juflice fans la donner ; à nous
montrer un exemple de charité fans la répandre dans nos cxurs.
Si tout le bien qu'il nous procure fe réduit à l'exemple de fes
vertus, il faut que tout le mal qu'Adam nous caure,confi(le dans
l'exemple de fa prévarication ; car le mal 6c le remède doivent
avoir quelque reiiemblance. Comme tous les homm:s meurent dans i Cor. ij, n.
yidam , dit l'A pôtre , ils font vivïjî.'s par Jcjus-C'irijl. Ce parailelle
efl: égal. Ainfi la vie que Jefus-Chrill nous donne n'étant autre ,
félon Abaillard , que l'exemple de fes vertus , il s'enfuit que la
mort qu'Adam nous caufe , confule dans le feul exemple de fon
péché , ce qui efl l'hérefie de Pelage. Il fuit encore de-là que les
petits enfans qui ne peuvent proliter des exemples ni des inflruc-
tions de Jefus-Chrift, n'ont point départ à !a rédemption qu il
nous aacquife par fa mort.
XL V III. Le Pape Innocent reçut auiïï des lettres & des Ep:Jl. 154.
mémoires de la part des Evêques de France contre les erreurs
d'Abaillard, & après en avoir délibéré avec les Evêques 6c les
Cardinaux qui fe trouvoient à Rome , il condamna toutes les
propofitions qui lui avoient été déférées, déclarant leur Ai;teur
hérétique, 6iluiimpofant un éternel filence. La Lettre qui ren-
ferme ce jugement eft adreiïce à Henri, Archevêque de Sens ; à
Samfon , Archevêque de Reims, 6c à leurs SuMragans. Arnaud Epijl. t?<;,
de Brefre,Difcipled'Abnillard,fe voyant condamné pourdiverfes
erreurs par le Concile alîembié à La:ran en 115.9, quitta Brefle
fa patrie 6c fe retira à Zuric en Suiile , où il répandit fa mauvaife
dodrine. Zuric étant dans le Dioccfe de Confiance , faint Ber-
nard écrivit à Herman d'Arbone qui en étoit Evêque , de fe
garder de cet homm.e dangereux, affamé 6c altéré comme le
démon , du fang des âmes; 6c à qui l'aufîerité de fa vie donnoic
de l'autorité pour les féduire ôc les infecter de fes erreurs. Il pria
même cet Evêque de fe faifir de ce méchant homme, afin de
l'empêcher de courir de tous côtés , 6c de caufer par-tout de
nouveaux ravages. Voici le portrait qu'en fait fiint Bernard. C'eft
un ennemi de la Croix de Jefus-Chrift , un auteur des fchifmes ,
un perturbateur du repos public. Sa langue eft plus trancliante,
que l'épée, ôc fes dents plus aigiies qu'une fieche. Ses paroles
pleines d'une faulTe douceur , font des traits envenimés. Ses
Zz ij
'3(?4 SAINT BERNARD,
manières infinuantes, & les dehors d'une vertu contrefaite lui
gagnent la faveur ôc ramitiëdes Grands & des riches. Mais après
les avoir attirés dans des pièges fbcrets qu'il tend à leur fimpli-
cité crédule; après s'être fortifie dans leur bienveillance, on le
voit efcorté d'une troupe de Gens de guerre fe déchaîner ouver-
tement contre le Clergé, attaquer les Evoques mêmes , n'épar-
gner aucun Ordre Ecclefiaftique. Cependant on difoit que Gui ,
i.éeat du Pape, avoit donné retraite à Arnaud de Breffe. Saint
Epijl. i?^ Bernard lui écrivit là-deffus avec beaucoup de liberté _, lui
remontrant qu'il ne devoir avoir aucune liaifon avec un homme
que Rome avoit en horreur, que la France avoit rejette, que
l'Adlemagne détefloit , que l'Italie ne vouloit point recevoir.
Tom. 10, Outre les erreurs d'Abailiard il enfeignoit, qu'il n'y avoit point
Cordi. pc!^, (Je Tijut -pour les Clercs qui poffedoient des biens en propre ;
*°'^* pour lesEvêques qui avoient des Seigneuries ; ni pour les Moi-
nes qui avoient des immeubles ; que tous ces biens appartenoient
au Prince; qu'il avoit feul pouvoir de les donner, mais auxLa'ics
feulement; que le Clergé devoir vivre des dixmes &: des obk-
tions volontaires du Peuple, ôc fe contenter de ce qui fuflitàune
vie frugale.
EpiJl. 197. X L I X. Nous avons deux Lettres de faint Bernard en faveur
de Gui , Abbé de Charlieu dans le Diocèfe deBefançon: l'une à
Pierre , Doyen de la Cathédrale, qui s'étoit déclaré contre cet
Abbé : l'autre au Pape Innocent , qu'il prie de le protéger contre
P .„ -g le Moine qui le perfécutoit. Vous le pouvez, lui dit-il ; il eft
■' ' ^ ' inconteflable que le pouvoir du faint Sicge s'étend généralement
fur toutes les affaires qui regardent l'EgTife ; & la plus belle préro-
gative de ce Siège ApofloHque, eft d'être le refuge & l'appui des
r ;q ,99 Opprimés. Dans une autre Lettre faint Bernard prie le môme
Pape de confirmer le jugement prononcé en faveurd'une Maifon
Religicufe , qu'un homme de mauvaife foi 6c déjà condamné par
deux grands Evéques , vouloit détruire par fes calomnies. II
Epifl. 100, donne pour maxime que, comme il ell jufle de réparer fes pro-
»«>• près fautes , il el1 glorieux de réparer celles des autres ; que
i indruclion &: l'exemple font les deux points effenùels où fe
rédu'lent toutes les obligations d'un Supérieur, & dont la pra-
EpiJI. 201. tique feule metfaconfcienceenfurcte.il étoit d'avis qu'avant
de procédera l'éle£tion d'un Evêque,. le Clergé devoir ordon-
ner un jeune , convoquer les Evêques de Ja Métropole & les
Beiif icux , afin de traiter en commun une affaire commune.
Tpijf. îoj. L. Ayant appris qu'un jeune Clerc de condition pciffoit à fc
PREMIER ABBÉ DE CL AÎRV AUX, 6cc. ?5;
marier, & à prendre le parti des armes , quoiqu'il fût Sous-Dia-
cre ; faint Bernard lui écrivit qu'il ne le pouvoit, & dc'clara à
l'Evcque Atton ôc au Clergé de Troyes de qui ce Clerc dépen-
doit, qu'ils ne dévoient pas lui permettre de prendre ce parti. Il
confeiilaà Robert Pullus de continuer Ton féjour à Paris , parce E^iil. loj.
qu'il avoit la réputation d'y enfeigner une faine doiSkine; &
fçachant que cela ne fe pouvoit fans le confentement de l'Evc-
que de Roclieuer, il l'en pria par écrit. Robert fut dans la fuite
Cardinal. Plufieurs de ceux qui aiioient à la Croifade deman- Epiji. loe.
doient à faint Bernard des lettres de recommandation pourMeli-
fende, Reine de Jerufalem; & cette PrincelTey avoit beaucoup
d'égard , lurtout quand il s'agiffcit des parens de ce faint Abbé.
Ses trois Lettres à Roger , Roi de Sicile , regardent rétabliiïe- J^ri"- tor,
ment des Religieux de Clairvaux dans fes Etats. Saint Bernard *'^^ ' ^°''
donne à ce Prince de grands éloges pour fes libéralités envers
ceux qui quittoient le monde pour fervir Dieu dans la retraite.
L I. Les neuf Lettres faivantes font au Pape Innocent, la Hri'?. iicî>
plupart, pour lui recommander quelque perfonne de marque, j,,/ ^^* *
Dans une, il fe plaint qu'ayant été nommé fon Vicaire dans la
réconciliation de Pierre de Pife, afin de le ramener du fchifme,
il navoit pas rétabli cetEvêque dans fa dignité, comme il s'y
écoit engagé. Dans une autre il fe plaint encore que la Chambre
Apoicoiique avoit diffous le mariage de Raoul , Comte de Ver-
mandois , avec la nièce de Thibaud , Comte de Champagne,
fous prétexte de parenté. Raoul époufa enfuite la fœur de la Epij^. us.
Reine de i'rance, ce qui occafionna une guerre entre le Roi de
France & le Corare de Champagne , ôc des brouilleries avec la
Cour de Rome. Saint Bernard traite ce fécond mariage d'adul-
tère , ôc gémit fur les injuftices que l'on f lifuit foufifrir au Comte
Thibaud. Cependant le Pape Innocent accufoit faint Bernard ^P^- ^'7r
d'avoir difpofé à fon gré de l'argent du feu Cardinal Yves , Légat
en France. L'Abbé de Clairvaux fe juflilia en difant qu'il étoit ^W- ^'8,
abfent , ôc même fort éloigné du Cardinal , lors de fa mort ; qu'il
avoit fait lui-même la difpolkicn de les biens avant de mourir,
ôc en avoit conhé la diilribution a deux Abbés qui fe trouvoient
auprès de lui ; & qui en effet avoient depuis exécuté fes dernières
volontés.
' L 1 1. En 1 144. le Pape Innocent facra Archevêque de Bour- ^i^^: »^^*
ges Pierre de la Chaflre , parent d'Haimeric fon Chancelier.
L'élection s'étant faite fans le confentement du Roi Louis le
Jeune, ce Prince jura publiquement que Pierre ne feroit janaais
Z z i'ij
^66 SAINT BERNARD,
Archevêque de Bourges. Il permit au Clergé d'élire tel autre
qu'il voudroit , & donna fes ordres pour empêcher que Pierre fût
reçu à Bourges , ôc même dans aucune des terres de fon Royau-
me. Le Pape les mit toutes en interdit. L'Archevêque fe retira
dans celles que Thibaud , Comte de Champagne, pofTedoit dans
le Berri. Le Roi irrité porta la guerre en Champagne , qui y fit de
grands ravnges. Saint Bernard qui les voyoit de fort près , écrivit
à Adberic d'Ôllie, Eftienne de Paleilrine, Igmare de Frcfcati,
& à Gérard , Chancelier , fur les fuites fâcheufcs que l'interdit
pourroit avoir , leur faifant furtout envifager-le nouveau fchifme
dont l'Eglife étoit menacée. Il convient qu'on ne pouvoit excu-
fer le Roi d'avoir juré de ne reconnoitre jamais pour Archevêque
de Bourges, Pierre de la Challre, & de perfiiler dans fon fer-
ment : Mais vous n'ignorez pas , leur dit-il, que c'eft un deshon-
neur chez les François de violer un ferment, même inconfideré ,
quoique tout homme de bon fensfoit obligé de convenir qu'il ne
faut pas tenir ce qu'on a juré contre la raifon. Il ajoute que la
paflion , la jeun^de du Roi , fa dignité méritent inJulgence ; ôc
qu'en ce cas la mifericorde devroit l'emporter fur la juftice.
Néanmoins faint Bernard déclare à ces quatre Cardinaux qu'il ne
demande grâce pour ce Prince , qu'en fuppofant qu'elle ne blefle
ni la liberté de l'Eglife, ni le refpett que l'on doit à un Arche-
vêque confacré par le Pape. Mais, continue-t-il, le Roi même,
6c toute l'Eglife de France affez alfligce dailleurs , la demandent
humblement.
Epijl. 110. LUI. Le Pape avoit auffi excommunié Raoul , Comte de
Vermandois , pour avoir fait diiïoudre injuftement fon mariage
avec Gerberte , Coufuie germaine de Thibaud , Comte de
Champagne,& époufé enfuite Alix, fœur de la Reine Eleonore.
Raoul étoit même menacé d'une féconde excommunication.
Saint Bernard prié par le Roi de prévenir cette nouvelle Sen-
tence , répondit à ce Prince , qu'il ne le pouvoit , & que quand il
le pourroit , il ne le devoit pas raifonnablemenr , parce qu'i^gieft
pas permis de faire un mal , afin qu'il en arrive un bien. Il
reproche au Roi d'avoir forcé , les armes à la main , le Comte de
Champagne , |de jurer qu'il engageroit le Pape à abfoudre le
Comte de Vermandois & fes Sujets , malgré la juftice & la
Epi/!. 111. raifon. Dans une autre Lettre il blâme ce Prince de fuivre de
mauvais confeils , ôc de mettre tout à feu & à fang dans la Cham-
pagne , quoique le Comte Thibaud lui falfe des propofitions
raifonnables de paix. Saint Bernard fait ici le portrait des Cour-
PREMIER ABBÉ DE CL A IR V A VX,£<c. y6-j
tifans, qui dans les confeils qu'ils donnent au Prince, envifagent
moins fa gloire que leurs pallions. Il témoigne fe repentir d'avoir
pris fon parti auprès du Pape , en excûdmt Tes fautes .fur fa jeu-
nèfle, ôc dit qu'à lavenir il ne diilimuiera pas fes fautes au faint
Siège; en particulier, d'avoir ôté à TEglifc de Cliâlons la liberté
de séWxQ un Pafleur ; d'avoir permis de mettre des Troupes en
garnifon dans les maifons Epilcopales ; de piller les biens de
l'Eglife, 6c de les employer à des ufages profanes & criminels. Il
rejette fur Joflelin,Eveque de Soifions, ôcSuger, Abbé defaint £„f«^ j,^^
Denys, le violcment de la paix conclue avec le Comte de Cham-
pagne , ôc tous les troubles dont le Royaume étoit agité. Jofl"elia
piqué de la conduite de faint Bernard à fon égard, lui écrivit
pour s'en plaindre ; ce qui obligea cet Abbé de lui écrire, ôc à E^'iJl. îij.
l'Abbé de faint Denys, pour (e juflifier des chofes dures qu'il
leur avoir dites dans la douleur que lui caufoit fon zèle pour le
bien de l'Eglife. Il s'excufe de ce qu'il lui avoit envoyé fa pre-
mière Lettre décachetée, difant qu'il n'en avoit agi ainfi que
pour fe conformer à l'uiage ou l'on étoit , de ne point cacheter
les Lettres qu'on adrefloit à diverfes perfonnes. Or, fa première
étoit à JoflTelin ôc à Suger , mais la féconde , c'eft-à-dire, celle
dont nous parlons , s'adreflbit à Joflelin feul. C'ell pourquoi faint
Bernard y mit fon cachet où il avoit fait graver fa (a) propre
figure , ôc fon nom autour.
L I V. Les violences du Roi contre l'Eglife augmentant de Enjl. 214.
jour en jour, faint Bernard en écrivit à Lftienne , Evéque de
Paledrine , croyant qu'il étoit de fon devoir de les e.poferà ceux
qui pouvoient y remédier. Il exhorta aufli l'Evêque de Solfions , F/t?. nf.
comme Minidre avec l'Abbé Suger , de procurer la paix à l'Etat.
Il femble qu'il vouloit y travailler lui-mcme, en fe trouvant à
l'Affemblée indiquée à faint Denys; mais l'obftination du Roi
Louis rendoitles travaux de faint Bernard inutiles. Il s'en plaignit E)ll. zi$.
à lui-même dans une Lettre qui lui étoit commune avec Hugues,
Evêque d'Auxerre. Le Roi les avoit mal reçus l'un l'autre à
Corbeil , ôc leur avoit ôié la liberté de s'expliquer fur quelques
fujets de mécontentement qu'ils lui avoient donné fans le vour
loir. Ils le prient de leur faire counoître fes intentions par leur
Député. Saint Bernard étoit tombé dans la difgrace de ce Prince,
peut-être pour n'avoir pas allez ménagé fes expreflions en lui
(a) E;;i;î. x84.
5(^8 SAINT BERNARD,
écrivant, ou pour n'avoir pas foUicité le Pape en faveur de Raoul,
Epi,! 117. Comte de Vermandois. Il implora , pour rentrer dans Tes bonnes
grâces , le crédit de l'Evêque de SoilTons.
Epif. îî8. - L V. On voit par fa Lettre à Pierre, Abbé de Cluni , qu'il
avoir réfolu de ne plus forcir de Clairvaux , que pour aller au
Chapitre général qui k tenoit tous les ans à Cîteaux. Il fe plai-
Epij}. iif. gnoità Guillaume j Abbé de faint Thierri, qui lui avoit demandé
fon Apologie contre les Moines de Cluni , que quand il travail-
loit à ces fortes d'ouvrages , fa dévotion s'afFoibliiîoit , parce qu'il
étoit moins recueilli 6c moins difpofé à fOrailon. Ladivifion
d'Ëftienne , Evéque de Metz , & de fon Chapitre duroit toujours.
E?!/î. 17S& Saint Bernard en écrivit d'abord au Pape Innocent, puis aux
ijo. Evêques dOdie, de Frefcati ôc de Paieftrine , pour les prier
Epijî. Î31. de la faire ceffer. Il pria encore ces trois Evêques de prendre
fous leur protection l'Abbé de Lagny , qu'il juiiiiie fur tous les
reproches que fes ennemis lui failoient. Cécoit, félon faine Ber-
nard , un homme eftimé de tout le monde pour fes vertus , doux,
fobre, chafte, humble, plein de zèle pour la difcipline régu-
Epifl. 131. liere. Il ne les interefTa pas de même dans la défenfe de l'Abbé
de faint Chafîire au Diocèfe duPuy;au contraire, il rendit un
EpiJl. 133. bon témoignage au Délateur de cet Abbé. Celui de Buzay dans
le Diocèfe de Nantes avoit quitté le gouvernement de fon Mo-
naflere, furie rapport qu'on lui avoit fait que faint Bernard vou-
loir lui oter la conduite des âmes qui lui étoient coniiées. Le
rapport étoit faux. Le Saint fen allura , & le conjura de fe réunir
à fes Frères. Il demanda grâce à Herbert, Abbé de HiintEftienne
de Dijon , pour un de fes Religieux qui avoit écrit quelque chofe
Epiji. 13^. contre lui. Il s'eft fait, dit-il, plus de tort qu'à moi. Sa manier»
d'écrire ell plus propre à montrer fon peu de jugement , qu'à me
convaincre d'erreur. D'ailleurs, quand il feroit capable de me
nuire, il ne me convient pas de me venger. Pardonnez à un
jeune Religieux qui a péché plutôt par une fotc vanité, que par
malice : que ce foit toutefois à condition qu'il ne fe donnera plus
la liberté d'écrire , ou de difputer fur des matières qui paflent la
portée de fon cfprit. Il eft afîez clair que le petit ouvrage qu'il a
eu la témérité d'entreprendre demande un ftile plus ferme , ôc un
génie plus fort que le lien.
Epilî. 135. LVI. Turftain, Archevêque d'Yorck , étant mort au mois
de Février 114-0, on élut pour lui fuccedcr Henri de Coili,
M nif}r neveu du Roi Eltiennei mais parce qu'il étoit Abbé de faint
Anj,Hc'!"'tjm'. Eftienne de Caën , le Pape Innocent II. refufa de recevoir fon
1 , p^g- 745. éleclion ,
PREMIER ABBÉ DE CLAIRVAUX,6cc. ^69
éledion , à moins qu'il ne renonçât à l'Abbaye. Le Clergé
dTorck élut à fa place Guillaume, Tréforier de cette Eglife,
qui dtoit aulFi neveu du Roi. Quelques-uns s'oppoferent à fon
éleiïlion , fous le prétexte quelle n'avoit pas été libre , ôc que le
Comte d'Yorck l'avoit ordonnée de la part du Roi. Ce Prince,
fans avoir égard à roppofition,mit Guillaume en poffeirion des
terres de l'Archevêché. Les oppofans en appellerentàRome, ôc
mirent dans leur parti faint Bernard , qui écrivit là-delTus plu- E^ijl. î4< ,"
fleurs Lettres au Pape Innocent contre l'Archevêque Guillaume. H^
L'Abbé de Ridai en Angleterre, étoit un des plus oppofés à
cette élection 5 & il femble qu'il doutoit que l'on dût recevoir
l'Ordination &: les autres Sacremens de la main de ce Prélat.
Saint Bernard le raffura d'abord fur les défauts de cette élection, Eyijl, jnv
en lui difint avec faint Auguftin : Le péché des autres ne vous S'rm. \%,ie
cft point imputé , lorfque vous n'y -confcntez pas, ou que vous «'■ii^Donu/ir.
le condamnez. Quant à l'Ordre , ajoute-t-il , ôc aux autres Sacre-
mens , Jefus-Chrift eft le feul qui baptife & qui confacre. S'il
s'en trouve qui ayent du fcrupule de fe faire ordonner par cet
Archevêque , perfonne ne les y contraint. Pour moi , j'afTure
hardiment qu'on ne rifque rien , quand on fe foumet aux règles
de TEglife. La Lettre à l'Abbé de Ridai ne fut écrite qu'après
l'an 1 142 , auquel, fur le jugement rendu par le faint Siège,
Guillaume reçut l'Ordination des mains de Henri, Evêque de
[VJnchefter, Légat Apoftolique, le 27 de Septembre.
L V II. Cependant le Pape Innocent étant mort, ôc Celellin ^vC^- ^îi*
II. mis à fa place, faint Bernard lui écrivit contre l'Archevêque,
& fit revivre toutes les accufations que l'on avoit formées contre
lui à Rome ôc en Angleterre pour empêcher fou Sacre. Sa Lettre ^P'^» *3^»
à toute la Cour Romaine elt fur le même fujet. Comme il étoit
perfuadé que Guillaume avoit été élu par fimonie,il dit aux
Cardinaux ôc aux Evêques de cette Cour : Il vous efi: plus glo-
rieux défaire defcendreceSimondu lieu où il eft monté, qu'il ne
le feroit de l'empêcher d'y monter ; autrement que deviendront
de faints Religieux qui font perfuadés qu'ils ne peuvent en conf-
cience recevoir les Sacremens d'une main fouillée? Je prévois
qu'ils fortiront de leur Pays plutôt que de fe livrer à la mort, ôc de
manger des viandes confacrées aux idoles.
L V 1 1 1. Après la mort de Celeftin II. arrivée le neuvién-.e _^ ^P'!^- -J^»
de Mars 1144 , on élut le dixième du même mois Gérard, 240.' *
Prêtre-CarJinal , qui prit le nom de Lucius IL Son Pontificat ne
fut que donze mois ôc quatre jours. Il eut pour fuccclVeur
Tome XXII, Aaa
570 SAINT BERNARD,
Bernard, Abbé de faint Anaftafe à Rome, connu fous le nomi
d'Eugcne III. Son Sacre fe fît au Monaftere de Farfe , en l'an-
née 1 14^. Auflitôt que S. Bernard eut appris fon élettion il
écrivit aux Cardinaux ôc aux Evêques de la Cour Romaine ,
pour leur témoigner fafurprife, qu'ils euITent placé fur la Chaire
de faint Pierre un Religieux accoutumé au repos & à la retraite ,
& pour les prier de l'aider de leucs confeils. Il écrivit au Pape
même qui avoit été fon Difciple , plufieurs Lettres ; la première
pour le féliciter fur fa nouvelle dignité, lui en repréfenter les
dangers , ôc pour l'animer à remplir fes devoirs ; la féconde & la
troifiéme pour l'engager à dépofer l'Archevêque d'Yorck , com-
me un intrus. Il s'y déclare aufli contre l'Evêque de Vinchefter ,
qui , de même que Guillaume d'Yorck. , étoit en méfmtelli-
gence avec l'Archevêque de Cantorberi. Quand il fera tems de
juger leur différend , j efpere, lui dit-il , que vous montrerez par
votre équité qu'il y a un Prophète en Ifraël. Heureux,fi je voyois
avant de mourir, l'image de l'Eglife primitive, ce tems où les
Apôtres méprifoient les richefles, ôc ne fe propofoient pour
fruit de leurs travaux , que le falut des âmes ! Que je fouhaite de
vous entendre dire j comme celui dont vous rempliifez la Chaire:
Ton argmî phijfe avec toi. L'Eglife votre mère l'attend de vous ;
fes enfans vous demandent que vous arrachiez tout ce que le
Père célefle n'a point planté. Vous êtes établi le Maître des Na-
tions ôc des Empires , pour arracher ôc détruire , pour édifier ÔC
%X 25:. planter. Il n'y a que celui qui tient la place de Pierre qui puiiTc
d'un feu! coup faire périr un Ananie , un Simon le Magicien ; ôc
pour parler fans figure , il n'appartient qu'au Pape de dépofer un
Evcque. Il partage avec d'autres le foin d'une Églife , mais il eft
le feul qui ait la j>Iénitudede la puiffance. Ces Lettres de faint
Bernard formèrent un obllacle à la demande du PaUium que
Guillaume étoit venu faire au Pape Eugène. Il s'en retourna fans
l'avoir obtenu. Quelques-uns de fon parti, pour fe venger de
l'affront qui leur en revenoit , mirent le feu à TAbbaye de Fon*
taines , ôc en maffacrerent plufieurs Religieux. Ce fut le fujec
^ î'T-. (j'une nouvelle Lettre au Pape Eugène de la part de faint Ber-
nard , dans laquelle il le prefie d'abattre promprement ce mau-
vais arbre qui ne produifoit que des épines. Guillaume fut en
elTet dépofé dans le Concile tenu à Reims en H48, le Pape
Eugène préfent. Les Clercs de l'Eglife d'Yorck y étoient van us
r«nuuvelier leurs accufations contre Guillaume , ayant à leut
tcte Henri Murdac, Abbé de Fontaines. Il fut élu Archevêque
1
PREMIER ABBÉ DE CLAIRVAtJX,&fd ^yr
d'Yorck à la place de Guillaume , ôc facré par le Pape à Trêves le
cinquième de Décembre.
LI X. En 1 14.71e Légat Alberic envoyé contre les Henri- Epijl. 14t.
ciens , fedateurs des errenrs de Pierre de Bruis dont il a été parlé
plus haut , fe Ht accompagner de Geoffroi , Evoque de Chartres ,
ôc de faint Bernard , qui avant de fe mettre en chemin pour
Touloufe , écrivit à Alfonfe , Comte de Saint-Gilles, pour lui
donner de l'horreur de ces hérétiques, nommément de Henri
leur chef. Il en fait le portrait , & le détail de fes dogmes perni-
cieux ; 6c pour engager le Comte à le chaiTer de fes Terres , il le
prie de s'informer comment cet impofîeur étoit forti de Lau-
zanne , du Mans , de Poitiers ôc de Bordeaux , laiflant dans ces
Villes de li honteufcs traces de fes débauches , qu'il n'ofoit y
retourner. La Lettre de faint Bernard aux Citoyens de Touloufe £ ^^ ^.^^
eft un éloge de leur attachement à la faine doélrine ; mais alin
qu'ils ne fe lailfent pas féduire par des dogmes nouveaux , il les
avertit de ne recevoir aucun Prédicateur étranger qu'il n'ait fa
miiîîon du faint Siège, ou qu'il ne foit approuvé de l'Evcque
Diocèfain.
LX. A Rome, Arnaud de Brefle excitoit le peuple Romain E'pijî. t4ji
à la révolte , 6c à changer la forme du gouvernement , lui propo-
fant de faire rebâtir le Capitole , de rétablir la dignité du Sénat ,
& l'ordre des Chevaliers. Il difoit qu'il n'appartenoit pasau Pape
de gouverner cette Ville ; qu'il devoir fe contenter de la Jurif-
diflion Eccléfiaftique , 6c vivre desdixmes ôc des offrandes des
Fidèles, fuivant l'ancien ufage de l'Eglife. Les Romains émus
par ces difcours , elTayerent en effet de changer la forme du gou-
vernement ; ôc le Pape Eugène fut obligé , pour éviter leur
fureur, de fe retirer à Viterbe. Ce fut une occafion à faint Ber-
nard d'écrire aux Romains pour les ramener à l'obéilTance du
Pape. Il leur fait voir qu'en s'efforçant de détruire les privilèges
du faint Siège, non-feulement ils affoiblifToient l'autorité fuprémc
que le Ciel ôc la Terre lui ont accordée , mais qu'ils fe deshono-
roient eux-mêmes, en deshonorant leur Chef 6c celui de toute
l'Eglife, à qui ils auroient dû, s'il eût été nécefTairc , facrificr
leur propre vie. Vos Ancêtres , leur dit-il , ont rendu votre Ville
la maîtrelfe du monde, elle en va devenir la fable par votre impru-
dence. Vous chaffez le SucceiTeur de faint Pierre de fon Siège &
de fa Ville. Vous dépouillez les Cardinaux 6c les Evêques à«
leurs biens ôc de leurs maifons. Rome aveugle ! qui fuit f :is
réflexion la paffion qui t'entrame ; Ci tu formes un Corps , le Pape
Aaai;
372 S A I N T B E R N A R D ,
H'en eft-'il pas la tête ; les Cardinaux n'en font-ils pas comme le»
yeux ? Qu'es-tu donc aujourd'hui ? Un Corps fans tête , fans yeuxy
fans lumière. Il fait enfuite fouvenir les Romains des défordres
arrivés dans l'enceinte de leur Ville pendant le fchifme de l' An-
tipape Anaclet ; tout ce qu'il y avoit de précieux dans les Tem-
ples , les vafes facrés , les flatues d'or ôc d'argent ; en un mot ,-
tous les riches ornemens qui embeliflbient la Maifon du Sei-
gneur , devinrent la dépouille des fcélerats. Saint Bernard leuc-
repréfente les fuites ficheufes delà divifion qui regnoit entr'eux,.
ôc qui étoit pouffée à un tel excès , que le tils étoit obligé de fe-
défier de fon propre père. C eft pourquoi il les conjure de fe
réconcilier avec Dieu , avec les Apôtres qu'ils avoient chafTéS'
de leur Vi le en la perfonne d'Eugène leur fucceflfeur ; avec les
Martyrs Protedeurs de Rome ; avec les Princes du monde , ÔC.
avec tous les Fidèles qu'ils avoient fcandalifés par leur attentat.
Epijl. 144. Le faint Abbé écrivit encore au Roi Conrad , en lui remontrant»
la néceifiié de l'union ôc de la concorde entre la Royauté ôc le
Sacerdoce , ôc en l'exhortant à protéger l'Eglife contre les-
entreprifes téméraires des Romains. Armez-vous , lui dit-il, de
toute votre puiiïance ; faites rendre à Cefar ce qui eil à Cefar , Qc
à Dieu ce qui efl à Dieu. En qualité d'Empereur, vous aves
deux obligations ; l'une , de défendre votre Couronne ; ôc l'autre,.
de protéger l'Eglife. Vous êtes le Chef de l'Empire , & le
Dépofitaire de fes droits ; vous êtes le Tuteur ôc l'Avocat de-
l'Eglife.
Epi.jl.tiu LXI. Les cinq Lettres fuivantcs font adreffées au PapC
'* ' Eugène. Les deux premières regardent Elle , Evcque d'Orléans,
qui accufé de plulieurs crimes, & fe trouvant prefque dans 1 im-
pollibilité de s'en juftifier , avoit abdiqué volontairement 1 Epif-
eopat. Saint Bernard prie le Pape de ne pas le deshonorer par une
Sentence diifimante, mais de lui conferver le rang de fimple
_ . _ Prêtre , ôc une honnête médiocrité. Voici quelle fut l'occafioiv
■^ * ' " de la troifiéme. Il étoit d'ufage alors de couronner les Rois à
toutes les grandes folemnités ; Samfon Archevêque de Reims , fie
cette cérémoniedans l'Affemblée qui fetîntà Bourges à la Fête
de Nocl I i^f pour la Croifade. L'Archevêque de Bourges s'en
plaignit au Pape , qui priva de l'ufage du Pallium celui de
Reims. Saint Bernard défapprouvanr cette fé^erité remontra à
Eugène , que Samfon ne croyoit point en cela avoir excédé fes
privilèges , & qu'il étoit en état de fe juflifier là-ddfus ; que le
Roi pourroit être aigri de l'affront fait à l'Archevêque de Rciras^,
PREMIER ABBÉ DE CLAIRVAUX,&c. 37?
parce que ce Prince avoir été roccafion du démêlé ; ôc qu'il étoit
d une extrême conféquence de le ménager dans l'affaire de la •
Croifade. Par la quatrième Lettre faint Bernard avertit le Pape Epifi. 14s.
de fe méfier de l'Evcque deSéez,qui fous de faux prétextes
vouloit ôter les Chanoines réguliers de fon Eglife pour y mettre
des léculiers. Dans la cinquième il lui recommande le Prieur de EpijI. 1.^9,
la Chaife-Dieu, élu Evêque de Valence par le confentement
unanime du Clergé ôc du Peuple.
LXII. On avoit aulli choifi pour Evêque un Religieux de Epifl. 150;
la Chartreufe des Portes , mais le Pape Eugène ne voulut point
approuver fon éledion. Le Prieur ôc les Moines en furent fichés.
Saint Bernard leur en fit des reproches , leur faifant entendre que
le Pape n en avoir agi de la forte , que pour empêcher qu'on ne
trouvât à redire à lélevation de ce Religieux qu'on fcavoit ne
s'être converti que depuis peu. Au relie il protefte n'avoir eu
aucune part au refus du Pape ; qu'il étoit même difpofé à lui
procurer dans le tems un polte où il fit valoir fes talens ; ôc que
quand ce Religieux auroitlailTé paroître étant dans le monde,'
quelques traits de jeuneffe, le palfé n'étoit plus , la folitude ou
la vie religieufe étant devenue pour lui un fécond baptême. Il
loue le Prieur des Pertes d'avoir répondu chrétiennement à la
lettre défobligeante de l'Abbé de Chezy, ôc finit la fienne par
ces paroles édifiantes : jVla vie qui a quelque chofe de monilrueux ,■
ma confcience qui e(l dans un trouble continuel , m'obligent dé-
crier vers vous. Je fuis une efpece de chimère dans mon fiécle,
ni Clerc, ni Laïc. Je porte un habit de Moine, ôc j'en ai quitté-
depuis longtems les cbfervances ôc les préceptes. Je ne vous
mande point ce que vous fçavez apparemment , les occupations
qui me ciiilipent , les périls aulquels on m'exporcdansle monde, -
ou plutôt , les abîmes où l'on n>e précipite. Si vous l'ignorez , je
vous prie de vous en inftruire , afin que vous m'aidiez de
vosconfeils ôc de vos prières , à mefure que vous connoîtrez mes
befoins.
L X 1 1 1. Saint Bernard intercéda auprès du Pape pour les Ep'f. lU'
Moines de Paulme , qu'il avoit punis d'une faute confiderable,
enréduifant leur Abbaye en Prieuré. On lui rendit depuis fon
premier titre. Il fait dans fa Lettre à Hugues , Abbé de Prémon- EpiJÎ. 153.-
tréj le dénombrement des ferviees qu'il avoic rendus à fon Ordre
en diverfes occafions , ôc fe judifie fur les reproches que cet
Abbé faifoit aux Moines de Clairvaux. Puis il ajoute : Les liens
de la charité qui m'attachent à vous font indiiiblubles ôcinva-
Aa a iij
574 SAINT B E R N A R D,
riables. Lorfque je vous verrai irrité , je tâcherai de vous appai-*
f6r;lorfquc vous voudrez m'irriter^ je céderai à Votre colère ,
>'■• .i,; d« peur de céder au démon. Plus vous m'accablerez d'injureS,
plus je vous comblerai d'honnêtetés. Je fuis pénétré de douleur
de vous avoir donné quelque fujet de chagrin, elle ne ceflera
point, que vous n'ayez eu la bonté de la loubger. Il n'eut qu'à
E})ijl. ij4. louer, dans fa Lettre à l'Abbé de fainte Maric-des-Alpes. Cet
Abbé ayant entrepris la réforme de fon Monaftere, y rappella
ceux de fes Religieux qui avoient vécu jufques-là fans règle &
fans ordre dans des cellules féparées, interdit aux femmes lentrce
de la clôture , ôc fit refleurir la difcipline & la pieté avec un zèle
toujours nouveau. Saint Bernard dit dans cette Lettre , que
l'homme jufte ne croit jamais être parvenu à la perfettion ; qu'il
ne dit jamais, c'eft affez ; qu'il efl toujours altéré de la juflice,
enforte que s'il vivôit toujours > il.travailleroit fans cefTe à faire
de nouveaux progrès dans la vertu ; que la faim perpétuelle du
Jufte mérite d'être éternellement raffafiée, parce que rnaùqré la
brièveté de la vie qui la termine ,1a confiance de la volonté qui
produit cette faim, lui donne delà proportion avec l'éternité. Par
uneraifon femblabie il fait voir que le llipplice des méchans doit
ctre éternel, à caufe de l'inflexible malignité de leur coeur qui
rend éternel par fes dénrs, ce qui efl pallager dans fon exécution ■;•
enforte que fi un réprouvé étoit immortel , il perlKleroit toujours
dans la volonté de pécher.
ÏÏpiJl. i5i. LXI V. La Lettre à Louis le Gros, Roi de France , fe
trouve placée dans les manufcrits après la cent-vingt-flxiéme
aux Evêques d'Aquitaine. Elle fut en ciîet écrite quelque tems
après , ôc vers l'an 1 1 54. , à l'occafion du Concile indiqué à Pife
par Innocent II. Ce Prince, dont le Pape avoit facré le fils à
Reims en iijij avoit défendu aux Evêques de fon Royaume
d'aller à ce Concile , à caufe des grandes chaleurs. Saint Bernard
lui écrivit que cette confid^rarion ne devoir pas l'empêcher de
témoigner dans cette aflemblée générale de tous les Evoques
d'Occident , fon zèle ardent pour la Religion , en y envoyant les
Evêques de fes Etats. On y apprendra, lui dit-il , que le Roi de
France efl le premier , ou l'un des premiers qui ait eu la pieté ôc
ie courage de défendre l'Eglife fa mère contre la violence de (es
perfécuteurs, c'eft-à-dirc , des fauteurs de l'Antipape Anaclet.
gpi/j, 4-|5. L X V. Hugues , Evêque de Gabale en Syrie , étant venu eu
Occident pour demander au Pape Eugène , au Roi des Romains,
èc au Roi de France , du fceours pour l'Eglife d'Orient , que la
PREMIER ABBÉ DE CLAIRVAUX , &c. 57?
perte de la Ville d~Edefle avoit jettée dans la conflernation , le
Pape écrivit au Roi Louis le Jeune le premier de Décembre de
l'an 1145', pour l'exhorter, & tous les François /à prendre les
armes pour la dcfenfe des Clirétiens d'outre-mer. Ce Prince
avoit déjà réfolu de fe croifer pour ce fujet , & communiqué fou '
deffein à quelques Seigneurs delà Cour , aux Evoques , ôc à faine
Bernard. Il en écrivit même au Pape , qui ayant approuve fon
deffein , il fe tint un grand Parlement à Vezelai le 5 i de Mars
1146,011 faint Bernard par ordre de l'Affemblée prêcha avec
fuccès la Croifade ; & un à Chartres le 2 1 d'Avril de la même
année, oùlon voulut d'un confcntemcnt unanime ie'choififpGUtr
Chef de cette Croifade. Mais il s'y oppofaconftamment, comme
on le voit par dx Lettre au Pape Eugène , où d'un cote il le prefle
de fecourir l'Ëglife d'Orient .fins i'e laiffer décourager par la
perte d'EdelTe ; & de l'autre il lui raconte ce qui sétoit paHc à
fon égard dans rAlIemblée tenue à Chartres, Votre. Sainecfé a
fans doute appris qu on m'y avoit fait le Chef de cette nouvelle
Croifade. J'admire d'oùeft venu ce delîein. Pour moi je d'éclare
que je n'en ai jamais eu la penfëe , ni la moindre envie ; Ç\ je
eonnois bien mes forces, je fuis même dans l'impuiffance de
m'acquitter dune pareille commiliion. Qui fuis-je pour ranger
une Armée en bataille, pour me mettre à la tête des Troupes? Je
fuppofe même que j'en aye ia force & la capacité , quoi de pius
oppofé à ma proielhon ? Votre Sainteté ell trt^p fage pour n'y pas
faire une férieufe attention. Je la conjure donc parla charité Eiiijf. t^r.
donfellc m'eft redevable d'une manière particulière , de ne me
livrer point au caprice des hommes, de confuiterDieu , & de
fuivre fes volontés. Saint Bernard prie encore le Pape d'avoir
quelques égards pour un Moine de Clairvaux nommé Philippe y
fait Évêque de rarente par l'Antipape , ôc dégradé enfu'ice*
Quoiqu'on l'eût fcduic à l'Olhce de Diacre , il ne (e piaignoit de
xien , content de vivre inconnu dans la Maifon de Dieu. Il s'in-
tereffa auffi pour le rappel du Moine Rualenus, contraint par le J^p-fr- i^s ,
Pape d'être k\nhé de ■ faint Anaftafe ; mais voyant que le Pape ^î^^--®-'
pcrfidoit dans fon faninient , il s'y fournit, & écrivit à RualenuS
pour l'exhortera fupporter les peines & les inquiétudes infcpa-^
rabies du gouvernement. Dans les deux Lettres fuivàntes adrcl^ £.;-?. ,6 j ^
fées au mfcme Pape , faint Bernard le prie d'abfbudre fAbbé de îé». "*
faint Urbain de l'interdit qu'il avoit encouru de fa part pour
avoir donné l'habit à un Religieux Templier fans l'agrément de
fes Supérieurs, 6c de prpteger les Moines de fainte'Marie-fur-
37^ SA IN T BERNARD,-
Meufe au Diocèfe de Reims, dans un procès qu'ils avoîcnt.
Epijf. 163. L X V I. L'Abbé de Chezy en avoit un autre pour lequel faine
Bernard interella l'Evêque de Soifïons. La Lettre qu'il reçut de
' Epijl. itf4 , Pierre , Abbé de Ciuni , & fa réponfe à cette Lettre font des
•^î' preuves de i'eftinie qu'ils fetémoignoient mucuellenient , & du
Epijî. z66, défir qu'ils avoient de fe voir. Saint Bernard n'en avoit pas moins
,de voir l'Abbé Suger , & de recevoir fa bénédicHon. Mais ne
pouvant fe promettre cet avantage , parce que Suger fe trouvoit
dangereufement malade, il lui écrivit pour l'encourager à la
; mort. On avoit furpris la religion du Pape pour placer dans une
dignité de l'Eglife un homme convaincu de l'avoir briguée, ôc
;-Epjl. z6S..,dégradépubliquement pour crimes; faint Bernard fit connoître
au Pape le Sujet, & le pria de le priver de fa dignité. Il fut lui-
même furpris par un homme, qui pour éluder la juftice, obtint
EpiJl. ii9- de lui une lettre de recommendation pour le Pape. Mais il en
prévint l'effet en lui donnant avis de la fourberie. Il lui donna
/yf= 170. gyjij 2vis de la mort de Rainaud , Abbé de Citeaux , arrivée en
1 1 p , & de l'éledion de Gofvin , Abbé de Bonneval , fon fuc-
ceffeur, qu'il lui recommande. Par la même Lettre il informe le
;Pape d'un fcandale arrivé à la grande Chartreufe. Certains Reli-
gieux de cette Maifon qui en avoient été chaflés , ou qui en
' ;étoientfortis fcandaleufement, obtinrent.de Rome parfurprife
.une Lettre de rétablilTement.; mais bien loin defe foumettre àla
.peine.portée par les Statuts de l'Ordre , ils infulterent ceux qu'ils
avoieiit offenies pat leur apoftafie , &: s'érigèrent en Supérieurs.-
-Le Prieur Anthelme fe voyant fans autorité , fongeoit à fe retirer
cour n'être pas témoin du renvcrfement de la Règle. Mais faint
Bernard prévoyant les flicheufes fuites de fa retraite , pria le Pape
jde punir ces Moines rebelles qui l'avoicnt furp-ris. 11 efl: doux,
.dit-il , il efl: équitable de faire tomber le méchant dans la foffe qu'il
a creufée , de lui faire porter la peine qu'il méditoit d'attirer fur
l'innocent. Tel fera l'effet de votre zèle , il abbattra l'orgueil , il
rétablira l'autorité légitime. Si le Prieur demeuroit fans pouv.oàr,
il feroit à craindre que la Règle ne pérît bientôt. Le Statut
auquel ces Moines fugitifs ne vouloient pas fe foumettre , fe lit
dans le foixante-dix-feptiéme chapitre des Conflitutions du bien-
heureux Guigues , & porte quele Religieux déferteur fera mis au
dernier rang , laifl'ant au Prieur à lui impofer d'autres peines.
E/.jl. lyu L X V 1 1. Saint Bernard avoit pour maxime , que fervir un
■ami aux dépens de ce qu'on doità Dieu , c'étoit fe rendre indigne
de fpn amitié. Sur .ce principe il crut qu'il offenleroit Tliibaud ,
Comte
PREMIER ABBÉ DE CLAIRVAUX,&c. 377
Comte de Champagne , dont il-c'toit aimé , s'il condefcendoit au
délîr qu'il avoit de procurer à (on ffis, encore enfant, des dignités
Eccleliadiques. Perfuadé , lui dit-il , que les dignités Ecclefiadi-
ques ne font dues qu à ceux qui ont la volonté & le pouvoir do
s'en acquitter dignement ; j'ofe vous déclarer que vous ne pouvez
fans injuftice,&. que je ne puis fans danger les foUiciter pour
votre Hls , encore enfant. Il n'efl pas même permis à un homme
d'un âge propre à les pofTeder, d'en avoir pluficurs en diverfcs
Eglifes, à moins qu'il ne foit difpenfé de cette loi , ou à caufe
de l'extrême néceilité de l'Eglife , ou pour une utilité confidé-
rable qu'elle en peut tirer. Si ce langage vous paroît dur, fi vous
êtes déterminé à fuivre vos premières vues , je vous fupplie de
ne point vous adrelTer à moi. Saint Bernard ne laiiïa pas, par £;il 174,
quelque confideration humaine , de travaillera procurer au neveu
de TEvéque d^Auxerre,la Prévôté de cette Eglife, quoiqu'il
fiit encore jeune \ mais il s'en repentit, comme d'une faute qu il
avoit faite.
L X V 1 1 1. Hugues , Abbé de Trois-Fontaines , à qui il fait E;,'i,/?. 17;.
cet aveu,étoit alors à Rome pour les affaires de fon Ordre. Saint
Bernard craignant qu'une longue abfencc ne nuifit au bien de
cette AIaifon,pria le Pape de l'y renvoyer. Il le remercie en
même-tems de fa Lettre affedueufe au Chapitre général aiTcm-
blé à Citeaux, 6c le prie de continuer à honorer ceux de fon
Ordre, de fes foins. Ils ne font, dit-il, qu'une petite portion
des enfans du Père de famille; mais ils en font la portion la p!us
précieufe , les enfans les plus chéris, les premiers héritiers de la
Couronne immortelle , les principaux co-héritiers de Jefus-
Chrift. Informé par un de fes Religieux qu'il avoit envoyé exprès
à Auxerre , des brouilleries qu'avoir occafionnées une féconde
éledion , il en donna avis au Pape , ôc appuya la première, p.,;?. 17^.
comme ayant été faite par le plus grand nombre. Il l'avert't E-^iti. lyi.
encore que le défunt Evoque d'Auxerre étant prcfque f ms con-
noifTancc , avoit , à la follicitation d'un certain Eilienne, fait fon
légataire prefque univerfei fon neveu , jeime Laie incapable de
fervir l'Egiife ;& que par cette difpofrLion ce jeune homme héri-
toit les revenus de fept ParoiiTes , les dixmes 6c les prés fuués
dans une forêt dépendante de l'Evêché , fans compter les effets
mobiliers de fon oncle. C'efl pourquoi il prie le Pape de faire
caffer ce teftament , comme contraire aux Loix delEglife , ôc
deshonorant pourcefaint Eveque. Il lui recommanda i'Abbé de ' E^.jî. 177,
Cluni qui alloit à Romei Henri,£vêque deBeauvais,ôc HeloitlTe, -^-^•
Terne XXII. B b b
37« S A I N T B E R N A R D ;
Abbeiïie du Paraclet , qui avoit eu recours au faint Siëgc pour
Epijl. iSo. quelque grâce. Le Pape ayant ordonné une nouvelle élection à
Auxerre, commit faint Bernard avec deux autres perfonnes pour
y préfider. Il s'accorda avec l'un des deux , l'autre reclama ; mais
le Pape confirma l'éledion. On croit que ce fut en faveur d'Alaia
premier Abbé de Lerivoir au Diocèfe de Troyes. Cependant on
fit entendre au Roi Louis que la première élection n'ayant pas
eu lieu , il avoit été befoin de fa permifTicn pour procéder à unç
Epifl. iSi. féconde. S. Bernard lui repréfenta qtie fon premier confente-
ment fuffifoit ; qu'il : 'toit contre l'ufage ôcîa raifon de recourir à
fon autorité, toutes les fois que le Clergé étoit divifé. Il le pria
donc de confentir à l'éledion d'Alain, l'affurant que ce Sujet
étoit digne du choix qu'on en avoit fait, ôc d'ailleurs très-dévoué
au fervice de fa Majefté,
Epi,'?. 183 & L XI X. Suivent cinq Lettres de recommandation adreffées-
^ ^' au Pape ôc à l'Evêque d'Oftie pour diverfcs perfonnes. Dans
Epijl. iSS. celle que faint Bernard écrivit à fon oncle André, Chevalier du
Temple, il déplore le mauvais fuccès de la Croifade, qu'il fait
retomber fur la méfintelligence des Princes Chrétiens, & fur
leur inaction. Comme il fe fentoit proche de fa fin , il auroit
fouhaité voir cet oncle avant de mourir ; mais il n'ofoit le prier
de repaffer la mer , dans la crainte de le dérober à un Pays que
fon abfence pouvoir expofer à de grands dangers. Cette Lettre
eft de l'an 1 1 J5. Il y rappelle celle que fon oncle lui avoit con^
Epijl. 185, fcillé d'écrire à la Reine de Jerufalem nommée Melufine , fille
de Baudouin fécond Roi de Jerufalem depuis que cette Ville fut
poffedée par les Latins, & femme de Foulques qui avoit fucccdé
a fon beau-pere dans ce Royaume. Foulques étoit mort dès l'an
Epifl. 10(5 , 1 142 d'une chute qu'il avoit faitealachaire.il y a plulieurs autres-
3î4,5î5. Lettres de faint Bernard à cette Princcffe. Dans celle-ci , après
avoir fait l'éloge de fa fageffe/de fa modération, de fa prudence,
de fon attention pour la confervation de l'Etat , il lui enfeigne
à faire le bien avec tant de circonfpeClion , qu'il foit approuvé de
Dieu ôc des hommes ; de Dieu , en qualité de veuve ; des hom-
mes, en qualité de Reine; à être comme veuve , douce ôc hum-
ble de cœur ; ôc comme Reine à aimer la juftice, ô: à protéger
EpiJJ. 5î^. l'innocence. Il lui écrivit l'autre auOitôt qu'il eut appris la mort
de fon mari. Elle en avoit un fils , mais trop foible pour porter le
poids d'une Couronne , enforte qu'elle étoit chargée du foin du
Royaume. Saint Bernard l'exhorte à régler toutes chofes avec
tant de fligefle ôc de modération , qu'aucun de fes Sujets ne
PREMIER ABBÉ DE CLAIR V AUX, 6cc. 379
s'apper»^oive de la mort de leur Roi. Dans une troifiéme Lettre il ^f^^"^- î^^*
recommanda à Melufine des Religieux Prémontrés, comme de
pieux Guerriers qui annon(^oient la paix aux hommes, ôcla guerre
aux démons.
L X X. Jourdain des Urfins , envoyé Légat en Allemagne Epijî. zyo.
l'an 1 1 j I , ôc depuis en France & en Normandie , s'étoit difFums
par-tout par l'irrégularité de fa conduite, enforte que tous par-
loient mal de lui , jufqu'à ceux de fa maifon. Saint Bernard, aux
inftances du Prieur de la Chartreufe du Mont-Dieu , en écrivit à
l'Evêque d'Oflie, le priant de communiquer fa lettre au Pape ,
afin qu'il prît les mefures de fe défaire d'un fi mauvais Sujet.
Mais il en adreflli une en droiture au Pape pour lui recommander ^pil^- ^'''
les Moines de faint Claude , dont le Monaftere & les Prieurés en
dépendans tomboient en ruine,faute de finances pour les réparer.
Saint Bernard recommanda encore au Pape , Guillaume de ^p'j^- *''^ *
PaflTavant , Evoque du Mans, Prélat d'une candeur 6c d'une pro- '^^ ' '^
bité généralement connue ; l'Abbé de Vendôme 6c l'Evcquc
d'Angers , qui avoient tous des affaires à Rome. Ses Lettres au
Cardinal Henri &L à l'Evcque d'Ollie, font aulli en faveur de
l'Evêque du Mans.
L X X I. Il reprit vivement un Laïc qui avoit voulu détourner Epijl. 191.
un de fes parens de fe faire Religieux. Vous avez , lui dit-il , la
hardieiïe de débaucher un nouveau Soldat de Jefus-Chrift , du
fcrvice de fon Seigneur. Vous lui en rendrez compte un jour.
Quoi donc n'ctes-vous pas aflez chargé de vos propres péchés ,
fans vous rendre refponiable de ceux d'autrui ? Quand il vcnoità -Fi''- '■^î'
Clairvaux un Moine d'une autre Maifon, il terebutoitôc l'obli-
gcoit de retourner à fon propre Mono (1ère ; mais quelquefois il
fe laiifoit fléchir par les raifons , ou les infiances de ceux qui ne
changeoient de demeure que par des motifs de falut. Il felaifloit Ep'ijl. 197*
aulfi attendrir par les regrets de ceux qui , après avoir quitté leur
habit , fouhaitoient de rentrer dans leur Monaftere pour y faire
pénitence , & il inrercedoit volontiers pour eux.
LXX I 1. Le Moine Nicolas, fon Secrétaire ôc fon confî- E.#- ^9'-
dent,abufoit quelquefois de fon fceau pour écrire de fauffes
Lettres en fon nom. Saint Bernard s'en étant apper^^u changea de E-^'ijl. --34.
fceau , ôc en avertit le Pape iiugene. Cette précaution étoit alors
nécefTuire , parce que le (beau tenoit lieu de llgnature. Comme
la trahifon.du Moine Nicolas étoit encore fecrette , le faint
Abbé ne la découvrit à perfonne ; mais auifitôt qu'il fut forti de
Clairvaux , oà fa mauvaife conduite ne lui permettoit plus de
Bbbij
380 SAINT BERNARD,
refter, il ne le ménagea plus , & le fit connoîtreau Pape en ces
termes : Il eft forti de chez nous laiflant après lui de noires im-
preflions de fes défordres. J'en crois informé depuis longtems,
mais j'attendois que Dieu le convertît^ ou que , comme un autre
Judas , il fe manifeftat lui-même. Cela eft arrivé. Outre les livres,
l'or 6c l'argent qu'il emporroit en fortant, on l'a trouvé faifi de
trois cachets , du fien , de celui du Prieur , & d'un troifiéme qui
étoit à moi. Ce n'étoit pas l'ancien , mais le dernier que j'avois
été obligé de prendre pour éviter la fraude ôc les furprifes de ce
Relig^ieux. Quel moyen de marquer le nombre infini de per-
fonnes à qui il a écrit en mon nom , ôc à mon infçu ? Plut à Dieu
que votre Cour fût purgée de l'effet de fes menfonges, 6c que
l'innocence de ceux qui font avec moi pût être jurtifiée auprès
de ceux qu'il a prévenus par fes calomnies. Il a été convaincu , ÔC
en partie par fa propre confeffion, de vous avoir aulli écrit de
faulfes lettres. Quant à fes infamies qui font devenues publiques,
je ne veux ni en fouiller mes lèvres , ni vos oreilles. S'il va vous
trouver, fouvenez-vous d'Arnaud de BreffejCar il eft encore
pire , ôc il mérite à plus jufte titre d'être condamné à une prifon
ôc à un filence perpétuel. Nicolas avoir d'abord été Moine à
Monftier-Ramei près de Troyes, & chargé de l'inflru^lion de
fes Confrères. La réputation de faint Bernard l'attira à Clair-
vaux , où il fut reçu de la Communauté en l'abfence de l'Abbé
en 1 146. On le donna pour Compagnon à Geofroi , principal
Secrétaire du Saint , que la multitude des affaires obligeoit d'en
avoir plufieurs Enfuite il devint le premier de tous. Plus attentif
à imiter le ftyle de fon Abbé, qu'à imiter fes vertus, il abufa
de fon miniftere , fortit furtivement de Clairvaux , 6c après avoir
vagabondé revint à Monftier-Ramei , où il vécut encore plufieurs
années.
Epif!. if9 L X X 1 1 1. Les Lettres au Comte d'Angoulême,6c à Sancie
*^'"' fœur d'A'phonfe, Roi de Caflille, regardent uniquement les
intérêts de quelques Maifons dépendantes de l'Ordre de Citeaux.
Epiji. 300. Dans celle qui efl à Mathilde , ComtefTe de Blois , faint Bernard
lui conleile de ménager un lils dont la conduite étoit peu
réglée ; l'affurant que par fa douceur 6c fes complaifances , elle
le rameneroit au devoir. Ayant appris que l'Archevêque de
Mayence nommé Henri, étoit cité devant les Légats du faint
Epift. ;oi. 5iége , il leur écrivit de le traiter avec bonté , 6c d'appuyer une
muraille ébranlée qu on étoit fur le point de renverfer. Il écrivit
F-P'f^- joî- au Roi Louis le Jeune d'obliger un S^-igncur Breton de feféparer
PREMIER ABBÉ DE CL AIRVAUX,&:c. ^St
d'une femme qu'il entretcnoit , enfuite de fe faire aLfoudre de
l'excommunication portée contre lui ; ôc au cas que ce Seigneur
ne voulût rien faire de tout cela , de ne pas lui accorder la per-
midion de s'établir dans fon Royaume , & de ne pas fouffrir pour
VafTal un excommunié ôc un incedueux. Dans une féconde £>;/?. t*4.
Lettre au même Roi, faint Bernard le remercie de la part qu'il
prenoit à fa fanté. Il étoit aulïi trcs-confideré d'Alphoiife , Roi
de Portugal. La Lettre qu'il écrivit à ce Prince lui fut,cefemble, ^"'J*^- î°'-
rendue par un Religieux nommé Roland , qui lui apportoit des
Indulgences du faint Siège. Dans les trois Lettres précédentes Epij'. jof
faint Bernard rend compte au Pape Eugène des railons que S'^'^^jo/.
Henri, Evêque deBeauvais, avoir de ne pas aller à Rome, qu'il
n'en eût reçu un ordre du faint Siège. Il fait agréer à TEvcquc
d'Cflie l'éledionde Tourolde pour Abbé deTrois-Fontaincs ;ôc
fait auprès du même Evêque l'apologie de l'Evêque de Eeauvais.
En recommandant au Pape Eugène les Députés de Suger , voici Epijf. 30^.
l'éloge qu'il fait de cet Abbé : S'il y a dans lEglife de France
quelque vafe de prix qui embelline le Palais du Roi des Rois ;
fi le i eigneur a parmi nous un autre David lidele à exécuter fcs
commandemens, c'eft fans doute le vénérable Abbé de faint
Denys. Ce grand homme efi Hdele & prudent dans l'adminillra-
tion du temporel , humble 6c fervent dans le fpirituel ;&;cequi
efc rare , iirépréhenfible dans ces deux chofes. Il vit à la Cour eu
fage Courtifan , dans fon Cloître en faint Religieux, Suger avoit
été établi en 1 147 Régent du Roy^aime en labfence de Louis le
Jeune.
L XXI "V. Le recueil que l'on fit des Lettres de faint Ber- ^pjjf- ji»^
nard pendant fa vie, finit par celle qu'il écrivit quelques jours
avant fa mort, qui fut le 20 d'Août i in > ^ Arnold Abbé de
Bonneval , de qui il avoit reçu quelques rafraîchinemens. Les
marques de votre affedion , lui dit il , ne m'ont procuré aucun
plaifir. Peut-'on en goûter, où tout e(l amertume? Si je relîens
que que forte de plaifir, ce n'eftqu'à ne point prendre de nourri-
ture. Mes infomnies ne laiffent aucun intervatic à mes douleurs.
Tout mon mal confifiant prefque dans une extrême débilité
d'eflomac, il a befoin d'être focfifié jour ôc nuit de quelque
liqueur : il n'eft plus en état de fupporter ce qui e(l folide. Après
quelquautre détail de fes infirmités, il ajoute : Pour ne rien
cacher à un ami de mes difpofitions intérieures , je le dis avec
confufion , l'efprit efl; prompt dans une chair infirme. Priez le
Seigneur , qui ne veut pas la mort du pécheur , de ne point
Bbbiij
î8« SAINT BERNARD,
difFercr la mienne , mais de me foutcnir dans ce paflage. Je vous
écris moi-même en l'état où je fuis , afin qu'en reconnoiflant la
main , vous reconnoidlez le cœur.
Epijl. 311. LXXV. Les autres Lettres de faint Bernard ont été recueil-
lies depuis fa mort par diverfes perfonnes, ôc mifes félon Tordre
des tems dans l'édition générale de fes Couvres parDom Ma-
billon. Mais il s'y en trouve quelques-unes qui font de Bernard,
Abbé de faint Anadafe, ôc depuis Pape fous le nom d'Eugène
III. 6c de q'-elques autres. Haimeric, Chancelier de l'Eglife
Romaine , étoit lié d'amitié avec le faint Abbé de Clairvaux , fie
Hugues de Pontigni; il leur faifoit même quelquefois des pré-
fens. Ces deux Abbés, pour répondre à ces marques d'amitié,
lui écrivirent conjointement vers l'an i 127 une Lettre, oii, après
avoir montré que l'intérêt des gens de bien ôc celui de Jefus-
Chrift étant le môme, il falloit peu s'inquiéter de certains en-
vieux qui s'oppofoient aux delfeins des perfonnes de pieté;
pafTant de-là aux louanges d'Haimeric , ils relèvent fon penchant
naturel à obliger ; mais plus encore fes talens pour l'exercice de
la Charge importante de Chancelier , fans lequel il ne fefait,
difent-ils, prefque aucun bien dans la Chrétienté dont il ne foit
le canal ôc l'organe. Comme rien n'ell approuvé qui n'ait été
décidé par fon jugement, réglé par fon confeil , appuyé de fon
avis, conrîrmé par fon autorité : Comme c'efl à lui qu'il s'en faut
f (rendre quand on manque de faire quelque bien , ou quand on ne
c fait pas avec afTez d'exactitude ; c'eiT fur lui audl que réjaillit
la gloire de tout ce qu'on entreprend de faint ôc de louable.
Efijl. 313. LXXVI. Geotfroi , Abbé de fiùnte Marie d'Yorck, fc
Plaignoit fur fes vieux jours que quelques-uns de fes Religieux
abandonnoient pour palfer à un genre de vie plus aufterc.
N'eflce pas manquer de zèle ôc d'aa\our pour fesenfans, lui
écrivit faint Bernard , que d'ctre jaloux de leur avancement ? Si
vous êtes difpofé à fuivre les confcils des plus fagcs, ils vous
confeilleront d'empêcher ceux qui vivent avec vous dans. une
Règle mitigée , de tomber dans le relâchement ; de favorifer
ceux qu'une délicatclTede confcience porte à obferver la Règle
dans fa pureté , Ôc à paflTer à un état plus parfait. Vous devez vos
foins aux premiers j de peur qu'un trop grand adouciflement de
la Règle ne les perde. Vous devez votre affcclion aux, derniers,
pour les animer à remporter la couronne. Il blâme deux llcli-
gieux qui , après avoir quitté la vie mitigée de leur Alonallerc
pour cmbraiTec la réforme , étoient retournés à leur prcmiec
PREMIER ABBÉ DE CLAIRVAUX,6cc. 58)
<?tat ; 6c il ne croit pas que cela fe puilTç faire fans péché.
L X X V 1 1. On avoit rendu fufpede au Pape Innocent la fpi/î. î^.
fidélité de l'Archevêque de Milan , dont la réputation étoit toute-
fois fans reproche. Saint Bernard travailla à le iuftifier,& ah
attendant qu'il pût aufli ramener à l'obéilTancc 6c à l'union les
Villes de Crémone 6c de Milan , il le pria de fufpcndre l'effet de
fes menaces. La mort de l'Antipape Anaclct, arrivée le fepticmc Epi]!. ;Tr.
de Janvier 1 1 3 S, mit fin au fchifme ôc au féjour de S. Bernard en
Italie. Quelques années auparavant il écrivit à Mathildc, Reine E^iJ}. y^.
d'Angleterre, pour la prier d'accomplir la promeffe qu'elle lui
avoit faite , de céder le droit d'une certaine dixme à l'Abbé de la
Chapelle au Diocèfe de Boulogne. Il s'employa auffi auprès de ^pi^- î'^-
Henri, Archevêque de Sens, ôc du Chancelier Haimeric, pour
faire remettre à un Religieux un Bénéfice polTedé par un Olfi-
cicr de guerre, qui en avoit jufques-là confumé les revenus à
fervir le Roi dans les Armées. La Ville de Reims étoic à la
veille de fa ruine par les révoltes ôc les divifions qui y regnoient.
Saint Bernard ne voyant pas de moyen plus elFicace pour la E^il. jtï.
réunir , que de lui donner un Evêque , fupplia le Pape Innocent
d'en faire hâter l'éledion. Il diOuada ïuritin , Archevêque
d'Yorck, de fe démettre de fon Archevêché, ne trouvant pas
fuffifans les motifs qu'il en alleguoiti mais au cas qu'il en eue
quelque raifon fecrettc , il lui confeilla de ne faire fa démifiion Epjl. 31^.
qu'avec l'agrément du Pape, ôc de fe retirer alors dans une Mai-
fon Religieufe la mieux réglée , fans faire attention ni à fa pau-
vreté , ni à l'auflerité de la Règle.
L X X V 1 1 1. Saint Bernard ayant appris la vacancede l'Ab- EpiJ}. j,i«
baye de Fontaines en Angleterre, propofa pour la remplir l'Abbé 5'-''
de Vauclaire , nommé Henri de Murdach. Il fut choifi par la
Communauté , ôc enfuite fait Archevêque d'Yorck. Voici une
partie du difcours que le faint Abbé tint à un jeune homme de
qualité qui penfoit à renoncer aux vanités du monde , pour fc
faire Religieux. Reconnoiffez la grâce que le Seigneur vous E-iJl. 511^
fait ; ayez le courage d'un homme formé , ne foyez enfant qu'en
malice. Pour n'être point rebuté dans votre tendre jeunelle par
les auflerités de la Règle , comparez les rudeffes des habits aux
troubles des mondains; la paix intérieure, à une confciencc
déchirée de mille remords. Dieu vous fera fentir une joie fecrette.
Le Prophète afiaifonnera avec un peu de farine les viandes les ^..P.fg.i.
plus infipides. Dès que vous fentirez les aiguillons de la tenta-
tion, jettez les yeux fur le Serpent d'airain , baifez les playcs ,.oa
384 SAINTBERNARD,
plutôt fucez les mammelles de Jefus-Chrifl: crucifié. Il vous
tiendra lieu de mère , ôc vous chérira comme fon lils. Les doux
dont il eft attaché à la Croix , ont percé fes pieds ôc les mains
avant de percer les vôtres. Saint Bernard rappelle à ce jeune
homme les paroles dont faint Jérôme fe lervit pour engager
Heliodore à ne faire aucune attention aux obftacres que laten-
drelTe de fes parens apportoit à fa retraite ; puis il ajoute : Evitez
les convcrfitions des gens du dehors ; accoutumez-vous à l'O-
raifon. Elevez votre ame au Ciel avec vos yeux ôc vos mains.
Préfentes- vous au Père des mifericordes dans toutes vos néceiri-
tés. Vou3 ne fçauriez craindre fans impieté que Dieu foit infen-
fible à vos vcxux, qu'il foit fourd à vos cris ôc à vos gémiiTemens.
Au relie, fouvenez-vous d'écouter avec docilité les confeils de
vos Pères fpirituels, ôc de leur obéir comme à Laeu même.
Hugues , ce 11: le nom de ce Novice , fut cnfuice Abbé de Bon-
neval. Il y avoir en l'Abbaye de Dunes , transférée depuis à
Bruges , un Novice d'un tout autre caratlere. Sur le rapport que
Epijl. jiî. l'Abbé en lit à faint Bernard , il décida qu'il falloir refufer de
l'admettre à profeTion , jufqu'à ce qu'il eût donné des preuves
d'une véritable vocation , ou le renvoyer.
fi/i^. ji^ L X X I X. Guillaume de faint Thierri avoir envoyé fou
Livre contre Abaillard à l'Abbé de Clairvaux , qui le goûta ôc
le crut alTez fort pour détruire les erreurs qu'il attaquoit ; néan-
moins , pour ne rien décider en une affaire de cette conféquence>
qu'aptes y avoir bien rédéchi, il en renvoya la difculfion après
Pâques de l'an 1 1 3p ; car il étoit alors au Carême, ôc il craignoit
de fortlr de l'efprit d'oraifo i ôc de recueillement convenable à
Epif.- y-7 ce tcm>. L'année fuivante il écrivit au Pape contre l'éleftion
^ î^^' faite à Rhodez d'un Sujet , que fes infamies connues rendoient
indigne de l'Epifcopat. L'aiTairc fut renvoyée à l'Evêque de
Limoges ; ôc ce fut une raifon à faint Bernard d écrire à ce Prélat
fy'jl- 358. furie même fujet. Au contraire il prit auprès du Pape Innocent
ladéfcnfe d'Alvife , Evêqued'Arras, que les Moines de Mar-
chiennes au Diocèfc de Tournai avoicnt ofé calomnier. Il paroit
que l'Abbé de faint Vaafl d'Arras y entroit pour quelque chofe,
ou du moins qu'il étoit allé à Rome pour une aHRiire qui déplai-
foit à faint Bernard ; car il parle de lui ôc de fon Compagnon en
mauvais termes. Il recommanda aufli au Pape l'Evoque d'An-
gers, au fujet d'un diiferend qu'il avoit avec une iMaifon Rcli-
gieufe.
Epil^- î4i. LXXX. Malachie , Archevêque d'Irlande , penfoit à y
établir
PREMIEîl ABBÉ DE CL AIRVAUX,6cc. sS^
établir un Monaftere dont l'obfervance fïit femblable à celle de
Clairvaux. Il en écrivit à faint Bernard , ôc lui demanda deux de
fcs Religieux pour cet établiflement. Les porteurs de la lettre,
qui dtoient Moines en Irlande , étoient chargés de rendre à
l'Abbé de Clairvaux un bâton dont TAr^^hevcque lui faifoit
f)réfent. Jl futextrêmement fatisfait de la lettre de Malachie , de
a modeflie de ces Religieux, ôc du bâton qui m'aide, dit-il , à
foutenir mon corps infirme. Aullitôt il choilit deux Religieux de r,#- i^li
fa Communauté, les forma, autant qu'il fut poflible, à tous les '^^'
exercices de la vie religieufe ; les mit au fait de lendroit qu'il
faudroit choilir pour y bâtir un Monallerc, & les envoya en
Irlande. Cette Alaifon s'accrut bientôt dans le temporel ôc dans le
fpirituel. Saint Bernard en félicita l'Archevêque , le priant de
cultiver avec une ardeur toujours nouvelle le champ qu'il avoit
femé. I^es Religieux de Clairvaux y revinrent d'Irlande au bout
/ie quelque. tems, 6c faint Bernard renvoya ceux qui en étoient
venus , après les avoir bien inftruits de la Règle , 6c mis en état de
la faire oblerver aux autres.
L X X X I. En faifant l'éloge de Jonelin , Evoque de SoilTons Epijl. î-î^* .
&: Miniflre d'Etat , il marque quelles doivent être les qualités
de celui qui eft deftiné à un emploi Ci important. Je ne puis , lui - ,
jdit-il, trop louer la confiance dont le Roi vous honore , tant il
«fl: perfuadé que vous êtes plein d'affedion pour fa Perfonne ÔC
pour fon Etat , ôc que cette affedion ed: d'ailleurs réglée & fou-
tenue d'une rare prudence. Il faut en effet qu'un Minillre d'Etat
.polTede ces deux qualités , qu'il foit aff'etlionné , quAÏ foit pru-
dent. C'eft l'ordre ôc la règle qu'on doit fuivre dans cette efpece
de choix. Dès qu'un IMinilire rafTembleces deux caractères , il ne
peut donner que de bons confcils ; mais lorfque fon affection n'eft
point guidée par la prudence , ou que fa prudence n eft pas foa-
•tenue par fon affection , malheur à l'Etat. Saint Bernard con-
noiffant le mérite de JofTelin , n'avoit garde de le foup^çonncx
d'entrer dans le procès mal fondé que le Roi faifoit à î'Àrche-
vôque de Bordeaux. C'efi: pourquoi il le prie d'appaifer ce Prince,
«ôc de lui faire entendre que le Prélat, en confacrant Evêque de
Poitiers celui qui avoit été élu d'une voix unanime, ôc en dillri-
buant aux pauvres ôc aux Eglifes un legs tait par un homme
mourant , il n'avoit fait que fe conformer aux faints Canons.
L XX XII. Les douleurs &c les miferes du corps huma,in r.piJI. 34^.
xne touchent de pitié , difoit faint Bernard , en écrivant aux
Aloines de faint Anaftafe àj^ome^m^is les maladies de l'amc
Tome XX IL ". *' ' Ccc
385 SAINT BERNARD;
me font frémir. Il ne convient point , il n'efl: pas même expédient
peur le faluc à des Religieux de recourir à l'art de la Médecine»
Qu'ils ufent, s'ils veulent, de certaines herbes communes ÔC
convenables à la pauvreté de leur état ; mais on ne peut fans
bicrffer la bienféance & la pureté de notre profeiïion , furtout celle
de notre Règle , acheter des drogues, appeller des Médecins,
le iervir de potions & de remèdes. Laiflons-en l'ufage aux gens
du monde. Il parloit ainfi , pour témoigner à ceux de faine
Anaftafequi, à caufe que leur Maifon fituée dans un lieu mal
fain leur occafionnoit beaucoup de maladies, faifoient ufagede
l'art de la Médecine , qu'il défapprouvoit leur conduite en cela ;
ce n'efi: pas qu'il condamnât Tufage des remèdes , on voit par
la Lettre 40 j que les Cifterciens en ufoient; mais il fouhaitoit
que l'on fc contentât des herbes médicinales , fans recourir aux
drogues des Apoticaires.
Epifl. 548 , L X X X 1 1 L La fuite des Lettres de faint Bernard en pré-
'o ' ^Tj ' fsnteplufieurs de recommandation adrefrées> foitauPape, foit
xt^7 ', 570 i à d'autres perfonnes.. Le privilège qu'innocent IL lui accorda, fie
>**• à fes fucceffeurs dans l'Abbaye de Clairvaax , porte : Qu'en con-
fideration des fervices qu'il avoit rendus à l'iiglife , de fon zèle
EpijJ^Y!'' infatigable , de fa pieté finguliere ; ôc pour làtlsfaire au/li fes
juftes défirs , le Monafterc de Ciairvaux fera à l'avenir fous la
protection du faint Siège ; qu'il jouira irrévocablement de tous
les biens dont il jouifToit alors , ou qui lui feroient donnés dans
la fuite ; que défenfe fera faite à tous Archevêques ôc Evoques de
citer au Concile aucun Abbé de l'Ordre de Cîteaux; que l'Ab-
baye de ce nom étant le Chef de l'Ordre, elle aura le privilège
de fe choifir un Abbé de fon Corps ; que le même privilège aura
lieu pour les Abbayes ^ui en ont d'autres dépendantes d'elles, ÔC
qu'elles regardent comme leurs Filles. Enfin , le Pape l'étend
même aux Abbayes qui n'ont aucune dépendance. Il exemte
encore du payement de la dixme les fruits que les Frères de tout
l'Ordre retiroiem du tra'/ail de leurs mains.
ipijf. 358. L X X X I V. Il n'y a que deux Lettres au Pape Celeflin II..
dont le Pontificat fut très-court, c'efl-à-dire, depuis le 26 Sep-
tembre I r45,jufqu'au neuvième de Mars 1 144. Par la première,
Tairat Bernard le fupplie de procurer la paix à Thibaud, Comte
de Champagne , lans doute avec le Roi Louis. Le motif qu'il
employé e(l que le Siège ApoUolique étend fes foins fur tous les
Fitleles f afin d'être le lien de leur union , & de conferver
«ntr'cux l'uniiéd'unmt'mecfprit dans la charité. La fccoudc eft-
PREMIER ABBÊ DE CL AIRVAUX, &c. 5S7
au nom de la Communauté de Clairvaux , faint Bernard aLfent ; Epjl. jï#.
pile regarde l'Abbé de Moriniond qui avoit inconilderément
Quirté (on Monaftere dans le deflein de faire le voyage de la
j. erre fainre , âc emmené avec lui tous fes meilleurs Religieux.
Pour pouvoir errer & courir fans fcrupulô , il avoit delTein d'ob-
tenir unepermiluon du Pape. Ce fut pour le prévenir là-defliis
que les Moines de Clairvaux lui écrivirent en commun. Ils crai-
gnoient aulli que le mauvais exemple de l'Abbé de Morimond
jn'eût des fuites fâchéufes dans l'Ordre, où la fuperiorité étoit
accompagnée de peu d'honneur & de beaucoup de peine. Cet
Abbé diloit qu'il avoit emmené avec lui des Religieux , pout
pratiquer dans le Pays les obfervances delaReglei mais il étoit
.évident que la Palefline avoit alors plus befoin de Soldats pour
combattre, de la part des Chrétiens, que de Moines pour chanter,
ou pleurer.
L X XX V. En effet , faint Bernard écrivit en n,4(î uhfe Epifi. i^P
Lettre circukiire au Clergé ôc au Peuple de la France Occiden-'
taie pour les exciter à prendre les armes pour chafTer les Iniideles
d'un Pays que Jefus-Chrifl: a illuftré par fes miracles, confacrc
par (on fang , & orné des prémices de notre réfurreclion. Il leur
xepréfente cette conquête comme un moyen d'effacer leurs
péchés, en les confeff^nt avec douleur. Changez, leur dit-il , en
un faint zèle , cette valeur farouche ôc brutale qui vous arme fi
fouvent les uns contre les autres , & vous foit périr de vos propres
mains. Ce n'efl: point un ade de bravoure & de magnanimité ^
c'eft une folie & une rage qui vous fait courir le hazard de faire
mourir votre ame , de la même épée dont vous avez égorgé votre
ennemi. Je vous offre une occafion de vous battre fans péril , de
vaincre avec gloire, de mourir avec avantage. Il veut toutefois
xjue leur zèle foit tempéré par la fcience ; que loin de faire mourir
les Juifs, ils ne les inquiètent pas même dans leur demeure,
parce que ce font des caradercs vivans qui nous rappellent Pac-^
compliffement des Myfteres de notre rédemption , 6c de là
Paffion de Jefus-Chrift. Saint Bernard , qui faifoit grand fond ^P'J- 5^4.
fur les avis de Pierre , Abbé de Cluni, l'invita à l'Affemblée que
l'on devoit tenir à Chartres le vingt-unième d'Avril , pour régler
le voyage de laCroifade; mais Pierre s'en excufa , tant fur un Prtrur,FpiJf.
défaut de fanté , que fur ce qu'il avoit convoqué un Chapitre à i7,'8,i^.io«
Cluni pour le môme jour. L'Abbé de Clairvaux averti par Henri ,
Archevêque deMayence , qu'un Moine nommé Raoul fe mcloit -
de prêcher , ôc dexciter les Chrétiens à maffacrer les Juifs,
Ccc ij
38S S A IN'T B E R N Â R D;
tpift. i6f. écrivit à cet Archevêque , que ce Moine n'ayant point cîî^
miffion ni de Dieu, ni des hommes , devoir demeurer dans le-
filence , & fe fouvenir que fon office étoit de pleurer , & nort
•d'enleigner ; qu'à l'égard des Juifs , ce feroit agir contre l'autorité
Pfalm, ï8 , dé TEelife qui prie Dieu de lever de delTus leur cœur le voilo
ix , Se n.:,m, ténébreux qui leur dérobe la lumière de la vérité ; & de l'Ecris
ture qui défend de les faire mourir j parce qu'ils doivent fe con---
vertir un jour.
Epji. }6i. L X XX VI. Auffitôt après la promotion du Pape Eugène*
au mois de Février 1 14'4' , faint Bernard écrivit à Robert Pullus,
Cardinal & Chancelier de l'Eglife Romaine, pour l'exhorter à
s'acquitter de ia Charge avec un zèle mêlé de fermeté 6c de pru*
dence, pour préferver le Pape des furprifes aufquelles la multi-
tude des affaires l'expcfoit continuellement. Saint Bernard en
Epijf. 5«^. étoit accablé lui même. C'eft la raifonqu'ildonnoitàHildegarde^.
Abbeffe'du Mont-Saint-Robert au Diocèfe deMayence, de ce
qu'il ne lui écrivoit pas plus au long. Elle lui avoit demande de?
inftrudions. N'avez- vous pas, lui réporrd-il , un Maître intérieur,
de qui l'onttion vous enfeigne toutes chofes ? J'apprends,en effctj .
que l'Efprit-Saint vous développe les fecrets du Ciel ,. vous révèle
ce qui efl au-deffus de la portée des hommes. Il dit à Gui, Car-
Epijf. 3^?, dinal-Diacre: J'ai montré à nos Religieux votre Lettre où vous
peignez fi bien votre cœur , 6c les fentimens de charité 6c de
Religion dont il eft plein. Je leur ai fait voir aufli le préfent que
vous faites à notre Maifon, ôc je leur ai recommandé , comme
vous le fouhaitez , de célébrer la Meile dans les vafes que vous
nous envoyez , à votre intention , 6c à celle de vos parens 6c
amis,
^pis j,;^-.. L X X X V I î. Le Pape Eugène III. avoit ordonné que l'on
mît des Moines à la place des Chanoines dans l'Abbaye defainte
Genevieve-du-Mont à Paris. Suger, Abbé de faint Denys ÔC
Miniftre du Royaume , crut qu'il valoir mieux y établir des
Chanoines réguliers. Rome donna à cet effet une Bulle. Saint
Epijl. 170. Bernard congratula Suger de cette bonne œuvre , & l'exhorta à
rétablir aulîi la difcipline dans l'Abbaye deS. Vidor. Il lui adreffa
Ejjijf. iji. une Lettre pour le Roi , par laquelle il difluadoit ce Prince de
donner fa Hlle en mariage au Bis du Comte d'Anjou , parce qu'ils
étoient parens dans undégré prohibé.
Epi/?. 371. L XXXV III. La Lettre de faint Bernard à Pierre, Evêquc
de Paienciadansle Royaume de Léon, eft un éloge des vertu»
de ce Prélat, de fon humilité j de fc5 mortifications; de fon
PREMIER ABBÉ DE CL AIRV AUX, &c. 38^
amour pour la letlure , de fon exaditude dans l'obfervation delà
Loi de Dieu ; mais en le louant,il fe rabaille lui-môme. Ne vous
laiflez point toucher , lui dit-il , aux louanges que je vous donne ;
je ne luis qu'un pécheur dont les douceurs doivent vous être
fufpeftes. N'en goûtez jamais d'autres que celles qui nailTent
d'un cœur pur, d une bonne confcience, ôc d'une loi rmcerc. Si
je vous loue , c'efl afin de publier en vous les eiîets de la grâce
de Jefus-Chrill. J'ai deflfein de louer le Créateur , non pas la-
créature ; le Difpenfateur des dons , non pas le fujet qui les
reçoit; la gloire de celui qui donne l'accroilfement , non pas le
néant de celui qui plante ou qui arrofc ; die relever le bienfait
6c le Bienfaiteur, fans penfer à l'homme 6c au ferviteurfur qu"!
on le répand. Il ajoute qu'on s'éieve dans la grâce par trois
dégrés ; par Ihumiliiéj par la foi & par la crainte. L humilité l'at-
tire , la toi la reçoit , la crainte la conferve.
L XXXIX. Voici comment faint Bernard cDnfolelesRcli- EfiJI. n^'"-
gieux d'Irlande fur la mort de l'Archevêque faint Malacliie ,
arrivée à Clairvaux le deuxième de Novembre 1 14-8. Nous
devons féliciter cette fainte amedu bonheur dont elle jouit , de
peur qu'elle ne nous reproche notre peu d'amour. Elle n'a fait
que nous précéder en fe réuniffant à fon principe. Ne feroit-ce
pas avoir de rindifference pour un Père , de l'ingratitude pour
îbn Bienfaiteur , de s'aftliger de ce qu'il a pafTé du travail au
repos , de l'orage au port, de ce monde à fon Peref Si c'cfc l'ai-
mer que de pleurer fa mort ; c'eft l'aimer bien plus, dcfc réjouit
de fa vie nouvelle. En effet, ne vît-il pas , 6c ne vît-il pas heu-
reux ? Il paroît mort aux yeux des infenfés , 6c il jouit d'une vie
délicieuiè , voilà le premier motif qui doit nous confoler. Le'
fécond eft la vue de notre propre utilité. Nous acquérons auprès
de Dieu un puifûnt Patron , un lidele Interceffeur , dont la-
charité eft trop vive pour oublier fes enfaiis; dont le mérite cftr
capable d'obtenir tout ce qu'il demandera pour eux.SaiiitBernard
rend témoienaçeàces Religieux que ce faint Evoque fe fouvinc
d'eux en mourant, & qu'il redoubla fes voeux pour eux auprès as
Dieu. Fuis il ajoute : IVlarchez fidèlement fur les traces d'un iT
faint Pcre; profitez des exemples de vertus qu'il vous a donnés
filongtems j pratiquez- fes leçons pour vous perfectionner dans la
pieté.
X C. Entre les fix Lettres à FAbbéSuger, Minifîre &; Régent ' P-piJ!. ne,-
du Royaume, il y en a une où il lui confeille d'employer les It^ ' 5^8 p>
eenfutes Eccléfiaftiques pour réprimer Vufage diabolique des jii/ ^'^'
G oc iij,.
590 SAINT BERNARD,
duels, que quelques Seigneurs revenus depuis peu delà Croî-
fa !e , e'toient fur le point de renouveller. Il écrivit fur le même
Epi/T. 581. fujet aux Archevêques de Reims , de Sens, aux Evêques de
Soillons ôc d'Auxerre , au Comte Thibaud , & au Comte Raoul.
Dans fa Lettre à Leonius , Abbé de faint Bertin , il l'exhorte à
ne pas détourner un de fes Religieux d'entrer à Clairvaux.
L'Abbé Leonius fe fondoit fur ce que les parens de ce Religieux
l'avoient voué au Monaftere de faint Bertin. Saint Bernard
■répond, que la difpofition la mieux fondée efl: celle que nous
faifc;ns de nous m-êmes ; qu'en tout cas le vœu des parens fe
trouve alors accompli plus parfaitement , le fils ratifiant p'ar fon
choix l'ofi'rande de fes père ôc raere. Les libéralités desÂIoines
de faint Bertin envers ceux de l'Ordre de Citeaux , l'engageoient
à des remerciemens; mais quelquefois il les acccmpagnoit d'avis
E^ijl. sîî^- Salutaires. Il écrivoit aux Religieux de ce Monaftere : Qu'aucun
de vous ne dife , j'en ai afiez , je veux demeurer comme je fuis ,
je veux être aujourd'hui tel que j'étois hier. Quiconque cil dans
cette difporiîion , s'arrête en chemin avant d être parvenu au
terme. Où efl: l'ambitieux qui fe borne aux honneurs où il eft
mont-é ? Le vain ôc le curieux qui ait jamais aflouvi fes yeux ôc
fes oreilles? Notre négligence ne trouve-t-elle pas fa condam-
nation dans l'infatiable avidité de la volupté , de la vaine gloire ?
Rougiiïons d'être moins ardens pour des biens fpirituels. Ayons
honte d'avoir eu pour le péché plus de vivacité, que nous n'en
avons pour la vertu. Aprèsavoir foulé aux pieds le monde entier,
rompu les liens de la chair ôc du fzng ; pourquoi perdre par notre
tiédeur , le mérite d'un facrifice Ci généreux ?
EpiJl.liTSc XC.L Les deux Lettres à Pierre , Abbé de Cluni, contien-
^f' ncnt des proteRations d'eflime ôc d'amitié. Saint Bernard y
rejette fur un de fes Secrétaires , quelques paroles aigres dont
Pierre ce Cluni avoir eu lieu de fe plaindre ; ôc promet, pour
.éviter un femblable inconvénient, de relire à l'avenir toutes les
Epifl.^^ço. lettres qu'il aura didées. Celle qu'il écrivit à l'Archevêque de
Lunden , Métropole de Dannemarck jeftauffi rempliede témoi-
E"ill '?r. §"''■§"''' <^ ""c amitié mutuelle. En exhortant i'yVbbelle de Faver-
ney au Diocèfe de Befançon , de rétablir la Maifon dont elleétoit
chargée , il l'exhorte à réformer les mœurs de fes Religieufes, ôc
n empêcher fes Ofiîciers de piller les biens de l'Hôpital. Cette
Abbaye qui étoit alors poffedée par des Bénédiclines , ayant été
ravagée ôc réduite prefque en folitude, fut cédée en 1132 au)c
JVloines Bénédictins de la Chaife-Dieu. Elle çft maintenant de I3
<P ongrégation de faint Vannes.
PREMIER ABBÉ DE CLAIRVAUX,&c. 591
XCII. Saint Bernard écrivoit à Raoul, Patriarche d'An- C;..;;'?. 351,
tioche: Soyez toujours fur vos gardes dans le lieu cminent où
vous êtes, de peur qxi'en tombant de fi haut , votre cliute n'en
foit plus mortelle. Au lieu de vous élever à caufe de votre
'dignité , tenez-vous dans la crainte ; l'élévation efl bien moins
pour un homme fenfé un motif d'orgueil , qu'un fujet de frayeur.
Dans fa Lettre à Guillaume, Patriarche dejcrufalem, il relevé %'/■ i9i*
en ces termes les prérogatives de ce Siège: De tant de Prélats
que le Seigneur honore de fon Sacerdoce , il vous cholilt préfé-
rablement aux autres, pour vous établir dans la Maiion de David
fon ferviteur ; entre tous les Evêques du monde, vous êtes le feul
à qui ii confie l'heureufe 1 erre où efl: né le fruit dévie. Vous
(•tes feul comme fon Pontife lamiiier , à qui il foit donné d'entrer
tous les jours dans fon Tal crnacle , Ôc de l'adorer dans le lieu
dont il a fait autrefois fa demeure. Moyle eut ordre d'oter fes
fouiiers à caufe de la fuinieté du lieu où il marchoit ; ce lieu n"c-
toit que la ligure de celui que .vous habitez. L'un eftauffi diffé-
rent de l'autre , que l'ombre de la vérité. L'Archevêque de Lyon Ê/;';.'. 354.
avoit condamné & dépofé l'Abbé d'Aifnay fans aucune formalité
dejuflice, & quoiqu •! fut eftimé univerfellement ; faint Ber-
nard en fit à ce Prciat de vifs reproches , en le priant de révoquer
fa Sentence 6c de rétablir l'Abbc dans fa dignité. Il repréfenta à. r.r[(l,
Alvife, Evêque d'Arras, qu'il ne pouvoir, fans blefier fa conf-
cience, renvoyer de Clairvaux à l'Abbaye de faint Bertin , le
Moine rommé Thomas, à caufe que la difcipîine régulière y
ëtoit moins bien obfervée, ôc que ce Religieux s'étoit de lui-
même confacré à Dieu dans l'Abbaye de Clairvaux, ]i n'en ufa e^ùji, y^^-,
pas de même à l'égard de Ricùin , Evêque de Toul, à qui il
témoigne être prêt de lui renvoyer le vénérable Frère Guillautne,-
l'ayant reçu à Clairvaux fans fçavoir qu'il flit Profcs de la Maifon
de ce Prélat ,c"el]-à-dire, ou de faint Manfui , ou de faint Lure ^
deux Abbayes fituéesdaiTs les Pauxbourgs de Toul.
XC 1 1 L La Lettre fuivante eft au nom de Hugues, Abbé ^W"?- 3??-
de Pontigiry , & de Bernard de Clairvaux. Ils y exhortent Odon ,
Abbé de Marmouticr , à terminer un procès que fa Comniunauté
avoit avec quelques Ecclefiafliques au fujet d'un Autd, c'eît-à-
dire, d'une Eglife Paroifllale avec la dixme. On s'en étoit remis
de part & d'autre à la dccifion de l'Evêque de Chartres , & de
Thibaud , Comte de Champagne. La Sentence arbitrale ne fut
pas favorable à la Communauté de Marmoutier, quelqucs-unS'
des Moines voulurent en revenir ^ quoique la chofc eût écxS-
^9'r
5P2 s A I N T B E R N A R D,
propofée de la part de l'Abbé, de l'avis des Anciens. Saint Ber-
nard ôc l'Abbé de Pontignyfont voir linde'cenQe de cette oppo-
fition , &: par l'autorité de la Règle de faint Benoît^ qui ordonne
aux Religieux d'une Communauté de fe ibumettre fans refit
tance à pe que l'Abbé aura réfolu, après avoir rei^ueiUi leurs
avis ; ôc parce que dans le cas préfent, la caufe des Clercs étoit
plus favorable que celle des Moines. En clfet , la ParoifTe qui
faifoit le fujet de la conteftation étoit deflfervie uniquement par
,des Ecclefiafliques, ôc Jes Moines de Marmoutier ne lui xea-
doient aucun fervice. Sur quoi il leur dit: De quel front'ofez-
yous boire le vin d'une vigne que vous n'avez pas plantée ?
Prendre le bit d'un troupeau que vous ne paillez point? Si vous
prétendezy avoir droit, baptifez donc les eofaiis ; enterrez les
morts; vilitez les malades ; faites les mariages; catéchifez les.
ignorans ; reprenez les libertins ; excommuniez des rebelles^
abfoivez c^ux qui confeiTent leurs fautes ; réconciliez les péni-
>tens ; faites-vous entendre au milieu de l'Eglife , vous dont le
devoir capital ell dccouter ôc de vous tair.e. Cependant faint
Bernard convient que lesMoines deMarmoutieravoient un droit
légitime de jouir de ces dixmes depuis que 1 Evêque les eu
avoir inveHis,; ôc il fe réduitàles coaaaraner fur la tranfadion
.Not.inJBern. qu'ils avoient i^aite avec Ics Chanoines. Dom Mabiilon rapporte
£pi/?. pag. xc. ^^,-,5 ç^^ Notes fur cette Lettre , J'acle de donation d'une Egiifç
.ôc d'une Chapelle à Odon, A.bbé de Marmoutier, en confidé-
ration du zèle que l'onfaifoit paroltre dans fa Commiuiauté pour
le fervice divhi.
Epift. 398. X C I V. Gui, Abbé de Montier-Ramey , ôc fes Religieux.,
■avoient prié faint Bernard de compofer un Office en l'honneur
de faint Vitlor, Patron de leur Monaflere. Il s'-en défendit d"a-
l)ord, difant, qu'il étoit bcfoin pour un ouvrage de cette impor-
tance d'un homme dout la fciencc, la capacité, la dignité, 1»
Tjiété , le ftyle, répondiiTent à la grandeur ôc à la faiateté du fujet.
Il ajoutait que dans la folemnité d'un Saint, on ne devoit rien
dire qui eut un air de nouveauté , ou de légèreté ; rien qui nefù,t
-du pcÀt de la faine antiquité , qui ne tut grave ôc édifiant;
qu'au cas que le fujet R\t fufceptible des grâces de la nouveauté,
on devoit choifir un Auteur qui eût allez d'éloquence ôc d'auto-
/ité , pour s'infinuer utilement dans les efprits parle tour agréable
.de fes exprefTloijs; des pcnfées affez élevées pour faire briller la
ycritc j aimçr la vertu ; aiïez vives ôc afTcz fortes pour éclairer
J'çfprit, redrcffer le cœur, mortifier les palfions, réformer les
fcns,
PREMIER ABBÉ DE CL AIR VAUX, ôcc. j<r5
fcns , infpirer la dévotion ; qu'il falloit encore que le chant fût li
grave qu'il ne refientît ni la moUefîe, ni la rufticitc; que foti
harmonie n'eût rien d "efféminé , quelle touchât le cœur en frap-
pant agréablement les oreilles ; qu'il difTipâr la trifteffe & adoucît
{'humeur. Quoique faint Bernard ne fe connut point tous ces t'fi/î. 4oi|
talens, il ne lailTa pas de fùre ce qu'on lui avoir demandé. Pre-
nant pour matière d'anciens niémoires fournis par les Moines de
Monticr-Ramey , il compofa deux difcours à la louange de faint
îViclor^ une hymne, douxe répons ôc vingt-fept antiennes; une
autre pour les premières Véj^rres , ôc deux répons , l'un pour
Laudes , 6c l'autre pour les Vêpres du jour. Toutes ces pièces fe
trouvent dans le recueil de fes ^^uvres.
X C V. Nous remarquerons dans les Lettres quifuivent, que,
félon faint Bernard, il eft plus expédient qu'un Moine , quelque
coupable qu'il foit, fade pénitence dans fon Monaftere , que de
permettre qu'il erre de Province en Province, fous prétexte de
pèlerinage ; que le Baptême conféré par un Laïc à un enfant dans
une extrême néceSlité , fous cette forme : Je te baptifc au nom de
Vieil , G* deliZ vraie (j'fainte Croix , eft bon , non-feulement parce
qu'il a exprimé par ces mots, au nom de Dieu, l'unité de la Nature
-divine qui eft dans la Trinité ; mais qu'il a aulfi marqué en termes
clairs 6c précis la Paffic^n de Notre-^eigneur, en ajoutant, au nom
-delà fainte Croix ; 6c qti'on lit dans les Actes des Àpotres que
l'on baptifoit quelquefois au nom de Jefus-Chrift feul ; qu'au
refte , il eft fans apparence que ce Laïc ait péciiéen n'cmplovant
point la forme ulitée dans l'Eglife , fa ùmplicité rendant fon
a5;ion excufabie ; ni que fa faute , s'il y eii a eu , ait préjudicié au
falut de l'enfant ; qu'il eft mieux de manger deux , ou du moins £,71 ,^-.
une fois par jour, que d'en palTer plufieurs fans rien prendre.;
qu'un dépôt étant une ch.ofe facrée, on doit le reftituer , à quelque e j,?. ^c7.
prix que ce foit, fallùt-il vendre un vafefacré ; que les avantages £^,7. 41,.
temporels font comme une fleur dont l'éclat s'efface en un jour ,
mais que la bonne confcience eft un tréfor ineftimable, qu'elle
n'eft ni épuifée par les fatigues , ni détruite par la mort ; que tou-
jours floriffante , elle nous réjouit pendant la vie , nous confole à
la mort, nous fait revivre après la mort, ôc revivre pour tou-
jours ; que quand on a fait vœu de fe confacrer à Dieu, il faut f^i^.^jiS:
l'exécuter fans délai : fervir le Seigneur étant moins un fardeau '*'^*
4ju'un honneur.
X C V L Les deux dernières Lettres regardent quelques Lettres com
Itfiiiires temporelles. Elles font fuivies de trois Chartes , dont »™'^-» -
Tome XX IL Ddd
3^4 SAINT B E R N A R D ;
l'une eft une Sentence arbitrale rendue entre l'Abbaye de faînt
Lure deToul ôc l'Abbaye de Lugeen par faint Bernard ^ à qui le
Pape Innocent II. avoit renvoyé l'attaire. Il fe fit allifter des
Abbés de faint Martin de Troyes , de Chatillon , de Trois-
Fontaines , de la Crefte & de Charlieu. Aux Lettres qui font
conflamment de faint Bernard , Uom ATabillon en a joint vingt-
Epijl i,:c. fept autres qui font ou douteufes , ou fuppofées. Celle que l'on
coiïipte dans la nouvelle édition pour la quatre cens vingtième y.
eft d'un ftyle tout différent de celui de faint Bernard, moins
coulant ôc plus affecté. L!le ne fe trouve fous fon nom que dans
un feul manufcrit du Vatican, non dans le recueil de (es Lettres,
mais à la fuite du difcours (ur le mépris du monde. On y établit
d'alleurs une maxime qui ne paroît pas s'accorder avec la doctrine
de faint Bernard; fçavoir que, comme Jefus-Chrift a glorifié-
dans toutes fes oeuvres Dieu fon père , nous devons le glorifier
de même dans les nôtres, ôcdire, s'il nous condamne, que fon
nom foit béni , parce que nous l'avons mérité ; s'il nous fauve,
que fon nom foit loué, parce que fa mifcricorde a furpalTé fa
juftice. Il eft vrai que faint Bernard dans fa quarante-deuxième
Lettre à Henri , Archevêque de Sens, étend le défirqu'avoit
Moyfe d'être efîacé du Livre de vie , & faint Paul d'être ana-
thème pour fes frères , jufqu'à defccndre aux enfers , s'il étoir
nécefî'aire , pour les fauver;mais il fait accompagner ce défir
d'une bonne confcience , qui ne fe trouvera pas dans les damnés ,
qui loin de bénir Dieu de leur fort , le détefteront avec opiniâ-
treté.
Épijl. 411 ' X C VII. On ne remarque dans les Lettres à Alphonfe, Roî
tt-Lz , 4^3 ' de Portugal; à Jean Cirit, Abbé de Tarouca ; ôc à l'Abbé de
*' '■ faint Benoît , ni le génie , ni le ftyle, ni la modeftie de faint Ber-
nard. On ne le reconnoît pas non plus dans celle qui eft adreffée
Ef'i'?. 4ié , au Roi Louis. La Lettre au Comte ôc aux Barons de Bretagne ,
4ï'7,4i8. ôc la fuivante à l'Empereur Manuel Comnene , portent le nom de
Nicolas , Secrétaire de faint Bernard ; mais il eft dit dans l'inf-
cription, que c'eft lui-même qui y parle. Ce font des exhorta-
tions à la Croifade. On le fait encore parler dans la Lettre à
Ep^. 41c. i'£y^.que de Luques,lc même qui lui avoit recommandé Pierre-
Lombard , connu fous le titre de Maître des Sentences. Saint
Bernard fut chargé de terminer un difîerend entre Hugues ,
Evêque d'Auxerre, ôc Guillaume, Comte de cette Ville. La
Eui/î. 415& Sentence qu'il rendit en cette occalion fait la Lettre quatre cens-
430.. vingt-neuf. Eflienne, Evêque de Paris , étoitûulli ci j roc es ûyc
I
PREMIER Abbé de CLAIRVAUX, &c.5p;
Eftienne deGarlande. GeoiTroi , Evêque de Chartres, coafeilla
au premier de prendre pour arbitre faint Bernard ; c'eft le fujet de
3a Lettre 4^0. Toutes les Lettres fui vantes font de divers
Auteurs , &. aucune de faint Bernard. Il y en a une de lui
<ians le fécond tome ( ^ ) de la Bibliothèque des manufcrits de
Dom Montfaucon , adrefTce à Raymond, Chevalier, Sire du
•Château d'Amboife. Elle efl: en latin ôc en françois , de la verfion
faite par faint Bernard lui-même. C eil une inflruttion qu'il donne
à ce Seigneur , tant pour le gouvernement de fa famille , que de
fes biens temporels , ôc del'ufage qu'il en devoit faire. Voici ce
qui nousparoît de plus remarquable dans les maximes qu'il pofe
pour principes d'une fage économie.Si vos dépenfes font égales à
vos revenus, il furviendra un accident inopiné qui renverfera
votre maifon. Pourvoyez à la nourriture de vos bcfliaux; ils ont
faim , ôc ne peuvent demander. NourrilTez votre famille de
viandes grollleres , ôc non délicieufes. Aux Fêtes de Pâques
<3onnez-lui abondamment , fans affetter des mets délicats. La
<iépenfe que vous faites pour la Chevalerie efl honorable; celle
qui eft pour vos amis eft raifonnable ; c'ed à pure perte que vous
aiderez les prodigues. Vendez vos bleds quand ils (ont à leur
valeur , ôc non quand le pauvre ne peut plus en acheter. Ne
vendez point à un plus puilfant que vous, mais donnez plutôt à
•meilleur marché à votre inférieur. Les chiens de garde font
utiles ; ceux de chaiTe coûtent plus à nourrir qu'ils ne font de
profit. Ne faites pas vos enfans difpenfateurs de vos biens. A
l'approche de votre vieilleffe recommandez-vous plutôt à Dieu
qu'à votre fils. Difpofez de vos affaires avant la maladie. Dom
Montfaucon rapporte au même endroit une autre verfion de la
même Lettre , mais dont le langage eft le même que de la
première. L'une ôc l'autre lui ont été communiquées par Dom
Calmet.
§. IL
Des cinq Livres de la Conjidératlon,
ï» T "\ An s les éditions des (Euvres de faint Bernard par Uvxf 3i»
\ J Horftius , le fécond tome préfente d'abord fes Sermons '•* C .nhJcras
4u tems ôc des Saints , enfuite ceux qui traitent de divers fu jets i
<«) P^^. 1334.
Ddd ii
-^cj6 SAINT BERNARD,
ôc ce n'eft que dans le troifiéme tome que l'on trouve les différenS
Traités de ce Père, encore n'y font-ils qu'après des difcours.fuf
le Cantique des Cantiques. On a fuivi une autre méthode dans
l'édition de Dom Mabillon , où le fécond tome efl: compofé des
Traités de morale, de doftrine & de controverfe. L'Editeur en a
ufc ainfi , parce qu'il lui a paru plus convenable de donner enfuite
6.Q^ Lettres, des Traités écrits dans le ftyle & la forme épiftoi
laires , & dont quelques-uns ont été tirés d'entre les Lettres pour
les mettre au nombre des Traités. Au relie , il s'eft plus arrêté à
la dignité des matières , qu'à l'ordre des tems , dans la place qu'il
leur a donnée. C'eft pour cela que ce fécond tome commence
par les Livres de la Confidération , qui furpaflent tous les autres
en dignité, foit que l'on regarde la perfonne à qui ils font dédiés,
c'étoit le Pape Eugène, foit que l'on faife attention à la fublimité
du Rijet , à la majcllé du flyle , 6c à l'élévation des penfécs.
Ils ôfit cti 1 1. Auiït dès que l'ouvrage parut , chacun s'emprefla de
enTr/j '^'' l'avoir & à le lire. Saint Bernard le compofa pour l'édification &
la confoiation du Pape Eugène ; & il s'y propofa de lui donner
Bc-rnaru. :n ^^ confeiis , moins comme tm maître , que comme une mère ,
ou. plutôt, comme un ami , parce qu il conlerva toujours pouf
Eugène , qui avoir été fon Difciple à Glairvaux , un amour
paternel. Le- premier Livre fut achevé en 1x4.5), comme ou le
voit par la Lettre de Nicolas fon Secrétaire, à Pierre, Abbé de
Pet.lih V7. Gluni, à quiildit : Je vous envoyé le Livre de l'Abbé de Clair-
'W" 7. vaux au Pape. Le fécond n'étoit pas fiit alors, faint Bernard ne
le finit qu'après que l'on eut reçu des nouvelles de l'expédition
infructueufedans la Terre-Sainte, c'efl-à-dire , en i i j'o, auquel
il envoya ce fécond Livre à Eugène. Le troifiéme fut achevé
après la mort de Hugues d'Auxerre arrivée erî nja. Lequa-»
triémc êc Is cinquième quelque tems après, ôc avant le huitième
de Juillet de l'an 1 1 5" 3 > ^'•'^ ^^^ ^^ P^^ ^^ ^^ mort de ce Pape-^
car les cinq Livres lui font dédiés. -
An^Jyfe C\i 1 1 L Quand faint Bernard eut conçu le defi^ein d'un ouvrage
prvnvcrLivre, ^fj \[ p{;,j. é^ii^erôj; confoler le Pape Eugène ÏH. il fc rrxDuva com-
battu par le refped: & par l'amour qui kii commandoient deux
ch ' ' " " " -.-..-
> d
:hofeK oppofées j l'amour le prelToit d'écrire ;-!e refpecl lui défeii''
Ibi't. L'amour l'emporta fur une timidité refpedueufe ; & voicf
Proi'ff, la raifon qu'en donne faint Bernard. Je fçai Lien, dit-il à Eugène^
qxis vous êtes élevé au fouvcrain Pontificat; mais quand vous
feriez, s'rleft permis de le dire , élevéfur les aîles des vents, je
uc iaificrois pas de youg aimej tou jours de la même forte. L'ameur
PREMIER ABBÉ DE' CL AiRVAUX , &c. 597
<|ue j'ai pour vous ne vous confidere point comme mon maître,
il vous reconnoît pour mon fils, & la qu«litd de fouverain Pon--
tlfe ne l'affujettit pas davantage. Il fe foumet à vous volontai-
rement , il vous obéit fans efpoir de récompenfe , il vous révère
fans contrainte, lous n'en ulènt pas ainli , la crainte , ou la cupi-
dité, font les principes de leurs mouvemens. ils tont beaucoup'
de carelTes, ôc dans le befoinils abandonnent; mais la charité ne
ment jamais. J'avoue que je fuis déchargé envers vous des foins
de mère, mais je n'en ai pas perdu les fentimens. Saint Bernard c.,p^ 5^
commence foni^'.Livre par compatir à la peine qu'Eugène avoit
reiïcntie en fe voyant arracher des délices du- doux repos de la-
folitude , pour être appliqué à un travail continuel ôc accablant.
Enfuite il l'exhorte à fe méiier des effets que produit l'aiuduité-
aux grandes occupations. Un fardeau , qui dans les commence- C.ip, i.-
mens paroît infupportable, devient plus léger à mefure que l'on
s'y accoutume ;enfuite on ne le fent plus, Ôc eniîn on y prend
plailîr: C'eft ainfi que l'on tombe dans rendurcilTement de cœur ,
& de-Ià dans l'averfion du bien. Il fîùt une defcription de ce?
fiineftes effets, 6c confeille au- Pape de les prévenir, en ne fe
livrant qu'avec méiiagement aux occupations extérieures , & en'
fe refermant des momens de loifir pour s'entretenir 6c traiter avec
lui-même. Quel efl , je vous prie, cet état, lui dit-il , d'entendre Cj;;, ^-
plaider depuis le matin jufqu'au foir ? Les nuits mêmes ne font
pas libres. A peine laifiet-on à la nature {es befoifis. I-i n'elt per-
mis ni de refpirer^ ni de prendre du repos. La patience eft une'
grande vertu , nais je ne fouhaite point que vous la pratiquiez en'
cette occafion.
I V. Ne m'oppofez point ce que dit l'Apôtre: Qu'étant libre' C;;'. 4.-
il s'eft fait cfclave de tout le monde. Penîez-vous que de toutes ^'Cor. 9 , \vi--
les parties de l'Univers on voyoic venir à lui des ambitieux , des-
avares, des fimoniaques , des facrileges , desconcubinaires, des^
incéftueux , ôc une infinité de femblables monflres pour obtenir
les dignités Eccléfiaftiques , ou pour y être maintenus par l'auto-
rité Apofiblique? Non; il s'étoit fait efclave de tous pour les'
gagner à Jeilis-Chrifî: , & nullement pour contenter leur avarice,
yous ferez une choie plus digne de votre Apoilolat d'écouîcr ce
que cet Apôtre dit ailleurs : y oui avz\ été acheté chèrement , ne i Cor. 7, i%,~
vous faites pas efclave des hommes. Or, efl-il rien de plus fervile &
déplus indigne, furtout d'un fouverain Pontife , que de travailler '
eontinuellement à de telles alTràres , & pourde tels g<^ns ? Quanti
prions-nc«s ? Quand inftruifons-nous les Peuples ? QuaîKi^
Ddd 11^
398 SAINT BERNARD,
édifions-nous l'Eglife? Quand méditons-nous la Loi de Pieu?
Il eft bien vrai qu'on entend citer des Loix dans votre Palais ;
mais ce font celles de Juftinien , non celles de Notre-Seigncur.
Cap. ^ Vous vous croyez redevable aux fages & aux infenfés; mais ne
foyez pas le feul que vous réfutiez de fervir. Souvenez-vous de
vous rendre à vous-même, je ne dis pas toujours, ni même fou-
Cap. 6. vent, mais du moins par intervale. Saint Bernard convient que
fon tems ne permettoit pas à un Pape de ne s occuper que des
fonciions EccléfialHques ; qu'on trouveroit mauvais qu'il ne
•répondit point à ceux qui deraandoient juflice pour des intérêts
féculiers ; qu'on le traiteroit de rulllque ôc d'ignorant qui ne
connoîtroit pas fon pouvoir, & qui deshonoreroit fa dignité ; mais
il dit aulïi que la manière de penler de fon fiécle , n'étoit pas celle
des Apôtres. Ils ont été cités devant les Tribunaux pour y être
ï71imot.ii,4. ji-igés, 6c non pour y faire l'oMice de Juges. Occupés unique*
ment du fervice de Dieu , ils ne s'embarraffoient point d .iiîaires
Luc. Il , H- féculieres^ Jefus-Chrift ae voulut pas fe rendre arbitre entre deux
frères.
■dp.. 7. V. Votre pouvoir, ajoute faint Bernard , s'étend fur les coaf-
clences des hommes , &: non fur leurs biens ; les clefs du Royau-
me des Cieux vous ont été données pour l'un, & non pour
l'autre. Les Rois ôc les Princes de la terre font Juges des affaires
terreftres; pourquoi ufurpez-vous le droit d'aurrui? Il cite ce
patTageduPfeaume.j.j' : Co?ifidcre^ù' voye-^ que je fuis Dieu , 6c
en prend occafion de traiter de la Confidération , qui fait le fujet
de fon ouvrage. Son premier effet efl:, dit-il , de purifier l'ame ,
enfuite clen diriger les défirs 6c lesadions, de corriger les excès,
d'adoucir les mœurs, 6c de porter l'efprit à la connoiflance des
Cap. 8. çiiofes , tant divines qu'humaines. C'ell elle aula, qui , comme
Juge entre la volupté ôc la nécelfité , leur prcfcrit des bornes
raifonnables , donnant à l'une ce qui fuffit, ôc otant à l'autre ce
qu'elle a de trop; ce qui produit la vertu qu'on appelle tempé-
rance. La Confidération forme auffi la juflice , la prudence ôc la
force, en nous apprenant à ne faire à autrui que ce que nous
voulons qui nous foit fait , ôc à renfermer notre volonté dans
les bornes étroites d'entre le peu ôc le trop ; ce qui ell un effet de
la force 6c de la prudence.
Crp. 9. V I. Si tout d'un coup, dit faint Bernard au Pape Eugène,
vous vous appliquiez à cette philofophie , on vous accuferoit de
fingulavité, ÔC de blâmer vos Prédéceflcurs , en vous éloignant
de leur conduite ; mais il pourra venir un tems où il vous
PREMIER ABBÉ DE CLAIRV AUX, &c. 399
fera libre de vous y donner peu à peu , ôc de fuivre l'exemple des
anciens Papes , qui fe donnoient du loifir au milieu des plus
grandes affaires ; comme faint Grégoire, qui pendant le fitge de
Rome , expliquoit la partie la plus difficile de la prophétie d Eze-
chiel, avec autant de foin que d'élégance. Si donc à préfent la C-p. 10.
fraude , la calomnie qui régnent par toute la terre , la violence ôc
l'opprenion des pauvres, vous oblige à juger des caufes, faites
du moins qu'on les plaide comme il convient ; car je ne fçai
comment vos oreilles peuvent fouffrir ces difputes d'Avocats,
& ces combats de paroles , plus propres à caclier la vérité , qu'à
la découvrir. Rien ne la fait mieux connoitre qu'une courte ÔC
fimplecxpofition du fait. Accoutumez-vous à décider prompte-
nient les caufes que vous devez juger par vous-même ; retrancher
les délais inutiles & captieux. Connoiifez par vous-même des
caufes des veuves, des pauvres, ôc de ceux qui n'ont rien à
donner. Vous pourrez en commettre plufieurs à d'autres. Il fe
trouvera même des affaires indignes de votre Audience , comme
font celles des perfonnes dont les péchés font manifeftes. Faites- Cap. n,
vous craindre de ceux qui fe tient à leur argent ; qu'ils le cachent
devant vous , Ôc qu'ils fi;achent que vous êtes plus difpofé ù le
répandre , qu'à le recevoir.
VII. Saint Bernard fait au commencement du fécond Livre AnaKfe Hw
l'apologie de la Croifade, dont on faifoit retomber fur lui le ^'-^^^°"^' ^^■^■'■*^>-
mauvais fuccès, parce qu'il l'avoir prêchée, quoiqu'avec inftance
du Roi Louis , & par orure du Pape , ou plutôt , de Dieu même.
Il rapporte à cet effet lexemple de Moyfe , qui après avoir tiré Cap. t:
de rjigypte les Ifraclites par l'ordre de Dieu conHrjné par des
miracles , ne les lit pas néanmoins entrer dans la terre fertile
qu'il leur avoit promife ; -celui de la guerre/des autres Tribus,
pour venger par ordre de Dieu le crime de la Tribu de benja-
min : guerre ou ces 'l'ribus furent défaites jufqu'à deux fc;is , ôc
ne vainquirent qu à la troiliémc. Comme on auroit pu lui deman-
der par quels miracles il autorifoit la prédication delà Croifade l
Il appelle en témoignage ceux qui avoient vu eux-mêmes ces
miracles , ou qui les avoient appris des témoins oculaires,
"V I II. Il revient enfuite à fon fujet, déiinit la Conlidératioii^ Cap. 2; ■
Bne recherche attentive de la vérité ; la diùingue de la contem-'
plation qui fuppofe une vérité déjà connue, ôc la divife en quatre
parties , dont chacune a fon objet. Votre confidération , dit- il au Cap. 3.-
Pape Eugène, doit commencer par vous-même. Conliderez pre-
anerement ce que vous êtes , enfuite qui vous êtes ; cnlin , qy,^.
^00 s A I N T E E R N A Pv D ,
Cap. 4, î. VOUS êtes. Ce que VOUS êtes, regarde la nature; qui vous êtes, la
,peifonne ; quel vous êtes , les mœurs,. Saint Bernard paile légè-
rement, fur ie premier objet de xonlîdération qui fe borne à la
nature de Vhomme 4 mais il s'étend davantage fur le fécond ,
■Cap. 6. c'eit-à-dire , fur les devoirs attacliés à la dignité de Pape. Ils
condftent, dit-il, à arracher & détruire , édilier 6c planter. La
Papauté eil: un miniftere, ôc non une domination- Le Pape efl
aiïis fur une Chaire élevée , mais c'eft pouti voir de plus loin ; &r
le droit d'infpection qu'il a fur toutes its Eglifes , doit plutôt le
jlifpofer au travail qu'au repos. Voilà ;, ajoute faint Bernard , ce
que i'A.pôtrefaint Pierre vous a laitîe, 6c non dePor ni de l'ar-
eent. Vous pouvez bien en avoir , à quelqu'autre titre , mais non
.conime héritier de JApotre , puifqu'il n'a pu vous donner
.ce qu'il n" avoit pas. Il rapporte les paflages de l'Ecriture qui
.défendent l'efprit de domination aux Apôtres ; ôc ajoute : Si vous
;Vous,gloriiiez, ce doit être , comme fiint Paul, dans les travaux
ôc dans les fouffrances.; -à dompter les loups , Ôc ne pas dominer
iiir les brebis ; à faire confifter votre noblelfe dans la pureté des
:mœurs , dans la fermeté de la foi , datis l'hu milité , qui cft l'orne-
ment le plus éclatant d'un fouverain Pontife.
Cip. 8. I X- Il examine quelle en efl la dignité & l'autorité , -ôc dit à
£u2."cne :Qui .êtes-vousf Cirand-Prêtie , fouverain Pontife, le
Prince dcsEvêques , l'héritier des Apôtres. Vcusctes celui à qiu
l'on a. confié les clefs, à qui l'on a commis le foin des brebis. Il cft
•vrai -qu'il y a d'autres Portiers du Ciel, ôc d autres Pafteurs des
trouvieaux ; mais ;vc^us avez hérité de ces deux qualités au-delTus
des autres , avec d'autant plus de gloire, que vous les polledez
.avec une plus grande ditiérence. Cliacun d'eux a fon troupeau
particuiicj-. Tous vx)us {a) font commis, de forte que tous ces
troupeaux n'en font qu'un dont vous êtes le feul Pailcur , ôc noii-
feulemcnt le Pafteurdes Brebis, mais des Pafleurs mêmes. Saint
Bernard le prouve par les paroles de Jefus-Çhiilt à faint Pierre .. .
Jean, it , 1 -. Pierre , firous m'aime^ , paijjei; mes brebis, h dit •{ b ) néanmoins
ailleurs , que les Evcqucsfont les f^^idïtres de Jeftis-Chrijî.
Ca 9 10, X. De-là.faint Bernard pafle à la troiliéme Conlidération qui
n ,11 15. ' a pour objet les mœurs ôc la conduite du Pape , fes progrès dans
la vertu ;, fon zèle pour le bien de l'Eglife , la clémence envers
(&\ Ncc moilo oviuin , foi & Pa.Qorum I {b) Ite nunc erj-o , -refiilite ChiiAi Vi
fwnnusoauiium'l'aUor.I,:*. i .âcdnjid. cnrio. U. di ojicio Epifcop. ijp.9,num
■ci^JSi
fçs
PREMIER ABBÉ DE CLAIRVAUX,6cc. 401^
fes ennemis, fa patience dans les adverfuds , fa modeftie dans la
profpérité. Il 1 exhorte à fuir roifiveté , les railleries indécentes
dans fes difcours;à n'avoir point d'acception de perfonnes dans
lesjugemens. Il ne lui fait point de remontrance fur l'avarice, dp.n.
parce qu'il droit connu dans tout le monde qu'Eugcne III. regar-
doit l'argent comme de la paille.
XI. Dans le troifiéme Livre qui fut compofden 1152, faint Analyfe du
Bernard reprdfente au Pape les chofes qui font au-delTous de lui , ^^J ul^%-, l',
c'eft-à-dire , le monde entier, dont l'adminiftration lui dtoit coa- ^
fiée , 6c non pas la poffeirion , puifqu'elle appartient à Dieu feul.
.Vous préfidez, lui dit-il, aux affaires de tout le mondes mais
pour y pourvoir, pour y veiller, pour y donner ordre, pour y
être utile. Le Père de famille vous a établi pour gouverner, ÔC
non pour régner. N'affettez point la domination fur les hommes,
étant homme vous-même. 11 n'y a ni poifon ni fer que je craigne
tant pour vous, que le défir de dominer. Etendez vos foins fur
tous, afin que ceux qui ne font pas aflez fages le deviennent;
que les incrédules fe convertiffent à la foi ; que ceux qui font
divifés de vous par le fchifme reviennent à l'unité ; que les héré-
tiques foient confondus, & leurs erreurs détruites; que l'ambi-
tion & l'intérêt ne défolcnt plus l'Eglife. Il dit fur ce dernier
article : N'eft-ce pas l'ambition , plus que la dévotion , qui engage
à vifiterles tombeaux des Apôtres? N'efl-ce pas de fa voix que
retentit continuellement votre Palais? Toute l'Italie netravaille-
t-elle pas avec une avidité infatiable à s'enrichir de fes dépouil-
les ? Il parloir des ambitieux ôc des avares , qui par le moyen du
Pape prétendoient régner dans l'Eglife , ôc s'emparer de fes
revenus.
XII. Il vient enfuite à l'abus des appellations. On appelloit Cap. t.
devant le Pape de tous les côtés du monde. C'efl: , dit-il, un
témoignage de votre primauté. Mais fi vous penfez bien , vous
vous réjouirez moins de cette prérogative, que de l'utilité qui
f)eut en revenir au Public. Y a-t-il rien de plus beau que de voir
es foibles à couvert de l'oppreflion aulfitôt qu'ils reclament votre
nom ? Mais au contraire peut-on rien de plus trifte , que de voir
ceux qui ont fait du mal, triompher, ôc ceux qui l'ont fouffert,
fe fatiguer inutilement? Comme il y auroit de l'inhumanité de
*i'être pas touché à la vue d'une perfonne , qui outre le tort qu'on
lui a fait , efl; encore épuifée par la longueur du chemin ôc par la
dépenfe : il y auroit de votre part de la lâcheté de ne pas ufer de
(évetité envers celui qui lui a ©ccafionné tous ces maux. Saint
Tome XXII. Eec
402 SAINTBERNARD,
Bernard exhorte le Pape à réprimer les appellations inutiles , &
celles que l'une des Parties faifoit quelquefois avant la Sentence
mêire , foit pour vexer fa Partie adverfe, foit pour gagner du
tems ; & à ne pas écouter ceux qui fe fervoient de l'appellation
pour arrêter les Evêques lorfqu'ils vouloient diflbudrc ou
empêcher des mariages illicites , ou punir les prévaricateurs
des Loix ôc des Canons. Il décide en général que toute appella-
tion à laquelle on n'a point été contraint par une injuitice, eft
illégitime ; que les appellations étant un bien lorfqu'elles fub-
viennentà la nécelTité , on doit à cet égard les appuyer ôc les
maintenir ; mais non , quand on les fait fervir à la fraude ôc à la
tromperie. Il rapporte deux exemples des appellations abufives,
ôc loue le Pape de renvoyer les Âppellans devant leurs Juges
naturels , ou devant des CommilTaires en état de connoître de
l'affaire ; cette façon de rendre la jullice étant plus fùre ôc plus
prompte.
dp-î- XIII. Saint Bernard f\it voir que les Pafteurs de l'Eglife
doivent moins chercher leur utilité particulière , que le profit de
leurs Sujets ; ôc après avoir donné plufieurs exemples du définté-
refTement du Pape Eugène III. il lui adreffe la plainte générale
des Eglifes au fujet des exemtions accordées par le faint Siège.
Cap.^. On fouftrait , dit-il , les Abbés aux Evêques, les Evêques aux
Archevêques, les Archevêques aux Primats , ou Patriarches.
Vous faites connoître en cela que vous avez la plénitude de la
puiffance , mais peut-être aux dépens de la juftice. 'Vous le faites ,
parce que vous le pouvez ; mais devez-vous le faire ? C'eft une
queftion. On vous a établi , non pour ôter, mais pourconfcrvet
à chacun fon degré ôc fon rang d'honneur. Avant d'entreprendre
quelque chofe , l'homme fpirituel doit confidérer premièrement,
fi cela eft permis ; enfuite, s'il eft de la bienféance ; enfin, s'il eft
expédient. Ne m'aileguez pas l'utilité de ces exemtions. Tout
ce qui en provient , c'eft que les Evêques en deviennent
plus infolens , les Moines plus relâchés , ôc même plus pauvres,
parce qu'on les pille plus librement , n'ayant perfonne pour les
défendre. A qui en effet auroient-ils recours f AuxEvêquesf
Offenfés du tort qu'on leur fait à eux-mêmes, ils ne feront que
rire des maux qu'ils verront fouffrir à ces Moines , ou qu'ils leur
feront fouffrir. Pardonnez-moi , fi je vous dis , qu'il ne vous ed
pas permis de confentir à ce qui produit tant de maux. Croyez-
vous d'r.illeurs qu'il foit en votre pouvoir de confondre l'ordre ,
d'arracher les bornes que vos' Pères ont pcfécs ? S'il eft de là
PREMIER ABBÊ DE CL AIR VAUX, &c. 40?
juftice de rendre à chacun ce qui lui appartient, n'eft-ce pas
commettre une injuftice que doter le bien à qui que ce foit?
Vous vous trompez , fi vous pcnfez que votre puilTance Apofto-
liqueeft la feule établie de Dieu, comme elle eft la fouveraine.
Il y en a de moyennes ôc d'inférieures ; & comme on ne doit pas
féparerceux que Dieu a joints, il n'eft pas jude d'égaler ceux que
Dieu a rendus inégaux. De même que dans le Ciel les Chérubins,
les Séraphins , jufqu'aux Anges &: aux Archanges , font difpofés
chacun en fon ordre fous un feul Chef, qui eft Dieu , ainfi fur la
terre les Primats, ou Patriarches, les Archevêques, les Evo-
ques, les Prêtres , ou Abbés, font fous le fouverain Pontife. Il
ne faut pas méprifer un orilre qui a Dieu pour auteur , ôc qui tire
fon origine du Ciel. Mais C\ un Evêque dit : Je ne veux pas être
fournis à un Archevêque ; ou un Abbé : Je ne veux pas obéira
un Evêque ; cela ne vient pas du Ciel. Je n'ignore pas que vous
avez le pouvoir de difpenfer, mais pour l'édification , & non
pour la dedruclion. Quand la néceilité preffe, la difpenfe eft ' Cor.^.i.
excufable. Quand l'utilité le demande, eile cft louable ; je dis
l'utilité publique, non la particulière. Il y a toutefois quelques
Monafteres exemts , qui relèvent fpécialement du faint Siège ,
fuivant l'intention des Fondateurs ; mais il y a de la différence
entre ce qui eft donné par dévotion , & les entreprifes d'une am-
bition qui ne veut point fouffrir de Supérieur.
XIV. Il eft aulTi du devoir du Pape , félon faint Bernard , de Cap. ^
faire attention à tout l'Etat Eccléfiaftique, ôc d'y examiner fi les
Peuples font fournis au Clergé, les Clercs aux Prêtres , ôc les
Prêtres à Dieu; fi dans les Mailbns Religieufes l'on garde l'ordre
ôc la difcipline ; fi les cenfures del'Eglife font en vigueur contre
lesméchans, ôc les héréfies; fi les Décrets Apoftoliques font
obfervés exadement. Le Pape Eugène III. en avoit publié lui-
môme au Concile de Reims en 114? touchant la modeftie des
habits des Clercs , ôc les Ordres aufquels doivent erre promus les
Dignitaires des Chapitres ; ôc toutefois depuis quatre ans que ces
Décrets avoient été publiés , on ne s'étoit pas mis en devoir de les
obfcrver.
X V. Le quatrième Livre de la Confidération a pour objet ce Analyfe d«
qui eft autour du Pape, fon Clergé, fon Peuple, fes Domefti- l"l"^,'^'^^[\
ques, fon Conleil. Votre Clergé , lui dit faint Bernard , doit vivre Q'. t.
dans une grande perfe£lion , puifque c'eft de lui que le Clergé de
toute l'Eglife a pris fa forme ôc fa règle. Quant au Peuple Ro- Ca^, t.
main , quoiqu'il en faffe un portrait odieux , ôt qu'il le repréfente
E ee ij
404 SAINTBERNARD,
comme endurci dans le mal , il ne laifTe pas d'exhorter Eugène à
travailler à le réformer , en employant la parole , ôc non le fer , le
C^P- 3- glaive fpirituel , & non le matériel ; le premier devant être tiré
par la main du Prêtre , & l'autre par h main du Soldat , qui toute-
fois ne doit s'en fervix que fuivanr le confeil du Prêtre, Ôc l'ordre
de l'Empereur. Cefl en ce fens que iiùnt Bernard dit ici , que les
deux glaives , le fpirituel ôc le matériel ^ appartiennent à PEglife;
parce qu'encore qu'elle ne puiffe elle-même tirer le glaive de
fang , elle s'en fcrt par la main du Prince j ôc le Prince ne doit
l'employer , qu'après avoir confulté le Prêtre , pour fçavoir fi la
guerre eft jufte.
Cif. 4. XVI. Saint Bernard recommande au Pape beaucoup d'at-
tention dans le choix des Cardinaux , de les prendre de toutes
parts , ôc d'un âge mûr , puifqu'ils doivent juger tout le monde ;
de choifir pour les Légats des perfonnes d'une vie exemplaire ,
ôc qui ne cherchent point dans leur Légation des avantages tem-
porels, mais l'utilité des âmes 5 qui reviennent en Cour fatigués,
ôc non chargés ; qui puiflent fe glorifier, non d'avoir rapporté
les chûfes les plus curieufes , mais d'avoir donné la paix aux
Royaume, la loi aux Barbares, le repos aux Monafteres , ôc
rétabli ou maintenu l'ordre ôc la difcipline dans les Eglifes. Il
Qav. j. rapporte des exemples édilians de deux Légats; l'un, le Cardinal
Martin, Légat en Tranfilvanie , qui revint du Pays de l'or fans
or , ôc fi dépourvu d'argent, qu'à peine put-il regagner Florence;
l'autre , Gcoffroi , Evêque de Chartres , Légat »n Aquitaine , qui
fit à fes frais toutes les dépenfçs de fa Légation, fans avoir voulu
recevoir aucun préfcnt, pas même deux plats de bois bien tra-
vaillés , qu'une Dame lui offroir par dévotion.
Ihld. XVII. Il étoit d'ufage dans les folemnités que les Officiers
du Pape fuflent proches de lui , pour la commodité du fervice ;
mais ils prétendoient encore tenir la même place dans toutes les
Aiïemblécs régulières. Saint Bernard fait voir qu'il étoit indécent
que ces Ofliciers euffent rang devant les Prêtres , ôc que la cou-
Ccrp.6. tumeà cet ég?rd devoir paiTer pour une ufurpation. Il confeille
au Pape de confier le fuin de fa Maifon à un homme- fidèle ôc
prudent , afin d'avoir tout le tems de vaquer lui-même aux affaires
de fa confcience ôc de 1 ii-glifc ; n'étant pas digne d'un Evêque
d'entrer dans le détail d'un ménage. Il dit à cette occafion ;
IS cft-il pas étonnant que ies Evcques trouvent des gens à qui
confier le foin de leur ame, ôc qu ih nanquent de perfonnes
capables dadminiftrer leurs bi^ns temporels l Cela ne vient que
PREMIER ABBÉ DE CL AIRVAUX,&c. 40^
de ce que nous fupportons plus pati3mment les pertes de Jefus-
Ci.riil, que le;, nôtres. li veut toutefois que le Pape , comme les
Evêques , prenne par lui-même le foin de la difcipJine de fa
Maifon , ôc qu'il n'y laine pas le defordre impuni. Dans une Cap. 7,
efpece de récapitulation des quatre premiers Livres , il dit au
Pape Eugène : Conlldetez que la fainte Egliie Romaine , où par
h grâce de Dieu vous prclidcz , eft la mère, ôc non la maîtrefTe
des Egiifes ; que vous n'êtes pas le Seigneur des Evêques , mais
l'un deux, !e trere de ceux qui aiment Dieu, ôc le compagnon
de ceux qui le craignent ; que vous devez être l'exemple de la
piété , le foutien de la vérité, le défenfeur de h foi , le difpen-
fateur des Canons, le tuteur des pupilles , le refuge des op-
primés.
XVIII. Quoique les Livres précédens foient intitulés , de . A"alyfê «^u
la Confidération, ils ne laiffent pas de contenir plufieurschofes vre'|pW.\5i.
qui ont rap'oort à la vie adive. Le cinquième au contraire ne r
traite que de la Loniidcration , ou contemplation, c eu-a-dire j
des objets qui font au-deilus de nous. S. Bernard entend par-là,
non le Soleil, ni les Etoiles, qui ne nous font fupérieures que par
leur pofuion, ôc non en valeur ni en dignité, n'étant que des
Lues purement corporels , ôc conféquemment inférieurs à nous
par rapport à notre anie, qui eft fpirituelle; mais il entend Dieu
ôc les Anges. Dieu, en eli'et, nous eft fupérieur par nature ;ôc
les Anges par grâce feulement , puifque la raifon nous eft com-
mune avec eux. Il propofe trois moyens de parvenir à la con-
noilfance de Dieu & de les Anges , l'opinion , la foi , l'entende-
ment ; ôc commence par la confidération des Efprits célcftes , O;». 4.
dont il rapporte la Hiérarchie. Sur les Anges, il dit, (a) que
l'on croit que Dieu en a donné un à chaque homme pour le
fervir , ou le garder, Enfuite il pafTc à la contemplation de Dieu ,
de fon eiTenoe , ôc des inyftercs de la Trinité , ôc de l'Incarna-
tion.
XIX. La divinité par laquelle on dit que Dieu eft Dieu , Cay.c,^.
n'eft autre chofe que Dieu même. Il eft lui-même fe forme, fon
elTence , un , fimple , indivilible. Il n'cft point compofé de par-
tics , comme le corps , ni fujet aux changemens ; toujours le
même, ôc de la même manière. Dieu eft toutefois Trinité. Mais
(«) Putemus Anjrclosdici, qui finguli j nam , pr»pter eos oui haTeJitatcm capiunc
»n-;ulis hominibus Aui creduntur, inifil j falutis. Lia. j , Jf Co/zy'.i.^. fjp 4.
in mmiiterium '" '' "
s Anjrclosdici, qui finguli j nam , prapter eos oui hareJi
ibus (liui creduntur, inifil 1 falutis. Lia. j , Jf Co/zy'.i.^. fj;
i J fecuiidiiui Pauli doiftri- \
E e e Uj,
4o6 SAINT BERNARD,
en admettant en Dieu latrinité, nous ne détruifons pas l'unité.
Nous difons le Père, nous difons le Fils, nous difons le baint-
Efprit ; néanmoins ce ne font pas trois Dieux , mais un feul Dieu.
O^. 8, Il n'y a qu'une fubflance , mais trois Perfonnes. Les propriétés
des Perfonnes , ne font autres que les Perfonnes mêmes ; ôc les
Perfonnes ne font autre chofe qu'un Dieu , une divine Subfldnce ,
une divine Nature , une divine ôc fouveraine iMajellé. Mais
comment fe peut rencontrer la pluralité en l'unité, & l'unité
avec la pluralité? L'examiner, c'eft témérité; le croire, c'eft
piété ; le connoître , c'eft la vraie voye & la vie éternelle. Saint
Bernard diftingue diverfes fortes d'unité , ôc met au premier rang
''^' * l'unité de Dieu en trois Perfonnes. Paflant enfuite au myftere de
l'Incarnation , il enfeigne qu'en Jefus-Chrift , le Verbe , l'Ame
ôc la Chair ne font qu'une même Perfonne , fans confufion des
cflences, ou des natures. Qu'ainfi ces trois chofes demeurent
dans leur nombre , fans préjudice de l'unité de la Perfonne.
Cap. II. XX. Il revient une féconde fois à la définition de Dieu , &
dit que , quant à l'univerfalité des chofes , c'eft la rtn ; que par
rapport à l'éleftion des Eli'is , c'eft le fd!ut;qu"à l'égard de lui-
même, il eft le feul qui le fçache ; aue c'eft une volonté toute-
puiffante ; une vertu parfaite, une lumière éternelle , uneraiion
Cdp.ii. immuable, la fouveraine béatitude; qu'il eft autant le fupplice
des fuperbes , que la gloire des humbles ; & que comme il
récompenfe les bonnes oeuvres par fa bonté , il punit les crime*
par fa juftice.
§. III.
Traité des jnœiirs & des devoirs des Evêques,
Trait* dfs I. T TT E N RI , fucceflcur dc Daimbert dans l'Archevêché de
Jevoirs des J[_ _£ 5ens cn I I 2i , fe livra d'abord aux délices delà Cour,
laiiiant fon Diocèfe fans Pafteur. Mais revenu de fes égaremens
par le miniftcre de Geoffroi , Evoque de Chartres , ôc de Bur-
chard , Evêque de Meaux , il pria faint Bernard de lui envoyer
quelqu'un dc fes ouvrages , qui pût l'affermir dans le nouveau
genre de vie qu'il avoit embraffé. Le faint Abbé qui en avoit été
informé parles deux Evêques dont nous venons de parler, lui
adreffa aullîtot l'opufcule intitulé , du devoir des Evêques. C'eft la
quarante-deuxième Lettre dans plulieurs éditions de faint Ber-
nard. Elle fut écrite vers l'an 1126 j auquel Burchard étoit
PREMIER ABBÉ DE CL AIR VAUX, &c. 4b7
Evêque de Meaux , ou du moins avant l'an 1130, qui fut celui
de la mort d'Honorius II. puifque dans la quarante-neuvième
Lettre que faint Bernard lui écrivit en faveur de l'Archevêque
de Sens , il marque clairement la convcrfion de ce Prélat.
II. Le premier confeil que l'Abbé de Clairvaux lui donne , Anslyfe r'e
c'eft de confier hardiment fa perfonne & fon Diocèfe aux " raite.^a^'.
Evêques de Meaux ôc de Chartres , lalTurant que fous leur q„_ ,
diredion , fa réputation & fa confcience feront en lùreté. Enfuite
il lui fait remarquer que la gloire ôc la dignité Epifcopales ne Cap. i.
confident ni dans la pompe des habits, ni dans la magnificence
des équipages , ni dans la fomptuofité des Palais ; mais dans
l'innocence des moeurs, dans l'application aux devoir^ de TEpif-
copatjdans 1 exercice des bonnes œuvres. Il lui recommande ^'P-i'
en particulier les vertus de chafleté , de charité & d'humilité;
mais il veut que fa charité naiflé d'un cœur pur, d'une bonne
confcience , d'une foi fincere. La pureté de cœur doit avoir deux Cap. 4, î
objets , la gloire de Dieu , & l'utilité du prochain ; la bonne ^'
confcience confiflc à fe repentir du mal , & à n'en plus com-
mettre i la foi fincere e(t celle qui fe fouticnt & qui agit par la
charité.
III. La plupart n'envifageant dans l'Epifcopat que l'éclat, & Cap. 7-
non la peine qui y eft attachée , rougilloient d'être au bas rang
du Clergé, 6c couroient avec vivacité aux honneurs. On élevoit
même aux premières dignités de jeunes enfans , qui n'avoient
d'autre mérite que leur naifiance ; des gens de tout âge , de
toute condition, fçavans ôc ignorans, briguoient les emplois
Ecclélialliques; Ôc après qu'ils étoient montés aux premières
dignités de l'Eglife , foit par mérite, foit par argent, foit par le
privilège de la chair ôc du fang , ils brùloient de deux défirs , de
multiplier leurs Bénéfices, ôc d'en acquérir de plus honorables.
Etoit- on Prévôt , Doyen, Archidiacre? L'on n'étoit pas con^
tent de ne pofTeder qu'une de ces dignités ; on fe donnoit des
mouvemens pour en avoir plufieurs , foit dans la même Eglife ,
fuit dans des Egliies dili'Jrentes. S'il falloit s'en dépouiller pour
devenir Evêque , on le faifoit volontiers. L'Evêque fongeoit à
devenir Archevêque. L'ambition n'avoit point de bornes. Saint
Bernard gémiffoit fur ces abus dont il étoit témoin, ôc rappellanc
ce qui fe paflbit dans les premiers fiécles, où l'on ne trouvoit
qu'avec peine des perfonnes qui voululTent fe charger de l'Epif-
copat , tant ce polie leur paroiflbit au-delTus de leurs forces , il
blanie l'emprellement que les Clercs de fon tems témoignoiem
Sjtof 5 A I N T B E R N A R D,
pour un miniftcre que la plupart n'étoient pas en état de remplir ,
& qu'ils ne rechcrchoient ou que par avarice , ou par ambition.
C^.i,f, IV. Il e'tablit cette maxime: Pour fçavoir commander, il
faut fçavoir obéir. Et fe plaint que les Abbés de fon Ordre, qui
cxigeoient IcbéifTance de leurs Moines avec tant de rigueur,
ruinoient leurs Maifons pour fe rendre indépendans des Evêques ;
ne faifant pas attention qu'ils étoient Moines par état , & Abbés
par nécellité. Ils difoient, qu'ils ne cherchoient à fefouftrairc
de la Jurifûidion des Evêques, que pour procurer la liberté à
leur Monaftere. Saint Bernard leur répond : Qu'y a-t-il donc
de dur ôc de fâcheux dans l'autorité des Evêques ? Craignez-vous
leur violence? Mais fi vous foufFrez pour la juflice, vous ferez
heureux. Il ajoute : Quelques-uns de ces Abbés ne découvrent
que trop leur orgueil , en n'épargnant ni peine , ni dépenfe pour
obtenir du faint Siège le privilège de porter les ornemens Ponti-
ficaux ; d'avoir la mitre, l'anneau , la chaulTure d'un Evêque. Si
ce font des marques de la dignité Epifcopale , il n'cft rien de
f)lus éloigne de l'état Monaflique. Si ce font des fymboles de
eurs fondions , il eft évident qu'ils ne font propres qu'aux Evê-
ques. Votre Légiflateur diftingue douze dégrés dhumilité, il
donne à chacun fa délinition. Dans quel degré , je vous prie,
eft-il marqué qu'il foit permis à un Moine d'aimer le faite ôc
d'ambitionner les honneurs ? Le travail des mains , la retraite , la
pauvreté volontaire font (es çrnemens , ôc les marques d'hon-
neur de la vie Monaflique.
Cdf. 10, V. La fuite de la Lettre , ou Traité de faint Bernard, fait voit
qu'alors les Evêques avoient feuls le droit de fe faire drefler un
trône dans leur Eglifc, de donner la bénédiction au Peuple , ôc
de conférer les Ordres. On permit dans la fuite à quelques
Abbés de donner les quatre Moindres^ même le Sous-Diaconat,
ôc la bcnédiclion au Peuple.
§. IV.
Livre de la réforme des Clercs.
LWrc de l« j^ ^ A I N T Bernard fe trouvant en 1122 dans les environs de
Reforme des ^ p^^.^ ^ l'Evêque Efiienne le pria d'y venir, ôc de prêcher.
L'Abbé qui ne paroilfoit en public , que le moins qu'il pouvoir ,
s'ejccufa de faire ce quo le Prélat fouhaitoit i mais le lendemain fe
fentant
TREMIER ABBÉ DE CLAIRVAUX, &c. 40^
(entant plus de confiance pour toucher les cœurs, il fit dire à
l'Evêquc qu'il prôcheroit. Il s'afTeaibla donc un Clergé très-
nombreux, ce qui arrivoit toutes les fois qu'il devoit parler en •■ • ■'
rpublic. Le difcours qu'il fit en cette occafion , eft intitulé , de la
<]onvernon , ou de la Réforme des Clercs. En quelques manuf-
«rits il efl: adrelfé aux Ecoliers , ce que l'on peut autorifer par ce
rque dit un de fes Hiftoriens : Qu'invité par les Clercs d'entrer
.dans leur Ecole , il y parla de la vraie philofophie , en les exhor-
.tant au détachement des créatures , & au mépris du monde.
D'autres manufcrits lui donnent le titre deDifcours aux Clercs» Il
efl très-vif ôc très-preffant. ' '.
I I. L'Auteur y attaque furtout ceux qui témoio-noient trop An?Iyfe ié
■j, .j. / II- • / J 1)1? 1T o • ' . '^ ce difcours a
-d avidité pour les dignités de 1 Lglue , & qui s engageoient „a^. ^g,, *
dans les Ordres facrés fans réflexion 6c fans examen ; mais il y
traite aufli delaconverfion des moeurs ôc delà pénitence. Il fait Cap. i,
voir que perfonne ne fe peut convertir à Dieu qu'avec le fecours ■ ^ •. '-
de fa grâce prévenante, & que Jorfqu'il a fait retentir fa voix
dans le ccx^ur du pécheur , c'eft à nous à obéir à cette voix , & à C^p. î , fi
ouvrir les yeux à la lumière qu'il répand fur nos ténèbres , pour
nous faire appercevoir toutes nos iniquités ; que ce n'efl: qu'en
cette vie qu'on peut les elfacer par la pénitence^ le regret que Cw, «
l'on en aura en l'autre devant être inutile, parce que dans les
damnés le péché fera aufîi irrémiffible , que le fupplice fera
durable. .
III. Saint Bernard trouve que les remords de confcîcncc Cap. s%;\\\
font avantageux au pécheur pour le détourner du péché , qu'ainfi
il ne doit pas étouffer le ver rongeur qui le pique en cette vie. Il
confeille à celui qui penfe férieulement à fe convertir , de çoai-
jnencer ce falutaire ouvrage en s'abfrenant de nouveaux péché_S , Cn. g,
avant de déraciner Çqs, anciennes & mauvaifes habitudes ; pour
lui en faciliter le moyen , il lui repréfente la vanité & lincoii-
ftance des biens & des plaifirs du inonde , la faufle fécurité du Cw. 8.
pécheur qui fe perfuade follement qu'il n'efl vu de perfonne ,
«juand il pèche entre quatre murailles, tandis qu'il eft apperçu dp. <if
non-feulement de Dieu, mais de fon bon 6c de fon mauvais
Ange.
1 V. Ce n'efl pas aiïez pour une vraie converfîon de s'éloigner Cip. i»;
du mal , il f^ut faire le bien , 6c en rapporter la gloire à Dieu. Le
tems de la pénitence efl celui de pleurer les péchés ; mais le
Pénitent ne doit pas fe lailTer abforber par la trifleffe i il faut qu'il C:.: n, i<|
^douciffe l'âcreté de fes larn;ies par refpéj:gnçe dp la confolation . '"*>
Terne XXJL " ' ' Fff
fio - SAINT BERNARD*;
6c des douceurs que ceux qui font véritablement convertis , go(ï«^
tent dans les délices de la vie fpirituelle..
€ap. ij. , V- Au fujet des Clercs avides des fondions Eccléfiaftiques ^,
iaint Bernard dit qu'ils s'ingereroient avec plu5 de réferve dans-
4es charges & les enaplois des plus petits Rois de la terre ; qu'ils-
doivent f<çavoir que Dieu n'appelle au miniftere facré que ceux
qui ont le cœur pur, qui cherchent , non leur propre intérêt,.
mais ceux de Jefus-Chrill; 6c à être utiles, plutôt aux autres qu'à
€.ip. ic. eux-mêmes. Le faint Abbé s'élève contre les Clercs incontinens,
6c dit, qu'il leur feroit plus avantageux de travailler à leur falut
dans l'humble degré du peuple, que defe perdre dans les dignités
■éfe ^vhr ' .^u Clergé , en ne gardant pas la continence qui y eft attachée.
^ "."iV^'.x:.-: iMais quoiqu'il fe plaigne amèrement du grand nombre des Mi-
■ jiiftres indignes , il reconnoît qu'il y en avoit encore dans rEgUfe
.'- . ■>^ ' plufieurs qui s'y conduifoient d'une manière conforme à leur
Cap. î«' ;état ; ôc donne, pour marque diftindive des bons Pafteurs d'avec
les Mercenaires _, de fuir, ou de foutenir la perfécution pour U-
':«■•■■ juflicc^
§. V. !
Livre du Précepte & de la Difpenfe.
Livre du j^ "| ^ Ans le tems qu'Udon étoit Abbé de Saint-Pere-e«--
Précepte &<!e ■« ^
I
'D
la'DilpeW'^ jLV Vallée près de Chartres , il le fut depuis l'an 1 1 28 juf-
ques vers l'an 1 1 ço , quelques-uns de fes Moines confulterent à
fon infcu faint Bernard touchant l'obligation de la Règle de faint
Benoît qu'ils profefloient. Il ne répondit pas d'abord à leur
.'î. . Lettre; mais en ayant recju une féconde , écrite comme la pre-
mière, fans la permiflion de leur Abbé , il adrefla fa réponfe,
non à fes Moines, mais à Roger, Abbé delà Coulombs, du
même Ordre, ôc du même Diocèfe , afin qu'il la remît à l'Abbé
de Saint-Pere , ôc enfuite à fes Moines , fous fon agrément.
st - =Roger fut Abbé de la Coulombs depuis l'an i 1 3 1 iufqu'en iij8.
• Saint Bernard avoit eu deffein de répondre féparément aux deux
Lettres ; mais s'appcrcevant que la matière qu'on l'avoir prié de
traiter , grofïifToit fous fa plume, au lieu d'une Lettre il fit un
C«.io. Livre; laid'iint toutefois à ces Moines la liberté de le qualilîer ,
Lettre, ou Livre. Il l'intitula du Précepte ôc de la Difpenfe,
parce qu'entre phifieurs queftions qui y font traitées , il y exa-
* ." : min-e qilels font le« préceptes dont on j>eut difpenfcr , à qui oe
. . i ' . , . .
PREMIER ABBÉ DE CLAIRVAUX^&c. 4.^1
'Idfoit appartient , & comment fe doit accorder la difpenfe. ■''■>.>■ 'X
II. Il pàroît par la Lettre à l'Abbé de la Coulombs que l'on a- AnaTyfe da
Imife à la tête de ce Traité , que ce fut lui qui exhorta faintBer-. "^'^■^'^'F.ê'*
nard à lui donner tant d'étendue; qu'il le lui adrefTa pour le
remettre à l'Abbé Udon , & enfuite aux Moines de Ton Monaf-
terc, fcachant que les Moines ne peuvent, fuivant la Règle de Epil. >id Al^
faint Benoît, ni écrire, ni recevoir de lettres qu'avec la per- b-u. Cilumbt
mifFion de leur Abbé ; ôc que ce qui engagea le faint Abbé de-
Clairvaux à ne pas répondre à leur première , fut qu'ils l'avoienr
écrite fans en avoir obtenu l'agrément de leur Supérieur. Il fur-
monta cet obflacle en confiderant la confiance qu'ils avoient en P'-e/jf*
lui, 6c qui étoit fondée fur l'expérience qu'ils avoient de fon ■,->!>■•
fçavoir , foit pour l'avoir oui parler , foit pour avoir lu fcs
iécrits.
III. La première queftion confiée à ftçavoir , fi tout ce qui Cv^. tj
efl: contenu dans la Règle de faint Benoit, cft de précepte, ou
s'il y a quelques articles qui ne foient que de confeil. Saint Ber-=
nard répond que cette Règle eft de précepte pourtousceux qur
ont foit VŒU librement de l'obfcrvcr. D'où il fuit, que tout ce'
qu'elle contient eft d'obligation pour eux. Mais il diflingue entre
-ce qui eft dit dans la Règle des vertus fpirituellcs, comme la
charité , la douceur , l'humilité , & ce qui eft prefcrit touchant
les obfervances extérieures , telles que la pfaLmodie , l'abfti-
nence , le filence , le travail des mains. Les préceptes touchant
les vertus venant de Dieu même, ne fouffrent point de difpenfe;
mais on peut , dans le befoin , en accorder pour les obfervances Ca^. £i
Monartiques , parce qu'elles ne font ni par elles-mêmes, ni natu-
rellement bonnes , ôc qu'elles n'ont été inftituées que pour pro-
curer , ou conferver la charité. Tout le tems donc qu'elles font
pour la charité , le Supérieur même ne peutdifpenfer de ces ob- . -
■fervances; mais fi elles viennent à être contraires à la charité,alors
il pourra en difpenfer. S.Bernard cité fur cela les témoignages du'
Pape Gelafe & de faint Léon , qui décident , que l'on doit invio-
iablement obferver les Décrets des Petes, à moins que l'utilité
!de l'Eglife n'oblige à en difpenfer.
I V. Il remarque que faint Benoît , en laifiant à l'Abbé de ^''^ S-
idifpenfer dans les befoins , des obfervances régulières, ne remec
pas cette difpenfe à fa volonté feule , puifqu'il eft lui-môme
attenuàl'obfervationdela Règle ; mais qu'il la remet à fa pru-
dence pour en difpenfer , fuivant la loi de la charité, en l'avcr-
xiffant qu'il rendra compte à Dieu de tousfes jugemens.
Fffij
4ia SAINT BERNAR DV
Cap. 4"& î . V. Saint Bernard remarque encore que la formule de profeiïîort^
t;. étant conçue en ces termes : Je promets VobéijJ'ance, félon la Regls'
* j' defaint Benoît , & non fuivant la volonté de l'Abbé , il ne peut-
commandera fes Religieux que ce qui eft porté par cette Règle,
& rien qui y foit contraire , ni au-delà de la Règle; mais il dit-
^a;v 1 C«p. 6. qyç cette forte d'obéilTance rcilrainte au devoir , eft imparfaite ;
. re.1,,.^ que celle qui eft parfaite ne connoit ni loi , ni bornes ,.ôc qu'il eft
dun vrai Religieux d'aller même au-delà de ce qu'il a promis,.
ôc de fe porter à une obéiflance auffi étendue que la charité,,
à l'exemple de Jefus-Chrift , qui a été obéiiTant jufqu'à la.
mort.
pop. 7. VI. La féconde queftion des Moines de Saint-Pere rouloit
fur les dégrés d'obéi (Tance. Saint Bernard répond qu'il eft de
l'ordre d'obéir plutôt à Dieu qu'aux hommes ; aux Maîtres,,
qu'aux Difciples ; & entre les Maîtres , plutôt à ceux de la Mai-
fon qu'aux étrangers; que pour juger du degré d'obligation dans-
l'obéiffance , il faut faire attention à la qualité de celui qui com-
mande, & à l'importance de fon commandement ; que l'obéil^
fance que l'on rend par amour , eft préférable à celle que l'on na-
rend que par crainte ; l'une étant de néceiFité, l'autre de charité ;.
& que pour obéir parfaitement, il faut faire ce qui eft commandé,,
^<'i'' ^•- dans l'intention même de celui qui l'a ordonné. Il décide que
celui qui pèche par mépris pour fa Règle , eft plus coupable que"
celui qui y contrevient par négligence ; la raifon qu'il en donne,
eft , que la défobéiifance du premier vient de fon orgueil ; & que:
V« ."-'; la défobéiftTance du lecond n'eft que l'effet d'une langueur de.
pareffe. Il infère de-là que le mépris rend mortel le péché qui;
ne feroit que véniel par lalégerecé de la matière, ou s'il n'y cntroic
que de la négligence.
Cap.f. "VII. On doit obéir au Supérieur, comme à Dieu même ^
dont il eft le Vicaire ; fi ce n'eft qu'il commande quelque chofe.
contre la Loi de Dieu. Il n'importe, en effet, que Dieu nous,
commande ou par lui-même , au par fes Miniftres ; par des
€ap.io. II. Anges, ou par des hommes. C'eft le fait des imparfaits de dif-
cuter ce qui leur eft commandé , avant d'obéir , ôc de ne fe
foumettre qu'après s'être fait rendre compte du précepte. Tout
péché contre la Loi de Dieu n'étant pas mortel, ceux que
l'on commet contre la Règle, ne peuvent conféquemment être.
Cap. 11. regardés tous comme mortels. Et quoique toute défobéiffance
foit inexcufable , aucune n'eft mortelle , que celle dont on ne fait
pas pénitence, ou qui a pour principe l'enflure de l'orgueil.
i
PREMIER ABBÉ DE CLAIRVAUX ,&c. 415
VIII. Les Moines de Saint-Pere avoient dit dans leur Cip. 13.-
Lettre , que l'on peut à peine obferver les Commandemens de
Dieu ; mais que l'on ne pouvoit abfolument accomplir ceux de
l'Abbé. Saint Bernard leur lait voir qu'ils ne s'étoient exprimes
ainH,que parce qu'ils n'avoient pas encore goûté combien le
joug du Seigneur eft doux , ni fait attention au précepte que
Jelus-Chrift nous fait d'obéir à ce qui nous e(l commandé , mcmc M^tt. ij , 3^
par des Pafleurs de mauvaifcs mœurs. Enfuite il les tire de
terreur où ils étoient , qu'en faifant profellion de la Règle de
faint Benoît, on s'engageoit par vœu à ne point contrevenir à
ce qui y efl: prefcrit. 11 faut, leur dit-il , divifer l'obfervance
régulière en deux, en préceptes, & en remèdes. Les préceptes
nous cnfeignent à vivre de façon que nous ne péchions pas : Les
remèdes nous rendent l innocence perdue par le péché. Notre
profellion renferme tellement ces deux chofes, que s'il arrive
que nous devenions prévaricateurs en violant les préceptes de la-
Règle , Ôc qu'enfuite nous recourions aux remèdes, nous ne
fbmmes pas te.ifésa' ' . iolé notre promeHe, Celui-là feul doit-
palier jrour avoir enfreint fon va^u , qui a méprifé les préceptes ÔC
les remèdes.
I X. Ces Moines avoient demandé à faint Bernard jufqu'où Cap. i<r.
s'ércndoit la fabiliîé que l'on promcttoit dans ia profellion;
& s'il y avoir des cas cù il fût permis de pafler d'un Monaflere à
l'autre. Il répond que cela eil permis lorfque l'on fe trouve dans
une Maifon où l'elfcntiel de la Règle ne s'obferve pas, mais noiv
dans Icî Monafteres bien réglés, fût- ce môme dans le delTein de
mener une vie encore plus parfaite ; que dans le cas de chan-
gement , il faut le confentement de l'Abbé d'où l'on fort ; qu'il.
lAft permis de fortir d'un Monaflere où l'on pratique la Règle à'
la lettre , ni même de celui où on ne la pratique pas toute
entière parce qu'on ne s'y efl: pas engagé , pourvu que d'ailleurs
on y vive dans une bonne difcipline. Il donne pour exemple des'
3\'lonafteres d'où l'on ne doit pas fortir, ceux de Cîteaux ôc de
Cluni. A l'égard de celui qui feroitforti de fon Monaftere pour-
entrer dans un autre mieux réglé, 6c qui enfuite en auroit du
fcrupule , craignant d'avoir fcandalifé les Frères par fa fortie,.
il n'eft pas d'avis qu'on-lui permette de retournera fon premier
Monaftere , de peur qu'il ne caufe un nouveau fcandale.
X. Une autre queftion des Moines de Saint-Pere étoit pour-- Q;. if,
quoi faint Grégoire avoir reçu à la Communion un nommé Griser. Uii-
t\enantius, qui avoit quitté fcandaleuferaent l'habit de Moine, ^'^f"^- 33*
Fffiii..
4T4 SAINT BERNARD,
fans l'avoir auparavant obligé à le reprendre ; & ce- qu'on doit
Au^. lib. rf? penfer de faint Auguftia , lorfqu'il enfeigne que le mariage
l}io./id.c.p. contracté par une perfonne qui a fait vœu de continence , eft
"'' indilfolubie. Saint Bernard fe contente de répondre , que tel a
été le fentiment de ces deux Pères , que c'étoit à eux à le défen-
dre. Mais nous avons remarqué ailleurs (a) que TEglife n'avoit
pas encore alors fait du vœu de continence un empêchement
dirimant du mariage; & que faint Grégoire tit non-feulement
tout fon pollible pour obliger Venantius à reprendre fon premier
état , mais que le fçachant à l'extrémité , il écrivit à TEvcque de
Syracufe de l'y prefler de nouveau, avec menace d'ctre condamné'
éternellement au Jugement de Dieu.
Cap. 17' X I. Il eft dit que ce même Pape renferma plufieurs Evêques
dans des Monafteres pour y faire pénitence. Les Moines de
Saint-Pere en prirent occafion de demander à faint Bernard , s'ils
avoient en cette occafion quitté leur habit pour prendre le Mo-
■naftique. Ils lui demandèrent auili pourquoi l'on donnait à la
.profcifion Rciigieufe le nom de fécond Baptême? Si dans le cas
de mort, ou de dcpofuion d'un Abbé , les Moines avoient plus
de liberté pour paifer de leur Monafterc à un autre ? Et fi un
Religieux quiavoit quelque doute fur la canonicité de l'éleêlioa
■de fon Abbé, devoir lui obéir ? Saint Bernard répond à la pre-
mière de ces queftions , que ces Evêques n'ayant été enfermés
^ans des Monafteres , que pour un tems, il n'eft pas vraifem-
blable qu'ils en ayent pris l'habit. A la féconde , que la profcifion
Religieufe eft appellée un fécond Baptême, à caufe du renon-
cement parfait au monde, 6c de la manière excellente dont oa
pratique la vie fpirituelle dans les Monafteres. A latroifiéme,
Cjp. li. que le vœu d'obéiftance que l'on fait à la profeflfion Religieufe
ncfe terminant pas à la mort, ou à la dépofition de l'Abbé en
préfence de qui on la prononcé, doit durer autant que la vie du
Religieux ; qu'ainfi il n'eft en aucun tems le maître de changer
de Monaftere. A la quatrième, que lorfque l'élection d'un Abbé
n'eft pas évidemment défedueufe , le Religieux doit lui obéir ;
cCit-il contre fon Abbé une avcrfion fecrette j ôc des doutes furfon
élection.
Cap. ip. XII. Sur une autre queftion que ces Moines lui avoient pro-
pofée dans leur féconde Letrre ; fçavoir , fi celui qui eft tellement
( a ) Tom, 1 1 ,pag. 48^ , $> tom. 1 7 , p.-ig. 12.9,
PREMIER ABBÉ DE CL AIR VAUX, &g. 41?
difpofé envers un autre qui la offenfé , qu'il ne voudroit pas lui
faire du mal, mais qui ne fcroit pas fâché qu'il lui en arrivât , peut
s'approcher de l'Autel ? Il répond qu'il ne le doit pas , jufqu'à ce
qu'il n'ait plus aucun reffentiment. Enfin, à leurs prières, il fait Cap.io^
voir qu'il n'y a point de contrariété entre ces deux palTages de
(aint Paul : Nous vivons déjji dans le Cid. Pendant que nous hahi- VhiVw. j, zr;.
tons dans ce corps , nousfonimes éloignés du Seigneur : parce qu'on *■* ^'- î '6w
peut les entendre en cette manière : Quoique nous foyons fur la
terre, nous fomnies déjà dans le Ciel , par refperance d'y arrivei
un jour comme dans notre patrie.
§. VI.
Apologie de faint Bernard,
I. 13 I E N ne fouleva plus les efprits contre lui , que fon A[>o\o?,lé cftr
iV Livre contre les Moines de Cluni. Ils étoient alors en Ci '"^""'^'■^"«'^5
bonne odeur dans le monde , & en fi grand nombre , que l'on ne
pouvoir les attaquer lans s attirer un nombre nmni d adverlaires. Prwfat. in
Cet ouvrage trouve encore aujourd'hui des Ccnfeurs qui le opujiul. 5.
regardent comme la produdion d'un zèle outré, ne faifanc pas
attention que faint Bernard a été envoyé de Dieu pour réparée
les brèches laites à la difcipline de l'Eglifc , 6c particulieremene
de l'Ordre mcnaftique. Cet écrit porte tantôt le nom de Lettre,
tai- tôt d OpuTcuIe, quelquefois d'Apologétique & d'Apologie.
C'eft fous ce nom qu'il le cite lui-même , ôc qu'on l'a imprimé.
Il eft un des premiers opufcules de faint Bernard , qui le compte gyjv?, jg,
pour le troiiléme dans fa Lettre à Pierre , Cardinal , écrite vers
l'an 1 127. On peut donc le mettre en 1 12^ dans les commen-
.eemens de Pierre leVénerable , qui fùcceda dans le régime de
l'Abbaye de Cluni , à Hugues II. en 1122 y Cik mois après que"
Ponce eut abdiqué. Cet Abbé avoit non-feulement dilfipé les MMloti.
biens de Cluni , mais il en avoit encore négligé l'obfervance ; ce i^''-7^,ii''nah
qui avoit donne lieu a de grands relachemens qui excitèrent le
zèle de faint Bernard.
1 1. Pierre de Cluni ne fut pas peu fenfible lui-même aux abus Quelle m fut'
qui s'étoient gliiTés dans fon Ordre ; ôc pour y remédier il lo-"hon,
affembla chez lui un Chapitre général , oiv il fit divers Statuts
propres à rétablir la d'ifcipline Monaftiquc. Orderic "Vital qut •
alUIlaàce Ciiapitre, en parle fut l'an 1 15^ i ôc ce qui s'y p.afT*^
4i<î SAINT BERNARD,
prouve bien que faint Bernard n'avoit pas déclamé envain contre
les Cluniftes. i\îais ce qui donna lieu à l'Apologie d.:)nt nous
parlons, fut que les Ciiîerciens , fous le prétexte de la vie régu-
lière qu'ils nienoient, cenfuroient vivement les ufages des Ciu-
nifles. Ceux-ci rejetterent fur faint Bernard la caufe de leur
différend avec les Ciderciens , ou du moins de l'entretenir ôc de
le fomenter. Ses amis l'engagèrent à fejurtiner de ce reproche,
Prœfat.ad^ nomniénient Guillaume, Abbé de faint Tltierri , qui le pria par
•F4AU * lettres de rétablir l'union entre ces deux Ordres , mais en remnr-
.quant ce qu'il jugeroit digne decorredion dans les pratiques de
Cluni. Saint Bernard divifa fon Apologie en deux parties : Dans
la première , il reprend fortement les Cifterciens de ce qu'à caufe
.<îe l'aufcerité de leur vie , ils méprifoient les Clunifîes dont les
•mœurs étaient moins aufteres : Dans la féconde , il rapporte les
abus qui deshonoroient l'ancieni'teobfervance des Cluniltcs.
Analyfe de I i I. Il ptotcQ.c à Guillaume "le faint Thierri, à q i l'ouvrage
la première eftadreffé, quc lui & les fiens font très éloignés de blâmer ua
partie p.ig. Qf^j^g ji^eiigiç^x , tel que Celui de Cluni , où il y avoir de faints
f, perfonnages, & allez éclairés, pour qu'on les regardât comme
' les flambeaux de l'Univers. S il nous arrivoit, dit-il, de nous
élever par un orgueil paarifaïque au-delfus de ceux qui font
meilleurs que nous, à quoi nous ferviroient notre abOinence,
nos jeûnes, nos veilles , le travail des mains , & les autres aufte-
riîés de notre vie ? N y avoit-il pas un autre genre de vie plus
■Cap. ;. traitable pour nous conduire aux enfers ? Qui m"a Jamais oiii
parler mal de cçt Ordre , en fecjret ou en public ? Eft-il aucun de
ceux qui en (ont membres que je n'aye reçu avec joie, avec hon-
neur , avec révérence f h tait l'éloge de cet Ordre, de la vie
pure que l'on y mené, de la charité que l'on y exerce envers les
Etranf^ers , comme il l'avoir éprouvé lui-même ; ôc donne pour
preuve de l'eflime qu'il en faifoit , le refus qui! avoit fait à plu-
sieurs Cluniftes de les recevoir à Clairvaux ; ajoutant que de ce
nombre étoient deux Abbés, à qui il perfufida de garder le régime
de leurs Monafteres.
Ap- 3- I V. Il mont-ie que la variété des Ordres Religieux ne doit en
.aucune façon rompre le lien de lunité & de la charité. La raifoii
qu'il en donne^ c'eft que l'on ne trouveroit jamais nn repos
alfuré , fi chacun de ceux qui choififfent un Ordre particulier,
méprlfoit ceux qui vivent autrement , ou croyoit en être méprifé ;
puifqu'il n'cft pas polfible qu'un môme homme cm brade tous Les
Ordres , ni qu'un feul Ordre renfcmie tous les hommes. Il
compare
PREMIER ABBÉ DE C LAIR V AUX, &c. 417
compare les divers Ordres dont l'Eglifcefl compofée à la tunique
de Joleph, qui, quoique de différentes couleurs, ëtoitune, en
figne de la charitd qui doit régner dans tous ces Ordres. Je les
loue tous, ajoute-t-il, 6c je les aime, pourvu qu'ils vivent avec Gp. 4»
pieté &. juflicc dansTÉglife, en quelqu endroit delà terre où ils
ie trouvent ; ôc II je n'en embraile qu'un feul par la pratique,je les
cmbrade tous par la charité, qui me procurera, je le dis avec cou-
-iiance, le fruit des obfervances que je ne pratique pas.
V. S'adreffant enfuite aux Moines de fon Ordre , il leur de- Cip. u
irnande qui les avoit établis Juges des autres, & pourquoi , tandis
qu'ils feglorifioient de l'obfervation de la Règle, ilsycontre-
venoient en médifant d'autrui ? Il convient avec eux que les Ca.s.
Clunifles ne vlvoient pas conformément à la Règle dans les
îiabits , dans la nourriture , dans le travail ; qu'ils fe revetoient
de fourrures ; qu'ils mangeoient de la viande ou de la graiffe
enfanté; qu'ils négligeoient le travail des mains, 6c plulieurs
autres exercices ; mais il foutient que le Royaume de Dieu étant Lien , n*
<iu dedans de nous , félon que le dit l'Ecriture, à laquelle la Règle
de faint Benoît n'efl: pas contraire , l'effentiel de cette Règle ne
confine ni dans les vêtemens , ni les alimens extérieurs du corps ,
mais dans les vertus de l'homme intérieur; qu'en vain l'on mené
une vie dure 6c pénible , Ç\ le cœur eft plein d'orgueil , ôc l'ame
dépouillée d'humilité. Cen'eftpas que faint Bernard regarde les Cm. 7.
obfervances extérieures delà vie Monaftiquecomme inutiles , ou
de peu de conféquence : Au contraire, il en prefcrit la pratique;
mais il veut qu'en les obfervant, l'on s'applique aulli à ornec
fon ame des vertus chrétiennes ôc religieufes.
V I. Les reproches de médifance que faint Bernard fait dans Annlyfc ic
cette première partie à ceux de fon Ordre, ne peuvent tomber ^^ '?-°"^^ ^
furies Aloines qu'il avoit à Clairvaux fous fa difcipline, puif- j^o. ' **
qu il dit au commencement qu'ils étoient très-éloignés , lui 6c
les liens , de blâmer aucun Ordre Religieux. Dans la féconde
■partie il parle des pratiques deCluni,que les Cifterciens des
autres Monafteres cenfuroient indifcretement , puifqu'ils n'é-
toient pas en droit de juger les ferviteurs d'autrui . faint Paul le \ C:--. 4, «-•
défendant expreffément. Saint Bernard avoue fans peine que les '""■■ '*' '*
Inftituteurs de l'Ordre de Cluni en ont tellement reo;lé la dif.-i-
pane, que plufieurs puiffent y trouver le falut; & il fe gardî Q^. 8.
bien de mettre fur leur compte toutes les vanités , ôc toutes les
fuperfluités que quelques Particuliers avoient introduites. J'ad-
mire, dit-il, d'où a pu venir entre des Moines une fi grande
Tome XX IL G eg
4i8 S A I N T B E R N A R D,
intempérance dans les repas , tant d'excès dans les habits , Tes
lits , les montures , les bâtimens , & comment plus on s'y
laifie aller, plus on dit qu'il y a de religion , & que l'ordre efh
mieux obfervé ? Venant au détail, il blâme laprofufion des repas
que l'on faifoic aux Etrangers , & comparant la façon de les
recevoir, avec ce qui fe pafloit à cet égard du tems de faint
^?' 9- Antoine,iI dit: Lorfqu'il arrivoit à ces faints Moines de fe rendre
des vifites de charité , ils étoient fi avides de recevoir les uns des
autres le pain des âmes , qu'ils oublioient le pain néceffaire à la
vie du corps, & pafToient fouvent le jour entier fans manger,
uniquement occupés des chofesfpirituelles ; mais maintenant il
ne fe trouve perfonne qui demande le pain célefte , perfonne qui
le donne. On ne s'entretient ni des divines Ecritures, ni de ce
qui regarde le falut de l'ame ; ce ne font pendant le repas que des
difcours frivoles dont on repaît l'oreille,, à mefure que la bouche
Ca.p. ic. ç^ remplit d'alimens. Il parte des fuperfluités de la table au luxe
des habits. La Règle de faint Benoît ordonne qu'ils feront de ce
qui fe trouvera à meilleur marché ; mais on ne s'en tenoit pas-là ,
les Moines fe faifoient taiiler un froc de la même pièce d'étoffe
qu'un Chevalier prenoit un manteau ; enforte que les plus quali-
fiés du fiécle , fuffent ils Roi, ou Empereur, n'auroient pas
dédaigné de fefervir des habits des Moines, s'ils eufïent été d'un©
autre îorme proportionnée à leur état.
Ckp. II. VII. C'étoii aux Abbés à réprimer les défordres , mais ils en
étoient eux-mêmes coupables. Celui-là ne reprend pas avec
liberté , qui efl: lui-même repréhenfible. Saint Bernard leur
reproche la magnificence de leurs équipages, fouvent fi nom-
breux en hommes & en chevaux , que la fuite d'un Abbé auroic
pu-fijffire à deux Evêques. C'eft deSuger, Abbé de faint Denys,.
qu'il parle , lorfqu'il dit : J'en ai vu un qui avoit plus de foixante
Cnp. IX. chevaux. Il ne foufire même qu'avec peine la fomptuofité dans
les Eglifes des Monafleres , foit par rapport à leur étendue , foit
par rapport aux otnemens dont on les décore, & les peintures
que l'on y applique fur les murailles, difant, qu'en excitant la
curiofité des l' ideles , elles les empêchent d'être attentifs à leurs
prières, ôc nous rappellent en quelque forte les rits anciens des
Juifs ; mais il s'élève avec force contre les peintures grotefques
que l'on mettoit dans les Cloîtres des Monafteres , aux lieux
mêmes où les Moines faifoient ordinairemeiit leurs le£lures , des
combats , des chafies , des Singes , des Lions , dt s Centaures , Ôc
autres nioûftres , dont la vue ne pouvoit que leur caufer des
PREMIER ABBÉ DE CL AIRVAUX,&c. 419
diftratlions , & les appliquer peut-être davantage que les Livres
qu'ils avoient en main. Si ces impertinences , ajoute-t-il , ne font
point de honte, que l'on craigne au moins la ddp-nife.
VIII. Saint Bernard auroit pu relever divers autres abus dans ^V^- '?•
l'Ordre de Cluni ; mais l'impatience où c'toit le Frère Oger, de
porter cette Apologie à Guillaunie de faint Thierri , l'obligea à
finir en cet endroit , furtout après qu'il eut fait rétiexion que peu
de remontrances faites avec douceur , 6c dans la paix, font plus
utiles qu'un plus grand nombre faites avec hauteur & avec fcan-
dale. Et plût à Dieu , difoit-il , que le peu que j'ai e'crit nefcan-
dalife perfonne ! Car en reprenant les vices, je fçai quej'offenferai
les vicieux ; peut-être aulii que par la volonté de Dieu, ceux
que je crains avoir irrités me fcçauront bon gré , s'ils changent de
conduite. Il finit en difant à l'Abbé de faint Thierri qu'il regar- Mjhilhn.
doit comme étant de l'Ordre , c'e(t-à-dire , de l'obfervance de ^''Jl'!,]' '" '
Cluni , parce qu'alors prefque tous les Moines noirs en fuivoient
les rits : Je loue 6c je publie ce qu'il y a de louable dans
votre Ordre ; s'il y a quelque chofe de répréhenfible , je vous
confeille de le corriger ; c'eft aulfi l'avis que j'ai coutume de
donnera mes autres amis. Je vous prie d'en agir de même à mon
^gard. Pierre , Abbé de Cluni , répondit à tous les reproches
de faint Bernard , par une grande Lettre qu'il lui écrivit. Il en
fera parlé dans la fuite.
§. V I L
Livre à la louange des Chevaliers du Temple,
I./'A UoiQUE cet écrit foit dans quelques manufcrits adrefle Eloge de»
\J en général aux Chevaliers du Temple, c'eft néanmoins à Chevaliers du
Hugues feul , leur premier Maître , que faint Bernard parle dans ji^étoient.
le prologue ; mais il paroît indifférent que ce Livre foit dédié ou
à tous les Chevaliers , ou à leur Maître. On les appelloit Che-
valiers du Temple , à caufe qu'ils logèrent d'abord auprès du
Temple de Jerufalem , du côté du Midy. Guillaume fa) de
Tyr dit qu'ils étoient de condition noble , pieux ôc craignant
Dieu ; 6c qu'à la manière des Chanoines réguliers , ils s'étoient
(«/' Cuillelm. Tjr. lib. ii , cip. 7 , ad^nn, 1 1 18.
Gggij
420 SAINT BERNARD",
Gonfacrésau fervice de Jefus-Chrift entre les mains du Patrîatr--
ehe , par les trois voeux de chafteté, d'obéiflance 6c de pauvreté }•
que les premiers & les principaux d'entr'eux éroient Hugues des
Payens , ôcGeoftiroi de Saint- A-ldemar ; que n'ayant pas encore
d'i.glifeà eux , ni de demeure , le Roi Baudoiiin les logea pouc"
un tems dans le Palais voifin du Temple ; que la première de leur
obligation étoit de veiller à la fureté des chemins, afin que
les Pèlerins fudentà couvert des incurfions des brigands ôc des
voleurs.
Il fut Écrit 1 1. Il n'eft pas aifé de fixer l'époque de ce Livre. Il parok
▼erilanii32. f^yien-jçi-u q^g f^i^t Bernard le compofa dans un tems où l'Ordre
des Templiers étoit déjà (a) nonibreux. Ce ne fut donc pas avant
le Concile de T royes en 1127 , où ces Chevaliers n'étoient
encore que neuf en tout ; mais on ne peut aulli le mettre plus tard
qu'en iij^ , vers lequel tems Robert fucceda à Hugues,
premier Maure de cet Ordre. Dom Mabillon le met vers
1152.
Rc?le des III. On a inféré la Règle des Templiers dans la Chronique
Temp;itr?. j^ Cîteaux , parce qu'on l'a regardée comme l'ouvrage de faint
Préef t. \'n" Bernard ; mais on n'en a jugé ainfi que par le prologue , où il efl:
oiufcul. 6. dit en effet, que le Concile de Troycsen 1127 chargea faint
Bernard de compofer cette Règle. La faite fait voir qu'il fc
décharpea de cette commiilion fur un nommé Jean de Saint-
Michel. Alberic deTrois-Fontaines , de l'Ordre de Cîteaux , nc"
l'attribue pas à faint Bernard. Il dit au contraire qu'on donna aux
Templiers la Règle de faint Auguflin ; d'où vient que dans le
Monoiïïcon AngUcanum , on les place parmiceux qui f^iventla
Règle de ce Père. Quoiqu'il en foit , celle qu'on prefcrivit aux
Templiers fut faite de leur conlentement , & après avoir confulté
le faint Siège, ôc Eflienne^ Patriarche de Jerufalem. Elle elV,
félon l'édition d'Aubert le Mire, diftribuée en foixante-douze
chapitres, ôc tirée, pour la plus grande partie , de la Règle de
faint Benoît ; mais il y a plufieurs articles qui n'ont été mis dans
cejte Règle , que félon les diverfes circonfîances des tems , ôc à
mefure que l'Ordre s'eft multiplié. Les Chevaliers n'avoient
point dans les commencemens d'habits particuliers. Le Pape
Honorius ôc le Patriarche EfHenne leur ordonnèrent l'habit
blanc , auquel ils attachèrent dans la fuite une Croix d'une étoife
rouge.
{_a) Cjp. î , iium. 10,
PREMIER ABBÉ DE CLAIRVAUX,&c. 4,21
IV. L'éloge que fa'mt Bernard fait de ce nouvel Ordre , ou , Analyfe Je
eomme il dit, de ce nouveau genre de Milice inconnu aux ce Livre, p^.
ÎJO.
fiécies précddens , efl: fondé fur le double combat qu'on y livre
aux ennemis corporels, ôc aux fpirituels ; 6c fur les motifs qui ^^P-^'
animent les Chevaliers du 1 emple dans la guerre contre les
ennemis de la Religion. Ils n'agilient par aucun mouvement de
colère , d'ambition , de vaine a:loire , ou d'avarice. Bien dillé- ^
rensde ceux qui font engagés dans la Milice féculiere , où fou vent
celui qui tue péchc morfellement,&celui qui efl tué périt éternel-
lement. Ils font la guerre de Jefus-Chrift leur Seigneur , fans
craindre de pécher en tuant leurs ennemis , ou de périr, s'ils font Cip. j^-
tués eux-iYicmes ; puifque foit qu ils donnent ie coup de la mort
aux autres, foit qu ils le reçoivent , ils ne font coupables d'aucua
crime^ au contraire il leur en revient beaucoup de gloire. S'ils
tuent , c'ell le profit de Jefus-Chrift ; s'ils font tués , c'eft le leur.
Le Chrétien eft gloriiié dans la mort d'un Payen , parce que
Jefus-Chrift y eft glorifié lui-même. Il ne faudroit pas néan-
moins, dit faint Bernard , tuer même les Payens , fi l'on pouvoit
les empêcher par quelqu'autre voye dinfuker aux Fidèles , ou
de les opprimer. Mais dans le cas préfent , il eft plus expédient de
les mettre à mort, alin que la verge des pécheurs ne frappe pas
les Juftes. Mais il penfê que dans les combats ordinaires, -le Cip. i:-
Guerrier met fon ame en danger. Ci la caufe de la guerre n'eft
jufte, & s'il n'a lui-même une intention-droite, cnforte que ce
ne foit ni la colère , ni la vengeance qui l'anime. Il ne croit pas
même qu'on puille appeller bonne la victoire de celui qui,
fans aucune envie de fe venger, tue uniquement pour fauver fa
vie.
'V. Saint Bernard décrit enfuite la vie des Chevaliers du Cav.^s-
Temple, foit dans leurs maifons, foit à la guerre. En tout lieu ils
fuivent l'obélifance pour règle. Toutes leurs démarches fout
réglées par celui qui préfidc. C'eft par fes ordres qu'on leur
diftribue la nourriture & le vêtement : Dans l'un & dans l'autre
on évite toute fuperfluité, orr ne confulte que la nécellité. Ils.
vivent en cor.-vmun dans une fociété agréable , mais modefte ÔC
frugale, n'ayant ni femmes, ni enfans, ni rien en propre , pas
même leur volonté ; mais ils ont grand foin de conferver entr'eux
l'union &. la paix ; aufll diroit-on que tous ne font qu'un cœur ôc
qu'une ame. Jamais oififs, ni répandus au-dehors par curiofité-,
quand ils ne vont point à la guerre, ce qui eft rare , ils racconY-
_modent leurs armes ôc leurs habits, ou font tout ce qui leur eft-
422 SAINT BERNARD,'
commandé par le Supérieur , 6c ce qui concerne le bien de la
Communauté. Sans acception de perfonne , ni de nobleffe , on
rend l'honneur au plus digne. On n'entend parmi eux ni mur-
mure, ni parole indécente ^ le coupable ne demeureroit pas
impuni. Ils décèdent les échecs ôc les dez^ont en horreur la
chaiTe, & ne fe donnent pas môme le plaifir de la fauconnerie-
Ils rejettent les fpectacles , & tout ce qui y a du rapport ; fe
coupent les cheveux, fe baignent rarement ^ ôc font ordinaire-
ment couverts de pouffiere , & brûlés du foleiL
jl,ij_ V I. Lorfque l'heure du combat approche , ils s'arment de foi
au-dedans , ôc de fer au-dehors ; ôc après s'être préparés à l'aclion
avec foins , quand il efl tems de donner , ils chargent vigoureu-
fement l'ennemi , mettant toute leur confiance au Dieu des
Armées , à l'exemple des Macchabées. C eft une chofe admi-
rable , que la manière dont ils fçavent allier la douceur de
l'agneau avec la férocité du lion ; ôc l'on peut dire qu ils font tout
à la fois Moines ôc Soldats , parce qu'ils ont la manfuétude des
Cap. '. premiers, la force ôc la valeur des féconds. Saint Bernard dit,
que ce qu'il y a de plus confolant dans ce nouvel Ordre , c'eft
que la plupart de ceux qui s'y engagent , étoient auparavant des
fcélerats livrés à toutes fortes de crimes : qu'ainfi leur conver-
fion produit deux biens; l'un, de délivrer le Pays de ceux qui
l'opprimoientôcleravageoient; l'autre, de fournir du fecoursà la
Terre-Sainte. Il fait le parallelle du Temple de Jerufalem, tel
qu'il étoit alors, avec celui que Salomon avoir fait bâtir, ÔC
donne la préférence au premier , à caufe de la piété , de la pureté
des mœurs de ceux qui y fervoient , ôc de l'excellence des
Cap. 6, 7, Hoflies pacifiques qu'on y offroit tous les jours. Il s'arrête auiïi
t,9,0-c. fm- tous les lieux que Jeius-Chrift a fanctifiés par'fa préfence
corporelle, Bethléem, Nazareth , le Mont des Oliviers, la Vallée
de Jofaphat , le Jourdain , le Calvaire , le Sépulchre, Betphagé,
Bethanie , ôc fait fur chacun des réflexions myltiques ôc
morales.
Câp. II. VII.Il dit,en (a) parlant des Prêtres qui reçoivent lesconfefllons
des Pénitens , qu'ils doivent tellement s'appliquer à leur donner
(a) Quamobrem Minirtros Verbi Sa- I tenus eos nequaquàm à verbo confeffionis
cerdotes cautc neceffc eft ad utrumque j exterreant; (ic corda apcriant , ut or;i non
Yigilare follicitos , quo vidclitet ikliii- | obnrucnt, led ncc abibivant etinm com-
qiientium cordibus tanto inoileraniine ver- | punifium , nifi viderint & cotifeirum. Btr/i.
bum timoris & contritionis iiifligaiif , qua- ] de Miliiibus Temyli , cap. j%.
PREMIER ABBE DE CLAIRVAUX ,6:c. 425
de Thorreur & de la douleur de leurs péchés , qu'ils ne les empê-
chent pas de les confeflTcr , enforte qu'en ouvrant leur cœur à la
contrition, ils ne leur ferment pas la bouche; parce qu'ils ne
doivent pas abfoudre le Pénitent, quoique contrit, s'il ne cor»-
fefle auiïi de bouche fes péchés.
§. VIII.
Traité des degrés d'humilité & d'orgueiL
I. /^ E Traité , qui fait le feptiéme des opufcules d'e faint Traité de»
V_7 Bernard jdevroit en être le premier , îelon l'ordre des ^-^^^^ ^'^^-
tcms, puifqu'il le met lui-même le premier dans la lifte de fes "*' "^'
ouvrages, enécrivant (fl) au Cardinal Pierre, 6c qu'il eft aulfi _ ■^•î*'?^'"''
nommé le premier par ( b ) Geoffroi , Auteur de fa vie. Sa Lettre opufcul.
au Cardinal Pierre ayant été écrite vers l'an 1 127 , on ne peut
mettre guères plutôt qu'en 1 1 2 j le Traité de l'humilité , qui eft
marqué dans cette Lettre , comme le premier des quatre que
faint Bernard avoir déjà faits. Il le dédia à Geoffroi , alors Prieur
de Clairvaux , & depuis Evêque de Langres , fon parent. Geof-
froi l'avoit engagé à écrire fur cette matière , pour expliquer
plus au long ce qu'il en avoir dit en préfence de la CommU"
nauté.
I L Les dégrés d humilité qu'il fe propofe d'expliquer, font Amlyfe de
ceux dont il eft parlé dans la Règle de faint Benoît. On peut, ceTnhé.pag^
félon faint Bernard , définir Ihumilité , une vertu par laquelle '^^'
l'homme fe connoifTant véritablement tel qu'il eft , devient mé-
prifable à lui-même. Il nous la fait envifager comme le chemin dp. i.
qui mené à la vérité ; & la connoifTance de la vérité , comme le
fruit de cette vertu. Après quoi il diftingue trois dégrés dans la Cap. i.
vérité; la connoifTance de fa propre mifere, pour en gémir, en Cap. 1,4.
devenir plus humble ôc plus doux ; la connoilfance des infirmités Cap. % , é-
du prochain , pour y compatir ; ôc fçavoir purilier l'œil du cœur
pour pouvoir contempler les chofes céleftes ôc divines. Toutes
ces connoilTances font en nous l'ouvrage de Dieu, ou, comme Cip. 7,8,^.-
dit faint Bernard, c'eft la fainte Trinité qui les opère en nous.
^Venant à l'explication des douze dégrés d'humilité , il dit , que
( a. ) Epi/!. 18.. ]• ( i) Lil. î , cap. S.
42^ SAINT BERNARD ,
nous les comprendrons lorfque nous aurons remarqué les douze
degrés d'orgueil qui leur font oppofés, & que le dernier degré
d'orgueil répond au premier degré d'humilité; parce qu'en rétro-
gradant, on commence à monter par où l'on acefTédedefcendre.
Par exemple , le douzième degré d'orgueil eft 1 habitude de
■Cip.iu pécher. Donc le premier degré d humilité, doit être de renoncer
.au péché. Il détaille tous les dégrés d'orgueil , d'où il prend
occalion de donner aux Moines des infirudions très-folides.
Rétradation III. Après qu'il eut acbcvé cet ouvragc, & qu'apparemment
deS.BernarJ j| ^^^ ^^^ rendu public, il s'apperçut qu'en citant lenJroit de
l'Evangile où Jefus-Chrifi: dit , que Ip Fils de l'homme ne fixait
pas le jour du Jugement , il y avoit ajouté un mot qui n'efl pas
dans le texte, quoiqu'il ne change rien au fens ; ôc qu'en parlant
des Séraphins , il avoit avancé une opinion qu'il n avoit ouie , ni
lue nulle part ; il fe crut obligé de fe rétracter , & de joindre fa
rétratlatiou à ce Traité même. On cite quatre manurcrits où elle
fe trouve à la tête du Livre. Le mctajûucéài'Ëva'igiie étoit nec
M^bill.PriE. ip/è, au lieu qu'on lit, mque Filius fcit. Manriquez, Auteur des
fat.inopufcul. Annales Cifterciennes , reprend vivement les Tiiéologiens myrd-
^' ques , qui ne craignent pas de donner des interprétations nou*
velles au fens ou littéral, ou fublime de l'Ecriture; au lieu
d'imiter la fage retenue de faint Bernard, qui regardoit comme
fufpett , ce qu'il avoit expliqué dans un fens diilérent des Pères
de l'Eglife.
§. IX,
'Traité de l'amour de Dieu.
Traite Je I. T]? Ntre plufieurs qucftions du Cardinal Haimeric à fa'înt
j'.iinour de Jj^ Bernard , il y en avoit une fur l'amour de Dieu. Ce
"^"' fut à celle-là feule qu'il répondit. Un nommé Berenger , Dif-
Malilhn. ciplc d'Abaillard , lui en Ht un procès , difant, que vainementil
Vrccfat. in avoit travaillé à établir un précepte qui n'efl ignoré de perfonne,
Xi/"^'^BL- pas même des idiots. Mais il y a une grande différence entre
rtn^.pàg.'i.i6. connoître un précepte, & l'accomplir. L'efprit ôc le cœur ne
font pas toujours d'accord fur ce point. On confèlfe de bouche
qu'il faut aimer Dieu ; mais, on le nie de fiiit , en ne conformant
pas fa vie à fes obligations.
11 fut écrit TI. Haimeric, à qui faint Bernard adrefla cet écrit, croît
après l'an Françoïs de naiffance , de la Chaftre en Berri. Il fut fait Cardinal
'^*^ ^ pat
PREMIER ABBÉ DE CLAIRVAUX,&"c. 41?
par le Pape Calixte II. en 1121 , ôc Chancelier de l'Eglifc
Romaine en 1126 par Honorius II. Ce ne fut donc qu'après
<:ette année que laint Bernard, fon ami particulier , lui dédia
ion Traité de l'amour de Dieu, puifque dans l'Epitre dédica-
toire il lequalilie Cardinal &: Chancelier de TEglife Romaine.
Haimeric mourut en 1 141.
1 1 1. Vous vouiez fçavoir de moi , lui dit falnt Bernard , f^"^^''p' ^^
pourquoi, ôc comment on doit aimer Dieu? Je vous réponds j j^,,""*'"'^'^*
que la raifon de l'aimer, c'ell qu'il eft Dieu , 6c que la manière (j^^, ,,
de l'aimer , c'efl de l'aimer fans mefure. Nous devons l'aimer
pour lui-même, foit parce qu'on ne peut rien aimer de plus
jufle , ni de plus prolkable que lui ; ôc nous devons aulîi l'aimer
-à caufe de nous-mêmes, parce qu'il nous a aimés le premier;
•qu'il s'elî donné à nous , lans que nous le méritions ; qu'il nous dp. t^
.comble chaque jour de fes bienfaits , en fourniffant aux befoins
de notre corps ôc de notre ame. L'inHdele même efl averti par la
,voix de la Nature, qu'il doit aimer celui de qui il tient tout ce
qu'il efl: , ôc qui pourvoit à fes befoins-
1 "V. Mais les Chrétiens y font obligés par des motifs bea#^ Cap. ^
coup plus preflans ; par la confideration du fang que Jefus-Chrift
a répandu pour les racheter ; de la rémifTion de leurs péchés par
fa mort; de la gloire dont il leur a ouvert le chemin par fa réfur-
redion , ôc fon afcendon au Ciel ; ôc de quantité d'autres bien-
faits , plus abondans dans la Loi nouvelle que dans l'ancienne:
D'où réfulte aux Chrétiens une obligation plus étroite d'aimer
Dieu ,qu'à ceux qui vivoient avant la venue de Jefus-Chrifl:. Je Ci/. Ji
me dois doublement à Dieu , ditfaint Bernard , ôc pour m'avoir
iait , ôc pour m'avoir racheté en cette manière : dans la création,
il ma donné à moi-même ; mais en me rachetant , il s'efl: donné à
moi, ôc en fe donnant à moi, il m'a rendu à moi. Par cette
Taifon, je me dois deux fois à lui. Que lui rendrai-je? Quand
je pourrois me rendre à lui mille fois , que feroit-ce , en compa-
taifon de ce que je lui dois? Que fuis-je en effet par rapport à
Dieu ?
V. Saint Bernard prouve encore l'obligation d'aimer Dieu , Ci;. 7.
par la confideration de l'avantage qui nous en revient ; car quoi-
que le véritable ( ^i ) amour n'ait pas en vue la récompenfe , il ne
laiHepasde la mériter. D'ailleurs, cet amour, qui n'eft autre
.(il) Venis anior rr.nniu:»! nonreqiiirit , ft'Jfiieretiir. C.tp. 7.
Tome XXIL Hhh
425 SAINT BERNARD,
que la charité , nous mené par le droit chemin au fouveraln
bien , l'objet de nos défirs > mais que la plupart des hommes
cherchent envain dans les créatures , par de longs circuits.
Cap. i. V I. Ce Père diftingue quatre dégrés d'amour; le premier, où
l'homme s'aime pour lui-même; le fécond, où connoiflant le
befoin qu'il a de Dieu, il commence à l'aimer , mais toujours
Cap- 9- par rapport à lui-même ; le troifiéme , où frappé des perfetTions
infinies de Dieu , il l'aime pour lui-même , de cet amour qu'on
appelle chafte, & qui eftfans retour fur celui qui aime ; le qua-
C«p. 10 & 14. triéme eft de ne s'aimer foi-même que pour Dieu. Heureux , dit
faint Bernard, celui qui a mérité de parvenir à ce quatrième
degré j mais il ne croit pas que l'on parvienne en cette vie à
Cap. II. la perfedion de la charité ; que cet état n'eft que pour les Bien-
heureux dans le Ciel , ôc après la réfurredion feulement. Il n'en
excepte pas les Martyrs. Il ne fuit pas toutefois de fou principe
que le précepte de l'amour de Dieu foit impolhble eu cette vie >
parce qu'il ne nous eft pas commandé d^arriver à la perfedion
^ la charité , mais d'y tendre , autant que nous le pouvons.
Cap. II. VII. Il renvoyé à la Lettre qu'il avoit écrite fur ce fujet aux
Chartreux , ôc il en tranfcrit une partie. Nous y reaiarqueronsque
la vraie charité , qui part d'un cœur pur ôc d'une bonne conf-
cience , eft celle qui nous fait aimer autant le bien du prochain ,
que le nôtre; qu'il n'y a que l'amour de Dieu qui convertilfe
Cap.ixScxt^. véritablement le cœur , d'où vient que l'Efclave qui fait une
adion commandée de Dieu , demeure néanmoins dans fa dureté
de cœur , parce qu'il ne fait l'œuvre de Dieu que malgré lui. Le
Mercenaire la fait auiri;mais ce n'eft que par intérêt. Le Fils
feul fçachant que Dieu eft effentiellement bon , l'aime d'un
amour chafte ôc filial.
§. X.
Traité de la Grâce & du libre Arbitre.
Grâce & du _L^ l'an 1 128 , fai'it Bernard offre de lui envoyer le Traité
' '" ' de la Grâce ôc du libre Arbitre qu'il avoit depuis peu rendu
public. 11 L" com,)ofa donc avant cette année, qui otoitla trente-
huitième de fon âge. L'ouvrage eft adre.'fc .. Guillaume , Abbé
de laint Thicrri, le même à qui il dédia f^n Apologie. Voie
PREMIER ABBÊ DE CL AIRVAUX,ôcc. 427
quelle fut l'occafion du Traite dont nous allons donner l'ana-
lyfe.
I I. Comme je parlois un jour en public , dit faint Bernard, Aquelleoc-
« • ' t _ 1 1 1 V 'i A- 1 - • ' cafion li fut
& que je me reconnoillois redevable a Dieu de m avoir prévenu écrit. Anaiyfo
dans le bien, du progrès que j'y failbis, & de l'efpérance où Js ce Traité,
jetois de le conduire à la perfedion ; un des aiudaas, me dit: C7. i.
Que faites-vous donc, ou quelle récompenfe efperez-vous ,. fi
c'efl: Dieu qui fait tout ? Ce fut pour répondre à cette objedion ,
plus amplement qu'il n'avoir fait fur le champ , que faint Bernard
entreprittfon Traité de la grâce ôc du libre arbitre. Il remarque
que deux chofes font nécclîaires pour faire le bien,rinftruîlion
6c le fecours ; qu'il cft befoin que Dieu qui m'éclaire par fes
Miniftres , me donne la force de faire ce qu'il me fait connoîtrc,
6c me confeille ; que félon l'Apôtre , c'eft lui qui donne le vou- Rom. '8 , i( ,
loir ôc le parfaire. Que fi l'on me demande, ajoute faint Ber- ^^. ^ 'S; *
nard, où font mes Maîtres dans le bien ? Je répondrai avec le "'•-' 'î*
même Apôtre : // nous a fauves , ?ion à caufe des œuvres de jujlice AdTit. 3 , u
que nous eujfions faites y maïs à caufe de fa nûfé rie or de. Et encore;
Lefalut ne dépend ni de celui qui veut , ni de celui qui coure , mais de R^m- 9, i^ ;
Dieu qui fait mifericorde , Cs" fans lequel nous ne -pouvons rien '^ • '-"'• '* '
faire.
III. Il remarque en fécond lieu , que lorfque la grâce opère c.î-'. \.
en nous le falut y le libre arbitre co-opere, en donnant fon con-
fentement, en obéiffant à Dieu qui commande , en ajoutant foi à
fes promeffes , en lui rendant grâces de fes bienfaits. Four mettre
cette vérité dans un plus grand jour, il enfeignc que le confen-
tement eft un atle de la volonté ; que la volonté eil un mouve-
ment raifonnable qui préfide au fens ôc à l'appétit ; qu'elle ne fe
meut jamais fans la raifon , parce que la raifon l'accompagne ôc
la fuit , ôc qu'elle lui eft donnée pour l'inflruire, ôc non pour la
détruire; d'où il fuit qu'elle n'impofe aucune néceflité à la vo-
lonté, puifque, fi elle lui en impoioit quelqu'une , elle la détrui-
roit. En effet, la liberté eft cfienriclle à la volonté ; où il y a
néceftité , il n'y a point de volonté ; ôc par une fuite néceflairc ,
où il y a nécelfité , il n'y a point de liberté, ôc conféquemment
point de mérite : D'où vient que dans les enfans, dans les infenfés,
dans ceux quidormenr,leursa£l:ions font fans mérite, ni démérite,
parce que, comme ils ne font pas maîtres de leur raifon, ils n'ont
pas non plus l'ufage de leur liberté.
I V. Le libre arbitre eft appelle libre , à caufe de la volonté ; ^^?' î*
ÔC arbitre, à caufe de la raifon. Il y a trois fortes de liberté i la
Hhhij
428 S A I N T B E R N A R D,
liberté naturelle ; la liberté de la grâce, la liberté de la glorrt;'
Nous a\ons reçu la première par la création, cette liberté nous-
exemte de la nécefTité ; la féconde par la régénération , elle nous--
délivre du péché ; la troifiéme , qui ne nous fera accordée qu'a-
vec la poffeilion de la gloire éternelle, nous affurera la victoire*
€sp. A. fur la corruption & fur la mort. La liberté qui exemte de nécef-
lité, convient également à Dieu & à toutes tes créatures raifon-
nables, foit bonnes, foit mauvaifes. Elle ne fe perd ni par le
péché, ni par la mifere; elle efl au même degré dans l'Impie ^
comme dans le Jufte : dans l'Homme, comme dan^l'Ange ,
avec cette différence feule , que dans les Juftes elle cft plus
Cap. (. réglée. Ceux qui veulent faire le bien, & ne le peuvent, ne-
laiifent pas d'être libres, puifqu'ils ont la volonté; mais ils ne
font pas libres de la liberté du péché , qui ne fe trouve que'
dans ceux qui ont la grâce. Car c'eft le libre ( a ) arbitre qui nous-
fait vouloir, mais c'eft la grâce qui nous fait vouloir le bien.
C'efl par le libre arbitre que nous avons le vouloir , & c'eft de ta
grâce que nous vient le bon vouloir ; foit que nous appartenions
à Dieu , comme bons , foit que itous foyons au démon , comme
mauvais , nous confervons toujours notre liberté qui eft la caufe
de notre mérite, ou de notre démérite. Cependant, quoique
nous nous rendions (t) efclaves du démon par notre volonté ,
ce n 'eft pas par elle que nous nous affujettiitons à Diea , c'eft
par fa grâce qui donne le vouloir partait pour le bien.
€ p. 7. V. Outre la liberté naturelle , faint Bernard en diftingue
deux autres qu'il appelle Liberté de confeil & de complaifance ;
& il demande fi elles étoient toutes les trois dans Adam ? Sur laf
première il dit , que l'on peut en douter. Il diftingue deux dégrés
dans chacune des deux autres, le fuperieur & l'inférieur ; le pre-
mier dans la liberté de confeil, eit de ne pouvoir pécher; le
fécond eft de pouvoir ne pas pécher. Dans la liberté de complai-
fance le degré fuperieur eft de ne pouvoir être troublé ; l'infé-
rieur, de pouvoir n'être pas troublé. Après cette diftin£tion il
décide, que le premier homme avoir reçu dans la création te
degré inférieur de chacune de ces deux libertés , mais qu'il en a
été dépouillé par fon péché , enforte qu'il ne lui eft refté que ta
liberté naturelle.
( a ) I.iberuii-. arbitriurn nos f.icit volcn-
tes , gratis, lienevolof, ex ij fo nobis tft
velle, rx ijifa bonum vcUt, Lernard, tV
grar. (.iip. 6.
( b ) Sanc iliabolo noflra nos mancipat
voliiDtns, Dco (iib)icit cjuè gratia, noa
iiuflra va'unus. llid.
PREMIER ABBÉ nEiCLÂlRV'AtJX, &c. ^^p-
V I. Le premier homme a bien pu pai* lui-même pafTer du Cap. »,
bien au mal ; mais depuis fa chute , il ne peut plus par lui-même
du mal palFer au bien. Il a pu tomber , mais il ne peut fe relever
de lui-même. Ce n'efl: que par Jefus-Chrift qu'il peut recouvrer
les deux libertés qu'il polTedoit dans letat d'innocence en un
degré inférieur ; fçavoir, de pouvoir ne pas péciier, ôc n'être paS
troublé. Saint Bernard eft de fentiment que c'eli dans ces trois Cip.9.
efpeces de liberté que confifta notre rellemblance avec Dieu ;
que les Anges pofledent cette reffemblance dans un degré fupé-
rieur, étant confirmés dans le bien ; que nous ne la poffedons que
dans un degré inférieur , lors même qu'elle nous eft rendue par la^
grâce du Sauveur, c'efl-à-dire, que nous n'avons plus qu'eff
partie la liberté de confeil & de complaifance. Nous pouvons
bien , avec le fecours de la grâce, n'être pas furmontés par le
péché, ni par la milere, mais nous ne pouvons généralement être
fans péché.
Vil. Au reftc , il ne faut pas croire que le libre arbitre ^"P- '°''
confifle à pouvoir également , &: avec la môme facilité , fe porter
au bien ôc au mal; autrement, ni Dieu, ni" les Anges, r^i les
Saints qui ne peuvent faire le mal, ne feroient pas libres, non
plus que les dénions qui ne peuvent plus taire le bien ; mais on-
doit plutôt l'appeller libre arbitre , parce que foit que la volonté-
fe porte au bien , ou au mal, elle le tait librement , rkom-me ni*'
pouvant être bon ,oumauvais, que par fa volonté.
VIII. Saint Bernard fait voir que la grâce ne dérope en rien ^'i'- "••
au libre arbitre ; qu'encore qu'il foit dit dans l'Ecriture que Dieu
nous attire à lui , ii ne nous fauve pas pour cela malgré nous ; que'
ce n'eft qu'en nous fiifant vouloir le bien, foit en nous effrayant'
par fcs menaces, foit en nous éprouvant par lesadveriités. Celui-
là , dit-il , ne fouhaitoit-il pas d être attiré , qui denlandoit avec
tant d'ardeur dans les Cantiques : yJttire^-jnoi après vous , O C^t. t , ^,
je ccurerai â V odeur de vos p.vfufns. Il faut , félon lui , dire la-
même chofe delà, concupifccnce. Elle ne nous contraint pas au^
mal. La tentaiion, quelque forte qu'elle foit, ne violente pas'
notre volonté, 6c ne nous enlevé pas h liberté. Nous fommes
toujours libres de ne pas confentirau mal.
IX. Il donnepour exemple la tentation à laquelle faint Pierre Caj;. iii-
fuccomba. Cet Apôtre aima mieux mentir que mourir , & con-
ferver la vie de fon corps, quecelle de fon amc. Il aimoit Jefus-
Chrift, mais il s'aimoit encore plus foi-mênie. Cet amour dd
préférence fut entièrement libre en lui, comme il préicra libre.-
Hhh ny
43dfr- ./ S A I NT BERNARD,
.i .", " ment la vie de fon corps à la vie de foname. Il ne renonça Jeftis-
Ghrift,que parce qu'il le voulut. Or ce qui eft volontaire eft
libre ; fila volonté peut être contrainte, ce n'efl que par elle-
Gç. 13. même. Il fuit de-là quWrcxception du péché originel , tous les
autres péchés font l'effet de la volonté qui s'y porte fa:i3 con-
trainte de la part des objets extérieurs. Mais le libre arbitre qui a
dans lui-même le principe de, ù damnation , n'a pas celui de fon
falut. Ses efforts ( a) pour le bien font vains , fi la grâce ne les
aide ; ôc il n'en fait aucun , Ci la grâce ne lexcite. Les mérites du
falut font donc l'effet de la miféricordede Dieu , qui a divifé les
dons qu'il nous faits en mérites, ôc en récompenfes. lia voulu
q:ue les dons qu'il nou& faits en cette vie devinffent nos propres
mérites, par une poffeffion libre ; quant aux dons futurs, il a
voulu & que nous les attendiffions , fondés fur fes promeffes
toutes gratuites , ôc que nous fuffions en droit de les demander ,
comme nous étant dus. D'où faint Bernard conclut que tout eft
.Cl , un don de Dieu, nos mérites , & les récompenfes que Dieu nous
accorde.
Cup, i/. X. Il enfeigne que nos bonnes œuvres font en même-tem»
nos mérites , ôc des dons de Dieu ; nos mérites , parce que c'eft
l'ouvrage de notre libre arbitre; dons de Dieu, parce que le
confentement libre de notre propre volonté , en quoi confiftc
notre mérite , eft l'effet de la grâce de Dieu. Ce ne font pas mes
paroles , dit faint Bernard , ce font celles de l'Apotre , qui attri-
bue à Dieu , ôc non au libre arbitre , tout le bien qui peut être
dans l'homme , c'eft-à-dire , le penfer, le vouloir ôcl'adion. Dieu
fait le premier ( b ) fans nous ; le fécond avec nous ; le troifiéme
par nous. Comme nous ne pouvons pas nous prévenir nous-
mêmes i il eft hors de doute que le commencement de notre
falut vient de Dieu , ôc non de nous , ôc qu'il ne fe fait pas même
avec nous ; mais le confentement ôc i'adion , quoiqu'ils nefoient
pas de nous , ne fe font pas néanmoins fans nous. Saint Bernard
s'explique plus clairement en difant : Dieu en nous infpirant une
bonne volonté nous prévient ; en changeant notre hiauvaife
( a ) Cuius libcri arbitrii ail bonum co-
natus , & cafll funt fi à s:ratia non a^ljuven-
tur. Si. niilli <i non excitemur. Ibid. cap.
t.
( fc ) Si ereo Dcus tria hse , hoc eft
fecunilum nobiftiim , tertium per noi {«cit.
Si quidem iniinittenvlo honam co-Hrntio-
nem nos pri'venit ; )inm\itan,lo Et;am m'-
lam Toliint;item , (îbi pi r co.'ilenlUr.i jun-
f it , n)iniftranilo& con.'cnûii facultitf m ,
bonum coo-itoresvellc, pcrficfooperatur I fons pcr apertum opus noitrum internu*
w nobit r primum perfeixi fine nobit ; j opifexiBnotefut. Ikd.aj!. 14.
PREMIER ABBÉ DE.CLÂIRVAUX,&c. 4î»
volontéjil nous unit à lui par le confentement ; & en nous donnant
le pouvoir d'accomplir le bien que'nous voulons , ce qu'il opère
au-dedans fe manifeile au-dehors par l'ouvrage extérieur.
XL On doit donc attribuer à la grâce toutes les oeuvres du /^''•
fàlut. C'ell elle qui (a) exCite le libre arbitre , lorfqu'clle feme eu
nous de bonnes penfces;qui le guérit, lorfqu'elle change fon
affection , fa volonté ; qui le fortifie , pour le conduire à l'accom-
plilTcment de la bonne adion ; qui le conferve de peur qu'il ne
fente quelqu'affoibliffement dans le bien.Ailais ce que la grâce a
commencé feule, s'accomplit par elle, ôc par le libre arbitre.
Leur opcmtion eft commune, & non particulière; ils agiflent
conjointement , & non féparémcnt. La grâce ne fait pas une
partie de l'œuvre , & le libre arbitre l'autre ; ils opèrent enfenible
par une opération indivifible. Le libre arbitre fait tout , ôc la
grâce fait tout ; mais , comme la grâce fait tout dans le libre
arbitre , de même le libre arbitre fait tout par la grâce. Saint
Bernard , après avoir donné cette explication de la manière d'agir
de la grâce ôc du libre arbitre , dit , qu'il croit qu'elle ne déplaira
pas à fes Lecteurs^ parce qu'il n'a fait que fuivtc la dodrine de
iaint Paul.
XI L Le dernier Editeur de ce Traité, dit, que dans fa J'i?*'"^"''**
cc 1 r^itCa
brièveté il renferme plus de fubllancc ôc de dodrine (olide, que j^Wi/Z Prè-
les plus grands volumes fur la même matière; que leftyle en eft f.n.lnopufcd,
'vif ôc lumineux, les termes propres ôc convenables au fujet , le '•
difcours aifé , naturel, fans art , ni foible , ni languiffant, mais
nerveux ôc bien nourri , élégant , net ôc agréable , débarralfé des
expredions triviales de l'Ecole. L'Auteur, ajoute-t-il , n'efl: ni
trop précis dans fes raifonnemens , ni trop diffus. C'efl comme
un deuve dont les eaux ont un cours égal , tranquille ôc majef-
tueux , qui annonce l'abondance de la fource d'où elles partent ;
& on voit bien qu'il n'a pas puifé ce qu'il dit, ailleurs que dans
lui-même, ou plutôt, qu'il l'a reçu de Dieu , ôc que c'eft le fruit
d'une méditation continuelle des divines Ecritures , particulière-
ment des Epîtres de faint Paul. ■ '
( a "1 Ipf"^ liberum excitât arbitrlum ,
cnm feminat coçitaium , (anat cum immu-
tatatïedum, roborit ut perJucai a.l aiSum,
fervat ne fen: at defedum. I a timen quoi
.à fola gratia coeptum eft , parité- ab utro-
'■^ue perficitur , ut mixùai non û^lauai ,
(îmvil , non vicifl'iix! cer fin^^ulos profe.'nis
operentur. Non parum erati,! , partira li-
berum arbitrium. Sed toturn finj^iila opero
indivjduopeiaçunt. Totum quidem hoc &
totum ifh ; fed ur totum in jllo , (îc totuiB
cxilla. ibid. cap^ i;i.
iij2 SAINT BERNARD,
- . §. XI.
Traités du Baptême 3 ^ contre les erreurs d'Abaillard.
Baptême'^ '" ^' ^^'Etoit dans Ics anciennes éditions la foixante-dix-
\^ feptiéme des Lettres de faint Bernard. H orftius la mife
Mahll.Fra;- j,^, nombre des opufcules , en quoi il a été fuivi par Doni
Jdt.inopujcu . -.Ti-il Ti n irr/vTT /^^ ■ t i-i ■>•■
19. Mabillon. 11 eft adrelle a Hugues, Chanoine régulier de 1 Ab-
baye defaint Vitlor à Paris , connu par un grand nombre d'ou-
vrages , & mort en 1 1 5^2 ; ce qu'il eft bon de remarquer , pour
le diftingue-r d'un Chanoine régulier de même nom , ôc de la
même Abbaye, qui vivoir queique tems après, &; dont il eft fait
mention dans une Lettre d'Eugène III. à l'Abbé Suger. Nous
n'avons plus pelle qui donna occafion à ce Traité defaint Ber-
nard ; niais on voit par la réponfe de ce Perc, que Hugues de
faint Vifîor lui avoit fait part de plu (leurs propoGtions peu
exacles qu'un Anonyme venoit de publier. 0\-\ ne fçait qui étoic
cet Anonyme. Il y a là-deilusdiverfesconjeiflures, aucune affez
forte pour nous déterminer que ce (oit Jean , Archevêque de
Seville \ Hugues Ferfuc , ou queiqu autre , cela eft égal. Voici
CCS propofitioiTS :
Analyfede jr La première portoit que depuis le moment que Jefus-
^, ,. Chrift eut dit a JNicodeme : ot / nomme ns renaît ne l eau O de
Gv). I. fefprit , il ne peut entrer dans le Royaume de Dieu , tout homme
jocn. 3,-5. ^ e'jj jans l'obligation de recevoir réellement & vifiblement le
Baptême , fous peine de damnation, s il n'y fuppléoit par le
martyre. Cet Anonyme n'exceptoitni l'impoillbilité de recevoir
ce Sacrement , ni le délir fmcere accompagné d une vraie foi ÔC
d'unefprit de pénitence. Saint Bernard répond , qu'il y avoit de
la dureté à foutcnir qu'une inftruâion faite en fecret à Nico-
. deme j eût force de Loi dans tout l'Univers ; qu'une Loi qui n'eft
point publiée , ne peut faire de prévaricateurs ; qu'il n'en eft pas
d'une Loi pofitive , telle qu'eft celle qui prefcrit l'obligation du
Baptême , comme de la Loi naturelle. Celle-ci n'a pas befoin
d'ctre publiée i elle eft gravée dans le canir de tous les hommes ;
mais la Nature ni la raifon n'enfeignent pas que nul ne peut être
fauve , fans être extérieurement lavé des eaux du Baptême. C'eft
iinçLoipofifive;, une inftitution de Jcfus-Chrift. Les Apôtres
ont été charges de l'annoncer ; ôc maintenant qu'elle a étç
publiée
PREMIER ABBÉ DE CL AIRVAUX, ^c. 4|y
Îubliée jufqu'aux extrômirés de la terre , le mépris de cette
.01 fcroit inexcufable , parce qu on ne fçauroit excufcr Tigno-
rance.
1 1 ï. Saint Bernard enfeigne qu'avant Jefus-Chrifl: il y avoit ^^- *•
d'autres remèdes que le Baptême pour la rémiffion du péché
originel ; la foi & les facrifices pour les Adultes fidèles qui fe
trouvoient parmi les Idolâtres, ôc la foi des parens pour les
cnfans ; chez les Juifs , la Circoncilion. Il renvoyé l'Anonyme à
faint Ambroifc &: à faint Auguftin, qui ont cru l'un 6c l'autre Amhmf. ie
que celui qui dc'lire fincerement le Baptême, en reçoit le fruit f-„-"„;.
iorfqu'il fe trouve dans l'impuiffance de fe faire baptifer réelle- Augujlin,
ment - & penfent que fi le martyre fupplée au Baptême , c'efl: l'*' '^ ',, ""'•
moms a caule du lupphce , qu a caule de la toi qui 1 accom- cap.n.
pagne ; que fans cette foi le martyre ne feroit qu'un vain tour-
ment. Si la foi , ajoute-t-il , donne au martyre le privilège du
Baptême , pourquoi n'aura-t-elle pas la même cificacité aux
yeux de celui qui connoit tout fans preuves ? Nous croyons donc
que la foi feule , fans le fecours du martyre & du Baptême ,
quand elle eft accompagnée d'une fincereconvcrfion de coeur,
(àuve un mourant qui veut , mais qui ne peut être baptifé. Pour
ce qui efl des enfans , comme leur âge les met hors d'écat d'avoir
la foi, ôc de fe convertir à Dieuj il n'eft point de falut pour eux,
s'ils meurent fans Baptême. Ce Sacrement leur donne en quelque
façon ceite foi , fans laquelle il eft impofTible de plaire à
Dieu ; & la foi d'autrui fupplée à celle dont ils ne font pas
capables.
1 V. L'Anonyme foutenoit en fécond lieu, que les Juf^es de ^"''" ^'
l'ancienne Loi qui ont précédé Tavenement de Jefus-Chrift ,
ConnoiiToient l'avenir auifi clairement que nous qui fommes nés
depuis rincarnation du Verbe, l'enfantement d'une 'Vierge,
la dodrine du Sauveur, fes miracles , fa croix, fa mort , fa fépul-
ture , fa defcente aux enfers , fa réfurredion , fon afcenlion.
Hugues de faint Vittor , en rendant compte de cette féconde
propofition de l'Anonyme , l'avoit réfutée folidement. Saint
Bernard n'entreprend donc pas de la réfuter de nouveau ; feule-
ment il ajoute , qu'en la fuppofant vraie , il faut fuppofer dans les
anciens Jufles autant de lumières que dans les enfans de l'Evan-
gile , & plus de grâce ; puifque ce n'étoit ni à la ledure, ni à la
prédication qu'ils fe trouvoient redevables de leurs connoif-
îances, mais à la feule ondion du Saint-Efprit , qui leur enfei-
enoit toutes chofes. Il fait voir que faint Jean-Baptifte, le plus
Tome XX IL lii
^4 SA I N T B E R N A R D,
grand d'entre les eiifans nés des hommes, ayant de fon propre*
aveu , ignoré quelque chofe : F.Jt-ce vous , dit-il à Jefus-Ciirift ^
qui devci venir ? En attendons-nous un autre ? On ne pouvoit dire y
fans lui faire injure ^ que les Julles qui l'ont précédé , ayent tout
Jean, r y, T y. cQ^-m^ Jefus-Chrift ne dit-il pas ; Plufieurs Rois &- plufieurs^
uf,io,i4. pj-Q-p]iQiQ^ ont fouhaité vainement de voir ce que vous voye^, Csf
d'entendre ce que vous entendei- Pourquoi ? Parce qu'ils fouhai-
toient de voir pleinement les chofes dont ils n'avoient que des
lueurs ôc des ombres. Saint Bernard dit, d'après le vénérable:
Bede , que les anciens Juftes n'ont connu ni le tems , ni l'ordre y
ni l'économie de la Rédemption, q^uoiqu'ils efpcralTcnt en urv
Rédempteur.
Cap. 4- "V. Il vient à la troifiéme propofition de l'Anonyme , qui
n'admettoit aucun péché d'ignorance. £n cela , dit-il , il fe con-
tredit lui-même , puifqu'ayant avancé dans fa première propor-
tion , que le précepte du Baptême donné en fecret à Nicodeme,;
obligeoit même ceux qui ne pouvoient en avoir connoiflance,
il fuit de-là néceflairement qu'il y a des péchés d'ignorance.
Pfalm. 1^,7- David ne demande-t-il pas pardon des péchés commis par
Lei'it. s , 17- ignorance ? La Loi de Moyfe n'ordonne-t-elle pas des fatis-
factions pour les péchés d'ignorance ?
Cap. j. Y j^ Lg^ dernière propoiition de l'Anonyme regardoit fainC'
Bernard, qu'il accufoit de s'être trompé en difant dans fes Ho-
mélies , que le myftcre de l'Incarnation n'avoit été révélé à
aucun Ange , avant de l'avoir été à la fainte 'Vierge. Ce Perc
répond qu'il ne s'étoit pas expliqué affirmativement fur ce point ,.
& qu'il avoir laiilé au LeiSleur le choix des deux fcntimcns , dont
l'un efl que les Anges ont connu ce Myftere avant fon acconi-
plilTement; l'autre, qu'ils ne l'ont pas connu. 11 en prend un
troifiéme qui tient le milieu, fçavoir, qu'il a été révélé aux
Anges; mais que les circonftances de ce Alydere, le tems , le
lieu , la manière , la perfonne de qui devoir naître le Aleflle , leur
ont été inconnus.
Tiaitécon- VIL Lc onzième opufcule par lequel faint Bernard réfute
i'AbaJlUrdr' I^s erreurs condamnées dans Abaillard au Concile que les Evê-
ques de P'rance tinrent à Sens en i 140 en préfence de Louis le
Jeune, Roi de France, a été mis au nombre des Lettres dans les
éditions antérieures à celles de Horftius ôc de Dom Mabillon,
Ce qui nous a engagé à fuivre ces anciennes éditions, c'cft le
grand nombre de Lettres que faint Bernard fut obligé d'écrire au
lujet des nouveautés^ q^ue ce Théologien continuoit de rcpandcew
Î>REMTER ABBÉ DE CLAIRVAUX,6cc. 45?
î^ous avons rapproché ces Lettres du Traité contre les erreurs Voycr 1«
d'Abaillard, & donné de fuite dans l'analyfe générale des Let- ^c^t-e .so^au
très, ce qu'il contcnoit de remarquable. cent II.
$. X 1 1.
Vie de faim Alalachie , Archevêque d'Irlande,
X /^ E faint Prélat défirant depuis plufieurs années le Pallïumj Vie de faint
- ■ . r. r ,. Malachic,Ar-.
c
autant pour honorer fon i>iége, que pour remplir toutes jj^pv^ilaued'lr^
les cérémonies aufquelles , fuivant l'ufage de l'Eglife , fa lanJc.
•qualité d'Archevêque l'obligeoit , prit le tems que le Pape
Eugène III. étoiten France. Mais ayant été arrêté quelque tems
«n Angleterre par les ordres de la Cour , il n'arriva à Clairvaux
.que plufieuis jours après le départ du Pape pour Rome. Il ne
laifla pas de fe difpofer à le fuivre ; mais furpris de la tiévre dans
cette Abbaye même , il y mourut la nuit du fécond jour de
Novembre 1148. Samt Bernard écrivit auffitôt aux Commu- Enfl. 174.
nautés d'Irlande pour les confoler de la mort de leur Arche-
vêque, Ht fon craifon funèbre le jour xnême de fon décès , &C
écrivit fa vie , à la prière de l'Abbé Congan & de fes Religieux ,
quiétoient de l'Ordre de Cîteaux. Elle fait le douzième desopuf-
cules de faint Bernard.
I I. Saint Malachie né en Irlande l'an ;o^ j de parens nobles ^e qu'elle
& riches, fut élevé à Arinac , où il fit aulïi fes études. Sa mère remarquable,
qui avoit beaucoup de piété, s'appliqua à lui faire connoître le ^j^ j.
vrai chemin qui conduit à la vie , perfuadée que la vertu ferait
plus utile à fon lils , que la connoiflance des Belles-Lettres.
Malachie fit des progrès dans l'une & dans l'autre. S'étant mis
fous la conduite d'un faint homme nommé Imarius , il mena
avec lui une vie très-auilere , jeûnant fouvent , palTantles jours
<&cles nuits en prières. Celfe , Archevêque d'Armac, l'ordonna Csp. u
Diacre , & enfuite Prêtre ; mais il fallut ufer de contrainte pour
l'engager dans les Ordres. Il reçut le Diaconat avant la vingt-
cinquième année de fon âge , ôcla Prétrife avant la trentième.
C etoit contre les Canons. Son mérite l'en fit difpenfer.
III. L'Archevêque le fit fon Vicaire , ôc le chargea de C;^. j.
l'inflrudion d'un Peuple aulfi barbare qu'ignorant. Malachie
i'inftruifit , le polifla ; 6c comme il avoit appris 'e chant dans fa
jeunelTe , il l'cnfeigna aux Clercs &: aux fimples Fidèles, l'établit
I ii i)
4^5 SAINT BERNARD,
pour les Heures Canoniales , introduifit les coutumes de rEglIfe'
Romaine, mit en vigueur les Décrets des faints Pères , ôc les-
Conflitutions Apolloliques , l'ufage de la {a) Confeirion , le'
Sacrement de Confirmation , & la règle dans les Mariages. Pouc
€np. 4. fe perfectionner dans la difcipline de l'Eglifc en l'adminiflratiori
des Sacremens, il allaconfulter M::lc , Evêquc de Lefmor en
Moumonie, & demeura quelques années avec lui.
Cap. y. I Y, Cependant ayant eu avis de la mort de fa fœur , il offrit
pour elle le Sacrifice de l'Autel , Ôc Dieu lui fit connoître que'
fes prières avoient eu leur effet. Depuis fon retour de Lefmor, if
rétablit le Monaftere de Bencor ruiné par les Pirates , qui y
avoient maffacré en un feul jour jufqu'à neuf cens Moines. Saint
Cap. (. Malachie content de rétablir le Monallere , en abandonna a
d'autres les polTeiFions & les biens , par zèle pour la pauvreté.
Saint Bemard ne l'approuva pas en ceia , ôc l'événement fit voie
qu'il auroit mieux fait de retenir le tout.
Cap. S. V. Vers Tan 1 1 2 y le Siège Epifcopal de Conneret en Ultonie
étant venu à vaquer, Malachie fat choifi pour le remplir. Il
étoit alors âgé d'environ trente ans. Ce Diocèfe étoit rempli de
Chrétiens, qui ne l'étoient que de nom. A. force de patience ÔC
de travaux , il y établit la même difcipline que dans celui d'Ar-
mac. Celfe qui en étoit Archevêque fe voyant prêt de mourir,
déclara qu'il ne cormoiffoit perfonne plus digne de lui fucceder
Cnp. 10. que Malachie. Il commanda même au Roi ôc aux Grands du
Royaume, par l'autorité de faint Patrice à laquelle on nefçavoit
pas réfifler, comme ayant été l'Apôtre de la Nation, de ne point
en élire d'autre. Il fut en effet choifi , mais fon Siège fut ufurpé
par un nommé Maurice , qui &'y maintint par force pendant cinq
ans. Il étoit d'une certaine famille qui avoit poffedé cet Arche-
vêché près de deux cens ans , par droit d'hérédité.
Cap. Il, ^^ i Saint Malachie ne prit poffellion d'Armac qu'en irjj.
Il y rétabli la paix ôc les mœurs ; puis ayant remis cette Eglife
à Gelafc , homme digne de la gouverner , il alla prendre foin de
celle de Dounc, qui faifoit auparavant partie de fon ancien
"^' '"*■ Evêché , c'efl-à-dire , de Conneret , qu'il avoit depuis partagé en
deux , ainfi qu'il l'étoit autrefois. Voulant confirmer ce démem-
brement , ôc obtenir le Pallïum pour le Siège Archiépifcopal
(a) Ufum fuluberrimumConfefllonis, 1 aut nc<;lii;ebam , de novo iaflituit Mala*
Sacmmentinn Contirmationis.contradum I (i\\i?iS.VUa , cap. y,
Con jugionurn , quae omiiia aui ignorabant, J
PREMIER ABBÉ DE CL AIRVA UX , &c. 437
d'Armac , à qui on ne l'avoit jamais accordé , il fit le voyage de Cap. 15.
Rome vers l'an n 3^. Le Pape le recçut avec honneur, lui accorda
une partie des grâces qu'il demandoit^ôc le fit fon Légat dans toute
l'Irlande.
VIL Ce voyage lui procura de voir deux foisClairvaux, où Cip. 16.
il laifia quatre de Tes Difciples pour en apprendre l'inflifut. De
retour en Irlande il y tint plufieurs Conciles en qualité de Légat, Cap. 18,
ôc fit divers Reglemcns pour le rétablifiement de la difcipline. Il
en fera parlé dans la fuite. Son exemple & fes miracles donnoient Cap. i?,
beaucoup d'autorité à tout ce qu'il ordonnoit pourlaréfbrmation
des mœurs.
VIII. S'étant mis en chemin une féconde fois pour Rome' ^'^" 5''
en 1 14.8,11 tomba malade à Clairvaux. Les Frères s'emprefferent
à l'envie pour le foulager. iMais fçachant que fon heure étoit
proche , il leur dit : C'eft ici le lieu oi^i doit repofer mon corps.
Pour ce qui eft de mon amc. Dieu qui (îuive ceux qui efperent
en lui , en prendra foin , s'il lui plaît. Il ajouta , qu'il n'avoir pas
peu (a) de confiance au jour que les vivans rendent tant de bons
offices aux morts , voulant parler du jour auquel l'Eglife fait la
Commémoration de tous les Fidèles défunts, & qui fut en effet
celui de fa mort. Mais avant quelle arrivât il fe fit adminiftrec
l'Extrême-Ontlion , enfuite le Viatique , fe recommanda aux
prières delà Communauté, pria pour elle, impofa les mains à
tous les Frères préfens , & leur donna fa bénéditiion. Saint Ber-
nard 6c plufieurs Abbés l'adifterent à la mort, qui arriva, comme"
on l'a déjà dit, le 2 de Novembre 1 14.8 , dans la cinquante-
quatrième année de fon âge.
IX. Il efl parlé de la vie de faint Malachie faite par fainr
Bernard , dans la Bulle de canonifation de cet Archevêque ^f
datée de la troifiéme année du Pontificat de Clément III. c'eft-^-
dire,cn 115)0.
(a) Nec parum fpei repo/îtum mihi in [ oleo uns;! un^iutr & fânôo Via-
dlc illa qiiâ mortuis tanta à vivis bénéficia tico , Frntrum le oratio'iibus , & Fratres-
imperniumur. Nec lont;c aberat dies ipfa i commendans Deo , ad lodiim revertitur»-
cuju talialoinieretur. Interea jubet fe l'acro j, Vita. Alalackioe , cap. 3 j , num, 7 1 .
lii iij
438 SAINT BERNARD,
§. XIII.
Traité du Chant , ou de la correÛion. de t'Amiphonier.
Tnité i^u I- T E treizième & dernier des opufculcs de faint Bernard
Chant. J ^ dans le fécond tome de fes <Êuvrcs , eft intitulé : du
Malill.Prx- Chant, ou de la Correction de TAntiphonier. Il eft précédé
fat.inopufcul. d'une Lettre que les Manufcrits attribuent à ce faint Abbé , &
*^* -qui eft en effet de fon ftyle. Mais en d'autres manufcrits , la pré-
face de ce Traité porte le nom de Gui , Abbé de Charlieu dans
le Dioccfe de Befançon , le même que faint Bernard recom-
Epijl. i>7- manda à Pierre , Doyen de cette Eglife, dans une de fes Lettres.
Il paroît néanmoins que l'Auteur de cette Préface , ou du Traité
du Chant, car c'eft la même chofe , ne demeuroit pas dans le
Diocèfe de Befançon , puifque fur la (in il appelle fes Com Pro-
vinciales, les Eglifes de Reims, de Bcauvais, d'Amiens ôc de
Soiffons ; & qu'en parlant de l'Antiphonier de Soiffons, il dit:
Nous l'avons , pour ainfi dire , à notre porte. Cela fait conjeiflurer
à Dom Mabillon , ou que l'Auteur du Traité étoit de l'Abbaye
de Longpont , qui n'eft pas éloignée de Soiffons; ou que par
Gui , Abbé de Charlieu , il faut entendre un autre Gui , Abbé
d'une Abbaye de même nom dans le Diocèfe de Scnlis; ou enfin
cjuc Gui de Charlieu dans le Dioccfe de Befançon , eft appelle
Auteur de cet écrit , parce qu'il avoit eu part à la correction du
Chant , & de l'Antiphonier.
LettredeS. 1 1. Saint Bernard dit en effet dans fa Lettre, que l'Antipho-
Bernard. y,jgf j^Qpie' p^r Jes premiers Pères de Citeaux , fur celui de l'Eglifc
de Metz , qu'on difoit être le même que le Grégorien , fe trouva
il défedueux, que le Chant en étant infupportablc , les Abbés
de l'Ordre lui donnèrent commifhon de le corriger ; qu'il afTem-
bla,pour cet effet, ceux de fes Confrères qui paffoient pour
habiles dans le Chant ; 6c que leur nouvel Antiphonier ayant été
approuvé dans le Chapitre général , il fut ordonné à tous les
Monaflercs de s'en fervir. Il déclare dans la même Lettre , que
ceux qui avoicnt corrigé l'ancien Antiphonier, avoicnt aufîi
rendu compte dans une Préface, ou Traité,, des changemens
faits par eux. Et c'cft ce qui prouve encore que ce Traité appar-
tient à plufieurs perfonnes,ôc qu'on a pu l'attribuer, tantôt à
Gui de Charlieu, tantôt à un Abbé, ou Religieux de Long-
JTkOUt.
PREMIER ABBÉ DE CLAIRV AUX, &c. 439
III. Par ce qu'on vient de dire, il paroît hors de doute que s. Bernard
ÏAntiphonier de Cîteaux fut corrigé par faint Bernard , avec f o">.ef ^'An-
l'aide de fes Confrères. Cependant il y en a qui prétendent que Citeaux?
cette correction ne fe fit pas de fon vivant. La raifon qu'ils en
donnent , c'eft qu'il femble par les premiers mots de la Lettre
qu'on lit à la tôtc de ce Traité, & qui porte le nom de faint
Bernard , que l'on ne travailla à la correction deTAntiphonier ,
que longtems après l'établiOement de l'Ordre de Cîteaux. Mais
outre que ces mots font fufceptibîes d'un fens contraire , lAu-
teur de. la vie d'Ellienne , Abbé d'Obazin , qui écrivoit fur la fia
du douzième fiéclcjleve toute diriiculté,en difant (a ) , que faine
Bernard fut chargé par un Décret commun des Abbés de
Cîteaux, de corriger les Livres en ufage dans l'Ordre pour les
Offices divins ; & qu'il les corrigea , en effet , féconde de coux
qui pofiedoient le Chant. '
I V. L'Antiphonier ainfî corrigé, fut imprimé à Leipfic en Auti-escor-
t ■ 1 I T u ? • J 1 c 1 ' ^ 1 rrctions rutn-
ly 17 , chez !v,]cnel Lotner ; euluite dans le bupplement des bufes à lamt
Pères par Jacques Homey , Auguftin, à Paris en 16S6 m-S°. ^sinarti.
avec !a Lettre de faint Btrnard ; & dans le recueil des (Euvres
de ce Père par Dom Mabillon , à Paris en 1666, i6c^o, 1719;
Riais ce dernier Editeur n'a pas cru devoir grofilr fon recueil de
quelques autres écrits que le Pcre Homey a mis dans fon Sup-
plément, fous le nom de faint Bernard; fçavoir , un Traité de
la manière de chanter le Graduel de Cîteaux ; un autre des tons ,
au nombre de huit. Il n'eft fait aucune mention de ces deux
Traités dans la Lettre de faint Bernard , mai-s feulement de
l'Antiphonier. Dom Mabillon rejette aufTi les autres opufcules
publiés par le Fere Homey , comme de faint Bernard. Ce font
des expolitions morales, partie aftedives, partie fpéculatives ,
la plupart fur diverfcs circonflances de la vie de Jefus-Chrift ; un
petit Traité du Corps du Seigneur; un Livre des louanges de
la fainte Vierge. Le même Père a donné la continuation des
Commentaires fur le Cantique des Cantiques , par Gillebert de
Hoillande. Fabriciuscite {b) plufieurs Traités de Chant, ou de
Mufique , d'un autre Bernard , ou Bernon , Abbé de Richenou ,
mort en 1048 , ôc d'un Moine de même nom qui mourut vers
l'an I iSo. Entre ces Traités il y en a un furies Tons,&; un fur-
l'Antiphonier.
(a^KitaStefliani ,lib. i ,cap. iy,apud \ (b) Fabrkiu.<f , BiiUor. Latin, medias
Bdlufum , tom. 4, MlfcelLvt. ' \ Laîin, tom. 1 ^f ^g. C-^o^ f4j.
Sermons
S. Bernard
440 SAINT BERNARD;
§. XIV.
Des Ouvrages de faim Bernard , contenus dans Us
troifiéme &, quatrième Tomes.
L-ritè des I. T E S Sermons , ou Homélies des Pères de l'Eglife font,
J f pour l'ordinaire , moins bien travaillés que leurs autres
ouvrages j foit parce qu'ils faifoient fouvent ces difcours fur le
fatintom'.'^C champ, n'ayant pas le lolfir de les préparer; foit à caufe que
ji'ayant pour but que d'inftruire les Peuples des rayfleres delà
Foi , & des règles de la vie Chrétienne , ils affeiloient un ftyle
commun & plus populaire. Il n'en ed: pas ainli des Sermons de
faint Bernard. Ils ne cèdent en rien à fes autres ouvrages , foit
pour la vivacité du ftyle , ou pour la variété des fentimens ; foit
pour la fublimité Jespenfées , ou pour l'ondion ôc la tenjreflfe de
fes expreifions.
Garaftcre ie J {^ Mais au lieu que les Pères de l'Eglife avoient à parler à
fes Sermons. ^^_ perfonnes de toutes conditions , faint Bernard n'avoit entre
fes Auditeurs que des hommes , la plupart très-éclairés dans les
chofes fpirityelles , ôc dans les divines Ecritures; qui avoient
yêcu dans le monde avec diftinifiion , autant par leur nailTance ,
que par leurs qualités perfonnelles. Voilà, ce femble, la raifoii
delà différence qu'il y a entre fes Sermons ôc ceux des autres
Pères de TEgiife. On convient toutefois qu'il y a dans fa fiço 1 de
prêcher moins d'art que de naturel; mais fon Ilyle efl vif, agréa-
ble , propre à remuer le cœur, à entretenir la ferveur Ôc la
piété.
Va quels j j [^ Suivant le foixante-feptiéme chaptitre des Us de Cîteaux,
!iho?t ' ^'^~ o" '"-£ préchoit dans l'Ordre qu'aux Fcres principales de l'année ,
le Dimanche des Rameaux, ôc le premier Dimanche de l'A-
yent. Ces Us ne parlent pas des Sermons pour les Fctcs ordi-
naires , ni pour les Fériés. Mais faint Bernard prêchoit très-
fouven.t, môme en ces jours-là. D'où vient que dans fon pre-
mier Sermon fur la Septuagefune, il dit à fes Frères : Je vous
, ... .,y parle fouvent , contre la coutume de notre Ordre. Il en donne
' * pour rajfon fur la fin de fon dixième difcours fur le Pfeaume 5>o ,
que les Abbés de fon Ordre l'y a voient engagé; quefafmté nelui
pcrmettoit pas de s'occuper du travail des mains , ôc le zèle qu'il
fe fentoit pour l'avancement de fes Religieux dans la perfedion
^vangelique, IV. Quand
PREMIER ABBÉ DE CL AIRVAUX , &'c. 4^^!
I V. Quand il n'en ëtoit pas détourné par des occupations A quelle»
indifpcnfables , il préchoit le matin après Primes, ou avant la fi^afesil pré-
Melle, ou le loir avant Compiles. Il y avoit a L-jairvaux des qucioLansue,
Frères Laïcs , qui , quoique fans tonfure Cléricale, airploient au
Chœur avec les Religieux Clercs. Ces Frères Laïcs étoient
diiFérens des Convers , mais également fans Lettres y & ne
fc^achant d'autre Langue que celle du Pavs. Comme il n'eft pas
douteux qu'ils n'alfiltalTent aux Sermons de Ikint Bernard, on
pourroit en conclure , qu'il les prononçoit en Langue vulgaire ,
que l'on appclloit par corruption la Romaine ; d'autant que l'on
trouve chez les Feuillans à Paris , des Sermons delaint Bernard
écrits en cette Langue , 6c dont le manufcrit & le langage peu-
-yent remonter au tems de cet Abbé.
V. Mais on ne lailTe pas d'être perfuadé que ce manufcrit eft îl pricholt
■poftérieur à faint Bernard , ôc que les Sermons qu'il renfeniie ne «"L"'"*
font qu'une traduction. On le prouve par Pinfcription même du MAidon.in.
manufcrit , qui ell en ces termes : Ci 'commencent lï Sermon faint
Bcrnaut. Ceux qui de fon tems recueilloient fes Sermons , l'ap-
pelloient-ils Saint à la tête de leur colledion? Les Chartreux
recevoient, comme les Cifterciens, des Frères Laïcs , toutefois
-ils pronon*^oienc leurs dfifcours publics en Latin , comme ils le
font encore. Mais ce qui montre que faint Bernard prêchoit en
Latin à fes Religieux du Chœur , ôc quelcs Copiftes nous les ont
tranfmis en la même Langue qu'ils les avoient ouis , c'eli la con-
formité du ftyle avec fes autres écrits, ce jeu continuel, mais
naturel des termes latins , dont il forme d'ingénieufes antithèfes :
C'eft enlin le témoignage môme de faint Bernard , qui parlant de
fes difcours fur le Cantique des Cantiques , dit ( fl ) , qu'ils ont été
■écrits , ainfi que tous fes autres Sermons , dans le même ftyle , ou
la même langue , qu'ils avoient été prononcés.
VI. A l'égard de fes difcours aux Frères Convers , ou aux II prêchoit
.Séculiers , il paroit certain qu'il les faifoit en Langue vulgaire , i"^,'^^yg'^^y'^!!
c cft-à-dire , la Romaine , ou Gauloife. Il s'en fervoit également gaire.
lorfqu'il prêchoit la Croifade en Allemagne ; ôc parce que cette
Langue y étoit peu commune , un Interprète rendoit en Alle-
mand , ce qu'il avoit dit en Gaulois. Ces faits font atteltés par les
HiAorieus (6 ) de la vie ôc de fes miracles-
{a) Serm.^^inC.mnmm.num.\. ) &• ùh. 6, de Mirdcutis , numer. i6.
Ci) Vi-a ÈtTiiard. lib, 7 , cap, 13, |
Tome XXI L Kkk
44« SAINT BERNARD,
Sermons du VII. Lcs Scrmons de faint Bernard font divifés en trois
Tems. clafTes , dont la première contient ceux que l'on appelle du
Tems ; la féconde , ceux des Saints , ou les Panégyriques ; la troi-
fie'mejceux qui font fur divers fujets. Parmi les Sermons du
Tems , il y en a fept fur l' Avent ; quatre fur ces paroles , VAngc
Gabriel fut envoyé ; fix pour la veille de Noël ; cinq pour le jour
de la Fête ; un fur les faints Innocens ; trois fur la Circoncifion du
Seigneur ; trois fur l'Epiphanie ; un pour l'Odave ; deux pour le
premier Dimanche après l'Oclave ; deux pour la Scptuagefime;
fept pour le Carême; dix-fept fur le Pfeaume po Qui habitat ,
prononcés pendant le Carême ; trois pour le Dimanche des Pal-
mes; un pour le Mercredi-Saint ; un pour le Jeudi-Saint ; trois
pour le jour de Pâques ; deux fur l'Odave de Pâques; un pour
les Rogations ; cinq pour la Fête de l' Afcenfion ; trois pour celle
de la Pentecôte ; un pour le quatrième Dimanche d'après cette
folemnité; trois pour le fixiéme; cinq pour le premier Dimanche
de Novembre.
Sermons des VIII. Nous avons deux Sermons fur la Cenverlion de faint
Saints. Paul; trois fur la Purification de la fainte Vierge; un pour la
Fête de faint Vittor, ConfefTeur, avec l'Office du même Saint
compofé par faint Bernard, à la prière de Gui , Abbé de M on-
tier-RaiTiey ; le Panégyrique de faint Benoît; trois difcours pour
la Fête de l'Annonciation; un fur celle de faint Jean-Baptifte;
un pour la veille des Apôtres faint Pierre ôc faint Paul ; trois
pour la Fête ; quatre fur l'Afiomption de la fainte Vierge ; un fur
fa Nativité ; deux pour la Fête de faint Michel ; cinq pour celle
de tous les Saints ; deux fur la mort de faint Malachie ; un fur
faint Martin ; un fur faint Clément , Pape 6c Martyr ; un pour la
veille de faint André; deux pour la Fête; un fur la mort de
Dom Humbert , Moine de Clairvaux ; fix pour la Dédicace de
l'Eglife.
Sermons fur IX. Les Semions fur divers fuicts font au nombre de cent
.lujcts. vingt-cinq. Il y en a fur lincertitudeôcla brièveté de la vie ; fur
l'obéifla'ice; fur le Cantique d'Ezechias , & fur plufieurs autres
endroits de 1'' criture , tant de l'ancien que du nouveau Tefta-
ment : fur le Baptême ; fur les dons du Saint-Efprit , ôc fur quan-
tité d'autres fujets différens. Ces difcours font fuivis de quarante-
trois Sentences, ou palfages tirés de l'Ecriture, avec les expli-
cations de iaint tiernard; de cinq Paraboles, dont la première
feule paroît être d - iaint Bernard. Elle traite du combat fpiri:ucl.
La formule d'une confcirion particulière , n'a rien d'inaignedc S»
■Bernard,
tiTcrî I
PREMIER ABBÉ DE CLAIRVAUX,étc. 44?
X. Prefle par Bernard , Religieux de la Chartreufe des Portes , Sermon» fur
d'expliquer le Cantique des Cantiques, il commencja pendant jesCanti'que"'
TA vent de lan 1 1 3 > , com me on le voit , par Texorde du fécond
difcours. La foiblefle de ù\ fanté l'obligea d interrompre le qua- MaUUon.
rante-deuxidme & le quarante-quatrième difcours ; ce qui fait S^'^^'i"' '"
voir qu'il les prononçoit de vive voix. Cela paroît encore par le
trente-fixiéme , où il reprend ceux , qui accables de veilles,
dormoient pendant qu'il prêchoit. Il donne dans le neuvième
une explication que je n'avois, dit-il, pas préparée. C'efl: qu'il
fe préparoit à l'explication du Cantique , par la méditation ôc
par la prière ; mais quelquefois aufïï il parloit de la plénitude
de fon efprit , fans préparation , & fans écrire. Les Novices
aflTiftoient à ces difcours, comme les Profès. Cela fe voit parle
foixante-troifiéme. On alloit du Sermon , tantôt au travail des
mains , tantôt à laMefTe, & quelquefois à Complies. Ce qui
niarque qu'il prononçoit fes difcours fur le Cantique , à peu près
dans les mômes tems que ceux dont nous avons parlé plus
haut.
X I. Lorfqu'il eut achevé fes difcours fur le commencement En quel
de ce Livre , il les envoya ( a ) à Bernard des Portes , autant f ?''^ ''^ ?."'
pour s'acquitter de fa promeffe envers lui, que pour avoir fon Mubii'l. ibid.'
fentimcnt fur cet ouvrage , afin qu'il le continuât jJbu qu'il
n'allât pas plus loin. Ses vingt-quatre premiers Sermons furent
achevés en 1138,1a même année qu'il alla en Italie travailler à
éteindre le fchifme. De retour à Clairvaux l'année fuivante, il
continua fes difcours fur le Cantique , 6c mit un nouvel exorde ,
& une autre fm au vingt-quatrième. Les foixante-cinq 6c foixantc-
fixiéme font centre certains Hérétiques de Cologne , dont
Cuervin , Prévôt de Steinfeld en Veflphalie , de l'Ordre de
Prémontré , lui avoit donné connoiflTance, par une Lettre que
l'on a mife à la tête de ces deux Homélies dans la nouvelle
édition. Le quatre-vingtième difcours efl poftérieur au Concile
de Reims de l'an 1 14.8 , auquel Eugène III. aififta.
XII. Prefque tous les manufcrits portent quatre-vingt-fix ^'^, ^o'" '"
H,,. ^^ r 1 /^ • J /^ • A 1 nombre Je86.
omelies , ou Sermons lur le Cantique des Cantiques. (Quel-
ques-uns en compte quatre- vingt-fept , parce qu'ils mettent pour
deux le vingt-quatrième , à caufe de fes deux cxordes , 6c de fes
deux fins dillcrentes. Le dernier difcours finit à l'explication des ^^^;^^''*'''<'«-
(«) Efijl. IJ4.
Kkkij
j(Zt. in
Cainic.
444 S A I N T B E R N A R D ;
premières paroles du chapitre troifiéme du Cantique. On cite
une coUeiStion manufcrite du Vatican , qui ne contient que
quatre-vingt-trois difcours, avec une préface , où l'on ne remar--
quenile ftyle , ni le génie de faint Bernard. Outre cette longue'
expofKion du Cantique, faint Bernard en diâia une plus courte'
à Guillaume de faint Thierri, de laquelle nous parlerons dans
la fuite. Nous remarquerons ici qu'encore que ce Père femble
dire dans le premier des quatre-vingt-fix difcours , qu'il avoir,,
avant Texpiication du Cantique, donné celle de l'Eccléfiafle ÔC
des Paraboles de Saiomon , on peut fort bien entendre fes paro--
les , du foin que les Moines de Clairvaux avoient de lire ces deux-
Livres , ôc d y conformer leurs mœurs. On ne voit pas en effet
que Geoffroi , Auteur de fa vie , ôt affez exatl dans le catalogue
de fes ouvrages , iafTe mention des Commentaires fur rEcclé--
fiafte, ni fur'les Paraboles de Saiomon.
Recr.ell des XII I. Les difcours fur le Cantique , font fuivis d'un recueil
Senten.es < e ^^ Maxiuies , OU de Seutenccs tirées des écrits de faint Bernard ,
Chronolo-'c ^^ plupart très-bien choifies ; d'une Chronologie de fa vie , à
iefavie. " commencer depuis l'an lopi , jufqu'en ifjj; de la cenfure
qu'Efdenne, AbbédeCîteauXjfiten i lo»? , de quelques endroits
que l'on avoit ajoutés, fans raifon, à la Bible latine dont on fe
fervoitAuis cette Abbaye ; ôc des Notes d'HorlVius ôc deDom
A'îabillon fur faint Bernard. C'eft par-là que finit le quatrième
tome de fes ^Euvres. Avant de paffer au cinquième tome , qui ne
renfefme que des ouvrages qu'on convient nôtre pas de lui , il
eft bon de donner en peu de mots , ce qui nous a paru remar-
quable dans fes difcours.
Ce qu il va XIV. Quoiqu'ils foient tous propres à former les mœurs , à
«Je ren-arq-j.i- ranimer la piété , à donner de l'amour de la vertu, de l'horreur
bie dans Its , . i /- ... i r !• •
diîcoi.rs de S, du vicc , Cela le remarque particulièrement dans tes explications
Bernard. du Cantique , où , fous des figures ôc des allégories, il déve-
loppe tous les priiicipes de la vie fpirituelle , d'une manière
aulli agréable qu'utile : les difcours de faint Bernard ont encore
cet avantage, qu'ils font écrits d'un llylc net 6c facile, enforte
que le Lecteur ne fe trouve prefque jamais embarralfé. Voici ce
qu'ils contiennent d'intérefiant pour notre fujet.
S-rrr.. \ , de XV. L'orgueil eft Ic commencement de tout péché. C'eft
Adtimu,p^>g. \^^[ quj ^^ premier des Anges en a fait un démon , ôc qui a fait
^^'*' tomber l'homme pour avoir con<;u le deffein de devenir fem-
blableàDieu. S il n'y a point de rédemption pour les Anges, c'efl
qu ils font toaibcs par leur propre malice i au lieu que Ihumiae--
PREMIER ABBÉ DE CLAIR VA UX,&c. 44?
avant été fupplanté par la malice du démon, peut erre racheté
par la charité' d'autrui. C'eft pour le racheter que le Fils de
Dieu s'eft fait homme. Nous devons obéir de cœur & d'affetliou ç,^^ ^^
à nos Supérieurs , quand même ils ne feroient pas reg'cs dans y^dientu.pzg^
leurs mœurs ; parce que nous devons conliderer en eux celui de ^J'-
qui vient la toute-puilTance. On doit reprimer les mouvemens de
laconcupifcence, & on le peut par la grâce. C'ell: empêcher «SV™. y .pag^
qu'elle ne règne dans nous, où elle demeure néanmoins jufqu'à ^^^'
la mort.
XVI. Il étoitd'ufagechezles Juifs, que depuis le jour des Serm.t^u^
fiançailles iufqu'à la célébration des noces , la Fiancée demeurât P''' '"'^"^ *-/!'■
\ 1 1 j r r 17 '- >i r ^ • j /- ' pag-747, 743.-
à la garde de ion futur Epoux , ann qu li tut témoin de la pureté.
C'eft la raifon pourquoi la Hùnte Vierge fut fiancée avec faint
Jofcph. Sien la voyant enceinte, ilpenlaàla répudier, ce ne fut
que parce qu'il fecroyoit indigne de la compagnie d'une li fainte
Créature. S.Bernard,en parlant de l'application queTEglife fait de
ces paroles de l'Exode : yîujou^irhui vcas fçaure^ que le Seigneur
viendra , (y vous verrei fa gloire le matin , à l'Invitatoire de la . ^.-rm. 5 in
Veille de Noél, dit, qu'elle eft infaillible dans ces fortes d'appli- p^'l'^^''"*'''''
cations. Encore (a) de fon tems on poufiToit le jeûne du Carême
jufqu'au foir. Dans les aucres tems les Moines jeûnoicnt feuls
jufqu'à Nones ; mais en Carême, les Rois , les Princes , le ^tw. j i,i-
Clergé & le Peuple, les Nobles ôc les Roturiers, les Riches & ^"'''^''"^'i^- P=>g.-
les Pauvres ne mangeoient, comme eux , que le foir.
XVII. On confcrvoit à Clairvaux des Reliques de faint Sem. 7 irj
Ignace, Martyr , Difciple des Apôtres. Saint Bernard donne, ^^' ^°» l'^^*'
d'après lui , à la fainte Vierge le titre de Porre-Chrift; mais en '^^'
cela il y a double erreur de fa part : la première, quelEpitre
qu'il attribue à faint Ignace, efl une de celles qui lui font fup-
pofées : la féconde , que le titre de Porte-Cliriil n'y eft pas
donné à la fainte Vierge , mais à Marie CaiT.ibolite. Il enfeignc Ibid. Serm.-
que le foin que Dieu prend de notre falut eft tel, qu'il y employé ■- ^ pag- *><??.•
même(fc) les Efprics céieftcs qu'il envoyé pour nous garder, &
nous fervir de Pédagogues ; que ces faints Anges prennent foin /.'..,,'. s-nr,.
de nous, noa-feuiement pendant cette vie , mais qu'après ils '3;pag. S;»-,-
(tf ) Hadfnus ufque ad Nonam jejuna- i S.rm. j iiiQuadr.igef. pig. 8if.
vimus foli , nunc ulqyead Vefperam jeju- ( i ) Beatos illos Spiritus proprer ncs
nabunt nobilcum Reges & Principes , ! mitcii in miiiifterii!™ , cuftodia; noftr»'
Uerus & Populus ,nob:les & ignobiiîs , » députas , noftros fieri jubés Pxdagcos,-
iiinul in unum clivCi & pauper, Bernard. { Bernofd, inPfï'r.. '•o , ï;^. Zû^^ "*
Kkk u;.
'44<^ SAINT BERNARD,
nous tranfportent dans le Ciel; que laCirconcifion remcttoît le
Serm.inCa- péché originel ; qu il efl: remis aulli par le Baptême; qu'encore
g i^g' que la concupucence relce en nous, elle ne peut nous nuire,
qu'autant que nous confentons à Tes mouvemens déréglés; que
nous avons dans la Communion du Corps ôc du Sang du Sei-
gneur , un moyeu de rendre inutiles tous ces mouvemens.
Sefm. i in X V 1 1 1. U diftingue dans le Saint-Efprit deux- proce.Tions:
Pe/iCfcq,ff. par. J'unc , du Pe.'C ôc du Fiis :, l'autre , quand il eft envoyé vers les
^^'*' Créatures peur les fanâiiîer ; ce qui arriva principaleme.it le jour
Rom. 8 »?. ^^ ^^ Pentecôte. Sur ces paroles de faint Paul : Ceux que Dieu a
Serm. 4 in cciinus dans fc. préfcience , il les a avjji prédejîinés ; G* ceux qu'il
Vom. I Noi. (i prédejlijiés , il Us a aujfi appelles Cs" jufùfiés ; Gr ceux qu il a
»»£• fil' jujlifiés, il les a aujjl glonfiis , faint Bernard dit : iMon {a) com-
mencement vient donc de la grâce feule , & foit dans la pré-
deftination, foit dans la vocation , je n'ai rien que je puilTc
m'attribucr. 7vïais je ne fais pas de même étranger à l'égard de
l'eeuvre àe la juilification : la grâce lopere , il eft vrai , mais c'eft
Serin, i in ^vec moi. Il ne doutoit point que la ftinre Vierge n'eût été
'AJJumpt. pag. gj^igyée au Ciel auiTitôt après fon trépas ; ôc dit , qu'étant notre
Serm.inNu- Avocate auprès de Dicu fjTi fils j nous devons recourir de tout
tivitcLt. pag. j^otj-e cœur à fon intercefiion.
■^o*"' j XIX. Quoiqu'il fe foit beaucouo appliqué à connoîtrc l'état
S.Bernard fur dcs ames laintes apres qu eilcs lont leparécs de leurs corps , oc
rétatdesaines q^'\[ croyc avoir fuivi en cela les lumières du Saint-Efprit ,
radondeleur commc il le dit dans le quatrième difcours fur la Fête de tous
corps. les Saints , il ne prétend pas pour cela affujettir perfonne à fon
Mabill. Pr:t- fcntimcnt, laiffant à ceux qui pouvoieat avoir ret;u de Dieu plus
fit. in tom. i , de lumières que lui fur ce fujct , de penfer autrement. Après
P^S- 7ï,*- avoir diitingué trois états des ames des Juftes; le premier,pendant
leur union au corps corruptible; le fécond , quand elles en font
réparées ; le troifiémc , dans un corps glorieux ; il s'explique fur
l'état mitoyen de ces ames, en difant, 1". qu'au moment même
de leurfortie du corps , elles font reçues dans le Ciel , où elles
iouilTcnt de la compagnie des Anges. 2°. Qu'elles y jouifTent
aufli dune grande lumière. 3". Que ce qui fait leur bonheur,
c'eft de voir l'humanité de Jefus-Chrift, mais non h divinité,
qui ne fera l'objet de leur vilion qu'après la réfurredion. 4°. Que,
(fl> Itn'juc i!i!t'um r-riim fo'ii;' rrutist fané ab opère jufl'ficationis alienus f.iiTi ;
eft , & non habeo qui! inilii in pr.v .-raina- 1 operatur & illuil gr.uia . !ed plane nietum.
lione attribuam , fire vocatione. Non fie l Bernard. Serm. 4 in Dom. i Nov. pjg. S 5 î .
PREMIER ABBÉ DE CL AIR VAUX, &c. 447
quoiqu'elles foient dans la joye,ellen'ell pas pleine , ni parfaite,
parce qu'elles ont toujours le dclir de fe réunir à leur corps.
Voilà quelle cfl l'opinion de faint Bernard fur l'état des âmes des
Juftes avant la rcfurredion générale , dans trois de fes difcours
fur la Fête de tous les Saints ; fk^aroir , le fécond , le troifiémc 6c
le quatrième ; dans le quatrième fur la Ucdicace de l'Eglifc ,
dans le nombre 3 2 du Traité de l'amour de Dieu, ôc dans le
quatrième chapitre du cinquième Livre de la Confidèration.
Mais dans le fécond Sermon fur f.iint Malachie, il dit nettement, S-rm. z d:S,
qu'il jouit de la même gloire ôc de la même- félicité que les ^^;''^'^- ""«•
Anges ; que quelques Saints ont déjà mérité d'entrer dans le àès.vlclori^
Saint des Saints, où ils voyent la face ôc la clarté du Dieu ''"«•4«
immuable; enfin, que faint Victor Martyr, voit des-à-préfent
ôc à découvert , la gloire de Dieu. Dans cette contrariété de
fentiment , il n'eH: pas alfé de décider quel a été le dernier de faine
Bernard, parce qu'on n'a point d'époque certaine des difFéreas
Sermons où il traite des âmes des Juftes après cette vie.
XX. Il dit que nous ne pouvons nous plaindre que Jefus- .•^"'' TEucfu*
Chrift ne fe montre pas à nous, comme il s'efl montré à fes
Apôtres, puifque nous avons (a) la véritable fubftancc de fa ^■'"'J^: '"^^F"
Chair dans le Sacrement d'Euchariftie. Dans l'éloge de faint pà?. lo'js! '
André , il cite quelques endroits de fes atles , tels qu'on les dit Serm. 1 , S.
avoir été écrits par les Prêtres d'Achaïe. C'eft dans ce même '^■'"^' P^S'"*
difcours que faint Bernard donne pour raifon de l'inftitution des
jeûn-es aux veilles des grandes Fêtes, l'obligation de nous puri-
fier de nos péchés , afin de célébrer ces faints jours avec plus de
décence ôc de piété. Il parle du Baptême, comme étant encore
conféré par la triple immerfion. Il rejette plulieurs endroits S-rnï.if,de
des écrits d'Origene, ôc confeille à fes Auditeurs de ne les lire '''f-f'l.'r?^*''*
qu'avec précaution. Voici ce qu'il veut que l'on dife à un pé- jTpag.uj^,'
cheur qui a peine de fe confefler : Pourquoi {b) avez-vous honte '"^°'
de dire votre péché , vous qui n'en avez point eu de le com-
mettre ? Ou, pourquoi rougiflez-vous de vous confefTeràDieu,
puifque vous ne pouvez pas vous dérober à fss yeux ? Que fi vous
( a ) AJeft enim nobis etiam nunc Gar-
nis iplms yera fubftantia, haud Jubium fane
quin in SaLramento. Serm. S Martini ,
tireri j lujus oculis non potes aLiicondi .'
Quûd (î forte pu or elt tibi uni homiiii St.
p'ccatori petcatum trum exponere , c(a\A
fog. \oi;3. I f'durus et in die judicJi, ubi omnibus expo-
ci; Dicaturilliquem pudoraflficit : Cur 1 fiu tua confcient-a patebit f ^erm, io^ ydg
fepudet pe;,i.atum tuum dicere, quem non j diverjis ,yJg. l^li,
fusiuitfacere ^ Aut tur cruDeicis Deo con- J j
448 SAINT BEPv-NARD,
Serm. 104 ,' êtes retenu par la honte de faire connoître votre pe'ché à u«
pag. iigi. homniC , à un pécheur, que ferez-vous au jour du Jugement , oij
votre confcience fera à découvert devant tout le monde ? Les
Serm.-ih^''^ txoïs Conditions d'une bonne confeiîîon font de déclarer fes
Cantic. pag. ,péchés avec humilité , avec funplicité, avec fidélité. Mais ce
^^' n'eft pas aifez pour guérir le pécheur,ies remèdes donc il a befoiri,
.f,',' ' font les jeunes , les veilles . les prières j ôc les autres exercices d(?
la pénitence.
o , „ X XI. Lorfque nous fouîmes dans la tiédeur , n'abandonnons
Sur la grâce. 1 . , , ,
pas pour cela 1 œuvre de notre laiut , mais recherchons Ja rwaua
Stiti 21 m ^^ celui qui nous aide , en le priant , à l'exemple dcTEpoufe,
Canficl pag. dc nous attirer à luijufqu'à ce qu'excités de nouveau par fa
.^337^ ^119- grâce , nous devenions plus fervens , & plus prompts à courir
dans la voye des Commandemens de Dieu. Mais réjouiifonsr
nous tellement dans la grâce , lorfqu'elle el> préfente, que nous
■ne nous Hâtions pas qu'elle nous foit due par droit héicditaire .;
6c ne nous tenons pas affurés du don de Dieu , comme li nous ne
devions jamais le perdre; de peut que Dieu venant à nous le
retirer auffitôt, & à ne nous plus foutenir de fa main, nous n»
tombions dans l'abbattement ôc dans la triftefle. Notre courfe
pag. ,343. ' dans la voye de Dieu dépend de la grâce; mais nous courons
cnfemble. Au reflc , c'eft envain que les Sages du fiécle ont tant
difputé â^^i quatre 'Vertus Cardinales ; ils ne les ont point pof-
fcdées , n'ayant pas connu celui que Dieu a fait pour nous
Sagefle, en enfeignant la prudence ; Juftice, en remettant les
péchés •; Santtification , en nous donnant l'exemple de la tempes
rance , ôcc.
Sur PuGre XXII. Saint Bernard applique aux Clercs qui font un mau»-
dcs biens de vais ufap,e des biens de l'Eglife, ces paroles d'Ifaïe : Il a commis
l'abils''^' ^u on ^*^ méchantes aâ'ions dans la terre des Saints , (y il ne verra point la.
eti fait, g/ojre Ja ieig/iewr. Que les Eccléfiaftiques , dit-il, que les Mi-
Serm lî in uiflrcs de l'Eglife foient touchés de Crainte , cux qui Commettent
Camk. pag. tant d'injuliiccs dans les terres des Saints qu'ils poiïedent , 6c
'^*^' qui ne fe contentant pas de ce qui eft fufiifant pour leur fubfif:-
tance , retiennent pour eux , par une impiété 6c un facrilege
horrible , le reûe dont ils devroient nourrir les pauvres ; ôc n'ap-
préhendent point d'employer la nourriture dc l'indigent , à
entretenir leur vanité ôc leurs défordres; coupables d'un double
crime, ôc dc ce qu'ils diflipcnt un bien qui n'eft pas à eux, ôc de
g. ;„ ,-,j ce qu'ils abufent des chofes facrées pour fatisfaire leur ambition
Çantk. png. 6c leut débauche. Voyez , dit-il encore , en parlant des Pafteurs
W?°-- de
PREMIER ABBÉ DE CLÂIRVAUX,6cc; 4^p
ide l'EgUfe, comme ils font polis ôc parés, vêtus comme une
Epoulè qui fort de fa chambre nuptiale. Si vous en voyiez un de
.cette forte venir de loin , ne jugeriez-vous pas que ce feroit plutôt
une Epoufe , qu'un Gardien de l'Epoufe ? Mais d'où croyez-
vous que leur vient cette abondance de toutes chofes , cette
magniticence d'habits, ce luxe de leur table, ces monceaux de
yailfelle d'or & d'argent , fmon des biens de l'Epoufe ? Voilà
pourquoi elle- eft toute déligurée , toute en dcfordre , toute
pâle & défaite. Ce n'eft pas-là orner l'Epoufe , c'eft la dé-
pouiller.
XX III. Il enfeigne que les enfans morts en même-tems Sur les en-
qu ils font venus au monde , demeureront enfans de colère , mais r "' "^°"'
non de fureur , parce que , Icion que la pieté ôc Ihumanité nous ^,^^_ ^^^,-„
portent à le croire , leurs peines feront plus douces,, à caufe qu'ils Cvnic. pag.
tirent d'ailleursr toute la corruption qui cfl en eux. ' ^ "•
XXIV. Cuervin, en écrivant à faint Bernard vers l'an 1 147, Doarinede»
touchant certains Hérétiques que Ion avoit découverts a Coio- Coiû<^iie.
gne,lui marquoit en même-tems les principaux articles de leurs
erreurs. Se Hâtant d'être feuls qui fuivilfent les traces de. Jefus-
Chrift, & qui menaflent la vie Apoftolique, ne poffedant rien
en ce monde, ils difoient, que i'Eglife n'étoit que chez eux.
Ils ne mangeolent ni laitage, ni rien de ce qui eft produit par Cu:riM.
génération. 'quoiqu'ils ne s'expliquailent point fur lesSacrcmens, ^P'J' "^ ^■''i.
ils ne lailfoient pas de convenir quelquefois qu'en prenant leur ["S- 1+^°'
nourriture ordinaire,ils prétendoient en faire le Corps ôc le Sang
deJefus-Chrifljparl'Oraifon Dominicale.A l'égard du Baptême,
outre celui de l'eau , ils admettoient un Baptême par le feu 6c le
Saint-Efprit , qu'ils donnoient par l'impofition des mains. Ils
pondamnoient le mariage, fans en donner de raifons. Du refle,
ils ne tenoient aucun compte des Sacremens adminiftrés dans
I'Eglife Catholique , ne les regardant que comme une ombre ôc
une tradition humaine. D'autres Hérétiques du même tems ôc
du même Pays, c'efl-à-dlre de Veflphalie, prétendoient qu'il n'y
avoit point alors dans I'Eglife de Prêtres confacrés , parce que
les Papes accablés d'affaires féculiçres avoient perdu leur pou-
voir , ôc ne l'avoient pu conféquemment communiquer aux
Archevêques, ni aux Evêques : d'où il fuivoit , qu'on ne co!il1i-
.croit plus le Corps de Jefus- Chrift fur l'Autel. De cette façon ,
ils réduifoient le Sacerdoce de I'Eglife au feul miniftere de la
parole; car ils rejettoientaulB les autres Sacremens , à re.^cep-
jtion du Baptême, qu'ils n'accordoient toutefois qu'aux Adultes.
iQiue XXIL LU
'4y6 SAINT BERNARD,
A l'égard du Mariage ils le condamnoient , s'il n'étoit contra£l^
entre deux perfonnes vierges. Ils n'admettoient ni l'interceflion
des 6aints , ni le Purgatoire , ni la prière , ni les oBlations pour
les morts ; & regardoient comme inutiles les jeûnes , ôc les autres
mortifications que l'on impofe pour la rénrilfion des pèches i
traitant de fuperflitions les ohfervances de l'Eglife , que Jefus-
Clirid n'a pas établies lui-même, ôc qui ne l'ont pas été par fes
Apôtres , depuis qu'ils fe furent féparés de lui.
S. Bernard XXV. La divifion qui s'étoit mife entre ces deux forte*
les rcfute en fj'h^rjftiques , foumit l'occafion de découvrir leurs erreurs^
deux Ser- . ^ ' . i- / > r • u J '
mons. Cuervin , après les avoir expliquées a lauit Bernard , a peu près
en la manière que nous valons de le dire , le prie inltammenc
de les réfuter, en lui faifant obferver que ceux d'entr'eux qui
étoient revenus à l'Eglife avoient avoué que ces fcdes étoient
répandues par-tout ; ôc que quelques-uns condamnés à être
brûlés, avoient dit pour leur défenfe , quelles étoient demeurées
cachées en Grèce , ôc en d'autres Pays , depuis le tems des Mar-
tyrs ; que les uns avoient un Pape ; que les autres nen recon-
noifToient point ; qu'ils fe nommoient Apoftoliques , ôc menoient
avec eux des femmes , qu'ils difoient vivre dans la continence ,.
à l'exemple de celles qui fuivoient les Apôtres. Saint Bernard fit
ce queCuervnn fouhaitoit de lui, ôc combattit ces Hérétiques
dans deux de fes Sermons fur le Cantique , qui font le foixante-
cinq ôc foixante-fixiéme.
Anslyfe (lu X X V I. • Il Ics attaque d'abord fur la contrariété de leurs
premier S< r- prjpcipes. Jurez , parjurez-vous , fe difoient-ils l'un à l'autre,
le 6? fur le plutôt que de divulguer le fecret. Cependant ils défendoicnt de
Cantique,r(7^. jurer, difant qu'on lit dans l'Evangilc : A^c jMre^ peint ni par le
^'''^' ciel , ni par la terre. Il ajoute, quêtant de la gloire de Dieu
de révéler des chofes utiles au prochain , ils ne doivent avoir
aucune peine de révéler leur fecret, fi en eflct il efl utile ; que
s'il ne l'eft pas , ils n'en font un myflere, que pour cacher leur
infamie. C'efl: pourquoi il infifte fur ce qu'ils étoient toujours
avec des femmes ; qu'ils étoient à table avec elles , 6c couchoient
dans la même chambre; ce qui ne pouvoir manquer de caufer
un fcandale , quand même ils feroient aulfi continens qu'Us
affedoient de l'être par des dehors de piété ôc de mortification.
Car, pour mieux cacher le venin de leur doctrine , ils fréquen-
toient l'Eglife , honoroient les Prêtres , olVroient des préfens à
l'Autel, fe confefToient , participoient à tous les Sacremens ,.
jeûnoicnt , travailloient des mains : Ce qui fait dire à faint
PREMIER ABBÉ DE CL AIR VAUX, 6cc. 4fi
Bernard , qu'un faux Catholique nuit beaucoup plus qu'ua
Hérétique découvert. Ceux-ci ne lui paroilloient pas né.in moins
Lien formidables. Ce font, dit-il, des gens ruiliques, fans lettres,
ôc fans défenfe. Leurs erreurs mômes ne font ni foutenables , ni
bien fubtilcs. Elles ont été foutenues par les anciens Hérétiques ,
&. réfutées par nos Dodeurs.
XXVII. Saint Bernard avoue toutefois que ces nouveaux /• ,^'"j^^\y-
Hérétiques faifoient beaucoup de mal à lEglife , & que leurs c \xvs , pag.
difcours gagnoient & fc gliflbient comme un chancre. Il dit, hpt-
que ce (ont ceux dont il elt parlé dans la première Epître à
Timothée : Lair conduite fera toute corrompue ; ils cL'fendronî iTimcif. 4»»^
defe marier , (y de manger des viandes que Dieu a crcé^,s pour
iV/z nourrir avec affions de grâces. Ce Père fait voir que con-
damner le mariage, c'eft lâcher la bride à toutes fortes d'impu-
retés , remplir l'Ëglife de concubinaires , dinceftueux & d'im-
pudiques de toutes efpeces ; ôc réduire conféquemment le falut
au petit nombre de perfonnes continentes, n'étant pas permis
idepenferque des monftres d'impureté foient fauves.
X X V 1 II. Enfuite il prouve que faint Paul ayant permis aux P-y- '4;»?.
veuves , & même ordonné en certains cas, de fe marier , on ne i Cor. 7 , ^6,
pouvoir réduire le mariage aux feules perfonnes vierges , comme ^ ,j,.,^^^^ ^^
faifoient ces Hérétiques. Ilss'abftenoient aulfi de viande; &. en
cela ils font voir, dit faint Bernard , qu'ils font hérétiques , non
parce qu'ils s'ablliennent de viande, mais à caufe qu'ils s'en
abfliennent par fuperfiition. Je m'abfliens aulTi quelquefois de
manger , mais c'efi: pour expier mes péchés , ôc non par une
fuperflition impie ; je m'abftiens de vin, parce qu'il porte à
l'impureté ; ou fi je fuis foibîe, j'en ufe fobremcnt, fuivant le
conieil de l'Apôtre ; je m'abfticns aulfi de viande, de peur qu'en
nourriffant trop ma chair , elle ne nourrifle en moi les vices de la
chair. Si c'ell par l'avis des Médecins que l'on s'abftient de cer-
tains alimenSjon n'eft point blâmable pour le foin que l'on a de
fon corps, pourvu qu'il ne foit pas excelfif; mais fi c'efl par la
même extravagance que Manès,en croyant immonde la créature
que Dieu nous donne pour nous nourrir , c'eft un blafphcme que
j'ai en exécration.
XXIX. Ces Hérétiques fe vantoient d'être la vérital/le Pjf. Tjiso.
Eglife, ôc prenoient le nom d'Apoftoliques. Saint Bernard leur
dit de montrer des marques de leur Apoflolat. Il a été dit aux
A^otres , f-'ous êtes la lumière du monde : Oe(i pour cela qu'ils Mttt. y, i/fy
font fur le chandelier , afin qu'ils éclairent tout l'Univers. Mais
LUij
4^2 S A I N T B E R N A R D;
ces Hérétiques font fous le boiiï'eau, leur erreur fuit le jour; ÔC
au lieu que l'Eglife eft répandue par tout le monde , & toujours -
vifible, ils font enfermés dans des cavernes. Saint Bernard réfute '
en peu de mots leurs erreurs fur le Baptême des enfans, fur lô
Purgatoire, ôc le pouvoir des Pafteurs de l'Eglife, même pé^
F^g. i5ti. cheurs. Et après avoir remarqué qu'ayant été mis (a) àlepreuvé
de l'eau , ils avoient été trouvés menteurs, ôc convaincus des
erreurs qu'ils nioient auparavant cette" épreuve , il dit , qu'on
ne doit point s'étonner de la confiance que quelques-uns deui
avoient montrée dans les fupplices, ni la comparer à celle des
Martyrs ; parce que dans les Martyrs la confiance eft l'effet de
leur piété, ôc dans les Hérétiques c'efl l'endurciffementdecoeutî
qui caufe le mépris de la mort.
§.. XV,.
Des Ouvrages contenus dans les cinquième & fixiéme'
Tomes,
Cînquîùne I. /^ Es deux TomCs contiennent les (Êuvres à qui l'on ït
Tome. 0^ i quelquefois fait porter le nom de faint Bernard , mais
taire dc-Gi!!e- dont on a depuis dccouvcrt fes vrais Auteurs, ou qui ont été
bert de Hoi!- rejettes comme indignés de lui. Gillebert de Hoillande , appelle
Camique!"^ '° ainfi, du nom'd'uiie petite Ifle entre l'Angleterre ÔC fEcoffc , oià
Tom.i,})ig.u étoit fituée fon Abbaye , fit en quarante-huit Sermons l'explica-
tion du Cantique des Cantiques , commençant à l'endroit du
troifiéme chapitre où faint Bertiard avoitfini, jufqu'au dixième
verfetducinquiemechapitre.il avoir été Moine dé Clairvaux
fous faint Bernard , ôc étoit pafTé depuis eil riile de Hoillande,
OLiilfut chargé de la conduite de deux Monafleres, l'un d'hom-
mes , l'autre de filles , tous les deux du Diocèfe de Lincoln. Ce
fut-là qu'il compofa fes difcours fur le Cantique. Les dix-fcptiéme
ôc dix-huitiéme furent prononcés en préfence de la Commu-
nauté de filles , les autres devant celle d'hommes. Quoique ces
difcours foient beaux , ils ne font ni fi fublimcs , ni fi onclueu^
que ceux de faint Bernard ; mais la lecture en fi^ra toujours très-
édifiante , non-feulement pour les Moines, mais aufîi pour les
( u) EsamJnati juJicio ;içjuw, mcHiiacet iuvciiti f\imi.Bern.Ssrm. 66, f"T£f. 1501,
PREMIER ABBÉ DE CLAIRVAUX,&c. 4;?
Eccléfiafliques. Nous tranfcrirons ici fou témoignage fur la
tranfubflantiation du pain ôc du vin^au Corps ôc au Sang de JcTus-
ChrilldansTEucharidie. {a) Qu'y a-t-ilde plus nouveau, que ce
qui fe paiTe dans le myftere du Corps du Seigneur , où la matière'
eft changée, &t l'efpece demeure ? L'ancienne forme refre,-
mais c'eit une nouvelle grâce, parce que c'eft une nouvelle
fubflance. Nouvelle , non eu elle-mCnne, mais dans cette efpcce.
C'ed , en elfet , quelque chofe de nouveau, que la fubflance de la
Chair du Seigneur , prife fous une autre efpece, confère à l'ame
ïâ vertu de fanclification; ôc que cette Chair immaculée purif.e
dans le myflere de l'Autel, la fubftance fpirituelle de l'ame.
Chofe encore nouvelle, ôc qui ne fe trouve point dans l'ufage
des autres Sacrennens , c'eft que non-feulement lagrace de fandi^
fi'cation eft donnée dan^ rEuchariftie , mais }a fubilance natu-'
relie ( du pain & du vin ) ell changée. Car paria bénédiclion du'
Sacrement, le pain otîert reçoit ce changement incihble ; ôc de
la confécration myllique , de même que de l'union du Verbe
vivant, il furabonde une grâce viviliante en laCiuiirde Jefus-
Chriih
II. Le Commentaire de Gillebert furie Cantique, occupe ^, r^ffr,-!"-
la première place dans le cinquième tome , ou fécond volume leberrdeHoil-
des écrits de fiint Bernard. Suivent fept Traités afcétiques du '^""^^ ' FI*-
même Gillebert. Le feptiémeeft divifé en deux parties , ce qui
fait qu'au lieu de fept l'raités, on en compte quelquefois huit.'
Ils HnilTent par un fragment d'un difcours fur la femence de la
ûarole de Dieu. Vrennent enfuite quatre de fes Lettres adreiTces"
a- diverfes perfonnes. Je n'y trouve rien de bien remarquable. ■
Gillebert de Hoillande mourut en i 172 , dans un Monaftere de P'^g'h'^dann.-
fon Ordre fitué en Champagne dans le- Diocèfe de Troyes , "7-) ''"'"• î'
nommé la Rivour. t'a
IH. La Lettre ou Traite, aux Frères de la Chartreufe du' Guya^ux': r?-
Mont-Dieu , attribuée à faint Bernard par Jean de Ragufc , Ôc res'du P.ioiu-
Dieir,p.i^.iG3-
(a) QuiJmnçis novuiii, quàm quoil | Novuni qaiiicin & fupra reliquoriim i-fum
jri myflerio Do:n:;iici Corpon's miitatur J Sncramcnrorum ,c;uod non moilè faiiAifi-
nmtcries , & fpecies ferv'.iur ? Friiliua j -cstionis nova gratia r!F.tuf,fcd (ubftanti;i
manet foi-nw , feil nova [;f;'.î:ia quia nova \ naturalis mutrtur. Nem per SnCiamenti
fubrtantia.' Nova qnidem non in fe, fed in j benfidiftioneni accipit oblatus pani; hanc
hujufmodi fpccie. >fovuin plans q-uod Car- 1 inetFabilem tiiutatior.em , & ex myftica
ris Doniinicr fubllanria , in l'Tcua fpecie 1 confecratioiie e; Verbi viventis copula-
fumpta , Iknftilic.itionis virtufcin amnis: tione , hzc vivificatrix eratia in Carnem ■'.
cônfert,& fpivitualcni tmunJat lubRan- ' Chrifti redundans. GUi-:lcr:us -, Serm, 7\ '
mm i»i luyfit-rio Akasis imnwculuta Caro. {-in Cantk. jug- i4.
L'IÎ iij.
4r4 SAINT BERNARD,
par Gerfon, Chancelier de TUniverfité de Paris , fe trouve en
effet fous fon nom dans quelques manufcrits alTez récens ; mais
les plus anciens , entr'autres, celui de Pontigny de l'an 1 1 y6,
& celui deCharlieu le donnentàGuy, cinquième Prieur de la
grande Chartreufe. Ajoutons que le ftyle eftdiffe'rent de celui de
faint Bernard , & que l'Auteur de l'ouvrage intitulé : Fleurs de
faint Bernard , n'a rien tiré de la Lettre aux Frères du Mont-
Dieu. Elle fut écrite en 1 1 3 J . On l'a divifée en trois Livres.
Livre -le !a j V. H y a moins de difficulté fur le Livre de la contempla-
tion'deDku, tîon de Dicu , imprimé quelquefois parmi les (îHuvres de faint
p.7g, 246. Bernard. Guillaume de faint Thierri, Auteur de fa vie, s'attribua
lui-même cet opufcule dans une notice de fes propres écrits; 6c
il lui ell encore attribué dans un autre catalogue de fes ouvrages,
avec le Traité fuivant qui a pour titre : de la nature & de la
dignité de l'Amour, que l'on a aulTi donné à faint Bernard, mais
fans raifon.
Commentai- V. On mit auiïi fous fon nom dans la première édition de
re (ur leCan- ç^^ (Euvres , le Commentaire fur les deux premiers chapitres du
tique , p.?t. _,. i^- 1 1 r r- ,,r.,
i77. Cantique des Cantiques, dans la perluaiion que c etoit de ce
Commentaire dont Guillaume de faint Thierri avoit parlé au
douzième chapitre du premier Livre de la vie de faint Bernard ;
iiiais Dom Mabiiion ayant depuis examiné la chofe avec plus
d'attention , a remarqué que ce Commentaire n'étoit qu'un
précis , ou abrégé des cinquante-un premiers difcours de faint
Bernard furie Cantique, fait par une perfonne de pieté, Je à ce
qu'il conjeclure,par Guillaume même de faint Thietri,dont on y
remarque le ftyle.
Décl^mMîors V L Les déclamations , ou difcours fur ces paroles de faint
Geort'rofu!". Pieff" ^ Jefus-Chrift, /^oi/i) que nous avens tout quitté , (ont de
f,pr. ' '^ Geoffroi, Difciple de faint Bernard , qui les compofa de divers
endroits des Sermons de ce Père. Geoffroi, après avoir été foa
Secrétaire , fut fait Abbé d'Igny , 6c enfuite de Clairvaux. C'cft
de lui que nous avons la vie de faint Bernard en deux Livres , ÔC
un difcours à fa louange. Il adrefla fes déclamations à Henri de
Pife, Cardinal de l'Eglife Romaine. En i^oi elles furent impri-
mées à Spire , fous le nom de faint Bernard.
L'F.hellci!u VIL Le Traité qui a pour titre : l'Echelle du Cloître , ou de
Cloître , p.îjr. jjj nianiere de prier, a été imprimé plufieurs fois parmi les
^''^' ouvrages de faint Auguftin. Les Codeurs de Louvaiu ne le
croyent ni de ce faint Do6lcur, ni de faint Bernard. Son titre
«jansles éditignsdefaint Augullin^ cft i'Echellq du Paradis. Un
PREMIER ABBÊ DE CL AIRVAUX,6:c. 4rr
manufcrit de la Chartreufc de Cologne l'attribue à Guy , fans
fpécifier , Il c'eft le même que l'on compte pour le cinquième
Prieur de la grande Chartreufe. Fabricius le donne à Guy, Prieur
de la même Chartreufe jufqu'en ii7(5 , dont on a parlé plus
haut. L'ouvrage ell: adrelTé à Gcrvais, que l'Auteur appelle Ion
frère.
VIII. PrefquGtous les manufcrits mettent fous le nom de M^iitarionf
faint Bernard , les Méilitations pieufes fur la connoifTancc de la T,'!'/' ' ^^^'
condition de 1 homme. Elles font fouvent intitulées: de 1 Homme
intérieur. Parmi les ouvrages de Mugues de fsint Victor , elles
font fon quatrième Livre de l'Ame. On cite un manufcrit, où
elles ont pour titre: Traité utile compofé des paroles de fàint
Bernard , & des autres Pères , de 1 riomme intérieur. On y
trouve, en effet, plulieurs Sentences tirées des écrits de faine
Ambroile, de iàint Augultin, de Boêce, même de Seneque;il[
y en a peu de faint Bernard. Mais on juge que ces Méditations
ne font pas de lui, par la difiérence du Ityle, par les fréquentes
citations de vers , & par une formule de confelfion des péchés
entièrement diflérenre de celle que faint Bernard rapporte au
chapitre i 8 de fon Traité des dégrés d'humilité.
IX. On a mis aulîi entre les écrits de Hugues de faint TraKc Je î'c-
Vidor, le Traité de l'édification delà Maifon intérieure , ou de iaM',i(on in-
la confcience , ôc il y efl le troifiéme Livre de l'Ame. Il efl: t'rkme,p.z£,
plutôt dun Moine Bonédidin , que d'un Chanoine régulier, ^''*
comme il paroit par le dix-neuviéme chapitre, où il s'accufe de
plufieur-, fautes , qui font directement contre la Règle de faint
Benoît. Il parle auift de la Cuculle, ou Coule , habit de cet
Ordre. L'ouvrage elt plein de fentimens de piété , mais écrit fans
ordre & fans mcthocie. On y répète fouvent les mêmes chofes.
L'Auteur avoir puifé dans le Livre des Méditations fur la con-
noiflance de la condition humaine.
X. l e Traité fuivait efl encore intitulé, de la Confcience, p'^";l'['^ ''^ ''^
&. aireffé à un Moine de l'Ordre de Citeaux. L'Auteur témoigne pij.'^si,
fur la lin , défirer que fon nom demeure caché. Saint Bernard
n'en ufoit pas aiifi à l'égard de fes ouvrages. Il en donnoit au
contraire le catalogue à fes amis , quand ils lui paroiflbient le
fouhaiter.
X I. On ne peut non plus lui attribuer le Traité de l'ordre de ^'T;''",'/''''
»ir-ci »/ .r-,, n /-/i !• 1- I lire lie la Vie,
la Vie OC (les Mœurs. C eft un compofe de divers endroits des pag.iSj.
écrits des faints Pères , en particulier de S. Ambroife. L'Auteur
étoit Bénédictin. Il le dit en termes exprès, vers le milieu du cin-
quième chapitrer
4î^ S A I N T B E R N A R D,
Livre de la XI I. Le Livre , ou Traité de la Charité , ell: une compilation
403!'"'^ ' ^''^' ^"-^ Traite des degrés de la cliarité par Richard de faint Viétor.,
des deux Livres de l'Amour de Dieu par Pierre de Biois, ôc
de divers écrits de faint Bernard. On ne fçait qui eft ce Compi-
lateur.
La Vigne XI II. Ces paroles de Jefus-Chrifl : Je fuis la vraie ^Igne,
^441, .ront ia matière du Iraite intitule : la Vigne mylhque , ou
Traité de ia Paflion du Seigneur. L'ouvrage n'eft point du fl:yle
.de faint Bernard, mais il ne manque pas d'élégance, ôc foa
.Auteur avoir de la piété & du fçavoir. Il parle dans le dix-
Xeptiéme chapitre de quelques Sermons de morale qu'il avoit
faits.
Mcditaticn XIV. Ce Traité eft fuivi d'une Méditation fur la PalTion &
&iaRc'furrec- la Réfurretliou du Seigneur. On n'y reconnoît point du tout le
pon du Sau- ftyle de faint Bernard j ôc toutefois elle lui eft attribuée dans deux
' veur,p<!|:.î 14. _.nianufcrits.
Lamentnnon X V. La différence du ftyle doit encore faire rayer di;ï
fur la Paillon , .nombre des ouvrages de ce Saint , la Lamentation fur lu PalTiOii
du Prctre,p'j^. .de Jefus-Chriu , ôc l'inftruclion du Prêtre^ ou Traité fur les prin-
ÎÎ4, 537- cipaux myfteres de notre Religion. On n'y reconnoît pas non plu3
-fon génie.
Traité des , XVI. Il faut pottçr le même jugement du Traité des
Vertus ,& de Vertus, ôc de l'explication de l'Oraifon Dominicale. Ces deux
i'OrailonDo- r \ r j> ^ \ u 2 r \ ' J r ■
minicnie.p.ij-. opulcules iont d un mcme Autcur, charge, celembie, du loin
ji°- -des Novices. C'eft- du moins pour eux qu il compofa le Traité
-des Vertus qui eft divifé en trois parties , dont la première traitç
àe l'humilité ; la féconde, de l'obéilTance ; la troifiéme, de la
charité. Il cite fur l'humilité , ce qui en eft dit dans ( a ) la Règle
Sermons de faint Benoît. _ . , , ^
de divers Av- X V 1 1. On a mis enfuite de ces Traités pludeurs SermonSj
*^"r f V ^^^^' doi^t: ics Auteur.^ font connus ; fçavoir , onze Sermons fur Ifaïe ,
'■■'■' ■ prononcés pendant l'Avent par ^Irede, Abbé de RicvaHe en
Angleterre , de l'Ordre de Cîteaux ; trois de Nicolas de Claicr
vaux ,fur la Nativité de Jefus-Chrift. Ce Nicolas étoit Secret.
taire de faint Bernard ; un du môme Auteur pour la Fête de faint
Eftienne , premier Martyr ; un Traité d'/t^lrede , fur Jefus ,
enfant de douze ans ; un fur le Dimanche des Rameaux ^
qu'Eftius croit être de faint Bernard : mais , outre qu'il n'eft
point de fon ftylc, on ne le trouve point dans les manufcrits
I a.) ^aft.'i , num, 14.
parnji
PREMIER ABBÉ DE CLAIRVAUX, &c. 4J7
parmi fes Sermons du Tcms. Suivent quinze Sermons d'Oger ,
Abbé de Lucedia au Dioccfe de Verccil , tous fur les parole? de
Jefus-Chrift à fes Apôtres , le jour de la Cône ; un autre difcours
fur le même fujet , par un Anonyme. Horftius l'a cru de faint
Bernard. On l'a rejette dans la nouvelle édition, comme n'étant
ni de fon llyle, ni defon génie, & parce qu'il ne fe trouve fous
fon nom dans aucun ancien manufcrit. Il n'eft pas même dans
l'édition de Lyon de l'an 15* 14. Le difcours fuivant fur la Vie ôc
Paffion du Seigneur^ n'eft pas non plus dans cette édition , ni
dans les anciens manufcrits. Trltheme 6c Bellarmin en font
honneur à faint Anfelme^ mais fous le une de Stimulus amo ris.
XVIII. On ne connoît point l'Auteur du difcours fur les Pag.éfi^
Difciples qui alioient à Emmaûs. Celui qui a compofé le Ser-
mon touchant l'excellence du faint Sacrement , & la dignité
des Prêtres , ne l'étoit pas lui-même. Il ne peut donc être de
faint Bernard. Le difcours fur la Nativité de faint Jean , fe
trouve parmi les ouvres de faint Pierre Damien. Quelques ma-
nufcrits , & la Bibliothèque Ciftercienne , l'attribuent à JS'icoIas
de Clairvaux. Mais comment cet Ecrivain auroit-il avancé que
de fon tems l'on ne célebroit point d'autres NaifTances, que celles
de Jefus-Chrift 6c de faint Jean , lui qui avoit fait un difcours fur
ia Fête de la Nativité de la fainte Vierge, ôc qui ne pouvoit
iignorer que faint Bernard parioit de cette Fête dans fa Lettre 1 7-4.
.aux Chanoines de Lyon ?
XIX. Des trois- ûircours fur la fainte Vierge , dont le pre- Pag.gfi.,
mier eft fur fon AiTomption , il n'y en a point qui fe trouvent
dans les colleclions de fes véritables écrits. Le fécond eft attri-
bué par Richard de faint Laurent, à l'Abbé Ekbert, dont on a
plufieurs difcours contre les Cathares , dans le douzième tome
de la Bibliothèque des Pères , à Cologne. L'explication de la
Parabole du Ferniier d'iniquité , n'eft pas digne de faint Bernard,
Elle eft d'un Bernard, Moine de Cluni. Il eft parlé dans la vie
de GuiFert de Nogent, d'un difcours qu'il avoit fait fur ces
paroles du chapitre feptiéme de la SagefTe : Lafageffe Vemporte
fur la miilic!. C'eft une raifon de lui attribuer celui qui fe trouve
fur ce fujet parmi ceux qui font fuppofés à faint Bernard. On
met de ce nombre l'explication de la Parabole des dix Vieig.^s.
Le Sermon pour la Fête de faint André, eft de Nicolas de
Clairvaux, de même que les Panégyriques de faint Nicolas,
Evêque de Myre , ôc de fainte Magdelaine.
XX. Les fréquentes citations des Poètes inufitées dans les P^ig-rj*
Tom XX I L M m m
4îS S A I N T B E R N A R D,
écrits de faint Bernard y la différence du ftyle , ôc les façons dé
penfer , font des raifons fuffifantes pour lui ôter les quatre dif-i
cours fur le Salve Regina. Claude de la Rote les attribue à Ber-
nard, Archevêque de Tolède. L'Auteur du difcours adreffé au
Clergé dans le Concile de Reims , appelle les Evêques , fes
Frères , & les traite quelquefois de démons. Saint Bernard,
auroit-il parlé en ces termes à des Evêques ? C'eft donc l'ou-
vrage d'un inconnu j qui ne fe trouvant pas affez de fonds pour
compofer un difcours , a pillé prefque tout ce qu'il dit dans les
écrits de faint Bernard. Les deux difcours fuivans furent aulïi
prononcés dans des Conciles. On croit le fécond de Giflebcrt,
Abbé de Cîteaux , auquel Alexandre IIL écrivit. Il y efl; parlé
de la mort d'Eugène III. comme arrivée depuis peu de tcms ^
ôc du fchifme fous Alexandre I II, oui ravageoit alors les •
Eglifes.
Tag.rfé. XXI. Les huit difcours fuivans ne font pas du flyle de faint
Bernard. On ne le reconnoît pas plus dans le Livre des Sen-
tences , renvoyé déjà par Horftius parmi les Livres douteux.
On met même parmi les ouvrages fuppofés à ce Père, la difpute
d'un Judc avec Dieu ; le Soliloque ; la forme d'une Vie honnête.
Le iMiroir des Moines efl d'Arnoul , Moine Ciftercien. Les
opufcules qui fuivcnt font fans nom d'Auteur. On a fupprimé
dans la nouvelle édition une Lettre au Chevalier Raymond,,
comme étant indigne de faint Bernard , & môme de voir la
jour.
tiig. s 16. X X 1 1. Il paroît que Gérard Vofïius n'a fait imprimer , fous ■
le nom de faint Bernard , le Traite qui a pour titre ces paroles :
Pourquoi étes-vous venus. ^ que parce que ce fainr Abbé les a voit
fréquemment dans la bouche, ainfi qu'il efl remarqué au chapitre
quatre du premier Livre de fa vie ; mais dans le treizième
tome de la Bibliothèque des Pères de Cologne, il porte le
nom de David d'Aufbourg , de l'Ordre des Frères Mineurs,
avec ce titre : Formule des Novices ; ôc une Epître dédicatoire •
à Berthold. Le Traité de la manière de bien vivre , adreffé par
un Anonyme à fa fa-ur , ne convient ni à fr.lnt Bernard , ni à fa
freur Humbeiine , qui avoit été mariée avant d'cmbraffer l'état
Cap. iz. Monaftiquc; au lieu que la focur de cet Ecrivain n'étoit pas
encore engagée dans le mariage.
Pn^-909. XXtII. Les Ciflerciens n'admettoicnt dans leurs Offices-
que de la profe ; d'où vient que faint Bernard , en compofant.
celui de faint Victor ^ ne s'cft point alfujctti à la contrainte des
à
PREMIER ABBÉ DE CL AIR VAUX, &c. 4j^
■vers , mais qu'il a même négligé la rime. On ne peut donc
«lui attribuer avec vraifembbnce, le Pocme à Rainaud , qui efl:
• en vers hexamètres , ni les autres petites pièces de poclie qui
fuivent, ni même la Profe rimce fur la Naiffance du Seigneur.
XXIV. Le (ixicme ôc dernier Tome des (Èiuvres de faint Sixk'mcTp-
Bernard, comprend les Sermons de Guerric , Abbé digny, '^sermons de
.pour les Fêtes de lannc'e. Il avoit été Chanoine de Tournai , Guerric, Ab-
. avant de fe retirer à Clairvaux pour y vivre fous ladifciplinede ^'^^ '^^^"y r
-faint Bernard. Ce fut vers l'an 1 1 5 1 , après la mort de Humbert , "' *
Abbd d'Igny dans le Diocèfe de Reims , que Guerric fut choifi
pour lui fucceder. Nous devons au foin qu'il prenoit de TinllruC-
tion de fes E.eligicux-, les Sermons qui nous reftent de lui. Ils
méritent d'être lus, 6c ne font pas beaucoup au-delîous de ceux
de faint Bernard. Nous en avons en tout cinquante- cinq. On les
a réimprimés dans le vingt-troifiéme tome de la Bibliothèque
.idcs Percs , à Lyon. Manriquez met fa mort en 1 1 jy.
XXV. Horfiius avoit déjà mis dans l'Appendice des (Euvres Lsttres &9
de faint Bernard , trois Lettres de Guy, cinquième Prieur de la nie'^PHem"'!»
Chartreufe, à caufe delà liaifon d'amitié quiétoit entre lui & ce laClurtrcufe,
Saint. Dom Mabillon y en a ajouté une quatrième , imprimée ^•^- ^°^^'
dans le premier tome de fes Analedes. Elle a pour but de
montrer la llippolltion de quelques écrits attribués à làint
Jérôme.
XXVI. Il efl: peu de Saints qui ayent eu un fi grand nombre Vie c^e fuinf
& de fi illuftres Hifloriens, que faint Bernard. Le premier efl: ^ç^"]V'''^ • ^^/
Guillaume de faint Thierry , qui , de cette Abbaye dont il ttoit nii,u Thierri'
■Supérieur , pafia à Signi pour y vivre en fimple Moine. Il étoit ^■'^g- ïo77^
lié d'une étroite amitié avec faint Bernard, qui l'eftimoit pour
fa fagefle & pour fon fçavoir. Mais quelqu'eftime qu'il eût pour
l'Abbé Guillaume , il ne voulut pas lui permettre de quitter
fon Abbaye pour venir demeurer à Clairvaux. Demeurez , ce E'M. s^
font les termes de la Lettre qu'il lui écrivit à cette occafion ,
demeurez , fi vous m'en croyez , en l'état où Dieu vous a mis,
^ travaillez pour le bien de ceux' que vous avez à conduire.
Guillaume écrivit le premier Livre de la vie de ce Saint , de fon
•vivant même , mais à fon infçu. C'cfl: ce qu'il dit dans la préface,
où il marque qu'il l'écrivoit à Signi, Monaflere dans le Diocèfe
deReims. Helin lui avoit fuccedé en 1 1 5 5: dans l'Abbaye de faint
Thierri au même Diocèfe. Guillaume s'étoit retiré à Signi quel-
'que tems auparavant. Il n'y commença à écrire la vie de faint
fiecnard, qu'après la tranflatioii de Clairvaux en un lieu piu« -
M m ai ij
4do SAINT B E R N A R D ,
fpacleux ôc plus commode, & après que faint Bernard eut éteînr"
les fchifmes, ôc réfuté les héréiies dont l'Eglifc avoit été agitée...
On doit donc mettre ce premier Livre de fa vie après l'an i i-jo, ,
ou 1147. Guillaume niourut avant faint Bernard.
B^narî^'Tr ^>^VII. Après la mort de ce Saint , Arnaud, Abbé de-
l'Abbc de Bonneval, Ordre de faint Benoît, dans le Diocèfe de Chartres,
^.onaeyal. continua l'ouvrage commencé par l'Abbé Guillaume , &: fit le
fécond Livre de la vie de faint Bernard. On a une de fes Lettres
à cet Abbéj qui eft la trois cens dixième. Il y avoit alors k
Clairvaux plufieurs perfonnes de Lettres , capables de faire la
vie de ce Saint ; mais ils aimèrent mieux en charger Arnaud, .
qui nous fait obferver dans cette coramiflionj un trait de leur
modeftie.
Bern'ad ,^Fr X X V 1 1 1. A CCS deux Livres GeofFroi , Moine de Clait-
.Geofiroi. vaux , en ajouta trois autres vers l'an 1 1 5 3 , ou 1 1 J4 , treize an«
après fa converiion , ou fa retraite à Clairvaux. Ilétoit d'Auxerrc,
& avoit étudié fous Abaillard. Il fut Secrétaire de faint Bernard,,
avec Nicolas de Clairvaux , l'accompagna dans fes voyages de •
France ôc d'Allemagne; fut avec lui au Concile de Reims en.
1 14.8 ,dont il écrivit l'hiftoire, à la prière du Cardinal d'Albe. .
Il fucceda à Bernard , Abbé d'Igni , & enfuite à Faftrede , Abbé
de Clairvaux, mort en 1 1 52. Une gouverna ce Monaftere qu'en-
viron quatre ans. Mécontent de fa Communauté, il l'aban-
donna pour paffer à FofTe-Neuve en Italie. Ce qu'il dit de faint
Bernard eft d'autant plus digne de croyance , qu'il ne rapporte
prefque rien qu'il n'eût vu. Il compofa divers autres ouvrages ; '
un Commentaire fur le Cantique des Cantiques ; la vie de faint:
Pierre de Tarentaife ; un Traité contre Gilbert , Evcque de •
Poitiers ; un autre contre Abaillard ; quelques Lettres ôc quelques -
Sermons.
Recueris des XXIX. Dom Mablllon ne doute point que le même Geof- -
•mmacjes de S. f^Qj ^e foit du nombre de ceux qui ont recueilli les miracles de
faint Bernard , dont on a compofé deux Livres imprimés à la:
fuite de fa vie. Le premier eft divifc en trois parties, dont la
première " '"our Auteur Fliilippe , Moine de Ciairvaux, qui
l'adreffaàSamfon j Archevêque de Reims. La féconde efl dédiée
au Clergé de l'Eglife de Cologne , par cinq Moines delà même ■
Abbaye, entre lefquels Gcoffroi ôc Philippe font nommés. La ■
troifiéme eft de Geoffroi feul , ÔC adrcflee à Hermann , Evêque
de Conftance. Ce Livre, avec les cinq précédons fe trouvei^t
ilîi»s. ic6-J3ollandiftes , au 20. d'Août , de même que daus la
PREMIER ABBÉ DE CL AIRV AUX, ôcc. ^(Si
nouvelle édition des (Euvres de faint Bernard. Suit dans cette
édition un fécond Livre des miracles de ce Saint , compté pour
lefeptiémedefa vie, tiré des monumens qui concern<nu l'ori-
gine, ou le commencement de l'établifTement de Citcaux , 6c
des fragmens des Livres qu'Herbert avoit compofés des miracles
opérés par les Moines de cet Ordre. Ces fragmens font au iTi rap-
portés par les BoUandifles.
XXX. On peut mettre encore au nombre des Hiftoriens de , e"i'/'''^'T
,/,. •1,11/iiT-.- r r ■ T^ n deb. iicr/lJtJ,
lamt Bernard, Alaui , qui,d Abbedela Kivoure, rut laithveque
d'Auxerre , & gouverna cette Eglife depuis Tan 1 1 5'3 , jufqu'en
1 1(5 1, qu'il retourna à Ciairvaux, où il mourut en i i8i. Son
ouvrage n'eft , à proprenvent parler , qu'une compilation des
cinq Livres de la vie de faint Bernard , par Guillaume de faint
Thierri , Arnauld de Bonncval , 6c le Secrétaire Geoffroi. Tviais
il a mis les faits qu'ils racontent dans un ordre beaucoup plus
exatt, ôc plus fuivi. Ilya ajouté le teftament de faint Bernard,
dont ces trois Ecrivains n'ont rien donné. Le Père Chifflet fit
imprimer en i6j^ une autre vie de faint Bernard , qu'il croie
être du Secrétaire Geoffroi , mais diftérente des trois derniers
Livres de la vie de ce Saint. Ce ne font^ fuivant la conjecture
de l'Editeur , que des matériaux que Geoffroi avoit amaffés pour
le commencement de la vie du Saint, 6c qu'il ne voulut pas
mettre en œuvre par confiuération pour Guillaume de faine
Thierri, 6c Arnauld de Bonneval , qui avoient déjà donné les ■
premières années de l'hilloire de faint Bernard.
XX X L Vers l'an 1 1 8o Jean , furnommé l'IIeniiite , fit en' Vie de fvhn
deux Livres la vie de faint Bernard, qu'il dédia à Pierre, Evoque ^^"^^^\'rF~^'
de Tufculum , fait Cardinal en 1 178 parle Pape Alexandre IIL mue.
Cette vie n'eft complette ni dans la nouvelle édition , ni dans
celle du Père Chifflet, qui l'a fait entrer dans fa dilTertation fur
la nobieile de Fextra'ilion de faint Bernard. Enfoite- des deux
Livresde Jean IHermite, DomMabilIon a mis le Pocme du
Moine Fhilothée, intitulé : de la vie ôc des mœurs de faint
Bernard ; quelques-autres pièces en vers à la louange de ce
Saint ; la defcription de l'emplacement du Monaftere de Clair-
vaux ; le difcours prononcé à fon anniverfairc par l'Abbé Geof*
froi ; fa Lettre au Cardinal d'Albe ; fon Opufcule contre Gilbert,
Evêque de Poitiers; fa Lettre à Jofbert, contenant quelques
remarques fur l'Oraifon Dominicale ; les acles delà canonifaticn
de S. Bernard ; 6c les témoignages que l'on a rendus à fon fcavoir-
Ôc à fa ver tu.
iVl m m iij
4<?2 SAINT BERNARD,
Doarlne de X X X ï I. Lcs Hiftoriens de fa vie ôt de Ces miracles en ont
S. Bernard fur rapporté des circoiifiances dont il eft important de faire ici
mention , parce qu elles lont des preuves évidentes de la roi tut
la prcfence rdeile dans fEuchariftie. Arnaud de Bonneval, dit
que faint Bernard étant à Milan pour les atiaires de l'Hglife , on
lui amena par force une Dame de cette Ville , poircdéc du
démon, qui l'agitoit fi violemment , que dans le tems de fcs con-
■vulfions , elle refTembloit plutôt à un inondre qu à une femme ;
que le faint Abbé offrit pour elle le Sacrifice dans l'Eglife de
faint Ambroife j & qu'après l'Oraifon Dominicale , ayant mis le
Corps facré de Notre-Seigneur fur la patène qu'il tint élevée
fur la tête de la pofTedéejil parla ainfi au démon : Voici ton
Juge , ô méchant efprit, voici celui à qui appartient le fouveraia
;pouvoir. Réfiftes-lui , û tu le peux. Voici celui , qui peu de teras
.avant que de fouffirir la mort pour notre falut , a dit : C'eft main-
tenant que le Prince du monde va être chalîé dehors. C'eft ( a)
ici le même Corps qu'il a pris de celui de la Vierge; ie même
qui a été étendii fur le bois de la Croix ; qui a été mis dans le
tombeau; qui efî; relTufcité d'entre les morts; qui cft monté au.
Ciel à la vue de fes Difciplcs. C'efl donc au nom de cette terrible
Majefté que je te commande de fortir de cette femme. Le
démon fut contraint d'obéir, & d'avouer par fa fuite, quelle
puifTance & quelle eîficace réfident dans les divins Myfteres.
La liberté de l'efprit & celle des fcns furent rendues à cette
Dame ; fa figure changée , & la tranquillité de fon amc rétablie.
Tout Milan fut témoin du miracle. Le même Ecrivain raconte
que faint Bernard eut aufTi recours à l'Euchariftic pour vaincre
j'obltination de Guillaume, Duc d'Aquitaine, dans le fchifme,
. & pour le faire entrer dans des vues de paix & de conciliation ,
qu'il avoit toujours rejcttées. Nous avons rapporté fes paroles
dans l'abrégé de fa vie , & nous nous contcnteror.s de tranf-
( a) Explftâ Oratione Dominicâ fffi-
«ncirs hoftem :i<r£,'reditur vir bcntus. Pate-
Tia: (îijuidctn calicis facrum Domini Corpus
impontns , & mulieris capiti fuperponcns
.talia loqutbntur : Hoc illud Corpus
quod de coi-pore Virginis funipium tll ;
quod in ftipite Crucis extt nfum cil ; quod
intumulo jacuit ; quod de morte furrcxit ;
,£jiod vidcntijjus Pillipulis alcendir in Coe-
lum : In Iiujus er^o jV^jeflaiis tcrribilt
potefiate , tibi , fpiritus maiigne, pr.ixipio
ut ab hàc ancillii ejus cprcdiciis contin-
gerc eamdcinccps non prrfliinas
Fusaio diabolo, mulier mentis C\ix compoj
etleda, redditis cum r.itione fcnfîbus ,
Dcuni conlcffa f^ratias egit, &;c. Ar/sdiL
honnM'ailis , Ub, i , vit. Bernjrdi,cap. 3 ,
PREMIER ABBÉ DE CL AIRVA UX , ôcc. 463
crire ( a ) ici en latin , celles qui atteftent fa croyance fur la
réalité du Corps & du Sang de Jefus-Chrift dans l'Euchariflie.
§. XVL
De quelques Ecrits de faim Bernard , publiés depuis ta
dernière édition de fes Œuvres.
L T Es Ecrits de faint Bernard dont nous avons parlé iuf- „ '^"^"«'^'^S-
I ,• • r j I A j 1 1 j -i^ KcriiarJ, pu-
P i qu ICI, le trouvent dans le même ordre dans la dernière biicsciepuisk
édition qui en a été faite par Dom Mabillon , ôc que l'on a mife Jemiirrc édi-
plus d'une fois fous la prelTe ; fçavoir , en 1666 , 1 (5po 6c 1715), cXuvrcs. '*
à Paris. C'eft à cette dernière que nous nous en fommes tenus.
Depuis ce tems Dom Martenne 6c Dom Durand ont publié
plulieurs Lettres de ce Père , ôc quelques-uns de fes opufcules ;,
©u d'autre» monumens qui intereflent fon hiftoire.
IL Dans le premier tome de leur grande collection , ils ont Lettres de S.
donné , fur un manufcrit de faint Vaaft d'Arras , trente-cinq ^.""'^''an.pTf.
Lettres adreflccs à diverfes pcrfonncs. Dans la première, faint loldcManen.
Bernard exhorte deux perfonnes mariées ;, le mari ôcla femme, V-'^'é-i-^'
à la pratique des bonnes oeuvres , furtout de l'aumône ; en leur
reprclentant que Dieu n'avoit rendu le tems préfent fi fâcheux
aux pauvres, qu'alin que les riches en prill'ent occafion de s'a-
malîer plus facilement un tréfor dans le Ciel. Dans la fepticmCj
ii fait des reproches à l'Evêque de Troyes d'avoir conféré un
Archidiaconc à un enfant qui ne fçavoit pas encore fe gouverner
lui-même. La huitième , eit à un Abbé qui s'appliquoit à rétablir
fon Monaflere. Saint Bernard l'exliorte à y faire reileuriraulFi les
bonnes moeurs , 6c Ihofpitalité. Par la dixième, il détourne un
de fes amis de recevoir un Bénénce de la main dun Mili-
taire, difant, qu'on n'en doit recevoir que de la main de fon
Evêque,
(a) Vir Dei jara non fe agens ut homi-
nem , Corpus Domiiii luper patenam ponit
& kxuin tollit , atque iHiiea facie & !-lam-
meis oculis non liipplicans , led minax
foras Ch:reJiiur ,& vei bis terriiÀlibus a:;-
greJitur Duteni : Rogavimus te, inquit /&
fpreviiU no^^ Hcce ad te proce.Tit
kiiius Virginia c]ui eil C^vut & Dominas
' Ecclefî.-Bquam cuperfêqueris Nunr-
quid & ipium Ipernes ; riumquid & ipfuni
licut fcrvos eius coiitemnes ? . . . . Viucns
Cornes Abbatemii- fpiritu v=her.K'n'i prc
ccJentcm& facratiliiniuniDoniini Corpus-
fcrentem in manibus , expavir. ... & quaff
amens Ibk) provolvitoi'. M. ilid, Cdp, 6 ,
4^4 SAINT B E R N A K D ,
Ptg.rio, m. Après la mort d'Hildebert , Archevêque de Tours ^
arrivée le 1 8 Décembre i i 3 <$ , le Chapitre choifit canonique-
:ment Hugues , recommandable par fa noblefle ôc par fa pru-
dence. Mais il fut troublé dans fon éledion par un nomme
.Philippe. Il y eut procès entre les deux- contendans. Le Pape
Innocent IL délégua faint Beraard pour le terminer. C'eft le
fujet de fa Lettre à ce Pape , à qui il fait connoître la nullité de
l'éleclion de Philippe. Il lui en écrivit fix autres en faveur de
l'Evêque Hugues. Quand il fe préfentoit à Clairvaux quelqu'un
dont les forces n'étoient pas fuffifantes pour foutenir 1 aufterité
d^la vie que l'on y menoit, il i'adrefToit à quelqu'Abbé d'un.
Ordre plus doux. C'eft ce que Ton voit par la vingt-unième
Lettre. Mais il ne les envoyoit , qu'après avoir éprouvé ieuc
vocation.
.f»(y. 73^. IV. Gonfulté par un de fes amis fur les qualités d'un jeune
homme qui recherchoit en mariage une pcrfonne de la première
confidération , il ne fit aucune difficulté de dire à cet ami le
ma! qu'il c-onnoifloit en ce jeune homme , ôc féloignement qu'il
lui fçavoit pour le bien. La Lettre fuivante, qui eft la vingt-
îroifiéme, regarde un Moine forti de fon Monaftere pour aller
confulter faint Bernard, fur l'obligation qu'il fc croyoit d'ac-
complir le voeu qu'il avoit fait d'abord, d'entrer dans un Mo-
naf;ere différent de celui où il avoit fût profeifion. La décifioa
fut, que le premier vœu n'ayant pas été fait publiquement, & les
deux Aîonafteres étant d'une même obfervancc, il devoir reftcr
dans celui où il étoit engagé pour lors.
jP/jf. 738. ^- La vingt-fixiéme Lettre à Amedée , Abbé de Hautc-
Combe , efl pour le prier de faire fes excufes au Roi de Sicile,
de ce qu'il ne lui avoit point envoyé de fes Religieux; de lui
dire , qu'ils étoient prcts à partir, lorfqu'on étoit venu lui annon-
cer de la part, qu'il n'en falloit que deux pour aller reconnoître le
lieu où l'on vouloir bâtir le nouveau Monaflere , & que ces
deux Moines partiroient au premier ordre du Roi. Parla vingt-
liuiriéme , il prie le Roi de France de lui permettre de ne point
acquiefcer à l'élefiion qu'on avoit faite de lui pour remplir le
•Siège Archiépifcopal de Reims , vacant , ce femble , par la mort
de Renaud.
•ï>«^.74o, V I. Pendant la famine qui régna prefque par- tout en 1 14.5,
Kpilf. jo. faint Bernard écrivit à fes Frères , non-feulement defoulager de
Jeur fubllance les pauvres , mais d'y exciter encore les autres.
7 rois ans après , c'cft- à-dire, en i i-i-^ , il écrivit à la Reine ôc
taute
1
PREMIER ABBÊ DE CLAIRVAUX,&c. 4^?
tante de l'Empereur des Efpagnes ; que la Conimunautd de
Clairvaux Tavoit volontiers aflociée , & confenti que l'on fit
pour elle pendantfa vie, ôc après fa mort, la même chofe que
pour un Religieux du Monadere. Il la pria par la même Lettre ,
qui eft la trente-quatrième, d'appaifer undiiïerend furvenu entre
les Religieux du Monaftere de Caceda , ôc ceux du Monafterc
de l'Efpine , ou de le faire juger par les Evêques Diocèfains.
VII. La Lettre trente-cinquicme eft une réponfe à celle ^"^ ''^^*
que faint Bernard avoir reçue de l'Evêque d'Albane , qui lui
demaadoit fon Homélie fur le Fermier d'iniquité dont il eft
parlé dans faint Luc. Le faint Abbé la lui envoya avec un petit
couteau à manche d'yvoire appelle Qidnivers. Ces Lettres font
fuivies de quelques notes, ou obferv'ations des Editeurs , fur les
infcriptions de plulieurs Lettres de l'édition de Dom Mabillon.
Ils remarquent, par exemple, que la Lettre foixante-fixiéme dans
cette édition, s'adrefle à Geoffroi , Abbé de faint Medard, au
lieu que dans quatre manufcrits diftcrens elle eft adreflée à
Geoftroi , Abbé de faint Thierri ; que la deux cens foixante-qua-
torziéme dans Dom Mabillon eft à Guy, Abbé de Trois-Fon-
taines , quand ilétoit à Rome ; mais que dans deux manufcrits ,
l'un de Liège, l'autre d'Orvalle , elle eft à Hugues, Evcque,
touchant le Prévôt d'Auxerre. Ces obfervations , & plufieurs
autres , que l'on doit à Dom Martenne 6c à Dom Durand,
pourront trouver place dans une nouvelle édition de lliint
Bernard.
VIII. lisent aufTi découvert & publié une Hymne de ce Hymne rur
Sa'nt en l'honneur de faint Malachie, Archevêque d'Irlande, & r,'ls.^^^6. ' '
■mort à Clairvaux. En la comparant avec celles que faint Bernard
a faites pour faint Vicier , on y reconnoît aifément le même
génie.
IX. Enfin, nous leur fommes redevables de la découverte LettroàHen-
-dHine Lettre de faint Bernard , ou des Moines de Clairvaux qui "'
l'accompagnèrent dans fon voyage d'Allemagne , à Henri,
Novice en cette Abbaye,frere du Roi Louis. Cette Lettre étoit à
la tête du recueil des miracles que S. Bernard avoir faits en Alle-
magne. Ce recueil , dans les éditions de fes (Euvres, eft adrcffé
à Samfon , Archevêque de R-eims; mais il eft vraifemblable que
les Compagnons de faint Bernard l'envoyèrent d'abord à ce
jeune Prince qui s'étoit lait Novice à Clairvaux, foit pour lui
faire plaifir , foit pour fa confolation , 6c celle de tous les Frères ,
6c qu'enfuite ils l'adrefTerent à l'Archevêque de Reims. Cette
Tome XXI L Nna
Roi
Louis ,
tJ.Tl.
h , Ansc-
dot.
Mdrtiti
P'S-
jys».
^66 SAINT BERNARD,
Lettre fe trouve dans le premier tome des Anecdotes imprima
jL Paris en 1717.
§, X V 1 1,
Jugement des Ecrits de jaim Bernard. ^Catalogue des
éditions cjuon en a faites. ■
Jugement î. TJ L u S on lit IcsEcrits de S. Bernard, plus on en admire
^^J"'^\ '^^ jL les beautés. L'on y voit d'un, côté reluire la dodrine,
le zèle , la piété; de l'autre, briller un efprit naturellement
noble , vigoureux , fublime; mais doux , complaifant, poli,
& une éloquence fans enfiure &; fans fard , plus embellie des
grâces de la Nature, que dei'Art. Son ftyleeft vif, ferré, plein
d'ondion , varié , fuivant la diifcrence des matières & des fujets.
Ses penf^'es font élevées •, fes feutimens ne refpirent que la vertu ;
tous fes difcours portent à Dieu , 6c à l'amour des chofes
célefles. Il.ne clierche qu'à échauffer le cœur , & non à le
briller. Ses reproches ne tendent pas à aigrir le pécheur, mais à
l'émouvoir ; à le toucher , non à 1 infulter. S'il le reprend , s'il le
menace,s'il l'effrayejc'efl fans indignation & fans colère, unique-
ment par un effet de fon zèle pour le falut des âmes. Ses careffes
ne tiennent rien de la Haterie. 11 loue, fans infpirer des fentimens
d'orgueil , & dit les vérités fans offenfer. Mêlant par-tout la dou-
ceur à la vivacité de fes expreliions, il plaît & échauffe tout
€nfcmblc. L'on diroit qu'en même-tems que les paroles coulent
de fa bouche comme un fleuve de lait&demicl, il fort de fon
coeur un torrent defentnnens enflammée de l'amour le plus pur.
L'Ecriture fainte lui eft fi familière, qu'il en employé à chaque
période les paroles ocles expreffions. Il n'en ufe pas toujours de
même à l'égard des écrits des Pères , quoiqu'il en fuive la doc-
trine , il la propofe d'une manière qui lui cil: propre. Il s'étend
peu fur la difcipline de l'Eglife. Son goût étoit décidé pour la
morale , la fpiritualité , ôc l'allégorie.
Editions par- j j^ Qj^ ^ f^-^ ^^^^^^ j^^g ]çs tems apprécier le mérite des ouvra-
is" ou'vragcs'! ges de faint Bernard. Avant l'invention de l'Imprimerie, il s'en
fit des copies fans nombre. Depuis, on 1er, a mis très fouvenc
fous la preffe. La première édition eft celle de Mayence en 1 47 f
par Pierre Schoyllér. Elle ne comprend que les Sermons du
Tems , des Saints , ôc de divers fujets , avec le Livre aux Che-
;valiers du Temple, ôc quelques opufcules fuppcfés à faina
PREMIER ABBË DE CL AIR VAUX, Ace. ^(Sj
Bernard. On met pour la féconde, celle qui fe fit à Rouen, fans
date , 6c où Ton fit entrer trois defes principaux écrits ; le? Livres
de la Confiddration ; l'Apologie à Guillaume de faint Thierri ;
& le Traité du Précepte &. delà Difpenfe. Dans celle de Bru-
xelles en 1 4.8 I , on ajouta aux Sermons du Tems & des Saints ,
des Lettres de faint Bernard. Cette édition eft fans nom d'Edi-
teur & d'Imprimeur. Celle de Paris , en 14.94', eil de Maître
Rouauld , Dofteur en Théologie. On y trouve trois cens dix
Lettres avec les Sermons fur les Cantiques. Il s'en lit une
à Brede, en 14.^5' ; une à Spire, en ifoi ; & deux ans après une
à Venife. On donna place dans celle de Brefle aux Homélies fut
Miffiis ejî.
ITl. Toutes ces éditions étoîcnt très-imparfaites , & ne con- FJitionîgè^
tenoient qu'une partie des ouvrages de faint Bernard. Mais en "•"''^*'
150S Jean Bocard ôc Jolie Clicthou les ralTemblerent , pour la
plus grande partie; & après les avoir corrigés avec foin fur les
originaux delà Bibliothèque de Clairvaux , il les lirent imprimer
à Paris , chez Jean Petit , Imprimeur de lUniverlité. Cette
édition elt intitulée , Sérapiiique. Elle fut remife fous preife en
I j I ^ à Lyon, chez Jean Cleyn, avec les difcours de Gillebcrt de
Hoillande fur !e Cantique, par les foins de Jofle Clicthou dcNieu-
port. Il s'en fit depuis plufieurs autres éditions , tant à Lyon ,
qu'à Paris & à Venife. Une des plus corredes eft celle de Lyon
,cn 1^20, i')SO, I J44., par deux Moines de Clairvaux, Lambert
ôc Laurent. C'ell celle-là que fuivit François Comeftor, Dofteur
de Sorbonne, dans la révificm qu'il fit des (Euvres de faint Ber-
nard furies manufcrits de ce Collège. Il y trouva l'épilogue du
Livre de l'amour de Dieu , ôc l'opufcule de l'amour de Dieu ,&
de la dignité de cet amour, non imprimés jufques-là , ce qui
V. rendit fon édition plus ample que les précédentes. Elle parut à
Paris , chez la veuve de Claude Chevallon , en i y 4.7 6c 1565.
On en cite une de Venife en 1 5'4f) en 2 vol. i;z-4°.
I V. Pendant que Comeftor revoyoit à Paris les ouvrages de
■ faint Bernard , Antoine Marcellin les confrontoit à Balie avec
les anciens exemplaires. Trouvant l'ordre des éditions précé-
dentes défectueux , il le changea, mit en premier lieu les Ser-
mons ; en fécond lieu, les Lettres ; en troifiéme lieu, les Tra': is ;
puis les Ecrits fuppofés , ou étrangers. Le tout fut imprimé i:vjc
des Notes critiques de fa façon , chez Jean Hcrvage , en i )• j 2 ôc
1 î6(5. Jean Gillot en donna une nouvelle , à Paris, cliez Jearr
Nivelle., en i y 72 , qui fut réimprimée à Anvers en iî7(5, ôc à
N n n ij
'^6è SAINT BERNARD;
Paris en 15'85 , fous le fymbole du grand Navire , & de'diée au-:
Révérend Père GuiCornuat, Abbé de Clairvaux. Il y eutpeu-
Mahillon. in ^'2^nnées dans le feiziéme liécle où il ne parût quelqu'édition de-
Prapl. gène- f ■ ry , „ r ^ v i ^^ u r i 1 J*
rei, lamt bernard^ oc ce tut a peu près la même choie dans le dix-
feptiéme.
V. Nous marquerons ici celle d'Edmond Tiraquau, Moine-.
de Cîteaux, en 1 5oi ; de Jean Picard, Chanoine régulier de faint.
Vicl:or,en i5oc); celle d'Anvers , en 1620. On trouve dans,
celle-ci quatre opufcules publiés par le Père Gretzer , à Ingol—
Itat en 16 ij. Celle de Jacques-Aîerlon Horilius, Curé à Colo-
gne, fortit de deffous la prefle en 164.1 dans la même Ville eu.
deux volumes i/2-/o/. Le Public la reçut avec applaudiffement,.
& elle fut réimprimée à Paris en i6ç8 parla Société des Librai-
res, fous le figne du Navire. Horilius dédia l'ouvrage à faint:
Bernard même, ôc rendit compte de fon travail dans une Préface:
au Lecteur. Ces deux volumes font divifés en fix tomes. Le.-
premier contient les fept Livres de la vie de ce Saint , diverfes.
pièces qui y ont rapport , & fes Lettres avec des notes. Le.
iecond, fes Sermons, les Paraboles qu'on lui a attribuées, l'Otiice.
deS. Viclor,&: l'Hymne fur la PalFion du Seigneur. Le troiliéme,
fes Commentaires fur le Cantiquedes Cantiques. Le quatrième ,.
les Livres de la Confidération , de la vie & des mœurs de*-
Evêques , fon Apologie à Guillaume de faint Thierri,ôc divers-
autres Traités. Le cinquième , les ouvrages douteux , fuppolés ,.
ou étrangers , comme les Sermons de GiUebert de Hoillande..
Le lixiéme, les ouvrages de deux Difcipies de faint Bernard 'y.
fçavoir , GiUebert de Hoillande , & Guerric , Abbé d'Igni.
Edition Ac V I. Horftius s-écoit donné beaucoup de peine pour rendre
Dom Ma.il- Çq^ édition corretle ; mais y ayant remarqué des fautes notables y
ôc peu content de l'imprelfion , il fe préparoit à en donner une
, plus correcte , à tous égards , lorfque la mort rompit fon deîfein ,
le 20 dAvril \6^^. Alors Dom Chantelou , Bénéùidin de la
Congrégation de faint Maur , reçut ordre de fes Supérieurs de
revoir ôc corriger le texte de faint Bernard , fur les manufcrits
qui fe trouvoient en France. Il fit iniprimer à Paris en \662 , en.
un volume £«-4.°. la vie de ce Saint , par Alain , Evêque d'Au-
xerre ; fes Sermons Ôc la vie de faint Malachie par faint Bernard.
Dom Chantelou étant mort le 28 de Novembre 1654, Dom
Mubillon fut chargé de continuer l'édition projettée. il ne fe
Ci^ntenta pas de rendre le texte des (Kuvres de faint Bernard plus
c^j:i;e^, il s'appliqua encore à fcparer les. ouvrages fuppofés
PREMIER ABBÉ DE CL AIR VAUX, &c. 4^^
d'avec les véritables , ôc à mettre ceux-ci dans un meilleur
ordre.
VII. On connoît quatre éditions des écrits de faint Ber-
nard par Dom Mabillon : deux en 1 5(55 à Paris, chez Frédéric
Léonard , l'une en huit volumes 1/2-8°. l'autre en deux volumes
iji-fol. Celle-ci fut remife fous prcffe en 16^0, & dédiée au
Pape Alexandre VIU. Il étoit prêt d'en publier h quatrième,
lorfqu'il mourut le 27 de Décembre 1707, EUefutmifeau joue
en 171P par Dom Mafiuet ôc Dom Tixierqui l'ont augmentée
d'une nouvelle Préface générale,& de quelques Lettres ; fçavoir,
deux au premier volume, qui font la quatre cens dix-huit ôc la
quatre cens dix-neuviéme ; une troifiéme déjà publiée par M.
Balufe;deux Chartes pour le Monadere de Luxeu ,& la troi-
fiéme partie de la Lettre aux Frères du Mont-Dieu , que Dom
Mafiuet fait voir ctrc de Gui , ou Guigues , cinquième Prieur de
la grande Chartreufe. C'eft fur l'édition de 17 19 qu'a été faite
celle de Vérone en 1725. On y a ajouté, par forme d'Appendice,
les Lettres de faint Bernard , rapportées par Dom Martenne dans
le premier tome de fes Anecdotes Ôc de fa grande Colledion.
Il en a été parlé plus haut. Il eft imuile d'entrer dans le détail de-
l'cJition defa-.nt Bernard par Dom Mabiilon.Nous l'avons alfez
fait conntître \ ar 1 ufage de fes Préfaces ôc de fes Notes , dans la
critique ôc l'anaiyfe des écrits de ce Père, ôc parl'ordreque nous,
avons luivi , qui eil le nicnie que dans cette édition.
VIII. En IJ7J Hubert Lefcot , Chanoine régulier, ira- E'itions^
duifit ôc fit imprimer en François les Sermons Ôc les opufcules f^" 'S'^'"^»' -
de- faint Bernard. Philippe le Bel , Docteur de Paris, en donna-
une nouvelle verfion en 1622, ôc y ajouta la traduction de quel-
ques Lettres. Dom Antoine" de Saint-Gabriel, Feuillant, tra-
duiiit de nouveau les Sermons de faint Bernard ; ils furent
imprimés à Paris en ! 58 i, chez Jacques de Laize-de-Brefche;
Il s'en fit une autre édition chez Jean Dupuis. £t une troifiéme
en i585 chez Léonard Plaignard. A l'égard des Lettres de ce
faint Do£teur , on en connoît deux traducrions Françoifes, l'une ■
de M. Roy, à Paris, en 1702 , chez Jean Moreau , en 2 volumes
i/z-S**. L'autre de ^l. de Villefcrt, en 171^ , aulli en deux vo-
lumes. Il l'avoit annoncée dans fa Préface fur la vie de faint Ber-
nard, qu'il fit imprimer en François en 1704 , à Paris , chez Jeam
de Nuliy , fn-4°. On en avoir déjà une par M. Lamy, ou M.
le Maître, imprimée en la même Ville en 154S, chez Antoine-
Vitré, i/2-4*'. En 1553 le fteur des Mares traduHic en François ,
In an ii;-
470 PIERRE LE VENERABLE,
ôc publia en cette langue à Paris, chez Guillaume deLuynes;
les Livres delà Confidératiou en un volume i/2- 12. Il y en avoit
une édition Italienne dès l'an i6'o(5,î/z-4.*.à Venife, par les foins
de Renaud Retini ; mais ils furent auîîi imprimés féparément en
Latin , à Paris en 1701 , i/z-8°. Dom Mabillon , Auteur de
rédition,pvit foin qu'elle fût en bon papier & en beaux caraderes,
averti que le Pape Clément XL fouhaitoit de s'appliquer à la
ledure d'un ouvrage qui avoît été fait pour Eugène III. l'un de
fes PrcdéceiTeurs.
-BMoth. S. I X. Dom Gabriel. Gerberon mit en François le Livre de faint
Maur. pa-, Auguftin , de la grâce ôc du libre arbitre , ôc celui de faine
■ ' Bernard fur la même matière. Nous ne fçavons ni le lieu, ni
l'année de cette édition. On neconnoît pas non plus le lieu de
l'édition Latine du même Traité, par Higatus Ranucius , avec
un Commentaire de fa façon; mais on fçait qu'elle eft de l'an
i(?49 , i/z-f^'. Le Ditlionnaire de l'Académie de b.Crufcafaic
mention d'une verfion Italienne des Lettres de lair.t Bernard,
Fiiridur , par mi f.-avant Florentin. Ses Sermons avoient été traduits en
Latin. ' pa^i cette langue dès l'an 1420 par Jean de ïulTignano, Evêque de
Éio ,6'.ï. " Ferrare ; mais ils ne furent impriiiiés qu'en 1 5" > S , 1/2-8°. à Venife.
li y en a m-ïo. autre verfion de l'an 145?^ , 2/2-4''. fins nom du
Traducteur, On connoît encore une traduction Ailematide de
Quelques Hymnes de fiint Bernard, publiée à Hambourg en
i(5j 3 , 2/2-4^^. par Jofeph Vuillelme.
CHAPITRE XXL
F i li RRE , Abhé de Cla?ih funiommé le' Ven ARABLE.
Pifrrc le I. /^~\ R I G 1 N A I R E de la première (a) Nobleffe d'Auvergne,
Yéner^b.c.^^ ^^ Maurice fon petc, ÔC Raingarde fa mère, l'oftrirent à
pcmc-nf. ''''' Dieu dès l'enfance. Saint Hugues, Abbé de Cluni, étant fur la
fin de fa..vie, le reçut à profeifion. C'étoit ( b ) l'ufage de n'y
admettre perfonne avant l'âge de quinze ans. Pierre, en état de
fe former dans la vertu ôc dans les fciences , fur envoyé au
■Monafiere de Saucillanges , où l'on tenoit (c) des Ecoles
( a ; MMlon. ub. 70 , .maJ. num. i > , I , A ; CynÇu-::ui. Quriuc. hh. 3 , ciy. S,
,0^ I i,':) Md'illon. Ub. 6^ ,r,u:i:. 100.
11 eH fsir
/.hbé de Clu-
A B B É D E C L U N I. 471
publiques. II y fit en peu de teras de grands progrès. A peine ea
étoit-il fort! qu'on le fit Prieur à Vezelai, Ôcenluite Prévôt de
Domena dans le Diocèfe de Grenoble.
II. Hugues, fécond du nom, AbbédeCluni , dtantmort vers
le mois de j uiliot (a) de l'an 1122, Pierre Maurice fut choifi pour ni ci i m.
lui fuccedcr, oc fon élection conlirmée par le Pape Caiixte II.
Pierre étoit alors âgé d'environ trente ans. Il faut donc mettre fa
nailTance vers l'an lopz. On le compte pour le neuvième Abbé
de Cluni. Pierre de Poitiers fit un poëme fur fon éiedion ,
adreffé aux Moines de Cluni , dans lequel il relevé la nobleffe de
fa nailTance , fes vertus & fon fçavoir. Des deux Lettres que
le Pape Caiixte écrivit à cette occalion, il y en a une à Pierre,
l'autre à la Communauté de Cluni. Elles font l'une & l'autre du
21 Octobre 1122. La féconde qui n'avoir pas encore été rendue
publique, fe lit dans {b) le. fixiéme tome des Annailes Béné-
didines.
III. AvantHuguesîI. Pons, Abbé de Cluni, enavoitdifTipé
les biens, ôc occafionnédivers défordres par la légèreté de fon
efprit,&: le dérèglement de fes mœurs. Pierre, pour remettre
toutes chofes en état , fe fit aider par Matthieu , Prieur de
faint Martin-des-Champs , qu'il appeila pour cet ciTei: à Giuni.
IV. En 1 i4.6leRoiLouisIe Jeune voulant régler le voyage
de la Croifade , indiqua un Parlement à Chartres au' troiiiénie
Dimanche d'après Pâques , 21 d'Avril. Saint Bernard (c) ôc
l'Abbé Sugetj qui regardoierft Pierre de Cluni, comme un de
ce^IX dont ie confeil croit le plus néceflaire , l'inviteront à cette
Affcn-iblée ; mais il s'en excufa , tant furfa mauv":îfe fan té , que
parce qu il avoir convoqué pour le môme jour un Chapitre à
Cluni. Deux ans auparavant il avoit lait le voyage de Ron-.e ,
^x ( d ) invitations du Pape Celeilin. Il demeura en cette Ville
jufqu'au Pontificat de Lucius II. qui le chargea dûnc Lettre
pour les Moines de Cluni, par laquelle il fe recommancoit à
leurs prières. En 1151- Pierre fit ( e) un autre voyage en Italie
pour adifler au Concile de Pife , où fe trouvèrent un grand
nombre d'Evéques & d'Abbés des Gaules. A fcn retour il apprit
Il y Th?h\:t
bo:i ordre.
n efl iiivifj
a (liverj Con— ^
(a) MabiUcn. iib, 74 , Annd. niun.
( b) itul. nutn. 6.
{ç)3i:viurL £>;,?. 3^4; & MdiUcn.
Ub. 78 , Annal, num. S6.
1, (i) Ibtd. num. 10.
( <? ) hhbilLon. Iib. 76 , Anr.al. num. it
O 56.
472 PIERRE LE VENERARLE,
la mort de fa mère Raingarde, qui s'étoic depuis quelque tems
confacrée à Dieu dans le Monaftere de Marcigni.
V. Celui de Cluni étoit dans l'ufage depuis fa fondation de
recevoir, non-feulement les Etrangers, 6c ceux qui s'y réfu-
gioient , mais auiTi de répandre des aumônes de tous côtés.
C'étoit comme le tréfor ( a ) public de la Republique Chrétienne.
Cette dépenfe obligeoit néceflairement l'Abbé à recourir aux
libéralités des perfonnes riches, non pour enrichir fon Monaf-
tere j mais pour foulagerks indigens. Pierre voyant que les fonds
lui manquoient, écrivit à Roger, Roi de Sicile, qu'il connoif-
ibit feul en état de fubveniraux befoins de ClunL Dans [b ) une
Lettre à ce Prince, il l'exhorte à fe réconcilier avec Conrad,
Empereur des Romains , en lui remontrant que leur inimitié
étoit un obftacle à la vengeance qu'il falloit tirer des Grecs pour
iivoir, par leur traliifon, fait périr unegrande partie de l'Armée
des Croifés.
Son fécond VI. Pierre fit en ii.j'o un {c) fécond voyage à Rome pour
If/^^r.^cV" ies affaires de fon Monaftere, muni d'une Lettre de faint Ber-
nard pour Eugène III. Il en fut reçu avec beaucoup d'honneur.
On met ( d ) un troifiéme voyage de Pierre à Rome, fous le
Pontificat d'Honorius III. en 1126, à l'occafion des troubles
que Pons , 6c ceux de fon parti , avoient excités dans le Monaf-
tere de Cluni, dont ils avoient pillé les biens, ôc mis à mort les
Moines qui leur avoient réfifté. Pons fut condamné par le Pape ,
& Pierre revint à Cluni , avec des Lettres du Pape à la Commu-
nauté de Cluni , à laquelle il ordonnoitdereudreà Pierre l'obéif-
fance, félon la Règle de faint Benoît.
■Son voyage VII. Les Pilans étant (e) en guerre avec ceux de Luques
.en Jpagneen ^,^^^.^ y^^^ ii-^i , Pierre paiTa en Italie dans le deffein de les
réconcilier. 11 avoit encore la dévotion d'aller flfire fes prières
fur le tombeau du vénérable JMatthieu , Cardinal , Evoque d'Al-
Jjane, mort feptans auparavant. La même année 1 141 , Pierre fie
la (/) vifite des Monaftercs , Abbayes , Prieurés 6c Celles fitués
jCn Efpagne , 6c qui dépendoient de Cluni. Pendant fon féjour
(a) Mdlill. ibid. Ub. 78 , num. loi ; 5:
\a) jvjaoïu. iuia. Lia. 70 , num. loz , e>; 1 \.i.
Petrus , /i'i, 4 ,epijl 37. 14S,,
( b) Petrus , lib. 6 , epijl. \6\&. MMU.
lii). 79 , Annal, num. 104.
(c) Pccrus,tib. 6 , .71J?. 4^ ; icMalill.
iih, 79 , Amud. num. iH.
(d) Mahillon. lib. 74 , Annal, num.
(f ) Mabillon. lib. 77. Annal, non,
114.
(/) llid. !i Petru! , rpjl. 1 1 , lib. 4.
dans
ABBÉDECLUNI. 475
dans ce Royaume, il s'appliqua à connoître les dogmes impies
des Sarrazins, ou Arabes , dans le delTeiiî de les réfuter, quand il
en auroit le loifir. Il traduifitauiïi d'Arabe (a) en Latin , la vie
de Mahomet.
VIII. Ce fut fur le tcmois;nao;e de l'Abbé de Cluni , que le ^^"^ "*°" "*
Pape Innocent II. (b) confirma la même année l'élection d'Ar-
noul, Archidiacre deSéez, pour rEvôchédeLizieux,à la place
de Jean fon oncle , mort le 20 de Mai. GeofFroi , Comte d'An-
jou, s'étoit oppofé fortement à cette éleclion. Pierre, après
avoir donné en une inîînité d'occafions des preuves de fon zèle
pour l'Eglife, mourut en 1 1 j5 la nuit de Noël. La pureté de Ces
mœurs, ôcfes autres vertus, lui firent donner le titre de Saint
prefqu'au moment de fa mort, par Pierre (c ) de Celles ; ôc s'il
n'a point encore été mis au nombre des Saints dont le culte efl:
public , ce n'efl (d) pas qu'il ne l'ait mérité. Il ne manque , ce
femble,àfon culte , que l'autorité de l'Eglife, où il eO: connu
fous le titre de Pierre le Vénérable.
J X. Tousfes écrits font autant de monumens de fa pieté & Sesc'c.îtsj
de fon zèle pour la difcipline régulière, furtout fes Lettres;
élégantes pour Ion tems , mais fouvent un peu longues. C'étoit
fon génie , & fon inclination. Il n'approuvoit pas la brièveté dans
celles qu'on lui écrivoit,la regardant comme un effet de la
parefTe , ou un défaut de fécondité dans l'efprit. On a recueilli
fes ouvrages dans la Bibliothèque de Cluni^ôc au vingt-deuxième
tome de la Bibliothèque des Pères, où l'on a donné aulFi un
abrégé de fa vie , avec deux épitaphes. Le Moine Radulphe fon
Difciple l'écrivit , ôc la dédia à Eftienne , Abbé de Cluni. L'Au-
teur ne s'y e(l pas étendu , comme il le devoir , fur les actions de
Pierre le Vénérable , ni fur fes miracles. Cette vie fe trouve dans
le fixiéme ( e ) tome de la grande coUettion de Dom Aîartenne ;
dans la Bibliothèque (/) de Cluni à Paris en i ^14 ; ôc dans une
ancienne Chronique du même Monaftere. Voici le détail des
ouvrages de l'Abbé Pierre.
X. Le recueil de fes Lettres eft divifé en dx Livres. Elles font .^" Lettrpf;
ordinairement fans date. On les a placées fuivant l'ordre de la j, ^ Bimin.
Chronique de Cluni. Celle qui efl au Pape Innocent IL efl de P:-c.p.3^.8iî.
(a) Bib:iorh.Ciui}iic.pag..iii<;. j ( d) M.ibiUon.lib, 8o,AnndL num.ioé.
(*) Ptnusjib. 'i^epiff. 7. 1 ( «■ ) ^^S- "87.
( c ) Parus CeilenJ. lih. i , epil, z. \ (/) Pa^. ^i^.
Tome XXI 1/ Ooo
474 PIERRE LE VENERABLE,
l'an X 1 3 7 5 puifqu'elle fut écrite la feptiéme année de fon Ponti-
ficat, commencé au mois de Fé varier 1 150. Pierre, qui avoitété
à Pife dans le deffein de laider à appaifer le fchifme de l'Anti-
pipe Pierre de Léon, en revint fans avoir rien fait, parce qu'il
fut attaqué en cette Ville d'une maladie qui l'obligea de retour-
ner à Ciuni. Quelque tems après fon retour il écrivit au Pape,
pour le féliciter de fa confiance à combattre les Schifmatiques ,
lui faifant efperer dans peu une vidoire complette fur les enne-
Evijl. 1. ^""^is de l'Eglife. Il écrivit à Matthieu , Evéque d'Albane, que la
mort du Roi d'Arragon ayant occafionné des troubles en Efpa-
gne , pourroit bien en occafionner auffi dans les Monafteres de
ce Royaume dépendans de Cluni. Par la même Lettre il prie cet
Evêque , qui avoir été Moine de Cluni , de s'interefTer , Ci cela
pouvoir fe faire en confcience , à l'union d'une Prébende que
l'Evêque de Troyes étoit difpofé d'accorder à ce Monallere ,
comme il en poiTedoit depuis longtems à Chartres & à Orléans.
Il le prie encore de faire enforte que le Pape lui laifTat le juge-»
ment d'un Prêtre de (a dépendance , qui au lieu de fe trouver au
jour marqué pour plaider fa caufe , étoit allé lui-même à Pife la
porter au Pape.
'Epijf. j. XI. En recommandant à Haimeric , Cardinal & Chancelier
de lEglife Romaine, la caufe des Moines d'Aniane, contre
l'Evêque de Beziers qui les moleftoit , il fe plaint de la défu-
nion qui regnoit alors dans fon Pays entre les Membres de
l'Eglife, en lui faifant remarquer que les Supérieurs traitoient
mal leurs Inférieurs ; que les Evêques en vouloient aux Moines ;
les grands -aux petits ; enforte qu'ils étoient moins occupés à
paître le troupeau confié à leurs foins, qu'à en tondre la laine, &
Epijf. 4. a tirer le lait. Suivant les dcfirs de Hugues , Archevêque de
Rouen , il lui Ht fçavoir que le Moine Guillaume s'étoit difpofé
à la mort avec de grands fentimens de pieté & de confiance;
qu'après avoir confèffé Ces péchés , on lui avoir adminiftré
l'Ëxtrême-Ontlion , ôc enfuite le faint Viatique par deux fois,
mais en deux jours différens.
tpijt. II. XII. Pierre demanda avec beaucoup d'inflances au Pape
Innocent II. d'agréer l'élettion que le Clergé & le Peuple d'Or»
leans avoient faite de PIclie, Abbé de faint Suipicc ^ pour leur
Evêque. Les fuffragcs avoient d'abord éié partagés ; mais lorf-
qu'on s'y attendoit le moins , tous fe réunirent. Sa Lettre à
£pl- lî- Adèle, Comteffcde BloiSj fœur du Roi d'Angleterre Henri I.
cfl pour la confoler fur la mort de ce Prince. L.e plus j uiflant
J
ABBÉ DE C L U N r. '^ff
motif qu'il employé eft , qu'il dtoit mort muni de tous les Sacre-
mens de l'Eglife , après avoir confefle fes péchés dans des fenti-
mens de pénitence; ôc que ion avoit fait pour lui àCliiai plus
de prières & de bonnes œuvres, que pour aucun autre Prince.
Henri mourut auprès de Rouen le 2 de DccembLe 1155'. Dans
une féconde Lettre au Pape Innocent II. Pierre le pria de cou- Epifi, ir*
fimier la Sentence rendue dans le Concile de Jouarre auDiocèfe
de Meaux , par les Archevêques de Reims , de Rouen , de
Tours, de Sens,ôc leurs SufTragans, contre les meurtriers de
Hugues , Doyen d'Orléans , élu Evoque de cette Ville , & de
Thomas , Prieur de faint Viiîtor; 6c d'ajouter mcme quelque
peine contre les coupables , s'il trouvoit qu'ils n'euifent pas été
alTez punis. Le Concile s'étoit contenté de les frapper d'excom-
munication.
XIII. La Lettre au Moine Giflebert eft une réponfe à celle ^/'J^- »•»
qu'il avoit écrite à l'Abbé de Cluni , pour avoir de lui quelques
inftruttions fur l'état de retraite qu'il avoit embraffé. Pierre reçut
cette Lettre le Samedi-Saint, & n'ayant pas trouvé le loifir de
la lire avant l'OlBce , il ne Ht aucune difficulté d'en faire la
lecture étant affis auprès de l'Autel , l'Office déjà commencé.
Il ne fe repentit pas d'une lecture qui lui parut néanmoins
déplacée. Les fentimens de pieté dont cette Lettre ctoit rem-
plie , lui en infpirerent à lui-même ; ôc en gémiffant intérieu-
rement de fe voir expofé au grand monde par les occupations de
fa Charge, il fentit une vraie joie de fçavoir que Gillebert vivoit,
comme y étant mort. Il ne laiffa pas, pour contenter la faim
qu'il avoit de la parole de Dieu , de lui donner diverfes inftruc-
tions fur les devoirs 6c les vertus des Moines , ou plutôt des
Reclus ; car il paroît que ce Religieux vivoit dans la foiitude , ÔC
enfermé , mais fous la dépendance d'un Supérieur , de qui il
recevoit le vêtement ôc la nourriture. Après lui avoir expofé les
obligations , les avantages , les tentations du genre de vie qu'il
avoit choifi , Pierre de Cluni lui dit: Que votre cellule foie
vuide d'argent ôc des richefles temporelles , mais remplie de
vertus; afin que ne pouvant y avoir d'union ni d'accord entre - Car. 6, i5t
Jefus-Chrift ôc Reliai, elle foit un lieu propre à conferver les '
tréfors céleftes. Plaifez-vous tellement dans votre foiitude , que
vous ne méprifiez pas ceux qui vivent plufieurs enfemble.
Eftimez-vous le plus imparfait de tous, ôc le dernier en vertu. ■
Penfez , qu'étant en Communauté ils ont à fupporter le joug
de l'çbéiflance, ôc qu'ils ont quantité de faints exercices que
O o o ij
47^ PIERRE LE VENERABLE,
vous n'avez pas. Faites votre première occupation delà prîerej
appliquez-vous enfuite à la méditation des vérités faintes ; puis
vous vous occuperez de la ledure, faifant de férieufes réfle-
xions fur ce que vous aurez lu. Ces trois exercices feront fuivis
du travail des mains. Si vous avez des marais dans la proximité,
de votre retraite , faites des nattes, à l'imitation des anciens
Moines. Elles vous ferviront de lit pour dormir. Arrofez-les de
vos larmes tous les jours , & fléchillez fi fouvent vos genoux fur
elles devant Dieu , que vous les ufiez. Je ne vous prefcris rien
touchant les jeûnes , les veilles , & les autres macérations
du corps , ne connoilTant ni votre complexion , ni votre vie
pafTée , ni a quel degré de grâces Dieu vous a favorifé , ou vous
favorifera. Comme vous ne fermez , ou n'ouvrez la porte devotre
cellule , que fuivant les befoins ; n'ouvrez votre bouche que pour
édifier vos Frères , ôc exhorter à la vertu les perfonnes de pieté
qui iront vous voir. Fermez-la pour tous les difcours inutiles , ou
qui fententla vanité, ou le murmure, ou la médifance. A l'exem-
ple de Moyfe, intereffez-vous auprès de Dieu pour fon Peuple;
priez particulièrement pour l'Eglife, furtout en ce tems ; pour
ceux qui y préfident ; pour toutes les PuiiTances ; pour les Con-
grégations Religieufes , nommément pour celle de Cluni.
Efijl. XI. X I V. Il la recommanda aufli au Pape Innocent II. pendant
l'interrègne , cette Abbaye fe trou\'ant alors plus expofée au
Epijl. 23. pillage ÔC au brigandage. Il témoigna au même Pape, la peine
qu'il avoit d'envoyer des Religieux pour rétablir le bon ordre
dans l'Abbaye de Luxeu , ne pouvant y députer que les meilleurs
de fa Communauté. Il ajoutoit toutefois , qu'il étoit prêt d'obéir
aux ordres de fa Sainteté, auiïitot qu'ils lui feroient notihés par
une féconde Lettre de fa part. La griice qu'il demande au. Pape
eft de ne pas permettre aux Moines de Luxeu de fc choifir eux-
mêmes un Abbé à Cluni, mais de leur ordonner de s'en rap-
Epijl. 17. portera fon choix. En une autre Lettre, il lui donne avis des.
violences exercées contre plulieurs Archevêques , Evêques ÔC
Abbés, du nombre defquels il étoit, dans la Ville de Cluni, par
des gens armés.
■Zpijl. i4 , 1 j. X V. A la prière de Guignes , Prieur de la Ciiartreufe , Pierre
y envoya les vies de faint Grégoire de Nazianze & de faint
Chryfoftômc; le Livre, ou la Lettre de (aint Ambroife contre la
relation de Symmaque , Préfet de Rome, qui vouloit y faire
rentrer le culte des Idoles. Il y joignit aufli , ce femble , le
Pccme de Prudence fur le même jujet. Guigues avoit aufli
ABBÉDECLUNI. 477
demandé le Traité de faint Hilaire fur lesPfeaumes ; mais il fe
trouva que l'exemplaire de Cluni n'étoit pas plus complet que
celui de la Charireufe. Pierre, delbn côté, lui demanda le recueil
des Lettres de faint Augullin
Apologie de
XVI. On a Vil dans l'article de faint Bernard, qu'il repro- ^>^\
choit aux Cluniftes, de ne pas fe conformer à la Règle de fdnc ciuni.
Benoît dans les habits, dans la nourriture, dans le travail des . Première-
mains , ôc la magnificence de leurs Eglifcs. La Lettre de faint ° '^ '°"*
Bernard, ou, comme on l'appelle, fon Apologie, parce qu'il
y failoitvoir qu'on l'accufoit à tort d'être l'auteur des dillercnds
qui regnoient entre les Clunifles 6c les Cillerciens , ou du moins
de les fomenter, ell adrelTée à Guillaume de fiintThierri, qui
l'avoit excité à fe juflifier. Pierre de Cluni adrelTa la fienne à
faint Bernard môme, pour qui il témoigne autant d'eftime que
d'amitié. Entrant dans le détail des reproches qu'on fùfcit aux
Cluniltes:On nous accufe, dit-il, de recevoir les Novices à
profelllion fans épreuves, & fans ohferver l'année deNoviciat,
amli que ia Règle ie prefcrit. Mais quand leSauveur dit au jeune Mitth. ip^-sr,
homme riche : 5i vous voulez cire parfait , allez , vendez ce que
vous avez , ôc donnez-ie aux pauvres , lui accorda-t-il un an pour
penfer à fa converlion ? En difimt à faint Pierre de quitter fes
filets , & à faint Matthieu de quitter fon bureau , ne lesa-t-il pas
faits Apotrcs dans 'e moment f En promettant l'obfervation de la
Règle de faint Benoît, avons-nous promis de ne pas obfervcr
l'Evangile f Nous ne faifons même rien contre cette Règle,
puifque nous agilions félon les règles de la charité, en recevant,
fans l'épreuve de l'année entière, quelques Novices, de peur
de leur faire perdre leur vocation , & de les expoferà retourner
au monde,s"ils n'étoient arrêtés par la penfée de leur engagement.
Il ajoute , qu'encore que l'année dépreuve foit prefcrite parla
Règle , faint Benoît lailTe néanmoins à l'Abbé le pouvoir de
rcgter tout , de façon que les amesfoientfiuvées ; ôc que la dif-
cipline de lEglife ayant varié , fuivant les différentes circonf-
tances , il ne devoir pas être furprenant que la difcipline Monaf-
tiqueait euaulh fes changemens.
XV IL On nous demande, continue Pierre de Cluni , par . ^".'"''''•'^'^ °^
quelle autorité nous permettons les fourrures dont la Reple ne ^' *°"'
dit rien ? Nous répondons à cela , qu'elle ne les défend pas, ôc
qu'elle permet en général d'habiller les Frères , félon les faifons ,
& la qualité des lieux. Elle n'a rien fixé fur les habits , laiflant
le tout à la prudence de l'Abbé. Il donne la même raifon'-
O o o lij,
478 PIERRE LE VENERABLE,
pour les autres habits dedefibus, la garniture des lits, & l'aug-
mentation delà nourriture des Moines.
Troîiléme X V 1 1 L Nous recevons , dit-on , les fugitifs au-delà des
ouje ion. ^^^.^ ^^.^ marquées par la Règle, cela eft vrai. Mais Jefus-Chrift
n'a-t-il pas pardonné à faint Pierre ? Ne 1 a-t-il pas chargé du foin
du troupeau , & conftitué Chef &: Prince des Apôtres , depuis
même qu'il l'eut renié trois fois ? La porte de la mifericorde ne
doit-elle pas être ouverte aux pécheurs jufquau dernier foupir?
La Pvegie même ne défend pas de recevoir au-delà de trois fois ,
celui qui par fa faute fort du Monaftere : Elle dit feulement qu'il
doitfçavoir qu'après trois forties, la porte lui fera fermée; mais
non , qu'on ne pourra plus la lui ouvrir.
Quatrième X I X. A l'égard des jeûnes qu'on nous accufe d'avoir chan-
& cinquième , / i • r ^ • • a
obieaions. g^s , OU réduits prelque a rien, nous ne croyons pomt nous être
écartés de la Règle de faint Benoît, fi ce n'eft peut être, les
Mercredis & Vendredis depuis la Pentecôte , jufqj'au 13 de
Septembre , où l'on ne doit , ce fenible , manger qu'à Nône , &
les autres jours à Sextc, ou à midi ; mais la difpofition de ces
heures eft encore laiffée à la prudence de l'Abbé. C'eft envaiii
qu'on nous reproche de négliger le travail des mains, la Règle
ne l'a ordonné que pour éviter l'oifiveté. Or, nous l'évitons en
nous occupant de foints exercices , de la prière , de la ledure, de
la pfalmodie. Pierre de Cluni prétend que faint Maur, envoyé en
France par faint Benoît , voyant que ie Monaftere qu'il avoit
bâti dans le Diocèfe d'Angers , étoit pourvu fulîîfammeilt des
chofes néceflaires à la vie, fans que les Moines fuffent obligés de
fe les procurer par le travail de leurs mains, ne leur prefcrivit
que des exercices fpirituels. Cet exemple eft tiré de la vie apo-
cryphe de ce Saint.
Sixième ob- XX. Pierre rejette , comme une puérilité, le reproche que
jedjon, jgg Cifterciens faifoient aux Cluniftes de ne pas fe profternec
devant les Hôtes à leur arrivée, 6c à leur départ, ôc de ne pas
leur laver les pieds. Si cette pratique , dit-il , ne pouvoit s'omet-
tre fans rifque du falut, comme le difent ceux qui nous font ce
reproche, il feroit ncceftaire j ou que la Communauté fût tou-
jours dans la chambre des Hôtes , ou que ceux-ci fuflent reçus
dans le Cloître ôc dans les Oftkincs du Monaftere. Mais il fui-
vroitde-là, à caufe de la grande quantité des Hôtes, que les
Moines ne fcroient plus Moines , ôc qu'ils n'en meneroient plus
la. vie , obligés de fe trouver continuellement avec des Séculiers
de toutes conditions, même avec des femmes. Il s'enfuivroit
iiiiti'jme o1>-'
jeâions.
A B B É D E C L U N T. 475,
encore que l'on devroit faire ceffer l'Office, & tous les autres
exercices Monaftiques , pour vaquer au lavement des pieds.
Nous faifons à cet égard ce que nous pouvons , continue l'Abbé
Pierre; ôc pour ne pas négliger ce point de la Règle, chaque
Moine , à commencer par l'Abbé , lave tous les ans les pieds à
trois Hôtes , 6c leur prélente du pain ôc du vin. Les inlirmes feuls
font difpenfésdecet exercice.
XXI. Selon la Règle de faint Benoît , l'Abbé doit avoir , Septième Se
un mémoire des outils ôc des uflanciles du Monaftere , ôc man-
ger en une même table avec les Etrangers; les Religieux abfens
de rOHice commun, doivent le réciter où ils fe trouvent, ôc
faire les mêmes génuflexions qu'ils feroient au Choeur; lorfque
les Frères fe rencontrent , le plus jeune doit demander la béné-
didion àfon ancien ; on doit mettre à la porte du Monaftere un
ancien qui foit fage , ôc qui réponde Deo gratias zious lesfur-
venans. Rien de tout cela ne lé faifoit chez les Cluniftes; Ôc,
quoique la Règle ne parle que d'un feul vœu de ftabilitc, de
converfion ôc dobéiflance , ils le renouvelloient chaque ft is
qu'ils changeoient de Monadere. Pierre répond que l'Abbé ne
pouvant tout taire par lui-même, eft autorifé par la Reele à fe
décharger fur d'autres d'une partie de fcs obligations ; & que
c'eft pour cela qu'elle lui ordonne de choilir des Doyens; qu'il
cfl bien cenfc manger avec les Hôtes , quand ils font nourris de
la fubflance du iUonaftere ; qu'il y auroit de l'indécence à faire
manger au Rcfetloire indiftindement tous les Etrangers, ôc que
l'Abbé quittât fes Religieux pour aller manger avec les Hôtes
fans aucune diilindion ; que l'ufage de Cluni eft qu'il mange au
Réfedoire, finon en cas de maladie , ou que la condition des
Hôtes foit telle , que l'Abbé doive leur faire compagnie; que
les Religieux de cette Congrégation étant en campagne, n"o-
mettcnt pas les génuflexions ordinaires , iï ce n'eften mauvais
tems , ôc qu'alors ils difent pour y fuppléer, xxn Aiiferere ; que
les jeunes Religieux fe rencontrant avec les anciens hors des
lieux réguliers, leur demandent de vive voix la bénédiclion;
mais que dans l'intérieur du Cloître ils ne la demandent que par
une profonde inclination, en gardant le fllence;que fi l'on ne
met pas toujours un ancien à la porte, on a foin d'y mettre des
perfonnes lages ôc Hdelles ; que les portes duMonaftere n'étant
point fermées pendant le jour , il n'eft point néceffaire de frap-
per pour les faire ouvrir, ni au Portier de crier Deo gratins;
que les Moines peuvent, fans inconvénient, renouvdler leur
4So PIERRE LE VENERABLE,
vœu de ftabiiité en changeant de Maifon_,puifque la Règle le
permet à un Moine étranger.
Neuvième XXII. Pour répondre aux plaintes que dans l'Ordre de
objc^ion. Cluni l'on recevoit des Moines d'un autre Monaftere, fans la
permillion de l'Abbé propre , ôc fans lettre de recommandation ,
Pierre dit, qu'on ne doit point recevoir un Moine d'un autre
Monaftere fans l'agrément de fon Abbé , tant que cet Abbé
remplit à l'égard de ce .Moine les devoirs de Paileur, ôc qu'il a
foin de pourvoira fa fubfidance corporelle , fans laquelle l'ame
ne peut le fauver , ni le corps fe foutenir ; mais que li ce Moine
ne peut ni fe fauver, ni avoir de quoi fournir aux néceifités cor-
porelles, il peut quitter fon Abbé fans fa permiffion ; que pour
cette raifon l'Abbaye de Cluni a obtenu du faint Siège un privi-.
lege de recevoir tous les Moines contraints de fortir de leur
Monaftere , pour l'une ou l'autre de ces raifons.
Dixiémeob* XXIII. Vous ne voulez pas, difoient les Cifterciens aux
Cluniftes , avoir d'Evêque propre, contre l'ufage de toute l'E-
glife; d'où aurez-vous donc le faint Chrême, les Ordres facrés,
la confécration de vos Eglifcs , la bénédiction de vos Cime-
tières , & tout ce qui ne fe peut faire canoniquement fans l'E-
vcque , ou par fon ordre f L'Abbé de Cluni répond : Nous avons
un Eveque propre , qui eft le Pape , le premier ôc le plus digne
de tous les Evoques ;c'eft à lui feul que nous obéiffons fpécia-
iement ; ôc ce n'eft que de lui feul que nous pourrions , fi le cas
l'exigeoit , être interdits , fufpens , excommuniés. Il n'a point
été l'Eglife de Cluni à un autre Evêque qui en fiit en poffeifion ;
mais il l'a gardée, à la prière des Fondateurs, pour lui être
fourni fe à lui feul pour toujours , ainfi qu'ils l'ont réglé. Le Pape ,
trop éloigné pour nous donner les faintes Huiles , les Ordres , &
faire chez nous les autres fondions , nous a permis de nous
adreffer, pour toutes ces chofes , à tout Evêque Catholique.
Âinfi nous ne nous éloignons en rien des ufages des autres
Moines , ni des Chrétiens. Il cite divers exemples des exemp-
tions accordées aux Moines par les Papes, pour empêcher les
Evêques de troubler le repos des Monafteres , ou de difpofer de
leurs revenus , & de leurs Sujets. D'où il conclut que les Papes
antérieurs à la fondation de Cluni , ayant exemté en partie la
plupart des Monafteres , delà dépendance des Evêques , leurs
ûiccelTeurs ont pu les en aftranchir totalement.
On7.x-mc & XXIV, Par quelle raifon , par quelle autorité , continuoieat
^SuT*^' tes Cifterciens , poffedez-vous les biens desEglifes Paroilliales ,
^ °"'' des
ABBÉ DE C L U N I. 481
ides prémices, & des dixmes ? Elles n'appartiennent pas aux
Aîoines , les Canons les donnent aux Clercs. Si tout«s ces
chofes, répond l'Abbé Pierre , font données aux Ecclefianiques
à caufe de la prédication , & deTadminiflration des Sacremcns ,
pourquoi les Moines n'en jouiroient-ils pas , à caufe des prières ,
du chant des Pfeaumes, des aumônes, ôc des autres bonnes
.oeuvres qu'ils font pour le falut du Peuple? Vous poITedez , dit-
on, des Châteaux, des Villages , & des Serfs de l'un ôc de
l'autre fexe ; vous tirez des péages, des tributs ; vous faites
même les fondions d'Avocat , fans faire attention qu'en cela
vous fortcz de votre état ? Toute la terre étant au Seigneur , nous
recevons inditleremment , dit l'Abbé deCluni, toutes les obla-
tions des Fidèles ; & en cela nous ne faifons rien contre la Regle^
qui permet au Novice , avant de s'engager par la profciiion , de
donner tout fon bien aux pauvres , ou d'en faire folemneilement
une donation au Monaftere. Elle n'excepte aucune forte de
biens ; elle fuppofe donc que les Moines peuvent les poffeder
tous , Châteaux , Villages , fonds , meubles , Serfs de toute con-
dition. Il appuie fa réponfe de divers exemples tirés de la vie de
flùnt Grégoire le Grand, ôc de quelques autres Saints. Puis il
ajoute , qu'en accordant aux Moines la poireffion des biens tciu-
porels, c eit une conféquencedeleur permettre de les défeidre
en Judice contre les ufurpateurs,n'y ayant aucune Loi qui défende
aux Moines de plaider dans leur propre caufe.
XXV. Sur la (in de fa Lettre l'Abbé Pierre diftingue deux . D-oit àe
fortes de Commandemens de Dieu , les uns éternels & immua- ' P''" "'
blés ; les autres fujets au changement, félon les tems ôc lescir-
conftances. On n'a jamais dilpenfé des premiers , comme du
précepte d'aimer Dieu de tout fon cœur, ôc le prochain comme
foi-même. Mais les autres , qui ont eu pour Auteurs , ou les faints
Pères , ou les Conciles , ou les faints Fondateurs d'Ordres , peu»
vent,6c doivent changer ,lorfque la charité le demande; les
Supérieurs font en droit d'en difpenfer. C'efl: fur ce principe qu'il
excufe les changemens faits dans Cluni à l'égard des habits, de
ia nourriture, & de quelques autres obfervances Monaftiques,
Il fonde encore la nécellité de difpenfer, fur ce que la nature
humaine étoit beaucoup affoiblie depuis le fiécle de faint Benoit ,
où elle étoit plus forte ôc plus robufte. De-là il conclut , que le»
Cifterciens refufant à leurs Frères les foulagemens néceffaires à
îa confervation delafanté, manquoientde charité, ôc péchoieat
Tome XXII. Ppp
4S2 PIERRE LE VENERABLE;
conféquemment contre la Règle de S. Benoît, qui ne refpirequé'
charité.
EpzT?. Z9. X X VL II y a une autre Lettre à faint Bernard au fujec d ua
Aîoine de Cluni éiù Evêque de Langres. Son élection s etoit
faite du confentement du Clergé & du Peuple , de l'avis du-
Métropolitain,ôc de l'agrément de l'Abbé de Cluni. Cependant
faint Bernard s'y oppofa. 11 en écrivit au Pape Innocent II. à deux
Chanoines de Lyon ; aux Evêques ôc aux Cardinaux de la Cour
de Rome ; au Roi Louis le Jeune qui avoir déjà inverti l'Elu.
L'Abbé Pierre , mécontent du procédé de l'Abbé de Clairvaux ,
elTaya de lui rendre favorable le nouvel Evêque de Langres , en
lui repréfentant , que ceux qui lui en avoient dit du mal , avoient:
depuis un certain tems déclaré une guerre fi ouverte à l'Abbaye
de Cluni , qu'ils avoient publiquement chargé les Moines d'in-
jures , de calomnies , & quelquefois même de coups. Qu'à
l'égard de l'Elu , il l'avoit fondé en toutes manières pourfçavoir
de lui-même s'il étoit coupable de quelques-unes des fautes
dont on laccufoit ; qu'il avoit non-feulement protefté de fou
innocence , mais qu'il s'étoit encore offert de fe purger par
ferment.
^Ffi- 3>- XXVII. Le Pape Innocent II. étant à Cluni en iiî2 au
mois de Février , accorda , fans en parler à l'Abbé ni à pcrfonnc
de fa Communauté , un privilège à Eftienne , Abbé de Cîtcaux ,
par lequel il exemptoit tous les Ciftcrciens de payer les dixmes.
Ce privilège n'eut d'abord lieu que contre les Cluniftes : enfuite
il s'étendit à toutes fortes de perfonnes ; mais aucun ne réclama
que l'Abbé Pierre , & celui de Gigny. Celui-ci avoit des dixmes
confidérables à percevoir furies Terres du Monaflere du Miroir,
Ordre de Cîteaux. Les ayant voulu exiger , le Pape mit en inter-
dit l'Eglife de Gigny. L'Abbé de Cluni , affligé de l'induit ôc
des fuites qu'il avoit occafionnécs , en écrivit au Pape, pour lui
remontrer que l'Eglife de Cluni tiroir depuis plus de deux cens
ans les dixmes indiflin£lement fur toutes fortes de Terres ; que
fi les Cifterciens en étoient exempts , comme leurs Monafleres
fe multiplioient de tous côtés, il arriveroit nécelfairement la
fuppredion de la dixième partie des Cluniftes, ou même qu'ils
feroient obligés de céder leur place aux Ciilerciens. Il prie le Pape
de ne pas permettre , que les nouveaux venus chaffcnt les anciens j
& de fufpendre jufqu'à Pâques l'exécution de la Sentence contre
l'Abbaye de Gigny , afin que l'Abbé ou fes Moines aycnt le
ÂBBÉDECLUNI. ' 435
loifir d'aller à Rome rendre au Saint Siège un compte exa£l de
leurs droits ôc de leur conduite. Pierre écrivit fur le même fujct Epijl. jf,
au Cardinal «Se Chancelier Aimeric , à qui il repréfentc , qu'il eft
inoiii que quelqu'un ait été dépouillé de fes droits par le Siège
Apofioliquc, fans avoir été entendu ; ni que l'on ait donné le
bien d'une perfonne , fans fon agrément. Il répond à ce que les
Cifterciens difoient qu'ils étoient pauvres , ôc les Cluniftes
riches ; que s'ils étoient riches , ils avoient un grand nombre de
perfonnes à nourrir ; qu ils ne refufoicnt pas de foulager les
pauvres ; que le monde connoiffoit l'ufage qu'on faifoit à Cluni
des revenus du Monaflere ; qu'avant de juger de la pauvreté des
Ciilcrciens ôc des richelTes des Cluniiles , il falloir faire un paral-
lelle des revenus ôc des dépcnfes des uns ôc des autres ; que l'induit
accordé par lePapeferoit fupportablc, s'il ne regardoit que quel-
ques cantons , ôc non toutes les poiTenions des Cifterciens qui fe
multiplioient de jour en jour. Dans fa Lettre au Chapitre général H.i'?. $u
de Cîteaux , il rappelle les bienfaits dont il avoit comblé , autant
qu'il avoit été à fon pouvoir , cet Ordre naiffant ; l'amcur qu'il
avoit eu pour lui ; les éloges qu'il avoit faits , de leur ferveur , de
leur fobrieté , de leur modcllie , de leur humilité. Il leur fait
envifager leur privilège touchant l'exemption des dixmes comme
une pomme de difcorde , que l'homme ennemi avoit jetcée entre
les deuxOrdres;ôcles exhorte à préférera ce privilège, la charité,
l'ame des Chrétiens. Cette Lettre offenfales Abbés de l'Ordre de
Citeaux. Pierre en ayant eu avis, leur en écrivit une féconde Ep;,*?, 55.
l'année fuivante , où il protefte , que dans la première il n'avoit
eu aucune intention de rompre avec eux, ôc qu'il l'avoit écrite
dans un efprit de paix ôc de charité.
X X V 1 1 1. Il arriva que quelqu'un de la dépendance de l'Abbé li^^'^ ^«"
de Cluni tomba dans une erreur toute femblable à celle des '^^
Apollinariftes, foutenant comme eux, que Jefus-Chrifl: en fe ^'-^ '*
faifant homme n'avoit pris que le corps & non l'ame humaine.
Il n'eft point nommé dans l'infcription de la Lettre qu'il lui
écrivit ; mais Pierre fait aflTez entendre qu'il étoit chargé de fa
conduite , ôc qu'il avoit demeuré longtems , ou même qu'il
demeuroit encore dans une Communauté confiée à fes feins.
Pour l'empccher de fe perdre lui-môme , ou d'infecter les autres
de fon erreur , il l'en convainc dans cette Lettre , ôc prouve par
un grand nombre de pafiages de l'Ecriture , ôc par pluf.eurs •
raifonnemens théologiques , que l'humanité en Jefus-Chrifl étoit
compofée d'un corps ôc d'une ame raifonnable , comme dans
Pppij
484 PIERRE LE VENERABLE,
tout le refte des hommes. Il le prouve encore par le S^'mboiff
des Apôtres , où il eft dit, que Jefus-Chriil eft defcendu aux
Enfers : ce qui ne peut s'entendre que de fon anie , puifque dans
ce tems , fon corps étoit dans le tombeau.
Kpijl. 2. XXIX, En congratulant Pierre, Archevêque de Lyon,
de ce qu'il étoit élevé fur le Siège primatial du Royaume, qui
ne connoic d'autre Supérieur que le Siège Apoftolique, & qui
lui donne autorité' fur toutes les Eglifes de France, il le prie
d'exercer fon zèle contre les vices ôcles abus qui regnoient dans
le Clergé féculier & régulier ; & lui offre fes fervices pour cette
Hpijf. 3. œuvre de pieté. Informé de la froideur du Pape Innocent pour le
Cardinal d'Aibane , il elTaya de le remettre dans fes bonnes-
grâces, ea le faifant re(Touvenir des travaux de ce Cardinal pour
l'Eglife ôc pour lui-même ; de la fageffe & de la prudence qu'il
avoit fait paroitre dans les diverfcs légations dont on l'avoit.
chargé ; enan les mouvemcns qu'il s'étoit donnés au commen-
cement de fon exaltation pour le maintenir fur le faint Siège,,
contre Pierre de Léon fon Compétiteur. Il prie le Pape de le.
Iniffer continuer fa légation en France , jufqu'à ce qu'il eût oeca-
fion de le rappeller à Home avec honneur. Le parti de Pierre de
Léon étoit , lorfque l'Abbé de Cluni écrivit cette Lettre, réduit.
Epijl. 4 &: -jO. prefque à rien ; il en. tira une preuve pour montrer à Gilon ,,
Evoque de Tufculum, qu'il ne pouvoit fe difpenfer de quitter
ce parti , puifqu'il n'étoit pas poifible que l'Eglife Catholique ne-
fiit compofie que du petit nombre de perfonnes renfermées dans-.
quelques FortereiTes d'Italie ou du Poitou.
Bp'ijl. 7' XXX. Pierre n'eut aucun égard aux remontrances de.
Tlieotad fur l'impolFibilité où il fe difoit être de gouverner
l'Abbaye de la Charité , dont il étoit Prieur ; mais il lui lit voir
qu'il devoir par obéïfirance& par devoir continuerl'exercicedefa.
Charge ;& que fi fa fanté ne lui permcctoitpas d'en remplir toutes
lés fondions/il pouvoit s'abfentcr quelquefois des exercices coni- ■
muns , ainfi qu'il étoit permis aux infirmes , & prendre les autres
foulagemens nécelfaires. La Lettre que l'Abbé de Cluni avoit
écrite au Pape Innocent II. en faveur de Mathieu , Cardinal ,
Epijl. 10. -Evoque d'Aibane , fut fans effet. Ce.Légat fut rappelle à Rome.
Pierre ne put s'empêcher de témoigner au Pape que ce rappel
étoit préjudiciable à Tes intérêts. Il le prie encore une fois de
rendre fes bonnes grâces à ce Cardinal , qui lui avoit toujours ■
EpiJl. 11, été fi attaché ôc fi utile. Ce fut à ?vlatthieu que l'Abbé de Cluni
fé plaignit , comme au nom de tout l'Ordre Monailique, qu'oiii
A B B É D E C L U N T. 45^
eût chaffé les Moines de Verdun , apparemment dcTaint Vannes ,'
pour mettre en leur place des Clercs féculiers.
XXXI. Il necroyoitpas que celui qui avoitfait ferment de cf,?, ,y^
prendre Ihabit Monallique , put s'en dilpenfer , ni fupnicer par
un voyage à jerufalemiSa raifon étoit , que l'on ne pouvoit
pas compenfcr une bonne adion , par une autre de moindre
valeur j &. qu il étcit plus agréable à Dieu de le fervir toute la
vie dans l'humilité ôc la pauvreté, que de faire un pèlerinage
avec orientation. Raingarde fa mère étant morte le 22 juin de Efijî. \6,
l'an ii?^, dans le Monallere de Marcigni , où elle avoit fait
profeiîion , il écrivit une Lettre circulaire à tous les Supérieurs
des Monaileres de fon Ordre , portant, qu'ils feroient dire pour
le repos de fon ame trente ]Vi elles , Ôc nourriroient douze Pauvres
dans les lieux où cela feroit polîible ; & que tous les Prêtres di-
roient deux Méfies pour elle , fans compter l'Oflice & la MelTe
générale. IladrelTa une autre lettre à Jourdain jPonceôc Armann , Epij}. 17,
dans laquelle iltliit l'éloge delà pieté de fa raere , & rapporte les
circonftap.ces de la mcrt. Suivant la coutume , elle rcait l'Ex-
trôme-Ondicn avant le Corps du Seigneur , après s'être préparée
à l'un & à l'autre par la confellion de fes péchés.
XXXII. Il y a pîufieurs Lettres de Pierre le Vénci'able à Epjl. if.
Henri, Evcque de \incheilre, par lefquellcs en voit que ce
Prélat étoit très-affeÛionnéaux xMonaftercs que l'Ordre de Gluni
avoit en Angleterre. Dans une , Pierre recommande à cet Evêque
de faire enlorte que les cent marcs que le Roi d'Angleterre avoit
donnés julqucsià à Gluni , lui foient aulTi délivrés à l'avenir.
Pierre avoit depuis longtenis le deffein d'aller à Rome. Mais le EpiJI. lé, if*
Pape ccnnoiflant la Ibibiefie de fa complexion & de fa fanté , le
dilpenfa de ce voyage. Il écrivit au même Pape pour lui repré- ■
fenter le dommage que foutiriroit l'Abbaye de \'ezeîai , fi l'on"
en tiroic l'Abbé, poar le faire Evêque de Langres,ainfi que le -
bruit en couroit. Guillaume, Evêque d'Orange, -avoit niis en 'E^ij'. aS, •
interdit le Monaftere du Fuy , fous le prétexte que les Moines
retenoient in-uflementi"Egiifedefaint Martin. L'Abbé de Cluni EpiJi: 3»,-
écrivit à cet Evcque, que l'Eglife leur avoit été donnée par fon •
prédéceflcur , avec le confcntement du Pape Urbain ; ôc qu'ils '
en avoient pris pofiefiion avec toutes les formalités de droit; que •
s'il ne vouloit pas fe défifter de fes pourfuites , il lui demandoit •
jour pour faire difcuter cette aft'aire en préfence du Légat du ' •
Pape.
XXXIII. On a vu plus haut que les Cluni il es SLyoietit'^piJl. 3;.-
Ppp iij
4S<5 PIERRE LE VENEP.ABLE ;
obtenu du faint Siège , des privilèges , qui leur permettoient de
recevoirles Ordres facrés de quel Evoque ils voudroienr. Atton,
Evêquede Troyes, en ordonna plufieurs dans le Monaftere de la
Charité fur Loire. Hugues , Evêque d'Auxerre , auparavant
Abbé de Pontigni , lui en fît un Procès. Atton confulta fur cette
affaire Pierre le Vénerabls , qui lui donna communication des
privilèges de Cluni. Les deux Evêques s'accordèrent, & l'affaire
Epifl- lU en refta là. On voit par la réponfe d'Atton , rcitime qu'il faifoit
f^i/?. j . des lumières ôc des vertus de l'Abbé de Ciuni. Sa Lettre à Jean
Comnene , ou Ca/o 7oa/2/ze^, Empereur de Conftantinople, eft
pour l'engager à faire rendre à l'Ordre de Cluni le JMonaftere
de la Charité , fitué dans le voifmagc de cette Ville , & ufurpé
par d'autres .Moines depuis trois ans. Il promet à ce Prince de
i'aflocier aux prières, & à toutes les bonnes oeuvres de Cluni,
comme on y avoir alTocié les Rois de France, d'Angleterre,
d'Efpagne , d'Allem?.gne , de Hongrie , &: même les Eiii pereurs.
Ei':Jl. 4c. Il écrivit fur le même fujet au Patriarche de Conftantinople , à
qui i; fciit remarquer que ce Monaftere avoir été donné à Cluni
par l'Empereur Alexis Coranene. Pierre dit dans cette Lettre ,
qu'il étoit uni au Patriarche par une même foi , ôc que s'il lui étoit
poifible d'aller à Con^antinople , il feroit avec lui une alliance
fpirituelle & de charité, qui ne fouffriroit aucune diffolution. Il
Ep'ifl. 47. demanda au Patriarche de Jérufalem des reliques du tombeau
de jefjs-Chrift , de celui de la fainte Vierge , ôc d'autres , telles
qu'il lui plairoit d'envoyer.
Livi-e troi- XXXIV. Un Moine nommé Grégoire, très-appliqué à
Mme. l'étude , furtout de l'Ecriture fainte , confulta fon Abbé fur di-
i^pijl. 7. verfes difficultés. La première étoit de fçavoir , fila fainte Vierge
que l'Ange falua pleine de grâce, en reçut une augmentation le
jour de la Pentecôte , lorfque le Saint-Efprit delcendit fur elle ,
comme fur les Apôtres. L'Abbé Pierre rép juJ , qu'elle ne reçut
en cette occafion aucun accroiffement de charité , ou de grâce
fandirtante, mais qu'elle a pu recevoir une augmentation de
ces dons dont il eft parlé dans la première Epitrc aux Corin-
thiens : L'un reçoit du Saint-Efprit le don de parler de Dieu
dans une haute fageffe ; un autre reçoit du même Efprit le don
de parler aux hommes avec fcience ; un autre reçoit le don de la
foi par le même Efprit ; un autre la grâce des miracles ; un autre
celle de guérir les maladies. Grégoire demande par la féconde
qucftion, comment la fainte Vierge , après avoir conçu le Fils,
de Dieu , uni perfonnellement dans fon foin à la nature humaine ,
3. Loi\,ii,S,9,
ABBÈDECLUNL 4S7
en quî confdquemment fe trouvoient tous les tréfors de la fagede
& de la fcience , a pu ignorer quelque chofe dici-bas ? Pierre de
Cluni répond , qu'encore que la fainte Vierge ait conçu & ren-
fermé dans Ton fein ce.ui en qui font tous les trcfors de fcience,
il ne s'enfuit pas qu'elle y ait puifé , ni que ces trcfor.i lui ayeuc
appartenu pi-ri'onneiiement ; qu'autre choie eft d'avoir engendre
celui en qui eft la plénitude de la lagelVe , ôc autre de poffedcr
perlonneilement cette fagelTe ; que quant à la pureté des mœurs ,
a la perfection delà vie , ôc à la pratique de toutes les vertus, elle
a furpaffé.même étant fur terre , les hommes & les Anges ; mais
qu'on ne peut dire qu'elle ait eu une connoiffance plus parfaite de
Dieu que les Anges , qui le voyent comme il e(l ; autrement il
faudroit dire qu'elle a joui dès ce monde de la béatitude : ce qui
ne fe peut, vu lestraverfes dont fa vie a été partagée fur terre,
à fon enfantement, à ù\ fuite en Egypte, à la mort de fon Fils.
La troifiéme queftion roule fur un paifage de fuint Grégoire le
Grand , qui femble dire , que le Verbe étoit uni à l'homme avant
de naître de la fainte Vierge. Mais l'Abbé Pierre fait voir par le
difcours même d'où ce paifage eSl: tiré, que faint Grégoire n'a
voulu dire autre chofe , (inon que l'union du Verbe avec la nature
humaine avoir été arrêtée dans les décrets de Dieu , & figurée ea
plufieurs manières , avant qu'elle fe fit dans le fein de Marie.
XXXV. Après la mort d'Alberic, Archevêque de Bourges, Livre qua-
arrivée en i 14-0 , le Pape Innocent IL fit élire à fa place Pierre "''éme.
de la Chaftre , & l'envoya prendre poITelfion. Le Roi Louis le '-''■^^' ^'
jeune, irrité qu'on l'eût choifi fans fon confentement, jura publi-
quement, que de fon vivant Pierre ne feroit point Archevêque.
Le Pape jetta un interdit fur la France. Saint Bernard fit tous fes
efforts pour réconcilier le Roi avec le Pape. Pierre de Cluni
lui en écrivit aulli , lui repréfentant la dignité du Roi & du
Royaume de France ; le péril dont l'Eglife étoit menacée; & le
prie d'uferdecondefcendance à l'égard d'un jeune Prince , qu'il
avoitlui-même élevé furie throne en le faerant avec Thuilefainte
le 25- d'Odobre 1 i 3 i. Il marque au Pape dans la même Lettre,
que la réfornie introduite par fes ordres l'année précédente dans
le Monaftere de Luxeu , n'y avoir eu lieu que très-peu de tems ;
qu'enfuite il étoit retombé en un état pire qu'auparavant. Dans
une autre Lettre à Innocent II. l'Abbé Pierre lui raconte com- Epijl. 4.
nient il avoit , avec l'Abbé de Cîteaux- , reconcilié Abaillard avec
faint Bernard ; ce qu'il avoit fait pour l'engager à rétracter ce
qui paroiiToic , dans fes écrits ^ contraire à Ta Foi catholique ; 6c
4SS PIERRE LE VENERABLE,-
la réfolqtion où ctoit Abaillard de quitter le tumulte des Ecoles,'
pour pafler le relie de fes jours à Cluiii. L'Abbé ne voulant lui
accorder cette grâce que fous le bon plaifir de fa Sainteté , lui
Epijl. 7. demande fon confentement par la même Lettre. Par une troi-
fiéme j il prie le Pape de confirmer, malgré lesoppofitionsdu
Comte d'Angers, i eleûion d'Arnoul _, Archidiacre deSéez.,
confacré Evéque de Lizieux.
.•&i/î. 8, X X X V L Dans la Lettre à Milon , Evêque de Terrouane-,
il fe plaint que cet Evcque ait traité publiquement en préfence
du Clergé ôc du Peuple , les Moines d€ Giuni , de fuperbes &: de
dcfobéiliàns aux Evêques. Il lui repréfentc que de tels reproches
dévoient leur avoir été faits en Chapitre à Cluni , ôc non en
public i que faint Auguftin n'en agiflbit pas ainfi à l'égard des
Frères de fa Communauté ; qu'au reileil ne connoit les Moines
de Cluni, ni pour fuperbes , ni pour défcbéiffans aux Evêques.;
que prefque tous ceux de l'Eglifel^atineont pour «ux de l'amitié.
. il prie Milon de leur être propice , ôc lui reproche comme à
.un ami , d'avoir empêché qu'on ne donnât aux Clunifles uii
Canonicat d'Abbeville , quoique ce lieu ne fût pas de fon Dior
cèfe, mais de celui d'Amiens. Il parie d'un Concile de Reims
où cette donation avoit été propofc;; & agréée de tous les Evê-
^Epijl. 9i ques , excepté de Milon. Pierre fe chargea de la part du Roi
d'Efpagne de demander au Pape Lmocent IL la tranîlation de
TEvêque de Salainanque , à rArchevêché de Compollelie ; ÔC
.%'/Z. 10. delà part de l'Eglife de Tours, la permillion à Hugues qui en
étoit Archevêque , ôc qui étant tombé nialade au Monaftere de la
Charité , y avoit pris Thabit Religieux , de retourner à fon Arche-
Epil. II. yêché. Au contraire , il exhorta lArclicvcque deNarbonne, que
|on âge ôc fes infirmités mettoient hors d'état de gouverner fon
pioccfe , à fe retirer à Cluni , pour s'y rcpofcr de ics travaux.
Epljl. 17. X X X V 1 1. Sa Lettre à faint Bernard cil pour l'aiTurer , que
leur différend au fujet du Mome de Cluni nommé à l'Evêché de
Langres, n'a rien diminué de l'amitié ni de redime qu'il avoit
pour lui. Il lui demande aulfi , que la différence des ufages entre
les Cifierciens ôc les Clunidcs n'altère point la charité entre les
deux Ordres. Il marque fur la fin , qu'il lui envoyé une nouvelle
traduction de l'Alcoran, de l'Arabe en Latin , qu'il avoit fait
faire étant en Efpagne , par Maître Pierre de Tolède. L'Abbé
4e Cluni l'avoir fait aider dans cette verfion par fon Secrétaire,
parce que Pierre de Tolède n'étoit pas en état d'écrire claire-
îucntôc poliment en Latin, quoiqu'il l'entendit bien. A cette
tradudion,
A B B É D E C L U N r. 489
'tradudion , Pierre le VéneraWe joignit l'abrégé de Thiftcire de
Mahomet & de fa doctrine , afin que le monde qui dtoit inledé
-de fes erreurs , connût combien on devoit les avoir en horreur.
X X X V I 1 I. Aulfitôt quePierre deCluni eut appris 1 éledioa Ef'i/?- '8-
•^e Celeftin II. faite ie 26 de Septembre 1 14.5 , i} lui écrivit une
Lettre de congratulation. Ce Pape n'ayant tenu le Saint Siège
que cinq mois , Pierre n'eut pas d'occafion de lui écrire plus
Souvent. Il f\t aulfi au Pape Lucius II. élu le dixième de #Iars E'/'J^- '9.
1 !44 , des complimens fur fon élévation , ôc lui demanda de
nouveaux jrdres pour lui envoyer treize de fes Religieux , dont
un devoit être Abbé des douze autres. L'envoi fe (ù , ôc le Pape Epifl. lo, -.
leur donna à Rome le Monafcere de Giint Sabas , fondé dès le
tems de (IVint Grégoire , alin d'y rétablir l'obfervance. Il mie
pour condition , que ce Monaftere dépendroit de lAlibé de
Cluni. Nous avons une autre Lettre de l'Abbé Pierre au Pape E /,-?. îi;
Luce , dans laquelle il prend le parti de l'Evêque d'Orléans
contre fes Chanoines , montrant qu'ils l'avoient accufé injuf-
tement.
XXXIX. Abaillard étant mort en i 142 , Pierre de Cluni EfiJ. lu
ne trouva rien de mieux pour confoler Heloïfle , que de lui
apprendre de quelle manière fon niari avoit vécu & iini fa vie
dans ia retraite. Je ne me fouviens point , dit-il , d'avoir vu fon
femblable en humilité , tant pour l'habit que pour la contenance.
Je l'obligeois à tenir le premier rang dans notre nombreufe Com-
manauté , mais il paroilloit le dernier de tous , par la pauvrcié de
fon habit. Dai^s les Procellions , comme il marchoit devant moi
fuivant la coutume , j'admirois fouvent comment un homme
d'une ii grande réputation put s'abailfer de la forte, Ôcfemépriier
iui-môme. U obibrvoit dans la nourriture & dans tous les befoins
tlu corps la même fimplicité que dans fes habits , & condamnoit
par fes difcoursôc par fon exemple , non-feulement le fuperflu,
mais tout ce qui n'efb pas abfulument néceffaire II liioit
fouvent , gardoit un filence perpétuel , fi ce n'eft quand il étoit
forcé de parler , ou dans les conférences , ou dans les fermons
qu il Hiifoit à la Communauté. Il offroit fréquemment le facririce ,
6c même prefque tous les jours , depuis que par mes Lettres ÔC
mesfoUicitations il eut été réconcilié au Saint Sicge. Que dirai- je
davantage f II n'étoit occupé que de méditer ou d'enfeigner les
vérités de la Religion ou de la Philofophie. L'Abbé de Cluni
ajoute , que l'ayant envoyé , à caufe de (es, infirmités , au Prieuré
de faint Marcel , près Châlons fur Saône, il y fut attaqué d'une
Tome XX IL Qqq
4po PIERRE LE VENERABLE;
maladie qui le réduifit à l'extrémité ; qu'alors il fit d'abord fa
confeifion de foi ; puis celle de fes pûcht's , & reçut le Viatique
avec une fainte avidité , en préfence de tous les Frères de ce
Monailere.
"Epijl, 23. XL. La Lettre à Raimond , Moine de Touîoufe , eft en vers
élegiaques. Elle contient fon éloge. Pierre y relevé Ojrtout la
fécondité de fa verve poétique , que fon grand âge n'alteroit
poiiit , ôc la beauté de fa voix dont l'éclat étoit toujours le même.
L'Abbé de Cluni avoit , comme on le voit parcette élégie, du
goût pour la poefie; & il ne pouvoir fouffrir qu'on récitât dans
l'Eglife des hiiloires pleines de fauffetés , ni qu'on y chantât des
Hymnes dont la latinité ne fut pas pure, ou dont les vers pé-
Ep^, 30. chaiïent contre la quantité. C'efl: pourquoi ayant oui chanter &
chanté lui-même une Hymne pour la fête de faint Benoît, qui
péchoit également contre la vérité del'hiftoire , contre la pureté
de la langue latine , & contre les règles de l'art poétique , il en
compofa une autre en l'honneur de ce Saint, où il relevoit fes
vertus ôc fes miracles. Dans une autre Hymne, mais plus courte
que la première , il donna l'hifloire de la tranflation de fes reliques
en France, & de leur illation , ou tranfport de l'Abbaye de
Fleuri fur Loire à Orléans , & d'Orléans à Fleuri ; car on faifoit
la fête de ces deux tranfations.
'Epiji- ic-. X L L Saint Bernard dans fa Lettre circulaire pour la Croifade,
difoit , qu'il ne failoit point perfécuter les Juifs, ne les pas tuer,
ni même les chaifer , parce qu'ils étoicnt comme des Lettres
vivantes qui nous reprëfentoient la Palfion de Notre-Seigneur,
& que c'étoit la raifon de leur difperfion dans tous les Pays du
monde. L'Abbé de Cluni penfoit à peu près de même. En
fouhaitant au Roi Louis vers l'an i 1 46 un heureux fuccès dans fa
Croifade , il dit à ce Prince , qu'encore que les Juifs foicnt les
plus grands ennemis des Chrétiens , ôc pires que les Sarrafins ,,
il faut , non les faire mourir, mais les réfcrver à un plus grand
fupplice , f^avoir , d'être toujours efclaves, timides & fugitifs ;
qu'il faut encore les punir en ce qu'ils ont de plus cher, qui eft
îeur argent; leur défendant les gains illicites qu'ils foHtfurles
Chrétiens , non-feulement par les ufutes , mais par- les larcins,
dont ils font complices ôc receleurs , furtout de l'argenterie des
Eelifes, qu'ils achetoienr des Voleurs , la fondoient enl'uite , ôc
i'employoient à des ufagcs prophnne«. Il exhorteleRoi Louis à
puifir les Hicrileges , ôc à prendre fur les Juifs de quoi fournir à
la guerre contre les Sarrafins.
ABBÉ DE CL UNI. 4pt
IC LIT. Le Pape Eugène ÎII. dlu au mois de Février II4.4- , r^re c'm-i
avoit nomme l'Archevêque d'Arles & l'Evêque de Viviers pour 'iuiéme.
coniiokre d'un différend entre i'Evêque de rvlifmes ôcTALbéde fyi^l. 4.
la Chaife-Dieu , au fujet du Monailere de faint Baudille de
Nifmcs qui dépendoit de cette Abbaye. Mais les Parties conten-
dantes reculèrent les Arbitres. Pierre de Cluni , qui prenoit
intérêt à cette aliciire, écrivit au Pape les motifs de rccufation ,
en le priant de juger lui-mêmece différend ; l'allurant que l' Abbc
de la Chaife-Dieu , ou quelqu'un de fa part, fera volontiers le
voyage de Rome , quelque pénible 6c dangereux qu'il fût, pour
foutenir les intérêts de fon Monadere. Il recommanda au même Epij!. ?;
Pape les Députés de l'Eglife d'Angoulême , réfolus de fe pourvoir
à Rome , contre l'Archevêque de Bordeaux , qui refufoit de
facrer celui qu'ils avoient élu pour leur Evêque.
XLIl L Confulté par 1 hibaud , Abbé de fainte Colombe, /r,.;/?, 7.
pourquoi on réïteroit Tonclion des malades à Cluni , il répondit ,
qu'il n'en étoir pas decetteondion comme de celle du Baptême ,
•de la Conhrmation 6c de l'Ordre facerdotal , ou des onclions
d'Eglifes ôc de vafes facrés ; que ces onctions imprimoient une
confécration qui ne pouvoit s'effacer ; au lieu que l'effet de
l'onction des malades étant la rémiifion des péchés , dans lefquels
ils peuvent retomber après s'être relevés de leur maladie, il eft
permisdans cecas de leur adminiftrer piuiieurs fois cette ondion ;
ce que l'on ne fercit cas néanmoins , fi le malade, après fa conva-
lefcence , ne retomboit plus dans aucun péché. Pierre autoiife fa j^^^j.^ ^ ^ ,^_
réponfe des paroles mêmes de l'Apôtre faint Jacques , qui éeant
générales, &: fondées fur les befoins que nous avons de réitérer
les remèdes à nos chutes , fuppofent qu'on peut recourir à
rEx'trême-On£lion autant de fois qu'il eft nécelTaire pour lefalut
du malade. L'Abbé de f:tinte Colombe ne concevo'it pas com-
ment s'étoit accompli le fonge de Jofeph , où il lui avoit femblc
que fon père , fa mère , 6c tous fes frères l'adoroient. En eiiet ,
la mère de Jofeph éioit morte avant qu'il fat établi Prince dans
toute l'Egypte, ôc l'Ecriture ne dit point que Jacob fon père
l'ait adoré depuis fon élévation. Pierre de Cluni dit , que le fonge
de Jofeph ne fut pas accompli perfonnellement dans fon père ni
dans fa mère , mais dans leurs defcendans : comme la bénédiclion Qgnef, xy,
d'Ifaac n'eut pas fon eflet perfonnellement dans Efaii, qui ne fut
jamais affujetti à Jacob , mais dans les defcendans d'Efaa , c'ed-
a-dirc, can. les Iduméens , qui furent pendant un certain tems
fournis à la pcfleritéde Jacob, ou aux juifs. Sur la fin de fa Lettre
Qqq ij
402 PIERRE LE VENERABLE,
l'Abbé de Cluni donne à Thibaud des inftruclions pour fa con-
duite dans le voyage de la Terre fainte.
£pi/?. r. X L I V. Henri j frère du Roi Louis le jeune , après avoir pra-
tiqué quelquetems la vie iMonafliqueàClairvaux, fut ciù Evêque
de Beauvais en 1 14_9. Saint Bernard incertain s'il confentiroit
à cette élection , confulta Pierre de Ciuni, dont la réponfe fut,
que fi elle avoir été faite unanimement par leCiergé ôc le Peuple,
avec le confentement du Métropolitain Ôc de fes SutïVagans ; (i
on l'avoit prié lui-même de l'approuver ; & fi le Pape s'étoic
déclaré fur ce fuiet en écrivant au Métropolitain , il falloit fe
foumettre à la volonté de Dieu , manifedée par tant d'endroits,.
& donner à i'Eglife de Beauvais le Pafteur qu'elle demandoit. Si
vous vous déliez de la fcience de Henri , ajoutoit Pierre , DieU'
qui l'a déjà favorifé de tant de grâces , peut lui en accorder en-
EpUf. 9 , & ^'^^^ '^^ P^^2 grandes. Henri n'ignorant pas que l'Abbé de Cluni
Ui.6,epijl.7- n'eût beaucoup contribué à fa promotion, lui en fit des reproches»
mais qui ne bleffoient , ni la charité , ni l'amitié.
Livre SxÎL- X L V. Cet Abbé , par l'ellime qu'il avoir pour fiint Bernard
^^- ôc ceux de fon Ordre , ibuhaitoit qu il y eût entr'eux ôc ceux de
Efijl. 4. Cluni une union fraternelle, qui fans les obliger à changer la
couleur de leurs habits, les unît par d'autres marques de fraternité,-
Il pria doncS. Bernard de trouver bon que lesClunifles allant dans
les Monafteres des Cifterciens,yfuirentreçus dans leRéfedoire,.
dans leDortoir,ôc dans les autres lieux réguliers ; promettant que
de fcn coté il continueroit de recevoir les Cifterciens , ôc les
ferolt recevoir dans tous les Monafteres d- fa Jurifdiction. Pour
faciliter ce devoir de charité, il lui demande que les uns Ôc les au-
tres fe conforment à la manière de vivre dans les Monafteres des
deux Ordres , en ufant de la nourriture qui y fera en ufagc
Ej.'{f!.s,ç, XLVI. On avoit fait rapport au Pape Eugène III. que
*«• l'Archevêque de Vienne, au lieu de protéger les Ckuiiftes , les
inquietoit. Le Pape lui en lit fes plaintes. L'Archevêque fit parc
du contenu delà Lettre d'Eugène III. à l'Abbé de Cluni, qui
défabufa le Pape, en lui marquant, que l'Archevêque n'avoic
cccafionné aux Cluniftes aucune occafion de plaintes.
Epifl. If. XL V 1 1. Il écrivit une Lettre trcs-vive à tous les Prieurs 6c
Religieux de fon Ordre, pourréprimer l'abus qui s'étoit intro-
duit dans plufieurs Monafteres, de ne plus garder l'abftinence
de la viande , que les jours de vendredis. 11 leur repréfente ,
qu'en cela ils fiut non- feulement moins Religieux que les
Laïcs , qui s'en abfticnncnt les famcdis ; ôc la plupart, les lundis-
ABBÉDECLUNI. 4^5
& les mercredis ; mais encore qu'ils vont directement contre leur
engagement , contre la conllitution d'Odon , l'un des Fondateurs
de leur Ordre , 6c contre la règle de faint Benoit , qui ne permet
l'ufage de la viande à quatre pieds qu'aux malades & à ceux qui
en ont befoin pour fe rétablir ou fe foutenir. Il convient que
dans l'Ordre de Cluni l'on avoit change quelque chofe au prefcrit
de la Règle à l'égard de la réception des Novices, des habits,
du travail des mains , ôc de quelques autres uluges , pour des
raifons légitimes ; mais il fouticnt qu il ne s'étoit lait aucun
changement fur l'article de Tabilinence. Il cite quelques exem-
ples de la vengeance de Dieu contre des prévaricateurs , &
n'oublie pas la manière dont les Ifraclites furent punis , au lieu ^^um. n, j4.
appelle les fépulchres deconcupifcence, pour avoir défiréavec
trop d'avidité de manger de la chair.
X L V 1 1 1. Les quatre Lettres fuivantes regardent le mauvais Epijf. i^,-
fuccès de la Croifade. L'Abbé Pierre après avoir témoigné fa
douleur à Roger, Roi de Sicile , fur la mort de fes enfaas , Ôc
lavoir afTuré qu'on avoit fait à Cluni pour le repos de leurs âmes ,
les prières, ôc autres bonnes œuvres ufitées dans TEglife, lex-
horte à faire fa paix avec l'Empereur des Pvomains, pour être
plus en liberté d'aller enfuite au fecours des Croifés, ôc venger
le fang des Chrétiens répandu parlesSarrafins. Pierre avoit appris F-piri. rr,
ce mauvais fuccès par des Lettres de faint Bernard , ôc de Suger '^ ' '^ »
Abbé de faint Denys. Il écrivit à l'un ôc à l'autre pour partager
avec eux la douleur d'un fi tride événement. Dans la Lettre à
faint Bernard , il s'excufe defe trouver à l'aflembiée de Chartres,
tantfur fa mauvaife fanté, que parce qu'il avoit convoqué un
Chapitre à Cluni pour le même jour , qui étoit le vingt-unième
d'Avril I i^fî. Il allègue les mêmes raifons à l'Abbé Suger.
XLIX. Il a été parlé ailleurs de la Lettre d'Heloïfife à Pierre EvXn, ^^
de Cluni pour le remercier de fa vilite ôc de lui avoir apporté le
corps d'Abaillard ; ôc de la réponfe que lui fit cet A bbé. Sa Lcctre ,^ .,,
au Prieur de Majorcve , efl un témoignage de l'eflime qu'il avoit
toujours eue de l'Inftitut des Chartreux. Il promet à ce Prieur
de lui renvoyer au plutôt les deux Livres qu'il répetoit ; l'un ,
contenant des glofes fur l'Evangile de faint xMatthieu ; l'autre,
fur l'Evangile de faint Jean.
L. Le Pape Eugène HT. Tavoit chargé avec l'Evéque de E'/if, j^^
Limoges , d'agir auprès de l'Evéque de Clermont pour l'oLliger
à rendre un Chevalier qu'il tenoit captif depuis deux ans ; ôc à '
texaiinerla diiîicuké q^uil avoit avec quelques Nobles au fujet
Q q. 1 'iJ
iO».
4P4 PIERPvE LE VENERABLE,
du Château d'Alfon. Les Lettres du Pape ne furent pas rendues
à l'Abbé deCluni;, mais à l'Evêque nicine de Clermont , parce
que le porteur , qui étoit frère du Captif, ne put en obtenir l'é-
largiffemeiit , qu'en donnant ces Lettres à 1 Evêque. L'Abbé
Pierre n'ayant donc pu exécuter les autres Commiifioiis portées
dans ces Lettres , fe contenta d'inftruire le Pape de la mauvaife
^conduite de l'Evêque de Clermont , dont le Diocefe étoit dcC-
.titué de tout fecours fpirituel & temporel de la parc de ce Prélat.
Il n'entre pas dans le détail de fcs délcrdreS;, ne doutant pas que
d'autres n'en infîruililfent le Pape.
tE^iJl. i:- LL Pierre s'intéreffa auprès de lui en faveur de Humbertde
Beaujeu , qui depuis fon retour d'outre-mer , avoir quitté l'Or-
di-e des Chevaliers du Temple, & repris fa femme. Cette dé-
marche étant contraire au vœu de chafîeté que faifoient les Che-
valiers, le Pape ne vouloit pas fouffrir qu'il rentrât dans le
•monde , ni qu'il demeurât avec fa feinme. L'Abbé de Cluni
,avoit cru d'abord qu'Humbert , en pafTant à Rome, avjit ob-
tenu du Pape cette difpenfe. Mais ayant été détrompé, il pria
le Pape de laifTer Humbert en cet état, difant que s'étant établi
dans le territoire de Cluni , il en avoit banni tous les pillards ôc
les brifïands , mit les pauvres à couvert de la perfécution des
tyrans , rendu la paix partout ; que fa conduite écoit réglée ; enfin
que s'il s'étoit engagé dans l'Ordre des Chevaliers , fa femme
n'y avoit point confenti , 6c ne s'étoit point engagée depuis à
Eyi//?. irt , vivre dans la continence. L'Abbé écrivit fur le môme fujet à
'' '^-■■43 , Ebrard, Maître du Temple. Il y a plufieurs autres Lettres de
recommandation de l'Abbé de Cluni au Pape Eugène III. dont
une Cil contre le Prévôt & les autres Supérieurs Eccléfiafliques
de Brioude , qui avoient , fans aucune formalité de Juftice ,
dépouillé de fcs biens un Clerc de cette Egiife , quoiqu'il s'of-
frît de comparoître à jour certain & déligné par eux ; qu'il leuc
donnât fon argent pour gage de fa parole , fes parens & fes amis ;
ôc qu'il confenrît, au défaut de jugement judiciaire, de fe juflifier
par l'épreuve du feu , pourvu qu'ils permiffent de faire fur le
bûcher les exorclfmes ordinaires ; ce qu'ils avoient refufé.
E/iJ!. 7,y. IA\. La Lettre de l'Abbé de Cluni à fes deux nièces , Mar-
guerite & Ponce , eft un éioge de la virginité qu'elles avoient
vouée l'une & l'autre. Il en fait voir les avantages, 6c emprunte
fur ce fujet quelques beaux endroits des écrits de faint Auguflin ,
de faint Ambroife , de faint Cvprien 6c de faint Hilaire. Comme
elles avoient dans leur famille même de grands exemples de
vpa\x 3 Pierre les leur propofe à imiter.
;*4j 45
I
ABBÉDECLUNI. 4^5
LUI. De retour du voyage qu"ilavoit fait à Rome cil 1 lyo, Epiji, j^d
il fit à faint Bernard le récit de la réception que le Pape Eus;enc
III. lui avoit faite. 11 a , dit-il , toujours eu pour moi un vifage
égal, quoiqu'il en changeât avec difcretion pour les autres , fui-
vant la diverfité des perfonnes & des évenemens. Tel je l'ai
trouve à mon arrivée , tel je l'ai iailTé en prenant congé de lui.
Il me préferoit à tous , même à ceux qui étoient d'un rang plus
élevé, même au Patriarche de Ravenne qui étoit prcfent. J'é-
tois prefque le feul Etranger qui fut admis à fes Confeils avec
les Romains ; voilà pour le public ; Mais dans le particulier , je
n'ai jamais trouvé d'ami plus fidèle, ni de frère plus fincere.
Il m'écoutoit patiemment ; il me rcpondoit promptcment ÔC
eiiicacement ; il me traitoit comme fon égal , quelquefois com-
me fon Supérieur. Rien ne fentoit le farte ou la f;randeur ; ce
n'étoit qu'équité , humilité ôc raifon. Ce que je lui ai demandé,
ou il me l'a accordé , ou il me l'a refufé de manière que je ne
pouvois m'en plaindre. Je l'avois vu à Rome la première année
de fon Pontificat ; je i'avois vu depuis à Cluni , àAuxerre, à
Châlcrts , à Reims & ailleurs , mais je l'ai trouvé encore tout
autre. Pierre remarque que pendant fon féjour en Italie , qui fur
de plus de quatre mois , on eut toujours un tems ferein , pen-
dant qu'en France il plcuvoit prefque continuellement , comme
il l'apprit à for. retour. Quelque tems après il écrivit à Nicolas, ^P'-^^- '*^*
Secrétaire de S. Bernard , pour l'inviter à une conférence au'il
devoir avoir avec ce Saint , à Dion , le troifiéme Dimanche d'a-
près la Pentecofle , fi toutefois elle pouvoir fe tenir en ce jour.
LIV. Des huit Lettres publiées de nouveau dans la Biblio- Autres Let-
teque des Pères à Lyon , il y en a trois de Pierre de Gluni à très Je P.ei-re
l'Abbé Suger; la quatrième cft une Réponfe de cet Abbé. Les '^'^^'""'*
trois fuivante.s font de fiint Bernard ; 6c la huitième , de Pierre
de Celle à l'Abbé de C>luni, Elles ne contiennent rien de remar-
quable. André Duchcfne a inféré quatre Lettres de Pierre de
Cluni, dans le quatrième tome (a) des Ecrivains François,comme
pouvant fervir à l'Hiftoire du Rovaume ; mais elles avoient
dé'a été imprimées dans la Biblioteque de Cluni, à Paris en
16 14. Il y a aufii de fes Lettres qui ont éré rendues publiques
par Pierre du Mont des .^Tartyrs , à Paris en 15-22. Dom T'îa-
billon [b) nous en a donné deux , qui n'avoient pas encore vùle-
(/:) P^j. 458 C-r-r. , {b) Million, ir. .:nc,:e5lis , p:i^. 1^9.
495 PIERRE LE VENERABLE,
jour. L'une eft adreflee aux Sénateurs de Venife , de qui l'Abbé
de Cluni avcit reçu pluiieurs marques d'amitié étant en cette
Viile. Ils s'étoient obligés à fournir gratuitement à l'Abbaye de
Cluni , en l'honneur de Dieu ôc des faines Apôtres faint Pierre
.& (aint Paul , chaque année , cent livres d'encens blanc , comme
une offrande pour la rémiiiion de leurs péchés. Eti reconnoiiran-
ce, Pierre de Cluni ordonna que tous les ans , le lendemain de
la Fête de S. Benoit, on célébreroit pour leurs parens démars, un
Office général avec la Méfie folemneile ; que chaque Prêtre di-
jroit aufii une M-ede , ôc que-ceux qui 4ie l'étoient point, récite-
roient un certain nombre de Pleaunies, fuivant qu'il fe pratique à
Cluni. L'autre Lettre eft aux Religieux de la grande Chartreufe.
Elle porte qu'il avoit été arrêté dans le Ciiapitre de Cluni , que
lorfqu'on y auroit avis de la mort d'un Chartreux , on célébreroit
pourJui à Cluni , l'Office des Morts avec la Méfie Conven-
tuelle ; qu'en outre chaquePrêtre diroit une Méfie pour le rcr-
pos de fon ame , & les fimples Clercs les fept Pfeaumes de la
Pénitence , & fept fois le Ajiferere md , Dms ; qu'on célébreroic
aulli rO.thce des Morts ôc la Me;ire Conventuelle dans les Prieu-
rés dépendans de Cluni , & que le nom du mort feroit écrit dans
le Nécrologe. Les Chartreux en répondant à cette Lettre, s'enga-
.gereni à rendre les mêmes fervices à chaque Religieux de Cluni,
aufil-tôt qu'ils apprendroient leur mort. Geofifroi , Abbé de Ven-
-dôme, contratla avec les Cluniftes le même engagement, comme
on le voit par la Lettre qu'il leur écrivit , ôc qui eft auiii rappor-
tée dans les Anale6te? de Dom Mabiilon.
Remarques L "V. Ces fortes d'aflbciations tiroieut leur origine de la per--
^ur les (bcic- fuafion où Ton écoit , que les prières de l'Eglile produifoient
&îe Oiiivà^e" ^^^^ ^^^^ ^^'^ ^^^^ ^"' ^" étoient les membres , ôc qu'il y avoit
,entre les Fidèles une communion dî bonnes œuvres. Elles
•avoient auffi pour principe l'ancien ufage de l'iiglife, de nom-
mer dans les facrées diptyques les vivants ôcles morts , pe;idant la
.célébration des divins Myfteres. C'eft fur (a) cet ufage que l'on %
introduit dans les M.onafteres celui des Nécrologes , où l'on écri-
voit le nom des Frères , des Bienfaiteurs ôc de ceux que l'on avoit
affociés aux prières de la Communauté. Comme le jour ôc le
mois de leur iviort étoient marqués dans ceNécrologe,on récitoit
leur nom à Primes, après la lecture du Martyrologe ôc de la
(fl) M.ibillon. in analeâis ,png. iCif.
Règle
A B B É D E C L U N I. ^py
Règle de S. Benoit , afin que l'on fit en commun des Prières pour
le dcfunt ou poui- plufieurs , s'il y en avoit plus d'un dont la mort
fut annoncce en un mcme jour. La Matrone Theodetrude , en
faifant quelques donations à l'Abbaye de Saint Denis, l'an 4.5
du Roi Clotaire, exigea que Ion écrivît fon nom dans le livre
de vie. Berchramn , Evèque du Mans , demanda la même chofe
par fon teflament. Le vénérable Bede , dans fa Lettre à l'Evê-
que Edfride & aux Moines de Lindisfane , leur demande des
Mefles & des Prières après fa mort ; & Alcuin obtint par la mé-
diation de Cliarlemagne, des Evoques alTemblés à Francfort,
d'être admis à la communion de leurs fuffrages.
L V L Ce n'étoit jufques-là que des alfociations de quelques Suite,
Particuliers, mais dans la fuite il s'en fit de Monafteres entiers.
11 y en a des exemples dans les Lettres de faint Boniface. Dans
la vingt-quatriéme,il recommande aux Prières de l'Abbé Aldher,
quelques Frères dciants , dont il lui envoyoit les noms. Par la
quatre-vingt-quatrième, Dodon, Abbé d'Hornbach , fupplia
Lulle , Archevêque de ALiyence, de le recevoir lui & fa Com-
niunauté à la communion de fes Prières , de celles de fes amis ,
des Evêques fes Suffragans , des Abbés & du Clergé de fon
Diocefe;le priant en même tems de lui envoyer les noms de
tous fes amis , tant vivants que défunts , afin que l'on fit pour eux
des Prières dans fon Abbaye d'Hornbach. Ce fut donc dans le
huitième fiecle que commença cette affociation générale & mu-
tuelle de fuifrages. Il s'en fit une [a) la vingt-cinquième année de
Louis le Pieux, entre les Moines de faint Denis & de faint Rcmi,
dont l'acte eft rapporté au quatrième tome du Spicilege. On en
voit une autre , fous le règne de Charlemagne , entre les Moi-
nes de Richenou ôc ceux de faint Gai. Les bonnes œuvres
prefcrites par ces fortes dafibciations , ètoient des MeffeSjdes
Prières , des Aumônes , tantôt pendant un an entier , quelque-
fois pendant trente jours. Les Eglifes Cathédrales firent aulfi
entr'elles des fociétés de Prières. Fulbert , Evêque de Char-
tres , fait mention dans fa Lettre cent dixième , de celle qu'il
établit avec l'Evêque de Lizieux en 84.0. Les Evêques du Con-
cile du Mans s'obligèrent mutuellement à célébrer douze Mef-
fes pour chacun d'entr'cux qui vicndroit à mourir. 11 fut con-
venu que le Doyen de chaque Cathédrale envoyeroit au Synode
(a) Ii'!aViUon. Ibid.
Tome XX IL R r r
4pS PIERRE LE VENERABLE,
prochain le nom des Chanoines morts depuis le Concile précé-
dent; & que l'on offriroit douze fois pour cliacun le S. Sacriiice,
avec grand nombre de Prières fpécifiées dans l'ade d'aflociation.
On en cite une entre les Chanoines de Laon & les Moines de S.
Rémi, à Reims, faite en 928 , qui porte pour chaque défunt
quatre Vigiles & autant de Melles ;fçavoir, le premier jour de
fa mort , le troifiéme , le feptiéme , le trentième ; ôc la récitation
du Pfeautier , avec l'obligation d'infcrire dans le Nécrologe fon
nom , pour être mis devant les yeux du Prêtre au Mtmento des
morts.
Autre? i.et- L VIL On lit au premier tome des Anecdotes de Dom Mar-
tres dePirrre ^q^^q une Lettre de Pierre de Cluni à Pîugues, Abbé de Trois-
I , "anecdo". Fontaines , de l'Ordre de Citeaux , par laquelle il lui fait , à la
JSiarten. ^ag. prière de faint Bernard , donation d'un certain terrain qui étoit à
'^*'* la bienfcance de cette Abbaye , fous le cens annuel de dix fols
proviniens. Cette Lettre efl: de l'an 1 1 jo , de même que celle
qui efl: addreflée aux Prieur & Religieux du Monaftere de faint
Benoît fur Pau, foumis à l'Abbé de Cluni. C'efl: une permillion
d'élire un Abbé, conformément aux privilèges à eux accordés
par les Papes Grégoire VIL Urbain IL Pafchal IL Gelafe IL
Caliixte IL Honorius 6c Lucius IL La troifiéme Lettre , pu-
bliée par Dom Martenne , regarde un démêlé entre les Moines
de fainte Marie de la Deaurade ôc les Chanoines de faint Etienne
de Touloufe. Pierre ordonne aux premiers de faire ceffer les
plaintes que les Chanoines faifoient contr'eux. La quatrième,
adrelfée à tout l'Ordre de Cluni , fait mention de l'aiïociation
Ihil. fag. faite de l'Abbaye de Rebais à cet Ordre. La cinquième efl une
'♦'^- proteftation d'amitié à l'Abbé Suger, ôc en même tems une
Lettre de recommandation pour le porteur , chargé de certaines
afîaires, dans le-rquclles il pouvoir être aidé par l'Abbé Suger.
Traite- Je LVIII. Nous pouvons regarder comme le premier des
Fierre deCiu- Xraités Théologiques de Pierre de Cluni , fa Lettre à Pierre
TftirenPier- de faint Jean, puifqu'outre fa longueur , c'efl une difcuffion
r? i!c faint d'une vérité fondamentale de notre Religion. Ce Pierre de faint
r';7o-^'V-' •'^^" avoit averti l'Abbé de Cluni, étant en conférence avec lui,
pp.g.970, * que quelques-uns de fes Religieux ne crovoient pas que Jefus-
Chriftfefùt appelle clairement Dieu dans l'Evangile, quoiqu'ils
en euiïent lîi le texte avec beaucoup d'attention. L'Abbé, pour
les défabufer, leur fait remarquer premièrement, qu'en tous
te ms le Deiuon a fait ce qu'il a pu pour détruire dans l'efprit des
Fidèles la foi de la divinité de Jefus-Chrifl. Il leur dit en fécond
ABBÉDECLUNI. 4pp
lieu , que fi Jefus-Chrilt ne s'eft pas d'abord appelle Dieu , en
termes aulFi clairs que Dieu s'appeiloit dans l'Ancien Tefta-
ment, le Dieu d'Abraham, le Dieu de Jacob ; c'efl: qu'il vou-
loit convaincre infenliblement les Juifs de fa divinité'. Que vous Matt. n, 41.-
femble du Clirilt , leur difoit-il un jour , de qui doit-il écre fils ?
Ils lui repondirent: de David. Comment donc, re'pliqua Jefus-
Chrift , David l'appelle-t-il en efprit Ton Seigneur ; & s'il eft fon
Seigneur, coiiiment ell-il fon Hls ? L'Abbé de Cluni foutient
que par ce raifonnement le Sauveur faifoit voir clairement que
le Mellie étoit Dieu; mais il apporte des pafTages plus exprelïifs,
où Jefus-Chrifl: fe dit Dieu. Nous en citerons quelques-uns.
La Samaritaine ayant dit à Jefus-Chrift : /e j^ai que le Aief- Joan.4,i<;,
fie, qui e/î appelle le Chrijî , doit venir ^ le Sauveur lui répondit:
C'ejl moi-même qui vous parle. Ayr.nt rencontré l'Aveugle né
quelques momens après l'avoir guéri , il lui dit : Croyez-vous au
Fils de Dieu ? Qui efl-il Seigneur , lui répondit cet homme , afin •^'''"'- ? » î?.
que je croye en lui. Jeius lui dit : Fous l'avei vu, Cf c'ejl celui-là
même qui parle à vous. Je crois Seigneur , répliqua-t-il , (yfeprof-
ternant , il l'adora. Pierre, le premier des Apôtres, ayant dit
au Sauveur: ^ow^ êtes le Chrijî Fils du Dieu vivant : Fous êtes Mut. té, 16,
bienheureux , lui répondit le Sauveur, parce que ce n'ejl point la
chair Cr lefaiig qui vous ont révélé ceci , mais mon Père qui ejl dans
le Ciel
L I X. Le fécond Traité de Pierre le Vénérable , efl: contre Traité con-
les Juifs, à qui il fait voir, par l'autorité des divines Ecritures, "^J^.^ ^
qu'ils admettent comme les Chrétiens , que Jefus-Chrifl eft ^ °
Dieu &. Fils de Dieu. Il tire fes principales preuves du Livre
des Pfeaumcs ôc des Prophètes, l'urtout difaïe & de ^^lichée. /'■'-' ? > ^
Le premier annonce la naiffance du Melfie , qu'il dépeint avec Mkhée
tous les caractères de la divinité ; le fécond , le fait naître à
Bethléem , oîi Jcfus-Chrift eft etfettivement né. Ifaïe parle de
cette naiflance , comme inefïl\ble , parce qu'en effet elle n'eft
connue que de Dieu : lui feul connoiffant comment le Meffie
eft né d'une Vierge , cette naiffance étant fon ouvrage. Pierre
rapproche ce qu'on lit de la Paifion de Jefus-Chrift dans l'Evan-
gile , à ce qui en eft prédit dans Ifaïe ; de-là il conclut deux
chofes : La première , que ce que le Prophète dit du Sacriiicc
& de la Pallion du Meliie , a été accompli en Jefus-Chrift ; la
féconde , que le premier avènement du Meffie ne devoit pas fe
faire dans l'éclat de fi majefté , comme le penfoient les Juifs,
mais dans l'obfcurité ôc les fouffrances. Il applique à Jefus-ChtiÂ:
R r r ij
ybo PIERRE LE VENERABLE,
Malach.i, 11. ce qu'on lit dans Malachie , que du lever du Soleil jufqu'au
couchant, le nom de Dieu feroit grand parmi toutes les Nations ;
que Ton lui ofFriroit des facrifices & une obbtion pure en tout
lieu. La preuve droit évidente. Du temps de Malachie, toute
la terre, excepté les Juifs , ofFroit aux Idoles. Ce n'eft que de-
puis la venue de Jefus-Chrifl: , que les Gentils connoilîent &
adorent le vrai Dieu ; & c'efl: auiii depuis ce tems que 1 on a
bâti dans tout le monde des Eglifes au nom de l'Agneau de
Ge/îff. 49.10. Dieu que les Juifs ont attaché à !a Croix. L'Abbé de Cluni
vient enfuite aux preuves , tirées des Prophéties de Jacob , tou-
chant la durée du fceptre dans Juda jufqu à la venue du Meilie;
Dardées, ij,. de celle des feptantc femaines du Prophète Daniel;& de quelques
autres Prophéties , dont il fait voir raccompliOement en J. C.
Après quoi il réfute quelques Fables du faimud des Juifs,
qu'il futiifûit de ripportcr pour en faire fentir le ridicule. Quand
on demandcit aux Juifs ce que faifoit Dieu dans le Ciel ? Ils
Cav. J ,-pa^. rcpondoient : qu'il n'y faifoit autre chofe que lire le Talmud &
loii. d'en conférer avec les fages Juifs qui l'ont conipofé. Pierre de
Cluni ne nous apprend point quelle fut Toccafion de ce Traité.
Alais on fçait par d'autres , que les Juifs , qui en tout tems fe
font déclarés contre les Chrétiens , le firent avec éclat dans le
douzième fiecle , d'où font venus les Ecrits que répandirent
contre les Juifs , Gilbert de Weflminfler , Rupert Abbé de
Tuy, Guibert de Nogent , Pierre de Blois, ôc quelques-autres
Sçavans de ce tems-là.
TranHation L X. Dans le voyage que Pierre de Cluni fit en Efpagne en
delAlcoran jj^^j, il fe donna tous les (oins nécen'uires pour fnre traduire
Prtr.y.7^.)ov-, en Latm la Loi des mahometans , nommée ordu'kairement l Al-
&fom-9.amp: cotan , ÔC choifit à cet elFet des perfonncs bien inftruites de
va'^.iiiff. 1 Arabe, parce que 1 Aicoran étoit cent en cette Langue. De
ce nombre étoit Robert de Rétines ; & c'eft le feul dont le
nom paroifTe à la tête de la Préface de cette tranllarion , dédiée
à l'Abbé de Cluni. On na rapporté dans la Biblioteque des
Feres que cette Préface ; mais la traduttion entière fnt imprimée
Tivec la Préface de Robert, à Zurich en i ^45 , par les foins de
1 lieodore Bibliander. Pierre de Cluni , de retour en Irance ,
envoya la Verfion de l'Alcoran à laint Bernard , avec une Let-
tre , où il l'exhortoit à employer les talens que l'ieu lui avoit
donnés, à la réfutation 1 • ce Livre. Cette Lettre c(l de l'an i (■^^.
Tv'ous Pavons dans la Biblioteque de Cluni ôc dans celle des
Pères. Mais la réponfe de faint Bernard n'cii \ as l'urveiiue juf-
ABBÉDECLUNT. 501
qu'à nous ; ôc il ne paroît pas qu'il ait jamais rien écrit contre
les Mahométans , lailFant ce foin à l'Abbé de Ciuni.
LXI. Cet Abbé donna en particulier un fommaire des -'^ommaire
erreurs enfeignées par les Sarrafins ou Ifmaeiites , & fit rcmar- 'ç^ réfùt^ation*
qucr que la lioclrine de cette Secte, n'efl: qu'un amas confus ibid.
de fables Judaïques , 6c de puérilités tirées de diverfes hcréfies.
Puis u enir."prit la rélutation des erreurs de cette Sede, en qua-
tre livTv^s. Pierre de l'oitlers mit par ordre tous les articles qui
dévoient v être traités. Mais l'Abbé de Ciuni ne voulut pas s'af-
treinJre à les traiter coin ne ils avoient été propofés. Ces quatre
livres ont été iong-tems enfevelis dans lobfcuricé des Bibliote-
ques , ôc quelques foins que l'on fe foit donnés pour les recou-
vrer, l'on n'a pi^t encore trouver que les deux premiers livres.
On doit cette découverte à Dom Martenne ôc à Dom Urfin
Durand, qui les ont fait imprimer dans le neuvième to'iie de
leur grande Collection , fur un manufcrit de l'Abbaye d'An-
chin.
L X 1 1. Dans le Prologue qui eft à la tête de l'Ouvrage , An'.lvfe Je
Pierre de Ciuni entre dans le détail des héréfies qui ont attaqué ^^^^'^ Uv^^i~
la Doctrine de l'Eglife dès fon commencement; ôc après avoir ]).^g. my.
détaillé aulli nommément tous ceux qui ont pris fuccelfivement
la défenfe de la vérité , à mefure quelle étoit combattue par de
nouveaux Hérétiques , il dit que ceft pour imiter le zèle de ces
Défcnfeurs de l'Egiife , qu'il fe propofe de réfuter les erreurs
des Mahométans ; 6c qu'il avoit déjà cette intention lorfqu'il
fit traduire en Latin leur Loi, ou l'Alcoran écrit en Arabe.
LXIII. AdreiTanc la parole aux Mahométans mêmes, il P.:_f. 113+.
leur dit, que s'il entreprend de combattre leur docTirine, c'eft
par amour pour eux , ôc non par haine : dans la feule vue de leur
procurer le falut éternel. L'Abbé de Ciuni prend cette voye
d infinuation , afin de les engager du moins à lire fon Ouvrage,
parce qu'il avoit oui dire que ceux de cette Secle n'écoutoient
jamais perfonne qui voulût difputer , ou contre les Loix de leurs
pères ôc de leur patrie, ou contre les Rits introduits par .Maho-
met leur Prophète. Il fait voir que tout efprit raifonnable doit
aimer à connoître la vérité , ôc la chercher , furtout en ce qui
regarde les chofes divines ; que de toutes les Religions , celle
de Mahomet eft la feule qui aime à demeurer dans les ténèbres ,
ce qui eft une preuve de fa fauffeté ; qu il n'en eft pas ainfi de la
Religion Chrétienne ; que tous ceux qui la profefTent font , aux
termes de l'Apjtre faint Pierre , obligés de rendre compte iPfft-, j,ij.
Rrr iij
soi PIERRE LE VENERABLE,
de leur efpérance à tous ceux qui le leur demandent,
Pagf. 1141. L XI V. Pierre rapporte l'endroit de l'Alcoran où il efl dé-
fendu de difputer de ia Loi , & ordonné de dire anathêoie à
quiconque veut en difputer ; ôc même de le tuer. Il fait remar-
quer aux Mahométans qu'un confeil de cette nature deshonore
leur Secle, en montre la foibleffe , ôc combien ils fe défient de
leur propre caufe ; que les Juifs ne pouffent pas fi loin leur opi-
niâtreté , puifqu'ils écoutent quand on leur prêche les vérités
de la Reiigion ; que c'eft en les écoutant avec attention , que
les Rois d'Angleterre fe font convertis avec leurs Peuples ; qu'il
eft furprenant que Mahomet , qui , pour fermer fa Loi , a em-
prunté piufieurs chofes des Chrétiens ôc des Juifs , n'ait pas tout
tiré de leurs écrits , en prefcrivant aux liens , ou la Religioa
Chrétienne feule , ou la Juive.
P^. ii4>« LXV. Les Pvlahométans en donnoient pour ralfon, que les
livres des Chrétiens ôc des Juifs avoient été corrompus. Pierre
leur demande l'époque de cette altération , ôc les prie de lui
citer quelqu'endroit de l'Alcoran ou de leurs autres livres , qui
attellent cette faUliication. Comme ils répondoientque l'exem-
plaire delà Loi, emporté de Babylone par les Juifs délivrés
de la captivité , étoit péri en chemin ; il répond , que la perte
de cet exemplaire , quand elle feroit arrivée de la manière fabu-
leufe qu'ils la racontoient , n'emportoit pas néceifairement la
perte de tant d'autres exemplaires qui étoient en mains des Juifs
difperfés dans les autres Provinces du monde. Qu'elle efl, dit-
il , la Nation , qui ayant à fe conduire félon une Loi écrite,
n'en conferve pas pludeurs exemplaires pour les befoins de ceux
qui fournis à cette môme Loi vivent éloignés les uns des autres
en divcrfes Villes ou Provinces fil dit qu'il était d'ufagechez les
Juifs avant la captivité, de conferver un exemplaire de la Loi,
non-feulement à Jerufalem , mais encore dans toutes les autres
"Villes, afin qu'ils puffent aifément s'en inftruire ôc l'obferver ;
que les Sarrafins mêmes ont piufieurs copies de l'Alcoran. Pierre
t Efd. 8 , 1. rapporte un palfage du fécond livre d'Efdras , qui prouve nette-
ment que le Livre de la Loi exifloit depuis le retour de la capti-
vité ;ôc prouve que fi cette Loi avoit été corrompue, on ne
l'auroit pas reçue depuis avec tant d'unanimité ; ou qu'en admet-
tant qu'elle a été fallifiée , on doit rejettcr l'Alcoran qui en a
Pfl^. 1157. emprunté piufieurs chofes. 11 montre par un femblable raifonne-
ment , que l'Evangile ÔC les autres livres des Chrétiens ne font
ni perdus , ni altérés.
ABBÉDECLUNI. jo?
LXVI. Venant au point capital de la Religion Mahomé- Livrefecond.
tane , il l'attaque de front , & foutient que Mahomet ne fut ja- ^^" '*^''
mais Prophète. La Prophétie eft , dit-il , la maniledation des
chofes inconnues, foit paflees , foit préfentes, folt futures , en
vertu de l'infpiration divine, ôc non d'une invention humaine.
D'où il fuit, que le Prophète eft celui , qui infpiré de Dieu ôc
non inflruit des hommes , leur fait connoitre les chofes du tems
paffé, préfent ou futur , qu'ils ne connoifl'cnt point d'eux-mêmes.
Moyie fut un vrai Prophète , puifqu il apprit aux hommes ce qui
s'étoit pafié à la création de l'Univers ; qu il fit connoître aux ^"™« î<^»4^.
Peuples Juifs combien Dieu étoit irrité contr'euv; qu'il ordonna à
Aaron de prier & d'offrir de l'encens pour leur réconciliation ; ôc
qu'il prédit un grand nombre de chofes futures, rapportées dans le
Pentateuque.Ii'aïejJeremiejEzechiel ÔC Daniel étoient Prophètes.
Leurs Livres font remplis de diverfes prédirions , qu'ils n'ont
pu faire que par la connoifTance que Dieu leur a donnée des
chofes à venir. Mais à l'égard de Mahomet , quelle preuve pro-
duit-on qu'il ait révélé aux hommes des chofes paiïées , mais
qui leur étoient inconnues ; ou des chofes préfentes , dont ils
n'avoient aufli aucune connoifTance ; ou qu'il leur ait prédit
des chofes futures ? Qu'on feuilleté l'Alcoran d'un bout à l'autre,
on n'y trouvera aucune Prophétie de fa part. S'il eût été Pro- P-'g. ujt.
phete , n'eût-il pas prévu fes fréquentes défaites dans les com-
bats , ôc en conféquence , ne les eût-il pas évitées ?
[^X'Vir. Il eft dit dans l'Alcoran que Dieu en envoyant P^g. nrj.
Aîahomet, lui parla ainfi : Vous ne viendrez point vers eux
avec des miracles évidens , parce qu'ils les rejettent comme
odieux , ôc qu'ils fe font déjà oppofésà la vérité qui leur a été
annoncée. Nous vous donnerions néanmoins des prodiges ôc
des miracles , fi nous ne fcavions qu'ils ne vous croiront pas.
Pierre de Cluni fe mocque avec raifon de cette f:icon de million ,
où il y a fi peu de fens ôc de vraifemblance. Qui croira que
Mahomet fe foit abflenu de faire des minxlcs , uniquement par-
ce que les Peuples n'avoient pas cru à ceux qui en avoient fait
avant fa venue f On ne connoît que deux Légiflateurs envoyés de
Dieu : Moyfe ôc Jefus-Chrift. lis ont fait l'un ôc l'autre des pro-
diges fans nombre : mais ceux qui en ont été témoins ont cru à
Moyfeôc à Jefus-Chrifl. Les Peuples de toute la terre ont cru
aulTi aux Apôtres envoyés de lui , en voyant leurs miracles. Il
conclut , de l'aveu de Mahomet, qu'il n'éroit pas Prophète,
puifque la Prophétie efc un des plus grands miracles.
J04 PIERRE LE VENERABLE,
Traité con- L X V 1 1 J. La Lettre ou le quatrième Traité de Pierre
trèfles Pe:ro- jg Cluni , eft contre les Hérétiques nommés Petrobufiens ,
bulicns, tom. or, j i r»- j r) • Tl r • ■
iT., Bibl. Pat. OU oectatcurs des erreurs de rierre de liruis. Il rut impri-
/>ij^. 1053. nié en i5'46 à Ingolftat , in-'^. avec quelques Lettres &
quelques Sermons de faint Bernard , par les foins de Jean
Hofmeiilerus , ôc dans la Bibliothèque de Cluni en \6ï^ , à
Paris. Pierre le dédia aux Archevêques d'Arles ôc d'Embrun ,
aux Evéques de Die & de Gap, qui s'étoient employés contre
ces Hérétiques , ôc les avoient fait fortir de leurs Diocèfes. C'efl:
ce que dit Pierre dans fa Lettre à ces Prélats. Mais il ajoute,
qu'encore qu'ils euffent banni les Chefs de cette Secle, parle
fecours des Princes, il en reftoit des membres ; ôc que ceux qui
avoient été chaffés de leurs Diocèfes , s'étoient retirés dans les
lieux voifnis , où ils continuoient de répandre en fecret leurs
erreurs ; que Pierre de Bruis ôc Henri fon Difciple avoient m Jme
Pjt. 113J. été reçus dans tout le Languedoc. Il marque en peu de mots
les crimes commis par ces llérétiques dans les Diocèfes dont on
vient de parier. On a vu, dit-il , rebaptiferles Peuples, profaner
les Eglifes , renverfer les Autels , brûler les Croix , fouetter les
Prêtres , emprifonner les Moines, les contraindre à prendre des
femmes par les menaces ôc les tourmens. Dans une féconde
Lettre que l'on a mife à la tête de celle ci , il rapporte les erreurs
de Pierre de Bruis, qu'il réduit à cinq; fçavoir , de refufer le
Baptême aux enfans avant l'ufage de raifon ; de ne permettre ni
Autels, ni Eglifes ; de défendre d'adorer, ou d'honorer la Croix,
d'ordonner même de la brifer ôc fouler aux pieds ; denier, non-
feulement la réalité du Corps ôc du Sang de Jefus-Chrifl: dans le
Sacrifice qui s'offre tous les jours fur nos Autels , mais de défen-
dre encore de l'offrir ; de rejetter les prières , les facrifices ,
ôc les autres bonnes œuvres faites par les vivans pour les
morts.
Analy'e ("e L X I X. Pierre de Cluni réfute avec étendue toutes ces
ceTraité./iiff. cireurs. Il dit fur la première , que s'il étoit vrai qu'on ne dût
^' '°^^' baptifer que ceux qui font en âge d'être baptifés,ôc de profefferla
foi pareux-niêmes,il fuivroit de-là que tous ceux, qui de fon tems
portoient le nom de Chrétien , d'Evcque , de Prêtre , de Diacre,
de Moine , le portoient envain , puifqu'aucun n'ayant été bap-
tifé à l'âge de raifon , leur Baptême étoit nul , ôc conféquem-
ment tout ce qui s'étoit enfuivi ; perfonne ne pouvant être
Evêque , fans avoir été baptifé. Pierre parle non-feulement de ce
qui fe paffoit en France au fujet du Baptême des enfans, mais
dans
ABBÉDECLUNI. jo?
dans les autres Royaumes. Depuis environ cinq cens ans, dit-il ,
toute la Gaule, l'Éfpagne , l'Allemagne, l'Italie , cnlia toute
l'Europe n'a prefque baptifc que des enfiins. Enfuite il prouve
par pluTieurs exemples de l'Evangiie que la foi des pères , ou des
maîtres , peut être utile à leurs enfans , ou à leurs domeftiques.
On voit dans faint Jean , que le fils d'un Officier fut guéri par la ^«n. 4, ja.
foi de fon père; dans faint Matthieu, que le Centenier obtint ^an.s , i».
par la grandeur de fa foi la guërifon de fon ferviteur ; dans S.
Marc, que Jefus-Chrift accorda la gucrifon de l'enfant lunatique, A'^'c 9 , n,
à caufe de la foi de fon père ; dans le même Evangelifle, que la ^i'^irc, î, j^.
fanté fut rendue à la fiile du Maître de la Synagogue, parla
vertu de la foi de fon pcre. Il conclut des guérifons corporelles
aux fpirituelles , ôc dit , que fi la foi des parens peut obtenir à
leurs enfans la fanté du corps par la médiation de Jefus-Chrilt,
elle peut aulïï leur procurer celle de l'ame par le Baptcme con-
leré en fon nom. Si tout efl: polïible à celui qui croit, ainfi que
ledit Jefus-Chrift, la foi de toute l'Egiife ne pourra-t-elle rien
pour le falut des enfans ? Les enfans des Juifs étoient fauves
par la Circoncifion , pourquoi les enfans des Chrétiens ne le
leroient-ils point par le Baptcme ? Jefus-Chrift n'a-t-il pas dit
à ceux qui repouifoient les enfans qu'on lui préfentoit : Laiffei Ahrc. 10, 14;
venir à moi les petits enfans , car le Royaume de Dieu ejl pour ciu:<:
<^ui leur rejfembknt.
L X X. Il combatia féconde erreur des Petrobufiens , parla P-S- «o^î.
ratique unanime de tous les fiécles , tant chez les Patriarches ôc
_es Juifs, que chez les Chrétiens. Noë drelTa des Autels fur lef- Gsn:f.2yZit
quels il offrit à Dieu des l^'xririces après le déluge ; Abraham en
dreffa un auffi par ordre de Dieu , pour y immoler fon fils ; Jacob
répandit de l'huile fur la pierre qui lui fervit d'Autel ; ôc ne dou-
.tant pas que Dieu ne Teùt approuvé , il s'écria: Vraiment le
Seigneur eft en ce lieu , ôc il n'eft autre que la maifon de Dieu ,
& la porte du Ciel. Les Ifraëlites n'ayant point de demeure fixe Exol 40.
dans le défert, avoient un Tabernacle portatif , fur lequel ils
offroient à Dieu des facrifices ; ôc ce Tabernacle, depuis leur
entrée dans la Terre promife , fut fixé à Jerufalem. Salomoii
bâtit en cette Ville un Temple magnifique par l'ordre de Dieu.
C'eft-là où les Juifs, les Rois, les Prophètes venoient offrir au i-^'S-*-
Très-Haut. Dans la Loi nouvelle, ôc dès le tems des Apôtres,
les Fidèles avoient certains lieux deftinés à leurs affemblées , où
on célebroit les divins Myfleres ; ôc dans la fuite des tems,
les Chrétiens ont eu des EgUfes 6c des Autels dans toutes les
Tome XXI L S£i
l
SoS PIERRE LE VENERABLE,
Provinces de l'Univers. Pierre de Cluni entre dans quelque
détail à cet égard. Il dit que faint Pierre ayant été vingt-cinq;
ans à Rome , y eut fans doute une maifon de prières ; que faint
Trophime, Difciple de faint Paul, en eut aulli une à Arles,,
n'étant pas vraifemblable qu'il ait toujours prêché , baptifé , prié
en pleine campagne. Il fuppofc la même chofe des autres Apô-
tres des Gaules, & dit, qu'après avoir détruit les Idoles, ou ils
bâtiiToient des Eglifes , ou ils changeoienc en Eglifes les temples-
des Idoles. Ceux qui prêchèrent l'Evangile en Orient en uferent
de même ; de façon qu'il fe trouva des Eglifes dans toutes les
parties du monde. L'Abbé de Cluni, outre les preuves de fait ,.
allègue une raifon générale, mais décifive en ce genre , qui efl: ,
que toute Religion facrée , ou prophane , veut avoir un lieu
defliné aux exercices qui lui font propres ; d'où vient que les Ido-
lâtres mêmes ont eu leurs temples.
Pag. icn- L X X J. Avant de réfuter la troifiéme erreur de ces Héré--
tiques touchant le culte de la Croix , il leur reproche, qu'ayant
fait un grand bûcher de Croix entaffées, ils y avoient mis le feu ,
s'en étoient fervi pour faire cuire de la viande , dont ils avoient
mangé le Vendredi-Saint, après avoir invité publiquement le
peuple à en manger. Il dit qu'en cela ils ont rendu deux fervices
au démon ; l'un, en effaçant, autant quil étoit en eux, la mé-
moire de la Pafllon de Jefus-Chrift : Oter , dit-il , la Croix , ôc le
nom de la Croix , c'eft ôter la mémoire de la mort ôc de la
paffion du Crucifié; l'autre, en ce que le figne de la Croix n'étant
pas en ufage , ce fera un moyen de moins pour mettre en fuite:
les Anges apoflats. Les Petrobufiens répondoient que ron>
devoit détruire ôc brûler un bois qui avoit mis à la torture les
membres de Jefus-Chrift. S'il en efl: ainfi, réplique Pierre de.
Cluni , il faut donc auOi avoir en horreur les lieux où il afouiTert,
renverfer la Ville de Jerufalem , arracher fon Sépulcre. Mais la-
Croix eft-clle donc capable de raifon , pour la charger d'une,
faute; & fi elle n'en a point commis, pourquoi lui imputer la^
mort du Sauveur ? Qui s'efi; jamais avifé dans les vindicles publi-
ques , de brûler les gibets , ôc de mettre en pièces le glaive defliné
à répandre le fang des coupables ? Ce n'efl pas contre les inflru-
mens des fupplices , mais contre les impics qui en abufent , que
l'on doit fe mettre en colère. Il fait voir que le (îgne de la Croix'
doit être refpedable , non-feulement aux Catholiques , mais
Exoâ. 11. encore aux Hérétiques ; parce que le fang de l'agneau mis en
furnie de croix fur les portes des Hébreux , les garantit de TAngc:
A B B É D E C L U N r. ^07
Exterminateur ; que ce même iigne imprimé, fur le front des
hommes qui gémiffoieiit fur les abominations de Jerufalem, E7eckîel,n
les fauva de la mort ; que la Croix a été en fi grand honneur dès * , u
le fiécle des Apôtres , que faint Paul verfoit des larmes fur ceux p^:/j j ,|^
■qui fe conduifoient en ennemis delà Croix de Jefus-Chrift; &
qu'il ne vouloit fe glorifier en autre chofe qu'en cette Croix ; & Galat. « , i*.
que Jefus-Chrift viendra avec fa Croix pour juger tous les hom-
mes. 11 s'explique fur le culte de la Croix, en difant, que ce n'efl:
pas la Croix , mais Dieu qu'on adore en elle ; qu'on y adore J. C.
«comme y étant attaché.
L X X 1 1. Sur la quatrième erreur , qui tendoit à anéantir Paz- ««îri
le Sacrifice de la Melle, Pierre de Cluni dit, que les Petrobu-
fiens étoient pires que les Berengariens , qui en niant la réalité du
Corps de Jefus-Chrill dans l'Euchariliie , convenoienrau moins
qu'iiy étoit en figure. Il ajoute, qu'il lui feroit facile de réfuter
cette erreur par l'autorité ôc les raifons , non-feulement des '
Anciens, comme faint Ambroife, faint Auguftin , faint Gré-
goire , mais encore des Ecrivains récens , & prefque contem-
porains , comme Lanfranc, Guitmond, Alger, dont les écrits
doivent convaincre ceux qui les lifent , 6c les retirer de l'erreur ,
ce qui étoit déjà arrivé à plufieurs; mais qu'étant nouvelle , il
falloir l'attaquer par de nouveaux moyens- 11 dit donc aux Pccro-
bufiens, quefEglife n'eft pas fans Sacrifice , comme ils l'avan-
^oient, & que dans ce Sacrifice elle n'ofFroit à Dieu autre chofé,
que le Corps & le Sang de Jefus-Chrift. Comment l'Eglife feroit-
elle fans Sacrifice? N'en a-t-on pas offert à Dieu depuis Abel ,
fans aucune interruption , jufqu'à la venue de Jefus-Chrifi: , foit
fur des Autels dreftés par tes Patriarches , foit dans le Temple
de Salomon. Jefus-Chrift lui-même n'a-t-il pas été immolé , ôc
n'eft-il pas notre Pàque ? Il eft le feul Sacrifice des Chrétiens.
Ne convient-il pas en etfet qu'il n'y en ait qu'un feul , puifqu'il
n'y a qu'un Peuple Chrétien qui l'offre , comme il n'y a qu'un
Dieu à qui il l'offre, 6c qu'une Foi par laquelle il l'offre. L'Abbé
de Cluni applique à ce Sacrifice ce qui eft dit dans la Prophétie
de Malachie : Depuis le lever du Soleil jiifqu au coucher , 772072 72C77Z j\r..iack. i, n-;
ejl grand parmi les Naîio?is; on offre en tout lieu à mon nom une
ablation pure. Il en conclue , que comme la vraie Religion eft
pafféedes Juifs aux Gentils, les facrifices ôc tout le culte divin
y font pallés en même-tems ; ce qui fait depuis le commen- ,
cément du monde jufqu'à préfent, une continuité de Sacrifices,
Sffij
yoS PIERRE LE VENERABLE,
quoique de différentes efpeces. L'Fglife offre (a) aujourd'hui
TAgneau de Dieu, qui eliace les péchés du monde ; qui étant
immolé , ne meurt point ; qui étant partagé , ne diminue point ;■
ôc qui étant mangé , ne fe confume point. Elle offre pour elle^
même, celui qui seft offert pour elle-même ; & elle fait , en l'of-
frant toujours , ce qu'en mourant il n'a fait qu'une feule fois. Il
feroit bien étrange que ce culte qui eft principalement dû à Dieu,
ne lui fut pas rendu ence tems, après qu'on a eu tant de foin, ôc
tant de zèle pour le lui rendre dans tous les tems qui ont précédé
le nôtre.
Senriment L X X 1 1 1. L'Abbé Pierre s'explique enfuite très-clairement
Clun^fur la ^""^ ^^ tranfubflantiation : Quiconque, dit-il, ne croit pas, ou.
prcfenc- r^el doute que dans le Sacrement del'Eglife , le pain foit changé er»
\^^'(]- '^"* la Chair de Jefus-Chrifl, ôc le vin en fon Sang , penfeainfi , ou»
liQéz! ' " parce qu'il ne croit pas que Jefus-Chrift ait voulu faire ce chan-
gement, ou parce qu'il doute qu'il en ait eu le pouvoir. Mais il
ne faut que lire ce qui en eft écrit dans l'Evangile , pour fe con-
vaincre qu'il a voulu ce changement. Quant au pouvoir qu'il en
avoit , on ne peut en douter, après l'affurance que nous donne le
Prophète , qu'il a fait tout ce qu'il a voulu , puifqu'il eft Diea
tout-puiffant. Pierre donne des exemples de changement d'une
fubftance en une autre. La verge de Moyfe fut changée en Ser-
pent ; les eaux du Nilfurent changées en fang. La Nature même-
change chaque jour par la digeftion des alimens dans le corps de
l'homme , le pain en chair , & le vin en iang. Pourquoi ne croira-
t-on pas , pourquoi doutera-t-on que Dieu puiffe faire par fa.
puiffance, ce que la Nature peut par la digeftion f Que l'infidé-
lité ( b) ceffe donc, ôc qu'on levé tout doute , puifque le Verbe
(a) Offert Eccîcfia Afinurn Dei , qui
tollit peccatn mundi , qui nec inimohtus
]noritur,nec divifus niinuitur, nec co-
meftus confuinitur.Offcrt ipfum pro Cc'ipfz,
qui fe obtulit pro (cipla , & quod ille fecit
icmel morienJo , hoc illa facit femptr
ofFcrendo,&c. Petrus, contra Petrolufun.
pag. 10^8.
(i) Celïït ert^o infiJelitas , fanctur
dubietas : Quin omnipotrns Vcrbum Dci ,
per quod omnia fada lunt , (îcut quotidie
facit , ut per tomeflionem 5f di£reftionein
humanam, panis in carnein, & vinura
vertamr in fans^uinem tnultorum filiorum
liominum : Sic quotidie facit , ut per con-.
fecrationem & virtutem divinam paiiis Se
viiuim commutctur in C'rnem & Sangui-
nemfuuniihoc eft uniusFilii Dci & homi-
nis, non multorum tilioruni hominum.
Qui cnini dixit iSi hOa luin , mandavit &
creaia Cunt;, quâ pot; ntiâ facit hoc fîngu-
li'.riter in feipfo : ut mutatio fubflantia-
rum qu.r honiinibus lo.'cbjt confciremoi-
talcm vitani , nunc eildem huminibus , led
(îdclibus conférât fempiternain. Ibid. pag,
io6j,
ABBÉ DE C L U N I. jo^
tout-puî(Tant de Dieu , par qui toutes chofes ont été faites , fait
chaque jour que par la manducation ôc la digeflion,le pain fe
change en chair,ôc le vin en fang de plufieursenfans des hommes.
Il fait aulli chaque jour que par la confécration & la vertu divine ,
Je pain ôc le vin Ibient changés en fa Chair 6c en fon Sang ,
c'eft-à-dire , du Fils unique de Dieu & de Thomme , & non de
pluficurs enfans des hommes. Car celui qui a dit , ô: toutes
chofes ont été faites; celui qui a ordonné, ôc toutes chofes ont
c^té créées, fait par la même puillance en tous généralement, & en
lui fingulierement, que le changement des fubilances qui avoient
coutume de donner aux hommes la vie mortelle, leur donne,
mais aux Fidèles feulement, la vie éternelle. On dira , peut-être ,
pourquoi réitérer i\ fouvent le Sacrilice de Jefus-Chrill , puifque
celui qu'il a offert fur la Croix fuilit pour la rédemption des
péchés de tout le monde ? L'Abbé deCiuni répond que le Sau-
veur ayant ordonne de réitérer le Sacrifice en mémoire de lui ,
on ne peut fe difpenfer de lui obéir. Qu'au relie , cette mémoire
augmente la foi des Fidèles, fortifie leur efpérance, confirme
leur charité mutuelle, excite l'amour envers Dieu , & remet les
péchés à ceux qui en font pénitence. Pierre allègue , pour la-
préfence réelle , l'autorité des acles de faint André.
L X X I V. Il vient à la cinquième erreur des Petrobufiens Pjj. lotfs.'
qui rejettoicnt , comme inutiles , les prières ôc les fuflrages des
vivans pour les morts , fous le prétexte que l'autre vie n'eft paS'
un lieu de mérites , mais de rétributions. En premier lieu il
prouve par l'endroit de l'Evangile où il efl dit , que le blafphéme M.::t. i:.-
contre le Saint-Efprit ne fera pardonné ni en ce monde , ni en ^'-"^ ' ^-''
l'autre , qu'il y a des péchés que Dieu pardonne en ce monde ,
mais dont la peine eft renvoyée en l'autre pour y être expiée. Il
montre en fécond lieu , que l'ufage de prier pour les morts eft
autorifé par l'Ecriture, par la Tradition, 6c la difcipline uni-
Verfelle de l'Eglife. Il dit à cette occafion que l'on regr.rdoit,
comme divin , le fécond Livre des Macchabées. Quant à ce
que difoient les Petrobufiens , que c'étoit fe moquer de Dieu ,
de l'invoquer à haute voix , ôc de chanter des hymnes à fa gloire.
L'Abbé de Cluni les réfute encore par l'udige autorifé dans une Pfa.lm.9^.^7;-
infinité d'endroits de l'Ecriture, où il eft fait mention de canti- **''^p ^^"*''
ques en l'honneur de Dieu , ôc d'inftrumens de Mufique dans les ^^iCg. jf"'^'
louanges, ou atlions de grâces folemnelles; 6c par la coutume
confiante de l'Eglife, de faire chanter les Pfeaumes au Clergé.
11 finit fa Lettre; ou foa Traité, en priant les Evêques qui avoient-
S f f ii|
^10 PIERRE LE VENERABLE,
purgé leurs Diocèfes de ces Here'tiques ôc de leurs erreurs, de
veiller avec foin furies lieux où ils s'efforçoieat de les répandre ;
ôc de les réprimer.
Sermons de L X X V. Nous ne connoifTons que quatre Sermons de
Pierre dcCk- pjgfre le Vénérable; le premier, fu>r la Transfieuration du Sau-
Bibliot. Pflf. veur, unprime dans la Bibliothèque de Hum, dans cède des
pag.\oSo;& Pères, & dans la Bibliothèque des Prédicateurs, par le Père
Murtenn.paf. Combehs ; les trois autres ont ete publies parDoiii martenne ,
;i4i5'. dans le cinquième tome de fes Anecdotes. L'un eil à la louange
du Sépulchre de Jelus-Chrift ; l'autre, en l'honneur de faint
Marcel, Pape & Martyr ;ôcle troiiiéme fur la vénération des
Reliques. Pierre de Cluni fait mention dans fon diicoursfur le
Sépulchre du Sauveur , du miracle qui s'y Hiifoit annuellement
la veille de Pâques. Un feu miraculeux deicendoit du Ciel , ôc à
la vue de tout le monde allumoit les lampes qui étoient autour
du faint Sépulchre. Le Moine Bernard ( fl) , qui (it en 870 le
pèlerinage de Jerufalem , affure dans fon Itinéraire , avoir été
témoin de ce fait miraculeux.il en eft parlé dans l'ancienPontifical
de l'Eglife de Poitiers,écrit il y a plus de 800 ans ; dans le fixiéme
chapitre du quatrième Livre de Raoul Glaber ; dans la Chro-
nique de Léon {b) d'OlVie ; dans celle de Hugues de Flavigni ;
dans Guillaume de Malmediuri , & dans les neuvième & dixième
tomes du Spicilege. L'Abbé de Cluni reaiarque fur cet événe-
ment, qu'il eft particulier au Samedi de Pâques, ôc qu'on ne
voit rien de femblable ni le jour de Noël, ni autres jours def-
tinés à la célébration de quelque Myftere ; qu'il fe continuoit
encore de fon tems , & n'avoit point été jufques-là interrompu.
Il dit dans le difcours fur faint Marcel, qu'après la mort de faint
Mr.rccilin arrivée en 50+, le faint Siège vaqua fept ans ('\)i mois ÔC
vingt-cinq jours. Cependant faint Marcel fon fucceffeur fut élevé
au fouverain Pontilicaten 308 , aprcsune vacance feulement de
trois ans lix mois ôc vingt-cinq jours. Dans le manufcrit de
Cluni d'où efl tiré le difcours fur la vénération des Reliques, il
eft dit , que l'Abbè Pierre le prononçable jour qu'on re«çut de
Rome celles de faint Marcel. Cela paroit aulli dans le corps du
difcours. Il fonde fur deux raifons le refped dû aux Reliques
des Saints. La pteraiere^ que leurs membres ont été pendant leur
( a ) Martenn. noi, in hun: Scnn, tom î , 1 Chronic. Virdurienf. j)<ij. 178. Hijlor. Belli
^<wrrr/of.-p.?[f. T4ji. l fjcri , tom. i ; Aluj'xi halici , num. loi;
(,h) Çh'rervc, Cafm. l'é. 3 , cff. 5 j & | Milmcpur^.lih. 4 , de Ry^ib, Ar.glor.
ABBÉDECLUNI. pi
vie employés au fervice de Dieu. La féconde , qu'on ne doure
pas qu ils ne doivent relTufciter pour jouir de la gloire éter-
nelle.
L^ XVI. Il y a eu plufieurs éditions du Recueil des Mira- Livres des-^
clés, une aucrautres à Douai en i jpç in-12. Il ell dans la ?'^'"'^ gj'//^^"''
Bibliothèque de Cluni & dans celle des Pères. Pierre de Cluni Paùp.ig.ioi7ï
n'y a rapporté que ceux qui étoient arrivés de fon tems. Son but
dans ce Recueil , qu'il a divifé en deux Livres , eft de contri-
buer à l'accroillemcnt de la foi & de l'efpérance des P ideles , ôc
de confirmer les vérités de la Religion , par des évenemens qui
y avoient du rapport. Il commence le premier Livre, parles
Miracles qui regardent l'Euchariflie. Ceux qu'il raconte, font
des témoignages évidens de fa foi ôc de celle de fon (iccle fur
la préfence réelle ; de l'ufage oi^i l'on étoit de ne point admi-
niftrer ce Sacrement aux malades qu'après la confeilion de leurs
péchés au Prêtre ; & des Prières que l'on falloir pour eux après
leur mort , pour les délivrer du Purgatoire. Les Miracles rap-
portés dans le fécond Livre ont d'autres objets ; mais ils font
comme ceux du premier , mêlés de diverfes apparitions des-
morts aux vivants. 11 y efl parlé du Schifmeoccafionné dans Cluni
par l'Abbé Ponce; des moyens que l'Abbé Matthieu, depuis
Cardinal ôc Evoque d'Albane, employa pour l'éteindre ; & des
mouvemens qu'il fe donna pour maintenir le Pape Innocent II.
fur le Saint Siège , que Pierre de Léon vouloir ufurper. L'Abbé
de Cluni y dit auili quelque chofe de l'Inftitut des Chartreux, P-ig. m''.»-
qui , dit-il , pour dompter leur chair , la mortifient par des
cilices, l'affligent par des jeûnes très-auderes & prefque conti--
nuels, s'abfùennent de viande en tous tems, foit qu'ils foient
fains ou malades ; fe nourriffent de pain de fon , ôc mettent tant';
d'eau dans. le vin qu'ils boivent , qu'il en perd prefque le goûti-
En parlant du concours qui fe fait à Sainte Marie Majeure , pour
la l'ece de l'Àfiomption de la fainte Vierge, oii le Pape célèbre'
ordinairement la Meiî'e, aliiué des Evêques ôc des Cardinaux,
il dit que les Pvomains y viennent aux Vêpres dès la veille, Ô: y p.:g. my»-
allument des cierges après les avoir pefés en leur maifon ; ÔC
que quoiquils demeurent allumés depuis le foir jufqu'après
la Melfe du lendemain , ils ne diminuent pas de poids. L'Abbé
de Cluni allure qu'il y avoit plus de cent ans que ce Miracle fe
faifoit annuellement en ce jour, ôc qu'il s'opéroit encore de
fon tems.
LXX VIL II refte des Poçfies de Piene de Cluni, une Hymne. si<
JI4 PIERRE LE VENERABLE,
ProfesdePier- Apologie en vers éiegiaques de Pierre de Poitiers , contre ceux
lbid.^p?rsl\] qui blâmoientfes vers; des Rimes ôc des Profes fur la vie de
Jefus-Chrifl: ; en Thonneur de la fainte Vierge , de fainte Marie-
Magdelaine, defaint Benoît & de faint Hugues Abbé de Cluni;
avec les Epitaphes du Comte Euftache , de Bernard Prieur de
Cluni , de Rainaud Archevêque de Lyon , & de Pierre Abaillard.
Son Poëme intitule , de la Vertu , fe trouve ( a ) parmi les manuf-
crits de la Bibliothèque Pauline , à Leïpfic. Fabricius (b) avoit
fait imprimer fous le nom de Pierre de Cluni un autre Poëme
fur les Rits de la Meffe , à Hambourg en 1715. 7vlais il a reconnu
depuis qu'il étoit d'Hildebert, Evêque du Mans.
Statuts de LXX VIIL Pendant les vingt quatre premières années de
Cluni , pa^. fon gouvernement, l'Abbé Pierre lit plufieurs Regîemens pour
* ' fon Abbaye & pour fon Ordre. Il changea quelques-uns de ceux
que fes Prédéceffeurs avoient faits; 6c en retrancha plufieurs
de peu d'importance dont il n'étoit plus befoin , parce que les
raifons en avoienc cefle. Il recueillit en 1 145 tous ceux qu'il
avoit faits , f>c fit un corps de foixante-feize articles, rendant fuc
chacun la raifon du changement qu'il y avoit fait, afin de ne pas
fcandalifer ceux à qui elle feroit inconnue. Quoiqu'il fçût par
l!exempLe des changemens faits de tout tems dans la difcipline
de l'Eglife & dans les pratiques des Monafleres , qu'il lui étoic
libre d'en faire dans les Statuts de fon Ordre , il prit toutefois là-
deffus l'avis des plus fages de fes Confrères , Ôc lit approuver fon
Recueil par le Cb.apitre général. Les plus remarquables de ces
Statuts, font ceux qui reforment certains abus que l'on repro-
choit aux Clunifles.
Ce qu'ils LXX IX. Dcfenfe de manger de la graiffe tous les Ven-
contiennciu (^^gj^'is , fi ce n'eft que la Fête de Noël tombe en ce jour.
de remarqua- • rr • • J / J- i r •■ • u
bie. Il paroilloïc indécent que tandis que les Laïcs riches ou
C.ip. 17. pauvres s'abftenoient entièrement de viande les Vendredis ,
O;;. II. les Moines fiilent cuire leurs légumes avec de la graiiïe. Défcnfe
de boire du vin mêlé de miel ôc d'épices , c'eft-à-dire, de l'hy-
pocras , hors le jour du Jeudi Saint , fuivant l'ancien ufage.
Cip. i>. J3^fcnfes de manger de la viande, finon aux infirmes ôc à ceux
' qui font abfolument caducs. Les Clunifles avoient fait quel-
ques changemens dans les obfervances prcfcrites par la Règle
(a) r.iJrifiu» , ton. •; ,Bibi!Ot, Latin, j (b) Ibid.p.ig. 7j8.
df
ABBÉ DE CLUNI. 'jij
de faint Benoît. Pierre convient qu'il n'y avoit aucune caufe rai-
fonnable d'en faire à l'égard de l'abftinence de la viande. Pour
diminuer le nombre des jeûnes qu'elle prefcrit, depuis la mi- Cap.iM-
Septembre jufqu'au Carême , ils avoicnt multiplié les Fctes.
Pierre en iixe le nombre ; fçavoir, celles de faint Michel, de
la Dédicace de l'Eglife ôc des Apôtres , hors de l'Avent & de la
Septuagelime ; l'Octave entier de Noël, le jour de l'Epiphanie ,
les Fêtes de faint Marcel Pape , de faint Vincent Martyr , de la
Purification & de la Chaire de faint Pierre. On accordoit l'ufage
de la graiffe , dans toutes les Fctes à douze leçons ; mais elle étoit
défendue en A vent, exxepté le premier Dimanche. Les étoffes Op. tu
6c les fourrures précieufes font défendues ; & pour en éviter
l'abus, on fpécifie toutes celles dont il n'eft pas permis d'ufer.
]1 eft ordonné de garder le iilence à l'Inlirmerie, dans la cham- (^^?- ^(> it>
bre des Novices, au Réfectoire, & toujours pendant le Carême. '
On en excepte les perfonnes de confidération , avec qui le Grand Cip. 19, i»i
Prieur, le Sous-Prieur ôc quelques autres Officiers pourront *'•
parler dans l'appartement des Novices. L'atHuence des étrangers
a Cluni , la multitude des affaires y avoient occafionné du relâ-
chement à l'égard du fdence.
LXXX. Par un autre abus beaucoup plus dangereux, on q„_ ,y^
recevoir dans prefque tous les Monafteres dépendans de Cluni ,
des paifans, des enfans , des vieillards, des fous, des gens
ineptes à toutes fortes de chofes, ou coupables de grands crimes.
Il y avoit déjà eu des défenfes de les recevoir ; & l'Abbé Pierre
ne fit que les renouveller , en y ajoutant la claufe qu'on ne pour-
roit recevoir aucun Moine dans l'Ordre fins la pcrm illion de
l'Abbé de Cluni. Il ordonna auffi, qu'on ne donneroit l'habit Op^js, jr>
monaftiquCcà perfonne avant l'âge de vingt ans ; qu'on éprouve- 5^'
roit les Novices au moins pendant un mois;& qu'on rétabliroic
le travail des mains , autant qu'il feroit poliible , pour éviter
l'oifiveté. Mais il reÛreignit le travail à l'intérieur des Cloîtres ,
ou aux autres lieux , où l'on put le faire décemment ôc fans
être vu des Séculiers. Les autres Statuts concernent ou l'Ollice
divin , eu la forme des habits , ou la modeftie que l'on doit
garder dans les équipages de campagne , ou l'éducation des
enfans que l'on enfeignoit dans les Alonafleres. Il étoit d'ufage Op. yi;
en plulieurs Eglifes de fufpendre au milieu du Chœur une
grande couronne d'airain ornée d'or ou d'argent, ôc d'y allumer ■
un grand nombre de cierges dans lesfolemnités. Infenfiblement
on les alluma prefque à toutes les Fêtes de l'année ; ôc alors oa
TomiXXll. Ttt
P4 PIERRE LE VENERABLE,
ne diPiinguoit plus les grandes foleinnités , des autres. C'eft
pourquoi iifutordonné que cette multitude de cierges ne feroient
allumés qu'aux cinq principales Fêtes , à la Dédicace de l'Eglife
ôc à la Fête de tous les Saints ; qu'aux autres Fêtes où l'onavoit
coutume d'illuminer cette couronne, on fe ferviroit de lampes
de verre.
Gç. j4. L X X X L Nous remarquerons encore dans ces Statuts , que
l'on devoit dire chaque jour une Méfie en l'honneur de la fiiinte
Vierge , & fon Olîice entier dans la Chapelles des infirmes ,,
depuis la Fête de tous les Saints jufqu'à Pâques; que lorfqu'après
avoir adminiftré l'Extrême-Ondion aux malades, on leur pré-
fentera la Croix pour l'adorer , ce fera une Croix de lx>is , dans
laquelle on avoit incrufté une particule de la vraie Croix , en-
Cap. 61. chaiTée dans de l'or ; afin que les paroles de l'adoration : Ecce
liguum crucis , Cfc. eulfent du rapport à la matière de la Croix ;
qu'à la Fête de Noël il n'étoit permis à aucun Prêtre de dire la
Cap. 71, Mefle avant la fin de celle qui fe chante au point du jour, par-
ce que ces Meffes particulières pendant la célébration delà MelTe
folemnelle , occafionnoient de déferter le Chœur.
Traité de ' LXXXIL Le Traicé de Pierre le Vénérable , intitule:
Pierre deClu- ^uclcus de Sacrificio Mif^û! , OU Noiau du Sacrifice de la Mefle,
crifice de h ^^^ imprimé à Rome en i jp 1 , dans le Recueil des Livres qui
Me/re. traitent des offices ôc des minifteres de l'Eglife Catholique ; à
Paris en 1624, dans le dixième tome de la Bibliothèque des
Pères ; en 1544., dans la féconde partie du douzième tome de
cette Bibliothèque. Il eft diftribué en quatorze Chapitres.
Analvfe c'e L X X X III. L'Abbé de Ciuni y fait voir que depuis Adam
ceTraitc.ro;?;. jufqu'à Jefus-Chrilt , on n"a pas ceflé d'ofïrir des Sacrifices à
10 , BiUtot. Dieu:quç ces Sacrifices étoicnt de diverfes efpeces ; quecom-
pa^.iopt. me 11 n eit permis den ofinr qu a JJieu ieul, pas même aux
Cap. 1,1, 3,4. Anges , on ne peut douter aufTi que cette marque de la fervitude
des hommes ne lui foit agréable ; qu'après un Ci long ufage d'of-
frir à Dieu des Sacrifices, foit du tcms des Patriarches , foit
Cap. j , 6. fous la Loi de Moyfe , on ne peut voir qu'avec furprife les
Héi'étiques faire un crime aux Catholiques du Sacrifice unique
qu'ils ofirent à Dieu ; qu'en obfervant la pernicieufc dodrine
de ces Novateurs , il arrivera que l'Eglife fera fans Sacrifice
dans le tems de la grâce , ce qui n'eft pas arrivé, même dans le
Cap.f.j. tcms de !a colère, ou tous la Loi. Il prouve par le témoignage
des Prophètes, que le culte du vrai Dieu efl paficdes Juifs aux
Chrétiens ; que le Sacrifice offert à Dieu par les Chrétiens
A B B É D E C L U N I. p;
dans tout l'Univers, a été annoncé par Malachie ; que l'Hoftie Mdach. z:
n'eit autre que Jefus-Chrilt , qui en eirTet sert oiTert pour nous Op.s,?.
raciheter de la mort que nous avions encourue par le péché de
notre naifl'ance.
L X X X I V. Enfuite il vient à l'enence du Sacrifice de nos c.-.p. lo , n.
Autels,& die que le Corps qui y ett offert, eft'le même qui a foul-
fert fur la Croix ; & le même Sang qui a été répandu pour la
•rémiflion ; que c'eft ce Corps que Jefus-Chrill nous ordonne de
manger , ôc ce Sang qu'il veut que nous buvions pour vivre
éternellement. Pierre de Cluni établit le dogme de la Tranfubf-
tantiation , ou du changement réel du pain fie du vin au Corps
& au Sang de Jefus-Chrift , par les paroles de la confécration ,
6c inlifle (a)rur ce que le Sauveur, pour nous oter tout doute ,
a dit à les Difciples: ceil mon corps & non le corps d'un
autre, que je vous donne; il n'efl ni changé , ni nouvellement
créé ; c'eil le môme qui fera livré pour vous fit attaché à la
Croix ; c'eft le même fang qui fera répandu , provoqué par les
verges fi>c contraint de fortir de mes veines par les doux ôc par la
lance. Il dit à ceux qui doutoient delà réalité de ce changement, Cjp. 12,1?,
qu'ils ne pouvoient douter de la toute-puiffance de Dieu , à qui ''^'
l'Ecriture rend des témoignages fi éclatans ; aux effets qu'ils en
voyoient eux-mêmes ; fie leur rapporte quantité d'exemples de
la nature , où une fubdance eft changée en une autre , comme
le pain fie le vin fe changent chaque jour en chair ôc en fang dans
ie corps humain.
LXXXV. Berenger difoit qu'il n'étoit pas poffible que le ^V- '*•
Corps de Jefus-Chrifl , eût- il été gros comme une tour , eût pîi
fuBire à nourrir les Fidèles depuis tant de tems qu'il leur eft
adminiflré. C'efl-là, dit Pierre de Cluni, le langage de ceux qui
croyent que Dieu ne peut que ce qu'ils peuvent eux-mêmes ;
qu'il ne fçait que ce qu'ils fçavent ; qu'il ne fait que ce qu'ils
font: Mais qu'ils fe fouviennent que d'une extrémité du monde
(a) Accipite , hoc rft Corpus , adjun-
xit meum. ciiiim crgo tion r.iterius Corpus
dcJit Dilcipulis. llurium ne fonè alicui vobis crucifi£;etur,pro vobis morie.tur. .Sic
co:jiraiio octultaûibreperet : potulifc crea-
re in manibiis fuis , Corpus «nioJ ruum<5ui-
tJcm elu-'t , Icd wmeii quod ipfe crat non
■edet , addidit , quod pro vobis tradetur ; ac
f\ diceret : Nolite dubitare. . . . quw hoc eft
Corpus non alieruin , aut altenus , led ,
meum , non permutatiim , vel novhetr
creatum , (êd quod pro vobis naJ^'tur, pro
& de Calice : Hic eÛ, ait, Sangu'is. . . . qui
pvo vobis fuadetur, flagellis provoca;us ,
clavis extortus , lancxa exoulTus. Petrut
Clunidc. Nudeo de S^rifcio Alifx , cap»
II»
Ttt ij
■Si6 PIERRE LE VENERABLE,
à l'autre, du lever du Soleil au couchant , l'on publie à haute
voix ce que nous lifons dans le Pfeaume 154: Dieu a fait tout
ce qu'il a voulu , foit dans le Ciel , foit fur la terre , foit dans la
mer & dans les aUmes. Or il a voulu ( a ) changer le pain en
fa Chair , & le vin en fon Sang ; il a donc pu taire ce change-
ment, étant Dieu , & conféque.nment tout-puiffant.
Charte de L X X X V I. On lit dans le Spicilege une Charte ou A£le
fondation tn de Pierre , AbbédeCluni, par lequel, en reconnoiflance des
Spicileg. 'pag. biens que Raoul , Comte de Peronne , fils de Hugues le Grand ,
îji* frère de Philippe , Roi de France , avoir faits au Monaftere de
Crefpy Oc à celui de Cluni , il ordonne qu'après fa mort on lui
fera deux trentains ;que chaque Prêtre lui dira trois MefTes , 6c
les non-Prêtres trois fois les fept Pfeaumes de la Pénitence;
aue dans les autres Monafteres de l'Ordre de Cluni , on lui fera
trois trentains , & tous les Prêtres , fans exception , célébreront
deux fois pour le repos de fon ame ; qu'en outre , on fera à Cluni
fon anniverfaire foiemnellement , comme d un des plus grands
amis & -bienfaiteurs de l'Abbaye, après les Empereurs ôc les
Rois;& que chaque jour pendant un an, on offrira pour lui le
faint Sacrifice. En cet anniverfaire folemnel , on chantoit pour le
défunt la Meffe conventuelle ; tous les Prêtres de la Commu-
nauté de Cluni célebroient pour lui chacun une fois ; les autres
récitoient le Pfeaume Miferere mei Dciis , & l'on doanoit à
manger à treize pauvres.
Etatdcl'Ab- LXXXVIL Pierre deCluni.dreffa, la vingt-feptiémean-
baye dtCiuni, j^^g depuis qu'il en fut Abbé, un Etat de cette Abbaye, telle
'ce'llàn.kdujù, qu'elle écoit lorfqu'il en prit pcffeiTion , ô: de ce qu'il fit pen-
^ag. 443- dant ces vingt-fix ans pour l'améliorer. En entrant il trouva
l'pglife grande, mais pauvre, dont les réparations ou entretiens
abforboient les revenus. Ilyavoit dansleMonadere plus de 300
Aîoines ; & la Maifoa ne pouvoir en entretenir au-delà de cent
de fcs propres revenus, quoiqu'ils fuffent nourris très pauvre-
ment : enfortc qu'il falloir emprunter des fommes confidérabies
pour fournir à l'entretien des deux cens autres , des étrangers &
des pauvres. Pour fournir aux dépenfes nccefiaiies, fans emprunt,.
(a) Voluit erpo & potuit ut panis in quia ad convertcnJum paiifm -n Corpus
Cnrnem Aiam , A vin' tn convert;itiir in A um . & vinum in Sanguin -m fiium om-
S-nguincm l-im. Ftrui.i vo.'uit S; potuit, ! rimodô , fie ut & ad univerfa pjtens cft.
id^ircô & Ttiit. Si enim Dei's l mnipo- ' Perru^ Cuniac. Nucleo deSacrijiCwMi£a\^,
«cns eft, & Chriflus Dcus cft , llqimur | ca£. 14»
fes(
•un.
A B B É D E C L U N I. py
Pierre mît un autre ordre dans les recettes des Fermes dépen-
dantes de 1 Abbaye. Cet Etat , qui efl repréfenté dans le cinquiè-
me tome des Mélanges de M. Balufe, prouve bien que Pierre le
Vénérable avoir les qualités nécelTaires pour le gouvernement
fpirituel 6c temporel de ce Monaflere & de tout fon Ordre.
LXXXVllI. Il étoit d'un naturel doux ; & réunilToit un Jugen-.emde
efprit élevé avec les talens propres à infpirer leflime ôc la véné-
ration. Si l'on en croit un Pocte ( ^ ) de fon tems , lAbbé Pierre
n'avoir point d'égal fous le Ciel , pour les qualités de l'efprit.
Ses Lettres en font pleines ; le flyle en eft aifé , pur , agréable
& toujours égal ; les penfées fines & délicates ; les réflexions foli-
des & judicieufes. Il y a du feu dans fes difcours & du nerf
dans fes ouvrages pour la défenfe de la Religion. Mais il y a
moins d'aménité Ôc d'élégance dans fes vers que dans fa profe.
*S^ Vi:^ '^ Ît4^ "^ .4^ 'V^^ "^ V4^ ^'Vi'^ '^^^
CHAPITRE X X ï I.
If'i B ALD, Ahbé de Stavelo, & de Corhie.
I. T 'Abbaye de Stavelo , fondée par Sigebert , Roi d'Auf- \Vibard. Ses
\ i trafie, dans i'Ardenne au Diocèfe de Tonpres , auiour- '^°'^'"^"ce-
d'bui de Maflricht,avoit pour Abbé en 1 130 jWibald, homme 1 , àmplif
de beaucoup d efprit ôc de vertu , connu dans l'iiifloire de fon «"■^'«'"•Awrefl.
. ' '. ^ . ... ,. , . . . _ 1)7). If ■>
de la bafle Lorraine : car il témoigne auffi qu'il aroit pris naif- Ej^j^-. 3°?'
fance dans le Pays de Liège. Il eut deux frères , Erebert ôc
Erlebold ; ôc une fœur , nommée Havid. Le premier fit le
voyage delà Paledine en 114.8, avec le Roi Conrad, dont il
étoit Chancelier; le fécond, après avoir fait profelfion delà vie
monaûique à Saint Laurent de Liège , palla à Stavelo. Havid Epi]}. »j,»».
fe confacra à Dieu dans un Monaflere de Filles, nommé Ge-
(a) Scitbenè, fcit mundus , quod lia- i bonis pr-rcellis frm rntionis. Rri'J"'-uS'
beris in orbe fecuniiuf. . . . fub Cœli capa f Torrarim , in J:logio Pétri Fener.zbilitr
tlbi lion lupcreil luii Papa. ... & fort.;.Te ', Mabiiiun. lib. -S , Annal, num, 45.
T 1 1 ii]
yi8 W I B A L D ;
rishem , vers l'an 1 1 jo. Wibald , fon frère aînd, lui envoya uni
anneau , en la congratulant fur l'état qu'elle avoir embraiTé.
jl Çg f.,it IL II fut mis e'tant encore jeune dans l'Abbaye de Stavelo,pour
Moine à Va!'- y apprendre les premiers élemens des Lettres & la Grammaire,
for pu;s a ç ^^^ vénérable vieillard , appelle Reinard. Enfuite il pafla aux
études. Ecoles de Liège, ou il apprit en tres-peu d années , la Dialedi-
Epifl. î7i. C|ue,la Réthorique, l'Arithmétique, n. Géométrie, l'Aftronomie.
C'étûit vers l'an iiij. Ennuyé du commerce du monde, il
penfoit férieufement à le quitter. Stavelo avoit pour lui de l'at-
trait : mais il en avoit aulii pour la folitude de ValTor , au Dio-
Pjg. x^(. cèfe de Liège. "Widric qui en étoit Abbé, y attiroit par fa répu-
EtChronic. çation grand nombre de perfonnes de vertu ôc de fçavoir.
tim.'7.%kil. Wibald y alla avec Richer, un de fes Condifciples. Ils y prirent
l'habit monaftique. Leur deflein étoit d'y vivre dans la contem-
plation des vérités de la Religion & dans le repos. Mais Widric
chargea Wibald du foin des Ecoles avant même qu'il eût pro-
noncé fes vœux. Ceux de Stavelo le réclamèrent & fe don-
nèrent tant de mouvemens , qu'ils l'engagèrent à y retourner.
iieRfaitAb- in. Cette Abbaye depuis la mort de l'Abbé Folmart, en iio5,
bcdeStaveio. (J^p^riffoit de jour en jour, par la mauvaife conduite defesfuc-
" ^'^°' ceiTeurs. Cunon ôc Rulland avoieat elïayé d'en rétablir les biens
& l'obfervance : mais morts tous deux, depuis 112S jufqu'en
1130, ils n'eurent pas le loifir de mettre leurs bons defleins à
exécution. "Wibald leur fuccéda , ayant été élu fur la fin de l'an
1130. Au mois d'Avril de l'année fuivante 1131 , il reçut à
P.y. 90, 91. Stavelo , Lothaire III. Roi des Romains , ôc la Reine Richifc
fon époufe. Ce Prince confirma l'éiedion de Wibald , ôc tant
à fa prière, que des Moines de cette Abbaye, il la maintint
dans la poirelîion de fes droits ôc de fes privilèges , par un
Ibid. kjiag. Diplôme , daté du 1 3 de ce mois. Adalberon , Evoque de Liège,
'5^* accompagna Lothaire jufqu'à Trêves , d'où étant revenu à Sta-
velo pour la Fête de Pâques , il donna le lendemain à l'Abbé
■Wibald la bénédiction Abbatiale.
Ilrcrablit le IV. Son premier foin fut de rétablir l'obfcrvancc régulière;
bon orJre à gj- ^^ ^-gt ^{Y;^^ \[ remit les Ecolcs en vigueur, ôc fit rentrer les
Stavelo. ijiens aliénés, ou engagés par fes prédécefi'eurs. On ne doute
Pag. ijg, pas que Lothaire, qui connoiffoit Hi capacité dans les allaites,
n'ait pris, étant à Stavelo avec Innocent II. fes avis, fur les
P>^g. \6o. moyens de rétablir ce Pape fur le Saint Siège , ôc d'en chaiïer
Pierre de Léon , comme cela arriva en 1 1 3 3. Mais les Schif-
matiques s'étant remis en forces , il fallut les attaquer de nou-
veau.
1
ABBÉ DE STAVELO,&c. pp
V. L'Empereur Lothaire paflfa donc les Alpes en \ i^6 , fuivi lltravaill»
d'une nomhreufe arince ; & ayant convoqué une afTemblee à ""'^"^ ""''fl
•^ A rt-'ur pour ic
Melplie , l'Abbé Wibald fut chargé, comme chef de l'expédi- rctabijifement
tion contre Roger, Roi de ijicile , feul protecteur de lAnti- dut'apelnno-
Pape, de pourvoira l'équipement d'une flotte, en foldats & p^î^'^îéz!^ *
en armes. Il fe rendit devant Salerne avec l'armée de l'Empe-
reur ; ôc après la prife de cette Ville , il palTa en Sicile , oii
l'ennemi s éroit retiré. "Wibald fe voyant à portée de Mont-Caf- ^^'i- '^-•
fin , y alla autant par dévotion , eue pour engager l'Abbé & les
Moines , qui avoient pris le parti de Pierre de Léon , à rentrer
dans l'unité de lEglife , en reconnoilTant peur Pape légitime
Innocent II. Rainald le Tofcan , c'étoit le nom de l'Abbé, fit
ferment de fidélité à Lothaire & au Pape Innocent ; mais il faufila
bientôt fcn ferment. Il y avoit conteftation fur la canonicité de fon
élection , & l'Empereur penfoit à lui fubfiituer "Wibald , qui pré-
voyant ce qui devoir arriver , étoit allé à Naples fous prétexte
d'affaires; mais en effet pour fefoullraire au fardeau qu'on vouloit
lui impofer.
VI. De retour de Naples^ où l'Empereur l'avcit envoyé ii eft éia
chercher, ce Prince le prcfTa d'accepter l'Abbaye de Mont- A b'deMont-
Caffin -, il en fut prié par l'Impératrice Richife , par les Ar- ^'"'"'
chevêques, les Evêques , les Abbés, les grands Seigneurs qui ''^' '
fc trouvoient à la Cour de Lothaire. Il le refafa, L'Empereur Chronkon.
le fit prendre de force ôc le livra aux Moines de Caifin, qui C^ln^nf. lib.
l'ayant conduit au Chapitre, le proclamèrent leur Abbé, d'une ''•'"/'• "*•
voix unanime ;ôc l'inflallerent en la manière ordinaire. Lothaire
qui avoit coni^u de l'edime pour Pierre Diacre, Moine de Mont- P'^- '^'^'
Cafiln , qu'il avoit vu dans l'afiemblée de Melphe prendre avec
ardeur les intérêts de fon Monafiere, longeoit à l'emmener en pj^_ ,^,
Allemagne & à lui donner l'Abbaye de Stavelo à la place de'Wi-
bald. Mais il changea de defil'ein fur les remontrances de "Wibald.
VIL Cet Abbé penfoit lui-même à retourner dans fa prc- il retourna
miere Abbaye, voyant que fa préfence à Mont-Callin ne l'ai- ■^ Smeio.ea
foit qu'irriter de plus en plus le Pvoi Roger contre cette Maifon. p'^^"
De concert avec Landulpb.c , un de les confidens, ii fortit du &''i'.,^/j.
Monaftere la nuit du fécond de Novembre de l'an 1137, & s'en
retourna à Stavelo. Avant d'y arriver , il écrivit aux Moines de
Mont-CafiTm pour leur déclarer qu'ils eufi'ent à fe choinr un autre
Abbé. Leur choix tomba fur Raynald CoUemezzo , Ccmpeti- ^fifi. 4.
teur de Raynald le Tofcan. "Wibald ayant appris fon éleûion ,
l'en congratula ; & par une féconde Lettre aux Moines de Mont-
S20 \V I B A L D,
Epijl. y. CafTin, il les déchargea derobéiflance qu'ils luî avoîent promlfe;
ôc leur fit fçavoir qu'il rcnvoyoit le fceau & l'anneau à l'Abbé
Raynald. C'dtoient les marques de la dignité d'Abbé, avec la
crofle & le Livre de la Règle.
Y travaille à VIII. Depuis fon retour à Stavelo , "Wibald continua à faire
faire rentrer rentrer les biens de l'Abbaye , ufurpés ou aliénés. Il ne put y
nL en^iMo" ^cullir fans faire divers voyages à la Cour du Roi Conrad, à Co-
1144. logne , à Liège , même à Rome. Etant en cette Ville en 1 145 ,
Pj^. 168 , lors de la mort d'Innocent II. il obtint de Celeftin II. fon fuccef-
i^>"» feur, une Lettre pour Adalberon , Evêque de Liège, que ce
Pape exhortoit de prendre la défenfe de l'Abbaye de Stavelo ,
& d'employer s'il étoit befoin, les Cenfures contre les détenteurs
des biens de ce Monaftere.
IlefléluAb- IX. A peine s'étoit-il repofé de fes voyages, qu'il fut obligé
bédeCotbie, Jg fg trouver fur la fin d'Aoùt 1 144, àCorbie en Saxe, pour juger
^"^''"^ ■ avec d'autres Abbés , des plaintes formées contre Henri , Abbé
de ce Monaftere. Il fit tant auprès du Roi Conrad , que l'on arrêta
Pdg. 170, la procédure. Mais ayant été recommencée l'année fuivante ,
par Thomas, Prêtre ôc Cardinal de lEglife Romaine, il pro-
nonça à Paderborne au mois de Mars ii^6 , une Sentence de
dépofition contre l'Abbé Henri. Les Moines de Corbic qui en
ces deux occafions avoient connu le mérite de Wibald, ôc qui n'i-
gnoroient pas les biens qu'il faifoit dans fon Abbaye de Stavelo,
l'élurent pour leur Abbé d'un commun confentemcnt ôc de l'avis
de Bernard , Evêque de Paderbornc. Wibald ne voulut point y
confcntir;les Moines de Stavelo s'y oppoferent: mais le Roi
pfl?. 17'- Conrad appuyant l'életlion , manda à Wibald de fe rendre à
Francfort îe iix de Décembre , pour y recevoir de fa main les
Regales , comme Abbé de Corbie. Il fut reçu en cette Abbaye
le 18 du même mois aux acclamations de toute la Commu-
nauté ; ôc ceux-mêmes qui avoient foutenu le parti d'Henri, s'en
rapportèrent à la clémence de Wibald.
Croîfade des X. Cependant le Roi Conrad s'étant croifé à Ratifhonne,
Saxonscontre pour aller au fecoursdes Chrétiens d'Orient, ordonna avant fou
" g^^^^"'*^" départ une autreCroifade contre les PayensduNord, nommément
contre les Sclaves,qui ravageoient les terres des Chrétiens, furtout
des Danois , dont plufieurs avoient été tués par ces Infidèles.
Les Chefs de cette Croifade furent, l'Archevêque de Magdc-
bourg; les Evêqucsd'Halberflat , de Munfler , de Mer(bourg ôc
quelques autres , avec le nouvel Abbé de Corbie, Wibald ; il y
avoit auin plufieurs Seigneurs Laïcs. L'armée qui étoit de plus
de
J
ABBÉ DE STAVELO,&c. jjt
Jde foi.xante mille hommes , après avoir attaqué les Sclaves, fait
le dégât dans leurs terres y brûlé quelques-unes de leurs Villes,
leur oifrit la paix fous la condition de ie faire baptifer , &: de relâ-
cher les Danois qu'ils tenoient en efclavage. Ils acceptèrent les
conditions ; mais ceux qui reçurent le Baptême n'en obferverent
.pas les promefles ; ôc tous continuèrent à maltraiter les Chré-
tiens. Ainii l'on ne retira pas de cette expédition le fruit que l'on
•s'en étoit promis.
X I. Avant de fe mettre en chemin , Wibald avoit envoyé le ^'b^ld em-
Prieur de Corbie &c le l'revot de Creihurch au Pape Eugène, f.rixcrés aux
alors en France, dans l'Abbaye de faint Denis, pour recevoir f"is_ de U
de lui la confirmation de fon éleclion. Elle fut accordée, "Wibald '"'^°* ^ ^'
■fe trouva dans un autre embarras avant fon départ. L'Abbaye de ^*'" '^^ »
•Corbie devoir fournir ion contingent pour les trais de la Croiirdc. ' '
Tout largent de la Maifon ayant été dépenfé quelques années
auparavant par l'Abbé Henri, il fallut avoir recours au trefor
-de l'Egiife , .& engager même les calices au Duc de Saxe. Il fut
drefié un Ade des emprunts & dépenfes faites en cette occafion.
La date eft de l'an 1 148 , ^24 ans depuis la fondation de la nou- °'^5- '^r.
velle Corbie. Les Partifans de lAbbé Henri exagérèrent les dé-
penfes de \Y'iba!d , répandirent le bruit qu'il avoit dépouillé les '^^- ''''•
Autels & donné au Roi Conrad les Vafes facrés & les autres
lichefles de l'Egiife de Corbie ; & le diffamèrent de façon auprès
du Pape Eugène, qu'il envoya un Légat fur les lieux pour in-
former du vrai des accufations. Elles furent trouvées fauffei , ôc ^P'-I^- 4^-
l'on reconnut l'innocence de "Wibald.
XII. Environ un mois après l'expédition contre les Sclaves , ^'' retourne*
il alla à Stavelo , pour délivrer ce Monafterede l'opprefliion de "
<jodefroi , Comte de Namur , & de quelques autres Seigneurs ^^S.- '78.
Lorrains. Le Pvoi Conrad à fon retour de la Paleftine , l'invita
à une aflemblée qu'il devoit tenir à Francfort , le i j d'Août de
l'an II4P, pour des aff"aires d'Etat de la dernière importance.
Il fuivit ce Prince à Bamberg , à Spire ôc en plufieurs au-
tres "Villes; puis il fut envoyé en députation au Pape Eugène
& aux Romains, pour ménager avec eux une expédition fecrett/-
contre la Sicile , en faveur de l'Egiife : mais la mort du Roi
Conrad ht renvoyer l'exécution de ce projet à un autre tems.
XIII. Il eut pourfucceiTeur , Frideric, qui connoifllmt la Sa mort ea
fegeffe ôc la prudence de l'Abbé "Wibald, partagea avec lui le "5^*
gouvernement de l'Empire. Ce fut fur lui qu'il fe repola pour
traiter de fon mariage avec la tille de l'Empereur iManuel , ea
Tome J{ XII, Vuu
^22 'W I B A L D,
1155. "Wibald fit deux fois le voyage de Conflantinople , eff
qualité de Député du Roi Frideric vers l'Empereur des Grecs.
Il mourut au retour de fa féconde dcputation, le ip de Juillet
de l'an 1 1 j8 ; digne par la douceur & la pureté de fes mœurs,,
des premiers fiécles de l'Eglife ; & l'un des plus grands hommes
defcn tems , par la bonté de fon génie , par fa prudence & fes
autres excellentes qualités. Ses olTemens furent rapportés de
Butellie , Ville de Paphlagonie ,. à Stavelo , par les foins d'Erle-
bold fon frère ôc fon fucceileur , ôc inhumés honorablement au.
milieu du Chœur, en préfence de Henri , Evêque de Liège,
qui ht les obfeques.
Lettres de XIV. On conferve dans l'Abbaye de Stavelo un Recueil des
TAbbé Wi- Lettres de Wibald , dont la plupart font intéreiïantes pour l'Hif-
toire de l'Empereur Conrad , de Henri fon his & de Frideric
Pag. 181 , fon fuccefleur. Il s'y en trouve d'autres qui peuvent répandre
*° beaucoup de jour fur l'Hiftoire des Eglifes de Cologne, de
Mayence, de Brème, de Minden & de plufieurs autres d'Alle-
magne ;& ce qui n'eft pas moins interehant , on peut en tirer
plulieurs traits pour la difcipline Ecclehadique & Monaflique
du douzième fiécle. Il paroît que ce Recueil étoit en deux to-
mes. Le premier n'exifte plus ; & il manque plufieurs feuillets
au fécond , qui ne comprend que les Lettres écrites depuis qu'il
fut élu Abbé de Corbie. Dom Martenne les a fait imprimer au
commencement du deuxième tome de fa grande Colledion,avec
quelques autres Lettres de Wibald qui lui font venues des Ab-
bayes de Corbie , de Vafi!br , ou qu'il a tirées de la Chronique de
Mont-Caffin,& des Papiers de Dom?vîabillon.Ily a jointtous les
Diplômes, Bulles & autres Documens qui concernent la fonda-
tion de i.tavclo , fes droits , fes pofil'efllons , fes privilèges. On y
voit que le Monafiere de Mahnedi litué dans le Diocèfe de
Cologne, devoit être fou mis à celui de Stavelo , comme une
Celle, ou Prieuré en dépendant ; que l'Abbé de Stavelo devoit
Tag.ço, pi, être choifi entre les Membres de cette Communauté; maisqu'au
cas qu'il ne s'en trouvât point qui en fût digne,onen choifiroitun
de Malmedi, s'il y en avoit de capable, (inonque l'on en pren-
Pfl^. 100, droit d'ailleurs. Qu'au furplus, les Moines des deux Monafleres
s'afiembleroient en commun dans le Chapitre deStavelo , pour y
' procéder librement à réiedion de l'Abbé.
Epif?.'i , i , y^y- QuoiqueWibald ncîit accepté qu'à regret & comme par
jag. 185,10;?:. -violence la dignité Abbatiale de Mont-Cafiln, il ne laifi'a pas d'en
Mmènnf''^' prcndrc à cœuc les intérêts j ôc voyant que ce Monaftere avoit
ABBÉ DE STAVELO, ôcc. p5
tout à craindre des Schifmatiques & des ennemis de l'Empire ,
il pria l'Empereur Lothaire de le prendre fous fa protedion. Il
rappelle à ce Prince les maux que l'Abbaye avoit foufterts de la
part des Lombards, des Normans & des Sarrafins , pour serre
toujours attaciiée à l'Empire Romain & au Saint Siège ; & parce
que le détail de ceux qu'elle foulTioit alors l'auroit mené trop
loin , il dit à Lothaire qu'il les apprendra de Pierre , Diacre de
Mont-Cailin , dans le voyage qu'il devoit faire en Allemagne,
en Saxe, en Lorraine. Il ajoute , que l'hiRoire de lEmpire
Romain, dont Lothaire avoit chargé ce Diacre^ n'étoit point
achevée , parce que preflé par diverfes tribulations, il avoit été
moins en liberté d'écrire que de pleurer. Pierre écrivit lui-même
cette Lettre au nom de fon Abbé. La fui vante, adrelTéeau même
Prince ôc à Richife fon époufe , fait le détail des domniases
■caufés à l'Abbaye de Mont-Calfin par les Lombards , les Sarra-
fms ôcles Normans. Elles font l'une & l'autre de l'an 1 1 ^7. Il
paroît par la féconde , que l'on ne doutoitpas en cette Abbaye
que le Corps de faint Benoît n'y fût encore.
XVI. '^vV'"ibald qui s'en étoit fauve de nuit, écrivit aux gnù?, j ^^^.y.
Moines de Callin de fe choifu' un autre Abbé , ôc renvoya les
marques de fa dignité à Rainald Colomezzo , qui fut fonfuccef-
feur. Thierri , Abbé de VafTor", fçachant le retour de Wibald
à Stavelo , lui envoya le Recueil qu'un de fes Religieux ,
nommé Robert , avoit fait des miracles de faint Fovann ,
Ecoffois de Nation , Evéque & premier Abbé de Vaflfor ; le
priant de le lire & de corriger ce qui s'y trouveroit de défectueux.
;'Wibald loua le zèle de Robert , pria que l'on continuât à re- E^f?. g,
cueillir les miracles du Saint , ôc promit qu'à fon loifir il feroit ce
qu'on fouhaitoit de lui.
XVII. Ayant été choifi Abbé de Corbie en 1 141? , le Roi E'M.y.
Conrad , qui avoit fouhaité cette élection ,lui écrivit de fe rendre
à Francfort le 6 de Décembre , Fête de faint Nicolas , pour y
recevoir de fa main l'inveftiture. Mais il pria ce Prince de trou- p,,;^^ g^
ver bon qu'il examinât auparavant la canonicité de fon élection ,
parce que jufques-là il n'étoit venu perfonne de Corbie lui en
faire connoître les circonftances. Le Roi Conrad la notifia lui-
même par Lettre aux Doyen ôc Religieux de l'Abbaye de
Stavelo j en leur marquant, que Wibald continueroit d'être leur
Abbé ; ôc que s'il les privoit pour un tems de fa préfence , c'efl
que le bien de fon Royaume le vouloit ainfi. Les Moines de Epijl. p , 10,
Corbie remercièrent ceux de Stavelo , du confentement qu'ils
y u u ij
'y24- WIHALD,
EpiJ!. 11. avoient donné à l'éledion de Wibald. La réponfe de ceux-cr
contient un fort bel éloge de Wibald. Ils demandent à leurs-
Confreres de Corbie de le traiter avec beaucoup d'honneur , ÔC
de foutenir avec leurs épaules les bras de ce Moyfe , pendant
qu'il priera pour la défaite d'Amalec , c'eft-à-dire , des ennemis
Epi/?. 11. tant deTEglifede Corbie, quedeStave'.o. "\5^ibald reçut fur foiv
élection une Lettre de congratulation de la part de Rernard ,■
Abbé de Reinehaufen , dont nous avons un Opufcule fur la-
fondation & les commencemens de fon. Eglife, au deuxième-
tome des Ecrivains de Brunfvic.
Epijl. 13&14. XVIIL Avant daccepter, W^ibald écrivit à la Communauté
de Corbie , de rendre compte de 1 eledion au Pape Eugène IIL
L'Empereur Conrad l'avoit déjà fait , ôc demandé au Saint Siège
que Ton unît à l'Abbayede Corbie les biens de deux Monafieres
Epi/?, iç. de Filles yfitués dans le voifinage. Le Prieur de Corbie écrivit
aufTi au Pape, pour lui donner avis, que l'élettionde Wibald
s'étoit faite canoniquement , & du befoin qu'il y avoit d'unir à
Corbie les pofTeflions de ces deux Monafieres de Filles, Kami-
EpiJl.K. natôc Vi/tika, attendu que l'on n'avoit pu jufques-là y remettre
le bon ordre , quelques foins que fe fuiïent donnés les Abbés
de Corbie. La Lettre au Cardinal Guy eft fur le même fujet.
EpiJl. 18. Il y en a une féconde de l'Empereur Conrad à Henri , Duc de
Saxe , à qui il recommande l'Abbé Wibald. Par une.troifiéme ,
EpiJ}. 10. il fait part au Pape Eugène III. de l'életlion de Henri fon fils
pour Roi, des Romains, & du deffein où' il étoit lui-même,
Bpift. ji. de partir inceffamment pour la Croifade. Mais auparavant, il fe
recommanda aux prières de Wibald, ôcle chargea de l'éducation
de fon fils Henri.
E;)i/?.iï,»^. XIX. Le Pape ne confirma pas l'union des deux Monafieres
à celui de Corbie ; mais aulTi il ne changea rien à la difpofition
que l'Empereur Conrad en avoit faite. Wibald affuré par le
Cardinal Guy, Chancelier de l'Eglife Romaine, qu'il pou voit
fans manquer à fon devoir quitter Stavelo pour aller à" Corbie ,
Ep'tjî. j5. s'y rendit. Ce fut de-là fans doute qu'il écrivit au Cardinal Guy
en faveur de l'Abbé de Fulde , moiefté par quelques Moines,
qui, oubliant leurs vœux et leur Règle, n'avoient d'autrcguide
que l'ambition dans les Procès qu'ils lui fufcitoient. Illuirecomi-
manda aufli l'Abbé Reinard , qu'il avoit eu pour Maître à Stavelo,
(fi) Pag. 70 j.
ABBE DE S T A V E L O , &c. f2f
Il s'întérefla aaprès de Menri, Evêque de Liège , pour faire g^;*^ ^o;
reftituer à cette Abbaye les biens qu'on lui avoit cnlevc's , quoi-
qu'ils lui euiïentcté conlirmcs par les Papes Honorins & Jnno-'
cent IL & qu'Eugcne IIL en lui mettant la Croix pour l'expé-
dition contre les Sclaves ,• l'eut mis, &. les biens de fa dépen-'
dance fous la protediondu Saint Siège. Cet Evoque lui demanda Rpifi. 41.
à fon tour de venir à Liège , l'aider à remédier aux défordres qui
regnoient dans fon Diocèfe. Il fe tint à cet ettet un Synode,
maisilétoit fini quand ^5l7'ibald reçut la Lettre d'invitation. Sça-
chant qu'Eugène III. fedifpofoit à venir en Lorraine ^ il le WàVà- Epijl. 4»»
d'arranger toutes les affaires dont il devoir lui rendre compte;
ôc fit mettre en liberté des perfonnes envoyées pour le confulter £..,7;. ^^^
fur certaines affaires Eccleiiaftiques , & qu'on avoit arrêtées en
chemin.
X X. Depuis que "Wibald fut élu Abbé de Corbic, il fe forma Epijl. 4y;
entre les Moines de cette Abbaye & ceux deStavelo uneuniorf
de fraternité , & Wibald prenoit foin de ces deux Monaftcres.
En 1 14^8 il fit fournir par celui deStavelo , au Pape Eugène , un EpiJl. ^y.
contingent plus fort qu'il n'avoit été ordonné dans le Diocèfe
de Liège. Il écrivit la môme annéeà Guy & à Jean , Cardinaux' Enijl. 4? ,
de l'Eglife Romaine, pour demander leur protection contre le3 '-'î'*
ennemis de cette Abbaye; ils la lui promirent l'un & l'autre.
EugenellI. après avoir confirmé l'életiion de Wibaid , écrivît £j;;'J. ji.fj-
aux Moines de Corbie de lui rendre l'obéiflance & les refpecls
dûs à fa dignité , & à Henri , Evoque de Liège, de réprimer les
raviffeurs des biens de l'Abbaye de Stavelo. Mais il refufoit tou- Epifl. ^6 ,
jours de confirmerl'union des deux Monafteres de Filles à l'Ab- ^^ ^■'^'^'
baye de Corbie. Henri , Roi des Romains > l'en priajôc il fut
fécondé en cela par l'Evêque. d'Hildesheim ; par Henri , Duc
de Saxe ; par Herimann , Comte de "W^inccnbourg ; ôc par
d'autres perfonnes confiderables. L'union faite parle Roi Conrad P-^i- f^--
en 1 14.7 eut lieu ; l'Evêque de Minden y confentit, & il en fat £,;,•?. i;,f,
remercié par ce Prince. Le Pape môme lui écrivit, ôcà fEvÔque Epi;!. 6J, -
de Bremen & de Ferden de faire rentrer les biens de ces Monaf-
teres aliénés par les Abbefl'es.
XXI. Celui de Fulde ayant perdu fon Abbé , IcPaoe Eusrene Epifl. es,-
informé qu il avoit laifie en mourant cette Abbaye dans un grand
dérangement , tant pour le fpirituel que pour le temporel , or-
donna qu'on lui choitiroit un fucceiïeur dans un autreMonailerc •
Le Pape ne fut point obéi. Les ?vîoines de Fulde choifirent uri
d'entr eu.\ , fi diiibrme dans fes membres, qu'on nepouvoic^
V uu iij.
S26 AV I B A L D ,
Epilî. (-9 ., l'ordonner Prêtre. L'élection fut déclarée nulle , & le Pape
7o,7i,8i, Eugène ordonna à plulieurs Abbés , entrautres , à celui de
Corbie , de fe rendre à Fuide pour aliifter à une nouvelle.
Wibald y fut invité par la Communauté de Fulde , à qui il
répondit , que s'il ne pouvoir y aller , il les aideroit de fes
^'M- 75. confeils. En mcme-tems il écrivit à Henri, Roi dei R.om .ins ,
d'em pêcher que la dellitution de i'éiu caufat aucun trouble à
Fulde,& de ne contrevenir en rien aux Décrets du Pape Eugène,
ôc de TEglife Romaine. Parlant du ConcMe qui venoit defe tenir
à Reims , le vingt-deux Mars 1 148 , parle Pape Eugène , il dit
au Roi : Je ne doute point que l'on ne vous ait rendu témoignage
du zèle avec lequel nous y avons défendu vos intérêts ôc ceux du
Royaume que Dieu vous a donné. Il parle dans la même Lettre
du prochain retour de l'Empereur Conrad, de fon voyage de la
Terre fainte. La Chronique d'AiHighen , dit que ce Prince
■revint dans fes Etats en 114-9. Il mourut le \$ Février w^i.
Epi/?. 75 & XXII. Wibald avoir cultivé les Belles-Lettres , fait fon
t-jc, 147. étude des écrits des Pères , & il foiihaite que ceux qui en avoient
les talens , s'y appliquaffent ; mais il demandoit dans les Sçavans ,
furtout ceux que leur fçavoir avoir élevés aux grandes dignités ,
qu'ils les hcnoraffent par beaucoup de modeilie ; & que ceux qui
écoient chargés d'enfeigner publiquement, fufient aflidus ; ne
doutant pas que la préfence d'un Maître ne rendit les Auditeurs
'Ept^. i(. plus exads & plus attachés à leurs devoirs. Les Aîoines de
Corbie ie prièrent d'ordonner, qu'à l'avenir , à caufe de la So-
ciété entre l'Abbaye de Stavelo & de Corbie , l'on nommeroit
dans une Oraifon particulière les noms des Patrons de ces deux
■ .£;•[/?. 85. Egiifes , & que l'on en feioit lafcte dans chacune. Au mois de
Septembre de l'an 1 «48 , Henri , Roi des Fs.omains , invita
Wibaid à fe trouver à Francfort pour la fête de la Nativité de la
fainte Vierge, afin de l'aider de fes confeils ôc de fon fccours dans
ce qu'il fe propofoit défaire pour l'arrangement 6c la paix de foa
£;•''?. 90, 9\, Royaume. Ce Prince fouhaitoit que fes affaires , tant particulières
que publiques, fulfent maniées par cet Abbé. Quelque tems après
le Chapitre de Notre-Dame ôc de laint Lambert de Liège , le
prièrent avec inftances de venir leur donner confeil dans une
affaire très-épineufe. Il en avoir lui-même alors de fort embarraf-
fantes à terminer à Stavelo , qui ne lui permirent point le
voyage de Liège ; mais il lit part aux Chanoines de Notre-Dame
ôc de i'aint Lambert des moyens qu'il croyoit convenables , pour
* ■« ^, r«. terminer les diilicultés au'oaleurfufcitoit. Sur les remontrances
ABBÉ DE STAVELO,&c. 727
qu'il fit de la part du Chapitre de la Cathédrale de Paderborneà
t'olquin ,qui en ctoitEvéque , que fes Chanoines vivoient dans
l'indigence ; cet Evêque s'offrit de fournir à leurs beCoins 6c à
ceux de leurs pauvres, aux dépens de fcs propres revenus. \^^i-
bald de fou coré leur témoigna qu'il étoit prct de paruger avec
eux la fubllance de fon Monaftere , quoiqu'elle tut peu con-
lidérable.
XXI IL Le Pape Eugène III. avoit invité au Concile de £-,iq^ ^^.
Reims Henri, Archevêque deMayence; mais il ne put y affilier,
parce qu'il étoit d'ufage qu'en rabfence du Roi des Romains,
l'Archevêque de Mayence fut le Gardien & Régent du
Royaume; que d'ailleurs il n'y auroit point eu de fureté pour
lui , d'aller à un Concile qui fc tenoit en un Royaume Etranger.
"Wibald chafia de Corbie trois Moines incorrigibles , &c défendit- £ /1, ,o^
à ceux de Stavelo de les recevoir. Le tems dcfliné à l'éledion
d'un nouvel Abbé de Fulde étant arrivé , la Communauté invita
Wibaldày aflifîer; elle écrivit même à celle deCorbie deprcifer e?;'?. 107,
cet Abbé de s'y rendre fans délai. Wibald y alla, mais il ne put '^■'S-
engager les Moines de Fulde à fe choifir un Abbé dune autre
Communauté que la leur , quoique le Pape l'eût ordonné ainfi ;
il écrivit far cela deux Lettres à Eugène III. Tune pour lui faire £„;q^ ni^-
connoîrre les foins qu'il s'étoit donnés pour empêcher qu'il ne "4.
fe fît rien à Fulde contre fes ordres ; l'autre pour l'informer des
obflacles qu'il avoit rencontrés à cette életlion ; que plufieurs
avoient demandé pour Abbé celui de Flerevelden , autrefois
membre de la Communauté de Fulde ; que lui ayant propofé Epijl. nj;
d'accepter, il en avoit d'abord fait difficulté, puis confenti. Il
conferva fon Abbaye avec celle de Fulde , comme on le voit
par l'infcription de la Lettre que Wibald lui écrivit en i I4p , £,,,x ,^^..
où il le prie de recevoir avec bonté ceux- de la Communauté de
Fulde , à qui les divifions avoient été une occafion de fortir du
Alonaftere.
XXIV. Au mois de Février 114.9, Thierri , Comte de £•;,'?. l'.u
Huxaire-jfut accule par Rheinere de la Porte d'avoir enlevé ôc
fait tuer les chevaux de l'Abbé de Corbie ; & celui-ci s'offrit de
prouver fon accufnion par un duel. Wibald, que cette affaire
regardoit , empccha.le duel ;'mais il ordonna que Thierri feroit
ferment fur les reliques de faint Vit , qu'il n'avoit aucune part à
l'enlèvement des chevaux. Il fit non-feulement ce ferment,
mais il protefta qu'il n'auroit aucune liaifon avec l'Abbé Henri
dépofc de ia dignité pour fa mauvaife conduite, ôc donna des
p8 W I B A L D,
otages de fa fidélité envers Wibald foii fuccefTeur.
Epi/î. 14^, XXV. Un jeune homme plein d'ardeur pour l'e'tude lui
'-'• écrivit une Lettre en forme d eioge , ûù il relevoit & fes vertus
& fon fçavoir. Wibald reçut cette Lettre comme une marque
d'amitié ; ôc pour en témoigner lui-même une bien fincere à
Manegold.j c'efi: ainO qu'il lé nommoit , il lui donna un plan
d'étude, qui fait voir combien il étoit verfé dans la leâure des
Ecrivains Eccléfiaftiques & prop'tianes , Poètes, Phiiofophes,
Hiftoriens , Orateurs, Grammairiens. "W^ibald fait dans cette
Lettre Téloge de faint Bexnard.
Ep.ijl. IJ3- XXVL En labfence de l'Abbé de Corbie , un des jeunes
Ecoliers du Monaftere de Kaminat , s "échappa avec un de fes
Condifciples , monta furie toit de lEglife que i"on couvroit à
neuf, tomba fur le lambris , & de-ià fur le pavé auprès de fautel
de faint Denys , 6c fe tua. On y courut ; ou examina s'il y avoit
du fang répandu ; on n'en trouva point. Les Religieux ne bilTant
pas de regarder l'Eglife comme pollue par le fang de cet enfant,
ne vonlurent pas y célébrer l'Oihce fans avoir confulté là-deflfus
leur Abbé. Mais en lui écrivant , ils le firent fouvenir qu'il y
avoit dans la Lourde Kaminat uneEglife confacrée, &que s'il
ie trouvoit bon , on y célebreroit fOiiice Divin. C'étoit l'ufage
autrefois dans les Monafteres , de dreifer un Autel dans la Tour
de lEglifej & de le dédier à faint Michel comme Tutelaire de
ja maifon. L'avis de "Wibald fut, que fi la Tour de l'Eglife de
Kaminat avoit été dédiée en un autre jour &. féparément de
l'Eglife , on pouvoit faire l'Oflâce dans cette Tour ; & à l'égard
de l'Eglife , qu'il falloit envoyer des Députés à l'Evêque de
£pjî. ijr. Minden , pour le prier de venir la réconcilier. Il lui écrivit lui-
xnême pour ce fujet. Dans cette Lettre, il donne à celui qui
jEpiJl. ij^. avoit été tué , le nonî de iMoine; 6c pour adoucir la douleur que
fes frères refléntoient de cet accident, il le leur fait envifager
comme un trait de la malice du Démon , qui ne pouvoit foulfrir
que les Moines de Corbie , fubftitués aux Religieufes dans le
Monafterede Kaminat , y rétabliifent la difcipline régulière.
X X V I L L'Abbé Wibald bien informé des mauvais fenti-r
mens , 6c de la con .^jite irréguliere d'un de fes Moines de
Corbie , lui interdit la célébration des faints myileres , avec
fàéfenCe de fortir du Cloître , de parler ou d'avoir aucune relation
avec des Laïcs , fous peine , en cas dincorrigibihté d'être expulfé
irrévocablement du Monallere. Un des crimes de ce Moine,
,jiu plutôt unç de fes CKiravagances, étoit de dire chaque jour
une
Çpi^. >r
ABBE DE STAVEL 0,&c. p^?
une MefTe de la Sainte Trinité, pour le dcperifTement de
la proCperité temporelle ôc la fanté de fon Abbc 6c de ion
Prevot.
XXVIII. L'Empereur Conrad ayant fait fçavoir à "Wibald ^^pj^-^^*»
fon retour du voyage delà Terre (liiiue , cet Abbé l'en félicita
en lui témoignant qu'il l'avoit toujours eu préfent à lefprit pen-
dant le voyage & n'avoit celle de prier pour lui ; qu'il auroit
même été au-devant de lui, fans les vexations continuelles dont
on accabloit lu Lorraine, ôc furtout cette partie qu'on appelle
Ardenne. L'expédition de la Croifade n'avoit pas été heureufe.
Le Pape Eugène III, écrivit fur cela une Lettre de confolation ^i^i/î- 1^4;
à Conrad , ôc lui envoya un Nonce pour fçavoir de lui-même
l'état de fa fanté. Ce Prince avoit reçu des plaintes de l'Abbé
Wibald contre l'Evêque de Minden , qui s'oppofoit à l'unioa
des deux Monafteres Kamlnatôc Visbichaà l'Abbaye de Corbie,
êc qui refufoit de réconcilier l'Eglife de Kaminat , pollue par la
chute ôc la mort du jeune Moine dont on vient de parler. Il en £/"/• ^ï*;
écrivit à cet Evêque, ôc lui ordonna de ne plus s'oppofer à l'u-
nion de ces deux Monafteres , ôc de réconcilier au plutôt l'Eglife
de Kaminat. Il y a encore une Lettre de l'Empereur Conrad , ôc ^-''i!^- '7»»
une du Cardinal Guy à lEvcque de Minden furie même fujet. '''^*
Le Pape Eugène écrivit depuis à cet Evêque, que l'Eglife de
Kaminat n'avoit pas befoin de réconciliation pour l'acciderit qui
y étoit arrivé.
XXIX. "W^ibald fut invité par l'Empereur Conrad à une F.pij^. 179,
afTeniblée qui devoit fe tenir à Francfort à l'Alfomption de la '^'^'
fainte Vierge 114-9, où l'on devoit concerter quelques expédi-
tions intéredantes pour l'Empire. Il entreprenoit fouvent de Epifl.171^,
terminer des difficultés qu'il fçavoit être entre des Eglifes au (^jJJ ' '"
fujet de quelques droits, ou entre des perfonnes conflituées en
dignité ; Ôc il ufoit volontiers de fon crédit auprès des Princes du
fiécle ou de l'Eglife, en faveur de ceux qui s'adrefloient à lui. Le
5". Dimanche de Carême de l'an 1 1 jo, il aililla à une Conférence Epijl. iM»
que l'Empereur Conrad eut à Fulde avec les Saxons , touchant
l'expédition d'Italie, dont on avoit déjà traité à Francfort le 14-
d'Aoùt de l'année précédente. Dans la Lettre où il invite de la
part de ce Prince , Arnold , Prévôt de la Cathédrale, il lui
apprend la victoire que le jeune Roi Henri avoit remporté fur les
l'roupes de Guelfe, homme d'une grande nobleffe , ôc de beau-
coup de pouvoir dans le Royaume de Conrad., mais révolté
cditrece Prince. Il en donna aulFi avis à Hermann, Evêque de
Terne XXI L Xxx
tlt
$30 W I B A L D,
^pif}. 1S6, Conftance. L'Empereur l'écrivit à l'Impératrice de Conflanti-
■■ ' ^' nopie, à qui il demanda la nièce de fon mari en mariage pour fon
fils iienri , qui fit lui-même le détail de fa vicioire à l'Empereuc
Manuel , & à l'Impératrice fon époufe.
^^P'Jf- i?r, XXX. Pendant que ces chofes fe paiToient ,Wibald avoità
loj ', ll^' Airmonrerlesoppofitions que rAbbefi'edeKaminatformoitàru-
^^S' nion que l'Empereur en avoir faite à celle de Corbie. Il en écrivit
non-feulement à Conrad , mais à diverfes perfonnes qui alloient
à la Cour, ou qui étoient dans le miniftere , niéme au Pape
Eugène. Enfin, par la médiation de l'Empereur, il vint à bout
Epijl. z!,(^ de faire lever les oppofitions , & defe réconcilier avec l'Evequci
'''^^' de]\Iinden,qui étoit l'Evêque Diecèfain de Kaminat ,&leplus
oppofé à l'un.ion de ce Monafiere à Corbie. Les Moines que
\v ibald y avoit envoyés y furent maintenus, & protégés dans la
fuite par l'Evcque même.
E;'ifl.nj^ XXXI. Durant le féjour que l'Empereur Conrad fi.t à
"^" Confîantinople au retour de la Croifade, ilfit avec l'Empereur
Manuel une alliance contre Roger, Roi de Sicile. Le bruit fe
répandit que ce traité étoit également contre le Pape Eugène
III. & on le crut aifément quand on vit Guelfe fe joindre au Roi
de Sicile pour déclarer la guerre à fEmpereur. Les Romains
informés de tous ces projets de guerre, reprirent leur ancienne
idée de rétablir le Sénat; & par haine contre le Pape, ils appel-
lerent à Rome les Allemands, ôc mirent la Ville en confuiion.^
Parmi les Lettres de '^v ibald il s'en trouve trois de ces fadieux à-
I Empereur Conrad, à qui ils offrent leurs biens &: leurs per-
fonnes pour lui aider à vaincre le Roi de Sicile , & à rétablir
Rome dans l'état defplendeurdont elle jouifToit fous les Empe-
reurs Conflantin & Juflinicn. Eugène III. dans ces extrêm'tés,
Epijl. 214. écrivit à l'Abbé Xvibald qu'il connoifibit trci^-attaclié au faint
Siège , & dont il fçavoit le crédit auprès de l'Enipereur Conrad ,
de détourner ce Prince de toute expédition nuinble à i'EgUfe
r.pij}. 218. j^omaine. L"Abbéde Corbie afiu raie Pape que l'Empereur Con-
rad n'avoit aucun mauvais deffein contre fa perfonne, ni contre la
fainteEglife Romaine fa mcre, dont il fçavoit que Dieu l'avoic
conflituéie Défenfcur. Il ajouta: Pendant que je vous écrivois
cette lettre à Spire où ed la Cour du Roi , on cil venu fuMtcment
nous annoncer que Ciuelfe a été fait prifonnier ; que Godebold 6c
grand nombre de Soldats de l'Armée de Guelfe ont été tués dans
le combat qu'ils avoient livré au jeune Pvoi des Romains, fila
de. Conrad. Par la vidoire que ce jtune Prince vient de rem?-
ÂBBÊ DE STAVEL0,6cc. n»
porter, toutes les diflicultés feront vraifemblablementapplanics*
ôc notre Seigneur Roi pourra entrer en Italie fans aucun obfla-
ele. La Lettre que l'Empereur écrivit au Pape auffitôt après fon
retour de la Croifadc, marquoit aulli bien clairement qu'il n'a-
voit que des penfécs de paix fur l'Eglifc Romaine , puifqu'il
fbngeoit à envoyer à Eugène IIL des Ambaffadeurs qui avifaf-
fent avec lui aux moyens de mettre le Peuple Chrétien en état
de fervir Dieu en paix , & dans une crainte falutaire , 6c de rendre
à l'Empire fon ancienne dignité.
XX X I L Nous avons une féconde Lettre de Conrad au Ep^. i'.6.
Pape fur le môme fujet. "Wibald fçachant la terreur qu'avoir jette
dans l'Eglife de Rome le firuit de ra!li:.nce de l'Empereur
Conrad avec l'Empereur de Conftantinoplc, contre le Pape &
Roger, Roi de Sicile, écrivit au Cardinal Guy, différent du Ep.jt nj.
Chancelier de l'Eglife Romaine, que ce bruit étoitfaux, & que
s'il y avoit un traité d'alliance entre ces deux Princes, c'étoic
uniquement contre le Roi de Sicile. Wibald écrivit à l'Empe- Cp,?. 114.
reur de Condantinople fur ce traité , 6c l'exhorta vivemeiit à
tirer vengeance de ce Tyran, c'e(l-à-dire , du Roi de Sicile.
Dans une de ces Lettres, qui efl de l'an iijo, Wibald parle du E^ijl. n?.
Cardinal (juv , Chancelier de l'Eglife Romaine, comme déjà
mort. C'eft donc une faute à Ciaconius de n'avoir mis la mort de
Guy qu'en 1193.
X X. X 1 1 L Le Pape Eugène m. apprit avec joie le deffein £;,.;,'?. :i9 ,
que l'Empereur avoit conçu de lui envoyer des Député;. Ce '-P>-î7.
Prince jetta les yeux fur l'Abbé de Corbie,ôc fur le Chancelier-,
en leur faifant entendre qu'ils feroient le voyage de Rome à
leurs frais. Ils fupplierent l'Empereur de charger d'autres qu'eux E'^ljl. kJo,
de cette Légation , 6: lui donnèrent des raifons folides de ne pas ^^' ', r*^' '
la faire à leurs dépens. Conrad perfifla dans fon choix. Wibald
obéit , 6c perfuada au Chancelier d'accepter la députation.
L'Empereur faifant toutefois attention aux raifons que l'Abbé
de Corbie avoit alléguées pour fe difpenfer d'aller à Rome ,
choiiit pour fes Députés les Evoques de Bafle ôc de Conftance.
Wibald ne lai(ïï\ pas d'écrire au Pape Eugène qu'il devoir être £„;i j
lui-même un des Députés , 6c qu'il en auroit volontiers accepté iSo. ^
la conimillîon , s'il eût crû qu'elle pût être avantageufeà l'Eglife
Catholique, au faint Siège, à f Empire Romain. L'Empereur j? -i ,._-
^ant revenu à fon premier deffein , Wibald partit pour Rome , 5.35. '
avec l'Archevêque de Cologne , 6c Henri , Notaire de l'Empe-
reur , où ils furent reçus honorablement d'Eugène III. A
X X X ij
152 \V I B A L D,
leur retour le Pape les chargea d'une Lettre pour Conrad ,-&
d'une autre pour Henri , Duc de Saxe, à qui il recommandoit
particulièrement l'Abbé de Corbie. Il annonça lui-même foa
Epi/?. 340. retour à fa Communauté par une Lettre datée de Cologne, dans
laquelle il lui donne avis de la mort de l'Empereur , arrivéele i j
de Février 1 1 j 2 ; ôc leur ordonne de faire a ce Prince des obfé-
ques folemnelles , dignes d'un Roi.
Epijl. is>î. XXXIV. De Cologne Wibald retourna à Corbie paf
Stavelo. La diflance conlidérable entre ces deux Abbayes ,
faifoit douter à Wibald qu'il fut en état de les gouverner. Ces
deux Communautés étoient nombreufes , poffedoient de grands
biens; & dans les difficultés qui furvenoient touchant la jouif-
fance de ces biens , on n'avoit que peu , ou point de fecours à
attendre des Tribunaux Eccléfialliques, ni Séculiers. D'un autre
coté , 'Wil'ald croyoit n'avoir rien à fe reprocher fur fes élevions.
Il avoir été canoniquement élu Abbé de Stavelo ; l'Empereur
avoit contribué à le faire choifir Abbé de Corbie, ôc le Pape
avoir conlirmé cette éleclion ; enforte qu'il gouvcrnoit ces deux
Monafteres tout à la fois , du confentement des deux Puiffances.
Néanmoins il penfoit férieufement à quitter celui de Stavelo. Il
en fit la propofition à la Communauté, & en écrivit à un Moine
delà mcme j'vlaifon , en qui il avoit plus de confiance , nommé
EpiJi,-9-:, Henri. Tous repréfenterent à Wibald que l'Eglife de Stavelo
m 1 300' ^toit fa mère; qu'elle l'avoir nourri , & élevé ; qu'il en étoit
301. l'Epoux en qualité d'Abbé ; qu'ils ne confentiroient jamais qu'il
les abandonnât. Les Moines de Malmedy lui écrivirent dans les
mômes termes. Le Moine Henri lui écrivit plufieurs fois fur ce
fujet. Ceux de Corbie l'avoicnt foUicité quelquefois de quitter le
gouvernement de Stavelo , afin qu'ils l'euiTent plus fou vent
auprès d'eux; mais informés du mauvais état des affiires de cette
Abbaye, & du danger qu'elles n'empiraffent, fi Wibald venoit à
F.piJ}. 30:. la quitter, ils le prièrent de ne faire aucune attention , pour le
préfcnt, à la demande qu'ils lui avoient faite. \v'ibald prit le
parti de continuer fes foins à l'Abbaye de Stavelo , lui donna pour
Prieur le Moine Henri, dont on vient de parler, ôc dellitua
celui qui fétoit auparavant , mais qui s'acquittoit mal des devoirs
de fa Charge,
£piq, j4^^, XXXV. Aufiltot que Wibald eut appris la mort de lEm-
percur Conrad, il en écrivit au Pape Eugène, à qui il fit fçavoir
CM méme-tems l'élection deFrideric, fils du frcre de Conrad. Ce
Piince f avoit déligné lui-m6mc pour fon fuccelfeur, à caufe
ABBÉ DE STAVELO,&c. ni
que fon propre lils Frideric dtoit trop jeune pour être élu Roi.
L'éleiStion de Frideric, furnommé BarberoufFe , fe fit à Franc-
fort, du confentement unanime de tous les Seigneurs qui étoienc
prclens ,1e quatrième jour de Mars, ôc il fut couronné le Diman-
che fuivant , qui étoit le quatrième de Carême, à Aix-la-Cha-
pelle , par Arnold , Archevêque de Cologne. Les Evéques qui
afliflerent à fon couronnement croient d'avis d'obliger ce Prince ,
en lui mettant le diadème fur la tcte, à promettre de mettre en
exécution les projets de guerre de l'EmpereurConrad contre le
Roi de Sicile , afin d'abbattre les ennemis du faint Siège. Mais les
Seigneurs Laïcs ne furent pas de cet avis. Ils opinèrent qu'il ne
fallait pas engager fitôt ce jeune Prince dans une expédition
militaire; qu'il valoir mieux que le Pape l'appellâtà fon fecours,
que d'y aller de lui-niéme. Frideric n'avoir pas encore trtnte ans.
Il étoit d'un efprit vif, prompt à prendre fon parti , heureux dans
la guerre , avide de la gloire & des grandes entreprifes , affable ,
libéral , parlant fa langue avec grâces & élégance ; mais il ne pou-
voir foufiVir une injure. 11 donna lui-même par fes Députés avis Epil. 34J,
au Pape defon éleélion , & lui promit fincerement de protéger
PEglile Romaine. L'Evêque de Bamberg , l'un des Députes , fut
chargé de tout ce qui concernoit cette dépuration. L'A.bbé
Wibald quiconnoiiloit le flyle de la Cour de Rome, l'avertit que j^^-^n ^^
les Romains étoient extrêmement attentifs dans les légations qui
leur venoient de l'Empire , aux termes dont fe fervoient les
Députés, ôc qu'ils neperniettroient pas qu'on les changeât , de
peur que la majefié de l'Empire & l'ordre de la difcipline n'en
fouffriflent. Il j-aroir que l'Abbé de Corbie eut la commiffion des
fceaux d'or ôc des Patentes pour l'Evéque de Bamberg , au bas dcf-
quelles ces fceaux dévoient être fufpendus. Le Pape Eugène fut
très-fatisfait de la dépuration du Roi Frideric, à qui de fon côté
il envoya un Nonce Apodolique , pour le féliciter furfon avène-
ment à la Couronne; mais par une Lettre particulière fur le Epijl. 37?,
même fujet,il témoigna à ce Prince qu'il efperoit de lui les
mêmes fecours que l'Empereur Conrad avoit prêtés à l'Eglife.
XXXVI. "Vers le même tems , c'efl-à-dire, en 1 1 j2 ,les E;;|/7. jEf
Evêques d'Allemagne, croyant faire plaifir au Roi Frideric, î^--
écrivirent à Eugène III. pour la tranllation de l'Evéque de Citi-
zen au Siège Epifcopal de Magdebourg. Le Pape voyant qu'il
n'y avoit ni néccOué, ni utilité pour l'Eglife de Magdel;curg ;
que le Prevot de cette Eglife avoit été élu canoniquement ; que
l'Evéque de Citizen ne s'y étoit introduit que par la protection
X X X iij
5Î4 W I B A L D,
du Roi, il écrivit au Chapitre de Magdebourg de rejetter cet"
Evêque , comme un ufurpateur; ôcaux Evèques d'Allemagne,
de ne plus s'intéreder pour fa tranflation , mais d'engager le Roi
Frideric à laiiier à l'Eglife de Magdebaurg la liberté entière de
l'élection: car nous ne pouvons, dit-il, rien accorder contre
Dieu ôc les Canons.
Epijl. 34?. .XXXVII. "Wibald déjà chargé de la conduite de deux
Abbayes , fut prié par les Moines de ValTor d'être aulli leur
Abbé , à la place de celui qu'ils venoient de perdre. Il ne paroit
EpiJ. I4S. point qu'il fe foit prêté à leur défir , ni qu'il le foit donné aucun
niouvement pour fe procurer l'Eveché de Bremen , après la
mort d'Adalberon en 1 149 , quoiqu'il n'ignorât pas que le plus '
grand nombre des fuffrages étoient pour lui. Harteric, qui au
contraire le fcupçonnoit de l'avoir traverfé dans fon éledion,
lui en voulut du mal. Ce- fut pour s'expliquer fur ce fujet que
Wibald lui écrivit la Lettre if!^. Il avoit auparavant écrit à
£ ;(j j,, Guy, Cardinal & Chancelier de l'Eglife Romaine, pour lui
recommander Harteric nouvellement élu Evêque de Brème ,
l'alfurant qu'il feroit utile à cette Eglife. Il ne failoit quecette
■ Lettre pour faire tomber les foupçons de Harteric.
■Epii}. 3S4. X X X V 1 1 1. Un nommé '^/etzel du parti oppofé aux inté-
rêts d iiugene IIL écrivit à lEmpereur Frideric de fecouer le
joua" du faint Sicge, de reprendre l'empire du Sénat & du Peuple
Romain , ôc d envoyer au plutôt à Rome des fçavans Jurifcon-
fultes pour traiter avec les Romains, de peur qu'ils ne fetour-
naiTent contre lui. Il cite dans fa Lettre la donation de Conllan-
tin , ôc la rejette comme une pièce fuppofée ôc hérétique. Les
Ep:^. 3 8î follicitations de 'Wetzel n'eurent aucun fuccès. L'Empereur ôc
Et ajiud le Pape Eugène firent entr'eux un traité le 23 de Mars 1 1 ja , où
,^3ron..i ann.^ ^^ princc promit de ne faire ni paix, ni trêve avec les Romains ,
A'j'^sniU ni avec Roger, Fvoi de Sicile, fans le confentement ôc la libre
volonté de l'Eglife Romaine , du Pape Eugène , ou de fes Suc-
ceiïeurs qui voudront garder le traité fait avec le Roi Frideric ;
de travailler de routes fes forces à rendre les Romains aulîi fou-
rnis au Pape , qu'ils l'avoient été depu;s cent ans; de défendre
contre tous la dignité Papale, ôc les Régales de faint Pierre,
comme Avoué de l'Eglife Romaine, ôc l'aider à recouvrer ce
qu'elle avoit perdu ; de n'accorder aucune Terre à l'Empereur
des Grecs deçà la Mer; ôc s'il en envahiflbit quelqu'une, l'en
chafTer au plutôt , félon fon pouvoir atluel , ou s'il ne le peut
alors , d'aider à l'en clialfer. Le Pape promit auffi , par l'autorité
ABBÉ DE S T A V E L O , &c. j.j r
. duSii^ge Apoftolique , avec les Cardinaux préfens , dé donner au
Roi la Couronne Impériale , quandilviendroit la recevoir ; de
• 1 aider de tout fon pouvoir à maintenir ÔC augmenter fa dignité ,
employant pour cet effet les cenfures Eccléliaftiques ; & d'em-
pcchtr rLmpereur Grec de faire aucune conquête deçà la Mer.
Ce traiid fut ligné de la part c\u Pape par Icpt Cardiiiaux ôc deux
; Abbés ; & de la part du Roi , par deux Evéques £>c trois Ccrnits.
Néanmoins le Roi F rideric n'entreprit aucune expédition en
Sicile contre le Roi Roger fous te PontiHcat dEugene II J. 6c ce
Pape, fuivant les avis de l'Abté.Xvibald, fe réconcilia avec les
Romaitis , alnli que nous l'apprenons (a) de Romuald de Sa-
• lerne. \v ibald lit aufii ce qu'il put c.our engager Manuel , Empe- ''-^' l^^ ''
. rcur de Ccn}iantinopie5.,a vivre en paix avec le Roi p rideric, &
à cimenter cette paix par un mariage de quelque- perfonne de fon
fang avec ce Prince.
X XX 1 X. Le Pi'pe Eugène III. mourut en odeur de f;;:-.- £/'i/?. j'î^^
tetéjdu 7 au 8 de juillet 1 1 513 , après huit ans quatre mois Êc
.fei/:e j^urs de Por.tiilcat. Il eut pour fucceiieur Conrad , Evtque
de Sabine & C?-rdinal, qui prit le nom d'AnaflafelY. L'Abbé
de Ccrbie auroit fait volontiers le voyage de Rome peur le féli-
citer de Ion élévation , &: le mettre au fait de piufîeurs afr?ircs
qui intérefloitrnt le faint Sicr:e;mr.is obligé de travailler aux
préparatifs de le; j cditicn prccbaine en Italie , il fe contenta de
lui écrire avec le rcfpeft d'un lils à fon pcre, & la confiance d'un
-ami ; car il y avoit vingt-cinq ans qu'ils étoient liés d'une étroite
amitié. "Kv'ibald fut invité à un Parlement que l'Empereur Fri- ^Pj^. sp?.-
cîeric devoir tenir à Cologne le premier de Novembre 1 1 y? j
Fête de tous les Saints ; & ce Prince lui promit qu'on y oblige-
roit le Comte Pa'atin de Sumerlure , de réparer les torts qu'il
lui avoit faits. lienri , Comte deSaImes,en avoit aulîl beaucoup F.if. 401 ,
caufésà r Abbaye de Stavelo. "M^ibald , qui y étcit rétourné par "i'-'
ordre du Roi & des Cardinaux, lit à ce Coirne le dérail de tous
ces dommages , &. lui en demanda la réparation; ajoutant,
-qu'en cas de rifu3.de fa part, il fe pcr.rvoiroit auprès du Roi ôc
.<3es Grands du Royaume. Lé Comté fe plaignit de fon coté des
injures qu'il avoit reçues; & pour ne pas rompre avec l'Abbé
i\v ibald qu'il ainioit , ii le lit Juge de leurs différends.
XL. Cet Abbé ntannuller un ade par lequel Poppon , l'un Epifi. 403.:
■ - ;. ^ ■'^- " ■ .: ""'.' '.';:./ ;/); ■:' ' ""
(a; Martin. r;Wî i , ampliffiÇoUiê. in Pr.<ej^h'^^. xxïVv'- ■
55-^ W I B A L D;
de fes prédécefleurs , avoit accordé à un Laïc , à titre de Béné-
iîce , des redevances appartenantes à l'Eglife de Stavelo ■■, ce qu'il
lit à cet égard fut conlirmé dans une Aiiemblée où fe trouvèrent
Arnold , Archevêque de Cologne ; Henri , Evêque de Liège, ôc
Anlelme d'Hœvelebergen ; &: par un Décret de l'Empereur , qui
défendit pour toujours ces fortes d'aliénations.
Epi]t. 404, XLI. LePape A naftafe IV. qui avoit des preuves du zèle d-e
l'Abbé Wibald pour les intérêts de l'Eglife Romaine , lui en
témoigna fa reconnoilTance en lui accordant , à la prière de
quelques Cardinaux, l'ufage de porter l'anneau, ôc lui en envoya
un par Gérard, Cardinal-Diacre, qui alloit en Allemagne. Les
• Epft. 40Î- Abbés dans le douzième ficcle ne portoient donc l'anneau <\uq
par privilège du faint Siège, qui ne l'accordoit qu'avec dilline-
. tion du mérite ôc des perl'onnes.
Efijl. 41Î £. X L I L En 1 1 ç5 l'Abbé de Corbie porta fcs plaintes à l'Era-
£eq,^ii. pereur Frideric contre l'Evêque d'Oinabrug , qui avcit ufurpé
dans la Nortlande des dixmes aflez conlidérables, appartenantes
à fcn Abbaye; il (it encore d'autres plaintes à ce Prince, qui
étoient plus de fon redort. La caufe fut dabord portée au Pape
■Hadrien IV. qui avoit fuccédé à Anallafe , le 5 Décembre
. 1 1 S'^. Hadrien en commit la connoiflance à Wicmann , Arche-
■ vêque de Magdebourg , avec pouvoir de terminer l'affaire.
L'Empereur ordonna aulii à Wicmann de l'examiner avec foin ,
& de la finir. L'Archevêque cita à fon Tribunal l'Evcque d'Of-
nabrug ôc l'Abbé de Corbie, à jour certain dans la Ville de Mers-
bourg. L'Evcque d'Ofnabrug fit défaut , difant qu'il aimoit mieux
.renoncer à fon Evêché,qu'à des dixmes que fon Eglife poffé-
dcit pailiblement depuis plus de foixante ans. Cependant après
avoir pris coniéil , il fe mit en chemin ; ôc étant tombé malade ,
. il s'en retourna : deux Chanoines comparurent en fa place. "Wi-
bald au contraire comparut en perfonne au jour nommé, qui
ctoit le 25 de Janvier. 11 produifitles Diplômes ôc les Privilèges
des Empereurs , qui prouvoient que ces dixmes avoient été don-
nées à l'Abbaye de Corbie par Louis le Pieux , lors de fa fonda-
tion ; qu'elle les avoit poflédées jufqu'au règne de l'Empereur
Jlenri IV. qui pendant fon fchifme avec le Pape, les avoit don-
nées par dépit à l'Evêque d'Ofnabrug, qui n'en avoit jamais
joui pailiblement. Les Chanoines n'iniiftcrcnt que fur l'impolfi-
bilité où leur Evêque s'étoit trouvé de venir à jMcrfbourg. Wi-
bald répondit, que puifqu'il avoit eu allez de force pour s'en re-
tourner, il pouYoit en avoir affcz pour comparoître ; ôc voyant
que
ABBÉ DE STAVELO,&c. ssi
«Jue la contcftatioti traîneroit en longueur , fi on la laifibit au
jugement de l'Archevêque de Magdebourg , il en appella au
Pape Hadrien , & cita l'Évêque d'Ofnabrug à comparoître dans
l'odave de faint Martin. Wicmann en donna avis au Pape. Mais
l'Empereur Frideric à qui la prcTcnce de Wibald étoit nécefTaire,
l'engagea , quoiqu'avec peine , à fe défifter defon appel ; il écri-
vit au Chapitre dOfnabrug de terminer le procès à l'amiable :
ajoutant que s'il n'étoit pas fini pour un certain tems , il fe char-
geroit lui-même de le décider.
X L 1 1 1. Il écrivit en 1 1 j? à "Wibald , de fe rendre le troi- t!:pijt. 41 j.
fiéme Dimanche d'après Pâques à Nimegue , où il avoir befoin
de fes confeils. Par la même Lettre , ce Prince lui fit fçavoir qu'il
ne penfoit plus à l'expédition contre la Pouillc , parce que les
Grecs en avoicnt été chaflés ; mais qu'il y en avoir une d'indiquée
contre les Milanois, pour la veille de la Pentecoftc, qu'il remet-
toit à fa prudence. Le Pape Hadrien ayant appris que quelques-
uns s'eftbrt^oicnt de diminuer, ou même d'éteindre dans Frideric
l'amour & le rcfpe6t qu'il avoir pour le Saint Siège , lui envoya
des Légats. Il les recommanda a l'Abbé de Corbie , le priant de Epijl. 41? /k
leur procurer tous les honneurs & tous les fecours convenables; *3°*
de travailler avec le Roi à l'agrandifiement de l'Eglife Romaine
6c à tout ce qui pouvoir lui être utile ; de l'engager furtout à de- E;^'^* 439»
meurer ferme dans fa vénération pour le Siège Apoftolique.
Dans d'autres Lettres le Pape marquoit à "Wibald d'empêcher EpiJl. 417.
que quelques Maifons Religieufes, qu'il nomme, fouffrent des
dommages au pafl"age de l'Armée.
XL IV. C'étoit apparemment celle qui devoir pénétrer en ^Pb"'- ^i'^'
Italie. Avant d'entamer cette expédition , 1 Empereur avoir rem-
porté une victoire complette fur les Polonois. Il en envoya le
détail à l'Abbé de Corbie . & les conditions fous lefquelles le
Roi Boleflas s'étoit rendu au vainqueur. Une étoit , qu'il feroit
de l'expédition d'Italie. Par la même Lettre il prioit "Wibald de
venir le joindre la veille de faint Michel pour lui communi-
quer fon dedein touchant la légation , dont il vouloit le char-
ger vers l'Empereur des Grecs. Ce fut pour la féconde fois
qu'il fit le voyage de Conftantinople en qualité de Légat.
XLV. Il avoit fur la fin de l'an 1154., pafTé en Italie avec ïï'ibrj^.vua,
Frideric; 6c ce Prince , par fes confeils , s'y étoit fait couronner "■'^' '^^'
Roi des Lombards. W' ibald entra avec lui à Rome au mois de
Mai de l'année fuivante iijj. Frideric y recrut des mains du
Pape Hadrien IV. la Couronne Impériale. Incertain des motifs
Tome XXI L Yyy
^58 WIBALD, ABBÉ DE STAVELO,&c.
qui amcnoient ce Prince à Rome , il envoya au-devant de lui
fag. 616. une députation. Mais il fut bientôt raflfuré par l'Abbé de Corbie,
dont il récompenfa les fervices & lafledion envers rEglilè Ro-
maine, par une Bulle confirmative des droits, biens & privilè-
ges des Abbayes de Stavelo ôc de Corbie. La même Eulie lui
accorde lufcge des fandales & de la dalmatique , dans les prin-
cipales folen-inités de l'année , & met l'Abbaye de Corbie fous la
protedion du Saint Siège, avec exemption de toute autre Jurif-
Pag. (19. diclion. Il y a deux autres Bulles , où le rnôme Pape unit à l'Ab-
baye de Corbie celle de Werbé , foumife immédiatement au
Saint Siège , tant pour le fpirituelque pour le temporel. 'Wibal4
Par. 601 obtint aulii des Diplômes en faveur de fes deux Abbayes de Sta-
'^' yelo ôc de Corbie , des Empereurs Conrad & Frideric. On les a
fait imprimer enfuitc du Recueil de fes Lettres.
On n'a point X L V I. On ne connoît point d'autres Ecrits de ''^''ibald. Ses
baw"^"' !''m '" g'^'^^des occupations ne lui donnoient gueres le loiilr de travailler
Letirès. fur l'Ecriture fainte, ou fur des matières intérefiantes pour la
Religion. Mais il propofoit quelquefois aux autres des qucftions
jj ,. à éclaircir ôc à réfoudre. Il pria Ànfelme ( a ) Evêque d'Havel-
bergen de lui marquer ce qu'il penfoit de la création des Anges.
Il engagea Henri ( h ) Moine de Stavelo , à la compofition d'un
ouvrage, qui devoit être un monument éternel de fon efprit & de
fa capacité. Nous n'en fçavons pas le fujet. On a vu plus haut (c)
qu'il avoit approuvé le Recueil que le Moine Robert avoit fait
des Miracles du Saint AbbéPorannan,ôc qu'il l'exhorta à le conti-
nuer. On ne doute pas que les anciens Rits de l'Eglife de Corbie,
que l'on voit encore dans la Bibliothèque de cette Abbaye, ne
foient l'ouvrage de \^ibald.On en (d) juge ainfi par les caraderes
du manufcrit, qui font du douzième liecle, & par le bel ordre
& la décence de ces Rits. Sa Lettre à ( e ) .Manegold mérite
d'être lue , tant pour l'érudition qui y brille de toutes parts , que
pour la beauté des fcntimens & l'aifance du ftyle.
(fl) Epiff. T4î. I (d)Fv[ff. 181.
X.b.)Epi!K 106. I Çt) Epij!. 1^7.
( c ) EpiJL (.
CHUNON ou CONRAD, ABBÉ DE MOURY, &c. $ ;>
CHAPITRE XXIII.
Chu N 0 N ou C Oi n r a d,, Abbé de Moury en SidJJe.
I. ir Es A£tes de l'origine de cette Abbaye, fituée au Dio- Adesdela
i i ccfe de Connance , fur les bords de la Rivière de Bintz , !^°"'^''"°\a'
a une lieue au-defTus de Bremgarten , & a fix de la Ville de mus de plu-
Bade , font devenus célèbres par l'ufage que les Généalogifles en '''^"'■^•
ont fait , pour établir leurs divers Syflcmes touchant la Maifoii
d'Habfbourg , d'où defcendent celles d'Autriche & de Lorraine.
Audi-tôt qu ils furent rendus publics , on les reçut avec joie , ÔC
plufieurs en firent autant de cas que des plus anciens originaux.
Guillimann ( j ) les cita fouvent avec eioge, comme des monu-
mens dignes de foi. Chriflophe Hartmann (t) en ufa de môme.
Eccard s'en autorifa ( c ) , pour faire defcendre l'Empereur Ro-
dolphe de Gontrand le Riche , ôc de Radeboton Comte d'Habf-
bourg. Il fit même imprimer ces Attes tout entiers dans le
Recueil des Preuves de la Maifon d'Autriche , à Leïpfic en
1721. Dom Bernard Pez [à) en releva auffi l'autorité ; & avant tous
ces Généalogifles, les Pères Vignier & Chifflet entrèrent afTez
dans l'idée que préfentent ces Ailes ^ fur l'origine de la Maifon
d'Habfbourg.
II. Blondel (e) en penfa difTéremment. La Généalogie des Quelques-
Comtes dHabfDours; qu'on lit à la tête de ces Acl;es , lui parut ""s Joutent de
fautive , & i autorité des Attcs mêmes tort luipede. Dom Mar-
quard Hergott , connu depuis long-tems dans la république des
Lettres , par plufieurs excellens ouvrages, fans rejetter abfolu-
ment cette Généalogie & ces Atles , a entrepris "de montrer
qu'ils ne pouvoient pafTer pour des monumens dignes de foi en
tous points ; qu'on y trouvoit des erreurs contre la vérité de
l'Hiftoire ôc de la Chronologie; enfin que l'édition qui en a été
( a) Guillim^n. in Hahjb. iib. 4 , cap, 5 ;
lib. ^ , cap. 4 ; lit. 6 , eup. i.
( h ) Hdrrman. in tinnil. Eremi Deip. in
vitaEmhricii. Alh. v.
(c) Eccard , de origin. Habfiurg. in
Prafat. pag. 4 ; &' in probat. pag. 1^9.
{dj Pe^. Epijl. ad Ccmit. de Siniendorfi
i e ) Blondel,Genedog. Franc, pag. 37^;
& D. Hergctt. Prolegom. 1 , num, ic,
Yyy ij
J40 C H U N O N ou C O N R A n,
faite à Paris en i6\S , par Pegreft , fe trouvant remplie de fautes,
il s'étoit cru obligé d en donner une nouvelle ,coliationnéeavec
foin fur le manuicrit même de l'Abbaye de Moury. Ces Ades
ainfi corrigés, font partie du premier tome de la Généalogie di-
plomatique de la iMaifon d'Habronurg, imprimée à Vienne en
1737, in-jol. Dom Hergott y a joint fes remarques fur i'age ÔC
la qualité du manufcrit dont il s'eft fervi, & fes conjedures fur
l'Auteur de ces A des , ôc le fiéclc où il vivoit.
Apologie de III. Sa Critique fur tous ces points , déplut aux propriétaires
ces Actes. ^^ manufcriî. Dom Gerold , alors Abbé - Prince de Moury ,
vo}ant les Ades de la fondation de fon Abbaye attaqués , char-
gea Dom Fridolin Kopp, que fon mérite a depuis élevé à la
dignité d'Abbé , d'en prendre la défenfe. Son ouvrage fortit de
l'Imprimerie mênie de l'Abbaye de Aîourv , en 17^0, in-^'^.
fous le titre de Défenfe des Acles de ce Monaflcre, pour ôc
contre le R. P. D. Alarquard Hergott. Cette Apologie efl: divifée
en deux parties. Dans la première , Dom Kopp rapporte les
divers jugemens que les Sçavans ont portés du manufcrit de
Aîoury. Il en fixe l'âge , en foutientl'autenticité ; Ôc defcendanc
dans le détail de la Généalogie des Comtes d'Habfbourg , qui
fe lit au commencement du manufcrit, il montre qu'elle e(l de
deux Ecrivains , dont l'un a rapporté les cinq preimieres généra-
tion:-; ; l'autre , les trois dernières. Dans la féconde partie, Dcni
Fridoiin traite en particulier des Comtes d'Hublliourg , depuis
Gontrand le Riche jufqu à Rodolphe I. Roi des Fvomai.ns , ôc
depuis Empereur.
Ec'.itions de I "V. A la défenfe des Acles de Mourv' , l'Auteur a ajouté les
cesAftes. A.des mêmes 5 ce qui en fait une quarriéme édition. Jl y en a
rApologie. une cinquième de Pierre Ludcvig , à Francfort 6c à Leïpfic en
1718. Celle de Dom Knpp a été revue fur le manufcrit de l'Ab-
baye. L'Editeur Ta cru néceiTaire pour corriger quelques fautes
dans les éditions précédentes , occni'Ionnées par les abréviations
fréquentes dans ce manufcrit. Mais il efl arrivé qu'il a pris pour
fautes , ce qui pouvoit n'en ôtre pas, ôc qu'il n'a pas toujours
réuffi à juflifier les Ades de la fondation de fon Monaîlere. C'eft
ce qui a fait naître une Critique de fon Apologie , où en ufant de
toutes les bieiiféances que Dom Kopp avoit obfervées lui-même
envers Dom Hergrtt, on foutient comme a fait ce dernier que
la Généaloeie ôc les Ades de la fondation de Moury ne font pas'
exempts de fautes. Cet Ecrit eft de Dom Ruftein Hécr, Bene-
didin de l'Abbaye de faint Blaife , dans la l''orêc noire, afTocié
ABBÉ DE MOURY ENSUISSE. ^^i
àt)omHergott pour la compolltion de l'Hifloire numifmati-
que de la Maifon d'Autriche , dont le premier volume fut im-
primé à Vienne en 17J0, in foi le fécond ôc le troifiéme à
Fribourgen Brifgaw, en 17^2 ôc lyj-i-: ouvrages qui montrent
dans ces deux dodes Ecrivains, autant de goût que de lumières,
ôc une profonde connoiffance des matières fur lefquelles ils
prononcent.
V. La difcuflîon de tous les articles qui regardent cette difpute ^a G6nén-
littérairc , nous meneroit trop loin , & feroit inutile à beaucoup M^îron^rHab*-
d'égards. Nous nous contenterons de nous expliquer fur l'autea- ibûurgn'eit
ticité de la Généalogie qu'on a mife à la tête des Acles de l'orl- ^''^ «xade,
gine de Moury ; fur les Auteurs , tant de cette Généalogie , que
de ces Actes, ôc fur le tems où ils ont écrit. La Généalogie de la
Maifon d'Hablltourg eft défedueufe en plufieurs points, i". Il y
eft dit que la iJomteffe Itta , époufe de Radeboton , Comte
d'Hafbourg , étoit focur de Thierry , Duc de Lorraine , & confé-
quemment fille de Fridcric L & de Beatrix , Duc & Duchelfe
de Lorraine & de Bar. Mais les Chronologifles 6c les Ecrivains
du Pays ne connoiiTent d'autre enfant de i*rideric L & de Bea-
trix, que le Duc Thierry, qui fut père du Duc Frideric II. ôc
Ton ne voit par aucun ancien monument que Beatrix fe foit
remariée après la mort de Frideric I. arrivée en 984. 2". îtra , qui
ce ftmbie étoit déjà mariée en 1 027 {a) , ne pou voit être fœur
du Duc Thierry , qui ne mourut qu'en 1 1 1 5- , quatre-vingt-huit
ans après le mariage d'Itta. 5°. Cette Généalogie donne au Duc
Thierry pour fils , le Duc Gérard ; en quoi elle eft contraire à
la Généalogie- de filnt Arnould , revue &: approuvée ( h ) de tous
les Sçavans ; fe'on laquelle le Duc Thierry eut pour fils Frideric
11. & non pas Gérard. S'il y a des dcraucs dans la Généalogie de
faint Arnould , on convient que ce n'eil que dans les afcendans^
depuis Thierry jufqu'à faint Arnould ; & que pour les defcen-
dans de Thierry jufqu'à nos jours , elle eft bien fuivie. Elle efl
encore contraire au titre de fondation de l'Abbave de Bouzon-
vilie, & à tous les monumens les plus inconteftables & les plusi
aurcntiaucs de la Lorraine, rapportés par Doni Calmer dans le
Kecueil (c) des Preuves de l'Hifloire de cettre Province. -1.°. Les
Ades de la fondation de Moury font (ii) la ComtelTe Itta non-
(fl) AfiaMurenf.a ,v2g. S , 9. i (c) llià.pag. Ui ^f^'h
(b) Calmer , Hifl. de Lorraine ytonu ^ , \ {à) Fag. 3 , 9.
-. lit, 151. j
Yyyil),
H2 C H U N O N OU C O N R A D;
feulement fœur du Duc Thierry , maisaufli de Vernaire, Evê-
quc de Straltourg. Mais c'efl: une nouvelle erreur. La Comtefle
Itta avoir , félon Jes mêmes Atles , époufé le Comte Rade-
boton ; 6c ce Comte droit, fuivanc la table généalogique qui fe
voit à la fin de l'Apologie, frère de Vernaire, Evêque de Stras-
bourg. Itta ne pouvoir donc être fa fœur , mais feulement fa
belle-fceur. Les Auteurs de la Gaule Chrétienne ( a ) prétendent
même que Vernaire étoit fils de Radeboton , & apparemment
d'Itta ; en quoi ils fe fondent fur le Diplôme de la fondation de
FAbbaye de Moury , oii cet Evoque fe donne pour frère ger-
main de Lancelin , qu'ils fuppofent avoir été aufii fils de Rade-
boton & d'Itta.
Enqueltems VL II fuit de tout Cela que l'Auteur de cette Généalogie
cette Généa- n'étoit, ni au fait des Comtes d'Habfbourg, ni de leur Maifon,
Ute. ^ ^'^ & qu'il fçavoit encore moins ce que c'eft que d'écrire une Généa-
logie , puifquc dans celle-ci , où il fe propofoit de donner la fuite
des Comtes d'Habfbourg en ligne direde , jufqu"à Rodolphe L
Roi des Romains, il pafTe fous filence Radeboton, regardé
comme la tige de la Maifon d'Autriche , dans le fyfiême de ceux
qui ne remontent pas jufqu'à Gontrand le Riche. Il fuit encore
que cette Généalogie , dans l'état qu'elle efl: aujourd'hui , n'a
été achevée que fur la fin du treizième fiécle , quelque tems
avant que Rodolphe I. fût couronné Empereur: ce qui arriva en
1273. Enfin , qu'étant écrite de la même main que les Ades de
l'origine de Moury dans le manufcrit de cette Abbaye , on doit
dire néceffairement que ce manufcrit eft aulfi de la fin du trei-
zième fiécle , mais que ce n'eft qu'une copie.
Aftcs de VII. On en conviendra, fi l'on fait attention que l'Auteur de
rorigine^ de ^gg Adcs dit nettement en plufieurs endroits , qu'il vivoit à
dans le do'!- Moury fous l'Abbé Ronzelin ; qu'il aida avec fes Confrères à
àcme /îi.'cle. démolir [b) lAutel qu'une noble Matrone avoir fiit bâtir fous
TAbbé Udalric,prédéceffeur de Ronzelin ; qu'il vit lui-môme les
Reliques que l'Abbé Ronzelin fit enfermcrdans le nouvel Autel ;
qu'il étoit à Moury [c] lorfque cet Abbé fit en 1132 l'acquifition
d'un fonds déterre. De la manière dont il en décrit les fuites,
il paroît qu'alors l'Abbé Ronzelin étoit mort ; qu'ainfi l'Auteur
écrivoit après l'an 1 14-7 , auquel Ronzelin mourut , ôc avant l'an
1 188 qu'il mourut lui-même, comme on le verra dans la fuite.
( a ) Tom, î , Çallïx Chrif.'uiicc , pag. I ( /; ) Acla A'u rerf, pag. jo , 51,
1036. I {c)Fag.S6.
ABBÉ DE MOURY EN SUISSE. h?
VIII. Non-feulement cet Auteur nous fait connokre le tems L'Autrur de
1 •! • • • .1- H 1 •! • i 1 114- ces Actes fit
auquel il vivoit j maisaulh quelle place il occupoit dans le Mo- Conrarf, Abbé
naîlere depuis la mort de l'Abbé Ronzeiin. Tantôt il fe montre JeMoury.
comme difpoiant (a) de tout en Supérieur, foit pour le tem-
porel , foir pour îe fpirituel. Tantôt il fe ( h ) met au nombre des
Abbés, en donnant ce titre à fes prédécefleurs ;Ôc quoiqu'il ne
fe nomme pas, on ne peut ce femble douter quefon nom n'ait
été Chunon ou Conrad , fuccefleur immédiat de l'Abbé Ronze-
iin. Nous venons de voir que lAuteuravoit vécu à Moury fous
l'Abbé Ronzeiin; qu'après la mort de cet Abbé, il y avoit fait les
fondions de Supérieur, & porté le nom d'Abbé. Or il efl convenu
parmi les Hilloriens (c) de cette Maifon , que Chunon ou Conrad
ibccéda immédiatement à Ronzeiin ; c'eft donc ce Conrad qui a
écrit les Ades de l'origine de ce Monaflere. Ce qu'on dit de
lui , fait voir qu'il en étoit capable. Chunon ou Conrad , di-
fent les Auteurs (d) de la Gaule Chrétienne , élu de Moine de
faint Blaife Abbé de Moury en 1145" > obtint une Bulle du
Pape Adrien IV. qui lui permettoit de célébrer l'Olîlce divin
pendant l'Interdit jette fur le Pays ; ôc une autre Bulle , en i i jp ,
conlirmative de tous les droits & privilèges du Monaficre.Après
y avoir rétabli l'étude des Belles-Lettres, un peu négligées au-
paravant, il fe démit de fon Abbaye vers l'an i \66 , & mourut
le 2 de Novembre 1188. Les anciens (e) monumens de l'Ab-
baye de faint Blaife marquent ce Conrad pour le cinquième
Abbé qu'elle avoit donné à celle de Moury. Mais il paroit que
Conrad y fut d'abord envoyé pour faire reprendre vigueur
aux études; ôc que ce fervice rendu à ce Monaflere, l'en fît
choilir Abbé après la mort de Ronzeiin.
I X. Chunon rendit un autre fervice à fon Abbaye , en met- ^«' ^îu'ii y a
tant par écrit l'origine de fa fondation , ôc tous les biens qu'elle biV'danl'^ces
avoit reçus de fes Fondateurs , ou qu'elle avoit acquis d'elle- Ades.
même par fes épargnes , foit de fon tems , foit fous les Abbés fes
prédéceffcurs. Le Fondateur de Moury, futVernaire, Evêquc AFt.Mur-nf.
de Strafbourg. Le ?vIonaftere fut mis fous la procedion du faint ^■'•^* '' ' » ^•
Siège, avec l'obligation d'un cens annuel à faint Pierre. L'Ade
(d^ A^cr. Murenf. pag. 6 , ^^ , 76, | xi,pa:^. 109,110, jn. IdeaCcngrejit.
77 . 79 , 80 , 88. I BenediB. in }if:i:tia , vag. 40.
{b ) Pag. 59 , f I. ( li ) Gsdlia Chrijihna , tcm. '5 , p«^.
(^c)Koi;)p. Viaikix part, i , cap. 7, ' 10^8,
ps^, -^o.Anonjhi. Dniudaïus , lïh. i , cip. [ ( e) Anonjm, Deauda:. p:zg, iio.
;44 C H U N O N ou C O N R A n,
Pof.p. de fondation efl: de l'an 1027. Il paroît par les termes dont il eft
conçu , que Vernaire étoit fils de Radeboton , & non pas fon
frère. C'eft ainfi que l'ont entendu les Auteurs de la Gaule Chré-
tienne, comme on vient de le remarquer, & Dom Mabillon,
dans le tome quatrie'me {a) des Annales de l'Ordre. Vernaire
ordonna qu'on fuivroit à Moury la Règle de faint Benoît ; que les
Moines auroient la liberté de choifir leur Abbé , foit dans la
Communauté, foit dans un autre Monaftere ; que l'Abbé, de
l'avis de fes Religieux, choifiroit un défenfeur du Monafterc
dans la famille du Fondateur- La ComtefTe Itta, femme de Ra-
deboton, fit beaucoup de bien à Moury, d'oii vient que dans
le Necrologe elle efl appellée Fondatrice, quoiqu'elle ne fût que
Pas- ic. bienfaitrice. L'Auteur des Ades dit que Vernaire étant allé à
Conftantinople par ordre de l'Empereur Conrad , y mourut en
1027. C'efl: une faute. La mort de cet Evêque n'arriva [b) qu'en
loap, le 28 d'Otlobre.
Fag. II. X. Embricius , Abbé de Notre-Dame des Ermites, prit foin
du nouveau Monaftere, auquel il donna pour Prieur ou Prévôt
le Moine Reginbold. L'Evêque de Confiance favorifa ce nouvel
établiffement à la prière de Radeboton ôc d'Itta. Reginbold
amena avec lui des Moines de Notre - Dame des Ermites ;
des Reliques , des Livres & des Ornemens facerdotaux. Il
acheta des cloches à Straftourg, fit tranfcrire les Livres de l'E-
criture ôc plufieurs ouvrages des Pères ; un Pfeautier , des Mif-
fels , un Antiphonier & une partie du Graduel ; en un mot ilfe
donna tous les foins néceffaires pour former une Bibliothèque ÔC
Pag. \6. une Sacriftie. Le Comte Radeboton étant mort , il le fit inhu-
mer dans l'Eglife devant l'Autel de la fainte Croix.
XL Mort lui-même en loj^' , les Moinesde Moury, de con-
cert avec le Comte Vernaire, fils de Radeboton, demandèrent
un autre Prieur à Hermann , Abbé de Notre-Dame des Ermi-
Pag. 10, tes , qui leur donna Burkard , nourri dès fon enfance dans ce
Monaftere. Mais après la mort de l'Abbé Hermann , le Comte
Vernaire craignant que les Moines de Notre-Dame des Ermites
ne s'arrogcaflent un pouvoir trop abfolu fur le Monaftere de
Aloury, en fit choilir Abbé, Burkard, qui mourut en 1072.
Pig. i6. On élut pour fécond Abbé Luitfrid , Moine de lAbbaye de faint
Blaife. Dans un voyage qu'il fit à Rome en icp5, il obtint
(a) Lib.^6,f2g. 551 ^nwn.'j. ( Jli.ina , wn. j , ydg. y^^.
Ib) Mdiilon. ibid. & G Mi Chri-\
des
ABBÉ DE MOURY EN SUISSE. J4j
des Cardinaux, en l'abfence du Pape, un Décret qui confirmoit Pag. i8.
l'exemption de fon Abbaye , fous la rctributioa d'un denier d'or
de cens annuel.
XII. Le troide'me Abbé fut Udalric , à qui l'Empereur Henri
IV. confirma, par un Diplôme, tous les droits & toutes les poffef-
fions de l'Abbaye de Moury , en T094 ; nommément le pouvoirà Pa^.ji, 3?-
la Communauté d'élire un Abbé félon la Règle de S. Benoît. Le
nombre des Reliques des Saints qu'il y avoit à Mouri eft prodi-
gieux. On y en voyoit entr'autres de la fainte Croix , de l'Eponge
du Seigneur , du Sépulchre de la fainte "Vierge & de fes che-
veux , du fang de faint Jean-Baptifle. La Bibliothèque étoit
auffi très-nombreufe ; outre les Livres de l'Ecriture & les ouvra- Pr7^.43.
ges des Peves , il y avoit ceux d'Homère , de Perfc , d'Helperic ,
de Donat, de Martial , d'Ovide , de Sululte, de Stace , d'Achille-
Stace , & des Livres de Dialetlique , de (.îrammaire , de Ivlull-
que, de Géométrie, de Réthorique ; & une Mappe-monde.
Après en avoir donné le détail, l'Auteur des Acles ajoute: il
faut toujours avoir fcin de tranfcrire des livres & d'en augmen-
ter le nombre , parce que la vie des hommes fpirituels n'eft rien
fans les livres.
XIII. Il remarque que l'ufage d'avoir à Moury des Frères Pdg. h.
Conversou La'?'cs pour les ouvrages du dehors, venoit de l'Ab-
baye de faint Blaife ; qu'il s'étoit répandu partout , & qu'on de-
voitle maintenir, en les obligeant de vivre fous la règle & l'o-
béiiTance du Père fpirituel. Il eft aufii d'avis qu'on lailTefubfifler Pag-i^'
le Monafiere de Filles bâti dans le voifinage de Moury , pourvu
qu'il y ait entre ces deux Maifons une diftance convenable , pour
éviter tout foupçon ; ôc qu'on donne à celui des Filles , des per-
fonnes fages pour les diriger. On les transfera depuis en un lieu P.iç. tf?.
appelle Hermentfwile, qui faifoit partie de la fondation de
Moury.
XIV. Le quatrième Abbé lut Rupert , qui mourut en 1 1 10. lesAàes&.
li eut pour fuccefieur Udalric IL à qui fuccéda en 1 1 ip Ron- n^fo,"pJ^ju
zelin , dont le fucceffeur fut Chunon ou Conrad , Auteur des même ums ,
Aûes dont nous parlons. Il finit fon ouvrage en priant ceux qui "!"''"" '"'"'"*^
viendront après de mettre par écrit ce qui arrivera de remarqua-
ble dans l'Abbaye de Moury. Ce qui fuit ^ de même que la i able
généalogique des Comtes d'Habfbourg , ont été ajoutés aux
Acles de la fondation de Moury. La chofe eft évidente pour le
fragment qu'on lit enfuite des Ades ; & elle ne l'eft pas moins à
l'égard de la Généalogie, puifqu'elle va beaucoup plus loin que
Tome XX IL Zz z
S4^ CIWNON ou CONRAD , ABBE DE MOURY.&c
les A£les , ôc qu'elle eft contraire en faits avec les Actes mêmes."-
La ComtefTe Ittaeft appelle'e dans la Généalogie, Réparatrice
du Monaftere de Moury : les Acles l'en difent Fondatrice. Il eft ,
dit dans ceux-ci que Radeboton , Comte d'Habfbourg , prit'
pour femme Itta. La Généalogie ne fait pas même mention de"
Radeboton , quoiqu'il fût la tige de la Alaifon dHablbourg ÔC
de la Maifon d'Autriche : ce qui fait voir que l'Auteur n'étoic
pas au fait de la matière qu'il avoir à traiter , ou que cette Généa-
logie n'eft pas compiette.
'Autres écrii s XV. On attribue encore à l'Abbé Conrad une Chronique'
de Conrad , du Mouaflere de Burglen, fitué fur une montagne très-élevée
AbbedeMou- j^^sle Brifgaw , entre Bafle & Fribourg. Cette Chronique que
Ckronic. ^'^^ conferve dans la Bibliothèque de faint Blaife , avec quel-
Cap. i. ques-autresopufcules, qu'on juge par le ftyle ôcla méthode être
du même Conrad, Moine de cette Abbaye,quand il les compofa,
a été imprimée à Fribourg en 17 j J m-^°. par les foins de Dom
Ruflene Hécr. Elle nous apprend que le Monaftere de Burglen-
fut fondé par Wernher de Cattinbach , d'une très-noble ôc très-
ancienne famille de Erifgaw , Seigneur recommandable parfes
Gap. j,4. vertus , furtout par fes libéralités envers les pauvres, fa compaf-
fion pour les malheureux , & fes bienfaits envers le Clergé ÔC
Cap. (. les Moines de l'Abbaye de faint Blaife ; qu'il y fit mêmeprofef--
Hon de la vie monaftique fous le vénérable Ruftene, qui en fut
C«p. 13. Abbé depuis l'an 1108 , jufqu'en iiaj ; qu'Itta, femme de
"Wernher, qui ne cédoità fon mari ni en noblefle ni en venu,,
fe confacra à Dieu dans un Monaftere de Filles , nommé Beraw, ■■
C'V- ■• bâti par l'Abbé Ruftene. Avant la fondation de Burglen, il y
avoit au même lieu une ancienne Eglife, deilervie par un feul
Clerc. Wernher la donna à l'Abbaye de faint Blaife , avec une
partie des terres qu'il polfédoit dans le Prifgaw , la Bourgogne '
ôc la Suiffe , à charge d'établir à Burglen une Communauté de
C»p. 10. JVloines fous la Règle de faint Benoît. Cela s'exécuta fous l'Abbé
Berthold , fucceflcur de Ruftene , malgré les oppofitions de'
Cap. li. l'Evêque de Conftance , qui enfuite les leva, par la médiation du
ç^^ j Pape Honoré II. "Wernher mourut à faint Blaife en 1 125 , ôc
:j4,iji ' fon époufc à Beraw Tannée fuivante. Des deux enfans qu'ils-
avoient eus de leur mariage, le premier, nonmié Wernhere,,.
fe fit Moine à faint Blaife, ôc y mourut en odeur de fainteté,.
en 1 1 jp. Le fécond , qui fe nommoit Wipcrt , embrafl^a aufli la
vie monafiique, ôc fut le premier Prévôt de Burglen, dont il
augmenta les fonds. •
1
SUITE DES CONCILES DU HUITIEME SIECLE. ^47
Not-i. L'on
"^^^ XX.le Ma^
CHAPITRE XXIV. rS'S
ync^ant l'im-
D ES Conciles de Vomies, d'Ingelhehn, de Narbonne, Z 'xx\. oà
d'Acdech, de Fincenhalle , de Inoui, de Ratijboiine, Lp/S?"*
de Irancfort , & d'Angleterre.
î. T" E Roi Charles fit en 787 un troifiéme voyage à Rome , Concile de
1 i dans le defTein de prendre le Pape Adrien pour arbitre js'^'^^^t^^^'^
de fon diffcrend avec Taililton , Duc de i3aviere : ôc ce Duc de cWi/. vag,
fon côté envoya un Evêque ôc un Abbé pour le même fujet. Le y^.^ ' f '^"y"
Pape confentit à accommoder les Parties ; mais les AmbalTadeurs '^^^^
de Tallillon ayant déclaré qu'ils n'avoient aucun pouvoir pour
régler les conditions du Traité , le Pape mécontent de ce pro-
cédé, prononça anathême contre Tallillon & fes complices,
s'il n'accomplilToit les fermens qu'il avoir faits au Roi Charles.
Ce Prince après avoir fait fa prière au tombeau de faint Pierre
6c reçu la bénédidion du Pape , retourna en France , ôc s'arrêta
à Vomies, où étoit Faftrade fon époufc. Il y aifcmbla les Evo-
ques ôc les Grands de fon Royaume, leur expofa le fu;et de
fon voyage à Rome , ôc comment le fouverain Pontife avoic
découvert la mauvaife foi de Taflillon. Puis de l'avis de l'alTem-
blée , il députa à ce Duc , pour l'avertir de fe rendre aux ex-
hortations du Pape. Taflillon l'ayant refufé , le Roi Charles entra
avec fon armée dans la Bavière , obligea le Duc de lui renouvel-
1er fes fermens, exigea de lui douze otages, du nombre def-
quels étoit Thcodon , l'un de fes enfans.
II. TafTillon continua fes pratiques avec les ennemis du Roi C^s'icd'Tncel-
Charlcs , qui en étant informé par les Bavarois mêmes, que t^m.7,Cor.cil.
l'inquiétude de leur Duc expofoit à une guerre funefte , convo- p-g-9(^i;Egi-
qua une alTemblée à Ingelheim en 788 , où le Duc de Bavière "g'g.'&K/j'in'
& tous les autres Vaflaux de l'Empire François furent appelles. mCkron."
Taflillon qui nefe mélioit de rien , comparut devant l'aflemblée,
où fes propres Sujets le chargèrent de plufieurs crimes de le '.e-
Majeflé, en particulier d'avoir engagé les Huns à faire la guerre
à la France. Les preuves étant évidentes ôc fans réplique , le
Duc fut condamné à avoir la tête tranchée. Mais Charles ne
Z z z ij
hs suite des conciles
pouvant fe réfoudre à verfcr le fang de fon coufin germain , lut
donna la vie , à condition qu'il fe retireroit dans un Monaftere*
avec Tlieodon fon fils pour y faire pénitence. Les complices du:
Duc furent envoyés en exil: pour lui il fut relégué d'abord aa
Monaltere de faine Goar, fur les rives du- Rhin , au Diocèfe de-
Treves, & enfuite à celui de Lauresheim ; & fon fils Theodon^
dans celui de faint ?vlaximin à Trêves.
Concile de III- L'héréfie de Félix d'Urgel & d'Elipand continuant à
Karbonne en f^ire dcs progrès , le Roi Charles pour les arrêter fit afTembier
€ondU%L'. "'"^ Concile à Narbonne le vingt-feptiéme de Juin, la vingt-
?É4. troifiéme année de fon règne, qui eft l'an ypi. Il eft dit dans
les Acl;esdece Concile , qu'il fut affemblépour plulieursaftaires
Eccléfiaftiques, principalement contre le dogme pernicieux de
Félix d'Urgel ; mais on ne ferait pas ce qui fut décidé fur ce fujet f
,^ ce qui fait croire qu'on ne décida rien touchant fes erreurs,c'eft
qu'il foufcrivit lui-même en fan rang aux Ades de ce Concile,
auquel il aliilta avec vingt-cinq autres Evêqucs, deux Députés*
d'abfens, 6c un Commifiaire de la part du Roi, nommé Didier.
Il y avoir quelques différends entre l'Archevêque de Narbonne*
ôc les Evoques d'Elne ôc deBeziers , pour les limites de leurs^
Diocèfes ; le Concile les termina.
Conciles IV. On met deux Conciles en Angleterre, vers l'an 7S8 ,
J'Acckch & l'un à Acclech , l'autre à Fincenhalle. Les Acles n'en font pas
le, ibid. r.v. venus julqu a nous.
i)6i iSiSpd- V. En 791, ou en 796, Paulin Patriarche d'Aquilée, tint
mon. tom.i, ^^^^ fes Suffragans un Concile à Frioul, dans l'Eglife de la'
314. ' ' fainte Vierge. Il en fit l'ouverture par un long difcouis , où it
Concile c'e reprcfenta que les défordres des puerres ne lui ayant pas per-
Frioul , ton. ! 1 • ? i • j '^^ i • i /^ ^
7,Condl. ua . "^'^ dcpuis long-tcms de tenir des Conciles , quoique les Lanons
9^91- " en ordonnaflent deux par chacune année , il avoit faifi le mo-
ment de la paix & de la tranquilité publique pour en alfembler
un où l'on pût établir la foi , ôc la défendre contre deux nouvel-
les erreurs : dont l'une foutenoit que le Saint-Efprit ne procède
que du Père & non pas du Fils ; l'autre que Jefus-Clirift n'efb.
fils de Dieu que par adoption. Il établit lui-même les principaux»
dogmes de la foi , en expliquant ce que le Concile de Nicée civ
a dit dans fon Symbole. Jl s'arrête principalement à l'article du
S iint-Efprit. Le Concile de Nicée ne s'étoit pas expliqué claire-*
ment fur fa divinité. Celui de Condantinople le fit d'une ma-
il .te plus expreffe, en difant qu'on devoit l'adorer avec le Père
&. le Fils. Et parce que ce dernier Concile avoit dit feulemeno
DU HUITIEME SIECLE. 54P
que le S^int-Efprit procède du Père , ôc que quelques-uns eu
prenoient occafion d'avancer qu'il ne procédoit pas du Fiis ; on
a depuis ajoute au Symbole , que- le Saint-Efprit procède du
Père ôc du l' ils. Paulin enfcigne que ces fortes dexplications ou
additions ne font point contraires aux dt'fenfes faiteL; ii fouventr
dans les Conciles , de compoler de nouvelles profclllons de foi ,
parce que ceux qui ont fait ces additions , n'avoient pas une doc-
trine dilfcrente , ôc qu'ils n'ont eu autre chofe en vue que de
rendre en termes plus clairs le fens du Symbole mcnie de Nicée.K
Après cette remarque , Paulin montre par plulieurs pafiages de-
l'Ecriture, que le Saint-Efprit procède du Père &: du Fils y
parce qu'autrement il ne fcrcit pas confubllantiel à c-s deux-
Ferfonnes:ce qui ne fe peut dire, puifquele Père, le Fils ôc
le Saint-Efprit font un en nature , ôc que les opérations de la
fainte Trinité font indivifibles & inféparables. Enfuite , fous
Kommer Félix ôc Elipand, qui divifoient Jefus-Chriften deux ,-
l'un naturel , l'autre adoptif , il les réfute par ces paroles du
Pfeaume , qui dit du Fils de Dieu fîit homme:(^ous êtes toujours Pfalm. lor,
le même & vos années 72e paijhont point. Il ne s'étend pas davan- -^•
tage fur ce fujet , remettant à le faire dans une profeilion de foi
raiibnnée qu'il donne, en priant les Evêques du Concile delà P^j- 9'i'j.
graver profondement dans leur mémoire. Le Peuple deFrioul
ne fut pas préfent au difcours de Paulin. Il étoit en foule au- Pjj.yçn.-
dehors de l'Eglife , où les Evêques entrèrent par une porte
lècrette.
V I. Ce Concile fit quatorze Canons , qui portent en fubftance ^ Cnnons du
que l'on ne prendra rien pour les ordinations ; que les Pafteurs ir°o„|^ ■j-'^''
feront par Icxcelience de leur vie le modèle de leur troupeau ^ pig. lo'^i.
comme ils en doivent être la lumière par leurs inurudions ; p''- J-
qu'ils s'abfiiendront furrout de l'excès dans le vin , fous peine c.^n,'-'^
de privation de leur degré d'honneur, en cas d'incorrigihilité.
Qu'ils n'auront avec eux d'autres femmes que celles qui font- C.w. 4.
permifes par le cinquième Canon de Nicée. Qu'aucun Clerc ne C.:;t. j.
fe mêlera des alTaires du fiecle ; qu'ils ne fe mêleront point des
emplois qui font ordinairement exercés par les gens^du monde
ou par les Princes de la terre ; ô: qu'au lieu de s'occuper de b C-.n. 6,-
ehaife , de chanfons profanes , d'inllrumens de mufique ôc d'au-
tres jeux femblables , ils mettront leurs piaifirs à lire les faintes
Ecritures , ôc au chant des Hvnmes ôc des Cantiques fpirituels*
Le Concile femble ne point dcfaprouver i'ufage des inftrumens,-
méaie d ans les Clercs ,.lorfqu"il s'agit de ces fortes de Cantiques.-
Zzz iij.
j^o SUITE DES CONCILES
Can. 7. Il ajoute qu'aucun Evêque ne dépofera un Prêtre , un Diacre
ou un Abbé , fans avoir auparavant confulté le Patriarche d'A-
Can. r. quile'e ; que les mariages nefe feront point clandeftinement , ni
entre parens ; qu'il y aura un tems futHfanr entre les fiançailles
& ia célébration du mariage, afin d'avoir le loifir d'examiner fî
les Fiancés ne font point parens; que ceux qui fc trouveront
mariés dans les dégrés défendus , feront féparés &z mis en péni-
tence ; que li cela fe peut, ils demeureront fans fe remarier, mais
que s'ils veulent avoir des enfans, ou ne peuven: \'ivre dans le
.célibat, il leur fera permis de fe marier à d'autres. Pour parer
aux inconveniens qui pourroient arriver dans les mariages, il eft
ordonné qu'il ne s'en fera aucun , que le Curé du lieu n'en ait
■Cdji. 9. connoifTance. On ne contrariera pas de mariage avant l'âge de
puberté ; & il n'y aura pas entre les contractans une trop grande
^ difproportion d'âse , pour éviter les occafions dadultere. Celui
-Can. 10. f r o^ i r j r ■ ■ r
qui fe fépare de la femme pour caule de rornicanon , ne peut le
remarier tant qu'elle eft vivante, parce que Jefus-Ctirift ea
permettant à un homme de renvoyer fa femme , ne lui a pas
permis d'en époufer une autre., ainfi que le remarque faint Jé-
rôme. A l'égard de la femme coupable, elle ne peut fe remarier ,
r^ , même après la mort de fon mari. Les filles ou les veuves de
quelque condition que ce foit , qui onr une fois pris l'habit noir ,
en figne de continence , doivent en garder !e vœu , quoiqu'elles
n'ayent point été confacrées par l'Evêque. Que fi elles fe marient
^n fecretou vivent dans le défordre, elles feront punies fuivant
la rigueur des Loix , féparées de ceux qu'elles auront époufés ,
& mifes en pénitence pour le refte de leur vie. Permis toutefois
à l'Evêque d'ufer envers e'Ies d'indulgence, eu égard à la ferveur
de leur pénitence. Mais à l'article de la mort on leur accordera
le Viatique. Le Concile ajoute qu'aucune ne pourra prendre
1 habit de Religieufe à finfçu de l'Evêque. Il paroît par ce Ca-
non que la coutume ancienne d'Aquilée Ôc des Provinces voi-
fines, étoitque les perfonnes confacrées à Dieu s'habillalfent de
■Can. tï. noir. Défenfe à qui que ce foit d'entrer dans les ?*lonafteres de
ÏmHcs, fans la permiliion de l'Evêque Diocèfain , qui n'y en-
trera lui-même qu'accompagné de Prêtres ou de fes Clercs. Les
Abbefies ni les Religieufes ne fortiront point, fous prétexte d'aller
à Rome ou en d'autres lieux vénérables, pour raifon de péleri-
siage. Celles qui feront le contraire fubiront la peine portée par
les I -oix Canoniques , feront foumifes ou à lanathême ou à l'ex-
communicurion,ou privées de leur degré d'honneur , fuivant la
DU HUITIEME SIECLE. ^ji
grandeur de la faute. Ces peines regardent également ceux qui
entrent dans lei Monafleres de Reiigieufes lans l'agrciucnt de
l'Evcque. On commencera robfervation du Dimanche, au foir Cm i^.
du Samedi ;c"eft-à-Qire, à l'heure que l'on fcnne les \'cpresi mais
on ne chômera pas pour cela le Samedi , comme faifoient encore
quelques paifans. Les autres Fctes annoncées par les Evcques ou
les Pafteurs , feront auiFi obfervces. On les paffera dans la prière
& dans l'exercice de toutes les bonnes oeuvres : & les gens ma-
riés garderont la continence en ces jours. Le dernier Canon C-'"' m.'
recommande le payement des dixmes ôc .des prémices , qu'il
autorife par quelques paiïages de l'Ancien Tefiamenr.
VII. Alcuin dit qu'avant qu'il eût palTé en 1" rance , la caufe ' Conci'e Je
de Félix d Urgel avoit déjà été agitée dans un Concile célèbre "'-'"^'^«""ecn
tenu à Ratiibonne, en préfence & par les ordres du Roi Char- Co'ndl. %L]
les, 6c que fon héréfie y avoit été condamnée par les Evêques '°"^ ; ^'gi~
allemblés en cette Ville de toutes les parties de l'Empire. C'croit !;'J,' .■" j'^,''^^'
en 792, le Roi Charles y avoit paflé Ihyver. Pour convaincre idem.
Félix , il le fit amener en cette Ville afin qu'il fut préfent au
Concile ôc y défendit fa docirine. Mais convaincu d'erreur par
les Evêques, on ordonna qu'il feroit envové à Rome vers le
Pape Adrien. L'Abbé Angiiberr fut chargé de le conduire. Félix
voyant que le Pape penioit de fa dodrine comme en avoient
jugé les Evêques de Francfort, l'abjura dans l'Eglife de faine
Pierre , puis il retourna chez lui à Urgel.
VIII. Le jugement du Concile de Ratisbonnc n'empêcha pas Prancfo-'t".-*
les Evêques d'Efpiigne, infciStés de l'erreur de Félix, d'y per- 75-^ tom-.j,
lifter. Fclix lui-même, qui l'avoir abjurée à Rome, en prit de ^^'"^•^' Ç^g"
nouveau la défenfe. Elipand écrivit une Lettre pour la foutcnir.'
Il l'adrelfa aux Evoques de F'rance, & en écrivit une particu-
lière au Roi Charles, qui la Wx. lire devant les Evêques qu'il
avoit afiTemblésde diverfes Provinces. Non content d'avoir leurs
avis , il confulta le Pape Adrien , qui lui envoya une Lettre ,
adrelfée aux Evêques de Galice &; d'Efpagne , dans laquelle il
rétutoit les erreurs contenues dans la Lettre d'Elipand. Paulin,
Patriarche d'Aquilée, les combattit auili par un Ecrit où il par-
loir tant en fon nom que de tous les Evêques d'Italie de Tobéif-
fânce du Roi Charles. Cet Ecrit fut préfenté dans le Concile de
Francfort, tenu au commencement de IFté de l'an 754 , avec
la LettD2 du PapeAdrien aux Evêques d'Efpagne contre Eiipand,
& celle de Charlemagne à Elipand. Ce Prince adifta au Concile
avec les Légats du Pape , Theophilade ôc Etienne , ôc environ
j;2 SUITE DES CONCILES
trois cens Evêques. Le nombre en devoir être confidérable,'
puifque Charles en avoit fait venir de toutes les Provinces de
l'on obéiiîance, c'cil-à-dire, de France, d'Italie, d'Allemagne
ôc d'Angleterre , d'où vient que ce Concile a été long-tems re-
gardé en France comme un Concile général.
Aftcs eu IX. Le P.oi Charles Ht lire dans ce Concile l'écrit envoyé
Concile, ibid. p^^ EHpand ôc les Evoques d"Efpagne ; & après qu'on l'eut exa-
.pcg. lo^î. j^j[^j< ^ les Evêques du Concile le réfutèrent par une Lettre
Synodique adrefTée à tous les Evêques 6c les Fidèles d'Efpagne.
Ils font voir premièrement la mauvaife foi d'Elipand ôc de fes
Seclateurs , en ce que voulant appuyer leurs erreurs par des paf-
fages des Pères , ils avoient affedé de ne point marquer les noms
des livres, ni le nomtre des chapitres d'où ils les avoient tirés,
lis les accufcnt môme d'avoir altéré ces pafiages en y ajoutant
quelques paroles, afin de fe les rpndre plus f.ivorables. Elipand,
entre pluheurs pafiages de l'Ecriture par lefqueis il vouloit prou-
ver que Jefus-Chrift n'eft que le Fiis adoptif de Dien , citoit
Jo'an. I , 14. celui-ci : /Mon Père ejl plus grand que moi. Les Percs de Franc-
fort répondent que JefuG-Chrin: a parlé ainfi , non àcaufe de fon
adoption , mais de fa forme de Serviteur^ ou à caufe de fa nature
huniaine,felon laquelle il eft moindre que fon Père. Sur ces paro-
,Jonn. ilid. les dc faint Jean : Nous avons vu fa gloire commz du [ils unique du
Père , étant plein àc grâce G* de vériié;'ûs difent qu'elles font
plutôt contre l'adoption de la chair. En effet , s'il eft Fils uni-
que, comment peut-il être adoptif? Ou s'il n'eflpas Fils propre,
comment eft-il plein de grâce & de vérité ? Ils répondent
aux paffages objedcs de faint Hilaire , de faint Jérôme & de
faint Augudin , montrant qu'Eiipand en avoit mal pris le fens ,
mj les avoit altérés. Ils -ne répondent point aux raifons tirées dc
la Liturgie d'Efpagne , attribuée à Eugène, à faint Ildepiionfe
ôc à Julien , Evoques de Tolède , fe contentant de dire que c'eft
pour cette nouvelle erreur qu'ils ont été livrés entre les mains
des Infidèles , ôc des ennemis de Jefus-Chrift ; qu'il vaut mieux
croire au témoignage que Dieu le Père a rendu à fon Fils , en
difant : Celui-ci ejl mon Hls bien aimi , qu'à (liint Ildepiionfe Au-
teur dc cette Liturgie; que les prières qu'elle contient n'étant
point en ufage dans l'Eglife univcrfelle, il cft fans apparence
que ceux qui les récitent fbient exaucés de Dieui que fi faint
Ildephonfe a appellédans cette Liturgie Jefus-Chrift Fils adop-
fig. I034- tif, faint Grégoire le Grand, dont le nom eft célèbre dans tout
Je monde, l'a nommé dans la Tienne Fils unique de Dieu. Lej
Evêques
1
DTJ HUITIEME SIECLE. jn
Evêques du Concile prouvent enfuite par l'Ecriture & par les P-Jg^' «»»
Pères , que Jefus-ChriÛleft ôc doit écre appelle le propre Fils de -'''^*
Dieu ; qu'il ne peut être nommé Fils adoptif, parce qu'il n'y a
point en lui de divifion ni de féparation des deux natures ; que
les deux natures étant unies perlbnnellement en lui, c'eft le
même qui eft vrai Dieu ôc vrai homme ; que l'Apôtre faint Paul Pjg. io4î.
ôc l'Eglile Catholique n'ayant jamais appelle Jefus-Chrift Fils
adoptif, on doit s'abftenir de cette dénomination , qui ne peut
avoir d'autre fens , finon que J. C, n'eft pas propre Fils de Dieu.
Ils conjurent les Evêques d'Efpagne de ne point fe fervir,en par- ^'g- iot*«
knt de Jefus-Chrift, d'autres noms que de ceux qui lui (ont
donnés dans l'Ecriture , & leur témoignent beaucoup d'amitié ôc
de charité , fans aucune menace d'anathême. Le tloi Charles
employa auili la voye de douceur pour ramener Elipand & les
Evêques de (on parti , parce qu'il fçavoit qu'il n'y avoit que l'o-
piniâtreté dans l'erreur qui Ht l'Hérdaq-je ; & ju(ques-là il ne les
croyoitpas tels: au co«t-raire il les traite d'Ortodoxes dans Fini- '^'ë- ^°^^'
eription de fa Lettre , en les avertiflant toutefois que s'ils ne
renoncent à leurs erreurs , ils feront traités d'Hérétiques & fé-
parés de ia communion des autres Evêques. On voit dans cette
Lettre de quelle manière on avoit procédé dans le Concile de
Francfort , pour la condamnation de l'erreur dont ils étoient p,i-. ,345.
accufés; qu'on y avoit fait la ledure de la Lettre du Pape A''rien
& de l'Ecrit de Paulin d'Aquiiée ; que leurs preuves touchant
l'adoption de Jefus'Chfift y avoient été propofées , examinées,
ôc réfutées dans la Lettre Synodale du Concile ; qu'on y avoit
fait plufieurs Canons , aufquels il avoit lui-même donné fon
approbation parla foufcription. Il fait dans la même Lettre une
longue profeliion d-e foi, qu'il dit être celle de lEglife Catho-
lique, & qu'il fouin^ite être embralTée d'Elipand &des autres
Evêques d'Efpagne. Tous les articles du Symbole y font expii- P.^^. -jo^j.
qués clairement , principalement celui de l'Incarnation. li y eft
dit que Jefus-Chrift eft vrai Fils de Dieu, en fes deux natures.
Dieu & l'Homme ne faifant en lui qu'une feule Perfoii.ie,
qu'ainfi il n'eft point Fils adoptif ni putatif, mais propre l ils de
Dieu.
X. Le Concile de Francfort fit cinquante-fix Canons, ^fous Cnnons du
mettrons les plus intérelTans. Le premier marque qu'il fut aiiem- ^-oncie de
11/ !••/ ni- lin- /^\ I '."ranctort ,
blé par 1 autorité Apoftohque ôc par ordre du Koi Charles, .j^^. ,0,7,
L'Iiéréfie d'Elipand de Tolède ôc de Félix d'Urgel touchant Cm. i.
l'adoption de Jefus-Chdft, y eft condamnée. Le fécond rejette
Tome XXI J. Aaaa
SS^ SUITE DES CONCILES
€an. î, le Décret du fécond Concile de Nicée fur l'adoration des Ima--
Can. 3. ges. Il eft dit dans le troiliéme , que Taflillon , auparavant Duc
de Bavière , fe préfenta au milieu du Concile , demanda par-
don des fautes qu'il avoit commifes , tant contre l'Etat des
François, que contre les Rois Pépin &. Charles; que la grâce
lui fut accordée , & que Ton en expédia trois Brevets ; un pour
être mis au Palais Royal ; le fécond pour TaflTdlon ; le troifiéme
devoir être dépofé dans la Chapelle du facré Palais. Le hui-
Can. ?»■ tiéme Canon renvoyé au Pape la décifion d'un différend furvena
entre Urfion Archevêque de Vienne, ôc Elifant Archevêque
d'Arles , au fujet des limites de leurs Provinces. Il fut ordonné
Ciî/r. p. par le neuvième , que Pierre Evêque de Verdun , accufé d'avoir
eu part à la conjuration de Pépin le Boffu contre le Roi fon père,,
fe purgeroit par ferment avec deux ou trois Evêques ou avec
l'Archevêque de Trêves fon Métropolitain. Perîonne n'ayant
voulu jurer avec lui , il envoya un des liens éprouver le jugement
de Dieu ; en proteftant de fon innocence^ il en demanda pour
marque la proteclion de Dieu fur l'homme qu'il avoit envoyé-
Cet homme étant revenu fain ôc fauf , le Roi pardonna à l'Evê-
que & lui conlêrva fa dignité , ne doutant plus après cette-
épreuve qu'il ne fut innocent. Ce Canon ne dit pas en quoi
elle confiftoit : fi c'étoit le fer chaud ou quelqu'autre ufitée alors
&: autorifce par les loix barbares. Il marque feulement que le
Can. 10. I^oi ^ l^ Concile n'y eurent aucune part. Le dixième déclare
Gerbord déchu de TEpifcopat, parce qu'il ne pouvoir produire
aucun témoin de fon ordination, & qu'il convenoit qu'il n'avoit
pas été promu canoniquement au Diaconat ni à la Prctrife. Par
Qn. ij. le quinzième, le Concile accorde au Roi de retenir à fa Cour
Angelramne , Evêque de Metz , pour lui fervir dans les afïaires
Can. '.?, Eccléfiafliqucs. Le vingt-huitième défend d'ordonner des Clercs
Gfl"- 51- fans les attacher à quelque Egiife. Le cinquante-deuxième dé-
clare qu'on peut prier Dieu en toute langue , & non pas feule-
ment en trois , comme quelques-uns le prétendoient. Le Canon
ne nomme point ces trois langues ; mais on croit que c'étoit
l'Mébreu , le Grec ôc le Latin , à caufe que le titre mis fur la-
Croix de Jcfus-Chrifl ètoir écrit en ITébrcu,en Cjrcc ôc en Latin.
Les autres Canons font fouvent répétés dans les Capitulaires de
Gharlemagne. Il en faut excepter le cinquante-fixiéme , où il
eft dit que le Roi pria le Concile de recevoir Alcuin en fa com-
pagnie ôc dans la Ibciété de (es prières, à caufe de fon fçavoic
dans les matières Eccléliaftiques ; ce qui lui fut accordé.
DU HUITIEME SIECLE. r5f
X I. On met trois Conciles en Angleterre ; les deux premiers Conciles
en 7P3 , & le troilic-me en 7^4. Ils lurent ailemblés à Verulara roJ^càndl'.
fous le règne d'Olfa , Roi des Mcrciens, ôc l'EpKcopat de Hum- piy. 1012.
-bert, dont le Sii^ge droit à Lichelelden. Il s'y trouva quelques
Evoques l'uffragans de Humbert, des Seigneurs du Royaume
& une grande multitude de peuple. Le fujet de ces alTemblées
fut de conllruire un Monaftere en llionneur de Saint Alban
Martyr, dont on avoit depuis peu trouve les Reliques. Le Roi
Offa le fonda en lui allignant de grands patrimoines : & afin que
fes donations fuilcnt fermes & ftables , il fut convenu qu'on les
feroit confirmer par le faint Siège. On croit que ce fut dans l'un Tom. 6,c>n.
de ces trois Conciles que l'on publia les vingt Canons qui avoient ''''•Fi^'is/s.
■été faits en 787 dans celui deCalecut. Comme ils étoient en
Latin , on les expliqua en langue Teutonique afin qu'ils fullent
•entendus de tout le monde. L'Archevêque Humbert y foulcrivit
par un figne de Croix ; le Roi Offa en fit autant, ôc les autres
Evêques du Concile avec les Abbés & les Comtes. Le premier
Abbé du Monaflere fondé par Ofia , fut le Prêtre "WiHigod , Mahill.lih.
comme il efl; porté dans le Diplôme de*ce Prince , datte de l'an ^^ > ^'^"^1-
7P3 de l'Incarnation. Spelman dit que Willigod fut tiré avec ^ii'nÀ^^J.,„i,
plufieurs Moines de l'Abbaye du Bec en Neullrie , pour être tom. i , pîg,
tranfportés dans le Monaflere de faint Alban. Mais c'eft une '77-
faute, l'Abbaye du Bec n'avant été bâtie que plus de deux cens
ans après celle de faint Alban. Le Diplôme d'Offa porte que le
Prêtre Willigod feroit obferver à fes Moines la Règle de faint
Benoît. Le Roi Offa après cet établiffement alla à Rome & affu-
jettit fes Etats à faint Pierre, en ordonnant que chaque famille
de fes Sujets payeroit un tribu au faint Siège, pour marque de
leur dépendance ; m.ais il voulut que ce qu'on leveroit de ce tri- Monajl, Angl.
but dans le Diocèfe d'Hertford fut pour l'Abbaye de faint Alban Hid-^'cig^iyS,
qui y étoit fituce. Offa eut pour fuccefieur dans le Royaume des
Merciens , Kenulphe. Il y eut fous fon règne deux Conciles,
l'un à Finchallend en 79S ; & l'autre à Bancanceld , la même
année, qui étoit la féconde de ce Prince , ou félon d'autres la
troifiéme. Plufieurs Evêques & plufieurs Seigneurs y affilièrent.
Ehandbald , Archevêque d'Yorc, prélida au premier, où l'oii
traita divers points de difcipline , entr'autres ce qui regardoit la
Fête de Pâques , ôc l'obfervation des faints Canons. On y reçue
auffi les cinq premiers Conciles généraux. Athelard Archevêque
de Rochefler , préfida au fécond, dont il fit l'ouverture par un
petit difcours , où il dit , que fuivant l'ordre du Pape Léon IIL
Aaaa ij
S^^ s U I T E D E s C O N C ï L E s
les Eglifes dévoient jouir en telle forte de leurs biens ôc dé
leurs privilèges, que les Laïcs ne s'en rendiflent point les mar-
tres. 11 menaça ceux qui avoient fait le contraire d'être féparés
dès-lors de l'Eglife, ôc de rendre compte de leurufarpation aa
jour du Jugement , s'ils ne fe corrigeoient. Tous les Evoques dô
Concile approuvèrent ce difcours, & y foufcrivirent parle figne
delà Croix. Ils étoient au nombre de dix-huit Evêques^avee
deux Abbés. & un Archidiacre. -
CHAPITRE XX V.
Des Conciles àe Rome , (TUrgel , d'Aix-la-Chapelle >■•
de R.Oîr.e & de Cloveshoiu-
Concire :îc !• T7 E L IX d'Urgerqui n'avoit abjure fon he'tcfie que de-
Romeer7i?o, J|^ bouche , foit à Rome devant le Pape Adrien , foit à
pee'.'î'iï^o '•' Ratifl^onne- en préfence du Roi Charles, & des Evêques div
i8j8. Concile, fit voir parfa rdponfe à la Lettre qu'Aicuin lui avoit
écrite pour l'exhorter de fe réunir à l'Eglife Catholique , qu'il
n'étoit rien moins que converti, 5on écrit fcandalila toute l'E-» ■
giife,cequi obligea le Roi Charles d'ailcmbier un Concile à
R.ome pour le condamner. Il fe tint .en 75?^:. Le Piipe-.Leon IJL-
y préfida adillé de cinquante-fcpt Evêques. .11 nous refle trois
fragmens des trois fedions de ce Concile. Dans la première , le
Pape rendit raifon- de la convocation du Concile, en difant,
qu'il y avoit été obligé pour arrêter le cours delà doêlrine em-r.
peftée de Félix, qui fe répandoit plus que jamais, quoiqu"oa
l'eût cru entièrement éteinte par les Sentences ôc les Anathêmes
du Pape Adrien , ôc du Concile tenu par orJre du Roi Charles
à Ratilbonne. Il dit dans la féconde, que Félix avoit dans le
même Concile confellé fon erreur , ôc anathcmatifé par écrit
cette proposition : Jefus-Chrift efl Fils adoptif (.ie Dieu félon la
chair. Qu'ayant depuis été envoyé au Pape Adrien , il lu , étanc
prifonnier , uneconfeilion de foi Catholique qu'il mit fur les
divins Myfteres dans le Palais Patriarchal , ôc enfuire fur le
corps de faint Pierre, affurant avec ferment qu'il croyoit ainiî ,
& difant anatliêmc à quiconque ne croit pas que JNotrc-Seigneur
DU HUITIEME SIECLE. SH'
Jefus-Clirill ivefl: pas le vrai & propre l' ils de Dieu ; mais quo
s'ctant enfui chez les Payelis , c ell-à-dire , chez les MuTulmans,
il avoir fliullé ("on ferment. Le Pape ajoute, que Félix n'avoit pas
niôme apprchendé la Semence rendue contre lui au Concile ds
Francfurr. Il en donne pour preuve l'c'crit que cet Evcque avoic
oomporé contre le vénérable Alcuin , Abbé du Monaflere df
faint Martin , oii il répandoit les erreurs avec plus de véhémence
qu'il n'avoit fait juiqu'alors. Léon prononce dans la troidéme
fellion la Sentence d'excommunication contre Félix d'Urgel ,
s'il ne renonce à l'erreur par laquci.eil a oléeui'e:gner que J. C.
efl Fils adoptif de Dieu.
IL La môme année 700 le Roi Charles étant à- Paderborne ,.,. ^-oncûe
T 11 ai'n it K>ri-'i Al 'I C'ri^el en
envoya Leidrade^ Archevêque de Lyon , JNcrnde, Archevêque 79,; rom, 7,
de Narbonne , Benoît , Abbé d'Aniane, & pluhcurs autres , tant Cindl. p^y.-
Evéques qu'Abbés, à Urgel, pour engager Félix à abandonner ' ' '
ion erreur , & à le foumcttre au jugement de l'i'.glife. Ils lui
rcpréfenterent ce qui venoit de fe pafTer dans le Concile ds
Ilûme,& 1 invitèrent à venir devant le Roi, lui donnant parole
qu'il pourroit e« toute liberté produire toutes lesprcu\es de Ion
lentiment. On met quciquelois cette Aflemblée {a) au nombre
des Conciles.
1 1 1. Sur !a parole des Evêques , Félix vint à Aix-la-Chapelle ,, . . V''!^';'^
lur lahn deian 7ij(). 11 y produilit en toute liberté les raHons & p^neenyç?
les pafTagcsdes Feres qu'il croyoit favorables à Ton opinion ; mais r '«7,C:wi/.
lesÈvèqucs que le Roi Cliarles avoir aiïemblés le convainquirent ^g%.'°' '
tellement , qu'il renonça à fon erreur. Néanmoins à caufedefes
fréquentes rechutes, ils le-dépoferent delEpifcopat, & le Roi
le relégua à Lyon où il finit fes jours. Etant encore à Aix-la-
Chapelle il donna fon abjuration par écrit en forme de Lettre
adreiïée au Clergé & au Peuple dUrgel. Il y expofela maïucre
dont les Evéques envoyés par le Roi Charles l'avoient engiigé à
fe rendre à Aix-la-Chapelle ; la liberté qu'en lui avoir accordée
de défendre fon fentlmenti la douceur avec laquelle les Evêques
du Concile l'avoient traité; la force des raifons par lesquelles ils
l'avoient convaincu jfurtout par l'autorité des écrits des faints ■
Pères , nommément de faint Cyrille , de faint Grégoire , Pape ,
de faint Léon , & de quelques autres qu'il ne connoilioit point
auparavant. 11 raconte encore ce qui s'étoit palTé dans le Concile-
ia..) Cave ^ Jlijor. Llr.ir. yjr, 43 1.
Aaaa iij
5j8 SUITE DES CONCILES
de Rome en préfence du Pape Léon III. ôc de cinquante-fept
Evéques. Puis il dit , que convaincu par la force de la vérité , &
du confentement de toute l'Eglife univerfelle , il y retourne de
tout fon cœur , &c prend Dieu à témoin de la fincerité de fa con-
verfion.Enconféquenceil promet de ne plus croire, ni enfeigner
•que Jefus-Chrift , félon la chair , foit Fils de Dieu adoptif , ou
nuncupatif ; mais de croire, conformément à la do6trine des
Saints Pères , qu'en Tune &c l'autre nature il efî: le vrai Fils unique
de Dieu , par l'union perfonnelle qui s'eft faite des deux natures,
de la divine & de Thumaine , dans le fein même de la fainte
Vierpe. Il exhorte le Clereé & le Peuple d'Ur^relà embraiTec
-cette dodrine avec l'Eglife univerfelle, à implorer pour lui la
-miféricorde de Dieu , & à faire ceffer le fcanda'e qu'il avoit
caufé parmi les Fidèles par fes erreurs. Il reconnoît qu'elles
n'étoient point éloignées de celles de Neftorius, qui ne croyoit
Jefas-Chriil qu'un pur homme. Sur quoi il rapporte les propres
paroles de cet Héréfiarque , & plufieurs paflliges des Pc:-." > pour
le combattre ; fçavoir, de faint Cyrille de Jerufalem , de faint
Grégoire Pape, de faint Athanafe, de faint Grégoire de Na-
zianze,&de faint Léon.
Concile de I V. Les ennemis du Pape Léon III. après avoir exercé
^0"^^^"?^°?;' plufieurs violences contre lui , voyant qu'il leur avoit échappé
vag. 1158. en lî^ retirant en r rance vers le Koi Charles , envoyèrent a ce
Prince des Députés avec ordre de former plulieurs accufations
contre ce Pape. Charles vint en Italie, & arriva à Rome le vingt-
quatrième de Novembre de l'an 800. Léon III. qui y étoit arrivé
le vingt-neuvième de Novembre de l'année précédente 75)9 ,
-vint au-devant de lui avec le Clergé , le Sénat, la Milice &: le
Peuple. Sept jours après le Roi convoqua une Aiïemblée , où ,
«ntre plufieurs affaires, il propofa d'examiner les accufations
formcei contre le Pape. Le Concile fe tint dans l'Eglife deiaint
Pierre. Le Roi &. le Pape étoient affis , de môme que les Evéques
& les Abbés ; mais les Prêtres ôc les Seigneurs demeurèrent de-
Anufcajina , bout. Pcrfoune nefe préfentant pour prouver les crimes objectés
in Leone 111. gu Pape , les Evcques dirent : Nous ( a ) n'ofons juger le Siège
Apoflolique , qui cft le Chef de toutes les Eglifes ; c'eft l'an-
cienne coutume que nous fuyions jugés nous-mêmes par lui , 6c
{a) Nos Scccm ApofloHcnm , qui' cft j Vicario fuo juùicamur , qi'cmadmorîuin
Caput omnium Dci Frcle(!:!riim , judicarc S. antioiiirjs mos fuir. Anaft^jlus , tom. j ,
«CD nudcmiiî ; r^(n ab ipja nos omnes & i Condl.p.ig. St.
DU HUITIEME SIECLE. f;<?
par fon Vicaire. Le Pape prenant la parole , dit , qu'il voiiloit
fuivre les traces de fes Prcdécefleurs , ôc qu'il étoit prêt à fc
purger de ces fauffes accufations. Il le fit le lendemain dans la
même Eglife de l'aint Pierre , en prcfcnce des Archevêques ,
Evêques , Abbcs , des François & des Romains. A cet eiîct il
prit entre les mains les faints Evangiles , & montant devant tout
le monde fur lambon , il dit à haute voix avec ferment : Je n'ai
aucune connoilTance d'avoir commis les crimes dont m'ont
charge les Romains qui m'ont perfécuté iniuftement. Alors tous
les Archevêques , Evêques & Abbds ch.anterent avec le Clergé
une Litanie, ôc louèrent Dieu, la fainte Vierge, faint Pierre ôc
tous les Saints.
V. En Angleterre , fous le règne du Roi Kenulphe , Adelard , Concile cfa'
Archevêque de Cantorberi , tint vers l'an 800 un Concile à ^''^"j^^h"" >
Cloveshou avec les Evêques de fa Province, où, en prcfence um. j.Conàl. -
du Roi, on examina premièrement ce qui regardoit la Foi , & P'^i- ^ 53»
enfuite les ufurpations des biens d'Eglife. On reconnut que la
Foi ctoit la même qu'on l'avoit reçue de faint Grégoire. Mais à
l'égard des biens des Eglifes , il fut prouvé que ion en avoic
uiurpé plufieurs , &: que l'on en avoir même détourné les titres.
Ces ufurpations regardoient le RoiOfia, & Kenulphe lui-même.
Ce dernier en témoigna du repentir, avecpromell'e de rediruer.
Adelard fit autorifer dans le même Concile un échange qu'il
avoir fait avec TAbbelTe du Monaftere de Cotha. Dans un antre ihid. ^3g.-
Concile alTemblé au même lieu le i 2 d'Oclobre de l'an Soj , le >^Sp.
même Archevêque fe plaignit encore des ufurpations faites fous
fon prédécelTeur par le Roi Otfa ; &. en vertu du pouvoir qu'il
avoir reçu du Pape Léon, il défendit, fous peine d'anathéme, à
qui que ce (bit , Rois , Evêques, Princes , d'ufurper aucun des
biens de l'Eglife de Cantorberi, Il défendit aufii-, en vertu du-
même pouvoir , aux Moines , de fe choifir des Laïcs pour Mal- •
très , voulant quiis, fe conformaifent dans l'éieiftion de leurs-
Supérieurs , aux décrets des Conciles , aux privilèges du fainr
Siège, 6c aux intentions de leurs Fondateurs, en obfervant la-'
règle Ôc la difcipline qui y avoient été établies. Douze Evêques-
foufcrivirent auxacles de ce Concile, ôc après eux les Abbés ÔC-
ies Prêtres.
^6o C O N C I LES
CHAPITRE XXVI.
CoNCi LES d'Altino , i'Aïx-la-Chavdle , d'Arles»
de Ma.yence , de Reuns , de Tours, de ChJdons-J'ur'-
'Saône , d^ Aix-la-Chapelle,
Concile î* T E A N j Duc de Vcnife , voulant faire plaifir à l'Empereut
d'Altino tn J Nicephore , eflaya de faire élire Evcque d'Olivito un
C)lcil°'^'pL\ no"''^''<^ Chriftophe , Grec de naiiTance. Les Tribuns s'oppo-
1187. ferent à (on Ordinarion , & prièrent le Patriarche de Grade de ne
le point confacrer. Celui-ci alla plus loin , il excommunia C^hrif-
tophe ; ce qui irrita tellement le Duc de Veiiife , qu'ayant mené
uneFlote contre la Ville de Grade , il s'e.i rendit m.al-re , ôc fît
précipiter le Patriarche d'une Tour très-haute avec d autres
Frctres,qui en moururent, Paulin, Patriarche d'Aquiiée, in-
formé de cette violence , affembla.au mois de May de l'an 805
un Concile à Altino , d'oii il écrivit à l'Empereur Charles une
Lettre fynodale, où il fe plaignoit que des Prêtres avoient été
tattus , ôc laiiTés demi-moxts , d'autres même tués ; l'exhortant à
en faire juflice , comme l'unique Protecteur de l'Eglife , aîin que
l'exemple d'une juftc féverité arrêtât le cours de ces excès , qui
étoient devenus frcquens par l'impunité des défordres. Il deman-
doit encore que la Sentence que ce Prince rendroit à ce fujet
fut publiée dans toute la Monarchie, afin qu'on ne l'oubliât
jamais. On ne fçait point la fuite de cette aHaire , finon que les
''i'ribuns de Venife firent élire Forcunat à la place du Patriarche
mis à mort par le Di:c.
■Corcile IL La même année Paulin d'Aquilée , en qualité de Légat
f',pr.g.i7i>;Si fait aiîembler à Aix-la-Chapelle- Il nous. en refte un Capi
"^c's^ ' ^'^' divifé en fept articles. Les trois premiers fontpour le maintien
des biens appartenans à l'Eglife , la liberté des éleèlions , ôc la
confervation des privilèges ôc des domaines Eccléfiadiqucs.
Les trois fuivans contiennent les plaintes formées contre les
co-Evêques , ôc le décret rendu contr'eux. LT.mpercur y dit ,
■qu'ayant c.té fouvent fatigué des remontrances faites contre les
.,co-Evcques ^
DU NEUVIEME SIECLE, s^i
co-Evêques , non-feulement parle Clergé, mais encore par les
Laïcs , il avoir envoyé l'Archevêque Arnon au Pape Léon pour
le confuker fur cette affaire, afin que les Evêqucsde fon Empire
puffent la décider , fuivanc l'autorité du faint Siège ; que la
réponfe du Pape porcoitquelesco-Eveques n'avoient le pouvoir
ni d'ordonner des Prêtres , des Diacres & des fous-Diacres , ni
de dédier des liglifes , confacrer des Vierges , donner la Confir-
mation , ou faire aucune fonttion Epifcopale ; & que tout ce
qu'ils avoicnt prétendu faire par attentat, devoit être fait de
nouveau par des Evêques légitimes , fans crainte de réitérer ce
qui étoit nul ; que le Pape avoit ordonné de condamner tous les
co-Evêques , ôc de les envoyer en exil , en trouvant bon toutefois,
que les Evoques les traitaffent plus doucement , 6c qu'on les mît
au rang des Prêtres , à condition de n'entreprendre à l'avenir
aucune fonttion Epifcopale, fous peine de dépofition. C'efl: ,
ajouta l'Empereur , ce qui a été ordonné au Concile tenu à
Ratifbonne par l'autorité Apoftolique , & on y a déclaré
que les co-Evêques n'étoient point Evêques, parce qu'ils n'a-
voient été ordonnés ni pour un Siège Epifcopal , ni par trois
Evêques. Nous avons donc, continue ce Prince, ordonné, de
l'avis du Pape Léon, de tous nos Evêques 6c nos autres Sujets,
qu'aucun co-Evêque ne pourra donner la Confirmation , ordon-
ner des Prêtres, des Diacres, ou des fous-Diacres , donner le
voile à des Vierges , faire le faint Chrême , confacrer des Eglifes,
ou des Autels , ou donner la bénéditlion au peuple à la Meffe
publique ; le tout fous peine de nullité , 6c de dépofition de tout
rang Eccléfiadique pour le co-Evcque, parce que toutes ces fonc-
tions font Epifcopales,ôc que les co-Evêques ne font que Prêtres.
C'efl: pourquoi lesEvêques confirmeront,ou ordonneront de nou-
veau ceux à qui les co-Evêques ont impofé les mains , 6c ainfidu
refte, fans craindre de réitérer les Sacremens ; parce qu'il eft écrit
que l'on ne doit point regarder comme réitéré,ce que l'on prouve
n'avoir point été fiit. Le feptiéme article traite de la manière
dont un Prêtre accufé devoit fe juftifier , 6c de la qualité des
témoins ôc des accufateurs. Il eft ordonné que fi l'accufateur efl:
tel que les Canons le demandent, 6c qu'il prouve en préfencc
des Evêques , par un nombre fuffifant de témoins dignes de foi ,
ôc qui foient de bonnes mœurs , le crime dont il accufe un
Prêtre, celui-ci fora condamné canoniquement; mais que fi l'ac-
cufateur ne prouve point, il fera lui-même jugé canoniquement.
Le Capitulaire ajoute que fi un Prêtre n'eft que foupconné de
TomQ XXIL Bbbb
y($2 CONCILES
crime , fans qu'il y ait des preuves qu'il en foit coupable, H
prouvera foii innocence en préfence de plufieurs Prêtres , ou
devant le Peuple, en faifant ferment fur les quaïxe Evangiles,
quil cft innocent de ce dont on le foupçonne.
Conciles de III. On a remarqué en fon lieu que le Patriarche Taraife
Conftannno- ayoit dopofc le Prêtre Jofepii pour avoir donne' la bënédiîtion
80^, tom. 7 , su mariage illicite de l'Empereur Conftantin avec Théodore ,
Cor.al. pj^. ^ que ce Prêtre ayant dans la fuite gagné les bonnes grâces de
u^itT'iiiii i'£f,-,pereur Nicephore, ce Prince preli'a fi vivement le Patriar-
che Nicephore , fuccelfeur de Taraife, qu'il rétablit Jofeph
dans fes fonïtions. Il ne voulut pas toutefois caffer de fon auto-
rité le décret de Taraife ; il aiïembla à cet effet en io6 un Con-
cile d'environ quinze Evêques. Saint Théodore Srudite qui fe
trouvoit à ce Concile , s'oppofa à fon décret , comme il sétoit
oppofé au mariage de Conllaniin avec Thcodote ; Ôc le lende-
main il fignifia fa proteftation au Patriarche , après quoi il fe
fépara de (a communion avec tous fes Moines. Saint Platon prit
le même parti , 6c quelques mouvemens que l'Empereur fe
donnât pour les obliger lun & l'autre à approuver fon mariage ,
ils le refuferent conframment. Ce Prince les voyant inébran-
lables affeinbla un Concile en S09 , où il les fit coiviparoître ayant
les chaînes aux pieds. Ils y furent traités indignement ; & le Con-
cile, fans s'arrêter à leur oppofition , déclara que le niariage de
Conftantin avoit été légitime par difpenfe. En conféquence, il
prononça anathême contre ceux qui ne recevoient pas ce qui
avoit été fait à cet égard par le Parriarche Nicephore. L'Empe-
-reur fit fignifier ce, décret à faint Platon & à faiut Théodore , de
même qu'à Jofeph fcn frère , qui éroit Archevêque de Thefialo-
nique , quis'étoit oppofé , comme lui , au décret du Concile de
8o(5 5 Ôc après les avoir fait mettre en prifon , &. leur avoir figni-
fié le décret de dépofition ôc d'excommunication , il les relégua
tous trois dans des Ides voifmes de Conftantinopie , avec ordre
de les mettre en des prifons féparées.
ConcHe.''^ IV. En 807 le vingr-fix de Janvier , Amon, Métropolitain
f?l?bour;^, de Salzbourg en Bavière , tint avec phifieurs Evêques , Abbés ÔC
l,"'"'^"'^-;' autres Clercs, un Concile où l'on agita principalement la quef-
k'Cointe,tom tion des dixmes. Il y fut déclaré que, fuivant les ufages 6c les
7jpag.9i. f^atuts des Anciens, on en feroit quatre parts , une pour l'Evo-
que, une autre pour les Ckrcs , la troifiénie pour les Pauvres, ôc
une quatrième pour la Fabrique de l'Eglife. Nous n'avons qu'un
:précis des actes de ce Concile-, donné par-Bruner-u^fur un-anaeb
Eîanuicrit deFrifingue,
DU NEUVIEME SIECLE. ^$i
V. Il eft fait mention dans la Chronique de Moiflac fur l'an Condlei
802 , d'un Concile tenu au mois d'Oètobre à Aix-la-Chapelle, peiie''en SoT
en préfence de l'tmpereur Charlemagne. Ce Prince y fit lire 8cSo9,tom.7,
tous les Canons & les Décrets des Papes , 6c ordonna qu'ils ^'^''^if^i'
feroient obfervds à l'avenir , tant par le Clergé que par le Peuple.
Comme il avoit fait venir à ce Concile les Abbés & les Moines ,
il les obligea au(îi à faire obferver dans leurs Monaftercs la Règle
de faint Benoît, & à réformer tous les abus contraires à cette
Règle. Au mois de Novembre de l'an 8op le même Prince
alTembla un Concile en cette Ville pour y examiner la queftion :
Si le Saint-Efprit procède du Fils comme du Père. Elle avoit
auparavant été agitée à Jerufalem par un Moine nommé Jean.
L'Empereur ne voulant rien décider fur cette matière fans l'avis
du faint Siège , députa à Rome Bernard , ou Bernaire, Evêque
de Vormes, 6c Adélard, AbbédeCiorbie, avec une Lettre delà
faconde Smaragde, Abbé de faint Mihel, contenant les paf-
fages de l'Ecriture ôc des Pères qui montrent que le Saint-Efprit
procède du Fils comme du Père. Les Députés lurent cette
Lettre au Pape Léon avec qui ils entrèrent en conférence. Le
réfultat qui en a été fait par l'Abbé Smaragde , préfent à la confé-
rence j porte : que le Pape convint que, fuivant la dotlrine de
l'Ecriture ôc des Pères, le Saint-Efprit procède du Père 6c du
Fils ; que l'on devoit enfeigner cette dotlrine à ceux qui l'igno-
roient ; mais qu'il ne fut point d'avis d'ajouter cet article au
Symbole , moins encore de le chanter ; qu'il permit toutefois de
continuer de le chanter danS le Palais de Charlemagne , à condi-
tion que peu à peu on aboliroit cet ufage qui s'écoit introduit
fans autorité. Son avis , à cet égard , ne fut point fuivi , 6c on
continua en France de chanter le Symbole avec l'addition Filio-
que. L'Auteur (a) de la vie de Charlemagne , dit, que l'on
traita dans le même Concile plufieurs autres matières touchant
l'état des Egliles , ôc la converhon de ceux qui y fervoient Dieu ;
mais que Ton n'y décida rien , à caufe de l'importance des chofes
qui y furent propofées.
V I. L'Empereur Charles avoit envoyé en 81 1 une Lettre „, C°""l«
1 • > 1 A L A 1 r r, I 1-1 Arles en
Circulaire a tous les Archevêques de fon Royaume, dans la- sij.wm. 7,
tjuelle il les prioit de lui faire fçavoir comment eux , 6c leurs P^S' '»3''
SufFragans, inftruifoient les Prêtres 6c les Peuples touchant le
(a) Vif -i Caroli , p. r Moncickam Egolifm, Duçheihe, lom. ■ va-'. 84.
Bbbbij
y(?4 CONCILES
Baptême & les cérémonies qui le précèdent & l'accompagnent;
Cette Lettre occafionna plulieurs Traités dont nous avons rendu
compte dans ce Volume. Deux ans après il afTembla un Parle-
ment à Aix-la-Chapelle , où il ordonna que l'on tiendroit cinq
Conciles dans les principales MétropolesdefesEtats, à Arles, à
Mayence , à Reims , à Tours & à Châalcns-fur-Saône , & que
les décrets lui en feroient apportés. Ces cinq Conciles fe tinrent
en 813. Les Réglemens que l'on y fit ont rapport à la Lettre
circulaire envoyée à tous les Archevêques , deux ans auparavant.
Le Concile d'Arles fut tenu le dixième de May dans l'Ëglife de
faint Eftienne. Jean, qui en étoit Archevêque, y préiida avec
Nebridius deNarbonne, qui fe qualifient l'un ÔcTautre, Envoyés
de leur très-glorieux ôc très-pieux Prince. On y fit vingt-fix
C^/z. T. Canons. Le premier contient une profefhon de Foi avec l'addi-
Can. 1. tion Ex Pâtre ù" Filio. Le fécond ordonne une Afiemblée géné-
rale dans l'Ëglife pour y chanter des fvlefles , Ôc faire des prières
C,!/i. 5. pour le Roi Charles. Il eft dit dans le troifiéme,que chaque
Archevêque exhortera fes Suffragans de fe mettre en état par
l'étude de l'Ecriture fainte, de bien infl.ruire les Prêtres & le
Peuple fur le Baptême , & tous les Myfleres de la foi ; parce que
l'ignorance étant la mère de toutes les erreurs, elle ne doit pas
fe trouver dans les Prêtres , qui font cliargés de i'inftruction des
autres. Il faut donc qu'ils fçachent ôc l'Ecriture fainte, ôc les
Canons ; ôc que tandis qu'ils enfeignent les Peuples , ils les édi-
Cm.4& î» fient par leur bonne conduite. Les quatrième ôc cinquième por-
tent, que les Laïcs, c'efl-à-dire, le? Patrons, ne pourront chalTer
des Eglifes les Curés à qui les Evêques en ont confié le foin , ni
yen mettre d'autres fans le jugement de leur propre Evêque, de
qui ils recevront les inftrutlions néceffaires, lorfqu'ils feront par
lui ordonnés pour la defferte des Paroifies ; que les Patrons ne
pourront non plus exiger des préfens pour confier à des Prêtres
le foin de quelques Eglifes, parce qu'il arrive fouvent que la
cupidité des Laïcs les engage a préfenter des Miniflres indignes
Car. c. des fonctions Sacerdotales. Le fixiéme veut que chaque Evêque
ait foin que les Chanoines ôc les Moines vivent cliacun , feloa
Can. 7. leur inflitut. Il eft ordonné par le feptiéme que l'on choilira des
hommes de bonnes mœurs , ôc d'un âge avancé , pour le fetvice
des Monaftcres de Filles ; que les Prêtres qui y iront célébrer la
Meffe , enfortiront aulfitôt qu'elle fera finie; qu'aucun Clerc,
ni Moine jeune , n'aura accès dans ces Monafteres , fi ce n eft à
laifon de parenté.
DU NEUVIEME SIECLE. j(?î
• VII. Il eft porté dans le huitième , que dans les Monaftcrcs Can. »«
de Chanoines , de Moines , ou de Religieufes , on ne recevra
qu'autant de perfonnes que la Maifon en pourra commodément
entretenir. On lit dans les fuivans, que chacun offrira de fon Can. 9,
propre travail les dixmes ôc les prémices à Dieu ; que non- „
îeulement dans les Villes , mais aulli dans toutes les Paroiffes , ' '"*
les Prêtres inflruiront de vive voix leur Peuple; que l'on féparera q., ,,
tous ceux qui ont contracté des mariages inceilueux , en leur
faifant d'ailleurs fubir la peine portée par les anciens Canons ;
que chacun contribuera de fon côté à l'entretien de la paix entre Can. n-
les Evêques , les Comtes , les Clercs , les Moines , ôc tout le
Peuple ; qu'à cet effet , les Comtes , les Juges , ôc tout le Peuple , Cw. i j.
obéiront à l'Evêque , &c qu'ils agiront de concert pour le maintien
de la Juliice ; qu'en tems de famine, ou de quelqu'autrc nécef- Can. n,
f\t6 , chacun nourrira ielon fes facultés ceux qui lui appartiennent ;
que les poids ôc les mefurcs feront partout égales ôc juftes ; qu'on Cn. ly.
n'expofera point publiquement des marchandifes les jours de Cm. is.
Dimanche, qu'on n'y tiendra point les plaids ; ôc ques'abltenant
de toutes oeuvres ferviles ôc de la Campagne, cliacun ne s'occu-
pera que du culte de Dieu , ou des chofes qui y ont du rapport ;
que chaque tvcque fera une fois l'année la vifitede fonDiocèfe, Cjn. 17,
ôc prendra la protection des pauvres opprimés, en employant
même l'autorité de la puiffance Royale pour réprimer ceux
qu'il n'auroit pu Héchir par fes prières ôc fes remontrances ; que
les Prêtres garderont fous la clet le faint Chrême , ôc ne le donne- Cw. i j.
ront à perfonne , fous prétexte de médecine , parce que c'eft un
genre de Sacrement que d'autres que les Prêtres ne doivent point
toucher ; que les parens doivent inflruire leurs enfans,ôclc3 Cm. f^.
Parains ceux qu'ils ont tenus fur les Fonts ; ceux-là , parce qu'ils
les ont engendrés ; ôc ceux-ci , parce qu'ils répondent pour eux ;
que l'on confervera aux anciennes Eglifes leurs dixmes ôc les O/;. zo.
autres biens dont elles font en poffeilion ; que pour ce qui regarde Cm, z 1.
lafépulture des morts dans les Bafiliques, on s'en tiendra aux
Décrets des anciens Pères ; que l'on ne tiendra point de plaids Cuû.h,
publics ôc féculiers dans les Parvis des Egliles , ni dans les
Eglifes mêmes ; que les perfonnes puiffantes , comme les Cn. îj.
Comtes , les Vicaires , les Juges , les Centeniers , n'achèteront
les biens des Pauvres que publiquement en préfence du Comte
ôc des plus Nobles de la Cité ; que chaque Evêque veillera fur Can.i^i
les Prêtres ôc les Diacres de fon Diocèfe , ôc obligera les Clercs
fugitifs de retourner vers leur propre Evêque , ôc les rendra i
B b b b iij
^66 CONCILES
dn. »î. ceux qui les répéteront ; que fi quelqu'un poflede en bénéfice
les biens d'une Eglife, ceft-à-dire , en ufurruit , il contribuera
non-feulement aux réparations , mais encore à la conftruftion
C^. z6. d'une nouvelle Eglife , s'il en eft befoin ; que ceux qui feront
convaincus d'un crime public , feront pénitence publique feloa
les Canons.
Concile de V 1 1 1. Le Concile de Mayence fut affemblé le neuvième de
Mayence en jyj^ dans le Cloître de la Bafilique de faint Alban , Martyr.
Concii'^'pL'. il s'y trouva en tout trente Evêques , vingt-cinq Abbés , ôc
«ij^. " plufieurs Laïcs, Comtes ôc Juges. Les Préfidens de raflfemblée
turent Hildebold , Archevêque du facré Palais ; Riculphe ,
Archevêque de Mayence ; Arnon , Archevêque de Salzbourg ;
ôc Bernaire , Evêque de Vormes. Pour régler plus aifément
toutes les affaires, on divifa raffemblée en trois bandes , dont la
première fut des hvêques qui dévoient s'appliquer à la confer-
vation de la difcipline Ecclefiaftique ; la féconde , des Abbés ÔC
des Moines , que l'on chargea de chercher les moyens de réta-
blir rObfervance Monaltique ; ôc la troifiéme , des Comtes ôc
des Juges , chargés d'examiner les Loix féculieres , ôc de rendre
juftice à tous ceux qui fe préfenteroient. CeConcilefitcinquante-
Can 4 ^"^"^ Canons ; voici les plus remarquables. Le Baptême fera
adminiflré partout fuivant l'ordre Romain ôc les Décrets du
Pape Léon , qui en fixe l'adminiitration à Pâques ôc à la Pente-
cote , fi ce n'elt en cas de nécelfité , où il eft permis , fuivant le
Cm. 6. Pape Siricc , de l'adminiftrer en tout tems. Pour conferver la
paix, les Evêques feront rendre, autant qu'il dépendra d'eux,
aux Orphelins ôc aux Pauvres, les héritages de leurs pères qui leur
Cil. p. auront été enlevés par des voyes injul1:es. Les Chanoines vivront
conformément à leur Règle, ne feront rien fans la permiffion
de l'Evêque, ou du Supérieur , mangeront ôc dormiront en
commun , ôc demeureront dans leur Cloître ; tous les jours dès
le matin ils s'affembleront pour écouter la letture ôc ce qui leur
fera commandé ; on lira pendant leur repas , ôc ils rendront
l'obéiiïance à leurs Maîtres fuivant les Canons. Ils s'abftiendront
des plailirs du fiécle , ôc n'aiiifteront point aux Spedlaeles ; ils
s'appliqueront à fétude , à la pfalmodie , ôc fe rendront capables
Can. M. d'inllruire les IVniples. Les Abbés vivront avec leurs Moines en
obfcrvant la Règle de faint Benoît , autant que la fragilité
Can. II. humaine le permet; les Moines n'iront point aux plaids fcculiers>
ôc l'Abbé même ne pourra y aller fans l'avis de fon Evoque ; s'il
a quelque Procc-s , il le tcr-a po;urfuivre par l'Avocat du Monaftere.
DU NEUVIEME SIECLE. ^67
Les Miniflres de l'Autel 6c les Moines ne comparoîtront point Cap. 14.
devant les Tribunaux féculiers pour des affaires temporelles , fi
ce n'cft pour la défenfe des Orphelins ôc des Veuves ; ce qui
n'empêche pas qu'ils ne prennent foin de leurs intérêts félon la
juftict'. Ceux qui ont quitté le ficcle , ne doivent avoir d'autres Can. 17.
armes que les fpirituelles ; mais les Laïcs qui demeurent chez les
Clercs , c"eft-à-dire , leurs Serfs , leurs Domeftiques , & leurs
Vaffaux , peuvent porteries armes , fuivant l'ancienne coutume,
qui fubfilloit encore alors. Les Envoyés du Prince avecl'Evêque C»n. i»*
Diocèfain examineront la fituation des Monafleres , tant des
Chanoines que des Moines ôc des Rcligieufes , s'ils font em
lieux propres à trouver tout ce qui leur ell: néceffaire , afin de
n'avoir pas befoin de fortir au-dehors ; ce qu'ils ne pourroicnt
faire qu'au péril de leurs âmes : ils examineront encore Cx les
édifices font conftruits ôc diftribués de manière quon puide y
faire tous les exercices de leur profellion. Les Evêques feront Cm. it;
jobligés de fcavoir combien de Chanoines lesAbbés ont dans leurs
Mon^lleres , ôc de concert avec les Abbés ils feront o^Tter ceu.x
qui font dans les Monafteres , de vivre en Aîoine ou en Cha-
noine, afin qu'après cette option , ils vivent conformément à la
llegle des Moines ou des Chanoines. A l'égard des Ciercs qui Cm.ix,
ibut faiis Supérieurs, ôc vagabonds , TEvêque les fera arrêter ; ÔC
au'C?.s qu'ils ne voudroient pas lui obéir , il les excommuniera;
s'ils ne fe corrigent point , on les mettra en prifon jufqu'au pre-
•mier Synode , ou ils feront Jugés. On aura foin à 1 avenir de ne Can. i j*
donner la tonfure Cléricale à perfonnc que dans lâge légitime,
•ôc dej'agrément de fon Maître, s'il eft Serf, ou de fa pleine
^c;lonté , s'il e(l libre.
IX. Si lEvêque eft abfent ou malade , il y aura toujouts C-J"- ^5»
quelqu'un qui prêchera la parole de Dieu les Fêtes ôc Diman-
ches , félon la portée du Peuple. Les Prêtres porteront toujours Cin.i.t.
rOrarium, eu l'Etolepour marque de la dignité du Sacerdoce.
On ol)fervcra la grande Litanie, ou les Rogations pendant trois
jours , ôc on y marchera nuds pieds avec la cendre Ôc le cilice,
li l'on n'en eft empêché par quelqu'infirmité. Les jeunes des Cm. 35..
Quatre-temps feront aulTi obfervés par tous les Chrétiens; ôc
celui qui méprifera le jeûne commandé , fera excommunié. Les Can. 54 > jy.
Fêtes d'obligation font , ie jour de Pâques avec toute la femaine ,
l'AL-en on j la Pentecôte comme Pâques , faint Pierre Ôc faine
Paul , faint Jean-Baptifte , l'AfTompticn de la fainte Vierge,
iàjnt Mickel , faint sKerai , laint Martin, faint André. A Noâl Can. j*»
j58 CONCILES
quatre jours ; l'Oclave du Seigneur , fon Epiphanie , la Purifi-
cation de la fainte Vierge ; les Fêtes des Martyrs ôc des Con-
feffeurs , dont les reliques font en chaque Diocèfe , ôc la Dédicace
Can. 57. de l'Eglife , avec tous les Dimanches de l'année. Dieu ayant
ordonné le payement de la dixmc , on ne négligera pas de la
Ciin. jS. lui payer. Aucun Prêtre ne chantera feul la Melle. Comment
diroit-il , le Seigneur ejl avec vous , fi perfonne n'étoit préfent
Can. 43. pour lui répondre , il ejl aujfi avec vous ? On avertira fouvent le
Peuple de l'aire l'offrande ôc de recevoir la paix , parce que l'of-
frande eft un grand remède pour les âmes ; 6c la paix que l'on
Cw. 44. reçoit marque l'unanimité ôc la concorde. Les Prêtres avertiront
les Fidèles d'apprendre le fymbole ôc l'Oraifon Dominicale: Ils
Cm.4î. impoferont des jeûnes ou d'autres pénitences à ceux qui le
négligeront ; à cet effet les parens envoyeront leurs enfans aux
Ecoles , foit des Monafteres , foit des Prêtres , pour apprendre
leur créance ôc l'enfsigner aux autres dans la maifon: ceux qui
ne pourront l'apprendre autrement , l'apprendront en langue
Cit.i. 4é. vulgaire. Pour détruire le vice d'yvrognerie , qui eft la fource
de tous les autres , on excommuniera les y vrognes. Comme il
n'étoit point décent que les Evêques ôc les Abbés adminiftraffent
Cxn. fo. par eux-mêmes leur temporel^il eft ordonné qu'ils choifiront pour
Vidâmes, Prévôts, Avoués ouDéfenfeurs^des hommes vertueux,
fidèles , juftes , doux , défintéreffés , non fujets au menfonge ôc
au parjure ; ôc de les deftituer au cas qu"ils s'acquittent mal de
Pan. ji. leurs foncbions. Défenfe de transférer les corps des Saints fans
la permiffion du Prince ; d'enterrer dans les Eglifes les morts , fi
ce n'eft un Evêque, un Abbé , un Prêtre , ou les Laïcs (i^deles >
Can. ji. d'en tirer les criminels pour les faire mourir; ce qui n'empêchera
pas qu'on ne puiffe leur faire payer la compofition de leur crime ;
Can. 19. de contratter mariage au quatrième degré de parenté 5 aux pères
Can. î4. ÔC mères , de lever leurs enfans des P'onts de Baptême ; aux
Can. J5. Parains d'époufer leurs filleules , ou la mère de celui ou de celle
quils auront menés à la Confirmation.
Concîle (ie X. Vulfaire , Archevêque de Reims , préfida au Concile
Reims en Sij, affemblc en cette Ville à la mi-Mai 8 i ? . Le nombre des Evêques
tom.7M'"cU. . > a • ' r\ \
«I;?. 1154- qui y adiuerent n eu point marque. On le commença par un
jeune de trois jours , comme on le fit à Mayence , ôc on y drefia
Can. 1,2,5. quarante-quatre Décrets, dont les trois premiers regardent le
foin que les Clercs doivent avoir de s'inftruire des fondions de
Can. 4. leur Ordre. On lut pour cet effet les Epîtres de faint Paul , pour
•>; apprendre aux Sous-Diacres, comment ils font obligés de les
lire ;
DU NEUVIEME SIECLE. ^69
"lire; on lut l'Evangile pour montrer aux Diacres à s'acquitter C<t/t. r.
du niiniilere qu'ils remplilTcnt au noni de Jefus-Cliriil: ; pour
les Prêtres qui n'ëtoient pas bien au fait des ccrcaionics de la **"■ '
Meire 6c des Rits du Baptême, ou lut ce qui concernoit cette
matière ; on lut encore les Canons pour les Chanoines; la Cm. s, 9,
Règle de faint Benoît pour les Abbés ; le Pailcral de fainr 13,11.
Grégoire, ôc plufieurs Sentences des Pères pour les Palpeurs.
Après quoi., on examina l'ordre de la pénitence , afin que les q,,_ ^^^
Prêtres compriment comment ils dévoient écouter les confef-r
fions ôc impofcr les pénitences aux péciieurs. On s'expliqua fur ç^^^ ,j.
la nature des huit vices capitaux pour en faire conncitre les
différences , ôc en donner de l'éloignement ; ôc on fit plufieurs
Canons pour régler les obligations des Evêques , des Prêtres ôc
des Abbés. Les Evêques feront des homélies à leurs Peuples, On. if, 17,
ne foufirironi- point qu'on fifle devant eux des jeux deslionnctes , '^"
•recevront les Pauvres à leurs tables , feront lire l'Ecriture fainte
pendant leurs repas, ôc ils éviteront les excès de bouche. Les Cm.zu
Prêtres ne pafferont point d'un moindre titre à un plus grand.
Les Abbés vivront félon leurs Règles, ôc obferveront dans leur q,j. ,3.
manière de vivre ôc de fe vêtir , la volonté de Dieu ôc celle de
l'Empereur. Les Moines ôc les Chanoines n'entreront point Can. ifi&3'^
dans les tavernes , ôc ne fe mêleront d'aucune affaire fécuiiere.
On didinguera ceux qui doivent faire pénitence publique, de
ceux à qui il ne faut en impofer que de fecrettes. Les donations c,fn. jx.
faites à l'Eglifc , d'un bien acquis par des voyes illégitimes ,
feront nulles , ôc le bien fera rendu à qui il appartiendra , en met-
tant en pénitence les ufurpateurs , félon la grieveté de leur faute.
X I. On ne fçait ni le mois ni le jour de la tenue du Concile Concile de
de Tours , ni qui en fut le Préfident. Ce fut fans doute l'Ar- Tourser.815,
chevêque de cette Ville. Plufieurs Evêques y affilièrent , avec [^'"^ i'^,y!"'
des Abbés ôc le Clergé. Les Canons de ce Concile font au '' '
nombre de cinquante-un, la plupart conformes à ceux des trois
Conciles précedens. Permis à l'Évoque de prendre dans le tréfor q^^ , j^
del'Eglife, en préfence des Prêtres ôc des Diacres, dequoi fournir
aux befoins de la famille de cette Eglifeôc des Pauvres. Perfon«e
lie fera ordonné Prêtre avant l'âge de trente ans ; ôc avant d'être r-n. n,
promu au Sacerdoce , il demeurera dans l'Evêché pour y ap-
prendre fes fondions , ôc y donner des preuves de fon idonéité
pour le faint miniûere. Un Prêtre ne pourra célébrer lOtlice C.w. 14.
dans une Paroiile étrangère fans Lettre de recommandation.
^Chaque Evêque aura des homélies pour l'inftrudion de fon
Tome XXI L Ce ce
no CONCILE S
Caiu 17. Peuple ; & afin qu'elles puiflent être entendues de tous , il les
fera traduire clairement en langue Romaine ruftiqueou en langue
Tudeiquc. Il n'y avoir que ces deux langues qui eulTent cours
en France : la première étoit celle des anciens Habitans Gaulois
Romains, c'eft-à-dire , le Latin , mais alors fort corrompu;
lautre étoit la langue des Francs 6c des autres Peuples de la
Can. 18. Germanie , répandus dans l'Empire François. Les Evêques
auront foin d'inllruire leurs Prêtres touchant le Baptême & les
Can, ip. renonciations qui s'y font. Ils les avertiront aulTi de ne pas donnée
indifféremment après la Mcfie le Corps de Notre Seigneur,
aux enfans ôc aux perfonnes qui s'y rencontrent, de peur que
s'il s'en trouvoit qui fuffent cliargés de crimes , l'Euchariftic au
lieu de leur être un remède , ne leur attirât la condamnation.
On obfervoit donc encorel'ancien ufao;e de diftribuer aux enfans
ce qui rcftoit de l'Euchariftie', après la Communion générale. ■
Can. 1 j. Pour obferver l'uniformité dansl'adminiflration de la Pénitence,
les Evêques conviendront à leur première alTemblée dans le
facré Palais , duquel des pénitentiels des Anciens on fe ferviraà
l'avenir envers ceux qui viennent confelTer leurs péchés. On
Can, 34, avertira les Comtes & les Juges de ne point admettre en témoi-
gnage les perfonnes viles & fans probité , à caufe de leur facilité à
^ ,0 ^2 parjurer pour un léger intérêt. Les Fidèles feront avertis
'^ * d'entrer à l'Eglife lans bruit & fans tumulte; ôc de s'abftenic
pendant la Meffe , non-feulement de difcours inutiles , mais de
mauvaifes penfées.
Cr/2. 41. X 1 1. Il paroît par le quarante-unième Canon , que lesDccrets ■
du Concile furent envoyés à l'Empereur Chartes , puifque les
Evêques lui adrefferent la parole en ces termes : Nous avons
chez nous plufieursincedueux, parricides ôc honiicides qui per-
féverent dans leurs crimes , nonobftant nos e.xliortations ; nous
en avons déjà excommunié quelques-uns , qui n'en tiennent
compte : C'eft pourquoi nous prions votre clémence d'ordonner
Can. 41. ^^ 9^ '^ ^'^ ^'^"^ faire. Ils ordonnent d'avertir les F'idelcs , que '
les fortileges ni lesenchantemens , ou les ligatures d'herbes ou -
d'tjflTemens, ne peuvent guérir les hommes ni les animaux, fié
Can. 1,1. que ce ne font que des illu(ions du Démon ; de les avertir encore
de ne pas prendre le nom de Dieu en vain : ce qui fe fait lorfqu'à
chaque occafion qui fe préfente d'affurcr quelque fait , on en
G»n. 17. prend Dieu à témoin. Les jeûnes ordonnés généralement pour
quelque nccefïité , feront obfervés de tous. Les Laïcs commua
Can. îo. nieront au moins trois fois l'an ^ s'ils n'en font empêchés prr dfr
DU NEUVIEME SIECLE, pt
grands crimes. Il y avoit des Monaderes peu nombreux , dont Can'V/.
les Abbcs qui vivoicnt .plutôt ca Chanoines qu'en Moines, ne
faifoient pas promettre à leurs Moines l'obfervance ; le Concile
ordonne , qu'ils feront reformés fuivant la Règle de faint Benoît.
.11 défend de donner le voile de la Religion aux Hlles avant ii^ge Cm. x».
de vingt-cinq ans , s'il n'y a néce.Iitc. L'Empereur avoit averti q^j ,,
d'exammer (bigneufcment ceux qui prétendoient avoir été dé-
pouillés de leurs biens : les Evêques iirent à ce fujec toutes h:s
recherches nécelfaires ôc ne trouvèrent aucune plainte contre
i'Egiife; & il ne pouvoir y en avoir, car, difent-ils, il n'y a prelque
perfonne qui donne fon bien à rEglife, fans rccevoirautanr, ou le
double ou le triple des biens de l'Eglife en ufufruit , avec con-
vention d'en laiifcr jouir fes enfans ou fes parens,qu'iladéfignds ;
& nous leur avons offert la faculté de retirer ces biens aliéné:; par
leurs parens, dont ils étoient déjà exclus par la Loi, pour les
tenir de l'Eglife en Bénélice, c'ef:-à-c!ire enl'ief.
XIII. Les actes du Concile de Châlons-fur-Saône font „,^°"^''^ ''^
couime celui de 1 ours fans date de mois ôc de jour. Les "-ionecn s'n,
Evêques de la Gauie Lyonnoifey alfifterentavec les Abbés, Ôc : >'«• ',Co.-:ci2.
firent foixante-fix Canons. Il y eil: ordonné , que conformément '^//' ''''°'
à l'Edit de l'Empereur, les Evêques établiront des Ecoles, où ""'"' ^*
lesClercs apprendront les bonnes Lettres & les faintes Ecritures,
non-feulement pour fe rendre capable? d'inflruire les Peuplai ,
maisaulTi pour rélifter aux Hérétiques & détruire leurs erreurs ;
que les Evoques uferont des biens de l'Eglife, non comme de Cj^'-c-
leur bien propre, mais d'un bien qui leur ei!: confié pour en;iider
les Pauvres ; que les Evêques & les Abbés qui auront perfuadé Cm. 7.
à quelques perfonnes de renoncer au monde pour donner leurs • *
biens à f Eglife , feront foumis à la pénitence Canonique. 6"il
arrive aux Prêtres de mettre des fruits 6c tout autre produit de Cr.?. s.
leurs terres en réferve , cène doit point être dans la vue de les
vendre plus cher , mais pour fecourir les pauvres en difette.
Défenfe aux Prêtres, aux Diacres & aux Moines de prendre des dn. n.
terres à ferme ; aux Evêques de faire jurer ceux qu'ils ordonnent, c^^ ,j.
<<]u'ils en font dignes , qu'ils ne feront rien contre les Canons , &
qu'ils obéiront à l'Evêque de qui ils reçoivent rOrciin;!t!on ,
parce que ce ferment eft dangereux; de faire des exaftions ijiicites Cm. 14.
■dans le cours de la vilite de leur Diocèfe ; d'être à charge à pcr-
ibnne , fi ce n'eft dans le beloin , & d'être à leuTS frères une
occafiondefcandale; aux Archidiacres d'exercer fur les Prôt.es Can. 15.
-de leur dépendance une domination tyrannique , en exigeant
Ce ce ij
S12 CONCILES
Can, M. d'eux des redevances ; aux Evéques de rien prendre pour le prix",
du baume qui entre dans le faint Chrême, ou du luminaire , nort
plus que pour la Dédicace des Eglrfes ôc pour les Ordinations j"
Cm. 17. d'exiger des Prêtres , des cens annuels , 6c de recevoir des
Can. 18. amendes par les incellueux, par ceux qui ne payent point les-
dixmes ,.ou parles Prêtres négligens ; ces forces d'amendes pou-
Cvu ip. vant donner lieu à l'avarice. 11 eft ordonné , que les familles'
payeront la dixme à l'Eglife où elles entendent la Melfe pendantr
toute l'année, & oij eUes font baptifer leurs enfans. On avoit-
Cui. iç. aboli en beaucoup d'endroits l'ufage de la pénitence publique
fuivant les anciens Canons ; le Concile veut que l'on recoure
à l'autorité de l'Empereur , afin que les pécheurs publics faiTenr
pénitence publique , qu'ils foient excommuniés ôc réconciliés"
Ceui. '-6, (èlon les Canons. Sur les plaintes que les Eglifesqui fetrouvoienr
dans les Domaines des Particuliers, étoient partagées entre les
héritiers ,iufqu'à faire d'un feul autel quatre parts , dont chacune
avoit fon Prêtre , le Concile défendit ces partages , ordonna que
jufqu'à ce que les héritiers fuffent convenus du Prêtre qui devoif
deflervir feul cette Eglife, l'Evêque Diocèfaia défendroit d'y
célébrer la MelTe. Voilà le Patronage la'ic.
Ctin. 50. XIV. On n'annullera point les mariages contra£lés entre des-
perfonnes Serfs , quoiqu'appartenans à ditferens Maîtres , pourvij-
qu'ils fe foient mariés de leur confentement ôc félon les Loix ; '
Can. 51- mais ils continueront chacun à fervir leur Maître, On ne féparera'
point non plus les femmes qui ont tenu leurs enfans à la ConHr--
mation , par mégarde , ou par malice, pour quitter leur mari :
mais elles feront mifes en pénitence pour toute leur vie. Quel-
Can.ii. ques-uns ne fe confeffoient pas entièrement aux Prêtres. Le-
Concile déclare , que l'homme étant compofé de deux fubflan—
ces , de l'ame ôc du corps, il pèche tantôt par un mouvemenf
de i'efprit , tantôt par la fragilité de la chair, qu'ainfi il doit con--
feffer également les péchés de penfée , comme les péchés exté-
Can. ;;. ricurs ; qu'il ne fuHit pas de fe confefl'er de fes péchés à Dieu,
Can. 34. Qu'il faut encore s'en confeffer aux Prêtres ; que ceux-ci dans le
jugement qu'ils portent des péchés, doivent prendre garde de
ne fe pas laifler prévenir de quelque paifion envers les Pénitens ,
foitde haine , foit de faveur, mais prendre pour règle les Canons'
Gi/î. 3:. de l'Eglife. Il blâme ceux qui dans la pénitence penfent moins à'
effàcer leurs péciiés , qu'au tems où la fuisfadion qu'on leur a'
impofée finira , 6c qui lorfqu'on leur interdit le vin & la chair,
clitrchcnt. d'autres viandes ôc d'autres boiflbns plus délicieufcs j'.
DU NEUVIEME SIECLE. ^î
Te vrai pénitent devant fe priver abfolument des plaifirs du corps. ^
jl ajoute contre ceux qui pcchoient de propos dchberc , dans
l'efperance d effacer leurs péchés par des aumônes , qu'il ne faut
pas pécher pour faire l'aumône , mais la faire parce qu'on a péché;
qu'au refte les Prêtres en impofant la pénitence aux pécheurs, Cm. -7&î«.
doivent confulter l'Ecriture iainte, les Canons & la coutume de
l'Eglife, ôc non les Livres pénitentiels , dont les erreurs font
certaines &c les Auteurs inconnus, ôc qui flattent les pécheurs eit
leur ordonnant des fatisfactions légères & inudtées pour de
grands péchés. 11 faut expliquer ce que le Concile dit des Livres
pénitentiels, par cequi en eil dit dans celui de Tours rapporté
plus haut : fçavoir ,que l'on choifu'a parmi les pénitentiels anciens
celui que l'on doit fuivre.
XV. Comme il n'y a aucun jour où nous ne devions prier Cw. 39.
Dieu pour nos befoins, il n'y en a point où l'on ne doive faire
à la Méfie des prières pour les Morts , fuivant l'anciennef
coutume de l'I:elifc& la dodrine defaint Aupuinn. Les Préires , ^■'"' 40.-
qui étant dégradés pour leur négligence , vivent d'une manière
féculiere & rcfufent de faire pénitence , fercnc renfermés
dans des Monafteres; fi cela ne fe peut & qu'ils continuent dans
leurs déreglemens , ils feront excommuniés. Ceux qui ayant C.i/z. 41.
quitté leur propre Eglife, pafi"ent à une autre, n'y feront point
reçus fans donner des preuves de leur bonne vie , & fans apporter
avec eux des Lettres où le nom de l'Evêque & de la Ville fcic
imprimé fur du plomb. Il y avoircn quelqT.ies lieux des EcolTois Cm. 45.
qui fe difant Evêques , ordonnoient des Prêtres ôc des Diacres
fans la permiluon de leurs Seigneurs ôc de leurs Supérieurs ; le
Concile déclare nulles ces Ordinations, comme étant abufivej
& la plupart fimoniaques. En s'expliquant llir les pèlerinages Cin. 4^,
quifcfailcient à Rome ou à Tours, foit par des Prêtres ôc des
Clercs qui prétcndoient par-là fe purifier de leurs péchés , ôc en
çonféquence être rétablis dans leurs fondions ; foit par dcsLaVc?
qui s'imaginoient acquérir l'impunité pour leurs péchés paifés
ou à venir ; fcit par les Pauvres qui en prcnoient un prétexte de
mendicité : Nous louons la dévotion de ceux qui pour accom-
plir la pénitence que le Prêtre leur a confeiliée font ces pèleri-
nages en les accompagnant de prières, d'aumônes Ôc de correc-
tion de leurs mœurs. Il marque l'ufage delà Communion gêné- Cun.^r.
raie au Jeudi faint , & dit que , félon la dodrine de l'Apôtre faint
Jacques 6c celle des Pères , l'ondion que l'on fait aux malades Can.j^i.
aTcc de l'huile bénite par l'Evêque , efl une médecine utile
C c^c lij
574 CONCILES
pour guérir les langueurs du corps & de i'ame; qu'à l'égard de
ia Communion , il f?,ut éviter de trop la différer , ou de s'en
approcher indignement , ôc s'a-btlenir quelques jours auparavant
des oeuvres de ia chair , ôc fe puririer !e corps ôc lame. Le
Concile ne fait aucun règlement pour les Moines ôclesMoniales.,
fe contenrant de les renvoyer à la Règle de faint Benoît ; mais il
en fait quelques-uns pour les Chanoinelfes , principalement fut
l'exactitude à l'Oi^ice divin*, à ia lecture , ôc à la clôture.
Capitulaire X V I. Les Décrets de ces cinq Conciles ayant été envoyés à
de Charieina- ['Empereur Charles , ce Prince les fit examiner en fa préfence à
fom.T.Coaa'. Aix-la-Chapelle , au mois de Septembre de fan 8 i î , ôc en forma
pig. 11H7. un Capitulaire de vingt-fix articles contenant les Canons dont
l'exécution avoit plus befoin de la Puiifance temporelle. Il y
ajouta deux articles qui n'avoient point été traités dans ces cinq
■Conciles. Le premier porte que l'on s'informera , s'il étoit vrai,
comme on le difoit , qu'en Autriche les Prêtres découvroieat
.pour de l'argent les voleurs , fur leurs confeifions. Le fr^cond.,
-qu'on s'informeroitauili des hommes fujets au droit de Faide.,
qui fùfjient du trouble les Dimanches ôc les Fêtes , afin d'em-
u/i "^l^^V^ pêcher qu'ils n'en liiTent à l'avenir. On appelloit Faide dans les
•Hift. Lcch!. f . , 1 1 j • > • I j. 1 ' j
Liv. 4* , tom. Loix barbares , le droit qu .avoient les parens d un homme tue de
,io,^2g.iSi. venger fa mort par celle du meurtrier. Ce Capitulaire dans un
raanufcrit de Gand contient deux autres ariicles, dont l'un règle
la vie des Chanoines ôc des Moines ; l'autre défen \ aux Prêtres ,
ôc aux autres Clercs , l'entrée dans les Monalleres de lides fans
nécelfité ; ôc aux femmes de parcourir les raaifons des Clercs,
.-«I» ,-*v-, .-l'rv, ,-ïii. .s/K. ■»». -vik .-v^., ,-ïtt- -ïit ^v. .-»K.. '!/v .-ïu- ^-VV; ,<n; .•*i», -y», .-y», .-vit .-»u ,<ii^ ,sr»i
G II A P I T Pv E XXVI I.
.C 0 N c .1 L E s de Conjîaminople ., de Noyon .,
d'Aix-la-Ckapclle ., de Cclchyte ., de Thionville 3
de Trehiir, de Cloveshou & d'Attigny.
Concile lie t ^r >t^ t r /^ i, a
Conftr.ntno- L T Lmpereur Leon , lurnommé l Arménien, s étant
if-.n. 7,Ca/7fi/.
pie en 814, fli déclaré pour le parti des Iconoclaitcs, choilit pour lui
aider à l'établir , un Prêtre nommé Jean , à qui il promit , s'il le
vim Théo'd.vi faifoit réuilir , de lui donner le Siège Patriarchal de Conflanti-
^wr«. ' ^"^ "°P^^ » ^ Antoine , qui de Moine ôc d'Abbé étoit devenu
DU NEUVIEME SIECLE, n?
Métropolitain de Sylée , ou de Perge , Capitale de Pamphylie.
Aidé de leurs conleils , il attaqua ouvertement le Patriaiche
Nicephore , ôc n'ayant pu l'oblircr à condamner le cuite des
Images , il manda à Conitantinople la plupart des Evoques qui
en dc'pendoient , efpcrant de leur faire embralier fon erreur.
Ceux qui le refufercnt furent mis dans des cachots, où on leur fit
fouffrir beaucoup de mauvais traitemens ; on laiiïa en liberté
ceux qui paroifloient dirpofcs à fuivre la volonté du Prince. Le
Patriarche témoin de cette conduite ,e>;hortoit les Catholiques à
demeurer fermes, redoublant fes prières vers Dieu. Il aiïembla
dans le Palais Patriarchal autant d'Evêques &: de Aîcin.es qu'il
Eut, & après avoir pafïéia nuit en prières avec eux dans la grande
,glife,il monta fur l'ambon ôcdit anathême à Antoine de Sylce ,
comme prévaricateur. Le peuple qui étoit préfent répondit, a:ia-
thcme. L'Empereur averti de cette afiemblée s'en plaignit au
Patriarche , comme d'une fédition, & lui ordonna de venir au
Palais avec les Evoques & les Moines. Ils y allèrent. Le Patriar-
che Nicephore entra en matière avec ce Prince , & traita à fonds
la queftion des Images. Léon voulant une conférence en règle
entre les Catholiques 6c les Iconoclades, fit entrer les Evoques
des deux partis , avec les Grands & les Officiers de la Cour,
Pépée nue à la main, pour intimider les Catholiques. Nicephore,
après avoir montré que le culte des Images étoit plus ancien que
Leonl'Ifaurien , ôc Confcantin fon fils , refufa d'entrer en con-
férence avec les ïconoclaftes dans le Palais , difant que , s'agiilLinc >
d'une matière Eccléliaftique , on devoir la traiter dansTEglife,
fuivant la coutume. Les autres Evêqucs Catholiques opinèrent
de même. Pierre de Nicée dit à l'Empereur: Comment voulez-
vous que nous entrions en conférence avec les Iconociaftes ,
pendant que vous les foutenez ? Ne fçavez-vous pas que les
Manichéens mêmes l'emporteroient, fi vous étiez de leur coté ?
Euthymius de Sardes ajouta, qu'il y avoir plus de huit cens ans
que l'on peigncit &que l'on adoroit l'Image de Jefus-Chrifl ; que
perfonne ne leroit afiez hardi pour abolir une tradition fi ancienne,
& confirmée par le fécond Concile de Nicée fous Conflantin 6c
Ircne. Théodore Studite prenant la parole après les Evcques ,
pria l'Empereur de ne point troubler l'ordre de l'Eglife, en lui
repréfentant que l'Apôtre ne dit rien des Princes temporels dans
lé dénombrement des Minières de l'Eglife j qu'ils font cb.argés
de l'Etat & cie f Armée , & qu'ils doivent laifl'er l'EgilTe aux
Paûcurs ôc aux Dodeurs. Léon irrité de ces remontrances les
57<^ -CONCILES
chaffatousdu Palais, avec défenfe de plus paroître devant luî.,
ni de parler fur cette matière. On trouve à la fuite de ce Concile
dix-fept Canons , fous le nom de Nicc;phore , Confefieur, impri-
mes d'abord dans le troifiéme Livre du Droit Grec. Le dix-
feptiénie défend de donner les Sacremens à ceux qui prêtent à
ufure. Letroifiéaie & le quatrième condamnent certains Livres
apocryphes qui avoient cours alors, entr'autres , les Révélations
ou Apocalypfes de Zozyme , d'Efdras ôc de faint Paul.
Concile des IL Quoique l'Empereur Léon eût défendu au Patriarche
Iconoclaftes Nicephore de prêcher ôc de parler du culte des Images , il ne
aConftantinc- . -rr i i'- • r i r • » r
pie en 8 15 , unla pas de 1 mvjter une ieconde rois a une conférence avec
t.;w.7,C(?nri/. les Iconoclaftes. Il refufa de l'accepter jufqu'à ce qu'on lui eût
ïdùsNicephor. ^^''■'^^^'^ ^^ gouvernement libre de fon Eglife , qu'on eût remis en
cap. lo, nu!n. liberté les Eveques Catholiques que ce Prince avoir fait mettre
''°V'a/'^' ' ^'^ ptifon , ôc que l'on fût convenu que la conférence fe tiendroit
cj.f. 6. ' dans l'Eglife ôc non dans le Palais. Les Evéques Iconoclaftes
qui précendoient repréfenter le Concile de la Cour, pcrfuade-
rent à l'Empereur de rejetter ces conditions ; ôc après avoir fait
une nionition par écrit au Patriarche, voyant qu'il ne vouloit
point comparpîtrcj ils défendirent de le reconnoître pour Pa-
:triarclie ôi de le nommer à la MeiTe. Il fut enlevé quelques
jours après par ordre de l'Empereur ôc envoyé en exil. Qn voulut
mettre à fa place Jean lEconomante ; mais fur les remontrances
des Patrices l'Empereur changea d'ayis , ôc fit ordonner Patriar-
che de Çonftantinople, l'heodote , fils du Patrice Michel, le
jour de Pâques, premier d'Avril 8 1 j. Après les Fêtes , les Evo-
ques Iconoclaftes ôc ceux des CatJioliques qui avoient cédé aux
violences j s'aflemblerent dans l'Eglife de fainte Sophie. Les
Abbés orthodoxes furent appelles au Concile. Quelques-uns
comparurent avec fermeté. Lesautres, nommémentS.TheoJore
Çtudite, s'en ex'çuferent par Lettre, difant que fuivant les Canons,
on ne devoir faire aucun Acte Eccléiiaftique, furtout touchant
la Foi , fans le confentement dç l'Evoque Diocèfain. Theodote
préfidoit à l'affemblce : mais lesOrthodoxes le regardoient comme
Intrus. Les Moines qui préfenterent la Lettre de cet Abbé au
Concile furent renvoyés avec opprobre. Dans la première fefiîon
on lut ôc on confirma la délinition- de Foi du Concile tenu à Bla-
quernes fousConftantin Copronyme, cnyj"-}. Elle eft directe-
ment oppofée à la do6lrine de l'Eglife fur les Images. Enfuite on
prononça anathôme contre le fécond Concile de Nicée ôc contre
les Patriarches orthodoxes. Dans la féconde on fit comparoître
les
D U N E U V I E M Ë s I E C L E. ^77
les Evoques Catholiques que l'on croyoit les plus faciles àôtre
fcduits. Ils tinrent fermes pour la l'oi. Les Iconocly.(les.!es char-
gèrent de coups, les chaiïerent avec ignoininie, &c les livrèrent à
des Soldats , qui les conduifirent en prifon. On ufa de fembla-
bles violences envers les Abbds des principaux Mcnafteres. I..a
troifiéme (eilion fut eaiploviie à drelTer & à foufcrire la défini-
tion de Foi j en vertu de laquelle on etfaçu toutes les peintures
qui fetrouvoient dans les Eglifes, & on brila celles que fon ne
pouvoit effacer : ce qui vcriHa ce que faint Théodore Studite Toin.7,C<>'i-
avoit dit dans fa Lettre aux Evoques de ce Concile pour s'excu- '"-/'"a- 'î°*'
ier d'y aller, qu'il n'avoir été affemblc oui pour renverfer celui
de Nicée , c'eft-à-dire , pour abolir les Images de Jefus-Chrift,
de la Mère de Dieu ôc des Saints, & le culte qu'on leur
rendoit.
III. En France, Windelmare, Evoque de Noyon , & Ro- Coicile de
tard , Evéque de Soiflbns , revendiquoient mutuellement cer- ,'^.^^^"q1^cj7I
taines Paroiffes , qu'ils difoient être de leur Diocèfe. Wulfaire, pa^. l'joj.
Archevêque de Reims & ?,Iétropolitain , voulant terminer leur
conteflation , aflembla en 8 1 4. un Concile à Noyon , où, de l'avis
des Evêques de la Province, qu'il avoit convoqués , il fut con-
■venu & arrêté que tous les lieux du territoire de Noyon qui fc
trouvoient en-deça de la Rivière d'îfere , appartiendroient à
l'Eglife de Noyon ; 6c que ceux qui feroient fitués au-dcià de
•ce Fleuve , dépendroient de celle de SoifTons. Cet accommode-
•ment fut fcufcrit par les Evêques , co - Evêques ôc Abbés du
•Concile , 6c par le Clergé des deux Eglifes qui étoient en contef-
lation. Il eft parlé de cette affembléc dans Flodoard (û) 6c dans
la Chronique de Cambrai.
I V. Frotaire , Evêque de Toul , écrivant à Hetti , fuccefleur Concile de
-d'Amalaire dans l'Archevêché de Trêves , le prie de lui marquer j J,; g" ^^'"
■le tems auquel il tiendroit fon Concile', fuivant qu'il avoit été
■ordonné nouvellement. On ne fçait fi Hetti en affembla un , ni
-ce qui y fut réglé.
V. En 816, l'Empereur Louis le Débonnaire en convoqua ^ . Concile
■un général à Aix-la-Chapelle, où les Evêques fe rendirent au peiic'ênSrr,'
mois de Septembre de la même année. Ce Prince les exhorta à tjm.7,ConùU
drefler une Règle pour les Chanoines , tirée des anciens Canons /"^o- '3°r'
& des Ecrits des faints Pères. Son deU'ein en celaétoit de fouia-
(.a) F'iohmrd.iïb. i , civ. iS , Ckron. Cimeracenfe , :iô. i , ctp. ii.
Tome XX IL Dddd
378 CONCILES
ger les fimples & ceux qui, faute de capacité ou délivres, ne"
pouvoienc s'inftruire par eux-mêmes ; & en même tems de met-
tre de Tuniformité dans la vie des Clercs, foit îuperieurs, foit
inférieurs , ôc de les faire niarclier d'un pas égal dans la voye
qu'ils avoient choifie. Il fouriiit à cet effet les livres néceffaires.
Amalaire, Prêtre de l'Eglife de Metz , fut charge de la coni-
miffion ; mais il fe borna aux extraits des Pères & des Conciles.
Les Evêques d'Aix-la-Chapelle achevèrent le refre de la Règle,
ou plutôt des Règles : car il y en a deux ; une pour les Chanoines
Ôc une pour les Religieufes Chanoinelfes.
Règle pour V I. La première eft comporée décent quarante-cinq articles,
lesChanoin?s, (]ont Ics ccnt treize t'reniiers ne font que les extraits faits par
Amalaire; ceux qui viennent enluite lont des Reglemens faus
Cm I P^'' ^^ Concile. Il commence par détruire le faux préjugé de ceux
qui lorfqu'on les reprenoit de leur tiédeur & de leurs négligen-
ces dans l'obfervation des préceptes de l'Evangile , répondoient )
que ces préceptes n'étoient que pour les rvîoines & les Clercs. 11
fait voir que la voye étroite eft la feule qui mené à la vie , & que
perfonne n'y peut arriver que par cette voye; qu'ainfi les Laïcs
comme les Clercs & les Moines doivent y marcher, s'ils veu-
lent être heureux dans la vie future. C'eft ce qu'il prouve non-
feulement par un grand nombre de paflages de l'Ecriture, mais
encore paries promefles que chaque Chrétien fait dans le Bap-
tême, de renoncer à Satan , à fcs pompes & à toutes fes oeuvres.
Cm. 115. Le Concile convient néanmoins qu'il y a certaines obfervances
qui font particulières aux Moines , parce qu'ils mènent une vie
plus auflere ; mais il foutient qu'il n'y a entr'eux & les Chanoines
aucune didindiion à faire lorfqu'il s'agit de s'éloigner du vice &
de pratiquer la vertu. Il cfl: permis aux Chanoines de porter du
linge, de manger de la chair, de donner & de recevoir, d'avoir
des biens en propre, & de poffederavec humilité & jufaceles
biens de l'Eglife , parce que ni l'Ecriture, ni les Canons ne leur
défendent rien de femblable ; mais il n'en eft pas de même des
Aloines , qui font une profellion particulière de renoncera tout,
quoiqu'il leur foit permis de recevoir de l'Eglife de quoi fournir
Can. j}(. à leurs befoins. Les biens de l'Eglife étant les vœux des Fidèles,
le prix des péchés, le patrimoine des pauvres , ceux qui en ont
l'adminillration doivent en prendre beaucoup de foin , fans en
rien détourner à leur propre ufage. Les Cloîtres où les Chanoi-
nes doivent loger , feront exaftement fermés, enforte qu'il ne
foit permis à aucun d'y entrer ou d.'en fortir qtie par la porte. Il
D U N E U V I E M E s I E C L E. pp
y aura dans l'intérieur , des dortoirs, des rdfeîloircs, des celliers, Qw. iir.
& tous les autres lieux nJceiîliires à ceux qui vivent en commun.
Les Supérieurs auront grand foin de proportionner le nombre c.m. ut
des Chanoines au fervicc 6c aux revenus des Eglifes, de peur
que 11 par vanité ils en all'embloient un trop grand nombre , ils
ne puflent futHre aux autres dépenles , ni au befoin même des
Chanoines , qui ne recevant pas les appointemens néceilaires ,
deviendroient vagabonds 6c déregle's dans leurs moeurs. Quel- mj,
ques-uns prenoient leurs Clercs d'entre les Serfs de l'Eglife, afin
que s'ils leur faifoient quelque injuftice ou les privoient de leurs
penfions , ils n'ofallent fe plaindre , dans la crainte d'être châtiés
ou remis en fervitude. Le Concile défend cet abus, &C ordonné Cm. n?.
que les nobles feront admis dans le Cierge, fans toutefois en
exclure lesperfonnes qui font ou de baile condition, ou de la
famille de f Eglife qui en feront trouvés dignes , puifqu il n'y a
point en Dieu d'acception de perfonne. Les Clercs qui ont du Can. no.
patrimoine ou des biens de l'Eglife , c'eft-à-dire des Bénénces
ou des fonds de l'Eglife, par concellion de l'Evêque , ne rece-
vront que la nourriture &: une partie des aumônes. Ceux qui
ont du bien de l'Eglife fans patrimoine , 6c font d'une grande
utilité à l'Eglife , auront la nourriture ôc le vêtement , avec
une partie des aumônes; quant aux autres qui n'ont ni patri-
moine ^ ni bien d'Eglife , les Prélats auront foin de pourvoir à
tous leurs befoins.
"VIL Dans la plupart des Communautés de Chanoines , les Cw. lii.
riches fe faifoient donner une plus grande quantité de boillon 6c
de nourriture qu'aux autres ;il eft ordonné que tous les Chanoines
recevront la même quantité, fans aucune acception de perfonne;
que la portion devin fera plus ou moins grande, félon la fertilité Ccw.nz,
du Pays 6c la richefle des Eglifes ; que quand il y aura moins de
Tin , OR fuppléra par la bière > que communément ils auront pat
jour 4. livres de vin , c'eft-à-dire environ trois chopines melure
de Paris ; que s'il n'y a point de vignes dans la Province , on leur
donnera trois livres de bière 6c une livre de vin , fi cela eft polfi-
ble ; ce qui doit s'entendre pour les deux repas du jour , deux Can.n^.
livres de boiffon pour chaque repas. Les Chanoines auront foin Cr.n. 114.
également d'orner leur ame de vertus, 6c de ne point deshono-
rer la dignité de la Religion, par des excès de propreté ôc de
parure dans leurs habits. Mais ils éviteront auffi l'extrémité op-
pofée , de faletd ôc de négligence. Ils ne porteront point de Cw. 115.
(Cucules, qui ell l'habit des Moines, étant du bon ordre que
D d d d ij
5So CONCILES
^ chacun porte l'habit de fon état, êc réglé par l'Eglife. Ils feront'
j,j* ' " aliidus à toutes les heures de l'Office, foit de jour , foit de nuit ,.
& aufTi-rôt qu'ils entendront le ligne de la cloche ils accoure-
Cij/ï. i;i. tont àrEgUreavec modeftie & révérence. Ils fe comporteront.
à l'Eglife comme étant en la préfence de Dieu & des Anges ,-
qu'on ne peut douter être préfens dans le lieu où l'on célèbre
les Myfteres du Corps & du Sang de Jefus-ChriO:. Soit qu'ib
Can. 133. jjfenf^ qu'ils chantent ou qu'ils pfalmodient , ils s'appliqueront
plus à l'édification du peuple , qu'à tirer vanité de la mélodie de.
leur voix^ ôc on choiiira pour lire & pour chanter ceux qui pour-
^ ront mieux remplir ces fonctions. Ceux qui néeli^eront d'aififter
Clin. 134. , ^ . j -^irjr-
aux heures canoniques , de venir a la conférence , de raire ce
qui leur cft commandé par leurs Supérieurs , de fe trouver à la.
table aux tems marqués , qui auront forti du Cloître , couché
hors du dortoir fans permilhon ou néceilité inévitable , feront
avertis jufqu'à trois fois ; s'ils ne tiennent compte de ces avertif-
femens , on les blâmera publiquement , & s'ils perCcverent dans
leurs déréglemens, on les réduira pour toute nourriture au paiiv
& à l'eau ; enfuite on leur donnera la difcipline , Ci l-âge ôc la
condition le permet, Hnon on fe contentera de les féparer de la
Communauté & de les obliger au jeune. Enlin s'ils deviennent;
incorrigibles ,- on les enfermera dans une t)rifon bâtie à cet effet-
dans le Cloître., puis on les préfenteraà l'Evêquepour etrecon»
Cflr. 135, clamnés canoniqucment. A l'égard des enfans & des jeunes
Clercs que l'on nourrit ou que l'on élevé dans la Communauté,.
les Supérieurs les feront loger dans une chambre du Cloître, fous
la conduite d'un vieillard d'une vertu éorcuvée. S'il les néfîli«-'e ,-
on en mettra un autre à fa place, après 1 avoir repris feverenienr»
Les Offices du jour étant Hnis , tous les Chanoines iront à ComT
plies , après lequel ils iront au dortoir , où ils coucheront cha-
cun féparement. Il y aura pendant toute la nuit une lampe allu-
Ccn. 137. mée dans le dortoir. On choifira quelques-uns des Anciens pour
être préfens à certaines heures à l'Ecole des Chantres , & em-
pêcher que ceux qui doivent apprendre à chanter ne perdent leuï
tems en chofes inutiles.
Gan. 158. VIII. Les Prélats de l'Eglife choifiront des perfonnes de
bonnes mœurs pour partager avec eux le loin des Communautés
qui leur font confiées , fans avoir égard au rang qu'ils tiennent
dans la Communauté, ni à leur âge, mais feulement à leur
Gan 739. mérite perfonncl. L'ufage droit de les nommer Prévôts. Ils
av oient fous eux un Cellçrier ou Procureur ; ceux que l'on
DU NEUVIEME SIECLE. j8i
eliargeoit de la boulangerie , de la cuifine & des autres offices Can. 140.
femblables , fe prenoient d'entre les Serfs de l'Eglife les plus
fidèles. Les Evcques fe fouvenant de ce que Jefus-Chriil dit C n. 141,-
dans l'Evangile : fai été étranger (jf vous in' avei logé, ctabUront,
à- l'exemple de leurs prcdécelicurs, un Hôpital , pour recevoir
les pauvres en auiii grand nombre que les revenus de lEglifc
pourront fupporter. Les Chanoines y donneront la dixme de
leurs fruits, mcme des oblations , & un d'entr'eux fera choifi ,
tant pour recevoir les pauvres ôc les étrangers , que pour gérer le-
temporel de l'Hôpital. Si les Clercs ne peuvent en tout tems laver
les pieds des pauvres, ils le feront du moins en Carême : c'efl pour
quoi l'Hôpital fera fituc de façon qu'ils puificnt y aller aifcment.
C'efl-là , comme on le croit , l'origine des Hôpitaux fondés près Fleuri ,-
des Eelifes Cathédrales , & gouvernés par des Chanoines. Quoi- \^ ' Ecdef-
qu il leur tut permis d avoir des mailons particuheres , ?pparem- 10, jw. lyi..-
ment pour s'y retirer pendant le jour, car ils dévoient coucher
dans le dortoir commun , le Prélat aura foin qu'il y en ait dans
le Cloître pour les iniîrmes & les vieillards qui n'en auront point
à eux; les Frères iront les vifiter ôc les confoler, & ils y feront
entretenus des fubfldes de l'Eglife. On mettra pour Portier quel- q^^_ ^
qu'un d'entre les Chanoines, de probité reconnue, qui ne laif'
fera entrer, ni forcir perfonne fans congé , ôc après Complies por-
tera les clefs au Supérieur. L'entrée du Cloître fera interdite aux ^^"' '^^•"
femmes ; à plus forte raifon ne pourront-elles y manger ni s'y repo-
fer , ôc aucun des Ch.anoines ne leur parlera fans témoins. Le der-
nier chapitrede cette Règle efl une exhortation générale àla pra-
tique des bonnes oeuvres Ôc à la fuite des vices , ôc en même tems
une récapitulation de ce qui e(l prefcrlt dans les articles précédenst
I X.' il y en a vingt-liuit pour la Ilc2,ie des Chanoineffes ou ^, Rf/?'?<^«'
Religicules, puaqu elles etoicnt engagées par vœu de cnalrete. iiid.pj^.Ufoc^;.
Les tix premiers ne font que des extraits des Lettres de faint
Jérôme à Eudochie , à Demetriade , ôc à Furia ; dé la Lettre de
faint Cyprien , intitulée : i^e la Conduite- des Fierges\à\x Dif--
cours de faint Cefaire adreffé^ux Reiigieufes, ôc de celui de'
faint Athanafe aux Epoufes de Jefus-Chriil. Les autres contien-
nent à-peu-près les mêmes reglemens que nous venons de rap-
porter de la ilegle des Chanoines , autant que le permet la diffé-
rence du fexe. Les Abbefl'es fe fouviendront qu'elles ne font conf- Cm. 7;-
tituées du Seigneur au-deflus des autres, qu'afin quelles leur,
ièrvent de modèles parla régularité de leur vie, qu'elles veillent
fur- leur conduite. ^ qu'elles corrigent leurs défauts , ô<: qu'elles
Ddddiij.
y82 CONCILES
fournifTent à leurs befoins temporels & fpirituels. Eîles ne doi-
vent employer qu'un certain tems aux atfaires du Monallere ,
mais en donner beaucoup à la prière , à la lecture ôcaux autres
pratiques de piété. Si les nécellités de laCommunauté les obligent
à parler à des Séculiers, elles le feront avec gravité & modellie,
^ j,_ en préfence de deuxou trois Sœurs. Elles ne recevront dans le
Monaftere que des filles recommandables par la probité de leurs
mœurs , 6c ne leur permettront de s'engager par le vœu de con-
tinence, qu'après leur avoir lu la Règle , les avoir éprouvées ÔC
leur avoir fourni ies moyens de s'inilruire de leurs obligations.
Can. r. Elles auront foin que les poflulantes difpofent tellement de leurs
biens , qu'elles n'en foient point inquiétées après leur entrée
dans le Monaftere. Que fi quelqu'une des Religieufes donne
fon bien à l'Eglife fans s'en réferver même Tufufruit , elle fera
entretenue fuffifamment des revenus de l'Eglife; li elle s'en ré-
ferve l'ufufruit , le Quefleur en fera chargé. Si elle veut confer-
ver fon bien , elle le pourra , mais à condition de paficr procu-
ration par acte public à un parent ou à un ami , pour l'adminif-
trer & défendre fes droits en Juftice. On ufera d'une plus grande
réferve dans la réception des petites filles , dont la conduits
caufe fouvent du trouble dans les Communautés.
Qin lo. X. Les Religieufes doivent fe fouvenir qu'étant engagées
par le vœu de çhadeté, elles font dans l'obligation de demeurer
toujours dans le Monailere oc d'y fcrvlr le Seigneur de toute la
• capacité de leur ame & de leur corps ; qu'il ne leur fert de rien
de voiler leur corps, fi elles fouillent leur ame par ratîeclion
au péché , ôc Ci elles fe permettent ce qui efl défendu ; quelles
^évitent donc l'oifiveté , les diflraclions ôc tous les autres vices j
qu'elles s'occupent fucceiTivement du chant des Pfeaumes , du
travail des mains ôc de faintes lec^lures. Elles coucheront toutes
dans un même dortoir, chacune dans un lit féparé. Elles man-
geront enfemble dans le même réfeclioire , ii ce n'eil qu'elles en
foient empêchées par maladie ou par la foiblelfe de l'âge. On
lira pendant leur repas , qu'elles prendront en filence , tenant
leur efprit appliqué à la ledure. Chaque jour elles iront à la coa-
ference , où on lira quelque Livre d'édification. Si quelqu'une fe
trouve en faute, elle en fera punie félon le mérite de fa faute.
Celles qui feront de condition noble, ne fe préféreront point à
Ca .11. celles dont l'extradion n'a rien de relevé. lien fera de même
de celles qui ont plus de vertu ou de fcjavoir , fe fouvenant que
c'efl; un don qu'elles ont re^u de Dieu , à qui elles doivent en
DU NEUVIEME SIECLE. ySj
rendregraceSjôc non pas s'en diever. La clôture de leur Monaflere
ferafiexade, que perfonne ne puiiTe y entrer ni en (ortirque
par la porte. Il n'y aura entr'elles aucune diftin£tion pour le boire
& le manger. On donnera à chacune trois livres de pain par jour
& trois livres de vin , s'il eft commun dans le lieu. Dans les
tems de liérilitd elles n'auroni que deux livres devin, ou môme
une. On fupplcra au furpkis parla lîi.^re. Elles mangeront delà Cin.x^.
chair , du poillon , des herbes ôc des légumes , fi toutefois il efl
poiïible d'en avoir , ce qui ei\ remis à la difcrction de l'Abbefle.
On leur fournira de la laine & du lin pour faire eli^s-mcmes leurs
habits, à l'exception des malades & des infirmes qui n'ont pas
la force de travailler à ces fortes d'ouvrages. Leurs habits exte- Cm. n.
rieurs dtoient noirs. Elles pouvoicnt avoir des fervantes dans
l'intérieur du Cloître, ôc fe charger de l'éducation de jeunes
filles. Le Concile propofe pour modèle de l'éJucation chré- (;„ ^^^
tienne que la ?*îaitreile devoir leur donner, celle que faint Jé-
rôme prefcrit dans fa Lettre à Larta. Les Prôtres chargés d ad- "^'i"- -7-
minifircr lesSacremens aux Religieufes, avoicnt leur logement
& IcurEgiife au-dehors ■■, ils n'cntroient dans le Monafiere qu'au
tems marqué , ôc toujours accompagnés d'un Diacre & d'un
Sous-Diacre , avec lefquels ils fortoient au'h-rôt qu'ils avoient
rempli leurs fonctions. Les Religieufes tiroient un rideau de-
vant elles pendant la Méfie ôc les heures canoniques. Si quel-
qu'une (a) vculoit confefTer fes péchés au Prêtre, c'étoit dans
l'Eglife, afin qu'elle fut vue des autres. Elles n'étoient point cif-
penfces del'hofpitaîité, mais le lieu où l'on recevoit les étran-
gers ôc les pauvres devait 6tre au-dehors & près de l'Eglife. Elles
employoient pour l'entretien de cet Hôpital , la dixme des obia-
ticns qu'on faifoit à leur Monaflere.
XI. L'Empereur Louis envoya tfes deux Pvegles aux Arclie- lettre de
vêques qui n'avoient point alTidé au Concile , nommément à Si- Louif le D -
chaire, Archevêque de Bordeaux ; àMagnus, Arclievéque de f^rp^^'^ïRe-
Sens, ôc à Arnon de Salltour^; , avec ordre d'aflembler leurs .?i<-s tt-biifs i
Sufî'ragans ôcles Supérieurs des Érlifes , de faire lire ces Règles '^',':'^^"^^■'7
1 1 . c ^ O pelle, lild»
devant eux, ôc d'cn-faire des copies conformes à l'original gardé ;,aj. mj?.
clans le Palais. Nous avons les trois Lettres que ce Prince leur
écrivit à cette occafion. Il marque qu'il cnvoycroit au premier
(a ) Siçuipcccara fi'?. Sxrer'oticcrfi- 1 ab aliis vide^tur. C;/,. 17.
içri volue.ii i.i m Elc1c;1.i i.xiat , i.t 1
j84 CONCILES
jour de Septembre des CommifTaires pour s'informer fi ces Rè-
gles étoient mifes en exécution. L'Empereur envoya en même
tems à ces trois Archevêques le poids & la mefure dont oa
devoit fe fervir dans la diikibution du pain Ôc du via aux Cha-
noines ôcaux Religieufes.
Lettre de ^ j j^ £..j confcquence des ordres de Louis le Débonnaire ,
y/qùliiTie- Hetti , Archevêque de Trêves , écrivit à Frothaire , Evêque de
■ves. Ibid. in Toul, pour l'avertir de s'informer fi les Règles dont on vient
VsTî ^'^^' ^^ parler s'obfervoient exaclement dans fon Dioccfe , afin qu'il
pût en certifier ce Prince.
Concile (6 XII I. Le vingt-feptiéme de Juillet de la même année 8 1 6",
B^x6,'Zm. T ^" afl'embla en Angleterre un Concile , en un lieu nommé Cel-
<:onci!. p.v. çhyte. "Wulfirede, Archevêque de Cantorberi , y préfida , affilté
^^^'*' de douze Evêques de diverfes Provinces. Quenulfe , Roi des
Merciens , y étoit préfent avec plufieurs Seigneurs, outre les
■Cm. I. Abbés , les Prêtres & les Diacres. On y fitl'expofition de la Foi
Catholique ôc de la doctrine contenue dans les anciens Canons ,
ôc tous s'engagèrent non-feulement à i'obferver , mais aulFi à
/L'a/!, i, l'enfeigner aux autres. Après quoi le Concile ordonna que les
pglifes nouvellement bâties, feroient confacrées par l'Evêque
Diocèfain avec rafperfion de l'eau bénite & les autres cérémo-
nies preforites par le Rituel ; que l'on y conferveroit l'Euchariftie
;:vec les Reliques dans une boëte ou petite châfTe ; que s'il n'y
avoir (a) point de Reliques, l'Eucharircieconfacrée par l'Evê-
que fuiliroit , comme étant le Corps & le Sang de Jefus-Chriil:;
ôc qu'il y auroit quelque peinture , pour faire connoître à quel
5aint eft dédiée f Eglife ou l'Autel , que pour conferver la paix
4^m, j, ^ l'unanimité , on ne fe contenteroit pas de croire de la même
manière , mais que l'on s'uniroit encore de paroles ôc d'actions
dans la fincerité & dans It crainte de Dieu ; que les Evêques
choifiroient chacun dans leur Dioccfe les Abbés èc les Ab-
.0/7,4. belles , du confontement de la Communauté ; que l'on ne per-
mettroit aux Ecofiois aucune fonttion Ecc!cfiallique,ni de bap-
tifer , ni de célébrer la Méfie, ni de diftribuer l'Euchariftie,
parce que l'on ne fçavoit par qui ils avoient été ordonnés ; que
■Can. y. |'qj^ ^g cafleroit point les jugemens rendus dans un Synode
(,;) EuchariÙi;i qur nb Epifcopp pci
idem niinilif nuiu conk'tr.irur , cua> aliis
■Reliquiis conJr.tur in c:ip!ul.i , ac fervctur
in c.iuCin J^adii^a. Et l! aba» Reli^uias ^
intininrc non poteft , tamen hoc maxime
proHcere poiclt , quia Corpus & Sanguins
cil Douiini nollri Jcl'u Chrilli. Cait. i.i.
DU NEUVIEME SIECLE. y8;
par les Evoques, ôc que tout autre atle confirme par un figne Cm. 6.
de la Croix feroit inviolablement obfervé; que les Evcques, les Cm.y.
Abbés & les AbbelTes ne pourroient aliéner aucun fonds des
Eglifes ôt des Monafieres , que pour le tenis de la vie d'un
homme ôc du confentement de la Communauté , & que les
titres en demeurcroient au ?vIonanere; que les Monafteres où Cm.i.
l'en aura une fois établi la vie régulière , demeureront toujours
en cet état , & que l'Abbé ou l'Abbefle feront bénits par l'Evê-
que ; que chaque Evêque tirera copie des jugemens rendus dans Can. 9.
le Concile , avec le nom de TArchevêque qui y aura préfidé ôc
la date de l'année où il aura été alfembié ; qu'à la mort d'un ^'"'' '*•
Evêque on donnera la dixième partie de fon bien aux pauvres,
foit qu'il confifle en bétail ou en autres efpeces ; qu'on affran-
chira tous fes Serfs Anglois ; qu'en chaque Eglife on s'aflemblera
au fon de la cloche pour y réciter trente Pfeaumes ; que chaque
Evoque ôc chaque Abbé en fera dire fix cens, ôc fix vingt Méfies,
6c affranchira trois Serfs en leur donnant à chacun trois fols ; ôc
que chaque Moine ou Clerc jeûnera un jour , afin de procurer
au défunt une place dans le Royaume éternel par un fuffrage
commun ; que les Evêques n'ufurperont les Paroiffes d'un autre Cm. ir.
Diocèfe , ôc n'y feront aucune fon6lion épifcopale , comme
de confacrer des Eglifes, d'ordonner des Prêtres. On en ex-
cepte l'Archevêque, parce qu'il efl: le Chef des Evcques de fa
dépendance. Ce Canon qui efl le dernier , porte encore que
les Prêtres n'entreprendront point de grandes affaires fans l'agré-
ment de leur Evoque ; que dans l'adminiflration du Baptême ,
ils ne fe contenteront pas de répandre de l'eau fur la tête des
enfans , mais qu'ils les plongeront dans le lavoir, à l'exemple du
Fils de Dieu qui fut plongé trois fois dans le Jourdain. On
commençoit donc dès-lors d'introduire dans quelques Eglifes
d'Angleterre le Baptême par infufion.
X I 'V. En S 1 7 , l'Empereur Louis tint un Parlement à Aix- AtTcmblée
la-Chapelle, où, de l'agrément de tous ceux qui y étoient, il 'l^^'J^ën^i?^'
donna a Lothairefon fils aîné, le titre d'Empereur, ôc à fes deux îom. 7,Co/ic!/I
autres fils , deux parties de fes Etats ; à Pépin , l'Aquitaine ; ôc v-^- »507.
à Louis , la Bavière. Après que TAiSte en futdreffé, plufieurs
Abbés de France qui fe trouvoient à Aix , conférèrent enfemble
fur les moyens de rétablir le bon ordre dans les Monafteres. Ils
trouvèrent que la principale caufe du relâchement de la difci-
pline monaflique venant de la diverfité des obfervances dans les
pratiques non écrites, il étoit néceffaire d'établir une difciplinc
Tome XXII. Eeee
5S(5 CONCILES
uniforme par des Statuts , qui expliquaffent la Règle de faint
Benoît, dont on faifoit profeilion dans ces Monafleres, Ces Sta-
tuts font au nombre de quatre-vingt dans les CoUeâions des
Conciles ; mais fuivant d'autres éditions , il n'y en a que foi-
Can. I. xante & douze , dont voici les plus remarquables : Les Abbés à
leur retour liront la Règle entièrement, ôc après qu'ils en auront
bien compris le fens , ils la feront obferver par leurs Moines.
Can. î. Tous les Moincs qui en auront la facilité l'apprendront par
Can.2,. cœur. Ils feront l'Office, fuivant la Règle de faint Benoît ; ils
travailleront de leurs mains à la cuifine , à la boulangerie ôc aux
autres offices, & laveront leurs habits en un tems convenable.
Cm. ^. On ne les rafera que tous les quinze jours ; mais en Carême ils
Cm. c. ne feront rafés que le Samedi faint. L'ufage des bains leur fera
Can.-j. accordé fuivant la difcrétion du Supérieur. Ils ne pourront man-
Can.i. ger de la volaille, ni dedans, ni deiiors du Monallere, fi ce
C(7/2. 78. n'efl aux grandes folemnités , c'eft-à-dire , à Noël Ôc à Pâques
Can. II. durant quatre jours. Ils ne fe feront point faif^aer en certaines
Crri. lî. faifons, mais fuivant le befoin. Lcrfqu'ils iront en voyage, ils
''"• '^- feront accompagnés d'un de leurs Frères. Les jours de jeûne
ordinaires , c'eft-à-dire , du ?»lercredi ôc du Vendredi , leur tra-
vail fera plus léger : en Carême ils travailleront jufqu'à None;
Can.-i9. puis la Meiïe étant finie, ils prendront leurs repas. On leur
Can. zz. donnera deux fergettes, deux tuniques, deux cucules pour
fervir dans le Monaftere , deux chappes pour le dehors , deux
paires de fémoraux ou caleçons, deux paires de fouliers ôc des
pantoufles pour la nuit , des gands en Eté , des moufles en Hy-
ver;un froc ou habit de delTus, une pelifle ou robe fourrée. Il
y aura toujours de la graiffe dans la noarriture des iMoines, ex-
cepté le Vendredi , vingt jours avant Noél , ôc depuis le Di-
Mnhll.Vrct- nianche de la Quinquagefime jufqu'à Pâques. L'ufage de la
num!^i'iil'a\ gf^iAe ^^toit permis en France, parce que l'huile y étoit très-
7o;8iinAiu- rare, Ôc peut-être encore pour montrer qu'on ne s'abftenoit pas
" ''^^°' ' '^ de la chair par fuperftition. Dans les Monafteres où l'on manque
Can. 11. de vin, on donnera une double émine de bière. Les Frères fe
laveront mutuellement les pieds , furtout en Carême, en chan-
tant des Antiennes.
Cfl/z. 15. XV. Les Abbés fe contenteront de la portion des Moines;
Hs feront vêtus ôc couchés de même, & travailleront comme
Can. 17. eux , s'ils ncfout occupés plus utilement. Ils ne mangeront point
avec les Hôtes à la porte du Monaftere, mais dans le réfectoire,
& pourront à leur confidération augmenter les portions des
DU NEUVIEME SIECLE, f^j
Frères. Ils n'iront que rarement ôc dans la ndceflké vifiter les C:n. ié.
Me'tairies , 6c n'y laiiTeront point des Moines pour les garder;
néanmoins il leur fera permis d'avoir des Celles ou Prieurés , où Cin. 44.
ils laiiïeront des Chanoines, ou des jMoines; & jamais au-deflbus
de fix.La ledure fe fera au réfedoire à la première &feconde table; Can. iS.
celle-ci droit pour les Ledeurs 6c Serviteurs de la première table.
Le Prévôt fera tird d'entre lesMoines;il aura la principale autorité Can. 5 1,
après l'Abbéj tant dedans que dehors du Monaftere. L'entrée
n'en fera pas accordée ficilement à un Novice; pour éprouver O/?. 3.}.
fa vocation , on le fera fervir les Hôtes dans leur appartement
pendant quelques jours. 11 commettra à fes parens l'aiminillra-
tion de fes biens , dont il difpofera fuivant la Re^le , oprès l'an-
née de probation. Il ne recevra la tonfure Monachale ôc ne pren-
dra l'habit qu'en faifant fon vœu dobéiflance. Les parens pour-
ront offrir leurs enfans ôc faire pour eux la demande, qu'ils con- ■^'^'' ^
iîrmeront eux-mêmes étant en âge de raifon , en préfence de
témoins Laïcs. Il n'y aura point d'autre Ecole dans l'intérieur Cm. 4^
du Monaflere que pour ces enfans ; mais en plufieurs Monafleres
il y en av^oit d'extérieurs ôc de publics. Aux principales Fêtes Cm. ^6.
de l'année , comme à Noël , aux Octaves du Seigneur, à l'Epi-
phanie, à Pâques , à l'Afcenfion, à la Pentecofte , les jour- de
Fêtes de faint Edienne, de faint Jean l'Evangelifte, des faints
Innocens , de la Purification , de l'Affomption de la fainte Vier-
ge , de faint Jean-Baptifte, de faint Laurent , de faint Martin,
on fera rOilice pienier, c'eft-à-dire , plus folemnel qu'aux au-
tres jours de Tannée. Le Vendredi faint on ne prendra que du Cm.Ar-
pain ôc de l'eau. Les Séculiers ne boiront ni ne mangeront au Cm. ^i.
réfectoire.
XVI. La livre de pain portée par la Règle , efl eflimée trente i/j'J]{}i.j.iii,
fols , à douze deniers l'un , ce qui revient à dix-huit onces avant Prc^fat. in f
la cuiflbn ôc feize après. On diRribuera même au réfectoire les rom.A6l.pag.
euiogies, celi-a-dire, les pams oncrts a 1 Autel , ôc non con-
facrés, Ôc la diftribution s'en fera par les Prêtres. Au Chapitre Cin.é?.
on lira d'abord le Martyrologe , puis la Règle , ou quelque
Homélie. Ceux qu'on aura mis en pénitence pour des fautes Cm. 40.
confidérables , auront un logement féparé, avec une cour où
ils puilTent travailler; mais le Dimanche ils feront traités avec Cm. 71.
plus de douceur, ôc ne demanderont point pardon. Quelque Can.-n.
faute qu'ils avent faite , ils ne feront pas fouettés à nud à la vue
de leurs Frères. Si le ravail des Moines eft tel qu'ils ayent be-- Can. ji;
foin de boire après le repas du foir j on leur en accordera la peE-
E e c e ij
^SS CONCILES
miiïlon , même en Carême : c'eft l'origine de la collation ; &
Ca«. 58. quand on célébrera l'Office des Morts , ils boiront avant de le
Can. 6}. commencer. Les Moines lurvenans feront logés dans un dor-
toir féparé & bâti près de TOratcire. On choiiira des Frères bien:
Tom. 7, Con- inftruits pour les entretenir. L'Empereur Louis confirma êc fit
cz/.pj^. 1513 exécuter par ion autorité tous ces Reglemens, ainfi que le re-
'c * marque l'Auteur de fa vie. On croit que ce fut dans la même
alTemblée que ce Prince fit drefifer un état des charges que les
Monafteres de fon obéifTance dévoient fupporter pour fon fer-
Bâ/uf- """• vice. Il en a été parlé plus luut. Les principaux Abbés qui y
i , C2phu.v. affifterent , étoient faint Benoît d'Aniane , Arr.ould de Noir-
]/ag, 1084. nioutier, Apollinaire de Mont-Cafïin , Alveus de faiat Hubert
en Ardenne , Apollinaire de Flavigny , Jofué de faint Vincent
de Wulturne , Agioife de Solignac. On a inféré leurs Regle-
j.^^^ Q l^^ mens dans les Collerions des Conciles , ôc dans le premier
yig. j7s> &- tome des Capitulaires , avec la charte de confirmation des do-
5>''' nations faites à l'Eglife Romaine par le Roi Pépin & par Char-
lemagnc.
Concile de XVI I. Au mois d'06lobre de l an 821, l'Empereur Louis
ThionviUeen ^^^^-^^ à ThionviUe , fit époufer à fon fils Lothaire , Irningarde,
Concil. pag. fiHc du Comte Hugues. Les Seigneurs ôc les Evêques qui avoicnt
M 19 ; Si l'e eu part à la conjuration de Bernard, profitèrent de cette conjonc-
rc ur , i m . ^^^.^ ^^^^^^ demander leur grâce. Le Prince les ayant fait venir en
fa préfence, leur pardonna , leur rendit leurs biens confifqués ,
& renvoya les Evêques exilés dans leurs Sièges. Aillulphe,
Archevêque de Mayence , Hadabalde de Cologne , Hetton ou
Hetti de Trêves , ôc Ebbon de Reims , tous avec leurs Suffra-
gans , avec des Députés des autres Evêques de Gaule ôc de Ger-
manie, au nombre de trente-deux , firent quatre Canons contre
ceux qui feroient convaincus d'avoir frappé un Clerc. Ils furent
confirmés par un Décret de Louis le Débonnaire , dans une
affembléc tenue l'année fuivante à Trel)ur , lieu iitué près du
confluant du Rhin ôc du Mein. Le meurtre d'un Evêque, nom-
mé Jean, tué en Gafcogne d'une manière honteufe, donna lieu
à ces Canons.
Corciîc;c!e XVIII. En Angleterre on tint deux Conciles à Clif ou
Ciovc.hou tn Cloveshou ; l'un en 822 , l'autre en 824. Bernulfe étoit alors Roi
tôm.i^Co'ncU. ^^s Merciens. Dans le premier, Wulfrede , Archevêque de
fag. 1517 , Cantorberi, fe plaignit que le Roi Quenulfe l'avoit tellement
*^^^' perfécuté , qu'il avoit été près de {\x ans fans avoir pu exercer
fon autorité épifcopale, ôc que pendant tout ce tems ona'avoit
DU NEUVIEME SIECLE. $îp
point adminiflré le Baptême dans toute l'Angleterre ; que le
même Prince l'avuit caiomnié auprès du Pape ; qu'étant à Lon-
dres , il l'avoit tait venir , & lui avoir ordonne de quitter l'An-
gleterre , jufqu'à ce qu'il lui eût abandonné une certaine terre
de trois cens familles , ôc fe rùt fournis à lui payer (ix-vingc livres
de deniers ; qu'ayant été obligé d'obéir , l'Abbefl'e Cynedrite,
fille de Quenulfe & fon héritière, retenoit cette terre depuis la
mort de ion père. L'AbbelTe invitée de venir au Concile , pro-
mit en préi'ence du Roi Bernulfe & des Êvêques , de la rendre,
& en rendit encore d'autrco qui appartcnoient à l'Archevêque,
pour marque de l'amitié qu'elle lui portoit , quoiqu'elle n'eût
point promis de les rendre. Dans le fécond Concile de Clo-
veshou , le Roi Bernulfe &: les Evêques terminèrent un différend
entre Hébert, Evêque de Vorcheftre , ôc les Moines deBerclci,
touchant le Monaflere de 'Veftburi , que ceux-ci prctendoient
leur appartenir. Mais il fut adjugé à l'Evêque ; ôc la Sentence
rendue fur ce fujct fut fignée par le Roi , par douze Evoques,
quatre AbLés, un Député du Pape Eugène, & plufieurs Ducs ôc
autres Seigneurs.
XIX. On a vu en fon lieu, que Louis le Débonnaire ne Concile
voulant point jus;er par lui-même de la peine que méritoit Ber- f ^"'-^"X ^^
nard , Ivoi d Jtahe , pour avoir conjure contre lui ôc attente a fa Condl. p^.
vie , ôc que quoiqu'il eût été condamné à mort dans une alTem- ^^-^•
blée générale des Seigneurs, Louis avoir commué cette peine
ôc adouci la Sentence ; malgré cette modératinn.il fe laifTa perfua-
der par les Evêques , qu'il avoir en cela commis un péché con-
fidérable, ôc qu'il devoit s'acculer lui-mcme publiquement, ôc
condamner fa propre conduite. Il indiqua à cet effet un Parle-
ment à Attigni en ^'22 , Maifon Royale fur la Rivière d'Aine,
où il fit une confefïion publique de la rigueur dont il avoit ufé
envers Bernard , ôc envers l'Abbé Adalard ÔC V"ala fon frère,
comme d'un crime fcandaleux qu'il ne pouvoir tffacer que par
cette forte de réparation. Il fit aulli une pénitence publique^
pour imiter celle de l'Empereur Theodcfe , quoiqu'il n'y eût
point de proportion entre le péché de ce Prince & celui qu'on im-
putoit à Louis le Débonnaire. Il fit dans la même affemblée un
aveu plus louable ; c'étoit, que contre les intentions ôc les vo-
lontés de Charlemagnc fon père, il avoit fait couper les cheveux
à fes trois frères cadets , ô: les avoit obligés de fe retirer dans
des Monafieres : ce qui étoit contre les Canons , qui défendent
d'obliger perfonnc à fe renfermer dans le Cloître, li ce n'ell pour
E e e e iij
jpo CONCILES
Rathertus , quelque crime qui méritât pénitence. Pour réparer ce tort;
in^jiM Ade- p£mpereur Louis leur demanda pardon &: leur laifla la liberté
de revenir à la Cour ou de demeurer dans l'état qu'on les avoit
forcés d'embralTer. ?*Iais ils préférèrent la retraite aux efpérances
du fiécle. On traita dans la môme aifemblée de divers abus intro-
duits par la négligence des Evoques. L'Empereur témoigna un
grand defir d'y apporter remède. Un des plus grands étoit fufur-
pation des biens Eccléfiaftiques parles Laïcs. Agobard , Arche-
vêque de Lyon, qui étoit préfent, parla fortement fur ce fu jet,
6c foutint que violer les Canons, é:oitun attentat contre Dieu
même. Les ASles de ce Conci'e ne font point parvenui jusqu'à
nous , &: nous n'en fçavons que ce que nous ap-^ rennent les Hif-
To.'n.7,Cw toriens du tems. Quelques-uns lui attribuent le Capitulai rc qu'on
cil.pjj.i^j^- lit à la fuite du Concile d'Aix-la-Chapelle en 8i<5, & corapofé
de trente articles. Mais s'il n'/ a faute dans rinf:ription , il fut
fait en cette même Ville , la troifiéme année du règne de l'Em-
pereur Louis , c'eft-à-dire , en 8 i 6. Le fécond article eO: plus
intérelfant: il porte, qu'artn que lEglife iouilfe de fa liberté , les
Evêques feront élus par le Clergé & le Peuple , & pris dans le
Diocèfe même , en confidération de leur mérite & de leur capa-
Ibid. va£, cité, gratuitement ôc fans acception de perfonnes. En Saj , le
•Î3Î' même Prince donna un autre Capirulaire en vingt-huit articles ,
qui contiennent des infirudions générales , tant pour les Peuples
que pour les Evoques & les Erivoyés du Prince , pour l'aider à
fétaBlir le bon ordre en toutes chofes. Il paroit par le cinquième,
que les Evêques lui avoient promis dans le Concile d'Attigny ,
d'établir partout où fe pourroit des Ecoles pour y inftruire les
enfans & les Miniftres de l'Eglife. L'Empereur leur recommande
de tenir la main à l'exécution de ce projet , qui ne pourroit être
que très-utile pour plufieurs. Il exhorte dans le fixiémeles Gou-
verneurs des Provinces 6c les Juges ordinaires à vivre en union
avec les Evêques , à protéger l'Eglife ôc les pauvres , ôc à aider
les Miniftres de l'Eglife dans leurs fonctions.
^V^
DU NEUVIEME SIECLE, jpi
sta ara ,5ta iali £hra .1^ ^ ir« j;ra iia sa .ita iîa £ia sia ^ û^^
CHAPITRE XXVIII.
Co N c I LE de Paris aujujet des Images ; i'Ingelheim,
de Rome & d'Aix-la-Chapelle.
I. A Pre's que Michel, Empereur d'Orient, eut terminé Concile ce
xV I3 guerre civile contre I homas , qui fe difoit Conftan- ^^"* ^'^ ^^^'
tin, fils dlrene, il envoya une ambaflade à Louis, Empereur
d'Occident, avec une grande Lettre, dattée de Conftantinoplc
le 10 d'Avril, Indiction féconde ,c'efl-à-dire, de l'an 824. llfe
plaignoit dans cette Lettre de divers abus au fujet des Images,
6c ajoutoic que plufieurs Empereurs orthodoxes ôc les plus Iça-
vans Evêques avoient affemblé un Concile local , où ils avoient
défendu ces abus ; que leurs Décrets à cet c'gard n'ayant pas été
approuvés géncralcment , il avoit pris le parti d'en écrire au Pape
de Rome. Louis le Débonnaire reçut cette Lettre au mois
de Novembre de la même année , ôc fuivant le deùr de l'Empe-
reur Michel, il fit conduire fes Ambaffadeurs avec honneur juf-
qu à Rorne. Il en envoya deux de fon coté, Freculphe, E,vê-
que de Lizicux , ôc Adegaire , dont on ne connoit point le Siège,,
avec ordre de demander au Pape Eugène IL la permiinon de
faire examiner par les Evêques de France !a queuicrt des Ima-
ges. Le Pape l'accorda, ôc le Concile 01:1 fe devolt faire cet
examen , fut indiqué à Paris pour le premier Novembre 825.
Quelques-uns en ont mis l'époque en 824., trompés apparem-
ment par la date ( j) de l'inlIrucVion de l'Empereur Louis à
Jcremie , Archevêque de Sens , 6c à Jonas , Evêque d'Orléans ,
touchant les Actes du Concile de Paris. Mais cette date eft vi-
fiblement faufie ; ôc au lieu de 824, il fiut lire 825-. Cela paroît
par la Lettre des Evêques de ce Concile à Louis Augufle , où
ils difent : (b) Nous avons fait relire en notre préfcnce la Lettre que
les yimbajfadeurs des Grecs ont apportée Vannée derniers. Or il ell
certain que cette Lettre fut rendue à ce Prince par les AmbafTa-
deurs de Michel ôc de Théophile , Empereurs d'Orient^ au
(.1) B.i'.uf. tom, I , Cipitular. pjg. l (l) Concil. P.irif. epijl. cii LuiovkiM'-
*4j. \ Au-giijlum».
^^2 CONCILES
mois de Novembre 824., comme le dit Eginhard (a) fur cette
année.
Aaes du 1 1- Les Evêques du Concile de Paris marquent dans la mê-
Conciie. sy' me Lettre, qu'ils s dtoient affemblcs le premier jour deNovem-
nodusVarijifn- ^ felon l'ordre qu'ils en avoient reçu de l'Empereur. Tous
furti , ann. ceux qui avoicnt été mandes s y trouvèrent , a 1 exception de
^')96, in-iz. Modouin d'Autun , qui étoit malade. Jeremie , Archevêque
de Sens , Jonas d'Orléans, Halitgaire de Cambrai , Frcculphe
de Lifieux , & Adegaire , font les feuls dont les Ades faffenc
mention ; mais on ne peut douter que ce Concile n'ait été beau-
coup plus nombreux. On y lut la Lettre du Pape Adrien à l'Em-
pereur Conftantin & à Irène, ôc on remarqua que comme il
avoir eu raifon de blâmer ceux qui brifoient les Images, il avoit
manqué de difcretion en ordonnant de les adorer fuperftitieufe-
ment. On lut aufli plufieurs Ecrits faits fous le règne de Charle-
magne au fujet des Images , entre autres les Livres Carolins ;
les Evêques approuvèrent la cenfure qu'on y fait du fécond Con-
cile de Nicée ; ôc ils trouvèrent infuffifantes les réponfes du
Pape Adrien à ces Livres. On fit enfuite la lecture de la Lettre
de l'Empereur Michel à Louis le Débonnaire ; ôc à la demande
du Concile , Freculphe ôc Adegaire firent de vive voix le rap-
port de ce qu'ils avoient négocié à Rome auprès du Pape Eu-
gène II. Cependant les Evêques avoient donné commiflion de
recueillir un grand nombre de pafiages de 1 Ecriture & des Pères
Grecs ôc Latins fur les Images ; ils les firent lire ôc en compofe-
rent un recueil , pour appuyer leurs décifions, qu'ils réduifirent
à quinze clicis.
Décrets de I H- -^'s Y combattent également ceux qui vouloient que l'on
ce Coiciie , abolît les Images , ôc ceux qui leur rendoient un culte fuperfli-
iM, pag. i8 jjgy^ ^ prétendant imiter la conduite de faint Grégoire le Grand
Mabill. 'Pra- cnvcrs Serenus , Evoque de Marfcille. Cet Evéque voyant que
fat. in tom. ^ , fon Peuple adoroit les Lnages, les ôra de l'Eglife ôc les brifi.
f ^"iffî""'"' Saint Grégoire approuva fon zèle , parce qu'en effet on ne doit
point adorer ce qui efl fait de la main des hommes ; mais il blâma
fon aftion , difant qu'on mettoit des Images dans 1 Eglife, afin
que ceux qui ne fçavent pas lire, puifTent en voyant ces pein-
tures apprendre ce qu'ils ne peuvent lire dans les livres. Le Con-
cil« veut donc que l'on continue à mettre des Images dans les
(a) Eginhard.adann. Sm,
Eglifes ,
DU NEUVIEME SIECLE. ^pj
Eglifes , mais il défend de les adorer ; & afin que l'on ne fe mé-
prenne point au terme d'adoration , il l'explique , & montre
qu'elle n'cft due qu'à Dieu , fans toutefois dcfaprouver un cer-
tain culte modère envers les Images , comme feroit de les placer
en un lieu décent , de Jes orner, de les tenir proprement. Il
fait une diftindion entre les Images ôc la Croix, foutenant qu'on
devoit l'adorer , parce que Jefus-Chrift y a été attaché , quoique
la plupart des raifons fur lefquelles il fe fondoir contre le culte
des Images, combatiifent celui de la Croix. Il accufe d'erreur le
fécond Concile de Nicée , pour avoir dit qu'il ed non-feulement
permis de rendre un culte aux Images & de les adorer , mais
encore qu'elles fontfaintes , & qu'elles fan£lilîent ceux qui s'ea
approchent. Enhn il reproche au Pape Hadrien d'avoir confirmé
les Décrets de ce Concile , ôc approuvé le culte fuperftitieux des
Images. Si l'on peut excufer les Evéques du Concile de Paris
dans la manière dont ils fe font oppofés aux abus qui regnoient
alors dans le culte des Images , on ne peut nier qu'ils n'ayent
manqué d'attention pour les Décrets de Nicée , foit parce qu'ils
n'en comprenoient pas bien le fens , foit parce qu'ils ne le regar-
doient pas comme un Concile général.
I V. Ils mirent à la tctede leur recueil une Lettre adrefTée aux . , Suite cffs
deux Empereurs Louis le Débonnaire & Lothaire fon fils , pour cile l'.e Paris ,
kur rendre compte de ce qui s'étoit pa(lé dans leur affemblée ; F^- '5 > i-^
& à la fin des quinze articles, les modèles des deux Lettres, ""'^î'
Tune de lEmpcreur Louis au Pape , l'autre du Pape à l'Empe-
reur Michel. Dans la première, Louis le Débonnaire exhorte le
Pape à ufer de fon autorité pour procurer la réunion des Eglifes
d'Orient, en ramenant l'ufage des Images au milieu établi dans
le Concile ; ft^avoir qu'on les retiendroit dans les Egl'.fes, mais
qu'on ne leur ren droit point de culte. Ce Prince fuivit ce mo-
dèle en écrivant à Eugène II. On ne fçait fi ce Pape fe conforma
au modèle qui lui fut envoyé. Quoiqu'il en foit, les Actes du
Concile furent portés à l'Empereur Louis par Halitgaire ôc
Amalaire , qui arrivèrent à Aix-la-Chapelle le huitième des Ides
de Décembre , c'eft-à-dire , le fix de ce mois de l'an 82c. Ce „ ^
T> ■ r 1 r I- ■ -1 V T • AU" Tom.7,XZon*
Frmce le les ht lire , puis les envoya a Jeremie, Archevêque cn.yag.ie^z,
de Sens, & à Jonas d'Orléans , qui les portèrent de fa part au
PapeEugene,avec une féconde Lettre,par laquelle il le prioitde
conférer avec ces deux Evoques touchant la légation qu'il dévoie
envoyer à Conftantinople. Il exhortoit aulFi le Pape à fe conduire
tellement dans cette affaire , que ni les Grecs ni les Romains ne
Tome X XI L F f f f
JNJ4 C O -N C r L E S
puffent y trouver à redire. A ces deux Lettres ce Prince en joi-
gnit une troifiéme, pour fervir d'inftruttion à fes Envoyés. Elle/
fait partie des A£ies du Concile de Paris , imprimés à Francfort
en i$ç6, chez les héritiers d'André Wechel, fur un ancien
manufcrit. Comme on ne marouoit point dans rinfcription de
quelle Bibliothèque ce manufcrit avoir été tiré , que d'ailleurs
l'édition étoit fans nom d'Auteur , & qu'il y avoir toute appa-
rence qu'elle avoit été faite en haine de l'Eglife Romaine, Bel-
larmin compofa un Ecrit, où il entreprit de montrer que les Aîtes
publiés fous le nom du Concile de Paris , étoient fuppofés. Le
Tcw. 7,Cv:- Fere Labbe s'cft contenté de rapporter l'Ecrit deBellarmin, 6c
*'^'J''^. 1543. ji'a mis dans fa Colletlion que la Lettre de l'Empereur Louis
au Pape Eugène IL ôc l'indruction- pour Jeremie de Sens 6c
Jonas d'Orléans. Le Père Hardouin n'a rapporté non plus que
ces deux pièces , avec une note du PereSirmondfur le Concile"
de Paris. En 1 60S , Goldaft publia de nouveau les Adles da
Concile de Paris , dans le Recueil des Conflitutions Impériales
fur les Images , imprimé à Francfort; & M. delà Lande leur
donna place dans le Supplément des Conciles de France , qui
parut à Paris en 1666. La différence des fentimens entre le faine
Siège ôc les Evêques de France au fujet des Images , ne rompit
point la communion qui étoit entre eux ; ôc lorfqu'Adon , Ar—
' Malïllon. chevcque de Vienne, demanda le P^zZ/zu/tz à Nicolas I. ce Pape/
Frxfiî.inwn ne demanda de lui ,.que de reconnoitre l'autorité des fix pre--
15 Mm.^rf "^iers Conciles généraux, fans parler du fécond de ISicée, qui
cil le fepriéme général. '
Conciied'ÎK- V. L'Empereur Louis vint le premier de Juin de l'an 9'Z6
geiheim en ^ Inaelheim , Maifon Royale fur le Seizt , ou il tint un Parle-
Concil. pag. ment avec les Seigneurs de Germanie. On y Invn Capitulaire
js^6 ;&.tom. ^q fçpt articlcs , rapportés dans la.Collettion de Benoît , Dia—
Balurii '^^Tw ^^^- ^^ ^'^^^^ porte qu'il fut confirmé par l'autorité Apoftolique,.
«47. Le fécond ôc le troifiéme de ces articles prefcrivent des peines ■
contre ceux qui auront maltraité d'effets ou de paroles quel--
qu'un du Clergé ou des Moines. Le quatrième en ordonne con-
tre ceux qui auront enlevé ou deshonoré une Religieufe, de
même que contre les fauteurs de ces crimes. Le cinquième mec:
en pénitence publique celui qui aura blafphêmé contre Dieu y
& ordonne de le mettre en prifon jufqu'à ce qu'il ait accompli fa
pénitence. Le fixiémc défend de célébrer la Meffe dans un Ora-
toire particulier, fans la permiffion de TEvôque Dioccfain. Le
feptiéme confirme les privilèges accordes aux Clercs par les Rois
précédcns^ ou par l'Empereur Louis.
DU NEUVIEME SIECLE, ^pj
• VI. Les Décrets du Concile que le Pape Eugène II. tint à Concile de
Rome , font dattes du quinzième de Novembre de la treizième ^^«'"^^"^'î^»
année du couiosinement & du rogne de Ihnipereur Louis , la 'a'. loj.
dixiémede Lothaire foa His , nouvel Einpereur , indidion qua-
trième, c'e(l-à-dire , de Tan 82^. Le Pape y préiida , ailiQé de
;foixante-deux Evoques dltalie, de dix-huit Prêtres^deiix Diii-
5cres, ôcde plufieurs autres Clercs. L'ouverture du Concile fe fit
par un petit difcours , que le Diacre Théodore lut au nom du
•Pape, qui apparemment n éroit ni dans l'ufagede parler en pu-
blic, ni de rien compjfer de lui-même, puifqu'il cil: copié du
•Concile de Grégoire il. en 721. Enfuite on publia trente-huit
.Canons , prefque tous pour la rérbrmacion de la difcipUne Eg-
xléliaftique. On ne choillra pour Evèques que des perfonnes dn.t.
lecommandables par leurs bonnes œuvres ôc par leur doHlrine,
JLe Prêtre qui aura fait des préfens pour être ordonné, fera CiK.i^
Tpnvé de l'honneur du Sacerdoce , de même que celui qui les
.aura reçus. Les Evêques ignorans feront fufpendus par leur Cvi..^.
JVIétropolicain ; & les Prêtres , Diacres & Sous- Diacres par leur
propre Evêque , pour leur donner le tems de s'inftruire. S'ils ne
■îe rendent point capables de remplir leurs fonctions , ils feront
jugés canoniquement, c'eft-à-dire, qu'ils pourront être dépofés.
On obfervera les Canons anciens dans leledion d'un Evêque, Q;î. j.
«nforte qu'on ncn ordonnera point que du confentement du
Clergé ôc du Peuple. Les Evoques ne demeureront point hors de Can. 6.
leur Eglife au-delà de trois fcmaines , fi ce n'ell par l'ordre du
Métropolitain , ou pour le fervice du Prince. Les Clercs de- q„_ ^^
meurcront dans un Cloître proche l'Eglife; ils auront un même
■dortoir , un même réfectoire & mêmes oBicines ; &: feront fous
la conduite de Supérieurs capables ôc fubordonnés à l'Evêque.
Les Evêques ne mettront des Curés que du confentement des r^ „
llabitans, ôc n ordonneront des rretres que pour certaines ,0.
Eglifes , ou pour un Alonaftere , artn qu'ils ne foient point en
néceiïité de demeurer dans des Maifons féculicres. Les Prêtres q„ j,.
ne feront ni ufuriers , ni chaiTeurs ; ils ne s'occuperont point des
travaux de la Campagne , ôc ne fortiront de leurs maifons qu en
habit facerdotal , pourn'être point expofés aux injures des Se- .1
culiers , ôc pour être toujours en état de fiiire leurs fonctions. Ils
ne pourront être cités pour'témoins en Juftice pour affaires fé- ^-"^- ?î-
culieres , s'ils ne font témoins néceffaires. Les Prêtres convain- Cm. in
eus de crime qui mérite la dcpoiirion , feront dépofés ôc mis
par l'Evêque en un lieu où. ilsfaiTent pénitence. Tout Ecclcùaf- Qm. i»-.
Ffff ij
5*9^ CONCILES
tique foupçonné de mauvais commerce , fera averti une , deut-
ôc trois fois par fon Supérieur ; s'il ne fe corrige point, il fera-
O/j. If. jugé canoniquement. Les Evêques ne tourneront point à leuC
propre ufage les biens des ParoilTes & des autres lieux de pieté,
&: n'en tireront pas plus que de coutume.
€an. 17. V I L Défenfe aux Prêtres de refufer fur aucun prétexte leS"
Cm. 18. offrandes de tous ceux qui fe préfentent ; & aux Evêques de
donner des démiffoires à des Clercs qui ne font point demandés'
par quelqu'autre Evêque , de peur qu'ils ne deviennent vaga-
Can. 19. bonds. Ils auront de même que tous les Prêtres, des Avocats
qui pourfuivent en Juftice leurs caufes & celles de leurs Egli-
fes, à la charge d'en choifir qui foient de bonnes mœurs. Les
Lin. II. jvionafteres ou les Oratoires dépendront de leurs Fondateurs ,
lefquels auront droit d'y établir des Prêtres avec l'agrément de'
Qin. 14. TEvêque. A l'égard des lieux de pieté qui font abandonnés , s'ils
font de la dépendance des Séculiers , les Evêques les avertiront
d'y établir des Prêtres & de leur fournir la fubfiltance. Si après
avoir été avertis , ils font trois mois fans y en établir, l'Evêque
en prendra foin , & en donnera avis ati Prince , pour s'autorifec
Qan. 17. à les faire deffervir. On ne mettra pour Abbés dans les Monaf-
teres que des perfonnes capables de connoître ôc de corriger
les fautes des Moines. Ils feront Prêtres , afin qu'ils ayentplus
d'autorité pour le maintien du bon ordre & des Statuts. Les
G^-î. î8. Evêques auront foin que les Moines qui n'en ont que l'habit,
obfervent la Règle dans le Monaftere d'où iis fon: fortis , ou
de les envoyer en- d'autres, afin qu'ayant fait des vœux à Dieu,
pris l'habit monaflique, fait tondre leurs cheveux, ils vivent
^ conformément à l'état qu'ils ont embrafTé. Ils en uferont de mê*
* me à regard des femmes qui ont pris l'habit ou le voile de la
Religion ; mais on ne retiendra point dans les Monafteres ceux
qui y ont été mis par force, fans l'avoir mérité par quelque cri-
(;,,„,, me. On s'abiliendra les jours de Dimanche de toute œuvre fer-
vile, fi ce n'eft qu'il faille préparera manger pour ceux qui font
£an. ;o, en voyage. Aucun Laïc ne s'afleoira dans le lieu où les Prêtres
& les autres Clercs fe tiennent pendant la célébration de la
Can.ii. Méfie, c'eft-à-dire , dans le Prefbytere ; ce lieu étant réfervé
pour y faire honorablement ôc avec liberté l'Office divin. On
Cm. 54. établira des Ecoles dans les Evêchés , les Paroifics ôc les autres
lieux où elles feront jugées néceiTaires,avec des Maîtres capables
d'enfeigner les Lettres , les Arts libéraux ôc les Dogmes de l'E*
Can.i';. glife. Quclqucs-unS; principalement les femmes ; pafToientles
DU NEUVIEME SIECLE. r<?7
jours de Fêtes à fe baigner , à danfer ôc à chanter des chanfons
deshonnctes , au lieu de les employer à la prière & à fréquenter
les Eglifes ; le Concile ordonne aux Prêtres de corriger cet
abus. Le mari ne doit point fe fcparer de fa femme, que pour Can.ié,
eaufe de fornication ; mais ils peuvent d'un commun confente-
ment embralVer chacun 1 ctat Religieux , avec la permillion de
l'Evêquc, qui leur afïlgnera des demeures féparées. Le dernier
Canon de'fend les mariages dans les degrés de parenté pro"hibésy
fous peine d'anathême ôc de privation de la communion. Pe-
tronax , Archevêque Je Ravenne , foufcrivit le premier à tous
ces Décrets.
CHAPITRE XXIX,
Concile d-e P a r i s.^
I. T 'Empereur Louis informé des grands défordres qui Concile cfe"
1 j- regnolent dans fes Etats , avoit nommé des Commiflai- f.^"^f-^fV
res , fous le nom d'Envoyés du Prince, pour aller dans tout pnj-. l'^pi ,•&
l'Empire , ôc voir par eux-mêmes ce qui s'y paflbir. Vaia , Abbé "'■'f''"'-'^' ^'*'-
de Corbie, recommandable parfa naiiïance, fon efprit , fapru- V,-^f:'i\Ôrdùu
dence Ôc. fon expérience dans le maniement des affaires , ôc par ^^- BeneoiEii ,
£à vertu , fut du nombre de ces Envoyés. A fon retour il V^' '^''^ ^
rendit compte de ce qu'il avoit vu à l'Empereur, qui tenoic '
alors, c eft-à-dire , en 828, un Parlement à Aix-la-Chapelle;
lui parla avec liberté des devoirs des Princes, ôc de ceux des
Evcques ; fe plaignit que l'Etat de i'Eglife contenant deux Puif--
iùnces, la Séculière ô: i'Eccléfiaftique, elles entreprenoient Tune
fur l'autre ; que l'Empereur négiigeoit fouvent fes devoirs à lé-
gard des affaires temporelles , pour s'appliquer aux affaires Je la
Religion qui ne le regarJoient point ; que les Evcques ôc les
autres MinUlres de I'Eglife s'occupoient d'affaires temporelles ,
au lieu de s'occuper principalement du Service de Dieu ; qu'on
abufoit des biens confacrés au Seigneur en les donnant à des-
Laïcs. Les Seigneurs qui étoient prélens dirent que l'Etat étoit
tellement affoibli , qu'il ne pouvait fuillre aux befoins préfens du-
Royaume ; qu'aind il falloir avoir recours aux biens Je i'Eglife.-
S'il eaeil de la forte ; répondit "Vaia^ il faut examiner de quell&
Ffffiij
^p8 CONCILES
manière les Evêques pourront fubvenir à ces befoins. II demanda
que l'éledion des Evêques le Ht félon les Canons ; ôc p:iria forte-
ment contre l'ambition ôc l'avarice des Archichapeiauis du Pa-
lais. Puis il expofa le mauvais état des Monaiieres, dont les
Laïcs avoient ufurpé les biens ; & dit à ces Seigneurs : Si quel-
qu'un des Kideles a mis fon offrande fur l'Autel pour être préfen-
tée à Dieu , grande ou petite , ôc qu'un autre vienne la prendre
de force ou autrement , comment appellerez-vous cette action f
Tous, comme s'ils euflent été touchés intérieurement par quelque
nouvelle infpiration , répondirent que c'ctoit un facrilege. Sut
cela Vala s'addreiiant à Louis le DéboPinaire/Iit :Que perfonne ne
vous trompe, très-illuflre Empereur; il eft bien dangereux de dé-
tourner à des ufages profanes , les chofes une fois confacrées à
Dieu , à'I'entretien des pauvres ôc des ferviteurs de Dieu , con-
tre l'autorité divine. S'il eft vrai que l'Etat ne puiffe fubfifter fans
le fecours des biens Eccléfiaftiques , il en faut chercher raodefte-
'Tom.-i,i^or. ment les moyens , fans nuire à la Religion. 'Vala die beaucoup
uèifuprd. d'autres choies qui font rapportées dans l'hiftoire de fa vie, par
Pafchafe Ratdbert. Comme on ne pouvoit en contefler la vérité,
l'Empereur , de l'avis de fon Parlement , ordonna que l'on tie;i-
droit quatre Conciles, où l'on prcndroit les mo-yens de rétablir
la difcipUne Eccléfiaftique ; l'un à ?.îayence , l'autre à P.^ris , le
Tom.7,Con- troiliémeà Lyon, ôc le quatrième à Touioufe. Ces quatre Con-
ciLpjg.i^8i. j,-jjç„ dévoient fe tenir le jour de lOclave de la Pentecofte , ôc
auiîi-tôt après en avoir tait l'ouverture , c'eft-à-dire , dès le
Lundi, on devoir obferver un jeûne de trois jours. En attendant,
,,. , lEmpcreur envoya des Commiifaires partout l'Empire pour s'in-
.1.583. former de la conduite desiiveques, des co-hveques, des Ar-
chiprêtrcs, des Archidiacres, des 'Vidâmes & autres iVIiniftres
de i'Eglife ; de l'état des Aîonaftercs ; ôc des Eglifes données en
bénéfice par autorité du Prince ; de la manière dont ies Comtes
remplilfoient leurs fondions , s'ils maintenoient la paix parmi les
Peuples , ôc l'exercice de la Judice. lous ces articles font détail-
lés dans la Lettre générale qu'il écrivit à tous fes Sujets. Il en
■Jhid. paj. écrivit une autre , où après avoir rapporté toutes les calamités
*^'°* qui défoloient fes Etats , la famine, la ftériiité , les maladies
contagieufes, les révoltes , les incendies, des Chrétiens menés
en captivité , des Serviteurs de Dieu mis à mort, les incurlions
des Bulgares ; il nomme tous les Métropolitains qui dévoient
VhiVa'as, afiiller aux Conciles indiqués. Quoique Pafchafe Ratdbert n'en
t«wi**"aij?^ ' cnmpte que trois , on ne doute point gue l'on n'en ait teniL
f'%- ♦71.
DU NEUVIEME SIECLE, f 99
quatre, félon l'ordre de TEmpereur^qui en avoir lui-même déligné
les lieux dans fa féconde Lettre : mais il ne nous refle que les
A£tes de celui de Paris.
IL II ne fut tenu que le fixiéme de Juin de l'an 839, trois /TAcs du
femaines après la Pentecofte , quinze jours plus tard qu'il n'avoir Concile de
été indique. Il ell compté pour le fixiéme de Paris, parce qu'on lom^^Con/u.
ne met point au nombre des Conciles tenus en cette Ville, celui p-ïg. 155)4.
qu'on y aifemMa quatre ans auparavant pour y examiner la
queftion des Images. Il s'y trouva quatre Métropolitains, Eb- Mabïilm,-
bon de Reims , Alderic de Sens , qui ce femble fut confacré ''^- l^yc^nnal.
dans le Concile même, ilavoit été Abbc de LerricrcsiRognoard 52,0,' '?'^^*'
de Rouen, ôc Landran de Tours, avec leurs SuiTragans , ce
qui faifoit en tout vingt-cinq Evêques. Les Reglemens faits
dans ce Concile font diflribués en trois livres. Le premier con-
tient cinquante-quatre articles ; le fécond treize , 6c le troifiéme
Vingt-fepr , prefque tous appuyés de l'autorité de l'Ecriture, des
Pères ôc des Canons.
III. Il ne fuffit pas pour être fauve de croire au Pcre , au Premier U-
Fils & au Saint-Efprit , ni tous les autres articles énoncés dans le '^'''^ j^" .«""Ses
oymbole;Ies bonnes oeuvres lont encore necellaires, parce que Paris,n)m. 7
la foi fans les œuvres eil une foi morte. La foi doit précéder, Condl. pag.
mais elle doit être fuivie des bonnes œuvres. On peut juger !,'^ '
dc-là des fuppiices aufquels feront condamnés ceux , qui non- ''
feulement n'ornent point leur foi des œuvres de pieté, mais qui
la déshonorent parleurs m.auvaifes actions. La fainte Eglife de C.7. i.
Dieu ei> un Corps dont Jefus-Chrifl: eft le Chef. Elle e(ï, félon C^. 3.
que nous l'apprenons des faints Pères , gouvernée par deux Puif-
fances , la Sacerdotale ôcla Royale. Gouvernée par les Evêques
fuccelfeurs des Apôtres, ils doivent être les modèles de leurs
Peuples. Quels fruits peuvent-ils efperer de leurs prédications, Cip-'^.
s'ils ne font pas ce qu'ils prêchent aux autres ? Un Evêque qui Cz:^. y.
vit mal ôc ne fait pas le bien , ne fe rend pas Dieu propice ni
fôn Peuple. Dans les commencemens de l'Eglife on n'admetrcit Cy. e.
perfônne à h fui & au Sacrement de Baptême,fans uneinflruaion
précédente ; mais la foi étant préfentement établie partout , ôc
les enfans des Chrétiens étant admis au Baptême avant Tâge de
raifon , il faut fuppléer aux inflriâctions , dont ils n'étoient pas
capables lors de leur Baptême. On s'en tiendra e:;acLement aux Ci/?. 7.-
tems marqués par les Canons pour l'adminiflration de ce Sacre-
ment , qui font les Fêtes de Pâques Ô: de Pentecofle : ceux qui
feront le contraire feront punis , s'ils ne fe corrigent avec humi» ■
?oo CONCILES
lité. Les parains font obligés d'inftruire leurs filleuls , comme
devant en répondre devant Dieu ; c'eft pourquoi il eft befoin
qu'ils foient eux-mêmes inflruits des devoirs de la Religion. Dé-
Cap. S. fénfe de viol^'r à l'avenir les Canons qui excluent des Ordres
ceux qui ont été baptifés en maladie , ou qui nefe font fait bap.-
r„„ „ tifer que par cupidité ôc hors des tems realés. Les Prêtres
auront loin que ceux qui ont ete bapnîcs accomplnient les pro-
melles faites au Baptême , & ils les avertiront lorfqu'ils feront
en âge de raifon , de vivre conformément aux obligations qu'ils
Cap. 10. ont contractées par ce Sacrement. Les éledions & les ordina-
tions des Evêques feront exemtes de toutes taches de fimonie;
Cap. II S- II. .& ceux qui auront été ordonnés félon les Canons, s'occuperonc
continuellement de l'exemple & de l'inflrudlion qu'ils doivent
donner à leurs Peuples. Ils ne feront point avares ; ils exerceront
ap. 13, 14. l'jiofpitalLté. Ils ne détourneront point à leurs propres ufages les
jchofes confacréesà Dieu ôc à l'entretien des pauvres. S'ils veu.-
Cap. t(. lent faire des donations à leurs parens , ce ne fera que des biens
qu'ils poflédoien: avant d'être Evêques , ou de ceux qu'ils ont
acquis par fucceifion héréditaire pendant leur Epifcopat. On
Ap. 17. n'aliénera les biens de l'Eglife que dans une extrême néceffité,
du confentement du Primat de la Province, & en préfence des
Evêques voifins. Il y avoir des Evêques qui , contre lufage des
anciens, couchoient en particulier , fans avoir des témoins de îa
Csp. 10. yiureté de leur conduite; le Concile le leur défend à l'avenir,
pour retrancher toute occafion de médifance. Il trouve aulTi
^'^'' ■'* mauvais que la plupart fe plaifoient à converfer ôc à manget
avec des Séculiers plutôt qu'avec des Eccléfiailiques , en quoi
ils étoient invités p:;r les Abbés ôc par les Abbeffes ; qu'ils s'ab'
fentoient fouvent delà Ville où étoit leur Siège, 6c alloient en
des lieux éloignés , ou pour leur intérêt particulier , ou pour
?2g. .15P3. leurs plaiftrs. Le titre de ce chapitre porte , qu'excepté le cas de
néceliité , les Evêques ôc les autres Prélats diront les heures
canoniales avec leurs Clercs ; qu'ils leur feront chaque jour des
conièrences fur l'Ecriture, ôc qu'ils mangeront avec eux,
Çap. il, IV. Sur les plaintes qu'il y avoit des Evêques qui refufoient
d'ordonner ceux qui leur étoient préfentés par des Laïcs , il fut
îeglé , que fi après avoir été examinés ils étoient trouvés capables,
l'Evêque fcroit obligé de les ordonner ; que s'ils ne l'étoient
point , il donncroit des preuves de leur inflitlifance. En quelques
, ^ip.-'-s- Diocèfes les Archidiacres ôc autres Minillres des Evêques,
fongeant plus à contenter leur avarice , qu'au falut des Peuples ,
faifoieitç
D U N E U V I E M E s I E C L E. 6o\
.faifoientfiireux des exaclicns.LeConcile enjoint à cesEvcques de
les empêcl'.er. Dans la perfuafion que les abus qui s'ctoient glilTés Czp. xi,
dans la difciplinc de l'Eglife ne venoient que de ce qu'on ne
tenoit plus les Conciles deux fois l'an , félon les Canons , il
.ordonne qu'ils fe tiendront au moins une fois , 6c qu'on en de-
mandera la permiflion à l'Empereur. Il défend aux co-Ev6ques Cdp.ij,
de donner la Confirmation , & de fiire les autres fondions réfer-
vées aux Evêques , attendu que les co-Evéques ne font point les
fucceffeurs des Apôtres , mais des foixante-dix Difcipies. 11
■défend encore aux Prêtres & aux Moines de tenir des fermes ôc dp. it.
de négocier , ôc aux Moines en particulier de fe môier d'aucune
.affaire Ecclefiaftique ou féculiere, fmon par ordre de i'Evêque
de la Ville , en cas de néceifité ; aux Prêtres de s'abfenter de Cip. i?.
leurs Eglifes , & aux Evêques de les occuper au-dchors , au pré-
judice du Service Divin , & des âmes de ceux qui meurent
pendant leur abfence , fans confelfion ou fans Baptême. Il
ordonne l'exécution de l'Ordonnance de l'Empereur touchant C.ip. 30,
les Ecoles , £c dit que pour montrer qu'elle efl en vigueur,
chaque Maître d'Ecole amènera fes Ecoliers au Concile de la
Province. Il fait dcfenfe aux Evêques d'être à charge aux Prêtres dp. zu
•& aux Fidèles pendant la vifite de leur Diocèfe; de donner la
Confirmation en d'autres jours que le Baptême , c'ed-à-dire , à Cip.ip.
Pâques ôc à la Pentecôte, & de donner la Confirmation après
avoir mangé , fi ce n'eft en cas de nécefiité.
V. Plufieurs Prêtres , foit par négligence ou par ignorance, Crp. y.^
impofoient à ceux qui fe confefloient à eux , des pénitences ,
autres que celles qui font prefcrites par les Canons , fe fervant
de certains pénitentiels pleins d'erreurs ; le Concile enjoignit
aux Evêques de faire chacun dans leur Diocèfe la recherche de
ces pénitentiels , 6c de les brûler , afin que les Prêtres ne s'en
ferviifent pas pour tromper les hommes , au lieu de guérir leurs
playes. Il ordonna en même tems , que ces Prêtres feroient
inftruits avec foin de leurs Evêques fur la manière dont ils dé-
voient interroger leurs pénitens ôc de la mefure de la pénitence
■qu'il falloit leur impofer ; parce que par la faute de ces Prêtres ,
plufieurs crimes étoient demeurés impunis , à la perte des ame<^.
Il compte parmi ces crimes les impuretés abominables , fem- Cap. 54.
blables à celles des Benjnmites , ôc veut qu'on les punifie fuivant Lnit. 10, i;
Ja féverité des Canons. Les Evêques veilleront avec foin fur la
vie des Prêtres ôc autres Clercs dépofés , ôc les foumettront à la
pénitence canonique ; c'efl: que plufieurs comptoient pour rien
Tome XX IL ^ggS
?o2 CONCILES
la dépofitlon , & vivoieiit en Séculiers , s'abandonnant au crïme;
Ils réprimeront aufii la licence des Clercs vagabonds, cuflent-ils
été reçus par des Evêques ôc des Abbés , ou par des Comtes , &
demanderont pour cet effet le fecours de l'Empereur, furtout
à l'égard de l'Italie où l'on recevoit librement les Clercs fugitifs
<-.!;'. Il- de Germanie ôc des Gaules. Les Abbés qui par orgueil refuferont
d'obéir à leur Evêque, feront ou corrigés par le Synode, ou
privés par une autorité fupérieure, de l'honneur de leur Pré-
lature.
Ç,„ ,^_ V I. Défenfe de donner aux Religieufes pour AbbeiTes des
. femmes veuves , qui n'ont jamais été Religieufes , étant contre
le bon ordre de confier le régime des âmes , & le gouvernement
des Monafteres , à celles qui n'en ont point appris les exercices,
Caj.. 40. ni les Statuts. Les Prêtres ne donneront point le voile aux veuves ,
fans avoir confulté leurs Evêques. Ils ne pourront non plus con-
Cjp. 41. facrer des Vierges. Il y avoit des femmes qui prenoient le voile
d'elles-mêmes , pour avoir quelque part à l'adminiflration des
C,» ^,_ Eglifes. Les Evêques font chargés de réprimer cet abus , & de
foumettreà la pénitence canonique les Abbefles , qui après avoir
été averties de ne plus donner de leur propre autorité le voile,,
ni aux Veuves , ni aux Vierges , continueront dans cette prévari-
Giç. 43. cation. Les femmes nobles qui après la mort de leur mari fe
donnent le voile à elles-mêmes, & ne laillent pas de demeurer
dans leur maifon , fous prétexte de l'éducsttion de leurs enfans ,
& y vivent dans la licence, feront averties de ne point prendre
le voile aulhtôt après leur veuvage , mais feulement trejite jours
depuis , félon le Décret de l'Empereur Louis , donné du con-
Cjp. 4^. fentement des Evoques ; au bout de ce tems elles prendront le
parti de fe marier ou de fe confacrcr à Dieu , 6c au cas qu'elles
fe déterminent pour ce dernier état, elles prendront le voile,
non dans leur maifon , mais dans un Monaflerc où elles vivront
Grp. 4^^ fous la conduite de la Supérieure. Par un autre abus, des femmes
en quelques endroits fcrvoient à l'Autel, touchoient les vafes
facrés , préfentoient aux Prêtres les habits facerdotaux , ôc pouf-
foient leur témérité jufqu'à donner au Peuple le Corps ôc le
Sang de Jefus-Chrift : ce que les hommes laïcs n'ofoient entre-
C^5. 4^. pi'endre. Le Concile ordonne aux Evêques d'empêcher qu'elles
ne falTent rien de tout cela dans leurs IJiocèfes. 11 interdit aux
Chanoines ôc aux Moines l'entrée des Monafleres de Filles ,
foit Chanoineflcs , foit Moniales, fi ce n'eft qu'ils en ayent
cbccnula permilïion de l'Evêque ou de fon Vicaire. Il ajoute i-
D U N E U V r E M E s r E C L E. 60^
que fi c'efl: pour leur parler , ce fera clans le Parloir , en préfence
de perlbnnes pieufes de l'un ôc l'autre fexe ; que fi c'eft pour
prêcher , ce lera publiquement ; que (i c'eft pour dire la MelTe,
ils entreront avec leurs Miniftrcs ôc fortiront aulFitôt après,
fans avoir des entretiens fecrets avec les Religieufes ; que fi c'eft
pour confcller , ce fera dans l'Eglife devant l'Autel , en préfence
de témoins qui ne feront pas trop éloignés. Il ajoute, qu'il ne
paroît pas convenable que les Moines Prêtres quittent leurs
Monafteres pour aller entendre les confeflions des Religieufes ,
ôcleur impofer des pénitences; qu'ils ne peuvent recevoir que
les confelfions des Moines de leurCommunauté; ôc qu'il n'eft pas
du bon ordre que les Clercs & les Laïcs déclinent les jugemens
desEvcques ôc desPrêtres canoniqucs^pour aller fe confefi'erdans
les Monafteres. Il déclare que chacun doit fe confelTer à celui
qui lui peut impofer la pénitence canonique ôc le réconcilier , Çi
l'Evêque l'ordonne.
VII. Quelques Prêtres fans égard pour les Canons qui de- Ci;;. 47.
fendent de célébrer la Méfiée ailleurs que dans les Eglifes confa-
crées à Dieu , la célcbroient dans des maifons ôc dans des jardins
,011 il y avoir des Oratoires érigés à cet effet avec tous les orne-
mens néceïïaires. Cet ufage eft traité de téméraire , ôc on déclare
qu'il vaut mieux ne pas entendre la MefTe que de l'entendre en
un lieu où il n'eft pas permis ; que le feul cas où l'on puille
célébrer la Méfie hors de l'Eglife , c'eft en voyage , ou lorfque
l'Eglife eft trop éloignée ; parce qu'alors c'eft une nécellké , afin
que le Peuple ne foit point privé de la Mefi'e ni de la participa-
tion du Corps ôc du Sang de Jefus-Chrift. Qu'en ce cas on doit C.vp. 4a.
fe fervir d'un Autel conlacré par l'Evêque ; ôc qu'à l'avenir les
Prêtres qui célébreront dans les maifons particulières ou dans
les jardins, feront dépofés. Il leur eft pareillement défendu de ^'.'' ''-''•
célébrer la Méfie feuls , fous peine de correction canonique ,
ôc d'avoir plus d'une Eglife ôc d'un Peuple , chaque Eglife devant
avoir fon Prêtre , comme chaque Ville a fon Evêque ; chaque
Prêtre pouvant à peine s'acquitter dignement du Service Divin
dans celle qui lui eft confiée.
VIII. Défenfe de tenir des marchés ôc des plaids les jours de Ci;. 50.
Dimanche, ôc de travailler à la Campagne, la célébration de ce
faint jour étant d'inftitution Apoftolique , ôc ayant toujours été
commandée de l'Eglife. On réformera l'abus introduit non- Ctp.^ii
feulement chez les Laïcs , mais aufii cliez les Clercs , d'avoir de-
iaux poids ôc de différentes niefures , grandes quand ils rece-
Gggg ij
Cap. r-
Cap. 5 3
Cap. j4,
Livre fécond,
f^g
. 1636.
"€04 CONCILES
voient , & petites lorfqu"iis vendoient ou prêtoient. La plupart'
avoient un autre moyen de s'emparer du bien des pauvres quj
leur étoient fournis : c'étoit de leur défendre dans le tems de la'
moifTon & de la vendange , de vendre la mefure de bled ou de
vin à plus haut prix qu'ils ne l'avcient taxée : d'où il arrivoit:
que ces pauvres étoient obligés de leur vendre leurs den-
tées à moitié de perte. Le Concile dételle cet ufage comme
plein d'impiété ôc d"injuflice. Il condamne encore toutes les
efpeces d'ufure ; & défend de recevoir pour Parains , foit au
Baptême , foit à la Confirmation , ceux qui font pénitence
publique.
I X. Les treize articles du fécond Livre regardent les devoirs-
du Roi envers fes Sujets, & des Sujets envers leur Roi. Ils
font tirés mot à mot d'un Traité de Jonas , Evéque d'Orléans r
préfent au Concile. Nous ne répéterons pas ce que nous en'
avons dit en parlant de fes ouvrages.
Livre troi- X. Après que les Evêques du Concile eurent achevé l'ou-
fieme , p:ig. y^age de la réformation de la difcipline , pour lequel ils s'étoient
affemblés, ils en (irent part à l'Empereur Louis par une Lettre
qui lui eft adrelTée , & à Lothaire fon fils, fous le titre iVaugiifies?
invincibles : comme ils lui envoyoient en même-tems les articles
qu'ils avoient dreffés , ils n'en dirent qu'un mot dans leur Lettre ;■
mais ils y joignirent fept articles du premier Livre qu'ils regar-
doient comme les plus intéreffans , & en compoferent vingt
autres dont ils lui demandèrent l'exécution. Ces vingt-fepc
articles compofcnt le troificme Livre des Atles de ce Concile;
Les fept premiers font 'les 4, 31-? pj 23? , ço, ^j-yôc 4^. , du'
Gap. ?. preniier Livre. Les Evêques demandent dans les vingt autres
à l'Empereur de faire enforte que fes enfans & les Grands de fa
Cour refpettent le pouvoir ôc la dignité ficerdotale , en les faifant-
fouvenir que c'eft aux Evêques qu'eft commis le foin des âmes ;
qu'ils font après les Apôtres, les Fondateurs des Egiifes ; que
Gap. p. ç'g(^ pg^ ç^jj qyg |çg volontés de Dieu nous font connues ; qu'ils
font les Chefs du Peuple fidèle , les dcfenfeurs de la vérité , ôc
les pères de ceux qui font régénérés dans la Foi catholique ; de
Cap. 10. maintenir en tout tems la paix j la concorde ôc l'unanimité entre
les Evêques ôc leurs Peuples ; de leur accorder la permiffion de
s'afiembler du moins une fois l'année , dans chaque Province ,
Cap. II. pour l'utilité des Eglifcs ôc le maintien de la difcipline ; d'établir
par fon autorité des Ecoles publiques dans les trois endroits les
Cfl^- 'i- plus convenables de l'Empire j d'autonfcr fes Envoyés à faire.
DU NEUVIEME SIECLE. '6c^
la recherche des Clercs fugitifs , principalement en Italie;
d'empêcher que les Moines , les Prêtres & les autres Clercs, ne ^^P- 'î*
fréquentent li fouvent le Palais ; de rétablir quelques Evêchés Cap. 14.-
qui nelublilloient plus, parce qu'on lesavoit dépouilles de leurs
biens; de flure celfer les dcfordres qui fe commettoient dans Cap.i^.
quelques endroits des Dioccfes d'Alirgaire ôc de Eangaire,
l'un Evoque de Cambrai , l'autre de Noyon ; de réprimer la C:p. is,
fureur de ceux qui pour fatisflure leur haine ou vanger les injures
qu'on leur avoit faites , répandoient de leur propre autorité le
fang de leurs ennemis ; de maintenir le bon ordre dans les Mo- Cip. ij.
nafteres & d'empccher qu'ils ne dcperifTent par la faute des
Laïcs à qui ils font donnés ; de fupprimer les Chiipelles dom.ef- q^, ,g,
tiques, même celles du Palais ; d'engager les Fidèles par fon q ,j,_
exemple , à s'approcher de la Communion du Corps & du Sang
de Notre-Seigneur ; de s'appliquer avec foin à pourvoir les Cap.io.
Eelifes de bons Pafîeurs ; les Monafteres de Filles de dignes C.y. n,
Aobefics ; & l'Etat , de Miniflres fa.oes & éclairés ; ôc d'élever r „
lui-même fes enfans dans la crainte de Dieu. lis repréfentenc
en dernier lieu à Louis le Débonnaire la nécefîlté de contenir
chacune des deux Puiffance dans fes bornes , difant , que le plus ^-^V' ^^*
grand obltacîe au bon ordre venoit de ce que depuis iongtems les
Princes s'ingeroient dans les affaires Eccléfialliqucs ; & de ce
que les Evoques j foit par ignorance de leurs devoirs, foit par
cupidité , s'occupoient plus qu'ils ne dévoient d aifaires tempo-
relles. On voit par le fécond article de ce troiliéme Livre , que ^T- -•-
parmi plufieurs dcfordres qui régnoient dans l Empire , il y en
avoit que les Evêques ne doucoient point être des reftes du
Paganifme ; ils parlent de ?vîagiciens , de Devins, de Sorciers ,
d'Empoifonneurs , d'Enchanteurs > d'Interprètes defonges , de
gens qui troubloient l'air par leurs maléfices , qui envoyoient de
la grêle , qui ôtoient les fruits 6c le lait pour le donner à d'autres >
& faifoient beaucoup d'autres chofes fcmblables. Ils prient le
Prince d'employer contr'eux la féverité des Loix , & citent un
Canon du Concile d'Ancyre , où il eft ordonné , que les Devins
& autres adonnés aux fuperfiitions des Payens , feront mis en
pénitence pendant cinq ans , en pailant par tous les dégrés de la-
pénitence.
GgggiiJ!
€o6 CONCILES
CHAPITRE XXX.
Co N c 1 L E s cU Vormes , de Langres, de Nlmegue;
de Vormes , de Londres , de Compiegne ? d'Aix-la-
Chapelle , de Manzoue , de Stramiac , de Kinfion ,
de Châlons-fur-Saone , d'Engelheim, & de Fomenai.
Concile de I. "^^TOus apprenons d"HincmardeReinis,qu'en8 2p ilfe tint
Vormes en I ^ ^^^^ Concile a Vormes, auquel ainfterent le Leg.''t du Pape
Condl. fcig, uregoire i V.oc un grand nombre d iiveques,qui conhrmerentce
^6(9. qui avoir été réglé dans les quatre Concile- deMayence^ de Paris,
de Lyon , & de Touloufe. Ils décidèrent encore , que celui qui
auroit quitté fa femme , ou l'auroit tuée pour en époufer une
autre, feroit pénitence publique après avoir quitté les armes ,
ôc que s'il rélÏÏtoit , il feroit mis en prifon & dans les liens jufqu'à
ce que l'Empereur connût du fait. Il n'elt pas douteux que ce
Tom. I , Ca- Priiice n'ait accédé à ce Règlement , on le trouve dans le Capi-
ptul.pag.67c. tulaire qu'il fit en cette Ville la même année. Il y en a un autre
Il'id. pay. qui défend l'examen ou l'épreuve de l'eau froide que l'on avoic
^^^* pratiquée jufqu'alors. On lit dans un manufcrit de l'Abbaye de
laint Rémi de Reims , que ce fut le Pape Eugène IL qui inflitua
cette épreuve , pour empêcher que l'on ne jurât fur les reliques ,
MnbUlon. in OU qu'on ne mît la main fur l'Autel. Dom Mabillon rapporte fur
Anakâl. pag^. l'autorité de ce manufcrit , qu'il croit être du neuvième fiécle ,
les rits de cet examen. On chantoit une AleiTe à laquelle les
Accufés affiftoicnt & communioient : mais le Prêtre avant de
leur donner la Communion, les conjuroit au nom de la faiote
Trinité ôc de tout ce que la Religion Chrétienne a de plus ref-
pcctab!e,de ne la point recevoir s'ils étotent coupables de Ja
faute dont on les accufoit. S'ils ne répondoicnt point , il les
communioit en difant : que ce Corps Cs" ce Sang de Notre-Seigneicr
Jefiis-Chrijlfoient aujourd'hui pour votre épreuve. La Meffe finie ,
il béniffoit de l'eau , la portoit au lieu où l'examen fe devoit taire ,
leur en faifoit boire ; puis après avoir cxorcifé l'eau dans laquelle
ils dévoient être plongés, il les y plongeoit lui-même , en priant
Jefus-Chrift d'empêcher (qu'elle les reçut ^ s'ils étoient coupab^s.
DU NEUVIEME SIECLE. ^07
Cette cérémonie L* Hiifoit à jeun, tant de la part du Prêtre que
des Accufés, Le Décret del'ÉmpereurLouisne fut pas générale-
ment obrervé,puifqu'Hincmarcon(ulté fur cette épreuve quelque
tems après par Hildegaire , Evêque de Meaux , prouve par
plufieurs raii'ons que Ion pouvoit admettre le jugeaient de l'eau
froide.
II. Alberic, Evcque de Langres , craignant que fes fuccef- Concne de
feurs ne reprillent au Monaflerc de Beze les biens qu'il lui avoit ''""ff'es en
donnes depuis qu il 1 avoit rétabli , eut loin de taire confirmer Cwdl. par.
fes donations par l'Empereur Louis & fon fils Lothaire ; par ^fjoi&Ma.
Agobard, Archevêque de Lyon , fon Métropolitain , par fes Ji^'^m/ r'Z'.
Sulfragans & par le Clergé de Langres. Il fe tint à cet elTet un 47, p^^;- ii''.
Concile à Langres , auquel Agobard préfida, affifté de quatre
Evêques , d'un Abbé, d'un co-Evcque , & de plufieurs Prctres.
Les ades font dattes de l'an 830, de môme que les diplômes
des Empereurs , ôc la charte de la donation faite par l'iivcque
Alberic.
III. En 831 l'Empereur Louis ayant fait comparoître dans Concile <le
raffcmblée tenue à Niiiieg^ue iur leVahal , les Cheis de la révolte, >fimc2ue ci
Jeilc, iiveque d Amiens, y hit depole par les hvcques ; mais Cwdl. pa^^
quelque tcnis après, ce Prince le fit rétablir ;& quoique le.s autres lOii-Tk-gàn,
coupables euilent été condamnés à mort , il fe contenta de les "^' î'*
reléguer &: de les faire garder , les Laïcs en divers lieux , & les
Clercs dans des Monafteres.
I V. Aldric , Archevêque de Sens , ne prit aucune part à la Concile de
révolte des enfans de Louis le Débonnaire. Voyant que le Mo- J.T''rL T
naflere de faint Rémi , fitué en un des rauxoourgs de cette c^'ml. pajr.
Ville , avoit été dilapidé fous fes prédécefTeurs , qu'il étoit l^.J^/.f^-'^'-^-
à ailleurs en un heu fierile ôc incommode, il le translera, de 1 avis Annall. num.
de fes Chaiioines, des Moines, & des Fidèles Laïcs , àVarcilles , i hi"'?- 'f ° >
& lui accorda plufieurs fonHs ôc divers privilèges. L'ade de cette * 'g^, """Ih^I
tranflation fe trouve dans le fécond tome du Spicilege , d'où il p.ig. 1683^
eft parte dans le Ilecucil des Conciles. Il eft fans date dans les
imprimés ; ce qui en rend l'époque incerraine. Mais l'infcription
qui eft aux Evcques ôc aux Abbés de la domination de Lothaire ,
fait voir qu'il fut drelTé après la dépofirion de l'Empereur Louis ,
mais avant Tan 834, puifqu'en cette année ce Prince étant à Aix
h Chapelle , conlirma cette tranflation par un diplôme datte
du feiziéme des Calendes, la vingt-deuxième année de fon Eni- .
pire , indiction treizième j c'cft-à-dire , du feiziéme de Novem-
bre 83^. Aldric lit approuver ce qu'il avoit fait par les Evêques^
'^o8 CONCILES
aiTemblés à Vormes. Il figna le premier latte de cette tranHation ,'
qui fut enfuite foufcrit par Landramn , de Tours ; Barthelemi ,
deNarbonne ; Jonas , d'Orléans ; Fulcouin , de Vormes ; ôc
plufieurs autres Evêques ou Abbés. A Londres on tint un Concile
enS j 3 en préfenced Egbert , Roi des Saxons ; ôcde'Withiurius,
Roi des Aîerciens , pour avifer aux moyens d'empêcher lirrup-
tion des Danois. On y confirma aulTi les donations & les privi-
lèges accorde's au Monaftere de Croylande par le Roi "W^ith-
lulius.
Concilesde V. On ne répétera point ce qu'on a dit plus haut de la dépo-
Compiegne , fition de l'Empereur Louis au Concile de Compiegne en 8j? ;
de M*etz,dAi- de fon rétabliffement à faint Denis en France en 834 , puisa
ligny , de Mctz & à Thionville en 8 3 c ; il y en eut un à Attimiy en 834,
Thionvilleen \ d- -u J' i
g g OU ce r rince travailla aux moyens de reparer les maux occa-
iom.7,CondL fionnés , tant dans les affaires Civiles qu'Eccléfiaftiques , par les
yr-g. 16S6 ù- guerres précédentes. On rapporte au même Concile le jugomeac
de la conteftation entre une femme noble nommée Northilde
& Agembert fon mari. D'autres difent qu'elle fut jug Je -lans un
Concile tenu en la même Ville en 822. Voici ce qu'en dit
Hincmar dans fon écrit touchant le divorce de Lothaire 6c de
Teutberge. Northilde fe plaignit aux Evèques de certaines
■chofcs deshonnétes qui s'étoient paffées cn:re fon mari & elle,
ies Evêques ne croyant point que de telles matières fuiïent de
leur compétance , en renvoyèrent le jugement aux Laïcs mariés,
avec ordre à Northilde de s'en tenir à leur décifion , à charge
néanmoins que (i elle fe trouvoit coupable ôc demandoit pt'n'ir
tence, elle lui feroit impofée par les Evêques félon les Canons,
Concile V i. Au mols de Février de l'an S^6 , les Evêques s'allem-
dAixia-Cha- i^lerent à Aix-la-Chapelle par ordre de l'Empereur Louis j qui
iom.7,Cciml. propoui lui-mcmc les matières qu us avoient a traiter. Comme
fig. 1700. elles regardoient les devoirs des Mihillres del'Eglife, & ceux
des Princes temporels , on partagea en deux parties les Décrets
de ce Concile , connu fous le nom de Second d'Aix-la-Chapelle,
Ils ne contiennent rien de nouveau ; ce ne font que les anciens
Canons que l'on tâcha de remettre en vigueur, la plupart étant
P.irt. I. tombés dans l'oubli par le non-ufage. Les deux puiffances , la
Can. ;. fpirituelle & la temporelle , contlnuoient à entreprendre l'une
fur l'autre; c'ell pourquoi le Concile déclare qu'elles agiffent
■Cm. 15. en cela l'une ôc l'autre contre l'autorité de Dieu. Il prie l'Em-
pereur de rétablir tellement les Evêques dans leur liberté , qu'ils
,Çiin.\é. puiffentvacquer à kur falut; à celui de leurs Peuples ^ Ôc être
cil
r>U NEUVIEME SIECLE. ^60^
«n état de faire à Dieu des vœux pour la fiabilité & la tranquilité
de l'Empire ; de leur permettre de paffer en repos le tems du ^'"'' "7.
Carême qui doit fervir d'un tems de purirication pour le refte
de l'année ; d'accorder la même grâce à tous les autres Eccléliaf-
tiques ; & d'empêcher que les Prêtres de divers Diocèfes qui C.w. ij,
vont s'établira la Cour n'y foient reçus fans le confentement de
leurs Evêques , étant fort poillble qu'ils ne fortent de leurs Pa-
roifles que dans la crainte d'y être punis , félon les Canons , pour
quelque crime , ou que cefoit des impofleurs qui fe faiïcnt palier
pour Prêtres , quoiqu'ils ne le foient pas. Après avoir fait une
féconde fois la diilindion entre la puifTance facerdotale âc la
royale, les Evêques avouent qu'ils ont excédé en plulieurs ma-
nières à l'occalion de la révolte des enfans de l'Empereur , qu'ils
appellent un crime inoui dans tous les fiécles ; puis ils ajourent en
s'adrelTant à ce Prince : le feul moyen de rétablir les chofes , eft
que laiiTant jouir les Evêques de toute la puilTance que Jefus-
Chrift leur a donnée , vous ufiez de toute celle que vous avez
comme père 6c comme Empereur : c'eft ce qu'on lit dans la
conclufion de la première partie. La féconde efl: adreflee au
Roi Pépin pour l'engager à reftituer les biens Ecclefiaftiques
dont lui & les Seigneurs s'étoient emparés. L'Empereur Louis
fon père lui en avoir déjà envoyé l'ordre en 854, comme on le
voit par le Concile d'Attigny. Les Evêques font mention dans
leur Lettre à Pépin , d'un écrit qu'ils lui avoient adrelfé par
Aldric , Evêque du ATans , ôc Erchanrad , Evêque de Paris ,
contenant des avis Hilutaires , qu'ils étcient autorifés de lui
donner en qualité d'Evêques. Nous n'avons plus cet écrit. Mais
on nous a confervé le recueil de pafTages qu'ils y avoient joints
en preuves de ce qu'ils y avançoient fur la nature & l'ufage des
biens Ecclefiaftiques. Ce Recueil eft en trois Livres, On fait
voir dans le premier , que l'ufage d'offrir à Dieu des vœux ôc des
facrifices eft aulli ancien que le monde ; que dans l'ancienne
Loi , comme dans la nouvelle , il a eu pour agréable qu'on
dreffat des Autels en fon nom ; qu'il les a lui-mêene ordonnés ,
ôc obligé les Peuples à fournir aux frais du Sanduaire & du
Tabernacle ; qu'il a donné non-feulement des terres , des mai-
fons , des Villes ôc des Fauxbourgs , aux Miniftres de fes Autels,
mais encore une partie des dépouilles que fon Peuple avoit
enlevées aux ennemis , & ce qu'il y avoit de plus eftimabie dans
les facrifices qu'on lui oiTroit à lui-môme dans le lieu qu'il avoit
choifi, c'eft-à-dire , dans le Temple. Les Eve ^ues du Concile
TomXXll. Hhhh
«jio CONCILES
fe fervent de tous ces faits , qui étoient inconteftables , pt)ue
Lib. I. répondre à l'objedion des Laïcs , qui ne penfant uniquement.
Can. j. qu'à contenter leur cupidité & leur avarice , difoient , quel mal
y a-t-il de nous fervir de ces biens dans nosbefoins ? Dieu ni les
• Saints ne s'en fervent point ; tout eft à lui ; & c'eft pour notre
ufage qu'il a créé tout ce qui eft fur la terre. C'étoit , comme le
remarquent ces Evéques , raifonner fottement 6c faire injure à
Dieu , puifquil avoir lui-même deftiné une partie des biens de
Pag.. 1747 la terre à l'entretien de fes Miniftres. Ils détaillent dans le fécond
^feq. Li\re les fupplices dont Dieu a puni plufieurs Princes pour avoir
ou dépouillé le Temple du Seigneur , ou fait un ufage prophane
. des vafes facrés. Ils montrent dans le troifiéme comment i'Eglife
de Jefus-Chrift s'eft accrue par les oblations des Fidèles i ce
qu'ont penfé les Saints Pères, de ceux qui détournent à leurs
propres ufages les terres & les autres biens des l'EgliléSj&de
quelle manière ont été punis ceux qui après avoir offert à Dieu.
leurs bierïs , en ont retiré une partie. Ils citent les Canoils du
Concile de Gangres contre ceux qui ont la témérité de s'appro-
prier les biens de I'Eglife , & fupplient le Roi Pépin les genoux
à terre , de ne point imiter ceux qui ont deshonoré & humilié
I'Eglife en la dépouillant de fes poffefTions i mais de fe modeler
fur lès ancêtres qui font ornée & enrichie par leurs libéralités.
Les remontrances des Evêques eurent un licureux fuccès.
Paj. lyfS. Pépin Ht expédier des Lettres fcellées de fon fceau pour la
rellitution de tous les biens Ecclcfiaftiques dont on s'étoit
emparé.
Concile de V I L II y eut vers l'an 8 3 j un Concile à Mantoue, en préfencc
Wantone en de l'Evêque Benoît, de Léon le Bibliothécaire , des Légats du
^^'' An^ï ^^''^^ Siège , où Ton termina la difîicuké entre les Patriarches de
icm. 8 , p^. Frioul & de Grade , au fujet de quelques Evéchés dlfirie , alors
35 «• dépendans du Patriarchatde Grade. Mais fur les preuves allé-
guées par le Patriarche de P rioul , on les lui adjugea.
Concile <^e VII I. Ceux qui après Ebbon de Reims avoient eu le plus de
Strnmi,ic rn p^ft: à la dépofition de Louis le Débonnaire, étoient Agobard
(Inciu'^'iu' ! "^ Lyon ôc Ùernard de Vienne. Appelles au Concile de Thion-,.
»768. ville, ils refuferent de comparoître , ôc fë fauverenten Italie.
Conime on s'imaginoit qu'ils vouloicnt fe pourvoir par appel
auprès du faint Siège de la Sentence de dépofition conir'eux,
les Evê(]nes de ce Concile n examinèrent j^olnt à fond i'alfaire
de ces deux Evêque' . C'efl pourquoi fur la iiécefîité qu'il y avoit
de remplir leurs Eglifes vacaïues , l'Empereur indiqua une
DU NEUVIEME SIECLE. '€ii
affemblée à Stramiac ou Cremieu auprès de Lyon. Elle fe tint
pendant l'Eté de l'an Sjô; Lothaire ne put s'y trouver , parce
qu'il étoit tombé malade après fon Traité fait à Thianville,au
mois de Mai de la même année , avec l'Empereur. Mais fcs
frères Pépin &: I ouis y alFifterent avec leur père. On y examina
la caufe des Eglifes de Lyon 6c de Vienne. Agobard ôc Bernard
furent cités. Se défiant de la bonté de leur affaire, ils ne com-
parureht point ; ce qui fut caufe qu'on ne put rien conclure ,
n'ayant pas été ouis. Aindon remit à un autre tems, de pourvoir
à la vacance de ces deux Eglifes.
IX. En 838 on aflembla un Concile à Kingfton. Le Roi Concile de
Egbert y prélida avec fon fils Athelwulfe & l'Archevêque sis^, roL 7"!
Ceonokhe. Il étoit compofé de plufieurs autres Evoques ôc Condl. pag.
grands Seigneurs d'Angleterre. On appelloit mixtes ces fortes '^^°*
d'affemblées , parce qu'elles étoient compofées de Laïcs ôc
d'Ecclefiaftiques. L'Archevêque Ceonokhe repréfenta , que le
Roi Baldrede avoit donné à l'Eglife de Cantorberi une cer-
taine" Terre exempte de toute charge féculiere ôc même dû
tribut royal ; mais que ce Roi n'étant point agréable à tous les
Princes, ils n'avoient pas voulu ratifier la donation. Il en demanda
la confirmation au Concile. Egbert ôc Athelwulfe l'accordèrent :
Les Evêques , les Seigneurs , les Abbés en firent de même , avec
anathême contre ceux qui oferoient contefter cette donation.
X. Après la mort de Pépin, Roi d'Aquitaine, l'Empereur Concile de
Louis partagea fon Royaume entre Lothaire ôc le Prince Sy.'^neen'g^r
Charles , Roi de Neuftrie , ne laifiant à fon fils Louis que la tom. 7,Cnr'cU,
Bavière. Ce Prince fe croyant lezé leva une armée pour vanger F"^* '^rc
l'injure qu'il croyoit qu'on lui avoit faite. En même tems
Ebroin , Evêque de Poitiers, avertit l'Empereur des divifions
qui commençoient à s'élever en Aquitaine, ôc lui fit entendre
qu'il étoit abfolument néceffaire qu'il y vînt lui-même pour
gagner ou intimider ceux qui fe déclaroient pour le jeune Pépin ,
fils du feu Roi. Louis le Débonnaire promit d'y aller ; mais
auparavant il affcmbla un Concile à Châlons-fur-Saône pendant
l'Automne de l'an 839, avec ordre aux Seigneurs d'Aquitaine
de s'y trouver ; il y alla lui-même accompagné du Prince
Charles , Ôc expofa les raifons qu'il avoit eues de donner le
Royaume d'Aquitaine à ce Prince préferablement à l'un des
deux enfans de Pépin , aufquels il promit fes foins ôc un établif-
fement. Il régla dans le même Concile diverfes affaires Civiles
ôc Ecclefialliques , dont les Hiftoriens du tems ne nous ont point
laifle le détail. H h h h ij
«?r2 C Ci N, <^ I L E S
Concile d'in- : XL Ebbon dc Reims dépofé depuis l'an 83 ; , ayant appris
gehcim tv {^ mort de 1 Empereur Louis , vint trouver Lotliaire à Vormes,
Concil. poj' poi^f 'e taire fouvenir de rattachement qu'il avoit eu pour fes
.1770, intérêts , ôc le prier de le rétablir dans fon Siège, llcthairc
croyant lui devoir cette marque de fa reconnoiifance , le fît
abfoudre par vingt Eyéques , tant des Gaules que de Germanie ,
affemb:és dans le Palais d'Ingelheiai , & enfuite conduire à
Reims où il fut remis en poileilion de i'Evêché par wn Edit
Impérial datte de la première année de fon règne en France.
Drogon , Evoque de Mets, foufcrivit le premier à cet Edit,
en fa qualité d'Archi-Chapeiain , ôc après lui Olgaire de
iVIayence.
Loix du R oi X 1 1. Le Père Labbe a mis ei\ruite des a6les du rctabliflement
Keneîh,^ ibid, 4^>£b[,on , un Recueil de Loix faites par Keneth , Roi d'Ecoffe ,
DOP",. 1777.. ', .-. . ^ ..
qui rcgna depuis 1 an 840 jufqu'en Sj j ; elles font divifées en
.deux articles : le premier contient les Loix Civiles ; le fécond ,.
les Eccleliaftiqi-ies ; niais cette difiribution n'efl point exade,
on en trouve. det: EccLefiaftiques parmi les Civiles, & des
Ci\ile£ parmi les Ecciefiaftiques. Elles ordonnent la vénération
des^TenipL'S ^ des Autels , des Statues qui repréfentent les
Saints V l'obf'^rvation des Fêtes , des jeûnes ôc des veilles: Pu-
nilfent de mort les infultes faites à un Prêtre de Jefus-Chrill: ^
foii de paroles, foit d'adion : Veulent qu'on laillc fan^ culture
pendant fept ans un champ où quelqu'un auroit été tué ôc en-
feveli ; que l'on mette une Croix fur tous les tombeaux , avec
défenfe de marcher fur Icndroit de la fépulture ; que les pompes
funèbres fe failent à proportion des faculcés du défunt; que fi
c'eftun riche. ôc un homme de condition , le convoi funèbre
fera accompagné de deux Ecuyers à cheval portant les armes
dont il fe fervoit pendant fa vie ; que l'un d'eux entrera dans
rEglift!j)our y annoncer la mort de fon J^.ïaître , ôc en fortira
auflitot ; ôc que l'autre dépolera devant TAutel les armes du
défunt ôv les offrira au Prêtre avec le ciieval fur lequel il étoit
monté. Cet ufagc fut changé depuis , Ôc au lieu d'un cheval ôc
des armes , il fut ordonné qu'on donneroit au Prctre cinq livres
llet'iings. Ces Loix portent encore, que l'on coijpera la langue
à-ceiui qui aura blafpliémé contre- Dieu , contre les Saints>
<ÉX;i)crj-e Roi, ouiContreleChcfdefa Tribu.
Affèm'i:- J XML. 4p-ccs^ |^.-^'-'-^''le qui fec'onna le vingt-cinquième de
de Fonte ■; {^uni 842,eii un lieu nommé Tauriac, procl;e de Fonce. lai,
'^CoVu'7 Bourg de i'AujiiÇçtçîiSjf e»«c Lotliaire ,. d'une part i Charles,,
»7^'.- * " ^: xiihlH
DU NEUVIEME SIECLE. 613
Roi de France ; & Louis de Bavière , d'autre ; ces deux Princes
perfuadcsque cetoit de Dieu feul qu'ils renoient la victoire,
ordonnèrent qu'on enterrât avec les cérémonies de l'Eglife
tous les corps , foit de leurs Soldats , foit des Ennemis ; que
l'on panfat avec beaucoup de foin les blelTés de l'unôc de l'autre
parti ; ôc firent publier une amniftie générale pour ceux de leurs
fuiets qui voudroient rentrer dans leur devoir. Ils alTemblerent
même les Evêques pour fcavoir , Çi ni eux ni leur confeil , ni
leurs Soldats n'étoient point coupables devant Dieu du fang
répandu dans cette bataille. Les Evoques repondirent ^ que la
julîice de leur caule ôc tous les efforts qu'ils avoient faits pour
n'en pas venir à cette extrémité , les difculpoiciit entièrement ;
qu'il tàlloit feulement que chacun s'examinât pour fçavoir fi la
colère , la haine , la vaine gloire n'étoient point entrés dans le
motif de leur guerre ôc des adions qu'ils avoient faites dans le
combat j qu'en ce cas il falloir avoir recours ( a ) à la confeilioa
fecrette de leurs péchés pour en avoir l'abfolution. Enfuite ils
indiquèrent un jeûne de trois jours pour le repos des âmes ôc
la rémifllon des péchés de ceux qui étoient morts dans la
bataille.
XIV. Lothaire hors d'état de foutenir la guerre , fe retira à Concile
Aix-la-Chapelle. Les deux Rois l'y fuivirent , ôc fcachant qu'il '•'^'-''■'^-p'ia-
• 1 r • -1 I j n- • j 1 r'- i / . pelle en 841 ,
avo)t pris la tuite , ils conçurent le delieui de le faire déclarer tom. y.Condl.-
déchu de tous les Etats qu'il pourroit avoir, ou prétendre dans h''^S- '781,
le Pays d'en-deçades Alpes, ôc au-delo du Rhin, lis alTemblerent
à cet effet les Evêques Ôc les Prêtres qu'ils avoient à leur fuite à
Aix-la-Chapelle , réfolus de s'en tenir à leurs avis , comme à la
volonté de Dieu. Les Evêques confiderant la conduite que
Lothaire avoir tenue depuis le commencement , les guerres
qu'il avoit faites à fon propre père , l'injuUice qu'il avoit corn-
mifeen lui otant la couronne , les parjures qu'il avoit fait com-
mettre au Peuple chrétien par fon ambition , les fermens qu'il
avoit violés à 1 égard de fes frères , les adultères , les homicides ,
les incendies ôc les autres crimes dont il s étoit rendu coupable ,
fon incapacité pour le gouvernement , ôc fes autres mauvaifes
qualités , déclarèrent que c'étoit par un jufte Jugement de Dieu,
(a.) At quiciimque confcius- fibi, aut
irn , aut odio , uut vnna gi.nia , aut terre
quolibet vitio cjuiiiqiam in liac cxpedi-
Mone lUafit , vel geilit, euct vue coafcllws
fectetè, (êcreti deliAi, & ;cc«ndùin modum
culpjE diji;dicrre;ur. T m. 7 , Ccncil.-
pr.g. 178 t ; ^ Vitandus , lih. i',pag, JV-ï 7»
tom, z jDuthtjus. s
Hhhhuj,
«14 CONCILES
qu'après avoir été défait à Fontenai , il venoit d'abandonner fes
i Etats par une fuite honteufe ; 6c que Dieu les avoit donnés à
j fes frères meilleurs que lui , ôc plus capables de régner. Mais ils
■; ne permirent aux deux Princes de s'en mettre en podefTion
qu'après avoir promis en préfence de tout le Peuple , qu'ils fc
régleroient dans leur gouvernement félon la Loi & les ordres
de Dieu. Ils le promirent. Les Evêques dirent enfuite , en leur
adreflant la parole : Recevez le Royaume par l'autorité de Dieu ,
' ôc gouvernez-le félon fa divine volonté : Nous vous en aver-
tiflbns , nous vous y exhortons , nous vous le commandons*
Les deux frères choifirent chacun douze perfonnes pour faire le
Tom % on. P^^t^ge de tous les Etats en deux. Nithard , qui a rapporté cet
Diichefn.par. événement au commencement de fon quatrième Livre , dit
2^^* qu'il fut un de ceux que le Roi Charles choifit.
CHAPITRE XXX L
Des Conciles de Bourges , de Conjlantinople , de
Coulaine , de Lauriac , de Toulouje , de Thioiiville ,
de Verneuil, deBeauyais , de Meaux , de Paris,
Concile de I- T7 B B o N rétabli fur le Siège Epifcopal de Reims par les
Bourges en JjjEvêques affcmblés à Ingelheim en 840 , fut obligé de le
Con'r'"*^' quitter pour toujours par ordre du Roi Charles le Chauve > en
1874. * 841. L'année fuivante il fe tint à ce fujet un Concile à Bourges ,
où il fut prouvé qu'Ebbon avoit été dépofé canoniquement.
Rodolphe, Archevêque de Bourges , préilda à ce Concile.
Concile de 1 1- La même année 842 , l'Impératrice Theodora en afTembla*
Conftantjno- un à Conflantinoplc dans le Palais , où les Evêques dirent ana-
^In'û'^' a ' thème aux ennemis des faintes Images , ôc confirmèrent le fécond
1781.* ' Concile de Nicée. Ils dépoferent Jean Leconomante fauteur
des Iconoclanes , ôc mirent à fa place Methodius qui avoit
fouffert de grandes perfccutions fous les Einpereurs Michel &
Théophile. Dès-lors les Eglifes reprirent leur ancienne fplen-
deur. On y rétablit les Images , ôc on en chafïïi ceux qui les
avoient ôtécs , pour donner leurs places à des Orthodoxes.
Concile de \\l. Le Roi Charles fe trouva dans la quatrième année de
ViUdColonu ,
DU NEUVIEME SIECLE. 6i^
fon Règne, ceft en 84^ , à un Concile qui fut tenu à f^illa tom.j^Condl.
Colonia , près de la Vilie du Mans , félon le Père Sirmond , P'^^- J?»?.
& connu lous le nom de Coulene, ou , félon d'autres, à Cou-
laine en 1 ouraine , fur la Vienne. Ce Prince y publia un Capi-
tulaire , qui fut foufcrir de lui , de tous les Evéques , ôc les
Seigneurs préfens. Il contient lix articles , précédés d'une pré-
face, où comparant l'Eglife à un vailleau , tantôt agité de la
tempête , tantôt dans le calme , il fait voir qu'elle a befoin du
fecours de celui qui la gouverne , c'efl-à-dire , de Jefus-Chrift.
Il s'étend dans les lix articles de fon Capitulaire fur le culte
& le refpett que ion doit à Dieu ; fur le foin que l'on doit
prendre des Eglifes •, fur la vénération due aux Miniflres des
Autels , ôc la nécellité de les maintenir dans leurs privilèges ,
ou de leur en accorder ; i'ur les devoirs des Peuples envers leurs
Rois; ôc des Rois envers leurs Peuples. Il défend à qui que ce
foit, ôc fous quelque prétexte que ce foit , de lui rien propofer
contre l'équité ôc la juliice; ôc ordonne à ceux qui pourroient
en être intln-méo de l'en avertir, pour n'être point (urpris, ou
pour remédier à ce qu'il auroit pu faire au contraire.
I V. Au mois d'Odobre de la même année on tint un Concile Concile de
à Lauriac en Anjou , dans lequel on fit quatre Canons , avec g^'^ff, ^'^
anatlieme contre ceux qui neles obierveroient pas. JLe premier 17^0.
ell contre les tranfgrefléurs publics de la i.oi de Dieu , ôc contre
ceux qui convaincus de crimes dans les Tribunaux Ecclefiaf-
tiques refuferont d'en fubir le jugement ; le fécond , contre ceux
qui attenteront à la dignité royale Ôc n'en feront point une
fatisfaction cotivcnabie ;letroiriéine , contre ceux qui refuferont
d'obéir à la puiffance royale, qui , (Aon l'Apôtre, efl: établie
de Dieu; le quatrième, contre ceux qui oferont violer ce que:
le Concile a établi pour le maintien de la tranquilité de l Eglife ,,
'de la vigueur iacerdotale , ôc de la dignité royale. On ne dcute'
pas que ces Canons n'ayent été faits contre Lambert, douver-
neur de Nantes , qui avoit fait déclarer le Duc de Bretagne
contre le Roi Charles.
V. Ce Prince éiant à Touloufe au mois de Juin de l'an 844 , Capituhire
reçut des plaintes des Prêtres du pays contre leurs Evéques. En g„ g^_|;'" °"^_
attendant qu'on put les examiner avec plus de foin dans un y^L^ndlfag,-
Concile, ii v pourvut par un Capitulaire de neuf articles , où il. ^'^*'
défend en premier lieu auxEvcques de traiter mal leurs Prêtres c.ip. i.
en vangeance de ce qu'ils avoient eu recours à lui. Enfuite il G;;>. i.
ordonne que les Evéques n'exigeront point des Prêtres au-delà-
'6i6 CONCILES
de la quantité de vin , de bled , d'orge , & autres fournitures, qui
Cap. ;, eil fpécifiée ; que les Prêtres ne feront obligés de les faire porter
qu'à cinq milles du lieu de leur demeure , fans qu'ils puiffent
être moleftés fur ce point par les Miniftres des Evoques ; que
Cap. 4- ceux-ci en faifant la vifite de leurs Diocèfes , fe choifiront un
logement où les ParoilTes puiffent s'aflembler commodément
pour y recevoir la Confirmation ôc les inftruclions néceffaires ;
que le Curé du lieu & quatre autres des plus voifins , fourniront
une certaine quantité de vivres pour la dépenfe de l'Evêque ,
avec défenfe à fes gens d'en exiger une plus grande que celle qui
Ctp. ^ eft ici marquée ; que les Evéques ne feront qu'une fois 1 an
cette vifite , & qu'au cas qu'ils la rciteraffent , ils ne recevront
Cj?. 6. qu'une fois cette fourniture ; qu'elle ne leur fera même délivrée
Cap. 7. que quand ils vifiteront en perfonne ; qu'ils ne multiplieront
point les ParoilTes dans la vue d augmenter leurs revenus, mais
uniquement pour l'utilité des Peuples , ôc qu'en divifant une
Paroiffe en deux , ils ne retireront des deux Curés que ce qu'ils
Cap. 9- recevoient d'un feul ; qu'ils n'obiic^eront les Curés qu'à deux
Synodes par an ôc dans les tems réglés par les Canons. On a
inféré ce Capitulaire dans les Recueils des Conciles.
Concile de V I. Les trois frères Lothaire , Louis , ôc Charles , revenus
9.l°^ZJl'^ de leurs animofités , après plufieurs ambaffades qu'ils s'éioient
Concil. pag. envoyées mutuellement, fe rendirent au mois d'Odobre de la
1809, même année 844 à Jeuft près de Thionville , où ils renouvel-
lerent leurs anciennes proteftations d'amitié, avec promefTc de
rétablir l'état de l'Eglife qui avoit beaucoup fouffert de leurs
divifions. Ils confentirent qu'il fe tint là-de(Tus un Concile,
auquel Drogon , Evêque de Mets , préfida , 6c en approuvèrent
les Canons ou Reglemens qui font au nombre de lix. Dans le
Cijj, I. premier on exhorte ces Princes à conferver entr'eux la paix ôc
la charité, afin de faire ceffer les troubles que leur divifion avoit
jettes dans l'Eglife rachetée du Sang de Jefus-Chrift , réunie ôc
rétablie avec tant de peine par les Rois leurs prédécelfeurs.
Cap. z. Qj^ leur demande dans le fécond de remplir au plutôt les Sièges-
Epifcopaux vacans à caufe de leurs querelles , ou d'y faire
rentrer ceux qui en avoientété chaflcs en quelqu'occafion que
ce fût ; mais on les prie en même-tems de bannir la fimonie ,
Cap. 3. ÔC de fuivreen tout la difpofition des Canons. Par le troifiéme ,
ils font priés d'ôter aux Laïcs les Monaileres qui leur ont été
donnés, ôc d'y remettre des Abbés ôc des Abbelfes pour .les
gouverner ; ôc au cas qu'ils s'en acquitteroient mal , d'en mettre'
d'autres
I
DU NEUVIEME SIECLE. 6x1
-d'autres à leur place. Les Evêques demandent dans le quatrième ^'^P- '^
la confcrvation des privilèges des Eglifes , en s'offrant de four-
nir des fubfides félon leurs facultés dans les befoins preffans de
l'Etat. Ilsdifent dans le cinquième , que fi à caufe de ces befoins d^. ?♦
il n'étoit pas polllble alors d'ôter aux Laïcs les Monafteres, pour
j mettre des Abbés , ou des Abbelles , il foit du moins permis
^ux Evêques dans les Diocèfes defquels ces Monaileres font
■ fitués, d'en prendre foin , afin que les réparations foient faites,
-l'Office divin célébré, ôc les Moines entretenus. Leur dernière Cip. 6i
demande efl: , que l'on rende à l'Eglifefon ancienne vigueur , ôc
.<|ue l'Ordre Ecclefiaftiquepuilfe, foutenu delà puiflance royale,
.faire en toutes chofes ce qui eft nccelîliire pour le falut des Peu-
..pies. Les trois Princes promirent d'obferver tous ces Réglemens.
VIL Deux mois après , c'e(l-à-dire , en Décembre 844., vcrneuil* e«
Je Roi Chaiies Ht aflcmbler à Verneuil fur Oifè un Concile des 844, nm.i ,
Evêques de fon Royaume, où Ebroin , Evêque de Poitiers., Co^ci/. pa^.
préfida comme Archi-Chapelain du Palais , quoique Venilon.,
Archevêque de Sens, fut préfcnt. Les Evêques qui regardoient
.la convocation de ce Concile comme une frrace de la part de ce
.Prince , lui en témoignèrent leur reconnoiflance. Ils s'appli-
:querent au rétabliffement de la difcipline de l'Eglife 6c tirent à
cefujct douze Canons, qui portent, que plufieurs Monaftcres ^'"'' î-
s'étant relâchés de l'Obfervance, par la nèccffité des vivres ôc
.des vêtemens, quelques autres par négligence, il fera envoyé pat
.l'autorité du Roi , ôc avec l'agrément del'Evêque Diocèfain ,,
.des perfonnes capables pour faire la vifite de ces lieux, ôc en
rendre compte, tant au Roi, qu'à l'Evêque ; que les Moines Ciî". 4.
vagabonds ièront contraints de retourner à leurs Monafteres ;
que s'ils ont quitté leur habit , ou ont été chaiïés pour leurs
.fautes , ôc ne veulent pas accomplir ce qu'ils ont promis à Dieu ,
on les enfermera, ôc on les féparera de la fociété des hommes
jufqu'à ce qu'ils fe foient corrigés ; qnae ceux qui auront époufé Qn.5«
des Religieufes feront excommuniés, mis en pénitence publi-
que, ôc ne recevront le Viatique qu'à la mort, fi toutefois ils
.fe font repentis de leur faute; que les raviffeurs, parce qu'ils Cm. 6.
■ méprifent l'excommunication Eccléfiaftique, feront téprimés
par la féverité des Loix civiles ; que les Religieufes , qui fous un ^^
îàux prétexte de piété, prennent un habit d'homme , ôc fe cou-
.pent les cheveux, ne feront qu'admoneftées, parce qu'elles le ,
-font plutôt par ignorance, que par mauvais delTein ; au lieu
.qu'elles devroient être féparées du Corps de l'Eglife, fi ellas
Tomt XXI J. liii
«i8 C O N C I T. E S
agifToient en" cela par malice. Les Evcques informés que qûeî-
ques-uns de leurs Ceafrerc:; s'e>:cufoient du fervice de guerre
fur la foibleirc de leurs corps, que d'autres en avoient été dif-
Can. S, penfés par le Roi , prient ce Prince de trouver bon qu'ils don-
nent la conduite de leuts honimes à quelqu'un de fes ValTaujc.
Ebroin , Préfident du Concile, 6: Loup , Abbé de Ferrieres ,
qui en compofa les Canons, s'étoient trouvés en perfonne la
même année à la bataille donnée près d'Ângoulême , Loup yftît
Car... y, fait; prifounier. Ils prient aulïi ce Princ? de pourvoir à la vacance '
de l'Eglife de Reims deftituce de Pafîeur depuis longtems, 6c
On, ic. dépouillée depuis peu de fes biens ; & d'approuver l'ordination
d'Agius, Evoque d'Orléans , & auparavant Prêtre de fon Palais :
difant, que certe ordination avoit été faite par Venilon , Arche-
vêquedeSens, du confentement defesSuffragans, furletémoi-
Gm. II. gnage du Clergé, & à la demandedu Peuple. Ils renvoyèrent à
un Concile plus nombreux l'examen de î'alïaii'e de Drogon ,
Evêque de Metz , ôc Archichapelain de l'Empereur Lothaire,
qui vouloit, en vertu des Lettres qu'il avoit obtenues du Pape
-Sergius , fe faire reconnoître pour Vicaire Apoftolique dans le
Royaume de Charles. Ils ftnifient par une très-humble remon-
trance au Roi pour empêcher les rapines , & quantité d'autres
crimes qui attiroient la colère de Dieu' fur les Peuples; & furtouf
pour ôter des mains des Séculiers les biens que les Princes & les
autres Fidèles avoient offerts à Dieu , pour l'entretien des Mi- ■
jiiftres des Autels , 6c autres Serviteurs de Dieu , pour le foula- •
gement des Pauvres & des Etrangers , pour la rédemption des •
Captifs , ôc le rétablilTement des Eglifes.
CôiTclle de V J 1 1. Les remontrances du Concile de Verneuil , ne furent
Beauvais en pQJ;^(. inutiles. Le Roi Charles confentit à l'éieûion d'un Ar- -
Cnncil. fag. chcvêquc de Rcims, & le choix tomba fur Hincmar, ifTu d'une
'*"• 'ancienne noblelle , ôc parent de Bernard , Comte de Touloufe.
II fut élu dans le Concile de Beauvais au mois d'Avril de Tan
S4J , parlesEvêques des deux Provinces, de Reims 6c de Sens,
<lu confentement du Clergé 6c du Peuple de Reims , 6c avec
l'agrément du Roi , de l'Archevêque de Sens 6c de l'Abbé de
faint Denis, car il avoit été Moine dans ce McnaOere. Avant
de procéder à fon éledion , les Evoques du Concile de Beauvais
Tapporterent ce qu'ils avoient vîi ÔC oui de la dépofition d'Eb-
bon , ce que les Canons ordonnoient en cas pareil ; & conclu-
rent qu'ils ne pouvoient'fe difpenfer de remplir un Siège vacant '
-ëepuis dix ans. Enfuite jls firent huit Reglemcns , que le Roi ;
D U N E U V I E M E s I E C L E. <?i^
•Charles promit d obferver 6c d'étendre à toutes les Eglifes de
fon Royaume. Les Evoques s'engagèrent de leur côte à rem-
plir fidèlement ce qu'ils promettoient au Roi dans ces huit arti-
cles. Hincmar les a infcics dans un de fes Opufcules , parce Hlnmn:
qu'ils étoient intéreiïims pour lui. Ils demandent au Roi Char- " " * ' ^"^^
JM.
les par le premier , de leur conferver , comme avoient fait fes
prédéceffeurs , toute l'autorité que leur donnent les Canons ;
par le fécond, de ne point permettre que les Evoques foient des-
honorés pour quelque faute paiïce ; par le troiiîéme , de leuc
faire reflituer ôc à leurs Eglilés ce qu'on leur avoir enlevé, foit
fous fon règne , foit fous les règnes précédens ; par le quatrième,
de révoquer les ordres illégitimes qu'il pourroit avoir donnés,
touchant les chofes qui appattenoient aux Eglifes, ôc de n'en
plus donner de femblables à l'avenir ; par le cinquième , de fup-
primer toutes les mauvaifes coutumes & les exactions introdui-
tes de fon tems dans les Eglifes , Ôc de les rétablir dans la liberté
dont elles jouilToient fous Louis le Débonnaire fon père ; par le
jQxiéme , d'en prendre la défenfe contre ceux qui vouloient les
opprimer ; par le feptiéme , de conhrmer les privilèges que fon
père ôc lui avoient accordés aux Eglifes; par le huitième, que
s'il arrivoit que lui ou eux-mêmes contrevinrent par un effet
delà foiblcfie humaine , Ôc non par malice, à ces Reglemens,
cette faute fut corrigée dun commun avis. Le Concile de Aîeaux
qui rapporte les Reglemens de celui de Beauvais , ne dit rien des
deux premiers ; mais il en ajoute quatre , qui ne fe trouvent point
dans les huit que nous venons de rapporter ; un entre autres qui
tend à faire déclarer nulles les aliénations ôc les commutations
des biens de l'Egllfe pendant la vacance du Siège.
I X. Le Concile de Meaux fut tenu le dix-feptième de Juin Conciîe
84; ; trois iMétropolitains y aiîiderent, Venilon de Sens , Hinc- g^^ 7c'i^. 7"
rnar de Reims , ôc Rodolphe de Bourges. Les deux premiers Condl. px^
s'ètoient trouvés au Concile de Beauvais. On recueillit dans '^'"^
celui de Meaux les Canons des Conciles tenus quelque tems
auparavant à Thionville, à Lauriac , à Coulaine ôc à Beauvais;
& l'on y en ajouta cinquante-fix , ce qui fait en tout quatre-vingt ;
ceux de Verneuil n'entrèrent point dans cette collection , parce
qu'ils n'étoient pas encore venus à la connoiflance du Roi ôc du
Peuple : ce qui paroît furprenant , puifque ce Concile avoit été
affemblé par le Roi Charles , comme on le voit par la Lettre ou
Préface dans laquelle les Evoques lui rendent grâce de les avoir
■affemblés. Auffi voulant rendre raifon de ce que les Canons de
liii ij
(J20 CONCILES
Vcrneuil n'étoient point parvenus à la connoiffance de ce Prin-
ce , ils nen donnent point d'autre , finon que cela étoit arrivé
par lesî.rtiiices du Démon & de les Minidres. Ils ne rapportent
point les articles du Capitulaire de ïouloufe en 844., apparem-
ment à caufe qu'ils n'avoient point été faits dans un Concile.
iNous remarquerons en paffant , que cette Lettre ou Prt'tace n eft
peint des Evêques affemblés à Meaux , mais de ceux du Concile
de Paris en 84.5 ou 847. La raifon de renouveller les Canons
de T'hionville, de Lauriac , de Coulaine & de Beauvais, qui
étoient demeurés fans exécution , eft que l'on ne doit pas avoir
moins de foin de donner vigueur aux anciens Canons , que-
d'en faire de nouveaux.
Canons X. Il arrivoit fouvent que les Rois obligés de voyager , ou:
âuConciitile pour leurs propres intérêts, ou pour ceux de l'Etat , logeoient
""^* dans les Maifcns Epifcopales , y faifoient loger des femmes ôc
des perfonnes mariées , & y féjournoient long-tems; leurs paf-
fages dans les Villes éroientaufïi des occallons de pillage à ceux-
de leur fuite. Les Evêques du Concile font fur cela des remon-
dn. i6. trances au Roi Charles , en lui repréfentant que les Canons'
défendent aux femmes d'entrer dans les maifons des Clercs , à
Cm. -7 P^^s ^onc raifon dans celle de l'Evêque ; & le prient d'empêcher
à l'avenir le pillage des Villes qui feront fur la route , de leur
laiffer à eux le loiiir ôc la liberté de faire les fonctions de leur
miniftere , furtout en Avent & en Carême ; de corriger ceux qui
négligent de taire h vifite de leurs Diocèfes ; de miintenir la fu-
bordniation des Evêques envers leurs Métropolitains ; de leur'
permettre de tenir une ou deux fois l'année les Conciles Provin-
ciaux , dont aucun Evêque ne puiiTe fe difpenfer , que dans 1-e-
cas d impoilibilité évidente. Le Concile dit enfuite que dans \g$
explications de l'Ecriture fainte , foit par écrit ou de vive voix, -
l'on fuivra celles des faints l'eres les plus approuvés , & que les
Ca/r. 34. Evêques empêcheront les nouveautés non-feulement de dodri-
ne , mais même des termes , en particulier dans les Monafteres >
Can. 3'. & que chacun d'eux aura près de lui une perfonne capable d'inf-
truire dans toute la pureté de la Foi les Prêtres chargés du foi»'
Can. 16. des Peup'es. Il recommande à ces Prêtres, c'eft-à-dire, aux
Curés, de ne fortir que rarement de leurs Eglifes , afin d'être-
toujours en état d'olfrir les faints MyReres & de les difpenfer aux
Cnn. 37. Peuples. Il défend aux Clercs, fous peine de dépofition , de-
Can. 38. porter les armes ; & aux Evêques de prêter ferment fur les.
Cnn. 3>). chofes faintes. L'ufage en étoit commun alors ; mais il arrivoit
Cm.
iS.
Can.
î9.
Can.
5^-
C.w.
;i.
Can.
35-
V
D U N E U V I E M E s I È C L E. cT^i
fouvent que ceux des Fidèles qui avoient prête ces fortes de
fermens , i'e trouvoient parjures; ôc que dans les lieux ou les
malades recouvroient la lanté , & ceux qui ecoient polledc's du
Démon leur liberté , ces parjures qui paroilloient lains au-de-
hors , fe trouvoient tout-à-coup faifis de ce malin efprit.
XI. Il ell: ordonné de faire trois remontrances au Roi; la Can./ic
pi-emiere , au (ujet des Hôpitaux qui étoient réduits à rien,
principalement de ceux que quelques H ibernois avoient fondés
en France pour les perlbnnes de leur Nation ; non-feulement on
n'y recevoir point les furvenants, on en chaffoir encore ceux
qui y avoient fervi Dieu dès l'enfance , & on les réduifoit à men-
dier de porte en porte; la féconde, pour l'engager à rétablir les O/î. 4r,
Monafteres, qui depuis qu'ils avoient été donnés en propriété
à des Particuliers, étoient totalement déchus de l'oblervance ;
la troifiéme , pour obtenir de lui qu'il envoyât des CommilTaires Cm. 41,
partout le Royaume pour faire un état de tous les biens Ecclé-
îiaftiques que lui ou fun pcre avoient donnes en propriété, ou
par ignorance ou par fubreption.LeConcile condamna la fimonie Cm. 4j,
dans toutes fesefpeces; détendit aux co-Evêquesde faire aucunes Qz;;. 44
fonctions épifcopales ; fixa le jour de la confécration du faint G:.7. 450-4^,
Chrême, avec défenfe aux Evoques de rien recevoir de ceux qui
vcnoient en demander. Il ne défend pas néanmoins aux Prêtres
lorfqu'ils vont rendre vifite à leur Evcque , en certain tems , de
leur offrir volontairement quelques eulogies , pour témoignage
de leurs refpeds. Si un Evoque ne peut, pour caufe de maladie, c./?. 4/.
faire fes fondions, ce fera à l'Archevêque d'y pourvoir, du con-
fentement de cet Evêque ; à l'égard du fervice de l'Etat, l'Evc-
que malade choifira du eonfentement de l'Archevêque , celui
d'entre fes Clercs qu'il en croira capable. Aucun des Prêtres ne .-^
pourra baptifer finon dans les Eglifes Baptifmales , ôc aux tems
marqués, excepté le cas de néceffité. Défenfe aux Laïcs , fous q^
peine d'txcammunlcation , d'occuper les Prêtres de leurs Epji-
fes à la régie des fermes de la Campagne, ou à des négoces fe-
Guliers & indécens. On n'admettra point les Prêtres & les Clercs ^ ,.
d'un autre Diocèfe à faire les fonâions de leurs Ordres , s'ils ne
font munis de Lettres formées de leurs Evêques ; s'ils en ont,
on les inftruira de leurs devoirs , & on leur indiquera les lieux
ôùily a des excommuniés , afin qu'ils ne communiquent poiiU
avec eux. Si quelques^Seigneurs prefentent des Clercs pour l'or-
dinatioii , fans Lettres canoniques , TEvcqueles renvoyera dans-'
léuH Diocèfe pour y être ordonnés. Les Sujets des dlv erfes Pi^ C.;.';. p.,
ï i i i iij,
'e^ CONCILES
xoii(Tcs d'un Diocèfe qui demandent d'être ordonnes abfolumenl;,'
ceft-à-dire, fans être attachés à une Eglife, feront rejettes; ÔC
ceux qui demanderont d'être ordonnés pour un titre , ne le fe-
ront qu'après qu'ils auront paiïe un an au moins dans un Clergé
réglé, ou dans la Ville Epifcopale, afin que l'on puifTe s'affurec
Ci/2. 55. de leur doctrine ôc de leurs mœurs. Les Chanoines , foit dans
la Ville , foit dans le Monaftere , obferveroat la vie commune,
fuivant la Conftitution de l'Empereur Louis , faite à Aix - la-
Chapelle.
-Ccin. ^6. X I L Les Evêques ne priveront perfonne de la communioa
Eccléfiaftique, que pour un péché certain & connu publique-
ment ; ôc ne prononceront Tanathême que du confentement de
l'Archevêque ou des autres Evêques de la Province, ôc cela après
avoir fait au coupable les monitions prefcrites par l'Evangile. Ils
■Cin. 54. (^ifpoferontjfeion les Canons,des titres cardinaux des Villes ôc des
Cin. 57. Fauxbourgs , c'eft-à-dire des Eglifes de la Ville Epifcopale. Les
Moines qui ne font point chargés du gouvernement des Monade-
resne fréquenteront point le Palais fansperraiOlon ; que fi on les
croit utiles à l'Eglife ou au Prince , ils les pourront fervir avec
l'autorité de lEvêque ; maisjes Evêques ou les Abbés ne les em-
ployèrent ni à faire leurs meffages , ni à gouverner leurs métai-
-Cm. 5 S. ries fous prétexte d'obéilTance. Le Roi ne pourra non plus rece-
voir à fon fervice un Chanoine fans le confentement de fon Evê-
oue. C'étoit encore l'ufage de chaiTer les Moines incorrigibles;
■Cin. 59. le Concile ordonne donc que cela ne fe pourra faire fans la par-
ticipation del'Evêque ou de fon Vicaire , qui réglera la manière
de vie du Moine cxpulfé , afin qu'il ne fe perde pas entièrement.
.■€an. co. On foumet à la pénitence canonique ceux qui brifent les portes
des Monaderes , des Eglifes ôc des autres lieux faints , ôc qui en
emportent ou les dépots , ou toute autre chofe ; ou qui deshono-
Cin.6i. î^ent les Prêtres ôc autres Clercs, ou les maltraitent. La peine d'ex-
commun icationellordonnée contre ceux qui s'emparent des biens
_ de rEglife,jufqu'à ce qu'ils les reflitucnt ; ôc contre ceux qui rcfu-
fent de payer à rEglife,à caufe des héritages qu'ils tiennent d'elle,
les noves ôc les dixmcs , pour fournir aux réparations des bâti-
mens ôc entretien des Clercs. La dixme étoit due félon le droit
commun ;6c la nove, ou neuvième partie des fruits, comme
rente feigncuriale ou redevance , pour les terres que l'Eglife
■Can.fi. avoir cédées à quelqu'un. Selon les Canons ôc la Conftitution
de l'Empereur Louis, perfonne ne pourra contraindre les Prê-
tres de payer quelque cens pour les dixmes ôc oblacions 4ea
DU NEUVIEME SIECLE, ^^ij
"$"1(36165 5 ni pour ce qui aura été donné à l'Eglife pour le lieu
de la fc'pulture. Les raviffeursj les adultères, ôc les corrupteurs de Can.6ji,Cf^
Religieufes feront punis fuivant la rigueur des Canons. A 1 égard ^'^» ^7, *«,
de celles qui fous le voile de la Religion , affectent de paroîtrc '^'
vivre en Religieufes,quoiqu'elles vivent dans les délices & dans
la débauche,r£venue aidé, s'il elt befoin, d-' la puiifance royale , q^_ ^^^
les obligera de vivre en certains lieux où elles ayent des per-
fonnes de piété témoins de leur conduite ; que s'il n'a point de
preuves évidentes de leurs mauvaifes mœurs , mais feulement
des foupçons , il les contraindra de fe juftilier félon les Loix ,
& les avertira de vivre plus religieufement à ravenir.
XIII. Le Roi donnera des Lettres munies de fon fceau à Çci.rT.-
chaque Evêque, en vertu defquelles les Officiers publics feront
obligés de lui prêter fecours pour l'exercice de fon miniflere
lorfqu'il en fera befoin. On ne fera enterrer perfonne dans les Can. n.
Eglifes , comme par droit héréditaire ; niais ceux-là feulement
que l'Evêque ou le Prêtre en jugeront dignes par la fainteté
de leur vie; on ne fouillera point dans le tombeau pour en tirer
les offemens des morts ; ôc on n'exigera rien pour le lieu de la
fépulture ; mais fi les parens ou les héritiers offrent quelque cîiofe
en aumône , on pourra la recevoir, fans toutefois la demander.
Les Loix des Pri:îces Chrétiens , contre les Juifs , feront cbfèr- c.,n, 7j.
vces, nommément celles de Conflantin , de Theodofe , de
Childebert. Ces Loix font rapportées à la fuite de ce Canon ,
avec plufieurs Décrets des Pères ôc des Conciles fur le même
■fujet. Le Concile exhorte les perfonnes puiffantes, principale- Cw;. -■).
ment les Dames , à empêcher dans leurs maifons le concubinage
& la débauche; & à autorifer leurs Chapelains, pour inflruire'
& corriger leurs dnmefliques. Il exhorte aufTi le Pvoi à donner Can.jK.-
les Chapelles des Maifons Royales , non à des Laïcs , mais à
des Prêtres pieux ;& de leur laifTer les dixmes pour fubvenir aux
réparations, aux luminaires ôc aux frais delhofpitalité, de crainte'
qu'en laifTant ces dixmes à des Laïcs avec les Chapelles , ils
n'en abufent pour la nourriture de leurs chiens. On le prie de Cm. 76, ■
tiéfcndre aux Comtes Ôc aux autres Juges de tenir leurs Au-
diences depuis le Mercredi des Cendres, commencement du'
Carême, auquel on impofeles mains à tousîes Pénitens , pour
vaquer le refle de ce faint tems aax exercices delà pénitence ôc
aux Offices divins.* Il cfl ordonné , fous peine d'cxcommunica- Can. 77.
tien, de fêter l'Oftave de Pâques entière, ô: de s'alftenir pen-
dant ce tems de toute oeuvre fervile_, foit à la Campagne j loiei
62^ CONCILES
Cm. 78. dans les Villes ; dobferver tous les Capitulaires Eccldfîaûîques
Çun. 7p. (ie Charlemagne ôc de Louis le Débonnaire ; & tous les Règle-
mens du prélent Concile , fous peine de dépofition pour les
Clercs , ôc de bannilîement pour les Laïcs. Les Evêques ne
parlent ainfi , que dans la fuppofition que le Roi les confirme-
Cii. 8c. roit. C'elt auifi ce qu'ils le prient de faire, en lui repréfentant
qu'ils n'avoient fait ces Canons qu'à fa prière. Mais les princi-
Pig.iS'i?- paux Seigneurs voyant qu'en les recevant, ils feroient obligés
de quitter les Abbayes ôc autres biens de lEglife dont ils jouif-
foient , firent tant auprès de ce Prince , qu'il refufa de confir-
mer les Canons qui les regardoient , & qu'il n'approuva que
ceux qui ne les intéreffoient point.
Concile de XIV. Lcs Evcques du Concile de Meaux , de retour dans
tom\^ConcU. leurs Dioccfcs , tinrent des Conciles Provinciaux , oi:i ils firent
.p2g. 1848, & divers Reglemens , que le Roi Charles fe fit préfenter étant à
Bjluf.wm.i, £pei-nai en 847. Lothaire mécontent de ce qu'un Seigneur,
^a^jtui .j-i,. j^Qi^^^j^ (j|f^[ljg^f ^ ^yolf g.-)ley^ 2^ Q'poufé faillie Eraiingonde,
entreprit de s'en venger fur le Roi Charles , dont ce Seigneur
étoit Vaflal. Il exigea (^) à cet effet des Lettres du Pape Ser-
gius pour examiner de nouveau la dépofition d'Ebbon. Il y en
avoit une addrelTée au Roi Charles, portant ordre d'envoyer
Gondebaud , Archevêque de Rouen , avec quelques autres
Evcques de Ion Royaume, 6c Hincmar, à Trêves, où fes Légats
dévoient fe trouver. Le Pape. écrivit fur le même fujet à Gon-
debaud & à Hincmar. Mais Charles prévoyant que (es Evêques
ne feroient point en liberté à Trêves , qui étgit de la dépendance
àe Lothaire, refufa d'obéir ; ôc Gondebaud indiqua le lieu de
l'affemblée à Paris , où il manda à Ebbon & aux Légats du Pape
de fe rendre. Il s'y rendit lui-même avec fes Suftragans & la plu-
part des Evoques qui avoient ailiflé au Concile de Meaux. Eb-
bon n'y comparut ni en perfonne , ni par député : il n'y envoya
pas même de Lettres. Gondebaud , de l'avis & au nom du Coiv
cile , lui dénonça par écrit qu'on lui interdifoit toute prétentioa
fur le Diocèfede Reims, avec défenfc d'inquiéter perfonne pour
,ce fujet , jufqu'à ce qu'il fe préfentât devant eux félon l'ordre du
Pape, & qu'il fût jugé canoniquement. Ebbon n'ayant pas ré-
. pondu , le Concile ne prononça point fur cette afîàire. Il fe tint
le quatorzième de Février de l'an 84^, indi£tion dixième, ce
r ,1 ) ihdoM-d. lib. 3 , Hijl cip. i ; J^c tom, 8 , Concil. pag. }S ,}9,
qui
DU NEUVIEME SIECLE. 62^
qui revient (a ) , félon notre 'manière de compter , à l'an 84.7 ,
parce qu'alors on commençoit l'année à Pâques. Les Evêques
n'y firent point de nouveaux Canons ; mais dans une Lettre
qu'ils addreiïerent au Roi Charles , ôc qui (6) fert de Préface
aux Reglemens du Concile de Meaux , ils renouvellent leurs
inftances pour la réformation de l'Etat ôc de l'Eglife , attribuant
les calamités publiques, en particulier les incurfions des Nor-
mands, au mépris de leurs avertiffemens. Ils confirmèrent, à
la requête de Pafchafe , Abbé de Corbie , les Lettres accordées
à ce Monaftere pour la liberté des éledions ôc la difpofition de
fes biens , en confidération de ce qu'on y avoit confervé une
exatle régularité depuis fa fondation. Trois Métropolitains
foufcrivirent à l'Afte de confirmation; Hincmar, de Reims;
kVenilon, de Sens; ôc Gondebaud, de Rouen, avec dix-fept
autres Evêques.
X V. Cependant les Seigneurs qui ne s'accommodoient pas Parlement
du zèle des Evêques, prefibient le Roi Charles de convoquer gi/^oug/?"
une afiemblée générale où ils puffent fournir leurs moyens d'op-
pofition à la réception des Reglemens faits à Meaux. Elle fut
indiquée à Epernai fur la Marne, pour le mois de Juin de la
même année 84.5 ou 84-7. Les Evêques s'y rendirent en grand
nombre , de même que les Seigneurs. Ceux-ci , qui la plupart ^"ndlBer-
tenoient en bénéfices des Egaies mêmes , a la charge de quelque 846.
redevance réglée par le Roi , repréfenterent que toutes leurs
terres ayant été ruinées par les guerres civiles , ils fe trouvoient
d'autant moins en état de faire le fervice , que le Roi étoit lui-
même dans l'impuifTance de fournir à leurs befoins ; qu'ils expo-
foient à tous momens leur vie pour l'utilité de l'Etat ôc de l'E-
glife ; qu'ils ne trouvoient pas à redire que les Evêques fiffent
des Reglemens pour la réformation des mœurs , mais qu'il n'é-
toit pas raifonnable que, fous ce prétexte, ils fe rendiffent feuls
les arbitres de l'Etat : Qu'en compofant le corps le plus illuftre
ôc le plus utile, ils étoient en droit d'examiner les Statuts des
Evêques qui concernoient la police ôcle gouvernement, n'étant
pas obligés de fe foumettre aveuglement à leurs décifions fur
cet article. Ils demandèrent donc au Roi permiffion d'examiner
.certains points fur lefquels le Concile de Meaux avoit ftatué ;
(a) Labbe, No:, tom. 8. Concil, pag. | (i) Tom. 7 ,Condl.pag. 1Î16.
Tome XXII, KJckk
626 CONCILES
& afin qu'ils le puffent avec liberté, de faire fortir les EvêqueS
du lieu de l'alTemblée. Quoique cette demande fût extrêmement
offençante pour les Evêques , qui depuis long-tems fe trouvoient
dans les affemblc'esavec les Seigneurs , Charles l'accorda. Alors
les Seigneurs délibérèrent entr eux fur les Canons, du Concile de'
Meaux. Ils en choifirent dix-neuf qui n'avoient aucun rapport à
leurs prétentions , ôcles donnèrent par écrit aux Evêques, di-
fant , que ni le Prince ni eux n'en vouloient point obferver
davantage. Ils font tirés des i, 5, 15', 20, 21, 22, 23,2<f,
28 , 57 j 40 j 4? ^ 47 j n ) ?<^ ^ J7 j <52 , 6j , 6S èa -72 arti-
Tom. 1 , Gi- clés de ce Concile , & rapportés au long dans le fécond tome deS'
fiiul.pag.io. Q^piml^ij^Qs, Le Père Labbe n'en a donné que les titres^
CHAPITRE XXXI L
Des Conciles de Mayence , de Bretagne, de Quiercy ^
de Pans, & de Favie,
Concile (le j^ T T* E R S le commencement d'Octobre de l'an 84.7, Rha-
n^iTmn. s" V ^'^^^ ^^^ venoit de fuccéder à Otgaire dans rÀrchevê-*-
Conàl. pag. elle de Mayence , affembla un Concile par ordre de Louis , Roi
*^* de Bavière,, pour travailler à la réformation de la difcipline de
l'Eglife , & trouver des moyens pour empêcher les ufurpations
des biens Eccléfiaftiques. Il s'y trouva douze Evêques Suffra-
gans de Mayence , des co-Evêques , des Abbés , des Prêtres jf
avec les autres Ordres du Clergé. Pour attirer la grâce de Dieu
fur eux, ils jeûnèrent trois jours,faifant des proceliions ; 6c après
être convenus qu'en chaque Dioccfe on diroit pour le Roi, la
Reine ôc leurs enfans trois mille cinq censMefîes ôc dix-fept cens
Pfeautiers, ils s'affemblerent dans le Monaflere de S. Alban , lieu-
ordinaire des Conciles. La diverfité des matières qu'ils avoienc
à traiter, les engagea à fe divifer en deux troupes ; l'une, des
Evêques, appliqués avec leurs Secrétaires à lire l'Ecriture fainte,
les Canons & les Ecrits des Pcres \ l'autre , des Abbés avec des
Moines choifis, qui lifoient la Règle de faint Benoît, & exa-
minoient avec foin de quelle manière on pourroit en rétablic
i'obfervance. Ces conférences produilirent trente-un Canons,,
doiit voici la fubftance,.
DU NEUVIEME SIECLE. 62-7
1 1. Chaque Evcque aura un recueil d'Homelics pour inftruite ^"f^j!
les Peuples lur les articles edentiels de la Foi Catholique , fur la Àl'nycnce.
récompenfe éternelle des bons, fur la condamnation éternelle Cm.-l,
des mcchans , fur la réfurredion future , fur le Jugement der-
nier, fur les œuvres par lefquelles on peut mériter la félicité ,
& celles qui en excluent; & les fera traduire en langue Romaine
ruftique ôc en ïudefque, afin que tous puiflent les entendre.
Le fcrutin fe fera avant le Baptême , 6c on fuivra dans tous les Cm. j.
Diocèfes l'Ordre Romain pour l'adminiflration de ce Sacre-
ment, qui ne fera conféré qu'à Pâques 6c à la Pentecofte, hors
le cas de nécefiité. Ceux qui feront des conjurations contre le Cm. f.
Roi ou contre les Puiflances Eccléfiaftiqiies ou Séculières , fe-
ront féparés de la communion 6c delà fociété des Catholiques ,
s'ils ne font pénitence de leur rébellion. Il en fera de même des
ufurpateurs des biens Eccléfiadiques ;on employera contre eux ■''^'
laprotedion du Roi, comme défenfeur des biens de l'Eglife. Les
Evêques auront le pouvoir de gouverner 6c de difpenfer ces biens C.v\. 7.
fuivant les Canons , 6c lorfqu'ils auront befoin pour les fondions
de leur miniftere, de celui des Laïcs, ceux-ci leur obéiront. Les
Clercs qui lors de leur ordination ne polTédoient rien , 6c qui *""'*
pendant leur Fpifcopat,ou depuis qu'ils font dansle Clergé, ont
acheté des terres ou autres fonds en leur nom , les laifieront à
l'Eglife ; mais ils pourront difpofer des biens qui leur auront été
donnés ou qu'ils auront eus par fucceffion de leurs parens. La q^,. ,o.
<Vixme ayant été ordonnée de Dieu , fe payera exactement ;
l'Evêque en fera , comme desoblations des Fidèles 6c des reve-
nus de l'Eglife , quatre parts ; une pour lui , une pour les Clercs ,
la troifiéme pour les Pauvres , la quatrième pour la Fabrique
de l'Eglife. On ne dépouillera pas les anciennes Eglifes de leurs Cm, ir.
terres ôc de leurs dixmes pour les donner à de nouveaux Oratoi-
res , fans le confentement de l'Evêque 6c de fon Concile. Dé-
fenfe, fous peine de dépofition , à un Prêtre d'acheter une Egii- ^"''' '*•
fe , ou de donner de l'argent pour en chaffer le Prêtre qui la
■poflede légitimement, pour fe l'approprier ; ôc aux Clercs 6c
aux Laïcs de donner uneEglife à un Prêtre, fans lapermi.iion
Ôc l'agrément de l'Evêque. C'eft à lui à veiller fjr la vie des Cm. 13.
Chanoines 6c des Moines , afin que, chacun d'eux vivant félon
leur Règle , ils ne fe mêlent en aucune manière des affaires fé-
culieres , 6c n'exercent aucun négoce. Le Concile fpécifie les
négoces qui leur font défendus , entr'autres de plaider dans les
plaids , fi ce n'eft pour la défenfe des veuves & des orphelins.
K k k k ij
^28 CONCILES
Cm. 14. Les iMoines n'auront rien en propre, 6c ne fe chargeront point" cfe
l'adminiftration des Paroiffes qu'avec le confentement de l'Evê-
que; en ce cas ils rendront compte de leurs Eglifes à i'Evêque
Cm. I^ ou à fon Vicaire, & fe trouveront au Synode. 11 efl défendu aux
Clercs de lâcher leurs cheveux.
0,-7.16 jj j_ Les Abbeffes dont les Monafleres fontfitue's dans les
Villes , n'en fortiront point fans la permiiTion de TEvêque ; elles
pourvoiront tant aux befoins de leurs Religieufes, qu'aux entre-
tiens des bâtimens. A l'égard des Religieufes , elles s'occupe-
ront de la ledture , du chant des Pfeaumes, de la prière , de la
récitation des heures canoniques ôc de tous les exercices mar-
Ctn.rr, 18. qués dans leur Règle. Pour empêcher que les riches n'oppri-
ment les pauvres, on prie le Roi d'en prendre la défenfe ; ôc ou
défend à toutes fortes de perfonnes d'acheter rien d'eux, finon
dans les Plaids publics ôc en préfence de témoins de probité. Il
Can. 10. étoit tourné en ufage de condamner les parricides à vivre errans
parmi le monde, d'où il arrivoit qu'ils fe livroient à des excès
de bouche ôc à d'autres défordres ; on ordonne qu'ils demeure-
ront en un lieu pour faire unefevere pénitence, ôc qu'ils ne
Cw -j " pourront plus porter les armes ni fe remarier. Les pénitences
13^14. ' ' que le Concile impofe aux fornicateurs, aux homicides volon-
taires ou involontaires ôc à d'autres crimes , font tirées de ceux
d'Elvire, d'Ancyre, d'Agde ôc de quelques anciens Canons. Il
Can.z'). (îéclare excommuniés ceux qui avoient tué des Prêtres, qui
étant dégradés alloient par pénitence en divers pèlerinages;.
Qm. i6. Les Prêtres qui alFifleront les malades à l'article de la mort, les-
feront confeiïér ; mais fans leur impofer de pénitence,; ils leur'
feront connoître celle qu'ils devroient faire : leurs amis yfup-
pléront par leurs prières ôc par leurs aumônes. Si les malades
guériffent, ils accompliront la péniter.ce qui leur aura été im-
pofée par le Confefleur. On donnera aux malades l'Ondion faintc
Cc.n.n. ÔC le 'Viatique. Ceux qui feront condamnés à mort pour leurs
crimes, pourront recevoir la communion s'ils font vraiment
pénitens, ôc s'ils ontconfefle leurs péchés à Dieu ; ils ne feront
privés ni de la fépulture ni des prières de l'Eglife après leur
Cfl-.,i8. niort, ni de l'oblation du faint Sacrifice. Les inceilueux incor:-
rigibles feront chaiïés de l'Eglife jufqu'à ce qu'ils falTent pénir
tance ; s'ils perféverent dans leurs défordres , après les monitioiis
des Prêtres, on employera la force de la Puiiîance féculicre poiu:
C(U!.i?$>50. les réprimer. Il y a deux Canons contre les mariages contradds
dans les dégrés de parenté prohibés ; le dernier veut que l'on.
DU NEUVIEME SIECLE. 6o.y
Smpofe une pénitence publique pour les péchés publics , ôc une
fccrette pour les péchés commis en fecret; & qu'on fafle com- Cw. 31:
prendre aux Pénitens qu'ils doivent non-feulement s'abftenir du
mal , mais encore faire le bien. Les Evcques envoyèrent tous
ces Reglemens à Louis de Bavière , en le priant d'employer fun
autorité pour les faire obferver. Ils y joignirent une Lettre Syno-
dale , où, entr'autres plaintes y ils en font une du peu de refpett
que l'on avoir pour les lieux faints. Le Concile condamna une AnnaW.TM.-
femme nommée Thiote , à être fouettée publiquement, pour '''^•s.ComiL
avoir jette le trouble dans le Dioccfe de l'Evoque Salomon , & °"
ailleurs , en afïurant que Dieu lui avoit révélé que la fin du
monde devoit arriver la même année , c'eft-à-dire , en h'-^-y,
C'étoit de fa part un artifice pour gagner de l'argent. En eifer,
plufieurs pcrfonnes de l'un ôc de l'autre fexe lui apportoient des
préfens, & fe recommandoient à fes prières. Interrogée com-
ment elle s'en étoit avifée , elle répondit qu'un certain Prêtre lui
avoit fuggeré ce qu'elle difoit.
IV. Les Annailes de Fulde mettent au mois d'Otlobre de Concile (le'
l'année fuivante S48 un autre Concile àMayence, àl'occafion- p'^^^'^fV ^"
delà dodrine de Gothefcalc fur les deux prédeftinations inévi- ^^.-^nAnnaîi,-
tables; l'une, des bons à la vie; l'autre, des méchansàla mort f^'''ienf.adani-
éternelle. Elle lut condamnée dans ce Concile , & il y fut réfolu "^ *
de renvoyer ce Moine à Kincmar , Archevêque de Reims , dans
le Diocêfe duquel il avoit reçu l'Ordre de la Prêtrifc. Rhaban
envoya en méme-tem.s une Lettre fynodale à Hincmar, où il ex-
pofe que Gothefcalc dit,quelaprédeflination de Dieu efl pour le
mal , comme pour le bien ; ôc qu'il y a des hommes en ce monde,
qui, à caufe de cette prédeflination qui les contraint d'aller à la
mort , ne peuvent fe corriger de leur erreur ôc de leur péché,
comme fi Dieu les avoit fait incorrigibles dès le commencement.-
Hincmar {a) cite cette Lettre dans un de fes ouvrages, ô: le
Libelle que Gothefcalc préfenta à Rhaban dans ce Concile, qu'il
appelle le Libelle de fes erreurs.
V. La même année 848 Nomenoy , Duc de Bretagne, Concile Hê-
prelTé par les inflances réitérées de faint Convoyon , Abbé de Bretagne en'
Redon, affembla les Evêques de la Bretagne , ôc avec eux les ^^z.'é Mor.'.
plus habiles gens de la Province , pour réprimer les abus qui p-tg. ii-r,.
s'étoient glilXés dans les Ordinations. La plupart de ces Evêques ,
(vo.) Hincmar ,, tom.. 8 , Concil.pag. 5 r,-
K.k.kk iij.
6^0 CONCILES
nommément Subfanne, Evêque de Vannes, étolent accufés de
n'ordonner fans argent ni Prêtres , ni Diacres. Ils en turent con-
vaincus. Mais s étant élevé de grands débats dans cette AITem-
blée, on convint que deux d'entr'eux iroient à Rome, fçavoir,
Subfanne , ôc Félix Evêque de Quirnper , & que Ton s'en rap-
porteroit au jugement du faint Siège. Le Duc N omenoy engagea
faint Convoyon à y aller avec eux , 6c le chargea de préfens con-
fîdérables pour l'Eglife de faint Pierre, & de demander au Pape
Léon IV. le corps de quelqu'un des Papes Martyrs fes prédé-
celTeurs. Léon aifembla un Concile où il lit ailifter faint Con-
voyon. On y fit des reproches aux Evêques Bretons de ce qu'ils
avoient reçu des préfens pour les Ordinations. Comme ils s'en
excuferent fur leur ignorance , le Pape , après avoir déclaré qu'il
étoit défendu, fous peine de dépoiition, de rien prendre pour
les Ordinations , les renvoya avec des Lettres aux Evêques de
Bretagne , où il leur enjoignoit de juger les iivéques Hmonia-
ques , fuivant la rigueur des Canons. Nomenoy mécontent de
ce que le Pape ne les avoit pas jugés lui-même, tint une Affem-
blée au Monaftere de Redon , où ayant fait venir Subfanne t
Evêque de Vannes , Salacon, Evêque de Saint-Malo, Félix de
Cornouaille , & Libérât de Léon , il les obligea de renoncer à
leurs Sièges , en quittant les verges 6c les anneaux qui étoicnt les
marques de la dignité Epifcopale, 6c lit ordonner quatre autres
Evêques à leur place.
Concile V 1. En 849 Hincmar de Reims iit comparoître le Moine
de Qtiiercy- Gothefcalc devant l'Aiïemblée que le Roi Charles tenoit à
^l^^tom.T, Quiercy-fur-Oife. Il s'y trouva douze Evêques, entr'autres ,
Conçu, pag. Venilon de Sens , Hincmar , Rothade de SoifTons ; deux
îî ; Se Annal. ^Q.gv^.ques , Riçbold de Reims, 6c Wittao de Cambrai ; Enée,
Beniniani , ad ■ ^ , r - <> i • o i • i- ^ i t> • • » t i '
tinn. S i9. Notaire du lacrc riuais , 6c depuis Evêque de rr.ris ; trois Abbcs,
Pafchafc Ratbert de Corbie, Bavon dOrbais, 6c Hilduin d'Hautr
villcrs. Gothefcalc interrogé fur fa doctrine , fut jugé hérétique
& incorrigible , ôc en conléquence dépofé de l'Ordre de Prêtrife
qu'il avoit reçu du co-Evêque Rigbold , fans l'agrément de
Rothade de SoifTons , fon Evêque ; puis , à caufe de Ion opiniâ-
treté , ôc de la façon infolente dont il avoit parlé aux Evêques du
Concile , on le condamna à être fuiligé , fuivant les Canons du
Concile d'Agde ôc laRegle de S.Benoît, à une prifon perpétuelle ,
ôc à jetter lui-même fes écrits au feu. La Sentence fut exécutée
à la ripueur. Apres avoir été fouetté publiquement en préfence
du Roi Charles ^ ôc après avoir briilé lui-même fes écrits , il fut
DU NEUVIEME SIECLE, «fsi
renfermé dans l'Abbaye d'Hautvillers. On a mis à la fuite des
ades de ce Concile quatre Canons , où la dottrine de la prédefli-
nation ell expliquée ; mais ils appartiennent au Concile qui fetint
encore à Quiercy en 8 5- 3.
VIL Les quatre Evéques de Bretagne avertis du deffein que Concî'e Je
le Duc Nomenoy avcit de les contraindre à quitter leurs Evô- ^'*"-/^^'*^,'
ches , s etoientauiiitot pourvus a Rome par une Lettre adreiiee pjj.58.
au Pape Léon IV. où ils lui demandoient de quelle peine on
devoit u(er envers les Simoniaques , par qui ils dévoient être
jugés , & combien il falloit de témoins pour les condamner.
Leur but dans cette confultation étcit de préfenter la réponfc du Léon IV.
Pape au Duc de Bretagne, pour faire échouer fes deffeins y mais ^, " a-ucnlC
elle n'arriva qu'après leur dépofiticn. Ce Duc avoitaulîi écrit à
Léon IV. mais craignant que la réponfe à fa lettre ne fur pas
félon fes défirs , ou plutôt f.iché de ce que le Pape l'avoit adrcUce
aux Evéques de France pour la lui envoyer , il refufa de la rece-
voir. Les Evéques de France aifemblés au nombre de vingt-deux
à Tours , ou à i'aris, car on n'cft pas d'accord fur le lieu , lui
écrivirent une Lettre pleme de reproches ôc de menaces , où ils
luidifoient: qu'encore qu'il portât le nom de Chrétien, il avoit
ravagé les terres des Chrétiens, détruit une partie desEglifcs,
de brûlé l'autre , avec les Reliques des Saints ; détourné à fou
ufage le patrimoine des pauvres ; chafie de leurs Sièges des
Evéques légitimes , & mis à leurs places des voleurs & des mer-
cenaires. Ils lui reprochoient encore d'avoir méprifé le Vicaire
de faint Pierre à qui Dieu a donné la primauté dans tout le
monde, en refufant non-feulement d'obéir à fes avertiffemens,
mais même de recevoir fes Lettres ; d'avoir favorifé la révolte du
Comte Lambert contre le Roi Charles , ôc de n'obferver pas les
bornes que les François avoient nVifcs au commencement de leur
Empire entr'eux ôc les Bretons. Us le chargeoient d'avertir Lam-
bert, que s'il ne rentroitau plutôt dans fon devoir , ils l'al'oienc
excommunier, ôc tous ceux de fon parti ; ôc le menaçoient lui-
même d'une mort prochaine, s'il ne fe convertilToit. Néanmoins
pour lui donner des marques de charité qu'on doit aux pécheurs ,
ils s'ofFroient , au cas qu'il rentrât en lui-même, mît fin à fes
mauvaifes actions , ôc fe convertît à Dieu, de lui fervir de Média-
teurs auprès du Roi , ôc d'engager ce Prince à le pourvoir lui ÔC
ies entans. Mais le Duc ne tintïaucun compte des menaces , ni
des promeiTes des Evéques. La Chrcniqued'Angoulême marque TVw. s, Cv*i
qa'il mourut en 850 frappéde Dieu par le miniilere d'un Ange. '^■'•P''ê-^'-
€32 CONCILES
Ainfi il ne fufvêquit qu'un an à ce Concile, que l'on met ordi-
nairement en 849. On croit que cette Lettre fut écrite par Loup
de Ferrieres, Landran Archevêque de Tours, y eft nommé le
premier dans l'infcription. C'eft ce qui a fait croire que ce Con-
cile s'étoit tenu en cette Ville. Et ce qui le prouve encore, c'efl
que les affaires traitées dans la Lettre Synodale étoient du reffort
de la Métropole de Tours ; mais la Chronique de Fontenelle le
met à Paris.
Concile de VII I. Il y en eutunàPavie fur la fin de l'an 8 jo, Tindidion
Pavieen 8îo, qQ^torziéme étant commencée , fous Lothaire ôc Louis Au^ufte.
pag,6i. Angilbert, Archevêque de Milan , y prelida avec Iheodemar,
Patriarche dAquilée , 6c Jofeph , Evoque ôc Archichapelain de
toute l'Eglife. Baronius dit qu'il y avoit à Ivrée en 84.4. ôc Sjj
un Evêque de ce nom. Ils firent vingt-cinq Canons, qui por-
Cin. I. tent, quel'Evêque aura dans fa chambre, ôc pour les l'ervices
les plus fecrets , des Prêtres ôc des Clercs de bonne réputation ,
qui le voyent continuellement veiller, prier, étudier l'Ecriture
fainte, ôc qui foient les témoins ôc les imitateurs de fa fainte vie^
Can. i. qu'il célébrera la Meffe non-feulement les Dimanches ôc les
Fêtes principales de l'année, mais tous les jours, s'il eflpoflible ,
ôc priera en particulier pour lui , pour les autres Evêques, pour
les Rois , pour tous les Pafteurs de l'Eglife, pour ceux qui fe
feront recommandes à fes prières , ôc furtout pour les pauvres;
Can. 3. qu'il fe contentera de repas modérés ; qu'au lieu de prefTer fes
Convives à manger ôc à boire , il leur donnera l'exemple de
fobriété; qu'il n'y admettra point les fpe£lacles ridicules , de
fous, ni de bouffons , mais qu'on y verra des pèlerins , des pau-
vres , ôc des infirmes; qu'on y lira l'Ecriture fainte, ôc qu'il
entretiendra enfuite fes Convives de difcours de piété, afin qu'ils
fe réjouiffent d'avoir reçu en mcme-tems une nourriture corpo-
Can. 4. ^elle & fpirituelle ; qu'il n'aimera ni les oifeaux , ni les chiens ,
ni les chevaux , ni les habits précieux , ni tout ce qui fent le fafle
ôc le luxe; qu'il fera fimple ôc vxai dans fes difcours , en em-
ployant ces façons de parler de l'Evangile : Cela ejî , ou cela n'ejl
pas , ou celle-ci , Dieu le fçalt , lorfqu'il ell befoin d affurer quel-
Çan. j. que chofe; qu'il s'occupera fans reflé de la méditation des Ecri'
tures canoniques, ôc des dogmes de la Religion, pour en inflruire
p . les Prêtres ôc les autres Clercs; qu'il prêchera aux peuples, félon
leur portée, les Dimanches ôc les Fêtes ; qu'il aura foin que les
Archiprêtres vifitent tous les Chefs de familles, afin que ceux
qui fe trouveront coupables de péchés publics faflent pénitence
publique,
DU NEUVIEME SIECLE. ^^jy
publique ; & que pour les pc'chés fecretsilsfcconfeflcnt à ceux
que lui ou fes Archiprêtres auront choiils ; lefquels , en cas de
difficulté , confulreront l'Evéque , & l'Evêque confultera fes
Confrères voifins, ou le jMétropolitain, ou même le Synode de
la Province, fila difficulté le demande.
I X. Enfuite le Concile ordonne aux Prêtres de la Ville & de Cdi. r;
la Campagne de veiller iur les Pénitens , pour voir comment ils
pratiquent rabftinence qui leur elt impofée ; s'ils font des aumô-
nes , ou d'autres bonnes œuvres pour l'expiation de leurs péchés,
quelle eft leur contrition, quelles font leurs larmes, pour abré-
ger, ou étendre le tems de leur pénitence; qu'à l'égard de la
réconciliation, elle fe fera, non par les Prêtres, mais par l'Evêque
feul , fuivant le prefcrit des anciens Canons, Ci cen'eftquil y ait
danger de mort, ou que l'Evêque foitabfent , & que le Pénitent
ait demandé avec piété d'être réconcilié. Les Prêtres avertiront
les malades de demander le Sacrement recommandé par l'Apôtre
faint Jacques, c'eft-à-dire, l'Extrême-Onction; mais ils ne Tac- C^n. t.
corderont aux Pénitens qu'après qu'ils auront été réconciliés , ôc
rciju !e Corps ôcle Sang du Seigneur. Si la qualité du malade
l'exige, l'Evêque lui adminiflrera lui-même l'Onêtion fainte. Ou
renouvelle les anciens Canons qui défendent aux Pénitens de fe Cot. f.
marier pendant le cours de leur pénitence; & parce qu'il arrivoit
quelquefois que des parens refufoient de marier leurs filles , quoi-
qu'ils en eufiént l'occafion , & que ces filles fe livroient à 1 impu-
dicité dans la maifon même paternelle, il eft ordonné que fi un
père ou une mère ont confenti à la corruption de leur fille, ils
accompliront l'un ôc l'autre leur pénitence publique , avant
qu'elle puifie être mariée. Les raviffeurs & leurs complices pour- Can. i».
ront recevoir la Communion à la mort , s'ils font vraiment péni-
tens , ôc s'ils la demandent avec dévotion ; mais jamais un ravif-
feur ne pourra époufer légitimement celle qu'il a enlevée. Pour
éviter la fraude de ceux qui , ayant des terres en diftérens Diocè- Can. n.
fes, difoient à l'Evêque qui vouloit, à caufe de quelque crime,
les mettre en pénitence, qu'ils l'avoient déjà reçue d'un autre;
le Concile ordonne que c'eft à l'Evêque du lieu où le crime a
été commis à impofer la pénitence , ôc qu'il fera chargé d'écrire à
tous les Evêques dans les- Dioccfes defquels le coupable a des
terres , de ne point l'admettre à leur communion , comme ayant
été excommunié pour fon crime. Or , tous ceux qui étoient Can. iî,
privés de la Comnuinion du faint Autel , ÔC foumis à la pénitence
publique , ne pouvoieat ni porter les armes , ni juger des caufes ,
Tome XXII. LUI
(f34 CONCILES
ni exercer ancune fonction publique , ni fe trouver dans les affem-
blées , ni faire des vifites. Néanmoins il leur étoit permis de
vaquer à leurs affaires domeftiques , fi ce n'eft , comme il arri-
voit fùuvent, que touches de l'énormité de leurs crimes ^ ils ne
pufTent en prendre foin.
Cm^ 13. X. Il diftingue deux fortes de Paroifles ; les unes , qu'il
appelle moindres Titres ; & les autres Piebes, ou Baptifmales ; ÔC
veut que les premières foient gouvernées par de fimples Prêtres;
les fécondes par des Archiprêtres, qui outre le foin de leurs
Paroilfes , dévoient encore veiller fur les moindres Cures , & en
rendre compte à l'Evêque. Il Juge Tinfpection des Archiprêtres fi
néceflaire, qu'encore que l'Evêque foit en état de prendre foin
de ces Eglifes Baptifmales , en même-tems que de l'Eglife Ma-
trice, ou Cathédrale , il doit néanmoins fe contenter de veiller
par lui-même fur celle-ci, afin de partager avec d'autres les
fondions & les charges de l'Epifcopat. La plupart des Monaf-
teres, tant d'hommes que femmes, avoient été détruits, tant
C3..1. 14- par les Evêques que par les Laïcs. Le Concile en ordonne la
réparation , ôc premièrement de ceux qui étoient fous la puif-
fance des Evêques , enforte que pour le premier Synode il y en
ait cinq de rétablis. Il menace d'excommunication les Evoques
négligens à cet égard. Les Hôpitaux feront gouvernés par ceux
Can. 15. que les Fondateurs auront défignés ; & s'il arrive que leurs héri-
tiers s'emparent des biens de la fondation , on recourera à l'auto-
rité de l'Empereur pour réprimer leur ufurpation. Quant aux
Can 16 Monafleres & aux Hôpitaux mis par les Fondateurs fous la pro-
tedion du facré Palais , on fe contente , pour empêcher les
Princes de contribuer à leur deflruction , de leurrepréfenter que
fi dans le fiécle ils n'ont perfonne pour les juger. Dieu les jugera
Can. 17. en l'autre. Les dixmes feront payées exactement, & l'Evêque en
fera la didribution félon les Canons , & non félon fa volonté. On
Ca„^ ,3. ne foufl'rira point de Clercs acéphales, c'efi-à-dire, qui ne font
fous la difcipline d'aucun Evêquc; c'cfl pourquoi on avertira les
Séculiers qui veulent que l'on célèbre les divins Myfteres dans
leurs maifons , de n'y employer que ceux qui auront été examinés
par les Evêques, & qui auront des Lettres de recommandation de
Can. ip. ceux de qui ils auront re<ju les Ordre». Défenfc aux Laïcs, fous
peine d'excommunication, de charger des Prêtres de la recette
des deniers du fifc, des impôts, de leurs propres affaires, ou
C«/i. ic. d'autres foiclions femblables; 6c de commettre les Juifs pour
juger des caufes criminelles entre les Chrétiens, ôc den exiger
DU NEUVIEME SIECLE. '63 f
des tributs. On ordonne aux ufuriers de reftituer ce qu'ils auront ^'^"' *^*
acquis par ufure; ôc au cas qu'ils ne l'eulTent pas fait de leur
vivant , il eft enjoint aux héritiers de faire cette reftitution , du
moins à moitié , & de racheter leurs péchés parles aumônes. Le
Concile ne parle que de ce qui s'étoit fait jufqu'alors : mais il
ajoute que fi à l'avenir quelqu'un eft convaincu de prêter à ufure,
s'il efl: Laïc , il fera excommunié ; s'il eft Prêtre , ou Clerc, & ne
s'efl: point corrigé après avoir été averti par fon Evêque, il fera
privé de fon grade. On implorera le fecours de l'Empereur C.m. ii;
contre ceux qui, s'étantfait donner la tutelle des veuves & des
orphelins, les oppriment , au lieu de les protéger. Les Evêques Cm. 15.
feront arrêter les Clercs & les Moines vagabonds qui fement des
erreurs par-tout où ils pafient,ou propofent des queflions inu-
tiles ; enfuite il les fera conduire au Métropolitain pour être
punis , comme perturbateurs de la paix de l'Eglife. Il refloit
encore des femmes adonnées à la magie , 6c qui fe fervoient de
cet art pour donner de ramour,ou de la haine, & même pour
faire mourir des hommes; les Evêques ordonnent d'en faire une
recherche exatte, d'impofer une févere pénitence à celles qui
feront convaincues ; mais au cas qu'elles faffent de dignes fruits
de pénitence , ils permettent de les réconcilier feulement à la
mort.
X I. L'Empereur Louis qui croit préfent à ce Concile , v fit , C';P'f"li'''«
un Capitulaire qui tut depuis coniirrae par Lothnirelon père. Il icuh. itid.
efl: compofé de cinq articles, dont deux ont rapport aux matières P-^S- y°-
Eccléfiaftiques. L'un ordonne aux Comtes & à tous les Minières ^'^?- '•
publics,de veiller à la fureté des Pèlerins qui alloient à Rome
faire leurs prières. L'autre défend aux Prélats qui alloient à la ^^?-'^'
Cour , de commettre des vexations envers leurs Hôtes , & de ne
rien exiger d'eux qu'en payant.
Llllij
J5<^ CONCILE S
CHAPITRE XXXII L
Des Conciles de SejiS} de Benningàon, de Kingejhiiric,
de Soijjons , de Cor doue, de Mayence, deQiaercy ,
& de Verherïe^
Concile Je J. /"^ N ne connoît le Concile de Aluritum , ou rvîoret en
tornsclncii \.^ Gaflinois dans la Province de Sens , que par i'infcrip-
ï^'g. 7i, tion de la Letire que ( a) Loup de Ferrieres écrivit au nom de
cette AlTemblée à Ercanrade , Evêque de Paris. Cet Evêque
n'ayant pa s'y trouver y envoya une perfonne de fa part. Loup
ne dit rien des matières qui y furent traitées. Il marque feulement
que ce Concile fut tenu dans un tems de trouble , & qu'on eut
bien de la peine d'obtenir du Roi la permiiiion de lallembier.
Venilon , Archevêque de Sens , y préùda. On met ce Concile
vers Tan 8 jo.-
Concile de j j, i[ s'en tint un vers le même tems à Benningdon , fous ie
en 850^ ibid. rcgnc de Bertliulphe , RoidesMercicns, dans le(|uelce Prince,
pag. 71 ; t> en confiiiération des dommages caufes parles Danois, ôcautres-
Spelman. ton:.. gi-,[^çniis , au. Monaftcre de Croyiand , lui accorda plufieurs terres
tan.pag..^i4. ôc pluiieurs privueges mentionnes dans la Charte qui en fut
dreilée, ôc conrirmée l'année fuivante Sji dans ie Concile de
K-ingefourie..
III. On l'aflembla le Vendredi de la femaine de Pâques,
pour diverfes affaires du Royaume. L'Evcque de Cantorberi
îoufcrivit le premier , enfuite l'Evèque de Londres, & cinq
autres Evêques ; puis les Abbés, ôc les Comtes. Le Roi Bertulphe
foufcrivit le dernier.
I V. Pépin le jeune , neveu du Roi Charles , &: fils de Pépin ,
,, 5" Roi d'Aquitaine , entretcnoit dépens longtems la révolte dans ce
Concil. inAp Royaume , lorfqu'il fut pris par banche, Comte de Ciafcogne,
\^^'!'" ' '' •^' ôc livré au Roi Charles , qui , par le couILmI ^z5 Evêques ôc des
Seigneurs, lui lit couper les cheveux,, ôc ie renferma dans le
Monaftere de faint IVIedard de Soilfons en 8 5 1. Hincmar qualifie
(a) Litpw:, EyiJ, 115..
Concil
e de
Kinjefbu
rie
en «51 ,
ikld.
F'^g- 74
Spclman.
; ^
ibid.
P^S- 544
Conc!
e d,-
Soii'.ons
en
>U,tom
• S ,
DU NEUVIEME SIECLE. '(^37
te confeil des Evoques , Sentence Synodale ; ce qui fait voie
qu'ils s'ailemblerent pour dccider de la manière dont ce jeune
Prince feroit puni. Mais , comme il avoit ctc fait Moine malgré
lui, i. le fauva du Monaflcrecn 8 j 2, à laide de deux Prennes, qui
en conitquence furent cl laflJs comme incorrigibles, fuivant la
Reg!e d- faint Benoît , ôc ddpcfçs de la Prôtrife dans un autre
Concilequi fe tint en la même V ille en S <, 3.
V. Les ^.a^ra^uls , dont la domination s'e'tendoit en Afie , en „ Concile de
Afriqu-r , 6. en lurope , ayant choili pour Capitale de leur i;,-- , f,,w.R,
Royaume la Ville de Corduue en Efpagne, y excitèrent une C<nal. p.ig.
violente perfccution contre les Ciirétiens. Ils firent mourir plu- '*'"
fleurs Moines ôc plufieurs Laïcs de l'un & de l'autre fexe,&
mirent en prifon TEvêque de Cordoue , ôc quelques-autres ,
avec un grand nombre de Prêtres , parce qu'ils dcceUoient la
fc61e de iMahoniet , dont les Sarrafins fuivoientla doctrine. De
ces prifonniers, les uns fouffrirent le martyre , d'autres furent
délivrés, quelques-uns apoftaliercnt. Il y en eut de ces derniers
qui conleiliercntà Abderame,Roi de cctteNation, deconvoquer
un Concile de tous les Evoques de fon Pvoyaume ,ôc de les obli-
gera faire un décret qui défendît le martyre volontaire. Ce confeil
fut d'autant plus de fon goût, que le grand nombre de Chrétiens
qui couroient d'eux-mêmes au martyre , lui tàifoit ap'préhender
une révolte. Il aflembia donc à Cordoue les ?/iéîropoiitains de
diverfes Provinces , qui , après avoir conféré cntreux décla-
rèrent , que ceux qui n'auroient point été violentés par les fup-
plices pour renoncer la Foi , mais qui le feroient offerts d'eux-
mêmes à la perfécution, ne feroient point mi-s au^ nombre des
Alartyrs. Ils en donnèrent deux raifcns. La prenviere , que ces
fortes de Martyrs ne faifoient point des miracles , comme en
faifoient les anciens Martyrs. Lalcconde,queleui-s corps ctoient
fujets à la corruption , comme le refre des hommes. Ce déci'èt
qui a fait donner à cette Alfemblée ie nom de Conciliabule,,
déplut extrêmement au Prêtre Eulogc , l'un des Docieurs de'
l'Eglife de Cordoue , & qui avoit déjà foufFert la prifon pour la
Foi. Il fit même un écrit pour combattre cette dccifion y intitulé,
Aîènioricù. des Saints. Il en a été parlé en fon lieu. On y lit qu'Ab- Eu!}g. Me--
derame étant monté fur une terrafie de fon Palais , ôc voyant '"''""'• 'i »
les corps des Martyrs attachés à des pieux, commanda de les
brûler i qu'auditôt il perdit la parole, ôc mourut la nuit fui-
vante.
VI.- Les annales de Fulde mettent en Sjs un Concile a Concile Je
LlUiij,
63? CONCILES
JWayence en Mayencc , compofé des Evoques de France , de Bavière & de
851 fom. H , §^^g ^ convoqué par ordre de Louis de Bavière. Elles aiou-
77; Se Annal, tcnt , quc pendant que les hveques traitoient entre eux des
Fuld. ad ann. matières Ecclefiaftiques , ce Prince s'occupoit avec les Sei*
^" gneurs de celles de i'iitat. Mais elles n'entrent là-deiTus dans
aucun détail. On rapporte à la même année le Concile de Sens ,
dans lequel Venilon qui en étoit Archevêque , fit confirmer le
privilège qu'Aldric avoit accordé au Monaflere de faint Rémi.
Il s'y trouva treize Evêques & deux Abbés.
ConcUe de VII. Au vingt Tixiéme d'Avril de l'année fuivante 85" 3 on
Solfions en jjj^j. m^ Concile à SoilTons où fe trouvèrent vingt-fix Evêques .
Condl. pue. dont trois etoient Métropolitains , Hincmar, de Keims; Veni-
79. Ion, de Sens, ôc Amalric, de Tours. Ricbold , co-Evêque de
Reims, y afTiHa auiïi avec plufieurs Abbés , entr'autres , Loup
de Ferrieres ; Odon ^ de Corbie ; & Bavon , d'Orbais. Le Roi
Charles qui avoit permis cette afTemblée, voulut y être préfent.
Nous n'en avons pas les actes entiers, mais feulement le précis
de ce qui fc pada dans les huit Sellions. On a mis en premier
lieu les treize Canons ou Décrets du Concile , qui contiennent
en abrégé tout ce qui y fut réglé , foit par rapport aux perfonnes ,
'Can. T. foit fur les matières Ecclefiaftiques. On y traita d'abord des Ordi-
nations faites par Ebbon depuis qu'il avoit été dépofé ; on les
déclara nulles , ôc on décida qu'ayant été légitimement dépofé,
Hincmar avoit été ordonné légitimement à fa place. Enfuite
Can.z. f^j. jgg remontrances qu'IIeriman , Evêque de Nevers , étoit
attaqué d'une maladie qui lui faifoit commettre beaucoup d'in-
décences ôc négliger le foin de fon Eglife , il fut ordonné que
Venilon de Sens , fon Métropolitain , iroit à Nevers avec
quelques autres Evêques pour régler les affaires de cette Eglife,
& qu'il garderoit à Sens l'Evêque Heriman pendant l'Eté, faifoii
la plus contraire à fon mal , pour régler fa conduite autant que
_ cela fe pourroit. Venilon faifoit difilculté d'ordonner Burchard ,
Evêque de Chartres , fur ce qu'il n'avoir pas une bonne réputa-
tion ; mais il fçavoit que le Roi Charles fouhaitoit fon Ordina-
tion. On prit le parti de demander à Burchard s'il neconnoiffoit
■point en lui quelqu'irrégularité ; ôc aux Clergé ôc Notables du
Peuple de Chartres , s'ils n'avoient rien à lui reprocher. Ceux-ci
lui rendirent un bon témoignage; ôc Burchard ayant déclaré qu'il
étoit prêt à fe junifier fur tout ce qu'on lui objetleroit , il fut
ordonné que l'on envoyeroit des CommilTaires fur les lieux
pour examiner fon élection , afin que fur le rapport qui en feroit
DU NEUVIEME SIECLE. 63^
fait à Venilon , il l'ordonnât fans délai. Saint Aldric , Evéque
du Mans , attaqué dune paralyfie , écrivit au Concile pour r„ 4
s'excufer de n'y être point venu , ôc fe recommander aux prières
des Evêques pendant fa vie, ôc après fa mort. Sa demande lui
fut accordée, & l'Archevêque de Tours fon Métropolitain fut
chargé de l'aller voir Ôc de faire dans l'Eglife du Mans tout ce
qui feroit néceffaire. Rothade de Soiffons fit amener au Concile
par fon Archidiacre les deux Moines de faint Medard qui
avoientaidé le jeune Pépin à fortir de l'endroit où il avoit été
enfermé par ordre du Roi Charles. Ils furent dépofés de la Prê-
trife ôc relégués fcparément en des Monaderes éloignés , afin
que perfonne n'ofit à l'avenir tenter quelque chofedefembiable,
s'il ne vouloit auffi fubir la même peine. Le Roi Charles s'étant
plaint au Synode d'un Diacre de l'Eglife de Reims , accufé c.in. 6.
d'avoir fait de faufles Lettres en fon nom , il lui fut défendu de
s'abfenter du Diocèfe , jufqu'à ce qu'il fe fût juftilié , ou qu'il
eût fait fatistadion.
, VIII. Après avoir terminé ce qui regardoit les perfonnes , le Czn. 7.-
Concile fit divers Réglemens concernans la difcipline; fçavoir,.
qu'on rétabliroit au plutôt le culte divin dans les Villes ôc Mo-
nafteres des deux fexes , ôc qu'à cet effet le Roi feroit prié d'en-
voyer des CommilTaires qui avec lEvcque Diocèfain examine-
roient l'état préfentdes lieux ôc réfereroientau prochain Concile
ôc à la puiffance royale la correction des abus qu'ils n'auroienc
pu réprimer eux-mêmes ; que les Eglifes qui avoient reçu Can. 8,-
autrefois des immunités par la conceflion des Princes , ou des
Fidèles, en jouiroient toujours ; que fi l'on ne pouvoit rétablir Can. 9.
les Eglifes dans leurs anciennes pofTefîions, à caufe de diveribs-
nécelUtés, on leur rendroit du moins les novcs ôc les dixmes ;
qu'on ne tiendroit pas les plaids dans les lieux faints , ni les Cj.i..io,
jours de Dimanches ôc de Fêtes; que les Evêques ne feroient
point empêchés de punir ceux qui ont fait quelque faute contre. ^^'^' "*
la difcipline de l'Eglife , foit qu'ils foient libres ou fcrfs ; que
les inceftueux ôc autres coupables de femblables crimes , qui C.m. 12,
refuferoient d'être examinés par les Evêques, y feroient con-
traints par les Juges publics, afin que l'impunité des crimes ne
fût pas une occafion d'en commettre ; ôc que l'on ne feroit
aucun échange des biens Ecclefiaftiques fans le confentemcnt
du Roi.
I X. On a mis à la fuite de ces Canons des extraits de ce qui^ , ^^p '^^ «
fe palfa dans les huit Sellions de ce Concile ^ ôc le Capitulaire. s^^^çl]^"^'
6^0 CONCILES
qui y fut fait par le Roi Charles. Il contient douze articles;
qui font autant d'inflruttions pour les Corn miflaires qui dévoient
être envoyés partout pour viliter les Eglifes & les Monafteres
avec l'Evêque Diocèlain, régler le nombre des Chanoines ÔC
des Moines , leur manière de vivre , leur entretien , réparer les
bâtimens , & dreffer un état des biens ôc des dégâts que les Nor-
mands y avoient caufés.
Concile Je X. Le Roi Charles étant pafle de SoifTons à Quiercy fur
Quiercy en Qj^^ ^^g^ quelques Evcques ôc quelques Abbés , y tint avec
Concil. ' 'psg, eux un Concile , ou il foufcrivit aux quatre articles dreffés par
ffi&'S'S. Hincmar de Reims, contre la dotlrine de Gothefcalc. Le pre-
Can. I. mier porte, que Dieu par fa prcfcience ayant choifi de la maffe
de perdition ceux qu'il a prédeftinés par fa grâce à la vie éter-
nelle , il a laifTé les autres par le jugement de fa juflice dans
cette maffe de perdition, connoiffant par fa préfcience qu'ils
périroient ; mais qu'il ne les a pas préJeilinés à périr , quoiqu'il
leur ait préiefliné la peine éternelle , parce qu'il efl jufte ; qu'ainfi
on ne doit reconnoître qu'une feule prédeftination , qui appar-
tient au don de la grâce , ou à la rétribution de la juflice ; que Ci
le genre humain eft devenu maffe de perdition , cela ne vient
point de Dieu , qui a fait l'homme droit & fans péché, lui a
donné le libre arbitre, l'a placé dans le Paradis , ôc a voulu qu'il
perféverât dans la juflice : mais de l'homme même , qui en ufant
mal de fon libre arbitre, a péché ôc efl tombé. Il efl dit dans
Can i. le fécond , que nous avons perdu dans le premier homme la li-
berté , que nous avons recouvrée par Jefus-Chrifl , ôc que com-
me nous avons le libre arbitre pour le bien , lorfqu'il efl pré-
venu ôc aidé de la grâce , nous l'avons pour le mal quand il efl
abandonné de la grâce. Or il efl libre, parce qu'il ell délivré ôc
Can. X. guéri par la grâce. On enfeigne dans le troiliéme , que Dieu
veut que tous les hommes fans exception foient fauves , quoi-
que tous ne le foient pas ; que c'efl par la grâce du Sauveur que
quelques-uns font fauves , ôc par leur faute que quelques-uns
P périlTent. Le quatrième dit, que comme il n'y a point d'homme,
qu'il n'y en a point eu , qu'il n'y en aura point dont J. C. n'ait
pris la nature ; il n'y en a point , n'y en a point eu , ôc n'y en aura
point pour lequel il n'ait fouffert , quoique tous ne foient pas
rachetés par le myflere de fa Palfion ; que (i tous ne font pas
rachetés par ce myllere , ce n'efl pas que le prix ne foit fuffffanc ,
mais c'efl par rapport aux Inlîdeles ôc à ceux qui ne croyent pas
de cette foi qui opère par la charité ; parce que la médecine
falutaire ,
DU NEUVIEME SIEC LE. 'g-^f
falutaire, compofce de notre infirmité ôc de la vertu divine ,
eft de foi capable de profiter à tous : mais elle ne guérit quç
ceux qui la prennent. Il eft parlé de ce Concile dans les Anna-
les de faint Bertin , fur l'an S j 3 ; ôc on y trouve en abrégé ces
quatre articles.
X r. Dom Martenne a donné avec quelques Opufcules de .^""'^J-"""
Florus, Diacre de l'Eglifc de Lyon , les Adcs d'un Concile cv^M^fr"'"^
tenu à Quiercy , contre les erreurs attribuées à Amalaire, dont tom.9. amyl.
la principale étoit, qu'il divifoit le Corps euchariftique de Je- '^^'J^^' P'^-
fus-Chrift en trois corps différens. On sert déjà expliqué là-
delTus dans l'article d' Amalaire , & on l'a fait aufll dans celui
de Florus.
XII. Le Roi Charles fit relire dans le Concile de Ver- y^(^''^;^^f°
berie , aflemblé au mois d'Août de l'an 8J3 , les Capitules ssll'tom.s,
qu'il avoir fait publier dans celui de Soiffons , & ils furent agréés Condl. p-^g»
tcus d'une voix : ce qui n'avoir rien de fingulier, puifque les '''^*
Evêques de ces deux Conciles étoient prefque tous les mêmes.
Il fut encore queftion à Vcrberie des infirmités de l'Evêque de
NeverSj nommé Heriman;&fur le témoignage qu'on rendit
de fa guérifon , il fut ordonné qu'on lui rendroit le gouverne-
ment de fon Eglife. Le même Concile défendit de donner à
titre de précaire Ôc de bénéfice le Monaftere de (lunt Alexandre
de Lcberaw ou Lieure en Aiface , à Conrad , parce qu'il avoit
été donné à l'Abbaye de faint Denys par l'Abbé Fulrade, &
que cette donation avoit été confirmée par le Pape Etienne.
Leberaw eft aujourd'hui uni à l'Eglife Primatiale de Nancy.
CHAPITRE XXXIV.
Des Concïhs de Rome , de Conjl antinomie j de Valence i
& de Pavie.
î. T E huitième de Décembre de l'an Sjj, le Pape Léon Concile d»
I i IV. tint un Concile à Rome dans l'Eglife de faint R^meenSî;,
Pierre, alTifté de foixante-fept Evêques, entre lefquels il y en "Jl\^'^l"''^'
avoit quatre envoyés par l'Empereur Lothaire. Jean, Archevc-
l^ue de Ravenne , n'ayant pu s'y rendre, députa de fa part un
Tome XXII, Mm m m
^42' CONCTLES
Diacre, nommé Paul, qui foufcrivit le premier de tous après îe "
Pape & l'Empereur Lothaire. Le Diacre Nicolas ouvrit le Con-
cile par la ledure d'un difcours du Pape aux Evêques ; ceux-ci
lui répondirent par un autre difcours , qui fut lu par le Diacre
Benoît. Enfuite on publia quarante- deux Canons, dont les-
trente-huit premiers font les mêmes qui avoient été publiés par
le Pape Eugène II. en 825. Le Concile y fit néanmoins quel-
ques additions, qui ont été imprimées féparement dans i'édi--
tion Romaine de Luc Holftenius ôc dans les fuivantes ; où l'on -
amis d'abord tous les Ades du Concile de l'an 826, puis ceux
de 8 5'3 , avec la remarque que les 35?, 40, 4 1 ÔC42 Canons, font
les I , 2 , 3 & quatrième Canons de ce dernier Concile. Il y eil
Can: i?. dit que pour fe conformer aux Décrets des Anciens , qui défen-
dent d'ordonner pour une Egiife un plus grand nombre de Clercs^
que les revenus & les oblations des Fidèles ne peuvent en en-
tretenir, on retranchera le nombre fuperflu des Prêtres qui-
fe trouvoient à Rome , ordonnés par les Evêques les plus
voifms , 6c dont le tiers fuffifoit pour faire le fervice; que tous
Cm. 40. les Prêtres des Eglifes baptifmales,ou qui deflervent de Hmples
Oratoires,, viendront au Synode de leur Evêque Diocèfain , .
foit qu'ils demeurent dans les Villes ou à la Campagne ; que les
Q,„ Laïcs ne mettront point de Pré':fes d'un autre Diocèfe dans les
Eglifes de leur dépendance , fims le confentement de l'Evêquc
Dioccfain , fous peine d'excommunication contre les Laïcs, ÔC
de dépofition contre les Prêtres. La même peine cîl ordonnée
contre les Abbés 6c autres Patrons Eccléliaftiques ; ôc on en
donne pour raifon, que les Prêtres ne peuvent être placés que"
par ceux qui ont droit de les ordonner 6c de les corriger. Le
Pag. MO. Concile procéda enfuite contre Anaftafe, Prêtre de l'EgHfe-
Romaine, 6c Cardinal du titre de laint Marcellin , qui ayant
quitté Rome depuis cinq ans , avoit fixé fa demeure à Aquilée.
Le Pape, après l'avoir averti jufqu'à quatre fois de retournera
fon Egiife, l'avoit excommunié en deux Conciles pour fa défo-
béiflTance. Ill'anathêmatifa enfuite pour ne s'être point foumis
à l'ordre que l'Empereur Louis lui avoit donné fur le même
fujet;6c voyant qu'il n'avoit point comparu au Concile tenu •
le quinzième de Novembre, quoique cité par trois Evêques,.-
\\ le dépofa daivs celui du huitième de Décembre , après qu'on ;
y eut fait aux Evêques le rapport de toute la procédure. La Sen-
tence fut foufcritc parle Pape , l'Empereur l^othaire , cinquante^ -
net,! Evêques préfens . huit Députés des Evêques abfens , vingts
DU NEUVIEME SIECLE. (^4^
Prêtres 6c fix Diacres de l'Eglife Romaine. On y a joint toutes
les autres Sentences rendues par le Pape Léon IV. contre le
Cardinal Anaftafe , avec un Abrège des Canons de fon Con-
cile & de ceux qui furent faits par le Pape Eugène IL en 825.
I I. Après la mort du Patriarche Methodius , on mit fur le Concile de
Siège de Conflantinople , vers le mois de Juin de l'an 847 , pie'^n^g" 4'
Ignace, fils de l'Empereur Michel Rangabé, ôc de Procopia, r~m.s,Conàl.
fille de l'Empereur Nicephore. Prévoyant que Grégoire de f !,;'■. yL,^
Syracufe en Sicile, voudroit être prêtent à fon ordination , car tu ,' in vm
les Evoques de Sicile ctoient foumis au Patriarche de Conftan- (?''""'•
tinople depuis le règne de Léon llfaurien, il le fit avertir de ne
point s'y trouver, à caufe des crimes dont il étoit accufé. II
. aflembla enfuite un Concile à Conflantinople, où Grégoire fut
dépofé de l'Epifcopat. Ignace voulant faire confirmer la Sen-
tence par Léon IV. lui envoya des De'putés à cet effet. Mais le
Pape le refufa , jufqu'à ce qu'il eût oui l'Evêque Grégoire. Pen-
dant cet intervalle Léon mourut ; & l'affaire ayant été porte'e à
Benoît III. fon fucceffeur, la dépofition de Grégoire fut con-
firmée. Cet Evêque pour fe vanger , fit tous fes efforts pour
mettre Photius fur le Siège Patriarchal de Conflantinople à la
place d'Ignace ;ôc il en vint à bout, comme on l'a dit en fon lieu.
III, Les quatre articles dreffés par Hincmar dans le Concile Concî'e Je
de Quiercy fur Oife en 8 n > déplurent au Clergé de l'Ealiie de 7'^""'^ T
l^yon. Kcmy , qui en etoit Archevêque , les réfuta par un Cmcil. fng.
écrit , où ilfoutient la double prédeflination des élus & des ré- '3"**
prouvés ; & s'étant trouvé au Concile affemblé à Valence par
ordre de l'Empereur Lothaire le huitième de Janvier Sfj , il
y établit cette doctrine avec plufieurs autres Evcques , dont
trois étoient Métropolitains ; ft^avoir, Remy de Lyon , Agilmar
de Vienne, 6c Roland d'Arles. On y examina d'abord l'affaire
de l'Evêque de Valence, accufé de divers crimes; puis on
fit vingt-trois Canons ; les uns fur la dottrine , les autres fur la
difcipline de l'Eglife. Quant à la dodrine, les Evêques décla-
1-ent qu'ils s'en tiennent à l'Ecriture fainte , 6c à ceux qui l'ont Can.i.
x;lairemcnt expliquée ; à faint Cyprien , faint Hilaire , faint Am-
broife, faint Jérôme, faint Auguflin 6c aux autres Dov^eurs
<i;atholiques ; 6c qu'ils n'ont fur la préfcience de Dieu , la pré-
deflination ôc les autres queftions qui fcandalifent les Frères ,
d'autres fentimens que ceux qu'ils ont appris dans le fein de l'E-
glife. Ils prouvent par l'autorité de l'Ecriture, que Dieu a connu Can. i;
de toute éternité les bonnes adions que les bons dévoient faire,
M m m m i j
(^44 CONCILES
& les mauvaifes des méchans ; qu'il a prévu auiïl que les bons le "
feroient par fa grâce , ôc qu'ils recevroient par la même grâce
la rdcompenfe éternelle ; que les méchans le feroient par leur
propre malice , & que par fa juftice ils feroient condamnés à la
• peine éternelle. D'où ils concluent que la prcfcience de Dieu
II" impofe la nécelfité à perfonne d'être méchant ; & que Ci les
méchans font condamnés, cen'eft point par le préjugé de Dieu ,
mais par le mérite de leur propre iniquité ; que s'ils périifent,
ce n'eft pas à caufe qu'ils n'ont pu être bons j mais parce qu'ils
n'ont pas voulu l'être , & qu'ils font demeurés dans la n>a(te de
perdition , ou par leurs péchésaduels ou par l'originel. Ils con-
Cm/;, 5. ieircnt d'après faint Paul , dont ils citent les paroles , la prédefl!-
nation des élus à la vie , & la prédeftination des méchans à la
mort; ce quils expliquent en difant que dans le choix de ceux
qui feront fauves , la mifericorde de Dieu précède leur mérite ; ôc
dans la condamnation de ceux qui periront^leur démérite précède
le iufte jugement de Dieu ; que Dieu n'a ordonné par fa prédelli-
nation que ce qu'il devoit faire par fa mifericorde gratuite , ou par
fon jufte jugement ; que dans les méchans il a feulement prévu
la malice, parce qu'elle efl d'eux , mais qu"il ne l'a pas prédcfti-r
née, parce qu'elle n'eft pas de lui; qu'à l'égard delà peine qui
doit fuivre leurs mauvaifes actions , Dieu l'a prévue , parce
qu'il fçait tout, ,& l'a prédeflinée parce qu'il ed jufte. Ils ajoi^-
tent , que non-feulement ils ne croyent pas que quelques-uns
foient par la puiffance divine prédedincs au mal , comme s'ils
ne pouvoicnt ctreautre chofe ; niais qu'ils difent anathême avec
le Concile d'Orange , à ceux qui croyent un fi grand mal. Ils
Can. i,. défaprouvent la dodrine de ceux qui avoient depuis peu enfei-
gné dans leurs écrits , que le Sang de Jefus-Chrift a été répandu,
même pour les impies qui font morts dans leur impiété depuis
le commencement du monde , juf]u"à la Palfion du Sauveur^
J(i«,'j. 3 , 14. ôc foutiennent que ce prix n'a été donné que pour ceux qui
croyent en lui , félon qu'il le dit lui-même en faint Jean. Ils
rejettent les quatre articles d'Hincmar, ôc dix-neuf autres arti-
cles de Jean Scot, comme n'étant que des conclulions de fyllo-
gifmes impertinens , plutôt que des propofitions de foi ; ôc
demandent que les Auteurs de nouveautés foient réprimés.
Ccn. <„ IV. Enfuite ils enfcignent que l'on doit croire fermement que ■
tous les Fidèles baptifés font véritablement lavés par le San" de
Jefus-Ciirifl, parce qu'il n'y a rien d'inutile ni d'illufoire dans
ics,Sacrcmens de l'Eglife , Ôc que tout y cil vrai ôc elieclif ; que
BU NEUVIEME SIECLE. 6i.-^
nàinmoins de cette multitude de Fidèles 6c de rachetés , les
uns font fauves éternellement , parce qu'ils perfdverent par la
grâce de Dieu dans leur rédemption ; les autres ne parviennent
point à la béatitude , parce qu'ils n'ont pas voulu demeurer
dans le falut de la foi qu'ils ont reçue dès le commencement ,
GU qu'ils ont rendu inutile la grâce de leur rédemption par leur
mauvaife doûrine, ou par leur vie déréglée. Quant à la grâce
par laquelle feront fauves les Fidèles , & fans laquelle jamais la
créature raifonnable n'a bien vécu ;& à l'égard du libre arbitre
affoibli dans le premier homme , & guéri par la grâce de notre
Seigneur , ils confefTent d'une foi pleine & confiante qu'ils
croyent ce qu'ont enfeigné les Pères par l'autorité de l'Ecriture,.
ce que le Concile d'Afrique , celui d'Orange ôc les Papes ont
tenu. Ils rejettent avec mépris les queflions indécentes propofées
fur ces matières par les Ecoflois , c'eft-àdire par Jean Scot, le
regardant comme l'Auteur des troubles ôc des divifions qui re-
gnoient dans TEglife.
V. Ils ordonnent que pour le maintien de la vigueur Ecclé- Cm. 7.
fiaftique , qui perd fa force dans des Evéques qui n'ont ni
mœurs, ni fçavoir , le Prince fera fupplié de laiiTer au Cleraé
& au Peuple la liberté des életlions ; que les Ëvêques feront
choifis dans le Clergé de la Cathédrale j ou dans le Diocèfe ,
ou du moins dans le voifinage; ôc que l\ l'on prend pour Evoque
un Clerc attaché au fervice du Prince , le Métropolitain s'infor-
mera exademcnt de fa vie ôc de fa dotlrine , pour ne point or-
donner un indigne; que ceux qui s'emparent des biens de l'E- dn. s,'-
glife, feront excommuniés , quoiqu'ils difent qu'ils leur ont été
donnés par le Prince;que l'onufera de la mcmeféverité envers les Cm. <?.
Laïcs qui manqueront de refpe£t envers les Curés , ou qui s'en>
pareront des biens des ParoifTes ; que tous les Fidèles payeront Gan. 10,
exa£lement la dixme de tout ce qu'ils pofledent ; que Ion abo-
lira l'abus introduit dans les Tribunaux féculiers de faire prêter Can. n.
ferment aux deux parties qui font en procès , n'étant pas ponible
que l'une des deux ne foit parjure ; que celui qui aura tué ou Cm. iz.
chargé de plaies fon adverfaire en duel , fera foumis à la péni-
tence de l'homicide , ôc le mort privé des prières ôc de la fépul-
ture Eccléfiaflique ; que l'on fuppliera l'Empereur de confirmer
ce Décret , ôc d'abolir lui-même un fi grand mal par des Loix
publiques ; que pour maintenir la charité ôc l'unité entre lesCa/z. ij. -
Ëvêques , ils fe foutiendront l'un l'autre contre les rebelles à •
iZElglife, afin de les obliger , fous peine d'excommunication , à-
M m m m iij
g4^ C O N C I LES
Can. i6. fe foumettre à la pénitence ; que chaque Evêque inftruira , ou
par lui-même , ou par d'autres perfonnes capables les Peuples
Can. 17. tant de la Ville que de la Campagne; qu'il fera la vifite de fou
Cin. 18. Diocèfefans être trop à charge ; que l'on reuiettra fur pied les
Ecoles ,où l'on apprendra les fciences,tant divines qu'hun^aines,
Cil. 19. & le chant Eccléiiaftique ; que les Métropolitains veilleront fu-r
la conduite de leurs SufFragans , & ceux-ci fur le Clergé de
Cxn. 10. jçyp Diocèfe ; que l'on gardera foigneufement les ornemens des
Eglifes, qu'on en fera ufage fuivant l'intention des donateurs,
& qu'on ne les employera à rien qui foit contraire aux Canons;
Can.ii. que l'on ne fera point d'échange des biens de TEglife ; & que
fi l'on en fait, ce fera avec beaucoup de foin & d'exattitude.
Le dernier Canon menace d'excommunication quiconque con-
tinueroit à inquiéter l'Archidiacre de Vienne , foit. dans fa per-
fonne , foit dans fes proches. Ce Concile efl appelle le trcifiéme
de Valence. L'Empereur pour en confirmer les Décrets, emprun-
ta l'Editde Conftantin , adreffé à Ablavius , Préfet du Prétoire.
Concile de yj^ L'Empereur Louis , fils de Lothaire , voulant réformer
tpm.s,Coiicii. plufieurs abus dans la difcipline de lEglife, en demanda les
j-^g. i4<^. moyens aux Evêques de Lombardie , qu'il avoir affemblés à
Pavieau mois de Février de l'an S<;'). La réponfe de ces Evê-
ques contieiît dix-neuf articles, dans lefquels ils fe plaignent
que quelques-uns de leurs confrères ne veilloient ni fur leur
•Clergé , ni fu-r leurs Peuples : ils demandent toutefois à l'Empe-
reur de leur accorder du tems pour fe corriger, voulant qu'en
cas d'incorrigibilité ils foient punis feverement. Ils déclarent en-
fuite qu'ils font difpofés à écouter toutes les plaintes qui pouc-
■roient être formées contre des Evêques, foit par des Laïcs j
foit par des Clercs, 6: de punir les délits d'une manière con-
venai)le. Ils ajoutent qu'il étoit vrai que le miniflere de la parole
de Uicu croit extrêmement négligé, autant par la fuite des
Evêques & des Prêtres , que du Peuple ; mais aulTi que quel-
ques Laïcs, principalement les Seigneurs, qui dévoient être
les plus affidus aux inftruclions qui fe faifoicnt dans les grandes
Eglifes, n'y venoient point, aimant mieux entendre l'otïice di-
vin dans les Eglifes qui étoient proche de leurs maifons. Quel-
ques-uns de ces Seigneurs recevoicnt même des Clercs fans la
permidion de leur Evêque , 6c faifoient célébrer la Méfie par
des Prêtres ordonnés en d'autres Diocèfcs , ou dont l'ordination
^toit doutcufe. Il y avoit aulfi des Laïcs qui fous prétexte qu'ils
.avoient part à l'éleciion , traitoicnt leurs Archiprêtres avec hau-
DU NEUVIEME SIECLE. 6^j
téur; d'autres qui enlevoient les biens de l'Eglife ; d'autres qui
donnoient leurs dixmes aux Eglifes fituées dans leurs terres , ou
aux Clercs qu'ils av'oient à leur fervice, au lieu de les donner
aux Eglifes où ils recevoicnt l'inflrudion , le Baptême ôc les
autres Sacremens. Les Evoques prient l'Empereur de réformer
tous ces abus ; d'empêcher les mariages incedueux, ôc de faire
obferver les Capitulaircs de fes prédccefTeurs , fur le rétablif-
fement des Hôpitaux & des Eglifes , 6c l'obfervation de la Règle
de faint Benoit dans les Monafteres d'hommes ôc de filles. Ils
marquent en de'tail ce que les Archiprôtres dévoient fournir à-
l'Evêque lors delà vifitede fon Diocèfe.
'VII. Tous ces articles ayant été communiqués à l'Empereur P-ig- i+p. ■
Louis, il y fit une réponfe, dans laquelle il promet de maintenir
les Eglifes dans la pofleirion paifible de leurs biens ôc de leurs
droits ; ôc de faire obferver les Capitulaires de fes prédéceficurs.
Ce Prince en fit un dans le même Concile de Pavie , qui contient
einq articles, tous fur des matières de police, excepté le pre- ^g^ ' • ^■'■^*
mier , qui règle le tems auquel une veuve peut fe remarier, ou
prendre le voile de la Religion,
CHAPITRE XXXV.
ID E 5 Conciles de Vinchejîre , de Boiioil, de Qidercy ,> .
de Mayence, de Conjlam inonde, de Aîct\,dLe Langres,
de Savonieres, de CoJifiaminople, de Sijleron.
L T7 Thelulfe , Roi d'OuefTex en Angleterre , étant Concile ds
l^i de retour du voyage qu'il avoir fait à Rome au corn- 'V ncheftiem
" * 11, „ ,-r 11 -ixT I ii8î5, rom. 8 ,
lïiencement de 1 an 8ç j , aliembla au mois ce JNovembre de Ja Conal. pa^-.
même année un Concile à Vinchefire dans l'Eglife de faint 143.
Pierre. Les deux Archevêques de Cantorberi ôc d'Yorc y aflif-
terent avec tous les Evêques d'Angleterre, plufieurs Abbés,
Bowede , Roi de Mercie , Edmond , Roi d'Eftrangle , ôc grand
nombre de Seigneurs. Il y fut ordonné qu'à l'avenir la dixième
partie de toutes les terres du Royaume d'OilelTex appartien-
droit à l'Eglife , pour l'indemnifer des pertes qu'elle avoit laites
pendant la guerre , ôc des pillages des Barbares , c'eft-à-dire des
iSormands. Le principal Auteur de ce Décret fut le Roi Ethe-
■6^^ CONCILES
lulfe. Il offrit lui-même fur l'Autel de faint Pierre la charte d«
cette donation , lignée de fa main. Les Princes ôc Evêques pré-
fens y foufcrivirent , même des Abbeffes ; & les Evêques ea
ayant pris copie , la publièrent dans leurs Diocèfes. Elie portoit ,
que cette dixième partie qu'il donnoit à TEglife, feroit franche
de toutes charges ôc de toutes fervitudes féculieres.
Concile Je IL La mome année 8jj , il y eut unealTemblée d'Evêques
Bonoil en ^^ ^^ j-g^ appelle Bonoil fur la Marne , près de Charenton ;
' ' * où entr'autres chofes on traita des privilèges de l'Abbaye de faine
Calez dans le Diocèfe du Mans. Rainald qui en étoit Abbé,
expofa au Concile fes fujets de plainte contre l'Evoque du Mans.
Il vouloit s'affujettir ce Monaftere, fans aucun égard aux privi-
lèges des Rois , qui avoient accordé aux Moines de faint Ca-
lez la liberté de choifir leur Abbé , fuivant la Règle de faint Be-
jioît dont ils faifoient profeiïion. L'Abbé Rainald fut écouté , &
les Evêques ordonnèrent que fon Monaflere feroit maintenu
d'ans la poiTefTion de fes droits ; fur quoi ils firent expédier des
Lettres, aufquelles foufcrivirent quatre Métropolitains, vingt
Evêques 6c treize Abbés. Elles font dattées du huit des Calendes
de Septembre, la feiziéme année du règne du Roi Charles le
(Chauve, c'ell-à-dire le 2; d'Août Sjj. Ce Prince confirma ces
Lettres fynodiques par un Diplôme du même jour ôc de la mô-
me année. On peut voir ces pièces dans l'appendice ( a ) du troi-
•fiéme tome des Annales Bénédictines, par Dom Mabillon. Dom
Martennen'a rapporté que la Lettre fynodique dans le quatrième
tome (&) de fes Anecdotes. Il remarque que Robert, fucceffeur
d'Aldric dans l'Evêché du Mans,méprifant lesDécrets de ce Con-
cile, fc pourvut auprès du Pape Nicolas I. dont il étoit aimé;
que ce Pape écrivit en conféquence au Roi Charles, aux Evê-
ques de France ôc aux Moines de faint Calez des Lettres très-
preiïantes, qui apparemment occafionnerent l'examen des pri-
'vileges de ce Monaftere dans le Concile de Piftes. Mais l'exa-
men fut favorable ; on confirma ces privilèges , ôc le Pape infor-
mé du vrai par le Roi Charles, les confirma lui-même par au-
torité Apoftolique. La Lettre de Nicolas I. fe trouve dans le
iroificme tome des Conciles de France , par le Père Sirmond ;
<,elledes Evêques de Piftes, avec lesAdes de leur Concile,dan$
le quatrième tome ( c ) des Anecdotes de Dom Martenne. Ces
(a) Pag. 66% , 669. j (c) Ibid.
AAes
DU NEUVIEME SIECLE. (^49
■A£l:es font dates de i'an S 6 2. La Lettre eft de la même année.
On y exhorte Robert à laiflcr paifibles les Moines de laint Ca-
lez dans la joiiiflance de leurs privilèges.
1 1 1. On continuoit en France les violences & les pillages. Concile de
Charles le Chative voulant y remédier , tint un Concile à Quier- g "fp,„ g"
cy le 2j.de i'^cvrier de l'an 8 5" 7, avec les Evêques 6c les Sei- Concil. pas'.
gneurs qui lui croient demeures fidèles ; il y fut réfolu que cha- ^■^'^•
que Evêque remontreroit aux Peuples par l'autorité de l'Ecri-
ture ôc des Canons , la grandeur du péché de ceux qui pilloient
ou prenoient de force le bien d'autrui , ôc quelle pénitence ils
méritoient ; que les Comtes ôc les Envoyés du Prince feroient
de femblables remontrances dans leurs départemens , en les ap-
puyant de l'autorité des Loix ôc des Capitulaires , ôc en me-
naçant de fupplices ceux qui fe trouveroient coupables.il ne rede
de ce Concile que la Lettre fynodale écrite au nom du Roi
Charles, ôc addreffée aux Evêques & aux Comtes. Les Evê-
q-ues y trouvoient une formule des remontrances qu'ils avoient
à faire. L'autre partie qui regardoit les Comtes , n'a pas encore
été rendue publique.
I V. Il fé tint vers le même tems un Concile à Mayence , Concile Jo
CHX l'on agita plufieurs queftions touchant les droits de l'Eglife. gZ/^^om. s"
On y lut une Lettre deGonthier, Evêque de Cologne, à l'E- Condl. pag.
vôque Alfride, dans laquelle il faifoit la defcription d'une tem- *5o-
pête horrible arrivée à Cologne le i j de Septembre de i"an S çy.
Pendant que le Peuple effrayé étoit en prière dans la Balilique
de faint Pierre, ôc que l'on fonnoit les cloches , la foudre, en
forme de dragon de feu , paflTa au travers de l'Eglife , ôc tua
plufieurs perfonnes.
V. AConftantinople le Patriarche Ignace ne pouvant fouffrir Concilinbue
1 r J 1 D J r • Li- '^^ Conftanti-
le Icandale que bardas cauloit , en entretenant publiquement nopleenS58,
fa brià , après avoir chalTé fa femme légitime , le retrancha de la f^- ^.CûnaU
communion. Bardas pour s'en venger, le Ik chaffer lui-même du ^'^^' ^'*
Palais Patriarchal , ôc réléguer dans l'Ille de Terebinthe , ôc
clîoifir à fa place l'Eunuque Photius , qui fe fit ordonner par
Grégoire de Syracufe , dépofé de l'Epifcopat dans un Concile
qu'Ignace avoit tenu dès l'an 8 j-^. L'ordination de Photius fe fit
le jour de Noël l'an Sj8. Quelque tems après il affenibla un
Concile dans l'Eglife des Apôtres, où, avec les Evêques de
fon parti , il dépofa Ignace , ôc lui dit anathême.
VI. La même année 8 jS , Louis de Germanie ayant pénétré q^°""'* e*
jgnFrance, ordonna aux Evêques de fe rendre à Reims le 25 sjs, :om,s^
Tome XXIL N n n n
6so CONCILES
Concil. j'.ig. de Novembre , pour avifer aux moyens de rétablir l'Eglife ÔC;
^^'** l'Etat.. ?.îais la plupart des Evêques qui ne le reconnoiiToient
point pour leur Souverain , parce qu'ils voulaient demeurer fidè-
les au Roi Charles, fe contentèrent de s'ailembler à Quiercy,
d'où ils écrivirent à Louis de Germanie une grande Lettre^ au-
nom de tous les Evêques des Provinces de Reims & de Rouen,-
V'enilon, Archevêque de R.ouen, ôc Creanrad de Châlons^,
en furent les porteurs. Nous en avons ( a ) donné ailleurs le con-
tenu. Flodoard (h) dit que Louis de Germanie tint un Parle-
ment à Reims ôc un Concile à Soiflbns.
Concile de VII. Nous avons aulïi rendu compte de ce qui fe pafTa au'
tom^s^ondi. Concile de Metz, afiemblé le 28 de Mai 8 ^9 , du confentement
pag. 868. des Rois Charles le Chauve ôc de Lothaire fon neveu , pour ■
moyenner la paix entre eux ôc Louis de Germanie. Les Evêques
députés vers ce Prince de la part du Concile , étoient chargés
d'une inftruiStion contenant douze articles, qui renfermoient les
conditions aufquelles ils dévoient Tabfoudre de l'excommuni-
cation quil avoit encourue par les excès commis dans le Royau-,
me de France.
Concile Je VIII. Quelques jours avant cette Affemblée , c'efl:- à-dire le •
s^ç^^mn. T '^ d'Avril de la même année , il s'en étoit tenu une dans l'Ab—
Concil. pag. baye des Saints Jumeaux, près de Langres , en préfence du-
*^^* Roi Charles le jeune , fils de l'Empereur Lothaire. Rémi, Ar-
chevêque de Lyon ôc Agilmar de Vienne , y préfidcrent , alfiflés
d'Ebbon de Grenoble, ôc de plufieurs autres Evêques. On y fit
feize Canons , dont les fix premiers font les mêmes que les CiK
de Valence fur la prédeftination , fi ce n'eft que dans le quatriè-
me il n'eft rien dit des quatre articles de Quiercy. Les Canons
du Concile de Langres furent renouvelles dans celui de Savo-
nieres, dont ils font partie dans la Collection générale des Con-
ciles. Flodoard ( c ) en fait mention dans l'extrait d'une Lettre
d'Hincmar à Charles le Chauve.
Concile de J X. Le Concile de Savonieres , près de Toul , fe tint au
s^T^tom.'s^ mois de Juin de la même année 8 jp. Il étoit compofé des Evê-
Concii. pag. ques de douze Provinces des trois Royaumes , de Charles le
*^'** Chauve , de Lothaire ôc de Charles le jeune , fes neveux. Ces
Cup. I. trois Princes y allifterent. Le but de ce Concile fut de détruire .
(a) Voyr les articles de Cliarles le j (h) Flodoard ,lih. ^, cap.it.
Chauve ,.& d'Hincmar de Reims. \ ( c ; itid. lib. 3 , kilt, cap, 1 6,
DU NEUVIEME SIECLE. 5^1
le Schifme qui s'étoit dlcvc depuis peu dans l'Eglife , d'en rc'-
tablir la difciplinc prelque tombée , & de ramener à robciiïaiice
ceux qui avoient manque de Hdeiitd envers leurs Souverains. A
cet effet les Evêques obtinrent la permiifion des trois Rois de Cap.ti,
tenir des Conciles dans les tems prefcrits par les Canons : ce
■qu'ils n'avoient pu faire pendant les troubles & les agitations de
la guerre; car ces trois Princes étoie^it parfaitement d'accord à
procurer le rétabliffement de la Religion dans leurs Etats. On
porta des plaintes au Concile fur l'orcliiation de trois Evoques, ^-P-î*
'1 ortold dé Baycux , Anfcaire de Langrei , & Atton de Verdun ;
& on les accufa détre parvenus à l'Epifcopat par des voies i!lé- ''"^' ''*
gitimes.LacaufedeTortoldfut renvoyéeà Venilon, Archevêque Ci;;, y.
de Sens, &à trois autres Evêques. Anfcaire promit par des Dé-
putés defe défifter ;fu;quoi le Concile lui prefcrivit une formule
d'un ferment , par lequel il demandroit pardon de hn entre-
prife ôc promettoit de ne rien tenter de fembiable à l'avenir.
A l'égard d'Atton, il fut ordonné qu'il comparoîtroit à un autre Cip. 7.
Concile. On croit que comme il avoit fait profeirion de la vie
nionaftique dans l'Abbaye de faint Germain d'Auxerre, il ne lui
înanquoit que le confentement de fes Supérieurs pour l'Epifco-
pat, qu'ils lui donnèrent apparemment, puifque fon ordination
fut confirmée dans la fuite , & qu'il gouvernoit encore l'Evêché
de Verdun en 807. Il y avoit au contraire un autre Evêque à
Bayeux en 8^0. Ce qui prouve que Tortold en avoit été dé-
jetté.
X. Le Roi Charles le Chauve préfenta une Requête contre Reqyr^te du
Venilon , Archevêque de Sens, oii il difoit, que malgré les ')l'ifL'if^^'_
fermensde fidélité qu'il lui avoit faits en plus d'une occalion , il damit. -pag.
s'étoit joint contre lui à Louis de Germanie avec toutes fes for- ^''^'
ces ; qu'il s'étoit fait donner par ce Prince l'Abbaye de fainte ^'^V- ^'
Colombe qui ne lui appartenoit pas ; & que depuis que lui ,
Charles, avoit recouvré fon Royaume, Venilon avoit continué
"dans fa révolte, en lui refufant les fecours que l'Eglil'e de Sens
lui devoir comme à fon Souverain. Charles difoit dans la même
Requête : lorfque Venilon me facra Roi dans l'Eglife de fainte
Croix d'Orléans , qui efl de fa Province, il me promit de ne me
point dépofer de la dignité Royale, au moins fans les Evêques
qui m'avoient facré avec lui , ôc au jugement defquels je me fuis
fournis, comme je m'y foumets encore. Les Evêques, qui
avoient fans doute eu part à la Requête de ce Prince , ordon-'
lièrent que Venilon feroitcité à certain terme; en conféquencc
N n a n i j
6^2 CONCILES
ils écrivirent une Lettre fyiiodique qu'ils lui adclreHerent , &
dans laquelle , après lui avoir donné communication des plain-
tes du Roi,& nommé les Evêques qu'il avoit choills pour Juges;
fçavoir, Rémi de Lvon , Venilon de Rouen , tierr^rd de Tours >
& Rodolphe de Bourges; ils lui ordonnent de comparoître de^
vant eux trente jours après la réception de cette Lettre , pour
propofer fes défenfes. Ils ajoutèrent à leur Lettre fynodique des
extraits des anciens Canons , touchant les principaux chefs d'ac-
cufations contenus dans la Requête du Roi Charles. Herard
de Tours tut chargé par le Concile de porter cette Lettre à
Venilon ôc de lui faire la citation ; mais ne l'ayant pu à caufe
Fag. é54. de maladie , il en donna la commiffion à Robert du Mans , fon
Suffragant, ôc écrivit en même tems à l'Archevêque de Sens,
pour l'exhorter à fe juftifier ôc à fatisfaire au Roi. Venilon l'ui-
vant ce confeil , fe réconcilia avec ce Prince ; ôc par-là il évita
le jugement des Evêques.
Letrresaux XI. Le Conciîe de Savonieres écrivit aufTi aux Evêques de
Breton?. Bretagne, pour les engager à fe réunir en rentrant fous l'obéif-
Op. s. ç^y^^Q jg l'Archevêque de Tours leur Métropolitain. Il les
?ag. 6?^. chargea encore d'avertir Salom.in, qui fe difoit Souverain delà
Bretagne, de tenir la foi qu'il avoit promife au Roi Charles.
Nous avons cette Lettre ôc celle de la même AfTemblée à neuf
C-ip. 9. Seigneurs Bretons , les principaux d'entre ceux que l'Archevê-
que de Tours avoit excommuniés pour leurs crimes. Le Con-
Pag. tfj?6. elle les exhorte à rentrer en eux-mêmes, leur donne jufqu'au
prochain Synode pour fe corriger , avec menace d'anathême
s'ils perfeverent dans leur endurcidement.
Canons c)u XII. On lut enfuite les Canons qui avoisnt été faits quelques
Concile de jq^^s auparavant dans le Concile de Langres. Les (ix premiers
font , comme on 1 a déjà dit, les mêmes que ceux du troiheme
Cm. 7. Concile de Valence. Ilfutordonné parle feptiéme, que l'on prie-
roit les Princes de permettre la tenue des Conciles Provinciaux
tous les ans, ôc une alTemblée générale dans leur Palais tous les
Cm. 8. deux ans. Le huitième porte , que dans la promotion d'un Evê-
Can. 9. j^e neuvième, que les livëques
les Communautés de Chanoines , de Moines ôc de Religieufes,
pour voir li la Règle ôc les Statuts y font obfcrvés. Le dixième ,
Can 10. que le5 Princes 6c les Evoques feront exhortés à établir des
Ecoles publiques, tant des faintes Ecritures que des Lettres
DU NEUVIEME SIECLE. 5n
humaines, dans tous les lieux où il fe trouvera des pcrfonnes
capables de les enfeigner, parce que la vraie intelligence des
Ecritures étoit alors tellement déchue, qu'à peine en refloit-il
quelque veaige. Il eft dit dans les fuivans , que les Eglifes feront Om. i r;
rc^parées ou rebâties par ceux qui en tirent les revenus ; que l'on
demandera aux Princes la permiirion à chaque Communautd ^''''" '^*
Religieufe ou Ecclcliallique ,.defe chofir un Chef de la même
profeifion ; que la dillribution des biens confacrés à Dieu , fe 0/2. 13,
fera de façon que la neuvième ou dixième partie en foit don-
née aux Eglifes ; que l'on rétablira les Hôpitaux fondés par les Can. 14.
pieux Empereurs ;&c que les revenus en feront employés à la
labftentation des pauvres & des étrangers. On pria les trois
Princes qui aiTiftoient au Concile défaire examiner les caufes C.i«. ly.
des pauvres par des Minières intégres ;& de punir , fuivant le
pouvoir que i>ieu leur en a donné, les adultères ,les ravifTeurs, ^'"" ^^'
jufqu'à ce qu'ils fe préfentent d'eux-mêmes publiquement pour
être jugés par les Frctres , ôc fournis à la difcipline Eccléliaf-
tique.
XIII. Après qu'on eut achevé la le£lure de ces Canons à Suite ;îu
Savonieres, quelques Evéques du parti d'Hincmar voulurent saTonierc^ ^
former quelque ditlîculté ; mais on les arrêta ; & il fut convenu
que les articles conteflés , c'étoient ceux qui regardoient la grâce C-ip. 10.
& la prédellination , feroient examinés au premier Concile qui P-'i'^y^'
fe tiendroit après le rctabliiTement de la paix. Enfuite les Evo-
que,-, conjurèrent le Roi Charles & R.odolphe Archevêque de
Bourges , de maintenir en vigueur le privilège du Monaftere ''^''' "*
defaint Benoît, qu'ils avoient déjà confirmé du confentement
du Roi ; 6c pour fe donner des marques de charité avant leur
fcparatiûn,i':s convinrent unanimement dédire chaque femaine, q.,,
le jour de Mercredi, une Melle pour tous ceux qui avoient
affidé au Concile ; & qu'au cas que quelqu'un d'eux vînt à
mourir , les furvivans célebreroient fept fois la Pviefle pour lui,
ôc autant de fois les Vigiles; que chaque Prêtre , foit dans les
Monafteres , foit à la Campagne , diroit trois Mefles oc trois
fois les Vigiles : ôc qu'à cet effet on envoyeroit des Lettres cir-
culaires pour donner avis de la mort. Les Abbés préfens au
Concile furent admis à cette fociété de prières.
XIV. Photius voyant que l'exil dlgnace n'empêchoit pas Concile de
ceux de fon parti de lui demeurer fide'es , perfuada l'Empereur pie^eT's-o'
Michel, par le miniflere de Bardas , d'afiembler un Concile où tlm. s.Ccr.cil.
l'on obligeât les partifans d'Ignace de le condamner. Ceux qui f^i'^'-^î*
Nu an lij
<?^4 CONCILE S
refuferentfurent envoyés en prifon & punis de diverfes maniè-
res. LeSynodiquedit que ce Conciliabule fut tenu à Blaquerne.
Il en eft parle dans la Préface d'Anailafe le Bibliothécaire ,
fur le quatrième Concile général de Conftantinoplc.
Concile c3e X V. Aurelien , Abbé d Aifnai , ôc depuis Evoque de Lyon,
Sifteron en gp^^g avoir rétabli le bon ordre dans fou Monaflere , penfa à en
bâtir un nouveau: mais n'ayant pas de fonds en fuPnfance, il
, obtint de fes parensîe terrein où il avoit defl^in de le bâtir, ôc
divers héritages qui en dépendoient. Il fit tout de concert avec
Rémi, Archevêque de Lyon, qui confirma cet étabiiflemenf ,
comme étant dansfon Diocèfe. Il fut auiTi confirmé par un Di-
plôme du Roi Charles , ôc par un Décret du Concile de Sifte-
rron, où dix Evêques afîlfîerent. Ce Monaftere eft connu fous
le nom de SelTleu. Le Décret ou privilège des Evêques (fl),
cft daté de l'an Sjfj. Ils y rsppelîent les Actes de fondation ôc
.de confirmation , ôc déciarent que les biens donnés à ce Alonaf-
tere ne pourront être employés qu'à l'ufage des Moines, ôc
.qu'ils ne pourront être inquiétés de perfonne dans le droit d'é-
lire eux-mêmes leur Abbé. Ils prient les Evêques qui n'avoient
point alfifté au Concile de Sifteron , de fouferire à ce Décret;
ôc font la même prière aux Abbés abfens.
. .• ^°""^^ XVI. Le Roi Lothaire avoit époufé en S<6 Thietberge ,
pelle en Sâo, fiHcdu Ccmtc Bofon ; mais il la quitta l'année fuivante , ôc en-
iom.s,Coml. tretint plufieurs concubines. Pour donner quelque prétexte à la
^ag. (196. répudiation de cette PrincefTe , on répandit le bruit qu'elle avoit
commis un inceftcavec Hubert fon frère. Au défaut de preuves,
les Seigneurs Laïcs , de l'avis des Evêques , ôc du confentement
du Roi, ordonnèrent l'épreuve de l'eau bouillante. Elle réuflit
en faveur de Thietberge , ôc il fut décidé que Lothaire la repren-
droit. Il la reprit , mais la mit prefqu'aufiltôt en prifon. Et
.voulant lui faire avouer fon incefte , il fit afîembîer un Concile à
Aix-la-Chapelle le neuvième de Janvier %6o. Il inftruifit les
£vêques de ce qu'il f<;avoit du crime de Thietberge , ôc lui
députa quatre d'entr'eux pour fçavoir d'elle-même ce qui en
I étoit. Gonthier , Arclievôque de Cologne , l'un des Députés ,
rapporta au Roi qu'elle avoit confeffé fon crime, ôcfe recon-
noilfoit indigne d'être à l'avenir l'époufe de ce Prince ; qu'elle
demandoit même de fe rétirer pour faire pénitence. Adventius^
J^ol) Mibilbn. lib, jj , Aniuil, num. 6j j & tom. 6 , Aôior.jjag. J07.
DU NEUVIEME SIECLE. <îr?
EvêquedeMetz, dità Lothaire , qu'il ne lui ctoit plus permis
d'habiter avec Thietberge. Teutgaud de 1 rêves , opina de
même. Egil, Abbé de Frùm , ajouta, qu'elle n'avoit d'autre
laifon de demander à fe retirer que pour vaquer à fon falut. Oa
eut foin de dred'er un afte de toutes ces déclarations. Thietberge,
obligée de comparoître dans une autre ademblée d'Evcques &
de Seigneurs que le Roi Lothaire tint encore à Aix-la-Cbiapelle
le quatrième de Février de la même année , déclara fon crime &
de vive voix, & par écrit, ajoutant qu'elle iaifoit cette con-
felFion fans contrainte, ôc dans la vue de fon falut. Les Evoques
la conjurèrent de ne pas fe charger d'un crime dont elle ne fût •;
point coupable; ôc voyant qu'elle demeuroit ferme dans fa coti--- jW
feflîon , ils la condamnèrent à faire pénitence publique. Thiet- '
berge fut donc renfermée dans un Monaflere ; mais ayant trouvé
moyen d'en fortir , elle s'enfuit dans les Etats de Charles le
Chauve , d'oi^i elle envoya des Députés au Pape Nicolas I. pour
fe plaindre du jugement des Evêques. Lothaire en envoya de Ion
coté avec une Lettre des Evêques de fon Royaume , où ils
expofoient ce qui s'étoitpafTé dans le Concile, priant le Pape de '
ne point fe laifler prévenir contre Lothaire.
XVII. Le Concile convoqué à Coblents le cinquième de Concile de '
Juin de l'an S 60, eut pour but l'établifîement d'une paix folide ^°^^''""p!„ g"'
entre les Rois Louis de Germanie, 6c Charles le Chauve fon Conâi. ^agi ■
firerc , & leurs trois neveux , Louis , Lothaire & Charles. Treize û^^*
Evoques & trente-trois Seigneurs furent chargés de drefler le
ferment que ces Princes dévoient fe faire matuellement. Ils y
firent entrer deux articles remarquables , & qui étoient inté-
relTans , tant pour le maintien de la difcipline Eccléfiaftique,
que pour la tranquillité des Etats. Le premier porte, que s'il P.tg.699, ■
arrive que quelqu'un étant excommunié, ou ayant commis un
crime qui mérite l'excommunication , change de Royaume pour
éviter la pénitence, ou qu'il emmené avec lui celle qu'il aura
enlevée, ou dont il aura abufé , le Prince dans les Etats duquel '
le coupable fe fera retiré , le contraindra de retourner à fon
Evêque , pour recevoir ou accomplir fa pénitence. Dans le
fécond Règlement qui avoit déjà été public à Epernai en 84 f , il
eft dit , qu'aucun Evoque ne retranchera de la communion de
l'Eglife un pécheur , fans lui avoir fait auparavant les monitions
prefcrites par l'Evangile , de fe corriger & de faire pénitence >
que dans le cas d'incorrigibilité , l'Evcque s'adrelfera au Roi &
à fes Officiers , pour contraindre le pécheur à la correction ôc
6^6 C O N C I L E S
à la pénitence ; & que fi ce moyen devient inutile , alors il le
fe'parera de la communion Ecciéliaflique. Il fut convenu par un
troiliéme article, que ceux d'entre les perturbateurs publics qui
reconnoîtroient de bonne foi leurs fautes , ôc reviendroient à
l'Eglife, en obtiendroient le pardon, & feroient non-feuiement
rétablis dans la polTeifion de leurs biens , mais qu'us auroient
encore part à la dillribution que les Princes font des honneurs de
leur Royaume.
Concile de XVIII. Le vingt-deuxiéme d'Octobre de la même année
ToufienSéo, gj^Q , on alTembla un Concile à Toufi dans le Diocéfe deToul,
[ag.joz. ou le trouvèrent des iiveques de douze , ou, lelon cl autres , de
quatorze Provinces ; fçavoir , Befançon , Lyon , Trêves , Reims,
Vienne, Sens, Cologne, Bourges, l'ours, Narbonne , Bour-
deaux , Rouen , Arles ôc Mayence. Ces deux dernières ne font
point nommées dans les acles imprimés du Concile , mais elles
le font dans quelques manufcrits. Ils étoient en tout cinquante-
fept Evêques. La raifon de s'aiTembler fut d'arrêter le cours des
crimes qui inondoient toutes les Provinces j les Loix divines ÔC
humaines y étoient généralement méprifées , Ôc tous les Ordres
de la Religion Chrétienne Ce reiTentoient de la corruption des
mœurs. On fit donc cinq Canons pour empocher du nioinsque
ce qui étoit encore fain , ne participât à la contagion. Le pre-
Q^^_ , mier foumet à l'anathême ôc retranche de la communion du
Corps ôc du Sang de Jefus-Chrifl , même à la mort, ceux qui
s'emparent des biens de l'Eglife, qui les donnent, ou qui les
reçoivent fans la permidion de l'Evêque ; ôc ordonne que les
coupables ,lorfqu"ils demanderont la pénitence, refiicuent non^
feulement le principal , mais le triple , ou même le quadruple,
fuivant la qualité de la perfonne ôc du dommage qu ils auront
Can. 1. caufé à l'Eglife. Il eft ordonné par le fécond d'enfermer dans
des prifons, pour y faire pénitence toute leur vie, les Reli-
gieufes qui le feront abandonnées enfecret,ou mariées publi-
quement ; de même que les veuves qui vivent dans la débauche,
ou qui proflituent leurs filles ; ôc à l'égard des hommes qui leur
auront fait violence , de les contraindre à faire pénitence par les
cenfures Eccléliafliques , foutenues de l'autorité des Princes ÔC
des Juges, lorfqu'ils en feront requis par l'Evêque. Le troifiéme
Can. 3. efl: contre les juremens , les parjures, Ôc les faux témoignages :
Les coupables fubiront la rigueur des peines portées par les
anciens Canons ; on les chaftera de l'Eglife , ôc on ne récitera
...Om. 4. point leurs noms paimi les Fidèles, Lç q.uatriéme prive de
l'allillance
DU NEUVIEME SIECLE. 6^7
raflTiftance à l'office de la Mefle , & de toute fociété chrétienne ,
ceux qui exercent des rapines, des meurtres, les incendiaires ,
ceux qui pillent les biens de l'Eglife , ou qui fe fouillent de crimes
énormes d impureté ; ôc ordonne aux Evcques de s'écrire mutuel-
lement touchant les excommuniés , afin que perfonne ne com-
munique avec eux. Les Normands avoient pillé ou brûlé plu-
sieurs Eglifes & plufieurs Monafleres , d'où les Clercs ôc les
Moines en grand nombre avoient pris occafion de quitter leurs
habits, ôc de vivre vagabonds ôc fans obferver aucune règle;
c'eft pourquoi le cinquième Canon ordonne qu'ils fe remettront Cas. f.
fous ia conduite ôc la difcipline de leurs Evêques ôc de leurs
Abbés. A. ces Canons le Concile deToufi ajouta une Lettre Syno- P'^S- 7or.
•dale , qui eft de ia façon d'Hincmar de Reims : Elle e(t adrefîée à
tous ceux qui s etoient emparés des biens de l'Eglife , ôc qui à
cet égard paflbient pour voleurs des pauvres, pour les inftruire
du tems ôc de la manière dont on avoit confacré des biens à
Dieu , ôc du danger qu'il y avoit de les ufurper. Les Evêques
reconnoilfent dans la même Lettre la prédeftination des Elus ;
l'cxiftence de la liberté dans l'homme après le péché d'Adam ,
ôc le befoin qu'elle a d'être guérie par la grâce pour faire le
bien ; la volonté de Dieu pour le falut de tous les hommes , ôc
la mort de Jefus-Chrifl pour tous ceux qui font fournis à la mort.
Telle fut la fin des difputes fur la prédeftination. On traita dans
le même Concile de l'affaire du Comte Raimond avec Eftienne
fon gendre.
XIX. En SCji Photius fit affembler à Conftantinople un Concile dd
Concile dans l'Eglife des Apôtres. Il s'y trouva trois cens dix- ^le"'^""^^'
Jiuit Evêques , y compris les Légats du Pape Nicolas I. C'étoient rom. s.Condl.
Rodoalde,Evêque de Porto, ôcZacharie, Evêque d'Anagnia. P<^-7}î.
L'Empereur Michel y aiïifta avec tous les Magiflrats ôc un Peu-
ple nombreux. Ignace , qu'on avoit exprès rappelle de fon exil ,
fut obligé de comparoître devant l'Aifemblée. On produiût
contre lui un grand nombre de témoins préparés depuis long-
tems; ôc les Evêques ayant fait lire le trentième Canon des
Apôtres, qui ordonne de dépofer ôc d'excommunier celui qui
s'eftfervi de la Puitïance féculiere pour fe mettre en polfeffion
d'une Eglife, ils décidèrent qu'ayant contrevenu à ce Canon,
il devoir être dépofé ôc dégradé. Ils prononcèrent contre lui la
Sentence de dépofition. Nicetas dit que les Légats du faint Inimlgns>'
Siège refuferent Icngtems d'y foufcrire; mais qu'intimidés par "'•
de grandes menaces , ils fe rendirent. On en employa pour
Tome XXII. O o o o
?S8 CONCILES
obliger Ignace à foufcrire à fa propre condamnation ; mais il
tint ferme , ôc Photius foufcrivit pour lui. L'Empereur ôc Photius
n'avoient demandé des Légats au Pape {a) , qu'en lui faifant
entendre qu'il feroit queftion dans le Concile du culte des
Images. On en traita donc dans une féconde féance , mais feule-
ment pour la forme : car on fe contenta de lire la Lettre du Pape
à l'Empereur , en fupprimant toutefois ce qui pouvoit paroître
favorable à Ignace, ôc contraire à Photius.
Canons de X X. L'infcrjption ( 6 ) de ce Concile porte , premier &
ee Concile, fécond , ce qui vient de ce qu'il y eut un intervale entre les deux
féances^ ôc de ce qu'on rédigea féparément ce qui y avoit été fait
contre Ignace , ce qui regardoit le culte des Images , ôc les
réglemens de difcipline faits dans cette Afiémblée. Ils font au
nombre de dix-fept, ôc contiennent en fubflancc que, pour em-
Can. I, pêcher à l'avenir que ceux qui bâtiront ôc doteront des Monaf-
teres ne fe difent les maîtres des biens qu ils auront donnés à cet
effet , ils ne pourront en bâtir fans l'avis ôc l'agrément de l'Eve-
que,& que l'on tiendra un regidre de ces biens dans l'Archive
de l'Evêché; que les Evêques n'en fonderont point de nouveaux
''"■ ■'■ aux dépens de leurs Eglifes ; qu'il ne fera permis à perfonne de
Can - & < prendre Ihabit monaflique qu'en préfence du Supérieur , fous
i'obéiflance duquel il doit vivre, ôc après trois années dépreu-
ves , fi ce n'efl: qu'il y ait de bonnes raifons d'abréger fon Novi-
ciat ; que l'on féparera les Abbés ôc Supérieurs des Monafteres ,
qui ne veillent pas avec foin fur leurs Communautés ; que les
Cm. 3. Moinesquiferontfortis de leurs Monafteres pour fe retirer dans
un autre, ou même dans des Maifons féculieres , ne pourront y
être reçus , fous peine d'encourir eux , ôc ceux qui les recevront ,
Can.4. la peine d'excommunication ; qu'il fera toutefois au pouvoir de
l'Evêquc de tirer un Moine de fon Monailere , pour en établir
un autre, ou pour l'avantage fpirituel de quelque Maifon, même
Can. 6. féculierc ; que les Moines n'auront rien en propre ; que les Minif-
Can.f. très de l'Eglife n'ont d'autres moyens de corriger les pécheurs ,
que les exhortations ôc les peines prefcrites par les Canons ; que
Can. 10. les ornemens ôc les vafes facrés ne feront employés à aucun ufage
profane ; queles Prêtres, les Diacres ôc autres Clercs ne pourront
^'"'"'^- exercer aucun Olfice de Magiflrature. Il efl défendu de célébrer
Cun. II. laxMcffe dans des Oratoires domeftiques, Ôc d'y baptifer fans la
..C«n. 13. permillion de l'Evcque i de feféparerde fa communion, fous
quelque prétexte que ce foit , jufqu'à ce qu'il foit jugé ôc
' <;■« j Mo.aitf jf^'ij.'. 10. !.. (6; J'tim. 8, CoAa/,j.u^. 1511.
D U N E U V I E M E s I E C L E. d^
"ccndamnd par un Concile. Un Evêque ne doit pas non plus fe Cw. t^
réparer de la communion de fon Aîccropolùain , ni refufer de
prononcer fon nom dans les Myfieres , avant que le Synode ait
prisconnoilFance des fautes donc le Métropolitain eft accufc. Il
en eft de même du Métropolitain, par rapport au Patriarche. Le Cm. ly.
Concile excepte le cas où les Prélats prêchereient publiquement
une héréfie condamnée par les SS. Pères, ou par les Conciles. Dé- ^
fenfe d'ordonner un Evcque dans une Egiifequiena un, à moins
qu'il n'ait renoncé volontairement à l'Epifcopat, ou qu'il ne fe
foit abfenté pendant fi\ mois , fans des raifons légitimes , comme
feroit l'ordre du Roi , le fervice de fon Patriarche, ou quelque
malaladie dangereufe. On défend aufTi d'élever à l'Epifcopat un Cm..ï7.
La'ïc , ou un Moine, avant qu'il ait été éprouvé dans tous les
dégrés du miniflere Eccléfiaftique. Comme cette défenfe regarr
doit Photius , on croit qu'il la reUreignit en faifant ajouter que ,
comme il étoit néamoins arrivé quelquefois que des Moines , ou ^
des La'ics d'un niérite diflingué , avoient été jugés auilitot dignes
de l'Epifcopat , ces exemples ne tireroient point à conféquencc
pour l'avenir.
XXI. Les Habltans de Ravenne ayant formé leurs plaintes Concile it
à Nicolas I. contre Jean leur Evêque, le Pape l'appella trois tirnï^Condl
fois par Lettres au Concile qu'il tcnoit à Rome en 8(5i. Jean ne vi^. '157 &•
voulut point y venir: on l'excommunia. Quelque tems après ^5^*
il vint à Rome avec des Députés qu il avoir obtenus de l'Em-
pereur Louis, Le Pape reprit les Députés d'avoir communiqué
avec un excommunié , ôc manda à l'Archevêque Jean de fe
trouver au Concile le premier de Novembre pour rendre
compte de fa conduite, il refufa , 6c fortitde Rome. Nicolas L
aux inftances des Sénateurs de Ravenne, alla fur les lieux pour
s'inftruire par lui-môme. Jean ne l'y attendit pas , mais fe retira
à Paiie auprès de l'Empereur. Le Pape fit donc un Décret par
lequel il rendit aux Parties plaignantes les biens que Jean leur
avoit enlevés. Convaincu dans la fuite d'avoir confpiré contre
l'autorité du faint Siège , il fut dépofé dans un Concile que le
même Pape tint à Rome en 864.
XXII. On produit une Lettre fynodique d'un Concile • Condlc <Sk
tenu dans le Diocèfe de Sens en 852 , au fujet d'Heriman , tlm.Tcondl.
attaqué d'une maladie qui lui troubloit tellement l'esprit qu'il in Append,
faifoit des actions indécentes , & le rendoit incapable des fonc- P'^ê- 'en-
tions de fon miniflere. Il étoit Evêque deNevers, ôc on penfoit
aie dépofer ; mais les Evêques du Concile voulurent auparavant
O o o o ij
'€d<3 CONCILES
confulterle faint Siège. Le Pape Nicolas ne décida rien là-deflus J
tant parce que la Lettre fynodique ne fpécifioit aucun fait , que
parce qu'il ne s'étoit préfenté perfonne pour la défenfe d'He-
riman. On rapporte au même Concile le fragment d'une Lettre
du même Pape , où il dit, que celui-là ne peut être regardé
comme médiateur e'quitable qui juge les Procès fans avoir oui
les Parties ; qu'ainfi le Prêtre qui avoit été excomm.unié , appa-
remment fans avoir été entendu , pouvoit librement en appcilec
au Siège Apoftolique,
Concilesde XXI IL La même année 8^2 le Roi Charles le Chauve
Piftei & de (ji^f avec les Evêques de quatre Provinces un Concile à Piftes ,
8éi tom. s , où il publia un Capitulaire contre les pillards , avec ordre aux
Concil. pag. Evêques d'impofer des pénitences convenables à ceux qui fe
7i6 &• 15136. trouveroient coupables ; ôc aux Commiffaires du Roi de les
punir fuivant la rigueur des Loix. Ce fut dans ce Concile que
Rothade de SoilTons fe plaignit de la Sentence rendue contre
lui l'année précédente par Hincmar de Reims fon Métropo-
litain. L'Archevêque , au contraire , en demanda la conHrma-
tion. Rothade en appella au faint Siège , ôc tout le Concile
défera à l'appel. Le Concile où Hincmar priva Rothade de la
Communion Epifcopale , fut tenu à faint Crépin de Soillbns
en 861. Il s'en tint un autre l'année fuivante dans l'Eglifc de
faint Medard , où Rothade, malgré fon appel, fut jugé , dé-
pofé de l'Epifcopat , ôc mis enfuite en prifon dans un Monaflere.
Auffitôt on élut un Evêque de Soilîons à fa place. Il fe tint la
même année un autre Concile en cette Ville , à l'occafion du
mariage entre le Comte Baudouin 6c Judith fille du Roi
Charles , ôc veuve d'Edilulfe , Roi des Anglois. Baudouin avoit
enlevé Judith ; ainfi fon mariage étant contre les Loix , les
Evêques affemblés à SoiOons l'excommunièrent , de même
que Judith qui avoit confenti à l'enlèvement. Le Roi fitfçavoic
au Pape Nicolas I. ce qui s'étoit. palfé en ce Concile; ôc le
Pape répondit, qu'il ne toucheroit point à la Sentence rendue
contre Baudouin ôc Judith, dont ii déteftoit la conduite.
Concile de XXIV. Il aîTembla lui-mêmc un Concile à Rome en 852,
Fomccn8^.i, où il Condamna ceux qui renouvelloient l'hércfie de Valentin ,
T^' ^'u'^'o- ^^ Manés , d'Appollinaire ôc d'Eutiches , difant que la Divinité
738. avoit fouffert en Jefus-Chrift, contre la dodrine exprefle du
Prince des Pafteurs qui nous enfcigne , que Jefus-Chrift n'a
fouffert que dans fa chair. Pour confirmer cette do£trine, le
Concile fit deux Canons , dont le premier porte , que Jefus^
Du NEUVIEME SIECLE. 66i
Chrift , Dieu ÔC Fils de Dieu, n'a foufFert la mort que dans fa
chair, la Divinité étant deineurée impadible ; ôc le fécond
prononce l'anathême contre tous ceux qui enfeignent une doc-
trine contraire.
XXV. Le Roi Lothaire penfant toujours à faire déclarer 9°rl'^*
nul fon mariage avec Thietberge , fit affembler un Concile à pdieénSéi .
Aix-la-Chapelle le 28 d'Avril 862. Il en prit pour prétexte les row.s.Concii.
befoins de l'Eglife ; mais fon divorce en étoit le vrai motif. ?'»•'' j^».
Huit Evéqucs y aiïifterent. Gonthier de Cologne , dont le Roi
témoignoit avoir deflein d'époufcr la nièce ;. Theutgaud , de
Trêves; Adventius , de Metz ; Atton , de Verdun ; Arnoul ,
de Toul ; Francon , de Toagres ; Hangaire , d'Utrecht; &
Ratold , de Strafbourg. Lothûire leur prefcnta fa Requête,
reconnoifTant leur dignité fuperieure à la fienne , 6c les pria de
décider fur le parti qu'il avoit à prendre , tant pour expier les
fautes qu'il avoit faites depuis que , fuivant leurs avis , il s'étoit
féparé de Thietberge , que pour procéder à un autre mariage.
Deux Evêques furent chargés d'examiner le fond de la queflion ,
qui étoit de fçavoir, fi un homme ayant quitté fa femme peut
en époufer une autre du vivant de la première. Ils opinèrent
que, félon l'Evangile , un mari ne peut quitter fa femme que
pour caufe d'adultère, ôc que l'ayant quittée dans ce cas , il ne
peut en époufer une autre , fans tomber lui-même dans l'adul-
tère ; que dans le fait préfent il n'y avoit point de raifon à Lo-
thaire de répudier Thietberge , parce que le crime qu'on lui
imputoit avoit été commis avant fon mariage avec le Roi;
que ce mariage ne pouvoit non plus être cafié par raifon d'in-
eefte , puifque Lothaire ôc Thietberge n'étcient point parens.
D'où ils conclurent que le mariage devoir fubfiilcr. Sans s'ar-
rêter à l'avis des deux Evêqoes, qui étoit conforme aux règles
de l'Eglife , le Concile déclara nul le mariage de Lothaire avec
Thietberge , ôc permit à ce Prince d'en contracter un nouveau ;•
ces Evêques fe fondoient fur le quatrième Canon (a) du
Concile de Lerida en p-f, où il eft dit, que ceux qui com- P'^.Ç-7^3*-
mettent un incefte feront excommuniés tant qu'ils demeurcronc
dans ce mariage illicite. Mais ils ne faifoient pas attention que
Thietberge n'avoit jamais époufé Hubert fon f ère; qu'amli ce ""i'Ti^"
Canon n'avoit point trait à la quellion. Le palLge qu'ils citèrent
(,J ) Csft le mtme que le 61 ù\\ Concile d'Agde.
P O O 0 il],
662 CONCILES
fous le nom de faint Ambroife , ne leur étoit pas plus favorable :
Il porte que la nécefTité de garder la continence après la fépara-
tion pour caufe d'adultère n'eil pas réciproque, ôc ne regarde
point le mari , mais la femme. Ce paiTagc , comme on le voit ,
fuppofe clairement une fcparation pour caufe d'r..Ju!tcre commis
pendant le mariage ; ce qui ne pouvoit s'appliquer à Thietberge.
En conféquence du Jugement de ce Concile, le Roi Lothaire
époufa foie.nnellement Valdrade & la fît couronner Reiie.
Concile de X X. V I. Ce mariage déplut au Roi Charles le Chauve ,
Sablonieresen rné^^ontent d'ailieurs de Lothaire à caufe de la prote£l:ion qu'il
cà'nrii°'''"va-\ donnoit à Ingelrrude , femme de Bofon , & de la retraite qu'il
7Î4. "" accordoit à Judith fa fiile , enlevée par le Comte Baudouin.
Louis de Germanie voulant rétablir la paix entre 1j Roi Charles
& Lothaire , les engagea à fe trouver à Sablonieres dans le Dio-
ch^G de Toul. Charles , avant de s'y rendre , donna à Louis un
Mémoire contenant fes griefs contre Lothaire , marquant en
même-tems qu'il ne vouloit point communiquer avec lui , que
préalablement il ne promît de le foumettre au Jugement du
Pape & des Evêques. Lothaire l'ayant promis , ces deux Princes
fe virent & s'embraflerent à Sablonieres , le troifiéme de No-
vembre 852. Il s'y trouva huit Evêques, dont quatre étoient
venus avec le Roi Charles , & quatre avec le Roi Lothaire. Ils
furent les entremetteurs de la paix.
Concile i!e XXVII. Plufieurs perfonnes , qui fuyoient la perfécutioti
Romeeni?^;?, dcPhotius , étant venues à Rome , y publièrent que les Légats
Tcm.%, Conçu, j^ Pape à Conftantinople , Rodoalde & Zacharie , avoient
concouru à la condamnation du Patriarche Ignace. Nicolas I.
voulant effacer cette tache de l'Eglife Romaine, afTembla un
Concile au commencement de l'an 855 , où on lut d'abord les
Acles de celui de Conftantinople ôc les Lettres de l'Empereur
Michel que le Secrétaire Léon avoir apportées. Enfuite on fît
comparoître le Légat Zacharie , qui ayant avoué qu'il avoit
confenti à la dépofition d'Ignace, & communiqué avec Pho-
tius , fut dépofé de l'Epifcopat & excommunié. On ne put
procéder contre Rodoalde , parce qu'il étoit abfent. Sn caufe
futrenvfvée au Jugement d'un autre Concile. Celle dePhotius
Ca;'- !• fut examinée ; & fur les preuves qu'il étoit paiTc de la Milice
féculiere à l'Epifcopat ; qu'il avoit du vivant d'Ignace , Pa-
triarche de Conflantinople , ufurpé ce Siège ; qu'il avoit ofc
dépofer ôc anathémat'ifcr Ignace; corrompre les Légats du faint
Siège; reléguer les Evêques qui ne vouloient point communi-
DU NEUVIEME SIECLE. 663
quer avec lui , ôc ne cciïbit de perfécuter l'Eglife , il fut privé
de tout honneur Sacerdotal ôc de toute fondion Cléricale ,
avec menace de n'être jamais admis à la communion de l'Eglife,
& du Corps ôc du Sang de Jefus-Chrift , finon à la mort, au
cas qu'il empêchât Ignace de gouverner paifiblement fonEglifc.
On interdit pareillement toute fondion facerdotale à Grégoire Cap. t.
de Syracufe, Ordinateur de Photius , ôc à tous ceux que Pho-
tius avoit ordonnes. A l'^-'g^rd d'Ignace , on déclara qu'il n'avoit Cap. j.
jamais été dépofé ; ôc il fut ordonné que les Evêques ôc les Cap. 4.
Clercs exilés ou dépofés depuis l'expulfion de ce Patriarche
feroient rétablis dans leurs Sièges ôc dans leurs fondions , fous
peine d'anathême à ceux qui s'y oppoferoient. Le Concile C^p. i.
ajouta , que s'ils étoient accufés de quelque crime , oncommen-
ceroit par les rétablir; qu'enfuite ils feroient jugés, mais feule-
ment par le faint Siège. Enfin on confirma par un Décret la Cap. 6.
tradition touchant le culte des Images , ôc on prononça ana-
thêmc contre Jean , autrefois Patriarche de Conflantinople ,
& fes Sedateurs qui s'étoient déclarés contre le culte des
Images.
XX Vin. Enfuite du Concile d'Aix-la-Chapelle , le Roi j^i^^^'^l;''^^ ''*
Lothaire ôc Thietberge , envoyèrent chacun de leur côté des tm.^.Concil,
Députés au Pape Nicolas , Lothaire pour faire confirmer fon ?•'-;• 764.
mariage avec Valdradc ; Thietberge , pour s'en plaindre. Le
Pape voulant que l'affaire fût difcutée en préfence de fes Légats ,
ordonna la tenue d'un Concile à Metz , où ils feroient preiéns.
Il avoit d'abord été indiqué pour le fécond de Février 8(^5 : on
le remit au quinzième de Mars, ôc ne fe tint toutefois qu'à la
mi- Juin. Il y eut de l'affedation dans ces délais ; ôc la fuite fie
voir que ce n'étoit que pour donner à Lothaire le loilîr de
corrompre les Légats. C'étoient Rodoalcle, Evêque de Porto,
le même qui avoit été envoyé à Conllantinople ; ôc Jean ,
Evêque de Ficocle, ou Cervia, dans la Romagne. Il ne fc
trouva au Concile de Metz que des Evêques du Royaume de •
Lothaire ; tout s'y pafia au gré de ce Prince. Les Légats gagnés
par fes libéralités , ne montrèrent point les Lettres qu'ils avoient
ordre de la part du Paj^e de rendre aux J'.\êques lorfqu ils
feroient aflemblés , ôc ne fuivirent en rien les inllrudions que
Nicolas I. leur avoit données. Ils foufcrivircnr avec les autres
Evêques l'ade d'approbation du divorce de Thietberge , ôc du.
mariage avec Valdrade ; mais pour faire voir qu'ils n'avoienr
pas été inutiles au Concile, ils coafeillerenc au Roi d'envoyés"
'65^ CONCILES
à Rome avec cet A£le , Gonthier de Cologne , & Teutgaud
de Trêves , pour demander la confirmation du Pape. Il eO:
remarqué qu'un des Evêques a;outaà fa foufcription , que l'adc
du Concile nauroit lieu que jufqu'à l'examen du Pape ; mais
que Gonthier prit un canif 6c effaça ces mots.
ConcHe de XXIX. Les Legats avant d aller à Metz avoient été trou-
Seniisenf!^^ ver Charles le Chauve à Soiifons. Pendant leur féjour en cette
v'^z'-76u^^' ^'^'^^) ^^ Peuple leur demanda avec de grandes inllances le
rétabiilfemenr de Rothade leur Evoque. Cet empreffement du
Peuple occafiomia , comme l'on croit , la tenue d'un Concile
près de Senlis. Les Evcques écrivirent au Pape Nicolas I. pour
le prier de confirmer la dépofition de Rothade , dont ils lui en-
voyèrent les ades par Odon , E vêque de Beauvais. Ils le prioient
aulTi de confirmer les privilèges de leurs Eglifes , & de convo-
quer un Concile de toutes les Provinces pour le Jugement de
l'affaire de Lothaire ôc de fes femmes.
Concile XXX. On met vers le même tcms un Concile dans la
a^Armenie. grande Arménie , dans lequel on condamna les erreurs de
Concil.Ecclff. Ncftorius , d'Eutyches , de Diofcore, ôc de leurs Sedateurs.
Ârmen. tom. On y fit quinzc Canons , qui ont été publiés avec les acles du
P ' i^'* * ' Concile par Cleraent Galanus, -en Arménien & en Latin,
Concile X X X L Raimond , Comte de Touloufe , avoit porté fes
d'Aquitaine plaintes au Concile de Toufi en 85o contre Efliennefon gendre,
Tconcd '°"'' ^^ ^^ ^"'^ "^ vouloir point habiter avec fa femme. Mais le
ifiiT' ' ' Concile après avoir pris quelque connoilTance de latfaire, ne
jugea point à propos de la décider , parce que toutes les Parties
^■r intérelTées n'étoient point prefentes. Elle fut renvoyée à un
Concile qui devoit fe tenir en Aquitaine , avec ordre à Eftiennc
-j) d'y amener la fille du Comte Raimond , fa femme , afin qu'elle
y fut interrogée. On fe plaignoit encore qu'Eftienne avoit chaffé
du Siège Epifcopal de Clermont Sigon , ôc mis à fa place Adon.
Le Concile fe tint en préfence des Legats du Pape Nicolas I.
Sigon fut rétabli dans fon Siège , comme on le voit par le troi-
fiémc Concile de Soiifons en 856 , oli il foufcrivit avec les autres
Evêques ; mais on ne fçait ce qui arriva du mariage d'Efticnnc
avec la fille du Comte Raimond , s'il fut déclare nul , ou
légitime.
Concile de X X X I L Le Roi Charles le Chauve fit tenir le vingt-cin-
Hr^'tl.r, quiéme d'Oaobre de Tan 85 j un Concile dans fon Palais de
Concil. 'yag. Vcrberic , où il fut décidé que l'Abbaye de faint Calez, que
lygs • Si A- l'Evêquc du Mans prétcndoit lui appartenir, refteroit fous la
mM. «<}. Jurifdiaion
DUNEUVIEMESIECLE. ^^f
Jurifdittion des Moines. Ce Prince réfolut da^is la même afTem-
blce d'envoyer Rothade à Rome , félon l'ordre qu'il en avoit
reçu du Pape. Il y reçut auffi en fcs bonnes grâces fa tille Judith
, & le Comte Baudouin ; & quelque tems après étant l\ Auxerre,
,il leur permit de célébrer folemnellement leur mariage.
XXXIII. Cependant le Pape Nicolas I. informé de la pré- Concile de
■ varication de fes Légats dans le Concile de ?vletz, auquel ils ^ °^l^oniiL
avoient préfidé , en convoqua un à Rome fur la fin de l'an 86^ , p.ig. 765.
, ou au commencement dcSôd., dans le Palais de Latran. Theut-
gaud ôc Gonthier y préfenterent les Atles des Conciles de
Metz &c d'Aix-la-Chapelle; mais ils contenoient des propofi-
tions il honteufes & fi inouies , que ces Prélats furent condamnés
fur leur propre confefiion. Le Décret de condamnation efl
renfermé dans une Lettre que le Pape écrivit à tous les Evêques
de Gaule, dltalicôc de Germanie , 6c dlvifé en cinq articles.
Dans le premier le Concile de Rome calfe celui de Metz du Cm. u
mois de Juin de Fan S6^ qu'il compare au brigandage dEphefe.
Il déclare dans le fécond 1 heutgaud de Trêves , & Gonthier de Cm. xi
Cologne, dépouillés de toute puifl'ance Enifcopale, avec dé-
fenle de faire aucune fondion de leur dignité , fous peine de
n'être jamais rétabli. Le troifiéme dépofe les Evêques leurs Cm. j.
complices , en leur promettant toutefois de les rétablir s'ils
reconnoiiîent leur faute. On anathématife dans le quatrième
Ingeltrude , lille du Comte Mattefride , ôc femme de Bofon , '^
qu'elle avoit quitté depuis environ fept ans 5 mais on lui oft're le
pardon Ci elle retourne avec fon mari , ou vient à Rome deniTiU-
der l'abfolution de fes fautes. Le cinquième prononce anathême C.w. j..
contre tous ceux qui méprifent les Décrets du Siège Apoftolique
touchant la Foi catholique , la difcipline Eccleliaftique , & la
■corredion des moeurs. 11 n'eil rien dit des deux Légats , parce P.ij. iS^;
que Rodoalde troublé par le reproclie de fa confcience, s'étoit
enfui avant la tenue du Concile ; ôc on ne vouloit point le con-
damner fans l'avoir entendu.
XXXIV. Il revint à Rome avec l'Empereur Louis dans „ Concile de
1 1 n ■NT- ri'- • ' o n^ > \ Romeen864,
le tems que le râpe JNicolas I. ctoit retire oc comme afliegc a fj„;_ g Conai.
•faint Pierre par fes Ennemis. Cette circonftance fit différer la p-^g- ^90 &•
tenue du Concile où on devoir le juger; & le Pape ayant appris ^^^'
qu'il penfoit encore à s'enfuir, lui fit fçavoir qu'il pouvoir de-
meurer à Pvome en fureté ; que s'il en fortoit , il feroit dès le
■moment dépofé & excommunié. Rodoalde ne laiifa pas d'en
fortir-, ôc ayant enlevé de fonEglife ce qu'il put , il fe retira en
Tome XXII. Pppp
t;^S CONCILES
d'autres Provinces. LePapeafTembLi un Concile nombreux dans
rhgiife de Latran , où il le dépofa &: l'excom^munia , le mena-
çant danaihâme , s'il communiquoit jamais avec Photius , ou
prenoit paui contre Ignace.
Coîicllc (^e XX)i V. Je ne fçai s'il faut diilinguer ce Concile de celui
Romeenb(:<;, qui rétablit PvOtiiaûe daus le Siège de Soilïons. Le Roi Charles
^--îf. 78*735- ^pi^^s bien des deiais lavoit envoyé a Kome, accompagne de-
liobert , Evêque du Mans , avec des Lettres pour le Pape.
Rothade y arriva fur la fin d'Avril S 64.. Six mois s'étant e'coulés
fans que perfonne fe préfentât pour l'accufer , il donna au Pape
une P\.equétcen plaintes contre les vexations qu'on lui avoit fait
fouJffrir, demandant que le faint Siège prononçât fur fon appel.
Le Pape avoit indiqué un Concile pour le commencement de
Novembre, où l'on devoir traiter non-feulement de cette affaire,
mais aufii de celle du Roi Lothaire, du Patriarche Ignace, ôc
confirmer la dépofition de Theurgaud de Trêves, ôc de Gonthier
deCologne.CesdeuxEvêquesfe rendirent àRome pour le tems du
Concilcjô: ils furent les feuls d'en-deç? les Alpes. Les autresEvê-
ques des Gaules , de Germanie ôc de la Belgique s'excuferent
d'aller à Rome fous divers prétextes. La veide dcNoèl 804 , le
¥:ig. 78^. Pape étant monté fur fambon dans i'Eglife de fainte Marie
majeure , où il ofiîcioit , expliqua publiquement laftaire de
Rothade , ôc conclut de l'avis de toute rafiemblée à lui rendre fes
crnemens Pontificaux. Rothade les prit , ôc s'en revêtir en pro-
tefcant qu'il feroit toujours prêt à répondre à fcs Accufateurs.
Le Pape attendit toutefois jufqu'au 21 de Janvier, ôc voyant
que perfonne ne fc préfentcit pour ?ccufer Rothade , il reçut
de lui un libelle contenant fa juilification , le lut publiquement;
puis ayant lu aulli la formule de fon rétablilfement , on l'admit à
célébrer folemnellemcnt la Mefle dans I'Eglife de Conllantia.
Le lendemain le Concile s'étant alfeniblé , Rothade (e jufiilia ,
& fut encore rétabli dans fon premier état. Après quoi le Pape
le renvoya à Soiffons, avec Arfenne, Evoque d'Orta en Tofcane,
chargé de faire exécuterfon rétabiiiîémcnt.ôc d'obligerLothaireà
quitter Valdrade. Iheuigaud ôc Gonthier qui étoient venus à
Rome dans l'cfperance de fe faite rétablir, s'en retournèrent fans
avoir rien obtenu.
., r XXXVI. La dépofition de ^Tulfade ôc des autres Clercs
.So-ffc'li'^s " r^ ordonné^, par Ebbon , Archevêque de Reims, donna occafion au
866, tor.?., Concile qui fe tint à Soiffons en S66. Le Pape Nicolas, à qui
CojKil. p-j ^^^^ p^j.j.^' ^^^ plainte:; fur cette aiFal.e , ayant lu les Ades dix
, D U N E U V 1 E M E s I E C L E. (;6^
Concile tenu en la môme Ville en Sj^ , trouva que ces Clercs
n'avoient pas 6:6 régulièrement dépoll-s. C'eft pourquoi il écrivit
danslecommenceinent du mois d'Avril à Hincmar ôcà pluiieurs
autres Evéques de France , d'appeller Wulfade Ôc-les autres
Clercs ordonnés par Ebbon; d'examiner enfemble à l'amiable
s'ils avoient été juftemenc dépofés , de lui envoyer les Ades du
Concile qu'ils tiendroient à cet effet , & de ne point maltraiter ''
. ces Clercs pour s'ctre pourvus devant le faint Siège. Le Concile
fe tint à Soiiïons le 18 d'Août S66. Il s'y trouva trente-cinq
Evoques , du nombre defquels étoit Rothade rétabli l'année
précédente. Le Roi Charles y aififta , ôc il en avoit une raifoii
■particulière , qui étoit lerétabliffement deWuIfade , qu il venoit
de faire élire Evêque de Bourges , à la place de Rodolphe
mort le 20 Juin de la même année. L'Archevêque Hincmar
préfenta au Concile quatre Mémoires , dont le premier conte-
noit ce qui s'étoit palTé dans la dépofuioa de Wulfade 6c des
autres Clercs ordonnés par Ebbon. Il y difoit, que puifque le
Pape Nicolas vouloit qu'on jugeât de nouveau cette affaire , il
conlentoità toutes que l'on ordonneroit, pour conferver l'unité.
Le fécond étoit touchant la dépofition d'Ebbon , qu'Hincmar
prétendolt avoir été faite canoniquement. Cela fut confirme
par les actes d'un Concile de Bourges 6c par divers monumens
que quelques autres Evêques produifirent. Dans le troiiiéme ,
Hincmar faifoit voir , que par indulgence ôc par l'autorité du
Pape on pouvoit rétablir Wuliade 6c les autres Clercs , fans que
cela put tirer à conféquence pour l'avenir. On n'acheva point
la letlure du quatrième Mémoire, parce que l'Archevêque de
Reims s'y déclaroit trop fortement contre Wulfade. Le Concile
fuivit le tempéramment propofi dans le troifiéme Mémoire,
ôc on ufa d'indulgence envers V7ulfide ôc les autres Clercs, à
l'imitation de ce qui s'étoit paffé au Concile de Nicés , où l'on
reçut ceux que AÎelece avoit ordonnés ; en foumettant le tout
au Jugement du Pape. Les Evêques du Concile lui rendirent
compte par une Lettre fynodale , datée du vingt-cinq Août,
de ce qu'ils avoient fait. Ils en joignirent une féconde où ils fe
plaignoient de l'indocilité des Bretons qui depuis vingt ans
refufoient de reconnoître la Métropole de Tours , 6c de venic
aux Synodes Nationaux des Gaules ; ce qui avoit produit chez
eux un grand relâchement dans la difcipîine.
XXX "VII. Nous avons parlé ailleurs du prétendu Concile Conote (î»
cccumenique quePnotius ht tenir a Confranunoplc eu S5J, ou pk en S6S j
^^S CONCILES
mtrofrsinsf. ap^^g avoir fait faire le procès au Pape Nicolas I. il le de'pofâ-; '
Epi t. VJ". „f ^ . \ , r ' • • 1 ,' ' 11
Pj^ài, r our ioutenir un procède li téméraire , il ht reconnoitre dans le
même Concile j Louis qui regnoit en Italie, peur Empereur, &
fa femme Ingeitrude pour impératrice ; en quoi il contrevenoit
aux ufages des Grecsqui réfervoientà leur Souverain feul le titre
cl"Empereur, ne donnant à celui des François que la qualité de
Roi. 11 lit plus , il envoya à Louis les ades de fon Concile ,
avec des Lettres flatteufes pour Ingeitrude qu'il prioit d'engager
l'Empereur fon époux à chafier de Rome Nicoias L comme
condamné par im Concile général.
Concile (îe XXXVI IL Les mcmes Evêques qui s'étoient trouvés
i^r^ ^" au Concile de SoilTons , reçurent ordre du Pape Nicolas I. de
s'aflembler de nouveau ; mais ils en avoient eux-mêmes plufieurs
raifons. On continuoit à piller les Eglifes , à attaquer la réputa-
tion des Evêques , à ooprimer les Peuples. Tous ces maux
avoient leur fource dans la rareté des Conciles ; & dans la
perfuafion que la tenue d'un Concile général pourroity apporter
des remèdes , les Evêques des Etats de Charles le Chauve & de
Lothaire, invitèrent ceux du Royaume de Louis de Germanie
de fe rendre à Troyes vers le vingt-cinq d'Octobre 867. Cette
invitation fe fit de l'agrément de Charles & de Lothaire, ÔC
Adventius , Evéque de Metz , fut député vers Louis de Ger-
manie pour avoir fon confentement ; mais elle fut fans fucccs.
Le Concile fe tint au jour marqué , ôc il n'y eut que vingt
Evêques, tous des Royaumes de Charles & de Lothaire, y
compris (ix Archevêques; Hincmar, de Reims ; Herard , de
Tours ; Venilon , de Rouen ; Frotaire , de Bourdeaux ; Egilon ,
de Sens , & Wulfade , de Bourges. Quelques Evêques agitèrent
d'abord certaines queflions qui avoient pour but d'examiner de
nouveau la canonicité de l'éledicn d'Hincmar , ôc de la dépo-
fition d'Ebbon ; mais Hincmar fe défendit de façon , qu'il fut
convenu à la pluralité des voix, qu'on fe contenteroit de drefler
une relation exacte de ce qui s'étoit paiïé au fujet d'hbbon ôc
des Clercs qu'il avoit ordonnés , & qu'on en enverroit copie au
Pape , comme il l'avoit demandé. Cette relation commence à
h dépofition de Louis le Débonnaire en 8 ? 3 , & (init au Concile
indiqué à Trêves en S4.5 par le Pape Sergius à la demande de
l'Empereur Lorhaire. Les Evêques terminent leur Lettre fyno-
dale en priant le Pape Nicolas I. de ne point toucher à ce qui
avoit été réglé par fes prédéceifeurs ; de ne pas permettre qu'à
i'avcnir aucun Evêq^ue ibit dépofc fans la participation du ùïa%
DU NEUVIEME SIECLE. 6Cp
Siège , fuivant les anciennes Décretales ; 6c d'accorder ie
Pailium à "Wulfade, au rctabiiffement duquel il s'étoit fi fort
intérefic. Adard,hveque dcNantes,fut le porteur de cetteLettre.
XXXI X. Photius, après avoir dépofé dans fon 'Concilia- Concile Je
bule de lan 8d6 , le Pape Nicolas I. en rendit publics les f,°™8,cS
attes. Comme ils étaient extrêmement oHenfans pour le faint zr.g. y-i» t>
Sifge & celui qui l'occupoit alors, le Patriarclie Ignace les '3-''--
envoya à Rome. Adrien iJ. croyant qu'il étoit de fon devoir
de vanger i'honneur de fon prédccelfeur 6c de l'Iîglife Romaine,
alTembla un Concile en 8(58 , où de l'avis des Eveques il frappa
jufqu à trois fois Photius danathême , Ôc condamna au feu ces
ades , comme remplis d'erreurs 6c de menfonges. Il ordonna la
même chofe pour tous les écrits que Photius avoir publiés contre
le faint Mege , de même que ceux qui avoient été compofés par
ordre de l'Empereur Michel , £<: condamna les deux Conven-
ticuies qu'ils avoient riiïemblés contre le Patriarche Ignace.
Mais à la prière des Eveques il pardonna aux Complices de
Photius , pourvu qu'ils condamnafient eux-mêmes de vive voix
& par écrit ce qu'ils avoient fait avec lui. Il ajouta , qu'il ne
refuferoit pas même la communion laïque à Photius s'il vouloic
condamner les acles de fon Conciliabule. Adrien IL dit, en
parlant de la témérité que Photius avoir eue de condamner le
Pape Nicolas I. que le Pape juge tous les Eveques , mais qu'on
ne lit point que perfonne l'ait jugé : qu'il eft vrai que les Orien-
taux dirent anathême à Honorius après fa mort , mais que c'étoic
à caufe qu'on lavoit accufé d'hérefic , la feule raifon pour laquelle
il eft permis aux inférieurs de réfifler à leurs Supérieurs ; Ôc que
toutefi^is aucun , ni Patriarche, ni Evêque n'auroit été en droit
de prononcer contre ce Pape , fi l'autorité du faint Siège n'eût
précédé. Trente Eveques foufcrivirent à ce Concile , neuf
Prêtres 6c cinq Di.lcres. Quai>d il fut fini, on mit à !a perte i\n p^^. o^^^
les dégrés de TEgiife de (aint Pierre les actes du Conciiiabuîe
de Photius ; on les fouia aux pieds , enfuite on les jetta au feu.
XL. Au mois de Décembre de la même année Sd'S , \ç^ Concife t'e
Députés du Clergé & du Peuple de Châ!ons-fur-Marne vinrent gôs'^'^L. e '
trouver Hincmar de Pvcims pour le prier de leur don;Tcr pour Cm;/. p.y.
Evêque à la place d'Erchanrade mort depuis peu , "^'illebert, '^^^*
Prêtre du Diocèfe de Tours , qu'ils avoient élu canoniquement ,
comme l'acte d"éie£tion en îà\(o\t foi. Il fe tint là-defEis uiv
Concile à Quiercy , où avec les Eveques de la Province de
Keims fe trouvèrent Veiiiloii; Archevêque de Rouen^ Herard^
Pppp ;:j
6-70 CONCILES
de Tours ; 5c Egilon ^ de Sens. Comme ils ne connoinbîent
point Willebert , ils l'interrogèrent far le lieu de fa naiffance,
fur Çi condition , fur fes études , fur fcs qualités. Il répondit
qu'il ctoit né dans le Territoire de Tours , de condition libre ;
qu'il avoit fait fes études en cette Ville ; qu'il avoit reçu les
Ordres jufqu'au Diaconat , d'Herard fon Evêque ; qu'avec des
Lettres dimifforiales de fa part il avoit été promu au Sacerdoce
par Erpûin , Evêque de Senlis, & enfuire attaché au fervice du
Palais. Ceux quil'avoient connu à la Cour rendirent témoignage
à fa probité. On lui iit lire un chapitre du Padoral de faine
Grégoire & les Canons qui regardent les devoirs de celui qui
doit être ordonné Evoque j & après qu'il eut afTuré qu'il les en-
tendoit & qu'il vouloit bien s'y conformer, il fit à haute voix fa
. profeliion de foi devant l'alfemblée ; il la foufcrivit de fa propre
main. Sur cela on marqua le jour de fon facre, & ce futHincmac
qui en fit la cérémonie.
Concile des XLL Hugues de Flavigny met au commencement du Pon-
Eveques de tilîcat d'Adrien II. c'eil-à-dire , en 8 68 , un Concile des Evêques
p^I!!L,.^>> ' de Gaule & de Bourgogne. Il ne dit point en quel lieu ils s'af-
tom. i.Concil. femblerent , mais feulement qu ils y repondirent a deux Lettres
fa.g, ip4'-. ^Q ce Pape, dont l'une leur étoit adreffée ; l'autre au Duc Gerarc|;
Adrien défendoit dans toutes les deux d'ordonner aucun Evoque
que de l'agrément de l'Empereur Louis , & ceux là feulement à
qui il auroit donné l'Evcché. Les Evoques du Concile lui écri-
virent fur cela , qu'ils obfervcroient inviolablement les décrets
des faints Pères , ôc qu'ils confacreroient les Evcques , fuivantle
prefcrit des Canons.
Concile de XL II. La difcipline Eccléfiartique avoit fouffert en Gcr-
Vormes en manie, commc ailleurs, de grands affoibliffemens. Ce fut une
Conci^'^iiT'' raifon auxEvcques de s'alTembler à'Vormes lefeiziéme de Mai
#4». * 86S. Le Roi Louis qui avoit permis cette AfTeniblée, voulut y
aflifter. Les Prélats la commencèrent par une longue profelfioii
de foi, où ils s'expliquent très-clairement fur tous les articles
contenus dans le Symbole, en particulier fur la Trinité, recon-
noiilant qu'encore qu'il y ait en Dieu trois Perfonnes diftinguées
l'une de l'autre en vertu de leur relation mutuelle, il n'y a tou-
tefois qu'une feule nature , une fubflance , une même divinité,
d'où vient que ces trois Perfonnes font éternelles. Ils reconnoif-
fent aufll que leSaint-Efprit procède du Père & du Fils , & que
îe Fils feul s'efl: incarné pour la rédemption du genre humain;
On compte quatre-vingt Canons de ce Concile ; mais dans les
D U N E U V I Ë M E s I E C L E. 6ii
meilleurs exemplaires il ne s'en trouve que quarante- quatre. En
effet, ceux qui luivent le quarante-quatricnie, ne font que répé-
ter , pour la plupart , ce qui eft dit dans les précédens , & i^buvcnt
en mêmes termes. Voici les plus remarquables.
X L 1 1 1. L'Evêque invité à confacrer une nouvelle EQ'ife ^:''"°",- ^^
ne doit pouit exiger un prêtent de celui qui la lait batir , ou du Qj,^_
Fondateur, mais il peut recevoir ce qui lui fera offert. Il n'en
doit point confacrer que le Fondateur n'ait doté l'Eglife par
un ade autentique, afin qu'elle foit pourvue de luminaires, 6c
des fonds ncceflaires à la fubfillance des ?vlini(lres. On n'offrira Cxn.^.
dans le Sacriiice de l'Autel que du pain & du vin mclé d'eau.
En quelques Egliles les Prôtres conferoient le Baptême par une C.:/;. y.
fimple immerfion ; en d'autres, ils plongeoient trois fois. Il eft
ordonne qu'on fui vral'ufage del'Eglife Romaine, où le Baptême
fe donne par une triple immerfion , en figne des trois jours que
Jcfus-Chrifl: demeura dans le tombeau. Les Evêques , les Pre- Can.9.
très , les Diacres , & ml-me les Sous-Diacres , feront obligés à la
continence , fous peine d'ctrc privés de Ihomieur de la Clérica-
ture. Dans le cas où l'on ignoreroit l'auteur d'un vol commis Can, 10 Cr
dans le Monaftere, l'Abbé, ou quelqu'un par fon ordre, celé- '^*
brera la Meffe en prélence de la Communauté , & tous les
Ercres , pour fe laver de l'accufation du vol , recevront le
Corps ôc le Sang de Jefus-Chrift. Défenfe aux Evcques, aux ^^^^
Fretres & aux Diacres de nourrir des chiens & des oifeaux pour
s'en fervir à la chaffe. Il ne fera point permis aux enilms des deux q,^_ ,^^
frères , offerts à Dieu par leurs père & mère, d'en fortir , lorfqu'ils
feront parvenus à l'âge de puberté ; parce que le Moine fe fait en
deux manières, ou par la dévotion du père, ou par la profeffion
propre de celui qui embraffe cet état. C'eft au Prêtre à juger de O/mj.
la p-énittnce que mériicnt les péchés; mais il doit avoir égard Can. ij.
aux tems,aux lieux, à l'âge, & à la qualité des Pénitens. Les
pénitences canoniques étoient encore alors en u(age. Quiconque Cm. i6 , 19,
avoit tué un Prêtre, étoit condamné à s'abflenir de chair & de
vin , du port des armes, de voitures. On ï'obligeoit à jeûner tous
les jours, excepté les Fêtes ôc Dimanches. L'entrée de l'Eglife
lui étoit défendue pour cinq ans. Il refioi'. à genoux à la porte de
l'Eglife pendant la célébration des Offices & de la Meffe. Les
cinq ans paffés il entroit dans l'Eglife, ôc fe mettoitau rar.g des
Auditeurs, mais il ne lui étoit pas permis de communier. Oiv
ne lui acccrdoit cette grâce qu'après la dixième année de fa.
pénitence': encore continuoit-il à jeûner trois fois la femaine,
julqu'à ce qu'il eut éié entièrement réconcilié.
(f72 CONCILES
C«/?. 51. XL IV. On admettoit les Lc^preux à la Communion du
Corps & du Sang de Jefus-Chrift -, mais il leur étoit détendu
Can. 38. de manger avec ceux qui fe porroient bien. Le Maître qui avoit
tué fon Efclavede fon autorité privée, étoit mis en pénitence,
Cm. 41. mais feulement pour deux ans. On chalToit de lEgiiie ceux qui
refbfoient de fe réconcilier avec leurs ennemis, quoiqu'avertis
par les Prêtres de la Ville ; & l'on en ufoit de même envers les
Laïcs qui , dans le tems que leur Nation , ou leur Ville , ou la,
Puiflance Royale avoient à foufFrir delà part des ennemis, fe
ÇiM. 43. tournoient du côté de ceux-ci ; outre l'excommunication , on
coniifquoit encore leurs biens , & on ne leur rendoit la Com-;
munion qu'à la mort.
CHAPITRE XXXVI.
Qu AT RI ÉME Concile de Coîijîaminople , que l'on
compte pour le huitième général.
Quatrième L TT 'E M p E R.,E u R Bafile avoit envoyé en 858 des Députés
ConJle de ij au Pape, chargés de rendre grâces à l'Egiife Romaine
^rertr, d'avoir éteint le Schifme de l'Egiife de Conftantinople. Adrien
iom.'B,Concil. H. pour confommer un ouvrage fi falutaire , en envoya de fon
.pag.96i. c5té à Confcantinople , avec ordre d'y aflembler un Concile
pour régler diverfes affaires importantes , mais furrout pour met-
tre la dernière nuain à la réunion. Ces Légats étoient Donat,
Evoque d'Oftie; Etienne, Evêque de Nepi; & Marin un des
.fcpt Diacres de l'Egiife Romaine. Le Pape les chargea de deux
Lettres , en réponfe à celles qu'il avoit reçues de l'Empereur
Pdg. jg] Bafile & du Patriarche Ignace. Dans l'une & dans l'autre il ap-
.fi^ '°'î' prouvoit ce qui avoit été fiit à l'égard d'Ignace & de Photius,;
ôcpromettoit d'ufer d'indulgence envers ceux qui quitteroient
de bonne foi le parti de Photius. Il difoit en particulier à l'Em-
pereur : Nous voulons que vous fafliez célébrer un Concile nom-
breux oii préfident nos Légats , ôcoù l'on examine les différen-
ces des fautes ôc des perfonnes ; que dans ce Concile on brûle
tous les exemplaires du faux Concile tenu contre le faint Siège;
que les Décrets du Concile de Rome contre ceux de Photius
* foient
DU NEUVIEME SIECLE. ?7f
roient foufcrits de tous dans le Concile qui fera tenu chez vous ;
ôc qu'on les garde dans les Archives de toutes les Eglifcs. Adrien
donna au(li à fes Ldgats un modèle de la fatisfaction impoféeà Ps^. j88.
tous ceux nui quitteroient le parti de Photius pour fe réunir au
Patriarche Ignace. La Lettre à l'Empereur eft fans date; mais
elle fut écrite apparemment le même jour que celle qui eft
addreflee au Patriarche Ignace , c'eft-à-dire le dixième de Juin ^
8<5p. ^ .
II. Les Légats arrivèrent à Conflantinople le 24. de Sep- fn-,on?"""*
tembre de la mcnie année. Ils eurent leur audience de l'Empe- pja.^yt,
reur le 2d; ôc ce Prince les ayant priés de s'appliquer à rétablir
l'union & la tranquillité, ils répondirent que c'étoit ie fujet de leur
voyage , mais qu'ils ne pourroient recevoir au Concile aucun des
Orientaux , qu'en donnant un Libelle fuivant la forme qu'ils
avoient tirée des Archives du faint Siège; ils la préfenterent à
l'Empereur : on la traduifit en Grec , & on la fit voir à tout le
monde. Le jour de la première feilionfut indiqué au cinquième
d'Oclobre , dans l'Eglife de ùùnte Sophie. On y avoit expofé la
vraie Croix ôc le Livre des Evangiles. Les Légats tinrent la
première place, puis Ignace Patriarche de Conilantinople,enfuite
les Députés des autres Patriarches d'Orient , à l'exception du Pa-
triarche d'Alexandrie, qui n'y envoya perfonne. L'Empereur
n'y affifta point j mais onze des principaux Ofiiciers de la Cour
y furent préfens par fon ordre. On fit entrer tous les Evêques qui
avoient été maltraités pour avoir fuivi le parti d'Ignace. Ils
Croient douze , ôc prirent féance félon leur rang.
II ï. Tous étant affis , le Patrice Bahanes fit lire par un Se- P«i:-i'7*«
.cretaire le difcours de l'Empereur addrelTé au Concile , puis il
demanda au nom des Evêques ôc du Sénat à voiries pouvoirs
des Légats. Ils en firent d'abord difficulté, fur ce qu'il n'étoit
pas d'ufage d'examiner ainfi les Légats de Rome ; mais voyant
qu'on ne prenoit cette précaution, que parce que Rodoaldeôc
Zacharie avoient abuféde leur commifîlon dans le Concile tenu
contre Ignace en 85i , ils montrèrent les Lettres qu'ils avoient
pour l'Empereur ôc pour Ignace. On les lut en Latin à haute
voix , puis en Grec , traduites par Damien , Interprète de l'Em-
pereur. Onlutaulfila Lettre de Theodofe, Patriarche de Jeru-
falem, addreflee à Ignace; la formule de réunion apportée par les
Légats, qui étoit la môme que le Pape HormifJas envoya en
51P pour la réunion de l'Eglife de Conftantinople , fi ce n'eft p .,
qu'on y avoit changé les noms des hèréfies ôc des perfonnes ;
Tome XXII. Q <! 1 1
'674 CONCILES
la déclaration que les Députés des Patriarches d'Orient avoienc
faite a Conftantinople avant que ceux de Rome y fuflent arrivés,
portant qu'ils obéilToient avec tout le monde aux Décrets du
Pape Nicolas , conîcntant que le Patriarche Ignace demeurât en
pailible polTeilion de fon Siège ; que les Clercs dépofés pour
n'avoir pas voulu communiquer avecPhotius, fuffent réubiis ;
que ceux qui étoient pafles du pani d Ignace à celui de Photius,
fuiTent reçus s'ils revenoient de bonne foi ; ôc que Photius , de
même que Grégoire de Syracufe fon Ordinateur , fuffent
condamnés & déclarés indignes de toute fon£tion Eccléliaftique.
Les Députés des Patriarches interrogés ii cette déclaration con-
tenoit leur fentiment, ils l'affurerent ^ fur quoi elle lut approu-
vée de tout le Concile.
Pag. JP4. I V. Le Patrice Bahanes demanda aux Légats du Pape com-
ment on avoir condamné à Rome Photius fans l'avoir jamais
vu î Ils répondirent que le Pape Nicolas Tavoit condamné com-
me préfent par fes Lettres & par fes Députés. Pour mettre cette
affaire dans fon jour, ils en donnèrent la fuite en peu de mots,
commençant à la députation envoyée à Rome par l'Empereur
Michel, ôc liniffant au Concile que le Pape Nicolas aOémbla
en cette Ville, où le faux Concile de Photius ôc fa perfonne
furent condamnés avec les Légats Rodoalde ôc Zacharie, qu'il
avoit féduits. Bahanes demanda aulii aux Députés des Patriar-
ches d'Orient , pourquoi , étant à portée de voir Photius j ils
l'avoient condamné fans le voir ? Ils répondirent , que Photius
n'ayant été reconnu ni par le Pape ni par aucun des Patriarches
d'Orient , il leur avoit paru inutile de l'appeller pour le juger.
A quoi ils ajoutèrent , qu'ils n'avoient jamais connu d autre
Patriarche de Conflantinople qu'Ignace , avec qui ils avoient
communique dès le moment de leur arrivée en cette Ville ;ôc
qu'encore qu'ils n'euffent pas vu Photius , ils ne laiîToient pas
d'avoir appris fes moyens de défenfe par ceux de fon parti.
Seconde V. La fecondefciîion fut tenue le 27 d'Odobre. Paul, Garde-
fefTîon. Chartes de l'Egliitî de Conllantinople, s'étant avancé au milieu
Pug. 99^. ^Q l'Aiïemblée , dit que ceux qui avoient prévariqué fous Pho-
tius demandoient d'entrer. On le permit d'abord aux Evêques.
l's entrèrent au nombre de dix, tenant en leurs mains un Li-
belle de confellion de la faute qu'ils avoient fai;econire le Pa-
triarche JgnL.ce ; protcilant qu'il contiinoit leur.N véritables
fcntimens. Ils demandèrent qu'on en fit ia leciureice qui leur
fut accordé. On connut clairement par ce L-ibciiC , qu'ils
DU NEUVIEME SIECLE. 6j^
h*avoient pris le parti de Photius que par la crainte des fupplices
qu'il faifoit fouttrir à ceux qui lui étoient contraires ;ôc comme
ils fe foumettoient à la pénitence qu'il plairoit au Patriarche
Ignace de leur impofer, le Concile les reçut. Après qu'ils eu-
rent foufcrit la formule de fatisfadion que les Légats avoient
apportée de Rome, & qu'on lut une féconde fois dans cette
fellion , car elle l'avoir été dans la première , le Patriarche Ignace
leur ordonna , du confenteiient des Légats , de mettre leurs
Libelles fur la Croix & fur l'Evangile ; enfuite de les lui appor-
ter. Ils obéirent. Alors Ignace leur donna à chacun un Pallium ,
en difant : vous voilà guéris, ne péchez plus, de peur qu'il
ne vous arrive pis. Ils rendirent grâces ; ôc prirent féancedans
le Concile félon leur rang.
V I. Le Concile reçut aux mêmes conditions onze Prêtres , pag. too4»
neuf Diacres 6c fept Sous-Diacres , qui avoient été ordonnés
par Methodius ou par Ignace, mais qui s étaient depuis rangés
du côté de Photius. On leur rendit les marques de leur Ordre ;
Îiuis le Patriarche Ignace fit lire à haute voix les pénitences qu'il
eut impofoit , en cette manière : ceux qui mangent de la chair ,
s'en abfticndront jufquà Noël, même de fromage ôc d'oeufs ; ceux
qui ne mangent point de chair , fe priveront de fromage , d'oeufs
& de poiflfons , le Mercredi ôc le Vendredi , ôc fe contenteront
des légumes ôc des herbes avec de l'huile ôc un peu de vin. Tous
feront cinquante génuflexions par jour ; diront cent fois Kyrie
eleifon ; cent fois, Seigneur, j'ai péché i cent fois, Seigneur,
pardonnez moi. Ils réciteront le fixiénie, le trente-feptiéme ÔC
cinquantième Pfeaumes i ôc demeureront cependant interdits de
leurs fondions.
VII. Dans la troifiéme felTion , qui fe tint l'onzième d'Oc- Troifiéme
tobre, les Légats du Pape informés qu'il y avoit des Evêques pj'°"ooj
ordonnés par Methodius ôc par Ignace, qui rcfufoient de foufcrire
à la formule apportée de Rome , les tirent, de l'avis du Concile ,
inviter à fe foumettre. Ils le refuferent, difant qu'ils avoient
fait ferment de ne foufcrire à aucune formule, depuis celle
qu'ils avoient foufcrire à leur ordination, en donnant leur pro-
felTion de foi ; ôc qu'on la trouveroit au Greffe du Patriarche.
Le Concile ne jugeant pas à propos de leur faire de nouvelles
inftances , ordonna la lecture des Lettres de l'Empereur Baille
ôc du Patriarche Ignace au Pape Nicolas , ôc la réponfc du Pape
Adrien à ce Patriarche. Cette fefllon fut terminée par des adions
de grâces ôc des acclamations, comme les précédentes ÔC les
Qqqqij
'€n6 CONCILES
fuivantes ; mais on ajouta à celle-ci une imprécation contre
?ag. 974. Photius , en quatre vers ïambes. Il en eft fait mention dans
l'Hiftoire abrégée du Concile , imprimée à la tête des Ades.
Quatrième VIIL II y eut au commencement de la quatrième felTionj
feffion. tenue le treizième d'Octobre, quelque conteliation au fujet de
''^- loij. deux Evêques ordonnés par Methodius, mais qui communi-
quoient encore avec Photius. Le Patrice Bahanes & Metro-
phane de Smyrne, étoient davis qu'on les fit entrer , afin qu'on
entendît leurs raifons , & qu'ils fçuffent pourquoi on les con-
damnoit. Les Légats au contraire , foutenoient qu'on devoit leur
refi-ifer l'entrée , parce que leur eaufe avoir été jugée parl'Eglife
Komaine , 6c qu'ils ne pouvoient l'ignorer , ayant eu à Ron%e
leurs Députés , par qui ils avoient appris la condamnation de
Photius. Néanmoins les Légats cédèrent , & l'on fit entrer dans
le Concile ces deux Evêques , nommés Théophile ôc Zacharie.
On leur demanda s'il étoit vrai , comme ils le difoient , qu'ils
euflent officié comme Evêques , avec le Pape Nicolas. Ils l'affu-
rerent , 6c en prirent à témoin le Légat Marin , qui convint que
quand ces deux Evêques vinrent à Rome avec Arfaber, le
Pape Nicolas les reçut , en donnant un Libelle ôc prêtant fer-
ment: mais, ajouta-t-il, le Pape ne leur donna point la Com-
munion à la place des Evêques. Théophile 6c Zacharie n'ayant
pu prouver qu'ils euiTent été reçus comme Evêques, on lut les
Lettres du Pape Nicolas , où il défaprouve l'Ordination de
Photius ôc tout ce qui s'étoit fait à Conihintinople en préfence
de fes Légats , Rodoalde ôc Zacharie. Il fut prouvé eniliite par
les témoignages des Députés d'Orient , que les Patriarches de
Jcrufalem ôc d'Antioche n'avoient Jamais envoyé de Lettres
de communion à Photius ; qu'il n'avoit été reconnu pour Evê-
quc , ni à Rome, ni dans les autres Patriarchats.
Vag. lo^ic, I X. Sur ce que le Légat Marin avoit dit du Libelle préfenté
au Pape Nicolas par Zacharie ôc Théophile , les Sénateurs de-
mandèrent 'ix c'étoit l'ufage de l'Eglife Romaine d'exiger de tous
les Etrangers leur confeifion de foi avant de les laiifer entrer
dans l'Eglife de faint Pierre ; 6c ce que contenoit ce Libelle.
Les Légats certifièrent cette coutume , ôc ajourèrent que ceux
qui le préfentoient y faifoientprofeîTion de tenir ôc défen.ire la
foi de- l EgUfc Catholique , ôc de fuivre en tout le jugement de
l'Egli'''^* Romaine. Surquoi lesSéiat^irs propoferent à Zacha-
rie ôc à Théophile de donner un femblable Libelle. Ils le refu-
fccent : ôc fur ce refus on les chaffa de l'Aiicmbice.
DU N E il V I E M E' S I E C L E. ej-j
X. On tint la cinquième felfinn le dix-neuviéme d'Otlobre. Cinquième
Elle fut plus nombfeufc que les précéJcntes, parce qu'il arri- p '°"'
voit tous les jours des Evéques, &. que l'on pardonnoit à ceux
qui deniandoient indulgence. Le Concile averti par Paul, Garde-
Chartes , que l'Empereur lui avoir envoyé Phoiius, fit députer
plufieurs Laïcs pour f<^avoir de Photius même s'il defiroit de fe
préfenter. Jl répondit , qu'il étoit furpris que n'ayant jamais été
appelle au Concile , on l'y appellât alors ; & qu'il n'iroit pas
volontairement. On lui iït une première & féconde monition ,
& voyant qu'il n'obéiiioit peint , on l'amena malgré lui. Les
Légats lui rirent diverfes queftions , aufquelles il ne voulut
point répondre. Il garda également le fiîence quand les Députés
d'Orient l'interrogèrent : ce qui fit prendre le parti de faire lire
à haute voix les Lettrci envoyées à fon fujet par l'Eglife Ro-
maine , tant à l'Empereur Michel qu'à Photius lui-môme. Dans-
l'une, qui étoit du 2<; Septembre bô'o ,1e Pape Nicolas approu-
voit fa confelîion de foi , ôc refufoit d'approuver fon Ordination.
La letture de ces Lettres achevée, Elle , Député de Theodofc
Patriarche de Jerufalem , monta fur la Tribune , ôc après avoir
fait remarquer à l'AlTemblée , que de tout tems les Empereurs
avoient aiïemblé les Conciles ôc fait venir les Députés de toute la
terre j il ."-'expliqua fur l'affaire préfente, ôc dit, au nom des
autres Députés d'Orient, que s'il recevoir Ignace, ce n'étoit
point parce qu'il étoit préfent ôc en autorité; ôc que s'il con-
damnoit Photius, ce n'étoit pas non plus parce qu'il fe trouvojt
debout ôc fans crédit dans le Concile ; que depuis fept années
qu'il faifoit les fondions de Syncelle dans l'Eglife de Jerufalem,
il pouvoir rendre témoignage que cette Eglife n'avoit point recu-
de Lettres de Photius ; qu'elle ne lui en avoit point envoyé ; ÔC
qu'il en étoit de même de l'Eglife d'Antioche, comme Tho-
mas, Métropolitain de Tyr , ôc Député d'Antioche , l'avoit
déjà alfuré. Il ajoute, que Photius étoit condamné dcs-là qu'il
n'avoit été reçu par aucune Eglife Patriarchale ; ôc qu'il ne l'étoic
pas moins pour s'être emparé avec violence du Siège de Conf-
tantinople. La conclufion du difcours d'Elie fut, que Photius
devoir reconnoitre fon péché ôc s'en repentir finceremenr,
fous i'efpérance d'être reçu dans lEglife comme un ilmple
Fidèle.
XL On lut enfuife l'avis des Légats du Pape, portant en P^g- 1043Ï-
fubfiance que la promotion de Photius n'étoit pas recevable,.
& que la dépoiition d'Ignace étoit irréguliere i que fans prOf
<f78 CONCILES
noncer un nouveau jugement contre Photius , on pouvoît s'en
tenir à celui qui avoit été rendu par le Pape Nicolas , & confirmé
par Adrien. L'avis du Concile fut conforme à celui des Légats.
On prella donc Photius de fe fou mettre; ôc le Patrice Bahanes
prenant la parole, lui dit : parlez , Seigneur, dites tout ce qui
peut contribuer à votre juftification ; le Monde entier efl: ici :
autrement craignez que le Concile ne vous ferme fes entrailles.
Où voulez-vous avoir recours ? A Rome? Voici des Romains.
A l'Orient ? Voici les Orientaux. On fermera la porte, & fi ceux-
ci la ferment , perfonne ne l'ouvrira. Photius répondit : mes
juftifications ne font point en ce monde , fi elles étoient en ce
monde vous les verriez. Cette réponfe Ht croire qu'il avoit l'ef-
prit troublé ; ôc on le renvoya , en lui donnant du tems pour
penfer à fon falut.
Sixième XII. La fixiéme fefTion eft du 2f Ottobrc. L'Empereur Ba-
(èfTion. file y alfilla , aflis à la première place du coté droit de la grande
Pag. 1044. Eelife. Metrophane , Métropolitain de Smyrne , fit un difcours
aflez court, à la louange du Concile & de l'Empereur, après
lequel ce Prince ordonna la ledure d'un mémoire des Légats du
Pape , où ils faifoient en abrégé le récit de toute l'affaire qui
avoit occafionné le Concile , ôc concluoient que toute l'Eglife
étant d'avis de rejetter Photius , il étoit inutile d'écouter fes
Paz. 1031 partifans. On ne laifTa pas de les faire entrer. Onlut en leur pré-
&• 1048. lence les Lettres du Pape Nicolas I. à l'Empereur Michel ôc
à Photius , envoyées par le Secrétaire Léon. Enfuite Elie , Syn-
celle de Jerufalem , raconta ce qui s'éroit paffé dans la dépofî-
tion d'Ignace ôc dans l'ordination de Photius, ôc s'autorifant de
l'exemple du fécond Concile deConftanrinople, fous l'Empereur
Theodofe où Maxime le Cinique fut rejette avec tous ceux qu'il
avoit ordonnes , fans qu'on rejettât ceux de qui il avoit été ordon-
' né, il dit qu'il ne condamnoit point lesEvêques qui avoient afiiOé
à l'ordination de Photius, parce qu'ils y avoient été contraints par
l'Empereur , ôc ne condamnoit que le feul Grégoire de Syra-
cufe fon Ordinateur , dépofé il y avoit déjà long-tems, ôc
anathématifé par le Patriarche Ignace ôc par l'Eglife Romaine.
Son difcours fut fuivi de la foumillion des Evêques du parti de
Photius , ôc le Concile leur accorda le pardon.
Obieftions XIII. Il n'en fut p,is de morne des Evêques ordonnés par
ies Erc-ques Photius. Ils contcfterent l'autorité du Pape;ôc pour montrer
photius" ^^"^ qu'on n'y avoit pas toujours égard , ils citèrent les exemples de
P<y.'ioîo. Marcel d'Ancyre, qui, quoique ret^u par le Pape Jules ôc par
p.!?. 1051
DU NEUVIEME SIECLE. 619
le Concile de Sardique , étoit à préfent anathématifé comme
Hérétique; d'Apiarius, qui, juftiiié par iesEvcques de Rome,
fut rejette par le Concile d"y\frique. Ils foutinrent , qu'encore
que Photius eût été tiré d'entre les Laïcs , ce n'étoit pui un lujet
de le condamner ; que Taraife, Nicephore , Nectaire 6c Am-
bro'.fe avoient été tirés de même de l'état laïc pour être promus
a l'Epifcopat ; que la dépolition de Grégoire de Syracufe ne
rendoit pas nulle l'ordination de Photius ; que quoique Pierre
Mongus eût été dépofé par Proterius, on ne laifta pas de l'élire
Patriarche d'Alexandrie après Timothée , & l'on ne condamna
aucun de ceux qu'il avoir ordonnés. Ils ajoutèrent : fi donc
quelque Canon nous dépofe, nousacquiefçons,& non autrement.
XIV. Métrophane de Smyrne leur répondit, qu'ayant de- R^ponfe à
mandé pour Juge le Pape Nicolas, ils n'étoient plus receva- p"° f„^/°"*
blés à fe plaindre de fon jugement, parce qu'autrement il n'y
auroit jamais de jugement certain , perfonne n'approuvant le
jugement qui le condamne ; qu'à l'égard des Laïcs qu'ils difoient
avoir écé choifis Evêques , leur élettion étoit bien difiérente de
celle de Photius ; que Nectaire avoir été élu & ordonné Arche-
vêque de Conflantinople par un Concile général & par des Pa-
triarches, fans que l'Empereur fit aucune violence aux Electeurs
ni aux Ordinateurs , ni que l'on chaHât de ce Siège quelqu'un;
qui l'occupât ; qu'il y avoit eu la même liberté dans l'ordination
de faint Ambroife, qui fe fit auili par un Concile d'Evêques
Catholiques, & après la mort d'Auxence qui occupoit le Siège
de Milan ; que Taraife fut choifi fur le témoignage de Paul fort
prédécelfeur, & du confentement des Evêques Catholiques fans
aucune violence ; que Nicephore fut ordonné librement par les
Evêques aiTemblés ; qu'au contraire Photius avoit chafié le Pa-
triarche Ignace , pour ufurper fa place ; que les Evêques qui l'a-
voient ordonné y avoient été forcés par l'autorité impériale,
& qu'il n'avoit été reconnu par aucune des Chaires Parriarcha-
les ; que fi Marcel d'Ancyre, après avoir été ret^u de l'Eglife
Romciine , avoit été anathématifé depuis, c'eit qu'il étoit re-
tourné à l'héréfie qui! avoit anathématifée fous le Pape Jules î
que le Concile d'Afrique, loin de réiifter au Décret du Pape
Zofime , touchant Apiarius , y déféra , fe contentant de borner
l'interdiction de ce Prêtre à l'Eglife de Sicque . u il avoit caufé
du fcandale ; que Çi l'on ne dépofa point les Evêques ordonnés
par Pie. re Mongus , cela ne faifoit rien à l'aftlfire préfente : les
Can.'jns difiinguant les Llérétiques convertis, davec ceux qui
ont été ordonnés par des Lfurpateurs,
(SBô CONCILES
Pag. 10^^ X V. Zacharie, l'un des Evêques ordonnés par Photîus, &ë.
qui avoit fait les objedions, voulut répliquer aux réponfes de
Métrophanes. ?vîais les Légats l'en empêchèrent , difant à l'Em-
pereur qu'il n'étoit point à propos d'ouir ces Evêques Schifmar
tiques fur une affaire déjà jugée. On lut donc un difcours au
nom de ce Prince , oia il les preffe de quitter l'efprit de conten-
tion & daniniolité, ôc de reprendre refprit d'union ôc de cha-
rité. Nous femmes, leur dit-il , à la dernière heure, le Juge efl
à la porte, qu'il ne nous furprenne pas hors de fon Eglife.
N'ayons point de honte de découvrir notre mal , pour y cher-
Paj. IOÎ7. cher le remède. Si vous craignez tant cette confufion, je vous
montrerai i'-exemple de vous humilier. Je me profternerai le pre-
' mier fur le pavé, au mépris de ma pourpre ôc de mon diadème.
Montez fur mes épaules, marchez fur ma tête & fur mes yeux,
je fuis prêt à tout fouffrir , pourvu que je voye la réunion de l'E-
Fag. 10^9. gl'^^- L'Empereur donna fept jours de tems à ces Evêques pour
prendre leur denicre rcTolution, après lefquels ils feroient con-
damnés par le Concile,
Septième X VL Ce Prince affifla encore à la feptiéme feiïion , qui fut
fefllon, tenue le 29 d'Otlobre. Photius entra dans le lieu de rAffemblée
^ appuyé fur un bâton , ôc avec lui Grégoire de Syracufe. On lui
fit quitter fon bâton , qui étoit une marque de la dignité Pafto-
rale ; puis on lui demanda s'il vouloit donner fon libelle d'abju-
ration. Jl répondit, qu'il rendroit compte à l'Empereur ôc non
aux Légats. On lit la même quellion aux Evêques de fon parti,
qui avoient déjà été admoncftés dans la felFion précédente , de
feire le libelle d'abjuration. Ils répondirent qu'ils n'en feroient
rien. Ce libelle étoit le même que les Légats avoient apporté
de Rome. Ils refuferent auHi de rejetter Photius ôc les Actes de
fjes Conciles ; d'anathématifer Grégoire de Syracufe; de fe fou-
mettre au Patriarche Ignace ;ôc d'exécuter les Décrets de l'E-
glife Romaine. Le Patrice Bahanes leur repréfenta qu'en cas
de fchifme ou d'héréfie , on ne connoiffoit pcrfonne qui fe fût
fauve n'étant pas de l'avis des quatre Patriarches ; qu'au lieu de
quatre ils en avoient cinq contre eux. Ces Evêques répondirent:
nous avons les Canons des Apôtres fie des Conciles. Et voyant
que le Patrice continuoit à les prefTer par des rail'ons aufquelles
il n'étoit point aif^ de répondre, ils fe plaignirent qu'on leur
refufoit d'expliquer librement leurs affaires , ôc fe répandirent eu
injures contre les Députés d'Orient. On lut la Lettre du Pape
JSficolas aux Orientaux en ^66, qui contenoit les Décrets du
Concile
DU NEUVIEME SIECLE. <58i
Concile de Rome en 8(j j. Celles du Pape Adrien à l'Empereur
Bafile & au Patriarche Jgnace , en date du i Août 868. Deux
autres Lettres du même Pape à Bafile & à Ignace, du lo Juia
S6^ , ôc les Actes du Concile de Rome fous Adrien en 8(58.
■Enluite on lii la ledure de la dernière mcnition à Photius ôc à
.ceux de fon parti , pour les engager, fous peine d'anathcme , a
le foumettre au jugement du Concile. Après quoi Lflienne,
Diacre ôc Notaise, lut un difcours au nom d'Ignace, conte-
nant le rdcit des periccutions qu'il avoit foufl'ertes, & des ac-
tions de grp.ces fur fon rétabliliement ôc la réunion de l'Eglife»
Le même Eftienne prononça de fuite les anathêmes contre Pho-
tius, Gregoite de Syracufe , Eulampius&c les autres Schifmati-
ques. La feliion (init par les acclamations à l'Empereur, à l'Im-
pératrice, au Pape Adrien ôc aux Patriarches d'Orient, aux
Légats du Pape, aux Députés d'Orient , ôc au Sénat. Il n'eft
rien dit de l'Empereur dans les douze vers iambiques, qui con-
tiennent en précis ces acclamations ; mais on y fait mention de
-l'expuliion de Photius , Ôc du jugement rendu contre lui par les
Papes Nicolas ôc Adrien, ôc par les quatre Patriarches d'Orient.
XVII. On brûla dans la huitième felTion , tenue le cinquié- Humcma
me deNoveniLre , un fac de nromclTes que Photius avoit exi- „
■gées, tant du Clergé que des Laïcs de toutes conditions ;les
Livres qu il avoit fabriqués contre le Pape Nicolas , ôc les Ac?[es
des Conciles contre le Patriarche Ignace. Fuis on lit entrer ceux
-qui avoient affilié au Concile de Photius contre le Pape Nico-
las, ou qui avoient donné des libelles contre fEglife Romai-
ne , ou qui avoient paru dans ce Concile en qualité de Légats ;
& il fe trouva qu'après les avoir interrogés , aucun d'eux n'avoit
été préfent à ce Concile , ôc n'en connoifToit pas les Actes, qui
par cet examen furent convaincus de fuppofition. La découverte
de cette impofture engagea les Légats du Pape à demander qu'on
fit la ledure du dernier Canon du Concile de Latran en 549 ,
qui efl: contre les fauiïaires. Cette lecture achevée, iMétro- Pjg.zjo^j
phane de Smyrne dit quelque chofe à la louange de la vérité
6c de l'Empereur Bafile, qui en la mettant en fon jour avoit
accompli cette ^rédicWon: Les refics des Impies feront exterm'més. Pf.ilm. jtf,
XVIII, L'Empereur étoit préfent au Concile ;âc il y avoit Décret fut
fait amener Théodore Crithin , Chef des Iconoclades. On l'ex-
Ifs In-
Pc
horta inutilement à donner un libelle d'abjuration : il ne fe laiiii no
pas non plus perfuader aux raifons du Patrice Bahanes. Crithin
iui avoùoit qu'il honoroit, qu'il eflimoit l'Image de l'Empereur
Tome XXII. Rrrr
"î^. H04»
5.
'€^2 CONCILES
impnm(5e furies monnoyes;Bahanes en concluoit qu'il devoit
à plus forte raifon honorer les Images de Jefus-Chrifl ôc de fa
trcs-fainte Mère. Je le ferai ^ repondit Crithin , fi l'on me mons-
tre que ce foit un précepte de Jefus-Chrii"}:. On lut le Décret
du Pape Nicoias touchant les Images, rendu su Concile de'
Home en ^6^. Fuis les Légats informés qu'il y avoit d'autres
Iconocîafies que Crithin , on les (it entrer. Mais ils reconnurent
auili-tot leur erreur, ôc anathcmatiferent quiconque n'adoroir
pas les faintes Im:;ges. Ils montèrent l'un après l'autre fur ua
tribunal élevé , d'où ils dirent anathême à i'héréfie des Icono--
clafîes &: à fes Chefs , nommément à Théodore , fumoniraé
Crithin. L'Empereur les em'brafla & les félicita de leur réunion
à i'Egiife. Enfuite on fit la leclure au nom duConcile d'un anathê-
me foiemnel contre les Iconoclaftes, contre leur fau-x Concile ôC
contre leurs Chefs ; & on répéta les anathêmes contre Photius..
Neuvième XIX. Le Ccnciie fur trois mois entiers fans s'allembler : ce
fetuonen87o. q^,j donna le tems au Député de Aîichel , Patriarche d'Alexan*
.ag. iioi;.. ^^\q ^ d'arriver pour la neuvième fellion , qui nefe tint que le
douzième de Février 870. Avant de l'admettre au nombre des
Légats des Chaires Patriarchales , on lut fa Lettre de créance.
Elle étoit adreffée à l'Empereur Bafile , ôcle Patriarche Michel
y rendoit compte des motifs qui l'avoient empêché d'écrire à ce
Prince; fçavoir, la crainte des Infidèles, qui étoient les maîtres de
ia Palefline ,. de la Syrie & de l'Egvpte. Bafile , pour lever cette
difhculté , avoit écrit à Ahmed , fils de Toulcun , qui comman-
doit dans ces Provinces , pour le prier de trouver bon qu'il vînt
quelqu'un d'Alexandrie avec les Lettres du Patriarche , pour
fçavoir fon fentiment touchant la divifion de- I'Egiife de ConC'
tantinople. Ahmed l'accorda ; ôc jMichcl députa un homme vé-
nérable, nommé Jofeph, à qui il ne donna point d'infiructioa
particulière fur l'affaire portée devant le Concile, parce qu'on
n'en étoit pas inllruit à Alexandrie. On commença donc cette
, fpg. II 15. fellion par inflruire ce nouveau Député ; ôc on lui raconta par
ordre ce qui sxtoit paffi dans les huit premières fellion?. Il ap-
prouva par écrit tout ce qui avoit été réglé , tant fur le Schifme
de ConAantinople que fur les Images. Son avis fut lu au milieu
de l'aflemblée par le Diacre Thomas. Jofeph l'avoit mis aupa-
ravant fur la Croix ôc fur l'Evangile.
Ps». 1 1 '. '.'. XX. H reftoit à examiner ceux qui avoient porté un faux
témoignage contre le Patriarche Ignace. On les fit entrer , ôc
•on les interrogea féparement. Tous convinrent qu'ils avoient fait
DU NEUVIEME SIÈCLE. (fSj
un Faux ferment, mais qu'ils y avoient été contraints pût l'Em-
pereur. Ils témoignèrent du repentir de leur taute , & le Con-
cile leur impofa une pénitence. Il e(t remarqué que l'un d'eux ,
nommé Théodore, interrogé s'il s'étoit confelTé de fon crime,
& s'il en avoir reçu la pénitence , répondit qu'oui ; mais que
celui qui lui avoit donné la pénitence écoit mort ; que de Ion
vivant il étoit Cartulaire , & que s'étant fait Moine il avoit palTé
quarante ans fur une colonne : Qu'interrogé de nouveau s'il
étoit Prêtre, Théodore répondit qui! n'en fçavoit rien, mais qu'il
^toit Abbé , ôc avoit conlîance en lui. La pénitence prefjrite
par le Concile, tant pour les coupables qui étoient préfens , que
pour ceux qui fe préfenteroient à l'avenir , portoit qu'ils feroient
■deux ans liors de l'Eglife , puis deux ans Auditeurs , comme les
Cathccumenes , fans communier ; que pendant ces quatre ans ils
s'abftiendroient de chair &: de vin , excepté les Dimanches 6c
les Fêtes de Notre-Seigneur ; que les trois années fuivantesils
ieroient debout avec les Fidèles, & communieroient feulement
aux Fctes de Notre-Seigneur , s'abftenant de chair & de vin
trois fois la femaine , le Lundi , le Mercredi & le Vendredi.
■Cette pénitence ayant paru longue aux Sénateurs , ils deman-
dèrent qu'il fut au pouvoir du Patriarche Ignace de l'abréger :
ce que le Concile accorda , le laiflànt le maître d'augmenter
ou de diminuer j fuivant les difbofitions des pénitens.
XXI. L'Empereur Michel avoit fait un jeu, où, en déri- p^^ ,,,(,^
•fion des cérémonies de l'Eglife, plufieurs Laïcs de fa Cour (k.
autres , revêtus des omemens facerdotaux , reprcfentoieat les
laints Myfteres. Trois d'entr'eux , Marin , Bafile & George , qui
:avoient été Ecuyers de ce Prince , furent introduits dans le
Concile, où ils avouèrent les iinpiétés qu'ils avoient commi-
fes en cette occafion ; quoiqu'ils s'en fuffent déjà confeiTcs au
Patriarche Ignace , & qu'ils euiTent accompli la pénitence qu'il
leur avoit impofée, le Concile ne laiffa pas de leur en ordonner
une féconde , pour obtenir le pardon de leur crime : mais il en
remit l'impofition à une autre aflemblée, où l'on auroit égard à la
faute de chacun , attendu qu'ils avoient péché plus par foiblede
& par crainte d'être maltraités de l'Empereur, que par malice.
On iit encore comparoitre les faux Légats de Photius, ahn que
Ses impoilures fuflent connues de Jofeph , Député du Patriar-
che d'Ale>;andrie , qui n'étoit pas préfentlorfqu'ils comparurent
dans la huitième felfion. Ils avouèrent une féconde fois qu'ils
avoient écé forcés de faire le pecfonnage de Légats; ôc on leur
Rrxr ij
6S4 CONCILES
fit grâce à caufe de la violence qu'ils avoient foufferte. L*
feilion Hnit par une imprécation en dix-rept vers contre Photius.-
Dixième XXII. La dixième ôc la dernière fe tint le 28 de Février.
fefllon. L'Empereur Baille y fut préfent , accompagné de fon tiis Conf-
Pag. U13. fajifi^ ^^ fie vingt Patrices. Les Ambaltadeurs de l'Empereur
Louis s'y trouvèrent aulTi, avec ceux de Michel, Prince de
Bulgarie. Anaftafe le Bibliothécaire étoit du nombre des Am-"
baffadeurs de Louis. Ils étoient chargés de deux commifTions
importantes ; l'une de demander à l'Empereur Balile du fecours
contre les Sarrafins ; l'autre , de traiter d'un mariage entre le fils
de ce Prince ôc la fille de l'Empereur Louis. On compta dans
cette feffionplus décent Evêques. Comme il n'auroit point été
facile à un feul Letteur de fe faire entendre d'une AfiTemblée fi
nombreufe ; on en prit deux pour lire les Canons que le Concile
devoit confirmer. Le Diacre Eftienne les lut au haut du Con-
cile , ôc le Diacre Thomas au bas , mais en même tems.
Canons de XXIII. Ils font au nombre de vingt-fept, dont voici la
ce oncie. {^]-,f[ance : On obfervera les Canons tant des Conciles généraux
Cm', r. que particuliers , ôc la doctrine tranfmife par les faints Pères ;
Cin.i. de même que les Décrets des Conciles tenus par les Papes
Nicolas ôc Adrien touchant le rérablilTement dTgnace ôc l'ex-
C:/!. 4. pullion de Photius. Celui-ci n'ayant jamais été Evêque , toutes
les Ordinations qu'il a faites feront cenfées nulles , ôc l'on confa-
Cin. 3, crera de nouveau les Autels qu'il aura confacrés. On honorera ôC
on adorera l'Image de Notre-Seigneur , les Livres des faints
Evangiles , l'image de la Croix , celle de la Mère de Dieu ôc de
tous les Saints •> mais en rapportant le culte qu'on leur rend aux
prototypes , c'eft-àdire,à Jefus-Chrifl ôc à fes Saints. Le terme
adorer dont fe fcrvoient les Grecs , ne figniiie point ici un
culte de latrie , qui n'eft dû qu'à Dieu feul , mais feulement ua
Can. f, culte de refpecl ôc de vénération. Défenfe d'élever tout d'ua
coup un Laie à l'Epifcopat , quand même on le feroit pafier
par tous les dégrés du Miniftere , (1 ce n'eft que l'on ait des
preuves certaines qu'il n'y a eu dans fa promotion aucune vue
d'ambition ni d'intérêt. Dans ce cas-là même, il fera un an
Ledeur, deux ansSous-Diacre, trois ansDiacre,quatreans Prêtre.
Quoique ce fût dix ans d'épreuves , le Concile ne laiifoit pas de
permctre d'abréger le tems prefcrit par les anciens Canons, à
caufe de la pieté du fujet que 1 on vouloit promouvoir.
Cm. 6. XXI V. Anathême à Photius pour avoir fuppofé de faux
Légats d'Orient ôc de faux ades contre le Pape JNicolas ; ôc à.
D U N E U V I E M E s I E C L E. (?9?
tous ceux qui à l'avenir uferont de pareilles fupercheries. Quoi-
qu'il foit bon de peindre de faintes Images, & d'enfeigner les '^'^'^'
fciences divines & humaines , il cfl: bon aulfi que cela ne fe fade
que par des perfonnes fages. Ceft pourquoi le Concile défend
à tous ceux qu'il a excommuniés de peindre (a) des images 6c
d'enfeigner , jufqu'à ce qu'ils fe convertifient. Il déclare nulles C.m. 9.
toutes les promeffes exigées par Photius de ceux à qui il enfei-
snoitles Lettres , Ôc des autres qu'il vouloir s'attacher; ôc défend Cm. j.
a tout Patriarche d'exiger autre chofe des Evoques à leur Ordi-
nation que la profeilion de foi ordinaire. Aucun Clerc ne fe
réparera de fon Evêque , qu'il n'ait été juridiquement con-
damné ; ôc il en fera de même de l'Evêque à l'égard du Métro- Cin. 10.
politain , ou du Patriarche , 6c cela fous peine de dépoficion ,
& d'excommunication pour les Moines ôc les Laïcs. Anathéme Cin. n,
à quiconque foutient qu'il y a deux âmes dans l'homme [b). Il
eft défendu d'ordonner des Evoques par l'autorité 6c le comman- c.in. n-.
dément du Prince , fous peine de dépofition pour ceux qui
feront parvenus à l'Epifcopat par cette voye tyrannique , étant
évident que leur Ordination ne vient point de la volonté de
Dieu , mais des défirs de la chair. On fera monter les Clercs de ^'"'- 'î*
la grande Eglife d'un degré inférieur au fuperieur, pour récom-
penfe de leur fervice , s'ils fe font bien comportés ; ôc on la'ad-
mettra pas dans le Clergé ceux qui auront gouverné les Maifons
ou les Métairies des Grands.
XXV. Ceux qui font élevés à l'Epifcopat ne l'aviliront Cs'.-. m*
point en s'éloignant de leurs Eglifcs pour aller au-devant des
Gouverneurs ; bien moins s'huniilieront-ils en defcendant de.
cheval ôc en fe profternant devant eux ; mais en rendant aux
Grands les honneurs qui leur font dûs , ils conferveront lau-
torité néceflaire pour les reprendre dans le befoin. Ils ne pour- Can. if»
ront vendre les meubles ni les ornemens des Eglifes , fi ce n'eil
pour les caufes fpécilîées dans les Canons ; ni en vendre les
Terres , ni en lailfcr les revenus à baux emphytéotiques. Au
contraire, ils feront obligés d'améliorer les polTeifions de l'E-
glife , dont les revenus fervent à l'entretien des MiniUres ôc au
foulagement des pauvres. Défenfe aux Laïcs de quelle condition C^t, t^
(a) La première partie de ceCnnoit . (b^ Cote erreur eft attribuée à Fho
eft contre Grégoire i!c S) racule , qui éio^c tins , tl^ns i<:
Peintre. La fecoii.ie contré Fhotius , qui
avojt enicigné les Lcttn. s, ^ ^
s vers qui le liCent à la fin delà
neuvième iciiîon.
K rr r iij
eu CONCILES
qu'ils foient , de relever leurs cheveux pour imiter les Clercs , de
porter les iiabits facerdotaux, ôc de contrefaire les cérémonies
de l'Eglife , fous peine d'être privés des Sacremens. Ordre aux
Patriarches & à leurs Suft'ragans d'empêcher. ces fortes diiTV-
pietés , fous peine de dépoiition en cas de tolérance ou de négli-
gence de leur part. Ce Canon regarde ceux qui avoient contrefait
les cérémonies de l'Eglife par ordre de f Empereur Michel. La
pénitence qu'on leur impofe ici , eft d'être trois aas féparés de
la communion ; un an pleurans hors de l'Eglife ; un an debout
avec les Cathécumenes \ la troifiéme avec les Fidèles.
.Ca/î, 17. XXVI. Il fera au pouvoir des Patriarches de convoquer
dans le befoin des Conciles & d'y appeller tous les Métropoli-
tains de leur Reilore , fans que ceux-ci puiiïent s'en difpenfer
■fous prétexte qu'ils font retenus par quelque Prince. En effet ,
puifqueles Princes de la Terre tiennent des affemblées quand
bon leur femble , ils ne peuvent fans impieté empêcher les Pa-
triarches d'en tenir , ni les Evêques d'y allifter. Le Concile
rejette avec mépris ce que difoient quelques-uns peu verfés
dans la fcience des Canons , qu'on ne pouvoit tenir de Concile
fans que le Prince y fôt préfent. Les Canons n'admettent dans
les Conciles que les Evêques ; & à l'exception des Conciles
généraux , les Princes n'ont jamais afiifîé aux aflcmblées d'E-
vêques ; & il y auroit de l'indécence de leur part , à caufe des
afùiires qui arrivent quelquefois aux Prêtres du Seigneur. Les
Can. 18. Egtifes & ceux qui y préfident jouiront des biens & des privi-
lèges dont ils font en polleflion depuis trente ans ; défenfe à
aucun Laïc de les en priver , fous peine d'anathême , jufqu'à
Can, ip. reflitution defdits biens & privilèges. Il eft aufii défendu aux
Archevêques , d'aller , fous prétexte de vifite , féjourner fans
•■.' néceilité chez leurs Sulîragans , 6c confumer les revenus des
Çan.xo. Eglifes qui font de leur Jurifdidion. Si un Cenfitaire emphy-
théotique néglige pendant trois ans de payer à l'Eglife le cens
convenu , l'Evéque fe pourvoira devant les Juges de la 'Ville
ou du Pays pour faire rendre la Terre, ou la poirellion lailTée en
emphythéofe.
Can. iT. X X 'V 1 1. Les cinq Patriarches feront honorés de tout le
monde , même des plus puilTans Seigneurs ; on n'entreprendra
pas de les dépoffedcr de leurs Sièges ; on ne fera rien contre
l'honneur qui leur eft dû ; 6c personne n'écrira contre le Pape
/bus prétexte de quelques prétendues accufations , comme ont
^©(^ faire Photius. ôc Diofcore avant lui. En cas toutefois qu'il
DU NEUVIEME SIECLE. <f87
s't^leve dans un Concile généî'al quelque difficulté contre l'Eglife
Romaine , on propofera la quedion avec refped , & on la déci-
dera de môme. Déf'enfe aux Laïcs puifians d'intervenir à l'élec- ^■"- **'•■
tion des Evoques , s'ils n'y font invités par 1 Eglife ; eu de s'op-
pofer à réîeclicn Canonique^ à peine d'ctre anatherne jnfquà
cequ il ait confenti à cette élection. Il n'eft point permis à lui Oi. xj. ' '
Evéque de prendre à titfe de location les Terres d'une autre
Eglife i ni d'y établir des Clercs , (ans le confcriternent de
l'Èvêque Diocèfivin, Les Métropolitains ne pourront faire venir Cm. î4i
chez eux leurs Suffragans pour le décharger fur eux de leurs
fondions Epifcopales , en (é livrant eux-momes aux aifaires
temporelles ; mais ils feront ce qui eft à leur charge' , fous
peine d'ctre punis par le Patriarche ^ ou dépolés en cas de
récidive.
X X V II I^ Le Concile dcpofe fans efperafice de reuitution Cm. ifV
les Evêques , les Prêtres , les Diacres , & autres Clercs ordonnés
par Methodius, ou par Ignace, qui demeuroicnt obftincs dans
ie parti de Photius. Il autorife un Clerc dépofé ou maltraité par Cm. -.g,-
fon Evoque , à fe pourvoir par appel , au Alétropoiiiain &
autres Juges Supérieurs de lEglife Catholique. Enhn il ordonne
que tous l«s EccicliafLiques , ôc même les Moines , s'habilleront
dans toutes les Provinces, chacun fuivant leur état.
XXIX. Après la letlure de ces Canons , deux Métrcpo- Profèm'on-'
litains , fcavoiT , Metrophane de Smyrne , & Cvprien de Clau- ^.''J"'.'" ^^'■''•'
Giopoiis, lurent en même tems , 1 un au haut., l autre au bas de n.v,-.
l'Eglife de fainte Sophie , où le Concile étoit affemblé ,■ une
dérinition de fui, femblable à celle de'Nicée, mais beaucoup
plus détaillée. On y dit anathéme à Arius , à Macedonius , à
Sabellius, àNeftorius , àEutyches, à Diofcore, à Origenes,
à Théodore de Mopiuefte, à Didyme , à Evagre, à Sergius ,
à Ilonorius , à Cyrus d'Alexandrie , & aux Icorioclades. Oiï"
reçoit enfulte les fept Conciles généraux, & on y joint celui-ci
comme faifant le huitième ; puis on conlirme la Sentence norrée
contre Pliotius par les Papes Nicolas ôc Adrien. L'Emoereur
Baiile demanda aux Evêques s'ils étoicnttoûs d'accord de cette
dciinition de foi. Les Evêques ayant témoigné leur confente-
inent par des acclamations , ce Prince leur rendit grâces de; la
peine qu'ils s'étoient donnée pour procurer la paix à l'Eglife ;
puis il permit à tous ceux qui étoient préfens , même aux Laïcs , •
quoiqu'ils n'eullent pas droit de parler des affaires Ecclefiafti--
q:ues^de propofer ce qu'ils auroient à dire contre le Conciley
(?S8 CONCILES
fes Canons , ou fa définition , ajoutant, que quand les ÊvêqueS
feroient fcparés , il ne feroit plus tems , & qu'il ne pardonne^
roit à aucun de ceux qui refuferoient de fe fou mettre.
Soufcriptions XXX. Les Legats l'invitèrent à foufcrire le premier avec
du Concile , fes fîls Conftantin & Léon ; mais il témoigna vouloir foufcrire
f^g' iij6. après tous les Evêques , à l'imitation de fes prédéceflTeurs ,
Conftantin , Théodofe , Marcien , & les autres. Toutefois il
foufcrivit après tous les Légats de Rome 6c d'Orient. Ceux de
Rome inférèrent cette claufe dans leur foufcription : Jiifques à
la volonté du Pape , ou à charge de ratification de fa part. Ils
foufcrivirent fur cinq exemplaires, pour les cinq Patriarches;
& les Empereurs en firent autant , avec cette différence , que
Bafile ne iit qu'une croix fur chacun. Conflantin fit auiïi la croix
pour lui ôc pour ion frère Léon , & écrivit les noms des trois
Empereurs; Chriftophle , premier Séc«taire , acheva le relie
de la foufcription. Les trois Empereurs y font appelles Princes
des Romains. Le Patriarche Ignace foufcrivit immédiatement
après les Légats de Rome; puis les Légats d'Orient; ôc après
les Empereurs, Bafile , Archevêque d'Ephefe , ôc les autres de
fuite , au nombre de cent deux. Anadafe le Bibliothécaire
j-emarque {a), qu'on ne doit point être furpris d'un Ci petit
nombre, parce que Photius avoit dépofé la plupart àts Evê-
ques ordomiés par fes prédéceffeurs, ôc en avoit mis d'autres à
jeur place, qui ne furent point reconnus pour Evêques dans ce
Concile. Ceux qui y furentadmis avoient été facrés parles Pa-
■triarchcs précedens. Il efl dit dans la vie du Patriarche Ignace
par Nicetas , que les Evoques foufcrivirent , non avec de l'encre
iimple , mais apics avoir trempé le rofeau dans le Sang du
Sauveur. Le Pape Théodore ( 6 ) en ufa de même lorfqu'il écri-
.vit la dépofition de Pyrrhus. Les Légats du Pape avant de
foufcrire (c) , donnèrent à examiner les a£tes du Concile à
Anaftafe le Bibliothécaire, qui fçavoit bien le Grec. Il s'apper-
cut qu'on avoit retranché d'une Lettre du Pape Adrien les
louanges de l'Empereur Louis. Les Légats s'en plaignirent.
Mais les Grecs répondirent , que dans un Concile on ne devoit
donner des louanges qu'à Dieu feul ; c'étoit, comme le remar-
que Anaftafe , parce qu'ils ne pouvoient fouffrir qu'on donnât à
{a) Norj AnaiLifii ,j):ir. 1157. I (c ) Â;;aJ}af.jntaMriani,tnm.i,Conc.
Lo^is
DU NEUVIEME SIECLE. 6%9
'Louis le titre d'Empereur. On difputa beaucoup , & il fut
convenu que les Légats mettroient dans leurs foufcriptions la
claufe dont nous venons de parler : Jufques à la volonté du Papî.
XXXI. Nous avons deux Lettres fynodales au nom du Lettres Sy
Concile, l'une circulaire qui contient la relation de ce qui s'y ",'"'''"^^,' &«,
eft paiTé , avec ordre à teus les enfans de l'Eglife de fe fou- feq.
mettre au Jugement rendu en cette aftemblce; l'autre au Pape
Adrien , où les Evcques font l'éloge de fes Légats, dont ils
difent qu'ils ont fuivi le Jugement. Ils ne laillent pas de lui
demander la conlirmation des Décrets faits dans le Concile.
La même Lettre fut envoyée à tous les Patriarches. Ces deux
Lettres font fans date. Celle qui ell au nom des trois Empereurs
eft datée de la troifiéme indidtion , c'cft-à-dire, de l'an 870;
elle étoit circulaire pour tous les Evcques , à qui ces Princes
■donnent avis de la conc'ilion du Concile 6c du Jugement rendu
contre Photius. Ils écrivirent en particulier au Pape Adrien P^is-nséi
par l'Abbé Theognofle , pour le confulter (ur les Ledeurs
ordonnés par Photius; fcavoir, fi on pouvoit les promouvoir
aux Ordres fupérieurs. Ils demandoient aufli indulgence pour
Paul , Garde-Chartes de l'Eglife de Conflantinople , que Pho-
tius avoit ordonné Archevêque ; ôc pour Théodore , Jvîétropo-
litain de Carie. Le Patriarche Ignace écrivit en même teffls '^=' "^'*
au Pape 6c pour le même fujet ; mais ce ne fut qu'après le
départ des Légats dont l'Empereur Bafile dit dans fa Lettre ,
qu'il étoit en peine de fcavoir s'ils étoient de retour à Rome.
XXXII. Tout étoit fini dans le Concile lorfque quelques- touchànrTe!
uns des Grecs vinrent fe plaindre au Patriarche Ignace , 6c à Bulgares ,
l'Empereur Bafile , que les Lésats en faifant foufcrire les libelles r"m-^,Cona!.
d abjuration apportes de Komc, avoient misiligliie de L^on- ntj. Adri.mi ;
ilantinople fous la puiflance des Romains, d'où on ne pouvoit &i'în:'f-'î'J-
la tirer qu'en faifant rendre ces libelles. L'Empereur donna ordre ^ 'y--^''^'^ ^*
d'enlever fccrettement ces libelles aux Légats. Mais ils avoient
eu foin de mettre de côté ceux des principaux Evêques. Ils fe
plaignirent à leur tour à l'Empereur de cette fupercherie ; 6c à
■lorce de remontrances, ils obtinrent que ces libelles leurferoient
rendus. Quelques jours après Bafde fit aflembler les Légats
du Pape , ceux d'Orient 6c le Patriarche Ignace , pour entendre ^ ,
les Ambafladeurs des Bulgares. Pierre, Chef de l'aiTvbailade, ,ri.i
expofa les raifons qui avoient engagé Michel , Prince de cçs
Peuples, à députer au Concile. La principale étoit de fcavoir
à quelle Eglife cette Nation nouvellement convertie feroit
TomaXXIU Sfff
690 CONCILES
foumife , fi ce feroit à celle de Rome , ou à celle de Cofiftari-
tinople. Les Légats du Pape foutenoieiit , que ce devoitêtre
à l'Eglife Romaine , puifque le Prince des Bulgares s'étoic lui-
même fournis à cette Eglife ; qu'il avoit reçu des règles de
conduite des Evoques & des Prêtres de la part du Pape Nicolas.
Pierre convint de ces faits ; mais les Députes d-Orient préten-
dirent que la Bulgarie ayant appartenu aux Grecs a\iint qu'elle
eût été conquife par les Bulgares , elle devoir être de la Jurif-
diclion de Conftantinople. Les Légats du Pape prouvèrent par
les Décretales des Papes , que l'Epire ancienne & nouvelle-,
toute la TheiTalie & la Dardanie, qu'on nommoit alors Bul-
garie , avoient été gouvernées par le làint Siège ; & que depuis
que cette Province s'étoit convertie , les Romains y avoient
ordonne des Prêtres , confacté des Eglifes , inftruit les Peuples;,
enlin que l'Eglife Romaine en étant en poiïelîion depuis plus
de trois ans , on ne pouvoir l'en déjetter fans en avertir le Pape
Toutes ces raifons ne frappèrent point les Députés d'Orient.
Ils décidèrent que le Pays des Bulgares ayant été autrefois fous
la domination des Grecs , devoir par le Chriftianifme être
réuni à l'Eglife de Conftantinople , dont il s'étoit féparé par le
Paganifme. Les Légats de Rome rejetterent ce Jugement
comme rendu par des Juges incompétens , & conjurèrent le
Patriarche Ignace , en lui rendant une Lettre du Pape Adrien
fur cette affaire , de ne point fe mêler de la conduite des
Bulgares. Le Patriarche répondit, qu'il ne s'engageroit point
dans des prétentions contre l'honneur du faint Siège. Telle fut:
l'ifTue de cette conférence , où les Parties ne difputant leurs
droits que par un Interprète de l'Empereur qui étoit préfent , ne
pouvoient fe promettre de bien faire entendre leurs raifons. Mais
on donna aux Légats du Pape un écrit en Grec qui contenoit la
Sentence rendue par ceux d'Orient en faveur de l'Eglife de
Conftantinople..
Les Légats XXXIII. L'Empereur,, déjà mécontent des Légats de-
dù Pape re- ^g qu'ils l'avoient obligé à rendre les libelles d'abjuration, le
Rome. Tra- fut bien davantage en voyant leur réfiflance au fujet de la Bul-
dudion «J.cs garie. Dillimulant toutefois fa. colère , il les invita à manger,. &
cil", iiid paT ^^^ combla de préfcns. Mais il s'intéreifa ii peu à la fureté de leur
N4f embarquement ,. qu'étant tonibés entre les mains des Sclaves on
leur prit tout ce qu'ils avoient, même l'original grec des ades
du Concile, & fiùUirent à perdre la vie. Ils arrivèrent à Rome
dépouillés de tout , le 2 de Décembre 870, ôc racontèrent au
D U N E U V I E M E. s I E C L E. '69X
Pape Adrien tout ce qui s'étoit palTé ; mais ils ne purentlui prd-
fenter d'autres écrits que le livre de Vaciion d'Ignace , les libelles
•que les Sclaves leur avoient rendus, ôc une copie des aftes du
Concile que le Bibliothécaire Anaftafe, l'un des Ambafladeurs
de l'Empereur Louis, avoit emportée par précaution. lien fit
•une tradudtion latine par ordre du Pape, 6c ce n'efl: que dans
cette verfion que nous avons lesatles entiers du huitième Con-
cile général. Les ades grecs imprimés à la fuite de la verfion d'A-
naftafe, n'en font qu'un abrégé, où Ton a retranché plufieurs
.chofes de l'original. Analiafe mit à la tcte de fa traduttion une
loaigue préface où il fait l'hiftoire du fchifrae dePhotius, 6c du
Concile tenu à cette occafion ; de la converfion des Bulgares , ôc
de la conférence que l'on tint à leur fujec trois jours après la fin
du Coacile. Il en parle aulfi dans la vie du Pape Adrien IL
CHAPITRE XXXVI L
15 E 5 Conciles Àe Verberie , deMet^^, & autres , depuis
l'an S6c} , jufquen 87p.
L T_T I N c M A R , Eveque de Laon , devenu odieux à fon Concile de
X~jL Clergé 6: à fon Peuple par fes injufiices ôc par fes vio- V'^f'^f'^ en
lences, fut accufc devant le Roi Charles , qui lui ordonna de Cnc'iL pag.
■répondre aux chefs d'accufations , ou par lui-même, ou par fon 1517.
Avoué. Il refufa l'un ôc l'autre , difant , qu'il ne pouvoit fe pré-
fenter à un Jugement féculier au préjudice de la Jurifdiction
Eccléfiaftique. Charles fit faifir tous les biens de l'Evêque fitués
dans fon Royaume. Hincmar de Reims fon oncle intervint pour
lui auprès du Roi, fit lever la faifie , 6c on convint que l'affaire
de l'Evêque de Laon feroit terminée par des Juges choifis , ou ,
s'il étoit befoin , par un Concile. La Sentence des Juges ne lui
ayant pas été favorable , il refufa de s'y foumettrc. Le Roi le fit
appellerau Concile de Verberie indiqué pour le 24. d'Avril de
l'an 8(5p. Hincn\ar y vint. Vingt-neuf Evêques y affifterent, ôc
Hincmar de Reims y préfida , com;ue étarrt dans fa Province.
L'Evêque de Laon embarraffé des accufations qu'on formoit
contre lui, prit le parti d'appeller au Pape, ôc demanda pet-
S f f f ij
^.^ CONCILE S"
mifTlon d'aller à Rome. On la lui refufa ; mais on fufpendit la"
procédure entamée contre lui. Le Concile confirma l'union de
trois Monafteres à celui de Charroux , déjà faite fous lagrément
du Pvoi Charles.
Concile tic j j^ Qg Prince ayant appris la mort du Roi Lotliaire , vint à.
Tom. 'c Concil. Metz le cinquième, de Septembre 859 , où il fe fit couronnée
P^' lîjr.. Roi de Lorraine par les Eveques. Ils étoient au nombre de fept.
La cérémonie fe fit dans lEglife Cathédrale de faint Eftienne. -
Adventius, Evêque de Metz, portant la parole en préfence du ■
Roi , des Seigneurs, & de quantité de Peupies , déclara Charles •
légitime héritier du Royaume. Le Roi promit de maintenir '
l'homieur ôc les privilèges de l'Eglife ; de protéger fes Sujets, .
chacun félon leur rang; & de faire rendre la juHice , félon les
Loix Eccléfiaftiques &c Civiles : enfuite il fut couronné le neu-
vième du même mois. Ce fut Hincmar de Reims qui lui fit les
onctions du S. Chrême fur le fronts depuis l'oreiile droite jufqu a •
l'oreille gauche , & fur la tête; mais les autres Evêquesiuimir-ent
la couronne , & lui donnèrent la palme ôc le fc°ptre.
Concile lie 1 1 L Quclque tems après , le Roi Charles étant à Piftes , y fit
tont^^C^n^f venir plulieurs Evêques pour traiter avec eux des affaires de fou -
p^i'.iSié. Royaume. Il ne relie d'autres moi;iumens de cette Airemblée,
qu'un Diplôme accordé àEgil, Archevêque de Sens, par lequel
on confirme les donations qu'il avoit faites à un Monaflere 6c à
une Eglife de fon Diocèfe , qui avoieiit l'un & l'autre faint Pierre ■
pour Patron. Douze Evêques foufcri virent à ce Diplôme, Egil .
a la tête , Pilles étant dans fa Province. Hincmar de Reims fouf-
crivit des derniers avec Wulfade de Bourges , & Herard de '
Tours.
Concile IV. Le Roi Charles mécontent de la conduite de fon fiîs
d'Attigny en Carloman , à qui il avoit fait donner la tonfjre cléricale dès fon
ConciC^mJ bas âge , ailembla au mois de Mai de l'an 870 un Concile à
IÎ37. Attigny , voulant le faire juger par des Evêques , comme Clerc.
Il s'y trouva trente Evêques de dix Provinces , avec i\x Arche-
vêques , Hincmar de Reims , Remy de Lyon , Harduic de
Befançon , Wulfade de Bourges , Frotaire de Bordeaux, & Ber-
tulfe de Trêves. Carloman convaincu dé conjuration contre le
Roi fon père, ôc de beaucoup d'autres crimes , fut privé des
Abbayes qu il pofTedoit en grand nombre , & mis en prifon à
Senlis. Hincmar de Laon accufé- dans le même Concile de
défobéiflance envers le Roi , & envers fon oncle fon Métropo-
litain , évita la Sentence dont il étoit mçnacé , en donnan©'
DU NEUVIEME SIECLE. <?p?
un libelle par lequel il diiclaroit qu'à l'avenir il feroit fidèle ôc
obciilant au Roi Charles, fuivant fon miniflere , comme un
Vailal doit être à fon Seigneur, & un Evoque à fon Hoi ; qu'il
obéiroit aufii à Hincmar Ion Métropolitain , félon les Canons ÔC
lesDccrets du S.Sie'ge approuvés par les Canons. Au moyen de ce
libelle qu'il foufcrivit devant tout le monde , le Roi & l'Arche-
vêque de Reims lui donnèrent lebaiierdepaix. Mais il relloit à
contenter un Seigneur nommé Normand, à qui le Roi avoit
donné en lier la terre de Pouilly, & dont Hincmar de Laon s'étoit
emparé. 11 convint d'en pafler par l'avis de trois Evcques. Mais
informé qu'ils étoient d'accord à faire rendre à Normand la terre"
de Poui.ly , il fortit fecretementd'Attigny , & écrivit à fon oncle
de lui obtenir la permidion d'accomplir le vcea qu'il avoit fait
d'aller à Rome. Aimoin dit que le Roi Charles donna audience Aiwo'w.Uh!
dans ce Concile aux douze Députés de Louis , Pvoi de Germanie, <; > f- ?• ^•"'•-''--
toucliant le partage du Royaume de Lothaire. co'.cay. 14.
V. PcndcUit qu'Adon de "Vienne tenoit fon Synode en 870, Concile de
M'annon , Prevot du Monaftere de Saint-Ovan , ou Mont-Jura , Y'""!?? ,„^"
vint lui rtprelenter que les rrcueceneurs avoient accordé a Ion f^cu'oA.p.irr.
Monaftere une iiglife iltuée dans le Diocèfe de Vienne , &• qu'au - > *^ ''■'■ >7,'
préjudice de cette donation le Curé de faint Alban vouloit s'en pl'l'îiéi"^'^*'
emparer. Cette conteflation n'étoit pas nouvelle. Un Curé du
même lieu avoit déjà tenté de fe rendre maître de cette Eglife
fous l Archevêqre Agilmar , qui l'avoit débouté de fes préten-
tions par Sentence rendue avec connoiiTance de caufe. Mais
parce que les Chanoines de Vienne n'y avoient pas foufcrit,
Adon crut devoir reprendre toute l'affaire, & la faire examiner
de nouveau par fes Prêtres, afin de mettre fin à cetteconteda-
tion. Il fut décidé, du confentement de tout le Concile, que '
l'Eglifedciu te Curé de faint Alban vouloit s'approprier, demeu-
reroit h la Communauté de faint Oyan, com.me elle lui avoit été
donnée par les Archevêques de Vienne. La Sentence eil datée
du mois d'Avril , indiclion troifiéme, c'eft-à-dire, l'an S70.
VI. On tint au mois de Septembre de la même année un <^o"^^-<^e^
Concile à Cologne , où l'on régla plufieurs points de difcipline. 870,"^^; 8 , .
Il paroit qu'il fut affemb'é à l'occafion de la dédicace d'une nou- Condl. pag,-
velle Egiife érigée fous l'invocation de faint Pierre. Les ailes de ''^^*
ce Concile ne font pas venus jufqu'à nous. Il feroit même tombé
dans l'oubli , fans une ancienne Chronique des Empereurs Fran^-
çpis , donnée au Public par M. Pithou.
yil. Quoique Hincmar de Laon eût vu plu.'iaurs fois le Roi ; Conci'.; c»-^
Sfffiij
?P4 CONCILES
Douzv en Charles depuis le Concile d'Attigny , il n'avoit rien dît à ce
^535! '^"^' Prince de fbn voyage de Rome; mais il n'avoit pas laiffé d'ea
écrire au Pape Adrien , en lui faifant des plaintes contre le Roi,
&c contre Hincmar de Reims. Il fe joignit même au Prince Car-
loman , qui abufant de la liberté qu ii avoit obtenue , recom-
mençoit fes brigandages ôc fes cruautés. Les Evêques dont il
avoit défolé les Diocèfes publièrent des ceufures contre fes
complices, n'ofant pas rexcommunier lui-même, parce que le
Roi Charles vouloit le fair-e juger par les Evêques de la Province
de Sens dont il étoit Clerc,. Hincmar de Laon fut fommé diverfes
fols par fon oncle de foufcrixe aux ceafures contre les complices
de Carloman , comme les autres Evêques de la Province de
Reims ; mais il n'en voulut rien faire. Le Roi Charles irrité de
ce refus , ôc mécontent d'ailleurs de la conduite Je cet Evêque,
indiqua un Concile à Douzy dans le Diocèfe de Reims pour le
mois d'Août de l'an 871. Hincmar de Laon y fut appelle par
une Lettre de fon Métropolitain , du quatorzième de Mai. Il
chercha à s'en défendre par un grand Mémoire plein de repro-
ches contre fon oncle, qui l'avertit une féconde fois de venir au
Concile ; ajoutant qu il lui faifoit cette mo^iition au nom du
Pape, qui, en effet, lui avoit écrit d'affembler un Concile pour
remédier à divers défordres qu'on difoit être dans fon Diocèfe.
Le Concile fe tint à Douzy le cinquième d'Août. Il étoit com-
pofé de vingt-un Prélats, treize Evêques , ôc huit Archevêques.
Hincmar de Reims y préfida , ôc le Roi Charles y alfifta en per-
fonne. Ce Prince préfenta un Mémoire contenant fes plaintes
' contre Hincmar de Laon. L'Archevêque de Reims en préfenta
un fécond. Le Roi infiftoit fur ce qu'Hincmar de Laon lui avoit
manqué de fidélité , avoit excité des révoltes , s'étoit emparé par
voye de fait des biens de fes VafTauK, l'avoit calomnié auprès du
Pape, & lui avoit réfiflé à main armée. Les plaintes de l'Arche-
vêque étoient en plus grand nombre, mais moins griéves pour
la ph'ipact. Ellesrouloient fur le mép-ris de fes ordres ôc de fon
autorité.
F.!'. î6p, VIII. Hincmar de Laon arrivé à Douzy ne fe préfentoit
point au Concile. Il fut cité juridiquement par trois fois. Il ne
répondit à la première citation que par un Mémoire pour le
Con.cile, où il difoit qu'il appelloitau faint Siège; mais il obéit
à la troiliéme, ÔC comparut. 0n lut en fa préfence la plainte du
Jioi Charles , on la lui donna pour l'examiner, ôcdu tcms pour y
refondre. Il le préfenta au Concile une féconde fois, fuis qu'il
D U N E U V I È M E s I E C L E. 69s
eût répondu à la plainte du R.oi. Hincmar de Reims !e preflant
là deiius , il dit qu étant dépouille de tous fes biens , il ne répotr-
droitrien à ce qu'on lui ohjectoit. Il récufa le jugeuient de fou
oncle , ôi appella au iaint Sidge. Comme il perlifioit dans fa con-
tumace , l Archevêque de Reims prit -les avis des Evêques.
Harduic de Befançon opina qu'Hincmarde Laon é:auc convaincu
d'avoir allumé des féuitions, devoir, fuivant les Canons, être
déporé de ri'pifcopat. Frotaire de Bordeaux releva fon parjure
& fa défobéilTance au Roi Charles ; 6c ^^''ulfade de Bourges les
calomnies dont ilavoit noirci le Roi à Rome. Tous appuyant fur
quelque crime en particulier , conclurent à fa dcpr>iicion. Sur
quoi Hincmar de Reims, comme Préfident du Concile , pro- '^"S- 'fij^i.-
nonça la Sentence en ces termes : Je le juge privé de l'honneur
& delà dignité Epifcopale , & dépouillé de toutes fondions
facerdotales , fauf en tout le droit de notre Père Adrien , Pape de
la première Chaire Apofîolique , ainfi aue l'ont ordonné les
Cûncns deSardiqiae. Cette Sentence fut foufcrite par les Evo-
ques préfens, par les Députés de huit Eveques abfens, ôc par
huit autres Eccléfialliques , Prêtres,, ou Archidiacres en divers
Dioctfcs.
J X. Le Concile envoya les a£les de la procédure contre Lettres îy--
Hincraar de Laon au Pane Adrien , avec une Lettre Synodale "?,"l"f''' " *'
dans laquelle il lui demande la confirmation de ce qui" s'étoit
fait , protcflant qu'il n'avoit eu recours à la dépofition de cet
Evêque,qucfaute d'autres moyens de le ramener à fon devoir.
Le Concile prie aufii le Pape, qu''au cas qu'il lui plairoit défaire
juger de nouveau cette caufe ^ d'en renvoyer le jugement fur les
lieux ; & qu'en attendant , Hincmar de Laon demeure privé de la
Communion facerdorale. La Lettre Synodale efb du ftxiéme
Septembre 871'. Adard de Nantes, élu Archevêque de Tours ,
fut chargé de la porter au Pape, avec les actes du Concile. Ils
font divifés en cinq parties. Les trois premières contiennent les
chefs d'aecufations contre l'Evêque de Laon. La quatrième, la
procédure faite centre lui. La cinquième, la Lettre Synodale du
Concile, & celle qu'Hincmar écrivit en particulier au Pape. Il
lui rend compte de l'affaire d'Aftard dont il l'avoit chargé , ôc le Pag. ié>8.-
prie de l'ordonner Archevêque de Tours, à condition qu après
la mort , fon Succelfeur fera ordonné, fuivancles Canons, par
les Evêques de la Province.. "Venant enfuite à Hincmar Ion
neveu, il déclare qu'ayant travaillé inutilement à le corriger , il
ne veut plus fe mêler de fa conduite^ni le regarder comme un
69<^ C O N C I L E S
de fes Suffragans. Il s'explique enfuite fur les raifons qu'il avoit
eues de dépofer un Prêtre, qui étant yvre avoit blelTé un homme à
deiTein de le tuer , ôc cite plufieurs Canons pour juftilîer ce qu'il
avoit fait à 1 égard de ce Prêtre. On voit par la fuite de la Lettre
qu'il fe pourvut à Rome à rinf(^u d'Hincmar , & qu'il en rapporta
des Lettres du Pape Adrien ; ce qui obligea l'Archevêque d'en-
voyer une relation exacte du fait , ôc de la conduite de ce
Prêtre.
„_ Concile X. Les Collections des Conciles en mettent deux à Oviedo,
873 ou çot ,1 ^^ ^^"1 S73 , 1 autre en 901 ; 1 un ôc 1 autre tous lePontihcat du
îom.9,Concil. Pape Jean VIIL qui avoit permis de les affembler. Il n'eil tou-
6-'i'iii*'''^°'' t^efols parlé dans fes Lettres au Roi Alphonfe III. que d'un feul
Concile en cette Ville , ôc il n'en éroit pas befoin davanta-
ge , puifqu'il ne s'agiffoit que d'ériger en Métropole l'Eglife
d'Oviedo : ce qui fe fit d'abord ôc fans aucune difficulté. Al-
phonfe avoit fortifié cette Ville pour fervir de barrière contre les
courfes des Normands, ôc rebâti magnifiquement LEglife de
faint Jacques en Compoftelle. Il ne voulut point la faire con-
facrer fans en avoir la permilïion du Pape. Deux Prêtres , nom-
més Severe & Sinderede , ôc un Laïc qui fe nommoit Rainald,
'furent députés à cet effet vers Jean VIII. qui leur donna deux
Lettres pour le Roi. Dans la première il permetroit l'éreclion
-d'Oviedo en Métropole ; dans la féconde , la confécration de la
nouvelle Eglife , ôc la tenue d'un Concile. Dix-fept Evêques fe
trouvèrent pour la cérémonie de la dédicace ; Le Roi y alUfta
.avec fon époufe ôc fes fils, ôc plufieurs Seigneurs de la Couc.
C'étoit le lixiéme de Mai. Onze mois après , c'eft-à-dire , au
mois d'Avril fuivant, les mêmes Evêques tinrent un Concile à
/Oviedo , en préfence du Roi , de la Reine , de fes fils ôc des
Seigneurs. L'Eglife de cette Ville y fut érigée en Métropole , Ôc
Hermenegilde qui en étoit Evéque, reconnu pour Chef des au-
tres Evêques , afin de travailler avec eux au rétabliffement de
la difcipline. On ordonna de choifir des Archidiacres pour faire
deux fois l'année la vilite des Monaflcres 6c des Paroilîes , ôc on
lailTa au pouvoir de l'Evêquc d'Oviedo d'établir des Evêques
de fon choix dans toutes les Villes où il y en avoit eu aupara-
vant. Comme la Province d'Afturie étoit la plus forte ôc la plus
fùre de toutes , il fut convenu que tous les Suftragans d'Oviedo
y auroient des Eglifes ôc des terres , foit pour en tirer leur fub-
iidance quand ils viendroient au Concile , foit pour s'y retirer
en cas de befoin. Le Roi défigna les bornes de la Province
Ecclcfiaflique
DU NEUVIEME SIECLE. 6^1
Ecck^llaftique d'Oviec!o,& attribua plufieurs terres à ce Siége.Oa
en dreiTa un état, qui fut lu en plein Concile ôc approuvé una-
Aiimement.
XL II s'en tint un à Chi^.lons-fur-Saône en 87? , le 21 de f^oncile de
Mai, au fujet de l'EpIilb de faint Laurent. Les Chanoines de ^•''?l<'"^ -/""-
famt Marcel la repéioient , dilant quelle leur avoit eié donnée tom.^.ConciU
par les Rois qui en étoient les Fondateurs, ôc que les Evoques ?'a--5'.
de Châlons l'avoient uTurpée fur eux. Le Concile s'aflembla
dans cette Eglife. Il s'y trouva cinq Evoques, un co-Evêque,
des Abbés , des Moines , des Prêtres , des Diacres & des Ar-
chidiacres, ayant à leur tête Renii , Archevêque de Lyon. Leu-
terius, Prévôt des Clianoines de faint Jviarcel , parut au milieu
de l'alTemblée, 6c produifit fes raifons. Girbold , Evcque de
Châlons , dit les fiennes. Le réfultat du Concile fut que FEglifc
de faint Laurent feroit rendue aux Clianoines de faint Marcel;
6c tous foufcriyirent à ce jugement, i'Evêque Girbold comme
les autres.
XII. Le 26 de Septembre de l'an S75 , on tint un Concile ConcHe de
à Cologne, auquel prélida Willibcrt ou Guillebert , Archevê- g°,'°^(o,^. 9")
que de cette Ville, alîifté des Archevêques de Trêves & de Co/idl. p.î^.
Mayence, ôc des Evêques de Saxe. On y lit la Dédicace de TE- "'*•
glife Cathédrale, ôc on y conlirma les Statuts de Gonthier ,
prédéceileur de GuilleLcrt , portant que les Clianoines auroi^nc
des biens en fuffifance pour fubfiller ; qu'ils auroient Iclection
libre de leurs Prévôts , fans que l'Archevêque y intervînt ; ôc
qu'ils pourroientauffi fans fon avis difpoferde tout ce quiappart»-
noit à leurs Monafteres. Le Concile approuva la fondation , faite
par Guillebert , d'un Monaflere de Hlles , fous l'invocation de
lainte Cécile, gouverné alors par une Abbefîe, nommée Be-
refvinthe. Ceft aujourd'hui un Chapitre de ChanoineiTes.
XIII. Le Roi Charles voyant que Carloman entretenoit Conçue de
toujours le trouble dans le Pvoyaume , affembla les Evoques ^^^^^.'p^CoJclù
des Provinces de Sens ôc de Reims , à Senlis , en 873. Il pré- f.?». 157.
fenta fa plainte à Anfcgife, Archevêque deSens, de qui Carlo-
man dépendoit, comme fon Métropolitain; ôc à Hildegaire,
qui l'avoit ordonné Diacre. Le jugement du Concile fut que ce
Prince feroit dépofé du Diaconat ôc de tout degré EcclélialU- '
que, ôc réduit à la communion la;quc. Les Attes de ce Con-
cile font perdus.
XIV. L'année fuivante S74., le Roi Charles convoqua un Cop^iv c-
^-oncile à Douzi , où fe trouvèrent des Evêques de plulîeurs ror'^ .r 7'
Tome XX IL TttC '*va:-^:-.
'69S CONCILES
Provinces. On y travailla à arrêter ie cours des mariages incef--
tueux , ôc des ufurpations des biens de l'Eglife. Cela paroît pas
la Lettre fynodale adrelTe'e aux Evêques d'Aquitaine, Le Con-
cile y fait voir qu'cnvain ceux qui conrradoient des mariages
dans les dc'grés de parenté déi'endus , s'autorifoient de l'indul-
gence accordée par faint Grégoire aux Anglois j dans les com-
inencemens de leur converiion , puifque ce faint Pape avoit
reftraint cette indulgence, en ajoutant que quand ils feroienC
aHernùs dans la foi , ils obferveroient la parenté jufqu a la fep-
tiéme génération ; au lieu que dans ces commencemens il leur'
avoit permis le mariage à ia troifiéme ôc à la quatrième. Le
Concile rapporte divers Décrets contre ces conjondions illici-
tes; entr'autres du Concie de Rome fous le Pape Grégoire II,
du Concile d'Agdc, & delà Lettre du PapeSirice à Himerius,-
Evêque de Tarragone. A l'égard des ufurpateurs des biens de'
TEglife, il copie ce qu'avoient dit contre eux les Evêques du-
Concile de Toufi en 860.
Décret de X V. On examina daus le Concile de Douzi la caufe d'une
te Concile , Relieieufe , nommée Dude , qui , dans le deflein de dépofer foa
Abbefle, pour le mettre a la place, avoit complote avec un
Prêtre, nommé Humbert, & s'étoit abandonné à lui. Ce Prê-
tre fut d'abord convaincu d'avoir écrit des lettres pleines de ca-
loiTjnies contre l'AbbelTe; ôc fur ce qu'il nioit avoir abufé de
l)udc,le Concile nomma des Députés, avec ordre de fe tranfpor-
ter au Monaftere avec des Commiflaires du Roi , pour interroger
deux Keligieufes , Berte ôc Erprede , qui s'étoient avouées com-
plices du crime de Dude, ôc recevoir leurs dépofitions. Ils fu-
rent aufli chargés d'interroger Dude ôc le Prêtre Hutnbert fépa--
rement, Ôc en cas d'aveu de leur part, de les faire venir avec
leurs complices devant la Communauté pour ré'iterer leur con-
fedion. Le Concile n'attendit pas la lin de cette procédure ; mais
il régla par provifion la pénitence qu'on devoit impofer, tant à
Humbert qu'à Dude ôc à fes complices, voulant qu'on les traitât
plus doucement s'ils confeffoient volontairement leurs fautes,
que s'ils en étoient convaincus par témoins.
ConcHe de X V L Hincmar , que l'on regarde avec raifon comme Au-
Reims<^i874. j j^ Lettre fynodale Ôc du Décret du Concile de Douzi,
pag. 587. en tint un au mois de J.uillet de la même année 874 , a Keims,
où il publia cinq Articles pour les Prêtres de fon Diocèfe. Le
Can.i. premier eft touchant 4es Curés delà Campagne, jqui , négli-
geant leurs Pareilles , fe rctiroient daias le Monallere de Mont-r
BU NEUVIEME SIECLE. 60^
Faucon , 6c y recevoient la prJbendc ou diftribution en cTpece ,
que chaque Chanoine avoit coutume de recevoir pourf. ilib-
fiflance ; ôc Jes Chanoines du même Monaftere qui s'emp;» oient
des ParoiiTes de la Campagne. Les uns & les autres contreve-
noient aux Canons ; les Curés en quittant leurs ParoifTes po'i.rfe
mettre en fiireié t'a'^s le Monafîcre; les Chanoines en quittant
leur Mona(lere,pour aller deiiervir les Paroiffes de la Campagne,
dans la vue de percevoir le proHt de la dixme. Hincmar leur
fait voir qu'il n'efi pas permis aux Clercs de pafler d'une Eglifc
à une autre j 6c bien moins d'en tenir deux enfemble, n'étant
pas polïible de faire en même-tems les devoirs de Curé ôc de
Chanoine. S'il arrive , dit-il, qu'il faille baptifcr la nuit un en-
fant en péril , ou porter le Viatique à un malade , le Chanoine
nefortira pas du Cloître pour aller au Village. Si donc un Prê-
tre, pour quelqu'iniîrmité corporelle , ou pour quelque péché
fecret, veut fe retirer dans un Monaftere , qu'il renonce par écrit
au titre de fa Cure ; autrement qu"il y demeure. Les Cloîtres des
Chanoines étoient alors fermés comme ceux des Moines : c'eft
pourquoi quelques Curés s'y retiroient pendant les guerres ,
comme en des lieux de fureté.
XVII. Dans le fécond ,Hincmar défend aux Prêtres , fous Ca/i. î,
peine de dépolition , de rien prendrj pour la place de îa matri-
-Cule, c'eft-à-dire des pauvres que l'on infcrivoit dans la marri-
■cule de l'Eglife , ôc à qui en ccnfiquence on diilribuoit une par-
tie de la dixme ou des oblations. 11 leur défend par le troilié.-ne C:.n, ;,
la fréquentation des femmes, 6c de leur rendre des vKites hors
de faifon. La plupart des Prêtres acquercient des terres ôc des mai-
sons des épargnes de leurs revenus Ecciéfir.iliques , aux dépens
de l'aumône &c de Phofpitalité , 6c donnoienr enfuite ces terres
jÔc ces maifons à leurs parens ; Hincmar menace delafévérité Cj/i. 4.
des Canons ceux qui fe trouveront coupables de cet abus. Il leur
défend encore de faire des préfcns aux Patrons, dans la vue d'ob- Cxn. y.
tenir des Bénéfices , ou pour eux-mêmes , ou pour leurs Clercs,
protellant qu'il n'ordonnera point de Clercs dont il ne foit
content.
XVIII. Il s'éleva en 87-4. un différend entre Urfus , Duc de ron;I!e de
Yenife, ôc Pierre, Patriarche de Grade, au fujet du fucceifeur ^•^^^""- , *;^
qu'on devoir donner à Sénateur , Evoque de Torcelle. On élut C:,7c'i/. pag.
Dominique, Abbé d'Altino. Le Patriarche ne voulut point, '-3^
l'ordonner, difant qu'il s'étoit fait lui-même Eunuque. Le Duc
qui fouhaitoit que Dominique ïkm Evêque , intimida tellement
T 1 1 1 i j
70O CONCILES
le Patriarche , qu'il eut recours au Pape Jean VIII. pour dëcidéû
la conteflation. Le Pape aflembia à Ravenne ua Concile de foi-
xante & dix Evêques , où l'on permit à Dominique de tirer les-
revenus de l'Eglife de Torcelle. Quelques. Evéques , pour être,
venus trop tard au Concile, furent privés de la communion;,
mais on la leur rendit peu. de tems après ,. à la prière du Duc
Concils ùe XIX. Le Père Labbe joint aux Actes du Concile de Ra-
Touioufe en ygi-ine^ ceux du Concile de Touloufe en 873 , où les Evêques.
iijj.' ^' de Septimanie & d'Aquitaine confirmèrent l'exécution d'une
Sentence rendue autrefois par Charlemagne , contre les Juifs,
de Touloufe; portant que chaque année l'un d'entre eux feroit
frappé fur la joue par un homme vigoureux, trois fois fannée^de-
vaut la porte de l'Eglife ; fçavoir, les jours de Noël , de la Paf-
fion & de l'Alfomption , en punition de ce qu'ils avoient fait
venir dans le? Gaules Abderam , Roi des Sarrafins. Mais ces-
Atles ne font pas d'une grande autorité.
Concile Je ^ ^* Ceux du Concile de Chalons-fur-Saône ont été donnés
Châions-fir- en premier licu par le Pcre Chifliet avec l'Hiftoire de l'Abbaye
Saône en g/î- ^^ Toumus ; enfuitc on les inférés dans les Colledions e;énérales.
Rémi , Archevêque de Lyon , préfida à ce Concile , aîfidé de.
quarante-quatre Evêques. L'ordination d'Adalger , Evêque d'Au- ■
tun , y donna occafion. Après qu'on en eut achevé la cérémonie^
cet Evêque demanda au nom du Roi Charles la conlirmation
des donations faites à l'Abbaye de Tournus : ce qui fut accordé.
Elles furent auffi confirmées par une Bulle du Pape Jean VIII.
datée du 2^ Avril 878 , c'efhà-dire dans le tems qu'il étoit en;
Eag. 173. France pour la tenue du Concile de Troyes. Odon , Evêque de
Beauvais, confirma à la prière des Chanoines de faint Pierre,
les dotations faites à leur Communauté ; & pour rendre cet
établifTement plus folide, il en obtint auflî la confirmatioa du
Roi Charles & de plufieurs Evêques, nommément d'Hincniac
de Reims , Métropolitain, L'Ade efl daté de Soiffons le i . de
Mars 87 ç. Il porte que les Qianoines de faint Pierre ne pourront
être au-delà de cinquante.
/. ., j XX I. Le Roi Charles étant à Pavieau mois de Janvier 87(J,
Concile de . v '-i / / / c- ^ o
PavicenS76, quelques jours après qu a eut été couronne Empereur a Kome
ibiii, ya^.iHo, p^^ le Pape Jean VlII. y tint un Concile , où les Evêques l'éli"
rent unanmiemenr pour leur rrotecteur & leur beigneur, avec
promeiTede. lui obéir en tout ce qu'il ordonneroit pour l'utilité
de l'Eglife & leur falut. L'a£le qu'ils en drefferenc fut foufcrit
par dix-fept Evoques de Tofcaiie ôc de Lonibardie , par ua
Du NEUVIEME SIECLE. 701
!Âbbé ôc par dix Comtes. Les mêmes Evoques Hrent quinze
Canons de difciplinc , que l'on conlirma dans le Concile de
Pontion , ôc qui en font aujourd'hui partte. Les plus remarqua-
bles font le feptiéme ôc le huitième. Il y efl dit que les Evcques Cm. 7.
inllruiront les Peuples , ou par eux-mêmes , ou par kurs Prê-
tres; que les Fidèles alliflcront les jours de Fêtes aux Otliees
publics à la Ville ou à la Campagne; fie que pour cette raifon
on ne célébrera pas la MclFe dans des maifons particulières fans
la perminion de l'Evcque ; que les Evcques demeureront dans Csn. s,
des Cloîtres avec leurs Chanoines , qui lui feront fournis fuivant
^autorité des Canons.
XXII. Le vingt-unième de Juin de la même année , l'Em- Concile Je
pereur Charles fit tenir un Concile à Pontion , où il allifla avec Po^^ofi en
deux Légats du faint Siège ; Jean , Evêque de Tofcanelle , ÔC Cmalf'^'pa/^
Jean, Evêque d'Avezze. Il s'y trouva cinquante Evcques de '-Si.
France ;Hmcmar de Reims foufcrivit le premier après les Lé- - Premierr
gats , enfuite A urelien de Lyon. On lut dans la première fedion
une Lettre du Pape , datée du 2 Janvier de cette année SjiS ,
par laquelle il établilToit Anfcgife Archevêque de Sens , Primat
des Gaules ôc de Germanie, comme fon Vicaire en ces Pro-
vinces , avec pouvoir de convoquer des Conciles, ôc de notifier'
aux Evêques les Décrets du faint Siège. Les Evoques ayant oui
le contenu, de cette Lettre,- dirent qu'ils obèiroient aux ordres-
du Pape fans préjudice des Métropolitains, ôc fuivant les Ca-
nons; ôc quelque inliance que leur fit le Roi Charles de recon-
noître fans reftriction la primauté d'Anfegife , ils n'en voulurent
rien faire. I rotaire. Archevêque de Bordeaux, fut le feul qui-
fe conforma à la volonté du Roi : ce qu'on regarda comme une
flatterie. Ce Prince pour mettie en exécution la Lettre du Pape ,.
fit alTeoir Anfegife fur un fiège pliant, avant tous les Evêques
plus anciens que lui d ordination. Hincmar s'y oppofa comme
a une entrcprife qui ctoit contraire aux Canons; iuais le Roi-
demeura ferme, ôc refu'a même aux Evêquts de fon Royaume-
de prendre copie ce la Lettre du Pape.
X X III. La féconde feliion fe tint le lendemain 27 de Juin, Second»'
elle fut employée à la ledure d-js Ades du Concilede Pavie ôc '"•flîon.
des Lettres du Pape Jean envoyées aux Laïcs ; ôc l-électiun de f^J- »8î.
l'Empereur y fut conhrmt'e par tous les Evêques ôc Seigneurs
qui étoient préfens. Charles n aliida poiiu xh troifième feliion, Troif-
qui ne fut tenue que le troifième de Juillet.- Elle fe pa.fa en- ^^''^"on.
coutellationsfur les Prêtres de divers Diocèfe.s , qui réciamoieaf . ^^'"■''
l' t tt iij
702 CONCILES
Quatrième l'autorltd dcs Légats du faint Siège. Dans la quatrième ', qu'on
feflion. j.j|^ç Yq lendemain , l'Empereur donna audience aux Amhafla-
deurs du Roi Louis fon fVere , qui demandèrent en fon nom U
part du Royaume de 1 Empereur Louis. Jean de ïofcanelle,
Lcgat, lut une Lertre du Pape aux E■^'cques du Royaume du
Roi Louis, dans laquelle il blârne ce Prince d'être entré à main
armée dans les Etats de Charles en fon abfence ; ôc les Evêques
de ne l'en avoir pas empêche ; les mena<^ant d'excommunica-
tion s'ils ne détournent ce Prince de cette injufte entreprife.
Le Légat après avoir fait le£lure de cette Lettre du Pape ,
en donna copie à Guillebert, Archevêque de Cologne, l'un
des Ambaffadeurs , pour la rendre à ces Evêques. Le Pape
Joai. Epiff. écrivit aufil aux Comtes du Royaume de Louis , à qui il ordonne
^i6,p.î^.ii6. ^^ ç^ trouver à la conférence indiquée par fes Légats. Il n'cft
pas dit que cette Lettre ait été lue dans cette quatrième feirion;
Epij7. 317 , mais on y en lut deux autres du même Pape ; l'une aux Evê-
^^^' ques du Royaume de l'Empereur Charles qui lui étoicnt de-
meurés fidèles, l'autre à ceux qui avoient pris le parti de Louis
de Bavière. Le Pape leur ordonne à tous d'obéir à fes Légats.,
Cînqulcrac XXI V. Il ne fe pafla rien de remarquable dans la cinquié-
:tefnon. me felîion^ qui fe tint le dixième de Juillet , parce qu'elle fut
interrompue par l'arrivée de deux nouveaux Légats , qui appor-
toient des Lettres à l'Empereur ôc à l'Impératrice , & des com-
Sixicme plimens du Pape aux Evêques. La fixiéme fefïion fut tenue le
fe/Gon. lendemain. On y lut une Lettre du Pape adreffèe à tous les
Evêques de Gaule & de Germanie , contenant les Sentences
rendues contre Formofe , Evoque de Porto , ôc contre Grégoire
Nomenclateur , ôc leurs complices. Le Pape exhortoit les Evê-
ques à faire publier ces Sentences ôc à les faire exécuter dans
kurs Diocêfes. On préfenta enfuite à l'Empereur les prèfens de
Jean VIII. qui conliftoient en un fceptre ôc un baron d'or pour
ce Prince ; des ccoifes prècieufes ôc des brafielets ornés de pier-
reries pour l'Impératrice.
Septième X XV. Le 14. de Juillet on lut encore dans la feptième fef-
.feflTion. fioHj par ordre de l'Empereur, la Lettre du Pape touchant la
Pag. z8z. primatie d'Anfegife ; ôc le Légat demanda que les Archevêques
promiflent de s'y conformer. Ils répondirent qu'ils n'obéiroient
aux Décrets du Pape qu'en la manière que leurs prèdècelTeurs
y avoient obéi. Comme l'Empereur n'ètoit pas préfent , leur ré-
ponfe fut mieux reçue qu'elle ne l'avoir été dans la première fef-
fion. U y eut enfuite plufieurs dif^utes au fujet des Prêtres qui
DU NEUVIEME SIECLE. 705
îfvoient réclanni les Légats. Puis on fit la lefture de la Requête
de Frotaire , par laquelle il demaiidoit , que ne pouvant occu-
per le Siège Epifcopal de Bordeaux, à caufe de rincurfion des
Normands , il lui tut permis de paiTcr à celui de Bourges : ce
qui lui fut refufii tout d'une voix.
XXV I. L'Empereur avoit aiïîdé à la première feiTion vâtu Hniiiéœe
à la Franœife d'un habit orné d'or ; il parut dans la huitième ^"''^"•
habillé à la Greque. Jean d'Avezze , Légat , lut un Ecrit. Odon ^^' ''^^'
de Beauvais en lut un autre , contenant certains articles que les
Légats du Pape, Anfegife de Sens ôc Odon lui-même, avoient
dreirés fans la participation du Concile. L'Hiftorien Aimoin dit ^■'^o^n. ibiâ.
que ces articles n étant d aucune utilité , il lésa lupprimcs , de cap. a.
même que l'Ecrit lii par Jean d'Avezze, parce qu'il étoit defli-
tué de raifon ôc d'autorité. Il ajoute qu'on revint pour une troi-
fiéme fois à la queftion de la primatie d'Anfegife, ôc qu'il n'ob-
tint pas plus ce dernier jour du Concile que le premier ; qu'en-
fuite l'Impératrice ayant été amenée dans l'afTemblée , la cou-
ronne fur la tête, le Légat Léon pronont^a l'Oraifon ; après quoi
les Evêques fe féparerent.
XXVII. On trouve à la fuite des Atles du Concile neuf . Artidrsre-
articles, qu'on croit être ceux dont Aimoin parle avec tant de Co^ciie^"^ j*
mépris. Il y efl: dit qu'après la mort de l'Empereur Louis , le Pomion.
Pape .Teaii VIII. avoit invité le Roi Charles à venir à Rome , ^■^■^- -^°*
où il l'avoit choifi pour Défenfeur de l'Eglife de faim Pierre , ôc An. r.
couronné Empereur ; qu'avant fon arrivée le Pape avoir tenu un
Concile, ôc écrit au Roi Louis, aux Evêques, aux Abbés ôc
aux Seigneurs de fon Royaume, pour leur défendre de faire
aucutie irruption dans les Etats du Roi Charles , jufquà ce que
dans une conférence 011 eût réglé les droits de leurs Royaumes ;
mais qu'Odon de Beauvais leur ayant préfenté jufqu'à deux fois -^'"f- »•
les Lettres du Pape , ils les avoient rejettées ; que le Roi Louis
méprifant les avis du faint Siège , étoit entré à main armée dans
le Royaume de Charles ; qu'admoneflé d'en retirer fes troupes ^^r. 3 , 4.
6c de faire pénitence de fes crimes, il n'avoir point obéi , non .
plus qu'à la iecon Je monition qui lui avoit été faite par les Lé-
gats du Pape ; qu'en conféquence le Pape avoit donné fes pou-
voirs à fes Légats pour faire ce qu'il convenoit en pareille oc-
cafion. On dit aulfi que le Pape, du confentement del'Empe- Art. 6.
reur Charles , a établi Anfegife , Archevêque de Sens , Primat-
des Gaules ôc fon Vicaire ;ôc que le Concile le reconnoît en An. 7.
cette qualité j qu'il adopte aulli la Sentence rendue contre For- Arusi-?.
7©4 CONCILES
mofc & fes complices, de même que la condamnation pronon-
cée contre les excès commis par le Roi Louis.
Autres aa^s X X V I IL En ce memj^^ Concile de Pontion , Hincmar pré-
.àu Concile fenta une Requête à lEmpereur ôc aux Légats, en plainte des
p° ^ '^ excès que fon Diocèfe avoit foufferts de la part du Roi Louis
.2k>3. ' ' & de les troupes. Cette plainte ne Jevoit pas le fûupçon que
^'Empereur Charles avcit de la fidélité d'Hincm.ar ; c'eft pour-
. quel ce Prince l'obligea de lui prêter un nouveau ferment. Le
,''i Prêtre Adalgand obtint du Concile que fon Eglife lui feroic
renc'ue , Ôc on lui donna quatre mois pour fe purger des crimes
dont onl'accufoit, à condition que s'il ne fe juftilioit point ca-
noniquement dans ce tems, il ne feroit plus admis à prouver
fon innocence.
Concile de XXIX. Quoiqu'on eût accordé les revenus de l'EgUfe
.<âe Rome en de Torcelie à Dommique dans le Concile de Ravenne en 8 74-,
877 ,j:om. 9 , on ne laiflbit pas de le faire paiïer pour un Intrus. Il fut même
ciff^. Cite deux rois a Kome.pour examiner Ion anaireen prcience de
.Pierre , Patriarche de Grade , qui s'étoit oppofé à fon ordina-
tion ; & nayant point comparu , le Pape lui ordonna de fe trou-
ver au Concile qu'il avoit indiqué à Rome pour le treizième de
■P^évrier de l'an 877. Il y appelia aufîl les Evêques de Venetic
; intérefTés dans cette affaire. Ils n'y vinrent point ; & on ne fit
■ .autre chofe dans cette Affemblée que de confirmer l'éietHon de
i l'Empereur Cliarles. Jean VIII. y fit un long difcours à la louan-
ge de ce Prince, & entreprit de montrer que fon élection s'écoit
.faite par l'infpiration de Dieu. C'eft pourquoi , après avoir pris
l'avis des Evoques du Concile , il prononça le Décret de co ifir-
mation , ajoutant ranathéme contre ceux qui s'oppoferoicat à
cette éii-'dion.
•Cciiciie l'e XXX. Le vingt-deuxiéme de Juillet de la môme année, il
'f\^];'^"j"j "■" tint à Ravenne un Concile de cinquante Evêques, tous du
50c.' ^ Royaume de Lombardie , dans le deifein de travailler au réta-
blifiement de la dtfcipline & des immunités del'Eglife. On fit
à cet effet dix-neuf Canons , qui furent confirmés dans le troi-
.Qm. I. fiéme du Concile de Troycs en 878. l'ous Métropolitains en-
voyeront à Rome dans les trois mois de leur confécration pour
faire la déclaration de leur foi,o: recevoir le Paliïum du fiiint Sié-
.ge;6c n'exerceront aucunes fondlions jufqu'à ce qu'ils L foient
On. 1. acquittés de ce devoir. Les Evêques élus leront tenus de fe faire
confacrer dans trois mois , fous peine d'être privés de la com-
munion : après cinq mois ils ne pourront plus être confacrcspouc
1%
DU NEUVIEME SIECLE. 70^
ïa même Eg'ife, ni pour uii^ autre. Djienfe aux xMJtropoIitains c.-./!. j.
de fe fervir du Paliium en d'autres tenis qu'aux jours marqués par
le Siège Apoftolique ; & aux Ducs de prcfenter au Pape des 0^.4.
Evoques, d'exiger deux des redevances publiques, ni des pré-
fens, ôc de les reprendre en prdfence des Laïcs. Les Clercs , les Can. j.
Reiigieufes , les Pupilles &: les Veuves demeureront fous la tu-
telle de leur Evoque. On privera de la communion ceux qui au-
ront violé la Maifon de Dieu , ou qui en auront emporte quel- ^^'^- ^ > 7 >
que chofe, ou fait injure à quelque Eccléilaftiquc ; les ravif- '^'
feurs , les honiicides, les incendiaires , les pillards ôc ceux qui
communiquent avec les excommuniés. A cet efîét les Evoques C^^i. i».
feront connoître les excommuniés en envoyant leurs noms aux
Evêques voifins ôc à leurs Diocèfains, ôc les faifant afficher à
la porte de l'Eglife, Les coupables pour éviter d'être dénoncés
changeoient de Dioccfe , ou n'alliftoient point aux Oiîices di-
vins dans leurs ParoiOes. Le Concile défend de les recevoir, ôc ^"■'^' ''•
déclare excommuniés tous ceux qui s'abfenteront volontairement
trois Dimanches confécutii's de l'EgUfe Paroifllale. Il efl: ordonné Cm. u,
aux Magiftrats Séculiers , fous peine d'excommunication , d'é-
couter les plaintes des Evêques, ôc d'agir en conféquence pour la
correttion des mœurs. L'Evêque qui ordonnera un Prêtre j le C"!. 13.
fixera à la delTerte d'une certaine Eglifc. Dcfenfe de demander Cm. 14.
à l'avenir les patrimoines de l'Eglii'e Romaine en Bénéfice ou
autrement, fous peine de nullité, de reflitution des fruits ôc '"■'^■'' *
d'anathême contre ceux qui donneront ou recevront ces patri-
moines ou leurs dépendances ; on en excepte les familiers du
Pape , c'efl-à-dire ceux de fa maifon. Les dixmes feront payées Cm. 18.
au Prêtre prépofé par l'Evêque pour les recevoir, ôc non à d'au-
tres. Les Envoyés des Princes , les Comtes ôc les Juges ne Cm. 19.
prendront point leurs logemens dans les maifons de l'Eglife ,
fous le prétexte de la coutume, ôc n'y tiendront point les plaids ;
mais dans les maifons publiques, fuivant l'ancien ufage. Le
Concile confirma à Adalgaire , Evêque d'Autun , ôc à fon Eglife
fes droits fur le Monallere de Flavigni ôc fur la Terre de Tili-
niac, qui lui avoit été enlevée. Le Pape Jean VIIL foufcrivit
le premier , ôc après lui Jean , Archevêque de Ravenne , puis
Pierre , Patriarche de Grade. La date des foufcriptions eft du 2 5
Novembre 877. D'autres lifent Septembre.
XXXI. Après la mort de Charles le Chauve , arrivée le 6 ^2i°(^^^ en
d'Odobre 877, Hugues, fils naturel du Roi Lothaire, conçut S7?,ib':d.];.ig.
le delTein de recouvrer le Royaume de fon père. Il alTembla 3°^ > ^ ■^"'*
Tome XXI L Vuuu
70? CONCILES
ioari. m. i , des troupes, 6c fit de grands ravages dans les Etats de Louis îrf
H^.Rijn.cdp. ggg^g^ Qj-j g'gj-j plaignit à un Concile tenu en Neuftrie , auquel
Hincmar de Rems préfidoit. Les Evêques engagèrent le Roi
Louis à écrire à Hugues pour le détourner de fës prétentions
furie Royaume de Lorraine, Il lui die dans fa Lettre: Ci vous
n'avez égard à mes remontrances , j'aflemblerai les Evêques
de ma Province & des Provinces voifines , & nous vous excom-
munierons vous & vos complices, puis nous dénonceroni l'ex-
communication au Pape , à tous les Evêques ,ôc aux Princes des
Royaumes circonvoifuis.
Tr?°r''en XXXI 1. Le Pape Jean VIIL Contraint de fortir d'Italie par
«73, iom.9, les violences de Lambert, Duc deSpolete, fe retira en Fran-
Conai. pjs. ^g^ ^ j-jj^j. yj^ Concile à Troyes l'onzième jour d'Août de l'an
§78. Quoiqu'il y eût convoqué douze Archevêques des Gaules
feffio/^™"^ & trois d'Allemagne, avec leurs SufFragans , il ne s'y trouva en
tout que trente Evêques, y compris Valbert de Porto , Pierre
de Fodembrune , & Pafcafe d'Amerie, qu'il avoir amenés d'I-
talie. Il ouvrit la première felTion par un petit difcours, où il
exhorta les Evêques à compatir à l'injure faite à l'Êglife Ro-
maine par Lambert ôc fes complices, que nous avons, dit-il,
excommuniés , & que nous vous prions d'excommunier avec
nous. Les Evêques demandèrent du tems , afin d'en délibérer
avec leurs confrères , lorfqu'iis feroient tous arrivés.
SeconJe X X X 1 1 1. Comme ils fe trouvoient en plus grand nombre
'°"' dans la féconde Seflîon , le Pape Ht lire de nouveau les violences
commifes à Rome par Lambert. Le Concile convint que , félon
la Loi du monde , il étoit digne de mort & d'anathêmc per-
pétuel ; mais il demanda encore du tems pour répondre par
écrit à la propofuion du Pape, qui en attendant ordonna que
fon excommunication feroit envoyée par tous les Métropolitains
à leurs SufFragans , pour être publiée dans toutes les Eglifes.
Hincmar de Reims dit , que fuivant les faints Canons reçus
dans tout le monde avec refpecl , il condamnoit ceux qui étoient
condamnés par lefaint Siège; & qu'il, recevoit ceux que le faint
Siège recevoir , & qu'il tenoit ce qu'il tient, conformément à
l'Ecriture fiinte ôc aux Canons. Aurelien de Lyon , & les, autres
Evêques dirent la même chofe. Après quoi Roftaing d'Arles
forma une plainte contre les Evêques 6c les Prêtres qui paffoieat
d'une Eglife à une autre , ôc contre les maris qui quittoient leurs
femm:;s pour en époufcr d'autres de leur vivant. Il fut appuyé
par Valbert, Evê'que de Porto, qui demanda que le Concilie
DU NEUVIEME SIECLE, ^oi
s'expliquât fur cette plainte. Hincmar de Reims répondant au
nom de 1 afTemblée , demanda qu'on lui donnât du tems pout
{produire ce que les Canons prefcrivoientlà-deffus. Théodoric,
Archevêque de Befançon , préfenta un libelle d'accufation contre
une femme nommée Verfmde , qui ayant quitté le voile avoit
contradé un mariage illégitime.
XXXIV. Dans la troifiéme Seiïion , les Evêqucs préfen- f^^ion'"'^^"*
terent au Pape l'a£le de leur confentement au Jugement rendu
contre Lambert & fes Complices , ôc parce que leurs Eglifes
fouffroient les mêmes violences de la part de ceux qui les pil-
loient , ils prièrent le Pape de les aider a réprimer ces violences.
Jean VIII. recrut cet a£tc avec joye, ôc en donna un aux Evê-
ques , portant Sentence d'excommunication contre les ufurpa-
teurs des biens de l'Eglife , avec privation de la fépulture , s'ils
ne reftituoient dans le tems limité. On préfenta une plainte au
Concile touchant le différend qui regnoit entre Ratfred , Evêqud
d'Avignon, ôc Valfred , Evêque d'Uzès, au fujct de la Jurif-
diûion fur une Paroiffe. L'affaire fut renvoyée aux Archevêques
d'Arles ôc de Narbonnc leurs Métropolitains , à caufe de l'ab-
fence d'une des Parties. Hincmar de Laon forma une plainte
contre l'Archevêque de Reims fon oncle, où il racontoit ce qui
s'étoit paiTé au Concile de Douzy , fon exil , fa prifon , ôc
comment on lui avoit ôté la vue. On donna du tems à Hincmat
de Reims pour répondre à cette plainte.
XXXV. On lut dans la quatrième SefTion les fept Canons Quatriéma
que lePape avoit dreffés, ôc ils furentapprouvesunanimement.il f'^'°" ' f'^^'
y eft dit,que les Laïcs ne s'afTeoiront pas devant un Evoque fans q„"_ i_
ion ordre; que perfonne ne demandera au Pape ni auxEvêques, Gw. t.
les Monafleres , les patrimoines , les Maifons , les Terres appar-
tenantes aux Eglifes, fi ce n'eft ceux à qui les Canons le per-
mettent. On avoit déjà décidé la même chofe au Concile de
Ravenne ; ôc on confirme les Canons qu'on y avoit publiés. Les
Evêques aideront leurs Confrères à fe tirer de la vexation , ôc ils Cm. j.
combattront enfemble pour la défenfe de l'Eglife , armés du
bâton Pafloral ôc de l'autorité Apoflolique. Un Laïc , ou un Clerc Cm. 4,
excommunié par fon Evêque , ne fera point reçu par un autre,
afin qu'il fe trouve obligé à faire pénitence. On ne recevra pas Ci/?, j.
non plus le VafTal d'un autre que dans les cas portés par les Loix
Civiles. S'il y a plainte contre un Evêque , elle fe fera publique- Cafi. «.
ment ôc fuivant les Canons. Le Concile ordonne l'obfervation Can. u
de tous ces Canons fous peine de dépofition pour les Clercs ^
y u u u ij
7oS CONCILES
& de privation de toute dignité chrétienne pour les Laïcs. Ot?
lut enîuite la Sentence déjà publiée par le Pape contre Formofe ,
Evêque de Porto , 6c Grégoire Nomenclateur , & contre tous
leurs Complices, qui continuoient à piller les Eglifes.
Cinquième XXXVL A la cinquième Seflion , Ottufle , Evêque de
Iroyes , le plaignit qu liaac , Lveque de Langres , setoïc
emparé d'un Village de fon Diocèfe. Théodoric de Befançon fit
fes plaintes contre quelques-uns defesSuffragans, qui, appelles
en Concile , n'avoient pas encore voulu comparoitre. On fit
Pag, 31^. enfuite lefture des Canons qui défendent aux Evéques de paflet
d'une moindre Eglife à une plus confiderable. Cela regardoit
Frotaire qui étoit pafTé de Bourdeaux à l'Evêché de Poitiers,
Jozn. ' Epui. enfuite à celui de Bourges. Le Pape lui ordonna de venir aii
rii&'iiî. Concile & d'y produire les motifs de fa tranflation & les auto-
rités dont il l appuyoit. Il y cita aulTi le Comte Bernard donc
Frotaire s'étoit plaint ; & ce Comte n'ayant point comparu , il
P«i:-3'i- fut excommunié par le Concile. Les Evêques firent un Décret
portant défenfe aux Laïcs de quitter leurs femmes pour en
époufer d'autres , avec ordre de retourner avec la première ; &
aux Evêques de retourner auffi à l'Evêché qu'ils avoient quitté
Pa^. ji? pour pafifer à un autre. Le Pape couronna le Roi Louis le Bègue,
mais il refufa de couronner Àdcleide fon époufe , parce qu'Anf-
garde , qu'il avoir d'abord époufée , vivoit encore. Il avoir été
obligé de la quitter par le Roi Charles fon père , à caufe qu'il
l'avoit époufée fans fon confentement.
Autres aftes X X X "V 1 1. Le Roi Louis fit demander au Pape la confir-
Tro°eT'^'A^'- "^^^'°" ^" Royaume d'Italie , que Charles fon père lui avoit
naît. 5r Ber~ donné comme il en conftoit par fes Lettres. Mais le Pape de-
iri. ad ann, manda de fon côté au Roi Louis la confirmation de la donation
que le môme Prince avoit faite de l'Abbaye de faint Denys à
l'Eglife Romaine. Aucune de ces donations n'eut lieu. Mais on
publia dans le Concile une excommunication contre Hugues ,
fils naturel de Lothaire , & contre fes Complices , parce qu'ils
Jnan. Epijl. Gontinuoient leurs ravages. Il fut aulfi ordonné, qu'Hedenulfe
'*î' qui avoit été fait Evêque de Laon à la place d'Hincmar, après
le Concile de Douzi , reftcroit paifiblc polTeffeur de ce Siège.
On permit toutefois à Hincmar déchanter s'il pouvoir la Méfie;
& on lui afiigna une partie des revenus de 1 Evcché de Laon
Po^. 3,7. pour fournir à fii fubliftance. Le Pape termina le Concile par
un difcour" , où il exhorta les Evêques à s'unir avec lui pour la
îdéfenfe de l'Eglife Romaine ; & le Roi à venir fans délai la déli-
DU N E UT V 1 E IVT- E; S a EX L E. 7©p^
vrer de fes ennemis. Il accorda quelques privilèges aux E"lifes Pa^. i-^.
d-e Tours , de Poitiers , au Monaftete de' Fleuri ■;■ 6c ir V^la î
Evêque de Metz , de porter le Pallïum ; ce qui occafionna dans pig^ t
la fuite un différend entre lui & Bertulfe, Archevêque de l'reves Hb. j, cap. ij!
fon Métropolitain, qui fondé fur un Canon portant défenfe à un
Suffragant de s'attribuer de nouveaux droits fans le confente-
ment de foii Métropolitain , lui défendit de porter le Paîlium.
XXXVIII. Jean VIII. pour fe conformer aux Canons qui Condle da
& Anfpert , Archevêque de Milan, l'un &c l'autre avec leurs ^îJ^^^''*' "'''
Suffragans. Pour les y engager , il leur fie fçavoir , qu'outre les
affaires Ecclefialliques , on y tfaitêroit de Medion d'un Empe-,-
reur. Carloman , Roi de Bavière, auroit pu prétendre à lEm- ■
pire; mais fa mauvaife flmté ne lui permettoit pas d'ngir ; &
Louis le Bègue étoit mort le dixième d'Avril. Le Pape defti- >
n'oit la Couronne Impériale au Roi Charles , frère de Carloman ; -
mais il eut des raifons pour fufpendre fon éledion ; & elle n'eut '-
Keu qu'en 88'i. Anfpert n'étant pas venuauConcile, le Papele.f
priva de la communion Ecclellartique, & lui enjoignit de fe'^
rendre à celui qu'il ticndroit le douze d'Odobre de la niêmc^i
année 87p. i : vt
'XXXIX. Le Concile fe tint au jour marqué. Anfpert n'y : Concile d»
vint. pas , 6c n'envoya perfonncde fa part. Le Pape le dépofa j .'^«•"'-'«"S;*-
& écrivit' aux Evêques de la Province de Milan de procéder à'^
î'életlion d'un autre Archevêque. Dans lentre-ternsde ces deux''^
Conciles, Anfperc comptant pour rien fon excommunication'"
du premier de Mai avoit ordonné un nommé Jofeph ^ Evêqué-
de Verceil. Le Pape déclara nulle cette Ordination , ôc ot'''-
donna lui-même pour Evêque de cette Ville Confpert , à^rtui -L ;:::»
Carloman , en qualité de Roi d'Italie, avoit donné l'Evê<;h^ .5;:^.noD3«
de Vereeil. ob-
• A
y u u u iij
7ior CONCILES
CHAPITRE XXXVIII.
Concile de Cofijîandnople pour le ràahlijjement
de Photius,
Concile de I. T A mort du Patriarche Ignace arrivée le vingt-trois d'Oc-
^°"^"""°' i ^tobre 878 , fut une occafion favorable à Photius d ufurpec
de nouveau le Siège de Conftantinople. Il s'en empara dès le
troifiémc jourjôc envoya auflîtôt à Rome Théodore , Métropoli-
tain de Patras , avec une Lettre au Pape Jean VIIL où il difoit,
qu'on lui ayoit fait violence pour rentrer dans ce Siège. Afin de
donner plus de crédit à cette Lettre , il la fit foufcrire par plu-
fieurs Métropolitains , qu'il trompa en leur faifant entendre qu'il
s'agilToit d'un contrat d'acquifition qui dcvoit demeurer fecret.
Il fuppofa aufli des Lettres , tant fous le nom du Patriarche
Ignace , que d'autres Evêques , où le Pape étoit prié de rece-
voir Photius ; & il y en joignit une de l'Empereur Bafîlc en fa
faveur. La négociation fut heureufe. Le Pape réfolu de recon-
noître Photius , envoya des Légats à Conflantinople chargés de
plufieurs Lettres , toutes favorables au rétablifTement de Photius,
& d'une inftrutlion fur la manière dont ils dévoient fe com-
porter dans le Concile , avec le Patriarche , les Légats d'Orient
& les autres Evêques. Cette inftruction avoir été approuvée 6c
foufcrite par plufieurs Evêques que le Pape aflembla pour ce
fujct, entr'autres , par Zacharie , Evêque d'Anagnia & Biblio-
thécaire du faint Siège , par cinq Prêtres ôc deux Diacres.
Ades de I !• Photius convoqua le Concile au mois de Novembre 87p.
«Concile. Qn 3 ^té longtems fans en rendre publics les ades , à l'e-xception
de quelques fragmens publiés par Beveregius , 6c fans les tra-
duire en latin , quoiqu'ils fuffent en grec en diverfcs Bibliothè-
ques de l'Europe , dans celle du Vatican , & dans celle de
Bavière. Frédéric Metius eft le premier qui les ait mis en latin.
Baronius qui avoir vu cette traduction , s'en eft fervi dans fes
Annales , où il a donné une Hiftoire abrégée de ce Concile. C'efl:
de-ià qu'eft tiré tout ce qu'on en lit dans les collections de
BiniuSjdu Louvre, 6c du Perc Labbe. Monfieur Balufc ayant
fait venir de Rome une copie fidelle du texte grec avec la
DU NEUVIEME SIECLE. 7ÏÏ
"Verfion de Metius , la communiqua à M. l'Abbé Fleuri qui en
infera des extraits dans Ion Hiftoire Ecclefiafîique. Il la com-
muniqua aulli au Pcre le Quicn. Enfin le Père Hardouin a
donné ces udes en grec Car le raanufcrit du Vatican , avec une
verfion latine.
III. Il fe trouva à la première Seffion , dont le jour n'eft , , Première
pas marqué , trois cens quitre-vingt Evoques. Photius y préfida, Y'°"* c
& toute cette féance fe pafla en complimens de la part des ciLHarip^i
Lée,ats <?<: de Photius. Les Evêques Grecs donnèrent de grands -h.
éloges à Photius & à l'Empereur. Ils déclarèrent quêtant
unis entr'eux , ils n'avoient pas befoin de ce Concile; qu'on
l'avoit plutôt alîemblé pour juQiHer l'Egiife Romaine des ca-
lomnies répandues contr'elle par un refte de Schifmatiques.
Les Légats de leur côté témoignèrent que le Pape Jean vouloit
avoir Photius pour fon frère , & lui donnèrent de la part du
Pape des habits Pontificaux, avec le pallium ôc des fandales.
Il n'eft rien dit de ces préfens dans les Lettres du Pape ; cétoit
toutefois l'ufage d'en faire mention dans les Lettres adrellécs aux
perfonnes pour qui étoient les préfens.
I V. On tint la féconde Seiîion le dix-fept de Novembre , SeconJ*
non dans la grande Salle fecrete comme la première , mais dans ^ '^"^"*
la grande Eglife de Conftantinople , au côté droit des galeries *"-5'^'
hautes nommées Cathécumenies. Photius y préfida , ayaiic
auprès de lui les trois Légats du Pape, Pierre , Prêtre Cardinal ;
Paul 6c Eugène , Evoques. Pierre ouvrit la SefFion par un dif-
cours latin , qui fiit rendu en grec par Léon , Secrétaire de
PEmpereur. Enfuite Pierre demanda qu'on lût les Lettres qu'il
avoit apportées pour l'Empereur , pour Photius 6c pour les
Evêques du Concile. On commença parla Lettre a PEmpereu?.
Le Secrétaire Léon l'avoit traduite en grec , 6c ce fut de cette
forte qu'on l'inféra dans les ades ; mais elle ell en beaucoup de
chofes différente de l'original latin. Néanmoins les Légats qui
en entendirent la letture , ne fe plaignirent point de ces altéfci-
tions , quoiqu'elles fuffent importantes. Le Pape s'éfoit plairtc
que Photius eût repris fes fondions fans confulter le faint Sic^e.
H avoit ordonné à Photius de demander pitrdon en plein Con-
cile , & à cette condition il lui accordoit l'abfoluticHT. Toutes
ces circonftances font fupprimées dans la traduction grecque,
oia Ton a mis en place de grandes louanges à Photius. A-jfli
Procope de Céfarée 6c les autres Evêques Grecs témoignerertc
en être contens. On lut après cela la Lettre à Photius , dont dn
i7?2 .T J D rC X) 'NT'C I L E :S '■ J
flvdit-aîtcralelfefis ÔC'fupprimé plufieurs circonflances. Cette
-lecture achevée ,' Pierre demanda la Jurifdiction fur la Bulgarie ;
-comme on ne lui rcpondoitque par des difcours vagues , il de-
manda comment Photius étoit rentre dans fon Siège? L? Con-
cile re'pondit qu'il y e'toit rentré du confentement des trois Pa-
îriarcliç» d'Orient^ à la prière de l'Empereur , en cédant à la
.violenceôc à laXupplication de toute i'Egiiie de Conftantinople.
.Phojius prenant la-parole , fit lui-même fon Apologie , & le Con-
cile y applaudit. Le rcfle de la Seflion fut employée à lire les Let-
tres des Patriarches & des Evêques d'Orient à Photius , elles
. étoient toutes à fa.louange. Abraham , Métropolitain d'Amide ,
-prononça anathêmé contre quiconque ne recevoir pas Photius.
Troifiéme; V. La troifiéme Selhon fut tenue le dix-neuviéme de Nc-
**''°"' -Venibre , au même endroit, Photius préfidant, ôc les Légats
aflis auprès de lui. On lut premièrement la Lettre du Pape aux
Evêques dépendans de Conftantinople , ôc à ceux des premières
Eglifes, c'eft-à-dire , de Jérufalem, d'Antioche, d'Alexandrie;
le Tradutfteur ne favoit pas rendue plus Hdellement que les
autres du même Pape , ëc au lieu que Jean VIIL avoit ordonné
, : à Photius de demander mifericorde devant tout le Concile,
l'Literprête difoit feulement que Photius ne devoit pas dédai-
gner de reconnoître devant le Concile la bonté & la miferi-
corde , dont l'Eglife Romaine avoit ufé en le recevant. Le
•Concile ne fit donc aucune diiiicultéde recevoir cette Lettre,
excepté ce qui regardoit la Jurifdiction fur la Bulgarie. Procopc
de Cefarée entreprit de montrer que Piaotius avoit pu pafler de
l'état de Laïc à i'Epifcopat , ôc après qu'il eut fini de parler , on
lut la Lettre fynodique de Théodofe , Patriarche de Jérufalem ,
adrelTée à l'Empereur , ou il difuit anathême à qui ne recevo'it
' ■. pasPhotius. Le Concile répéta l'anathême. Les Légats voyant
la réunion des fuffrages en faveur de Photius , lui donnèrent des
louanges. Puis ils demandèrent qu'on lût leur inflruttion , que
le Secrétaire Léon avoit traduite en grec. Sur le dixième article
qui regardoit l'abrogation des Conciles tenus contre Photius,
le Concile faifant allufion au Concile de Conftantinople en 85p ,
. ôc que l'on compte po'ir le huitième général , dit : Nous difons
anathême à quiconque ne le rejette pas. On donna des louanges
au Papequi avoit drcn"é l'infîrudion , ôc aux Légats pour l'avoir
fuivic en tout. Ils s'applaudirent des fatigues ôc des travaux qu'ils
avoient foufl'erts pour procurer la réunion des Eglifes ; ôc pour
montrer quÇ les Évêqu.çs d'Occident étoient d'accord de rece-
voir
DU NEUVIEME SIECLE. 71?
voir le Patriarche Photius, on lut les noms de ceux qui avoient
loufcrità l'infiruction dans le Concile de Rome.
VI. La quatrième Seflion eft datée du vingt-quatre Dé- Quamcme
cembre , veiile de Noël ; elle fe tint comme la première dans la '^^"^"•
grande Salle fecrette. On y admit le Métropolitain de Marty- ^'^^' ^^^'
ropoiis qui vcnoit d'arriver , apportant des Lettres des Patriar-
ches d'Antiochc ôc de Jérufalem. Elles furent approuvées una-
nimement du Concile , parce qu'ils déclaroient l'un 6c l'autre
qu'ils n'avoient eu aucune part à ce qui s'étoit fait contre
Photius. On admit aulli deux Patrices, qui demandèrent pardon
de s'être féparés de Photius , difant qu'ils n'avoient donné leurs
foufcriptions contre lui, que parce qu'on les avoir féduits. Ils fc
feroient , ajouterent-ils , contentés de rabfolution du Patriarche ;
mais leur foufcription étant contre lui-même , ils crurent devoir
attendre labrolution d"un autre Siège. Le Concile les reçut
comme fesenfans & fes propres membres.
VIL Les Légats du Pape en firent de même. Puis ils pro- Artirîes de
.poferent les articles qui dévoient fervir de fondement à la réu- p',!',,^
-nion des deux Eglifes ; ils étoient contenus dans la Lettre du =•' ' "
Pape à l'Empereur. Le premier portoit , que l'Archevoque de
'Conftantinople ne feroit plus à l'avenir d'Ordination dans la
Bulgarie, & n'y enverroit point le Pailium. Le Concile répondit
que le Règlement des limites des Diocèfes n'avoit point de
rapport à ce qui faifoitle fujet del'aiïemblée; que cette queflioii
'demandoit un autre tems ; qu'au refte on fe jcindroit aux Légats,
pour obtenir là-deffus de l'Empereur un Règlement conforme
aux Canons. Il étoitdit dans le fécond article , qu'on ne pren- Fig.in,
droit plus perfonne d'entre les Laïcs pour l'élever fur le Siège de
Conftantinople. Les Evêques répondirent , que fi l'on exciuoit
les Laïcs de l'Epifcopat , c'en feroit fait des Chaires épifcopales,
puifque la plupart des Evêques qui brilloient alors , avoient été
■tirés d'entre les Laïcs ; que l'Êglife Romaine qui n'étoit point
dans l'ufage de prendre fes Evêques dans le nombre des Laïcs,
pouvoit fe maintenir dans cet ufage ; mais qu'il n'étoit pas de
-même des Eglifes d'Orient ; qu'à Alexandrie , à Antioche , & à
Jérufalem on ne fiifoit point de difficulté d'élever à l'Epifcopat
un La'C d'un mérite diiiingué ; qu'on en avoit ufé de mèp.ie à
Conflantinople; & que quoiqu'il fût à fouhaiter que l'on prît
les Evêques dans le Clergé , toutefois s'il ne s'en trouvoit poiiir ■
qui fulïent dignes de l'Epifcopat , il valoit mieux en choific
parmi les Laïcs. Le troifiéme article ordonnoit de tirer le P^- JbiL
Tome X XI L Xxxx
fefCion,
714 CONCILES
triarche de Conftantinople d'entre les Prêtres & les Diacres de îa
même Egiife. Le Concile répondit qu'on le feroit s'il s'en,:
trouvoit de capable ; finon qu'on le choiliroit dans toute l'Eglife.
Le quatrième contenoit la condamnation des Conciles tenus à
Rome ôc à Conftantinople contre Photius. Cet article fut reçu
avec l'applaudiflement de tout le Concile; ôc il confirma avec '
Pag, i\4. plaillr le cinquième, qui portoit excommunication contre tous-
ceux qui ne vouloient pas reconncître Photius. Le Légat Pierre
dit, que la paix & la concorde étant rendues à l'Eglife, il falloit
célébrer avec le Patriarche Photius. C'étoit l'heure de l'OHice,
ôc tous y alfifterent.
Cinquième y j j j^ ^^ cinquième Seiïion flit tenue le 26 de Janvier 880
p* ,, dans les Galeries hautes de la grande Egiife. Photius propofa
^ de reconnoître le fécond Concile de Nicée pour le feptiéme
Concile général. Le Légat Pierre déclara que l'Eglife Romaine ,
en avoir reçu les Décrets au fujet des Images, ôc qu'elle le nom-
moit feptiéme Concile général. On dit donc anathême à qui-
conque n'admettoit point ce Concile. Métrophane , Métropo-
litain de Smyrne , continuoit à s'oppofer à Photius. Il fut cité de
la part du Concile, ôc n'ayant point voulu comparoître fous
prétexte de maladie, il fut féparé de la communion Ecclefiaf-
Pafiiç, tique. On fit diversRéglemens,qui tendoient à affermir l'autorité
de Photius ; fçavoir , que tous ceux que le Pape Jean VIII.
avoit excommuniés , feroient cenfés fournis à la même cenfure
par Photius ; ôc que tous ceux que Photius auroit excommu-
niés ou dépofés , ou anathématifés , le Pape Jean les regarderoit
comme excommuniés , dépofés , anathématifés ; qu'il feroit au
pouvoir de Photius après la fin du Concile de recevoir ceux qui
reviendroient de leur fchifme , ôc d'excommunier les impéni-
tens , ôc en particulier Métrophane ; que les Evoques qui avoient
quitté l'Epifcopat pour fe faire Moines, ne pourroient plus re-
venir à l'Epifcopat , parce que de fe réduire au rang des Moi-
nes, c'eft fe mettre au rang des pénitens ; tel étoitl'ufage des
Eglifes d'Orient , où l'on élevoit quelquefois des Moines à
l'Epifcopat , mais où l'on ne permettoit jamais que des Evêques
devenus Moines , repriffent leurs premières fondions. Il fut
encore arrêté , que Ci un Laïc au mépris des Loix Impériales ÔC
des Canons de l'Eglife , frappoit ou emprifonnoit un Evêque ,
il feroit anathématifé.
Soufcriiitions 1 X. Les Evcques du Concile de Rome avoient foufcrit à
jcs Dccias ^g. ^^^.jI y avoit été réglé pour la réception de Photius ôc la cafTa-
Pa^.^ie, tion des actes faits contre lui. Les Légats demandèrent que l'on
DU NEUVIEME SIECLE. 71?
foufcrivît de même à tout ce qui venoit d'être déciJd dans le
Concile ; & les Evêques y ayant confenti , Paul , Evoque
d'Ancone ; Eugène, Evéque d'Ortie; &. le Cardinal Pierre,
tous trois Légats du Pape Jean VIIL foufcrivirent les premiers
aux aftes qu'on avoir écrits fur du parchemin; & après eux , les
Députés des Patriarches d'Orient ; puis les Métropolitains ôc
les autres Evêques , au nombre de 5 Se. Ils exprimèrent dans
leurs foufcriptions l'acceptation du fécond Concile deNicée,
ièptiéme général , ôc fon Décret touchant les faintes Images.
Photius ne foufcrivit point , apparemment parce que tout étant
en fa faveur, on ne pouvoir douter qu'il n'approuvât ce qui avoit
été fait.
X. L'Empereur Bafile qui avoit affedé de ne pas fe trouver Sixième
aux cinq premières Sellions , de peur , difoit-il , qu'on ne dît „/
dans le public que l'union des EgUlcs s'ctoit faite , ou par crainte
ou par complaifance pour lui , prclida à la fixiéme qui fe tint
au Palais. Il propofa de publier , non une nouvelle profeffion
de foi , mais celle de Nicée , déjà approuvée dans les autres
Conciles. Le but de cette propofition étoit de condamner taci-
tement l'addition ^iioque, en publiant une profeflion de foi où
cette addition ne fp trouvoit pas. Néanmoins les Légats de
Rome donnèrent comme tous les autres leur confentement. On
lut donc le fymbole de Nicée avec la prétace de Photius, où il
difoit que le Concile embralToit cette définition , avec anathême
à tous ceux qui feroient allez hardis pour compofer une autre
profeiHon de foi, ou altérer celle-ci par des paroles étrangères, des
additions ou des fouflractions. Tous s'écrièrent qu'ils croyoient
ainfi ; que c'étoit dans cette foi qu'ils avoient été baptifés 6c
ordonnés. L'Empereur foufcrivit aux a£les avec fes trois li!s.
Au lieu du fvmbole de Nicée , Beveregius lifoit dans foii
exemplaire , celui deConllantinople en 58 i.
XI. Cette définition de foi fut lue une féconde fois dans la ^J^^P'""^*'
feptiéme Seilion , qui fut tenue dans la grande Eglife le treize de p ^^ '. g^
Mars, ôc on répéta l'anathême contre quiconque enôteroit, ou y
ajouteroit. Procope de Cefarée Ht enfuite un difcours , où prodi-
guant les louanges à Photius , il ne craignit point de le comparer
à Jefus-Chrift , ôc de lui appliquer ce que faint Paul dit du
Sauveur dans l'Epître aux Hébreux : Ncm avons un Ponùfe qui H h. 4, 14»
d pénétré k Ciel. Les Légats du Pape renouyellerentl'anati.iéme
•contre qui ne reconnoifloit pas Photius pour Patriarche. Le
Concile l'approuva ôc finit par les acclamations ordinaires.
X X X X ij
7i(? C O N C I L E S
Lettre i!u XI f. On a mis à la fuite des actes du Concile une Lettre du"
Pape ^ Jean Pape Jean à Photius, dans laquelle il traite de tranfgrelTeurs de
tius ^ vas. ^^ \>^^o\e de Dieu ^ & de corrupteurs de la doctrine de Jefus-
j4î. Elle pa- Chrift , des Apôtres Ôc des Pères, ceux qui avoient ajouté au ■
loit luppofcc. ^yj^'^^^g j^ p^xTÛculs fiiioqm. Il les range avec Judas, comme'
déchirans les membres de Jefus-Chrill , par le fcandale qu'ils •
avoient caule dans les Eglifes. Mais après s'être fervi d'cxpref-
lions fi dures , il fe radoucit en quelque forte , difant , qu'on ne
doit toutefois contraindre perfonne à quitter cette addition faite '
au fymbole ; niais exhorter doucement les autres à renoncer à
ce blafphème. Le Cardinal Baronius(a) a rejette cette Lettre
comme fuppofée par quelque Grec. N'en pourroit-on pas accufec
Photius lui-même? On fçait qu'il en fabriqua une fous le nom ■■
du Pape Nicolas I. ( t ) à qui il faifoit dire fauffement qu'il éta- •
blilToit avec lui pour l'avenir une communion ôc une ainitié -
inviolable ; qu'il compofà un Livre ( c ) plein de fauflfetés contre •
l'Eglife Romaine , ôc le même Pape ; qu'il trompa ( cl ) l'Empe-
reur Bafile par une faulTe généalogie , où il le faifoit defcendre de
Tiridate , Roi d'Arménie ; ôc on ne peut douter qu'il n'ait eu -
part à la falfilication des Lettres du Pape Jean VIII. produites
dans le Concile dont nous venons de parler. Quelque complai-
fance que l'on fuppofe dans ce Pape pour Photius *!<; pour l'Em-
pereur Bafile , on ne pourra jamais lui attribuer avec vraifem-
blance d'avoir traité de blafphème l'addition ^/io^î^c qui étoit
reçue daiTs plufieurs Eglifes d'Occident, avec Icfquelles l'Eglife
Romaine étoit en communion fans qu'elles fudent en aucune
manière inquiétées fur ce point. Il n'en avoit plus été quefiiou
depuis les conférences des Envoyés de Charlemagne avec le
Pape Léon III. Comment , pendant un ti longtems , les Papes ,
fuccelTeurs de Léon III. dont quelques-uns , ôc le Pape Jean.
VIII. lui-môme avoient oiii chanter en France le fymbole
avec cette addition , ne firent-ils aucune démarche pour retran-
cher un ufage , qu'ils auroient regardé comme un blafphème?
L'Auteur de la Lettre dit même des chofes qu'il ne feroit pas
facile de concilier ; ce qui pourroit donner lieu de douter qu'elle
fût de Photius , trop habile fauflaire pour ne pas fçavoir fe fou-
tenir. La Lettre fait dire au Pape Jean : A'ous croyons qu'on ne
doit contraindre perfonne à quitter celte addition faite au fymbole ,
mais ufer àe douceur (s à^ économie j exhortant peu à peu les autres
DU NEUVIEME SIECLE. 717
èl renoncer à ce blafghême. Si l'addition ëtoit un blafphcme >
falloit-il ufer de douceur pour la retrancher ? Ne falloit-il pas
au-contraire ufer d anathême fuivant lufage du tems où on les
prodiguoit •pour réformer des abus qui n'étoient rien moins que
des blafphêmes ? Enfin on ne voit point à quelle occallon , ni en
quel tems le Pape Jean VllI. auroitpu écrire cette Lettre. Ce
n'eft point une rcponfe àPliotius , qui n'avoit point écrit au Pape
fur ce fujet. Cela eft dit expreflément : J\ii voulu vcus éclairàr
avant même que vcus iri' en écnviey^. On dira que Photius confulta le
Pape fur le fimbole par un Envoyé. La lettre le porte. Mais en quel
tems cetEnvoyé fut-il àRome. Avant le Concile? Le Papeatiroit
donné là-defTus des inilrudions à fes Légats. Après le Concile ?
Mais le Pape qui n'approuva que ce qui s etoit fait pour la réfuta-
tion de Photius , & avec les rellridions qu'il avoit marquées dans
fa Lettre à l'EmpereurBafilCj fe feroit-il relâché au point d'ac-
corder fur l'addition fdioque , plus que le Concile n'avoit de-
mandé , c'eft-à-dire , de publier le fymbole de Nicée ou de
Conflantinople , (ans cette addition ? .
XIII. Ce qui fe palîa depuis le retour des Légats fera voir Suites <în-;
encore que le Pape Jean VIIL ne devoitpoint être porté à écrire Conftanrino-
une Lettre aufli favorable aux Grecs que celle qu'on lui a fuppo- pe.
fée. Ces Légats fe contentèrent de lui faire rapport du rétabiilïe-
rnent de la piix dans l'Eglife de Conftantinople par celui de
Photius ; de la reflitution de la Bulgarie , ou plutôt de la pro-
Biefl'e qu'on avoit faite de la reftituer, ôc des ordres donnés par
l'Empereur pour le départ de la Flotte qu'il envoyoit au fecours
de l'Italie. lien écrivit à ce Prince pour l'en remercier, mais
avec cette ciaufe remarquable : Nous recevons ce que le Concile
de Conftantinople a accordé par grâce pour la reflitution de
Flîotius. Si nos Lerats ont fait quelque chofe contre nos ordres , •^"''"^ ■^P'J^'
nous ne le recevons point ôc ne jugeons pas qu'il foit d"aucune °''
force. Il mit !a même rcftriction dans fa Lettre à Photius , & en
lui témoignant fa joie de la réunion de l'Eglife de Conllanti-
nopile , il le plaint de l'inexécution de fes ordres. Ayant appris
enfuite que les Légats ne les avoient point exécutés , il députa
en Orient l'Evcque Marin , avec pouvoir d'annuller tout ce
qu'ils avoient fait de contraire à leurs inftrudions , & de frapper
même Photius d'anathême. Cette conduite de Jean VIII. ■ ^
fournit-elle la moindre apparence à la Lettre adrelfée fous fon Aukiiir no- '
nom à Photius ? Une dernière preuve de fa fuppofitionjc'efl: qu'il viP. lHh'.wT, •
n'en elt fait aucune mention dans celle que Photius écrivit après ^^'■■V-'^à- 5^7. -
XXXX lij
7i8 CONCILES
la mort de Jean VIII. à l'Archevêque d'Aquilée, quoiqu'il y
combatte la doctrine des Occidentaux fur la proceilion du ^aint
Efprit. Pour montrer qu'il ne procède pas du Père & du Fils ,
Photius citeLeon III. ôc lesLégats au Concile de Conftantinople
auquel il préfidoit. Il ne dit pas un mot de la Lettre préte.idué de
Jean VIII. foit parce qu'on en avoir déjà reconnu la fauiTeté,,
foit qu'elle n'ait été fabriquée que depuis Photius.
Ades de XIV. Il fut condamné ôc rejette par les fuccefleurs de Jcaii.
ce Concile VIII. par Marin II. par Adrien III. par Eftienne V. ôc pac
rejettes. pormofe. Aucun d'eux n'eut égard à ce qui s'étoit paffé en fa
faveur dans le Concile de Conftantinople, que l'on a depuis
regardé dans l'Eglife Catholique comme un Conciliabule fans
aucune autorité.
CHAPITRE XXXIX.
Des Conciles de Rouen , de Mante , & autres ,
juf^uen l'an 5^04.
Concile de I. /^N n'a rien d'affuré fur l'époque du Concile de Rodome
Rouen, tom. \^^ OU Rouen. Le Père Hardouin le met en 87S. Dom
fhomlg. p^g. Beffm dans fa colleaion des Conciles tenus en cette Ville, le
ij,edit.ann. place fous le règne de Clovis II. & l'Epifcopat de faintOuen,
1717 ScCon , raifon qu'il en donne, c'ell: que ce Concile condamne les
6, fag. 1C5, mêmes abus , que ce faint Eveque condamne dans la vie de lauiç
Can. I. Eloi. Ce Concile fit feize Canons , dont le premier porte ,
qu'après l'Offertoire on encenfera les oblations en mémoire de
Can. z. la mort du Sauveur; le fécond, que les Prêtres communieront
de leurs propres mains les Laïcs des deux fexes en leur mcttanjc
l'Euchariflie dans la bouche , ôc prononçant ces paroles : Que
le Corps du Seigneur ôc fon Sang vous fervent pour la réminion
des péchés ôc la vie éternelle. C'ell que certains Prêtres nç
voulant point prendre eux-mêmes les divins myfteres qu'ils
avoient confacrés , les donnoient à des Laïcs , même à des
femmes, incapables de diftinguer entre la nourriture fpirituellç
ôc corporelle. Le Concile fépare de l'Autel ceux qui à l'avenir
^ en uferont de la forte. Il eft ordonné par le troifiéme , de payer
'^"' ^' exactement la dixme , tant des fruits que des animaux , fans
commutation d'efpece ^ fous peine d'anathême envers ceux cjuj
DU NEUVIEME SIECLE. 715
iétant avertis deux Ôc trois fois , refuferont de la payer. Le qua-
trième détend toutes fortes de remèdes fuperflitieux , foit pour Can.^,
les maladies d'animaux , foit pour quelque calamité. Ces remèdes
confifioient en certains vers diaboliques que les Pâtres ou les
Challeurs prononçoicnt fur du pain, ou fur des herbes , ou fur
des ligatures 5 qu ils cachoicnt enfuite dans un arbre , ou qu'ils
jettoient fur un clicmin fourchu. Il eft dit dans le cinquième, ç^^ y^
que l'on ne rebaptifcra point ceux qui ont été baptifés au nona
de la fainte Trinité chez les Hérétiques ; que l'on fe contentera
de les inftruire ôc de leur impofer les mains en les recevant dans
l'Eglife.
I I. Le fixiéme défend de recevoir ceux qui auront été Can. c.
excommuniés pour leurs fautes par leur propre Evcquc. Le
feptiéme défend , fous peine d'être chaffé du Clergé , à un Prêtre Q/j. 7.
de donner de l'argent ou des préfens , foit à un Clerc , foit à un
Laïc , pour fe faire mettre en poUeffion de l'Eglife d'un autre,
ou même d'une Eglife vacante. On défend dans le huitième Cxn. «»
d'admettre aux fondions Eccleliaftiques des Evéques ou des
Prêtres inconnus , fans le confentement du Synode. Il avoic
déjà été défendu de donner le voile à des veuves ; le neuvième Can. 9.
Canon renouvelle cette dètènfe , & réferve à l'Evêque feul de
donner le voile aux Vierges. Le dixième ordonne aux Evêques dn. 10,
d'entrer fouvcnt dans les Monafleres de Moines 6c de Reîi-
gieufes , accompagné de perfonnes graves ôc pieufes; d'en exa-
miner l'obfervance ; de punir de prifon les fautes contre la
chafteté ; ôc d'empêcher qu'aucun Laïc n'entre dans le Cloître ni
dans les chambres des Religieufes ; l'entrée du Cloître n'étant
pas même permife au Prêtre, (i ce n'eil pour la célébration de
la MefTe. C'eft que les Eglifesdcs Monaiteres de Filles étoienc
dans l'enclos.
III. L'Evêque ne quittera point fon Eglife Cathédrale pour Can. n,
aller faire fes fondions en quelqu'autre Eglife de fon Dioccfe.
Si un Laïc en a frappé un autre jufqu'à ettulion de fang , il fera (2an. i*.
pénitence pendant vingt jours, fi c'êft unClerc^fa pénitence fera de
trente jours , ôc on augmentera la peine à proportion des degrés
aufquels le coupable fera élevé ; un Diacre fera \\y. nicis en
pénitence; un Prêtre pendant un an ; un Evêque deux ans ÔC '
demi. Ceux qui feront ce que font les Payens aux Ca'endes de Ccm. ij.
Janvier , ou qui obferveront fuperllitieufement la lune , les.
jours , les heures , feront anathème. Les Prêtres auront foin Can. 14,
d avertir les £,eas de la campagne occupés a la garde des trou-
720 Ç O N CI LE 5
peaux , de venir à la Méfie les Dimanches j étant comme les.
autres hommes rachetés du Sang de JeCus-Chrifl , on ne doit
Can. I). point négliger leur falut. A 1 égard de' ceux qui demeurent dans
les Villes & dans les Villages, on les avertira d'ainder les jours
de Fctes & Dimanches aux Vêpres, aux Offices de la nuit,
& à la Mefl'e ; ôc l'on conRituera des Doyens craignant Dieu,
pour préfixer les pareileux de fe rendre au Service de Dieu. Les
jours de Fêtes le célébreront d'un foir à l'autre , en s'abftenant
de toute œuvre fervile , ôc dans un rçfped convenable. Lorfque
l'Evêque fera la vifite de fon Dipcèfe , un Archidiacre ou un
Archi-Prêtre le devancera d'un jour ou deux , pour annoncer
fon arrivée dans les Paroiffes , & tous, excepté les infirmes , fe
trouveront au Synode le jour marqué, lous peine d'être privés de
la communion. S'il y a des affaires de moindre importance,
i'Archi-Prêtre les vuidera avec le Clergé du lieu , aiin que
l'Evêque à fon arrivée ne foit occupé que des plus difficiles.
■L'infcription de ce Concile porte qu'il étoit général , c'eu-à-dire,
conipofc desSuiFragans de rArchevêché de Rouen. Il efl fans
date & fans foufcriptions.
Concile île I V. Bofon , Duc de Lombatdie , voyant les Etats de Louis le
^ManteenSvp, ;gegue entre les mains de fes deux fils Louis ôc Carloman ,
'"'"•^'^'""'''' profita de leur peu d'autorité pour fe faire déclarer Roi de
■•^'^^*^^'' Provence. Il aflembla pour cet effet les Evêques & les grands
Seigneurs du Royaume d'Arles , & ayant intimidé les uns ,
gagné les autres par promefTes , ils lélirent Roi. L'éledion fe
iità Mante près de Vienne , le quinzième d'Odcbre 87p , oii fe
trouvèrent dix-fept Evêques & fix Archevêques. Ottram de
Vienne foufcrivit le premier au décret d'éledion , enfuite Aure-
lien de Lyon. Les Evêques & les Seigneurs difenr dans ce décret,
,que manquant de Protecleur depuis la mort de Louis le Bègue ,
ils ont choifi Bcfon pour leur Roi, comme le plus capable de
les défendre par l'autorité qu'il a eue fous les Rois précédens ,
ôc par l'afTeclion du Pape Jean VIÎI. qui l'avoir adopté pour fon
fils. Le décret eft fulvi d'une Lettre du Concile au nouveau Roi ,
pourlui demander fon confentement à réle(flion ,à laquelle on
.fuppofequ'ils'étoitoppofé,ôc pourlui marquer les conditions
de fon éledion ; f^avoir , de prendre la défcnfe del'Eglife Catho-
lique , de rendre la juftice à tous fes Sujets , ôc de remplir les
autres devoirs de la Royauté. La réponfe de ce Prince elt con-
forme, Bofon promet tout,ôc témoigne n'accepter que pour ne
pas réfifter à la volonté de Dieu. Il demande que les Evêques
ordonnent.
DU NEUVIEME SIECLE. 721^
ordonnent , chacun dans leur Diocèfe, des prières pendant trois
jours , pour lui obtenir de Dieu la rémifilon de fes péchés , 6c les
lumières pour bien gouverner l'Etat. Les acles de ce Concile
avoientécc publiés par Guillaume Paradin, dans les Annales de
Bourgogne imprimées à Lyon en ij^iS" , avant que les Peres-
Sirmond & Labbe les infernilent dans leurs Collections,
V. Ils mettent enfuice deux Lettres fynodales fous le nom Concile do
dliincmar de Reims . dont la première porte , que dans un ^^^''''■-'^'^^''^■*
Concile tenu en cette Vule le 22 d Avril 879 , le rretre (joq-
balde convaincu d'avoir eu un mauvais commerce avec une
femme nommée Dode , fut privé de fes fondions. On voit par
la.feconde , que dans le même Concile on excommunia Foulcre
& Hardoife, qui s'étant mariés enfemble, quoique parens, re-
fufoientdefe féparer. On les menaça , s'ils perlilîoient dans leur
opiniâtreté , de leur refufer même à la mort la Communion du
Corps & du Sang de Jefus-Ciirift , & de les priver des honneurs
de la fépulture Eccléliaffique, c'eft-à-dire de ne pas prier pour
eux fuivant i'ufage de l'Eglife , ôc de ne pas les enterrer avec les
autres Chrétiens.
V L Le Pape Jean avoit fouvent averti Athanafe , Evêque Conciie J»
de Naples, de rompre le traité fait avec les Sarrafms. Il l'avoit Roinnenssi,
promis ,& conienti d être depolc de 1 hpiicopatôc anatnematue yj^.^ ,^5, .
au cas qu'il continuât fon alliance avec eux. Malgré toutes ces
promedes , & fans égard à l'argent qu'il avoit reçu du Pape pour
fe féparer de ces Barbares, il partagea avec eux le butin. Le
Pape fut donc contraint de procéder contre lui dans un Concile
qu'il tint à Rome au mois d'Avril 881 , ôc de le priver de la
communion Eccléfiadique jufqu'à ce qu'il fe fiât féparé des
Sarrafms. Il fit part de cette Sentence aux Evêques voifins , ôc
quelques inftances qu'Athanafe fit pendant plus d'un an pour .hnn.Ejnlf.
obtenir l'abfolurion de fon excommunication, il ne la lui accorda ^?4>r''!i- -'°*
qu'à condition qu'il lui envoyeroit les principaux d'entre les
Sarrafms , dont il lui marquoit les noms , ôc que l'on égorgeroit
les autres.
VII. Dans les commencemens du mois d'Avril de la même. Concile i!e
année 881 , les Evêques de France de diverfes Provinces s'af- ss^^o/n. 9,
femblerent à Fifmes , au Diocèfe de Reims , dans l'Eglife de C-ndl. pag^
fainte Macre, Martyre. On ne fçait pas les noms de ces Eve- 5 57-
ques , parce que les foufcriptions ne font pas venues jufqu'à
nous i mais on ne peut douter qu'Hincmar n'ait préfidé à ce
Concile , qui fe tenoit dans fon Diocèfe ; ôc que les huit articles
Tome XXI L Yyyj
722 CONCILES
que nous en avons ne foient de fa façon : on y reconnoît fon flyle
ôc la longueur de fes difcours. Il déclare dans la préface , que le
Concile ne fe pit>pofe point de faire de nouveaux Statuts , mais
de remettre en vigueur les anciens , entièrement négligés dans
Cap. !. ces tems malheureux. Dans la Loi nouvelle comme aans l'an-
cienne, les deux Puiifances deftinées à gouverner le monde ont
toujours été dillinguées de façon , qu'elles avoient chacune leurs
fonttions feparées. La temporelle, le maniement des affaires
politiques; la fpirituelle, ce qui concerne le facré Miniftere. Il
n'étoit pas permis à l'une d'entreprendre fur les droits de l'autre.
Oza fut frappé de lèpre pour avoir mis la main à l'encenfoir.
Les Prêtres avoient même l'avantage d'oindre les Rois , de
leur mettre le diadème fur la tête & de leur préfenter le livre
de la Loi, afin qu'ils fçuffent comment fe conduire , gouverner
leurs Sujets & refpecler les ?vliniftres du Seigneur.
dp. î. VIII. Les Evêques contraints dans ces tems de troubles de
s'occuper du foin des affaires féculieres, négligeoient les fonc-
tions de leur miniftere , ce qui occafionnoit la perte des âmes ^
Q:p. :. par le défaut d'inftrudion ôc de correction. Le remède étoit de
faire entendre aux Princes temporels qu'il étoit de leur devoir
de faire jouir les Eglifes , des biens , des droits , des privilèges
Cj}\ 4. accordés par leurs prédéceffeurs. îlconvenoit aufii que les Com-
miffaircs du Roi, avec l'Evéque Diocèfain,fe rendident danS'
les Monafteres , tant de Chanoines que de Moines ôc de Rcli-
gieufes , du confentemcnt de ceux qui en font en polfeillon ,
pour y examiner le nombre ôc les mœurs des Religieux , leurs
revenus, l'état des lieux réguliers, du tréfor , de la bibliothè-
que, comment s'exerçoit 1 hofpitalité , Taumône; gu'ih dref-
faffent de tout un état exatl pour être envoyé au Roi , alin qu'il
y fut pourvu avec le confeil des Evoques , ôc que l'on aug-
mentât le nombre des Chanoines ou des Moines lorfqu'il fè
trouveroit infutfifant. On devoir aulli lui rendre compte de la
manière dont les Abbés exécutoient les ordres des Envoyés
du Roi. Cétoit une précaution ncceffairc , à caufe que les Mo-
nafteres tomboient fouvent en décadence par la faute des Sei-
gneurs fécuiiers qui les poffédoient , ôc en abforboient les re-
venus.
Cap. f. I X. Les pillages qui devenoient de jour en jour plus fré-
quens , occafionnoient encore la ruine des Eglifes ôc des Mo-
naftcres. Le Concile rapporte grand nombre de pdflagcs de
l'Ecriture ôc des Pcres j quelques-uns même des fauffes Utcre-
DU NEUVIEME SIECLE. 725
taies, contre ces fortes de brigandages , avec ordre aux Evcques
d'anathcmatifcr les coupables , & de les obliger à reftitution. Il
exhorte le Roi ôc fes Oillciers à rendre non-feulement la jufHce dp. s,
avec dquitc & à prendre la défenfe de la veuve , de l'orphelin ,
du pauvre , mais encore à réprimer ceux qui par leurs vols ôc
leurs rapines troubloient le repos public. Surquoi il donne de
iongs extraits des Capitulaires , aiin que l'on connut que les pil-
lages & les rapines n etoient pas moins contraires aux Loix
humaines qu'aux divines. Il employé auili les paroles del'Ecri- ^.'7. 7.'
ture 6c des Pères pour montrer la néceilité de la pe'nitence 6c
de la reflitution dans ceux qui s etoient emparés du bien d'autrui,
foit par vol , ou par ufure , ou par d'autres voyes illégitimes.
Puis s'adrelfant au Roi Louis III. il lui propofe l'exemple de Caj). s.
Charlemagne , qui quoique très-infiruit des liantes Ecritures êc
des Loix Eccléliaftiques 6c Civiles , tenoit toujours auprès de
lui trois de ies plus fages Confeillcrs , 6c mettoit au chevet de
fon lit des tablettes où il écrivoit même la nuit toutes les pen-
fées qui lui venoient touchant l'avantage de l'Eglife ou de l'Etat,
pour les communiquer à fon Confeil. Le Concile rcpréfente au
jeune Prince Louis qu'il ne devoir pas fouffrir que ceux qu'il
s'étoit afiociés dans le gouvernement de fon Royaume, s'em- ■
paradent de toute l'autorité ; qu'il devoir par fa fageffe s'élever
au-deffus de (on âge , 6c prendre dans les deux Ordres des Laïcs
& des Clercs , des Confeillers avec qui il s'aiïemblât chaque mois
pour le bien de l'Etat & de l'Eglife. On trouve (a) parmi les
Opufcules d'Hincmar une longue exhortation que le Concile
■envoya au Roi , contre les ravideurs qui enlevoient des veu\ es ,
des lîlles , 6c même des Religicufes ; il y joignit plulieurs extraits
■des Canons fur ce fujer.
X. Le Roi Louis après la mort d'Odon , Evêquc de Beau- -^^^^'p'-^
vais, avoit fait élire un Clerc nommé Odoacre. On préfenta le cret<iciedioii
Décret d'élection au Concile de Fifmcs , qui n'y eut aucun ''"O^oa^^-.
égard , jugeant Odoacre indigne de l'Epifcopat. Les Eve- irr^m/^r
ques en écrivirent au Roi , à qui ils détaillèrent les raifons de j-c-g' >8S.
leur refus , ôc lui demandèrent la liberté des éledions. La Cour
prit le parti d'Odoacre. Hincniar s'oppoi'a ; publia contre llntrus
une Sentence d'excommunication avec les Evêques de fa Pro-
vince , ôc empêcha par-là qu'il ne fut reconnu pour Evêque dô
( « ) Tom. 2. j cpufcul, l6 j p.tg, 123.
Y y y y ij
72^ CONCILES
Beauvais. On auroit du mettre cette Lettre à la fuite des Acle9
du Concile de Fifmes , mais elle ne fe trouve que da"ns le re-
cueil des œuvres d'Hincmar, parce qu'en effet ce fut lui qui
l'écrivit. Il y combat une maxime que quelques-uns vouloient
établir; fçavoir, que les Rois font les maures des biens de l'E-
glife , ôc d'en difpofer en faveur de qui il leur plaifoit. Il fait:
envifager au Roi Louis de pareils difcours comme fuggerés pat
le malin Efprit , ôc montre que fuivant la dottrine des Saints , les
biens de l'Eglife font offerts ôc confacrés à Dieu ; que ce font les
vœux des Fidèles , le prix des péchés , ôc le patrimoine des pau-
vres ; que celui qui en retient une partie e(t digne du même
châtiment qu'Ananie ôc Saphire ; que les Empereurs Charles ôc
Louis , convaincus de cette vérité , ont défendu dans leurs Ca-
pitulaires aux Rois leurs fucceffeurs de faire aucune divifion ni
aliénation des biens de l'Eglife ; ôc fouvent témoigné être plus
difpofés à les augmenter qua les diminuer. Il exhçrte ce jeune
Prince à ne point fe difpenfer d'une obligation que fes pré-
déceffeurs avoient reconnue, ôc qu'ils lui avoient tranfmife,
ôc l'affure que de-là dépendent le bonheur ôc la félicité de foix
règne.
Conciles ce ■ XL On connoît fept Conciles tenus àLandaffen Angleterre,
Lnn.JaiF en ^^^^^ j| i^'^f^ point aifé d'en (ixer les années à cuufe de l'obfcurité
Ançletene , . i i i i • i t- a o i n • • i
t^m.sfi^ncv. qui règne dans Ja chronologie des hveques ôc des Kois qui les
T?.ig. 190 C- ont affemblés. Au refte il ne s'y paffa rien de bien important.
^^■'^' Les A 6tes ne parlent que d'exconimunications portées contre
des parjures , des homicides , des inceftueux ôc des ufurpateurs
des biens de l'Eglife. Nous ne remarquerons donc que l'ufagede
jurer fur l'Autel par le Saint des Saints , en préfence des Livres
facrés ôc des Reliques des Saints , lorfqu'on vouloit affurer une
vérité qui n'étoit pas connue , ôc ne la pouvoit ctie que pat fer-
ment.
.Concile de XII. Le Conciie affembléledix-huitiémedeMaiàChâions-
ehiions-fiir- fur-Saône dans l'Eglife de faint Marcel fan 88(5, eut pour but
S'cS le rétabliffementdelapaix ôc de la tranquillité publique; ôc de
m- 199. finir quelques affaires particulières entre des Ecclcfiafliques.
Aurelien , Archevêque de Lyon , v prélida , aiïillé de Bernoin,
Archevêque de Vienne ; de fix Evcques ; de Leboin, co-Evô-
que.de Lyon, ôc.-d'un Prêtre, Chancelier de l'Eglife de fainr
Mammert. On y confirma à l'Abbaye de Charlicu toutes les
dona'tions qul'lui avoient été faites jufqucs-là, avec pouvoir aux'
Moines de fe choifir un Abbé après la mort d'Ingelaire qui l'é-r
toit alors. .
DU NEUVIEME SIECLE, 72?
XlII. Le dix-feptiéme de Novembre de la même année. Concile c?«
Théodore , Archevêque de Narbonne , ayant reçu des Lettres du ^''"'" ^"
Pape Efticnne V. contre un Clerc Efpagnol qui avoir ufurpé c-ncil. va^.
l'Archevêché de Tarragone , & s'étoit t'ait ordonner Tans le con- 3?^
fentement du Métropolitain , cita Tes Ordinateurs ; ils refuferent
de comparoitre, ce qui l'obligea de convoquer un Concile en
un lieu nommé Port dans le Diocèfe de Niiines. Ils y furent con-
damnés; mais ayant demandé pardon avec humilité, on le leur
accorda. Quant à Sclva & à Ermemire qui avoient été ordonnés
contre les règles , on les dépouilla avec ignominie de leurs or-
nemens pontiiicau.\'.
XI V. L'année fuivante 887 ^ k premier jour d'Avril , Guil- Concile Je
lebert Archevêque de Coloîrne, Francon de'l onF,res, ôc ouel- ^„"'%".j '■'^
qucs autres Lvcques s ailcmbiercnt a Loîogne du conientement 5^6.
de i Empereur Charles, pour régler diverses aHaires. Le Clergé
de Miadcn y envoya des Députés chargés de prier le Concile
d'ordonner Drogon qu'ils avoient élu unanimement pour leur
Evêque. On leur accorda leur demande, & Drogon fut facré C.:<i. i.
Evoque. Francon de Tongres reprefenta que fon Diocèfe fouf-
froit beaucoup de la parc des Schifmatiques & de ceux quipil-
loient les Eglii'es. Le Concile renouvellant les anciens Canons, On. t.
menaça danatliême les auteurs de ces violences, fi pour le pre-
mier Synode qui devoir fe tenir à la Fête de f'aint Jean-Baptiile ,
ils ne fe foumettoient à la pénitence , félon les Statuts des Pères.
On rapporta pluiîeurs de ces Statuts, dent un eft tiré de la faulfe Can. 3,
Décrétale du Pape Anaclet; les autres des Conciles de Tolède
& des Capitulaires ; & on fit défenfes à tout Laïc de rien donner Can. 4^
ni prendre des biens des Eglifes fans la permilîion de l'Evcque
dans le territoire duquel ces Eglifes font lituées. Ce Concile re-
nouvelle encore les anciens Canons contre les mariages incef-
tueux , contre les adultères & contre les Vierges qui après s'ê-
tre confacrées à Dieu vivoient dans le libertinage. Liudbert Ar-
chevêque de Cologne ôc faint Rambert Evêque de Hambourg ,
donnèrent leur confentement à tout ce qui fut réglé dans ce
Concile, apparemment par Députés, n'ayant pu y être préfens
en perfonne.
X V. Raoul ou R.odolphej fils de Conrad lî. s'étant emparé Concile
du Pays d'entre les Alpes & le Mont Jura en S 88 , convoqua la t''l'?*'V '""
A ' A/Tii'i 1^ • oit- A \ t^ ■ n"S, icin p
même année une Atlemblce de Seigneurs & d n-vcques a iaiat-CotcL -,1/
Maurice en Valais, où il fe fit élire & couronner Roi. La céré-; -s^o^ «'^'■.^•^C
monie unie , ii envoya des Députés dans les Etats de Lothaire "''-""'^ '*''^'
Y y y nj
1^6 CONCILES
pourfe rendre favorables les Seigneurs fie les Evêques. C'ed tout
ce que Reginon^ Abbé dePrum,qui vivoit alors , nous apprend
de ce Concile.
Concile de XVI. Jl s'en tint un la même année à Tvlayence par ordre
cl7^"/^ ^" d'Arnoui , qui venoit d'être reconnu Roi de Germanie. Les
Ccncil. l'ag. Archeveques de Mayence , de Cologne & de Trêves s'y trouve-
4°'. rent avec leurs SufFragans. On y fit vingt-fix Canons, qui font
précédés d'une préface , où l'on fait une tride peinture des cala-
mités de l'Eglife , les Temples détruits, les Autels renverfés,
foulés aux pieds , les ornemens facrés diiFipés ou confumés par
le feu ; les Evêques & les autres Miniftres des Autels mis à
mort par le fer ou par le feu ; les Moines ôc les Religieufes
diperfés , fans fecours & fans Fadeurs; les pauvres opprimés ;
on ne voyoit que pillages , que rapines , que meurtres :le Pays
;Cm. I , î , 3. étoit réduit en folitude. Les Evêques dans ces circonftances s'ef-
forcèrent de remettre en vigueur les anciens Canons , 6c après
avoir ordonné que l'on feroit des prières générales pour la prof-
périté du règne du Roi Arnoul , & lui avoir repréfenté les devoirs
■Can. 4. de la Royautéjils déclarèrent que la dot des Eglifes ne demeureroit
point au pouvoir des Fondateurs , mais d-^s Evêques ; qu'un Prê-
5- ti-e qui fe feroit fait pourvoir d'une Eglife par argent feroit dé-
pofé; que l'on ne pourroit confier la delTerte d'une Eglife à un
Prêtre , ni ne la lui otcr , fans le confentement de TEvêque ; que
:Car..6 ,7. l'on anathématiferoit les ufurpateurs des biens de l'Eglife ôc des
Monaderes ; que l'on chalTeroit de l'Eglife ceux qui auroient
maltraité ou calomnié un Clerc.
■Can. S, XVII. Arnon, Evêque de Virzbourg, fe plaignit que des
fcéiérats s'étoient faifis d'un Prêtre vénérable, lui avoient coupé
le nez , & rafé les cheveux , & donné tant de coups, qu'il étoit
redé à demi mort fur la place. Le Concile les excommunia, ré-
fcrvant à leurs propres Evêques de les abfoudre après une péni-
;Can. 9- tence convenable. Il défendit de célébrer la MclVe ailleurs que
dans les lieux confacrés par l'Evêque ; permettant , au défaut
d'Eglife , de la dire dans des Chapelles , & même en plein air
dans les voyapcs , fur une pierre d'Autel confacrée. Les anciens
Gi7i. 10, Canons avoient permis aux Clercs de loger chez eux leurs plus
proches parentes : on leur défend ici de loger même leurs propres
£an. 12. fœurs. Un Evoque ne fera point condamné que fur la dépofition
de foixante-douze témoins fans reproclics ; un Prêtre fur la dépo-
fition de quarante-deux; un Diacre fur la dépofition de vingt-fix,
Çcn. 13. ÔC ainfi des Minidres inférieurs à proportion. On ne privera pas
DU NEUVIEME SIÈCLE. 727
les anciennes Eglifes de leurs dixmes ni de leurs autres revenus
pour en fonder de nouveaux Oratoires. Les Evéques n'entre- Cm. 14, ly.
prendront rien fur les ParoiOes d'un autre Diocèfe fans le confen-
tement de l'Ordinaire.
XV III. La pénitence de celui qui aura tué un Prêtre cfl Cw. \6.
prefcrite en cette manière : il ne mangera point de chair & ne
boira point de vin toute fa vie. Il jeûnera tous les jours jufqu'au
foir, excepté les Dimanches & les Fêtes. Il ne portera point
les armes , & fera tous fes voyages à pied. L'entrée de l'Hglifc
lui fera interdite pendant cinq ans ; ôc durant la Meffe ôc les au-
tres Oflices il demeurera à la porte , priant Dieu de l'abfoudre
d'un fi grand crime. Les fept années fuivantes il entrera dans
l'Eglife , fans y recevoir la Communion , ôc prendra place parmi
les Auditeurs. Après douze ans de pénitence, on lui accordera
la Communion ;ôc alors il ne fera plus fa pénitence que trois fois
la femaine. Le Concile fournit à l'anathême un nommé Alte- Caî. rS.-
jnannus qui, après avoir été féparé par autorité de l'Eglil'e de fa
commère fpiritueHe, qu'il avoit époufée contre les régies , l'a-
voit reprife pour fa femme. Les autres Canons ne font que des
extraits des anciens Conciles.
XIX. La première année du règne d'Arnou! , c'ed-à-dire en Concile is-
8S8 , on tint un Concile à Metz dans l'Eglife de f.iint Arnoui , ^''-^'^ ^■" ''^^*
fituée alors dans un des Fauxliourgs de cette Ville. Ratbod ,
Arclievêque de Trêves, y préfida , accompagné de Robert,
Evêquc de Metz , des Evêques de Toul & de Verdun fes
Suffragans, de l'y^bbé Eftienne & de piufieurs Prêtres. Il s'y
trouva aufii des Comtes & d'autres perfonnes nobles, rccom-
mandables par leur piété. Les Evêques, comme ceux du Con- Cm. i.-
cile de Mayence , attribuent les guerres & les autres calamités
publiques à l'interruption des Conciles Provinciaux , & fe plai-
gnent en parti(^uiier des maux qu'ils avoicnt foufFérts de la part
des Normands , ô^uils foulrroienr encore de tous cotés de la
part des mauvais Chrétiens. Ne trouvant point d'autres armes
pour les réduire aux devoirs que le glaive fpirituel, ils firent
treize Canons, dont voici la fubftance. Défenfe aux Seigneurs Cw, i;-
Laïcs de prendre aucune portion des dixmes de fon Egiife,
c'efl-à-dire de celle dont il eft Patron. C'ell: au Prêtre qui la
deflfert à les tirer, tant pour fa fubfillance que pour le lumi-
naire, l'entretien de l'Eglife & des bâtimens, la fourniture des .
ornemcns & toutes les chofcs nécelTaires au facré miniflere. Ihi
Prêtre ne pourra a\oir deux Eglifes, fi ce n'efl une ChapelleO?. ;.
728 CONCILES
qui dépende anciennement de fa Paroifle, ou quelque Eglife
adjacente & unie à cette ParoiiTe ; car c ed beaucoup s'il peut
en gouverner une avec fruit, & il ne doit point fe charger des
âmes dans la vue de fon intérêt temporel.
Cvi. 4. XX. On n'exigera point de cens des terres données pour la
.Cm.?, fépulture , ni argent pour Ja fépulture môme. Les Pmtres ne
logeront aucune femme , pas mêrne leur mère ni leurs fœurs.
Cw. e. Ils montreront à leur Evêque dans le prochain Synode leurs
livres & leurs habits facerdotaux ; conferveront le faint Chrême
feus la clef, ne porteront point d'armes ni d'habits laïcs. On
n'admettra pas deux parains dans le Baptême , mais un feul qui
fçache les renonciations que l'on y fait, & la profeliion de la
Can. 7. foi Catliolique. Sur la requête en plainte contre les Juifs , pré-
fentce parGontbert, Primicier de l'Eglife de Metz, il fut dé-
fendu aux Chrétiens de manger avec eux , & de recevoir d'eux
^Qin.8. ce qui peut être bu ou mangé. Il fut aulfi défendu aux Prêtres
de dire la PvîefTe dans des lieux non confacrés ; & ordomié de
confccrer les Eglifes qui avoient été confacrces par des co-Evê-
ques. Deux Kdigieuiés convaincues de crimes, avoient été
chafTées du Monailere de faint Pierre fans leur donner de voile :
■Can. $. Le Concile ordonna qu'on leur rendroit le voile , ôc qu'on les
mettroit en prifon dans le Monailere, où elles auroient pour
nourriture un peu de pain & d'eau, ôc beaucoup d.inftrudions,
jufqu'à ce qu'elles euflent fatisfait. On ordonna encore la prifon
à un Diacre convaincu de facrilege, & on lui interdit le faint
miniitere.
-Can. lo. XXL Une Dame , aidée de fon frère , avoit quitt,é fon mari.
•Le Curé de la Paroifle étant allé chez eux pour faire ceffer ce
fcandale , ils Le mutilèrent. Cités au Concile j ils refuferent de
,Ci/;. II. çomparcitre. C.'eft pourquoi on les e;ccommunia. On prononça
^ulli Sentence d'exconiitiunication contre les pillards qui rava-
geoicnt la Province, ôc deux particuliers qiii avoient Contracté
.Can, M. des mariages illégitimes ;ôc on renouvella les défenfes de com-
muniquer avec les excommuniés ; mais on -excepta leurs Serfs,
Jcurs Affranchis ôc leurs Vaiïaux. Le Concile allègue l'autorité
de la Lettre de fiint Clément à faint Jacques , qu'on reconnoît
pour fuppofée. Le dernier Règlement porte un jeune de trois
jours avec des prières pour le Roi Arnoul , pour la paix ôc pour
la convcrfion des pécheurs.
.■Concîlc (le XXI J. La Rcinc Ermengarde s'étant alTemblée à Varennes
avec plufieurs Evêques 6c les Seigneurs de la Cour de Louis,
fils
V.ireni c
pis , '■en.. 9
DU NEUVIEME SIECLE. 729
fils de Bofon ; Bernon , i\bhé de Gigny , dans le Diocî^fe de Condl. pug.
Lyon , fe plaignit qu'un nommé Bernard , Vaiïal de cette Pria- ''''*
cefTe , s'étoit emparé de la Celle de la iBaume , qui appartenoit
au Monadere de Gigny par conceCùon du Roi Rodolphe. Ber-
nard .cité devant le Concilf j repondit que Louis, iils de Bofon,
lui en avoitfait donation. Les deux parties ouies , la Celle de
la Baume fut adjugée à Bernon 6c à fes Moines. Ermengarde
foufcrivit à ce jugement, & après elle Rofiaing , Archevêque
d'Arles; Andrade , de Châlons-fur-Saone ; Ilaac, de Grenoble,
puis les Seigneurs Laïcs. On met cette AflTcmblée en SSp ,
parce que Louis n'y e(t point qualiiié Roi , & qu'il ne le fut que
l'année iuivante- Mais il fenible (a) qu'on ne peut la mettre-
au plutôt qu'en 894. , puifque le Dipiome du Roi Rodolfe
portant la donation de cette Celle au Monaftere de Gigny , eu
datte de cette année-là , qui étoir la feiziéme du règne de ce
Prince. Si Louis n'eft pas qualifié Roi dans ce Concile, ce n'eil
pas qu'il n'en eût le titre. L'Empereur Charles le lui avoit donné
avant'i'an 88p, comme il efl dit dans les Ades du Concile
fuJvant.
X X î IL En 890 Bernoin , Archevêque de 'Vienile , in un ■<"'•'•'' ''^ «î*
voyage à Rome , où il repréfenta au Pape Ëllienne V. le fâcheux 8)oTibtd.va^^
^tat du Royaume depuis la mort de l'Empereur Charles. Touf 4*4-
y étoit dans le trouble, faute de Maître^ pour gouverner ; & les^
Habitans fe voyoient expofés au pillage , tant de la part des
Normands que des Sarralins. Le Pape touché jufqu'aux larmes,
écrivit aux Evêques de la Gaule Cilalpine de proclamer unani-
mement Roi Louis, fils de Boî'on. Ce fut le motif du Concile
de Valence tenu la même année. Aurelicn de Lyon, Rouaing
d'Arles, A.rnaud d'Embrun , & Bernoin de Vienne, y afilflerent
avec plufieurs autres Evoques , qui s'accordèrent , fuiva-nt le
confeil d'Efiienne V. à .choifir & à facrer Pvoi Louis, fils de
Bofon , ôc d'Ermcngarde, (ille de l'Empereur Louis II. Quoi-
qu'il ne fut pas d'un âge à réprimer les entreprifes des Barbares,
n'étant âgé que de dix ans , on comptoit fur les bons confeiîs
de la Nobleiîe , ôc furtoutde fon oncle Richard , Duc de Bour-
gogne, ôc de fa mère la Reine Ermengarde.
, XXIV. Il eft parlé dans Luitprand , dans Adam de Brème rrmdle âe
•ôc dans Flodoard , d'un Concile tenu à Vormes par ordre du Y'^^fj ^^
Tome XXII. Zz zz
4iS.
73© CONCILES
Pape Eftienne V. Voici quelle en fut roccafioti. HermatTy
Archevêque de Cologne , avoit envoyé des plaintes au faine
Siège contre Adelgaire, Evêque de Hambourg & de Brème ,
qui de fon coté en envoya auiii contre Herman , qu'il accufoit
dt^ntreprendre fur les droits de fon Egiife. Adelgaire Ht même
le voyage de Rome pour être plus à portée de foutenir fon droit
fur f Ëglife de Brème que Herman lui conteftoit. Le Pape cita
lierman à Rome. N'ayant point comparu, Eftienne écrivit à
Foulques , Archevêque de Reims , de tenir en fon nom un
Concile à Vormes , où les Archevêques de Cologne ôc de
JMayence dévoient alfifler avec leurs Suffragans 6c Adelgaire ,
afin que les droits des parties fuffent examinés en leur prélence.
On ne fçait point ce qui fut décidé alors ; mais dans le Concile
de Tribut, en 89 j , on caffa l'érctlion de Hambourg en ?»lé-
tropole & fon union avec Brème , qui fut réduit à un fimple
Evêché foumis à TArchevêque de Cologne.
Concile XXV. Le Roi Alfrede étant mort le vingt-huitième d'Oc-
ti'Angieterre tobrc ço I ,. Edcuard fou fils aîné lui fuccéda. 11 eft c^nnu dans
^ar°j°z-l%'. l'Hifloire fous le nom d'Edouard le Vieux. Dès le commence-
ment de Ibn règne il convoqua un Concile , auquel Piegmond,.
Archevêque de Cantorberi , préfida. On y lut des Lettres du:
Pape Formofe , contenant de grandes plaintes contre îe Roi,
de ce qu'il n'y avoit point d'Evêques depuis fept ans dans tout
le Pays de Gevifes , ou d'Oueflex. Le Roi & les Evêques du
Concile choifirent donc un Evêque pour chaque Province de ce
Pays 5 Ôc diviferent deux Evêchés en cinq ; mais avant que d'or-
donner ces nouveaux Evêques , Piegmond fut chargé de porter
à Rome le Décret du Concile, avec des préfens pourlc Pape.
Le Décret fut approuvé , & Piegmond à ibn retour ordonna à
Cantorberi fept Evêques , pour autant de Provinces. Guillaume
de Malmelburi met ce Concile après l'an 904., & le Regidre
de l'Eglife de Cantorberi en poj. Il y ell: dit que le Pape
Formofe ratifia le Décret du Concile d'Angleterre dans un-
Synode qu'il tint à faint Pierre, pour le rendre puis fiable.
^ M j. XX VLP.endant la tenue du Concile quele Roi Eudes avoit
Concile de ■'*• ^ , v ,, r t ■ 1 1 t>- v r 1/-. i '
Mtunenijoi, convoquc a Meun-lur-Loire dans le l)ioc;;led Orléans cnpoi ,
iirid.i'o^.ii-- ]es Moines du Monafiere defaint'Pierre dans le Fauxbourg de
Sens,, préfentorcnt une requête en plainte, portant que les
Evêques de cette Ville leur donnoient fouvent des Abbés tirés
^'autres TVÎonaTleres , ce qui leur avoit caufé de grands dom-
maj^es. Le Concile eut cg;vrd à leur remontrance j & à la pnexe
DU NEUVIEME SIECLE, tji
•même de Gautier, alors Archevêque de Sens, il fut ordonné
que conformément à la Règle de faint Benoît 6c aux anciens
Canons, on n'ordonneroit à l'avenir aucun Abbé pour le Mo-
naftere de faint Pierre , qu'il n'eût été élu librement par la
Communauté. Seize , tant Evoques qu'Archevêques , foufcri-
virent à ce Décret ; Gautier de Sens à la tête.
XX VU. En 8i?2 les deux Légats, Pafchal & Jean ^ que ^Concile d«
Formule avoit envoyés en France , tinrent par fon ordre un syil^i'w.M?^.
Concile à Vienne, où ils préfiderent. Il s'y trouva plufieurs 453.
Evêques, entre autres Bernoin, Archevêque de Vienne , &
Aurelien de Lyon , avec deux Evêques ; l'un de Valence , l'au-
tre de Grenoble. Le Concile fit quatre Canons, qui portent Cm. i.
que les Séculiers qui continueront à s'emparer des biens del'E-
glife , feront excommuniés ;que l'on foumettra à la même peine Cm. z.
les Laïcs qui auront tué , ou mutilé , ou deshonoré un Clerc ,
■ou lui auront coupé quelque membre; que l'on punira de même Cm.i^
ceux qui auront fraudé les legs pieux faits par un Evêque ou par
un Prêtre. Il y avoit des Séculiers qui donnoient ou offroient Cm. 4.
des Eglifés fans le confentement des Evêques, & qui exigeoient
■des Prêtres les droits d'entrée dans un Bénéfice ; le Concile
défend tous ces abus.
XXVIII. Foulques , Archevêque de Reims , alTembla un Coxi<^Ai de
oncile en Spa, ou de lavis desliveques ôc des Seigneurs qui ihià.-çi-'.M\,
y affifterent , il fit proclamer Roi le jeune Prince Charles, fils de
Louis le Bègue & d'Adélaïde, quoiqu'il ne fut âgé que de qua-
torze ans. Il fut facré au mois de Janvier de l'année fuivante;
mais il ne jouit que d'une partie de fes Etats , parce que le Roi
Eudes s'étoit emparé de l'autre. 11 fut réfolu dans le môme
•Concile d'excommunier Baudouin , Comte de Flandres, con-
vaincu de plufieurs crimes : mais on crut devoir fufpendre l'exé-
cution de cette Sentence, fur ce qu'il pouvoir être utile à
i'Eglife ôc .î l'Etat dans les circonflances préfentes. On fe con-
tenta donc de l'avertir de fe corriger , & on lui en donna le
■tcms.
XXIX. Nous apprenor^s de Flodoard que le Pape Formofe Concile Je
affembla un Concile à Rome le premier de Mars 895 , auquel '■-^m«enS93,
il invita Foulques , Archevêque de Reims. Il paroît qu'il y fut ' '^^' *
queftion davifer aux moyens de pacifier les troubles occafion-
îiés par de nouvelles erreurs que l'on répandoit de toutes parts,.
& par des fchifmes qui s'élevoient dans I'Eglife de Coiiûaiiti-»
nople ôc en Orient.
Z z 2; z i;
732 CONCILES
Concile de XXX. Adalgaire , Evêque d'Autun , étant mort, il fe r^-
Chalons-fur- pendit un bruit qu'il avoit été emooifonné par Gerfroi , Diacre
Saône en 894, *„ t. /r • 1 t^i • • • ' / 1 Tt r 1
ibid.pagAî?; ^^ /Mome Qc rlavignvj. qui avoit exerce dans ce Monaltere les
& a;ji/rf Ah- fonctions de Prévôt. Une accufation de cette nature caufa un
itù. hb. ;.; , f^-jjp.^gjg ^^y^^ toute l'Eslifc de Fraiice. Gerfroi fe iuliiiia d'abord
?9,l)j.j. z'jx' auprès de Waion , fucceffeur d' Adalgaire ; mais l'Evêque n'ofant
*" fe charger feul de la décifion d'une aifaire (i importante , la ren-»
voya au jugement de fes Comproyinciaux. Ils s'affemblerent
à Châlons dans l'Egiife de faint jean-Baptifte le i jour de Mai
85)4. Aurelien de Lyon préudoit; ôc dans les Actes de ce Coa-
cile il efl qualifié Primat de toute la Gaule. Les autres Evoques
écoient, Walon d'Autun , Ardrard de Châlons , Gerauid de
Mâcon. Teutbold de Langres n'y alFifta que par fes Députés.
Gerfroi fe préfenta ; fa caufe fut examinée ; on ne trouva aucune
preuve contre lui; il ne parut aucun accufateur après trois pro-
clamations. Il fut donc arrêté que pour faire ce(Ter le bruit fcan-
daleux, Gerfroi fe purgeroit du crime dont il étoit accufé au
premier Synode , en recevant des mains de Walon la fainte
Communion , pour témoignage de fon innocence. Le Synode
fe tint dans le iMonaftcre de Flavigny ; Walon célébra publi-
quement la Meflc dans TEglife de faint Pierre ;. & Jtyant fait
avertir Gerfroi de s'approcher de la Communion, ou de s'en
retirer félon le ténicignage de fa confcience, il s'approcha , 6c
prenant Dieu à témoin & le prix de notre rédemption qu'il al-
îoit recevoir ,. il reçut en préfence de tout le monde le Corps
de Jefus-Chrift. Comme il ne lui en arrivoit point de mal,
Waion lui en donna un a£te auteurique, qu'il foufcrivit avea
Ardrard de Châlons , & Gerauid de jMàcon.
Concile r'e X X X I. Au mois de Mai de l'an S^ ^ , le Roi Arnoul afren>
Vf°^\ùm.T ^^^ ^^^ ^^^^ Palais de Tribur près de Mayence, un Concile
C^rxil pag. général de tous lés Etats. Il s'y trouva vingt-deux Evoques. Ds
*>3' ce nombre étoient les Archevêques de Mayence, de Cologne
& de Trêves , qui fignerent les premiers. Quoiqu'il y eut auOi
piufieurs Abbés, il ne paroît point de foufcriptions de leur parc.
Le Concile fut précédé d"ui"i jeihne de trois jours, de proccf-
fions ôc de prières publiques. Le jour de l'Aflemblcc les Evo-
ques dépotèrent au Roi pour fçavoir sil étoit dans ledciTein de
protéger i'Egiilc , ôc d'en augmenter l'autorité. Le Roi leur
envoya des Seigneurs de ù part pour leur dire , qu'ils ne s'appli-
Gyiafrent qu'aux- fondions de leur Miniflere,ôc qu'ils le trouve^
roient toujours prêt à les défendre. Sur cela les Ev£ques [9
DU NEUVIEME SIECLE. 7^5
levèrent, firent des prières & des acclamations pour ce Prince.
On Ibnna les cloches. On chanta IcTeDeum. l'uis lesEvcques
s"ctant inclinés devant les Dcputds du Roi , iij les chargèrent de
lui témoigner leur reconnoilKince. Comme ils commençoient à
traiter les affaires de l'Cglife, le Roi entra dans ic Concile. Il fut
admis aux délil-etations , ôc de fon côté il admit les Evêques à
fon Confeil ; enforte que tout fe paiTa d;;ns le Concile avec una-
nimité.
XXXII. On y fit cinquante-b.uit Canons , qui tendent f,^''^"." ^^
prefquc tous a réprimer les violences & l'impunité des crinie?.
Un Laïc avoit rendu aveugle un Prctre, fous prétexte d'un crime c«. 1.
dont il étoit innocent ; l'Evcque avoit cité ce La'ic à fon Synode,
mais il en avoit appelle au Concile. Le Prêtre uenîanda jufhce
aux Evêques , qui députèrent au Roi pour fçavoir ce que l'on
ordonneroit de ce Laïc , & des autres pécheurs e.xccmmunieVqui •
refufoicnt de f.iire pénitence, & lui envoyèrent en même-ttms
l'extrait des Canons qui défendent de communiquer avec- les
excommuniés. Le P..oi ordonna à tous les Comtes de fon Can. ;.
Royaume de fe faifir de tous les excommuniés qui ne ie fcu-
mettoient pas à la pénitence, ôc de les lui amener. Rajouta que
il quelques-uns d'eux vencient à être tués en fe révoltant contre
ceux qu'on envoyeroit pour les prendre, les Evcaues n'impo-
feroicnt aucune pénitence à ces Envoyés; ôc que de fon coté il
ne permettroit pas qu'on leur Fit payer la compofition des Lcix,
ni quelesparens des morts en pourfuiviflent la vengeance. Le
Concile régla la compofition que devoit payer celui qui avoit C".i/!. 4.
bleiïé ou maltraité un Prêtre ; & à l'égard de cekii qui en avoit
tué un , il prefcrivit une pénitence , à peu près dans les mêmes Cm. y.
termes qu'elle avoit été réglée dans le leiziémc Canon du Con-
cile deAIayencecn 8S8, rapporté plushaut.
X X XI I ï. Celui-là eit coupable de facrilege ^ qui entre Can. 6.
dans le vefiibule de l'Egiife l'épée nue. C'en efc un ci'eniever
l'argent, ou les meubles de l'Egiife. Quant aux biens qu'elle pof- Cm. 7^
fede au-dehors , les Comtes doivent contraindre ceux qui s'en
font emparés à les reftituer. A leur défaut , les Evêques procé-
deront a cette reflitution par les voyes cationiqucs. Celui qui Cin. 8.
méprife le ban de l'Evèque, c'eft-à-dire, ia citation, jeûnera
quarante jours au pain ôc à l'eau. Si le jour que l'Evêque , dans c.m. 9-.
le cours de fa vifite, a marqué pour tenir fon Audience , fe ren-
contre avec celui que le Comte a indiqué pour la fienne, tout le
peuple obéira à i'Evêque préferabienient au Comte, qui fera;
Z-zzz lij
17
754 CONCILES
obligé lui-même de fe trouver à l'Audience del'Evêque, mais
dans le lieu de la réfidence de l'Evcque. On aura égard à celui
Cw. ic. des deux qui aura indiqué le premier fon Audience. Un Evêque
ne pourra être dépofé que par douze Evêques ; un Prêtre par (îx ;
Ctn. n. un Diacre par trois. Le Clerc qui aura fait un homicide , même
par contrainte , fera dépofé , foit qu'il foit Prêtre ou Diacre ; mais
s'il n'a été que préfent à Thomicide , fans y avoir participé en
aucune forte , il demeurera dans fon grade. Les jours defdnésau
Cm. lî. Baptême folemnel , font les Fêtes de Pâques & de la Pentecôte.
On pouvoitle conférer en tout autre tems , en cas de néceflité.
Il fe donnoit encore alors par la triple immerfion. On fuivoit
■Cm. t;. aulii l'ancien ufage pour le partage des dixmes & des oblations
en quatre parts , l'une pour f Evêque , l'autre pour les Clercs , la
troifiéme pour les pauvres y la quatrième pour les réparations des
Eglifes.
■Can. 14. XXXIV. Les dixmes & les autres pofleflions feront con-
fervées aux anciennes Eglifes. Si quelqu'un cultive de nouvelles
terres dans la dépendance de l'ancienne Eglife, elle en percevra
ia dixme, mais s il arrive que celui qui a edarté un bois, ou dé-
friclié une campagne déferre d'une étenJue de quatre à cinq
milles, y bâtit une Eglife avec le confenteaient del'Evêque,
alors la dixme decescantons nouvellement cultivés appartiendra
au Prêtre établi pour la defferte de cette nouvelle Eglife , fauf le
Cm. 1 j, 1!^, pouvoir de TEvëque. Défenfe dejien exiger pour iesfépuîtures ,
& d'enterrer les Laïcs dans les Eglifes. La cérémonie de ia fépul-
turefelaifoitdansi'Eglife du lieu où l'Evcque demeuroit ; mais
Il eiie.écoit trop éloignée, on la faifoit en quelque autre Eglife où
il y avoir une Communauté de Chanoines, de Moines ou de
Religieufes, afin que le défunt fût foulage par leurs prières. Si
cela n'étoit point faifable, on l'enterroit au lieu où il payoit la
dixme de fon vivant. Ce qui eft dit dans ce Canon delà fépulture
dans i'Iigiife de la Ville Epifcopale, ne doit pas fe prendre à la
lettre , puifque le fuivant défend d'enterrer des Laïcs dans des
Eglifes. 11 faut donc l'entendre ou des obleques , ou de la (épulr
ture dans le Cimetière public de la Ville où demeure l'Evêque.
Cm. 18. XXXV. Défenfe de célébrer les i'aints Myfteres dans des
calices ou des patènes de bois, & de confacrer le vin fans eau.
Cm. ip. On mettra dans le calice deux tiers de vin &: un tiers d'eau ,
parce que la majcflé du Sang de Jefus-Chrifl eft plus grande que
la fragilité du peuple figuré par l'eau. Les procès entre les Prê-
iÇm.ii. très Ôc Ici Laïcs feront terminés par les Evêques. Les Laïcs
D U N E U V I E M E s I E C L E. 73;
pourront employer le ferment dans leur caufe ; mais on ne
demandera aux Prêtres que d'alfurer le vrai par leur confccration,
parce qu'ils ne doivent point jurer pour une choie légère. Si
i'accufation eft grave & répandue parmi le peuple, &: que le
ferment de i'accufé nefuffilepas pour fa juftificacion , on pourra
employer l'épreuve du fer chaud. Celui qui aura. époulé une Cz/i. i-.
Vierge confacréc à Dieu par le faint voile , fera privé de la Com-
munion , 6c ne pourra y être admis de nouveau qu'après avoir
fait pénitence publique de fon crime. Il avoir été régie dans un
Concile de Carthage qu'on ne donneroit point le voile à une
iVierge avant l'âge de vingt-cinq ans. Celui de Tribur ne fixe Cot. 14.
point 1 âge , ôc veut que toute fille qui a pris le voile de fa pro-
pre volonté , & fans contrainte , ôc qui l'a gardé an & jour , le
garde toujours. Si un Moine, par le défir de fon falut, ou de Can.ze.
celui des autres , demande de pafier de fon Monallerc à un autre ,
jl le pourra, du confentement de l'Evêque, de l'Abbé ô-c des
Frères. S'il le quitte pour vivre avec plus de liberté, on l'obli-
gera d'y retourner ; & en cas d'un refus opiniâtre de fa part , on le
mettra en prifon. Les Clercs apoftats feront punis par l'Evêque, Cm.zj.-
fuivant la rigueur des Canons. On renouvelle les Décrets des Cm. zS.
Conciles de Nicce & de Calcédoine au fujet de la tranllatlon
des Evêques & des Prêtres d'une Eglife à une autre i & les
anciens Canons qui défendent d'ordonner un Efclave, avant qu'il Cm. zç.-
ait obtenu fa liberté.
XXXV 1. Il fera au pouvoir des Evêques de fiirc mettre c.vi.^o.-
en prifon celui qui fera porteur de Lettres fuppofées au Pape,
jufqu'à ce qu'ils en ayent écrit à Rome pour fçavoir de quelle
manière on doit punir ce FaufTaire. Lorfque des co-héritlers Cw. 'i.-
à qui appartient le patronage d'une Eglife ne s'accorderont pas
fur le Prêtre qu'ils y doivent nommer, l'Evêque en orera les
reliques , en fermera les portes j & y mettra fon fceau , afin qu'on
n'y faffe point d'Office , jufqu'à ce que les Patrons conviennent
enfembie. Défenfe aux Comtes détenir leurs plaids les jours de Cm 5<r,-
Fêtes & Dimanches, pendant le Carême ôc les autres jours de
jeûne ; ôc d'y citer les pénitens , pour ne pas les détourner de
leurs exercices fpirituels. La diverllté de Nations & de Loix
n'eft point un empêchement du mariage ; un P^anc peutépoufer c.m. j9. ■
uneBavaroife ou uneSaxoiae, en fuppléant ce qui manque au
Contrat civil. Il eft défendu d'éooufcr la femme avec qui on a Cw. 40. ■
commis un adultère. Le Concile rapporte divers autres cas dans
efqueis il n'eft pas permis de fe marier. Il ordonne de traiter Cm. 50,.
75^ CONCILES
comme homicicie celui qui a fait mourir quelqu'un parle poifon.,
ôc qu'on lui impofe une douille pénitence. Voici comme il règle
celle de rhomicidevolcntairej
Car.. îj. X X X V 1 1. Elle iera de fept ans. Les quarante premiers
jours il ne lui fera pas permis d'entrer à l'Eglife ; il ne nv-.ngera
que du p^'.in & du fel , & ne boira que de ieau , marchera nuds
pieds , ne portera point de linge , fi ce n'efl des paile:çons ; il
n'ufera ni d'armes , ni de voitures , & vivra dans la continence ,
fans aucun commerce avec les autres Chrétiens , ni même avec
un autre pénitent. En cas de maladie , ou que fes enneinis
^ cherclient à le faire mourir, on diilferera fa pénitence jufqu'à ce
Can. '■,€. que l'Evèque l'ait réconcilié avec eux. Les quarante joursécou-
lés , l'entrée de l'Eglife lui fera encore interdite pendant un an ;
•il s'abfliendra de chair , de fromage, de vin , & de toute boiflbn
emmiellée, excepté les Fêtes ôc Dimanches. En maladie ou en
;Voyape il pourra racheter le mardi , le jeudi & le famedi , par un
denier, ou par la nourriture de trois pauvre?. Cette année finie,
-, l'Etriife lui fera ouverte comme aux autres pénitens. Il paffera
'"'^^' les deux fuivantes dans les mêmes exercices, 'î\ ce n'eft qu'il
aura le pouvoir de racheter les trois jours de la feniaine en quel
lieu il fe trouve , foit à la maifon , foit en campagne. Pendant
£in,^%. chacune des autres quatre années, il jeûnera trois Carêmes, un
avant Pâques ; un avant la faine Jean ; le troifiénie avant Noël,
Dans les autres tems il ne jeûnera que le lundi , le mercredi &c
4e vendredi , encore lui fera-t-i! permis de racheter le lundi ôc
;niercre,ii. Les fept ans de fa pénitence accomplis , il fera récour
cilié à la manière des autres pénitcns , ôc admis à la fainte
communion.
Concile a"e X X X V 1 1 L Enfuitc du Concile de Trjbur, le Père Labbe
Narufîs, tom. ^Qi-„-,e [gs Çauons de celui de Nantes £ans en fixer l'époque.
'ÀciT"'"^'^ Le Fere Sirmond n'eu pas éloigné de croire qu'il fut tenu avant
Tan 6'^'ù. C'eft auifi le fentiment du Père le Cointe, qui le met
en 6j<j. Le troiliéme ôc le dixième Canons de ce Concile font
rapportés dans le feptiéme Livre des Capicuiaices. Ils font donc
plus anciens que ce Recueil ,à moins qu'on ne dife qu'ils en ont
fcté tirés. Mais le vingtième où l'on défend le culte fuperfdtieux
de certains arbres ôc de certaines pierres , a plus de rapport au
feptiéme fiécle qu'au dixième. On trouve auiîi dans les autres
Canons de ce Concile des preuves de fon antiquité. Il eft
Q/7. I. ordonné aux Prètre^ avant de commencer la Melfe, de déman-
cher au Peuple de la Paroilfe , s'il ne fe trouve point dans lEglifç
quelqu'Etranger
i
DU NEUVIEME SIECLE. 757-
quelqu'Etranger pour l'entendre , au mépris de fon propre
Cure, 6c en ce cas de l'obliger de fortir. On excepte ceux qui
étant en voyage ne peuvent entendre la Meffe dans leur ParoifTe.
Diifenfe aux Prêtres de loger des femmes , même leur mère ôc '"*' *"*
leurs fœurs. Si elles font dans le befoin,ils pourront leur fournir ^'^"' 5*
de quoi fubfider dans une autre maifoii que la leur. Les Curés C.i«.4-
vifiteront foigneufemcnt les malades , prieront pour eux , les
■exhorteront à la patience, & à confcflbr leurs péchés. En entrant
dans la maifon de l'infirme , ils jetteront de l'eau bénite fur lui
& dans la chambre , & réciteront les pfeaumes de la Pé.ntence.
Ils ne donneront i'aWblution au Moribond qu'à condition de Can. y.
faire pénitence des péchés qu'il aura déclarés s'il.revient en fuite,
La fépukurc fe fera gratuitement , fi ce n'eft que le malade ait ^^ g
offert quelque chofe , ou que fes héritiers donnent par forme
d'aumône volontaire. On enterrera dans le veflibule ou portique
de l'Eglife , ouau-dehors , & jamais auprès de l'Autel où l'on
confiicre le Corps ôc le Sang du Seigneur.
XXXIX. Défenfe de procurer l'Ordination à quelqu'un, q„_ y,
ou par faveur, ou en vue de préfens. L'Evoque n'aura qu'une c^juS.
Ville; le Prêtre, qu'une Eglife ; mais il pourra avoir fous lui
plufieurs Prêtres avec qui il célébrera fOltice divin de jour ôc de
nuit. Les Curés après avoir pris des pains offerts par les Fidc^les Can.9,
ce qui efl: néceffaire pour la confécration , couperont le rcde
par morceaux , pour en donner après la ?cîefle à ceux qui n'au-
ront pas communié. On appelle ces morceaux eulogies ou pains
béiiits. La prière que l'on difoit pour les bénir, efl: ia même qui
eft aujourd'hui en ufage. Les dixmes feront partagées en quatre C«'^. i»,
•fuivant les Canons , une partie pou-r la Fabrique , ^Jne pour les
pauvres , une pour les Clercs , la quatrième pour l'Evêque. Ceux
<jui font deftinés au Miniiîerc feront examinés depuis le mer- ^^'"^-'^
■credi jufqu'au famedi de l'Ordination , fur leurs mœurs ô-c fur
leur dodrine , par les Prêtres commis à cet effet de la part de
i'Evêque. On traitera avec plus de rigueur les perfonnes mariées
qui tombent dans le crime d'impureté , que celles qui ne le font
pas. Dans toutes les confraternités ou focietés de prières , on Cdi. 14.
•s'en tiendra aux Réglemens faits par I'Evêque ; Ôc puifqu'ellcs
jie font infiiruées que pour le foulagemcnt des anies , on évitera
les grands repas ôc les autres diiiolutions. Il efl; défendu à un Cj/i. if.
Prêtre de quitter fon Eglife pour en avoir une plus riche deve-
nue vacante par mort. On réprime la témérité de certaine* Çwî. Ht
femmes qui fe trouvoient à des audiences publiques, ôc y dé-
Tome XXII. AAaaa
Concile àe
Rome enSç7,
Conci'e de
Poit en è97 ,
Conciles Je
ru iras & -le
Compoftelle ,
Concile t'e
Rome vers
l'an joo.
f^t CONCILES
fcndoient des caufes , même pour des hommes. Il paraît quff
les Religieufes & les Veuves furtout en faifoient métier. Le
Concile ne leur permet d'aller à ces audiences que pour leur
propre intérêt & avec l'agrf^'ment de l'Evêque,
X L. On donne avec juflice le titre de Conciliabule à l'af-
femblée que le Pape Eflienne VI. convoqua en Sp-j pour la.
condamnation de Formofe fon préde'ceffeur. Son corps que l'ort
avoir exhumé , fut apporté au milieu de l'afTemblée ; on le revêtit
des ornemens Pontificaux , ôc on lui donna un Avocat pour
répondre en fon nom. La procédure fut courte. Formofe avant
été condamné comme ufurpateur du iliint Siège , on lui coupa
trois doigts 6c la tête ; puis on le jetta dans le Tibre. Ceux
qu'il avoit ordonnés furent dépofés , ôc ordonnés de nouveau.
Les a£l:es de ce Conciliabule font rapportés dans un Concile de
Rome en 5)04. , où ils furent calfés.
XLI. Le 19 d'Avril 8p7, Abbon deMaguelone , Arnuftde
Narbonne, & deux autres Evêques afTiflés de quelques Archi-
Diacres ,• Prêtres ôc Arçhi-Prêtres , s'afTemblerent à Port, dans
le Diocèfe deNifmes , pour terminer un différend au fujet des
dixmesde Cocon. Il y avoit en ce lieu deuxEgiifes, l'une en
l'honneur de faint Jean-Baptifte ; l'autre de laint Andoche.
L'Evêque de Maguelonc prétendit qu'elles appartenoient à l'E-
glife de faint Andoche. Un Prêtre nommé Adalfredefoutintque
c'étoit à l'Eglife de faint Jean-Baptifle. L'affaire difcutée, il
parut que cette dernière Eglife avoit pofledé ces dixmes pendant
près de cent ans , ôc que ce n'étoit que depuis fept ans que celle
de faint Andoche les avoit ufurpées. Le Concile fut donc d'avis
de les rendre à l'Eglife de faint Jean-Baptifle ; ôc l'Evêque
Abbon fut le premier à foufcrire à ce Jugement.
X L 1 1. On ne répétera point ce qu'on a dit du Concile de
Reims en 900 dans l'article d'Hervé , Archevêque de cette
Ville. Il fut aflemblé contre ceux qui avoient eu part à la mort
de Foulques j ôc on les anathêmatifa. Le vingt- neuvième de
Novembre de la même année on aiïembla à Compoftelle, dans
l'Eglife de faint Jacques, un Concile de huitEvôques , où l'Abbé
Ce/aire fut élCi ôc facré Archevêque de Tarragone. L'Arche-
vêque de Narbonne s'oppofa à cette Ordination avec les Evêqucs
d'Efpagne qui dépendoient de fa Métropole; ce qui obligea
Ceiaire d'en appeller au Pape.
XLI II. Le Concile de Rome fous le Pape Jean IX. eft
fixé dans les collerions ordinaires ( a ) à l'an 5)04.. Le Père Pagi
(a j Liibu^ &■ HardouJB. ■""""""■
DU NEUVIEME SIECLE. 755
5c met en ?p^ (a). La diiVicuké ne vient que de l'incertitude
de la chronologie des Papes qui occupèrent le faint Siège fur la
fin du neuvième fiécle , & au commencement du dixième. Leur
PortiHcat fut fi court, qu'on ne prie pas la peine d'en marquer
la durée. Ce que l'on fçait de plus exad là-dclTus efl: dû à
Flodoard de Reims , qui quoiqu'Etranger à la Cour de Rome ,
s'eft appliqué à donner la fuite des Papes. Mais à l'égard de
Jean IX. on voit par deux diplômes ( b ) rapportés par Monfieur
de Marca, l'un addreffé à Riculfe , Evêque d'Elne dans le Rouf-
lillon ; l'autre à Servus-Dd , Evêque de Gironne , qu'il étoit
Pape dès le mois d Octobre de l'an poo. Comme il ne gouverna
l'Eglife qu'environ trois ans , ou même deux ( c ) félon quelques
Hiiloriens , on ne peut mettre fon Concile de Rome qu'en
cette année, ou dans la précédente ou la fuivante. On lut d'abord
dans ce Concile un Mémoire concernant l'état prcfent de l'E-
glife ôc les moyens de la pacifier ; puis les ailles du Concile
tenus fous le Pape Théodore, fucceffeur de Romain Gallefin, élu
à la place d'Eftiennc VI. Quoique Théodore n'eût vécu que
vingt jours depuis fan Ordination , il ne laiffa pas de contribuer
beaucoup à la réunion de l'Eglife , ayant rappelle les Evêques
chafTés de leurs Sièges , rétabli les Clercs ordonnés par Formofe ,
& fait reporter folemncUement le corps de ce Pape dans la
fépulture ordinaire des Pontifes Romains. Il prit apparem-
rnent toutes ces réfolutions dans le Concile dont il efl parlé ici.
On n'en trouve rien ailleurs.
X L I V. Après qu'on en eut lu les aclcs , on fit lefture de ce Aâis? àa
qui s'étoir pafié contre le Pape Formofe dans les Conciles de ^"^^ ''■'' j"^
Jean VIII. 6c d'Eftienne VI. Trois des accufateurs de Formofe bUbn.'tom. i ,
étoient préfens. On leur demanda fi leur dépofition contenoit '^^■'>^' 'f"'*
vérité ; ils répondirent que non , & cherchèrent à s'excufer , ^^^' ^'
difant qu'ils n'avoient agi que par autorité du Pape , & qu'ils
avoient été forcés d'affiner à ces Conciles. Le réfukat de la dif-
cuflion fut, que les Evêques qui s'étoient déclarés contre For-
mofe , demandèrent pardon proflernés, ÔC le Pape Jean IX. le
leur accorda volontiers.
XLV. On publia enfuite le Décret du Concile en douze f:^"""' ^^
capitules ou articles , qui contiennent en fubftance , que le pré- '^'^^'^"""^*
(a) Piigi, aàann. %yi , rsm. 5 , j^ag. , hïll. lib. ^o ,AnnaU. num. 55 ^jmg. 306.
77'. I {c) F tuty , HiJl.Eiclef.lh.^4, pjg.
(i) M^rcji Hifp-^n. c:^p. 833 ; & Mi- i 611 , lom, 1 1 .
AAaaa ij
C:7.
a.
Ga:
Crp, 4,
G^r.
dp. ^.
Cap. 7.
Cap. ?.
Qip. 9.
Cap. lo.
740 CONCILES
, tendu Jugement rendu contre Formofe dans le Concile d*E{^-
tienne VÎ. fera rejette j étant inoui que l'on ait jamais fait
comparoître uil cadavre en Juftice , ou l'on n'appelle les accufe's
que pour fe de'fendre, ou être convaincus ; que ceux qui ont
aifillé à ce Jugement , ayant protefié qu'on lès avoit contraints
de s'y trouver , obtiendront le pardon qu'ils ont demandé ; que
Formofe ayant été transféré de TEslife de Porto au faint Siège
Apoftolique par néceffité, fon exemple ne doit pas tirer à con-
féquence, attendu que les Canons défendent la tranilation d'un
Evoque d'un Siège à un autre j jufqu'àrefufer aux Contrevenans
la communion laïque même à la fin. Après la mort de Formofe,
unefadTtion populaire avoit choifi pour lui fucceder Boniface ,
qui avoit été dépofé du Soûdlaconat , & enfuite de la Prêtrife.
Le Concile en prend occafion de défendre d'élever à un plus
haut degré celui qui a été dépofé par un Synode &: n'a point été'
canoniquement rétabli.
X LV L Les Evcques, les Prêtres , & les autres Clercs de-
l'Eglife P>.omaine ordonnés canoniquement par le Pape For-
mofe , furerit rétablis dans leur rang , & on rappelîa ceux d'eiitr-
eux qui avoient été chaffés par la témérité de quelques perfonnes;
Ontenouvelîa les défenfes faites par un Concile d'Afrique dé'
réordonner ôc de rcbaptifer , & d'oter les Evêques régulièrement
ordonnés pour en mettre d'autres à leur place. Guy, Duc de
Spolette , Roi d'Italie, étant mort , Berengcr , Duc de Frioul ,
s'étoit fait couronner Empereur par Eflienne VI. MaisLambert',
fils de Guy ,. couronné par' Formofe dès l'an 8^| , trouva le
moyen defe maintenir & dechaffer Berenger. Le Concile dé-
clare donc qu'il confirme l'Onclion du faint Chrême donnée à
l'Empereur Laiiibert , ôc qu'il rejette abfolument celle que
Berenger avoit extorquée. Il ordonne de jetter au feu les acîes
du Concile tenu contre Formofe. Défend fous peine d'ana-
thême de rétablir quelques Prêtres & quelques Diaeres condam-
nés canoniquement ôc chalTés de l'Eglife Romaine ; ôc menace
d'excommunication ceu^ qui avoient violé la fépuhure du Papô
Formofe , s'ils ne viennent à réfipifcence.
XLVII. Pour remédier aux violences que 1 Eglife Romaine
fouffroit à la mort d'un Pape , lorfqu'on ohoifidoit fonfucceffeut
à finfcu de l'Empereur ôc en l'abfence de fes Commiiïaires
dcilinés à maintenir le bon ordre ,.le Concile veut qu'à l'avenir
le Pape foit élu dans l'alfemblée des Evêques ôc de tout le
Gler<^é , à la demande du Sénat ôc du Peuple , ôc enfuite coiffa--
DU NEUVIEME SIECLE. 741
Crc foleninellement en préfence des Commlffaires de l'Empe-
rcur, fans qu'il foit permis à pcrfonne d'exiger de lui des {"cr-
mens nouvellement inventes , mais feulement ce qui s'cft tou-
jours pratique, A la mort du Pape on piiloit le Palais Patriarchal, O-. n.-
ôc ce pillage s'étendoit par toute la Ville de Rome & fes Faux-
bourgs; on en ufoit de môme à l'égard des Maifons épifcopales
à la mort de l'Evcque.Le Concile fupprime ces abus , fous peine
aux Contrevenans d'encourir les cenfures Ëcclefiaftiques &
l'indignation de TEmpereur. Il condamne encore la coutume dp. ti.
abunve où croient les Juges féculiers , ou leurs OiTiciers , de
vendre des Commiilions pour la recherche des crimes; ce qui
tcndoit , non à arrêter les défordres , mais à les commettre avec
Liberté y en donnant de l'argent à ces Commilïionnaires pour
n'être plus recherché. On déclare que les Evêques auront la
liberté dans leurs Diocèfes de rechercher & de punir, félon les
Canons, les adultères ëc les autres crimes, ôc qu'ils pourront dans-
le befoin tenir des audiences publiques pour reprimer ceux qui
leur réfideront.
XLV II I. Les Ades du Concile de Rome ne font point p Coticile de
entiers dans la CoiiccVion du Pcre Labbe ; on n y trouve que les 1 ;m ^co ^itu.-
douze articles que nous venons de rapporter; mais Dom Ma- P'^i'^'^y-
billon (a) z donné un long fragment du même Concile. Il pa-
roit que c en eft le commencement. Le manufcrit d'où il l'a
t-iré contient un autre article, diviféen douze Capitules, qui
font une coniirmation de ce qui efl ordonné dans les Caoitulai-
res de Charlemagne , de Louis le Débonnaire , de Lothaire ôc
de Louis fon fils, touchant les dixmes Eccléfialliques. Cet ar-
ticle fe lit tout entier ( b ) dans ia Colledion des Conciles , fous
le titre : De- Canons cVun Concile anonyme ; mais on prétend qu'il'
appartient au Concile de Ravenne. En effet , dans le manufcrit
dont s'eft fervi le Père' Mabillon , ces douze Canons font fuivis
immédiatement du premier Capitule de ce Concile, dont les
premiers mots font : Si quis fanctorwn Paîniin. LePape Jean IX.
aflembla ce Concile peu de tcms après celui de Rome. L'Em-
pereur Lambert y affilia avec foixante-quatorze Evêques , ôc
en lut en la préfence les dix articles fuivans.
XL IX. Si quelqu'un n'obferve point les relies des faints CapnulcsJu
^ Concile de
Kavenne,ptf£,.
— _ ^^^^
(a) Mabillon. TOm, i,Muf,Itdlk. pr.r:. I (b) Concil. tom, 9 ,p.ig. ^oC-.-
»«,f.t^. S6. j;
A A a aa iij
74î CONCILES
Pères & les Capitulaires des Empereurs Charlemagne , Louis,
Lothaire & fon fils Louis , fera excommunié. L'Empereur
C«p. '. Lambert déclara qu'il feroit permis à toute peribnae d'aller im-
plorer fa protection , & menaça de fon indignation ceux qui s'y
Cay. 1. oppoferoient. Il promit de conferver inviolabiement le.-, anciens
Cip. 3. privilèges de i'Eglife Romaine. Enfulte le lape le pria d appuyer
de fon autorité ce qui avoit été fait dans le dernier Concile de
Op. 4. Rome, touchant le Pape Formofe ; de le faire autorifer par les
Cap. j. Seigneurs comme par les Evéques ; de réprimer les pillages 6c
les autres violences commifes dans les terres de I'Eglife Ro-
Cap. (. maine ; de coniirmer le traité fait par fon père Gui , d heureufc
Cap. 7 0- s. mémoire ; de révoquer toutes les donations faites illégitimement
Ciç. ». des patrimoines & autres biens de i'Eglife Romaine ; ôc de dé-
fendre les aifemblées illicites de Francs, de Ronufms & de
Lombards dans les territoires de faint Pierre, comme contraires
Cap. 10. à l'autorité du faint Siège & de la dignité Impériale. Jean IX.
fit encore des remontr:i::ces à ce Prince, fur ce que des gens
mal intentionnés avoient empêché que Ton coupât des bois pour
le rétablilTemenc de I'Eglife du Sauveur, & fur la pauvreté où
I'Eglife Romaine étoit réduite , qui étoit telle qu'il n'y avoit
plus de moyen de foulager les pauvres, ni de fubvenir aux be-
foins des Miniftresôc des DomeUiques. Après qu'on eut achevé
la ledure de ces articles , le Pape s'adreîfant aux nvêques les
exhorta à veiller avec foin fur leurs Peuples, à leur donner
exemple d'une bonne vie , & à demander à Dieu rextinttion
des fchifmeSjôc la confervation de l'Empereur Lambert , en
ordonnant à leur retour dans leurs Evêchés un jour de jeûne ôc
une procellion ou litanie.
Difficulté fur L^ Sigebert fait mention de ce Concile de Ravenne dans fa
Co'ncir/''^'^^ Chronique fur l'an 5)04, & Baronius dans fes Annales fur fan
504. Sigonius (a) ôc le Père Pagi le mettent en 898 , quelque
tems avant la mort de l'Empereur Lambert, arrivée félon eux
en 8pp. Ils fe fondent fur divers Drplômes, dont un ell de Be-
noît IV. en faveur d'Argrim , Evcque de Langres , rétabli dans
fon Siège par Jean IX. Il efl: daté du fécond des Calendes de
Septembre Indiclion troifiéme ,1a féconde année depuis la mort
de Lambert , c'eft-à-dire du 5 i Août de l'an poo, deux ans après
la mort de ce Prince , arrivée conféquemment en Sp8. Mais
(a) T:\gi , ad iirji. Sp8 , ;•('„•. 771 , 77i.
D U D I X I E M E s I E C L E. 745
en mettant , comme fait le Père Pagi, 1 ele£lion de Jean IX. en
la même année, ôc en lui donnant pour fuccefieur Benoît IV.
dès avant la fin d'Août de l'an 900 , ainli que le porte le Di-
plôme en faveur d'Argrim^ comment concilier toutes ces épo-
ques ( a ) avec les deux Diplômes de Jean IX. date's l'un & l'au-
tre du mois d'Odobre de cette môme année ; l'un adreffé à
Riculfe, Evêque d'Elne, lautre à Servus-Dèi, conlme on l'a
déjà dit plus haut ?
L I. Il ne refte rien des A£î:es du troifiéme Concile queFlo- Concn« ie
doard {b) dit avoir été tenu fous le Pontificat de Jean IX. ^^"^ *"
Peut-être l'alTembla-t-il pour l'examen de la caufe d'Argrim, 'Cov\l. p/.
Evêque de Langres , qui s'étoit pourvu au faint Siège contre ''J.
ceux qui l'avoient chafTé du fien. Le Pape Benoît IV. fait men-
ticn de ce Concile , ôc dit que Jean IX. fon prédéceiïeur y ré-
tablit Argrim. En conféquence ce Pape écrivit au Clergé & au
Peuple de Langres, pour leur marquer qu'il leur rendoit leur
Evêque, non pour reprendre le jugement du Pape Eftienne,
mais pour le changer en mieux. Toutefois le rétablifiemenc
d'Argrim n'eut pas fon exécution ; 6c après la mort du Pape
Jean IX. Argrim envoya des Députés à Benoît IV. fon fuccef-
feur, qui ne voulant rien décider dans cette affaire fans l'avis des
Evêques, les affembla dans le Palais de Latran. Il fut jugé qu'Ar-
grim feroit maintenu dans fon Siège , ôc le Pape fit écrire deux
Lettres ; l'une aux Evêques des Gaules , l'autre au Clergé ôc au
Peuple de Langres , où il confirme à Argrim le Pallïum qu'il
avoit déjà re(^u du Pape Formofe. Les A£tes de ce Concile de
Latran font perdus.
^ , _^^ 3j,- & Mi- I ^ , _
mien. lih. 40 , AnnalL ntux. jj , pag. j refertur , Jo^ma lalutiferum. F/orfoari/, ia
306. î Joanne, apud. Mabiltcn.
^
744 CONCILES ""
-CHAPITRE XL.
Des Conciles deSaint-Oyan, de Narhonm, & autres^
juJquefL L'ail 950..
Concil" de^" \ UsTERius, Archevcquc de Lyon , & Gérard , Eve-
Saint Ova;i jfjL 1'^^ '^^ Mâcon , étant afl'emblés en (^06 dans l'Eglife de
en <:o5,rw/!.?, faint Uyan , les Chanoines de faint Vincent de Mâcon reven-
xls. ' ^°'^' diquerent une Chapelle qu'ils difoient leur avoir été donnée par
Bertric, & dont les Moines de faint Oyan s'étoient mis en pof-
fèiTion. Ceux-ci foutînrent qu'ils la tenoient de i'Evêque Lam-
bert. On les fomma de produire la charte de donation. Ils ne
le purent. C'eft tout ce que Severt nous apprend de cette Af-
ferablée, dont on voit bien que les Actes ne font pas entiers,
puifqu'ils ne rapportent pas la décifion de ce procès.
I I. On n'a pas encore rendu publics ceux des deux Conciles
Concile lîe qui fe tinrent dans la Province de Narbonnc en ço6 6c 5)07.
^^f °""' 7 M. de Marca qui les avoit vus dans l'archive de l'Eelifc d'Au-
Ibul. lonnc , en a donne le précis , d ou nous apprenons que le pre-
jnier de ces Conciles fut tenu à Barcelone en ^06 ; qu'Arnufte
<de Narbonne y préfida, accompagné de fept Evcques ; & qu''on y
agita laquenion,!] l'Eglife d'Aufone devoitêtre tributaire de celle
de Narbonne. Dans le fécond , qui fe tint l'année fuivantepoy
àfaint Tiberi, dans le Diocèfe d'Agde, 6c auquel Arnuflepré-
(ida encore , alfifié de neuf Evcques , on propofa la même
queAion , 6c il fut décidé que l'Eglife d'Aufone 6c fon Evcque
léroient cxcmts du tribut qu'ils avoicnt payé à l'Eglife de Nar-
bonne. Arnufte foufcrivit à ce jugement.
III. La même année Alexandre, Arclicvêque de Vienne,
qu'ils prêt
ium , pjg. taine Chapelle. Il ne fe trouva dans cette Affemblée que des
*^ ' Abbés 6c des Prêtres. Alexandre étoit fcul d'Evêque. Les par-
ties ouies , le gain de caufe fut adjugé à Aribert.
Concile de I V. Le troifiémç de Mai de l'an ^0^ ^ Arnufte , Archevêque
de
DU DIXIEME SIÈCLE. 74^
'de Narhonne, s'aiïembla avec dix Evêques à Jonqueres, dans Mfl?"<*Ione
le Diocèfe de Maguelone , pour abfoudre de i'cxcommunlca- ^"concû "T
tion le Comte Sinuarius. Il parokpar les Ades de cette Aiïem- î'1,9.
blée , que ce Comte avoit dtc excommunié par les Evoques de
la Province de Narhonne ; mais on ne dit point pour quel cri-
me. Le Comte fut prcfent a\ec fa femme , fes enfins &. fes fer-
vitcurs. Les Evcques lui donnèrent Tablblution aux conditions
prefcrites par le Métropolitain , ôc joignirent à l'abfolution des
bénédidions en tout genre, lui fouhaitant & à toute fa famille
abondance de biens temporels, de longues années 6c la félicité
-éternelle.
V. Les Evêques de la Province de Reims avoient été pen- Concile de
dant piulieurs années fans pouvoir s'adembler, par le malheur li^d^^aJ^lV^^
des tems ; & de fatisfaire à cet égard aux Canons qui ordonnent
k fréquente tenue des Conciles. Hervé qui en étoit le Métro-
.politain , en ayant obtenu la permilîion du Roi Charles , en iiv
^iqua un à Trollé , près de Soiiîons , pour le 26 de Juin de
l'an 90p. Il en fit lui-même l'ouverture par un difcours , où il
^repréfente le trille état de l'Eglife & du Royaume. D'un côté
la Religion étoit comme abandonnée ; les crimes fe multi-
•plioient chaque jour ; ce n'étoit partout que fornication , qu'a-
dultères j qu'homicides. Les Evêques. ne rempliffoient pas leurs
devoirs, ôc négligeant le miniftere de la parole de Dieu, ils
lailToient périr, faute d'inflrutïions 6c de bons exemples , le trou-
peau du Seigneur. D'un autre , les pillages ôc les violences con-
tinuoient , les Villes étoient dépeuplées , les Monafteres ruinés
ou brûlés, les Campagnes déferres. Les Moines, les Chanoines, Pag.'^zj.
les Religieufes n'ayant plus pour Supérieurs que des étrangers,
Tomboient dans le dérèglement. Des Abbés laïcs confumoient
les revenus des Monafteres avec leurs femmes , leurs enfuns 6c
leurs chiens ; quoique la plupart ne fçuflent pas même lire, ils
ne lailToient pas de vouloir juger de la conduite des Prêtres ôc
des Moines.
V I. Il n'étoit pas aifé de remédier à tant de maux. Cependant ^''on^."ie ^^
le Concile, où ailifterent douze Prélats, Hervé leur Métropoli- pj,_
tain compris , fit quinze Canons , qui ont moins Pair de
Décrets que d'exhortations. Les Evcques y difent qu'il eft de la Cxn.i,
décence que le Roi ôc les Princes confervent aux EglifesleufS
biens ôc leurs privilèges en la manière qu'elles les ont reçus des
anciens Rois; ôc qu'ils protègent les Prêtres ôc les autres Servi-
teurs de Dieu , pour les mettre en état de remplir leurs devoirs,
Tomi XXIL BBbbb
74<5 CONCILES
Can.i. Ks reconnoiflent que comme les Rois ont befo'm pour acquérir
la vie éternelle, du minifcere des Evéques , ceux-ci ne peuvent
fe palfer du fecours des Rois dans l'adminiflration des biens
temporels ; qu ils doivent à leur Souverain l'obéiflance 6c la fidé-
C»n. 3, lité. iinfuite ils décrivent la décadence des Monalteres des deux
fexes, qui étant ou ruinés, ou gouvernés par des étrangers ,ne
pouvoient plus fe foutenir dans l'obfervance ,.ce quioccafion-
noit un dérèglement prefque inévitable dans les Moines & dans
les Religieulés , partie par pauvreté , partie par mauvaife vo-
lonté, ôc furtout par le défaut de leurs Abbés, qui étant Laïcs
& la plupart (ans lettres, &. mariés , nefe trouvoient pas en état
de faire obferver la Règle. Le Concile rapporte les Capituiaires
des Rois où il eft défendu aux Laïcs, mcm.e de piété ^ de
difpofer des biens des Monafteres, ôc ordonné que les Abbés
entendront la Règle ôc la pratiqueront avec les ?4oines ; 6c
qu'il fera permis à ceux-ci de fe choifir leurs Abbés. Enconfé-
quence il ordonne qu'à l'avenir les Abbés feront des Religieux
, inftruits de la difcipline régulière , ôc que les Moines & les Reli-
gieufes vivront dans la piété «Se la fimpiicité de leur profelîion ;
ôc qu'afin de retrancher dans les Monafleres le vice de propriété
ôc la vanité dans les habillemens, il fera fourni , félon la Règle,
tout le néceflaire, tant pour la nourriture que pour le vête-
ment.
Ciin.4. VIL On. explique enfuite ce que c'eft que le facrilege ,
combien il y en a defpeces, ôc on prononce quatre anathêmes
contre les coupables de ce crime; que la porte du Ciel leur l^it
fermée ; que la porte de l'Enfer leur foit ouverte ; qu'ils n'aycnt
aucune communion ni fociété avec les Chrétiens , ôc qu'on ne
donne pas même ce qui fort de leur table aux pauvres. Ces
anathêmes font particulièrement contre les voleurs d'Egiifei (2c
Cm. j. ceux qui en détiennent les biens. On prononce encore anatliéme
contre ceux qui manquoient de refpetl envers les Prétrco ôC
autres Minières facrés , qui les mépriïbient ou les outragecneiit.
Le Concile cite , fur le refpett dû aux l^ccléfialliques, plufici.rs
paff.ges des fauifes Décretales , ôc il y e.i ajoute de l'Ecriture.
Can.6. Il fe plaint de l'avarice dos Laïcs, montée à un point, qu'ils
exigeoieiu des Prêtres, fur les biens confacrés à Dieu , des cens
ÔC^auires tributs, des préfens , des repas, de !eur fournir des
cheva.ix ou de quoi les engraifftr , quoiqu'il ne leur fût permis
d'exigé.' pour ces i icn, que le lérvice fpiricucl. Ces plaintes ic-
gardoiciiL apparemment les Patrons, qui en nommant aux Bé-
DU DIXIEME SIECLE. 747
r^fices de leur collation , impofoient ces charges à ceux- qu'ils
romnioienf. Le Concile dcciare les dixmes, les oblations ÔC
les prémices exemtes de tous droits Fifcaux ôc Seigneuriaux,
& ordonne qu'elles feront adminidrdes fuivant l'ancien ufage
par les Prêtres , avec la participation de TEvêque. Il exhorte
néanmoins les Prêtres à rendre aux Seigneurs des lieux où leurs
Egliles font lîtuées le refpecl convenable , & à fe faire aimer
de môme de leurs Paroiliiens, fans préjudice de leur miniftere.
Il fait voir par l'autorité de l'Ecriture , qu'on doit la dixme
de tous les biens , fullent-ils les fruits du trafic ou de l'induflrie,
"V I II. Après quoi il condamne les rapines , les pillages , le Can.r.
rapt & les mariages ( a ) clandedins , ou qui fe contracloient en
fecret ôc fans les formalités ordinaires prefcrites par les Loix.
Avant que de contracter mariage on devoir en donner avis au Can. t.
Curé de la ParoilTe , qui interrogeoit les contrattans dans l'E-
glife (6) en préfence de tout le Peuple , pourfçavoir d'eux s'ils
n'étoient point parens , ou s'ils n'avoient point d'engagemens;
9lors le Prêtre leur donnoit la bénédiction nuptiale. La fille
devoit avoir fa dot : c'étoit les parens qui la mettoient entre les
mains de l'époux , ou des paranymphes. Le Concile condamne Cm. t.
auUi la débauche, furtout dans les Eccléfiaftiques , à qui pour
ce fujet il défend la fréquentation des femmes. Mais l'impureté Can.io.
étoit le vice dominant dans tous les Chrétiens ; quand on les
reprenoit , ils répondoient, nous ne faifons que ce que font les
Prêtres: ce qui rendoit mcprifable le facré Miniftere; quoiqu'il
y eut encore de faints Prêtres , mais dont la réputation fouffroit
des mauvaifes mœurs des autres. Le Concile exerce encore fon C-w. ti,ix,
zèle contre les fraudes , les parjures , les juremens ôc les inimi- '^*
tiésqui occafionnoient grand nombre de meurtres; ces violences
s'étendoient non-feulement fur le commun des Chrétiens , mais
encore fur les Prêtres , ôc même fur les Evêques : & on en avoit
un exemple récent dans le meurtre de Foulques , Archevêque
de Reims. On renouvella la Sentence d'excommunication con- Cm. 14.
(a) Nullus occultas miptias faciat , 'vel
quam propinqiius lis'.bu.t l'ucat iixorrm :
frd doî:it.im & à parent. bus tradi'am per
benedifti''nem SacerJotum accipiat qui
Yult uxoren'. Cin. 8.
(b) Pli is «onvenieniiis efl Sacerilos
rere unà cum omni populo ipfe Sacerdoi
débet , fi ejus propinqu.i (it , an non , avt
al'.'rius uxor , vel fponû , vl adultéra,
& (îliiita & honcP.a pariter omnia inve.
B'.Tint , tune per coniîiiuin & l)€ncdiLtio-
ncin SacerdoMs , & confultu aliorum
în cujus Parochia nuptir fieri bent , in j hominum bonjrum eam fponlare , & k-
Eccleflacoramoiniii populo: & ibiinqui- 1 citijnè dotale -' b^t. Ji'.à.
BBbbbij
748 e O N c r L ET 5
tre ceux qui en avoient été les auteurs ;ôc ce qui avoit été or-
donné dans plufieurs Conciles , pour empêcher qu'à la mort
d'un Evêque on ne s'emparât des meubles ôc autres biens de
l'Eglife , fous prétexte qu'ils auroient appartenus au défunt , le
Concile traite ce pillage de facriiege , ôc veut que pour obvier
à cet abus , l'Evéque le plus voifin alîiile aux funérailles , qu'il
faffe inventorier tout ce qui fe trouve dans la Maifon Epi/co-
pale , & qu'il envoyé cet inventaire au Métropolitain, il veut
encore qu'autant que faire fe pourra , deux ou trois Evêques fe
trouvent aux obféques de leur confrère , afin de lui témoigner la
mêmecharité après fa mort , qu'ils auroient eue pour lui de fon
vivant.
€an.i4,'T). IX. Toutes ces Ordonnances font appuyées de quantité de
pafTages de l'Ecriture, des Conriles , des Pères ôc des Capitu-
laireSj ce qui les rend extrêmement diffus. Le Concile ajouta
qu'étant informé par le faint Siège que l'on répandoit en Orient
les erreurs ôc les blafphêmes d'un certain Photius contre le Saint-
Efprit , ailurant qu'il ne procède que du Père , ôc non du Fils i
il exhortoit les Evêques à chercher dans l'Ecriture Ôc dans les
Pères dequoi réfuter cette erreur , ôc écrafer la tête de ce mau-;
vais ferpent- Cette Affemblée finit par une longue exhortation, .
qui roule fur la néceiîité d'inflruire les Fidèles , dont plufieurs
arrivoient à la -vieilleffe faiTS fçavoir même les paroles du Svm*
bole ÔC de fOraifon Dominicale : ignorance d'autant plus dan-
gereufe' qu'elle rendoit inutile ce qui paroilfoit de bon en eux,
p.uifqu'ilsn avoient pii faire de bonnes œuvres fans ce fondement -
de la Foi.
FondatiioiT X. On a mis enfuite du Concile de Troflé le teftament de"
Guiilau'me'^^^'^ Guillaume, Comte d'Auvergne ôc Duc d'Aquitaine. C'eft: pror
Duc d'Aqui- prcment la charte de la fondation de l'Abbaye de Cluni. Elle effe
t3ine,tom.i>, (J^tée de l'onzième de Septembre de l'an pio, l'onzième du
5^5, ' règne du Roi Charles. Le Duc y déclare que voulant employer
utilement pour le falut de fon anie les biens que Dieu lui avoic
donnés , fon defïcin étoit d'entretenir à fes dépens une Commu-
nauté de Moines; qu'il donnoità cet effet la Terre de Cluni",
avec la Chapelle qui y étoit , à cOncUtion qu'on bâtiroifà Cluni
même un Monaflcre en IhonnGur'de faint Pierre ôc ffmt Paul^
où la Règle de faint'Benoît feroit obfcrvée ; ôc qu'il (érviroit de
refuge à ceux qui forçant pauvres du iiccle, napporteroient a\ec
.eux qu'une bonne volonté. Il ordonna que les Moines de ce
Monaftere ôc les biens en dépendans demcurcroient fous la
(i d : .; d a
DU DIXIEME S I E C L E. 74^
j)ulflance de l'Abbc Bernon , tant qu'il vivroit , & qu'après fa
mort il leur feroit permis d'élire pour Abbé , félon la Règle de
faint Benoit , celui qu'il leur plairoit du même Ordre , faiis que
lui , Duc, ni aucune autre Puilfance puiiïe empêcher l'élection
régulière. Une autre condition fut , que les Moines de Cluni
payeroient tous les cinq ans dix fois d'or àS.Pierre dellome pour
]e luminaire, & qu'ils excrceroient tous les jours les œuvres de
mifericorde envers les pauvres, les étrangers ôc les pèlerins.
Guillaume déclara que dès ce jour ces Moines ne feroient fou-
rnis ni à lui , ni à fes parens, ni au Roi , ni à aucune Puifiance
de la terre ; conjurant au nom de Dieu les Princes , le Pape ,
les Evéques de ne point s'emparer des biens de ce Monallere ;
de ne les vendre, ni échanger, ni diminuer ^ ni les donner eia^
Fief à perfonne ; & de ne leur point donner de Supérieur con-
tre leur volonté. Cette donation fut pafTée à Bourges, & fcuf-^
crite par le Duc Guillaume avec le fceau d'Ingelberge fon épou-
fe;de ?vladalbert , Archevêque de Bourges, d'Adalard , Evê-
que de Ci-ermont , d'un autre Evéque nommé Atton , de plu-
Heurs Seigneurs, & d'Oddon, Diacre ôc Vice-Chancelier.
X I. Mariana met en 5)4-0 un Concile dans le Dioccfe de Nar- Concile de-
benne, en un endroit nommé la Fontaine-Couverte. Mais puif- ^'^•'''^°"';e «"■
-, '.911, iL'id. vn^t '
qu'ArnudCj Archevêque de Narbonne , y préfida , & qu'Agius j^s.
• lui avoit fuccédé dès l'an pi <; , comme on le voit par les fouf-
cripcions du Concile de Châlons-fur-Saône de cette année ; il
faut en fixer l'époque à l'an p 1 1 . On y termina le différend entre
■I^vantigife, Evêqued'Urgel, ôc Adulphe de Pallaria au fujet des
limites de leurs Diccèfes.
XI I. On ne fcait autre chofe du Concile de Tours en p 1 2 , Ccuciie de
fmon qu'il y fût arrêté qu'on célebreroit chaque année la Fête Tours cn^iî^
de la Trandation des R^eliques de faint Martin ,,le 1 3 de Décem-
bre, jour auquel elles avoient été rapportées d'Auxerreà Tours,
en SS7 ,à la réquifition d'Adalande, Archevêque de cette Ville.
L'Evêque d'Auxerre fit d'abord dilficulté de les rendre ; mais-
Adalande avant affemblé en cette année S 87 les Evêques d'Or-
léans , du" Mans ôc d'Angers , il s'adrelfa de leur avis à Ingelger ,-
Gomte deGafiinois , qui obligea l'Evêque d'Auxerre à rendre
le dépôt qu'on lui avoit confié pendant les incurfions des Nor-
mands.
X 1 1 1. Le Concile de Châlons-fur-Saône en 91 j , afïémbl^ ^ Çp^*^'"'*-'''^
pour le maintien des droits de l'Eglife , ayant reçu du Prêtre S;ioneenV>'î>=
Bcrerius une requête en plainte qu'un autre Prêtre, nommi tom. 9, Cciu:U,-
BBbtbiii Fi- 5?^'
750 CONCILES
Yves , s'ëtolt emparé d'une Métairie dépendante de l'Egllfe de
faint Marcel que Bererius gouvernoit; le Concile ordonna que
cette Métairie retourneroit Tous la dépendance de l'Egiife de S.
Marcel , comine elle en avoit dépendu d'ancienneté. Agius de
Narbonne étoit un des Evêques de cette Affeniblée.
Concile de XIV. Ilsen tint une à frodé en 021 , en préfence du Roi
iW.Mj"??* Charles ; & ce fut à la prière que Hervé , Archevêque de Reims,
leva rexcoriimunication qu'il avoit prononcée quelque tems
auparavant contre le Comte Erlebald pour s'être emparé de
quelques terres qui appartenoient à 1 Egli(e de Reiras. Ce Comte
avoit été tué dans le tems de fon excommunication. Il n'en fut
relevé qu'après fa mort.
Concile de XV. Le Roi Charles afTifla aufTi avec Henri , Roi de Ger-
Cobientf en manie, au Concile de Coblents en 922. Il s'y trouva huit hvê-
^^^'''* ques. quelques Abbés & pUiHeurs Prêtres. Heriman , Arche-
vêque de Cologne, ôc Heriger de Mayence , font nommés les
premiers. On y rit huit Canons dont les 2 , 3 ôc 4. font perdus.
Can. 1. Le premier fait défenfe de contrader mariage entre les parens
Can. j. jiifqu au fixiéme degré inclufivement. Le cinquième dit qu'il eft
contre les règles que les Laïcs tirent les dixmes des Chapelles
qui font à eux , ou dont ils font Patrons, pour en nourrir leurs
chiens & leurs concubines ; que ces dixmes doivent appartenir
aux Prêtres prépofés à la delTertede ces Eglifes, tant pour leur
fubfiftance, que pour les luminaires , les réparations, & le fou-
Can. 6. lagement des pauvres & des étrangers. Il eft dit dans le fixiéme ,
que les Moines obéiront en tout tems aux Evêques, & leur
feront fournis avec les Eglifes qu'ils deffervenr. On déclare dans
Can. 7. le feptiéme , coupable d'homicide , celui qui féduit un Chrétien
Can. 8. pour le vendre. Il eft défendu par le huitième à quiconque fait
une donation, de priver des dixmes l'ancienne Eglife qui les
avoit tirées avant cette donation.
^ Concile He XVI. En 925, OU 924*, Seulfe , Archevêque de Reims,
ihid,'pàgf^l\\ tint un Concile avec fix Evêques & les Députés de la Province
de Reims , où 1 on régla la pénitence que ton devoit impoferà
ceux qui s'étoient trouvés à la bataille de Soiffons entre le Roi
Charles , Se Robert fon compétiteur , qui y fut tué , n'ayant pas
régné un an entier. Ils lont condamnés à faire pénitence pendant
trois Carêmes , trois ans de fuite. Le premier Carême ils demeu-
reront hors de l'Egiife , ôc feront réconciliés le Jeudi-Saint.
Chacun de ces trois Carêmes ils jeûneront au pain ôc à l'eau le
Lundi , ic Mercredi ôc le Vendredi, ou ils le rachèteront. Ils
DU DIXIEME SIECLE. 7J1
obferveront un feiviblabie jeune quinze jours avant la Saint-Jean,
ôc quinze jours avant Noël ,& tous les Vendredis de Tannée,
s'ils ne rachètent ce jeône, ou , s'il n'arrive ce jour là une Fête
folemneile , s'ils ne font malades, ou occupés au fervice de. la
guerre. On rachetoit les jeûnes par des aumônes > ou en nour-
riffant un certain nombre de pauvres.
XVII. L'Archevêque Seulfe préfida à un autre Concile „ ^*?"*^''^ ''''
aliemble a 1 roi le au mois d Octobre de 1 an 5)24 , ou le Comte
Ifaac fe réconcilia avec Eftienne , Evêque de Cambrai. Ifaac
s'étoit emparé fraudul'-'ufement d'un Château dépendant de
l'Eglife de Cambrai , ôc l'avoit brûlé. Il fut ordonné qu'il don-
neroit en dédommagement cent livras d'argent; 6c à cette con-
dition, réglée en préfence desEvcques , ôc depluficurs Comtes
de France, Eftienne lui rendit Ton amitié.
X V 1 1 1. Dom Martenne ôc le Père Hardouin ont publié les Concile de
aftes d'un Concile de Tours en 92 j , où l'on ne voit point d'au- HMduirKTômi
tre Evéque que le Diocèfain. C'étoit Robert , Archevêque de '^,pig. 565;
cette Ville. Comme il tenoit fon Synode ordinaire, le Prêtre ^ffT^'^o''
Kainald le plaignit que le rretreCaulridc lui enievo.t les aixmes rhomag. ann.
'appartenantes à l'Eglife de faint Saturnin qu'il deiTervoit.Gau- ^7°°^U'>,v^'<-g'
Iride foutint qu'il étoit en podelhon d'en percevoir la moitié , à
caufc de l'Eglife de faint Vincent. Ses preuves n'ayant pas été
jugées fulliîantes , le Synode ordonna que Gaufride recoureroit
au jugemenr de Dieu , par une perfonne députée de fa part. On
fit l'épreuve ou feu , l'homme en fortit fans en être endommagé ;
ôc l'on adjugea à bEgiife de faint Vincent la moitié des dixmes
conreltées.
X I X. Le Concile de Charlieu, Wonafiere drais le M-^^co- Concile Je
nois , ne fut compofé que des Evêoues de Lyon , de Màcon ôc „ l"^ "^" ^"
de Maurienne. On y prit les mefures néceifaires pour rétablir les C^'-xn. pajr.
Eglifes ôc les autres lieux faints détruits , ou ravagés par les 5^^*'
brigands. Il y fut auffi ordonné qu'on rendroit à l'Abbaye de
Charlieu dix Eglifes qu'on lui avoir otées. Ce Concile fe tint en
5125.
X X. Le Comte Keribert en convoqua un à Trofié en P27 , Concile Je
où aflillerent fix Evêques. Rodolfe quiavoit été reconnu pour iil^,'"^^"^*'''
Roi depuis la mort de Robert , par plufieurs Seigneurs François ,
manda à Heribert de différer le Concile , ôc de venir hnrouver à
Compiegne. Le Comte n'obéit point. L'Alfemb'ée eut lie;, ôc '
Heribevt y fut préfent. On admit à pénitenc le Comte Herluin ,
qui, du vivant de faiemme, en avoir époufé une autre.
f.^è CONCILES
Concile ik XXI. Après la mort de Vigeric,Evcque de Metz, le Roi
o' 7 iLid Si -lienri mit a la place un nomme bernon qui menoit la vie tiere-
Aâ. ^Ordin. mitique fur le Mont-Eccel aux environs de Zurich. Le Clergé
,S. Benedicu, ^ | Peuple dc Metz n'eurent aucune part à ce choix. Ils en
Flodn-.rd. in a^'oient élu un ; mais 1 autorité du r rince prévalut, au préjudice
Chronic. M Je Bemon ; car, après avoir gouverné fou Kg! ife environ deux
aiji.i^i ° ans , des mcchans l'ayant fu-rprisfecrettement lui arrachèrent les
yeux , ôc d'autres membres , qui le mirent hors d'état de faire les
fontlions de fon Miaiftere. Ce crime occafionna le Concile
d''Uiitourg dans le Duché de Clevcs. On y excommunia les cou-
pables; ôc Bernon ayant renoncé volontairement à fon Evêché^
on éîut canoniquement Adalberon pour lui fucceder. Bernon
foufinc avec beaucoup de patience Tinjure qu'on lui avoit
faite.
^o^Kile àe XXII. En Angleterre le Roi Ethelflan , fuccelTeur d'E-
Angleterre en douard , aliembla un Concile a Cratelean en 92b , ou, de 1 avis
^i8 , Tom. p , (Je l'Archevêque Ulfhelme , des autres Evêques de fon Koyau-
5 8i"& jl'in'l "1^ ) ^ "^^ ^"^ Miniftres , il Ht diverfes Loix , tant pour la police
tom. 6 , p:g. civile , qu'eccléfiaflique. Ce Prince y ordonne que toutes les
'^'' t-errcs , mcme de fofi Domaine, payeront la dixme; que ceux
Ca^. I. qui tieniKnc fes Fermes donneront de quoi nourrir & vêtir cer-
txiin nombre de pauvres, ôcque l'on mettra en liberté un Efclave
chaque mois. Il veut qu'on punilTe de mort les Sorcières, ou
IViagiciennes convaincues d'avoir attenté à la vie de quelqu'un ,
ou de prifon & de grolTes amendes , i\ la preuve n'efl: pas com-
•C-p. 3- plettc : Mais il leur permet de fe judilîcr , fi elles le demandent ,
par les épreuves ulitées alors , qui étoicnt celles du feu & de
.C(7j.i. 4£r' j. l:eau. Celui qui fefourncttoit à l'une ou l'autre de ces épreuves ,
venoit trois jours avant que de l'entreprendre , trouver le Prêtre ,
de qui il recevolt la bénédiction ordinaire. Pendant les trois
jours fuivans il ne mangeoit que du pain, du fel , ou des légumes,
ôc ne buvoit que de l'eau. Chaque jour il afFiftoit à la Melfe, ôc
f?.ifoit fon offrande. Au moment dje l'épreuve il recevoit l'Eu-
chariflie , ôc fiifoit ferment qu'il étoit innocent du crime dont
on faccufoit. Si c'étoit l'épreuve de l'eau glacée , on l'enfonçoit
avec une corde d'une aune ôc demie de longueur au-dclTous de la
fuperlicie de l'eau. Si c'étoit celle du fer chaud , on l'envcloppoit
dans fa main , où on le laiffoit trois jours. Si c'étoit l'épreuve de
l'j^au chaude ,on attendoit qu'elle fût bouillante, ôc alors on lui
enf inçoit la main, ou même le bras dans cette eau , en attachant
_à fa main une pierre. Dans ces trois épreuves l'accufateur , de
iiiçme
i
DU DIXIEME SIECLE. -j^i
•jnênrre queTaccufc!;, ctoit obligé de jeûner trois jours, & d'attcfter
jpar ferment la vérité de fon accufation. Ilsfaifoient venir chacun
douze témoins, qui prctoient ferment avec eux. On a deux édi-
tions de ces Loix. La première ne parle que de l'épreuve de
l'accufc pour fa juftification. Ilcfl: dit dans la féconde que l'accu- Qp.r , s.
.fateur la faifoit aufli, ou qu'elle fe faifoit par deux perfonncs de
.chaque coté.
X X 1 1 1. On défend de vendre & de négocier les jours de Cap. 6.
^Dimanches, fous peine d'amende; d'admettre à ferment celui
.qui a été convaincu de faux. Les mefures publiques dévoient Cap. lo.
■être réglées fur celle de TEvêque. Il efl ordonné que tous les Cap. w,
■.Vendredis les Minifl.res du Seigneur , tant dans les Monafteres ,
(que dans les grandes Eglifes, chanteront cinquante Pfeaumes
^pour le Roi Ôc fes Sujets.
XXI V. Le premier jour de Juin de l'an p5 2 le Roi Henri . Concile
.affembla un Concile à Erford, Ville d'Allemagne dans la Tu- '^ ,'! ? t'cm. ? ,
.ïinge, où affifterent Hildebert, Archevêque de Mayence ; Roger, Cmdl pag-.
Archevêque de Trêves, ôcUnni de Hambourg, avec dix autres '^''
Evêques , du nombre defquels étoit faint Uldaric , Evcque
d'Aultourg. Il nous relie cinq Canons de ce Concile, qui por-
tent , que l'on célébrera avec folemnïté les Fêtes des douze Ctn. t.
.Apôtres , & que l'on jeûnera les Vigiles établies anciennement ;
(que l'on ne tiendra point les Audiences, ouAffemblées fécu- ^
lieres, les Dimanches, les Fêtes , ni les jours de jeûne ; ôc que
les Juges ne pourront citer perfoune à leurs Audiences, fept
jours avant Noël, depuis la Quinquagcfime jufqu'à TOclave de
Pâques, ôc fept jours avant la Saint-Jean. Ce fut le Roi Henri
qui autorifa cette défenfeen faveur de la Religion Chrétienne,
afin que les Fidèles euffentplus de loifir pour fréquenter les Egli-
fes , ôc y vaquera la prière dans ces tems-là. Il fit ajouter qu'ils Can. j.
ne feroientfujets à aucun ban , ou citation de la Puifi'ance publi-
que, lorfqu'ils iroient à l'Eglife , qu'ils y feroient, ou qu'ils en
reviendroient. Uii Prêtre , ou un Diacre, qui, faute d'attention q^j. 4.
fur fes mœurs , aura donné lieu à quelques mauvais foupçons
dont l'Evêque aura eu connoiflance ; ou s'accufera devant lui de
fon péché pour en recevoir la correèlion , ou prouvera fon inno-
cence par ferment, ôc par le témoignage de quelques-uns de fes
Collègues. Il y avoit des Chrétiens , qui étoient perfuadés qu'en ^.^^
s'impoiant des jeûnes, ils devinoient plus aifément l'avenir ; le
Concile défend cette fuperflition, ôc des'impofer un jeûne fins
la pcrmidion de l'Evêque.
Tome XXI I. C C c c c
754 CONCILES
Concile XXV. On ne fçais. rien de ce qui fe pafTa au Concile de
Tierrl'en*^^"' Château-Thierri-fur-la-Mame dans le DiocèfedeSoiffons, finon
tom.6,ConnL quHildegalre y fut ordonné Evêque de Beauvais par Artaud,
Harduini,pjg. Archevêquc deR.eims, accompagné de Teutolon de Tours,
& de quelques autres Evêques de France & de Bourgogne. Ce
Concile fut tenu en 93 5 , pendant le cours des fix femaines que
dura le fiége mis par le Roi Rodulfe devant cette FortercfTe qui
appartenoit au Comte Heribert.
Concile de X X V L Deux ans après , c'eft-àdire , en 9 3 ç , Artaud pré-
p\r^]bid. & fidaà un autre Concile qui fe tintàFifmes dans l'Eglife defainte
10771. 9-ConcU. Macre, contre ceux qui s'emparoient des biens Eccléfiaftiques ,
ffl^- 593- 5^ contre les pillards. 0\\ les avertit de fe corriger, & de faire
pénitence.
^T^^'\^^ XXVII. On rapporte au même temsles Loix que Hoëli,
en Ans'iêt'er- furnommé le bon Roi de\v'alles,ou deGalles en Ang}eterre,fiten
re, ibïd. ptijT. favcur de r£g!ife,dans uneAfTemblée générale qu'il convoqua de
,Éoo. ^Q,jg ^gg Etats. Tous les Evoques, Abbés, & Supérieurs de ,\Ionaf-
teres s'y trouvèrent, avec fix Laïcs de chaque Centurie , ou Can-
ton , & il choifit les plus dotles ôc les plus prudens. Ces Loix
font divifées en quarante articles , ôc on paffa tout le Carêmeà
Gap. ^ ù"). les former. Voici les plus remarquables. Le Roi donnoit à fou ■
Prêtre , le jour de Pâques , les habits dont il s eroit lervi pendant
le Carême ; ôc la Reine donnoit auiii à fon Prêtre ceux avec Icf-
quels elle avoit fait pénitence pendant ce famttems. L'Office du
Cap. 6. Prêtre de la Cour dans les Audiences , efl d'effacer du regiftre les
Procès qui font jugés; de conferver par écrit ceux qui ne le font
pas , 6c de.prêter fon miniflerc au Roi pour les lettres qu'il reçoit , ,
Cap. 7. & pour les réponfes. Les douze principaux Officiers de la Cour
prêtoicnt chaque année ferment dans l'Eglife devant le Chape-
lain , de rendre la juflice gratuitement , avec équité , & fins
f^P- -?• acception de perfonne. Le Prêtre du Roi étoir chargé de bénir
les viandes 6c la boiffon qu'on fervoit à fa table. Lorfqu'il s'agif-
Cap, 40. foit de fe purger d'un crime par ferment , on le répetoit trois
fois en préfence du Prêtre , à l'entrée du Cimetière , à la
porte de l'Eglife , ôc à la porte du Choeur. Il paroît par le dix-
feptiéme article , qu'un homme pouvoir répudier fa femme pour
le feul cas de familiarité avec un autre, fans preu\e d'aduttere.
SoSo'n's '' en ^ ^ V n I. A la mort de Seulfe en 9 2 s , Heribert , Comte de
9^^,ihiA.p^g. Vermandois , lui lïit donner pour fucceffeur fon fils Hugues,
*°*' quoiqu'il n'eut que cinq ans. Six ans après le Roi Rodulfe ayant -
pris la Ville de Reims ^ tira du Monadcre de fauit Keiiii Artaud ,
DU DIXIEME SIECLE. j^t
^& le fitfacrer Archevêque. Artaud gouverna l'Eglife de Reims
huit ans ôc feptmois , au bout defquelscette Ville étant retournée
en la puilTance d'Heribert , ce Comte l'obligea de renoncer à
i'adminiflration de l'Archevêché , ôc de fe retirer en l'Abbaye
de faint Balle. C etoic en 9-4.0. L'année fuivante Heribert ôc
Hugues fon fils affcmblerenc un Concile à SoilTons. Artaud y
fut invité , mais il rcfufa d'y aller ; ôt fçachant qu'on penfoit d'y
■facrer Archevêque , Hugues , qui étoit déjà avancé dans les
Ordres, il menaça d'excommunication ceux qui oferoient or-
. donner de fon vivant un Arclicvêquc de Reims, ôc appella au
■faint Siège de tout ce qui fe feroit à cet égard dans le Concile.
Ses menaces n'intimidèrent perfonne. Le facre de Hugues fut
réfolu ; ôc les Evêques étant palfés de SoilTons à Reims l'ordon-
•nerent Archevêque dans l'Eglife de faint Rémi à lage de
vingt ans.
XXIX. Ode ou Odon,fucce(reurde\^ulfelme dans leSiege j„^,;''"a;[£:
.de Cantorberi en^p-^a , fit quelque tems après dix Statuts pour la v quedeCan-
.cpnfolation du Roi Edmond ôc l'indrudion des Peuples fournis '''^en , iki,
à fa domination. Il recommande dans le premier l'immunité des ^'•'' "
Eglifes , ôc foutient qu'il n'ell permis à perfonne de les charger
<d'aucun tribut, en étant exemtes dans tous les Royaumes. Suc
quoi il cite un palTage de faint Ambroife , ôc un de faint Gcé-
eoire. Dans les cinq fuivans il détaille les devoirs des Princes r'^é,'
féculiers , des Evêques , des Prêtres , des Clercs ôc des Moines.
Il exhorte ces derniers à vivre dans l'humilité, occupés au tra-
vail des mains, à la lecture , à la.priere. Dans le feptiéms il On. 7.
.condamne les mariages incellueux , ôc dit anathême à qui-
. conque aura époufé une fille confacrée à Dieu. Il recommande c-n. s,
dans le huitième la paix ÔC la concorde , entre les Evêques , les
Princes ôc les Peuples ; Ôc dans le neuvième l'obfervation des Cm. 9.
jeûnes , du Carême , des Quatre-tems ; ôc des mercredi ôc ven-
dredi pendant l'année. Il donne dans le dixième le nom d'au- Can. t»,
mône à la dixme , mais il ne lailTe pas de- l'ordonner comme
étant prefcrite par l'Ecriture. Les Statuts font fuivis d'une Lettre
fynodalc à fes Suffragans qu'il exhorte à remplir avec foin les
devoirs de leurs charges.
XXX. En P4.4. , le jour même de Pâques , Edmond , Roi Loix;iuRoi
d'Angleterre, tint à Londres une alTemblée d'Ecclèfiaftiques '^'^"^'^i^i'^ l^
•& de Laïcs , dans laquelle il fit un grand nombre de Loix , dont in'. '
<5uelques-uncs regardent l'Eglife. Odon de Cantorberi , ôc
Wulrtan d'YorcK étoient prcfens avec plufieurs autres Evêques»
C Cccc ij
T^e CONCILES
Ca<^. I. La continence eft ordonnée aux Clercs , fous peine de prîva^-
tion de leur temporel & de la fépulture après leur mort. Les-
Ca;;. y. Eglifes feront à la charge des Evéques , ôc ils auront foin d^a--
vertir le Roi d'orner celles dont ils ne font pas chargés cux--
O;-. 6. mêmes. Le Prêtre adiftera au mariage qui fe célébrera dans
i'Eglife où il dira la Mefle. Il eft en droit de les unir par la-
Ca.^, II. bénédidion de Dieu qu'il donne aux deux contratlans. Défenfe
'^^' '^' d'attaquer celui qui s'eft réfugé dans TEglife.
Concile de XXX L Pierre de faint Julien raconte dans fes origines de^'
9iA,WiàpT Tournus , qu'en 5)44. le Duc Gifalbert affembla un Concile
in.. ' dans le Monaftere de ce nom ; que les Archevêques de Lyon
& de Befançon y alFifterent avec cinq Evéques, & qu'ils déci-
dèrent unanimement , que l'on envoyeroit à faint Portien en
Auvergne pour redemander les reliques qui y avoient été tranf-
portées trois ans auparavant, à l'occafion d'un différend entre'
les iMoines ôc le Duc qui vouloir leur donner un Abbé indigne
de l'être. Il ajoute , qu'après le retour de ces reliques , les cala-
mités , dont le Monaftere de Toarnus avoit été affligé pendant
leurabfence, cefferent.
Concili:> XXXII. Après la mort d'Eftîenne , qui de Métropolitain-;
»i"nLLV°"'" d'Amafée étoit devenu Patriarche de Conftantinople , on lui'
9<,^,ihià. donna pour fucceiTeur le MoineTryphon ( a ) , a condition qu'il'
ne tiendroit ce Siège que jufqu'à ce que Theophila£le, fils de
l'Empereur Romain , fïit en âge de le remplir. Tryphon , quoi- •
qu'en réputation de lainteté , accfepta la condition , ôc fut ordonné •
Patriarche. On n'avoit pas encore oui parler dans l'Egliie de'
Conftantinople d'une ordination femblable ; mais il y avoit '
quelque chofe d'approchant dans le fait d'Hcribert, Comte de'
Vermandois , par rapport à l'Archevêché de Reims , qu'il avoit '
fait conférer à fon fils Hugues âgé feulement de cinq ans. Le'
tems de Tryphon pafTé, il refufî de quitter fon Eglifc jufqu'à la.
décifion d'un Concile. On en alfembla un. Tryphon s'y plaignit '
delà violence qu'on lui faifoit pour l'obliger a abandonner le
Siège Patriarchal ; ôc pour preuve que l'objedion qu'on lui
fâifoitde nefçavoir point les Lettres , étoit fauffe, il écrivit en
préfencc du Concile fur un papier ces mots : Tryphon par la
mifericorde de Dieu , Patriarche de Conftantinople la nouvelle
' a ) Aaonjm, num, z 6 , png. i$.\ , Scriptor. pcjl Theoph. & Ceorgius Mcnachus , pjg.
ï) U DIXIEME SIECLE. 7^7
Rome. Il envoya ce papier à l'Empereur par le Protothrone.
Le Prince en fublVitua un autre 011 il écrivit au nom de Tryphon ,
que fe croyant indigne du Siège Patriarchal , il l'abandonnoit à
qui le voudroit. Le Concile lit droit fur cette excufe prétendue
de Tryphon ôc le dépofa fans aucun égard à fes plaintes fur ia^
fraude dont le Protothrone avoir ufé envers lui. Le Siège d&
Conftantinople demeura néanmoins vacant pendant un an &
cinq mois , à caufe que Thecphilacle étoit encore trop jeunes-
La collection des Conciles met celui ci enp4.}. , d'autres en 931,
& difent que Theophilade fut ordonne le deux de Févri^-
Fan p5 j.
XXXIII. Vers l'an 94.7 il y eut un Concile à Fontaines Concîk"
dans le Diocèfc d'Elne , auquel Aimt-ricde Narbonne préfida. ':^^^"^er,^47»
Les Evêques de Girone & d'Urgel y furent dépofés fuivant le
Jugement rendu contr'eux parle faint Siège ; mais auffitôt après-
les Pères du Concile touchés de compaHion , les rétablirent. Ils-
ordonnèrent qu'à l'avenir l'Evéque d'Elne tiendroit la première
place après l'Archevêque de Narbonne, tant dans les Conciles
que dans les Ordinations d'Fvêques.
XXXI V. Le Roi Louis ayant repris la Ville de Reims en Concile dé
P4.(5 à l'aide d'Otton , Roi de Germanie, Hugues fut obligé ^'^"'iun en
d'en fortir , 6c Artaud remis dans fon Siège parles Archevêques ^^^'' •f'^*'
de Trêves 6c de Alayence. Les deux Rois tinrent quelque tems
après un Parlementa Douzi fur le Cher, où l'affaire des deux
Contendans à l'Archevêché de Reims fut examinée. Hugues
produifit des l ettres d'Artaud au Pape , dans lefquelles il renon-
çoit à l'Archevêché. Artaud foutint qu'elles étoient fuppofées.-
Ce Parlement ne pouvant paffer pour un Concile, il fut ordonné'
qu'on en tiendroitun pour la mi-Novembre , 6c qu'en attendant'
Artaud demeureroir en poffellion de l'Eglife de Reims , & que
Hugues pourroit faire fon féjour à Mouzon. Le Concile fut tenu
à Verdun au mois de Novembre 5)47. Robert, Archevêque de
Trêves , y préfida avec Artaud ôc Odolric, Archevêque d'Aix,^
qui s'étoit réfugié à Reims Les autres Evêques étoient Adal-
beron de Metz, Goflin de Toul , Hildebalde de Munfter, ôc
Kraël , Evêque Breton. Brunon , Abbé , frère du Roi Otton,
y affifla avec Agenold , Odilon , ôc quelques autres Abbés. On'
députa deux Evêques à Hugues pour l'amener au Concile ; ôc
n'ayant pas voulu venir , on maintint Artaud en pofTelfion du'
Siège deReims, ôc on indiqua un autreConcile pour le treizième^
de- Janvier de l'année fuivante.
C Cccc iij,
7)8 CONCILES
Concile de X X X V. Il s'alTembla à Mouzoïi dans l'Eglife de S. Pierrç.'
^^r^ii)/' i"^ Robert , Archevêque de Trêves, y e'toit avec les Evêques de
6ii! fa Métropole , & quelques-uns de celle de Reims. Hugues ne
voulut p-oint y venir ; mais il envoya au Concile des Lettres fous
le nom du Pape Agapet, par un de fes Clercs qui les avoit
apportées de Rome. Elles contenoient un ordre de rendre à
Hugues fon Evcché : durefte, elles n'étoient point conformes
aux Canons, On n'y eut donc aucun égard. Et les Evcques
ayant prisconfeilde plufieurs gens habiles qui ëtoient préfens.,
il fut décidé que l'on continueroit à exécuter un autre ordre du
Pape apporté par Frideric, Archevêque de Mayence , de pro-
céder canoniquement à l'examen de l'affaire des deux Conten-
dans. En conféquence , on lut le dix-neuviéme Canon du Con-
cile de Carthage , touchant l'accufateur 6c l'accufé , & confor-
mément à ce Décret , on conferva à Artaud la Communion
Eccléfiaftique , & la polTelTion de l'Eglife de Reims ; ôc on priva
Hugues qui avoit refufé de comparoitre , de la Communion ôc
du gouvernement de cette Eglife , jufqu'à ce qu'il fe préfentât au
Concile pénéral , indiqué pour le premier d'Août de la même
année Ç'^S. Le Canon de Carthage fut inféré dans le Décret du
Concile de Mouzon , 6c envoyé à Hugues j qui déclara qu'il
n'obéiroit pointa ce jugement.
Concile XXXVI. Artaud fe pourvut à Rome. Le Pape Marin IL
d'Ingciheini chargea fon Légat auprès du Roi Otton , d'affemblcr un Concile
eii94S , ibid. '^j[.^i^ ]\ fe jint à Ineelheimle feptiémede Juin 048 , ôc non.
le premier d Août auquel on avoit d abord penie de i indiquer.
Les deux Rois Louis ôc Otton y alTiflerent , avec cinq Arche-
vêques, vingt-fix Evêques , tant de Gaule, que de Germanie ,
ôc grand nombre d'Abbés , de Chanoines ôç de Moines. Les
Archevêques étoient ceux de Trêves j de Mayence, de Colo-
gne, de Reims ; de Hambourg. Le Légat Marin qui préfidoit à
cette Aflemblée en fit l'ouverture par la lecture de fa commif-
fion : comme elle lui donnoit tout pouvoir , les Rois ôclesEvê-
Piig.6t6. ques déclarèrent qu'ils obéiroient. Enfuite le Roi Louis forma
fa plainte contre Hugues, Comte de Paris , qui l'avoit chall'é de
fes Etats, ôc tenu un an en prifon, dont il n'étoit forti .qu'en
abandonnant à ce Comte la Ville de Laon. Il s'offrit de mon-
trer qu'il n'avoit point mérité un pareil traitement ; ôc en cas
.qu'on l'accusât de quelque crime, de s'en purger en la manière
que le Concile l'ordonneroit, ou fuivant l'ordre du Roi Otton, ou
parle combat fingulier.
DU D I X I E M E S I E C L E. 7^5)
XXXVII. Après que le Roi Louis eut achevé fa plainte , Piig.6z6,
Artaud lit la lieniie par un mémoire en forme de lettre , adrclfé '^'
au Légat ôc à tout le Concile , détaillant au long tout ce qui
sétoit palTé entre Hugues & lui au fujet de l'Archevêché de
Reims , & ce qui avoit été réglé à cet égard dans les Con-
ciles de Verdun & de Mouzon. Le mémoire étoit en Latin :
on l'expliqua en Tuilcfque, à caufe des deux Rois. Hugues,
qui jufques-Ià n'avoit point comparu , entra dans le Con- P-g-i^i^
cile avec les m^mes lettres qu'il avoit fait préfenter au Con-
cile de Mouzon. On les lut : Elles furent convaincues de faux , ÔC
Sigebolde qui difoit les avoir apportées de Rome , fut dépofé du
Diaconat, & envoyé en exil. On confirma donc à Artaud la
pofrelîlon de l'Archevêché de Reims. Sa caufe parut la meil^
leure , parce qu'il s'étoit trouvé à tous les Conciles , & n'en avoiÉ
point lui le lugement.
XXX V H I. Tout cela fe pafTa le premier jour del'Af- c- SoS/*"
fembléc. Le fécond on jugea, à la réquifirion de Robert, Arche-
vêque de Trêves , la caufe de Hugues, ufurpateur du Siège de-
Reims, & ion (it la letture des Gsinons ôc des Décrets des >
Papes, en vertu defquels il fut de nouveau excommunié. Le§'
jours fuivans furent employés à drefler les dix Canons de ce"
Concile. Il eft dit dans le premier que Hugues , Comte de Paris , Can. t.
fera excommunié pour avoir attaqué les Etats du Roi Louis , s'il
ne fe foumèt à la décifion d'un Concile. Dans le fécond , on c.t«, z..
déclare Artaud canoniquement rétabli dans l'Archevêché de
Rei.ns ; Hugues excommunié pour l'avoir ufurpé; fcs Ordina-
teurs, ôc ceux qu'il a ordonnés , privés de la communion, s'ils -
ne viennent faire fatisfaction au Concile indiqué à Trêves pour'
le fi^'iéme de Septembre. Le troifiéme menace encore d'excom- dn. j;-
munication le Comte de Paris , pour avoir chaffé de fon Siégé
Raoul, Evêque.de Laon , dont tout le crime cojififtôit dans fà
fidélité au Roi Louis. Les autres Reglemens du Concile font fur
divers points de difcipline. On défend aux Patrons des Eglifes C-^"- 4.
d'y mettre des Prêtres, ou de les en oter fanslapermiffion del'E--
vêque' ; Ôc en général aux Laïcs deVéxerles ï*rétfës. Il eft ordon- Can. j.
né de fêter lafemaine de Pâques tofute^ôntiere, ôc {é -Lundi , le
Mardi ôc le Mercredi de la Pentecôte", côhime 'le' jour de
JDimanche; de jeûner la grande Litanie y'où le jour'de faint Can.6,-
Marc, de même que lès Rogations avant rAfcenfion. Défénfe.Ci/j. 7.
aux Laïcs de fe rien attribuer des dblatk>nf* des-Fïdeles , ni des Can. s.-
dixmes qui font-deftinées à ridàtBt ce'uk -«^tféfv^ntà l'A'ut^l^
7^0 CONCILES
CivT. 9- ^ au cas que les Laïcs s'en foient emparés , le jugement delà
caufe n'appartiendra pas aux Juges féculiers , mais au Concile.
ConcUe ce XXXIX. L'Armée du Rai Louis reprit la Ville de Laon
ib'h^^a/.é^-î. ^^'^ 1^ Comte Hugues. AufTitôt les Evêques s'y afTembierent , ôc
citèrent Hugues, tant de leur part, que du Légat Marin, à
venir rendre compte des maux qu'il avoit faits au Roi & aux
Evêques. Ils excommunièrent un de fes Officiers nommé Tet-
baud , qui avoit bâti une Fortereffe à quelque diflance de Laon ,
pour fe maintenir plus facilement en poflelHon de cette Ville..
Trevèl" ^ en X. L. Artaud de Reims , fe rendit à Trêves dans le tems
.g/{i,ihid. marqué pour le Concile , accompagné des Evêques de Soiflbns,
de Laon ôc de Terroùane. Le Légat Marin les y attendoit avec
l'Archevêque Robert. Il n'y vint point d'Evêques de Lorraine ,
ni de Germanie. Les Prélats s'étant alTcn^iblés , le Légat leur
denaanda, comment le Comte de Paris s'étoit conduit envers
eux, ôc envers le Roi Louis , depuis le Concile d'Ingelheim.:
Si on lui avoit rendu fes Lettres de citation , ôc s'il y avoit quel-
que Député de fa part. Ils répondirent qu'il avoit continué à leut
faire beaucoup de maux ^ 6c à leurs Eglifes ; qu'il avoit été fuffir
famment appelle, tant par lettres, que de vive voix, ôc que
toutefois il ne paroiffoit perfonne de fa part. On attendit jufqu'au
lendemain; ôc, quoique tous les afiiftans criaffent qu'il falloit
l'excommunier, les Evêques donnèrent encore un délai de trois
jours. Pendant ce tems Guy , Evêquede Soiffons, l'un des Ordir-
nateurs de Hugues de Reims , fc profterna devant le Légat
Marin ôc l'Archevêque Artaud , s'avouant coupable. Les deux
Archevêques, Robert de Trêves, ôc Artaud de Reims, intet^
cédèrent pour lui , ôc on lui pardonna. Il fut prouvé que Vicfred ,
Evêque de Terroiiane , n'avoir eu aucune part à l'ordination de
Hugues. Tranfmar , Evêque de Noyon , avoit apparemment été
du nombre des Ordinateurs ; mais étantmalade ., il ne comparut
au Concile de Trêves que par un Député. Le délai accordé au
Comte de Paris étant palfé fans qu'il comparut , ni perfonne de
fa part , on l'excommunia jufqu'à ce qu'il vînt à réfipifcence , ôc
••» .s,a?> fit fatisfadion en préfence.du Légat , ou des Evêques , au défaut
de quoi il fut ordonné qu"il iroit à Rome fc faire abfoudre. Ou
exconnmuiiia encore deux Evêques ordonnés par Hugues , ôc ua
.:^r::; Clerc de LaOn , accufé par, fon Evoque d'avoir introduit dans
l'Eglife l'OlGiciçriTetbaud , depuis qu'il avoit été excommunié,
Enfuitç on expédia des Lettres pour citer Hildegaire , Evêque de
Peauvais,à conipa,toîti:e devant le Légat, ou allefà Rome rendre
compte
DU DIXIEME SIECLE. 761
'Compte de l'ordination de ces deux Evêques à laquelle il avoit
allillé , & Hcribert, fils du Comte Heribert, ôc frère de Hugues,
pour faire fatisfaclion aux Evoques, des maux qu'il leur avoit
caufés.
X L I. A près la mort du Roi Edmond , arrivée le 26 de Mai Concile <!e
545, le Royaume d'Angleterre pafTa à' fon frère Edrede , qui en p^s,tbid.pae,
P48 tint un Concile à Londres le jour de la Nativité delà iainte ^a-
'Vierge,avecles Archevéquesd'YorckÔc de Cantorberi, quatre
Evoques , deux Abbés , ôc plulieurs grands Seigneurs. On y
traita d'abord des affaires qui concernoient le Royaume ; puis le
Roi donna, en préfence de toute l'Aflemblée, à l'Abbé Tur-
quetul, le Monallere de Croiland. Lacle de donation , qui eft
daté de l'an 948 , fut foufcrit par le Roi, par les deux Arche-
vêques, les Evoques ôc les Abbés. Turquetisl étoir auparavant
Chancelier du Royaume ; mais au mois d'Août précé ient , le
jour de faint Barthelemi , il avoit quitté 1 habit féculier & s'cioit
revêtu du monaOique dans le Monaftere de Croiiand. Le Roi
lu'i donna auilitôt le bâton pafloral, ÔC Cedulfe , Evcque de
Dorceflre ,luidonnala bénédiction Abbatiale, l.e nouvel Abbé
6c les Religieux retnircriit ce Monaflere entre les mains du Roi ,
qui donna des ordres pour en rebâtir l'Eglife ôc les lieux réguliers,
& le rendit enfuite à Turquetul , en confirmant au Monaliere de
Croiland, tant fcs anciennes poileilions, que les donations que
cet Abbé venoit de lui faire defesbiens.
XLI I. Le Pspe Agapetinformé de ce quis'étoit fiit dans le Concile ie
Concile d'Ingelheim, en affembla un à faint Pierre l'an 949 , oij :iiid\Bi.ltcl
îl confirma la Sentence rendue contre i'Evcque Hugues , ôc
contre Hugues , Comte de Paris , jufqu'à ce que celui-ci eût fait
latisfaclion au Roi Louis.
XLIIL Les actes du Concile de Landaffe en Angleterre, Conàle ie
nous apprennent que le Roi Nougui , qui s'étoit emparé des ., "'^/|j ^"
biens de cette Eglife,ôc avoit violé le droit de refuge, ou d'azile, «34!
en demanJ;a pardon devant toute l'AfTemblée ,refcitua les biens
qu'il avoit ufurpés, ÔC fe fournit à la pénitence qui lui (croit
enjointe par TEvcque.
Tome XXII, DDddd
-^Cx CONCILE S-
ta £
CHAPITRE X L I.
D £ 5 Conciles Li'AuJhourg, & autres , jufquà la fin iif
dixième fiecle.
Concile J. T E feptiéme d'Août de l'ail p j'a , qui étoitle feiziéme da;
d'Auibourg i j-ep;-!;^ ci'Otton en Germanie, ce Prince fit aflfembler ua
Concil.- pag. Concile nombreux a Auibourg , pour travailler au retabliiiement;.
^î^ de la difcipline. Il s'étoit rendu maître fur la i\n de Tannée précé-
dente , de la Lombardie , après en avoir chalTé Berenger ; c'eft
pour cela qu il fe trouva à ce Concile plufieurs Evêques Lom-
bards, avec ceux de Germanie. Ils avoient à leur tête quatre Mé-
tropolitains; Frideric, de Aîayence ; Herold , de Salzbourg;
Manaffès , de Milan ; & Pierre de Ravenne. Le plus connu d'en--
tre les Evêques éroit faint Udalric , Evêq^ue d'Aufbourg même.
Le Roi , invité de la part du Concile , y vint. On le reçut avec
l'honneur convenable à fa dignité , & au fon d'une agréable mu-
fique. La Meffe finie , l'Archevêque de Mayence porta la parole,
Ôc propofa les' articles qui dévoient faire la matière des délibéra-
tions, priaat le Roi deles appuyer de fcn autorité: ce qu'il pro-
mit avec zèle.
Canons de IL Enfuite !e mciTie A rchevêque publia onze Canons, faits
rA:!r^' '^'''^' '■^^^ confentement de l'Aflemblée , dont le premier défend à tous
Cw.r. les Clercs, depuis l'Evcquejufqu'au Sous-Diacre inclufivement,
de fe marier , fous peine d'excommunication. Le fécond renou-
Can.z. vellela défenfe faite dans un Concile de Tolède aux Eccléfiafti-
qucsjde s'occuper de la cha{re,& d'avoir à cet effet des chiens,,
& des oifeaux de proie, fous peine de privation de leurs fonc-
Q«. ;. tiens. On menace de dépontion dans le troifiéme les Evêques ,
les Prêtres ôc les Diacres , qui , étant avertis de ne point jouer
aux jeux delrazard, continueront de le faire. Par le quatrième
il eft défendu à tous les ClercS' d'avoir clicz eux des femmes
fous-introduites. Et au cas qu'ils en auroient quelques-unes dont
la réputation fut fu(petlc,le Concile permet à l'Evêque delà
frr.re fufliger, ÔC de lui couper les cheveux ; voulant que fi la
Puiuaace féculiere s'y oppofe, on emploie l'autorité da Roi..
T)U DIXIEME SIECLE. 7(^5
Le cinquième porte, que ceux qui renoncent aux affaires du C'n. r.
monde pour embralTer l'état Monadique , ne fortiront point du
?Vîonallere fans la permiilion de l'Abbé ; qu'ils y vaqueront au
jeûne & à la prière. Le iixiéme met les Monaileres fous la con- Can. 6.
duite des Evêques Diocèfains, avec pouvoir d'y corriger au
plutôt ce qui méritera de l'âtre. 11 eft dit dans le feptiéine que les C^i. /•
Evcques, au lieu d'empêcher leurs Clercs de fe faire Moines
pour liienerune vie plus auficre, exhorteront à la pcrféverance
ceux qui auront déjà pris ce parti. Le huitième règle la méiiie O/i. s,
chofe parrapport aux lilles qui fe font faites volontairement R.e-
ligieuiès. Le neuvième défend aux Patrons La'ics doter, fans le Cm. 9.
confentementde TEvêque, à un Prctre, l'Eglife dont il a été
canoniquement pourvu. Le dixième veut que toutes les dixmes Cm. 10.
foient (ousla puifi'ancede l'Evcque. Et Tonzicme , que les Eve- Can. n.
ques , les Prêtres , les Diacres & les Sous-Diacres s'abllicnnent
de leurs femmes ; ôc qu'on oblige à la continence les autres
Clercs , quand ils feront parvenus à un ogeplus mûr.
IJL Artaud , Archevêque de Reims , ayant convooué un ^ .^°"^,''.^'^!
Concile à Saint-Thierri dans fon Diocèfe en pjj , y cita le en 553, ilirf.
Comte Regenold , qui , après avoir ufurpé quelques terres
de l'Eglife de Reims , faifoit des ravages dans celles dont il ne
s'étoit pas emparé. Le Comte craignant l'excommunication ,
engagea le Roi à écrire en fa feveur au Concile. On fufpcndrt
donc alors la cenfure dont il avoit été menacé ; mais ayant con-
tinué dans fes brigandages , Odalric , fuccelfeur d'Artaud ,
prononça contre lui en ()66 la Sentence d'excommunication.
I"V. Le Concile de Ravenne auquel Pierre, Archevêque de Conrîie àa
cette "Ville , préfida en pj4, ordonna la reftitution des biens .^"^'^ii'i^r^l
■qu'on avoit enlevés à l'Evêque de Ferrare. 1137,
V. Celui de Landaffe fut tenu en p j ç à l'occafion d'un Diacre Concile de
qui avoit été tué devant l'Autel. Ce Diacre s'étoit lui-même \*,^^i,v,a^,
attiré la mort, en étranglant un Payfan qui lui avoit coupé un gj^^
doigt, lorfqu'il paffoit au milieu de fes moiffons. Le Diacre,
après s'être ainfi vengé , s'étoit fauve à l'Eglife , comme en un
lieu de refuge. Les parens du mort l'y fuivirent,& le tuèrent
devant l'Autel qui fut teint de fon fang. L'Evêque de LandalTe
afiembla un Concile pouf juger cette affaire. LeRolNougui
intervint ; & il fut décidé que les meurtriers du Diacre lien-
droient h prifon pendant fix mois , ôc que leurs terres feroieat
confifquées au profit de l'Eglife ou ils avoicnt fuit le meur-
tre.
DDddd ij
7<f4 CONCILES
Concile âa VI. Il ne refte d'un Concile tenu en Bourgogne en$^Ç
ourgognecn q^,•^,■,^^ proclamatioaadreflee à. ManaiTes , Archevêque d'Arles ,
par laquelle on voit que le Fape Agapet IL ayant reçu des plain-
tes de i Abbc & des Moines de faine Symphorien d.'Autun, qu ui*
certain Ifuard avoir ufurpé des biens dépendans de cette Abbaye^
écrivit à i'Evêque d'Autun de les foire rendre. Ces terres étant
dans les environs. dWrles ôc d'Avignon^ le Concile prioit les
Evéques de ces deu:{ 5ieges de s'intereffer dans cette affaire ^
dont ils pouvoient avoir plus de connoiiTance que ceux qui.
étoient plus éloignés des lieux,, ôc d'avertir Ifuaxd & fes com-
plices,de rendre à lAbbayc de faint Symphorien ce qu'ils lut
avoient ôté. Il ajoutoit: S ils veulent confervercequ'ils ont pris^
qu'ils en obtiennent le confentement de lAbbé, finon anathô-
niatifcz-les, fuivant Tordre du Pape, enforte qu à l'avenir il»
fuient privés de l'entrée de l'Eglife , de la focieté avec les Fidèles,
& de la fépulture commune , eii cas de nK»rt. Ifuard' ne voulut
Fa;f. «4z. P^'"^ ^^ delïciifir des biens ufurpés , ce qui obligea Girard,
Evéque d"x\utun en pjcjt, de recourir à l'autorité' du. Pape Jean
XII. qui exconinuinia Ifuard ôc fes complices. La Sentence fuo
envoyée aux Evêques de France ôc de Bourgogne. Les déten-
teurs revinrent à réiipifcence,. ôc rendirent en 972 à l'Abbaye,
de faintSymphorien , les terres quils lui avoient enlevées..
Diiîn-.e VIL. Le même Pape couronna Empereur Otton er^ 9<j2 ^
f^"^1 .,'," & lui rit prêter femient fur le corps de faint Pierre, avec tous les
lîli'ie'Vom^îi" Citovens ÔC Grands de Rome ,. de lui être toujours fidèle , ôc de
i»c , ib:d. pag. ne prêter aucun fecours à Berenger , ni à (on (ils Adalbcrt. Ottoiv
*''^' defon coté lît expédier en lettres d'or un Diplôme, qui fe voit
encore au C^haccau Saint-Ange, où. il conlàrma toutes les dona-
tions .faites à l'Eglife Romaine par Pépin ôcCharlemagne , ôc )5
ajouta fept Villes de fon Royaume de Lombardie. Ce Prince
rendit auiîi à cette Eglifcce qu'on lui avoir ôté. il ordonna en-
fuite que le Clergé ôc laNobieife de Romes'obligeroion parfer-
jnent à procéder canoniqucment à l'éleiSlion d'un Pape , avec la
claufe que le Pape élu ne. feroit point facré, qu'il n eût promis
puliiiquement en préfence desCommilTaires de l'Empereur,, de
confcrvçr les droits d'un chacun, ôc quc.perfonne ne troublcroit
cette élection , fous peine d'exil. 11 ajouta,, tant pour l'honneur
du Pape , que pour fe conferverla foiivcraineté fur Ronie , qu'il
Y auroit toujours des Con-vmiffaircs du Pape ôc de l'Empereur
€^d\ lui feroient tous les ans rapport de la manière dont les Ducs
fct les Juges adminillreroient la JuilicC; q^u'ils portetolcm. en
DU D I X I E M E S I E C L E. jf^f
premier lieu au Pape les plaintes qu'ils recevroient; quelePapc
y remédieroit , ou foultriroit qu'il y fût remédié par les Commif-
iaircs de l'Empereur. La date de ce Diplôme ett du treizième-
Février (;(52. Otton fouicrivit le premier ; enfuiie Adalj;agne,
Archevêque de Hambourg , avec iix Evêquesd'Alicniai^ne, ôc
trois de Lombarvlie , deu;. Ahbcs Allemands , cinq Cc-n-ires , ÔC
quelques autres Seigneurs, L'Empereur Octon parle dnns ce
Diplôme, tant en l'on nom, que de fon (ils. Mais apvcs avoir
conlirmé toutes les donations faites à TEglife Romaine, ôcles
avoir fpéciliées en détail, il ajoute cette claufe : Sauf en tout ^-'i-^-iU
notre puiflance, de tvotre fils & de nos delcendans , comme
il eu. marqué dans la Conditution du Pape Eugène. Suit dans ia
eolleclion des Conciles le fragment d'une Conflitution des Em-
pereurs Otton ôc Henri L portant , qu'on n'admettra dans l'c- "^•'^4^.
leclion d'im Pape que ceux qui y ont été admis d'ancienneté.
■VI I L Après la mort d'Artaud , Archevêque de Reims , le /^o^f'lf Je
30 de Septembre p6i , Hugues mit tout en œuvre pour rentrer ii-,\nag. 61,7.
dans ce Siège, Il fe tint- à cet effet un Concile daivs le Dioccfe de
Meaux-fur-la-Marnc, oii préfida l'Archevêque de Sens , ailillé de'
douze Evêques des Provinces de' Reims ôc de Sens. La plupart
des Evêqucs opinèrent pour le rétabiiiTement de Hugues; nui*'
ceux de Laon Ôc de Châlons ayant reniontré qu'un hon-vme ex-
communié par tant d'Evêqucs , ne pouvoit être abfous par un
nombre moins conildérable, il fut convenu de confulter le faint;
Siège. La réponfe de Jean XIL ne fut point favorableà f îuaucs.
C'ell: pourquoi on donna pour fucceifeur à Artaud , Odalric , qui
fut enfuite l'acre à Reims par les Evêques deSoiflons , de Laon ,-
de Châlons , de Noyon & de Verdum
I X^ Le Pape Jean XIL s'étant joint à Adalbert contre l'Em- Concillabnle
pereur Otton, ce Prince en apprit la nouvelle étant à Pavie. Il ^'^ ^'°,'^'^ ^"
eut peine a y ajouter toi; ôc poursailurer du vrai, u envoya a ^^g.
Rome. Les Romains certifièrent la révolte du Pape Jean ,- Ôc le
chargèrent de plulleurs crimes. Otton nes'enémut point , difanr
à ceux qu'il avoit envoyés, que le Pape étoit jeune, ôc qu'il pour-
roit fe corriger. En effet, Jean XII. lui députa Léon , Protofcri-
niaire de l'Eglife Romaine, ôc Demetrius , pour s'excufer de
ce qu'il avoit fait pour Adalbert, fur un emportement de jeu-
neffe. Il fe plaignit en même-tems de ce que l'Empereur lui avoir
manqué en plufieurs points. Otton fe juftifia , Ôc otirit , au cas
que le Pape ne recevrort pas fcs excufes, de prouver fon inno-
cence parie duel.. Luitprand,EvÊque de Crenione, fut chargé'
DDddJiij
7^^ CONCILES
de porter cette réponfe au Pape, qui ne voulut ni recevoir la
juftiiication ni par ferment , ni par le duel. 11 fit même revenir à
Rome Adaibert afliegé par l'Empereur dans Monte- Feltro.
L'Empereur l'y fuivit ; mais le Pape ôc Adaibert informes de foa
voyage , en fortirent. Les Romains, quoique divifés en deux
partis, dont l'un tenoit pour le Pape, l'autre pour l'Empereur,
lui promirent fidélité , avec ferment de ne point élire de Pape
fans Ion confentement , ou de fon fils. On alTembla un Concile
nombreux, où l'Empereur ailifta avec quarante Evêques , treize
Cardinaux, plufieurs autres Clercs & Laïcs. Otton témoigna
être fâché que le Pape ne fut pas préfent au Concile, & demanda
pourquoi il l'avoit évité. Les Evoques répondirent qu'ils croient
furpris de cette queftion , les crimes de Jean XIL étant fi pu-
blics, qu'ils n'étoient ignorés de perfonne. Ce Prince dit qu'il
{alloit propofer les acculations en particulier. On les propofa eia
grand nombre , & toutes très-griéves. L'Empereur en donna
avis au Pape par une Lettre du fixiéme de Novembre fjf) 3. Il ne
répondit que par des menaces d'excommunication contre ceux
qui entreprend-roient d'élire un autre Pape. Cette Lettre ayant
été lue dans une féconde fefiion du 22 de Novembre, on luicii
écrivit une autre qui ne luifut pas rendue , parce qu'on ne put le
trouver.
LePnpeJe-n ,^^^ Cela fut caufe apparemment qu'on ne lui en écrivit pas
■i'/w-.'é^i' une troifiéme par forme de citation , pour garder les formalités.
Le Concile s'étant aifemblé pour une dernière fois , l'Empereur
fe plaignit , qu'après avoir délivré le Pape Jean des mains de
Berenger ôc d'Adalbert , oubliant la fidélité qu'il lui avoit jurée ,
il avoit pris le parti d'Adalbert, fait des féditlons , 6c étoit devenu
^1 Chefde guerre, pbrta'nt une cuirafife & un cafque. Le Concile
i,, invité par ce Prince à déclarer ce qu'il convenoit d'ordonner,
*•* . demanda que Jean fût clialfé de fon Siège, ôc qu'on mît à fa
place un homme de bon exemple. L'Empereur en fut d'avis,
& tous ayant' nommé d'une voix unanime & par trois fois,
Lecn, Protofcriniaire, il fut conduit au Palais de Latran , 6c
ordonné Pape au mois de Décembrep^j. Il tint le faint Siège
Luhprand. un an & quatre mois.Nousn'avons pas lesaûes de fon életlion ,
iih. 6 , c:ip. 6 ni de ce qui fc palîa dans cette AlTemblée ; 6c nous n'en fçavons
^''' que ce qu'on en lit dans Luitprand , 6c dans fon Continuateur.
Concile i!e X L En Orient , les Empereurs Léon ôc Romain étant morts,
*^ie"cn"i'r' on reconnut Empereur, Nicephore Phocas, illuftreparles vie-
fo/7i.9,Co)L/. toires qu'il avoit remportces furies Sarraiins. Couronné par Ic'
Concile de
DU DIXIEME SIECLE. 7^7
Patriarche Polyeu£te , le 1 5 d'Août del'an 96? , il époufa Theo-
phanie, veuve de Romain , le 20 de Septembre fuivanr. Le
Pattiarche n'approuva point ce mariage, tant parce que Nice-
phore n'avoit pas reçu la pénitence des fécondes noces , qae
parce qu'on difoit que Nicephore avoir levé des Fonts de Bap-
tême un enfant de l'heophanie. Il voulut môme l'obliger à quitter
fa femme , réfolu en cas de refus , de lui interdire l'entrée de
l'Egiife. Niccpliore alfembia les Evcques qui fc trouvoient à
ConOantinopIc , & plulieurs Sénateurs. L'aifaire fut difcutée.
Le Cefar Bardas afiura que l'Empereur fon (ils n'avoit été Parein
d'aucun des enfans de Theophanic. Stylien , que l'on faifoit
auteur du bruit contraire , jura qu'il n'avoit rien oiii-dire de fem-
blable. Ainfi le Concile laiffa fubfifter le mariage, ôc donna à
Nicepl.ore des Lettres d'abfolution.
X 1 I. Le Pape Jean XII. rappelle à Rome par les Romains , „ ^
nnt un Loncile dans 1 bgule de lamt lierre, le 16 de revner iiij.pa^. sjj.-
cj^^- , avec feizeEvêques Italiens ôc douze Prêtres-Cardinaux ,
dont la plupart avoient aOilié au Conciliabule de l'année préè.é-
denteoùil avoit été dépofé. Jean ouvrit la première felïïon par Première
des plaintes contre l'Empereur Ctton : puis il demanda aux atlif- ^^'^"^"*
lians , comment on devoit appeller le Concile tenu dans fon
Fglif^ en fon abfence. Ils répondirent que c'étoit une proftitu-
tion en fu'eur de Léon l'adultère & l'ufurpateur ; qu'ii falloit
condamner les Evcques qui l'avoient ordonné , comme avant
paffé leur pouvoir , & le condamner lui-même. Léon ^'éroic
■ fauve de Rome. Le Concile ordonna de le chercher , & on rèmir
fa condamnation à la troifiémè feffion. Le Pape ne laiffa oas en
attendant, de le déclarer dépofé, ôc ilfitlamcmechofe à léinird
des Evcques que Léon avoit ordonnés. Cependant il les fit
entrer dans le Concile revêtus de chafubles ôc d'éroles , ôc tous
avant écrit par fon ordre fur un papier :A7(7n 'pcre n'avcit riznh"
lui ,< Cr 72e m'a rien donné , il les rétablit dans le irang qu ils avoient
auparavant.
XIII. La féconde fefîion fut tenue le 27 du même mois d'è Seconde
Février. Le Pape dit qu'on avoit cherché inutilement Sicon y '*='^'*"'
Evêque d'Oflie, qui avoir facré Léon , aveb Benoît de Porto ,-
6c Grégoire d'Albane, On remit leur corldanination à la feliioit
fuivante, ôc toutefois onfit entrer Benoît ôc Grégoire , à qui orï'
ordonna de lire dans un papier : Aloi tel , duvivarlt de mon petè^j
fai confacri à fa place Lion de Cour-t Néophyte (s'jrayjure , contre:
les 'ordùnnaiiC2s d^s Pères, Le*Cënciiii -étèodit" Tes clîfcuHrdhs
7(SS CONCILES
jufques fur ceux qui avoient prêté de l'argent au Pape Léon , &
xlécida que s'ils étoientKvêques, Prêtres, ou Diacres , ils per-
droient leur rang; que Ci c'étoit un Moine, ou un Laïc, qu'il
feroit anathcmaciré. Li rûferva au Pape le jugement des Abbés de
fa dépendance qui avoient allifrés au Concile précédent , ôc
xléfendit, fous peine d'excommunication , à tout inférieur dotet:
le rangà foniuperieur,.& aux Moines d'abandonner le Monalterc
où ils ont renoncé au fiécle.
Troifiéme X I V. 11 ne fut plus qucHiou du Pape Léon dans la troiilénie
&ffion. jfcance ; mais on y dépofa Sicon d'Ollie , fon Ordonnateur , faiis
.cfperance de rétablilfement, ôp on remit en leur premier rang
ceux que Léon avoit ordonnés. Le Concile fe modela en cela
Xur la condu'ue du Pape Eiiienne , qui déclara nulles les Ordina-
tions faites par Conlîantin. Enfuite , à la prière du Pape , il
déiendit aux Laïcs de lé tenir pendant la M.eflé autour de l'Aute!,
.ou dans le Sanduair-e.
Ccmciip d,e X V. Lc Roi Edvin étant devenu odieux aux Anglois, ils le
BranJc-fort cil ehafiércnt ,, ÔC reconnurent pour Roi fon frère Edeard en 0Ç7.
Ant''It?''(*rr'* cm cj -^ ^ >
■p6^,ibii.p:ig. Quelques années après, & , pomme fon croit ,en ^(j-j-jCe Prince
*î7. affembla un Conciie à Brandeford , où il caiïa toutes les Lois
jnjudes de fou frère , rcilitua aux Eglifes ôc aux Monailcras ce
qu'il leur avolt enlevé, rappella l'Abbé Dunllan de fon exil , ôc
l'obligea depuis d'accepter fEvêché de Vorchelîre. Le même
6%%^^ ^^" Prince confirma en p j8 à l'Eglife de Cantorberi , la qualité de
Aîcre ÔC de Majtreflé de toutes les Eglifes du Royaunje,
Concile de XVI. C'cft eucore de Luitprand que nous apprenons ce qui
ibï'h^iTl^'^V ^^ P'-^^^ ^"'^^ ^^ Concile de Rome dont les a6tcs n'exiilcnt plus.
Luifrancllib. Ls Pa^")e Jcau XII. étoit mort le quatorzième de Mai ^6^ , les
fiifCjp.ii. J^omains lui donnèrent pour fuccclfeur Benoit , Cardinal de
l'Egliié Romaine , que l'on nomma Benoît V. L'Empereur
Otton l'ayant appris vint alliégcr Rome , d<M"it il fe rendit maître
le vingt-troifiénie de Juin fuivant. Les Romains lui abandon-
nèrent Benoit , ôc reçurent Léon VIII. dépofé par Jean XIL
daivs le Concile précédent. On en aiTcmila undans l'Eglife de
Latran. Lcon y préfida. L'Empereur étoit préfent , avec plu-
fieurs Evêques d'Italie , de Lorraine , de $axe , le Clergé ôc le
peuple de Rome. On amena Benoît V. revêtu de fes ornemens
Pontificaux , ôc on lui Ht de vifs reproches fur fon manque de
fidélité, tanx au Pape Léon, qu'à l'Empereur. Benoît fe jettant
aux pieds de l'un ôc de l'autre , demanda pardon , s'avouant ufur-
RatçMj: du faim Siège. Il ôta de Ijai-mêmc fon Pallium , le rendit à
Léon
D U T) I X I E M E s I E C L E. 7^<,
Léon avec le bâton pafloral qu'il tenoit en main. Le Pape brifa
le bâton , fit afTeoir Benoît à terre , lui ota la Chafuble ôc l'Eto'.c ,
& le déclara privé de tout honneur du Pontificat. Néanmoins ,
en confidération de l'Empereur , qui n'avoit pu voir toute cette
procédure fans verfer des larmes , il lui permit de garder l'Ordre
de Diacre , à condition qu'il fcrtiroit de Rome, & iroit en e\iL
Le Concile (it un Décret par lequel on accorda à Otton & à fes i,ij''l"'''"''JI^'
fuccefl'eurs, le pouvoir de fedonnerunfuccefieur pourle Royau- ijé.
me d'Italie; d'établir le Pape, ôc de donner Tinvcditureaux ,:„. 9''^'^'''''
Evêques ; avec défenfe , fous peine d'excommunication , d'exil ^ap. i}.
perpétuel ôc de mort , de choiiir ni Pape , ni Patrice , ni Evêques
fans Ton couft-ntement. Il ne faut pas être furpris delà peine de
mort impofée aux contrevenans à ce Décret , parce oue les
deux Puiifances fc trouvoient réunies dans certe Afiemblée.
XVII. En p55 le Roi Edgar chalTa de l'Eglife de Vin- j^JJ''^p7'^f*
cheflre les Clercs mariés, 6c de mœurs déréglées , mit à leur ,i,(/. y/^. "074
place des Moines, ôc fe déclara le Protedeur de ce nouveau 0-966.
Monaftere. Il fait voir dans le Diplôme qu'il leur accorda, de
grands fentimens de pieté ; donne aux Moines des avis fur la
manière dont ils dévoient fe comporter dans le Cloître , ôc rece-
voir le.-. Etrangers ; ôc leur permet l'éledion de leur Abbé , fui-
vant la Règle de faint Benoît. Il foufcrivit ce Diplôme , ôc avec
lui un grand nombre d'Evêqucs , d'Abbés ôc de Seigneurs Laïcs.
Par un autre Diplôme il donna au même Monaftere plufieurs »* '^''*'
terres confidérables , avec de grandes menaces contre ceux qui ,
à l'avenir . tenteroient de l'en dépouiller.
XVIII. L'Empereur Otton étant à Ravenne dans le tems „ '" ' ^ l!
delà Fête dePâquesen 957, y afiembla un Concile, où alTifterent ç67,ibid.fA^.
plufienrs Evêquesd Italie, de Germanie ôc de Gaule. On y régla '^^"'*
diverfes affaires utiles à l'Eglife , ôc ce Prince y rendit au Pape
Jean XIII. qui avoit fuccedé à Léon VIII. la Ville de Ravenne,
ôc fon territoire. Le Pape étoit préfent. Il confirma la dépofitioti
d'Herolde, Archevêque de Salzbourg , ôc l'ordination de Fri-
deric , excommuniant tous ceux qui tenoient le parti d'Herolde ,
à qui on avoit fait perdre la vue , pour le punir de fes crimes ôc
de fes violences. Il confirma aulfi l'éretlion deMagdebourg en
Métropole, faite à Rome en ^62 par le Pape Jean XII. Ces
deux Décrets furent fignés par un grand nombre d'Evèques.
L'Empereur foufcrivit au premier^ après le Pape; enfuite Ro-
doaldc , Patriarche d'Aquilée ; puis Pierre , Archevêque de
Ravenne.
Tome XXII. E E e e e
nxT r "^ c ."d: n c r l e ^ •
Lci>: d'Ed- XlX.On rapporte à'Fan;) 671111 grand recueil deLoix faites par
fud.^mty'.èlo. ^^ '^°^ Edgar; mais peut êtrefurent-eiies ie fruit de la pénitence
quefaintDuniian iuiimpola pour avoir ahufc d'une iiiie deltinée
à l'état Religieux. Ce Prince fe fournit avec humilité à cette
pénitence, qui fut de fept ans, pendant lefqueis il jeûnoit deux
jours de la femaine , faifoit de grandes aumônes, & ne portoit
point de couronne. 11 fonda auili, par l'ordre de l'Archevêque,
un Monaftere de filles , afin de rendre à Dieu piulieurs Vierges ,
au lieu d'une qu'il lui avoit enlevée. Ses Loix font didribuées
fous divers titres; mais en général elles ont pour but le règle-
ment des mœurs , & le rétabiifiement deladifjiplinede l'Eglife.
fa^.6%\. Nous donnerons ici les plus remarquables. Chacun payera la
Num. j. dixme des animaux avant la Pentecôte ; des grains , avant i'Equi-
noxe.; les prémices , à la Fête de (aint Martin ; le denier impofé-'
Num. ^. fur chaque niaifon , avant la Saint-Pierre. Chaque année l'on tien^
dru un Synode, où les Prêtres fe trouveront accompagnés chacun
Png.6^^. d'un Clerc. li y aura des livres & des ornemens pourla célebra-
A'i/w. 30-4. tion du Service divin, de l'encre & du parchemin pour écrire
Num. 8. les Statuts qu'on y fera. Aucun Prêtre n'abandonnera l'Eglife-
pour laquelle il a été ordonné , mais il la regardera comme fa
Alw. rj. femme légitime, lladminiftrera le Baptême aulfitôt qu'il en aura
été requis , & a,vertira fes ParoiiTiens de faire baptifer leurs enfans
dans les trente-fept nuits après leur naiflance, & de ne pas trop
Num. \6. tivrder à les faire confirmer parl'Evêque. Les Prêtresauront foin-
d'aboiirles refies d'idolâtrie ,. la nécromancie, les divinations,
les enchantemens , les honneurs divins rendus à des hommes, le
culte fuperftitieuxdes arbres, des rochers.
. A'u/;z. 17. XX. Les pères & mères apprendront à leurs enfans l'Oraifort
Num. 1' Dominicale oc le Symbole des Apôtres. Ceux qui ne les fçauront
pas ne pourront être enterrés dans le Cimetière confacré, ni
recevoir l'Euchariflie , ni être admis pour Pareins dans leBap-
A'iiOT. 30,31. tême, ni dans la Confirmation. Défenfe aux Prêtres de célébrer
la Mefle dans uneEglifenon confacrée, fi ce n'eft pour un ma^
Lade à l'extrémité ; de la dire fur un Autel non confacré , & fans
Num. -yz, ■%■!,• livre. 11 doitavoirie Canon fous fes yeux, 6c être revêtu d'aube ,
ôc des autres ornemens ufités , avoir avec lui quelqu'un qui ré-
Num.it,, 1%. ponde; & ne pourra dire que trois Méfies, au plus, en un jour.
Num. -T- O" ne recevra l'Eucliariflie qu'à jeun, linon en cas de maladie.
Num. II-. Lé Prêtre la confervera pour les befoins; mais il aura foin de la
Niim..i'i cenouveller, de peur qu'elle ne fe corrompe. Dans ce cas, il la
brûlera, en mettra les cendres fous l'Autel, ôc fera pénitence de.
DU DIXIEME SIECLE. 771
fa faute. Il ne célébrera pas la Mcffe fans avoir tout ce qui eft Num. j?.
ncceflaire pour l'Eucharillie , une obiation pure , du vin pur , de
i'eau pure, il ne confacrera que dans un Calice de fonte, & non .\'/m. 4t.
de bois. Onnechanrera pas i a MeiTe fans luminaire. Le Peuple A":;.-.-. 41.
fera appelle à l'Eglife par le fon des cloches.
XXI. Il eft défendu à tout Chrétien de manger du fang ; & \'u'n. jj.
ordonné aux Prêtres de chanter des Pfeaumes en dillribuant aux Nirn. u.
Pauvres les aumônes du Peuple. Les Prêtres ne s'occuperont Xum. ^6,
point de la chalTe , ôc ne feront pas buveurs ; mais ils s'applique-
Tont à des lectures convenables à leur Ordre. Ils enfeigneront N:m.6.\.
aux Peuples la manière de confeller leurs péchés , & d'en faire
.pénitence; porteront l'Euchariftie aux malades, & leur feront Njm.é^.
î'onaion. A cet effet, ils auront delhuilepour le Baptême, ôc is'jm.66.
Four l'onclion des mahides. En allant demander le chrême à js^um 6r.
Evêque , ils lui rendront compte des prières qu'ils font pour le
Roi , & pour l'Evêque même.
XXII. Edgar fait un article féparé pour la ConfefTion. Un P:!:r-^^^*
autre pour la manière d'impofer la Pénitence. Un troiliéme pour A"'"- i-
la Satisfaciion. Le Prêtre écoutera avec douceur le Pénitent; lui Num. j.
demandera , s'il eft dans l'intention de confefTer humblement fcs
péchés , l'interrogera fur fes moeurs , mais en fè proportionnant
aux diverfes conditions des perfonnes. En Juge prudent, il déci-
dera de la griéveté des péchés par rapport au tems , au lieu , 6c
aux autres circonllances. Le Pénitent , avant de confe.Ter fes AW. 4,
péchés , fera un acie de foi par lequel il déclarera qu'il croit en un
Dieu 6c trois Perfonnes, la vie future, la réfurrcction au jour du
Jugement. Enfuite il fera en général une confeffion de tous fes
péchés, puis une particulière; après laquelle il demandera par-
don , 6c promettra de fe corriger. Alors le Prêtre lui impofera la
pénitence.
XXIII. Celui qui étoit coupable d'un péché capital fe pré- P''r- 1^-?.
fentoitàl'Evêque le premier Mercredi de Carême. Silepéchéle ^'^«'" S-
niéritoit, on le privoit de la communion Eccléliaftique, en lui Au.;. 4 , f.
laiflant la liberté de vaquera fcs affaires. Il fe repréfentoit le Jeudi
d'avant Pâques , ôc on lui donnoit l'abfolution , après s'être afluré
s'il avoit accompli fa pénitence. Pour un homicide volontaire
«lie étoit de fept années de jeûne , trois ans au pain ôc à l'eau ,
les quatre autres à la difcrétion du Confefleur. Mais après ces s-um. 6.
fept ans le Pénitent devoit encore pleurer fon péché, autant qu'il
lui étoit polfible, ne fçachant pas de quelle valeur fa pénitence
ûvoit été devant Dieu. Celui qui a eu la volonté de tuer, quoiqu il Sum. 7.
E E e e c ij
772 CONCILES
ne l'ait pas exécuté , eil condamné à trois ans de ieûne, un aa
pain &à Tcau jlesdcux autres au jugeaiv.'nt de (on Confeileur.
Nwn. ic. L'aduitere clt puni de feptans de jtunc , donc les trois pre.iiiers
Num. 3.;. ^^^ p^i,-j 5j; ^ 1 eau. Celui qui n'en a eu que la volonté , fans l'exé-
cuter , jeûnera trois Carêmes au pain & à l'eau ; un en Eté , un
Aum. 3 s. en Automne , le troihéme en H y ver. Trois années de jeûne pour
une pollution volontaire , ôc quaratue jours de jeûne au pain & à
l'eau chaque année avec abiîinence de viande pendant les trois
ans, excepté leDimanciîe. On injpofe auiii trois ans de jeûne à
celui qui, dans le lonimei! , a étouiiéiou enfant. Si! arrive qu'un
tnlant inaiadc meure iaiis Baptême , &. que ce loit de la faute du
Prêtre j il perdra fon grade ; iic'eiidelafautç des amis , i.s jeûne-
ront trois ans au pain 6c à Teau. Orr peut juger par ces exemples ,
de la rigueur de la difcipiinc en Augleterre Lus le règne d'Ed-
gar , & l'épifccpat de (aint Duniîan.
P.i". r-?^. X X I V. Il y avoit toutefois différens dJgrcs de pénitence,
x\'u,-n. 3. fuivanc la dilicrence des péchés : comme on en inipoioit de plu-
hu;n. ^. fleurs années, de piuficurs mois^de piuficurs joursjon en donnoit
auilid un an, d'un mois, d'un jour; maison cxige^ic toujours des
Pénitens la confellion , la correclion de leurs moeurs , la fatisfac-
,T tion. Il efl parlé d'une pénitence appehée profonde ; c'étoit celle
d'un Laïc qui quittoitles armes, failoit de longs pèlerinages, mar-
chant nuds pieds , lans couclier deux fois dans un même lieu,
Num. II. fans coup r fes cheveux , ni fes ongles , ians. entier dans un bain
chaud , ni coucher mollement ; fans goûter de chair ni d'aucune
hoiflbn qui pût enyvrer. Quoiqu'il allât à tous les lieux de dévo-
tion , il n'cnrroit pas dans les Eglifes. Il confeifoit fes péchés,
en demandoit le pardon , & les déteiloit avec de grandes mar-
Ku.-r. II Q.^<^^ de douleurs, il ne donnoit à pcrfonne le baiier. Cette forte
de pénitence étoit regardée comme très-eaicace pour la rémif-
Atim. 11 ''^'i^ tics péchés. On l'obtenoit aulli par raumône , par la conf-
'■* ' '5 , lû. trudion & la décoration dune Eglife en l'honneur de Dieu ; pat
la rédemption des Captifs , & en donnant la liberié à des Efcla-
ves ; par le fou'agement des pauvres , ôc autres bonnes oeuvres;
par les jeûnes ôc les mortifications ; par le renoncement aux biens
Kum. it. temporels, & à fa Patrie. Un malade pouvoir racheter un jour de
jeûne avec un denier, qui apparemment fuillfoit pour la nourri-
ture d'un Pauvre , ou en récitant deux cens \ in^ t bfeaumes. Il
pouvoit auiii racheter un jeune de douze mois avec trente fols ,
Num. i;;. ou en délivrant un Efclave de pareil prix. Une Melfedifpenfoit
un homme de douze jours de jcûae i q^uatre Melfes , d'un jeûne
DU DIXIEME SIECLE. 77J
de quatre mois ; trente Méfies, d'un jeûne de toute l'année.
X. X V. Un grand Seigneur pouvoit rendre fa pcnitence plus Pag. e,^^
douce j en la partageant avec fes amis. Mais i! faiioit auparavant ■N"'". i-
qu'il conferiâi tous fcs pcchcs, qu il s'en corrigeât, & qu'il en
reçût lu pcnitence avec douleur de fes fautes. Si la pénitence Sum.i.
qu on lui impofoit e'toit de jeûner pendant fept ans , il pouvoit la
racheter en faifant jeûner pour lui autant de perfonnes qu'il en
falloir pour accomplir en trois jours les jeûnes de fept anndcs ;
mais on ne le difpenfc/ir pas de certaines autres œuvres fatisfac- AW.j.
toires ; comme d aller nuds pieds , de porter le ciiice ; 6c on To-
blircoit à des aumônes coniidcrables.
XXVI. L'Ârciicvcque Dunftan convoqua en ptîp par ordre Concile
du Pape Jean yi.lll. un Concile eénéral d'Angleterre , où le Roi '''A"f:iaerre
lidgar h: de vives piamtes contre les dereglemens des Clercs. CnràU p^r.
Non-feulement leur couronne n'étoit plus- de la grandeur pref- 636,^518.
crite par les Canons ; mais tout leur extérieur , leurs habits ,
leurs geflcs , leurs paroles , montroient la corruption dans leur
cteur ; négligens aux Oiiices divins , furtout la nuit ; immodelles
à 1 Eglife , ils fembloient n'y venir que pour rire & badiner.
Abandonnes aux débauches de la table ôc du lit , ils y ajoutoient
les jeux de hafard ôc les danfes, qu'ils pou'foient jufqu'à minuit
avec des bruits fcandaleux. C'efi ainfi qu'ils ufoient des patri-
moines des Rois , des aumônes des Pau\ res , des revenus de
l'Eglife de Jeius-Chrifl. Les Soldats s'en plalgnoient hautement,
le Peuple en murniuroit , les Comédiens en faifoient des rifées ,
les Evcque-i feals diilimuloient ces défordres. Ed[-ar, pour ra-
nimer lec,rzèic, dit : 11 ell: tems de s'élever contre ceux qui ont
diPiipé la Loi de Dieu : j'ai en main le glaive de Conllantin , ôc
vous celui de faint Pierre : joignons-les enfemble p?ur purger le
fanduaire du Seigneur, afin que les fils de Le\'i fervent dans le
Temple. Que la confidération des faintes Reliques que ces
mauvais Clercs iiifultent ; des Autels qu'ils prophanent , ôc des
aumônes de nos prédécefleurs dont ils abufent, vous anime.
Puis s'adreiTant à l'Archevêque Dunfian , il le chargea , Ethe-
volde deVinceflre ôc Ofval de X^orchefire, de chailer des Egii-
fes les Prêtres qui la déshonoroient par leur vie fcandaleufe, ôc
d'en mettre à leur place de bien réglés dans leurs mœurs.
XXVII. Sur les plaintes du Roi , le Concile ordonna que Dfcrers ("c
tous les Chanoines , les Prêtres , les Diacres & les Soudiacres ihid.pa1.690,
garderoient la continence ou quitteroient leurs Eglifes. On'com-
• mit 1" exécution de ce Décret àfaint Dunfian, ôc a ix deux Eve-
EEeee iij
-774' CONCILE S
<jues nofnmes par le Roi. Celui de Vorcheflre fit bâtir un grand
nombre de Monafteres dans fon Diocèfe , y mit des Moines
arec un Abbé, à qui il confia le foin desEglifes , après en avoir
chaffé les Prêtres féculiers. L'Evêque de Vincheftre en fit de
même, & ces deux Evêques furent avec faint Dunflan les reflau-
rateurs de la difcipline monaftique en Angleterre. Quelques-uns
des Prêtres qu'on avoir chafTés prirent l'habit monaftique, réfolus
de vivre à l'avenir d'une manière plus réglée ; mais n e'tant point
au fait des exercices de cette nouvelle vie , Ethevolde , Evêque
de Vincheftre, fit venir des Moines d'Abbendon pour les en
Pag.roQ, inftruire. Saint Dunftan avoit excommunié un Comte très-puif-
fant , pour avoir contracté un mariage inceftueux. Le Comte fe
pourvut fucceflivement devant le Roi Edgar , &à Rome. L'Ar-
chevêque ne voulut point fe relâcher, quelque prière qu'on lui
en fit. Sa fermeté ébranla le coupable. Il vint nuds pieds au
milieu du Concile, tenant des verges en main, &fe foumità
la pénitence. Saint Dunftan & les autres Evêques en eurent pi-
tié , lui pardonnèrent fa faute , & le relevèrent de fon excommu-
nication.
Ccmcile de X X V 1 1 1. Il ne refte du Concile de Rome en p 6$ , que la
'Romecngf?, Lettre du Pape Jean XIII. à Landulfe , Archevêque de Bene-
Hu'ni , vag. vent, par laquelle il déclare qu u a érige 1 hveche de lienevent
679 -, & tom. gii Archevêché , & qu'en conféquence il lui accorde l'ufage du
\lïZ '^'^°' Pi^lli-'^^i' Cette Lettre fut foufcrite par l'Empereur Ottbn ; par
vin?t-trois Evêques , trois Prêtres , ôc quatre Diacres.
Concile ^e X X I X. Le Roi Edgar fit confirmer dans un Concile de
^^"'^v"^ /" Londres en 5)70^ fes donations au Monaftere de Glaflemburi,
7oiV704. en fe réfervant à lui & à fes héritiers le droit d'inveftiture, c'cft-
à-dire d'en établir l'Abbé élu parla Communauté, par la colla-
tion du Bâton paftoral. Il demanda au Pape Jean XIII. une
Bulle confirmative des mêmes donations. Le Pape l'accorda ,
prit le Monaftere de Glafiembuti fous la protection du faint Siè-
ge , confirma aux Moines le droit déledion , inais fans faire
mention de celui d'inveftiture , que le Roi s'ctoit réfervé. Le
Koi & la Reine foufcrivirent l'Aêle du Concile , ôc après eux ,
nlufieurs Evêques , Abbés & Seigneurs du Pays,
roncîle de XXX. Le Diplôme accordé par le Pape fut expédié dans
Ilil/'Xc'yoî! """ Concile qu'il tint à Rome en 97 1 , ôc il y a apparence que le
Roi Edgar l'avoit demandé par fes Députés, pour donner plus
de force à cette confirmation.
Concile <n X X X I- Le même Pape confirma rétablifîement d'un Mo-
DU DIX I E IM E S I E C L E. 77?
rtaftereà Moufon, par A dalbcron , Archevêque de Reims, en Tardenois ,
5?7i. Au(ii-tot qu il eut re(^u la Lettre du Pape, il afïembla un ^'^" ^t"-
Concile en Tardenois , Canton de fon Diocèfe ; 6c après avoir
donné aux Evoques & Abbcs prdfens lecture de cette Lettre , il
ordonna, du ccnientement du Concile , qu'à la place des Cha-
ncines qui deiiervoient l'Eglife de ce Monaflere , mais dont ia
conduite occaiionnoit quantité de plaintes , on mettrcit des Moi-
nes , à qui l'on donna pour Abbé Ledald. L'Acte de cette iubro-
gation ell date de Tan 5)72.
X X X I L Nous ne fçavons autre chofe du Concile affemblé j^o'^ciled'Iir-
la mcme année par l'Empereur Otton à Ingelhcim , finon que "< -j^^^i^.i.-nl»,.
faint Udalric , Evcque d'AuiLourg, y fut invité , ôc qu'on lui fit ^u. •' '^
des plaintes de ce qu'Adalberon fon neveu portoit publiquement
le Bâton pailoral , comme s'il eût été déjà Evéque d'Autbourg.
Le Saint témoigna (on délit de quitter l'Epifcopat , pour vivre
en Moine de l'Ordre de faint Benoit , & pria qu'on lui donnât
fon neveu pour fuccefleur. ATais le Concile craignant qu'à fon
exemple , piuiieurs bons Evoques ne fuflent expofés à dépareilles
démarches par la follicitation de leurs neveux , ou de leurs
Clercs , le pria de demeurer en fa place. On lui promit toutefois
de ne point ordonner après fa mort d'autre Evêque d'Aufbourg y
qu'Adalberon. Le Saint fuivit cet avis ; & de l'agrément des
Evêques , l'Empereur chargea Adalberon de gouverner fous fon
oncle , l'Evêché d'Aufbourg.
XX XI IL Le Concile de Marzalia dans le Diocèfe de Cona'fe <?«
Parme, fut alfeniblé en 975 pour terminer la conteflation entre ''''^'^:] '"
Albert, E\êque de Bologne, & Ubert , Evêque de Parme, au ii^i. "''^"^*
fujet de certaines terres qu'ils prétendoient l'un & l'autre devoir
leur appartenir. L'affaire fut décidée au gré des Parties, ôc on mit-
une r.niende de cent livres d'or, à celui des deux qui refuferorc-'
d'exécuter la Sentence du Concile. Honeftus , Archevêque de^
Ravenne, vpréfida.
XXXIV. Il affembla la même année 5175 un Concile à Concile cfe
Modene,oùwi termina un différend à peu près femblable entre ^y',^\^^i -J".
deux frères, Pierre ôc Lambert , delà preniiere condition. Il ne 711.
relie qu'un fragment des ades de ce Concile ^ encore eft-ii rempli
de lacunes.
XXXV. Il manque auffi quelque chofe aux ades de l'Af- , Goncile-
femblée où le Roi Edgar prit la réfolution de mettre des Moines ^^ "h"^it^d.
dpns le Monartere de Malmefhuri, à la place des Chanoines. p-tg.7i^.
L'ade qui en fut dcefle eft figjié du Roi y de deux Archevêques ,.
77^ CONCILES
trois Evêques , trois Abbés 6c trois Duc;. En parlant 6e la Mainte
Vierge , on a afte£lé de lui donner en caractères Grecs le titre de
Mère de Dieu , Theotocos.
Concile c!e X X X V I. A Conftantinople Bafilc Scamandrin , qui avoit
Conftantino- f^ccedé à Polveudc dans le Siège Patriarchal de cette Ville en
pie en 97t , / , » . c l ' c A
ibid.pag.7%0. P70 , ayant ete acculo de queique crime , rut depoie dans un
Concile de Tan pyj.Oa mit à fa place Antoine Studite,qui
renonça à la dignité de Patriarche , & fe retira. Le Siège demeu-
ra vacant pendant quatre ans , parce qu'on ne voulut point lui
donner de fucceileur avant fa mort , qui n'arriva que vers l'an
^80.
Concile '« XXXVI !._ En pyj on tint à Reims un Concile, où Thie-
Reiinsen? 5, ^aud , Evêque d'Amiens , fut excommunié comme ufurpateur
de cette Egiife. Il avoit déjà fubi la même Sentence dans le
Concile de Trêves encj^S , m""s il en avoit appelléà Rome. Au
lieu de pourfuivre fon appel , il en fit venir des Lettres quifii-
foient plus contre lui , que pour lui. Il ne les avait d'ailleurs
obtenues que par argent , & en expofant faux. Cité par Eiiiennc,
Légat du Pape Benoît VII. à deux Conciles , il ne voulut point
comparoître. Les Evêques alTemblés à Reims , le Légat ÔC
l'Archevêque Adalberon prirent le parti de l'excommunier, ôcde
le chafler de l'Eglife jufqu'à ce qu'il donnât des marques de
repentir.
Concile de X X X V I II. Le Roi Edgar étant mort en py 5- , les Clercs
^'"'"^tJ^^" que ce Prince avoit fait chalTer de leurs Eglifes pour leur vie
' ' fcandaleufe , renouvellerent leurs plaintes , appuyés de plufieurs
Seigneurs, dont un nommé Alfier, Prince des Merciens, s'étoit
déclaré hautement contre les Moines, en renverfant pr^fque tous
les Monaftcres que faint Ethelvolde venoit d'établir dans le Pays
des Merciens, Les troubles qu'ils excitèrent en cette occafion
donnèrent lieu au Concile de Vinchcftre qui fe tint la même
année. Saint Dunilan y préfida , & les Clercs ôc les Moines eurent
la liberté de défendre leur caufe en plein Concile. Les premiers
ne trouvant rien de folide pour faire valoir leurs prétentions , en
vinrent aux prières , & iireu intercéder pour eux le jeune Roi
Edouard , ôc les Seigneurs de fa Cour. Saint Dunikn demeura
quelque tems fans leur répondre , incertain s'il leur accorderoit ,
ou non , leur rétablifiement ; mais enfin il le refufa. On dit qu'il y
fut déterminé par une voix miraculcufe fortie de la bouche d'un
Crucifix attaché contre la niiurailleau fond delà falle où fetenoit
le Concile. Cette voix fut entendue dillinclement par le Roi ôc
pat
t>U DIXIEME SIECLE. 777
.par l'Archevêque qui avoient étd choifis pour Juges. Les autres
n'entendirent qu'un bruit femblable à celui du tonnerre. Les
Clercs perdirent donc leur caufe , 6c les Moines furent main-
tenus.
XXXIX. La même année on affembla après Pâques un Concile ds
"Concile nombreux à Ketling, ou Katlage en Angleterre, où Ka'in"e ' en
J'on autorifa le pèlerinage à l'Eglife de fainte Marie d'Abbendon. 9'S,ibid.fag.
Cétoit l'EgUfe du Monaftere de ce nom , dont faint Ethelvoldc '''■'*•
avoit été tait Abbé en 514.4.
XL. La Sentence rendue contre les Clercs dans le Concile Conciles a*
de Vincheflre n'appaifa pas entièrement leurs plaintes. Il les breiburv "eiî
lenouvellerent enpySdans celui que l'on aiïembia à Kent. Mais 97^,il'id.pig,
faint Dunftan ne voulant plus difputercontr'eux, fe contenta de ^^'*'"
leur dire, qu'il laifToità Dieu à défendre la caufe de fon Eglife.
Au moment même la maifon croula , le plancher de la chambre
îTjanqua, 6c les Clercs féditieux furent écrafés pat les poutres.
Saint Dunflan fut feul préfervé avec les liens. On tint un autre
Concile à Ambrefbury , dont les Hiftoriens n'ont pas marque
l'année , ni le fujet. Ils n'ont pas marqué non plus en quel tems
furent faites les Loix qui ont pour titre : des Prêtres de Northum-
bre. Elles font diviféesen cinquante-fix articles , 6c ne contien-
nent prefque rien de nouveau , finon qu'elles impofent des amen-
des pécuniaires pour diverfes fautes. L'article 5- 1 parle du denier
Romain que l'on devoit payer annuellement. On en faifoit la
collefte , ôc on portoit le tout à l'Eglife Cathédrale le jour de la
Fête de faint Pierre , avant la Mefle.
X L I. En pSo Sevin , Archevêque de Sens , étant affemblé Concile Je
avec les Evêques de Chartres, de Paris, de Troycs 6c d'Or- ^^"'^V^°,'
leanSjl'Abbé 6c les Moines deS.Pierre-le-Vif vinrent lefupplier Uarduini^pag.
de leur fournir à eux 6cà leurs fucceffeurs de plus amples revenus, 70?.
tant pour leur fubfiflance,que pour leurs vêtemens.L'Archevêque
décréta leur demande, 6c leur affigna, de l'avis du Concile,
quatre Eglifes dans fon Dioccfe , avec les revenus en dépendans,
fans obligation de les dcifcrvir par eux-mêmes , en leur laiffant
la liberté d'y mettre de dignes Prêtres pour y faire l'Office. Il en
fut drcflc un acte auquel Sevin foufcrivit , avec ces quatre Evo-
ques 6c quelques autres Eccléllalliques conditués en dignité.
XLII. Il y eut en 985 deuxConcilcs àRome.Lc premier à l'oc- Conciles <!«
xafion delatranflation de Gililer de l'Evêché de Mersbourg à Rojnecny85,
l'Archevêché d^ Magdebourg. Ce dernier Siège étoit vacant j-iar 'j^' '/^^^J' '^'°*
la mort de faint Adalbert. Le Clergé ôc le Peuple élurent pour Lihl., ^ag^
\ Tome XXI L FFfff '»*î-
Ibid.
fi
778 CONCILES
fon fucceffcur le Moine Ochtrie , homme de grande r^putatîof^
pour fon fçavoir, ôc ils en donnèrent avis à l'Empereur Utton-
par des Députés. Gifiler qui étoit alors avec ce Prince- en Italie ^
lui demanda pour lui-même cet Archevêché^ & il l'obtint avant
que les Députés enflent notifié à l'Empereur la mort de faint
Adalbert, ôc l'élection d Ochtrie. Il le pourvut à Rome pour
faire autorifcr fa tranllation. Benoît VII. propofa la chofe à fon
Concile , qui fut d'avis , qu'on pouvoit faire palTer Gililer à
Magdebourg, attendu que le Siège de Mersbourg lui avoir été
ôté par l'Evêque Hildevard. Ditmar l'accufe- dans fa Chronique;
d'avoir obtenu cet Archevêché par de mauvaifes vo^es : mais un
autre Chronologifte éloigne ce foupçon de Gifiler, en lefaifant
Ibid. pag. pafl'er pour un Saint 6c pour un Apôtre. On lut dans le fécond
Concile divers Décrets contre les Ordinations fimoniaques. La
Lettre fynodale cft au nom du Pape Benoît VU. qui l'adreffa à'
Miron, Evoque de Girone, pourla faire publier. Elle eft fans-
date , mais on la met en pS ? , qui efl la première de l'Epifcopat
de Miron. On croit même que de ces deux Conciles il n'en faut
faire qu'un , où , fur ce qu'on difoit que Gifiler étcit parvenu à-
iSld. in no- l'Archcvêché de Magdebourg par des voyes illégitimes , on en.
s,pa£.Tit. p^ij- Qj.j~afioti de décerner des peines contre ceux qui donneroient-
ou recevroient de l'argent pour l'Ordination.
Concile de XLII I. En ^8j Adalbcron , Archevêque de Reims, écri-
tom"^(.CwcU^ vit une Lettre circulaire à fes Comprovinciauxpour les invitera
Mirduin. pug. un Concile. Il leur en marquoit le lieu ôc le jour. On nefvjait
point ce qui s'y pafla. Il y a d'autres Lettres particulières de cet
Archevêque à Rochard de Cambrai , ôc à Norger, Evêque de
Liège , dans lefquelles il les invite à fon Concile. La vingt-neu-
vième ôc la trentième de celles de Gerbert font au nom d'Adal-
beron , à "Walon ôc fes complices , pourles citer au Concile de la
Province.
XLI V. Arthmail , Roi de Galles , ayant tué fon frère
Elifed , Goncan , Evêque de Landaff, envoya des Députés
dans toutes les parties de fonDioccfe, pour inviter à (on Con-
cile tous les Clercs , en quelques dégrés qu'ils fuffent conditués }
& de leur confentement , il anathématifa ce Prince , Ôc le fépara
de la communion de tous les Chrétiens. Le Roi en étant averti
vint à Landaff, demanda pardon avec larmes, fe foumit à la
pénitence , ôc racheta fon péché par de grandes aumônes.
Concile de X L V. Saint Adalbcrt , Evoque de Prague, voyant que for>
^omeengSQ, Peujjle profîcoit peu de ios inftruitions, réfoiut de le quuter. U
•71 j
Concile de
Landaff en
Concii, pag,
7il.
DU DIXIEME SIECLE. -j-ji
fit un voyage à Rome pour confulter le Pape fur ce fu jet. Il en
obtint ce qu'il fouhaitoit, ôc avec Ton confentement il entreprit
le pèlerinage de Jerufalem. Il vint une féconde fois à Home,
dans le delfein d'y (inir fes jours dans un Monaftere. Il y dtoit,
Jorfqu'il arriva à Rome une dépuration des Citoyens de Prague,
pour redemander leur Evêque , avec promeffe de lui être plus
fournis , & de mieux profiter de fes inllrudions. C'ctoit en 98p.
Le Pape Jean XV. aiTembla un Concile dont le réfultat fut que
faint Adalbert retourneroit vers fon Peuple ; mais avec cette
claufe, que s'il continuoit dans fes défordres, l'Evêque pourroic
le quitter fans r'ifque de fon falut. Le Saint obéit & retourna à
Prague, après en avoir obtenu la permilîioa de l'Abbé Léon qui
lui avoir donné l'habit monaflique.
XLVI. Vers l'an 989 fix Evêques d'Aquitaine, ayant à leur Concile (!«
tête Gumbauld, Archevêque de Bordeaux , s'aflemblerent dans ^',' '^^v'' ^"
le Monailere de Charroux au Diocèfe de Poitiers , oli ris firent 7,3'/ ''*^'^*
trois Canons pour remédier à des défordres qui augmentoient
•de jour en jour , parce qu'on ne tenoit que rarement des Con-
;Ciles. Le premier de ces Canons prononce anathême contre
ceux qui ont rompu les portes d'une Eglife, 6c en ont enlevé
quelque chofe. Le fécond frappe de la même cenfure ceux qui
auront volé à un Laboureur , ou à quelque pauvre une brebis ,
<un bœuf , ou quelques autres beftiaux. Le troifiéme défend l en-
trée de l'Eglifeà quiconque aura frappé , ou pris un Prêtre , un
Diacre , ôc tout autre Clerc trouvé fans armes. Tous ces ana-
ïhêmes dévoient durer jufqu'à ce que le coupable eût fait fati-s-
îfadion.
XLVII. Après la mort d'Adalberon , Archevêque de Concile de
Reims , les Evêques de la Province s'aflemblerent pour lui don- ''^'=™»<^"^^^»
ner unfuccedeur. Les fuffrages fe réunirent en faveur d'Arnoul.
L'éledion fe fit du confentement des Rois Hugues Capet &
Robert. L'Elu leur prêta ferment de fidélité. Fils naturel du Roi
Lothaire, ilétoit neveu du Prince Charles. Celui-ci s'empara de
la Ville de Reims , & emmena prifonnier le nouvel Arche-
vêque, qu'on foupçonna d'avoir livré la Ville à fon oncle , & de
s'êtretait prendre exprès pour couvrir fa trahifon. Arnoul, pour P?^. rjr.
fe purger de ce foupçon , publia une excommunication contre
ceux qui avoient pillé l'Eglife ÔC la Ville de Reims, jufqu'à ce
qu'ils euifent reftitué le tout.
XL VIII. A fon imitation les Evêques de fa Province affem- Concile 4e
blés à Senlis ca p^o , publièrent un Décret portant interdit fut iiil'-^^^r'r
FFfffij ■'^' '"
78o C O N C r L E S
les Eglifcs de Reims ôc de Laon , qui avoient auflî été pillées , Ôê.
anathême contre le Prêtre Adalger , accufé d'avoir livré la Villo
de Reims ; & contre tous les complices , jufqu'à ce qu'ila
fc foumilTent à la pénitence. Ils envoyèrent leur Décret aux
Evéques des autres Provinces. Arnoul , en obligeant dans le fiea
les pillansà reftitution , en avoit excepté le boire ôc le manger; .
les Evêques du Concile de Scnlis ne 1 exceptèrent pas.
Concile de XL IX. On a parlé dans l'article d'Arnoul, Ëvêque d'Or^
fblP^^'^^^l' leans, des a6tes du Concile tenu dans l'Abbaye de Taint Balle
proche de Reims. Le Roi Hugues mécontent d'Arnoul , Archcr
vêque de cette Ville, le fit juger canoniquement par les Evoques
de la Province. Ils étoient treize en tout , fix de la Province de
Reims , trois de celle de Sens , trois de celle de Lyon , ôc
Dabert , Archevêque de Bourges. Seguin , Archevêque de Sens ,
préfida au Concile^ comme le plus ancien. On fit venir Arnoul. Il
convint qu'il avoit manqué de fidélité au Roi, renonça al'Epit-
copat. ôc demanda pardon publiquement,, fe déclarant indigne
du Sacerdoce. Sur cela il tut dépofé, ôc on élut à fa place Gerr
■bert, Abbéd'Aurillac. On dépoia aulîi le Prêtre Adalger , ôc on
renouvclla l'auathême contre tous ceux qui avoient livré la Ville ■
de Reims au Prince Charles. Les actes de ce Concile ont été
imprimés féparément à Francfort en i5oo , ôc réimprimés ea
partie dans le quatrième tome du Recueil d'André Duchefne,
ôc dans le dixième tome des Annalles de Baronius. Les Pères
LabbeôcHardouin n'ont publié quele Libelle delà renonciation
d'Arnoul, l'acle de l'élettion de Gerbert , ôc fa profeifion de
foi. Il y a dans les ades du Concile une Lettre du Roi Hugues
au Pape touchant la perfidie d'Arnoul,- ôc une des Evêques fur
le mémefujet; mais on foupçonne Gerbert de les avoir altérées.
Ce qu'il y a de vrai , c'eft qu'ils ne s'accordent pas avec ce que
P"^; Hugues , Moine de F^leury-fur-Loire , ôc quelques-autres difent
Bii/iot. LrtW.' de ce Concile. Arnoul réclama contre fa renonciation. Sadépo-
& Duchefne , fition fut aunullée à Rome , ôc on lui rendit fon Siège Epif-
^'^^" copal.
L. Gerbert ne laifla pasde.l'occupier pendant 'quelque tems."
Enpp3 il préfida à un Concile des Evêques de fa Province, où
l'on invita ceux qui en avoient pillé les biens, ou maltraité les
Clercs , à en faire pénitence ôc fatisfadion ; avec menace de les
retrancher de la communion de l'Eglife, fi dans un lems limité,
ils ne fe rendoient a leurs devoirs.
Concile dt ■ LI. Le dernier jçur de Janvier p^i^ IcPape Jean XV. tint Un
Tom. ',,-pa.g-
Oinnicon
Viràun.
157, tom
lom. 4
«4».
Concile de
Reijns en<?9;,
iiid.pag. 740.
DU DIXIEME SIECLE. yîv
Cloncile à Rome , où faint Udalric, Evêque d'Aufbourg, fut mis Rome en?-»?,'
au nombre des Saints , vingt ans après fa mort. Il s'étoit fait de- '^"^•F'i'74«.-
puis plufieurs miracles à fun tombeau , ôc l'on avoit eu foin de
ks recueillir. Le Prêtre Gérard fon Dif:iple , Auteur de ce
recueil , y joignit la vie du Saint. On en fit la ledure en pleiiT
Concile à la rcquifuion de Liutolfe, Evoque d'Aufbourg , qui
étoit pr(5fent.En(uite le Pape ordonna que la mémoire du Saint
feroit honorée, 6c en fie expédier une Bulle qu'il foufcrivit avec
cinq Evêques , neuf Prêtres-Cardinaux & trois Diacres. Il n'y a
point de foufcription de la part de Liutolfe, apparemment parcs
qu'il étoit la Partie requérante. Cette Bulle elt la première que
l'on ait pour la canonifation d'un Saint. Dom Mabiilon (^ ) qui
nous a donné la vie & les miracles de faint Udalric remarque (^) ,
que le terme de canonïfaûon n'étoit point encore en ufage lorf»
que lePape Jean fit cette cérémonie. On peut confulteriur les
canonifationsfolemnelles la diflertation du Père Papebrock , à la
tête du premier (c) tome des Actes des Saints du- aïois de
Mai.
LU. Le même Pape Jean XV. fit indiquer par Léon, fon Concile de
Légat en France, un Concile à Moufon le 2 de Juinde l'anp^)^, 9$,°"°"^. 9,
pour terminer le différend entre Arnoul & Gerbert. Liutolfe, Condi. p.ij.o-'
Archevêque de Trêves , y ailifta avec les Evêques de Verdun , ^■^^*
de Liège &. de Munder , & plufieurs Abbés. Godefroi , Duc de
Lorraine,s'y trouva auili accompagné de quelques Laïcs. Aymon
de Verdun ouvrit la féancepar un difcours en Gaulois , ou Latin
vulgaire , où il expofa les raifons que le Pape avoit eues d'aiTcm»
bler le Concile ; puis il ouvrit une Bulle de ce Pape fcellée en
plomb, ôc la lut publiquement. Elle étoit adreffée à tous les
Archevêques des Gaules. Gerbert fe levant enfuite fit l'apologie
de la conduite qu'il avoit tenue, tant dans fa promotion à l'Ar- ■
chevêche de Reims , que par rapport à la dépofition d'ArnouI ,
& foutint qu'ayant été mis à fa place fur le Siège Epifcopal de
cet;;e Eglife , fi l'on n avoit pas obfervé toutes les Loix Ecclé^
fiaftiques en cette affaire , c'étoit moins à lui qu'il s'en falloit
prendre , qu'aux malheurs des tems , & aux hoûilités publiques.
Il donna fon difcours par écrit au Légat Léon , Préfident du
Concile , qui lui mit en. main une Lettre du Pape. Les Evêques >
(a) Mdbillcn. tom. 7, A6lor. Ordin. | rMin. 59 , 100, 101.
i'ûê"-4i7. (c; Pag. 171.
{}>•) Mcm, Pruefit. in eumàan tom, î
FF-fff iijj
7S2 CONCISES
fortirf nt cie raflemblée avec le Duc de Lorraine , & après avoir
conféré enfemble , ils rentrèrent , 6c indiquèrent un Concile à
Reims pour le premier jour de Juillet. On alloit feféparer lorf-
que les Evêques vinrent de la part du Légat dire à Gerbert , qu'il
eût à s'abftenir de l'Office divin jufqu'au Concile indiqué, 11 s'en
défendit, mais il fallut obéir.
Concile ce LU I. Pendant ce tems-là Arnoul étoit détenu dans la prilbtv
Reims enppî, ^ Qrleans parle Roi Hugues , Protecteur de Gerbert , ôc il n'ea
.i id.pug.vio. £q|.j.Jj. qu'apr-ès la mort de ce Prince , qui n'arriva que le 24 d'Oc-
tobre pp 6. Le Continuateur d'Aimoin dit qu'on tint en efFetutx
Concile à Reims, que Gerbert y fut dépofé, & Arnoul rétabli ôc
Ihid. piîf. délivré de prifon ; mais en cela il eft contraire à Aimoin même,
^'^''' -qui dans la vie de faint Abbon marque clairement , qu'Arnoul
pe fortit de prifon ôc ne revint à fon Eglife que fous le Pontiiicat
de Grégoire V. fuccelTeur de Jean XV. après la mort du Roi
Hugues.
Concile de L I V. Herluin , après avoir été ordonné Archevêque d«
Rpmernf9<!, Cambrai par Grégoire V. adifla au Concile que ce Pape tinta
pag. I14Î. Rome en 9^6. Jl y rorma des plamtes contre ceux qui s etoient
emparés des biens de fon Eglife. Le Pape, pour l'en indemnifer
.en quelque forte, lui accorda plufieurs privilèges, ôc excora-
.munia les ufurpateurs des biens de cette Eglife. Ces privilèges
•font détailles dans la Lettre que le Pape adreiïa à Herluin. On y
voit aulli la raifon qui obligea cet Archevêque de faire le voyage
de Rome pour recevoir l'Ordination. C'efl: qu'alors le différend
entre les deux Contendans à l'Archevêché de Reims n'étoic
point terminé. L'Empereur Otton III. fut préfent à ce Concile
>avec pluHeurs Evêques , Abbés , Prêtres, ôc autres Eccléfiafli-
•ques. On y traita de divcrfes affaires de l'Eglife. L'Hiftoire ne
■fait mention que de celle qui concernoit l'Eglife de Cambrai,
Sigebert [a) dit que pendant le féjour de ce Prince à Rome, on
traita plufieurs matières qui concernoicnt les droits de l'Empire..
On s'efl appuyé de ce témoignage pour faire valoir la préteiKion
de ceux qui veulent qu'il fc foit tenu un Concile à Rome fous
-Grégoire "V. où il fut ordonné que dans la fuite l'Empereur feroit
lélu par fept Princes d'Allemagne, ôc que c"cfl-là l'origine des
lept Eledeurs ; mais cette prétention n'a prefque plus de par-
tilans. Il fuflit pour la détruire, de rapporter ici ce qu'un Ecri-
-yaiu du treizième fiécle dit de la manière dont les Allemands
^« ) Sigebert , ûdann. looi.
DU DIXIEME SIECLE. 78^
fjrocedoient à l'életlion de leur Chef. Elle fe fait (a) , dit-il , pat
a volonté unanime du Clergé ôc des grands Seigneurs. Au relte ,
les'ades de ce Concile n'étant pas venus jufqua nous, on ne peut
en rien dire.
LV. Arnoul rétabli fur le Siège Archiépifcopal de Reims par Concile <te
ordre du Pape Grégoire V. ôc du confentement du Roi Robert, '^'^■^'■',"^ ''"
Gerbertfe retira auprès de l'Empereur Otton III. qui le fit Ar- y^^l '^^^'
chevôque de Ravenne. Le premier de Mai de l'an pjiS il tint un
Concile en cette Ville avec neuf de fesSuffragans, où il (it trois
Canons. Par le premier, il abolit l'abus qui s'étoit introduit. Cm. t..
qu'un Soùdiacre vendoit à l'Evêque le jour de fa confécration
l'hoftie qu'il recevoit en cette cérémonie. On défendit aulîi aux
Archi-Prêtres de vendre le faint Chrême. Le fécond ordonne Cm. %.
aux mêmes Archi-Prôtres de payer chaque année le jour de la
Fête de faint Vital, aux Soùdiacres de Ravenne , deux fois de
cens. On renouvella dans le troifiéme la défenfe faite par les Cw. j..
anciens Canons de confacrer un Oratoire ou une Eglife dans un
Dioccfe étranger , fans la permiffion de l'Evêque Diocèfain ; de
recevoir , de pro-mouvoir , ôc de retenir quelqu'un d'un autre
Diocèfe , fans Lettres formées de fon Evêqne ; ôc de ne conférer
les Ordres qu'à ceux qui en feroient jugés dignes par leur
fçavoir , leurs bonnes mœurs , ôc qui auroient l'âge prefcrit par
les Loix de l'Eglife. On y ajouta la défenfe de rien exiger pour
lies fépultures. Les collections des Conciles mettent celui de
Ravenne en 95)7 ; mais Gerbert n'étoit pas encore Archevêque'
de cette Ville cette année-là. Ce ne fut que l'année fuivante.
Cela paroît par la Lettre que Grégoire V. lui écrivit auihtôc
après fa nomination à cet Archevêché , en lui envoyant le'
Pallium. Elle eft du quatrième des Calendes de Mai , indidioa;
onzième , c'ell-à-dire , du- 28 d'Avril ^^98.
LVI. L'année précédente 5197 , le Pape Grégoire V. avoit Conrîfe'
été chaffé de Rome par le Sénateur Crefcence , qui fit élire à fa , '^li ^^
place un Grec nommé Philagathe , connu fous le nom de Jean 770!
XVI. Grégoire fe retira à Pavie, où il affembla un Concile
nombreux , dans lequel Crefcence fut frappé d'anathêmc.
LVII. On rapporte à la même année 007 le Concile de _ Concile «îè
'■ * s. Dcnys en^
France , e<»<
■ ■ S9è.
(a) Eft etenim talis Dynaftia Teuto- i nimis CJeri Procf riimque voluntas. Guil-
tricorum ut nuUus reenat fuper I lAnnis Brifo , lïb. 4, verf. 173. Voyez
illoî nifi priùs illum cligat una- | le Père Pngi , tom. 4 , p.Jg. 71 &'/wV
^§4 CONCILES
faint Denys en France. Mais il faut le mettre un an plutôt , 8c
çn 9^6 ; la raifon en efl: , qu'Abbon de Fleuri n'écrivit fon apo-
logie qu'après la tenue de ,ce Concile , ôc qu'il l'adreda au Roi
Hugues , qui mourut le 24. d'0£lobre pp5. Il fut queftion dans
ee Concile d oter les dixmes aux Laïcs ôc aux Moines , pour
les rendre aux Evêques. L'Abbé Abbon s'y oppofa. Il s'excita
dans le Monaftcre de faint Denys une fédition contre les
Evêques , qui furent contraints de fe retirer fans avoir riea
décide.
Concile de LVIII. L'Empereur Otton III. informé de la conduite
^wTffe"?;!' ^^^ ^^ Sénateur Crefcence avoit tenue envers Grégoire V.
partit pour l'Italie , & ayant trouvé ce Pape à Pavie , il le recon-
duifit à Rome , d'où l'Antipape Jean XVI.. s'enfuit aulTitôt.
Quelque tems après , & comme l'on croit en pp 8 , Grégoire V.
tint en préfence de ce Prince un Concile à Rome , où fe trou-
vèrent vingt-huit Evêques , entr'autres Gcrbert, Archevêque
de Ravenne. Des huit Canons que l'on y fit , il n'y en a point
X^an. I. qui ne regarde des affaires particulières. Il efl; dit dans le premier,
que le Roi Robert quittera Berte fa parente quil avoit époufée
contre les Loix ; qu'il fera pénitence ièpt ans , fuivant les dégrés
prefcrlts par l'Eglife ; 6c qu'en cas de refus de fa part , il fera
Ç^„, j, anathême: la même chofe eft ordonnée pour Berte. Le fécond
fufpend de la communion Archembaud de Tours , qui leur
avoit donné la bénédittion nuptiale , & tous les Evêques qui y
avoient affifté , jufqu'à ce qu'ils fe préfentent au faint Siège pour
,Cî/j. j. faire fatisfaclion de cette faute. Le troifiéme ordonne le réta-
bliffement de l'Evcché de Werfbourg, érigé parle faint Siège
^ par l'Empereur Otton I. dans un Concile univerfcl ; 6c fup-
Can. 4. primé par Otton II. fans l'avis d'aucun Concile. Le quatrième
porte , que fi Gifiler peut montrer canoniquement qu'il a été
transféré de Merfbourg à Magdebourg , non par ambition ,
mais à 1 invitation du Clergé 6c du Peuple , il demeurera dans
ce dernier Siège ; ôc que s'il ne peut fe juiliiier d'ambition ou
d'avarice dans cette tranflation , il perdra l'un ôc l'autre. On
Ctn.s- dépofe dans le cinquième, Eflienne,Evêque du Puy en Ver
lai, pour avoir été élu par Gui fon oncle ôc fon prédéceffeur ,
fans le confentement du Clergé ôc du Peuple; ôc ordonné après
la mort de Gui , feulement par deux Evêques , qui n'étoient pas
même de la Province. Ces deux Evêques étoient Dagbert de
Cm. 6. Bourges , ôc Rodenc de Nevers. Le Concile par fon fixiéme
Cangn les fufpend de la Communion jufqu'à ce (ju'ils viennent
pour
DU DIXIEME SIECLE. ySj
pour faire fatisfliftion au falnt Siège pour avoir ordonne Ertienne
du vivant de Gui fon oncle contre les Loix del'Eglile. 11 faut
qu'il y ait erreur dans ce Canon ou dans le précèdent j puifque
l'un met l'Ordination d'Eûienne duVivantde Gui ; l'autre après
fa mort. En conféquence le Concile déclara par fon feptiénie ^^"' '•
Canon , que le Clergé & le Peuple de Vêlai auroit le pouvoir
de procéder à l'éledion d'un autre Evoque qui feroit confacré
par le Pape. Il fut dit dans le huitième , que le Roi Robert n'ac- ^'^"- ^'
corderoit point fa proteclion à Eiiienne , mais qu'il favoriferoit
Téledion du Clergé ôc du Peuple , (liuf lobcifTance qui lui
étoit due par fes Sujets.
LIX. Le vingtième de Septembre de la même année 90S , .^,?t"''"""^'!
l'EmpereurOttonllI. étant aPavie, publia une conflitution adref- Otton .1 IT.
fée à tous les Archevêques , Abbés, Marquis, Comtes , ôcàtous ibld.pdg.77A.
les Juges , par laquelle voulant obvier aux fréquentes aliénations
des biens de i'Eglile , il annulle toutes les cmphytéofes, contrats
libellatiques & autres qui fe faifoient ou par avarice ou en confi-
deration de la parenté ou de l'amitié. Il donne pour motif de
cette Loi le refus que faifoient les fuccefTeurs d'un BénéHcier ,
de réparer les Eglifes , ou de rendre au Prince le fervice qu'ils
lui dévoient à caufe de leurs Fiefs , fous prétexte que leurs
prédécefleurs avoient aliéné ces Fiefs ôc les autres biens dépen-
dans de leurs Eglifes ; c'efl: pourquoi il ordonne que les contrats
de cette nature n'obligeront point les fuccefl'eurs.
LX. Ditmar en parlant du fécond voyage que l'Empereur ^^'^<^:'« ^■'
Otton III. iità Rome en P5pp,dit que l'onyallemb'a un Concile ibd.pd^.THo.
dans lequel Gifiler , Archevêque de Magdebourg , fut accufé
de poffeder en même-tems deux Evcchés , celui de Magdebourg
ôc celui de Merfbourg , que l'on avoir défunis dans le Concile
précèdent ; que n'ayant pu venir répondre à cette accufation à
caufc d'une paralyfie , l'ailaire avoit été renvoyée à un Concile
Provincial de Germanie. On lit dans Baronius (a) , que l'Em-
pereur fit lire dans le Concile de Rome le privilège accordé à
î'Eglife de 'Vormes.
L X I. On met à la fin du dixième lîécle , ou au commence- p^jn^"!' * c*
ment de l'onzième , le Concile que Guillaume V. furnommé le .co^ , iliiL
Grand, Comte de Poitiers & Duc d'Aquitaine, convoqua à i>^g-7^°'
Poitiers. Il s'y trouva cinq Eveques , Seguin de Bourdeaux ,
(al Paninim . câ .irn. $^9 , num. 11.
'Tome XXI L GGggg
jSS CONCILES
Giikbert de Poitiers , Hilduin de Limoges , Grimoard d'An^
goulôme, Iflo de Saintes, & douze Abbés, dont les noms ne
fbnt pas marqués. Le motif de cette aiTemblée fut de rétablir la
paix, la }uftice& la difcipline derEgb.fe.C'eft pourquoi on y fit
trois Canons. Le premier porte, que les différends touchant les
dommages caufés cinq ans avant la tenue de ce Concile , ou
dans la luite , feront terminés parles Juges ou Princes des lieux,
devant qui les Parties feront obligées de comparoître ; qu'en cas
de refus , le Prince ou le Seigneur du lieu afîemblera les Sei-
gneurs ôc les Evêquesqui ont aifiîlé au Concile j qu'ils marche-
ront contre le rebelle ôc l'obligeront , même en faifant le dégât
cliez lui , à fe foumettreà la raifon. Le Duc Guillaume 6c les
Seigneurs préfens au Concile promirent d'obferver le Canon ,
fous peine d'excommunication, & donnèrent des otages. Oa
renvoya au Concile de Charrou en p8p , pour limpofition des
peines qu'encourreroient ceux qui, à l'avenir, romproient les
portes des£gli(és, ou en enleveroient quelque chofe. Le fécond
Canon défend aux Evêques ôc aux Prêtres d'exiger des préfens
pour ia Pénitence , ou pour la Confirmation ; mais il permet de
recevoir ce qu'on offrira volontairement. Le troifiéme défend,
fous peine de dégradation ôc d'excommunication , aux Prêtres ÔC
aux Diacres , d'avoir des femmes chez eux.
Conci'es L X I L Vers le même tems on affembla divers Conciles en
èes Gaules ( n Italie ôc dans les Gaules , dont nous ne fçavons que ce qui en eft
looi , ou j-appQrté par Glaber Rodulfe, Moine de faint Germain d'Au-
781. xerre,qui ecnvoit dans 1 onzième liecle. 11 y rut derenau aux
Glaber, Uè Evêques d'ordonner des jeûnes entre l'Afcenfion ôc la Pente-
î,cap.i,pcrs. c^j-g^ excepté la veille de cette dernière Fête; mais on permit
Can.i. les jeûnes de dévotion. On y fît quelques plaintes contre les
Cm. 1. Moines, de ce qu'ils chantoient le Te Deum les Dimanches
d'Avent ôc de Carême , contre lufage de l'Eglife Romaine : Et
fur ce qu'ils répondirent qu'ils fuivoient en celala Règle de faint
Benoît approuvée par faint Grégoire , on les laifla dans leur
Cm. 3. ufage. On propofa, touchant la Fête de l'Annonciation , qui fe
fàifoitalorsle2j de Mars , delà célébrer Jiors du Carême, ôc de
la fixer, à l'imitation des Efpagnols , au huitième de Décembre ;
mais l'ancienne coutume prévalut.
1 ^^"i'*rjr*^"' L XI 1 1. Nous finirons ce Chapitre par l'analyfe d'une Lettre
quedeSLiiei' circulaire del'Evêque de Schepton enAngleterre,dans le Comté
'on, toin. 1 , de Sonicrfct. Doni Martenne qui l'a donnée le premier , croit
TSiura'. qu'elle fut écrite fur la fin du dixième fiécle. Elle efl adrciléc
JH-
DU DIXIEME SIECLE. 787
à touslcs EvêqueSjles Abbds ôc Fidèles. Il yeftqucftion d'un
homme qui avoit tué le Fxls de fon oncle. L'horreur qu'il eut de
fon crime le porta à le déclarer à fon Evêque , en le foumettant à
ia pénitence. C'ctoit l'ufage dans les commencemens du neu-
vième liécle , 6c peut-être encore auparavant , d'impofer aux
homicides pour pénitence , de voyager pendant toute leur vie
le corps ferré de cercles de fer. Le Concile de Mayence de l'an
847 avoit défendu ces fortes de mortifications par fon vingtième
Canon. Soit que l'Evoque de Schepton ignorât cette défenfe ,
foit qu'il eût retranché les cercles de fer dans la pénitence impoféc
à cet homme qui avoit tué fon coufin germain, il lui ordonna
d'expier fon péché par les incommodités inféparables des voya-
ges, ôc par la mendicité. Maisen même-tems il lui donna cette
Lettre circulaire, alin que ceux à qui il lapréfenteroit fourniffeiit
à fes befoins corporels , ôc qu'ils priaiïent Dieu de lui accorder le
pardon.
Fin du vingt-deuxième Volume.
iNota. Les Conciles du onzième fiécle fe trouvent à la fuite du Tome XXIII.]
GGggg ij
788
TABLE
DES MATIERES
Contenues dans ce vingt-deuxième Volume.
AEiiLiARD (Pierre) écrit lui-même
fa vie, pjg. 1Î4. Sa naiflance , l'on
c^ucRtion , fon finiour pour les Lettres ,
ilid. Il enfeigne à Melun , ouvre une
EcoleàParis ; ilépoul'e Heloifre, 1^5.
Il fe fait Moine à Saint Denys , enfeigne
clans un Prieuré ciéper.Jant de cette
Abbaye , i j*. 11 efi condamné au Con-
cile de Soiifons , & ob igc de jettcr lui-
irénie fon Livre :'.u feu ,157. Conduite
d'AbaillarJ dans le Concile , ilid. ù"
paç.. 15S. On lui i'o]ine pour prifon
l'Abbaye de Saint Médard, puis on le
renvoyé à Saint Den-s, 158. Il fonde
le Paraclet , 1 55 ; ell fait Abbé cie Saint
Gildas de Ruis , 155; cil cond; mné au
Concile de Sens , 1 60 tV 5 2 <i. Se tciire
à Cluni. Sa mort , léo C^iSi. Son corps
eft tranfporté Ifcretemcnt au Paraclet ,
161. Ecrits d'Abai!LirJ. Ses I étires ,
itfi &• fuiv. Prtmif re&i leçon Je apolo-
gie d'Abaill.ird ,173 £•' fiiiv. Ses Com-
mentaires fur rOraifon Dominicale ,
Jes Symboles des Apôtres & de Saint
Athanafe , 176. Problèmes d'Heloifle à
Abaillard , avec les folutions , 177.
Livre d'Abaillard contre les Hérefies ,
»77, Son Commentaire fur l'Epitre
aux Romains , 179. Se? Sermons , i 80.
Son introduélion à la Théologie , i8r
(y fuir. Ses Profes. Sa Théologie , 1 84
fj-Juiv. SoiT Commentaire fur l'ouvrage
des fix jours , 1S7. Sa J\lorale, i88.
Autres Ecrits d'Abaillard, 189. Juge-
rient des Ecrits d'Abaillard & d'He-
loifle, 191. Editions qu'on en a faites,
ipi. Erreurs d'Abai'lard condamnées
par le Pape Innocent, j6j
jibhéi. v>aiiu Bernard hljœac ki Abbés de
fon tems qui tâchoient d'obtenir du S.
Siège le privilège de porter les Orne-
mens Pontificaux, i;o8. On aquelque-
fcii permis à quelques Abbés de donner
les quatre moindres , & même leSous-
D.aconat , & la bénéJidion au peuple ,
408. Les Abbés doivent ctre Prêtres,
Alanius , Abbé, Son Traité de l'Eucha-
riftie , i97
j^Zifi/iim, Roi des Sarrafîns , 7^'°
AArtn/, Moine de Clairvaux. Ses écrits,
y^Jii/Z'frf, Archevêque de Brème. Sa met,
I. Son éloge , î
Adalbert , Moine Bénédiftin Arglois ,
fait des Extraits du Commentaire de S.
Grégoire lur Job, ^99
Ad.ilande , Archevtque de Tours , 749
Adalleron , Archevêque de Reims Sa
mort, 779
Aidiheron , Evêque de Met/ , 7 5*
Addlhcrt { Saint ) Evêque de Prague , quitte
fon peuple indocile, 778. Se retire
à Rome dans un Monaftere , 779.
Fait un fécond voyage à Rome, tîl
rappelle à Prague , y retourne , 779
Ad.vn , Chanoine de Brème. Lieu de fa
naillance , i. 11 eft chargé du loin des
Ecoles de Brcnie , ilid. Travaille à
IHiftoire des Eiîliles du Nord , i.
Analyle de cette Hiftoire , ihià. ù-pag-
fuiv.
Adcle ,ffmmed'Fftienne, Comte deBlois.
Fait \audela vie mon?(lio,ue après la
rrort i> fon mari , 16. Pierre le Véné-
rr^ble lui écrit, 474
Addcide , femme de Louis le Eegue,
'708
Aàelme ( Saint ) Fvc'qiie de Schjrburn. Sa
Vie éciitt par Guillaume diMalraclbury,
DES MA
14S. Aiflions remarquables de ce faint
ï'^cqae , 149
Adrien II, Pape. Ses Lettres pour la réu-
nion , 671 Cf 67J
Adultère. Les Suédois puniffent de mort
l'adultère & la violence faite à une
vierge , 9
Agnès , veuve d'Helie , Comte du Mans ,
fe confacre à Dieu dans un Monaftcre ,
16. Alberic , Lfgat du Pape à Tou-
loufe , Î7I
Alhcron , Archevêque de Trêves, îi?»
Hugues Metellus lui éi.rit touclmnt les
défordres qui regnoient dans le Diocèfe
deToul. _ _ ibid.
Akcran. Pierre deCluni fait faire iinetra-
duiflioii de l'Alcoron , 48S&'4S9
/.Ifth , mère de ûint Kernard , j 1 8
Alxis, (Saint) Sa vie écrite par Mar-
bo.le , 5 t
Alfonfe , Comte de Saint Gilles. Saint
liernard lui écrit contre rilérétiijue
Henri , 371
Al^cr , E>iacre & Stliobflique de Liège,
H4. Ses comrr.eiicemens. Il cnfeigne ,
ihid. Se fût A. aine à Cluni. Sa mort ,
15 î. Ses Ecries. Son Traité fur l'Eu-
thariftie , ïîî. Pierre le Vénérable le
préfère à ceux que Lnnfranc & (niit-
mond ont écrit fur le mime lujet. Ana-
lyfe de ce Tr.iité , ihïd. îr pag. fuii'.
Jugement de 1 Ecrit d'Alger far l'Eu-
chariftie. Editions qu'on en a faites ,
«63 ù- ^6-]. Autres Ecrits d'Alger. L^n
Traité de la milcricorJe & de la juftice ,
164 ù-fuiv. Une Hiftoirede l'Eglife de
Liège. Un Traité de la Grâce & du
libre arbitre , zC'6
Aluîfe , Moine , fait des Extraits de Saint
Grégoire fur le Nouveau Teftament ,
99
Aluîfe , Moine. Fait des Extraits de Saint
Grégoire fur le Nouveau Teflament ,
Amalaire. Erreur qui lui cft attribuée fur
l'Euchariftie, C}t
Ame. Sentiment de Saint KernirJ fur IViat
des âmes après la féparaùon de leurs
corps, 4i>''
Amour de Dieu. Traité de Saint Fe-nsrd
fur ce (ujet , 414 G' /"if.
Anacht , Anti-Pape, 85. Eft excommunié
.'•u Concile de Reims , 87. Et dans celui
dePife , 88. Sa mort , S9
Anaflafe , Prute & Cardinal dépofè , (nr.
Anges. Sentiment d'Hildebert du Mans
fur les An'TCs & les Démons, 35. De
RoUert Fuilus , 178, 17?» 184.
T I E R E S. 78P
Apges G-AxiliCns ^ 40Î , ^4j
Angilbert. Charlemagne lui donne en ma-
riage fa fille Kerte , 59. Se retire du
confentement de fa femme à Saint lli-
quier , dont il cit fait Abbé, ihid. Sa
vie écrite par Ariulfe & Anftlicr ,
Moines de Saint Riquier , 60
Angleterre. Concile général d'Angleterre
Ibus faint Dunftan , 77;. Dérèglement
du Clergé , ihid.
Anne,iu donné aux filles qui fe confacrtnt
à|Dieu , 116, Les Abbés dans le dou-
zième fiécle ne portoient l'anneau que
par privilège du faint Siège , 536
Annomimon célébrée en Carcme , 781Î
Anfckaire (Saint) convertit les Danois;
e(l ficré le premier Archevêque de
Hambourg ,3. hft obligé d en fortir &
devient Evcouc de Frcme , iiid.
Anfcker , Abbé de Saint Kiouier. Stfs
Ecrits , (■ I
Anfe^ife , Archevêque de Sens , c ft établi
Primat de^ Gaules & de Germanie ,701
Anfeime , Evoque de Havelburte ,ei\ en-
voyé en qualité d'Ambaliadeur à Con(-
tantinople par l'Empereur Loihaire ,
3 10; eft guéri par faint Bernard, iijd.
Ses Ecrits. Ses Conférences avec les
Grecs ,511. Son Traité de l'uniforniité
de l'Egliîe , ilid. &fuiy. Réponfe aix
objedions des Grecs , 513 i^ fuiv.
Apologie de l'OrJre des Chanoines
Réguliers attribuée à Anlelme ,3166'
3'7
Anfpert , Archevêque de .Milan , excom-
munié par le Pape Jean VIII. 709
Antoine Studite , Patriarche de COnRanti-
nople , 77(î.
Apjllinarilles. Leur erreur touclu-nt l'hu-
manité de Jefus Chrift, renouveliée par
, un Moine de l'Ordre de Cluni , 483
y4Bo/i?fif.v d'Abaillard , 173 (y fuiv.
Apologie de faint Bernard adrelTée à Guil-
laume , Abbé de faint Thierry , ^46 y
1 15 ^ fuiy. Apologie de Pierre le \ c-
nér.ible , 477 Cr Juii'.
Appellan^nsà Rome. Plaintes d'Hildebert,
Evoque du Mans , contre l'abut qu'on
en fr.ifoit, xi 6-13. Saint liernard tn
bi.ime l'abus , 5 5 7 1 "JOi
Archanihaud , Archevêque de Tours , fuf-
pendu de la Comnumion , 7S4.
Argrim , Evcque de Langtes , chrfle de
fon Siéee , ril rétabii , 74?.
Arnoul , Roi de Germa;iie , ancnib!e.un
Concile dans fon Palais de Trioir,
731-
Arntul , fils n-n'""l du R •• Lcthaire,
G G g g g iij
750 TA
Archevêque de Reims , excommunie
ceux qui avoient pitié l'Egilie & la
Ville de Reims , 77^. Le Roi Hueues
le tait ju^er canoniqiiement par les
Evcques de la Province , 780. Anioul
eft dcpofé. Sa dépoiîiion annulée à
Rome , 780. Arnoul ell détenu dans
la Prifon d'Orléans par le Roi Hugues,
78 z. Eft rétabli fur le Siège de Reims
• par ordre du Pape Gret;oire V. 78?
ATckamb-iud, Sous-Doyen d'Orléans , tué..
Son meurtrier excommunié au Concile
de Jouarre, po
finhidacres des Evéques. Il leur eft dé-
fendu de faire fur les peuples des exac-
tions , 600 &- éot
Arméniens. Députation des Evéques d'Ar-
ménie & de leur Patriarche au Pape
Eugène III. p8
^rniud dti BrefTe. Ses erreurs condamnées,
par le Concile de Latran ,365. Arnaud
fe retire à Zuric en Suiife , ibid. Portrait
qu'en fait faint Bernard , ibid. G- 364.
Vient à Rome , y excite le peuple Ro-
main à la révolte , 371 & 371
Arnold , Abbé de Ronneval. Saint Bernard
lui écrit , 38 i
Armilpke , Evcque de Roclieûer , 61. Sa.
mortjrt^. Ses Ecrits, 6z (y fuiv.
Artaud , Archevêque de Reims , eft obligé
de renoncera l'adminillration del'Ar-
chey-cché , 755. Eft rétabli , 757 &<
7î8.
Arthmdl , Roi de Galles, tue fon frère.
Eft excommunié par l'Eveque deLan-
datF, 778. Le Roi fe foumet à la pé-
nitence , ibid.
Atlunafe , Evéque de Naples , fait un
traité avec les Sarrafîns , 71 1. Eft ex-
communié ; puis relevé en livrant des
Sarrafitvs , ibid.
Aflompnon. Sentiment d'Hildebert du
Mans fur l'Aftomption de la fainta
Vierije dans le Ciel , 19
AJlrolabe , fils d'Abaillard & d'Heloifle ,
IVÎ
Audience.^. Défenfes de les tenir les Di-
manches , les Fêtes & les jours de jeûne,
75J
Aurelien , Archevêque de Lyon , 714
Avent. Hildebertdu Mans exhorte les Sé-
culiers à s'abftenir des viandes dans le
tcms del'Avcnt , 15
Augujli'i. (Saint) Commentaire de Hugues
de iaint Viitor fur la Règle de ce Père ,
204
BLE
B
BA H A N E s , Patrice , afllfte su hni-
ficme Concrle générai , 673 &• 674
Buprême. Dodrine de Robert PuUus fur
ce Sacrement, ziz £r 285. Traité du
Baptême contre un anonvine, atiribué à
faint Bernard , 451 ^fuiv. Reyleniens
du Concile de Mnyence , ^66. De t.elui
de Paris fur ce Sacrement , 559 G" 600.
Du tems ds faint Bernard on conferoii
encore le Baptême par la triple irnmer-
fîon , 447. Baptemep rinfulîon. Quand
intioduit en Angleterre, 58?
Baptême adminiftré par un Laie fous cette
forme : je îe baprifs au nom de Dieu &
de la vraie & fainte Croix , eft bon ft Ion
faint Be rnard ,395. Défenfe aux Prêtres
de baptifer , (înon dans les Eglifes bap-
tifmales , excepte le cas de nccefllté ,.
611. De rebaptifer ceux qui ont été bap-
tilés au nom delà Trinité chez les Hé-
réti>jues , 7 13
Bardas excommunié par le Pi'-.risrche
Ignace , le fait challer lui-mi.nie du
Palais PatriarcV/al, 6^49
Bajiie ( lEmpertur) envoyé des Députés
au Pape Adrien il. 671. Aftîfte à la fep-
tiéme Seilion du huitième Concile gé-
néral , 6$o
BaJile Scamandrin , Patriarche de Conf^
tantinople , dépofé , 776
Baudouin , Comte de Flandres , enlere
Judith tille du Roi Charles , & l'époufe ,
660. Les Evéques du Concile de Soif-
fons excommunient Baudouin de mémo
que Judith , ibid. Le Roi Charles reçoit
en fes bonnes grâces fa fille Judith & le
Comte Baudouin , 66^
Baudouin , Comte de Flandres , menacé
d'excommunication, 73''
Bede{ le Vénérable) appelle le Prince d«
la littérature chez, les Anglois. Eglife
dédiée fous fon nom , 148
Benei'ent érigé en Archevêché , 774
Benoît. ( Saint ) Pierre de Cluni donne
l'Hiftoire de la tianllation des reliques
de ce Saint en France , & de fon illa-
tion , 490
Bene'u V. Pape , 7 «S, Eft dépofé , ibid. (r
769
Berengofe ou Berengaude , Abbé de faint
Maximin de Trêves, 66. Ses Ecrits ,
67. Eft-il Auteur d'un Commentaire fut
TApocalvpfe attribué à faint Ambroife ,
670-6»
Berenger , Difciple d'Abaillard , tidic «Jc
DES MA
jnftifier fon maître des reproches qu'on
lui foifoit fur k foi , J7J
Btren^er , Duc de Frioul , fe fait cou-
ronner Empereur par le Pape Etienne
VI. 740
Bern.vd ( Saint) premier Abbé de Clair-
vaux , Docl-jnr lie rEelirt". Hiiloire de
fa vie. Sa naiiiànco ; f<"s Etudes , ;i7.
Sa converflon ; il fe fait Moine à Ci-
te-aux. Sa conduite dans fon Noviciat,
5 1 o. Bernard efl fait Abbc de Clairvaux,
J19. Sa manière de gouverner, 510.
Converiîon de la f lur de faint Bernard ,
310. 11 fait t.n vov?i;o"à Paris ; alîiftc à
divers Con.ilfs , ;i;<f. &- 311. Reçoit le
Pape à Clair\aux; refuie divers Evéchcs,
jii Fait un voyage en Italie, ilid.
Fait la paix entre les Génois & les Pi-
fans , ih:d. Fait de nouveaux b;uimens à
Clairvaux ; va en Aquitaine , 31}.
Convertit Giiillaunie IX. Duc d'Aqui-
taine, 314. Fait un troilîéme voyai^een
Italie, 314 II fait ceiTer le fchifme ,
31J. Fonde divers Monafleres , 3^6.
Eft tlwrgé de pr. cher la CroifaJe , ihid.
Refuù'den être leCiier,3i7, Combat
les Henriciens ; fait un miracle .1 Sarlat
en Petif^ord , 517. Kcfiite les erreurs
de Gilbert de la Poirce , jif!. Ecrit les
livres de la conlîderation. Sa mort , ib.
Son cio^ , iiid. G" 319 &* 330. Ecrits
de laint Bcriuud. Ses Lettres , 330 G*
fuh\ Ses Livres de !a çonîideration ; leur
An*lyfe, :?"? &• fui:'. Sou Traité des
mœijrs f; dos devoirs des Evcqnes , .(oô
Cr- fuiv. S.) Lettre de la reforme des
Clercs , 4C.9. Son Livre du précepte &
de la d .p( ifc, 4T1 Z" fuiv. Apologie de
5 Ber-ar , 4 i î ù-fuiv. Son Livre à la
loiian-^e d s Chevaliers duTempIe, 419.
Son Trai : de l'humilité & de l'or!;ueil ,
4'' 3 £•' 4'v. Son Traité de l'amour de
Div'i; ,440' fuir. Son Traité de la
Grâce & du libre arbitre , 41e ù" fuiv.
Juge' ■\e:n de ce Traité ,451. Trr.itc de
faint iJernard du liaptcint; , & contre les
crrei rs i'A'oaillard , 431 ù" fuiv. Vie
de ! tint Malachi« , Archevêque d'Ir-
land; prr liiint Bernard, ('c qu'elle con-
«ienr de rimarquable , 455 ù'fuiv. Son
Trai:é .!u cliant, ou de la corrcJiion de
yAi;-ij.!!on;er , J3S. Saint Bernard cor-
ni\e Tvintiphonier de Citeaiix ; autres
coir'é ions qui lui font attribuées, 4 3 ■».
Sermons de laint Bernard ; leuriaérite;
Icurcp.raLlerc, j.40. En (juels jours ûint
Bernard prtthoit , iti(/. À quelles heures
6 t'ai. 4ùtik- l.iii^i;e , 441. Ses Ser-
T I E R E S. 7p»
moui de temps ;les Sermons des Saints ;
les Sermons fur divers fujets , 441. Ses
Sermons lut le Cantique des Cantiques ;
en quel temps ils ont ctc compoîés. Ils
ibnt au nombre de 86 , 443. Recueil
des Sentences de faint J-ît riiard ; Chro-
nûlof;ie de fa vie ; ce qu il y a de remar-
quable dans les difcours de S. Bernard ,
444 O'fuiv. Ouvrages attribués à S.Ber-
nard , mais dont on a depuis découvert
les vrais Auteurs, 4^l ù'Jii'v. Vks de S.
Bernard par Guillaume , A'jbé de faint
Thierry, 45«. Par Bernard, Abbé d«
Ronneval ; par Geotfroi , Aloine île
Clairvaux. Recueil des miracles de
S. Bernard, 460. Autres vies du même
Saint, 4é.i. Dodrine de faint Bernard
fur l'Éuchaiiftie , j^6i. Ecrits de faint
Bernard lubiiés depuis la dernière édi-
tion de fes Oeuvres , 4'^? (yfuiv. Juge-
Jiient des Ecrits de ce Saint , ^ Cata-
logue des Editions qu'on en a faites ,
4^6 if fuiv.-
Bernard des Portes , Fondateur de la Ch?r-
treulede ce nom , 190 0- 191. Sa mort.
Ses Ecrits ; fe« Lettres , 291 ^fu\v.
Eern.rrd , Abbé de faint Analtafe , élu
Pape. •^'9"7 Eugène III,.
Bernard , Abbé de faint Cyprirn à Poitiers.
Fonde le Monaflere deTiron, 198
Bernon , Evéque de Metz , 7^i. Renonce
volontaivcmenf à fon Evcché ,. il id.-
Bernon , Abbé de Gin^ny , 71-?'
Bernon, premier Abbé de Cluni , 74?
Biens del'Eglife. Si les Rois en font les-
maîtres , & s'ils peuvent en difpcfer en'
faveur de qui il leur plait , 714. Les
ufurpateurs des biens de l'Eglife ana-
thématifés , 716. Les Séculiers qui
s'emparent des biens de l'Eglife font
excommuniés , 731. Conflinition le
rp.mpercur Otton III. pour obvier aux
fréquentes aliénations des biens âe
l'Eglife, 7iJf
BiUioteque. Elle eft auflî néceftairc à un
Monaftere qu'un Arfeiwl à une Fone-
reiîe , joy
Biens de l'Eglife. Les Evcques doivent en
ufer non comme d un bitn propre,
mais comme d'un bien qui leur eft con-
fié pour en aider les pauvres ,571. Sen-
timent de faint Bernard fur lufage dts
biens de l'Eglife , & fur l'abus qu'on en
fait, 44:i &■ 449. Ceux qui s'en empa-
rent font retranchés de \i Communion
d» Corps & du Sang de Jefus-Giriû ,
mcmeaiamoir, 65s'
ELiJ^îJmauurs mis tn féiiijsnce pu»
75>2
T AE L E
blique , f 94. Loi Je Ken? th , Roi d'E-
co: e, contre les B:2(phémateurs , é ii
Bofm , Duc lie Lombardie , le fait élire
Roi dt Piovence, 710
Br;roi's. (Quatre Evêques Breton^ fimo-
niaqt-fs lont obligés de rCDoncer à leurs
Sicçes , 630
. Brunon , fils d'Engelbert , cli'i Archevêque
de Cologne ,conrulte S. Bernard ,533
Bulgares. Conférence à Conflantinople
pour f^avoir à quelle Egiife cette Nation
îèroit (buinife , éSp &- 690
Bunhard , premier Abbé de Balerne dans
le Dioicl'e de Befarçon , «52
Burgordion , Jurifconfulte & Citoyen de
Pife , traduit pluiïeurs Etrits des Peies
Grecs , m
C
CAlicf. Défcnfe de célébrer les faints
Mylteres dans des calices ou patènes
de bois ; de conlacrer le vin fans eau ,
734. Il ert ordonné de mettre dans le
calice deux tiers de vin & un tiers d'er.u ,
734
Cancnifiticn des Saints. Elle ne fe devoir
faire régulièrement que dans les Con-
ciles généraux, lOî
Canonifanon. Premier ade autentique de
la canonifation df s Saints , 78 r.
CaTloman ., 'àh du Roi Charle?. Son père
li;i f^it donner la tonfure Cléricale ,
(<)■!.. Carloman conjure contre (on peie;
ert mis en pril'on à Senlis j iFid. ert dé-
pofé du Diaconat, & réduit à la Com-
munion laioue , 6»7
Carte ou charte de chr.rité. Conftitution
de l'Ordre de Citeaux ; ce qu'elle con-
tient , Î4 5 îî j Editions qu'on en a
faites, îî
C*2iJat& continence des Clercs ,31,187,-
671
Champeaux ( Guillaume de ) abandonne
fa chaire de phiJofophie , fe retire dans
la Chapelle de faint Vi<Sor, hors des
murs de Paris , - i f
Chanoines. Règle d'Aix-la-Chapelle pour
les Chanoines, ^j^^fuiv. Reniement
du Concile de Mayence, î6(;. Décret du
Concile de Reims pour les Chanoi-
nos , (99
Ckanoineffes. Reele d'Aix-h-Chapelle
pour les Chanoinefles , 58 1 Êr fidv.
Cluvles , ou C.harlemagne. Son iroiftme
voyage à )>onie, 547. Son dittcrcnd
. nv:c Taltillon , Duc de Bavière >'iiiii.
Charles i: rit aux Evéques «i'iifpasne contre
Perreurdlflipand, .. )î>
Charles le Chauve fe fait couronner Roi
de Lorraine à Metz ; la mort , 70^
Charles , fils de Louis le Bègue , proclamé
&facréRoi, 731
Chartreux. Leurs anciens u(âges écrits par
le Bienheureux Guiges , 13Î &• fuiv..
Aufteritc des Chartreux , ju
Cheveux. Il étoit dufage chez les anciens
de fe couper volontairement quelques
cheveux pour attefter la vérité de leur
parole, lo
Chrt'rrie ( le faint) gardé fous la clef , ^é^
Ckn'me, (le faint) Défcnfe aux Archi-
prétres de le vendre, 785. Il eft or-
donné aux Prêtres de le conferver fous
la clef, 7i3
. Cïm;tiere. L'on n'inhumoit pas dans le
Cmctiere commun les Fidèles les en-
fans morts fans E.iptc me, 279
Circoncifion. Elle ne remettoit que le péché
or.ginel, 183 , 4-}^
Clainaux. Abbaye ; fâ fondation, 31P,
PriviUge accordé à ce Mor.allere parle
Pppe InnocentlI. ;84
Clarius , Moi.ie de faint Pierre-le-Vif. Sa
chronique, 66
Clercs ou Chanoines Réculiers. Les Moi-
nes ne leur font po nt inléneufS. Preuves
de ce fentiment, 171. Rétjlemens pour
les Clercs, 549, fy? îy ?9J. Clercs
var^abonds ; leur licence réprimée, 6oi.
Peines impofées à ceux qii maltrnitcnt
d'eft'ets ou de paroles les Clercs ou les
Moines, 504. Livre Je faint Berni:rJ
de la réforme des CUercs , 4''3
Clercs. Reglemens du Concile d'Aurtjoir»
touchant la conduite des Clercs ,7616'
763
Cluni, Le Pape Innocent II. dédie la nou-
velle Egiife ,9 1. Confirme tous les pri-
vilèges accordés à Cluni parfesprédc-
celîeurs , ibïd. Le Pape Liicius II. con-
firme tous les biens donnés à cette Ab-
baye , &c. 94. Saint Bernard fait l'éloge
de Cluni, 416. Pratiques de cet Ordre
repréhenfibles félon le même Saint ,418
0- 41?
Cluni. Fondation de ce Monaftere, 74*
&'74^
Co//af ton. Son origine , 587 &• 588
Communion, Il eft ordonné aux Pntres da
communier de ieuis propr..'s mains les
Laïcs des deux fexes, &c. 718
Communion ou alfociatiens de pnercj
établies dans les Monafteres , 4*7 6*
Conctpim immaculée de la f-Jnte Vierge,
Sentiment d'UilJebcrt , Kv^'^i e du
Mans ,
D E s M A
Mans, ip. Lettre i\c Ibint Jiernar.l fur
la Fcte de la Conception , ^^«i&'jî/
Conciks de Vormes ; d'inçelheim , 547.
De Narbonne ; d'Acclecli ; de Finien-
hnlle ; de Frioul , 548. (fanons du
Concile de Frioul, Ç49 ^ fuiv. Con-
ciles de Ratilbonne ; de Francfort ,^51
ù'fuii'. D'Angleterre, j^^. De Rome ,
îî6.D'Urgei;d'Aix-l.i-L.hapelle, 557.
De Rome , y 5 8. De Clolveliou , 5î9 ;
d'Altino ; d'Aix InCliapcl e , y6o ; de
Conftantinopie ; de Sahbourg, j6i ;
d'Aix-la Chapelle ; d'Arles , ySj &•
fuiv. de MayencP, 566 ; de Reims , 568;
de Tours, 5(î!> ; de Châlons-lur-Saône ,
J7 '.Cap^tulairede Cliarlemagne , 574.
Conciles de Conilantinople , 574 &-
fuiv. Concile des Iconoclalies ; de
Conftantinopie , ^76 ; d'Aix-la-Cha-
pelle , Î77 ; d'Aix-la-Chap"lle , 177
C* fuh'. l ettrc de Louis le Débonnaire
touchant les règles établies à Aix-la-
Chapelle , fS^. Concile d« Cekhyte,
584. Afiemblée d'Aix la-€hapeilc ,
585 ; de Trihur; de Clo-zesliou, s8J ;
d'Attigny, ^89. Conciles de Paris au
fujetdes Images, $91 £/ fiiii'. d'Ingel-
heim , 594 ; de Rome, fgç ; de Paris ,
f 97 &fuiv. Concilf s de Vomies , 606.
De Langres ; de Nimegue ; de Vormes,
É07, De Londres ; de Compiefjne ;
d'Aix-la-Chapelle , éo8. De Mintoue ;
de Stramine ; de Kinfton ; de Ciiilons-
fur-Saône , 610 Cf 6ti. d'Ingclheim ,
éi2. Aifemblée de Fontenai , 6 11.
Conciles d'Aix-la-Chapelle, 6ij. de
Bourges ; de Conftantinopie ; de ViUa-
, Colonia ,614. De Lauriac. Car)itulnire
de Touloufe ,61';. Concile de Thion-
ville , 616. De Verneuil , 617. Pe
Beauvais , (; 1 8. De Meaux ,619 ù'fuh'.
De Paris , 614. Parlement d'f!pernai ,
éiç. Conciles de Mayence, (16 ù'fuiv.
De Bretagne , 619. De Quiercy , 630.
De Paris , <î 3 1 . De Pavie , 651 &■ fuiv.
Capitulaire de l'Kmpereur Louis ,635.
Conciles de Sens ; de Benningdon ; de
Kingefburic ; de SoifTons ,6-^6, De
Cordoue , 637. D»» Mayence ; de Soif-
fons, (=3 S ù-fuiv. De Q^uiercy ^ 640 &■
<;4T. De Verberie , 641. De Rome,
é4i. De Conftantinopie ; de Valence,
é43. De Pavie, ('■46. DeVincheftre,
<;47. De Benoit , 648. De Quiercy ;
de Mayence. Conciliabule de Conftan-
tinopie ; Concile de Quiercv , ^49. De
IMetz; de Langres ; de Savonieres ,650,
Requête du Roi Cli;ir|po, ^^i. Lettres
Tome XXI L
T ï E R E S. i^^'
duContiiedc Savonierfs atix Fvtqu-es
de Bret,ii;iie. Canons du Concile de
Langres, ^52. Su:te du Concile de
Savonieres, 6<!x. Conciles de Conftan-
tinopie, 653. De Sifteron ; d'Aix-!a-
<;iiapelle, 654. De Coblents , 65j.De
Toufv , 6^6. De Conftantinopie, 6^7
ù' (■'S. De Rome ; de Sens , 650. Con-
ciles de Piftes ; de Soiftbns ; de Kome ,
r.i^o. D'Aix-la-Chapelle ,66t. Oe Su-
bloniercs ; de Rome , (-ûi. De Metz ^
663. De Senlis ; d'Arménie; d'Aqui-
taine ; de Verberie, 664. Conciles de
Rome, 66^ù'666. De SoilFons , iJif/,
Concile de Conftantinopie , 667. De
Troyes , 668. Conciles de Rome ; de
Quiercy, ('69. Cortcile des Evoques
de Gaule & de Bourgogne. Concile de
Vormes. Ses Canons , 670 Êr fuir.
Quatrième Concile de ConHanrinople ,
que l'on compte pour le huitième géné-
ral , 67t. Première Seftlon , 675. Se-
conde SeQlon , 674. Troi(î!me, 675.
Quatrième , 676. Cisquiéme , 677.
Sixième , 678. Ubjeftions des Fvcques
ordonnés par Phorius , 678. Réponfe
aux obj^flions, f79. Sep'i'me & hui-
Utme Sefllons, 6S0 &- 681. Dècretfur
les Images, 681. Neuvic ne Seflîon ,
6S1 Cr- fuiv. Canons du Concile da
(lonftantinople , 684 (y fuiv. Profenîoii
de foi du Concile, 6S7. Soull ri itic^ii
du Concile, 6S8. Lettres fynodiqiief.
Conférence touchant les Bulgares, 6É9
&' 690. Les Léeats du Pape retournent
à Rome. Traduétions des aéles du Con-
cile , 690 Cr* 691. Conciles de Verberie,
691. De Metz; de Piftes ; d'Attigny,
691. De Vienne; de Cologne , 65)3.
De Douzy, 694. Lettre fvnodale Sr les
ades de ce Concile , 6.oç. Conciles
d'Oviedo , (•96. DeChâloiis-fur-Saone;
de Cologne ; de Senlis ;de Douzi , 69-^.
De Reims, 69S. De Raverme , fi?9.
De Touloufe ; de Châlons-fur-Saône';
de Pavie , 700. De Pontion. Première
Selfion ; (econde , 70i.Troi/îime , ihid.
Qu:'triéme, cinquième , fîxième, 702,
Huiriéme Sefllorr , 703. Articles re-
jettes par le Concile de Pontion , 703.
Autres aèîes de ce Concile , 704. Con-
ciles de R orne ; de Ravenne , ibid. Coii-
ciles de Ncuftrie, 705. De Troves. Pre-
mière SelTion ; féconde' , 706. TroJ-
fième ; quatrième , 707. Cinquième
Sedion. Autres aftes du Concile de'
Troves , 708. Conciles de Rom? ,709,
Concile deCoiift">''noplp pour le rétâ-'
H H h h h
75^ T A B
biiifement Je Photîu) ,710. Première
Sellion , féconde ,711. Troilîi'me ,
712. Quatrième Sefllon. Articles de
réunion , 7ij. Cinquième Sefllon;
Soufcriptions des Décrets du Concile,
7 14. Sixième &fepticme Seflloiis, 715.
Lettre du Pape Jean VTII. à Photius
fuppolée , 716. Suite du Concile de
Conftantinople ,717. Aftes de ce Con-
cile , 71 3. Concile de Rouen, 71 S.
Ses Canons, 71 j Cr' 710
Conciles. De Reims ; de Rome ; de Fil-
mes , 711 îf fuiv. De LandarF ; de
Châlons-fur Saône , 714. De Nifmes ;
de Cologne ; d'Agaune , 725. De
Mayence , 716. De Meti , 717. De
Varennes , 718. De Valence ; de
Vormes , 719. D'Angleterre ; de Meun
flir Loire , 730. De Vienne ; de Reims ;
de Rome , 73 1. DeChalons-fur-Saone,
de Tribur , 731 Gf /uiV. De Nantes;
736 G'/uiv. De Rome; de Port; de
Reims & de CompoUelle ; de Rome,
738 &■ fuiv. De Ravenne , 741 ù'fuh.
De Latran , 745. Conciles de Saint
Oyan; de Narbonne;de Vienne , 744.
DeMaguelone ; de Troflc, 745 ô'fuiv.
Fondation de Cluni par Guillaume ,
Duc d'Aquitaine ,. 7.; 8. Conciles de
Narbonne ; de Tours ; de Ch.îlons-fur-
Saone , 74t>. De Troflé ; de Coblents ;
de Reims , 7J0.. Dt Troflé ; de Tours ;
de Charlieu , 7 5 i . De Troflé , 7 5 i • De
Virlbourg; de Gratelan , 751. D'Er-
ford , 753. De Châteaii-Thierri ; de
Fifmes ; Statuts du Roi de Walles ,
754, Concile de Soillons , ibld. Sta-
tuts d'Odon , Archevêque de Cantor-
bcri. Loix du Roi Edmond ,755. Con-
cile de Tournus; Conciliabule de Conf-
tantinople , 7îf. Conciles d'Klne ; de
Verdun, 757. De Mouzon ; d'Inçel-
heim ,7586' 75?. De Laon ; de Trê-
ves , 760. De Londres; de Rome; de
Landatf,. 761. D'Aulbourg, 761. De
Saint-Thierri ; de Ravenne; de Lan-
dafF, 763. De Bourgogne; Diplôme
d'Otton en faveur de l'Eglife Romaine,
764. Concile de Meaux.. Conciliabule
de Rome, yfi^. Concile de Conftanti-
.Bople, 7-66. De Rome , 767. De Bran-
defort en Âvieleterre ; de Rome, 7*8.
Diplôme du Roi Edgard ; Concile de
Ravenne, 7(9. Loix du Roi Edgar,
770 ù- fuiv. Conciles d'Angleterre 77 5.
DeRorae;de Londr<:s ; de Rome, 774.
Concile en Tardenois ; Conciles dlii-
"geilisiitt i, de Marfalia ; de Mcfdtne ;
LE
d'Angleterre , 775. DeConftantinopIff}
de Reims ; de Vincheftre , 77e. Dff
Ketling ; de Kent ; d'Ambrelbury ; d»
Sens ;de Rome, 777. De Reims ; de
Landaff ; de Rome , 778. De Charroux >
de Reims ; de Senljs , 7 79- De Reims ^
780. De Rome ; de Mouzon , 7&1. De
Reims ; de Rome , 781. De Piavenne ;
de Pavie ; de Saint Denis en France ,
783. De Rome , 78-*. Conftitution de
l'Empereur Otton IIL Corrciles de
Rome ; de Poitiers , 785. Conciles dies
Gaules, 7S6. Lettre circulaire de l'E-
veque de Schepton en Angleterre, 78^
(y 787. ( Nota) les Conciles du ort-
7.iéme fiécle fe trouvent à la fuite dit
tome 23,.
Confections faites aux Prêtres ■, ')69 , ffij»
Sentiment de Robert PuUus fur la con-
fefllcHi , i84G'iS5. Les ClifinoinelTès
fe confelfoient au Prttre dans l'Eglife ,
583. Confefllon faite à pluiieurs perfon-
ne.', 149. Secret de la confèlfion révélé,
Î74. Sentimem de laint Bernard fur la
confefllon, 421 , 423 , 447 tj" 448-
Conjîr /nation. Il appartient à l'Evcque fe.ul
de la conférer, 217. On doit l'admi-
niftrer mtme aux enfans , i8 j.
Coni-jd , Roi des Romains , fe croife. Une
partie de fes Troupes périt, loi. Si
mort , Î5»
Conrad , Abbé de Mourv en SuiiTe. Ses
écrits , 543 Gf fuif.
Ccnfàence. LesremorJs de- la coVifcience
("ont avantageux au pccihtur,. 409
Coijff.intin^ ( le Grand > Sa donation re-
jcttée coninie une pièce fuppolée & hé-
r' tique , 5 34
Conjhintia , Empereur de Conftantinople.
Son mariage avec Tlu'o.ioîe cÛ déclaré
légitime, î 62, Saint Tl'Aodore, Stu-
dite , & laint Platon s'y oppofent Ils
font perfécutés , iiid.
Cfjrdaup. Concile an cette Ville au lujet
des Mart)^s , -^17
Cor-Evêques. Plaintes contr'eux. Le Pape
ordonne de le$ condamner & de les en-
vovcr en exil , î6ii (r'^ti. Il leur eft
défendu de donner la confirmation,
d'ordonner des Pivtres des Diacres-,
,ibid.
Corneille [ Saint '; de Compiegrre. Sugçï ,
Abbé de làint Dt^nys , eil choifi pour
mettre la réforme dajie cetti» Eglife,
148
Continence ordonnée aux Qercs, 756 &•
77?
Crainte des peines de l'Enfer. Son uà-
lîté,
D E S M A T I E R E S. 7^?
i l animaux , 7 1 H . L'exemption des liiAin .'s
Crffcfncf (le Sénateur) chafle de Rome
le Pape Gret^oire V. Il cft excommunié
dans le Concile de Pavie , 783
Croix. Guillaume , Patri.uclie de Jcrufa-
lem , fait prcfent à (aint KernarJ d'un
morceau «Je la vraie Croix , 357. On
dit qu'on le montre encore à Clairvau< ,
ibid. Dans TOrdre Je Cluni on prclen-
toit aux malades la Croix pour l'adorer,
5 14. Les Petrobuiiens brûlent les Croix,
506, Culte de la Croix ; ce n'eft pas la
Croix ; mais Dieu qu'on adore en elle ,
on y adore Jefus-Chrift comme y étant
attaché. 507. Croifade des SaKons con-
tre les Sclaves , ^roG-îii
ÇroJJ'e ou bâton paftoral. Le droit de
porter la croiïe n'appartient qu'aux
Eveques & aux Supérieurs des Moines.
Sentiment de l'Abbé Rupert, 114
Cunon , Abbé de Sibourg , puis Evcque Je
Ratilbonne. L'Abbé Rupert lui déJie
plufieurs de Tes Ouvrage^ , 1J4 &- 1 1 j
D
DAmascï NE. (faint Jesn ) Traduftion
latine de fes Livres , intitulés de la
Foi orthodoxe, 101
Dédicaces des Lglifes. Indulgences accor-
dées en ces (blemnités , 30
Denis Cfaint) l'Aréopagite a été Evéque
de Corinthe félon le vénérable Bede ,
170, 171. Hiftoire de la Dédicace de
faint Denis, & de la Tranflation des
Reliques rie ce faint Martyr & de faint
Ruftique & faint Ekutliere fes Compa-
gnons , i^o
Dimanche. Comment obfervc en Italie.
Règlement du Concile de Frioul, ^ o.
Défenfe d'expofer publiquement des
marclinndifes & de tenir des Plaids les
jours de Dimanches, ^6<; , ^05
Diptyques. On y nommoit les vivans & les
morts pendant la célébration des faints
Myfteres , 496
Diffenfe. Il faut quelquefois dilpenfer des
préceptes divins & ecclélîaftiques, i(î<f.
Traité de laint Bernard du Précepte &
de la Difpenfe, 410 (s'fuiv. Sentiment
de Pierre le Vénérable lùr 1« droit de
difpenfe, 481
Dixme. Sentiment de Robert Pullus fur la
dixme , 1S6. Le payement des dixmes
& deà prémices recommandé par le
Concile de Frioul, 551, Le Concile
de Rouen ordonne de paver exade-
iDcm la dixtuc , tant des fruits que des
accordée à l'Ordre de Citiaux caiife de
grands différends entre cet Ordre &
celui de Cluni , 481 &- 48 j
Dixmes. Défenfe au Seigneur Laïc de
prendre aucune portion des dixmes de
fon Eglife , c'eft-à-dire de celle dont il
eft Patron , 727. Règlement du Concile
de Tribur touchant les dixmes Si le»
oblations ,754. Des Conciles de Nan-
tes, 737 &dc Coblents, 750. En quel
tems on doit payer la dixme , 770
Donat , Evcque d Ollie , Légat du Pape
au huitième Concile général, 67^
Donations faites à l'Eglife des biens acquis
injuflement , font nulles, ^69
Dot. La dot des Egliles ne doit point de-
meurer au pouvoir des Fondateurs ,
mais des Eveques , 71*
Drofron , Evéque de Metz , Archicimpp' 1-
lain de l'Empereur Lothaite , veut f«
faire reconnoitre Vicaire Apoftoiiq' e
dans le Royaume de Charles , 618
Dude , Religieufe , s'abandonne à un
Prêtre; elle eft coudaninée au Concile
de Douzi , 6^3
Diinjliin (laint) Archevêque de Cantor-
beri , met le Roi Edgar en pénitence ,
770. Tient un Concile général en An-
gleterre, 773. Fermeté de faint Dunf-
tan , 774, Il préllde au Concile de
Vincheftrc, 77^
EB B o N , Archevêque de Reims , dc-
pofé & rétabli , éiz. Les Ordinations
faites par Ebbon depuis fa dépofition
font déclarées nulles , 6,8
Ehroin , Evéque de Poitiers , & Archi-
chapelain du Palais , préfide au Concile
de Verneuil , 617
Eccird , premier Abbé de Saint Laurent
dUragen , dans le Diocèfe de Virz-
bourg , 198. Ses écrits, ibid. ^ ro9
Eccard , Chanoine Régulier de S. Viftor.
Ses écrits , i<j9
Ecoles dans les Monafteres , 587. Dans
les Evcchés ; dans les Paroiffes & autres
lieux, 59^
Ecriture fainte. Sa leéture recommandée
aux Religieufes du Paraclet , 770.
Abaillard les exhorte de s'appliquer i
l'étude de l'Ecriture fainte , 171
Edgar , Roi d'Angleterre. Son Diplôme
en faveur des Moines , 7(9, Son péché;
fa pénitence ; fes Lo'x , 770
Edgar fait confirmer dans un Concile de
H H h h h ij
75« TA
Londres Ces donations au Monaftere de
Glaffemburi , 774. Sa mort, 77e
Edmond , Roi d'Angleterre , 75 f. Ses
Loix , 75^. Sa mort, 761
Edouard le Vieux , Roi d'Angleterre , y
fait ériger fept Evéchés , 730
Eglife Romaine, Sa Foi n'a jamais été
fouillée d'aucune erreur, 251. Elle a
la prééminence fur toutes les autres
Eglifes , même fur celle lîe Jerufalem ,
180. La primauté de 1 Eirlife Romaine
eft de droit divin , & non par la concef-
iîon de quelques Conciles , 314. L'E-
glife Romaine eft la inere & non la
maitrell'e des Eglifes , 405
EgUfes matérielles. Confacrées par l'E-
veque Diocèlain avec l'afpcr/îon de
l'Eau-benite, 584
EitpiTnd, Archevêque de Tolède, enl'ei-
gne que Jefus-Chrift eft fils adoptif.
Le Concile de Francfort condamne
cette erreur, 55rCr'5ii
Eglife. Trifie état de l'Eglife dans le
Il neuvième & au commencement du di-
; xiéme Cécle , 716 &'74?. Dcfenfe au
' Prttre d'avoir deux Eglifes , fi ce n'eft
une Chapelle , 7^7
Emnereur. Sonéleélion. Manière dont les
Allemands procédoient autrefois à 1 é-
leftion de leur Chef , 782. ù' 783.
Epreuve du fer chaud , 751 ; de l'eau
froide & de l'eau g-lacée , 752.
Enfar.s offerts par les parens dans les
Monafteres. Le vœu par lequel ils fe
eonfacroient à Dieu étoit irrévocable ,
70. L'ufage d'otfrir les enf;ins ctoit en-
core en vigueur dans le dou/icme iîécle,
71
Epreuves ( les) du feu & de l'eau chaude
- étoient encore en ufage dans le douzié-
„ me fîécle , xSf. Examen eu épreuve i!e
T l'eau froide. On croit que te fut le
j Pape Eugène IL qui inititua cette épreu-
- ve , 606. R;ts de cet examen , ihid.
■ Epreuve du ftu. On fajfoit les exorcif-
mes fur le budier , 494
Efpric ( le Saint ) procède du Père comme
. du Fils, 3 '4, Î49- Réponfe aux obicc-
/. lions des Grecs contre Iss Latins, tou-
; chant la proccHîon eu Saint-Efprit,
t' 313. On reproche à l'Abbé Rupert d'a-
.■ voir dit que le Saint-Elprit s'étoit in-
carné dans le fcin de la laime Vierge ,
131. Rupert s'en juftifie , ibid. Confé-
rence des François avec le Pape fur
ladditian. fiioque , ^ < j
Efliinva. Conc'ie en i tjo où Saint Ber-
oaid eft :ippe-.é , 311. On s'en rap-
BLE
porte à lui pour l'éleftion d'un Pape,
EJlienne , Evéque de Nepi , Légat du Pape
au huitième Concile général , 671
Efiienne Harding , Abbé de Cite»ux. Soi»
éducation, 53- ^^^ f^it Abbé de Citcaux;
afîêmblc un Chapitre général en 1 1 1 6 ,
& lin fécond en 1 1 1 9 , ilid. Il publie la
Charte de charité , ilid. Il fe démet du
gouvernement de Citeaux. Sa mort ; fes
écrits , 154
Efiienne de Senlis , Chancelier de France ,
puis Evtque de Paris , aigrit l'efprit du
Roi Louis le Gros, met les terres du
Roi en interdit , 538. Saint Bernard
écrit au Roi en faveur d'Etienne, 33^
EJlienne de Chalmet. Sa Lettre à des No-
vices , 1^4
Etienne Dupuy en Vêlai dépofé dans un
• Concile de Rome , 784
Eiheljlan , Roi d'Angleterre ; fes Loix
pour la police , tant Ecdélîaftique que
Civile , 751
Eyanrail pour chafTer les mouches pen-
dant Id célébrition des faints iDyfleres ,
16
EuckiirifAe. Diverfes erreurs répandues fur
cet augufte M\ llere détruites par Alger ,
Diacre de Liège , 155 ù- fuv.Lz Foi
ce l'Eglife Liniverfeile , depuis le com-
mencement de Ion établillement , eft
que c'eft la vraie Chair du Sauveur &
fon vrai Sang que l'on immole fur
l'Autel , îj7, Profellion de Foi de
Louis le Gros , Roi de France, fur
l'Euehariftie , 149. Adoration du Corps
de Jefus-Chrift dans l'Euchariftie, ic:,
157. Doe'irine des Doéteurs Catholi-
ques fur la préfence réelle & la traii-
fubftantation ;d Hik'.ebert , Evcque du
Mans, 17, 28, 37, 39 ,• de Giltert
delà Porte, Evtque de l'oititrs, n6 ;
de l'Abbé Ab?udus , 197 ; de l'ALbé
Francon , 198 ; d'Amt:lphe , F.vct,i.e
de Rochefler , 63 &■ fuiv. de Fit ne
Abi'illard,! 78 ; de .ler.n de CornouEilit",
î 18 ; de hîugues de Saint Viàor, 11 j>
d'Alger , Diacre & Sciiolafiique de
Liège, H6 ù-fuiv. de Guillaume, Abbé
de S. Thierri , 171 &• lulv. ce l'Abbé
Ruppert, IIP Er'/iiiV. d'Erafme , 1*^4;
de Robert Pullus , 180, 289 ; d An-
lelme , Evcque d'Haveiburg , 3 14 ; de
faint Kernard , 447 ; 461 &• 463 ; de
Pierre le Vénérable, 508 &■ joji, L'u-
façe général de l'Eglile eft de recevoir
l'Euchanitii' avant tout autre aliment,
53. Jefu»-Chrift la donna i Judut com-
D E s M A
fnc aux autres Apùtrcs , 46. L'ulai,'e de
l'Hçlife ttoitdt ne communier les en-
fans que fous la feule efpece du vin , &
les moribonds fous la feule efpece du
pain , 196. On donnoit aux nouveaux
baptifcs le Corps Se le San^ de Jefus-
Chrift, 117. Hildebert, Evcque du
Mans , dcfaprouve h coutume établie
à Cluni de tremper l'Euclianlie dans
le précieux Sang avant de la donner aux
Communians , i? &" 10. RailoJi de
cette coutume , 65 C-' (^4. H faut refuftr
l'Eucharirtie à ceux qui font pénutnce
publique , & à ceux qui mènent une vie
honteufe , 1.90. Euchariftie donnée aux
enfans , 570. Les Laies obligés de com-
munier au moins trois fois l'an , 570.
Règle du Concile de Chàions, 575 Zf
î74,Euchariftie confervéedans l'Eglife,
^584
Eucharijli;. Elle doit être reçue à jei'in ,
finon en cas de maladie, 770. Etre
conlervce pour les bc!oirs ,& renou-
vellce de peur qu'elle ne fe corrompe ,
770. Les Prttres doivent la porter aux
Malades, 771
Evtqucs. Ils font les \'icaires de Jefus-
Chrift , 400. Traité des moeurs & des
devoirs des Evcques, 406 &- fuiv. Ils
doivent être élus par le Clergé &c le
Peuple, & pris dans le Dioccfe même,
590. R»glcmens pour les Evêques , des
Conciles de Rome, ^95 ; des Conciles
de Paris , 600 ; de Pavic , (•■!,■<., 701.
Les Evcques font tenus de (e faire con-
facrer dans trois mois , 704. Il leur eft
défenju de palier d une moindre Eglife
a une plus conlîdérable , 708. Dans les
Eglifcs d'Orient on ne permettoit ja-
miis que des Evcques devenus Moines
repriiî'ent leurs premières fondion» ,
_ _ 714
Evétjuf. Il ne peut être dépofé que par
douze Eveqiies ; un Prêtre par lîx , &
un Diacre par trois, 7j4. Audience
de l'Evcque prcférte à celle du Comie ,
73?. Funérailles d'un Evcque, 74'i
Eu^enf III. Pape , 197. Saint Bernard
écrit aux Cardinaux fur cette éledion ,
^8. Le Pape reçoit à Viterbe les Dé-
putés d'Arménie ; retourne à Rome;
palfe en France , 99. Tient un Concile
à Paris , ibid. Va à Verdun ; puis à
Trêves, 100. Préfide au Concile de
Reims ; ailifte au Chapitre pénéral de
^-!te2ux , iticL Retourne à Rome ; fi
mort ; fes Lettres ,101 Z;'fuiv. Autres
Lettres d'E'agcne III. 1 07 &• /ii.r.
T I E R E S. 7P7
Eugent , Evcque , Légat au Concile de
Conftantinople pour le rétabljlfcment
de Phoiius , 711
Eulogies ou pains offerts fur l'Autel &
non confacrés diftribués aux Moines ,
Excnmmuniés. Défenfc de communiquer
avec eux, 718
Exemptions des Evcques & des Abbés ;
blâmées par faint Bernard, 401. Re-
prochées aux Moines de Cluni , 4^0
Extrême-Onâion. Sentiment de Robert
Pullus fur ce Sacrement , 1 17. Il étoic
d'ufage de la donner aux moribonds
avant le Viatique du Corps de Notre-
Seigneur , 509 , 457, 474, 485'.
Pourquoi on réiteroit l'onction de»
malades , 45 1
F
FA I D E. Droit de vengeance , 574
F.ilcon , Archidiacre de Lyon , en eft
élu Archevêque , jjç
Fe/i.>r, tivêque d'Lfrgel convaincu d'erreur
au Concile de Ra'iîbonr.e , ^ç i. L'ab-
jure à Rome , ihid Le i' ne I.con III.
prononce d-.^rti un Concile tenu à Rome
la Sentence d'exconinu;nic;'.tion contre
Félix , ÎÎ7. Félix renonce à fon erreur,
& eft dépofé de rEpiC opat , ç ç 7
Femmes. Défenfc aux Prctres & aux Dia-
cres d'en avoir chez eux , 78e
Fêtes d'obligation félon le Concile de
Mayence , 567 &- y68
Flaosllarhns volontaires , ou impofces par
le Prêtre. Ulâge nouveau , zS6
Ft'tes des douze iVpôtres célébrées avec
folemnité, 7^5
Florent Bravon , Moine Anglois. Ses
Ecrits, 77
Foi. Néceffité de la Foi en Jefus-Chrifl
pour être lauvé, it"- &' 17. La Foi divine
eft fans mérite, des que la raifon lui
fournit des pretivPs , 360
Fonds des EgJiles & des Monaileres. Dé-
fenfc aux Evêqi e; , aux Abbés & aux
ALbfires de les aliéner , jïj
Fontenaj. Monaftcre dans le Dioccfe
d'Autun , 310
Formofe , Pape , condamne par Etienne
VI. 738. Son corps exhumé & traité
indignement , ibid. Remis en la Icpul-
ture des Papes, 739. La et ndamnation
de Formofe calice. Ses ordination»
confirmées. Les ades du Concil- d'E-
tienne contre Formofe jettes au feu, 740
FcuJi r , fécond .archevêque Latin de T\ r,
H H h h h iij
A
7p8 T A B
foulques , Archevêque de Reims , fait pro-
clamer Roi le jeune Prince Charles ,
fils de Louis le Bègue, 751. Le Concile
de Troflé renouvelle la Sentence d'ex-
communication contre les meurtriers
de Foulques , 747 t> 748
Francon , Abbé d'Affighen , 157. Ses
écrits, ibid. G- 15*8. Ce qu'ils contien-
nent , ibid. Ses Lettres , i,çS G' 199
Frédéric , (u.rnommé Barbe-rouiFe , ciû
Empertir & couronné à Aix-la-Cha-
pelh ,533. Reçoit ces mains du Papa
la Couronne impcriale , Ç37
Frotiire , Archevêque de Bourdeaux ,
transféré à Poitiers , puis à Bourges ,
708
Frotairi , Evcque de Toul, ^77. Het-.i ,
Archevêque de Trêves lui écrit , 584
Frcvin , Abbé du Mont des Anges. Ses
Ecrits , 56
GA L F R E D E , ou Geofroi-le-Gros ,
Moine de Tiron , é>.rit la vie de Ber-
nard Funtl;:--eiT de ce ."iloi-.nftere , i?8
Gduikisr de Maur:t;'nie. Sa Lettre à
Hugues de Saint ViAor, 281
Cénevieye. ( Sainte ) Le Pape Eugène IIL
reforme les Chanoines de Sainte Gene-
viève, S; leur donne pour Abbé Odon ,
Prieur d€ faint V'idtor , 59
Geoffi\)i , Evcque de Chartres , Légat en
Aquicanie. Son défintcreflement , 404
Geoffroi de Loriole , Archevêque de
bourdeaux. S?int Bernard lui écrit,
303. Mort de Geofroi , ib'.d. Ses
Lct'res , 304
CiC§rûi , Chanoine Régulier ce {ainte
Éarbe dans la Neuitrie. Ses Lettres,
ibid.
Geojfvn , Prieur de Cl.rirvaux , élu Evcque
de Langres , 35Î
Geoffroi , iMoiiîe Je Clairvaux , écrit la
vic de f.iini Bernaivl , ^('O
CcojVoi , Moine de FLivigny , accufé d'a-
voir empoifonné Adah'aire , Evèque
d'Aiin-n , Te juitifie , 751
Gérard , Cardinal du titre de fainte Croi.x
en Jcrulalem , élu Pape fous le nom de
Lucius U. ii;4
Gerbcron. ( Dom ) Son apologie de l'Ab-
bé Rupcrt, iji
Ccrbert , Ar> hevéque de Reims , fait l'a-
polo^ic de (à conduite au Concile de
Alou/.on , 7!ii &• 781
Ciii>'-rt de la Poréeefl fait Evéqiie de Poi-
tiers ; donne dans des fentimens fîngu-
Jicfs , i;»;. Plainte fur lîi Dodtrinf.
LE
Concile de Paris contre Gilbert , ibid.
Ses erreurs ,ibid. & 19^- Cond.'mnées
au Concile de Reims, i<P4 Êf 15Ç. Ecrits
de Gilbert , ilid. Remarques fur (es
ouvrages , iii/f, C" 196. Lettie de Gil-
bert fur l'Euchariftie , ipâ
Gilbert , Archevêque de Tours. Sa mort ,
14
Gilbert , Evéque de Londres , 80 Ses
Ecrits, Si
Gilbert , Evéque de Limeric en Hibernie.
Ses Ecrits , S i
Cilleben de Hoillande. Son Commentaire
fur le C^antique des Cantiques , 451.
Ses autres Ecrits , 4 j j
Glaive. En quel fens faint Bernard dit
que les deux glaives , le matériel & le
fpirituel , appartiennent à l'Eglife ,
40+
Gifiler , Evéque de Merfbourg , transféré
à .l'Archevêché de Magdebourg , 777
&- 778. Il eft accufé d'avoir obtenu cet
Archevêché par de mauvaifes voyes ,
'778
Goâefroi , Evéque d'Amiens , fe retire à
la Chartreufe , 154. Le ConLiie de
Soiffons l'oblige de retourner à Amienf,
ibid.
Godefroi , Evéque de Chartres , bannit la
fimonie qui infefloit fon Egiife depuis
longtemi , îj?7. Ses Lettres , ibid. &•
Godbalde convaincu d'avoir eu mauvais
commerce avec une femme , eft privé
de Tes fondions , 711
Gonthier, Arubevcque de Cologne, dépofé
par le Pape Nico as L (-t^
Gothefca'c , Prince des Sclaves, zélé pour
la propagation de la Foi , 6
Gothe'ealc , Moine , eft condamné dans le
Concile de Maycnce , fi9 ; & dans
celui de Quicrcy. Y eft fouetté publi-
quement ; & après avoir brûlé fes écrits,
eft renfermé daii^ l'Abbaye de Haut-
villiers , éjoCfS;!
Gotielin , Moine de Cantorberi, 58. Ses
Ecrits , ibid. G* 59
Grâce. Sentiment d'Abaillard furlaGrace,
1 80. De faint Bernard , 4 + S. Son Traite
de la Grâce & du libre arbitre , 416 &•
fui!'. Jugement de ce Traité , 431
Gr.7i/)'é permi(è aux Moines, 58^
Cr.r;oire de Svracufe , Ordinateur de
Photius, eft inter.lit de toute? fondions
facerdotnles , 66^ ; & ansthématifé par
le Patriarclie Ignace & par l'Eglife Ro-
maine , 678
Crégoirç , Cardinal de faim Ange , hig^i
DES MATIERES.
- en Allemagne & en trariLe , «5. Voji-:^
Innocent II.
Grégoire , Prctre-Cardinal élu Anti-Pape
ious le nom île Vittor , 89
Cuerric , Abbé d'Igny. Ses écrits. Ses
Sermons , 4Î9
Gui de Cailel , Prétrc-Cardinal du titre de
Taint Marc , clù P.ipe fous le nam de
Celeltin II. 95. Levé l'interdit (jue le
Pape Innocent II. avoit jette fur le
Rovi'ume de Fr.mce , ihià. Ses lettres ,
ïh'iA, Sa mort , 94
Cuiges , ou Guiçucs ( le Bienheureux ) fe
fait Chartreux. Il eft fait le cinquième
Prieur de la Chnitreulè , 134. Son
eftime pour l'Ordre de Citeaux. il
fonde plusieurs ChartrAfes , 154 &"
155. Il i'applique à faire tranl'crire des
Livres. Sa mort, 13?. Ses écrits. Son
Recueil deo Ufiijes & des Statuts de fon
Ordre, 135 ir[\Àv. Autres ouvrages de
Guides ; un Livre de méditations, 138.
La vie ài laint Hurues, Fveque de Gre-
noble ; une Lettre ou Traité aux Frères
du Mont-D'.cu , 139 &■ juir. Lettres di;
Guiges , 141, 141. Oi vraies qui lui
l'ont attribués, 141, î94&*i9Jj 454 î
45 ^. Ses Lettres , 41 P
GuUUiwne IX. Duc d'Aqurtaine , Chef des
Scliilmatiques , jij. Converti parfaint
Bernard, 3:4
GuiUaumi de Malmefburi ou de Somerfet.
Ses Ecrits , 14 :;. Son HiiloJre des Ro-is
d'Angleterre, ibid. Ce qu elle contient ,
i44C-fu.'i'. Autres ouvrages de Guil-
laume. Les geûrsdcs Kvcques d'Angle-
terre , 146 &■ fuh'. Les vies de faint
Wlfran , de faint -Adelme , 148 , 149.
Autres écrits ce Guillaume ; ceux qui
n'ont pas encore été imprimés, 149 &*
lîo. Jugement de (et écrits , 150
Guillaume, Abbé de faint Thierry , écrie
la vie de ftint Bernard , 459
Guillaume , neveu d'Ertienne , Roi d'An-
gleterre eil clù Archevêque d'^orck,
369. Saint Bernard écrit au Pape Inno-
cent, & au Pape Celeftin II. contre cet
Archevêque, Jf'?
Çuillaume, Abbé de faiiu Thierri , 167.
Ses liai'cnsavec lairu Bernard ; il quitte
PAbba^e de faint Thierri & fe retire à
Signi, liS. Sa mort, ibid. Catalogue
de fes Ecrits, :68.0i<!g. Ses ouvrages
de pieté , z6v îf 170. Sa Lettre à
Geofroi de Chinrcs. Son Traité contre
îes erreu's de Guillaume de Conches ,
17 ! . Son Commentaire fur le Cantique
des Cantiqi.es , ihià, if 17». Autres
7^9
P-crits de Guill.iunie. Un Opufcuii i.es
Sentences de la Foi, Un Traité du Sa-
crement de l'Autel, 171. Une Lettre
fur rpAichariftic , 173. Un Commen-
taire lur 1 l'pitre aux Romains ; une vie
de (aint Bernard , ijj,. La Lettie aux
Frères du Monr-Dicu (ft de Guigcs,
Prieur de la Ckanreufe, Jugement des
écnis de (Guillaume , X74
Guillaume de C'(?T\c!:es. Ses erreurs. Sa
mort ; les écrits , ?. 7 t
Guill.iume , Duc, d'Aquitaine , fonde le
Monaftere de Cluni , 748 & 749
H.
HA E I T s des Clercs , 30. Les Iic-
ckfîaftiques & les Moines doivent
s'habiller dans toutes les Provinces fut-
vant leur état , éC/
Hublhourg. Généalo-;ie des Comtrs de
fiablbourg, 559. Elle n'eft pas exacte ,
541 £/ ^41
Kiimeric , Cardinal, Chancelier du Saint
Siège, 354. Saint l'rma.rd lui écrit en
faveur de rEglifë d'Orléans opprimée
dans plulîeurs de fes Clercs , 3;4. Hu-
gues de Toubigni & l'Ab'kié de Clair-
veaux lui écrivent conjointement une
lettre, 381. Saint Bernard lui adreife'
fon Traité de l'Amour de Dieu , 414,-
Mort d'Haimcrie , 41^
Hariulf; , Moine de Saint Riquicr , écrit'
la vie d'Angilbtrt, 60, Ses autres écrits.
iHd.
HiTTold, Roi de DannemarCp embraflè la
Religion Qirétlenm* , 4
Heloijje cfouk d'AbaiUard, 156. Se re-
tire à .Argenteuil , 15p. Abaillard lui
offre le Paraclet, où elle fe retire , ibid^
Pierre , Abbé de Chmi , hii écrit la
mort d'AbaiUard, 16&, Lettres d'He-
loitre.T Abaillard, réi, 163, i(;4, 16 y.
Règle d'HeloilFe, i?9 ;ce qu'elle con-
tient de remarçupble , 190. Ji:gement
des écrits d'Heloiilè , lyi. Sa mort,
ilid. Hugues Metellus relevé fes vertusi
&■: fon f(,avoir , 119
Henri, Archevêque dp Trêves , 584
Henri de CoiHi , neveu du Rci Eftienne ,
élu Archevêque d'Yorck. Le Pape In-
nocent II. reiufe de recevoir fon élec-
tion , 3^8
Henri (f.iint) Empereur, eanonifc,' 101
Henri de Lorraine , Evêque ce Toul , zx9
Henri de Hungtin^jwn ; fes écrits i fon
hiftoire des Anglois, Sic. ifi^MS
Henri ^ Héréti<iue , Difciple de Pieircii*
ioo
T A
hriiis ; prêche nu Mans Se à Touloufe ,
3x7. Ses erreurs combattues par HiU
debert, Evéque du Mans, 13
Henrkiens répandus dans le Perigord,
Héréjîe. Livre d'Abaillard contre les héré-
fies , 177 &" 178. Différence de Thç-
rcfie d'avec le fchifme , l'îj
Hérétiques découverts à Colojne & en
Weftphalie. Leurs erreurs réfutées par
faint Benisrd , ^ 4 ■^ C- /j:i'.
Heribert ( le Comte) convoque un Concile
à Troflé , 7f I
' Herluin , Arclievcque de Cambrai , forme
des plaintes au Concile de Rome contre
les iifurpatcurs des biens de fon flgiife ,
7S1
Herluin ( le Comte ) du vivant de fa fem-
me en cpou'e une autre, 751, 11 eft
admis à la pénitence, ibii.
Jiermjnn , Abbé de faint Martin de Tour-
nai. Son hiftoire du rétabli îFement de
cette Abbaye , 307. Ce quil y a de
remarqiistle , 308 G- 30p. Son trai'é
de l'Incarnation , 309. Autres écrits
d'Hermann , 310
Herman , Archevêque de Coloî'ne , porte
fss plaintes au Concile de Rome contre
Adelgaire , Evéque de Hambourg & de
Brème , 7^0
Tierolde , Archevêque de Salzbourg , dé-
pofé , 269
Hervé, Aloine Bencdidin. Ses études.
Son éJo<:e fait par l'es Confrères du
Bourg de Dol , zpî Catalogue de Tes
ouvrages, 1:^6. Ses commentaires fur
l'Ecriture fainte , ibid. Son Livre des
miracles de la fiiinte Vierge , zp6 (y
Hervé , Archfvcqvie de TroHé , prcfide au
Concile de TroHé , 74^. Donne rabfo-
lution au Comte Erlebad mort dans
l'excommunication, 7fo
Heures Canoniales. Les Evêques & les
autres Prélats obligés à les dire avec
leurs Clercs , Coo
Hiliiebert ( le Vénérable ) Evcque du
Mans , enfuite Aichevcque de Tours ,
II. Sa naiiïiînce ; fon éducation II prc--
fide à l'Ecole du Mans ; eft fait Arclii-
diacre de cette Fglife , ibid. Eft fait
E'vcque , itid. Eft mis en prifon par le
Roi d'Angleterre. Il veut renoncer à
l'Epifcopat, 13. Il combat les erreurs
ie l'Hérétique Henri , ibid. Eft mis
une féconde fois en prifon, 14, Sa
conduite pendant fon P'pifcopnt , 14. Il
eft fait Archevêque de Tours. Il de-
BLE
meure attaché au Papa Innocent. Snlnt
Bernard lui écrit , 14 Cr- 349. Mort
d'Hildebert , ibid. Ses écrits , fes let-
tres , 15 Z'- fuir. Ses fermons, 15 6*
fuiv. Doftrine d'Hildebert fur la Foi en
Je'us-Chrift, z6 ; fur l'Incarnation;
fur l'Euchariftie , 17 &■ i8. Sur la
Prédeftination & la Grâce, i8. Sur la
Conception immaculée & l'Aflomption
de la Sainte Vierge. Sur quel(jues
points (le difcipline , z? &- 30. Sur le
Purgatoire & autres points de doftrine,
30 £7- 31. Opufcules d'Hildebert, 31
ù' fuiv. Opulcules qui ne font point
dans la nouvelle é ition , ou qui font
perdus, çi. Pocmes d'Hildebert , 38
&• fuiv. Jugement de lès écrits. Edi-
tions qu'on en a faites , 41 (rfuiv.
Hi'dsrarde. ( Sainte ) Ses écrits approuvés
par Eugène III. 100
Hincmar , Moine de Saint Denis, élu
Archev^'que de Reims, 6i%. On pro-
po(è au Concile de Trêves d'exammer
de nouveau la canonicité de fon élec-
tion , 668
yiiKcmar de Laon refufe de répondre aux
chefs d'accufàiion formés contre lui ;
appelle au Pape, 691. Eft accufê dans
le Concile d Attigny de défobéiirance
envers le Roi , 691. Donne un libel de
foumiflîon & d obéilFance au Roi Char-
les & à Hincinnr de Reims , <!93. Se
plaint au Pape du Roi Charles & d'Hinc-
mar de Reims , 69^. Eft dépofé au
Concile de Douzy , fpy. Forme une
plainte contre Hincmar de Reims ,
707. Eft réhabilité, 708
Hoeli , fiirnommé le Bon, Roi de Galles
en Angleterre. Ses Loix , 7^4
Homélies traduites en Langue Romaine ,
Î70
Homicide. Il n'eft pas permis à un Prêtre
de répandre le fang humain pour con-
ferver (a propre vie. ' 734
Homicide. Celui qui féduit un Chrétien
poui le vendre eft coupable d'homicide,
7Ç0. Pénitences impofces aux Homi-
cides, 7x7 , 73<; , 787
Honorius II. Pape. Sa nailiance, fes em-
plois avant la Papauté , 81. Il excom-
munie plufîeurs pcrfonnes étantPape,8 3 .
Il dépofe les Patriarches d'Aquilée &
de V^enife , ihid. Mort d'Hcnorius. Ses
lettres, 84
J-f<{/;iti3u.v fondés près ies Eglifes Cathé-
drales , & gouvernées par des Cha-
noines , î8i
Hugues , Evcque de Cabale, vient en
Occident
DES MATIERES.
Occident demander au Pape Eusjtnc cL-
au Roi ùes llomains du lècours pour
l'Kt^life d'Orient, 374&'?7î
tiuguts , Ciianoine régulier de Saint Vic-
tor. Son pays, -loo. Ses études. Il fe
ïait Chanoine réjjulierà Saint Viélor ; y
enfcigne. Sa mort, •%oi. Ses écrits
diftribuéi en-troistomei. Ecrits contu-
Tus dans le premier tome , loi (yfuiv.
Oeuvres contenus dans le fécond volu-
me , 10+ ù- fuïv. Ouvrages contenus
,<ianï le troificme tome, iio ù" fuiv.
Ouvrages de Hugues de Saint Viftor,
qui ne font point imprimés. Jugement
de Tes écrits, 114
Hugues de Foliet. Eft Auteur des quatre
Livres du cloître de l'ame , attribués .i
Hutïues de Saint Vidor, lo^. Autres
ouvrages attribués à Huçues de Foliet ,
zo6 , 207 , 108 ,110.
Jîugues , ( failli ) Fvcque de Grenoble ,
excommunie l'Anii-P.ipe Anaclet , 86
.tiugu^s , ( l;iint ) Abbé de Cluni. Sa vie
écrite par Hiidcbert , Evtquedu Mans ,
31
Hugues, Moine de Fleuri-fur-Loire. Ses
écrits ; un Commentaire fur les Pfeau-
mes , 71. Une Hilloire Fccléfiaftique ,
75. Une Hilloire des Gcftes des Rois
de Fr.ince , 74. Autres écrits de Hu-
gues, iii'tf. &' 75 &■ 7É.
Hugues de Ribomond. Ses écrits ; une
Lettre fur la naure de l'ame, 159.
Deux Lettres toiich;:nt la méthode &
l'ordre de lire l'Ecriture fainte, 300
Hugues de Màcon , premier Abbé de
roniigni , puis Fvcque d'Auxerre. Sa
mort , 3. 11. Ses écrits , 301 &* joj.
Hugues , fils naturel Au Roi Lothaire.
Conçoit le delTein de récupérer le
Rovaume de fon père , 70c £/ 706
Hugues , fils de Heribert , Comte de Ver-
mandois , intrus à c'.nq ans dans le
Siège de Reims , 754. Ordonné à vingt-
.«inq ans , 715. Efl privé de la commu-
nion & du gouvernement del'Eglifcie
Reims , 75S(
Hugues , Comte de Paris , chalTe le Roi
Louis de fes Etats, 758. Eft excom-
munié au Concile de Trêves , 760
Humbeline , -fanir de faint Bernard. Sa
converfion , 31»
■Humiliré. Traité de faint Bernard des dé-
grés d humiliié & d'orgueil , 41}
Tome XXÎL
80 f
I.
ICONOCLASTES, Les Catholi.ue!
refuient d'entrer en conférence avec
eu.\ dans le Palais , J7î. Concile dei
Iconoclaflesà Conftp.ntinople , 577
Jean V III. Pape , excommunio Lambert ,
Duc de Spoletc , 70^. Finvove des Lé-
gats à ConRantinople chargés de plt-
fîeurs lettres favorables au rétabliiFe-
ment de Photius ,710. Ses lettres font
altérées, jxi £-751. Sa lettre à Piio-
tius paroit fuppolée , 716 ù'fuh;
Jean , Archevêque de Ravenne. Plaintes
contre lui ; eft excommunié ; eft dc-
pofé, 6$s
Jean, furnonimé l'Hermite, écrit la vie
de faint Bernard , 46 1
Jean , Prieur d'Haguftad. Son Hiftoirc
des Rois d'Angleterre , if4
Jeun de Cornouaille eft Auteur d'un Livre
intitulé , de la Cène myftique, 1 1 8. Il y
reconneii le changement réel du pain éc
du vin au Corps & au Sang de J. C, ibitf,
& i 19. Autres écrits de Jean,i i^ &- zio
Jem de la Chartreufe des Portes. Ses
lettres , i9j
Jean, Dua de Venife. Fait précipiter le
Patriarche de Grade d'une tour avec
d'autres Prêtres , î6
Jean IX. Pape , 758 Cr 7?,?
Jean XII. Pape, fe révolte contre l'Em-
pereur Otton , 76^. Sort de Rome,
Accufations contre lui au Concile lie
Rome , tC'6. Jean eft dépofé , ibid. Eft
rappelle à Ron.e par les Romains ; y
tient un Concile , 767. Sijnort, 7(8
Jeun Xîli. L'Empereur Otton lui rend la
Ville de Ravenne & fon territoire , 769.
Lettre du Pape Jean à Landulfe , Ar-
chevêque de Kenevent , 774
J?J;,e , Evoque d'Amiens , eft dépofé dans
le Concile de Nimegu? , 607. Jefus-
Chrirt ne peut ctre nommé Fils adoptif ,
Jeûne. Du tems de faint Bernard on pouf-
foit le Jeune du Carême jufqu'au foir,
445 . Les jeunes des Quatre-Tems doi-
vent être obfervés par tous icsChrétiens,
«67. Jeune de ttois jours indiqué pour
le repos des âmes de ceux qui étoient
morts dans la Bataille de Tnuriac ,61}
Je(me par fuperftition défendu , 753. Jeû-
nes entre l'Afcenfion & la Pentecôte
défendus, 786. Jeûnes de dévotion per-
mis , ihii, L'obfervation des jeûnes de
Carême , des Quatre- f-ns & des Mer»
Iliii
't02 T A
credi & Vendre^'.!, pendant l'armée, re-
commande e , 75 î
Ignice , ( faint ) Martyr. On confervoit
à Clair\aux de Its Reliques, 44^
I-^nice , Patriarche de Conllantinople ,
aiîifte au 8^. Concîie Geîicral, 675.
Photius alTemble un Concile , où il le
fait dépolir, 6^7. Mort d'Ignace, 7 10
Ignorance des Chrctieni au lot. ficcle,74 8
Images Concile de Paris fur les Imai;es,
591. Les Pères de ce Concile veulent
que l'on continue à mettre des Ima^'CS
dans les Eslifes , mais défendent de les
adorer,î9î &- 593. Le culte des îmai^ej
rétabli ,614. Décret du huitième Con-
cile Général lut les Images, 681 ô-éSi
Imp-.'cuèiAté de Jcfas-Chrift. Sentimens
des Théologiens , iS i
Impudiciré. 11 n'arrive prefque jamais que
l'ïmpudieité foit fuivic d'une véritable
pénjtence , 159
Impunie. Remède contre les tentations
d impureté, i3
Incariiùîion. Dcflrine d'Hildebert du Mans
fur ceAîyftere, 17. De Robert PuUus ,
zSo, 181. De S. Bernard ,40É. Si les
Ançes ont conî^u le Myftere de l'Incar-
nation avEnt fon acccmpliirement, 434
li.dulgtncts accordées aux Croifés par le
Pape Eugène III. 10 1
Ingelrrudt , femme du Comte Bofon ,
qu'elle avoit quitté depuis environ fept
ans, eft anathématiféeparle Pape Ni-
colas I. 66^
Innocfnt II. Pape, Ses qualités, 85. Se
retire en France , Sj &- S6. Eft recon-
nu pour lape au Concile d'Eflanipes ,
ii6. Par le Roi d'Angleterre & en Alle-
magne par le Roi Lothaire , ihid. Ptéli-
de au Concile de Clermont , itid.
Vient i Liège ;airemble un Concile à
Reims , B/.Le Pape Innocent retourne
à Rome, 88^ Ailemble un Concile à
Pife , ibid. Il eft reconnu généralement ;
il tient un Concile à Rome , 89. Sa
mort , ikid. Ses lettres , iLid. ù'fuiy. &-
Interdit jette fur les Terres du Roi de
France par le Pape Innocent II. 366
Jourdain des Uriîns , Légat en France , en
Allemagne & en Normandie. Sa con-
duite irrcguliere, 379
Judith, fille du Roi Charles , cpoufe le
Comte Paudouin , 660
Juifs. Saint Bernard défend de les faire
mourir, 187 É> î88 , 4})o. Pierre le
Vénérable le défend auflî , 450. Traité
de Pierre contre le» Juifs , 4^^ £7-500
K
B L E
Juifs de l'ouloufe. Sentence rendue con-
tre eux , 7'30
Juifs. Défenfe de manszer avec eux , 718
Jurement, Canon du Concile de Tou(î
contre les juremens , les parjures & les
faux témoignages , 65^
Junm-nt. Ufeede jurer fur l'Autel par
le Saint des Saints en prcfence des Re-
liques des Saints, 714'
K.
E N E T , Roi d'Ecofle. Ses Loix »,.
L.
LAïQUïS. Défenfe de les élerer
fur le Siège de Conflantinople. Les
Evcques Orientaux s'oppofêut à cette'
défeiife , 71 j
Laïques ou Frères Convers chez les Char-
treux , 137
Lambert , Gouverneur de Nantes , fait
déclarer le Duc de Bretagne contre le
Roi Charles, éff
Lambert , Duc de Spolette , eft excommu-
nié par Jean VIII. 706
Lambert , fils de Guy , couronné Em.pe-
reurparlePape Fgrmole. Sa mort,74o,.
74Ï-
Lan^tie Romaine ruftique, 5^70. Lani^ue-
Tudefque , ibid,
Lecomunte , (Jean) Fauteur des Icono--
clafies , dépofé , 614
Lé^.us du Pape. Comment doivent être
choifis , 404
Le^s pieux faits par un Evêque ou un Prê-
tre. Ceux qui les fraudent l'ont e.'vcom-
muniés , 73 »
Léon , Empereur , furnommé l'Arménien,,
fe déclare pour le parti des Iconoclal-
tC3, 674
L?vn ni. fe purge des accufations for-
mées contre lui, 558 & 5 5^
Léon Protofcriniaire élu Pape fous le nom
de Léon VIII. 766. Dépofé par Jean
XII. 7<;7. Eftrétabli, 76S
Léjreiix admis .i la communion du Corps
& du Sang de Jefus-Chrift , 671
Lettres formées & canoniques , 6îll
Liberté. Où il y s nécellité , il n'y a point
de liberté, 417. Il y a trois fortes de
libertés , lelon laint Bernard ; la liberté
naturelle, la liberté delagrace, la li-
berté i!e la gloire, 4î8
Libre arbitre. Sentiment d'Hildebert ,
Evtquc du Mans , fur le libre arbitre ,.
35. De liiitit Bernard , 4:8 Crfuiv.
Lii:inius , (faint) Evcque d'Angers. Sa-
vie letouchce par i\larbodc , 43»/
719
D ES M A
JJturgle d'Efpnfne. Citée f.ar iilipan:!
pour foiitrnir Ion erreur , î î i
lÀrrcs. Les Moines de l'Abbaye de faint
Miiitin à Tournai croient oci iipcs en
certaines heures à tranfcrire des livres ,
%.othaire (le Roi) f.?it déclarer nul fon
mariai^e avec Thictberije ,661. Fpoule
Tolemnrlleinent Valdrade , & la fait
couronner Reine , 66z
Lothjire , ï<h a;nc de Louis le Débon-
naire , prive de fes Etats par le Jugt;-
ment des Evéqucs , 6!3&'fi4
Louis le Débonnaire. Sa pénitence à At-
tif^ny , 5 89
Louis ie Jeune , Roi de France. Son dé-
part pour la Croifhde , 100. Saint Ber-
nard lui écrit, ^66
Louis V'I. furnonimé le Gros. Sa vie
écrite par Suger , Abbé de Saint Denis ,
149
Louis le Bègue , couronné Roi de France
par le Pape Jean VIII. 708, Sa mort ,
709
Louis, fils de £ofon,clioi<î Se. facré Roi ,
Lucius, Pape. Ses lettres ,
M.
\^ A ce H A B K E s. ( le? lâints ) Leurs
J.Vl Reliques ap; oitécs à Cologne p.ir
l'Archevêque Reinoid , 347. Pourquoi
les Macch;'.bées l'ont les feuls Martyrs
de l'ancienni Loi dont l'Eglife Catholi-
que faiFe la fcrc , ibid. & 548
Magnobcde , ( f.'ini ) Evéque d'Angers, Sa
vie retouchée par Marbode , 47
iMahomer. Abréi;é de Ion Hilloirc & de la
Dodrine par Pierre le V'encrable , 4S9
JMa'rJ.cs. Devoir tles Curés envers les
malades, 757
jMainmprte. L'Abbaye de Saint Denis avoit
le droit de Mainmorte fur les Habif.ins
de Saint Denis. L'Abbé Suger leur
remit ce droit , içi
Malachie , ( faint ) Archevêque d Ir.'ande ,
meuit à Clairvaux en 1148 , jS". Sa
vie écrite par faint Bernard, 43 y. Ce
qu'elle contient de remarquable , Uid,
&' fuiv,
fi/larhcde , Evcque de Rennes. Lieu de fi
naiifance , 44. Son érudition. Il eft
choifi pour préfidcv aux Ecoles d'An-
gers , 45. Hft contraint d'accrpter l'E-
pifcopat de Rennes , iiiW. Sa mort.
Ses écrits. Ses lettres , ihid. Celle qui
eftinfcrite àRobertd'Arbrifelle ne porte
Ip nom de Marbode dans aucun manuf-
T I E R E S. to3
crit , 46. /.îarDode écrit les vies de
plufieurs Saints ; de Licinius , Evcque
d'Angers ; de Robert , Abbé de la
Chailc-Dieu ; de Magnobode , Evcque
d'Angers , 47. Pocfies & autres écritg
de Marbode ,486- fuii\ Jugement de
fes ouvrages, ji. Editions qu'on en a
faites , 44
Mariage. L'eflence de ce Sacrement con-
lîrte dans le confentement des perfor—
nés , exprimé psr les paroles du tems
prélênt S.C, 217. Dodrine de Robert
Pullus fur le Mariage, i88. Cas de
confcience fur le Mariage propofé à
Hugues Mettellus, 25. Un Mariage en-
tre parens dans les degrés prohibés ne
doit pas fe permettre , même pour termi-
ner une guerre entre denx familles , 13,
Cas de confcience propofé à Hildc-
bcrt, Evcque ilu Mars , fur le M.'ria^'e ,
iS. Si une femme coupable d'adiilti're
avec le fils de ion mari doit en être
féparce : queftion agitée entre Ar-
nulphe , Evéque de Rochefter, & Wnl-
quelin , Evéque de Vindfor, 61 & 6^.
Ijn Mariage contraâé par une perionne
qui a fait vœu de con:incnLe efi inCÀC-
foluble félon faint Auf^ullin , 414. Re-
glf mens des Conciles fur le Mariage ;
des Conciles de Frioul , 550 ; de
ilayence, çf.8 ; de Chalons-fur-Sone ,
57 ^ ;ue Rome, 597 ; >ieD(-uzy, 6vS;
de Troyes, 708 ; d'Aix-la-Chapelle ,
Mmage, La diverlîté de Nations & de
Loix n'eft point un empêchement de
mariage, 73^. Reglemens du ConJIe
de Tribur fur le mariage , 755. Du
Concile de Troflé , 747. Défenfe de
contraéter mariage entre les parens
jufqu'au lîxiéme degré inclufivemcnt ,
750. Mariages incellueux condamnés ,
7?î
Marif. ( la fainte Vierge ) Traité de la
VirHnité perpétuelle de Marie par Hu-
gues de fiintVidor , HjO-lIf
Marie d'Abbandon. ( Hunte ) Pèlerinage
à fon Eglife , 777
Martin. ( laint ) Ses Reliques Tapportée»
d'Auxerre à Tours. Fête de cette tranf-
lation, 74J
Marin , Diacre de l'Eglife Romaine,
Légat du Pape au huitième Concile
Général, f 71
MiVijre (le) fupplée au Baptême, 45 j
M:ir'nrs de Cordoue. Blimés , défenéus
par faint F.uloge , . *37
Mathilde, DuchelTede Ro'irçogne. Saint
1 1 i i i i j
So4 TA
Bernard lui écrit touchant un mariage
de les Sujets , 349
M-ivence. Il ttoit d'ufage qu'en rabfence
du Roi des Romains , l'Archevêque de
J\1ayence fut le Gardien Se Régent du
Royaume, 527
i3eiif:nde , Reine de Jerulalem , jéj. S,
Bernard lui écrit , 578
MerCvour^ , Evcché , fupprimc, 784
Mejjè. Les anciens Chartreux la difoient
rarf^ment , 156
Mejj}s Si Prières ordonnées pour le Roi
Charles , 5*4
Mejfg quotidienne de !a Sainte Vierge éia-
blie dans l'Ordre de Cluni, 514
Mefe de ia Sainte Trinité. Extravar^rae
d'un Moine qui difoit chaque jour une
Alcfie de la Saince Trinité , pour le d*-
pcriflement de- la profpérité tempo-
relle & la fantc de fou Abhé & de i'on
Pre ,ot , ^ î ^ &- î î y . Dcicnre aux Fro-
tre^ de clianter feus la M:"S'', s 68. Dé-
fènfe de dire la iVîefTe dans un Oratoire
particulier ans ia permillion de l'Evé-
que Diocèfain , <9-4. Etdans des iVlai-
font 5c dans des Jardins , 6oj
i^ejjes célébrées pour les Morts, 148,
196 C-" Î97. Trentains de Meiles , f 1 6
i-'Sjje. Défen(e de la célébrer ailleurs que
dans le- lieux conftcrés par l'Eveque ,
716 , 7z8 , 770. On ne peut dire que
trois Meflcs au plus en un jour , 770
Mefurts. Défenfe auxLaics&aux Clore s
d'avoir de faux poida & de différentes
melurcs , boj
Metsllus. ( Hugues ) Ses ctuder. Se fiiit
Chanoins régulier dans l'Abbaye de S.
LeonàTûul, iif. Ses écrits ; les let-
tres , n.6. Oespoéfies, 137
iWirac/f^. 1. ivres dos Miracles par Pierre le
Vénérable , ^ 1 1
Mûines. Traité du pouvoir qu'ils cmtde
prêcher, 115. Leurs habits , 114. Re-
gleraens pour les ?.loincs, faits danj les
Conciles de Conftantinoplc , «■•58; de
Mayence , ')66 t> 567 ; d'Aix-la-Cha-
pelle , î8(î&'î87;de Verneuil , 617 y
de Me^iux , <^ii
Monajkns donnés aux Laies, 6rè. Dé-
fenfe à qui que ce foit d'entrer dans les
Monafteres de Filles, fans la perniif-
/îon de l'Eveque Diocefain , 550. Rè-
glement du Concile d'Arles pour les
Alonaftcros des Filles, 564 & ^6$
Menajlfret. Leur décadence , 74*. Grand
nombre de Monafteres bâtis en An-'le-
terre , 7 " 4
Monbonds. Il ctoit d'uliige dans les Monaf'
BLE
teres de mettre les Moribonds fiir li
cendre & fur le cilicc Sfc. 30?
3^orf.r. Défenfe d'enterrer dans les Eglifês
les morts, fi ce n'eft un Evêque, un
Abbé , un Prêtre ou les Laïcs fidèles ,
568. Les prières & les fotfrages des vi--
vans pour les morts rejettes parles Pc-*
trobufiens ,. foo. Ces Hérétiques font
réfutés par Pierre le Vénérable , 5,09
Moury , en Suille. Les actes de la Fonda-
tion de cette Abbaye font cftimés d«
plu'îetirs ; quekjres-uns doutent de leur
autorité , 5 55». Apologie de ces artes.
Critique de l'Apologie , 540. Lesaâea
de 1 origine de Moury écr ts dans le
• douzième fiécle , <;.vz. L'Auteur de ceâ
actes eft Conrad , Abbp de Moury. Ce
qu'il y a de remarquable dans ces actes ,
Î4J Cr" luivi
M'-'u-;on Le Pape Tean Xlli. confîr.Tie
ré;a'jliirement d'un Aionai-iere à Mo?:-
_z.on, 774&'77?(
Morambes. Le Pape Eugène III. leur or-
donne de fe conformer à la pratique da
lEglilë Catholique , 107J
N.
NA R B o N N E reconnue I\IétropoIe en ■
Eipaïine, 738;-
J^dcrolo^es, Leur ufage dans les Monat
teres , 496
hi.ée. L'Fglife Romaine reçoit les Dé-
crets du fécond Concile de Nicée au
fu jet des Images , 714
Nicephon , Patriarche de Conftantinople ,
refufe d'entrer en conférence avec les
Iconoclaftes , 575. Eli envoyé en exil ,
57^
N'icepkore Phoeas , Empereur ,76,5. Cou-
ronné par le Patriarche Polyeude ,
767. Epoufe Thcophanie , ibià.
îsicolas I. Pape , dépofé par Photius ,^
661
Nico!.^.i- , Secrétaire ie- fa-nt Bernard,
abuf; de fon Si. eau , 379. Sort furtive- •
ment de Clairvaux , 380
Nûmenoy , Duc de Bretagne, i5 19. Oblige
quatre Evcoues Bretons Simoniaques de
renoncer à leurs Sièges, fjo. Les
l'vcques dç France lui écrivent une
Lettre pleine de reproches & de mena-»
ces, 6:51. Mort de Xomenoy , ^31
None diftinguée de la dixxueEcclélîaftique, .
6i»
Nord. Adam, Chanoine de Brème , tra-
vaille à l'Hifloiie des Egliles du Nord ,
r
hWiihJns. Ih font le Siège de Cologne , j
DES MA
ïiùrthilie , femme nobK ronvoycc au ju-
freiiiennles Laïcs maries , éo8
îsovkcs. Comment admis dans les jMo-
nafteres , 587
O.
OC iiTR I c, Moine fçavant, élu Ar-
tlicv>.que (le Maçilebourg , 777 &*
77S
Cdairic, Archevcquf fie Reims, excom-
munie le Comce Regi'-nold , 7^}
Odoacre , (lu Evéqur de Beauvais, Hinc-
ni.-:r ùe Rtinis s'yoppofe , l'excommu-
nio, _ _ ^ 7ij
Cdon- , Abbé de Saint Reml à Reims,
joi. S^ lettre au (^om te l'homns , 30i
Cdon , Archevêque de Cantorbcri. Ses
Statuts , .755
Cr.iKon Dominicale. Le? pères & mères
fom oLligé» de l'apprendre à leurs en-
fans , 770
CJfu j.Roi des Merciens , fonde un Mo-
nrliere en Ihonneur de laint Alban ,
Maityr, ffî
Oldriirure, (Czint) Abbé de Saint Ruf,
puis Evéque de IJarielonue. 11 eft fait
Archevêque de Tarragone , ;oç. Il
rétablit cette Ville, 306. Aflîftc au
Concile de Latvan , ibid. Tient «n Con-
cile à Bsrcelonne , ibid. Procure la paix
entre le Roi d'Arragon Se celui de
Cai'i!le. Ftabljt un Gouverneur à Tar-
ra^onne, 506 &' 307. Il fonde lui Hô-
pital & une Aîailon de Templiers , 307'
0ri:(/on. Dominicale. Saint Bernard défa-
prouve la coutume des Religieufcs du
^ Paraclct , qui difoient en l.i récitant:
Doniie^-iwus aujourdhui notr: pa'iHfiipfr-
fubjldntiel ; (y nonpas notre pain quin-
èien , 171 &' 171. Commentaire d'A-
baillarJ fur l'Oraifon Dominicale ,176
&177
Ôrarium ou étole. Il eft ordonné aux Prê-
tres de la porter toujours, 567-
GrMoires doinefliques. Défenfe dV célé-
brer la Mtile, ' 6i?
Qrdfric Vital Sa nailTance , 137. Ses
études. 11 ett admis dons le Clergé ,
i 3 i^. Il embraile la profclfion monaftî •
oue ; eft promu aux Ordres facrés ,
jUd. Ses écri's. Son Hiftoire Ecclé-
iîaftique divifée en treize livres , 139
&" fuiv. Jugement de cette hiftoire;
édition qui en a été'faitc , zi^'^ù'z^^
Criin.inon.r. Défenfe d''ordonner des
Clercs fans les attacher à quelque Egli-
fe , 554. Ordinations faiies par Eb-
bJon depuis fa dépofition déclarées nul-
T I E R E S. 80;
les , 6 j $
Crdination, Règles fur les Ordinations ,
785. Examendes Ordiuaiis , 737, Dé-
fenfe de procurer l'ordination à quel-
qu'un ou par faveur ou par vàe des
prclens, 737
Origtne. Saint Eernard rejetts plufîeurs
endroits de fes écrits , S; conseille à (es
Auditeurs de ne les lire qu'avec précau—
tfon , 447
Ofbert de Stocl ecl; te , Moine Bénédictin, .
écrit plufieurs vies des Saints , 301
Otton couronné Empcrei'r par le Pape
Je.in XXII. 7(^4. Son Diphjme en f'-
veur de l'Eglife Romnine , iti.',-
Otton m. Sa coaftitutioii pour obvier aux
fréquentes aliénations des biens de l'V-
glile , 785. L'Empereur fait un fécond
voyage h Rome , ibid^
Cttrim , Archevêque de Vienne , 7:0'
Oviido érigée en Métropole , 636
PAiN b'ni diftribué en^çIu/îeursE^liïeg ■
aufortirdcla MeîTr, i8î>
i'iib:. ('oncile de Poitiers en lo^o pour'
rétabLr la paix , la jufike & la difv.ipiii:e
deTEglife, 7S5 & 786
Fallium. Métropolitains obligés de lede--
mander à Rome dans trois mois, 704,
Il leur eft défendu de s'en fcrvir en d'au-
tres jours qu'aux jt-urs marqu.'s parle
Siège Apofiolique , 70^
Piïpi , ainfi nommé , parce qu'il el'i le Père
des Feres , iiS. En quoi conrfie fon
Oifice , ihld. I.e Pape juge tous les
Evcqucs , mai' on ne lit point que per-
fonne l'ait jus^é. Sentiment du Pape
Adrien II. 66i). Défenfe d'écrirecontr* '
le Pape fous pr;-texte de quelques pré-
tendues accufations , 68/-. Quels font-
les devoirs attachés à la dignité de Pape,
4^o. Quelle eft la dignité & l'autorité
du Pape félon faint Bernard, ihid. Il
n'appartient qu'au Pape de dépoler lin
Evcque ; il parta.^e avec d'autres le foin
d'une EgliCe ; mais il eft le foui qui ait
la plénitude de la puilfance félon le
mcm.e Père , 370
P«pf. Confertement de l'Empereur pour
l'éleétion du Pape , 740. Défenfe Aq-
piller le Palais Patri.irchal après la"
mort du Pape, 741. Rcgiemein pcuo
1 élcflion du Pape, 7(4 ù'7^')
Pâ^ue. Le Concile de Meaux ordonne de
fctcr rOélave de P.iques entière , 615.
Piradet. I\Ionaftere fondé par Abai'Ltd ,-
IXiii ii}.
So<f
TABLE
i??., qui compofe une re^le pour les
Reiigieules de ce Monaftere , ifif' &•
fuii'.
Pâ]Ufs. La femaine entière fètce , 759
Parains. Leur devoir , iS', 0" 283, 600,
Direnfe de recevoir pour Parain, foit
au Baptême , foit à la Confirmation
ceux qui font pénitence publique , (^04
Parains. Dt'fenfe d'en admettre deux dan-s
un Baptême , 71S
Patrimoine. Dcfenfe de demander les pa-
trimoines de rF.fli e Romaine en Bc-
néfic»:s , 705. Patronage Lnic, ^71
PatroluhTiic , 564
Pflfronx des Eglifes, 7.;;. Il leur eft dé-
fendu d'y mettre des Prêtres ou de les
en ôter fans la permifllon de l'Eveque ,
7Î9. 7^:5.
Paul , Evéque-Légat du Paoe au Concile
de Conftantinople pour le rétabliJîè-
irient de Pliotius , 711
Paulin , Patriarche d'Aquilée , ti-ent un
Concile à Frioul , ^48
PduluI.U': ( P.obert ) Prêtre del'Eglife d'A-
miens. Ses écrits, x 16 £7-117
Péché originel. Avant Jefùs-Clirift il y
avoit d'auties remèdes que le Baptême
pour la rémilTion du péché originel ,
Ptlerina^es qui fe faifoient à Rome ou à
Tours par des Prêtres & des Clercs. On
en conJamne les abus , <t\. Hildebert
Lvcque du IVlnns , ne condamne pas les
pélcrmages ; mais il veut que le motif
«n foit raifonnable & religieux, 17. Il
détourne le Comte d'Angers du pèleri-
nage de faint Jacques , ibiâ. Il eft plus
expédient qu'un Moine faiïe pénitence
flans fon Monallere , qiied'errerdePro-
vince en Province fous prétexte de pè-
lerinage , 3^,5
Vémten'-e. Règles duConcdc de Toers ,
Î70. Du Concile de Ch.îlons fur la Pé-
nitence, ^7'.. Quels livres péni-entiels
on doit fuivre , 575. Certains pénitefi-
liels pleins d'erreurs. Il eft ordonné
aux Evoques d'en faire la recherche &
«le les briller, 601. Règles du Concile
de P^iris , doi &- ^05. Du Concile de
Mayence, Ci. 9 0 (Siy. Du Concile de
Vormes fur la Pénitence , 671 C" 'i/i
Pénirenct. On contraignoit .à la pénitence
par l'autorité féculiere , 7;^. Péniten-
ces canoniques nu neuvième fiécle.
Canons du Concile l'eTribur, 7;?&'
fuiv. Règles de la Pénitence , 771 &<
771. Pénitence impofée à ceux qui
fi'ctoiejit trouvés à la bataille de Soif-
Ions , 7Î0, 7f!. Rachat dej Péniten-
ces, . . 7îr , 771 Sr'77î
Pépin , Roi d'Aquitaine , r;fti:ue les bi.'ns
Ecclé/îaftiques, dont lui Se [es Seigneurs
s'éroient emparés , 6oy ù' 6ia. Mort
de Pépin , 611
Pépin le jeune , fils de Pépin , Roi d' aqui-
taine ,636. Le Roi Charles lui fait
coupe ries cheveux, & renfermer dans
le Monaftere de faint iVIédar.i de Soiii
fons , 6JS. Pépin fe fauve du Monaf-
tere , 63T
P4iiLa^athi , Antipape , connu fous le nom
deJeanXVI. 7i}
Photius ordonné Patriarche de Conftanti-
nople , dépo'e Ignace & lui dit ana-
theme , é4>). Eft privé de tout honneur
facerdotal , 663. Dépofe le Pape Ni-
colas I. ^60. Le Pape Adrien a frappé
julqu à trois fois Photius d'anatheme ,
669. Les aftes du Conciliabule de Pho-
tius font foulés aux pieds & jettes au feu,
66?. Afllfte au huitième Concile gé:ié.
rai ; refufe de donner fon libelle d abju-
ration , 680. Ailèm'ule un Concile pour
fon rétabliflement, 7 1 o ^fuiv. Photius
eft condamné & rejette par les fuccef-
feurs de Jean VIII. par Marin II. par
Adrien !II. par Eiiienne V, & par For-
mofe , 718
Pierre ( faint } a été vingî-çinq ans à Rome,
50S
Pierre , Maurice , furnommé le Véné-
rable , 470. Eft fait Abbé de Cluni ;
y rétablit le bon ordre ; eft invité i
divers Conriles , 471. Fait deux fois le
voyage de Rome , ibiJ. &• 471. Voya»e
de Pierre (Je Cluni en Efpagne , 471.
Sa mort ; fes écrits ,475. Ses Lettres ,
ibid. (y fui:'. Son apologie, 476 ù" fuiv.
Suite des Lettres i!^ Pierre de Cluni,
48 I fr fuiv. Son Traité contre les Juifs,
490. Sa tradudion de l'Alcoran , & (a
réfutation , foo ù" ^ot , ^oi , ^03,
Son Traité contre les Petrobuflens ,
Î04 (y fuiv. Sentiment de Pierre de
Cluni fur la préfence r'eile , ^oS. Ses
Sermons , j ro. Ses deux Livres i!es
miracles , î 1 1. Ses Hrmnes & Ces Poë-
/îcs ^ r t &* 5 1 1. Ses StaMitj ; ce qu'ils
contiennent de rcma-quable , çii &•
fuiv: Son Traité du facrificede la Meffe ,
Ji4£7'îiî. Charte de Fondation. Etat
je l'Abbaye de Cluni , ^ ifi. Ju;cment
des écrits de Pierre de Cluni , J17
Pierre , Evcque de Verdun , fe juftifie par
le jugement de Dieu dans le Concile de
Fraacfort , 554
1
DES MA
Pierre , Patri;'. relie ùc Gavle , 704
Pierre , Protre-CarJinal-Lcgat , pour le
rctabiiilèmcnt lie l'horius , 711
Pierre de h Chafirc , clû Archevêque de
Kourgcs, eft lacré par le Pape Inno-
cent , 56^. Se retire fivms les Tcrrci de
Tliibaud , Comte de Champagne , ^66
Pierre de l'iie , Cirîinal. Saine Bernard
le réconcilie avec le P;'pe Innocent II.
31?. Pierre eft prive de fa dignité au
Concile de Latran. Saint Bernard s'en
pliiint au Pape , ibid.
Pierre de Léon , Cardinal , clii Anti-Pape
fous le nom d'Anaclet , S f
Piurre de Honeftis , Fonde un Monaftere
au Pûit JeKavcnne. Sa mort , 77. Pierre
compofc; une règle qui eft confirmée
par PafchaL II. 78, AnalyTe de cette
règle , ilid. S^fuiv.
Pierre as Bruis. Ses erreurs réfutées par
Pitrte , Abbé de Cluni , 504 0" fuiv.
Flaids publics & féculiers. D.'fenfe d'en
tenir d.ms les Parvis des Eglifcs , "j^^
Pillages fréquens au neuvième fiécle occa-
lîonnent la ruine des Eglifes & des
Monnfteres, 7ii
Plegmoni , Archevêque de Cancorberi ,
7;o
Foheuâe , Patriarche de Conftantlnoj)lf,
dcfaprouve le mariage de Nicephore
Phocas avec Theophanic , 767
Pû.'ice , Abbé de Cluni , renonce à cette
dignité ; veut la reprendre , 85. Il eft
excommunie p;;r Pierre , Caidinal-
Légat , ibid. Le Pape accorde à Ponce
une fépuliurc honorable , 84
Pons de LazaîC. Sa converlîon ,. 134
PrédeHinanon. Dodrine d'Hildebert ,
Evéque du Mans , fur ce fujet, iS.
d'Alger , z66 t> 167, Les quatre fa-
meux articles de Quiercy fur la prédef-
rination , la réprobation & la grâce ,
640. Canons du Concile de Valent e
fur la prédeflination & la grâce, 645
^ [un:
Prescience. Différence qu'il y a entre la
prefcience & la prédeftination , 34
Prèirs. Perfonne ne doit être ordonné
Prêtre avant l'âge de 30 ans. Canon du
Concile de Tours , ',6^. \]n Prêtre ne
peut célébrer l'Ofiîce dans une Paroilfe
étrangère fans Lettre de recommanda-
tion , ibid. ]\hniere dont un Prêtre
acculé doit fe juilifieriS; de la qualité des
Témoins t\: des Accufatcurs , 560.
Prciie dégradé comment traité , 573
Pritres. On peut prier en tou e langue ,
5 H. Prières pour les iMons-àla Alcfie,
T I E R E S. S07
65;. Société de prières pour les i\lorts,
6 '1 3
Primauté de l'Eglife Romaine fur toutes
les Eglitès ; elle a dro;i de décider les
queftions de la Foi , uy
Profi-£ion. lleligieufe. Saint Bernard ïa
reijarde comme un fécond Baptcme ,
5 / î , 414
Puijjance. L'Eglife eft gouvinicc par
deux Puiiiances, la Sactrdotale & la
Royale , 599. Traité fur la PuifTance
Rovale, 746- fuiv. La Puiffance Sa-
cerdotale & la Royale font établies de
Dieu pour le faiut & ia pai;; de l'homme,
Puiffance. Diftinc'lion de la Puiffance fpi-
rituelle & temporelle, yu.
Pallus i Robert ; Cardinal & Cliancelier
de l'Eglife Romaine, 175. H rétablit
l'Académie d'Oxfort , ell aimé du Roi
Henri ; il pa.Teen France, puis à Roine^
ibid. Le Pape Innocent II. l'appelle i
Rome. Lucius II. le fait Cardinal i7(;.
Saint Bernard écrit à Pullus , ibid.
Monde Robert PuUus, C'eil le premier
Cardinal Anglois que l'on connoit ,
ibid. Ses Ecrits ; fes Livres de Senten-
ces ; leur Analyle , 177 O-fuly,
Purgatoire. Senjiment d'Hildebert du
iMans , 50, & de Robert Pullus fur le
Purgatoire,. lyg
Purijtcidon. Le jour de cette £.te on
portoit des cierges , 30
QUenulfe, Roi des Merciens ,
affifte au Concile de Celchvte , 5 84
Quijïun ou tortures. Il ne convient pas
aux Prenes de la faire donner, 14
Quiercy. On y tient un Concile en 853.
On y dreffe quatre articles contre la
doftrine de Gothcfcalc , 640. Ces
quatre articles drellcs par Hincmar ,
font réfutés par Remy , Archevêque de
Lyon, é43,
R.
R
A o u L ou Rodolphe , fils de Conrad
II. fe fait élire & couronner Roi ,
Ranhan , Archevêque de Mayence , al-
fenible un Concile pour travailler à la
rêformation de la «lifcipline de 1 Egliie ,
6i(. Canons de ce Concile, 62.6 Gf
fuiv,-
Ridebcton , Comte de H.iblbourg , 54»
8o8
H^idigonde , ( fninte ) Reine de Frain.e. 6.1
vie écrite par Hildebert , Eveque du
Mans, 5 1
Refti-unon. Sa néceffité, 71 j
-,Rob;rt , Roi de France, cpoufe Berthefa
■• parente, 784. Le Concile de Rome en
99S lui impofe une pénitence de le; t
■■ ans, 7S4
■ Raingarde , mère de Pierre le Vénérable ,
470. Sa mort, 4S?. Son fils ordonne
un trcntain de Mellès & des aumônes
pour le repos de fon ame , 48^
Rûdo.ilde , Légat du P;ipe , dcpofé & ex-
communié par le Pape Nicolas l. 66^
ù- 666
Règle de faint Benoit. Si tout ce qui eft
contenu dans cette Règle eft de pré-
ceote , ou s'il y a quelques articles qiii
ne foient que de conleil , 411
Rameaux. A la Procedlon du Dimanche
des Rameaux , on portoit des fleurs &
des palmes , que l'on bénifloit enfem-
ble, 30
Riixnaui , Eveque d'Angers , perfécute
Marbode , 4Î
Reliques. Refpeft qui eft dû aux Reliques
des Saims , 5^ i o &' j 1 1
Religiiufes. Reglemens des Conciles pour
les Rcligieufes ; du Concile de Frioul ,
îîo £•" 5 5 I ; du Concile de Paris, 6iz ,
fîi j ; du Concile de Verneuil , 617 ;du
Concile de Meaux, 613 ;du Concrle
de Mayfnce , fi8 ; du Concile de
Toufi , 6')6
Reiienus des biens de l'Eglife. Leur em-
ploi , 1 • (î
Ricuin , Eveque de Toul , envoyé un
Pénitent à laint Bernard pour le conful-
ter fur fa conTcience , . 541
Robirr , ( fiint) Abbé de la Chaife-Dieu.
Sa vie retouc'ice par Marbode , 47
Robert , coufin germain de ftint Bernard ,
attiré a Cluni ; renvoyé à Clairvaux ,
■ ^ \ ?3° ^ 3?'
Rodulpke ou Raoul , Abbé de Saint Tron,
68. Sa mort, 6i). Ses écrits. Une Chro-
nique de Ihint Tron , 09. Une vie de
faint Lietbert , Eveque de Cambrai.
LJne lettre a Sibert , Prieur de (îiint
Pantaleon à Cologne , 70. Analyfede
«ette lettre, 71. Ecrits de Raoul nç)n
imprimés, 71
iiogations. Le jeûne & l'abAinence en
ctoient indifpenfables du tenis d'Hildc-
bert du Mans , 1^. Il eft ordonné d'y
marcher nuds pix;ds avec la cendre iï le
cilice , •if'J
f^oger , Comte de Sicile. Excommunié
TABLÉ
pa- ie Pape Honoriu? IT. 85. Fait fit
paix avec le P.ipe , ibid. Innocent II,
confirme â Roger le Royaume de Sicile
avec le titre de Roi , 51
fiojif. Ufage de couronner les Rois à tou-
tes les grandes folemnités , 371
Rom.iins. Ils veulent îè ictablir dans leur
ancienne autorité , ?5 &" 96. Sakit
Bernard en fait un portrait odieux , 40 j
Rohaie , Evc<jue de Soiiîons , privé de la
communion épil'copale par Hincmarde
Reims ; appelle au Pape, 660. Mais
malgré fon appel eft dcpofé & mis eii-
fuite en prifon dan.^ un Monjftere, ibid.
Le Peuple demande fon réta lilîëment,
^64. Les Evéq'ies du Roymme de
Charles écrivent au Pape Nicolas pour
le prier de confirmer la dépofition do
Robade , 6^4. Le Pape Nicolas I. prend
fa défenfe & le rétablit , 6i6
Rupert , Abbé de Tuy. Son éducation ;
fa fcience miraculeufe ,111. Il eft fait
Prêtre ; pafle au Monaftere de Sibourg ;
eft choifi Abbé de Tuy , lii. Fait un
voyage en France. Sa mort, 113. Ca-
talogue de fes ouvrages , ibid. Ses écrits
fur l'Ecriture faime, 1 14, 1 15 &• 117.
Ses autres écrits , 1 1 5 &< fuiT. Senti-
ment de l'Abbé Rupert fur 1 Eucharifiic,
i.iy &' fuiv. Jugement de les écrits.
Editions qu'on en a faites , : 3 1 &- 1 3 j
SAcFRDOS, ( faint ) Eveque de Li-
moges. Sa vie écrite par Hugues de
Fleuri, y 6
Sacremens, Le défaut de probité dans 4e
Miniftre n'empcche ni la validité ni
l'effet du Sacrement , 46. La validité
des Sacremens ne dépend ni -de la foi
ni de la piété du Minillre , ici. Les
Sacremens conf'rrc^ par les Schifmati-
ques font valides, mais inutiles à ceux
qui font dans le fchifme, z6^
Sûcrifice. Un Prctre ( Latin ) qui offre le
Sacrifice avec du pain commun , pécha
plutôt contre la coutume que contre la
foi. Sentiment d'Hildebert, Eveque du
Mans, zo Cr 11. On ne doit offrit
flans le Sacrifice de l'Autel que du pain
& du vin mclc d'eau, 67 j. Traité de
f ierrc ele Cluni fur le Sacrifice, 5 14 &•
fuiv.
S:icriiegf. Ce que c'eft que le facrilege;
combien il y en a d'cfpeccs , 746, Ana-
thén.rs prononcés contre les coupables
de ce crime , ibid.
Saints^
DES MA
Saintt, Les âmes de Saints qui rognent
déjà avec Jefus-Chrift , gavent ce que
nous faifons , & prient pour nous lors-
qu'il en eft befoin , 1 1. Leur intercef-
fxon , 389. Dcfenfe de transfcrer les
Corps des Saints fans la perinillîon du
Prince, ^68
Sandales pontificales. En France elles
étoient ouvertes par defïïis , enibrte
qu'on vovoit le pied, 15. Adrien IV.
accorde à VCibald , Abbc de Curbic ,
Tufage des fandales & de la daimatique
dans les principales folemnitcs de l'an-
née, ■ Jj8
StLtisfaâion. Doftrine de Robert PuUus
fur les œuvres fitisfaftoires , 186
Saxe réduite en Province. L'on y criée
huit Evêchés , 3. Schifmatiques. Réu-
nion des Hvéques Schifmatiques au
huitième Concile , £74. Réunion des
Prêtres, des Diacres & des Soùdiacres.
Le Patriarche Ignace leur impole des
pénitences, 67 ^
Sens. Son Archevêché érigé en Primatie
en faveur d' Anfegife , 701
S:!j)ulture. Défenfe de rien exiger pour les
fjpultures , & d enterrer les Laïcs dans
les Eglifes » 7J4> 7^3
Serment. Défenfe d'admettre à ferment
celui qui aura été convaincu de faux ,
75 3.Ufage de fiire ferment fur les reli-
ques , Î17. Défenfe aux Hvcques de
prêter ferment fur les chofes laintes ,
6zo. Il leur eft encore défendu de faire
jurer ceux qu'ils ordonnent , qu'ils en
font indignes , &c. fyt
Ssulfe , Archevêque de Reims , 7J0. Pré-
fide au Concile de Trollé , 751
Skon , Hvcque d'Ollie , dépofé , 768
Siège. ( le faint ) Ses prérogatives établies
par Alger, i66. LesEveques du Concile
de Rome en 800 déclarent qu'ils n'ofent
juger le Siège A.poftolique qui ert le
Chef de toutes les Eglifes, &c, 558
Simeon , Moine Bcnédidin de Durliam ou
Dunelme , 57 , 151. Ses Ecrits ,153
_ &• IÎ4
Simoniaques. Ceux-là le font qui vendent
les Sacremens , qui tirent de l'argent
pour les Meffes , le Baptême , la Con-
fisflîon , la prédication , la fépulture ,
31. Robert PuUus remarque que l'u-
fage étoit d'otFrir quelque choie auxMi-
niftres pour l'adminiftration des Sacre-
mens , mais qu'il leur étoit défendu de
rienexisrer, îS7i>iSS
S'monie. Défendue par les Conciles , 549
éoo , 71^
Tome XXIL
T I E R E S. S05
Simniiie. Défcnlès aux Evéqucs & aux
Pn très d'exiger des préfens pour la
Pénitence ou pour la Confirmation ,
7S6. Défenfe au Soi'idiacre de vendre à
i'Evcque le jour de fa confécration
l'hoAie qu'il recevoit en cette céré-
monie , 783
Simon , Di!C de Lorainc. Saint Bernard lui
écrit, 345. Société de prières & do iljf-
frages , 496 &• 4^7
Sinuarius ( le Comte ) excommunié par
les Evéques de In Province do Nar-
bonne, 74?. Eft abfous dans le Con-
cile de fllaguelone , 7^5
Sorcières ou Magiciennes punies Je mort,
Stabilité, Jufqu'où s'étend la ftabilité que
l'on promet dans la profe.lion Monafti-
que ,415. Stnvelo , Abbaye fondée par
Sif^ebert , Roi d'Auftrade , 517
StercoraniÇmc condamné desGrccs comme
des Latins , iCa
Stercoranijles combattus par Alger, 15?
Suenon , Roi de Dannemarc, zélé pour la
propae; tion de la Foi , i
Siiger , Abbé de faint Denys , Minière
d'Etat & Régent JuRoyaume de France.
Sa nailliiitce; fon éducation , 145. Il va
étudier dans le Poitou , ibid. Il eft fait
Prevcit de Touri' ; aflîite aux Conciles
de Reims & de Latran ; eft choiit Abbé
de fiint Denys , 146. Il eft faitConlèil-
1er d'Etat & Régent du Royaume , 147.
Converlîon de l'Abbé Suger , 344. il
met la réforme à lainte Geneviève 3c
3l faint Denys , 247. Lettres du Pape
Eu;enc à l'Abbé Suger , 103 ty 104 ,
109&-T10. Suger tombe malade, va
au tombeau de faint Martin, 148. Sa
mort. Son éloge, 1486' 149. Le Roi
Louis le jeune lui donne le nom lie
père de la Patrie , iî4-!Ecrits deSugcr.
La vie Je Louis VI. Roi de France ,
249. L'hiftoirede ce que fit Suger dans
l'adminiilration de l'Abbaye Je faint
Denys, 250. Un Livre Je la confécra-
tion de l'Eglife de faint Denys & de la
tranHation des reliques de ce Martyr ,
ibid. Autres Ecrits de Suger. Des conf-
titutions. Son teftament, iç 1. Ses Let-
tres , ïfi &'/'uiV. Eloge que faint Ber-
nard fait de l'Abbé Suger , 381
Superflitions payennes condamnées , 719
Superlition. Le culte fupertiftieux de cer-
tains arbres & de certaines pierres dé-
fendu par le Concile de Nantes , 73^
KKkkk
«10
T A
T'A s s 1 1 i o N , Duc de Bavière. Son
difix'rend avec le Roi Charles , 547.
Le Pape Adrien prononce anathcme
contre lui & (e.; co:Tiplices , ibid. Eft
condamné à mort , ibid. Le Roi Charles
lui accorde la vie, à quelles conditions,
Î48. Demande pardon au Concile de
Francfort, 554
Tarm^cnc. Le Comte Raymond donne
cette Ville à (àint Oldcgaire Sa à Ces
fuccelFeurs , 30^
TauriiC proche de Fontcnai. Il s'y donne
une bataille entre Lothaire d'une part,
Charles , Roi de France , & Louis de
Bavière , (= 1 1 &- (^ 1 3
Tiivernes défendues aux Moines & aux
Chanoines,
Te Deum. En quel tems doit être chanté ,
7S6
Templierr. Saint Brrnard f.iit un l ivre à
la lounn?e des Chevaliers du Temple.
Qui ils étoient ,419. Règle des Tem-
pliers , 4' o Cf/u/V.
Tefliment de l'Abbé Surer , 1 y 1 1> i ? i
Tficodore Cirthien , Chefdes Iconoc!aftes,
ed condimnc au huitième Concile gé-
néral , 68 I C-- 68i. Theodofe , Patriar-
che de Jérufalem. Ses Lettres au faux
huitième Concile, 7126?' 713
Thcdore , fils du Patrice Michel ordonné
Patriarche de Conft ntinople. Thict-
burr^e , fille du Comte Bofon , femme
du Roi Lothaire , 654. Se reconnoit
faudêment coupable, 6<;^. Eft enfer-
nr e dans un Monnftere ; elle écrit au
Pape pour fe plaindre du Jugement des
Ev-qucs , 65 f . Thiote , faudc Prophe-
telTe , condamnée à être fouettée publi-
quement , 6i>i. Thcufnud , Arche-
vêque de Trêves , dépofé par le Pape
Nitol.isT. fréj
Théodore , Pape ,739. Rétablit les Clercs
ordonnés par Formofe, iiid.
Thffldont , Archevêque de Narbonne ,715'
Thiel'd'id , Kvéque.d'Ams'ns , excommu-
nié comme uliirpateur de cette Eglife,
77-^
Tkom.is , Prieur de fiint V'iftor , mafTacré
entre Ir; mains d'Fftienne , Fvcque de
Paris , 89. Les meurtriers de Thomas
font excommuniés au Concile de
Jouarre, 90
Tiron. Monaftere nu Dioccfe de Chartres
par Bernard, Abbé de famt Cvprien à
roitierî. Son accroiffement , 198
BLE-
Tifc.'lin , père de fajnt Bernard , 51$
To/?^/'. Sa primatie , 9é,io<?&'io7
Tonfurs cléricale. Défen'e de la donner à
p?rfonne que dans l'âge lé ;itime , 567
Toul. Hérétiques répandus dans ce Dio-
cèfe , lis»/
Tour. C'étoit autrefois Tufage dans les
Monaftetes de drefl'er un Autel dans la
Tour de l'Egliie , jiS
Tournas. Donations faites à cette Abbaya
confirmées par le Concile de Châloni
& par le Pape Jean VIII. 700
Tranjub'ld'm.vion. L'Eglife a toujours
crû le doc;me de la tranfubftantation,
175. Sentiment de Giliebert de Hoil-
lande fur ce myllere, 4ÎÎ
Trinité. Erreurs de Gilbert de la Poirée
lur ce myftere , 19} $> i94- Dodrina
de Hu-jnes IMetellus fur la Trinité, 117.
De Robert Pullus , z77 &• 178. De
Pierre Abaillard, 186. De faint Ber-
nard, 361 , 405 Cf 40S. Prof^rflion de
foi du Concile de Vormes fur la Tri-
nité , 67a
Tryphon , Moine , Patriarche de Conftan-
tinople pour un tems ,756. Eftdépolé ,
TrSne.. Au douzième fiécle les Evcquet
avoient feuls le droit de fe faire drelFer
un Trône dans leur Edile , de donner
la bénédirtion au peuple , &c. 408
Tur-jot , Kvêque de faint André en EcoiFe ,
f6. Ses Ecrits, %y
Tu-quetul , Chancelier d'Angleterre , 7é i.
Se retire àCroiland, & en ellfait Abbé,
ibid,
Turjliin , Archevêque d'ïorck. Sa mort ,
V.
VA L A , Abbé de Corbie. Ses plaintes
contre les ufurpations des biens de
l'E^life , iç' Gt' ?98
Vali , Evêque de Metz , obtient le Pallium
du Pape Jean VIII. 709. Bartulfe ,
Archevêque de Trêves , lui défend de
le porter , ïbii,
V.i!drade. Le Roi Lothaire l'époufe & la ■
fait couronner Reine , (6x
Uilalric de Bamberg. Son Recueil épifto-
laire , 81 &- 8s
UJjlric ( faint 1 Evêque d'Aufbourg , veut
quitter TEpifcopat, 77?. Sa déraiffiom
en faveur de ("on neveu efl défapprou-
vée , ibid. Canonifadon d'Udalric ,
78t
Venilon , Archevêque de Sens. Le Roi
Charles-lc-Chaute prcJentc une Re-;
DES MATIERES.
'Sir
çupte contre lui , '51. v'ciulon fc rc-
concilieavec le Koi , 6'!i
î^crnairi' , Evcque àc Strafbourî; , fonde
le MonalVere de Moury en Siiifle , 543
VeT;i:Lù. On y tient un Parlement pour la
CroilaJc , 37Î
Viatiqw:. Louis- le-Gros , Roi de France ,
le reçoit lous les deux cfpeces , Z49
Vidam-s. Des Evcqucs. & des Abbés ., <;oS
Viôlor. Saint Bernant exhorte l'Abbé
Su^er à rétablir la diicipline dans l'Ab-
baye de faint Viftor , ' 5SS
Vierge. ( la fainie ) Du tems d'Hildebert
du Mans on avoit coutume dans l'Eglifè
de prier la l'ainte Vierge avec plus
d'aftêdion que les autres Saints ; Se
lorfqu on prononçoit Ion nom on flé-
chidoit ks genoux, 50. Saint Bernard
cro'tquela iainte Vierge a été enlevée
au Ciel aullltôt après fon trépas , 44(^.
Qu'elle eft notre Avocate auprès de
Dieu l'on fils , & que nous devons re-
courir à fon intercelllon , ibid.
yïrs^inité. Traité de la corruption de la
Virginité par l'Abbé Rupert , iî(î
Viftre iJes Evenues , 5(^5 , 720. Il Imr eft
défendu de faire des exaâions illicites,
Î7I. D'être à charge aux Prctres , &
aux Fidèles , 60 r
Vital. Voyez. Orderic , 157
Voile. Défenle de le donner aux veuves ,
710. 1.'Evéque feiil a le droit de ilonner
le voile aux Vierges , ibid.
Volonté en Dieu. Hugues de faint Viélor
en diftingiie deux. La volonté de bon
plaifir, volwnas henè fldàti , &• la vo-
lonté de ligne , voluntas fiçni, 2.11
Uffal, Les Suédois Idolâtres y avoient un
Teinpic 1. inçux , jo
Ufure. Toutes les cfpecos d'ufure font
condamnées, ^0+
Wihald , Abbé de Sf avelo 5i do Corbie ,
fi7. Il fe fait Moine à Vaiïbr, puis à
Stnvelo. Ses Etudes, 51 S. U elè fait
Abbé de Stavclo , y rétablit 1; bon
ordre , ibià. Il travaille avec l'Empe-
reur pour le rétablillement du Taps
Iniiocent , v'P- Il eft élu Abbé (ie
Mont-Callin ; il retourne à Stnvelo , ih.
Travaille à f lire rentrer les biens alto-
nés. Il eft élu Abbé de Corbie, 510.
Croifade des Saxons contre les Schvcs,
ibid. VJ-'ibald employé les vafes faciès
aux frais de la croifade , 511. Il retour-
ne à Stavelo , ibid. Sa mort , yii.
Son éloge , ihid. Ses Ecrits ; fes Let-
tres , f'ii Zr fu'iv.
Windelmar , Evcque de Noyon. Son ('!ti"é-
rend avec Rotade , Evéque de Soiilbiis ,
Wulf.idc & les autres Clercs ordonnés par
Ebboii dépofés , 666. Le Pape Nico-
las I. écrit pour eux , 667. Leur caufe
eft examinée au Concile de Soiflons,
60y. WuifaJe eft rétabli , ibid.
Y.
JL Vrognes excommuniés, j6S
ZAcHARiE , Lésât du Pape .1 Cortlan-
tinople , confent à la dépofition du
Patriarche Ignace , eft dépcf.- de l Epif-
copatSc excommunié , 66i
Tin de la Table des Matières.
ERRATA. ^
PAge îi , Benudit , /fff^ Baudri. Fags 14 , la torture i la queftion , lifex la torture
delà queftion. Pagf 95 , Pafchal IL llÇer^ Lucius II. l'j-Z- 'i' i Cloj he , ///f^
Elophe , ibid. Ville de Gand , lifc-;^ Grin. Pag. 154, Gui, i/ff? Guiges ou Guifjues.
Va'ie 317 , Pierre de Druis , life\ iie Bruis. Page 578 , Melufine , If/j^ Mciilende.
Page 5 60 , Olivito , /ip^ Olivolo , ilii. Co-Evequcs , lifii Cor Evi ques. Page <77 ,
Rotard, /i/f^ Rotade. Page tf ii , Noves , lifer^ Nones Pa^e 717, dcfenfe aux if i;;ieurg
Laies de prendre ai'cune ponion des dixmes de fon Fflife , c'elt-à-dire , de celle dont il
eft Patron. Je trois qu'il faut dire au (îngulier 6el^neur Littc. Autrement il fndroit Ire
des àixmes de leurs EgUfcs , c'eft-à-dire , de cefes dont ils !ont Patrons ; c'eft ainli qu«
litM.Fleury, Hift. Eccl. tom. II. p.ij. 565. Pj^?78o, ligne d , pillansà rcftitution ,
je crois qu'il faut lire piliards. Page 7SI4 , WerlLourg , tifei Merlbourg,
(Le PmUegefe trouve dans lesprécedens Volumes. )
^f'^'
É;
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U^m
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