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Full text of "Histoire générale des auteurs sacrés et ecclésiastiques : qui contient leur vie, le catalogue, la critique, le jugement, la chronologie, l'analyse & le dénombrement des différentes éditions de leurs ouvrages : ce qu'ils renferment de plus intéressant sur le dogme, sur la morale & sur la discipline de l'Église : l'histoire des conciles tant généraux que particuliers, & les actes choisess des martyrs"

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HISTOIRE  GENERALE 

DES 

AUTEURS  SACRÉS 

E  T 

ECCLESIASTIQUES, 

QUI   CONTIENT  LEUR  VIE,  LE    CATALOGUE, 

la  Critique  ,  le  Jugement ,  la  Chronologie ,  l'Analyfe  &  le  Dénom- 
brement des  différentes  Éditions  de  leurs  Ouvrages  ;  ce  qu'ils 
renferment  de  plus  intérelTant  fur  le  Dogme ,  la  Morale  ,  &  fur 
la  Difcipline  de  l'Eglife  ;  l'Hiftoire  des  Conciles,  tant  généraux, 
que  particuliers ,  &  les  Aéles  choifis  des  Martyrs. 

Par  le  R.  P.  Dom  Rem  y  Ceillier,  Prieur  Tiiulaire  de  Tlavigny  ,  ù"  Préfuknt 
de  la  Congrégation  de  Saint  pannes  (y  de  Saint  rijdulphe, 

TOME   V  I  N  G  T-D  E  U  X  I  E'M  E. 


A  FAR  I  S,  RUE  S.  JACQUES, 

La  Veuve  Lottin,&;J.  H.  Butard,  Imprimcur-Litraires, 
Chezi  ^  ^^  Vérité. 

La  Veuve   D.  A.  Pierres  ,    Libraire  ,  à    S.   Ambroife , 
&  à  la  Couronne  d'Epines. 


M.    D  C  C.    L  V  I  I  L 

#*^£Ç  APPROBATION  ET  PRIVILEGE  DU  ROY; 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  witii  funding  from 

University  of  Ottawa 


littp://www.arcliive.org/details/histoiregnra22ceil 


TABLE 

DES     CHAPITRES 

Contenus  en  ce  Volume. 


C  H  A  p.  I.   j[fjL  ^  -'^  ''^^  '  Chanoine  ie  Brème ,  Page  i 


C  H  A  p.  1 1.  Le  Vaurahlc  Hildebert^  Evêque  du  Mans  » 
ejijuite  Archevêque  de  Tours  ,.  1 2 

A  R  T.  I.  Hijîoire  de  fa  vie ,  ibid. 

Art.  II.  Des  Ecrits  d'Hildehert ,  1 5 

§.  I.  Des  Lettres  d'Hildehert ,  ibid. 

§.  1 1.  Des  Sermons  d'Hildehert ,  25* 

§.  III.  Des  Opufcules  d'Hildehert  >  31 

§.  IV.  Des  Poèmes  d'Hildehert,  38 

§.  V.  Jugement  des  Ecrits  d'Hildehert.  Editions  qu'on 
en  a  faites.  4I 

C  H  A  p.  III.  Marhode ,  Evêque  de  Rennes ,  44 

Chap.   ï  V.  Eftienne  Harding  ^  Ahhé  de  Cîteaux ,  & 
quelques  autres  Ecrivains  du  douT^iéme  jiécle  ,  5  3 

Ç  H  A  p.  V.  Hugues  de  Fleuri ,  Florent  Bravon  >  Pierre 
de  Honejlis ,  &*  quelques  autres  Ecrivains ,  72 

aij 


îv  TABLE 

Chap.  VI.  Des  Papes    Honorius   IL   Innocent   U, 
Celejîin  IL  Lucius  IL  6"  Eugène  IIL         Page  82 

Ç  H  A  p.  VII.  Rupert ,  Abbé  de  Tuy  ,  ou  de  Duits  ; 

m 

Chap.  VIII.  Le  Bienheureux  Guiges  f  ou  Guigues, 
cinquième  Prieur  de  la  Chartreufe  ,  134 

.Chap.  IX.  Guillaume  de  Malmejhuri ,  ou  de  Somerfet  > 
6*  quelques  autres  Hijloriens  Angiois ,  145 

Chap.  X.  Pierre Abaillard,  Abbé; Ç^HeloiJfe,  Abbefi 
du  Paraclet,  1^4 

Chap.  XI.  Gilbert  de  laPorrée,  Evêque  de  Poitiers; 
Abandus  ;  f rançon ,  Abbé  d'Affiighen  j  ip jf 

Chap.  XII.  Hugues  j  Chanoine  Régulier  de  Saint 

Viêlor  j  200 

Chap.  XIII.  Hugues  Metellus ,  Chanoine  Régulier  de 
Toul,  2.2^ 

Chap.    XIV.    Orderic  Vital   j    Moine   de   Saint 
Evroul,  237 

Chap.  XV.  Suger ,  Abbé  de  Saint  Denys ,  Miniflrc 
d'Etat ,  &  Régent  du  Royaume  de  France ,  245 

Chap.  XVI.  Alger,  Diacre  &  Scholajlique  de  Liège, 

254 

Chap.  XVII,  Guillaume ,  Abbé  de  Saint  Thierri, 

26  j 


DES     CHAPITRES.  v 

Çhap.  XVIII.  Robert  Fullus ,  Cardinal  &  Chan- 
celier de  VEglije  Romaine  ;  &  Bernard  des  Portes, 

Page  275- 

Chap.  XIX.   Hervé,  Moine  Bénédiâin ;  &*  plufieurs 
autres  Ecrivains ,  29^ 

Çhap.  XX.  SaintBernardf  premier  Abbé  de  Clairvaux, 
Doâeur  de  UEglij'e ,  o\y 

Art.  I.  Hijîoire  de  fa  vie,  ihid. 

Art.  1 1.  Des  Ecrits  de  Saint  Bernard  ,  330 

§.  I.  De  fes  Lettres ,  ibid. 

S-  1 1.  Des  cinq  Livres  de  la  Conjidération  ,  3^  j; 

§.  III.  Traité  des  mœurs  &*  des  devoirs  des  Eveques  y 

406 

§.  IV.   Livre  de  la  Réforme  des  Clercs ,  408 

§.  V.  Vivre  du  Précepte  &  de  la  Difpenfe ,  410 

§.  VI.  Apologie  de  faim  Bernard  j  41^ 

§.  VII.  Livre  à  la  louange  des  Chevaliers  du  Temple, 

419 

§.  VIII.  Traité  des   dégrés  d'humilité  &   d'orgueil, 

425 
§.  I  X.  Traité  de  l'amour  de  Dieu  ,  "  424. 

§.  X.  Traité  de  la  Grâce  &  du  libre  Arbitre  j  42(5 

§.  X I.  Traités  du  Baptême  ?  6*  contre  les  erreurs  d'A~ 
baillard,  432 

§.  XII.  Vie  de  faim  Malachie ,  Archevêque  dTrlande, 


vj  TABLE 

§.  XIII.  Traité  du  Chant  ,  ou  de  la  correâiion  de 
rAntiphonier ,  Page  438 

$.  X  ï  V.  Des  Ouvrages  de  faim  Bernard  ,  contenus 
dans  Us  troifiéme  &  quatrième  Tomes  ,  440 

§.  X  V.  Des  Ouvrages  contenus  dans  les  cinquième  & 
jixiéme  Tomes ,  4J^ 

§.  XVL  De  quelques  Ecrits  de  faint  Bernard , publiés 
depuis  la  dernière  édition  dejes  Oeuvres  %  46^ 

§.  XVII.  Jugement  des  Ecrits  de  faim  Bernard.  Cata." 
logue  des  éditions  qu'on  en  a  faites,  ^66 

Chap.  XXI.  Pierre,  Abbé  de  Cluni ,  furnommé  le 
Vénérablçj  470 

Chap.  XXII.  IFibald  ,  Abbé  de  Stavelo  ,  &  de 
Corbie,  517 

Chap.  XXIII.  Chunon  ,  ou  Conrad  ,  Abbé  de 
Moury  en  Suijfc^  539 

Chap.  XXIV.  Des  Conciles  de  Formes,  dTn- 
gelheim  ,  de  NarboJine  ,  d'Acclech  ,  de  Fincenhalle  » 
de  Frioul ,  de  Katisbonne  ,  de  Francfort,  &•  d'Angle- 
terre ,  y  ^7 

Chap.  XXV.  Des  Conciles  de  Rome  ,  d'Vrgel , 
d'Aisç  -  /«  -  Chapelle ,  de  Rome  ù  de  Clovishou , 

5î^ 


DES    CHAPITRES.  vij 

Chap.  XXVI.  Conciles  d'Altino  ,  d' Aix-la-Cha- 
pelle y  d'Arles,  de  Mayence,  de  Reims ,  de  Tour  s,  de 
Châlons-fur-Saône ,  d'Aix-la-Chapelle,     Page  560 

Chap.  XXVII.  Conciles  de  Conjîantinople  ,  de 
JSloyon ,  d'Aix-la-Chapelle ,  de  Celchyte,  de  Thion- 
ville  j  de  Trebur  ,    de    Cloveshou ,    &   d'Atrigny  , 

^574 

Chap.  XXVIII.  Concile  de  Paris  au  fujet  des 
Images  i  d'Ingelheim,  de  Rome  &  d'Aix-la-Chapelle  > 

Chap.  XXIX.  Concile  de  Paris  ^  ^ç^j 

Chap.  XXX.  Conciles  de  Vormes ,  de  Langres ,  de 
Nimeguty  tie  Vormes,  de  Londres  ,  de  Compiegne , 
d* Aix-la-Chapelle  ,  de  Mantoue  ,  de  Stramiac  ,  de 
Kinjlon  ,  de  Châlons-j'ur-Saone  )  d'Engelheun,  &  de 
ïontenai ,  60G 

Chap.  XXXI.  Des  Conciles  de  Bourges  ,  de  Conjîan- 
tinople ,  de  Coulaine ,  de  Lauriac ,  de  Toulouje ,  de 
Thionville ,  de  Verneuiljde  Beauvais  ^  de  Meaux  ,  de 
Paris,  614 

Chap.  XXXII.  Des  Conciles  de  Mayence  ,  de 
Bretagne  ,  de  Qiàercy  ,    de  Paris  ,  &  de  Pavie  , 

626 

Chap.  XXXIII.  Des  Conciles  de  Sens ,  de  Ben- 
ningdon ,  de  Kingeshiuie ,  de  SoiJfonS}de  Cordoue  ,  de 
Mayence ,  d&  Quiercy ,  &  de  Verherie,  63.6 


viij       TABLE  DES  CHAPITRES. 

Chap.  XXXIV.  Des  Conciles  de  Rome ,  de  Conf- 
taminople,  de  Valence ,  &  de  Pavie ,  641 

Chap.  XXXV.  Des  Conciles  deVmcheJlre,de.Bonoil, 
de  QiLiercy  ,de  Mayence  j  de  Conjlantinople ,  de  Mef^y 
de  Langres,  de  Scivomeres ,  de  Conjlantinople  ,  de 
Sijleron ,  6^"/ 

Chap.  XXXVI.  Quatrième  Concile  de  Conflami- 
nople ,  que  l'on  compte  pour  le  huitième  général  j    ôji 

Chap.  XXXVII.  Des  Conciles  de  Verherie,  de  Mety^, 
&  autres ,  depuis  l'ait  S6^  ,juj qu'en  875? ,  6p  I 

Chap.  XXXVIII.  Concile  de  Conjlantinople  pour  le 
rétahlijfement  de  Fhotius,  710 

Chap.  XXXIX.  Des  Conciles  de  Rouen ,  de  Mantes, 
&  autres ,  juj'quen  Van  5^04 ,  718 

Chap.  XL.  Des  Conciles  de  Saint-Oyan^de  Narbonnei 
&  autres  ,jujquen  l'an  950 ,  744 

Chap.  X  L  I.  Des  Conciles  d'Ausbourg  ,  &  autres , 
jujquà  lajin  du  dixième  fiécle  ,  76a 


Fin  de  la  Table  des  Chapitres. 


HISTOIRE 


HISTOIRE  GENERALE 

DES  AUTEURS 

SACRES  ET  ECCLESIASTIQUES. 

CHAPITRE      PREMIER. 
A  DAM  3  Chanoine  de  Brème, 

'E  s  T  à  lui  que  l'on  cil  redevable  de  la  con-         AJam  , 
noiflancc  des  origines  des  Eglifes  du  Nord  ,  Ch:>noine  d« 
&  de  la  fuite  des  Evêques  de  Brème  &  de  ^'''""'* 
Hambourg;  perfonne  avant  lui  n'ayant  entre- 
pris de  les  faire  connoîtrc  à  la  pofterité.  Ne 
en  Thuringe  ou  dans  la  Mifnie  ,  il  quitta  de 
bonne  heure  la  Fatrie  pour  aller  à  Brème  (a)  oi:i  il  fut  chargé 
du  foin  des  Ecoles  de  cette  Ville.  Il  y  arriva  l'an    1067,  le 
vingtième  de  l'Epifcopat  d'Adalbert.  Ce  Prélat  étant  mort  le 
\6  de   Mars    1072,   on  lui  donna  pour  Succefleur  Liemar , 
jeune  Eccléfiaftique   de   grande   efperance  ,   &  très-inflruit 


(«)  Lih.  1,  ,  hifî,  cav.   ç     pag,   34. 

Tome  XXI L 


a  ADAM, 

des  Arts  libéraux.  Adam  continua  fous  Ton  Pontificat  de  régen- 
ter les  Ecoles  de  Brème  ,  mais  en  1077  il  fut  fait  Chanoine  de 
l'Eglife  Aletrcpoiitaine  (  <2  ). 
IlrraTaî'ie       I  J.  Dans  le  deilein  de  donner  une  llifloire  Ecclcfiaflique  des 

'esFeli'ièsT  Eglifes  du  Nord  ,  Adam  (ir  une  recherclieexade  des  mémoires 

Nord,  qui  pouvoient  l'en  inllruire,  particulièrement  des  Lettres  des 

Princes  &  des  Papes  ;  il'recueiliit  auiiî  ce  que  la  tradition  vivante 
lui  en  apprit.  Suenon,  furnommé  Deilrilie,  Roi  de  Danne- 
marc,  etoit  en  réputation  de  fcavoir,  ôc  zélé  pour  la  propa- 
gation de  la  foi.  Adam  l'alla  trouver  &  en  fut  très-hien  reçu, 
car  ce  Prince  reoevoit  volontiers  les  Etrangers  ;  ce  fut  dans  les 
entretiens  qu'il  voulut  bien  lui  accorder  (  6  )  qu'Ad.im  s'inf- 
truilit  de  la  partie  de  fon  hifîoire  qui  concerne  les  Barbares  ,  ôc 
les  noms  des  Saints  qui  avoient  de  fon  temsfouifert  le  martyre 
en  Suéde  6:  en  Norvège. 

Ceqiiecom-  J  I J.  Ce  font-là  les  fourccs  dans  lefquelles  Adam  a  puifé 
Hift'^ire"'"^  pour  compcfer  fon  hlQoire  ;  il  étoit  encore  jeune,  lorsqu'il 
l'acheva,  comme  il  nous  l'apprend  lui-ménie  dans  l'épilogue 
en  vers  (c)  adreiTé  à  l'Arclicvéque  Liemar ,  à  qui  il  dédia 
cet  Ouvrage.  Il  le  commence  à  l'entrée  de  faint  Villehade  en 
Saxe,  &  le  finit  à  la  mort  de  l'Archevêque  Adalbert,  ce  qui 
fait  un  efpace  de  tems  d'environ  trois  cens  ans  ,  c'cft-à-dire 
depuis  l'an  de  Jefus-Chrift  788  jufqu'en  ib7''5.  Hiftorien  fincerc 
ôc  fidèle ,  il  protefte  (  d  )  que  la  pafiion  n'a  eu  aucune  part  à 
fonhidoire,  qu'il  n'y  a  rien  bazardé,  mais  rapporté  fidèlement 
les  faits  tels  qu'il  les  avoit  trouvés  dans  des  mémoires  autenti- 
ques.  Il  cfl  cité  avec  élopc  dans  la  Chronique  des  Sclaves  par 
Hclmold  (  e  ) ,  ôc  dans  les  Annalles  de  Baronius.  Lambecius  lui 
reproche  quelques  parachronifmcs  ;  m-ais  fuivant  la  remarque 
du  Dotle  Albert  Fabricius  (/)  on  doit  les  pardonner  facilement 
à  un  Ecrivain  qui  nous  a  fait  connoître  tant  de  fi  belles  chofes 
ôc  C]  inrereffantes  pour  rîîifloireEccléfiaaiqueduNord. 

/naly'e  <^e       IV.  Celle  que  nous  a  donnée  Adam  e't  divilée  en  quatre 
*!'/"r'j*^7'  I-'vres,  ô:  les  Livres  font  divifés  en  chapitres.  Il  met  à  la  tête 

rnr.dc  f'am-  du  premier  Livre  l'hlKloire  de  la  Nation  des  Saxons,  ce  qui 

IrurgtniTot,  i 

fcL -r^T- 

-,  .(^;  AJam.  i  ■!  .prfffqt. 
(«')  r.'it,  ï,  atp.  14,  B.ircnius  ai an^ 


(  h  )  L'h.  4  ,  cap.  ^f  .V'^'.  4S.     / 


»rnis  ,  pj-  .  67  ,  rà'it.  lixmlcurg.  itC- 
ic.ttr's  Ujd.t   anC»  ,  ce    qui  revient  au 
mfoif. 


if)  Fatrîiiùs  ^rttfat.  in  Adùm~ 


CHANOINE     DE    BRESME.       5 

lui  paroifToit  nécelTaire ,  à  caufe  que  Hambourg ,  dont  il  fe  pro-  Cap,  t, 
pofe  de  faire  connoitre  les  Evcques ,  ell:  litude  dans  la  Saxe. 
Les  Saxons  ,  depuis  longtems  tributaires  aux  Francs ,  s'en  fcpa- 
rerent  pour  fe  délivrer  de  cette  fervitude.  Pépin  leur  fit  la  guerre ,  Cj;.  r. 
Charlemagne  fon  fils  la  continua,  les  Saxons  furent  vaincus  ,  la 
paix  ne  leur  fut  accordée  qu'à  condition  de  renoncer  au  culte 
fuperftitieux  des  faux  Dieux,  &  d'embrafler  la  Religion  Chré- 
tienne. Le  premier  de  leurs  Miifionnaires  fut  faint  Vilfrid ,  An-  C'-?'  s- 
glois   de  naiflance  ;  le   fécond,  faint  Boniface;  le  troifiémc, 
faint  Villehade  avecfes  Difciples.  Ils  trouvèrent  de  laréfiflance  Cay.  9. 
de  la  part  des  Idolâtres  ;  mais  enfin  Nidel;ind  ,  le  Chef  de  la 
révolte ,  fe  fournit  ôc  reçut  le  Baptême  avec  les  grands  Seigneurs 
de  la  Nation  ;  alors  la  Saxe  fut  réduite  en  Province ,  ôc  l'on  y 
érigea  huit  Evéchés  que  l'on  fournit  aux  Archevêchés  de  Co- 
logne &  de  Mayence.  Adam  rapporte  l'acte  qui  en  fut  padé  ÔC 
figné  de  Charlemagne  ôc  d'Hildebald,  Archevêque  de  Cologne  , 
Chapelain  du  Palais,  au  mois  de  Juillet  78S.  Le  premier  Evêque  Caji.  n. 
de  Brème  fut  "Willerie  ou  "^Zillehaire,  l'un  des  Difciples  de  faint 
Willehadc. 

V.  Adam  parle  enfuite  de  la  converfion  des  Danois  ôc  des  ^■'^-  '^" 
autres  Peuples  voifins  ,  par  le  miniflerc  de  fùnt  Anfchaire  qui 
fut  facré  le  premier  Archevêque  de  Hambourg  ,  l'an  853  ,  par 
Drogon ,  Evêque  de  Metz ,  allifté  des  Archevêques  de  Mayence , 
de  Trêves,  de  Reims,  6c  de  quelques  autres.  Ce  dernier  qui  fe 
nommoit  Ebon ,  fe  joignit  à  faint  Anfchaire  dans  la  prédication 
de  l'Evangile  ,  mais  ne  pouvant  plus  foutenir    la   fatigue    des 
voyages,  il   retourna  à  fon  Archevêché  de  Reims,  donnant  q,. 
pour  Compagnon  à  faint  Anfchaire  fon  neveu  Gaudbert ,  après 
l'avoir  eux  deux  facré  F.vêque  fous  le  nom  de  Simon.  Adam  dit 
ici  que  toutes  ces  chofes  étoient  rapportées  plus  au  long  dans  la 
vie  de  faint  Anfchaire  écrite  par  faint  P..embert  fon  SucceiTeur 
dans  le  Siège  Epifcopal  de  Hambourg;  enfuite  il  nomme  ceux  C'?* ''• 
qui   gouvernèrent,  après  faint  Anfchaire,  l'Eglife  de  Brème  ; 
marque  le  fiége  de  Cologne  par  les  Normans  ,  ôc  l'incendie  de 
la  Ville  de  Hambourg,  de  fon  Eglife ,  de  fon  Monallere  ôc  de 
fa  Biblioteque  ;  ajoutant  que  faint  Anfchaire  qui  y  étoit  alors     "^''■*'* 
fut  obligé  d'en  fortir,  n'emportant  avec  lui  que  des  Reliques 
de  Martyrs,  fçavoir de  faint  Xyfle  ôC  de  faint  Sinnicius.  Il  gou- 
verna l'Eglife  de  Hambourg  pendant  feize  ans,  puis  celle  de 
Brème  pendant   dix-huit  ans ,  enforte  qu'il  fut  fuccenïvement 
trente-quatre  ans  Archevêque ,  premièrement  de  Hambourg, 

Aij 


^  A   D    A    M, 

Cap.  î4.    enfuite  de  Brème ,  qui  fe  trouvoit  fans  Pafteur  ,  lorfque  les  Nor- 
■mans  ruinèrent  la  Ville  de  Hambourg.  Quoique  cette  tranflation 
fut  conforme  aux  Décrets  des  Conciles  qui  portent  qu'un  Evê- 
que  chalfé   de  fon  Siège  dans  le  tems  de  la  perfécution,  fera 
reçu  en  une  autre  Eglife  dont  le  Siège  fera  vacant,  Saint  Anf- 
chaire  fut  quelque  tems  à  réliiler  à  llimpereur  Louis  le  Pieitx 
Cap.  17.    qui  vouloiî  cette  tranflation.  Le  Pape  Nicolas  L  qui  fut  confulté 
là-delTus ,  ota  toute  difficulté  en  unilfant  l'Eglife  de  Brème  avec 
Cl  .19.  celle  de  Hambourg.   Les  Succeifeurs  dans   l'Archevêché   de 
Brème  furent  Rimbert,  Adalgaire,  Moine  de  CorbieiHoger, 
Reginwart ,  Unnus  ,  &c. 
Livre  c?eu-       Y  ].  l£n  donnant  la  fuite  de  ces  Evêquesdansie  fécond  Livre, 
xicme,  p,w.  ^^^^y^^Q  fe  contente  pas  de  les  faire  connoître  par  leurs  noms  , 
Cap.   I.  mais  il  donne,  comme  dans  le  preniier ,  Un  précis  de  leur  vie, 
la  durée  de  leur  Epifcopat,  fépoque  de  la  mort  des  Papes, 
des  Empereurs ,  des  Rois  ;  il  fait  même  remarquer  par  quel 
Pape  le  Tallium  leur  a  été  envoyé,  par  qui  ils  ont  été  confacrés; 
C^F-  »•  les  guerres  entre  les  Empereurs  &  les  Nations  feptentrionales  ; 
l'éreclion  des  nouveaux  Evcchés;  fous  quelle  Métropole  on  les 
avoir  mis;  les  diihcultés  mues  par  l'Archevcque  de  Cologne  au 
fujet de  l'union  dc3  deux  Egiifes  de  Hambourg  &  de  Brème; 
"?■  >>^  >  7.  l'origine  des  Ducs  de  Saxe,  de  l'Archevêché  de  Magdebourg, 
&  des  cinq  Evéchés  foumis  à  cette  Métropole.  Il  prend  de-là 
occafion  de  donner  une  defcription  des  pays  on  ces  Eglifcs 
C'7-s,?,  font  fituées,  des  Heuves  nulles  arrofent ,  des  Nations  qui  les 
habitent. 

VIL  II  palTc  enfuite  au  Royaume  de  Dannemarc  dont  la 
Roi  Harold  embrafl^:\  la  religion  chréùciuie,  6c  la  favocifa  dansf 
Caj.  is  17   ^^^  Etats  jufqu'à  fa  mort.  Il  nomme  les  Evèques  qu'Adaldag  , 
j8.  Archevêque  de  Brème  ,  ordonna  en  Dannemarc;  les  Villes  où 

il  plaça  les  Sièges  Epifcopaux  ,  &  raconte  les  troubles  dont  le 
Chrifl  ianifme  fut  agité  fous  le  règne  deSwenotte  ,  fils  de  Harold. 
Ce  Prince  ,  après  avoir  régné  cinquante  ans,  i'jt  dépouillé  de  fes 
Etats  par  les  Danois  même  ,  de  concert  avec  fon  iils  ,  en  haine 
de  la  religion  chrétienne  qu'ilsavoienï  abandonnée  ,  ÔC  mourut' 
le  jour  de  la  Fcte  de  tous  les  Saints  d'une  bleiïure  qu'il  avoic 
reçue  erv  fe  défendant  contre  ces  rébelles ,  ce  qui  le  (ic  regarder 
comme  un  Martyr.  Son  fils ,  inilexibleaux  prières  fie  aux  remon- 
trances des  Evèques  qui  le  preffoient  de  rentrer  dans  le  fein  de 
l'Eg.ife  ,  fut  lui-même  privé  de  fes  Etats  pendant  un  gnnd 
nombre  d'années,  c'ofl-a-dire  jufquJi  la  m  )rc  d'Heric  ,  Roi 
dcoSjcuivns  ou  Suédois,  c[ui  ksavoit  ufurpés. 


-«p.   tO,    ÏT. 


Cip.i^. 


CHANOINE    DE    BRESME.        j 

VIII.  Adam  defcend  dans  le  détail  de  ce  qui  regarde  Ileric,      Cap.  16  &• 
en  même  tems  Roi  de  Suéde  &  de  Danneniarc  ,  6t  de  fon  Suc-  ■'^'^' 
cefleur  dans  ces  deux  Royaumes;  de  la  propagation  de  la  foi 

dans  la  Suéde,  d'un  grand  nomlrc  de  Martyrs  chez  les  Nations 
barbares ,  &  de  1  L^reclion  de  nouveaux  Evtchés  chez  lesSclaves,     f-. 
lesiuedois,  les  Norvégiens,  les  Anglois  &  les  autres  Peuples  33,54.' 
du  Nord.  Il  a  foin  de  remarquer  que  les  Archevêques  de  Brcme 
recevoientl'invefliture de  leur  dignité  par  lacrolTe  quel  Empe-    Cap.4^,^0^ 
reur  leur  mettoit  en  main  après 'euréledion  ,  &  quele  Paliium  5'  i^  feq. 
leurctoit  envoyé  parle  Pape.  Sur  la  (indu  fécond  Livre,  Adam 
fe  p'aint  du  rei^cheinent  des  mœurs  dans  le  Clergé  ,  ôc  le  regarde 
comme  plus  préjudiciable  à   TEglife  que  ne  le  lut  à  celle  de 
Brtme  binceiidie  qui  la  confuma  avec  fon  tréfor ,  fon  cloître, 
fes  iivre!^,  fes  ornemens,  &  les  édifices  de  la  Ville,  environ 
deux  cens  foixante-dix  ans  depuis  fa  fondation  par  S.  VillehaJe. 

IX.  Adam  commence  fon  troiliéme  livre  par  réiore   de      li-retroî- 
l'Arclievôque  Adalbert  dont  il  relevé  la  noblelie ,  lelprit  ,  le    "■'"'^'^■'^•SJ' 
fcavoir,  Téloquence,  la  beauté,  la  prudence,  la  libéralité,  la  C^p^l,^,J. 
charité  envers  les  Pauvres  &  les  Etrangers  ,  le  zèle  pour  i'ac- 
croiilement  delà  religion,  la  pieté,  &  une  dévotion  il  tendre 

qu'il  fondoit  en  larmes  lorfqu  il  oiTroit  le  faint  Sacriiice.  Dès  la   _ 
première  année  de  fon  Epifcojat  il  s'appliqua  à  réparer  l'Eglifc     ^^'  ^'     ' 
de  Brème,   1-e  cloître,  ôc  les  autres  bàtimens  nécelfaires  aux 
Chanoines, ôc  voyant  que  lesDucs  la  vexoient  continuellement  il 
lui  rendit  fa  première  liberté  en  faifant  avec  eux  une  paix  folidc. 
Il  envoya  des  Députés  aux  Pvoisdu  Nord  pour  lier  amitié  avec  Q".  10. 
eux;  écrivit  aux  Evèquesôc  aux  Prêtres  établis  en  Dannemarc  , 
en  Suéde  6c  en  Norvège,  pour  les  exhorter  à  la  garde  de  leurs 
Eglifes,  ôc  à  travailler  fans  crainte  à  iaconverfion  des  Payens  r  Q".  n, 
menaça  d'excommunication  Suenon ,  Roi  de  Dannemarc,  s'il 
ne  fe  féparoir  de  fa  parente  qu'il  avoit  époufée  contre  les  règles 
de  l'Eglife ,  ce  que  ce  Prince  ne  fit  qu'après  les  lettres  du  Pape  y 
encore  prit-il  enfuite  pludeurs  femmes  ôc  pluiie-urs  Concubines. 
La  Reine  Gude  ,  après  cette  féparation  ,  fe  retir.i  fur  fes  terres  ,   (7-.,,  ,^^ 
où  elle  vi  eut  dans  la  pratique  de  toutes  les  vertus  ;  elle  y  reçut 
les  Députés  que  l'Archevêque  de  Brème  avoir  envoyés  pour 
détromper  le  Roi  de  Suéde  au  fujet  d'un  nommé  Ofmund  qui   q 
fe  difoit  ordonné  Archevêque  de  ce  Royaume  par  le  Pape  ,  ôc 
en  conféquence  portoit  devant  foi  la  Croix  comme  les  Arche- 
vêques. 

X.  En  Norvège,  le  Roi  Harold  exerçoit  une  cruelle  tyran--  Cap.tir 

A  il] 


«  A    D    A    M; 

nie  ,  abbatoltlesEglifeSjfaifoit  mourir  les  Chrétiens  par  divers 
fuplices ,  s  exerçoit  aux  malérices ,  &  loin  d'être  touché  des 
Cip.ip.  miracles  qui  fefaifoient  au  tombeau  du  Roi  Olaf  fon  frère,  il 
en  enlevoit  les  offrandes  qu'il  dillribuoit  à  (çs  Soldats.  L'Arche- 
vêque Adalbert  lui  envoya  des  Députés  chargés  de  lettres  où  il 
lui  faifoit  des  reproches  fur  tous  ces  défordres ,  &  fur  ce  qu'au 
mépris  de  fa  Jurifdidion  il  faifoit  venir  des  Evêques  de  France 
&  d  Angleterre.  Harold  renvoya  les  Députés  avec  mépris  , 
difant  qu  il  ne  reconnoiffoit  en  Norvège  ni  Archevêque  ,  ni  autre 
perfonne  plus  puilfante  que  lui.  Adalbert  en  porta  fes  plaintes 
au  Pape  Alexandre  II.  qui  écrivit  en  ces  termes  au  Roi  Harold  : 
Comme  vous  êtes  encore  peu  indruit  dans  la  foi  ôc  la  difcipline 
canonique  ,  nous  devrions  ,  nous  qui  avons  la  charge  de  toute 
i'Eglife,  vous  donner  de  fréquens  avertiffemens ,  mais  la  lon- 
gueur du  chemin  nous  empêchant  de  le  faire  par  nous-même , 
fçachez  que  nous  en  avons  donné  la  commillion  à  Adalbert  , 
Archevêque  de  Brème,  notre  Légat;  or  il  s'eft  plaint  à  nous 
parfes  lettres  que  les  Evêques  de  votre  Province  ne  font  point 
facrés ,  ou  fe  font  facrcr  pour  de  l'argent  en  Angleterre  ou  en 
France  ;  c'eft  pourquoi  nous  vous  admonedons  vous  ôc  vos 
Evêques  de  lui  rendre  la  même  obéiffance  que  vous  devez  au 
Saint  Siège. 
Ca.p.10.  XI.  Adalbert  fongea  enfjite  à  fe  reconcilier  avec  le  Roi 
Suenon ,  dans  i'efpcrance  que  ce  Prince  lui  ayant  rendu  fon 
amitié,  faciliteroit  l'exécution  de  fes  deffeins  dans  le  Danne- 
marc  pour  l'aggrandiffement  de  I'Eglife;  il  perfuadaaufli  à  l'Em- 
pereur Henri  III.  de  conclure  avec  Suenon  une  alliance  perpé- 
tuelle, &  par-là  l'Archevêque  de  Brème  procura  de  grands 
avantages  à  fon  Eglife  ,  ôc  l'accroiflement  de  la  miifion  dans  les 
pays  du  Nord.  L'Evangile  fit  aulli  de  grands  progrès  dans  les 
x8  19.'  '  Provinces  au-delà  de  l'Elbe,  enforte  qu'elles  furent  bientôt 
remplies  d'Eglifes  ,  de  MonaReres  tant  d'hommes  que  de  filles; 
d'Evêques  ôc  de  Prêtres  qui  y  préclioient  librement  la  foi  de 
Jefus-Chrift.  Il  y  avoit  jufqu'à  trois  Convents  à  Meckelbourg  , 
Capitale  des  Obodritcs  ;  la  religion  profperoit  auHi  chez  les 
Sclaves  à  la  faveur  de  Gothefcalc,  fils  d'Uton  ,  un  des  Princes 
des  Sclaves.  (îothefcalc  avoit  époufé  la  fille  du  Roi  de  Danne- 
marc,  ôc  par  cette  alliance  il  sétoit  rendu  puiffant  comme  un 
Roi  ;  il  étoit  pieux  ,  ami  de  l'yVrchevêque  de  Brème ,  ôc  zelti 
pour  la  propagation  de  la  foi  ;  fouvent  il  parloir  dans  I'Eglife 
pour  expliquer  au  Peuple  plus  clairement  en  Sclavon  ce  qu3 
difoiciit  les  Evêques  ôc  les  Prêtres. 


CHANOINE     DE    BRESME.       t 

XII.  L'Evangile  fe  fcroit  même  répandu  plutôt  chez  les  dp.  ij. 
Sclaves  fans  l'avarice  des  Seigneurs  Saxons,  Gouverneurs  delà 
frontière,  qui  ne  fongcoient  qu'à  les  charger  d'impôts,  Ôc  qui 

par  leur  cru  iuté  les  obligèrent  à  la  révolte;  mais   il  venoit  des 
Députés  d  iilande  ,  de  Utoenlande,  des  Orcades  à  Adalbert 
lui  demander  des   Millionnaires ,  ôc   il  en  envoyoit.   M  ctoit  dp.  x6, 
tellement  attaché  à  procurer  la  gloire  de  Dieu  qu'il  ne  ncgiigeoit- 
pas  les  embelliiremens  qui  font  une  partie  de  la  gloire  humaine  ; 
ninfi  ]>ar  fes  foins  la  Viile  de  Brème,  quoique  petite,  devint 
la  Rome  du  Nord,  &  on  y  accouroit  de  toutes  parts.  Il  fe  fit  ^•'^•^^* 
auffi  un  plaifir  ilngulier  de  rendre  refpedable  la  Métropole  de 
Hambourg  qu'il  appelloit  la  Mère  des  Niuions;  il  Torna  ,  il 
la  fortifia  peur  la  mettre  en  état  de  fe  défendre  contre  les  Bar- 
bares', il  y  fit  célébrer  avec  pompe  les  folemnités  de  Pâques  , 
de  Pentecôte  6c  de  la  fainte  Vierge,  y  aflemblant  à  cet  eiTetun 
grand  nombre  de  Clercs,  ceux-là  furtoutqui  par  la  douceur  de 
leur  voix  pouvoient  plaire  aux  Peuples.  Il  fuivoit  dans  la  céie-  Cip.-.,. 
bration  des  jMyfieres  ,  non  le  Rit  Latin ,  mais  un  je  ne  fçai  quel 
mélange  du  Pvit  Grec  &  Romain  ,  faifant  partout  où  il  fe  trouvoit 
chanter  trois  Méfies,  ôc  yallifloit.  llaimoit  aulîi  dans  les  céré- 
monies la  fumée  des  aromates  ,  un  grand  nombre  de  luminaires 
&  un  concert  de  voixfortes,  pour  imiter  en  quelque  forte  ce 
qui  fe  paffa  au  Mont  Sina'i  lorfque  Dieu  y  apparut  à  Moyfe. 

XIII.  En    lojî  ,    la  feptiéme  année   de  fon   Epifcopat ,  Cîp,  31. 
Adalbert  afîif! a  au  Concile  de  Mayence  ,  auquel  le  Pape  Léon 

IX.  préfida,  rSmpercur  Henri  ïll.  préfeht;  les  Archevêques 

de  Mayence  ,  de  Cologne  ,  de  Trêves  y  afilflerent  avec  celui 

de  Magdebourg,  &  plufieurs  Evoques.  Celui  de  Spire  accufé 

d'adultère,  s'en  jufiifiapar  l'oblation  du  Saint  Sacrifice.  On  fit 

dans  ce  Concile  des  Décrets  contre  la  fimonie  &  les  mariages 

des  Prêtres.,  6c  il  y  fut  ordonné  que  l'on  chafieroit  de  l'Eglife 

&  des  "Villes  les  femmes  publiques.    L'Archevêque  Adalbert  ,^;''*,j_^'^^* 

ctoit  en  grande  confideration  tant  auprès  du  Pape  Léon  eue 

de  l'Empereur  Henri  ,  ôc  fa  réputation  avoit  pénétré   iufqu'cà 

rEm{)ereur   de  Condantinople  ;  fiatté  d'un  Ci  grand  crédit,  il 

elTaya  d'ériger  lEglife  de  Hambourg  en  Patriarchat,  en  quoi  il 

dtoit  fécondé  par  le  Roi  de  Dannemarc  qui  fouhaitoit  avoir  un 

Archevêché  dans  fon  Royaume;  mais  la  mort  du  Pape  ôc  de 

l'Empereur  fit  difparoître  tous  ces  projets.  L'Eglife  même  de      Cep.  jâ  &- 

Brème  fereHentit  de  l'application  qu'Adalbertdonnoit  aux  alTaires-  ■^^'^' 

de  l'Etat  ;  celles  de  cette  Ealife  allèrent  en  décadence- 


44 


Cap.  e , 


8  ADAM; 

Livre  qua-  XIV.  Herman  ,  fils  de  Bernard,  Duc  de  Saxe,  ravagea 
tùéme.pa^.  l'Arclievêclié  de  Brème  6c  de  Hambourg;  mais  le  Roi  Henri 
**•  IV.  confola  en  quelque  façon  ces  Eglifes  en  leur  envoyant  des 

■^^'  ''  ^'  ornemens  ,  des  vafes  d'argent,  trois  calices  d'or,  des  chan- 
deliers ,  des  cncenfoirs  d'argent ,  ôcdes  livres  dont  un  pfeautier 
dtoit  écrit  en  lettres  d'cr.Adam  raconte  enfuite  comment  rEglife 
de  Hambourg  &  de  Brème  devint  riche  6c  lî  pullFante  qu'il  n'y 
avoit  dans  l'Empire  que  celle  de  Viribourg  qui  la  furpaflat  ; 
Cdp.  î ,  6.  mais  il  fe  plaint  amèrement  que  l'Archevêque  Adalbert ,  en 
voulant  lui  acquérir  des  Comtés ,  un  entr'autres  iltué  dans  la 
Frife  ,  avoit ,  pour  en  payer  le  prix ,  vendu  ou  fait  brifer  des  croix 
d'or  ornées  d;  pierres  précieufes  ,  des  autels  ,  des  couronnes ,  ôc 
d'autres  ornemens  ,  qui  toutefois  ne  purent  former  qu'environ  la 
moitié  de  la  fomme  ,  enforte  que  l'Eglife  de  Brème  tomba  dans 
la  défolation  ,  6c  que  fon  Archevêque  devint  la  rifce  de  tout  le 
monde. 

X  "V.  Vers  le  mcnie  tems  le  Prince  Gothefcalc  qui  avoit  aidé 

Cip.  II,  II,  ^  convertir  une  grande  partie  de  la  Sciavonie  ,  fut  mis  à  mort 

»j-  avec   le  Prêtre  Ippon  ,  ôc  un  grand  nombre  de  Clercs  ôc  de 

Laïcs,  pour  la  confelllon  du  nom  de  Jefus-Chrift  ,  par  ceux-là 

même  qu'ils  avoient  convertis,  mais  qui  étoient  retombés  dans 

l'idolâtrie.  Ces  Barbares  ravagèrent  enfuite  route  la  Province 

O 

de  Hambourg  ,  mettant  tout  à  feu  ôc  a  fang ,  ôc  en  chaiïerent 
l'Archevêque.  Tous  ces  maux,  dit  l'Hiftorien ,  nous  avoient 
été  annoncés  par  une  comète  qui  avoit  apparu  la  même  année 
Ci  I  '  vers  la  Fête  de  Pâques.  L'Archevêque  fut  trois  ans  hors  de  fon 
Eglife  ,  ôc  pour  rétablir  fcs  affaires  il  fe  reconcilia  avec  ceux 
qu'il  avoit  auparavant  traités  avec  trop  de  hauteur.  Sa  mort ,  Ct 
l'on  en  croit  Adam  ,  fut  précédée  de  plufieurs  prodiges  ;  on  vit 
entr'autres  à  Brème  les  crucilix  jetter  des  larmes.  Il  mourut  à 
Gollar  le  \6  de  Mars  1072,  ôc  fut  rapporté  à  Brème,  où  oa 
l'inhuma  au  milieu  du  Chœur  de  la  nouvelle  Eglife  qu'il  avoit 
bâtie.  On  ne  trouva  rien  dans  fon  tréforque  des  Reliques  des 
Saints  ôc  des  ornemens  facrés  ;  le  Roi  Henri  s'en  (liifit ,  ôc  d'un 
bras  de  faint  Jacques  ,  Apôtre  ,  qu'Adalbcrt ,  en  paflant  àVcnife  , 
avoit  reçu  de  Vital ,  Evèquc  de  cette  Ville. 

XVI.  Adalbertvoyant  dans  les  Provinces  du  Nord  un  nombre 
fuflîfant  d'Evêques  ,  fongea  à  tenir  pour  la  première  fois  ua 
Concile  en  Dannemarc  :  fon  delfein  étoit  de  réformer  plulleurs 
abus  qui  s'étoient  gliffés  dans  ces  nouvelles  Eglifes  ;  les  Evêques 
ycndoicnt  les  Ordinations  i  les  Peuples  refufoient  de  payer  les 

dix  mes 


Cj?.  4' 


CHANOINE    DE    BRESIVÎE.       9 

dixmcs  &  s'abandonnoient  à  de  grands  excès.  Il  indiqua  ce 
Concile  à  Siefvic  par  l'autorité  du  Pape  Alexandre  II.  dont  il 
^toit  Légat,  6c  fondé  fur  l'efperance  que  le  Roi  de  Dannemarc 
lui  prcteroit  fecours  ;  il  n'y  eut  que  les  Evcques  d'outre-met 
<|ui  fe  firent  longtcms  attendre.  Adam  rapporte  la  lettre  que 
le  Pape  Alexandre  II.  écrivit  fur  ce  fujet  à  tous  les  Evêques  de 
Dannemarc;  ôc  deux  de  celles  que  l'Archevêque addreila  aux: 
Evêques  fournis  à  fa  Métropole  pour  les  inviter  au  Concile. 

XVII.  Il   marque   enfuite  les  Evêques   qu'Adalbert  avoit     Cap.Ah^^ 
•ordonnés,  fçavoir  neuf  en  Dannemarc ,  fix  en  Suéde  ,  deux  en  46. 
Norvège  ,  vingt  en  tout,  mais  dont  trois  demeurèrent  inutiles,  ne 
cherchant  que  leurs  intérêts ,  ôc  non  ceux  de  Jefus-Chrilt.  Cet 
Archevêque  traitoit  avec  beaucoup  d'honneur  les  Légats  du 

Pape  ,  difant  qu'il  ne  reconnoifToit  que  deux  Maîtres ,  le  Pape 
ôc  le  Roi.  Le  Pape  lui  accorda  ,  ôc  à  fes  SuccefiTeurs ,  le  privi- 
lège d'établir  des  Evêchés  partout  le  Nord  ,  même  malgré  les 
Rois ,  dans  tous  les  lieux  où  il  jugeroit  à  propos  ,  ôc  de  choifir 
de  fa  Chapelle  ceux  qu'il  voudroit  pour  les  ordonner  Evêques. 

XVIII.  Voilà  ce  qui  nous  a  paru  de  plus  remarquable  dans     Dcfcrip-îo* 
THiftoire  Eccléfiaftique  d'Adam  de  Brème.  Pour  la  rendre  plus  ^^"v^'ord'pj" 
complette  il  y  a  ajouté  une  defcription    trcs-intereflànte  des   j^. 
Royaumes  ôc  des  Provinces  du  Nord  qui  avoient  de  fon  tenis 
■embrafTé  la  foi  de  Jefus-Chrilt ,  c'cft-à-diredu  Dannemarc,  de 

la  Suéde,  de  la  Norvège,  ôc  des  Illes  qui  en  dépendent;  outre 
la  defcription  des  lieux  il  fait  des  remarques  fur  les  mœurs  ôc 
les  ufages  des  Peuples.  Il  dit  des  Danois  que  quand  quelqu'un  P'S-  f^ 
d'eux  eft  convaincu  d'un  crime  de  leze-Majefté  ,  il  aime  mieux 
qu'on  lui  tranche  la  tête  que  de  fouffrir  les  verges  ou  la  bafto- 
nade  ;  que  c'eft  une  gloire  pour  eux  de  témoigner  de  la  joie 
lorfqu'ils  vont  au  Tjplice  ;  qu'ils  ont  les  pleurs  en  horreur ,  en- 
forte  qulls  n'en  verfent  ni  pour  leurs  péchés  ,  ni  pour  la  mort 
de  leurs  parens  ;  que  dans  la  Curlande  les  Habitans  font  Ci  cruels  p^^^  ^g. 
que  tout  le  monde  lesfuye,  ôc  auffi  parce  qu'ils  font  très-atra- 
chés  au  culte  des  Idoles  ;  que  leurs  maifons  font  pleines  de 
Necromontiens  qui  font  confultés  de  tous  côtés  ,  furtout  des 
Efpagnols  ôc  desGrecs;  que  leslflandois  adorent  des  dragons  auf-  P'^if-  î?» 
quels  ils  immolent  des  hommes  qu'ils  achètent  des  Marchands 
après  avoir  examiné  s'ils  n'ont  aucun  défaut  de  corps. 

XIX.  Les  Suédois  puniffent  de  mort  l'adultère  ôc  la  vio-  pjg.  6*i 
Icncc  faite  à  une  Vierge.  Ils  regardent  comme  un  opprobre  dç 
ïefufer  l'hofpitalité   aux  Etrangers ^  c'eft   à  qui  dentr'eux  les 
Tome  XX IL  B 


PMg.61. 


,0  A    D   A   M  , 

recevra ,  &  ils  les  tiennent  dans  leurs  maifons  autant  qu'ils 
fouhaitent  d'y  refter  ;  ils  font  auiïl  beaucoup  de  carelTes  aux 
Prédicateurs  de  l'Evangile  quand  ils  les  connoifTent  pour  chaftes 

P'Z-  6t.  &  prudens.  Cette  Nation  a  un  Temple  fameux  à  Uplal,  il  eft  tout 
revêtu  d'or ,  ôc  on  y  révère  les  Statues  de  trois  Dieux ,  au  milieu 
eft  le  Trône  du  plus  puiflant  qu'ils  nomment  Thor  ;  des  deux 
côtes  font  les  deux  autres  nomme's  Vodan  ôc  Friccon.  Thor  y 
félon  eux  ,  gouverne  l'air ,  le  tonnerre ,  la  foudre ,  les  vents  ,  les 
pluies  ,  les  faifons  ,  les  fruits  ;  ils  lui  donnent  un  fceptre ,  ÔC 
c'ell  comme  le  Jupiter  des  anciens  Romains.  Vodan  efl:  le  Dieu 
de  la  guerre,  armé  comme  Mars.  Friccon  donne  la  paix  ôc  les 
plaifirs ,  ôc  efl  repréfenté  fous  la  ligure  infâme  de  Priape.  Ils 
adorent  auffi  de=;  hommes  qu'ils  croyent  être  devenus  Dieux  par 
leurs  belles  actions,  lous  les  neuf  ans  ils  célèbrent  une  Fête 
folemnelle  où  tous  font  obligés  d'envoyer  leur  offrande  à  Upfal  , 
perfcnne  n'en  eft  exempt ,  les  Chrétiens  même  font  contraints 
a  fe  racheter  de  cette  fuperflition.  En  cette  Fête  on  immole 
neuf  animaux  mâles  de  toute  efpece,  ôc  on  en  pend  les  corps 
dans  un  bois  proche  du  Temple  dont  tous  les  arbres  paffent 
pour  facrés.  On  y  voit  auffi  des  corps  humains  fufpendus  pèle 
mêle  avec  ceux  des  chiens.  En  tems  de  pefteôc  de  famine  on 
immole  au  Dieu  Thor;  fi  on  efl  en  guerre  on  facrifie  au  Dieu 
Vodan  ;  s'il  faut  célébrer  un  mariage ,  ccfl  à  Friccon  qu'on  offre 
des  facrifices. 

Pa^.fii.  XX.  Dans  la  Nordmannie  que  l'on  appelle  aujourd'hui  la 
Norvège,  les  Peuples  font  très-chafles  ôc  très-fobres  en  tout. 
Ils  ont  tant  de  refped  pour  les  Prêtres  ôc  pour  les  Eglifes  qu'il 
n'y  a  pas  de  jour  que  chaque  Chrétien  ne  falTe  fon  ofi'rande  à  la 
Aleffe  qu'il  entend.  En  cette  Province  comme  en  plufieurs 
endroits  de  la  Suéde  ,  les  Nobles  ,  à  la  manière  des  anciens  Pa- 
triarches, gardent  les  troupeaux  ôc  vivent  du  travail  de  leurs 
mains.  Le  corps  d'Olaph  ,  Roi  ôc  Martyr  ,  repofe  dans  l'Eglife 
de  la  Métrople  à  Trondemn  ,  où  il  fe  fait  de  fréquens  concours 
de  Peuples  à  caufe  des  guerifons  miraculcufes  qui  s'opèrent  à 
fon  tombeau. 
"'■^.  <^4>«;î.  XXI.  Les  Habitans  de  rifle  de  Thyle  font  de  mœurs  très- 
douces  ,  ôc  l]  charitables  que  tout  efl  commun  entr'eux ,  comme 
avec  lesEtrangers.  Ils  regardent  leur  Evêque  comme  leurRoi ,  ils 
fe  règlent  fur  fa  volonté,  ôc  tout  ce  qu'il  leur  dit,  foit  de  la 

fart  deDieu,foit  par  l'autorité  des  divines  Ecritures  ,  foitfelon 
ufage  des  autres  Nations ,  ils  le  tiennent  pour  Loi. 


CHANOINE    D  E    B  R  E  S  M  E.      li 

XXII.  L'épilogue  d'Adam  à  l'Archevêque  Liemar ,  Suc-  P-^s-  67. 
ceffeur  d'Adalbert ,  cft  en  vers  hexamètres.   Le  Poète  y  lait 
l'éloge  de  ce  Prélat,  de  Ton  éloquence  ,  de  fon  intelligence  dans 

les  divines  Ecritures ,  de  fon  ailîduité  à  la  leèlure  des  Pères.  Il 
compare  fon  élection  à  celle  que  l'on  faifoit  anciennement  dans 
l'Eglife,  ôcla  regarde  comme  l'époque  du  rétabliiïement  de  la 
liberté  &  de  la  paix  dans  l'Eglife  de  Brênie  ôc  de  Hambourg. 

XXIII.  La  première  édition  de  Thidoirc  des  Eglifes  du     EJitions  de 
Nord  par  Adam  de  Brome  el't  due  à  André-Severin  Velleus  qui  ci/n,,ftinue'^* 
la  fit  imprimer  à  Coppenhague  en   1 5^7^  r;z-4<'.  On  n'y  trouve   H'Alsm     de 
point  le  Livre  de  la  defcription  du  Dannemarc  6c  des  autres  ^'■'•'"^• 
Provinces  du   Nord  ;  mais    Erpold  Lindenbrogius  lui  donna 

place  dans  l'édition  del'Hiftoire  Eccléllaftique  d'Adam  qu  il  fit 
paroître  à  Leyde  en  ijyj"  in--^°.  &  depuis  à  Francfort  en  1609 
ôc  16^0  in-fcl  dans  le  Recueil  des  Ecrivains  Septentrionaux.  Il 
y  en  a  une  cinquième  édition  par  les  foins  de  Joachin  Maderus  , 
àHelmfladen  16 jo  i/z-^^.C'eft  fur  celle-là  qu'Albert  Fabricius  en 
a  donné  une  fixiémc  à  Hambourg  en  1^06  in-fol.  avec  plu- 
ficurs  autres  écrits  qui  ont  rapport  à  î'Hifloire  compofée  par  Adam 
deBrême,  dont  voici  lalifte  :  L'Hiftoire  des  Archevêques  de 
Brênie  depuis  Charlemagne  jufqu'à  Charles  IV.  par  un  Ano- 
nyme. Un  petit  Eloge  de  l'Eglife  de  Brêmc&  de  îés  Archevê- 
ques jufqu'à  la  mort  de  Louis  le  Débonnaire.  L'Hifloire  du  Pape 
Benoît  V.  mort  à  Hambourg  en  841  ,  &  fon  épitaphe  tirée  de 
deffus  la  pierre  de  fon  tombeau  en  l'Eglife  Cathédrale  de  Ham- 
bourg où  il  fut  inhumé  ;  fcsoffemens  furent  depuis  tranfportés 
à  Rome.  Un  Poëmeen  l'honneur  de  l'Evêque  Viceiin  qui  avoit 
enfeigné  à  Brème  fous  l'Evêque  Adalbert.  L'Epitaphe  de  Gode- 
froi  ,  Archevêque  de  Brème  ,  mort  en  1 3  (55.  Les  privilèges  ac- 
cordés à  cette  Eglife  par  les  Empereurs,  par  les  Papes ,  ôc  par 
d'autres  perfonnes  puiffantes.  Les  Chroniques  &  les  Annalles 
Sclavones.  L'Hiftoire  d'Eric,  Roi  de  Dannemarc  ;  de"NX''ratin;-.s 
VII.  Duc  de  Pomeranie  ;  ôc  celle  de  l'origine  de  la  Nation 
Danoife  ,  de  fes  Rois ,  ôc  de  leurs  adions.  A  toutes  ces  pièces 
Fabricius  a  ajouté  la  vie  de  faint  Anfchaire  en  profe  par  faint 
Rembert,  ôc  en  vers  par  Gualdon  ,  Moine  de  Corbie;  ce  que 
Lambecius  a  écrit  touchant  les  origines  de  la  Ville  de  Hambourg, 
ôc  un  Recueil  d'anciennes  infcrintions  par  Théodore  Hanckel- 
m-ann.  Il  s'ed  fait  une  verfion  de  I'Hifloire  Eccléfiaflique  d'Adani 
de  Brème  en  langue  Suedoife  par  Jean-FridericPeringskioldius  , 
que  l'on  a  imprimée  à  Stockholm  en  1 7  ip  i/z-^^. 

B  ij 


12      LE  VENERABLE  KILDEBERT, 

CHAPITRE     II. 

Le  Fenerable  H  i  l  d  e  b  e  rt  ^   Evoque  du  Mans  , 
enjuite  Archevêque  de  Tours, 

Article    I. 

HiJIoire  de  fa  vie. 

,  HilJebert  J.  T     E  lieu  de  fa  naiiTancc  flit  le  Château  de  Lavardin ,  dans 
Son*^"éJuc;J'-        j   Â  le  Veiidomois.  On  la  met  en  i  o  J7  ,  ôc  c'eft  l'opinion  la 
lion.^'iraHi.-  plus  appuyée.  Quelqucs-uns  le  font  nakre  en  10J4,  mais  cette 
,    '"  d"".''  époque  ne  s'accorde  point  avec  les  seftes  des  Evéques  du  Mans>. 
170*.  comme  la  première.  (Quoique  ne  de  parens  dunerortune  mé- 

diocre ,  il  s  appliqua  de  bonne  heure  à  l'étude  des  Lettres.  Ses 
Ouvrages  ,  foit  en  profe ,  foit  en  vers,  font  des  preuves  de  fes 
progrès  dans  les  hunianités.  Il  n'en  tit  pas  moins  dans  Icsfciences- 
luperieures.  Bercnger  futun  de  fes  Maîtres;  mais  il  n'en  fuivit 
point  les  erreurs.  Voulant  fe  perfectionner  dans  l'intelligence  des 
Livres  laints  ,  il  alla  à  Cluni ,  où  cette  forte  d'étude  Heuriffoic 
fous  l'Abbé  Hugues.  On  dit  même  qu'il  y  prit  l'Habit  Mona- 
ftique. 
l\  préfîJe  i       I  \.   La  réputation   de  fon  fcavoir  étant  parvenue   jufqu'aa 
Aia'n?^     eft  ^^"s  ,  Hocl  qui  en  étoit  Evcque  ,  le  chargea  du  foin  de  l'Ecole 
i.itArchiJia-  de  fon  Eglife  ;  puis  l'en  fit  Archidiacre  en    1092  y  qui  étoit  la 
cre  de   ceirr  trentc-cinquiéme  année  de  l'Ape  d'Hiluebert.  Il  lit  les  fondlions 
jcvr.  de  cette  cJiarge  pendant  cinq  ans ,  c  eit-a-dirc  ,  julquen  1097. 

Alors  l'Evéque  Hocl  étant  venu  à  mourir,  on  lui  donna  pour 
fucceffeur  Hildebert ,  âgé  de  quarante  ans. 
II  efl  fait       III.  Son  éieclion  foulTrit  quelque  oppoinion  de  la  part  de 
1-vcquc    en    Goifircde ,  Doyen  de  la  Cathédrale.  Mais  les  fuPrrages  du  reftc 
*"*''*  du  Clergé  prévalurent ,  &  Hildebert  fut  ficré  le  jour  de  Noël 

de  la  même  année  1  op--  par  Raoul ,  Archevêque  de  Tours.  Cela 
n'empêcha  pas  le  parti  opnofé  de  noircir  la  réputation  du  nouvel 
Evêque.  On  l'accula  d'avoir  mené  une  viedilfo'ue  pendant  qu'il 
ëtovt  Archidiacre  ;  &  ccttecalomnie  rit  imprelTion  pour  un  tems 
fur  Yve-,  de  Chartres  ;  mais  dans  la  fuite  il  reconnut  l'innocence 
de  rEvé.jue  du  Mans ,  ôc  ils  vccureut  en  uiùoa. 


E  V  E  s  Q  U  E    D  U    M  A  N  s  ,  &c.         15 

I V.  Hildebert ,  dès  le  commencement  de  fon  Epirct.pat ,  eut     ^'  'r'^   "'* 

.,  -,         ■  \     r      rr  ■      \  '     /    j        "n     ■       •    «        i  "^n  pnlon  pat 

d  autres  perlecutions  a  lounnr  du  cote  des  Kois  a  Angleterre,  1,,  koi  d'An- 
Guillaume  le  Roux,&  Henri  I.  fon  frère.  Ces  deux  Princes  iji'tcrre.    U 
prétendant  que  la  Ville  du  Mans  leur  appartenoit,  employèrent  ''^^\  \^^mrl 
îucceirivcment  les  menaces  Ôc  lescareilcs  pour  engager  l'Evêque  coput. 
à  féconder  leurs  prétentions.  Guillaume  le   Roux    !e    voyant 
ferme ,  le  tint  un  an  en  prifon.  Henri  1.  le  contraignit  de  paffec 
en  Angleterre  pour  s'y  juftifier  du  crime  de  trahilon,  dont  ou 
l'accuioit  ;  &.  voyant  que  tous  les  mauvais  traitemcns  qu'il  faifoit 
à  Hildebert ,  ne  pouvoient  vaincre  fa  réfiftance  ,  il  le  dépouilla 
de  tous  fes  biens.  Les  Confuls  du  iMans ,  pour  gagner  les  bonnes 
grâces  du  Roi ,  ne  ceflerent  pendant  trois  ans  de  perfécuter  leur 
Évcque  ,  qui  prit  le  parti  de  taire  le  voyage  de  Rome  pour  de- 
mander au  Pape  Pafclial  II.  la  permiflTion  d'abdiquer  bEpifcopat. 
Son  defiein  ctoit  de  fe  retirer  à  Cluni  &  d'y  vivre  en  Moine. 
Mais  le  Pape  n'eut  aucun  égard  à  fes  remontrances.  Il  le  renvoya 
à  fon  Eglife,  en  lui  ordonnant  de  vive  voix  &  par  écrit,  de 
reprendre  fes  fondions  Epifcopales. 

V.  Hildebert  à  fon  retour  trouva  la  Ville  du  Mans  en  paix  y  II  combat 
parce  que  Foulques  Px-echin,  Comte  d'Anjou  ,  avoit  contraint  ^^11"'^-^^'  '^^ 
par  la  force  des  armes  le  Roi  d'Angleterre  à  repaffer  la  mer.  Aiais  MV.iri, 

en  partant  pour  Rome  ,  l'Evêque  avoit  lailîé  dans  fon  IJiocèfe 
une  efpece  d'ennemi ,  qui  y  caufa  de  grands  ravages  pendant  fon 
abfence.  C'étoit  un  Clerc  nommé  Henri  ;  de  muLUi'ô  réglées  en 
apparence,  il  furprit  le  Prélat  &  obtint  de  lui  la  permillion  de 
prêcher  dans  tout  fon  Territoire.  Comme  il  avoit  quelque  tein- 
ture de  l'éloquence  ,  il  féduiiit  non-feulement  le  Peuple ,  mais 
plufieurs  des  premiers  delà  Ville,  &  quelques-uns  du  Clergé, 
On  le  regardoit  au  7vïans  comme  un  Apôtre.  Ses  erreurs  étoient , 
que  le  Baptême  ne  fervoit  de  rien  aux  enfans  ;  que  les  adultes 
ne  tiroient  aucun  avantage  de  leurs  bonnes  œuvres  ;  qu'il  ne  . 

falloir  point  bâtir  d'Eglife  ,  mais  renverfer  celles  qui  fubfilloient; 
que  le  culte  ôc  l'invocation  des  Saints  étoient  itiperilus;  qu'on 
ne  devoit  point  chanter  d'Hymnes  dans  l'Eglile  ;  qu'il  falloic 
fouler  aux  pieds  les  Images  ôc  les  Reliques  des  Saints  ■■,  brifer  les 
Croix.  H  enfeignoit  encore  d'autres  erreurs,  répandues cut.'efois- 
par  Vigilance  ,  &:  quelques  anciens  Hérétiques.  Hildel  e;c  entra 
en  dilpute  publique  avec  Henri  ;  le  convainquit  ;  le  ch;  fia  de 
fon  Diocèfe,  ôc  ramena  à  l'unité  delà  foi  ceux  qui  s'en  étoienc 

éloignés.  Il  elt   mis 

\  I.  Ceae  vi(?-oire  devoit  rendre  plus  fîable  la  tranquillité  "°^  (""onde: 

C  111 


14   LE  VENERABLE  HILDEBERT, 

qu'il  avoir  trouvée  au  retour  de  fon  voyage  de  Rome.  Mais  la 
guerre  s'éunt  rallumée  entre  Foulques  Rechin ,  Comte  d'Anjoa , 
6c  Henri  L  Roi  d'Angleterre  ,  Hiidebert  fut  pris  en  trahifon  par 
Rotrou,  Comte  du  Perche,  &  mis  en  prifon  ;  d'où  il  ne  fortit 
que  vers  l'an  i  ;  20  ,  après  être  rentré  dans  la  bienveillance  du 
Roi  d'Angleterre. 
Sa  con.^ii'te       VII.  Rendu  à  fon  Egllfe  ,  il  la  gouverna  avec  beaucoup  de 
ptncîuin   fou     j  ^    ^^  ^^jg  ^  ^g  prudence ,  travaillant  autant  rrar  fon  exemple 
que  par  fes  difccurs  ,  a  reparer  les  brèches  que  les  calamités 
publiques  avoient  caulécs  à  la  difcipline.  Sa  vie  ctoit  audere. 
Il  couchoit  fur  la  dure,  pcrtoit  le  cilice,  fe  nourrilloit  fobre- 
ment ,  veiiloit  fouvent  ,  prioit  beaucoup,  &  faifoit  de  grandes 
aumônes. 
Il  efl  f:ilt       V  1 1 1.    Cependant  Gilbert ,  Archevêque  de  Tours  ,  étant 
Archevêque    ^lort  en   1  1  ?.  j ,  Ilildebert ,  comme  premier  fufFragant  de  cette 
i^iiî."""^'       INÎétropole  par  le  privilège  deTon  Siège  ,  alla  à  Tours  pour 
prendre  foin  de  l'Eglife  vacante,  l'ous  unanimement  ,1e  Clergé 
&  le  Peuple  ,  lechoifirent  pour  leur  Archevêque.  Louis  le  Gros, 
Roi  de  I  rance  ,  approuva  l'cledion  ;  6c  le  Pape  Honorius  II.  la 
confirma,  malgré  l'oppofiticn  dTiildebert.  Il  étoit  alors  prcfque 
feptuagenaire.  Mais  Ion  grand  âge  ne  l'empêcha  pas  de  s'appli- 
quer alliduement  à  la  réformation  des  mœurs  du  Clergé  fie  du 
Peuple  ,  des  mariages  inceltueux,  du  concubinage  des  Prêtres. 
Il  afl'embla  un  Concile  à  Nantes  ,  vifita  fa  Province.  Il  fit  l'un 
ôc  l'autre  en  i  127. 
iKlçmeure       IX.  En(re  plufieurs  Lettres  que  funt  Bernard  écrivit  pour 
attaclié    au    amener  tout  le  monde  à  l'obéiffance  du  Pape  Innocent,  il  y  en 
cent!     ""°'  aune  à  Hiidebert  écrite  vers  l'an   1  131.  Ce  n'efi:  pas  que  ce 
Prélat  s'en  fut  féparé;  mais  faint  Bernard  craignoit  que  Gérard 
d'Angoulême  ne  l'attirât  au  parti  de  Pierre  de  Léon. 
Sa  mort  en       X.  Ce  qu'il  y  a  dc  certain  ,  c'eft  qu'Hildcbert  demeura  attaché 
11350U1154.  j,u  Pape  Innocent  lercfîedefes  jours  ,  c"efi-à-dire,  jufqu'à  l'an 
1133  ou   1  I  J4j  auquel  il  mourut  dans  une  heureufe  vieillcfic 
le  18  de  Novembre  ,  environ  la  quatre-vingtième  année  de  fon 
âge,  félon  les  geftes  des  Evoques  du  Mans.  On  lui  a  donné  le 
titre  de  Saint  à  la  tête  de  fes  ouvrages  dans  les  Biblioteques  des 
Pcres  Ôc  dans  quelques  Martyrologes ,  entr'autres,  dans  le  Gal- 
lican par  Monficur  du  Sauffai.  L'Editeur  de  fes  Oeuvres  ne  lui 
donne  que  celui  de  Vénérable  :  Titre  qu'il  porte  aulFi  dans  quel- 
ques manufcrits  ,  ôc  qui  peut  être  fondé  fur  ce  que  faintBernard. 
dans  fa  Lettre  123  àcet  Archevêque,  l'appelle  un  homme  dign» 
de  toute  vénération. 


EVESQUE    DU    M  A  N  S,  5cc.         i; 


A  R  T  I  C  1.  E    1 1. 

Des  Ecrits  d'Hddebert. 

§.  I. 
Des  Lettres  d'Hildeberc, 

DA  N  s  la  nouvelle  édition  ,  Dom  Beaugcndre  n'a  eu     OrJre  des 
aucun  égard  à  l'ordre  que  ces  Lettres  tiennent  dans  les  L-ttresd'Hii. 
manuicrits.  Jl  les  a  diftribuées  en  trois  claffes,  où  fans  obferver  troituvaT 
le  tems  auquel  elles  ont  été  écrites ,  il  donne  de  fuite  toutes 
celles  qui  font  fur  une  même  matière.  La  première  claiTe  contient 
les   Lettres    morales    &    afcetiques  ;   la  féconde  ,  celles  qui 
traitent  du  Dogme  ;  ôc  la  troifiéme  ,  les  Lettres  familières  ,  ou 
de  pure  amitié.  Ces  trois  clafTcs  forment  autant  de  Livres. 

IL  Avant  de  commencer  le  premier,  l'Editeur  donne  par      Anrîiyfedu 
forme  d'appendice  quelques  Lettres  recouvrées  depuis  l'im-  premier  Li- 
predion  des  Oeuvres  d'Hildcbert.  Jl  y  en  a  une  à  Tu -(lin,  ^l'^^'i'"^:  '» 
Archevêque  d  Y orc  ,  par  laquelle  il  1  allure  qu  il  n  a  jamais  nea  1708. 
fait  contre  lui  en  faveur  de  Pvodulphe  ,  Archevêque  de  Cantor^ 
beri ,  ni  à  Rome ,  ni  ailleurs  ;  &  qu'il  ne  fera  jamais  rien  contre 
fes  intérêts.  Dans  une  autre  adrefféc  à  Marbode  ,  Evêque  de 
Rennes  ,  il  décide  d'après  faint  Auguftin  ,  qu'une  femme  qui 
avoit  confenti  que   fon  mari  étant  malade  demandât  l'Habit 
Monadique ,  &  fît  voeu  de  continence  ,  ne  pouvoit  plus  habiter 
avec  lui.  Une  troifiéme  Lettre  explique  comment  il  ell  vrai  que 
Dieu  punit  quelquefois  un  péché  ,  jufqu'à  la  quatrième  &  ci;v 
quiéme  génération.  Il  donne  pour  exemple  ce  qui  eft  dit  de 
Caïn  &   de  Lamech  dans  le  Livre  de  la  Genefe.    Ces  trois 
Lettres  font  fuivies  de  quelques  diplômes  accordés  par  tlilde- 
bert  à  divers  Monafleres. 

III.  Guillaume  de  Cliampeaux  avoit  par  un  motif  de  pie.té  Enil,  i, 
abandonné  fa  Chaire  de  philofophie  ,  pour  fe  retirer  dans  la 
Chapelle  de  faint  'Vidor ,  hors  des  murs  de  Paris'j'.ôc  y  avoic 
commencé  un  Monaftere.  Hildebert  le  félicita  fur 'fàn  changer 
ment  ce  vie  ;  mais  il  l'exhorta  à  continue  r  de  prêcher.  Ce^-ç 
Lettre  fut  écrite  vers  l'an  t  loo.  "Vers  le  u  ême  téms  il  .envoya  EnP,2ji 
à  un  de  fes  amis,  apparerrrment Evêque' oa  Frétrc,  un'eyen-- 


r^       LE  VENERABLE  HLLDEBERT, 

tail  pour  chafler  les  mouches  pendant  la  célébration  des  Saints 
Myftercs.  Ce  petit  inftrumcnt  ctoit  en  ufage  ,  tant  en  Occident 
qu'en  Orient,  pour  éloigner  ces  infeâes  incommodes  à  celui 
quioflroit  le  Sacrifice.  Ilildebcrt  donne  à  cet  éventail  6c  à  fon 
Epi/?.   5-  ufage  une  exjilication  myftique.  Dans  fa  Lettre  à  Adèle ,  femme 
d'Eftienne,  Comte  de  Blois ,  il  entre  dans  le  détail  des  vertus 
néceiïaires  à  un  Souverain  ;  être  porté  à  la  clémence  ,  punir  le 
crime,  en  fe  fouvenant  que  celui  que  l'on  punit  eO:  homme; 
avoir  l'empire  furfoi-meme  ;  fcrvir  le  Peuple  ;  ne  mépriler  le 
fang  de  perfonne  ;  ne  profcrire  qu'avec  peine.  On  met  cette 
£}"ji- *•  Lettre  vers  l'an  iioi.  Quelque  tems  après,  cette  ComtefTe 
ayant  perdu  fon  mari ,  nt  voeu  de  la  vie  MonaRique.  Hildebert 
l'en  congratula  ,  6c  l'exhorta  à  fe  procurer  la  perféverance  dans 
le  bien  par  la  pratique  de  l'humilité  ,   qu'il  lui  fait  envifagec 
comme  le  fondement  6c  la  confonimation  de  toutes  les  vertus. 
Epijl.f.    Jllui  écrivit  encore  vers  l'an  1104.  fur  le  même  fujet. 
Evilî  î        ^^'  ■D^""'''  ^"5  auparavant  il  feiicita  Agnès  ,  veuve  d'Helic  , 
Comte  du  Mans,  ôc  filje  de  Pierre,  Duc  de  Polders,  de  ce 
qu'au  lieu  de  faire  le  pèlerinage  de  la  Terre  fainte ,  elle  s'étoit 
confacrée  à  Dieu  dans  un  JVÎcnaftere.  Il  donne  pour  raifon  de 
cette  préférence  ,  que  nous  devenons  Difciples  de  Jefus-Chrift 
en  portant  fa  Croix  volontairement ,  6c  non  en  allant  vifiter  fon 
bpijt.7  y?'  tombeau.  Il  écrivit  à  la  PrincelTe  Mathilde  mariée  depuis  peu 
à  Henri  I.  Roi  d'Angleterre,  de  rendre  grâces  à  Dieu  de  cette 
alliance,  ôc  d'ufer  des  Liens  du   fiécle  avec  d'autant  plus  de 
rnoderation  qu'elle  devoit  en  rendre  compte  au  jufte  Juge.  Il  faut 
rapporter  cette  Lettre  à  l'an  1 1  ro.  Mathilde  envoya  à  Hildeberc 
deux  cliandeliers  d'or  bien  travaillés.  Le  Prélat  l'en  remercia  par 
Epijl.  s.  une  Lettre  écrite  l'année  fuivante.  Il  louoitun  Eccléfiaflique  de 
fes  amis  d'avoir  refufé  divers  préfens  en  or  6c  en  argent ,  fans 
EpiJl.  10.  fe  laifTer  éblouir  par  les  raifons  qu'on  allègue  ordinairement , 
qu'un  Clerc  doit  faire  de  la  dépenfe ,  6c  avoir  toujours  par-dcvers 
lui,  de  quoi  donner  aux  pauvres.  Le  remcdc  quilui  paroifToit 
le  plus  puiffant  contre  les  tentations  ,  eft  la  confiance  en  Dieu. 
EpiJl.  11.       'V,  Un  Evêque  de  Chartres  ,  que  l'on  croit  être  Yves  ,  s'étoit 
prefenté  devant  la  porte  d'un  Monaftere  ,  vraifemblablement  de 
Vendôme  ,  demandant  qu'on  la  lui  ouvrît.  Les  Moines  le  refufe- 
rcnt,  difant  qu'ils  n'ctoicnrpasen  état  d'exercer  à  fon  égard  l'hofpi- 
talité  ;  mais  auffi  parce  qu'ils  craignoient  en  recevant  un  Evêque 
de  Chartres ,  qui  étoit  leur  Diocèfain  ,  de  déroger  au  privilège 
qu'ils  avoient  d'être  founiis  immédiatement  au  Saint  Siège.  Soif 

que 


E  V  E  s  Q  U  E    DU    M  A  N  S,  &c.         17 

que  cet  Evoque  s'en  fût  plaint  à  Hildebert,  foit  qu'il  i  eut  appris 
d'ailleurs,  il  écrivit  à  ces  Moines  qu'ils  auroient  dû  non -feulement 
inviter  ce  Prélat  à  loger  chez  eux  y  mais  vendre  même  les  ornc- 
mens  de  l'Eglife  pour  le  recevoir ,  plutôt  que  de  le  laifTer  expoft; 
devant  la  porte  aux  injures  de  l'air.  Il  dit  de  belles  chofes  fur 
l'hofpitaiitc ,  ôc  propofe  là-deiïus  l'exemple  d'Abraham  Ôc  de 
Loth. 

VI.  La  Lettre  à  Henri  I.  Roi  d'Angleterre,  efl:  pour  le  con-  E;;i,l  n. 
foler  de  la  perte  de  fes  deux  iils ,  Guillaume  &  Richard,  qui 
embarqués  l'un  ôc  l'autre  fur  un  VailTeau  différent  de  celui  du 
Roi ,  firent  naufrage  ,  le  VaiiTeau  s'étant  allé  brifer  contre  ua 
rocher.  Ce  funefte  accident  arriva  en  1 1 20  au  mois  de  Novembre. 
On  ne  peut  donc  mettre  cette  Lettre  plutôt  qu'en  1 121.  Hil- 
debert y  fait  un  paralelle entre  l'homme  dans  l'état  d  innocence, 
ôc  l'homme  après  le  péché.  Henri  I.  époufa  en  fécondes  noces 
l'an  1 122  la  PrincefTe  Adèle  ,  qui  lit  demander  à  Hildebert  par 
l'Abbé  de  faint  Vincent  du  Mans,  d'être  affociée  aux  filles  de 
cette  Eglife ,  ôc  d'entrer  en  communion  des  prières  publiques  de 
la  Cathédrale.  L'Evcque  le  lui  accorda  avec  plaifir ,  ôc  l'affura  £yifi^  ,^; 
qu'à  l'avenir  elle  feroit  comptée  parmi  les  filles  de  fon  Eglife, 
ôc  nommée  à  l'Autel  pendant  la  célébration  du  fliint  facrilîce. 
Dans  la  même  Lettre,  qui  efl:  de  l'an  1 1  23  ,  Hildebert  appelle 
les  Moines  de  faint  Vincent,  fes  enfans  ôc  fes  frères.  Quoiqu'il 
ne  défaprouvât  pas  les  pèlerinages  aux  lieux  faints  ,  il  vouloit  que 
le  motif  en  fût  raifonnable  ôc  religieux.  Hors  cela ,  il  étoit  d'avig 
qu'il  valoit  mieux  remplir  les  devoirs  de  l'état  auquel  on  efl: 
appelle  de  Dieu  ,  que  de  s'obliger  même  par  vœu  à  ces  fortes  de 
voyages.  C'eft  fur  ce  principe  qu'il  détournoit  le  Comte  d'Angers 
du  pèlerinage  de  faint  Jacques  ,  difant  qu'il  feroit  plus  utile  pour  ^'■'  * 
lui  ôc  pour  fes  peuples  ,  de  refier  avec  eux  pour  les  gouverner. 

Vît.  Hildebert  étoit  Archevêque  de  Tours  lors  de  fa  féconde  Epi^c  iS, 
Lettre  à  la  Reine  Adèle.  Comme  elle  n'avoir  point  d'enfans , 
il  effaye  de  la  confolcr  de  fa  fterilité  ,  en  lui  difant  qu'elle  pou- 
voit  fe  procurer  des  enfans,  en  adoptant  les  pauvres  ;  qu'il  efl; 
plus  heureux  d'être  féconde  d'efprit  que  de  corps  ;  ôc  que  le  bien 
qu'elle  feroit  aux  pauvres  ,  pourroit  lui  obtenir  de  Dieu  des 
enfans.  Sur  cela  il  lui  cite  les  exemples  de  Saraôc  deRcbecca  , 
à  qui  Dieu  accorda  des  enfans  en  confidcration  des  prières  de 
leurs  maris,  ou  de  leurs  bonnes  œuvres.  Cette  Lettre  fut  écrite 
lorfque  la  Reine  Adèle  retournoit  de  Normandie  en  Angleterre, 
c'çft-à-dire,  vers  l'an  1130.  Hildebert  écrivit  la  fuivante  avant  ^fi%  ''^ 
Toms  XX IL  G 


I?      LE  VENERABLE  HILDEBERT," 

le  Carême  de  Tan  1 1 3 1  ,  auquel  le  Pape  Innocent  IL  vint  en' 
France  ;  puifqu'il  promet  à  une  Religieufe  de  faire  voir  lui-même 
fon  innocence  au  Pape  dans  l'audience  qu'il  cfperoit  de  lui  ; 
qu'elle  pouvoir  en  confequence  lui  envoyer  un  EAprès  après  la 
première  femaine  de  Carême  pour  lui  marquer  la  volonté  ÔC 
recevoir  fa  réponfe. 

p  ,7j     ,        VII I.  La  Lettre  à  une  Reclufe  nommée  Athalie ,  ed  un  é'oge 

'■''■'  '  delà  virî-inité  qu'Hiidebert  montre  être  préférable  au  mariage 
&  à  la  vidaité  ,  pourvu  qu'elle  foit  accompagnée  d'humilité. 

Epijl.  îz  Celle  qui  eft  à  Guillaume,  Abbé  de  faint  Vincent  du  Mans, 
traite  de  l'avantage  qu'il  y  a  de  joindre  la  vie  active  ,  avec  la 
contemplative  :  ce  qu  il  prouve  par  plufieurs  paffages  de  l'Ecri- 
ture &  par  l'exemple  de  Rachel  &  de  Lia.  On  conjecture  que 

Fptjl.  i;.  ce  fur  cet  Abbé  qui  confulra  Hildebert  fur  les  tentations  d'im- 
pureté dont  un  de  Tes  Religieux  étoit  fouvent  attaqué  ,  furtout 
dans  le  tems  de  la  prière.  L'Evêque  répondit  que  le  Démon 
ennemi  déclaré  de  la  virginité  ôc  de  la  prière  ,  faifoit  ce^  qu'il 
pouvoit  pour  fliire  perdre  l'une  &  interrompre  l'autre;  mais  qu'il 
ne  remportoit  la  victoire,  que  lorfque  l'on  confentoit  à  fcs  fug- 
gefiions  ;  qu'il  failoit  que  ce  Moiie  refifiât  à  l'ennemi  ;  qu'il  fc 
levât  la  nuit  pour  prier;  qu'il  multipliât  fes  jeûnes  ;  qu'il  mor- 
tiliât  fa  chair  par  de  fréquentes  &  fortes  difcip'ines  ;  qu'il  fe 
munît  du  ligne  de  la  Croix  &  de  l'afperfion  de  leau  bénite  avec 
du  fel ,  fie  qu  il  combattît  la  tentation  par  des  larmes  &c  des  foupirs. 

£;"■'?.  ;5.  Hildebert  met  cette  différence  entre  l'amour  du  monde  ôc 
l'amour  de  Dieu  ,  que  l'amour  du  monde  eft  doux  dans  fes 
commencemens ,  6c  amer  à  la  fin  ;  au  lieu  que  l'amour  de  Dieu 
commence  par  l'amertume,  &  finit  par  la  douceur. 
Analv/edu  J  X.  Confulté  vers  l'an  1098  piir  l'Archidiacre  de  Séez  ,  dont 
le  nom  n'elt  pas  marqué  ,  s'il  étoit  permis  à  une  veuve  d'époufer 
le  frère  de  fcn  mari  ,  avec  qui  elle  n'a  voit  pas  habité  de  fou 

£0.  u  vivant;  il  répondit  que  cela  ne  fe  pouvoit ,  parce  que  le  mariage 
ne  confificpas  effentieilemcnt  dans  fa  confommstion  ,  mais  dans 
la  pacliori  conjugale  ,  ainfi  que  le  dit  faint  Ambroife ,  &  que  les 

^?'j  •  »•  Conciles  font  décidé.  L'Archidiacre  peu  (lui,  fait  de  cette- 
réponfe  vouloit  paffer  outre  &  célébrer  le  mariage.  Hildebert 
écrivit  à  l'Evéque  de  Séez  de  l'empêcher  ,  pour  les  raifons 
alléguées  dans  la  Lettre  précédente.  Il  y  ajoute  l'autorité  de  faint 
Chryfoftôme  &  de  faint  Ifidore  de  Seville. 

^n'-  î-  X.  Vers  le  môme  tems  ,  Marbode  n'étant  que  Chanoine  & 
Archidiacre  d'Angers  ,   voulut  le  démettre  de  fon  Canonicat 


feci  n'J.ivie 
/""f  77 


EVESQUE  DU  MANS,&c.  i? 
en  faveur  de  fon  neveu.  La  chofc  n'ctoit  pas  airée  ,  à  caufe  de 
roppofition  de  l'Evêquc  ôc  des  Chanoines.  Il  eut  donc  recours 
à  Hildcbert  pour  lever  ces  difficultés.  Le  Prélat  en  parla  à 
l'Evcquc  d'Angers  ,  qui  parut  d'abord  favorable  ;  mais  il  changea 
enfuite  de  fentiment  ;  &  les  Chanoines  continuèrent  de 
s'oppofer,  parce  qu'ils  prenoient  ombrage  du  grand  pouvoir  de 
Marbode  6c  de  fa  famille.  Elle  eft  connue  aujourd'hui  à  Rennes 
fous  le  nom  de  Marbœuf.   Hildebert  confellla  à  Marbode  de  ^P^-r-  ■♦• 

Î)rendre  une  autre  voye  pourréullir  dans  fon  delTein  ,  c'eft-à-dire , 
a  voye  d'amitié  ôc  de  conciliation.  L'Evêque  d'Angers  ne  dévoie 
pas  même  écouter  favorablement  Hildebert  dans  cette  aifaire  ; 
lui  qui  s'étoit  oppofé  à  fon  Ordination  ,  en  écrivant  à  TArche- 
vêque  de  Tours  ,  que  l'élection  de  Raynaud  de  Marrigne  , 
c'étoit  le  nom  de  l'Evêque  d'Angers,  étoit  vicieufe  dans  toutes 
fes  parties.  Il  écrivit  deux  Lettres  à  Raynaud  même  ,  pour  le  £..iq^  ^^g, 
détourner  d'accepter  l'Epifcopat ,  à  raifon  de  la  nullité  de  fon 
cledion. 

X I.  Sa  Lettre  à  Serlon ,  Evêque  de  Séez ,  écrite  vers  Tan  Epifl.  r. 
1 05) <? ,  eft  pour  le  congratuler  de  s'être  oppofé  à  ceux  qui  avoient 

violé  l'immunité  de  T'Eglife  ,  en  tirant  avec  violence  des  per- 
fonnes  qui  s'y  étoient  réfugiées.  Hildebert  lexhorte  àtirer  ven- 
geance de  cette  infulte  faite  aux  droits  de  l'Eglife ,  6c  à  foire 
remettre  en  liberté  ceux  que  l'on  avoit  tirés  viulemment  du 
lieu  d'azile.  Dans  la  Lettre  fuivante  qui  eft  de  l'an  1100,  il  Epijl.  I; 
s'excufe  auprès  de  Jean  &  Benoît ,  Cardinaux  ôc  Légats  du 
Pape  Pafchal  IL  de  n'avoir  pas  alFifté  au  Concile  indiqué  par 
eux  ,  à  Poitiers ,  fur  ce  qu'il  n'avoir  pas  eu  le  moyen  de  faire 
la  dépenfe  de  ce  voyage  ,  ayant  été  dépouillé  de  tout  par  le  Roi 
d'Angleterre  6c  les  Confuls  du  Mans.  Saint  Anfelme,  Arche- 
vêque de  Cantorberi,  avoit  aftlfté  en  1098  à  celui  de  Bari ,  ôc 
réfuté  folidement  l'erreur  des  Grecs  touchant  la  proceflion  du  Epifl.  9; 
Saint-Efprit ,  Hildebert  le  pria  de  lui  envoyer  par  écrit  ce  qu'il 
avoit  dit  de  vive  voix  fur  cette  matière.  Saint  Anfelme  lui  Eji,/?.n&'i  j,- 
donna  fatisfaftion  ;  ce  qui  occaiionna  à  Hildebert  une  Lettre  de 
remerciement. 

XII.  Il  écrivit  vers  l'an  1103   à  l'Archevêque  de  Rouen,  EpiJl.  m 
qu'un  mariage  entre  parens  dans  les  dégrés  prohibés  ne  devoir 

pas  fe  permettre  ,  même  pour  terminer  une  guerre  entre  les 
deux  familles  ,  parce  que,  félon  l'Apôtre,  nous  ne  devons  pas 
faire  le  mal  pour  qu'il  en  arrive  un  bien.  Il  étoit   d'ufage  en  E;"j?.  ij. 
quelques  Monafteres  ^  nommément  à  Cluni ,  de  tremper  l'Eu- 


io      LE  VENERABLE  HILDEBERT, 

chariftie  dans  le  précieux  Sang  ,  avant  de  la  donner  aux  Com- 
munians.Hiliebcrtdéfaprouve  cecuuige ,  non-feulement  comme 
n'étant  autorifé  pir  aucun  Décret  de  l'Eglife  ,  mais  comme 
contraire  à  l'infîitution  de  ce  Sacrement.  Qu'on  life  iaint 
Matthieu  ,  faint  Marc  &  faint  Luc ,  &  l'on  verra  que  Jefus- 
Cbrifl:  donna  féparément  le  pain  &  le  vin  à  fes  Apôtres;  que 
Judas  fut  le  fcul  à  nui  il  préfeata  un  morceau  trempé  ,  mais  que 
Gc  n'écoit  pas  rEuchariftie  .  ni  rien  qui  la  défignat;  que  ee  n't'toit 
qu'un  ligne  par  lequel  il  vculoit  faire  connoître  celui  qui  le 
trahiroit.  il  cite  fur  cela  un  paflage  de  iliint  Auguilin  fur  le  trei- 
zième chapitre  de  faint  Jean. 
Epijî.  17.  XIII.  Hildebert  écrivit  de  faprifon  vers  l'an  1 1  10  uneLettre cir- 
culaire auxEvéques ,  aux  Prêtres  &  à  tou's  les  Fidèles  pour  les  inf- 
truire  de  la  nianiere  dont  leComte  de  Rotrou  l'avoit  fait  artêter,5c 
pour  quel  fujeî.Ii  leur  déclare  qu'ayant  été  racheté  du  fang  dej  .C. 
il  ne  dcmantte  pas  dôtre  racheté  de  fa  prifon  ,  par  argent ,  d'au- 
tant qii"il"i:i'aquereroit  en  ce  cas  fa  libercé,  qu'en  ôtant  à  TEglife  fa 
liberté  ;  qu'ainii  il  aimoir  mieux  mourir  efclave ,  ou  du  moins 

Epljl.  is.  courir  les  rifques  de  fa  liberté.  11  fe  plaignit  néanmoi'.ts  à  i'Evéque 
de  Séez  ,  de  l'avoir  laiOc  en  pr'.fon  ,  (ans  aucune  confolation  ,  & 
l'e  horta  à  frapper  d'anathôme  le  Comte  de  Rotrou.  il  efl  remar- 
qué dans  la  Lettre  circulaire  d'îiildebert ,  que  ce  Comte  confus 
des  reproclies  qu'on  lui  faifoit  d'avoir  emprifonné  l'Evêque  , 
avoir  ordonné  de  le  faire  fortir  de  prifon  ,  ôc  que  pour  marque 
de  la  fincerité  de  fa  parole  ,  il  avoir  coupé  une  partie  des  cheveux 
de  fa  tcte  ôt  les  avoir  envoyés  à  fa  mère  :  circonflance  que  M. 
du  Cange  a  relevée  dansfon  Didionnaire(  a)  pour  montrer  qu'il 
étoit  d'uf)ge  chez  les  Anciens  de  fe  couper  volontairement  quel- 
ques ciievcux  pour  attefler  la  vérité  de  leur  parole. 

Epil.  1$.  XIV.  lin  Prêtre ,  qui  fe  trouvant  à  l'Aurel  ,  fans  s'être  muni 
de  pain  azyme ,  avoit  offert  le  ficrilîce  avec  du  pain  commun 
ou  fermenté  ,  s'adrefla  à  MildeLeit ,  ou  pour  être  abfous  de  fa 
faute  ,  ou  pour  la  connoître.  Ce  Prélat  le  renvoya  à  Raynaud, 
Evêque  d'Angers ,  fijnchant  qu'il  étoft'de  fon  Di(jcèfe,  &c  qu'il 
lui  parpiflbit  jude  que  la  faute  fut  réparée  où  elle  avoir  été 
commifc  :  car  le  peuple  avoit  été  fcandalifé  en  voy^int  ce  Prêtre 
offrir  avec  du  pain  levé.  C'cfl  fur  ce  fcandale  ,  &  iur  la  négli- 
gence de  ce  Mmidre,  qu'Hildebcrt  appuyé  le  pkis.  Du  relie. 


(n)  //.''yiriumcapUli, 


EVESQUE    DU    MANS,6cc.        21 

il  dit  que  ce  Prêtre  a  plutôt  péché  contre  la  coutume  ,  que 
contrela  Foi.  CcfL  pourquoi  il  prie  l'Evoque  d'Angers  de  rendre 
contre  lui  une  Sentence  qui  tienne  plus  de  la  bonté  d'un  père, 
que  de  la  févcrité  d'un  Ji;ge. 

XV.  Il  y  a  dcuxLettresd'Hildebcrt  danslefquellesilgéinit  fur  rpiluG-iî, 
les  mauvais  traitemens  que  l'Empereur    Henri  V.    avoir    f.iit 

foufî'rir  au  Pape  Pafchal  II.  au  Clergé  &:  au  peuple  Romai-i. 
Dans  une  autre  écrite  vers  la  fin  de  l'an  1 1 1  2  ,  il  combat  un  Epijl.  zj. 
certain  Hérétique  qui  renouvelloit  l'hérefie  deVigilancc,  &  fou- 
tenoit  qu'on  ne  devoir  pas  invoquer  les  Saints.  Il  l'attaque  d'au- 
tant plus  vivcnent  ,   que  ce  Novateur  publioit  qu'Hildebert 
penfoit  comme  lui  fur  cette  matière.  Je  penfe  (  t)  &  je  crois  , 
dit  cet  Evéque,  que  les  âmes  des  Saints  qui  régnent  déjà  avec 
Jefus-Chrift  ,  fçavent  ce  que  nous  faifons  ,  &  qu'ils  prient  pour 
nous  lorfqu'il  efl  befoin.  Il  prouve  cette  do6lrine  par  l'autorité 
de  rEcri;ure  &   '^s  Pères.  Hildebert  Ht  revenir  à  l'unift,'  de  EpiJl.  i+i 
l'Eglife   deux  Clercs  ,  Cyprien  ôc  Pierre  ,  qui  s'étoient  laiffé 
féduire  par  l'hérétique  Henri  ;&  après  s'être  afluré delà  fincerité 
de  leur  converfion  ,  il  en  donna  avis  à  tous  les  Archevêques  ÔC 
Evoques  par  une  Lettre  circulaire.  Il  s'intérefTa  auprès  de  Girard  p^^.„ 
Cardinal  Légat ,  pour  la  rétontie  du  Monadcre  d'Ebron  dans  le     ''''  ' 
Diocèfe  du  Mans  ;  écrivit  à  Raynaud  de  IVÏartigne ,  Evcque 
d'Angers ,  qu'il  n'avcit  pu  fans  injuilicc  frapper  d'anathcmeuii 
certain  Lifiard,  parce  que  le  rapt  dont  il  l'accufoicétoit  fuppofé  ; 
ôc  que  ce  Liibrd  ôc  fon   époufc  ,  fille  de  Goulrede  ,  s'étoient  ^P'f^-   ^5» 
mariés  d'un  mutuel  confentement  ôc  très-librement ,  ôc  promit 
d'envoyer  à  un  Evcque  d'Angleterre  les  extraits  des  Décrets,  ^Pl^-  -7. 
qu'il  avcit  commencé  de  recueillir. 

XVI.  Il  exhort:i  vivement  l'Evêque  de  Clermont  vers  l'an  EpiJl.  19, 
1 124. ,  de  déraciner  un  abus  qu'il  avoir  foufferrjufques-là  ;  fçavoir 

que  dans  fon  Diocèfe,  les  Dignités  Eccléfiaftiques  ôc  les  Cano- 
nicats  étoient  héréditaires  dans  les  familles.  Hildebert  fait  voir 
que  cela  ne  fe  peut  faire  fans  un  péché  confiderable  ;  que  toutes 
les  Dignités  de  l'Eglife  fe  conferoient  autrefois  par  éleclion  ; 
que  la  difpofition  des  biens  Eccléfiaftiques  eft  interdite  aux  Laïcs  ; 
que  l'Evêque  qui  introduit  dans  l'Eglife  des  coutumes  abufives  , 
ôc  celui  qui  les  tolère ,  font  coupables  ;  qu'il  en  eH  de  même 

(  a  )  Sentie  enim  fentio  &  dico  Sanflo-  j  oponet  &  fxpeifit  orare  pro  nolis.HUdei, 
rum  animas   jnm  cu'u  Chrifto  re;;n.ir,ics  |  Itb,  z,  evil,  ii, 
fïire  lii.iJ  agatur  à  n  jjis ,  &  eardew  tua» 

C  ii; 


42   LE  VENERABLE  HILDEBERT, 

d'un  fucceffeur  qui  ne  corrige  pas  le  mal  quefon  prédécefleuf 
Ej^iljoD-ji.  a  fait.  £11  1127  Hildeberc  re'forma  plufieurs  abui  dans  les 
Eglifes  de  Bretagne,  comme  Métropolitain,  &  aîTembla  à  ce 
fujet  un  Concile  à  Nantes.  On  y  fit  plufieurs  Statuts,  dont  il 
demanda  la  confirmation  au  Pape  Honorius  IL  qui  l'accorda 
par  une  Lettre  airerfée  aux  SuîFragans  de  la  Métropole  de 
Tours. 

Efjl.  3-.  X  V  IL  II  y  a  neuf  autres  Lettres  d'Hildebcrt  au  même  Pape 
Honorius.  Dans  la  première  ,  il  intercède  pour  les  Chanoines 
defaint  Martin  de  Tours  ,  qui  en  défendant  leurs  privilèges, 
avoient  encouru  la  difgrace  du  Pape;  apparemment  en  les  fai- 
fant  valoir  en  des  termes  peu  refpedueux.  Parla  féconde,  il  le 
prie  de  ne  pas  accorder  le  pallium  aux  Evoques  de  Dol  en  Bre- 
tagne ,  fes  Suffragans,  attendu  que  l'ufage  n'en  avoir  jamais  été 
accordé  qu'à  Bauditj  à  caufe  de  fes  qualités  perfonnelles,  ÔC 

^11  -,  non  à  cauie  de  fon  Siège.  Il  fait  dans  la  troifiéme  des  plaintes  au 
Pape  contre  ceux  qui  avoient  mutilé  un  de  les  Chanoines  ,  ôc 

Epijl,  î6,  lui  demande  comment  il  doit  le  comporter  envers  eux.  La  qua- 
trième contient  auiil  une  plainte  contre  le  Roi  de  France ,  dont 
il  avoir  été  maltraité,  pour  n'avoir  pas  voulu  recevoir  de  fa  main 
un  Doyen  ôc  un  Archidiacre,  incapables  l'un  ôc  l'autre  de  ces 
Epifl-i^O-p-  Dignités.  Il  efl  parlé  dans  la  môme  Lettre  ôc  dans  la  précédente 
au  même  Pape  ,  du  Procès  que  Nicolas,  Chanoine  de  Tours, 
avoir  avec  fon  Doyen  nommé  Raoul ,  frère  de  celui  qui  avoit 
mutilé  ce  Chanoine.  Raoul  étoit  accufé  d'avoir  confeillé  cette 
mutilation.  Comme  ce  dilfcrend  jettoit  le  trouble  dans  l'Eglife 
de  Tours,  Hildebert  fuppiie  le  Pape  de  le  terminer.  Ces  trois 

Epijl-  40.  Lettres  font  de  l'an  1128.  La  fixiéme  efl  de  l'année  fuivante 
1 1  2p.  L'Archevcque  de  Tours  s'y  excufe  de  n'avoir  pu  exécuter 
la  commiffion  que  le  Pape  lui  avoit  donnée  d'examiner  la  cano- 
nicité  du  mariage  entre  Hugues  de  Craon,  ôc  Agnès  fa  femme  ; 
foit  parce  que  cette  Dame  n'avoit  pas  eu  le  tems  ,  ni  la  liberté  de 
fc  rendre  au  lieu  ôc  au  jour  marqué  ;  foit  à  caufe  qu'il  avoit  été 
lui-mcmc  obligé  de  fe  trouver ,  avant  ce  jour ,  à  Reims  pour 

t/ifi.  41-  affifler  au  facre  de  Philippe,  fils  aîné  de  Louis  le  Gros.  Dans  la 
feptiéme ,  il  f.\it  de  vives,  mais  refpcclucufcs  remontrances  fur 
l'abus  dcc.  fréquentes  appellations  à  Roms.  Nous  n'avons  point , 
lui  dit-il ,  appris  au-deça  des  Alpes ,  ôc  nous  ne  trouvons  pas  dans 
les  Loix  Eccléfiadiques ,  que  l'Eglife  Romaine  doive  recevoir 
toutes  fortes  d'appellations  inditfcrcmmcnt.  Si  l'on  établit  cette 
nouveauté  ,  l'autorité  des  Evoques  périra ,  Ôc  la  difcipline  de 


E  V  E  s  Q  U  E  D  U  M  A  N  S,&:c.  aj 
l'Eglife  n'aura  plus  aucune  vigueur.  Qui  fera  le  raviireur ,  qui 
étant  menacé  d'anathéme  ,  n'appellera  pas  auiTitôt  ?  Qui  fera  le 
Prêtre  qui  ne  continuera  pas  fa  viefcandaleufeà  l'abri  d'un  pareil 
frultratoire?  Les  facri'cres,  les  pillages^  les  adultères  inonderont 
de  toutes  parts ,  tandis  qi;e  les  Évêques  auront  la  bouche  fermée 
par  des  appellations  fuperrlues.  Je  fçui  ,  ajoutc-t-ii  ,  &  toute 
rEpiif.-renfeigne,  que  le  fecours  de  l'appellation  eft  dii  à  ceux 
qui  font  bleflés  par  un  jugement  ;  qui  tiennent  leurs  Juges  pour 
l'ufpeds,  ou  quicraignentia  violence  d'une  multitude  emportée; 
d'où  vient  qu  il  eft  dit  dans  un  des  Décrets  du  Pape  Corneille: 
Si  quelqu'un  connoît  que  le  Juge  lui  eft  contraire  ,  qu'il  fe  ferve 
de  la  vove  d'appellation  ,  qu'on  ne  doit  refufer  à  peri'onne.  Cette 
Epirre  décretaie  du  'Pape  Corneille  ,  paffoit  alors  pour  i.'.;tcn- 
tiquc.  La  Huitième  eft  une  fupplique  au  Pape  pour  la  coniîr-  p,^.„ 
mation  d'une  aumôneannuelle  accordée  par  Henri  L  Roi  d'An-  ''■'  ' 
glcterre  ,  au  Monaftere  de  Fontevrault.  Dans  la  neuvième  il  fe 
plaint  au  Pape  de  ce  qu'il  avoit  abfous  ôc  rétabli  dans  leurs 
Bénélices  des  Clercs  de  l'Eglife  de  Tours,  excommuniés,  fans 
lui  en  avoir  écrit  auparavant  ,  ôc  fans  leur  avoir  ordonné  de 
fatisfaciion. 

XVlIf.  Quoiqu'Hildebert  fût  fouvent  inquiété  par  le  Roi  -p'Jf-n^i^' 
de  France,  &  par  quantité  d'autres  perfonries,  parce  qu'il  fou- 
renoit  avec  vigueur  les  droits  de  fon  Eglife,  il  prenoit  le  parti 
de  recourir  à  la  protection  du  Ciel ,  à  l'exemple  de  Jofeph  ôc  de 
David;  ôc  il  avoit  pour  maxime,  qu'on  devoit  agir  envers  les 
Princes  par  vove  de  remontrances  refpcctueufes ,  ôc  non  pardes 
réprimendes  on  des  chàtimens.  C'eft  pourquoi  il  s'adreii'a  à 
Girard  d'AngouIcme  ,  Légat  en  France  ,  pour  adoucir  l'efprit 
du  Roi ,  qu'il  n'avoit  néanmoins  aigri  qu'en  ufant  des  droits  que 
lui  donnoit  fa  qualité  d' Arche viêque.  Cette  Lettre  ôc  la  précé- 
dente font  de  l'an  1 1  28.  Aimeric  ,  Evêque  de  Clermont ,  avcit 
interdit  les  fondions  facrées  à  un  Prêtre  ,  qui  attaqué  par  un 
voleur  qui  en  vouloir  à  fa  vie  ,  l'avoit  lui-même  tué  d'un  coup 
de  pierre.  Le  tems  de  l'interdit  écoulé  ,  il  demanda  à  îlildebert, 
s'il  pouvoir  rétablir  ce  Prêtre  dans  fes  fondions.  La  réponfe  de  tr„;,7  ,, 
1  Archevêque  tut ,  que  n  étant  pas  permis  a  un  Prêtre  de  répandre 
le  fang  d'autrui  pour  conferver  fa  propre  vie  ,  il  ne  croyait  pas 
qu'on  pût  lui  permettre  l'adminiftration  dcschofesfaintes;  qu"?.u 
refte  ,  fi  ce  cas  lui  étoit  arrivé ,  il  en  aurcit  demandé  la  '^'.^''^.'^loii 
au  Saint  Siège. 

XIX.  La  Lettre  4.;  que  l'on  a  mife  dans  les  Trluiioteques  des  E-'ff 


4f. 


J4        LE  VENERABLE  HILDEBERT, 

Pères ,  de  Paris  en  i  j 8 9  ,  de  Cologne  en  1 5 1 8  ,  &  de  Lyon  en 

1 577  ,  au  nombre  de  celles  d'Hildebert ,  nefl:  qu'un  fragment  de 

Epijl.  46.  la  Lettre  de  S.  Jérôme  à  laVierge  Demetriade.  Il  paroît  par  la  fui- 
vante  ,  que  cet  Evêque  étoit  rentre'  entièrement  dans  les  bonnes 
grâces  de  Henri  L  Roi  d'Angleterre  ,  ôc  que  ce  Prince  s'étoit" 
même  employé  auprès  du  Roi  de  France  pourlengager  à  rendre 
à  Piildebert  une  Prévôté  de  i'Eglife  de  Tours  ,  dont  il  setoit 
emparé  depuis  quatre  ans  :  cette  Lettre  eft  de  l'an  1 1 5 1 .  On  ne 
fcait  pas  la  date  de  celle  qui  ell  adrefl'ce  à  Guillaume,  Archi- 
diacre du  Mans.  Hildebert  lui  donne  avis  qu'il  avoit  fufpendu 

Ep'J^-  48.  jij  Diaconat  un  Clerc  ,  qui  l'avoit  reçu  par  fimonie,  &  qu'il  lui 
avoit  aulli  défendu  de  fc  faire  promouvoir  au  Sacerdoce.  Dans 

Epifl.  j«.  une  autre  Lettre,  il  reproche  à  un  Prêtre  d'avoir  employé  la 
torture  à  la  queflion  pour  découvrir  un  vol  qu'on  lui  avoit  fait  ; 
fie  foutient  que  cette  forte  de  voye  n'efl:  connue  que  dans  les 
Juîlices civiles,  ôc  non  dans  les  Tribunaux  Ecclefialliques.  La 

Epi'"'  n-  dernière  du  fécond  Livre  eft  la  Préface  de  la  compilation  des 

Décrets  ou  des  Règles  Ecclefiaftiques  ,  par  Hildebert.  Il  y  iit 

entrer  des  Extraits  des  Epîtres  décrerales  des  Papes  ;  des  actes 

des  Conciles ,  des  Ouvrages  des  Pères  ;  des  Ordonnances  des 

Princes  Catholiques.  Cette  compilation  commençoit  parce  qui 

reoarde  la  foi  ;  puis  on  y  traitoit  des  Sacremens  ;  enfuite  de  ce 

qui  concerne  les  mœurs.  Hildebert  commença,  mais  n'acheva 

pas  ce  recueil.  On  croit  qu'Yves  de  Chartres  y  mit  la  dernière 

main.  D'où  vient  que  Juret  dans  fon  édition  met  cette  Lettre 

pour  la  288  d'Yves  de  Chartres. 

XX.  Les  Lettres  du  troifiéme  Livre,  font,  comme  on  l'a 

jiiîTme  Li-  déjà  remarqué  ,  prefque toutes,  d'amitié  ou  de  recommandation  , 

vre,pa^.i7o,  fie   ne  demandent   pas    qu'on  s'y  arrête  longtems.   Hildebert 

Euill.r.  n'ayant  pas  de  planète  pour  le  Service  de  l'Autel ,  il  prelTa  la 

ComtelTc  de  Blois  de  lui  envoyer  celle  qu'elle  lui  avoit  promile. 

Il  envoya  à  un  de  fes  amis  une  copie  de  l'hifloire  des  miracles 

^'•'  '  ^'  de  l'Eglife  d'Excéder ,  on  ne  fçait  ce  qu'elle  eft  devenue.  LePapo 

Calixte  II.  avoit  ordonné  aux  Evoques  de  deçà  les  Alpes  de  fe 

rendre  en  1  1 02  au  Concile  que  l'on  devoir  tenir  à  Rome.  Hilde- 

^';  '  ^'  bert  fe  difpofa  à  ce  voyage  ,  mais  il  n'eft  pas  certain  qu'il  le  Ht.  Il 

^K*'"  yalla  en  \\o6ou   1107  pour  demanderau  même  Pape  d'être 

ç,"  '-hargé  del'Epifcopat.  On  croit  qu'il  afliila  h  même  année  au 

E;'i.'J.  8.  fg^Qj.^J  Concile  de  Troyes  ,  6c  que  pour  y  aller  avec  plus  d'ai- 

fjnr-,.  "il  n",' '  la  Comteiïedc  Biois  de  lui  permettre  l'ufage  de  la 
lancc  11  p.i^  .  ,  ^         \    r^\ 

voiture  quelle  a, 't»it:  procurce  a  1  Lvcque  de  Chartres. 

XXL  II 


troi 


E  V  E  s  Q  U  E     DU    M  A  N  S ,  drc.        2/ 
XXI.   Il  reçut   de  Reginold,  Moine  de  faint  Auguftin  ,  F.pijl.  ly. 
riiiftoire  du  Moine  Malck  qu'il  avoit  écrite  en  vers.  Un  de  fes 
amis  lui  ayant  demandé  ce  que  Jefus-Chrifl:  avoit  écrit  fur  terre 
lorfque  les   Phariiiens  lui  préfenterent  la  femme  adultère,    il 
répondit  avec  faint  Ambroife  ,  qu'il  avoit  écrit  ces  paroles  pro-  ^^'^"  ^^• 
phetiques  qui  font  dires  de   Jeconias  dans   Jéremie  :  Terra,  J-rsm.  tt. 
terra  ,  fcribe  hos  viros  abdicatos.  Dans  une  autre  lettre  qu'on  con- 
jedure  être  adrefTée  à  faint  Anfeime  de  Cantorberi ,  Hildebert 
le  remercie  des  fandales  pontificales  qu'il  lui  avoit  envoyées  ;  il 
remarque  qu'en  France  elles  étoient  ouvertes  par-defTus ,  enforte 
qu'on  voyoit  le  pied.  Il   en  rend  cette  raifon  myftique  que  le  Epijl.    31; 
Prédicateur  ne  doit  ni  cacher  ni  découvrir  à  tout  le  monde  les 
myfleres  de  l'Evangile ,  &  ajoute  que  c'ed  de-là  qu'ell:  venue 
la  coutume  de  porter  à  l'Evêquc  le  livre  de  l'Evangile  ouvcrc  , 
au  lieu  qu'on  le  porte  fermé  aux  autres. 

X  X  1  I.  Il  eft  incertain  fi  les  trente-deux  &  trente-troifiémc  ^p'-J^-i^^U» 
lettres  font  d'Hildebert.  Ce  font  des  inflructions  à  des  Moines 
qui  demeuroient  en  quelque  Cellule  ou  Prieuré.  La  trente-qua- 
trième eft  une  fupplique  au  Pape  Urbain  II.  à  qui  Hildebert 
repréfenta  en  1099  ,  dtins  le  tems  qu'il  étoit  encore  Evêquedu 
Mans ,  que  fes  Prédecefleurs  s'étoient  clioifi  leur  fépuîture  dans 
lAbbayc  de  faint  Vincent  ,  de  même  que  les  Chanoines ,  ôc 
ordonné  qu'une  partie  du  cimetière  feroit  deftinée  aux  Clercs; 
<ju'à  cet  effet  les  Moines  de  cette  Abbaye  jouiroient  d'une 
Prébende;  que  contrairement  à  cet  ctabliffcment  quelques  Cha- 
noines avoienr  porté  ailleurs  un  de  leurs  Confrères  ,  ôc  l'avoient 
même  enterré  en  un  lieu  non  confacré.  Hildebert  prioit  donc 
le  Pape  de  maintenir  les  Moines  dans  leur  droit  &  dans  la 
jouiffance  d,e  la  Prébende  qui  leur  avoit  été  adjugée. 

§.   II. 

Des  Sermons  d'Hildebert. 

I.T  L  y  a  tant  de  conformité  de  ftile  entre  les  Sermons  que  l'on        Sermons 

I  nous  a  donnés  fous  le  nom  de  cetEvêque.ôc  fes  autresEcrits ,  ^^^'"'f'?"' 
que  1  on  ne  peut  reruler  de  1  en  reconnoitre  Auteur.  Un  voit  ^çg^ 
partout  le  même  génie,  le  même  tour  de  phrafe,  les  mêmes  • 
expreflions  ,  les  mêmes  confonanccs.  C'efl:  fur  cette  conformité 
que  DomBeaugendre  a  reilituéà  cet  Ecrivain  plufieursdifcours 
Tome  XXII.  D 


■a.6      LE  VENERABLE  HILDEBERT, 

que  l'on  avoit  trop  légèrement  attribués  à  d'autres  Auteurs,  Otf 
qui  fe  trouvoientancnymes  dans  les  manufcrits.Jufqu'en  1708 
que  parut  la  nouvelle  édition  des  Oeuvres  d'Hildebert,  on 
n'avoit  mis  au  jour  que  trois  de  fes  Sermons.  Dom  Antoine 
Beaugendre  en  a  publié  cent  quarante ,  fçavoir  huit  fur  l'Avent , 
trois  fur  la  naiiïance  de  Jefus-Chrift ,  un  fur  la  Fête  de  la  Cir- 
concifion,  trois  fur  l'Epiphanie,  un  furie  troifiéme  Dimanche 
qui  fuit  cette  Fête  ,  un  fur  le  Dimanche  de  la  Septuagefime, 
un  fur  le  commencement  du  Carême  où  il  traite  de  la  Péni- 
tence ,  un  fur  le  premier  Dimanche  ,  neuf  fur  le  Carême ,  cinq 
fur  le  Dimanche  des  Rameaux,  fept  fur  la  Cène  du  Seigneur , 
deux  fur  fa  Paifion,  deux  fur  la  Fête  de  Pâques,  quatre  fur  les 
Rogations,  deux  pour  la  Fête  de  l'Afcenfion,  deux  pour  celle 
de  la  Pentecôte,  un  fur  la  très-fainte  Trinité  ,  un  pour  la  Fête 
du  Sacrement  de  l'Euchariftie. 
Sermons  fur  I  L  Suivent  les  Sermons  en  l'honneur  des  Saints  ;  un  de  l'An- 
Ics  Saints.  nonciation  de  la  fainte  Vierge ,  trois  pour  la  Fête  de  la  Purifica- 
tion ,  trois  pour  celle  de  l'Affomption  ,  un  à  la  louange  de 
fainte  Geneviève,  deux  fur  faint  Jacques  ôcfaintChriftophe,  un 
fur  faint  Jean-Baptifte,  trois  pour  la  folemnité  de  fairft  Pierre  ôt 
faint  Paul,  un  pour  fainte Magdelaine,  un  fur  faint  Pierre-aux- 
liens,  un  fur  l'Exaltation  de  la  fainte  Croix,  un  Eloge  de  la 
Croix,  trois  Sermons  pour  la  Fête  de  tous  les  Saints,  un  fur 
faint  Nicolas ,  un  fur  faint  André  ,  Apôtre  ;  deux  fur  faint  Ef- 
tienne,  premier  Martyr;  deux  fur  faint  Jean rEvangeliftc,  fix 
fur  la  Dédicace. 
Sermons  fur       j  j  j^  L^g  difcours  fur  divers  fuiets  font  au  nombre  de  cin- 

divers  iujets.  ,  ^  .  -'ri-j         oi- 

quante-deux  ;  tous  relpirent  une  piete  iolide ,  &  1  on  y  trouve 

des  traits  trcs-intereffans  pour  le  dogme,  la  morale ,  ôc  la  difci- 

pline  de  l'Eglife.  Voici  les  plus  importans. 

Doftrine       ^^'  Aucun  des  hommes  nés  avant  la  venue  de  Jefus-Chrift 

J'Hiidebert     n'a  pù  être  fauve  {a)  fans  la  foi  en  ce  Médiateur  de  Dieu  6c 

j"f  'Vh°-(>*"  ^^^  hommes.  Sorti  du  fein  de  Dieu  fon  Perc  de  toute  éternité, 

c'eft-à-dire  engendré  de  lui  avec  une  égalité  parfaite  (t),il  eft 

venu  en  ce  monde ,  non  en  changeant  de  lieu  ,  parce   qu'il 

étoit  dans  le  monde  par  fon  immenfité ,  mais   en  fe  revêtant 

de  la  chair  pourfe  montrer,  fans  aucun  changement  de  fa  nature. 

C'étoit  le  moyen  le  plus  convenable  (  c  )  pour  racheter  les  hom- 


(a.)  Sermon.  7  ,  pag.  J9S.  1       (r)  Sermon.  ^ , j^ag.  ij^, 

(i)    Seracn.t ,  pag.  ij^6,  147.  [; 


Sur  rincar- 

nation. 


T:  V  E  S  Q  U  E  DU  M  A  N  S ,  Ôcc.  27 
mes ,  ce  qui  étoit  le  motifdefon  Incarnation.  Le  premier  homme 
avoir  perdu  tous  fes  defcendans  ,  il  falloit  que  l'homme  les 
délivrât  de  refclavage  du  Démon.  S'il  eût  été  vaincu  par  tout 
autre  que  par  un  homme,  la  vidoire  n'auroit  pas  été  jufte, 
parce  qu'il  y  auroit  eu  de  l'injufticc  d'enlever  de  force  au  Démon 
l'homme  qui  s'étoit  adujetti  volontairemefit  à  fon  empire  ;  d'un 
autre  coté  il  falloit  que  cet  homme  Rédempteur  fût  Dieu  ,  afin 
qu'il  ne  fût  pas  lui-même  fujet  au  péché. 

V.  Voilà  ce  que  Dieu  a  fait  de  nouveau  fur  la  terre  (a) ,  Jefus- 
Chrift  eft  né  de  la  chair  fandiriée  d'une  Vierge  par  l'opération 
feule  du  Saint-Efprit.  Né  donc  Fils  de  Dieu  dans  la  vérité  de 
Ja  nature,  il  eft  né  aulfi  Fils  de  l'homme  dans  la  vérité  de  la 
nature^  enforte  qu'il  eft  vrai  Dieu  &  vrai  homme,  mais  un 
feul  Fils  ôc  un  feul  Chrift  par  l'union  des  deux  natures  fans 
x;onfufion  ni  mélange.  Nous  difonsque  la  fainte  Vierge  eft  la 
Mère,  non-feulement  de  l'homme,  mais  de  Dieu,  parce  que 
-Celui  que  le  Père  a  engendré  de  toute  éternité,  la  fainte  Vierge 
l'a  conçu  ôc  enfanté  dans  le  tems. 

VI.  La  nature  humaine  qu'il  venoit  racheter  étoit  corrom-  SurTEucha 
pue  dans  l'ame  comme  dans  le  corps.  Pour  guérir  l'un  &  "'■''^• 
l'autre  il  a  livré  fon  ame  ôc  fon  corps  ;  ôc  c'cft  pour  les  repré- 
fenter  que  nous  mettons  fur  l'Autel  du  pain  ôc  du  vin ,  afin 
■que  par  le  pain  fait  corps  ôc  reçu  dignement  de  nous ,  notre 
corps  participe  en  quelque  manière  à  l'immortalité  ôc  à  limpaf- 
iîbilité  de  celui  de  jefus-Chrift  ,  ôc  que  par  le  vin  changé  en 
fang  ôc  reçu  de  nous,  notre  ame  devienne  conforme  à  celle  de 
Jefus-Chrift foit  dans  ce  monde,  foit  dans  la  gloire.  Il  ne  faut 
pas  toutefois  s'imaginer  qu'en  recevant  le  Sang  de  Jefus-Chrift 
flous  ne  recevions  que  fon  ame  (  ^  ) ,  ÔC  fon  Corps  feul  quand 


(a)  S'frmon.  55  ,  pag.  501. 

(i)  Ncc  tamen  iiuelliijendum  eft  quod 
înfanguinis  accepdone  (oljin  animam  ,  & 
non  corpus,  vel  in  acceptione  coiporis  , 
folummodo  corpus  &  non  animam  acci- 
piam\is ,  fed  in  acceptione  finguinis  totum 
CUriftum  verum  Deiun  &  hominem  ,  S:  in 
acceptione  corporis  (irailiter  totum  (umi- 
mus ,  &  quia  bis  feparatim  corpus  &  lepa- 
ratim  fançuinem  ,  non  tamen  bis  ,  -fed 
femel  Chrirtuni  accipimus  .  .  .  Nec 
dubitare  debemus  quin  panis  per  facra 
verba  benedidionis  Sacerdotisj  in  verum 
Dotnini  Corpus  immutetur ,  ita  ut  panis 


fubftantia  non  remaneat  ,  (c-d  colorem  & 
(aporem  panis  voluit  Chriûus  reiiuMiere, 
&  lub  illa  fpecie  verani  Corporis  Chnili 
lubft-jntiam  latere  ,  ne  (l  in  ea  qualitate  , 
in  qua  reverà  eft  ,  vetum  bominem  ani- 
mas hominis   fumera  abiiorreret 

Débet  autem  necelFario  creJerc  Cliriftia- 
nus  manibus  Sacerdotis  cujuslibet  ,tantuta 
modo  Sacerdotii  ordinem  habentis,  Itve 
mali  ,  (ive  boni  oequaliter  per  verba  po- 
teftativa  benedidionis  Corpus  Domini 
pollê  conl'ecrari ,  &  tunc  Spiritum  Sanc- 
tum  in  confecratione  illa  adeile.  Hildeb». 
Sirm,  38,  pag .  411,  4M. 


23       LE  VENERABLE  HILDEBERT; 

nous  recevons  fon  Corps.  Nous  recevons  J.  C.  tout  entier ,  vrar 
Dieu  ôc  vrai  homme,  foit  en  ne  recevant  que  fon  Sang ,  foit  en  ne- 
recevant  que  fon  Corps;  &  quoique  nous  recevions  féparémentlc 
Sang  ôc  le  Corps  ,  nous  ne  recevons  pas  pour  cela  deux  fois  J.  C 
mais  une  feule  fois.  L'ufige  de  recevoir  féparement  le  CorpS' 
&  le  Sang  s'eft  introduit  dans  l'Eglife  à  l'exemple  de  Jefus- 
Chrift  qui  dans  la  dernière  Cène  donna  féparement  fon  Corps 
&  fon  Sang  à  fes  Difciples.  L'eau  que  l'on  mêle  avec  le  vin  dans 
le  Sacrement  eft  pour  repréfenter  l'eau  qui  coula  avec  le  fang  du 
côtéde  Jefus-Chril!:.  Au  reftenous  ne  devons  pas  douter  que  le 
pain  ne  foit  changé  au  vrai  Corps  du  Seigneur  par  les  facrées 
paroles  de  la  bénédidion  du  Prêtre ,  enforte  que  la  fubflance  du 
pain  ne  demeure  plus.  Jefus-Chrili:  a  voulu  que  la  couleur  ôcla 
faveur  du  pain  demeuralfent ,  ôc  cacher  fous  cette  efpece  la  vraie 
fubftance  de  fon  Corps,  de  peur  qu'en  fe  prJfentant  à  nous  fous 
la  qualité  d  homme  ,  nous  n'ayons  horreur  de  manger  fa  chair. 
Hildebert  pour  marquer  le  changement  du  pain  ôc  du  vin  au 
Corps  ôc  au  Sang  du  Seigneur,  fe  fert  du  terme  de  tranfub- 
ftantiation  {a),  ôc  c'efl  le  premier  qui  lait  employé  ;  les  autres 
Ihéologiens  comme  Pierre  de  Celle ,  Efticnne  d'Autun  s'en 
font  fervi  depuis.  Il  exige  de  tous  les  Chrétiens  qu'ils  croyent 
indubitablement  que  ie  Corps  de  Jefus-Chrift  peut  être  confacré 
par  tous  les  Prêtres  ,  foit  bons ,  foit  mauvais  ,  en  prononc^ant  les 
paroles  de  la  confécration  qu'il  appelle  potentielles ,  ôc  que  le 
Saint-Efprit  eft  préfent  en  cette  confécration. 
Surla  Prc-  VII.  Hildebert  dit ,  en  parlant  de  la prédeftination  (b),  que 
UgracT"  *^  le  Fils  de  Dieu  qui  a  préparé  de  toute  éternité  ce  qui  étoit  né-, 
cefiaire  pour  létablilTement de  l'figlife,  a  prévenu  auffi  par  une 
difpofition  ôc  une  éledion  éternelle  ,  le  nombre  ôc  le  mérite  des 
Elus,  alinquece  qu  il  avoit  arrêté  avant  les  fiécles  fe  fit  dans  le 
tems,  en  la  manière  qu'il  l'avoit  arrêté.  S'adrellant  à  l'homme 
déchu  de  fon  premier  état  par  le  péché  originel ,  il  lui  dit:  Vous 
qui  créé  dans  le  bien  (  c  )  ôc  placé  dans  un  lieu  de  félicité ,  avez 
vieilli  dans  la  mifere ,  ôc  le  péché  étant  fait  membre  du  vieil 
homme,  réparé  enfuite  ôc  reconcilié  par  la  grâce  du  nouvel 
homme,  vous  tombez  tous  les  jours  fd),  Ôc  toutefois  la  grâce 


Tcrbura  tranlutftanti/tionis,  &  os  meum 
plénum  el{  contradictione  f(  aniaritudine 
ii.  do'O  ,  cjuîinivi.'  cum  honorem  labiis  , 
taracn  fpuo  in  faciemSalyatoris.  Id,  ^erm 


(  C  >    S-rm .  n  I  ,  />  i^f.  7  ■'  i . 
(d)   Qiiorii'ie   tadis ,  i  ec    fie    camei 
gratia  nuxiliuuix  t:  dcferir.  liid. 


E  V  E  s  Q  U  E    DU    I\î  A  N  S ,  &c.        a^ 

fecourable  ne  vous  abandonne  pas.  Il  enfeigne  en  un  autre 
endroit  (a)  que  la  grâce  de  Dieu  eft  trcs-ofticieufe  envers  les 
hommes ,  6c  comme  engage'e  par  ferment  à  les  fecourir  {b)  •■,  que 
fi  la  créature  n'cft  pas  julle  ,  c'elt  fa  faute  ,  ôc  non  celle  de  Dieu  ; 
qu'il  veut  que  tous  les  hommes  foient  bons  ,  ôc  que  pour  ôter 
toute  excufe  il  leur  prépare  fa  grâce  qui  les  foutient  ,  qu'il  dif- 
tribue  des  moyens  pour  les  aider,  qu'il  oiTrc  des  récompenl'es 
pour  les  exciter ,  qu'il  menace  pour  les  intimider.  Cette  doctrine 
fuppofe  de  la  part  d'Hildebert  celle  de  la  transfulion  du  péché 
originel  qu'il  établit  en  eftet  d'une  manière  très-exprelfe  en 
plulieurs  de  fes  difcours  (c). 

V  1 1 1.  Il  femble  fe  déclarer  pour  la  Conception  immaculée  SurlaConJ 
de  la  fainte  Vierge,  en  diiant  {d)  que  Vierge  fans  tache  &  macu°ld5.  *'^"' 
exempte  de  tout  péché  ,  elle  a  mis  au  monde  le  Saint  des  Saints; 
qu "elle  n'a  point  connu  le  péclié  ni  fenti  en  elle  le  foyer  de  la 
ccncupifcence ,  parce  qu'il  étoit  éteint.  Ailleurs  ,  il  dit  feulement 
que  lorfque  le  Saint-Elprit  defcendit  fur  elle  (e)  il  la  trouva 
purifié  du  péché  d'autrui,  ôc  exempte  de  péchés  propres.  Il 
s'explique  plus  nettement  fur  fon  AlTomption  dans  le  Ciel  erï 
corps  ôc  en  ame  (/) ,  ôc  il  appuie  fon  fentimcnt  fur  l'oraifôa  que 
l'Eglife  chantoit  alors  à  l'Othce  de  ce  jour,  différente  de  celle 
que  nous  chantons  aujourd'hui. 

.  I  X.  Il  exhorte  les  Séculiers  même  à  s'abftenir  des  viandes  -^^^f  T'^''?"" 
dans  le  tems  deTAvent  (g).  Pour  ce  qui  eft  des  jours  des  Roga-  cjpii  ^  ^  ' 
tions  ,  le  jeûne  ôc  l'abftinence  en  étoient  indifpcnfables  (h)  ;  on 
palToit  audi  ces  jours  en  prières,  ôc  les  Fidèles  confeffoient  leurs 
péchés.  Hildebert  diftingue  entre  les  péchés  véniels  ôc  les  mor- 
tels ,  entre  les  péchés  lecrets  (i)  ôc  les  péchés  publics;  tous 
étoient  matière  de  confeffion  ;  mais  nous  devons  ,  dit-il ,  con- 
fefler  les  grands  péchés  ou  les  crimes  à  ceux  qui  ont  reçu  les  clefs 
du  Ciel,  ce  font  les  Evêqucs  ou  les  Prélats  ,  ôc  les  Dotleurs  de 
la  fainte  Eglife.  On  n'eft  difpenfé  de  fe  faire  abfoudre  (  k)  par  le-' 


Une. 


(  a  )   Lib    t  ,  f'iij;,  i  6  ,  p.i;:.  <  ^ . 
.(  b  )  OrticioS.linia  eft  honiin.bus  Fjit'n 
Dei&ventin   eorum  iuratu  obieuuium. 
Ibid. 

(  f  )  Serm.  15,   Jit  ,  JXi  ,p.tg.  116  , 
133  >  781. 

(d)  S'rm.    61,  pag.   557,  &-  Serm. 
69  ,  y :7g.  jSo. 

(e)  Serm.  loi  ,  pag.  731. 
(/;  Sfrm.  jj  ,  pag.   iij. 


(  A  )  S;rm.  4^  ,  pag.  463. 
•  ( -«-^  ëtl:confelîio-v<^iaimni",'Sreftcon-'* 
fell'io  mortaliuTi ,  funt  peccata  occulta  j, 
fuiit  S:  manifeftj^  majora  peccaw  feu  dé- 
livra illis  confitcri  liebcmua  qui  daves  ac« 
cepî^ruiit;  h.  lune  Prelaii  atque  Doàores 
tlc'.l^l'x.  Hiu'.eb.  S'.rm.  45  ,  p.nr,   4^ g. 

(  ^  }  Pœniien»  j  iiifi  nece:i.ta:c  niordî 
co;atur.  loUenJus  ell  à  AliniiiroEccleir 
i\s.  Id,  &rm.  25  tP-g.  )''ty. 

t)    ii| 


3©      LE  VENERABLE  HILDEBERT, 

Prêtre  que  dans  le  cas  de  nécelïïté ,  c'eft-à-dire  lorfqu'il  ne  fc 
trouve  point  de  Miniftre  de  l'Egliie.  L  on  devoit  fe  confelTec 
avant  de  commencer  le  jeûne  du  Carême  (a  ) ,  parce  que  ceft 
renverfer  Tordre,  de  punir  les  péchés  avant  de  les  confelTer.  Les 
Pénitens  étoient exilés  de  leurs  propres maifons  {b)  pendant  le 
tems  de  leur  pénitence.  On  les  couvroit  d'un  cilice  (c),  oa 
iettoit  fur  eux  de  la  cendre  ;  il  leur  étoit  défendu  de  fe  rafer  la 
barbe  ôc  de  fe  faire  couper  les  cheveux  ,  on  les  chalîoit  de  l'E- 
glife  ;  pour  l'ordinaire  ils  étoient  reconciliés  le  jour  du  Jcudy- 
Saint ,  atin  qu'ils  pufl'ent  recevoir  le  Corps  de  Jefus-Chrift  à 
Pâques  avec  les  autres  Fidèles  ;  ôc  quelquefois  on  leur  accor- 
doit  en  ce  jour  (  ^  )  la  grâce  de  la  reconciliation  quoiqu'ils  n'euf- 
fent  pas  achevé  leur  pénitence.  Les  jours  de  jeûne  (e)  on  ne 
mangeoit  que  le  foir.  Le  Dimanche  des  Rameaux  (/)  on  lavoic 
la  tête  aux  enfans  j  afin  qu'elle  fût  nette  le  Samedy-Saint  lorfqu  on 
leur  feroit  les  Onctions  faintes. 

X.  La  Fête  de  tous  les  Saints  étoit  fuivie  de  la  Commémorai- 
fon  des  Fidèles  trépafles  ;  on  jeûnoit  ce  jour-là  &  on  faifoit 
«es  points  de  J'o^]^I.es  bonnes  œuvres  {g)  pour  procurer  aux  âmes  détenues 
dans  le  Purgatoire,  ou  leur  délivrance,  ou  l'adouciiTement  à 
leurs  peines.  En  confideration  des  fatigues  que  fouffroient  les 
Fidèles  qui  venoient  de  tous  cotés  pour  alliller  à  la  Dédicace 
des  Eglifes  ,  les  Saints  Percs  avoient  ordonné  qu'on  leur  accor- 
deroit  en  ces  folemnités  {h)  des  indulgences.  A  la  Procellîoqi 
du  Dimanche  des  Rameaux  on  portoit  des  fleurs  &  des  palmes 
quel'on  benllFoit  enfemble  (  J  )•  A  celle  du  jour  de  la  Purification 
on  portoit  des  cierges  {h) ,  fuivant  le  Décret  des  Pères.  Hilde- 
bcrt  dit  que  de  fon  tems  l'on  avoit  coutume  dans  l'Eglife  de 
prier  lu  fainte  Vierge  avec  plus  d'afiedion  que  les  autres  Saints, 
&  que  lorfque  Ton  prononçoit  fon  nom  (  /  )  on  fléchifibit  les 
genoux.  Lorfque  le  Pape  ordonnoit  un  Prêtre  (;72),  celui-ci  tenant 
un  cierge  en  (es  deux  mains  TotFroit  au  Pontife  qui  Tordonnoit. 
L'habit  ordinaire  des  Clercs  («)  étoit  une  tunique  qui  defcen^ 


Sur  le  Pur- 
gatoitc  Si  ai; 


(a)  Serm.  iS ,  pag.  301. 
(  è)  Ibid.  jiag.  19S. 
(c)  Serm.    34,  pag.  393. 
(  rf)  Uiii.  Strm.  34 ,  pag.  594,. 
(  e  )  Serin.  13  ,  pag.   317. 
(/)  Serm,  33  ,  pag.  ;K7. 
(  f  )  iMeiiioria  nioriuorum  a^itiir  ut  lii 
çui  in  Purgatorio  p.itiuntur  ,  plenam  con- 


fequantHrabrohitionem  ,  vel  pxiue  mitiga-. 
tionem.  Serm.  8y  ,  pjg.  «50, 

(  h)  Serm.  87,  ^fli,'-.  6f8, 

(/■)  Serm.  a,  pag.  386, 

(  k  )S,'rm.  S7  ,pig.  f  17. 

(  /  )  Srrm.  58  ,  pa^r.   jiS. 

( /n  )    Serm.  90 ,  pag,  5 7 7, 

(/i)  Uni. 


EVESQUE  BU  MANS,  &c.  5ï 
d'où  jufqu'aqx  talons.  Dans  le  Sermon  quatre-vingt-dixidme  oii 
Hildebert  fait  cette  remarque,  il  cite  un  traité  delà  virginité, 
&  il  en  fait  aulTi  mention  dans  la  lettre  quarante-cinquième  du 
fécond   livre  ;  cet  Opufcule  n'a  pas  encore  été  rendu  public. 

X I.  Le  célibat  6c  la  continence  font  indifpenfables  aux  Minif-  ^,"''  ['  <^*'.'^'"'' 
très  facres  (a)  ,.&c  1  on  ne  doit  ordonner  aucun  rretre  qui  ne  desPrcirc», 
s'y  engage."  Celui  qui  entre  dans  les  Dignités  de  l'Eglife  par  la 
main  des  Laïcs  ,  dit  Hiidcbert  (6) ,  n'y  entre  pas  par  la  porte; 
ce  n'eftpas  aux  Laïcs  que  l'on  a  confié  la  difpenfation  des  chofes 
fpirituelles ,  ceft  aux  Vicaires  du  Seigneur,  c'efl-à-dire  à  ceux 
qui  tiennent  la  place  des  Apôtres.  Etre  avare  (c)  ,  c'eO  être 
indigne  du  nom  de  Prêtre.  Ceux-là  font  fimoniaques  qui  vendent 
les  Sacremens,  qui  tirent  de  l'argent  pour  les  Meires,le  Baptême^ 
les  confelïions ,  la  Prédication  ,  la  fépulture. 

§.  1 1  L 

Des  Opufcules  d'Hildeberr, 

LT7  N  T  R  E  les  Opufcules  d'Hildebert ,  le  premier  dans  la  n  Y'^ '^'j^^**' 
W  Â  nouvelle  édition  de  fes  Oeuvres  efl:  la  vie  de  fainte  Rade-  njg.  gss.  * 
gonde ,  Reine  de  France.  Dom  Mabillon  à  qui  on  l'avoit  envoyée 
deRomesetoit  propofé  de  la  mettre  au  jour;  mais  occupé  de 
divers  autres  projets  il  s'ell;  contenté  d'en  publier  le  prologue 
parmi  fes  Analedes  ,  laiiTant  à  Dom  Bcaugendre  de  publier  la 
vie  entière  qui  n'avoit  pas  été  jufques-là  mifefousla  preffc.  Le 
manufcrit  d'où  elle  a  été  tirée  repréfente  Hildebert  aux  pieds 
de  cette  Sainte ,  à  qui  il  ofl're  un  livre  pour  figniiier  apparemment 
celui  de  fa  vie.  L'Editeur  rapporte  à  la  fin  une  autre  préface  tirée 
d'un  manufcrit  de  Poitiers,  ôc  différente  de  celle  que  Dom 
Mabillon  avoit  dans  fon  manufcrit  ;  mais  il  efl  à  remarquer  qu'il 
y  a  eu  d'autres  vies  de  fainte  Radegonde  6c  des  recueils  de  fes- 
miracles  d'où  cette  préface  peut  avoir  été  tirée. 

I  L  Le  fécond  Opufcule  d'Hildebert  efl  la  vie  de  faintHugucs ,     Vie  âe  S,- 
Abbé  de  Cluni,  fous  lequel  il  avoit  vécu  dans  ce  Monaftere  ^.^0";''^''^'^ 
ôc  étudié  les   divines  Ecritures;  il  la  compofa  à  la  prière  de  s,op, 
Pons ,  SuccefTeur  de  feint  Hugues.  En  un  endroit  (  d)  Hildebert 


(fi  )  6erm,  pi ,  pa^,  681..  |      (dj  Num,-  17,- 


5ï       LE  VENERABLE  HILDEBERT; 

appelle  Hoël,  Evêque  du  Mans,  ion  Prédeceffeur,  d  oii  il  fuît 
qu'il  étolc  Evèque  du  Mans  lorfqu  il  écrivit  cette  vie.  On  la 
trouve  dans  i)urius  au  ap  d'Avril,  ôc  dans  la  Biblioteque  de 
Cluni ,  par  Dom  Martin  Marrier ,  avec  les  notes  d  André  du 
Chefne.  h  efl:  parlé  de  cette  vie  dans  la  Chronique  de.  Cluni 
compoice  par  Doni  François  de  Rive  qui  ap.peile  Hildeberc 
Dilcipie  6c  Moine  de  lliint  Hugues,  ceit-à-dire  de  Cluni  dont 
ce  Saint  étoit  Abbé. 
De  la piaîn  e  I  IL  Le  Livre  intitulé ,  de  la  plainte  &  du  combat  de  la  chair 
&  du  .omi^t  gj-  de  1  aiiiie^  qui  f'iit  le  troiliéme  Opufcule  diiildebert,  fuÉ 
à^yame.  imprimé:  pour  iapremieie  fois  en  i6^^  dans  le  fupplément  du 
P';reHorn,m«y  ,  lur  un-manuicrit  de  la  Biblioteque  du  floi.  Dom 
Beaugendre  l'a  revu  lur  plulieurs  autres  manuicrits  dont  il  a 
donné  les  variantes:.  Ce  traité  a  tant  de  conformité  Je  ftile  ,  de 
gcnie,  d'exprellions  avec  les  Lettres  ,  les  Sermons  ôc  les  autres 
écrits  d'Kildebert  qu'on  ne,peuti"y  méconnoitre.  Quelques-uns 
l'ont  mis  entre  les  Ouvrages  douteux  de  Hugues  Dufoliet ,  qu'ils 
font  Moine  de  Corbie  vers  l'an  i  i^o  ;  mais  ce  Hugues  ne  fut 
jamais  Moine  de  ce  Monaflere,  il  étoit  Chanoine  Régulier,  ôc 
fuivoit  la  rcgle,  non  defaint  Benoit,  mais  de  faint  Auguftin, 
D'ailleurs  le  recueil  manufcrit  de  fes  Ouvrages,  qui  efl  de  i\x 
cens  ans  au  moins  ,  n'en  préfente  aucun  dont  le  titre  ait  rapport 
à  celui  de  plainte  ôc  de  combat  de  la  chair  6c  de  Tame.  Il  y  a 
appar-ence  quHildebert  compofa  ce  traité  après  la  devaftatioa 
de  l'Eglife  du  Mans  ,  de  la  maifon  ôc  des  biens  de  l'Evêché , 
par  les  Confuls  ,  fauteurs  des  defTeins  ôc  des  entreprifes  de 
Guillaume  le  Roux,  Roi  d'Angleterte  ,  6c  dans  laprifonoùcc 
Prince  l'avoit  fait  mettre.  C'eil:  pourquoi ,  à  l'imitation  des  Li- 
vres de  la  Confolation  philofophique  de  Boëce ,  il  l'écrivit 
P*S'  PJ'"  partie  en  profe,  partie  en  vers.  Il  dit  en  un  endroit  que  les 
Ouvrages  de  faint  Auguflin  lui  étoient  familiers ,  c'eft  ce  que 
Ton  remarque  furtout  dans  fon  traité  théologique  où  il  les  ciic 
fréquemment. 
Traité  de  IV.  Il  y  a  plus  quc  des  raifons  de  fcile  pour  attribuer  à  Hil- 
rhonntte  &  debert  le  traité  intitulé  ,  de  l'honnête  ôc  de  l'utile.  Dom  Beau- 
fif'  gendre  1  a  trouvé  dans  deux  manuicrits  d  environ  lix  cens  ans  a 

la  fuite  des  Epitres  de  cet  Evoque  ,  ôc  écrit  de  la  même  main  ; 
on  conjecture  que  c'efl:  le  même  dont  Hildebcrt  fait  mention 
dans  la  Lettre  douzième  du  premier  Livre  ,  adrelfée  à 
Henri  I.  Roi  d'Angleterre  ,  pour  le  confoler  de  la  perte  de  fes 
deux  hls  fubmergés  dans  la  mer  ;  6c  dans  la  troifiéme  du  même 

Livre 


E  V  E  s  Q  U  E    DU    M  A  N  S ,  &c.        5î 

Livre  écrite  à  Adèle ,  femme  d'Efticnne  de  Blois ,  Comte  Pala- 
tin, pour  l'exhorter  à  ufer  de  clémence  envers  fes  Sujets  dont 
le  gouvernement  lui  étoit  dévolu  pendant  l'abfence  de  fon 
mari.  Dans  ce  Traité,  Hildebert  tait  ufage  furtout  du  Livre  de 
Seneque  fur  la  clémence  ,  mais  il  emprunte  aufTi  plufieurs  ma- 
ximes des  Poètes  prophanes,  ce  qui  donne  lieu  de  croire  qu'il  le 
compofa  étant  jeune  ôc  dans  le  tems  qu'il  s'appliquoit  à  l'étude 
des  Belles-Lettres. 

V.  Un  très-ancien  manufcrit  de  la  Biblioteque  de  Monfieur  qu^tre^^ert!! 
Colbert,  met  parmi  les  Ouvrages  d'Hildebcrt  un  Livre  qui  a  deiaviehon- 

Eour  titre:  des  quatre  vertus  de  la  vie  honnête;  la  prudence,  ncte^a£;.j»>»«. 
i  force ,  la  tempérance  ,  la  juftice.  Ce  n'eft  qu'un  précis  des 
maximes  &  des  préceptes  du  Traité  de  l'honnête  ôc  de  l'utile 
qu'Hildebert  avoit  fait,  ou  pour  fon  propre  ufage,  ou  pour 
rinftruction  des  jeunes  Etudians  ;  car  on  leur  donnoit  à  lire  les 
Lettres  de  ce  Prélat  pour  en  imiter  l'éloquence  &  la  politefle  , 
&  apparemment  encore  fes  autres  écrits  ,  je  parle  de  ceux  qui 
pouvoient  être  à  la  portée  des  Ecoliers  Ôc  propres  à  leur  former 
un  ftile.  Pierre  de  Blois  (a)  nous  affure  qu'étant  jeune  6c  dans 
les  études  on  l'obligeoit  d'apprendre  par  cœur  les  Lettres  d'Hil- 
debcrt, ôc  Orderic  Vital  (6)  dit  que  l'on  envoyoit  aulfi  fes  vers 
dans  les  Ecoles  de  France  ôc  d'Italie,  qu'on  yen  admiroit  la 
beauté.  Nous  faifons  ici  cette  remarque ,  parce  que  le  Livre  des 
quatre  vertus  de  la  vie  honnête  eft  en  vers  élegiaques. 

VL  Le  principal  des  Opufcules  d'Hildcbert  eft  un  Traité  de  Traité'n»éi»* 
Théologie  qui  a  fervi  de  modèle  aux  Théologiens  Scholaftiques  ,^','0"*'  ^''^* 
qui  font  venus  après  lui ,  ils  en  ont  fuivi  non-feulement  la  mé- 
thode ,  ils  y  ont  encore  puifé  divers  argumens  ,  quoiqu'ils  les 
ayent  fouvent  rendus  en  difFerens  termes.  Hildebert  prouve  or- 
dinairement ce  qu'il  avance  par  les  témoignages  de  l'Ecriture  6c 
des  Pères  j  furtout  de  faint  Auguftin  ,  mais  il  y  emploie  auffi  des 
argumens  tirés  des  lumières  de  la  raifon.  Dom  Beaugendre  attri- 
bue ce  Traité  à  Hildebert  fur  ce  que  dans  un  ancien  manufcrit 
du  Monaftere  de  la  Lyre  ,  il  fe  trouve  au  milieu  des  Ouvrages 
de  cetEvêque,  quoiqu'il  paroifle  quelque  variété  dans  l'infcrip- 
tion ,  ôc  fur  ce  qu'en  conférant  la  do£lrinc  établie  dans  cet  Ou- 
vrage avec  celle  des  Sermons  de  cet  Auteur,  elle  eft  la  même  , 
&  fouvent  en  mêmes  termes. 


.(#)  Petrus  Blefenf.  epijl.  lo».  |       (6)  Orieric  Vital,  llb.  lo  ,  hipr.pag. 

Tome  XXIL  Ë 


54        LE  VjEKFERABLE  HILDEBERT^ 

Ana'yfe  de    .VU.  Il  cft  divifé  cti  quarante-un  chapitres,  précédés  d'un 
ce  Traité.       pçtix  pcologue.'Hildebprt  traite  d'abord  de  la  foi ,  dont  il  donne 
^^F'  '•  ciç^fc  d(îjmicions  ;  la  prenilere,  delApotre  ;  la  féconde  en  cette 
raaxîiere  :'La  foi  eil  une  certitude  volontaire  des  chofes  qui  ne 
tombent  pas  fous  nos  yeux,  qui  eft  au-delTus  de  Topinion  ,  mais 
aAi-deffous  dela'fcience.  Il  dit  qu'elle  eft  au-deffus  de  l'opinion, 
parce   que  croire  eil  plus,  qu'opiner  j  qu'elle  eft  au-d.e(lous  de 
la  fcience ,  parce  que  nous  ne  croyons  qu'aiin  que  nous  fçachions, 
un  jour.-  Dieu  s'eft:  tellement  fait  comioître  dès  lecommence- 
C.12. 1.  ment ,  que  comme  on  n'a  pu  l'ignorer  entièrement ,  en  n'a  pi^ 
auffi  le  comprendrei  C'eft  par  la  Loi  écrite  que  la  çojinoiirancô 
de  la  foi  a  pris  des  accroiffemens  ;  dès-lors  le  Meftie fut  promis,! 
mais  on  ne  connoifloit  pas  la  manière  dont  il  viendroit.  L  In- 
carnation n'étoit  connue  avant  la  Loi  &  après  la  Loi  que  de  peu 
de  perfonnesà  qui  Dieu  l'avoitrevelée  &  qui  étolcnt  comme  les 
colonnes  de  l'Egiife.  C'étoit  néanpoins  la  foi  au  Médiateur  qui 
fauvoitles  Juftes,  les  petits  avec  les  grands  ^  c'eft  à-dire  ceu^ç 
quiéeoient  fcavans  avec  ceux  qui  vivoient  dans  la  firapHcité  ;  en-- 
forte  que  la  foi,des  uns  fuppléoit  en  quelque  manière  pour  le? 
fimples  qui  né  connoilToient  pas  ce  Myftere,  comme  aujour- 
d'hui beaucoup  de  Fidèles  fimples  qui  ne  connoilTent  pas  dif- 
tinctement  Je  Myftere  de  la  Trinité ,.  le  crpyent  cependant , 
parce  qu'ils  font;  liés  de  çptt^i3Lunioa-&;  de  (oi  avec  ceux  dont  la 
foieft  plus  éclairée.,;-   -,:.,  ^,,  f.-, .    " -.  ,,■ 
y^n  ,  ;.  ,        vu  I.  Hildebért  traite  enfuite  de  l'unité  ôc  de  l'exiftence  de 
«-,  7 , 8.         Dieu  ,  de  la  Trinité  ,  de  la  diftinclion  &  des  propriétés  des  per- 
fonnes,  de  leur  égalité.  Surquoiil  allègue  le  fymbole  attribué 
Q,„        à  faint  Atlian,are..  Il  pa(Tedc-là  à  la  préfcience  &  à  la  prédefti- 
nation  ,ôc  dit  qu'il  y  a  entre  l'uiie  &:  l'autre  cette  différence,  que 
la  préfcience  regarde  également  les  Elus  ôc  les  Réprouvés ,  ôc 
que  la  prédeftination  n'a  pour  objet  que  ceux  qui  doivent  être 
Cap.  lo.  fauves.  11  dit  de  la  volonté  de  Dieu  qu'elle  eft  la  caufe  de  toutes 
chofes  ,  ôc  immuable ,  que  Dieu  nous  la  fait  cor.noitre  en  quatre 
manières,  par  fes  commandemens  ,  par  fes  défenfes  ,  par  fes 
Cap.  n.  oeuvres,  par  fes  permiiiioi\s;dcla  toute-puilfancede  i3ieu,qu'en7 
core  qu'il  puiffe  tout ,  il  ne  fait  que  ce  qui  convient  à  fa  vérité 
Op.  i:.  ôc  à  fa  juftice  ;  fur  l'Incarnation ,  qu'il  était  convenable  que  la  fé- 
conde perionne  de  la  Trinité  s'incarnât,  i.fin  que  le  Fils  de  Dieq. 
le  fùtaufti  de  Ihomme  ;  &  que  comme  c'eft  par  fafageftfe  que 
Dieu  a  créé  le  monde ,  il  le  rachetât  par  la  môme  liigeife  ;  que 
le  Verbe  en  fe  faifant  chair.'a'aipris  qiiè  la  nature  de  l'homme  , 


■ÉVESQUE    DU    MANS,  6cc;        ^f 
Se  non  la  perfonne;  queTame  humaine  unie  au  Verbe  fçavoit  ^?-   '^' 
tout  par  grâce  ,  au  lieu  que  le  Verbe  fçait  tout  par  nature  ;  qu'il    C;;.  14,  ry, 
y  a  en  Jefus-Chrifl  deux  natures  &  deux  volontés ,  la  divine  ôd  '^• 
l'humaine;  que    depuis  que  le  Fils  de  Dieu  s'ell  fait,  homme 
il  e(l  toujours  demeuré  homme-Dieu  &  Dieu-homme,  enforre 
qu'il  n"a  pu  pêcher. 

I  X.  Sur  les  Anges,  Hildebert  enfeigne  qu'ils  ont  été  créés     ^P-  '7'''» 
en  môme-tems  que  l'homme  ,  &  mis  dans  le  Ciel  Empirce  ; 
que  Dieu  dans  la  création  les  a  faits  fpirituels,  immortels,  in- 
tclligens,  qu'il  ne  les  a  pas  créés  heureux',  mais  pour  le  devenir^ 
avec  le  fecours  de  la  grâce  qu'ils  avoient  reçue  dans  leur  créa- 
tion ;  qu'il  n'y  a  point  eu  d'intervale  entre  leur  création  &  leut 
chute;  que  Lucifer  étoit  le   plus  excellent  de  tous;  que  le5  C.p.  10,  ir. 
Démons  ne  font  ni  dans  le  Ciel, qui  efl;  le  féjour  des  bons  An.nes  , 
ni  fur  la  terre ,  de  peur  qu'ils  riô  faiTeiit  trop  de  peine  aux  hom- 
mes ;  qu'ils  font  leur  demeure  dans  un  air  ténébreux  qui  leur 
fert  de  prifon  jufqu'au'jour  du  Jugement  oiVils  feront  précipités 
dans  les  Enfers.  Il  parle  des  divers  ordres  d'Anges  6c  de  leur  dp.zt. 
miiFion  vers  les  hommes,  &  dit,  d'après  faint Grégoire,  que 
chacun  a  deux  Anges,  un  bon  pour  le  garder ,  &  un  mauvais  pour 
le  tenter. 

X.  Venant  à  l'ouvrage  des  fix  jours,  il  l'explique  en  peu  de    C'.'"'.  17,  i*. 
mots.  Puis  il  parle  de  la  création  de  l'homme,  delà  formcition  ^^  '  ^   '  ^''' 
de  la  femme;  de  l'état  de  l'homme  avant  le  péché  ;  de  fon  péché 
qu'il  fait  confifter  dans  un  mouvement   d'orgueil;  il  pouvcit 
réprimer  ce  mouvement  &  réfifter  au  Tentateur  par  le  fecourà  "'* 
de  la  grâce  qu'il  avoir  reçue  dans  la  création  ;  par  ce  péché  leà  50. 
forces  de  fon  libre  arbitre  font  diminuées ,  de  façon  qu'après 
même  la  rédemption  du  genre  humain   il  a  befoin  pour  faire 
le  bien  d'une  grâce  intérieure  opérante  qui  le  délivre  ,  excitante 
&  coopérante,  au  lieu  qu'avant  le  péché  il  ne  lui  fiiloit  qu'une 
grâce  coopérante  ,  parce  qu'alors  il  n'avoir  pas  befoin  de  Libé- 
rateur,  mais  feulement  de  Cooperateur.il  faut  fçavoir,  'dit  ce 
Prélat,  que  le  libre  arbitre  ne  s'appelle  pas  ainfi  parce  qu'il  eft 
porté  également  à  l'un  ôc  à  l'autre ,  c'eft-à-dire  au  bien  &  au 
mal  (û), chacun  peut  bien  tomber  de  lui-même,  niais  il  ne 


(a)  Prxtcrpa  (ciencium  eft  qucd  non 
îdeo  dicitur  liberum  arfeitritim  quod  xciua- 
litfr  le  Ii.ibcat  ad  utrumqiie  ,  l'cilicet  ad  ho- 
num  &  nd  mulum  ,  cutn  pcr  fe  quilque 


ponît   catlere  ,  fed    per    fo    non     poteft 
(uigere  ,  nifi  juvetur  à  gratia  Dei.  Hild, 

Traéldt.Theolo^xap.  ^o. 

Eij 


5^        LE  VENERABLE  HILDEBERT,' 

peut  fe  relever  s'il  n'eft  aidé  de  la  grâce  de  Dieu  ;  le  libre  arbitre 
eft  fuififant  de  lui-même  pour  le  mal ,  mais  il  ne  fuffit  pas  de  lui- 
mcme  pour  le  bien. 
Cjp.  ji,3i,       XL  Kildehert  traite  après  cela  des  pe'che's ,  de  l'originel  & 

îî-  dePaduei  ;le  preniiereft  ainfi  appelle^  parce  que  nous  le  con- 

tractons dès  notre  origine ,  c'e!l-a-dire  ,  de  nos  parens  ,  qui  nous 
le  tran 'mettent  par  la  concupifcence.  C'eil  par  cette  voye  que 

Cjy.  34  trff].  le  péché  d'Adam  eu  pafié  à  tous  fes  defcendans.  Le  péché  actuel 
cft  celui  que  l'on  commet  par  foi-a\cme.  Qn,  diiîingue  fept 
péchés  capitaux,  quilbnt lafource de  tous  les  autres  ;  ôc  on  leur 
oppofe  fept  vertus,  qui  produifent  en  nous  les  fept  Dons  du 
Saint-Efprit. 

Op.  4».  XI L  Pour  remédier  aux  maux  que  caufent  les  péchés  originel 

&  aduels ,  Jefus-Clirift  a  établi  les  Sacremens.  Ce  font  des  fignes 
vifibles  des  grâces  invifibles  qu'ils  produifcnt.  Par  exemple, 
dans  le  Baptême,  l'ablution  extérieure  qui  fe  fait  par  l'eau  ,  eft 
le  figne  de  l'ablution  intérieure  du  péché,  foit  originel ,  foit 
a£luel.  L'ablution  extérieure  te  failbit  encore  fur  tout  le  corps 
du  tems  d'Hildebert  ;  ce  qui  montre  que  le  Baptême  fe  donnoit 
par  immerfion.  Cet  Auteur  n'encre  pas  dans  le  détail  des  Sacre- 
nicns,  ôc  h'nit  fon  Traité  par  quelques  réflexions  fur  l'ancien  & 
le  nouveau  Teftament.  Mais  il  n'en  eft  venu  qu'une  partie 
jufqu'^à  nous.  Les  autres  manquoicnt  dans  le  n-sanufcrit  fur  lequel 
ce  Traité  a  été  publié.  Il  eft  écrit  avec  beaucoup  de  méthode  , 
de  netteté  &  de  précinon.  Hildebert  commence  ordinairement 
par  rapporter  les  diFLn'cns  léntimcns  des  Auteurs  fur  une 
queftion  ;  puis  il  donne  le  iTen  &  l'appuyé  de  raifons  ôc  d'auto- 
rités. Enfuite  il  propofe  les  objections  ôc  les  réfout. 
Traité fL-ile       XTIL  Lc  Traité  du  Sacrement  de  l'Autel  que  l'on  donne 

VA^tcr"^ '^*  ^^  l^ublic  pour  la  première  fois  ,  s'eft  trouvé  joint  à  celui  de 
l'honnôte  ôc  de  l'utile  dans  le  manufcrit  de  Monfieur  Colbert, 
La  Doctrine  de  1  Eglifc  fur  la  préfence  réelle  y  eft  Ci  clairement 
établie  ,  que  l'on  ne  peut  douter  de  la  catholicité  d'Hildebert 
fur  ce  point ,  ni  de  fon  éloignement  des  erreurs  de  Berenger 
fon  Maitre. 
Anaiyfe  ^e      XIV.  Cet  Evôquc  convient  que  de  tous  les  myfteres  que  la 

«e  Traite,     p^j  pQ^g  enfcignc  ,  ôc  de  tous  les  elfets  de  la  puiftance  de  Dieu  ♦ 

P-S-  II03.  .,        ,  •  -      I  T         I  '  •  1 

il  n  V  en  a  point  ou  la  railon  humaine  pénètre  moins  que  dans  ce 
qui  fe  palL  à  légnrd  delEuclurillic  ;  mais-il  en  établit  la  réalité  , 
en  difant  que  le  Corps  de  Jefus-Chri'l  eft  en  mcme-tems  dans 
le  Ciel  ôc  fut  nos  Autels  ,  en  quclq^ue  nombre  ôc  en  quelque 


EVE  s  QUE  DU  M  A  N  S,  &c:  37 
îicu  qu'ils  foient  ;  qu'il  eft  fur  chaque  Autel ,  non  par  parties ,  mais 
tout  entier  ;  non  en  iigure ,  mais  réellement  ;  non  dans  une  forme 
fenfible  ,  mais  infcnfible  ;  qu'encore  que  l'Hodie  Ibit  divifce  en 
plufieurs  parties,  le  Corps  de  Jefus-Chrift  ell:  entier  (a)  fous 
chacune  de  ces  parties ,  enforte  que  tous  les  Communians  le 
reçoivent  entier  ôc  fans  divifion  ;  que  quoique  la  fublbnce  du 
pain  ôc  du  vm  foit  chiingée  au  Corps  6c  au  Sang  de  Jcfus-Chriîl , 
les  accidens  du  pain  ôc  du  vin  (  b  )  demeurent  fans  être  changés  , 
ôc  fans  fubftance  ,  ou  fans  fujet  :  tout  cela  eft  inconnu  à  la  raifbn; 
mais  ce  qu'elle  ignore ,  la  Foi  le  connoît.  Elle  connoît  par  la 
grâce  ce  que  la  raifon  ne  peut  f(^avoir  par  Texperiencc. 

XV,  C'eft  encore  fur  l'autorité  d'un  manufcrit  de  la  Blblio-  Fxpofîtion 
tequede  M.  Colbert  que  Ton  attribue  à  Hildebert  une  expofition  '''-'  '"  ■'^'«'^«y 
ou  Commentaire  moral  fur  la  Méfie  ;  on  y  remarque  auffi  fou 
génie  pour  les  allégories  ;  ôc  une  grande  conformité  de  fentiniens 
avec  fes  pocnies  furl'Euchariftie  ,  dont  le  principal  cfl  imprimé 
fous  fon  nom  dans  toutes  les  éditions.  Le  commencement  de  ce 
Commentaire  avoit  déjà  été  publié  par  IVlelchior  Hittcrpiusà 
Cologne  en  1  <^6S.  Hildebett  donne  en  premier  lieu  une  explica- 
tion morale  de  tous  les  habits  Sacerdotaux.  Enfuite  il  explique 
dans  le  môme  goût  toutes  les  parties  de  la  MelTe  ,  dont  il  donne 
aufii  quelquefois  une  explication  littérale.  On  faifoit  alors  dans 
le  Canon  mémoire  du  Saint  ou  des  Saints  au  jour  de  leurs  FêteS'. 
Nous  ne  le  faifons  plus.  Il  s'explique  fur  la  préfcnce  réelle, 
avec  autant  d'énergie  (c),  que  dans  le  Traité  précèdent,  eia 
ajoutant,  que  le  Corps  de  Jcfus-Chrift  ccnfacré  par  le  Prêtre, 
eft  le  même  Corps  qui  eft  né  de  i?.  Vierge.  A  foccafion  de  la 


(a)  Sacra'îi.-ntoper  partes  divifo  ,  non 
tarnen  Corpus   in  pr.iifcs   Icin-.iiiurj  ut  & 


jplum  iJiviliiTi&  per  partes   lurnatur  ,  fed  (  f  )  Xam  lîtut  caro  Chrifti  quam  ::f- 


fub  pr.r£il>us  divilis  &  in  par:ibi;s  lîn^tilis 
à  fina^ulii  pe rcipicnt?bus  iûQxm  pîrcipitur 
tO!um  rtqae  imiivifum.  Hid.  de  Eu'ch.i- 
rijfr.i ,  pag.  1 1  o?. 

(b  )    îs'uinqi.id    ei  (  rationi  humsni  ) 
capabik  elî  ,  qualiter  rubflarttia  panis  & 


Tiiii  in  fubftn-ntir.tn  Corporiî  ?c  Siinwuinis  *•  Chrifti ,  nec  fu nt  dao   corfor.i   i'Ia 


fiJei.   Rntvo  Itîc  totum  ignorât,  fed  fides 
pr^rumit  quod  r.^fio  non  capit.  lb:d. 


fumpf.t  in  utero  vir;jinali  ,  vcrum  Ccr- 
pLs  ejus  éft. ,  S:  pro  nolira  faUite  occifum  ; 
ita  panis  q'iicm  ("hii.lu!.  tr.ldidit  DifcipuiTs 
(liis  &  qiiem  quMidif  Ci^nlvC  r.int  Spccr- 
dotc's  in  Fcclelî;'. ,  cuin  virtute  Divinitr.tis 
qua:    illum    replet  ,    venim   Corpus    eft 


Domini    converfd  ,  non  tamfR  converla 
funt  paritcr  ,  ied  manenr   immutnt.i ,  line 


panis    ic   fine  iri.ii  l\ibftanria  ,  tam  panis      ut  Jum  liic  frangitur  &comeJitur,  Chriftuî 


quam  vini  acciùi.n;ia/  (^uoniodo  acciden 
tia  fin»  fuLjeclo  ,  yel  lii-c  a^cidentia  in 
quo  nan  fi»t  line  (iibjcv'^o  !  Viainiftiseft 
i£iiot4   raiigui  ,  fej  non  pcjiitùs  ignota.  , 


quam    aJTumpfit   &   iflep:^nisj  fed  un.iiiï 
&  vtrum  Corpus  fiint  Clirifti,  in  faiit?i:ii 


immoletur  &  comcdatur,  &  tamen  inteî;er 
&  vivus  permaneàt,  HiM.  expaf,  MiJJie^ 


£  iij 


58        LE  VENERABLE  HILDEBERT, 

bénédi£lion  qui  fe  donne  à  la  fin  de  la  MefTe ,  il  remarque  qu'il 
étoit  dufage  dans  un  entretien  avec  un  ferviteur  de  Dieu ,  de 
prendre  fa  bénédidion  lorrqu'on  fe  féparoit  de  lui  :  coutume 
obferve'e  parmi  les  Moines  à  légard  de  leur  Supérieur ,  lorfquils 
fartent  du  rJonaftere  ,    ou  qu'ils  y  retournent.    Quoique    les 


de  fon  PaHeur. 


§.  IV. 

Des  Pûcmes  d'Hildebert. 

Traité  de  la  L  X     E  poëmc  d'Hildebert  fur  le  facrifice  de  la  Mefle  eft 
concorae   ^e        |   j  intitulé  diverfement .  dans  les  différentes  e'ditions  qu'on 

1  ancien  &  du  -"■.■*  n        i      -n      '•  -l  -r^        i 

nouveau  Sa-  en  a  taites.  Dans  celle  de rans en  i^-^S  ,■  il  a  pour  titre:  De  la 
j^"^*^^' ow-^^  Concorde  de  l'ancien  &  du  nouveau  Sacrirtce  ;  dans  celle 
d'Anvers  en  i  j  60:  Vers  fur  le  myflcre  delaMeile.  Le  titre  dans 
l'édition  de  Lyon  en  1 677  jefl  le  même  ;  mais  il  y  cft  ditqu'Hil- 
debert  étoit  Archevêque  de  Tours  lorfqu'il  compofa  ce  poëmc, 
ce  qui  n'eft  pas  vraifemblable ,  puifquil  ne  paffa  du  Mans  a  Tours 
qu'en  1 1  2j  ,  dans  la  foixante-dixiéme  année  de  fon  âge,  &  que 
depuis  il  fut  occupé  de  très-grandes  affaires.  Il  eft  plus  probable 
qu  il  récrivit  ou  étant  à  Cluni  avec  l'Abbé  Hugues  ,  ou  au  Mans 
dans  le  tems  qu'il  en  gouvérnoit  l'Ecole.  Ce  dernier  fentiment 
eft  appuyé  de  l'autorité  d'un  manufcrit  de  Marmoutier,  ôc  du 
témoignage  dePierre Paillard  ,  Moine  du  même  Monaflere  ,  qui 
vivoit  peu  de  tems  après  Hildebert.  Quoiqu'il  en  foit  de  l'époque 
&  du  titre  de  pocme,  il  eft  vifible  que  l'Auteur  ne  le  compcfa 
de  mcme  que  les  deux  Traités  fur  lEuchariftie  dont  nous  avons 
déjà  parlé ,  que  pour  faire  voir  au  public  combien  il  étoit  éloigné 
des  erreurs  de  Berenger ,  &  attaché  à  la  Dodrine  de  l'Eglife  que 
ctx.  héréfiarque  avoir  combattue. 
Analvfe  de  I  !•  Son  poëme  eft  précédé  d'une  élégie  de  la  façon  de  Pierre 
ce  pocmc.  Paillard,  dans  laquelle  il  annonce  ce  poëmefous  le  nomd'Hil- 
P"£'  "34.  debcrt ,  &  d'une  autre  pièce  en  vers  hexamètres  au  nombre  de 
quatorze,  intitulée  Apologie.  Ce  Prélat  dit  dans  fa  Préface,  qu'il 
fe  propofe  de  montrer  ce  que  fignifioit  la  Meffe  des  Anciens, 
c'cft-à-dire,  les  Sacrifices  de  l'ancienne  Loi.  Il  commence  par 
rintroït  de  la  Meffe  &  donne  de  fuite  l'explication  de  toutes  les 


EVESQUE  pu  M  A  N  S,  ôcc.  ^-p 
autres  parties.  Sur  la  leçon  de  l'Evangile  il  remarque  qu'elle  fe 
faifoit  au  côté  gauche  de  l'Autel,  ôc  qu'alors  les  Alliflans  met- 
toient  bas  les  bâtons  fur  lefquels  ils  s'appuyoient  pendant  le 
refte  de  l'Oiîice  ,  qu'ils  entendoient  ordinairement  debout. 
C'efl:  pour  cela  qu'on  leur  permettoit  l'ufage  d'un  bâton  pour  le 
foutenir  dans  les  grandes  lolemnitcs.  Il  parle  clairement  de  la 
tranfubflantiation  du  pain  ôc  du  vin  au  Corps  &  au  Sang  de 
Jcfus-Chrifl:  ;  il  s'exprime  de  la  même  manière  dans  le  fécond 
pocme  ,  qui  eft  aulli  fur  le  Sacrement  de  l'Autel ,  6c  s'y  fait 
reconnoître  par  le  terme  iSacrj/èjc  pour  fignilier  leMiniftre  :  terme 
qu'il  employé  audl  dans  fes  autres  opufcules  fur  cette  matière, 
ôc  qui  lui  eft  particulier.         ,/' 

111.  Le  fuivant  eft  encore  fur  l'Euchariftie  ;  il  n'eft  pas  fur-     Livre    fur 
prenant  qu'Kildebert  ait  traité  fcuvent  cette  matière  dans  un  l'Euchariftie, 
tems  ,  où  les  Bcrengeriens  répandoient  partout  leurs  erreurs  fut  ^''^^'  "'''* 
ce  Dogme.  Il  y  eniéigne  en  plus  d'un  endroit ,  que  le  pain  ôc 
ievin(a)  font  changés  au  Corps  ôc  au  Sang  de  Jefus-Chrift ; 
que  ce  Corps  eft  le  même  qui  eft  né  de  la  Vierge,  ôc  qui  a  été 
attaché  à  la  Croix.  Ces  endroits  font  cités  fous  le  nom  de  cet 
Evêque  dans  les  manufcrits  ;  ce  qui  ne  lailTe  pas  lieu  de  douter 
jque  le  Livre  où  ils  fe  trouvent  enchallés  ,  ne  foit  de  lui.  Ajoutons 
que  le  terme  de  Sacrif.'X  y  eft  aufll  employé  plus  d'une  lois.  Il  fe 
.propofe  dans  cet  ouvrage  de  montrer  pourquoi  l'on  ofîVc  du  pain 
&.  du  vin  dans  le  Sacrement  du  Corps  ôc  du  Sang  deNotre-Sei- 
gneur  ;  pourquoi  l'on  y  mêle  de  l'eau  ;  enfuite  il  prouve ,  que  la  .  j 

chair  deJ.C.  confacrée  fur  l'Autel,  eft  la  même  que  nous  croyons 
être  née  de  la  Vierge,  ôc  avoir  été  attachée  à  la  Croix  ;  que  nul 
^utrequej.  C.  ne  pouvoir  fatisfaire  pour  le  péché  d'Adam;  que  le 
Prêtre  à  l'Autel  n'eft  que  le  Miniftre  de  Dieu  qui  eft  le  Sacrifi- 
cateur ;  qu'il  n'eft  permis  à  aucun  Fidèle  d'ignorer  ce  quec'eft 
que  le  Sacrement  d'Euchariftie ,  parce  que  cette  ignorance  le 
rendroit  indigne  de  la  recevoir  ;  que  fuivant  la  diverfité  des 
mérites  de  ceux  qui  la  reçoivent ,  elle  leur  eft  profitable  ,  ou 
nuifible.  Ce  Traité  eft  rempli  defentimens  de  pieté  6c  d'oncliouv 
Il  ne  faut  que  le  lire  pour  trouver  vrai  ce  que  dit  l'Auteur  des 
ades  des  Ëvêques  du  Mans  ,  que  lorfqu'Hildebert  montoit  à 
l'Autel  pour  y  célébrer  le  faint  Sacrifice ,  il  étoit  fi  vivement 
•pénétré  de  douleur  à  la  vue  de  fou  indignité,  qu'il fcndoitea 
larmes. 

(a)  Pdg.  115},  iiî5>  "57.  11)8' 


4»      LE  VENERABLE  HILDEBERT; 

Polmésfur      IV.  Hildcbert  exerça  fa  mufe  fur  divers  autres  fujets,maîs 
Touvrage  des       mêlant  toujours  dans  fes  vers  des  réflexions  édifiantes  ,  & 

Ex  jourf  ,  &  j      •       j      l'T-     •  •  -rr         1  • 

autres  fujets,  donnant  aux  endroits  de  IJicriture  qui  en  paroillent  le  moins 
pag.  iiùffù-  fufceptibles ,  un  fens  fpirituel  &  moral.  C'efl:  ce  que  l'on  remar- 
quera  dans  (on  poëme  fur  l'ouvrage  des  fix  jours  ;  fur  les  Livres 
des  Rois ,  ôc  fur  divers  paflages  de  l'ancien  Teftamcnt.  Il  mit 
auifi  en  vers  le  premier  chapitre  de  l'Ecclefiafte  ;  les  plus  beaux 
endroits  des  Evangiles  ;  des  remarques  fur  quelques  points  de 
difcipline  ou  de  morale;  la  défenfe  de  Suzanne  par  Daniel;  le 
martyre  des  Maccabées  ;  celui  de  S.  Vincent;  de  fainte  Agnès > 
l'Invention  de  la  fainte  Croix  ;  la  vie  de  fainte  Marie  d'Egypte  , 
celle-ci  efl:  en  vers  léonins.  Tous  ces  poèmes  portent  le  nom 
d'Hildebert  dans  les  meilleurs  manufcrits.  Son  nom  fe  lit  aufli 
dans  un  très-bon  manufcrit  de  l'Abbaye  de  faint  Amand  ,  à  la 
tête  de  l'Hiftoire  de   Mahomet.    Mais  elle  efl:  défigurée  par 

flufieurs  anachronifmes  ,  ôc  autres  fautes  contre  la  vérité  de 
Hiftoire  ;  cnforte  qu'en  l'attribuant  à  Hildebert,  oneft  obligé 
de  dire  qu'il  l'écrivit  étant  encore  jeune  ,  appliqué  à  l'étude  des 
Belles-Lettres  ;  &.  que  fon  but  dans  la  compofition  de  cette 
Hiftoirc  ,  étoit  plutôt  d'infpirer  par  une  pièce  académique  delà 
haine  contre  Mahomet  ôc  fes  Sedateurs ,  que  de  les  faire  con- 
noître  tels  qu'ils  étoient  véritablement. 
Autres  poë-      V.  Ceft  du  m«me  manufcrit  que  l'on  a  tiré  le  Livre  d'Hilde- 
«nei  a'Kildc-  j^gj.j  ^  intitulé  Mathématique.  C'efl:  une  pièce  académique,  faite 
pii»'/,  ^'^''     dans  le  mêmc-temsque  la  précédente,  mais  en  dérifion  de  laftro- 
logie    judiciaire.  Il  n'y   attaque  perfonne  en   particulier.    Ce 
pocme  ne  paroît  pas  achevé. 
Poi-mej  fa-       VI.  Il  fit  lui-même  un  Recueil  de  fes  poëmcsfacrés  ôc  moraux  j; 
crcs  &  mo-  qu'il  envoya  à  un  Evêque,  qui  les  lui  avoir  demandés.  On  croit 
r»ux,  ptig.    q^e  ç'ç(^  Qyiii^uiiie  ^  Evêque  de  Vinchefl:er,  qui  en  effet  lui 
demanda  quelques-uns  de  fes  opufcules  ,  ôc  à  qui  il  en  promit, 
comme  on  le  voit  par  la  trentième  Lettre  du  troifiéme  Livre.  Ce 
Recueil  fe  trouve  fous  le  nom  d'Hildebert  dans  un  manufcrit 
d'environ  cinq  cens  ans  ,  avec  le  titre  de  Floridus  afpe6lus  qui  efl 
le  même  que  l'Auteur  lui  donne  dans  le  prologue.  Il  commence 
par  un  poème  fur  la  NaifTancede  Jefus-Chrifl.  Suit  l'épitaphe  de 
Kobert  d'Arbriflel ,  ôc  quantité  d'autres  ,  pour  des  pcrfonnes  de 
la  première  condition.  Les  éloges  qu'il  donne  à  Robert,  font 
voir  ou  que  la  Lettre  dans  laquelle  il  lui  reproche  fa  familiarité 
avec  les  femmes  ,  n'efl  pas  de  lui ,  ou  que  fi  elle  en  efl: ,  il  penfa 
depuis  plus  fainement  de  ce  faint  Fondateur ,  ayant  connu  pac 

iui-mêmç 


EVESQUEDUMANS,ôcc.        44 

lui-même  la  faufTeté  des  bruits  répandus  fur  fon  compte.  Il  y 
paroît  de  Texcès  dans  les  louanges  qu'il  donne  à  Berenger  fon 
Maître.  Maison  doit  par  donner  quelque  chofe  à  la  reconnoif- 
fance  d'un  Difciple,  qui  croit  d'ailleurs  perfuadé  que  fon  Maître 
ëtoit  mort  pénitent,  &  dans  la  Foi  Catholique  ,  après  l'avoir 
combatue  de  fon  vivant. 

VII.  Suivent  divcrfcs  Oraifons  ôc  Profes  rimées  ;  un  pocme     P-^g-  «Jî?* 
contre  l'avarice  ;  une  élégie  fur  fon  exil  ;  des  vers  fur  les  douze 
Patriarches  ;  fur  les  fept  Heures  Canoniales  ;  fur  les  trois  Ordres 
del'Eglife;  d'autres  à  la  louangedes  Rois  6c  des  Reines  d'Angle- 
terre ^  ôc  fur  différentes  matières. 

§.    V. 

Jugement     des    Ecrits    d'Hildebert. 
Editions   qu'on  en  a  /dites. 

I.  T  L  eft  furprenant  qu'un  homme  occupé  de  tant  d'affaires,       Jugement 

I        •    /    I      '^         1  r-  •  '    rr      j     1    T  de  les  poefies. 

X  agite  de  tant  de  periecutions ,  ait  trouve  allez  de  loilir  pour  *^ 

-compoler  un  fi  grand  nombre  de  vers  ôc  de  toute  efpece.  On 
les  fait  monter  à  plus  de  dix  mille  ,  foit  en  poëmes  ,  foit  en  épi- 
grammes  ,  foit  en  épitaphes.  Mais  il  faut  fe  fouvenir  qu'il  cultiva 
de  bonne  heure  les  Belles-Lettres  ;  qu'il  s'y  appliqua  férieufe- 
ment,  ôc  qu'ilyréuiïit  de  façon,  que  fui  vaut  le  rapport  des  actes  Adap.  HilL 
des  Evêques  du  Mans ,  il  furpalTadans  la  fcience  des  beaux  Arts  ,  yxfat. 
prefque  tousfes  Condifclples  ;  ôc  qu'il  s'acquit  dans  la  fuite  par 
les  écrits ,  tant  en  profe  qu'en  vers  ,  une  réputation  qui  s'étendit 
jufques  dans  les  Provinces  les  plus  éloignées.  Orderic  Vital 
témoigne  (  a  )  la  même  chofe  ,  ôc  il  va  jufqu'à  l'appeller  un 
Verfificateur  incomparable  ;  à  mettre  fes  vers  en  paTallelle  avec 
ceux  des  Anciens,  ôc  à  dire  qu'il  leségaloit ,  ou  môme  les  fur- 
paffoit.  Quelques  Critiques  de  ce  fiécle  n'en  ont  pas  jugé  fi 
favorablement.  Ils  trouvent  fes  pièces  poétiques  groilieres ,  ôc  fc 
plaignent  qu'il  n'y  a  pas  même  obfervé  les  règles  de  la  quantité. 
Mais  fi  Hildebert  a  péché  en  cela  ,  ce  n'a  pas  été  par  ignorance  , 


(a)  Hic  facer  h;ros  HilJcbertus  tam  t  mu'ta  carmina  priftis  poematibus  r.-îra'îa 
ïivinarum   qu^m    fjEcu'.anum    eruditiorie  1   vel  eminentia  condidit.  {Jrderx  Vltil.  Lib», 
littemrum  fti'liofus  ,  tîrnponoas  iioftris  I    lo  ,  thjl,  jJ^l^.  ijo, 
incomparabil's    vr"''  ■"  -    •laruit  ,    &  i 

Tome  XXI L  F 


42   LE  VENERABLE  HILDEBERT, 

puifqu'ii  y  a  de  fes  poèmes  ^  où  il  s'eft  affujetti  avec  autant  d'exac- 
titude, que  nos  Poètes  modernes  aux  règles  de  l'art  poétique^ 
S'il  a  été  moins  fcrupulcux  en  d'autres  ,  c'eft  qu'il  étoit  plus 
^  permis  à  un  Evêque  (  a  )  qui  traite  des  matières  d'édification  ,  & 
dont  le  fond  eft  tiré  des  divines  Ecritures ,  de  ne  pas  s'aftraindre 
fi  rigoureufement  aux  Loix  de  la  Grammaire  ,  qu  à  des  Laïcs 
qui  s'occupent  de  matières  prophanes.  Nous  ajouterons  .  qu'écri- 
vant dans  un  fiécle  qui  n'étoit  pas  dépouillé  de  toute  barbarie,. 
qu'il  y  auroit  un  manque  d'équité  ,  d'exiger  qu'alors  il  eût 
écrit  comme  dans  le  nôtre  ,  où  l'on  a  à  tous  égards  plus  de 
facilité  de  former  de  bons  vers.  Pour  juger  fainement  de  ceux 
d'Hildebert,  il  faut  lire  fes  poëmes  fur  l'ouvrage  des  fix  jours  ;fuc 
l'ornement  de  l'Univers  ;  fur  Suzanne  ;  fur  les  Rois  ô:  les  Reines 
d'Angleterre  ;  fur  fon  exil  ;  fur  la  vraye  amitié  ;  fur  les  mathéma- 
tiques ôc  quelques  autres  fujets  qu'il  a  remplis  très-exaftement. 
Juçemei  t  I L  A  l'égard  de  fes  Lettres  elles  font  bien  écrites  ,  d'un  ftyle 
defesLetfns  correiSt  ,  élégant,  poli,  net,  agréable.  Saint  Bernard  en  admi- 
Ecrits?^""'*  roit  l'érudition  ôc  la  douceur,  11  y  a  moins  d'élégance  dans  les- 
fermons,  &  peu  de  feu.  Mais  ils  font  folides,  très-infirudifs, 
pleins  de  fcntimens  de  pieté  ,  &  propres  à  1  infpirer.  On  y 
apprend  la  plus  faine  théologie  ,&à  connoitre  plulieurs  anciens 
Rits  de  l'Eglifc.  De  fes  opufcules ,  le  plus  intéreifant  eft  fon 
Traité  théologique.  Celui  de  l'Euchariftie  cft  moins  clair  pour 
le  ftyle  ;  ce  qui  vient  apparemment  de  la  difîiculté  de  bien 
traiter  un  fi  profond  myflere. 
Edîtions par-  HJ.  La  vie  de  fainte  Marie  d'Egypte  par  Hildebert  a  été 
tKuiieres  de  jf^prinf^^g  (jans  Bollandus  au  tome  premier  d'Avril;  &  celle  de 
faint  Hugues  ,  Abbé  de  Cluni  ,  au  troifiéme  tome  du  môme 
mois  ;  ôc  dans  la  Bibliotcque  de  Cluni  par  André  du  Chefne ,  6c 
dans  Surius.  En  KÎ37  Rivinus  rendit  publics  à  Leipfic  les 
a£les  du  martyre  de  fainte  Agnès,  fous  le  nom  du  même  Evoque. 
Ils  avoient  déjà  été  publiés  par  Barthius  au  chapitre  13  de  foa 
trente-unième  Livre.  Son  Hymne  &  fes  Rythmes  fur  la  Tri- 
nité, avec  fon  Oraifon  au  Seigneur  ,  fe  trouvent  dans  le  Traité 
du  Symbole  par  Uflcrius  ,  ôc  ont  été  imprimés  fcparément  à 
Helmflad  ,  ôc  dans  le  fupplémcnt  des  Pères  ,  du  Père  Homey  ,  à 
Paris  en  1  684.  Le  poème  fur  le  myftere  de  la  Mcfle ,  a  été 
fouvent  publié  fans  nom  d'Auteur.  Il  eft  fous  celui  d'Hildebert 


(a)    Gruumatici  legcs  plcrumquc  Ecclc/îa  fpcrmt. 


E  V  E  s  Q  U  E    D  U   M  A  N  S ,  &c:       Af 

dans  l'édition  de  Paris  en  15-48  par  Gui  de  Mont-Rocher,  dans 
la  colledion  de  Melchior  Hittorpius  à  Cologne  en  15-58  infol, 
ôcdans  les  Biblioteques  des  Pères,  de  Paris,  de  Cologne  &  de 
Lyon.  Le  poëme  de  la  création  du  monde  &  de  lojvrage  des 
fix  jours  ,  avec  celui  du  Siège  de  Troyes  ,  fait  partie  de  l'Hif- 
toire  desPoëtes  Latins  du  moyen  âge  par  Polycarpe  Leyferus.  .  ^'^S'  î'*» 
IV.  En  170S  Dom  Antoine  Beaugendre  publia  une  édition  '  Fjitiongé- 
de  tous  les  Ouvrages  d'Hildebert  chez  Laurent  le  Conte  en  un  neraie. 
volume  in-fol.  Elle  efl:  dédiée  au  Cardinal  d'Eflrées.  Dans  une 
Préface  générale,  Dom  Beaugendre  rend  compte  de  fon  édition  , 
&  nomme  avec  éloge  les  Sçavans  de  qui  il  a  tiré  quelques 
fecours.  Enfuite  il  donne  la  vie  d'Hildebert  ;  les  gelles  des 
Evêques  du  Mans,  où  il  efl  parlé  de  lui  ;  des  notes  fur  ces  geftes; 
les  témoignages  que  faint  Bernard  ,  faint  Anfelme  ,  Yves  de 
Chartres ,  6c  quelques-autres  ont  rendus  à  fon  fçavoir  ôc  à  fa  vertu. 
Suivent  les  Oeuvres  d'Hildebert  dans  l'ordre  que  nous  les  avons 
analyfés  ;  l'Editeur  a  mis  au  bas  des  pages  des  notes  ou  théolo- 
giques, ou  hiftoriques,  ou  grammaticales  ,  félon  qu'il  en  eft 
beloin  pour  i'éclairciflement  des  endroits  difficiles.  Ilamisau.'Ii 
à  la  tcte  des  trois  Livres  de  lettres  ,  des  fermons ,  des  opufcules 
&  des  poëfies  d'Hildeiiert ,  de  fçavantes  obfervations  pour  affurer 
à  cet  Evêque  les  écrits  qui  font  de  lui  ;  ou  lui  ôter  ceux  qui  lui 
font  fauflement  attribués.  Dom  Beaugendre  avoue  humblement 
dans  fa  préface  que  les  notes  6c  fes  obfervationsont  été  retouchées 
par  Dom  Malfuet ,  Auteur  de  l'édition  de  faint  Irenée.  C'étolt 
bien  imiter  l'efprit  de  modedie  qui  règne  dans  les  écrits  d'Hil- 
debert. A  fes  notes  Dom  Beaugendre  a  joint  celles  de  Mon  fieuc 
Loyauté,  Avocat  au  Parlement  de  Paris  ,  fur  quelques  Lettres 
d'Hildebert;  6c  il  a  eu  foin  d'en  avertir  dans  une  préface  parti- 
culière. Les  Sçavans  ont  eftimé  fon  édition  ,  qui  efl  en  effet  bien 
exécutée.  Il  étoit  oûogenaire  lorqu'il  l'acheva  ,  6c  il  ne  l'avoit 
commencée  que  quelques  années  avant  fa  mort  qui  arriva  le  16 
d'Août  l'an  1708  ,  en  l'Abbaye  de  faint  Germain-des-Prés  à 
Paris. 


'4^  M  A  R  B  O  D  E  , 

CHAPITRE     III. 

Ma rbo  d  e,  Erêque  de  Rennes. 

ATarbo<if  ,1.     /%   P  R  e'  S  avoir  revu  les  Ouvrages  d'Hildebert,  Dom  Beau- 

Evèque  de         j^jL  gendre  travailla  aulTi  à  l'édition  de  ceux  de  Marbode, 

ao^"e   fes  Evêque  dc  Pvennes.  On  en  avoir  déjà  publié  qudques-uns  à 

Oeuvres.        Rennes  en  1^24-,  à  Fribourg  en  ijji  ,  à  Cologne  en  lyjp, 

à  Francfort  chez  Egenolphe  en  i5'40,  àLubccen  ij7J>  chez 

Balhornc,  à  Leipfic  en  i  jSj  ,  à  Leyde  en  KÎpj.  Cette  dernière 

édition  efl  de  Jacques  Gronovius.  Celle  de  Doni  Beaugendrc 

parut  en  1708.  L'Editeur  joignit  dans  un  même  volume  les 

écrits  de  cet  Evêque  ôc  ceux  d'Hildebert  ;  mais  en  donnant  a 

ceux-ci  la  première  place  ,  parce  que  l'édition  en  fut  achevée  , 

avant  qu'il  fongeât  à  en  donner  une  des  écrits  de  Marbode.  S'il 

en  eût  voulu  fuivre  l'ordre  chronologique  ,  les  ouvrages  de  cet 

Evêque  euffent  précédé,  puifquil  fut  fac  ré  Evêque  de  Rennes 

en  io^ôi  ôc  mourut  en  i  125  ;  au  lieu  qu'Hildebcrt  n'eft  mort 

qu'en  1 1 34. ,  ôc  n'avoit  été  fait  Evêque  qu'en  1 0^7. 

Riîfons  ds       II.  Dom  Beaugendre  fut  engagé  à  une  nouvelle  édition  des 

la   dernière    Qeuvrcsde  Marbode  ,  autant  parlafoUicitation  des  Sçavans  que 

édiuon.  1    •  Ti      -  A    *  / 

par  la  rareté  des  exemplaires.  11  n  en  trouva  pas  même  un  dans 
la  Ville  de  Rennes,  où  s'étoit  faite  la  première  édition  en  i  ja^; 
Ôc  de  toutes  lesBiblioteques  de  Paris  ,  celle  du  Collège  ?vlazarin 
fut  la  feule ,  où  il  rencontra  un  exemplaire  de  cette  édition. 
Mais  elle  ne  contenoit  qu'un  très-petit  nombre  d  cpufcules  de 
Marbode,  non  plus  que  celle  que  Piflorius  fit  paroître  à  Fri- 
bourg en  I  J3 1 ,  ôc  Alard  à  Cologne  en  i  jjp.  Les  manufcrits 
recueillis  en  divers  endroits  ,  ont  fourni  à  Dom  Beaugendre 
plufieurs  autres  ouvrages  de  Marbode  qui  n'avoient  pas  encore 
été  mis  fous  la  prelTe.  C'efl  ce  qui  rend  fon  édition  la  plus  com- 
plette  de  toutes ,  ôc  en  même  tcms  la  plus  correile  par  la  con- 
frontation qu'il  a  faite  du  texte  imprimé,  avec  les  meilleurs 
ntanufcrits. 
Qui  ctoit       III.  Autant  qu'il  apulcconnoître  parles  diplômes  de  l'Abbaye 

Mifbode.       (3e  faint  Aubin  d'Angers  ,  il  paroît  que  Marbode  étoit  né  dans 

l'Anjou  ,  ôc  môme  à  Angers,  d'une  fan-.ille  noble  ôc  nombreufe. 

Prerfat.  in  Dcs  fcs  premières  années  il  fe  confacra  à  Dieu  ôc  au  fervice  de 

tp.  Marbirdi ,  i'£alife ,  ÔC  fut  fait  Chanoïnc  de  cette  Ville.  Comme  il  étoit  très 


EVESQUE    DE    RENNES.        4; 

?erf(édans  les  beaux  Arts,  &  qu'il  s'étoit  acquis  la  réputation 
d  éloquence  ,  on  le  choifit  pour  préiider  aux  Ecoles  d'Angers. 
Il  femble  môme  qu'il  fonda  dans  la  fuite  l'Univerfité  de  cette 
Ville.  Après  y  avoir  enfeigné  pendant  quatorze  ans  ,  depuis 
1067  jufqu'en  1081  ,  il  fut  fait  Archidiacre  de  cette' Eglife. 
11  remplit  ks  fondions  de  cette  Dignité  avec  tant  d'exac- 
titude ,  feus  trois  Evêques ,  Eufebel.  Geoffroi  I.  ôc  Gcoffroi  II. 
quecelui  de  Rennes  étant  mort  enio^5,  l'on  choifit  Marbodc 
pour  lui  fucceder,  &  cette  élcttion  fe  Ht  par  le  Pape  Urbain  If. 
dans  le  Concile  tenu  à  Tours  la  môme  année. 

l'V.  Contraint  d'accepter  l'Epifcopat,  il  gouverna  l'Eglife  Sa  morte»: 
de  Rennes  avec  beaucoup  de  prudence,  de  fagefle,  de  douceur  n^J. 
&  de  fermeté  pendant  vingt-huit  ans  ;  c'eft-à-dire  ,  jufqu'en 
112?  qu'il  abdiqua  ,  pour  fe  retirer  au  Monadcre  de  faint  Aubin 
d'Angers,  où  il  fit  profeffion  de  la  Règle  de  faint  Benoît.  Il  y 
mourut  la  même  année  le  troifiémc  de  Septembre  âgé  d'environ' 
quatre-vingt-huit  ans.  Les  Moines  de  faint  Aubin  donnèrent 
avis  de  fa  mort  par  une  Lettre  circulaire  ,  où  ils  font  l'éloge  de 
fa  vertu  &  de  fa  fcience.  Ils  relèvent  la  douceur  de  fes  mœurs  ÔC 
de  fes  difcours  ;  fon  érudition  ôc  fon  éloquence ,  qui  étoit  telle 
qu'on  le  regardoit  comme  le  Prince  des  Orateurs ,  &  le  premier 
Maître  de  l'éloquence  françoife.  Ulgcr  fon  fucceffeur  dans  l'Ar- 
chidiaconé  d'Angers  ôc  enfuite  Evoque  de  la  même  Eglifc  ,  fie 
fon  éloge  funèbre  en  trente  vers  élegiaques  ,  que  l'on  grava  fur 
fon  tombeau  ;  ôc  un  autre  en  fept  vers  hexamètres.  Il  y  en  a  unff 
troifiéme  de  Rivallon  ,  Archidiacre  de  Rennes.  Marbode  cfl  aU' 
nombre  des  Saints  dans  le  ?vIartyrologe  d'André  du  Saufiai.  Oii' 
trouve  fon  nom  parmi  les  Evoques  qui  allillerent  au  Concile 
tenu  à  Troyes  dans  le  commencement  d'Avril  de  l'an  1 104.. 

V.  Des  fix  Lettres  que  nous  avons  de  lui  ,  à  la  fuite  des     EcHts  Je 
Oeuvres  d'Hildebert,  ôc  dans  le  vingt-unième  tome  de  la  Bi-  M.irbode.  Ses 
blioteque  des  Pères  ,   la   première    eft   à  Pvaynaud  ,  Evêque'       "' 
d'Angers.  ATarbode  avoit  favorifé  fon  éleûion  ,  engagé  l'Arche-     Ei'ii.  i, 
vêque  de  Tours  à  le  facrer,  ôc  fait  le  voyage  de  Rome  pour/''^^^-  is^;.. 
la  faire  confirmer  par  le  Pape  Pafchal  II.  Raynaud  de  Martigne 
oubliant  tous  ces  fervices  ,  conçut  de  la  haîne  contre  Marbode  , 
trouva  le  moyen  de  le  dépouiller  lui  ôc  les  fiens  des  biens  qu'ils 
avoient  dans  le  Diocèfe  d'Angers  ,  lui  en  défendit  l'entrée ,  ôc  la 
communication  avec  fes  Clercs.  Marbode  fe  plaignit  à  Raynaud- 
même  d'une  conduite  fi  injufîe.  Ils  fe  réconcilièrent   li   bien, 
que  Raynaud  obligé  d'aller  à  Rome  en  1  lojp ,  confia  à  Marbodis: 

F  ni 


45  M  A  R  B  O  D  E , 

le  foin  de  fon  Diocèfe.  Tel  efl  le  fujet  de  ccttz  première  Lettre. 

E  i^  î  ,  VI.  La  féconde  ôc  la  troifiéme  font  à  Ingilger,  Solitaire  ÔC 
Prêtre  ,  de  grande  réputation  pour  la  fainteté  de  fes  mjcjrs. 
Mais  on  laccufoit  de  ne  vouloir  pas  entenira  la  Meile  d  ua 
Prêtre  qui  n'étoit  pas  de  bonnes  moeurs,  &d  empêcher  lepcup.c 
de  recevoir  de  ce  Prêtre  quelque  Sacrement  que  ce  fiit.  Ingilger 
?voit  communiqué  i^es  fentimens  aux  Solitaires  qu  il  avoit  fous 
fa  conduite.  Marbode  les  attaque  tous  dans  fes  Lettres;  leur 
fait  vol:  par  l'exemple  de  Jefus-Chrift  qui  donna  l'Eucliariftie 
à  Judas  ,  de  même  qu'aux  autres  Apôtres,  6c  par  l'autorité  de 
faint  Augullin  ,  6c  du  Pape  Nicolas  dans  fa  Lettre  aux  Bulgares, 
que  le  défaut  de  probité  dans  le  Miniflre  n'empêche  ni  la  réalité 
ni  l'effet  du  Sacrement.  La  réponfe  d  Ingilger  fut  ,  qu  il  ne 
doutoit  pas  de  la  validité  des  Sacremens  adminidrés  par  de 
mauvais  Prêtres  ,  mais  qu'il  penfoit  qu'on  devoit  éviter  les  Héré- 
tiques ôc  dépofer  les  Prêtres  fornicateurs.  Marbode  lui  dit  dans 
une  féconde  Lettre  ,  qu'on  ne  devoit  condamner  perfonne  que 
fuivant  les  règles  de  l'Êg-life ,  6c  l'exhorta  à  corriger  les  pécheurs 
avec  douceur ,  &;  à  prier  pour  eux  ;  ou  à  les  acculer  devant  leurs 
Juges  ,  alin  qu'étant  convaincus  ils  fuffent  punis. 

Epijl.  4.  VIT.  Dans  la  quatrième  Lettre  ,  il  prie  Vital ,  Fondateur  d'un 

Monadere  de  Filles,  d'y  recevoir  une  pauvre  Orpheline,  qui 
quoique  bien  inflruite  n'avoit  pu  trouver  place  dans  d'autres 
Monafteres  ,  où  par  abus  l'on  préferoit  l'argent  à  la  fcience.  li 
s'offre  toutefois  de  donner  quelque  chofe  ,  Ci  Vital  l'exige.  La 

EpJ^.^.  cinquième  Lettre  efl;  une  indrudion  fur  les  devoirs  de  la  vie 
chrétienne  ,  6c  fur  les  dangers  de  renvoyer  au  tems  delà  vieilleffe 
laconverfion  de  fes  mœurs, 

Epijl.  <•  V  1 1 1.  La  fixiéme  ne  porte  le  nom  de  Marbode  dans  aucun 

manufcrit,ni  celui  de  la  perfonne  à  qui  elle  efladreffée.  Mais 
elle  lui  efl  attribuée  dans  l'édition  de  fes  Oeuvres  à  Rennes  en 

I  j  24.  ,  6c  infcrite  à  Robert  d'Arbriffelle.  L'Editeur  ne  rend 
aucune  raifon  de  cette  attribution.  Comme  il  eft  tombé  dans  des 
fautes  trcs-g'roffieres  ,  on  ne  doit  pas  l'en  croire  aifément  fur  fa 
parole.  Nous  ne  citerons  qu'un  exemple  de  fon  peu  d'exactitude. 
Au  frontifpicc  de  fon  édition  ,  il  met  la  mort  de  Marbode  en 

II  80;  tandis  qu'elle  efl:  Hxée  à  1125  dans  la  Lettre  circulaire 
des  Moines  de  faint  Aubin  d'Angers  ,  qu'il  rapporte  à  la  page 
fuivante.  Il  y  a  apparence  que  cette  Lettre  efl  de  quelques-uns 
des  Clercs  concubinaircs,  contre  lefquels  Robert  d'Arbr'iffelle 
iiivedivoit  louvent  dans  fes  difcours  publics,  Ôc  qui  pour  fe 


EVE  s  QUE  DE  RENNES.  47 
mettre  à  couvert  de  fes  reproches ,  l'accufoient  des  fautes  dont 
ils  étoient  eux-mêmes  coupables. 

IX.  On  avoit  à  Angers  une  vie  de  faint  Licinius  ,  Evoque  de  Viedefamt 
cette  Ville ,  mais  d'un  ftyle  trop  diffus  ,  ôc  peu  châtié.  Marbode  Licinius, Evc- 
à  la  prière  des  Chanoines,  la  mit  en  un  ftyle  plus  poli  ôc  plus  ^^t.^^t"* 
précis.  En  reconnoiffance  le  Chapitre  lui  promit  des  prières  de 

Ion  vivant  ôc  après  fa  mort.  Quelques-uns  ont  inféré  de-là  ,  que 
Marbode  n'avoit  pas  été  Chanoine  d'Angers.  Mais  outre  qu'il 
appelle  ces  Chanoines  fes  frères  ,  il  eft  arrivé  fouvent  que  des 
Chanoines  ont  fait  dans  leurs  propres  Eglifes  des  Fondations, 
pour  avoir  après  leur  mort  les  fuffragcs  de  leurs  Confrères.  On 
en  voit  dts  exemples  dans  les  Obituaires  des  Eglifes  d'C  Paris  ÔC 
de  Chartres.  Quel  inconvénient  y  avoit-il  donc  qu  on  en  promît 
à  Marbode  pour  avoir  retouché  la  vie  de  faint  Licinius  f  C'eft  la 
même  que  les  BoUandiftes  ont  donnée  au  i  3  de  Février.  Marbode 
ctoit  Archidiacre  d'Angers  quand  il  mit  la  main  à  cet  ouvrage. 

X.  Vers  le  même  tems  il  mit  en  meilleure  forme  la  vie  de  Vie  de  faint 
feint  Robert,  Abbé  de  la  Chaife-Dieu ,  écrite  auparavant  par  Robert,  Abbé 
Gerauld  de  Venue,  Difciple  du  Saint ,  ôc  témoin  oculaire  de  ^-^^  Chaife- 
fes  allions  ,  mais  d'un  flyle  fi  dur  ôc  fi  prolixe ,  qu'il  ennuyoit 

les  Lefteurs.  L'ouvrage  plut  fi  fort  à  l'Abbé  ôc  aux  Moines  de  la 
Chaife-Dieu  ,  qu'ils  prefîerent  Marbode  de  retoucher  encore  un 
fécond  écrit  de  Gerauld  ,  intitulé  :  Des  vertus  du  Bienheureux 
Robert.  Marbode  les  fatisfit,  ôc  dédia  cet  Ouvrage  à  l'Abbé  ;  il 
ne  le  nomme  pas.  Mais  on  fçait  qu'il  s'appelloit  Seguin.  Le 
Moine  Gerauld  fit  quelque  tems  après  la  mort  de  Robert,  un 
voyage  à  Rome,  où  ayant  fait  récit  de  fes  vertus  ,  en  préfence 
du  Pape  ôc  des  Cardinaux  ,  il  obtint  que  l'on  en  feroit  la  Fête. 
La  vie  du  Bienheureux  Robert  fe  trouve  dans  les  aftes  de  l'Ordre 
de  faint  Benoît,  par  Dom  Mabillon ,  en  la  féconde  partie  du 
fixiéme  fiécle,  ôc  dans  Bollandus  au  dix-feptd'Avril^  telle  qu'elle 
a  été  corrigée  par  Marbode. 

XI.  Il  étcit  Evêque  de  Rennes,  lorfqu'il  retoucha  la  vie  de  Vleie  faint 
làint  Magnobode  ,  Evêque  d'Angers,  publiée  par  un  Anonyme  ,  Mas'nobode , 
mais  avec  trop  d'étendue.  Il  fut  engagea  ce  travail  parles  Cha-  ^  "'  ^^  ^*  . 
noines  de  la  Collégiale  érigée  fous  l'invocation  de  ce  Saint ,  qui 

pour  marque  de  leur  gratitude,  lui  accordèrent  la  même  grai,'e 
que  les  Chanoines  de  faint  Maurice  lui  a  voient  offerte  pour  avoir 
mis  en  meilleur  flyle  la  vie  de  faint  Licinius  ,  c'ell-à-dire  ,  des 
prières  pendant  fa  vie  ôc  après  fa  mort.  Dom  Beaugendre  a  fait  Bolhnd^. 
précéder  la  vie  de  faint  Magnobode  par  Marbode  j  de  celle  que 


4§  MARBODE; 

l'Anonyme  avoir  compofée^  parce  que  celle-ci  ne  paroîtn!  dans 
Bollandus  ni  aiileurs. 
Hiftoirede       XII.  Toutes  les  vies  dont  on  vient  de  parler  font  en  profe. 
Théophile  en  T^Iarbode  en  écrivit  plulieurs  autres  en  vers ,  prefque  tous  hexa- 

vers,  &  p.u-  •    'i    T-i    /       1  -i        1  j      HT         11/ 

^eu's  vipMies  mctres  ;  Icavoirla  vie  del  heophiie  ;  le  martvre  des  Macchabées  ; 

Samts ,  pjge  ^elui  de  faint  Laurent:  de  faint  Victor  ;  de  faint  Maurice  &  de 

fio7 ,     Jt^î-  j^^  Compagnons  ;  la  vie  de  fainte  1  haï;  ;  les  a  fies  de  la  PalTioa 

des  Saints  Félix  6c  Adaufte;  la  vie  de  f.iint  Maurllle,  Evoque 

d'Anrcrs.  La  vie  de  Théophile,  Econome  de  l'EgUfe  d'Adanc 

dans  la  Cilicie  ,  vers  l'an  j  3  8  ,  fut  écrite  en  grec  par  Eutychien , 

;Cc  traduite  en  latin  par  Paul ,  Diacre  de  TEgùfe  de  Napîes,  fous 

le  règne  de  Charlemagnc.  Sigebert  fait  mention  (a)  de  cette 

iraduetion.  Bolîandus  l'a  fuivie;  mais  il  a  aulfi  donné  la  vie  de 

Théophile  en  vers ,  de  la  faivîon  de  Marbode ,  après  avoir  dé- 

jaiontré  l'autenticité  {b]  de  l'Hiftoire  de  ce  Théophile  ,    que 

quelques  Critiques  avoient  fans  raifon  fait  paffer  pour  fabuleufe. 

Quelques-unes  des  autres  vies  raifes  en  vers  par  Marbode  fe 

Jifent  dans  l'édition  de  f^s  Oeuvres  à  Rennes  en  .15' 24.,  chez 

Jean  Macé.  Surius  (c)  a  donné  ceile  de  faint  Laurent. 

Autres  pjc-       XIII.  Les  autres  poëfies  de  Marbode  font  trois  Hymnes  fur 

fies  de  Mar-  fainte  Madeleine  ;  des  prières  à  Dieu  &:  à  la  fainte  Vierge  ;  une 

tîvî  '  ^  *    Ily^'"'^  ^^^  ^'^^    PrCtres  ;  une  épigramme  à  Hildebert  fur  fes 

lécrits  ;  l'éloge  de  la  chafteté  ôc  des  autres  vertus  ;  une  épigramme 

très  -  mordante  contre  un  Abbé   qui  ufurpoit   les    ornemens 

Epifcopaux  ,  l'anneau,  les  gants,  les  fandales  ,  la  mitre;  l'éloge 

de  la  vie  Monaflique  ;  des  épigrammes  à  diverfes  perfonnes  , 

cntr'autres  ^  à  la  ComtelTe  Ermengarde  ,   iiile  de   Foulques 

Rechin,  ôcà  Mathilde ,  Reine  d'Angleterre;  des  poëmes  fur 

les  Fêtes  de  l'Epiphanie ,  de  l'Annonciation  ,  de  la  Purification, 

de  lAfcenfion  ;  fur  les  avantages  de  la  folitude  ;  le  mépris  de  la 

vie  préfente  ;  fur  l'utilité  de  la  Croifade  ;  fur  le  naufrage  de 

Jonas ,   ôc    quantité    d'autres   fujcts.     Marbode  mit   en    vers 

héroïques  le  Livre  de  Ruth  ,  ôc  l'Hiftoire  du  rapt  de  Dina , 

rapportée  dans  le  trente-quatrième  chapitre  de  la  Genefe. 

LWre   de       XIV.  Le  Livre  de  l'ornement  des  termes ,  avoit  déjà  été 

l'ornement     imprimé  dans  l'édition  de  Rennes  en  i  c  24  ,  de  même  que  celui 

def    termes  ,         .»  .  ia        i-     ^i        •  »»    ■      t^  n  i 

fag.  1587,  &  qui  a  pour  titre  :  Des  dix  Chapitres.  Mais  Dom  ceaugendre  a 

de    la   bonne 

manière    d'é-    ———-——-—-—-—-----—---——— ——^——— ——-^——— ——^——^— — 

srire   ,    pjgf       (a)  Sigebert  de  Scriptor.  Ecdef.    cip.  '       (b)  BnH.in-'.  aâ    diem  4  Fd.  tcm.  i, 

J      ^  c  ;  6wius  ad  10  Aii^- 

revja 


EVESQUE    DE    RENNES.         451 

revu  &  corrigé  le  premier  fur  pluficurs  manufcrits.  Marbode 
lescompofa  l'un  &  l'autre  à  Angers  dans  le  tems  qu'il  y  enlei- 
gnoit  les  Belles-Lettres.  Par  lurnement  des  teriîies  ou  des 
verbes  ,  il  entend  l'ufage  qu^on  en  doit  ftiire  ,  pour  donner  de  la 
grâce,  de  la  force,  &  de  la  légèreté  au  difcours.  Pour  réuHîr  à 
fixer  cet  ufage,  il  donne  la  dértnition  des  différentes  figures  qui 
■entrent  dans  un  difcours,  6c  rapporte  fur  cliacune  des  exemples. 
Ainfi  après  avoir  dit  que  TeNclamation  cfl  une  figure  par  laquelle 
■nous  marquons  notre  douleur ,  ou  notre  indignation  ,  en  nous 
adrelfant  à  un  homme  ,  ou  à  une  Ville  ,  ou  à  quelqu'autre 
chofe  ;  il  en  propofe  un  exemple  en  ces  termes  :  0  yffix  flos 
Troiapoîens  :  0  gloria  qitœnuncl  In  c'meres  collapfajaccs.  Dans 
le  Livre  des  dix  Chapitres  qu'il  avoit  compofé  étant  jeune  &  qu'il 
•corrigea  dans  fa  vieilleffe  ,  il  traite,  i''.  de  la  bonne  manière 
d'écrire ,  qui  confifte  dans  la  netteté  da  difcours  ;  à  ne  pas  fe 
■fervir  dexpreflions  trop  recherchées,  ni  triviales  ,  &  à  n'être 
ni  trop  long  ni  trop  court.  2°.  Du  tems  &  de  l'éternité.  Il 
^  marque  qu'il  étoit  alors  dansfafoixantiéme  année.  9".  Des  maux 
que  caufcnt  dans  le  monde  les  femmes  débauchées,  a".  Des 
avantages  que  procurent  aux  hommes  les  femmes  vertueufes. 
^°.  Delà  vieil! e(Te  &  de  fes  incommodités.  6°.  Du  deftin  ôc  de 
lartrologie  judiciaire  ,  dont  il  fait  voir  la  fauffeté  ,  en  montrant 
que  les  aflres  n'ont  aucune  influence  fur  les  hcmmes.  7°.  De  la 
volupté  &  de  fes  fuites  pernicieufes.  8°.  De  la  vraie  amitié. 
p^.  Du  bien  de  !a  mort  pour  les  JuRes.  10°.  Des  avantages  de  la 
réfurreclion  des  corps. 

X  V.  Parnii  'les  vers  fuivans ,  nous  remarquerons  qu'il  y  en  a 
à  la  louange  d'Anfelme  de  Laon  ,  célèbre  par  fon  fçavoir ,  ôc 
Maître  d'AbalUard  ;  l'épitaphe  de  Chariemrgne  ;  celle  de  Lan- 
franc ,  Archevêque  de  Cantorberi.  Le  poëme  fur  l'Ordre  Mo- 
i^aftique  &  Eccléfiaftique  que  Dom  Beaugendre  croyoit  n'avoir 
pas  encore  vu  le  jour  ,  fut  imprimé  à  Bailc  en  1  7  5'7  i/z-S°.  d^ns  le 
llecueil  de  Matthias  Flaccius.  Il  y  eil;  même  plus  ample  que  par.ié^^. 
dans  la  nouvelle  édition.  Quelques  manufcrits  l'attribuent  à 
Gualon,  Anglois,  qui  écrivoit  vers  l'an  1170.  Les  proverbes 
fous  le  nom  de  Caton  le  Philofophe ,  font  peut-être  du  mcmc 
Auteur  qui  lui  a  fuppofé  des  inltrudions  morales  à  fon  lîls, 
divilées  en  quatre  Livres. 

XV  I.  Le  Livre  qui  a  pour  titre:  Des  pierres  précieufes.      Livre  des 
porte  le  nom  de  Marbode  dans  les  manufcrits  des  Bibiioteques    'erres    pré- 
dc  Colbert  &  de  faint  Vidor.   En  celui-ci ,  le  texte  litin  eft  Vtt/*  '  '"'^' 
Tome  XXIL  G 


■\^ers 

fur 

.ifer    s 

lu- 

•tts    , 

fage 

I6I5- 

l'ag.  1 

l6z9. 

50  M  A  R  B  O  D  E  , 

joint  à  une  traduflion  françoife  écrite  de  la  même  main  que  le 
texte  original.  Dom  Bcaugendre  a  fuivi  cette  difpofition  dans 
l'édition  de  cet  opurcule ,  &  fait  connoître  par  cette  traduc- 
tion ,  qu'elle  éroit  notre  langue  il  y  a  cinq  ou  lix  cens  ans.  Il 
n'eft  qu  en  latin  dans  l'édition  de  Rennes  en  i  ^24  ,  &il  y  porte 
le  nom  d'Evax.  Ce  n'eft  pas  que  Marbode  ait  été  fumommé 
ainfi  ,   comme  l'affurent  Balsus  ôc  Pitfïrus  ,  mais  l'Editeur  a 
intitulé  ce  poëme ,  Evax ,  parce  que  le  prologue  commence  par 
ce  terme  ,  qui  défigne  Evax  ,  Roi  des  Arabes ,  fous  le  règne  de 
Néron.  Dans  le  corps  de  l'ouvrage  Marbode  explique  la  nature 
ôcles  propriétés  de  foixante  pierres  précieufes  :  ce  qu'il  fait  en 
P.:g.  1677.  fept  cens  trente  vers  hexamètres.  Il  en  donna  depuis  une  expli- 
cation morale  en  profe  ,   qui   fe  trouve  aulfi  dans   le  même 
manufcrit  de  faint  Victor  ,    que  Ton  croit  de  fix    cens  ans 
ôc  plus. 
Profe  fur       X  V  1 1.  On  y  lit  encore  une  explication  morale  ,  en  forme  de 
les  douze    ^    profe,  des  douze  pierres  précieufes  mentionnées  dans  le  vingt- 
cieufesdeFA-  unième  chapitre  de  lApocalypfe ,  ôc  un  vocabulaire  latin-fran- 
pocajypiî ,      cois  des  foixante  oufoixante-une  pierres  précieufes  expliquées 
pag.io79,ij^  dans  le  premier  Traité.  La  Lettre  du  Roi  Evax  à  l'Empereur 
Tibère ,  &  la  réponfe  de  ce  Prince ,  fe  lifent  à  la  tcte  d'un  autre 
poëme  fur  les  pierres  précieufes  dans  laDaflyliotheca  d'Abraham 
Gorlœus,  imprimée  à  Leydc  en  kî^jj',  fous  le  nom  de  Marbode, 
ancicnPocte  François.  Mais  Gorlœus  ne  dit  point  de  quel  manuf- 
crit il  a  tiré  ni  les  vers ,  ni  les  deux  Lettres, 
livrefurle       X  "V  I  1 1.    On   avoit  déjà  achevé  l'imprefTion  des  Oeuvres 
Can.iqiie  ces  d'Hildebert  ôc  de  Marbode,  lorfque  Dom  Beaugcndreeut  com- 
antjquci.      niunication  d'un  manufcrit  de  la  Bibliotequc  du  Collège  de 
Clermont ,  où  entre  les  opufcules  de  divers  Auteurs  fe  trouvoic 
un  Commentaire  moral  ôc  allégorique  en  vers,  fur  le  Cantique 
des  Cantiques.  Quoiqu'il  ne  fut  point  infcrit  du  nom  de  Mar- 
bode ,  on  y  reconnoilToit  fon  ftyle  &  fon  génie.    D'ailleurs 
Sigebert  (a),  dans  le  Catalogue  des  Oeuvres  de  cet  Evêquc, 
met  un  Commentaire  allégorique  en  vers  fur  ce  Cantique.  Ce 
font  là  les  raifons  qui  ont  engagé  lEdtteur  à  donner  ce  Traité 
fous  le  nom  de  Marbode.  Il  y  a  joint  un  Sermon  d'Hildebert  fur 
le  Dimanche  des  Rameaux  ,  qu'il  avoit  oublié  de  publier  avec 
les  autres  Sei  mous  de  ce  Père. 


(  *  )  Sigtb,  de  Striptor.  Ealff,  cap,  i  j  8, 


EVESQUE     DE    RENNES.         p 
XIX.  Monfieur  Balufe  publia  en  1 7  i  <;  (  «  ) ,  dans  le  feptiéme       Opurctiles 
tome  de  fes  mélanges  ,  trois  Chartes  d'Hildebert.  La  première  f^'Hildebcrt 
efldelan  i  i  14..  Lalecondedii  21  de  Septembre.  Latroifiome,  pûint"f!ans  la 
fans  date.  Ce  font  toutes  des  donations  faites  à  Marmoutier.  nouvelle  édi- 
Nous  de\'cns  l'édition  de  fon  poëme  élegiaque  fur  la  création  du  f"^']  \"i'.5"* 
monde  &  l'ouvrage  des  lix  jours  a  Polycarpe  Leyferus,  qui  la 
fait  entrer  dans  fon  Hiiloire  des  Poètes  du  moyen  âge  (fe  )  fur  un 
manufcrit  de  laBibliotequede  Leipfic.  Le  poëme  fur  la  création' 
futauili  imprimé  dans  le  Journal  théologique  en  1725.  On  a  déjà 
remarqué  que  nous  n'avions  plus  l'Hifloirc  qu'Hiidebert  avoit 
faite  des  miracles  (c)  derEgliled'Excefire  ,  dont  il  fiit  mention 
lui-mcmc  dans  fa  Lettre  à  Clarembauld  {d]  ;  ni  les  Statuts  qu'il 
avoit  compofés  pour  le  Diccèfe  du  Mans  ;  ni  le  Livre  de  la 
virginité ,  qu'il  témoigne  (  e  )  avoir  écrit  avant  l'âge  de  trente  ans. 
Hildebert  cite  fouvent  l'Ecriture  fuivant  la  verfion  des  Septante , 
qui  étoit  encore   en  ufage  de  fon  tcms  ,    de   môme  que   la 
vulgate. 

X  X.  Dom  Beaugendre  n'ignoroit  pas  que  Marbode  eût  écrit 
la  vie  de  faint  Alexis.  Il  la  cite  fur  un  manufcrit  que  les  Boilan- 
diiles  avoient  en  main.  Mais  ne  la  trouvant  pas  dans  les  fiens  j 
il  n'a  pas  cru  devoir  la  donner.  Elle  a  été  publiée  dans  le  qua- 
trième tome  des  attes  des  Saints  du  mois  de  Juillet ,  au  jour  de 
fa  Fête  qui  eft  le  dix-fept.  Cette  vie  eft  en  vers  hexamètres; 
Celle  de  faint  Gautier  ,  Abbé  &  Chanoine  de  l'Ederpe  ,  au 
Diocèfe  de  Limoges  ,  mort  en  1 070  ,  eft  en  profe.  Les  Eollan- 
dilles  l'ont  inférée  au  fécond  tome  de  Mai,  pour  l'onzième  jour 
decemois.  Ils  ont  encore  promis  de  donner  dans  les  actes  des 
Saints  de  Septembre,  au  vingt-deuxième  jour,  celle  de  faint 
Florent ,  Martyr.  Dom  Luc  d'Acheri  rapporte  dans  le  treizième 
tome  de  fonSpicilege  (/),  une  Lettre  de  Marbode  adreffée,  dans 
un  manufcrit  de  faint  Aubin  d'Angers  ,  à  Kildebert ,  Evoque  dti 
Mans  ,  qu'il  confultoit  au  fujet  d'une  femme  qui  ayant  confenti 
que  fon  mari  fe  fit  Moine  ,  voulut  depuis  l'obliger  à  revenir 
avec  elle.  Mais  la  même  Lettre  eft  la  deuxième  de  celles  que 
Dom  Beaugendre  a  mifes  dans   l'appendice  (g)  des  Oeuvres 
d'Hildebert  ,  où  cette  Lettre  eft  adreffée,  non  à  Hildebert, 

(  a  )  Pdfr.  ioi  ,  ioj ,  2oy.  (       (  f  )  Lib.  i ,  Epiji.  45  ,  O-ferm.  3  .  pag. 

(  c)  BeaueendrCj  Prxfat. gênerai. -pag.  }      (/)  Va^.  i^y. 

M.  "  {g)  P^g.  5. 

{d)  Lib.  i ,  EpiJl.  i.  I 

Gij 


des  Ecrits  di 
Marbode, 


'52  MARBODE, EVESQUE  DE  RENNES. 

mais  à  Marbode  par  l'Evêquc  du  Mans  ;  ôc  cela  fur  l'autorité 
d'un  manufcrit  de  la  même  Biblioteque  6c  les  remarques  de 
Monfieur  Balufe.  Dom  Beaugendre  a  rapporté  d'après  le  Père 
Homey  rdioged'Hildebert  &  de  fes  écrits  par  Marbode  ;  mais 
il  n'a  pas  jugé  à  propos  de  mettre  parmi  les  écrits  de  cet  Arche- 
vêque le  Livre  intitulé  (a)  :  Des  trois  ennemis  de  l'homme  ,  les 
femmes  ,  l'avarice  ,  l'airibition;  ni  quelques  autres  pièces  en  vers 
comprifes  dans  le  manufcrit  d'où  efl:  tiré  l'éloge  d'Hildebert.. 
Le  Père  Homey  convient  qu'elles  n'y  portoient  point  le  nom 
d'Hildebert ,  ôc  qu'il  ne  les  lui  a  attribuées  que  par  une  pure: 
conjedure. 

XXL  Un  Èvêque  contemporain  de  Marbode  (b)  ,\e  com- 
paroir pour  fon  éloquence  à  Ciceron;^&  pour  la  beauté  de  fes 
vers  à  Virgile  &  à  Homère ,  difant  qu'il  leur  étoit  même  fupe- 
rieur  dans  l'un  &  l'autre  de  ces  genres  d'écrire  ;  ôc  qu'à  l'égard 
des  Ecrivains  de  Çon  tems  ,  il  les  furpalToit  tous  par  l'élévation  de 
fonefprit,  ôc  l'élégance  de  fes  difcours.  Sans  trop  preiTer  ces 
comparaifons,  nous  dirons  qu'il  y  a  dans  la  profe  de  Marbode , 
du  naturel ,  de  la  clarté  ,  de  lélegance  ,  de  la  facilité  ;  que  parmi 
fes  vers,  il  s'en  trouve  un  certain  nombre  marqués  au  meilleur 
coin;  qu'étant  jeune,  il  fe  livra  au  brillant  de  fon  imagination  ; 
&  fuivit ,  comme  les  Poètes  de  fon  fiécle,  le  mauvais  ufage  des 
rimes  ôc  des  confonances  ;  mais  que  dans  un  âge  plus  avancé  ÔC 
plus  mûr  (  c  ) ,  il  fecoua  ce  joug  ,  ôc  s'attacha  plus  à  dire  des 
chofes  utiles ,  qu'à  les  orner  d  une  manière  il  frivole.  Ses  der- 
nières poëHcs  font  en  effet  remplies  de  réflexions  folides  ,  qui 
portent  de  la  lumière  dans  l'efprit ,  ôc  del'onftion  dans  le  cœur; 
Ceftcequel'on  remarquera  furtout  dans  le  Livre  des  dix  cha- 
pitres, dans  celui  des  pierres  précieufes  ôc  quelques  autres.  On 
trouve  aulli  dans  fes  Lettres  d'excellens  principes  de  morale,, 
foutenus  de  l'autorité  de  l'Ecriture  ôc  des  Pères, 


(  a  )  Homty  ,  fufiplcri.  Pa'.  pa^  .547. 

(A)  Omnf.'  f.Kuni!o;  fibi  vUiumisclTc 
fccundos  ,  nuUiis  in  ingenso  p^r  nec  iii 
elo()uio.  CefTii  tri  Ciccro  ,  teliit  Maro 
junftus  Homero  :  Ut  dicam  breviter , 
vieil  eos  pariter.  Ulçerius  Andegavenfîs 
Epifcopus ,   aj!ud  Marbod.  pag  158?. 

(c;  Kiyix  juvenis  fcripfî ,  Itnior  dum 
plura  rctrado  pinitet  ,    tk    quiiitm  vcl 


[  fcripn.  Tel  edim  nollem  ....  Utrerum 
virtus  ,  vfrbon,m  lcs;e  fiibaââ  ,  fervetur, 
rerbifiiue  cîinor  fub  rébus  abL'n-let  ;  quod 
juçi  Audio  tune  afFeânre  viJebar.  Sed 
milii  nunc  tnelius  fuadet  matunor  «tas , 
quam  decet  ut  f.icili  contenta  fit  utilitate  , 
utquc  riiper/aciium  lludeat  vitarelaborera, 
Marbcd.  cap'n,  i  ,  yag  15^5. 


E  s  T  I  E  N  N  E     H  A  R  D  I  N  G,  6cc.       n 

lilâlllMIilIIIâllâlilillIMâiïiM 
CHAPITRE     IV. 

E  s  T  I  E  N  N  E     H  A  R  D  î  N  G    j     Abbé    de     Cîteûux  y 
&  quelques  autres  Ecriva'ms  du  dow^ième  fiécle. 

I.  T  L  naquit  en  Angleterre  d'une  famille  noble.  Apres  avoir       F.nîcnne 

J[  mené  quelque  tems  la  viemonaftique  dansle  iMonafterede  H;inling.  Son 

Schirburne  ,   il  faffa  en  Ecofle ,  ôc  de-là  en  France,  pour  s'y  ^  """°"' 
former  fucceiîivement  dans  les  Belles-Lettres  &  dans  la  Théo- 
logie. D'un  efprit  profond  ,  ôc  capable  d'application  ,  il  fit  de       S:  -rhani 

grands  progrès  dans  fes  études;  s'appliquant  en  même  tems  aux  ^'f-nrud  Bol- 

devoirs  de  la  pieté  Chrétienne ,  &  aux  exercices  de  fon  état,  'j"'^;  /-'"•  ^  > 

I  /        ■        1         M      ■  1     T>  1  /  npnlis  ,  ad 

Il  ht  par  dévotion  le  peierinage  de  Kome;  d  ou  étant  revenu  en  diem  j ,  pog. 

France  ,  il  s'arrêta  à  Molefme  ,  attiré  par  la  réputation  de  ce  '^^^■>^M- 

nouveau  Monaderc.  Saint  Robert  qui  en  étoitAbbé,le  quitta 

pour  bâtir  celui  de  Cîteaux  ,  où  il  fe  retira  avec  All)eric  & 

Eftienne.  Mais  contraint  de  retourner  à?vlo!efme,  Robert  céda 

la  place  d'Abbé   à  Alberic  ,   qui    donna  à  Elrienne  celle   de 

Prieur. 

II.  A  la  mort  d'Alberic  arrivée  en  i  locj  ,  la  Communauté  H  eft  fait 
choifit  pour  Abbé  ,  Eftienne.  Elle  étoit  pauvre  ôc  en  petit  ^'''^'  ^'^  ^" 
nombre;  ce  qui  cauloit  de  1  ennui  aux  Moines  qui   la  compo- 

foient.  Dieu  les  confola  par  la  venue  de  fliint  Bernard  ,  accom- 
pagné de  trente  jeunes  hommes  ,  qui  abandonnoient  le  fiécle 
pour  vivre  dans  la  retraite.  Ellienne  leur  donna  l'Habit  de 
l'Ordre ,  ôc  prononça  devant  eux  un  difcours ,  que  l'on  a  eu  foin 
de  confervcrà  la  pollerité  [a). 

III.  En    iii5   Eftienne  affembla  à   Citeaux  un  Chapitre      II  aflèmble 
général  de  tous  les  Monaderes  ,    qu'il  avoit  établis  ,  ou  qui  ^?   ^jiapitre 
s'étoient  unis  à  fon  Ordre.  Il  en  tint  un  fécond  en  1 1  15) ,  où  il  ^'l'i/ikiiï?. 
publia   la  charte  de  charité  ,  dont  il  fera  parlé  dans  la  fuite. 
Comme  cette  charte  contenoit  les  Réglemens  fondamentaux  da 
gouvernement  de  ce  nouvel  Ordre  ,  Ellienne  alla  trouver  le  Pape 
Calixteïl.pour  le  prier  de  confirmer  ces  Réglemens.  La  Bulle 


(a)  Bernard.  Bdtus  ,  lih.  i ,  caf.  zi  ,   Hijlcr.  Cijlercieiif. 

G  iij 


j4  E  S  T  I  E  N  N  E    H  A  R  D  I  N  G  , 

qui  lui  fut  accordée  à  cefujct,  efl  datée  de  Saulieu  le  25  de 
Décembre  1 1  ip. 
Il  Te  Jtrnet       1  V.  Eiliennc  gouverna  l'Abbaye  de  Citeaux  ,  jufqu'à  ce  que 
mem°d-^c!-  cafiede  vieilleffe,  ôcprefque  privé  de  la  vue,  il  fe  crut  obligé 
rcaux.  de  fe  démettre  de  fa  dignité  d"Abbé.  Il  mourut  faimement  le 

28  de  Mars  l'an  1 1 54.  Bucelin  a  mis  fon  nom  dans  fesMéneloges, 
6c  JVÎonfieur  du  SauHai  dans  le  Martyrologe  Gallican. 
Ses  Ecrlti.      V.  On  cite  (  a  )  fous  le  nom  de  î'Abbé  Efticnne ,  un  Livre  de 
Sermons  fairsen  particulier  aux  Moines  de  Citeaux;  l'Oraifon 
funèbre  d'Alberic  (on  prédccefleur ,  rapportée  (b)  par  Manriquez  ; 
divers  P^its  ôcL'fagesde  la  vie  Monallique  ,  que  quelques-uns 
attribuent  à  faint  Bernard  ;  le  petit  commencement  de  l'Ordre 
de  Citeaux  ,  imprimé  avec  les  Notes  d'Ignace  Firmin  en  i6io\ 
plufieurs  Lettres  ,  dont  deux  fe  trouvent  parmi  celles  de  faint 
Bernard ,  l'une  à  Louis,  Roi  de  France ,  l'autre  au  Pape  Honorius 
IL  6c  la  charte  de  charité. 
Lettres  d'F.f-       V  L  Eftienne  de  Senlis  ,  Evêque  de  Paris  ,   étant  devenu 
tiemveau  Roi  odic'jx  au  Roi  Louis pour s'être  retiré  delà  Cour,  ôc  oppofé  aux 
PapT  Hoiio"  exactions  que  le  Doyen  6c  les  Archidiacres  de  fon  Eglife  fai- 
ïius.  foient  fur  le  Clergé  par  ordre  de  ce  Prince ,  vint  avec  l'Arche- 

vêque de  Sens  au  Chapitre  général  de  Cîteaux  eni  127  demander 
la  médiation  de  l'Abbé  6c  de  fes  Religieux  ,  dont  il  avoit  de 
E  i/?.  45 ,  niême  que  le  Roi  obtenu  des  Lettres  de  fraternité.  C'eftlefujet 
ifiter  '^ii-mr-  de  la  Lettre  qu'Eftienne  6c  fa  Communauté  écrivirent  au  Roi 
Louis  ,  ou  plutôt  faint  Bernard  en  leur  nom  ,  ôc  de  tout  le 
Chapitre  général.  Ils  remontrent  à  ce  Prince  qu'en  perfécutant 
comme  i!  faifoit  l'Eglife  de  Paris  ôc  fon  Evêque  leur  père  6c  leut 
ami ,  ils  ne  pourront  plus  avec   coniiance  lever  les  mains  au 
Ciel  pour  attirer  fur  fa  pcrfonne  6c  fon  Royaume  la  protection 
de  Dieu  ;  ni  refufer  à  cet  Evoque  des  Lettres  au  Pape  en  fa  faveur, 
£ -n  Le  Roi  n'ayant  eu  aucun  égard  à  leurs  remontrances,  ils  fup- 

inter  ^Bernar-  plièrent  le  Pape  de  prendre  connoiiTance  de  l'affaire  ,  lui  fai^uit 
'''"•  entendre  qu'en  la  laiffant  juger  devant  le  Roi  ,  c'étoit  livrer 

l'Evoque  de  Paris  à  fes  ennemis. 
Charte  de       Vil.  A  l'égard  de  la  charte  de  charité,  Eftienne  en  avoir 
djaritc.  conçu  le  deffein  pendant  la  tenue  des  deu.v  premiers  Chapitres 

généraux  en   iii5  6c  iiip.   Ayant  remarqué  avec  les  autres 
Abbés  de  fon  Ordre  ,   que  leurs   Moriaderes  fe  multiplioient 

(s  ;  B.i.iXiis  11,63.  *       (.  ^J  Manriijucl ,  !oin.  i  Aiin.u.  .id.  an, 

I   110^. 


A  B  B  É    D  E    C  I  s  T  E  A  U  X,  &c.         ry 

chaque  jour  en  divers  lieux  ,  ils  crurent  qu'il  éroit  néccfiaire  ,  ■ 
pour  maintenir  dans  l'union  de  la  charité  tous  ceux  qui  les  com- 
pofoient ,  de  les  obliger  à  l'obfervation  d'une  môme  règle  &  des 
mêmes  ufages.  C'elt  pourquoi  on  donna  aux  llcglemens  qui 
furent  faits  à  cette  occalion  ,  le  titre  de  Charte  ou  Carte  de  la 
charité  ,  parce  que  la  charité  eft  le  feul  but  de  ces  Réglemens. 

VIII.  Cette  Carte  efl:  compofée  de  cinq  chapitres  ;  mais  C-  qu'elle 
on  peut  en  rapporter  les  Décrets  à  deux  chefs, à  l'inditution  des  '^°""*="f- 
mœurs ,  ôc  au  régime  général  de  tout  1  Ordre.  Quant  au  premier 
chef  qui  regarde  les  mœurs  ,  nous  voulons  dès-à-préfent ,  (ce 
font  les  paroles  de  la  Carte  )  ôc  nous  commandons  à  tous  les 
Abbés  &  Religieux  de  f  Ordre ,  d'obferver  la  Règle  de  faint 
Benoit  en  tous  fes  points  comme  elle  efl  pratiquée  dans  le  Mo- 
nailerc  de  Cîtcaux  ,  fans  lui  donner  d'autre  explication  que  celle 
de  nos  prédécefTeurs  ,  &  que  nous  lui  donnons  encore  aujour- 
d'hui ^alin  que  tous  l'entendent  &  la  pratiquent  de  même.  Suc 
le  fccond  chef  on  décide  que  les  obfervances  ôc  les  cérémonies , 
foitpourle  chant  &  pour  les  livres  néceffaires  à  toutes  les  heures 
du  jour  6c  de  la  nuit  &  aux  Méfies  ,  feront  partout  les  mêmes  ; 
qu'il  ne  fera  permis  à  aucun  Monaflerc  de  demander  à  qui  que 
ce  foit  des  privilèges  contraires  au  commun  Inftitut  ,  ni  dc" 
retenir  ceux  qu'on  auroit  obtenus.  Il  efl:  ordonné  à  l'Abbé  de 
Cîteaux  dc  vifiter  une  fois  l'an  en  pcrfonne  ,  ou  par  quclqu'autre 
Abbé ,  tous  les  Monafteres  de  fa  Fondation  ;  la  vifite  dc  Cîteaux 
eft  réfervée  aux  quatre  premiers  Abbés  de  l'Ordre ,  fcavoir  de 
la  Ferté  j  dePontigni,  de  Clairvaux  ôc  de  Morimond.  Tous  les 
Abbés  doivent  fe  trouver  chaque  année  au  Chapitre  général  qui 
fe  tiendra  à  Cîteaux ,  fi  ce  n'eft  qu'ils  en  foient  empêchés  par 
maladie  ou  autrement  ;  ce  dent  ils  donneront  avis.  Défenfe  à 
quelque  Monaflere  que  ce  foit ,  de  fe  choifir  un  Abbé  d'un  autre 
Ordre.  Les  Abbés  incorrigibles  /eront  dépofés  après  quatre 
nionitions.  S'il  arrive  que  l'obfervance  foit  négligée  dans  l'Ab- 
baye de  Cîteaux  ,  les  quatre  premiers  Abbés  travailleront  à  l'y 
rétablir.  C'eft  aufli  à  eux  qu'il  appartient  de  prendre  foin  de  ce 
Monaflere  pendant  la  vacance ,  jufqu'à  ce  qu'il  y  ait  un  Abbé 
élu  ôc  établi. 

I  X.  La  Carte  de  charité  a  été  mife  fous  prefle  plufieurs  fois      Editions  Je 
&  en  divers  endroits.  Il  y  a  une  édition  chez  Plantin  à  Anvers  cette  Cane, 
en  i  66^  ,  ôc  une  à  Lyon  en  \6-{i  ^  dans  le  premier  tome  des 
Annales  de  Cîteaux  ,  d'Ange  Manriquez  fur  l'an  1 1 15?.  Elle  fut 
imprimée  en  Ltin  ôc  en  Irancois  en  1(^78  à  Paris  chez  Mabre 


'{6  E  S  T  I  E  N  N  E    H  A  R  D  I  N  G  ; 

Cramoify ,  dans  un  ouvrage  intitule  :  Le  véritable  gouvernement 
de  l'Ordre  de  Citeaux. 
Frowin  ,       X.  Il  ell  parlé  dans  le  fixidme  tome  des  Annales  Bénédictines , 
Ab'.<é  du       d'un  Abbé  du  Mont  des  Anges  ,  vulgairement  Engelberg  ,  dans 
MoatdeiAn-  j^  q^j-j^qj^  deZurich  en  Suiiie,  qui  ie  rendit  recommcndable  par 
fes  vertus  ôc  fon  fçavoir  vers  l'an  1 1  5  i  (  a  ),  Cet  Abbé  fe  nommoir 
FroNvin,  ôc  avoit  fuccedéï  Adellieme  ,  premier  Abbé  de  ce 
Aionadere  :  Dom  Mabilion  étant  à  Linlidelen  ,ou  Notre-Dame 
des  Hermites  ,  y  trouva  deux  Ouvrages  de  Fro*  in  ,  fçavoir  une 
.explication  de  l'Oraifon  Dominicale,  adrefTée  à  Bertholde  fon 
Difciple  ;  6c  fept  Livres  à  la  louange  du  libre  arbitre  ,  dans 
lefquels  l'Auteur  traite  les  principales  qucflions  de  théologie, 
contre  certains  Novateurs,  qui  fe  faifoient  gloire  de  leurs  nou- 
velles inventions.  C'étoit  peut-être  contre  Abaillard.  Du  moins, 
dit-on  ,  qu'en  ce  tems-là  Gerhoh  ,  Prevot  de  Reicherfpergdans 
la  Bavière,  écrivit  contre  les  Difciples  d'Abaiilard.  Il  ne  feroit 
pas  furprenant  que  les  nouveautés  de  cet  Ecrivain  fuffent  paiïees 
de  la  Bavière  dans  la  Suiflc  qui  n'en  efl  pas  fort  éloignée. 
Ses  Ecrits,       X I.  Dom  Mabillon ,  pour  exciter  les  poOTelTeurs  des  Ouvrages 
de  Fro  Cv'in  à  les  mettre  au  jour,  a  publié  dans  l'appendice  du 
fixiéme  tome  de  fes  Annales  {b  ]  ,  les  Prologues  ou  Préfaces  des 
deux  écrits  dont  nous  venons  de  parler ,  avec  les  fommaires  de 
tous  les  chapitres  ,  dont  les  fept  Livres  fur  le  libre  arbitre  font 
compofés.    Frowin   marque   dans  le  Prologue   fur    TOraifon 
Dominicale  ,  qu'il  ne  dira  rien  de  neuf  fur  cette  Prière;  &  qu'il 
fe  contentera  de  rapporter  ce  que  les  Pères  en  ont  dit.  Il  paroit 
par  la   Préi'acc  fur  les  Livres  du  libre  arbitre ,  que  le  Moine 
Adelbert  l'avoit  engagé  à  écrire  fur  cette  matière  ;  &  que  Frowin 
l'intitula  ,  à  la  louange  du  libre  arbitre ,  parce  que  le  libre  arbitre 
l'emporte  fur  tous  les  autres  dons  que  le  Créateur  a  faits  à  la  créa- 
ture raifonnable  ;  ôc  que  toutes  les  vertus  de  l'homme  ,  fa  fagelTe, 
.fa  juftice,  fa  félicité  ,  font  fondées  fur»  le  libre  arbitre.  Frowin 
jcitoit  contre  les  erreurs  nouvelles  ,  non-feulement  les  Docteurs 
fin  ftécle  précèdent  ,  mais  auili  ceux  du  fien  ,  c'efl-à-dirc ,  de 
l'onzième  &  douzième. 
Turçot ,       XII.  Jean  SelJen   (c)  a  revendique  à  Turgot  THilloire  dç 
Evcqiie  de  s.  l'Eglife  de  Dunclme  ou  Durham  depuis  fa  fondation  par  le  lloi 
tToifc  '^"       Ofwald  jufqu  au  tems  de  Guillaume  le  Roux,  en  1097.  Il  fe 

(a)  Mabillon,  Annal,  fit^wi.  li!/,  75  ,  |       (,c)  Siidtn ,  prafat.  in  iîcriproiLS  >o  , 
Kwn.  148.  I  Londini,  an.iô^i, 

fende 


ABBÉ    DE    CISTEAUX,&c.        ^7 

fonde  fur  un  manufcrit  d'Angleterre  de  l'âge  même  de  Turgot , 
6c  fur  certaines  circonftances  rapportées  dans  cette  Hiftoire  qui 
ne  conviennent  qu'à  Turgot.  Tel  eft  l'endroit  du  troifiémc 
Livre  ,  où  il  eft  dit ,  que  l  urgot  fut  bien  reçu  au  Monafterc  de 
Durham  par  le  Prieur  Aklwin  ;  qu'il  ne  voulut  pas  quitter 
l'habit  Clérical  pour  fc  revêtir  de  l'habit  Monaflique,  qu'après 
avoir  été  éprouvé  longtems  par  Aldwin  ;  qu'enfuite  Turgot  lui 
fucceda  dans  la  dignité  de  Prieur.  Turgot  la  polTeda  pendant 
vingt  ans,  veillant  avec  foin  &  crainte  de  Dieu  iur  l'intérieur  ôc 
les  dehors  du  Monaftere.  Enfuite  il  fjt  fait  Evêque  de  faint 
André  en  Ecolfe  ,  Ôc  gouverna  cette  Eglife  pendant  fept  ans. 

XIII.  Pendant  fon  féjour  à  Durham,  il  écrivit  en  quatre     Se;  Ecrits. 
Livres  l'Hiftoire  de  ce  Tvloriafterc  ;  en  la  commençant ,  comme  Tom.t,ScTip- 
on  l'a  dit ,  au  règne  d'Ofwald  ,  ou  plutôt  à  l'année  que  ce  Prince  '^,,"/"r,  Lon- 
fonda  cette  Eglife,  c'eft-à-dire ,  à  lan  63  j.  Il  la  conduifit  jufqu'en  dini,an.i6si.. 
iop7  ,  la  feiziéme  année  de  l'Epifcopat  de  Guillaume,  aupa- 
ravant Abbé  de  faint  "Vincent ,  Martyr.    Turgot  rapporte  une 
Lettre  de  cet  Evoque  aux  Moines  de  Durham  ,  dans  laquelle  il 
leur  témoigne  le  défir  qu'il  avoir  de  demeurer  avec  eux  ,  fi  la 
chofe  lui  eût  été  polTible.  Puis  il  les  exhorte  à  chanter  avec 
décence  6c  modeftie  l'OHice  Divin  ;  à  feconfefler  fréquemment 
à  leur  Prieur ,  &  à  recevoir  avec  charité  les  Etrangers.  Le  Prieur 
de  Dunelmeétoit  alors  Aidwin.  Turgot  marque  fa  mort ,  &  dit 
que  les  Frères  du  Monaflere  le  choifirent  d'un  commun  confjn- 
tement  pour  lui  fucceder  la  vingt-deuxicme  année  du  règne  du 
Roi  Guillaume,  c'eft-à-dire ,  en  1087.  Il  ajoute,  que  l'Evêque 
Guillaume   ayant   encouru    la  difgrace  du  Roi  Guillaume  le 
Roux,  ce  Prélat  fut  envoyé  en  exil  ;  qu'il  en  fut  rappelle  quelque 
tems  après  ;  &  qu'étant  de  retour  il  le  chargea  en  préfcnce  des 
Fidèles  du  Diocèfe  ,  d'en  prendre  foin  ,  en  le  faifmt  Archi- 
diacre ,  non-feulement  lui,  mais  tous  les  Prieurs  fes  fuccefleurs. 
Quoique  Seiden  ait  reflitué  à  Turgot  les  quatre  premiei^  Livres 
de  l'Hiftoire  de  l'Eglife  de  Dunelme  ,  il  n'a  pas  laifl'é  <ie  les  faire 
imprimer  fous  le  nom  de  Symeon  ,  Moine  de  Dunelme  ,  elle 
eft  la  première  dans  la  collection  des  Ecrivains  de  celle  d'An- 
gleterre ,  imprimée  à  Londres  en  16^2  chez  Jacques  Flesher , 
par  les  foins  de  Jean  Seiden. 

X I V.  La  fuite  de  l'HiHoirede  Durham  dans  cette  collcaioh ,  j^f^l'^'^J'sl 
eft  due  à  Symeon  ,  Moine  ôc  Prëchantre  de  cette  Eglife,  dont  tn  yr^^at. 
il  fera  parlé  dans  la  fuite.  "  '''"•  ^  ^''^* 

XV.  Un  autre  Moine  Anglois  ,  mais  François  de  naiflancé ,  '^'Q^^eiin 
Tome  XXI L  "H  '' 


5S         ESTIENNE     HARDING, 

Moîne  de  fe  rendit  célèbre  dans  le  même  tems  par  plufieurs  Ecrits.  Il  fe 
Cajiiorbcn.  nommoit  Gotcelin  ,  ou  Gotzelin.  Moine  d'abord  de  fainr 
Bertin ,  il  pafîa  enfuite  en  Angleterre ,  avec  Heremann  ,  Evoque 
de  Sarisberi.  Il  étoit  habile  dans  les  Lettres  ,  &  fçavoit  très- 
bien  le  chant  ôc  la  mufique.  Après  Osberne,  on  n'en  avoit  pas 
vu  qui  rt^ur^ît  mieux  que  Gotcelin  dans  ce  genre  de  fcience. 
Audi  en  laifl'a-t-il  des  monumens  dans  tous  les  Evêchés  ôc  les 
Abbayes  qu'il  parcourut  ;  mais  il  s'appliqua  furtout  à  mettre  par 
écrit  les  vies  des  Saints  ,  morts  récemment  ;  à  retoucher  celles 
qui  croient  écrites  depuis  longtems ,  ôc  à  en  rétablir  un  grand 
nombre  altérées  ou  confumées  par  les  flammes,  ou  quelqu'autre 
accident  pendant  les  Guerres.  Nous  apprenons  tout  ce  détail  de 
Guillaume  de  Malmefburi  [a).  ^ 
Viesdefaint  XVI.  On  avoit  déjà  riiifcoire  de  la  vie  de  faint  Auguftin  , 
Auguftin  ,  &  Apôtre  d'Angleterre,  dans  le  Vénérable  Bede  {h),  ôc  dans  la 
Hiftoiredeia  chronique  de  Sigebert  de  Gemblous.  Gotcelin  la  donna  en  deux 
Opufcules  réparés,  l'un  plus  grand  ,  l'autre  plus  petit.  Celui-ci 
fe  trouve  fans  nom  d'Auteur  (  c  )  parmi  les  Ouvrages  de  Lanfranc, 
de  l'édition  de  Dom  Luc  d'Acheri  à  Paris  en  164.8  ,  &  dans  le 
fécond  tome  de  l'Angleterre  facrée  parWarthon  f  d].  L'autre  a  été 
imprimé  dans  le  premier  tome  des  actes  de  l'Ordre  de  faint 
Benoît  (e),  avec  une  Epitredédicatoire  à  l'Abbé  ôc  aux  Moines  du 
Monaftere  deS.Auguflin.  DomiMabillon  a  joint  à  cette  vie  l'Hif- 
toire  des  miracles  du  mcnie  Saint  (/) ,  compofée  auffi  par  Got- 
celin. Il  écrivit  encore  l'Hifloire  de  la  trandation  de  fes  reliques , 
faite  en  1051 1  ,  le  <î  de  Septembre.  Le  Prologue  ou  l'Epîrre  dédi- 
catoire  efl  à  faint  Anfelme  ,  Archevêque  de  Cantorberi.  Dom 
Mabillon  a  placé  cette  ïlidoire  fur  la  fin  du  neuvième  tome  des 
a£les  de  l'Ordre.  On  la  trouve  avec  la  vie  de  (aint  Auguftin  dans' 
BoHandus  au  25  de  Mai.  Orderic  Vital  dit,  en  parlant  de  la 
defcription  de  cette  cérémonie  ,  que  Gotcelin  la  décrit  d'une 
manière  Ç\  patétique  ,  qu'il  femble  au  Lecteur  la  voir  de  fes 
propres  yeux. 
AutresTles  X  V  1 1.  Il  donne dc  fuite,  mais  en  abrégé,  la  vie  de  faint 
icGotccLii.  Letard;  du  Roi  Ethelred  ;  defainte  Mildrede  ,  avecl'lîifloirede 
la  tranllation  de  fes  reliques  ,  ôc  de  l'établilîement  de  fon  Mo- 


(a  )  JJb,  4  ,  il  Regib.  Ang.  cap.  ultimo. 
(b)  Lib.i ,  Hijl.  Angl.  cap.  1 5  , 0-feq. 
Cr  Lb.  1,  ,  ca  .  i  (f  j. 


(à)  P,/?.  7. 
(e  )  Pj^.  48 î. 
(/)  Pa^.   510. 


ABBÉ    DE    CISTEAUX,&c.        jp 

naftcre.  Ilfit  un  autre  écrit  pour  prouver^  que  ceux  qui  fevan-      VTnrthon; 
toient  de  s'être  empares  des  reliques  de  cette  Sainte,  étoient  [-j^^'i^ 'J^^* 
dans  l'erreur,  parce  qu'elles  ne  repofoient  pas  dans  l'Eglife  de /:t.  num.  j, 
faint  Grégoire  a  Cantorbcri,  comme  ils  fe  i'imaginoient,  mais  P'^i^- *• 
dans  le  Monadere  de  faint  Auguftin  ,  où  elles  avoient  été  trans- 
férées par  l'Abbé  Elfllan  fous  le  Roi  Canut.  Un  ancien  manuf- 
crit  de  la  Biblioteque  Cottoniene,  met  encore  fous  le  nom  de 
Gotcelin  les  vies  des  Saints  Laurent ,  Mellite ,  J  ude  ,  Honorius , 
Dieudonné,  ôc  Théodore  ,  Archevêques  de  Cantorberi ,  dont  le 
fond  de  l'hiftoire  eft  pris  deEede;  ôc  la  vie  d'Adrien,  Abbé  de 
laint  Auguftin  ,  mort  en  708  ,  avec  riiifloirede  la  tranflation  de 
fon  corps   fous  le  Roi  Guillaume.    Balxus  (a)   lui  fait  auflî 
honneur  des  vies  des  Saints  Swithun,  Grimbald,  Erhen-ccald, 
Eadgathe  ,  Miiburge  ,  Wereburgc  ,  Yves  ,  ôc  del'hiftoire  de  la 
tranlbtion  de  ce  dernier  Saint.  On  attribue  encore  à  Gotcelin 
une  Chronique  ,  ôc  une  Profc  en  l'honneur  de  faint  Ethelrede  , 
ôc  la  vie  de  faint  Guthlac  ,  Prêtre  ôc  Anaciiorete  enCroyiande 
vers  l'an  740.  On  peut  voir  fur  cette  vie  les  Bollandiftes  à  l'on- 
zième jour  d'Avril.  Celle  de  faint  Swithun  ,  EvêquedeVin- 
chcftre,  mort  en  S62  ,  efl  dans  Surius  ôc  dans  Bollandus  au 
fécond  jour  de   Juillet.    Ce  dernier  a  publié  la  vie  de  fainie 
"Vereburge  ,î  Vierge ,  liUe  du  Roi  des  Aierciens  ,  au  premier 
tome  de  Février  (6  )  ;  ôc  celle  d'Yves  ,  Evcque  en  Perfe  dans  le 
feptiéme  Hécle  ,  au  fécond  tome  de  Juin(c).  Nous  ne  fçavons 
ce  que  c'eft  que  le  Livre  de  Gotcelin  (J),  intitulé  :  Co/7/orfa- 
torius  ,  qui  faifoit  partie  des  manufcrits  de  la  Biblioteque  de 
Menars  ,  vendue  à  la    Haye  en   1720.   L'Obituaire  de  faint 
Augufrin  de  Cantorbcri  met  fa  mort  au  quinzième  de  INIai , 
on  ne  fçait  de  quelle  année. 

X  V  1 1  L  Un  des  plus  illuflres  de  la  Gourde  Charlcmagne  ,     H?riuirp  & 
fut  Angilbert.  SanaifTanceôcfes  qualités  perfonnelles  engagèrent  AD(Ihpr,Au- 
ce  Prince  à  lui  donner  en  mariape  fa  tiiIe  Berte.  Il  occupa  les  T^f'^'^^rf 
premiercs  Charges  du  Palais.  Dans  le  déiir  de  vaquer  à  fon  falut ,  giibert. 
il  fe  retira  du  confentement  de  fa  femme  ôc  de  Charlemagne 
au  Monaftere  de  faint  Riquier ,  dont  il  fut  choifi  Abbé  en  793. 
Environ  trois  ans  après  y  être  entré  ,  l'Empereur  le  rappclla  à  fou 
Palais  ,  oii   Angilbert  fit    les  fondions  d'Archi-Chapelain.  Il 


(a)  B'Jceus ,  c-ntur,  15  ,  cap.  17.  .       {d)  Fibrkius  ,  ton.  3  ,  Bibliot.  Latin. 

(4  )    P.ir.   ^86.  fjg.  ii7. 

(,c)  P^.  iSs,.  i 

Hij 


Autres  Ecrits 
d'Hariulfè. 


€o        ESTIENNE    HARDING, 

rebâtit  le  Monaftere  de  faint  Riquier ,  l'orna ,  en  augmenta  les 
revenus ,  &  obtint  un  Diplôme  de  Charlcmagne  ,  portant ,  que- 
le  Monaftere  de  Forefl-Montier  que  l'on  en  avoit  féparé ,  lui 
feroit  fournis  à  l'avenir.  Angilbert  mourut  en  8  14..  On  connoît 
deux  Ecrivains  de  fa  vie  ;  Hariulfe  ,  Moine  de  faint  Riquier ,  & 
enfuite  Abbé  d'Aldenbourg  (a),  mort  vers  l'an  1130  le  ip 
d'Avril;  ôc  Anfcher  aufli  Moine  de  faint  Riquier,  ôc  depuis 
Abbé  du  même  Monaftere.  Dom  Mabillon  a  rapporté  ces  deux- 
vies  dans  le  cinquième  tome  des  aftes  (^)  de  l'Ordre  de  faint 
Benoît ,  avec  des  obfervations  ôc  des  notes  de  fa  façon. 

XIX.  Hariulfe  compofa  auffi  en  1114  (c)  la  vie  de  faine 
Arnoul ,  premier  Abbé  d'Aldenbourg.  Il  la  divifa  en  deux  Livres 
aufquels  Liliard,  Evêque  de  SoifTons ,  en  ajouta  un  troifiéme  , 
qui  comprenoit  les  miracles  du  Saine.  Hariulfe  étoit  Abbé  de 
ce  Monaftere  ,  lorfqu'il  travailla  à  cette  vie,  6c  qu'il  Ht  lever 
de  terre  le  corps  de  faint  Arnoul.  Mais  n'étant  que  Moine  de 
faint  Riquier,  il  acheva  l'an  1088  en  quatre  Livres  la  Chronique 
de  ce  Monaftere  commencée  longtems  auparavant  par  Saxo- 
Walon.  Il  ne  laifla  pas  dans  la  fuite  d'y  ajouter  ,  comme  on  voit 
par  ce  qu'il  y  dit  du  Pape  Urbain  II.  elle  eft  imprimée  dans  le 
quatrième  tome  du  fpiciicge  de  Dom  d'Acheri  (c/).  On  le  fait 
encore  Auteur  de  la  vie  de  Gervin  fon  prédéceiïcur  &  fécond 
Abbé  d'Aldenbourg  ;  ôc  d'un  Recueil  des  miracles  opérés  en' 
cette  Abbaye  par  lintercelTion  de  l'Apôtre  faint  Pierre.  A  la 
tête  des  deux  Livres  de  la  vie  de  faint  Arnoul  ,  Hariulfa  mit 
trois  Lettres  ;  la  première  à  Lambert,  Evêque  de  Tournai,  qu'il 
prie  de  la  faire  approuver  parLifiard  ,  Evêque  deSoiffons  ,  ôc  de 
fe  joindre  enfemble  pour  l'offrira  Pvaoul ,  Archevêque  de  Reims, 
leur  Métropolitain.  La  féconde  eftàLiliard,  à  qui  il  demande 
cette  grâce  ;  ôc  la  trcnfiéme  à  Pvaoul ,  à  qui  il  prefente  cette  vie.. 
De  ces  deux  Livres  ôc  du  troifiéme  compofé  par  Lifiard  ,  Surius 
n'en  a  fait  qu'un  qu'il  a  mis  en  fon  ftyle  ;  attribuant  le  tout  à 
Lifiard  ,  quoiqu'il  ne  foit  Auteur  que  du  troifiéme,  c'eft- à-dire, 
du  Recueil  des  miracles.  Hariulfe  vécut  jufqu'en  1 150.  Il  avoit 
fait  lui-même  fon  épitaphe  en  vers  élegiaques.  On  l'a  rapportée 
fur  l'année  de  fa  m-ort  (  e  )  dans  les  Annalles  Bénédidincs ,  avec 


(  a)  Mabillon.  Annal.  Ub.  7^,  num.  \o<;. 

(A)  Pai.   87,  &•   H. 

(  c)  Mabillon.  Ub.  67  ,  Annal,  num.  37 


{d)Pag.  616. 

(e)  Lii. 75 ,  Anna!,  num.  i«î. 


ABBE  DE  CISTEAUX,&c.  6t 
les  trois  vers  par  lefquels  il  dédia  fa  Chronique  à  fes  Confrères 
de  faint  Riquier. 

XX.  Anfcher  le  fécond  Hiftorien  de  faint  Angilbert,  ayant  Errlf» 
fuccedé  à  Gervin  ,  Abbt^  de  faint  Riquier  en  iop8  ,  commença  '''A"''^^*'' 
fon  gouvernement  (a  )  par  recueillir  ôc  mettre  en  ordre  toutes 
les  Cliartes  de  fon  Monaflere.  Il  ajouta  à  la  vie  qu'il  avoit  faite 
de  fiiint  Angilbert ,  un  Livre  de  fes  miracles  ,  qu'il  prefenta  avec 
la  viemêmeàKaoulj  Archevêque  de  Reims  [b) ,  pour  l'engager 
à  faire  lever  de  terre  le  corps  du  Saint.  C'ëtoit  en  i  i  lo.  11  pre- 
fenta les  mêmes  monumens  au  Pape  Pafchal  II.  en  lui  deman- 
dant la  même  grâce.  Elle  fut  accordée.  Le  Pape  mit  Angilbert 
au  nombre  des  Saints  ,  ôc  fixa  fa  Fête  au  i8  de  Février.  Alors 
Anfcher  fit  tranfporter  fon  corps ,  du  veftibule  de  la  Bafilique 
du  Sauveur ,  dans  la  Bafilique  même.  Pour  donner  plus  d'auten- 
ticité  aux  miracles  qui  fe  laifoient  à  fon  tombeau  ,  Anfcher  avoit 
prié  Geoffroi ,  Evêque  dAmiens  ,  6c  un  Prêtre  d'une  faintc  vie  , 
de  venir  fur  les  lieux  être  témoins  de  ces  évenemens  miraculeux. 
Ce  qu'ils  firent  l'un  ôc  l'autre.  Hariulfe  compofa  du  vivant 
même  d'Anfcher  une  élégie  en  fon  honneur ,  dans  laquelle  il 
relevé  la  noblelTe  de  fa  naifîance;  la  bonté  de  fes  mœurs;  fa 
pieté  ;  la  folidité  de  fon  efprit ,  fon  application  à  reparer  les  torts 
faits  à  fon  Monaflere;  à  faire  refpecter  les  corps  des  Saints  qui 
y  étoient  inhumés  ;  à  fournir  des  ornemens  décens  pour  la  célé- 
bration des  myfteres.  Cette  élégie  fe  trouve  dans  l'appendice  du; 
cinquième  tome  des  Annales  Bénédictines (c).  Anfcher  figna; 
comme  témoin  (  d  )  ,  avec  la  qualité  d'Abbé  de  faint  Riquier ,  à 
la  charte  de  donation  d'un  perfonnat  dans  l'Eglife  de  fainte 
Marie  ,  faite  à  l'Abbaye  de  Marmoutier  en  i  loo  ,  par  Gervin  , 
Evêque  d'Amiens. 

XXI.  Ernulphe,que  Symeon  deDurham  nomme  Arnulph?,      Arnuin^e- 
étoit  (  e  ) ,  félon  Guillaume  de  Malmefburi ,  François  de  nation.  Evêque  de 
Après  avoir  été  afiez  longtems  Moine  dans  lAbbaye  de  faint  ^°'^^''"'*'^''« 
Lucien  de  Beauvais ,  voyant  qu'il  ne  pouvoit  ni  corriger  ,  ni 
fupporter  certains  dérangemcns  ,  il  penfa  à  s'établir  ailleurs. 
Avant  de  faite  cette  démarche  ,  il  confulta  Lanfranc  qu'il  avoit 
eu  pour  Maître  en  l'Abbaye  du  Bec.  Cet  Archevêque  qui  con- 
noilToit  fes  talens,  lui  perfuada  de  venir  à  Cantorberi.  Il  fut  fait 


(a)  Mihillon.  lïb.  69  ,  num.  Sr. 
(h)  llid.  Uh.  7 1  ,  num.  lo'i. 


C  à  )  Lib,  69  ,  Annal,  num.  13?. 
(e)  AU'mefl'ur.  de  gefl.  Pomif,  Anglor,- 
lib.  1  ,di  Pô  m  if.  Roîlen^. 

H  iij 


?2        E  S  T  I  E  N  N  E    H  A  R  D  I  N  G , 

Prieur  du   Monallere  de  faint  Augudin  par  Hunt   Anfelme, 
fucceffeur  de  Lanfranc;  enfuite  Abbé  de  Burck;  puis  Kvêque 
de  Rochefter ,  en   1114..  II  donna  dans  tous  ces  Offices  des 
preuves  de  fa  probité  6c  de  fa  prudence.  Son  Epifccpat  fut  de  neuf 
ans  &  quelques  jours.  Il  mourut,  comme  l'on  croit ,  au  mois  de 
Mars  de  l'an  1124,  âgé  de  quatre-vingt  quatre  ans.  Quelques 
Hifloriens  ne  mettent  le  commencement  deibn  Epifcopat qu'au 
mois  de  Décembre  1115". 
Ses  Fciifs.       XXII.  On  lui  attribue  une  hiûone{a)  de  l'Eglife  de  Ro- 
ses Lettres,     chefter  ;  mais  on  ne  l'a  pas  encore  rendue  publique  ;  &  nous  ne 
counoiiTons  d'Arnulphe  que  deux  Lettres  aflez  longues  pour  leur 
donner  le  litre  de  Traités.  Dans  la  première  ,  qui  efl  adrelTée  à 
Walquelin  ,  Evoque  de  Vindfor,  à  qui  il  avoir  (outenu  dans  une 
Conférence  qu'ils  avoient  eue  enfemble  à  Cantorberi ,  qu'une 
femme  coupable  d'adultère  avec  le  lils  de  fon  mari,  devoit  en 
être  féparée;  il  répond  aux  objettions  que  cet  Evcque  faifoit 
Prtmieie    contrC  ce  fentiment.  Arnulphe  avoir  prouvé  le  fien  par  l'autorité 
Lettre,rom.  2,  çjgg  Peres ,  des  Conciles  ,  des  Livres  pénitentiels  ,  &  parl'u{age 
jpia  eg.  yig.  ^^  l'Eglife.  Wa'quelin  s'en  tcnoit  aux  paroles  de  l'Evangile  & 
de  faint  Paul  ,    prétendant  qu'elles   décidoient  en   fa  faveur. 
Contens  l'un  ôc  l'autre  de  leurs  preuves  ,  ils  s'étoicnt  féparés 
Matt.  5  ,  amiablcn^ent  fans  avoir  fini  leur  contefration.  Arnulphe  !a  reprit 
'*,v'^  '  ^  '  par  écrit ,  ôc  prouva  ,  que  les  palfages  de  l'Ecriture  allégués  par 

9.  Marc.   Jo,  r  ,.'        r  '    1  1      r  j    i  j  1 

7.  Luc.  16  ,  \^alquehn,  pour  montrer  que  la  remme  adultère  dans  le  cas 
18.  Rom. 7,  propolé ,  ne  devoit  pas  être  féparée  de  fon  mari,  ne  faifoicnt  rien 
*  j/'  '"■  acttte  quedion  ;  qu'on  devoit  les  entendre  d'une  féparation 
volontaire  entre  des  perfonnos  qui  netoient  pas  coupables 
d'adultère;  enforte  qu'il  étoit  vrai,  félon  les  endroits  cités,  que 
de  deux  perfonnes  innocentes  ,  le  mari  ni  la  femme  ne  pouvoient 
fc  féparer  fansun  confentement  mutuel  ,  ni  de  leur  propre 
autorité.  Venant  enfuite  aux  preuves  de  fa  propofition  ,  qui 
étoit ,  que  l'on  devoit  féparer  de  fon  mari  une  femme  qui  avoit 
commis  un  adultère  avec  le  fils  que  ce  mari  avoit  eu  d'une  autre 
femme  ;  il  cite  les  Décrets  des  Conciles  de  Mayence  ,  de  Ver- 
berie  ,  de  Tribur  ;  les  Epitres  décretales  des  Papes  Innocent  ÔC 
Ccleflin  I.  ÔC  la  coutume  de  l'Eglife ,  qu'on  ne  peut ,  félon  faint 
Auguflin  ,  violer  fans  péché.  Il  s'obje£le  que  le  mari  étant  inno- 
cent,  ily  auroitdefinjufliccde  le  féparer  defa  femme  pour  une 


(  «  )  Ma'.nijlur.  ubi  fuprd. 


ABBÉ     D  E    C  I  S  T  E  A  U  X,  &ç.       6^ 

faute  commife  avec  fon  fils.  A  quoi  il  nf  pond  que  rhomme&la 

femme  n'étant  qu'un  corps  ôc  qu'une  chair  à  caufe  de  leur  union  , 

ils  méritent  d'ctre  punis  dans  ce  qui  fait  qu'ils  ne  font  qu"une 

feule  chair  ;  que  félon  faint  Auguftin  ,  il  eft  non-feulement  permis 

à  un  mari  de  fe  féparer  de  fa  femme  lorfqu'elle  eft  tombée  en 

fornication  ,  mais  qu'il  le  doit,  de  peur  qu'à  fon  imitation  il  n'y 

tombe  lui-mcme  ;  que  cela  n'cft  pas  contraire  au  confeil  que 

l'Apôtre  donne  au  mari  lidele  ,   de  demeurer  avec  fa  femme 

infidèle,  parce  que  ce  confeil  n'imoofe  aucune  ndcefl"ité  au  mari  ;    '  Cor.  7,  it, 

que  le  môme  A  potre  ayant  dit  que  celui  qui  s'unit  à  une  adultère 

devient  un  même  corps  avec  elle,  il  fuit  de-là  ,  que  la  femma 

dont  il  eft  quefiion  étant  devenue  par  l'adultère  un  même  corps 

avec  le  fils  de  fon  mari ,  ce  mari  en  habitant  avec  elle,  habitera 

en  même-tems  avec  fa  femme  &  avec  fa  fille.  Il  cite  l'exemple 

de  David,  qui  ne  voulut  plus  connoître  fes  Concubines  depuis 

qu'elles  eurent  eu  commerce  avec  fon  fils  Abfalon. 

XXIII.  La  féconde  Lettre  d'Arnulphe,  eft  une  réponfeà  '^ecomle  Ln- 
cellequ"il  avoir  reçue  d'un  homme  de  pieté  nommé  Lambert  ♦ '?„  '^''"''" 
où  illuifaifoitcinq  queftions.  La  première:  pourquoi  l'on  don-  431. 
noit  alors  aux  Communians  l'Hoftie  trempée  dans  le  fang ,  au  lieu 
que  Jefus-Chrift  avoit  donné  à  fes  Apôtres  ,  fcn  Corps  &;  fort 
Sang  féparément.  Arnulphe  répond  ,  que  Jefus-Chrifi  étant  venu 
pour  Icfalut  des  hommes,  a  enfeigné  à  fes  Apôtres,  de  vive 
voix, ou  par  fon  excmple,ce  qui  étoit  néceffaire  pour  la  réparation 
de  l'infirmité  humaine  ;  mais  qu'il  n'en  a  pas  prefcrit  la  manière  y 
laiffant  à  fonEglife  le  pouvoir  de  la  déterminer.Ainfi  en  ordonnant 
leBsptême ,  il  n'a  pas  dit  :  Vous  baptiferez  de  cette  façon  ;  vous  ne 
plongerez  qu'une  fois,  ou  vous  en  plongerez  trois  ;  vous  ferez  le 
fcrutin  ;  vous  confacrerez  le  Chrême  ;  mais  feulement  :  yiUe'^  , 
bapîifei  les  A\ztwf7s ,  au  nom  du  Père ,  du  Fils ,  y  du  S.  Efprit.  D'où 
il  fuit ,  que  pourvu  que  l'on  baptife ,  la  manière  de  baprifer  peut 
varier,  foit  par  raifon  de  nécefilté  ,  fcit  par  raifon  de  décence. 
Au  commencement  on  adminiftroit  les  Sacremens  d'une  façon  ; 
on  les  a  enfuite  adminiftrés  d'une  autre.  Les  Apôtres  commu- 
nièrent après  avoir  foupé.  Par  refpect  pour  un  fi  grand  Sacren:ient , 
il  a  été  ordonné  depuis,  de  le  recevoir  à  jeun,  ôc  cet  ufage  a 
prévalu  dans  toute  l'Eglife.  Les  Aucels  n'étoient  autrefois  que 
de  bois;  ils  font  aujourd'hui  de  pierre.  Le  pain  quotidien  faifoir 
la  matière  de  l'Euchariftic  ;  nous  formons  aujourd'hui  ce  paia 
en  figure  ronde  comme  un  écu.  Il  donne  pour  raifon  de  la 
coutume  introduite  de  tremper  l'Euchariftie  dans  le  Sang.  d« 


?t         ESTIENNE    HARDING, 

Jefus-Chriil  ,  la  crainte  bien  fondée  qu'il  n'arrivât  quelque 
acciJent,  lorfque  le  Prêtre  donnoit  le  Calice  à  une  grande  mul- 
titude j  c'ell-à-dire  ,  ou  qu'il  ne  s'en  répandît ,  ou  qu'il  ne  refiât 
du  précieux  Sang  fur  la  barbe  de  ceux  qui  le  recevoient  ;  il  aioute 
qu'on  ne  doit  pas  appréhender  d'imiter  dans  cette  façon  de 
communier,  Judas,  à  qui  le  Sauveur  donna  un  morceau  de 
pain  trempé  ,  puifque  ce  fait  n'a  aucun  rapport  à  la  communion 
Eucharillique.  Ce  morceau  trempé  étoit  un  figne  de  la  trahifon 
.  de  Judas  ,  Ôc  de  fa  malice.  Nous  recevons  au  contraire  l'Eucha- 
riftie  pour  nous  préferver  du  péché. 

fîg,  457.  X  X I V.  La  féconde  qucfiion  étoit  de  fçavoir ,  pourquoi  l'on 
met  la  quatrième  partie  de  l'Hodie  dans  le  Calice  ?La  réponfe 
d'Arnulphe  efl:,  que  ce  n'cfl:  pas  la  coutume  de  mettre  la  qua- 
trième, mais  feulement  la  troifiéme  partie  de  rHoftic  dans  le 
Calice  ,  parce  qu'on  la  partage  non  en  quatre ,  mais  en  trois  ;  que 
dans  quelques  Eglifes  on  a  attention  de  faire  cette  troifiéme 
partie  ,  de  la  grandeur  de  la  quatrième  partie  de  1  Hoflic  ;  mais 
qu'en  d'autres,  on  la  fait  de  la  grandeur  de  la  troifiéme  partie. 
Il  donne  pour  raifon  de  cette  divifion  en  trois  parties,  que  1  if  oftic 
qui  eft  fur  l'Autel  doit  être  confumée  par  le  Célébrant,  le  Diacre 
6c  le  Sous-Diacre  ;  que  le  Célébrant  prend  dans  le  Calice  la 
partie  qui  lui  arrive  ;  &  quil  réferve  fur  la  patène  les  deux  autres 
parties  pour  fes  deux  Minières  s'ils  font  préfens  ;  ôc  qu'en  cas 
d'abfcnce  ,  le  Prêtre  les  prend  pour  lui.  Ladiviiion  de  l'IJofcie 
en  trois  peut  auffi ,  félon  lui ,  figurer  le  Corps  myllique  de  Jefus- 
Chrift,  qui  eft  rEglife,compofée  de  trois  Ordres  :  des  Supérieurs 
ou  du  Clergé  ,  des  Vierges  ,  &  des  perfonnes  mariées;  ou  les 
trois  Perfonnes  de  la  Sainte  Trinité  ;  ou  les  trois  états  de  Jcfus- 
Chrifl.,  fur  terre,  dans  le  tombeau,  ôc  immortel  dans  le  Ciel. 

Tag.  4}8.  XXV.  Lambert  demandoit  en  troifiéme  lieu  ,  pourquoi  1  on 
recevoir  féparément  du  Corps  ,  le  Sang  de  Jefus-Chrift,  ôc  fon 
MttT.zé ,i6.  Corps  féparément  de  fon  Sang  ?  Arnulphe  répond  ,  qu'on  le  fait 
pour  imiter  Jefus-Chrifl  ,  qui  dans  l'Evangile  propole  la  com- 
munion de  fon  Corps  ,  féparément  de  celle  de  fon  Sang;  mais 
qu'il  ne  laiffe  pas  d'être  vrai,  que  nous  recevons  Jefus-Chrift 
tout  entier  fous  chaque  efpece  :  fon  Sang  avec  fon  Corps  ,  ôc 
fon  Corps  fous  l'efpece  du  Sang.  En  répondant  à  la  quatrième 
queftion  ,  reçoit-on  dans  l'Euchariflic  l'Ame  avec  le  Corps  ? 
Arnulphe  reiettç  les  vaines  fubtilite's  ,  que  la  vanité  plutôt  que 
l'amour  de  la  Religion  faifoit  naitre  fur  les  Sacremens  ,  ôc  veut 
que  fans  samufer  à  difputer ,  l'on  croie  Iknshéiitcr,  que  l'Eur 

chariftie 


ABBÉ    DE    C  I  S  T  E  A  U  X,  &"c.       6^ 

jcharlflie  eft  le  Corps  &  le  Sang  de  Jefus-Chrift ,  puifqu'il  l'a  dit 
ainfi  ,  qu'étant  la  Vérité  il  n'a  pu  mentir  ,  mais  qu'il  a  pu  faire 
comme  Tout-puilTant  ce  qui  elt  au-deflfus  des  lumières  de  notre 
raifon.  C'eft  pour  cela ,  ajoute-t'il  ,  qu'elle  eft  appellée  le  myftere 
de  la  Foi,  parce  que  la  Foileuleen  pénètre  le  fecret.  Jefus-Chrin: 
n'a-t-il  donc  pas  pu  faire  la  chofe  (  a  )  comme  il  l'a  dite  ?  N'a-t-il 
pu  changer  le  pain  en  la  fubftance  de  la  chair  ,  fans  lui  faire 
prendre  les  qualités  de  la  chair?  Y  a-t-il  quelque  chofe  que  le 
Tout-puiirant  n'ait  pu  faire  ?  Non.  Nous  croyons  &  nous  tenons 
pour  certain  ,  que  la  fubftance  du  pain  par  la  vertu  des  paroles  , 
cH:  changée  en  la  fubflance  de  la  chair  du  Seigneur.  Mais  nous 
fi^avons  auHi  très-certainement  ,  ôc  nous  prouvons  par  les  fens 
corporels,  que  les  qualités  du  pain  demeurent  immuablement, 
<juoique  la  fubftance  de  ce  pain  ne  demeure  plus,  parce  qu'elle 
eft  ,  comme  nous  le  croyons  ,  changée  en  chair.  En  effet,  la 
blancheur ,  la  faveur  6c  les  autres  qualités  du  pain  continuent  à 
afTeder  nos  fens.  Mais  fi  les  qualités  du  pain  fe  trouvent  dans 
l'Euchariftie  ,  quoique  la  fubftance  du  ]>ain  n'y  foit  pas,  les 
qualités  de  la  chair  n'y  font  pas  ,  quoique  la  fubftance  de  la 
chair  y  foit.  C'eft  donc  fans  raifon  que  l'on  demande  fi  la  chair 
de  Jefus-Chrift  dans  l'Euchariftie  eft  morte  ou  immortelle:  (î 
elle  eft  animée,  ou  ne  i'eft  pas?  Comme  ceux  qui  font  Fidèles 
demanderoient  mal-à-propos  aux  Fidèles ,  fi  l'Hoftie  confacrée  , 
où  nous  voyons  les  apparences  de  pain ,  eft  du  pain? 

X  X  V I.  La  cinquième  queftion  regarde  le  fens  de  ces  paroles      ^^i-  445 
du  Prophète  :  Qui  fçait  li  Dieu  ne  changera  pas  &  s'il  ne  pardon-     '^'  '  '  **• 
nera  pas?  S'il  ne  laillera  point  après  lui  de  bénédiction?  Arnulphe     J^^l  i,  13 
fait  voir  par  les  paroles  mêmes  du  Prophète  Joël ,  qui  précèdent 
celles  que  nous  venons  de  rapporter  ,  que  le  changement  de 
Dieu  confifte  dans  le  pardon  qu'il  accorde  a\j  pécheur  converti  ; 
&  que  par  la  bénédidion  qu'il  laiile  après  lui ,  il  fiut  entendre 
la  paix  ôc  la  grâce  qu'il  donne  à  ceux  qui  le  fuivent ,  ou  qui  font 
fa  volonté.  Ces  deux  Lettres  d'Arnulphc  ont  été  imprimées  dans 
le  fécond  tome  du  fpicilege  de  Dom  d'Acheri. 


(  il  )  Quid  erîTO  ?  Nonne  (îcut  dixit 
facf  r("  potuit  ?  Nowne  potuit  inutsre  p;mein 
in  lubilinti;)!)!  c?.rnis  ,  fine  ahumptione 
qualitatura  ipfius  c?rnis  :■  Q.uiJ  omnipo- 
tens  faccre  non  potuit  f  Creclimits  &  cer- 
tum  tenei" '"^  (!;l-!h<p*  ^^i  n-inis  vetbotuni 


virtute  eilo  inuta'nm  in  fubftantiam  Domi- 
nici'  Garnis.  Certirtlmè  tanirn  le  mus  & 
lènlibus  corporeis  comprobamus  qua;i;a- 
tcs  panis  imniobiliter  perip  '  erc ,  tujus 
(ubftantiam  quia  caro  fada  eft  çredimus 
non  mancre.  Pdg.  4-1 1. 


Tome  XXII  I 


-ï^6         E  S  T  J  E  N  N  E    H  A  R  D  I  N  G  ; 

Clarius,         X  X  V 1 1.  Il  a  fait  entrer  dâiis  le  même  tome  ,  la  Chronique 
Moine  de  S.  (jg  faint  Picrre-ls-vif  à  Sens,  en  fupprimant  tout  ce  que  l'on  y 
sàchrônVquei  svoit  mis  des anciennes  Chroniqucs  d'Eufebe  ,  de  faint  Grégoire 
tom.  2  SîKil.  de  Tours  ,  de  Sigebert ,  &  de  quelques  autres.  L'Auteur  nommé 
^ag.  70J.       Clarius  avoit  d'abord  été  Moine  de  Fleuri  ;  d'où  il  pafla  à  Sens 
dans  l'Abbaye  de  faint  Pierre-le-vif.  Daïmbert,  Archevêque  de 
cette  Ville,  n'ayant  pu  pourcaufede  maladie  aiTiller  au  Concile 
indiqué  à  Bcauvais  en  1120  ,  invita  Arnaud,  Abbé  de  faint 
Pierre  ,  d'y  aller  avec  les  Evêques  ôc  les  Abbés  de  fa  Métropole. 
Arnaud  étant  tombé  malade  en  chemin  ,  envoya  au  Concile 
Clarius  (a)  pour  y  faire  fes  excufes  Ôc celles  de  l'Archevêque. 
On  lui  permit  d'être  prcfent  au  Concile,  foit  parce  qu'il  étoit 
envoyé  de  la  part  defon  Archevêque  ôc  de  fon  Abbé  ,  foit  parce 
qu'il  avoit  la  réputation  de  fçavoir.  Cefl:  à  la  mort  de  fon  Abbé 
qu'il  finit  fa  Chronique.  Le  refle,  c'eft-à-dire  ,  depuis  l'an  1 124 
jufqu'en  1184.,  eft  d'une  autre  main.  Elle  commence  en  44.5  , 
la  féconde  année  du  Pontificat  de  faint  Léon.  Clarius  l'a  rendue 
intéredante  en  y  rapportant  plufieurs  Lettres  des  Papes  ,  des 
Cardinaux  &  des  Légatsjôc  parles  dates  des  Conciles.  Il  y  a  faute 
fur  celui  de  Troyes  (è),  qu'il  met  en  1  loj  ,  ce  fut  en  1 104. 
Clarius  fe  trompe  encore  lorfquil  dit ,  que  fon  Abbé  Arnaud 
étant  allé  à  Rome  en  cette  année  poury  faire  confirmer  par  le 
Pape  Pafchal  tous  les  biens  de  fcn  Monaflere  ,  y  trouva  Richard  ; 
il  faut  lire  Anfelme  Arclievêque  de  Cantorbcri,  qui  y  étoic  des 
l'an  I  lo?  ,&  en  revint  l'année  fuivante. 
Eerengore       X  X  V  I  ï  I.  Bcrengofe  mis  au  nombre  des  Abbés  de  faint 
rfe ''TbL.ri'e  ^î«i-"<i""'i"  ^^  Trev^es  dans  le  quatrième  tome  (c)  de  l'ancienne 
fajntM;xim:n  Gaulc  chrétienne  ,  vivoit  fous  l'Empereur  Henri  V.  de  qui  il 
lieTrcveî.      obtint  un  privilège  pour  l'advocatie  de  fon  Abbaye.  Btunon  , 
Archevêque  de  Trêves;  Frideric,  de  Cologne  ;  Brunon  ,  de 
Spire  \  Otbert ,  de  Liège  ;  Richard,  de  Verdun  ;  Richuin ^  àé 
Toul ,     6c   quelques -autres    fignerent  ce    Diplôme    comme 
témoins.  Richuin  ne  fut  fait  Evêque  de  Toul  qu'en  i  ro7,  & 
Berengofc  ,  Abbé  de  faint  Maximin  ,  qu'en  1112.  Il  eft  dit  dans 
le  Nécrologe  de  faint  Arnoul  de  Metz  (  i  ) ,  que  le  même  Empe- 
reur confirma  à  la  prière  de  l'Abbé  Berengofc  en  1 1 1  y  tous  les 
biens  de  cette  Abbaye. 


(  a  )  Tom,  z  fpicileg.  pa^.  771.  1       (  <"  ")  Pf?-  ^}s. 

(  i  )  Mahiiion.  lit.  ro ,  Annal,  nam.  7^.  j       (  d)  Mabillon,  iib.  7 1  ,Aiind.  iium.  yv. 


ABBÉ    DE    C  I  S  f  K^A^Ù  X,&c.       67 
-  XXI  X.  On  a  fous  le  nem  de  Berengofe  dans  la  Biblioteque     Ses  Ecrit*, 
des  Pères  à  Cologne  en  1 5-5  f,  ôt  dans  le  douzième  tome  de  celle 
de  Lyon  en  1677  ,  trois  Livres  de  l'Invention  de  la  Croix  da 
Notre-Seigneur  ;  un  du  niyftere  du  bois  de  la  Croix  ôc  de  la 
lumière  vililîle  &  inviliMe,  dont  les  anciens  Pcres  ont  mérité 
d'Ctre  éclaires  ,  ôc'cinq  Sermons  fur  les  Martyrs  ,  les  ConteHeurs, 
la  Dédicace  de  l'Eglife  ,  &:  la  vénération  des  Reliques.  Dans  le 
troifiéme  Livre  de  l'Invention  delà  Croix  ,  Bcrengcfe  marqué 
aflez  clairement  qu'il  avôit  demeuré  à  Trêves ,  par  la  defcription 
quil  iàit  de  la  magniHcence  fa)  des  édifices  que  fîtintc  Heleine 
y  avèfrtait  bâtir,  ôc  qui  rubliftoient  encore  en  partie  du  vivant  de 
cet  Aiiteur.  Il  adopt-e  comme  certaine  {-b  ) ,'  la  faulTe  Hiftoire  dil 
baptême  de  Conltantin.  Ce  qu'il  dit(c')"fHr  l'Invention  delà 
Croix  n'eft  point  fondé  dans  Tantiquité  ,  6c  rt'eft  pas  même  vrai- 
fcrablable.  Dans  tout  ce  Traité  il  montre  un  efprit  extrcmement 
crédule,  &  plus  de  pieté  que  de  lumières.  .Le  fuivant  eft  une 
fuite  de  réflexions  morales  &  allégoriques  fur  le  myftere  de  la 
Croix.  Ses  difcout's  fur  les  Martyrs  &  fut  4és  Confeiieurs,  font 
communs  pour  tous  les  Saints.  Il  n'y  donne  Ihiftoire  d'aucun  en 
particulier.  Ildit  dans  le  difcours(rf)furlaT5édicace  &  la  véné- 
ration des  Reliques,  qu'il  faut  croire  que  les  âmes  des  Saints 
defcendent  le  jour  de  leur  Fcte  vers  leurs  corps  ,  &  qu'ils  inter- 
cèdent pour  tous  ceux  qui  viennent  les  vifiter. 

XXX.  Il  n'eft  plus  queftion  parmi  les  Sçavans  de  mettre    Fft  il  Auteur 
entre  les  Ecrits  de  faint  Ambroifc  le  Commentaire  fur  l'Apo-  tà'ire  furTA- 
calypfeque  Tonftalle  (e),  Evêque  de  Dunelme  ,  fit  împrimet  [o:a!ypfe. 
fous  le  nom  de  ce  Père  en  i  Ç48.  Les  citations  fréquences  d'Ecri- 
vains poflerieurs  à  faint  Ambroife  ,  &  de  lui-même  ;  la  différence 
du  ftileôc  quelques  traits  hiRoriques  qui  annoncent  un  Ecrivain 
plus  récent  que  le  huitième  fiécle  ;  tout  cela  prouve  qu'il  faut 
attribuer  ce  Commentaire  à  quelqu'autre  qu'à  faint  Ambroife 
mort  en  3p7.  L'Auteur,  quel  il  foit ,  a  tellement  prétendu  fe 
cacher ,  qu'il  veut  bien  qu'on  le  connoiffe  en  formant  fon  nom 
des  premières  lettres  de  fon  Commentaire  fur  les  fept  chapitres 
des  vifions.  Or  ces  lettres  font  B.  R.  N.  G.  U.  D.  S.  aufquelles 
on  doit  joindre   les  voyelles  E.  E.  A.  I.  U.  O,  ce  qui  fldt 


( j)  h'ih.  3  ,  fffp.   I  G-  1. 
«i;  *  )  Ibiâ.  cap.  7. 
(c)  Lib  .1  ,cap.  7, 
<i)  P.y.  58J. 


(e  "  At'm"r:'r.  in  hune  Comment,  tam.  t , 
On.  An-biof.  edlt.  1690,  P'g.  4PS  ,  ui 
Appind. 


ïJS         ESTIENNE    HARDING; 

Berengaudus  ou  Berengaudos.  Plufieurs  manufcrits  donnent  eti 
effet  ce  Commentaire  à  Berengaudus  ;  mais  il  y  en  a  auili  où  il 
porte  le  nom  de  Berenger.  Berengofus  de  Trêves  n'a  pour  lui 
que  quelque  relTemblance  dans  le  nom  ,  &  dans  la  profellion  : 
car  il  profeffoit ,  comme  l'Auteur  de  ce  Commentaire  ,  la  Règle 
de  faint  Benoît.  Berenger  au  contraire  ne  fut  jamais  Moine 
Bénddiclin  :  ôc  cette  raifon  feule  doit  prévaloir  fur  l'autorité 
des  manufcrits.  Il  efl  fut  mention  dans  les  Lettres  de  Loup, 
Abbé  de  Ferrieres  {a) ,  d'un  Moine  nommé  Berengaud  ,  ou 
Bernegaud  ,  qu'il  envoya  vers  l'an  8  fj  à  Auxerre  pour  y  achever 
fes  Etudes  fous  Hoirie  qui  enfeignolt  avec  réputation  danîj^-Ab- 
baye  de  faint  Germain.  On  peut  plus  vraifemblablement  lui 
attribuer  qu'à  tout  autre  ,  le  Commentaire  dont  nous  parlons^ 
Son  nom  fe  rencontre  avec  celui  qui  eft  délîgné  dans  les  pre- 
mières lettres  de  ce  Commentaire  furies  chapitres  desvillons.  Il 
étoit  Moine  Bénédiclin  ,  &  inflruit  dans  les  Belles-Lettres ,  ôc 
dans  les  divine?  Ecritures.il  falloit  toutes  ces  connoiflances  pour 
compofer  un  Commentaire  ,  qui  pour  fon  ftile  &  fa  foiidité' 
a  mérité  les  éloges  des  plus  habiles  Interprètes  ,  entr'autres, 
de  Denys-le-Chartreux(i),  ôc  de  Monfieur  BofTuet ,  Evéque 
de  M  eaux. 
Rodulplif,      XXXI.  Rodulphe  ou  Raoul  né  dans  un  Village  fitué  fur  la 

Abbé  de  làjiii  Sambre,  appelle   Mon{lier,à  caufe  d'un  Monaftere  de  Filles 

vêtues  de  noir ,  fit  fes  Etudes  à  Liège  jufqu'à  l'âge  de  dix-huit 

Mabillon.    ans.  Il  entra  dans  le  Clergé  ,  ôc  fut  fait  Sous-Diacre.  En  allant 

hb.ji, Annal,  ^^jj.  jg^  bains  d'Aix-la-Cuapelle  j  il  entra  dans  un  Monaftere 
voifin,  qui  étoit  de  l'Ordre  de  Cîteaux.  La  lecture  qu'il  entendit 
à  Compiles  ,  lui  fit  naître  le  défir  de  fe  faire  Moine.  Il  demanda 
d'être  adm;^  au  Noviciat ,  ôc  prit  l'Habit  le  jour  de  la  Converfioa 
de  faint  Paul ,  fous  l'Abbé  Azelin.  Voyant  que  la  difcipline 
régulière  étoit  négligée  dans  ce  Monaftere,  il  alla  vifiter  ceux 
du  Dioccfe  de  Cologne,  ôc  revint  enfuite  en  Flandres,  où  il' 
fe  décida  pour  celui  de  faint  Tron.  Thierri  qui  en  étoit  Abbé  , 
lechargea  d'enfeigner  les  lettres  ôc  laMufique  aux  enfans.  Il  le  fit 
enfuite  Prieur.  Raoul  profita  de  fon  autorité  pour  réformer  divers 
abus  ,  ôc  régler  le  chant  des  Offices,  la  forme  des  habits  ôc  les 
Id<m.  hh.    cérémonies  de  l'Eglife.  Enfin  il  vint  à  bout  d'introduire  à  faint 

73, /iu/n.Hj.  Xron  les  ufages  de  Cluni.  Fait  Abbé  après  la  mort  de  Thierri  , 


(.a)  Epjl,  116,114.  I       (^b)  Admonii.  in  hunç  Cûvimentar, 


ABBÉ    DE    C  I  S  T  E  A  U  X ,  &c.       69 

il  maintint  le  bon  ordre  dans  fa  Communauté  ;  rétablit  les  édi- 
fices qui  avoient  été  confumés  parle  feu.  Le  fchifme  entre  les 
Partifans  de  Frideric  ôc  d'Alexandre,  qui  prétendoient  l'un  ôc 
l'autre  à  l'Evcché  de  Liège  ,  mcttoit  tout  le  Dioccfe  en  trouble. 
On  preifa  Raoul  de  prendre  parti ,  ou  de  fortir  de  fon  Abbaye. 
Attaché  d'un  coté  à  fes  Religieux  qu'il  aimoit  tendrement ,  il 
avoit  peine  à  les  quitter  ;  il  craignoit  de  l'autre  de  fe  féparer  de 
la  communion  de  l'Eglife  Catholique.  L'amour  de  la  Religion 
l'emporta  fur  lui.  Il  fe  retira  d'abord  dans  l'Abbaye  d'Afflighen  ; 
enfuite  en  celle  de  faint  Bavon  à  Gand  ;  puis  à  faint  Pierre  , 
dont  Arnoul  étoit  Abbé. 

X  X  X  I  L  II  arriva,  pendant  ce  tems-là  ,  que  Frideric  ,  ç, 
Evcque  de  Liège  ,  mourut.  C  ctoit  cn-i  121.  Raoul  rut  appelle  ujs. 
pour  l'cledion.  Les  Partifans  d'Alexandre  firent  leur  polfible 
pour  le  gagner.  Il  fortit  de  Liège  ;  vint  à  Cologne,  où  les 
Moines  de  laint  Pantaleon  le  choifirent  pour  leur  Abbé.  Il  ne  le 
fut  pas  longtems.  Adalberon  ,  frerc  du  Duc  de  Louvain  ,  ayant 
été  choifi  Evoque  de  Liège  ,  &  facré  par  l'Archevêque  de 
Cologne,  Raoul  ,  aux  inftances  des  Moines  de  funt  Tron , 
accompagna  jufqu'à  Liège  le  nouvel  Evoque,  ôc  revint  delà  en 
fa  première  Abbaye,  après  deux  ans  ôc  cinq  mois  d'abfence. 
Il  la  trouva  défolée  tant  dans  fes  biens  que  dans  fes  bâtimens, 
Saifi  de  douleur  à  la  vue  d'un  fi  trifte  fpetlacle,  il  'àt  le  voyage  de 
Rome  ,  jufqu'à  deux  fois , avec  Alexandre  ,  l'un  des  Contendans 
à  l'Evêché  de  Liège.  A  fon  retour  il  reprit  le  gouvernement  de 
fa  Communauté  ,  qu'il  édiHoitpar  fon  alfiduité  aux  exercices.  Il 
mourut  de  paralyfie  en  1 1 3  S. 

X  X  X 1 1 1.  Le  principal  de  fes  Ecrits ,  cft  la  chronique  de  fon     ^gj  Ecrits,- 
Monailere,  aulfi  eftimable  pour  la  bonté  du  fli'ie  que  pour  la  Chronique  de 
candeur  ôc  la  netteté  avec  laquelle  Raoul  raconte  les  évenemens.  '^'"'    ^'^°"* 
Il  ne  prend  parti  nulle  part.  Les  faits  qu'il  rapporte,  ou  il  les 
avoit  appris  des  meilleurs  Ecrivains  ,  ou  tirés  des  anciens  monu- 
mens ,  ou  entendus  des  témoins  oculaires  ,  ou  vus  lui-même.  Il 
ne  laifTe  pas  de  fe  plaindre  («)  de  la  pénurie  de 'Livres  ôc  de 
Mémoires  ,  dont  il  rejette  la  faute  fur  la  négligence  de  fes  pré- 
décelTeurs.  Sa  Chronique  efl:  divifée  en  treize  livres  ,  dédiée  au 
Prévôt  de  faint  Denys  ,  qu'il  ne  nomme  pas  ,  ôc  imprimée  dans 
le  feptiéme  tome  du  fpicilege  de  Dom  d'Acheri.  Après  una 


(«)  T.'/n.  7  /f.c;/  g.  paj.  34Î, 

I  iij; 


70         E  S  T  I  E  N  N  E    H  A  R  D  I  N  G, 

Lettre  ou  un  Prologue  à  tous  les  Abbés  fes  fuccefleurs  &  aur 

Religieux  de  fainti  roii ,  préfensôcà  venir ,  à  qui  il  rend  compte 

de  fo'.i  travail ,  il  donne  la  fuite  de  tous  ^es  Abbés  de  ce  Uonaf- 

tere,avec  le  nombre  des  années  qu  ils  ont  gouverné,  lorfqu'il 

a  pu  le  découvrir.  11  marque  audi  leurs  bennes  qualités  ,  &  leurs 

actions  mémorables:  bur  Adalard  II.  mort  en   1082,  il  dit* 

qu'élevé  dès  l'enfance  dans  le  Monaftere   de   faint  Tron ,  il 

apprit  les  Belles-Lettres  ,  la  Sculpture  &  la  Peinture  ;   qu'il 

Pj^-  3î5-    peignoir  6c  fculptoit  des  Images,  il  commence  au  fécond  Livre 

ihilloire  de  la  dévaflation  de.  L'Abbaye  ,  qu'il  ne  feint  pas  de 

comparer  à  celle  de  Jérudilem  fous  T  ite  ôc  Vefpafien.  Depuis 

le  huitième  Livre  jufquà  la  fin  ,  il  parle  ,  mai?  en  troiliéme 

perfonne,de  fon  éledion,  ôc  de  tout  ce  qu'il  Ht  à  l'avantage  de  fon 

Monaftere  pendant  tout  le  tems  qu'il  le  gouverna.  Il  marque  dans 

le  treizième  Livre  en  quoi  confiftoit  la  Prébende  de  chaque 

Fecr.  Ï07.    Moine  ,  tant  en  pain  qu'en  vin  ôc  bierre.  On  fervoit  à-  tous  un 

mets  (le  légumes  cuite^  avec  delà  graifle  ,  ôc  en  certains  jours 

du  poilTon  ;  au  fouper  quatre  œufs  ,  ou  la  moitié  d'un  fromage. 

Vie  Je  '■p!"t       XXXI  V.  La  vie  de  faint  Lictbert ,  Evêque  de  Cambrai , 

Lietbert.Evc-  ^Q^t  au  mois  de  Mai  l'an  1 075  ,  a  été  publiée  fans  nom  d'Auteut 

brTi ''*tom''.T  dans  le  neuvième  tome  du  fpicilege  ;  mais  dans  un  manufcrit  de 

Spicileg.  yag.  l'Abbaye  d'Anchin(û),  elle  eft  attribuée  à  Raoul,  Moine,  le 

*'^-  même  fans  doute  qui  fut  Abbé  de  faint  Tron  ;  ce  qui  Je  prouve , 

c'eft  que  l'Auteur  de  cette  vie  marque  clairement  qu'il  écrivoit 

au  commencement  du  douzième  fiécle.   C'efl:   en  parlant  de 

Gérard  ,  prèdécelTeur  de  Lictbert  :  //  rcfix encore  {b) ,  dit-il ,  des 

hommes  de  vertu  qui  font  témoins  de  la  faintcté  de  fa  vie ,  (y  comment 

il  a  gouverné  fon  EgUfe  fuivant  les  faims  Canons. 

Lettre  à  S>      XXXV.  Il  étoit  d'ufage  autrefois  que  les  parens  ofFrilTent 

bcrt ,  Pvicir  leurs  cufaus  à  Dieu  dans  les  Monafieres  ;  Ôc  que  le  voeu  pat 

de  faint  l'ai-  jçqye[  \\^  \ç^  confacroieut  à  Dieu  fut  irrévocable  .félon  qu'il  eft 

\Qgne.  dit  dans  le  cinquante-neuvième  chapitre  de  la  règle  de  laint 

T3enoît.  On  voit  encore  des  formules  de  ces  fortes  d'oblations. 

Dom  d'Achcri  en  a  rapporté  quelques-unes  dans  fes  Notes  fué 

Guibcrtde  Nogent.  La  pKipart  des  parens  accompagnoient  la 

confècration  de  leurs  enfans  ,  de  grandes  libéralités  :  d'où  eft 

venue  l'opulence  des  Monafieres.   Quelques-uns  elTayerent  fous 


{  a)  M.ihillon.tib.  fi^ ,  Anna!,  num.  iji,  J       (  J;  Vita  Lietbcrti,  cap.i ,  pjr.  6jf. 
if  in  AnaleSlis  ,  pjg.  47  «.  1 


A  B  B  É    D  E    C  I  s  T  E  A  U  X ,  &c.       71 

le  règne  de  Louis  le  Pieux  d'abolir  cette  coutume.  Rhaban , 
alors  Moine  de  Fulde  ,  en  prit  h  défcnfe  dans  un  Livre  que 
l'on  n'a  pu  encore  recouvrer ,  mais  dont  il  efl  fait  mention  dans  fa 
vie  par  le  Moine  Rudolphe.  Soit  que  fes  raifons  ayent  prévalu  ; 
foit  que  l'ufage  d'offrir  les  enfans  ait  été  attaqué  foiblenient ,  il 
étoit  encore  en  vigueur  dans  le  douzième  fiécle.  Cela  fe  voit 
par  une  Lettre  de  Sibert,  Prieur  de  faint  Pantaleon  ,  à  Raoul, 
Abbédefaint  Tron  ,  par  laquelle  il  le  confultoit  (a)  fur  ce  que  . 
l'on  devoir  répondre  à  un  avare  très-riche ,  qui  vouloir  offrir  ton 
fils  à  ce  Monafiere  fans  lui  donner  aucune  dot.  Le  Prieur  au 
contraire  &  les  Pvloines  exigeoient  de  cet  avare,  qu'il  aban- 
donnât à  fon  fils  la  part  qu'il  avoir  dans  les  biens  de  fa 
famille. 

X  X  X  V  L  Raoul  repondit  de  fliçon  à  Sibert  ,  qu'il  Aiiaiyfe  de 
le  mit  en  état  de  juger  ce  qu'il  convenoit  de  faire  à  l'égard  de  cet  ['"."^^„a"ffij 
avare,  ôcdeprefcrire  aux  Moines  de  faint  Pantaleon  la  manière  RhihilUn.pag.^ 
dont  ils  dévoient  fc  comporter  en  cette  affaire.  Sa  réponfe  eft  '*^5" 
donc  compoféc  de  deux  parties.  Dans  la  première  il  traite  dure- 
ment cet  avare  de  ce  qu'en  offrant  fon  fils  à  Dieu  dans  le  Monaf- 
tere  ,  il  vouloir  frauder  cet  enfant  des  biens  qui  lui  étoient  dûs. 
La  raifon  que  le  père  alleguoit ,  étoit  qu'il  ne  pouvoit  fans  fimo- 
nie  faire  une  oblation  de  cette  nature.  Raoul  fait  voir  que  ce 
n'étoit  de  fa  part  aucune  crainte  de  fimonie,  mais  un  motif 
d'avarice  qui  le  faifoit  agir  ;  que  la  portion  de  bien  échue  à  fon 
fils  dans  le  fiécle,  devanr  le  fuivre  de  droit  divin  &  humain  dans 
l'Eglife  ,  il  n'y  avoit  point,  de  fimonie  du  côté  de  ceux  qui 
l'exigeoient.  Il  ajoute  que  les  Monafteres  ne  font  pas  érablis  pour 
décharger  les  familles  des  riches  ,  mais  pour  y  nourrir  ceux  qui 
font  véritablement  pauvres  de  biens  ,  comme  les  riches  qui  choi- 
fiffent  ces  retraites  par  un  efprit  de  pauvreté.  Dans  la  féconde 
partie  Raoul  avertit  Sibert  ôc  fes  Moines  de  ne  rien  exiger  de 
cet  avare,  ni  de  qui  que  ce  foir,  pour  la  réception  de  leurs  enfans  y 
qu'on  peut  toutefois  les  avertir  ,  qu'ils  doivent  à  l'Eglife  à  qui  ils 
les  offrent ,  la  portion  de  bien  qui  leur  eft  éch.ue  ;  mais  non  pas^ 
les  contraindre  à  la  donner  ;  enfin  que  comme  il  eft  au  pouvoir 
des  Moines  de  ne  pas  recevoir  l'enfant ,  le  perc  eft  libre  auffi  de 
ne  pas  donner  au  Monafiere  les  biens  échus  à  fon  iils.  Il  décide 
en  général ,  que  les  Moines  ne  peuvent  exiger  quoique  ce  f^it 
pour  la  réception  des  enlans  ,  ou  des  Novices  ,  fans  encourir  l& 


(.a)EpiJ.SileTt.  ad  [iodulp,-in.  Andc6',pag.  4.0 j. 


7i  HUGUES 

crime  de  fimonle.  Il  va  plus  loin ,  6c  dit  que  d'en  recevoir  par 
i  efperance  de  la  rétribution ,  c'eft  encore  limonic ,  linon  devant 
les  hommes  ,  du  moins  devant  Dieu.  Ces  deux  Lettres ,  celle  de 
Sibert ,  6c  la  rcponfede  Raoul ,  ont  été'  publiées  pour  la  premiece 
fois  par  Dom  MaLillon  dans  les  Analedes. 
Ecrits  ae  XXXVII.  Au  huitième  Livre  de  fa  Chronique,  Raoul 
Raoul  non  fait  mémoire  d'un  ouvrage  qu'il  avoit  compofé  contre  les  Hmo- 
impnmcs.  j^;^ques  [a).  Il  étoit  dédié  à  Lietbert,  Ciianoine  de  Lille,  ôc 
divifé  en  fept  Livres.  Dom  Mabillon  dit  l'avoir  vu  avec  les  deux 
Lettres  dont  nous  venons  de  parler  ,  dans  un  manufcrit  de 
l'Abbaye  de  Gemblou,  Parle  fommaire  qu'il  donne  de  ces  fept 
Livres  ,  on  voit  que  Raoul  entreprenoit  de  montrer ,  que  dans 
les  Egllfes ,  foit  des  Villes  ,  foit  de  la  Campagne,  il  n'y  avoit  ni 
OiUces  ,  ni  Prébendes  ,  ni  Dignités ,  ni  Ordinations  exemptes  de 
fimonie.  Cet  Abbé  pofTedoit  l'Ecriture  fainte  ,  ôc  n'étoit  pas 
ignorant  dans  la  belle  littérature.  Mais  il  fut  plus  recommandabic 
par  fa  pieté  ,  ôc  par  fon  zèle  pour  l'Obfervance  régulière. 

CHAPITRE     V. 

Hugues  de  Fleuri,  Florent  B  ra  vo  n  , 
Pjerre  de  Honestis  ,  6*  quelques  autres  Ecrivains. 

Hueues  de  ^'  X_T  U  G  u  E  S  fumommé  de  Sainte-Marie  ,  étoit  Moine  de 
Fleuri",  JlJ-  1  Abbaye  de  rleuri-fur-Loire  dans  le  Dioccfe  d'Orléans. 

On  ne  Içait  ni  l'année  de  fa  naiffance ,  ni  celle  de  fa  mort  ;  ôc  l'on 
n'eft  pas  plus  informé  de  fon  origine,  ni  de  ce  ru'il  étoit  avant 
de  fc  confacrer  à  Dieu  dans  l'état  Monafliquc.  Mais  on  voit  par  le 
grand  nombre  ôc  la  qualité  de  fes  écrits ,  qu'il  faifoit  fon  applica- 
tion principale  de  l'étude  ;  qu'il  avoit  une  grande  connoilfance  de 
l'Hifîoire  ,  tant  facrée  que  prophane  ;  ôc  qu'il  étoit  Théologien  ôc 
Canonille.  Ses  ouvrages  n'ont  pas  encore  été  tous  rendus  publics. 
Ses  Coin-       1 1-  Son  Commentaire  fur  les  Pfcaumes  fe  trouve  parmi  les 
niemaircs   Si  manufcrits  des  Bibliotcques  d'Angleterre.  Il  eft  cité  (6)  dansla 
t  "cicîhlfti-"^*'  Biblioteque  facrée  du  Père  le  Long.  On  confervc  (  c  )  dans  celles 
Çue.  «--—-—-.——--———--—————------— --^— —--——— --^--— —————— — 

(  J  )  Roiiulp.  iii  Chron. pag.  -i^o,  i      (i)   Id.  Biblio:.  Hijlor,  G.ii.ix  ,  nu;n, 

du 


D  E    F  L  E  U  R  I,  ôcc;  75 

eu  Roi  &  de  S.  Victor ,  fes  quatre  Livres  de  l'hiftoire  Ecclefiaf- 
tique.  Hugues  les  dcdia  à  Yves  de  Chartres.  Ils  commencent  à 
la  création  du  monde,  ôc  vont  jufqu'en  1034.  André  Duchefne  , 

rapporte  un  fragment  du  troilicme  Livre  {a} ,  où  il  eft  parlé  de  la  1    a:^  .-.'...i^u 
fttuation  &  des  Provinces  de  la  Gaule.  L'infcription  dé  cettc'^j  -''-^    -  -'^"^V 
hiftoire  danslemanufcrit  defaint  Denys  (t)  porte  ,  que  Hugues 
la  compola  en  1 1 1  o  pour  Dame  Adèle ,  ComtelFe  de  Chartres , 
deMeaux^ôcde  Blois;  &  qu'il  fe  fervit  des  hiftoires  publiées 
auparavant.    Cette  infcription  eft  fuivie  de  TEpitre  dédicatoire 
à  Yves  de  Chartres.  Le  premier  Livre  dans  ce  manufcrit  ne 
commence  qu'à  Ninus  ,  premier  Roi  des  AfTyriens  ;  &  le  qua- 
trième Hnit  à  Charles  le  Chauve,  Roi  de  France  ,  ou  à  la  mort 
de  Lothaire  en  Syj'.    Le  manufcrit  eft  donc  bien  différent  de 
celui  de  laBiblioteque  du  Roi,  où  Ihiftoire  Ecclcfiaftique  de 
Hugues  commence  avec  le  monde,  ôc  ne  iinit  qu'en  1054..  Dans 
celui  de  faint  Denys  cette  hiftoire  eft  fuivie  de  celle  des  geftes 
des  Rois  de  France  ,  tirée  des  écrits  de  faint  Grégoire  de  Tours  , 
de  Fredcgaire  ,  &  autres  anciens  Hiftoriens.  Mais  elle  parole 
d'un  autre  Ecrivain,    L'hiftoire  Eccléfiafiique  de  Hugues  fut 
imprimée  fans  divition  de  Livres  à  Munfter  en  Weftphalie  en 
165  8  ,  avec  un  prologue  en  vers  à  Louis  le  Gros ,  enfuite  de  la 
Lettre  à  Yves  de  Chartres.  L'édition  eft  1/2-4°.  &  due  aux  foins 
de  Bernard  de  Rottendorff ,  qui  la    enrichie   de   fes   Notes. 
Marquard  Freherus  en  avoit   publié  une  partie  fous  le  nom 
d'Yves  ,  dans   le  corps   de    l'hiftoire  de  France  imprimée  à 
Hanowre  en  1611  ,  c'eft  à-dire,  ce  qui  regarde  Ninus  ôc  la  fuite 
des  évenemens  jufqu'au  grand  Conftantin.  Lambecius  rapporte 
à  l'Evéque  de  Chartres  (c)  ce  qu'on   lit   dans   cette  hiftoire, 
touchant  Louis  le  Débonnaire.  On  doit(  (I  )à  André  Duchefnc 
deux  autres  parties ,  celle  qui  va  depuis  l'an  5*25   jufqu'en  987; 
&  l'autre  qui  contient  ce  qui  s'eftpalTé  depuis  987  jufqu'en  10^4* 
On  donne  quelquefois  le  nom  de  Chronique  à  cette  hiftoire  , 
&  c'eft ,  lepenfe,  ce  qui  a  occafionné  d'attribuer  à  Flugues  de 
Fleuri  ,  deux  ouvrages  à  peu-près  de  môme  nature  ;  une  hiftoire 
univerfelle,  ôc  une  chronique  dans  le  même  goût:  ce  qui  ne  peut 
gueres  fe  foutenir. 


(  a  )  Tom.  t  ,  rerum  Francar.  jag.  347.  1  (,d)  Diichefne  ,  tom.  3,  Scriptor.  de  reb. 
(i  )  Mabilhn.  lib.ji  ,Anniil.  nwn.9%.  |  Fraac,  pag.  347  ,  545»,  &•  tom.  4,  pag, 
^c)  Lamb'cnii  ,  tom.  z  ypa^.  ii^S,  1   141,141, 

Tome  XXIL  K 


74"  HUGUES 

Hiftoîredfs       1 1  î.   Mais  il    compofa  pour   l'Impératrice   Mathilde   une 
geftes   des      hiftoire  des  Rois  modernes  de  France ,  c'eft-à-dire ,  de  la  féconde 
ce     tom.  1,  ra<^e,  afin  de  faire  connoître  la  nobleffe  de  fes  Ancêtres  à  la 
anecdou  Md.r-  poftcrité.   Hugues  dit  que  jufques-là  aucun   Hiftorien  n'avoir- 
tenne  ,   pag.  ^q^^£  jg  fuite  ies  geftesdeces  Princes  ;  mais  feulement  quelques 
morceaux  épars  de  leur  hiiloire.  Il  commence  la  fienne  à  Charles 
le  chauve  ,  fils  de  Louis  le  débonnaire.  Dom  Martenne  a  placé 
dans  le  premier  tome  de  fes  anecdotes  l'Epître  dédicatoire  à 
Mathilde,  ôc  le  commencement  du  Livre,  tirés  l'un  &  l'autre 
d'un  manufcrit  de  faint  Tron.  Ce  ne  peut  être  la  même  hiftoire 
que  celle  du  manufcrit  de  faint  Denys  ,  dont  on  a  parlé  plus 
haut ,  intitulée  :  Desgefies  des  Rois  de  France;  puifque  celle-ci 
remonte  jufqu'aux  Rois  de  la  première  race  ,  &  que  l'Auteur  ne 
parle  qu'après  Grégoire  de  Tours  &  Fredegaire. 
Ce  qu'elle       ^  ^'  Quoiouc  le  fragment  publié  par  Dom  Martenne   foie 
contient    de  petit ,  il  ne  lailTe  pas  de  contenir  plufieurs  chofes  remarquables. 
n^^^'^^^y^'^'  ^"  y  ^°'f  T-^-  Charles  le  chauve  bâtit  la  'Ville  de  Compiegne, 
}i9.        '      &  qu'il  lui  donna  fon  nom  ,  voulant  qu'on  l'appellât  Gîrc/opoZ/^/ 
qu'il  enrichit  l'Egiife  de  ce  lieu  du  précieux  linceul  qui  fervit  à 
enfevelir  le  corps  de  Notre-Seigneur ,  qu'il  fit  prêtent  à  l'Abbaye 
de  faint  Denys  d'un  des  clnux  avec  lefquels  on  attacha  Jefus- 
Chrift  à  la  Croix  ;  ôc  d'une  particule  de  fa  couronne  d'épines  ;. 
que  Girard  ,  Comte  de  Bourgogne  ,  bâtit  deux  Eglifes  ,  dont 
une  à  Vezelai ,  où  efl  à  prefent ,  dit  l'Auteur,  le  tombeau  de 
fainte  Magdeleine  ;  l'autre  à  Pouticres ,  où  il  fut  enterré  lui- 
même. 
Traite  de  h       V.  Hugues  de  Fleuri  voyant  que  les  difputes  élevées  depuis 
puiirMce        quelque  tems  dans  l'Eelife  ,  au  fujet  de  la  puilfance  royale  ôc  de 

Royale  8l  de   ?     ,-^   ■    ,  f  ,       i      ^'   •      -rr  •         j     •  •  « 

1  <')?-nitc  (a-  ia  dignité  lacerdotale ,  s  aignlioient  de  jour  en  jour ,  &  commen- 

cerJotale  ,     çoient  à  fe  répandre  de  tous  côtés ,  elfaya  de  les  appaifer  par  urr 

tom.^.Mif-  ^crit  qu'il  compofa  fur  ce  fujet,  &:  quil  dédia  à  Henri  L  Roi 

pjg.  9.      '''  d'Angleterre.  Ce  fut  avant  l'an  1157,  puifque  ce  Prince  mourut 

en  cette  année  ,  au  mois  de  Décembre.  Hugues  le  prie  défaire 

examiner  fon  ouvrage  par  des  gens  habiles ,  d'y  corriger  ce  qui 

fe  trouve  défectueux  ;  ôc  qu'au  cas  qu'on  le  juge  utile  au  public  , 

d'em[)loyer  fon  autorité  pour  lui  donner  cours.  Il  fuppiie  au/Il 

les  Evêques  ,  tous  les  Prélats  <Sc  les  Clercs  de  l'Eglifc  Catholique, 

de  le  prendre  en  bonne  part ,  ôc  de  le  lire  dans  le  même  efprit 

qu'il  l'avoir  compofé ,  cefl-à-dire  ,  pour  le  bien  de  l'Eglife. 

Anniyfc  de       "VI.  Son  but  en  efi'et  eft  de  détruire  une  erreur  qui  s'y  étoit 

"/u/frm.'4   r«^pandue,  qui  confiûoit  à  foutenir^  que  la  puiflance  royale  ne 


D  E    F  L  E  U  R  I,  ôcc.  ^f 

vient  point  de  Dieu  ,  mais  des  hommes  ;  qu'ainfi  la  dignité    ' -mv) 'r"-^ 

facerdotale  lui  efl:  fuperieure  ,  puifqu'elle  a  été  établie  de  Dieu»         '^''  "  '' 

Hugues  fait  voir  que  l'une  ôc  l'autre  font  de  Dieu,  parce  que,  Cap.  t. 

félon faint  Paul,  il  n'y  a  point  de  puilTance  qui  ne  vienne  de 

Dieu  ;  ôc  commençant  par  la  puifTance  royale,  il  dit,  que  ce 

que  la  tête  efl  dans  le  corps,  le  Roi  l'ell  dans  fon  Royaume  ;  Cap.  i. 

que  tous  les  Evêques  du  Royaume  lui  font  fournis ,  non  à  raifon 

de  leur  dignité  ,  mais  du  bon  ordre  qui  demande  l'unité,  ou 

l'union  des  membres  avec  leur  chef  ;  qu'il  efl  du  devoir  d'un  Cap.  j. 

Roi  de  corriger  fes  Sujets  ,  ôc  de  les  rappeller  à  la  voye  de 

l'équité  ôc  de  la  jullice  ;  qu'il  peut  les  y  rappeller  par  la  terreur  dp.  4. 

des  peines  ,  comme  par  les  Loix;  qu'à  cet  égard  le  Royaume 

céleflc  reçoit  des  avantages  par  le  R.oyaume  tcrredre  ,  en  ce  que 

la  puilTance  royale  fait  par  la  crainte,  ce  que  le  Prêtre  ne  peut 

faire  par  la  force  feule  de  fes  difcours.  11  ajoute  qu'encore  que  les 

Rois  doivent  s'appliquer  à  être  utiles  à  leurs  peuples ,  on  ne 

doit  pas  refufer  l'obéilfance  ôc  le  refpect  aux  Princes  qui  agilfent 

autrement,  parce  que  Dieu  fouventà  caufede  nos  péchés,  nous 

donne  des  Rois  dans  fa  fureur  ;  que  nous  devons  au  contraire 

prier  pour  eux  ,  fuivant  la  coutume  de  l'Eglife ,  ôc  rendre  à  Cefar 

ce  qui  eft  dû  à  Cefar,  c'efl-à-dire,  l'honneur  ôc  le  fer  vice  ,  en 

confervant  à  Dieu  une  inviolable  pureté  de  corps  ôc  d'efprit. 

VII.  Hugues  penfe  aufîi  que  le  Roi  a  le  pouvoir  d'accorder  Cap.  %, 
à  un  Clerc  l'honneur  de  l'Epifcopat  ;  mais  que  c'eft  à  l'Arche-^ 
vêque  à  lui  confier  le  foin  des  âmes.  Il  fonde  Ion  fentiment  fut 
l'ufage  où  les  Princes  Chrétiens  étoient  de  nommer  aux  Evêchés. 
Mais  il  en  excepte  les  Eglifcs  où  le  Clergé  ôc  le  peuple  étoient 

en  polTeflion  de  choifir  leur  Evêquc  ;  ôc  regarde  comme  une 
tyrannie  la  tentative  que  le  Roi  feroit ,  de  les  troubler  dans  cette 
polTcfTion.  Il  ne  veut  pas  non  plus  que  l'Evêque  élu  reçoive  l'in- 
veftiture  delamain  du  Roi  par  la  tradition  du  bâton  palloral  ÔC 
de  l'anneau  ,  mais  feulement  l'invefliture  des  biens  temporels 
de  l'Eglife.  C'eft  de  l'Archevêque  qu'il  doit  recevoir  l'anneau 
ôc  la  crofTe. 

VIII.  L'Auteur   defcend  dans  le  détail  des  devoirs  d'un  O;;. (î.s,^^ 
Evêque  ôc  de  fes  pouvoirs;  difant ,  qu'il  tient  de  Dieu  ôc  de 
Notre-Seigneur  Jefus-Chrift  la  puifTance  d'ouvrir  ôc  de  fermer 

le  Ciel  aux  hommes.  Ilenfeigne,  que  les  Rois  mêmes  doivent  Cip.io^iu 
s'éloigner  de  ceux  que  l'Evêque  a  excommuniés  ;  ôc  déclame 
contre  la  fimonie  ôc  contre  le  parjure-  Tel  eil;  en  fubftance  le 
premier  Livre  de  Hugues  de  Fleuri. 

Kij 


7^  HUGUES 

LivrefeconcI,       IX.  Dans  le  fécond  il  prouve  plus  particulièrement  que  Diea 

pdg.  46.  a  établi  deux  puiffances  dans  fon  Egiife  ,  la  Royale  ôc  la  Sacer- 
dotale ,  pour  le  bien  des  peuples  dont  elle  eft  compofée.  II 
commence  h  preuve  par  les  Rois  ôc  les  Prophètes  de  l'ancien 
Tedament ,  aufquels  il  dit  que  les  Rois  &  les  Evêques  ont 
fuccedé  dans  le  nouveau.  Sous  le  nom  d'Evêques  ,  il  entend 
particulierenient  les  Succefleurs  de  faint  Pierre  dans  le  Siège 
Apoilolique;  6c  pour  marquer  avec  quel  concert  les  Rois  ôc  les 
Empereurs  Chrétiens  ont  agi  avec  les  Payeurs  de  lEglife  ,  il 
rapporte  d'un  côté  les  avantages  que  le  Grand  Confiantin  a  faits 
à  l'Eglife  de  Rome  ,  félon  qu'il  eft  marqué  dans  l'acte  de  dona- 
tion fuppofée  à  ce  Prince  ;  les  fecours  que  les  Rois  de  France 
ont  prêtés  aux  Papes  opprimés  ;  ladépoiition  des  Papes  intrus  , 
par  ordre  des  Empereurs,  qui  en  même-tems  leur  en  ont  fait 
fubftituer  de  légitimes  ;  la  part  que  les  Rois  ôc  les  Princes  ont 
eue  aux  életlions  Eccléfiaftiques ,  ôc  le  Décret  du  Pape  Nicolas 
II.  par  lequel  il  accorda  en  1078  a  l'Empereur  Henri  ôc  à  fes 
fuccefleurs  ,  que  l'éledion  d'un  Pape  ne  lé  feroit  pas  fans  lui  en 
avoir  donné  avis.  Il  fait  remarquer  de  l'autre  côté  l'autorité  que 
les  Prophètes  dans  l'ancienne  Loi ,  ôc  les  Evêques  dans  la  nou- 
velle, ont  toujours  eue  furies  Rois,  pour  les  obliger  à  rentrer 
dans  la  voye  du  falut.  C'eft  Nathan  qui  reproche  à  David  forv 
adultère  ôc  quH'en  abfout  ;  faint  Ambroife  interdit  à  Theodofe 
la  Communion  de  l'Eglife  jufqu'à  une  fatisfa£tion  convenable 
pour  fon  crime;  faint  Germain,  Evêque  de  Paris ,  excommunie 
Aribert ,  Roi  de  France ,  pour  s'être  féparé  de  fa  femme ,  ôc  tenir 
dans  fon  Palais  deux  femmes  fous-introduites.  De  tout  cela 
Hugues  conclut ,  que  fi  chaque  puiffance  veut  fe  contenir  dans 
fes  bornes ,  ôc  ne  pas  empiéter  fur  les  droits  de  l'autre ,  il  fera 
aifé  de  maintenir  la  paix  entr'elles.  Il  paroît  dire  fur  la  fin  du 
fécond  Livre  ,  qu'il  avoir  traité  la  même  matière  avec  étendue 
dans  un  autre  Livre.  Mais  cela  fe  peut  à  la  rigueur  entendre  du 
premier  Livre  de  ce  Traité.  Il  eft  écrit  clairement  Ôc  folidement. 
Alonfieur  Balufe  lui  a  donné  place  dans  le  quatrième  tome  de 
fes  mélanges. 
Vieder.iim  X.  On  a  dans  les  BoUandiftes  au  cinquième  de  Mai,  une 
Sactrdos.       vie  de  faint  Sacerdos  ,  Evêque   de  Limoges  ,  compofée  par 

10m.  1  "  A"«ii  Hugues  de  Pleuri.  Mais  il  femble  dire  en  un  endroit  qu'il  n'a 
cd  diem    s  >  fait  que  corriger  une  ancienne  vie  du  Saint  qui  étoit  demeurée 

^ag.  14  .  il.  j,j,^j,  lobfcurité.  On  lui  attribue  une  petite  chronique  desGaules^ 
depuis  Phatumond  jufcLu'à  Philippe  1.  mort  en  noS.  Elle  eu 


D  E    F  L  E  U  R  1 ,  6cc.  77 

imprlmëeàlafindcs  Oeuvres  d'Yves  de  Chartres,  de  I'(^dition 
de  Paris  en  1 6^j  ;  de  qui  elle  foit  ,  on  ne  la  trouve  pas  digne 
de  foi  {a). 

X I.  Vers  le  même  tems ,  un  autre  Moine  Bénédi£tin  compofa  „      Florent 
tine  chronique  depuis  le  commencement  du  monde  juiqu  en  ncAngiois, 

1 1 18.  Il  droit  Anglois  de  Nation,  du  Monaflerede  Worchellre , 
&  fe  nommoit  Florent  Bravon.  Très-inftruit  dans  les  Lettres 
divines  &  humaines,  il  fe  fit  par  fes  ouvrages  une  grande  répu- 
tation. Sa  chronique  toutefois  n'eft ,  à  proprement  parler  ,  qu'une 
compilation  des  anciennes  ,  de  celles  de  Gildas  ,  de  Bede,  de 
Marianus  ,  de  Sigebert;  mais  on  lui  doit  la  connoiflance  des 
évenemens  qui  fe  palTerent  fous  les  Rois  ,  dont  il  fut  contem- 
porain ,  ou  prefque  contemporain  ,  c'eft-à-dire ,  Guillaume  le 
Conquérant,  &  fes  deux  (ils,  Guillaume  le  Roux,  &  Henri  I. 
Rois  d'Angleterre.  Il  ne  vit  même  qu'une  partie  du  règne  de  ce 
dernier  Prince  qui  vécut  jufqu'en  i  H  5  ,  s'il  efl:  vrai ,  comme  on 
le  dit ,  que  Florent  foit  mort  au  mois  de  Juillet  1 1 1  8. 

XII.  Ce  qu'il  y  a  de  certain  ,  c'eft  qu'il  ne  conduifit  fa  chro-^  Ses  Ecritfc 
nique  que  Jufques-là  ,  ôc  qu'un  Anonyme  ,  Moine  comme  lui  de 
'WorchelTre  ,  la  pouiïa  jufqu'en  1 1 65  ;  elle  fut  imprimée  avec 

cette  continuation  ,  pour  la  première  fois  à  Londres  en  i^Ç2f 
1/1-4".  P^f  Iss  foins  de  Guillaume  Houard  ,  depuis  Comte  de 
Northampton  ,  avec  un  autre  écrit  de  Florent  Bravon  intitulé: 
Livre  de  la  Race  Royale  des  Anglois  ,  ou  la  généalogie  des 
Rois  d'Angleterre.  On  la  réimprima  en  la  même  Ville  en  i  j'p^ 
in-fol.  dans  la  colledion  des  Hiftcriens  Anglois  par  Henri  Savi- 
lius  ,  ôc  à  Francfort  en  i5oi  chez  les  Wechels  avec  Matthieu 
de '^'eftminfter.  Florent  remarque  que  le  comput  de  Denys  le 
Petit,  eft  contraire  à  la  maniéré  de  compter  les  années  de  l'Incar- 
nation, fuivant  l'Evangile  ;  ôc  que  la  vingt-troîfiéme année,  feloa 
l'Evangile  ,  eft  la  première  fuivant  l'Ere  Dionyfienne. 

XIII.  Il  a  déjà  été  parlé  de  Pierre  de  Honeftis  ,  dans  Tarticle      Pierre  rf« 
de  faint  Pierre  Damicn  ,  avec  qui  on  l'a  quelquefois  confondu  ,  ^'^"«ais, 
foit  à  caufe  de  l'identité  de  nom  ,  foit  parce  qu'ils  étoient  nés 

dans  la  même  Ville  ,  c'eft-à-dire  ,  à  Ravenne.  Mais  ils  étoient  en 
effet  très-differens;  l'un  fut  Moine  de  l'Ordre  de  faint  Benoît, 
Evêque  d'Oftie  ôc  Cardinal,  ôc  mourut  en  1072;  l'autre  n'ell 
mort  qu'en  1  iip  ,  ôc  n'eut  d'autre  grade  dans  l'Eglife,  que  de 
Prévôt  ou   d'Abbé  dans  le  Monaftere  qu'il  fonda  au  Port  de 

(.a.)  Ljjoe  ds  S:np[jr.  dcciefuj.  tom.  z. ,  \>.Lg.  jov, 

K  iiji 


78  HUGUES 

Ravenne.  Il  étoit  (a)  de  h  famille  noble  des  Honeftis ,  établie 
en  cette  Ville.  En  un  voyage  fur  mer  il  fut  attaqué  d'une  tem- 
pête violente. Dans  le  danger,  il  s'obligea  par  vœu,  lorfqu'il  feroit 
:  de  retour  au  Port  de  Ravenne  d'y  bâtir  un  Monaftere  en  l'hon- 

neur de  la  fainte  Vierge.  Il  exécuta  fa  promelfe;  afiembla  en 
cette  maifon  un  certain  nombre  de  Prêtres,  avec  qui  il  vécut 
conformément  à  la  règle  qu'il  leur  prefcrivit.  Il  étoit  lui-même 
honoré  du  Sacerdoce. 
Sa  Rfg>.       XIV.  Conftantin  Cajetan  qui  a  fait  imprimer  cette  règle  à  la 
fuite  des  Oeuvres  de  faint  Pierre  Damien  ,  remarque  qu'elle 
fut  écrite  pour  les  Clercs  ôc  les  Chanoines  qui  vivoient  réguliè- 
rement dans  les  Cloîtres  des  Eglifes  Cathédrales,  ou  dans  les 
Collégiales  fuivant  les  Statuts  du  Concile  d'Aix-la-Chapelle , 
&  non  pour  les  Chanoines  Réguliers  qui  fuivent  pour  règle, 
celle  de  faint  Anguftin.  Pierre  de  Honeftis  conipola  la  fienne 
fur  les  écrits  des  Saints  Pères,  &  prit  beaucoup  de  chofe  de  la 
Règle  de  faint  Benoit.  Mais  avant  de  rétablir  dans  fon  Monaf- 
cere  ,  il  l'adrefla  par  une  Lettre  au  PapePafchalII.en  lefuppliant 
de  la  conlirmer.  11  prend  dans  cette  Lettre  le  titre  de  pécheur, 
félon  qu'il  étoit  d'ufage  alors  à  toutes  les  perfonnes  qui  vivoient 
dans  la  pieté.  On  a  mis  cette  Lettre  à  la  tête  de  la  Règle,  ôc  celle 
du  Pape  à  la  fin.  Elle  eft  dattée  du  mois  de  Décembre  1 1  i  5,  ÔC 
fignéc  de  treize  Cardinaux,  qui  tous  confirment  6c  autorifent 
cette  Règle  conjointement  avec  Pafchal  II. 
■Analyfe  de       X  V.   Elle  efl:  divifée  en  trois  Livres ,  dont  le  premier  eft 
cette  Keçic ,  compofé  de  trente-fix  chapitres ,  avec  un  Prologue  ,  où  l'on  voit 
hamiani  "^   ^^^  ^^^  Obfervances  qui  y  font  prefcrites  avoient  été  mifes  ea 
Paris    1641.  pratique  dans  le  Monaftere  de  Pierre  de  Honcftis  ,  avant  qu'il  les 
Livre     pre-  ^^^^f  p^f  écrit',  ÔC  qu'il  ne  le  fit  qu'afin  qu'on  les  obfervât  plus 
exatiement  dans  la  fuite.  La  Règle  prefcrit  le  renoncement  à 
Cdp.i,  3.  tous  les  biens  temporels,  ôc  à  la  propre  volonté.  Que  celui, 
dit-elle,  qui  eft  choifi  pour  Supérieur,  aime  fes  frères  ;  qu'il  les 
Cap.  f .  reprenne  librement ,  ôc  qu'il   leur  donne  l'exemple.  Que  trois 
ou  au  plus  quatre  femaines  après  la  mort  du  Prieur ,  l'on  en 
Cap.  7.   choifiiïe  un  autre  ,  à  qui  le  Prevot ,  ou  l'Ancien,  difc  avant  la 
Melfe  de  Tierce  ,  en  préfence  de  la  Communauté  :  Vos  P'reres 
vous  ordonnent  de  vous  charger  du  foin  de  leurs  corps  ôc  de 
Cap.  9.    leurs  âmes  félon  Dieu.  Elle  porte  ,  que  les  parens  pourront 


(  a  )  Rubeus  Hiflor,  Rifenna:.  Ub,  j ,  (j-  Cajetanus  obfervât. in  reguL  Pétri. 


D  E    F  L  E  U  R  r ,  &c.  ^3 

offrir  d'eux-mêmes  leurs  enfans  à  Dieu  dans  le  Monaftere ,  avant 
l'âge  de  quatorze  ans  ;  mais  qu'après  cet  âge  ils  ne  le  pourront 
fans  le  confentement  de  leurs  enfans.  Elle  ne  règle  pas  le  tems 
de  probation ,  le  laillant  à  la  prudence  du  Prieur  ôc  de  la  Com- 
munauté. 

XVI.  Si  le  Prieur  le  trouve  utile  au  bien  commun,  il  mettra  Cap,  13. 
dans  les  premières  places  ceux  qui  font  venus  les  derniers  ;  parce 
qu'en  fait  de  fuperiorité,  il  faut  avoir  égard  aux  mérites  per- 
fonnels ,  6c  non  au  tems  de  la  profellion.  Défenfe  de  rien  donner 

ni  recevoir    Hms  la  permiilion  du  Prieur.  Il  doit  lire  toutes  dp.  ly. 
les  Lettres  des  Frères  ,  tant  celles  qu'ils  écrivent ,  que  celles 
qu'on  leur  adreffe.  Le  Cloître  de  ces  Chanoines  Réguliers  étoic 
fermé  ôc  voifin  de  l'Eglife  ;  ils  avoient  de  fuite  tous  les  édifices  q»  ^^ 
néceflairesj  un  Chapitre,  un  Réfettoire,  un  Dortoir,  ôcc.  mais 
ils  mettoicnt  au-dehors  les  bâtimens  pour  les  Domeftiques  ôc  C.zp.ij. 
les  Ouvriers. 

XVII.  La   Règle   défend  aux  Clercs  toute  converfation  Cz;;. ij,. 
particulière  avec  les  femmes  ,  fi  ce  n'efl:  à  ceux  qui  font  Prêtres 

&  de  mœurs  éprouvées  ,  pour  les  entendre  en  confefîion.  Elle  Cap.  24, 
permet  au   Prieur  d'employer    les  Frères  au  travail  manuel , 
tant  dans  le  jardin  qu'ailleurs;  ôc  d'établir  dans  fa  Communauté 
des  Prêtres  pour  recevoir  les  confe^Fions  de  leurs  Confrères.  On  Gvp.  <o, 
ne  permettoit  que  difficilement  à  un  Chanoine  Régulier  de 
mener  en  gardant  fon  habit  la  vie  folitairc;  ôc  ceux  à  qui  on 
l'accordoit  ,  demeuroient  dans  des  cellules  voifines  d'une  Eglifc 
éloignée ,  fous  l'ohéifïance  du  Prieur.    Le  filence  eft  ordonné  Cap.^x^ 
tant  au  Dortoir  qu'au  Réfedoire  ,  depuis  les  Vêpres  jufqu'au 
lendemain  matin,  lorfqu'on  fort  du  Chapitre^  pendant  tout  le  Cip. jf, 
jour  du  vendredi,  ôc  aux  grandes  Fêtes. 

XVIII.  Dans  le  fécond  Livre  qui  eft  de  vingt-huit  chapitres  ,-     AnnlyfeJu: 
Pierre  règle  ce  qui  regarde  la  nourriture  ôc  les  vêtemens  des  '«fcond Livre.. 
Frères  ,  pour  toute  l'année.  Ils  mangeoient  de  la  viande  tous  les  Cap.  1,1,1^ 
jours  de  la  femaine^  excepté  le  mercredi  ôc  le  vendredi.  Quel- 
quefois ils  y  ajoutoient  le  famedi.  Depuis  la  Pentecôte  jufqu  a 

la  Nativité  de  faint  Jean  ,  ils  s'abftenoient  de  viande  ôc  Jeùnoient 
le  lundi ,  le  mercredi  ôc  le  vendredi.  Depuis  ce  jour  jufqu'à  la 
Fête  de  faint  Matthieu,  ils  ne  s'en  privoient  que  le  mercredi,, 
le  vendredi  ôc  le  famedi  ;  mais  ils  jeùnoient  le  vendredi.  L'abfti- 
nence  du  fang  fuivoit  ordinairement  celle  de  la  chair.  Hors  les 
jours  de  jeûnes  prefcrits  par  l'Eglife  ,  ils  mangeoient  deux  fois 
le  jour.   Depuis  la  Quinq[uagelime  jufqu'à  Pâques  y  ôc  depuis  Cag,  g. 


Ï6  HUGUES 

l'A  vent  Jufqu'à  Noël ,  ils  s'abftenoient  d'œufs  &  de  fromage  ; 
ce  qu'ils  faifoient  auffi  depuis  la  Pentecôte  jufqu'à  la  faint  Jean  , 
O?.  II.  ôc  depuis  le  premier  Novembre  jufqua  l'Avent.  Ils  fe  retran- 
choient  le  vin  aux  veilles  des  Fôtes ,  tous  les  vendredis  depuis  la 
.    Quinquageiime  jufqu  a   Pâques  ,  ôc  les  vendredis  des  quatre- 
tems. 
dp.  i8,       XIX.    On  lifoit  au  Réfectoire  pendant  le  repas  ,  6c  tous 
gardoient  le  lilence  en  mangeant  ;  fi  ce  n'efi:  que  le  Prieur  voulût 
dire  quelques  mots  d'édilication  pour  les  Frères ,  ou  qu'il  l'or- 
donnât à  quelqu'un  d'eux.   A  l'égard  des  habits,  on  leur  en 
donnoit  autant   qu'il  étoit  nécefiaire  ,  fuivant  les  différentes 
C^.  II.  (àifons  de  Tannée.  Les  malades  dévoient  avoir  un  appartement 
féparé ,  où  Ion  prenoit  encore  plus  de  foin  de  leur  ame  que  de 
C:ip.  îi.  Leur  corps.  On  avoir  attention  dans  le  cas  de  da.  ger  de  les  munir 
des  Sacremens  de  la  Pénitence,  de  l'Extrême-Onttion  ,  ôc  dq 
l'Euchariftie  ;  ôc  après  leur  mort  ,  de  célébrer  pour  eux  des 
Meffes  ,  de  dire  des  Pfeaumes  ôc  autres  prières  ;  ôc  de  donner  aux 
pauvres  les  portions  qu'on  leur  auroit  fervies,  s'ils  euffent  été 
en  vie.  Il  y  a  un  chapitre  particulier  pour  les  vieillards  ôc  les 
Cip.  »î ,  i^-  infirmes  habituels  ;  un  pour  l'éducation  des  enfans  ôc  des  jeunes 
Cap,  17.  gens  qu'on  élevoit  dans  le  Monaftere  ;  ôc  un  pour  former  dans 
les  fciences  divines  ôc  humaines  ceux  en  qui  l'on  trouveroit  les 
difpofitions  néceflaires. 
Analyfe  du       X  X.  Le  ttoifiéme  Livre  traite  de  l'Office  divin  ,  tant  de  nuit 
L^rè  "^        que  de  jour ,  ôc  des  heures  aufquelles  on  doit  le  célébrer  pour  la 
diftribution  des  Pfeaumes ,  ôc  autres  parties  des  Heures  Cano- 
Cav.  1,1,1,  niales,  la  règle  s'en  rapporte  à  l'ufage  de  l'Eglife.  Les  Frères 
«'g-Vm!  ^'  s'affembloient  après  Prime  ,  au  Chapitre  où    l'on  faifoit  une 
Ci;),  ij.  lecture  en  commun  ,puis  on  difoit  les  coulpes.  La  même  chofe 
fe  faifoit  après  Nones.  Suivent  des  réglemens  pour  le  choix  ÔC 
Cap.  \9  ^  les  fondions  de  tous  les   Officiers  du  Monaftere  ;  ôc  pour  \^ 
réception  des  Hôtes. 
Gilb'rt,       XXI.  Parmi  les  Lettres  de  faint  Bernard  ,  il  y  en  a  une  (  a  )  à 
Londres  ^      Gilbert ,  Evoque  de  Londres  ,  dont  il  parle  comme  d'un  homme 
célèbre  par  fon  fçavoir,  mais  plus  admirable  encore  par  le  mépris 
qu'il  faifoit  des  richelfes.  Il  n'a  pas  été  furprenant,  dit-il ,  que 
Maître  Gilbert  fût  fait  Evcque  ;  mais  on  ne  peut  trop  admirer 
qu'un  Evêque  de  Londres  vive  pauvrement.  Il  étoit  Angloisdç 


naïUance  ^ 


D  E    F  L  E  U  R  I,  5cc;  ïïi 

nalfTance  ,  &  fi  inflruit  dans  toute  forte  de  litt^ratufe  IJ  qu'on 
l'appelloit  univerfel.  Il  pafTa  d'Angleterre  à  Paris  ,  où  il  fe  fit 
une  grande  réputation  parmi  les  Philofophes  &  les  Théologiens. 
Etantalléde-là  à  Auxerrc,  il  en  fut  fait  Chanoine,  &  ordonné 
fucceffivcment  Sous-Diacre ,  Diacre  6c  Prêtre.  On  le  tira  de 
cette  Eglife  pour  le  faire  Evêque  de  Londres,  après  la  mort  de 
Richard.  Ilfutfacréau  mois  de  Janvier  1127  par  Guillaume, 
Archevêque  de  Cantorberi ,  6c  mourut  en  1 1 54.  Il  laifTa  divers 
écrits,  qui  n'ont  pas  encore  vu  le  jour  ;  fçavoir  une  explication 
abrégée  ou  glofe  ibr  l'ancien  ôc  le  nouveau  Teftament  ,fpccia- 
lement  fur  jfaïe  ,  Jéremie  ,  les  lamentations,  les  douze  petits 
Prophètes  ,  quelques  Pfeaumes  ,  ôc  faint  Mattliieu  ;  des  riome^ 
lies  fur  les  Cantiques  de  Salomon  ;  un  Commentaire  fur  le 
Prologue  de  faint  Jérôme  fur  la  Bible.  Ilefl  parlé  de  Gilbert  6>c 
de  fes  ouvrages  dans  l'hifloire  del'Univerfité  dcParis  {a).  Nous 
3Vons  dit  quelque  chofe  plu«  haut  d'un  autre  Gilbert,  Evoque 
de  Limeric  en  Hibernie,  qui  vivoit  encore  en  1 1  5p.  Il  y  a  de 
lui  dans  le  Recueil  des  Lettres  Hibernoifes  (6) ,  par  UfTerius,  un 
Traité  de  l'état  dcl'Eglife;  une  Lettre  aux  Evêques  âc  aux 
Prêtres  de  ce  Royaume;  ôc  une  à  faint  Anfclme,  Archevêque 
de  Cantorberi. 

XXII.  On  met  au  nombre  des  Ecrivains  Eccléfiafliques^  Uùnlnc  de 
■  Udalric  ,  ou  Ulric  de  Bamberg  ,  uniquement  à  caufe  de  fou  Eamberg. 
Recueil  Epiflolaire;  car  nous  ne  connoiiîons  point  d  autres 
ouvrages  de  lui,  que  le  Prologue  en  vers  qu'il  a  mis  à  la  tête 
de  ce  Recueil,  pour  en  marquer  l'Auteur  âc  Tannée.  Il  fé  nomme 
tantôt  Udalric  ,  tantôt  Ulrlc  ,  fuivant  le  befoin  de  fes  vers  ,  qui 
font  hexamètres.  Il  fit  ce  Recueil  en  11 25-,  ôc  le  dédia  à 
Gebehard  ,  Evêque  de  Bamberg  ,  qu'il  nomme  la  perle  des 
Evêques.  Ce  ne  fut  pas  fans  peine  ôc  fans  dépenfe  qu'il  vint  à 
bout  de  ramafier  tant  de  Diplômes  ôc  de  Lettres.  Il  paroît  que 
fon  but  fut  de  former  un  corps  de  modèles  ,  ou  de  formules 
de  Chartes  ôc  de  Lettres;  c'eft  pourquoi  dans  celles  qu'il  rap- 
porte ,  il  omet  ordinairement  les  noms  propres  des  perfonnes  ôc 
des  lieux  ;  mais  il  eft  aifé  de  les  deviner  ,  pour  peu  que  l'on  foit 
au  fait  de  l'hiftoire  du  tems.  On  ne  trouve  pas  ailleurs  tant 
de  monumens  touchant  les  contefîations  entre  le  Sacerdoce 


(a)  P.ig.  101  ,  £>  in  Caulogo  , p.i:^.  {      (i  )  Pjg.  77  ,  7Î  ,  Cr  88. 
7iU  "    1 

Tome  XXI L  L 


82  LESPAPES 

&  TEmpirefous  les  Empereursllenri  IV.  ôc  HenriV.  ni  touchant 
le  fchifnie  de  l'Antipape  Guibert ,  connu  fous  le  nom  de  Clément 
III.  Ces  monumens  continent  ou  en  aftes  des  Conciles ,  ou  en 
Lettres  des  Papes  ,  des  Cardinaux  ,  des  Evêques  ,  ôc  des 
Princes  fe'culiers  ,  ou  en  Chartes  &  Diplômes  ,  ou  en  formules 
de  ferment  &  de  profeillon  de  foi.  Il  commence  par  des 
épigrammes  fur  divers  fujets  ;  par  des  épitaphes ,  ôc  par  des 
formules  de  falutations  uficces  dans  les  Lettres  des  Papes  ôc  des 
Rois  ;  ôc  finit  par  un  petit  poëme  d'Eberhard  fur  la  Salutation 
Ange!i.que  ,  ôc  l'épitaphe  de  Frédéric  ,  Duc  d' Autriclie ,  par  un 
Moine  Saxon  de  l'Ordre  de  Cîteaux  ,  nommé  Conrad.  Le 
Recueil  d'Ulric  eft  le  premier  des  monumens  du  moyen  âge 
dans  le  fécond  tome  de  la  collection  d'Eccard  imprimée  k  Leipfic 
en  1723. 

CHAPITRE      VI. 
Des  Pares  Honorius  IL  Innocent  IL  Celestin  IL 

Luc  lus    IL    6'    ElUGENE    IIL 

Honorius  II.  I.  A  P  R  e' S  la  mort  de  Calixte  II.  arrivée  le  1 2  de  Décembre 
Papeenn24.  ^^J|^  p^^^  ^  i24,on  lui  donna  d'abord  pourfuccclTeurThibaud, 
Cardinal  Prctre  de  fainte  A-naftafie  ,  fous  le  nom  de  Celeftin. 
Maislhibaud  voyant  que  Ton  penfoit  à  travcrfer  fon  élection", 
céda  le  jour  même,  ôc  on  élut  à  fa  place  Lambert ,  Evêquc 
d'Ortie,  à  qui  l'on  donnale  nom  d'Honorius  II.  Cette  féconde 
éledion  ne  sétoit point  paflce fans  tumulte  ;  Lambert  craignant 
qu'elle  ne  fût  pas  canonique,  quitta  fcpt  jours  après  la  mître  ÔC 
la  chape  rouge  en  préfence  des  Cardinaux.  Touchés  de  cette 
démarche  édifiante  ,  ils  rcclifierent  ce  qu'il  y  avoir  eu  de  défec- 
tueux dans  fonélettion  ,  ôc  le  reconnurent  unanimement  comme 
Pape. 
î?a  naifTnnce ,  I  L  Cela  fe  fit  le  2  I  de  Décembre  ,  qui  tombant  au  Dimanche 
{1  s  e  !  lois ,  en  1 1 24  ,  il  eft  probable  qu'il  fut  ce  jour-là  même  facré  ôc  cou- 
ronné. Il  étoit  né  dans  le  Comté  de  Bonh  gne  (  a  )  d'une  famille 
médiocre  ;  mais  fon  fçavoir  engagea  le  Pape  Pafchal  II.  à  le  faire 
venir  à  Rome  ,  ôc  à  lui  donner  lEvêché  de  Vc.  tre ,  ou  d'Oiiic  ; 

(a)P«i'ei*cicA.  in  coiutu  Chi-onic.  adliouor.  IL 


avan    ^a    P 
pautc 


H  O  N  O  R  I  U  s     I  I.  6cc.  '85 

car  ces  dent  Villes  ne  lirent  quelques  années  après  qu'un  feul 
Diocèfe.  En  i  121  le  Pape  Calixte  II.  l'envoya  Légat  en  Alle- 
magne (a) ,  avec  Saxon  ,  Cardinal-Prêtre  ,  vers  l'Empereur 
Henri ,  pour  moyenner  la  paix  entre  l'Empire  ôc  l'Eglife.  La 
négociation  réuffit ,  ôc  il  fe  lit  une  paix  folide  au  gré  du  Pape  6c 
de  l'Empereur. 

III.  La  féconde  année  de  Ton  Pontilicat  ,  Honorius  ayant      H  p-xcom- 
appris  que  Ponce ,  Abbé  de  Cluni ,  mais  qui  depuis  quelque  tems  |[^"JJ^'^    ^,g"' 
avoir  renoncé  à  cette  dignité  ,  vouloit  la  reprendre  ôc  caufoit  du  lonnes   étant 
trouble  dans  l'Abbaye  ,  le  fit  excommunier  avec  fes  fauteurs  par  ^^P^* 
Pierre ,  Cardinal  (b) ,  qu'il  envoya  à  Cluni  en  qualité  de  Légat, 
avec  Hubald  ,  Primat  de  Lyon.  L'année  fuivante  qui  étoit  l'an 
1126,  il  lit  venir  Ponce  à  Rome  pour  rendre  compte  de  fa 
conduite  ;  &  le  trouvant  rebele  à  fes  ordres,  il  confirma  réletliou 
de  Pierre  le  vénérable,  choifi  par  ceux  de  Cluni  depuis  l'abdi- 
cation de  Ponce.  Il  excommunia  encore  Conrad(c),  Duc  de 
Franconie  ,  ôc  Frideric,  Duc  d'Allemagne,  pour  s'être  révoltés 
contre  Lothaire  ;  ôc  Roger ,  Comte  de  Sicile  ,  parce  qu'il  s'étoit 
emparé  du  Duché  de  Pouille  après  la  mort  de  Guillaume  II. 
Il  afl"embla  même  contre  Roger  un  Concile  à  Troyes  en  1 1 27, 
où  il  l'excommunia  une  féconde  fois.  Cela  n'empêcha  pas  ce 
Prince  d'entrer  dans  la  Pouille  avec  une  grande  armée.  Le  Pape 
fe  mit  en  devoir  de  l'en  chafljer  ,  fécondé  du  Prince  de  Capouë. 
Cette  tentative  ne  réuffit  pas.  Roger  fit  fa  paix  avec  le  Pa[)e  de 
qui  il  reçut  linveftiture  du  Duché  de  Pouille  par  l'étendart.  Le 
traité  fait  entr'eux  eft  du  22  Août  1128. 

IV.   La    même   année    Honorius  dépofa   les    Patriarches       ri  jc'pofa 
d'Aquilée  ôc  de  Venife,  comme  fauteurs  (d)  de  la  révolte  de  '"    ^.'""^f" 
Conrad  de  Franconie  ,  contre  Lothaire  ;  ce  fut  par  le  même  lée&'jeVe- 
motif  qu'il  dépouilla  Anfelme  ,  Archevêque  de  Milan,  de  fa  niie, 
dignité.  En  1  i2p  le  Roi  de  Dannemarc  lui  ayant  demandé  un 
Légat ,  il  députa  Grégoire  de  Crefcent  (  c  ) ,  Cardinal-Diacre  du 
titre  de  (aint  Théodore,  avec  une  Lettre  pour  ce  Prince,  dans 
laquelle  il   relevé  le  mérite  du  Légat  (/),  ôc  s'explique  fur 
les  pouvoirs  qu'il    lui   avoit   donnés  d'arracher  ôc  de  planter 
dans  tout  le  Royaume  de  Dannemarc  ,  fuivant  les  intentions 
du  Roi. 


(a)  Pandulphin  in  vira  Caiiijli.  1  (d)  Guido  in  Chronico  Belgico. 

(  6  1  Pet,  venerabil.  lib.  i  ,de  miracuUs ,  1  (  e  )  Pd:;,i  ad  an.  1 1  »9  ,  num,  7. 

op.  I}.  1  (/)  Homr.  Epijl,  .i, 

(  c  )  Alexander  ie  rébus  Rogerii,  J 


noriiis 
1150 


84  LESPAPES 

Mortd'Ho-      V.  Le  Pape  Honorius  étant  tombé  malade  dans  le  Palais  de 

"' '      Latran  ,  &  fe  voyant  en dan-ger  de  mourir,  fe  fit  tranfporter  au 

Monaflere  de  faint  André  (  a)  ,0i\  il  mourut  le  quatorzième  jour 
de  Février  113e,  après  cinq  ans  ôcdeux  mois  de  Pontincar. 
Onuphre  ajoute  trois  jours  ;  d  autres  mettent  cinq  ans  fix  mois 
ôc  vingt-neuf  jours. 
5-esLettrc?,  yj,  jl  ^ous  refte  onze  Lettres  de  ce  Pape.  La  première  efl: 
cil.  V27.  9cs   '^  lierre  ,  Abbe  de  Cluni ,  a  qui  il  témoigne ,  qu  en  confiaeratioii 

£■;/?.  I,  <^c  ce  Monaftere  ,  il  avoit  accordé  à  Ponce  unefépuîturehono- 

£  :,3  ,  rable.  Dans  la  féconde,  qui  efl  au  Clergé  &  au  peuple  de  Tyr  , 
&  aux  Suffragans  de  cette  Métropole  j  Honorius  leur  donne  avis 
qu'il  avoit  accordé  à  Guillaume  leur  Archevêque,  confacré  par 
FfiJI.  3  &  j.  le  Patriarche  de  Jerufiilem  ,  le  Pallium.  Il  écrivit  la  même  chofe 
à  Gueremond,  Patriarche  de  Jerufalem  ;  &  c'efl:  le  fujet  de  la 
troifiéme  Lettre.  Par  la  fixiéme  adreiTée  à  Louis  VL  Roi  de 
France ,  il  marque  b.  ce  Prince  ,  qu'il  a  pris  fous  la  protedion  da 
Saint  Siège  Henri  fon  lils  qu'il  deftinoit  au  faint  Miaiftere.  C'eft 
le  même  Prince  qui  fut  depuis  iMoine  de  Clairvaux  ,  enfuitô 
•Evêque  de  Beauvais ,  puis  Archevêque  de  Reims. 

£„ifl  (/  V  I L  La  fixiéme  Lettre  e(l  une  confirmation  de  la  Sentence 
d'excommunication  prononcée  par  fon  Légat  contre  Foulques  , 
Comte  d'Anjou ,  parce  qu'il  ne  vouloit  pas  confentir  au  divorce 
ordonné   de  fa  fille  avec  le  fils  du  Comte  Robert.  Le  Pape 

Epiji  7.  renouvelle  dans  la  feptiéme  tous  les  privilèges  que  fes  préde'- 
ceffeurs  avoient  accordés  à  lAbbaye  de  Cluni  ;  elle  eO:  de  l'aa 
I12J,  fignée  de  lui  6c  de  neuf  Cardinaux.  Les  trois  Lettres 
fuivantes  font  partie  des  a£i:es  du  Concilede  Londres  en  la  même 

£,.;'.  ".  année.  L'une  efl  adrefl!ée  à  Jean  de  Crème,  Prêtre-Cardinal  da 
titre  de  faint  Chryfogone,  Légat  en  Angleterre  ,  à  qui  il  recom- 
mande de  fe  comporter  dans  fa  légation  avec  la  même  foUicitude 

Epijl.  0.  que  Calixte  II.  lui  avoit  déjà  recommandée.  L'autre  efl  aux 
Archevêques,  Evêques  fie  Abbés  de  ce  Royaume,  qu'il  prie 
de  prêter  leurs  fecours  à  fon  Légat ,  pour  l'extirpation  des 
défordres  &  la  réformation  des  moeurs  &  de  la  difcipline ,  ôc 
E;(/?.  10.  pour  l'accroilTement  de  la  Religion.  Dans  la  Lettre  à  David, 
Roi  d'Ecoffe  ,  Honorius  l'engage  à  obliger  les  Evêques  de  fes 
Fltacs  à  fe  rendre  aux  Conciles  qui  feront  indiqués  par  Jean  de 
Crème.  Il  marque  au  même  Prince  que  le  Légat  étoit  charge 
d'examiner  la  caufe  des  deux  Archevêques,  Turftain  d'Yorc, 

(a)  Pag^ibroih,  in  conatu  ,  Cr"  Pagi  ad  aiTn,  1 1 50  ;  nuni.  i  C-'  i. 


H  0  N  Ô  K  I  U  S     I  i:  ôcc.  "Sf 

&.  Guillaume  de  Cantorberi ,  &  de  renvoyer  au  Saint  Siège  la 
Sentence  définitive  de  leur  différend.  Jean  de  Crênie  !es  em- 
mena l'un  ôc  l'autre  à  Rome  pour  y  plaider  leur  caule  devant 
le  Pape. 

VIII.  L'onzième  Lettre  s'adreffe  aux  Evêques  de  la  Pro-  Epijî.  m 
vince  de  Tours  ,  qu'il  exhorte  d'obferver  les  Décrets  qu'Hilde- 

bert  avoit  faits  au  Concile  de  Nantes  en  1 1  2  j  contre  les  mariages 
inceftueux  &  les  abus  qui  fe  commettoient  dans  la  collation  des 
Bénéfices ,  6:  dont  il  avoit  demandé  la  confirmation  au  S.  Siégé, 

IX.  Le  Pape  Honorius  étant  mort  le  14  de  Février,  des  le    Tnnocentll, 
lendemain  (a)  les  Cardinaux   qui  l'avoient  ailifté  pendant'  fa    ''^^' 
maladie,  avec  le  Chancelier  Aimeric,  fe  prefterent  de  faire  Pé- 

lettion  de  fon  fuccefîeur ,  &.  fe  réunirent  en  faveur  de  Cregôire-, 
Cardinal  de  Saint-Ange.  Il  fut  nommé  Innocent  II.  ordonné 
Prêtre  lefamedi  fuivant  22  de  Février  ,  ôcconfacré  le  lendemain 
Dimanche  dansTEglife  de  fainte  Marie  la  neuve.  Le  même  joitc 
Pierre  de  Léon,  Prétre-Cardinal  de  fainte Marie-Tralleverej 
élu  Pape  par  les  autres  Cardinaux  fous  le  nom  d'Anaclet  IL  fut 
facré  dans  l'Eglifede  faint  Pierre.  Ainfi  il  y  eut  un  fchifme  dans 
l'Eglife  Romaine  ,  qui  ne  fe  termina  que  par  la  ceffion  de 
l'Antipape  Viclor,le  25)  de  Mai  i  ijSj  quelgue-tems  après  là 
mort  de  l'Antipape  Anaclct ,  arrivée  le  feptiéme  de  Février  la 
même  année.  '^  ■:■     ;i   ,     .  , 

X.  Innocent  II.  étoit  Romain  de  naiflance  {h) ,  d'une  famille,  tes  qualités 
noble  ,  fils  de  Jean  ,  de  la  région  d'au-delà  du  Tibre.  Ses  moeurs  <J''"'''°<^«"tîi»- 
dès  fa  jeunelTe  furent  fans  reproche.  Après  avoir  été  Moine  de 

faint  Jean  de  Latran  ,  ôc  Abbé  du  Monaftere  de  faint  Nicolas 
&  de  faint  Primitif  hors  de  P^ome ,  le  Pape  Urbain  II.  le  fit 
Cardinal-Diacre.  Enii  21  Calixte  IL  l'enAoy'a  Légat  en  AUê^ 
magne  pour  y  négocier  là  paix  avec  l'Empereur  Henri  V. 
L'année  fuivante  il  pafia  en  France  avec  la  même  qualité.  Il  y 
tint  deux  Conciles  en  1124,  l'un  à  Clermont  ,  l'autre  à  Vienne. 
De  retour  à  Rome ,  il  fut  choili  Pape.commc  on  l'a  dit.  Arnoul , 
Archidiacre  de  Séez  (c) ,  affurff  dans  fan  Traitii  dii  fchifme, 
qu'Innocent  refufa  jufqu'à  deuix  fois  la  Papauté',  ôî -qu'il  ne;  l'ac- 
cepta ,  que  parce  qu'on  ne  voulut  avoir  aucum  égard  à  fes  raifons"». 

XI.  Quoiqu'Innocent  IL  eût  dix-neuf  Cardinaux  de  fon  côté  ^    rnnccTt  IT.. 

'        fe    relire     en; 
— —  France, 

{a)?agi,ai  .17.  1 130  ,  y)um.  5.  }       (f)  Cip,  A,   ^  P.igi.   ad  an.   iijo, 

p(iro:h,  in.  conaiu ,  hiji,  ad  inmc.  11,  \ 

L  iij 


8^  LESPAPES 

l'Antipape  Anaclet  fe  trou  voit  le  plus  fort  dans  Rome,  où  il 
avoit  gagné  par  fes  largefles  le  Peuple  &  la  plupart  des  Grands. 
Il  écrivit  aulli  à  tous  les  Princes  de  l'Europe  pour  fe  faire 
reconnoitre  Pape.  Innocent  ne  fe-  croyant  donc  pas  en  fureté 
à  Ronie  ,  fe  retira  d'abord  à  Pife  ,  où  il  paffa  la  plus  grande 
partie  de  Tannée  i  1 50  ;  puis  il  vint  en  France.  Ses  Nonces  l'y 
avoient  précédé  pour  inflruire  l'Eglife  Gallicane  de  ce  qui  s'étoit 
fait  à  Rome  ,  6c  les  exhorter  à  condamner  le  Schifmatique. 
Saint  Hugues ,  Evêque  de  Grenoble  {a)  ,  inllruit  que  ce  n'étoit 
pas  le  mérite  ,  mais  les  richelTes  ôc  la  violence  qui  avoient  élevé 
Pierre  de  Léon  fur  le  Siège  Pontifical ,  l'excommunia  avec  les 
autres  Evoques  de  France  qui  s'étoient  affemblés  avec  lui  au 
Puy;&  cette  excommunication  porta  un  grand  préjudice  à  la 
caufe  de  l'Antipape.  D'un  autre  côté  Louis  le  Gros  informé 
aulPi  de  ce  qui  s'étoit  paffé  à  Rome  (6),  aifembla  un  Concile 
à  Eflampes  ,  auquel  il  invita  faint  Bernard.  Ce  fut  à  fa  décifion 
que  les  Evoques  s'en  rapportèrent.  C'efl:  pourquoi  ayant  mûre- 
ment examiné  la  forme  des  deux  élections  ,  le  mérite  des 
Elecleurs,  les  mœurs  ôc  la  réputation  des  Elus,  il  fe  déclara 
pour  Innocent  II  (c).  Le  Concile  s'en  tint  à  la  déclaration  de 
faint  Bernard. 
Il  tient  un  XII.  Le  Pape  Innocent  arriva  en  France  parlaProvence  ;  puis 
Cierm\*en  ^7^"^  traverfé  la  Bourgogne  ,  il  vint  à  Orléans ,  oili  il  fut  reçu 
.1130,  honorablement  (ri)  parle  Roi  Louis  &  parles  Evêques.  Avant 

ce  tems  le  Pape  avoit  préfidé  à  un  Concile  affemblé  à  Clermont 
en  Auvergne  (  e)  ,  dans  le  mois  de  Novembre.  On  y  traita  de  la 
Foi  catholique ,  de  la  réformation  des  moeurs ,  &  de  la  difcipline  ; 
&  l'éleclion  d'Innocent  y  fut  reconnue  de  tous  les  affidans  pour 
canonique.  Le  13  de  Janvier  de  l'année  ii^i  ,  Henri,  Roi 
d'Angleterre  ,  à  qui  S.  Bernard  avoit  pcrfuadé  de  reconnoître  ce 
Pape  pour  feul  légitime  (/) ,  vint  le  trouver  à  Chartres  fuivi  de 
plufieurs  Evêques  &  Seigneurs  de  fes  Etats  ,  ôc  lui  promit 
obéiflance  filiale.  Il  fut  auHî  reconnu  par  le  Roi  Lothaire  ôc  les 
Evêques  d'Allemagne  dans  le  Concile  que  Gauthier,  Arche- 
vêque de  Ravenne  ,  fon  Légat  (  g  ) ,  célébra  à  Virsbourg  au  mois 
d'Octobre  de  l'an  1150. 


(  a)  Vita  S.  Hugonis,cap.  ^.                   (  ^  '  ^  Guida  libtllo  de  Concil.  0-  Pii^i  > 

(i)Sug-r%'kaLudfyv.pae;.m7.              I  «d  û/i.  i  i?o,  «.  38. 

(  c  )  Arnild.  i'it.iS.  Bern.  Ub  i  ,cip.i.  \  (f)  Orderic  Vital,  lib,  i  ; ,  pag.  Sjy, 

(  d )  Arnald.  ibid,                                   1  (  g )  Pagi  id an,  it^a ,  nmm. -ii. 


H  O  H  O  R  ï  U  s    I  I.  &c.  87 

XIII.  Après  quelque  féjour  en  France  ,   le  Pape  vint  à     Concile J» 
Liège,  où  ii  le  tint(£0  une  aifemblée  noinbreufe  d'tv(:ques ,     ^^^^  ^" 
d'Abbés  ,  Allemands  ôc  Lorrains ,  &  de  Seigneurs.  Le  Roi  Lo- 

thair;.*  s'y  trouva  avec  la  Reine  Richirefon  époufe.X'afieniblt-e 
fe  fit  le  troiiiéme  Dimanche  de  Carême  de  l'an  i  1  3  i.  Le  Pape 
céielrala  .Melle,  couronna  le  Roi  &  la  Reine,  &  rc'tablit  à 
leurs  prières  Ûtton  ,  Evoque  d'iJaiberfiat ,  qu'Honorius  IL  avoit 
dcpofé  trois  ans  auparavant.  Le  Roi  Lothaire  prelFa  Innocent  II. 
de  lui  rendre  les  inveiiitures  ;  mais  faint  Bernard  fit  voir  que  les 
prétentions  de  ce  Prince  n  etoient  pas  fondées.  De  Liège  le 
Pape  vint  à  Paris.  Il  célébra  à  faint  Denys  (fc  )  la  Fête  du  jeudi 
faint  j  l'Office  du  vendredi  ôc  du  famedi ,  6c  la  MelTe  le  jour  de 
Pâques  ,  ailidé  de  l'Abbé  &  des  Moines.  Comme  il  alloit  à  cette 
Abbaye,  une  foule  de  peuple  vint  au-de\'ant  de  lui,  même  les 
Juifs  de  Paris.  Ils  lui  prcfenterent  le  Livre  de  la  Loi ,  couvert 
d'un  voile.  Alors  le  Pape  fit  pour  eux  cettePriere  :  Plaife  au  Dieu 
tout-puiflant  d'ôter  le  voile  de  vos  cœurs. 

XIV.  Le  iS  d'06tobre  de  la  même  année  1  1 5 1  il  affembla      Concile  de 
un  Concile  à  Reims  ,  où  affiflerent  treize  Archevêques  (  c  ) ,  deux  '^*™'  ^"^ 
cens    foixante-trois    Evêques   ,    grand   nombre   d'Abbés  ,    de  "^'' 
Aloines  &  de  Clercs  ,  tant  François  ôc  Allemands  ,  qu'Anplois 

ôc  Efpagnols.  Saint  Bernard  écoit  du  nombre.  L'életlion  d'Iano-^ 
cent  il.  y  fut  folemnellement  déclarée  canonique  ,  ôc  l'Antipape 
Anaclet  excommunié  jufqu'à  ce  qu'il  revînt  à  réfipifcence.  Phi- 
lippe ,  fils  aîné  de  Louis  le  Gros,  avoit  été  couronné  à  Soiffons 
le  14  Avril  112p.  Mais  ayant  été  tué  à  Paris  par  un  accident, 
le  Roi  Ht  couronner  par  le  Pape ,  Louis  fon  fécond  fils.  Le  Pape 
fit  en  plein  Concile  un  difcours  ,  où  s'adrefiant  au  Roi  :  Dieu , 
lui  dit-il  (d) ,  a  pris  votre  fils  aîné  dans  l'innocence  pour  le 
faire  régner  dès-à-prefent  avec  lui  dans  le  Ciel ,  vous  en  iailTant 
plufieurs  autres  pour  régner  ici  bas  après  vous.  C'eft  à  vous  à 
nous  confoler  nous  autres  Etrangers  chaffés  de  notre  Pays  : 
comme  vous  avez  fait  en  nous  recevant  avec  tant  d'honneur 
ôc  nous  comblant  de  tant  de  bienfaits ,  dont  vous  recevrez  une 
récompenfe  éternelle.  Le  Pape  fit  aulfi  dans  ce  Concile  (ejla 


(a)  Chromeon  Aur''ie-vaUis  ,  cav.  ï''  ,  |       (  c)  Orâerkus  Vieil,  l'ih.  i  ; ,  v.ir.  S?  j  ,. 
&*  ChronUon  Corruri ,  tom.  ;,  Eccardl ,  |  ^  CkronkonCcrniri  ,'p.ig.  673. 
fa?.  (~7i.  I      {d)Cl\ron:c.  hhuriniacenf.  fag.  jjt, 

( l  )  Sug:r.  liu Lud.iv  6 ,  jiî».  3 1 S   &•  l      \e  )  P.igl ad  a«.  n  j r» 
1^9.  1  r 


M  L  E  S     P  A  P  E  S 

cérémonie  de  la  canonifation  defaint  Godehard  ,  Evêque  d'Hil- 

desheim  ,  feion  que  Bernard  ,  Evoque  de  cette  Ville ,  l'en,  avoit 

prié  au  Concile  de  Liège. 

Innocent n.       XV,   Le  Pape  après  avoir  reçu  des. François  (tz)  toutes  les 

retourne   a   .niarques  de  foumiiîion  &  d  amitié  qu'il  pouvoit  défirer ,  repaila 

Rome  en         ,         ^  .  t  i        i-        ti    -      •      \      *  n   i       ■  j 

ijjj.  les  monts  ,  &  entra  en  Lombardie.  11  etoit  a  Au  le  jour  de 

Pâques  de  l'an  1132,  Etant  paflé  de-là  à  Plaifance ,  il  y  alTembla 
un  Concile  des  livcques  de  Lombardie  ,  de  la  Province  de 
Kavenne  ôc  de  la  Bafie-Pvîarche.  Il  étoit  encore  en  Lombardie 
lorfque  le  RoiLothaire  y  arriva  à  la  tête  de  fon  armée.  Ce  Prince 
tint  à  Roncaille  avec  le  Pape  &  les  Lombards  une  aflemblée 
générale  pour  régler  les  affaires  de  l'Eglife  ôc  de  l'Empire.  Il  eut 
avec  le  Pape  une  féconde  conférence  àPife ,  où  il  fut  convenu  de 
marcher  incefianiment  à  Rome.  Ils  y  entrèrent  le  premier 
jour  de  Mai  de  l'an  1133.  Le  Pape  logea  au  Palais  de  Latran  , 
,&  non  au  Vatican  qui  étoit  occupé  par  l'Antipape.  Le  Roi 
campa  avec  fon  arniée  furie  mont  Aventin.  Innocent II. pour 
reconnoitre  les  fervices  de  Lothaire,  le  couronna  Empereur, 
&  la  Reine  Ricliife  fon  cpoufe,  Impératrice  ,  dans  l'Eglife  du 
Sauveur  à  Latran.  Cette  cérémonie  lé  lit  le  quatrième  de  J-uin. 
Lothaire  donna  avis  (b)  par  une  Lettre  circulaire  à  tous  les 
J^rélats  6c  Fidèles  de  l'Eglife  Catholique  de  ce  qu'il  avoit  fait 
pour  mettre  fin  au  fchifme  ;  ôc  ne  fe  trouvant  pas  aflez  de  forces 
pour  attaquer  Anaclet  dans  fes  Forterefics  (  c),  il  reprit  le  chemin 
de  l'Allemagne.  Le  Pape  Innocent  ne  fe  croyant  pas  non  plus  en 
fureté  à  Rome  ,  revint  à  Pife. 
Concile  de       XVI.  Dans  le  Concile  qu'il  y  affenibla  le  30  de  Mai  1134^ 

Pife.  les  Milanois  qui  avoient  julques-là  fuivi  le  parti  de  l'Antipape 

Anaclet ,  fe  réunirent  à  Innocent  II.  L'Antipape  y  fut  excom- 
munié (d);  l'on  dépofa  fcs  fauteurs  en  leur  ôtant  l'efperance 
de  rétabliffement  ;  ôc  l'on  condamna  l'hérétique  Henri  (  e),  qui 
troubloit  la  France  depuis  le  Pontificat  de  PafchalII.  Le  Pape 
InnocentdemeuraàPilejufqu'en  1 137  qu'il  parrit  pour  Viterbe, 
oii  il  vouloit  (/j  s'aboucher  avec  l'Empereur  Lothaire  qui  y 
dtoit  venu  avec  une  armée  beaucoup  plus  nombreufe  que  la 


(a)  Crderjcus  Viialis  ,  Uh.  13  ,  p.-.g.  j       (e)  Malillon,  in  anahâis ^  tom.  3  j^a^. 
S?J,'8j6-  !  34'  ^  &"  in-fol.fa^. 

(  b)  Tom.  i ,  fpUHeg.  pag.  -180.  (/)  rako,  in  ckronico ,  y 3g.  303 ,  &• 

(c)  On/eric^iw/.  iii,  I  5,  Drtg.  8?7.         ' /*?• 


(  c  )  Vriieric  y  irai,  lib,  i  5  ,  pag.  8?7.         < 
{(1)  Arnal.  vita  Bernard,  lib.  i ,  cap.  1,  | 


première, 


H  O  N  O  R  I  U  s    I  I.  ôcc.  .       1S> 

première.  Leur  defiein  croit  d'obliger  Roger ,  Roi  de  Sicile ,  à 
quitter  le  parti  de  l'Antipape.  La  voie  des  armes  n'ayant  pas 
réuin  ,  on  prit  celle  de  la  ndgocation  qui  fut  aufTi  inutile. 

XVIL  La  mort  de  l'Antipape  Anaclet  arrivée  le  7^  Janvier      Mort   dé 
1138,  auroit  dû  mettre  (in  au  fchifme  ;  mais  le  Roi  Roger  (  a  )  a'5"'1P'p''„ 
permit  aux  Cardinaux  de  Ion  parti  de  lui  donner  un  luccelleur.  Ils  , ,  js. 
■élurent  Grégoire,  Fretre-C'ardinal,  à  qui  ils  donnèrent  le  nom 
de  Vittor.  Mais  environ  deux  mois  après  fon  élection  ^  il  quitta 
la  mître  ôc  la  chape  ôc  fe  fournit  à  l'obédience  d'Innocent  I[.  le 
ap  de  Mai  1158.  Alors  le  Pape  rentré  dans  Rome  dès  le  premier 
jour  du  même  mois,  ôc  peut-être  auparavant,  s'appliqua  à  y 
rétablir  le  Service  Divin,  &  à  réparer  les  ruines  que  le  (chiime 
^voit  occafionnées. 

XVIII.  Les  frères  de  l'Antipape  Anaclet  {h)  reconnurent       Le  Pap< 
Innocent  II.  peur  vrai  Pane  ,&  vinrent  lui  jurer  fidélité.  Paifible  l"nDcent  eft 

I  .'       -^  ',,..,  j' A       •!   r<  connu    gc- 

polielkur  de  fbn  Siegc  ,  il  convoqua  pour  le  huitième  a  Avril  ^^vakniçnt., 
ï  1 3P  un  Concile  à  Rome.  C'eh  le  fécond  de  Lairan  ,  que  l'on  H   tient    ua 
met  parmi  les  Conciles  généraux.  Arnaud  de  Brcfle  y  fut  con-  ^^^'^^  5.^ 
damné  ,  Ôc  Ton  déclara  nulles  toutes  les  Ordinations  faites  par  mort  en 
l'Antipape  Anaclet  Ôc  les  autres  Schifmutiqucs  ,  c'eft-à-dire,  '^■♦J* 
qu'on  leur  interdit  (c  )  leurs  fondions  ,  Ôc  qu'on  les  dépofa  de 
leurs  Sièges.  Le  Roi  Roger  y  fut  aulfi  excommunié  ;  mais  ayant 
fait  fa  paix  quelque-tems  après  avec  le  Pape  ,  lui  ôc  fes  deux 
iils  [à)  lui  promirent  cLéid'unce,  ôc  le  Pape  de  fon  côté  donna  à 
Roger  l'invelliture  du  Royaume  de  Sicile  par  l'étendarr.  Inno- 
cent II.  mourut  le  24  de  Septembre  114-3,  après  treize  ans,  fept 
mois  ôc  neuf  jours  de  Pontificat. 

XIX.  Des  quarante-trois   Lettres   qu'on  a  de  lui  dans   la    Ses  Lettres. 
coUedion  des  Conciles, les  5  ,  12,  3  j  ,  ^5,  57,  59,  40*^. ne  font 

que  des  confirmations  de  donations  ,  droits  ôc  privilèges  accor- 
dés à  diverfes  Eglifcs.  Voici  quelle  fut  Toccafion  de  la  preniiere,  £„■/;.  j.  tom, 
adrefi'éc  à  Rainaud ,  Archevêque  de  Reims;  Hugues  de  Rouen  ;  10  ',   CondU 
Hugues  de'  Tours,  ôc  leurs  fuffragans.  Eftienne  ,  Evêque  de  ^''■=»^"  *^'* 
Paris  ,  revenant  de  l'Abbaye  de  Chelies ,   où  il  étoit  allé  pour 
réformer  quelques  abus  ,  fut  attaqué  avec  ceux  qui  l'accompa- 
gnoient ,  par  une  troupe  de  gens  armés  ,  qui  mafîacrerent  entre 
fes  mains  Thomas ,  Prieur  de  faint  Victor.  C'étoit  en  11 33  ,  le 


(a)  Vita.  Bernardi ,  lih,  i  ,  ça^,  7,  I       {c)  Ckronic,  Mauriniac.  ad  an.  113?* 

(6)  Falco'uii  fupri.  yig.    jS;. 

1       {d)  ïalco  ai  an,  1 139. 

TojneXXlL  M 


^o  LESPAPES 

vingtième  d'Août.  Vers  le  même-tenis  ,  Jean  ,  intrus  dans  la 
RernarJ  ,    dignité  d'Archidiacre    à  Orléans  ,  ne  pouvant  fouffrir  qu'Ar- 
epi(l.i4.i  Pe-  chambaud  ,  Sous-Doyen  de  la  même  Eglile ,  s  oppofàt  à  fcs  vexa- 
EmLiy'.   ''  tions,  'élit  tuer.  Saint  Bernard  &  Pierre  de  Ciuni  e'crivirent  au 
Pape  de  punir  fe'vcrement  ces  deux  meurtriers ,  ôc  de  confirmer 
la  Sentence  portée  contr'eux  dans  le  Concile  de  Jouarre.  Inno- 
cent II.  confirma  non-feulement  la  Sentence  rendue  dans  cette 
airembléc,  mais  la  trouvant  trop  modérée  ,  il  ordonna  de  plus  , 
que  partout  où  les  meurtriers  i'eroient  préfens,  on  ne  célebre- 
roit  point  l'Otîice  Divin  ;  que  tous  leurs  fauteurs  feroient  excom- 
muniés ;  qu'en  outre  Thibaud  Notier ,  Ôc  les  autres  qui  avoient 
acquis   ou  confervé  leurs  Bénéfices  par  les  crimes    de  leurs 
parens,  en  feroient  privés.  On  s'étoit  contenté  à  Jouarre  d'ex- 
Tom.    10,  communier  les  Auteurs  de  ces  deux  meurtres;  ôc  de  menacer 

ConaL   pa^   ^^  \^  même  peine  ceux  qui  leur  denneroient  le  loeement,  ou 
«74.  .        *  •  ^  '-' 

commumqueioient  avec  eux. 

Epil.  î ,  ibid.       ^  ^-   î'^i'^  1^  féconde  Lettre  le  Pape  cède  à  Lothaire  ôc  à 
/'^i-j»4f.        Eichife  fï  fille  mariée  à  Henri  de  Bavière,  les  biens  allodiaux 
que  la  Comtefle  Mathilde  avoic  donnés  au  Saint  Siège  ,  à  charge 
par  ce  Prince  ôc  fa  fille  d  en  rendre  par  chaque  année  cent  livres 
d'argent  au  Pape  ôcà  fes  fuccelfeurs  ,  ôc  que  lefdits  biens  après 
la  mort  de  Lothaire  6c  de  Richife  retourneroient  au  Saint  Siège. 
Epifî.  i.      Foucher,  fécond  Archevêque  de  Tyr  entre  les  Latins,  ayant 
été  facré  par  Guillaume,  Patriarche  de  Jérufalem,  en  1 138  , 
voulut ,  à  l'exemple  de  fes  prédécefleurs,  aller  à  Rome  demander 
le  Pallium  ;  mais  il  n'y  arriva  qu'avec  bien  de  la  peine  ,  parce 
que  le  Patriarche  lui  fit  drelTer  des  embûches  fur  le  chemin  , 
pour  l'empêcher  de   le  continuer.    A  fon    retour  à  l'yr  ,  le 
Patriarche  fit  encore  difficuUé  de  rétablir  cette  Eglife  dans  fon 
ancienne  dignité ,  ôc  de  réparer  les  dommages  faits  à  l'Arche- 
vêque Foucher.  Il  lui  avoit  entr'autres  oté  trois Evêchésdépen- 
dans  de  fa  Métropole,  Acre,  Sidon  ôc  Beryte;  ôc  le  Patriarche 
d'Antioche  avoit  ufurpé  fur  Tyr  ,  les  Evcchés  de  Biblis,  de 
Epif.  4   î-  TripoH  ,  ôc  d'Antarade.  Le  Pape  Innocent  écrivit  fur  cela  deux 
Lettres  au  Patriarclie  de  Jérufalem  ,  quien  conféquence  rendit 
Epiji,  (.  à  Foucher  les  trois  fuffragans  qu'il  lui  retenoit.  Il  écrivit  aufli 
«ux  Evtques  de  Biblis  ,  de  l'ripoli  ôc  d'Antara'le  de  revenir  fous 
la  Jurifdidion  de  leur  Métropolitain  ;  au  Patriarche  d'Antioche, 
Epji.  7  O-s,  de  les  rendre  à  l'Arciievêque  de  Pvr  ;  ôcaux  Evêques  d'Acre, 
de  Sidon  ,  ôc  de  Beryte,  de  rendre  au  même  Archevêque  leur 
refpcd  ôc  leur  obéillancc. 


H  O  N  O  R  I  U  s    1 1.  &c.  -pY 

XXI.  Après  que  le  Roi  Roger  eut  fait  fa  paix  avec  le  Pape  Epijl.  9.    ' 
Innocent  en  1  1 39  ,  le  Pape  lui  confirma  le  Royaume  de  Sicile 
avec  le  titre  de  Roi ,  lui  donna  encore  le  Duché  de  Poiiille  & 
la  Principauté  deCapoue  ,  tant  pour  lui  que  pour  fes  fuccelTeurs  , 
à  condition  d'en'faire  i'hommage  lige,  ôc  d'un  cens  annuel  de     Cunçr. ghff. 
fix  cens  fquifates:c'étoit  une  monnoye  d'or  marquée  d'une  coupe;  ^"l^u'V  g'c' 
c'eft  le  premier  titre  de  ce  Royaume  qui  a  depuis  pris  fon  nom  pir.  553 , 
de  la  Ville  de  Naples.  La  date  eft  du  27  Juillet  1 1 35».  '«'"•  '■*• 

X  X  J I.  Les  Archevêques  de  Sens  &  de  Reims  ayant  envoyé     Epiif.  10  &« 
au  Pape  les  propofitions  d'Abaillard  qu'ils  avoient  condamnées  r'^^riî'"'  !a/ 
dans  le  Concile  de  Sens  en  1 140  ,  Innocent  II.  après  avoir  pris  ion.* 
le  confeil  des  Evoques  &  des  Cardinaux,  les  condamna  ôc  tous 
les  autres  Dogmes  erronés  de  cet  Auteur,  avec  fa  perfonne  & 
les  fauteurs  de  fes  erreurs  ;  déclarant  qu'ils  dévoient  être  excom- 
muniés. Il  ordonna  de  plus  aux  Archevêques  de  Sens  ,  de  Reims 
&c  à   leurs  fuiTragans  ,  de  faire  enfermer  en   des  Monafleres , 
Pierre  Abaillard  ôc  Arnaud  de  Breife,  ôc  de  faire  brîjler  leurs 
Livres. 

XXIII.  Les  Lettres  à  Adalberon  ,  Archevêque  de  Ham-  Ppin^  ,,^  ,^- 
bourg  ;  à  Nicolas,  Roi  de  Dannemarc,  ôc  au  Roi  de  Suéde,  ly.' 

font  datées  du  27  de  Mai  1 1  5  5  ,  ôc  tendentà  maintenir  les  droits 
de  Métropole  à  l'Eglife  de  Hambourg ,  fur  les  Evêcliés  de 
Lunden  ôc  autres ,  fitucs  dans  le  Dannemarc  ,  la  Suéde  ôc  la 
Norvège.  Celle  que  le  Pape  Innocent  écrivit  à  Hugues  ,  Arche- 
vêque de  Rouen  ,  eft  au  contraire  pour  l'engager  à  fe  relâcher 
envers  Henri ,  Roi  d'Angleterre ,  ôc  Duc  de  Normandie  ,  du 
droit  d'exiger  des  Abbés  la  profelfion  ôc  l'obéiflance,  La  raifon  Fp'Jî.  j6. 
qu'il  en  donne  eft  ,  qu'il  faut  quelquefois  fe  relâclier  de  la  rigueur 
delà  juftice  ,  ôc  que  dans  le  cas  prefent,  cette  indulgence  pour- 
roit  mériter  à  l'Eglife  de  Rouen  les  bonnes  grâces  de  ce 
Prince. 

XXIV.  Auiïi-tot  qu'il  fut  arrivé  à  Cluni ,  il  en  donna  avis  Epijl.  ir  &• 
à  Louis  VI.  Roi  de  France,  qui  lui  envoya  l'Abbé  Suger  lui  ^7,  iS,  15, 
faire  fes  premiers  complimens.  Le  Pape  demeura  quinze  jours  ^°'  '''  ^'" 
en  cette  Abbaye,  dont  il  dédia  la  nouvelle  Eglife  en  l'honneur 

de  faint  Pierre.  Ce  fut  de-là  qu'il  écrivit  une  Lettre  circulaire 
à  tous  les  Archevêques  ,  ôc  Evêques  ,  où  il  confirma  tous  les 
privilèges  accordés  à  Cluni  par  fes  prédécelTeurs.  Il  confirma 
aufli  l'autorité  accordée  à  l'Abbé  de  Cluni  fur  tous  les  Monaf- 
teres  de  fa  dépendance  ;  la  donation  qu'Henri ,  Roi  d'Angleterre , 
avoit  faite  à  cette  Abbaye  d'un  cens  annuel  de  cent  marcs  d'ar- 

Mij 


^2  LESPAPES- 

gent  ;  &  la  commutation  de  ces  cent  marcs  en  uii  bien  fonds 

^pifl-  34.  P^"^  Éftienne ,  auiïi  Roi  d'Angleterre.  Il  confentit  encore  que 
le  Monadere  de  faitw  Facundus  &de  faint  Primitif  en  Efpagne  , 
fût  fournis  à  l'Abbc  de  Cluni ,  pour  en  rétablir  les  biens  &  la 
difcipline. 

Epifl.  i8.  XXV.  On  voit  par  les  autres  Lettres  du  Pape  Innocent ,  qu'il 
chargea  Eftienne  ,  Evêque  de  Paris  ,  ôc  Geoffroi  de  Chartres  , 
de  faire  reftituer  à  Archambaud  ,  Sous-Doyen  d'Orléans  ,  &  aux 
autres ,  que  l'Archi-DiacreJean  avoit ,  ou  dépouillés  ou  deftitués, 
leurs  biens  ôc  leurs  dignités  :  cette  Lettre  fut  donc  écrite  avant 
le  meurtre  d'Archambaud  en  1153  ;  qu'il  pria  jufqu  à  deux  fois 

Epijî.  j?.  le  même  Evêque  de  Paris  de  lever  finteruit  qu'il  avoit  jette  fut 
l'Eglife  de  fainte  Geneviève  ;  qu'il  renvoya  l'Abbé  de  Vezelai 

EpiJl.  îo.  à  l'Evcqued'Autun  ,  pour  en  recevoir  la  bénédiction  Abbatiale  , 
en  lui  recommendant  en  même-tems  ce  Monaftere ,  qui  avoit 
depuis  peu  beaucoup  fouffert  dans  le  fpirituel  &  le  temporel. 

EpiU.  zi.  L'Abbé  de  Vezelai  fe  nommoit  Ponce.  Edienne  ,  Chanoine 
d'Auxerre ,  fe  plaignit  de  lui  au  Pape ,  qui  lui  ordonna  de  répondre 
aux  plaintes  en  préfence  de  TEvcque  de  Langres  &  de  faint 

Epi/î.  3  2.  Bernard.  Ponce  répondit  au  Pape  par  un  Exprès  ,  que  fon  Eglife 
avoit  joui  pendant  plus  de  trente  ans  de  ce  qu'Eftienne  lui 
conteftoit ,  ôc  qu'elle  en  avoit  joui  par  un  privilège  du  Pape 

EpiJl.  13.  Pafchal.  Sur  cela  Innocent  II.  écrivit  à  laint  Bernard  qu'il 
falloit  laiiïer  l'Abbaye  de  Vezelai  dans  fa  poffelîion. 

EpiJl.  14.  XX  VL  Alvife  ,  Abbé  d'Anchin  ,  élu  Evêque  d'Arras  , 
refufoit  d'accepter  cet  Evcché.  Le  Pape  ielui  ordonna  ,  en  lui 
remontrant  que  cette  Eglife  avoit  autant  befoin  de  fes  confeils , 
que  de  fon  bon  exemple.  Il  exhorta  Otton ,  Evêque  de  Bamberg , 

EpiJl.  --s  à  maintenir  dans  fon  Diocèfe  ,  ôc  môme  dans  les  Monafteres  en 
dépendans  ,  le  même  bon  ordre  qui  s'y  étoit  obfervé  avant  lui , 
ôc  de  n'y  rien  changer ,  fi  ce  n'étoit  en  mieux  ;  d'en  bannir  furtout 
la  fimonie  ,  s'il  sappercevoit  qu'on  voulût  l'introduire  dans  les 

tutji.  2i.  {<le£l;ions.  Le  Pape  prit  fous  la  prote£lion  du  faint  Siège  Hugues, 
Archidiacre  d'Arras,  ôctous  les  biens  qu'il  poifcdoitcanonique- 
mcin  ,  lui  permettant ,  au  cas  qu'on  l'inquiétât  dans  fes  biens, 
ou  dans  fa  perfonne ,  d'en  appeller  au  Siège  Apoftolique. 

ifijl.  5î.  XXVII.  Sur  lesconteRations  entre  Pierre,  Abbé  de  Cluni  , 
ôc  Pierre ,  Abbé  de  faint  Gilles  ,  le  Pape  décida  que  fi  la  difci- 
pline régulière  venoit  à  s'affoiblir  dans  le  Monaftere  de  faint 
Gilles  y,  ce  feroit  à  Pierre,  de  Cluni  ou  à  fes  fuccefleurs  à  la 
xûublir  i  que  (^uaad  ii;iroi.t  lui  ou  fes  fucccfTeura,  il  y  feroit 


lï  O'^N  O  R  I  U  S    IL   &c.         , .      V3 

reçu  honorablement  &  entretenu  avec  les  fiens  pendant  tout  le 
féjour  qu'il  y  ferolt  ;  qu'il  y  prendroit  même  la  place  de  l'Abbé  , 
&  afTembleroit  le  Chapitre ,  l'Abbé  même  prtl'ent  ;  que  toutefois 
l'Abbé  de  faint  Gilles  venant  à  mourir  ,  ou  à  être  transféré 
ailleurs  ,  les  Religieux  de  cette  Abbaye  auroient  la  liberté  de  fe 
choifir  un  autre  Abbé  ;  mais  de  Cluni  feul ,  Ci  cet  Abbé  étoit 
feulement  pafié  à  un  autre  Monaftere  ;  qu'ils  pourroient  au 
contraire  le  choifir  de  leur  Corps  ,  fi  l'Abbé  étoit  mort.  Il  fut 
aulh  adjugé  à  l'Abbaye  de  Cluni  une  compenfation  des  dépenfes 
qu'elle  avoit  foites  pour  le  Monaflere  de  iaint  Gilles.  La  Lettre 
d'Innocent  II.  fur  ce  fujet  efl  du  mois  de  Février  1:32.  Celle 
qui  eft  à  l  Evêque  de  Luques  regarde  la  qualité  ôc  les  motifs  de 
ceux  qui  dépolént  touchant  les  dégrés  de  parenté  entre  deux 
perfonnes.  Par  la  quarante-troifiéme  le  Pape  charge  Gui  ,  Prieur 
de  la  Chartreufe  ,  d'écrire  ce  qu'il  fçavoit  de  la  vie  &  des 
miracles  de  Hugues  ,  Evêque  de  Grenoble  ,  qu'il  venoit  de 
canonifer. 

XXVIII.  Son  fucceffeur  dans  le  faint  Siège,  fut  Gui  de     Celeflinli. 
Caftel,  Tofcan  de  naifiance ,  Prctre-Cardinal  du  tirre  de  faint  ^"''F- 
ALirc  ,  qui  prit  le  nom  de  Celeftin  II.  Il  fut  élu  le  26  de  Sep- 
tembre U43  j  ôc  intronifé  le  même  jour,  qui  étoit  le  troifiéme 
depuis  la  mort  d'Innocent  IL  fon  prédécefTeur.  C'ctl  ce  qu'il 
marque  lui-même  dans  la  Lettre  qu'il  écrivit  aux  Moines  de 
Cluni  pour  leur  donner  avis  de  fon  éledion  ,  qu'il  dit  avoir  été       Celcfiin;, 
faite  aux  infiances  &  aux  acclamations  du  Clergé  &  du  Peuple  '■/'{,'?•  i« 
Romain.   Cette  Lettre  eft  datée  du  6  de  Novembre.  L'année 
fuivante  \  144  le  6  de  Mars  il  en  adrclfa  une  féconde  à  Pierre, 
Abbé  de  ce  Monaftere  ,  par  laquelle  il  lui  confirme  la  donation 
que  Berenger,   Evoque  de  Salamanque  ,  avoit  faite  du  con-       Ceieftin, 
fcntement  du  Roi  ,  à  l'Abbaye    de  Cluni  ,   de  l'Eglife  de  "f'-^^'  ^• 
Saint  Vincent  à   Salamanque.    Vers  le  même-tems  le  Pape  Epi^i.  3. 
Ccleftin    en    écrivit    une    à   l'ArcI'evêque    de   Tolède    pour 
le  charger  de  reftituer  à  l'Evêque  d'Auria  ,  deux  Paroiffes  dont 
l'Evcque  d'Aftorga  s'éîoit  emparé.  Ce  font  là  lesfeuls  monumens 
qui  nous  reftent  de  Celcilin  IL  II  leva  l'interiiit  que  le  Pape 
Innocent  IL  avoit  jette  fur  le  Royaume  de  France  en  1 141  ^ 
au  fujet  de  l'éledion  d'un  Archevêque  de  Bourges  ,  après  la 
mort  d'Alberie  en  1 1 40.  Le  Pape  lui  avoit  donné  pour  fucceffeur 
Pierre  de  la  Chaftre.  Le  Roi  Louis  le  jeune  fâché  qu'on  ne  l'eût 
prs  confulté  en  cette  alTaire,  défendit  à  Pierre  l'entrée  dans  fon 
RoyaiTrAC.  Le  Pape  le  mit  en  interdit.  Celeflm  II.  mourut  le 

Miii 


51  LESPAPES 

p  de  Mars  1144,  n'ayant  tenu  le faint  Siège  que  cinq  mois  ôc 
treize  jours.  Arnoul  ,  qui  d'Archidiacre  de  Séez  étoit  devenu 
Evêque  de  Lifieux  ,  ayant  appris  l'e'leclion  de  Celeftin  II.  dont 
il  étoit  très-aimé  ,  lui  écrivit  une  Lettre  (a)  de  congratulation  , 
dans  laquelle  il  loue  la  conduite  qu'Innocent  II.  avoit  tenue  dans 
le  gouvernement  de  TEglife.^ 
Luclus  II.  XXI  X.  Le  troifiénie  jour  d'après  la  mort  de  Celeftin , 
Pape.  5c  qui  étoit  le  1  2  de  Mars  &  un  Dimanche  ,  Gérard  ,  natif  de 

Boulogne,  Chanoine  Régulier,  &  Prêtre-Cardinal  du  titre  de 
faintc  Croix  en  Jerufalem  ,  fut  élu  &  confacré  Pape ,  fous  le 
nom  de  Lucius  II.  Il  avoit  été  fait  Cardinal  &  Bibliotecaire  de 
l'Eglife  Romaine  par  Honorius  II.  Chancelier  ôc  Camerierpar 
Innocent  II.   Son  Pontificat  ne  fut  que  d'onze  mois  6c  quatorze 
jours  ,  étant  mort  le  27  de  Février  i  Hj". 
Ses  Lettres.       XXX.  Le  ij  de  Mai  1 144,  le  Pape  Lucius  confirma  par 
Tom.io,Con-  une  Bulle  addreffée  à  Hugues  ,  Archevêque  de  Tours  ,  la  Sen- 
cil.pag.ioi^.  çence  rendue  cinquante  ans  auparavant  par  Urbain  II.   contre 
Epi!},   ai  i'£y£,qye  de  D^l  ,  portant  que  cet  Evêque  &  tous  ceux  de  la 
tom.  I  ,  am-  Bretagne  feroicnt  foumis  dans  laluiteal  Eglue  de  1  ours  comme 
fUJÇ.    colleôl.  ^  jgyp  Métropole.  Lucius  voulut  bien  néanmoins  mettre  une 
Aîar£f«.  pag.  j.gf^j.j£|.;Q,^  ^j^  faveur  de  Geoffroi ,  alors  Evcque  de  Dol  ;  fçavoir  , 
que  tant  qu'il  gouverneroit  cette  Eglife  ,  il  porteroit  le  Pallium 
ôc  feroit  foumis  immédiatement  au  làint  Siège.  En  conféquencc 
de  cette  Bulle  il  déchargea  par  Lettres  les  Evêques  de  faint  Brieu 
6c  de  Treguier ,  de  l'obéifTance  qu'ils  avoicnt  promife  à  l'Evêque 
de  Dol ,  &c  leur  enjoignit  delà  rendre  à  l'Archevêque  de  Tours. 
Il  enjoignit  de  plus  au  Comte  Geoffroi  6c  aux  Seigneurs  de 
Bretagne  ,  de   n'apporter  aucun  obftacle  à  l'exécution  de  ce 
jugement, 
Epi[l.  I.       X  X  X  I.  Il  y  a  trois  Lettres  de  Lucius  II.  à  Pierre  ,  Abbé  da 
Cluni.  Par  la  première  j  il  lui  donne  avis  du  rétabliiïement  de  fa 
fanté  ôc  de  la  paix  ou  trêve  qu'il   avoit  faite  avec  le  Roi  de 
Sicile.  Il  le  prie  par  la  même  Lettre  de  lui  envoyer  treize  de 
fes  Moines  pour  les  placer  dans  le  Monaflere  de  faint  Sabas. 
g„,n       Dans  la  féconde  ,  qui  eft  du  22  Mai  i  144  ,  il  confirme  tous  les 
'       '  biens  donnes  à  l'Abbaye  de  Cluni ,  6c  tous  les  droits  6c  privilèges 
que  fes  prédéceffeurs  ,  au  nombre    de  dix-fcpt  ,  lui   avoienc 
J^pijl.  6.  accordés.  Il  marque  dans  la  troifiéme  ,  qu'il  lui  dqnne  6c  à 


(«)  Tom,  tSpkile^ii  ,paf.  jof. 


H  O  N  O  R  I  U  s     I  I.  &c.  5>; 

fes  fucceneurs  pouvoir  fur  le  Monaftere  de  falnt  Sabas  ,  fondé 
parlàint  Grégoire  le  Grand  ,  pour  y  rétablir  le  bon  ordre  &  les 
biens  prcfquentierement  diiiipés.  Cette  Lettre  efl  du  ip  Janvier 
1144. 

XXXII.  L'Abbé  de  flùnt  Gecmain    d'Auxerre  avoit  fait  F.pijl.  7. 
prendre  des  hommes  de  l'Abbaye  de  Vezelai  ,  dans  U4i  bois 
commun  à  ces  deux  Monalleres,  &  les  avoit  livres  au  Comte 

de  Nivernois  pour  les  mettre  en  prifon  ;  Ponce  ,  Abbé  de 
Vezelai ,  les  répéta  6c  ne  put  les  faire  mettre  en  liberté  qu'en 
donnant  des  rcpondans  ,  &  le  Livre  des  Evangiles.  Sur  la  plainte 
qu'il  en  porta  au  faint  biege  ,  le  Pape  Lucius  ordonna  à  lAbbé 
de  faint  Germain  de  rendre  le  Livre  des  Evangiles  ,  6c  do 
décharger  les  rcpondans,  avec  ordre  de  sadreller  à  l'avenir  à 
Geoti'roi ,  Evêque  de  Langres ,  pour  terminer  fes  diflicukés  avec 
Ponce.  Le  Pape  écrivit  à  cet  Abbé  ôc  aux  Moines  de  fon  Mo- 
naflere  fur  une  affaire  d'une  autre  nature.  On  avoit  affalTmé  Epifl.  %, 
Ortald  ,  Abbé  de  Vezelai ,  prédéceffeur  de  Ponce  ;  6c  le  Pape 
Pafchal  II.  informé  de  ce  meurtre,  ordonna  aux  Evêques  des 
Gaules  de  punir  les  coupables  par  un  exil ,  6c  au  cas  qu'ils  refu- 
faffent  dobéir  ,  de  les  excommunier.  Il  défendit  encore  au 
Prévôt  de  l'Abbaye  ôc  à  celui  qui  en  feroit  élii  Abbé ,  de  recevoir 
aucun  de  ces  homicides  dans  le  Monaftere.  Lucius  II.  confirma 
cette  Sentence  ,  6c  ajouta  ,  qu'on  n'y  reccvroit  pas  même  leurs 
héritiers,  nommément  Eftienne,  Clerc  d'Auxerre.  La  Lettre 
ell  du  8  d'Avril  1 144. 

XXXIII.  Le  24  de  Mai  il  en  écrivit  une  au  Comte  de  Epijl.  f, 
Nivernois  pour  le  prier  de  rendre  à  l'Abbaye  de  Vezelai  ce  qu'il 

lui  avoit  ôté.  Ce  Comte  prétendoit ,  contre  l'autorité  du  Siège 
Apoftolique  ,  obliger  l'Abbé  Ponce  à  comparoître  devant  Ion 
7'ribunal  pour  quelque  plainte  que  ce  fût ,  ôc  y  obliger  aulli 
les  fujets  de  l'Abbaye.  Le  Pape  chargea  faint  Bernard  d'avertir 
ce  Comte  ,  de  fe  défifler  de  fon  entrepi4fe  ,  qu'il  traite  d'exadlion. 
Cette  Lettre  eft  du  i  <?  de  Novembre  1 144. 

XXXIV.  Dom  Martenne  rapporte  une  Lettre  de  Lucius  II.        Marten. 
à  deux  Seigneurs,  pour  les  exhorter  à  continuer  leurs  bienfaits  ''^"'-  '  '  ^"^'^' 
aux  Moines  de  Savigni ,  fie  à  les  défendre  contre  ceux  qui  les    °'-P^^-^^^' 
attaqueroient  dans  leurs  biens,  ou  dans  leur  réputation.  On  cite  MaliUcn.  m, 
du  même  Pape  un  privilège  en  faveur  de  l'Abbaye  de  faint  ""■  >  '"''"^' 
Germain-des-Prez  à  Paris. 

XXXV.  Nous  apprenons  d'Otton  de  Frifingue  ,  que  les      £fi/?.  », 
Roniuinj  voulant  fe  rctablirdans  leur  ancienne  autorité,  aiou- """" '°'^''"" 


^^6  L  E  S     P  A  P  E  S 

£>  Otto  Fri-' terent  un  Patrice  aux  Sénateurs  qu'ils  avoient  déjà  nommés? 

f:ng.  L.  VII.  ^  qu'étant  allés  trouver  le  Pape  ,  ils  lui  demandèrent  tous  les 

r^mc.  cap.  jj.QJj.g  régaliens  ,  foutenant  qu'il  devoir  fe  contenter  pour  fa 

fubfiftance  des  dixnies  &  des  oblations.  Le  Pape  Lucius,  dans 

cette  circonflance  ,  s'adreiTa  à  Conrad  ,  Roi  des  Romains  ,  par 

une  Lettre,  où  il  l'invitoit  à  prendre  l'Lglife  Romaine  fous  fa 

proteclion.   On  rapporte  cetic  Lettre  à  l'an   1144..  La  même 

Evijî-  -.  année  ie  Pape  conlirma  par  une  Bulle  dr.tce  du  13  de  Mai  à 

Raymond  ,  Archevêque  de  Tolède  ,  la  primatie  que  le  Pape 

Urbain  IL  lui  avoir  accordée.  11  eft  dit  dans  cette  Bulle  que  les 

Diocèfes  des  Villes  qui  ont  perdu  leurs  Tvlétropolitains  par  l'in- 

vafion  des  Sarrafins ,  feront  foumis  a  l'Archevêque  de  Tolède, 

jufqu'à  ce  que  leurs  anciennes  Métropc'.cs  foient  rétablies.  Il  y  a 

dans  le  fécond  tome  des  mélanges  de  M.  Balufe,  pag.  220  ,  une 

Lettre  d'Alphonfe ,  Roi  de  Portugal ,  au  Pape  Lucius  ,  avec  la 

rép.onfe  de  ce  Pape  ,  par  laquelle  il  accepte  de  la  part  de  ce 

Prince  6c  de  fcs  fuccelTcurs  un  cens  annuel  de  quatre  onces 

d'or;  ôc  prend  toute  la  ramilk  Royale  fous  la  protection  du 

faint  Siège. 

Autres! et-       XXXVL    L'appendice  du   dixième    tome   des  Conciles 

très  des  Pap.s  rapporte  une  Lettre  d'Honorius  IL  aux  Clercs  de  lEglife  de 

Honorius   &  Xours  ,  dans  laquelle  il  les  avertit ,  qu'étant  informé  que  fon 

Innocent    !(._,'.  ^  ,     ^  -,    >■  .        .         ^ 

f.i/n.  10  Co/- Légat  avoit  prononce   Sentence    c!  e.icommunication   contre 
ciiyag.iii^,  Foulques,  Comte  d'Anjou  ,  pour  n'avoir  pas  voulu  confentir  à 
•'''''■  la  diflblution  ordonnée  du  mariage  de  fa  lille  avec  Guillaume  , 

fils  du  Comte  Robert ,  ôc  pour  avoir  aufTi  maltraité  les  Envoyés 
du  Légat  ,  il  confirme  cette  Sentence  ,  ôc  veut  qu'elle  ait 
fon  e<écution  jufqu'à  fatisfaclion  de  la  part  de  Foulques.  Suivent 
dans  le  même  appendice  quatre  Lettres  du  Pape  Innocent  II. 
La  première  à  Conrad,  Archevêque  de  Salzbourg,  qu'il  laiflc 
le  maître  de  continuer  l'interdit  fur  certaines  Eglifes  ,  quoique 
Henri,  Ducde  Carinthic,  s'en  fût  plaint.  Il  ordonne  à  Conrad 
de  fe  comporter  envers  Hugues  de  BrefTe ,  fuivant  ce  que  les 
Conciles  avoient  ordonné  touchant  les  Partifans  de  l'Antipape 
Guibert.  Par  la  féconde  Lettre  qui  eft  encore  à  Conrad  ,  il  le 
charge  de  montrer  à  l'Evêque  de  Ratisbonne,  la  Lettre  par 
laquelle  il  le  fufpendcit  de  fes  fonctions  Epifcopales ,  pour  avoir 
refufé  à  lEglife  Romaine  l'obéiflance  qu'il  lui  avoit  promife, 
6c  n'avoir  pas  même  voulu  recevoir  la  Lettre  qui  lui  avoit  été 
portée  de  la  part  du  faint  Siège  par  l'Abbé  de  faint  Emme- 
tamme.  Henri ,  c 'étoit  ie  nom  de  l'Evêque  de  Ratisbonne ,  pour 

le 


H  O  N  O  R  I  U  s     I  î.  &c.  $j 

fe  vanger  de  cet  Abbé ,  lavoit  dellitué,  &  cherchoit  les  moyens 
de  fouflraire   fon  Monaftere  à  la  Jurifdidion  du  faint  Siège 
d'où  il  dépeiidoit.  Le  Pape  Innocent  lui  écrivit  de  rétablir  en 
entier  l'Abbé  ,  6c  de  rendre  à  l'Eglife  Romaine  l'obéifTance  qu'il 
lui  devoit ,  le  déclarant  interdit  de  fes  fondions  jufqu'à  ce  qu'il 
■eût  obéi.  Le  Pape  ne  lui  donnoit  que  vingt  jours  pour  exécuter 
l'ordre  porté  par  fa  Lettre^  qui  ed  la  troifiéme.  Dans  la  quatrième 
adrelTée  à  Henri,  Evoque  de  ïoul ,  le  Pape  confirme  l'accom- 
modement fait  entre  lui  ôc  Frédéric,  Comte  de  Toul  ;  ôc  règle 
le  droit  d'hofpitalitéquece  Comte  prétendoit  exiger  de  l'Evêque 
&  de  Ces  Chanoines  ;  le  déclarant  privé  de  la  communion  du 
Corps  &  du  Sang  de  Jefus-Chrift ,  au  cas  qu'il  exigeât  au-delà 
de  ce  qui  étoit  réglé.  On  trouve  encore  deux  Lettres  d'Linocent      t-^,,,.  tj 
II.  dans   le   fécond  tome  des  mélanges  de  Monfieur  Balufe;;  Mifc/iian. 
l'une  à  Ulger ,  Evêque  d'Angers  ,  par  laquelle  il  conlirme  tous  ^''»*  '^^ 
les  biens  ôc  les  privilèges  de  cette  Eglife  ;  l'autre  à  Robert, 
Abbé  d'un  Monaftere  de  Chanoines  Réguliers,  fous  la  règle  de 
faint  Auguflin  ,  dans  le  Diocèfe  d'Angers ,  dont  il  confirme  auiïi 
les  droits  &  les  privilèges.   Le  Code  d'Ulric  de  Bamberg  en 
•contient  deux  du  même  Pape.  La  première  adrelTéc  au  Clergé       j-^^   ^ 
&  au  Peuple  du  Royaume  Teutonique  ,  par  laquelle  il  leur  ScH'^ror.  tb?- 
recommande  fon  Légat ,  &  la  fidélité  à  Lothaire  qu'ils  avoient  r'    '^l"    ^^'" 
choifi  pour  Roi ,  ôc  qui  devoit  venir  à  Rome  dans  peu  pour  y   jji. 
recevoir  la  couronne  impériale.  Il  les  prie  de  lui  prêter  fecours 
tant  pour  foutenir  fa  dignité  ,  que  pour  la  défenfe  de  l'Eglife. 
La  féconde  eft  à  Lothaire  ,  à  qui  il  fait  part  de  fon  éleûion  ,      pj,._  ,-;o. 
en  l'invitant  de  venir  à  Rome  accompagné  des  Archevêques  ôc 
des  Grands  de  fon  Royaume  ,  pour  y  être  couronné  Empereur. 
Il  dit  beaucoup  de  chofes  au  défavantage  de  Pierre  de  Léon , 
connu  fous  le  nom  de  l'Antipape  Anaclet. 

XX  X  V  II.  Après  la  mort  de  Lucius  II.  arrivée  le  25-  de  F.urc.nelII. 
Février  ii45'  ,  les  Cardinaux  affemblés  dans  l'Eglife  de  faint  iapcnii4î. 
Cef;;ire  ,  élurent  pour  lui  fucceder  Bernard  ,  natif  de  Pife, 
Abbé  du  Monaflere  de  faint  Anaflafe  ,  de  l'Ordre  deCîteaux. 
AulTitot  après  fon  élcdion ,  on  le  mena  au  Vatican  ;  on  le  fit 
aiïeoir  dans  la  chaire  Pontificale  ,  ôc  on  lui  donna  le  nom 
d'Eugène  III.  Cela  fe  pafia  le  2~i  de  Février  de  la  même  an'-ée 
114.J.  Son  facre  auroit  dû  fe  faire  le  Dimanche  fuivant  ;  mais 
les  troubles  qui  regnoient  à  P\.ome  l'ayant  obligé  de  fe  reti- 
ler  avec  les  Cardinaux ,  au  Monaftere  de  Farfe ,  il  y  fut  or- 
Toms  XXI L  .  N 


Pc 


^^8  LES     PAPES 

donné  le  quatrième  de  Mars  (a)  ,  qui  étoît  un  Dîmancîié.' 
S.  Bernard  XXXVIII.  Saint  Bernard  ,  dont  il  avoit  été  Difciple  , 
Cardin au'rilir  ^yant  appris  fon  éledion  ,  s'en  plaignit  aux  Cardinaux  en  ces 
cettetiedion.  termes  :  Que  venez-vous  de  faire?  \  ous  avez  tiré  un  mort  du 
Bern^.rd  ,.  tombeau  ;  plongé  dans  le  tumulte  &  l'embarras  un  homme  qui 
s'eft  confacré  au  repos  ôc  à  la  retraite  :  Vous  avez  placé  au 
premier  rang  celui  qui  occupoit  le  dernier  ,  &  rendu  par  ce 
changement  fon  état  plus  dangereux.  Pourquoi  renverfer  les 
)rojets  ôc  troubler  les  faints  propos  d'un  pauvre  pénitent  ? 
^ourquoi  lui  oter  des  mains  fa  bêche ,  fa  coignée  ,  le  traîner  au 
Palais  ,  le  faire  affeoir  fur  le  thrône  ,  le  revêtir  de  la  pourpre  ôc 
lui  mettre  en  main  des  armes  pour  châtier  ôc  corriger  lesPeupleS', 
pour  affujettir  à  fes  Loix  les  Princes  ôc  les  plus  grands  des  Rois  î 
Mais  puifque  l'affaire  eft  faite  ,  aidez-le  ,  concourez  avec  lui  à 
l'œuvre  pour  laquelle  Dieu  Fa  appelle  par  votre  moyen.  L'Abbé 
Bernard ,  de  Clairvaux  en  écrivit  au  Pape  même.  Bernard  mon  fils ,  lui 
'fifi'iiS.  dit-il,  fe  nomme  Eugène  ,  ôc  devient  mon  père.  Le  doigt  de 
Dieu  tire  de  la  poulTiere  ,  ôc  le  pauvre  de  la  mileie  pour  le  mettre 
au  rang  des  Princes  ôc  le  faire  affeoir  fur  le  thrône.  Il  employé  ' 
le  refle  de  fa  Lettre  à  lui  repréfenter  les  dangers  de  fa  dignité  , 
ôc  à  l'animer  à  remplir  fes  devoirs.  De  Farfe  qui  étoit  un  Mo- 
nafterc  de  l'Ordre  de  faint  Benoit  dans  la  Terre  de  Sabine,, 
éloigné  feulement  de  vingt-cinq  milles  de  Rome,  Eugène  IH. 
alla  à  Witerbe  pour  y  célébrer  la  fête  de  Pâques.  Son  léjour  ei\  ■ 
cette  Ville  fut  de  huit  mois.  Pendant  qu'il  y  étoit,  les  Députés 
des  Evêques  d'Arménie  ,  ôc  de  leur  Patriarche  ,  vinrent  le 
faluer  ôc  lui  rendre  toute  forte  de  foumilîion  de  la  part  de  leiw: 
Églife.  Ils  étoient  chargés  de  propofer  au  Pape  les  différends 
qu'ils  avoicnt  avec  les  Grecs  ,  ôc  de  l'en  rendre  Juge.  Otton 
de  Frifingue  ih) ,  qui  étoit  alors  à  Witerbe,  s'ett  contenté  de 
remarquer ,  que  les  Arméniens  ne  differoient  de  nous  qu'à  l'égard 
de  certains  Rits  dans  le  facrifice  ;  fçavoir  ,  qu'ils  ne  mettoient 
point  d'eau  dans  le  vin  ;  qu'ils  y  employoient  du  pain  levé  ;  qu'ils 
ne  faifoient  qu'une  fête  de  Nocl  ÔC  de  l'Epiphanie.  Mais  on 
prétend  qu'Otton  de  Frifingue  a  été  trompé  à  l'égard  du  pain 
levé  \  que  les  Arméniens  ie  fervoient  depuis  long-tems  de 
pain  azyme  dans  le  facrifice,  ôc  qu'ils  ne  fe  font  point  écartés 
de  cette  pratique. 


(/:)  Pagi  a(f  afl.  1145  ,"«"!.  ?•  (       (i)  Otîo  ïn^ing.  lib.7  ,  Chronk.  cup. 


H  O  N  OR  lus    II.  &c.  p<> 

XXXIX.   Quoiqu'il  en  foit ,  Eugène  III.  fît  aHlHer  les     Le  Pape_ 
Députds  d'Arménie  à  fa  Meiïe,  &  voulut  qu'ils  fuffent  placés  [erbè'lcs  Dél 
près  de  l'Autel ,  afin  qu'ils  ohfervaflent  exatlement  comment  les  putes    d'Ar- 
Latins  célebroient  le  faint  lacrifice.  Le  Pape  reçut  (  a  )  encore  "'«l'^e-  H/c-. 
à  Witerbe  un  Légat  des  Eglifes  de  Syrie.  C'étoit  TEvôque  de  Rome. 
Gabale  qui  venoit  demander  aux  Rois  des  Romains  &   des 
François  du  fecours  pour  les  Eglifes  d'Orient  ,  défoiées  de  la 
perte  d'EdclTe,  prife  par  les  Turcs  le  jour  de  Noël  l'an   1 144^. 
Le  Pape  ayant  réduit  les  Romains  rébelles ,  foit  par  les  cenfures , 
foit  par  les  armes  des  Tiburtins  ,  rentra  dans  Rome  aux  accla- 
mations du  Peuple ,  même  des  Juifs ,  &  y  célébra  la  fête  de 
Nocl.  Il  s'éroit  logé  au  Palais  de  Latran  ;  mais  foUicité  vivement 
par  lesRomains  de  ruiner  la  Ville  de  Tibur(&),ilfut  obligé  pour 
ie  délivrer  de  leurs  importunités ,  de  fe  retirer  au-delà  du  Tibre  , 
c'eft-à-dire ,  au  Château  Saint-Ange. 

X  L.  Apres  y  avoir  fait  quelque  féjour ,  il  en  fortit  pour  fe  II  p^^^  c« 
rendre  à  "Witerbe  (  c  ) ,  enfuite  à  Hugues ,  puis  à  Brefle  ,  ôc  de-là  j  """"^^^  ^°' 
en  France  par  la  Bourgogne.  Il  arriva  à  Paris  au  commencement 
de  l'an  xi^-y,  &  fut  conduit  en  grande  folemnité  en  lEglife 
de  Notre  Dame.  La  vie  des  Chanoines  de  fainte  Geneviève 
n'étoit  pas  régulière  ;  le  Pape  les  réforma  en  leur  donnant  pour 
Abbé  Odon,  Prieur  de  faint  Vidox.  Cela  fe  fit  de  concert  avec 
l'Abbé  Suger,  à  qui  Eugène  III.  en  écrivit  de  Verceil  le  feize 
de  Juin  1 148  (  d).  Il  .avoit  d'abord  été  réfolu  de  mettre  (  0)  à 
fainte  Geneviève  des  Moines  de  faint  Martin  des  Champs;  mais 
à  la  prière  des  Anciens  ,  le  Pape  permit  d'y  mettre  des  Chanoines 
Réguliers  de  faint  Victor  i  ôc  c'ell:  ce  qui  retarda  la  réforme  de 
cette  Maifon. 

XLI.  Il  célébra  la  fête  de  Pâques  de  l'année  1147  à  faint 
Denys  ;  d'oii  étant  revenu  à  Paris  il  y  tint  un  Concile  ,  où  les 
erreurs  qu'on  attribuoit  à  Gilbert  de  la  Poirée  furent  examinées. 
Il  étoit  prefent  ôc  avoit  faint  Bernard  pour  principal  adverfaire. 
Mais  le  Concile  ne  décida  rien.  La  chofe  fut  renvoyée  à  celui 
que  l'on  devoir  tenir  l'année  fui  vante  à  Reims  le  22  de  Mars, 
qui  étoit  le  Lundi  d'après  le  quatrième  Dimanche  de  Carême. 
3Le  Pape  étoit  encore  à  faint  Denys  le  mercredi  d'après  la  Pen- 


l  a)  Otto  Frifing.  ihid.  i       (d)  Eugenii  epijl.  qute  ejl  irutr  Sugeria^ 

(b  )  Otto  ,  ibid.  cap.  j4.  1  noi  31. 


.(  f)  -P'^gi  ad  an,  1146,  num.  i ,  ».  j       (e)  Eugtn.  epijl.  ad  Suger.  qux  ejl  i  J 

inter  Sugcr. 


Le  Pape  va 
i  Trever. 


iod  LES     PAPES 

tecôte  de  l'an  1 147  ,  lorfque  le  Roi  Louis  y  vint  recevoir  la 
pannetiere  ,  le  bourdon  de  Pèlerin  &  l'oriflamme.  Il  reçut  aufli 
la  bénédiciion  du  Pape ,  6c  partit  pour  la  Croifade  le  famedi 
fuivant  quatorze  de  Juin. 

XL II.  De  Paris  Eugène  III.  alla  à  Verdun  (a) ,  le  cinq 
de  Novembre  ,  où  il  ht  le  neuf  du  même  mois  la  tranflation 
du  corps  defaint  Vannes.  A  Trêves  il  célébra  la  fête  de  Noël  ; 
&  le  trente-un  de  Janvier  de  l'an  1 148  il  dédia  la  Bafilique  de 
faint  Paulin.  Il  avoir  confacré  le  treize  du  même  mois  l'Eglife 
de  l'Abbaye  defaint  Matthias  en  la  même  Ville.  Il  y  aflembla 
vers  le  même  tems  un  Concile  ,  où  fe  trouvèrent  plufieurs 
Archevêques,  Evéques  ôc  Abbés  ,  entr'autres  ,  laint  Bernard. 
Les  écrits  de  fainte  Hildegarde  y  furent  apportés  [b  ) ,  lus  publi- 
quement par  le  Pape  même  ;  &  fur  les  témoignages  que  l'on 
rendit  à  la  fainteté  de  cette  fiUe^  le  Pape  lui  permit  de  s'établir 
avec  fes  fœurs  ,  après  en  avoir  eu  la  permiiiion  de  fon  Evêque  , 
au  lieu  qui  lui  avoir  été  révélé  ,  ceft-à-dire,  au  Mont  faint 
Rupert ,  près  de  Bingue  fur  le  Rhin  ,  à  quatre  lieues  au-deffous 
de  Mayence  ,  ôc  d'y  vivre  en  clôture ,  félon  la  Règle  de  faint 
Benoît. 

X  LUI.  Le  Pape  demeura  à  Trêves  (  c  )  depuis  le  commen- 
cement de  Décembre  1 14-' ,  jufqu'au  mois  de  Mars  de  1  année 
fuivante  1  148  qu'il  fe  rendit  à  Reims  ,  où  il  préfida  au  Concile 
qui  s'y  tint  le  vingt-deux  du  même  mois  ,  comme  on  vient  de 
le  dire.  On  y  condamna  quatre  articles  de  la  dottrine  de  Gilbert 
de  la  Poirée  ;  mais  on  épargna  fa  perfonne  ,  parce  qu'il  promit 
de  corriger  ce  qu'il  avoir  avancé  mal-à-propos.  Il  y  fut  aufïi 
ordonné  {d  ) ,  que  tous  ceux  qui  étoient  de  l'Ordre  de  Savigni 
prendroient  fans  délai  l'habit  de  l'Ordre  de  Cîteaux.  Nous  par- 
lerons dans  l'article  des  Conciles ,  des  autres  Réglemens  faits 
dans  celui  de  Reims. 

X  L  I  V.  Le  tems  du  Chapitre  général  de  Cîteaux  approchoit.- 
'"'  Le  Pape  en  y  allant  palTa  par  Paris  ,  dc-là  à  Meaux  ,  puis  à  Sens , 

pure    ^tnerJl  /-   •       x    .^i    •  ,      \  -i    /j-/-  i      r^  ■ 

de   Cîteaux,  cnfuitc a  Clairvaux  (  e)  ,  ou  il.  édiha  toute  la  Communauté  par 
eniJ48.        (^  régularité  ôc  par  fes  difcours.  Il  portoit  laferge ,  ôc  dans  lin- 


Concile  de 
Reims    eu 


Le   Pape 
afTifte  au  \\\:\ 


(  n)  Laurent,  de  Leoâio ,  tam.  it  ,fp'ci- 
le^'d  ad  an.  1 147. 

{b)Trithem.  Chronic.  Hirfau^.  ai  an. 
1150. 

{  c  )  Trithem.  ilid,  &•  S'ijiOnius  ,  Ub.  1 1 , 
de  R^ib.  iiaHœ, 


(d)  Tom.  j ,  Monajiic.  ÂngUcdni  ,par, 
871. 

(r)  Ârn.iid.  liraBernardi ,  lïh.  i  ,  cap, 
8  ,  &•  lïb,  4 ,  fiiji.  7, 


HONORIUS    IT.  &c:  loi 

teneur  du  Cloître  la  coulle ,  couchant  fur  la  paille  &  avec  des 
draps  de  laine.  A  Cîteaux  il  allîfla  au  Chapitre,  non  avec  l'au- 
torité d'un  Pape  ,  mais  comme  un  des  Abbés.  Nous  avons  fuivi 
la  route  qu'il  tint  depuis  Reims ,  pour  montrer  qu'avant  d'y  tenir 
un  Concile  ,  il  en  avoit  convoqué  un  à  Trêves  ,  &  que  celui-ci 
eft  antérieur  à  l'autre  ;  en  quoi  Manriquez  ôc  quelques-autres 
Hiflorlens  fe  font  trompés. 

XL  V.  Au  fortir  de  Cîteaux,  lePape  reprit  le  chemin  d'Italie^     Eugène  ni; 
ôc  arriva  à  Tufculum  ,  où  il  eut  (a)  une  conférence  avec  le  ""fou^'ie  à 
Roi  Louis,  qui  revenoit  de  la  Palefiine.  Après  le  départ  de  ,,4^.  ' 
ce  Prince  pour  la  France,  Eugène  entra  dans  Rome.  Mais  les 
troubles  excités  dans  cette  Ville  (  /;  ) ,  l'obligèrent  d'en  fortir 
quelques  mois  après,  c'eft-à-dire,  au  commencement  de  l'an 
1 1  ^o  ,  &  de  fe  retirer  en  Campanie*  Il  ne  retourna  (  c  )  à  Rome 
qu'en    iijs  après  la  paix   faite   avec  les  Romains.  Ainfi  fut 
accomplie  la  prophétie  de  fainte  Hildegarde ,  qui  avoit  dit  au 
Pape  ,  qu'il  nauroit  la  paix  avec  eux   que  fur  la  tin  de   fon 
Pontiticat. 

XLVL  II  mourut  en  effet  l'année  fuivanteà  Tibur(J)  le     Mort  du 
huitième  de  Juillet,  après  avoir  tenu  le  faint  Siège  huit  ans  ^^p^  Eugène 
quatre  mois  ôc  quelques  jours,  bon  corpsrut  tranlportéa  Kome 
avec  grande  pompe  ôc  enterré  au  Vatican  ,  où  il  fit  plufieurs 
miracles  aullitot  après  fa  fépulture.  On  ne  lui  a  pas  néanmoins 
décerné  jufqu'ici  de  culte  public. 

XL  V  IL    II  nous  a  laiffé  un  grand  nombre  de  Lettres.   Lettres d'Eu-« 


près  de  Viterbe,  pour  1  engager  a  repr 
la  Ville  d'Edefie  ,  6c  à  défendre  contr'eux  TEglife  d'Orient. 
Il  accorde  à  tous  les  François  qui  fe  croifcront  ,  les  mêmes  £,,f^^  j^?. 
indulgences  que  le  Pape  Urbain  II.  accorda  à  la  première  Croi- 
fade  ;  mettant  les  femmes  ,  les  enfans  ,  les  biens  des  Croifés 
fous  la  protedion  du  faint  Siège  ,  avec  défcnfe  d'intenter  aucune 
aÊtion  contr'eux  jufqu'à  leur  retour;  ordre  de  leur  remettre  les 
intérêts  des  femmes  qu'ils  pouvoient  devoir  ;  ôc  permiffion  d'en- 
gager leurs  biens  aux  Eglifes,  ou  à  des  Particuliers  ,  fans  qu'ils 
puiffent  être  reclamés.  11  exhorte  les  Croifés  à  ne  faire  de  dépenfe- 


(  a)    Anonym.  Cijfmenf.  ad  an.  1148.  j       (c)  Id   ad.  an.  iifi. 
(b)Id.adan.  114p.  Cet  Hiftorien  de-  j       (  d ',  Codex  Vatican.  Pagi,  ad  an,  ii^j  ,■■ 
Vance  ordinairement  d'un  an,  i  tom,  10,  Cvncil.pag,  10 <i^ 

N  ii;. 


102  L  E  S     P  A  P  E  S 

que  pour  les  chofes  abfolument  néceflTaires  au  voyage  &  à  la 

guerre  ;  6c  leur  accorde  la  rémiflion  des  péchés  dont  ils  fe  feroiit 

confefTés  avec  un  cœur  contrit  ôc  humilié. 

Epijl.i.       XL  VIII.   Le  Pape  étant  à  Meaux  en   ii^S,  Bernard^ 

Vide  Mil-  Evêquede  Meneve,-ou  faint  David  ,  vint  lui  porter  fes  plaintes 

ÂnZ.ï!°Bene-  '^^  ce  que  Thibaud  ,  Archevêque  de  Cantorberi  ,  vouloir  le 

àiÉiin.  pjg.    priver  de  fon  droit  de  Métropole  ,  ôcle  foumettre  à  la  fienne. 

4^1.  Thibaud  vint  auffi  fe  plaindre  ,  que  Bernard  vouloir  fe  fouftraire 

à  la  Métropole  de  Cantorberi.  Les  deux  Parties  oùies  contra- 
dictoirenient ,  Eugène  III.  ordonna  par  provifion  ,  que  Bernard 
feroit  fournis  à  la  Jurifdiftion  de  Thibaud ,  &  les  cita  l'un  6c 
l'autre  à  Rome,  pour  la  faint  Luc  de  l'année  luiv^ante,. afin  de 
juger  définitivement  leur  conteftation. 
■Evip.  3-  X  L  I  X.  Informé  pendant  fon  féiour  à  Trêves  en  1 147,  ou 
J148,  des  grâces  particulières  que  Dieu  accordoit  à  une  fille 
vertueufe  nommée  Hildegarde,  jufqu'à  la  favorifer  du  don  de 

P;7g.  1118.  prophétie,  le  Pape  lui  écrivit  de  conferver  ce3  faveurs  par  fon 
humilité  ,  &  de  déclarer  avec  pmdence  ce  qu'elle  connoîtroit  ea 
cfprit  devoir  publier.  11  ordonna  à  quelques  Eccléfiafliqucs  de 

Epi/?. 40' 5.  Rome  ,  féduits  par  Arnauld  de  Brelfe  ,  de  fe  féparer  de  lui 
comme  d'un  Schifmatique,  &  de  rendre  à  leurs  Supérieurs  le 
refpect  &  l'obéilTance ,  fous  peine  de  privation  d'Ofiice  ôc  de 
]3énéfice.  Conrad^  Roi  des  Romains  ,  s'étoit  croifé  ,  ôc  avancé 
avec  fon  armée  jufques  dans  la  Natolie. Une  partie  de  fes  Troupes 
périt  dans  cette  expédition  ;  ôc  il  fut  contraint  de  revenir  en 
Ep:J}.  6.  Allemagne.  C'efl:  à  ce  fujet  que  le  Pape  lui  écrivit  pourlecon- 
foler  de  ce  mauvais  fuccès.  Sa  Lettre  eft  datée  de  Tufculum  le 
Ejjj/?.  7.  24  d-e  Juin  i  1 49.  Celle  qu'il  adreffa  à  Egelbert ,  Evêque ,  ôc  aux 
Ç^lianoines  de  Bamberg  ,  efl  d'au-delà  du  Tibre,  c"eft-à-dire, 
de  l'an  lijo.  Il  leur  donne  avis  de  la  canonifuion  de  faint 
Henri ,  à  laquelle  il  a\'oit  procédé  ,  dit-il,  à  leurs  prières  6c  fur 
Je  rapport  de  deux  Légats  envoyés  en  Allemagne,  pour  s'in- 
former furies  lieux  de  la  vie  ôc  des  miracles  de  ce  faint  Empereur, 
Jl  dit  encore  que  la  canonifation  des  Saints  ne  fe  dcvroit  faire 
régulièrement  (^  )  que  dans  des  Conciles  généraux;  mais  que 
^^ar  Tautorité  de  l'Églife  Romaine  ,  qui  eft  l'appui  ôc  le  foutien 
^e  tous  les  Conciles ,  il  a  eu  égard  à  leur  fupplique  ôc  mis  ce 


iiï  in  I  omn 

genernlibus  Conciliis  aiimitti  non  foleat  :  1  petitionibus  veftris  ncquielcimus.    Eiigei}., 
authoritatî  tamcn  Ecclcfîx  Romana;  ,qua:     ev'ji.  7  i  ndBambergenf, 


H  O  N  OR  I  us     IL  &c;  io> 

VÛûce  au  rang  des  Saints,  de  l'avis  des  Archevêques  &  Evêques 
qui  fe  font  trouvés  avec  lui. 

L.    Ceux  d'Allemagne  vouloient   l'engager  à   donner  fon  Epifl.  g. 
confentement  pour  la  tranflation  de  l'Evêque  de  Naumbourg  , 
à   rArchevcclié  de  Magdebourg.   Mais  leur  demande  n'c'tant 
fondée  fur  aucun  des  motifs  pour  lefquels  la  tranflation  dun 
Evcque  eft  autorifée  par  les  Conciles  ;  il  leur  repondit ,  qu'agif- 
fans  dans  cette  affaire  uniquement  par  des  vues  de  plaire  au  Roi 
Frédéric  ,  il  ne  pouvoir  entrer  dans  leur  deffein.  Il  accorda  aux  Epijî.  yi- 
Chanoines  de  faint  Pierre  de  Rome  laquatriémepartie  de  toutes 
les  offrandes  ,  afin  qu'ils  y  cclebraffent  avec  foin  les  Offices  de 
jour  ôc  de  nuit ,  6c  des  Aleffes  tant  pour  les  vivans  que  pour 
les  morts.  Sa  Lettre  eft  foufcrite  d'un  grand  nombre  deCardinaux, 
&  datée  de  Rome  la  neuvième  année  de  fon  Pontificat ,  c'eft- 
à-dire ,  de  l'an  un-  Celle  qu'il  écrivit  à  Arnauld  ,  Archevêque  Epiji.  loj 
de  Cologne  ,  eft  une  confirmation  des  droits  ôc  des  privilèges 
de  cette  Eglife.  Plufieurs  Cardinaux  y  foufcrivirent.  La  date  eft 
de  Segni  le  huit  de  Janvier  i  ly  i.    Dans  la  fuivante  le  Pape  £'/?.  Ho 
confole  Suger  ,  Abbé  de  faint  Denys  ,  fur  la  mort  de  fon  neveu. 
L  L  II  y  en  a  dix  autres  du  Pape  au  même  Abbé ,  alors  Rc?-cnt 
<3u  Royaume  en  l'abfence  du  Roi  Louis  le  jeune.  Le  Pape 
approuve  le  foin  qu'il  fe  donnoit  pour  l'Eglife  de  Paris;  le  prie  g,,;/^   ^  , 
de  lui  nommer  quelques-uns  des  Evêques  qui  refufoient  de  lui 
prêter  fecours  dans  la  défenfc  du  Royaume ,  afin  qu'il  les  en 
reprît  ;  le  remercie  de  l'offre  qu'il  lui  avoit  fait  d'affembler  un 
Concile  en  quel  endroit  du  Royaume  qui  lui  feroit  le  plus 
agréable  ;  ôc  promet  de  lui  rendre  juftice  contre  le  Duc  de 
Lorraine  ,  déjà  excommunié  pour  d'autres  fautes.  Cette  Lettre 
eft  datée  d'Auxerre  le  fix  d'Odobre  ii4.7i  lien  écrivit  deux  de" 
Langres  le  vingt-neuf  d'Avril  de  l'année  fuivante  i  148  jlorfqu'il 
retournoit  en  Italie.    Dans  l'une,  il  marque  à  Suger  de  mettre  Epifc.  ij, 
dans  l'Abbaye  de  fainte  Geneviève  le  Prieur  dAbbeville  ,  avec 
huit  Moines  de  faint  Martin  des  Champs,  afin  que  par  leurs 
bons  exemples  ,  le  bon  ordre  fe  rétabliffe  à  fainte  Geneviève* 
Dans  l'autre  ,  il  ordonne  aux  Chanoines  de  fainte  Geneviève  de  E^ifî.  145-. 
îecevoir   avec  décence  ce  Prieur  avec  les  Moines  de  fiint 
Martin  ,  les  affurant  qu'il  avoit  pourvu  à  leur  fubfiftance.  Étant 
à  Verceil  lefeizede  Juin  ,  il  changea  de fentiment ,  ôc  permit  Epiji.  ly.. 
à  Suger  de  mettre  des  Chanoines  Réguliers  à  fainte  Geneviève , 
au  lieu  des  Moines  de  faint  Martin.  Les  Chanoines  de  fainte  ■ 
CseneYieve  le  demandèrent  eux-inêmes  y.  aiiifi   que  Suger  l&î 


,04  L  E  S     P  A  P  E  S 

témoigne  dans  fa  Lettre  au  Pape  {a).  On  leur  donna  pour 

Abbé  ,  le  Prieur  de  faint  Victor  avec  douze  de  fes  Religieux, 

qui  furent   conduits  fans  délai  à  fainte  Geneviève.    Le  Pape 

Epijl.  lé.  Eugène  remercia  l'Abbé  Suger  de  ce  qu'il  avoir  fait  en  cette 

occafion. 
£pj/j  ,8 ,      L  I L  Cette  réforme  ne  fut  pas  établie  i\  vite ,  6c  il  fallut  toute 
X9  ,  io.         la  fermeté  Ôc  tout  le  pouvoir  de  Suger  pour  maintenir  les  Cha- 
noines de  faint  Viclor  dans  l'Abbaye  de  fainte  Geneviève,  ÔC 
pour  les  foufcraire  aux  mauvais  traitemens  des  anciens  Chanoines. 
Hugues  de  faint  Viclor  fut  même  obligé  d'allertrouver  le  Pape 
pour  cette  affaire.   Par  une  Lettre  datée  de  Pife ,  Eugène  III. 
Ep'll.  17.    nomma  les  Evêques  d'Au:;erre  ,  de  Soilfons ,  ôc  l'Abbé  Suger  , 
pour  fe  faire  rendre  compte  de  la  manière  dont  s  étoit  faite 
l'élecYion  d'un  Evêque  à  Arras ,  au  préjudice  de  l'appellation 
au  faint  Siège. 
E-îjl  II.       LU  I.  Le  Pape  averti  que  le  Roi  Louis  ,  après  avoir  beau- 
coup fouffert  dans  le  voyage  de  la  Terre  fainte  ,  étoit  arrivé  en 
Sicile,  en  donna  avis  à  Suger,  afin  qu'il  vint  au-devant  de  ce 
Prince  avec  fes  fidels  Suiets.  Par  une  autre  Lettre  ,  il  lui  mande 
qu'il  a  donné  ordre  aux  Archevêques  ôc  aux  Evêques  de  France, 
Evill.  11-  d'excommunier  ceux  qui  troubloient  ce  Royaume.  C'eft  en  effet 
ce  qui  eft  porté  dans  fa  Lettre  à  l'Archevêque  de  Sens  ôc  à  fes 
•Em'î.  13,  Suffragans.  Les  quatre  Lettres  fuivantes  regardent  des  affaires 
44,  î-î,'^*'  particulières  dont  il  renvoyé  la  connoiffance  6c  le  jugement  à 
:i7  &-  3°-       Suger  ôc  à  l'Archevêque  de  Sens.  Le  Pape  écrivit  aulfi  à  cet 
Abbé  de   retirer  aux  dépens  des  Chanoines  Séculiers  6c  Régu- 
£  ;/j   ^8.  liers  de  fainte  Geneviève  le  tréfor  de  cette  Eglife  ,  qui  avoit  été 
'  '        rnis  en  gage  chez  des  Laïcs  ,  ôc  d'engager  le  Roi  à  acquitter 
E  m     r-  l^s  dettes  que  le  Comte  de  Soiffons  avoit  occafionnées  au  Mo- 

naflerc  de  faint  Médard  par  fes  exacl;ions. 
£pijl.  is.  L  I  V.  Il  le  chargea  aulli  de  fonder  l'efprlt  du  Roi  ôc  des 
Barons,  ôc  autres  grands  Seigneurs  de  France,  pour  fçavoir 
s'ils  étoient  effeclivement  difpofés  à  la  Croifade  ;  ôc  en  ce  cas  , 
■de  leur  promettre  de  fa  part  tout  le  fecours  qu'il  pourroit, 
ôc  la  rémiffion  de  leurs  péchés.  Par  une  autre  Lettre,  le  Pape 
E'iji.  31,  loua  Suger  des  foins  qu'il  donnoit  à  cette  grande  entreprife  , 
ôc  lui  donna  commiffion ,  ôc  à  lEvêque  de  Noyon  ,  de  travailler 
au  rétabliffement  de  la  Rcligon  dans  l'Eglife  de  Compiegne. 


(«)  Epji. A,o , biter Sugerian.  ^lom.  io,Concil.  pi^.  lofs. 


HONORIUS     IL  kc.  lo? 

Ses   Lettres  à  Eftienne  ,   Roi  d'Angleterre  ,  6c   à  la  Reine 
JVlathilde  fon  époufe ,  font  pour  engager  ce  Prince  à  rendre  ^^'•/^•ÎI'W 
fes  bonnes  grâces  à  Robert ,  Evêque  de  Londres  ,  ôc  à  ne 
plus  l'inquiéter  fur  le  ferment  de  fidélité  qu'il  vouloit  exiger 
de  lui. 

LV.  Il  y  avoit  depuis  longtems  de  grandes  difficultés  entre  Epi'/!,  jy ,  «I 
Guillaume,  Comte  de  Nevers  ,  ôc  Ponce ,  Abbé  de  Vezelai,  *'• 
&  entre  cet  Abbé  ôc  l'Evêque  d'Autun.  Le  Comte  prétendoic 
priver  le  Monafterc  de  Vezelai  des  privilèges  que  le  faint  Siège 
lui  avoit  accordés  ;  ôc  l'Evêque  d'Autun  trouvant  mauvais  que 
Ponce  eût  fait  ordonner  quelques-uns  de  fes  Moines  par  l'E^ 
vêque  d'Orléans  ,  leur  avoit  interdit  les  fondions  de  leurs 
Ordres.  Ces  deux  différends  ayant  été  portés  à  Eugène  III.  il 
prefTa  vivement  le  Comte  de  fe  délifler  de  fes  pourfuites,  fous 
peine  d'excommunication  ;  ôc  il  écrivit  là-deffus  à  diverfes 
pcrfonnes,  mêmeauRoi  de  France.  A  l'égard  de  l'autre  con- 
teflation  ,  le  Pape  donna  jour  aux  Parties  pour  être  oiiies  ;  mais 
l'affaire  ne  fut  iinic  que  fous  Anaftafe  IV.  fucceffeur  d'Eugène 
III.  Tel  eft  le  fujet  des  Lettres  de  ce  Pape  depuis  la  trente-cin- 
quième inclufiveraent ,  jufqu'à  la  foixante-uniéme. 

LVI.  Elle  cfl:  adreffée  à  Ebehard  ,  Evêque  de  Bamberg,  Epijl.6i0'i*i 
à  qui  il  ordonne  de  rétablir  dans  l'Eglife  d'Hildesheim  les 
Moines  que  Gebehard,  Evêque  d'Eichftet,  y  avoit  introduits  ;  ôc 
que  fon  fucceffeur  ôc  l'Archevêque  deMayence  avoient  renvoyés, 
pour  y  remettre  les  Chanoines.  Le  Pape  traite  leur  démarche  de 
téméraire  ;  ôc  dit  qu'en  rigueur  de  la  Juftice  ,  ils  mériteroient 
punition.  Il  écrivit  fur  la  môme  affaire  à  l'Archevêque  de 
Mayence,  nommé  Henri.  Ces  deux  Lettres  font  fans  date. 

L  V  I  I.  Celles  qu'il  écrivit  au  Clergé  6c  au  Peuple  de  Epiji,  ^^ 
Tournai ,  ôc  à  Louis  VII.  Roi  de  France  ,  font  datées  d'au- 
delà  du  Tibre  le  quinze  de  Mars  i  i^6.  Par  la  première  ,  il 
ordonne  à  ceux  de  Tournai  de  reconnoître  pour  leur  Evêque 
Anfelme  ,  Abbé  de  faint  Vincent  de  Laon  ,  qu'il  venoit  de 
confacrer  ;  ôc  les  atfout  du  ferment  de  fidélité  ôc  d'obéiffance 
envers  Simon  ,  Evêque  de  Noyon.  Dans  la  féconde ,  il  exhorte 
le  Roi  de  France  à  reconnoître  Anfelme  pour  Evêque  de  Epljf.  i^i 
.Tournai ,  à  l'aider  ôc  à  le  maintenir  dans  fon  Siège. 

L  V  1 1 1.  Le  25  de  Mars  1 148  le  Pape  étant  au  Concile  de  £,,;,?.  f^, 

Reims,  écrivit  à  jMoyfe ,  Archevêque  de  Ravennc ,  que  fans 

préjudice  à  fes  droits  ,  il  avoit  confirmé  l'éledlion  de  l'Evêque 

4e  Plaifance  ;  ôc  que  pour  s'affurcr  pleinement  des  droits  de  fon 

Tome  J(XJL  O 


io5  LES     PAPES 

Eglife  à  cet  dgard ,  il  eut  à  fe  préfenter  à  la  Fête  de  faînt  Luc 
prochaine  ,  avec  tous  fes  titres  &  fes  raifons.  De  retour  en  Italie, 

Epijl.  <6.  ilmandadePifele  iode  Novembre  1 14.9  au  même  Archevêque, 
qu'ayant  cgard  à  fes  demandes  ôc  à  fes -droits ,  il  avoit  ordonné 
que  les  Evcques  de  Plaifance  recevroient  de  lui  ôc  de  fes  fuc- 
celTeurs  la  confécration  ;  fauf  en  tout  l'autorité  du  Siège  Apofto- 

Epfc.  C-.  lique.  Il  pria  encore  l'Archevêque  Moyfe  de  recevoir  avec  bonté 
l'Evêque  de  Plaifance  ,  attendu  fon  obéiiTance  au  faint  Siège 
&  les  travaux  qu'il  avoit  fouiferts  ,  même  pour  l'Eglife  de 
Ravenne. 

T.y'i^.  6%.  L I  X.  Il  étoit  d'ufage  que  les  Rois  reçulTent  folemnellement 
P^i  ,  aà  an.  la  couronne  dans  les  principales  Fêtes  de  l'année.  Samfon  , 
lii^6,«uro,7.  Archevêque  de  Reims,  la  donna  au  Roi  Louis  en  uneaflemblée 
tenue  à  Bourges  le  jour  de  Noël  1 145" ,  en  labfence  de  Pierre  , 
Archevêque  de  Bourges  ,  qui  étoit  alors  à  Rome.  Pour  cette 
ufurpation  dont  Pierre  avoit  porté  fes  plaintes  ,  &  autres  fautes 
commifes  par  l'Archevêque  Samfon  ,  Eugène  IIL  lui  interdit  ' 
l'ufage  du  pallium  ,  le  cita  à  Rome  &  l'obligea  de  rendre  à 
l'Eglife  de  Bourges  les  oifrandes  qu'il  avoit  reçues  en  cette 
eccafion.  La  Lettre  eft  datée  de  Sutri  le  16  de  Mars  114.5. 
L'Archevêque  de  Bourges  étoit  très  attaché  à  l'Eglife  Romaine  ; 

Efi^.  C9.  il  avoit  même  reçu  à  Rome  les  Ordres  facrés  ;  par  ces  confide- 
rations  ôc  autres ,  le  Pape  accorda  à  Pierre  un  privilège  confir- 
matif  de  fon  droit  de  Primatie  fur  les  deux  Provinces  de  Bourges 
ôc  de  Bordeaux  ,  déclarant  que  fes  fucceffcurs  dans  l'Archevêché 
de  Bourges  jouiroient  de  la  même  prérogative. 

LX.  Sur  les  remontrances  que  Pierre,  Abbé  de  Cluni,  fit  au 
Pape,  delanécelTité  de  bâtir  une  Eglife  en  un  endroit  dépendant 

lË,^ï^.  70.  de  fon  Monaftere ,  Eugène  III.  écrivit  à  Bernard  ,  Evcque  de 
Saintes ,  de  ne  pas  s'y  oppofer.  Il  conlirma  à  la  requête  des 

E;>;jî.  71.  Abbé  ôc  Religieux  de  Cîteaux  les  conOitutions  de  cet  Ordre, 
afin  qu'elles  fuffent  uniformément  obfervées  dans  toutes  les 
Maifons  qui  en  dépendoient. 

L  X I.  Raymond ,  Archevêque  de  Tolède  ,  étant  au  Concile 
de  Reims  en  1 14S  ,  fe  plaignit  de  la  part  du  Roi  de  Portugal,, 
que  le  Pape  Eugène  III.  avoit  accordé  à  Alphonfe  Henriquez 
le  titre  de  Roi,  fous  une  redevance  annuelle  de  quatre  livres 

RoJcric  ,  d'or.  Il  forma  encore  des  plaintes  contre  l'Archevêque  de  Braguc 
To/<rr.  hh.  T ,  5^  fes  autres  SufFrasans  ,  difant  ,  qu'ils  refufoient  de  le  recon- 

Biji.  cap.  6.       .,  UTB  'I-  r  j  i 

noitre  pour  Primat.   Le  râpe  s  expliqua  lur  ces  deux  articles 
Epijl.  74,  dans  une  Leurc  au  Roi  de  Caftille.  Il  dit  fur  le  premier,  qu'il 


HONORIUS     IL  kc:  107 

n'a  jamais  penfé  à  diminuer  en  rien  les  droits  de  la  couronne  de 
Caftille  ;  &  fur  le  fécond ,  que  fa  volonté  eft  ,  que  l'Archevêque 
de  Brague  ôc  fcs  Suffiragans  foient  fournis  à  l'Archevcquc  de 
Tolède  comme  à  leur  Primat.  Il  déclare  l'Archevcque  de  Brague 
fufpens  de  fcs  fondions  pour  fa  dcfobéiffance.  Par  la  même 
Lettre  il  donne  avis  au  Roi  de  Caftille  ,  qu'il  avoir  charge  l'E- 
voque de  Ségovie ,  de  lui  porter  de  fa  part  la  rofe  d'or  que  le 
Pape  a  coutume  de  porter  chaque  année  le  quatrième  Dimanche 
de  Carême,  en  mémoire  delà  Paflion  &  de  la  Réfurrettion  de 
Notre-Seigneur.  A  la  prière  du  même  Roi ,  Eugène  III.  permit  Epi/!,  /y.- 
à  l'Archevêque  de  Compoflelle  de  faire  porter  la  Croix  devant 
lui.  Le  Pape  ,  avant  que  d'écrire  au  Roi  de  Caftiile,  avoir  écrit  Epijî.   75, 
à  l'Archevêque  de  Brague,  &  l'avoit  fommé  de  reconnoîtredans 
trois  mois  la  Primatie  de  Tolède.   Voyant  fa  réfiftance  ,  il  lui 
figniHa  par  écrit  la  fufpenfe  de  fes  fondions  Epifcopalcs ,  jufqu'à  E/H.  76, 
ce  qu'il  fe  fût  fournis.  L'Evêque  fe  rendit  ôc  reconnut  la  Primatie 
de  Tolède,  que  le  Pape  confirma  de  nouveau  à  Jean,  Evêque  ^"■'^'  ^'* 
de  Ségovie,  fuccelfeurde  Raymond,  par  une  Bulle  dattée  de  EF'f'-  7^- 
Rome  le  I  3  de  Février  1 1  j2.  Il  y  a  trois  Lettres  du  Pape  ,  tant        f^-pi'!.?? 
aux  Evoques  d'Efpagne  ôc  à  Bernard  ,  Archevêque  de  Tarra-  ^-'^J- 
gonc ,  qu'au  Clergé  6c  au  Peuple  de  Tolède  ,  pour  foutenir  la 
Primatie  de  Jean ,  Archevêque  de  cette  Ville. 

L  X 1 1.  Dans  celle-ci  le  Pape  dit  avoir  été  informé ,  que  ceux  Ep'J^-  Sj. 
que  l'on  nommoit  Mofarabes  refufoient  d'obéir  à  l'Archevêque  ; 
qu'ils  recevoient  des  Eglifes  de  la  main  des  Laïcs ,  &  fuivoient 
leur  ancienne  coutume ,  différente  de  celle  du  Siège  Apollolique 
dans  la  célébration  de  la  Méfie  &c  de  l'OfBce  Divin  ,  dans  la 
tonfure  Cléricale  &  dans  leurs  habits.  C'efl  pourquoi  il  ordonne 
au  Clergé  &  au  Peuple  de  cette  Vill« ,  d'avertir  férieufement 
ces  Mofiirabes  de  fe  conformer  en  tous  ces  points  à  la  pratique 
de  l'Eglife  Catholique  ,  ôc  d'obéir  à  leur  Archevêque  ,  s  ils 
veulent  demeurer  encore  dans  la  Province.  Sous  le  nom  des 
Mofarabes ,  le  Pape  entend  les  anciens  Chrétiens  qui  étoient 
reliés  en  Efpagne  fous  la  domination  des  Mufulmans. 

LXIII.  Le  Pape  Eugène  IIL  avoir  défendu  aux  Abbés  de      AitresLet- 
faint  Pons  ôc  de  Graile  de  recevoir  ceux  que  l'Archevêque  de  '/"  "'  t-"gene 

arbonne  auroit  excommunies,  ôc  de  mettre  dans  les  raroihes  OnàLmap- 
dépendantes  de  leurs  Abbayes  ,  des  Prêtres  ,  fans  le  confente-  F'"'^-  I"^* 
ment  de  ce  Prélat  ;  ainfi  que  le  Pape  Urbain  IL  l'avoir  réglé  '^^^* 
-dans  le  Concile  de  Clermont.  Toutefois  ces  deux  Abbés  n'a- 

Oij 


io8  L  E  S     P  A  P  E  S 

voient  eu  aucun  égard  à  cette  défenfe.  Sur  de  nouvelles  plaintes 
de  la  part  de  l'Archevêque ,  le  Pape  réitéra  fes  ordres  à  ces 
deux  Abbés ,  leur  déclarant ,  qu'en  cas  de  défobéiflance  ,  il  avoit 
donné  pouvoir  à  l'Archevêque  d'excommunier  ces  Prêtres  ÔC 
ViZ-  l8^7.  d'interdire  ces  Eglifes.  Par  une  féconde  Lettre,  il  leur  ordonna 
d'envoyer  les  Prêtres  qu'ils  deflinoienr  au  fervice  de  cesParoiffes  , 
à  l'Archevêque  de  Narbonne ,  afin  qu'ils  rec^uffent  de  lui  leur 
miffion  ,  fuppofé  qu  il  les  trouvât  capables  du  foin  des  âmes. 
Il  ordonna  dans  une  troifiéme  Lettre  ,  que  ces  Prêtres  rece- 
vroient  de  la  part  de  l'Archevêque  la  portion  des  dixmes  ÔC 
des  oblations  des  Fidèles  ,  dont  la  répartition  lui  appartient 
fuivant  les  Canons  ;  ôc  que  les  Abbés  &  les  Moines  de  faine 
Pons  6c  de  Grafle  en  tireroient  la  part  qui  leur  a  été  accordée 
tAg.  1848.  parle  Siège  Apoftolique.  Le  Pape  défendit  aulFi  à  ces  Abbés 
î'adminiflration  folemnelle  du  Baptême  ,  ôt  de  donner  aux 
Laïcs  les  Sacremens  de  Pénitence  6c  d'Euchariftie. 
p     ,g  L  X I V.  La  Lettre  du  même  Pape  à  Geoffroi ,  Archevêquo 

de  Bourdeaux ,  à  tous  fes  SufFragans  ôc  aux  Abbés  de  fa  dépen- 
dance ,  efl  une  confirmation  des  privilèges  qui  leur  avoient  été 
accordés  par  les  Rois  de  France,  6c  autorifés  par  les  Décrets  des 
Papes;  fçavoir,  que  l'élettion  des  Evêques  ôc  dee  Abbés  dans 
l'étendue  delà  Métropole  de  Bourdeaux  feroit  libre,  fans  que 
les  Evêques  ni  les  Abbés  fufTent  obligés  de  faire  ni  foi  ni  hom- 
mage, ni  prêter  ferment  de  fidélité.  L'atte  efl  daté  de  Sutri  \z 
24  d'Avril  I  14.5.  On  ne  fçait  pourquoi  l'on  a  donné  dans  l'ap- 
pendice du  dixième  tome  des  Conciles  la  Lettre  d'Eugène  IIL 
pjo-.  t8  jo ,  a  Louis  VII.  pour  l'exhorter  à  la  Croifade  ;  puifqu'elle  fe  trouvs 
fe- 1046.         d<f  ja  à  la  tête  des  autres  Lettres  de  ce  Pape  ,   dans  le  même 
tome.   C'efl  fans  doute  une  pure  inadvertance. 
Autres  Let-       LXV.  On  trouve  dans  le  fccond  tome  des  mélanges  de  M, 
très      d'Eu    Balufc  uuc  Lettre  datée  de  Viterbe  le  27  Octobre  i  i^y  ,  par 
^Miîc'tlhf^^  laquelle  le  Pape  Eugène  III.  défend  aux  Evêques  de  Regio  ôc 
tom.  i ,\eig.  de  Forli ,  de  rien  exiger  de  l'Eglife  de  Bari,  qui  étoit  fous 
»»»•  la  prote£tion  du  faint  Siège,  ôc  d'impofcr  de  nouvelles  taxes 

dans  leurs  Diocèfes  ,  voulatit  qu'ils  fe  conformaflcnt  à  ce 
qui  étoit  d'ufage  fous  leurs  prédéccfleurs.  Il  interdit  auffi  les 
Prêtres  de  ces  deux  Diocèfes  ,  qui  enterreroient  des  excom- 
muniés dans  le  Cimetière  ordinaire. 
Lettre  à  L  X  V  I.  Trancavelle^  Vicomte  de  Beziers,  revenant  de  la 
Bc?"''  /°  Croifade,  paiTa  à  Tufculum,oii  étoit  le  Pape  Eugène ,  pour 


HONORIUS    II.  &c.  'ioj> 

lui  demander  perminion  de  bâtir  une  Ciiapelle  dans  fon  Palais ,  i,  anecdot. 
&  d'y  avoir  un  Chapelain.  La  grâce  lui  fut  accordée  ;  ôc  en  Marten.  pa^. 
conféquence  le  Pape  écrivit  à  Bermond ,  Evêque  de  Béliers,  '*'^' 
de  donner  le  foin  des  amcs  au  Chapelain  que  le  Vicomte  lui 
prefenteroit ,  pourvu  que  ce  fût  un  fujet  capable  ;  6c  deconfacrer 
cette  Chapelle ,  quand  on  l'en  prieroit.  Mais  il  veut  que  cette 
grâce  ne  porte  aucun  préjudice  aux  droits  de  l'Evcque  ni  de 
Ton  Eglife. 

LXVII.  Les  quinze  Lettres  que  Dom  Martenne  a  inférées  Lettrfs  Cut 
dans  le  fécond  tome  de  fa  grande  coUedlion  ,  font  fur  divers  «l'vedes  aft^j- 
fujets  &  à  difierentes  perfonnes.  La  première  efl  un  Règlement  amv.  cchec- 
des  droits  conteflés  entre  l'AbbefTe  &  les  Rcligieufes  de  faint  ''""•  ^"■- 
Pierre  à  Reims  ,  ôc  l'Abbé  6c  les  Moines  de  faint  Nicaife.  Il  '/^"^"'^  'j^P?|; 
cft  parlé  dans  la  féconde  de  certains  Hérétiques  qui  dogmati- 
foient  dans  le  Diocèfe  d'Arras  ;  mais  on  ne  les  nomme  pas.  Ils 
erraient  fur  les  Sacremens.  Par  la  troiliéme ,  le  Pape  Eugène 
oblige  les  Chanoines  d'Orléans  de  rendce  à  Philippe,  fils  de 
Louis  ^'I.  une  Eglife  qui  lui  appartenoit  en  qualité  de  Doyen. 
Il  fut  depuis  Archidiacre  de  Paris.  C'étoit  le  cinquième  fils  du 
Roi.  Dans  la  quatrième,  il  efl  défendu  aux  Moines  de  Lobes 
de  manger  en  un  même  Réfectoire  avec  les  Chanoines,  ôc  de 
chanter  enfemble  au  Chœur.  Les  f,  5,  10,12,  13,  14, ij*.. 
regardent  l'Evcque  6c  l'Eglifé  de  Beauvais.  Le  Pape  s'intérelTe 
auprès  du  Roi  Louis  pour  empêcher  les  vexations  que  l'on 
failoit ,  foit  à  l'Evêque  qui  étoit  fon  frère,  foit  à  fon  Eglife. 
Henri,  c'étoit  le  nom  de  l'Evêque  ,  voulut  même  abdiquer 
l'Epifcopat.  Eugène  IIL  n'y  voulut  pas  confentir  ;  mais  pour 
faire  fa  paix  avec  le  Roi  Louis  VIL  fon  frère  ,  il  employa  la 
médiation  des  Archevêques  de  Rouen,  de  Reims  6i  de  Sens; 
dcHugues  ,  Evêque  d'Auxerre,  6c  de  faint  Bernard.  La  neuvième 
Lettre  à  Hugues  ,  Archevêque  de  Rouen,  eft  pour  le  prier  de 
s'intércifer  pour  la  reflitution  d'une  fomme  coniiderable.  Dar« 
la  treizième  ,  le  Pape  prie  Henri ,  Evêque  de  Beauvais  ,  de 
donner  une  Prébende  de  fon  Eglife  à  Pierre  Lombard  pour  lui 
aider  à  foutenir  fes  travaux  dans  l'étude  de  la  théologie  fcholaf- 
tique.  Saint  Bernard  ôc  plufieurs  autres  perfonnes  de  confidera- 
tion  avoient  recomn-iandé  Pierre  Lombard  à  Eugène  III. 

L XVI IL  Dom  Martenne  a  publié  deux  autres  Lettres  du  Autres  tft- 
Pape  Eugène  IIL  à  l'Abbé  Suger  ,  l'une  eft  pour  lui  recom-  p"^''"  ^"^^ 
mander  un  Sous-Diacre  de  l'Eglifé  Romaine  ;  l'autre,  pour  ,  ,-  anecd^t'. 
Ravoir  des  nouvelles  de  l'invalion  que  le  Comte  d'Angers  fe  Mancnne  , 

O  iii  ^'^''''' 


Tio  .^    L  E  S     P  A  P  E  S 

difpofoit  à  faire  avec  fon  armée  dans  les  Terres  de  fon  frère 
Ilobert.  Cet  Editeur  a  publié  encore  deux  Buiies  du  même 
Pape;  la  première,  en  faveur  des  Abbé  &  Moines  de  Uedon, 
Uid  V3S  ^^'^^  prend  fous  la  protection  du  faint  Siège,  &  à  qui  il  permet 
<oj ,  404.  '  la  libre  élection  ,  fuivant  la  règle  de  faint  Benoit  ;  cette  Bulle  eft 
de  fan  1147.  La  féconde  ell  de  l'année  fuivante  ;  le  Pape 
y  permet  à  Serlon  ,  Abbé  de  5avigni ,  d'établir  dans  fon  Mo- 
naflere  l'Obfervance  de  Cîteaux ,  ôc  dans  tous  les  autres  dépen- 
dans  de  Savigni.  Cette  Bulle  fut  donnée  en  conféquence  du: 
Règlement  fait  au  Concile  de  Reims  en  114-8,  touchant  l'union 
de  Savigny  à  l'Ordre  de  Cireaux  ,  à  l'égard  delà  difcipline  régu-. 
liere.  Les  deux  Lettres  à  l'Abbé  6c  aux  Moines  du  Bec ,  rappor- 
tées dans  le  (eptiémetome  des  mélanges  de  M.  Balufe,  regardent 
la  conceirion  qui  leur  avoir  été  faire  de  l'Eglife  de  Beaumont  pat 
l'Archevêque  de  Rouen. 

LXIX.  On  a  dans  le  fixiéme  tome  des  Annales  EJne.iittines 

une  Lettre  d'Eugène  IIL  aux  Abbés  de  Cîteaux  alTemblés  en 

1 1  jo  ,  dans  laquelle  il  les  exhorte  à  ne  pas  dégénérer  de  la  vertu 

de  leurs  Fondateurs  ;  une  autre  Lettre  aux  Evêques  de  France, 

où  il  règle  les  droits  de  l'Abbaye  de  Marmoutier  fur  les  Paroilfcs 

de  fa  dépendance  ;  un  privilège  pour  le  Monadere  deFerrieres  , 

à  qui  le  Pape  accorde  la  liberté  d'élire  fon  Abbé  ,  ôc  de  le  faire 

bénir  par  quel  Evoque  il  trouvera  à  propos  ;  des  diplômes  en 

Paj.  sSrt.  faveur  des  Abbayes  de  Marmoutier ,  de  Molcfme,  &  de  faint 

Pvlihiel  fur  Meufe  ;  une  Lettre  à  l'Abbé  Suger  pour  l'engager  à 

P.i^.43S.  la  défenfe  du  Monallere  de  faint  ?vlédard  de  Soiffons;  c'eft  la 

trente-unième  dans  la  collection  des  Conciles  ■■,  un  diplôme  pour 

Pierre ,  Archevêque  de  Bourges ,  rapporté  tout  entier  dans  le 

Lnbbe,p.z-.  deuxième  tome  des  manufcrits  du  Père  Labbe  ;  une  Lettre  à 

.8S,  S'j.        Hugues,  Abbé  de  faint  Rémi  à  Reims,  &  aux  Moines  de  ce 

Annal  pag.  Monaftere  ,par  laquelle  Eugène  IIL  leur  recommande  les  Char- 

^^^-  treux  du  Mont-Dieu  ,  Scl'obéiflance  à  leur  Abbé  Hugues  ;  trois 

Lettres  à  l'occafion  de  l'élection  d'un  Abbé  à  Fulde  ;  la  première 

Pjir. 438.  à  Henri ,  Roi  des  Romains,  dont  il  implore  le  fecours  contre 

les  fadieux  qui  traverfoient  cette  élection  ,  ou  qui  en  empê- 

.choient  la  canonicité;  la  féconde  aux  Moines  de  Fulde,  dans 

laquelle  il  déclare  nulle  l'élection  de  Ruggere  ,  &  leur  ordonne 

de  fe  choifir  un  Abbé  dans  un  autre  Monaftere ,  de  l'avis  de 

P-^g.  69^ ,  quatre  Abbés  qu'il  nomme  ;  la  troifiéme  à  ces  Abbés  à  qui  il 

4^4  ,  700  ,  or(jQi-ine  defe  tranfporter  à  Fuide  pour  y  choifir  un  Abbé  d'une 

/76,'ù'c.    '  autre  Maifon  ,  capable   de  mettre  la  réforme  à  F'ulde  ;  enfin 

plulleurs  Bulles  pour  divers  Monalleres, 


Trm.    6 , 

'Annal. 

Bc:ie- 

dlciin. 

Mahi'.- 

Ion. 

?ag 

•  47'-- 

^H 

.  708. 

Ihiâ. 

H  O  N  O  R  I  U  s    I  I.  écc;  -  tiï 

LXX.  Quelques-uns  ont  prétendu  que  le  Pape  Eugène  III.      TraJudion 
avoit  ordonné  la  traduction  latine  des  Oeuvres  de  faint  Jean  'j'""^  ^^  ^"'"5 
Damafcene ,  ôc  engage  rierre  Lombard  a  donner  le  corps  de  cène, 
théologie  que  nous  avons  de  lui.  Pierre  n'en  dit  rien  dans  fon 
prologue ,  6:  ce  n'ctoit  pas  une  chofe  à  oublier.  Mais  il  efl:  très- 
poflibie  que  ce  Pape  ait  foUicitc  Burgondion  (a) ,  Jurifconfultc 
&  Citoyen  de  Pife  ,  à  traduire  les  Oeuvres  de  ce  Père.  Cet 
Ecrivain  étoit  contemporain  du  Pape  Eugène  III.  ècie  mcloit  de 
traduire  les  écrits  des  Pères  Cirées.    En  ii6o   il  traduifit  un 
Ouvrage  de  Hiint  Grégoire  de  Nyfle  ,{b)  ou  plutôt  de  l'Evcque 
Nemelius  ,  qui  a  pour  titre  :  delà  nature  de  l'homme.  Il  dédia  fa 
tradutlion  à  Friderlc  I.  Empereur  des  Romains.  On  dit  qu'il 
traduifit  auifi  le  Commentaire  de  faint  Chryfoftôme  fur  faint 
Matthieu,  &  lesLivres  de  faint  Jean  Damafcene ,  intitulés  :  de  la 
Foi  orthodoxe.  Burgondion  mourut  en  i  ip-j. 

CHAPITRE     VIL 

RuPERTj  Abbé  de  Tuy 3  ou  de  Diàîi. 

I.  ^"^  N  ne  connoît  ni  l'année  ni  le  lieu  de  fa  nailTance  ;  mais        Rupen;, 

V^  il  y  a  railbn  de  conjedurer  qu'il  eut  Liège  pour  patrie,  ^^^^  JeTuy.; 
ou  du  moins  le  voifinage  de  cette  Ville,  puifqu'il  fut  élevé  dès  tion.   Mahil- 
fon  enfance  dans  le  Monaflere  de  faint  Laurent  fur  la  montagne  '"''•  ^''^-  ^^  » 
de  Liège ,  y  ayant  été  offert  à  Dieu  par  fes  parens.  Il  y  fit  enfuite  ^^^[^  ' 
profelhon  de  la  règle  de  faint  Benoît ,  fous  l'Abbé  Berenger, 
qui  prit  foin  de  le  former  dans  tous  les  exercices  de  la  vie  Mo- 
naftique.  Son  Maître  dans  les  Belles-Lettres  &  dans  les  autres 
Sciences ,  fut  Heribraud  ,  fuccefleur  de  Berenger. 

II.   Rupert  étoit  d'un  efprit  tardif:  ôc    quoiqu'il  fe  donnât     Sa  fciente-- 
beaucoup  de  foins  pour  furmonter  par  un  travail  opiniâtre  ce  ji'"*^"  ^^°'' 
défaut  de  la  nature ,  fes  progrès  étoient  lents  &  peu  confide- 
rablcs.  Dans  la  peine  qu'il  en  refiTentoit ,  il  eut  recours  à  la  Mers 
de  la  SagefTe  incrééc  ;  ôc  s'étanc  mis  à  genoux  devant  fon  image' 


C  fl  )  Voye?.  lom.  t  S,  pj,r.  i  $,  ^  Fabricius,  j      (  J  )  Voyez  tom,  8  ,  pag.  1^4. 
Tom.  I  Bihiiot.  Latin,  p.i^,  i II. 


112  R    U    P    E    R    T, 

de  marbre,  que  l'on  voit  encore  dans  TEglife  du  Monadere  de 
falnt  Laurent  à  Liège,  fes  prières  furent  fuivies  de  l'intelligence 
des  Livres  faints.  Il  raconte  lui-même  le  fait  dans  fon.  douzième 
Livre  fur  faint  Matthieu. 
II  eft  fa't       1 1  L  Bercnger  le  voyant  avancer  dans  la  vertu  6c  dans  les 
Prêtre  ,  ibii.  fciences  ,  l'obligea  de  recevoir  la   Prêtrife.   Rupert  qui  s'en 
çroyoit  indigne,  objettoit  outre  fes  défauts  perfonneis  ,  la  dif- 
corde  que  le  fchifme  avoit  jettée  dans  l'Eglife  ,  ôc  le  danger 
où  l'on  dtoit  d'être  ordonné  par  un  Evèque  fchifmatique.  Il 
céda  toutefois  aux  ordres  de  fon  Abbé  ,  faifant  réflexion ,  que 
tandis  que  le  Miniflrc  des  Sacremens  demeure  dans  l'unité  de 
l'Eglife  univcrfcUe  ,  tout  ce  qu'il  adminiflre  eft  valide. 
Il  pafTe  au       ^  V.  Vers  l'an  1 1 13  l'Abbé  Berenger  fe  voyant  proche  de  (a 
Wonaftere  de  fin  ,  &  Craignant  que  Rupert ,  dont  il  avoit  toujours  pris  le  parti 
lib^^l^  n  m    contre  ks  envieux ,  n'eût  plus  à  l'avenir  de  défenfeur ,  le  reconi- 
itfj]  ■    '  manda  à  Cunon,  Abbé  de  Sibourg.  Cet  Abbé  le  reçut  en  effet 

dans  fon  Monaftere.  Mais  ceux  qui,  avant  la  mort  de  Berenger, 
avoicnt  blâmé  Rupert  d'avoir  commenté  les  divines  Ecritures, 
expliquées  tant  de  fois  avant  lui  par  les  Saints  Pères  ôc  les  Liter- 
pretes  Catholiques  ,  lui  firent  les  mômes  reproches  après  la  mort 
de  cet  Abbé.  Rupert  trouva  de  Tappui  dans  Frédéric,  Arche- 
vêque de. Cologne,  ôc  dans  Guillaume,  Evcque  de  Prœnefte  , 
&.  Légat  du  faint  Siège.    Ces  deux  Prélats  l'aimèrent  pour  fa 
vertu  ôc  fon  fçavoir ,  ôc  l'obligèrent  malgré  fa  répugnance ,  à 
continuer  fes  ouvrages, 
llcflcboliî       V.  Apres  la  mort  de  Marc ward.  Abbé  de  Tuy  ,  Rupert  fut 
Abbé  de  Tuy.  niis  à  fa  place ,  vers  l'an  i  i  20  ,  ôc  gouverna  ce  Monaftere  quinze 
voyages.  ^^^^^  H  uous  apprend  lui-mêmc  qu'étant  jeunc ,  c'cft-àdirc  ,  vers 
frJabdlon.  hb   p^,-,  j  1 1  g  ,  il  fit  un  Voyage  en  France ,  dans  le  deftein  de  difputer 
l.um^ii^^ù-  ^v^c  Guillaume  de  Champeaux  ,   Evêque  de    Châlons  ,    ÔC 
iib.  7}  f  num.  Anfelm.e,  Doycn  de  l'Eglife  de  Laon.  Ils  l'avoient  provoqué  par 
'^'  Lettres  au  couTbat.  Il  fit  ce  voyage  monté  fur  un  ane  ,  accom-r 

pagné  d'iui  feul  Domeftique.  Comme  il  entroit  à  Laon ,  Anfelme 
mourut;  ainfi  il  n'eut  à  difputer  qu'avec  Guillaume  de  Cham- 
peaux ,  ce  qui  fe  fit  à  Châlons  devant  une  nombreufe  aflembléç 
fie  Maîtres  ôc  d'Ecoliers.  La  difpute  fut  poufl^ée  avec  chaleur 
de  part  ôc  d'autre.  Il  étoit  queftion  entr'eux  de  la  voloi)té  ôc  de 
latoute-puiflancede  Dieu.  Guillaume  ôc  Anfelme  enfeignoient, 
f\VLC  Dieu  veut  que  le  mal  fe  faffe  ,  6c  que  fa  volonté  a  été 
qu'Adam  prévariquât.  Rupert  foutenoit  au-contraire,  que  Dieu 
n'a  jamais  permis  le  mal  en  voulant  qu'on  le  fit;  mais  qu'il  a 
fi^ontté  fa  paticnc:  ea  fuppQrtant  Jes  méchans,  Y 1.  Oi\ 


ABBÉ    DE    TUY,ou    DE    DUITS.     115 

V  I.  On  voit  par  plufieurs  endroits  de  fes  écrits  ,  qu'il  fît  un  Vo^ajre  de 
voyage  en  Italie ,  &  palTa  quelque  tems  à  Mont-Caiïin.  Le  motif  ue^^Ss^ mon 
de  fon  voyage  fut  vrail'emblablement  de  préfenter  au  Pape  en  1135. Mi- 
Honorius  IL  fes  neuf  Livres  de  la  glorification  de  la  fainte  *'/''"'  '  '^■''" 
Trinité,  foit  pour  les  lui  faire  approuver  ,foit  pour  lui  demander  k;;,^-/;*.?/, 
fa  protection  contre  ceux  qui  en  vouloient  à  fes  écrits  ôc  à  fa  ''"'«•  ^3' 
perfonne.  Il  mourut  faintement  comme  il  avoit  vécu ,  le  qua- 
trième de  Mars  1155'. 

VIL  Entre  plulieurs  catalogues  de  fes  ouvrages ,  le  plus  exa£l  Catalogue 
eft  celui  où  ils  font  placés  fuivant  l'ordre  chronologique,  ÔC  55/*°"'" 
diftribués  en  trois  clafTes  ;  la  première  comprend  les  écrits  qu'il 
compofa  avant  fa  Prôtrilë  ;  la  féconde,  ceux  qu'il  fit  étant  Prêtre  ; 
la  troifiéme  ,  ceux  qu'il  écrivit  depuis  qu'on  l'eut  choifi  Abbé. 
On  met  dans  la  première  claffe  deux  Hymnes  du  Saint  Efprit , 
l'une  en  vers  faphiques  ,  l'autre  en  ïambiques  ;  un  Recueil  de 
diverfcs  Sentences  de  l'Ecriture  ;  un  poëme  de  l'Incarnation 
en  vers  héroïques  ;  une  hiftoire  en  profe  du  Alonarterc  de  faint 
Laurent  de  Liège  ,  depuis  Eracle  ,  Evoque  de  cette  Ville  , 
jufqu'à  Otbert  ;  un  poëme  en  vers  faphiques  fur  le  même  fujet  ; 
la  vie  de  faint  AuguUin  ;  celle  de  fainte  Odile ,  Vierge.  La 
féconde  clalTe  contient  des  Hymnes  en  l'honneur  de  faint 
Thibaud  ,  Martyr  ;  des  SS.  Goar  ôcSevere  ,  ConfefTeurs  ;  douze 
Livres  des  divins  Ol^ces  ;  un  Commentaire  fur  Job  ;  un  Livre 
de  la  volonté  de  Dieu  ;  un  de  fa  toute-puiffance  ;  des  Commen- 
taires fur  faint  Jean  ;  l'Apocalyfe  ;  le  Cantique  des  Cantiques  ; 
les  fix  premiers  petits  Prophètes  &  les  fix  derniers;  un  traité  de 
la  Trinité  ;  un  de  la  vidoire  du  Verbe  de  Dieu.  Dans  la  troi- 
fiéme clalTe  fe  trou  vent  les  Livres  intitulés  ,  de  la  gloire  du  Fils  ; 
l'explication  des  Livres  des  Rois  ,  fous  le  titre  du  glorieux  Roi 
David  ■■,  quatre  Livres  fur  la  règle  de  faint  Benoît  ;  l'anneau  ,  ou  le 
Dialogue  d'un  Chrétien  ôc  d'un  Juif;  neuf  Livres  de  la  glorifica- 
tion de  la  Trinité  ôc  de  la  procelFion  du  Saint-tfprit  ;  un  de 
l'incendie  du  Monaftere  de  Tu  y  ou  Duits;  deux  delà  méditation 
de  la  mort;  cinq  fur  l'Ecclefiafte  ;  la  vie  de  fiint  Heribert, 
Archevêque  de  Cologne  ;  la  paffion  de  faint  Clophe,  Martyr; 
la  difpute  d'un  Clerc  6c  d'un  Moine  ;  un  traité  où  l'on  examine 
fi  l'on  peut  confacrer  une  fille  qui  n'a  pas  gardé  la  virginité  ;  un 
contre  les  Concubinaires  ;  des  Dialogues  fur  la  vie  Apofto- 
lique. 

VIII.  Quoiqu'on  n'ait  pas  fuivi  cet  ordre  chronologique     .  Commen- 
dans  les  éditions  générales  des  Oeuvres  de  l'Abbé  Rupert,  nous  p=rt  fur  la"' 
Toim  XXII.  ? 


'lié  R    U    P    E    R    T, 

Genefe,  on   ne  laifTerons  pas  de  nous  attacher  à  celui  qu'elles  ont  tenu  ;  &  de 
Çn trait; de Ip.  ^j^^j.  J'aJUeurs  les  ouvrages  de  ce  Père  que  fes  Editeurs  ncnt 
1  ^"edit!  Mo-  pas  infères  dans  leurs  collettions.  Ils  ont  mis  en  premier  lieu  le 
gunriicx ,  art.  traité  de  la  Triaifié  &  de  fes  ouvrages.  Rupert  le  dcdia  à  Cunon  , 
t-ii  ,tjm.i.  ^1^1^^  ^g  Sibourg  ,  l'an  1 1  17.  Il  ell  divifë  en  trois  parties  ,  dont 
la  première  reprefente  les  éveneniens  depuis  la   création   du 
monde  ,  jufqu  a  la  chute  du  premier  homme  ;  la  féconde ,  depuis 
cette  chute  jufqu'à  l'Incarnation  ou  Palhon  du  fécond  homme , 
Jefus-Ciirill:  Pils  de  Dieu;  la  troifiéme,  depuis  ce tenis'jufqu'à 
la  çonfommation  des  fiécles,  c'eft-à-dire^  jufqu'à  la  réiurredioa 
générale.  Rupert  attribue,  au  Père  les  ouvrages  de  la  première 
partie  ;  ceux  de  la  féconde ,  au  Fils  ;  &  ceux  de  la  troiliéme , 
au  Saint-Efprit.  Tout  ce  qu'il  dit  fur  ce  fujet  efi  renfermé  dans 
quarante-deux  Livres  ;  fçavoir,  trois  de  Commentaires  fur  les 
trois  premiers  chapitres-  de  la  Genefe  ;  fix  fur  le  refie  de  cette 
hiftoire  ;  quatre  fur  lExode  ;  deux  fur  le  Lévitique;  deux  fur 
les  Nombres  ;  autantfur  le  Deutéronome  ;  un  fur  Jofué  ;  ôc  un 
fur  les  Juges  ;  cinq  fur  divers  endroits  des  Livres  des  Rois  & 
des  Pfeaumes  ;  cinq  fur  Ifaïe  ,  Jéremie  &  Ezechiel  ;  un  fur 
Daniel  ,  Zacharie  &  Malachie  ;  un  fur  quelques  pallages  des 
quatre  Evangiles.    Les  neufs  derniers  Livres  contiennent  une 
explication  de  plufieurs  endroits  de  l'Ecriture  ,    fans  fuite  ni  ' 
liî'ifon  ,  au  choix   de   l'Interprète.    Dans   ces  Commentaires 
l'Abbé  Rupert  explique  le  texte  de  l'Ecriture  félon  le  fens  littéral 
&  allégorique ,  &  quelquefois  félon  le  fens  moral.  Il  cite  l'hébreu 
&  le  grec  qu'il  fçavoit  apparemment  ;  il  cite  auflî  de  tems  en 
tems  les  anciens  Interprètes  de  l'Ecriture  ;  mais  il  n'embraffe 
pas  toujours  leurs  explications.  On  ne  laiffe  pas  de  s'appercevoir 
qu'il  avoir  profité  de  leurs  découvertes. 
Commen-       IX.  L'Abbé  Cunon  l'engagea  encore -à  expliquer  les  douze 
taire  fur  ks  petits  Ptophetes-rYnais  après  avoir  achevé  le  Commentaire  fur 
P^plietés  "'*  Michée ,  qui  eftilé  fixiéme  ,  il  s'arrêta  ,  incertain  s'il  continue- 
F'd-  7°i'        roit  l'ouvrage ,  dont  il  femble  qu'il  étoit  dégoûté  ,  parce  qu'il  na 
trouvoit  que  peu  de  chofe  de  Jefus-Chrift  dans  les  Prophètes 
fuivans.  Il  le  dédia  à  Frideric,  Archevêque  de  Cologne.  Ayant 
quelque  tems  après  repris  vigueur  ,  excité  par  Ekkembert , 
Abbé  de  Corbie  en  Saxe  ,  il    commenta  les  autres  fix  petits 
Prophètes.  Il  donne  dans  le  Prologue  ou  Epître  dédicatoire  à 
cet  Abbiî  ,    pour  raifon   de  l'interruption  de  l'ouvrage  ,    que 
Cuhon  le  croyant  achevé  ,  l'avoit  oblipé  à  compofer  le  Livre 
intitulé  :  de  la  victoire  du  Verbe  de  Dieu ,  dont  il  fera  parlé 


ABBÉ   DE   TU  Y,  ou   DE  DUIT  s.      ii^ 

dans  la  fuite.  Ces  Commentaires  font  dans  legoi'itdesprccedens> 
mais  plus  fuivis. 

X.  Dès  avant  fa  Prètrife,  il  avoit  conçu  le  deflein  de  faire       Commcn- 
quelque  traité  fur  l'Incarnation,  &  d'en  prendre  occafion  par  "'■■'^.  '""i'  '^ 
un  Commentaire  fur  le  Cantique  des  Cantiques.  Il  y  fut  excité  cant'ques  " 
par  diverfes  vifions  nocturnes ,  qu'il  regardoit  comme  miracu-  pag.  1054. 
îeufes;  6c  enfin  par  l'Abbé  Cupon,  qui' ne  lui  laiflbit  point  de 

repos.  Ce  Commentaire  a  pour  titre  :  de  l'Incarnation  du  Sei- 
gneur, parce  que  l'Abbé  Rupert  rapporte  à  ce  myd-ere  tout  ce 
qui  ell  dit  dans  le  Cantique  des  Cantiques,  de  l'Epoux  &  de 
l'Epoufe.  .  A    .,. 

X I.  Faifant  dans  fa  Lettre  à  Cunon  ,  alors  Evêque  de  Ratif-      Commen- 
bonne,  le  catalogue  de  fes  ouvrages,  il  met  de  ce  nombre  dix  ""^-'""''J"'^» 
Livres    de    Commentaires    lur   Job  ,   avouant    qu  u  n  avoïc 
qu'abrégé  ceux  ^de  faint  Grégoire  le  Grand  fur  le  même  Livre. 

Il  y  avertit  lui-même  ,  quand  il  pa-fTe  du  Cens  littéral  à  l'allego- 
^  rique  j  ou  au  moral  :  Précaution  qu'il  ne  prend  pas  toujours  dans 
fes  autres  Commentaires.  Il  donne  dans  Is  fentiment  de  ceux: 
qui  font  Job  ,  Auteur  du  Livre  qui  porte  fon  norti  ;  mais  il  ne  le 
croit  pas  plus  ancien  que  les  Livres  de  Moyfe ,  c  e(l-à-dire  ,  que 
le  Pentateuque.  Cela  nempêcbe  pas  qu'il  ne  le  croye  né  plufieurs 
années  avant  ce- LégilLvtcur.-Pourconcîilier  tette  contradidioil 
apparente,  il  dit  que  Moyfe  ne  vécut  que  cent  vingt  ans,  &  Proh^-ro  u 
que  la  vie  de  Job  fut  de  deux  cens  foixante-feize  ans,  dont  il  ^'^b. 
palTa  une  partie  avant  la  naiilance  de  Moyfe  ,rautre*depuis  fa 
mort ,  ôc  que  ce  fut  dans  fes  dernières  années  qu'il  écrivit  fon 
Livre.  Ce  Commentaire  n'efl  dédié  à  perfonne. 

XII.  Il  adrefla  celui  qu'il  fit  fur  l'EccIéfiaiie  à  Grégoire  j  C  mmcn- 
qu'il  fe  contente  de  repréfenter  comme  un  homme  d'un  grand  "''c  fi^r  '  Kc- 
mérite,  fans  nous  apprendre  qui  il  étoit.  Grégoire  qui  avoic  '-^^'''- '^^ '"■'!• 
exigé  de  lui  ce  Commentaire  ,  voulut  qu'il  y  fuivît  la  tradu£tion 

fiiite  fur  l'hébreu  ;  car  il  ne  trouvoit  point  exatte  la  corredion 
quefaint  Jérôme  avoit  faite  de  ce  Livre  fur  l'édition  des  fep- 
tante.  Rupert  confronta  cette  corre£iion  avec  le  texte  hébreu  , 
&  trouva  en  effet ,  qu'elle  en  étoit  très-éloignée.  C'efl  une  nou- 
velle preuve  qu'il  pofledoit  cette  langue. 

XIII.  Cunon  étoit  pafTé  du  Siège  Abbatial  de  Sibourg  au     t  '  «d  i 
Siège  Epifcopal  de  Ratii'bonne  ,  lorfque  Rupert  lui  ad relTa  fon  çloirj  du  Fiis 
ouvrage  fur  faint  TvLitdiieu  ,  fous   le  titre  :  de  la  gloire  &  de  «1^  l'iiomme , 
l'honneur  du  Fils  de  l'homme.  L'idée   de  cet  ouvrage  étoit       ■^'^'5•'• 
venue  à  l'Evêque  de  Ratisbonne,  des  paroles  de  faint  Paul  aux 

Pij 


ii6  R     U     P    E    R    T, 

AiHeb.  1,7.  Hebreux  :  vous  l'avez  couronné  de  gloire  &  d'honneur  :  vous 
lui  avez  donné  l'empire  fur  les  ouvrages  de  vos  mains.   Pour 
remplir  cette  idée  ,  Rupert  dès-lors  Abbé  de  Duits  ,  ou  Tuy  , 
explique  tout  ce  qui  eit  dit  du  myllere   de  ilncarnation  dans 
l'Evangile  de  faint  Mattliieu  ;  de  la  naifiance  du  Sauveur,  de 
fes  prédications  ,  de  fes  miracles  ,  de  fa  mort ,  de  fa  réfurrection , 
de  fa  gloire  dans  Ciel ,  &  defon  pouvoir  fur  toutes  les  créatures. 
L'ouvrage  eft  divifé  en  treize  Livres.  L'Auteur  marque  dans  le 
Prologue  ,  qu'avant  de  l'entreprendre  ,  il  avoir  achevé  celui  qui 
efl  intitulé:  de  la  victoire  du  Verbe    de  Dieu;   ce  qui  auroic 
du   engager  les   Editeurs    à  le  placer  avant  celui  dont  nous 
parlons. 
Traké  cch\       XIV.  Suit  daus  les  imprimés  une  Hymne  du  Saint-Efprit, 
pirire  de  l-  que  l'on  n'a  mis  ce  femble  à  la  fin  de  l'^ouvrage  précèdent ,  que 
h  "roce^o"   P^rce  qu'il  y  eft  parlé  (  a  )  de  plulieurs  Hymnes  que  Rupert  avoit 
du  S.  Ffpnt    compofées  en   l'honneur   de  cette  troiliéme  Perfonne  divine, 
pag.ii^.        avant  qui!  fut  Prêtre.   Il  dédia  encore  à   l'Evêque  Cunon  le 
traité   de  la  glorification  de  la  Trinité  ôc  de  la  proceffion  du 
Saint-Efprit  ;  qu'il  préfenta  depuis  au  Pape  Honorius  II.  pour 
fe  procurer  une  audience  favorable.  La  Lettre  qu'il  lui  écrivit 
à  ce  fujet  fe  trouve  à  la  tête  du  traité  dans  les  éditions   de 
Mayence  &  de  Paris.  Sur  la  fin  de  cette  Lettre  l'Abbé  Rupert 
fait  le  catalogue  des  Livres  qu'il  avoit  compofés  jufques-là  ; 
s'excufant  en  quelque  fa(^on  de  ce  qu'il  n'avoit  pu  encore  les 
offrir  à  ce  Pape.  Il  y  nomme  entr'autres  ,  l'anneau  ou  Dialogue 
d'un  Chrétien  &  d'un  Juif,  intitulé  aufii  :  des  Sacremens  de  la 
Foi.  Cet  écrit  a  été  imprimé  à  la  fuite  des  Oeuvres  de  faint 
Anfelme ,  de  l'édition  de  Dom  Gerberon.  A  l'égard  de  celui 
que  nous  avons  fous  le  titre  de  la  gloire  de  la  Triniié  &  de  la 
procellionduSaint  Efprit ,  Rupert  fepropofe  d'y  montrer  contre 
les  Juifs,  parles  témoignages  de  la  Loi  &  des  Prophètes  ,  qu'il 
y  a  trois  Perfonnes  en   un  feul  ]3ieu  ;   qu'il   appartenoit  à  la 
perfonne  du  Fils  de  s'incarner  ;  que  Jefus-Chnft  eft  le  Meilie, 
&  qu'il  efl  né  dans  le  tems  marqué  par  les  Prophètes ,  nommé- 
Gemf.  49.  ment  par  le  l'atriarche  Jacob.  Cunon  s'étant  trouvé  avec  Guil- 
Ir.ume,  Evêque  de  Prœnefle,  Légat  en  Allemagne,  lui  montra 
plufieurs  ouvrages  del' Abbé  Rupert.  Le  Légat,  homme  fludieux 
6c  fvjavant ,  dv^manda  s'il  n'avult  rien  écrit  fur  la  proceilion  du 


(  «)  Lit.  1:  j  p.ig.  iij. 


ABBÉ   DE    TU  Y,  ou   DE   D  U  I  T  S.       117 

Saint-Efprit  ;  ayant  répondu  que  non  ,  il  prit  occafion  de  l'etn- 
preffement  du  Légat ,  pour  engager  l'Abbé  à  écrire  fur  cette 
rnatiere.  Pv.upert  qui  travailloit  alors  au  traité  de  la  gloire  de  la 
Trinité,  y  joignit  ce  que  la  Foi  nous  enfeigne  du  Saint-Efprit. 
C'eft  la  matière  du  neuvième  Livre. 

X  V.  11  eil:  fait  mention  dans  la  Lettre  au  Pape  Honorius  If.      Commen- 
des  Commentaires  fur  i'Evangiiede  laiut  Jean,  lis  étoient  donc  "^''^^  furi'U- 
achevés  avant  que  1  Al  hj  Rupert  mit  la  main  au  traité  dont  oii  j'"f  J^lf 
vient  de  parler,  ilsfcnt  divifé-,  en  quatorze  Livres  ,  ôc  précédés  ^'7.' 
dans  l'édition  de  Cologne  de  l'an  1^26 ,  dune  Lettre  à  Cunon , 
Abbé  de  Sibourg.  Ce  qui  fait  voir  que   Rupert  les  compofa 
avant  l'an  1  126  ,  auquel  Cunon  fut  pourvu  de  l'Evéché  de 
Ratislîonne.  Lnc  ces  principales  raifons  qu'il  eut  de  travaillera 
ce  Commentaire  ,  fut   de  foutenir  la  vérité  du   Corps  6c  du 
Sang  de  Jcfjs-Chrift  dansTEucharillie  ,  contre  les  Berengariens. 
Audi  s'y  explique  t-il  très-clairement  fur  cefujet,  comme  on  le 
prouvera  dans  la  fuite. 

XVL  Cunon étoitenrnr«  all^;  Jt  oiuuu.t;  ,  luuqu  u  engagea      Commcn- 
Rupert    à   commenter   l'Apocalyfe.     Il    avoir    quelque   droit  ''"'"^«^s lur  ta- 
d'exiger  delui  ce  travail ,  puifqu'il  étoit  alors  du  nombre  de  fes  p°"?Js!  ' 
Religieux.  Il  le   fit  connoitre   à    Frédéric  ,   Archevêque   de 
Cologne ,  à  qui  il  montra  ce  que  Rupert  avoit  fait  fur  quelques 
chapitres  de  l'Apocalvpfe.  L'Archevêque  le  prefTa  d'achever  le 
Commentaire  ,  Ôc  de  donner  fur  l'Apocaiypfe  quelques  nouvelles 
explications ,  différentes  de  celles  des  anciens  Interprêtes  ,  dont 
il  lui  permit  toutefois  de  faire  ufage.   Rupert  obéit  ,  ôc  l'ouvrage 
achevé  ,  il  l'adreiTa  à  cet  Archevêque.  Jean  Ccclée  faifoit  tant        MdiUon. 
de  cas  de  ces  Commentaires,  qu'il  les  préferoit  à  tous  les  autres  •'^••75/^'n'îa/. 
qu'il  connoifToit.  Ils  font  en  douze  Livres.  ''  ""''"• 

X  V  1 1.  Il  y  en  a  treize  pour  le  traité  intitulé  :  de  la  victoire      Traité  de  la 
du  Verbe  de  Dieu.  Voici  quelle  en  fut  roccafion.  L'Abbé  de  vidoire  du 
Sibourg  étant  au  Tvîonaltere  de  faint  Laurent  à  Liège  ,  s'entre-  g,'^j  *  '  ^''^' 
tenoit  un  jour  avec  Rupert  fur  les  quatre  grandes  hctes  dont 
il  efl  parlé  dans  une  des  viilons  de  Daniel ,  Ôc  fur  les  Royaumes 
qu'elles  fignilioient.  Cunon  quittant  cette  matière  ,  deaianda  à 
Rupert ,  pourquoi  l'on  rendoit  dans  l'Eglife  le  mw-me  culte  aux 
JVIaccabées  morts  pour  la  défenfe  deleurs  Loix  ôc  de  leur  patrie, 
qu'aux  Martyrs,  &qu'on  lifoit  publiquement  leu '.5  i.cles  ou  leur 
hiftoire.  La  réponfe  de  Rupert  fut  que  les  "  laccabces  avoient 
combattu  pour  fauver  le  Peuple  léni  de  Dieu  en  Abraham, 
que  c  étoit  par  .eur  miaitlere  que  le  Verbe  de  Dieu  avoit  con- 


ïiS  R    U    P    E    R    Tj 

fervé  la  race  de  laquelle  il  s'étoit  propofé  de  naître  en  fe  faifant 

homme  pour  racheter  le  genre  humain.  Sur  cela,  Cunon  dit  à 

Mahillcn   Rupert  :  écrivez-moi  un  Livre  qui  ait  pour  titre  :  de  la  victoire  du 

aum.Sô.  Verbe  de  Dieu.  Un  met  cet  écrit  vers  1  an  i  i  ip  ,  dans  ie  tems 
que  Rupert  demeuroit  à  Sibourg.  Il  fuit  d'âge  en  âge  tous  les 
combats  du  Peuple  de  iJieu  contre  les  impies  ;  montre  que  c'eil 
le  Verbe  de  Dit:u  qui  a  toujours  vaincu  dans  ceux  quicombat- 
toient  pour  lui  ;  &  qu  il  vaincra  toujours  jufqu  à  ce  qu'il  ait  mis 
àmortl'Anteçhrift. 
Livre  .!es       XVIII.-  Environ    trenfî    jours   depuis    fa   promotion  au 

Offices    Di-  Sacerdoce  ,  Rupert  fe  fentit  (a)  li  rempli  de  l'efprit  de  Dieu  . 
&  de  la  connoiliance  des  choies  dnines,  qu  il  craignit  pour  la 
diflblution  de  fou  ame  avec  fon  corps.  Mais  ce  torrent  de  déiices 
fpirituels  s'arrêta  ;  &   l'ardeur  de  l'amour  divin  dont  il  étoit 
embrafé  ,  fe  ralentit  infenfiblement.  Dès-lors  il  commencja  à 
inftruire  de  vive  voix  ôc  par  écrit ,  &  ne  ceffa  de  le  faire  ,  ne  fe 
"-.ivnpf  cas  en  liberté  de  fe  taire.   C'efl:  une  des  circonftances 
de  fa  vie  quii  nous  apprena  luw.â^.    Son  premier  ouvr.qc 
tut  le  traite  des  Orîices  Divins  ,  ceft  pourquoi  il  l'appelle  les 
prémices  de  toutes  fes  œuvres.  Quoiqu'il  l'eût  ccmpoléen  un 
il  ne  le  rendit  public  qu'en  112^,  qu'il  le  dédia  à  Cunon ,  Evêaue 
de  Ratisbonne.  L'ouvrage  eft  divifé  en  douze  Livres.  Dans  le 
huitième  il  raconte  ,  que  le  jour  du  Vendredi-faint  de  l'an  un 
lorfqa'on  eut  éteintles  cierges  fuivant  la  coutume,  &  que  l'on 
entonnoit  à  l'Abbé  Berengerl'antienne  Mulïeres  pourle  Cantique 
de  l'Evangile  ,  ou  le  Benedieius  ,  la  ceinture  dont  il  étoit  étroi- 
tement ferré  tomba  à  fes  pieds,  &  il  entendit  en  même-tems 
une  voix  foible  qui  lui  dit  en  latin (t)  :  11  a  été  aulîi  facile  à 
Jefus-Chiift  de  fortir   de  fon    tombeau   où  il   étoit   enfermé 
Quoique  l'Abbé  ne  doutât  point  de  la  réfurredion  du  Sauveur  * 
il  ne  lailTa  pas   d'admirer  ce  qui  lui  étoit  arrivé  :    &  pendant 
qu'il  y  penfoit,  il  lé  fouvint  d'avoir  lu  quelque  chofe  de  fem- 
blable  touchant  l'illuflre  Petronia  dans  le  huitième  chapitre  du 
vingt-deuxième  Livre  de  la  Cité  de  Dieu.   Rupert  fait   dans 
j     l'Epitre  dédicatoireà  Cunon  des  plaintes  contre  ceux  qui  trou- 
voient  mauvais  qu'il  expliquât  les  divines  Ecritures,  après  que 
tant  d'autres  l'avoient  fait  avant  lui.  Il  y  donne  encore  le  cata- 


(.0  Rupert,  lib.  Il  ,  in  Hhnhxum  ,  |       'b)  Sic  potuit  claufo  Chriflus  prodire 


ABBÉ   DE   TU  Y,  ou  DE   D  U  î  T  S.      iip 

liDgue  des  ouvrages  qu'il  avoit  coniporés  jufqucs-là ,  c'eil-à-dire , 
julqu'enl'an  1 126. 

XIX.  Dans  le  traité  des  Oflîces  Divins ,  Rupert  rend  raifon  Analyfe  ie 
de  l'inftitution  des  fept  lieures  Canoniales ,  &  du  tems  auquel  ^'-' 'f^'^^,  t  )w. 
chacun  de  ces  Offices  doit  être  recité  dans  tous  les  jours  de  'Jjhf.' 
l'année.  Il  tire  ces  raifons  des  différentes  circonftances  de  la 
vie  ôc  de  la  mort  de  JeCus-Chtift  rapportées  dans  les  divines 
Ecritures;  il  en  ufe  de  rncme  à  l'égard  de  toutes  les  parties  de 
l'Office.  Ceft  auffi  de  l'Ecriture  qu'il  prend  les  explications 
myftiques  des  ornemensfucerdotaux  &  pontificaux  ;  de  ceux  des 
Egliles,  6c  généralement  de  tout  ce  qui  appartient  au  facré 
minillere  ;  enl'uite  de  l'Avent  &  de  fes  quatre  Dimanches;  du 
jeûne  des  Quatre-tems  ;  puis  de  l'Office  de  la  veille  de  Nocl , 
du  jour  de  la  Fête  ,  des  trois  Meffes  que  l'on  y  difoit.  li  fuit  dans 
fes  explications  qui  font  prefque  toutes  morales  ou  myfiiquesla 
difpolition  de  la  liturgie  Romaine.  Il  remarque  fur  le  premier 
Dimanche  de  Carême  ,  que  dès  ce  jour  on  couvroit  les  Autels 
d'un  voile;  que  le  mercredi  de  la  quatrième  (êmaine  on  faifbit 
folemnellement  les  fcrutins  des  Cathécumenes  pour  les  difpofer 
au  Baptême  ;  quele  Dimanche  des  Rameaux ,  outre  la  proceffion 
deflinée  à  repréfenter  l'entrée  triomphante  du  Sauveur  à  Jéru- 
falem  ,  on  faifoit  encore  celle  que  l'on  avoit  coutume  de  faire 
chaque  Dimanche;  qu'en  ce  jour  ,1c mardi  fuivant,  le  mercredi, 
&  le  vendredi ,  on  chantoitla  Padion  félon  qu'elle  eft  rapportée 
par  les  quatre  Evangelilles  ;  que  le  jeudi-^faint  l'Evêque  réconci- 
lioit  les  Pénitens  ,  confacroit  le  fxint  Chrême  ,  lavoit  les  pieds 
aux  pauvres;  que  les  Abbés  en faifoient  autant  dans  les  Cloîtres 
de  leurs  Monafteres  ,  aidés  de  leurs  Moines ,  qui  avoient  foin  de 
régaler  les  pauvres  à  qui  on  avoit  lavé  les  pieds.  Tout  ce  qui  fe 
faifoit  alors  ce  jour-là  ôc  les  trois  fuivans  ,  le  fait  encore  aujour^ 
d'hui.  Rupert  ne  fait  qu'expliquer  à  fa  façon  ,  c'eft-à-dire,  dans 
un  fens  moral  ou  allégorique ,  les  cérémonies  marquées  dans 
l'Ordre  Romain,  La  raifon  qu'il  donne  de  ce  qu'on  ne  fléchit 
point  les  genoux  à  la  prière  que  l'on  fait  le  vendredi-faint  pour 
les  Juifs,  efl:  qu'étant  certains  par  les  oracles  divins  qu'ils  ne 
feront  éclairés  qu'après  la  converfion  des  Gentils  ,  nous  ne 
devons  pas  faire  trop  d'inlîances  auprès  de  Dieu' pour  accélérer 
la  grâce  qu'il  s'efl  réfervé  de  leur  faire  dans  le  tems  que  lui  feul  uh.  6 ,  cm, 
connoît.  18,^^.813. 

XX.  Pvupert  enfeigne,  que  la  Fête  ôc  l'Office  de  la  fainte      ui.    n  ^ 
Trinité  ont  été  h;iés  au  Dimanche  d'après  la  Pentecôte,  parce  .•-j. S63. 


120  R    U    P    E    R    T; 

qu'auiïîtôt  après  la  defcente  du  Saint-Eprit  fur  les  Apôtres ,  ils 

allèrent  partout  le  monde  prêcher  la  foi  de  ce  myllere.  Il  établit 

à  cette  occafioH  l'unité  de  fubllance  ,&  la  Trinité  des  perfonncs 

en  Dieu,  par  l'autorité  de  l'Ecriture  ôc  par  divers  raifonnemens 

théologiques.  Puis  reprenant  le  cours  des  Dimanches  d'après  la 

Pentecôte ,  il  en  explique  les  parties  de  l'Office  ,  furtout  de  la 

MelTe.  11  finit  par  des  remarques  furies  leçons  des  Offices  de  la 

nuit  tant  en  Eté  qu'en  Hy  ver. 

Relation  ife      X  X I.  En  1128  le  vingt-cinq  d'Août  ,  il  y  eut  à  Tuy  un 

j  '"'^^"l'.'^  ';';  incendie  fi  confiderable ,  que  le  Rhin  ,  la  Ville  de  Cologne,  & 

Tuy,  p.7r]'^  la  région  voifine ,  en  refplendifloicnt.  C'étoit  pendant  la  nuit. 

884.  Les  Moines  de  faint  Laurent  coururent  pour  aider  à  l'éteindre. 

Un  d'eux  ayant  pris  dans  le  Sacraire  un  corporal  qui  avoit  déjà 

fervi  au  facrilice  de  la  Melle ,  l'attacha  à  une  perche  ,  &  l'oppofa 

aux  flammes  ,  dans  l'efperance  que  ce  meuble  facré  en  arréteroit 

Timpétuofité.  Voyant  fa  tentative  inutile  ,  il  enfonça  le  corporal 

au  milieu  des  flammes.  Il  l'en   retira  entier  ;  mais  la  perche  à 

laquelle  il  étoit  attaché,  fut  brûlée  en  partie.  Farune  troifiéme 

tentative  ,  il  jetta  le  corporal  feul  dans  le  feu  ;  mais  le  feu  le 

rejetta  ,  &  le  poufla  du  côté  de  la  Ville,  où  l'incendie  ne  devoir 

pas  pénétrer.  Comme  il  croiffoit  toujours  à  caufe  de  la  grande 

quantité  des  bleds  dont  on  venoit  de  remplir  les  granges,  le 

feu  prit  à  l'Eglife  Paroiffiale  de  faint  Martin ,  voifine  du  Mo- 

naftere.  Rupert  qui  en  étoit  Abbé,  crut  que  l'on  ne  le  garan- 

tiroit  pas  des  flammes.  Mais  par  une  providence  particulière, 

il  n'y  eut  que  quelques   ufuines  extérieures  de  confumées.  Il  y 

avoit  dans  l'Eglife  de  faint  Martin  ,  dans  l'épaifleur  du  mur 

à  côté  de  l'Autel ,  une  armoire  couverte  d'effies  de  bois,  avec 

une  porte  de  planches ,  &  une  ferrure ,  6c  dans  l'armoire  une 

boëte  de  bois  qui  renfcrmoit  le  Corps  de  Jefus-Chrift  ;  une  autre 

boëte  où  étoient  des  hofties  non  confacrées  ;  un  flacon  d'étain  à 

vinaigre  ;  un  encenfoir  ôc  quelques  autres  vafes  pour  le  fervice 

de  l'Autel.  Le  feu  qui  avoit  pénétré  dans  l'intérieur  de  l'Eglife, 

confuma  tout  ce  qui  étoit  dans  l'abfide  ou  armoire  ,  excepté  la 

boéte  qui  contenoit  le  Corps  de  Jcfus-Chrift.  L'Abbé  Rupert, 

témoin  oculaire  du  miracle,  le  rapporte  dans  la  relation  qu'il 

nous  a  laiiTée  de  cet  incendie.  Il  prit  le  corporal  ôc  la  bocte 

que  le  feu  avoit  refpedtés  ;  &  les  confiderant  comme  des  reliques 

très-précieufes  ,  il   les  tranfporta  au  grand  Autel  ,  avec  cette 

infcription  :  Hoc  Corpus  Domïnïflammas  in  pyxide  vicit.  Pendant 

que  dura  l'incendie ,  Rupert  fut  dans  de  grandes  inquiétudes  au 

fujet 


ABBÉ    DE   TUY,   ou    DE   DUITS.       121 

fujet  de  fes  écrits,  dont  il  n'avoit  point  envoyé  de  copies  ailleurs  ; 
en  particulier  des  Livres  de  la  glorificaiicn  de  la  Trinité,  ÔC 
de  la  proceîïion  du  Saint-Erprit.  iMais  il  n'en  perdit  aucun. 
L'incendie  fini ,  il  fit  bâtir  à  la  porte  du  Monaftere  un  Oratoire 
en  l'honneur  de  faint  Laurent,  &  tout  auprès  un  Hôpital  poury 
recevoir  &  nourrir  les  pauvres  à  l'exemple  de  ce  faint  Martyr. 

XXIL  Les  dangers  qu'on  avoir  courus  dans  cet  incendie,    Traité  de  la 
&  le  miracle  opcré  fur  le  Corps  de  Jefus-Chrift  que  l'Apôtre  '^f^on^lJl 
nous  fait  envifager  dans  l'Euchariftie  comme  le  mémorial  de  fa  Sp4. 
mort ,  firent  de  vives  impreliions  fur  Tefprit  ôc  le  cœur  de  l'Abbé 
Rupert.  Il  penfa  férieufement  à  la  mort ,  ôc  mit  par  écrit  toutes 
les  réflexions  qu'il  avoir  faites  fur  cette  fin  dernière  de  l'homme, 
foit  afin  de  s'y  préparer  lui-même  en  les  relifant ,  foit  pour 
fournir  à  fes  Leîleurs  les  moyens  de  s'y  préparer  eux-mcmes. 
Ce  fut  le  premier  écrit  qu'il  compofa  depuis  la  relation  de  fin-  Lih.T,c.7p.i. 
cendie  de  la  \'ille  deTuy  ;  il  e(l  divifé  en  deux  Livres. 

XXI I  L  Dansletems  qu'il  demeuroit  à  Sibourg,  Marc  ward.     Vie  de  faint 
Abbé  de  Tuy ,  dont  il  fut  le  fuccefTeur  ,  le  pria  de  mettre  en  un  Henbert,^^^. 
meilleur  flile  la  vie  de  faint  Keribert ,  Archevêque  de  Cologne. 
Rupert  interrompit  pour  l'obliger  quelques  autres  ouvrages,  ôc 
lui  dédia  cette  vie.  CefI:  fans  doute  par  inadvertcnce  que  Dom    Apohg.  pra 
Gerberon  la  mife  entre  les  écrits  que  Rupert  compofa  depuis  ^^^P^^to ,  pur, 
qu'il  fut  Abbé  ;  ne  faifant  pas   réflexion  qu'il  avoir  fuccedé  à 
Âlarcward  dans  l'Abbaye  de  Tuy. 

XXIV.  Rupert  mit  aufll   en  meilleur  (lile  celle  de  faint     ViedeC-int 
Clophe,  aux  infiances' d' A Ibane  ,    Abbé  de  faint  Martin  de  Ciophe,  Mar- 
Cologne  ,  où  l'on  avoir tranfporté  les  reliques  de  ce  Saint,  delà  ^  '^ 
Ville  de  Gand  dans  le  Diocèfe  de  Toul ,  oia  il  avoir  fouffcrt  le 
martyre  fur  une  montagne  fituée  entre  Fromeiiteufe  ôc  Gand , 

où  l'on  voit  encore  des  relies  d'un  ancien  amphithéâtre. 

XXV.  Vers  l'an  i  1 16,  Rupert  étant  à  Sibourg  apprit  par  un     Traité  de  l« 
des  Ecoliers  de  Guillaume  de  Champeaux  ôc  d'Anfeime  de  volonté   de 
Laon  qu'ils  enfeignoient  l'un  ôc  l'autre,   que    Dieu    veut  ou  ^,'^"  '  ^*^' 
permet  qu'on  falTe  le  mal ,  ôc  que  fa  volonté  a  été  qu'Adam 
défobéit  à  fes  ordres  ;  qu'en  conféquence  ces  deux  Docleurs 
diltinguoient  en  Dieu  une  volonté  qui  approuve  le  mal  &  une 
volonté  qui  le  permet.  Il  écrivit  contr'eux  le  Livre  intitulé  , 

de  la  volonté  de  Dieu  ,  dans  lequel  il  attaque  cetre  diftinclioii 
par  ce  dilemme:  ou  la  volonté  qui  permet,  eft  bonne:  ou  elle 
cft  mauvaife.  Si  elle  efl:  mauvaife  ,  comment  eft-elle  oppofée  à  Cap.  i. 
la  volonté  qui  approuve  le  mal  r  Si  elle  efl  bonne,  comment 
Tome  XXIL  Q 


t22  R    U    P    E    R     T, 

veut-elle  le  mal  ?  Ce  dilemme  dans  Rupert  fuppofe  que  Guil- 
laume ôc  Anfelme  admettoient  un  genre  de  volonté  du  mal  ;  & 
que  les  différences  divilives  de  ce  genre,  étoient  la  volonté  qui 
approuve  le  mal ,  &  la  volonté  qui  le  permet.  Pour  lui  il  foutient , 
appuyé  de  Tautcrité  ('es  Ecritures  ,  que  la  permilliondu  mal  en 
Dieu,  n'eft  autre  chofe  que  fa  patience;queDicu  n"a  jamais  permis 
le  mal  en  le  voulant,  mais  qu'il  a  fait  voir  fa  patience  en  fupportant 
Cap.  1.  lesméchans.  Le  Livre  de  Rupert  choqua  Guillaume  &  Anfelme. 
Leurs  Difciples  prirent  parti  contre  lui ,  difant  que  c'étott  un 
Ignorant ,  qui  n'étant  jamais  forti  de  fon  Cloître ,  n'avoit  vu  ni 
Malillon,  jje  (]  grands  Maîtres,  ni  de  femblables.  Anfelme  écrivit  à  Heri- 
rum.^'iz-'^^"  bfantl ,  Abbé  de  faint  Laurent  à  Liège,  de  qui  Rupert  dépendoit, 
li-j.  quoiqu'il  fôt  alors  à  Sibourg  ,  pour  fe  plaindre  de  fon  Livre. 

Anfelme  expliquoit  dans  fa  Lettre  en  quel  fens  il  difoit  que  Dieu 
veut  le  mal  ,  c'e(l-à-dire  ,  qu'il  veut  tout  ce  qui  eft  ,  ce  qui 
renferme  les  chofes  mauvaifes  :  non  qu'il  approuve  le  mal,  ni 
qu'il  lui  foit  agréable.  L'Abbé  Heribrand  cita  Rupert  devant  le 
Doyen  de  Liège  ôc  plufieurs  autres  fçavans.  ïl  défendit  lui-même 
fa  caufe  en  leur  préfence  ;  fit  voir  qu'il  n'avoit  compofé  fon 
traité  delà  volonté  de  Dieu,  que  pour  réprimer  la  témérité  de 
ceux  qui  enfeignoient ,  que  Dieu  veut  que  le  mal  fe  falTe ,  & 
qu'il  a  voulu  la  prévarication  d'Adam.  Il  ajouta  ,  que  comme 
ils  craignoient  qu'en  difant  que  le  mal  fe  fait  quoique  Dieu  ne  le 
veuille  pas  ,  il  ne  s'enfuivît  que  Dieu  n'eft  pas  tout-puiffant ,  il 
feroit  voir  la  fauffeté  de  cette  conféquence  dans  un  ouvrage  exprès. 
Traifcdela  XXVL  II  eft  intitulé  de  la  toute-puiffance  dc  Dieu  ;  Rupert 
toute  pvMfTan-  y  prouve  ,  que  le  mal  ne  fe  fait  pas  par  la  volonté  de  Dieu  >  ôc 
pas  sî<.'^"  '  ^"'^^  "'^"  ^^  P^^  moins  tout  puiffant.  Il  tire  fes  preuves  de 
l'Ecriture  ôc  des  Pères  ,  furtout  de  faint  Auguftin  ,  avec  qui  il 
dit  :  que  la  volonté  de  Dieu  étant  que  tous  les  hommes  foient 
fauves  ,  il  n'eft  pas  douteux  que  les  Infidèles  ne  faffent  contre  fa 
Cap.  lo.  volonté,  lorfqu'ilsnecroyent  pas  à  l'Evangile  ;  que  toutefois  la 
volonté  de  Dieu  n'eft  pas  vaincue  par  eux;  qu'ils  fe  privent  au 
contraire  du  fouverain  bien  ,  ôc  fe  jettent  dans  des  fupplices 
éternels,  où  ils  éprouveront  les  effets  de  la  puiffance  de  celui 
dont  ils  ont  méprifé  les  mifericordes  ;  qu  ainfi  la  volonté  de 
Dieu  demeure  invincible  malgré  les  contrariétés  des  méchans. 
Rupert,  non  content  d'avoir  combattu  p.ir  écrit  Guilluumedc 
Cliampeaux  ôc  Anfelme  de  Laon  ,  fit  exprès  un  voyage  en  F'rance 
en  1118  pour  les  combattre  de  vive  voix.  On  a  vu  plus  haut 
les  fuites  de  fon  voyage. 


ABBÉ   DE    TUY,   ou    DE   DUITS.      123 

XXVII.  A  Ton  retour  il  mit  par  écrit  quelques  obfervations  Obrervations 
qu'il  avoir  faites  avec  l'Abbé  Cunon  fur  certains  endroits  de  la  '1^  '^"F^/f  '"■" 
règle   de  laint   r5enoit  qu  ils  prorelioient  1  un  &  1  autre  ;  par  rres   de  la 
exemple  ,  fur  l'ordre  des  Offices  de  la  nuit  ,  le  nombre  des  '^s'e  de  famt 
pfeaumes  ,  des  levons  ,  ôc  des  répons.  Ces  obfervations  font    ^ul'i^piT^ 
difiribuées  en  quatre  Livres  ,  mais  dont  le  premier  eft  occupé  946. 
prefqu'entierement  à  raconter  ce  qui  fe  paiïa  en  France  entre 
Guillaume  de  Champeaux  ôc  Rupert.  Il  rapporte  les  objections 

que  fon  (it  contre  fon  fentiment ,  ôcfes  réponfes.  Ces  objedions 
rouloient  furies  padages  de  l'Ecriture  ,  où  il  efl:  dit ,  que  Dieu 
endurcit  le  cœur  de  Pharaon  ;  que  c'eft  lui  qui  aveugle  les 
impies  &  qui  les  rend  fourds  à  fa  voix  ,  de  peur  qu'ils  ne  fe 
convertiffent.  Rupert  répondit  ,  que  Dieu  ne  livre  pas  les 
méchans  à  leurs  pallions  ,  mais  qu'ils  s'y  livrent  eux-mêmes  ; 
que  Pharaon  s'étoit  endurci ,  avant  que  Dieu  l'endurcît  ;  ôc  que 
quand  on  dit  que  Dieu  endurcit  ce  Prince,  c'efl  comme  fi  l'on 
difcit  qu'il  ne  le  délivra  point  de  fon  endurcifiément,  qu'il  lui 
refufa  la  grâce  qui  auroit  pu  attendrir  fon  cœur  ôc  le  rendre 
docile  à  fes  ordres.  Rupert  appuyé  cette  réponfe  de  l'autorité  de 
faint  Paul ,  de  faint  Auguftin  ,  ôc  des  autres  Pères. 

XXVIII.  Dans  le  fécond  Livre  il  donne  des  raifons  LiJ.  i. 
myftiques  des  Heures  Canoniales  ,  tant  de  nuit  que  de  jour;  du 
verfet  par  lequel  on  commence  l'Office  ,  du  pfeaume  qui  fert 
d'invitatoire  à  Matines  ,  ôc  de  toutes  les  autres  parties  des 
Aîatines,  ou  Vigiles  ,fuivantla  diftribution  qui  en  efl:  ordonnée 
dans  la  règle  de  faint  Benoît.  Il  ne  dit  que  peu  de  chofes  des 
autres  Heures  ,  renvoyant  au  traité  où  il  en  avoir  parlé  plus  au 
long.  Il  rapporte  l'origine  du  chant  des  Hymnes  de  S.  Ambroife 

à  Matines,  au  tems  de  la  perfécution  des  Ariens  contre  les 
Catholiques  ,  qui  pour  empêcher  qu'on  n'emmenât  ce  faint 
Evêque  en  exil ,  s'aiïcmbloient  avec  lui  dans  l'Eglife  pour  le 
garder,  ôc  s'y  occupoient  au  chant  des  Hymnes  ,  la  plupart  de 
fa  compofition.  Les  Catholiques  firent  la  mêmechofe  à  Conftan- 
tincp'e  fous  faint  Jean  Chryfoflôme. 

XXIX.  Le  troifiéme  Livre  traite  de  la  liturgie.  Ondifputoit  ^:j 
lequel  des  deux  étoit  plus  conforme  à  la  règle  de  faint  Benoît  , 
ou  de  vivre  du  travail  de  fes  mains  à  l'imitation  de  l'Apôtre, 
ou  de  vivre  du  fervicc  de  l'Autel.  Rupert  décide  pour  le  fervice 
de  l'Autel.  Il  prouve  que  faint  Benoît  n'oblige  au  travail  des 
mains  que  pour  éviter  l'oifiveté  ,  fi  ce  n'eft  quand  la  pauvreté  du 
Monaflere  eft  telle  ,  que  les  Moines  foient  nécellîtés  de  fe  pro- 

Q  y 


-124  R    U    P    E    R    T, 

curer  les  chofes  néceflaires  à  la  vie.  En  effet ,  ce  Léglflateur  veut 
que  l'on  ait  dans  l'enclos  tout  ce  qui  eft  de  befoin ,  afin  que 
les  Moines  ne  foient  pas  obligés  de  fortir  ;  ce  qui  ne  pourroit 
s'exécuter  ,  s'il  falloit  qu'ils  allaffent  labourer  ,  femcr  ,  moif- 
fonner ,  effarter.  Rupert  croit  néanmoins  qu'il  eft  cûixforme  à  la 
règle  de  faint  Benoit,  que  les  Moines  qui  n'ont  pas  les  qualités 
néceffaires  aux  fondions  facrées,  exercent  des  métiers  dans  l'in- 
térieur du  Monaftere.  Il  convient  qu'encore  que  faint  Benoît 
n'ait  rien  ordonné  touchant  le  facré  miniftere,  il  a  approuvé 
que  l'Abbé  qui  voudra  avoir  un  Prêtre  ou  un  Diacre  dans  fa 
Communauté  ,  choififfe  celui  qui  fera  digne  des  fondions  de  ces 
Ordres.  Mais  pourquoi ,  direz-vous ,  tant  de  Prêtres  aujourd'hui 
dans  les  Monafteres  ?  C'eft  j  répond  Rupert ,  que  les  chofes  ne 
font  plus  dans  le  même  état  :  Les  Rois  Ôc  les  Princes  ont  enrichi 
les  Monafteres;  ôc  les  Fidèles  en  leur  faifant  des  donations,  fe 
font  recommandés  aux  prières  des   Prêtres  ;  enforte  que  par 
rapport  aux  obligations  contradéas  envers  les  bienfaiteurs  ,  il  n'y 
a  pas  trop  de  Prêtres  dans  les  Monafteres.  Venant  enfuite  aux 
habits  ,   Rupert  veut  conformément  à  l'efprit  de  la  règle  ,  que 
les  Moines  foient  vêtus  proprement,  mais  de  façon  qu'il  n'y  ait 
rien  dans  leurs  vêtemens  qui  marque  delà  vanité,  ni  qui  puifîe 
fcandalifer  le  public.  Il  croit  que  dans  l'Ordre  de  f.ùnt  Benoît 
on  a  toujours  porté   l'habit  noir  ,  foit    dans  les   Monafteres 
d'hommes,  foit  dans  ceux  de  filles. 
Lib.  4.       XXX.  Dans  le  quatrième  Livre  il  fe  plaint  des  jaloufies  & 
des  difputes  qui  s'étoient  élevées  depuis  quelque  tems  entre 
ceux  qui  fuivoient   la  règle  de  Hiint  Auguftin  ,  ôc   ceux  qui 
faifoient  profeffion  de  celle  de  laint  Benoît.  Les  premiers  fe 
vantoicnt  d'avoir  pour  Inftituteur  un  Evêque,  ôc  difoient  aux 
autres  :  faint  Benoît  n'étoit  que  Moine  :  l'Evêque  étant  fans 
doute  plus  grand  qu'un  Moine,  notre  Ordre  eft  plus  élevé  que 
le  vôtre.    La  conféquence  qu'ils  tiroient  de  ce  principe  étoit 
qu'un  Clerc  ne  pouvoit  fe  faire  Moine ,  ôc  que  c'écoit  te  degré 
de  perfedion  à  un  Moine  de  devenir  Clerc.  Ceux  néanmoins 
qui  témoignoient  tant  de  mépris  pour  les  Moines  ,  ne  laiffoient 
pas  de  fe  donner  le  nom  d'Abbé  ôcde  porter  la  croffe  ou  bâton 
paftoral  ;  ce  qui  n'appartenoit ,  après  les  Evéques,  quaux  Supé- 
rieurs des  Moines.    Rupert  rapporte  la  Lettre  que  Frédéric, 
Archevêque  de  Cologne ,  écrivit  fur  cet  abus  à  l'Evêque  de 
Liège.  Il  y  dit  que  les  Clercs ,  qii  ayant  reçu  les  Ordres  delà 
main  de  l'Eve jue  ,   font    deftin Js   au  miniilere  de  l'Autel  >. 


ABBÉ   DE    TU  Y,   ou    DE   D  U  I  T  S.      isy 

demeurent  fous  la  verge  ou  la  croffe  de  l'Evoque  ;  &  que  ceux 
qui  par  la  profeflion  monaftique  ont  embraflé  la  vie  pénitente, 
font  fous  la  crofTe  de  l'Abbc  ;  que  s'il  arrive  qu'un  Clerc  devienne 
JVloine  ,  ou  qu'un  Moine  foit  admis  dans  le  Clergé  ,  il  dépend 
alors  de  l'Evcque  6c  de  l'Abbé ,  &  ne  peut  être  jugé  par  l'un  des 
deux  feul.  Frédéric  ajoute:  Suivant  ces  principes  nous  ne  pou- 
vons ni  admettre  ni  approuver  la  coutume  qui  s'introduit  parmi 
les  Prélats,  ou  Prévôts  des  Clercs  Réguliers,  de  fe  faire  donner 
l'invçftiture  par  la  tradition  de  la  croffe  ,  afin  de  s'en  fervir 
comme  les  Abbés  des  Moines  ;  on  ne  lit  point  que  faintAuguftin 
dont  ils  profellent  la  règle  ,  ait  porté  le  titre  d'Abbé ,  dans  le 
tems  qu'il  embralfa  la  vie  régulière  ;  il  n'étoit  alors  ni  Abbé, 
ni  Evêque ,  mais  llmple  Prctre ,  ôc  converti  depuis  peu  à  la 
Foi  Catholique.  L'Archevêque  établit  enfuite  l'ufage  oii  ctoient 
les  Supérieurs  des  Monafteres  de  porter  &  la  croffe  ôc  le  nom 
d'Abbés ,  qui  leur  eft  donné  par  la  règle  même  de  faint  Benoit. 
Puis  s'adreffant  aux  Clercs  qui  méprifoient  les  Moines  ,  ôc  qui 
fe  glorifioient  dans  la  peau  dont  ils  fe  couvroient  alors  tout 
le  corps  ,  comme  d'une  marque  diilinûive  de  leur  état  aux 
yeux  des  ignorans ,  il  leur  dit  que  ces  deux  états  ne  font  point 
tellement  oppofés ,  qu'ils  ne  puifTent  fe  rencontrer  en  une  même 
perfonne;  ôc  que  la  profelfion  monaflique  eft  d'autant  plus  ref- 
pedable  ,  que  celui  qui  l'a  embraffée  peut  être  chargé  du  foin 
des  âmes. 

XXXI.    C'eft   ce   que  Rupert  entreprend  lui-même   de       Tmiré  du 
prouver  dans  un  traité  fait  exprès.  Il  eft  en  forme  de  Dialogue  :  pouvoir 
Les  interlocuteurs  font  un  Clerc  ôc  un  Moine.   Sa  meilleure  j^ij;"'  ^^? 
preuve  eft  que  le  faint  Siège  dès  le  tems  de  faint  Grégoire  le  pr.xlier. 
Grand,  a  confié  à  desMoines  le  miniftere  Apoftolique  ,  ôc  qu'on  ,,     ^t»ie  à 
a  continué  depuis  jufqu'à  nos  jours  à  le  leur  confier.  Le  Clerc  y.ir.  570.' 
lui  objedoit  l'autorité  de  faint  Jérôme  ôc  du  Pape  Pie  ,  qui 
femblent   l'un  ôc  l'autre  interdire  aux    Moines   même  lettrés 
l'office  de  la  prédication.  Everhard  ,  Abbé  de  Brunwilers,  lui 
fit  la  même  objection  dans  une  Lettre  qu'il  lui  écrivit  fur  ce 
fujet.  L'Abbé  Rupert  lui  répondit,  comme  il  avoit  fait  dans  le 
Dialogue  dont  on  vient  de  parler  ,  que  tandis  qu'un  Moine  n'efl 
point  élevé  à  la  Prêtrife  ,  il  doit  fe  contenir  dans  les  bornes  de 
fcn  état ,  qui  prefcrit  la  retraite  ,  la  pénitence  ,  le  filer  ce  ;  mais     ' 
que  lorfqu'on  l'employé  au  miniftere  des  Autels,  il  peut  égale- 
ment être  chargé  comme  Prêtre,  du  miniftere  de  la  parole.  H 
le  prouve  par  l'exemple  de  lant  Jercme,  qui  Moine  ôc  Prctre 

Q  iij 


126  R    U    P    E    R    T; 

n'a  cefTé  toute  fa  vie  denfeigner  de   vive  voix  &  par  écrit. 
Traité  ae la       X  X  X 1 1.  Un  Moine  de  l'Abbaye  de  Stavelo  confulta  l'Abbé 
corruption  de  Rupert  fuf  ce  qui  fait  perdre  la  virginité  dans  l'un  &  l'autre 
P«g'P7i.        lexe,  &  il  Ion  ptut  conlacrer  celie  qui  la  perdue.  La  reponie 
de  l'Abbé  fut ,  que  celui  ou  celle  qui  tombe  feul  dans  le  péché 
d'impureté,  perd  le  mérite  delà  virginité,  mais  non  la  virginité 
même  ;  &  que  puifque  ,  félon  les  Canons,  on  peut  admettre  au 
facré  miniilere  celui  qui  n'eft  tombé  qu'en  fecret  dans  la  forni- 
cation ,  on  peut  auHi  confacrer  celle  dont  le  péché  efl  fécret. 
Cequilditdela  cérémonie  de  donner  l'anneau  aux  filles  qui  fe 
confacroient  à  Dieu  ,  fe  pratique  encore  aujourd'hui. 
Dialofi-e       X  X  X 1 1  J.  Doni  Gerberon  en  faifant  imprimer  l'apologie  de 
d'unChreti'ii  pAbbé  Rupert  en    1669  ,  avertiffcit  dans  le   catalogue   des 
tom.  oy.  An    ouvrages  de  ce  rere  ,  que  1  on  n  avoir  plus  Ion  traité  inntuie  : 
felmi  in  app.  Anneau ,  ou  Dialogue  d'un  Chrétien  &   d'un  Juif,  divifé  en 
F^S'  Jï4.        jpQJg  Livres.  Il  le  recouvra  depuis  ,  &  le  mit  à  la  fuite  des  œuvres 
de  faint  Anfelme  dans  l'édition  qu  ilen  publia  à  Paris  en  1575', 
réimprimée  en  la   même  Ville  l'an   1721.  Le  nom  de  l'Abbé 
auquel  il  efl:  dédié  n'eft  pas  marqué.  Mais  il  dit  lui-même  dans 
fon  prologue  furies  Livres  de  la  glorification  de  la  fainte  Trinité, 
qu'il  lavoit  adreffé  à  Cunon  ,  Abl  é  de  Sibourg  ,  fon  ami  ,  fon 
protecteur,  &  pour  ainfi  dire,  le  folliciteur  {a)  de  fes  ouvrages,  ne 
le  laiiïant  prelque  jamais  en  repos.  11  fallut  des  infiances  fouvent 
réitérées  pour  déterminer  Rupert  à  celui-ci.   Il  le  fit  attendre 
longtems.  C'efl: ,  fuivant  fon  expreilion  ,  une  monomachie  contre 
un  Juif,  qui  par  le  Dialogue  devient  un  duel,  dans  lequel  le 
Chrétien  d'un  côté  invitele  Juif  àla  religion  Chrétienne;  &  de 
l'autre  ,  le  Juif  réfute  tous  les  argumens  du  Chrétien  ,  par  l'au- 
torité de  la  Loi  de  Moyfe  ,  qu'il  explique  tantôt  à  la  lettre  ,  Se 
quelquefois   comme  il  croit  le  mieux.  Sur  la  fin  du  premier 
Livre,  Rupert  faifant  allufion  à  la  parabole  de  l'Enfant  prodigue  , 
preffe  le  Juif  d'entrer  dans  la  chambre  du  feflin  ,  6c  lui  ofî're  la 
robe  blanche  qu'il  avoir  reçue  lui-même  dans  le  Baptême  av:;c 
l'anneau  de  la  foi.  C'eft  à  raifon  de  cet  anneau ,  qu'il  en  a  donné 
le  titre  à  ce  Dialogue  ,  qui  efl:  divifé  en  trois  Livres.  Il  les  com- 
pofa  vers  l'an  1 1  27.  Pour  convaincre  le  Juif  par  lui  même ,  il  lui 
demande  d'où  il  fçait  que  Dieu  a  parlé  à  Moyfe  &  aux  Prophètes. 
Le  Juif  ayant  répondu  qu'il  le  fçavoit  de  l'Ecriture,  ôc  par  des 


(  a  )  Voyez  l'article  d'Origent," ,  tom.  t,pi^.  ^9  '. 


ABBÉ   DE   TUY,   ou   DE   D  U  I  T  S.      127 

témoisjnages  que  Dieu  avoit  confirmés  par  plufieurs  miracles  : 

Il  eu  ell;  de  même  de  mes  Pères  les  Apôtres  ,  répliqua  Rupert  : 

l'Ecriture  m'apprend  que  Dieu  leur  a  parle  ,&:  qu'il  a  conlirmé 

fon  difcours  par  des  prodiges.  Il  avoit  oublié  de  preiïer  le  Juif 

fur  raccompliiremenr  de  la  prédiction  delà  ruine  de  Jérufalein. 

Cet  arguiuent  étant  de  grande  importance ,  il  le  propofe  dans  L'f>.  3 ,  p.?^. 

toute  fa  force  ,  quoiqu'cn  peu  de  mots.  Lors ,  dit-il ,  que  votre  ^"^'** 

Ville,  la  Ville  de  Jcrufalem  étoit  dans  toute  fa  gloire  ,  les 

Apôtres  après  l'avoir  oiii  de  la  bouche   de  Jefus-Chrift  leur 

Maître  ,  ont  dit  ôc  écrit  quelle  feroit  bientôt  détruite.  Ils  l'ont 

dit  avant  que  la  chofe  arrivât.  Elle  efi:  arrivée  comme  ils  l'ont 

dit  ôc  écrit.  Vous  ne  pouvez  du  moins  cacher  une  partie  delà 

vérité  de  cette  préJidion  qui  regarde  votre  baniflcment.  N'avez- 

vous  pas  été  menés  captifs^  non  en  un  lieu,  mais  par  toute  la  terre, 

ôc  dans  toutes  les  Nations,  par  les  armes  des  Romains  ? 

XXXIV.  Rupert  étoit  encore  jeune  ,  &  Moine  de  faint  Hifloiro  Ju 
Laurent  à  Liège  ,  lorfqu'il  écrivit  Thiftoire  des  Evoques  de  Monaftcre  de 
cette  Ville  ,  &  des  premiers  Abbés  de  fon  Monaftere.  Elle  étoit  à"Lie.^e''"om' 
en  cinq  Livres,  dont  il  ne  nous  reûe  que  le  quatrième  ôc  le  cin-  4  ,  amphjfim. 
quiéme  ,  tranfcrits  par  Dom   Martenne  fur  un  manufcrit  de  '^ojleilwnis  , 

i'»ii  A  J/--T  o-  •'  r-1  I      Martenne , 

lAbbave  même  de  lauit  Laurent,  ôc  miprimcs  eniuite  dans  le  p^,  io;4, 
quatrième  tome  de  fa  grande  collection.  On  trouve  dans  ces 
deux  Livres  un  précis  de  ce  qui  s'eft  paffé  de  plus  intérelTant 
dans  l'Eglifc  de  Liège  fous  l'Epifcopat  d Lleraclius  ,  jufqu'à 
celui  d'Otbert ,  c'cd-à-dire  ,  depuis  l'an  979  jufquà  1116  ,  avec 
l'hiftoire  de  la  fondation  du  Monaflcre  de  faint  Laurent  ,  par 
l'Evêque  Heraclius.  L'ouvrage  de  Rupert  fut  continué  par 
Reinerus,  auin  Moine  de  faint  Laurent,  qui  prit  foin  de  faire 
connoître  à  la  poderité  les  mérites  de  Rupert ,  fon  application 
à  l'Etude,  ôc  quelques-uns  de  fcs  écrits,  en  particulier  l'hiftoire 
dont  nous  venons  de  parler. 

XXXV.  On  a  vu  dans  le  quatrième  Livre  des  Obfervations  Traité  Je  îa 
de  Rupert  fur  la  régie  de  faint  Benoît ,  avec  quelle  hauteur  les  vie  Apoftoii- 
Clercs  ou  Chanoines  Réguliers  traitoient  les  Moines  de  l'Ordre  "^"^  ;', , '"'",■,  V 
de  lamt  Benoît ,  ôc  comment  r  rederic  ,  Arcneveque  de  Cologne,  Mmsn.  pa^, 
avoit  efTayé  de  faire  ceffcr  ces  jaloufies  d'Ordres ,  fi  mefléantes  vés. 

dans  des  perfonnes  confacrécs  à  Dieu  ,  ôc  qui  ne  doivent  fe 
gloriher  que  dans  la  Croix  de  Notre-Seigneur  Jefus-Chrift. 
Rupert  ne  dit  alors  que  peu  de  chofes  pour  la  défenfe  de  fon 
Ordre.  Mais  voyant  que  ces  Clercs  continuoient  à  répandre 
partout  ,  que  les  Moines  étoient  incapables  de  prêcher  la  parole 


128  R    U    P    E    R    T, 

de  Dieu  ,  d'adminiftrer  les  Sacremens  ,  de  gouverner  des  Pa- 
roiffes  ;  qu'ils  dévoient  fc  renfermer  dans  leurs  cellules  &  dans 
leurs  Cloîtres  ;  excité  par  fes  Confrères  ,  il  prit  leur  parti,  mais 
en    déclarant  qu'il   ne  mettroit  point  fon   nom    à  la  tcte  de 
l'ouvrage ,  content  de  n'en  recevoir  aucune  louange  ,  pourvu 
qu'il  tournât  à  l'honneur  de  Dieu  &  de  TEglife. 
Ce  traité       XX  X  V  L  II  eft  en  forme  de  Dialogue ,  ôc  diftribué  en  cinq 
paroit  être  de  Lîvres.  Ce  qui.prouve  que  Rupert  en  eft  l'Auteur  ,  c'eft  que 
e  t'^/iii    "'  *^^  deux  manufcrits  que  l'on  connoît  de  cet  ouvrage  ,  l'un  eft  de 
l'Abbaye  de  Tuy  que  Rupert  a  gouvernée longtems  ,  ôc  l'autre , 
de  celle  de  Graifehaten  ,  dans  le  Diocèfe  de  Cologne  ,  où  eft  auiïi 
le  Monaftere  de  Tuy  ;  &  qu'il  eft  fait  mention  d'un  traité  de 
l'Abbé  Rupert  fur  cette  matière  ,  dans  la  Lettre  d'Anfelme 
d'Havelberg  à  l'Abbé  d'Husberg.  Les  raifons  de  Rupert  pour 
laifier   aux  Moines  le  pouvoir  qu'ils  avoient  depuis  plufieurs 
fiécles ,  de  prêcher  l'Evangile  ôc  d'adminiftrer  les  Sacremens  , 
font  les  grands  fruits  qu'ils  ont  faits  par  leurs  prédications  dans 
toutes  les  parties  du  monde ,  dont  ils  ont  converti  prefque  la 
moitié  ,  comme  les  hiftoires  en  font  foi  ;  le  pouvoir  qu'on  leur 
donne,  lorfqu'ils  font  admis  à  l'Ordre  facré  de  la  Prêcrife  ,  de 
baptifcr,  de  prêcher,  ôc  de  faire  les  autres  fondions  du  Sacer- 
doce. A  l'égard  de  la  préférence  de  l'Ordre  monaftique,  pour 
ceux  qui  veulent  vivre  dans  une  plus  grande  perfedion ,  il  en 
donne  pour  Juges  de  grands  Evêques  ,  qui  ont  abdiqué  l'Epif- 
copat  pour  vivre    dans  les   Monafteres.    Il   cite  nommément 
Guillaume  de  Champeaux  ,  Evéque  de  Châlons  ,  qu'il  a  voit 
connu  particulièrement ,  qui  de  Chanoine  Régulier  étoit  devenu 
Evéque;  ôc  qui  après  plulleurs  années  d'Epifcopat ,  fe  retira  à 
Clairvaux  où  il  mourut.  C'eft  encore  une  raifon  d'attribuer  ces 
Dialogues  à  Rupert. 
Des  ouvra-      X  X  X  "V 1 1.  Il  ne  dit  rien  dans  les  trois  catalogues  qu'il  a 
jres  de  l'Abbé  laiffés  de  fes  ouvrages  ,  de  fes  Livres  apologétiques  ;  mais  il  en 
^"k perdus"     ^^  ^"^'^  mention   dans  la  Lettre  qu'on  lui  écrivit   de  Stavelo. 
Tcm.i,  paz.  Quoique  l'Auteur  de  cette  Lettre  eût  lu  ces  Livres  étant  à 
ii/j.  Liège  ,  où  il  étoit  allé  exprès  pour  voir  Rupert  ôc  fes  écrits , 

il  fouhaitoit  de  les  lire  encore ,  ne  fe  fouvenant  pas  bien  de  la 
réponfe  qu'il  avoit  faite  à  ceux  qui  trouvoient  a  redire  à  fon 
Mxtt.  6,  lo.  explication  de  ces  paroles  de  J.  C.  Quz  votre  volonté  f oit  faite 
y  ]ç  en  la  Terre  comme  au  Ciel.  Ces  Livres  font  perdus  avec  plufieurs 
catalogue  ds  autres  du  môme  Auteur  ,  ôc  la  perte  en  doit  être  d'autant  plus 
fes  ouvrages  fenfiblc ,  qu'il  s'y  juftifioit  de  quantité  de  reproches  que  Çqs 
deiLl*^     '"  -  Adverfaires 


ABBÉ   DE   TUY,ou   DE   DUITS.      12^ 

Adverfaireslui  faifoient  fur  fa  doclrine.  Les  principaux  étoient 
Guillaume  de  faint  Tliierri  ,  Guillaume  de  Champeaux ,  & 
Anfelme  de  Laon. 

XXXVIII.  On  lui  reprochoit d'avoir  dit{a) ,  que  le  Corps  Rcponfe* 
de  Jcfus-Clirill:  dans  l'Euchariftie  n'a  d'autre  vie  que  la  fpiri-  ^"^  r°\''T' 
tuelle;  ôc  que  cette  vie  cil  dans  le  corps  du  facrifice ,  comme  chanftie, 
le  foleil  dans  le  corps  de  la  lune  ,  où  il  elt  fans  chaleur  ;  que 
la  fubftance  du  pain  ôc  du  vin  (  /?)  n'eft  point  changée  dans  lEu- 
chariftie  ,  non  plus  que  la  fubftance  du  Verbe  dans  l'Incarna- 
tion. On  peut  répondre  à  la  première  objettion ,  que  l'Abbé 
Rupert  penfûit  comme  la  plupart  des  Théologiens  modernes, 
que  Jefus-Chrifl;  dans  l'Eucliariftie  ne  fait  aucune  fonction  de 
fes  fens  extérieurs  ,  &  que  ion  facré  Corps  eft  dans  le  Sacrement 
comme  mort ,  quoique  vivant  ;  ou  bien  que  difiinguant  avec 
quelques  anciens  EcrivainsEcclefiailiques  ,  le  Corps  dcJ.C.  dans 
l'Eucharillie  de  fon  Corps  naturel  ,  il  difoit  comme  eux  ,  que 
c'étoit  le  même  quant  à  la  nature  &  à  l'elfence  ;  mais  que  ce  n'é- 
toit  pas  le  même  quant  à  la  manière  d'exifter.  Il  donne  lui-même 
la  folution  à  la  féconde  .objection  dans  l'endroit  d'où  elle  efl 
tirée,  en  difant,  que  la  fubflance  du  pain  &  du  vin  n'eft  pas 
ciiangée  ,  félon  l'efpece  extérieure  &  fenfible  ,  enforre  que  la 
couleur  &  la  faveur  reftenr.  Mais  pour  mettre  en  évidence  la 
foi  de  l'Abbé  Rupert  fur  la  préfence  réelle  du  Corps  ôc  du 
Sang  de  Jefus-Chrift  dans  TEuchariftie  ,  &  fur  la  tranfubflan- 
tiation  du  pain  &  du  vin  au  Corps  &  au  Sang  du  Seigneur  ,  il  ne 
faut  que  rapporter  fes  propres  paroles.  Croyons,  dit-il ,  (c)fur 
la  parole  du  Sauveur  ce  que  nous  ne  voyons  pas  ,  c'eft- à-dire  , 
que  le  pain  &:  le  vin  ont  pailé  en  la  vraie  fubftance  de  fon  Corps 
&  de  fon  Sang ,  aiin  que  le  mangeant  ôc  le  buvant ,  nous  vivions 
•éternellement.  Dans  la  Lettre  à  Cunon  ,  Evêque  deRatisbonne , 
d'où  ce  pafTagc  eft  tiré  ,  il  combat  expreffément  l'erreur  de 
Berenger  ôc  de  ceux  qui  vouloient  queTEuchariftie  ne  fut  que 
Je  figne  d'une  chofe  facrée  ;  ôc  dit  (d)  pour  marquer  ce  qu'il  en 


(■<i)  hib.  z  ,  de  O^ciis  divinis ,  cap.  9,      |  ad    Cunonem  ,   prxjixx     Comment.:!-,   in 

{i  )  Lib.  1  ,  in  Exodum  ,  c.ip.  lo.  j  Joannein,in  editione  Colonhnfi, 

(.c;  CrL'damiis  fideli  Salvatori  Deo  in  {d)  Ego  autem  veram  Corpus  Chrifti 

<o  quod  non  -.idtmus ,  fcilicet  panem  &  quod  pic  nobis  tradiium  eft  ,  &  verum  eflê 

vim;in  in  veram  corporis  &  f  :n<;uinis  tran-  de  certo  fariîruinem  ,  qui  pro  noMs  cirufus 

fîiffe  lliblbiiiism  ;  v  com^dcrtes  atque  bi-  \  eft,  ficut  Eci.lefîa  Catholica  tenet.  Ihid, 
.Ijjsntes  vu  cnius  in  xternuin.  Rupertus  eiuj.'.  J 

Tome  XX IL  R 


t3o  R    U    P    E    R    T; 

penfoît  :  Je  crois  que  c'eftle  vrai  Corps  de  Jefus-Chrift  qui  a 
été  livré  pour  nous,  &  je  foutiens  que  c'eft  fon  vrai  Sang  quia 
été  répandu  peur  nous  ,  comme  le  croit  TEglife  Catholique, 
Rupert  ajoute  dans  la  même  Lettre  ,  que  riiérefie  de  Berengec 
n'avoit  plus  alors  que  très-peu  de  Sectateurs  ,  du  moins  qui 
cfaiTent  la  défendre  publiquement  (  û) ,  parce  que  l'Eglife  Catho- 
lique enfcignoit  partout ,  que  l'Euchariftie  eli  le  vrai  Corps  & 
le  vrai  Sang  de  Jefus-Chrift.  Cet  Abbé  ne  fe  déclare  pas  moins 
ouvertement  contre  l'erreur  de  l'impanation ,  dans  fes  Commen- 
taires fur  faint  Jean  (  /?  ) ,  où  il  dit  plus  d'une  fois  ,  que  le  paia 
&  le  vin  font  changés  &  convertis  au  Corps  ôc  au  Sang  de  Jefus^- 
Chrift ,  enforte  qu'il  ne  reile  de  ces  deux  fubflances  ,  que  ce 
qui  en  paroît  à  l'extérieur.  11  dit  aufli  fur  l'Exode  :  les  deux 
efpeces  du  pain  &  du  vin  [c)  {q  prennent  de  la  terre;  mais 
lorfque  Dieu  ,  Créateur  des  efpeces  &  des  fubflances,  agit  fur 
elles  ,  il  les  change  réellement  ,  &:  non  en  apparence  ,  en  fa 
Chair  ôc  en  fon  Sang ,  quoique  fefpece  extérieure  du  pain  ôc  du 
vin  demeure. 
Autres  ol--  XXXIX.  Quelques  Théologiens  {d)  ontaccufé  Rupert 
jéôions  fur  d'avoir  dit,  qu'il  n'y  avoit  que  ceux  qui  en  étoient  dignes  qui 
afec'ïf!.":  recuffent  le  vrai  Corps  de  Jefus-Chrift.  Mais  cet  Abbé  rejetts 
Boufes,  clairement  cette  erreur,  en  difant  dans  fon  fixiéme  Livre  fur 

faint  Jean:  11  y  en  a  (e)  qui  peuvent  manger  indignement  le 
Corps  de  J.  C  mais  il  n'y  en  a  point  qui  le  doivent  manger  ainli. 
Car  le  pain  une  fois  confacré  ne  perd  plus  la  vertu  de  fanc- 
tihcation ,  ô:  ne  ceffe  pas  d'être  la  chair  de  J.  C.  mais  aufli  il  ne 
fert  de  rien  à  celui  qui  le  reçoit  indignement ,  ôc  dont  la  foi  eft 
morte ,  parce  qu'elle  eft  fans  les  bonnes  oeuvres.  On  ne  peut 
nier  toutefois  qu'il  n'y  ait  dans  les  écrits  de  l'Abbé  Rupert 
quelqu'expreffion  fufceptible  d'un  fens  contraire  à  la  dottrine 
de  l'Eglife  fur  l'Euchariftie.  Mais  il  eft  de  l'équité  d'expliquer  les 


(  il  )  Hoc  jam  ferc  nemo  palanx  profitcri 
aut  dcfeiidcie  nudet  ,  uiuvcrla  fciente 
Ecclclîa  Catliolica  ,  quia  verum  Corpus 
&  verus  r.inyuis  Chrifti  eft.  Ibià. 

(  i  )  Lih.  6  ,in  Joan,  per  totum  maxime , 
cap.  6, 

(c)  Specics  utrjcque  panis  &  vini  de 
terra  fumuntur  :  Scd  accedens  fubflan- 
tiaruni  ac  fpeciarun»  creator  Deus  ,  non 
fuperficie  t_mis  inducit  ,  ied  cfficaciter 
hx'c  in  canieiu  i^  fanguiiiciu  cjui  convertit, 


permanente Ucetfpecie  exteriori.  Rupert  ^.: 
cap.  7  ,  lib.  I  J  in  Exod. 

(d)  Bcilarmin  ,  ds  Scriptor  Eccl.  ad 
Rupertwn;  (j-  Vafque/. ,  in  3,  D.  So,  cap.t, 

{  e  )  Non  nemo  indigné  manducare 
pottft  ,  (cd  nemo  ind;giiè  manducare 
débet  ,  panis  nannjiic  (emel  confccratus  , 
namquam  pofiea  virtuteni  limdifîcationis 
aniittit ,  aut  Clirifti  caro  elle  définit  :  SeA 
non  prodell  quidquani  indigno  cujus  fides 
fine  operibus  mortua  eft.  Rupcrtus,  iib.f,i/i 
Joan.  pa^.  jii. 


ABBÉ  DE  TUY,ou  DE  DUITST.  \^i^ 
■paroles  dures  ôcobfcures  ,  par  des  plus  claires  &  des  plus  expref- 
lîves  ,  furtout  quand  l'Auteur  déclare  qu'il  condamne  les  erreurs 
oppofées  ,  &  qu'il  s'en  tient  aux  vérités  enfeignées  par  l'Eglife  , 
comme  fait  cet  Abbé  ,  dont  la  dodrine  6c  la  pieté  ont  mérité 
l'approbation  de  Frédéric  (a)  ,  Archevêque  de  Cologne  ;  de 
Cunon,  Evoque  de  Ratisbonne,  même  du  Pape  Honorius  II. 
C'eft  fur  ce  principe  qu'on  doit  expliquer  flivorabicment  ce  qu'il 
dit  dans  le  fécond  Livre  des  Offices,  que  l'unité  du  Verbe  fait 
l'unité  du  facrifice;  ôc  fur  faint  Jean  {b)  :  que  l'unité  du  Verbe 
fait  qu'il  n'y  a  qu'un  corps  ;  enforte  que  celui  qui  a  été  attaché 
à  la  Croix  ,  6c  celui  que  la  foi  de  l'Eglife  confacrc  par  les 
paroles  facrées  ,  font  une  même  chair  6c  un  même  fang.  Car  il 
ne  fuit  pas  de-là  qu'il  ait  cru  que  le  pain  6c  le  vin  dans  l'Eucha- 
riftie  foient  unis  hypoftatiquement  au  Verbe  ;  mais  feulement 
que  le  corps  qui  a  été  attaché  à  la  Croix  ,  6c  celui  qui  efl  confacré 
fur  l'Autel ,  eft  le  même  corps  par  la  médiation  du  Verbe.  C'eft 
ainli  que  faint  Jean  Damafcene  ,  Rémi  d'Auxerre,  6c  plufieurs 
autres  Pères  ,  fe  font  expliqués. 

X  L.  Un  autre  reproche  fait  à  Rupert ,  fut  qu'il  avoit  dit  dans  Autres. ob- 
le  troifiéme  Livre  (  c  )  des  Offices  fur  le  quatrième  Dimanche  de  jeaions  con- 
l'Avent ,  que  le  Saint-Efprit  s'étoit  incarné  dans  le  fein  de  la  Rupen.'^^'^'^ 
Vierge  Marie.  Ce  reproche  lui  fut  fait  par  un  homme  de  fainte 
vie  qui  lui  avoit  emprunté  ce  Livre  pour  le  lire ,  6c  qui  en  fut  fi 
<;hoqué,  qu'il  le  jugea  digne  d'être  jette  au  feu,  comme  conte- 
nant l'hérefie.  Ruoert  reconnut  dans  cette  accufation  faint 
Norbert  ,  à  qui  il  avoit  en  effet  prêté  les  Livres  des  Offices 
divins.  Elle  lui  fit  horreur  {d);  mais  il  lui  fut  aifé  de  s'en  juflifier , 
parce  qu'il  avoit  emprunté  de  faint  Grégoire  le  Grand  les 
paroles  dont  on  lui  faifoit  un  crime  ;  6c  que  par  le  Saint-Efprit, 
le  Pape  ôc  Rupert  après  lui  avoient  entendu  ,  non  la  troifiéme 
.perfonne  de  la  fainte  Trinité ,  mais  la  féconde  ou  le  Verbe  ,  qui 
,en  effet  eft  appelle  très-fouvent  l'Efprit  de  Dieu  dans  les  Livres 
de  l'ancien  Teftament.  Ceux  dont  il  avoit  combattu  en  France  le 
fentiment  fur  la  volonté  de  Dieu ,  examinèrent  avidement  fes 
.écrits  pour  y  trouver  quelqu'endroit  digne  decenfure,  6c  l'accu- 
ferent  d'hérefie  pour  avoir  avancé  (e)  que  les  Anges  ont  été 


(a)  Mâhillonius  ,  Ub.  76  ,  Annal,  num.  <       (d)  Rup.  lïb,  i  ,  in  regul.  S.  BnifàiEli , 
84.  Jfag-?5'. 

(  h  )  Lïh.  e  ,  pa?.  y.i.  I       ^  *■  ^  ^"P-  '^''^' 

ic)  Lib.i,  ce  b§c.ca'^.  II.  \ 

Rij 


152  R    U   P    E    R    T; 

créés  des  ténèbres.  Rupert  répondit ,  que  pour  être  hérétique 
il  faut ,  ou  affirmer  ce  qui  eft  nié  par  l'Ecriture  fainte  ,  ou  nier  ce 
qu'elle  affirme.  Citez-moi,  leur  dit-il ,  un  palTage  de  l'Ecriture 
oppolé  à  ma  propoiition.  Comme  ils  n'en  aileguoient  point ,  il 
leur  dit,  qu'il  y  avoit  de  bonnes  &  de  mauvaifes  ténèbres;  de 
bonnes  telles  que  celles  dontl  Aporre  dit ,  que  Dieu  a  fait  luire 
la  lumière,  c'ell-à-dire  ,  les  Anges,  fuivant  le  fentiment  de 
faint  Auguflin.  D'autres  Adverlaires  de  Rupert  lui  lirent  ua 
procès  d  avoir  dit,  que  Jefus  Chrift  ne  donna  pas  fonCorpsà 
Judas  dans  la  dernière  Cène,  comme  aux  autres  Apôtres;  ils 
s'autorifoient  du  témoignage  de  faint  Auguflin  ,  qui  aflfure  le 
contraire.  Rupert  ne  croyant  pas  devoir  céder  à  cette  autorité, 
répondit, que  les  Livres  de  faint  Auguftin  n'étoient  pas  dans  le 
Canon  des  divines  Ecritures.  Sur  cela  ils  firent  pafl'er  cet  Abbé 
pour  un  Hérétique.  Mais  il  fe  délivra  de  leurs  pourfuites ,  en 
faifant  voir  que  faint  Hilaire  avoit  penfé  comme  lui  fur  le  refus 
de  la  Communion  du  Corps  du  Seigneur  à  Judas.  V^oyez  l'apo- 
logie de  l'Ai  bé  Rupert  par  Dom  Gerberon. 
JujTcni'"  t  X  L 1.  C'en  efl;  affez  pour  montrer  que  cet  Abbé  ne  fut  jamais 
des  écrits  ce  infecté  de  Terreur  des.Berengariens  ,  ni  des  1  mpanateurs,  &  qu'il 
"^'^"*  eut  fur  le  myflere  de  l'Euchariaie  la  même  fui  que  l'Eglife 

Catholique.  Si  fon  fçavoir  le  rendit  célèbre  ,  fa  pieté  ne  le  rendit 
pas  moins  recommandable.  Ses  envieux  ne  lui  reprochèrent^ 
ou  que  des  fentimens  qu'il  n'avoit  pas  ,  ou  qu'une  conduite 
qu'ils  auroient  dû  imiter,  je  veux  dire,  l'application  aux  Etudes 
utiles  ôclérieufes.  Le  plus  grand  nombre  de  fes  écrits  confifte  , 
comme  on  vient  de  le  voir  ,  en  Commentaires  fur  l'Ecriture. 
Ils  font,  fuivant  le  goût  qui  commençoit  à  s'introduire  ,  mêlés  de 
diverfes  queflions  de  Théologie  ,  traitées  félon  les  principes  de 
la  dialectique  :  ce  qui  rend  ces  Commentaires  trop  diffus  &  trop 
chargés  de  matières  étrangères.  Il  ell  rare  que  Rupert  approfon- 
dide  le  fens  littéral  de  l'Ecriture.  Le  mydique  ôc  le  moral étoicnt 
plus  de  fon  goût. 
Eiitions  XLIL  Jean  Cochlée,  Doyen  de  l'Eglife  de  Notre-Dame  à 
qu'on  en  a  Francfort,  Ht  imprimer  une  grande  partie  des  ouvrages  de  cet 
î^ent.  ^''^^'^'  -A^b<^  ^  Cologne  en  i<;26,  lî^y,  1Ç2S,  1J29.  L'édition  des 
Commentaires  fur  les  ouvrages  de  la  Sainte  1  rinité  &  fur  les 
Prophètes  ôc  les  Evangelifles,  efl:  de  l'an  1728,  aux  frais  de 
Fran(;ois  &  Arnold  Birckmann  ,  de  même  que  celle  de  Louvain 
en  1  J  j  1  in-fol.  chez  Servais  SafTen  ,  qui  mit  aufli  fous  preflc  la 
même  année,  mais  féparément,  les  Commentaires  furies  douze 


ABBÉ   DE   TUY,  ou   DE   DUITS.     155 

petits  Prophètes.  Il  s'en  fît  audi  une  édition  particulière  à  Nu- 
remberg en  I  ja^.  Le  traité  de  la  gloire  du  Fils  de  l'homme  ,  ou 
Commentaire  lur  faint  Matthieu  ,  fut  imprimé  à  Cologne  en 
I  j  5  ^  ,  avec  celui  de  la  glorifîcation  de  la  Sainte-Trinité  ôc  de  la 
proceflion  du  Saint-Elprit  ;  &  en  1 J40  ,  de  même  que  le  Com- 
mentaire fur  le  Cantique  des  Cantiques.  En  1  J4j  il  fe  fît  à  Paris 
une  édition  particulière  de  l'ouvrage  intitulé  ,  de  la  glorification 
de  la  Trinité.  Il  y  a  eu  trois  éditions  des  C  ommentaires  fur  faint 
Jean;  deux  à  Cologne  en  1  j  26,  avec  la  Lettre  àCunon,ôcen 
1^4,1  ;  l'autre  à  Paris  en  ij^-j  ;  une  du  Commentaire  fur  i'Apo- 
calypfe  à  Cologne  en  i  74.0  ;  ôc  une  à  Nuremberg  en  i  J2(5.  Les 
treize  Livres  de  la  victoire  du  Verbe  de  Dieu  parurent  en  la 
même  Ville  en  i  j  23  ;  à  Ausbourg  en  148^  par  Antoine  Sorg, 
Bourgeois  de  cette  Ville;  &  à  Louvain  en  lyji.  Nous  avons 
plufîeurs  éditions  de?  Livres  des  Otrices  divins.  Une  à  Cologne 
en  1 5'-t3  in-Jcl.  Une  a  Anvers  en  •  5  93  ;  &  une  à  Paris  en  \6  o 
dans  la  collection  des  Livres  liturgiques.  Les  deux  Livres  de  la 
méditatii  n  ce  la  nicrt ,  furent  publiés  avec  la  relation  delincen- 
die  >le  l'Ai  l  aye  de  1  uy  ,  à  Colcgne  en  1 5'72.  On  a  dans  Surius 
au  1  6  de  I^'ar^  &  1 6  d  Ocictre  les  vies  de  faint  Heribert  &  de 
faint  CI:  plie.  Eollandus  a  donné  celle  de  faint  Heribert  au  i6 
de.  Mars.  On  a  nfîs  dans  une  même  édition  à.Nurem'jerg  en 
1524  les  Livres  de  la  volonté  &  de  la  toute  puifîaiice  de  Dieu. 

XLIIÏ.  Tous  ces  ouvrages  &  quelques  autres  que  Ton  n"a-         Eâlùons- 
voit  pas  i  r.primés  fcparément  ,  furent  recueillis  en  trois  volumes  S-^trales. 
vi-jcl.  à  Co'ogne  en  1  j  3  3  ,  1    56,  1  ^77  ,  aux  dépens  de  François 
6c  d'Arnold  Hirckmann  ,  puis  de  leurs  héritiers.  Arnold  Mylius 
Vcantces  éditions  épuiiées  ,en  fî:  une  nouvelle  en  deux  volumes 
in  fol.  en  i  jp^  &  1602,  qui  parurent  l'un  &  l'autre  à  Cologne. 
Elles  furent  fuivies  de  l'éfiition    de  Mayence   en  i<53  i ,  dont 
Hermann  Mylius  fit  la  dépenfe  ;  &  decelle  de  Parisen  1638  chez 
Charles  Cafiellain.    On  ne  trouve  dans  aucune  l'ouvrage  de' 
Rupert ,  intitulé  :  du  glorieux  David  ,  divifé  en  quinze  Livres  , 
&  dédié  à  Frédéric,  Archevêque  de  Cologne  ,  aux  inftances  de 
qui  il  l'avoit  entrepris.  On  le  croit  perdu  ;  peut-être  fe  trouvera- 
t'il  dans  l'édition  qu'on  dit  avoir  été  faite  à  Venife  en  quatre 
tomes  ïn-foL  l'an  1752. 


B  iij 


134        LE  BIENHEUREUX  GUIGES, 

CHAPITRE     VIII. 

Le  Bienheureux  Guiges  ou  Guigues  ,  cinquième  Prieur 
de  la  Chaitreufè. 

reux  Guigùcs.  I.  T  L  <^toit  du  Diocèfe  de  Valence  (a) ,  né  de  parens  nobles , 

J|_  très-inftruit  des  Lettres  divines  &  liumaines,  d'un  efprit 

pénétrant,  d'une  mémoire  heureufe  ,  d'une  éloquence  admirable. 

A  tous  ces  talens  il  joignoit  une  vertu  très-épurée.  Son  autorité 

fut  grande  dans  l'Ordre  des  Chartreux  ,  dont  il  avoit  embrafle 

l'inflitut ,  6c  fa  réputation  ne  fut  point  au-deflbus  de  celle  des 

premiers  Prieurs  de  la  Chartreufe. 

Prieur  de  k      ^  L  Guiges en  étoit  le  cinquième  l'an  i  i  1 4 ,  lorfque  Godefroi , 

Chartreuie.     Evêque  d'Amiens ,  fatigué  de  l'indocilité  de  fon  Peuple  &  des 

violences  que  les  Nobles  exerçoient  dans  fon  Diocèfe  ,  fe  retira 

à  la  Chartreufe  (/?  ) ,  pour  s'y  appliquer  en  liberté  aux  exercices 

de  la  vie  fpirituelle.  Il  y  fut  reçu  avec  le  refpect  que  méritoit  fa 

dignité  ôcfa  vertu.  Guiges  lui  donna  une  cellule.  Pv'Iaisle  Concile 

de  Soiffons  de  l'an  1 1  i  j  l'obligea  de  retourner  à  Amiens. 

^r"rOrJrc      1 1  !•  En  1 1  5  j  Pons  de  Laraze,  connu  fous  le  règne  de  Louis 

deCiteaux.     le  Gros  par  fon  efprit,  fa  valeur  &  fes  richeffes ,  fe  repentant 

d'avoir  abufé  de  (es  talens  (c) ,  prit  le  parti  de  la  retraite  6c 

s'adrefla  à  Guiges  pour  le  décider  fur  le  choix  dun  état  religieux. 

;Guiges  lui  confeilla  d'embraiïer  la  réforme  de  Citeaux  ,  ce  qu'il 

iit.  11  offrit  même  fa  maifon  de  Salvanez  pour  en  faire  un  Monaf- 

tere.  Fondé  en  1 1  3  5  ,  il  exifle  encore  dans  le  Diocèfe  de  Vabres. 

Guiges  donna  le  même  confeil  à  Eflienne  ,  Prieur  d'Obazine, 

qui  étoit  venu  également  le  confulter  fur  llnftitut  qu'il  devoit 

établir    dans    fon  Monaftere.  Les  Cifterciens  (d),  lui  dit-il, 

tiennent  la  voye  royale  :  leurs  Statuts  peuvent  conduire  à  toute 

,..    ,    ,     laperfedion. 

fieurs"  Char-      IV.  Il  y  avoit  dix-lluit  ans  qu'il  gouvernoit  la  Chartreufe  en 

weiifes.  qualité  de  Prieur ,  car  il  n'y  avoit  point  d'Abbé  à  la  Chartreufe, 

(a)Labbe,  Bibliot.  tom.  i  ,fag.6i9.  \       (<:)  Hiftoire  de  Languedoc,  tom.  i, 
{b)ViuGoà:J.lïb.  i,ça^,  6(r  II.      Xfag.'^zi. 

•      {ci)  MahiUon. hb.  t6  ,  Anu.il. num,  71» 


CINQUIEME  PRIEUR  DE  LA  CHARTREUSE.  13? 

TEvcque  de  Grenoble  en  tenoit  la  place  ,  lorfquU  prit  la  riffo- 
lution  de  mettre  par  écrit  les  ufages  qui  y  avoient  été  en  vigueur 
depuis  Ta  fondation,  c'eft-à-dire,  depuis  environ  quarante-cinq 
ans.  Il  adrefla  le  recueil  qu'il  en  fit  aux  Prieurs  de  trois  Maifons 
de  fon  Ordre,  Bernard  des  Portes,  Humbert  de  faint  Sulpice, 
&  Milon  de  Ivlajoreve.  La  Chartreufedes  Portes  lui  devoit  fon- 
ëtablillemcnt,  &  il  contribua  à  la  fondation  de  piulieurs  autres, 
GU  à  leur  accroilTement  tant  à  l'égard  du  nombre  des  Religieux  ,. 
que  des  bâtimcns  néccflaires. 

V.  Les  bonnes  études  qu'il  avoit  faites  ,  lui  donnèrent  de  ^  H  s'applique 
l'amour  pour  les  Livres.  Il  lit  chercher  les  meilleurs ,  &  les  cHre'^dcs  Li- 
cxemplaires  les  plus  autentiques  ,les  tranfcrivit ,  &  corrigea  ce  vres.  Lnbbo, 
qu'il  trouva  dedéfeclueux  dans  ceux  qui  étoient  moins  corrects.     '*  ''^'^'''Jf» 
La  vingtroifiémc  année  de  fon  gouvernement,  il  le  détacha  des  '    '  ^  * 
rochers  des  Alpes  une  li  prodigieafe  quantité  de  neiges,  que 
toutes  les  cellules  des  Chartreux  ,  excepté  une  ,  en  furent  ren- 
verfées  ;  fix  Moines  &  un  Novice  furent  enveloppés  dans  les 
ruines  de  ces  bâtimens ,  &  y  périrent.  Mais  au  bout  de  douze 
jours  il  en  lortit  un ,  nommé  Arduin  ,  L  orrain  de  Nation ,  qui  fe 
trouva  fans  bleifures,  Tefpritfain  ,  ôc  avec  toute  fa  mémoire.  Il 
dit  peu  de  chofes  à  fes  Confrères  ,  fe  confefia  ,  reçut  l'Extreme- 
Ondion  &  l'Euchariflie  après  avoir  donné  à  tous  le  baifer  de 
paix  ,  puis  il  s'endormit  au  Seigneur  avec  une  grande  tran- 
quilité. 

VI.  Guigcs  mourut  le  vingt-fept  de  Juillet  1157^  âgé  d'en-       .Aïo-t    de 
viron  cinquante-quatre  ans ,  dont  il  en  avoit  paflc  trente  dans  C^"'g".  en 
l'Ordre  des  Chartreux  ,  ôc  vingt  fept  en  qualité  de  Prieur.  On  le    '^^''  '  • 
nommoit  Guiges  de  faint  Romain.  Ceux  qui  ont  écrit  fa  vie  ne 
doutoient  pas  qu'elle  n'eût  été  fuivie  de  h  récompenfe  promife 
aux  Juftesdansle  Ciel. 

V  1 1.  Le  recueil  qu'il  fît  des  ufages  &  des  Statuts  de  fon  Ordre     Ses  Ecrit?}- 
fut  imprimé  à  Bafle  en  1  <  10  in- fol.  6c  à  Paris  en  1  C82  ,  avec  les  nf'"'^    '^°^' 
privilèges  accordés  aux  Chartreux.  On  les  réimprima  en  1705  , 
dans  le  premier  tome  de  leurs  Annales.  Voici  ce  qu'on  peut  y 
remarquer.  Pendant  toute  la  femaine  les  Chartreux  gardent  le  Sintut  7. 
filence  ,  &  le  famcdi  au  foir  ils  confefTent  leurs  péchés  au  Prieur , 
ou  à  celui  qui  en  a  la  commifîion.  Le  Dimanche  après  Primes 
ils  vont  au  Chapitre;  quelque tems  après,  ou  après  Tierce,  ils 
afTiftent  à  la  MefTe  ;  ôc  lorfqu'on  a  dit  Nonc  ,  ilss'affemblent  au 
Cloître  pour  y  conférer  de  chofes  utiles.  Enfuite  on  leur  donne 
des  plumes ,  des  parchemins  ;  des  Livres  pour  lire ,  ou  pour  les-. 


135       LE  BIENHEUREUX  GUIGES, 

tranfcrire.  Le  Sacriftain  eft  chargé  de  cette  diftribution  ;  &  le 
Cuifinier  ,  de  leur  donner  des  légumes,  du  fel ,  ôc  les  autres 
befoins  de  cette  nature. 
Cap.  9.       VIII.    On  ne  rafe  les  Frères  que  fix  fois  Tan ,  ôc  en  fiience. 
Les  Etrangers  n'entrent  point  dans  le  choeur  ,  s'ils  ne  font  Reli- 

Cap.io.  gicux.  Lorfqu  un  Frère  malade  fe  trouve  proche  de  fa  fin, 
toutela  Communauté s'aflemblepourlui -rendre  vifitc;  le  malade 
-confeffefes  péchés,  Ôc  après  quelques  prières  ,  le  Prêtre  lui  fait 

Çip.  12.  roncVion  des  infirmes.  Enluiteon  efiuye  la  bouche  du  moribond, 
à  qui  tous  donnent  le  baifer  de  paix, comme  devant  partir. Il  reçoit 
la  Communion  ,  ôc  quelques  momens  avant  d  expirer ,  on  le 
couche  fur  de  la  cendre  bénite  ;  pendant  ce  tems  en  récite  les 
Litanies.  Le  jour  de  la  fépulture  les  Frères  font  difpenfés  de 
garder  la  chambre;  ôc  pour  leur  donner  quelque  coniblation  , 
on  leur  permet  de  manger  deux  fois ,  ôc  en  communaïué. 
Wid.  IX.  Chaque  femaine  on  chante  une  Méfie  pour  les  Ueniliteurs  , 
les  Habitans  du  lieu  ,  ôc  généralement  pour  tous  les  défunts. 
Cette  Meflefedit  en  Eté  avant  Primes  :  en  Hyver,  après  Primes. 
Nous  difons  ici  rarement  la  Méfiée  ,  dit  Guiges  ,  parce  que  la  fin 

Ciii.iT.  principale  de  notre  Inilitutefl  le  fiience  ôc  la  retraite.  Nous  ne 
recevons  point  d'enfans  ni  de  jeunes  gens  au-defious  de  vingt  ans  , 
Caj».  28.  afin  qu'ils  foient  en  état  de  combattre  l'ennemi  du  falut.  Nous 
prenons  grand  foin  des  Livres ,  comme  étant  la  nourriture  de 
notre  ame  ;  ôc  nous  nous  occupons  à  en  tranfcrire  ,  afin  de 
prêcher  des  niains  la  parole  de  Dieu  ,  ne  le  pouvant  faire  de 

Cep.  2.'j.  bouche.  En  aucun  tems  l'on  ne  fc  recouche  après  Matines, 
Depuis  Tierce  jufqu'à  Sexte  en  Hyver  ;  ôc  depuis  Primes  jufqu'à 
Tierce  en  Eté  on  s'occupe  du  travail  des  niains  ;  ôc  depuis  None 
jufqu'à  Vêpres  :  mais  on  interrompt  quelquefois  ce  travail  par  de 
courtes  prières.  Les  Matines  ôc  les  Vêpres  fe  difent  à  TEglife  j 

£.n.  51.  Compiles  dans  la  cellule.  i>i  les  Frères  ont  befoin  dédire  quelque 
chofe  ,  ils  le  feront  en  peu  de  mots,  fans  recourir  à  des  lignes  , 
comme  il  fe  pratique  dans  les  Monafteres  de  Cluni. 

Ccv.  33.  X.  Le  lundi ,  le  mercredi ,  ôc  le  vendredi,  on  fe  contentera 
fion  leveut,  de  pain  ,  d'eau  ,  ôcdefel  ;  le  mardi,  le  jeudi ,  ôc  le 
famedi,on  fera  cuire  des  légumes,  ou  quelque  chofe  de  fem- 
blable.  En  ces  jours-là  on  donnera  du  vin  ,  ôc  le  jeudi  du  fromage. 
Depuis  la  mi-Septembre  jufqu'à  Pâques  on  ne  mangera  qu'une 
fois  le  jour  :  le  reîle  de  l'année  on  fera  deux  repas  ,  fçavoir  le 
mardi ,  le  jeudi  ôc  le  famedi.  En  Avent  on  ne  fervira  ni  œuft 
iC(7j).  ji.  ni  fromage.  Les  Frères  ne  boiiont  point  le  vin  pur  ^  ôc  ne  man- 

geronc 


CINQUIEME  PRIEUR  DE  LA  CHAPvTRÉUSE.  137 

geront  peint  de  pain  blanc  ,  fût-ii  de  froment.  Il  n'eft  permis  à  Cap.  jf, 
aucun   de  faire  des  abrùnenccs  paniculieres  ,  de  fe  donner  la 
difcipline ,  de  veiller  ,  hors  ce  qui  eli  prefcrit ,  fans  la  permiffion 
du  Prieur,  tout  devant  ctrefandifié  parrobciifance. 

XI.  Si  à  l'heure  du  repas  il  arrive  un  Evêque ,  un  Abbé  ,  un  dp.  j^. 
Religieux  ,  le  Prieur  l'admettra  à  la  table  ôc  rompra  le  jeûne 

en  fa  faveur,  fi  ce  n'efl;  un  jeûne  principal,  c'efl-à-dire ,  com- 
mandé par  l'Eglife.  Dans  les  affaires  de  conféquence  le  Prieur 
convoquera  la  Communauté  pour  prendre  fon  avis  j  &  après  les  C^P-  n- 
avoir  oui  tous  ,  il  fera  ce  qui  lui  paroîtra  de  mieux.  On  ufoit 
rarement  de  médecine  à  la  Chartreufe  ;  mais  on  permettoit  aux      (;.,„  ,§  ^ 
Frères  de  fe  faire  faigner  cinq  fois  par  an.  A  chaque  fois  on  leur  î4. 
accordoit  pendant  trois  jours  de  faire  deux  repas ,  quelque  chofe 
de  meilleur  qu'à  l'ordinaire  ,  ôc  de  conférer  après  le  repas.  On 
avoit  coutume  d'acheter  du  poifTon  pour  les  malades. 

XII.  Les  Chartreux  n'avoient  ni  or  ,  ni  argent  dans  leur  dp.  40. 
Eglife^  fmon  un  Calice  6c  un  chalumeau  pour  prendre  le  précieux 
Sang.  Ils  ne   recevoient  aucuns  préfcns  des  ufuriers  ,  ni  des 
excommuniés  ;  ne  pofledoient  rien  hors  les  bornes  de  leur  défert  ; 

n'y  enterroient  que  leurs  Confrères ,  ou  quelque  Religieux  qui  y  Cip.  41, 
fût  mort;  ôc  ne  fe  cliargeoient   d'anniverfaire  pour  perfonne, 
dans  la  crainte  de  rendre  les  prières  vénales. 

XIII.  Il   y  avoit  à  la  Chartreufe  des  Laïcs  ,  ou  Frères  Cip.  ^^ ,  ^y. 
Convers  ;  la  plupart  ne  fçachant  pas  même  lire ,  ils  ne  chantoient 

pas  à  l'Office  ;  mais  ils  alfilloient  à  celui  que  leur  difoit  le 
Religieux  du  Chœur ,  charge  de  leur  conduite.  En  fon  abfence 
ils  récitoient  un  Parer  pourchaque  Pfeaume.  Occupés  du  travail 
des  mains  ,  leur  abftinence  étoit  moindre  que  celle  de  la  Com- 
munauté. En  Avent  ôc  en  Carême  ils  fe  donnoient  la  difcipline 
quand  ils  réfidoient  àla  Maifon.  S'ils  alloient  dehors,  ils  réci-  c.ip.  77. 
toient  fept  fois  le  Pater  pour  une  difcipline.  Un  Frère  forti  ou 
chaffé  de  la  Chartreufe,  y  étoit  reçu  une  féconde  fois  ,  s'il  pro- 
mcttoit  de  fe  corriger  ;  mais  on  le  mcttoit  à  la  dernière  place  , 
fmon  on  lui  permettoit  de  pafler  à  un  autre  Monaftere ,  où  il  pût 
fauver  fon  ame.  Le  nombre  des  Moines  de  la  Chartreufe  étoit  C7.  73. 
fixé  à  treize  ;  celui  des  Frères  Convers  à  feize.  Il  fut  réglé  ainfi , 
parce  qu'alors  la  Maifon  nétoit  pas  en  état  de  fupporter  une 
plus  grande  dépenfe.  Guiges  confeille  à  fesfucceifeurs  ,  ôc  géné- 
ralement à  tous  ceux  de  fon  Ordre  de  régler  le  nombre  de  leurs 
Religieux  fur  les  facultés  des  Maifons  ^  pour  n'être  pas  réduits  à 
l'odieufe  néceffité  de  mandier. 

Toms  XXII.  S 


fur    ce»    Sta- 
tuts. 


13S       LE  BIENHEUREUX  GUI GE S, 

Remarques       XIV.  On  ne  voit en  aucun  endroit  de  fon  Recueil  (j),  que 
l'ufage  de  la  viande  ait  été  défendu  aux  malades.  Mais  dans  les 
Statuts  recueillis  par  RufFerius  en  12^9  ,  on  lit  au  chapitre 
quarante-quatrième  :  l'ufage  de  la  chair  auquel  notre  Ordre  a 
renoncé  ne  s'accorde  à  aucun  de  nous  ,  fût-il  lépreux.  Dans  une 
troifiéme  colledion  des    Statuts  par  François  Dupui  ,  il   eft 
défendu  de  mettre  le  moribond  fur  la  cendre  ,  de  peur  d'ac- 
célérer fa  mort. 
Livre  des      X  V.  Guiges  s'appliquaauflî  dans  fa  retraite  à  méditer  fur  Ics 
méditatioiis.    vérités  pratiques  de  la  Religion ,  &  mit  par  écrit  fes  réflexions  , 
qui  ne  pouvoient  être  que  très-utiles  à  fes  Religieux  comme  à 
toutes  autres  perfonnes.  L'ouvragefut  mis  fous  la  pre(Te  à  Anvers 
en  I  jjo  &  lySp  ,  avec  les  méditations  de  Guillaume,  Abbé 
de  faint  Thierri  ;  &  réimprimé  dans  le  premier  tome  du  fupplé- 
ment  de  la  Biblioteque  des  Pères  à  Paris;  dans  le  douzième  de 
celle  de  Cologne ,  &  dans  le  vingt-deuxième  de  celle  de  Lyon.  Il 
eft  divifé  en  viogt  chapitres. 
Ce    qu'il       XVI.   On  y  voit  que  l'on  ne  peut  avoir  une  véritable  paix 
contient,  fow,  qu'en  fêla  procurant  pour  la  vérité,  qui  eft  la  vie  &  le  falut 
pl'ruL  ^p'a^.  éternel;  que  le  premier  pas  à  la  vérité,  eft  de  fe  déplaire  dans 
Ti<t.   '     "    l'erreur;  que  la  porte  du  lalut  ne  pouvoit  être  ouverte  au  Publi- 
Ctip.  I ,  ;.  cain,  qu'en  confeffant  humblement  les  péchés  que  le  Pharifien 
Cip.  3.  orgueilleux  lui  reprochoit  ;  que  plus  les  chofes  paflageres  caufent 
de  plaifir  ,  plus  elles  font  mortelles  ;  que  l'attache  que  l'on  y  a 
caufe  néceflairement  du  trouble  ,  de  la  douleur ,  &  de  vaines 
Cip  4.  craintes  ;  que  l'ame  humaine  ne  ceffe  de  foufFrir  en  elle-même, 
tant  qu'elle  aime  autre  chofe  que  Dieu  ,  que  demander  une 
Cip.  5,6,  longue  vie ,  c'eft  fouhaiter  d'être  tenté  longtems  ;  parce  que  tout 
eft  pour  nous  un  piège  en  cette  vie,  le  boire  ,  le  manger,  les 
vêtcmens  ,  lefommeil ,  le  défit  de  la  gloire,  des  louanges,  des 
faveurs.  Guiges  envifage  les  adverfités  du  fiécle  comme  un 
moyen  dont  Dieu  fefert  pour  nous  obliger  à  retourner  vers  lui. 
Il  ne  veut  pas  que  l'on  abandonne  le  pécheur  ,  mais  qu'on  l'aime 
&  qu'on  le  fupporte  ,  dans  Tefperance  qu'il  fe  corrigera.  Vous 
u.  ne  devez  point,  dit-il,  vousréjouir,s'ilfe  trouve  que  vous  foyez 
meilleur  que  les  autres  ,  mais  plutôt  vous  affliger  de  ce  qui  leur 
17.  manque  en  fait  de  vertu.  Il  dit  que  l'amour  du  prochain  doit 
être  gratuit,  parce  quefi  l'on  ne  rendoit amour  que  pour  amour, 
ce  feroit  un  change  qui  ne  mériteroit  aucune  récompenfc;  que 


7,  8 


M- 


(  a  )  Mali'doH.  Uh.  71  ,  Ar.ai.  nutn.  loj. 


CINQUIEME  PRIEUR  DE  LA  CHARTREUSE,  mp 

ce  que  les  Anges  ont  reçu  de  plus  grand  &  de  plus  précieux  de  Ja 

part  de  Dieu  ,  c'cll  h;  cliarité  ,  qui  en  effet  cil:  Dieu  même.  II  Cdp.  i8. 

met  la  perfeâion  de  l'homme  à  eftiraeries  chofes  autant  qu'elles 

valent  ;  ce  qu'il  trouve  renfermé  dans   les  deux    préceptes  de  Cap.i^ù-io. 

l'amour  de  Dieu  &  du  prochain  :  perfection  ,  dit-il  ,  dont  le 

Verbe  incarné  nous  a  tracé  lui-même  le  modèle. 

XVII.  Le  Pape  Innocent  II.  ayant  de  l'avis  des  Evêques      Viedefain 

ôc  des  Cardinaux  canonifé  au  Concile  de  Pife  en  11545  ^^int  ^^"^"ff'^T 
Tr  T^A         iy^  \/^  ..  lus  lie  o  re- 

Hugues, Eveque  de  Grenoble,  écrivit  a  Guiges  qui  avoit  une  noble.    Bo!- 
connoiffance  particulière  de  ce  faint  Evêque,  d'en  écrire  la  vie ,  l^n<^-'om.  i , 
ôc  les  miracles  opérés  par  fon  intercelFion.  La  Lettre  efi:  dattée   ,'/ ad diemi. 
de  Pife  le  22  Avril  de  cette  année.  D'autres  perfonnes  très- 
refpedables  avoient  preffé  Guiges  fur  le  même  fujet ,  ôc  il  s'en 
étoit  excufé  fur  diverfes  raifons  ,  notamment  fur  fes  infirmités 
continuelles.  Mais  il  ne  put  rclifter  à  l'autorité  de  faintPierre 
que  le  Pape  avoit  employée.  Ccfî  ce  qu'il  dit  dans  fa  réponfe  à 
la  Lettre  du  Pape.  On  les  a  mifes  l'une  ôc  l'autre  à  la  tête  de  la 
vie  de  faint  Hugues  compofée  par  Guiges ,  &:  rapportée  par 
Surius  6c  BoUandus  au  premier  jour  d'Avril. 

XVIII.  On  n'efl:  plus  en  doute  que  la  Lettre  ou  Traité  aux       l^}"'^  °>» 
Frères  du  Mont-Dieu ,  attribué  longtems  à  faint  Bernard  ,  ÔC  p,.ê,.es    du 
quelquefois  à  Guillaume ,  Abbé  de  faint  Thierri  près  de  Pveims,  Mont-Dieu, 
nefoit  de  Guiges ,  cinquième  Prieur  de  la  Chartreufe.  Son  nom 
fe  lit  tout  entier  à  la  tête  de  ce  Traité  dans  un  manufcrit  très- 
bien  écrit  de  l'Abbaye  dePontigni,  dont  la  date,  qui  eft  delà 
même  main  que  le  manufcrit ,  efl  de  1 1 J  5 ,  dix-neuf  ans  après  la 
mort  de  Guiges.  On  le  lit  encore  après  la  Préface,  au  com'men- 
cement  du  Traité  ,  ôc  à  la  fin.  Le  Copifte  a  même  pris  la  pré- 
caution de  défigner  l'Auteur  par  fes  qualités ,  afin  qu'à  l'avenir 
on  ne  le  confondît  pas  avec  d'autres  de  même  nom.  Il  l'appelle       Profit,  in 
Prieur  de  la  Chartreufe  :  ce  qui  ne  convient  ni  à  faint  Bernard,  .',^iTj'ç6^  J'di- 
ni  à  l'Abbé  Guillaume.  Ce  traité  dans  le  manufcrit  de  Charlieu  ùon  17 19. 
cft  aufli  intitulé  ,  du  nom  de  Guiges  ,  Prieur  de  la  Chartreufe. 
Il  efl:  vrai  que  quelqu'un  qui  avoit  envie  de  le  faire  paffer  fous  le 
nom  de  faint  Bernard,  a  tâché  d'effacer  celui  de  Guiges;  mais 
il  n'a  pas  réuffi  :  on  le  voit  encore  ,  ôc  on  connoît  la  fraude  parla 
main  de  l'impodeur,  beaucoup  plus  récente  que  celle  du  ma- 
nufcrit qui  eft  de  plus  de  cinq  cens  ans  ,  ôc  conféquemment 
peu  éloigné  de  l'âge  du  manufcrit  de  Pontigni.  Ajoutons  que 
l'Auteur  fe  déclare  en  plus  d'un  endroit ,  du  même  Ordre  que 
les.  Frères  du  Mont-Dieu,  qui  étoient  Chartreux  ;  qu'il  avoit 

Sij 


140       LE  BIENHEUREUX  GUIGES; 

pafTé  quelque  tems  avec  eux  ,  6c  qu'il  travailloit  pour  l'inftruûîoil 
de  ceux  qui  embraflToient  cet  état. 
Analyfe  de      XIX.  Guiges  écrivit  ce  Traité  dans  le  tems  que  l'on  bâtifToît 
ce   Traité  ,    J^  Chattreufe  de  Mont-Dieu  ,  c'eft- à-dire ,  vers  l'an  1 1 5  j.  Il  efl 
l^S'  '-03  »  i  ■  jiyif^  gi^  ^fQJs  Livres.  Gerfon  en  cite  le  fécond  dans  fon  fermon 
fur  la  Cène  du  Seigneur ,  où  il  avertit  qu'on  doit  lire  avec  pré- 
caution ce  qui  y  eft  dit  de  l'union  des  Juftes  avec  Dieu.  Cela 
n'empêche  pas  que  l'ouvrage  ne  foit  regardé  comme  un  modèle 
achevé  de  la  vie  Monaftique  ,  par  ceux  qui  connoiffent  en  quoi 
coniifte  la  perfeâion  de  cet  état.  L'Auteur  adrefle  la  parole  à 

Cap.  I.  Haimond,  Prieur,  &  aux  Frères  du  Mont-Dieu;  qu'il  congra- 
tule d'avoir  renouvelle  la  ferveur  des  anciens  folitaires  d'Egypte  j 
ôc  d'avoir  mérité  parleur  fimplicité,  que  Dieu  leur  rit  connoître 
les  vérités  inconnues  au  monde.  Pour  les  engager  à  la  conferver  , 
il  dit  que  le  plus  grand  des  miracles  de  Jefus-Chrift  efi;  d'avoic 
fubiugué  le  monde  entier,  &  toute  la  fageife  mondaine  par  un 
petit  nombre  de  perfonnes  fimples,  c'eft- à-dire,  parles  Apôtres. 

Cflf.  I.  Il  paffe  de-là  à  la  fublimité  de  leur  profeffion.  C'eft  aux  autres, 
dit-il ,  de  fervir  Dieu  ;  &  à  vous  de  lui  être  uni.  Ils  doivent  croire 
en  lui ,  fi^avoir  qu'il  efl: ,  l'aimer,  l'adorer.  Vous  devez  le  con- 
noître ôc  en  jouir.  La  vertu  doit  vous  être  chère,  non-feulemenc 
pour  vous-mêmes,  ôc  pour  en  donner  l'exemple  à  ceux  qui  vivent 
maintenant  ,  mais  encore  pour  fervir  de  modèle  à  ceux  qui 

Cfl]/.  j.  viendront  après  vous.  Il  entre  dans  le  détail  des  avantages  de  la 
vie  folitaire  ;  mais  il  diflingue  le  folitaire  d'avec  celui  qui  efl:  feul. 

Cfl/.  4.  Celui-là  efl  feul  avec  qui  Dieu  n'eft  pas.  Sa  cellule  neft  plus  pour 
lui  une  cellule  ,  c'efl  une  prifon.  Le  folitaire  avec  qui  Dieu  eft  y 
jouit  librement  de  la  joie  que  lui  donne  fa  bonne  confcience  ;, 
ôc  vivant  fuivantles  règles  de  fon  état  ,  il  eft  plutôt  dans  le  Ciel 
que  dans  fa  cellule. 

C(jp.  j.  XX.  Il  diflingue  auiïi  dans  la  vie  religieufc  trois  états: 
ranima! ,  le  raifonnable  ,  le  fpirituel  ;  le  premier ,  eft  des  com- 
mençans;  le  fécond,  de  ceux  qui  avancent  dans  la  vertu;  le 
troidéme ,  des  parfaits.  La  première  chofe  que  Ton  doit  enfeigner 
au  Novice,  eft  de  mortifier  fon  corps  ,  ôc  d'en  faire  une  hoftie 

Cap.  T.  vivante,  fainte,  agréable  à  Dieu.   Enfuite  il  faut  le  prémunir 

contre  les  tentations  ôc  lui  apprendre  les  moyens  de  les  furmonter» 

Il  fait  envifager  l'oifiveté  comme  la  fentine  de  toutes  mauvaifes 

Crp.  8,9, 10,  tentations.  C'eft  pourquoi  il  veut  que  l'on  foit  toujours  occupé 

■  "•  dans  fa  cellule  ;  tantôt  à  la  prière  ;  tantôt  à  la  lecture  ;  tantôt  à 

l'examen  de  fa  confcience  ;  tantôt  au  travail  des  mains.  Il  s'étend 


CINQUIEME  PRIEUR  DE  LA  CHARTREUSE.  141 

fur  toutes  ces  différentes  occupations.  Dès  fon  tems  les  Chartreux 

avoient  introduit  la  fomptuofité  dans  leurs  bâtimcns  6c  fait  même 

àcefujet  des  emprunts.  Guiges  en  te'moigne  de  la  douleur.  Il  Cjp.  i»; 

invite  fes  Frères  à  imiter  les  exemples  des  premiers  Moines, 

qui  afpirant  à  une  Cité  permanente  ,  ne  fe  procuroient  d'autres  c^p,  i». 

logemens  en  cette  vie,  qu'autant  qu'il  en  falloit  pour  fe  mettre 

à  couvert  des  injures  de  l'air.  Enfin  il  veut  qu'on  enfeigne  aux  Cap.  14. 

Commen(;ans  à  s'approcher  de  Dieu  par  l'amour  ôc  par  la  prière. 

XXI.  Les  infcrudions  du  fécond  Livre  font  pour  les  raifon-  Lib.z  cap.  r. 
nables  ,  ou  ceux  qui  ont  déjà  fait  du  progrès  dans  la  vertu. 

Guiges  ne  trouve  rien  de  plus  digne  de  l'ame  raifonnable  ,  unie  c^,.  ,. 
au  corps  pour  le  gouverner ,  que  de  s'attacher  à  Dieu  qui  eft  fon 
fouverain  bien  ;  de  l'aimer ,  de  lui  obéir.  Quant  au  troifiéme 
état  de  la  vie  Religieufe ,  qui  renferme  les  fpiritucls  ou  parfaits  , 
l'Auteur  fait  confifter  cet  état  dans  la  reflemblance  avec  Dieu  ,  Cap.  3. 
telle  qu'on  peut  l'avoir  en  ce  monde,  par  la  pratique  delà  vertu  ; 
&  non  dans  la  reffemblance  que  les  Saints  ont  avec  Dieu  dans  le 
Ciel ,  par  la  perfedion  de  leur  charité. 

XXII.  Il  explique  dans  le  troifiéme  Livre  ce  que  c'efl;  que  LiJ.  j,c<ip.  1, 
la  Béatitude,  &  il  en  diftingue  de  deux  fortes  :  celle  qu'Adam 
pcffedoit  dans  le  Paradis  terreftre  ,  &  qu'il  a  perdue  par  fon 

péché  ;  ôc  celle  dont  les  Saints  jouiiïent  dans  le  Ciel.  La  première 
ne  fut  que  pour  un  tems  ;  la  féconde  eft  éternelle.  Elle  eft  Ci  Cap.  1, 
grande,  fi  admirable, que  l'homme  ne  peut  la  concevoir ,  moins 
encore  l'exprimer.  Il  donne  une  idée  des  qualités  que  les  corps 
des  Saints  auront  dans  le  Ciel  ,  de  leur  beauté  ,  de  leur  légèreté , 
de  leur  force  ;  &  compare  cette  légèreté  à  celle  d'un  rayon  de 
foleil  ;  il  met  parmi  les  qualités  de  l'ame  des  bienheureux  ,  la 
connoiflfance  du  paffé  ,  du  préfent  ,  du  futur  ;  l'amitié  ou  la  dp.  3. 
charité  parfaite  ;  la  concorde  avec  tous  les  Habitans  de  cette 
célefte  patrie;  le  contentement  de  fon  fort,  ou  degré  de  béati- 
tude ;  le  pouvoir  qui  s'étendra  aufTi  loin  que  fa  volonté  ;  la 
fécurité  entière  de  fon  état  glorieux  ;  une  joie  inexprimable  ; 
l'abondance  de  tous  biens.  Il  finit  fon  Traité  par  la  defcription    dp.  4, 
des  miferes  des  damnés. 

XXIII.  De  toutes  fes  Lettres  il  n'en  rede  que  quatre.  Dans  Lettres  de 
la  première ,  qui  eft  à  Heimeric ,  Cardinal  ôc  Chancelier  de  Guides ,  tom.. 
l'Eglife  Romaine ,  il  l'avertit  que  nous  avons  deux  principaux  nàrl^''  ^J' 
ennemis  à  combattre,  l'orgueil  ôc  la  volupté;  que  fi  nous  venons  ioôô.' 

à  bout  de  les  vaincre,  nous  n'aurons  plus  rien  à  craindre.  Les 
armes  dont  nous  devons  nous  fervir  contr'eux  font  Thumilité  ôc 

S  iij 


ï^2    LE  BIENHEUREUX  GUIGES,&c. 

la  mortification  de  la  chair.  Il  ne  croit  pas  que  l'on  puifle  recourir 
'  aux  armes  matérielles  pour  foutenir  ou  aggrandir  i'Eglife  ;  &  fe 

plaint  que  le  luxe  étoit  pafle  des  Palais  des  Rois  dans  les  Cours 
Eccléliaftiques.  La  féconde,  au  Prieur  de  la  fainte  Milice  ,  ou 
des  Chevaliers  du  Temple,  traite  aufTi  de  la  guerre  fpirituelle 
contre  les  ennemis  du  falut.  C'eft  à  cette  guerre  que  Guiges 
l'exhorte,  &  non  à  combattre  les  ennemis  de  I'Eglife.  Par  la 
troificme  adrefiee  au  Pape  Linocent  IL  il  le  raffure  contre  les 
efforts  des  Schifmatiques  ,  par  les  viftoircs  que  I'Eglife  a  rem- 
portées en  tout  tems  contr'eux  &  contre  les  hérétiques.  Il  ajoute, 
que  prefque  tout  le  monde  entier  doit  être  confideré  comme  fon 
Diocèfe  ;  ôc  que  comme  il  n'y  a  qu'un  Dieu ,  de  même  le  Vicaire 
de faint Pierre,  c'eft-à-dire  ,  le  Pape  doit  être  un.  Guiges  s'étoit 
appliqué  à  recueillir  les  ouvrages  des  faints  Pères,  6c  à  corriger 
les  manufcrits  qui  les  renfermoient.  Il  recueillit  entr'autres  les 
Lettres  de  faint  Jérôme  ,  dans  lefquelles  il  corrigea  quantité  de 
fautes  ;  mais  il  ne  fit  pas  entrer  dans  fon  Recueil  celles  que  la 
dift'erence  du  ftile  ôc  des  fentimens  rendoit  indignes  d'un  fi 
fçavant  homme  ;  comme  la  Lettre  à  Démetriade  que  faint 
Augudin  allure  être  de  Pelage.  11  envoya  une  copie  de  fon 
Recueil  aux  Moines  de  la  Chartreufe  de  Durbon  ,  en  les  aver- 
tiflant  de  mettre  fa  Lettre  à  la  tête  de  toutes  celles  de  faint 
Jérôme  ,  afin  qu'elle  fervît  à  faire  diftinguer  les  Lettres  de  ce 
Père  d'avec  celles  qu'on  lui  a  fuppofées.  Cette  quatrième  Lettre 
de  Guiges  a  d'abord  été  donnée  au  Public  par  Dom  Mabillon 
dans  fes  Analedes.  Guiges  corrigea  encore  celles  (a)  qui  font 
véritablement  de  faint  Jérôme. 
Ouvrages  XXIV.  André  Duchefne  dans  fesNotes  f  t)  fur  la  Bibliotequc 
stiribués  à  dcCluni,citc  foùs  Ic  nom  deGbiges  un  traité  de  la  Contemplation; 
^^^^'  un  autre  des  quatre  dégrés  fpirituels  ;  un  troifiéme  de  la  vérité  de 

la  paix,ôc  un  quatrième  à  la  louange  de  la  vie  folitaire.Mais  peut- 
être  font-ils  de  Guiges  II.  Prieur  général  de  la  Chartreufe  ,  qui 
fe  démit  de  fa  charge  en  i  175  ,&  mourut  en  i  188.  Le  traité  de 
la  contemplation  ou  de  la  vie  contemplative  ,  fe  trouve  dans  le 
fixiéme  tome  (  c  )  des  oeuvres  de  faint  Auguflin  ,  &  parmi  celles 
de  faint  Bernard  (d)  j  fous  le  nom  de  Guiges^  avec  le  titre 
d'échelle  du  Paradis,  ou  des  Cloîtres.  Cet  Auteur  écrivoit  avec 


(a)  Trithem,  di  Scnptor.    Ecdefujl.  \      ( c)  In  appendice ,tom.  6  ,pag.  6.i}. 
cap.  176.  !      (djFdg.  11^  ,eû'n.  irm. 

(b)  Pair.   1,1.  J 


GUILLAUME  DE  MALMESBURI,&c.   14^ 

noblefle;  &  dans  un  tems  où  la  critique  étoit  peu  cultivée  ,  il  en 
avoit  un  goût  très- fa  in  ôc  trcs-exatt. 

CHAPITREIX. 

Gl'/ll^l^;iie  de  AI  a  lm  es  bu  ri  ,  ou  cle  Somerset, 
Ù  quelques  autres  Hifioriens  Anglais. 

I.  T  L  fut  nommé  de  Somerfct,  du  lieu  de  fa  naifTancc,  &  Gi'illnume 
X  furnommdde  Malmefburi  jduMonaflereoùilfitprofeflion  '^^  Someriec. 
de  la  Règle  de  faint  Benoît,  fitué  dans  le  Comté  de  \vilt  en 
Angleterre.  Il  en  fut  Bibliotequaire  &  Pré-Chantre.  Sa  pieré  le 
fit  refpeûer  (  a  )  ;  6c  par  fon  fc^avoir  il  mérita  d'être  confulté , 
même  par  les  plus  grandes  lumières  du  Royaume ,  je  veux  dire  , 
par  faint  Anfelme  ,  fuccelfeur  de  Lanfranc  dans  le  Siège  de 
Cantorberi.  On  contefloit  à  ce  faint  Archevêque  les  droits  de 
fon  Eglife.  Guillaume  qui  avoit  fait  une  étude  férieufe  des 
anciennes  coutumes  de  toutes  les  Eglifes  d'Angleterre  ,  étoit  en 
état  de  décider  de  celle  de  Cantorberi.  Il  vivoit  encore  en  1 145  , 
ôc  fe  trouvoit  alors  affez  de  forces  pour  donner  de  nouvelles  pro- 
duftions  de  fon  efprit.  On  n'en  connok  toutefois  aucune  qui  foit 
pofterieure  à  cette  année. 

II.  Son  hilloire  des  Rois  d'Angleterre  contient  ce  qui  s'efl      Ses  Ecrits. 
pafTé  de  plus  confiderable  en  ce  Royaume  pendant  environ  fept  T'''^"!''^    ''^ 
cens  ans  ;  en  commençant  a  1  arrivée  des  Saxons  vers  1  an  44P  ,  i^^re.     Édu. 
jufqu'à  la  dix-huitiéme  année  du  règne  de  Henri  I.  ou  l'an  1 1 27.  Francofan. 
Elle  efl  divifée  en  cinq  Livres  ôc  dédiée  à  Robert,  Comte  de  ''^'  '^*'' 
Gloceftre,  fils  naturel  de  ce  Prince.   Le  vénérable  Bede  avoit 
travaillé  fur  le  même  fujet  ôc  conduit  bhiftoire  des  Anglois 
jufquà  fon  tems ,  c"eft-à-dire  ,  jufqu'à  l'an  731.  Perfonne  n'en- 
treprit la  fuite  de  cette  hifloire.  Eadmer  fe  contenta  de  donner  un 
précis  des  principaux  évenemens  depuis  le  Roi  Edgar  jufqu'à 
la  première  année  de  Guillaume  le  Conquérant.  Enlorte  qu'il 
lailTaun  vuide  de  plus  de  223ans.Cefut  pourlerempiirôc  mettre 
dans  un  plus  grand  jour  les  évenemens  dcsPvCgncs  n-entionnés 


(«)  liahulon.  l'ih.  69  ,  Annal,  num.  ^\, 


144    GUILLAUME  DE  MALMESBURÎ, 

par  Eadmer  ,  que  Guillaume  de  Malmesburi  reprit  la  fuite  des 
tems  depuis  l'entrée  des  Saxons  en  Angleterre.  Sans  copier  Bede, 
il  en  tira  ce  qui  lui  parut  de  meilleur. 
Ceouecon-      II  L  Dans  le  premier  Livre  il  donne  l'hiftoire  de  ce  qui  fe 
tient  cette  hifr  pafla  en  Angleterre  ,  depuis  qu'elle  fut  occupe'e  par  les  Saxons  > 
toire.  Premier  jufqy'^u  Roi  Egbert ,  qui  ayant  défait  en  divers  combats  les 
\resl°vag.  7,  petits  Rois  du  Pays  ,  devint  le  feul  Monarque  de  prefque  toute 
C^jf^.  î'Ifle  de  la  Grande  Bretagne  en  817  ,  c'eft-à-dire  ,  des  quatre 

anciens  Royaumes  de  Weftfex ,  Suffex  ,  Effex  &  de  Kent.  Pour 
les  autres  il  les  iaifla  à  des  Rois  particuliers  ,  à  charge  de  lui  en 
faire  hommage  ôc  de  payer  un  tribut.  Le  fécond  Livre  continue 
l'hidoire  des  Anglois  depuis  Ethelwolph  qui  reçut  la  couronne 
après  la  mort  de  fon  père  Egbert  en  S37  ,  jufqu'à  Guillaume  I. 
dit  le  Bâtard  &  le  Conquérant ,  qui  fe  rendit  maître  du  Royaume 
d'Angleterre  après  la  défaite  &  la  mort  d'Harold  dernier  Roi 
Saxon  en  1066.  Dans  le  Prologue  l'Auteur  remarque,  que  fes 
parens  lui  avoient  infpiré  de  bonne  heure  le  goût  des  Livres  ;  que 
l'étude  fiifoit  fon  principal  plaifir  ;  qu'il  étudia  la  logique  pour 
apprendre  à  raifonner  ;  la  phyfique  pour  fa  fanté  ;  la  morale  pour 
former  fes  mœurs  relativement  à  Dieu;  qu'enfuite  il  s'appliqua 
à  l'hiftoire  ,  furtout  à  celle  de  fa  Nation  ;  qu  a  cet  effet  il  acheta 
même  les  Livres  hiftoriques  des  Nations  étrangères ,  dans  l'ef- 
perance  d'y  trouver  quelque  chofe  pour  celle  d'Angleterre  ;  ôc 
que  peu  content  de  ce  que  les  anciens  Anglois  avoient  écrit ,  il 
travailla  à  donner  une  hiftoire  plus  cxafte  ôc  plusfuivie. 
TroKîtme  I  V.  Le  troifiéme  Livre  eft  occupé  entièrement  à  l'hiftoire  de 
Livre  ,  fig.  Guillaume  le  Conquérant.  Les  Normans  en  avoient  fait  dans 
'**  leurs  écrits  des  éloges  outrés.   Les  Anglois  ,  au  contraire ,  le 

regardant  comme  un  ufurpateur,  l'avoient  chargé  de  reproches. 
Notre  Hiftorien  qui  tiroitfon  origine  de  parens ,  dont  l'unétoit 
Normand  ,  l'autre  Anglois  ,  prend  le  parti  de  ne  louer  ni  blâmer 
qu'avec  beaucoup  de  rcferve  ;  de  ne  s'attacher  qu'au  vrai  ôc  à 
rendre  fun  hiftoire  utile  ôc  agréable  au  Lefteur.  C'eft  ce  qu'il 
obferve  dans  l'hiftoire  de  Guillaume  ôc  de  fes  deux  fils ,  Guil- 
laume II.  dit  le  Roux  ,  ôc  Henri  I. 
Quatrième      V.  Lc  premier  monta  furie  thrône  au  mois  de  Septembre  de 
Livre ,  pag,    l'an  ic88  i  le  fécond  au  mois  d'Août  de  l'an  1 100.  Quelques-uns 
*'^*  trouvèrent  mauvais  qu'on  écrivît  leur  hiftoire  de  leur  vivant; 

difant  que  dans  ces  fortes  d'écrits  la  vérité  fait  fouvent  naufrage , 
ôc  que  le  menfonge  prend  fa  place  ;  la  plume  de  l'Hiftorien  étant 
guidée,  ou  par  la  crainte ,  ou  par  la  flatcrie.  D'autres  ne  croyoient 

pas 


ou    DE    S  O  M  E  R  S  E  T ,  &c.        iÇ? 

pas  que  Guillaume  de  Malmesburi  fût  affez  habile  pour  écrire 
avec  dignité  l'Hiftoire  de  ces  deux  Princes.  Les  confeilsdefes 
amis  l'emportèrent.  Il  fe  rendit  à  leurs  foUicitations  ;  &  comptant 
fur  le  fecours  du  Ciel,  il  renferma  dans  le  quatrième  Livre  les 
évenemens  du  règne  de  Guillaume  le  Roux,  le  premier  des 
cnfans  de  Guillaume  le  Conquérant.  On  trouve  aulTi  dans  le 
quatrième  Livre  la  relation  de  la  Croifade  ,  que  Guillaume 
commence  au  Concile  de  Clermont  où  le  Pape  Urbain  IL  la 
propofa  en  lo^)^.  Après  avoir  rapporté  le  couronnement  du  Roi 
Beaudoùin  à  Bethléem  le  jour  de  Noël  de  l'an  1 1  oo  ,  par  le 
Patriarche  Daïmbert,  il  dit ,  que  la  veille  de  Pâques  de  l'année 
fuivante  iioi  ,  où  le  feu  facré  avoit  coutume  d'éclairer  de  ^'^S-  '-t'a- 
bonne heure  cette  veille ,  tarda  plus  qu'à  l'ordinaire;  qu'on  lut 
à  l'alternative  les  leçons  de  l'Otfice  tant  en  grec  qu'en  latin; 
qu'on  chanta  trois  fois  Kyrie  eleifon  ,  ôc  plulieurs  chofes  en 
mufiquc,  toujours  dans  refperance  de  voir  paroître  ce  feu  ;  & 
que  l'on  fut  obligé  de  fortir  de  TEglife  fans  cette  confolation  ; 
que  le  lendemain  les  Latins  allèrent  en  proceffion  au  Temple 
appelle  de  Salomon  ,  pour  y  implorer  la  mifericorde  de  Dieu; 
que  les  Syriens  tirent  la  même  chofe  au  faint  Sèpulchre  ;  &  que 
Dieu  feniiblc  aux  infiances  des  uns  &  des  autres ,  envoya  le  feu 
facré  qui  s'étant  attaché  à  une  des  lampes  du  faint  Scpulchre  , 
l'alluma  ;  ce  qui  rendit  la  joie  à  toute  raflembléc.  Guillaume 
ajoute,  que  le  Patriarche  averti  par  un  Syrien  accourut,  ouvrit 
la  porte  delà  Chapelle  du  faint  Sèpulchre  ,  alluma  un  cierge  à 
la  lampe,  &  fit  enfuite  voir  le  miracle  à  tous  ceux  qui  y  accou- 
rurent. On  croyoit  donc  dans  le  douzième  fiècle  qu'il  y  avoit 
ordinairement  du  miraculeux  dans  le  nouveau  feu  delà  veille  de 
Pâques  à  Jèrufalem. 

VI.  Le  cinquième  Livre  eft  confacré  à  l'hifloire  deHenriL      Cinquième 
fécond  fils  de  Guillaume  le  Conquérant.  L'Auteur  convient  qu'il  ^'"''^  >  P^Z' 
n'a  rapporté  qu'une  partie  des  attions  de  ce  Prince,  &  fur  la  '*'** 
relation  d'autrui  ;  fa  condition  de  Moine  ne  lui  ayant  pas  permis 
de  pénétrer  dans  les  myfleres  de  la  Cour.  Il  convient  encore 
qu'il  n'en  a  pas  dit  tout  ce  qu'il  en  fçavoit.  Pour  indemnifer  en  ^ 

quelque  façon  fon  Ledeur ,  il  l'inftruit  de  quantité  d "évenemens 
qui  fe  font  paflcs  dans  les  Pays  étrangers  à  l'Angleterre.  Ces 
cinq  Livres  font  intéreffans  par  quantité  de  monumens  qui 
regardent  l'Hilloire  Ecclèfiaftique  ;  par  les  Lettres  des  Papes 
contemporains  des  Rois  d'Angleterre  dont  il  y  cft  parlé  ;  ôc  par 
celles  de  ces  Princes  ou  d'autres  perfonnes  confiderables.  Il  en  a 
Tome  XXI I.  T 


nouvcll 


14*^  GUILLAUME  DE  MALMESBURI, 

été  dit  quelque  chofe  dans  le  cours  de  cette  hiftoire  ,  à  mefure 
que  l'occafion  s'eneft  prefentée.  Henri  I.  mourut  au  commen- 
cement de  Décembre  l'an  1 1 3  y  dans  la  foixante-huitiéme  année 
defon  âge,  après  un  règne  de  trente-cinq  ans  &  quatre  mois. 
Mais  l'hiftoireque  Guillaume  de  Malmesburi  en  a  faite,  ne  va 
que  jufqu'en  1127,  la  vingt-huitième  année  du  règne  de  ce 
Prince.  Il  en  reprit  apparemment  la  fuite  dans  un  autre  ouvrage 
qu'il  intitula  :  Chroniques ,  divifé  en  trois  Livres ,  qui  n'ont  pas 
encore  été  rendus  publics. 
Hiftoires  V 1 1.  Il  en  parle  dans  le  Prologue  des  deux  Livres  qui  ont 
pour  titre  :  Hiftoires  nouvelles ,  qu'il  dédia  encore  à  Robert , 
Comte  de  Gloceftrc.  C'efl:  un  fupplément  àl'hiftoire  de  Henri  I. 
ôc  en  même-tems  la  fuite  des  cvenemens  mémorables  de  l'An- 
gleterre. Le  premier  Livre  commence  à  la  vingt-fixiéme  année 
du  règne  de  Henri  I.  quiétoit  l'an  1x26  de  l'Ere  vulgaire,  ôc 
finit  à  Tan  1  1  3  8,  le  quatrième  du  règne  d'Eftienne,  fils  d'Eftienne, 
Comte  de  Blois  ;  &  d'Adèle  ,  fille  de  Guillaume  le  Conquérant, 
Le  fécond  continue  l'hiftoire  de  ce  Prince  jufqu'en  1 143.  Guil- 
laume ne  va  pas  plus  loin  ,  quoiqu'Eftienne  ait  régné  jufqu'au 
mois  d'0£lobre  \i^^.  Ces  deux  Livres  contiennent,  comme 
les  cinq  précedens  ,  divers  traits  intéreflans  pour  THiftoire  de 
l'Eglife  ,  comme  la  tenue  des  Conciles  en  Angleterre  par  les 
Légats  du  faint  Siège. 
Les  sertes       VIII.  Il  manquoit  à  l'Angleterre  une  hiftoire  fuivic  de  fes 

des    tvcques  Evêques ,  Ôc  l'on  ignoroit  même  le  nom  de  plufieurs.  Guillaume 

pV"f!;5."  '  de  Malmesburi  crut  qu'il  y  avoit  de  l'ignominie  à  laiffer  dans 
l'oubli  ceux  de  qui  l'on  a  reçu  les  premiers  élemens  de  la  foi  ôc 
les  règles  de  la  vie  chrétienne  ;  dans  cette  penfée  il  entreprit  d'en 
faire  l'hiftoire.  Elle  lui  coûta  beaucoup  plus  que  celle  des  Rois 
d'Angleterre,  parce  qu'il  trouva  moins  de  fecours.  Les  Chroni- 
ques qu'il  avoit  pardevcrs  lui  le  guidèrent  dans  le  premierouvrage. 
Il  n'avoit  pour  le  (econd  que  des  hiftoires  fort  embrouillées. 
La  tradition  vint  à  fon  fecours,  ôc  apparemment  l'archive  de 
chaque  Eglife.  Il  en  a  renfermé  l'hiftoire  en  quatre  Livres ,  inti- 
tulés :  les  geftes  des  Evâques  d'Angleterre. 
Ce  que  cor-      I  X.  I.c  premier  Livre  traite  des  Archevêques  dcCantorberi , 

tiennent    ces  depuis  faint  Auguftin,  Difciplc  de  faint  Grégoire  le  Grand, 
''^".' ^'^'"' jufqu'à   Raoul  ,   mort  au   mois   de  Novemlre  de  Tan  1122. 

j^j,  *■  ^  Guillaume  de  Malmesburi  s'étend  beaucoup  fur  l'Epifcopat  de 
Lanfranc  ôc  de  faint  Anfelme.  Il  donne  enfuitc  quelque  chofe  de 
la  vie  des  Evêques  dcRucheftcr ,  don:  le  Sie^c  étoit  voifin  de 
celui  dcCantorberi. 


ou    DE    SOMERSET,&c.        147 

X.  L'Ëvêché  de  Londres  n'ctoit  pas  non  plus  éloigne.  C'efl  livrefeconJ, 
pourquoi  Guillaume  commence fon  (econd  Livre  parle  dcnom-  ''^^'  *^ 
brement  des  Evoques  de  cette  Ville  ,  dès-lors  très-opulente  par 
fon  commerce  avec  toutes  les  Provinces  du  monde  ,  furtout 
avec  l'Allemagne.  Le  premier  Evêque  fut  iVIellite  ,  envoyé  de 
Rome  à  faint  Auguftin  pour  l'aider  dans  la  converfion  des 
Anglois.  L'Auteur  donne  après  cela  la  fuite  des  Evêques  orien- 
taux Anglois  ,  ôc  des  Evoques  occidentaux  Saxons;  des  Evêques 
de  Dorcheftre  ,  de  Wincheflre ,  de  Schirburn  ,  de  Velles , 
d'Excheflrc  ,  de  Cridicn  ,  deCornouailles,  de  Selefig,  ôc  des 
Abbés  des  divers  Monafleres  fitués  dans  ces  Diocèfes. 

X  L  La  notice  des  Archevêques  d'Yorc  ôc  des  Evêchés  Livfe  fo»- 
dépendans  de  cette  Métropole  ,  occupe  le  troifiéme  Livre.  ,'^^_^  '  ^"'^' 
Paulin  en  fut  le  premier  Archevêque  fous  le  Pape  Honorius, 
de  qui  il  reçut  le  Pallium  ;  ôc  faint  Wilfrid  ,  le  troifiéme.  Guil- 
laume fait  mention  des  Evêques  de  Hauguftad  fie  de  Cafe- 
Blanche ,  mais  en  avertiffanc  qu'ils  ne  fubfilloient  plus  ;  que  de 
tous  les  Evcchés  du  Northumberland  fournis  à  la  Métropole 
d'Yorc  ,  on  ne  connoifToit  alors  que  celui  de  Lyndisfarne.  Il  cite 
un  fragment  d'une  Lettre  d'Alcuin  à  Higebald  ,  ou  Hingebald  , 
Evêque  ,  ôc  à  toute  la  Congrégation  de  l'Eglife  de  Lyndisfarne , 
dans  laquelle  il  témoigne  fa  douleur  des  ravages  que  les  Payens 
y  avoicnt  caufés,  en  fouillaiu  les  Sanduaires  de  Dieu , en  répan- 
dant le  fang  des  Saints  autour  de  l'Autel  ,  6c  en  foulant  aux 
pieds  les  faintes  reliques.  Alcuin  leur  promet  fur  la  fin  de  la  P'^i-  -7f- 
même  Lettre  de  s'employer  auprès  de  Charlemagne  pour  le 
rachat  des  cnfans  que  ces  Payens  avoient  emmenés  captifs. 
Guillaume  parle  cnfuitede  la  fondation  del'Evêché  de  Dunelme 
ou  Durham ,  ôc  de  fes  Evêques. 

XIL   II  n'y  avoir  de  fon  tems  d'autres   Evêchés   dans  la     Livre  qua- 
Province  des  Merciens  que  Worceftcr ,  Herfords  ,  Lichfelds  ,  '""g'"*^  '  ^'^^' 
Cefler,  Lcgcefler,  Lincolne ,  ôc  Cly.  On  voyoit  dans  ces  Evêchés 
des  Monaftcres  d'hommes  ôc  de  filles.  Il  donne  le  dénombrement 
des  Evêques  ôc  des  Abbés.  Il  ajoute  un  précis  delà  vie  de  faint      ^'i-  »7i>. 
.Wlftan  ,  Evêque  de  Worcefter  ,  qui  après  avoir  rempli  les 
devoirs  de  la  vie  Monaftique  ,  ôc  la  charge  de  Prieur  ,  fut  élevé 
à  l'Epifcopat.  Mais  on  l'a  toute  entière  (a)  dans  le  fécond  tome 
de  l'Angleterre  facrée,  ôc  au  fixiéme  tome  de  Mai  {b)  avec  les 
notes  d'Henfchenius. 


(«)  Piig.i^t.  .      i       (b-)  Bolland.  ad  di-m  ii  Muii. 


148    GUILLAUME  DE  MALMESBURI, 
Vîe  ie  fa'nt       XIIL  Cette  vie  eft  divifée  en  trcis  Livres ,  ôc  dédiée  à  Guarin  , 
Wlfian.  Prieur,  &  aux  Moines  de  Worchefter  ,  qui  l'avoicnt engagé 

à  l'écrire.  Perfonne  avant  lui  ne  l'avoit  écrite  ;  mais  on  confervoir 
les  mémoires  que  le  Moine  Colemann  mort  en  1 1 1  3  avoit  laiffés 
en  Anglois.Les  actions  du  Saint  ôc  fes  miracles  étoient  d'ailleurs 
connus  &  atteftés  par  tant  de  gens  de  probité  qu'il  y  auroit  eu 
de  la  témérité  à  les  révoquer  en  doute.  Colemann  avoit  été 
Difciple  de  faint  Wiftan  ,  &  fon  Chapelain  pendant  quinze  ans. 
C'en  étoit  alTez  pour  connoître  fes  moeurs  &  le  détail  de  fes 
vertus.  Guillaume  eut  donc  ordre  de  travailler  fur  les  mémoires 
de  Colemann  ,  d'en  fuivre  l'ordre  ,  ôc  de  ne  rien  ajouter  du  fien 
aux  faits  rapportés  par  cet  Ecrivain. 
l<emarqi>-s       XIV.  Nous  remarquerons  fur  cette  vie  que  Wlftan  dès  le 
fur  cette  vie,  lendemain  de  fon  Ordination  dédia  une  Eglife  fous  le  nom  du 
Lit. i, cap. -4.  bienheureux    Bede  ,    voulant   confacrer   les    prémices  de  fes 
fondions   Epifcopales  en  l'honneur  de  celui  qui  avoit  été  le 
0.3,  cap,  7.  Prince  de  la  littérature   chez  les  Anglois  ;  qu'il  recevoir  avec 
bonté  les  Pénitens  qui  venoientlui  confeffer  leurs  péchés  ,  pleu- 
rant avec  eux  fur  leurs  fautes,  fans  les  rebuter  ;  les  exhortant  à 
ne  plus  retomber  ôc  à  prendre  conliance  en  la  mifericorde  de 
Dieu  ;  ce  qui  lui  attiroit  des  Pénitens  de  toute  l'Angleterre ,  qui 
n'ofoient  ccnfefler  leurs   péchés  à  d'autres  ;  qu'aullitot  qu  il 
apprenoit  la  mort  de  quelqu'un  ,  il  récitoit  l'Crailon  Domini- 
cale ôc  trois  pfeaumes,  f^avoir  les  1 15,  1  29,  i  jo  ;  ôc  qu'e.\cepté 
r/id.  cep.  II.  les  Dimanches  ÔC  les  Fêtesfolemnelles,  il  faifoit  chanter  chaque 
léii.  lai.  i^.  jour  une  Meffe  pour  les  morts;  qu'il  changea  en  Autels  de  pierre 
dans  fon  Diocèfe  tous  ceux  qui  n'étoient  que  de  bois  fuivant 
l'ancien  ufage  du  Royaume. 
Yiiiehnt      X.  V,  En  parlant  des  Evêqucs  de  Schirbum  OU  Salisburi  daP5 
Ade'ime.Fv  -  Icfccond  Livre  des  Evcques  d'Angleterre,  Guillaume  de  Mal- 
quedeSchir-  nicsburi  ne  crut  point  devoir  entrer  dans  le  détail  de  la  vie  de 
faint  Adelmc  ;  remettant  à  le  faire  ,  quand  il  auroit  recouvré  les 
mémoires  néceffaires.  11  fe  donna  à  ce  fujet  tous  les  mouvemens 
qui  dépendirent  de  lui  ;  parcourut  tous  les  Evêchéî  d'Angle- 
terre j  ôc  trouva  en  divers  endroits  de  quoi  exécuter  fon  deflein , 
fans  recourir  au  Recueil  de  l'Abbé  Fa  •^'icius  ,  qui  lui  paroifToir 
fans  autorité.  Guillaume  compofa  non-feulement  la  vie  de  faint 
Adclme,  il  recueillit  encore  fes  miracles,  ôc  fit  uncdefcription 
du  Monaflere  de  Malmesburi,  dont  ce  Saint  étoit  Fondateur. 
C'eflcequi  forme  le  cinquième  Livre  des  gcfles  des  Evoques 
d'Angleterre.  11  ne  parut  q[ue  longtems  après  les  quatre  premiers. 


ou  DE  SOMERSET,ôcc.  14^ 
Dc-là  vient,  que  les  exemplaires  manufcrits  en  font  très-rares; 
au  lieu  qu'il  y  en  a  beaucoup  des  quatre  autres. 

XVI.  Dom  Mabiliou  a  publié  la  vie  de  laint  Adelme  dans  la      ^^"'°'"  ^' 

■      1  •  /    *     ,'  /    I     i-i  /     /  I-   1-  •        X     •  cette  Vie. 

première  partie  du  quatrième  iiécle  Dcnediain  ;  mais  tres-impar-       u-Wton , 
faite ,  ôc  telle  qu'il  favoit  trouvée  dans  un  manufcrit  de  la  Bi-  prxf.u.  in 
blioteque  Cottonienne  d'environ  cinq  cens  ans.  Henri  Warton  'fà[r(^.Lindiiii 
s'étantapperçu  qu'elle  ne  contenoit  gucres  qucla  huitième  partie  m.  léyi. 
de  l'hiftoire  du  Saint,  l'a  donnée  toute  entière  à  la  tête  du  fécond 
tome  de  l'Angleterre  facrée  fur  un  manufcrit  de  Jean  Fox.  On 
l'imprima  en  meme-tems   à  Oxfort   dans  le  fécond  tome  des 
Hiftoriens  d  Angleterre  de  Galeus.   \^'arton  ayant  trouvé  cette 
édition  plus  correcle  que  la  (ienne  ,  en  quelques  endroits  ,  mit 
cescorredions  fur  une  feuille  féparée  ;  où  il  corrigea  au(îi  grand 
nombre  de  fautes  de  Icdition  d'Oxfort. 

XVII.  Guillaume  a  divifé  la  vie  de  faint  Adelme  en  quatre     Aaionsre- 
parties.  11  fait  voir  dans  la  première  qu'il  étoit  d'une  nailfance  ')i^''S"='4''f , 

•11/1  o  >/  I-/V1W        11         A  1-1  „i        l'.e  laint  Adcl- 

iliuftre  ;  &  que  s  étant  applique  a  1  étude  des  Arts  libéraux  6c  des  me ,  ton.  z , 
Belles-Lettres,  il  fut  le  premier  de  l'Angleterre  qui  s'apoliqua  A?'-  f<^'=- 
à  faire  des  vers  en  Anglois;  qu'il  écrivit  grand  nombre  de  Lettres  Voyei    tcm. 
&  compofa  plufieurs  difcours.  Dans  la  féconde  il  fait  le  dénom-  ^7,v'-&T)i- 
brement  des  Monafleres  fondés  par  faint  Adelme ,  des  privilèges 
&  des  biens  dont  il  les  enrichit.  Guillaume  rapporte  une  épi- 
gramme,  ou,  comme  il  l'appelle,  l'épithalame  que  le  Saint  fit  en 
vers  hexamètres  latins,  pour  la  Dédicace  de  l'Eglife  des  Apôtres 
faint-Pierre  &  faint  Paul.  Il  raconte  dans  la  troiliéme  les  actions 
merveilieufes  qu'il  fit  étant  jeune  ,  &  confirme  ce  qu'il  en  dit  par 
divers  fragmens  de  fes  Lettres  ou  de  fes  écrits.  Enfin  la  qua- 
trième partie  eft  employée  à  montrer  les  progrès  du  Monaflerc 
de  Malmesburi ,  ôc  les  évcnemens  confiderables  fous  îes  Abbés 
qui  l'ont  gouverné  fucceffivement  jufqu'en  1  laj  ,  quatre  cens 
feize  ans  depuis  la  mçrt  de  faint  Adelme. 

XVIII.  Galeus  a  publié  deux  autres  écrits  de  Guillaume  de    Autre«çcriti 
Malmesburi ,  l'un  intitulé  ,  de  l'antiquité  de  l'Eglife  de  Gladon  ,  '^^  ^yiH^'ume 
à   Oxfort  en  165)  i  ,  dans   la  colledion   de  quinze  Hiftoriens  ùuri.  ' 
Anglois;  l'autre  eft  une  Lettre  de  Guillaume  à  Pierre,  Moine 

de  Malmesburi.  Elle  fe  trouve  à  la  tête  des  cinq  Livres  de  Scot 
Erigene  ,  qui  ont  pour  titre  :  delà  divifion  des  natures,  imprimés 
en  la  même  Ville  en  1 68 1  ,  in-fol.  P   . 

X  I  X.  Ce  n'eft  là  qu'une  partie  des  ouvrages  de  Guillaume  Guii  aume 
de  Malmesburi;  il  s'en  trouve  beaucoup  d'autres  dans  les  Bi-  °"'  nom  pai 
blioteaues  d'Angleterre,  que  l'on  n'a  pas  encore  rendu  publies.  °'  "  " 

T   iii 


enc.o:e    etc. 
i  no  lime  s... 


ijo  GUILLAUME  DE  MALMESBURI, 

Lelancl.  c.ip.  Voici  ce  qui  en  efl:  dit  par  Lelande  ,  Baleus  &  Pitfeus  :  quinze 
1^6.  Baleus ,  Livres  en  vers  de  différentes  efpeces  fur  les  Evangiles  ;  quatre 
"'""prf-'uj  '  Livres  de  Commentaires  fur  les  lamentations  de  Jéremie  ;  quatre 
pag.    I09.  '  Livres  des  miracles  de  la  fainte  Vierge  ;  un  Recueil  des  miracles 
Lavus ,  ad  an.  ^q  f^^^t  André  &  des  Saints  du  Pays  ;  l'abrégé  de  l'hiftoire 
^^1°  'ho2is  d'Aymon  ,  Moine  de  Fleuri ,  depuis  Juftinien  jufqu'à  Charle- 
Gakus  ,prœ-  magne  ;  la  généalogie  de  Henri  IL  Roi  d'Angleterre;  Titine- 
/jr.   ad   I? ,  j.gjj.g  jg  Jean,  Abbé  de  Malmesburi,  ou  fon  voyage  à  Rome 
criptor.   ng.  ^^g^,  pjg^^g  ^  Moine  de  fon  Monaftere;  les  antiquités  du  Mo- 
naftere  de  Gleffobourg  ;  vie  d  Lidracl  ,  Roi  d'Irlande;  vies  de 
faint  Patrice,  de  faint  Bénigne  ôc  de  faint  Dunftan  ;  hiftoire  des 
Wgdenes ,  ou  Wugdenes  ;  plufieurs  Lettres  ôc  plufieurs  Ser- 
mons ;  trois  Livres  de  Chroniques  ;  l'abrégé  des  Livres  des 
Offices  Ecclefiadiques  d'Amalaire   dédié    à  un  de   fes   amis 
nommé  Robert.  Pierre  AUix  en  a  fait  imprimer  la  Préface  à  la 
fin  de  celle  qu'il  a  adreffée  à  Jean  de  Paris  fur  la  manière  dont 
le  Corps  de  Jefus-Chift  eft  dans  l'Euchariftie ,  à  Londres  en 
1^85.  Guillaume  y  parle  ainfi  :  Si  vous  voulez  fçavoir  ce  que 
fignifieles  différentes  parties  deiaMeffe,  lifez  ce  qu'en  a  écrit 
en  vers  Hildebert ,  Evêque  du  Mans ,  ôc  enfuitc  Arciievêque  de 
Tours.  Si  vous  êtes  curieux  de  connoître  les  diverfes  fignifica- 
tions  des  ornemens  facrés  ,  vous  les  apprendrez  dans  les  difcours 
d'Yves  de  Chartres.  Ces  deux  Evêques  étoient  très-verfés  dans 
l'intelligence  de  ces  fortes  de  matières  ,  ôc  les  ont  très-bien 
expliquées.  A  l'égard  des  Offices  Divins,  nous  n'avons  rien  de 
plus  profond  que  ce  qu'en  a  écrit  A  malaire. 
Jugement      X  X.  Guillaume  eft  de  tous  les  Hiftoriens  Anglois  celui  qu'on 
des  écrits  de  eftimc  le  plus,  foit  pour  fa  candeur  ôc  fon  exaftitude  dans  le 
Maîmeîbifri^^  récit  des  évenemens  ;  foit  parce  qu'il  n'en  eft  point  parmi' les 
anciens  de  fa  Nation  qui  nous  ait  donné  une  plus  longue  fuite 
d'hiftoire.  Il  eft  prefque  le  feul  (a)  qui  ait  rempli  les  devoirs 
d'un  Hiftorien.  C'eft  cequeditSavilledans  l'Epîtredédicatoirc, 
à  la  tête  de  l'édition  des  œuvres  de  cet  Ecrivain  ,  imprimées  à 
Londres  en  i  5915,  ôc  à  Erancfort  en  \6o\  in-fol.  chez  Claude 
Marnius.  Henri  Warton  ne  laiffe  pas  de  fufpetter  quantité  de 
chartes  du  Monaftere  de  Malmesburi ,  inférées  par  Guillaume 
dans  fon  hiftoire  des  Evoques  d'Angleterre-,  furtout  celles  qui 
exemptent  ce  Monaftere  de  la  Jurifdidion  des  Evcqucs.  Mais  ce 

(  j  )  E   noftris    propc  l'olu.s  Hilloritiii  1  ad  EUfiibeth-ini  Rf^ina:/:, 
Biuiius  explefTe  vàdetur,    Savil.   in   epijl,  j 


ou    DE    SOMERSET,  &c.        ifv 

qu'il  dit  fur  ce  fujet  n'attaque  point  la  bonne  foi  de  Guil- 
laume,  ôc  prouveroit  tout  au  plus  que  cet  Auteur  a  employé 
quelquefois  des  monumens  qu'une  critique  épurée  lui  auroit  fait 
rejetter ,  s'ils  font  fuppofés ,  comme  le  dit  "Warton  (  a  ). 

XXI.  Suit  dans  la  colle£lion  des  Hiftoriens  Anglois ,  par  Hem-i  de 
Henri  Saville,  l'hifïoire  des  Anglois  par  Henri,  Archidiacre  Hungtingto». 
de  Hungtington  ,  auparavant  Chanoine  de  Lincolne.  Il  l'écrivit  des"  An^ioiT 
à  la  prière  d'Alexandre  ,  Eveque  de  cette  Ville ,  &  la  divifa  en  edh.S.ivil.an. 
huit  Livres  ,  qui  commencent  à  l'entrée  des  Saxons  ôc  des  ^îséiO-iéoi, 
Anglois  dans  la  Bretagne  en  4.4P  ,  ôc  finilTent  à  la  mort  du  Roi 
Eftienne  en  1 1  j  ].  Pour  donner  une  introduction  à  fon  hiftoire  , 
Henri  employé  le  premier  Livre  à  celle  des  Empereurs  Romains 
depuis  Jules  Cefar ,  le  premier  qui  déclara  la  guerre  à  la  Grande 
Bretagne,  julqu'à  Theodcfe  le  jeune  qui  perdit  le  pouvoir  que 
fesprédéceffeurs  avoienteu  fur  ce  Royaume.  A  ces  huit  Livres 
l'Archidiacre  de  Hungtington  en  ajouta  quatre  (è)  qui  n'ont  pas 
encore  vu  le  jour.  Le  neuvième  traite  des  Saints  d'Angleterre  ôc 
de  leurs  miracles.  Le  dixième  a  pour  titre  :  de  la  fublimité  des 
chofes.  L'onzième  contient  des  fatyres  ôc  des  épigrammes.  Le 
douzième ,  des  Hymnes  facrées  ôc  autres  pièces  de  poëfie. 
Dans  la  Préface  qu'il  écri^'it  en  1155  ,  il  traite  de  la  lin  du 
monde.  Cette  Préface  efl  fuivie  d'une  Lettre  au  Roi  Henri , 
contenant  la  fuite  des  Rois  ôc  des  Empereurs ,  des  Juifs ,  des 
'  Affyriens,  des  Perfes ,  des  Macédoniens  ôc  des  Romains  jufqu'à 
fon  tcms  ;  puis  d'une  autre  Lettre  à  Warin  le  Breton  touchant 
l'origine  des  Rois  Bretons  depuis  Brutus  jufqu'à  Cadwalladrus , 
dont  il  n'avoir  rien  dit  dans  fon  hiftoire  ,  parce  qu'il  n'avoit  alors 
aucun  Mémoire  fur  ce  fujet.  Il  en  trouva  depuis  au  Bec  dans  le 
Livre  de  Galfrede  Arthur  ;  ôc  c'eft  ce  qui  lui  donna  occafion 
d'écrire  cette  Lettre. 

X  X 1 1.  Il  y  en  a  une  troifîéme  adreffée  à  Vautier ,  Evêque  de       Lettre  de 
"Winchefter  ,  ôc  intitulée:  du  mépris  du  monde.  Dom  Luc  !1^"". '^^ 

1.  *     1       •  o      TT        •    wrr  i>  I  II-  TT        •  Hungtington, 

d  Achericc  Henri  Warton  1  ont  rendue  publique.  Henri  pour  :om.  s,  Spi- 
s'imprimcr  à  lui-même  ôc  à  fon  ami  le  niépris  des  biens  ,  des  "-''^'  f^S- 
honneurs,  des  plaiiirs  du  monde  ,  propofe  piufieurs  exemples  l^^ An^/fZ'. 
d'Evêques,  de  Princes,  de  Miniftrcs  d'Etat  ,  de  Dignitaires  pi'g.6?^. 
Ecclcfiailiques ,  de  grands  Seigneurs  ,  qui  après  avoir  vécu  dans 
le  luxe  ôc  fatisfait  leurs  pallions  ,  leur  avarice  ,  leur  cruauté  , 

(.<t)  V/annn  prxfat  in  i  tom.  Angl.fav.  f       (  J)  îVarion  uhifup.pag.  t?» 


t^2  GUILLAUME  DE  MALMESBURI, 

leur  cupidité  ,  leur  gourmandife  ,  font  morts  miferablemenr , 
condamnés  quelquefois  à  des  fupplices  infâmes.  Il  pafle  de  ceux 
qui  en  punition  de  leur  vie  licencieufe  ont  fouffert  une  fin  tra- 
gique ,  aux  Evéques  qui  ont  vécu  avec  honneur  &  gouverné 
fagement  leurs  Eglifes  ;  &  dit ,  que  leur  bonne  vie  ne  les  a  pas 
difpenfés  de  la  mort  ;  qu'il  en  fera  de  même  de  ceux  qui  vivoient 
de  fon  tems.  Ce  qu'il  conclut  de  tout  cela ,  c'ciï  que  la  mort 
étant  pour  nous  une  Loi  inévitable  ,  nous  ne  devons  point 
nous  attacher  à  la  vie  préfente  ,  mais  nous  appliquer  à  nous 
rendre  heureufe  la  vie  future  ,  qui  ne  finira  pas.  Avant  de  finir 
fa  Lettre,  Henri  apprit  la  mort  de  Wauthier  à  qui  il  l'écri- 
Ihii.  par.  voit  ;  au  lieu  donc  de  la  lui  envoyer ,  il  envoya  une  épicaphe 
r»».  pour  mettre  fur  fon  tombeau.  Elle  eft  en  feize  vers  élegiaques. 

Il  y  fait  mention  des  épigrammes  ôc  de  quelques  pièces  de 
poëfie  qu'il  lui  avoir  adreiîées  autrefois  ,  &  qui  fe  trouvoient  dans 
fon  onzième  Livre  de  Ihidoire  des  Anglois.  Les  vers  en  l'hon- 
neur d'Elflede  (û)  ,  Reine  des  Merciens  ,  &  d'Alfrede  ,  Roi 
d'Angleterre  ,  font  partie  du  cinquième  Livre.  Henri  rapporte 
dans  le  troifiéme  Livre  les  Lettres  de  faint  Gregoire-ôc  de  fes 
fuccefleurs  touchant  la  miffion  de  fiint  Auguftin  en  Angleterre. 
Il  eftaufii  parlé  dans  le  quatrième  de  la  converfion  des  Angloi^.Lc 
feptiémc  donne  un  précis  de  la  Croifade  fous  Urbain  II.  de  forte 
qu'on  peut  regarder  l'ouvrage  de  Henri  de  Hungtington  comme 
une  Hiftoire  Civile  ôc  Ecclefiaftique  de  l'Angleterre.  On  lui 
attribue  encore  un  opufcule  fur  la  Province  de  Bretagne,  dont 
le  manufcrit  fe  trouve  dans  la  Biblioteque  de  Cantbrige  ;  &  un 
autre  opufcule  intitulé  :  de  l'image  du  monde ,  &  quelquefois 
du  défit  du  monde,  ou  des  Evoques  &  des  hommes  illuftres  de 
fon  tems  ;  mais  ce  n'eft  autre  chofe  que  la  Lettre  à  "Wautier  dont 
on  vient  de  donner  le  précis. 
Simeon  de  X  XI 1 1.  Il  a  déjà  été  parlé  plus  haut  de  Simeon  de  Durham  , 
Durham  ou  Moine  Bénédidin  ôc  premier  Chantre  de  ce  Monadere.  Jean 
Dunelmc.  Lelande  qui  en  a  écrit  la  vie  ,  le  met  au  rang  des  plus  fçavans 
de  fon  fiécle.  Plein  d'ardeur  pour  tranfmettre  à  la  pofterité  l'hif- 
toire  de  fon  Pays ,  il  en  fit  une  étude  particulière  ,  ne  doutant 
pas  que  ravagé  par  les  guerres  continuelles  des  Danois ,  il  ne 
manquât  d'Hiftoriens  ^  s'il  ne  prenoit  le  foin  de  mettre  par  écrit 
les  grands  évenemens  de  fon  tems,  &  de  préferverdé  l'oubli  ce 
qui  s'étoit  paflé  dans  les  ficelés  préccdens.  Il  fit  fur  cela  des 


ia)  Edic.  Sui'ilL  fag.  3  54  >  3Îî. 

recherches 


ou    B  E    S  O  M  E  R  S  E  T,  ôcc.        in 

recherches  exa£tes ,  qu'il  ne  difcontinua  point  jufqu'à  ce  qu'il' 
eût  trouvé  une  fuite  de  Mémoires  qui  le  mît  en  état  de  continuer 
l'hiftoire  des  Rois  d'Angleterre  ôc  de  Dannemarc  depuis  l'an 
73  1  ,  où  le  vénérable  Bede  avoir  fini ,  jufques  vers  l'an  1 1  30  , 
cinq  ans  avant  qu'Edienne  s'emparât  du  Royaume  d'Angleterre 
après  la  mort  de  Henri  I. 

XXIV.  Nous  avons  d'autres  ouvrages  fous  le  nom  de  Hiftoire  ie 
Simeon  dans  la  colledion  de  dix  Ecrivains  Anglois,  imprimée  Du'rham  tomi 
à  Londres  en  16^2  par  les  foins  de  Jean  Seldcn  ,  chez  Jacques  i  ,  Scriptor. 
Flesher.  Le  premier  ,  efl  l'hiftoire  de  l'Eelifc  de  faint  Cuthbert  >  ^"g-Londint, 

veque  de  Uurham.  (Quoique  omieon  dans  Ion  apologie,  que  i. 
l'on  a  mife  à  la  tête  de  cette  hiftoire  ,  dife  qu'il  l'a  entreprife  par 
ordre  de  fes  Supérieurs  ôc  de  fes  anciens;  qu'il  l'a  compoféc 
fut  des  Mémoires  cpars  ça  ôc  là^  après  les  avoir  mis  en  ordre  ; 
que  la  Préface  de  l'ouvrage  porte  fon  nom  ,  ôc  qu'il  lui  foit 
attribué  dans  les  manufcrits  ,  il  eft  n<;an moins  vrai  que  les 
quatre  premiers  Livres  font  mot  à  mot  les  mêmes  que  ceux  de 
Turgot,  Moine  ,  ôc  enfuite  Prieur  de  Durham  ,  comme  cela  fe 
prouve  par  un  manufcrit  de  1  âge  même  de  Turgot,  ôc  par  plu- 
fieurs  circonftances  marquées  dans  le  troifiéme  ,  qui  ne  con- 
viennent qu'à  Turgot  ;  mais  que  Simeon  de  Durham  a  fuppri- 
mées  ,  ou  changées  pour  s'approprier  l'ouvrage.  On  peut  lire 
là-delTus  la  préface  du  premier  tome  de  Ja  coUeclion  deSelden. 
II  faut  donc  attribuer  à  Turgot  l'hiftoire  de  1  Eglife  de  Durham 
depuis  l'an  65  y  jufqu'en  io<?7  ,  ôc  donner  à  Simeon  la  fuite  de 
cette  hiftoire  ,  depuis  le  facre  de  l'Evêque  Ranulphe  en  lopp  , 
jufqu'à  l'Ordination  de  Hugues  en  1 1 5'4.  L'hiftoire  de  faint 
Cuthbert,  Patron  de  l'Eglife  de  Durham  ,  ôc  des  donations  faites 
à  Ton  Eglife, appartient  encore  au  Moine  Simeon  ,  de  même 
que  la  Lettre  à  Hugues ,  Doyen  d'Yorc,  où  il  donne  la  fuite  des 
Archevêques  de  cette  Métropole,  depuis  Paulin  en  ^27  ,  jufqu'à 
Roger  qui  gouvernoit  cette  Eglife  en  11J4.  Suit  l'hiftoire  du 
Siège  de  Durham  en  9 (5p  fous  Ethelred,  Roi  des  Anglois,  ÔC 
Kined  ,  Roi  des  Ecoffois. 

XXV..  L'hiftoire  des  Rois  d'Angleterre  ôc  de  Dannemarc     HiiloîreJes 
par  Simeon  de  Durham  s'étend  ,  comme  on  vient  de  le  dire,  Ro's'l'Afigle- 
depuis  l'an  731  jufques  vers  l'an    1 130;  ce  qui  fait  une  fuite  Dar.nemarc 
d'évcnemens  d'environ  quatre  cens  ans.  Ce  que  dit  Simeon  du  p^g.se, 
martyre  dEthelbert  ôc  d'Ethelred  vers  l'an  6\6 ,  eft  tiré  du 
vénérable  Bede  ,    de  même  qu'une  partie  de  ce  qu'il  dit  des 
Rois  de  Nc-rthumberland  ôc  de  Kent.  Il  fait  entrer  dans  l'hiftoire 
TomXXIL'  V 


•1^4     PIERRE    ABAILLARD;  ABBÉ; 
des  Rois  d'Angleterre  ,  celle  de  plufieurs  Evêques  du  RoyaumèJ 
&  des  difputes  occalîonnées  entre  l'Empire  &  le  Sacerdoce  ,  au 
fujet  des  inveftitures  ,  des  élettions  Ôc  autres  droits  refpedifs  de- 
Tune  6c  l'autre  puiflance. 
Jean  cî'Ha-       XXVI.  Jean  ,  Prieur  d'Haguftad ,  Monaflere  de  Be'nédiftins^ 
guftad.    Hif-  mais  qui  en  i  113  fut  cédé  aux  Clianoines  Réguliers  ,  continua 
dVLn^feterr-'*  l'hiftoirede  Simeon  ,  depuis  1 1  50  jufqu'en  1 1  ^4.  Contemporain 
jig'  î57.     '  des  évenemens  qu'il  rapporte ,  on  le  regarde  comme  un  Hiftorien 
digne  de  foi. 


CHAPITRE     X. 

P/ERRE     Ab  AILLARD   3     Abbé  i    &     HeLO  I  S  S  Ey 

Abbeffe  dii  Parader. 

Pierre  AhnH-  I-  T  L  cfl:  peu  d'hiftoire  plus  connue  que  celle  d'Abaillard  ôc 

lard  écrit  lu'-       J|_  d'Heloifife,  ni  qui  foit  plus  intéreffante  par  la  variété  ôc  la 

même  la  vie.  (],-,g,jlarit^  c]es  évenemens.  Elle  a  encore  cet  avantage  qu'elle  a 

été  écrite  parAbaillard  même  (a  ) ,  qui  en  rapporte  ordinairement 

les  circondances  avec  affez  de  candeur  ,  racontant  fes  mauvaifes 

comme  fes  bonnes  attions  ;  ce  qu'il  y  avoit  en  lui  de  blâmable  , 

ou  de  digne  d'éloge.  Il  y  a  toutefois  des  endroits  où  il  paroît  trop 

de  paflion  ,  &  qu'on  doit  lire  avec  précaution. 

ç      -tr  IL  Pierre  Abaillard  naquit  en  1 070  au  Bourg  de  Palais  à  trois 

oa  nailliince,  _^i  o/-  -o 

fon      cduca-  licucs  de  Nantes  en  Bretagne.  Son  pcre  fe  nommoit  Berenger  ,- 
non ,  fon  a-  ç^  f^  mcre  Lucie.  Ils  fe  réunirent  à  faire  prendre  à  leur  fils 

fnoiir  pour  les  ■  i         t  i      i>  i  i  •     j 

Lettres.  une  teinture  des  Lettres  avant  de  J  engager  dans  le  parti  des 

armes.  Pierre  préférant  l'étude  à  la  gloire  militaire,  s'appliqua 
particulièrement  à  la  Dialetlique  ,  &  dans  ledeflein  de  s'y  rendre 
habile  ,  il  parcourut  diverfes  Provinces,  où  il  fçavoit  que  l'étude 
de  cet  Art  étoit  en  réputation.  Un  de  fes  premiers  Maîtres ,  félon 
Otton  de  Frifingue  ,  fut  Rofcelin  de  Compiegnc  ;  Abaillard  n'en 
dit  rien  ;  puis  il  fe  mit  fous  la  difcipline  de  Guillaume  de  Cham- 
peaux  (b). 
Il  enfcigne       1 1  !•  Pendant  qu'il  étudioit  à  Paris  fous  Guillaume  (  c  ),  il  s'en- 

aMelun.  w.^ ■         '■  ■      " 

(a)Abxlard,epif{.  i.  I       ^"^^  ^^'"'• 

l.b)  Abxlard,  epift,*^  l 


ETHELOISSE,  ABBESSE  DU  PARÂCLET.  ï;; 
-fit:  aimer  d'abord  par  les  faillies  de  fon  efprit  ;  mais  ayant  enfuitc 
■entrepris  de  réfuter  quelques-unes  de  fes  opinions,  ôcaffedéde 
le  pouffer  dans  la  dilpute ,  jufquà  paroître  l'emporter  fur  lui, 
il  devint  odieux  au  Maître  ôc  aux  Ecoliers.  Alors  plein  de 
confiance  en  lui-même  ,  il  alla  ,  quoique  jeune  ,  ouvrir  une 
Ecole  à  Melun  ,  qu'il  transfera  quelque  tems  après  à  Corbeil , 
•pour  être  plus  près  de  Paris.  Il  eut  un  grand  nombre  de  Difciples. 
Son  ardeur  à  fe  rendre  capable  de  les  bien  inflruire ,  lui  occa- 
fionna  une  maladie  qui  l'obligea  d'aller  reprendre  fon  air  natal. 
Après  quoi  il  revint  à  Paris  fe  rendre  une  féconde  fois  Difciple 
de  Guillaume  deChampeaux  ,  qui  tenoit  alors  fes  Ecoles  à  faint 
iViclor,  où  il  avoit  pris  Ihabit  de  Chanoine  Re'gulier.  Ils  eurent 
•enfemble  de  fréquentes  difputes  fur  les  univerfaux.  Guillaume 
enfeignoit,  que  la  même  chofe  eft  effentiellement  toute  entière 
<ians  chaque  individu.  Abaillard  foutenoit  le  contraire  ;  ôc  fur 
fes  raifons  ,  Guillaume  changea  de  fentiment  (a  ).  Cela  fit 
augmenter  la  réputation  d'Abaillard  ,  qui  ouvrit  de  nouveau 
■une  Ecole  à  Melun ,  d'où  il  revint  peu  de  tems  après  à  Paris 
s'établir  fur  le  Mont  de  fainte  Geneviève. 

I  V.  C'étoit  vers  l'an  1 1 1 5  &  dans  la  trente-quatrième  année  II  ouvre  un« 
d'Abaillard.  La  réputation  d'Anfelme  qui  enfeignoit  la  théologie  Ecole  a  Pans. 
à  Laon ,  l'y  attira.  Il  en  fortit  peu  fatistait  ;  &  de  retour  à  Paris  , 
il  reprit  fes  leçons  de  Dialectique.  Etant  à  Laon  il  avoit  com- 
mencé à  expliquer  la  prophétie  d'Ezechiel  (b)  ,  fans  avoir  aupa- 
ravant étudié  l'Ecriture  fainte.  Ses  leçons  fur  cette  matière 
plurent  à  fes  Ecoliers  :  Ils  le  crurent  aufli  habile  dans  l'intelli- 
gence des  Livres  faints  que  de  la  philofophie. 

V.  En  voyant  augmenter  fa  réputation  ,  il  fe  laifla  aller  à  la  liremariei 
vanité  ,  ôc  lâcha  la  bride  à  fes  autres  pafTions.  Chargé  par  un 
Chanoine  de  Paris  nommé  Fulbert^  d'inftruire  HeloîfTe  fa  nièce, 
fille  d'une  beauté  médiocre  ,  mais  de  beaucoup  d'efprit,  ôc  déjà 
fçavante  ,  qui  outre  la  langue  latine  pofledoit  la  grecque  ôc  l'hé- 
braïque ,  ils  prirent  l'un  pour  l'autre  de  l'amour  ,  dont  les  fuites 
furent  la  naiiïance  d'un  fils  qui  fut  nommé  Pierre  ,ôc  furnommé 
Aftrolabe  ,  ou  Alhe  brillant.  Il  fallut  pour  appaifer  la  colère  de 
i'oncle ,  époufer  HeloïlTe.  Elle  s'y  oppofa  ,  ôc  fit  fur  cela  à  Abail- 
lard un  difcours  des  plus  éloquens  (c  ) ,  où  elle  lui  faifoit  voir, 
iqu'en  l'époufant  il  facrifioit  fa  fortune  ,  foit  dans  l'Eglife  qui 

(il)  Abœhrd  epiji.  i,  1       (c)  i*«^. 

{b)  Ibid.  { 

Vi) 


rf6    PIERRE    A  B  AI  L  L  ARD,  A  B  B  É; 

pourroit  récompenfer  fon  fçavoir  par  quelque  Bénéfice  confidë-^ 
rable  ,  car  il  nétoit  encore  que  Cler-c  ,  mais  Chanoine  ;  foit  dans 
le  monde  par  la  réputation  que  lui  donneroient  fes  talens.  Elle 
concluoità  ce  quelle  fut  toujours  fon  amie  &  jamais  fon  époufc. 
Toutes  ces  confiderations  furent  inutiles.  Abaillard  ne  craignit 
pas  même  les  mauvais  traitemens  de  l'oncle,  que  la  nièce  luî 
iaifoitenvifager  comme  certains.  Renonçant  donc  à  fon  Gano- 
nicat,  il  époufa  HeloïfTe  dans  une  Eglife  de  Paris  à  PilTue  de 
Matines  ,  en  préfence  de  l'oncle  &  de  quelques  témoins  affidés  ; 
&  aufîltôt  après  la  bénédiction  nuptiale ,  ils  fe  féparerent. 
Heloiife  rcfla  chez  fon  oncle  j  ôc  Abaillard  reprit  fes  leçons 
publiques. 
n  fe  fait       VL  Cependant  ayant  fçu  que  Fulbert  maltraitoit  fa  nièce  ^. 

Moineafaint  jj  l'envova  à  Argenteuil ,  où  il  lui  fit  prendre  1  habit  de  Rdi- 
gieufe ,  à  l'exception  du  voile.  L'oncle  fe  croyant  trompé  par 
Abaillard,  s'en  vangea  {a) ,  ç.ï\  le  faifant  mutiler  ,  comme  il 
dormoit ,  par  des  gens  qui  trouvèrent  le  moyen  d'entrer  la  nuit 
dans  fon  logis.  Abaillard  reconnut  les  juftes  jugemens  de  Dieu, 
qui  le  punifloit  par  où  il  avoit  péché  ;  ôc  ne  pouvant  plus  fup- 
porter  la  honte  qui  lui  en  revenoit ,  il  fe  fit  Moine  dans  l'Abbaye 
de  faint  Denys  ,  ôc  Helo'ifle  prit  le  voile  à  Argenteuil.  Ce  fut 
l'Evcque  de  Paris  ,  qui  le  bénit ,  ôc  le  mit  far  l'Autel.  Hcloiffc 
fortant  du  Chœur  pour  l'aller  prendre  ôc  le  mettre  elle-même  fur 
fa  tête  ,  fut  arrêtée  par  plulleurs  perfonnes  qualifiées  ,  qui 
eiïayerent  de  la  détourner  de  fon  delTein.  Mais  elle  ne  fe  laiflâ 
point,  ébranler  ;  ôc  malgré  les  larmes  qui  couloient  de  fes  yeux 
ôc  les  foupirs  que  fon  cœur  pouiToit ,  elle  accompagna  fon  facri- 
Hcc du  récit  des  vers  de  la  pharfalc  de  Lucain {h) ,  où  ce  Poëtc 
reprefente  Cornelie  déplorant  la  mort  du  grand  Pompée  fon 
époux,  s'accufant  de  l'avoir  rendu  malheureux,  ôc  déclarant 
qu'elle  va  s'en  punir. 

Abaillard  en-       VIL  Abaillard  nc  fut  pas  longtems  caché  à  faint   Denys. 

feit^iicdaBsun,  Plufieurs   Clcrcs   Ô£  auttes  Etudians  vinrent  l'y  trouver,   lui 

Prifurc     dé    reprefcntant  qu'étant  dans  le  repos  de  la  folitudc  ,  il  pourroit  plus 

pendant  deS.    .  i.,  ,    ^     ,  j       i  a    r-         i  i->-  >-\ 

B^nys.  facilement  leur  donner  des  leçons,ôc  taire  alors  pour  Dieu  ce  qu  il 

n'avoir  fait  étant  dans  le  monde,  que  pour  gagner  de  l'argent, 
ou  s'attirer  de  la  gloire.  Ils  mirent  dans  leurs  intérêts  l'Abbé  ÔC 
les  Moines  de  faint  Denys  ,  qui  commençant,  à  fe  laffer  d'un 
Cenfeur  imponundc  leur  vie,  furent  bien  ailes  de  s'en  défaire» 

ta)  Ataiurd,  lèid,  J       {^b  )  l'hc.rfai,  iib.  i  ,y.  »<. 


ET  HELOISSE,  ABBESSE  DU  PARACLET.  1^7 

ïls  l'envoyèrent  à  Deiiil  ,  Prieuré  dépendant  de  l'Abbaye. 
Auiïîtôt  que  l'on  fut  averti  qu'Abaillard  y  avoir  ouvert  uneEcole, 
il  lui  vint  un  fi  grand  nombre  d'Ecoliers  (  a  )  ,  qu'il  ne  fc  trouvoit 
pas  dans  le  lieu  affez  de  maifons  pour  les  loger,  ni  de  quoi  les 
faire  fubfifter.  Quoique  fes  léchons  roulaiïent  principalement  fur 
l'intelligence  de  l'Ecriture  &  la  théologie,  il  ne  laiiToit  pas 
pour  contenter  fes  Difciples  ,  de  leur  expliquer  les  arts  libéraux. 
C'ctoit  comme  un  appas  dont  il  fefervoit  pour  les  conduire  à  la 
connoiffancc  des  grandes  vérités  de  la  Religion.  Telle  étoit, 
dit-il  ,  la  méthode  du  grand  Origene. 

VIII.  Les  Ecoles  de  la  plupart  des  Villes  ,  nommément  de     ^'  ^,^  ^<'"* 
Reims,  le  trouvant  déferres  j  Alberic  &  Lotulphe  qui  en  avoient  condie'"de' 
foin  ,:  s'élevèrent  contre  Abaillard  ;  &   engagèrent  dans  leur  Soiirons    eiJ 
parti,  des  Archevêques  ,  des  Evêques  ,  ôc  des  Abbés.  Leurs  '"■'* 
raiions  étoient ,  qu'il  ne  convenoit  pas  à  un  Moine  d'enfeigner 
les  Belles-Lettres  ;  &  qu'à  l'égard  de  la  théologie  &  de  lEcri- 
turefainte,  Abaillard  étoit  incapable  d'en  donner  des  leçons, 
n'ayant  jamais  eu  de  ALaitre  dans  cette  forte  de  fcience.  Il  fournit 
lui-même  un  autre  fujet  de  plainte  par  un  Traité  de  l'unité  de 
Dieu  &  de  la  trinité  des  perlonnes  ,  dans  lequel ,  aux  inftances 
de  fes  Ecoliers  ,  il  expliquoit  &  prouvoit  ces  myfteres  ,  plus  par 
des  raifons  de  philofophie,  que  parles  autorités  de  l'Ecriture  & 
des  Pères  ,  dont  ils  étoient  déjà  inflruirs.  Abaillard  Ôc  fon  Livre' 
furent  déférés  au  Légat  Conon  (b)  ,  Evêque  de  Paleftrine ,  &  à' 
Raoul  le  Ver  J  ,  Archevêque  de  Reims  ,  qui  en  conféquence  le 
citèrent  au  Concile  qu'on  devoit  tenir  à  Soiiîonsen  1 121  ,  avec 
ordre  d'y  apporter  fon  Livre.  Il  obéit  ;  ôc  auffitôt  fon  arrivée  à 
SoiiTons  ,  ilalla  trouver  le  Légat ,  lui  donnant  fon  Livre  à  exa- 
miner ,  offrant  de  corriger  tout  ce  qu'il  y  auroit  de  contraire  à  la' 
foi  Catholique.  Le  Légat  lui  ordonna  de  le  porter  à  l'Archevêque' 
de  Reims ,  à  Alberic  ôc  à  Lotulphe ,  qui  étoient  Ces  Accufateurs, 
Le  jugement  du  Livre  fut  renvoyé  à  la  fin  du  Concile;  ôc  après 
plufieurs  délibérations  entre  les  Evêques,  on  obligea  Abaillard 
de  jetter  lui-même  fon  Livre  au  feu ,  fans  qu'on  l'eût  auparavant' 
examiné. 

I  X.  Quoique  cité  au  Concile  comme  accufé  d'erreur,  on  ne  .  Conâàiar^ 
faiffa pas  de  lui  permettre  de  monter  en  chaire  (c)  chaque  jour  dansTe  Cooj- 
avant  que  les  Pères  s'alTemblaffent  ,  ôc  d'expliquer  quelques  cik. 


(■a)  Ahxiard,  ep'd.t,  \       (c)  Ihïd^ 


Vil}; 


^j8     PIERRE    ABAILLARD  ,  ABBÉ; 

points  de  notre  croyance.    Le  Clergé  &  le  Peuple  en  furent 

édifiés ,  ôc  n'y  remarquant  rien  que  d'orthodoxe ,  les  Auditeurs  fe 

difoientl'un  à  l'autre:  Voilà  cet  homme  qui  parle  publiquement, 

&c  perfonne  n'ofe  lui  rien  dire  :  Ne  feroit-ce  pas  que  nos  Evêques 

ont  enfin  reconnu  qu'ils  font  eux-mêmes  dans  l'erreur ,  &  qu'il 

a  raifon  ?  Un  certain  jour  (  a  )  Alberic  l'attaqua  au  fortir  de  la 

prédication,  6c  croyant  avoir  trouvé  des  propofitions  erronées 

dans  fon  Livre  ,  lui  cita  entr'autres  celle  où  Abaillard  difoit ,  que 

Dieu  nes'eftpas  engendré  lui-même.  Il  demanda  à  Alberic  le 

tems  d'expliquer  cette  propofition  ;  &  celui-ci  ayant  répondu  , 

qu'il  vouloir  non  des  raifons  ,  mais  des  autorités  ,  Abaillard  lui 

montra  deux  lignes  après  la  propofition  ,  un  paflage  de  faint 

Augufiin  ,  qui  difoit  la  même  chofe.   Alberic  s'en  retourna 

confus. 

OnluiJonne       X.  Après  la  Condamnation  du  Livre  d'Abaillard  ,  on  lui  fît 

pour    P"  j"  faire  fa  profeiTion  de  Foi ,  ce  qui  fe  réduifit  à  lui  faire  lire  tout 
l'Abb3yG    rie  r  ^     ^         ^ 

faint  Mé'iar.1  ;  liaut ,  le  fymbolc  de  faint  Athanafe  ;  puis  on  le  mit  lui-même 
puisonleren-  g^tre  Ics  mains  de  Geoffroi ,  Abbé  de  faint  Médard,  pour  le 
Denys^  '""  tenir  enfermé  dans  fon  Cloître.  Cet  Abbé  &  fes  Moines  le 
reçurent  avec  joie  &  le  traitèrent  avec  honneur ,  dans  l'efperance 
qu'ils  le  garderoient  quelque  tems.  Mais  il  n'y  demeura  que 
quelques  jours  ,  6c  le  Légat  le  renvoya  à  faint  Denys.  Abaillard 
y  retrouva  les  Moines  (  b  )  qu'il  s'étoit  rendus  odieux  en  cenfurant 
leurs  moeurs.  Mais  il  ne  fut  pas  longtems  avec  eux  ,  fans  les 
irriter  encore  davantage ,  au  fujet  de  l'hilloire  de  faint  Denys 
i'Aréopagite  écrite  par  l'Abbé  Hilduin.  Comme  il  avoir  lu  dans 
Bede  que  faint  Denys  I'Aréopagite  avoit  été  plutôt  Evêque  de 
Corinthe  que  d'Athènes ,  il  foutint  cette  opinion  ,  d'où  il  fuivoit, 
que  celle  d'Hiiduin  ,  qui  le  faifoit  Evêque  d'Athènes  ,  étoit 
faufle  ;  ôc  que  cet  Abbé  n'avoit  pas  mieux  rencontré  en  faifant 
faint  Denys  I'Aréopagite  Apôtre  de  la  France.  L'Abbé  Adam 
informé  de  cette  difpute  ,  menaça  Abaillard  de  l'envoyer  au 
Roi  pour  en  être  puni.  Il  s'offrit  de  fubirla  pénitence  régulière, 
au  cas  qu'il  fut  coupable  ;  mais  fa  foumiffion  n'ayant  pas  appaifé 
les  efprits  ,  il  fc  fauva  de  nuit  ôc  fe  retira  à  Provins  fous  la  pro- 
te£tion  deThibaud  ,  Comte  de  Champagne. 
{)  fonde  le  XL  Abaillard  effaya  envain  d'obtenir  de  l'Abbc  Adam  de  ne 
fàfidct,        pjyg  retourner  à  faint  Denys;  mais  l'Abbé  Suger(c)  fon  fuc- 

ia)   Epift.  I.  ICC)  ii>'d. 

ib)Ep,iJl.i, 


ET  HELCISSE,  ABBESSE  DU  PARACLET.  ifp 

cefTeur,  lui  accorda  de  fe  retirer  en  quelle  folitude  il  voudroit, 
pourvu  qu'il  nefe  fournit  à  aucune  Abbaye.  Ilchoifitun  endroit 
proche  de  Nogent-fur-Seine ,  dans  le  Diocèfe  de  Troyes,  y 
éleva  une  Chapelle  avec  des  joncs  ôc  des  branches  d  arbres,  la 
dédia  à  la  fainte  Trinité  ;  &  s'y  étant  bâti  pour  lui-même  une 
cabane ,  il  y  fixa  fa  demeure  accompagné  d'un  feul  Clerc.  Ses 
Ecoliers  l'ayant  appris  ,  accoururent  auprès  de  lui ,  fe  logèrent 
comme  ils  purent  fur  le  bord  du  ruiiTeau  qui  arrofoit  cette  foli- 
tude ;  ôc  tirèrent  une  partie  de  leur  nourriture  des  herbes  que  la 
Campagne  peut  fournir.  L'Oratoire  étoit  trop  petit.  Ils  en  bâtirent 
un  plus  grand  ,  avec  de  la  pierre  &  du  bois,  qu'Abaillard  nomma 
Paraclet ,  à  caufe  des  confolations  divines  qu'il  avoit  reçues  en 
ce  lieu.  Halton  ,  Evéque  de  Troyes  ,  lui  permit  d'y  demeurer  j 
on  dit  même  qu'il  lui  donna  le  terrein.  Ce  nouvel  établilTemenc  , 
ôc  le  grand  nombre  de  Difciples  qui  lui  venoient  de  tous  côtés  , 
déplurent  à  Alberic  ôc  à  Lotulfefes  Accufateurs  dans  le  Concile- 
de  SoiiTons.  Ils  prévinrent  contre  Abaillard ,  faint  Norbert  ÔC 
faint  Bernard  ,  qui  avoient  l'un  ôc  l'autre  une  grande  autorité 
dans  le  monde  ,  ôc  lui  fufciterent  tant  d'ennemis  ,  qu'il  prit  le 
parti  de  fe  retirer  ailleurs. 

XII.  Il  étoit  dans  cette  penfée  lorfqu'on  lui  apporta  la  IJ  «1  ^aù 
nouvelle  qu'il  venoit  d'être  choifi  Abbé  deiaint  Gildas  de  Ruïs  Hdoiir^"'^'' 
en  Bretagne  ,  au  Diocèfe  de  Vannes.  L'Abbé  de  faint  Denys  Puraciet.  '* 
confentit  à  l'éledion  ;  ôc  Abaillard  lailfant  au  Paraclet  deux  de 
fes  amis ,  alla  prendre  polTelfion  de  fon  Abbaye  {a).  Elle  étoit 
en  mauvais  ordre  ,  tant  pour  les  revenus  que  pour  la  difcipline 
régulière.  Abail'ard  n'entendoit  pas  la  langue  du  Pays  ;  fes 
Moines  étoient  indociles  ;  il  ne  pouvoit  les  remettre  dans  le 
devoir  que  par  fon  exemple  :  ils  ne  vouloient  pas  le  fuivre.  Tout 
cela  lui  faifoit  regretter  fon  Paraclet.  Mais  ayant  appris  que  les 
Religieufes  d'Argenteiiil  ,  dont  Heloïfle  étoit  Prieure,  avoienc 
été  obligées  de  quitter  ôc  de  céder  ce  Monallere  à  l'Abbé  ÔC 
aux  Moines  de  faint  Denys  ,  il  offrit  à  Heloïfle  le  Paraclet,  où 
elle  fe  retira  en  effet  en  i  lap  ,  fuivicde  huit  ou  dix  Religieufes 
d'Argenteiiil.  Abaillard  vint  fur  les  lieux  pour  les  recevoir,  ôc 
les  mettre  en  pofTefTion  des  biens  qu'il  leur  donnoit.  Telle  fut 
l'origine  de  l'Abbaye  du  Paraclet  à  qui  l'on  donna  dans  la  fuite 
de  grands  biens.  Le  confentement  de  l'Evêque  de  Troyes  inter- 
vint, ôc  il  y  eut  des  Bulles  de  confirmation  de  la  part  du  Pape- 

C»)    Abalard,  efijl..i.- 


Aêo     PIERRE    ABAILLARD  ,  ABBÉ; 

Innocent  II.  &  de  plufieurs  de  fes  fuccefîeurs.    On  y  fuivit 

d'abord  la  Règle  de  faint  Benoit  ;  mais  à  la  prière  d'HeioiiTe  , 

Abaillard  leur  en  donna  une  particulière. 

Abaîllard       X  1 1 1.  Il  leur  rendoit  de  fréquentes  vifites  ;  ce  qui  ayant 

condamne  au  .tJonné  lieu  à  de  mauvais  bruits ,  il  retourna  en  Bretagne  ,  où  il 

Concile      de     >  \  r      j-  ti    '      •  rr'  t? 

Sensenii4o  S occupa  a  compoler  divers  ouvrages.  11  etoit  repalle  en  France 
Tom.   ïo  ,  avant  Tan  1 1 4-0  ,  puifqull  fut  prefent  au  Concile  qui  fe  tint  à  Sens 

Concil.  pcig.  ]ç  deux  de  Juin  de  cette  année.  Quelque  tems  auparavant, 
■Guillaume  ,  Abbé  de  faint  Thierri ,  avoir  remarqué  plufieurs 
■erreurs  dans  un  de  fes  Livres.;  dont  les  unes  regardoient  la  fainte 
Trinité  ;  les  autres  ,  le  libre  arbitre  ,  le  péché  originel ,  le  Sacre- 
ment de  l'Autel,  &  divers  articles  de  la  Foi,  U  en  donna  avis  à 
faint  Bernard ,  qui  avertit  Abaillard  avec  tant  de  douceur  , 
qu'il  promit  de  le  corriger.  Mais  fçachant  que  l'on  devoit  tenir 
.dans  peu  un  Concile  à  Sens,  il  fe  plaignit  à  l'Archevêque  des 
invectives  de  faint  Bernard  contre  fes  Livres  ,  &  demanda  qu'ils 
fuflent  tous  les  deux  appelles  au  Concile.  L'Abbé  de  Clairvaux 
produifit  le  Livre  de  la  rhéologie  d'Abaillard  ,  &  les  propofitions 
gu'il  en  avoit  extraites.  Abaillard  ne  voulant  point  les  défavouer, 
ôc  ne  pouvant  les  jullifier ,  fut  condamné.  Mais  il  appella  de  la 
Sentence  ,  au  Pape  Innocent  II.  {a)  qui  confirma  ce  qui  avoit 
■été  jugé  par  le  Concile  de  Sens.  Abaillard  étrangement  furpris 
•qu'on  l'eût  condamné  à  Rome  fans  avoir  été  entendu  ,  ne  laifla 
pas  de  fe  défifler  de  fon  appel  (  6  ).  Il  quitta  aulTi  le  deflein  d'aller 
à  Rome  ;  &  fur  les  offres  de  l'Abbé  de  Cluni ,  il  çonfentit  à  pafTer 
le  refte  de  fes  jours  en  ce  Monaflere.  L'Abbé  fe  chargea  d'en 
demander  l'agrément  au  Pape,  qui  l'accorda  volontiers  ,  &  leva 
les  cenfures  dont  il  avoit  frappé  Abaillard  ,  en  condamnant  fa 
doctrine,. 
Aîort  <rA-       X  l  V.  Son  féjour  à  Cluni  fut  de  deux  ans  ,  pendant  lefquels  il 

bn:ii:ird    tn    édifia  la  Communauté  par  fcs  exemples  &  par  fes  difcours.  Il  y 

'  '•  '■*  écrivit  fon  apologie  ,  où  il  défavoue  tout  ce  qu'il  peut  y  avoir  de 

mauvais  dans  fes  écrits  ;  ôc  une  confellion  de  foi  fur  tous  les 
;irticles  que  l'on  avoit  condamnés  dans  fes  ouvrages.  Quant  aux 
çirconflances  de  fa  mort ,  Pierre  ,  Abbé  de  Cluni,  témoin  ocu- 
laire ,  ks  a.rappor-técs  dans  une  Lettre  (  c)  qu'il  écrivit  fur  cefujet 
à  Heloïffe.  Cette  Lettre  contient  en  fubftance  ,  que  rien  n'étoit 
femblable  à  l'humilité  d'Abaillard  ,  tant  dans  fes  habits  que  dan? 

(ç)  Tom.  ïo  ,Condl.fig.  10:1.  j       (cj   Fctrus  ibid.  epiJL  11. 

l  h  )  Parus  Clu/ùic.  iib,  4 ,  cpijî.  u        \ 


ET  HELOISSE  ,  ABBESSE  DU  PARACLET.  léi' 
fon  maintien  ;  qu'il  obfcrvoit  une  égale  fimplicité  dans  tous  les 
befoins  du  corps  ;  qu'il  partageoit  Ton  tems  entre  la  ledure  & 
la  prière,  ne  s  occupant  que  de  méditer  ou  d'enfeigner  les  vérités 
de  la  Religion  ;  quefe  voyant  réduit  à  l'extrémité  ,  il  fit  d'abord 
fa  confeilion  de  foi ,  puis  celle  de  fes  péchés  ,  ôc  re^ut  enfuite  le 
Viatique.  L'Abbé  de  Cluni  fit  porter  fecretement  le  corps  d'A- 
baillard  au  Paraclet ,  ôc  le  remit  lui-même  à  cette  Communauté. 
Nous  avons  encore  î'épitaphe  (  a)  qu'il  fit  pour  mettre  fur  foa 
tombeau  ,  6c  l'abfolution  qu'il  lui  donna  après  fa  mort ,  comma 
il  ctoit  d'ufage  en  ce  tems-là.  Dans  l'épitaphe  il  l'appelle  le 
Socratedela  France;  le  Platon  d'Italie;  le  Maître  &  le  modèle 
de  l'éloquence.  Mais  il  relevé  furtout  en  lui  la  fageffe  qu'il  fit 
paroître  ,  en  mettant  dans  fes  dernières  années  toute  fa  gloire  à 
vivre  en  Difciplede  la  Croix.  Il  mourut  le  21  d'Avril  1 142. 

XV.  L'édition  de  fes  écrits  faite  à  Paris  en  1616  chez  Nicolas     Ecrits  d'A- 
Buon  i/z-4°.  par  les  foins  de  r'rancois  d'Amboife  ,  Confeillcr  ''-"Hard.   Sas 

,,„  ^      t  n    '/•        ■"       I  •  ^  r  Lettres. 

G  Etat,  commence  par  une  rretace  apologétique,  ou  ce  Içavant 
Magiftrat  s'eft  eflx)rcé  de  rétablir  la  mémoire  d'Abaillard  ^  fiéttie 
par  fes  ennemis  ;  ôc  de  montrer  combien  il  s'eft  rendu  utile  à 
î'Eglife ,  foit  par  fes  leçons  publiques  ,  foit  par  fes  écrits.  Il  ne 
didimule  ni  fes  fautes  ni  celles  d'Keloifie  ;  mais  il  n'oublie  pas 
aufTi  de  faire  remarquer  qu'ils  les  ont  l'un  ôc  l'autre  effacées  par 
une  fcvere  pénitence  ;  que  fi  elle  parut  plus  tardive  dans 
Heloïfle  ,  ce  ne  fut  pas  une  raifon  d'en  fufpetter  la  finccrité. 

XVI.  Apres  cette  Préface  viennent  les  Lettres  d'Abaillard  Lettre d'A- 
ôc  d'Heloïfie.  Il  étoit  encore  dans  l'Abbaye  de  faint  Gildas  en  ^^^^^^"^  ^  "' 
Bretagne  ,  lortqu'un  de  fes  amis  lui  écrivit  pour  chercher  auprès  EpUl.  t ,  pas:. 
de  lui  quelque  confolation  dans  divers  accidens  fâcheux  ,  dont  '  >  eàr.Pans 
il  étoit  accablé.  Abaillard  perfuadé  qu'en  cette  ôccafion  les 
exemples  font  plus  efficaces  que  les  difcours  ,  répondit  à  cet  ami 

par  un  récit  fort  détaillé  des  fouffrances  6c  des  perfécutions  qu'il 
avoit  eu  lui-même  à  fupporter  depuis  fa  jeuneffe.  C'efi:  pourquoi 
on  a  intitulé  cette  Lettre  :  l'hiftoire  des  calamités  d'Abaillard. 
Elle  comprend  l'hiftoire  de  fa  vie  ,  depuis  fa  naiffance  jufqu'aux 
mauvais  traitemcns  qu'il  recevoit  de  la  part  des  Moines  de  faint 
Gildas ,  lorfquil  i'écrivoit. 

XVII.  Cette  Lettre  étant  tombée  entre  les  mains  d'Heloifile ,  ,  ^^^^^  f  I^«- 
clleen  reconnut  ailcment  le  caractère,  quoiqu  elle  n  en  eut  point  i^^rd. 

reçu  de  lui  depuis  un  grand  nombre  d'années ,  c'eft-à-dire ,  depuis  Epjl.  ». 

Tome  XXI  h  X 


1(2     PIERRE    ABÂILLARD,ABBÉ; 

qu'il  avoit  fait  profelTion  de  laReglc  de  S.  Benoît  en  l'Abbaye  de 
S.  Denys.  Elle  fe  plaignit  à  lui  même  d'un  Ci  long  filence,  &  qu'il 
refufat  à  fon  époufe  les  confolations  qu'il  accordoit  à  un  ami.  He- 
loïfle  ne  luidiffimule  pas  qu'elle  ne  s'étoit  faite  Religieufe  que 
pour  lui  plaire.  Mais  penfant  depuis  plus  chrétiennement  ^  elle  lui 
témoigne  qu'il  devroit  du  moins  ne  lui  pas  refufer  des  Lettres 
pour  la  porter  à  Dieu  ôc  à  la  pratique  des  règles  de  fon  état  ;  ou 
que  s'il  nelajugeoit  pas  digne  d'en  recevoir  de  fa  part»  il  ne 
pouvoit  gueres  fe  difpenfer  d'en  écrire  aux  Religieufes  du 
Paraclet ,  qui  étoient  fes  filles ,  &  qui  lui  dévoient  le  Monafterc 
qu'elles  pofledoient.  Faites-vous  réflexion  ,  lui  dit-elle  ,  à  ce 
que  vous  me  devez  ?  Vous  devez  quelque  chofe  à  toutes  les 
femmes  qui  vivent  dans  la  pieté ,  &  qui  ont  befoin  de  votre 
fecours  ;  mais  vos  obligations  font  infiniment  plus  grandes  envers 
votre  chère  ôc  unique.  Votre  profonde  érudition  ne  vous  permet 
pas  d'ignorer  les  foins  empreffés  que  les  faints  Pères  ont  eus  pour 
les  perfonnes  de  notre  fexe  ;  combien  de  fçavans  Traités  ils  ont 
compofés  pour  les  inftruire  ôc  les  former  dans  la  vertu  ;  combien 
de  fermons  ôc  d'exhortations  ils  ont  prononcés  pour  les  animer, 
les  encourager;  combien  de  Lettres  ils  leur  ont  écrites  pour  les 
confoler  dans  leurs  affligions.  Enfin  lesVierges  ôc  les  Veuves  ont 
toujours  fait  l'objet  principal  de  leur  vigilance  ôc  la  matière  de 
leurs  travaux.  C'efl:  ce  qui  fait  que  je  m'étonne  ,  que  ni  l'exemple 
de  ces  grands  Saints ,  ni  le  défir  de  plaire  à  Dieu ,  ni  l'amour  que 
vous  me  devez ,  n'ayent  pîi  jufqu'à  préfent  vous  engager  à  me 
procurer  la  moindre  eonfolation  ,  ou  par  votre  préfcnce  ,  ou  par 
vos  Lettres  ,  quoique  vous  ne  puilliez  ignorer  le  befoin  extrême 
que  j'en  ai  eu  ,  non-feulement  dès  les  premières  années  de  ma 
converfion  où  )'étois  encore  flotante  entre  le  Ciel  ôcla  Terre, 
•'  entre  Dieu  ôc  le  monde,  mais  même  depuis  qu'étant  toute  à 
Dieu  ,  j'ai  été  accablée  de  douleurs  ôc  de  chagrins ,  fans  que 
vous  ayez  paru  y  prendre  aucune  part. 
Ltttred'A-  X  V I  IL  Abaillard  répondit  que  fon  filence  n'étoit  l'effet  ni 
loliVc.'^  '  ^'  de  fon  oubli ,  ni  de  fa  négligence  ,  mais  de  h  perfuafion  où  il 
Epijl.  j,  étoit ,  qu  elle  pouvoir  par  fa  vertu  ôc  fes  talens  ,  faire  pour  elle- 
même  ôc  pour  fes  Soeurs  tout  ce  qui  étoit  nécefTaire  dans  la 
conduite  de  la  vie.  Mais ,  ajouta-t-il ,  fi  vous  croyez  avoir  befoin 
de  mes  inftrudions,  ducs-moi  fur  quelle  matière  vous  voulez 
que  je  vous  parle,  >l>c  je  tacherai  de  vous  dire  ce  que  le  Seigneur 
m'infpirera  pour  votre  fandification  ôc  ce4Ie  de  vos  filles.  Il  lui 


ET  HELOTSSE ,  ABBESSE  DU  PARACLET.  f^j 

demande,  &  à  fes  Religieufes,  le  fecours  de  leurs  prières  ;  & 
fait  voir  par  divers  exemples  ,  combien  celles  des  Vierges  font 
puiffantes  auprès  de  Jefus-Chrid  ;  &  celles  des  femmes  pour  leurs 
époux.  Il  y  avoit  déjà  quelques  années  que  la  Communauté 
du  Paraclet  faifoit  pour  Abaillard  à  la  fin  de  chaque  Heure 
Canoniale  ,  une  prière  à  Dieu  tirée  entièrement  des  Pfeaumes. 
Il  lui  en  envoyé  une  autre  pour  être  récitée  auffi  à  la  fin  de  chaqup 
Heure,  afin  qu'il  fut  délivré  des  dangers  évidens  où  il  étoit  tous 
les  jours,  de  perdre  la  vie.  Incertain  du  moment  ni  du  lieu  de 
fa  mort ,  il  prie  HeloïfTe  de  faire  enlever  fon  corps  ^  &  de  le 
faire  porter  dans  le  Cimetière  du  Paraclet ,  afin  que  les  Sœurs 
ayant  toujours  devant  les  yeux  fon  tombeau ,  offrifient  leurs 
prières  pour  le  repos  de  fon  ame. 

XIX.  Au  lieu  des  confolations  qu'Heloïfle  attendoit  d'A-  Lettre  d'H»- 
baillard,  elle  fut  accablée  de  douleur  par  la  nouvelle  du  danger  |°^'^^- "  A^^'^* 
d'unc  mort  prochaine.  Elle  s'explique  là-defTus  d'une  manière  EpilL  ^. 
très-touchante  ;  ôc  ne  ménageant  plus  les  termes  ,  elle  s'en  prend 
à  Dieu ,  de  tous  fes  malheurs.  Mais  revenant  auflitot  à  des  fen- 
timens  plus  chrétiens  ,  elle  demande  à  Dieu  la  grâce  de  faire 
une  véritable  pénitence  de  fes  fautes.  Elle  entre  dans  le  détail 
de  fes  peines;  &  après  s'être  écriée  avec  l'Apôtre:  Malheureux  Rem.  r. 
que  je  Juis ,  qui  me  délivrera  de  ce  corps  de  mort  ;  elle  prie  le  Ciel , 
qu'elle  puifle  voir  en  elle  l'accomplifTement  de  ce  qui  fuit  : 
Ce  fera  la  grâce  de  Dieu,  par  Jefus-Chrijî  Notre-Seigneur.  Mais 
elle  s'en  croyoit  bien  éloignée,  6c  regardant  fon  cœur  comme 
attaché  encore  à  la  terre  ,  elle  avoue  avec  humilité  ,  qu'elle 
n'avoit  que  les  dehors  de  la  Religion.  C'eft  pourquoi  elle  prie 
Abaillard  de  ne  lui  plus  donner  de  louanges.  Si  vous  croyez  , 
lui  dit-elle ,  qu'il  y  a  en  moi  quelqu'ombre  de  vertu  ,  craignez 
qu'elle  ne  fe  diiïîpe  par  un  air  auiïi  dangereux  que  font  les 
louanges.  Voulez- vous  être  la  caufede  ma  perte  ?  Non  je  ne  puis 
croire  que  vous  ayez  afTez  peu  d'amitié  pour  moi ,  pour  cxpofcr 
mon  falut  en  m'expofant  à  perdre  l'humilité.  Demeurez  donc 
toujours  dans  une  fainte  appréhenfion  fur  mon  fujet  :  craignez 
pour  moi  &  pour  mon  peu  de  vertu  ,  afin  que  cette  crainte  vous 
oblige  à  me  fecourir  par  de  ferventes  prières. 

AX.    On    a   blâmé  Heloïffe  d'avoir  découvert  dans  cette     LettretTA- 
Lettre  toutes  fes  foibleflcs  ;  mais  c'étoit  à  fon  mari  qu'elle  les  loiffe. 
découvroit ,  âc  elle  ne  le  faifoit  que  pour  s'humilier  du  peu  i^i'i'î.  î- 
de  progrès  quelle  avoit  fait  dans  la  vertu.  Gémiffant  fous  la  dure 
fcrvitude  du  corps,  elle  demandoit  d'en  être  délivrée  par  le 

Xij 


i6^     PIERRE    ABAILLARD  ,  ABBÉ; 

fecours  de  fes  prières.  Abaillard  dans  fa  réponfe  employa  tout 
fon  fçavoir  pour  faire  ceffer  le  trouble  que  fa  première  Lettre 
avoit  occafionné  à  HeloïlTe.  Elle  s'étoit  plainte  qu'en  lui  écri- 
vant ,  il  l'avoit  nommée  la  première  dans  linfcription  de  fa 
Lettre  ,  au  lieu  qu'il  devoit  fe  nommer  le  premier  comme  étant 
au-deflus  d'elle.  Il  fe  jufiifie  là-defTus  en  lui  faifant  remarquer , 
qu'étant  devenue  par  fes  vœux  l'Epoufe  de  Jefus-Chrill ,  elle 
étoit ,  fui  vant  que  le  dit  faint  Jérôme  dans  fa  Lettre  à  Euftoquie  , 
fa  Dame  &  fa  Maîtrefle.  Prenant  de-là  occafioa  dinftruire 
HeloïJTe  fur  les  devoirs  d'une  Epoufe  de  Jefus-Chrifl ,  il  donne 
une  explication  de  ce  qui  elt  dit  de  l'Epoufe  dans  le  Cantique 
des  Cantiques,  &  en  fait  l'application  aux  perfonnes  du  fexe 
confacrées  à  Dieu.  11  fait  des  reproches  à  HclcïfTe  fur  la  trop 
grande  fenfibilité  aux  nouvelles  qu'il  lui  avoit  données  des  dangers 
où  il  étoit  de  mourir  ;  ôc  dit  qu'il  ne  l'en  auroit  pas  informée ,  Ci 
elle-même  ne  l'avoit  conjuré  de  ne  lui  rien  cacher  de  l'état  de 
fes  affaires.  A  l'égard  des  louanges  dont  elle  fe  plaignoit  :  Faffe 
le  Ciel ,  lui  dit-il ,  que  votre  efprit  ôc  votre  cœur  s'accordent 
avec  les  exprelTions  de  votre  langue  !  Si  cela  eft  ainfi ,  votre 
humilité  eft  fmcere.  Mais  prenez  garde  que  vous  ne  cherchiez 
les  louanges  par  les  mêmes  voyes  que  vous  fcmblez  prendre 
pour  les  éviter ,  &  que  vous  ne  rejettiez  du  bout  des  lèvres  ce 
que  votre  cœur  fouhaite  avec  plus  de  palTion.  Heloïlfe  neceflbit 
de  plaindre  le  fort  d'Abaillard  ;  ôc  lui  au-contraire  ,  lui  fait  voir 
que  Dieu  l'a  traité  dans  fa  mifericorde  ,  plutôt  que  félon  la 
rigueur  de  fa  juftice  ;  que  Dieu  en  a  agi  de  même  envers  elle  ; 
qu'ainfi  ils  dévoient  l'un  ôc  l'autre  le  remercier  de  les  avoir  déli- 
vrés des  dangers  de  périr  éternellement.  Il  repréfente  à  Heloïfle 
qu'en  reftant  dans  le  monde  elle  n'auroit  pu  donner  qu'un  petit 
nombre  d'enfans  ôc  avec  beaucoup  de  peine  ;  au  lieu  qu'étant 
dans  la  Religion  ,  elle  élevoit  pour  le  Ciel  une  nombreufe 
famille.  Il  l'exhorte  à  réfifter  de  tous  fes  efforts  aux  tentations  de 
la  vie  préfente,  dont  elle -s'étoit  plainte  dans  fa  Lettre;  ôc  lui 
donne  tout  au  long  la  prière  qu'il  avoit  compofée  pour  elle 
&  pour  lui,  en  lui  confeillant  de  la  réciter  chaque  jour  avec 
attention. 
Lettre d'He-  XXI.  Heloïffe  pout  obéïr  à  Abaillard  ne  lui  écrivit  plus 
larii^*  '^'  ^^^^  î  ^^  ^"'-  ^^^  peines  particulières  ,  ni  fur  leurs  infortunes  com- 
rpijl.  6.  munes  ;  mais  portant  fes  vues  à  quelque  cliofe  de  plus  utile , 
elle  le  pria  de  lui  apprendre  ôc  à  fes  Sœurs  l'origine  de  leur  état  ; 
quelle  autorité*  ôc  quel  rang  il  avoit  dans  fEglife  ;  fur  quels  fon- 


ET  HELOÎSSE  ,  ABBESSE  DU  PARACLET.  1 5j 

démens  il  avoit  étc  établi ,  en  quel  tems  il  avoit  commence.  Il 
efl:  honteux  ,  difoit-elle  ^  à  des  Religieufes  d  ignorer  toutes  ces 
chofes  ôc  d'embraffer  une  profellion  fans  la  connokre.  Une  per- 
fonne  bien  née  dans  le  monde  fçait  la  généalogie  de  fa  famille  ôc 
d'où  elle  fort.  Faut- il  que  nous  en  fçachions  moins  en  Religion  ? 
Et  notre  état  eft-il  fi  obfcur  qu'on  ne  puiffe  en  connoitre  les 
commencemens  ?  Elle  lui  demanda  encore  une  règle  pour  fa 
Communauté.  On  y  obfervoit  celle  de  faint  Benoît  comme  dans 
tous  les  autres  Monaflcres  de  Filles  ;  mais  Heloiiie  ne  la  trouvoit 
pas  praticable  en  plulieurs  points,  pour  les  perfonnes  de  fon 
fexe ,  à  l'égard  des  habits  ,  des  chemifes  de  ferge,  de  la  letlure 
publique  de  TEvangile  à  Matines,  de  l'hofpitalité,  des  travaux 
de  la  Campagne  ,  de  l'épreuve  d'un  an  dans  les  Novices  avant  la 
profellion  ^  ôc  de  l'aufterité  des  jeûnes  ôc  de  l'abftinence  de  la 
chair.  Ce  feroit  affez  pour  nous ,  dit-elle  ,  eu  égard  à  notre  foi- 
bleffe  ,  fi  en  matière  d'aufterité  ôc  d'abflinence  nous  faifions 
autant  que  les  Evoques  ôc  les  autres  Eccléfiaftiques  ,  qui  com- 
pofent  le  Clergé  ;  fi  ,  comme  eux  ,  nous  confentions  de  garder 
la  chaftetéôcles  jeûnes  que  l'Eglife  ordonne.  Elle  cite  encore 
pour  exemple  à  imiter  les  Chanoines  Réguliers  ,  qui  n'étant  pas  , 
a  ce  qu'ils  difent ,  inférieurs  en  matière  de  perfedion  aux  Moines, 
portent  néanmoins  du  linge ,  mangent  de  la  viande ,  ôc  n'ont 
point  d'autres  aufterités  ,  que  celles  du  commun  des  Chrétiens. 
Elle  détaille  les  dangers  du  vin ,  mais  elle  ne  laiffe  pas  de  vouloir 
en  conferver  Tufage  à  fes  Religieufes  en  une  quantité  qui  ne 
puilTe  nuire.  Enfin  elle  prie  Abaillard  de  régler  encore  l'Office 
divin  de  façon  qu'on  ne  foit  pas  obligé  de  répeter  plufieurs  fois 
les  mêmes  pfeaumes  en  unefemaine,  ôc  de  marquer  comment 
on  devoir  fe  comporter  touchant  la  lecture  de  l'Evangile  à 
Matines  ,  fans  qu'on  foit  obligé  de  faire  entrer  un  Prêtre  ou  un 
Diacre  pour  le  chanter. 

XXII.  La   réponfe  d'Abaillard  aux  deux  demandes  d'He-     lettre d'A- 
loïffe  forme  deux  Lettres.  Dans  la  première  il  fait  voir,  que  io,Ve.'^"'    *^* 
l'Ordre  Monaftique  ,  foit  d'hommes,  foit  de  filles,  a  reçu  de  Epift.?. 
Jefus-Chrifl:   fon  établifiement  ,   fa  perfettion  ,   Ôc  toutes   les 
grâces  qui  l'accompagnent  ;  que  le  Sauveur  a  jette  les  fondemens 
de  l'état  religieux ,  en  aflcmblant  fous  fa  conduite  un  certain 
nombre  de  perfonnes  de  l'un  ôc  l'autre  fexe ,  à  qui  il  a  donné 
les  règles  d'une  vie  fainte,  ôc  les  inftruttions  nécefi"aires  pour 
rendre  à  Dieu  ce  culte  intérieur  ôc  parfait  qui  forme  les  vrais 
adorateurs  ôc  l'état  religieux.  Abaillard  relevé  tout  ce  qui  eH  ' 

X  ii] 


t66     PIERRE    ABAILLARD  ,  ABBEî 

dit  dans  l'Evangile  à  l'avantage  des  faintes  Femmes  qui  fer- 
voient  Jefus-Chrifl  ;  &  ce  que  faint  Luc  dans  les  Attes ,  ôcfaint 
Paul  dans  fesEpîtres,  difent  des  Vierges  &  des  Veuves,  qui 
faifoientprofeilîon  de  fervir  Dieu  par  les  fervices  qu'elles  ren- 
doient  à  fes  Miniftres  ,  qu'elles  entretenoient  de  leurs  biens. 
Enfuiteil  montre  par  le  témoignage  des  anciens  HiftoriensEccle- 
liaftiques ,  que  le  nombre  de  ces  Vierges  s'étant  multiplié  ,  on  ea 
vit  dans  prefque  toutes  les  Villes  fe  réunir  en  une  même  maifon 
pour  y  vivre  dans  les  exercices  de  pieté  ;  que  les  Empereurs  les 
prirent  fous  leur  protettion  ;  que  les  Evoques  ôc  les  Dotteurs  de 
l'Eglife  fe  chargèrent  volontiers  de  compofer  des  Traités  de 
dévotion  pour  les  inftruire ,  ôc  que  leur  état  paffoit  dans  l'Eglife 
pour  fi  refpedable,  que  l'on  choififioit  pour  donner  le  voile  à 
une  Vierge  ,  les  Fêtes  les  plus  folemnelles  ;  ce  qui  ne  fe  faifoic 
pas  même  pour  la  confécration  des  Evêques  ;  6c  que  fi  une  fille 
engagée  dans  le  mariage ,  vient  à  changer  de  réfolution  avant 
que  le  mariage  foit  confommé  ,  on  lui  permet  d'entrer  en  Reli- 
gion ,  &  de  répudier  fon  mari. 
Lettre  d'A-       XXIII.  La  féconde  Lettre  eft  la  Reele  même  qu'Abaillard 

loVr  *  ^'  compofa  pour  la  Communauté  du  Paraclet.  Il  dit  dans  la  Préface 
E'/iJl.  8.  que  les  coutumes  non  écrites  étant  fujettes  à  de  grands  change- 
mens ,  capables  de  défigurer  entièrement  une  Maifon  Religieufe, 
il  lui  a  paru  néceflaire  de  mettre  par  écrit  les  règles  qu'on  devoit 
fuivre  conftamment  en  ce  ?:ionaflere  ;  qu'il  les  a  tirées  des  Com- 
munautés les  mieux  réglées  ;  des  inflrudions  des  Pères  de 
l'Eglife  ;  des  maximes  de  l'Evangile ,  ÔC  de  ce  que  le  bon  fens 
prefcrit  de  plus  jufte  &  de  plus  raifonnable.  Il  met  refl*entiel  de 
la  vie  Monaflique  à  vivre  dans  la  chafleté  ,  la  pauvreté ,  l'obéïf- 
fancc,  le  filence  ,  la  retraite;  ôc  après  avoir  dit  beaucoup  de 
chofes  fur  ces  vertus ,  il  remarque  qu'à  l'égard  de  la  diftribution 
des  Oflicines  duMonaflerc,  il  faut  s'en  tenir  à  ce  qui  en  eft 
ordonné  dans  le  foixante-fixiéme  chapitre  de  la  Règle  de  faint 
Benoît. 
Règle    du       XXIV.  Venant  au  détail  de  la  Règle  du  Paraclet  ,  il  donne 

Paraciei,         ^  jj  Supérieure  le  titre  d'Abbefie  avec  l'autorité  fur  toutes  les 

vJmcieres   du  r  \     t  in  i     /->    ii  i      -n     i  i 

Monaftere.  Officieres  fubalternes ,  la  Portière ,  la  Celleriere ,  la  Robbiere  , 
l'Infirmière  ,  la  Chantre ,  la  Sacriftaine.  Outre  les  Religieufes 
du  Chœur,  il  y  aura  des  Soeurs  converfes,  dévouées  au  fervicc 
de  la  Communauté  ,  mais  qui  n'en  porteront  point  l'habit.  On 
choifira  pour  Abbeiïe ,  celle  qui  furpalfera  toutes  les  autres  en 
pieté,  en  fagcfle  ,  endotlrine,  en  expérience,  ôc  d'un  ûge  qui 


ET  HELOÎSSE ,  ABBESSE  DU  PARACLET.  1 67 

foie  comme  un  garant  de  la  probité  de  fes  mœurs.  Il  eil  befoin 
qu'elle  ait  appris  à  commander  par  une  longue  obciifance  ; 
qu'elle  fçache  bien  la  Kegle  ,  non  pour  l'avoir  entendu  lire ,  mais 
pour  l'avoir  pratiquée.  On  nechoifira  pas  pour  Abbeffe  une  fille 
de  qualité,  parce  qu'ordinairement  ces  fortes  de  perfonne.s  com^- 
mandent  avec  trop  d'empire  ;  ni  dont  la  famille  taffe  fa  réfidence 
dans  le  Pays  ,  à  caufe  des  fréquentes  vifites  qu'elle  occafionneroit , 
&  qu'elle  accorderoit  en  faveur  de  fes  parcns  des  chofes  qu'elle 
devroit  refufer.  Mais  on  paflera  pardeffus  cette  défenfc ,  s'il  y 
ctï  a  des  raifons  particulières  &  unenécel'lité  indifpenfablc. 

XXV.  Chargée  de  la  conduite  des  âmes  ,  l'Abbeffe  penfera     Condintedc 
fouvent  qu'elle  en  rendra  compte  à  Dieu.   Elle  n'aura  aucune  l'AbbeiIe. 
diflindicn  du  relie  de  fes  Sœurs  quant  à  l'habillement  &  à  la 
nourriture  ;  mangera  en  un  même  Réfeâoire  avec  elles  ,  ôc 
couchera  en  un  môme  Dortoir  ,  afin  qu'elle  fe  trouve  toujours 

à  la  tête  de  fa  Communauté  ;  qu'elle  connoifle  mieux  les  befoins 
de  fes  Sœurs  ,  ôc  qu'elle  y  pourvoye.  Elle  fera  fon  principal  foin 
.  du  fpirituel  de  la  Maifon.  Les  affaires  temporelles  Ôc  extérieures 
du  Monaflere  feront  confiées  à  des  Religieux  qui  auront  avec 
eux  quelques  Frères  convers.  Les  Moines  Prêtres  diront  la 
Méfiée  à  la  Communauté  ôc  lui  annonceront  la  parole  de  Dieu. 
Lorfqu'elle  tiendra  fon  Confeil ,  il  fera  permis  à  chacune  de  dire 
fon  fentiment  :  mais  on  s'en  tiendra  toujours  à  la  réfolution 
qu'elle  prendra,  ne  fut-elle  pas  bonne  ;  parce  que  tout  ce  qui  fe 
fait  par  obéïfiance  efl:  bien  fait. 

XXVI,  Il  devoit  donc  y  avoir  au  Paraclet  un  Monaflere        Religieux 
double ,  l'un  de  filles ,  l'autre  d'hommes ,  mais  dans  des  enceintes  |^p°"e  'lu  M  - 
féparées  pour  ne  pas  contrevenir  à  la  défenfe  du  feptiéme  Concile  naiiere. 
général.  Le  Supérieur  du  Monaflere  d'hommes  avoir  auiTi  le 

nom  d'Abbé.  Un  de  fes  Religieux  faifoit  pour  le  Monaflere  de 
filles  les  fondions  de  Procureur  ,  avec  l'intendance  de  tous 
leurs  biens  ,  foit  à  la  Ville,  foit  à  la  Campagne  ,  ôc  pourvoyoit 
à  toutes  leurs  néceffités  temporelles.  Il  étoit  défendu  aux  Reli- 
gieux d'avoir  aucune  familiarité  avec  les  Religieufes  ,  ôc  d'entrer 
dans  l'intérieur  de  leur  Monaflere.  L'Abbé  môme  ne  devoit 
leur  tenir  aucune  conférence  fpirituelle  qu'en  préfence  de  l'Ab- 
beffe. La  Règle  ordonne  ,  que  le  Religieux  chargé  par  [oa 
Abbé  du  foin  des  affaires  temporelles  des  Religieufes  ,  ait  aupa- 
ravant l'approbation  de  l'Evêque  ;  que  tant  l'Abbé  que  les  Reli- 
gieux foient  de  môme  Ordre  que  les  Religieufes;  que  l'Abbé 
iûit  Supérieur  des  unes  ôc  des  autres  ;  qu'aullitôt  après  fon  élec- 


i5S     PIERRE    ABAILLARD  ,  ABBÉ; 

tion ,  il  fafTe  ferment  de  fidélité  en  préfence  de  l'Evêque  &c  de  la 
Communauté  ,  avec  promeiïe  de  s'acquitter  de  la  charge  avec 
toute  l'équité  pofiible  ;  que  les  Religieux  en  faifant  leurs  vœux  , 
s'obligent  aulii  avec  ferment  envers  les  Religieufes  ,  de  ne  jamais 
fouffrir  qu'elles  foient  moieilées  ;  qu'en  outre  ils  promettront 
obéiflance  à  lAbbelTe ,  6c  feront  comme  les  Religieufes  pro- 
feiïion  entre  fes  mains.  On  avoir  établi  la  même  choie  dans 
rOrdî-e  de  Fontevrault ,  ôc  fournis  les  Religieux  à  la  Jurifditlion 
del'AbbeiTe. 
Devoirs  des      XX  VIL  La  Règle  fait  un  détail  de  tous  les  devoirs  des 

Offitiere..  Officieres  fubalternes  ,  que  nous  avons  nommées  plus  haut.  La 
Chantre  avoit  foin  de  la  Blblioteque,  d'où  elle  tiroir  les  Livres 
dont  les  Sœurs  avoient  befoin,  ôc  les  rcmettoit  à  leur  place  quand 
elles  les  lui  rapportoient.  L'Infirmerie  étoit  difpofee  de  façon, 
que  les  Religieux  pouvoient  y  entrer  ôc  en  fortir  pour  donner 
les  Sacremens ,  fans  voir  la  Communauté ,  ôc  fans  en  être  vus. 
La  fépulture  de  l'Abbefle  n'avoir  rien  de  particulier ,  fi  ce  n'efl 
qu'on  la  revétoit  d'un  cilice.  Toutes  les  Otficines  du  Monaftere 
étoient  à  la  charge  delà  Celleriere  ;  &  les  aumônes  commifcs 
aux  foins  6c  à  la  prudence  de  la  Portière.  Elle  ne  pouvoir  intro- 
duire aucune  peribnne  du  fexe  dans  la  clôture,  £ans  la  permiilion 
expreffe  de  l'Abbeffe. 
Ornemcr.s       X  X  V  î  II.  Il  faut ,  dit  la  Règle ,  chercher  dans  les  ornemens 

ie  l'Eglife.  de  l'Eglife  ,  plutôt  la  propreté  que  la  magnificence  ;  qu'il  n'y  ait 
donc  ni  or  ni  argent  ;  fi  ce  n'eft  un  ou  deux  calices  qui  feront 
feulement  d'argent.  Il  n'y  aura  aucune  image  ni  en  bofle  ,  ni 
en  peinture.  Une  Croix  de  bois  toute  fimple  fera  élevée  fur 
l'Autel  ;  elle  en  fera  tout  l'ornement  ;  fi  l'on  veut  toutefois  y 
attacher  une  image  du  Sauveur  ,  on  le  pourra.  On  fe  contentera 
de  deux  cloches  ,  ôc  à  la  porte  du  Chœur  on  mettra  un  bénitier, 
afin  que  les  Sœurs  en  entrant  le  matin  à  l'Eglife  ,  6c  en  fortant 
le  foir  après  Compiles  ,  puilfe  prendre  de  feau-bénite  pour  fe 
purifier. 

Office  Divin,  XXIX.  On  didribuera  de  telle  forte  les  leçons  de  Matines  , 
que  dans  le  cours  de  l'année  on  life  toute  l'Ecriture  faintc.  Quant 
aux  Commentaires  des  Pères  ou  à  leurs  fermons ,  on  les  lira  au 
Chapitre  ,ou  au  Réfectoire.  Les 'Vigiles  ou  Matines  fe  commen- 
ceront à  minuit  ;  ôc  les  Laudes  au  point  du  jour.  Pendant  l'in- 
tervale  entre  ces  deux  Ollices,  les  Sœurs  prendront  leur  iomniciL 
Les  lectures  fe  feront  dans  le  Cloître.  A  l'ilfue  de  Frimes  on  ira 
au  Chapitre  lire  le  Martyrologe  ;  après  quoi  celle  qui  préfidc 

fera 


ET  HELOISSE,  ABBESSE  DU  PARACLET.  \6^ 

fera  une  exhortation  à  la  Communauté ,  ou  la  ledure  de  quelque 
Livre  ddiiiant.  LafTembice  (e  terminera  par  la  correclion  des 
fautes.  Perfonne  ne  cachera  les  Tiennes  ,  ni  celles  de  fes  Sœurs , 
quand  elles  ne  s'en  accuferont  pas. 

XXX.  Il  fera  permis  aux  Reiigieufes  de  manger  de  la  viande ,  N'ourriture. 
mais  feulement  une  fois  le  jour ,  &  trois  jours  de  la  femaine,  le 
Dimanche  ,  le  mardi  &  le  jeudi.  On  ne  leur  fervira  qu'une  por- 
tion ,  ôc  que  d'une  forte  de  viande;  quelque  Fête  il  arrive  dans 
le  cours  de  la  femaine ,  on  ne  changera  rien  à  cet  ordre.  Au 
défaut  de  viande,  on  donnera  aux  Soeurs  deux  portions,  ou 
dœufs,  ou  de  légumes  ,  ou  de  poiffon.  A  fouper  elles  n'auront 
que  des  fruits.  La  nourriture  pour  tous  les  vendredis  fera  la 
même  qu'en  Carême.  Il  n'y  aura  pas  d'autres  jeunes  que  ceux 
que  l'Eglife  prefcrit  à  tous  les  Fidèles  ;  mais  depuis  les  ides  de 
Septembre  on  ne  fera  qu'un  repas  par  jour  jufquà  Pâques,  oii 
toutefois  l'on  fervira  de  la  viande  ,  à  l'exception  du  Carême. 
On  permet  l'ufage  du  vin  en  petite  quantité,  ôc  avec  un  tiers 
d'eau. 

XXXI.  Les  Reiigieufes  feront  vêtues  de  noir  pour  les  Habits  de» 
habits  extérieurs.  Delfous  elles  porteront  quelques  peaux  d'à-  l^'-'-S'^»''^'* 
gneaux.  Leurs  voiles  feront  d'une  toile  ,  ou  d'une  petite  étamine 
noire  :  ce  qui  s'entend  des  Profelfes  feulement,  &  non  des 
Novices ,  qui  apparemment  le  portoient  blanc.  Pour  diftinguer 
entre  les  Reiigieufes  celles  qui  avoient  embralfé  cet  état  étant 
Vierges  ,  d'avec  celles  qui  étoient  venues  au  IVlonaltere  depuis 
leur  veuvage,  on  mettra  fur  le  voile  des  premières  une  Croix 
blanche  faite  avec  du  fil  ,  alin  que  tout  le  montre  connoiffe 
qu'elles  appartiennent  plus  particulièrement  à  Jefus-Chrift. 
Toutes  porteront  fur  leur  chair  une  chemife  de  groffe  toile,  & 
coucheront  fur  un  matelas ,  avec  des  draps  de  toile.  En  hyver 
elles  porteront  un  manteau ,  dont  elles  pourront  fe  fervirla  nuit 
pour  fe  couvrir.  Leur  coëfî'ure  fera  fimple  ,  &  confilTera  en  un 
bonnet  de  peau  ,  un  bandeau  de  toile  blanche  qui  defcendra  fur 
le  front ,  ôc  un  voile  qui  couvrira  toute  la  tête.  Jamais  elles  n'iront 
nuds  pieds,  fous  quelque  prétexte  que  cefoit,  même  de  mor- 
tification. 

XXXII.  L'heure  de  la  Mefle  fera  celle  de  Tierce.  Si  le         MefTes , 
nombre  des  Religieux  le  permet,  le  Semainier  fe  fera  afTifter  Cimmunion, 
d'un  Diacre  ôc  d'un  Sous-Diacre.  S'il  eft  befoin  de  dire  pluùeurs 
Melles  ,  on  fera  enforte  qu'elles  n'empêchent  pas  que  l'Office 
Divin  fe  fafie  dans  le  Monafterc  des  Religieux.  On  prendra  un 
ToimXXIL  Y 


'570     PIERRE    ABAILLART5  ,  ABBÉ; 

des  plus  anciens  pour  communier  les  Sœurs  après  la  Meffe  , 
îorfque  le  Diacre  &  le  Sous-Diacre  fe  feront  retirés.  Or  les 
Soeurs  communieront  au  moins  trois  fois  l'année  ,  à  Pâques  , 
à  la  Pentecôte,  ôc  à  Noël.  Avant  chaque  communion  ,  elles 
pafferont  trois  jours  en  prières  &  en  pratiques  dhumiliré  ,  ÔC 
jeûneront  au  pain  &,  à  l'eau.  Le  premier  jour  elles  confèfferont 
leurs  péchés  :  les  deux  autres  jours  feront  employés  à  la  fatisfac- 
tion  de  leurs  fautes.  Etant  ainfi  difpofées ,  elles  s'approclieront  du 
Pain  de  vie.  Après  laMeffe, elles  travailleront  jufqu'à  Sexte.  Alors 
elles  iront  dîner ,  à  moins  que  ce  ne  foit  un  jour  de  jeûne  :  car  en 
ce  cas  il  faudroit  attendre  après  Nones  ,  ou  après  Vêpres ,  fi  c'étoit 
en  Carême.  En  tout  tems  on  fera  la  ledure  pendant  le  repas  , 
jufquà  ceque  l'AbbcfTedife  tout  tiaut  :  c'eft  allez.  Aux  jours  de 
jeûnes ,  le  loir  on  ne  prendra  qu'un  verre  d'eau  ;  enfuite  on  lira  les 
collations  de  CafTien  ;  mais  avant  cette  ledure ,  i\  c'cfl:  le  famedi, 
l'AbbelTe  lavera  les  pieds  &  les  mains  des  Sœurs  ,  alïiftée  de 
celles  qui  auront  fervi  à  la  cuifine  durantcette  femaine. 
Etude  Je       XXXIII.  Le  dernier  article  de  la  Règle  eft  conçu  en  ces 

l'Ecruure        termes  :  puifque  vous  vous  privez  volontiers  de  toutes  les  vaines 
^'"^'  converfations  qui  ne  font  que  delTccher  le  cœur  ,  vous  «m- 

ployerez  ce  tems  à  Ictude  de  l'Ecriture,  furtout  celles  à  qui 
Dieu  a  donné  plus  de  talent  ,  plus  d'ouverture  d'efprit,  plus  de 
grâce  pour  s'énoncer  ,  afin  qu'elles  s'mftruifent  à  fond  de  ce  qui 
regarde  la  pieté  ôc  la  vie  fpirituellc. 
StatafsattTÎ-       XXXIV.  Ce  fent  là  les  articles  principaux  de  la  Règle 

bues   à  He-  drelTce  par  Abaillard ,  félon  les  manufcrits  de  Nantes  ôc  de  faint 
•  Vidor.  Mais  celui  du  Paraclet  en  contient  quelques  autres  qu'on 

croit  être  d'Hcloiffe.  Il  en  fera  parlé  dans  la  fuite. 
Autres  Let-       XXXV.  Viennent  enfuite  plufieurs  Lettres  tant  d'Abail- 

trcs  d'Abaii-  j^j-^j  q^jç  d'autres  perfonnes  de  fa  connoiffance.  La  première  eâ 

,17.  '  ^'  une  Lettre  de  confolation  de  la  part  de  Foulques  ,  Prieur  de 
Deuil,  fur  l'infulte  que  Fulbert ,  oncle  d'Heloïffe  ,  avoit  iàice 
£.,in  j^  à  Abaillard.  Il  lui  confcille  de  quitter  le  dellein  qu'il  avoit 
d'aller  à  Rome,  pour  fe  plaindre  de  ce  Chanoine.  Abaillard 
étant  un  jour  avec  quelques  Moines  de  faint  Denys  ,  ils  tom- 
bèrent fur  un  paiïagc  du  vénérable  Bcde ,  qui  dit ,  que  f«int 
Denys  l'Aréopagite  étoit  Evêque  de  Corinthe  :  Voilà  ,  leur 
dit-il,  un  palfagc  qui  n'cll:  pas  favorable  à  l'opinion  où  vous 
êtes  ,  que  le  faint  Denys  Aréopagite  ,  dont  vous  avez  le  corps  , 
«ftoit  Evêque  d'Athènes.  Cette  réflexion  ôc  quelques  difcours 
qu'il  tint  fut  le  même  fujet,  mirent  fes  Confrères  de  mauvîii'fe 


ET  HELOISSE  ,  ABBESSE  DU  PARACLET.  171 

humeur  contre  lui  :  il  prit  donc  le  parti  pour  les  ramener,  d'écrire  Epijl.  >i 
une  Lettre  contre  ceux  qui  en  s  autorifant  du  témoignage  de 
Bede  ,  foutenoient  que  faint  Denys  l'Aréopagite  avoit  été 
Evêque  de  Corinthe.  Il  adrcfla  cette  Lettre  à  l'Abbé  Adam  & 
aux  Moines  de  faint  Denys.  Elle  contient  en  fubflance,  ou  que 
Bede  s'cil  trompé  ,  ou  qu'il  a  rapporté  l'opinion  des  autres  6c 
non  la  Tienne  ;  ou  enfin  que  faint  Denys  l'Aréopagite  après 
avoir  été  Evêque  de  Corinthe ,  le  fut  aulfi  d'Athènes ,  d'où  faint 
Clément  l'envoya  dans  les  Gaules  pour  y  annoncer  l'Evangile. 

X  X  X  V  L  Dans  la  troifiéme  Lettre  Abaillard  combat  un  Epijl  3-; 
certain  Chanoine  Régulier,  qui  élevoit  beaucoup  fes  Confrères 
au-deffus  des  Moines.  Abaillard  fait  voir  que  ceux-ci  ne  font 
point  inférieurs  à  ceux-là  ,  puifqu'on  voit  fouvent  des  Clercs 
cmbrafTer  la  vie  Monafliquc  ;  qu'après  l'avoir  embraffée  ,  il  ne 
leur  cfl  plus  permis  de  retourner  à  l'Ordre  Clérical  ;  que  les 
Aîoines ,  choilis  pour  les  fondions  Cléricales ,  ne  changent  point 
d'habits ,  au  lieu  que  les  Clercs  en  changent  quand  ils  fe  font 
Moines  ;  que  pluiieurs  fois  l'on  a  pris  des  Moines  pour  les  faire 
Evêques,  &  jamais  de  Clercs  pour  gouverner  des  Monafleres; 
que  faint  Jérôme  préferoit  l'état  des  Moines  comme  plus 
çarfait  que  celui  des  Clercs.  lien  donne  encore  d'autres  raifbns. 

X  X  X  V  I L  La  quatrième  Lettre  cfl  contre  un  ignorant  qui  ^pifi-  4. 
blâmoit  l'ufage  de  la  Dialedique.  Abaillard  le  compare  au 
renard  de  la  fable ,  qui  ne  pouvant  parvenir  à  avoir  des  cerifes 
qu'il  voyoit  fur  un  arbre ,  dit  que  le  goût  n'en  valoit  rien.  Il 
montre  que  les  Percs  de  l'Eglife  ont  cru  cet  art  néceffaire  pour 
l'intelligence  de  l'Ecriture  ;  &  que  fans  le  fecours  de  la  Dialec- 
tique ,  il  ne  feroit  pas  aifé  de  réfuter  les  fophifmes  des  héré- 
tiques. 

XXXVIII.  Saint  Bernard  s'étant  trouvé  au  Paraclet  dans  Epijf.  y-* 
le  tems  que  Ton  chantoit  Vêpres  ,  remarqua  que  la  Supérieure 
en  récitant  l'Oraifon  Dominicale  à  haute  voix  ,  comme  il  fe  pra- 
tique dans  l'Ordre  de  faint  Benoît ,  dit  :  Donnez-nous  aujourd'hui 
notre  pain  fuperfubjîanûel ,  &  non  pas ,  notre  pain  quotidien.  Il  fit 
là-deOus  des  remontrances  à  HeloïfTe ,  difant  que  c'étoit  une 
nouveauté  dangereufe.  Elle  prouva  par  le  texte  grec  ôc 
hébraïque  de  faint  Matthieu  ,  qu'il  falloit  dire  :  Notre  pain, 
fuperfubjlantiel.  Mais  le  faint  Abbé  infifla  toujours  fur  ce  que 
l'on  devoir  s'en  tenir  à  l'ufage  de  lEglife.  Heloïffe  donna  avis 
de  cette  entrevue  à  Abaillard  ,  qui  prenant  fa  défenfe  écrivit  une 
Lettre  à  faint  Bernard ,  où  il  dit,  qu'on  ne  pouvoir  le  traiter  de 

Yij 


172     PIERRE     ABAILLARD,ABBÉ; 

Matt.4 ,  iT,  Novateur  pour  un  terme  qui  eft  de  l'Ecriture  ;  &  qu'étant  dans 
faint  Matthieu  ,  qui  a  rapporté  l'Oraifon  Dominicale  toute 
entière  ,  on  doit  plutôt  fuivre  cet  Evangelifte  ,  que  faint  Luc  , 
qui  n'en  met  qu'une  partie  ,  ôc  qui  n'étoit  pas  préfent  lorfque 
Jefus-Chrift  dicta  cette  prière  ,  au  lieu  que  faint  Matthieu  l'avoit 
entendue  de  la  bouche  même  du  Sauveur.  Abaillard  ajoute , 
que  l'Eglife  grecque  qui  ce  femble  devroit  fuivre  la  leçon  de  faint 
Luc  qui  a  écrit  en  grec  ,  s'en  tient  néanmoins  à  faint  Matthieu. 
Venant  aux  reproches  de  nouveauté,  il  cenfure  vivement  les 
coutumes  de  Citeaux ,  différentes  de  celles  de  l'Eglife  univerfelle. 
On  y  difoii  ûi/e/uia  même  après  la  Septuagefime  ;  &  à  Matines 
les  jours  de  Noël  ,  de  Pâques  &  de  Pentecôte  ,  on  récitoic 
l'Hymne  ,  Eterne  rerum  Conduor  ,  au  lieu  de  celles  qui  font 
propres  à  ces  folemnités.  Ils  séloignoient  encore  à  Cîteauxdes 
Rits  communs  de  l'Eglife  ,  en  difant  un  Invitatcire  ôc  une 
Hymne  aux  Ténèbres  pendant  la  femainc  fainte  ,  ôc  Gloria  Patri 
à  chaque  pfeaume.  Si  vous  me  répondez ,  dit- il  à  faint  Bernard  , 
que  ces  ufages  font  conformes  à  la  Règle  de  faint  Benoît ,  je 
vous  dirai  auffi  que  l'Oraifon  Dominicale  en  la  manière  qu'on 
la  récite  au  Paraclet ,  dans  l'Eglii'e  grecque  ôc  ailleurs ,  eft  con- 
forme à  l'Evangile ,  dont  l'autorité  eft  fuperieure  à  celle  de  faint 
Benoît.  Il  ajoute ,  que  les  nouveautés  défendues  dans  l'Eglife , 
ne  font  pas  celles  des  exprellions ,  mais  des  fentimens  contraires 
à  la  foi;  ce  qu'il  prouve  par  l'invention  des  termes  de  confub- 
ftantiel ,  de  perfonne  ,  de  Trinité  ,  pour  expliquer  nos  myfteres  : 
termes  que  l'on  chercheroit  envain  dans  les  divines  Ecritures. 
Il  dit  encore  qu'il  y  a  une  infinité  de  différences  dans  les  coutumes 
des  Eglifes  ,  même  entre  les  Clercs  ;  qu'à  Rome  1  Eglife  de 
Latran  eft  la  feule  qui  conferve  l'ancien  Office  ;  qu'il  en  eft  de 
même  de  l'Eglife  de  Milan  ôc  de  celle  de  Lyon  ,  pendant  que 
ies  Eglifes  foumifcs  à  ces  trois  Alétropoles  en  font  de  differcns. 
De  tout  cela  Abaillard  conclut  qu'il  eft  libre  à  un  chacun  de  réciter 
l'Oraifon  Dominicale  en  la  manière  qu'il  jugera  à  propos. 
F.pijl.  6.  XXXIX.  Sa  fixiéme  Lettre  eft  une  exhortation  aux  Reli- 
gieufesdu  Paraclet^  de  s'appliquera  l'étude  de  l'Ecriture  fainte, 
à  l'exemple  de  Lïta  ,  de  Blefille ,  ôc  de  plufieurs  Dames  Ro- 
maines, qui  l'étudioient  fous  la  conduite  de  faint  Jérôme.  Il 
rapporte  une  partie  des  préceptes  ôc  des  confcils  que  ce  Père 
,leur  donnoit  fur  cefujet ,  ôc  leur  dit  qu'elles  ne  peuvent  s'excufer 
de  ce  travail ,  puifqu'elles  avoient  dans  Helo'ilTe  leur  Abbeffe  une 
MaîtrefTe ,  de  qui  elles  pouvoient  apprendre  le  latin ,  le  grec 


ET  HËLOISSE,  ABBESSE  DU  PARACLET.  173 
ÔC  l'hébreu ,  langues  néceffaires  pour  l'intelligence  des  Livres 
facrés  ,  mais  qu'on  négligeoit  alors.  C'eft  pourquoi  il  fouhaite  , 
que  pour  donner  de  Icmulation  aux  hommes  ôc  condamner  leur 
négligence  à  cet  égard  ,  elles  s'appliquent  avec  fuccès  à  cette 
fcience,  qu'ils  ont  comme  abandonnée.  La  feptiéme  Lettre  eft  ^p'Jl.  7. 
le  panégyrique  de  faint  Eftienne ,  premier  Martyr.  Abaillard 
l'adrelTa  aux  mêmes  Religieufcs  du  Paraclet. 

XL.  Suivent  plulieurs  Lettres  de  faint  Bernard  ôc  du  Pape       Eyi".  s  , 
Innocent  IL  contre  Alaillard  &  fa  doftrine.  Un  jeune  homme  "J/^"^'- '*• 
nommé  Berenger ,  qui  avoit  été  Difciple  d'Abaillard  ,  effaya  de 
le  jullificr  des  reproches  qu'on  lui  faifoit  fur  fa  foi.  jMais  fon 
écrit  n'eft  qu'un  tilfu  d'injures  contre  faint  Bernard  ôc  les  Evéques 
du  Concile  de  Sens ,  qui  avoient  condamné  Abaillard.  Guil- 
laume II.  Evcque  de  Nîmes ,  ritlà-delTus  une  réprimendefévere 
à  Berenger.  Il  reconnut  û\  faute,  écrivit  à  cet  Evêque  pour  lui     ^■pi'i-  »7  G* 
en  demander  pardon;  reconnut  la  fainteté  de  la  vie  Ue  faint   '^* 
Bernard  ,  la  pureté  de  fa  do£trine ,  ôc  témoigna  qu'il  ne  vouloir 
plus  prendre  la  défenfe  des  articles  objectés  à  Abaillard ,  parce 
qu'encore  qu'ils  pulTent  être  pris  en  un  bon  fens  ,  ils  fonnoient 
mal  ;  qu'il  auroit  même  fupprimé  l'apologie  qu'il  en  avoit  faite, 
s'il  n'y  en  eût  eu  un  grand  nombre  d'exemplaires  répandus  par 
toute  la  France  ôc  en  Italie  ;  qu'il  la  condamnoit ,  ôc  fe  défiftoit 
du  deffein  qu'il  avoit  eu  d'en  écrire  une  féconde.    Le  même        Ejjf,'?.  i^. 
Berenger  voyant  que  les  Chartreux  s'élevoient  auffi  contre  Abail- 
lard ,  les  traita  durement.  Il  en  ufa  de  même  envers  un  Moine 
de  Marfeille ,  que  l'on  ne  connoît  pas  d'ailleurs.  L'Evêque  de 
Nîmes  l'en  reprit  encore.  Berenger  prétexta  qu'il  n'avoit  écrit 
contre  les  Chartreux  ,  que  pour  fermer  la  bouche  à  des  gens  qui 
làifoient  profelllon  de  garder  le  filence.  On  a  joint  à  la  Lettre 
qu'il  leur  écrivit  un  petit  Traité  en  forme  de  Dialogue.  On  le      p^g..  ^^g 
croit  d'Abaillard.  Il  roule  fur  l'origine  du  nom  de  Chrétien. 

X  L  I.    Quelque  tems   après  la  condamnation  des   erreurs       F-i?.  10. 
d'Abaillard  dans  le  Concile  de  Sens  ,  on  répandit  un  écrit  qui       ,^''?"V"* 

]•      r  -11  •  1       apoloirJed  A- 

contenoit  dix-!ept  articles  de  ces  erreur,"  ,  comme  extraites  de  h,:\\?id  ,pa^. 
fes  écrits,  ôc  condamnées  dans  cette  afl'emblée.  Ce  fut  pour  fe  i>^' 
jufliher  fur  tous  ces  articles  ,  qu'il  compofa  fa  première  apologie 
adreifée  à  tous  les  Fidèles.  Il  eut  foin  d'en  tirer  plulieurs  copies, 
6c  de  les  répandre  dans  le  monde.  Il  y  déclare ,  i°.  Qu'il  déteOe 
la  propolîtion  qu'on  lui  a  attribué  malicieufeinent ,  que  le  Pcrc 
eft  la  pleine  puiflance  ,  le  Fils  une  certaine  puiflancc  ,  ôc  que  le 
Saint-ilfprit  n'clt  aucune  puiflance  ;  qu'il  crcit  au  contraire  que. 

Y  iij 


174  PIERRE  ABAILLARD,ABBÊ; 
le  Fils  ôc  le  Saint-Efprit  font  de  la  même  fubftance  que  le  Père  ; 
qu'ils  ont  une  même  puifTance  ,  une  même  volonté.  2°.  Qu'il 
reconnoit  que  le  Fils  de  Dieu  feul ,  s'cfl:  fait  homme  pour  nous 
racheter.  3°.  Que  Jefus-Chrift  comme  Fils  unique  de  Dieu, 
eft  né  de  la  fubftance  de  fon  Père  avant  tous  les  fiécles  ;  &  que 
le  Saint-Efprit ,  qui  ell  latroificme  Perfonnede  la  fainte  Trinité  , 
procède  du  Père  &  du  Fils.  4.°.  Que  la  grâce  de  Dieu  eil  telle- 
ment néceffaire  à  tous  les  hommes,  que  ni  la  nature  ,  ni  la 
liberté,  ne  peuvent  fuffirepour  le  falut  ;  parce  qu'en  effet  c'eft 
la  grâce  qui  nous  prévient ,  afin  que  nous  voulions  ;  -qui  nous 
fuit,  afin  que  nous  puiiiions  ;  qui  nous  accompagne,  afin  que 
nous  perféverisns.  ^^.  Que  Dieu  ne  peut  faire  que  ce  qu'il  eft 
convenable  qu'il  fade,  ôc  qu'il  y  a  beaucoup  de  chofcs  qu'il  ne 
fera  jamais.  6^.  Qu'il  y  a  des  péchés  d  ignorance  ,  furtout  quand 
-ils  font  occafionnés  par  la  négligence  à  nous  inliruire  de  nos 
devoirs.  7**.  Que  Dieu  empêche  fouvent  le  mal ,  fuit  en  pré- 
venant l'effet  de  la  mauvaife  valonté  ,  foit  en  la  changeant  ea 
bien.  8°.  Que  nous  avons  contracté  la  coulpe  ôc  la  peine  du 
péché  d'Adam  ;  ôc  que  ce  péché  a  été  la  fource  6c  la  caufe  de 
tous  les  nôtres,  p".  Abaillard  confefie  encore  ,  que  ceux  qui  ont 
attaché  Jefus-Chrift  à  la  Croix  ,  fe  font  rendu  coupables  d'un 
grand  péché.  10^.  Que  la  perfedion  de  la  charité  ,  qui  n'exclut 
point  une  crainte  chafte ,  telle  que  les  Anges  ôc  les  Bienheureux 
l'ont  dans  le  Ciel ,  a  été  en  l'ame  de  Jefus-Chrift.  1 1*.  Que  la 
puiifance  des  clefs  fe  trouve  dans  tous  les  Evèqucs  ,  que  TEglifc 
reconncît  pour  tels,  i  2**.  Que  tous  ceux  qui  font  égaux  en  amour 
de  Dieu  Ôc  du  prochain  ,  le  font  en  perfection  ôc  en  mérite. 
I  j°.  Qu'il  n'y  a  aucune  différence  entre  les  trois  Perfonnes 
divines  ,  quant  à  la  plénitude  du  bien  6c  la  dignité  de  la  gloire. 
14''.  Il  protefte  qu'il  n'a  jamais  penlé  ni  dit  que  le  dernier 
avènement  du  Fils  pouvoit  être  attribué  au  Père.  1 5;°.  Qu'il 
croit  que  l'ame  de  Jefus-Chrift  eft  réellement  ôc  fubftantielle- 
mcnt  defcendue  aux  Enfers.  i6°.  Il  déclare  encore  qu'il  n'a 
jamais  dit  ni  écrit ,  que  l'nttion  ,  la  volonté ,  la  cupidité ,  le  plaifir  , 
ne  font  pas  des  péchés  ,  ôc  que  nous  ne  devons  pas  fouhaitec 
l'extinction  de  cette  cupidité.  1 7*.  Après  avoir  défavoué  le  Livre 
des  Sentences  que  l'on  faifoit  pafler  fous  fon  nom  ,  quoiqu'il 
ne  fiit  pas  de  lui ,  il  prie  les  Fidclcs  de  ne  pas  noircir  fon  inno- 
.ccnce,  en  lui  imputant  des  erreurs  qu'il  n'enfeignoit  pas  ;  ôcde 
donner  un  bon  fens  à  ce  qui  leur  paroitroit  douteux  dans  fes 
(dcrits.  11  y  avoit ,  ce  femble  ;  plus  de  légèreté  que  de  malice  dans 


ET  HELOISSE,  ABBESSE  DU  PÂRACLET.    17; 

les  erreurs  qu'on  reprochoit  à  Abaillard.  Du  moins  prend-il 
Dieu  à  témoin  ,  que  dans  tout  ce  qui  faifoit  la  matière  des 
reproches  de  fes  Accufateurs  ,  il  n'avoit  rien  avance  ni  par 
malice  ni  par  orgueil.  Mais  on  ne  voit  pas  bien  comment  il  a  pu 
nier  dans  cette  apologie  ,  qu'il  eût  jamais  dit  que  le  Père  efl  la 
pleine  puiflance,  le  Fils  une  certaine  puiflance  ,  &  que  leSaint- 
Efprit  n'eft  aucune  puiflance  ;  puifqu'il  l'aflure  aiïez  clairement 
dans  fon  introduttion  à  la  théologie  [a).  D'où  vient  que  TAno- 
nime,  qui  après  avoir  été  fon  Difciple  devint  fon  Adverfaiie, 
l'accufe  de  menfonge  en  cet  endroit  (b  ). 

X  L  n.  Abaillard  eut  aufiTi  grand  foin  de  raflurer  les  Reli-  ,  Seconde 
gieufes  du  Paraclet  contre  les  bruits  fâcheux  qui  fe  répandoient  baiiiai-d! 
fur  fa  dotlrine.  Il  leur  envoya  à  cet  effet  une  profeU'ion  de  Foi,  Epiji.  17» 
oppofée  à  toutes  les  erreurs  qu'on  lui  imputoit.  On  jugera  de  ^'^^"  5°^* 
ces  erreurs  par  le  défaveu  qu  il  en  fait.  Je  détefte  ,  dit-il  j 
riiéref^e  dei-abeilius  ,qui  fouten'oit  que  le  Père  ,  le  Fils  ,  6c  le 
Saint-Efprit  ne  font  qu'une  même  perfonnp,  &  conféquemment 
que  lePcre  a  été  crucifié  :  d'où  eft  venu  à  fes  Sedateurs  le  nom 
de  Patripafiiens.  Je  crois  que  le  Fils  de  Dieu  s'ell  fait  homme , 
en  unifiant  la  nature  divine  &  la  nature  humaine  en  une  même 
perfonne  ;  &  qu'après  avoir  confciuimé  par  fa  mort  fceuvre  dp 
notre  Rédemption  ,  il  eft  reffufcité  &  monté  au  Ciel ,  d'oiÀ  il 
viendra  juger  les  vivans  &  les  morts.  Je  confeffe  que  tous  les 
péchés  font  remis  par  le  Baptême  ;  que  nous  avons  befoin  de 
la  grâce  ,  foit  pour  commencer  ,  foit  pour  achever  le  bien  ;  àç. 
qu'après  être  tombes ,  nous  pouvons  nous  relever  par  La  péni? 
tence.  Qu  dl-il  befoin  de  parler  de  la  réfurrection  de  la  chair^ 
purfque  fi  je  ne  la  croyois  pas ,  je  me  fhtterois  envain  dcrrç 
Chrétien.  11  condamne  encore  l'hérefie  d'Arius ,  fe  déclare  pour 
la  confubflantiaiiîé  du  Fils  &  du  Saint-Efprit  avec  le  Père, 
reconnoiffant  que  le  Pcre,  le  Fils ,  &  le  Saint-Efprit,  ne  fo,nc 
qu'un  feul  Dieu  ,  une  même  nature ,  une  même  puifTauce. 

XL  III.  Abaillard  fe  voyant  vivement  attaqué  par  un  CHa=.  E^tH.  xs, 
noine  de  f'Egiife  de  faint  Martin,  qu'il  ne  nomme  pas,  le  fît 
connoître  à  Girbert ,  Evêque  de  Pari-s,  pour  un  homme  ,q,.uj 
avoir  ofé  diffamer  par  écrit  faint  Robert  d'ArbrifîèUes,  &  atta^ 
quer  faint  Anfelme  avec  tant  d'impudence,  que  chafïé  d'AngjLe^ 
terre  par  ordre  du  Roi,  il  eut  peine  à  en  fortir  la  vie  fauve.  j[|: 


■(•«)P-if..  99i   &  loSj.  I      (i;    Tom,  4  ,    Bïbliot,  Cijlercienfts,-. 

1  FS-  13?» 


^'6     PIERRE    ABAILLARD  ,  ABBÉ; 
ajoute  ,  qu'il  fut  encore  chafTé  de  France  pour  fon  arrogance  ; 
enfin  que  comme  il  n'étoit  pas  vrai  Dialedicien ,  il  ne  pouvoit 
non  plus  palFer  pour  vrai  Chrétien  ,  puifqu'il  corrompait  même 
le  fens  des  divines  Ecritures  par  fes  fauiles  interprétations. 
Ej;i/f.  zi.       XLIV.   Pendant  que  plufieurs   perfonnes   flétriflbient  la 
réputation  d'Abaiilard-,  Ôt  que  pour  arrêter   les  fuites  de  la 
Sentence  du  Concile  de  Sens ,  il  alloit  à  Rome  pourfuivre  fon 
appel ,  Pierre  le  vénérable  ,  Abbé  de  Cluni ,  le  détourna  de  ce 
voyage  ;  travailla  avec  l'Abbé  de  Citeaux  à  faire  fa  paix  avec  faint 
Bernard  ,  &  l'engagea  fou?  le  bon  plaifir  du  Pape  à  pafTer  le 
refte  de  ft  vie  à  Cluni.    C  efl:  le  fujet  de  la  Lettre  de  lAbbé 
Epijl.il-  Pierre  au  Pape  Innocent  II.  Abaillard  étant  mort  quelque  tems 
après  j  Pierre  écrivit  cette  f?.cheufe  nouvelle  à  Heloïffe ,  mais  en 
lui  donnant  des  motifs  de  confolation  par  le  récit  de  la  manière 
édifiante  qu'il  avoit  menée  à  Cluni  jufquau  dernier  foupir.  Il 
joignit  à  cette  Lettre  l'épitaphe  d'Abaiilard.  Il  en  a  été  parié  plus 
haut.  I'«Jous  n'avons  pas  la  réponfe  d'Keloïfie  à  cette  Lettre.  Mais 
dans  une  autre  qu'elle  écrivit  à  Pierre  le  vénérable,  elle  le  prie 
Epijî.  2^.  de  lui  envoyer  l'abfolution  qu'il  avoit  accordée  à  Abaillard  ,  afin 
d'en  fufpendre  la  fcedule  à  fon  tombeau.  Pierre  l'envoya  fignée 
EpiJl.  15.  de  lui  &  fcellée  de  fon  fceau.  Il  marquoit  par  la  même  Lettre  à 
HeloïnTe ,  qu  auiïitôt  qu'il  en  auroit  l'occafion  ,  il  travailleroic 
à  procurer  à   Aflrolabe   une    Prébende  dans  un  Chapitre  de 
Nobles.  L'abfolution  étoit  conçue  en  ces  termes  :  Moi  Pierre  , 
Abbé  de  Cluni  ,  qui  ai  reçu  Pierre  Abaillard  au  nombre  de  mes 
Religieux  ,  ôc  qui  après  avoir  levé  de  terre  fon  corps  fecret- 
tement ,  en  ai  fait  prélent  à  Heloiffe,  AbbcITe  duParaclet,  ôc  à  fes 
Religieufes ,  je  déclare  que  par  l'autorité  de  Dieu  tout-puiffant 
ÔC  de  tous  les  Saints  ,  je  l'abfous  de  tous  fes  péchés  en  vertu  du 
droit  que  me  donne  ma  charge. 
Commen-       X  L  V.  On  a  mis  après  les  Lettres  qui  nous  refient  d' A bail- 
tairesd'Abaii-  j^^^j  gj-  d'Heloiffe ,  les  Bulles  des  Papes  en  faveur  de  lAbbaye 
ralfon^Domi-  du  Paraclet ,  ôc  le  Diplôme  de  Hugues  ,  Archevêque  de  Sens  , 
nicaie  ,  les    pour  la  fondation  de  l'Abbaye  de  Ponimeraye  ,  dépendante  du 
fymboies  des  J}^^^^;!^^^  Suivcnt  Ics  Commentaires  d'Abaiilard  fur  l'Oraifon 

Apijtres  Bc  (le  ...         1/-.         111         aa  or  i-         •  1 

S.  Athanafe.  Dommicale  ,  l6  Symbole  des  Apôtres  ,  ÔCiur  celui  qui  porte  le 

nom  de  faint  Athanafe.  Il  fuit  dans  le  premier  le  texte  de  cette 

prière  telle  qu'on  la  récite  communément  dans  l'Eglife  ,  fans 

P-1I-  3î>.    infiftcr  comme  il  fait  dans  fa  Lettre  à  faint  Bernard  fur  la  leçon 

de  faint  Matthieu  ,  qui  porte  :  Donnez  notre  pain  fupcrfub- 

flantiel. 


ET  HELOISSE,  ABBESSE  DU  PARACLET.  177 

fi:anticl  ,  au  lieu  de  quotidien  ,   comme  lifoit  faint  Luc.   Il 

remarque  fur  le  fymbole  des  Apôtres  que  perfonne  ne  tenoit  un 

enfant  fur  les  Fonts  de  Baptême ,  qu'auparavant  il  n'eût  recité 

à  haute  voix  l'Oraifon  Dominicale  &  ce  Symbole  en  prdfence 

du  Prêtre;  ôc  il  prouve  cet  ufage  par   plufieurs  Canons  des     P<^^'  3*'J 

Conciles.  Abaillard  expliqua  ce  Symbole  huit  jours  avant  Pâques,  '  ^' 

c'eft-à-dire,  le  Dimanche  des  Rameaux  ;  mais  on  ne  fçait  en 

quelle  année.  Tout  ce  qu'il  dit  dans  cette  explication  cil  con-  > 

forme  à  la  Foi  de  lEglife ,  &  peut  fervir  à  le  juftifier  des  erreurs 

qu'on  lui  a  attribuées  fur  le  myftere  de  la  Trinité.  Il  n'explique      ^'^S-  3*^« 

qu'en  partie  leSymbole  deS.Athanafe;  mais  il  en  prend  l'efTentiel. 

X  L  V I.  La  Lettre  qu' Abaillard  avoit  écrite  à  HeloïfTe  ,  ôc      Problcmed 
Eiux  Beligieufes  du  Paraclet  ,  pour  les  exhorter  à  létude  de  l?i|j!^fj 
l'Ecriture  fainte,  produifit  fon  effet.  Elles  s'y  appliquèrent  for-  nvccles  folu* 
tement.  Mais  arrêtées  de  tems  en  tems  par  des  ditiicultés ,  qu'il  "°"=  >  F5-' 
n'étoit  pas  aifc  de  réfoudre  ,  elles  en  firent  un  recueil.  Helo'ilTe  ^^'*' 
les  mit  par  ordre  ,  &c  les  propofa  à  Abaillard  :  d'où  vient  qu'elles 
portent  le  nom  de  cette  Abbelfe.  On  les  a  intitulées  :  problêmes. 
Ils  font  au  nombre- de  quarante-deux  ;  quelques-uns  fur  les 
Livres  desP^ois  ;  d'autres  furies  pfeaumes  ;  le  plus  grand  nombre 
fur  le  nouveau  Teflamenr.  Abaillard  y  répondit  avec  autant  de 
jufteffe  que  de  netteté  ,  mais  en  peu  de  paroles,  à  moins  que  la 
chofe  ne  demandât  plus   d'étendue.  Ses  folutions  font  tirées 
ordinairement  ou  de  l'Ecriture  même ,  ou  des  Pères  de  l'Eglife  , 
furtout  de  faint  Auguftin. 

XLVII.  Quelques-uns  ont  douté  que  le  L'ivre  contre  les  LWrecontrt; 
îiérefies  fut  d'Abailiard  ,  parce  qu'il  ne  paroît  pas  û  éloquent  que  ^"  litreiics, 
fes  autres  ouvrages.  Mais  ils  dévoient  remarquer,  que  n'étant  '' 
<qu'un  tiHu  de  pafTages  de  l'Ecriture  ,  il  n'étoit  pas  polTible  à 
i'Auteurd'y  fuivre  fon  Ityle  ordinaire.  Il  faut  donc  s'en  tenir  à 
l'autorité  des  manufcrits  ,  qui  donnent  ce  Livre  à  Abaillard.  Les 
•premiers  Hérétiques  qu'il  combat  font  les  Manichéens  ,  qui 
admettoicnt  deux  principes  ,  un  bon  ôc  un  mauvais.  Ils  difoient 
celui-ci  Créateur  du  Ciel  que  nous  voyons ,  de  la  Terre  &  de 
tout  ce  qu'ils  contiennent.  Abaillard  les  réfute  par  des  paflages 
de  l'ancien  &  du  nouveau  Tefiament  ;  c'efl:  la  méthode  qu  il  fuit 
dans  tout  fon  Livre  ;  il  rapporte  d'abord  les  erreurs  de  chaque 
fede,  puis  il  leur  oppofe  les  témoignages  de  l'Ecriture.  Il  ne 
dit  rien  là-defTus  que  d'autres  n'ayent  dit  avant  lui.  Nous  nous 
arrête  ons  toutefois  un  moment  fur  ce  qu'il  enfeigne  touchant  le 
Sacrement  de  f  Euchariflie.  Ceux  qui  de  fon  tems  conteftoient 
Tome  XXI L  Z 


lyS    PIERRE    ABAILLARD  ,  ABBÉ; 

la  préfence  réelle ,  difoient  que  le  pronom  démonftratif  hoc ,  ne 
fe  rapportoit  pas  au  pain  que  Jefus-Chrift  prit  entre  fes  mains  , 
mais  à  fon  propre  Corps.  Abaillard  fait  voir  que  l'Evangile  ne  dit 
nulle  part  ,  que  Jefus-Chrift  ait  pris  fon  propre  Corps  ,  qu'il 
l'ait  béni,  ôc  donné  à  fes  Difciples;  mais  que  les  Evangelilles 
affurent ,  que  le  Sauveur  prit  du  pain  ,  le  rompit  en  le  béniflant, 
&  le  donna  en  difant  :  Ceci  ejl  mon  Corps.  D'où  il  fuit  évidemment 
que  le  terme  /zoc  a  rapport  au  pain  ,  qu'il  changea  en  fon  propre 
Corps  par  la  vertu  de  fa  toute-puifiance ,  &  l'efficacité  de  fes 
paroles  ;  comme  il  fît  fortir  du  néant  le  Ciel  &  la  Terre , 
lorfqu'il  prononça  ces  paroles  :  que  le  Ciel  Cf  laTerre  f oient  faits. 
Il  montre  que  par  l'inflitution-de  ce  Sacrement,  Jefus-Chrift 
a  accompli  la  promefTe  faite  à  fes  Apôtres  de  leur  donner  fon 
Corps  à  manger  &  fon  Sang  à  boire  ;  mais  qu'il  a  enveloppés 
fous  les  efpeces  du  pain  ôc  du  vin  ,  pour  ne  leur  caufer  aucun 
dégoût  j  êc  ménager  leur  foiblefle.  Il  fe  moque  ue  ceux  qui 
prétendoient  que  par  ces  paroles  ,  ceci  ejî  mon  Corps ,  il  falloit 
entendre  la  Doctrine  Evangelique  ,  fans  laquelle  il  n'y  a  point 
de  falut  ;  en  effet,  Jefus-Chrifl:  n'a  pas  dit  :  ma  chair  eft  vérita- 
blement d'entendre  la  parole  de  Dieu  ;  mais  par  l'opération 
fpirituelle  de  la  grâce,  ma  chair  eft  vraiment  viande,  ôc  mon 
Sang  vraiment  breuvage. 
P^r.  474,       XL  VII I.  Abaillard  pafTant  enfuite  aux  autres  Sacremens, 

irfeq.  prouve  que  dans  le  Baptême  ,  ce  n'eft  pas  l'impofition  des  mains 

du  Miniftre  qui  fanftirte  ,  mais  l'invocation  de  la  fainte  Trinité 
avec  l'eau  qui  lave  le  corps ,  ôc  à  qui  Jefus-Chrift  donne  la  vertu 
de  laver  l'ame  ;  que  Jefus-Chrift  en  ordonnant  le  Baptême ,  a 
compris  dans  ce  précepte ,  les  grands  &  les  petits  ;  les  adultes  & 
les  enfans;  les  hommes  ôc  les  femmes  ;  Ôc  que  l'efficacité  de  ce 
Sacrement  ne  dépend  point  de  la  probité  du  Miniftre,  parce  que 
Png.  478.  c'eft  Jefus-Chrift  qui baptife.  Il  dit  fur  la  Pénitence,  qu'elle  eft 
compofée  de  trois  parties  j  de  la  contrition  du  coeur ,  de  la 
confeffion  des  péchés,  ôc  de  la  pénitence  impofée  par  le  Prêtre 
à  qui  on  s'eft  confeffé.  Certains  Hérétiques  ne  faifoient  de  ce 
Sacrement  ôc  de  ceux  de  la  Confirmation  ôc  de  l'Extrême-- 
Ondion ,  qu'une  cérémonie  qu'ils  appclloient  confolation.  Selon 
eux ,  les  femmes  comme  les  hommes  pouvoicnt  ladminiftrer. 
Pag.  4S1,  Abaillard  prouve  facilement,  que  le  fexe  n'a  jamais  été  admis  au 

^/'î-  Sacerdoce,  ôc  qu'on  ne  lui  a  confié  l'adminiftration  d'aucun 

Sacrement ,  fi  ce  n'eft  le  Baptême  dans  le  cas  d'une  nécclîité 
ibfolue.  Il  réfute  auffi  ceux  qui  nioient  laréfurredion  des  morts , 


ET  HELOISSE ,  ABBESSE  DU  PARACLET.  Î7> 

l'utilitd  de  la  prière  pour  les  morts ,  ôc  l'interceflicn  des  Saints 
dans  le  Ciel  pour  les  vivans. 

XLIX.  Son  Commentaire  fur  l'Epître  aux  Romains  eft  .  Commen- 
divifé  en  cinq  Livres  ,  &  chaque  Livre  contient  l'explication  de  p/Jç  .,""x  RoJ 
trois  chapitres.  Abaillard  s'y  applique  principalement  à  dc've-  maint  ,  p.ir. 
lopper  le  fens  delà  lettre;  &  pour  en  donner  le  fens  avec  plus  ^^'' 
de  fuite ,  il  fe  fert  de  paraphrafes.  Dans  la  préface  qu'il  a  mife  en 
tête,  il  traite  en  peu  de  mots  des  diverfes  parties  de  l'Ecriture, 
tant  de  l'ancien  que  du  nouveau  Teftament.  Mais  il  donne 
plus  d'e'tendue  à  ce  qui  regarde  l'Epître  aux  Romains.  Haymon 
d'Halberftat  dans  fon  prologue  fur  cette  Lettre ,  dit  que  ce  ne  fut 
pas  faint  Pierre  qui  annonça  le  premier  l'Evangile  aux  Romains, 
mais  quelqu'un  des  Juifs  convertis  ,  qui  étoit  venu  de  Jcrufalem 
à  Rome.  Cet  Interprète  paroit  en  cela  contraire  à  Eufebe  ,  à 
faint  Jérôme,  &  aux  autres  anciens  qui  difent  nettement  que 
les  Romains  ont  reçu  la  Foi  de  faint  Pierre.  Abaillard  tâche  de 
concilier  ces  Auteurs ,  en  difant  ,  que  fuivant  Eufebe  ,  faint 
Pierre  eft  le  premier  des  Apôtres  qui  ait  annonce  à  Rome  la 
doctrine  de  l'Evangile,  ce  qui  n'empêche  pas  que  d'autres  qui 
n'étoient  pas  du  nombre  des  Apôtres ,  ne  l'ayent  annoncée  avant 
lui  ;  ôc  que  lorfque  faint  Jérôme  dit  que  les  Romains  ont  reçu 
la  Foi  par  la  prédication  de  faint  Pierre ,  cela  a  pu  fe  faire  d'abord 
par  des  Difciples  de  cet  Apôtre,  envoyés  de  fa  part  à  Rome. 
Dans  le  corps  du  Commentaire  ,  Abaillard  traite  les  grandes 
queftions  du  péché  originel ,  du  libre  arbitre ,  de  la  grâce,  de  la 
prédeftination  ,  &  de  la  réprobation. 

L.  Dans  le  recueil  des  proportions  extraites  des  écrits  d'A-  Remarques 
baillard,  qui  furent  lues  au  Concile  de  Sens  &  envoyées  au  ^"''  ^^.  ^ 
Pape,  celle-ci  faifoit  la  huitième  :  Quand  on  dit  que  les  enfans 
contradent  le  péché  originel ,  cela  fe  doit  entendre  delà  peine 
temporelle  ôc  éternelle  qui  eft  due ,  à  caufe  du  péché  du  premier 
homme  ;  enforte  que  fuivant  ce  Théologien  (a) ,  nous  ne  tirons 
point  d'Adam  la  coulpe  du  péché  originel  ,  mais  feulement  la 
peine.  Cette  propofition  n'étant  point  exatte ,  Abaillard  la  rétracta 
dans  le  huitième  article  de  fa  première  apologie  (  6  ) ,  où  il  recon- 
noît  que  nous  contractons  en  naiffant  la  coulpe  ôc  la  peine  du 
péché  d'Adam.  Il  rétracta  auffi  dans  la  même  apologie  (  c  ) ,  ce 
qu'il  avoit  dit  dans  ce  Commentaire ,  que  Dieu  n'a  pas  donné 
•  plus  de  grâces  à  celui  qui  eft  fauve,  qu'à  celui  qui  ne  l'eft  pas-, 

(a)  P.!.<.  5  SI.  i       ("c  )  Pag.  ôTlTé  î  3^ 

(  6  )  Apotogii  Abiehrd.  p.ig,  jji.  ( 


oiu* 

mentnirc 


;,8o    PIERRE    ABAILLARD  ,  AEBÊ; 

avant  que  le  premier  eût  coopéré  à  la  grâce;  que  Dieu  offre  fa 
grâce  à  tout  le  monde  ;  ôc  qu'il  dépend  de  la  liberté  des  hommes 
de  s'en  fervir ,  ou  de  la  rejetter.  Je  crois ,  dit-il  (  a  ) ,  que  la  grâce 
eft  tellement  nécelTaire  à  tous  ,  que  ni  la  nature,  ni  la  liberté  n3 
peuvent  (uffire  pour  le  (alut  ;  quaulîi  c'eft  la  grâce  qui  nous 
prévient  atinque  nous  voulions  :  qui  fuit  afin  que  nous  puiffions  ; 
qui  nous  accompagne  afin  que  nous  perfeverions. 
Sermons  L  I.  Abaillard  après  avoir  compoié  à  la  prière  d'Hcloiffe  un 
d'Abaiiiard,  petit  Livtc  d  Hymucs  ôc  de  Séquences  pour  la  célébration  des 
Vi-  1-9-  Offices  6c  des  myfleres  ,  fit  à  fes  inllances  ôc  de  fa  Communauté 
grand  nombre  de  Sermons,  oii  fans  affecter  les  ornemens  des 
pièces  d'éloquence ,  il  cî^plique  avec  netteté  les  paffages  de 
l'Ecriture  qui  ont  rapport  au  myflere  qui  fait  le  fujet  du  difcours , 
ôc  en  tire  des  moralités  très-folides.  Ces  difcours  font  difpofés 
félon  Tordre  des  Fêtes ,  en  commençant  toutefois  par  la  Fête 
de  l'Annonciation  ,  qui  eft  en  effet  la  première  par  rapport  à 
l'économie  du  myflere  de  notre  Rédemption.  Le  fuivant  efl 
fur  la  Fête  de  la  ]\ai(fance  de  Jefus-Chrifl:  félon  la  chair.  Il  yen- 
a  deux  pour  cette  folemnité  ;  un  pour  laCirconcifion  ;  un  pour 
TEpiphanie  ;  un  pour  la  Purification  de  lafainte  Vierge  ;  trente- 
deux  en  tout.  Il  les  adreiïe  ordinairement  aux  Vierges  du 
Paraclet.  Dans  le  difcours  fur  la  Fête  de  faint  Pierre  ^  il  remarque  • 
que  fEglife  Romaine  a  la  prééminence  fur  toutes  les  autres  , 
même  furcelledejérufalcm,àcaufe  delà  prérogative  d'honncuc 
que  Jefus-Chrift  a  accordée  à  cet  Apôtre  au-deffus  des  autres 
'Pàçt  894.  Apôtres.  Il  cite  dans  le  Sermon  fur  faint  Paul  les  Lettres  de 
Pj  Seneque  à  ctx.  Apôtre  comme  autentiques.  Ce  qu'il  dit  de  la  ■ 

rencontre  de  tous  les  Apôtres  au  moment  du  trépas  de  la  fainte 
p  ,,  Vierge,  eft  tiré  de  faint  Grégoire  de  Tours;  ôc  c'eft  aulTi  d'après 
ce  Pcre  qu'il  dit  qu'elle  a  été  enlevée  au  Ciel ,  ôc  qu'elle  y  eft 
en  corps  ôc  en  ame.  Dans  le  Sermon  fur  Suzanne  ,  il  adrelfe  la 
parole  ,  tant  aux  Pvcligieufes  du  Paraclet  ,  qu'aux  Prêtres  qui 
leur  difoient  la  MefTc ,  ou  les  adminiftroicnt  dans  leurs  maladies, 
Fag.fi^-  ôc  les  reprend  févercment  de  quelques  familiarités.  Le  difcours 
fur  faint  Jean-Baptifte  eft  en  partie  une  invective  très-aigre  contre 
quelques  Chanoines  Réguliers  ôc  contre  quelques  jMoines  ; 
en  particulier  contre  ceux  qui  gardant  leur  habit  Monaftique 
dans  i'Epifcopat  ,  yivoicnt  d'une  manière  contraire  à  leuc 
profefTion. 

{a)  Apclog,  Abcdurd,  pag.  331. 


ET  HELOISSE,  ABBESSE  DU  PARACLET.  i8i 

LU.  Le  plaifir  que  les  Difciples  d'Abaillard  trouvoient  .  Iftroduc- 
dans  la  ledure  de  fes  écrits  philol'ophiques  ,  comme  dans  les  logie  ^  Lg. 
traités  qu'il  avoit  compofés  fur  les  Belles-Lettres,  les  engagea  à  ptj. 
lui  demander  un  abrégé  de  Théologie,  qui  les  mît  en  état,  non- 
feulement  de  parvenir  à  l'intelligence  des  divines  Ecritures  , 
mais  aulii  de  défendre  les  vérités  de  la  Religion  par  la  force  des 
raifonnemens  humains ,  contre  ceux  qui  l'attaquoient  par  la  même 
voye.  Il  fut  quelque  tcms  à  balancer  ;  mais  enfin  il  fit  ce  qu'ils 
fouhaitoient ,  ôc  compofa  le  traité  qui  a  pour  titre  ,  Introduçlion 
à  la.  Théologie.  On  voit  par  le  prologue  qu'il  ne  penfoit  à  rien 
moins  qu'à  innover  dans  la  Foi  ;  qu'il  n'avoit  pas  même  defleia 
d'en  établir  les  vérités ,  mais  uniquement  de  propofer  fes  opi- 
nions fur  la  manière  dont  on  pouvoit  les  défendre.  C'efl  pourquoi 
il  déclare  être  prêt  de  corriger  les  erreurs  dans  Icfquelles  il 
pourroit  tomber  ,  pourvu  qu'on  les  lui  démontrât  ou  par  l'auto- 
rité de  l'Ecriture  ,  ou  par  la  force  de  la  raifon. 

LIIl.  L'ouvrage  eft  divifé  en  trois  Livres.  Dans  le  premier  Analyfe  de 
il  traite  fommairemcnt  de  la  Foi ,  de  la  Charité  &  des  Sacremens,  'i.^  Traite , 
qu'il  croit  ncceflaires  au  falut  ,  comprenant  lEfperance  dans  la  ^^^^^j^^  ' 
Foi ,  ccmnie  lefpece  dans  fon  genre.  11  définit  la  Fci ,  la  croyance 
des  cbofes  qu'en  ne  voit  pas,c'eft-à-dire,  qui  ne  lont  pas  à  la 
portée  des  fens  corporels.  La  Foi  regarde  le  bien  &  le  mal ,  le 
préfent  &  le  futur.  L  Elperance  au  contraire  n'a  pour  objet  que 
les  biens  futurs,  on  la  définit  l'attente  de  quelque  bien.  'Et  la 
Charité ,  un  amour  honnête  dirigé  à  la  fin  que  l'on  fe  doit  pro- 
pofer ;  en  quoi  elle  eft  oppofée  à  la  cupidité  ,  qui  eft  un  amour 
honteux  6c  desl^onnête.  Quant  au  Sacrement,  Abaillard  le  définit 
un  figne  vifible  de  la  grâce  invifible  de  Dieu:  Ainfi,  lorfque 
l'homme  eft  baptifé  ,  l'ablution  extérieure  que  nous  voyons  eft  le 
figne  de  l'ablution  intérieure  de  l'ame.  Ces  principes  pofés,  il 
vient  à  l'objet  de  la  Foi ,  qui  eft  un  Dieu  en  trois  perionnes  :  Il 
prouve  l'unité  de  Dieu, fon  immutabilité,  la  fimplicité  de  fa 
nature  ,  &  la  trinité  des  perfonnes  ,  non-feulement  par  des 
paffages  de  l'Ecriture  ôc  des  Pères,  mais  encore  par  les  témoi- 
gnages d'Ariftote  ,  de  Platon  ,  &  des  autres  Philofophes  payens. 

LIV.Ne  doutant  point  que  cette  faconde  prouverles  myfteres  Livre  feconcr,- 
de  notre  Religion  ne  déplût  à  quelques-uns,  il  employa  une  ?ag.ioi,i. 
partie  du  fécond  Livre  à  juftifier  fa  méthode.  Premièrement ,  par 
l'exemple  de  faint  Jérôme  ,  ôc  des  autres  Pères.  Secondement , 
en  montrant  que  la  dialectique  ne  peut  être  qu'utile  ,  même  à  la 
^Religion ,  quand  on  en  fait  bon  ufage.  Troifiémement ,  en  faifant  ■ 

Z  iij 


i32     PIERRE    ABAILLARD,  AEBÉ; 

voir  qu'il  eft  avantageux ,  fur-tout  quand  on  a  affaire  au.v  Juifs , 
aux  Payeas,  aux  Hérétiques,  de  leur  prouver  par  des  exemples 
ôc  des  comparaifons  ,  que  ce  que  la  Foi  nous  enfeigne  n'eft  pas 
contraire  à  la  railon.  Il  répond  à  ceux  qui  vouloient  qu'on  ne  fe 
fervk  que  d'autorités  pour  prouver  les  myfteres  de  la  Foi ,  qu'un 
Théologien,  &  même  un  (impie  Chrétien,  eft  obligé  de  rendre 
compte  de  fa  foi ,  ôc  Je  montrer  à  ceux  qui  les  conteftent,  qu'ils 
Pr.g.  1066.  n'ont  rien  de  contraire  au  bon  fens  ôc  à  la  raifon.  Cesoccafions 
pouvoient  en  être  fréquentes,  parles  diverfes  erreurs  que  répan- 
doient    alors    un     Laïc  nommé    Tanquelme  ,  en  Flandres  ; 
Pierre  de  Bruys ,  en  Provence  ;  ôc  d'autres  en  Bourgogne,  ôc  en 
différentes  Provinces  de  France.  Abaillard  reprenant  après  cette 
digreffion ,  la  fuite  de  fon  fujet ,  traite  de  la  Nature  divine ,  de  la 
diftinction  des  trois  Perfonnes  en  Dieu  ,  de  leur  co-éternité,  de 
la  génération  du  Fils  ,  Ôc  de  la  proceiFion  du  Saint-Efprit.  Il 
prouve  contre  les  Ariens  ,  que  le  Fils  eft  confubftantiel  au  Père  ; 
ôc  contre  les  Grecs ,  que  le  Saint-Efprit  procède  du  Père  ôc  du 
Pug.  10S7.  F'ils  ,  ôc  que  le  terme  FUioque  a  pu  être  inféré  dans  le  Symbole, 
pour  donner  une  idée  de  l'unité  de  fubilance  en  trois  Perfonnes. 
Il  compare  la  Sainte  Trinité  à  un  cachet  de  cuivre,  ôc  dit ,  que 
comme  la  matière  ôc  la  lîgure  qui  eft  fur  ce  cachet ,  ne  font 
qu'une  même  fubftance ,  quoique  la  matière  ne  foit  pas  la  figure , 
ni  la  figure  la  matière  :  de  môme,  quoique  le  Père,  le  Fils  ôc  le 
Saint-Efprit  dans  la  Trinité  ne  foient  qu'une  même  fubftance,  le 
Fils  néanmoins  n'cft  pas  le  Père,  ôc  le  Père  n'eft  pas  le  Fils ,  ôc 
ni  l'une  ni  l'autre  de  ces  Perfonnes  n'eft  le  Saint-Efprit.   On 
reprocha  cette  comparaifon  à  Abaillard  dans  le  Concile  de  Sens  ; 
ôc  en  eftet  ,  elle  n'eft  pas  jufte  ;  mais  y  en  a-t-il  fur  cette  matière 
qui  foit  parfaite?  L'exemple  qu'il  donne  pour  faire  entendre 
la  co-éternité  des  Perfonnes,  a  quelque  chofe  de  mieux  ,  il  eft 
tiré  de  la  lumière  ôc  de  la  fplendeur  de  cet  Aftrc ,  qui  exiftent 
dans  le  même  inftant  que  le  Soleil  même.  Mais  la  manière  dont 
il  diftingue  la  proceffion  du  Saint-Efprit ,  de  la  génération  du 
Fils  ,  lui  a  attiré  de  grands  reproches ,  comme  s'il  eût  nié  que  le 
Pa^.  lûSj,  Saint-Efprit  fut  de  la  fubftance  du  Père  ôc  du  Fils.  Il  dit  en  effet , 
i-  iqS6.        que  le  Fils,  parce  qu'il  eft  engendré  ,  eft  de  la  fubftance  même 
du  Père ,  étant  la  Sageffe  même  ;  mais  que  fi  l'on  veut  parler 
proprement  ôc  avec  précifion  ,  on  ne  doit  pas  dire  que  le  Saint- 
Efprit  eft  de  la  fubftance  du  Père  ,  quoiqu'il  lui  foit  confubftan- 
tiel  ,  parce  qu'il  ne  procède  pas  de  lui  par  la  voye  de  généra- 
tion,  comme  le  Fils,  mais  par  voye  d'amour.  Quoique  cette 


ET  HELOISSE,  ABBESSE  DU  PARACLET.  i8j 

fac;on  de  parler  ne  foit  pas  exacte  ,  &  qu'elle  femble  Hworifet 
l'Arianifme  ,  on  ne  peut  toutefois  accufer  Abaiilard   de  cette 
erreur,  puifqu'il  la  condamne  en  difant  le  Saint-Efprit  confub- 
ilantielau  Père,  ôc  qu'il  procède  du  Père  comme  du  Fils.  Ilavoit      ".y.  jss, 
dit  plus  haut,  qu'encore  que  l'attribut  de  Puiflance  fe  donne  '^^* 
fpécialement  au  Père,  celui  de  Sageffe  au  Fils,  ôc  la  Charité  ou 
l'amour  au  S.  Efprit  ,  ces  attributs  font  néanmoins  communs  au 
Père,  au  Fils  ôc  au  S.  Efprit,  à  caufc  de  leur  nature  (qui  eft  une,  ) 
ôc  que  par  cette  raifon  nous  difons  du  Fils  ôc  du  Saint-Efprit, 
comme  du  Père,  qu'ils  font  Tout-puiffans.  L'erreur  d'Abaillard 
en  cet  endroit  eft  donc  plus  dans  les  termes ,  que  dans  le  fens  de 
fa  propofition  ;  ôc  il  n'y  eft  tombé  que  pour  avoir  voulu  fubftituer 
la  fubtilité  de  l'Ecole  aux  façons  de  parler  des  Pères  de  l'Eglife,  P^i-  ^^^''• 
qu'il  reconnoît  s'être  exprimés  autrement  que  lui. 

L  V.Dans  le  commencement  du  troifiéme  Livre  il  fait  voir  qu'il      Uvte  troi- 
eft  bien  plus  avantageux  à  l'Univers  d'être  gouverné  par  un  feul ,  fi^me  ,  pag. 
que  par  plufieurs  ;  ôc  qu'en  effet  c'eft  un  feul  Dieu  qui  l'a  créé ,  ôc   '  ''^*' 
qui  le  gouverne  ,  il  cite  fur  cela  le  témoignage  de  Ciceron. 
Traitant  enfuite  de  la  puifTance  de  Dieu ,  il  dit  :  Qu'on  ne  doit 
pas  s'imaginer  que  Dieu  foit   impuiftant  parce  qu'il  ne  peut 
pécher,  puifque  dans  nous-mêmes,  pouvoir   pécher  n'eft  pas 
puiOance,  mais  foiblefle.  Quand  on  dit  donc  que  Dieu  peut  tout, 
ce  n'eft  pas  qu'il  puifTe  tout  faire  ;  mais  qu'en  tout  ce  qu'il  veut , 
rien  ne  peut  réfifter  à  fa  volonté  :  Il  ne  peut  faire  des  chofes  injuf- 
tes,  parce  qu'il  eft  la  fouveraine  J  uftice ,  ôc  la  bonté  même  :  Il  eft 
Tout-puifiant ,  non  qu'il  puifle  tout  faire ,  mais  parce  qu'il  peut 
faire  tout  ce  qu'il  veut ,  ôc  il  eft  néceilaire  qu'il  veuille  ce  qui  eft 
convenable  ;  d'oij  il  fuit ,  que  ce  qu'il  ne  fait  pas ,  n'eft  pas  conve- 
nable.  Abaiilard  avoue  que  cette  opinion  lui  eft  particulière.  Par,   ms. 
Saint  Bernard  s'éleva  contre  ces  propohtions ,  ôc  Abaiilard  en 
rétratta  la  doctrine  dans  fon  apologie ,  où  il  déclare  (a),  qu'il 
croit  que  Dieu  ne  peut  faire  que  ce  qu'il  lui  convient  de  faire  ; 
mais  qu'il  peut  faire  beaucoup  de  chofes  qu'il  ne  fera  jamais.  II 
traite  après  cela  de  Timménfité  de  Dieu ,  de  fa  fageCe ,  de  fa 
bonté  ,  de  fa  fcience  ôc  de  fa  préfcience  des  chofes  futures.  Sur    p     j 
quoi  il  dit  :  Qu'encore  que  Dieu  ait  tout  prévu  ôc  préordonné , 
fa  préfcience  toutefois  n'impofe  aucune  nécefTité  à  notre  libre 
arbitre  ,  qu'il  définit  la  délibération  de  l'ame  par  laquelle  elle  fe 
propofe  de  faire  une  chofe ,  ou  de  ne  la  pas  faire.  Il  enfeigne  que 

~— I    I    ■       ■         I I  III  I   i  ■         Il  .^.^i^—  ti      n 

(«)  Pilg.  331. 


1^4     PIERRE    ABAILLARD  ,  ABBÉ; 
pag.  1131,    cette  forte  de  liberté  ne  convient  pas  à  Dieu,  mais  à  ceux-Ik 
feulement  qui  peuvent  changer  de  volonté  ,  ôc  prendre  un  parti 
contraire.  Ce  qu'il  dit  fur  l'Incarnation  du  Verbe,  efl:  entièrement 
conforme  à  la  foi  Catholique.  Ce  troifiéme  Livre  eil  imparfait. 
Profe  d'A-       L  V I.   Il  a  été  remarqué  en  parlant  du  Prologue  d  Abaillard 
^iixT^  '^'^'  fur  fon  recueil  de  Sermons ,  qu'il  en  avoitfait  un  autre  d'Hymnes 
ôc  de  Séquences ,  ou  de  Profes  pour  les  Oiîiccs  divins.  On  a 
dans  le  Bréviaire  (  a)  du  Paraclet  plufieurs  de  fes  Hymnes  ;  mais 
nous  ne  connoiiîons  de  lui  d'autre  Profe  que  celle  qui  cft  im^- 
primée  à  la  fin  de  fes  (Euvres ,  ôc  qui  eft  en  l'honneur  de  la  Sainte 
Vierge.  L'Editeur  l'a  tirée  de  VElucïdatorïum  de  Jofle  Clithou,ÔC 
juge  par  la  facilité,  1  élégance  ôc  la  grâce  de  cette  Profe,  qu'elle 
peut  être  d'Abailiard. 
Théologie       L  V 1 1.  Il  compofa  plufieurs  autres  ouvrages  qui  n'ont  vu  le 
^m%    a«i?c-  J^u"^  ^"^  depuis  quelques  années.  Le  plus  confidérable  eft  celui 
dq:.  Manenn.  qu'il  a  intitulé ,  Théologie  chrétienne  ,  divifé  en  cinq  Livres, 
fag.  114-8.       Dom  Martenne  ôc  Dom  Durand  qui  l'ont  inféré  dans  le  cin- 
quième  tome    de    leurs  Anecdotes  ,   fur   un    manufcrit    de 
l'Abbaye  de    Marmoutier  ,   ne  doutent  pas  que   ce  ne   foit 
le  même  qu'Abaillard  fut  obligé  d'apporter  au  Concile  deSoif- 
fons  en  1 120  ,  ôc  de  jetter  au  feu  de  fa  propre  main  :  ou  l'un  des 
<;leux  qui  tombèrent  entre  les  mains   de  Guillaume  de  Saint 
Thierri  ,  ôc    qui  en  tira  plufieurs  proj^ofitions  qu'il  envoya  à 
■llïL  G  eofîVoi ,  Evoque  de  Chartres,  ôc  à  faint  Bernard.  On  trouve 
en  efict  dans  ce  traité  plufieurs  de  ces  propofitions  ,  ôc  d'autres 
dans  l'Introducbion  à  la  Théologie ,  dont  nous  venons  de  parler, 
ôc  quicft  fans  doute  le  fécond  des  deux  que  Guillaume  de  Saint 
Thierri  avoir  eu  en  mains.  Il  efl  à  remarquer  que  le  pre-naier  ôc 
le  cinquième  Livre  de  la  Théologie  chrétienne  ,  fe  trouvent 
prefque  mot  pour  mot  dans  l'Introduction  à  la  Théologie. 
Analyfe  Ju       L  V  II I.  Dans  le  premier  Livre  Abaillard  examine  ce  que 
.i>iemier Livre  (--gf}  q^g  l;i  difiindion  dcs  Perfounes  cn  Dieu,  ôc  ce  que  figni- 
■^''^'  "^"      fient  les  noms  de  Père  ,  de  Fils  ôc  de  Saint-Lfprit.  Il  rapporte  fur 
ces  différens  articles  les  paflTages  de  l'Ecriture  ôc  des  Pères ,  auf- 
quels  il  joint  les  témoignages  des  Philofophes,  qui ,  félon  lui, 
font  parvenus  à  la  connoilTance  de  Dieu  par  les  lumières  de  la 
raifon  ,  &  font  encore  méritée  en  quelque  forte  ,  par  la  fobriété 
de  leur  vie.  Il  préfère  à  tous  les  Philofophes,  Platon  ôc  fesDif- 
ciples,  parce  que  félon  le  témoignage  des  faints  Pères,  ils  ont  eu 

ia\  Notœ  mI  Hifior.  Caldinii,  AbixUrùi  y'pa^,  1161, 

plus 


Fitg.  1 1 7 1 . 


ET  HELOISSE,  ABBESSE  DU  PARACLET.  lÊf 

|)lus  de  connoiiïance  de  la  Religion  Chre'tienne,  ôc  exprimé 
dans  leurs  écrits  ie  myilere  de  la  fainte  Trinité,  reconnoiiïant  un 
Verbe  né  de  Dieu  ,  &  co-éternel  à  Dieu,  &  une  troifiénie  Pcr- 
fonne  ,  qu'ils  nomraoient  l'Ame  du  monde.  Il  dit  beaucoup 
d'autres  chofes  à  l'avantage  des  Platoniciens  ,  dans  le  deflein  de 
montrer  que  leur  dotlrineapprochoit  de  la  nôtre.  Il  n'oublie  pas  P^^«  "*« 
ce  que  Valere-Maxime  dit  de  Platon  , qu'étant  enfant,  des 
Abeilles  vinrent  fe  pofer  fur  ù\  bouche ,  &  y  dégorgèrent  du 
miel  ;  d'où  les  Interprètes  des  prodiges  inférèrent  qu'il  feroit  un 
jour  très-éloquent.  Abaillard  va  plus  loin ,  ôr.  regarde  cet  évé- 
nement comme  un  préfage  des  myfleres  dont  il  devoit  faire  part 
aux  autres.  Aux  témoignages  des  Philofophes  il  ajoute  ceux 
de  la  SybiUe  ,  ôc  de  la  quatrième  lettre  de  Seneque  à  faint 
Paul. 

L  I  X.  On  trouva  mauvais  qu'Abaillard  prouvât  les  dogmes      Deixiém* 
<le  la  Religion  par  l'autorité  des  Payens  qui  ne  la  connoilToient  ,',^'7/  ^"^' 
■pas.  Il  fe  juftihe  là-deiTus  par  l'exemple  de  faint  Jérôme ,  qui 
blâmé  de  ce  que  dans  fes  écrits  il  alleguoit  les  témoignages  ôc  des 
Payens  6c  des  Hérétiques ,  fe  juftifia  lui-même  ,  en  difant ,  que 
faint  Paul  avolt  cité  dans  fes  Epîtres  Ephymenide  ôc  Menandre  ; 
■&  que  faint  Hilaire  s'étoit  fervi  des  Verfions  ôc  des  Homélies 
^'Origene.  Saint  Jérôme  fçavoit ,  dit  Abaillard ,  que  l'on  trouve 
quelquefois  des  grains  de  bled  dans  les  pailles,  ôc  des  perles  fur 
les  fumiers ,    plus  précieufes  que  fur  les  couronnes  des  Rois.  Il     Pa^.  nojj 
avance  même,  mais  fans  l'alTurer  pofitivement,  que  tous  les  '-°'*' 
Philofophes  ont  eu  le  don  de  la  foi ,  ôc  que  les  myfteres  de  la 
Trinité  ôc  de  l'Incarnation  ont  été  révélés  à  quelques-uns  d'en- 
tr'eux  :  d'où  il  conclut,  que  rien  ne  nous  oblige  à  defefperer  du 
falut  de  ceux,   qui  avant  la  venue  du  Rédempteur   faifoienc 
naturellement  ce  que  prefcrit  la  Loi ,  fans  en  avoir  été  inftruits. 
Il  décrit  la  vie  humble  ,  fobre  ôc  laborieufe  des  Philofophes,  ôc     P^rg.  tîof> 
les  vertus  de  quelques  Empereurs  payens;  entr'autres,  deTrajan,  \',°/  '  '/'/  ' 
dont  il  dit  que  lequitéôc  la  juftice  furent  fi  agréables  à  Dieu,  ôc  à 
faint  Grégoire  le  Grand ,  que  ce  Pape  obtint  par  fes  prières  ,  que 
i'ame  de  ce  Prince, quoique  mort  fans  Baptême,  fortiroit  des 
Enfers  ;  c'eft  ce  qu'Abaillard  a-voit  lu  dans  la  vie  de  faint  Grégoire      p,^.,  ,,j^, 
par  Jean  Diacre.  Il  efi  furprenant  qu'ajoutant  foi  l\  légèrement  à      Voye/ro/n. 
une  hittoire  fabuleufe  ,  il  ofe  combattre  le  fentiment  de  faint  i7,p.îi-4i4i, 
Ambroife  ,  qui  connoiilant  les  bonnes  œuvres  que  l'Empereur  ''''"• 
yalentinien  avoit  faites  avant  d'être  reçu  Cathecumene,  alTuroit, 
qu'encore  qu'il  fût  mort  fans  Baptême ,  parce  qu'il  n'avoit  pas  eu     pjg,  j,  j4i 
Tome  XX  IL  A  a 


ï8<5    PIERRE    ABAILLARD  ;  ABBE*; 

le  tenis  de  le  recevoir  ,  il  ne  laifToit  pas  d'être  dans  le  féjour  des 
Vc^.  1233,  Elus.  On  ne  doit  pas  être  moins  furpris  qu'il  ait  cru  ,  fur  la  foi  de 
Suétone,  que  Vefpaiien,  avant  d  être  Empereur ,  avoit  fait  des 
Far.  1207.  miracles.  Enlin  Âbaiilardfembie  préférer  la  manière  dont  Platon 
z  parié  de  la  création ,  à  ce  qu  en  a  dit  Moyfe.- 
•  ■  '"n-oiTiéme       ^  ^-  Dans  le  ^^  Livre  il  inveclive  contre  les  Diale£liciens, 
Livre  ,  p„-^'.  qui  foutenoient  que  l'on  pouvoir  comprendre  la  nature  de  Dieu 
**^^"  par  des  railons  humaines,  &  que  l'on  ne  devoir  pas  croire  ce  qui 

ne  fe  pouvoir  prouver  ,  ni  défendre  par  la  force  de  la  raifon.  Il 
propofe  la  foi  de  l'Eglife  fur  l'unité  de  nature,  ôc  la  trinité  des 
Vag.  iij-s  Ferfonnes  en  Dieu  ,  6c  il  s'explique  là-defTus  de  façon  à  effacer 
&'/'''2'  tous  les  foupçons  qu'il  avoit  fait  naître  fur  fa  doilrine  touchant  le 

Saint-Efprit ,  dans  fon  Introdudlion  à  la  Théologie.  Il  dit,  que 
les  trois  Perfonnes  font  égales  en  tout,  6c  co-éternelles ;  que  le 
Père  n'eft  pas  autre  chofe  que  le  Fils  6c  le  Saint  Efprit,  c'eft-à- 
dire ,  autre  en  nature ,  parce  que  chacune  (  a  )  des  trois  Perfonnes 
efl;  abfolument  la  même  fubllance  divine ,  quoique  chacune  per- 
fonnellement  foit  ditlinguée  de  l'autre  ;  que  la  fubftance  divine 
efl:  fimple,.  exemte  d'accidens  ôc  de  forme  ,  n'y  ayant  rien  en 
Dieu  ,.  qui  ne  foit  Dieu.  Enfuite  il  réfout  les  objettions  des 
Dialediciens  contre  le  myflere  de  la  Sainte  Trinité ,  6c  prend  fes 
folutions ,  pour  la  plupart ,  dans  les  écrits  de  faint  Auguftin  6c  de 
faint  Jérôme, 
Quatricme       L  X  I.  Il  continue  la  même  matière  dans  le  quatrième  Livre  ; 
tivre  ,  f.ig.  5j;  après  avoir  montré  que  les  trois  Perfonnes  de  la  Trinité  ne  font 
'  ^'  pas  de  fimples  noms ,  comme  le  difoient  les  Sabelliens  ,  mais 

des  réalités  ,  ainfi   qu'il  efl:  dit  dans  i'Epître  de  faint  Jean  : 
I  Jo&n.  f ,  lly  en  a  Trois  qui  rendent  témoignage  dans  le  Ciel ,  G*  ces  Trois  font 
7-  une  même  chofe  ;  il  répond  aux  difllcultés  que  l'on  formoit  contre 

la  génération  du  "Verbe.  C'efl:  dans  ce  Livre  qu'il  répète  ce  qu'il 
Paz.  lîis.  ^^^  ^^^^  rintrodudion  à  la  Théologie  ,  que  le  Père  efl:  la  pleine 
puiffance  ;  le  Fils  ,  une  certaine  puilfance  ;  ôc  que  le  Saint-Efprit 
n'efl:  aucune  puilfance;  expredions  toutefois,  qu'il  alTure  dans 
fon  apologie  n'être  jamais  forties  de  fa  plume,  6c  qu'il  rejette  avec 
In  Apolog.  horreur,  comme  hérétiques  6c  diaboliques.  Il  établit  la  procellion 
fflf.  5<='-       du  Saint-Efprit  du  Père  6c  du  Fils  ,  6c  prouve  contre  les  Grecs  , 
Tag.  ij'o,  qu'on  a  eu  raifon  d'ajouter  au  Symbole  la  particule  Fdioque.  Il 
à-feq.  rapporte  fur  la  procelfion  du  Saint-Efprit  ,les  palTagesdes  Pères  , 

tant  Grecs  que  Latins. 

{a     >-oncrt,   n  uani ,  aliiul  in  iiHtura,  j  cailciu  pcnitus   Jiyina    fubfl.'iniia  ,    p:ig' 
cuin   una  'jua'<jue  trium   pcrfonarum    iit  J   1261. 


ET  HELOISSE,  ABBESSE  DU  PARACLET.  187 

LXII.  Son  but  dans  le  cinquième  Livre  eft  d'établir  la  foi  en      Cinquième 
unfeulDieu,  la  perfection  6c  rimmutabilitd  du  fouverain  bien.       ''^  '  ^^^' 
Ce  Livre  contient,  ainfi  qu'on  l'a  déjà  remarqué ,  à  peu  près  les 
mômes  chofesque  l'Introdudion  à  la  Théologie.  Il  enfeigne  que 
comme  Dieu  veut  néceliairement,  il  agit  aulfi  nécelTairement  ; 
qu'ainfi  il  a  voulu  ôc  fliit  néceiïai rement  le  monde;  qu'il  ne  fuit  Pa^.  >3î4v 
pas  toutefois  de-là  qu'il  ait  été  oifif  avant  de  le  créer,  parce  qu'il 
ne  devoir  pas  le  faire  avant  qu'il  l'a  fait.  L'Anonyme  qui  écrivit 
contre  Abaillard  ,  s'efl:  élevé  fortement  contre  ces  façons  de 
parler  dans  fon  troifiémc  Livre.  11  lui  en  efl:  échapé  beaucoup  '-'^ 

d'autres  qu'on  ne  pourroit  lui  pardonner,  s'il  n'avoit  fournis  fes 
écrits  au  jugement  des  Gens  habiles  ,  6c  conféquemment  au     Pjg.  115?; 
Jugement  même  de  l'Eglife. 

LXIIL  Dom  Martenne  a  donné  à  la  fuite  de  la  Théologie       Commen- 
d'Abaillard  ,    fon   Commentaire  fur  l'ouvrage   des  fix  Jours,  tireimiou- 
Heloille  le  lui  avoir  demandé  avec  beaucoup  d  inftances  ,  parce  ■■r,v'r?,tom.u 
qu'elle  avoir  peine  à  comprendre  certains  endroits  du  commen-  .inecdot.Ahr- 
cement  de  la  Genèfe.  Comme  il  ne  fçavoit  lui  rien  refufer ,  il  '^'^"[^  ^^' 
rendit  ce  Commentaire  le  plus  parfait  qu'il  pût  ,  en  y  donnant  le 
fcns  littéral ,  ou  hiilorique ,  le  moral  6c  l'allégorique.  On  croit 
qu'il  s'étoit  dès-lors  retiré  à  Cluni,  aind  ce  fut  un  de  fes  derniers 
écrits  ;  du  moins  elt-il  certain  que  dans  le  tems  qu'il  le  compofa  , 
il  ne  confondoit  plus  l'ame  du  monde,  des  étoiles  6c  des  pla- 
nettes  avec  le  Saint-Efprit,  conmie  il  avoit  fait  en  écrivant  fa  Pag,  1534. 
Théologie  chrétienne.  Il  cherche  l'intelligence  du  texte,  non- 
feulement  dans  S.  Augufl:in,ôc  dans  quelques-autres  anciens  Com- 
mentateurs, mais  auHi  dans  l'Hébreu.  Il  remarque  fur  ces  paroles 
Dieu  créa,  que  les  trois  Perfonnes  de  la  Trinité  concoururent  à  la  f'^'-  '37i. 
création  de  l'Univers ,  ôc  que  les  œuvres  de  la  Trinité  font  indi- 
vifibles.  Il  n'efi:  pas  de  l'opinion  de  ceux  qui  croyent  que  le  monde 
a  été  créé  au  Printems  ;  fa  raifon  efl ,  qu'il  n'y  avoit  pas  encore  de  Pig.  13S1. 
Soleil ,  dont  l'approche  fait  ce  que  nous  appelions  le  Printems  i 
mais  il  panche  beaucoup  pour  le  fentiment  des  Interprètes  qui 
■penfent  que  nos  premiers  parens  demeurèrent  quelques  années 
dans  le  Paradis  terreftre,  avant  de  tomber  dans  le  péché  -,  &  Pif-i4i4. 
il  en  juge  aind  par  le  tems  qu'il  fallut  pour  inventer  une  langue  , 
&  donner  le  nom  à  tous  les  animaux.  Sur  les  volatiles,  il  dit, 
-qu'étan:  créés  des  eaux,  comme  les  poiffons,  ils  font  moins  nour- 
•riffans  que  la  chair  des  animaux  à  quatre  pieds  ;  que  c'eft  pour  cela  P-^g.  ij88, 
-que  faint  Benoift  qui  défend  de  manger  de  ceux-ci ,  n'interdit  pas 
i'ufage  de  la  volaille.  Doni  Martenne  a  tiré  ce  Commentaire 

Aa  ij 


îgg    PIERRE    ABAILLARD  ,-  ABBE'; 

d'un  manufcrit  du  Mont-Saint-Michel.  Il  trouva  dans  un  autre 
manufcrit  de  Notre-Dame-des-Fontaines ,  dans  le  Diocèfe  de 
Tours ,  fous  le  nom  d'Abœlard  ,  V Elucidarium  imprimé  parmi 
Pfl^.  5362.  les  Opurcules  attribués  fauffement  à  faine  Anfelme  ;  mais  il 
remarque  que  dans  un  manufcrit  de  Clairvauxj  ce  traité  porte  le 
nom  d'Angeld  de  Mont-Lecn. 

Morale  d'A-  L  X I V.  Il  s'en  trouve  un  de  la  Morale  d'Abaillard  dans 
fcaïUard , wm.  J' Abbaye  de  faint  Emmeram  à  Ratifbonne  ,  ôc  ceft  de-là  que 
Pe?.  part  i,  Dom  Bernard  Pez  l'a  fait  pafler  dans  le  troifiéme  tome  de  fes 
jmg.6i6.  Anecdotes;  il  porte  aufli  ce  titre  :  ComioiffeT^-vous  vous-même  ; 
ce  qui  revient  aiTez  à  l'idée  que  fournit  le  titre  de  Morale. 
^  Abaillard  y  donne  diiférens  préceptes  pour  la   formation   des 

mœurs  ,  qu'il  réduit  à  la  pratique  de  la  vertu  ,  ôc  à  la  fuite 
du  vice.  Il  examine  en  quoi  confiftele  péché  ,  6c  fe  fait  là-dellus 
plufieurs  quedions ,  dont  la  folution  eft  ,  qu'il  n'y  a  point  de 
péché  fans  le  confentemcnt  de  la  volonté.  A  l'égard  de  la  récon- 
ciliation du  pécheur  avec  Dieu  ,  elle  confifte  en  trois  chofes  ,  la 

Psg.  6(1.  Pénitence ,  la  Confedîon  ,  la  Satisfaction.  La  pénitence  qui  naîç 
de  l'amour  de  Dieu,  eft  utile.  Abaillard  ne  fait  point  de  cas  de 
celle  qui  n'a  d'autre  principe  que  la  craintedes  peines  de  l'Enfer , 
parce  que  ce  n'eft  pas  le  péché  qui  déplaît ,  mais  la  peine  dont  il 
doit  ctre  puai;  mais  il  ne  doute  pas  que  Dieu  ne  pardonne  à 
celui ,  qui  véritablement  contrit  ds  fes  fautes,  ne  trouve  pas 
l'occafion  de  les  confefler,  ôc  n'a  pas  leloilir  de  les  expier  par  la 

?tg.  éjy.  pénitence.  Par  le  péché  irrémilfible  en  ce  monde  ôc  en  l'autre ,  il 
entend  l'impénitence  finale.  Il  dit  que  les  Prêtres  font  les  Miniftres 
de  la  Pénitence  ,  en  ce  qu'ils  l'impofent  à  ceux  qui  fe  font  con- 
felTés  à  eux  ;  qu'encore  que  les  Evêques  donnent  aux  autres  le 
pouvoir  d'abfoudre,  ils  ne  font  pas  .difpcnlës  de  confefler  leurs 

Pa^.67(.  péchés,  ni  d'en  faire  pénitence;  ôc  qu'ils  peuvent  choilir  entre 
leurs  inférieurs  quelqu'un  pour  entendre  leur  confelTion ,  ôc  leur 
impofer  une  fatlsfatVion. Il  parle  du  fecret  de  la  Confcllion^comme 

Pag.  677.  inviolable,  ôc  ne  defapprouve  pas  les  Pénitens,  qui  ayant  fujet 
de  douter  de  la  prudence  de  leur  Prélat ,  s'adrclfent  avec  leur  per-> 
miffion  à  d'autres ,  pour  fe  confefTer. 

Pag.  «Si.  LXV.  Sur  la  fin  duTraité  Abaillard  demande:  S'il  appar- 
tient généralement  à  tous  les  Evoques  de  pouvoir  lier ,  ou  délier? 
Sa  réponfe  eft  ,  que  le  pouvoir  des  Clefs  a  été  accordé  aux  Apô^ 
très  perfonnc'llement,  ôc  non  généralement  à  tous  les  Evoques. 
Il  croit  toutefois  que  ceux  qui  par  leurs  vertus  font  les  imitateurs 
des  Apôtres, ont  le  même  pouvoir  qu'eux  ,  à  l'égard  des  Clefs:} 


ET  HELOÎSSE  ,  ABBESSE  DU  PARACLET.  1 8^ 

enforte  qu'ils  ne  l'ont  pas  précifémcnt  en  vertu  de  la  dignité 

Epifcopale  :  ce  qui  eft  une  erreur  dans  Abaillard.  Elle  ne  lui  fut     ^''S-  ^^^' 

pas  objetle'e  par  Guillaume,  Abbédefaint  Thierri;  mais  il  faut 

bien  qu'on  lui  en  ait  fait  un  crime  ,  puifqu'il  s'en  juflilie  dans  fon    /^polog.pa^. 

apologie,  où  il  déclare  que  le  pouvoir  de  lier  6c  de  délier  a  été  ^^"* 

donné  non-feulement  aux  Apôtres ,  mais  encore  à  leurs  Suc- 

ceffeurs;  ôc  que  les  Evoques,  foit  dignes,  foit  indignes,  jouilTcnt 

de  ce  pouvoir  ,  tant  que  l'Eglife  les  rec^oit.  Dans  le  treizième     P'^ê-  ^f-^» 

chapitre  de  fon  Traité  contre  les  Héréfies ,  il  attribue  le  même 

pouvoir  à  tous  les  Prêtres  ,  fans  aucune  diftindion  de  mérites  ; 

ce  qui  donne  lieu  de  croire  qu'Abaillard  écrivit  fa  Morale  avant 

fon  Apologie  ,  &  avant  le  Traité  contre  les  Héréfies. 

L  X  V  J.  Ses  autres  écrits  ,  mais  qui  n'ont  pas  encore  été  mis    Afti-esécrîM 
fous  la  Predé ,  font  un  Livre  intitulé  h  Ouï  ù'  le  Non  ,  où  l'Au-  '^''^^a'^'ar'* . 
teur  rapporte  fur  chacun  de  ces  deux  articles  les  paflages  de  mL  ,  Mallî- 
l'Ecriture  ,  6c  des  Pères.  Un  livre  des  Sentences  ,  que  Dom  ^'^''-  '''*•  7i , 
Mabillon  dit  avoir  vu  manufcrit  dans  la  Bibliothèque  de  faint  'J''"''/    """* 
Emmeram  àRatifbonne,  Ôc  compofé  de  trente  fept  chapitres. 
Abai'lard  dit  dans  fon  Apologie  que  ce  livre  n'efl  pas  de  lui ,  ôc  ^/^"%-  v^i' 
M.  Duchefne  foutient  que  faint  Bernard  s'eft  trompé  en  le  lui  ^y,'' 
attribuant;  mais  M.  Duchefne  met  au  nombre  des  Opufcules  nco. 
d'Abai'Iard  ,  une  Logique,  ou  Dialectique,  il  avoir  même 
promis  de  la  rendre  publique.  On  donne  encore  à  Abaillard  un 
Commentaire  fur  la  Genèfe  ,  qui  eft  apparemment  le  même  que 
fur  l'Ouvrage  des  fix  Jours  ;  un  fur  les  Ffeaumes  ;  des  Glofes  fur 
Ezechiel  ;  des  Elégies  fur  les  moeurs  &  la  bonne  conduite  de  la 
vie ,  adreffées  à  fon  Hls  Aftrolabe  ;  ôc  des  Rithmes  ,  ou  Profes  fur 
la  fainte  Trinité,  imprimées  dans  le  neuvième  (a)  tome  de  la 
grande  Colleilion  de  Oom  Martenne  ,  ôc  auparavant  {h  )  dans  le 
Supplément  des  Pères,  par  le  Père Homey, fous  le  nom  d'Hil-- 
debertj  Evoque  du  Mans,  puis  Archevêque  de  Tours^ 

L  X  V  I  L  Après  la  mort  d'Abaillard ,  HcloïlTe  voyant  que  Rcfîe  d'Hè^ 
rinflitut  du  Paraclet  fe  répandoit ,  ôc  qu'on  lui  demandoit  de  ^'^'f'  '  f'^' 
fes  Religi eu fes  pour  fonder  de  nouveaux  Monafteres,  mit  par 
écrit  tout  ce  qui  fe  pratiquoit  dans  le  fien ,  ôc  en  fit  un  petit 
recueil  ,  afin  que  les  Filles  ne  fuffcnt  pas  différentes  de  leur 
Mère ,  ôc  que  l'on  gardât  par-tout  l'uniformité  dans  les  ufages  ôc 
dans  les  exercices  de  la  Religion.  Quelques-uns  ont  contefté  ces 
eonftitutions  à  HéloifTe ,  mais  leurs  raifons  ne  roulent  que  fut 


A^a  iij; 


,po    PIERRE    ABAILLAPvD  ,  ABBE'; 

quelque  différence  de  ftyle  ,  qui  en  effet  n'eft  pas  fi  e'iegant  dans 
ces  Statuts,  que  dans  les  lettres  de  cette  Abbeffe.  Mais  quel 
Légillateur  s'eft  avifé  de  chercher  l'éiegance  dans  des  règles  de 
vie  ,  qui  doivent  être  à  la  portce  des  moins  intelligens  ?  La  tradi- 
tion du  Paraclct  cft  que  ces  Statuts  font  d'Hcloïffe,  ôc  ils  portent 
fon  nom  dans  un  manufcritduParaclet,  où  ils  font  joints  à  fes 
lettres  &  à  celles  d'Abaillard. 
'  €e  qirel'e  LX  V 1 1 1.  Lhabit  des  Religieufes  doit  être  fimple  &  grof- 
contient  àe    ^        j^^^g  robes  feront  de  laine  ,  leur  linge  ,  les  peaux  d'agneaux 

remarquable.  ^      ,  ,  i      r  t       '  ,  -t 

VAL  qu'on  leur  permet  en  hyver,tout  cela  lera  acheté  au  plus  vii 

prix;  elles  coucheront  fur  une  paillaffe,  ayant  un  oreiller  de 
plumes  ôc  des  draps  ;  elles  mangeront  du  pain  de  bled ,  s'il  s'en 
trouve  dans  la  Maifon,  finon  elles  fe  ferviront  d'autres  grains. 
Les  racines  j  les  légumes  ,  &  les  herbes  du  jardin  de  la  Maifoa 
fourniront  la  nourriture  ordinaire.  On  donnera  quelquefois  da 
hit,  des  œufs  &  du  fromage,  mais  rarement.  A  Fé^ar-j  de  la 
viande  ,  on  n'en  fervira  jamais  au  réfecloire.  Si  Ton  fait  préfent  au 
Monailere  de  quelque  poiffon  ,  on  les  donnera  à  la  Communauté, 
.mais  on  n'en  achètera  point.On  voit  ici  qu'Helo'iffe  avoit  renonce 
aux  mitieations  portées  dans  la  Règle  d'Abaillard,  &  qu'elle  fe 
rapprochoit  de  celle  de  faint  Benoift ,  qu  elle  avoit  fui\ie  d  abord. 
Ces  Religieufes  ne  pouvant  par    elles-mêmes  cultiver  leurs 
,terres,Heio'iffe  reçut  au  Faraclct  des  Frères  convers  qui  logeoient 
au  dehors,  ôc  des  Sœurs  converfes  au  dedans  ,  pour  les  ouvrages 
trroiliers.  Celles  du  Chœur  ne  fortoient  pas  duMonadere ,  d  ce 
-n'eft  qu'il  fût  néceffaire  d'en  envoyer  quelqu'une  dans  les  fermes; 
alors  elle  fe  faifoit  accompagner  d'une  Sœur  converfe.  Si  un 
Frère  convers  faifoit  quelque  faute  confidérable  ,  on  l'obllgeoit 
à  venir  au  Chapitre,  où  en  préfence  de  la  Communauté,  la 
Supérieure  lui  faifoit  une  févere  réprimende,  afin  que  la  honte 
rengageât  à  fe  corriger.  Au  commencement  de  toutes  les  Meures 
de  l'Office  divin,  après  le  Deus  in  adjutorium ,  la  Semainiere 
commençoit  reni  Sancle  SpirUus ,  on  y  ajoutoit  le  verfet  ôc  la 
collecte.  On  introduifitcet  ufligeauParaclet,  à  caufe  que  cette 
Maifon  étoit  dédiée  au  Saint-Efprit. 
Canons  des       L  X  I  X.  Dans   le   manufcrit    du  Paraclet  ,    les   Conftitu- 
Conciles  pour  tions   d'Heloiffe  font  fui  vies  de  plufieurs  Canons   des    Con- 
«JSdt-  cUes, -des  Décrets  des  Papes,  ôc  des  paffages  des  Pères  pour  le 
giuuies ,  ;'.i^.  gouvernement  des  Religieufes;  apparemment  pour  faire  voie 
*°*'  qu'elle  n'avoit  rien  ordonné  qui  ne  fût  conforme  à  l'efprit  de 

PEglife, 


ET  HELOÎSSE,  ABBESSE  DU  PARACLET,  i^i 

LXX.  Heloïile  furvêcut  vingt-deux  ans  à  Abaillard  ,  dtant      nfortd'He- 
■rnorte  vers  l'an  ii54.,le  17  de  May,  auquel  jour  fa  mort  eft  ^*^'"^' 
marquée  dans  le  Necrologe  du  Paraclet ,  comme  en  ayant  été  la 
première  AbbeiTe.  Il  y  ei\  aulU  fait  mention  de  fa  mcre  Herfende; 
d'Agnès  ,  nièce  dAbaiilard  ,    &    Prieure  du  Monaflcre  ;   de 
Denyfc  ,  fœur  d'AbaiHard ,  &  d'Aftrolabe  fon  fils.  HeloifTe  étoit     Amboeiîu»^ 
de  la  famille  des  Montmorenci ,  moins  confidérable  alors  que  ^''^^'^'j,  '? 
fous  le  Roi  Henri  IL  qui  érigea  la  Terre  de  Montmorenci  en  a^.  " 
Duché.  Le  corps  d HeloifTe  fut  mis  dans  un  caveau  {a)  aflez 
vaflc^où  l'on  avoir  dépofé  long-tcms  auparavant  celui  d'Abail- 
lard  :  Cette  circondancc  tait  tomber  la  tradition  fabuleufe  de  la 
Chronique  de  Tours,  où  il  efl  dit,  qu'Heloïlle  étant  malade 
demanda  dôtre  inhumée  dans  le  tombeau  d'AbaiHard  ;  ôc  que 
lorfqu'on  l'eût  ouvert  pour  y  defcendre  le  corps  d'HeloifTe ,  foiv 
mari  étendit  fes  bras  pour  la  recevoir. 

.   L  X  X  L  lis  étoient  l'un  &  l'autre  de  ces  génies  heureux,  à       Ju^pment 
qui  il  coûte  peu  ncur  fc  rendre  habiles  dans  toutes  fortes  de  ^''^ cents  (i' A- 

•  •   >  -  bni  lard     8z 

fciences.  Un  efl  lurpris  en  lilant  les  lettres  d  Heloiife  ,  d"y  d'HeloifTe. 
trouver  une  li  grande  étendue  de  connoiflances.  Elle  cite  avec 
aifance  les  Ecrivains  facrés,  les  Pères  de  l'LgJife,  les  Auteurs 
prophanes ,  furtout  les  Poctes ,  ce  qui  fait  voir  que  la  ledurc  lui 
en  étoit  familière.  Rien  n'égale  la  vivacité  de  fon  pinceau  ,  quand 
elle  peint  fes  malheurs  &  les  peines.  Quelle  force  d'exprelTionsôC 
de  raifonnemens  dans  ic  difcours  qu  elle  fait  à  Abaillard  pour  le 
détourner  du  mariage  !  Sonftyle  efl  toujours  élégant  ;  mais  il  eft 
des  endroits  dans  les  lettres  où  elle  s'eft  furpaflee.  Les  penfées  en 
font  fines  ôc  délicates  ,  les  idées  nobles,  la  latinité  pure,  le  tour 
naturel.  Il  y  a  moins  de  feu  ôc  moins  de  légèreté  dans  le  flyle 
des  lettres  d'AbaiHard  ,  mais  elles  font  écrites  folidementôc  avec 
élégance,  remplies,  comme  tous  fes  autres  ouvrages,  d'érudi- 
tion fac  ré  e  &  prophane.  Un  Anonyme  Florentin,  prefque con- 
temporain d'AbaiHard  (6  ) ,  écrivit  en  France  pour  avoir  le  recueil 
de  fes  lettres  ,  difant ,  qu  il  n'en  avoit  jamais  lu  de  plus  agréables. 
Ses  autres  écrits  n'ont  pas  eu  un  fort  fi  heureux.  Plus  Philo- 
fophe  que  Théologien ,  il  voulut,  darïs  les  premières  années  qu  il 
fe  montra  au  Public ,  enfeigner  des  matières  qu'il  n'avoir  pas 
approfondies,  ôc  pénétrer  par  les  lumières  de  la  raifon  ,  dans  des 
myfteres  au-deffus  du  raifonnement  humain.  De- là  les  reproches 

(a)  Miihilion.   Uh,  77  ,  Annal,  num,  j       (ô)  M.irtenne  ,  tom.i,  ampiijf,  collec- 
119.-  \  tion.  pag,  1455. 


rp2    PIERRE    ÂBATLLARD  ,  ABBE'&c; 

qu'il  eut  à  efluyer  de  la  part  des  plus  fçavans  Hommes  de  fort 
fiécle,foit  dans  les  Conciles,  foit  à  Rome;  ôc  la  nécelFité  de 
rétracter  par  des  monumens  publics ,  desfentimens  que  la  pureté 
de  la  foi  Catholique  n'admet  point. 
Editions  de       LXXII.   Nous  ne  connoiflbns  qu'une  feule  édition  corn- 
Çsi  Oeuvres,    plette  de  fes  (Euvres  faite  à  Paris  en  i6i6  ,in  ■^°.  par  les  foins  de 
François  Amboêfe  ;  mais  en  171 8  fes  Lettres  furent  réimprimées 
à  Londres,  1/24°.  avec  les  corretlions  de  Richard  Bawiinfon. 
François  Amboefea  mis  en  tête  de  fon  édition  une  Préface  apo- 
logétique de  la  perfonne  ôc  des  fentimens  d'Abaillard  &  d'He- 
•  loilfe ,  &  à  la  fin  ,  des  notes  de  M.  Duchefne  fur  la  Lettre  à  un 
ami,  qui  contient  l'hirtoire  de  fes  calamités.  Après  la  Préface 
apologétique  ,  fuit  la  cenfure  faite  par  les  Dodeurs  de  Paris  ,  des 
proportions  qui  leur  avoient  paru  répréhenfibles  dans  les  écrits 
d'Abaillard  &  d'HeloïlTe.  En  idpî"  ii  parut  à  Cologne  une  tra- 
dudion  Françoife  de  leurs  Lettres,  mais  aulli  inridelle,  qu  inju- 
rieufe  à  l'un  &  à  l'autre.  11  s'en  (it  deux  éditions  à  Paris  ,  !  une  en 
17 14,  l'autre  en  1721  ;  celle  de  Cologne  ell  attribuée  à  BuiTyr 
R.abutin  ;  les  deux  autres  au  P.  F.  Godard  de  Beauchamp.  Doni 
Gervaife,  ancien  Abbé  de  la  Trappe  ,  voulant  venger  l'honneur 
d'Abaillard  ■&  d  HeloilTe ,  &  celui  de  la  vie  Monatlique  attaqué 
dans  cette  tradutlion  ,  en  donna  une  nouvelle  à  Paris  en  1725  , 
chez  Jean  Mufier ,  où  il  a  taché  de  rendre  exactement ,  non-feu- 
lement les  penfées  d'Abaillard  ôc  d'HelcifTe  ,  mais  encore  leurs 
termes ,  autant  que  la  Langue  Françoife  a  pu  le  permettre  ;  ôc 
afin  que  l'on  fut  en  état  de  juger  de  fon  exactitude ,  il  a  mis  le 
texte  Latin  dans  une  colonne  fcparée  vis-à-vis  fa  traduction.  Ce 
Traducteur  ayoit  fait  imprimer  chez  le  même  Jean  Alufier  en 
1720,  la  vie  d'Abaillard  6c  d'Heloiffe  ,  dans  laquelle  il  a  difcuté 
exactement  tous  les  ri.proches  faits  à  Abaillard  ,  tant  fur  {^  con- 
jCay.  II.  duite,  que  fur  fa  doctrine.  Cette  vie  efl  terminée  par  une  diiïer- 
tatioa  où  Dom  Gervaife  fait  voir  que  cet  Ecrivain,  en  difant  dans 
fon  Livre  contre  les  Héréfics ,  quefi  dans  la  primitive  Eglife  les 
Difciples  des   Apôtres   fe  lliifoient  baptifer  pour  les  morts, 
croyant  par-là  contribuer  au  falut  de  ceux  qui  étoient  morts  fans 
Baptcnie  ;  à  plus  forte  raifon  devons-nous  croire,  que  la  foi  des 
Parens  fuffit  pour  procurer  aux  enfans  la  grâce  de  la  régénéra- 
tion ;  il  n'a  point  prétendu  autoiiferle  Baptême  pour  les  morts  f 
mais  feulement  réfuter  certains  Hérétiques  de  fon  tems  ,    qui 
vouloient  qu'on  attendit  que  les  enfans  fufl'ent  en  état  de  croire^ 
ayant  de  leuradminiltrçr  le  Baptême, 

CHAPÎTRÇ 


GILBERT  DE  LA   PORRÉE,&c.     T^/ 

CHAPITRE      XL 

Gilbert  de  la  Porrée,  Evêque  de   Poitiers; 
Abandus i  Francon  f  Abbé  d'Affîighen. 

I.  TV  T  A  T  I F  de  cette  Ville ,  il  y  fit  fes  premières  études  ;  Gilbert  de 
X  1  puis  il  s'appliqua  à  la  Philofophie  j  &  pour  s'y  rendre  ^  °MaWlon. 
habile,  il  Tctudia  dans  les  plus  fameufes  Ecoles  de  France.  A  pmfat.inBer- 
Laon  il  eut  pour  Maîtres  Anfelme ,  Doyen  de  cette  Eglife  ,  ôc  "iird.mtm.^t, 
Raoul  fon  frère  ;  à  Poitiers ,  Hilairc  ;  Bernard  à  Chartres.  Il  ^nnal.'  nui». 
enfcigna  lui-incme  la  Philofophic  en  divcrfes  Provinces  du  "j» 
Royaume  avec  fu&cès.  Admis  dans  le  Clergé  de  Poitiers ,  il  en 
devint  Chanoine. 

II.  L'Evêque  Guillaume   Adelelme   étant   mort   au  mois      il  eft  fau 
d'0£lobre  de  l'an  1 14.0  ,  on  élut  à  fa  place  l'Abbé  Grimoard,  qui  j^^V']"'^  ^^ 
ne  fut  facré  qu'au  mois  de  Février  de  l'année  fuivante  1 14.1.  Le  ,,4,. 
Roi  Louis  lui  défendit  de  fe  mettre  en  poffeflion  de  fon  Siège 

avant  la  Pentecôte.  Grimoard  ne  l'occupa  que  peu  de  tems ,  puif- 
quc  Gilbert  lui  fucceda  la  même  année. 

III.  Ses  mœurs  étoient  graves  &  pures  ;  mais  d'un  génie  vif  n/onnccînns 
&  fubtil ,  il  fe  plaifoit  trop  dans  les  raifonnemens  de  la  Dialetli-  J/-'  ft-ntin-xus 
que ,  d'où  vint  qu'il  donna  dans  des  fentimens  finguliers,  même    '"^"  '*"' 
en  matière  de  Religion. 

I  V.  Deux  de  fes  Archidiacres,  Arnaud  ôc  Calon,  en  portèrent      Pbintes  fur 
leurs  plaintes  au  PapeEugenelII.cn  i  i45.Ilétoit  alors  à  Sienne,   ^Y'?h""^Jj 
&  dans  le  deffein  de  pafler  en  France  ;  c'eft  pourquoi  il  renvoya  i,b.  7a  ,'num'. 
l'examen  de  cette  affaire  au  Concile  qu'il  devoir  y  tenir.  Gilbert  85 ,  &•  no. 
continuant  à  foutenir   les  propofitions   qu'il  avoit  avancées , 
Arnaud  &  Calon  vinrent  une  féconde  fois  s'en  plaindre  au  Pape , 
dans  le  tems  qu'il  étoit  à  Auxerre.  Eugène  leur  ordonna  de  fe 
rendre  à  Paris  pour  la  Fête  de  Pâques. 

V.  On  y  aÎTembla  un  Concile  ,  auquel  le  Pape  préfida  affilié      Concile  da 
de  plufieurs  Cardinaux  ,  d'Evêques,  d'Abbés,  &  de  Gens  de   GTibert^er 
Lettres.  Gilbert  de  la  Porrée  qu'on  y  avoit  appelle,  fut  cité   1147. 
au  Confiftoire,pour  répondre  aux  reproches  qu'on  lui  fiifoit        Maldlon. 
fur  fa  dodrine.  On  l'accufoit  d'enfeigner  que  l'EfTence  divine 
n'eft  pas  Dieu;  que  les  propriétés  des  Pcrfonncs  divines  ne  font 
Tqihz  XXII.  B  b 


194        GILBERT   DE  LA  PORRÉE, 

pas  les  Perfonnes  mêmes  ;  que  la  Nature  divine  ne  s'efl  pas 
incarnée  ;  &  quelques  autres  erreurs  de  moindre  conféquence. 
L'on  produifitcontrelui  pour  témoins  deuxMaîtresenThéologie, 
Adam  de  Petit-Pont ,  Chanoine  de  l'Eglife  de  Paris ,  ôc  Hugues 
de  Champ-Fleuri ,  Chancelier  du  Roi,  ôc  l'Evêquc  de  Soiffons. 
Tous  trois  afTurercnt  par  ferment  qu'ils  avoient  oiii  de  fa  bouche 
quelques-unes  de  ces  propofitions.  Lui-même  n'en  difconvenoit 
pas  entièrement,  mais  il  les  expliquoit  favorablement,  foutenant 
qu'il  n'avoit  jamais  dit  ni  écrit  que  la  Divinité  ne  fût  pas  Dieu  ;  il 
citoit  pour  témoins  de  la  pureté  de  fa  do£lrine  Raoul,  Evêque 
d'Evreux ,  ôc  un  Docleur  nommé  Yves  de  Chartres ,  qui  avoient 
l'un  &  l'autre  étudié  fous  lui.  Saint  Bernard  ,  que  les  deux  Archi- 
diacres avoient  engagé  dans  cette  affaire  ,  fut  le  principal  adver^ 
faire  de  Gilbert  en  ce  Concile  ;  mais  il  fe  déclara  encore  plus 
hautement  contre  lui  dans  le  Concile deHeims ,  où  le  Pape  avoit 
renvoyé  ia  décifion  de  la  caufe. 
Concile  lie       VLll  fut  affemblé  à  la  mi-Carême  de  l'ani  148,  le  22  de  Mars. 

Rei'ns  en       Parmi  le  grand  nombre  d'Evêques  ôc  d'Abbés  qui  y  afîifterent, 
MMUon,  on  nomme  Geoffroi  de  Lorroux,  Archevêque  de  Bordeaux  , 

ihid.  lib.  79 ,  Milon  ,  Evêque  de  Terrouane  ,  ôc  Joffelin  de  Soiffons ,  recom- 
mandables  par  leur  fçavoir  ,  l'Abbé  Suger  ôc  faint  Bernard. 
Eugène  II J.  préfida  au  Concile.  Avant  qu'il  fe  tînt  ,  Gilbert  lui 
envoya  fon  Commentaire  fur  Boëce ,  le  Pape  le  donna  à  exa- 
miner à  Gotefcalque,  alors  Abbé  du  Mont-Saint-Eloy  ,  près 
d'Arras  ,  enfuite  Evêque  de  cette  Ville.  Il  en  tira  quelques 
propofitions  qui  lui  parurent  erronées,  ôc  leur  oppôfa  plufieurs 
paffages  des  Pères.  Alberic  ,  Evêque  d'Oftie ,  Légat  en  France  , 
avoit  fait  aufii  des  recherches  fur  la  vie  ôc  la  doctrine  de  Gilbert  i 
mais  ce  Légat  mourut  avant  la  tenue  du  Concile. 

V  1 1.  A  la  première  feflion  Gilbert  lit  apporter  par  fes  Clercs 
plufieurs  gros  volumes  ,  pour  fe  mettre  en  état  de  montrer  que 
fes  Adverfaires  avoient  tronqué  les  paflages  allégués  contre  lui, 
ou  qu'ils  les  avoient  pris  à  contre-fens.  Qu'efl-il  befoin,  lui  dit 
faint  Bernard  ,  de  tant  de  livres  ôc  de  paroles  f  Le  fcandale  que 
vous  avez  donné  ne  vient  que  de  ce  que  plufieurs  affurent 
que  vous  croyez  ôc  que  vous  enfeignez  que  refl"cnce  ,  ou  la 
nature  de  Dieu  ,  fa  divinité ,  fa  fageffe ,  fa  bonté  ,  fa  grandeur  , 
n'eft  pas  Dieu  ,  mais  la  forme  par  laquelle  il  efi  Dieu  :  déclarez  fi 
vous  pcnfezainfi  ,  ou  non.  Gilbert  eut  la  hardieflTe  de  répondre 
que  cette  forme  n'ofl  pas  Dieu.  Nous  tenons ,  dit  faint  Bernard  , 
ce  que  nous  cherchions  ',  qu'on  écrive  cette  confc»iion.  Henri  de 


Arui.il.nuin.\. 


Ln 

do(SrJne 

do    Gilbert  y 

tft 

condam- 

nce.' 

Ibli. 

&-  tom. 

)o    , 

Concil. 

p.iç. 

1J09 , 

>ii] 

:   &•  feq. 

.  nis   ae 


EVESQUE  DE  POITIERS  ,  &c.         ifj 

Pife ,  Cardinal,  récrivit.  Alors  Gilbert  s'adreffant  à  faint  Bernard, 
lui  dit  :  Ecrivez  aulFi  que  la  Divinité  efl:  Dieu.  Oui ,  répondit  le 
Saint,  gu'on  l'écrive  avec  un  flilet  defcr,ûc  fur  un  diamant. 
Après  qu'on  eut  beaucoup  difputé  de  part  ôc  d'autre  fur  cette 
propofition  ,  &  fur  quelques-autres  avancées  par  Gilbert  ,  on 
chargea  faint  Bernard  de  dreffcr  une  confelfion  de  foi  pour  oppo- 
fer  aux  erreurs  de  Gilbert.  Il  la  fit  en  quatre  articles,  que  l'on 
rapportera  dans  l'hiftoirc  des  Conciles.  La  profefllon  de  foi  fut 
approuvée  du  Pape  6c  de  tout  le  Concile;  tous  condamnèrent 
auîn  les  erreurs  de  Gilbert;  il  acquiefça  lui-même  au  Jugement 
du  Concile  ,  fe  reconcilia  avec  les  deux  Archidiacres  fes  accu- 
fateurs ,  Ôc  retourna  à  Poitiers  reprendre  fes  fondions ,  &  jouir  en 
paix  des  honneurs  de  fa  dignité.  , 

VIII.  Il  compofa  divers  écrits.  Un  Commentaire  fur  les       r,i 
Pfeaumes ,  un  fur  l'Evangile  de  faint  Jean  ,  un  furies  Epitres  de  Gilbert. 
faint  Paul ,  un  fur  le  Traité  delà  irinité  par  Bocce,  &  un  furie 
Livre  des  deux  Natures  unies  en  une  Perfonne  dans  Jefus-Chrill, 

par  le  même  Auteur.  De  tous  ces  ouvrages,  il  n'y  a  que  le  Com- 
mentaire fur  les  Livres  de  la  Trinité  de  Boëce  ,  qui  ait  été 
rendu  public.  On  le  trouve  dans  l'édition  générale  des  (Euvres 
de  Boëce,  à  Bafle  en  1^70.  Le  Livre  de  Gilbert,  intitulé  des 
fix  Principes,  a  été  imprimé  fouvent  dans  les  anciennes  éditions 
Latines  d'Aridote,  par  les  foins  d'Hermoîaus  Barbarus.  Nous 
avons  huit  Traités  d'Albert  le  Grand  dans  le  premier  tome  de  fes 
ouvrages ,  fur  cet  opufcule  de  Gilbert. 

IX.  Le  Moine  GeofFroi  dans  fa  lettre  àl'Evêque  d'Albane,  Rema'-owei 
remarque,  que  Gilbert  après  avoir  rapporté  dans  faglofefur  le  ''^r  fosé^iits, 
Pfeautier ,  ces  paroles  de  faint  Aucruftin  ;  Jefus-Chrift  a  pris  chair  ^^f  ■  '°' 

de  la  chair  de  Marie,  nous  adorons  cette  chair lans  impieté, 
parce  que  perfonne  ne  mange  fpiritueiiement  la  chair  de  Jefus- 
Chrift,  qu'il  ne  l'ait  auparavant  adorée;  ajoute:  Non  de  cette 
adoration  qui  eftappellée  Latrie,  qu'on  doit  au  Créateur  feul; 
mais  de  celle  qui  efl;  plus  digne  que  l'adoration  deDulie,que 
l'on  rend  même  à  la  créature.  Geoffroi  avoir  encore  lu  dans  les  m^ 
Glofes  de  Gilbert  fur  les  Epîtres  de  faint  Paul ,  que  le  nom  de 
Dieu  &  de  Fils  de  Dieu  ,  n'eft  pas  donné  à  l'Homme  en  Jefus- 
Chrift  ,  finon  par  adoption.  Il  ne  releva  point  ces  deux  endroits 
au  Concile  de  Reims ,  où  il  étoit  avec  faint  Bernard  ,  parce  qu'il 
n'avoit  pas  lu  alors  ces  deux  écrits  de  Gilbert.  D'autres  difent 
que  cet  Evêque  enfsignoit  dans  ces  mêmes  Commentaires  ,  qu'il' 
n'y  a  que  Jefus-Chrift  qui  mérite ,  &c  que  les  Elus  qui  foient  véri- 
tablement baptifés.  '  B  b  ij 


i(jtf        GILBERT   DE  LA   PORRÉE, 

Lettre  âe       X.  Sa    lettre  à  Matthieu ,  Abbé  de  faint  Florent'',  eft  inte- 
vv^T  •A^""'  reflante.  Dom  Lued'A-cheri  l'a  publiée  dansfes(a)  Notes  fur 
Guibert  deJNogeiit  ;  iJom  Martenne  (  t?  ; ,  dans  le  premier  tome 
de  fes  Anecdotes  ;  &  Dom  Mabillon  (  c)  au  fixiéme  tome  de  fes 
Annales.  Matthieu  avoit  coni'ulté  Gilbert  fur  la  pénitence  que 
l'on  devoir  impofer  à  un  Prêtre ,  qui  après  la  confécration  du 
pain,  avoit  prononcé  fur  le  Calice  vuide  les  paroles  facrées,  ôc  qui 
s'en  étant  apperc^u  à  la  fra£lion  du  pain ,  lorfqu'il  falloit  en  mettre 
une  parcelle  dans  le  Calice  ,  avoit  fait  une  nouvelle  confécration 
du  pain  comme  du  vin.  Gilbert  témoigne  par  fa  réponfe,quefem- 
blable  cas  étoit  déjà  arrivé  ;  ôc  fé  fouvenant  de  ce  que  des  gens 
fages  &  prudens  avoient  ordonné  pour  des  fautes  de  cette  nature , 
il  dit,  que  ce  Prêtre  doit  s'abftenir  pendant  quelque  tems  de 
célébrer  la  Meffe  ;  qu'il  convient  aulFi  de  lui  impofer  des  jeûnes 
&  des  macérations  corporelles ,  ôc  d'obliger  même  la  Commu- 
nauté à  expier  cette  faute  par  des  prières.  Au  relie ,  il  ne  croit  pas 
que  la  pénitence  du  Prêtre  doive  être  de  longue  durée ,  parce 
qu'elle  ne  venoit  que  d'inadvertance.  Gilbert  ajoute  qu'il  avoit 
eu  tort  de  réitérer  la  confécration  du  pain  ,  qu'il  pouvoit  s'abftenir 
de  la  confécration  du  vin  ôc  de  l'eau ,  ôc  ne  communier  que  fous 
la  feule  efpece  du  pain ,  parce  que  le  Corps  de  Jefus-Chrift  eft 
tout  entier  fous  chaque  efpece  ;  qu'ainfi  le  Corps  ôc  le  Sang 
étoient  fousl'efpece  du  pain  ,  quoiqu'il  n'y  eût  point  devin  con- 
f«cré.  Il  cite  (  d  )  l'ufage  de  l'Eglife ,  de  ne  communier  les  enfans 
baptifés  que  fous  l'efpece  du  vin,  ôc  les  malades  fous  la  feule 
efpece  du  pain  ,  dans  la  perfuafion  où  l'on  étcir,  que  les  uns  ôc 
les  autres  recevoient  autant  fous  une  feule  efpece ,  que  ceux  qui 
communioientfous  les  deux.  Saint  Bernard  écrivit  en  dcsternries 
à  peu  près  femblables  (e)  ,  à  Gui ,  Abbé  de Trois-Fontaines. 
Hugues  de  faint  Vi£tor ,  Auteur  contemporain ,  dit  (/)  que  pour 
adminiftrer  l'Euchariflie  aux  enfans   fous  l'efpece  du  vin  ,  le 
Prêtre  trempoit  fon  doigt  dans  le  Calice ,  ôc  le  donnoit  à  fuccer  à 
CCS  enfans. 


(a)  In  ofpend.pag.  ^6^. 

(h)  Pa^.  417. 

(  f     Lib,  77  ,  num.  i  t  j, 

(li)  Quoniam  &  pueri  baptiCnti  in 
folius  Calicis ,  Se  inHrmi  in  IoIils  pnnis 
Sacraniento  (rpc  comnumicnnr,S{  nihilo- 
mi'ius  quantum  nd  rem  ip  -\m  &  ar!  invor- 
«ipî.oiUj  iitun  iai.riiinent¥in  accipiunt 


qunntum  illi  à  quibus  in  utroque  panis 
Icilicet  &  Calicis  Sntr.'.mt  nto  iii  Kcclelîa 
de  ip'«  in-iiU  i)oniiii  ca  C  hriftus  alluiiii- 
tur.  GilUcn  ,  epijl.  ad  Matt.  S.  Floreatii. 

(  f  )  Hcrnard  ,  epiji.  69. 

(/)  liii^o  Vitiona,  lib,  i ,  ie Sairan. 

Ci!'),    I  O. 


EVESQUE    DE   POITIERS,  ôcc.      ipy 

XI.  Après  la  condamnation  de  riiëréfie  de  Berenger  ,  ôc  la  Abandus 
confefilon  de  foi  qu'on  lui  propofu  à  ligner  dans  le  Concile  de  '^'■'' 
Rome,  il  s'éleva  plufieurs  queftions,  même  entre  les  Catho- 
liques ,  fur  le  fens  de  certains  termes  dont  cette  confelFion  eft 
compofée.  L'une  ctoit  touchant  la  fratlion  du  Corps  de  Jefus- 
Chriii  ;  quelques-uns  étoient  de  fentiment  que  cette  fraction  ne  fe 
faifoit  que  dans  les  efpeces  du  pain  ;  d'autres  vculoient  qu'elle  fe 
fit  dans  le  Corps  même  de  Jefus-Chrift.  Ils  fe  fondoient  fur  l'ana- 
thêmeque  l'on  dit  dans  cette  confellion  de  foi  à  quiconque  nie 
que  le  Corps  de  Jefus-Chrift  foit  manié  par  les  mains  du  Prêtre , 
ou  rompu,  ou  déchire  par  les  dents.  Les  Auteurs  du  premier 
fentiment  foutenoient ,  qu'après  le  changement  du  pain  ôc  du 
vin  en  la  fubftance  du  Corps  ôc  du  Sang  de  Jefus-Chrift,  les 
efpeces  du  pain  ôc  du  vin  demeuroient ,  ôc  qu'en  elles  fe  faifoit 
lafradion;  ceux  qui  prenoient  le  parti  de  la  féconde  opinion 
prétendoient  que  les  efpeces,  comme  la  fubflance  du  pain  ôc  du 
vin ,  changeoient  au  Corps  ôc  au  Sang  du  Sauveur  ,  ne 
pouvant  concevoir  que  la  blancheur  ôc  la  rondeur  puOent  être 
fcparées  du  Corps  qui  efl:  blanc  ôc  rond.  L'Abbé  Abandus 
étoit  de  ce  fentiment ,  ôc  quoiqu'il  combatte  l'opinion  oppofée  , 
il  fc  réunit  avec  fes  Adverfaires  touchant  le  dogme  (a)  de  la 
Tranfubftantiation.  Son  petit  Traité  fur  la  fraclion  du  Corps  de 
Jefus-Chrill  fe  trouve  (  b  )  parmi  les  Analeftes  de  Dom  Mabillon. 
On  met  fa  niort  vers  le  même  tems  que  celle  d'Abaillard. 

X  I  ï.  On  peut  rapporter  au  même  tems,  ce  que  nous  avons  à        Fmncon  , 
dire  de  Francon  ,  élu  Abbé  d'Afflighen  dans  le  Brabanten  1122,  ^.^'^'^'  «i'Affli- 
ôc  mort  en  cette  Abbaye  au  mois  de  Septembre  de  l'an   1 1  jf.  "^ 
Son  fçavoir,  joint  à  une  grande  pureté  de  mœurs  ,  lui  attira 
l'amour  ôc  le  refpeft  des  Princes  de  la  Terre,  des  Evêques,  ôc  de 
toutes  les  perfonnes  de  piété. 

XIII.  N'étant  encore  que  Moine  d'Afllighen  ,  Fulgencefon      Ses  écrits. 
Abbé  ôc  fon  PrédécelTeur ,  lui  ordonna  d'écrire  fur  la  grâce  de  I-'^fes  de  la 
Dieu ,  ou  fur  fes  bienfaits  ôc  fes  miféricordes.  Il  obéit ,  mais  UioLEdglca, 
il  n'acheva  l'ouvrage  qu'après  la  mort  de  Fulgence  ,  étant  Abbé  p'g- i^^- 
lui-même.  Il  eft  divifé  en  douze  Livres ,  ôc  dédié  à  l'Abbé  Fui-      ■ 


(  a  )  Credo  itaque  quod  pnnem  quem 
acccpit  ,  benedicendo, Corpus  fuum  tecit. 
Ideoque  Corpus  fuum  fregit ,  &  de  eodem 
Corpore  liio  jam  beneditho  &  fraâo  ,  DiC- 
cipuljs  dixit  :  Hoc  cil  Corpus  nicura. 
Abi/id.  in.  Anïi:âiis  MuHUonii  ,  pug.  ji. 


Quivis  facilL-  vident  alLedinem  feu  rotim- 
ditatem  ab  ipfo  Corjiore  quod  albu  n  vel 
rotundum  eu  fepardri  non  pofll^.  Ibhl.  pag. 
H-     _      ^ 

(i)  Llabillon  analec.  fcl.  pag.  jî^  jj. 

B  b  iij 


ipg       GILBERT   DE   LA   PORRÉE, 

gence  ;  la  première  édition  s'en  fit  à  Anvers  en  ij^^j"  ,  chez 
Bellerus  ,  &  à  Fribourg  en  1620  ,  in  12.  On  ie  trouve  au  vingt- 
unième  tome  de  la  Biblioteque  des  Pères  ,  à  Lyon  en  1 67  j. 
Ce  qu'ils       XIV.    L'Abbé  Fulgence   prefcrivit   lui-même  le  flijet  de 
contiennent  ,  pouvrase  ,  ôc  l'ordre  que  Francon  y  devoit  fuivre.  Vous  le  com- 

T  m.   zi  ,  et-  °         1     •     1-      M     1  r    \  -^    1  /      •  1     DIT    • 

hiiot.Pat.pag.  mencerez,  lui  dit-il  dans  la  lettre,  a  la  création  del  Univers,  & 
»?î'  vous  le  conduirez  jufqu'au  dernier  jour  auquel  le  Fils  de  Dieu 

viendra  dire  à  fes  Elus  :  Venez  les  Bénits  de  mon  Père  ,  recevez 
le  Royaume  qui  vous  eft  préparé  dès  le  commencement  des 
fiécles.  C'eft  conformément  à  ce  deiî'ein  que  Francon  defcend 
dans  le  détail  des  principaux  bienfaits   accordés  aux  hommes 
depuis  la  création  .,  jafqu'au  moment  de  la  béatitude  éternelle; 
ce  qui  lui  donne  lieu  de  parler  de  la  création  ôc  de  la  chute  des 
Anges  ;  de  la  création  deThomme,  de  fa  chute,  ôc  de  fa  rédemp- 
tion ;  des  grâces  faites  aux  Patriarches  ,  au  Peuple  de  Dieu ,  par 
le  miniftere  de  Moyfe  ôc  des  Prophètes  ;  des  myfteres  de  la  Loi 
nouvelle,  de  la  prédication  de  l'Evangile,  de  laconverfion  des 
Gentils ,  de  la  réunion  de  toutes  les  Nations  en  une  même 
Eglife.  Il  s'applique  particulièrement  à  montrer  la  grandeur  de  la 
charité  de  Jefus-Chrifl:  envers  les  hommes,  lorfqu'il  veut  bien 
les  nourrir  de  fa  Chair  ôc  de  fon  Sang  dans  l'Euchariftie.  Francon 
enfeigne  que  par  la  même  puifiance  que  le  Verbe  sePi  fait  chair 
dans  le  fein  de  fa  Mère  ,  il  change  (  a  )  en  fon  Corps  le  pain  qu'il 
bénit.  L'Auteur  finit  fon  ouvrage  pr.r  une  Elégie  fur  la  félicité 
Cnp.  39.  des  Saints  en  l'autre  vie  ;  c'eflapparemment  cette  petite  pièce  de 
Poêfie  que  Henri  de  Gand  appelle  l'ouvrage  en  vers  de  la  gloirt 
de  Vautre  vie  ,  dans  le  catalogue  des  écrits  de  Francon. 
Lettre  de      X  V.  Il  y  a  de  lui  une  lettre  à  Lambert ,  où  il  prouve  que , 
Francon ,       fuivant  la  Règle  de  faint  Benoift  ,  un  Moine  qui  en  a  quitté 
ï'uo't  ^^?at  ''  l'habit  ne  peut  être  fauve  ,  l'eût-il  quitté  pour  prendre  l'habit 
pa^. 3*7.  '     Clérical.  Lantbertpenfoit le  contraire,  ôc  s'appuyoit  fur  ce  que 
la  bénéditlion  folemnelle  de  l'habit  Monaflique  ne  fàifoit  rien  au 
falut,  ôc  fur  divers  exemples,  entr'autres,  du  Solitaire  Abraham  , 
qui  prit  un  habit  de  Soldat  pour  aller  retirer  fa  nièce  du  défordre 
où  elle  vivoit.  Francon  répond  qu'on  ne  peut  fans  impiété, 
regarder  comme  inutile ,  la  confécration  des  habits,  des  orne- 
mens ,  des  vafes  deftinés  au  faint  Miniflere  ,  telle  qu'elle  fe  fait 


(il)    Eadem.   Veibi    potentia    alTiimit  j  Corpus  fmim,  falufisnoftrrSacnîiiientum. 
pane;>rinmaniUi:s,?;  divin:?  hene 'i^iioniï  J  Fnnco  ,  lib.  1  o  ^ de  j^raiu  ,  pag.  ^  i  ^ . 
ac  V'eibi  quod.ipfe  cft  cffcJtu  vertit    in  • 


EVESQDE   DE  POITIIERS,  &«.       155 

dans  l'Eglife  ;  qu'encore  que  la  bénédi£lion  de  l'habit  ne  ferve  de 
rien  à  un  mauvais  Moine  pour  le  falut ,  c'eft  toujours  quand  il  le 
quitte  un  témoignage  de  damnation.  A  l'exemple  du  Solitaire 
Abraham  il  dit,  qu'il  ne  prouve  rien  ,  parce  qu'il  ne  quitta  fou 
habit  que  peur  un  tems  ,  &  dans  le  defTein  de  fauver  fa  nicce. 

XVI.  Nous  avons  une  féconde  lettre  de  Francon  à  dcsReli-      Aub-s  Lrt~ 
gieufes  ,  qu'il  exhorte  à  vivre  dans  une  grande  vigilance  fur  "^'j/''-^'/*"' 
elles-mêmes,  afin  de  n'être  pas  furprifes  par  l'ennemi;  ôc  à  re- 
courir à  Dieu  par  d'inftantes  prières ,  pour  en  obtenir  les  fecours 
néccflaires  dans  les  tentations.    Tritheme  attribue  à  Francon      Tnthem.ât 
plufieurs  Sermons  en  l'honneur  de  la  fainte  Vierge ,  6c  quelques  cNmI'  cau. 
Lettres.  L'Auteur  de  la  Biblioteque  Belgique  pcnfe  qu'on  doit  367. 
donnera  Francon  ,  dont  nous  parlons,  le  traité  du  Cours  de  la 
Vie  fpirituelle  ,  divifé  en  douze  tomes  ,  qui  fe  trouve  à  Tongres  , 
fous  le  nom  du  Moine  Francon.    Ce  pourroit  être  la  même 
chofe  que  les  douze  Livres  de  la  grâce  de  Dieu.  Son  nom  fe  lit 
encore  à  la  tête  de  deux  Traités  manufcrits  ,  l'un  intitulé  du  jeûne    OuJin ,  tom. 
des  Quatre-Tems  ;  l'autre  ^  des  louanges  de  la  fainte  Vierge  ^'  F-^S-  s>i?. 
Marie. 

XVIL  Vers  l'an  1140  Achard  ,  Moine  de  Clairvaux  ,  en  AcharJuj, 
dirigeoit  les  Novices,  fous  les  ordres  de  faint  Bernard.  Il  écrivit  Mojne  de 
la  vie  de  faint  Gotcelin  ,  Hermite,  imprimée  à  Douai  en  1626  "^Ucrherz 
in- 12  ,  par  les  foins  d'Arnold  Raifius.  On  a  de  lui  de  courts  lib.  i,  d;  mi- 
Sermons  à  fes  Novices  ,  mais  qu'on  n'a  pas  encore  mis  au  jour.  '"'"'"••  "?•  ^  * 
11  cft  parlé  d'Achard  dans  le  premier  Livre  des  miracles  des  Ber'narh,pag'. 
Moines  de  Cîteaux  par  Herbert.  ,    1140,  edh, 

X  V  1 1 1. 11  faut  ajouter  à  ce  qu'on  a  dit  du  Moine  Alulfe ,  que  '  Abife  AJal- 
fontroifiéme  Livre  des  Extraits  de  faint  Grégoire  fur  le  nouveau  bert. 
Teftament ,  fut  imprimé  à  Paris  eni<;  16  in-^°.  A  Strasbourg  la      Tom.  1 7 , 
même  année  chez  Jean   Knoblauchius  ,  6c  fous  le    nom  de  P^i-^^^' 
Paterius ,  dans  l'édition  des  Oeuvres  de  ce  faint  Pape  ,  à  Rome 
en  I  J  n  •  Alulfe  dit  (  a  )  dans  le  prologue  de  tout  l'ouvrage ,  qu'il 
écrivoit  après  l'an  105)2  ;  qu'il  l'entreprit  par  ordre  d'Odon  fon 
Abbé,  depuis Evêque  de  Cambrai.  On  trouve  ce  prologue  dans 
les  Analettes  de   Dom  Mabillon.   Le  Lévite   Adalbert  ,  que 
Pitfeus  dit  avoir  été  Moine  Bénéditlin  de  la  Congrégation  de 
Clunidans  le  Monaflere  de  Spaldingen  en  Angleterre,  vers  l'an 
1160  j  fit  aufli  des  Extraits  du  Commentaire  de  faint  Grégoire 
fur  Job ,  qu'il  dédia  au  Prêtre  Herimann.  L'Epître  dédicatoire  , 


(  «  )  Apuà^Mil'illonium  in  Analeilis, 


«00  HUGUES; 

ou  Prologue  (a) ,  Ce  lit  dans  le  premier  tome  des  Anecdotes  de 
Dom  Martenne.  Pitfeus  fait  mention  de  quelques  Homélies  du 
Diacre  Adalbert  6c  d'un  defcs  Ouvrages  intitulé:  Miroir  de  l'état 
de  l'homme. 

CHAPITRE     XII. 

Hugues  ,  Chanoine  Régulier  de  Saint  Viâior. 

Huçues ,    !•  ^^  C)  N  nom  fut  célèbre  dans  le  douzième  fiécle  ,  &  fe« 
fon  ?»^.  ^^  Ouvrages  ont  continué  fa  réputation  dans  les  fiécles  fui- 

vans.  Il  s'eft  formé  une  difpute  entre  les  Sçavans  fur  le  lieu  de  fa 
naiifance.  L'Auteur  de  fa  vie  le  fait  naître  en  Saxe ,  d'une  famille 
illuftre;  6c  Henri  Meibomius  le  jeune,  a  fait  une  dilTertatiof» 
exprès  pour  appuyer  cette  opinion  ;  elle  eft  imprimée  à  la  fin  du 
troifiémetome  {b)  des  Ecrivains  d'Allemagne.  Les  témoignages 
qu'il  allègue  font  d'Engelhufius  ,  de  Gobelin  Perfona,  de 
Tritheme  j  6c  de  plulieurs  autres  aufquels  on  peut  ajouter  celui 
d'Alberic  de  Trois- Fontaines  ,  dont  la  chronique  a  été  rendue 
publique  à  Hanovre  en  i6^S  par  Guillaume  Leibniz.  La  plupart 
de  ces  Ecrivains  difent  encore  ,  que  Hugues  prit  1  habit  de 
Chanoine  Régulier  en  Allemagne  ,  dans  le  Monaftere  de  faint 
Pancrace  à  Hamerleve.  Dom  Mabillon  (c)  a  embraffé  un  fen* 
timent  contraire.  Il  foutient  fur  l'autorité  d'un  ancien  manufcrit 
de  l'Abbaye  d'Anchin  ,  où  le  lieu  de  la  naiffance  de  Hugues 
eft  marqué ,  avec  l'année  de  fa  mort ,  qu'il  naquit  à  Yprcs  en 
Flandres ,  ôc  qu'il  en  fortit  dès  fa  plus  tendre  jeunefle.  Robert 
Abbé  du  Mont  faint  Michel  ,  qui  écrivoit  dans  le  douzième 
fiécle  ,  fait  Hugues  originaire  de  Lorraine  ;  ce  qui  revient  au 
témoignage  du  manufcrit  d'Anchin  ,  parce  que  la  Flandre  faifoit 
partie  du  Royaume  de  Lothaire.  Robert  ayant  été  contemporain 
de  Hugues ,  eft  à  l'égard  de  fa  naiflTance ,  plus  croyable ,  que 
ceux  qui  n'ont  écrit  que  plufieurs  fiécles  après ,  comme  Engel- 

(«)   Mantn.  tom.  i,  ancalot.  pag.  84,  1  Iprenfî  tcnitorio  orri;s  ,  à  pucro  exiilnvit. 

(è)  Edic.  Hdii'.jf.ii.  an.   ifiSS.  I  Ft  lixc  &  plura   alit  lui  ingenii  luonu- 

(c)    Atino  ;ib    liK-.irna'iciiir   Domini  I  mi'm?i.rc\\i\u\t.  A}!Uif  D^lcJnUon.in  ande&'u, 

s  I  Ml  j  ol^iit  Dùniiiuis  Hu:;o  Canonicus  1  tcin.  i ,  pa/.  i6j  ,  &"  edit.  fol.  yag.   tjv 

o.Viftoris,  III.  iJus  Fcbr-jarii.    Qui  ex  |  Vid:  NhbUlon.  lih.Tj,  ann<il.n\m.  141. 

huiius  f 


CHANOINE  ÏIEGULTER  DE  S.  VICTOR.    20  i 

liuflus,  Gobelin  Perfona  ,  Tritheme,  6c  autres,  qui  n'ont  dcrit 
que  dans  le  quinzième  (iécle. 

IL  D'un  goiit  décidé  pour  l'étude  ,  Hugues  ne  négligea  Ses  ctudeï< 
aucune  des  conuoiflances  (a)  qui  forment  les  Sçavans.  11  s'in- 
formoit  exa£lement  du  nom  de  toutes  les  chofes  qui  fe  préfen- 
toient  à  fes  yeux  ,  difant  qu'il  n'étoit  pas  poflible  de  connoître  la 
iiature  des  chofes  dont  on  ne  connoifloit  pas  le  nom.  Ce  fut 
apparemment  ce  déilr  d'apprendre  ,  qui  lengagea  à  quitter  de 
bonne  heure  fa  patrie ,  pour  aller  s'inflruire  fuus  les  meilleurs 
Maîtres.  Dansun  voyagea  Marfeille  (6  ),  il  viilta  le  tombeau 
de  faiiu  Vittor,  y  fît  fes  prières,  ôc  obtint  de  celui  qui  étoit 
chargé  de  la  garde  de  fes  reliques ,  une  dent  &  quelques  autres 
parcelles. 

III.  Il  en  fît  préfent  à  Gilduîn ,  Atbé  de  faint  VilSIor ,  proche      H   (e  fait 
•de  Paris.  Cette  Abbaye  qui  ne  faifoit  que  de  naître,  étoit  en  Cliir.oineRé- 
-réputatioii  de  grande  régulante.  Hugues  demanda  d  y  être  admis,  Vidor  ;  y  en. 
&  après  fes  épreuves  il  prononça  fes  vœux  entre  les  mains  de  ^e-g"e. 
Gilduin.  C'ctoit  en  1 1 1  j'  ,  la  dix-huitiéme  année  de  fon  âge; 

•donc  il  étoit  né  en  1 097.  Après  s'être  perfettionné  dans  les  études 
de  philofophieôcde  théologie  à  fiint  Victor,  il  y  enfcigna  lui- 
même  ces  deux  fciences  avec  applaudilfement.  Il  eut  parnîi  fes 
Difci})les  grand  nombre  de  perfonnes  diftinguées,  dont  plufieurs 
furent  dans  la  fuite  élevées  au  Cardinalat,  à  l'Epifcopat  &  aux 
autres  principales  dignités  de  l'Eglife.  L'émincncede  fa  dodrine 
le  faifoit  regarder  comme  un  des  plus  grands  Théologiens  de  fon 
fiécle.  On lappelloit  un  fécond  Auguftin  (  c) ,  ou  la  langue  de 
ce  faint  Docteur,  parce  qu'il  s'étoit  appliqué  plus  particulière- 
ment.à  la  lecture  des  écrits  de  ce  Père. 

I V.  Entièrement  occupé  des  exercices  de  la  vie  régulière  &      S;i  moa  e» 
de  l'étude,  il  ne  fut  élevé  à  aucun  grade  de  fuperiorité  à  faint  '!''-• 
Vidor.  Trithcme  &  quelques  autres  difent  néanmoins  qu'il  en 

fut  Prieur.  11  y  en  a  même  qui  ont  avancé,  qu'après  la  mort  de 
•Gilon ,  Cardinal  6c  Evêque  de  Tufculum ,  qui  tenoit  le  parti 
d'Anaclet  ,  Hugues  lui  avoit  fuccedé.  Mais  on  ne  produit 
ià-delTus  aucun  témoignage  des  Ecrivains  contemporains.  La 
veille  de  fa  mort  ,  Osbert  fon  Infirmier  lui  ayant  adminillré 
i  Extrême-Onction  en  préfence  de  toute  la  Communauté,  lui 
demanda  s'il  ne  vouloit  pas  encore  recevoir  le  Corps  du  Seigneur, 

(  a  )  Hu^o  ,  Jzè.  3  ,  Didiifcal  cjy.  3.      j       (c  ;  Hugon.iiu,  ibid, 

TonieX^lL  Ce 


202  H    IT    G    U    E    S, 

qu'il  avoit  déjà  reçu  deux  jours  auparavant.   Hugues  d'un  aîr  6c 
d'un  ton  qui  inarquoit  fa  furprife  &  une  efpece-  d'indignation  : 
Bon  Dieu ,  lui  dit-il  j  vous  me  demandez  fi  je  veux  recevoir  mon 
Dieu  !  Allez  vite  à  lEglife  (a),  &  apportez-moi  le  facrc  Corps 
de  mon  Seigneur.  Osbert  y  courut  auilitôt ,  l'apporta,  Ôc  tenant 
entre  fes  mains  ce  Pain  de  vie  ,  il  dit  à  Hugues  :  voici  celui  que 
vous  avez  défiré  ;  reconnoilTez  6c  adorez  le  Corps  de  notre 
Seigneur.  Alors  fe  levant  à  fcn  féant  ôc  étendant  les  deux  bras 
vers  le  faint  Sacrement  :  oui  je  l'adore ,  dit-il ,  en  préfence  de 
toute  cette  compagnie,  6c  je  le  reçois  comme  la  Iburce  6c  le 
principe  de  mon  falut.  Ayant  demandé  enfuite  la  Croix ,  il  la 
baifa  ;  invoqua  la  fainte  Mère  de  Dieu,  ôc  expira  en  préfence  de 
fes  Frères,  un  mardi  onzième  de  Février  l'an  1 142.  Ses  vertus 
le  firent  refpetler  devant  ôc  après  fa  mort.  On  alloit  fur  foii 
tombeau  (  6  )  où  l'on  affure  qu'il  fe  faifoit  des   miracles.   Son 
corps  fut  depuis  transféré  du  Cloître  derrière  le  grand  Autel  de 
TEglife  de  faint  Vitlor ,  où  l'on  conferve  les  reliques  de  ce  Saint  ^ 
que  Hugues  avoit  apportées  de  Marfeille. 
Ses  écrits       "V.  Ayant  palfé  toute  fa  vie  à  l'étude  des  Belles-Lettres ,  des 
diftribués   en  i^gjjy^  Arts ,  de  l'Ecriture  fainte,  de  la  Philofophie  ,  de  la  Théo- 
imprimés  à'  logie  ,  de  l'Hiftoire  facrée  Ôc  prophane  ,  Hugues  fe  trouva  en 
Pariseniîié,  état  d'écritc  fur  toutes  ces  matières  ,  car  il  avoit  l'efprit  très-- 
1*48.°"^"  ''"  pénétrant  ôc  une  grande  facilité  d'écrire  comme  de  parler.  Ses 
Ouvrages  ont  été  imprimés  en  trois  volumes  in-fol.  à  Paris  en- 
1  J26;  à  "Venifeen  iy88  ;à  Cologne  en  i(5"i7  ;àRouen  en  i5'j8. 
L'édition  de  "Venifc  eft  de  Thomas  Garzon  ,  Chanoine  Régulier 
de  faint  Jean  de  Latran  ;  celle  de  Rouen  ,  des  Chanoines  Régu-- 
liers  de  faint  "Victor  de  Paris,  chez  JeanBerthelin. 
Ecrits  con-       "V  I.  François  Bordier ,  Abbé  de  faint  Vidor ,  qui  prit  foin 
tenus  dans  le  ^q  j^  première  édition  des  Oeuvres  de  Flugues  ,  c'cll-à-dire  ,  de 
ïdh"Tn.jé^i.  celle  de  l'an   ip5,  la  dédia  à  Michel  Boudct ,  Evcque  de 
Rotcm.igifjg.  Langres.  L'Epîtrc  dédicatoire  a  été  réimprimée  dans  les  éditions 
pofterieures.    L'Editeur  commence  le  premier  tome  par  les 
Frologomenes  de  Hugues  fur  l'ancien  6c  le  nouveau  Teftament , 

(n)  Ciirre  rit»  in  Ecclelîam  &   affer  I  lens  utrarqiie  manus  funs  r.J  fanda  ill; 


I. 


cito  Corpus  Domini  mti.  Quod  cura 
prout  juflerat  fi-ciiTem:  Vciii  ;in(c  Icâuni 
ejus  ,  Si.  tcnens  p;iiien»  (anflum  vice 
ïternif  manibus  mcis:  Adora,  inquio, 
&  co::no1-e  Corpus  Domini  noftri.  Ille 
vcro  II-  crit^cns  quantum  vakbat ,  &  extoU 


adorOj  inquit,  coram  omBilms  nobis,  Do- 
niinum  mcum  "caccipio  ut  lalutem  meani 

&c.  Ojl?r!us  tpij}.  ad  Joan.  lom,  1  ,  Oj",- 
Hugcn.  in  vita  ejus, 
<^b)  Ittd, 


CHANOINE  REGULIER  DE  S.  \1CT0R.     ^of 

:OÎi  11  examine  ce  que  Ton  entend  fous  le  nom  d'Ecriture  divine  ; 
les  divers  fens  dont  elle  eft  fufceptible  ;  l'ordre  ,  le  nombre , 
l'autorité  des  Livres  dont  elle  eft  compofée  ;  qui  en  font  les 
Auteurs  ;  les  diôerentes  verfions  qui  en  ont  ctc  faites  ;  quels 
font  les  Livres  que  l'on  nomme  apocryphes  ;  comment  on  peut 
concilier  les  contrarietifs  apparentes  des  Livres  hiftoriques  de 
l'Ecriture  ;  ôc  pluiîeurs  autres  queilions  intéreflantes. 

VIT.  Hugues  donne  enfuite  des  notes  courtes  fur  les  cinq     Notes  fur  le 
Livres  de  Aloyfe  que  l'on  nomme  Pentateuque.  Il  fuit  dans  ces  Pentaieuque  > 
notes  le  feus  littéral  ôc  liiftorique.  Celles  qu'il  fait  fur  le  prologue  ^'^^'  °    ■^"'  * 
de  faint  Jérôme  au  Prctre  Didier ,  font  dans  le  même  goût  ; 
de  même  que  celles  qu'il  fait  fur  les  Livres  des  Juges,  des  Rois. 
On  verra  dans  la  fuite  ,  que  les  notes  fur  les  pfeaumes  ne  font 
pas  de  lui. 

VIII.  Dans  l'explication  de  l'Ecclefiafte  ,  Hugues  fe  fait  un       Homélies 
principe  d'entrer  dans  les  vues  que  Salomon  a  eues  en  écrivant  ^^'^^  p.p  Vï" 
ce  Livre  ,  fçavoir  de  porter  l'homme  au  mépris  des  chofes  mon- 
daines en  leur  en  faifant  voir  l'inftabilité.  Il  s'attache  donc  uni- 
quement au  fens  moral,  qu'il  développe  en  dix-neuf  homélies. 

On  voit  par  la  Préface  ,  qu'avant  de  réduire  fes  explications  en. 
•forme  de  difcours ,  ôc  de  les  mettre  par  écrit ,  il  les  avoir  données 
de  vive  voix  ôc  avec  plus  d'étendue. 

IX.  Ses  notes  fur  les  lamentations  de  Jércmie  ,  ôc  les  pro-  Notes  fut 
pheties  de  Jchel^  d'Abdias  ,  renferment  l'explication  du  texte  lesProphetes, 
€n  plufieurs  manières,  félon  le  fens  littéral,  l'allégorique ,  ôc  ^''^•^'*^' 

le  moral. 

X.  Les  allégories  fur  l'ancien  Teftament  ne  paroiffent  pas    Exp'irntioiîs 
être  de  Hugues  de  faint  Vitlor,  ni  celles  qui  font  fur  les  quatre  ^i'''P'iq^es 
Evangiles.  On  verra  dans  la  fuite  qu'elles  font  de  l'Auteur  des  j_^  nouv"a\i 
vingt-quatre  Livres  d'Extraits,  ôc  que  cet  Ecrivain  étoit  pofte-  Tcnameut, 
rieur  de  plufieurs  années  à  Hugues  ;  que  ces  allégories  faifoient  ^'^^'  "''* 

la  féconde  &  troifiéme  parties  de  ces  Extraits  ;  ôc  que  la  pre- 
mière qui  eft  imprimée  dans  le  fécond  tome  a  un  objet  tout 
différent ,  ne  traitant  que  des  Arts  ôc  de  l'Hiftoire.  Ce  qui  fuit , 
tant  fur  l'Evangile  de  faint  Jean  ,  que  fur  les  Epîtres  de  f?.int 
Paul ,  n'eft  pas  non  plus  de  Hugues  de  faint  Vi£lor  :  ce  n'c^t  ni 
fa  méthode  ,  ni  fon  ftile.  C'eft  l'ouvrage  de  quelque  Scholaflique 
du  treizième  fiécle  ,  oia  lufagc  commun  étoit  de  n'éclaircir  les 
difficultés  que  par  demandes  ôc  par  réponfes.  Celles  qui  regardent 
l'Evangile  de  faint  Jean  ,  paroiffent  même  être  d'un  autre  inter- 
prète que  les  queflions  ôc  les  réponfes  fur  les  Epîtres  de  faintPaul. 
C'eft  un  ftile  différent.  C  c  ij 


Comrf.en- 
Éaire  furla  hié- 
rarchie ccleile 
de  S.  Denyj  , 
pag.  46?. 


Ouvrnq-es 


204  H    U    G    U    E    Si 

X  I.  Hugues  dans  fon  Commentaire  fur  la  hiérarchie  céleCté 
de  faint  Denys  ,  fuit  la  verfion  latine  de  ScotErigene.  Il  ne 
témoigne  aucun  doute  fur  la  f-ippcfition  de  ce  Livre  ,-  qu'il 
croyoit  de  bonne-foi  être  de  f  Aréopagire.  Ce  Commentaire  fut 
imprimé  féparément  en  15' 02.  On  le  trouve  fous  le  nom  de 
Hugues  de  faint  Victor  parmi  les  manufcrits  d'Alexandre  PetaW; 
dans  la  Biblioteque  du  Vatican. 

XII.  Le  premier  opufcule  du  fécond  tome  eft  un  Commen- 
«ontenusdans  j^ire  fur  le  Décalogue  ,  où  l'on  reconnoît  aifément  le  ftile  ôc  le 
lume.°'com-  g^'^i^  de  Hugucs  de  faint  Viclor.   Mais  le  quatrième  chapitre 
mentaire  fur  intitulé  :  de  la  fubftancc  de  l'amour ,  &  de  Tordre  de  la  charité  , 
le  Dccaiogue,  n'appartient  point  à  ce  Commentaire.  C'eft  un  difcours  parti- 
culier que  le  Copifte  ou  l'Editeur  y  a  joint  à  caufe  de  la  relfem- 
blance  de  la  matière ,  &  peut-être  pour  allonger  le  Commen- 
taire. Quoiqu'il  en  foit,  ce  difcours  eft  imprimé  fans  nom  d'Au- 
teur dans  l'appendice  du  fixiéme  tome  (  a  )  des  Ouvrages  de  faint 
Auguftin.  Mais  il  porte  celui  de  Hugues  de  faint  Victor  dans 
un  manufcrit  du  Vatican  (è),  de  la  Biblioteque  d'Alexandre 
Petaw.  Tritheme  le  lui  attribue,  &  on  trouve  dans  ce  difcours 
certaines  exprelTions  particulières  (  c  ) ,  qui  fe  lifent  dans  quelques 
autres  écrits  deHugues  {d),  fçavoir  que  Dieu  a  opéré  la  répara- 
tion du  genre  humain  ,  partie  par  les  hommes  ,  partie  par  les 
Anges  ,  partie  par  lui-même.  Cette  période  a  été  fupprimée  par 
l'Editeur  des  Oeuvres  de  Hugues ,  avec  une  partie  du  difcours  , 
qui  eil  plus  entier  dans  l'appendice  de  fiint  Auguftin. 
Explication       XIII.  Le  Commentaire  de  Hugues  fur  la  règle  de  ce  Père;,' 
s^  a"^  fti'^  contient  des  réflexions  très-folides  &  trcs-fages  fur  toutes  les 
pg.  j.        '  obfervances  qui  y  font  prefcrites.  Il  a  été  imprimé  plufieurs  fois 
féparément ,  à  Venife  en  1^61  ,  à  Côme  en  i6oj  ,  à  Rome  en 
i52j  ,  ôc  ailleurs. 
Tnaitutions       X I V.  Henri  de  Gand  ôc  Thritheme  (e)  reconnoilTent  Hugues 
<k>s  Novices ,  pour  Auteur  de  i'inftitution  des  Novices.  On  y  trouve  quelques 
P£.  3.6.         endroits  qui  ont  rapport  à  fes  obfervations  fur  la  règle  de  faint 
Auguftin.  Quelques-uns  ont  néanmoins  attribué  ce  Traité  à 
Guillaume  Perault ,  Dominicain  ,  mort  vers  le  milieu  du  trei- 


(  a  )  ?ag.  71. 

(  i)   Montfauccn.  :om^  i  ,  Biblict,  mj[. 
fig.  66. 

Ce)  Ibid-p-ig.  74.- 


(  d  )  Hù^o,  lih.  4  ,  Jï  ana  moralf,  cap. 
3  j  î  )  &■  y  ;  &*  lii-  ï  ,  de  vanit.ut  munai»  ■ 

(r)  Hinricus  GandM.  de  S'ripwr. 
Ecclef.  cap.  7  ,  in  appendice^  &•  TrUkemius 
cap,  363. 


CHANOINE  REGULIER  DE  S.  VICTOR.     20; 

feitfmefiécle.  Mais  Técrit  qu'il  a  compofd  fur  cette  maticre  a  pour 
titre  :  Inftitution  des  Religieux  ,  ôc  non  des  Novices. 

X  V.  Les  quatre  Livres  du  cloître  de  l'âme  ne  font  point  Du  cloître 
de  Hugues  de  faint  Victor ,  mais  de  Hugues  Foliet,  ainfi  fur-  ^i*^  l'a"^^' ?".?• 
nommé  du  lieu  de  fa  naiflance,  à  quelque  diftance  de  Corbie  en  hÙ^iiss  de 
Picardie.  Il  fe  retira  (a)  au  Monaftere  de  faint  Laurent  d'Hel-  ^'oiict. 
iiac  ,  où  Ton  obfervoit  la  régie  de  faint  Auguftin.  Hugues  y 
iiienoit  une  vie  très-pauvre  ôc  trcs-auflere ,  quand  il  fut  choifi 
Abbé  de  faint  Uenys  à  Reims  en  114P,  au  mois  de  Mars. 
Il  s'excufa  d'accepter  cette  dignité  par  une  Lettre,  où  il  dit  , 
qu'il  ne  croyoit  pas  pouvoir  fans  fcandale  quitter  fa  retraite  &  fa 
vie  laborieufe  ,  pour  aller  vivre  dans  une  Abbaye  opulente,  & 
lituée  près  de  la  Cour  de  l'Archevôque.  Dom  Mabiilon  qui 
rapporte  cette  Lettre ,  digne  d'être  lue  pour  la  modcftie  ôc  la 
folidité  des  fentimens,  dit  avoir  vu  [b]  un  grand  nombre  de 
manufcrits  ,  ou  le  Traité  du  cloître  de  l'ame  porte  le  nom  de 
Hugues  Foliet,  à  quiTritheme  l'attribue  auffi  (c).  Cet  Ouvrage 
qui  fera  toujours  dune  grande  utilité  aux  perfonnes  conficrées 
à  Dieu ,  eft  diflribué  en  quatre  Livres,  dont  le  premier  explique 
les  tentations  de  ceux  qui  vivent  dans  les  Monafteres  ,  &  les 
avantages  de  la  Religion.  Hugues  dit  dans  le  fécond ,  où  il  traite 
de  larrangement  du  cloître  matériel,  que  le  nombre  des  Reli- 
gieux doit  être  proportionné  aux  facultés  de  la  Maifon  ;  enforte 
que  la  pauvreté  ne  foit  pas  un  prétexte  de  vivre  irrégulièrement  ; 
ôc  que  l'on  ne  prenne  pas  occaficn  du  grand  nombre,  de  leur 
procurer  des  chofes  défendues  par  la  règle  ,  pour  pourvoir  à 
leurs  befoins.  Il  n'approuve  pas  les  Celles  où  il  n'y  avoir  que  deux, 
trois  ,  quatre ,  ou  même  cinq  Religieux  ,  &  loue  les  Cillerciens, 
qu'il  défigne  fous  le  nom  d'héritiers  de  faint  Benoît,  de  l'ufage 
où  ils  étoient  d'envoyer  ordinairement  douze  Moines  dans  les 
Monafteres  fondés  nouvellement.  Il  permet  le  beurre  ,  îe  lait, 
riiuile;  mais  défend  d'aiTaiflbnner  les  mets  des  Frères  avec  de  la 
graiffe,  ôc  de  leur  fcrvir  de  la  viande,  finon  en  cas  de  maladie. 
Dans  le  détail  des  habits,  il  fait  voir  qu'il  parloit  à  des  Cha- 
noines Réguliers;  il  donne  môme  ce  nom  à  ceux  pour  qui  il 
écrivoit.  Il  dit  dans  le  prologue  du  troifiéme  Livre  ,  où  il  eâ 
parlé  de  l'ordre  du  cloître  de  l'ame  ,  que  le  régime  de  vie  prefcrit 


(a)  MSaUlon.  iih.y$i ,  Ann,-.I,  num,  ^7  ,  l       (c)   Tritkem.    de  Saipt.  Ecdef.  cap;'- 
Si.ù'feq.  374. 


(  h)  Ibid. 


C  c  ii] 


^og  HUGUES, 

dans  îe  fécond  Livre  avoit  été  approuvé  de  tous  ,  excepté  de 
quelques  Frères  Laïcs  ou  Convers,  qui  ne  fupportoient  le  joug 
qu'en  murmurant,  quoiqu'ils  fuffent  plus  à  Taife  dans  le  Mo» 
naflere  qu'ils  n'étoicnt  dans  le  monde.  Le  quatrième  Livre  a 
pour  objet  le  cloître  qui  n'eft  pas  fait  de  la  main  des  hommes  , 
c'eft-à-dire  ,  le  Ciel.   Hugues  y  explique  ce  que  c'eft  que  la 
Jéiufaleni  terreftre  ôc  la  Jérufalem  célefle  ;  les  chemins  qui  y 
conduifent  ;  la  beauté  de  cette  demeure  ;  la  félicité  de  fes  Habi- 
tans  ;  les  mouvemens  qu'on  doit  fe  donner  pour  être  du  nombre. 
Il  cite  de  tems   en  tems  la  Règle  de  faint  Benoît  ,  dont  il 
emprunte  diverfes  pratiques  ;  ce  qui  fait  conjedurer  que  Hugues 
avant  de  fe  retirer  dans  le  Monafterede  faint  Laurent ,  avoit  été 
élevé  à  Corbie. 
Autres  Ou-      XVL  Outre  les  quatre  Livres  du  cloître  de  \'^me{a),  oïl 
vrages    attri-  trouvc  fous  le  nom  de  Hugues  Foliet  dans  quelques  manufcrits> 
Foliet.  "^"^^  ui"!  Traité  fur  les  Noces  charnelles  &  les  fpirituelies ,  adreffé  à 
un  ami  qui  vouloir  fe  marier.  Hugues  l'en  détourne ,  &;  lui  fait 
voir  que  l'union  de  l'ame  avec  Dieu  efl  plus  avantageufc,  que 
l'union  des  corps  ;  un  Traité  intitulé  ,  de  la  médecine  de  l'ame; 
un  des  Payeurs  &  des  brebis  ;   quatre  Livres  de  la  vanité  du 
fiécle;  deux  Livres  des  oifeaux  ôc  des  Lâtes  féroces  ;  ôc  quatre 
Livres  de  l'Arche  myfiique  ôc  morale.  Mais  quelques-uns  de 
ces  écrits  fe  trouvent  aufli  dans  divers  mnnufcrits ,  ayant  en  tête 
le  nom  de  Hugues  de  faint  Vi£lor  ,  de  môme  que  dans  le  cata- 
logue de  fes  Ouvrages  (  b  )  par  Henri  de  Gand  ôc  Tritheme. 
de       XVI  L  Des  quatre  Livres  de  l'ame  ôc  de  fes  affe£tions,  le 
fe=  premier  efl:  de  Ciuiliaume  de  faint  Thierri ,'  imprimé  parmi  les 
'      Oeuvres  de  faint  Bernard  ,  fous  le  titre  de  méditations  ôc  de 
maifon  intérieure.  Le  troifiéme  efl:  aulfi  tiré  de  ces  méditations. 
Le  fécond  ,  que  l'on  a  quelquefois  attribué  à  faint  Auguflin  , 
a  été  reftitué  à  Ifaac ,  Abbé  de  l'Etoile ,  dans  l'appendice  du 
fixicme  volume  des  Oeuvres  de  ce  Père  (  c  ).  Les  onze  premiers 
chapitres  du  quatrième  Livre  font  tirés  du  Manuel  imprimé  dans 
le  même  appendice  (d).  Le  douzième  chapitre  eft  un  Extrait 
d'un  Traité  anonyme  de  la  charité  ;  les  cinq  chapitres  fuivans 
font  des  fragmens  mal  coufus  de  divers  ouvrages.  On  voit  pat 
le  quatorzième  chapitre  que  le  Compilateur  étoit  Moine. 


Livres 
i'ame    & 

aftedioiià 


(  a  )  MMlon.  iib.  79  ,  Annal,  num.  ^8  , 
(b)  Henric.  Gandav.  cjp.  if  ;  Cr-  Tri- 


35- 


(  c)  In  append.  tom.  6 ,  Augufin. pag» 
[à)  P. 7g.  ,js,ii;rf. 


CHANOINE  REGULIER  DE  S.  VICTOR.     207 

XVIII.  On  vient  de  dire  que  dans  quelques  manufcrits ,  le     pvfe  de  la 
Livre  qui  a  pour  titre,  de  la  médecine  de  lame ,  portoit  le  nom  |',|^^''^'^'"«  ^'^ 
de  Hugues  de  faint  Laurent,  ou  Foliet.  Dans  celui  de  l'Abbaye  m. 
d'Aine  en  Flandre  ,  le  prologue  (a)  commence  par  ces  mots  : 
Cogis  me  ,  fratcr  chanjjime.  Dans  nos  éditions  on  lit  :  Rogas  me , 
frater.  Cette  différence  n'eft  pasconfiderable ,  ôc  je  ne  (çai  Ci  elle 
fuffit  avec  Tautorité  de  l'ritheme  (  b  )  pour  laifier  Hugues  de  faint 
Vidor  en  poneilion  de  cet  Ouvrage.  Le  ftile  n'eft  pas  de  Hugues 
"de  faint  Vidor. 

X  I  X.  Je  ne  vois  point  qu'on  lui  difpute  le  foiiloque  de  Tame,  Soliloque, 
ou  de  larrhc  de  l'amc  ,  adrefic  aux  ferviteurs  de  Dieu  qui  ^■'^S-  -^h 
demeuroient  à  Hamerleve.  C'eft  un  Dialogue  où  les  Interlo- 
cuteurs font  Thommc  &  l'ame.  Lcfujet  de  l'entretien  eft  l'amour 
&  fon  objet.  L'homme  prouve  à  l'ame  ,  que  Dieu  fcul  eft 
aimable  pour  lui-même;  qu'après  tant  de  bienfaits  de  fa  part, 
c'eft  manquer  de  gratitude  de  ne  pa-,  l'aimer;  qu'elle  n'a  point 
d'autre  époux  à  choifir  quele  Fils  de  Dieu,  qui  l'a  rachetée  de 
l'efclavage  où  elle  étoit  tombée  par  fes  péchés  ;  que  la  Chambre 
nuptiale  eft  l'Eglife  ;  que  c'cft-1 1  où  elle  reçoit  de  lui  tous  fes 
crnemens;  le  Baptême  ,  la  Coniirmation  ,  l'Euchariftie  ;  les 
grâces  nécefl'aires  pour  la  pratique  des  vertus  ;  les  faintes  Ecri- 
tures qui  fervent  comme  d'un  miroir,  où  elle  peut  voir  quels 
ornemens  lui  conviennent  ;  enlin  les  moyens  d'elTacer  les  fautes 
eommifes  depuis  le  Baptême.  Ce  foiiloque  Hnit  par  une  con- 
felBon  où  l'homme  ôc  lame  fe  répandent  en  fentimens  de- 
reconnoilTance,  d'amour  envers  Dieu,  ôc  de  regrets  de  leurs 
péchés  pafTés. 

XX.   L'éloge  de  la  charité  ôc  la  manière  de  prier  portent  le      L',îiope  de 
nom  de  Hugues  de  faint  Vidor,  tant  dans  les  manufcrits  que  '^     charité  , 
dans  les  imprimés,  ôc  dans  1  ritheme(c  ).  Hugues  compofa  le  P'S-.'^^i-  La 
premier  pour  le  renouveller  dans  le  louvenir  d  un  de  les  amis  prier,  pag.- 
nommé  Pierre  ,  ôc  ranimer  fon  amitié  envers  lui.  Il  fait  voir  ^>''* 
que  c'eft  la  charité  qui  a  fait  d'Abel  un  Martyr  ;  engagé  Abraham 
à  fortir  de  fon  Pays  ;  Jefus-Chrift  à  foufiVir  pour  racheter  les 
hommes  ;  que  Dieu  eft  la  charité  même  ;  que  pofTeder  cette 
.vertu  ,  c'eft  pofTeder  Dieu  ;  que  l'on   ne  peut  entrer  dans  le 
chemin  de  la  juftice  que  par  la  charité  ;  mais  auffi  qu'elle  eft 
inféparable  de  la  pratique  des  Commandemens  de  Dieu.  Dans 

(a)  Mabiilon.  uhi  fu-ra.  I       (c)  Montfaucon  ,  Bih.ict.  mjf.  tcm,  i,,  . 

tfr)  Cap.    J65.  I  pag.  66, 


2o§  HUGUES  , 

le  Traité  de  la  prière  ,  il  montre  que  nous  devons  nous  ycîfcîtet 

&  par  la  conlideration  de  nos  miferes  ,  &  par  la  vue  de  la  mifc- 

ricorde  de  Dieu.  Quelques-uns  difoient  :  A  quoi  boa  réciter  dans' 

nos  prières  des  pfeaumes ,  ou  quelques  autres  endroits  de  TEcri- 

'  ture,  qui  n'ont  point  de  rapport  à  ce  que  nous  demandons  pour 

'  nous,  eu  pourles  autres  ?  Hugues  répond  qu'il  y  a  cette  différence 

entre  les  prières  que  nous  adreflons  à  Dieu ,  &  celles  que  nous 

adreflons  aux  hommes  :  Ceux-ci  ne  peuvent  connoître  nosbe- 

fuins ,  fi  nous  ne  les  leur  expofo.ns.  Au-contraire ,  Dieu  les  connok 

par  lui-même.  Nous  pouvons  donc  ians  les  lui  expofer  toujours  , 

mêler  dans  nos  prières  des  pfeaunies  ,  qui  n'y  ayent  point  d'autre 

■  rapport,  que  de  nous  faire  fouvenir  de  nos  miferes,  en  louant 

la  bonté  de  Dieu ,  &  fes  mifericordes.  En  nous  fouvenant  de  nos 

•miferes  ,  nous  en  devenons  plus  humbles  ;  en  nous  rappellant  fcs 

mifericordes ,  nous  nous  fentons  plus  portés  à  l'aimer  :  difpo- 

fitions  utiles  à  la  prière. 

Difcoursiur       y^  XI.  Il  faut  joindre  aux  écrits  qu'on  ne  doute  pas  être  de 

l'Epoux  &  ce  Hugues  ne  faint  Viclor ,  le  petit  difcoursfur  l'amour  de  l'Epoux 

A'Epoufe,v.:g.  &  de  lEpoufe  ;  de  Jefus-Chrift  &  de  famé  fîdel!e;  mais  on  ne 

j^'^r  •.  r?  -^'olt  rien  de  lui  dans  le  Livre  intitulé  :  des  fruits  delà  chair  & 

des  rruits  de  la     ,     ,,    -  ^^  ^  .         ,,,,.. 

chair   &   de'  de  1  efprit.  Ce  n'eu  qu'une  fuite  de  dehnitions  des  vertus  &  des 

l'oiprit,  p.ig.  ^vices, 

^'^Livrcs  des       XXIL  Les  deux  Livres  des  Noccs  chamelles 6c  fpirituelles  , 

Nucas&deia  dont  il  a  été  parlé  plus  haut ,  paroiflent  être  de  Hugues  Foliet. 

de  "^  7."  •'  6  Tritheme  n'en  dit  rien  dans  le  catalogue  des  écrits  de  Hugues  de 

ôcifij."         faint  Viecor.  il  y  fait  mention  de  l'ouvrage,  qui  a  pour  titre: 

de  la  vanité  du  fiécle;  mais  il  paroît  n'en  avoir  connu  que  le 

premier  Livre  ,  dont  il  rapporte  1-e  commencement.  Il  y  en  a 

quatre  Livres  dans  les  imprimés,  qui  font  en  forme  de  Dialogue. 

Quelques-uns  les  donnent  encore  à  Hugues  Folict.  Je  doute 

qu'ayant  prefque  toujours  vécu  dans  la  retraite  ,  il  ait  allez  connu 

le  monde  pour  en  faire  la  peinture ,  telle  qu'on  la  trouve  dans  ces 

Livres. 

Livres  de  la       XXIII.  Hugues  enfeigne  dans  fon  Opufcule  de  la  manière 

'"•''■'^'V""  ?     de  méditer ,  à  s'inftruire  dans  les  divines  Ecritures  de  ce  que  l'on 

&  de  l'Arche     ,    .      ^  .  '      ,    .  .      v  .  ,  ^  , 

deNoc,p.;/.  doit  hure  ce  éviter  ;  puis  a  examiner  tous  les  mouvemens  du 

1.84 &i86.      cœur  ,  leur  origine,  leur  but;  enfuitc  à  régler  tellement  fcs 

mœurs  ,  que  le  prochain  en  foit  échfié  ,6c  que  la  confcience  n'aie 

jrien  à  reprocher.  Apres  avoir  donné  ojne  defcription  myflique 

Peg.  15c.  ,<le  l'Arche  de  Nop  ,  il  en  donne  une  morale  en  quatre  Livres, 

la  faifant  envifager  comme  la  ligure  de  l'Eglife.  Dans  l'^u- 

meration 


CHANOINE  REGULIER  DE  S.  VICTOR.    209 

ïîieration  des  Papes  il  finit  à  Honorius  II.  fous  le  Pontilicat 
duquel  il  écrivoit.  Ainfi  il  fit  la  defcription  myftique  de  l'Arche 
au  plus  tard  en  1 1  ?  o ,  qui  fut  celui  de  la  mort  de  ce  Pape. 

XXIV.  On  a  attribue  les  dix  Livres  d'Extraits,  tantôt  à     Livres  de« 
Hugues  de faint  Vider ,  tantôt  à  Richard  de  faint  Vidor  fon  Extraits, ^a^. 
Difciple.  Mais  fi  l'on  fait  attention  qu'il  efl:  parlé  dans  le  dernier 
chapitre  du  règne  de  Philippe  Augufte  ,  nls  de  Louis  VII.  qui 
lacté  à  Reims  le  premier  Novembre  1177  ,  ne  commença  à 
régner  qu'au  mois  de  Septembre  de  l'année  1180,  après  la  mort 
de  fon  père  ;  on  verra  que  l'hilloire  des  Rois  de  France  depuis 
Pharamond  jufqu'à  Philippe-Augufte ,  rapportée  dans  le  dixième 
Livre  de  ces  Extraits,  ne  peut  être  de  Hugues  de  faint  Vitlor 
mort  en  1 142  ,  ni  de  Richard  de  faint  Vidor ,  dont  on  met  la 
mort  vers  lan  1 175.  On  pourroit  répondre,  que  les  noms  de 
Louis  IL  ôc  de  Philippe  fon  fils  ont  été  ajoutés  après  la  mort  de 
Hugues  ;  ce  qui  s'eft  fait  fouvent  dans  ces  fortes  d'ouvrages.  Ce 
qui  appuyé  cette  réponfe,  eft  que  dans  un  manufcrit  de  la  Reine 
de  Suéde  (a),  aujourd'hui  du  Vatican,  la  fuite  des  Rois  de 
France  dans  ce  dixième  Livre,  ne  va  que  jufqu'en  1157,  c'eft- 
à-dire ,  jufqu'au  règne  de  Louis  VI.  dit  le  Gros  ,  mort  en  1 157. 
Mais  il  refle  toujours  une  difficulté  confiderable  ;  fçavoir  que 
Hugues  après  s'être  occupé  pendant  fa  vie  d'ouvrages  importans , 
enfantés  par  fon  propre  travail ,  aura  employé  fes  dernières  années 
à  piller  de  tous  cotés  pour  donner  quelque  chofe  fur  l'origine  ÔC 
la  divifion  des  Arts  ,  foit  libéraux ,  foit  méchaniques  ;  fur  les 
Ecritures  divines  ôc  prophanes  ;  fur  l'ouvrage  de  la  création  ; 
fur  l'Hiftoire  facrée  depuis  Adam  jufqu  a  Herode  ,  fils  d'Anti- 
patre  ;  fur  l'hiftoire  des  Scythes  ,  des  AiTyriens ,  des  Medes  ,  des 
Perfes,  des  Romains,  des  Empereurs,  des  Rois   de  France, 
&  autres  Potentats  de  l'Univers;  car  c'eft  ce  que  contiennent 
en  abrégé  ces  dix  Livres  d'Extraits.  On  conjedure  {b  )  qu'ils  font 
de  Richard  de  Cluni  qui  écrivoit  vers  Tan  i  iSo  ou  i  ipo  ;  ÔC 
que  l'identité  de  nom  ,  les  a  fait  attribuer  quelquefois  à  Richard 
de  faint  Vidor.  L'Auteur  dans  le  Prologue  divifc  fes  Extraits 
en  trois  parties,  les  deux  premières  de  dix  I^ivres  chacune;  la 
troifiéme  de  quatre.  Nous  venons  de  donner  lefommaire  des  dix 
premiers  Livres  ;  les  dix  fuivans  qui  compofent  la  féconde  partie , 
Ibnt  les  allégories  fur  l'ancien  teftament,  avec  les  Sermons  fut 

(  a )  Montfauson.  Bihliot.  mjf.  tom.  i  ,  i      (i  )  Oudin  ,  tom.  ^  ,àe  Scriptor.  Eccle- 

Tome  XXII.  Dd 


2Cio  HUGUES, 

divers  fujets ,  dont  on  va  parler.  La  troifiéme  partie  qui  n'eft 
que  de  quatre  Livres ,  comprend  resplication  des  quatre  Evan- 
giles ,  qui  fe  trouve  à  la  fuite  des  allégories  de  l'ancien  Teflament 
imprimées  dans  le  premier  tome. 
Livres  des      XXV.  Parmi  les  manufcrits  d'Alexandre  Petaw  ,  qui  font  à 
trois  Colon.-  prefent  an  Vatican  ,  il  y  en  a  un  fous  le  nom  de  Hugues  de  faine 
inai;x  "m'i^.  Victor  (  a  ),  intitulé  :  de  la  nature  des  animaux  mentionnés  dans 
ÎJ14.  la  fainte  Ecriture.   Il  eft  dans  le  catalogue  de    fes    Ouvrage* 

par  Tritheme  (  fc  ) ,  qui  en  donne  le  commencement  en  ces: 
termes  :  Leûorem  divinarum  Scripturarum.  On  ne  lit  rien  de  fem- 
felable  dans  les  Livres  des  trois  Colombes,  ôc  autres  animaux  ^ 
imprimés  dans  le  Recueil  des  Ouvrages  de  Hugues  de  faimt 
Victor.  Les  deux  premiers  font  attribués  dans  quelques  manuf- 
crits à  Hugues  Foliet;  les  deux  derniers  à  Guillaume  Perault^ 
Dominicain  dans  le  treizième  fiécle.  Le  quatrième  Livre  con-^ 
tient  les  définitions  des  termes  félon  l'ordre  de  l'alphabet. 
Sermons  de       X  X  V  L  On  a  mis  enfuite  fous  le  nom  de  Hugues  de  faine 
Hugues  de  s.  Vidor ,  cent  Sermons  ,  fans  y  obferver  aucun  ordre  ,  ni  de 
Viftor,  p.ig.  jTT^atiere  ,  ni  de  tems.  On  vient  de  voir,  que  ce  Recueil  doit 
faire  le  dixième  Livre  de  la  féconde  partie  des  extraits  ,  qui 
n'étant  qu'une  compilation  ,  ne  mérite  pas  de  porter  le  nom  de 
Hugues  ,  qui  avoir  affez  de  capacité  pour  en  publier  de  fore 
propre  fond.   C'eû  par  la  même  raifon  qu'on  doit  lui  ôter  le 
difcours  fur  l'Affomption  de  la  fainte  Vierge,  qui  fait  le  cent 
unième.  L'Auteur  qui  paroît  être  le  même  que  des  Extraits  , 
Pa-r.  éjj.    fe  reconnoît  pour  un  Compilateur ,  qui  ne  fe  réferve  que  le  droit 

de  changer  quelquefois  l'ordre  des  mots  de  fon  original. 
Ouvrai^et  X  X  V  IL  Les  Ouvrages  de  Hugues  de  faint  Vi£lor ,  contenus 
contenus  dans  dans  le  troifiémc  tome  ,  font  dogmatiques.  Le  premier  intitulé: 
le  troiiîcme  ErmJitions  didafcaliques ,  ou  inftruttives  ,  eft  diftribué  en  fept 
Eru^'itions  Livtcs.  Dans  le  premier  qui  a  pour  titre  :  de  l'application  à  Ja 
jiidafcaliques ,  leûure ,  il  remarque  qu'il  y  a  trois  chofcs  dans  la  lecture  :  1°.  De 
pag.  I.  f(çavoir  ce  qu'on  doit  lire.  2".    En  quel  ordre  on  doit  lire. 

5°.  Comment  on  doit  lire.  Les  préceptes  qu'il  donne  fur  ces  trois 
articles  ,  regardent  également  la  letture  des  Livres  qui  concer- 
nent les  Arts,  comme  ceux  qui  conduifent  à  l'intelligence  des 
Livres  faints.  Le  dernier  chapitre  ,  c'cft-à-dire  ,  le  treizième 
manquoit  à  ce  Livre*    Dom   Mabilloi>  l'a   donné  parmi  fes 

l  a)  Momjaucon  ,  BMiot,  mjj.  tom.  i ,  |       C^)  C'i;).  363, 


CHANOINE  REGULIER  DE  S.  VICTOR,    ai.t 

Anale£tes  (  û  j  ,  fur  un  manufcrit  du  Monaflere  de  faint  Taurin 
au  Dioccfe  d'Evreux,  Il  traite  dans  le  fécond  Livre ,  des  Arts 
libéraux  6c  méchaniques  ,  dont  il  donne  des  notions  générales. 
Dans  le  troifiéme  il  fait  connoître  les  Inventeurs  des  Arts  >  ceux 
aufquels  les  Anciens  s'appliquoient  le  plus ,  pour  parvenir  plus 
facilement  à  la  pleine  connoilfance  des  vérités  philcfophiques. 
C'étoient  les  lept  Arts  libéraux.  11  traite  daiis  le  quatrième  de 
i'Ecriture  fainte ,  de  l'ordre  ôc  du  nombre  des  Livres ,  de  leurs 
Auteurs  ;  du  rétabliflement  des  Ecritures  par  Efdras  ;  du  Canon 
■des  Evangiles  inventé  par  Ammonius  ;  des  Canons  des  Conciles 
généraux  ,  nommément  des  quatre  premiers;  des  écrits  des 
Pères  ;  des  Livres  apocryphes  de  l'ancien  ôc  du  nouveau  Tefta- 
nient  ;  ôc  de  ceux  des  Ecrivains  Ecclefiaftiques  que  l'Eglife 
Catholique  ôc  Romaine  a  condamnés.  Il  explique  dans  le  cin- 
quième les  divers  fens  de  l'Ecriture  fainte,  ôc  donne  dans  le 
"iixiéme  des  règles  pour  la  lire  avec  fruit.  Cela  ne  peut  fc 
faire  qu'en  méditant  férieufement  fur  ce  qu'on  a  lu.  C'efl: 
pourquoi  il  parle  dans  le  feptiéme  Livre  de  la  méditation  par 
•laquelle  on  parvient  de  la  connoiflance  des  chofes  vifibles  à  la 
connoiiïancedes  invifibles  ,  c'eft-à-dire  ,  de  Dieu  ôc  de  la  Trinité 
des  perfonnes.  Cet  ouvrage  fut  imprimé  féparément  à  Paris  en 
1  jo5  m-^°.  On  trouve  quelque  choie  {b)  du  feptiéme  Livre 
dans  la  vie  de  fainte  Lidwige  au  1 4  d'Avril  (  c  )  dans  Bollandus. 
Ce  qui  ell:  dit  des  Arts  dans  les  autres  Livres ,  e(t  imprimé  dans 
le  vocabulaire  de  "'Ç^'enceflas  Brack  en  1483. 

XXVIII.  Quelques-uns  agitoient  la  queflicn  , laquelle  des    Tmhé  delà 
deux  eft  la  plus  grande,  ou  de  la  puiffance  de  Dieu  ,  ou  de  fa  pifTiince    Sf 
volonté;  Hugues  après  avoir  rapporté  les  difficultés  qu'ils  for-  |^eDieu°^""r 
moient  là-dcifus,  décide  en  difant  ,  que  comme  la  puiffance  J5. 
de  Dieu  n'eft  point  reflrainte  en  ce  qu'il  ne  fait  rien  fans  fa 
volonté  :  de  même  fa  volonté  n'eft  point  relTcrrée  ,  pour  ne  pas 
s  "étendre  à  tout  ce  qui  eft  en  fa  puiffance.   Il  prouve  que  la 
puiffance  &  la  volonté  étant  en  Dieu  une  même  chofe,  parce 
que  l'une  ne  fçauroit  être  féparée  de  l'autre;  tout  ce  que  Dieu 
fait  il  le  fait  également  par  fa  volonté  ôc  par  fa  puiffance.  Ce 
Traité  n'eft   qu'un  tiffu   de  raifonnemens  fcholaftiques  ;  on  y 
trouve  même  divers  termes  inufités  dans  les  autres  Ouvrages 
de  Hugues. 

(a)  P3^.  i;^.  -  I       (c)  P^^-  »Si. 

(  fc)  Ex  tau.  i6,  lib.  7.  1 

Ddij 


212  HUGUES, 

Des  quatre       XXIX.  Il  étoit  encore  queftion  du  nombre  des  volontés 

Jefus'-Chrift"  ^^^  Jefus-Chrift.  Hugues   établit  d'abord  le  dogme  des  deux 

pag.  5é.         volontés  ,  l'une  divine  ,  l'autre  humaine;  parce  que  Jefus-Chrifl: 

eft  Dieu  &  homme  tout  enfemble.  Puis  il   divife  la  volonté 

humaine,  fuivant  fes  difFerens  égards  ;  en  volonté  de  raifon  , 

volonté  de  pieté,  volonté  de  la  chair.  Suivant  cette  divifion,  il 

admet  quatre  volontés  en  Jefus-Chrifl.  Par  fa  volonté  divine, 

il  dictoit  les  Décrets  de  Juftice  ;  par  fa  volonté  de  raifon  ,  il  y 

obéilToit;  par  fa  volonté  de  pieté,  il  avoit  compaffion  de  nos 

miferes  ;  la  volonté  de  la  chair  lui  faifoit  trouver  de  la  peine 

dans  lesfouffrances;  mais  en  cela  même ,  il  n'étoit  pas  contraire 

à  la   volonté  divine,  parce  qu'il  étoit  dans  l'ordre  de  Dieu, 

que  la  nature  humaine  s'oppoiât  à  fa  propre  deftrudion.    Cet 

Opufculc  efl:  intitulé  dans  1  ritheme  (  a  ) ,  de  la  triple  volonté  en 

Jefus-Chrift. 

Traité  de  la       XXX.  Le  Traité  de  la  fageffe  de  Jefus-Chrifl  efl  dédié  à 

fageiïè  de  ''^-  Gautliier  de  Mauritanie ,  Prédicateurcélebre  du  tems  de  Hugues 

Chrift  /pal',  de  faint  Victor.  Il  y  examine  fi  la  fagefle  de  Jefus-Chrifl  a  été 

j8.  égale  à  la  fagefTe  divine  ;   la  difficulté  étoit  ,  qu'en  la  fuppo- 

fant  égale,  il  fuivoit  de-là  une  égalité  de  la  créature  avec   le 

Créateur.    Flugues  répond  ,  qu'il  y  a  une   grande    différence 

entre  avoir  la  fageffe  ,  ôc  être  la  fageffe  ;  qu'avoir  la  fagefTe ,  c'eft 

l'avoir  reçu  par  grâce  ;  être  la  fageffe  ,  c'eft  l'être  par  nature  ;  qiTe 

Jefus-Chrifc  a  reçu  la  fageffe  par  grâce  ,  c'efl-à-dire ,  par  l'union 

de  fa  nature  humaine  avec  la  divine  en  une  feule  perfonne; 

qu'ainfi  Tame  de  Jefus-Chrifl  a  tout  par  grâce,  ce  que  Dieu  eft 

par  nature  ;  qu'il  ne  s'enfuit  pas  néanmoins  que  1  ouvrage  du 

Créateur  lui  foit  égal,  parce  qu'encore  que  la  créature  auroit 

reçu  limmenfité  de  grâce  ,  elle  n'auroit  pas  pour  cela  perdu  la 

qualité  de  fa  nature.  La  nature  humaine  par  fon  union  avec  le 

Verbe  ,  a  reçu  ce  qu'elle  n'avoit  pas  ;  mais  elle  n'a  pas  cefTé 

d'être  ce  qu'elle  étoit.  Elle  a  reçu  la  plénitude  de  la  fageffe, 

dans  laquelle  &  par  laquelle  elle  efl  pleinement  &  parfaitement 

fage  ;  mais  elle  n'a  pas  reçu  d'être  la  fageffe  même.  D'où  il  fuit 

que  la  fageffe  de  l'ame  de  Jefus-Chrill  ne  peut  paffer  pour  égale 

à  la  fageffe  de  Dieu  ,  ni  même  lui  être  comparée.  Oudin  en 

faifant  imprimer  le  prologue  de  ce  Traité  (  /?  ) ,  donne  à  entendre 


(<0  Qf.  363,  1      (*)    Tom.    i  ,  S.riptor.  Lcclef.  pa-. 


I      (*) 


CHANOINE  REGULIER  DE  S.  VICTOR.     215 

qu'il  manque  dans  l'édition  de  Rouen  ,  où  il  eft  néanmoins  tout 
entier. 

XXXI.  Les  deux  fragmens  ,  dont  l'un  a  pour  titre  :  de  De  Vunion 
l'union  du  corps  &  de  l'efprit  ;  ôc  l'autre ,  de  l'unité  du  Verbe  de  jl"  «^OT*  &  <^e 
Dieu  ,  font  tirés  du  premier  Livre  des  mélanges  ,  dont  il  fera  luiiiié  '  du'  * 
parlé  ci-après.  Quant  à  l'apologie  du  Verl)e  incarné,  il  ne  faut  ^'«'■'^e  incar- 
que  le  lire  pour  fe  convaincre  qu'il  n'eft  pas  de  Hupues  de  faint  ?'"/  ^î^'  ,^* 
Vittor  ;  mais  qu  u  a  cte  écrit  dans  un  tems  ou  la  méthode  fcho-  gie  du  Verbe 
lallique  avoit  déjà  fait  de  grands  progrés;  ôc  conféquemment  '"carné,y.j^. 
longtems  après  la  mort  de  Hugues.  On  l'attribue  à  Jean  de  ' 
Cornouaille.  Les  trois  difputes  fuivantes,  quiontaulli  rapport  à 
l'incarnation  du  Verbe ,  paroiffent  de  même  ftile  que  les  mélanges 

&  du  même  Auteur. 

XXXII.  Henri  de  Gand  &  Tritheme  (a)  mettent  le  De  la  vîr- 
Traité  de  la  virginité  perpétuelle  de  la  fainte  Vierge, au  nombre  ^'"'^  perpé- 
des  écrits  de  Hugues  de  faint  Victor  ;  ôc  il  fe  nomme  lui-même  rL^LV!  &T. 
dans  le  Prologue  ou  Epître  dédicatoireà  unEvêque,dont  le  nom 

nefl:  déligné  que  par  un  G.  Ce  Prélat  lui  avoit  donné  avis  de  la 

façon  indécence  ôc  peu  refpectueufe  dont  une  perfonne  avoit  parlé 

de  la  fainte  Vierge  ,  trouvant  mauvais  qu'on  la  qualiiiat  Vierge 

des  Vierges.  Hugues  écrivit  fur  cela  une  Lettre  à  cet  Evoque, 

où  il  fe  propofe  de  prouver  quatre  articles;  le  premier,  aue  la 

fainte  Vierge  en  confentant  au  mariage ,  ne  changea  pas  le  deirein 

de  garder  la  virginité  ;  le  fécond  ,  qu'elle  conçut ,  non  d'un 

homme  ,  mais  du  Saint-Efprit  ;  le  troifiéme ,  qu'elle  enfanta  fans 

douleur  ôc  fans  bleffer  fa  virginité  ;  le  quatrième ,  que  la  confom- 

mation  du  mariage  n'eft  pas  elTentielle  au  mariage.  Il  prouve 

la  quatrième  propofition  en  montrant ,  que  l'eflence  du  mariage 

confilte  dans  le  confentement  mutuel  du  mari  ôc  de  la  femme  de 

former  enfemble  une  Société  légitime  ôc  confiante  ,  dont  le 

noeud  eft  l'amitié  ôc  la  charité  ;  ôc  que  le  commerce  charnel  n'en 

cft  qu'un  office  ôc  non  pas  le  lien  ;  enforte  que  fans  lui ,  le  mariage      Pag.  8j. 

peut  fubfifter.  L'Adverfaire  obje£loit  ces  paroles  d'Adam  ,  en 

voyarnt  la  femme  que  Dieu  lui  avoit  donnée  pour  aide:  Cejî-lû 

Vos  de  mes  os  ,  G*  la  chair  de  ma  chair  :  cefl  pourquoi  Vhomme  Genef.  1,  sj, 

quittera  fon  père  G*  fa  mère ,  ■*>  s'' attachera  à  fa  femjiie  ,  &•  ils 

feront  deux  en  une  chair  ^  ^uÇc\uQ[[es  il  joignoit  celles  que  Dieu 

prononça  en  bénillant  le  premier  homme  ôc  la  première  femnoe 

qu'il  venoit  d'unir:  CroijJqG'  multipliei-vous.  Ce  qui  prou  voie, 

C  "  )  Hinnc,  Gojidav.  c.ip.^  i  j  ,  (f  Triih,  cap.  j6;. 

D  d  iij 


214  HUGUES, 

difoit-il,  que  la  première  ôc  principale  caule  du  mariage  efl  k 
propagation.  Hugues  repond  que  ces  paroles  j  il  s'attachera  à  fa 
j'e.nim  ,  doivent  s'entendre  de  l'affection  du  cœur,  &  du  lien  de 
l'amitié  qui  unit  le  mari  &  la  femme,  en  quoi  conflue  le  pade 
matrimonial;  &  que  les  fuivantes  -.ils  feront  deux  m  une  chair. y 
défignent  le  mariage  ,  qui  a  pour  but  la  propagation  ;  mais 
qu  elles  n'en  conftituent  pas  l'eîfencc.  Il  ajoute  ,  que  depuis 
■même  que  Jefus-Chrift  a  élevé  le  mariage  à  la  dignité  de  Sacre- 
ment, la  vertu  du  Sacrement  conjugal  neft  pas  dans  la  chair., 
mais  dans  l'efprit  6c  le  cœur  des  Conjoints. 
p     gjf^jjj.       XXXIII.  Hugues  trouve  la  preuve  de  fa  première  propo- 
fition  dans  la  réponfe  de  la  fainte  Vierge  à  l'Ange  :  Comment  cela 
Luc.  t,  33.  fe  fera-til,  car  je  ne  cannois  point  àliomme  ?  En  effet ,  fi  elle 
eût  connu  ou   voulu  connoître  fon   mari  ,  elle  n'auroit  point 
trouvé  de  diruculté  dans  le  difcours  de  l'Ange.  Sa  crainre  6c  fon 
embarras  ctoient  donc  une  preuve  de  la  ferme   réfolution  où 
-elle  ctoit  de  demeurer  Vierge.  Il  étoit  facile  à  Hugues  de  faint 
Vi'tlor  de  prouver  la  féconde  propofition  en  rapportant  la  fuite 
des  paroles  de  l'Ange,  qui  expliquent  clairement  commentAlarie 
concevroit  :  Le  Saint- Efprit ,  lui  dit-il ,  furviendra  en  vous ,  (y  la 
llid-  îî-  vertu  du  Très  Haut  vous  couvrira  de  fon  ombre.  Le  Saint-Efprit 
forma  en  elle  6c  de  fa  chair ,  la  chair  de  Jefus  Chrift.  La  vérité 
de  la  troifiéme  propofition  fuit  de  la  féconde.  Si  Marie  a  con^^u 
du  Saint-Efprit,  elle  a  dii  enfanter  fans  douleur;  parce  que  les 
douleurs  de  lenfantement  dans  les  femmes  ,  font  la  fuite  du 
péché. 
Pag.  sr.      XXXIV.  Les  réponfes  de  Hugues  de  faint  Vider  n'ayant 
pas  eu  tout  l'effet  qu'il  en  atten doit ,  il  fit  une  nouvelle  reiitative 
pour  mettre  (in  aux  difcours  indécens  des  ennemis  de  l'intégrité 
de  la  f\inte  Vierge.  C'eft  la  matière  du  quatrième  chapitre  de  fa 
Lettre,  &  de  fa  quatrième  propofition  .  comprife  dans  la  pre- 
mière. Il  prouve  donc  une  féconde  fois  ,  que  la  fainteté  du 
SacremJînt  conjugal ,  fon  eflence   ne   confifie   point  dans  le 
commerce  charnel ,  mais  dans  le  lien  d'une  focieté  légitime , 
où,excepté  ce  commerce  ,  les  deux  conjoints  s'engagent  mutuel- 
lement 6c  d'un  commun  confentement  à  demeurer  inféparable- 
menr  unis.  S'il  en  eft  ainfi  ,  difoit-on  ,  le  mariage  peut  fe  con- 
tracter  entre  deux  perfonnes  d'un  même  fexe.  Non  ,  répond 
Hugues,  6c  il  n'en  faut  pas  d'autre  preuve  que  l'infiitution  du 
Créateur,  qui  a  établi  le  mariage  entre  deux  perfonnes  de  diffé- 
rent fexc.  On  peutcncorecndonner  une  autre,  qui  eft  qu'il  y  a 


CHANOINE  REGULIER  DE  S.  VICTOR.     217 

deux  chofes  dans  le  mariage  ,  le  Sacrement  du  Mariage  ,  ôc  le 
Sacrement  de  l'office  conjugal.  Le  mariage  confifte  dans  une 
alliance  d'amitié  qui  unit  les  cœurs  ;  &  l'office  du  mariage  ,  dans 
la  génération  des  enfans.  L'amour  conjugal  ell:  le  Sacrement  de 
i'amour  fpirituel  qui  eft  entre  Dieu  &  l'ame  ;  le  commerce 
charnel  dans  les  époux  ,eft:  le  Sacrement  de  l'union  quieft  entre 
Jefus-Chriftôc  fon  Eglife  fur  terre.Or  à  cet  égard, il  eit  néceflTaire 
que  le  Sacrement  de  Mariage  foit  entre  deux  perfonnes  de  diffé- 
rent fexe. 

XXXV.  Les  Editeurs  des  Ouvrages  de  Hugues  de  faint     Urret  des. 
Vittor  conviennent  qu'ils  avoient  eu  en  mains  deux  cahiers  "^  },^"s^^  >i]é- 

r     ■         t  n  1-/       j-   •  j  1  ■  /      •      ra-Jit; on  theo. 

manulcrits  des  mélanges  d  érudition  ,    dont  le  premier  etoit  [oii^ique ,  vag. 

divifé  en  deux  Livres;  le  fécond  en  quatre.  Le  premier  Livre  "• 

du  premier  cahier  commence  à  la  page  ^  i  du  troifiéme  tome ,  & 

vajufqu'à  la  page  1 63.  Il  contient  deux  cens  titres  ou  anicles  fur 

diverfes  matières ,  tant  de  théologie ,  que  de  phyfique ,  d'hiftoire 

&  de  morale.  Le  fécond  Livre  eft  imprimé  dans  le  premier 

tome,  depuis  la  page  ^c  jufqu'à  la  75■^  Il  comprend  quatre-vingt 

deux  titres,  qui  annoncent  des  remarques  ,  ou  rcHexions  morales 

fur  un  grand  non'ibre  d'endroits  des  pfeaumes.  Les  quatre  Livres 

du  fécond  cahier  font  dans  le  même  ftile  Ôc  dans  le  même  Foût 

que  les  précedens.  On  les  a  placés  dans  le  troiliéme  tome  à  la 

page  163,  d'où  ils  s'étendent  jufqu'à  la  Î25)*.  Le  quatrième 

Livre  ne  traite  que  des  Rits  ôc  des  Offices  Ecclefiafliques. 

Les  trois  autres  font  un  mélange  informe  ôc  fins  aucun  ordre 

d'un   grand    nombre  de  réflexions  allégoriques  ôc  morales  fur 

divers  endroits  de  l'Ecriture,  tant  de  l'ancien  que  du  nouveau 

Teftament.  Quoiqu'on  foit  partagé  fur  l'Auteur  de  ces  mélanges  , 

on  s'accorde  à  dire  qu'ils  ne  font  pointde  Hugues  de  faint  Vidor, 

ni  de  fon  flile  ;  qu'ils  ont  été  trouvés  dans  des  manufcrits  où  il  n'y 

avoit  aucun  de  fes  ouvroges  ;  enfin  que  le  Compilateur  a  tiré  des 

écrits  même  de  Hugues ,  quantité  de  chofes  :  raifon  qui  fuffit 

feule  pour  ne  pas  l'en  croire  Auteur ,  étant  fans  apparence  qu'il 

eût  compofé  un  i\  long  ouvrage  des  Extraits  des  liens  ôc  des. 

autres.  Ce  qui  le  prouve  encore  ,  c'efl:  que  parmi  ces  Extraits  iî 

y  en  a  plufieurs  pris  des  écrits  de  faint  Bernard  ,  mort  plus  de 

dix  ans  après  Hugues.  Au  refte,  de  qui  foient  ces  mélanges  , 

foit  de  Richard  de  Cluni,  ou  de  quelqu'autre ,  ils  ne  laiflent  pas 

de  renfermer  un  grand  nombre  de  chofes  très-utiles. 

XXXVI.  Il  n'eft  rien  dit  du  Traité  du  vœu  fait  par  Jephté,.    Traité  Jr  la 
dans  les  anciens  catalogues  des  Oeuvres  de  Hugues  de  iàint  J^"','^  J."'!^^, 


5t5  h    U    g    U    E    S; 

Miroir    tîcs    Viclor  ;  auffi  n'eft-il  pas  digne  de  lui.  On  n'y  lit  point  non  plus 
re^lifr  '^^    1«  Livre  intitulé  :  Miroir  des  myfteres  de  l'Eglife  ,  dont  le  Pro- 
logue feul  fait  voir  qu'il  eft  d'un  Ecrivain  plus  accoutumé  à 
traiter  les  matières  de  logique  ou féculieres ,  que  de  théologie; 
ce  qui  ne  fe  peut  dire  de  Hugues.  D'ailleurs  le  ftile  en  eft  bas  , 
barbare  Ôc  négligé  ;  il  y  a  des  puérilités  dans  fes  explications 
Kiyftiques  ;  fes  applications  de  l'Ecriture  ne  font  pas  heureufcs  ; 
&  ce  qui  fait  voir  qu'il  n'étoit  ni  Chanoine  Régulier,  ni  Béné- 
didin,  c'eft qu'en  parlant  de  l'heure  de  Prime,  il  dit:  à  cette 
heure  nous  chantons  chaque  jour  cinq  pfeaumes,  aufquels  nous 
joignons  l'e.xpofition  de  la  Foi    Catholique  ,    c'efl-à-dire  ,  le 
fymbole  Quicumqm;  ce  qui  ne  fe  fait  dans  ces  deux  Ordres  que 
le  Dimanche  ;  l'heure  de  Prime  aux  autres  jours  de  la  femaine  , 
n'ayant  que  trois  pfeaumes  ,  &  point  d'expofition  de  foi. 
Livres  des       XXXVII.  Les  trois  Livres  des  cérémonies ,  des  Sacremens  , 
cérémonies  ,  des  Offices,  ôc  des  Rits  Ecclefiaftiques  ,  après  avoir  écé  impri- 
Offices&Ri'ts  "'''^''''  ^^"S  "^"^  d'Auteur ,  ont  été  publiés  fous  celui  de  Hugues 
Ecclefiafti-     de  faint  Victor  dans  la  Biblioteque  des  Pères  à  Paris  en  154.4, 
ques  •>  v^S-     puis  dans  le  troifiéme  tome  de  fes  Oeuvres  de  l'édition  de  Rouen 
de   Robert     Çii  i^^-S.  Mais  dans  un  manufcrit  de  l'Abbaye  de  Corbie ,  ils 
Pauluius,Prc-  portent  le  nom  de  Robert  Paululus ,  Prêtre  de  l'Eglife  d'Amiens, 
tre  a  Amiens,  j^j  jj^.  j^^^  le  Prologue  qu'il  y  a  peu  du  (len  dans  cet  Ouvrage  ; 
qu'il  l'a  compofé  de  divers  Livres  qui  traitoient  ces  matières  ; 
qu'il  n'a  fait  que  les  abréger  ,  en  prenant  toutefois  ce  qui  lui 
paroiffoit  de  meilleur,  comme  feroit  un  homme  qui  pour  avoir 
le  grain  plus  pur  ,  en  éloigneroit  les  pailles;  que  s'il  s'y  trouve 
quelques  autres  remarques  qui  ne  foient  pas  dans  les  Livres  où 
ij  apuifé,  il  les  doit  aux  Maîtres  qui  les  lui  ont  faites  de  vive 
voix.  Le  Cartulaire  de  l'Abbaye  de  Corbie  (a)  contient  plufieurs 
actes  aufquels  Robert  Paululus  foufcrivit  en  1174,   ^'^19^^ 
1184,  en  ces  termes  :  Maître  Robert  Paululus ,  Miniftre  de  l'E- 
voque d'Amiens. 
Remarques       XXXVIII.  Le  premier  Livre  de  cet  Auteur  traite  delà 
furlcTraitéde  Pédicace  de  l'Eglife,  ôc  des  cérémonies  ufitées  dans  cette  con- 
\n\\\T  tom!^i,  ftcration,  dont  il  donne  une  explication  allégorique  &  morale. 
Oj>.    Hugon.  \\  traite  auffi  des  Sacremens.  On  faifoit  encore  alors  le  fcrutiii 
à-  S.  l  lâior.  jg  ceux  qu'on  deftinoit  au  Baptême  à  la  Fête  de  Pâques  ,  c'eft- 
à-dire  qu'on  les  inftruifoit  de  la  foi  qu'ils  dévoient  profeffer.  Cela 

(a)  Mdillon.  in  Prœfac.  ad  tom.  3  ,   Aôbr.  Oràin.  S.  Bencdiéli.  pajy.  35,  edit. 
Venuœ. 

fe 


P<ig'  357. 


CHANOINE  REGULIER  DE  S.  VICTOR.    217 

fc  faifoit  le  mercredi  de  la  quatrième  femaine  de  Carême.  Ils     L/f.  t.wf. 
recevoicnt  le  Baptême  la  veille  de  Pâques,  par  la  triple  immer-  '^^"* 
fion.  Les  autres  cérémonies  qui  accompagnoient  l'adminiftration 
de  ce  Sacrement ,  étoient  les  mêmes  qu'aujourd'hui ,  fi  ce  n'eft 
qu'enfuite  du  Sacrement  de  Baptême  ,on  donnoit  aux  nouveaux 
baptifés  le  Corps  ôc  le  Sang  de  Jcfus-Chrifl:  ;  ce  que  nous  ne 
failbns  plus.  Si  le  baptifé  étoit  nouvellement  né ,  le  Prêtre  ayant  Cap,  »•. 
trempé  fon  doigt  dans  le  précieux  Sang  ,  le  donnoit  à  fuccer  à 
cet  enfant ,  fi  cela  pouvoit  fe  faire  fans  danger  i  autrement  on  ne 
l'admettoit  point  à  la  participation  de  l'Euchariftic.  Robert  fc 
plaint  de  l'ignorance  de  certains  Prêtres  ,  qui  au  lieu  de  donner 
aux  baptifés  le  précieux  Sang  fous  l'efpcce  du  vin ,  ne  leur  admi- 
niftroicntque  du  vin  non  confacré.  Il  reconnoît  que  le  Sacrement  Ctp.tt, 
de  Confirmation  n'eft  pas  néceffaire  au  falut ,  fi  toutefois  ce  n'eft 
pas  par  mépris  qu'on  fe  foit  abftcnu  de  le  recevoir.  Il  dit  qu'il 
appartient  a  l'Evêque  fcul  de  le  conférer ,  6c  que  conféré  par  un 
autre ,  on  doit  le  regarder  comme  de  nul  effet. 

XX. XIX.  Il  enfeigne  que  la  pénitence  confîfte  à  pleurer  fes  Cip.ti. 
péchés ,  &  dans  la  volonté  de  n'en  plus  commettre  ;  que  pour 
qu'elle  foit  utile  ,  trois  chofes  font  nécefi'aires ,  la  componction 
de  cœur ,  la  confelTion  de  bouche ,  ôc  la  fatisfaciion  ;  que  les 
péchés  ne  laifl^ent  pas  d'être  remis  par  la  contrition  de  cœur , 
même  avant  la  confefiion  ;  qu'il  eft  néanmoins  très-utile  de 
confefler  de  bouche  fes  péchés  ,  parce  qu'encore  que  la  coulpc 
&  la  peine  de  la  damnation  éternelle  due  pour  les  crimes  ,  foit 
pardonnée  ,  il  y  a  encore  la  peine  temporelle  à  fubir  ;  qu'à  l'égard  Cap.  14. 
de  la  pénitence  publique  ,  on  ne  la  réitère  pas  ,  quoiqu'on 
retombe  dans  les  crimes  qui  l'ont  méritée ,  afin  d'en  donner  plus 
d'horreur.  Robert  donne  à  l'Extrême-Onclion  le  titre  de  Sacre-  Cap.  tr» 
ment  ;  enfeigne  qu'elle  a  été  inftituéc  par  les  Apôtres ,  qu'elle 
remet  les  péchés  ;  qu'on  peut  la  réitérer  ;  que,  fauf  le  mépris , 
on  peut  ne  pas  la  recevoir  fans  courir  rifque  d'être  damné.  Il  met 
l'eUence  du  Sacrement  de  Mariage  dans  le  confentemcnt  des 
perfonnes  exprimé   par   les  paroles  du  tems  prefent  ;  enfortc 
qu'après  que  les  conjoints  fc  font  donné  mutuellement  la  foi ,  ils 
ne  peuvent  plus  fe  féparer ,  foit  en  contra£lant  un  autre  mariage , 
foit  en  entrant  dans  un  Cloître  ,  foit  en  faifant  voeu  de  conti- 
nence, finon  du  confentement  de  l'autre  partie,  ôc  à  la  charge 
qu'elle  s'obligera  aufii  à  la  continence.  Robert  s'objede  quelques 
hiftoires ,  où  il  eft  dit  ,  que  des  Saints  ,  prêts  à  confommer  le 
mariage ,  ont  quitté  leur  époufeôclc  lit  nuptial,  pour  vivre  dans 
Tome  XXII.  Ee 


2i8  H    U    G    U    E    S, 

le  célibat  ;  à  quoi  il  répond ,  que  cela  ne  leur  efl;  arrivé  qu'après 
les  fiançailles ,  où  la  promeiïe  n'eft  que  pour  le  futur  ,  ôc  non 
après  les  noces  où  le  confentement  mutuel  efl;  donne  par  des 
C(Ç.  soG-  î I.  paroles  du  tems  prefent.  11  marque  les  empêchemens  du  mariage , 
à-peu-prcs  tels  qu'ils  font  encore ,  fi  ce  n'eil  celui  de  parenté  qu'U. 
met  jufqu'aufeptiéme  degré. 
Cao.  4î.       X  L.  En  parlant  du  Sacrement  de  l'Ordre  &  des  differens 
dégrés  du  miniftere  Ecclefiaftique  >  il  dit  que  le  Pape  eft  ainfi 
nommé,  parce  qu'il  efl:  le  Père  des  Pères  j  qu'on  l'appelle  uni- 
.  verfel ,  parce  qu'il  préfidc  à  l'Eglifc  univerfelle  :  Apoiiolique ,  à 
caufe  qu'il  tient  la  place  du  Prince  des  Apôtres  :  &  fouverain 
Pontife,  parce  qu'il  eil  le  chef  de  tous  les  Evêques  ;  que  c'efl:  à 
lui  que  font  données  les  clefs  ,  comme  elles  furent  données  par 
Jefus-Chrifl:  à  faint  Pierre  ;  que  fon  Office  efl:  d'ordonner  les 
Méfies ,  &  les  Offices  divins  ;  de  publier  ou  de  changer  les 
Canons  fuivant  l'utilité  de  l'Eglife  ;  de  confacrer  l'Empereur  ; 
d'envoyer  le  Pailium  aux  Archevêques  i  d'accorder  des  privilèges 
aux  Eglifes  ,  ôc  de  gouverner  l'Eglife  entière  comme  Vicaire  de 
Jefus-Chrift  ,  dont  il  tient  la  place. 
Put.  37i.         X  L I.  Les  deux  autres  Livres  de  Robert  Paululus  regardent 
le  détail  des  Offices  Ecclefiafliques ,  ôc  les  Rits  de  la  MelTe , 
fuivant  la  variété  des  tems  6c  des  circonftances.  Dans  le  trente- 
deuxième  chapitre  du  fécond  Livre  ,  il  marque  en  termes  fort 
clairs  ,  le  changement  du  pain  ôc  du  vin  au  Corps  ôc  au  Sang 
de  Jefus-Chrift  par  la  vertu  des  paroles  facramentelles ,  ou  de  la 
vertu  divine  ,  qui  opère  le  changement  dans  le  moment  que  le 
Lih.  1.  Prêtre   prononce   les   paroles.  11   met  le   commencement  du 
^'^P-  3*-  Carême  au  mercredi  de  la  Quinquagcfime ,  ôc  dit  que  dès  ce  jour 
on  difoit  pendant  tout  le  Carême  la  Mefle  à  l'heure  de  None  , 
LU:  j.  c'efl-à-dire  ,  à  trois  heures  ,  excepté  les  Dimanches  où  on  la 
Cap.  H.  célebroit  à  l'heure  de  Tierce,  ou  à  neuf  heures. 
Canon  At  la       X L II.  Le  petit  Livre  intitulé  ,  de  la  Cène  myfliquc , ou  des 
Ccne   myfii-  fepj  ordres  de  la  Melfe ,  a  été  imprimé  à  Rome  en  i  jp  i  dans  le 
?c!*t  o.îrés  e'e  R^cucil  des  Autcurs Hturgiques  ,  ôc  dans  le  di'xiéme  tome  de  la 
l:iMe!re,p3„.  Biblioteque  dcs Peresà  Paris.  C'efl  une  explication  des  fignes  de 
^^^'  Croix  ôc  des  prières  du  Canon  de  laMeile.  L'Auteur ,  que  les  ma- 

nufcrits  d'Angleterre  prouvent  êtrejean  deCornuuaille,  yrecoa- 
noît  clairement  en  deux  ou  trois  endro.cs  [a)  le  changement  réel 


(  a  )   Cap.  1,4,5, 


CHANOINE  REGULIER  DE  S.  VICTOR.    21$ 

du  pain  ôc  du  vin  au  Corps  ôc  au  Sang  de  Jefus-Chriil.  Jean  de 
Cornouaille  écrivoit  vers  l'an  i  170.  Il  eft  aulîi  Auteur  de  l'apo- 
logie de  riiicarnation  ,  imprimce  au  troificme  tome  des  Oeuvres 
de  Hugues  de  faint  Vidor  ;  ôc  d'un  Traité  qui  a  pour  titre  : 
Eulogium,  adreffé  au  Pape  Alexandre  III.  dont  voici  l'occafion. 
A  peine  eut-on  introduit  dans  les  Ecoles  du  douzième  fiécle  la      iMartcnne 
méthode  fcholadique,  que  les  Maîtres  s  appliquèrent  à  propofer  ««.  ?,  an:c- 
des  queftions  ,  où  il  entroit  plus  de  fubtilité  ôc  de  curiolité ,  que  '':°''  *^*^"„^f- 
d'amour  de  la  vérité  ,  dont  la  plupart  alloient  à  renverfer  les  bg.pag.ie^i. 
fondemens  de  la  Religion  chrétienne.    Quelques-uns  oferent 
avancer  que  Jefus-Chrift  en  tant  qu'homme  n'ell  rien  ;  ôc  que  le 
Verbe  divin  s'efl'  uni  au  corps  ôc  à  lame  humaine,  comme  fi 
c'eût  été  un  vêtement  ;  renverfant  ainll  la  foi  de  l'Eglife  touchant     . 
l'union  perfonnelle  du  Verbe  avec  la  nature  humaine.  Cette 
erreur  trouva  tant  de  fauteurs ,  que  l'on  fut  obligé  d'affembler 
un  Concile  à  Tours  en  \  16^  ,  où  les  Evoques ,  tant  de  France 
que  d'Angleterre  ,  la  condamnèrent.  Le  Pape  Alexandre  III.  qui 
l'avoit  convoqué  ,  la  condamna  encore  dans  fcs  Lettres  à  Guil- 
laume ,  Archevêque  de  Sens  ,  ôc  lui  ordonna  d'aflcmbler  par 
l'autorité  du  faint  Siège,  les  Maîtres  de  Paris,  en  préfence  de 
fes  SufFragans ,  pour  leur  défendre  de  rien  enfeigner  de  fem- 
blable  à  l'avenir.   Jean   de   Cornouaille  fut  pendant  pluficurS' 
années  infeâé  de  cette  pernicieufe  doctrine  ;  mais  ayant  eniin. 
reconnu  la  vérité  ,  il  abjura  ôc  condamna  l'erreur  ;  ôc  pour 
marquer  au  public  la  fincerité  de  fon  repentir,  il  la  réfuta  dans 
un  écrit  fait  exprès  ,  qu'il  intitula  ,  Eulogium.  Ce  ne  fut  qu'après 
l'an  1 17  J  ,  puifquil  y  parle  de  Guillaume  de  Sens  comme  Jéja 
transféré  à  Reims  ;  ce  qui  arriva  en  cette  année-là. 

X  L  1 1 1.  Jean  de  Cornouaille  rcprefente  au  Pape  dans  cet     Cuvraee  de 
Ouvrage,  que  l'on  abufoit  de  la  clémence  dont  il  avoit  ufédans  J'^--".'''?  Cor- 
le  Concile  de  Tours  ôc  dans  fa  Lettre  à  cet  Archevêque^  en  M^acnno 
défendant  de  frapper  d'anatheme  les  Sectateurs  de  cette  erreur ,  'i^. 
dans  le  doute  s'il  n'y  avoit  pas  plus  d  ignorance  dans  leur  fait, 
<jue  d'opiniâtreté  ;  qu'une  infinité  d'Ecoliers  bùvoient  dans  ce 
Calice  empoifonné  ,  ôc  qu'après  s'y  êtreenyvrés ,  ils  foutenoient 
avec  fureur  ,  que  ce  dogme  pervers- étoit  catholique  ;  qu'il  n'y 
avoit  pas  d'autre  moyen  de  couper  chemin  à  l'erreur  ,  qu'en 
retranchant  du  corps  de  l'Eglife  ces  chairs  ôc  ces  membres  pourris. 
Il  confefie  hautement  que  Jefus-Chrift  eft  homme  ,  ôc  quelque 
ehofe  de  réel  lelon  Ihumaniré ,  c'eft-à-dire ,  une  fubftance  corpo- 
relle ,  comme  il  en  ek  une  fpirituelle  félon  fa  divinité;  que.  le 

E  e  ij 


niere 


aîo  HUGUES; 

même  qui  félon  la  divinité  eft  inctéé  ,  a  été  créé  6c  fait  fcloo 
l'humanité.  Il  prouve  toutes  ces  propofitions  par  l'autorité  de 
l'Ecriture  ôc  des  Pères ,  6c  répond  a  toutes  les  difficultés  en 
diftinguant  en  Jefus-Chrift  les  deux  natures  unies  en  une  per- 
fonne.  Il  ne  diffimule  pas  que  Gilbert  de  la  Porrée  ôc  Pierre 
Abaillard  nayent  favorifé  les  femimens  qu'il  combat  ;  mais  il 
déclare  avoir  oui-dire  de  Pierre  Lombard  ,  en  préfcnce  de  fes 
Auditeurs ,  un  peu  avant  qu'il  fût  Evêque  de  Paris ,  qu^  ce 
qu'il  avoit  dit  là-defTus ,  étoit  moins  fon  opinion  que  celle  de 
fon  Maître,  c'eft- à-dire,  de  Pierre  Abaillard.  Dom  Martenne 
a  donné  place  à  ce  Traité  de  Jean  de  Cornouaille  dans  le  cin- 
quième tome  de  fes  anecdotes.  Lelande  (  a  ) ,  Baloeus  6c  Pitfeus 
aittribuent  à  Jean  des  Commentaires  fur  l'Ecriture ,  des  Lettres 
fie  quelques  Opufcules ,  qui  ne  font  point  imprimés. 
De  la  ma-      XLIV.  Dom  Martenne  a  fait  entrer  dans  le  mêmetomedcfes 
?re     d';.p    anecdotes  un  Traité  de  Hugues  de  faint  Vi£tor  ,  fous  le  titre  : 
mcJirer.Mar'  delà  manière  d'appccndrc  &  de  méditer.  On  lit  ,  de  dire  Cf  de 
ttnne,tom.u  méditer ^  mais  ce  titre  ne  répond  point  à  l'Ouvrage.  Dans  le 
fl^«  or.  p.ig.  jnanufcrit  du  Monaftere  defaint  Ouen  de  Rouen  ,  d'où  ce  Traité 
a  été  tiré ,  Hugues  eft  appelle  Parifien  ;  ce  qui  vient  apparemment 
de  ce  qu'il  s'eft  fait  Chanoine  Régulier  à  faint  Vitlor  de  Paris , 
qu'il  y  a  vécu,  ôc  qu'il  y  eft  mort.  Il  demande  à  celui  qui  veut 
apprendre  ,  qu'il  foit  humble  ;  qu'il  ne  méprife  aucune  fcience , 
ni  aucune  écriture  ;  qu'il  apprenne  volontiers  de  tous;  ôc  que 
lorfqu'il  aura  appris  ,  il  ne  méprife  perfonne.  Les  trois  chofes 
qu'il  croit  néceftaires  à  tous  les  Etudians ,  font  la  nature,  ou  les 
difpofitions  naturelles ,  qui  font  de  concevoir  aifément ,  ôc  de 
retenir  ce  qu'on  a  coni^u;  l'exercice  néceflTaire  pour  cultiver  les 
talens  naturels  par  un  travail  affidu  ;  la  difcipline,  afin  d'allier  la 
pureté  des  mœurs  avec  la  fcience.    Quant  à  la  manière  de 
méditer,  il  veut  qu'on  commence  par  la  lc£lurc;  qu'enfuite 
l'efprit  rcHéchiflefouvent  fur  l'objet  qu'il  veut  s'imprimer  ;  qu'il 
en  examine  l'origine,  l'utilité  ôc  toutes  les  autres  circonftances. 
Dom  Martenne  a  mis  à  la  tête   de  cet  Opufcule  la  Lettre 
d'Obert  touchant  la  maladie  ôc  la  mort  de  Hugues  de  faint 
"Vitlor,  déjà  imprimée  dans  le  premier  tome  de  fes  Oeuvres. 
Brs  Sacre-       X  L  V.  Le  troifiéme  contient  un  Dialogue  entre  le  Maître  ÔC 
riens <|e  lai  oi  le  Difciplc ,  où  l'on  réfout  quantité  de  quellions  fur  la  Loi  natu- 
laLoi  <;crite*'  relie  Ôc  la  Loi  écrite.  Thritheme  ôc  Hean  de  Gand  n'en  dilent 

SP  h-       •        ^g,^  Lsland.  caf.  1,00,  Balaus  Cent,  ut  ,  (,  Pitfeits  ,  pa£..x.}6. 


CHANOINE  REGULIER  DE  S.  VICTOR,  aa» 
rien.  Mais  on  trouve  dans  ce  Dialogue  pluficurs  explications 
fcmblables  à  celles  que  Hugues  donne  dans  fes  Notes  fur  la 
Genefe,  &  dans  le  quatrième  chapitre  de  l'onzième  partie  des 
Sacremens  ,  notamment  fur  la  formation  de  la  femme  d'une 
côte  d'Adam.  Je  ne  vois  rien  d'ailleurs  dans  cet  écrit  qui  ne  foit 
digne  de  Hugues  de  faint  Vidor. 

XL  VI.  Le  premier  de  fes  Ouvrages  dans  le  Catalogue  de  Somme  Je« 
Trithême  eft  une  fomme  de  Sentences  divifëe  en  fept  Traités  ,  Sntfnce$, 
qui  concernent  les  matières  les  plus  intéreflantes  de  la  religion  i 
les  vertus  théologales  ;  les  Sacremens  ;  les  myfleres  de  la  Tri- 
nité ôc  de  l'Incarnation;  la  création  des  Eflres  vifibles  &  invi- 
fiblcs.  Hugues  paroît  faire  allufion  à  cet  écrit  dans  fa  Préface  fur 
les  Sacremens  ,  où  il  dit  qu'il  avoir  déjà  traité  cette  matière, 
mais  avec  peu  de  fuite  6c  peu  d'exaditude ,  croyant  que  cela 
fuffifoit  alors  ;  &  qu'ayant  revu  ce  qu'il  avoir  écrit ,  il  y  avoit 
changé  ,  foit  en  y  ajoutant ,  foit  en  retranchant  plufieurs  endroits 
qu'il  étoit  néceffaire,  ou  de  changer ,  ou  de  retrancher.  Il  parle 
encore  plus  exprelTément  de  cette  fomme  de  Sentences  dans  le 
Prologue  du  premier  Livre  fur  les  Sacremens  ;  enforte  qu'on  ne 
peut  douter  qu'il  ne  foit  Auteur  de  cette  fomnie.  Henri  de 
Gand  (  a)  le  reconnoît  comme  l'Abbé  Trithême. 

X  L  V  1 1.  Ils  mettent  aufTi  l'un  &  l'autre  au  nombre  de  fes     LïTre»  des 
ouvrages  ,  celui  des  Sacremens  de  la  Foi  chrétienne.  C'eft  même  h  Fo^'d^ré- 
le  plus  confiderable  &  le  plus  intéreflant  de  tous.  Il  eft  divifé  en  tienne  ,  pa^, 
deux  Livres,  dont  le  premiercommence  à  la  création  du  monde  ,  ^^*' 
&  va  jufqu'à  l'Incarnation  du  Verbe  ;  le  fécond  ,  depuis  l'Incar- 
nation jufqu  a  la  fin  ôc  la  confommatron  de  toutes  chofes.  II  y 
a  douze  parties  dans  le  premier  Livre  ,  6c  dix-huit   dans  le 
fécond.  Voici  ce  qu'ils  contiennent  de  plus  remarquable. 

XLV III.  Après  avoir  fait  ledénombrement  des  Livres  qui       Ce  qu'iU 
font  dans  le  Canon  des  divines  Ecritures  ,  Hugues  de  faint  contiennent 
Vitlor  dit ,  qu'on  n'y  mettoit  pas  les  Livres  de  Tobie ,  de  Judith  bie."'"  ^"*" 
&  des  Maccabécs  ,   quoiqu'on  les  lût  dans  lEglife.  Il  eft  de  Pa^.  187. 
fcntiment  que  tous  les  Eftrcs  vifibles  6c  invifibles ,  c'eft-à-dire  , 
ks  Anges  furent  créés  dans  le  même  moment ,  ôc  qu'il  ne  fe  Pa^.  48^, 
fit  rien  depuis  y.  dont  la  matière  n'eût  été  créée  dans  ce  premier 
inftant.  En  Dieu  la  fageffe  ,  la  bonté  ,  la  puiflance  ,  font  éter- 
nelles. Il  a  voulu  aulli  éternellement ,  ce  qu'il  n'a  tait  que  dans 
le  tems.  D'oîf  il  fuit  qu'encore  que  la  volonté  de  créer  le  monde    p^^.  yoo, 

^a;  Hcnrk,  Ganduy.  cjp,  15  j  ù'  Tnihem.  cap.  30  j. 

E  c  iij 


Ail  HUGUES, 

foit  ea  lui  de  tonte  éternité ,  le  monde  n'en  efl  pas  pour  cela 
éternel.  Dans  la  Trinité  eft  le  Père,  le  Fils,,  &  le  Saint-Efprit. 

?ag.  joj».  Le  Père  eft  de  lui-même,  le  Fils  du  Perefeul,  ieSaint-Ei'prit  du 
Pereôc  du  Fils  ;  une  Trinité  en  une  nature  &  une  fubllance: 
on  n'y  diflingue  que  les  perlonnes  ,  &  ce  qui  leur  efl  propre. 

PflT.  ïii.  Quoiqu'il  n'y  aie  en  Dieu  qu'une  volonté  qui  ell  immuable  ,  oti 

Pjct.  yi4.  ne  laille  pas  d'en  dillinguer  deux,  mais  qu'on  n'appelle  volonté 
que  parce  que  ce  font  des  (ignés  de  fa  volonté  ;  l'une  qui  opère  ; 
l'autre  qui  permet.  Dieu  veut  le  bien  ;  il  permet  ou  tolère  le 
mal.  La  volonté  éternelle  en  Dieu  de  faire  une  chofe ,  eft  ce  que 

Pjt.  515.  Hugues  appelle  volonté  de  bon  plailîr  ,  voluntas  bsneplaciti ;  ce 
qu'il  fait  dans  le  tems  ,  il  le  nomme  vclontc  de  figne  ,  voluntas 
figni ,  parce  que  l'effet  de  la  volonté  de  Dieu  eft  un  figne  qu'il 
a  voulu  cette  chofe  éternellement. 

Piiç.  511.  X  L  I  X.  La  créature  raifonnable  ccant  la  feule  qui  ait  été 
faite  à  la  reffemblance  de  Dieu  ,  on  doit  dire  qu'elle  a  été  faite 
la  première,  à  raifon  de  fa  dignité  ,  &  non  du  tems  ,  puifque 
tout  a  été  créé  en  un  même  moment,  c'eft-à-dire,  la  matière 
de  tout,  comme  du  corps  de  l'homme.  A  l'égard  de  fon  ame, 

Pftg.  îj°'  Dieu  l'a  créée  dans  l'inftant  que  fon  corps  a  été  formé.  Hugues 
fe  propofe  oc  réfout  grand  nombre  de  queftions  fur  l'état  d'Adaai 
avant  Ôc  après  fon  péché  ;  fur  le  péché  originel  ôc  fur  fes  fuites  ; 
fur  la  réparation  du  genre  humain  par  l'Incarnation  du  Verbe  ;  ÔC 
fur  rinftitutio'n  desSacremens  ,  tant  dans  la  Loi  naturelle,  que 
dans  la  Loi  écrite  &  la  Loi  de  l'Evangile. 

Par.  571.  L.  Hugues  de  faint  Vidor  met  cette  différence  entre  les  Sacre- 
mens  de  la  L.oi  de  nature  ,  ôc  ceux  des  deux  Loix  écrites  ;  que 
les  premiers  étoient  de  volonté  ;  les  autres  de  précepte.  Il  penfe 
toutefois  que  Dieu  avoit  enfeigné  intérieurement  aux  Patriarche» 
de  lui  offrir  des  vœux  ôc  des  facrifices  ;  d'où  vient,  en  efîet ,  n'of- 
froient-ils  pour  la  dixmede  leurs  fruits  ,que  la  neuvième  partie, 
s'ils  n'avoient  eu  là-deffus  aucune  inftrudion  ?  Après  avoir  établi 
auffiles  différences  entre  les  Sacremens  de  l'ancien  Tcflament 
ôc  du  nouveau  ,  il  traite  de  la  Foi  ,  de  l'Incarnation  ,  ôc  de  la 

Pj  .  jj8.  Sainte-Trinité.  En  parlant  de  la  mort  de  Jefus-Chrift ,  il  remarque 
que  quelques-uns  croyoient  que  la  divinité  s'étoit  féparée  en  ce 
moment  de  l'humanité.  Mais  regardant  ce  fentiment  comme 
infoutenable ,  il  dit  que  la  nature  divine  ayant  été  unie  perfon- 
nellement  avec  la  nature  humaine  en  Jefus-Chrift  ,  le  corps  ea 
demeurant  mort  dans  le  tombeau ,  ôc  l'amc  en  defcendant  aux 
Enfers ,  n'ont  pu  rompre  cette  union  i  qu'on  doit  dire  que  Jefus- 


CHANOINE  REGULIER  DE  S.  VICTOR.  225 
Chrift  Dieu  eil  mort ,  mais  félon  la  nature  humaine  ;  qu'il  a  été 
mis  dans  le  tombeau  félon  fon  corps  ;  qu'il  eft  defccndu  aux 
Enfers  félon  fon  ame. 

L I.  Il  enfeigne  que  l'Eglife  efl:  le  Corps  de  Jefus-Chrifl:  Pag.  go(. 
vivifiée  par  un  même  efprit  ;  unie  &  fanftifie'c  par  une  môme 
Foi  ;  que  chaque  Fidèle  eft  membre  de  ce  corps  ;  que  tous  ne 
compofent  qu'un  corps  ,  à  caufe  d'un  même  efprit  &  d'une 
même  Foi.  Sur  les  poliellions  temporelles  de  l'Eglilè,  i!  remarque 
que  les  Princes  de  la  Terre  lui  en  accordent  quelquefois;  tantôt  Pj^.  ««s. 
feulement  l'utile  de  certaines  Terres  ;  tantôt  l'utile  &  le  pouvoir 
d'y  exercer  la  Juftice  ,  non  par  des  Ecclefiaftiques ,  mais  par 
desjuges  Laïcs  fuivant  la  teneur  desLoix  &  les  ufages  des  lieux  ; 
à  charge  aux  Eglifes  de  reconnoître  qu'elles  tiennent  ce  droit  des 
Princes  ;  &  de  leur  prêter  fecours  dans  le  befoin  ,  pour  la  pro- 
teclion  qu'elles  en  reçoivent. 

L  1 1.  U  ne  doute  pas  que  la  Circoncifion  n'ait  remis  les  p.i^.  613. 
péchés,  avant  i'inftitution  du  Baptême  ;  qu'il  n'y  ait  eu  un  tems 
où  la  Circoncifion  ôc  le  Baptême  avoient  l'un  &  l'autre  ce  pou- 
voir ;  ôc  il  croit  que  l'obligation  générale  de  recevoir  le  Baptême 
n'a  commencé  que  quand  les  Apôtres  ont  été  envoyés  prêcher 
l'Evangile  par  toute  la  Terre.  Après  avoir  diflingué  dans  l'Eu- 
charillie  l'efpece  vifible  ;  la  vérité  du  Corps  ôc  du  Sang  de  Jefus- 
Chrift,  ôcla  vertu  de  la  grâce  fpirituelle  produite  par  le  Sacre- 
ment ,  il  marque  en  ces  termes  f?.  croyance  fur  la  préfence  réelle  : 
Ce  que  nous  voyons  (a),  eft  l'efpece  du  pain  ôc  du  vin  :  Ce  que  Pa^.  633, 
nous  croyons  être  fous  cette  efpece  ,  eft  le  vrai  Corps  de  Jefus- 
Chrift  qui  a  été  attaché  à  la  Croix  ,  Ôc  fon  vrai  Sang. qui  a  coulé 
de  fon  côté.  Il  ajoute  :  Par  les  paroles  de  fantlification  (  />  )  la  vraie 
fubftance  du  pain  ôc  du  vin  eft  convertie  au  vrai  Corps  ôc  au 
vrai  Sang  de  jefus-Chrift  ;  la  feule  efpece  du  pain  ôc  du  vin  refte^^ 
la  fubftance  en  étant  changée  en  une  autre  fubftance. 

L  1 1 1.  Hugues  fait  mention  de  la  cérémonie  ufitée  dans  Pcg-  «jr. 
l'Eglife  de  bénir  des  cendres  le  mercredi  de  la  Quinquagefime  ; 
d'en  mettre  fur  la  tête  des  P'ideles  cn.difant  les  paroles  dieia 
Gencfe,  que  nous  dilbns  encore^  de  bénir  des  palmes  le.Di- 


(fl^  Qiiod  videmus  ,  fpecies  eftpanis 
&  v:ni  :  Quod  autem  fiib  fpecie  illa  crcdi- 
mus  ,  verum  Corpus  Chrifti  eft  :  &  veriis 
Sanguis  Jclus  Chrifti  quod  pcpeiiJit  in 
Cruce  ,  &  qui  fluxit  de  laierc.  Lu^c.  lib. 
x  yde  Saaui.i.  f)ar:.  8  ,  luj,-,  7. 


(il)  Ptr  TPrba  fanâificationis  vcra 
panis  &  vcra  vini  fuLfiantia  in>  Vi-um 
Corpus  &  Saiiguinem  Chrifti  cofivir.i'ur: 
vSoIa  îpfcie  p:.nit  &  vini  ren  aiieine  :  Sib- 
ftsntia  in  Se  û.bflant;aiii  (r-inleunte.  Uii!* 
cap,   f. 


£24  HUGUES,  «ce. 

manche  qui  précède  immédiatement  celui  de  Pâques  ,  &  de 
plufieurs  autres  Rits  de  i'Egiife.  Il  fe  propofe  plufieurs  cas  fur 
le  mariage  qu'il  réfout  avec  beaucoup  de  prudence.  Enfuite  il 
traite  des  vœux  ,  des  vices  ôc  des  vertus  ;  puis  du  pouvoir 
des  clefs  ôc    de  la  eonfelfion   des    péchés  ;   de    l'Extrême- 
Onftion  ;  des  peines  du  Purgatoire  ôc  de  l'Enfer;  de  l'utilité  du 
faint  Sacrifice  Ôc  de  la  prière  pour  les  morts  ;  du  tems  auquel 
fe  fera  le  fécond  avènement  de  Jefus-Chrift  ,  la  réfurredion 
générale  ôc  le  jugement  dernier  ;  enfiu  de  l'état  du  fiécle  futur , 
ôc  en  quoi  conliftera  la  félicité  des  bienheureux  ;    ces  deux 
Livres  des  Sacremens  furent  imprimés  féparémcnt  à  Strasbourg 
en  i4^j  in-fol. 
Ouvrages       LI  V.  On  cite  fous  icnom  deHugucs  dcfaînt  Vittorbeaucoup 
de  Hugues  de  d'autres  écrits  ,    qui  n'ont  pas    encore    été  rendus  publics  , 
non    impH-  entr'autres  une  Chronique  des  Papes  ôc  des  Empereurs.  Alberic 
mes,  de  Trois-Fontainesen  parle  dans  la  Tienne  ,  fur  l'an  1 1  jo  ,  ôc  dit 

que  Hugues  avoir  conduit  jufques-là  cette  Chronique.  On  n'a 
pas  imprimé  non  plus  fon  explication  de  l'Oraifon  Dominicale; 
du  Cantique  Magnificat  ;  fon  Traité  fur  la  confedion  ;  un  autre 
des  fept  Dons  du  Saint-Efprit  ;  un   de  la  difcipline  ,  ni  fon 
Commentaire  fur  le  feptiéme  verfet  du  quatrième  chapitre  du 
Cantique  des  Cantiques.  Trithenie  ôc  Henri  de  Gand  (  a  )  font 
mention  de  tous  ces  Opufcules  dans  le  Catalogue  des  Ouvrages 
de  Hugues  de  faint  Vidor. 
Jugement      LV.  Cet  Autcur  fera  toujours  eflimable  pour  la  façon  dont  il 
»îes  cents  de  (jjjjjg  jçg  matictes  de  la  Religion.  Il  met  les  plus  abftraites  dans 
"  tout  le  jour  dont  elles  font  fufceptiblcs  ,  réfout  les  difficultés 

avec  précifion  ôc  avec  clarté  ,  toujours  appuyé  fur  l'autorité  de 
l'Ecriture  ôc  des  Pères  ;  <ftablit  folidement  les  vérités  de  la  Foi  ; 
ôc  ne  laifle  prefque  rien  à  défirer  fur  les  points  importans  de  la 
difcipline  de  I'Egiife.  Son  ftile  eft  grave  ,  noble ,  précis  ,  net ,  ôc 
débaraffé  des  termes  ôc  des  raifonnemens  que  la  fcholaftiquc 
commençoit  à  mettre  en  ufage.  Il  prit  pour  modèle  les  Anciens , 
nommément  faint  Auguftin  ,  dont  il  fuit  les  principes  ôc  la 
doÊlrinc.  Ce  fut  un  des  plus  profonds  Théologiens  de  fon  fiécle. 


(«)  Trithem.  de  Scripwr.   Ecd.  ap.  j6j,  &•  Hcnric.  Gandxv.  ccL'p,  ij  &•  17. 


CHAPITRE 


HUGUES    M  E  T  E  L  L  U  S ,  ôcc;     22J 

yV,      -j»M      liy*     'Vlr.     -^*r.     '^      -jfc^     'jfc,     -JV.     "ifc^      ^U  .    liy'   .    'JV%     .^     'Mn.     "Ur-      -Jlr.     '^C^      -JV-      '»!>-.      -41-.     '^V, 

CHAPITRE     XIII. 

Hu GUES  3iET ELLu S i  Chanoine  Régulier  de  Tout, 

I.  "VT  E  en  cette  Ville  vers  la  fin  de  l'onzicme  fiécle,  d'une   Hugues  Mei 
X  1   famille  honnête  ôc  opulente,ilcutTiecelin  pour  Maître  t'^l'us-      S« 
dans  les  Lettres  humaines ,  &  s'y  rendit  habile.  Inflruit  des  '''"''"* 
fubtilitcs  (  a  )  de  la  Philofophie  d'Ariftote^  il  falloit  être  furfes 
gardes  lorfqu'il  argumentoit  :  il  s'appliqua  auiïl  avec  fuccès  à  la 
Grammaire,  à  la  Rhétorique,  àlaMufique,  à  l'Arithmétique,  à 
la  Géométrie,  à  l'Aflronomie  &  à  la  Pocfie.  Son  talent  pour  les 
vers  étoit  tel  qu'il  pouvoit  en  compofer  mille  étant  debout  fur 
un  pied  ;  &  il  avoit  acquis  une  fi  grande  facilité  de  s'exprimer, 
qu'il  didoit,  quand  il  vouloit,  à  deux  ou  trois  Scribes  en  même- 
tems.  Aux  beaux  Arts  il  joignit  l'étude  de  la  Langue  Grecque, 
puis  il  alla  étudier  la  Théologie,  &  l'Ecriture  fainte,  à  Laon 
fous  Anfelme  ôc  Raoul  fon  frère,  qui  y  enfeignoient  avec  répu- 
tation. 

1 1.  Il  apprit  dans  leurs  Ecoles  à  réfoudre  (  fc  )  les  difficultés  qui  II  fe  fo'f 
fe  rencontrent  dans  l'ancien  &  le  nouveau  Teftament.  Appliqué  Chanoi-.eRé-, 
à  des  études  aulTiférieufes,  il  prit  du  dégoût  pour  le  monde,  ôc  ^^'^^' 
dans  le  deflTein  de  vaquer  plus  furement  à  fon  falut,  il  fe  fit  Cha- 
noine régulier  dans  l'Abbaye  defaintLeon  à  Toul ,  fous  l'Abbé 
Siebaud.  Il  nous  apprend  (  c  )  lui-même  quelle  étoit  fa  vie  avant 
fa  converfion  ,  ôc  quelle  elle  fut  depuis.  Dans  le  monde  il  fe 
revétoit  de  fourures  précieufes,  fe  nourriffbit  de  ce  que  la  terre 
&  l'eau  produifent  de  plus  délicat  ,  ôc  ne  bûvoit  que  les  vins  les 
plus  exquis.  Etant  Chanoine  régulier,  il  fe  couvrit  de  peaux  de 
chèvres  &  de  brebis ,  vécut  de  choux  ,  de  légumes  fauvages  ,  de 
téves  ,  ôc  ne  but  que  de  l'eau  ,  ou  une  liqueur  compofée  d'avoine  j 
car  on  vivoit  ainfi  dans  le  Monaftere  de  ces  Nazaréens  blancs, 
comme  il  les  appelle ,  parce  qu'ils  (  d  )  étoient  alors  vêtus  de 
blanc,  comme  les  Chanoines  réguliers  de  fainte  Geneviève,  de 
faint  Vidor  à  Paris ,  ôc  de  Murbach  en  Alface.  Nous  avons  de 

(  a  )  Hu?o  ,  epil.  ^  t  .  l       (c)  Id.  epijl.  1 1 . 

(  *3  i.i.  ej  J't.  5  1-  1       (, 'O  ■^'i5'.  in  hanc  evijf. 

Tome  XXI L  Ff 


S25        HUGUES    METELLU  S, 

Hugues  deux  (  a  )  Lettres  à  Simon  ,  Abbé  de  faint  Clément  à 
Metz  ,  mort  en  i  148  ;  peut-ôrrefurvccut-ilà  cet  Abbé,  mais  on 
n'en  a  point  de  preuves. 
Ses  Lettres.      1  ^  i-  I^  relie  de  Hugues  Metellus  cinquante-cinq  Lettres  , 
dont  on  ne  connoit  que  deux  manufcrits,l"un  du  Collège  de 
Clermont  ,    l'autre    de  l'Abbaye    de  fainte  Geneviève.  Dom 
Mabillon  sert  fervi  du  premier  dans  ce  qu'il  a  publié  de  ces 
Lettres  parmi  fes  Analedes.  L'Abbé  Hugo  ,  après  les  avoir 
revues  fur  tous  les  deux  ,  les  a  fait  imprimer  dans  le  focond  tome 
des  Monumens  hifloriques  ,  dogmatiques,  diplomatiques,  à 
faint  Dié  en   1731,  m-fol.  chez  jofeph  Chariot. 
Analyfe  de      j  V.  Elles  font  la  plupart  adrelTées  à  des  perfonnes  de  la  pre- 
Th    "'"^  '  "''^^'^^  diflinûion  ,  ce  qui   fait  voir  que  le  nom   de    Hugues 
Metellus  étoit  célèbre.  La  première  eft  à  faint  Bernard ,  Abbé  de 
Clairvaux  ;  c'eft  un  éloge  de  fes  vertus  &  de  fes  écrits  ,  oii 
Aletellus  prodigue  les  métaphores ,  les  antithèfes  ôc  les  autres 
figures  de  Réthcrique  ;  ce  n'efl:  qu'allégories  ôc  allufions  conti- 
nuelles à  divers  endroits  ,  tantôt  de  l'Ecriture  fainte  ,  tantôt  de 
l'Hidoire  Romaine,  tantôt  de  la  Fable,  dont  il  fait  l'application 
à  la  vie  de  faint  Bernard  ,  ôc  à  la  fienne  :  car  après  avoir  donné  à 
ce  faint  Abbé  les  louanges  que  méritoient  fa  piété  ôcfon  fçavoir  , 
il  parle  de  lui-même  ,  ôc  raconte  les  égaremens  de  fa  jeuneffejfon 
dégoût  du  monde ,  fa  retraite  dans  le  Monaflere  de  faint  Léon. 
Quoiqu'il  fe  crût  beaucoup  au-deffous  de  faint  Bernard ,  poar  le 
mérite  de  la  vie ,  il  ne  laifl'e  pas  de  lui  donner  des  avis  touchant  la 
pratique  de  l'humilité,  fondé  fur  ce  principe:  Qu'il  e'à  rare  que  le 
fçavoir  ôc  lafainteté  des  mœurs  fe  rencontrent  en  quelqu'un  dans 
un  grand  degré,  fans  être  agités  par  quelque  vent  d'orgueil, 
encore  qu'on  ne  s'en  apperçoive  pas.  Il  finit  fa  Lettre  par  dix  vers 
de  mefure  inégale ,  ôc  de  fort  mauvais  goût. 
Epijl.  1.      Y.  Soit  qu'on  eût  critiqué  cet  éloge  de  l'Abbé  de  Clairvaux  , 
foit  qu'il  appréhendât  que  fes  envieux  ne  le  cenfuraiTent  ,  il  les 
prévint  par  une  Lettre  adrelfce  en  général  à  ceux  qui  fréquen- 
toient  les  Ecoles  chrétiennes  ,  ôc  leur  fit  voir  qu'il  navoit  loué 
que  ce  qui  méritoit  de  l'être,  que  le  menfongc  ni  l'adulation 
n'étoient   entrés   pour  rien  dans  le    panégyrique  de  ce  faint 
homme. 
Efj/?.  3.       YJ_  A  la  prière  de  Tiecelin  fon  premier  Maître,  mais  qui 
n'avoir  point  étudié  en  Théologie,  il  compofa  un  petit  traité  fur 

(a)  Eplfu  54  j  5i' 


CHANOINE  REGULIER  DE  TOUL.   227 

la  Trinité,  dans  lequel  il  propofe  ce  que  l'Eglife  croit  de  ce 
myftere  ;  Hugues  n'y  dit  rien,  ou  peu  de  chofes  de  lui-môme  ,  il 
ne  parle  que  d'après  faint  Auguftin,  faint  Ambroife,  faint  Atha- 
nafe,  faint  Jérôme  ôc  Boëce.  Il  n'y  a  en  Dieu  qu'une  nature, 
qu'une  fubftance ,  &  trois  Perfonnes.  Tout  ce  qui  eft  eflentiel  à  la 
Nature  divine,  la  toute-puiflance,  l'éternité  &  tous  les  autres 
attributs ,  eft  commun  au  Père ,  au  Fils ,  au  Saint-Efprit ,  6c  ce 
qui  eft  relatif  eft  propre  à  ces  trois  Perfonnes;  engendrer  eft; 
propre  au  Père  ;  être  engendré,  propre  au  Fils  ;  procéder  ,  propre 
au  Saint-Efprit  qui  procède  du  Père  ôc  du  Fils.  Telle  eft  la  matière 
de  la  Lettre  à  Tiecelin. 

VII.  Celle  qu'il  écrivit  au  Pape  Innocent  II.  avoit  pour  but  Epijl.  4  &*  ï* 
de  l'engager  à  réprimer  les  erreurs  que  Pierre  Abaillard  répandoit 

dans  les  Églifes  de  France  ,  foit  de  vive  voix,  foit  par  écrit.  Il 
reconnoît  la  primauté  de  l'Eglife  Romaine  fur  toutes  les  Eglifes , 
le  droit  qu'elle  a  de  décider  les  queftions  de  la  foi ,  &  l'indéfedi- 
bilité  de  fa  foi  ;  il  écrivit  aufli  à  Abaillard  pour  l'obliger  à  rétratlec 
fes  erreurs  ,  &  à  rentrer  dans  fon  Cloître  pour  y  fuivre  la  Règle 
qu'il  avoit  profelTée.  Un  peu  moins  d'amertume  dans  le  zèle  de 
Metellus ,  l'auroit  rendu  plus  perfuafif. 

VIII.  Dans  fa  Lettre  à  Alberon  ,  Archevêque  de  Trêves  ,  il  EpiJl.  6. 
fait  une  peinture  alTez  vive  des  défordres  qui  regnoient  alors  dans 

le  Diocèfe  deToul;  lesinceftcs,  les  homicides,  ôc  beaucoup 
d'autres  crimes  fe  commettoient  hautement  fans  qu'on  les  punît; 
&  ces  chofes  étoient  venues  au  point  qu'on  croyoit  prochaine 
l'arrivée  de  l'Antechrift.  Hugues  fait  là-deffus  de  grands  reproches 
à  Alberon  ,  fe  plaignant  qu'il  n'apportoit  aucun  remède  à  ces 
maux ,  quoiqu'il  fût  Métropolitain  ôc  Lég:it  du  faint  Sicge  :  il  le 
prefte  d'affembler  un  Concile ,  ôc  d'ufer  du  pouvoir  des  deux 
glaives  qu'il  avoit  en  main  ,  le  glaive  fpirituel  ôcle  glaive  royal, 
aufquek  il  lui  étoit  facile  de  recourir.  Il  convient  que  l'Arche- 
vêque avoit  des  lumières ,  qu'il  prenoit  foin  de  fon  Diocèfe  ; 
mais  il  fouhaitoit  qu'il  étendît  fon  zèle  fur  les  Diocèfes  voifins , 
en  qualité  de  Métropolitain.  Saint  Bernard  qui  avoit  pris  auprès 
du  Pape  Innocent  IL  la  défenfe  d'Alberon  ,  ne  s'accorde  pas 
tout-à-fait  avec  Metellus  fur  la  fituation  des  chofes  ôc  les  éve- 
nemens  :  il  ne  dilfmiule  pas  que  les  Diocèfes  qui  relevoient  de 
l'Archevêque  deTreves, ne fuffent tellement  dérangés,  (a)  qu'on 
n'y  connoifloit  plus  ni  ordre ,  ni  juftice ,  ni  honneur ,  ni  religion  ; 

(  a  )  Bir.iard  ,  epiji.  176  ,  177. 

Ffij 


aiS        HUGUES    M  E  T  E  L  L  U  S; 

mais  il  foutient  qu'Alberon  n'étoit  ni  une  ombre  ,  ni  un  phdn- 
tôme  d'Archevêque  ;  que  s'il  ne  faifoit  point  de  fruit  ailleurs 
que  dans  fon  Diocèfe  ,  c'eft  qu'on  lui  avoit  donné  pour  Suftra- 
gans  de  jeunes  Prélats  de  qualité  ,  qui  au  lieu  de  l'aider  ,  le  tra- 
verfoient  &  le  contrarioient  ;  que  Ci  ces  Suft'ragans  manquoient 
de  zèle  pour  le  bon  ordre  ,  ils  avoienfdes  Archidiacres  zélés  & 
éclairés  ,  nommément  Henri ,  Archidiacre  de  Toul. 
Epi/Z.  7,  8.  I  X.  La  Lettre  à  Adam ,  Confrère  de  Metellus ,  c'eft-à-dire. 
Chanoine  régulier  comme  lui,  eft  une  exhortation  à  la  pratique 
exacle  des  vertus  de  fon  état.  Ami  de  Guileneus ,  Evêque  de 
Langres  depuis  l'an  iiaj  jufqu'en  115  i,  il  lui  donna  les  avis 
néceffaires  pour  la  conduite  de  fon  Diocèfe,  en  particulier  de 
diftribuer  au  peuple  de  Dieu  le  pain  de  la  parole,  &  aux  pauvres 
la  nourriture  corporelle  ,  fans  craindre  d'en  manquer  lui-même. 
Il  écrivit  à  Eftienne  ,  Evêque  de  Metz ,  pour  le  congratuler  fur 
fon  voyage  de  Rome;  mais  il  l'avertit  de  reftituer  avant  fon 
Epijl.  p.  départ  aux  pauvres  Chanoines  de  faint  Léon,  ce  qu'on  leur  avoit 

Epijl.  10.  enlevé,  s'il  vouloit  rendre  fon  voyage  heureux.  On  avoit  fait  à 
faint  Bernard  un  faux  rapport  touchant  ces  Chanoines  ;  l'Abbé 
Siebaud  alla  exprès  à  Clairvaux  pour  le  détromper.. 

Epifl.  II,  X.  L'Editeur  penfe  que  Gemma  à  qui  l'onzième  Lettre  e(t 
adrelTée  ,  n'eft  autre  que  Guillaume,  Abbé  de  faint  Thierri, 
ami  intime  de  faint  Bernard  ,  ôc  célèbre  par  fa  vertu  ôc  fon 
fçavoir,  cela  peut  être;  mais  il  y  a  là-defTus  une  difficulté  qu'il 
n'eft  pas  facile  de  réfoudre ,  c'efl:  que  dans  cette  fuppofition  il 
faudroit  dire ,  que  Guillaume  eût  d'abord  le  nom  de  Gemma, 
qu'enfuite  il  le  changea  en  celui  de  Guillaume,  ce  qui  ne  paroît 
par  aucun  autre  endroit.  Siebaud  écrivant  (a)  à  Guillaume  de 
faint  Thierri  ,  ne  le  nomme  pas  autrement  que  Guillaume  ; 
comment  dans  le  même  tems  ,  Ôc  dans  une  même  Maifon, 
cet  Abbé  étoit-il  nommé  Gemma  ,  &  Guillaume  f  Gemma  par 
Aletellus,  Guillaume  par  Siebaud?  JVletellus  dans  fa  Lettre  lui 
donne  de  grandes  louanges ,  tant  pour  s'être  confacré  à  Dieu  dès 
fa  tendre  jeuneiïe ,  que  pour  fes  vertus  6c  lumières  ;  il  fe  reproche 
au  contraire  de  n'être  venu  travailler  à  la  vigne  du  Seigneur  que 
vers  l'onzième  heure  ,  ôc  dans  un  âge  avancé.  C'elt  dans  cette 
Lettre  qu'il  parle  de  la  vie  ôc  des  vêtemens  des  Chanoines  régu- 
liers de  faint  Léon ,  comme  on  l'a  dit  plus  haut. 

E/iJl.  II..     XL  Hugues  n'avoit  pas   encore  embraffé  la  vie  régulière 

(.1)   Eyijl.   .8. 


CHANOINE  REGULIER  DE  TOUt.  225^ 
idans  ce  Monaflere,  lorfqu'il  écrivit  fa  féconde  Lettre  à  Tiecelia 
fon  premier  Maître ,  puifqu'il  s'y  plaint  à.  lui  de  ce  qu'il  avoit 
accordé  l'hofpitalité  à  un  nommé  Garnier  de  Bourges  ,  qui  après 
lui  avoir  volé  fon  argent  6c  fes  Livres,  en  ouvrant  fon  armoire 
avec  une  fauffe  clef,  avoit  encore  répandu  fur  fon  compte  plu- 
fieurs  calomnies  parmi  le  peuple.  Il  n'épargne  pas  à  fon  tour  ce 
voleur  ,  mais  à  la  fin  de  fa  Lettre  il  apporte  un  lénitif  à  fes 
exprelîions  dures  ôc  violentes,  en  difant ,  qu'il  l'avoit  écrite  en 
Réthoricien,  tantôt  en  accufant  Garnier  ^tantôt  en  l'e.xcufànt, 
fous  l'enveloppe  de  certains  termes. 

X  I  L  Par  fa  Lettre  à  Henri  de  Lorraine,  Evcque  de  Toul ,  EplJ!.  rj; 
il  lui  donne  avis  qu'il  fe  trouve  dans  fon  Diocèfe  des  hommes 
infedés  d'erreurs  ,  qui  après  les  avoir  répandues  en  fecret , 
commencent  à  les  publier  hautement.  Ils  détefient,  lui  dit-il ,  le 
Mariage,  ont  en  horreur  le  Baptême ,  tournent  en  dérifion  les 
Sacremens.de  l'Eglife ,  abhorent  le  nom  de  Ciirétien  ,  &  vivent 
comme  des  bêtes..  C'étoient  les  Henriciens  ôi.  les  Petrobuliens  , 
que  faint  Bernard  combattit  de  vive  voix,  &  contre  lefquels  il 
écrivit  à  Hildephonfe,  Comte  de  faint  Gilles,  pour  les  empêcher 
de dogmatifer  à  Touloufe, comme  ils  avoient  fait  à  Laufhnne , 
au  Mans  ,  à  Poitiers  ,  à  Bordeaux  ,  ôc  ailleurs ,  vers  l'an  1  1 4.6  & 
1 14.7.  Hugues  exhorte  fon  Evêque  à  aflénibler  fon  Concile  ,  ôc 
à  faire  tout  ce  qui  convenoit  pour  diliiper  cette  compagnie  de 
Satan. 

XIII.  Plus  Metellus  s'efl: appliqué  à  rendre  Abaillard  odieux  Epifi.  i^,  17,. 
dans  fes  Lettres  au  Pape  Innocent  II.  plus  il  a  ailecté  de  relever 
les  vertus  ôc  le  fçavoir  d'HeloïlTe  dans  les  deux  Lettres  qu'il , 
lui  a  adreflces;  il  avoue  toutefois  qu'il  ne.  la  connolifoit  que  de 
réputation.  Pour  fe  faire  connoître  à  elle,  il  lui  dit  qui  il  étoit , 
d'où  il  étoit ,  ôc  lui  vante  fes  talens  Poétiques,  ôc  les  ouvrages 
qu'il  avoit  faits  en  vers  :  il  fait  encore  remarquer  à  Heloiile  que 
la  Ville  où  il  étoit  né  avoit  deux  noms  ,  Leuque  ôc  Toul;.  le 
nom  de  Leucha,  ou.  Leuque.,  lui  venait. de  la  blancheur  des 
hommes  de  cette  Ville  ,  ôc  de  fon  vin  blanc ,  parce  que  Leuchon 
en  Grec  ,  (ignifie  blanc  en  François  ;  pour  k  nom  de  Toul ,  i!  fut 
donné  à  cette  Ville  depuis  que  Tullus  s'en  fut  eraparéfousleDuc 
Cœfarien. 

XIV.  La  dix-huitiéme  Lettre  n'efi  pas  de  Hugues ,  mais  de       Epi(l.  iB-^- 
Siebaud  fon  Abbé,  qui  l'écrivit  à  Guillaume  de  faint  Thierri 
pour  lui  rendre  compte  de  la  Façon  un  peu  dure  dont  il  avoir 
traité  un  de  fes  Religieux  nommé  Herbert,  de  qui  il  avoit  reçu 

F  f  iij. 


250        HUGUES    METELLUS; 

des  injures.  La  fuivante  eft  au  Prêtre  Rainald  ,  que  Hugues  loue 
pour  fes  bonnes  œuvres,  en  particulier  pour  fes  libéralités  envers 
les  pauvres  6c  les  étrangers. 
Epijl.  10.       X  V.  Confulté  Cl  l'on  pouvoit  unir  par  un  légitime  mariage  , 
ceux  qui  avoient  vécu  auparavant  dans  des   conjonttions  illi- 
cites ,  ôc  fi  ceux  que  l'on  a  féparés  pour  caufe  dincelle  ,  peuvent 
contracter  un  nouveau  mariage,  il  répond  affirmativement  fur 
Epijl.  II.  l'un  ôc  l'autre  cas.  Ilétoitlié  d'amitié  avec  Embricon  ,  Evêque 
&  Duc  de  Virzbourg  ,  car  ce  Prélat  avoit  ces  deux  titres  ; 
fçachant  donc  qu'Embricon  fe  conduifoit  avec  prudence  dans 
l'Epifcopat ,  il  l'en  congratula  ,  ôc  lui  apprit  en  même-tems  qu'il 
avoit  renoncé  au  monde  ,  ôc  aux  occupations  mondaines  ,  pour 
vivre  fous  la  Règle  de  faint  AugulVm  :  il  parle  encore  dans  cette 
Lettre  de  fa  pallion  pour  la  Poëlie ,  pour  la  Philofophie  d'Aridote, 
ôc  de  fes  travaux  inutiles  dans  la  recherche  de  la  quadrature  du 
Epijl.  11.  Cercle.  Dans  fa  Lettre  à  un  Abbé  de  fon  Ordre,  qui  paflbit 
pour  excéder  dans  les  corredions  ,  Hugues  lui  dit  que  nous  ne 
fommes  point  fous  la  loi  qui  ne  fv,avoit  que  punir ,  mais  fous  la 
grâce  qui  pardonne  ;  qu'un  Supérieur  doit  avoir  égard  dans  fes 
corredions  au  caradere  de  fes  Religieux  ,  punir  avec  douceur 
ceux  qui  font  doux  ôc  dociles  ,  être  ferme  envers  les  rebelles  ÔC 
les  orgueilleux  ,  les  châtier  avec  féverlté  au  dehors  ,  mais  en 
confervant  intérieurement  des  fentimens  de  compalfion  ôc  de 
charité. 
Epijl.  »4.       XVL   Dans  fa  Lettre  à  Scibert ,  il  fuit  le  fenti  ment  de  faint 
Auguflin  fur  l'origine  de  l'ame,  ôc  penfe  comme  lui ,  qu'elles 
Epijl.  i(-  font  chaque  jour  créées  de  Dieu.  Dom  Mabillon  conjedurequc 
Gérard  à  qui  la  vingt-fixiéme  Lettre  efcadrelfée  ,  n'eft  pas  diffé- 
Maiidon.  rent  de  Gedand  à  qui  la  trente-troifiéme  eft  écrite  ,  mais  il  paroît 
Ohferviir     i"  par  l'iufcription  même  qu'on  doit  les  diftinguer  ;  Gérard  y  efl 
"^F'  ^e^Ana-  appel'^  Moine  d'un  efprit  éprouvé,  ôc  on  voit  par  le  corps  de 
leil'or.   '        la  Lettre  qu'il  faifoit  fon  étude  de  la  Théologie,  ôc  fon  occu- 
pation de  la  ledure  des  Pères.  Gerland  au  contraire  eft  qualilié 
dans  le  titre  de  laLettre,  d'homme  vain  ,  enflé  de  la  connoilTance 
qu'il  avoit  acquife  dans  les  beaux  Arts,  la  Grammaire  ,  la  Rétho- 
rique ,  la  Dialedique  ,  l'Aftrologie  ,  la  Géométrie  ,  l'Arithmé- 
tique, la  Mufique.  Gérard  propofa  à  Mctellus  deux  queftions 
fur  l'Euchariftie  ;  la  première  ,  fi  l'on  doit  recevoir  chaque  jour  le 
Corps  de  Jefus-Chrift  ;  la  féconde ,  fi  c'eft  fon  vrai  Corps  que 
l'on  confervc  fur  l'Autel,  ou  fi  ce  n'eft  pas  la  figure  du  Corps 
régnant  dans  le  Ciel.  Hugues  répond  à  la  première  par  les  paroles 


CHANOINE  REGULIER  DE  TOUL.    231 

de  faint  Ambroife  &  de  faint  AuguiHn  ,  que  l'on  doit  recevoir  le 
Corps  de  Jefus-Chriit  toutes  les  fuis  qu'on  en  eil  digne;  qu'il 
faut  fe  rendre  digne  d"ea  approcher  chaque  jour  ,  parce  que 
péchant  chaque  jour ,  nous  avons  befoin  chaque  jour  de  remède  ; 
qu'en  recevant  le  Corps  de  Jefus-Chrin: ,  notre  vie  devient 
meilleure  ,  &  nos  péchés  nous  font  remis  ;  que  celui  qui  eft  dans 
la  volonté  de  pécher ,  ne  doit  pas  approcher  de  la  Table  du  Sei- 
gneur ;  que  li  au  contraire  il  a  quitté  entièrement  la  volonté  de 
pécher  ,  il  peut  approcher  avec  coniiance  de  l'Autel ,  quoique 
jufques-là  il  ait  été  pécheur.  Sur  la  féconde  queftion ,  Hugues 
répond  qu'il  eft  vrai  que  faint  Auguftin  trouvoit  de  la  ligure  dans 
ces  paroles  du  Sauveur:  61  vous  ne  niangei  la  Chair  du  Fils  de 
l'Homme  j  Gfc.  parce  que  Jefus-Chrift  les  avoir  dites  pour 
annoncer  aux  incrédules ,  fa  Pailion ,  fous  une  ex^reflion  figurée , 
ôc  faire  entendre  à  fes  amis  l'union  fpirituelle  qui  devoit  être 
entre  le  Chef  &  les  Membres  ,  par  une  charité  opérante.  Mais  il 
cite  d'autres  endroits  des  écrits  de  ce  Père,  où  il  dit  nettement, 
que  nous  recevons  dans  le  Pain  Euchariflique  celui-là  même  qui 
a  été  attaché  à  la  Croix  ,  &  le  Sang  qui  a  coulé  de  fon  côté.  Il 
protefte  qu'il  le  croit  ainfi  ,&  rapporte  ce  quief}  dit  delà  préfence 
réelle  dans  le  Concile  d'hphèfe,  dans  faint  Jérôme,  dans  faint 
Ambroife,  ôc  ce  qu'en  [a)  croit  l'Eglife  Romaine,  dont  la  foi, 
ajoute-t-il ,  n'a  jamais  été  fouillée  d'aucune  erreur. 

XVII.  Il  confeilla  à  un  jeune  homme  nommé  Ulderic ,  qui  Spiji.  17- 
s'appliquoit  à  vérifier  ce  qui  eft  dit  dans  faint  Matthieu ,  de  la 
Généalogie  de  Jefus-Chrift  ,  de  lire  ce  qu'en  ont  écrit  faint 
Jérôme  ,  faint  Auguftin  ,  faint  Ambroife  ,  faint  Grégoire  le 
Grand.  Suppofant  dans  Ulderic  beaucoup  de  leclureôc  de  capa- 
cité, il  le  prie  de  lui  expliquer  la  propliétic  de  Jacob  ôc  celle 
de  Daniel ,  ôc  d'en  montrer  l'accomplilfement  en  Jefus-Chrift.  Epif^.  is. 
L'explication  d'Ulderic  ne  lui  ayant  pas  plu  ,  il  en  donna  une 
lui-même  de  la  prophétie  de  Jacob  ,  montrant  qu'elle  avoit  été 
accomplie  à  la  venue  de  Jefus-Chrift ,  où  le  Sceptre  étant  palTé 
de  Juda  à  Herode,  qui  étoit  un  étranger,  celui-ci  eut  pour 
fuccelTeur  Archelaus ,  à  qui  les  Romains  fubftituerent  un  autre 
Herodcjfous  le  règne  duquel  Jefus-Chrift  fut  crucifié.  Hugues 
réfout  aufli  une  autre  queftion  qu'il  avoit  agitée  avec  Ulderic , 

(  ,;  ;   v  eitu  11  oft  qi:;a  éventas   rei  c^r-  t  autfm  Ecclefia  in  pridida  tiiie  Cor:>oriï 

tifi-;'.t  fi!  m  Ronian.ï  tcc!efî.t  locundain  [  Clirifti   fuit  &    fideliter  perAitit  ,    Se  p.fr 

promiiliuii  Dei  nuniquam  defecilTe  ,  nec  pncones  fuos  eam  longi  latcque  diflènô» 

aliiiiù  hsrcû  tcmeratam    elle.    Ro;nana  I  nat.  Hi^o.  epip.  16. 


232         HUGUES    ME  TEL  LUS; 

eétoitfur  la  prédeftination  ;  il  fuit  dans  fa  folutionle  fentiment  de 
faint  Auguftin. 
Epijl.  i9.       X  V  1 1 L  II   y  a  deux  fautes  dans  la  Lettre  de  Hugues  à 
Foulques  ,  l'une  de  dodrine,  l'autre  de  fait  :  la  première ,  en  ce 
qu'il  avance ,  contre  le  fentiment  de  l'Eglife ,  que  les  prières 
que  l'on  fait  pour  les  Chrétiens  condamnés  pour  leurs  péchés  aux 
fupplices   éternels j  adouciffent  ces  fupplices  :  la  féconde,  en 
dilhnt  que  faint  Grégoire  le  Grand  a  prié  pour  le  falutdel'Em- 
Voyer.tom.  pereur  Trajan ,  fait  dont  on  a  montré  ailleurs  la  fauifeté.  Dans 
ï/jP^j.  414.  une  féconde  Lettre  à  Alberon,  Archevêque  de  Trêves,  Metellus 
fe  congratule  de  ce  que  fa  mère  avoir  fourni  aux  befoins  de  ce 
Epijî.  30.  Prélat  pendant  fon  bas-âge  ;  il  lui  demande  en  reconnoifT;\nce  Is 
fecours  de  fes  prières  ôc  pour  fa  mère ,  &  pour  lui-même  après  fa 
EpiJl.    31.  mort,  quilcroyoit  prochaine.  Il  dit  dans  une  autre  Lettre  que 
le  repentir  en  Dieu  ,  n'eft  pas  changer  de  deffein ,  mais  d'adions  ; 
qu'encore  que  l'ame  foit  toute  entière  dans  chaque  mciibre  du 
corps ,  elle  n'y  eit  pas  entière  félon  fon  effence  ,  mais  par  rapport 
Epift.  32.  à  la  vie  qu'elle  communique  à  chacun ,  parce  qu'étant  incorpo- 
relle de  fa  nature ,  elle  ne  peut  animer  le  corps  par  une  diffufion 
locale. 
iEpiJf.  33.       XIX.  Un  nommé  Gerland,  homme  d'efprit  &  defçavoir, 
mais  infecté  de  l'héréfie  de  Berengcr  ,  la  répandoit  parmi  le 
peuple   :   il   s'appuyoit   ordinairement    de  l'autorité   de  faint 
Auguftin  ,  &  foutenoit   que  ce   Père  avoir  pris  dans  un  fens 
ligure  les  paroles  de  Jefus-Chrlft  à  fes  Difciples,  touchant  l'obli- 
gation de  Hianger  fon  Corps  ôc  de  boire  {ou.  Sang.    Hugues 
iVîctellus  lui  écrivit  pour  le  détromper  ,  ôc  le  mettre  au  tait  du 
vrai  fentiment  de  faint  Auguftin  ;  il  dit  que  ce  Père  reconnoilToic 
en  efll't  dans  les  paroles  du  Sauveur ,  un  fens  figuré  ,  mais  qui 
fuppofoit  la  réalité;  qu'il  entendoit  les  paro'e?  de  Jefus-Chriftà 
fes  Apôtres,  delà  Communion  fpirituelle  de  fon  Corps  &  de  fon 
Sang  ,  qui  n'eft  commune  qu'aux  bons,  6c  non  de  la  facramen- 
telle  ,  qui  eft  commune  aux  bons  &  aux  méchans  ;  &  que  telle 
écoit  la  penfée  du  Sauveur  ,  comme  on  le  voit  par  le  texte 
Joxn.  6  , 5'4  ^  Evan?elique ,  car  après  avoir  dit  :  Si  vous  ne  mcuige?  la  Chair  du 
^^-  [ils  de  l'Homme  ,  Gf  ne  bûve?^  fon  Sang  ,  vous  n'awe'^  point  la  vie, 

Jefus-Chrift  ajoute:  Celui  qui  mange  ma  Chair  Cf  bcit  mon  Sang 
demeure  en  moi,  Gr  moi  en  lui.  Or,  il  y  en  a  beaucoup  qui  mangent 
la  Chair  du  Seigneur,  qui  ne  demeurent  pas  en  lui ,  ou  qui  ne 
Ibnc  pas  fes  membres.  Hugues  convient  encore  que  dans  le  fenti- 
«icnt  de  làint  Auguftin  ;  la  Communion,  ou  comme  il  dit,  l'ia- 

corporatioa 


CHANOINE  REGULIER  DE  TOUL.  "255 

corporation  facramentelle  du  Corps  de  Jefus-Chrift  ,  eft  une 
figure,  ou  un  (Igne  de  l'union  par  laquelle  nous  fommes,  6c 
ferons  unis  avec  Jefus-Chrill.  Mais  pour  montrer  que  ce  faint 
Dotleur,  outre  ces  fens  (igure's  de  l'Euchariftie,  croyoit  nette- 
ment qu'elle  eft  le  vrai  Corps  6c  le  vrai  Sangde  Jefus-Clirift  ,  il 
rapporte  fes  paroles  dans  1  explication  dun  Pfeau  me  :  Le  même 
Sang,  dit-il  {a),  que  les  Juifs  perfécuteurs  de  Jefus-Chrift  ont 
répandu  ,  a  été  bii  cnfuite  par  les  Juifs  qui  ont  cru  en  lui. 
Gerland  nioit  que  le  Corps  de  Jefus-Chrift  pût  être  en  divers 
lieux  dans  le  môme  moment,  mais  il  ne  niuit  pas  qu'il  fut  né 
d'une  Vierge,  qu'il  fût  entré  dans  la  chambre  des  Apôtres  les 
portes  fermées.  Hugues  dit  qu'en  croyant  l'un  ,  on  ne  doit  pas 
nier  l'autre  ,  puifqu'ils  font  également  contre  les  règles  de  la 
Nature.  Il  ajoute  ,  que  fi  le  Pain  fandifié  n'eft  pas  le  Corps , 
mais  la  figure  du  Carps  de  Jefus-Chrift ,  c'eft  fans  raifon  que 
l'Apôtre  dit ,  que  ceux  qui  le  mangent  indignement,  mangent 
leur  propre  condamnation  ;  qu'il  n'en  a  pas  eu  plus,  de  préférer 
le  Pain  fanttifié  fur  l'Autel ,  au  Pain  bénit  par  le  Prêtre  à  la  table 
commune.  Hugues  donne  des  raifons  de  cette  préférence,  c'eft 
que  celui  qui  (andifie  fur  l'Autel  ,  ôc  ce  qui  eft  fandifié  ,  eft 
le  même;  c'eft  le  même  qui  immole,  6c  qui  eft  immolé,  le 
Prêtre 6c  lavid:me,lemêmeDieu  ôc  Homme; c'eft  pourquoi  le 
Pain  ainfi  fandifié  peut  remettre  les  péchc^  ,  ce  que  ne  fait 
pas  le  Pain  bénit  à  la  table  commune.  Ne  difcutons  point  les 
grandeurs  de  Dieu  par  les  lumières  delà  raifon  ,  la  foi  doit  nous 
les  rendre  vcriérables.  Il  rapporte  ce  qu'on  lit  dans  la  vie  de  faint 
Grégoire  le  Grand  ,  qu'à  fa  prière  le  Pain  confacré  fur  l'Autel 
prit  la  figure  de  chair;  6c  après  avoir  cité  un  paftage  de  S.  Au- 
guftin  pour  la  prcfence  réelle ,  il  prelTe  Gerland  de  fc  rendre  au 
fentiment  unanime  des  pcrfonnes  de  piété  6c  de  fçavoir ,  qui 
croyent  fermement  que  le  Pain  {b)  fandifié  fur  l'Autel  n'eft  plus 
du  pain ,  mais  le  Corps  vivant  de  Jefus-Chrift;  6c  à  la  dodrinedu 
faint  Siège  ^  qui  ,  conformément  à  la  foi  de  faint  Pierre  ,  a 
toujours  crû  (c)  ce  qu'il  croit  encore  touchant  le  Corps  ôc  le 
Sang  du  Seigneur  dans  l'Euchariftie.   On  cite  de  Gerland  un 


(  .i  )   .[■fuR\  l;i:vruinfm  qvcm   fudpn.:nt  |  faiiftificntum  non Jam  panem  ,  feiî  vinuiii 

JuiLti  pcr.tquct.us ,  poft  modum  biberimt  Corpus  Chrifti  cfle  .'  Hu^.  c:  ijl.  ■  j. 

Judïi  crukiufs.  Auguflin  ,  Strnon.  77,  i       (  i'  )  Verum  eil  iidem  Pc  tri  de  Corrorç 

Cflu.  5  ,  psg'.  4»)  ,  i<^n'-.  î  ,  &  S:rn.  81.  j  &  Sanguine  Domini  ,  ab  eo  dcrjv..tam, 

(6)    Nonne   vides    reliçioios  vires  &  j  ulijue  ad  temporr'  noftra  pcr  P.;cctfri,):'.f5 

tnaçni  nominis  Dodorcs  in  hac  fentrntia  I  Apollolicorum  virorum  manaire  inu.iie- 

ihre  ,  i;i  h-^c  fde  rerftnrp  p.;neni  al.iris  l  ratar.i.  Ibid. 

Tome  XXIL  G  g 


254        HUGUES     METELLUS, 

Comput  Ecclefiaftique  non  imprimé,  que  l'on  trouve  manufcrrc. 
dans  quelques  Biliotheques,  avec  le  Livre  de  Hefperic  (a). 
£>'/?.  34, 5î.  XX.  La  Lettre  à  Hugues,  Maître  des  Ecoles  à  Chartres, 
eft  pour  le  prier  d'examiner  certains  ouvrages  que  Metellus 
avoit  compofés  dans  fa  vieilleiïe.  Dans  celle  qui  eft  adreffée  à 
un  Chanoine  régulier  nommé  Humbert,  il  répond  aux  queftions 
qu'il  lui  avoit  faites  ,  qu'on  n'efl;  obligé  de  fe  féparer  de  la 
communion  de  quelqu'un  ,  dans  la  table  &  dans  la  prière  , 
qu'après  qu'il  aura  été  excommunié  nommément  pour  crimes  , 
par  un  Jugement  Eccléfiaflique  ;  que  l'on  peut  anathêmatifer 
après  la  mort  ,  ceux  que  l'on  croit  avoir  eu  des  fentimens 
contre  la  Foi  pendant  leur  vie  ;  que  lorfqu'il  eft  polîible  de 
trouver  aifément  des  Sujets  pour  la  Prêtrife  ,  il  ne  faut  les 
ordonner  qu'à  trente  ans  ,  f;non  qu'on  peut  les  ordonner  à  vingt- 
Epijl.  î6,  cinq  ans.  Il  décide  dans  la  Lettre  à  Garbode,que  lorfqu'il  y  a 
néceffité ,  on  peut  élever  aux  Ordres  facrés  les  enfans  des  Prêtres  ; 
&  qu'auiïi  dans  le  cas  de  néceflité ,  une  ordination  faite  fans  le 
confentement  de  l'Evêque  Diocèfain ,  doit  fubfifter. 

£pl^-37-  XXL  Les  deux  Lettres  fui  vantes  contiennent  la  folution  de 
deux  queftions  fur  les  Anges.  On  avoit  demandé  à  Hugues 
pourquoi  les  Anges  font  appelles  Animaux  dans  l'Ecriture,  6c 
pourquoi  Dieu  a  racheté  les  hommes,  ôc  non  les  Anges  ?  Il 
répond  à  la  première  queftion  qu'ils  font  appelles  Animaux  ,  non 
à  raifon  de  leur  nature,  mais  de  leur  innocence,  comme  les 
âmes  des  Saints  font  quelquefois  figurées  fous  le  nom  des  boeufs 

E?i/î.  j8.  &  des  brebis.  Il  dit  fur  la  féconde  que  Dieu  a  racheté  l'homme  , 
parce  que  fait  d'une  matière  fragile,  6c  entraîné  au  péché  par 
l'amour  qu'il  avoit  pour  fa  femme,  il  s'eft  repenti  de  fa  faute; 
au  lieu  que  l'Ange  a  péché  par  orgueil ,  par  ingratitude,  6c  n'a 
point  témoigné  de  repentir.  Il  écrit  à  un  de  fes  amis  ,  furpris  de 
ce  quefaint  Auguftin  dit  dans  fa  Lettre  à  Macedonius ,  que  celui 
qui  pèche  une  féconde  fois  après  avoir  été  admis  à  la  Pénitence , 
ôc  au  Sacrement  de  l'Autel ,  n'eft  plus  reçu  à  faire  pénitence, 

Epijl.  39.  de  peur  qu'elle  ne  devienne  méprifable;  que  cela  doit  s'entendre 
de  la  pénitence  publique  ,  qui  en  effet  ne  s'accordoit  qu'une 
fois. 

Epi/î.  40.  XXII.  Sa  Lettre  à  Humbert  fon  co-difciple  ,  contient  le 
détail  des  études  qu'ils  avoient  faites  enfemble  ,  ce  qui  lui  donne 
occafion  de  parler  des  divcrfes  fedes  de  Philofophes ,  Peripathé- 

l  a)  Ouiliii  ytcm,  z  ,di  Scriptor.  Ecucf. y<ig,  icji/. 


CHANOINE  REGULIER  DE  TOUL.  23^ 

tîciens,  Platoniciens,  Stoïciens,  Epicuriens,  &c  d'expliquer  en 
latin  ce  que  tous  ces  noms  fignitient  en  grec.  Mais  lorfqu'il 
écrivit  cette  Lettre  ,  ils  avoient  l'un  &  l'autre  fait  leur  étude  de 
la  Théologie,  n'ayant  confervé  que  du  mépris  pour  les  chicanes 
de  la  Dialeciique. 

XXIII.  L'établifTement  du  nouvel  Ordre  des  Norbertins  ,  I^y'J^.  41. 
ou  Prémontrés,  rit  tant  de  déplaifir  à  Hugues ,  qu'il  fe  plaignit 

aux  Cardinaux  de  la  grande  variété  qu'ils  fouffroient  dans  les 
habits  des  difFérens  Ordres  Religieux  :  il  leur  dit  qu'on  n'ob- 
tient pas  le  Royaume  des  Cieux  par  la  forme  ou  la  couleur  des 
habits ,  mais  par  la  pureté  des  mœurs  ;  que  fi  elles  fe  corrompent, 
ce  ne  feront  pas  les  habits  qui  rendront  l'Eglife  heureufe  ;  il 
préfère  le  furpiis  des  Chanoines  de  faint  Auguftin  ,  à  la  tunique 
des  Norbertins ,  difant ,  que  ceux-ci  étoient  tout  récens,  au  lieu 
que  les  Chanoines  réguliers  exidoicnt  depuis  plus  de  deux  cens 
ans.  Hugues  parle  apparemment  de  quelque  Congrégation  parti- 
culière de  Chanoines  réguliers,  puifque  deux  lignes  plus  bas  ,  il 
fait  Auteur  de  la  règle  des  Chanoines, faint  Urbain,  Pape  6c 
Martyr  en  225  ,  ôc  qu'il  attribue  à  faint  Auguf^in  celle  qu'il 
fuivoit  dans  fon  Monaflere  de  Toul ,  fitué  dans  le  voifinage  de 
celui  de  faint  Manfui.  Il  furvint  entre  ces  deux  Abbayes  quelque  Epijî.  4t. 
difficulté  qui  y  occafionna  du  réfroidiflement  ,  Hugues  n'en 
explique  pas  bien  la  raifon  ;  mais  en  prêchant  à  Thierri ,  Moine 
de  faint  Alanfui  ,  les  devoirs  de  la  charité  ,  il  a  grand  foin  de 
l'humilier  en  lui  difant,  que  les  Moines  Cénobites  font  étrangers 
au  Sacerdoce  ;  qu'ils  mangent  par  ufurpation  les  pains  de  propo- 
fition  ,  qu'il  n'eft  permis  qu'aux  feuls  Prédicateurs  de  manger  ; 
qu'il  n'en  efl  pas  des  Moines,  comme  des  Clercs; qu'il  appar- 
tient à  ceux-ci  de  paître  les  brebis,  ôc  aux  Moines  de  pleurer, 
mais  non  d'enfeigner.  Il  convient  toutefois  que  faint  Grégoire 
le  Grand,  Grégoire  VIL  ôc  Urbain  IL  ont  fous  Ihabit  Monafli- 
que,  préfidé  à  l'Eglife  Romaine ,  &  enfeigné.  Mais  pouvoit-il 
ignorer  que  depuis  le  Concile  d'Aix-la-Chapcllc  en  817,  il  y 
avoit  eu  des  Ecoles  publiques  dans  un  grand  nombre  de  Mo- 
nafteres  de  l'Ordre  de  faint  Benoît ,  tant  pour  les  Laïcs  que 
pour  les  Moines  ;  ôc  qu'à  Toul ,  Adfon  ,  Moine  de  l'Abbaye  de 
Luxeu  ,  invité  par  faint  Gauzelin,  tint  dans  l'Abbaye  de  faint 
Evre  des  Ecoles  ,  où  cet  Evêque  envoyoit  fes  Clercs  ? 

XXIV.  Un  jeune  homme  nommé  Foulques,  demanda  à  EpiJ!.  45. 
Metellus  pourquoi  Dieu  avoit  créé  l'homme  qu'il  fçavoit  devoir 
tomber,  ôc  pourquoi  il  i'avoit  fait  capable  de  chute  ?  Sa  réponfe 


236  HUGUES  M  E  T  E  L  L  U  S  , 
fut  que  l'Ange  avoir  été  créé  de  même  ,  avec  pouvoir  de  perfé- 
verer  dans  foii  état  primitif ,  ou  d'en  déchoir;  &  que  l'homme 
ayant  été  fait  pour  remplir  la  place  des  Anges  apoflats  ,  Dieu  lui 
alaiffé,  comme  à  eux,  la  liberté  de  perféverer ,  ou  de  ne  pas 
perféverer  dans  l'état  d  innocence.  Il  s'explique  dans  cette 
Lettre  fur  la  différence  de  la  crainte  filiale  ,  &  de  la  crainte 

Epjf.  44.  fervile,fuivant  les  principes  de  faint  Auguftin ,  qu'il  fuit  ordi- 
nairement dans  fes  décifions  ;  c'efl:  de  lui  aulTi  ôc  de  Boëce ,  qu'il 
emprunte  l'explication  qu'il  donne   du  myftere  de  la  Trinité 
£pi/Z.  4y,46.  dans  fa  Lettre  à  l'Abbé  Odon  ,  ôc  la  folution  des  difficultés  qut 
regardent  les  futurs    contingens  marqués  dans  l'Ecriture.    Il 

Epjî.  47.  condamne  le  duel ,  mais  il  n'approuve  ni  défaprouve  les  épreuves 
de  l'eau  chaude  ôc  du  fer  chaud  ,  difant ,  qu'elles  ne  font  auto- 
rifées  par  aucune  Loi ,  ôc  qu'elles  ont  été  mifes  en  ufage  par  U' 

Epijl.  48.  néceflité  des  tems.  Il  n'eft  pas  d'avis  qu'on  molefte  les  Juifs ^ 
à  caufe  qu'ils  font  utiles  à  la  Religion  ,  par  le  témoignage  que  lut 
rendent  les  Livres  dont  ils  font  dépofitaires  ;  mais  il  penfe  diffé" 
remment  des  Paycns,  qui  enlèvent  aux  Chrétiens  leurs  biens  ÔC 
les  perfécutent. 
Epiji.fiifi^.  XXV.  Dans  les  deux  Lettres  à  Conftantin  ,  Hugues  réfout 
plufieurs  qucftions  touchant  les  ufages  ôc  les  rits  de  l'Eglife 
pendant  le  Carême ,  ôc  les  trois  femaines  précédentes.  La  plupart 
de  fes  folutions  ne  font  fondées  que  fur  des  explications  mylli- 
ques ,  mais  qui  fuppofent  toujours  la-  réalité  de  ces  rits  ôc  de  ces 
ufages ,  qui  nous  apprennent  qu'à  l'office  de  la  nuit  de  l'Epi- 
phanie, on  fupprimoit  l'invitatoire  ;  que  i'yilleluia  ne  fe  chanioit 
pas  depuis  la  Septuagefime  jufqu'à  Pâques  ;  que  pendant  le 
Carême  on  s'abftenoit  de  viande,  mais  qu'on  pouvoir  manger 
du  poiffonjcommp  moins  propre  à  nourrir  la  concupifcence; 
que  durant  ce  faint  tems  l'on  fufpendoit  un  voile  devant  l'Autel  y 
ôc  en  quelques  endroits ,  un  autre  à  l'entrée  du  Chœur  ;  que  tous 
les  Jeudis  de  Carême  n'avoient  point  d'offices  propres,  ôc  le 
Samedy-faint  point  d'office  de  nuit,  celui  que  l'on' y  célebroit 
appartenant  à  k.Fête  de  Pâques  ;  que  pendant  les  trois  jours  pré- 
cédens  l'on  éteignoit  tous  les  luminaires. 
p  ■«  -  ^,  XXVI.  Les  deux  dernières  Lettres  font  à  Simon,  Abbé  de 
faint  Clément  à  Metz;  dans  l'une,  Metellus  fait  l'éloge  de  fes 
vertus ,  de  ("on  anrour  pour  les  pauvres ,  de  fa  libéralité  envers  les 
étrangers ,  de  la  douceur  de  fon  gouvernement  ;  dans  l'autre ,  il 
répond  à  la  queftion  que  Simon  lui  avoir  propofée  ,  f<;;avoir,fil' 
rJ>(ûlutian  donnée  par  un  Prêtre,  qui;  par  compaffion  pour  la 


CHANOINE  REGULIER  DE  TOUL.    237 

ftagilité  humaine ,  ou  par  ignorance ,  n'impofe  pas  une  pénitence 
proportionnde  au  crime  ,  eft  valide.  Hugues  répond  que  cette 
abfolution  vaut ,  fi  le  Pénitent  accomplit ,  avec  toute  la  ferveur 
dont  il  eft  capable,  la  pénitence  qui  lui  eft  impofée.  La  raifon 
qu'il  en  donne ,  c'eft  que  Dieu  même  opère  dans  le  Sacrement , 
c'eft  lui  quiabfout,  ou  qui  baptife  par  le  miniftere  du  Prêtre , 
dont  le  mérite,  ou  démérite  ne  fait  rien  à  l'effet  du  Sacrement  ; 
parce  que  ce  n'eft  pas  par  le  mérite  de  fa  vie  qu'il  remet  les  péchés , 
c'eft  parfon  office  ,  ou  caraètere  de  Prêtre. 

XXVII.  Par  l'extrait  que  nous  venons  de  donner  des  Lettres  PocHes  de 
de  Hugues  Metellus  /On  voit  qu'elles  méritent  d'être  lues  ,  foit  fl"g""  ^'^ 
à  caufe  des  qucftions  importantes  qu'il  y  traite  ,  foit  pour  l'exade 
difcullion  qu'il  en  fait.  Elles  font  d'ailleurs  écrites  avec  efprit  j 
mais  on  ne  trouve  ni  daiTs  fon  ftyle  ,  ni  dans  fa  latinité, l'élégance, 
la  douceur ,  ni  la  pureté  des  Ecrivains  du  ficelé  d'Augufte , 
dont  il  s'étoit  toutefois  rendu  la  lecture  familière  dès  fajeunene. 
Il  employé  fouvent  des  termes  barbares,  &  il  fe  plaît  prefque 
partout  dans  des  jeux  de  mots,  &  d'une  mémererminaifon.  Sa 
pccfie  eft  au-dcffous  de  fa  profe.  Content  des  penfées  &  des 
fentimcns  vulgaires  ,  il  ne  donne  à  fes  vers  ni  l'air  de  nobleffe, 
ni  le  ton  de  dignité  ,  fouvent  même  il  néglige  les  règles  de  l'Art; 
fes  poëfies  font  une  fable  du  Loup  ôc  du  Berger,  où  l'Auteur  n'a 
gardé  ni  la  décence,  ni  le  refpeti  dû  à  la  Religion  ;  divers  Pro- 
blêmes félon  les  lettres  de  l'Alphabeth  ;  6c  quelques  EpigrameS' 
fur  les  myfteres  &  fur  quelques  fujets  prophanes.  On  peut  les 
voir  à  la  fuite  de  fes  Lettres  de  l'édition  de  M.  l'Abbé  Hugo  ;  la 
Bibliothèque  Lorraine  par  Doai  Calmet ,  en  rapporte  aulli  quel- 
ques-unes. 

CHAPITRE     XIV. 

O  RD  E  R  1  c   Vital,  Moine  de  Saiiit  Evrout. 

I.  ¥  L  nous  fera  aifé  de  rapporter  les  principales  circonftances    Orderic  V!- 
J.  defa  vie,puifqu'il  a  eu  foin  lui-même  de  les  mettre  par  '*!•  Sa  naif- 
éctit.  Il  naquit  en  Angleterre  le  1  5  de  Février  l'an   107J.  Son  ^»"<=««ni<'7t- 
père  nommé  (a)  Odeliri  étoit  né  à  Orléans  ,  de  Conftance,. 

(*j  Orderk  Viîdylib.  j  ,  pag.  j7j>  ,  jSo  ,  j8i. 

Gg  iij 


238  O  R  D  E  R  I  C     V  I  T  A  L; 

Citoyen  de  cette  Ville;  mais  étant  paffé  en  Angleterre  avec 
Roger  de  Montgomery,il  s'établit  dans  un  des  Fauxbourgs  de 
Scrobefburi.  Il  eut  trois  enfans  ,  dont  Vital  fut  le  premier. 
L'année  même  de  fa  naiflance  il  reçut  le  Baptême  la  veille  de 
Pâques  à  Ettingesham  dans  l'Eglife  de  faint  Catte  ,  Confeffeur , 
&  fut  nommé  Orderic,du  nom  du  Prêtre  qui  le  baptifa.  Cefî 
pourquoi  il  l'appelloit  depuis  fon  Parein  (  a  ). 
Ses  études.  II.  A  l'âge  de  cinq  ans,  Odeliri  fon  père  le  mit  entre  les 
Il  efl  admis  n^^itis  du  Prêtre  Siwade  ,  pour  apprendre  les  premiers  élémens 

dans  le  Ck  -  '    a  ^    J-  T    1     T  1        •  TI  •  iT- 

gé.  des  Lettres,  c  elt-a-dire,  de  la  Langue  Latme.  11  y  apprit  aulii 

les  Hymnes ,  les  Pfeaumes ,  6c  les  autres  chofes  néceflaires  pour 
remplir  fes  fondions  dans  le  Clergé  de  la  Bafilique  des  faints 
Apôtres,  oii  on  l'avoit  admis.  Cette  Bafilique  netoit  dans  fon 
origine  (  b  )  qu'une  Chapelle  bâtie  de  bois  dans  un  Fauxbourg  de 
Scrobefburi;  Roger,  Seigneur  du  Comté  de  ce  nom  ,  l'avoit 
donnée  à  Odeliri,  qui,  quoique  marié  ,étoit  Prêtre;  &  celui-ci 
avec  le  feccurs  de  fon  Bienfaiteur ,  l'avoit  conftruite  de  pierres  , 
&  convertie  en  un  Monaftere.  La  charte  (  c)  de  la  fondation  par 
le  Comte  Roger  e(l  de  l'an  1082. 
Il  mbralTe       1 1  !•   Orderic  ne  fervit  dans  cette  Eglife  que  jufqu'à  l'âge 

h    profeiTion  (Je  dix  ans  {d).  Alors  fon  père  le  fie   paffer  d'Angleterre  en 

.lonaftique.  jyQfj^^i-jjje  ^  fous  la  Conduite  d'un  jMoine  nommé  Rainald. 
Quoiqu'il  n'eût  point  appris  la  langue  du  Pays  ,  il  fentendoir, 
ôc  en  cela  il  fe  compare  au  Patriarche  Jofeph  ,  à  qui  le  langage 
Egyptien  devint  familier  aufiitôt  qu'il  entra  en  Egypte.  Mainere , 
Abbé  de  faint  Evroul,  reçut  Orderic  avec  bonté,  lui  donna 
l'habit  monaftique  ,  ôc  la  tonfure  cléricale.  Au  lieu  du  nom 
d'Orderie ,  il  voulut  qu'on  l'appellât  Vital ,  du  nom  d'un  des 
Compagnons  de  faint  Maurice,  Martyr,  dont  onfaifoit  la  Fête  le 
jour  qu  il  reçut  la  tonfure,  c'eft-à-dire  ,  le  21  de  Septembre  de 
l'an  1  o85.  Il  fe  fit  aimer  &  confidérer  de  fes  Confrères. 
II  eft  promu       J  V.  N'étant  âgé  que  de  feizc  ans  (  e  )  ,  Serlon  fon  Abbé  le  fît 

fàcrcs  '^^  ordonner  Diacre  par  Gillebert ,  Evoque  de  Lizieux  ;  il  fervit  dans 
ce  grade  pendant  quinze  ans,  au  bout  defquels  il  fut  ordonné 
Prêtre  aux  Quatrc-Tems  de  Décembre  de  l'an  1 107  ,  par  Guil- 
laume ,  Archevêque  de  Rouen  ,  qui  ordonna  le  même  jour 
deux  cens  quarante-quatre  Diacres  ôc  cent-vingt  Prêtres.  Orderig 


(a)  Onlrrir  Viral ,  iih.  i}  ,  paf;.  9X4-  |       (c)  lÀb.  <;  ,  vng.  î79. 
!..  ;;i4.  *      {t  j  Ibid.  pag.  9i-i  y  s;î. 


MOINE    DE    S.    EVROUL.       sjp 

écoit  dans  la  trente-troifiéme  année  de  fon  âge.  Il  en  avoit 
foixante-fept  lorfqu'ii  écrivoit  toutes  les  particularités  de  fa  vie , 
ôcavoit  vécu  àfaint  Evroul,  fous  fix  Abbés,  Mainere  ,  Serlon, 
Roger,  Guarin  ,  Richard  ôc  Rannulfe. 

V.  Ce  fut  par  ordre  de  l'Abbé  Roger   (a)  qu'il  entreprit  Son  Kiftolre 
d'écrire  l'Hifloire  de  fon  tems,  il  la  dédia  à  l'Abbé  Guarin  fon  '-cdeflufti- 
fuccelTeur.  Il  s'appliqua  moins  à  rapporter  les  grands  évenemens  ' 
de  l'Etat ,  que  ce  qui  avoit  trait  aux  affaires  de  lEglife  ;  c'efl  pour 
cela  qu'il  intitula  fon  ouvrage  ,  Hifloiie  Ecclcfiallique.  Il  conce- 
voir bien  qu'il  !a  rendroit  plus  intcrelfante  en  y  failant  entrer  ce 
qui  s'étoit  pailé  de  remarquable  dans  les  Eglifes  de  Rome  & 
d'Orient  ;  mais  fon  vœu  de  fiabilité  dans  le  Monaflere  de  faint 
Evroul ,  &  les  obfervances  de  fon  état ,  ne  lui  permettoient  point 
des  recherches  fi  étendues.  Il  fe  borna  donc  à  la  Normandie ,  & 
aux  Provinces  voillnes,  pour  les  chofes  qui  fe  palTerent  de  fon 
tems:  il  divifa  fonHiftoire  en  trois  tomes  ,  &.  le  tout  en  treize 
Livres. 

V  I.  Dans  le  premier  il  fait  un  précis  des  principaux  évene-  Premier Li- 
mens  ,  depuis  flncarnation  du  Sauveur,  jufques  vers  l'an  1 140  :  Y/'^'^-^'  ^"'' 
il  rapporte  les  ditférens  fentimens des  Anciens  fur  le  nombre  des 
années  qui  fe  font  écoulées  depuis  la  création  du  monde  jufqu'à 
la  nailTance  ôc  la  paillon  de  Jefus-Chrifl ,  puis  entrant  dans  le 
détail  de  fa  vie ,  il  la  donne  ,  en  accordant  les  quatre  Evangelifles 
dans  les  endroits  011  ils  paroiffent  ne  pas  fe  rencontrer  ;  enfuite  il 
parle  de  tous  les  Empereurs,  en  commen<;ant  à  Tibère;  des  Rois 
de  France  &.  d'Angleterre  ;  des  Ducs  de  Saxe  ,  de  Bourgogne  ôc 
de  Normandie  ;  des  fix  premiers  Conciles  généraux  ,  ôc  de 
quelques  Conciles  particuliers.  Il  a  recours  dans  ce  Livre  aux 
écrits  d'Eufebe  de  Céfarée ,  de  faint  Jérôme  ,  du  Sophifte  Hibe- 
rius,  d'Oforius,  de  faint  Ifidore  de  Seville  ,  ôc  du  vénérable 
Bede. 

VII.  Il  commence  fon  fécond  Livre  par  l'abrégé  des  AiSles  Second  ri- 
des Apôtres;  des  Livres  des  Récognitions  qui  portent  fauffe-  vre,p.î^.  3 7 ri- 
ment le  nom  de  faint  Clément;  ôc  de  celui  d'Arator  ,  Soiidiacre 
de  l'Eglife  Romaine  ,  qui  a  mis  en  vers  les  Ades  des  Apôtres  , 
les  combats  ôc  les  fouffrances  de  faint  Paul.  Ce  qu'il  dit  de  faint 
André  ,  il  l'avoit  tiré  d'un  Livre  dont  il  ne  connoiflbit  pas  l'Au- 
teur ;  c'étoient  les  actes  que  nous  avons  fous  le  nom  des  Prêtres- 


(  a)  Lib.  I ,  in  prafat,  fcg.  Jii, 


540  O  R  D  E  R  I  C    V  I  T  A  L; 

îv-  6c  des  Diacres  d'Achaïe.  Il  cite  pour  l'hiftoire  de  faint  Jean,  le 

f  ;  faux  Meliton  ;  ôc  fur  le  martyre  de  faint  Jacques ,  frère  du  Sei- 

Tr"  ■  gneur  ,  les  Commentaires  d'Egefippe.  Après  avoir  donné  la  vie 

•lî;-i'  des  autres  Apôtres,  &  de  quelques-uns  de  leurs  Difciples,  il 

'r.-  donne  la  fuite  des  Papes ,  depuis  faint  Pierre  jufqu'à  Innocent  II. 

qui  fut  élu  en  1 1  jo,  prenant  dans  les  fauffes  Décretales  ce  qui 
concerne  les  Papes  des  fix  premiers  fiécîes. 
Livre  troi-  VIII.  Le  troiliéme  Livre  a  une  préface  ,  dans  laquelle 
^■"^  »  P^^'  Orderic  avertit  que  fes  Maîtres  lui  ont  ordonné  de  rapporter  les 
évenemens  de  la  guerre  des  Normands  dans  la  France  ,  1  Angle- 
terre, la  Pouille  ,  les  fondations  des  Monafteres  ,  la  fuite  des 
Evêques  ôc  des  Abbés  dans  prefque  toute  la  Neuftrie  ,  ôc  les 
chofes  mémorables  du  règne  de  Guillaume  II.  furnommé  le 
Bâtard  ôc  le  Conquérant.  Il  entend  par  Neuftrie ,  ce  que  nous 
appelions  la  Normandie,  ôc  on  la  nommoit  ainfi  de  fon  tcms.  Il 
compte  pour  le  premier  Duc  de  Normandie,  depuis  l'invafion 
des  Danois,  RoUon  qui  fut  baptifé  par  Francon  ,  Archevêque 
de  Rouen  ,  en  p  i  2  ,  ôc  renonça  avec  toute  fon  Armée  au  culte 
des  Idoles  ;  les  Ducs  fes  fuccelTeurs  furent  Guillaume  L  Richard 
I.  Richard  II.  Robert.  I.  Orderic  raconte  dans  fon  troifiéme 
Livre  ce  qui  fe  paffa  fous  leur  gouvernement.  11  donne  de  grands 
éloges  à  Thierri ,  Abbé  de  faint  Evroui  fous  le  Duc  Guillaume  : 
ia^.  470.  il  fçavoit  fe  faire  aimer  des  bons ,  ôc  craindre  des  méchans.  Aifidu 
à  la  prière,  il  aimoit  auffi  le  travail  des  mains;  il  réufùflbit  à 
tranfcrire  des  Livres  ;  un  art  fi  utile  ne  pouvoit  erre  trop  mis 
en  pratique  ,il  l'enfeigna  aux  jeunes  Religieux  de  fon  \Ionallere> 
oii  l'on  vit  par  ce  moyen  fe  former  une  aombreuR'  Bibliothèque. 
Outre  les  Livres  d'Églifc  ,  les  miffels  ,  les  ledionnaires  ,  les 
antiphonaaires  ,  les  graduels,  il  copia  lui-même,  ou  fit  copier 
tous  les  Livres  de  l'Ecriture  fàinte,  les  ouvrages  de  faint  Gré- 
goire^ de  faint  Jérôme^  de  faint  Auguftin,  de  faint  Ambroife, 
de  faint  liidore,  d'Eufebe ,  d'Orofe  ,  ôc  de  plufieurs  autres 
Docteurs  de  l'Eglife.  Cet  Abbé  avoit  coutume  de  dire  à  fes 
Moines  qu'il  vouloit  préferver  des  tentations  du  démon  :  Priez, 
lifez ,  pfalmodiez,  écrivez,  ou  appliquez-vous  à  quelqu'autre 
ouvrage  femblable. 
livre  qur-  1  X.  Guillaume  II.  fucceda  à  Robert  dans  le  Duché  de  Nor- 
iricme  p.i^.  candie  en  io56,  puis  il  conquit  l'Angleterre,  dont  il  fe  fit 
*°^"  couronner  Roi  après  la  mort  d'Harold.  L'hiftoire  de  ce  Con- 

quérant, ôc  des  grands  Hommes  qui  fieurirent  fous  fon  règne, 
fait  la  matière  du  quatrième  Livre.   On  y  trouve  la  réponfe 

édifiante 


MOINE    DE    S.    E  V  R  O  U  L.      2^1 

ëd'ifiantcque  Guitmond ,  Moine  de  la  Croix  de  faint  Leufroi  au 
Diocèfe  d'Evrcux ,  rit  à  ce  Prince  qui  le  preflbit  d'accepter  un 
ïLvèché  en  Angleterre.  Sa  niodeftie  fut  admirée  de  toute  la 
Cour ,  ôcle  Roi  lui  permit  de  retourner  à  fou  Monaftere. 

X.  Orderic  continue  dans  le  cinquième  Livre  l'hiftoire  du     .f'^'f^  "<*' 

--    -'  '    -  '  —  qmer""     "•■' 


règne  de  Guillaume  IL  II  y  rapporte  le  teftament  que  Roger  *^"'  '""■'  ^^^' 


de  Montgomeri  ,  Comte  de  Scrobelturi  ,  fit  en  faveur  du 
Monaftere  de  faint  Evroul ,  ôc  le  difcours  qu'Odeliri  fon  père 
fit  à  ce  Seigneur  pour  l'engager  à  fonder  l'Abbaye  de  faint  Pierre 
à  Scrobefburi  :  Odeliri  y  donna  lui-même  la  plus  grande  partie  P.;^.  ^19» 
de  fon  bien ,  y  confacra  à  Dieu  Benoît  fon  fécond  fils ,  ôc  y 
embralTa  la  vie  monaftique.  On  trouve  dans  le  même  Livre  plu- 
fieurs  Chartes  de  donations  faites  à  des  Monafteres ,  furtout  à 
celui  de  faint  Evroul. 

X  L  Celle  que  lui  fit  Guillaume  le  Conquérant  cft  rapportée     Livre  lîxié- 
dans  le  fixiéme  Livre.  Orderic  y  demande  pardon  à  fes  Lecteurs  ^  /oz. 
de  les  avoir  entretenu  Ç\  long-tems  des  bienfaits  dont  tant  de 
pcrfonnes  avoient  enrichi  cette  Abbaye  ;  ôc  dit ,  qu'en  cela  il  n'a 
eu  d'autre  intention  que  d'engager  les  Moines  fes  fuccelfeurs ,  à 
fe  fouvenir  de  leurs  Fondateurs  ôc  Bienfaiteurs  dans  leurs  prières. 
Il  donne  enfuite  la  vie  de  faint  Evroul  fur  les  mémoires  qu'en  Vag.  60t. 
avoient  laifTés  ceux  qui  l'avoient  connu  ,  ôc  celle  des  Abbés 
qui  avoient  gouverné  ce  Monaftere  depuis  la  mort  du  Saint. 

XII.  Le  feptiéme  Livre  préfente  d'abord  une  fuite  des  Rois   .^Livre  fep- 
de  France,  depuis  Pépin  julqu'à  Henri  fils  de  Robert,  ôc  les  ^'^""^  '  P"^' 
diverfes  révolutions  arrivées  dans  le  Royaume  de  la  part  des 
"Wandales.des  Normands  ôc  des  Saxons ,  les  guerres  entre  les 

Ducs  de  Bourgogne  ôc  les  Rois.  Viennent  enfuite  les  différends 
de  Henri  IV,  Roi  d'Allemagne  ,  avec  le  Pape  Grégoire  VII. 
Les  tentatives  de  Robert  Guifcard,  Duc  de  Fouille,  fur  l'Em- 
pire d'Orient.  Orderic  met  la  mort  de  ce  Prince,  qu'il  regardoit 
comme  un  des  plus  grands  Héros  de  fon  fiécle  ,  en  1 08  5- ,  ôc  dit , 
que  Robert  s'y  difpofa  par  la  confelfion  de  fes  péchés,  ôc  la 
communion  falutaire  de  l'Euchariftie.  Il  rapporte  aufiî  la  mort  de 
la  Reine  Mathilde  ,  ôc  celle  du  Roi  Guillaume  fon  époux  ; 
rhiftoire  de  la  tranfiation  des  Reliques  de  faint  Nicolas ,  de 
Myre  àBari;  ôc  de  l'enlèvement  d'un  bras  du  Saint ,  enchâfié 
dans  un  reliquaire  d'or  ôc  d'argent,  par  Eftienne,  Chantre  du 
Monafterede  faint  Nicolas  à  Angers. 

XIII.  Robert  II.  fucceda   à  Guillaume  fon  père  dans  le     Lîvre  huî-- 
Duché  deNormandie,ôc Guillaume  le  Roux  dans  le  Royaume  "^'"^  ,  pag. 

Tome  XX IL  H  h  '''• 


i42  ORDERIC    VITAL, 

d'Angleterre.  Henri,  qui  étoit  le  troifie'me  fils  de  Guillaume  le 
Conquérant,  n'eut  que  de  l'argent  en  partage.  Ils  eurent  foin 
d'orner  fuperbement  le  tombeau  de  leur  père  ;  mais  ils  n'imi- 
tèrent ni  fa  piété ,  ni  fon  attachement  à  l'Eglife.  Orderic  rapporte 
leurs  principales  atlions  dans  le  huitième  Livre. 
Livre  neu-      XIV.  11  décrit  dans  le  neuvième  l'hiftoire  de  la  première 
Tïéme  ,  pjg.  Croifade,  fous  le  pontificat  d'Urbain  II.  &  de  Pafchal  IL  Elle 
^^^'  avoir  été  écrite  en  quatre  Livres  par  Baudrie,Evêque  de  Dol, 

qui  la  conduifoit  depuis  le  départ  des  Croifés ,  jufqu'à  la  première 
guerre  qui  fuivit  la  prife  de  Jerufalem.  D'autres,  Grecs  &  Latins, 
travaillèrent  fur  le  même  fujet  ;  mais  Orderic  croyant  l'hiftoire 
de  l'Evêque  de  Dol  plus  fincere,  s'y  attacha,  en  abrégeant  ce 
qui  lui  paroilToit  trop  diffus ,  ôc  en  ajoutant  quelques  circonftan- 
Pag.  720.  ces  intércffantes  qui  lui  avoient  échappé.  Il  remarque  que  l'em- 
preffement  pour  la  Croifade  étoit  fi  général ,  qu'il  n'y  avoit  pas 
jufqu'aux  femmes  ôc  aux  enfans  qui  ne  fe  préfentafient  ;  que  les 
Seigneurs  vendoient  ou  engageoient  leurs  Châteaux  &  leurs 
Terres,  même  à  vil  prix  ;  que  chacun  quittoit  ce  qu'il  avoit  de 
plus  cher ,  femme  ,  enfans  ,  père  ôc  merc  ;  que  les  voleurs  même 
&  les  fcélérats  confeflbient  leurs  péchés,  efpérant  les  expier  par  la 
guerre  fainte. 
Livre  dixic-  XV.  La  Ville  de  Jerufalem  fut  prife  par  les  Croifés  quel- 
le,pdg.jei.  ques  jours  avant  la  mort  d'Urbain  II.  arrivée  le  vingt-neuvième 
de  Juillet  1099.  L'Antipape  Clément  étoit  mort  quelque  tems 
auparavant.  Henri  IV.  mourut  le  feptiéme  d'Août  1106  aban- 
donné de  tous  fes  amis ,  &  excommunié.  Son  corps  que  font 
avoit  d'abord  inhumé  dans  une  Eglife  de  Liège,  fut  déterré  & 
mis  en  un  lieu  prophane.  Henri  V.  fon  fils  &  fon  fucceffeur , 
imita  la  tyrannie  de  fon  père;  il  fit  des  vexations  fur  fes  Peuples 
&  fur  le  Clergé ,  affiéga  Rome ,  y  répandit  beaucoup  de  fang ,  fe 
faifit  du  Pape,  obtint  de  lui  tout  ce  qu'il  voulut,  notamment 
une  conceflion  des  inveftitures.  Le  Pape  Pafchal  fe  trouvant  en 
liberté  aflembla  un  Concile  ,  où  de  l'avis  des  plus  habiles  Jurif- 
confultes  ,  l'on  cafia  tout  ce  qu'il  avoit  accordé  malgré  lui  à  es 
Prince.  Après  avoir  raconté  ce  qui  fc  fit  en  cette  occafion  , 
Orderic  vient  à  ce  qui  fe  pafia  dans  le  même  tems  en  Angleterre , 
dans  la  Normandie  &  au  Mans  ;  puis  il  reprend  l'hiftoire  de  la 
Croifade  ,&  retourne  enfuite  à  celle  de  Normandie  ôc  d'Angle- 
terre. Il  finit  fon  dixième  Livre  par  la  prife  deBoèmond  ,  Prince 
d'Antioche,  ôc  fa  délivrance  par  le  moyen  de  Mclaz,  ûUe  du 
Prince  d'Aiimann. 


MOINE    DE    S.    E  V  R  O  U  L.       245 

XVI.  L'onzième  Livre  continue  Thiftoice  delà  Croifade;    Livroon/î?- 
mais  il  eft  employé  particulièrement  à  faire  connoître  l'e'tat  de  la  '"^'F''^'^"*' 
ISIormandicôc  de  l'Angleterre,  fous  le  règne  des  deux  enfans  de 
Guillaume  le  Conquérant ,  Robert  ôc  Henri.  Il  y  eft  parle  aulîi 

de  la  venue  du  Pape  Pafchal  en  France  ;  de  la  mort  du  Roi 
Philippe,  ôc  de  fon  riis  Louis  fonfucceiTeur  ;  defaint  Anfelme, 
Archevêque  de  Cantorberi  ;  de  Plugues  ,  Abbé  de  Cluni ,  ôc  de 
plufieurs  Evêques  de  réputation.  Orderic  remarque  que  le  Roi 
Philippe  fe  voyant  près  de  fa  fin ,  aflembla  les  Seigi>eurs  de  fa 
Cour  qu'il  aimoit  le  plus  ,  6c  leur  dit  :  Je  fçai  que  la  fépulture  des 
Rois  eft  à  faint  Denis  ;  mais  en  confidérant  le  grand  nombre  de  Paj.  83^ 
mes  péchés  ,  je  n'ofe  me  faire  enterrer  auprès  du  corps  d'un 
Martyr  fi  rcfpeâable  ,  de  peur  qu'en  punition  de  mes  fautes  ,  je 
ne  fois  livré  au  démon ,  ôc  qu'il  ne  m'arrive  ce  qu'on  dit  être 
arrivé  à  Charles- Martel  :  J'aime  faint  Benoît ,  j'invoque  humble- 
ment le  pieux  Père  des  Moines,  ôc  je  défire  être  inhumé  dans 
l'Eglife  bâtie  fous  fon  nom  furlaLoire.il  eft  bon  ôc  clément , 
&  reçoit  avec  bonté  tous  les  pécheurs  qui  défirent  de  fe  corriger , 
&  de  fe  réconcilier  avec  Dieu  en  obfervant  fa  règle.  Ce  Prince 
fut  donc  enterré,  félon  fes  défirs,au  Monaftere  de  Fleury-fur- 
Loire,  entre  le  Choeur  ôc  l'Autel,  la  quarante-feptiéme  année 
de  fon  règne ,  de  Jefus-  Chrift  i  1 08. 

XVII.  On  trouve  dans  le  douzième  Livre  la  fuite  de  Livre  dou- 
l'hiftoire  d'Henri ,  Roi  d'Angleterre;  fes  démêlés  avec  Louis,  ^"^'"'^  »  F"^* 
Roi  de  France  ;  les  a6les  du  Concile  de  Reims  en  1  n  9  ,  auquel 

le  Pape  Callixte  H.  préfida;  ceux  du  Concile  de  fvlouzon ,  la 
Lettre  de  Roger,  Abbédefaint  Evroul,à  Henri ,  Roi  d'Angle- 
terre ,  par  laquelle  il  le  prie ,  à  raifon  de  fon  grand  âge  ôc  de  fes 
infirmités,  de  le  décharger  du  gouvernement  de  ce  Monaftere, 
ôc  de  le  donner  à  un  autre  ;  la  permillion  que  ce  Prince  accorda  à  p^i^.  873. 
la  Communauté  de  fechoifir  un  Abbé; l'ordre  du  Roi  à  l'Evêque 
de  Lifieux  ,  aux  Comtes  ôc  aux  Barons  de  Normandie  de  recon- 
noître  pour  Abbé  ,  Guerin  qui  avoir  été  élu  par  les  Moines  de 
faint  Evroul ,  ôc  de  le  laifiîer  jouir  paifiblement  de  tous  fes  droits  ; 
ôc  plufieurs  autres  évenemens  depuis  l'an  1 1 1 8  jufqu'en  i  1 3 1  , 
qui  fut  l'année  de  la  mort  du  Pape  Honorius ,  ôc  de  i'életlion 
d'Innocent  IL 

XVIII.  Orderic  raconte  dans  le  treizième  Livre  ce  qui  fe     LVre  «cî- 
paffa  dans  la  guerre  qu'Hildephonfe  ,  Roi  d'Arragon  ,  eut  à  'itme. 
foutenir  contre  les  Sarrafins  ;    les    fuites  fâcheufes  du  fchifme 
occafiomié  par  l'éledion  de  deux  Papes  en  mcme-tems ,  Inho- 

Hh  jj 


244  O  R  D  E  R  I  C    V  I  T  A  L , 

cent  II.  ÔC  Anaclet  II.  Les  calamités  dont  on  fut  affligé  en 
divers  endroits  l'an  1 1 54  &  1 1 36  ;  la  mort  de  Louis ,  Roi  de 
France  ;  ôc  de  Henri ,  Roi  d'Angleterre.  Il  fait  de  ce  dernier  un 
grand  éloge,  &  rapporte  fon  épitaphe.  Eftienne  de  Boulogne, 
neveu  de  Henri,  lui  fucceda  dans  le  Royaume  d'Angleterre. 
Son  règne  fut  troublé  par  la  révolte  de  quelques  Seigneurs  vers 
l'an  1 141.  Le  jour  qu'il  devoir  leur  livrer  bataille  ,  il  entendit 
la  MefTe  ;  le  Cierge  béni  qu'il  tenoit  en  main  fe  rompit  ôc  tomba 
trois  fois.  Ceux  qui  s'en  apperçurent  en  tirèrent  un  mauvais 
augure  ,  que  l'événement  vérifia.  La  victoire  tourna  du  côté  des 
rébelles ,  ôc  le  Roi  fut  fait  prifonnier. 
ju??mfr.t       XIX.  Telle  eft  en  fubflance  l'HiftoireEccleliaftique  d'Or- 

«^f  l'H'.'^^''"''  det'jf.  Vital.  Quoiqu'il  y  ait  peu  d'ordre  ôc  de  méthode  ,  ôc 
plufieurs  fautes  de  chronologie  (a),  elle  eft  néanmoins  fort 
mtéreffante  par  le  grand  nombre  de  faits  qu  elle  contient  ôc  qu'on 
ne  trouve  point  ailleurs  ,  du  moins ,  Ci  bien  détaillés.  Elle  eft 
encore  recommandable  par  fon  air  de  naïveté  ôc  de  fincerité.  Il 
paroît  que  l'Auteur  revit  fon  ouvrage  après  l'avoir  achevé.  Car 
en  finiliant  le  premier  Livre  ,  il  dit  qu'alors  Lothaire  regnoit  en 
Allemagne  ,  Louis  en  France  ,  Eftienne  en  Angleterre  ,  Jean , 
fils  d'Alexis,  à  Conftantinople,  Cependant  l'Empereur  Lothaire 
ne  mourut  qu'en  11^6  ;  Ôc  Orderic  ne  finit  fon  treizième  Livre 
qu'en  1 142  ,  dans  le  tems  qu'Eftienne  ,  Roi  d'Angleterre,  étoit 
détenu  en  prifon  ;  ôc  au  commencement  de  ce  Livre ,  il  fait 
mention  de  la  mort  de  l'Abbé  Guerin  ,  à  qui  il  avoir  dédié  fon 
Pag.  910,  Ouvrage.  Il  compte  dans  le  même  Livre  deux  autres  Abbés 
depuis  Guerin  ,  fçavoir  Richard  ôc  Rannulfe.  Tout  cela  fait 
voir ,  qu'après  avoir  fini  fon  hiftoircj  il  mit  à  la  fin  du  premier  un 
précis  des  principaux  évenemens  qu'elle  renfermoit. 
EJition  de       ^  ^'  François  de  la  Croix  avoir  promis  de  la  mettre  au  jour  ; 

cetteHiftoire.  ©n  ne  fçait  quelloTaifon  l'a  empêché  de  tenir  fa  promefle.  André 
Duchefne  y  a  fuppléé  ,  en  lui  donnant  place  dans  fon  Recueil 
des  Hiftoriens  de  Normandie,  imprimé  à  Paris  en  i(îip  chez 
Scbaftien  Cramoify,  in-fol.  fur  trois  manufcrits ,  dont  l'un  étoit 
de  M.  Bigot.  Il  y  a  ajouté  par  forme  d'appendice  l'hiftoire  ano- 
nyme du  Roi  Eftienne,  fucceffeur  de  Henri  dans  le  Royaume 
d'Angleterre,  écrite  par  un  Auteur  contemporain;  une  Chro- 
nique aufli  anonyme,  depuis  l'an  1  i  jp  jufqu'cn  i  2j^  ;  une  autre 
Chronique  de  faint  Eftienne  de  Cacn  ,  qui  commence  à  l'an 

(a;  f'.^:  (id  .in,  U4'  >  «"'".  7  ,  '^-itu.^r..  :om.  4  ,  Aiin.i'..  -çag,  345  ,51'),  î^j. 


MOINE    DE    S.    E  V  R  O  U  L.       247 

(Î53  ,  6c  finit  en  1275  ;  divers  Catalogues  des  Seigneurs  de 
Normandie,  qui  fuivirentle  Roi  Guillaume  en  Angleterre ,  ÔC 
rei^urent  de  lui  des  Fiefs  dans  ce  Royaume  ;  les  noms  des  Che- 
valiers qui  portoient  les  Bannières  en  Normandie  6c  dans  les 
autres  Provinces  de  France  ;  plufieurs  Cliartes  des  Ducs  de 
Normandie  ÔC  des  Rois  de  France,  avec  quelques  autres  pièces 
pour  fervir  à  Ihiftoire  de  France  6c  d'Angleterre.  On  ne  dit 
point  en  quelle  année  Orderic  Vital  mourut  ,  mais  il  nous 
apprend  lui-même  (a) ,  qu'il  n'avoit  que  foixantc-fept  ans  lori- 
qu'il  acheva  fon  hifioire. 

G  II  A  P  I  T  R  E     X  V. 

Su  G  E  R  3    Abbé  de  Saint  Denys  ,    Minijire  d'Etat , 
&  Régent  du  Royaume  de  France. 

I.  T^  O  u  s  ces  titres  que  Thifloire  donne  à  Suger  ,  font  bien  NalfTmce 
J^  voir  qu'on  peut  parvenir  aux  premières  dignités  ,  fans  'je  Su?,cr.  Son 
Être  de  naiiïance  illuflre  ;  ôc  qu'il  ell  des  hommes  de  baffe 
extraction,  qui  ont  par  la  force  ôc  l'étendue  de  leur  efprit  mérité 
ÔC  rempli  avec  honneur  les  Charges  les  plus  éclatantes  de  l'Etat. 
Né,  comme  on  le  croit  (6),  dans  la  Ville  de  faint  Denys  ,  il  fut 
de  bonne  heure  offert  à  Dieu  par  Elinaud  fon  peve  ,  homme  fans 
nom  ,  dans  le  Monafiere  litué  au  même  lieu.  C'étoit  en  1 102  , 
fous  l'Abbé  Adam.  Suger  y  fut  élevé  avec  Louis  VI.  qui  l'honora 
dans  la  fuite  de  fa  bienveillance. 

II.    Après   avoir   pris   quelque   teinture  des    Lettres   dans     II  va  étudier 
l'Abbaye  de  faint  Denys  ,  l'Abbé  Adam  qui  remarquoit  en  lui  ^^^^  ^^  ^'^' 
de  l'efprit  ôc  des  difpofitions  pour  les  Sciences  [c),  l'envoya  ^^"* 
faire  fes  humanités  dans  une  Ecole  famcufe   aux  environs  de 
Tours  ôc  de  Poitiers,  mais  affcz  près  de  Fontevrauld  ,  dont 
l'établiffement  étoit  tout  récent.  Il  aima  toujours  depuis  cette 
Maifon  ,  ôc  pria  le  Pape  Eugène  de  la  prendre  fous  fa  protection. 


(  (j  )  Ordtric ,  infnc  Uh.  1 3  ,  G'  i/i  limine 
XL  pag.  80 î. 

(0  )  Mibilion.  lib.  70 ,  Annd,  num.  z  i  ^ 
&•  Suger.  in  tejia.i.tnt. 


(c)  Ihid.  v>   tom.  4.  Duclitfiio  ,  }'ag. 

{12. 


H  h 


l'J 


24<?  s    U    G    E    R; 

De  retour  à  faint  Denys ,  il  y  acheva  fes  études  de  philofophie 
ôc  de  théologie. 
Il  eil  fait       III.  Ses  études  ordinaires  ne  i'empêchoient  pas  de  feuilleter 

Prevot  de  quelquefois  les  Archives  de  l'Abbaye.  11  s'appliquoit  furtout  à  la 
difculfion  des  Chartes  (  a  )  qui  en  contenoient  les  privilèges  Ôc  les 
immunités;  ce  qui  le  mit  en  état  d'en  prendre  la  défenfe  en  i  1 07 
contre  Guaion  ,  Evêque  de  Paris  ,  en  préfence  du  PapePafchal 
II.  Jeune  encore  ,  on  lui  donna  la  Prévôté  deToury  ,Ia  plus 
confiderabJe  de  l'Abbaye  de  faint  Denys,  fituée  dans  la  Beaufle. 
Il  eut  beaucoup  à  fouffrir  pour  défendre  ce  lieu  des  vexations 
des  Seigneurs  de  Puifet  ;  ôc  il  ne  trouva  pas  de  meilleur 
MiMlon.  expédient ,  que  défaire  caufe  commune  contr'eux  avec  les  Sei- 

Zii.  7i ,  nwn.  gj^g^-g  yQ^fn-jg  ^  &  de  Ics  oxiter  contre  ceux  de  Puifet. 
Suger  airifte       IV.  En  I  I  o5  il  afiifla  au  Concile  tenu  à  Poitiers  par  Brunon  , 

aux  Conciles    gy^que  de  Segni  &  Cardinal.  Il  dit  lui-même  qu'il  étoit  revenu 

dctxÇims  ix.  (le  .  i/if"  \  ■AVI" 

Latraji.  tcut  récemment  des  études.  Six  an?  après  j  c  eir-adirej  en  1 1 12, 

il  fut  préfent  à  celui  que  le  Pape  Pafchal  II.  affembla  à  Rome , 
pour  fe  purger  des  calomnies  (  b  )  que  l'on  répandoit  fur  fa  con- 
duite ôc  fur  fa  doctrine  au  fujet  des  inveRitures  qu'il  avoit  accor- 
dées par  contrainte  au  Roi  Henri.  Ceft  de  Suger  que  nous 
apprenons  une  partie  de  ce  qui  fe  pafla  à  Cliâlons-fur-Marne 
entre  le  Pape  Pafchal  II.  ôc  les  Ambafiadeurs  de  l'Empereur 
Henri  en  1  107  ,  parce  qu'il  y  étoit  préfent  (c  )  avec  Adam  fon 
Abbé.  Ils  fuivirent  l'un  ôc  l'autre  le  Pape  au  Concile  de  Troyes. 
lieftchoilî  V.  Geîafell.  fuccefl'eur  de  Pafchal  II.  étant  arrivé  en  Pro- 
Abbc  de  faint  yencc  Tan  1 1 1 8  ,  dans  le  deflein  de  pafler  plus  avant  dans  le 
wllV  "  Royaume,  le  Roi  Louis  envoya  au-devant  de  lui  {à)  Suger 
chargé  de  préfens.  Il  fut  encore  envoyé  en  Italie  par  le  même 
Prince  en  1122  pour  quelques  affaires  d'Etat.  En  chemin 
il  apprit  la  mort  de  l'Abbé  Adam,  6c  qu'on  l'avoit  élu  pour  fon 
fucceffeur.  Le  Roi  Louis  défaprouva  d'abord  cette  élection  , 
parce  qu'elle  avoit  été  faite  fans  fon  agrément  ;  mais  enfuitc  il  la 
confirma.  Suger  n "étoit  alors  que  Diacre.  Il  reçut  la  Prêtrife  le 
famedi  de  la  quatrième  feniaine  de  Carême  ,  6c  le  lendemain  la 
Bénédidion  Abbatiale  de  la  main  de  l'Archevêque  de  Bourges  , 
devant  le  Corps  de  faint  Denys.  Il  étoit  dans  la  quarantième 
année  de  fon  âge. 

(  (I  j  Mabillon.  lib.  70  ,  Annal,  num.  i  1  ,  >       (  l>  )  MablUon.  lib,  7 1  ,  Annul.  num.  1 3 , 
&  Hu^cr.    Lud.  l'Ud,  tcm,  i.  Du.helpc,  j  Cr  lib.  72.  num.  i\. 

yng.  18^.  1       ^  '^  ■'  ^'^^'  ''""  ^'■'^"^'-  V^^-  ^^^  '  *'°* 

t      (  d)  Ludoïknita, pti^.  jo^,  5 10  6"  j  1 1. 


ABBÉ     DE    S.     D  E  N  Y  S ,  &c.        m7 

V  I.  L'année fuivante  1 1 23  ,  le  Pape  Callixte  II.  tint  à  Rome      n  afTifte  au 
dans  le  Palais  de  Latran  un  Concile  o,énéral  de  plus  de  trois  cens  ^«"^'''K^""^- 

111'  A  1  1    '       <-■  11  ^     '31  tic  Latran 

Eveques  ,  ôc  de  plus  de  iixcens  Abbes.  ouger ,  que  ce  Pontife  en  ii2j. 
aimoit ,  y  alla  (  a  ) ,  &  fit  un  féjour  de  fix  femaines  en  cette  Ville  , 
carefle  de  toute  la  Cour ,  ôc  logé  dans  le  Palais  duPape.  En  i  1 24. 
il  fc  mit  encore  en  chemin  pour  Rome,  invité  par  Callixte  IL 
mais  il  apprit  en  Tofcane  la  mort  de  ce  Pape.  L'année  fuivante 
il  fe  trouva  à  l'alTemblée  de  Mayencc,  où  Lothaire  ,  Duc  de 
Saxe  ,  fut  choifi  Empereur.  Il  y  lit  en  préfence  de  l'Archevêque 
de  cetteVille(t)  un  accommodement  avec  le  Comte  Maynard  , 
qui  pour  les  maux  faits  à  l'Abbaye  de  faint  Denys  ,  étoit  excom- 
munié ,  &  leva  enfuite  l'excommunication.  L'accommodement 
confilloit  dans  la  cefîion  du  Prieuré  de  Celle ,  Diocèfe  de  Metz  , 
à  l'Abbé  ôc  aux  Moines  de  faint  Denys. 

VII.  L'Abbé  Suger  étoit  Confeiller  d'Etat  en  1 14.1  (c) ,  avec       Tl  e([  ftit 
l'Evêque  de  Soiffons  ;  mais  en  1147,  quelque  teins  avant  le  ^.p"''^''^rR  ■ 
départ  du  Roi  Louis  pour  la  Croifade  ,  il  fut  choifi  Régent  du  gent'. 
Royaume ,  de  l'avis  des  Evêques  ôc  des  grands  Seigneurs.  Il 
n'accepta  la  Régence  qu'après  un  ordre  exprès  du  Pape  Eugène 

III.  6c  l'on  n'eut  pas  fujet  de  fe  repentir  de  la  lui  avoir  confiée. 
Habile  dans  les  affaires  ,  fage  ôc  prévoyant  dans  le  gouvernement , 
prudent  dans  fes  entreprifes  ,  défintéreflé  dans  le  maniement  des 
Finances  ,  équitable  ,  mais  ferme  dans  l'adminiflration  de  la 
jultice  ,  il  étoit ,  félon  l'exprelTion  de  faint  Bernard  (  d  )  ,  l'ami  du 
Roi  ôc  du  Royaume. 

VIII.  On  verra  dans  l'article  du  Pape  Eugène  III.  combien      II  met  h 
l'Abbé  Suger  fe  donna  de  mouvemens  pour  mettre  la  réforme  à  ^/}°^"^^^  f 

r  •  r>  >         •  Tl  \     r  ■  •     \  \  11.  iaiiue    Gcne- 

lamte  (jenevieve.  11  eut  beloin  pour  en  venir  a  bout ,  de  1  auto-  vieve  &  à  S. 
rite  du  Pape  ,  ôc  de  celle  du  Roi,  dont  il  étoit  dépofitaire  Dcv-- 
pendant  l'abfence  de  ce  Prince.  Il  s'étoit  réformé  lui-même  dès 
l'an  1130  (e)  ,  ôc  obligé  les  Moines  de  faint  Denys  à  fuivrc 
fon  exemple.  Saint  Bernard  qui  lui  avoir  fans  doute  infpiré  du 
mépris  pour  la  vie  faftueufe  ôc  toute  féculicre  quil  menoit  aupa- 
ravant ,  le  félicita  de  fon  changement  (/)  ,  ôc  de  celui  qu'il  avoit 
apporté  à  fon  Monafîere  ,  en  y  faifant  revivre  par  fes  difcours  ôc 
par  fon  exemple  la  difcipline  la  plus  exa£le.  Il  fut  aufli  choifi  eii 


(a)  Luifcivic.  rira,  pa^.  jii  ,  3  ri,        i       (  tf)  Bernard  ,  ffi/?.  377. 

(S)   Mabilhn.  lib.   74,    Annal,  num.  I       (f)   A'.alilkn.  iib.1%  ,  num.  fo. 


ï'M.  I       ^/)  BiriurJ,  epljl.  ?«• 

(  c  )  Bcrnar  J  ,  .fjl. 


248  S    U    G    E    R  , 

1 1  jo  par  le  Pape  Eugène  III.  ôcle  Roi  Louis ,  pour  (a)  mettre 
la  réforme  dans  l'Eglile  de  faint  Corneille  de  Compiegne  ;  ce  qui 
ne  fe  put  faire  qu  en  faifant  fortir  les  Chanoines  ,  ôc  en  leur 
fubftituant  des  Moines  de  faint  Denys. 
Il  tombe       I X.  Sur  la  lin  de  la  même  année ,  Suger  fut  attaqué  (  b  )  d'une 

malade  ;  va  fiévre,qui  lui  Ht  envifager  fa  lin  comme  prochaine.  Alors  il  de- 

de  s'Ahnin"  ^landa  quon  le  conduifit  au  Chapitre  ^  où  après  quelques  mots 
d  ediHcation  ,  il  fe  profterna  aux  pieds  de  fes  Religieux  ,  6c  les 
pria  de  lui  pardonner  les  fautes  qu'il  avoir  commiles  contreux  ; 
ce  qu'ils  lui  accordèrent  les  larmes  aux  yeuv.  Il  avoit  fait  quelque 
tcms  auparavant  le  pèlerinage  de  faint  Martin  de  Tours  ;  6c 
voyant  qu'il  ne  pouvoit  faire  celui  de  Jérufalem ,  quoiqu'il  en 
eut  la  dévotion  ,  il  en  chargea  un  des  principaux  Seigneurs 
François,  à  qui  il  fournit  tous  les  frais  du  voyage.  Pendant  fa 
maladie  ,  il  difoit  fouvent  la  Méfie  ;  ôc  ne  pouvant  quelquefois 
fe  foutenir  lui-même  ,  il  fe  faifoit  aider  de  fes  Confrères. 
Mon   de       X.  Saint   Bernard  le  fçachant  en  danger  de  mort  (c) ,  lui 

Suger eniryi,  écrivit  une  Lettre  pleine  de  tendrede  ôc  de  pieté  ,  pour  l'encou- 
rager à  cette  dernière  heure,  ôc  lui  témoigner  l'on  défir  de  le 
voir  encore  6c  de  recevoir  fa  bénédiction.  Suger  lui  répondit  en 
des  termes  qui  marquoient  le  peu  de  cas  qu'il  faifoit  d'un  plus 
long  féjourfur  la  terre  ;  fon  défir  fincere  d'aller  au  plutôt  à  Dieu  ; 
fa  confiance  dans  la  feule  mifericorde  de  Dieu  ,  ôc  dans  les 
prières  du  faint  Abbé  de  Clairvaux  ôc  de  toute  fa  Congrégation. 
Il  en  écrivit  une  autre  au  Roi  Louis  pour  lui  recommander 
l'Eglife  de  faint  Denys ,  affurant  ce  Prince  ,  que  de  fon  côté  il  le 
recommandoit ,  ôc  fon  Fvoyaume  à  Dieu.  Ces  deux  Lettres  nefe 
trouvent  que  dans  les  Annalles  de  l'Ordre  de  faint  Benoît. 
Quoique  Suger  vît  avec  joie  approcher  la  mort ,  il  fouhaitoic 
néanmoins  qu'elle  n'arrivât  qu'après  les  Fêtes  de  Noël ,  pour  ne 
pas  en  troubler  h  joie  par  des  cérémonies  funèbres.  Il  ne  mourut 
que  le  treize  de  Janvier  i  i  ^^  i . 
Eloge   de       X I.  Guillaume  ,  Moine  de  faint  Denys  ,  qui  avoit  afiTiflé 

Suger.  l'Abbé  Suger  à  la  mort,  en  donna  avis  partout  par  une  Lettre 

circulaire (  d),  où  fans  entrer  dans  le  détail  des  grandes  aftions 
de  fa  vie,  il  ne  touche  que  fes  qualités  perfonnelles  ôc  les  cir- 
conftances  de  fa  maladie.  Il  relevé  en  lui  une  grande  pénétration 
d'efprit  ;  une  facilité  admirable  d'exprelTion ,  foit  lorfqu'il  parloit. 


{a)  Mahillùn.   iib.  7i> ,  num.  ?9.  1       \  c  )  BiThard.  f^ifl.  \i'6. 

(b)  Mabillin.  lib.  7?,  Annal,  num.  1 3  ^«  I       {<^)  Mibiilon.  lib.  79  ,  Aiuul.  num.  i  ;  ? . 

foit 


ABBÉ    DE    S.    D  E  N  Y  S ,  &c.       24^ 

folt  lorfqu'ii  écrivoit  ;  un  efprit  cultivé  par  les  fciences  ;  une 
mémoire  heureufe  ;  une  fobrieté  fi  grande  dans  le  boire  ôc  dans 
le  manger  ,  qu'il  étoit  le  même  après  le  repas  qu'avant  de  fe 
mettre  à  table.  Pendant  les  quinze  derniers  jours  de  fa  vie  ,  dit 
encore  Guillaume  ,  Suger  fe  confelToit  chaque  jour  ,  ou  aux 
trois  Evêques  de  SoifTons,  de  Noyon  ôc  de  Senlis,  enfemble  ou 
féparément  ;  il  faifoit  devant  eux  fa  confefTion  de  foi ,  ôc  reccvoit 
de  leur  main  les  Sacremens  du  Corps  ôc  du  Sang  de  Jefus-Chrift, 
Il  cxhortoit  fes  Frères  à  la  paix ,  à  l'union  ,  au  maintien  de 
rObfervance  ,  au  culte  de  Dieu  ôc  des  Saints.  Six  Evêques 
affilièrent  à  fes  funérailles  ,  avec  plufieurs  Abbés.  Le  Roi  Louis 
le  jeune  y  affifta  auffi ,  fondant  en  larmes ,  de  même  que  le  Maître 
du  facré  Temple  ,  avec  plufieurs  de  fes  Chevaliers. 

XII.  Suger  écrivit  la  vie  de  Louis  VI.  furnommé  le  Gros,     .S«  «rit»; 
&  la  dédia  à  Joflene ,  Evêque  de  Soiflbns ,  avec  qui  il  avoir  été  ^i.  tom.°^\ 
Confeiller  d'Etat  fous  le  règne  de  ce  Prince.  Mais  en  donnant  Op.Duchefoc 
la  vie  du  Roi  Louis  ,  Suger  y  a  mis  quantité  de  traits  de  la  fienne  i^^'  ***'' 
propre  ,  que  l'on  ne  trouvcroit   pas  ailleurs.   Nous  en  avons 
rapporté  quelques-uns.  Nous  remarquerons  fur  Louis  VI.  que 
fe  voyant  à  l'extrémité  ,  il  fc  difpofa  à  la  réception  du  faint 
yiatique  par  la  confeilion  de  fes  péchés  ,   ôc  par  de  grandes 
aumônes  ,  tant  aux  pauvres  qu'aux  Eglifes  ;  qu'il  donna  fa  Cha- 
pelle  qui  étoit  très-riche  aux  faints  Martyrs ,  c'eft-à-dire ,  à  l'Ab- 
baye de  faint  Denys;  ôcque  s'étant  mis  humblement  à  genoux  i 
devant  le  facré  Corps  ôc  Sang  de  Jefus-Chrifl: ,  il  fit  fa  profeffioii 
de  foi ,  déclarant  qu'il  croyoit  chacun  des  articles  du  Symbole. 
Sur  l'article  de  l'Euchariftie  il  dit  :  Nous  croyons  (a)  fermement, 
&  nous  confcfTons  de  bouche  ôc  de  cœur ,  que  ce  très-facré 
Corps  de  Jefus-Chrift ,  eft  le  même  qui  a  été  pris  de  la  Vierge, 
qu'il  a  donné  à  fes  Difciples ,  afin  qu'ils  lui  fuflent  affociés ,  unis  , 
ôc  qu'ils  demeuraffent  en  lui  ;  ôc  que  ce  très-facré  Sang  eft  le 
même  qui  a  coulé  de  fon  côté  lorfqu'ii  pendoit  à  la  Croix.  Louis 
le  Gros  reçut  donc  le  Viatique  fous  les  deux  efpeces.  Avant 
que  M.  Duchefne  publiât  la  vie  de  Louis  le  Gros  par  l'Abbé 
Suger ,  elle  avoit  été  imprimée  à  Francfort ,  chez  les  héritiers 


(a)  Hanc  autem  facratifTimi  Corporis 
eju6  Euch:iriftiam  ,  ilU\J  iiistn  credimus 
Corpus,  quo.l  alTumptum  eft  de  Virgme  , 
quoi  Difcipulis  fuis  ad  confxJtrandum 
&  unlendum  &  :n  fe  commanendum  tra- 
didit.     Hune     facr.^ti^'imu^l     fansuinem  | 

Torm  XXI L    "  li 


illum  eumdem  effe  qui  de  latere  ejus  in 
Crucc  penJentis  defluxit ,  &  firmifliTic 
credimus  ,  &  ore  &  corde  confitcmur, 
Vïti.  Ludovici-GroJJi.tcm.  ^.  Duchefne, 
pd^.  510. 


2^o  S    U    G    E    R, 

d'André  "Wechel  en  i  yp5 ,  avec  Glaber ,  Helgaud ,  ôc  quelques 
autres  Hiftoriens  François. 
Hiftoirede  XIII.  Quclqucs-uns  oHt  attribué  à  Guillaume,  Auteur  de  la 
ce  que  fit  Su-  yie  de  Sugcr ,  le  détail  de  ce  qu'il  fit  dans  l'Abbaye  de  faint 
eouverne-  ^  Dcnys ,  pendant  qu'il  en  fut  Abbé  ;  mais  Suger  à  chaque  page 
mentdel'Ab-  s'en  fait  lui-même  honneur.  Il  dit  dès  le  commencement, 
^y^  f^  1^*"/  qu'étant  au  Chapitre  général ,  la  vingt-troifiéme  année  de  fon 
pag.  33 1.  '  "  adminiflration ,  les  Frères  le  preflerent  de  mettre  par  écrit  tout 
ce  qu'il  avoit  fait  pour  l'Abbaye  de  faint  Denys  ,  foit  par  de  nou- 
velles acquifitions  ;  foit  en  recouvrant  des  biens  aliénés;  foit  en 
bonifiant  les  biens  dont  l'Abbaye  jouifloit  ;  foit  en  bâtimens  ;  foit 
en  décorant  l'Eglifc  par  des  meubles  précieux  de  toute  efpecc. 
Ils  prétextoicnt  pour  l'y  engager  deux  motifs  ;  l'un ,  que  la 
mémoire  de  fes  bienfaits  ôc  de  fes  travaux  ,  lui  mériteroit  les 
fuffrages  &  les  prières  des  Religieux  à  venir;  l'autre,  que  fon 
exemple  donncroit  de  l'émulation  aux  Abbés  fes  fuccefleurs  pour 
faire  fleurir  le  culte  de  Dieu.  L'Abbé  Suger  fe  rendit  à  ces  raifons, 
&  laifl'a  un  mémoire  exacl  de  ce  qu'il  avoit  fait  ,  tant  dans 
l'Abbaye  de  faint  Denys,  qu'à  l'égard  desPrieurés  ôcMétairies  en 
dépendans.  Il  s'étend  principalement  fur  les  dépenfes  qu'il  avoit 
faites  pour  rEglife,qu'il  renouvella  en  partie ,  ôc  fur  les  ornemcns 
dont  il  enrichit  les  Autels ,  nommément  celui  de  faint  Denys.  Ce 
n'étoit  qu'or  ,  argent  ôc  pierres  précieufcs.  Mais  il  a  foin  de 
marquer  les  Bienfaiteurs  qui  avoient  fourni  aux  frais  de  toutes 
ces  décorations  j  ôc  ce  qu'il  y  avoit  contribué  de  lui-même.  Il 
n'y  a  pas  jufqu'aux  peintures  des  vitraux  dont  il  ne  fade  le  détail , 
marquant  ce  que  chacune  reprefcntoit.  Toutes  ces  explications 
font  en  vers  de  différentes  mefures.  Il  parle  fur  la  fin,  de  la 
manière  dont  il  fut  offert  étant  enfant  ;  ôc  demande  qu'au  jour 
annuel  de  fa  mort,  tous  lui  accordent  leurs  prières,  étr.nt  perfuadé 
que  le  peu  de  pénitence  qu'il  avoit  faite  avant  que  de  mourir, 
n'étoit  pas  capable  d'effacer  tous  les  péchés  de  fa  vie.  .  Son 
anniverfaire  fe  fait  folemnellement  tous  les  ans  le  treizième 
de  Janvier. 

XI V.  L'Abbé  SugeralaifTé  par  écrit  l'hifloire  delà  Dédicace 
de  l'Eglife  de  faint  Denys  en  1 140  ,  ôc  de  la  Tranflaticn  des 
reliques  de  ce  faint  Martyr  ôc  de  faint  Ruflique  ôc  faint  Eleutherc 
fes  Compagnons  ,  qu'il  qualifie  Apôtres  de  la  brance.  Il  décrit 
Jation  des  re-  cette  cérémonie  avcc  étendue  ,  marquant  en  quel  ordre  elle  fe 
Martyr.  Ibid.  fit  ÔC  par  quelles  petfonncs.  Aux  reliques  des  Saints,  dont  on  fit 
p-t,-  }5c..      le.tranfport ,  il  joint  le:  doux  ôc  la  couronne  de  I\'oire  Se-gneur , 


ABBÉ     DE    S.    D  E  N  Y  S,  &e.        sjt 

&  un  bras  du  vieillard  Synieon.  Il  s'y  trouva  dix-fept  Prélats  , 
tant  Archevêques  qu'Evêques  ,  avec  les  Principaux  de  leurs 
Eglifes  Cathédrales  ;  le  Roi  Louis ,  la  Reine  fa  mère ,  &  tous 
les  Grands  de  la  Cour ,  avec  un  nombre  infini  de  Peuples.  Il 
manque  quelque  chofe  à  la  fin  de  ce  Livre.  Dom  Mabilîon  y  a 
fuppléé  dans  ies  anale£tes  (  a  ). 

X  V.  Il  n'y  avoir  pas  longtems  que  Sugcr  étoit  Abbé  de  faint  f^onOitutions 
Denysjlorfqu'ilfitune  conftitution,  portant,  que  chaque  famedi  j|f,„  I^^^du- 
à  perpétuité,  &  chaque  jeudi  on  feroit  mémoire  folemnelle  de  clierne,  ^ag, 
la  fainte  Vierge.  Ce  Statut  fut  approuvé  dans  un  Chapitre  général  ^'*^' 
tenu  à  faint  Denys  &  confirmé  par  les  deux  Légats  du  faint 
Siège  ,  Pierre  ,  Prêtre-Cardinal  ;  &  Grégoire  de  Saint-Ange  , 
Cardinal-Diacre.  Comme  ils  afpirerent  tous  les  deux  à  la  Papauté 
après  la  mort  d'Honorius  IL  en   i  130  ,  il  faut  rapporter  à  ce 
tems-là  ,  la  conftitution  de  Suger  ,  qui  ne  porte  aucune  date 
chronologique.il  y  cft  dit  encore,  qu'après  la  mort  du  Roi  Louis 
VI.  on  fera  à  perpétuité  fon  anniverfaire  dans  l'Abbaye  de  faint 
Denys.  Par  une  autre  conftitution  datée  du  mois  de  Mars  1 1  2  J  ,      Tag.  548. 
l'Abbé  Suger  remit  aux  Habitans  de  faint  Denys  le  droit  de  main 
morte  que  l'Abbaye  avoit  fur  eux. 

XVI.  Son  teftament,  qui  eft  du  mois  de  Juin  1 137  ,  fut  lu       Teftament 
en  plein  Chapitre  ôc  figné  des  Religieux  de  la  Communauté,  deSuger,  jii^. 
des  Archevêques  de  Tours  &  de  Reims ,  de  quelques  Evêques,  '^Y'  E/.Feli- 
ôc  de  Robert ,  Abbé  de  Corbie.  Suger  le  commence  par  l'énu-  bien,  Kûloire 
meration  des  bienfaits  dont  Dieu  l'avoit  comblé  ,  en  le  faifant  i,^      Denys. 
affeoir  avec  les  Princes ,  quoiqu'il  fut  né  pauvre  &  d'une  famille  -o. 
obfcure;  il  avoue  avec  humilité,  qu'il  n"a  pas  reconnu  comme 
il  devoir  tant  de  grâces ,  &  en  demande  pardon  à  Dieu.  N'ofant 
i'efperer  qu'avec  le  fccours  des  prières  de  fes  Frères  ,  il  ordonne 
que  dès  le  dix-fept  de  Juin  de  la  môme  année,  le  jour  même 
qu'il  avoit  fait  fon  teftament ,  on  célebreroit  une  Méfie  du  Saint- 
Efprit  ;  ôc  qu'après  fa  mort ,  elle  feroit  changée  en  une  Mefife  de 
RequieniTWL  jour  anniverfaire  de  fa  mort,  pour  le  repos  de  ^o\\ 
ame  ;  que  la  Communauté  chanteroit  le  même  jour  l'Ofiicc 
des  Morts  ■■,  que  tous  les  Prêtres  ofTriroient  pour  lui  le  facrifice 
de  l'Autel  ;  que   les  autres   Religieux  réciteroient  cinquante 
pfeaumes  à  fon  intention  ;  ôc  que  ceux  qui  ne  fçavoient  pas  lire, 
teroient  dans  le  mêmedefiTein  quelqu'ocuvre  de  pieté.  Il  ordonna 
aufli  qu'en  ce  jour  on  feroit  de  grandes  aumônes  aux  Pauvres  j 

{a)  ?ar.  ^6i  ,  foi. 

Xi  ij 


»J2  S    U    G    E    R  ; 

&  qu'en  confidcration  des  fatigues  de  l'Office,  les  portions  de 
Religieux  feroient  plus  abondantes  qu'à  l'ordinaire.  Le  même 
teftament  porte  encore  ,  que  dans  les  Prieures  dépendans  de 
faint  Denys  ,  où  il  avoit  également  travaillé  à  rétablir  les  biens  , 
on  feroit  pour  lai  des  prières  ôc  des  aumônes.  Toute  la  Commu- 
nauté confentit  à  l'exécution  des  volontés  deSuger  ,  quiafligna 
les  fonds   nécefTarres  pour  fubvenir  à  toutes   ces  dépenfes. 

Lettres  de  XVII.  Son  teftament  dans  l'édition  de  M.  Duchefne,  eft 
Suger  ,  pag.  fuivi  de  dcux  Lettres  ;  l'une  à  Pierre,  Archevêque  de  Bourges, 
''î^'  à  qui  il  recommande  l'Abbaye  de  faint  Denys  &  toutes  fes 

dépendances  ;  l'autre,  par  laquelle  il  affocie  quatre  Hermitesà 
l'Abbaye  de  faint  Denys  ,  en  leur  permettant,  ou  de  garder  leur 
habit  ,  ou  de  prendre  celui  de  la  Communauté  ,  à  la  charge 
qu'il  ne  leur  fera  plus  libre  de  recevoir  d'autres  Hermites  fans 
le  confentement  du  Prieur  de  l'Eglife  de  la  Chapelle ,  à  qui  ils 
s'étoient  fournis  en  donnant  tout  ce  qu'ils  avoient  à  l'Abbaye  de 
faint  Denys.  M.  Duchefne  a  recueilli  d'autres  Lettres  de  l'Abbé 
Suger  ;  mais  fon  recueil  qui  efl  de  i  ($4 ,  n'en  prefente  que  feize 
de  l'Abbé  Suger;  les  autres  lui  font  adrefieesde  lapart  dediverfes 
perfonnes.  Nous  remarquerons  ce  que  celles  de  cet  Abbé  con- 
tiennent d'intéreffant  pour  l'hilloire  de  l'Eglife. 

Epijl.  10.       X  V 1 1 1.  A  la  requête  du  Doyen  ôc  Chapitre  de  Chartres ,  qui 

Pag,  4? 8-  avoient  élu  Joflenc  pour  leur  Evêque  ,  il  confentit  à  cette  élec- 
tion de  la  part  du  Roi ,  6c  à  donner  à  Joflene  après  fa  confécra- 
tion  &  ferment  de  fidélité  au  Roi  &  au  Royaume ,  les  régales , 
c'eft-à-dire ,  la  jouiflancedu  temporel  &  desdroi:s  de  fon  Eglife, 
I>i/Î.  4«,47.  Ses  deux  Lettres  au  Pape  Eugène  regardent  l'introduâron  des 
Chanoines  Réguliers  de  faint  Victor  en  l'Abbaye  de  fainte 
Geneviève  pour  y  mettre  la  reforme,  &  les  oppofitions  queles 
anciens  Chanoines  y  formèrent.  Par  une  autre  Lettre  il  pria  le 
Pape  d'obvier  aux  troubles  de  l'Eglife  de  Paris  ,  en  procurant  l'é- 

Epi^.  61.  ledion  canonique  d'un  Doyen.  Voyant  que  les  Barons  &  les 
Seigneurs  qui  avoient  accompagné  le  Roi  Louis  à  la  Croifade 

£j,ijl.  j7,  étcient  de  retour,  il  écrivit  une  Lettre  aufll  tendre  que  refpec- 
tueufe  à  ce  Prince  ,  pour  l'engager  à  revenir  au  plutôt  dans  fes 
Etats,  où  il  étoit  fouhaité  univcrfellement ,  6c  attendu  comme 
l'Ange  de  Dieu.  Son  abfence  avoit  occafionnc  des  troubles  dans 
l'Etat  >'k  dans  l'Eglife,  par  la  liberté  que  les  méchansledonnoicnt. 

■^M'Jf'  ti'-  Ce  fut  pour  y  remédier ,  que  l'Abbé  Suger  indiqua  une  iiHemblée 
à  SoilTons  le  Dimancl.e  d'avant  les  Rogations  ,  où  fe  dcvo;eut 
tnouvc  g^randt nombre  d'Hvêques  Ll  de  Seig^iieurs.. 


ABBÉ     DE    S.     D  E  N  Y  S  ,  &CC.        ajj 
XIX.  Sa  Lettre  à  Roger  ,  Roi  de  Sicile,  ne  contient  que  ^yili-  H*- 
des  témoignages  de  refpeil  ôc  de  reconnoifîance;  mais  le  Porteur 
dtoit  chargé  de  dire  bien  des  chofes  à  ce  Prince.  Dans  celle  qu'il  Epijl.  ijo. 
écrivit  au  Roi  Louis  ,  il  le  prie  de  ne  point  faire  la  guerre  au 
Comte  d'Angers  ôc  Duc  de  Normandie ,  fans  en  avoir  auparavant 
délibéré  avec  les  Grands  6c  les  Archevêques  de  fon  Royaume. 
Suger  écrivit  même  à  ce  Comte  pour  lui  repréfenter,  que  le  Fpijf.  irj. 
différend  qu'il  avoit  avec  le  Roi ,  ne  lui  étoit  ni  honorable,  ni 
avantageux  ;  qu'il  lui  confeilloit  pendant  qu'il  étoit  encore  tems , 
d'employer  des  moyens  convonables  pour  rentrer  dans  l'amitié 
du  Roi.  ]1  preffa  l'Evêque  d'Amiens  de  chaffer  de  fon  Diocèfe  ^p'^fi-  >U' 
un  fameux  Apofiat ,  qui  s'y  étoit  retiré,  ôc  qui  pouvoit  y  faire 
beaucoup  de  mal. 

X  X.  On  a  vu  plus  haut  que  Suger  avoit  été  choifi  par  le  Pape  ^pJ^-  »î»' 
Eugène  IIL  avec  l'Evêque  de  Noyon  pour  faire  fortir  les  Cha- 
noines de  Compiegne  ,  ôc  mettre  à  leur  place  des  Moines. 
Comme  il  leur  falloir  un  Abbé  ,  Suger  pria  cet  Evêque  de  fe 
tranfporter  fur  les  lieux  le  jour  même  de  la  Fête  de  S.  Corneille , 
ôc  de  bénir  l'Abbé  devant  l'Autel,  fi  cela  fe  pouvoit  fiire  fans 
beaucoup  de  bruit.  Les  Chanoines  foutenus  de  Philippe  de  Epijt  jf?. 
France  ,  frère  du  Roi  ,  eurent  recours  à  la  violence  pour  fe 
rétablira  Compiegne.  Mais  leurs  efforts  fcandaleux  furent  inu- 
tiles. La  Puiffance  rovale  maintint  le  nouvel  établiffement.  Suger 
écrivit  au  Comte  de  Vermandois  de  ne  point  fe  dcfaifir  de  ce  ^f'J-  ^^'•■ 
que  ces  Chanoines  avoient  mis  fous  fa  garde;  parce  que  s'ils 
étoient  privés  de  leurs  Offices  ôc  du  Lcnélice  de  FEglife,  ils- 
l'avoient  mérité  par  leur  mauvaife  conduite.  Ces  Clercs  ayant 
pris  les  devants  ,  le  Comte  ne  put  fe  faifir  que  de  peu  de 
chofe. 

XXI.  Eudes  élu  ôc  béni  Abbé  de  Compiegne,  alla  à  Rome 

pour  raconter  au  Pape  Eugène  tout  ce  qui  s'étoit  paffé.  Suger  le  £p/7.  i^ 3, 

chargea  d'une  Lettre  pour  le  Pape ,  à  qui  il  dit  en  peu  de  mots 

ce  qui  étoit  arrivé  au  fujet  de  la  réforme  de  fainte  Geneviève  ôc 

de  faint  Corneille.  Il  cliargea  Eudes  de  deux  autres  Lettres;    ^^Phf.i6y, 

l'une   pour  l'Abbé  de  Cluni  ,  qui  étoit  Pierre  le  'Vénérable;    "^* 

l'autre  pour  faint  Bernard  ,  par  lesquelles  il  les  prie  de  le  recevoir 

avec  bonté  ,  ôc  de  le  recommander  au  Pape. 

XXII.  Parmi  un  grand  nombre  de  Lettres  adreffées  à  l'Abi-d  Autres  tcr- 
Suger ,  Dom  Martenne  en  rapv:'orte  quelques-unes  de  cet  Abbé  "■"  '^^^"S". 
même.  11  y  en  a  une  a  Henri ,  Evcque  de  beauvais  ;  au  Cierge  dot.Minenne-^ 
&  au  Peuple  de  cette  Ville ,  pour  les  détounier  de  k  révolte  F'iT-  41?  &«- 

T  •    •  •  •  J'î- 

1  j..  njj  J  ^ 


Pis.  414. 


2^4      SUGER  ,  ABBÉ  DE  S.  DENYS,&c. 

qu'ils  méditoient  contre  le  Roi.  Henri  étoit  fon  frère.  Suger  lui 

fait  voir  ,  qu'outre  les  dangers  aufquels  il  s'expofoit,  ôc  laVille  de 

Beauvais  ,  il  ne  convenoit  pas  à  un  Evêque  de  prendre  les  armes 

contre  le  Seigneur  commun  du  Royaume  ,  l'ami  &  le  protecleur 

des  Eglifes  ,  à  qui  tous  les  Archevêques  ,   les  Evêques  ,  les 

Barons  font  attachés  néceffairement  par  le  ferment  de  fidélité 

qu'ils  lui  ont  prêté.  Il  repréfente  à  la  Ville  de  Beauvais  fon 

impuilTance  dans  un  cas  femblable ,  &  la  compare  à  une  fourmi 

qui  entreprendroit  de  tirer  feule  un  chariot.  La  Lettre  fuivantc 

eft  la  réponfe  de  Suger  à  celle  qu'il  reçut  de  faint  Bernard,  étant 

à  l'extrémité.  Elle  efl:  rapportée  dans  les  Annalles  de  S.  Benoît , 

ôc  on  en  a  parlé  plus  haut.  Celle  qu'il  écrivit  à  Jollene,  Evêque 

Ibii.  ^pag.  (Je  Soiiïons,  eft  uneLettre  d'amitié.  Il  a  été  auffi  parlé  ci-deflus  de 

''*'■  fa  Lettre  au  Roi ,  pour  lui  recommander  l'Abbaye  de  S.  Denys 

&  les  Pauvres. 

Sujer  ap-      XXIII.   Nous  finirons  l'article  de  Suger  en  remarquant  que 

pelle  Père  de  jg  p^^j  Louis  le  jeune  au  retour  de  la  Croifade  fut  fi  content  de 

'   ^Ahbilbn.  la  manière  dont  cet  Abbé  avoit  aàminiftré  le  Royaume  ,  qu'il  lui 

Ub.  79,  An.  donna  le  nom  de  Père  de  la  Patrie,  &  qu'il  lui  fut  aulii  donné 

«««•'^7-       par  le  Peuple. 

CHAPITRE     XVI. 

Alg  ERj  Diacre  &  Scholajlique  de  Liège. 

Alger.  Sci  J,  "V  T  A  T I F  de  cette  Ville ,  il  y  fit  fes  études  fous  les  meilleurs 
commence-  I  ^  Maîtres ,  &  elle  en  avoit  d'excellens  ;  Hezelon  &  Teze- 

menç.  11  en-         O-    "«  v      1         1       r  •  f  ri  '  r 

feigneàLiege.  Im.  Ses  progrès  dans  les  Icienccs  turent  ii  grands,  quen  Gonli- 
deration  de  fon  mérite  feul ,  on  l'admit  dans  le  Clergé  de  l'Eglifc 
de  faint  Barthclemi ,  où  il  fut  enfuite  fait  Diacre  ,  &  chargé  du 
foin  de  l'Ecole.  L'Evêque  Otbert  le  fit  Chanoine  de  la  grande 
Eglife.  Il  y  demeura  jufqu'à  la  mort  de  l'Evoque  Frideric  en 
Il 21,  c'eil-à-dire ,  pendant  environ  vingt  ans.  Sa  réputation 
s'étendit  en  Saxe  &  dans  les  autres  parties  de  rAllemagnc. 
Plufieurs  Evêques  le  demandèrent  ,  lui  offrant  des  richclTes  & 
des  honneurs.  Content  de  la  médiocrité  de  fes  revenus  ,  il  préfera 
le  féjour  de  la  Ville  de  Liège  aux  honneurs  qu'un  iui  olFroit 
ailleurs. 


A    L    G    E    R  ,    &c.  ajj 

1 1.   Plus  touché  encore  de  fon  falut  que  des  biens  qu'il       H  Ce  f.iît 
poflfedoit ,  il  abandonna  tout  pourfuivre  Jefus-Chrifl: ,  &  le  retira  '''î^"'"»Ciu- 

f        1       ■  •  1  1  •       o      1  1  •  11      "'•    ^*  mort 

a  Cluni ,  pour  y  vivre  dans  la  retraite  &  dans  la  pratique  de  la  c:i  nji. 
Règle  de  faint  Benoît.  Pierre  le  Vénérable  en  étoit  alors  Abbé. 
Ecrivant  à  Alberon  {a) ,  Evcque  de  Liège  ,  il  tait  l'éloge  d'Alger 
èc  de  fes  écrits.  Il  le  compte  pour  le  troifiémc  des  Scholaftiques 
de  Liège,  qui  s'étoient  retirés  à  Cluni.  On  conferve  dans  l'ar- 
chive de  cette  Abbaye  l'atle  de  donation  que  lui  fit  Alger, 
lorfqu'il  y  vint  embraiîer  l'état  Religieux.  On  ne  fçait  pas  bien 
l'année  de  fa  mort.  Le  Père  Pagi  la  met  en  ii52(6),ôc  rien 
n'empêche  qu'on  ne  s'en  tienne  à  cette  époque. 

1 1  L  L'ouvrage  qui  lui  a  donné  le  plus  de  réputation  eft  celui      s?s  écrits. 
qu'il  a  compoié  fur  l'Euchariftie.  Pierre  le  Vénérable  le  préfère  '^?''^'^    .^"f" 
à  ceux  queLanfranc  6c  Guitmond  d'Averfe  ont  écrit  fur  le  même      ^''  '^"  "** 
fujet  ;  mais  il  donne  aufli  à  ces  deux  Ecrivains  les  éloges  qu'ils 
méritent.  11  y  a  toutefois  dnns  le  Traité  d'Alger  quelques  expref- 
fions  peu  correctes.  Nous  les  remarquerons  dans  l'analyfe. 

IV.  Alger  rapporte  dans  le  Prologue  les  diverfcs  erreurs      Anaivfe  t!* 

répandues  lur  cet  auçufte  mvflere.  Les  uns  ,  dit-il ,  crovent  que  ^''  Traué , 
1    '      •      o     1        •  r  1         X  1  'i-  j      ^°^-  i'»  Bi- 

le pain  &  le  vin  ne  lent  pas  clianges ,  non  plus  que  i  eau  du  i.ht.Vai.-pag. 

Baptême,  ou  l'huile  du  Chrême;  enforte  que  le  pain  ôc  le  vin  ^51-  l'roloi,. 
ne  font  qu'en  figure  le  Corps  ôc  le  Sang  de  Jefus-Chrift.  D'autres 
difent,  que  Jefus-Chrift  eft  dans  le  pain  ,  comme  le  Verbe  dans 
la  chair  par  l'Incarnation  ;  c'eft  ce  qu'on  appelle  l'erreur  del'im- 
panation.  Quelques-uns  enfeignent ,  que  le  pain  6c  le  vin  font 
changés  au  Sang  &  à  la  Chair ,  non  de  Jefus-Chrift  ,  mais  de 
tout  homme  qui  eft  par  la  fainteté  de  fa  vie  agréable  à  Dieu.  Il 
y  en  a  qui  penfent  >  que  l'indignité  du  Prêtre  eft  un  obftacle  au 
changement  du  pain  ôc  du  vin  en  la  Chair  ôc  au  Sang  du 
Seigneur.  D'autres,  que  le  changement  fe  fait  par  la  confécration  ; 
mais  que  le  Corps  de  Jefus-Chrift  ne  demeure  pas  dans  ce  Sacre- 
ment pour  ceux  qui  le  reçoivent  indignement  ;  6c  qu'il  retourne 
en  ce  qu'il  étoit  avant  la  confécration  ,  c'eft-à  dire  ,  en  pain  ôc  , 
en  vin.  La  dernière  erreur  eft  de  ceux  qui  croyent  que  le  Corps, 
de  Jefus-Chrift  ,  lorfque  nous  l'avons  mangé ,  eft  fujet  aux  luites 
ordinaires  des  autres  alimens. 

V.  La  méthode  qu'Alger  fe  prefcrit  pour  détruire  toutes  ces  n  eiit^iviTé 
erreurs  ,  eft  de  ne  s'appuyer  point  lur  les  lumières  de  la  raifon  ,  en  trois  Li-- 
mais  fur  l'autorité  de  TEcriture  6c  des  Pères.  Il  avertit  fes  Lee-  ^^"' 

tcurs  ,  que  fi  le  myftere  de  l'Euchariftie  eft  incompréhenfible,; 


aj(?  ALGER  , 

il  n'eft  pas  pouf  cela  incroyable  ;  parce  que  le  pouvoir  de  Dieu 
ne  doit  pas  fe  mefurer  fur  l'étendue  de  nos  connoilTances.  Son 
Traité  eft  divifé  en  trois  Livres.  Dans  le  premier^  il  prouve  la 
vérité  du  Corps  de  Jefus-Chrift  dans  l'Euchariftie.  Il  réfout  dans 
le  fécond  diverfes  quedions  qui  ont  rapport  à  ce  mydere. 
Premier Li-  VL  Dieu  s'cit  fait  homme,  a(in  qu'incompréhenfible  de  fa 
yre,pag.z^z.  j^gj-y^g  i[  fg  fit  connoîtrc  à  nous  par  la  nôtre  ;  qu'étant  élevé  au- 
deffus  de  toutes  chofes  par  le  mérite  de  fa  Pailion  ,  &  fait  notra 
Chef  par  fon  Incarnation  ,  nous  devinlllons  fes  membres.  Il  a 
fait  plus  en  inftituanti'Euciiaridie.  ParceSacrementilnousunità 
lui  &  nous  incorpore  en  lui-môme.  Alger  explique  cequec'efl; 
que  Sacrement  ,  6c  en  combien  de  manières  on  peut  prendre  ce 

Cap.  j.  terme  ;  puis  il  diftingue  dans  l'Euchariftie,  le  Sacrement  ôc  la 
chofe  du  Sacrement.  Le  Sacrement  eft  la  forme ,  la  figure  ôc 
tout  ce  qui  eft  vifible  dans  le  pain  &  le  vin.  Mais  la  fubftancc 
invifible  couverte  de  ce  Sacrement  ,  en  laquelle  la  fubftance 
du  pain  ôc  du  vin  a  été  changée,  eft  véritablement  ôc  proprement 

Cap,  6.  dite  le  Corps  de  Jefus-Chrift.  Il  fait  voir  contre  les  Impanateurs, 
que  le  changement  qui  arrive  dans  l'Euchariftie  n'a  aucun  rapport 
avec  celui  qui  s'efl:  fait  par  rincarnation.  Dans  ce  myftere  ,  c'eft: 
un  Dieu  fait  chair,  fans  être  changé  en  chair,  ôc  la  chair  refte. 
Dans  TEuchariftie ,  le  pain  ni  le  vin  ne  demeurent  point ,  ils  font 
changés  eti  la  Chair  ôc  au  Sang  de  Jefus-Chrifl:.  Quand  donc 
l'Ecriture  donne  à  l'Euchariftie  le  nom  de  pain  ,  ou  c'eft  figura- 
tivement ,  ou  parce  que  le  pain  lui  a  fervi  de  matière ,  ou  à  caufc 
qu'elle  en  retient  encore  les  qualités. 
Q  7.  VII.  Ce  n'eft  pas  la  forme ,  mais  la  fubftance  du  pain  qui  eft 
changée  :  la  forme  ôc  les  autres  qualités  du  pain  reftent ,  afin  de 
donner  lieu  au  mérite  de  la  foi.  Il  n'en  eft  pas  de  même  de  la 
fubflance  du  pain  ôc  du  vin ,  fi  elle  demeuroit ,  ôc  que  Jefus- 

Cav.  8.  Chrift  fut  en  même-tems  dans  l'Euchariftie.  Cette  union  du  vrai 
Pain ,  qui  eft  la  vie  éternelle ,  avec  le  pain  commun  ,  feroit  aux 
Fidèles  une  occafion  d'erreur,  ôc  l'on  pourroit  croire  que  l'Eu- 
chariftie eft  fujette  aux  fuites  honteufes  de  la  digeftion. 

ç^  VIII.  Quelques-uns  demandoient ,  fi  Jefus-Chrift  dans  la 

dernière  Cène  avoir  donné  à  fes  Difciples  fon  Corps  incorrup- 
tible ôc  immortel,  comme  nous  le  recevons  aujourd'hui  ?  La 
raifon  de  douter  étoit  que  lorfqu'il  communia  fes  Difciples,  il 
étoit  encore  mortel ,  ôc  à  la  veille  de  là  Padion.  Alger  répond, 
que  le  Sauveur  leur  donna  fon  Corps  immortel  6c  incorrup- 
tible, quoiqu'il  dût  bientôt  mourir;  comme  il  leur  montra  fon 

Corps 


DIACRE  ET  SCHOLÂSTIQUE  DE  LIEGE.    2J7 

Corps  glorieux  dans  (a  Transriguration  ,  quoiqu'il  fût  alors 
mortel,  ôc  le  leur  fit  voir  percé  de  ("es  playes  après  fa  Réfur- 
rection  ,  encore  qu'il  fut  pour  lors  invulnérable  :  l'un  ôc  l'autre  de 
cesévenemensfont  l'efTet  de  la  Puilîancc  divine.  Il  donne  pour 
-certain  que  le  Corps  de  Jefus-Chrift ,  tel  que  nous  le  recevons 
maintenant,  eft  abfolument  ôc  fubftantiellemcnt  le  même  Corps 
que  celui  qu'il  donna  à  fes  Difciples.  Sur  quoi  il  cite  ces  paroles 
de  faint  Auguftin  aux  nouveaux  Baptifés  :  Recevez  dans  le  Pain  , 
■celui  qui  a  été  attaché  à  la  Croix  :  Recevez  dans  le  Calice,  ce 
qui  eft  forti  du  coté  de  Jefus-Chrift. 

I  X.  11  prouve  eafuite  que  ces  paroles  :  Si  vous  ne  mangez  la  Cap.  i 
Chair  du  Fils  de  l'Homme,  ne  doivent  s'entendre  que  de  Jefus-  "'"• 
Chrilt  ;  que  quoique  fon  Corps  foit  d'une  manière  invifible  dans 
l'Euchariftie  ,  il  y  eft  réellement  ôc  fubftantiellement;  que  la  foi 
de  l'Eglife  univerfelle ,  depuis  le  commencement  de  fon  éta- 
bliffemcnt  (û)  eft,  que  c'cft  la  vraie  Chair  du  Sauveur  ôcfon 
vrai  Sang  que  l'on  immole  fur  l'Autel;  ôc  que  Jefus- Chrift,  pour  Cip.  jj. 
affermir  notre  foi  fur  cet  article,  a  bien  voulu  quelques  fois  y 
paroîtrc  en  fa  Chair  naturelle ,  en  fupprimant  par  miracle  les 
apparences  du  pain  ôc  du  vin  ;  que  par  une  autre  merveille ,  Jefus- 
Chrift  eft  en  mêmc-tems  dans  le  Sacrement  de  l'Autel  fur  la 
terre  ,  ôc  à  la  droite  de  fon  Père  dans  le  Ciel.  En  effet ,  ce  feroit 
en  vain  (  b  )  que  dans  le  teras  qu'on  l'immole  fur  l'Autel,  nous 
dirions  :  Vous  qui  êtes  aflis  à  la  droite  du  Père,  ayez  pitié  de 
nous  ;  fi  nous  faifions  un  menfonge  ,cn  difant  que  celui  que  nous 
adorons  dans  le  Sacrement ,  eji  dans  le  Ciel.  Alger  remarque  que  dp.  14- 
le  Prêtre  formant  fur  l'Autel  d'ici-bas ,  le  Corps  du  Seigneur 
en  la  place  de  Jefus-Chrift  même  ,  ne  s'attribue  rien  de  ce  qu'il 
fait,  mais  rapporte  tout  à  la  puilTance  ôc  à  la  grâce  divine  ,  lorf- 
qu'il  prie  Dieu  le  Père  dans  le  Canon  de  la  Méfie ,  en  lui  difant  : 
Commandez  que  ces  offrandes  ne  vous  foient  pas  feulement 
préfentées  par  les  mains  ôc  la  vertu  de  votre  Fils ,  qui  eft  l'Ange 
du  Grand-Confeil ,  fur  cet  Autel  viiible  d'ici-bas  ,  mais  qu'elles 
foient  portées  jufqu'à  votre  Autel  fublime  du  Ciel,  qui  n'eft 
autre  que  ce  Fils  même.  Ce  qui  fait  voir ,  dit  cet  Auteur ,  que  le 


(a)  Univcrfalis  Ecdefî-t  Cttholica 
£<)e,  qu.ï  ab  initio  converfionis  lui  iti 
creJillit,  &  it.i  (u'vata  eft,  fufïicicnter 
Eftniftuin  eft  quoi]  vera  ("hrifti  caro  verul- 
que  Sniiguis  in  menla  Dominica  immo- 
letur.  Qip.  II. 

Tome  XXIL  K  k 


{h  )  Fraftra  enim  immolationis  fur 
ffmpore  Jiceremtis ,  qui  ledes  aci  ûexte- 
ram  l'atris  ,  miferere  nobis  :  Si  quem 
adoramus  in  Sacramento  ,  mentiremur 
effe  in  calo.  Cap.  14, 


5;S 


ALGER 


Fils  de  Dieu ,  félon  l'ordre  de  fon  Père,  eft  tout  enfemble  dans 
le  Ciel  i  &  rOfîrant ,  &  l'Hoftie,  &  l'Auiel  fur  lequel  on  l'offre. 
Auffi ,  nous  appuyant  avec  une  parfaite  conliance  en  la  iidélité 
des  promefles  5c  de  la  grâce  de  Dieu ,  nous  croyons  (  a  )  que  les 
corps  terrellres  du  pain  ôc  du  vin  font  changés  en  Jelus-Chrift  j 
&  qu'il  eft  tout  enfemble ,  ôc  intercédant  pour  nous  dans  le  Ciel 
où  il  eft  allis  à  la  droite  du  Père,  &  confacrc  ôc  rendu  prëfcnt  dans 
le  Sacrement  de  l'Autel. 

Cap.  ij.  X.  Encore  donc  que  Jefus-Chrift  fe  foit  féparé  de  nous  en  fa 
forme  humaine  ,  lorfqu'il  ell  monté  au  Ciel ,  il  ne  laiffe  pas  de 
demeurer  avec  nous ,  d'une  manière  non  moins  véritable  &: 
fubftantielle  dans  le  Sacrement  de  fon  Corps  ôc  de  fon  Sang, 
afin  d'être  préfent,  même  corporellement,  ôc  là-haut,  Ôc  ici  bas, 
comme  ne  faifant  qu'une  feule  perfonne  avec  fa  divinité  qui  eft 
par-tout.  C'eft  ainfi  que  lorfque  le  Corps  du  Sauveur  eft  reçu 
dans  [b)  la  bouche  des  Fidèles ,  il  eft  partagé  à  chacun  d'eux, 
&  ne  laiffe  pas  de  demeurer  tout  entier  ôc  indivilible  en  chacun 
d'eux ,  étant  mangé ,  ôc  n'étant  point  confumé ,  enlbrte  que  l'on 
croit  par  la  foi,  qu'ainfi  qail  e!t  indivilible  lorfqu'on  ledivife, 
de  même  il  eft  incorruptible  lorfqu'on  le  mange.  C'eft  une  mer- 
veille qui  caufe  de  l'étonnement  à  la  raifon ,  ôc  de  l'admiration 
à  la  foi  même  ;  mais  quand  elle  conlidere  la  puiffance  de  la 
Divinité  qui  y  eft  jointe ,  ôc  qui  eu  préfente  par-tout  en  ce  Corps 
fpirituel,  ou  plutôt  qui  eft  devenu  divin  par  la  toute-puiffancc 
qui  lui  a  été  conférée,  alors  ce  miracle  ne  lui  paroiffant  plus 
impoffible ,  elle  le  révère  fans  en  douter. 

Cap.  16.  XI.  Au  rcfte,  quoique  ce  foit  le  même  Chrift,  ôc  la  même 
fubftance  de  fon  Corps  qyi  a  été  offert  fur  la  Croix  ,  ôc  qui  left 
fur  l'Autel,  ce  n'eft  pas  néanmoins  de  la  même  manière:  Sur  la 
Croix,  Jefus-Chrift  a  été  réellement  mis  à  mort  pour  nous  :  Sur 
l'Autel ,  ce  n'eft  qu'en  figure  ôc  en  mémoire  de  fa  Paffion.  C'eft 
une  immolation  qui  fe  fait  fans  douleur  de  la  part  de  Jefus-Chrift  ; 
immolation  que  nous  appelions  myftique,  ou  fans  effufion  de 
fang.  Nous  péchons  tous  les  jours ,  c'eft  pour  cela  que  nous 
offrons  tous  les  jours  le  Sacrifice  myftique.  Il  prouve  que  c'eft  le 


(a)  Q^uia  orr.nmo  fi Jci  &  gratii'  ejut 
înnitiiT.ur  quod  lerrcna  corpora  in  (  hnf- 
fum  converti ,  ijifuiuque  in  crleftibus  ad 
dextpram  Vatris  feJei'tc  m  ,  pro  nobis  in- 
terpellare  ,  8f  iti  Sa  r.imepto  altaris  con- 
fecrari  &   tlTe  cieJimus.  Ibïd. 


'  b  I  ])iim  ify'.u.n  Corpus  fiiiini  in  ora 
fid;?liu;ii  dr,tutn  5'  fingulis  dividicdr ,  & 
iinuin  tôt!. 111  univerîis  inùjviduum  &  intf- 
grum  liaLetur ,  (umptum  non  coiilump- 
tum  :  Ur  (îcut  indivi.àium  cum  dividitur, 
fie  int  orrijp'i'm  ,  c«m  fumjtum  fccril, 
crci'.aiur.  Ça^,   ij. 


DIACRE  ET  SCHOLASTIQUE  DE  LTEGE.    5?^ 

môme  Sacrifice,  paice  que   (i  celui  que  nous  offrons  tous,  les 
jours  étoit  différent,  il  feroit  fuperflu  ,  celui  qui  fut  offert  fur  la 
Croix  ayant  été  fuftifant  pour  nous  communiquer  la  vie  éter- 
nelle. Alger  rapporte  la  profelfion  de  foi  par  laquelle  Berenger  Ctp.  19. 
condamnant  fon  erreur,  reconnoît  que  le  pain  ôc  le  vin  font 
après  la  confccration  ,  le  vrai  Corps  &  le  vrai  Sang  de  Jefus- 
Chrili.  Il  confirme  cette  doctrine  par  lautorité  de  faintAuguftin,  Qp.  ro, 
ôc  allègue  un  pafTage  du  mî-me  Père  ,  où   il  efl:  dit  :  Que  les 
mœurs  bonnes  ou  mauvaifes  du  Miniflre,  n'influent  point  dans 
la  confécration  ,  comme  la  différence  des  mœurs  n'empêche  pas 
dans  ceux  qui  communient,  qu'ils  ne  rec^civent  réellement  le  Cj^- »r. 
Corps  &  le  Sang  du  Seigneur. 

XII.  11  prefcrit  les  moyens  de  les  recevoir  dignement ,  non-  Cap.  xi. 
feulement  d'une  manière  fpirituclle,  mais  aulïi  corporelle;  ÔC 
montre  qu'il  efl  plus  dangereux  aux  impudiques  qu'aux  autres 
pécheurs  de  s'en  approcher,  parce  que  c'eft  l'Agneau  de  Dieu, 

&  le  Fils  de  la  Vierge  ;  &  qu'il  n'arrive  prefque  jamais  que  i'im- 
pudicité  foitfuivie  d'une  véritable  pénitence. 

XIII.  Dès  le  commencement  de  la  féconde  partie,  Alger  Livre  fécond, 
combat    ceux   qu'on   appelloit  Stercoranifics   ,    parce    qu  ils  ^^??* '■'^* 
croyoient  que  l'Eucharillie  alloit  au  retrait,  comme  les  alimens 
communs.  Deux  Anonymes  du  neuvième  fiécle  traitant  cette     Yoyfznm. 
quedion  ,  dirent  nettement  ,   qu'ils  ne  pouvoient  s'imaginer  ^9,]?ig.^%<>- 
qu'un  il  grand  mylTere  fut  expofé  à  des  fuites  fi  honteufes  ,  ni  que 

le  Corps  de  Jefus-Chrift  fepourriff"e,oufoit  confumé  par  le  feu, 
n'y  ayant  aucune  apparence  qu'il  puilfe  être  fujet  à  ces  fortes 
d'évenemens.  Alger  époufe  ccfentiment ,  ôc  l'explique  avec  plus 
d'étendue  ,  en  foutenant  qu'aucune  partie  de  l'Eucharillie  ne 
fouffire  ni  C(jrruption ,  ni  altération  ;  qu'encore  que  les  e!'jt?ces 
du  pain  ôc  du  vin  femblent  en  fouffrir,  comme  lorfqu  elles  font 
avalées  par  des  bêtes  ,  ou  confumées  par  le  feu  ,  cela  ne  fc  fait  pas 
réellement,  mais  feulement  en  apparence,  pour  punir  ou  cor- 
riger la  négligence  des  Minières,  ou  pour  châtier  l'incré  'uliré 
des  niéchans.  11  convient  toutefois  que  l'efpece  du  pain  ôc  du 
vin  ne  pouvant  être  éternelle  ,  il  cH:  ncceffaire  qu  elle  ait  une  fin  ; 
mais  il  veut  que  cette  défedibilité  ne  foit  accompagnée  d  aucune 
tache  de  la  corruption  ,  ôc  qu'elle  n'en  ait  point  ia  iai.leur.  Pour 
fauver  à  ces  efpeces  les  fuites  ficheufes  que  que!que:-uns  leur 
attribuoient,  il  a  recours  au  minifrere  des  Anges  ,  ôc  cite  fur  cela 
un  trait  de  l'hifloire  du  Martyr  Tharfyiius.  Pris  par  les  Payens 
dans  le  moment  qu'il  portoit  le  Corps  de  Jefus-Chrifl:,  ils  lui 

Kk  ij 


Seiulmen 
d'Alger     fui 
les     efpeces 
Eucharjfti 
ques 

mun  à  beau- 
coup d'autres, 


Cap. 


i?ô  ALGER, 

demandèrent  ce  qu*îl  portoit  ;  il  refufa  de  le  dire ,  de  peur  de 
livrer  les  chofes  faintes  aux  chiens.  Ils  le  firent  mourir,  puis 
cherchèrent  exaftement  ce  qu'il  avoir  fur  lui  ;  ils  ne  trouvèrent 
que  les  linges  dont  le  Corps  de  Jefus-Chrill  étoit  enveloppé? 
ce  Corps  facré  ayant  été  enlevé  dans  le  Ciel  par  le  miniRcre  des 
Anges. 

XIV.  Tout  ce  difcours  d'Alger  n'a  pour  but  que  de  fauver 
le  refpeiSl  dû  au  Sacrement  de  l'Autel  ^  ôc  de  montrer  combien  il 
avoir  d'éloignement  de  l'erreur  de  Stercoraniftes,  qu'il  ne  con- 
cora-  noiflbit  que  par  ce  qu'il  en  avoit  lu  dans  les  écrits  du  Cardinal 
Humbert;  mais  cette  erreur  n'étoir  point  avouée  des  Grecs,  ce 
n'étoit  qu'une  conféquence  que  ce  Cardinal  tiroit  des  reproches 
qu'ils  faifoient  aux  Latins,  de  rompre  le  jeûne  en  Carême  lorf- 
qu'ils  difoient  la  MelTe  à  neuf  heures.  Il  paroît  au  contraire  que 
le  flercoranifme  étoit  condamné  des  Grecs  ,  comme  des  Latins. 
Nous  citerons  là-delTus  ce  que  dit  faint  Damafcene,  le  Théo- 
logien le  plus  accrédité  dans  i'Eglife  Grecque:  Voilà,  dit-il  ,.{a) 
ce  pur  &  non  fanglant  Sacrifice  que  le  Prophète  a  prédit  devoir 
être  ofi^ert  à  Dieu  depuis  le  lever  du  foleil  jufqu'au  couchant  ^ 
c'eft- à-dire ,  le  Corps  ôc  le  Sang  de  Jefus-Chrifl: ,  qui  devient  la 
force  &  le  foutien  de  notre  ame  &  de  notre  corps,  qui  ne  f& 
confume  point ,  qui  ne  fe  corrompt  point,  ôc  ne  va  pas  au  retrait  : 
à  Dieu  ne  plaife.  Alger  n'en  dit  pas  davantage  ;  ôc  Guitmond 
d'Averfe  en  avoit  dit  autant  avant  lui.  On  ne  peut  donc  l'accufer 
de  nouveauté  ,  quoique  dans  les  fiécles  fuivans  les  Théologiens 
n'ayent  pas  fait  difficulté  de  dire  que  les  efpeces  facramentelles 
font  fujettes  à  la  corruption. 

X  V.  On  demandoit  pourquoiDieu  qui  eft  invifible,  ôc  qui  a 
déclaré  qu'il  vouloir  être  adoré  en  efprit  ôc  en  vérité ,  a  ordonné 
àfon  Eglife  un  Sacrifice  vifible?  Alger  répond  que  Dieu  en  a  agi 
ainfi  ,  afin  de  nous  exciter  plus  vivement  au  fouvenir  de  fes 
grâces;  ôc  que  Ihomme  étant  compofé  de  corps  ôc  d'ame,  il 
étoit  jufte  qu'il  offrît  à  Dieu  des  facrifices  corporels  ôc  fpirirucls. 
Cette  réponfe  eft  tirée  de  faint  Auguftin ,  dans  fon  dixième  Livre 
de  la  Cité  de  Dieu. 


(a)  Hoc  eft  purum  illud  &  incrucn- 
mn>  !:ii  rificium  cjuod  ab  ortu  foJii  ufqixe 
f.ii  occ 'fum  filii  obl;'.nini  iri  per  Prophe- 
Wm  r>orninus  ait  ,  Corpus  nimiruni  Se 
Sangui's    Chriili  :vd    animi   &   corporis 


noftri  firmamenfum  cedens  ,  quoJ  non 
confumiur  ,  nec  coriuinpitur  ,  i:ec  in 
fecelluin  projrcditur  i  abïit  ,  nbiîr.  Da.'- 
m.ifcea-  lib^  4  ,  dejid:  Ortkoiaxx ,  cjp,  i  .4. 


DIACRE  ET  SCHOLASTIQUE  DE  LIEGE.    26% 

XVI.  L'on  demandoit  encore  pourquoi  le  Sacrifice  de  ^'?-  ?"• 
l'Eglife  n'efl  pas  compofé  du  feul  Sacrement ,  ou  du  Corps  ôc 
du  Sang  de  jefus-Chrid  fims  ie  Sacrement,  ou  pourquoi  il  eft 
eompofé  de  l'un  ôc  de  l'autre?  La  réponfe  d'Alger  elt ,  que  fi- 
rEuchariCie  étoit  un  fimple  Sacrement ,  elle  ne  difîereroit  pas 
des  Sacrifices  de  l'ancienne  Loi ,  qui  n'étoient  que  des  figures  ; 
que  Jefus-Chrifl  a  donné  à  fon  Eglife  la  vérité,  c'eft- à-dire  ,  fon 
Corps  &  fon  Sang,  afin  que  ce  que  l'ombre  ancienne  n'avoir  pu 
faire,  il  le  fit  lui-même,  opérant  tous  les  jours  fur  l'Autel  l'ou- 
vrage de  la  rédemption  qu  il  avoir  opéré  une  feule  fois  fur  la 
Croix;  mais  que  jcfus-Chrift  n'a  pas  voulu  nous  donner  fon 
Corps  ôc  fon  Sang  fans  Sacrement ,  parce  que  s'il  nous  les 
donnoit  fans  voile  &  à  découvert,  perfonne  n'ofcroit  en  appro- 
cher, foit  qu'il  fe  préfentât  à  nous  en  la  forme  qu'il  avoir  avant  fa 
mort  ,  foit  comme  il  eft  depuis  fa  réfurreftion.  Il  convenoit 
d'ailleurs,  que  fon  Corps  ôc  fon  Sang  dans  l'Euchariftie  fuffent 
couverts  du  voile  du  Sacrement ,  autant  pour  exercer  la  foi  des 
Chrétiens  ,  que  pour  ôter  aux  Payens  l'occafion  de  reprocher 
aux  Chrétiens  démanger  de  la  chair  humaine,  ôc  de  boire  du. 
fang. 

XVII.  Pourquoi ,  dira-t-on encore.  Dieu  demande-t-il  de  Cap.  ^i, 
nous  tant  de  foi  dans  le  Sacrement  de  l'Euchariftie?  C'eft,  dit 
Alger,  qu'Adam  s'étant  perdu  pour  avoir  ajouté  trop  de  foi  aux 
paroles  du  démon  ,  qui  lui  confeilloit  de  manger  du  fruit 
défendu ,  il  faut  que  nous  nous  fauvions  en  croyant  à  la  parole  de 
Dieu ,  qui  nous  ordonne  de  manger  fon  Corps  &  fon  Sang  dans  ce 
Sacrem.ent. 

XV  II  I.  A  la  queftion  pourquoi  Jefus-Chrift  a  choifi  préfé-  Cj?.  y, 
rablement  le  pain  ôc  le  vin  pour  la  confécration  de  fon  Corps 
ôc  de  fon  Sang  ,  Alger  répond,  que  c'a  été  à  caufe  que  l'homnie 
fe  nourrit  ordinairement  de  ces  deux  efpeces ,  ôc  qu'elles  ont  une 
reflemblance  avec  ce  qui  fe  paffe  dans  ce  myftere.  En  effet ,  de 
même  que  le  pain  ôc  le  vin  fe  changent  en  chair  &;  en  fang  ,  ainfi 
ils  font  changés  dans  le  Sacrement  au  Corps  ôc  au  Sang  de  J.  C. 
Il  en  donne  encore  d'autres  raifons. 

XIX.  On  lui  demandoit  aufli  pourquoi  Jefus-Chrift  ayanr  Q^.  6, 
dit  :  Celui  qui  mange  ma  Chair  ôc  qui  boit  mon  Sang,  a  la  vie 
éternelle  ,  nous  ne  paffonspas  à  cette  vieaufiitôt  que  nous  avons 
reçu  l'Euchariftie  ?  Il  répond ,  que  Dieu  diffère  de  nous  faire 
jouitde  la  vie  éternelle,  afin  qu'en  y  arrivant  avec  plus  de  mérite 
par  la  pratique  de  la  vertu  ,  nous  la  recevioiTs  avec  plus  de  pléiïl- 
lude.  Kk  iii 


3^2  ALGER, 

Ca;.  7.      XX.  Sur  la  queflion  pourquoi  Dieu  punit  ou  récompenfe 
éternellement  des  mérites  temporels ,  Alger  dit  que  Dieu    ne 
regarde  pas  Taîlion  temporelle ,  mais  qu'il  punit  ou  récompenfe 
Cap.  s.  la  volonté  éternelle  du  mal  ou  du  bien.  Il  réfout  cette  autre 
queftion  ,  pourquoi  l'on  confacre  les  deux  efpeces  féparément ,  le 
pain  au  Corps  ,  le  vin  au  Sang  ;  que  ce  neù  pas  que  le  Corps  de 
J.  C.  foit  (ans  le  ùr^.g,  ni  le  (ang  fans  corps,  puifque  le  Sauveur  eft 
tout  entier  fous  chaque  efpece  ;  mais  que  telle  eft  la  coutume  de 
l'Eglife  qui  l'a  reçue  de  Jefus-Chrift  même,  qui,  à  la  dernière 
Qj).  9-  Cène  ,  confacra  ôc  donna  féparément  fon  Corps  ôc  fon  Sang.  Il 
décide  que  l'on  peut  confacrer  avec  du  pain,  de  quelle  couleur 
il  foit ,  mais  qu"il  eft  de  la  décence  de  prendre  le  plus  blanc  ;  & 
après  avoir  combiné  les  raifons  des  Grecs  &  des  Latins  fur 
Cap.  10.  Tufagedu  pain  fermenté  &  du  pain  azyme,  il  dit,  qu'encore  que 
l'on  puilTe  fe  fervir  de  l'un  &  de  l'autre,  il  eft  mieux  de  faire 
ufage  dans  le  Sacrifice  du  pain  azyme,  dont  l'Eglife  Latine  s'eft 
fervi  dès  le  commencement. 
Livre  troi-      XXL  Dans  le  troifiéme  Livre  Alger  examine  fi  les  Prêtres  qui 
Ccme  ,  fag.  font  hors  de  l'unité  de  l'Eglife  Catholique,  les  Hérétiques  ,  les 
*^^'  Schifmatiques  confacrent   véritablement   TEuchariftie.  il  rap- 

Cjj,  I.  porte  quelques  palTages  de  faint  Auguftin  ,  de  faint  Jerame  ,  du 
Pape  Pelage,  ôc  de  quelques-autres  Anciens,  qui  femblent  dire, 
que  hors  de  l'Eglife  il  n'y  a  point  de  vrai  Sacrifice  ;  qu'ainfi  les 
Hérétiques  ,  ni  les  Schifmatiques  ne  conûcrent  pas  vaiidement. 
Cap.  t ,  3-  Enfuite  il  remarque  que  ce  fenrimenc  eft  fujet  à  de  grands  incon- 
véniens ,  parce  qu'il  s'enfuivroit  que  les  Sacremens  dépcndroient, 
non  de  la  grâce  de  Dieu  ,  mais  du  mérite  des  Miniftres  ;  qu'alors 
le  Baptême  ni  l'Eucliariftie  ne  feroient  pas  les  mêmes,  quanta 
l'effet ,  dans  un  bon  ,  comme  dans  un  méchant  Miniftre  ,  ce  qui 
en  détruiroit  l'unité. 
Cjp.\,u       XXIL  Alger  ayant  donc  pofé  pour  principe,  que  la  vali- 
'»  7*  ■         dite  des  Sacremens  ne  dépend  ni  de  la  foi ,  ni  de  la  piété  du 
Minifire,  puifqu'un  Laïc  même  peut  baptiferen  cas  de  néce'Àité, 
fut-il  encore  Payen  ;il  en  conclut  que,  comme  les  Schifmatiques 
&  les  Hérétiques  peuvent  baptifer  vaiidement ,  ii=  peuvent  aulli 
Qtp.i.  confacrer  l'Euchariftie  vaiidement ,  ces  deux  Sacremens  é^ant 
égaux  en  dignité,  6c  l'Euchariftie  le  complément  ôc  la  perfedion 
du  Baptême. 
Ckp  9.       XXI  IL  Tl  apporte  en  preuves  les  pafTages  de  faint  Auguftin, 
où  ce  Père  dit:  Que  comme  c'^^ft  Jefus-Chrift  qui  baprife  ,  c'eft 
lui  auifi  qui,  par  la  même  vertu,  change  le  pain  ôc  le  vin  en  fa 


DIACRE  ET  SCIÎOLASTIQUE  DE  LIEGE.    263 

Chair  &  en  fon  Sang  ;  ôc  ce  qu'il  dit  dans  Tes  Livres  à  Vincent  le 
Donatide ,  que  les  Sacremens  des  Hérétiques  &  des  Schifma- 
tiques  font  de  l'Eglife ,  &  fe  font  dans  l'Eglife,  pourvu  qu'ils  les 
adminiflrentôc  les  confiicrcnt  fuivant  les  rits  de  l'Eglife  Catho- 
lique. Par  le  même  principe  il  foutient,  que  ceux  qui  ont  été  o-;.  10. 
ordonnés  Prêtres  fuivant  les  mêmes  rits,  confervenr  les  pouvoirs 
du  Sacerdoce  ;  &  que  comnie  le  Baptême  demeure  entier  en 
eux,  il  en  efl:  de  même  de  lOrdination  :  d'où  vient  que  faint 
Auguflin  dit,  que  le  Sacrifice  chez  les  Hérétiques  efl  non-feulc- 
mcnt  véritable ,  mais  falutaire  à  ceux  qui  y  participent  digne-  ^''^''  "" 
ment,  ce  qu'il  entend  des  Catholiques,  qui  ne  pouvant  faire 
autrement ,  reçoivent  les  Sacremens  confacrés  par  des  Schifma- 
tiques. 

XXIV.  Alger  répond  aux  palTages  des  Pères  qui  paroiflfent  Ci-j.  n. 
contraires  à  fon  fentiment,  qu'on  doit  les  entendra",  non  des 
Sacremens  en  eux-mêmes,  comme  s'ils  les  avoient  cru  nuls 
lorfqu'ils  font  confacrés  ou  adminiftrés  par  des  Hérétiques ,  ou 

des  Schifmatiques  :  mais  de  l'abus  que  ces  Miniflres  en  font ,  & 
de  l'inutilité  des  Sacremens  à  leur  égard  ,  puifqu'au  lieu  d'eu 
tirer  de  l'avantage  ,  ils  tournent  à  leur  perte  &  à  leur  condam- 
nation ,  comme  faifant  illicirement  les  fondions  du  facré  Minif- 
tere.  Alger  penfoit  donc  que  les  Hérétiques  &  Schifmatiques 
confacroient  validement ,  mais  non  licitement. 

XXV.  En  examinant  fi  les  Sacremens  font  valides  lorfque,  /- 
foit  par  malice ,  foit  par  négligence ,  Ion  ajoute,  ou  l'on  change 
quelque  chofe  aux  paroles  facramentelles ,  il  dit  par  rapport  au 
Baptême  ,  que  pourvu  que  l'on  prononce  les  paroles  eftentielles 
de  la  forme  ordinaire,  le  Sacrement  a  fon  effet,  eut-on  omis 
quelque  cérémonie ,  ou  changé  par  ignorance  quelque  chofe 
dans  les  paroles  facramentelles.  C'eft  fur  ce  principe  que  le  Pape 
Zacharie  approuva  le  Baptême  conféré  en  cette  forte  par  un 
Prêtre  qui  ne  fçavoit  pas  le  latin  :  Baptifo  te  in  nomine  Patria ,  Cs" 
Filia,  ù"  Spiritua  Saji6ia  ;  mais  il  ajoute  que  le  Baptême  donné 
par  des  Hérétiques  dans  une  autre  forme  que  celle  de  l'Eglife  , 
doit  être  rejette.  En  général  il  défend  dintroduire  dans  la  célé- 
bration des  Myftercs,  les  nouveautés  des  fedes  ôc  des  héréfies, 

&.  veut  que  l'on  s'en  tienne  exademcnt  à  ce  qui  a  été  inflitué  par 
Jefus-Chrifl:. 

XXV^I.  Nous  avons  dit  plus  haut  que  Pierre,  Abbé  de  Jugementde 
Cluni,préferoit  le  Traité  d'Alger  fur  l'Euchariftie ,  à  ceux  que  pj"'"*. "''r*''' 
Lar.fra.ic  Ôc  Guitmond  d'Averfe  ont  écrits  fur  le  même  fujet.  Ses  ena  faàe'. 


2^4  ALGER, 

paroles  font  remarquables.  Lanfranc  ,  dit-il  (a) ,  d.  bien  écrit  fur 
l'Euchariftie  ,  pleinement  ,  parfaitement  ;  Guitmond  encore 
mieux  ,  plus  pleinement ,  plus  parfaitement  ;  6c  Alger  très-bien  , 
très-pleinement ,  très-parfaitement.  Erafme  (  b  )  difoit ,  en  parlant 
de  cet  excellent  ouvrage,  à  un  Evêque:  Je  n'ai  jamais  douté  de 
la  vérité  du  Corps  ôc  du  Sang  de  Jefus-Chrilt ,  mais  j'avoue  que 
la  lecture  de  ce  Livre  également  pieux  ôc  dottc,  m'en  a  fortifié 
la  croyance ,  ôc  augmenté  le  refped.  Ce  fut  aulTi  le  Traité  d'Alger 
que  Jean  Ulimer,  Chanoine  régulier  de  Louvain ,  clioifit  avec 
ceux  de  Lanfranc  ,  de  Pafchafe,  ôc  de  Guitmond,  pour  les 
oppofer  aux  Proteftans  de  Hollande,  par  l'édition  qu'il  en  fit  à 
Louvain  en  1761;  il  fut  réimprimé  dans  les  Bibliothèques  des 
Pères  de  Paris  en  ij 75"  ,  ijSp,  K^ii  j'  i(ÎJ-i  »  de  Cologne  en 
1 6 1 8  ,  ôc  de  Lyon  en  1  677. 
Traitédela  X  X  V  IL  Le  Traité  d'Alger  intitulé,  de  la  Miféricorde  ôc 
mitencodeSc  ^     j^  Juftice ,  eft  demeuré  lonç-temps  caché  dans  les  Biblio- 

de  la  JuHice ,  -^  ?  »»    i^'ri         ^^       j  i     n   /r  i 

tom.  5 ,  anfc-  thcques  manulcrites.  Uom  Mabuion  en  donna  la  rrérace  dans 

dot.Martenne,  fes  (r)  Analcdcs  ,  avec  la  vie  d'Alger  par  Nicolas  de  Liège. 

pas.  loio  V  -r^       .     ,,  '       .        f  f      v\-  '         T\        ^x  j 

l-gj^  Depuis,  1  ouvrage  entier  a  été  public  pat  Uom  Martenne,  dans 

le  cinquième  tome  de  fes  Anecdotes.  11  eft  divifé  en  trois  parties, 
•dont  la  première  traite  de  la  miféricorde  prefcrite  par  les  Canons 
envers  les  pécheurs.  Alger  examine  en  quelle  manière  on  doit 
enufer,  ôc  jufqu'à  quel  tems.  La  féconde  traite  delà  juftice; 
l'Auteur  y  fait  voir  comment,  ôc  en  quel  ordre  elle  doit  fe  rendre 
dans  l'Eglife,  pour  le  maintien  de  la  difcipline.  Il  eft  queftioii 
dans  la  troifiéme  des  diverfes  héréfies ,  en  quoi  leur  dottrinc 
diffère  de  celle  de  l'Eglife  Catholique  ,  ôc  en  quoi  elles  font 
différentes  entr'elles.  Alger  n'avance  rien  q.u'il  ne  le  prouve  par 
l'autorité  des  Papes  ,  des  Pères  ôc  des  Conciles  ;  mais  il  ne 
rapporte  pas  toujours  leurs  pafTages  entiers.  Souvent  il  n'en  prend 
que  ce  qui  fert  précifémeiu  à  fon  fujet.  Ce  qu'il  rapporte  des 
Papes  eft  prefque  toujours  tiré  des  fauffes  Décretales.  Les  diffé- 
rentes erreurs  que  l'on  répandoit  de  fon  tems,  ôc  les  fcliifmes 
dont  l'Eglife  étoit  affligée  alors  ,  l'engagèrent  à  compofer  cet 
écrit,  afin  qu'en  mettant  aux  Fidèles  fous  les  yeux  les  règles  de 
l'Eglife,  les  bons  fe  confîrmaffent  dans  la  vérité  ,  ôc  les  méchans 
ne  puffent  fe  refufer  à  l'autorité  évidente  des  Canons. 


(a  )  Pitrus  contra  Htnrkian.  lih.  ^,       i       (  c  )  Mabillon.  in  andeSis  ,  p,7g.   1  jo. 
pas- 


{a)  fitrus  contra  ntnncuin.  tm.  i.       1 
(i  )  Erafm.  epill.  »8  ,  edh,  Londinsnf.  I 

[pr.   I.  i 

xxvin. 


DIACRE  ET  SCHOL ASTIQUE  DE  LIEGE,   a^f 

XXVIII.  Nous  remarquerons  dans  la  première  partie ,  qu'il     Analyfe  dt 
y  a  des  préceptes  ,  foit  divins,  foit  eccléfiaftiques  ,  dont  il  faut  parne^""/*;! 
quelquefois  difpenfcr ,  à  raifon  des  circonftances  des  tems ,  des  pag.  1014. 
perfonnes,  de  la  nécclfité ,  de  l'utilité.  Dieu  avoit  commandé  à 

David  de  bâtir  un  Temple  ,  mais  voyant  enfuite  qu'il  étoit 
un  homme  de  fang  ,  il  révoqua  cet  ordret   Saint  Paul  avoit 
défendu  la  circoncifion   aux   Gentils  ,  cependant  il  circoncit 
Timothée,  pour  empêcher  que  les  fimples  ne  tombalTent  dans 
l'erreur,  en  s'imaginant  que  la  circoncifion  étoit  aufli  facrilege 
que  l'idolâtrie.  Alger  enfeignc  d'après  faint  Auguflin,  qu'il  faut  p 
quelquefois  tolérer  les    méchans  pour  le  bien  de    l'unité  de 
l'Eglife  &  de  la  paix  ;  qu'il  n'eft  pas  nuifible  de.  recevoir  les  p^^  ,04,. 
Sacremens  de  la  main  des  Miniftres  indignes;  que  le  Baptême 
donné  ,  même  par  un  Payen  ,  ne  doit  pas  être  réitéré  ;  qu'avant  Pag.  1044. 
la  confécration  le  pain  ôc  le  vin  font  fubftantieliement  du  pain  6c 
du  vin  ,  ôc  qu'après  la  confécration  ils  font  changés  ,  enforte  que 
c'cft  la  Chair  ôc  le  Sang  du  Seigneur,  en  la  même  chair  dans 
laquelle  il eft  né  de  la  Vierge,ôc qu'il  eftalfis  à  la  droite  du  Père  ; 
que  foit  dans  le  Baptême ,  foit  dans  le  Sacrement  de  Pénitence ,  p      ^^^^^ 
nous  recevons  parle  minillere  d'un  mauvais  Prêtre,  mais  Catho- 
lique ,  la  rémillion  de  nos  péchés ,  ôc  qu'il  en  eft  de  même  des      p.^^,  lo^i 
autres  Sacremens;  que  quand  le  mal  s'eft  emparé  de  la  multi-  &*  »°î^' 
tude,il  nerefteauxbons  qu'à  gémir  ôcà  fouffrir ,  de  peur  que  la  pa^.  losi. 
féverité  de  la  correction  n'occafionne  un  fchifme. 

XXIX.  Il  dit  dans  la  féconde  partie  ,  qu'encore   que   la         Second» 
pénitence  d'un  Prêtre ,  dont  le  crime  eft  public  ,  doive   être  partie. 
connue  de  tout   le  monde  ,  elle  doit  fe  faire  fecrettement ,     ^^'  '°^'* 
comme  dans  un  lieu  féparé  du  Cloître  ou  du  Monaftere  ;  ôc  que 

s'il  fait  une  digne  pénitence  de  fes  fautes ,  on  doit  le  rétablir  dans 

fa  dignité  ;  qu'il  faut  punir  de  verges  celui  qui  a  attaqué  la  repu-  p^g.  n>gj. 

tation  de  quelqu'un  publiquement ,  foit  de  vive  voix  ,  foit  par 

écrit.   Alger  entre  dans  le  détail  des  qualités  des  Juges,  des 

témoins  ,  des  accufateurs  ôc  de  leur  nombre  ,  ôc  de  la  manière 

dont  les  accufés  doivent  fe  juftifier. 

XXX.  Dans  la  troifiémc  partie  il  donne  la  différence  de       Troifiéme 
l'héréfie  d'avec  le  fchifme.  L'hérciis  eft  un  dogme  contraire  à  la  partie.    Pig. 
foi  Catholique  :  le  fchifme  ,  une  féparation  de  l'Eglife  Catho-  "°°^/'^î- 
lique.  Les  Sacremens  conférés  par  les  Schifmatiques  font  vali- 
des ,  mais  inutiles  à  ceux  qui  font  dans  le  fchifme  ;  s'ils  revien- 
nent à  l'Eglife ,  on  ne  réitère  en  eux  ni  le  Baptême ,  ni  l'Ordina- 
tion, on  fe  contente  de  leur  impofer  les  mains  :  on  l'inipofe  aulîi 

Tome  XXI L  Ll 


s6S  ALGER.; 

à  ceux  qui  ayant  été  baptifés  par  les  Hérétiques ,  embraflTent  la 
foi  Catholique,  pourvu  que  le  Baptême  leur  air  été  conféré  au 
nom  des  trois  Perfonnes  de  la  fainte  Trinité.  Alger  s'élève  forte- 
ment contre  la  fmionie  ;  ôc  diflinguant  entre  la  puifTance  Royale 
ôc  la  Pontificale,  il  dit,  que  comme  les  Prêtres  doivent  être 
fournis  aux  Rois  en  ce  qui  regarde  les  chofes  terreftres  ,  les  Rois 
doivent  être  encore  plus  fournis  aux  Prêtres  en  ce  qui  regarde  la 
p  Religion.  Il  établit  les  prérogatives  du  Siège  Apoftolique  fur 

'  toutes  les  Eglifes ,  fon  droit  de  juger  leurs  caufes  par  appel ,  de 
p     j        condamner  feul  les  Hérétiques,  6c  d'abfoudre  ceux  qui  auroienc 

été  condamnés  injultement  dans  quelque  Synode. 
Hiftoirede       XXXI.  Alger  s'étoit  appliqué  à  recueillir  tout  ce  qu'il 
TEgiiCe  de     avoit  oûi ,  OU  trouvé  par  écrit  touchant  la  dignité  6c  les  privi- 
2*'  leges  de  i'Eglife  de  Liège  ;  ôc  afin  qu'à  l'avenir  quelques  Clercs 

inquiets  ôc  amateurs  de  nouveautés ,  ne  s'avifafTcnt  pas  de  cou- 
telier à  cette  Eglifefes  anciennes  prérogatives,  il  fît  là-deffus  un 
Traité  hiftorique.  Nicolas  de  Liège  le  cite  dans  (  a  )  fes  Remar- 
ques fur  les  écrits  d'Alger j  mais  il  n'eft  pas  venu  jufqu'à  nous, 
non  plus  qu'un  Livre  de  vers  ou  depoëmes;car  Tritheme  [b) 
dit  qu'Alger  étoit  Poète.  Nous  avons  aufîi  perdu  grand  nombre 
de  Lettres  (  c)  à  diverfes  perfonnes  ,  ôc  àdiverfcs  Eglifes  fur  des 
aflfeires  Ecclefiaftiqucs.   Tritheme  fait   encore   mention   d'un 
Traité  d'Alger  fur  la  grâce  ôc  le  libre  arbitre.  Il  a  été  publié 
depuis  qu«lques  années  par  Dom  Bernard  Fez  ,  au  quatrième 
tome  de  fes  Anecdotes. 
Trpné(^ela      XXXII.  Voici  ce  que  contient  ce  petit  Traité  divifë  en 
frace  &   du  cinq  chapitres.  Adam  avant  fon  péché  étoit  tellement  libre,  qu'il 
^^ r^anec'-  "^  pouvoit  être  Contraint  ni  pour  le  bien,  ni  pour  le  mal.  Il 
det.Pe\.parr.  pouvoit  tomber  de  lui-même  dans  le  péché,  ôc  ne  pouvoit  fe 
*,;«£.  H3.  foutenir  dans  l'état  où  il  avoit  été  créé,  que  Dieu  ne  l'aidât  de 
fa  grâce.  Se  fiant  trop  à  fes  propres  forces ,  il  confentrtlibremait 
aux  mauvais  confeils  du  démon.  Par  fa  chute  tous  fes  defcendans 
en  devinrent  les  efclaves  ,  ôc  ils  l'onc  été  jufqu'à   ce  que  le 
Seigneur  nous  a  rétabli  dans  notre  premier  degré  de  liberté.  La 
préaeftination  des  bons  à  la  vie  éternelle,  ôc  la  prcfcience  des 
méchans  à  la  peine  éternelle ,  ne  nuit  en  rien  à  notre  libre  arbitre. 
Il  a  prévu  que  par  fbn  fecours  nous  ferions  vertueux ,  ou  que  de 


(a)   Tom..  ir  antcéot.  Mjrten.  pag.  |   -tiS  ,(!'■  !ib.  x  ^  capt  90,  ii  iUui'rih.  Ori, 
ICI  •  16".  E'-n'c'ifù. 

i^b)  Tiith^m.    ie  Script,  Ecclef.  a^.  '       {^c j  iutr^  '.,m:cdpt.i\}arte.i  pjj.io: :. 


DIACRE  ET  SCHOLASTIQUE  DE  LIEGE.  26^ 

flous-mêmes  nous  ferions  méchans.  Quel  inconvénient  y  a-t-il , 
que  félon  les  divers  mérites  qu'il  a  prévus,  il  ait  préordonné  les 
uns  à  la  gloire,  les  autres  aux  fupplices  f  Sa  prévifion  étec-  Cap.  %, 
nelle  n'impofe  aucune  nécclTité  aux  bons ,  ni  aux  mauvais. 

XXXIII.  Aulfi  l'on  ne  peut  douter  que  nous  ne  pui/Tîons  C^-  4. 
par  nos  mérites  ôc  par  nos  prières  obtenir  une  place  parmi  les 
prédeftinés ,  parce  que  Dieu  en  prédeftinant  les  bons,  lespré- 
deftinc  de  façon  qu'ils  obtiennent  (  a  )  eux-mêmes  par  leur» 
mérites  6c  par  leurs  prières  cette  prédcftination.  Mais  il  faut  Cag.  a 
remarquer  qu'encore  que  notre  libre  arbitre  foit  excmt  de  cott- 
trainte  extérieure ,  il  peut  bien  de  lui-même  vouloir  le  mal ,  mais 
noripas  le  bien  fans  l'infpiration  de  la  grâce  de  Dieu.  Alger  dans 
ce  Traité  n'allègue  aucune  autorité  des  Percs  de  l'Eglifc  ,  ni 
même  de  l'Ecriture ,  qui  ait  un  rapport  direft  à  fa  matière.  Il  ne 
procède  que  par  voye  de  raifonnement.  Tritheme  (  h  )  parle  de 
ce  Traité ,  &  il  porte  le  nom  d'Alger  dans  le  manufcrit  d'Uffen- 
bach  fur  lequel  il  a  été  donné  au  Public  par  Dom  Pez.  Nicolas 
de  Liège  n'en  dit  rien  ,  peut-être  le  comprenoit-il  dans  le 
nombre  des  Lettres  de  cet  Auteur.  C'cft  la  conjedure  (  c  )  de 
l'Editeur. 

CHAPITRE     XVI  L 

GuiLLAu ME  t  Abbé  de  Saint  ThierrL 

I,  /^'EsT  faire  en  un  mot  fon  éloge,  que  de  dire,  qu'il  fut    Guillaume; 
V^  jufqu'à  fa  mort  uni  d'une  étroite  amitié  avec  S.  Bernard,  j^^^^^  ^°* 
Guillaume  étoit  originaire  (d)  de  Liège,  6c  né  d'une  famille  m», 
noble.  Envoyé  à  Reims  avec  Simon  fon  frère  pour  y  faire  leurs 
études ,  ils  fe  confacrerent  l'un  6c  l'autre  au  fervice  de  Dieu  dans 
l'Abbaye  de  faint  Nicaife,  célèbre  alors  par  l'exa^litudc  de  la 
difcipline  régulière  que  l'on  y  obfervoit.  Ils  la  pratiquèrent  eux- 
mêmes  avec  tant  de  zèle  ,  qu'on  les  jugea  dignes  de  la  fairo 
obfccver  aux  autres.  Simon  fut  choifi  pour  Abbé  de  faint  Nicolas 

(  a  )  Sed  cum  Dominui  bonus  ad  vitam  1  (  6  )  Trithem.  de  Script.  Ecclef.  cap.  ?  i8. 

prideftinaverit ,  ita  eos  pracdeftinavit  ut  I  (  c  )  Pf^.  dijjertat.  in  tom.  4  ,  pag-  X. 

ipfa  fua  prrJelUnatio  mentis  &  precibus  (d)  MabiUon.  notis  in  epijl.  8f,  B«r- 

aoftris  obtineacur.  Cap.  4.                           1  nardi,  tom.  i  ,pag.  34 • 

LHj 


irfg  GUILLAUME, 

aux  Bois  dans  le  Diocèfe  de  Laon  ;  ôc  Guillaume    envoyé  à 
l'Abbaye  de  faint  Thierri  proche  de  Reims, pour  prendre  la 
place  de  l'Abbé  Geoffroi  que  l'on  venoit  de  transférer  à  faint 
Mcdard  de  Soiflbns  ,  c'étoit  en  i  i  20. 
S«liai(bi»       1 1.  Guillaume  n'étant  encore  que  Moine  à  faint  Nicaife  fît  un 

arec  laintBer-  yQy^gg  ^  Clairvaux ,  fur  le  bruit  que  faint  Bernard ,  dont  les  vertus 
éclatoient  par-tout  ,  y  étoit  tombé  malade.  Ce  fut  dans  cette 
première  entrevue  que  fe  forma  entr'eux  cette  liaifon  d'eftime  ÔC 
d'amitié  qui  fubfifta  toujours  entreux.  Guillaume  ,  autant  attira 
à  Clairvaux  par  la  pauvreté  &  la  Hniplicité  de  la  vie  de  faint 
Bernard,  que  par  la  douceur  &  l'onâion  de  fcs  entretiens ,  fc 
préfenta  plufieurs  fois  pour  y  être  re»;u  dans  la  Communauté  ; 
mais. voyant  que  le  faint  Abbé  lui  refufoit  cette  grâce,  il  quitta 
volontairement  fon  Abbaye  de  faint  Thierri  ^  &  fe  retira  au 
Monaftcre  de  Signi,  Ordre  de  Cîtcaux  ,  dans  le  Diocèfe  de 
Reims. 
II  quitte       111.   Il  faut  mettre  cette   retraite  en   1 1 54  ,  puifqu'il  eft 

^'^^^^^    ^*"  conftant  oar  le  catalogue  des  Abbés  de  faint  Thierri ,  que  Guil- 

faintThiern,  '  i-    i       r       -l-  j  j-       •    /  j 

&  fe  retire  à  laume  y  remplit  les  ronctions  de  cette  dignité  pendant  quatorze 
Shni  en  ^^g  gc  cinq  mois.  Il  fit  vœu  de  fiabilité  à  Signi  en  1 1 5  j  ,  ôc  y 
ènilîo!"'""  vécut  pendant  environ  quinze  ans  dans  la  pratique  exatte  de  la 
Règle ,  toujours  occupé  de  la  méditation  des  chofes  céleftes.  11 
mourut  vers  l'an  i  1  yo  >  après  avoir  écrit  le  premier  Livre  de  la 
vie  de  ce  Saint ,  qui  fut  continuée  par  Arnaud  de  Bonneval. 
Saint  Bernard  faiîbit  tant  de  cas  de  l'érudition  ôc  de  la  dodrinc 
de  Guillaume,  qu'il  lui  dédia  fon  Livre  de  la  grâce  ôc  du  libre 
arbitre,  en  le  foumettant  à  fa  cenfure.  Luc ,  Abbé  de  Cuilli., 
l'ayant  confulté  fur  quelques  difficultés  ,  il  lui  répondit  :  Je 
fuis  (a)  furpris  qu'étant  fi  éloigné  ,  vous  vous  foyezadreffé  à  moi 
pour  réfoudre  vos  queflions ,  tandis  que  vous  avez  près  de  vous 
un  homme  fage ,  qui  eft  porté  d'inclination  poux  votre  Maifou, 
je  veux  dire  l'Abbé  de  faint  Thierri. 
Ses  écrits.  I  V.  Ses  ouvrages  ont  été  recueillis  par  Uom  Bertrand  Tîfîier, 
dans  le  quatrième  tome  de  la  Bibliothèque  de  Cîteauï ,  imprimée 
à  Bonne-Fontaine  en  ï56j?  in-fol.  en  voici  le  Catalogue  :  le 
miroir  de  la  Foi;  Ténigme  delà  Foi;  un  Livre  de  Méditatiotis 
publié  à  Louvain  en  1 J46  ,  à  Anvers  en  lyjo,  1  jpo,  ôc  dans 
le  vingt-deuxième  tome  de  la  Bibliothèque  des  Pères  à  Lyon  eu 
3677  ;  le  Traité  de  la  nature  ôc  de  la  dignité  de  l'Amour  divin, 

(.«_)   fciuacd  ,  f^ij..  7I)   in  primjk  tdit.  i/i  Jifiu/ita  yj. 


ABBÉ    DE   SAINT    T  H  I  E  R  R  I.        269 

qui  a  été  imprime  à  Loavain  ,  à  Anvers  avec  ie  Livre  des  Médi- 
tations, ôc  dans  les  nouvelles  éJitions  de  faint  Bernard.  On  y 
trouve  un  autre  Traité  de  Guillaume  de  faint  Thierri,  intitulé 
de  la  contemplation  de  Dieu.  Il  compofa  aulli  deux  Livres  de  la 
nature  du  corps  ôc  de  l'ame  ,  adreflés  à  Théophile  ;  trois  autres 
qui  ont  pour  titre  :  Difpute  des  Pères  Catholiques  contre  les 
dogmes  de  Pierre  Abaillard  ,  dédiés  à  Hugues  ,  Archevêque  de 
Rouen ,  avec  une  Lettre  à  Geoffroi ,  Evéque  de  Chartres  ,  ôc  à 
faint  Bernard  ;  un  Traité  des  erreurs  de  Guillaimiede  Conches; 
un  Commentaire  imparfait  furie  Cantique  des  Cantiques  ;  un  fur 
l'Epître  aux  Romains,  dont  il  efl:  fait  mention  dans  l'Appen- 
dice fa)  à  Henri  de  Gand  ;  ôc  un  Traité  du  Sacrement  de 
l'Autel.  Tritheme  en  parle  dans  fon  Catalogue  (  b  )  des  Ecrivains 
Eccléliafliques.  Tous  ces  écrits  font  contenus  dans  le  quatrième 
tome  de  la  Bibliothèque  de  Cîteaux.  Il  y  en  a  d'autres  imprimés 
ailleurs;  fcavoir,  un  Commentaire  fur  le  Cantique  des  Can- 
tiques ,  à  la  rin  du  premier  tome  des  (Euvres  de  faint  Ambroife; 
ôc  un  fécond  Commentaire  fur  le  même  Livre  tiré  des  écrits  de 
faint  Grégoire  le  Grand.  Ce  dernier  Commentaire  a  été  rendu 
public  par  CafiinirOudin  ,  avec  quelques  opufcules  des  anciens 
Ecrivains  de  France  ôc  de  Flandres,  à  Leyde  en  1692  m-8®. 
Le  premier  Livre  de  la  vie  de  faint  Bernard  par  l'Abbé  Guil- 
laume, fe  trouve  dans  Surius  ôc  dans  Bollandus  au  vingtième 
d'Août  ,  fie  dans  diverfes  éditions  des  (Ëuvres  de  ce  Père. 
Tritheme  (c)  fait  mention  d'un  Livre  de  Guillaume  ,  fous  le 
titre  de  Sentences  de  la  Foi.  Oudin  dit  en  avoir  donné  un  à 
Dom  Thomas  Blampin  ,  pour  le  mettre  dans  l'Appendice  au 
dernier  tome  des  ouvrages  de  faint  Augudin  ;  on  ne  l'y  trouve- 
point  ;  ôc  les  Sentences  mêlées  d'i^n  Auteur  inconnu  imprimées 
dans  l'Appendice  du  fixiémc  tome,  n'ont  point  de  rapport  à  cet 
opufcule ,  étant  plus  morales  que  dogmatiques.  Mais  il  faut 
entrer  dans  le  détail  de  quelques-uns  des  ouvrages  de  Guil- 
laume. 

V.  Il  étoit  autrefois  d'ufage  aux  perfonnes  de  grande  piété,      Livre  dçjr 
de  compofer  pour  elles-mêmes  des  formules  de  prières  ôc  de  '"^'i'»"''"'.» 
méditanons ,  ahn  de  ranimer  de  tcms  en  tems  leur  ferveur  ,  ôc  j/i^f.  pat. 
de  fe  rappeller  plus  aifément  les  vérités  du  falur.  C'eft  dans  cette  '^H'  "♦»• 
vue  que  faint  Augudin  écrivit  fes  Soliloques  ôc  fes  ConfelHons» 

(«  .  Ld'^.  6.  I      (c)  IbiJ. 

ih  Ca^.  383.  \ 

L  1  iij 


270  GUILLAUME, 

Guillaume ,  dans  fes  formules  de  méditations  ôc  de  prières ,  fe 

propofa  non-feulement  fon  utilité  particulière,  mais  aufTi  celles 

des  Novices,  dont  il  étoit  important  de  former  de  bonne  heure 

l'cfprit  dans  les  exercices  de  la  viefpirituellc.  Ses  méditations  ÔC 

fes  prières  roulent  fur  divers  paffages  de  l'Ecriture  ,  fur-tout 

des  Pfeaumes  ,  dont  il  donne  en  paffant  le  fens  myftique  ÔC 

moral, 

Traîtcdela      V  I.  Dans  le  Traité  de  la  nature  &  de  la  dignité  de  l'amour 

nature  &  de  la  (Je  Dieu  ,  Guillaume  inftruit  le  vrai  Philofophe,  c'eft-à-dire ,  le 

inour^divin*  vrai  Chrétien  ,  par  quels  dégrés  6c  en  quelle  manière  il  peut  par- 

lom.  i  Op.  venir  à  la  pcrfetliou  de  l'amour  de  Dieu ,  telle  qu'on  peut  l'avoir 
Bcrnardi,pag.  ^^  ^^^^^  ^j^^ 

*  Traité  de  la  VII.  Le  Traité  de  la  contemplation  de  Dieu  a  été  attribué 
contempla-  quelquefois ,  de  même  que  le  précédent ,  à  faint  Bernard,  fous 
t!fm  !  'n*,'  le  titre  de  Soliloques  ;  mais  Guillaume  fe  reconnoît  Auteur  de 
Uernarà.pi^.  l'un  6c  l'autrc ,  dans  le  catalogue  de  fes  ouvrages  rapporté  par 
***'  Dom  TifTier.  Ils  font  aufll  fous  fon  nom  dans  la  lifte  de  fes  écrits 

par  l'Abbé  Tritheme,  6c  dans  l'abrégé  de  la  vie  de  Guillaume 
cité  (a)  par  Dom  Mabillon.  Il  eft  à  remarquer,  que  ce  Traité 
cft  le  même  ,  qui  dans  le  vingt-deuxième  tome  de  la  Bibliothèque 
des  Pères,  a  pour  titre,  de  l'amour  de  Dieu,  ôc  que  l'on  n'a 
fupprimé  que  le  Prologue-  L'Auteur  fait  voir  la  néceffité  d'aimer 
Dieu,  &  que  le  premier  précepte  du  Décalogue  ne  peut  s'ac- 
complir que  par  l'obfervation  des  autres  Commandemens.  Pour 
montrer  les  avantages  de  la  contemplation  ,  ilrepréfente  en  ces 
termes  ceux  qu'il  en  tiroit  lui-même:  Quelquefois,  Seigneur, 
lorfque  je  vous  contemple,  les  yeux  quafi  fermés,  vous  envoyez 
dans  la  bouche  de  mon  cœur  un  je  ne  fçai  quoi  qu'il  ne  m'eft 
Cal-  9.  point  permis  de  connoître.  Je  fens  une  faveur  douce  qui  me 
fortifie  de  telle  forte ,  que  fi  elle  demeuroit  toujours  en  moi ,  je  ne 
chercherois  rien  au-delà. 
Traita»  du      V  1 1 1.  Les  deux  opufcules ,  l'un  intitulé ,  le  miroir  de  la  Foi  ; 
r^^iemedela  l'autre ,  l'énigme  de  la  Foi ,  ont  un  même  but ,  qui  efi  de  nous 
Foi  ;  de  la  na-  apprendre  en  peu  de  termes ,  mais  très-clairs ,  ce  que  nous  devons 
turc  du  corpi  f.,Q\^Q^  Dans  le  petit  Traité  de  la  Phyfique ,  c'eft-à-dirc  ,  de  la 

&  de  lame,  '''^  ,  «ji.  -i  Jin,        ^^  -^ 

tom.  4  ,  Bi-  nature  du  corps  ôc  de  1  ame ,  il  apprend  au  Letteur  a  le  connoître 
Hiou    Cpr-  foi-même. 

**ï^rres  con-  I  ^'  Guillaume  de  faint  Thierri  voyant  que  Pierre  Abaillard , 
tre  Pierre  A-  environ  dix-huit  ans  après   fa  condamnation  au  Concile  do 

baillard     & 

(  «  )  Pratfat.  in  lii.  àe  contsmplvido  Dto  tf  de  MWa  amorit  Dei, 


ABBÉ   DE   SAINT   THIERRI.        271 

Soiflbns,  rccocnmcnçoit  en   iijp  à  ënfeigncr  des  nouveautés»  LettreàGeoF-' 

que  fcs   écrits  paiïbient  les  Mers ,  ôc  traverfoient  les  Alpes  >  ^''°'  *'*-.S''"* 

que  fes  nouveaux  dogmes  fe  répandoient  dans  les  Provinces ,  &       ' 

qu'on  les  y  foutenoit  librement,  en  écrivit  àGeofFroi,  Evêque 

de  Chartres,  &  à  faint  Bernard.  11  fit  plus.  Ayant  trouvé  par 

hazard  la  Théologie  d'Abaillard ,  il  en  fit  divers  extraits  qu'il 

ïéduifit  à  treize  propofitions.  Il  les  réfuta  par  un  ouvrage  divifé 

en  trois  Livres,  6c  dédié  à  Hugues,  Archevêque  de  Rouen  , 

fous  ce  titre  :  Difpute  des  Pères  Catholiques  contre  les  dogmes 

dePierre  Abaillard.il  rapporte  en  plufieurs  endroits  les  propres 

paroles  de  cet  Ecrivain ,  ôc  leur  oppofe  celles  des  Pères.  La 

Lettre  à  Geoffroi  de  Chartres  ,&  à  faint  Bernard ,  fert  de  Préface 

à  tout  l'ouvrage.  Guillaume  les  exhone  l'un  &  l'autre  à  réfuter 

au-Ti  Abaillard.  L'Abbé  de  Clairvaux  (a)  goûta  beaucoup  l'écrit 

de  Guillaume  ,  le  crut  afTcz  fort  pour  renverfer  les  impiétés  qu'il 

attaquoit,  &  lui  promit  d'en  conférer  avec  lui.  Il  a  déjà  été  parlé 

de  tout  ce  qui  fe  pafTa  en  cette  occafion ,  &  il  en  fera  encore  dit 

quelque  chofe  dans  l'article  de  faint  Bernard. 

X.   C'efl  au  même  Saint  que  Guillaume  adrelTa  la  réfatation      Traité  con- 
des  erreurs  de  Guillaume  de  Conches,  qui  avoir  expliqué  le  tre les  erreurs 
myftere  de  la  fainte  Trinité,  à  peu  près  de  la  même  manière  que  j^  Conch"eT' 
Pierre   Abaillard.  Il  difoit  entr'autrcs  ,  que  le  Père  étoit   la  tom.  4  ,  Bi- 
puiflance  ;  le  Fils ,  la  fageiïe;  le  Saint-Efprit ,  la  volonté.  Confias  *^''''*  O^en^ 
d'avoir  raifonné  plus  en  Philofophc  qu'en  Théologien  fur  nos 
Myfleres  ,  il  rétratla   ce  qu'il  avoir  avancé  de  contraire  aux 
dogmes  de  la  Religion,  Le  Livre  oia  il  fit  cette,  rétradation  eft 
un  Dialogue  entre  Henri  II.  Duc  de  Normandie  ,  &  lui ,  \xvà- 
tulé  Dragmaticon  j  que  l'on  conferve  encore  dans  la  Bibliothèque 
du  Mont  faint  Michel.  Le  Pcrele  Long  (6)  cite  de  Guillaume 
de  Conches  une  Glofc  manufcrite  fur  les  quatre  Evangiles.  Ses 
autres  écrits  traitoient  des  matières  Philofophiques»  On  met  fai 
mort  vers  l'an  1150. 

X  I.  Guillaume  de  faint  Thierri  étant  (c  )  malade  à  Clair-       Commerv- 
vaux,  pria  faint  Bernard  de  lui  expliquer  le  Cantique  des  Can-  5?'''"  ^""^  ,'t 

1  r  lor  I  in  Caïuique    de* 

tiques  dans  un  lens  moral,  ôc  lans  entrer  dans  les  mylteres  que  Cantiques  , 
ce  Cantique  renferme.  Chaque  jour  il  mettoit  par  écrit ,  autant  'S"/^-  V-a^'" 
que  fa  mémoire  pouvoir  lui  fournir ,  ce  que  l'Abbé  de  Clairvaux    '°'"    ^*'^^ 
avoit  dit ,  dans  le  deflein  d'en  faire  un  Commentaire  fuivi  ;  mais 


(0:)  EpiJl.B^rnard  iz6(y  ^i7,edit.an.  \      (i)Paj;.  7î3. 
■713.  /       (c)  Lib.i,.divi::iBernirdiyCa2^yx^ 


272  GUILLAUME, 

il  ne  le  conduifit  que  jufqu'au  troiliéme   verfet  du   chapitre 
troifiéme.  C'eft  ce  Coniaientaire  qui  efl:  imprimé  dans  le  qua- 
trième tome  de  la  Bibliothèque  de  Citeaux.  Il  y  sp,  a  un  autre 
fur  les  deux  premiers  chapitres  du  méina  Livre  ,  qui  n'ell  qu'un 
abrégé  des  Sermons  de  S.  Bernard  fur  le  Cantique  des  Cantiques. 
P<ig-  î75.  Dom  Mabillon  l'a  publié  dans  le  fécond  tome  des  œuvres  de  ce 
Pece  ,  fur  un  manufcrit  de  l'Abbaye  de  Dunes  en  Flandres  ,  où  ii 
fe  trou  voit  joint  à  deux  opufcules  de  Guillaume  ;  l'un,  de  la 
contemplation  de  Dieu  ;  l'autre  ,  de  la  nature  Ôc  de  la  dignité  de 
l'Amour  divin.  Cela  lui  donne  lieu  de  conjecturer  que  ce  Com- 
mentaire efl  du  môme  Auteur  que  ces  deux  Traités  ;  ôc  il  appuyé 
la  conjeclurc  fur  la  conformité   du  (lyle.  Guillaume  de  faint 
Thierri ,  dans  le  catalogue  de  fes  ouvrages  ,  fc  déclare  Auteur  de 
deux  autres  Commentaires  fur  le  Cantique  des  Cantiques  ;  l'un , 
tiré  des  écrits  de  S.  Anibroife  ,  trouvé  (a)  dans  le  Monaftere 
deSigni,  écrit  de  la  main  même  de  Guillaume  ;  l'autre  ,  extrait 
des  ouvrages  de  faint  Grégoire  le  Grand.  Le  premier  fe  lit  à  la  lin 
du  premier  tome  des  oeuvres  de  laint  Ambroile  ;  le  fécond  fut 
imprimé  à  Leyde  en  1692  ,  par  les  foins  de  Calimir  Oudin , 
Comme  on  l'a  déjà  remarqué. 
Semences       XII.    L'opufcule  des  Sentences  de  la  Foi  n'a  pas  encore  été 
T  '*ë  d*^'<^     ^^^  ^°"*  '^  prelTe.  On  le  dit  écrit  de  la  main  de  Guillaume  dans 
cremcnt   "de  l'Abbaye  de  Signi.  Il  y  traite  de  l'elTence  divine,  de  fes  attri- 
l'Autei,  tom.  buts ,  de /a  trinité  des  Perfonnes  ,  de  l'unité  de  nature  ,  &  de  la 
urclnf.'        création  des  Anges  ôc  de  l'Homme  ,  employant  prefque  toujours 
les  propres  paroles  de  faint  Auguftin  ôc  de  Boéce.  Guillaume 
met  ce  traité  au  nombre  de  fes  ouvrages ,  avec  celui  du  Sacre- 
ment de  l'Autel  ;  celui-ci  e(l  imprimé  dans  le  quatrième  tome  de 
la  Bibliothèque  de  Citeaux.  L'Abbé  de  faint  Thierri  l'envoya  à 
faint  Bernard  pour  l'examiner  ôc  le  corriger  avant  de  le  rendre 
public.  Il  y  compare  les  autorités  des  Pères  fur  l'Eucharillie,  6c 
rapporte  leurs  paflages  ,  fur-tout  de  faint  Auguflin,  qui  n'étant 
pas  entendus  de  tout  le  mondé  ,  caufoient  quelques  troubles  aux 
perfonnes  moins  inftruites.  Pour  les  tranquillifer ,  ôc  rendre  en 
même-tems  raifon  pourquoi  les  Anciens  lembloient  quelquefois 
penfer  différemment  fur  ce  Myftere  ,  ou  ,  comme  il  dit ,  fur  les 
faints  Sacremens,  qu'il  i\ommoit  ainfi  à  caufe  des  deux  efpeces 
du  pain  ôc   du  vin  ,    il   fait   dans   l'onzième   chapitre    cette 

(  a  )  Ouiin  àe  Scriptor.  Ecclef.  tom   i ,  pag.  1 4  J 7 ,  &•  tom.  i ,  Oper.  A  ahrofi  ,  par.  \^a6. 

remarque 


ABBÉ  DE   SAINT   THIERRI.        ^^yj 
remarque  importante  :  (a)  que  la  queflion  de  l'Euchariftie  n'ayant 
point  étc  agitée  depuis  le  commencement  de  l'Eglife,  julques 
vers  fon  rems,  les  Pères  ne  déFendoient  point  ce  qui  n'étoit  pas 
contefté  ;  qu  ils  le  contentoient  dans  leurs  Traités  de  dire  ce  qui 
étoit  de  leur  fujet  ;  que  n'ayant  pas  répondu  aux  queftions  qui 
n'ont  été  agitées  que  depuis  ,  il  n  eft  pas  furprenant  que  l'on  ne 
trouve  pas  dans  leurs  écrits  la  folution  aux  objeûions  qu'on  a 
faites  depuis;  que  nes'attendant  pas  à  ces  difficultés,  ils  ont  dit 
plufieurs  chofes  fur  le  Sacrement  de  l'Euchariftie,  qui  dans  leurs 
écrits ,  6c  félon  leur  fens ,  font  bien  dites  ;  mais  qui  déplacées  ,  ÔC 
dans  la  bouche  de  ceux  qui  aiment  à  difputer ,  femblent  dire  tout 
le  contraire  ;  enfin  ,que  ne  pouvant  pas  prévoir  toutes  les  calom- 
nies ÔC  les  chicanes  des  héréfies  futures  ,  ils  fc  font  fervi  quelque- 
fois de  certains  termes  obfcurs,  ou  ambigus,  qui  pris  dans  un 
mauvais  fens  ,  ont  occafionné  des  difputes.  Guillaume  ajoute 
qu'il  en  eft  arrivé  ainfi  à  faint  Auguftin  ,  dans  ce  qu'il  a  écrit  fur 
la  grâce  :  ce  qull  faut  entendre  de  fes  premiers  écrits  fur  cette 
matière.  « 

XIII.  L'Abbé  de  faint  Thierri  s'expliqua  une  féconde  fois  .^^"""^  .^" 
fur  l'Euchariftie  dans  une  Lettre  à  l'Abbé  Rupert ,  dont  la  façon  ^j;^"*"  *"  "^  ' 
de  penfer  fur  ce  Myftere  lui  paroiffoit  nouvelle.  Nous  avons  déjà 
parié  de  cette  Lettre,  qui  eft  très-polie,  ôc  pleine  de  fentimens 
d'amitié  ôc  de  charité  ;  nous  nous  contenterons  de  rapporter 
l'endroit  où  il  reconnoît  (  b  )  que  l'Eglife  a  toujours  crû  le  dogme 
de  la  Tranfubftantiation  ;  qu'elle  a  eu  en  horreur  l'erreur  qui 
cnfeignequelepain  rcftc  après  la  confécration  ,  ôc  l'a  condamnée 
dans  Berenger.  En  effet,  fi  ^  comme  le  difoit  cet  Héréfiarque ,  le 


(  a  )  Quia  ab  nmio  liindi-  EclIcIiï 
ufque  ad  noitra  pêne  tempora  ,  hxc  ab 
omnibus  queûio  intada  relifta  eft  ,  lanfti 
Patres,  quodnon  impusjnabatur,  non  Je- 
fendçbant  :  Nifî  aliquando  in  traftatibus 
fuis  hoc  inde  proferebant ,  quod  res  poftu- 
lïbat ,  qui  in  manibus  habebatur.  Quod 
quia  quïftionibus  non  relpondebat ,  qux 
rondùm  erant  ;  pariim  mouo  iufficere  vi- 
detur  ad  Cas,  cum  exfurijunt ,  compei'cen- 
das.  Contra  quas ,  quia  tune  non  vii^labat 
intentio  eorum  ;  plurima  de  Sacramentis 
fanais  ,  in  fuis  fcnptls  reliqueruat  ;  qus 
fuo  loco ,  fuo  fenlu  benè  dida  ,  ab  eis  qui 
contendere  ,  vel  errare  amant  ;  eruta  de 
locis  fuis  ,  aliud  per  fe  videntur  fonâre  , 
quamibi  fonent  uncie  (unita  funt ,  &  quani 
fenferit  qui   fcripdc  ;     le<i    &   inulta   de 


e,iuc?ni  rc  k:b  cis  reJ8a  lunt,  quz  banc 
dida  ,  vel  obfcurius  ,  utpote  ab  eu  qui, 
ut  liomines  renturas  omnes  errorum  ca- 
lumnia?  nonpoterant  prxvidere,nialéintef- 
leCta  ,  materiam  errandi  vel  contrndcndi , 
per-ditis  vidpntur  prEflare.  Gnulelmus , 
tom.  4  ,  Bibliot.  Cijlerc.  pag.  131. 
(b)  Panis  fubftantiam  poft  conlecrationem 
in  altari  fupereffe  femper  horruit  pie:a« 
Chriftiana  ,  nuperque  damnavit  in  Btren- 
gario  Turonenfi ,  cjufque  fequacibus  :  Nam 
C\  lioc  admittsretur  ,  jam  Verbum  non 
incarnatum  tantùm  ,  fed  etiam  fi  dici 
pollct  impanatum  ,  fi  ficut  ille  diccbst  , 
panis  fie  in  Corpus  Domini  tranfire: ,  S: 
tamen  panis  effe  non  dcfifteret.  Gu'dlelm. . 
epi'}.  ad  rjuimdam  Monacli.  mm.  4  ,  Bihliot. 
OJiercisnfis ,  pag.  130, 


Tome  XXI I.  Mm 


a74  GUILLAUME,  ABBÉ,  &c. 

pain  ^toit  tellement  changé  auCorps  de  Jefus-Chrift,qu'il  ne  cefîat 

pas  d'être  pain  ;  on  diroit ,  fi  cela  le  pouvoit  dire ,  que  le  Verbe  a 

non-feulement  été  fait  chair,  mais  aufTi  pain. 

Comm-n-      XIV.    Le  Commentaire   de   Guillaume  fur  l'Epître  aux 

taire  fur l'Fpi-  Romains ,  n'eft  qu'une  compilation  de  ce  que  les  faints  Pères 

mainT^  ibid.  °^^  ^^^  ?^^^  l'expliquer.  Il  ne  paroît  point  par  le  catalogue  de  fes 

&•    Hfnricu!  ouvragcs ,  qu'il  en  ait  compofé  quelqu'un  contre  Gilbert  de  la 

Gandiv.  cap.  Po^réc.  Toutcfois  on  lui  en  attribue  un  dans  la  Biblioteque  de 

de      Scnptor.   ^^  ,      ,  '■ 

Eccleftajî.        Citeaux  (  a  )._ 
VieJefaint       XV.    Guillaume  n'a  conduit  la  vie  de  faint  Bernard  que 

Bernard,  jufqu'en  1 1  jo  ;  6c  on  croit  qu'il  n'y  mit  la  main  qu'après  l'an 
114.^  ,  c'eft-à-dire ,  quelques  années  avant  fa  mort.  Il  dit  clai- 
rement dans  la  Préface ,  qu'il  avoir  entrepris  cet  ouvrage  à  l'infçu 
du  faint  Abbé  de  Clairvaux.  Ce  qu'il  en  a  écrit  fait  le  premier 
Livre  de  fa  vie.  On  la  trouve  dans  les  éditions  des  Oeuvres  de 
ce  Père  ,  &  dans  les  agiographes  au  vingt  du  mois  d'Août. 
Lettre  ou       XVI.  On  a  prouvé  dans  l'article  de  Guignes ,  cinquième 

Traité   aux     Prieur  de  la  Chartreufe ,  qu'il  eft  Auteur  de  la  Lettre  ou  Traire 

Mont-Dieu,     de  la  viefolitaire  ,  adrefîc  aux  Frères  de  la  Chartreufe  du  Mont- 
Dieu  ;  ôc  répondu  aux  raifons  que  l'on  a  alléguées  pour  la  donner 
à  Guillaume  de  faint  Thierri.  Nous  renvoyons  le  Lecteur  à  cet 
article. 
Jugement      XV 1 1.  Cet  Abbé  avoit  écrit  (  6  )  un  grand  nombre  de  Lettres 

des  écrits  de  à  faint  Bernard  ,  ôc  fans  doute  à  d'autres  perfonnes  de  confide- 
aumc.  j^jiQj^^  ji  j^e  j^f^ç  quç  celles  dont  nous  avons  parlé.  On  voit  dans 
fa  Lettre  à  Geoffroi  de  Chartres  ôc  à  faint  Bernard ,  quel 
étoit  fon  zèle  pour  la  pureté  de  la  Foi  Catholique ,  ôc  avec  quelle 
ardeur  il  s'oppofoit  aux  nouveautés  en  fait  de  Religion.  Ses 
autres  écrits  ne  refpirent  qu'amour,  que  charité,  qu'humilité  , 
que  mépris  du  monde,  que  defir  du  vrai  bien  ;  il  y  règne  une 
on£tion  qui  pénètre  le  coeur ,  ôc  une  lumière  qui  porte  dans 
l'efprit  la  convi£lion  des  vetités  éternelles. 


(«)  Pag.  137.  1       (è)  B.riiaTd.e^ifl.&^  ,  adQuiHei.tu 


ROBERT    P  U  L  L  U  S  ,  &c.         27; 

CHAPITRE     XVIII. 

KoBERT    P  U  L  L  U  S  f  Cardinal  &  ChancelieT 
de  l'EgliJe Romaine i  Ç/  Bernard  des  Portes. 

I.     A    Nglois  de  Nation  ,  il  s'appliqua  de  bonne  heure  k     Robert  Pul- 
X"!  1  étude  des  Belles-Lettres  ôc  des  beaux  Arts  ,  puis  à  la  |^"^';  j^"  J^iii 
théologie   ôc  à  l'intelligence  des   Livres  faints,    L'Académie  i-Academie 
d'Oxfort  (  a  ) ,  auparavant  fi  célèbre  dans  toute  l'Europe  ,  étoit  d'Oxfon. 
à  la  veille  de  fà  ruine.  Robert  entreprit  de  la  remettre  en  vigueur. 
Il  y  ouvrit  des  Ecoles  publiques  ;  enfeigna  lui-même  les  Sciences 
gratuitement  ;  fit  venir  des  Provinces  voifines  des  ProfeflTeurs  ôc 
des  Difciples  ;  en  défi-aya  une  partie  à  fcs  dépens  ;  rendit  aux 
autres  tous  les  offices  de  l'humanité ,  &  fe  déclara  hautement  le 
Protedcur  des  gens  de  lettres  ôc  leur  Mœccnas. 

1 1.  Il  gagna  par  fa  candeur ,  par  la  beauté  de  fon  cfprit ,  par      II  eft  aimé 
la  probité  de  fes  mœurs,  ôc  par  fon  fçavoir,  l'eftimeôc  l'amitié  f",^'"3"g^"'^ 
de  Henri  I.  Roi  d'Angleterre  ;  ôc  ce  ne  fut  apparemment  qu'après  Fr.ince ,  pu« 
la  mort  de  ce  Prince  en  1 1 3  J  ,  qu'il  paffa  en  France.  Car  il  y  à  i^ome. 
^toit  en  1 140  ,  comme  on  le  voit  par  la  Lettre  de  faint  Bernard 
à  Afcelin  ou  Anfelme  ,    Evoque  de  Rochefter  ,  écrite  cette 
année-là.  Étant  à  Paris,  Robert  y  enfeigna  publiquement  la  théo- 
logie. Sa  doûrine  étoit  faine  ;  ôc  ce  fut  cette  raifon  qui  engagea 
faint  Bernard  à  écrire  à  cet  Evoque  ,  pour  le  prier  de  ne  plus 
infifter  furie  rappel  de  Pullus  en  Angleterre.  Anfelme,  au  lieu 
d'accorder  ce  qu'on  lui  demandoit  ,  répondit  durement ,  ôc  fit 
faifir  tous  les  biens  de  Robert ,  apparemment  à  caufe  qu'il  ne 
faifoit  aucune  fonction  de  l'Archidiaconé  de  Rocheder  ,  dont  il 
étoit  pourvu.  Celui-ci  appuyé  du  crédit  de  quelques  perfonnes 
puiffantes  à  la  Cour  de  Rome  ,  appeila  du  jugement  de  l'Evêquc 
de  Rochefter;  ce  ne  put  être  que  depuis  Tan  1 141  ,  puifqu'An- 
felme  ne  fut  élu  Evêque  deRocheftcr  qu'en  cette  année,  félon 
la  Chronique  de  Gervais  (  b  ). 

III.  Le  Pape  Innocent  II.  connoifiant  le  mérite  de  Pullus,      Le  Pape 

Innocent  l'ap- 

(a)  Jacob,   i  Sanii}   Carolo ,  Prafat.  I       (i)   Gen.af.i  Chron.  ai  an.  1147. 
in  oper.i  ?  utii.  \  , . 

Mm  ij 


i-f^.  ROBERT    P  U  L  L  U  S  ; 

pelle àRomp.  l'appclla  à  Rome  vers  l'an  1 142.  Lucius  IL  fon  fuccefTeur ,  le 

fait^Ca  di'nal  ^^  Cardinal  du  titre  defaint  Eufebe  en  1 144.,  &  Chancelier  de 
'  l'Eglife  Romaine  Saint  Bernard  ayant  appris  l'éledion  d'Eugcne 
III.  be'nit  Dieu  d'avoir  pre'paré  à  ce  Pape  un  fecours  fi  puiffant 
en  la  perfonne  de  Robert.  Car  l'Abbé  de  Clairvaux  n'ignoroit 
pas  que  le  Chancelier  de  l'Eglife  Romaine  étoit  le  principal 
JMiniftre  du  Pape.  Voici  comme  il  s'explique  fur  ce  fujet  dans 
fa  réponfe  (  a  )  à  la  Lettre  du  Cardinal  Pullus ,  qui  n'eft  pas  venue 
jufqu'à  nous. 
Letre  de  S.       1  V.  Je  rends  grâces  au  Seigneur  de  ce  qu'il  a  préparé  à  Eugène 

BernarJaPul-  ç^^  ferviteur  ôc  notre  ami ,  un  Miniftre  intelligent  capable  de  le 
foulager  dans  les  pénibles  fondions  de  fa  charge.  Entrez  donc 
dans  les  delTeins  de  Dieu  ,  mon  très-cher  ami  ;  foyez  le  confo- 
lateur  &  leconfeil  de  celui  auquel  il  vous  attache;  ufez  de  la 
fagefie  qu'il  vous  donne  ,  pour  garantir  le  Pontificat  d'Eugène, 
de  tout  ce  qui  peut  le  déshonorer.  Pour  préferver  ce  Pape  des 
furprifes  où  la  foule  ôcla  multiplicité  des  affaires  i'expofent  conti- 
nuellement, rempliffez  avec  honneur  la  place  que  vous  occupez  : 
ayez  un  zèle  mêlé  de  fermeté  &  de  prudence;  un  zèle  qui  procure 
la  gloire  de  Dieu  ,  votre  falut,  ôc  le  bien  de  l'Eglife  ,  afin  de 

1  CoT.  T^  10.  pouvoir  dire  :  La  grâce  de  Dieu  li'a  point  été  infruElueufe  en  mou 
Mort    de       V.  Robert  Pullus  ne  fit  les  fondions  de  fa  charge,  que  jufqu'à 

Robert  vers  la  troifiéme  année  du  Pontificat  d'Eugène  III.  félon  Onuphre. 
aniijo.  CJaconius  dit  jufqu'à  la  cinquième.  Mais  l'opinion d'Onuphre 
paroît  la  mieux  fondée ,  puifqu'on  trouve  (  b  )  des  Lettres  Apollo- 
liques  de  l'an  1 147  fignées  du  Chancelier  Gui.  On  ne  met  toute- 
fois fa  mort  que  vers  l'an  i  i  jo.  C'efl:  le  premier  Cardinal 
Anglois  que  l'on  connoiffe  (c).  Quelques-uns  mettent  Uiric 
avant  lui  ;  mais  ils  n'en  donnent  point  de  preuves.  En  mémoire 
des  travaux  de  Pullus  pour'  le  rétabliffement  de  l'Académie 
d'Oxfort,  on  y  fait  [d)  chaque  année  fon  panégyrique. 

SesOuvrages.  VI.  Excellent  Interprète ,  bon  Théologien  ,  éloquent  Ora- 
teur ,  il  laiffa  quantité  de  monumens  de  fon  efprit  ôc  de  fon 
fcavoir.  On  connoît  de  lui  un  ouvrage  intitulé  :  Des  Sentences, 
d'ivifé  en  huit  parties  ;  quatre  Livres  fur  les  paroles  remarquables 
des  Doûeurs  ;  un  du  mépris  du  monde  ;  un  de  fes  leçons  >  un  de 

_  ^  ^  _ 

(n)  Eernard,  epid.  zC-t.  [      (f)  MabU'on.  in   nous  ad   epij}.  jé» 

{b  )  Konajlkon  Ant^ncan.rom.i  ,pag.      SaJi3i  Bfrrardi. 
108,  Z- iniwiis  ad  Guiknum  Novtgent.         {d)  Prafar.  in  0}'cra  Pulli. 
fag.  6 10,- 


CARDINAL  6c  CHANCELIER,  6cc.      277 

fes  fermons  ,  différent  de  celui  qui  en  contenoit  pluHeurs  pour 
le  commun  des  Saints  ;  des  Commentaires  fur  quelques  pfeau- 
mesôcfurfApocalyfe.  Mais  de  tous  ces  écrits  ^  le  feul  qui  ait  vu 
le  jour  ,  eft  celui  des  Sentences.  Il  fut  imprimé  à  Paris  chez 
Simeon  Piget  en  i6jî  in  fol.  par  les  foins  de  Dom  Claude- 
Hugues  Alathoud  ,  Bcnédidin  de  la  Congrégation  defaint  Maur. 
Dans  le  defiein  de  rendre  l'édition  complette  ,  il  fe  donna  tous  les 
mouvemens  néceiïaires  pour  recouvrer  les  autres  écrits  de  PuUus 
cachés  dans  les  Biblioteques  de  l'Europe  ,  nommément  dans 
celles  d'Angleterre  ôc  de  Suéde.  Il  employa  même  le  crédit  de 
Meffieurs  de  Valois.  Mais  rien  ne  lui  réulfit  à  cet  égard  ;  ôc  il  fallut 
fe  contenter  de  rendre  publics  les  huit  Livres  des  Sentences, 
fur  un  manufcrit  de  l'Abbaye  de  faint  Rémi  à  Reims ,  qui  paroît 
de  l'âge  de  l'Auteur.  Dom  Mathoud  a  fait  fur  cet  ouvrage  de 
très-amples  obfervations,  dans  lefquelles  il  a  été  aidé  par  Dom 
Hilarion  le  Febvrc ,  habile  Théologien.  L'édition  ell  dédiée  à 
Monfieur  de  Gondrin  ,  Archevêque  de  Sens  ;  ôc  dans  l'infcrip- 
tion  ,  l'Editeur  donne  à  Pullus  le  titre  de  premier  Théologien 
Scholaftique. 

VII.  Il  n'en  fuit  pas  néanmoins  la  méthode.  On  ne  voit  dans      Analyfe  d» 
fes  écrits  ,  ni  termes  ,  ni  diftindions  fcholaftiques.  Les  queftions  F*™^'"' Livre 
qu'il  agite  ne  font  ni  fubtiles  ,  ni  métaphyfiqucs  ;  elles  regardent  HditionPûri/; 
ou  la  foi ,  ou  la  difcipline  ,  ou  la  morale;  ôc  pour  les  réfoudre  ,  '»"•  i^-îî- 
il  n'employé  pas  les  principes  de  logique,  ou  de  philofophie  ; 
mais  l'autorité  de  l'Ecriture  ôc  des  Pères  ,  ôc  quelquefois  les 
lumières  de  la  raifon.  Pullus  montre  dans  le  premier  Livre  ,  Cav.  x,  », 
que  Dieu  exifte  par  lui-même;  qu'il  eft  un  en  trois  perfonnes , 
fimple  de  fa  nature  ,  fans  aucune  forme  ;  que  comme  il  n'a  point 
de  commencement,  il  nepeut  avoir  de  fin  ;  que  lesPayens  en 
admettant  des  Dieux  plus  jeunes  ou  plus  puiflans  les  uns  que  les 
autres  ,  ignorent  la  vraie  eflence  de  la  Divinité ,  qui  ne  reconnoît 
ni  d'inégalité  d'âge  ,  ni  de  puiffance  ;  que  fi  ie  Fils  étoit  d'une  Cap.  3. 
autre  fubflance  que  le  Père ,  le  Fils  feroit  un  monflre ,  parce  que 
chaque  efpece  doit  engendrer  fon  femblable.  C'efl  un  raifonne-       AïK^uf'in, 
menttiré  de  faint  Auguftin.  Pullus  cite,  comme  de  faint  Jérôme,  5'™.°""  ^"" 
que  nous  confcflons  non-feulement  les  noms  des  trois  Perfonnes 
divines  ,  mais  audi  leurs  propriétés,  c'eft-à-dire  ,  que  le  Père  eft 
non  engendré;  que  le  Fils  unique  eft  né  du  Père  ,  ôc  que  le 
Saint-Efprit  procède  de  l'un  ôc  de  l'autre.  Mais  l'expofition  du 
Symbole  qu'il  attribue  à  ce  Père  ,  eft  de  l'hérétique  Pelage  j 
comme  l'a  remarqué  faint  Auguftin  ;  elle  a  néanmoins  pafTé 

M  m  iij 


avS  R  O  B  E  R  T    P  U  L  L  U  S  , 

longtems  pour  être  de  faint  Jérôme  ;  6c  ce  qu'en  cite  PuIIus  ,  n'a 

rien  de  contraire  à  la  foi. 
Cap.  {.      V 1 1  L  Les  difFerens  attributs  de  Dieu  ne  nuifcnt  pas  à  fon 
unité.  C'eft  le  même  qui  eft  tout-puilTant ,  jufte  ,fage ,  immenfe. 
Tous  ces  attributs  étant eiïentiels  à  ianature divine,  conviennent 
Cap.  6.  à  cet  égard  aux  trois  Perfonnes.  Elles  ne  font  diftinguées  que  par 
leurs  propriétés  perfonnelles  ,  ou  relatives  ;  le  Père  n'eft  pas  le 
Fils  ;  le  Fils  n'eft  pas  le  Père  de  qui  il  eft  engendré  ;  le  Saint-Éfprit 
qui  procède  du  Père  &  du  Fils,  neft  ni  l'un  ni  l'autre.  Mais 
Cap.  8.  quoique  le  Père  foit  autre  que  le  Fils  ,  il  n'eft  pas  autre  chofc. 
Leur  nature  eft  la  même  ;  le  Fils  eft  tout-puidant  comme  le  Père  ; 
Cof.p,  10.  il  lui  eft  égal  en  tout.  Comme  Dieu  eft  tout  entier  en  tous  lieux, 
ainfi  l'ame  de  l'homme  eft  toute  entière  dans  le  corps  qu'elle 
anime;  n'étant  pas  compofée  de  parties,  elle  cfl:  indivifiblc.  PuUus 
enfeigne,  que  le  Père  &  le  Fils  font  deux  principes  du  Saint- 
Cap.  6.  Efprit ,  non  à  raifon  de  leur  nature ,  qui  eft  une  ;  mais  parce  que 
ce  font  deux  perfonnes  diftinguées  l'une  de  l'autre.  Il  n'a  donc 
pas  cru  ,  comme  il  fenible  le  dire  d'abord  ,  que  le  Père  ôc  le  Fils 
font  deux  principes  diftingués  en  fubftance  ;  mais  feulement  que 
ces  deux  Perfonnes  en  produifent  une  troifiéme  ,  par  une  aiSlion 
ou  fpiration  ,  qui  ,  quoique  réellement  la  même  ,  peut  être 
regardée  comme  diftindc,  à  caufe  des  deux  perfonnes  qui  la 
Cap.  II.  produifent.  Il  admet  les  deux  prédeftinations  dans  le  fens  de  faint 
Cap.  M.  Auguftin;  ôc  dit  en  parlant  de  la  prière  des  Fidèles  pour  les 
morts ,  qu'elle  profite  à  ceux  qui  ont  mérité  en  cette  vie ,  qu'elle 
Âur.  Ançhi'  leur  profitera  en  l'autre  ;  ce  qui  eft  encore  le  fentiment  de  faint 

nd.cap.  iio.  Auguftin^ 

Livre  fe-      I  X.  Dans  le  fécond  Livre  PuUus  enfeigne  que  Dieu  a  créé 
cond  ,  ptig.  |ç  jYionde  quand  il  a  voulu  ;  qu'il  pouvoir  le  créer  plutôt ,  ôc  en 
Cap.  1.  créer  plufieurs ,  fi  c'eût  été  fa  volonté.  Moyfe  dit ,  que  l'ouvrage 
Ecdi.  i8  ,  i.  de  la  création  fut  achevé  en  fix  jours  ;  on  lit  ailleurs  que  toutes 
chofes  furent  créées  enfemble.  L'Auteur  explique  cette  contra- 
riété apparente  ,  en  difant ,  que  Dieu  a  fait  tout  à  la  fois,  parce 
que  depuis  le  jour  du  repos  qui  étoit  le  feptiéme  ,  il  ne  créa 
plus  rien.   Il  agite  plufieurs  queftions  touchant  les  Anges  ,  le 
moment  de  leur  création  ,  leur  demeure ,  leur  pcrféverance  dans 
Cap.  i.  le  bien,  ôc  la  chute  de  plufieurs  d'entr'eux.  Son  fentiment  fur 
cela ,  eft  qu'ils  ont  été  créés  avec  le  Ciel  ôc  dans  le  Ciel  qui 
devoir  leur  fervir  d'habitation  ;  qu'ils  ont  été  créés  tous  bons  ôc 
dp.  j,  4.  fages  ;  doués  du  libre  arbitre  ,  Ôc  d'une  liberté  fupcrieure  à  celle 
de  l'homme;  que  tous  pcuvoient  perfcvcrer  dans  le  bien  avec  le 


CARDINAL  &:  CHANCELIER,  &c.     27^ 

fecours  de  la  grâce  ;  que  le  péché  de  ceux  qui  font  tombés  a  été 
l'orgueil  ;  que  les  autres  pour  avoir  ufé  avec  reconnoiiïancc  du- 
fecours  de  Dieu  ,  ont  perféveré  dans  la  vérité  &  y  ont  été  confir- 
més; enforte  qu'ils  ne  peuvent  plus  en  déchoir,  comme  l'homme  C«/.  f, 
ne  pourra  plus  pécher  après  la  réfurredion.  PuUus  ne  doute  pas 
que  les  Anges  nayent  connu  Dieu  clairement ,  &  qu'ils  ne  l'ayent 
vu  dès  le  moment  de  leur  création  ;  &  c'cft  dans  cette  vue  intui- 
tive de  Dieu  qu'il  fait  confifier  leur  béatitude.  Quant  aux  Anges 
apoftats,  ileft  dans  l'opinion  deplufieurs  Anciens,  qu'ils  ne  font 
pas  encore  tourmentés  par  les  flammes  de  l'Enfer  ;  qu'en  attendant 
ils  fouffrent  dans  les  airs  ,  par  les  différentes  vicilfitudes  des 
faifons.  Il  dit  que  le  Démon  étoit  non-feulement  bon  de  fa  nature  ^'^P-  *• 
quand  Dieu  l'a  créé,  mais  très-bon  ;  qu'après  fon  péché,  fa  fub- 
ftance  n'eft  plus  bonne  ,  ni  créature  de  Dieu  ;  ce  qu'il  explique 
enfuiteen  dlîant  qu'il  a  corrompu  lui-même ,  ôc  dégradé  fa  nature 
par  fon  péché.  PuUus ,  fuivant  la  do£lrine  de  quelques  Théolo- 
giens de  fon  tems ,  ne  diftinguoit  pas  la  fubftance  ou  la  nature 
de  fes  facultés. 

X.  Il  croit  que  l'ame  n'eft  unie  au  corps,  qu'après  que  ïeCip.  7, 
corps  efl:  formé  ;  qu'elle  eft  créée  de  Dieu  ,  &  ne  vient  point  par 
la  génération  comme  le  corps  ;  qu'unie  à  un  corps  corrompu 
dans  fon  origine ,  elle  contracte  le  péché  originel  ,  dont  elle     Cap.  s  , ?,. 
n'eft  délivrée  que  par  le  Baptême  dans  la  Loi  évangelique  ;  par  '"''  ^'* 
la  Circoncifion  fous  la  Loi  de  Moyfe  ;  ôc  auparavant  par  la  foi 
des  parens  ,  ou  les  facrifices  qu'ils  offroient  à  Dieu. 

X  1.  C'eft  ce  que  PuUus  établit  dans  le  troifiéme  Livre.  Mais     Livre  trot- 
il  met  cette  différence  entre  l'obligation  du  Baptême  &  de  la '"''"'  '  P'^^' 
Circoncifion,  que  la  Loi  du  Baptême  étant  générale  ,  oblige  en  c^i?.  1,  j. 
tout  tems  ôc  toutes  fortes  de  perfonnes;  au  lieu  que  celle  de  la 
Circoncifion  n'obligeoit  queles  mâles ,  ôc  feulement  au  huitième 
jour  ;  enfone  que  les  enfans  qui  mouroient  auparavant ,  n'encou- 
roient  aucune  faute  ni  châtiment  pour  n'avoir  pas  fubi  cette 
Loi.  Il  remarque  que  l'on  n'inhumoit  pas  dans  le  Cimetière- 
commun  des  Fidèles  ,  les  enfans  morts  fans  Baptême  ,  ceux 
mêmes  que  l'on  tiroit  du  fein  de  leur  mère  dans  le  dcflein  de. 
les  baptifer  s'ils  avoient  vie.  Il  s'étend  fur  la  différence  des  pré-  Cip.e^  7,8, 
ceptes  ôc  des  obfcrvances  de  la  Loi  ancienne  ôc  de  la  nouvelle  ; 
ôc  après  avoir  montré  que  la  grâce  étoit  moins  abondante  pour 
le  Juif  que  pour  le  Chrétien  ,  il  fait  mention  de  l'ufage  ancien  Cip.9„. 
ôc  qui  duroit  encore  ,  d'adminiflrer  le  Sang  du  Seigneur  aux 
lideles  {_'ar  les  mams  des  Diacres ,  dans  la  céitbration  des  divins. 


i%o  R  O  B  E  R  T    P  U  L  L  U  s  ; 

myfleres.  Lors ,  dir-il  {a),  que  l'on  vous  donne  à  boire  du  Sang 
du  Calice  ,  fouvenez-vous  que  Jefus-Chrift  a  fait  couler  le  Sang 
pour  nous  de  fon  côté  ;  &  lorfque  vous  prenez  Ton  Corps  avec 
votre  bouche  ,  comme  pour  l'écrafer  avec  vos  dents  ^  fouvenez- 
vous  qu'il  a  fouffert  pour  nous. 
Caf.  M.  XII.  PuUus  traite  enfuite  des  Sacremens  ôc  des  promelTes  de 
"  l'ancien  Teilament ,  ôc  montre  que  n'ayant  été  que  les  figures 
des  Sacremens  du  nouveau  ,  les  premiers  ont  ceiïc  aulluôt  après 
que  Jefus-Chrift  eut  fubilitué  dans  la  dernière  Cène  ,  à  la  Paque 
légale  &  à  fes  cérémonies  ,  une  autre  Pâque  ,  fçavoir  la  partici- 

Caf.  lî,  i6,  pation  de  fon  Corps  &  de  fon  Sang.  Il  remonte  de  la  Paiiion  du 

17.  Fils  de  Dieu  à  fon  Incarnation  dans  le  fein  delà  fainte  Vierge  par 

l'opération  du  S.Efprit  ;  &  à  cette  occafion  il  établit  l'union  des 
deux  natures,  la  divine  ôc  l'humaine,  à  une  feule Perfonne,  fans 
changement  ni  confufion  des  natures.  Il  emploie  fur  cela  les  ex- 
preflions  du  Symbole  attribué  à  S.  Athanafe,  foit  pour  expliquer 
comment  J.  C.  Fils  de  Dieu  eft  moindre  que  fon  Père  félon  la 
nature  humaine  ,  ôc  égal  à  fon  Père  félon  la  divinité  ;  foit  pour 
montrer  qu'il  a  pris  non-feulement  un  corps  ,  mais  aufli  une  ame 
humaine.  Par  le  moyen  de  la  diftinûion  des  deux  natures  unies 
Caj.  18,  \9 ,  perfonnellement  enJ.C.  il  explique  toutes  les  diiiicultés  que  l'on 

*"•  a  coutume  d'objefter  fur  le  myfiere  de  Tlncarnation.  i>on  fenti- 

ment  eft  ,  que  le  Fils  de  Dieu  s'unit  fuccelïivement  à  la  maffe  du 
fang  dont  il  forma  fon  Corps  ;  puis  au  corps  ôc  à  l'ame  humaine 
lorfqu'elle  anima  ce  corps;  ce  qu'il  prouve  par  les  paroles  du 
Symbole  de  Conftantinople  ,  où  les  Pères  du  Concile  difent 
d'abord  :  Il  a  été  fait  chair  par  V opération  du  Saint-Efprit  ;  ÔC 
enfuite  :  il  a  été  fait  homim.  A  quoi  il  ajoute  ,  qu'il  n'y  a  pas  plus 
de  répugnance  que  le  Verbe  ait  été  uni  à  une  chair  inanimée  dans 
le  fein  de  la  Vierge  ,  que  dans  le  tombeau  ,  lorfque  fon  ame  def- 
cendit  aux  Enfers.  Il  croit  que  Jefus-Chrift  a  eu  toutes  les  foi- 
C<i];.xi,ii,  bleffes  de  la  nature  humaine,  excepté  le  péché  ôc  l'ignorance; 

*3'  mais  il  ne  penfe  pas  qu'il  ait  eu  dès  le  moment  de  fa  conception 

cette  connoiflance  humaine  que  nous  appelions  expérimentale  j 
ôc  il  ne  doute  pas  qu  il  n'y  ait  liait  des  progrès  avec  1  âge.  Pour  ce 
qui  eft  de  fa  fcience ,  PuUus  embraffe  l'opinion  de  ceux  qui  attri- 
Caf.  30.  bucnt  à  J.  C.  une  fcience  égale  à  fa  toute-puiiïance  ;  &  parce 
qu'il  fuivoit  de-là  qu'il  étoit  égal  au  Père  ,  PuUus  répond  qu'il 


{ai  Krgo  Juin  S.;r,î^u;s  tibi  iiifuiiJitnr 
de  Calice  ,  meniineris  pro  te  Snn;^i:inc!n 
Chnftum  fuoiire  ex  latere  ;  Dum  Corput 


Ctirilli  qusf;  contorcn.Iuin  orj  Imnii-  , 
Chriilum  pro  te  tiibu!a:i;;n  re;uinil'cere. 
PuUus  ,  lib.  3  ,  Sent.  cap.  f  par.  105. 

lui 


CARDINAL  ET  CHANCELIER,  ôcc.  281 

lui  étoit  inférieur ,  en  lui  fuppofant  même  cette  fcience  infinie , 
parce  qu'il  l'avoit  reçue ,  comme  un  don  de  Dieu.  Dom  Hugues     Ohftrvut.  in 
Alathoud   rapporte  une  Lettre  de  Gauthier  de  Mauritanie  à  P"^'""»  ?<ig- 
Hugues  de  faint  Vidor ,  où  prenant  le  milieu  entre  les  Théolo-  ^^^  '  ^^** 
giens  qui  attribuoient  à  Jefus-Chrift  la  plénitude  de  la  fcience , 
ôc  ceux  qui  foutenoient  qu'il  avoit  ignoré  quelque  chofe ,  il 
dit  que  J.  C.  étant  félon  fa  nature  divine  égal  à  fon  Pcre ,  il  a  , 
félon  la  même  nature  ,  tout  ce  que  le  Père  a  lui-même  ,  ôc  con- 
féquemment  la  plénitude  de  la  fcience;  mais  qu'étant  moindre, 
félon  la  nature  humaine,  que  le  Perc ,  il  a  aufli  une  fcience  in- 
férieure à  la  fienne. 

X  1 1 1.   Pullus  employé  lui-même  cette  diftinâion  ,  pour     Livre  qua- 
réfoudce  plufieurs  queftions  qu'il  fe  propofe  fur  l'Incarnation  f^"^"»*  .  ?«£• 
dans  le  quatrième  Livre.  Il  y  rapporte  les  divers  fcntimcns  des  *'^' 
Théologiens  fur  l'impeccabiiité  de  Jefus-Chrift.  Quelques-uns     Cy.  i. 
ont  cru  qu'il  pouvoir  pécher ,  parce  que  n'ayant  rien  rejette  de 
ce  qui  eft  effentiel  à  la  nature  humaine,  il  a  pris  le  libre  arbitre 
qui  de  fa  nature  peut  pécher  ou  ne  pas  pécher;  d'autres  fou-     ^iderwai, 
tiennent  que  1  homme  Chrift  n'a  pu  pécher  i  &  il  paroît  que  Ctp.^1*' 
Pullus  penche  plus  pour  cefentiment  que  pour  l'autre.  Il  prouve 
que  les  trois  Perfonnes  divines  font  égales  en  puiflance  ,  ôc  que 
les  œuvres  de  la  Trinité  font  indivis  ,  parce  que  leur  fubftancc 
ôc  leur  nature  eft  une  ;  ainfi  l'ouvrage  de  la  Création  eft  également 
des  trois  Perfonnes.  Que  fi  l'on  dit  que  le  Fils  ne  peut  engendrer 
comme  le  Perc,  ni  procéder  comme  le  i)aint-Efprit  ;  Pullus 
répond  ,  qu'engendrer  en  Dieu  ,  n'efl  pas  opérer ,  ôc  ne  marqu» 
pas  dans  le  Perc  une  puiflance,  mais  la  propriété  finguliere  de  fa 
relation  avec  le  Fils. 

XIV.  Il  enfeigne  que  la  crainte  qui  eft  féparée  de  la  charité  Cap.  ». 
parfaite ,  n'a  pas  été  en  Jefus-Chrift  ;  mais  qu'il  a  eu  cette  crainte 
iaintc,  qui  demeure  même  dans  les  Bienheureux,  ôc  qui,  à 
proprement  parler,  n'eft  que  le  refpe£l  6c  la  révérence  que  l'on 
doit  à  Dieu  ;  qu'au  lieu  de  la  foi ,  qui  eft  comme  un  miroir  dans  Cap.  t. 
lequel  nous  voyons  Dieu  en  ce  monde,  Jefus-Chrift  voyoit  la 
Divinité  très-clairement ,  ôc  comme  elle  eft;  que,  quoique  les  Cnf.ié. 
anciens  Juftes  âyent  été  égaux  en  vertus ,  ôc  fupéricurs  à  plufieurs 
de  la  Loi  nouvelle  par  le  mérite  de  leur  foi ,  leurs  fautes  n'ont  pu 
être  remifes  que  par  le  fang  de  l'Agneau  qui  eft  venu  ôter  les 
péchés  du  monde  ,  les  facrifices  des  taureaux  ôc  autres  animaux 
n'ayant  pas  eu  ce  pouvoir  ;  que  ccft  pour  cela  que  ces  Juftes  font  (-■ 
demeurés  en  enfer ,  où  Dieu  ne  leurprocuroit  aucun  bien ,  parce 
Toni&  XXII.  Na 


2g2  ROBERT    PULLUS, 

qu'ils  n'en  étoient  pas  encore  clignes  ,  ôc  où  il  ne  les  faifoit  pas 
non  plus  fouffrir,  à  caufe  que  leur  foi  rendoit  leurs  fautes  excu; 

Cj;».  is,  19,  fables,  Pullus  dit  beaucoup  de  cliofes  fur  la  détention  de  ceî 

Juftes  dans  les  enfers  ,  ôc  fur  leur  délivrance  par  le  mérite  du 

fang  de  J.C.  &  fa  defcente  en  ces  lieux  où  ils  étoient  ,jufqu'à  ce 

que  purifiés  parce  fang  précieux^ilsfufTenttranfporrésdansleCiel. 

Livre  c!n-       XV.  Il  ell  parlé  dans  le  cinquième  Livre  de  laréfurrection 

quiéme,  pag.  de  Jefus-CIirlll ,  de  fon  afcenfion  au  Ciel,  de  la  defcente  du 
Q,'.,  I  -  •>    Saint-Efprit  fur  les  Apôtres,  de  leur  difperfion  chez  les  Gentils 

4  ;,  t>c.  pour  leur  annoncer  l'Évangile ,  de  la  néceilité  du  Baptême  pour 

îefalut,  de  refiicacité  de  la  foi  &  du  "martyre,  lorfqu'il  ne  fe 

Ctk  tî  r-    trouve  point  d'eau  ,nide  Miniftre  du  Baptême.  Puîius  enfelgac 

»4,  15-  avec  toute  l'Eglife,  qu'on  ne  peut  baptiieravec  d'autre  liqueur 
que  de  l'eau  ;  que  leau  ne  fufiit  pas  fans  l'invocation  de  lafainte 
Trinité;  que  cette  invocation  eit  nécefiaire;  qu'il  convient  de 
conférer  le  Bapt6ine  par  la  triple  immerfion;  que  le  défaut  de 
probitsé  dans  le  Miniftre  n'empêche  point  l'effet  du  Baptême, 
pourvu  qu'il  obferve  ce  qui  eu  prefcrit  pour  le  Baptême  ,  quand 
même  il  tourneroit  intérieurement  cette  cérémonie  en  dérifion  ; 
qu'au  contraire  celui  qui  le  recevroit  par  dérifion  feroit  fruftré  de 
fon  effet,  quand  mêmeleMinifrrelelui  confereroit  félon  la  règle 
de  l'Eglife.  Il  ajoute  qu'il  en  eu  de  même  de  l'abfolution  des 
péchés  dans  le  Sacrement  de  Pénitence.  En  faifant  le  parallellc 
du  Baptême  &  de  la  Paffion  du  Sauveur, il  dit ,  que  l'on  plonge 
Cap.  y?,  trois  fois  en  baptifant ,  non-feulement  en  l'honneur  des  trois 
Perfonnes  de  la  Trinité ,  mais  auffi  à  caufe  des  trois  jours  que 
Jefus-Chrifl  fut  dans  le  tombeau  ;  que  hors  le  cas  de  néceffité  l'on 
Cip.  1?.  doit  différer  le  Baptême  jufqu'à  Pâques  ,  afin  de  prendre  le  loifir 
d'infîruire  les  Cathécumencs ,  de  faire  fur  eux  les  prières ,  de  dé 
s'affurer  de  leur  fui  ,  comme  d'une  condition  néccffaire  à  la 
validité  du  Baptême;  que  c'eft  la  raifon  de  donner  aux  enfans 
desPareins,  parce  que  ne  pouvant  avoir  la  foi  que  demande  ce 
Sacrement,  il  eft  befoin  qu'ils  foient  préfentés  au  Prêtre  par  le 
miniûere  de  ces  Pareins ,  afin  que  témoins  de  leur  Baptême ,  en 
Cap.  ir.  n'ait  dans  la  fuite  aucun  doute  qu'ils  ne  l'aient  rec^u  ;  car  toutes 
les  fois  qu"il  y  a  doute  fur  le  Baptême  d'unenfiuit,  on  doi-t  îé 
Liptifer,  de  crainte  qu'il  ne  périffe  éternellement ,  faute  de  ce 
Sacrenient  ;  les  faints  Pères  n'ont  pas  cru  que  ce  fût  réitérer 
le  Baptême,  quand  on  ne  fçavoit  q.ril  ei.t  déjà  été  conféré. 
Il  eft  du  devt)ir  des  Pareins  de  répondre  pour  les  enfans  qu'ils 
lèvent  des  Fonts  ^  6c  d'être  la  caution  de  leur  foi  ôc  de  leurs 


CARDINAL  ET  CHANCELIER,  &c.  285 

promefles  ;  c'eft  pourquoi  ils  doivent  veiller  qu'étant  adultes  ^''P-  *•• 
ils  accompliflent  ce  qu  ils  ont  promis  pour  eux  au  Baptême, 
lorfque  le  Prêtre  les  a  interrogés  fur  leur  foi  ôc  leur  renoncement 
au  démon.  Quoiqu'on  différât  le  Baptême  des  Cathécumenes  Cap.  tu 
adultes  jufquà  Pâques  ,  il  étoit  d'ufage  de  ne  pas  retarder  le 
Baptême  des  enfans ,  à  caufe  de  la  foibleffe  de  leur  fanté,  ôc  du 
danger  qu'ils  ne  fuffent  furpris  de  la  mort  fans  avoir  été  baptifés. 

XVI.  Quoique  le  Prêtre  foit  le  Miniftre  du  Baptême  ,  toute  c^p.  n, 
perfonne  peut  baptifer  dans  le  cas  de  nécelFité;  mais  le  Baptême 

ne  doit  jamais  fe  réitérer ,  ni  la  Confirmation ,  qui  une  fois  reçue 
fuifir.  L'effet  de  ce  Sacrement  efl:  de  remettre  les  péchés  ,  de 
confirmer  dans  le  bien  le  Baptifé  ,  ôc  de  l'armer ,  comme  un 
Athlète,  contre  les  ennemis  du  falur.  On  doit  adminiftrer  la  Cap.  i^. 
Confirmation,  même  aux  enfans,  ôc  c'eft  une  faute  à  ceux  qui 
en  font  chargés ,  quand  ils  les  laiffent  mourir  fans  ce  Sacrement. 
Comme  il  n'eft  point  auffi  néccifaire  au  falut  que  le  Baptême, 
c'eft  aux  feuls  Evêques  à  l'adminillrer ,  ôc  cet  ufage  eft  de  tous 
les  fiécles  depuis  les  Apôtres.  Il  y  a  d'autres  Sacremens  qu'on  Cap.  i^. 
peut  réitérer,  comme  la  Pénitence  ôc  l'Euchariftie;  le  premier, 
parce  qu'il  cft  néceffaire  de  confeil'er  nos  péchés  toutes  les  fois 
que  nous  en  commettons  ;  le  fécond  ,  pour  nourrir  notre  amc  ,  ÔC 
affermir  notre  cfprit  contre  l'infirmité  de  la  chair.  C'eft  en  effet 
le  fruit  que  nous  retirons  de  l'Euchariftie,  quand  nous  nous  en 
approchons  dignement  :  elle  remet  même  les  péchés  ,  mais  elle 
produit  un  effet  contraire  quand  on  la  reçoit  mal.  Pullus  met  cette      ''*  "  * 
différence  entre  laCirconciiion  ôc  leBaptême,  quclaCirconcifion 
ne  remettoit  que  le  péché  originel ,  au  lieu  que  le  Baptême  efface 
l'originel  ôc  l'acliucl;  qu'il  en  remet  même  la  peine,  ôc  ouvre  Cap.  17, 
la  porte  du  Ciel  à  ceux  qui  meurent  auflltot  après  l'avoir  reçu. 

XVII.  Il  en  eft  de  même  du  martyre;  mais  la  confedion  Cip.iy. 
des  péchés  n'a  pas  ce  privilège,  parce  qu'elle  doit  être  fui  vie  des 
fruits  de  la  pénitence.  Il  eft  encore  néceffaire  que  la  confeffion 

des  péchés  foit  accompagnée  de  douleur  de  les  avoir  commis  : 
c'eft  dans  cette  douleur  que  la  corredion  des  mœurs  prend  fon 
origine  ;  ôc  celui  qui  s'accufe  d'un  péché  qu'il  ne  hait  pas ,  fe  '^'''  ^'* 
condamne  lui-même  en  s'accufant ,  n'y  eût-il  qu'un  péché  dont 
il  ne  voulût  point  fe  corriger.  Pullus  recnnnoît  l'utilité  de  la 
crainte  des  peines  de  l'enfer,  ôc  la  regarde  comme  un  don  de 
Dieu  ,  mais  il  ne  croit  pas  qu'elle  obtienne  le  pardon  feule;  il  ne 
la  regarde  que  comme  une  difpofltion  que  Dieu  met  dans  le 
pécheur,  pour  l'excitera  recourir  aux  gémiffemens  de  la  péni- 

Nn  ij 


C:?'.    ?i 

Ù- 

cap.     4P  , 

.     6 

]/  irtis  ,  ù- 

ng~ 

ur.pag,  3 

4S. 

484  ROBERT    PULLUS, 

Cç.  jT&'j?.  tcnce.  II  dit  que  perfonnc  n'eft  jufte  que  par  la  charité;  qu'on 

peut  la  perdre,  6c  conféquemment  ia  juftice;  mais  il  admet  une 

autre  charité,  qu'il  appelle  charité  miire  ,  que  l'on  croit  être 

la  grâce  de  la  prédeflination ,  par  le  bénélicc  de  laquelle  les 

Juftes  ,  quoique  fujets  à  tomber  quelquefois  dans  le  péché ,  s'en 

relèvent  finalement  &  (ont  fauves. 

LjTre  (îxjc-       XVIII.  Dans  le  fixiémc  Livre  Puil'is  traite  de  ce  qui  fe 

r      '*  P^^2  dans  Ihomme  avant  &  après  leBapreme,  c'eftà-dirc  ,  du 

^'  '*  péché  originel  ôc  de  la  concupifcence  ,  avant  que  ce  péché  foit 

remis  par  le  Baptême,  ôc  des  effets  de  la  concupifcence  depuis 

la  rémilîîon  du  péché  originel  par  ce  Sacrement ,  ou  de  la  cupi- 

Cav.  ï,^  ,(■.  dite.  Il  traite  auili  de  l'ignorance  ôc  des  autres  fuites  du  péché, 
&  réfout  quelques  cas  de  confcience  fur  des  fiits  arrivés    par 

Caj).  10,  &-f.  ignorance.  II  remarque  que  Dieu  dans  les  guerres  ,  comme  dans 
beaucoup  d'autres  évenemens ,  fe  fert  des  pallions  des  hommes 
pour  accomplir  fes  deiTeins.  Ainfi  voulant  détruire  ia  Judée,  il 
laiflfa  agir  les  Romains  ,  qui  mécontens  des  Juiis  en  ce  qu'ils 
refufoient  de  payer  les  tributs  ,  les  attaquèrent ,  &  ravagèrent 
Cap.  19.  leurs  pays.  Dieu  fe  fert  de  mauvais,  commede  bons  Minières  , 
pour  exécuter  fes  volontés  ,  tantôt  des  Anges,  tantôt  des  hom- 
Ob.1i,  13,  mes  ,  même  des  démons.  Il  croit  que  chaque  ame,  tandis  quelle 

t^.ù-Jeq.      eft  unie  au  corps,  a  fon  bon  Ange  pour  la  garder;  qu'il  y  en  a 
auïïi  de  conffirués  à  la  garde  des  Nations  ,  pour  combattre  les 

Cap.  17 ,  15».  puiffanccs  de  l'air ,  pour  porter  les  prières  des  Fidèles  aux  pieds 
du  fouverain  Juge,  ôc  introduire  les  âmes  des  Saints  dans  le 

Cap  uO-reo    Paradis.  Il  explique  les  ditiérens  ordres  d'Anges,  ou  d'Efprits 
célefles  ,  leurs  offices  ,  leurs  noms  ,  la  fubordination  qui  cit 

Ctp-^cO-feq  entr'eux.  Puis  il  paife  à  ce  qui  regarde  les  démons  ,  qui  font 
auffi  en  difFcrcns  dégrés  ,  6c  fubordonnés  les  uns  aux  autres. 
Cap.  ji.  X  I  X.  Il  defcend  dans  le  détail  des  moyens  qui  conduifent  à 
Dieu ,  ôc  que  le  Prêtre  doit  prendre  pour  remettre  les  pécheurs 
dans  la  voyc  du  falut.  Un  de  ces  moyens  cft  la  confeiFion  des 
péchés  faite  au  Prêtre  avec  candeur  6c  avec  douleur,  fans  l'ui 
cacher  aucune  des  injufliccs  commifcs.  Comme  la  pénitence  du 
coeur  cft  inutile  fans  la  confellion  de  bouciic  ,  ccUe-ci  e<\  au  li 
infruttueufe  fans  l'autre.  Ce  n'eft  pas  même  alTez  d^avoir  du 
regret  de  fes  péchés  ,  d'en  cfpcrer  le  pardon ,  Ôc  de  les  confefTer , 
fi  l'on  n'en  fait  pénitence.  Il  s'objede  que  Pierre  ôc  Marie  ont 
obtenu  le  pardon  dcleurs  péchés  farrs  fes  avoir  confefîés  ,  ôc  ce 
«|uc  dit  faint  Ambroifc  ,  que  les  larmes  lavent  le  péché  dont  on  a 
konie  de  fe  conjejj'er.  A  quoi  il  répond ,  i**,  que  tojt  ce  qui  ed 


CARDINAL  ET  CHANCELIER, &c.    aSy 

arrivé  n'cft  pas  écrit.  2*.  Que   !a  préfence  du  Seigneur  a  pu 

opérer  fur  faint  Pierre  ôc  fur  Marie  ,  ce  que  les  pécheurs  ne 

peuvent  ordinairement  efperer.  3°.  Que  ia  conteîiion  des  péchés 

eQ  ordonnée  pnr  !  Ecriture  &  par  l'Egiife.  4".  Qu'il  eft  bien  vrai 

que  les  larmes  etfaccnt  les  péchés  que  l'on  confcfle  avec  pudeur; 

&  qui  s  ne  s'effaceroient  point  par  les  ris ,  ni  en  les  confeiranc 

avec  impudence.  Quant  au  Prctre  ,  FuUus  veut  qu'il  examine  Cap.  fi ,  r?. 

attentivement  !a  qualité  du  crime  que  le  Pénitent  confefie ,  6c 

toutes  les  circonftances  ;  qu  enluite  il  lui  ordonne  une  pénitence 

proportionnée  à  ce  crime  ,  en  faifant  toutefois  diliintcion  dun 

Pénitent  infirme  de  corps,  d'avec  celui  qui  fe  porte  bien.  On  P.15. ht, 

voit  que  du  tems  de  Pullus,les  Prêtres  ne  rccevoient  pas  la 

confeliiondc  celui  qui  étoit  condamné  au  dernier  fupplice,  après 

avoir  été  ccnvaincu  de  crime  ,  ÔC  qu'ils  ne  lui  adminiftroient  pas 

le  Sacrement  de  f  Euchariftie.  On  accorde  aujourd'hui  à  ceux 

qui  lent  condamnés  à  mort  le  Sacrement  de  Pénitence  ,  ôc  on 

n'a  jamais  refufé  celui  de  1  Euchariftie  à  ceu-x  qui  foutirvjient  le 

martyre  pour  la  Foi  de  Jefus-Chrift.  Les  épreuves  du  feu  &  de  ^-W- 1^- 

l'eau  chaude  étoient  encore  en  ufage  dans  le  douzième  fiécie  ; 

Pullus  les  appelle  l'examen  ,  ou  le  jugement  de  Dieu. 

X  X.  Il  dit  que  les  deux  glaives  dont  il  eft  parlé  dans  l'Evan-  ^W-  '>^' 
gile  ,  nepeuvent  pas  être  maniés  par  une  même  main  ,  qu'autre- 
ment ils  ne  le  feroient  pas  ,  comme  il  faut  ;  que  l'un  clr  confié 
aux  Clercs ,  l'autre-  anx  Laïcs  ;  que  le  premier  appartient  à  la 
dignité  Sacerdotale  ,  le  fécond  à  la  Puiflance  fécuiierc  ;  que  l'un- 
étend  fa  rigueur  fur  l'ame  ,  l'autre  lur  le  corps.    Pullus  diltingue 
auffi  deux  fortes  de  péchés  ,  ceux  qui  font  publics  ,  ôc  ceux  qui 
font  fecrers.  La  connoiffance  &  la  punition  des  premiers  appar-  Cav.  or- 
nent à  l'Evêque  ;  les  Prêtres  peuvent  connoître  des  autres ,  &  les 
punir.  11  fcmble  dire  que  le  Prctre  ne  remet  point  les  péchés  en  Ci.  fi  ,  ^ 
donnant  l'abfolurion  ,  mais  qu'il  neYait  que  les  déclarer  remis  P'-i-  >'*^- 
par  le  Sacrement:  ce  n'ell  pas-là  néanmoins  fon  fentiment.  Il 
reconnoit  quelques  lignes  plus  bas ,  6c  en  d'autres  endroits  de 
fon  ouvrage,  la  puiiTance  judiciaire  dans  les  Prêtres  de  la  Loi 
nouvelle,  ôc  dit  nettement   (a)  ,  que  comme  il  ablbut,  il  lie 
aulli  le  pécheur;  qu'il  le  lie,  quant  à  la  peine,  ôc  quant  à  la  p     ^^^^ 

^a     i>iv.ut  liutein  oactrios   (o.vit  ,   ita   j  veniam  conicc,»!  Jeiiuntiat  ;  &■  lîc   itiinet- 


ft  li^at ,  dum  utriulijuc  rei  <>actiu»ernMim 
célébrât.  SacerJos  ergo  lig»t  \i£U£  ,  liirat 
culps  ,  dum  illum  pro  deliftis  ufque 
ad  teinpus  poft  confeflTionem  onerat.  liium 
UKem  à.maioceii4L'â  voientein ,  non  poile  i 


peccata ,  rticnta  quoijue  apuu  Deum  Siiut 
c  conira  ceiTanti  5f  conMreoti  ab  oivem'o 
rem\ttit  pecc^fa  ,  rem.fTà  <jUOijue  apiUcf 
Deum.  Pulius  ,  Ut.  6  ,  ap.  6 1 ,  p.tg.  »-i7^ 

N  n  iij  - 


a/.  3.4. 


2S5  ROBERT     PULLUS, 

coulpc  ;  qu'il  lie  celui-là  ,  quant  à  la  peine,  lorfquaprcs  la  con- 
fefllon  de  fcs  péchés  >  il  lui  impofe  une  pénitence  pour  un  tems  ; 
qu'il  lie  l'autre ,  quant  à  la  coulpe ,  lorfque  voyant  fon  obftiniuioa 
dans  le  mal,  il  lui  déclare  qu'il  ne  peut  obtenir  le  pardon  ,  ôc 
retient  ainfi  des  péchés  qui  font  liés  dans  le  Ciel  ;  comme  au 
contraire  il  abfout  ôc  remet  les  péchés  à  celui  qui  s'en  eft  con- 
tefle  &  corrigé ,  6c  ils  font  remis  dans  le  Ciel. 
Livre  fep-    •  XXI.  La  fatisfadion  étant  une  fuite  de  ta  confeifion  ôc  de 

ticrae  ,  p.i;.  l'abfolution  des  péchés  ,  PuUus  en  parle  dans  le  feptiéme  Livre. 

^^^'  Il  veut  qu'on  impofe  aux  Pénitensla  pratique  des  vertus  oppofées 

à  leurs  mauvaifes  habitudes,  comine  la  continence  aux  impu- 
diques ;  ôc  qu'à  l'égard  des  œuvres  fui  s  facto  ires  ,  on  ait  égard  aux 
forces  ôc  à  l'inlirmité  du  Pénitent.  Parles  œuvres fatisfadoires , 
il  entend  le  jeune  ,  l'aumône ,  la  prière,  tant  pour  foi  que  pour 
le  prochain  ;  les  macérations  du  corps  ,  entr'aurres  ,  les  Hageila- 
tions  ou  volontaires ,  ou  impofées  par  le  Prêtre.  Il  étoit  d'ufage 
du  tems  (  <2  )  de  PuUus ,  que  les  Pénitens  fe  jettafTent  quelquefcis 
aux  pieds  du  ConfelTeur  pour  fe  ii:igeller  eux-mêmes  en  fa  pré- 
NoT.  in  c^p.  fence  :  ufage  nouveau  ,  Ôc  dont  l'origine  ne  patToit  pas  la  fin  du 

3 ,  pjj.  jiii.  dixième  fiécle.  Il  dit  que  nos  prières foiit  inutiles  aux  Sainis  qui 
font  dans  le  Ciel ,  à  ceux  qui  font  morts  dans  leurs  péchés,  aux 
enfans  morts  fans  Baptême  ;  mais  qu'elles  peuvent  profiter  à  ceux 
qui  ayant  vécu  négligemment ,  ont  péanmoins  donné  en  mou- 
Can.  ^_  ranc  des  fignes  de  pénitence  ôc  de  piété  ,  6c  qui  pour  leur 
négligence  ont  befoin  d'être  purifiés  par  les  peines  du  Purgatoire. 
Cap.  6.  XXII.  Pullus  en  parlant  de  la  dixme,dit,  qu'on  doit  la 
payer  à  Dieu  pour  l'entretien  des  Clercs  occupés  à  fon  fervice  ; 
qu'on  la  doit  non-feu!ement  des  fruits  delà  terre  ,  mais  auffi  des 
animaux  ôc  de  toutes  fortes  de  grains  ;  que  les  Laïcs  n'ont  rien  à 
voir  fur  la  vie  des  Clercs ,  ôc  que  quelque  foit  leur  vie,  ils  ne 
font  pas  difpenfés  de  leur  donner  ce  qui  leur  efl  dû  ;  que  quand 
même  les  Clercs  auroient  du  bien  en  fuffifance ,  ce  n'ed  pas  une 
raifon  aux  Laïcs  de  les  priver  de  ce  qu'on  leur  doit  ;  que  c  efl  à 
l'Evêque  à  faire  la  répartition  des  revenus  de  l'Eglife  ,  à  en 
donner  à  chacun  des  Prêtres  qui  font  fous  fa  Jurifdidion  en  fuffi- 
fance pour  s'entretenir  eux-mêmes  ,  ceux  qui  les  aident  à  dcfler- 
vir  les  Paroifles  ,  ôc  leurs  Domefliques  ;  ôc  à  employer  le  refle  à 
l'ornement  des  Eglifes,  mais  furtout  au  foulagement  des  pau- 

(a  )  Eft  quseJaiii  fatisfrnâio  quam  cii-uf-  j  lior  ,  tum  (juilibet  ,  Sacnlotis  proftratus 
libct  natura  tolerare  fcrc  viik-at  ,  afpera  .  ad  pciles  ,  le  la-dt-nisum  vir;;i5  ixliibet 
tamen  &tancc>  Deo  gratior,quaiuo  humi-  )  nuùum.  PuUus ,  Ub.  j  ,  ca^i.  j  .[u^.  iio. 


I 


CARDINAL  ET  CHANCELIER,  &c.   287 

vrcs  ;  qu'il  pourra  même  ,  fi  les  revenus  fonr  abond;>ns ,  en  defli- 
ner  une  partie  pour  un  tems  [a]  ,  ou  pour  toujours  ,  a  quelque 
Communa'ué  Re'.igieufe.  Il  ajoute  queies  deux  Puinances ,  la  ^^p  ^^ 
Sacerdotale  6c  la  Royale  ,  font  établies  de  Dieu  pour  le  falut  & 
la  paix  de  l'homme  ;  que  ces  deux  PuilTances  fe  p'rctent  un  fecour;$ 
mutuel;  ôc  que  le  glaive  que  Jefus-Chrifl  a  mis  en  main  à  là 
Puiflance  Royale  ,  doit  prêter  fecours  à  la  Dignité  Sacerdotale  , 
qui  ne  pourroit  avec  le  glaive  feul  de  faint  Pierre  ,  retrancher 
tous  les  maux  qui  renaifTent  fans  ce(ie  dans  l'Eglife.  C'eft  à  1  Evê- 
que  à  guérir  les  maladies  deTame  ^  6c  au  Roi  à  venger  les  injures 
extérieures.  Pui'us  donne  dès  confeils  fijr  le  choix  des  Minifires  ;, 
ôc  l'exercice  des  deux  Puinan>.es.  Il  veut  que  l'on  ne  parvienne 
auMinintreni  par  l'ambition,  ni  par  l'argent  ;  que  les  Princes  c^s.  8. 
fe  fervent  de  Miniflres  qui  punifTent  les  méchans,  ôc  honorent 
les  bons;  qu'en  cas  de  guerre  les  Soldats  combattent  fous  les  Qd. 9. 
ordres  du  Roi  p'pur  le  (alut  de  la  patrie,  fort  en  chairant.  les 
Nations  ennemies  ,  foit  en  réprimant  les  guerres^ intefiines;  que 
les  Sujets  payent  des  tributs  au  Roi,  ôç  que  le  Roi  prenne  fous  fa 
garde  fes  Sujets. 

■  X  X  I  H.  Le  La'ic  qui  ^.'ect  embraOer  la  Clerlcature  doit  ctre  Cii.  i«. 
libi-e  ,  lettré  ,  renoncer  à  la  Milice ,  au  Négoce  &  à  la  Judicacure  , 
parce  qu'il  lui  efi  également  défendu  de  répandre  le  fang ,  &  de  le 
faire  répandr-e.  Il  peut  bien  cmbra{re,rdelui-mêrnel''état  Clérical, 
mais  c'eft  aux  autres  à  le  promouvoir /aux  difTerens  dégrés  du 
CTergé.On  ne  le  doit  point  ordonner  que  pour  une  Eglife  parti- 
culière ,  à  laqtîelle  il  eft  fi  attaché  dès  le  moment  de  fon  Ordina- 
tion ,  qu'il  ne  peut  pafl'er  à  une  autre  fans  n'écéiTtté.  Dc.ns  tous  les 
degrés"  au-deifous  du  Sous-Diaconat  il  eft  encore  permis  de  fe    .  .„,.•) 
marier',  mais  le  mariage  eu.  i'nterdit  aux  Sous-Diacres  ,  aux  Dia- 
cres &   aux  Prêtres  ;  c'éÏÏ  pour  cela  (b  )  que  ces  trois  Ordres 
font  appelles  facrés.  Néanmoins  ils   ne  font  pas  a  haute  voix  Cav.  n. 
profeiïion  de  continence,  non  plus  que  les  Woines.  Leui;I\at)it 
6c  leur  état  font  les  preuves  de  leur  engagement.  La  place  des 
Clercs  cfl  dans  le  Cliœur  ,  celle  des  Laïcs  hor^;  du  Chœur.  Pullus 
defcend  dans  le  détail  des  qualités  nécefiaires  pour  être  proixiit 
aux  divers  dégrés  de  la  Clerlcature  6c  des  fonctions  desPrêtres.  11  Cap,izù-fiq, 
parle  de  l'ufageaoffrir  quelque  chofe  après  le  Baptême,  la  Con- 

(a)   Qiiod  (i  tcnt^   ell   rtnim  1- c^  i' lire  vaut  ad   ptrpetuum  jUs.  ilid.  lOf.  6 ,  ^ag. 
rflfiii  n-i;i  ,  ut  &   iptï    luffitcre  ,   ,S-   ;tliis   J  ;ij.  ■, 

fUeant  proJcife;  ra>ionr.bili?Pr'ftr'  p^r'-ft"'  '  ff~),'fli!e6  ruMque  f(?rirèmi'  tr^ç  r^r^rt 
s.tûe  f9  ijsoclexubêrat,^ailiii«ia?iiiin  oon-  Ordintes  nuac«pa«tu**-'f  iflaj'y  -iiifj^^jlli' 
ventui  fratruin  iu.lrageiur  ,  att  aJ  t  ni£us  j.  iaf.  ii-  '  ^,,  ^^i  j 


2SS  ROBERT    PULLUS, 

fefTion,  ôc  le  facrifîcc  de  la  Meflc  ,  foit  pour  la  Fabrique  de 
i'Eglife,  foit  pour  l'entretien  des  Miniitres;  mais  il  remarque 
qu'il  leur  étoit  défendu  de  rien  exiger ,  parce  qu'on  ne  ie  pouvoit 
fans  iiraonie.  A  l'égard  des  perfontics  engagées  dans  le  mariage, 
il  dit,  qu'ils  peuvent  bien  garder  la  continence  d'un  commun 
confentement ,  mais  non  pas  rompre  leur  mariage. 

Ccj?.  18.  XXIV.  PuUus  traite  de  la  polygamie  des  anciens  Patriar- 
ches, de  celle  des  Gentils,  du  mariage  Ciirétien  ,  du  devoir 
réciproque  entre  le  mari  ôcla  femme,  le  tout  dans  les  principes 
de  faint  Auguftin.Il  enfeigne  que  dans  le  cas  d'adultère  ,  il  eft 
également  au  pouvoir  du  mari  &  de  la  femme  de  faire  divorce  ; 

Cap.  33.  mais  que  leur  mariage  n'étant  pas  rompu  parcetteféparation,  ils 
ne  peuvent  ni  l'un  ni  l'autre  contrarier  d'autre  engagement  ;  que 
le  divorce  eil  aulfi  permis  dans  l'ad ulcère  fpirituel ,  c'ell-à-dire  , 
dans  le  cas  où  l'une  des  Parties  ne  peut  demeurer  avec  l'autre 
fans  un  rifque  évident  de  fon  falut ,  à  caufc  de  la  perverlité  des 
Cap.i^tiU  mœurs,  ou  de  la  doiStrine.  Il  marque  entre  les  empêchemens 
î**  dirimans  du  mariage ,  la  tendrelTe  de  l'âge  ,  le  vceu  implicite  de 

chafteté  dans  les  Ordres  facrés  &  dans  la  profeiiion  Monaftiquc, 

Cap.  38.  la  parenté  ôc  l'airlinité  ,  même  Ipirituelie,  ôc  i  iiupuiflance  natu- 
relle. 
Livre  hui-       XXV.  Il  paroîtqucdu  tems  de  Pullus  quelques  Fidèles  peu 
ti*n»e  ,  piig.  jnfti-uits  témoignoient  autant  de  vénération  pour  le  Pain  béni 
Ctp,  I.  que  l'on  diftribue   en  plufieurs  Eglifes   au   fortir  de  la  Melfc 
folemnellc,  àtousceuxquiyontallillé,  que  pour  l'Euchariftic  : 
Il  rejette  cette  erreur,  ôc  témoigne  qu'il  ne  comprend  pas  fur 
quel  fondement  on  a  pu  l'introduire  ,  attendu  que  toutes  les 

dp.  1.  figures  de  l'Eucharillie  ont  celle  depuis  fon  établilTement.  Point 
d'autre  pain  que  de  froment,  point  d'autre  liqueur  que  du  vin  , 

Cuf.  3.  ne  font  admis  à  la  Table  du  Seigneur.  La  tradition  de  l'Eglife  eft 
que  l'on  doit  y  mêler  de  l'eau  ,  parce  que  l'eau  eft  fortie  avec  le 
fang  du  coté  du  Seigneur.  Dans  la  participation  de  ce  myftere  , 
le  Prêtre  prend  d'aburd  le  Corps  de  Jefus-Chrift,  enfuite  fou 
Sang  :  tel  eft  l'ordre  dans  lequel  il  a  communié  fcs  Difciples , 
l'on  n'y  doit  rien  changer  i  mais  il  a  laifTé  à  la  prudence  de  fon 
Eglife  la  manière  de  diftribuer  ce  myftere  aux  Laïcs  ;  elle  leur 
diftribue  la  Chair  du  Sauveur ,  mais  non  pas  fon  Sang  ,  parce 
qu'il  y  a  du  danger  de  diftribuer  l'efpece  liquide  à  une  multitude: 
à  plus  forte  raifon ,  de  ia  porter  aux  malades,  d'autant  que  cela 
n'eft  point  néceflaire  ,  puifque  la  chair  n'étant  pas  fans  fang  ,  celui 
qui  mange  la  chair  ,  prend  aulii  le  fang. 

XXVI. 


CARDINAL  ET  CHANCELIER,  &c.  28p 

XXVI.  Pullus  s'élève  contre  ceux  qui  trempoient  le  Corps  Ct^.  j; 

de  Jefus-Chrift  dans  le  Calice  avant  de  le  donner  aux  Fidèles  ;  ôc 
il  fe  fonde  fur  ce  que  le  Sauveur  n'en  a  pas  ufé  ainfi ,  ayant  donné 
féparément  fon  Corps  6c  fon  Sang.  Il  s'obje£le  qu'on  devroit 
donc  auiTi ,  à  l'imitation  de  Jefus-Chrift ,  donner  aux  Fidèles  le 
Corps  ôc  le  Sang  fépare'nient.  A  quoi  il  répond  que  l'Eglife  a  eu 
fes  raifons  pour  faire  ce  changement  ;  fçavoir  ,  le  danger  de 
répandre  ce  Sang  précieux  en  le  diftribuant  à  la  multitude ,  & 
que  ce  danger  fe  trouve  également  lorfqu'on  donne  aux  malades 
le  pain  trempé,  c'eft-à-dirc,  le  Corps  de  Jefus-Chrifl:  trempé 
dans  le  calice  de  fon  Sang.  Car  Jefus-Chrift  par  la  vertu  de  fa 
bénédiiSlion  ,  par  lui-même  &  par  fes  Miniftres  (  a) ,  change  le  Cap.  u 
pain  en  fon  Corps  ,  ôc  le  vin  en  fon  Sang ,  enforte  que  le  painôc 
le  vin  ne  font  plus  ce  qu'ils  étoient  auparavant,  mais  font 
changés  en  une  autre  nature,  le  pain  en  chair,  le  vin  en  fang; 
cette  chair  n'eft  autre  que  celle  qu'il  a  e.nportée  dans  le  Ciel 
pour  nous  ',  ôc  le  fang  en  qui  le  vin  eft  converti,  eft  le  n^êmc 
qui  a  coulé  de  fon  côté  ,  ôc  qui  eft  encore  dans  fa  chair.  Pullus 
prouve  tout  ce  qu'il  dit  fur  ce  fujet  par  les  paroles  delaconfé- 
cration  rapportées  dans  l'Evangile  ;  ôc  pour  ne  laifTer  aucun  Matu  is. 
doute  (t)  fur  fa  croyance  à  cet  égard,  il  répète  plufieurs  fois 
que  le  pain  eft  changé  en  chair ,  ôc  ie  vin  en  fang,  de  façon  que 
la  fubftance  du  pain  ôc  du  vin  celle  d'être  ce  qu'elle  étoit ,  ôc 
devient  ce  qu'elle  n'étoit  pas  ,  quoiqu'elle  conferve  après  la 
confécration  les  mêmes  propriétés  extérieures  qu'elle  préfentoit 
avant  à  nos  fens  ;  qu'il  n'en  eft  point  du  Corps  de  Jefus-Chrift, 
comme  de  la  chair  que  l'on  acheté  au  marché  ,  ôc  qui  fe  mange 
par  morceaux  ;  que  ceux  qui  communient  le  mangent  entier  fans 
le  divifer  en  parties;  qu'encore  qu'il  paroiffe  qu'«n  le  rompt, 
qu'on  le  déchire  avec  les  dents  ,  il  n'eft  ni  rompu  ,  ni  déchiré  ; 
que  la  fraâure  ôc  maftication  ne  tombent  que  fur  les  efpeces  (  c) , 
ôc  non  fur  la  fubftance  du  Corps  du  Seigneur. 


(  a  )  Domimis  virtute  benedictionis  fu.c 
&  per  fe  &  pcr  Miniflros  p.Tiiem  in  Corpii; 
fuum  ,  vinumque  in  San:;uiricm  (Dvni 
convertit  :  Ita  ut  neque  panis  ,  neqiia 
vinum  ,  i^l  ouoi  ar.t'i  crat ,  reranncnt  , 
verùm  in  alterani  traulèat  natuTum  :  panis 
în  carnein  ,  vinum  in  fani^uinein.  Non  ' 
inique  in  alinm  ,  niiî  in  illam  qi.am  pro 
nobis  ccelis  invenii.  Neque  alius  eft  San- 
puisinquem  vinum  tr/nfa  ,  ni/i  ille  oui 
Bianavit  d?  latf  re  ,  quique  adhuc  manet  in 
<arneChfi;li.  Pul  W;  .Uh.'^  .  c.  î  ,  p.  l'jj. 


(_b)  Cum  auteni  panis  in  canv.  m  , 
vinum  quoque  viituie  Chrifti  vcvt?tiir  in 
innpuinem  ,  (uliftantis  utiqu?  vini  \  panî» 
dflinit  eifc  quod  fuerat  ,  itique  fit  quod 
prius  non  crnt  :  proprietates  tamen  am- 
borum  tran(euntium  mv:ncnt;  unde  fît  ut 
it!  quinque  'enfus  noftri  poft  co.t  ccrntio- 
nem  inveniant  quoi  anté  conieçi;'.tionem 
invcnicbant.   Ibid.  p.ii;.  i55. 

(  f  )  Contritio  S:  fraftur.i  (pecicmcomir 
tantiir  non  et.atn  rem.  Itid.  .,  .1 


Tome  XXII.  O. 


"^s'^;^^^-"  ^-^;R  OBERTPULLUS, 

•Ca^''À'"  i  -X  X"V'Ï  I.  ïl  n'appartient  qu'aux  Prêtres  feuls  de  célébrer  les 
Sacrtmens  de  TAutel.  Fuffent-ils  de  mauvaifes  mdeurs ,  ils  coii- 
facrenf,  pourvu  qu'ils  obfervéïlt  te  rit  Ecclefiaftique.  C'eft  audi 
aux  Prêtres  à  examiner  ceux  à  qui  l'on  doit  accorder  l'Eucha- 
riftie,  ôc  ceux  à  qui  on  doit  la  refufer.  Il  fiiut  h  refufer  à  tous 
ceux  qui  font  pénitence  publique,  &  à  ceux  qui  mènent  une 
vie  honteufe  ,  de  peur  que  les  foibles  n'en  foient  fcandalifés  ,  fi 
toutefois  ce  refus  petit  feflnre  fans  bruit.  Comme  il  y  aVoit  une 
féconde  Pâque  pour  ceux  qui  pour  quelqu'impureté  ne  pou- 
voient  participer  à  la  première,  nous  devons  de  même  ,  lorfque 
nos  péchés  nous  empêchent  de  participer  avec  les  autres  Pldeles 
à  la  Pâque  commune,  différer  de  communier,  jufqu'à  ce  que 
nous  foyons  purifiés  de  nos  péchés.  Puikis  dit  qu'à  l'égard  des 
pécheurs  fecrets ,  il  faut  d'abord  les  avertir  de  fe  corriger  ;  mais 
que  s'ils  font  des  inftances  pour  recevoir  l'Euchariilie  comme 
les  autres  Fidèles ,  on  doit  la  leur  accorder,  de  crainte  que  par 
un  refus  on  ne  rende  publique  leur  iniquité.  Il  cite  fur  cela 
l'exemple  du  Sauveur  ,  qui  cimmunia  Judas  avec  les  autres 
^^P-  '•  Apôtres.  Il  ne  décide  rien  fur  la  fréquente  Communion  ;  mais  il 
Veut  que  l'on  s'en  tienne  du  moins  dux  décrets  des  Pères  ôc  des 
Conciles  qui  ordonnent  de  conimunier  trois  fois  l'année  j  à  Noçl , 
à  Pâques  &  à  la  Pentecôte. 
Cap.  12,13  XXVIII.  PuUus  traite  enfuite  du  Jugement  dernier,  de  ce 
•^'^'  qui  le  précédera  ,  ôc  de  ce  qui  le  fuivra ,  des  Miniftres  de  l'Ante- 

chrift  ,  des  Elus  ,  du  dernier  feu  qui  purifiera  les  âmes  deS 
Fidèles ,  de  la  réfurreftion  des  morts  ,  de  l'état  des  hommes 
après  la  réfurredicn  ,  de  celui  des  bienheureux  ôc  des  damnés. 
Il  fait  fur  tous  ces  articles  des  recherches  très-intereffanies ,  fit 
dans  tout  fon  ouvrage  il  montre  un  efprit  éclairé  Ôt  jude  dans  fes 
raifonnemens.  Il  feroit  à  fouhaiter  qu'il  eût  apporté  plus  de 
•netteté  Ôc  de  facilité  drais  fon  ftyle.  On  lui  reproche  d'avoir 
donné  dans  quelques  fentimens  particuliers.  Nous  en  avons 
remarqué  quelques-uns  dans  Tanalyfe  de  fes  oeuvres.  La  feule 
édition  que  l'on  en  ait  faite  cft  celle  de  Dom  H  ligues  Matthoud , 
à  Paris  chez  Piget  en  lôjj  ,  infcl.  L'Editeur  y  a  ajouté  le 
Livredes  Sentences  de  Pierre  de  Poitiers,  Chancelier  de  l'Eglife 
de  Paris  ,  mort  en  1205',  avec  des  Notes  théolcgiques  de  fa 
fa<^on ,  dans  le  goût  de  celles  qu'il  a  faites  fur  les  endroits  difficiles 
du  texte  de  Pullus. 
Pernrrd  Jç3  XXIX.  La  Chartreufe  des  Portes ,  que  l'on  compte  pour 
Ponce, Fon-  la  ttoifiéme  de  l'Ordre,  eu  égard  au  tems  de  fa  fondation  ,  fut 


CARDINAL  ET  CHANCELIER, 5cc.   2^j 

bâtie  en  II  I  j  par  Bernard ,  connu  depuis  fous  le  nom  de  Bernard  J»*^"'  <l«  •* 

des  Portes,  qui  fut  celui  de  cette  nouvelle  Charcrcufe.  Il  quitta  cenomt"^^*^^ 

leMonaftcred'Ambournai  où  il  avoit  profeffé  la  Règle  de  fa'.nt 

Benoît,  pour  fc  mettre  à  la  tête  de  la  Communauté  des  Portes. 

Saint  Bernard  y  alloit  quelquefois ,  lié  d'amitié  avec  les  Religieuse 

de  ce  nouveau  Monaflere;maisfurtout  avec  Bernard  leur  Prieur. 

Il  demandoit  avec  empreffement  à  l'Abbé  de  Clairvaux  des  Bernard,  epifi. 

Sermons  fur  le  Cantique  des  Cantiques.Que  ne  fuis-je  capable  ,  '  n .  1 54. 

lui  réponditfaintBernard  ,de  quelque  produttion  digne  devous! 

Pourrois-;e  alors  refufer  quelque  chofe  à  une  perfonne  pour  qui 

je  facriiierois  ma  propre  vie  ,  à  un  ami  intime  ,  à  un  cher  ôc 

tendre  frère  que  j'aime  erv  Jefus-Chrift  de  toute  l'étendue  de  mon 

cœur  ?  Bernard  des  Portes  en  étoit  encore  Prieur  en  1 1 47  ;  mais 

la  même  année  ,  fcs  infirmités  autant  que  fon  grand  âge  l'ob  i- 

gerent  à  fe  démettre  de  cette  charge  entre  les  mains  d'Antelmc 

ou  Nantelme ,  qui  avoit  été  autrefois  fon  Novice.  Bernard  mourut 

le  12  de  Février  1  i  ja. 

XXX.  Nous  n'avons  aucune  de  fes  Lettres  à faint Bernard,  SciLettrfs. 
&  il  en  refte  très-peu  de  celles  qu'il  avoit  écrites  à  diverfes  per-      ^/''"''^^"* 
fonnes.  On  lit  dans  un  manufcrit  de  la  Chartreufe  des  Portes^,  J^îd^  '  Bern. 
qu'elles  étoient  fur  des  matières  de  pieté  ,  particulièrement  fur  10m.  14  ,  Bi- 
la  vie  Religieufe  ;  qu'il  y  en  avoit  une  à  Falcon  ,  Doyen  de  ^  '''^'^"Yl}', 
i'Eglife  de  Lyon  ;  &  une  féconde ,  après  qu'il  fut  élevé  à  l'Epif- 
copat;uneà  Aymond  de  Rohieres;  une  à  un  Reclus  nommué 
Raynaud  ;  qu'il  avoit  aulfi  écrit  aux  Religisufes  de  Lyon  ;  à 
Berlion  ,  Evêque  de  Bellai  ;  aux  Religieufes  de  Blefie  ;  au  Pape 
Eugène  III.  à  faint  Bernard  ,  Abbé  de  Clairvaux  ;  &  à  Ifmion  , 
Abbé  d'Ambournai,  à  qui  il  rendoit  raifon  de  fa  forcie  de  ce 
Monaftere  &  de  fa  retraite  dans  le  défert  des  Portes.  Celle-là 
étoit  la  plus  belle  de  toutes ,  au  jugement  de  l'Auteur  de  ce 
manufcrit. 

XXXI.   Les  trois  Lettres  données  parle  PercChifflet,     Lettres  pu- 
font ,  l'une  à  Aymon  de  'Varennes ,  ôc  à  Aymon  de  Rohieres  ;  ^''''''  .l'^i,  '* 
l'autre  aux  B.eligieufes  de  Lyon  ;  la  troifiéme  auReclus  Raynaud.  j^^   ^' 
Elles  ont  été  imprimées  à  Dijon  en  i5j7.m-8°.  ôc  réimprimées    501. 
dans  le  vingt-quatrième  tome  de  la  Biblioteque  des  Pères  à  Lyon  ^-P'fi-  '• 
en   1577.   Celle  qui  efl  à  Aymon  de  Varennes  ôc  Aymon  de 
Rohieres  ,  a  pour  titre  :  de  la  fuite  du  ficelé.  Bernard  les  prede 
de  quitter  le  monde  pour  vivre  dans  la  retraite, où  il.leur  promet 
des  plaifirs  plus  folides  que  ceux  qu'ils  avoiei,nt.  goûtés  dans  le 
fiéclc.  Il  leur  fait  voirie  dangendes  conycrfions  tardives  ;  en  ce 

O  o  ij 


-.•.t\ 


api  ;^,;^^"R  OBERT     PULLUS, 

,!    ,";  que  les  renvoyant  au  moment  de  la  mort .,  ou  à  quelque  maladie 

dangereufe  ,  ce  n'eft  pas  nous  qui  mettons  fin  à  nos  crimes,  mais 
Dieu  ,  en  nous  faifantfortir  de  cette  vie. 
Epijl.  1  ,piig.       XX  XII.  La  Lettre  auxReligieufes  deLyon ,  c'eft-à-dire ,  de 
'^°**  fainte  Eulalie ,  qui  étoit  alors  le  leul  Monaflere  de  Filles  en  cette 

Ville,  eft  pour  les  exhorter  à  perféverer  avec  joie  dans  la  vie 
régulière  qu'elles  venoient  d'cmbraffet.  Bernard  veut ,  que  celles 
qui  avoient  pris  avec  zèle  le  parti  delà  reTorme  ,  confolent  celles 
qui  ne  s"y  étoient  foumifes  qu'avec  peine  ;  qu'elles  prient  pour 
elles  ,  &  les  invitent  par  leur  exemple ,  à  prier  elles-mêmes ,  &  à 
faire  de  néceffité  vertu.  Il  leur  expofe  les  différentes  manières 
dont  nous  fommes  tentés  en  cette  vie  ,  &  leur  fait  voir  qu'il  n'y 
a  que  leconfentement  aux  fuggeflions de  l'ennemi,  qui  foit  un 
péché. 
EA!^.  5  ,pûg.  XXXIII.  Le  MoineRaynaud  vivoit  enReclus  dans  un  Kermi- 
's°>-  tage  à  deux  lieues  delà  Chartreufe  des  Portes.  Il  avoir  demandé 

à  Bernard  une  règle  de  vie.  Voici  celle  qu'il  lui  preTcrit  :  En  Été 
'depuis  Compiles  jufqu'à  Primes ,  2c  en  Hyver  jufqu"à  Tierce , 
W  "  vous  garderez  un  lllence  exacl,  il  cen'eft  qu'il  y  ait  une  grande 

nécellité  de  le  rompre  ,  ce  que  vous  ferez  en  peu  de  mots.  Ne 
fouffrcz  pas  que  perfonne  vous  entretienne  de  chofes  vaines  & 
inutiles ,  ni  des  affaires  extérieures.  N'écoutez  que  des  chofes 
dont  vous  puilliez  rendre  grâces  à  Dieu.  Que  tous  ceux  qui 
viennent  vous  voir ,  voUs  difent  des  chofes  édifiantes  ,  ou  qu'ils 
en  entendent  de  vous.  Si  ce  font  des  Sçavans  ,  écoutez-les  plutôt 
que  de  leur  parler;  partagez  votretems  entre  lii  prière  ,  la  le£ture 
des  Livres  laints ,  la  pfalmodie  &  le  travail  des  mains ,  0  ce  n'efl 
les  jours  de  Dimanche  où  vous  vous  occuperez  entièrement 
d'exercices  fpirituels.  Soit  que  l'on  Vous  donne  les  befoins  delà 
vie  jfoit  que  vous  les  acquériez  par  votre  travail ,  donnez  ce  qui 
vous  refiera  aux  pauvres  ,  fans  rien  retenir  auprès  de  vous,  dottt 
vous  n'ayez  pas  befoin. 
P«£:-  15-4.  XXX  IV.  N'ufez  point  de  chemifcs  dclin  ,  mais  de  laine  ;  & 
■pour  vos  vêtcméhs  extérieurs,  fcrvcz-vous  de  peaux.  Ne  vous 
livrez  point  à  de  grandes  abfiinences  ;  6c  contentez-vous  de 
■jeûner  tous  les  vcHoredis',  nepreriaiit  en  ce  jour  qu'un  repas,  faris 
vin  ;  à  moins  que  ce  ne  foit  un  jour  de  Fcte.  Si  vous  voulez  en 
Ofer  de  mén^e  les  mercredis  ,  c'cft  tout  ce  qtie  vous  pourrez  faire. 
Depuis  le  mois  de  Septembre  jufqu'à  Pâques  vous  ne  mangerez 
qu'une  fois  par  jour  ;  mais  depuis  Pâques  juf.u'au  cinq  de,  ce 
mois,  vous  ferez  deux 'repas  i  votis  boirez  Ju  vin,  mais  mêlé 


CARDINAL  ET  CHANCELIER  ,  &c.   2^3 

d'eau.  Jamais  vous  ne  mangerez  de  chair  qu'en  cas  de  maladie. 
A  l'égard  de  l'Ofiice  divin  ,  vous  fuivrez  l'ufage  des  Clercs.  En 
Été  vous  ferez  la  mdridiane,  fuivant  la  coutume  des  Moines. 
Dans  vos  prières  vous  vous  fouviendrez  de  vos  Bienfaiteurs  & 
de  tous  les  Fidèles  ,  tant  vivans  que  trépaflés.  A  la  pfalmodie  6c 
à  la  prière  ,  vous  ferez  fucccder  la  leûure  des  Livres  faints , 
ayant  grand  foin  des  Livres  que  l'on  vous  prêtera.  Bernard  lui 
recommancie  cnfuite  la  pratique  des  vertus  d'humilité  ôc  de 
charité.  Après  quoi  il  lui  confeilie  de  fe  choillr  dans  le  Monafterc 
un  Religieux  fage  ôc  difcret ,  auquel  il  puifTe  de  tems  en  tems 
confefler  fes  péchés  ,  ôcà  cet  effet,  de  les  écrire  fur  une  tablette 
de  cire ,  ou  bien  de  s'en  accufer  de  mémoire. 

XXXV.  Aux  trois  Lettres  de  Bernard  des  Portes  ,  le  Père      Lfttres  Je 
Chifflet  en  a  ajouté  cinq  de  Jean  ,  &  une  d'Eflienne  de  Chalmet,  cimtrenfetîes 
Moines  l'un  &:  l'autre  du  même  Monadere  vers  le  milieu  du  Portes,   ii/rf. 
douzième  fiécle.  La  première  des  cinq  eft  une  inftrudion  folide  P'^ë-  •ïo'^- 
fur  la  fuite  du  fiécle.  Il  eft  aifé  d'y  remarquer  que  l'Auteur  étoit  ^■P'J'^-  '• 
rempli  des  fentimens  de  pieté  qu'il  vouloit  infpirerà  EHienne  fon 

frère.  Dans  la  féconde  ,  qui  eft  adrelTée  à  Latolde,  le  Moine  BriJ}.!, 
Jean  ,  pour  contenter  fes  déflrs  ,  lui  propofe  plufieurs  formules 
de  jrieres ,  toutes  en  termes  differens,  tirées  ou  de  l'Ecriture 
l'ainte,  ou  des  Oraifons  ufitées  dans  les  Oliiccs  divins.  Il  dit, 
que  quand  nous  prions  pour  nous ,  nous  devons  demander  trois 
chofes  :  1°.  Le  pardon  de  nos  péchés,  non-feulement  de  ceux 
dont  nous  nous  reconnoiffons  coupables  ,  mais  auffi  de  nos 
péchés  d'ignorance.,  2".  De  connoître  la  volonté  de  Dieu  ôc  de 
l'accomplir.  5°.  Notre  Hdut  éternel,  c"e!l-à-dirc ,  de  chercher 
Dieu  dans  toutes  nos  actions  avec  un  œil  limplequi  ne  ferelfente 
ni  de  la  vanité  ,  ni  de  IhypocriHe.  Jean  rapporte  des  formules 
de  prières  nu  Père  ôc  au  Fils  ;  les  unes  pour  obtenir  la  connoif- 
fancede  la  vérité  ;  les  autres  ,  le  pardon  des  péchés  ;  une  pour 
les  Prélats  ôc  autres  Minières  de  i'Eglife.  La  troifiéme  Lettre  ^;#  3» 
contient  d'autres  formules  que  l'on  peut  adrelTcraii  Saïnt-Efpr't , 
a  !a  fainte  Trinité  ,  lorfque  l'on  rend  grâces  pour  quelques  bien- 
faits. Cette  Lettre  efl  à  un  nomme  Hugues. 

XXXVI.  La  fuivante  à  Berard  a  pour  titre  :  De  la  garde  E^ijf.  4. 
du  coeur  ;  c'eft  le  réfultat  d'un  difcours  danslequel  Jean  lui  avoit 

fait  voir ,  ôc  aux  Frères  qui  l'accompagnoient ,  que  nous  devons 
veiller  continuellement  fur  nous-mêmes  ,  ôc  faire  enforte  que 
notre  efprit  ôc  notre  corps  foient  toujours  foumis  à  Dieu ,  ôc 
prêts  à  taire  fa  volonté.  Dans  la  cinquième  intitulée,  de  fa  e»^. f. 

O  û  lij 


2p^  ROBERT    PULLUS,&c. 

confiance  dans  ce  qu'on  s'efl:  propofé  ,  il  détourne  Bernard  fon 
neveu  ,  de  h  penfée  où  il  droit  de  quitter  l'Ordre  des  Chartreux 
pour  pafTer  à  un  autre.  Il  lui  repréfente  ,  que  les  raifons  de  fanté 
ôc  d'aufterité  ne  doivent  point  rompre  fon  engagement ,  parce 
que  le  falut  éternel  eft  préférable  à  la  fanté  ;  qu'à  l'égard  des 
aufterités ,  on  n'eft  tenu  qu'à  ce  que  l'on  peut. 
Lettre  d'Ef-  XXXVîI.  La  Lettre  d'Eftienne  de  Chalmet  efl  fur  le  même 
liî"?*      ^     fuiet.  Il  récrivit  à  des  Novices  ,  qui  encore  dans  leur  année  de 

Chai  met,  pa^.        '         .  .         ,,.,.  j     r-       o    r    •  ^    i         j      >-> 

15 18.  probation,  dans  1  Abbaye  de  lamt  oulpice,  Ordre  de  Citeaux, 

fondée  au  Diocèfe  de  Bellai  par  Amedée  ,  Comte  de  Savoye  , 
en  1 1  30  ,  fembloient  vouloir  en  fortir  pour  fe  faire  Chartreux. 
Edienne  leur  fait  envifager  cette  inconftance  comme  une  tenta- 
tion du  Démon  ;  &  pour  les  engager  à  perféverer  dans  l'état 
qu'ils  avoient  choifi ,  il  leur  cite  ces  paroles  de  faint  Paul  aux 
I  Cor.  7 ,  io.  Corinthiens  :  Que  chacun  demeure  dans  Vétat  où  il  etoit  quand  Dieu 
Va  appelle.  Il  leur  repréfente  ,  qu'il  n'efl:  pas  dit  :  Celui  qui  aura 
commencé  ,  mais  celui  qui  perféverera  fera  fauve  ;  ôc  que  la 
mifericorde  de  Dieu  nous  ayant  prévenu  ,  il  eft  certain  quil  ne 
nous  retirera  pas  lefecours  de  fagrace,  fi  nous  ne  l'abandonnons 
pas  les  premiers. 
Traité  des  XXXVIII.  A  la  tête  de  toutes  ces 'Lettres ,  le  Père  Chifflet  a 
qvatre  exer-  placé  dans  fon  Manuel  des  Solitaires ,  un  1  raité  qui  a  pour  titre  : 
*^'n"\  ^^ibà  Livre  des  quatre  exercices  de  la  cellule  ,  qu'il  croit  être  de  Gui , 
pa^.  1469.  '  Prieur  général  de  la  Chartreufe  ,  qui  ayant  abdiqué  le  généralat 
en  1175  ,  mourut  en  i  188.  L'Ouvrage  eft  dédié  à  Bavon  , 
Prieur  des  Pauvres  de  Jefus-Chrift,  de  \  ittehamen  Angleterre  ; 
c'eft  ainfi  qu'on  nommoit  les  Chartreux  dans  les  commencemcns 
de  leur  Inftitut ,  à  caufe  de  la  pauvreté  de  leur  nourriture  ôc  de 
leurs  habits.  Gui  y  traite  des  moyens  de  fanttificr  le  féjour  des 
Chartreux  dans  leurs  cellules  ,  fçavoir  en  évitant  de  s'y  occuper 
l'efprit  des  affaires  du  monde  ;  en  méditant  les  vérités  de  la  Reli- 
gion ;  en  s'appliquant  à  la  prière  ,  &  en  certaines  heures  au  travail 
des  mains.  Le  premier  ôc  le  I  y*,  chapitre  regardent  le  Chapitre 
général  ôc  annuel  de  la  grandeChartrcufe  ;  ôc  l'avantage  qui  en  re- 
vient à  tout  l'Ordre  pour  le  maintien  de  la  difcipline.  L'Auteur 
cite  aux  1 2*.  ôc  trente-fixiéme  chapitres  les  Statuts  de  l'Ordre  ré- 
digés par  écrit  parGui^  cinquiémcPricur  de  la  grande  Chartreufe, 
dont  il  a  été  parlé  plus  haut.  Dans  le  trentième  il  s'explique  d'une 
manière  orthodoxe  fur  la  trinité  des  pcrfonnes  en  Dieu  dans 
l'unité  de  fubftance  ;  ôc  fur  la  procefïlon  du  Saiiu-Efprit  ,  du 
Père  ôc  du  Fils.  Fabricius  n'eft  pas  éloigné  d'attribuer  à  Gui 


H    E    R    V    É  ,    ôcc.  2^; 

IVchelle  du  Paradis  ,  ou  des  Cloîtres  ,  intitulée  auffi  de  la  Faincius^ 
manière  de  prier,  ôc  de  la  vie  contemplative,  imprimée  parmi  """•  3  '  ^^" 
les  Oeuvres  de  faint  Auguftin  ôc  de  faint  Bernard.  pj^.'sfiii. 

CHAPITRE     XIX. 

Hervé  ,  Moine  Bénéiiâin  ;  & plufieiirs autres  Ecrivains. 


I.  "V  T  A  T  I  F  du  Mans  ^  il  en  fortit  de  bonne  heure ,  pour  aller  Hervi , 
J[>  embrafler  la  Règle  de  faint  Benoît ,  dans  le  Monaflere  f^'  ^^■"^- 
du  Bourg  de  Dol,  au  Dioccfe  de  Bourges.  Pendant  environ 
cinquante  ans  qu  il  y  demeura  ,  il  s'appliqua  également  à  former 
fes  mœurs  dans  la  pieté  ,  ôc  à  cultiver  fon  efprit  par  l'étude  des 
fciences  utiles.  Il  apprit  à  connoître  à  fond  la  bonne  tliéologie  ; 
lifant  avec  foin  l'Ecriture  fainte,  ôc  les  Ouvrages  des  principaux 
Dodeurs  de  l'Eglife  latine  ,  fùnr  Augullin  ,  faint  Ambroife", 
laint  Grégoire ,  ôc  quelques  autres  fcavans  Interprètes  Catho- 
liques. 

1 1.  Rien  ne  pouvoit  le  détourner  de  fon  application  à  l'étude.  Ses  é.u.lef. 
Il  y  paHoit  les  jours  ôc  les  nuits  ,  ôc  toujours  dans  la  recherche 
de  la  vérité.  D'un  génie  excellent  ôc  d'une  mémoire  heureufe 
ôc  tenace ,  il  remplit  fon  coeur  de  tout  ce  qui  lui  paroilToit  de 
plus  intéreiîiint ,  choififTant  à  la  manière  des  colombes  les  grains 
les  plus  mûrs  ôc  les  meilleurs  :  ce  font  les  expreiîions  de  la 
Lettre  circulaire  que  fes  Confrères  du  Bourg  de  Dol  écrivirent 
après  fa  mort.  lis  ajoutent  qu'il  vécut  toujours  dans  une  rigou- 
reufe  abftinence ,  ôc  dans  une  grande  pureté  ;  qu'il  étoit  fagc  dans 
fes  confeils  ,  humble  dans  fes  fentiméns,  parlant  peu  ,  éloigné 
déroute  vanité,  d'unedodrineorthodoxe,  de  mœurs  très-pures  ; 
que  pendant  le  faint  tems  de  Carême ,  il  affligeoit  fon  corps  par 
de  fréquentes  macérations  ;  qu'il  offrolt  chaque  jour  le  facririce  du 
Corps  ôc  du  Sang  de  Jefus-Chrift  ;  que  le  jour  de  Pâques  qui 
précéda  fa  mort ,  il  chanta  la  Meffe  Conventuelle  ,  ôc  fit  dans  le 
Chapitre  un  difcours  à  la  Communauté  ;  qu'étant  tombé  malade 
le  lendemain,  après  avoir  encore  chanté  la  Mefle,  comme  Tour- 
naire  ,  il  re<;ut  le  mercredi  l'Extrême-Ondion  ,  enfuite  les  faints 
my(}eres  du  Corps  ôc  du  Sang  de  Jefus-Chrift  ,  ôc  mourut  le 
Dimanche  dans  l'Oûave.  On  ne  fcait  en  quelle  année.  Mais 


i^6  HERVÉ,- 

î'opinion  commune  efl  qu'il  florifîbit  vers  le  milieu  du  douzième 
fiécle. 
Se;  Ouvra-  III.  Cette  Lettre  circulaire  ,  qui  a  été  donnée  d'abord  au 
gts,  tûm.  i  ,  Public  dans  le  fécond  tome  du  SpicileF^e  deDom  Luc  d'Acheri , 
514.  Oudin.  eniuite  par  Oudin  ,  puis  par  xJom  liernard  rez  ,  contient  le 
tom.  1  ,  pag.  catalogue  des  Ouvrages  d'Hervé,  dont  la  plupart  fe"  trouvent 
Prxfat.  al'  encore  dans  les  Biblioteques ,  mais  manufcrits.  Le  premier  dans 
tom.  3,a/!fr-  cc  catalogue  ,  efl:  une  explication  du  Livre  de  faint  Denys , 
dût.  pag.  ^.  intitulé:  De  la  Hiérarchie  des  Anges.  Enfuite  il  expliqua  tout 
l'ancien  Te'i"^  le  Livre  d'ifaie  ;  les  lamentations  de  Jcremie;ôcla  dernière  partie 
tament.  d'Ezechiel ,  commençant  où  faint  Grégoire  le  Grand  avoir  fini. 

Son  Commentaire  fur  Ifaie  eft  adreflc  à  Jean ,  Abbé  de  Dol  , 
ôc  divifé  en  huit  Livres.   Suivirent  fes  Commentaires  fur  le 
Deuteronome  ,  l'Ecclefiafte  de  Salomon  ,  les  Livres  des  Juges  , 
de  Ruth  &  de  Tobie.  Le  but  d'Hervé  efl  de  montrer  qu'on  ne 
doit  point  dans  ces  Livres  fe  contenter  du  fens  littéral  ,  mais 
découvrir  fous  l'écorce  delà  lettre  les  myfteres  de  Jefus-Chrift 
ôcdel'Eglife. 
Commen-       I  V.  Il  commenta  auiïi  les  Epîtres  de  faint  Paul.  Ses  Commen- 
taires fur  les  çgij-es  ont  été  imprimés  pour  la  première  fois  à  Cologne,  avec 
PauMaGe-  la    préface   d'Hittorpius    en  i^^j  ,  parmi  les   écrits  de  fain» 
nefe    &    les  Anfelme  ,  &  plufieurs  fois  depuis.  Dom  Gerberon  les  a  fuppri- 
Prophetes.       ^^^^  j^^^^  ç^^  édition  des  œuvres  de  cet  Archevêque  ,  efperant 
donner  quelque  jour  au  public  tous  les  Ouvrages  d'Hervé  ;  ce 
Prcefat.  in  qu'il  n'a  pas  fait.  L'Auteur  de  la  Lettre  circulaire  dit ,  que  les 
operaAnfelmi.  Commentaires  d'Hervé  fur  faint  Paul  furent  fi  eflimés  de  fon 
teras,  que  l'on  convenoit  entre  les  Sçavans,  qu'on  n'avoit  rien 
de  plus  exa£l  fur  cette  matière  ;  qu'on  trouvoit  aufii  admirables 
fes  explications  du  Livre  des  douze  Prophètes  j  &  de  celui  de  la 
Genefe. 
SurlesEvan-       V.  Il  fit  des  Commentaires  fur  les  Evangiles  ,  donna  des 
giles.    o         explications  des  Cantiques  que  l'on    lit  dans  les  Offices  de 
l'Eglife  ;  ôc  ren-varqua  plufieurs  variétés  qui  fe  trouvoient  entre 
les  leçons  de  l'Ecriture  ,  telles  qu'on  les  lifoiten  quelqur:sEglifes, 
&  le  texte  de  la  Bible.  Par  exemple  ,  dans  une  leçon  du  Carc.me 
tirée  du  Livre  d'Eflher,  on  lit  :  Eflher  pria  le  Seigneur,  en  lui 
difant:Dieu,  Roi  tout-puiffant  ,  toutes  chofcs  font  en  votre 
puifiance  ;  au  lieu  que  le  texte  de  la  Bible  attribue  cette  prière 
a  Mardochée.  _ 

Livr"  clos  VI.  Il  y  avoit  dans  l'iiglife  du  Monadere  de  Dol  une  image 
miracles  Je  ia  miraculeufc  de  la  faintc  Vierge.  Auffitôt  qu'il  fe  faifoir  quelque 
hinteV.er^-e.  miracic, 


ET  PLUSIEURS  AUTRES  ECRIVAINS.  297 

miracle  ,  Hcrvd  le  mettoit  par  écrit  en  la  manière  qu'il  l'appre- 
noit  de  celui  fur  qui  le  miracle  avoit  e'téfait ,  ou  du  Sacriflain  du 
Monaflere.  Son  recueil  faifoit  unLivreaflezgros. 

VII.  Après  la  rnorc  d'Yves  de  Chartres  arrivée  l'an  i  iTf  ,      GoJefrou 
on  élut  pour  fon  fuccelTeur  Godefroi  ilTu  de  la  noble  famille  ^{,'i'|,"*p/' 
des  Sei2;ncurs  de  Levés ,  ôc  Chanoine  de  lEelife  de  Chartres. 
Thibaud  ,  Comte  de  cette  Ville ,  s  oppofa  a  cette  élection  ;  mais  ^^^^^  j^  ^\ 
y  y  confentit  quelque  tems  après  par  les  remontrances  de  Robert  11^4. 
d'ArbriflcUcs.  Ce  ne  fut  pas  le  feul  fervicc  qu'il  rendit  à  l'Eglife 
de  Chartres  ;  il  en  bannit  la  fimonie  qui  l'infectoit  depuis  long- 
tems,  6c  Godefroi  fit  apparemment  de  fon  avis  ,  6c  du  confen- 
tement  des  Chanoines  ,  un  Décret  portant  qu'aucun  d'eux  ne 
donneroit  ni  ne  recevroit  rien  pour  les  places  d'honneur  ,   ni 
pour  les  Prébendes.  Le  Pape  Calixte  II.  confirma  ce  Décret 
par  une  Bulle  adrelîée  à  l'Evêquc  Godefroi ,  datée  de  Reims 
l'an  1 1  ip.  Godefroi  aflTifta  en  1 128  au  Concile  de  Troyes,  où 
l'on  donna  une  Règle  aux  Chevaliers  du  Temple  avec  Ihabit 
blanc.  L'?,n  1 130  il  accompagna  le  Pape  Innocent  II.  dans  fon 
voyage  d'Orlcans  à  Chartres ,  ôc  fit  en  fa  préfence  un  difcours 
dans  l'Eglife  de  ]Maurigni,à  la  confécration  de  l'Autel  de  faint 
Laurent.  On  croit  que  ce  fut  vers  ce  tems-là  que  le  Pape  lui 
donna  la  légation  furies  Provinces  de  Bourges  ,  de  Bourdeaux, 
de  Tours  ôc  de  Dol,  dont  il  s'acquitta  avec  beaucoup  d'honneur 
ôc  d'intégrité  ,  ôc  à  fes  frais.  C'eft  le  témoignage  que  lui  rend  faint 
Bernard  au  chapitre  cinquième  du  quatrième  livre  de  la  Confidé- 
ration.  Godefroi  mourut  le  24  Janvier  1 14S. 

VIII.  Le  recueil  des  Lettres  de  Godefroi,  Abbé  dcVen-     Ses Lcf;r.-f. 
dôme  ,  en  contient  plufieurs  de  la  part  de  cet  Abbé  à  Godefroi ,  iji.  i , 

Evêque  de  Chartres,  qui  fuppofe  vifiblement  cntr'eux  un  com-  Efiflcl.G'^ce' 
merce  de  lettres.  Il  n'en  refte  toutefois  aucune  de  cet  Evcque  à  ^''^n^  "^t"' 
l'Abbé  de  Vendôme  ;  mais  il  y  en  a  une  à  Hubert,  fuccefl'eur  de  mw  cd  E-^l^. 
■Godefroi,  au  fujct  de  la  profefiion  de  foi  que  lesEvéquesde  -J  '  ?V'''^ 
Chartres  vouloient  exiger  des  Abbés  de  ce  Monaffere ,  lorfqu'ils  t'<n.  n  Bihl. 
les  beniflbient  ,   comme  ils  l'exigeoient  des  autres  Abbés  du  Put-F-is-'o'' 
Diccèfe.  L'Abbé  Godefroi  refufa  de  la  donner;  Fromond  fon 
fucceffcur  immédiat  en  ufa  de  même.  Ils  fe  fondoient  fur  un 
Induit  d'Urbain  II.  ôc  de  Pafchal  II.  qui  défend  aux  Abbés  de 
Vendôme  de  faire  cette  profelFion  devant  l'Evêque  de  Chartres  , 
lors  de  fa  bénédldion  ,  ôc  leur  permet ,  au  cas  de  refus  de  la  part 
de  l'Evêque  de  cette  Ville  ,  de  fe  faire  bénir  par  quel  autre 
Evoque  ils  voudront.    Godefroi  ayant  vu  ces  Bulles  ,  bénit 
Tome  XX IL  Pp 


25j8     HERVÉ,  moine  BENEDICTIN; 

non-feulement  ces  trois  Abbés  fucceiïivemen,t ,  mais  il  confirma' 
encore  les  privilèges  du  Monaflcre  de  Vendôme ,  ôc  tout  ce 
qu'il  pofledoit,  foit  en  dixmes ,  loit  en  terres,  avec  pouvoit 
aux  Moines  de  s'adrefler  à  tout  autre  Evcque  que  lui  pouc 
l'Ordination.  Il  y  a  deux  Lettres  de  Godefroi  dans  les  troifiéme 
&  treizie'me  tomes  du  Spiciiege  :  dans  l'une,  il  recommande  à 
Henri  ,  Archevêque  de  Sens ,  Archambaud ,  Sous-Doyen  de 
l'Eglife    d'Orléans  ,  maltraité    par   l'Archidiacre   Jean  :  dans 
l'autre ,  il  permet  aux  Chanoines  de  Chartres  de  fe  choifir  un 
Doyen. 
Galfrede,       I  X-  Ce  fut  à  Godefroi  de  Chartres  que  Galfrede  le  Gros, 
Moie  >Ti-  Moine  de  Tiron,  dédia  la  vie  de  Bernard  ,  Fondateur  de  ce 
*ie"'de  Ber-  Monadere.  Bernard  étoit  Abbé  de  faint  Cyprien  de  PoitierS' 
tiard ,  Fo-di    dès  l'an  1  loo ,  mais  ayant  fait  élire  un  autre  Abbé  à  fa  place  ,  il 
' s'a  .''!  "^^^°"  ^^  tetira  avec  quelques  Difciples  en  un  lieu  écarté  dans  les  bois 
nommés  Tiron  ,  du  ruilTeau  qui  l'arrofe,  ôc  y  bâtit  un  Monadere 
avec  l'agrément  d'Yves  de  Chartres,  Evêque  Diocèfain,  dont  il 
reçut  la  bénédidion.  Le  Monaftere  de  Tiron  s'accrut  en  peu  de 
tems  par  les   libéralités   du  Comte   Rotrou ,  ôc  devint  Chef 
d'une  Congrégation  nombreufe.  Galfrede,  ou  Geofroi  le  Gros  y 
Auteur  de  la  vie  de  Bernard,  dit  que  lorfqu'il  l'écrivoit,  il  y 
avoit  déjà  cent  Maifons  de  cette  Congrégation ,  tant  en  France, 
qu'en  Angleterre   ôc  en  EcoHe.    La    réputation  que  Bernard 
s'étoit  acquife  par  fes  vertus  ht  fouhaiter  à  Louis  le  Gros,  Roi 
de  France  ,   à  Guillaume  ,   Duc  d'Aquitaine  ,  à   Foulques, 
Comte  d'Anjou,  à  David,  Roi  d'EcolIe,  ôc  à  plufieurs  PrinccS' 
de  le  voir.  Il  mourut  le  25  d'Avril  1 1 1(5;  fa  vie  fut  écrite  par 
Geofroi  l'un  de  fes  Difciples,  fur  ce  qu'il  avoit  vu  lui- même,  ou 
appris  de  perfonnes  dignes  de  foi.  Jean-Baptiftc  Souchette  la  fit 
imprimer  à  Paris  en  i6^()  vi-^°.  avec  le  catalogue  des  Abbés  de 
Tiron.  On  la  trouve  encore  au  fécond  tome  d'Avril  de  la  col- 
lection dcsBoUandiftes. 
Eccad        ^-  Eggohart  ,  ou  Eccard  ,  premier  Abbé  de  faint  Laurent 
Abbé  de  faint  d'Uragen  dans  le  Dioccfe  de  Virzbourg,  écrivit  en  profe  ôc  en 
ra^'Yn"'  ''''^"  vcrs  un  ouvragc  divifé  en  cinq  Livres,  fous  le  titre  de  Lanterne 
des  Moines:  il  le  fit  à  l'imitation  des  Livres  de  Bocce  intitulés 
de  la  Confolation  de  la  Philofophie.  Trithcme  (a)  lui  donne 


(a)  Tniktnu  de  Scri^^ior.  Ecdef.    cap.  j7i  .  &  de  illuflnh.   Benii'iSin.  ii.  pxgt 

JO/, 


zagen. 


ETPLUSTEURS  AUTRES  ECRIVAINS.  299 

auffj  plufieurs  Sermons  &  plufieurs  Lettres.  On  met  la  more 
d'Eccard  en  1 1 5  o ,  ainli  il  auroit  cté  vingt  un  ans  Abbé ,  puifqus 
leMonaflerc  de  faint  Laurent  d'Uragen  fut  fondé  en  i  109  (a) 
par  Otton  de  Bamberg.  Doni  Mabillon  (b)  \e  croit aulïï  Auteur 
d'une  Chronique  des  Evcques  d  Hildesheini  adrefTée  à  Egbert, 
Abbé  de  Corbie  en  Saxe  ;  elle  commence  au  règne  de  Charle- 
inagne,  &  va  jufqu  en  1180.  Chriilophe  Broverus  la  fit  impri- 
mer à  Mayence  en  1616  in-^°.  avec  la  vie  de  GodeharJ  p 
Evêque  d'Hildesheim.  Cette  Chronique  fe  trouve  aulii  dans 
le  (  c  )  premier  tome  des  Ecrivains  de  Brunfvic  ;  mais  il  faut ,  ou 
que  l'on  ait  ajouté  à  la  Chronique  d'Eccard  ,  Abbé  d'Uragen  dès 
l'an  I  lop  ,  ou  qu'il  y  ait  eu  deux  Abbés  de  ce  nom, comme  le 
croit  Fabricius  {d) ,  n'étant  pas  pollibie  que  le  môme  ait  été 
Abbé  depuis  l'an  iiop  jufqu'eu  12S0  où  finit  cette  Chro- 
nique. 

X I.  On  connoît  un  Auteur  de  même  nom  ,  &  Chanoine  de         EccaH'; 
■faint  Vittor  à  Paris,  qui  dans  le  douzième  fiécle  compofa  plu-  ^uiierdefaiia 
■fleurs  Traités  fpirituels  que  le  Père  Gourdan  ,  Chanoine  de  \iitor. 
<;ette  Maifon,  traduifit  delatin  enfrançois  ,  ôc  que  l'on  a  impri- 
més en  ces  deux  langues  à  Paris  en  1729. 

XII.  Un  autre  Chanoine  régulier  de  l'Eglife  de  faint  Paul  à  Qç^{^^"'^°* 
■Befancon  ,  6c  ProfelTeur  en  Théologie  ,  compofa  ver5  le  même  écrks  ,  '  tom. 
tems  un  Traité  théologique  ôc  moral  divifé  en  vingt-fix  articles  ,  '  '   An?xdot. 
intitulé  Chandelle  Evangelique  ,  parce  qu'il  prétendoit  y  diliiper  ,,"1/"' 
toutes  les  ténèbres  de  refprit,&réclaircir  des  vérités  de  la  religion. 

.Gerland  ,  c'étoit  le  nom  de  ce  Théologien  ,  avoit  puifé  fes 
connoifiances  dans  les  Livres  ftints ,  dans  les  Décrets  des  Papes , 
&  dans  les  Ecrits  des  Pères  ,  furtout  de  faint  Ambroife  ,  de  faint 
Jérôme  ,  défunt  Auguftin  ôc  de  faint  Grégoire.  Nous  n'avons  p., 
que  le  Prologue  de  cet  ouvrage  dans  le  premier  tome  des  Anec- 
dotes de  Dom  Martenne.  Le  tout  fe  trouve  parmi  les  manufcrits 
de  l'Abbaye  de  faint  Vi£tor. 

X 1 1  L  Op.  a  dans  le  même  tome  des  Anecdotes  de  Dom     Hugues  it 
Martenne  ,  une  Lettre  de  Hugues  de  Ribomond  fur  la  nature  R'^omand. 
de  l'ame.  Il  rejette  comme  une  erreur ,  le  fentiment  de  ceux  qui    .       "  f"^' 
cnfeignent  que  l'ame  eft   ou  une  partie   de  la  Divinité  ,  ou 
qu'elle  efl  un  corps  ,  ou  qu'elle  a  été  jettée  dans  le  corps  pour  la 
punir  des  fautes  commifes  antérieurement.  Il    convient  que 

(.1;  Mubd-oa.  Annal,  lih.  71  ,   num.  [       (c)  Pig.  771,  774. 
9\.  \      {d)  Eibrkius ,  Bibiiot.  Litin.  tom.  i  ^ 

(  i  ;  Id.  ihid.  lit.  71 ,  num.  10,  I  p-ig.  i  jj». 

Ppij 


^oo      HERVÈ,MOINE  BENÊDICTIN^,. 

l'Ecriture  ne  définit  rien  fur  l'origine  de  l'ame  ;  maisilparoit 
pcrfuadé  qu'elle  ne  vient  point  comme  le  corps ,  d'Adam  par  la 
voie  de  génération,  &  qu'elle  eft  créée  de  Dieu  à  la  formation 
de  chaque  corps.  Il  ajoute  que  fon  union  avec  le  corps  fe  fait  par 
des  liens    invifibles  ,  &  qu'unie  à  une  chair  qui  a  en  elle  le 
foyer  du  péché ,  elle  pèche  librement  quand  elle  confent  aux 
mouvemens  déréglés  de  cette  chair. 
Lettres  tou-       XIV.  Cette  Lettre  eft  fuivie  de  deux  autres  dont  la  féconde 
thoJe  &  i^r-  ^^  ^  ^^^  nommé  Hugues,  foit  celui  de  qui  on  vient  de  parler  , 
dredelirel'E-  foit  quelqu'autre.  Elles  font  l'une  ôc  l'autre  fur  la  le£ture  de 
«ti^urejzintt.  l'Ecriture  fainte.  L'Auteur  de  la  première  confeille  de  s'attacher 
■^^    •  P'^i-  d'abord  à  l'intelligence  de  la  lettre  de  l'Ecriture  avant  de  recher- 
cher d'autre  fcns ,  comme  le  fpirituel  ou  le  moral.  Pour  faciliter 
la  connoiffance  du  fens  littéral ,  il  renvoie  aux  Canons  d'Ammo- 
nius  d'Alexandrie  6c  d'Eufebe  de  Cefarée ,  où  Ton  voit  d'un 
coup  d'oeil  ce  que  les  quatre  Evangeliftes  ont  dit  fur  un  même 
fait ,  en  quoi  ils  font  femblables ,  en  quoi  ils  font  différens.  Il 
remarque  que  Julien  l'Apoftat ,  faute  d'avoir  recouru  à  cette 
faij'on  ds  concordance  ,  avoit  accufé  les  Evangeliftes  d'être 
tombés  dans  des  contradiîlions,  quoiqu'ils  s'accordalTent  parfai- 
tement»  L'Auteur  rapporte  divers  exemples  objectés  par  cet 
Empereur,,&en  donnela  folution.  Julien  objedoit  que  Jofeph 
étoit  appelle  fils  de  Jacob  par  faint  Matthieu,  ôc  fils  d'Heli  par 
faint  Luc.  L'Auteur  répond  que  Jofeph  ayant  été  fils  de  Jacob 
félon  la  nature ,  ôc  fils  d'Heli  félon  la  Loi ,  parce  que  Jacob  avoit 
époufé  la  veuve  d'Heli  fon  frère  de  n>ere  mort  fans  enfans  ,.  faint 
Matthieu  ôc  faint  Luc  l'ont  pu  appeller ,  l'un ,  fils  de  Jacob, 
l'autre ,  fils  d'Heli.. 
Ibisi.  pirg.      XV.  Il  eft  dit  dans  la  féconde  Lettre  que  dans  les  Livres, 
48<?,-i87.      foif  (jç  l'ancien^  foit  du  nouveau  Teftament ,  il  y  a  trois  fens  , 
l'hiftorique  ou  littéral,  l'allégorique,  ôc  le  moral;  qu'on  doit 
commencer  la  letture  de  la  Bible  par  les  Livres  de  la  Loi, 
c'eft-à-dire ,.  du  Pentateuque,  puis  de  Jofué,  des  Juges,  des 
Rois  ,  des  Paralipomenes,  ôc  avoir  à  côté  les  écrits  de  Jofeph 
ôc  d'Hegefippe.;  ôc  pour  faciliter  rintelligence  des  termes,  avoir 
auffi  les  étymologies  de  faint  Ifidore,,  l'explication  des  noms 
Hébreux  par  faint  Jérôme,  le  Livre  des  dérivaifons  ôc  Ie(jlof- 
faire.  L'Auteur  croit  encore  néceffaire ,  ou  du  moins  très-utile  , 
le  Livre  de  faint  Auguftin  intitulé,  des  Queftions  dciancier» 
Teftament.  Avec  tous  ces  fecours  il  croit  qu'on  peut  avec  con- 
liance  entreprendre  la  ledure  des  Prophckics,  en  diftinguant 


ET  PLUSIEURS  AUTRES  ECRIVAms.   501 

foigneufement  dans  le  texte  ,  les  chofes  ddja  accomplies  félon  la 
lettre,d'avec  celles  qui  font  à  venir  félon  la  lettre.  Il  veut,  après  la 
ledure  des  Prophètes  ,  qu'on  paffe à  celle  des  Livres  d'Efther  , 
d'Efdras,  des  Aiacchabe's,de  Judith,  deTobie,  des  Proverbes,  de 
la  SageïTe  ,  de  rEcclefiaftique ,  de  rEcclefiafle ,  du  Pfeautier,  de 
Job,&:duCantique  desCantiques,  dans  lefquels  le  feul  fens  littéral 
qui  puilTe  être  utiic,efl;  celui  qui  regarde  J.  C.  ôcfon  Eglife.  Pour 
bien  entendre  les  Livres  du  nouveau  Teftament ,  on  doit  recou^ 
rir  à  la  defcription  que  S.  Jcrômea  faite  des  lieux  de  laPaleflincy 
&.  à  k' Concorde  des  Evangiles.  La  lefture  de  la  Bible  achevée ,  ii 
propofe  ,.  pour  l'intelligence  des  Myûeres  que  l'on  célèbre  dans 
l'Eglife  pendant  l'année,  les  Livres  de  Maître  Hugues  Ribo- 
mond  ,  la  Chandelle  Evangelique  de  Gerland  ,  dont  nous  avons 
parlé  plus  haut,  un  Livre  de  Maître  Simon,  intitulé  Quare  ,  àc 
les  Livres  de  la  DoSrinc  chrétienne  par  faint  Auguftin.  Il 
détourne  de  la  ledure  des  Livres  apocryphes  de  l'Ecriture, 
comme  étant  plus  dangereux  qu'utiles.- 

XVI.  Vers  l'an  1157  Odon,  Abbé  de  faint  Rémi  à  Reims  ^    P^on,  Ab- 
fe  trouvant  à  Rome  le  Vendredi  d'après  le  Dimanche  de  TAfcen-  J-  *;  '^'"!'^^- 
fion  ,  fut  préfent  a  la  réception  que  le  Pape  Innocent  il.  fit  aux 
Légats  de  1  Empereur  de  Conuantmople,  &  tcmom  du  récit  /inpka.  p.ir. 
que  fit  un  Archevêque  des  Indes  du  miracle  qui  fefaifoit  annuel-  41^4,  edit.ik- 
lement  dans  fon  Eglife  huit  jours  devant  6c  huit  jours  après  la  ^°'- 
Fête  de  faintThomas.  Le  corps  de  cet  Apôtre  repofoit  dans  cette 
Eglife,  &  quoiqu'environnéed'un  fleuve  très-profond,  pendant 
les  quinze  ou  fcize  premiers  jours  on  y  entroit  à  pieds  fecs  ,  l'eaiv 
prenant  fon  cours  ailleurs.  Le  jour  de  la  folemnitc  l'Archevêque  y 
tous  les  Grands  &  tout  le  Clergé  de  la  Province  s'y  aifembloient 
avec  le  Peuple,  L'Archevêque  sapprochoit  du  tombeau  du  faint 
Apôtre  ,.  prioit  avec  ferveur  ôc  avec  larmes,  tiroir  enfuite  le 
corps-du  tombeau, le  pofoit  décemment  fur  la  chaire  Pontifi- 
cale, &  après  s'être  mis  à  genoux  ,  ofiTroit  au  faint  Apôtre  fon 
préfent  5.  le  Saint  étendant  fon  bras  ôc  ouvrant  fa  main  le  recevoir, 
&  en  ufoitde  même  à  l'égard  des  offrandes  de  tous  les  Fidèles  ; 
mais  il  rebutoit  celles  des  Hérétiques  ,  s'il  s'en  trouvoit  dans 
l'alTemblée.  On  fit  rapport  au  Pape  de  cette  hilloirerairaculeufe^- 
&  la  regardant  comme  une  fable  ,    il   appella  l'Archevêque 
Indien ,  ôc  lui  défendit  fous  peine  d'anathême,  de  rien  raconter 
de  femblabledans  le  Palais.  L'Archevêque  de  fon  cocc  protcfla 
devant  tout  le  monde  que  rien  n'étoit  plus  vrai  que  ce  miraclc»- 
Le  Paper^dmit  à  l'attelîer  par  ferment  fur  l'Evangile  irArche=- 

Ppu, 


502      HERVÉ,  MOINE  BENEDICTIN, 

vcque  le  fit  ;  alors  le  Pape  &  toute  fa  Cour  ajo atercnt  foi  au 

récit  du  Prélat.  L'Abbé  Odon  à  fon  retour  de  Rome  écrivit  tout 

ce  qui  s'y  étoit  paffé  fur  ce  fujet ,  au  Comte  Thomas ,  qu'il 

f<^avoit  être  curieux  de  ces  fortes  d'évenemens.    Sa  Lettre  fc 

trouve  parmi  ics  Analecles  de  Dora  Mabillon. 

0(bert  de       XVI  L  Entre  les  Ecrivains  de  la  vie  de  faiiit  Edouard  III. 

Stockec^are.    j^^j  d'Angleterre,  donc  l'Eglife  fait  la  Fête  le  cinquième  de 

llécritplu-  Janvier,  un  des  plus  céîebres  eft  Ofbert  de  Stockeclare  dans 

SïnL'''"  ""^  ^^  Comté  de  Suttbid,  Moine  de  l'Ordre  de  faint  Benoît,  ÔC 

Prieur  de  faint  Pierre  de  Londres.  Il  l'écrivit  vers  l'an.iij^î, 

Âiem  T  J^n.  aptès  avoir  été  délivré  d'une  fièvre  quarte  par  l'interceflion  de  ce 

^ag.  190.        Saint.  On  ne  l'avoit  pas  encore  canonifé.  Ofbert  écrivit  à  Henri , 

Evêque  de  Wincheitre  ,  Légat  du  faint  Siège ,  pour  i'eng:îger  à 

-travailler  à  cette  canonifacion  ,  6c  au  Pape  Innocent  IL  mais  la 

Bulle  n'en  fut  eApéJiée  que  par  le  Pape  Alexandre  III.  en  1  i5i« 

Ofbert  eft  auiîi  l'Auteur  de  l'hifloire  de  la  vie  &  du  marevre  de 

faint  /Ethelrede  ,  Roi  des  Anglois  Orientaux  ;  decelle  de  lainte 

Edburge  ,  Vierge;  &  d'un  recueil  des  miracles  du  Martyr  faint 

Edmond.  On  conferve  dans  les  Bibliothèques  d'Angleterre  deux 

■volumes  de  Lettres  d'Ofbert,  où  fe  trouvent  celles  dont  nous 

venons  de  parler ,  à  Henri ,  Evêque  de  Wincheftre ,  &  au  Pape 

Innocent  IL  6c  une  autre  à  Adelide  ,  Abbeffe  du  Monallerc  de 

Berkingen  ,  oii  il  traite  de  la  chafleté. 

îHii^es  de       X  V  1 1  L  Hugues  de  Mâcon  recommandable  par  fanobleffe, 

ftlàcon,Evc-  fa  probité  6c  fes  richefTes,  mais  plus  encore  par  fon  union  avec 

.que  d~Auxer-  ^^^^^^  Bernard  ,  mérita  par  fes  vertus  d'être  le  premier  Abbé  de 

.  ,      Pontirni  ,  qu'il  avoit  lui-même  fait  bâtir.  En  recevant  la  béné- 

tlh.  71'!  An    diâion  Abbatiale  de  Humbaldd'Auxerre  ,  Evêque  Diocèfain  ,U 

nd.-ps.g.  571.  Ivù  promit  foumiilion  ,  révérence  ôc  obcilTance  ,  félon  les  Statuts 

des  Pères  &c  la  Règle  de  faint  Benoît ,  de  même  qu'à  fes  fuccef- 

■feurs  élus  canoniquement,  fauf  les  droits  6c  les  privilèges  de  fon 

Ordre  ;  6c  cette  formule  de  profeilion  fut  fuivie  dans  la  fuite  par 

lâeinthi.  ^^^g  jgg  ^bbés  de  Cîteaux".  Hugues  gouverna  le  Monaftere  de 

*'■     '        Pontigni  jufqu'à  l'an  i  135,  qu'il  fut  élu  Evêque  d'Auxerre.  Il 

mourut  en  1  i  p  après  quinze  ansd'Epifcopat.  En  1 14.S  il  allida 

.;iu  Concile  tenu  à  Reims  contre  Gilbert  de  la  Porrée.  Il  eft  fait 

niention  dans  la  Bibliothèque   de  Citeaux  d'un   opufcule  de 

Hugues,  qui  avoit  pour  titre,  du  foin  que  l'on  doit  avoir  de 

Tom.  4,ru-  conferver  les  privilèges  de  l'Eglife.    Il  nous  refle  de  lui  une 

.clicinc  ,    dt  j^ç^j^g  ^  l'Abbé  Suger  ,  à  qui  il  demande  fa  proteûion  pour 

'lug^-^'ii.  '""  i'Alibé  6c  l'Abbaye  de  Trois  Fontaines  ,    cette  Lettre  lui  eft 


ET  PLUSIEURS  AUTRES  ECRIVAINS.  3-05 
commune  avec  faint  Bernard.  Etant  Abbé  de  Pontigni  Hugues 
reçut  dans  fa  Communauté  un  Moine  nommé  Drogon  ,  qii 
étoit  d'un  autre  Monaftere   iitué  dans  le  DiocèCe  de  Reims. 
L'Archevêque  ôc  l'Abbé  prefTerent  faint  Bernard  de  le  rede- 
mander à  lAbbé  Hugues ,  qui  le  refufa.  Il  écrivit  à  faint  Bernard 
pour  fe  juflilier  là-dclTus  ,  cette  Lettre  eft  perdue;  mais  nous     ^f'^-  3î* 
avons  la  réponfe  de  ce  Saint.  Nous  avons  aulli  des  Lettres  d  In- 
nocent II.  &  d'Eugène  III.  à  l'Abbé  Hugues.  DomMartennea 
rapporté  dans  le  premier  tome  de  les  Anecdotes  un  acle  de       ^'^^'  '*°^' 
Hugues,  alors  Evcquc  d'Auxerre,  qui  efl  une  déclaration  des 
biens  que  Hugues  deTilly,  quelque  tems avant  fa  mort  ,  avoit 
déclaré  en  fa  préfence^  ôc  de  beaucoup  d'autres  témoins,  lui 
appartenir. 

XIX.  Le  crédit  que  Geoffroi  de  Loriole ,  ainfi  nommé  du  Geoffroi  Je 
Heu  de  fil  naiflance  au  Oiocèfe  de  Tours  près  du  Poitou  ,  s'étoit  Loriole,  Ar- 
acquis  par  fa  vertu  &:  fon  fçavoir ,  fut  un  des  motifs  qui  enga-  BoTcSuL  ^^ 
gèrent  faint  Bernard  à  lui  écrire  pour  l'engager  à  travailler  à"la'  q^h  q^-^ 
deftrudion  du  fchiline  del'Antipape Léon.  Vousavez,  lui  dit-il,  10m.  z ,  ylg. 
une  grande  autorité  dansle  monûe  6c  dans  l'Eglife  :  vous  avez  "^^^^fi'i- 
de  la  fcience ,  de  la  fermeté  ,  le  don  de  la  parole  ,  une  éloquence  £ ,  n 
forte ,  perfuailve  ôc  inGnuante  ;  avec  de  fi  beaux  talens  abandon- 
nerez-vous  dans  un  befoin  prelfant  l'Eglife  de  Jefus-Chrift  fi 
vous  êtes  l'ami  de  l'Epoux  f  Je  fçai  bien  qu'étant  un  enfanc  de 
paix  ,  vous  ne  vous  lailferez  jamais  aller  à  rompre  l'unité  ;  mais 
ce  n'eft  pas  aflez  ,  vous  devez  la  défendre  ,  &  combattre  de 
toutes  vos  forces  ceux  qui  la  veulent  détruire.  Saint  Bernard  ne 
donne  pas  à  Geoffroi  le  titre  d'Archevêque,  ainfi  fa  Lettre  fut 
écrite  avant  l'an  i  136  ,  qui  fut  le  premier  de  l'Epifcopat  de 
Geoffroi ,  ayant  fuccedé  dans  le  Siège  Archiépifcopal  de  Bor- 
deaux à  Gérard  d'Angoulême,  mort  la  même  année.  Il  allîfla  en 
1  14S  au  Concile  de  Reims  ,  où  il  parut  prendre  le  parti  de- 
Gilbert  de  la  Porrée  ;  mais  il  ne  laiffa  pas  l'année  fuivante  1 1 4P~ 
de  lui  fliire  perdre  un  procès  qu'il  avoit  avec  l'Abbé  &  les- 
Moines  de  faint  Cyprien.  Il  fut  auffi  du  nombre  des  Evêques- 
affemblés  à  Beaugenci  l'an  1 1J2  ,  qui ,  à  la  requête  du  Roi. 
Louis  VIL  dit  le  Jeune  ,  ordonnèrent  la  diffolution  de  fon' 
mariage  avec  la  Reine  Eleonore.  Geoffroi  mourut  le  1 8  de- 
Juillet  de  l'an  X 1  s-8  ,  &  fut  enterré  dans  la  Chapelle  de  la  fainte 
Vierge  en  l'Eglife  Métropolitaine.  Il  paroît  par  un  { a  )  a. 


icrnara 


paroit  par  un  (  a  )  acte  de" 


(<i)  GdLic.  Chnjiun.p.:^.  ij  15 , 


304      Hr-.RVÉ,  MOINE  BENEDICTIN, 

cette  Eglife,  qu'en  1145'  les  Chanoines  de  la  Cathédrale,  de 

{ecuUers  devinrent  réguliers;  &  qu'avant  ce  changement ,  ils 

ne  iailToient  pas  de  manger  dans  un  rcfecloire  commun. 

Ses  Lettrfr.       X  X.  Dans  le  recueil  des  Lettres  de  l'Abbé  Suger  il  y  «n  a 

Duchefne,  cinq  de  Geoffroi ,  Archevêque  de  Bordeaux,  à  ce  Miniflre 

ioBi.  4  ,  V'S'  d'Etat ,  mais  elles  regardent  les  affaires  temporelles  de  fon  Dio- 

^, ,  \  jj6  )  cèfe,  &  de  la  Gafcogne.  On  voit  par  la  troifiémcjque  le  Pape 

î4î-  j'avoit  chargé  d'unecommilTion  qui  interelïoit  l'Archevêque  de 

Bourges,  &  d'une  autre  pour  l'Abbaye  de  Fontevraud.  Il  nous 

apprend  dans  la  quatrième,  qu'il  s'étoitaffemblé  avec  fes  Suffra- 

gans  ,  les  Grands  du  Pays,  &  i'Envové  du  Roi, à  faint  Jean 

d'Angeii  le  fécond  Dimanche  d'après  Pâques,  pour  confolidec 

la  paix  &  maintenir  l'honneur  du  Royaume.  Dans  la  cinquième, 

ii  témoigne  fon  chagrin  de  n'avoir  pu  fe  trouver  à  l'aflemblée 

indiquée  à  Chartres  par  l'Abbé  Suger  ,   fes  infirmités  l'ayaiit 

empêché  de  continuer  fon  chemin.  Geoffroi  compofa  plufieurs 

Sermons  trcs-élégans  fur  les  Dimanches  ôc  Fêtes  de  l'année ,  que 

l'on  voit  encore  manufcrits  en  diverfes  (a)  Bibliothèques  de 

France.  On  lui  attribue  auffi  un  Commentaire  furies  cinquante 

premiers  Pfcaumes  de  David  ;  d'autres  le  donnent  à  Godefroi  , 

Abbé  de  Vendôme  ;  &  quelques-uns  à  Geoffroi ,  quatrième  Abbé 

de  Clair  vaux. 

Geoffro'da       XXI.  Il  y  cut  vers  le  même  tems  un  au-tre  Ecrivain  de 

BT-tei:ii.    e:>  j^^^.,^-jg  iiq^-j    Chanoine  réoulicr  de  fainte  Barbe  dans -la  Neuftrie, 

Lettres,  tom.     ,..-,'  i*^]it  / 

2  ,  Anecào'-  dont  il  reuc  un  grand  nombre  de  Lettres  rapportées  au  premier 
M^irteii.  p%'  tome  des  Anecdotes  de  Dom  Martcnne.  La  plupart  font  adref- 
'^^^'  fccs  à  l'Abbé  &  aux  Moines  de  Beauger.cy ,  Ordre  de  Cîteaux  , 

£."i/?-  '•    dans  -le  Diocèfe  de  Tours.   Geoffroi  élevé   depuis  peu   à  la 
dignité  d'Âbté  ,  fe  plaignoit  que  pour  en  faire  les  fondions  ,  il 
""  le  trouvait  obligé  de  quitter  la  méditation  des  chofes  fpirituelles  , 

pour  s'occuper  des  temporelles  ;  de  ferviraux  moeurs  différentes 
de  fes  Frères  ,  Ôc  d'enfcigncr  ceux  qui  en  fçavoient  plus  que  lui. 
Ejiljî.  1.  L'Abbé  de  Beaugcncy  lui  répondit  qu'il  pouvoir ,  en  fe  déchar- 
geant fur  des  Officiers  fubaltcrnes  du  foin  des  affaires  tempo- 
telles,  continuer  à  jouir  du  pîaifir  que  lui  caufoit  l'étude  des 
fcicnces ,  ôc  la  pratique  des  exercices  fpirituels ,  ôc  maintenir  en 
même  tems  la  régularité  de  la  difcipline  dans  fon  Monaftere. 
^j'ijl.  7.  Dans  une  autre  Lettre  au  même  Abbé,  Geoffroi  le  prie,  &  fa 
Conimunauté  ,  de  faire  mémoire  pendant  le  facrilice   de    la 

(  .1  )  Cudin  ,  icm.  x  ^  Script,  l'xdtf.  pag.  1193,  ii9\. 

Meflc^ 


ET  PLUSIEURS  AUTRES  ECRIVAINS,   jof 

MelTe ,  du  Celerier  de  fon  Monaftere  ,  mort  depuis  peu.  U  Efiji.  i». 
croyoit  une  Bibliothèque  audi  nécelTaire  au  Monaftere  ,  qu'un 
Arlciial  à  une  Fortereflc  ,  ôc  vouloit  que  tout  âge, tout  fexe  ôc 
toute  condition  pût  y  trouver  des  inftrudions  pour  le  falut 
éternel, furtout  dans  les  Livres  faints.  GeofFroi  fut  chargé  lui-  ^^'^*  *'^* 
même  par  l'Abbé  de  Beaugency  d'en  acheter  une  qui  étoit  à 
vendre  ^  ôc  qu'on  lui  avoit  dit  être  fort  bonne. 

XXII.  Geoffroi  fouhaitoit avec  ardeur  que  Hugues , Moine,        ^' 
&  enfuite  Prieur  de  faint  Martin  de  Séez  ,  écrivît  la  vie  de 
Vaultierde  Mauritanie,  dont  nous  avons  quelques  Lettres  dans 

le  fécond  tome  du  Spicilege  ;  ôc  pour  l'engager  à  ce  travail ,  U 
lui  faifoit  entrevoir  que  la  matière  en  étoit  agréable  ôc  noble  ; 
qu'il  feroit  fecouru  de  la  grâce  de  celui-là  même  qui  le  récom- 
penferoit  de  fes  peines.  Les  Lettres  de  GeofFroi  font  pleines  de 
fentimens  ,  foutenues  partout  des  autorités  de  l'Ecriture  ôc  des 
Pères.  Il  cite  môme  les  Poètes  prophanes  ,  notamment  le 
comique  Turpilius.  Toutes  finilTent  par  une  épigramme  en  vers 
de  diverfes  mefures.  Il  paroît  par  la  quarante-quatrième  Lettre 
qu'il  avoit  compofé  un  recueil  de  Cantiques  fpirituels  ,  adrcffé  à 
un  de  fes  amis  nommé  Auguflin. 

XXIII.  Il  n'y  a  rien  de  certain  touchant  l'année  de  Ja     Saint  OKle- 

■  rr  1     /-  •       r^\  i         •  •  r     •  ••!      «        •     v    T>  ?aire,Arine>- 

raiiiance  de  iaint  Uldegaire;  mais  on  Içait  qu  il  naquit  a  rJarcc-  vêquedeTar- 
lone,  que  fon  père  fe  nommoit  OUegairc ,  fa  mère  Guilia,  6c  ragone. 
que  l'un  ôc  l'autre  l'offrirent  dès  l'enfance  à  l'Eglife  de  fainre    J°  ^'^"^j'^^ 
Êulalie,dont  il  fut  Chanoine  ôc  enfuite  Prévôt  iTade  de  fon  .(,^.481. 
oblation  e(l  de  l'an  1075,  le  24.  de  Mai.  Il  paffa  au  Monaflere 
des  Chanoines  réguliers  de  faint  Ruf  près  d'Avignon  ,  dont  on    Pa;f.  484- 
l'avoit  choili  y\bbé  .  cette  Maifon  étoit  alors  en  réputation  d'une 
grande  régularité.  Oldegaire  eut   foin  d'en  faire  confirmer  les 
Biens  &  les  privilèges  par  une  Bulle  du  Pape  Pafchal  II.  Ray- 
mond ,  Evêque  de  Barcelone,  ayant  été  tué  à  la  guerre  contre 
les  Maures  dans  l'Ille  de  Majorque  en  1 1 14. ,  Oldegaire  fut  élu 
pour  fon  fucceffeur.  Audltôt  qu'il  en  fut  averti  il  prit  la  fuite  ,  ÔC 
le  retira  en  Provence.  Le  Comte  de  Barcelone,  à  la  follicitation    ^^^-  ■*'^* 
du  Clergé  ôc  du  Peuple^  envoya  des  Députés  à  Rome  au  Pape 
Pafchal ,  qui  obligea  Oldegaire  d'accepter  l'Epifcopat.  La  même    P^j.  ^8^. 
année  l'Eglife  de  Tarragone  étant  devenue  vacante  par  la  mort 
de  Berenger,  Oldegaire  en  fut  fait  Archevêque,  ûins  quitter 
toutefois  l'Evêché  de  Barcelone  ,  parce  que  Tarragone  étoit 
ruinée  ôc  déferre. 

XXIV.  Le  Comte  Raymond  lui  donna, ôc  à  fés fuccefTcurs,       ^'  rétablit 

Tome  XXII.  Qq  Tarratcw. 


50(?     HERVÉ,  MOINE  BENEDICTIN,. 

la  Ville  &  fon  terrkoife,  avec  la  liberté  de  la  peupler  &  de  la 
gouverner  félon  les  Loix.  Oldegaire  fit  le  voyage  de  Rome  dans 
le  defiein  de  faire  confirmer  cette  donation ,  qui  elt  du  23  Janvier 
1117.  Gelafe  IJ.  la  confirma  par  une  Eulle  du  21  Mars  1118, 
accorda  le  PalUwn  à  Oldegaire  ,  avec  tous  les  droits  de  Me'tro- 
politain  ,  ôc  TEvéclié  deTortofo,  fi  les  Chrétiens  la  reprenoient 
fur  les  Maures ,  jufqu'à;  ce  que  cette  Ville  put  avoir  un  Evêque 
particulier. 
II  afïïfte  au      XX  V.  A  peine  étoit-il  de  retour  à  Barcelone  qu'il  fut  obligé 
La°ran^n^     de  tetoumer  en  Italie  airifler  au  Concilc  de  Latran  ,  affemblé  en 
m 5.  1123  pour  procurer  du  fecours  aux  Princes  Chrétiens  dans  la 

Pag,  488.  Terre fainte contre  l'invafion  des  Sarralins.  Oldegaire,  à  la  folU- 
citation  du  Comte  de  Barcelone ,  profita  de  cette  occalion  pour 
l'aider  aulh  à  chafTerles  mômes  Sarrafins  de  rEfpagne.  Ce  Con- 
cile accorda  des  fubiides,  ôc  le  Pape  Calixte  IL  pour  en  faciliter 
l'exécution ,  fit  Oldegaire  fon  Légat  en  Efpagne. 
Il  fifnt  un       XXVI.  Après  que  les  principaux   des  Sarrafins  fe    furent 
Bai^elone       foumis  au  Comte  Raymond  ,  ôc  que  la  paix  eut  été  rétablie  , 
Bolland.  ad  Oldegaire  afiTembla  en  1 1  2(5  le  dixième  de  Mars  ,  un  Concile  à 
di  m  6  M.in.  Barcelone  pour  y  rétablir  la  police  civile,  &  les  droits  des  Eglifes 
p^-^^.        dont  les  Séculiers  s'étoieat  emparés.  A  ce  Concile  fc  trouvèrent 
Raymond  ,  Evéque  d'Aufone  ,  Bernard  de  Gironne ,  plufieurs 
Abbés,  Comtes,   Perfonnes  nobles  ,  &  Députés  des  Villes. 
Oldegaire  ,  comme  Préfident  de  l'AfTemblée  ,  en  propofa  les 
motifs,  ôc  il  y  fut  décidé  qu'à  Tavcnir  l'immunité  des  Eglifcs 
s'étendroit  à  une  enceinte  de  trente  pas  ;  que  les  corps  Ôc  les 
biens  des  Eccléliaftiques  feroient  à  couvert  de  toutes  vexations  ; 
que  le  Comte  ôc  fon  fils  rcllitueroient ,  du  confentement  des 
Barons  ,    à  l'Archevêque  ôc  aux  Evêques  de  la  Principauté, 
toutes  les  Eglifes  avec  leurs  droits  ,  leurs  cimetières  ,    leurs 
biens,  librement  ôc  fans  procès;  enfin  que  les  Eglifes  perce- 
vroient  fans  aucune  fraude  les  dixmcs,  fans  que  ceux  qui  les 
Ilid.  jag  payeroient  cncouruffent  pour  cela  aucun  danger.  Le  Concile  fit 
^*°'  plufieurs  autres  Reglemens  rapportés  dans  le  recueil  des  Ami- 

quités  de  Barcelone. 
Il  procure  XXVII.  La  même  année  1 1  26  Oldegaire  procura  la  paix 
le  Toi  d  Ar-  entre  Alphonfe,  Roi  de  Caftille  ,  ôc  le  Moine  Ramirequi  pré- 
raeoni'^:  cc'ui  tcndoit  au  Royaumc  d'Arragou  à  la  place  de  fon  frère  mort  fans 
^' M^f  l!!r*  ^'  enfans  ;  ôc  voyant  que  la  Ville  ôc  le  territoire  de  Tarragone  que  le 
Got'vcrneurà  (Jomtc  Raymond  Ocrenget  lui  avoit  donnés  ,  ne  pourroit  jamaig 
"^^xl'^^  '^      fc  peupler  û  cstte  Ville  u'ctoit  gouveriide  par  im  honiuie.  Je 

450,  45»  1. 


ET  PLUSIEURS  AUTRES  ECRIVAINS.  507 

guerre,  en  état  de  la  défendre  contre  les  Infidèles ,  il  en  établit 
Gouverneur  Robert  d'Aiguillon,  Gentilhomme  Normand,  à 
qui  il  donna  Tarragone  pour  la  polTeder  comme  Vaffal  de 
l'Eglife,  en  fe  retenant  feulement  les  dixmes  &  les  biens  Eccle- 
fiaftiques.  L'aûe  de  cette  donation  efl:  de  l'an  1128,  6c  en  forme 
de  Lettre  adreffée  par  Oldegaire  à  Robert.  A  cette  Lettre  efl: 
joint  i'ade  d'acceptation  de  ce  Gentilhomme  ,  avec  fon  ferment 
de  fidélité  à  l'Archevêque  de  Tarragone  6c  à  fes  fuccelTeurs. 

X  X  V  I  1 1.  On  voit  par  un  autre  a£le  d'Oldegaire  ,  qu'il  ^^  |'^'j"'«  "» 
fonda  à  Tarragone  un  Hôpital  auquel  il  afFeda  tous  les  lits  ôc  \iai;on  de" 
linges  des  Clercs  de  fon  Eglife  après  leur  mort  ;  qu'il  fonda  en  la  Templiers. 
même  Ville  une  Maifon  de  Templiers  ,    pour  s'oppofer  aux     '^''"'  ^'^' 
incurfionsdcs  Maures  ;  qu'à  cet  effet  il  obtint  en  1 1  j^.  du  Maître 
des  Templiers ,  un  certain  nombre  de  fes  Religieux  pour  occuper 
cette  Maifon.  Quelque  tems  avant  fa  mort  il  alTembla  un  Con- 
cile au  mois  de  Novembre,  fuivant  la  coutume,  dans  lequel  il 
fit  pendant  trois  jours  plufieurs  difcours  fur  l'état  préfent  de 
l'Eglifc ,  fur  les  devoirs  des  Pafteurs ,  fur  la  Religion  ,  fur  la  foi 
6c  les  bonnes  mœurs,  fur  l'office  Sacerdotal ,  fur  l'obéiflance  , 
ôc  fur  le  Saint-Efprit.  Il  ne  nous  rcfte  rien  de  tous  ces  difcours. 

XXIX.  Nous  fçavons  de  cet  Ecrivain  même  qu'il  avoit  Herma««, 
cmbraffé  étant  jeune  la  profeilion  Monaftique  dans  l'Abbaye  de  l^i^^f^'^da '"' 
faint  Martin  de  Tournai,  Ordre  de  faint  Benoît ,  6c  qu'il  en  fut  Tournai. 
enfuite  Abbé.  Il  fit  deux  fois  le  voyage  de  Rome.  La  première 
fois  ,  il  en  revint  avec  Samfon  ,  Archevêque  de  Reims  ,  ÔC 
rapporta  des  Lettres  du  Pape  Innocent  II.  par  lefquelles  il  écoit 
ordonné  au  Clergé  ôc  au  Peuple  de  Tournai  de  fe  choifir  un 
Evêque  particulier  ,  le  Pape  les  ayant  abfous  de  l'obéiffancc 
qu'ils  rendoient  à  l'Evêque  de  Noyon  ,  dont  l'Evêché  étoit  uni  à 
celui  de  Tournai.  Ils  élurent  Abfalon  ,  Abbé  de  faint  Amand, 
qui  engagea  aulFitôt  Hermann  à  retourner  à  Rome  pour  les 
affaires  de  fon  Eglife,  ôc  les  fienncs  propres  ,  c'eft-à-dire,  pour 
faire  confirmer  fon  élection  par  le  Pape.  Hermann  ,  nommé 
aufli  quelquefois  Herimann  ,  fut  Abbé  de  faint  Martin  depuis 
l'an  1127,  jufqu'en  1 1  3  <5  ou  1 1 3  7  qu'il  abdiqua.  On  ne  f^ait  pas 
combien  de  tems  il  vécut  depuis. 

XXX.  Les  Religieux  de  fon  Monaftere  l'avoicnt  fouvent  ^onîiîftoîre 
prié  de  mettre  par  écrit  ce  qui  s'y  étoit  pafTé  depuis  que  les  '^f.^^\^^l\^, 
•bâtimens  en  avoientété  réparés  ,  6c  le  rétablifiement  delà  difci-  h^ve  .le  faint 
■pVme  régulière.  Il  y  trouvoit  deux  difficultés  ;  l'une ,  que  ne  '^"tln ,  rom. 

'    n.  •  I  •  A  t         *       I  •  Mil.   Sricileg. 

reitant  rien  des  anciens  monumens ,  pas  même  des  Arcluvcs  ,  il        ^^g^ 


3o8      HERVÉ,  MOINE  BENEDICTIN,    ■    t 

ne  pourroit  donner  de  liaifon  à  fon  hifloire  ,  par  i'iinporTibilitë 
de  montrer  ce  qu  avoir  été  l'Abbaye  de  faint  Martin  avant  qu'on 
l'eût  rétablie  ;  l'autre  ,  qu'y  ayant  encore  des  perfonnes  qui 
avoient  contribué  à  la  rétablir,  il  craignoit  qu'en  leur  donnant 
de  juftes  louanges ,  on  ne  l'accusât  de  flaterie.  Cette  dernière 
difficulté  s'étant  évanouie  par  la  mort  de  plufieurs  d'entr'eux  ,  il 
fe  mit  à  l'ouvrage;  &  pour  ne  rien  avancer  d'incertain,  il  fc 
contenta  de  rapporter  ce  qui  s'étoit  pafTéde  fon  tems,  &  com- 
nifnça  fon  hidoire  à  Samfon  ,  Archevêque  de  Reims  ,  &  à 
Innocent  lî.éiu  Pape  en  1 1  50.  Hermana  l'écrivit  à  Rome  ,  dans 
•le  Palais  de  Latraa  ,  dans  le  tems  qu'il  y  attendoit  la  coniîrma- 
tion  de  1  életlion  d'Abfalon ,  nommé  Evoque  de  Tournai  ;  &  ce 
fut  de  Rome  qu'il  l'envoya  à  fes  Confrères,  en  leur  marquant 
que  les  grandes  chaleurs  de  l'Eté  lui  donnant  lieu  de  craindre  de 
ne  plus  !es  voir ,  &  de  mourir  à  Rome,  il  les  exhortoit  à  la 
charité  fraternelle ,  &c  à  l'obfervation  exatle  de  leur  Règle. 
Ce  ri'ily^  XXXI.  L  hiiloire  du  rétabliflement  de  l'Abbaye  de  faint 
àc  re n  r  la  ]viart'n  à  Toumai  n'eft  pas  entièrement  de  Hermanii ,  il  ne  Ta 
euviâ  e.  '  conduite  que  jufqu'à  la  mort  de  Raoul ,  l'un  des  Bienfaiteurs  de 
la  Maifon  ,  Ôc  qui  avoir  à  fes  frais  réparé  l'Eglife  ,  pour  la  plus 
grande  partie.  Le  nombre  103  qui  fuit  la  relation  de  cette  morr, 
ôc  les  luivans, contiennent  tant  de  chofes  à  la  louange  d'Her- 
mann  ,  homme  d'une  grande  modeflie,  qu'on  ne  doit  pas  l'ea 
fuppofer  Auteur.  Le  Continuateur  a  pouffé  fa  narration  jufqu'à 
l'an  /  160.  Toute  cette  hiftoire  a  été  inférée  par  Dom  Luc 
d'Acheri  dans  le  douzième  tome  de  fon  Spicilege.  Elle  eft  inte- 
reiTante  par  l'hifloire  des  Rois  de  France  ,  des  Comtes  de 
Flandres  ,  6c  des  difficultés  qu'il  y  eut  de  divifer  les  deux  Evê- 
chésde  Noyon  ôc  def  ournai.  Nous  y  remarquerons  qu'un  Cierc 
Pag.  360.  d'Orléans  nommé  Odon, après  avoir  tenu  les  Ecoles  dans  laVille 
de  Toul,  fut  appelle  à  Tournai  parles  Chanoines  de  Notre- 1 'amc 
pour  faire  en  cette  Ville  les  mômes  fondions  ;  qu'il  y  enfeigna 
pendant  cinq  ans  avec  tant  de  fuccès  6c  de  réputation  ,  qu  ii  lui 
venoit  des  Ecoliers  de  tous  cotés ,  de  France ,  de  Flandres ,  de 
Normandie  ,  de  Saxe,  d'Italie;  que  fui  vaut  tantôt  la  coutume 
des  Peripateticiens ,  il  enfeignoit  fes  Difciples  en  fe promenant, 
tantôt  aiiis  ,  à  la  manière  des  Sto'iciens  ;  que  dans  les  P  coles  du 
foir  qu'il  tenoit  devant  les  portes  de  l'Eglife  ,  il  pouflbit  les 
difputes  jufques  forr  avant  dans  la  nuit;  6c  qu'alors  il  montroit 
du  d.  igt  le  cours  des  aftres,  6c  les  variétés  du  Zodiaque;  que 
P'Z-l'^-  quoique  très-iultruit  des  Arts  libéraux  ^  il  excelloit  ncanmoii^s 


ET  PLUSIEURS  AUTRES  ECRIVAINS.  305» 
dans  la  Dialetlique,  fur  laquelle  il  compofa  trois  Livres,  dont 
le  premier  apprenoit  à  coiinoitre  &  à  rcfoudre  les  iophifmes; 
enfin  qu'il  ne  liiivoit  pas  la  dotlrine  de  certains  Piiilofophes 
modernes  ,  appelles  Nominaux,  mais  celle  de  Bocce  6c  des 
Anciens ,  à  qui  l'on  donna  le  nom  de  Réalifles.  Il  compofa  aufifi  P^g-  ^f?» 
•un  Commentaire  ou  explication  du  Canon  de  la  Meiïe  ,  un 
Traité  de  l'origine  de  Tame,  ôc  un  autre  fous  le  titre  de  Difpute 
contre  un  Juif. 

XXXII.  On  peut  encore  remarquer  dans  cette  hifloire  que    P'^g-  440. 
les  Moines  de  l'AbLayedefaint  iMartin  s'occupoient  en  certaines 
heures  à  tranlcriredes  Livres  pour  fe  former  une  Bibliothèque  , 

&  en  d'autres  à  la  leèture  des  Livres  de  piétt;  qu'ils -ferfoient 

ces  exercices  dans  le  Cloître,  enforte  qu'en  y  entrant  on  voyort    P^g  44j. 

quelquefois  jufqu'à  douze  jeunes  Religieux  occupés  à  tranfcrire 

en  filence  ,  avec  beaucoup  d'art  6c  d'exaclitude  ,  les  Livres  de 

l'Ecriture  ôc  des  Pères;  que  par  ce  moyen  la  Bibliothèque  de  ce 

Monaflere  devint  îi  conlidérable,  qu'il  ne  s'en  trouvoit  point 

de  pareilles  dans  les  Abbayes  voifines,  furtout  pour  l'exaclitude 

des  exemplaires  ,  ce  qui  engageoit  ceux  qui  vouloient  en  avoir 

de  bien  corre£ls,  à  recourir  à  la  Bibliothèque  de  faint  Martin. 

On  nomme  pour  le  plus  fameux  de  ces  Copiftes,  Godefroi.  Il    ^'-^-440, 

n'y  avcit  alors  dans  l'Archevcché  de  Reims  que  trois  iMonafleres 

où  les  coutumes  de  Cluni  fuflTent  en  ufage,  fçavoir,  celui  de 

faint  Martin  à  Tournai ,  celui  d'Anchin  dans  l'Artois ,  ôc  Afflin-    ^'^S'  443. 

ghem  dans  leBrabant.  Il  étoit  d'ufage  de  mettre  les  moribonds 

fur  la  cendre  ôc  fur  le  cilice  ,  de  leur  réciter  à  haute  voix  le 

Symbole  qui  porte  le  nom  de  faint  Athanafe,ôc  les  Litanies  des  .      ■^'  '^/°-' 

Saints,  ôc  de  leur  donner  l'Extrême-Onction  avant  le  Viatique  ^     '     ^' 

du  Corps  du  Seigneur. 

XXXIII.  Nous  avons  auflî  de  l'Abbé  Hermann  un  Traité    j^^"^"''^.  ^^ 
de  l'Incarnation  imprimé  à  Leyde   en    iiîpa  m-8°.    dans    le 
Recueil  de  Cafimire  Oudin.  Il  efl:  adrefTé  à  Eflienne,  Arche- 
vêque de  Vienne.  Hern>ann  déclare  dans  la  préface  qu'il  n'a 

rien  mis  du  fien  «ans  cet  ouvrage,  mais  ce  qu'il  avoir  trouvé  fur 
cette  matière  dans  les  écrits  des  faints  Dotleurs  ,  particuliè- 
rement de  faint  Anfelme;  ôc  ce  qu'il  avoit  retenu  d'un  Sermon 
.qu'Odon  fon  Abbé  avoit  fait,  félon  fa  coutume,  la  veille  de 
•Noël.  Il  remarque. que  cet  Abbé  ,  qui  étoit  le  premier  depuis  le 
rétabliffement  de  l'Abbaye  ,  ôc  de  qui  il  avoit  reçu  l'habit 
_Monaftique  ,  prcchoit  ordinairement  en  ce  jour  depuis  le  matin 
jufqu'à  l'heure  ic  oexte,  c'eft-à-dire,  jufqu'à  midi. 

Qqlij 


yio      HÊRVÈ,  Ï^ÔÎNE  BENEDICTIN, 
Livre  des      XXXIV.  Dom  Luc  d'Acheri  a  mis  dans  l'Appendice  des 
NoTre^Dime  ^i^vrcs  de  Guibcrt  de  Nogent ,  imprimées  à  Paris  en  i5ji, 
deLaon,nm.  trois  Livrcs  des  miracles  de  Notre-Dame  de  Laon  ,  fous  le  nom 
ep.  Guibiri,  jy  Moine  Hermann,  adrefTés  à  Barthelemi,  Evèque  de  cette 
*  •        Ville.  Il  y  a  toute  apparence  que  cet  Hermann  eft  le  même  que 
l'Abbé  de  faint  Martin ,  dont  nous  venons  de  parler.  Il  croit 
Moine,  6c  vivoit  en  même  tems  que  TEvêque  Barthelemi  ,  qui 
tint  le  Siège  Epifcopal  de  Laon  depuis  l'an  i  1 1 3  jufqu'en  1 1  jo. 
Dans  cette  fuppoiltion,  il  faudra  lui  attribuer  aulfi  une  vie  de 
-faint  Ildephonfe  ,  Evêque  de  Tolède  ,  puifqu'Her.nann  s'en  dit 
Auteur  dans  fon  Epître   dédicatoire  à  TEvêque    Barthelemi; 
ajoutant,  qu'il  avoit  joint  fes  trois  Livres  des  miracles  de  lafaintc 
Viergc,c'eft-à-dire,  faits  par  fon  intercelfion  dans  les  lieux  où  l'oa 
confervoit  de  fes  Reliques,  tant  en  France,  qu'en  Angleterre, 
aux  trois  Livres  delà  Virginité  faits  par  faint  Ildephonfe,  ôc  qu'il 
avoit  trouvés  dans  la  Ville  de  Châlons. 
Anfelm? ,       XXXV.  Anfelme,  Evêque  d'Havelburg  dans  la  Marche 
Ercqued'Ha-  ^ç  Brandebourg  en  BalTe-Saxe ,  fous  la  Métropole  de  Magde- 
^^^'         bourg  ,  fe  rendit  recommandable  par  fa  do£lrine  &  par  fes  écrits. 
Très-inftruit  des  Lettres  humaines  &  de  la  belle  Littérature  ,  il 
fit  auffi  fon  étude  des  écrits  des  Pères,  d'où  il  tira  les  connoif- 
fances  néceflTaires  pour  la  défenfe  des  dogmes  de  la  Religion. 
Envoyé  en  qualité  d'AmbaflTadcur  à  Conflantinople  par  l'Empe- 
reur Lothairell.  il  y  eut  avec  les  Evoques  Grecs  les  plus  habiles, 
des  conférences  ,    tant  publiques  que  particulières  ,    fur  les 
dogmes  qui  les  divifoient  d  avec  TEglife  Romaine.  Ces  Evêques 
l'avoient  eux-mêmes  provoqué  à  la  difpute;  ôc  quoiqu'il  défendît 
avec  force  la  vérité  Catholique  ,  tout  fe  paffa  du  coté  des  deux 
partis  avec  beaucoup  de  décence   ôc    de    modeftie.   Lothaire 
reçut  en  1137  une  Ambaflade  de  l'Empereur  Jean  Comaene, 
&  ce  fut  appafcmnient  à  cette   occafion   qu'Anfelme  alla  4 
Conflantinopie.  C'étoit  la  dernière  année  du  règne  de  Lothaire 
II.  Quelques  années  après ,  c'efl-à-dire ,  fur  la  fin  ds  l'an  11^5.5  , 
faint  Bernard  étant  en  Allemagne  pour  y  prêcher  la  Croifade , 
Fiti  ÇanBi  Anfelme  d  [-lavelburg attaqué  d  un  mal  dégorge,  qui  lui  lailfoic 
Bfrn.  Ub.  6  ,  à  peine  le  pouvoir  d'avaler  ou  de  parler,  dit  au  fuit  Abbé  qui 
Ci?.  ^.  guériffoit  beaucoup  de  malades  :  Vous  devriez  auili  me  guérir. 

Si  vous  aviez  ,lui  répondit  fiint  Bernard,  autant  de  foi  que  ie^s 
femmelettes,  peut-être  pourrois-jeVous  readfe  fervice.  L'Evê'- 
que  reprit  :  Si  je  n'ai  pas  de  foi ,  que  la  vôtre  me  guérifTc.  Saint 
Bernard  le  touclKi  «n  faifant  le  ligne  de  la  Croix  ,  ôc  aulfitôt 


ET  PLUSIEURS  AUTRES  ECRIVAINS,   jir^ 

toiKe  la  douleur  ôc lenflurc  ceffejrent.  Artfelme  vivoit  encore  en 
ïi-{() ,  comme  on  le  voit  par  une  Lettre  du  Pape  Eugène  111.  au 
Roi  Conrad,  dont  Anleime  fut  le  porteur.  Il  étoir  chargé  en 
même  tcms  avec  Artvic  ,  Archevêque  de  Brème ,  de  conColer  ce 
Prince  fur  le  mauvais  fuccès  de  la  Croifade,  dont  ii  ctolt,  de 
retour.  Cette  Lettre  cft  du  24.  Juin  i  14p. 

XXXV  1.  Etant  cette  année  à  1  ufculum  auprès  du  Pape     Corftrcnce 
Eugène  III.  dans  le  courant  du  mois  de  Mars,  le  Pape  lui  dit,  ^vec'ks'"* 
qu'il  avoit  reçu  depuis  peu  un  Evcque  en  qualité  dAmbaffadeur  Grec», 
de  l'Empereur  de  Conflantinople  ;  que  cet  Evoque  ,   qui  lui 
paroilToit  bien  inflruit  des  Livres  des  Grecs ,  lui  avoit  propofé 
plufieurs  objeûions  touchant  leur  dodrine  &  leurs  rits  ,  préten- 
dant en  prendre  la  défenfe  ,  en  particulier  de  ce  qu'ils  enfei- 
gnoient  fur  la  proceiïion  du  Saint-Efprit,  6c  fur  les  Azymes: 
C'eft  pourquoi  ,  ajouta  le  Pape  ,  informé  que  vous  avez  été 
autrefois  Ambalîadeurde  l'EmpereurLothairc  à  Confiant inople^ 
6c  que  pendant  votre  féjour  eu  cette  Ville  vous  y  avez  eu  des 
conférences ,  tant  publiques  que  particulières  fur  ce  fujet  avec, 
les  Grecs,  je  vous  prie  de  compofer  un  Traité  en  forme  de 
dialogue,  où  vous  rapporterez  ce  qui  s'eft  dit  de  part  6c  d'autre. 
Anfclme  obéit  avec  humilité,  u'affeclant  dans  fon  écrit  ni  l'air,       4'„r.im.  in 
ni  l'autorité  d'un  Maître,  mais  fe  contentant  de  rapporter  ce  Prolog.   wm. 
qu'il    avoit  appris.  On  avoit   choifi  pour  difputer  avec  lui,  i ?  »  ^^-''^'^f • 
Nechitès,  Archevêque  de  Nicomedie  ,  le  plus  renommé  des,  *  ' 
^ouze  Docteurs  qui  gouvernoient  les  études,  6c  que  l'on  con- 
fultoit   fur    les   queflions  difficiles  ,  6c  dont  les  réponfes  paf- 
foient  pour  des  Senienees  irrévocables.  La  conférence  fe  tint 
dans  le  quartier  des  Pifans,  près  àc  l'Fglife  de  faint  Irène.  Outre 
les  Grecs  il  s'y  trouva  plufieurs  Latins  ,  6c  un  nommé  Moyfe  de 
Bergamç  pour  fervir  d'Interprète.  Anfelme  en  s'appliquant  à 
rapporter  ce  qui  s'étoit  paffé  dans  ces  conférences ,  autant  que  fa 
mémoire  pouvoitlui  fournir, évita  l'écueil  de  quelques  Contro- 
verfiûes  Latins , qui  n'ayant  ouï  les  Grecs  qu'en  paifu'u  ,  leur  fo:v6 
dire  ce  qu'ils  ne  difent  pas.  Son  ouvrage  a  pour  titre ,  Antily- 
menon,  ou  Recueil  d'objetlions.  Il  eft  précédé  d'un  Traité  de.  la 
perpétuité  ôc  dç  l'uniformité  de  l'Eglife. 

XXXVII.  Anfelme  y  répond  à  ceux  qui  étoient  choqués.       !^"''^  ,-e 
delà  multitude  desOrdres  Religieux,  6c  de  la  variété  de  leurs  ^""'["f™!^ 
obfcrvances ,  6c  qui  n'étoient  pas  moins  fcandallfés  des  diverlltés-  rom.  13 ,  ^^r 
de  pratiques,  de  loix,  de  coutumes  ,  de  règles  qu'ils  remat- ""^^•/"^•5-»' 
qucient,  difoienc-ils,  dans  la  Px-eli^rion  ChtCiicnne.  Ces  £en&  u'^' "'  "''^' 


>i2      HERVÉ,  MOINE  BENEDICTIN, 

oififs,  comiTie  les  appelle  l'Evèque  d'Avelburg,  en  vouloietic 
particulièrement  aux  Ordres  Religieux  nouvellement  étub.is. 
Ils  en  cenfuroient  l'habillement ,  la  manière  de  vivre  ôc  de  pfal- 
modier  ,  leur  abdinence  ,  les  bornes  qu'ils  mettoient  à  leur 
nourriture.  Ils  auroient  voulu  ,  ce  femble,  que  les  Ordres  Reli- 
gieux fuirent  réduits  aux  Moines  qui  vivent  fous  la  Règle  de 
faint  Benoît ,  ô:  aux  Chanoines  réguliers  qui  obfervent  celle  de 
faint  Augullin.  Ils  pouffoient  plus  loin  leurs  mauvaifes  humeurs. 
Quand  il  arrivoit  que  quelqu'un  de  ces  Religieux  s'éloignoit  de 
fon   devoir  ,  ils   blàmoient  l'Ordre  entier  ;    ÔC    pour  un  (èul 
Apoftat  ils  décrioient  ceux-là  mômes  qui  vivoient  dans  :a  crainte 
de  Dieu,  &  dans  l'obfervation  de  'eurs  Règles. 
Fag.  y4  ,       XXXVIII.  Pour  répondre  à  toutes  ces  objeilions  ,  An- 
cap.  1.  felme  fait  voir  que  l'Eglife  eft  une  dans  la  foi  Ôc  dans  la  charité, 
qu'elle   n'eft  qu'un    Corps    vivifié  ôc  gouverné    par  le  Saint- 
Efprit  ;  qu'encore  qu'il  y  ait  diverfité  de  grâces,  de  dons  fpiri- 
ïCor.  ri,4  tueis,  de  minilleres  ,  d'opérations ,  il  n'y  a  néanmoins  ,  félon 
faint  Paul ,  qu'un  même  Efprir ,  qu'un  même  Seigneur;  quefoit 
Cap.  j.     dans  l'ancien  ,  foit  dans  le  nouveau  Tefl-ament,  il  y  a  eu  divers 
facriiices  pour  honorer  Dieu,  ôc  flichir  fa  jufl;ice;que  fans  le 
»ti . -,  fecours  de  la  Loi  écrite,  Noé  ôc  Abraham  ont  été  agréables  à 
"1  ÔÇ.T4.     Dieu  par  la  foi  ;  que  quoique  la  plupart  des  anciens  Patriarches 
'"    \  '        ne  connufT-înt  pas  pleinement  tous  les  articles  de  la  foi  Chré- 
tienne ,  on  ne  laifTe  pas  de  croire  qu'ils  ont  été  fauves  par  la  foi 
Cil-  5.      qu'ils  avoient  au  Meiîie  futur  ;  que  la  doctrine  établie  dans  l'an- 
cienne ôc  dans  la  nouvelle  Loi,  a  été  autorifée  par  des  prodiges; 
que  Cl  la  première  ne  parloir  claire  nient  que  de  Dieu  le  Père ,  ÔC 
*^'   ■    olfjurement  du  Pils,  fa  Divmiié,  comme  celle  du  Saint-Efprit, 
a  été  manifellée  dans  ia  féconde. 
Cap.  7'         XXXIX.  L'Auteur  explique  les  fept  fceaux  de  l'Apoca- 
lypfe  ,  des  fept  états  différ^-ns  de  l'Eglife.  Elle  brille  dans  le 
premier  par  les  miracifs  que  Dieu  fait  pour  fon  établiflement , 
Cap.i.    ÔC  par  l'accroilîementdu  nombre  des  Croyans.  Dans  le  fécond  , 
[es  Prélicareurs  difperfés  dans  tout  l'Univers  font  perfécutés; 
mais  enfin   les  Rois  ôc  les  Princes   reçoivent   eux-mêmes   fa 
doctrine  avec  ardeur  ;  ôc  l'on  bâtit  partout  des  Temples  magni' 
Cap.  9.    fiques  en  l'honneur  du  vrai  Dieu.  Troublée  dans  le  troilicme  par 
les  erreurs  des  Hérétiques  ,  elle  les  condamne  ôc  les  dilfipe  dans 
fes  Conciles;  ôc  après  avoir  établi  folldement  la  foi  Catholique, 
elle  fait  des  Loix  ôc  des  Statuts  pour  le  règlement  de  la  difcipline 
ôc  des  mœurs.  A  couvert  delà  perfécution  des  Infidèles  ,  ôc  de 

la 


ET  PLUSIEURS  AUTRES  ECRIVAINS.  3.15 

la  perfidie  des  faux  Frères,  elle  prefcrit  dans  le  quatrième  état 
tout  ce  qui  eft  nccciTaire  pour  la  décence  du  culte  de  Dieu ,  &  ^''''"  '*" 
l'honneur  de  fes  Temples  &  de  fes  Auteis,  permet  rinditutidii 
,des  Ordres  Religieux.  Les  trois  autres  états  regardent  la  fin  du 
monde  ,  fie  le  ficelé  futur.  Anfelme  conclut  que  les  changemcns 
arrivés  dans  i'Eglife ,  par  rapport  à  la  police  &.  à  la  difciplinc 
Eccléfiaftique  ,  ayant  eu  pour  principe  une  condefcendance 
néceîlaire  pour  linfirmité  humaine  &  la  viciffitude  des  tems, 
ne  doivent  fcandalifer  pcrfonne  ;  parce  qu  encore  que  la  foi  de 
l'Eglife  foit  toujours  la  même ,  la  manière  de  vivre  parmi  les 
hommes  n'til  pas  toujours  uniforme. 

XL.  La  principale  objedicn  des  Grecs  contre  les  Latins    Di^ilog»*»* 
rcgardoit  La  procelfion  duSainr-Efprit.  lis  foutcnoient  qu'on  ne  ^'•''  ''^' 
pouvoit  dire  que  It  Saint-Efprit  procédât  du  Père  &  du  Fils,    C.?.  18,  ijij 
lans  admettre  en  Dieu  une  pluralité  de  principes  ;  qu'encore  qu'il  ^°* 
foit  dit  dans  l'Evangile  que  le  Saint-Efprit  efi:  du  Fils  ,   qu'il 
«ft  envoyé  par  lui  ,  qu'il  reçoit  de  lui  ,   qu'il  tient  de  lui  ce 
/^u'il  dit ,  il  ne  fuit  pas  de  ces  façons  de  parler,  qu'il  procède 
du  Fils  ;   enfin   que  l'Evangile  ne  le    dit  pas  formellement- 
Anfelme  répond  qu'il  n'y  a  en  Dieu  qu'un  feul  principe;  que 
le  Saint-Efprit ,  en  procédant  du  Père  &  du  Fils,  n'en  procède 
que  comme  d'un  leul  principe  ,  parce  que  le  Père  &  le  Fils 
font  un  ;  enfcrte  que  nier  que  le  Saint-Efprit  procède  du  Fils 
comme  du  Père,  c'ell:  nier  fon  exiflance,  ôc  conféquemment 
renverfer  le  myftere  de  la  fainte  Trinité.  En  elfet,  cne  &  pro- 
céder eft  une  même  chofe  ,  à  l'égard  du  Saint-Efprit,  parce  que 
fa  procelTion  efl  fubflantielle,  6c  il  n'y  a  point  de  différence 
entre  recevoir  fon  être  du  Père  ,  fie  procéder  de  lui.  Anfelme 
ajoute,  que  le  Fils  ayant  de  Dieu  le  Père,  d'être  Dieu  lui-    Op.  i*. 
même,  puifqu'il  efi:  Dieu  de  Dieu  ,  il  a  aulTi  de  lui  que  le  Saint- 
Efprit  en  procède; ce  qui  fait  qu'il  efi:  avec  le  Père  un  même 
principe  du  Saint-Efprit  ,   à  caufe  de  l'unité  de  fubfiance.  Il 
rapporte  lespaflages  de  l'Ecriture  qui  prouvent  cette procefifion, 
fie  dit,  que  fi  lEvangile  ne  dit  pas  expreffément  que  le  Saint-    q..  ,,. 
Efprit  procède  du  Père  &:  du  Fils,  il  ne  dit  pas  non  plus  le 
contraire  ,  ni  que  le  Saint-Efprit  procède  du  rere  fcul  ;  qu'on 
peut  fans  témérité  ajouter  aux  Symboles  delà  foi,  des  cxpref-  q..  ,j    t.- 
lions  qui  ne  font  pas  dans  l'Evangile,  comme  on  l'a  fait  plulieurs 
fois  dans  les  Conciles.  Il  y  fut  décidé  que  le  Fils  efi:  confubfian- 
tiel.au  Père;  que  Marie  efi  mère  de  Dieu;qu'il  faut  adorer  le 
Saint-Efprit  :  exprefhons  qui  font  reçues  par  les  Grecs  ,  quoi- 
Terne  XXI I.  Rr 


314      HERVÉ,  MOINE  BENEDICTIN, 

qu'elles  ne  foient  pas  formellement  dans  TEcriture  ,  mais  feule- 
ment eu  fubflance. 

C;/.  14.  XLI.  ïï  produit  plufieurs  paffages  des  Pères  Grecs,  de 
Didyme  ,  de  faint  Cyrille  ,  de  laint  Chryfoftôme  ,  ôc  du 
Symbole  qui  porte  le  nom  de  faint  Athanafe,  où  ces  Pères  difent 
que  le  Saint-Efprit  procède  du  Fils  comme  du  Père.  Il  rapporte 
aulfi  des  témoignages  des  Pères  Latins,  de.  faint  Jérôme,  de 

P«^»ij.  faint  Auguftin,  defaint  Hilairc,  dans  les  écrits  defquels on  voit, 
comme  dans  ceux  des  Grecs  ,  que  ,  quoique  le  Saint-Efprit 
procède  du  Père  ôc  du  Fils ,  il  procède  proprement  ôc  principa- 
lement du  Père  ,  comme  delà  première  caufe.  Il  rejette  le  lan- 

C-rp.  ic  gage  de  ceux  qui  difent  que  le  Saint-Efprit  procède  du  Père  par 
le  Fils,  ôc  fait  pafier  pour  ridicule  l'exemple  qu'ils  apportoient 
pour  le  jufcifier.  La  fin  de  la  première  Conférence  fut  que  l'on 

Çap.ij.  ibuhaita  des  deux  partis,  qu'il  fe  tînt  un  Concile  général  de 
l'Eglife  d'Occident  ôc  d'Orient  par  l'autorité  du  Pape  ,  ÔC 
du  confentement  des  Empereurs  ,  pour  y  décider  la  queflion 
de  la  procedion  du  Saint-Efprit  ,  ôc  quelques  autres  qui  inte- 
relTent  la  foi  Ciithoîique. 
Dialogue  1,  XLÏI.  Dans  la  fccoudc  Conférence  qui  fe  tint  à  la  B'afilique 
pag.  \9-i.  ç|g  fainte  Sophie  ,  l'Archevêque  Nechitès  invediva  contre' 
Gcp.  1,8.  p£glife  Romaine.  Quoiqu'il  ne  lui  refufât  pas  le  premier  rang 
entre  les  Eglifes  Patriarchales ,  ni  le  droit  de  préfider  au  Concile 
généra! ,  il  avança  qu'elle  s'étoit  féparée  de  TEglife  d'Orient  par 
fa  hauteur  ;  que  célébrant  fes  Conciles  avec  les  Evêques  d'Occi- 
cidentfeuls,  elle  ne  pouvoit  obliger  les  Cirecs  à. recevoir  fes 
Décrets  ,  ni  leur  envoyer  fes  ordres  ;  qu'on  ne  trcuvoit  dans 
aucun  Symbole  qu'il  foit  ordonné  de  confeflTer  en  particulier 
l'Eglife  Romaine ,  mais  une  Eglife  Sainte  ,  Catholique  6c  Apof- 
tolique  ;  que  quoiqu'il  la  révérât ,  il  ne  croyoit  pas  devoir  la 
fuivre  en  tout,  ni  que  les  Grecs  dulTent  quitter  leurs  rits  ,  pour 
recevoir  ceux  de  l'Eglife  Romaine  dans  lufage  des  Sacremens  , 
fans  les  avoir  auparavant  examinés  par  la  raifon  ôc  l'autorité  des 
Ecritures. 

ç  ,  .  X  L  III.  L'Evêque  d'Havelburg  ,  qui  avoir  déjà  prouvé  par 
l'autorité  de  l'Ecriture,  que  la  Primauté  de  l'Eglife  Romaine efi: 
de  Droit  divin,  ôc  non  par  conceOîon  de  quelques  Conciles; 
qu'elle  a  par-dciïus  les   Fglifcs  Patriarchales  d'Orient  le  privi- 

■ç  g  lege  de  n'avoir  été  infe£tée  d'aucune  héréfic  ;  que  Libère  ,  l'un 
de  fes  Pontifes ,  n'avoit  pu  être  engagé  ni  par  les  promclTes ,  ni 
par  les  menaces  de  l'Empereur  Conftantius,  à  foufcrire  l'héréfie 


Cap.'^; 


ET  PLUSIEURS  AUTRES  ECRIVAINS.  51? 

'Arienne  ,  ôc  à  la  condamnation  de  fai'.it  Athanafe  ,  interrompit 
l'Archevêque  de  Nicomedie,  pour  Taire  connoître  à  i'Afiemblée 
que  ce  Prélat  ne  connoiiroit  ni  la  Religion  de  l'Eglife  Romaine, 
ni  fa  fincerité  ,  ni  fa  douceur,  nifon  équité,  ni  fa  fageiîe ,  ni  fa 
charité  envers  tout  le  monde,  ni  fon  exactitude  dans  l'examen 
des  caufes  Ecclefiaftiques  ,  ni  fa  liberté  dans  les  jugemens  ;  & 
que  s'il  eût  connu  en  elle  toutes  ces  grandes  qualités, comme 
elle  les  a  en  effet,  ainfi  que  l'expérience  le  fait  voir,  il  n'en  auroit 
pas  parlé  de  la  forte  ,  mais  fe  fcroit  rangé  de  lui-mcme  à  fa  com- 
munion 6c  à  fon  obéifTance.  Enfuire  après  avoir  prouvé  que 
l'établiffement  du  Patriarchat  de  Conilantinople  étoit  une  entre-  Qp.  tii, 
prife  des  Conciles  de  Conftantinople  &  de  Calcédoine,  il  fie 
voir  que  pour  être  devenu  le  fiége  6c  la  demeure  des  Empereurs, 
elle  n'en  étoit  pas  pour  cela  Chef  des  Eglifes;  qu'autrement  ou 
pourroit  accorder  la  même  qualité  à  l'Eglife  d'Antioche ,  6c  aux 
autres  qui  ont  été  le  féjour  des  Empereurs  ;  qu'il  faivroit  aufli 
de-là  qu'il  y  auroit  non  un  Pierre,  Prince  des  Apôtres,  mais 
plufieurs,  ce  qui  e(t  abfurde ,  l'Eglife,  qui  eft  une,  ne  devant 
avoir  qu'un  Chef.  Il  établit  pour  maxime  que  l'on  ne  doit  tenir 
aucun  Concile  ,  que  le  Pape  n'y  prélide  ,  ou  par  lui-même  ,  ou 
par  fes  Légats  ;  ôc  il  en  donne  des  preuves  par  le  détail  des  Con- 
ciles tenus  même  en  Orient.  Ncchitès  convint  que  tout  ce 
qu'Anfelmeavoitdit  fur  ce  fujet  fe  trouvoit  dans  les  Archives  de 
l'Eglife  de  fainte  Sophie. 

X  L I  V.  On  propofa  enfuite  la  queflion  des  azymes  ,  &:  l'on  c  y.  13 ,  t^i 
convint  qu'étant  une  chofe  indifférente  en  elle-même,  d'offrir 
avec  du  pain  fermenté ,  ou  du  pain  azyme ,  puifqu'à  Rome  il  y  a 
des  Moines  Grecs  qui  offrent  avec  du  pain  fermenté ,  6c  d'autres 
avec  du  pain  azyme,  la  variété  des  ufages  en  ce  point ,  n'auroit    C.;;-  ^î» 
pas  dû  fournir  une  occafion  de  divilion  entre  les  Grecs  6c  les 
Latins  ;  que  toutefois  il  feroit  difficile  de  changer  la  pratique 
des  Grecs  à  l'égard  du  pain  fermenté  ,  fans  l'autorité  d'un  Con-    Cw.  u. 
elle  général ,  à  caufe  de  la  longueur  des  tems  qu'ils  font  dans  cet 
ufage.  Ils  en  avoient  un  autre ,  qui  étoit  de  ne  point  mettre  d'eau 
avec  le  vin  dans  le  calice  avant  la  confécration ,  mais  d'y  en 
mettre  après  la  confécration.  Nechitès  en  donne  pour  raifon ,    Cap.  *-•! 
que  l'Ecriture  ne  dit  point  qu'à  la  dernière  Cène,  Jefus-Chrifl 
ait  mêlé  de  l'eau  avec  le  vin  dans  le  calice.  Il  ajoute  ,  que  fi  les 
Grecs  y  en  mettent  après  la  confécration  ,   c'efl  afin  que  le 
peuple  repréfenté  par  cette  eau,  foit  fandlfié  par  fon  union  au- 
Sang  confacré ,  6c  par  la  participation  du  Sacrement,  Il  reconnoît 

R  r  ij 


ta 


^i6      HERVÉ,  MOINE  BENEDICTIN, 

en  termes  clairs  ,  que  le  vin  offert  (  a  )  dans  le  calice  efl  fait  par 
l'cpération  &  la  vertu  divine,&:  parle  miniftereduPretrejle  Sang 
de  la  nouvelle  &  éternelle  allirince.  Répondant  aux  reproche» 
qu'on  failbit  auxGrecs  de  rebaptiferles  Latins, fous  prétexte  qu'ils^ 
arrofoient  d'huile  bénite ,  &  iavoient  enfuite  partout  le  corpS' 
celle  qu'un  Grec  vouloit  époufer,  avant  de  ratifier  leur  mariage , 
il  rejette  ces  reproches  comme  des  calomnies  qui  ne  venoient 
que  de  ce  que  les  Latins  n'étoient  point  allez  vcrfcs  dans  les- 
rits  des  Grecs.  Il  protefte  que  chez  eux  l'on  ne  rebaptifolt  aucun' 
Çap.ij.    j^  ceux  qui  avoient  été  baprifés  au  nom  de  la  très-fainte  Tri- 
nité ;  que  fi  l'on  oignoit  ceux  ou  celles  qui  paiToient  des  Latins- 
chez  les  Grecs  ,  ce  nétoit  que  dans  le  doute  s  ils  avoient  reçu  le 
Sacrement  de  l'Onclion  ,  ou  de  la  Confirmation  ;  Ôc  qu'ils  ne 
l'adminillroient  à  perfonne,  quand  ils  avoient  des  preuves  du 
contraire.  On  finit  cette  féconde  Conférence",  comme  la  pre- 
mière ,   en  fouhaitant  un  Concile  univerfel  pour  la  réunion 
parfaite  des  deux  Eglifes  d'Orient  ôc  d'Occident  ;    &  toute 
rAffeniblée  applaudit ,  en  rendant  grâces  à  Dieu ,  Ôcen  deman- 
dant que  l'on  mit  par  écrit  ce  qui  venoit  de  fe  paffcr. 
Apoioiic  de      X  L  V.  On  attribue  à  Anfelme  un  ouvrage  d'un  autre  genre,- 
lOrdre  Jes    qui  eft  l'Apologie  des  Chanoines  réguhers.  Dom  Bernard  Pez  ,. 
gulîcrs  "  nm'  ^P^  ^^i  a  donné  place  dans  le  quatrième  tome  de  fes  Anecdotes  , 
4  ,  A.'ircdot.  fur  un  manufcrit  de  la  Bibliothèque  d'Hanaerlebe,  dit  qu'elle 
Bcn:crJ.Pci,  rioïte  en  tête  le  nom  d'Anfelme  ;  ôc  ne  doute  pas  qu'il  ne  fe 
'         trouve  dans  l'original  ,  comme  dans  la  copie  que  le  célèbre 
George  Eccard  lui  a  communiquée; mais  il  ne  dit  pas  qu'An- 
felme  y  foit  qualifié  Evêque  d'Haveiburg.  Ce  n  eft  donc  que- 
fur  le  nom  fcul  d'Anfelme  ,  qu'on  le  fait  Auteur  de  cet  ouvrage. 
On  peut  fortifier  cette  conjedure,  en  difant ,  que  l'Auteur  étoit 
contemporain  ,  puifqu'il  vivoit  {b) ,  comme  l'Evoque  d'Havei- 
burg, fous  le  Pontificat  d'Eugène  III. Mais  ,   i**.  il  ne  paroîf 
par  aucun  endroit  de  cette  Apologie,  que  celui  qui  J'a  com- 
pofée  ait  été  Evoque.  Il  navoit,  ce  femble,  d'autre  qualité  que 
celle  de  Chanoine  (c)  régulier,  vivant  fous  la  Régie  de  faint 
Auguflin;ôc  c'efi;  apparemment  pour  illuftrer  fon  Ordre  qu'il 
appelle  Saints ,  Erlebald  ,{d)  Archevêque  de  Milan  ,  martyrifé 


(a)  Vinum  menim  tantfim  in  Calice 

©ft'c-imus ,  quod  per  ciiTinaTi  operarionem 
S  virciiteni  ,&  per  minifttrium  S^icerJotis 
foniccrntunvjfit  Sa^iguis  novi  &  aeterni 


Tcfiamenri.  Anfdm,  Di.i 
(  b  )  Cjp.  ^f' ,yig.  loi, 
(  c)  Cap.  « ,  ij  ,  iïc. 


3 ,  c.ip.  10. 


ET  PLUSIEURS  A  UTRES  ECRI  VA  INS.  317 

en  1076  par  les  Sclùfmatiques  ôc  les  Simoniaques;  Appon  de 
Salzbourg  ;  &  les  Clianoines  de  i'Eglife  de  faint  Nicolas  à 
PaflaW ,  qu'il  nomme  fes  Frères,  &  qui  nvoient  aufii  foulîert 
perfccution.  2°.  Quand  il  parle  de  faine  Norbert,  c'eftconime 
d'un  Saint  qui  lui  étoit  étranger.  Il  ne  dit  pas  môme  quel  étoit 
fon  Siège.  Ainfelme,  Evôqite  d'Havelburg  ,  n'en  a  pas  ufc  de 
même  dans  fes  Dialogues,  011  il  eft  queflion  de  la  défenfe  des 
Ordres  Religieux.  Il  lait  de  ce  faint  Inllituteur  un  grand  cioge, 
marque  en  quel  tems  il  fut  fait  Archevêque  de  Magdebourg, 
le  lieu  de  fa  fdpulture  dans  I'Eglife  Métropolitaine,  l'endroit 
où  il  avoir  fait  les  Ordinations.  Toutes  ces  remarques  convien- 
nent à  un  Sufîragant,  par  rapport  à  fon  Métropolitain  ,  quand  il 
Veut  en  parler.  3".  Le  ilyle  de.  l'Apologifle  des  Chanoines  régu- 
liers eft  différent  des  Dialogues  d'Anfelme  d'Havelburg;  il  n  eft 
ni  fi  bien  foutcnu,  ni  fi  r.et,  &  les  raifonnemens  tt'en  font  pas 
fi  folides.  Il  ennuie  par  fes  froides  applications  de  l'Ecriture 
fainre  ,  prefque  toujours  déplacées  &  inutiles.  Nous  croyons 
donc  qu'il  faut  le  diftinguer  d'Ani'elme  ,  Evéque  d'Havelburg. 

XL  VI.  Ce  Prélat  compofa  aufti  plufieurs  vies  des  Saints,  .  Vi-s  cfes 
dont  le  recueil  faifoit  de  gros  volumes;  ôc  écrivit  nombre  de  txs'd'Anrei- 
Lettres  à  diverfes  perfonnes.  me  d'Hivei- 

burn  ,  Fiibri- 
pag.  304. 

CHAPITRE     XX. 

Saint   Bernard,  premier  Abbé  de  Clairvaux y 
Doâleur  de  l'EgliJk 

Article  I. 

Hijîoire  de  fa  Vie, 

I.  /^  E  grand  Homme  de  Dieu ,  que  l'on  regarda  (  ^  )  de  fon^  N-  iiTânce^cie 
\7  tems  comme  l'organe  du  Saint-Efprit  ,   &  l'Interprète  ^^intBem.ira, 
de  la  volonté  divme,  naquit  a  ronraines  dans  le  Duché  de  io>ii. 
Bourgogne  >  à  une  demie  lieue  de  Dijon  ,  fur  la  fin  de  l'an      Sesândcs^ 


Rr  ii] 


3iS  SAINT     BERNARD, 

1090,  ou  au  commencement  de  1091.  On  fixe  l'annce  de  fa 
naliTaace  fur  l'époque  de  fon  entrée  en  Religion.  Il  ctoit  dans  fa 
vin^t-troifiéms  (  a  )  année ,  félon  Guillaume  de  faint  Thierri ,  ôc 
Jean  l'Hermite,  lorfqu'il  entra  à  Citeaux  ;  &  ce  fut  (  ^  )  en  i  1 1 5. 
Bernard  eut  pour  perc  Tefcelin  ,  (c)  idu  des  Comtes  de 
Ciiatillon,  &:  pour  mère  A-leth^  delaMaifon  de  Monibar.  Elle 
l'envoya  [à)  faire  fes  études  à  Chatillon-fur-Seine  ,  fous  de 
fcavans  Ecciéfiafciques  qui  y  tenoient  les  plus  célèbres  Ecoles 
delà  Province.  Bernard  s'y  appliqua  à  la  lecture  des  meilleurs 
Auteurs  proplianes  ;  mais  non  content  de  s'être  formé  dans  les 
Lettres  humaines  ,  il  commença  dès-lors  à  lire  les  Livres 
faints. 
l\  e  f^it  IL  II  revint  de  Chatillon  dans  fa  dix-neuviéme  année.  Six 
•Moine  1  Cl-  ,^^QJg  aprcs  il  perdit  fa  mère.  A  mefure  qu'il  avancoit  en  âsfe  , 

■^eauxcn  1113.,.!  r^  1^  >  o^ 

croiiToient  ch  lui  les  belles  qualités  de  fon  efprit,  6c  les  grâces  de 
fon  corps.  Bien  fait  de  fa  perfonne,  beau  de  vifage,  de  mœurs 
douces  j  d'un  efprit  vif,  mais  flexible  ,  d'un  génie  valle  ÔC 
•fublime,  parlant  avec  élégance:  tous  ces  talens  lui  ouvraient 
une  entrée  avantageufe  dans  le  monde.  Il  en  connut  &  éprouva 
les  dangers  ;  &  perfuadé  qu'il  ne  pouvoir  y  demeurer  avec 
fureté  ,  il  fe  retira  (  e  )  à  Citeaux  en  1  1 1 3  ,  accompagné  de  trente 
Gentilshommes  qu'il  avoit  convertis.  Jufques-là  cette  Abbaye 
■s'étoit  vue  réduite  à  un  petit  nombre  de  Religieux.  L'Abbé 
Eftlenne  en  gémiiïoit  devant  Dieu  ,  mais  dans  l'efpérance  que  fa 
miféricorde  multiplieroit  fes  Serviteurs.  Au  bruit  de  la  retraite 
de  Bernard  &  de  fesCompagnons  à  Cîteaux,i}s  y  furent  fuivis  [f) 
pardesperfonnesde  tout  âge,  de  toutes  dignités,  ôc  de  tous  les 
cotés,  voyant  que  ce  qui  leur  avoit  d'abord  paru  au-deflus  des 
forces  humaines  dans  l'obfervance  établie  en  cetteAbbayc,n'étoit 
pas  impraticable. 
5:i  contkiire  I  IL  Dès  le  premier  jour  que  Bernard  entra  dans  l'appar^; 
pcnJrju    fon  tement  defliné  aux  Novices  ,  il  commença  (e)  de  pratiquer  ce 

Noviciat.  ,.,    ,         .  •  r-  ti  •.   .       •  J 

qu  il  devcit  un  jour  cnieigner  aux  autres,  il  avoit  toujours  dans 
le  cœur ,  ôt  fouvent  dans  la  bouche  cette  parole  :  Bernard  , 
qu'eft-tu  venu  faire?  Jamais  il  nefe  pardonnoit  rien  ,  mortifiant 
continuellement  les  défirs  fenfuels ,  ôc  les  fens  par  lefquels  ils 


(  (i)  Guillflm.  in  v'ua  Bernard,  cap.  4,1       (d"  J'id. 
l,l_^,  1       {c)nid.caf.A. 

ic)jibtd.cap.    X,  *      {g)(JuilUlm.cap.^. 


PREMIER  ABBÉ  DE  CL  AIRVAUX  ,  &c.  5  ip 

entrent  dans  le  cœur;  à  peine  leur  accordoit-il  la  liberté  nccef- 
faire  pour  le  commerce  de  la  vie  civile  &  extérieure.  Il  fe  iit  de 
cette  conduite  une  habitude  qui  fe  changea  prefque  en  nature  , 
ne  vivant  plus  que  pour  les  chofes  fpirituc-lles  ;  enforte  que 
voyant  des  yeux  du  corps ,  il  ne  voyoit  pas  ;  écoutant ,  il  n'écou- 
toit pas;  mangeant ,  il  ne  goutoitrien.  On  s'en  apperçut,  quand 
après  avoir  paiïé  une  année  entière  dans  le  dortoir  des  Novices  , 
il  ne  fcavoit  pas ,  lorfqu'il  en  fortit  ,  (1  le  haut  du  plancher  étoit 
en  voûte  ,  ni  s'il  y  avoit  dans  l'Eglife  plus  d'une  fenêtre.  Il 
veilloit  au-delà  de  ce  que  peut  la  foiblelTe  humaine ,  n'apportant 
d'autre  modération  à  fes  veilles,  que  de  ne  point  palier  toute  la 
nuit  fans  dormir.  A  l'égard  du  manger,  il  ne  s'y  portoit  que  par 
îa  feule  crainte  de  tomber  en  défaillance.  Quoique  (  a  )  d'uti 
naturel  fort  délicat,  il  ne  fe  difpenfoit  d'aucun  exercice  de  la  vie 
Gonimune,  travaillant  des  mains ,  bêchant  la  terre, coupant  du 
bois ,  le  portant  fur  fes  épaules,  fciant  les  bleds.  Il  aimoit  à  lire 
TEciiture  fainte  ,  fuis  commentaire  &  de  fuite,  difant,  qu'il  ne 
l'entendoit  jamais  mieux  que  par  elle-même  :  néanmoins  il  lilbit 
audi  les  interprétations  des  faints  Pères  de  l'Eglife  ,  fe  flùlant  un 
devoir  deconfonuer  fes  fentimens  aux  leurs. 

ï  Y.  Ayant  fini  fon  Noviciat  (t)  il  fut  revêtu  de  l'habit  Reli-  .,",  f^^/^'' 
gieux  avec  les  Compagnons  ,  &  tous  enlembie  le  conlacrerent  a  vauxennH, 
Dieu  par  la  profeiiion  folemnelle,  au  commencement  de  l'an 
1  1 14.  I.'un  d'eux,  nommé  Hugues,  fut  choili  la  mcme  année 
pour  Al  bé  de  Pontigny ,  &  préféré  à  Bernard  ,  peut-êcre  comme 
Ion  ancien.  L'année  fuivante  l'Abbé  Eftienne  envoya  les  frères 
de  Bernard,  Pveligieux  comme  lui  de  Cîteaux,  pour  bâtir  le 
Monafleré  de  Clairvaux,  &  leur  donna  Bernard  pour  Abbé.  Ils 
firent  d'une  retraite  de  voleurs  un  Temple  de  Dieu,  ôc  une 
JVÏaifon  de  prières  ;  (c)  vivant  dans  une  grande  fimplicité  &  une 
merveilleufe  pauvreté  d'efprit ,  dans  la  faim  ,  dans  la  foif ,  dans 
le  froid,  dans  la  nudité,  faifant  fouvent  du  potage  de  feuilles  de 
hêtres  ,  mangeant  du  pain  d'orge  ,  de  millet  &  de  vefce.  L'Ab- 
baye de  Clairvaux  étant  fituée  dans  le  Diocèfe  de  Langres  , 
c'étoit  à  Joceran  qui  en  étoit  Evêque,  de  donner  à  Bernard  la 
bénédidion  Abbatiale;  mais  cet  Evêque  étant  ou  abfent,  ou 
occupé  d'autres  affaires,  Bernard  alla  à  Châlons  la  recevoir  de 


(a)Ibii.  t       (  c)  Guilulm.  vita  Bernant.  Ci:p.  ^  ,  Se 

(  i  )  Mibllloa.  Vu).  71 ,  Aand,  num.  77.  j  MahilUn.  lib.  71.  Annai.  nani.s^,  9e,  97. 


320  SAINT     BERNAPvD, 

Guillaume  de  Champeaux,  avec  qui  il  lia  depuis  ce  moment-là 
une  amitié  très-étroite. 
San-aniere  V.  L'établiiTenient  de  Clairvaux  qui  ne  s'étoit  formé  que 
gouveiiîcr.  je.^j-gpj-ient ,  prit  infcnfibleir/ent  des  accroiffemens.  Grand  nom- 
bre de  perfonnes  venoient  à  ce  Monaftere  ,  les  uns  pour  con- 
verfer  avec  Bernard  ,  &  jouir  de  fa  préfence  ;'es  autres  pour  fe 
mettre  fous  fa  difcipiine.  Il  difoit  à  ceux  qui  .témoignoient  de 
remprellement  pour  être  reçus  à  Clairvaux  :  Si  vous  (  a)  délirez 
viv.re  dans  cette  Maifon ,  il  faut  que  vous  lailfiez  dehors  les  corps 
.que  vous  apportez  du  monde  ;  ii  n'y  a  que  les  âmes  qui  doivent 
entrer  ici ,  la  chair  ne  fert  de  rien.  Voyant  que  les  Novices 
s'effravoient  par  la  nouveauté  de  ce  difcours,  il  foulageoit  leur 
foibieife  en  leur  difant  ,  que  par  le  corps  qu'il  leur  ordonnoit  de 
laifTer  dehors,  il  entendoit  la  concupifcence.  Il  fortit  deClair- 
.vaux  (  b  )  une  Colonie  pour  aller  .établir  un  Monviftere  dans  le 
Diccèfe  de  Châlons ,  en  un  lieu  qui  fut  nommé  1  roio-Fontaines. 
.Guillaume  de  Charapeaux  avoit  demandé  cet  établlfTement  à 
Jjernard  ,  pour  s'unir  enfemble  encore  plus  étroitement.  Cet 
Abbé  envoya  une  autre  Colonie  dans  le  Diocèfe  d'Autun  ,  qui 
donna  nailTance  au  Monallere  de  Fontenay  ,  cela  fe  pafl'a  en 
I  1 18.  L'année  fuivante  il  céda  à  faint  Norbert  le  lieu  dit  Pré- 
i-nontré,  qu'nn  homme  de  bien  nommé  Guy  itii  avoit  donnd 
pour  y  établir  un  Monaftere  fuivant  la  Règle  obfervée  à  Clair- 
vaux. 
Convei-'i  y-\  V  I.  De  toutc  la  fimiîle  de  Bernard  il  ne  reftoitdans  le  monde 
.de  la  fœurae  g^g  ç.-^  {(y^^^^  flumbeiine.  Ses  frères  s'étoient  confacrés  à  Dieu 
■  ■'  '  *  dans  (  c)  le  Monaftere.  Elle  y  vint  avec  toutes  fes  parures  monr 
dalPi.es.  Aucun  de  fes  frères  ne  voulut  l'entretenir.  Mais.ayant 
déclaré  qu'elle  fcpréfentoit  comme  une  pécherefie  pour  deman- 
dej  confe'il  des  gens  de  bien  ,  Bernard  vint  à  elle  pour  eflayec 
àc  la  convertir.  Il  lui  rappella  les  exemples  de  leur  mère  com- 
n'une  ,  celui  de  fes  frères,  uniquement  occupés  de  leur  falut , 
jandis  qu'elle  ne  l'étoit  que  du  foin  de  fon  corps  ,  6c  ne  penfoit 
qu'à  la  terre.  Honteufe  de  fes  égaremens  elle  entra  dans  le  defleia 
que  fon  frère  lui  infpiroit  de  renoncer  au  monde,  êc  de  fe  donner 
toute  entière  à  Dieu. 
yoyajl'i'pa-      VU.  En.ii22  Bcriiard  fut  obligé  {d)àe  flùre  un  voyagea 

jis  ,    afîifte  A 

divers  Conci- ■■■■  — — — ^ 


(a  '  GuiUtlm.  in.iita  |î?rn.in/.  c.:)/.  4.  J       (<".'  C:ii!;-'m.  Ihid.cap.  (. 

(  i)  II/,  itid.  cap.  ij.  l       (.(/y  Alaiiriquci,  ad  ann,  itiî. 


Paris , 


PREMIER  ABBÉ  DE  CL  AIR  VAUX, &c.  521 

Paris,  où  ,  à  la  prière  d'Eftienne  Evcque  de  cette  Ville  ,  il  (ît  un 
dilcours  ,  imprimé  dans  le  Recueil  de  fes  ouvrages,  fous  le  titre  : 
de  la  réforme  des  Eccléfiajiiques.  En  1 1 26  il  écrivit  (  a  )  au  Pape 
Honorius  II.  en  faveur  d'Alberic  ,  élu  Evêque  de  Châlons 
d'une  voix  unanime  du  Clergé  6c  du  Peuple.  Invité  en  1 1 28  au 
Concile  de  Troyes,  il  s'excufa  d'abord  d'y  venir,  fur  une  fièvre 
aiguë  dont  il  étoit  tourmenté  ;  mais  enfuite  il  s'y  rendit  avec  les 
Abbés  de  Cîteaux,  de  Pontigny  ,  deTrois-Fontaines.  Il  écrivit 
môme  à  Thibaud ,  Comte  de  Champagne,  pour  le  féliciter  fur 
l'honneur  que  le  Cardinal  Matthieu ,  Evéque  d' Albane ,  &  Légat 
du  Pape  en  Prance  ,  avoit  fait  à  la  Ville  de  Troyes  ,  de  la  choilir 
.f our  cette  Affemblée.  Louis  VI.  Roi  de  France,  furnommé  le 
Gros  ,  voulant  examiner  lequel  des  deux  l'on  reconnoîtroit  pour 
Pape  ,  ou  d'Innocent ,  ou  d'Anaclct ,  indiqua  en  1130  un  Con- 
cile à  Ellanipes,où  Bernard  fut  nommément  appelle  ,  de  l'avis 
commun  du  Concile.  On  s'en  rapporta  (6)  à  lui  pour  la  déci- 
lion  de  cette  alïairc.  Bernard  n'accepta  la  commilTion  qu'avec 
crainte,  &  parleconfeil  de  fes  amis.  Il  examina  foigneufement 
Ja  forme  de  l'élection ,  le  mérite  des  Eletleurs ,  la  vie  &  la  répu- 
-tation  de  celui  qui  avoit  été  élu  le  premier  ;  puis  il  déclara  que 
l'on  devoit  recevoir  Innocent  pour  Pape.  Tous  y  applaudirent  , 
i&  ayant  chanté  les  louanges  de  Dieu,  félon  la  coutume,  ils 
promirent  obéiflance  au  Pape  Innocent ,  ôc  foufcrivirent  à  fon 
éledion.  Elle  fut  auili  confirmée  dans  un  Concile  (c)de  feize 
Evêques  affembiés  à  Virzbourgau  mois  d'Ottobre  de  la  même 
année  1150  par  ordre  du  Roi  Lothaire.  Le  Pape,  à  l'invita- 
tion  [d)  des  deux  Rois,  &  des  Evêques  des  deux  Nations  ,  fit  un 
■voyage  en  France  6c  en  Allemagne.  Etant  à  Liège  ,  où  l'on  avoit 
aiïemblé  un  Concile  ,  Lothaire  le  prelTa  de  lui  rendre  les  inverti- 
tures  ;  S.  Bernard  (e)  qui  étoit  préfent,  s'oppofa  à  la  propofition 
du  Roi ,  en  fit  voir  la  malignité,  6c  obligea  Lothaire  à  fe  défifter 
-de  fa  demande.  Après  le  Concile  de  Liège  ,  le  Pape  Innocent  en 
tint  un  à  Reims  au  mois  d'Oclobre  de  l'an  1 1 5  i ,  où  il  cou- 
ronna Roi,  Louis,  fécond  fils  de  Louis  le  Gros,  devenu  fon 
;aîné  par  la  mort  de  Philippe,  qui  avoit  été  couronné  dès  le  r^, 
d'Avril  112p.  Saint  Bernard  ,  que  le  Pape   (/)  vouloit  avoir 


(,,■!)  Bernurd.  Ffi'?.  15.  t  'Prxf.it.  in  tom.  i.  Bernard. 


(  b  I  Ern.ildus  ,  l:b.  1 ,  de  vira  Bernard, 
cap.  1.  Sii^en  ,  j  ira  Ludoiici  ,  pag,  377. 
(  c)  An-ïi.  Magdd'urg.  amiMibillon. 


(_  d  '1  Ernatdus ,  ùb.  î  ,  caç.  t. 

(ejld.ibid. 

(/)  Li.ibid. 


Tome  XXIL  Si 


522  S  A  I  N  T    B  E  R  N  A  R  D, 

toujours  auprès  de  lui ,  fe  trouva  à  ce  Concile  ,  affin-ant  avec  les 
Cardinaux  aux  délibérations  publiques.  Les  Particuliers  s'adref- 
foient  môme  à  lui  pour  leurs  affaires,  dont  il  faifoit  enfuite  le 
rapport  à  la  Cour. 
S.  Bernard  VIII.  Sigefroi ,  Evoque  de  Gènes ,  étant  (  a  )  mort  en  1 1 3  o, 
Evéchés'^rè-  ^"  offrit  à  Bernard  de  le  remplacer;  mais  il  s'en  excufa  ,  ôc 
çoitie  Papeà  rcfufa  l'année  fuivante  l'Evêché  de  Châlons  ,  pour  lequel  il  fit 
Claùvaux  tn  £\\^q  Geoffioi,  Abbé  de  faint  Medard  deSoiffons.  LePape  Inno- 
cent, pendant  fbn  féjour  en  France,  alla  vifiter  l'Abbaye  de 
Clairvaux.  Il  y  fut  reçu  {b)  par  les  Pauvres  de  Jefus-Chrift, 
groffiercment  vêtus ,  portant  une  Croix  de  bois  fimple  &  mal: 
polie ,  chantant  les  Pfeaumes  d'un  ton  modefte ,  les  yeux  attachés 
a  la  terre,  fans  regarder  ni  de  côté  ni  d"autre.  A  ce  fpeftacle  le- 
Pape  ôc  les  Evoques  quil'accompagnoient  ne  purent  retenir  leurs 
larmes.  Tous  admirèrent  la  gravité  ôc  la  modeftie  de  cette 
Communauté.  Il  nefe  trouva  rien  dansClairvaux  qui  pût  exciter 
la  cupidité ,  ni  flater  la  fenfualité.  On  ne  pouvoit  y  envier  que 
les  vertus  ;  les  murailles  étoient  nues  ,  même  dans  l'Eglife. 
Toutes  les  délices  de  la  table  confifterent  en  herbes  &  en 
légumes,  avec  du  pain  bis.  Si  par  hazard  on  eut  du  poiffon  ,  il  fut 
fervi  au  Pape  feul ,  les  autres  n'en  eurent  que  la  vue. 
Voy!!?f  de  I X.  Son  féjour  dans  les  Gaules  ne  fut  pas  long.  Il  étoit  ea 
S.  nern-.aen  Lombardie  en  Avril  de  l'an  in2,  ôc  célébra  à  Alt  la  Fête  de 
raques,  qui  en  cette  année  ctoit  le  10  de  ce  mois.  L  Abbé 
Bernard  le  fuivit  en  ce(c)  voyage,  fut  le  médiateur  delà  paix 
entre  les  Génois  Ôc  les  Pifans ,  ôc  refufa  une  féconde  fois  l'Evêché 
de  Gènes ,  foit  que  Syrus  eût  abdiqué  ,  foit  qu'il  n'eût  pas  encore 
été  placé  fur  le  Siège  Epifcopal  de  cette  Ville.  Le  Roi  Lothaire 
avoir  fourni  au  Pape  deux  mille  hommes  pour  lui  aider  à  rentrer 
dans  Rome.  Ce  fecours  n'étant  pas  fuffifarit,  Bernard  écrivit  au 
Roi  d'Angleterre ,  qui  joignit  fes  troupes  à  celles  du  Roi  de 
Germanie.  Le  Pape  entra  dans  la  Ville  le  premier  de  Mai  de 
l'an  1 15  j.  Bernard  après  y  avoir  fait  quelque  féjour  avec  le  Pape, 
paffa  par  fon  ordre  en  Allemagne,  pour  reconcilier  l'Empe- 
reur Lothaire  avec  les  neveuz  de  fon  prédéceffeur,  Conrad  ôc 
Frédéric. 


(a)  MubV.ion.  in  Ckronolog.  Bernard.  |      ( c )  Mabillon.  in  Chronclcg,  Btrnaril, 
eda.in.iiio.  \  ad  a/in,  1 1 ^2., 

(  h.j  Erndd.  lit.  i  ,  cap.  i,  .l- 


l 


PREMIER  ABBÉ  DE  CL AIRVAUX,&Ô.  52? 

X.  Il  n'y  avolt  pas  longtems  que  Bernard  étoit  de  rerour  à  .  ^-  ^''!'"'^i 
Clairvaux,lorrquc^(a)  le  Pape  Innocent  l'appella  au  Concile  ^ZpzJeahn- 
convoqud  à  Pile.  En  palTant  parla  Lonibardie,  les  Milanois  le  lie  en  1134. 
rierent  par  lettres  de  les  reconcilier  avec  l'Empereur  ôc  le  Pape 
nnocent  qui  les  avoit  excommuniés  &  ôté  à  leur  Ville  la 
dignité  de  Métropole,  pour  avoir  pris  le  parti  de  l'Antipape 
Anaclet.  Bernard  leur  promit  fa  médiation,  &  auliitôt  que  le 
Concile  de  Pife  fut  fini,  il  alla  à  Aîilan  avec  deux  Cardinaux 
envoyés  par  le  Pape;  Gui ,  Evoque  de  Pife  ;  Matthieu  ,  Evêque 
d'Albane  ;  &  Geolfroi  ,  Evéque  de  Chartres.  Les  Milanois  vin- 
rent au-devant  deux  jufqu'àfept  milles.  On  traita  en  public  du 
fujet  de  leur  voyage.  Toute  la  Ville  fe  fournit  à  l'obéiflance  du 
Pape  Innocent.  Elle  quitta  le  parti  de  Conrad  ,  pour  ne  recon- 
noître  d'autre  Roi  que  Lothaire.  Les  Peuples,  aux  difcours  de 
Bernard ,  fe  convertirent ,  frappés  de  fes  vertus  &  defes  miracles. 
Ils  firent  leur  pollible  pour  l'obliger  d'accepter  le  Siège  Archié- 
pifcopal  de  Milan  ,  vacant  par  la  dépofition  d'Anfelme  ;  mais  il 
le  refufa  conflamment.  De  cette  Ville  il  pafla ,  (  6  )  par  ordre  du 
Pape ,  à  Pavie  ôc  à  Crémone  pour  y  rétablir  la  paix.  Sa  médiation 
fut  inutile  aux  Cremonois. 

X  L  II  eut  la  confolation  ,  en  revenant  à  Clairvaux ,  d'y  trou-  ^^chuï  bi- 
%^er  la  Communauté  dans  une  union  parfaite.  Le  nombre  des  timensàClair- 
Reliçieux  setoit  augmenté,  ôc  le  lieu  où  ils  étoient  lopés  fe  vaix  ,  va  en 

^  r'i  ••!  /x/n-'?i      Aquitaine  en 

trouvant  trop  lerrc  pour  les  contenir ,  il  parut  (c)  nécellaire  de 
bâtir  le  Monaflcre  en  un  lieu  plus  étendu  ôc  plus  commode. 
Thibaud,  Comte  de  Champagne,  les  Evêques  voifins,  ôc  plu- 
fieurs  Nobles  ôc  riches  Marchands  fournirent  aux  frais.  Pendant 
qu'on  fe  difpofoit  à  exécuter  le  plan  de  ce  nouveau  bâtiment, 
Bernard  reçut  ordre  du  Pape  de  pafler  en  Aquitaine  avec  le 
Légat  Geolfroi  ,  Evoque  de  Chartres,  pour  travailler  de  concert 
à  délivrer  cette  Province  du  fchifme  dans  lequel  Gérard  ,  Evê- 
que d'Angouléme ,  lavoit  engagée.  Guillaume  IX.  Comte  de 
Poitiers  ,  &  Duc  d'Aquitaine  ,  étoit  le  plus  fort  appui  du 
fchifme.  Dès  l'an  1 151  ,  Bernard  avoit  eu  avec  lui  une  confé- 
rence fur  ce  fujct ,  mais  fans  fuccès.  Dans  une  féconde  ,  qui  fe  i\t 
à  Parthenai  en  1  154,  le  Duc  parut  fe  déclarer  pour  le  Pape 
Innocent ,  mais  à  des  conditions  trop  onéreufes.  L'Abbé  de 
Clairvaux  {d)   étant   entré  dans  l'Eglife  le  lendemain    de  la 

(  a)  Ahbiilon.  Chrcnolog.  Bernr.rc.  ,id  j       (i)  Bernard  F.yiJ].  154. 
*nn.  iij-,  ,  (j-Ern^ld,  lib.  *.  vicx  Btrn.  j      (c  )  Ern^ild.lib.  1  ,ca'.  ,-. 
"i"-*'  1      (d)Id.iiil 

Sf  ij 


iijî. 


524  S  A  T  N  T    B  E  R  N  A  R  D, 

conférence,  pour  offrir  les  faints  Myfteres ,  le  Duc  n'ofant  '5^' 
entrer ,  parce  qu'il  étoit  d'une  autre  communion ,  refta  à  la  porte; 
Après  la  confécration  le  Saint  donna  la  paix  aux  Fidèles;  puis 
pouilé  par  un  mouvement  plus  qu'humain  ,  il  met  le  Corps  de 
JefuG-Chriil:  fur  la  patène ,  le  porte  avec  lui ,  de  le  vifage  tout  err 
feu  ,  &  les  yeux  dtincellans,iifort  de  l'Eglife  ,  non  en  fuppliant, 
mais  en  menaçant  ;  &  adreffe  au  Duc  ces  paroles  terribles:  Nousr 
vous  avons  prié  ,  &  vous  nous  avez  méprifés;  voici  le  Fils  de 
la  Vierge  qui  vient  à  vous;  le  Chef,  le  Seigneur  de  l'Eglife  que 
vous  perfécutez:  Voici  votre  Juge  au  nom  duquel  tout  fléchie 
au  Ciel,  fur  la  terre,  &  aux  enfers  :  Votre  Juge  entre  les  mains 
duquel  votre  ame  viendra.  Le  mépriferez-vous  aufii  ,  comme 
vous  avez  méprifé  fes  ferviteurs  ?  Tous  les  affiflans  fondoicnt  en 
larmes,  attendant  avec  frayeur  le  fuccès  de  cet  événement.  Le 
Duc  faifi  depeur  tombe  par  terre  ,  hors  de  lui-même,  jettant  de- 
profonds  foupirs.  Le  Serviteur  de  Dieu  le  pouffe  du  pied  ,  lur 
ordonne  de  fe  lever,  &  d'écouter  debout  la  Sentence  de  Dieu. 
Voilà,  lui  dit-il,  l'Evêque  de  Poitiers  que  vous  avez  chaffé  de  fon 
Eglife  ;  reconciliez  vous  avec  lui  par  le  baifer  de  paix  ,  &  le 
remenez  vous-même  à  fon  Siège.  Rétabliffez  l'union  dans  vos 
Etats  5  fou  mettez-vous  au  Pape  ,  comme  toute  l'Eglife  lui  obéit. 
Le  Duc  exécut:j,fans  répondre,cc  que  le  faint  Abbé  venoit  de  lui 
ordonner.  Ainfi  les  troubles  que  le  fchifme  avoit  caufés  dans 
l'Aquitaine  furent  appaifés.  Il  n'y  eut  que  Gérard  ,  Evêque  d'An- 
goulcme  ,  qui  s'opiniâtradansle  parti  d'Anaclet. 
S.  Bernard  XH.Son  Crédit  diminuoit  de  jour  en  jour,&:  celui  duPapelnno- 
fàituntroiiié-  qq^^  s'augmentoit.  Il  nelaiffa  (a)  pas  d'écrire  à  Bernard  en  i  1 37 
hkieenfiiT.  '^^  venir  au  fecours  deTEgnfc;  il  en  fut  auffi  prié  par  les  Cardi- 
naux. Arrivé  à  Viterbe,  le  Pape  «S:  les  Cardinaux  lui  firent  part 
de  la  dirpofition  où  étoit  l'Empereur  de  foutenir  l'Eglife  par  la- 
force  des  armes.  L'Abbé  de  Clairvaux  informé  que  la  plupart  desr 
Schifmatiques  ne  tenoient  pour  l'Antipape  ,  que  parce  qu'ils 
craignoient  les  reproches  qu'on  leur  feroit,  s'ils  l'abandonnoient, 
après  le  ferment  de  fidélité  qu'ils  lui  avoient  fait,  entra  en  confé- 
rence avec  eux  ,  les  défabufa  fur  leur  ferment  ,  &  les  fît  rentrer 
dans  l'unité  de  lEglife.  Il  fie  à  Roger ,  Roi  de  Sicile  ,  des  condi- 
tions de  paix  pour  l'engager  à  rentrer  dans  l'obéiilance  du  Pape 
Innocent.Roger  propofa  uneconférence  pour  examiner  la  validi- 
té de  fon  éleûion.Les  difputes  durèrent  huit  jours  en  préfence  dé 


(a;  Lrna'.d,  lib.  i.  ap.  7. 


PREMIER  ABBÉ  DE  CL  AIRVAUX,  &c.  12; 
ce  Prince. Le  dernier  jour  il  n'y  eut  que  Pierre  de  Pife  ôcBernard 
qui  parlèrent.  Pierre  avoir  été  nommé  de  la  part  du  Roi,  parce 
qu'il  le  connoifloit  pour  éloquent  ;  mais  Bernard  l'emporta  fur 
lui  par  fes  raifons.  Le  fuccès  de  la  conférence  jetta  Anaclet  dans 
un  chagrin  qui  lui  donna  la  mort  le  feptiéme  de  Janvier  de  l'an 
1158. 

X 1 1  L  Ceux  de  fon  parti  élurent ,  de  concert  avec  le  Roi  H  f-iif  fim'ï* 
Roger ,  Grégoire,  Prêtre-Cardinal ,  à  qui  ils  donnèrent  le  nom  ^^  ''^^"'"^e  crv 
de  Vidor.  Mais  par  cette  élection  ,  ils  avoient  moins  en  vue  de 
perpétuer  les  troubles  inféparables  du  fchifme ,  que  de  fe  faire 
des  conditions  avantageufes  en  fe  reconciliant  avec  le  Pape.  Les 
parens  d'Anaclet  fe  réconcilièrent  en  effet  avec  Linocent  II.  & 
Vittor  étant  venu  de  nuit  trouver  faint  Bernard  ,  ce  faiat  Abbé 
lui  fit  quitter  tous  les  ornemens  Pontificaux,  &  le  mena  aux  pieds 
d'Innocent  II.  qu'il  reconnut  pour  feul  Pape  légitime ,  le  jour  de 
i'Odave  de  la  Pentecôte,  25  de  Mai  1138.  Cinq  jours  après 
Bernard  fortit  de  Rome  pour  retourner  à  Clairvaux,  (  a)  n'em- 
portant avec  lui  qu'une  dentde  faint  Cefaire ,  &  quelques  autres 
reliques  des  Saints.  Le  Clergé  ,  la  Noblefie  &  le  Peuple  le 
reconduifirent  hors  de  Rome  ,  le  regardant  comme  fauteur  de  la 
paix. 

XIV.  Avant  fon  départ  il  réconcilia  Pierre  de  Pife,  Car-     Concile  de 
dinal  ,  avec  le  Pape,  qui  lui  rendit  fa  dignité  dont  il  l'avoit  L-tmu  en 
privé  pour  s'être  attaché  à  l'Antipape  Anaclet;  mais  dans  le    '^^' 
Concile  qu'il  tint  à  Rome  le  huitième  d'Avril  1 1 3  (j ,  il  l'en  priva 

une  féconde  fois.  Bernard  s'en  plaignit  au  Pape  môme  ,  par 
une  {b)  Lettre  très-forte,  où  il  prend  la  défenfc  de  Pierre  de 
Pife,  ôc  fait  voir  que  le  Pape  ne  pouvoit ,  fans  ternir  fa  propre 
réputation  ,  révoquer  ce  qu'il  avoir  accordé  à  ce  Cardinal  en  le 
rétabiiiTant  dansûi  place  ôc  dans  tous  fes  honneurs.  Je  ne  parle 
pas  ainfi ,  lui  dit-il ,  pour  trouvera  redire  à  la  rigueur  Apoflolique, 
&  au  zèle  ardent  dont  Dieu  vous  dévoroit  contre  les  ennemis  de 
l'unité  ;  mais  quand  la  faute  n'eft  pas  égale  ,  la  punition  ne  doic 
pas  l'être  ;  ôc  il  ne  convient  pas  d'envelopper  dans  la  même 
Sentence  celui  qivi  a  quitté  le  péché  ,  ôc  ceux  que  le  péché 
quitte. 

XV.  Guillaume,  Abbé  de  faint  Thierri,  ôc  quelques  autres     Cond'.ede 
vculoient  eneager  Bernard  à  écrire  contre  les  erreurs  qu'Abail--^'"'''^'"''*'^'' 

*^  °  ^  tom.  10, Con- 

(a)  hib.  4.,  liîrtt  BtrnciTi.  cai.  i ,  C-  I       (b)  Evll.  115. 
Erjidld.iib.i^cip.r,  l  '     ■^-' 


^26  SAINT     BERNARD, 

lard  contlnuoit  de  répandre,  quoiqu'elles  euITent  été  condamnées 
au  Concile  de  Soifibns.  L'Abbé  de  Clairvaux  aima  mieux  l'aver- 
tir en  fecret ,  que  de  le  confondre  publiquement.  Cette  démar- 
che de  charité  lui  réulUt  pour  un  tems  ;  mais  Abaillard  fe  fiant 
trop  à  fon  efprit  ôc  à  fon  expérience  dans  la  difpute  ,  demanda  à 
l'Archevêque  de  Sens  de  fe  défendre  en  public  contre  fes  Adver- 
faires ,  &  dappeller  Bernard  au  Concile.  Il  fe  tint  le  2  de  Juin 
1 140.  Henri,  Archevêque  de  Sens  y  préfida,  aillfté  des  Evêques 
de  Chartres  ,  dOrleans ,  d'Auxerre,  deTroyes,  deMeaux,  & 
d'un  grand  nombre  d'Abbés.  Louis  ,  R.oi  de  France,  s'y  trouva, 
avec  les  Comtes  de  Nevers  ôc  de  Champagne.  L'Archevêque  de 
Reims  y  .vint  aulîi.  L'Abbé  Bernard  produifit  au  milieu  de 
raiTemblée  le  Livre  de  la  Théologie  d' Abaillard  ,  ôc  les  propofi- 
tions  abfurdes ,  ou  plutôt  hérétiques,  qu'il  en  avoit  extraites, 
demandant  ou  qu'iiles  prouvât,  ou  qu'il  les  défavouâr.  Abaillard 
ne  iitnil'un  ,  ni  l'autre.  Bernard  au  contraire  ayant  prouvé  évi- 
demment lafauffeté  despropofitions  ,  le  Concile  les  condamna, 
&  pria  le  Pape,  auquel  Abaillard  avoit  appelle  ,  de  les  condanv 
ner  aufli.  La  lettre  Synodale  au  Pape ,  efl  de  l'Abbé  de  Clair- 
vaux. 
S.Bernard  XVI.  Dans  les  années  fuivantes ,  comme  dans  les  précé- 
Alonafteres!"^'  dentcs  ,  il  fut  occupé  dc  la  fondation  de  plufieurs  Maifons  de 
DeiFeia  de  la  fon  Ordre  en  diverfes  Provinces.En  i  144  ii  fut  le  médiateur  (  a  ) 
OojfaJe.  ^g  ^^  p^l^  entre  le  Roi  Louis ,  ôc  Thibaud  Comte  de  Cham- 
pagne. L'année  d'après  le  jeune  Roi  ayant  reçu  du  Pape  Eugène 
xinc  lettre,  où  il  exhortoit  tous  les  François  à  fecourir  l'Eglife 
d"Orient ,  déclara  à  quelques  Seigneurs  dc  fa  Cour  qu'il  étoit 
féfolu  de  fe  croifer,  pour  accomplir  le  vœu  que  Philippe  fon 
frère  aîné  avoit  fait ,  ôc  qu'une  mort  imprévue  ne  lui  avoit  pas 
permis  d'accomplir.  Ces  Seigneurs  lui  confcillcrent  de  confulter 
là-delTus  l'Abbé  dc  Clairvaux ,  qui  fut  d'avis ,  qu'une  affaire  de 
cette  importance  dcvoit  être  renvoyée  au  Pape  pour  en  déli- 
bérer. La  réponfe  du  Pape  fut  favorable.  En  conféquence  le  Roi 
JLouis  afTcmbla  les  Evêques  ôc  les  Seigneurs  à  (6)  "Vezelai  eu 
Bourgogne,  le  5 1  de  Mars  1145,  qui  étoit  le  jour  de  Pâques. 
La  Croiiade  fut  réfoluc  ,  ôc  Bernard  charge  de  la  prêcher.  A  fon 
•premier  difcours ,  on  s'écria  de  tous  cotés  pour  demander  des 
Croix  ;  le  nombre  de  celles  que  l'on  avoit  préparées  ne  fuffîfiint 

(  a)Bent.ir(\.t]n'}.  iio,  îii.  I  l'ib.   5  ,  vkx  Bernardi  ,    ap.    4. 

(i))  Bernard,  epijl.  4»6  ,  &•  CuiiUlm,  \ 


PREMIER  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX,&c.   527 

pas  ,  Bernard  fe  trouva  obligé  d'y  fuppléer  en  mettant  en  pièces 
fes  habits.  Il  lit  en  cette  occafion  plulieurs  miracles.  Le  troiiiéme 
Dimanche  d'après  Pâques  le  Roi  Louis  aflembla  un  Parlement  à 
Chartres ,  pour  régler  le  voyage  de  la  Croifade.  Pierre  ,  Abbd  de 
Cluni ,  invite  à  ceite  affembiée,  ne  put  y  venir  ^  (  a  )  parce  qu'il 
tenoir  le  mcme  jour  un  Chapitre  de  Ton  Ordre.  Lavis  commua 
t-toit  de  choilir  Bernard  pour  Chef  de  la  Croifade.  Il  {b)  le 
refufia. 

XV  IL  En  1 147  Albcric,  Evâque  d'Oftie,  envoyé  à  Tou-  ^^^•J"""^! 
loufe,  comme  Légat  du  Pape  Eugène,  pour  combattre  Ihéré-  Henricien» 
tiqueHenri  ,  Difciple de  Pierre  de  Druis  ,  prit  avec  lui  Geof- e'^  inr. 
froi ,  Evêque  de  Chartres ,  &  l'Abbé  deClairvaux.  Henri  étoit 
un  (  c)  Moine  apollat  ,  qui  étant  retourné  dans  le  fiécle  ,  s'y 
adonna  à  la  déi>auche,  furtout  à  l'impureté.  Se  trouvant  dénué 
de  tout  >  il  fut  obligé  de  mandier  fon  pain^  &  d'errer  par-tout  en 
vagabond ,  parce  que  perfonne  ne  vouloir  le  recevoir.  Pour  fe 
tirer  de  la  mifere,  il  fe  mit  à  prêcher  dans  le  Mans  ôc  à  Tou- 
loufe  les  erreurs  de  fon  Aîaître.  Les  peuples   amateurs    de  la" 
nouveauté,  fe  laiiTerent  féduire.  Bernard  par  fes  difcours  ôc  par 
fes  miracles  ,  détronipa  ceux  qui  avoient  été  infedés  d'erreurs , 
foit  au  Alans,  foit  à  Touloufe ,  foit  ailleurs.  Un  des  plus  éclatans 
miracles  fur  celui  qu'il  lit  à  Sarlat  en  Perigord.  .^près  avoir  fini, 
fon  difcours,  grand  nombre  de  perfonnes  lui  préfenterent  des 
pains  à  bénir  ;  en  les  beniiTant ,  (  rf  )  il  éleva  la  main  ,  lit  deffus  le- 
ligne  de  la  Croix ,  6c  dit  :  Vous  connoîtrez  que  ce  que  nous  vous 
difons  eft  vrai,  6c  que  ce  que  les  Hérétiques  vous  prêchent  eO: 
faux,  fi  vos  malades  guérifîent  auflîtôt  qu'ils  auront  mangé  de 
ces  pains.  L'Evêquede  Chartres,  craignant  qu'il  ne  fc  fiu  trop 
avancé  par  une  propofition  fi  générale,  ajouta:  S'ils  le  mangent 
avec  foi ,  ils  recouvreront  la  faute.  Mais  Bernard  qui  ne  craignoit 
point,  reprit:  Cen'cfl  pas  ce  que  je  dis  ^  mais  allurément  ceux 
qui  en  goûteront  feront  guéris ,  afin  qu'ils  fçachent  que  nous 
fommes  véritables  ,  ôc  vraiment  envoyés  de  Dieu.  La  chofe 
arriva  ainfi  :  Tous  les  malades  qui  goûtèrent  de  ces  pains  y  trou- 
vèrent la  guérifon  à  leurs  maux.  Les  Henriciens  répandus  dans 
le  Perigord  avoient  pour  Chef  un  nommé  Ponce.  LeMoinc 
Heribcrt  décrit  les   erreurs  des  Henriciens  du  Perigord,  daus- 


(  a  )  Bernard,  ejîj;?.  3^4^  \       (.à)  Gaufridus ,  ùti  Bernardi^  /ià.-j.v 

((')  Id.  (pift.  15  6.  cap,  6. 

(.ci  Jrf.  tyi;/.  141  ,  141,  |. 


52S  S  A  I  N  T    B  E  R  N  A  R  D, 

une  Lettre  adreflee  à  tous  les  Fidèles,  ôc  imprime'e  dans  les 
Analecles  de  Dom  Mabillon.  On  aura  lieu  de  les  détailler  dans 
la  fuite,  de  même  que  celles  des  divers  Hérétiques  de  ce  tems. 
Nous  remarquerons  feulement  ici  que  la  plupart  ne  reconnoif- 
foient  point  d'Eglife  hors  de  leur  feâe;  qu'ils  rejettoient  le  baptê- 
me des  enfans,&  le  mariage,  le  culte  des  Saints^  les  jeimes,  ôc  les 
autres  mortifications  corporelles. 
H  comiirt       XVIII.  Gilbert  de  la  Porrée,  Evêque  de  Poitiers ,  étoit 
^orrireil'^  '^  accufç  d'erreurs  toutes   dilTércntes  ;    fçavoir   d'enfeigner   que 
-1148.  l'EfTence  divine n'eft  pas  Dieu;  que  les  propriétés  des  perfonnes 

divines  ne  font  pas  les  perfonnes  mêmes  ;  que  la  Nature  divine 
■ne  s'eft  pas  incarnée,  mais  feulement  la  perfonne  du  Fils.  Toutes 
,ces  erreurs  lui  furent  reprochées  dans  le  Concile  de  Paris  en 
1  14.7 ,  en  préfencc  du  Pape  Eugène  qui  préfidoit  à  cette  alTem- 
•blée.  On  y  dilputa  beaucoup  fur  cette  matière  ;  mais  le  Pape  en 
irenvoya  la  déciiion  au  Concile  qu'il  devoir  tenir  à  Reims  le  22 
-de  Mars  de  l'année  fuivante  1 14.8.  Bernard  quiavoit  été  le  prin- 
cipal adyerfairç  de  Gilbert  dans  le  Concile  de  Paris ,  l'attaqua 
encore  dans  celui  (a)  de  Reims  ,  &  le  convainquit  d'erreur.  Le 
Concile  en  condamna  tous  les  articles ,  défendit  la  ledure  du 
Livre  de  Gilbert,  &c  ordonna  que  l'on  y  corrigeroit  tout  ce  qui 
avoit  rapport  aux  erreurs  condamnées. 
Bernanl       XIX.  La  Croifade  n'ayant  pas  {b)  eu  le  fliccès  qu'on  en 
cent  les  Li-  ^YQij.  attendu  ,  le   Roi  Louis  revint  en  France  en  114-9.  La 
Confiaération  même  année  le  Pape  Eugène  rentra  dans  Rome  ;  6c  ce  fut  poiu: 
en  114?  ,     [ç  confoler  au  milieu  de  tant  d'aifliclions  dont  fon  Pontificat 
inMfj'."^^"  avoit  été  agité  ,  que  faint  Bernard  compofa  l'ouvrage  intitulé, 
de  la  Confidération.  Il  reçut  lui-môme  une  lettre  de  confolation 
;de  Jean  ,  Abbé  de  Cafemarie,  aufujet  de  la  Croifade.  Eugène 
III.  mourut  le  huitième  de  Juillet  1 1  n  5  ^J'rès  huit  ans  &:  près 
de  cinq  mois  de  Pontificat.Bernard,dont  les  forces  défailliffoient 
de  jour  eii  jour,  lui  furvecut  de  peu,  étant  mort  le  vingtième 
d'Août  de  la   même  année  ,  dans  la  foixante-troifiéme  de  fon 
âge ,  trente-huit  ans  depuis  qu'il  avoit  été  élu  Abbé  de  Clair- 
vaux. 
$ûE  éloge,         X  X.  Sa  piété  connue  de  toute   l'Eglifc  ;  fon  zclc  pour  la 
pureté  de  la  foi  ;  le  grand  nombre  defes  miracles  l'ont  tait  mettre 


(  a  )  Gaufridus  ,  v'ui  Birnaid.  iib.    5 ,  1       (b)  MMllon.  Chronel.  Bern^ircl,  ad  aiin. 
r^.  5..  j  «I4J,  iijo,  I153. 

au 


PREMIER  ABBÉ  DE  CLAlRVAUX,&c.  U9 

au  (a)  nombre  des  Saints,  prefqu'auflTitôt  après  fa  mort,  c'eft- 
à-dire,  en  ii74>  par  Alexandre  III.  Ce  Pape,  qui  n'étoit  pas 
moins  informé  de  ion  fçavoirôc  defadod:rine,que  de  fa  faintcté, 
lui  donna  le  premier ,  le  titre  de  Dodeur  de  l'Eglife  ,  en  lifant  à 
la  Meffe  qu'il  célébra  le  jour  de  fa  Canonifation,  la  Colleîte  ôc 
l'Evangile  que  l'on  a  coutume  de  lire  le  jour  de  la  Fête  des 
Dotlcurs.  Innocent  HI.  élu  en  i  ip8  ,  fit  lui-même  en  l'honneur 
de  faint  Bernard  une  Collège  particulière  ,  où  il  lui  donne  la 
qualité  d'Abbé  &   de  Dodeur  excellent.  Quelques-uns  l'ont 
qualifié  depuis ,  Dodeur  mielleux  ,  à  caufe  de  la  douceur  de  fon 
ftyle  ôc  de  fcs  expreflions.  Nicolas  leFevre  ,  Précepteur  de  Louis 
le  Jufte,  nommoit  faint  Bernard,  le  dernier  des  Pères,  parce 
qu'il  eft  le  dernier  qui  ait  fuivi  la  méthode  des  anciens  Pères  ,  de 
traiter  les  mat'ieres  théologiques  en  s'appuyant  fur  l'Ecriture  ôc 
fur  la  Tradition.  On  les  traita  depuis  par  des  raifonnemens  phi- 
lofophiques  ;  ôc  c'eft  ce  qu'on  appelle  Théologie  fchoiafliquc, 
par  oppofition  à  la  Théologie  pofitive  fuivie  par  les  Pères.  Saint 
Bernard  avoir  lu  leurs  écrits ,  furtout  ceux  de  faint  Auguftin, 
comme  il  cft  aifé  de  le  voir ,  par  fon  Traité  de  la  grâce  ôc  du 
libre  arbitre.  Lors  donc  qu'il  difoit  (è)  à  fes  amis  ,  qu'il  n'avoit 
eu  d'autres  Maîtres  dans  l'étude  de  l'Ecriture  fainte   que  les 
chênes  ôc  les  hêtres ,  il  ne  vouloit  dire  autre  chofe  ,  finon ,  qu'il 
avoir  plus  (  c  )  de  confiance  en  la  prière,  qu'en  fa  propre  induflrie 
■ôc  en  fon  travail.  D'où  vient  qu'après  avoir  (d)  dit ,  qu'il  avoit 
reçu  principalement  dans  les  champs  ôc  dans  les  bois  l'intelli- 
gence des  Ecritures ,  il  ajoute,  par  la  méditation  ôc  par  la  prière. 
On  ne  peut  mieux  juger  de  l'autorité  ôc  du  crédit  qu'il  s'étoic 
acquis  dans  le  monde  ôc  dans  l'Eglife  par  fes  vertus  ôc  par  fa 
fcience,  que  fur  le  rapport  de  Guillaume,  Abbé  de  faint  Thierri, 
témoin  oculaire.  S'eft-il  trouvé  ,  dit-il,   (e)  un   homme,  en 
parlant  de  faint  Bernard,  à  la  volonté  duquel  les  plus  grandes 
Puiflances  de  la  terre,  foit  du  fiécle,  foit  de  l'Eglife,  ayent 
déféré  avec  tant  de  foumilfion  ,  ôc  aux  confeils  duquel  elles  fe 
foient  rendues  avec  tant  d'humilité  ?  Les  Rois  ,  les  Princes ,  les 
Tyrans  les  plus  fuperbes ,  les  Gens  de  guerre,  les  Ufurpateurs 
les  plus  violens  le  craignent ,  ôc  le  révèrent  de  telle  forte,  que 


(a)  Tom.  lo,  Concil.  pig.  1576  ,  &• 
Mabillon,  Pnrfat.  in  po.  B.T/nrrfi  ,  num.  1. 

{b)  GuiUdm.  vir.:  Bernard,  lib.  i ,  num, 
»}  ,  ca?.  4.  1 

Tom  XXI L  T  t 


(c)  Id.  lib,  3  ,  cap.  i ,  num.  i. 
(à)  Id.  lib,  I  ,  aip,  4  ,  num.  13. 
(f  )  llid  cap,  14,  num.  70. 


'5t5«  .•->^  "S'  A,  X  N  T  B  E  R  N  A  R  T)  , 
l'on  voit  en  quelque  façon  en  lui  cette  parole  de  Notre-Seigncut 
Luc, i<j.  ^  fçg  Difç^ples  ;  Je  vousiai  donné  le  pouvoir  de  fouler  aux  pieds 
les  ferpens,  les  fcorpions  ,  &  toute  la  puiffance  de  l'ennemi ,  ôc 
rjen  ne  vous  pourra  nuire.  Trois  Abbés  contemporains  de  faint 
Bernard,  ont  pris  foin  d'en  écrire  la  vie;  Guillaurne,  dont  nous 
venons  de  parler;  Arnaud^  Abbé  de  Bonneval  dans  le  Diccèfe 
de  "Vienne  ;  ôc  Geoflroi ,  Religieux  de  Clairvaux ,  Secrétaire  du 
3aint.  Leurs  ouvrages  que  l'on  a  imprimés  à  la  fuite  des'  édrits 
de  faint  Bernard ,  ont  été  traduits  en  François  par  M.  le  Maitre  , 
fous  le  nom  emprunté  du/i^^i^  Lamy ,  ôc  imprimés  en  cette 
langue  à  Paris ,  chez  Antoine  Vitré,  en  1 648  in  4°.  ôc  i  ô^p  in  8**; 

*''  A  R  T  I  CL  E''II. 

Des    Ecrits   de  faint  Bernard. 

§.  I. 

De  Jes  Lettres. 

Lettres  de  J.    T     E  premier  tome  des  Ouvrages  de  faint  Bernard ,  félon 
.   ernar .  |    j  l'édition  de  Paris  en   1719  ,    comprend  fes    Lettres 

qui  y  font  au  «ombre  de  quatre  cens  quarante-fept ,  rangées  pour 
la  plus  grande  partie  fuivant  l'ordre  chronologique.  Nous 
fuivrons  cette  difpofition.  Pendant  que  ce  faint  Abbé  féparé  de 
"Epifl.ijeà'.t.  fa  Communauté  pour  caufe  de  maladie,  vivoit  feul  dans  une 
'•  """•  cellule  hors  de  Tenceintc  du  Alonaflere  ,  le  Grand  Prieur  de 
Cluni,que  l'on  croit  être  Bernard  furnommé  le  Gros,  vint  à 
Clairvaux  fous  le  prétexte  de  s'y  édifier  ,  mais  en  effet  pour  en 
retirer  Robert  ,  coufin  germain  de  faint  Bernard  \  qui  après 
avoir  été  d'abord  offert  à  l'Abbaye  de  Cluni ,  avoir  fait  profellion 
à  Cîteaux  ,  d'où  il  étoitforti  pour  paffer  à  Clairvaux.  Il  ne  lui  fut 
pas  difficile  de  tenter  ce  jeune  homme,  h  qui  la  vie  dure  de 
Citeaux  ôc  de  Clairvaux  étoit  peut-être  devenue  à  charge.  Quoi- 
qu'il en  foit ,  le  Grand  Prieur  l'emmena  ,  le  revêtit  de  1  habit  de 
l'Ordre  de  Cluni,  obtint  de  Rome  un  Refcrit  qui  ordonnoit  à 
Robert  de  fe  flabilier  à  Cluni,  ôc  lui  fit  faire  une  nouvelle  pro- 
feffîon.  Saint  Bernard  fut  quelque  tems  à  attendre  fi  Robert 
reviendroit  de  lui-mâne;  mais  fruflré  de  fon  efpcranctr,  il  lui 
écrivit  une  Lettre  que  l'on  peut  rr^arder  comme  la  plus  élo- 


PREMIER  ABBÉ  DE  CL  AIR  VAUX, &c.  jy^i 

feUente  de  toutes ,  également  remplie  de  force ,  de  fentimeris  de 

tendrefie  &  de  charité.  Comme  il  ia  didoic  en  pleine  campagne , 

pour  Ja  tenir  plus  fecrette,  à  Guillaume  Ion  i>ecretaire  ,  depuis 

premier  Abbé  de  Rieval  en  An^deterre,  il  farvint  une  pluie.   Le 

Secrétaire  voulant  ferrer  le  parchemin  fur  lequel  il  écrivoit, 

faint  Bernard  lui  dit:  C'eft  l'œuvre  (tz)  de  Dieu ,  écrivez  ,  ne 

craignez  rien.  Le  Secrétaire  continua  ;  &  encore  qu  il  plût  tout 

autour  ,  la  lettre  ne  fut  pas  mouillée.  Saint  Bernard  fait  envi- 

fager  doucement  à  Robert  qu'il  n'a  pu  fortir  de  Clairvaux  fans 

violer  fon  vau  d'obéilîance  ,  ni  en  quitter  l'habit  fans  apoflafie; 

que  perlonne  ne  s'étant  trouvé  à  Rome  pour  réfuter  les  raifons 

expufées  dans  la  fupplique  des  Cluaides ,  il  fe  fiatoit  en  vain  que 

le  Siège  Apoftolique  l'avoit  délivré  , .  tandis  que  la  Sentence  du 

fouverain  Juge  tenoit  fa  confcience  enchaînée  ;  qu'au  relie , 

l'Abbaye  de  Cluni  n'avoit  eu  aucun  droit  de  le  revendiquer,puif- 

qu'ii  n'avoit  été  que  promis,  ôc  non  pas  donnéà  ce  Monaftere  ; 

que  fes  parens  n'avoicnt  pas  demandé  qu'on   le  reçût  ;   qu'il 

n'aA'oit  pas  été  cflert  en  préfence  de  témoins,  ni  fa  malncou- 

verte  delà  palle  de  l'Autel  ;  qu'ainfi  c'étoit  du  fiécle  ,  ôc  non  de 

Cluni ,  qu'il  étoit  venu  à  Cîteaux  ;  qu  il  avoit  demandé  d"y  être 

reçu  ,  fait  un  an  de  Noviciat ,  après  lequel  il  avoit  fait  prolbilion. 

Saint  Bernard  ceufure  en  pafiant  la  vie  molle  ,  con-imoie  & 

délicate  que  l'on  menoit  à  Cluni ,  &  fait  voir  à  Robert.qu'étant 

très-dangereufe  pour  le  falut,  il  lui  eft  expédient  de  revenir  a 

Clairvaux  obferver  l'abflinence  ,  les  veilles  ,  le  filence ,  le  travail 

des  mains,  6c  les  autres  auflerités.  Cette  Lettre  écrite  vers  l'an 

1 1  ip  fut  pour  lors  fans  effet  ;  mais  en  1122  Pierre  devenu  Abbé 

de  Cluni ,  renvoya  RoL-ert  à  faint  Bernard. 

II.  Son  zèle  ne  fe  bornoit  pas  aux  Religieux  de  fon  Ordre.    Epif..z,pig. 
Ayant  fçu  que  Foulques  ,  Chanoine  régulier  ,   gagné  par  les  ^• 
careffes  &  les  promefTes  de  fon  oncle,  avoit  quitté  fon  Moiallere 
pour  vivre   dans  le   monde  en  Clerc  féculier ,  lui  écrivit  qu'il 
devoir  plutôt  obéir  à  Dieu  avec  qui  il  s'étoit  engagé  par  vœu  > 
qu'à  fon  onc'e  qui  ne  cherchoit  qu'à  le  perdre  en  le  tirant  da 
Cloître  ,  pour  le  jetter  dans  les  délices  du  fiécle.  Vous  qui 
l'aviez  méprifé ,  comment,  lui  dit-il,  vous  y  attachez-vous  de 
nouveau  ?  Si  vous  prétendez  jouir  des  avantages  temporels  ,  & 
enfu'te  des  biens  éternels,  on  vous  dira  :  6ouvc.'je^-i'cus ,  moiX  Luc,  16,  ij. 
fils ,  que  vous  avei  reçu  vos  biens  da.ns  votre  vie.  Mais  quels  font. 


{i)B:rnard.  litjpsrGu.Udia.  Itb.  i  ,  cii^.  11. 

Ttij 


352  SAINTBERNARD, 

donc  ces  biens  que  vous  avez  re(^us  ?  Des  Be'néfices  de  l'Eglife? 
Fort  bien.  Vous  vous  imaginez  que  vous  n'en  recevez  pas  gra- 
tuitement les  revenus  ,  parce  que  vous  afTiflez  à  Aiatines ,  à  la 
MeflCjaux  Heures  du  jour  ôc  de  la  nuit.  En  eftet ,  il  eft  jufte 
que  celui  qui  fert  à  l'Autel ,  vive  de  l'Autel  ;  c'eft  ce  que  l'on 
vous  accorde  fans  peine,  fi  vous  fervez  bien.  Mais  on  ne  vous 
permet  pas  d'ufer  des  biens  de  l'Autel  pour  le  luxe,  pour  con- 
tenter votre  vanité ,  pour  acheter  des  brides  dorées ,  des  felles 
brodées  ,  des  éperons  argentés  ,  des  bracelets  de  pourpre  au  col 
ôc  aux  mains.  Non  ,  tout  ce  que  vous  retenez  des  revenus  (  a)  de 
l'Autel,  après  avoir  fourni  à  votre  nourriture  6c  à  votre  habil- 
lement ,  neft  pas  à  vous  :  c'eft  une  rapine  ,  cefi  un  facrilege. 
Epijl.s.       III.  Les  Chanoines  d'Audicour  dans  le  Diocèfe  de  Châlons, 
paroifioient  inquiets  de  quelques-uns  de  leurs    Confrères    qui 
s'étoient  retirés  à  Clairvaux.  Saint  Bernard  les  raflura  en  leur 
écrivant ,  qu'il  n'avoit  reiçu  ces  Chanoines  dans  fon  Monaftere, 
qu'à  la  prière  de  plufieurs  perfonnes  de  confideration  ,  nommé- 
ment de  Guillaume  de  Champcaux  ,  Evêque  de  Châlons,  qui 
leur  avoir  même  confeillé  cette  retraite,  dans  la  vùedepafTer 
d'une  vie  plus  douce ,  telle  que  prelcrit  la  Règle  de  S.  Auguftin  , 
à  une  plus  auftere,  comme  eft  celle  qui  eft  prefcrite  parla  Règle 
de  faint  Benoît.  On  met  cette  Lettre  vers  l'an  1120,  de  même 
que  la  précédente, 
^i"'^.  4.  i>  ^'       IV.  La  fuivante  fut  écrite  avant  l'an  1126.  Elle  eft  adreffée  à 
Arnold  ,  premier  Abbé  de  Morimont.  Après  avoir  gouverné 
cette  Maifon  depuis  fa  fondation  ,  c"eft-à-dire,  depuis  Tan  1 1 1  J 
jufqu'en  i  12  j  ,  dégoûté  du  gouvernement  par  les  vexations  des 
Séculiers,   voilins  du  Monaftere,  ôc  par  la  défobéiflance  de 
quelques-uns  de  fes  Moines  ,  il  quitta  Morimont  avec  quatre  de 
fa  Communauté  ,  fans  l'agrément  de  l'Abbé  de  Citeaux.  Saint 
Bernard  en  étant  informé  écrivit  à  Arnold  ,  pour  l'engager  à 
revenir  à  Morimont,  dans  la  crainte  que  fon  exemple  ne  fut 
nuifible  à  d'autres  ;  mais  Arnold  étoit  pailé  dans  la  Flandres  ,  où 
il  mourut  le  troifiéme  de  Janvier  1  126.  Ce  que  faint  Bernard 
ayant  appris  ,  il  écrivit  par  ordre  du  Chapitre  général  aux  quatre 
Aloines  qui  avoient  accompagné  Arnold  dans  fa  retraite,  de 
retourner  en  leur  Monaftere   fous   peine  d'excommunication. 
Adam  ôc  Evrard  ,  deux  d'entreux  ,    s  étoient  retirés  dans  le 


(  a  )    Quidqiiitl    pnrfpr    neceflarium  î  rétines ,  nium   non  eft:  rapina  eftifacri- 
Yit'tuin  ac  liin,)licfm  vtkimui  de  Ak.iiio  1  k -^ium  eil.  Btrn.ini  ,epij,  z. 


PREMIER  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX,&c.    jn 

Diocèfe  de  Cologne.  Saint  Bernard  pria  Brunon  ^  qui  en  f'dt 
fait  Archevêque  quelque  tems  après,  de  les  prefler  de  rentrer 
dans  leur  devoir.  Ils  s'cxcufoient ,  en  difant  :  Notre  Abbé  nous  a  Epijl.  7. 
commandé  de  le  fuivre ,  devions-nous  lui  défobcir.  Saint  Ber- 
nard répond  :  Qu'ils  ne  dévoient  pas  lui  obéir  dans  une  chofe 
mauvaife;  qu  en  tout  cas,  leur  Abbé  étant  mort,  ils  dévoient 
revenir  à  leur  Monaftere.  11  regarde  comme  nulle,  ou  comme 
fubrepticc,  la  permilhon  qu'ils  difoient  avoir  obtenue  du  Saint 
Siège,  de  paflerà  une  autre  Alailon  ;  &  parce  qu'ils  pouvoient 
lui  objeder  qu'il  étoit  pailé  lu'i-mème  de  Citeaux  à  Clairvaux,  il 
dit ,  qu  il  y  avoit  été  envoyé  par  fon  Abbé.  Il  prévient  une  autre 
objection  qu'on  auroit  pu  lui  faire;  fçavoir ,  qu'il  recevoir  à  Clair- 
vaux  ceux  qui  fortoient  des  autres  Monafteres  ,  contre  le  gré  de 
leurs  Supérieurs.  Je  les  reçois ,  dit-il ,  pour  les  aider  à  accomplir 
les  vœux  qu'ils  ont  faits  en  un  lieu  oli  ils  ne  peuvent  les  obfe^ver. 
Par  robfervation  des  autres  préceptes  de  la  vie  monaftique  ,  ils 
récompenfent  l'infiaclion  de  la  ftabilité.  Adam  retourna  à  Mori- 
mont  i  ôc  l'on  croit  que  c'eft  lui  qui  fut  choifi  pour  Abbé 
d  Eberbach  dans  le  Diocèfe  de  Virzbourg  en  Franconie,  l'an 
1 127. 

"V.  Brunon  dont  on  vient  de  parler,  fîlsd'Engclbert,  Comte  Ep'1. 
d'Altcna,  ayant  été  éiu  Archevêque  de  Cologne, demanda  à 
faint  Bernard ,  s'il  devoir  accepter  l'Epifcopat.  Quel  efl  l'homme 
alTez  hardi ,  lui  répondit  le  faint  Abbé ,  pour  décider  une  queftion 
aulîi  délicate  ?  Peut-être  que  Dieu  vous  y  appelle;  oferoit-on 
vous  en  détourner?  Mais  s'il  ne  vous  y  appelle  pas,  vous  con- 
feillera-t-on  de  vous  y  ingérer  ?  Laiflant  donc  fa  réponfe  indécife, 
il  fc  contente  de  repréfcnter  à  Brunon  la  néceflité  où  l'on  eft  de 
travailler  à  fon  propre  falut ,  avant  de  fe  charger  de  celui  des 
autres  ;  de  confulter  Dieu  fur  fa  vocation  ,  les  dangers  infépa- 
rables  de  la  conduite  des  âmes,  la  fermeté  que  l'on  doit  avoir 
dans  la  punition  des  crimes.  Il  le  renvoie  à  faint  Norbert ,  difant, 
que  plus  ce  faint  perfonnage  approchoit  de  Dieu  par  fa  vertu  , 
plus  il  avoit  de  lumières  pour  lui  découvrir  les  deileins  cachés 
de  la  Providence.  Brunon  accepta  l'Epifcopat ,  ôc  fut  facré  en 
11^2. 

'VI.  Saint  Bernard  brûlant  du  feu  de  ia  charité  queGuigues,       £;•:/?.  m» 
cinquième  Général  des  Chartreux  .  avoit  allumé  dans  fon  cœur 
par  fa  Lettre  ,  lui  fit  une  réponfe  dans  laquelle  j  après  s'être  loué 
de  l'accueil  qu  on  lui  avoit  fait  à  la  Chartreufe  ,  il  traite  de 
la  charité,  de  la  nature,  de  fes  effets,  de  ies  differens  dégrés. 

T  t  iij 


vers  l'an 
iiji. 


$54  SAINT     BERNARD, 

îi  tnOrit'e  qu'élis  conllfte  dans  un  cœur  pur,  une  confciencé 
droite,  ôc  une  foi  fincere  qui  nous  fait  aimer  le  bien  de  notre 
prochain ,  comme  le  nôtre  ;  qu'il  n'y  a  que  la  charité  ,  cet  amour 
pur ,  qui  détache  le  cœur  de  lamour  du  monde  &  de  foi-nièmc> 
pour  l'attacher  à  Dieu  feul ',  que  l'on  peut  dire  en  un  fens  crès^ 
véritable  que  la  charité  eft  Dieu  même,  &  qu'elle  eft  un  don  de 
Dieu,  enCorce  que  la  charité  ei'Icntielle  communique  la  charité 
accidentelle  ;  que  cette  charité  nous  rend  léger  le  joug  de  la 
Loi ,  en  nous  la  faifant  aimer  avec  une  pleine  liberté  ;  qu'elle 
purilie la  crainte  en  fe  mêlant  avec  elle,  mais  fans  l'anéantir.  Il 
diftingue  dans  l'homme  quatre  dégrés  d'amour.  L'homme  com- 
mence à  s'aimer  pour  lui-même ,  p:uce  qu'il  eft  charnel  ;  mais 
faifant  réflexion  qu'il  tient  de  Dieu  fon  être,  il  fe  fent  obligé  ds 
recourir  à  lui  par  la  foi ,  6c  de  l'aimer.  Mais  il  s'aime  pour  foi- 
même,  &  non  pour  Dieu  ,  jufqu'à  ce  que  prefTé  par  fcs  propres 
befoins  ,  il  fe  familiarife  ,  pour  ainfi  dire ,  avec  Dieu  ,  en  s'occu- 
pant  de  lui  dans  la  méditation ,  dans  la  le£l»re,  dans  la  prière. 
Alors  il  goûte  combien  le  Seigneur  eft  doux,  ôc  l'aime  non- 
feulement  par  rapport  à  foi ,  mais  aulîi  pour  Dieu  même.  C'eft- 
là  le  plus  haut  degré  d'amour  où  l'homme  puiiTe  monter  en  cette 
vie.  De  s'aimer  uniquement  pour  Dieu, cela  paroît  ref^-rvé  aux 
Bienheureux  dans  le  Ciel.  Par  une  autre  Lettre  au  même  Guignes 
Epijl.   II.  g^  ,^  Cgg  Religieux,  il  leur  témoigne  fa  douleur  d'avoir  pailé 
auprès  de  leur  Monaftere  fans  avoir  pu  s'y  arrêter ,  ôc  fc  recueillie 
avec  eux  pendant  quelques  jours. 
Epi/?.  13,14,       VII.  Le  Clergé  ôc  le  Peuple  de  Châlons  avoient  en  1126 
»5>i  .  ï7.    ^|j(^;,q  pQj^jr  ]ejf  Evêque,  Aiberic,  Dodcur  célèbre  à  Reims. 
Saint  Bernard  qui  en  connoiifoit  le  mérite ,  pria  le  Pape  Hono- 
rius  de  confirmer  l'cleclion.  Elle  n'eut  pas  lieu.  Mais  en  11  jp 
Aiberic  fut  élu  Archevêque  de  Bourges.  Saint  Bernard  ,  dans 
jinfcription  de  cette  Lettre  ,  ne  fe  défigne  que  fous  le  titre  de 
Moine  ôc  de  pécheur  ,   mais  il  fe  nomme  dans  la  fuivante  au 
même  Pape  ,  qu'il  follicitc  en  faveur  de  l'Abbaye  de  faint  Béni- 
gne de  Dijon.  Il  s'agiiToit  de  la  maintenir  en  poiTclTion  de  deux 
Celles  ou  Prieurés  qu'on  lui  difputoit.  L'affaire  fut  décidée  en 
1I2P  par  iiftienne  ,  Archevêque  de  Vienne.  L'Abl)é  de  Clair-- 
vaux  écrivit  fur  le  même  fujet  à  Haimeric  ,  Chancelier  du  Saint 
Siège,  ôc  à  Pierre,  Cardinal-Prêtre.  Celui-ci  [c  plaignit  de  ce 
que  faint  Bernard  n'étoit  pas  allé  le  voir,  comme  il  le  lui  avoit 
ordonné.  Le  faint  Abbé  s'excufa  fur  la  réfolution  qu'il  avoit  faite 
de  ne  jamais  fortir  de  fon  Cloître  ,  fans  y  être  contraint  par  de 


PREMIER' ABBÉ  DE  CLÂIRVAUX,2^c.  55^ 
certaines  raifons.  Il  s'excufe  aufTi  de  ne  pas  lui  avoiï  trxnbyé 
d'ouvrages  ,  ne  fçachant  de  quelle  nature  il  les  fcuiiaitoit.  Ld    ^^'^*  '*' 
Cardinal  Pierre  s'expliqua  là-defTus  ;  &  faint  Bernard  promit  de 
le  contenter.  Il  recommanda  au  même  Cardinal ,  &  au  Chance-»  Ef-Jl.  19 ,  tô- 
lier Haimeric,  les  Députés  de  rEglifede  Reims,  qui  alloiencà  ■'  '       ^ 
Rome  demander  ,  ce  femble  ,  le   Pallium   pour  Renaud  dé 
Martigni,  transféré  à  ce  Siège  en  i  1 24.  de  celui  d'Angers.  Peut- 
être  avoient-ils  encore  d'aurresafTaires  à  ménager  auprès  du  Saint 
Siège.  On  voit  par  ces  Lettres  que  Gebuin^  Chantre  &  Archi-    ^>:'^-  17. 
diacre  de  Troyes ,  avoit  fait  un  recueil  des  Sermons  de  faint 
Bernard,  à  mefure  qu'il  les  prononçoit.  Le  Cardinal  Pierre  lui 
témoignoit  une  grande  conildcration.  Cette  faveur,  lui  répondit    Epijl.  rs. 
le  faint  Abbé ,  me  donne  beaucoup  de  joie  ;  mais  ce  qui  la  tem- 
père, c'eft  la  honte  d'en  être  redevable,  non  à  mon  mérite  ,  mais 
a  l'idée  qu'on  vous  en  a  donnée.  Je  fuis  confus  d'être  fufceptiblc 
du  vain  plaifir  de  voir  qu'on  honore,  ou  qu'on  aime  dans  ma 
perfonne,  non  ce  que  je  fuis ,  mais  ce  qu'on  veut  que  je  fois.  Ce 
n'eft  point  moi  qu'on  aime  alors ,  mais  je  nefçai  quoi  qu'on  met  à 
ma  place,  c'efl-à-dire,  rien  du  tout.  C'cd  ainfi  que  faint  Bernard 
penibit  de  lui-même.  Il  difoit  de  tous  ceux  qui  louent  :  les  uns 
parlent  pour  flater ,  ôc  ce  font  des  fourbes  &  des  impofleurs  :  les 
autres  parlent  félon  leur  opinion  ,  &  ce  font  des  ignorans  trop 
crédules  ;  mais  dans  quelqu'efprit  qu'on  nous  loue ,  nous  fommcs 
également  vains  de  nous  enfler  de  ces  éloges.  11  n'y  a  de  fage  que 
celui  qui  dit  avec  l'Apôtre  :  Je  me  retiens ,  de  peur  que  quel- 
qu'un ne  m'eflirae  au-defl'us  de  ce  qu'il  voit  en  moi ,  ou  de  ce 
qu'il  entend  dire  de  moi.  A  la  troific.ne  Lettre  au   Cardinal 
Pierre  ,  faint  Bernard   joignit  un  mémoire  de   quelques-uns    7^  -' 
de  fes   ouvrages  ,   po-ur  lui  en  laiffer  le  clioix  ;  fçavoir ,   un 
de  l'humilité  ;  quatre  Homélies  fur  la  fainte  Vierge,  ou  fur 
le  Mifjus  ejî  Angdus  Gabrld  ;   une   Apologie    touchant    les 
obfervances  de  Cluniôc  de  Citeaux  ;  quelques  Lettres  &  quelques 
Difcours  recueillis  par  fes  Religieux. 

VIII.  Il  étoit  malade  lorfque  Matthieu  ,  premièrement 
Chanoine  de  Reims,  enfuite  Moine  de  Ctuni  à  faint  Martitïr  •  • 
des-Champs ,  puis  Evêque  d'Albane ,  Cardinal  &  Légat  du  Saint 
Siège  ,  le  manda  pour  quelques  affaires  de  lEglife..  Sdn  excuffc 
étoit  toute  naturelle.il  en  donna  toutefois  encore  une  autre  ,  fon 
incapacité  de  manier  des  affaires  dithciles.  Il  ne  laiffa  r:'ô  de  fe 
foumeurc  à  fes  ordres,  quand  fa  fanté  lui  permetrr.it .de  les 
exécuter.  Cette  Letirc  iut  écrite  un  peu  avant  le  Concik  de 


)5^  SAINT     BERNARD; 

Epifl.  iî.  Troyesen  1 128.  Versiemême  tems  il  en  écrivit  uneàHum- 
bauld ,  Archevêque  de  Lyon ,  ôc  Légat  du  Saint  Siège ,  pour 
lui  recommander  la  caufe  de  l'Evêque  de  Meaux  ,  qui  écrivit 
lui-même  de  Clairvaux  à  cet  Archevêque.  Dans  celle  qui  eft  à 

Epijl.  13.  Atton,  Evêque  de  Troyes  ,  faint  Bernard  le  félicite  fur  le  réta- 
bliflement  defafanté  ,  ôc  de  ce  que  pendant  fa  maladie  il  avoit 
diftribué  fes  biens  aux  pauvres,  fans  attendre  que  la  mort  lui 
ôtât  le  pouvoir  de  les  donner ,  ou  de  les  retenir ,  comme  font  la 
plupart.  Remerciez  Dieu ,  lui  dit-il  ,  de  vous  avoir  infpiré  le 
mépris  d'une  fauffc  gloire ,  ôc  de  vous  avoir  frappé  d'une  crainte 
falutaire  à  la  vue  du  danger  où  vous  étiez  de  périr.  La  Lettre  à 

Eiiiji.  14.  Gilbert ,  Evêque  de  Londres,  eft  fur  un  fujet  à  peu  près  fem- 
blable.  Saint  Bernard  ne  trouvoit  pas  extraordinaire  quêtant  en 
grande  réputation  de  fçavoir ,  il  eut  été  fait  de  Chanoine  d'Au- 
xerre ,  Evêque  de  Londres  ;  mais  il  ne  trouvoit  rien  de  plus 
grand  que  de  voir  un  Evêque  d'une  fi  grande  Ville  ,  mener  une 
vie  pauvre.  La  patience  fait  fupporter  la  pauvreté;  lafageffcla 
fait  aimer.  On  admire  celui  qui  n'a  point  couru  après  les  richcf- 
fes  ;  combien  plus  eft  admirable  celui  qui  s'en  dépouille  ? 

Epijl.  i^  IX.  Hugues,  Archevêque  de  Rouen,  fe  plaignoit  à  faint 
Bernard  que  la  malice  de  fes  Diocèfains  s'accroiiToit  tous  les 
jours.  Dans  la  crainte  qu'elle  ne  le  jcttât  dans  le  découragement, 
l'Abbé  de  Clairvaux  lui  rcprcfentoit ,  que  Ci  ce  monde  eft  une 
mer  pleine  d'orages,  il  y  a  dans  le  Ciel  un  Tout-puilTant  pour 
les  calmer  ;  qu'être  bon  parmi  les  bons ,  c'eft  l'effet  d'une  vertu 
commune;  mais  qu'être  bon  au  milieu  des  méchans,  c'eft  quel- 
que chofe  d'héroïque  ;  queceferoit  pour  lui  une  grande  gloire 
Pfalm.izf,  de  pouvoir  dire:  J'étois  doux  &  paifible  au  milieu  des  ennemis 
de  la  paix.  Il  lui  confeille  donc  d'être  patient,  comme  ayant  à 
vivre  avec  des  méchans  ;  ôc  d'être  paifible,parce  qu'il  avoit  à  gou- 
verner des  méchans.  Que  votre  charité  ,  ajoute-t-il ,  foit  zélée , 
mais  que  votre  zèle  foit  moderé,ôc  qu'il  s'accommode  au  tems. Le 
relâchement  n'eft  jamais  bon  ;  mais  fouvent  une  fage  condefcen- 
dance  eft  plus  propre  à  gagner  les  cœurs.  Saint  Bernard  marque 

Epijl.  »(=.  en  quatre  lignes  à  Guf,  Evêque  de  Laufanne,  les  devoirs  d'un 
Evêque.  Vous  êtes  chargé  d'un  emploi  très-pénible,  vous  avez 
befoin  de  courage  ;  vous  êtes  établi  furveiilant  de  la  Maifon 
d'Ifraël ,  vous  avez  befoin  de  prudence  ;  vous  êtes  redevable  aux 
fous  ôc  aux  fages  ,  vous  avez  befoin  d'équité.  Enfin  ,  pour  ne  pas 
vous  perdre  en  fauvant  les  autres,  vous  avez  furrout  befoin  de 
Efifi.iitf\t.  tempérance  ôc  de  fobrieté.  Les  deux  Lettres  à  Ardution  élu 

Evêque 


PREMIER  ABBlê  DE  CLAIRVAUX,&c.  î57 

Evoque  de  Genève ,  ont  pour  but  de  l'engager  à  rapporter  à 
Dieu  fon  élection ,  à  y  coopérer  avec  fidélité,  ôc  à  fe  rendre 
digne  de  l'Epifcopat.  Il  l'exhorte  à  prendre  pour  modèle  faint 
Puul  ;  à  rendre,  comme  lui  ,.le  facre'  Miniftere  honorable  par  fa 
gravité ,  fa  fagefle ,  fa  pieté  ;  6c  à  ne  rien  faire  que  par  le  confeil 
des  gens  de  bien. 

X.  Nous  apprenons  par  la  Lettre  à  Eflienne  ,  Evêque  de  fîp''/î.  i?.  p 
Metz,  qu'il  s'étoit  fait  aflbcier  à  la  Communauté  de  CJairvaux, 
afin  de  lui  être  uni  par  la  communion  des  prières  &  autres 
bonnes  œuvres.  Ce  fut  une  occafion  à  faint  Bernard  6c  à  fes 
Religieux,  de  congratuler  .cet  Evêque  fur  la  paix  qu'il  avoit 
procurée  à  fon  Eglilê.  Il  en  écrivit  une  à  Alberon  ,  Primicier  de 
la  même  Eglife  ,  pour  lui  repréfenter  qu'il  falloir  attendre  quel- 
que tems  pour  la  fondation  du  Monaftere  dont  il  avoit  formé  le 
projet  avec  l'Evêque  Eflienne.  Celle  à  Hugues  ,  troifiémefilsde  ^P'J^-  î'« 
Thibaud,  Comte  de  Champagne,  eft  pour  le  féliciter  de  s'être 
lait  Religieux  parmi  les  Templiers.  Il  écrivit  à  Jorann  ,  Abbé  de  ^Pb'^-  ;*• 
iaint  Nicaife  de  Reims  ,  qu'il  defapprouvoit  que  Drogon  eût 
quitté  ce  Monaltere  pour  palier  à  une  autre  Maifon  ;  que  s'il  fc 
fût  préfenté  à  Clairvaux,  il  ne  l'auroit  pas  re.tjU;  qu'il  avoit  même 
ccrit  à  l'Abbé  de  Pontigny  chez  quijce  Religieux  s'écoit  retiré. 
Ayant  donc  fait  tout  ce  qui  dépendoit  delui,  il  tâche  de  con- 
>foler  Jorann  de  la  perte  qu'il  avoit  faite,  comme  il  fe  confoloit 
lui-même  de  n'avoir  plus  avec  lui  Robert  fon  neveu  ,  enlevé  par 
les  Cluniftes.  Il  rapporte  ce  que  dit  un  homme  de  pieté  dans 
•une  conjonîlurc  femblable.  Animé  .par  fes  Religieux  à  rede- 
mander un  de  leurs  Confrères  qui  étoit  allé  demeurer  dans  un 
-autre  Monaftere  :  Non,  leur  dit-il  ,  quelque  part  qu'il  foit ,  s'il 
cfl:  homme  de  bien  ,  je  le  regarde  comme  à  moi.  L'Abbé  à  qui  ^F'f-  5î« 
faint  Bernard  avoit  écrit  étoit  Hugues  ,  Abbé  de  Pontigny. 
•Cette  Lettre  cft  perdue.  Hugues  lui  écrivit  les  raifons  qu'il  avoit 
eues  de  recevoir  Drogon.  Sur  cela  faint  Bernard  lui  adrefia  une 
féconde  Lettre  dans  laquelle  il  lui  dit,  que  fon  intention  dans  la 
première  n'avoir  pas  été  de  le  portera  renvoyer  Drogon  ,  dont  il 
connoiffbit  depuis  longtemsle  zèle  ôcla  ferveur  ;  mais  uniqu/î- 
4iient  de  détromper  l'Abbé  de  faint  Nicaife  &  l'Archevêque  de 
Reims  ,  qui  le  foupçonnoient  d'avoir  eu  part  au  changcmer.c  de 
■ce  Religieux  ,  &  de  lui  expofer  les  fuites  que  pouvoir  avoir 
cette  affaire  ;  qu'au  rcfte,  il  lui  avoit  aflez  marqué  fa  penfée  ,  en 
difant  fur  la  fin  de  fa  Lettre  :  Si  vous  jugez  qu'il  vaut  mieux 
■endurer  tout  ce  que  je  vous  repréfente  ,  que  de  renvoyer  ce  ^Pl^-  3+' 
Terne  XX IL  Vu 


538  SAINT     BERNARD, 

Religieux  ,  c'eft  votre  affaire,  je  ne  m'en  mêle  plus.  Saint  Ber- 
nard félicita  même  Drogon  d'avoir  paffé  à  un  Monaflere  dont 
l'oLfervance  étoit  plus  étroite  ,  &  l'exhorta  à  y  perféverer ,  fans 
s'inquiéter  des  traits  envenimés  ,  ni  des  menaces  de  fes  en- 
nemis. 

^p'i^-  35.      XI.  En  répondant  au  Dofteur  Hugues  de  FatrutjAbbé  de  faint 

■''•'  Jean  aupiès  de  Chartres  ,  qui  fe  plaignuit  qu'il  eut  brûlé  fa 

Lettre  j  làint  Bernard  faifure  qu'il  la  coiifcrve  chèrement  ,  mais 

qu'il  y  a  un  endroit  qui  ne  paroît  pas  conforme  à  la  créance  de 

l'Êglife  fur  les  Sacremens.  L'Abbé  Hugues  s'expliqua  ;  &  faint 

Epijt,  16,  Bernard  ne  douta  plus  de  la  pureté  de  fa  foi.  Mais  il  le  pria  de  ne 
pas  inquiéter  les  cendres  d'un  faint  &  fçavant  Evêque  ,  qu'il 
avoit  laifTé  en  repos  pendant  fa  vie  ;  de  peur  qu'en  devenant  fon 
accufateurdans  un  temsoij  il  n'éroit  plus  en  état  de  fe  défendre, 
toute  l'Eglife  ne  répondît  pour  lui.  On  croit  que  c'étoit  Guil- 
laume de  Champcaux  ,  Evêque  de  Cliâlons  ,  dont  Hugues  de 
Farfit  cenfuroit  apparemment  les  écrits,  qui  font ,  pour  la  plus 
grande  partie  dans  l'Abbaye  de  Cheminon  en  ce  Diocèfe.  Dans 
les  deux  Lettres  dont  on  vient  de  parler ,  faint  Bernard  recom- 
5  'j^'  .0^41'  i"3nde  à  Hugues  l'affaire  d'un  certai'.i  Humbert  que  l'on  avoit 
exilé,  ôc  qui  avoit  été  deshérité  in  jugement.  Il  recommanda  la 
même  affaire ,  &  quelques  autres  ,  à  Tiiibaud  ,  Comte  de  Cham- 
pagne, On  a  renvoyé  parmi  les  opufcules  de  faint  Bernard  fa 
Ept".  <)ï  ,  ^ei;tre  à  Henri,  Archevêque  de  Sens,  à  caufe  de  fa  longueur. 
'  C'eft  en  effet  un  i'raité  fur  les  mtcursôc  les  devoirs  des  Evè- 
ques.  Saint  Bernard  lui  en  écrivit  deux  autres  pour  le  prier  de  ■ 
iaifler  les  Religieux  de  Molefme  en  pcifefilon  de  TEglife  de 
Senan  ,  Prieuré  du  Diocèfe  de  Sens  ,  dont  ils  avoient  joui  paifi- 
blement  fous  fes  prédéceffeurs. 

Epijl.  4j-  XII.  Quelque  tems  après  qu'Eftienne  de  Senlis,  Chancelier 
de  France  ,  eut  été  mis  fur  le  Siège  Epifcopal  de  Paris  ,  il  fongea 
férieufement  à  mener  une  vie  digne  de  l'on  caractère  ôc  de  fa 

MaUUon.  dignité  ,  par  les  confeils  des  Evêques  fes  Confrères,  6c  de  faint 
«or.  ai  epiji.  ]3efnjjrd.  ]l  commença  par  n'être  plus  courtifan  ,  ni  complaifaur 
pour  le  Doyen  ôc  les  Archidiacres  de  fon  Egllfe,  qui,  fuivant 
les  ordres  du  Pvoi  Louis  le  Gros,  faifoient  des  cxadions  furie  ' 
Clergé,  au  préjudice  de  la  liberté  Ecclcfiafiique.  Ils  s'en  plai- 
gnirent à  cePiince  dont  ils  aigrirent  tellement  l'efprit  contre 
l'Evéque,  qu'une  partie  de  fon  bien  lui  fut  enlevée,  ôc  qu'on 
penfa  à  attenter  à  fa  vie.  Sa  reffource  fut  de  mettre  les  terres  du 
iloj  Cil  interdit  ;  puis  pour  fe  mettre  à  couvert  de  l'indignation. 


PREMIER  ABBÉ  DE  C  LÀ  IR  V  AUX,  ôcc.  ^^^ 

de  ce  Prince  ,  il  fe  retira  vers  l'Archevêque  de  Sens.  Ils  allèrent 
enfemble  au  Chapitre  qui  fetenoit  à  Cîceauxen  1 127,  demander 
lefecours  de  cesiaints  Moines,  dont  ilsavoient,de  même  que  le 
Roi,  des  Lettres  de  confraternité.  Saint  Bernard  lui  écrivit  au 
nom  de  toute  la  Congrégation  deCiteaux,  pour  l'engager  par 
les  motifs  les  plus  preflans  ,  à  ne  plus  inquiéter  l'Evéque  de 
Paris  ,  déclarant  au  Roi  que  s'il  méprifoit  leurs  prières,  iîs  en 
écriroient  au  Pape.  Ils  ajoutent,  qu'Eftienne  offroit  de  s'accom- 
moder avec  le  Roi  ,  par  l'entremife  des  Religieux  de  cette 
Congrégation  ,  pourvu  que  préalablement  on  lui  reflituât  ce 
qu'on  lui  avoir  enlevé  injuflement.  Le  Roi  n'eut  point  d'égard  à 
cette  lettre,  ni  aux  remontrances  que  l'Archevêque  de  Sens, 
tous  Tes  Suffragans  ôc  faint  Bernard  ,  lui  llrent  de  vive  voix  ;  mais 
il  écrivit  au  Pape  Honorius  pour  le  prier  de  lever  l'interdit  que 
l'Evêque  de  Paris  avoir  jette  fur  les  terres  de  fon  Domaine.  Le 
Pape  leva  lintcrdit.  Saint  Bernard  lui  écrivit  qu'on  avoit  furpris  ^'À^-  ^^ 
fa  religion  ;  &  lui  fit  écrire  par  Geoffroi ,  Evêque  de  Chartres, 
comment  s'ctoit  palTée  l'affaire  de  l'Evêque  de  Paris;  le  rcfjs 
que  le  Roi  failoit  de  lui  reftituer  fon  bien  ;  les  nouvelles  vexa- 
tions qu  il  e.\erçoit  contre  ce  Prélat.  Ainfi,  concluoit  Geoffroi 
en  parlant  au  Pape  ,  votre  Bref  qui  révoque  l'interdit  de  l'Evê- 
que ,  efl  caufe  non-feulement  qu'on  retient  ce  qu'on  a  pris  ,  mais  ^^L-  47. 
-encore  qu'on  eft  plus  hardi  à  piller  ce  qui  refte^  parce  qu'on  efl: 
affuré  de  pouvoir  le  garder  impunément. 

XIII.  Dans  une  Lettre  au  Chancelier  Haimeric  ,  faint  Epjî.  ^a^ 
Bernard  fe  plaint  encore  que  le  Saint  Siège  donnoit  par  fon 
autorité  de  nouvelles  armes  à  la  tyrannie  ;  que  la  Lettre  du  Pape 
couvroit  les  innocens  de  confullon  ,  enfloit  le  coeur  des  impies  , 
&  les  faifoit  triompher  dans  leur  crime.  Il  fe  juftirte  fur  les  repro- 
ches qu'on  lui  faifoit  à  l'occaiion  de  quelques  affaires  particu- 
lières jugées  dans  des  Conciles  aufquels  il  avoit  afliflé ,  &  pro- 
téfte  qu'il  ne  s'y  eO:  trouvé  qu'après  y  avoir  été  appelle  ,  &  m  jme 
entraîné  ;  qu'il  eft  depuis  longtems  dans  la  réfolution  de  ne  fortir 
de  fon  Cloître,  que  pour  les  affaires  de  fon  Ordre,  ou  par  le 
commandement  d'un  Légat  du  Saint  Siège  ,  ou  de  fon  Evêque  , 
parce  qu'en  ces  cas  ceferoitun  crime  à  un  fimple  Religieux  rie 
ctéfifter.  Cependant  le  Pape  Honorius  prit  le  parti  de  l'Evcque  d^  E^ià.  4/. 
Paris  ,  dont  on  avoit  tâclié  de  fiétrir  l  innocence  par  des  calom- 
nies atroces  ;  mais  le  Roi  demeurant  irrité  contre  l'Arciievcque 
.  de  Sens ,  s'efforiça  d'abbattre  fa  fermeté ,  dans  l'efperance  qu'après 
^'tre  venu  à  bout  du  Métropolitain ,  il  gagneroit  aifément  tous  fcS 

y  u  ij 


540  S  A  I  N  T    B  E  R  N  A  R  D  ; 

SufFragans.  Saint  Bernard  écrivit  là-defTus  deux  Lettres  air- 
Pape  ;  l'une  pour  le  prier  de  p.rendre  connoiflance  de  cette- 
affaire,  parce  qu'en  la  laiffant  juger  devant  le  Roi ,  cétoit  livrée 
Epijl.  jo.  l'x^rchevéque à  fes  ennemis;  l'autre  j>our  le  pri©r  de  permettre 
au-  moins  à  cet  Archevêque  d'en  appeller  au  Saint  Siège.  IL 
écrivit  aufli  au  Chancelier  Haimeric  pour  lui  recommander  cette- 
^F'^'  ?!•  aiîiiire,  qu'il  nous  fait  connoître  en  ces  termes:  Autrefois  ,  l'Ac-- 
chevcque  de  Sens  étant  féculier  ôc  plein  de  l'efprit  du  fiéclejr 
étoit  approuvé  &  applaudi  dans  fa  vie  mondaine  ;  maintenant- 
qu'il  eft  couvert  des  langes  de  Jelus  en-fant ,  on  cherche  à  le  taire'' 
pafler  pourfimoniaque  ,  ôc  parmi  fes  vertus  naiffantes  ,  on  a  la- 
malignité  de  fouiller  &  de  déterrer  des  vices  déjà  morts ,  ôc  dont- 
il  ne  refle,  pour  ainfi  dire,  que  les  odemens.  Dans  une  autre- 
Lettre  à  Haimgric ,  il  l'affure  au  nom  de  l'Evêque  de  Chartres  , 

Epilî.  f  i ,  qu'il  n'a  eu  aucun  deffein  de  faire  le  voyage  de  la  Terre  fainte  , 
y3*î4'         ni  d'en  demander  la  permilTion  au  Pape.  Il  promet  au  Chance- 
lier de  lui  envoyer  un  Traite  fur  la  grâce  ôc  le  libre  arbitre  ,  qu'il 
avoit  compofé  depuis  peu.  Cette  Lettre  fut  écrite  vers  l'an  1 1  28.- 
Les  deux  Suivantes  font  des  lettres  de  recommandation. 

EpiJl.  îî.  XIV.  Il  y  en  a  troii  à  Geoffroi ,  Evêque  de  Chartres.  Pur  la- 
première ,  il  le  prie  de  -ccevoir  avec  bonté  un  Religieux  reclus ,. 
qui  après  s  être  renftrmé  dans  une  cellule  écartée  pour  yfervir 
Dieu,  avoittranfgrefléfon  vœu,  ôc  quitté  fon  hermitage.  Il  lui 

Epijl.  <i6.  ,-nande  par  la  féconde  qu'il  ne  fçait  fi  le  vénérable  Norbert  fera  le- 
voyage  de  la  Terre  fainte  ;  qu'ayant  été,- il  y  avoit  quelques 
jours  ,  en  conférence  avec  lui  ,  il  avoit foutenu  quel' Antechri(fe^ 
paroîtroit-bientôt,  ôc  du  vivant- des  hommes  de  fon  tems.  Mais 
m'étant informé,  ajoute faint Bernard,  des  raifons  fur  lefquelles 
il  fe  fondoit,  elles  ne  me  déterminèrent  pas à^ntrer  dans  foa 
fentiment.  Il  dit  encore  que  faint  Norbert  l'affura  qu'il  y  auroit 
du  moins  avant  fa  mort  une  perfécution  générale  dans  l'Eglile. 

tyij'i.  jr*  Dans  la  troifiéme  ,  il  décide  qu'un  moindre  vœu  ne  peut  fervir- 
d'obflacle  à  un  plus  graixl,  ôc  que  Dieu  n'exige  pas  une  petite 
dette ,  quand  on  lui  paye  d'ailleurs  plus  qu'on  a  promis. 

E;)i/7.  58.  XV.  L'Abbaye  de  tous  les  Saints,  dans  le  Diocèfe  de  Châ- 
lons,  étant  vacante  ,  il  pria  Eubale,  Evêque  de  cette  Ville, 
d'établir  pour  Abbé  le  faint  Religieux  <]uela  plus  faine  paeiie  de 
la  Communauté  avoit  élu  ,  pourvu  qu'il  fiit  tel  en  elTet  qu'on  le 
publioit  ;  que  ii  cela  ne  fe  pouvoit ,  d'en  c!ioi(ir  un  autre  qui 
aimât  le  bon  ordre,  plus  entendu  ôc  plus  vigilant  pour  le  fpirituel 

t.p^-  59-    quc-pour  le  temporel,  11  coufeilla  à  Guilcne^Evêque  de  Lungrey, 


PREMIER  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX,&c.  541 

'de  céder  à  l'Abbaye  de  faintEftienne  de  Dijon  ,  les  biens  qui 
<3épendoient  d'elle  ,  6c  dont  l'Archidiacre  Garnier  avoir  joui 
pendant  fa  vie.  Saint  Bernard  convient  toutefois  que  cet  Evéquc 
pouvait  retenir  ces  biens ,  en  vertu  d'un  truite  fait  précédemment 
entre  le  Chapitre  de  Langres  ôc  Herbert  premier  Abbé  régulier 
de  faint  Ellienne.  Il  pria  le  même  Eveque  d'être  favorable  à  la  E-iJf.  éo. 
caufe  de  l'Abbaye  de  Molefmc,  qui  nedeniandoitque  cequilui 
appartenoit  de  droit. 

XVI.  On  ne  peut  mettre  la  Lettre  à  Ricùin ,  Evêque  d^-EpiJl.  et. 
Toul  ,  plus  tard  qu'en  1126  ,  puifque  ce  fut  l'année  de  là  mort. 
Gct  Eveque  avoit  envoyé  un  Pénitent  à  faint  Bernard,  pour  le 
confulter  fur  fa  confcience.  Il  lui  eonfeilia  d'aller  fe  jetter  aux 
pieds  de  fon  Eveque,  ôc  ne  voulut  point  lui  impofer  de  péni- 
tence pour  fes  crimes  ,  difant  ,  qu'il  ne  lui  appartenoit  d'en 
impofer    qu'à    fes    propres   Religieux.    Quelle  témérité  à    un 
pécheur  &  à  un  ignorant  comme    moi,  de  s'ingérer  dans  les 
fondions  Epifcopales  ,  ôc    dans  des  fondions  de  cette  confé- 
quence  !  Je  fuis  dépendant  de  mon  Evêque  ,  comme  le  relie' 
des  Fidèles.  Toutes  les  fois  qu'il  n-iefurvient  une  affiiiredilliclle 
que  je  ne  puis,  ou  que  je  n'ofc  terminer ,  je  recours  à  fon  juge-' 
ment;  ôc  je  ne  fuis  en  affurance  qu'après  m'être  fortifié  de  fes- 
décilions  ôc  de  fes  conleils.  iiaint  Bernard  re^^ut  charitablement  E.'i'?.  f^i' 
une  pécherelle  pénitente ,  ôc  l'aida  à  rentrer  dans  le  chemin  du 
(alut,  au  lieu  delà  rebuter  ;  mais  il  la  renvoya  à  Henri,  Evéque- 
de  Verdun,  fon  Palleur,  pour  lui  impofer  une  pénitence  propor- 
tionnée à  fa  fiute,ôc  la  reconcilier  à  fon  premier  mari; ou  s'il 
rcfufoit  de  la  reprendre ,  les  obliger  tous  les  deu-x  à  vivre  fans  fe 
remarier.  Dans  une  autre  Lettre  au  même  Evêque ,  il  lui  protefte '£;:';"<.  63. 
qu'il  ne  s'eft  jamais  avifé  de  critiquer  fa  conduite  ,  ôc  lui  recom- 
mande i'étabiiffement  de  la  Chalade  ,  Abbaye  du  Diocèfc  de 
yerdun. 

XV  I  L  Un  Chanoine  deLincoIne  penfoit  à  faire  le  voyage^;]/?.  ^^;. 
de  Jerufalem.  Changeant  de  delfein  ,  il  fe  retira  à  Clairvaux. 
Saint  Bernard  en  écrivit  à  Alexandre,  Evêque  de  Lincol-ne,  le- 
priant  de  trôuverbon  qucPhilippe,c'étoit  Icilom  deceClianoine,^ 
fit  profcfliondela  vie  monaftique  j  ôc  de  payer  fur  le  revenu  de 
fa  Prébende,  des  dettes  qu'il  avoit  contradces  en  Angieterre;' 
Il  avoit  re<^u  à  Clairvaux  un  R-eligieux  de  l'Abbaye  d'Anchin.Âl-  c, ,-7^  ^, - 
vife  qui  en  étoit  Abbéle  trouva  mauvais.  S.  Bernard  lut  en  fit  des* 
excufes,  difant ,  qu'il  n'avoit  pu  ne  pas  ouvrir  la  porteà  un  Saint» 
qui  frappoit  avec  infiance,  ni  le  mettre  dehors  après  la  lui  avoir. 

Vu  lij 


'^  *, 


•i  s  A  T  N  T    B  Ë  R  N  A  R  D, 

Epi/î.  66.  ouverte.  Il  envoya  fa  Lettre  àGeoffroi ,  Abbi  d-^  faint  ^-îeiard  , 
en  le  priant  de  la  faire  palTer  à  Alviie,  6c  de  lui  écrire  lui- m  .^me  , 
pour  donner  du  fuccès  à  fa  Lettre.  Il  en  écrivit  une  fur  un  fujet 

Epjl.  67.  pareil  à  Hildegaire,  Abbé  de  faint  Germer  de  ¥\zy.  Ceidi-ci 
avoit  écrit  à  fainr  Bernard  avec  beaucoup  d  aigreur,  le  reprenant 
furtout  d'avoir  reçu  chez  lui  un  Religieux  d'un  iMonaftere 
connu ,  ce  qui  eft  défendu  par  la  Règle  de  (aint  Benoît.  L'A.bbé 
de  Clairvaux  fe  juflifia  ,  en  difant  ,  que  cette  Règle  permet 
d'exercer  Ihofpitalité envers  un  Religieux  étranger  ;  dele garder 
autant  de  tems  qu'il  voudra  ;&  même  de  l'inviter  à  demeurer 
;tou jours.  Il  ajoute,  qu'il  avoit  preffép'ulieurs  fois  ce  Religieux 
.de  retourner  à  fon  Monaflere  ;  que  fe  voyant  obligé  de  fortir ,  il  fe 
retira  dans  un  hermitage  voifin  où  il  vécut  fept  mois  d'une  ma- 
nière irréprochable  ;  que  ne  fe  croyant  pas  en  fureté  dans  cette 
folitude,  il  revint  à  Clairvaux  ,  &  donna  de  il  bonne.^  r^ifons  de 
fa  fortie  de  faint  Germer ,  qu'on  ne  put  fe  difpenfer  de  ie  recevoir 
à- Clairvaux.  On  voit  par  cette  Lettre  «qu'il  y  avoit  alors  divers 
idiomes  en  France  ,par  rapport  à  la  diverfité  ôc  à  l'éloignement 
des  Provinces.  Les  Moines  de  faint  Germer  mécontens  des  rai- 
fons  de  (aint  Bernard  ,  formèrent  contre  lui  de^îouve!]es  plain- 
tes, entr'autres  ,  qu'il  avoit  reçu  ce  Religieux  quoiqu'excom- 
munié  de  leur  part.  Il  leur  répondit  par  une  féconde  Lettre ,  que 

Sfiji.  6?.  de  leur  aveu  ,  ils  n'avoient  excommunié  ce  Religieux  que  depuis 
fa  réception  à  Clairvaux  ;  qu'au  relie,  le  faiHînt  paffer  pour  un 
-vagabond  &  un  libertin,  courant  de  tous  côtés  pour  exercer, 
fans permiliion  de  fes Supérieurs,  la  profeifion  de  Aledecin  ,  ils 
devroient  être  dans  la  joie  d'apprendre  qu"il  vit  actuellement  dans 
Je  Cloître  ,  rempliffant  parfliitement  fes  premiers  vœux  ,  par  la 
pureté  de  fcs  inccurs  &  par  une  exacte  obéifiance ,  fans  laquelle  la 
fiabilité  dans  le  Monaflere  n'efl  qu'illufion. 

;Epi/?.  t-f.  X  V  1 1  f.  Gui ,  Abbé  de  Trois-Fontaines  dans  le  Diocèfede 
Châlons  , célébrant  un  jour  la  MefTe ,  le  Miniflre  ne  mit  que  de 
l'eau  dans  le  calice.  L'Abbé  ne  s'en  apperçut  qu'après  avoir  mis 
dans  le  calice  une  parcelle  del'Hofiie.  Alors,  pour  réparer  ea 
quelque  forte  le  défaut  du  facritice^  il  verfa  du  vin  fur  la  parti- 
cule de  l'Hoflieconfacrée  ,  6c  acheva  la  Mede.  Cet  accident  le 
remplit  detrilleHe.  Saint  Bernard  à  qui  il  avoua  cette  faute  ,  liai 
écrivit  pour  le  confoler ,  fçachant  qu'il  y  avoit  de  l'ignorance  de 
fa  part,  ôc  delà  négligence  de  la  part  des  Minillres  >  mais  qu'il 
n'y  avoit  aucune  malice  dans  les  uns  ni  dans  les  autres.  Néan-- 
«îoins ,  afin  de  calmer  les  troubles  6c  les  fcrupules  de  l' Abbc  Gui , 


PREMIER  ABBÉ  DE  CL AIRVAUX,&c.  345 

ôc  pour  ne  pas  donner  occafion  par  Timpunité  de  cette  faute  ,  à 
quelque  plus  grand  mal,  il  lui  inipofa  pour  pénitence  de  réciter 
tous  les  jours  juiqu'à  Pâques  ,  les  lept  Pieaumes  pénitentiaux  , 
de  fe  prollerner  fept  fois  en  les  récitant  ,  &  de  prendre  fept  fois 
la  difcipline.  Il  ordonna  la  même  pénitence  à  ceux  qui  avoient  eu 
part  à  la  faute ,  &  décide  qu'au  cas  que  cet  accident  fût  répandu 
dans  la  Communauté  ,  chaque  Religieux  fe  donneroit  un^  fois 
la  difcipline.  Venant  au  fait,  faint  Bernard  approuve  que  Gui  ait 
verfé  du  vin  fur  THoûie  confacrée  ;  car ,  ajoute-t-il ,  quoique  le 
vin  n'ait  pas  été  changé  au  Sang  de  Jefus-Chiili  par  la  vertu  des 
paroles  facramentelles ,  je  penfe  qu'il  eii  devenu  comme  facré 
par  raitouchement  du  Corps  du  Seigneur.  Il  rapporte  le  fenti- 
ment  d'un  Théologien  qui  (butenoit  que  le  pain  ,  le  vin  ôc  l'eau  ' 
font  trois  chofes  li  eîTentielles  à  l'intégrité  du  facriiice  ,  qu'au 
défaut  de  l'une  des  trois  ,  les  autres  ne  font  peint  confacrées  ; 
mais  il  ne  croit  pas  que  l'autorité  'de  ce  Théologien  fafle  loi. 
Pour  lui ,  il  dit ,  que  s  il  (e  fut  trouvé  dans  un  cas  pareil ,  il  eût 
remédié  à  en  inconvénient  en  deux  manières,  ou  en  faifant  ce 
qu'avoit  fait  l'Abbé  Gui,  ou  en  répétant  les  paroles  de  la  confé- 
cration  depuis  ces  mots  :  Simili  modo  pojîquam  cœnaium  ejî  ; 
qu'enfuite  il  auroit  achevé  la  Méfie  ,  dans  la  perfuadon  que  le 
Corps  demeure  con'acré  féparcment.  En  effet  ,  Jefus-Chrift 
conliicra  les  deux  efpeces  l'une  après  l'autre;  ôc  ccft  l'ufage 
général  de  l'Egiife.  Dans  une  autre  Lettre  faint  Bernard  ptie  E:l''..  7a. 
l'Abbé  Gui  d'ufcr  de  mifericorde  envers  un  Religieux  excom- 
munié pour  fes  fautes.  Le  même  Saint  écrivit  une  Lettre  de  Kii?  71V 
confolation  à  la  Communauté  deTrois-Fontaines^  fur  la  mort 
de  Roger  leur  premier  Abbé,  arrivée  en  1 128  ,oai  12p.  Il  eut 
pour  fucceffeur  Gui  dont  on  vient  de  parler.  Ainfi  les  deux 
Lettres  que  lui  écrivit  faint  Bernard  font  pofterieures  à  ce  tems- 
là. 

X IX.  Il  y  en  a  trois  à  l'Abbé  de  Foigny.  Dans  la  l'Mlleprie    F:pljî.  72. 
de  ne  plus  lui  donner  dans  fes  lettres  le  titre  de  Père  ôc  deAîaitre, 
mais  de  fe  contenter  de  celui  de  Confrère.  Il  lui  remontre  dans  la 
féconde,  que  n'étant  Supérieur  que  pour  fupporter  les  foiLles    F/i*?.  73. 
afin  de  les  guérir  ,  il  doit  fe  confoler  des  inquiétudes  que  donne 
la  fuperiorité.  La  trciliéme  eft  fur  le  même  fujet.  Il  y  cite  à  cet    Iplfl.  741 
Albé  nommé  Kayaaud  ,  un  vers  d'Ovide,  fon  Poëte  favori  , 
dont  le  fens  ell  :  Je  me  grolfis  les  dangers  au-delà  de  la  vérité  :  Je 
fovpçonne  tout,  parce  que  je  ne  fçai  rien  ,  6c  je  m'attrifled'un 
nul  qui  n'eft  qu'imaoinaire.  Ayant  appris  qu'Artaud,  Abbé  de 


Î44  SAINT     BERNARD, 

Epijf.  -<).  PruUy ,  étoit  dans  le  dcfTein  d'emmener  en  Efpagne  quelques-uns 
de  fes  Religieux  pour  y  faire  un  établilTemcnt,  il  l'en  détourna  ,& 
lui  confeilla  de  le  faire  à  Vauluifant,  Maifon  appartenante  à 
l'Abbé  de  Pontigny.  Cet  établiflement  fe  iît  en  1 127  ^  l'année 
:^êi"ne  de  la  date  de  cette  Lettre. 

E/ijl.  76.  XX.  Saint  Bernard  confulté  fur  un  homme  qui  s'étoit  rema- 
-rié  après  avoir  porté  longtems  l'habit  religieux  à  faint  Pierre- 
Mont,  répondit ,  que  ce  fécond  mariage  s'étant  fait  avec  toutes 
•les  formalités  accoutumées ,  on  ne  pouvoit  fans  danger  le  dif- 
fbuJre  ;  que  le  mieux  ^toit  de  parier  à  la  femme,  de  la  faire 
cop.fentir  à  -quittei:  cet  homme  ,  -&  à  vivre  dans  la  continence-; 
fmon  de  prier  l'Evêquc  de  les  faire  venir  devant  lui,  &  de  les 

Ei/i]l.  77.  féparer.  La  Lettre  à  Hugues  de  faint  Vitlor,  fur  le  Baptême, 
,&  quelques  autres  queftions  ,  eft  la  dixième  des  opufcules. 

'Epfl.  78.  XXL  Celle  qu'il  écrivit  vers  l'an  ,1127  a  l'Abbé  Suger  ,  fut 
.pour  lui  témoigner  combien  tout  le  monde  prenoit  part  à  la 
réforme  qu'il  avoit  faite  dans  fes  mœurs  &  dans  fon  Monaftere 
de  faint  Dcnyiî.  N'en  étant  encore  que  Moine  en  1 1  18  ,  le  Roi 
-Louis  l'envoya  au  Pape  Gelafe ,  aurtitot  après  fon  arrivée  en 
Provence  ,  pour  convenir  du  jour  auquel  ce  Prince  l'iroit  voit 
lui-même  à  Vezelai.  Sous  le  Pontiticac  de  Calixte  IL  Sug■e^r  fuc 
.envoyé  en  Italie  par  le  mcmc  Roi  pour  les  affaires  de  fon  lloyau- 
aiie.  Il  étolt  en  chemin  pour  retourner  en  France ,  lorfqu'à  la 

,,  anort  d'Adam  fon  Abbé,  on  le  choifit  pour  hji  fucceder.  Sugef 

•  n'étoit  que  Diacre.  Il  fut  ordonné  Prêtre  le  Samedi  de  la  qua- 
.triémc  feniaine  de  Carême  l'an  1122,  6c  le  lendemain  il  rc<;ut  la 
bénédidion  Abbatiale.  Les  premières  années  de  fon  gouver- 
.nement  il  donnadans  le  fille,  menaiu  une  vie  toute féculiere.  Les 
.gens  de  bien  cenfuroicnt  fesdélbrdrcs.  Ce  qui  révoltoit  le  pl-us, 
•étoit  de  le  voir  marcher  en  public  dans  un  habit  &  un  équipage 
trop  fuperbe.  Ses  Moines  n'édificient  pas  par  leur  conduite  ;  mais 
je  Public  ctolt  moins  indigné  de  leurs  excès,  que  de  ceux  de 
J'Abbé.  il  fc  fit  en  lui  un  changement  miraculeux  &  fubit.  Pour 
illire  cclTer  les  juftes  murmures,  il  renonça  au  fade ,  reprit  les 
iiabits  conformes  à  fon  état ,  rétablit  la  difciplinc  dans  fon  Mo- 
.nadere,  6c  la  maintint  par  fo4i  exemple.  Auparavant  l'Abbaye  de 
.faint  Dcnys  étoit  le  théâtre  de  la  chicane  6c  de  la  guerre;  on  y 
^endoit  àCefurce  qui  lui  étoit  dû  ,  mais  Dieu  n'y  étoit  pas  ferv-i 
jde  même.  Aujourd'hui  ,  dit  faint  Bernard  ,  l'on  y  eft  abforbé  en 
lui  ;  on  s'y  applique  à  confervcr  la  tluiflcté  ,  à  fiire  Heurir  4a 
Jifcipline  régulière  ,  à  fç  nourrir  de  iedurcs  i^-)irituellcs  ;  un 

iilençe 


PREMIER  ABBÉ  DE  CL  AIR  VAUX, &c.    54? 

filence  continuel ,  un  recueillement  profond,  élevé  refprit  au 
Ciel.  Le  doux  chant  des  Pfeaumes  déiafle  des  rigueurs  de  l'abfti- 
nence  ,  6c  des  exercices  laborieux  de  la  vie  religieufe.  Ce  Saint 
ne  rappelle  dans  cette  Lettre  les  dérangemens  paffés ,  que  pour 
rehaufler  l'éclat  de  la  réforme  établie  par  l'Abbé  Suger  ;  mais  il 
inve£live  vivement  contre  Eflienne  de  Garlande  ,  qui  tout  à  la 
fois  Archidiacre  ,  Doyen  ôc  Prévôt  en  diverfes  Eglifes  ,  & 
Grand-Maître  de  la  Maifon  du  Roi  Louis  VI.  faifoit  un  alTem- 
blage  monftrueux  de  Prélat  ôc  de  Guerrier,  allant  de  pair  avec 
les  Evêqucs  par  le  rang  qu'il  tenoit  dans  le  Clergé  ,  &  s'éle- 
vant  parmi  les  Officiers  de  Guerre  au-de(Tus  des  Généraux 
d'Armées. 

X  X  IL  Dans  fa  Lettre  à  Luc  ,  Abbé  de  CuilTi  ,  il  lui  %)?•  ^?- 
confeillc  d'envoyer  en  une  Maifon  éloignée  un  de  fes  Religieux 
coupable  d'une  faute  confiderable  ,  de  peur  que  par  fapréfence 
il  ninfedât  la  Communauté  qui  n  "étoit  compolée  que  de  jeunes 
gens.  Il  lui  confeille  encore  de  ne  pas  confier  l'adminiflration  des 
affaires  publiques ,  même  à  des  Frères  convers.  Celle  à  l'Abbé  £pin_  g,, 
de  Molefme  eft  pour  l'exhorter  à  fupporter  &  à  pardonner  une 
injure  qu'il  avoit  reçue.  Informé  que  Gérard,  Abbé  de  Pottieres,  £piji_  g,, 
l'accufoit  d'avoir  écrit  contre  lui  au  Comte  de  Nevers  ,  il  le 
défabufa  en  proteftant  que  fa  Lettre  à  ce  Comte  n'avoit  pour  but 
que  la  paix  de  cette  Abbaye,  pour  laquelle  il  avoit  appris  qu'il 
s'étoit  lui-même  concerté  avec  ce  Seigneur.Il détourna  Eflienne,  ^-p'f^-  8t. 
Abbé  de  faint  Jean  de  Chartres  ,  de  quitter  le  Monaftere  dont  il 
avoit  pris  la  conduite ,  ôc  de  faire  le  voyage  de  la  Terre  fainte  ; 
l'un ,  parce  qu'il  ne  pouvoit  en  confcience  abandonner  âcs  âmes 
dont  il  s'étoit  chargé;  l'autre^  p?.rce  que  le  bien  qu'il  fe  propo- 
foit  dans  fon  voyage  étoit  très-douteux.  Saint  Bernard  difoit  à  un 
Abbé  dont  le  zèle  avoit  trop  d'ardeur  :  Ce  n'eft  pas  toujours  un  Epijl.  8j. 
défaut  de  pieté  dans  un  Particulier ,  de  faire  céder  fes  funts  dédrs 
au  grand  nombre  de  ceux  qui  s'y  oppofent  ;  Aaron  céda  maigre 
lui  aux  clameurs  d'un  peuple  féditieux.  Je  vous  confeille  d'ufer 
de  ménagement  envers  les  foiblcs  ,  ôc  de  tempérer  pour  un  tems 
la  vie  auftere  que  vous  vous  étiez  propofé  d'embraffer  avec 
quelques  Religieux  de  votre  Maifon.  Il  y  faut  inviter,  mais  non 
pas  forcer  des  Religieux  qui  ne  fe  font  engagés  de  vivre  fous 
votre  direîlion  ,  que  félon  les  obfervances  de  Cluni.  Pour  ceux 
qui  veulent  pratiquer  une  Règle  plus  rigide  ,  vous  devez  les 
porter  à  ufer  envers  les  foibles  d'une  charitable  condefccndancc, 
ou  leur  permettre  de  s'affocier  à  quelqu'autre  Maifon  où  i'oa 
Tome  XXII.  Xx 


54<^  SAINT     BERNARD, 

EpiJ}.  84.  pratique  les  mêmes  obfervances.  Il  renvoya  au  même  Abb(^  un 
de  fes  Religieux  qui  s'cfoit  retiré  à  Clairvaux  dans  le  cléllr  d  une 
vie  plus  auliere ,  6c  le  prie  de  le  recevoir  avec  bonté. 

E/ijî.Ss.  XXIII.  Des  deux  Lettres  à  Guillaume,  Abbé  de  faint 
Thierri ,  la  première  eft  une  réponfe  à  la  plainte  obligeante  de  cet 
Abbé ,  conçue  en  ces  termes  :  Je  fuis  moins  aimé  que  je  n'aime. 

Epijl.  i6.  Dans  la  féconde,  faint  Bernard  lui  confeille  de  continuer  à  tra- 
vailler au  bien  de  ceux  dont  il  avoit  la  conduite  :  C'eft,  dit-il , 
un  malheur  d'être  un  Supérieur  inutile  ;  mais  c'en  eil  un  plus 
grand  de  refufer  d'être  utile,  en  refufant  d'être  Supérieur.  Ce  fut 
fur  ce  principe  qu'il  blâma  Oger,  Chanoine  régulier,  d'avoir 

Epil.  S7  ,  quitté  le  foin  de  l'Abbaye  du  Mon:-faint-Eloy  près  d'Arras.  Il 

88,  Sj,  90.  lui  écrivit  plufieurs  Lettres  remplies  d'inflrudions  falutaires,  & 

lui  fit  part  de  quelques-uns  de  fes  écrits  ,  entr'autres,  de  fou 

Apologie  à  Guillaume  de  faint  Thierri  ,    avec  défenfe  de  les 

tranfcrire. 

Fptjl.  9^.  XXI 'V.  Il  faifoit  voir  dans  cette  Apologie  que  lui  &  les 
fiens  étoient  très-éloignés  de  blâmer  aucun  Ordre  Religieux  ,  ÔC 
qu'on  l'accufoit  à  tort  d'être  l'auteur  des  différends  entre  ceux  de 
Cluni  ÔC  de  Cîteaux.  Guillaume  de  faint  Thierri  qui  avoit  engagé 
faint  Bernard  à  faire  cette  Apologie  ,  en  pritoccaiion  de  s'aflem- 
bler  avec  tous  les  Abbés  de  la  Province  de  Reims  ,  en  l'Abbaye 
de  faint  Medard  de  SoilTons ,  fous  l'Abbé  GeofTroi ,  vers  l'an 
I  130  ,  pour  rétablir  la  difcipline  Monaftique  qui  tendoit  à  fa 
ruine.  Saint  Bernard  auroit  fort  fouhaité  pouvoir  être  de  cette 
affemblée,  que  l'on  regarde  comme  le  premier  Chapitre  général 
des  Moines  noirs  en  cette  Province  ,  c'efl-à-dire  ,  des  Béné- 
dictins. Ses  occupations  ne  lui  ayant  pas  permis  ,  il  écrivit  à  ces 
Abbés  d'établir  les  reglemens  qui  leur  paroîtront  les  meilleurs; 
de  ne  pas  écouter  ceux  qui ,  pour  s'oppofer  à  la  réforme  ,  diront  : 
Nous  ne  voulons  pas  être  meilleurs  que  nos  Pères.  Ils  déclarent  , 
dit-il  ,  par-là,  qu'ils  font  enfans  de  Pères  tiedes  ôc  relâchés  ;  mais 
s'ils  fe  font  gloire  d'être  fortis  de  Pères  faints  ,  qu'ils  les  imitent 
dans  leur  fainteté,  au  lieu  de  fe  faire  une  loi  de  ce  qu'ils  ont  fim- 
plement  toléré  en  difpenfant  de  la  Loi. 

Ep'r''.  91  ,  XXV.  En  faifant  paffer  en  Angleterre  quelques  Religieux 
de  fon  Ordre  pour  y  fonder  l'Abbaye  de  Rieva'le,  faint  Bernard 
les  recommanda  au  Roi  Henri.  Sa  Lettre  à  lEvêque  de  Vin- 
chcfler  efl  de  pure  polireffe.  Il  en  écrivit  une  à  Geoffroi ,  Abbé  de 
fainte  Marie  dans  le  Diocèfe  d'Yorck ,  au  fujet  de  la  fc  rtie  de  lori 
Prieur  6c  de  douze  de  fes  Religieux.  Leur  dcflein  étoit  de  pafler 


'3>  ^4. 


PREMIER  ABBÉ  DE  CL  AIR  VAUX,  &c.  547 

dans  l'Ordre  de  Cîteaux  ;  mais  n'en  ayant  pu  obtenir  la  permif- 
fion  ,  ils  fe  retirèrent  auprès  de  TurfHn  ,  Archevêque  d'Yorck ,  Ep^Jl.  pf. 
que  faint  Bernard  remercia  pour  l'accueil  charitable  qu'il  leur 
avoit  tait.  Nous  av'>ns  une  Lettre  de  cet  Archevêque  adreiïée  à  £^,y?.  441. 
Guillaume,  Archevêque  Je  Cantorberi ,  avec  qui  il  s'explique 
fur  le  motif  que  ces  Religieux  avoient  eu  de  fortir  de  leur 
Monaftere.  La  Règle  de  (aint  Benoît  n'y  étoit  pas  obfervée 
exadement.  Ces  douze  Religieux  ayant  leur  Prieur  à  leur  tête, 
propolerent  à  leur  Abbé  de  rétablir  l'obfervance.  L'Abbé  n'en 
paroilToit  pas  d'abord  éloigné  ;  mais  les  autres  Moines  du  Mo- 
naftere  s'y  oppofoient.  L'Archevêque  Turftin  intervint  dans  cette 
affaire  ,  &  voyant  qu'il  n'y  avoit  point  d'apparence  de  réuliir  ,  il 
reçut  chez  lui  ces  treize  Religieux  ,  jufqu'à  ce  qu'il  eut  trouvé 
le  moyen  ou  de  les  établir  ailleurs,  ou  de  fliire  leur  paix  avec 
l'Abbé  d'Yorck  ,  le  même  à  qui  faint  Bernard  écrivit  fur  la  fortie 
de  ces  Religieux.  Il  donna  vers  le  môine  tems,  c'eft-à-dire  ,  vers 
l'an  1132,  de  grandes  louanges  à  Richard  ,  Abbé  de  Fontaines 
dans  le  Diocèfe  d'Yorck  ,  ôc  aux  Religieux  de  fa  Communauté  E^'ijl.  96. 
qui  étoient  paflés  dans  l'Ordre  de  Citeaux ,  leur  faifant  envifager 
dans  ce  changement  le  doigt  de  Dieu.  Il  dit  dans  cette  Lettre  ; 
On  voit  aiTez  de  féculicrs  fe  convertir  ;  mais  où  voit-on  des  Reli- 
gieux fe  réformer  ? 

XXVI.  Il  y  avoit  guerre  entre  Conrad  ,  Duc  de  Zetingen  ,    E-piji,  si. 
de  la  Maifon  d'Haplbourg  ,  &  Amedée  ,  premier  Comce  de 
Genève.  Le  premier  s'emparoit  d'un  Pays  qui  n'étoit  pas  à  lui, 
démoliffoit  les  Eglifes,  bruloit  les  maifons ,  chaffoit  les  pauvres 

de  leur  demeure.  Le  fécond  s'offroit  de  lui  faire  juftice  fur  toutes 
fes  prétentions.  Saint  Bernard  envoya  deux  de  fes  iMoines  à 
Conrad ,  avec  une  Lettre  où  il  employé  des  moyens  très-pref- 
fans  pour  le  porter  à  une  paix,  ou  du  moins  à  une  trêve  avec 
Amedée. 

XXVII.  La  Lettre  fuivante  dans  un  manufcrit  de  Cîteaux    e.,;\î.  jj. 
eft  adrefféeà  Brunon  ,  Archevêque  de  Cologne;  en  d'autres  ,  à 
Hugues  de  faint  Victor.  Ce  qui  fivorife  la  première  infcription  , 

ceft  qu'il  e!l  quedion  dans  cette  Lettre  des  Macchabées,  dont 
on  avoit  des  Reliques  à  Cologne  ;  mais  il  faut  remarquer  qu'elles 
n'y  furent  apportées  qu'après  la  mort  de  faint  Bernard  ,  par  l'Ar- 
chevêque Reinold  à  qui  l'Empereur  Frideric  I.  en  fit  préfent. 
On  avoit  demandé  à  faint  Bernard  pourquoi  les  Macchabées 
font  les  feuls  Martyrs  de  l'ancienne  Loi  dont  l'Eglife  Chrétienne 
faffe  la  Fête  ?  11  répond  que  ,  feloa  le  tem  s  ,les  Macchabées  font 

Xxij 


548  'S  A  I  N  T    B  E  R  N  A  R  D , 

au  rang  des  Martyrs  de  l'ancienne  Loi  ;  que  félon  la  manière 
dont  ils  ont  fouftert ,  ils  font  au  nombre  des  Martyrs  de  la  Loi 
nouvelle.  Ils  furent  foUicitds,  comme  nos  Martyrs  ^  de  facrifier 
aux  idoles,  &  à  fouler  aux  pieds  la  Loi  de  Dieu.  Etant  morts , 
comme  nos  Martyrs,  pour  la  dét'enfe  de  la  Loi  de  Dieu,  ils  ont 
mérité  le  même  honneur  de  la  part  de  lEglife. 
Epijl.  loo.       XX  VI  IL  En  louant  la  libéralité  d'un  Evcque  envers  les 
pauvres  ,  faint  Bernard  dit  :  Il  fied  bien  à  un   Evoque  dette 
libéral.  Kien  ne  fignaîe  tant  votre  Sacerdoce ,  n'illuiire  tant  votre 
dignité  j  que  de  faire  du  bien  aux  pauvres  ,  &:  de  montrer  par-là 
que  fi  votre  état  vous  empêche  de  vous  rendre  pauvre,  votre 
pieté  vous  fait  aimer  ceux  qui  le  font.  Ce  n'efi:  pas  une  vertu 
dette  pauvre,  mais  (j"en  eft  une  d'aimer  la  pauvreté.  Il  confeille 
Epifl.  \t>i    à  un  Abbé  demplover  envers  un  Religieux   incorrigible    les 
bienfaits,  les  avertiifemens ,  les  corredions  fecrettes ,  les  exhor- 
tations publiques  ,  les  paroles  dures  ,  le  fcuét  même  ,  &  la 
difcipline;  enrin  de  faire  prier  pour  lui.  Et  au  cas  que  toutes  ces 
tentatives  ne  réuiTilTent  pas ,  de  le  retrancher  de  la  Communauté. 
Ne  craignez  pas  ,  ajoute-t-il,  de  blelTer  la  charité  en  confervant 
la  paix  de  toute  une  Maifon  aux  dépens  d'un  feul  dont  le  liber- 
tin.ige  eft  capable  de  rompre  la  bonne  intelligence  qui  y  règne. 
Epijf.xo^,  Les  Lettres  fnivantes  font  ou  des  éloges  de  la  pauvreté  reli- 
1°^  '   ]°il  '  gieufe  ,  ou  des  exhortations  à  la  fuite  du  monde,  ou  des  confeils 
113 /i  14.    '  d'embrafier  la  vie  Monaftique.  Thomas,  Prévôt  de  Beverla  dans 
le  Diocèfe  d'Yorck  ,  avoir  fait  vœu  de  fe  faire   Religieux  à 
Epiji.  107,  Cîteaux,mais  il  ne  raccompiifToit  pas.  Un  autre  Thomas  de 
faint  Orner  demandoit  un  an  au-delà  du  terme  qu'il  avoit  prefcrit 
pour  fe  confacrerà  Dieu.  Saint  Bernard  les  prefle  l'un  &  l'autre 
d'accomplir  leur  promelle.  Le  premier  ,  à  force  de  dillerer  ,  fe 
refroidit  peu  à  peu ,  &  mourut  en  féculier.  Saint  Bernard  fe  fcrt 
de  cet  exemple  pour  engager  le  fécond  à  accélérer  (a  converfion. 
EpiJl.  T09   On  voyoit  alors  un  grand  nombre  de  perfonnes  méprifer  la 
gloire  du  monde,  fouler  aux  pieds  les  charmes  de  la  jeunefle  , 
les  di.ltndions  de  la  naiffance  ,  traiter  de  f:)rie  la  fagefie  mon- 
daine ,  être  infenfil'ies  à  la  chair  &  au  (ang ,  s'endurcir  aux  larmes 
de  leurs  parens  &  amis,  compter  pour  rien  le  crédit ,  l'honneur, 
les  dignités,  afin  de  pofTeJer  Jefus  Chrift.  Quand  les  parens 
s'elTrnyoient  de  l'nnflerité  de  la  Règle  pour  leurs  enfuis  tendres 
f.pijf.  ne.  &  délicats  ,  faint  Bernard  leur  répondoit  :  Je  les  conduirai  avec 
tant  d'égards  ôc  de  ménagemens  ,  que  l'efprit  s'avancera  daj^s  la 
fertUj  fans  que  le  corps  fuccombe  fcjus  le  poids  de  la  pénitence. 


108 


PREMIER  ABBÉ  DE  CLAIR  VAUX,  &c.  3# 

Ils  goûteront  tanv  de  douceurs  à  fervir  le  Seigneur,qu'ils  en  chan- 
teront éteriiCiiement  la  grandeur  &  la  gloire.  A  l'égard  des  pères  & 
mères  quiempcchoient  leurs  e;- fans  d'entrer  en  Religion,  ou  qui 
vouloient  les  taire  fortir  du  Monadere  ,  il  les  traite  dans  les  Epijl.  ur. 
termes  les  plus  durs.  li  n'ctolt  point  d'avis  que  des  Religieufes 
quittafl'jnt  leur  Cummuijauté  pour  vivre  l'eules  dans  un  lieu 
relire,  ta  raiion  ,  c'ell  que  dans  une  Communauté  on  a  la  liberté 
défaire  le  bien,  &.  Ion  craint  d'y  faire  le  mal,  parce  qu'il  eft  ^P'Jf-  «if» 
d'abord  appcrçu  :  au  lieu  que  da.'.s  la  retraite  on  pèche  avec 
plus  de  licence  ,.  parce  qu'on  eil  à  couvert  de  la  ceniure. 

XXIX.  Les  deux  Lettres  de  faint  Bernard  à  trmengarde,  En//?.  ,,g^ 
Comtefie  de  Brctrgne,  font  des  témoignages  delà  coniiaiKe  que  "^  '  "^  > 
cette  PrincelTe  avoit  en  lui ,  &  de  l'efcime  qu'il  faifoit  de  fa  vertu.  [[1/  ^^°  ' 
Sa  Lettre  à  une  Uame  iliuflre  nommée  Beatrix  ,  ell  dans  le 

même  goût,  il  écrivit  à  6imon  ,  Duc  de  Lorraine,  6c  à  Adela'ide 
fon  époufe  ,  de  conlirmer  à  l'Abbaye  de  Clairvaux  l'exemption 
du  droit  de  paiTage  qu'ils  lui  avoient  accordé ,  &  que  leurs  Offi- 
ciers vouloient  exiger.  11  parok  que  cette PrincelTe  lit  un  voyage 
à  Clairvaux  dans  la  vue  de  contribuer  à  la  fondation  de  cette 
J\îaifon.  Saint  Bernard  s'employa  auprès  de  Mathilde,  Ducheiïe 
de  Bourgogne ,  femme  de  Hugues  1.  pour  l'engager  à  confentir 
au  maricge  d'un  de fes Sujets.  D'où  l'on  peut  inférer,  ceiemble, 
qu'en  Bourgogne  un  Sujet  ne  pou  voit  fe  marier  fans  l'agrément 
de  fon  Souverain. 

XXX.  La  réputation  de  faînt  Bernard  fe  rcpandoit  de  tous     £.-{/?•  i^^> 
côtés.  On  faifoit  par-tout  l'éloge  de  fes  vertus.  Tout  le  monde  de  '''' 
concert  n'avoit  qu'une  voix  pour  le  louer.  Hildebert  alors  Arche- 
vêque de  Tours,  en  conçut  un  ardent  déiir  de  lier  avec  lui  une 

étroite  amitié.  C'eft  le  fujet  de  la  Lettre  qu'il  lui  écrivit  vers 
l'an  1 1 50.  Les  louanges  qu'il  y  donnoit  à  faint  Bernard  ,  ne  lui 
firent  rien  diminuer  des  bas  fentimens  qu'il  avoit  de  lui-même. 
Votre  Lettre,  lui  répondit-il,  me  repréfente  moins  tel  que  je 
fuis,  que  tel  que  je  voudrois  être,  6c  que  j'ai  honte  de  n'être 
pas.  Il  en  écrivit  une  féconde  à  Hildebert  pour  l'engager  à  recon-  ^P^-'^-'  ^^' 
noître  le  Pape  Innocent  II.  reconnu  par  les  Rois  de  France, 
d'Angleterre  ,  d'Efpagne  ,  6c  par  l'Empereur.  Il  ne  fe  trouvoit 
que  Gérard  d'Angoulefme  qui  demeurât  attaché  au  parti    de 
l'Antipape  Anaclet.  Saint  Bernard  interefla  aulli  en  faveur  du 
Pape  Innocent,  Henri,  Roi  d'Angleterre  ; Geofroi  de  Lorroux,    Epi!l.  lîf , 
depuis  Aichevêque  de  Bourges  ;  les  Evêrues  de  Limoges,  de  J^j  \  'y'  ■" 
Poitiers  ,  de  Ferigueux  ,  de  Saintes  ;  Guillaume  ,  Comte  de       ' 

Xx  ii] 


5^0  S  A  I  N  T    B  E  R  N  A  R  D, 

Poitou  ,  en  lui  écrivant  au  nom  de  Hugues  ,  Duc  de  Bourgo" 
gne  ;  les  Sénateurs  &  les  Citoyens  de  Pife  6c  de  Milan.  Il  y  a , 
leur  difoit  faint  Bernard  ,  deux  chefs  de  conteftations  ;  l'un 
regarde  le  mérite  perfonnel  des  deux  Prétendans  ;  ôc  1  autre,  la 
forme  de  leur  élection.  Pour  ce  qui  efl:  de  leur  perfonne,  afin 
qu'on  ne  me  croye  ni  médifant,  ni  flateur,  je  ne  dirai  que  ce 
qu'on  dit  par-tout ,  &  ce  qu'on  ne  fçauroit  nier  :  Que  le  Pape 
que  nous  foutenons,  ceft-à-dire ,  Innocent,  eft  d'une  vie  & 
d'une  réputation  au-delTus  de  la  médifance  ;  au  lieu  que  fou 
Concurrent  n'eft  pas  même  à  l'abri  des  langues  de  fes  propres 
amis.  En  fécond  lieu,  fi  l'on  examine  les  circonftances  de  leur 
éledion  ,  celle  d'Innocent  eft  la  première  à  l'égard  du  tems,  la 
plus  pure  par  rapport  à  ceux  qui  l'ont  élu  ,  la  plus  canonique 
félon  les  régies  de  la  raifon.  Pour  le  tems  ,  cela  eft  inconteftable. 
Pour  les  deux  autres  points  ,  ils  font  aulfi  clairs ,  fi  Ton  a  égard 
au  mérite  ôc  à  la  dignité  des  EleiSleurs.  En  effet ,  cette  éledion 
a  été  faite  parla  plus  faine  partie  des  Cardinaux  ,  Evêques  ,  Dia- 
cres &  Prêtres  à  qui  appartient  le  droit  de  nommer  un  Pape  ;  6c 
ils  fe  font  trouvés  en  nombre  fuiiifmt  pour  rendre  leur  élection 
valide  ,  fuivant  les  anc'ennes  conftitutions.  De  plus  ,  il  a  été 
confacré  par  l'Evêque  d'Oftie,  à  qui  ce  privilège  particulier  efl: 
réfervé. 

Epji.  ii8.  XXXI.  Saint  Bernard  s'intereffa  encore  pour  les  Chanoines 
de  faint  Hiiaire  de  Poitiers,  que  le  Comte  Guillaume  avoit,  fur 

Fa'l.  Il',  de  mauvais  confeils,  chaOes  de  leur  tglife.  Sa  Lettre  aux  Génois 
eft  pour  les  exhorter  à  fe  maintenir  dans  la  paix  qu'il  leur  avoit 
procurée  étant  dans  leur  Ville.  Depuis  le  matin  jufqu'au  foir  il 
leur  annonçoitla  parole  de  Dieu  ;  tous  par  pieté  y  accourôient 
en  foule.  J'apportois  la  paix  ,  leur  dit-il ,  &  comme  vous  en  étiez 
les  enfans,eilefe  repofoit  fur  vous.  Je  répandois  la  femence  de 
Dieu  ,  &  cette  femence  tombant  dans  une  terre  fertile  produifoit 
jufqu'au  centuple.  Il  exhorte  aulfi  les  Génois  à  entretenir  la  paix 
avec  les  Pifans  leurs  alliés ,  à  être  foumisau  Pape,  &  fidèles  à 

Epi]},  ip'  l'Empereur.  Ceux  de  Pife  rei;urent  le  Pape  Innocent  ;  faint  Ber- 
nard les  en  félicita.  Le  Pape  a  fait ,  dit-il ,  de  Pife  une  nouvelle 
Rome  ,  ûc  le  Siège  du  Chef  de  TEglife.  Ce  choix  n'eft  point 
l'effet  du  hazard  ,  ou  de  la  politique  ;  c'eft  un  ordre  du  Ciel ,  une 
faveur  de  Dieu  toute  particulière.  Quelle  Ville  n'eft  pas  jaloufe 
de  votre  bonheur  ?  Celle  de  Milan  quitta  le  parti  d'Anaclet ,  fur 
les  remontrances  du  Clergé.  Dans  la  Lettre  que  faint  Bernard 

Epijl.  ijv.  lui  écrivit  pour  le  congratuler  de  cette  bonne  oeuvre,  il  témoigne 


PREMIER  ABBÉ  DE  CL  AIR  V  AUX,  &c.  jp 
qu'il  devoir  fe  rendre  inceiïamment  au  Concile  indiqué  à  Pife 
en  1134;  elle  fut  donc  écrite  vers  ce  tems-là.  Il  en  adreifa  une 
autre  aux  Citoyens  de  Milan  ,  où  il  leur  témoigne  fa  joie  de  ce  E^ijl.  1J3. 
qu'ils  l'avoient  choifi  pour  médiateur  de  leur  réconciliation  avec 
le  Pape  Innocent.  11  remit  à  fon  retour  du  Concile  de  Pife,  la 
vilite  qu'il  vouloit  rendre  à  ceux  de  Milan  qui  étoient  revenus  ^,'!^-  iJi- 
à  l'unité  de  i'Eglife  Catholique.  Il  les  appelle  (  a)  Novxes;  ce 
qui  a  donné  lieu  à  qu-elques-nns  de  croire  qu'il  y  avoir  dès-lors 
à  Milan,  c"eft-à-dire,   en   1134,  un  Monallere  de  l'Ordre  de 
Cîteaux.  Mais  Ughelll  fait  voir  que  ce  ne  fut  que  l'année  fui- 
vante  113^,  que  l'on  en  bâtit  un  à  deux  milles  de  Milan  ,  fous  le 
nom  de  Clairvaux.  S:iint  Bernard  s'acquit  beaucoup  de  gloire  EpiJI.  13^. 
dans  fon  voyage  d'Italie;  mais  il  rapportoit  tout  à  Dieu  ,  ne  fe 
regardant  quecommefon  Minillre. 

XXXII.  Quelques  Evoque,  au  retour  du  Concile  de  Pile  en  ^P'J^-  ^>^' 
1 1  j  -1,  ,  tombèrent  entre  les  mains  des  voleurs  qui  les  dépouillè- 
rent. L'un  des  voleurs  nommé  Dauiin  fe  repentant  de  fon  crime  , 

s'offrit  d'en  faire  fatisfiidion  au  nom  de  tous  ,  &  de  reftituer  ce 
qu'ils  avoient  volé.  Mais  avant  d'aller  fe  jetter  aux  pieds  du 
Pape,  il  demanda  à  faint  Bernard  une  lettre  de  recommanda- 
tion. Il  y  dit  au  Pape:  Je  voudrois  qu'en  l'obligeant  de  faire  à 
rEglife  une  jufle  fativ'facl,ion  ,  on  ne  le  poullat  point  à  bout ,  de 
peur  qu'il  ne  fe  repentit  d'avoir  luivi  mon  confeil.  Saint  Bernard 
pria  aulfi  l'Impératrice  Richize  de  traiter  avec  bonté  les  Mila-  ^f'-''^-  ^3''* 
nois  qui  avoient  renoncé  publiquement  au  parti  de  Conrad,  6c 
reconnu  Lothaire  pour  fcul  6c  légitime  Empereur  des  Romains. 
Il  écrivit  à  ce  Prince  qu'il  devoir ,  en  qualité  de  Proteileur  de  Eplfî.  ij>. 
I'Eglife,  la  mettre  à  couvert  des  fureurs  du  fchifme  ;  ôc  comme 
Empereur ,  arracher  des  mains  d'un  ufurpateur  la  Sicile.  Il  par- 
loir du  Comte  Roger ,  fauteur  de  l'Antipape.  Dans  la  même 
Lettre  ,  S.Bernard  fait  des  remontrances  à  l'Empereur  Lothaire 
fur l'opprelTionoiaétoit  I'Eglife  de  faint  Gengoul  à  Toul,  ôclui  Kf/î.  m©. 
fait  entendre  que  l'on  avoit  furpris  fa  religion  pour  opprimer 
cette  Eglife.  On  l'avoit  également  aigri  contre  les  Habitans  de 
Pife  ,  quoiqu'ils  euffent  levé  les  premiers  l'étendart  contre 
Conrad  ,  ufurpateur  de  l'Empire.  S.  Bernard  détrompa  Lothaire, 
6c  le  rendit  favorable  aux  Pifans. 

XXXIII.  Il  reprit  vivement  Humbert,  Abbéd'Igny,  de  EpiJl.  i^r. 


(  a  )  MJidlon.  lu:.  in.  epijl.   i  j  4. 


5J2  SAINT    BERNARD, 

ce  qu'il  a  voit  quitté  fon  Abbaye  fous  le  prétexte  de  fc  préparer 
à  la  mort.  Votre  défertion,  lui  dit-i!,  fait  la  douleur  de  vos 
Religieux ,  &  la  rifce  de  vos  ennemis.  Elle  affligeoit  d'autant 
plus  laint  Bernard ,  qu'occupé  des  preiTantes  nécelfités  de  Î'E- 
glife ,  il  fe  trouvoit  hors  d'état  de  fournir  aux  befoins  de  cette 
Abbaye  abandonnée.  On  avoit  enlevé  à  l'Abbaye  des  Alpes 
l'Abbé  Guarin  ,  pour  le  faire  Evêque  de  Sion  en  Vêlai.   Saint 

Epjt.  i4î.  Bernard  écrivit  aux  Religieux  de  ce  Monaftere  de  fe  choifir  au 
plutôt  un  autre  Abbé  ;  d'appeller  à  cette  élection  Geoffroi, 
Prieur  de  Clairvaux  ,  ôc  d'y  procéder  avec  le  confeil  de  Guarin 
leur  Père.  L'Abbaye  des  Alpes  avoir  une  focieté  particulière 
avec  celle  de  Clairvaux  ;  &  ce  fut  fans  doute  ce  qui  engagea  faint 
Bernard  à  prendre  part  à  cette  élection.  Il  marque  dans  cette 
Lettre  queile  place  les  Moines  doivent  tenir  dans  la  Maifon  du 
Seigneur:  La  place  qui  nous  convient,  dit-il  ,  c'eft  l'abbaifle- 
jtiient,  l'humilité  ,  la  pauvreté ,  l'obéiflancc,  la  paix  &  la  joie 
dans  le  Saint-Efprit.  Notre  place  eft  d'être  fournis  à  un  Supé- 
rieur ,  à  une  règle ,  à  des  obfervanccs  ;  c'eft  d'aimer  le  fdence  , 
de  nous  exercer  aux  veilles ,  aux  jeûnes  ,  à  la  prière  ,  au  travail 
des  mains.  C'eft  pâr-de{fus  tout  cela  pratiquer  la  charité  ,  comme 
la  plus  excellente  de  toutes  les  vertus,  C'eft  enfin  faire  un  progrès 
continuel  dans  la  pieté  ,  ôc  y  perféverer  jufqu'à  la  fin. 

Epijl.  143 ,       XXXIV.  Vers  l'an  1 1  3  ^  il  écrivit  à  fes  Religieux  de  Clair- 

*"**•  vaux  pour  leur  témoigner  fa  peine  d'être    fi  longtems  féparé 

d'eux.  Toute  fa  confolation  pendant  fon  abfence,  étoit  dans  le 

fuccès  que  Dieu  donnoit  à  fes  travaux  pour  l'Eglife  ;  mais  pref- 

que  toujours  malade,  il  craignoit  de  ne  pas  mourir  entre  les 

^/iJi'  I4Î.  mains  de  fes  frères  ôc  de  fes  intimes  amis.  Sa  Lettre  aux  Abbés 
aflemblés  à  Citeaux  eft  dans  le  même  goût.  Il  en  reçut  une  vers 
l'an  1 1 37  de  Burchard  ,  premier  Abbé  deBalerne  dans  le  Dio- 
cèfe  de  Befançon  ,  qui  lui  caufa  beaucoup  de  joie  par  le  dérail 
que  cet  Abbé  y  faifoit  de  fes  progrès  dans  la  vie  fpirituelle.  Saint 

EplJl.  146.  Bernard  qui  l'avoit  formé  dans  la  pieté  en  rapporte  à  Dieu  toute 
la  gloire,  ôc  dit  à  Burchard  :  ReconnoilTez  ,  mon  Frère,  que  vous 
avez  été  prévenu  dans  les  grâces  abondantes  que  vous  avez  re- 
çues ;  que  ce  n'eft  pas  moi  qui  vous  ai  prévenu,  mais  celui  de  qui 
j'ai  écé  prévenu  moi-même  ,  pour  vous  porter  à  votre  falut.  Je 
ne  fuis  au  plus  que  celui  qui  a  planté  ,  ôc  qui  a  arrofé  ;  mais  que 
fuls-je  fans  le  lecours  de  celui  qui  a  donné  raccroifTeinent  ?  Saint 
Bernard  reçut  aulll  une  Lettre  de  confolation  de  Pierre  ,  Abbé  de 

^yJ-  '47.  Cluni  i  ôc  il  eut  lui-même  la  joie  do  lui  annoncer  la  lin  du  fchifine 

pat 


PREMIER  ABBÉ  DE  CL  AIRVAUX  ,  &c.  ^i 

par  la  mort  de  l'Antipape  Anaclet  ,  &  de  Gérard  d'Angoulême 

fon  principal  fauteur.  Par  une  autre  Lettre  il  pria  cet  Allé  de  ne 

pas  pouffer  avec  tant  de  chaleur  Tes  prétentions  fur  l'Abbaye  de 

laint  Bertin,  aujourd'hui  faint  Orner  ,  attendu  qu'il  lui  feroit  Epijl.  149- 

aulH  dilHcile  de  s'en  mettre  en  poiiellion ,  que  de  s'y  maintenir. 

XXXV.  Philippe  neveu  de  Gillebert  Archevêque  de  Tours  Hpll.,  150. 
s'étoit  emparé  de  cette  Eglife,  ôc  la  défoloit.  On  avoir  rendu 
Sentence  contre  lui,  &  il  y  avoir  eu  des  Coniînilfaires  de  la  part 

du  faint  biége  ;  cependant  il  s'ctoit  pourvu  au  Tribunal  même 

du  Pape  Innocent.  Saint  Bernard  lui  écrivit  fur  cette  affaire, 

pour  l'engager  à  prendre  la  défenfe  de  l'Eglife  de  Tours  ,  avec 

la  même  vigueur  qu'il  avoit  fait  paroitre  dans  le  rétablifTement 

de  la  difcipline  du  Monaflere  de  Vezelai,  dans  le  refus  des 

inveflitures  à  l'Empereur  Lotîiaire  ,  &  en  beaucoup  d'autres 

occafions.  Il  écrivit?.  Pliiiippe  mcme,  qu'il  qiuiline  Intrus  dans 

Tinfcription  de  fa  Lettre.  Quf'lque  fentitnent  que  vous  ayez  de  £p;jf^  ,j,. 

yous ,  lui  dit-il ,  vous  me  paroilîez  devoir  être  pleuré  d'un  torrent 

de  larmes.  Je  déplore  le  trifte  état  où  vous  réduifez  l'Eglife  qui 

vous  a  élevé  dans  fon  fein.  Si  vous  reconnoilllez  votre  mifere, 

vous  en  feriez  touché  vous-même  ,  &  ceux  qui  vous  plaignent 

ne  vous  plaindroient  pas  inutilement.  Saint  Bernard    écrivit 

cette  Lettre  de  Viterbe  en  i  1 5  j  ,  de  même  que  la  précédente. 

XXXVI.  Il  s'employa  auprès  du  Pape  Innocent  pour  la  £>{,'?.  iji. 
défenfe  d'Atton  ,  Evêque  de  Troyes ,  contre  fes  Chanoines  dont 

il  s'éroit  attiré  la  haine  en  reprenant  leurs  défordres.  Il  attribue 
l'infolence  du  Clergé  à  la  négligence  des  Evêques ,  qui  au  lieu  de 
s'élever  avec  force  contre  les  déreglemens  de  leurs  Clercs,  les 
tolèrent  avec  lâcheté^  &  les  enrichiiTent  fans  fe  mettre  en  peine 
de  le-,  corriger.  Leur  ame ,  dit-il ,  nourrie  dans  la  molîefTe  &  fans 
difcipline,  le  fouille  ôc  fe  corrompt  entièrement  ;  ôc  dès  qu'on 
entreprend  de  guérir  une  plaie  invétérée,  ils  ne  peuvent  fouffrir 
qu'on  la  touche  du  bout  du  dcigr ,  ils  fe  déchaînent  ôc  fe  révol- 
tent. Sur  la  fin  de  fa  Lettre  il  repréfente  au  Pape  qui  lui  avoit 
ordonné  de  l'aller  trouver,  qu'il  ne  pourroit  faire  ce  voyage  fans 
cxpofer  à  un  grand  danger  le  falut  de  fes  Frères. 

XXX  VII.  Il  ne  fe  détermina  qu'avec  peine  à  envoyer  à     ^P'fl-  'tj 
Bernard ,  Prieur  de  la  Chartreufe  des  Fortes  à  trois  lieues  de    '''^' 
Bel!ai,fès  difcours  fur  le  Cantique  des  Cantiques  ;  ôc  il  voulut 
avoir  fon  avis  fur  les  premiers  avant  de  les  continuer.  Il  arriva  r-^-„ 
que  le  Pape  Innocent  jetta  les  yeux  fur  Bernard  des  Pcriet  pour  •   "'  ' 
le  faire  Evêque  ,  peut-être  dePavie.  S.  Bernard  qui  connoilToit 
Terne  XX  IL  Y  y 


5?4  SAINT     BERNARD, 

combien  ce  Diocèfe  étoit  déréglé  ôc  difficile  à  gouverner  par  un 
Religieux  d'une  fanté  déjà  ufée,pria  le  Pape  de  le  réferver  pour 
un  autre  Evêché.  Il  fut  en  effet  Evêque  de  Bellai.  Saint  Bernard 

Èpift.  1^6 ,  écrivit  encore  au  Pape  &  au  Cardinal  Haimeric  Chancelier  du 
IÎ7  .  léi  ,  faint  Siège,  en  faveur  de  l'Egiife  d'Orléans  opprimée  dans  plu- 

*'  ficurs  de  fes  Clercs ,  parce  qu'ils  avoient  pris  le  parti  du  Pape 

Innocent.  Hugues  ,  Doyen  de  cette  Eglife ,  revenant  de  la  Cour 
fut  aflalTmé.  On  mit  aulli  à  mort  le  Sous-Diacre  Archembaud. 
Tous  ces  défordres  arrivèrent  à  Orléans  pendant  la  vacance  du 
Sicge  ,  qui  commença  en  1 1 3  3  à  la  mort  de  l'Evêque  Jean  ,  ÔC 
dura  jufqu'en  1 137.  Ihomas  ,  Prieur  de  faint  Vidor  de  Paris, 
fut  encore  affafllné  pour  s'être  oppofé  aux  injudes  cxatlions  que 
fon  meurtrier  faifoit  fur  les  Cures  de  fon  Archidiaconné.  Le 
coupable  fe  fauva  à  Rome  pour  y  trouver  un  asyle.  Saint  Ber- 

Efifi.  is8.  nard  pria  le  Pape  de  ne  pas  laiffcr  ce  crime  impuni.  Efàenne  , 
Evêque  de  Paris,  fe  fervit  de  la  plume  du  même  Saint  pour 
demander  au  Pape  de  n'ajouter  aucune  foi  à  ce  que  le  meurtrier 
pourroit  lui  dire  pour  fà   jufli(ication.    Il  parle  de   Thomas, 

Epi/?.  iîj>,  comme  d'un  Religieux  de  grande  pieté,  &  appliqué  fous  fes 
ordres  à  l'œuvre  de  Dieu.  J'avois ,  dit-il ,  le  titre  d"Ev  cque ,  ôc  il 
en  rempliffoit  les  fondions  :  Il  méprifoit  l'honneur  attaché  à 
cette  dignité ,  ôc  il  en  foutenoit  tout  le  fardeau  :  Voilà  ce  qui  le 
fait  vivre  encore  après  fa  mort,  ôc  ce  qui  me  fait  mourir ,  avant  que 
de  cefTer  de  vivre. 

Epi/I.  1^4.  X  XX  "V  III.  Guillaume  de  Sabran, Evêque  de  Langres, 
étant  mort  en  1 1 58  ,  l'Archevêque  de  Lyon  alla  à  Rome  avec 
le  Doyen  ôc  un  Chanoine  de  TEglifc  de  Langres ,  demander 
au  Pape  pour  eux  6c  pour  leur  Clu'pitre,  la  permiiiion  d'élire 
un  Evcque.  Ils  folliciterent  faint  Bernard  ,  alors  à  Rome,  de  les 
aider  de  fon  crédit.  Il  le  promit,  à  condition  qu'ils  n'éliroient 
qu'un  bon  Sujet.  On  convint  de  deux ,  dont  on  laiffcroit  le  choix 
aux  Eledcurs.  Le  Pape  ordonna  d'obfervcr  inviolablcment  cette 
convention.  L'Archevêque  ôc  les  Chanoines  le  promirent;  mais 
au  lieu  de  l'un  des  deux  Sujets  propofés  ,  ils  jetterent  les  yeux 
fur  un  Moine  de  Cluni  foutenude  IJugues,  Duc  de  Bourgogne. 
Saint  Bernard  averti  en  palfant  les  Alpes  de  ce  qui  étoit  arrivé, 
pr't  fou  ch.emin  par  Lyon  ,  ôc  trouva  que  l'on  faifoit  les  prépa- 
ratifs pour  l'élection.  11  fit  fur  cela  des  reniontrances  à  l'Arclie- 
Têque,  qui  furent  fms  fucccs.  L'Archevcque  ordonna  de  pro- 
céder à  l'éiedicn  ,  ôc  écrivit  fur  cela  une  Lettre  aux  Chanoines 
de  Langres  ;  mais  après  qu'on  l'eut  lue  ,  on  en  produifit  une 


PREMIER  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX,  &c.   5n 
autre  du  même  Prélat,  cù  il  affignoit  un  jour  pour  décider 
l'aliaire  .ie  1  cicction.  Elle  fut  arrêtée  par  la  contradidion  qui  fc 
trouvoit  entre  ces  deux  Lettres.  Le  Moine  de  Cluni  obtint  du 
Roi  l'invediture  des  droits  Régaliens ,  ou  des  biens  ôc  des  Fiefs 
de  i'Eglife  ;  des  Lettres  pour  changer  le  lieu  du  Sacre ,  &  en 
anticiper  le  jour.  Falcon,  Doyen  de  I'Eglife  de  Lyon;  Ponce  Fpr.  i6f. 
Archidiacre  de  Langres  ,  &  quelques  autres  ,  s'oppoferent  à 
cette  élection  ,  &  appellerent  au  falnt  Sicgc.  L'Elu  ôc  ceux  qui 
dévoient  le  facrer  y  furent  cités;  ma'^s  ils  paflerent  outre.  Saint 
Bernard  s'en  plaignit   vivement  au  Pape    Ôc  aux  Cardinaux  ,     P4>'ji-  '^^» 
n'épargnant  ni  l'Archevêque  de  Lyon  ,  qui  en  effet  avoit  manqué  |^J  '   '^    ' 
à  la  parole,  ni  le  Moine  de  Cluni ,  dont  la  réputation  n'étoit  pas 
faine.  Son  ordination  fut  dcfipprouvée  du  faint  Siège  ;  le  Pape 
nomma  des  Commiffaircs  pour  procéder  à  une  nouvelle  élettion. 
Les  fuffragcs  fe  réunirent  en  faveur  de  Geoffroi ,  Prieur  de 
Clairvaux.  Saint  Bernard  ne  s'y  attendoit  pas  ;  il  n'avoit  pas  %!/*•  '7*« 
même  penfé  qu'on  dut  jettcr  les  yeux  fur  lui  ;  néanmoins    il 
écrivit  à  Louis  le  Jeune,  Roi  de  France ,  pour  juftilier  l'élection 
de  Geotfroi ,  ôc  pour  engager  ce  Prince  à  la  confirmer ,  en  accor- 
dant la  pr'ifi  de  pollellion  ,  ôc  de  faire  cefler  par-là  l'affliction  de 
PEglife  de  Langres  vacante  depuis  longtems.  Celle  de  Lyon 
vint  auili  à  vaquer  par  la  mort  de  l'Archevêque  Pierre.  On  éiut  à 
fa  place  Faicon  ,  Doyen  de  la  Cathédrale.  Il  joignoit  à  une  ^?-l^-  *7i. 
naiffance  illudre  l'érudition  ,  la  vertu ,  ôc  une  réputation  fi  pure , 
qu'elle  étoit  au-deffus  de  l'envie  ôc  de  la  médifance.   Cefl:   le 
témoignage  que  faint  Bernard  lui  rendit  auprès  du  Pape  Innocent 
vers  l'an  r  i  jp.  Il  lui  écrivit  encore  pour  le  prier  de  lui  envoyer  EpiJ^-  i7t« 
le  Pallium  ,  l'alTurant  qu'il  avoit  été  facré  félon  les  formalités 
ordinaires  ;  mais  cette  Lettre  étoit  au  nom  de  Geoffroi  j  Evêque 
de  Langres,  l'un  des  Suffragans  de  Lyon.  Saint  Bernard,  en 
rendant  compte  à  l'Archevêque  de  ce  qu'il  avoit  fait  pour  lui 
avec  l'Evêque  de  Langres  ,  ôc  de  leur  difpofirion  à  le  féconder, 
lui  recommanda  les  Moines  de  l'Abbaye  de  Beniffon-Dieu  fituée  Epijl.  17?. 
dans  le  Diocèfe  de  Lyon  ;  ôc  d'empêcher  furtout  qu'ils  ne  fulTent 
moleflés  par  les  Moines  de  Savigny. 

XXXIX.  Quoique  la  Fête  de  la  Conception  de  la  fainte  EpiJ!.  174. 
Vierge  Mère  de  Dieu  ,  ne  fût  point  encore  autorifée  de  I'Eglife 
en  I  140,  il  y  avoit  déjà  quelques  perfonnes  qui  la  célebroient. 
Saint  Bernard  ferma  les  yeux  fur  cette  pratique,  excufant  une 
dévot'ion  que  leur  infpiroit  la  fitnpUcité  de  leur  cœur,  ôc  leur 
zèle  pour  la  fainte  Vierge.  Mais  aullitôt  qu'il  fcut  que   cette 

Yyij 


s{é  SAINT     BERNARD; 

Fêre  s'introduifolt  dans  une  Eglife  auiTi  illuftre  que  celle  de 
Lyon  ,  dont  il  fe  regardoit  com.ne  l'enfant,  il  crut  ne  devoir 
plus  diiTimulerfa  penlée.  11  écrivit  donc  vers  cette  année-là  une 
longue  Lettre  aux  Chanoines  de  cette  Eglife ,  où  ,  après  en  avoi 
relevé  la  prééminence  fur  toutes  les  autres  Eglifcs  de  France  ,  le 
bon  ordre  &:  les  beaux  reglemens  que  Ion  y  obfervoit ,  il  fe  plaint 
que  quelques-uns  de  les  Chanoines  vouloient  flétrir  l'ancien 
luftre  de  leur  Eglife  en  y  introduifa  it  une  b  ête  que  l'ufage  de 
bEglife  ignoroit ,  que  la  raifon  défapprouvoit ,  ôc  dont  l'ancienne 
tradition  ne  nous  laiffe  aucun  veflige.  11  convient  que  la  Mère 
de  Dieu  mérite  de  grands  honneurs;  mais  ils  doivent,  dit-il, 
être  fondés  fur  la  railon.  Elle  eft  comblée  de  tant  de  préroga- 
tives ,  qu'elle  n'a  pas  befoin  qu'on  lui  fuppofe  de  faux  titres. 
Donnez-lui  les  noms  magnifiques  d'Jnftrument  de  la  grâce,  de 
JVlédiatrice  du  falut,de  Réparatrice  du  monde,  voiià  ce  que 
l'Eglife  relevé.  Elle  m'apprend  que  je  dois  célébrer  ce  jour 
folemnel  où  elle  eft  fortie  du  monde  pécheur  pour  rronterau 
Ciel.  Elle  m'enfeigne  auih  à  célébrer  fa  fainte  Nativité,  parce 
que  je  crois  fermement  ce  quelle  m'ordonne  de  croire,  que 
JVIarie  fut  fandtiriée  avant  que  de  naître.  Je  fuis  de  plus  perfuadé 
qu'ayant  reçu  cette  grâce  avec  plus  d'abondance,  elle  n'a  pas 
feulement  été  fainte  dans  fa  nailTance ,  mais  encore  préfervée 
de  tout  péché  pendant  qu'elle  a  vécu  :  Grâce  fi  fingubere  , 
;  qu'elle  n'a  été  accordée  à  aucun  autre.  Enfuite  faint  Bernard 

réfute  les  raifons  fur  lefquelles  on  Ibndoit  la  Fcte  de  fa  Concep- 
tion. La  première  étoit  que  ,  fi  la  Conception  de  la  (aintc 
Vierge  n'eût  précédé  ,  on  n'auroit  pu  honorer  fa  Nailfance.  La 
féconde  ,  que  la  Fcte  de  la  Conception  avoit  été  révélée.  Saint 
Bernard  répond  à  la  première  ,  que  fi  l'on  doit  honorer  la  Con- 
ception de  Marie,  on  eft  en  droit,  par  la  même  raifon  ,  d'infti- 
tuer  des  Fêtes  en  1  honneur  de  fon  Père  6c  de  fa  Mère  ,  même 
defes  Ayeux  &  Bifayeux,  ce  qui  iroit  à  multiplier  les  Fêtes  juf- 
qu  à  l'infini  ;  qu'encore  qu'il  ait  été  néccffalre  que  fa  conception 
précédât  fa  nailfance,  il  ne  s'enfuit  pas  qu'elle  ait  eu  part  à  fa 
fainteté  ;  qu'il  falloir  au  contraire  qu'elle  fut  fanclifiée  après  avoir 
été  conçue ,  afin  de  pouvoir  naître  dans  la  fainteté  qu'elle  n'avoit 
point  eue  dans  la  conception  qui  l'avoit  précédée.  Sur  la  féconde, 
il  dit ,  qu'il  tient  pour  l'ufped  l'écrit  que  l'on  produifoit  en 
peuve  que  la  Fête  de  lu  Conception  avoit  ctérévelcej  cet  écrie 
étant  fans  autorité. 
J.  C.  feut      ^^  jL,  jj  foucientque  nul  n'a  été  cjn:a  dans  la  fainteté,  à  la 

con(;u  dans  U  T.  >  ^ 


l.-»int«vV 


PREMIER  ABBÉ  DE  CL  AIRV A  UX  ,  &c.  ?J7 

réferve  de  Jefus-Chrift  ,  qui  devant  fanctifier  tous  les  hommes 
ôc  expier  le  péché ,  en  devoit  feul  être  exemt ,  parce  que  lui  feul 
eft  faint  avant  d'être  conçu;  que  tous  les  cnians  d'Adam  doi- 
vent s'appliquer  ces  paroles  de  l'un  deux  :  f  aï  été  conçu  dans  P/i.'m.  50, 
r iniquité ,  ma  mère  m'a  conçu  dans  le  péché.  D'oii  il  conclut, 
qu'il  n'y  a  point  de  fondement  d'établir  la  Fête  de  la  Concep- 
tion de  la  lainte  Vierge  ,  ou  que  du  moins  on  devoit,  avant 
de  l'établir  ,  confulter  le  faint  Siège  ,  ce  que  n'avoient  pas 
fait  les  Chanoines  de  Lyon.  Cependant  faint  Bernard  fuumet  fon 
fentiment  à  des  Dodeurs  plus  fages  ôc  plus  éclairés,  fuftout  à 
Tautorité  de  l'Eglife  Romaine ,  déclarant  qu'il  étoit  prêt  de  fe 
dédire  ,  s'il  avoir  avancé  quelque  chofe  contre  le  jugement 
qu'elle  prononcera. 

XLI.  Sa  Lettre  au  Patriarche  de  Jerufalcm  fuppofe  qu'il  en  ^pf-  ï7f. 
avoir  reçu  plufieurs  fans  y  avoir  fait  de  réponfe  ;  mais  il  ne  put  fe 
difpenicr  de  le  remercier  du  morceau  de  la  vraie  Croix  dont  il 
lui  avoit  fait  prélênt.  On  dit  qu'on  le  montre  encore  à  Clairvaux. 
Par  la  même  Lettre  faint  Bernard  recommande  à  Guillaume  , 
c'étoit  le  nom  du  Patriarche ,  les  Chevaliers  du  Temple, comme 
de  braves  défenfeurs  de  l'Eglife.  Il  écrivit  cinq  Lettres  au  Pape  Epijl,  ijf. 
Innocent  au  nom  d'Adalberon  ,  Archevêque  de  Trêves.  Parla 
première ,  il  l'aiïure  derobéilTancede  toutes  les  Eglifes  de  France 
&  d'Allemagne  ,  &  d'un  fecours  prochain  de  la  part  de  l'Empe- 
reur Lothaire  ;  elle  fut  écrire  vers  l'an  1157.  Dans  la  féconde  ^P'^-  '77. 
Adalberon  fc  plaint  de  l'indocilité  de fes  Peuples,  &  de  ce  qu'il 
avoit  pour  Sutiragans  de  jeunes  Prélats  de  qualité ,  qui  au  lieu  de 
l'aider  à  maintenir  le  bon  ordre ,  le  traverfoient  &  le  contra- 
rioient;  aulii  ne connoiflbit-on  dans  leurs  Diocèfes  ni  ordre,  ni 
juftice,  ni  honneur,  ni  religion.  Saint  Bernard  dans  la  troifiéme  ^^'■j'^'  '^*'' 
repréfente  au  Pape  que  la  Cour  de  Rome  en  recevant  les  appels 
des  Sentences  rendues  par  les  Evêques  ,  leur  ôtoit  le  moyen  de 
venger  lu  querelle  de  Dieu,  6c  de  réformer  leurs  Diocèfes;  qu'on 
outrageoit  partout  les  Evêques  ;  mais  que  le  mipris  qu'on  faifoit 
de  leurs  IViandemens  ,  donnoit  atteinte  à  l'autorité  du  (àint  Siège. 
Il  le  prie  de  renvoyer  au  Métropolitain  le  jugement  des  diffé- 
rends qui  regnoient  dans  les  Eglifes  de  Toul ,  Meiz  ôc  Verdun  , 
parce  qu'il  en  étoit  pleinement  inftruit ,  ôc  qu'il  avoir  tait  voir  c\ 
p'ufieurs  occafionsîa  droiture  ôc  fon  intégrité.  Dans  la  quatrié;ne  .^  '"•-''■  ^"^^  ' 
il  prend  le  parti  de  l'Archevêque  Adalberon  contre  l'Abbé  de 
faint  Maximin  ,  qu'il  repréfente  comme  ind'gnede  fon  rang.  Il 
ne  traite  pas  mieux  les  Moines  de  cette  Abbaye.  Le  Pape,  ne; 

\  y  iii 


5j8  SAINT     BERNARD, 

laiffa  pas  de  rendre  une  Sentence  en  faveur  de  cet  Abbé  Ôc  des 
Moines  ;  mais  faint  Bernard  fçachant  qu'e.leavoitété  rendue  pat 

Epifl.  180.  furprife,  pria  le  Pape  par  une  cinquième  Lettre  de  révoquer 
cette  Sentence.  Il  paroît  que  l'Archevêque  vouloir  réunir  à  fa 
Jurifdidion  l'Abbaye  de  faint  Maximin  ,  que  l'Abbé  ôc  les  Moi- 
nes s'y  oppoferent,  &  que  le  Pape  favorifa  l'exemtion  de  ceux- 
ci. 

E;ii/?.  181.  XLII.  Saint  Bernard  définit  un  cœur  généreux,  celui  qui 
fe  plait  à  faire  du  bien  ,  &  à  qui  ie  feul  plaifir  de  faire  du  bien 
tient  lieu  de  toute  récompenfe.  Sa  Lettre  à  Henri,  Archevêque 
de  Sens  ,  eft  une  remontrance  des  plus  vives  fur  l'humeur  intrai- 

Epijl.  18'-.  table  &  l'opiniâtreté  de  ce  Prélat,  qui  ne  fuivoit  d'autre  règle 
que  fon  caprice,  &  qui  faifoit  tout  par  empire,  fans  confulter 
jamais  la  volonté  de  Dieu.  Dans  celle  qu'il  écrivit  à  Conrad  ,  Roi 

Epil.  iS;.  des  Romains,  il  l'exhorte  à  rendre  au  Siège  Apoûolique  6c  au 
'Vicaire  de  faint  Pierre  ,  l'hommage  &  l'obéiffance  qu'il  exigeois 
lui-même  de  fcs  Sujets.  On  demandait  de  tous  côtés  à  faint  Ber- 
nard des  Religieux  de  Clairvaux  pour  faire  de  nouveaux  éta- 
blilTemens ,  ce  qui  diminuoit  beaucoup  fa  Communauté  ;  enforte 
que  pour  contenter  le  Pape  Innocent  qui  lui  en  demandoit  audi, 

Epijl.  184.  il  fut  obligé  d'en  prendre  ailleurs  qu  à  Clairvaux  pour  lui  en 
envoyer.  Ilaimoitles  Religieux  de  Vaucelles  comme  une  por- 

Epijî.  18  .  tion  de  lui-même  ,  &  il  avoir  en  effet  eu  part  à  leur  établiffement 
fait  en  113.  dans  le  voifinage  de  Cambrai.  Le  Châtelain  de  cette 
Ville  (it  à  lAbbaye  de 'Vaucelles  une  donation  de  la  terre  de 
Ligecourt,  en  préfeice  de  faint  Bernard,  qui  en  demanda  la 

EpiJl.  185.  confirmation  à  Simon  fils  de  ce  Châtelain.  La  Lettre  à Euftache, 
ufurpateur  du  Siège  Epifcopal  de  Valence  en  Dauphiné  vers 
l'an  1138  ,  contient  les  motifs  les  plus  prelfans  pour  l'obliger  à 
fe  délifier.  Eudache  étoit  moins  retenu  par  le  défit  de  l'honneur 
&  des  autres  avantages  de  1  Epifcopat ,  que  par  une  fauffe  honte 
de  le  quitter.  O  honiie  déraiionnable  !  s'écrie  faint  Bernard  , 
ennemie  du  falut,  contraire  à  la  probité.  Honte  funefle  ,  qui, 
félon  le  Sage  ,  retient  dans  le  péché.  Eft-il  donc  honteux  à 
l'homme  de  fefoumettre  à  Dieu  ,  de  s'humilier  fous  la  main  du 
Très-Haut  ?  Céder  à  la  majeflé  d'un  Dieu  ,  eft  la  plus  grande  de 
toutes  les  vidoires  ;  fe  foumettre  à  l'autorité  de  rEglife,eftle 
plus  grand  de  tous  les  honneurs.  Etrange  aveuglement!  On  a 
honte  defc  purifier ,  ôc  l'on  n'en  a  point  de  fe  fouiller.  Il  repré- 
fente  à  Eu.lache,  qu  en  s'obftmaiit  dans  fon  ufurpation ,  il  perdoit 
fcs  n^éritcs  palfcs  ,  ôc  tecnilToit  fes  belles  qualités  par  une' fin 


PREMIER  ABBÉ  DE  CL  AIR  VAUX, &c.  3^9 

malheurcufe  ;  qu'il  n'avoit  plus  qu'un  moment  à  demeurer  avec 
cesflateurs  quilexcitoient  au  mal  ;  qu'ils  n'avoicnt  pour  but  que 
de  le  réduire  par  leurs  fauifes  louanges ,  dont  ils  efperoient  être 
payés  par  quelque  bienl'aic. 

XL  III.  En  1140  Pierre  Abaillard  informé  qu'on  devoit  ^P'J^-  i'7. 
tenir  à  Sens  un  Concile  nombreux  contre  lui,  demanda  à  l'Ar- 
chevêque que  l'Abbé  de  Clairvaux  y  fvit  appelle.  Sa  demande  lui 
fut  accordée  ;  mais  faint  Bernard  s'excufa  d'y  aller,  &  fe  con- 
tenta d'écrire  aux  Evêques  qui  dévoient  s'afTenabler ,  de  fignaler 
en  cette  occalion  leur  zèle  pour  la  foi.  Le  Concile  fé  tint  à 
rOdave  de  la  Pentecôte  qui  étoit  le  fécond  jour  de  Juin.  Saint 
Bernard  prelTépar  fes  amis  ,s'y  rendit,  mais  avec  beaucoup  de  £  ■«,  ,,^, 
répugnance.  Il  produifitau  milieu  de  l'AfTemblée  où  fe  trouvè- 
rent Louis,  Roi  de  France;  Guillaume,  Comte  de  Nevers , 
avec  les  Archevêques  de  Sens ,  de  Reims ,  ôc  leurs  SufFragans ,  le 
livre  de  la  Théologie  d'Abaiilard,  6c  fit  la  lecture  des  propoli- 
tions  abfurdes  ôc  hérétiques  qu'il  y  avoit  remarquées,  deman- 
dant qu'il  les  defavouât;  ou  ,  s'il  les  avouoit,  qu'il  Irs  prouvât , 
ou  les  rétradât.  Abaillard  chercha  des  défaites  ,  &  rcfufi  de 
répondre,  quoiqu'il  fût  en  pleine  liberté  de  parler ,  dans  un  lieu 
fur,  devant  des  Juges  équitables.  Il  en  appeila  au  faint  Siège  ,  ôc 
fortit  de  l'Afiemblée  avec  ceux  de  fon  parti.  Cet  appel  ne  parut 
pas  canonique  aux  Evêques  du  Concile  ;  néanmoins  par  refpetl 
pour  le  Siège  Apoflolique,ils  ne  prononcèrent  aucun  jugement 
contre  fa  peifonne.  Mais  i'y\bbé  de  Clairvaux  ayant  fait  voir  dès 
la  viille  que  les  proportions  d'Abaiilard  éroient  hérétiques,  ils 
les  condam-nereni,  ôc  fupplierent  le  Pape  Innocent,  parleur 
Lettre  fynodale  ,  de  les  condamner,  ôc  de  punir  tous  ceux  qui 
oferoient  les  foutenir.  Ce  fut  faint  Bernard  qui  écrivit  cette  Lettre 
au  nom  des  Evêques  de  France.  Il  en  écrivit  une  autre  aux  Eve-  Epjl.  188. 
ques  ôc  aux  Cardinaux  de  la  Cour  de  Rome,  qu'il  exhorte  à 
s'oppofer  aux  erreurs  de  ce  nouveau  Dodeur.  Lifez ,  leur  dit-il , 
le  LivredePierre  Abaillard,  intitulé.  Théologie  ;ileft  aifé  de  le 
trouver ,  puifqu'il  fe  vante  que  prefque  toute  la  Cour  de  Rome 
l'a  entre  les  mains  ;  vous  y  verrez  comme  il  parle  de  la  faince 
Trinité  ,  de  la  génération  du  Fils  ,  de  la  procciïion  du  Saint- 
Efprit ,  d'une  infinité  d'autres  points  fur  lefquels  il  s'explique 
d'une  manière  nouvelle  ôc  contraire  à  la  foi  orthodoxe,  Lifez  fes 
deux  Livres,  dont  l'un  a  pour  titre , /e^  6e/2fe;;ce5  y  l'autre,  Con- 
7wiJ!e:(voi!S  vous  même.  Remarquez  quelle  quantité  monflrueufe 
ci'erreurs  ôc  de  facrilcges  il  y  rallemble  ;  ce  qu'il  penfe  de  l'amc  de  ■ 


5<?o  SAINT    BERNARD, 

Jefus-Chrifl  ,  de  fa  perfonne,  de  fà  defcente  aux  enfers  ,  da 
Sacrement  de  l'Autel ,  de  la  puilfance  de  lier  &  de  délier ,  du 
péché  originel,  de  la  concupifcence  ,  du  péché  de  déiectarion, 
du  péché  de  fuibleiîe  ,  du  péché  d  ignorance  ,  de  l'attion  du 
péché ,  &  de  la  volonté  de  pécher.  Si  vous  jugez  que  j'aye  raifoii 
de  m'a  larmer,  foyez  allarmés  vous-mêmes  ;  &  faites  defcendre 
au  fond  des  envers  ce  téméraire  qui  oie  monter  au  plus  haut  des 
Cieux. 
^P}fl'  m-  X  L  I  V.  Cet  homme,  dit  faint  Bernard  dans  fa  Lettre  au 
Chancelier  Haimeric  ,  employé  les  paroles  de  la  Loi  pour  la 
combattre  ,  profane  les  chofes  faintes  ôc  les  richelT^s  de  TEvan- 
gile,  corrompt  la  foi  des  fimpies,  fouille  la  pureté  de  l'Egiife.  Ce 
corrupteur  des  Fidèles  propre  à  pervertir  les  âmes  frnples  ,  pré- 
tend comprendre  par  la  raifon  .  ce  qui  eftréfervé  à  une  foi  vive  & 
docile.  Non  content  d'avoir  Dieu  pour  garant  de  fa  créance^  il 
veut  que  fa  raifon  en  foit  larbitre.  Il  fuppofe  dans  la  Trinité  des 
dégrés  ,  comme  Arius  ;  élevé  le  libre  arbitre  au-deffus  de  la 
grâce,  comme  Pelage;  divife  Jefus-Chrift  ,  comme  Neflorius. 
Saint  Bernard  écrivit  plufieurs  autres  Lettres  {a)  au  fujet  des 
erreurs  de  Pierre  AbaiUar d  ,  furtout  aux  Cardinaux  de  l'Egiife 
Romaine.  Il  y  en  a  encore  trois  (6  )au  Pape  fur  la  même  matière  ; 
mais  la  plus  confiderable  eft  celle  oà  il  réfute  les  principales 
erreurs  d'Abaillard  ,  aulfi  l'a-t-on  placée  parmi  les  Traités  de 
faint  Bernard.  Nous  en  donnerons  néanmoins  ici  le  prc'cis. 
Epi/?,  iço.  X  L  V.  AbaillarJ  en  expliquant  ces  paroles  du  Sage  : 
Ecdef.  19 , 4.  Czlui  qui  croit  ygerement  ejî  un  téniiralre  ,  difoit  que  croire  légè- 
rement ,c'étoit  faire  marcher  la  foi  avan:  a  raifon.  Saint  Bernard 
foutient  que  Salomon  ne  parle  pas  de  la  foi  que  nous  devons  à 
Dieu ,  mais  de  la  créance  que  nous  avons  les  uns  aux  autres ,  qui 
ne  doit  pas  être  trop  facile.  II  prouve  par  l'autorité  de  faint  Gré- 
goire ,  que  la  foi  divine  efl  fans  mérite  dès  que  la  raifon  lui  tburnit 
Mxrr.  14,  »î.  des  preuves  ;  que  fuivant  le  témoignage  del'Evaigile,  les  Difci- 
I-«c.  i>  8.  pies  furent  blâmés  d'avoir  été  trop  lents  à  croire  ;  que  Marie  fut 
louée  d'avoir  prévenu  la  raifon  par  la  foi;&  que  Zacharie  fut 
puni  pour  avoir  cherché  dans  la  raifon  des  preuves  de  fa  foi. 
Abaillard  difoit  fur  le  myftere  de  la  fainte  Trinité ,  que  le  Père 
cft  la  pleine  puiflance  ;  que  le  Fils  elt  une  certaine  puilTance  ;  que 
le  Saint-Efprit  n'eft  aucune  puiflance  ;  qu'encore  que  le  Saint- 


35*.  3}3>  334.  335.  I  _     . 

Efpnt 


PREMIER  AJBBÉ  DE  CLAIR  VAUX, &c.   361 

Efprit  procède  du  Père  ôc  du  Fils,  il  n'eft  de  la  fublLmce  ni  de 
l'un  ,  ni  de  l'autre.  Par  ces  façons  de  parler  il  entendoit  que 
toute  la  puilFance  ctoit  propre  au  Père  ;  la  fageiïe  feulement ,  ou 
la  puiflance  de  difcerner  le  bien  &  le  mal ,  propre  au  Fils  ;  6c  la 
bonté  propre  au  Saint-Efprit ,  à  l'exclufion  de  toute-puiilance. 
Saint  Bernard  fe  recrie  contre  ces  fortes  d'expreiïions  qui  vont  à 
détruire  la  confubdantialité  des  Perfonnes  divines,  ôc  à  établir 
une  ditference  entr'elies.  En  effet ,  fi  le  Saint-Efprit  n'eft  point 
de  la  fubflance  du  Père  &  du  Fils ,  ôc  fi  le  Père  ôc  le  Fils  ne  font 
point  de  celle  du  Saint-Efprit,  en  quoi  feroit  leur confubftan- 
tialité.  D'ailleurs,  s'il  n'y  a  que  le  Père  ôc  le  Fils  qui  foientde 
même  fubflance ,  ce  n'eft  plus  trinité  ,  mais  dualité  ;  car  il  feroit 
indigne  de  la  Trinité  d'y  admettre  une  perfonne  ,  qui  dars  fa 
fubflance  ,  n'a  rien  de  commun  avec  les  deux  autres.  Saint  Ber- 
nard renvoyé  Abaillard  à  la  Lettre  de  faint  Jérôme  à  Avitus  ,  ôc 
au  Livre  de  faint  Athanafe  intitulé  ,  de  l'unité  de  la  Trinité.  Puis 
il  ajoute  :  S'il  y  a  quelque  inégalité  dans  les  Perfonnes  divines ,  la 
plus  grande  ôc  la  plus  parfaite  efl:  la  feule  qui  foit  Dieu  ,  puifque 
Dieu  efl  l'Efire  fouverainement  parfait  ;  ôc  qu'un  tout  infiniment 
parfait  en  tous  fens ,  eft  plus  parflut  qu'un  tout  qui  ne  l'efl:  que 
dans  fa  partie.  Mais  au  vrai  le  Père  efl  tout  aufîi-bien  que  le  Fils 
ôc  le  Saint-Efprit.  Le  Fils  eft  tout  comme  le  Père  ôc  le  Saint- 
Efprit.  Le  Saint-Efprit  efl  tout  comme  le  Père  ôc  le  Fils;  ôc  ce 
tout  n'eft  qu'un  dans  les  trois  Perfonnes  ,  fans  partage  ôc  fans 
diminution.  Saint  Bernard  rejette  toutes  les  comparaifons  dont 
Abaillard  fefervoitpour  appuyer  fes  erreurs,  ôc  fait  voir  qu'il  n'y 
eft  tombé  ,  que  parce  qu'il  a  cherché  la  diflindion  des  Perfonnes 
divines  dans  les  attributs  efientiels  communs  à  toutes  les  trois,au 
lieu  de  chercher  cette  diftin£lion  dans  les  propriétés  perfonnelies 
6c  relatives. 

X  L  V  I.  Saint  Bernard  dit  à  cette  occafion  qu'il  n'en  eft  pas  ib'd. 
des  noms  abfolus,  comme  des  noms  relatifs,  qui  figniiîant  ce 
qu'une  perfonne  eft  à  l'autre  ,  font  finguliers  à  chaque  personne , 
ôc  incommunicables  à  toute  autre.  Le  Père  n'eft  point  le  Fils  ;  le 
Fils  n'eft  point  le  Père;  parce  qu'on  défigne  par  le  nom  de  Père 
ce  qu'il  eft  ,  non  en  foi ,  mais  par  rapport  au  Fils  ;  ôc  qu'on 
exprime  parle  nom  de  Fils,  non  ce  qu'il  eft  en  foi,  mais  ce  qu'il 
eft  par  rapport  au  Père.  Il  n'en  eft  pas  de  même  des  noms  abfolus 
de  puiflance,  de  fageffe  ôc  des  autres  attributs,  ils  font  communs. 
à  toutes  les  Perfonnes  divines  ;  les  noms  feuls  de  Père ,  de  Fils  ôc 
de  Saint-Efprit  leur  font  finguliers  ,  à  caufe  de  leur  relation 
Tome  XXII,  Z  z 


S62  SAINT    BERNARD, 

perfonnelle.  Par  ce  principe  il  renverfe  ce  que  difoit  Abaillard  , 
que  la  puiffance  appartient  au  Père  ,  ôc  la  fageffe  au  Fils ,  d'une 
manière  propre  &  particulière.  Il  revient  à  la  définition  qu'A- 
baillard  donnoit  de  la  toi  ^  l'appellant  une  opinion  ,  &:  lui  oppofe 
faint  Auguftin  qui  définit  la  foi  une  convidion  intérieure  ,  ôc-  une- 
démonftration  claire  &;  évidente  j  &.  faint  Paul  qui  dit  que  la  foi 
efl  le  fondement  des  chofes  que  Von  efpere  ,  G'  une  preuve  certa'me  de 
ce  qui  ne  fe  voit  point.  Si  elle  efl:  le  fondement  ,  elle  eil  donc 
quelque  chofe  de  fixe  &  de  certain. 
^'''-  XLVJI.  Ce  nouvel  Ariflote,  comme  l'appelle  faint  Ber- 
nard ,  ofoit  avancer  dans  fa  Théologie  que  Notre-Seigneur 
n'avoir  point  eu  l'efprit  de  crainte  ;  que  la  crainte  pure  &  chafl:e 
ne  fubfiîlera  point  en  l'autre  monde  ;  qu'après  la  confécration  da 
pain  ôc  du  vin  les  accidens  demeurent  fuf.endus  en  l'air;  que  les 
dénions  fe  fervent  des  pierres  &  des  herbes  pour  faire  des  im- 
preilions  furnos  fens  ;  que  le  Saint-Efprit  efl  lame  du  monde; 
que  le  monde  ,  félon  Platon  ,  efl:  un  animal  d'autant  plus  excel- 
lent ,  qu'il  a  une  ame  plus  excellente.  Saint  Bernard  ne  s'arrête 
pas  à  réfuter  toutes  ces  fauifes  opinions  ;  mais  il  combat  fort  au 
long  ce  qu'Abaillard  enfeignoit  centre  le  Myflere  de  notre 
rédemption  dans  fon  livre  des  Sentences  ,  &  dans  (on  explication 
dcl'Epitre  aux  Romains  ;  fçavoir,  que  le  démon  n'a  jamais  eu 
de  pouvoir  fur  l'homme,  qu'autant  que  Dieu  lui  en  a  donné  , 
comme  au  Geôlier  de  la  prifon;  &  que  le  Fils  de  Dieu  ne  s'efl: 
point  incarné  pour  le  délivrer.  En  cela  Abaillard  s'éloigncit, 
comme  il  en  convient  lui-même,  de  la  dottrine  commune  ÔC 
unanime  des  Pères  de  l'Egiife.  Saint  Bernard  ne  les  lui  oppofe 
donc  pas;  mais  il  allègue  contre  lui  les  témoignages  des  Pro- 
phètes, des  Evangeiifles,  des  Apôtres  ,  nommément  de  faint 
Paul, qui  nous  apprennent  que  le  dérnon  a  un  empire  fur  l'homme; 
que  cet  empire  efl  jufte  ;  que  le  Fils  de  Dieu  s'efl  fait  chair  pour 
délivrer  l'homme;  que  la  fervitude  de  l'homme,  à  l'égard  du 
démon-,  efl  un  effet  de  la  jufl:ice  ;  que  fa  délivrance  efl  1  ouvrage 
de  la  mifericorde ,  mais  d'une  mifericordc  mêlée  de  juûice, 
parce  qu  il  étoit  de  la  mifericorde  du  Libérateur  d  ufer  de  juflicc 
plutôt  que  de  pu i fiance,  comme  d'un  remède  plus  propre  à 
détruire  l'empire  du  démon  ;  car  de  quoi  étoit  capable  l'homme 
cfclavedu  péché  ôc  du  démon,  pour  pouvoir  recouvrer  la  juftice 
dont  il  étoit  déclra  f  11  étoit  nécefiairc  qu'on  lui  imputât  la  juflicc 
d'un  autre.  C'eft  ce  qji  s'efl  fait  par  l'Incarnation,  enfortequela 
juftice  de  Jefus-Chrifl  eft  devenue  la  nôtre.   Abaihard  difoit 


PREMIER  ABBÉ  DE  CL  AIR  VAUX, &c.  363 

encore  que  le  Seigneur  de  la  gloire  ne  s'étoit  fait  homme  ,  que 

pour  nous  tracer  un  modèle  de  vie  dans  fa  conduite  &  dans  fes 

inflrutlions  ,   &  de  preicrire   par   fes   fouffrances  des   bornes 

à  notre  charité.  Si  cela  eft  ,  répond  faint  Bernard,  Jefus-Chrift 

s'eft  donc  réduit  à  enfeigner  la  juflice  fans  la  donner  ;  à  nous 

montrer  un  exemple  de  charité  fans  la  répandre  dans  nos  cxurs. 

Si  tout  le  bien  qu'il  nous  procure  fe  réduit  à  l'exemple  de  fes 

vertus,  il  faut  que  tout  le  mal  qu'Adam  nous  caure,confi(le  dans 

l'exemple  de  fa  prévarication  ;  car  le  mal  6c  le  remède  doivent 

avoir  quelque  reiiemblance.  Comme  tous  les  homm:s  meurent  dans  i  Cor.  ij,  n. 

yidam ,  dit  l'A  pôtre ,  ils  font  vivïjî.'s  par  Jcjus-C'irijl.  Ce  parailelle 

efl:  égal.  Ainfi  la  vie  que  Jefus-Chrill  nous  donne  n'étant  autre  , 

félon  Abaillard  ,  que  l'exemple  de  fes  vertus  ,  il  s'enfuit  que  la 

mort  qu'Adam  nous  caufe ,  confule  dans  le  feul  exemple  de  fon 

péché  ,  ce  qui  efl  l'hérefie  de  Pelage.  Il  fuit  encore  de-là  que  les 

petits  enfans  qui  ne  peuvent  proliter  des  exemples  ni  des  inflruc- 

tions  de  Jefus-Chrift,  n'ont  point  départ  à  !a  rédemption  qu  il 

nous  aacquife  par  fa  mort. 

XL  V  III.  Le  Pape  Innocent  reçut  auiïï  des  lettres  &  des  Ep:Jl.  154. 
mémoires  de  la  part  des  Evêques  de  France  contre  les  erreurs 
d'Abaillard,  &  après  en  avoir  délibéré  avec  les  Evêques  6c  les 
Cardinaux  qui  fe  trouvoient  à  Rome  ,  il  condamna  toutes  les 
propofitions  qui  lui  avoient  été  déférées,  déclarant  leur  Ai;teur 
hérétique,  6iluiimpofant  un  éternel  filence.  La  Lettre  qui  ren- 
ferme ce  jugement  eft  adreiïce  à  Henri,  Archevêque  de  Sens  ;  à 
Samfon ,  Archevêque  de  Reims,  6c  à  leurs  SuMragans.  Arnaud  Epijl.  t?<;, 
de  Brefre,Difcipled'Abnillard,fe  voyant  condamné  pourdiverfes 
erreurs  par  le  Concile  alîembié  à  La:ran  en  115.9,  quitta  Brefle 
fa  patrie  6c  fe  retira  à  Zuric  en  Suiile ,  où  il  répandit  fa  mauvaife 
dodrine.  Zuric  étant  dans  le  Dioccfe  de  Confiance  ,  faint  Ber- 
nard écrivit  à  Herman  d'Arbone  qui  en  étoit  Evêque  ,  de  fe 
garder  de  cet  homm.e  dangereux,  affamé  6c  altéré  comme  le 
démon  ,  du  fang  des  âmes;  6c  à  qui  l'aufîerité  de  fa  vie  donnoic 
de  l'autorité  pour  les  féduire  ôc  les  infecter  de  fes  erreurs.  Il  pria 
même  cet  Evêque  de  fe  faifir  de  ce  méchant  homme,  afin  de 
l'empêcher  de  courir  de  tous  côtés  ,  6c  de  caufer  par-tout  de 
nouveaux  ravages.  Voici  le  portrait  qu'en  fait  fiint  Bernard.  C'eft 
un  ennemi  de  la  Croix  de  Jefus-Chrift  ,  un  auteur  des  fchifmes  , 
un  perturbateur  du  repos  public.  Sa  langue  eft  plus  trancliante, 
que l'épée,  ôc  fes  dents  plus  aigiies  qu'une  fieche.  Ses  paroles 
pleines  d'une  faulTe  douceur  ,  font  des  traits  envenimés.  Ses 

Zz  ij 


'3(?4  SAINT     BERNARD, 

manières  infinuantes,  &  les  dehors  d'une  vertu  contrefaite  lui 
gagnent  la  faveur  ôc  ramitiëdes  Grands  &  des  riches.  Mais  après 
les  avoir  attirés  dans  des  pièges  fbcrets  qu'il  tend  à  leur  fimpli- 
cité  crédule;  après  s'être  fortifie  dans  leur  bienveillance,  on  le 
voit  efcorté  d'une  troupe  de  Gens  de  guerre  fe  déchaîner  ouver- 
tement contre  le  Clergé,  attaquer  les  Evoques  mêmes ,  n'épar- 
gner aucun  Ordre  Ecclefiaftique.  Cependant  on  difoit  que  Gui , 
i.éeat  du  Pape,  avoit  donné  retraite  à  Arnaud  de  Breffe.  Saint 

Epijl.  i?^  Bernard   lui  écrivit   là-deffus  avec  beaucoup  de  liberté  _,  lui 
remontrant  qu'il  ne  devoir  avoir  aucune  liaifon  avec  un  homme 
que  Rome  avoit  en  horreur,  que  la  France  avoit  rejette,  que 
l'Adlemagne  détefloit ,  que  l'Italie  ne  vouloit  point  recevoir. 
Tom.  10,  Outre  les  erreurs  d'Abailiard  il  enfeignoit,  qu'il  n'y  avoit  point 
Cordi.    pc!^,  (Je  Tijut  -pour  les  Clercs  qui  poffedoient  des  biens  en  propre  ; 
*°'^*  pour  lesEvêques  qui  avoient  des  Seigneuries  ;  ni  pour  les  Moi- 

nes qui  avoient  des  immeubles  ;  que  tous  ces  biens  appartenoient 
au  Prince;  qu'il  avoit  feul  pouvoir  de  les  donner,  mais  auxLa'ics 
feulement;  que  le  Clergé  devoir  vivre  des  dixmes  &:  des  obk- 
tions  volontaires  du  Peuple,  ôc  fe  contenter  de  ce  qui  fuflitàune 
vie  frugale. 

EpiJl.  197.  X  L  I X.  Nous  avons  deux  Lettres  de  faint  Bernard  en  faveur 
de  Gui ,  Abbé  de  Charlieu  dans  le  Diocèfe  deBefançon:  l'une  à 
Pierre  ,  Doyen  de  la  Cathédrale,  qui  s'étoit  déclaré  contre  cet 
Abbé  :  l'autre  au  Pape  Innocent ,  qu'il  prie  de  le  protéger  contre 

P  .„     -g  le  Moine  qui  le  perfécutoit.  Vous  le  pouvez,  lui  dit-il  ;  il  eft 
■'  '    ^  '  inconteflable  que  le  pouvoir  du  faint  Sicge  s'étend  généralement 
fur  toutes  les  affaires  qui  regardent  l'EgTife  ;  &  la  plus  belle  préro- 
gative de  ce  Siège  ApofloHque,  eft  d'être  le  refuge  &  l'appui  des 

r  ;q  ,99  Opprimés.  Dans  une  autre  Lettre  faint  Bernard  prie  le  môme 
Pape  de  confirmer  le  jugement  prononcé  en  faveurd'une  Maifon 
Religicufe ,  qu'un  homme  de  mauvaife  foi  6c  déjà  condamné  par 
deux  grands  Evéques  ,  vouloit  détruire  par  fes  calomnies.  II 

Epifl.  100,  donne  pour  maxime  que,  comme  il  ell  jufle  de  réparer  fes  pro- 

»«>•  près  fautes ,  il  el1  glorieux  de  réparer  celles  des  autres  ;  que 

i  indruclion  &:  l'exemple   font  les  deux  points  effenùels  où  fe 

rédu'lent  toutes  les  obligations  d'un  Supérieur,  &  dont  la  pra- 

EpiJI.  201.  tique  feule  metfaconfcienceenfurcte.il  étoit  d'avis  qu'avant 
de  procédera  l'éle£tion  d'un  Evêque,.  le  Clergé  devoir  ordon- 
ner un  jeune ,  convoquer  les  Evêques  de  Ja  Métropole  &  les 
Beiif  icux ,  afin  de  traiter  en  commun  une  affaire  commune. 

Tpijf.  îoj.      L.  Ayant  appris  qu'un  jeune  Clerc  de  condition  pciffoit  à  fc 


PREMIER  ABBÉ  DE  CL  AÎRV  AUX,  6cc.  ?5; 
marier,  &  à  prendre  le  parti  des  armes ,  quoiqu'il  fût  Sous-Dia- 
cre ;  faint  Bernard  lui  écrivit  qu'il  ne  le  pouvoit,  &  dc'clara  à 
l'Evcque  Atton  ôc  au  Clergé  de  Troyes  de  qui  ce  Clerc  dépen- 
doit,  qu'ils  ne  dévoient  pas  lui  permettre  de  prendre  ce  parti.  Il 
confeiilaà  Robert  Pullus  de  continuer  Ton  féjour  à  Paris  ,  parce  E^iil.  loj. 
qu'il  avoit  la  réputation  d'y  enfeigner  une  faine  doiSkine;  & 
fçachant  que  cela  ne  fe  pouvoit  fans  le  confentement  de  l'Evc- 
que de  Roclieuer,  il  l'en  pria  par  écrit.  Robert  fut  dans  la  fuite 
Cardinal.  Plufieurs  de  ceux  qui  aiioient  à  la  Croifade  deman-  Epiji.  loe. 
doient  à  faint  Bernard  des  lettres  de  recommandation  pourMeli- 
fende,  Reine  de  Jerufalem;  &  cette  PrincelTey  avoit  beaucoup 
d'égard  ,  lurtout  quand  il  s'agiffcit  des  parens  de  ce  faint  Abbé. 
Ses  trois  Lettres  à  Roger  ,  Roi  de  Sicile  ,  regardent  rétabliiïe-     J^ri"-  tor, 
ment  des  Religieux  de  Clairvaux  dans  fes  Etats.  Saint  Bernard  *'^^  '  ^°'' 
donne  à  ce  Prince  de  grands  éloges  pour  fes  libéralités  envers 
ceux  qui  quittoient  le  monde  pour  fervir  Dieu  dans  la  retraite. 

L  I.  Les  neuf  Lettres  faivantes  font  au  Pape  Innocent,  la      Hri'?. iicî> 
plupart,  pour  lui  recommander  quelque  perfonne  de  marque,  j,,/  ^^*  * 
Dans  une,  il  fe  plaint  qu'ayant  été  nommé  fon  Vicaire  dans  la 
réconciliation  de  Pierre  de  Pife,  afin  de  le  ramener  du  fchifme, 
il  navoit  pas  rétabli  cetEvêque  dans  fa  dignité,  comme  il  s'y 
écoit  engagé.  Dans  une  autre  il  fe  plaint  encore  que  la  Chambre 
Apoicoiique  avoit  diffous  le  mariage  de  Raoul ,  Comte  de  Ver- 
mandois  ,  avec  la  nièce  de  Thibaud  , Comte  de  Champagne, 
fous  prétexte  de  parenté.  Raoul  époufa  enfuite  la  fœur  de  la  Epij^.  us. 
Reine  de  i'rance,  ce  qui  occafionna  une  guerre  entre  le  Roi  de 
France  &  le  Corare  de  Champagne ,  ôc  des  brouilleries  avec  la 
Cour  de  Rome.  Saint  Bernard  traite  ce  fécond  mariage  d'adul- 
tère ,  ôc  gémit  fur  les  injuftices  que  l'on  f  lifuit  foufifrir  au  Comte 
Thibaud.  Cependant  le  Pape  Innocent  accufoit  faint  Bernard  ^P^-  ^'7r 
d'avoir  difpofé  à  fon  gré  de  l'argent  du  feu  Cardinal  Yves ,  Légat 
en  France.  L'Abbé  de  Clairvaux  fe  juflilia  en  difant  qu'il  étoit  ^W-  ^'8, 
abfent ,  ôc  même  fort  éloigné  du  Cardinal ,  lors  de  fa  mort  ;  qu'il 
avoit  fait  lui-même  la  difpolkicn  de  les  biens  avant  de  mourir, 
ôc  en  avoit  conhé  la  diilribution  a  deux  Abbés  qui  fe  trouvoient 
auprès  de  lui  ;  &  qui  en  effet  avoient  depuis  exécuté  fes  dernières 
volontés. 

'  L 1 1.  En  1 144.  le  Pape  Innocent  facra  Archevêque  de  Bour-  ^i^^:  »^^* 
ges  Pierre  de  la  Chaflre  ,  parent  d'Haimeric  fon  Chancelier. 
L'élection  s'étant  faite  fans  le  confentement  du  Roi  Louis  le 
Jeune,  ce  Prince  jura  publiquement  que  Pierre  ne  feroit  janaais 

Z  z  i'ij 


^66  SAINT    BERNARD, 

Archevêque  de  Bourges.  Il  permit  au  Clergé  d'élire  tel  autre 
qu'il  voudroit ,  &  donna  fes  ordres  pour  empêcher  que  Pierre  fût 
reçu  à  Bourges  ,  ôc  même  dans  aucune  des  terres  de  fon  Royau- 
me. Le  Pape  les  mit  toutes  en  interdit.  L'Archevêque  fe  retira 
dans  celles  que  Thibaud  ,  Comte  de  Champagne,  pofTedoit  dans 
le  Berri.  Le  Roi  irrité  porta  la  guerre  en  Champagne ,  qui  y  fit  de 
grands  ravnges.  Saint  Bernard  qui  les  voyoit  de  fort  près ,  écrivit 
à  Adberic  d'Ôllie,  Eftienne  de  Paleilrine,  Igmare  de  Frcfcati, 
&  à  Gérard ,  Chancelier  ,  fur  les  fuites  fâcheufcs  que  l'interdit 
pourroit  avoir  ,  leur  faifant  furtout  envifager-le  nouveau  fchifme 
dont  l'Eglife  étoit  menacée.  Il  convient  qu'on  ne  pouvoit  excu- 
fer  le  Roi  d'avoir  juré  de  ne  reconnoitre  jamais  pour  Archevêque 
de  Bourges,  Pierre  de  la  Challre,  &  de  perfiiler  dans  fon  fer- 
ment :  Mais  vous  n'ignorez  pas ,  leur  dit-il,  que  c'eft  un  deshon- 
neur chez  les  François  de  violer  un  ferment,  même  inconfideré , 
quoique  tout  homme  de  bon  fensfoit  obligé  de  convenir  qu'il  ne 
faut  pas  tenir  ce  qu'on  a  juré  contre  la  raifon.  Il  ajoute  que  la 
paflion  ,  la  jeun^de  du  Roi ,  fa  dignité  méritent  inJulgence  ;  ôc 
qu'en  ce  cas  la  mifericorde  devroit  l'emporter  fur  la  juftice. 
Néanmoins  faint  Bernard  déclare  à  ces  quatre  Cardinaux  qu'il  ne 
demande  grâce  pour  ce  Prince ,  qu'en  fuppofant  qu'elle  ne  blefle 
ni  la  liberté  de  l'Eglife,  ni  le  refpett  que  l'on  doit  à  un  Arche- 
vêque confacré  par  le  Pape.  Mais,  continue-t-il,  le  Roi  même, 
6c  toute  l'Eglife  de  France  affez  alfligce  dailleurs ,  la  demandent 
humblement. 

Epijl.  110.  LUI.  Le  Pape  avoit  auffi  excommunié  Raoul ,  Comte  de 
Vermandois  ,  pour  avoir  fait  diiïoudre  injuftement  fon  mariage 
avec  Gerberte  ,  Coufuie  germaine  de  Thibaud  ,  Comte  de 
Champagne,&  époufé  enfuite  Alix,  fœur  de  la  Reine  Eleonore. 
Raoul  étoit  même  menacé  d'une  féconde  excommunication. 
Saint  Bernard  prié  par  le  Roi  de  prévenir  cette  nouvelle  Sen- 
tence ,  répondit  à  ce  Prince  ,  qu'il  ne  le  pouvoit ,  &  que  quand  il 
le  pourroit ,  il  ne  le  devoit  pas  raifonnablemenr ,  parce  qu'i^gieft 
pas  permis  de  faire  un  mal  ,  afin  qu'il  en  arrive  un  bien.  Il 
reproche  au  Roi  d'avoir  forcé ,  les  armes  à  la  main  ,  le  Comte  de 
Champagne  ,  |de  jurer  qu'il  engageroit  le  Pape  à  abfoudre  le 
Comte  de  Vermandois  &  fes  Sujets  ,  malgré  la  juftice  &  la 

Epi/!.  111.  raifon.  Dans  une  autre  Lettre  il  blâme  ce  Prince  de  fuivre  de 
mauvais  confeils  ,  ôc  de  mettre  tout  à  feu  &  à  fang  dans  la  Cham- 
pagne ,  quoique  le  Comte  Thibaud  lui  falfe  des  propofitions 
raifonnables  de  paix.  Saint  Bernard  fait  ici  le  portrait  des  Cour- 


PREMIER  ABBÉ  DE  CL  A  IR  V  A  VX,£<c.  y6-j 
tifans,  qui  dans  les  confeils  qu'ils  donnent  au  Prince,  envifagent 
moins  fa  gloire  que  leurs  pallions.  Il  témoigne  fe  repentir  d'avoir 
pris  fon  parti  auprès  du  Pape ,  en  excûdmt  Tes  fautes  .fur  fa  jeu- 
nèfle,  ôc  dit  qu'à  lavenir  il  ne  diilimuiera  pas  fes  fautes  au  faint 
Siège;  en  particulier,  d'avoir  ôté  à  TEglifc  de  Cliâlons  la  liberté 
de  séWxQ  un  Pafleur  ;  d'avoir  permis  de  mettre  des  Troupes  en 
garnifon  dans  les  maifons  Epilcopales  ;  de  piller  les  biens  de 
l'Eglife,  6c  de  les  employer  à  des  ufages  profanes  &  criminels.  Il 
rejette  fur  Joflelin,Eveque  de  Soifions,  ôcSuger,  Abbé  defaint  £„f«^  j,^^ 
Denys,  le  violcment  de  la  paix  conclue  avec  le  Comte  de  Cham- 
pagne ,  ôc  tous  les  troubles  dont  le  Royaume  étoit  agité.  Jofl"elia 
piqué  de  la  conduite  de  faint  Bernard  à  fon  égard,  lui  écrivit 
pour  s'en  plaindre  ;  ce  qui  obligea  cet  Abbé  de  lui  écrire,  ôc  à  E^'iJl.  îij. 
l'Abbé  de  faint  Denys,  pour  (e  juflifier  des  chofes  dures  qu'il 
leur  avoir  dites  dans  la  douleur  que  lui  caufoit  fon  zèle  pour  le 
bien  de  l'Eglife.  Il  s'excufe  de  ce  qu'il  lui  avoit  envoyé  fa  pre- 
mière Lettre  décachetée,  difant  qu'il  n'en  avoit  agi  ainfi  que 
pour  fe  conformer  à  l'uiage  ou  l'on  étoit ,  de  ne  point  cacheter 
les  Lettres  qu'on  adrefloit  à  diverfes  perfonnes.  Or,  fa  première 
étoit  à  JoflTelin  ôc  à  Suger  ,  mais  la  féconde  ,  c'eft-à-dire,  celle 
dont  nous  parlons ,  s'adreflbit  à  Joflelin  feul.  C'ell  pourquoi  faint 
Bernard  y  mit  fon  cachet  où  il  avoit  fait  graver  fa  (a)  propre 
figure  ,  ôc  fon  nom  autour. 

L  I  V.  Les  violences  du  Roi  contre  l'Eglife  augmentant  de  Enjl.  214. 
jour  en  jour,  faint  Bernard  en  écrivit  à  Lftienne ,  Evéque  de 
Paledrine  ,  croyant  qu'il  étoit  de  fon  devoir  de  les  e.poferà  ceux 
qui  pouvoient  y  remédier.  Il  exhorta  aufli  l'Evêque  de  Solfions  ,  F/t?.  nf. 
comme  Minidre  avec  l'Abbé  Suger ,  de  procurer  la  paix  à  l'Etat. 
Il  femble  qu'il  vouloit  y  travailler  lui-mcme,  en  fe  trouvant  à 
l'Affemblée  indiquée  à  faint  Denys;  mais  l'obftination  du  Roi 
Louis  rendoitles  travaux  de  faint  Bernard  inutiles.  Il  s'en  plaignit  E)ll.  zi$. 
à  lui-même  dans  une  Lettre  qui  lui  étoit  commune  avec  Hugues, 
Evêque  d'Auxerre.    Le  Roi  les  avoit  mal  reçus  l'un  l'autre  à 
Corbeil ,  ôc  leur  avoit  ôié  la  liberté  de  s'expliquer  fur  quelques 
fujets  de  mécontentement  qu'ils  lui  avoient  donné  fans  le  vour 
loir.  Ils  le  prient  de  leur  faire  counoître  fes  intentions  par  leur 
Député.  Saint  Bernard  étoit  tombé  dans  la  difgrace  de  ce  Prince, 
peut-être  pour  n'avoir  pas  allez  ménagé  fes  expreflions  en  lui 


(a)  E;;i;î.  x84. 


5(^8  SAINT     BERNARD, 

écrivant,  ou  pour  n'avoir  pas  foUicité  le  Pape  en  faveur  de  Raoul, 

Epi,!  117.  Comte  de  Vermandois.  Il  implora ,  pour  rentrer  dans  Tes  bonnes 
grâces  ,  le  crédit  de  l'Evêque  de  SoilTons. 

Epif.  îî8.  -  L  V.  On  voit  par  fa  Lettre  à  Pierre,  Abbé  de  Cluni ,  qu'il 
avoir  réfolu  de  ne  plus  forcir  de  Clairvaux ,  que  pour  aller  au 
Chapitre  général  qui  k  tenoit  tous  les  ans  à  Cîteaux.  Il  fe  plai- 

Epij}.  iif.  gnoità  Guillaume  j  Abbé  de  faint  Thierri,  qui  lui  avoit  demandé 
fon  Apologie  contre  les  Moines  de  Cluni ,  que  quand  il  travail- 
loit  à  ces  fortes  d'ouvrages ,  fa  dévotion  s'afFoibliiîoit ,  parce  qu'il 
étoit  moins  recueilli  6c  moins  difpofé  à  fOrailon.  Ladivifion 
d'Ëftienne ,  Evéque  de  Metz  ,  &  de  fon  Chapitre  duroit  toujours. 

E?!/î.  17S&  Saint  Bernard  en  écrivit  d'abord  au  Pape  Innocent,  puis  aux 
ijo.  Evêques  dOdie,  de  Frefcati  ôc  de  Paieftrine ,  pour  les  prier 

Epijî.  Î31.  de  la  faire  ceffer.  Il  pria  encore  ces  trois  Evêques  de  prendre 
fous  leur  protection  l'Abbé  de  Lagny  ,  qu'il  juiiiiie  fur  tous  les 
reproches  que  fes  ennemis  lui  failoient.  Cécoit,  félon  faine  Ber- 
nard ,  un  homme  eftimé  de  tout  le  monde  pour  fes  vertus ,  doux, 
fobre,  chafte,  humble,  plein  de  zèle  pour  la  difcipline  régu- 

Epifl.  131.  liere.  Il  ne  les  interefTa  pas  de  même  dans  la  défenfe  de  l'Abbé 
de  faint  Chafîire  au  Diocèfe  duPuy;au  contraire,  il  rendit  un 

EpiJl.  133.  bon  témoignage  au  Délateur  de  cet  Abbé.  Celui  de  Buzay  dans 
le  Diocèfe  de  Nantes  avoit  quitté  le  gouvernement  de  fon  Mo- 
naflere,  furie  rapport  qu'on  lui  avoit  fait  que  faint  Bernard  vou- 
loir lui  oter  la  conduite  des  âmes  qui  lui  étoient  coniiées.  Le 
rapport  étoit  faux.  Le  Saint  fen  allura  ,  &  le  conjura  de  fe  réunir 
à  fes  Frères.  Il  demanda  grâce  à  Herbert,  Abbé  de  HiintEftienne 
de  Dijon ,  pour  un  de  fes  Religieux  qui  avoit  écrit  quelque  chofe 

Epiji.  13^.  contre  lui.  Il  s'eft  fait,  dit-il,  plus  de  tort  qu'à  moi.  Sa  manier» 
d'écrire  ell  plus  propre  à  montrer  fon  peu  de  jugement ,  qu'à  me 
convaincre  d'erreur.  D'ailleurs,  quand  il  feroit  capable  de  me 
nuire,  il  ne  me  convient  pas  de  me  venger.  Pardonnez  à  un 
jeune  Religieux  qui  a  péché  plutôt  par  une  fotc  vanité,  que  par 
malice  :  que  ce  foit  toutefois  à  condition  qu'il  ne  fe  donnera  plus 
la  liberté  d'écrire ,  ou  de  difputer  fur  des  matières  qui  paflent  la 
portée  de  fon  cfprit.  Il  eft  afîez  clair  que  le  petit  ouvrage  qu'il  a 
eu  la  témérité  d'entreprendre  demande  un  ftile  plus  ferme ,  ôc  un 
génie  plus  fort  que  le  lien. 

Epilî.  135.       LVI.  Turftain,  Archevêque  d'Yorck ,  étant  mort  au  mois 

de  Février  114-0,  on  élut  pour  lui  fuccedcr  Henri  de  Coili, 

M  nif}r   neveu  du  Roi  Eltiennei  mais  parce  qu'il  étoit  Abbé  de  faint 

Anj,Hc'!"'tjm'.  Eftienne  de  Caën ,  le  Pape  Innocent  II.  refufa  de  recevoir  fon 

1 ,  p^g-  745.  éleclion  , 


PREMIER  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX,6cc.  ^69 

éledion  ,  à  moins  qu'il  ne  renonçât  à  l'Abbaye.   Le  Clergé 
dTorck  élut  à  fa  place  Guillaume,  Tréforier  de  cette  Eglife, 
qui  dtoit  aulFi  neveu  du  Roi.  Quelques-uns  s'oppoferent  à  fon 
éleiïlion ,  fous  le  prétexte  quelle  n'avoit  pas  été  libre ,  ôc  que  le 
Comte  d'Yorck  l'avoit  ordonnée  de  la  part  du  Roi.  Ce  Prince, 
fans  avoir  égard  à  roppofition,mit  Guillaume  en  poffeirion  des 
terres  de  l'Archevêché.  Les  oppofans  en  appellerentàRome,  ôc 
mirent  dans  leur  parti  faint  Bernard  ,  qui  écrivit  là-delTus  plu-     E^ijl.  î4<  ," 
fleurs  Lettres  au  Pape  Innocent  contre  l'Archevêque  Guillaume.  H^ 
L'Abbé  de  Ridai  en  Angleterre,  étoit  un  des  plus  oppofés  à 
cette  élection  5  &  il  femble  qu'il  doutoit  que  l'on  dût  recevoir 
l'Ordination  &:  les  autres  Sacremens  de  la  main  de  ce  Prélat. 
Saint  Bernard  le  raffura  d'abord  fur  les  défauts  de  cette  élection,  Eyijl,  jnv 
en  lui  difint  avec  faint  Auguftin  :  Le  péché  des  autres  ne  vous    S'rm.  \%,ie 
cft  point  imputé ,  lorfque  vous  n'y  -confcntez  pas,  ou  que  vous  «'■ii^Donu/ir. 
le  condamnez.  Quant  à  l'Ordre ,  ajoute-t-il ,  ôc  aux  autres  Sacre- 
mens ,  Jefus-Chrift  eft  le  feul  qui  baptife  &  qui  confacre.  S'il 
s'en  trouve  qui  ayent  du  fcrupule  de  fe  faire  ordonner  par  cet 
Archevêque  ,  perfonne  ne  les  y  contraint.  Pour  moi  ,  j'afTure 
hardiment  qu'on  ne  rifque  rien  ,  quand  on  fe  foumet  aux  règles 
de  TEglife.  La  Lettre  à  l'Abbé  de  Ridai  ne  fut  écrite  qu'après 
l'an  1 142  ,  auquel,  fur  le  jugement  rendu  par  le  faint  Siège, 
Guillaume  reçut  l'Ordination  des  mains  de  Henri,  Evêque  de 
[VJnchefter,  Légat  Apoftolique,  le  27  de  Septembre. 

L  V  II.  Cependant  le  Pape  Innocent  étant  mort,  ôc  Celellin  ^vC^-  ^îi* 
II.  mis  à  fa  place,  faint  Bernard  lui  écrivit  contre  l'Archevêque, 
&  fit  revivre  toutes  les  accufations  que  l'on  avoit  formées  contre 
lui  à  Rome  ôc  en  Angleterre  pour  empêcher  fou  Sacre.  Sa  Lettre  ^P'^»  *3^» 
à  toute  la  Cour  Romaine  elt  fur  le  même  fujet.  Comme  il  étoit 
perfuadé  que  Guillaume  avoit  été  élu  par  fimonie,il  dit  aux 
Cardinaux  ôc  aux  Evêques  de  cette  Cour  :  Il  vous  efi:  plus  glo- 
rieux défaire  defcendreceSimondu  lieu  où  il  eft  monté,  qu'il  ne 
le  feroit  de  l'empêcher  d'y  monter  ;  autrement  que  deviendront 
de  faints  Religieux  qui  font  perfuadés  qu'ils  ne  peuvent  en  conf- 
cience  recevoir  les  Sacremens  d'une  main  fouillée?  Je  prévois 
qu'ils  fortiront  de  leur  Pays  plutôt  que  de  fe  livrer  à  la  mort,  ôc  de 
manger  des  viandes  confacrées  aux  idoles. 

L  V  1 1 1.  Après  la  mort  de  Celeftin  II.  arrivée  le  neuvién-.e  _^  ^P'!^-  -J^» 
de  Mars  1144  ,   on  élut  le  dixième  du  même  mois  Gérard,  240.'         * 
Prêtre-CarJinal ,  qui  prit  le  nom  de  Lucius  IL  Son  Pontificat  ne 
fut  que  donze  mois  ôc  quatre  jours.  Il  eut  pour  fuccclVeur 
Tome  XXII,  Aaa 


570  SAINT    BERNARD, 

Bernard,  Abbé  de  faint  Anaftafe  à  Rome,  connu  fous  le  nomi 
d'Eugcne  III.  Son  Sacre  fe  fît  au  Monaftere  de  Farfe  ,  en  l'an- 
née 1  14^.  Auflitôt  que  S.  Bernard  eut  appris  fon  élettion  il 
écrivit  aux  Cardinaux  ôc  aux  Evêques  de  la  Cour  Romaine  , 
pour  leur  témoigner  fafurprife,  qu'ils  euITent  placé  fur  la  Chaire 
de  faint  Pierre  un  Religieux  accoutumé  au  repos  &  à  la  retraite  , 
&  pour  les  prier  de  l'aider  de  leucs  confeils.  Il  écrivit  au  Pape 
même  qui  avoit  été  fon  Difciple  ,  plufieurs  Lettres  ;  la  première 
pour  le  féliciter  fur  fa  nouvelle  dignité,  lui  en  repréfenter  les 
dangers  ,  ôc  pour  l'animer  à  remplir  fes  devoirs  ;  la  féconde  &  la 
troifiéme  pour  l'engager  à  dépofer  l'Archevêque  d'Yorck ,  com- 
me un  intrus.  Il  s'y  déclare  aufli  contre  l'Evêque  de  Vinchefter  , 
qui ,  de  même  que  Guillaume  d'Yorck.  ,  étoit  en  méfmtelli- 
gence  avec  l'Archevêque  de  Cantorberi.  Quand  il  fera  tems  de 
juger  leur  différend  ,  j  efpere,  lui  dit-il ,  que  vous  montrerez  par 
votre  équité  qu'il  y  a  un  Prophète  en  Ifraël.  Heureux,fi  je  voyois 
avant  de  mourir,  l'image  de  l'Eglife  primitive,  ce  tems  où  les 
Apôtres  méprifoient  les  richefles,  ôc  ne  fe  propofoient  pour 
fruit  de  leurs  travaux  ,  que  le  falut  des  âmes  !  Que  je  fouhaite  de 
vous  entendre  dire  j  comme  celui  dont  vous  rempliifez  la  Chaire: 
Ton  argmî  phijfe  avec  toi.  L'Eglife  votre  mère  l'attend  de  vous  ; 
fes  enfans  vous  demandent  que  vous  arrachiez  tout  ce  que  le 
Père  célefle  n'a  point  planté.  Vous  êtes  établi  le  Maître  des  Na- 
tions ôc  des  Empires  ,  pour  arracher  ôc  détruire ,  pour  édifier  ÔC 

%X  25:.  planter.  Il  n'y  a  que  celui  qui  tient  la  place  de  Pierre  qui  puiiTc 
d'un  feu!  coup  faire  périr  un  Ananie  ,  un  Simon  le  Magicien  ;  ôc 
pour  parler  fans  figure  ,  il  n'appartient  qu'au  Pape  de  dépofer  un 
Evcque.  Il  partage  avec  d'autres  le  foin  d'une  Églife ,  mais  il  eft 
le  feul  qui  ait  la  j>Iénitudede  la  puiffance.  Ces  Lettres  de  faint 
Bernard  formèrent  un  obllacle  à  la  demande  du  PaUium  que 
Guillaume  étoit  venu  faire  au  Pape  Eugène.  Il  s'en  retourna  fans 
l'avoir  obtenu.  Quelques-uns  de  fon  parti,  pour  fe  venger  de 
l'affront  qui  leur  en  revenoit  ,  mirent  le  feu  à  TAbbaye  de  Fon* 
taines  ,  ôc  en  maffacrerent  plufieurs  Religieux.  Ce  fut  le  fujec 

^  î'T-.  (j'une  nouvelle  Lettre  au  Pape  Eugène  de  la  part  de  faint  Ber- 
nard ,  dans  laquelle  il  le  prefie  d'abattre  promprement  ce  mau- 
vais arbre  qui  ne  produifoit  que  des  épines.  Guillaume  fut  en 
elTet  dépofé  dans  le  Concile  tenu  à  Reims  en  H48,  le  Pape 
Eugène  préfent.  Les  Clercs  de  l'Eglife  d'Yorck  y  étoient  van  us 
r«nuuvelier  leurs  accufations  contre  Guillaume  ,  ayant  à  leut 
tcte Henri  Murdac,  Abbé  de  Fontaines.  Il  fut  élu  Archevêque 


1 


PREMIER  ABBÉ  DE  CLAIRVAtJX,&fd  ^yr 

d'Yorck  à  la  place  de  Guillaume ,  ôc  facré  par  le  Pape  à  Trêves  le 
cinquième  de  Décembre. 

LI  X.  En  1 14.71e  Légat  Alberic  envoyé  contre  les  Henri-  Epijl.  14t. 
ciens  ,  fedateurs  des  errenrs  de  Pierre  de  Bruis  dont  il  a  été  parlé 
plus  haut ,  fe  Ht  accompagner  de  Geoffroi ,  Evoque  de  Chartres , 
ôc  de  faint  Bernard ,  qui  avant  de  fe  mettre  en  chemin  pour 
Touloufe ,  écrivit  à  Alfonfe ,  Comte  de  Saint-Gilles,  pour  lui 
donner  de  l'horreur  de  ces  hérétiques,  nommément  de  Henri 
leur  chef.  Il  en  fait  le  portrait ,  &  le  détail  de  fes  dogmes  perni- 
cieux ;  6c  pour  engager  le  Comte  à  le  chaiTer  de  fes  Terres ,  il  le 
prie  de  s'informer  comment  cet  impofîeur  étoit  forti  de  Lau- 
zanne ,  du  Mans ,  de  Poitiers  ôc  de  Bordeaux  ,  laiflant  dans  ces 
Villes  de  li  honteufcs  traces  de  fes  débauches ,  qu'il  n'ofoit  y 
retourner.  La  Lettre  de  faint  Bernard  aux  Citoyens  de  Touloufe  £  ^^  ^.^^ 
eft  un  éloge  de  leur  attachement  à  la  faine  doélrine  ;  mais  alin 
qu'ils  ne  fe  lailfent  pas  féduire  par  des  dogmes  nouveaux ,  il  les 
avertit  de  ne  recevoir  aucun  Prédicateur  étranger  qu'il  n'ait  fa 
miiîîon  du  faint  Siège,  ou  qu'il  ne  foit  approuvé  de  l'Evcque 
Diocèfain. 

LX.  A  Rome,  Arnaud  de  Brefle  excitoit  le  peuple  Romain  E'pijî.  t4ji 
à  la  révolte ,  6c  à  changer  la  forme  du  gouvernement ,  lui  propo- 
fant  de  faire  rebâtir  le  Capitole ,  de  rétablir  la  dignité  du  Sénat , 
&  l'ordre  des  Chevaliers.  Il  difoit  qu'il  n'appartenoit  pasau  Pape 
de  gouverner  cette  Ville  ;  qu'il  devoir  fe  contenter  de  la  Jurif- 
diflion  Eccléfiaftique  ,  6c  vivre  desdixmes  ôc  des  offrandes  des 
Fidèles,  fuivant  l'ancien  ufage  de l'Eglife. Les  Romains  émus 
par  ces  difcours ,  elTayerent  en  effet  de  changer  la  forme  du  gou- 
vernement ;  ôc  le  Pape  Eugène  fut  obligé  ,  pour  éviter  leur 
fureur,  de  fe  retirer  à  Viterbe.  Ce  fut  une  occafion  à  faint  Ber- 
nard d'écrire  aux  Romains  pour  les  ramener  à  l'obéilTance  du 
Pape.  Il  leur  fait  voir  qu'en  s'efforçant  de  détruire  les  privilèges 
du  faint  Siège, non-feulement  ils  affoiblifToient  l'autorité  fuprémc 
que  le  Ciel  ôc  la  Terre  lui  ont  accordée  ,  mais  qu'ils  fe  deshono- 
roient  eux-mêmes,  en  deshonorant  leur  Chef  6c  celui  de  toute 
l'Eglife,  à  qui  ils  auroient  dû,  s'il  eût  été  nécefTairc ,  facrificr 
leur  propre  vie.  Vos  Ancêtres ,  leur  dit-il ,  ont  rendu  votre  Ville 
la  maîtrelfe  du  monde,  elle  en  va  devenir  la  fable  par  votre  impru- 
dence. Vous  chaffez  le  SucceiTeur  de  faint  Pierre  de  fon  Siège  & 
de  fa  Ville.  Vous  dépouillez  les  Cardinaux  6c  les  Evêques  à« 
leurs  biens  ôc  de  leurs  maifons.  Rome  aveugle  !  qui  fuit  f  :is 
réflexion  la  paffion  qui  t'entrame  ;  Ci  tu  formes  un  Corps ,  le  Pape 

Aaai; 


372  S  A  I  N  T    B  E  R  N  A  R  D  , 

H'en  eft-'il  pas  la  tête  ;  les  Cardinaux  n'en  font-ils  pas  comme  le» 
yeux  ?  Qu'es-tu  donc  aujourd'hui  ?  Un  Corps  fans  tête ,  fans  yeuxy 
fans  lumière.  Il  fait  enfuite  fouvenir  les  Romains  des  défordres 
arrivés  dans  l'enceinte  de  leur  Ville  pendant  le  fchifme  de  l' An- 
tipape Anaclet  ;  tout  ce  qu'il  y  avoit  de  précieux  dans  les  Tem- 
ples ,  les  vafes  facrés  ,  les  flatues  d'or  ôc  d'argent  ;  en  un  mot  ,- 
tous  les  riches  ornemens  qui  embeliflbient  la  Maifon  du  Sei- 
gneur  ,  devinrent  la  dépouille  des  fcélerats.  Saint  Bernard  leuc- 
repréfente  les  fuites  ficheufes  delà  divifion  qui  regnoit  entr'eux,. 
ôc  qui  étoit  pouffée  à  un  tel  excès  ,  que  le  tils  étoit  obligé  de  fe- 
défier  de  fon  propre  père.  C  eft  pourquoi  il  les  conjure  de  fe 
réconcilier  avec  Dieu  ,  avec  les  Apôtres  qu'ils  avoient  chafTéS' 
de  leur  Vi  le  en  la  perfonne  d'Eugène  leur  fucceflfeur  ;  avec  les 
Martyrs  Protedeurs  de  Rome  ;  avec  les  Princes  du  monde ,  ÔC. 
avec  tous  les  Fidèles  qu'ils  avoient  fcandalifés  par  leur  attentat. 

Epijl.  144.  Le  faint  Abbé  écrivit  encore  au  Roi  Conrad  ,  en  lui  remontrant» 
la  néceifiié  de  l'union  ôc  de  la  concorde  entre  la  Royauté  ôc  le 
Sacerdoce  ,  ôc  en  l'exhortant  à  protéger  l'Eglife  contre  les- 
entreprifes  téméraires  des  Romains.  Armez-vous  ,  lui  dit-il,  de 
toute  votre  puiiïance  ;  faites  rendre  à  Cefar  ce  qui  eil  à  Cefar ,  Qc 
à  Dieu  ce  qui  efl  à  Dieu.  En  qualité  d'Empereur,  vous  aves 
deux  obligations  ;  l'une ,  de  défendre  votre  Couronne  ;  ôc  l'autre,. 
de  protéger  l'Eglife.  Vous  êtes  le  Chef  de  l'Empire  ,  &  le 
Dépofitaire  de  fes  droits  ;  vous  êtes  le  Tuteur  ôc  l'Avocat  de- 
l'Eglife. 

Epi.jl.tiu      LXI.    Les  cinq  Lettres  fuivantcs  font  adreffées  au  PapC 
'*  '  Eugène.  Les  deux  premières  regardent  Elle ,  Evcque  d'Orléans, 

qui  accufé  de  plulieurs  crimes,  &  fe  trouvant  prefque  dans  1  im- 
pollibilité  de  s'en  juftifier  ,  avoit  abdiqué  volontairement  1  Epif- 
eopat.  Saint  Bernard  prie  le  Pape  de  ne  pas  le  deshonorer  par  une 
Sentence  diifimante,  mais  de  lui  conferver  le  rang  de  fimple 

_  .  _  Prêtre  ,  ôc  une  honnête  médiocrité.  Voici  quelle  fut  l'occafioiv 
■^  *  '  "  de  la  troifiéme.  Il  étoit  d'ufage  alors  de  couronner  les  Rois  à 
toutes  les  grandes  folemnités  ;  Samfon  Archevêque  de  Reims ,  fie 
cette  cérémoniedans  l'Affemblée  qui  fetîntà  Bourges  à  la  Fête 
de  Nocl  I  i^f  pour  la  Croifade.  L'Archevêque  de  Bourges  s'en 
plaignit  au  Pape  ,  qui  priva  de  l'ufage  du  Pallium  celui  de 
Reims.  Saint  Bernard  défapprouvanr  cette  fé^erité  remontra  à 
Eugène  ,  que  Samfon  ne  croyoit  point  en  cela  avoir  excédé  fes 
privilèges ,  &  qu'il  étoit  en  état  de  fe  juflifier  là-ddfus  ;  que  le 
Roi  pourroit  être  aigri  de  l'affront  fait  à  l'Archevêque  de  Rciras^, 


PREMIER  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX,&c.   37? 

parce  que  ce  Prince  avoir  été  roccafion  du  démêlé  ;  ôc  qu'il  étoit 
d  une  extrême  conféquence  de  le  ménager  dans  l'affaire  de  la  • 
Croifade.  Par  la  quatrième  Lettre  faint  Bernard  avertit  le  Pape  Epifi.  14s. 
de  fe méfier  de  l'Evcque  deSéez,qui  fous  de  faux  prétextes 
vouloit  ôter  les  Chanoines  réguliers  de  fon  Eglife  pour  y  mettre 
des  léculiers.  Dans  la  cinquième  il  lui  recommande  le  Prieur  de  EpijI.  1.^9, 
la  Chaife-Dieu,  élu  Evêque  de  Valence  par  le  confentement 
unanime  du  Clergé  ôc  du  Peuple. 

LXII.  On  avoit  aulli  choifi  pour  Evêque  un  Religieux  de  Epifl.  150; 
la  Chartreufe  des  Portes ,  mais  le  Pape  Eugène  ne  voulut  point 
approuver  fon  éledion.  Le  Prieur  ôc  les  Moines  en  furent  fichés. 
Saint  Bernard  leur  en  fit  des  reproches ,  leur  faifant  entendre  que 
le  Pape  n  en  avoir  agi  de  la  forte  ,  que  pour  empêcher  qu'on  ne 
trouvât  à  redire  à  lélevation  de  ce  Religieux  qu'on  fcavoit  ne 
s'être  converti  que  depuis  peu.  Au  relie  il  protefte  n'avoir  eu 
aucune  part  au  refus  du  Pape  ;  qu'il  étoit  même  difpofé  à  lui 
procurer  dans  le  tems  un  polte  où  il  fit  valoir  fes  talens  ;  ôc  que 
quand  ce  Religieux  auroitlailTé  paroître  étant  dans  le  monde,' 
quelques  traits  de  jeuneffe,  le  palfé  n'étoit  plus  ,  la  folitude  ou 
la  vie  religieufe  étant  devenue  pour  lui  un  fécond  baptême.  Il 
loue  le  Prieur  des  Pertes  d'avoir  répondu  chrétiennement  à  la 
lettre  défobligeante  de  l'Abbé  de  Chezy,  ôc  finit  la  fienne  par 
ces  paroles  édifiantes  :  jVla  vie  qui  a  quelque  chofe  de  monilrueux  ,■ 
ma  confcience  qui  e(l  dans  un  trouble  continuel ,  m'obligent  dé- 
crier vers  vous.  Je  fuis  une  efpece  de  chimère  dans  mon  fiécle, 
ni  Clerc,  ni  Laïc.  Je  porte  un  habit  de  Moine,  ôc  j'en  ai  quitté- 
depuis  longtems  les  cbfervances  ôc  les  préceptes.  Je  ne  vous 
mande  point  ce  que  vous  fçavez  apparemment ,  les  occupations 
qui  me  ciiilipent ,  les  périls  aulquels  on  m'exporcdansle  monde, - 
ou  plutôt ,  les  abîmes  où  l'on  n>e  précipite.  Si  vous  l'ignorez  ,  je 
vous  prie  de  vous  en  inftruire  ,  afin  que  vous  m'aidiez  de 
vosconfeils  ôc  de  vos  prières ,  à  mefure  que  vous  connoîtrez  mes 
befoins. 

L  X 1 1 1.  Saint  Bernard  intercéda  auprès  du  Pape  pour  les  Ep'f.  lU' 
Moines  de  Paulme  ,  qu'il  avoit  punis  d'une  faute  confiderable, 
enréduifant  leur  Abbaye  en  Prieuré.  On  lui  rendit  depuis  fon 
premier  titre.  Il  fait  dans  fa  Lettre  à  Hugues  ,  Abbé  de  Prémon-  EpiJÎ.  153.- 
tréj  le  dénombrement  des  ferviees  qu'il  avoic  rendus  à  fon  Ordre 
en  diverfes  occafions  ,  ôc  fe  judifie  fur  les  reproches  que  cet 
Abbé  faifoit  aux  Moines  de  Clairvaux.  Puis  il  ajoute  :  Les  liens 
de  la  charité  qui  m'attachent  à  vous  font  indiiiblubles  ôcinva- 

Aa  a  iij 


574  SAINT     B  E  R  N  A  R  D, 

riables.  Lorfque  je  vous  verrai  irrité ,  je  tâcherai  de  vous  appai-* 
f6r;lorfquc  vous  voudrez  m'irriter^  je  céderai  à  Votre  colère  , 
>'■•  .i,;  d«  peur  de  céder  au  démon.  Plus  vous  m'accablerez  d'injureS, 
plus  je  vous  comblerai  d'honnêtetés.  Je  fuis  pénétré  de  douleur 
de  vous  avoir  donné  quelque  fujet  de  chagrin,  elle  ne  ceflera 
point,  que  vous  n'ayez  eu  la  bonté  de  la  loubger.  Il  n'eut  qu'à 

E})ijl.  ij4.  louer,  dans  fa  Lettre  à  l'Abbé  de  fainte  Maric-des-Alpes.  Cet 
Abbé  ayant  entrepris  la  réforme  de  fon  Monaftere,  y  rappella 
ceux  de  fes  Religieux  qui  avoient  vécu  jufques-là  fans  règle  & 
fans  ordre  dans  des  cellules  féparées,  interdit  aux  femmes  lentrce 
de  la  clôture  ,  ôc  fit  refleurir  la  difcipline  &  la  pieté  avec  un  zèle 
toujours  nouveau.  Saint  Bernard  dit  dans  cette  Lettre  ,  que 
l'homme  jufte  ne  croit  jamais  être  parvenu  à  la  perfettion  ;  qu'il 
ne  dit  jamais,  c'eft  affez  ;  qu'il  efl  toujours  altéré  de  la  juflice, 
enforte  que  s'il  vivôit  toujours  >  il.travailleroit  fans  cefTe  à  faire 
de  nouveaux  progrès  dans  la  vertu  ;  que  la  faim  perpétuelle  du 
Jufte  mérite  d'être  éternellement  raffafiée,  parce  que  rnaùqré  la 
brièveté  de  la  vie  qui  la  termine  ,1a  confiance  de  la  volonté  qui 
produit  cette  faim, lui  donne  delà  proportion  avec  l'éternité.  Par 
uneraifon  femblabie  il  fait  voir  que  le  llipplice  des  méchans  doit 
ctre  éternel,  à  caufe  de  l'inflexible  malignité  de  leur  coeur  qui 
rend  éternel  par  fes  dénrs,  ce  qui  efl  pallager  dans  fon  exécution  ■;• 
enforte  que  fi  un  réprouvé  étoit  immortel ,  il  perlKleroit  toujours 
dans  la  volonté  de  pécher. 

ÏÏpiJl.  i5i.  LXI  V.  La  Lettre  à  Louis  le  Gros,  Roi  de  France  ,  fe 
trouve  placée  dans  les  manufcrits  après  la  cent-vingt-flxiéme 
aux  Evêques  d'Aquitaine.  Elle  fut  en  ciîet  écrite  quelque  tems 
après ,  ôc  vers  l'an  1 1 54. ,  à  l'occafion  du  Concile  indiqué  à  Pife 
par  Innocent  II.  Ce  Prince,  dont  le  Pape  avoit  facré  le  fils  à 
Reims  en  iijij  avoit  défendu  aux  Evêques  de  fon  Royaume 
d'aller  à  ce  Concile ,  à  caufe  des  grandes  chaleurs.  Saint  Bernard 
lui  écrivit  que  cette  confid^rarion  ne  devoir  pas  l'empêcher  de 
témoigner  dans  cette  aflemblée  générale  de  tous  les  Evoques 
d'Occident ,  fon  zèle  ardent  pour  la  Religion  ,  en  y  envoyant  les 
Evêques  de  fes  Etats.  On  y  apprendra,  lui  dit-il ,  que  le  Roi  de 
France  efl  le  premier ,  ou  l'un  des  premiers  qui  ait  eu  la  pieté  ôc 
ie  courage  de  défendre  l'Eglife  fa  mère  contre  la  violence  de  (es 
perfécuteurs,  c'eft-à-dirc ,  des  fauteurs  de  l'Antipape  Anaclet. 

gpi/j,  4-|5.  L  X  V.  Hugues ,  Evêque  de  Gabale  en  Syrie  ,  étant  venu  eu 
Occident  pour  demander  au  Pape  Eugène  ,  au  Roi  des  Romains, 
èc  au  Roi  de  France ,  du  fceours  pour  l'Eglife  d'Orient ,  que  la 


PREMIER  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX ,  &c.  57? 

perte  de  la  Ville  d~Edefle  avoit  jettée  dans  la  conflernation  ,  le 

Pape  écrivit  au  Roi  Louis  le  Jeune  le  premier  de  Décembre  de 

l'an  1145',  pour  l'exhorter,  &  tous  les  François /à  prendre  les 

armes  pour  la  dcfenfe  des  Clirétiens  d'outre-mer.  Ce  Prince 

avoit  déjà  réfolu  de  fe  croifer  pour  ce  fujet ,  &  communiqué  fou  ' 

deffein  à  quelques  Seigneurs  delà  Cour ,  aux  Evoques ,  ôc  à  faine 

Bernard.  Il  en  écrivit  même  au  Pape  ,  qui  ayant  approuve  fon 

deffein  ,  il  fe  tint  un  grand  Parlement  à  Vezelai  le  5  i  de  Mars 

1146,011  faint  Bernard  par  ordre  de  l'Affemblée  prêcha  avec 

fuccès  la  Croifade  ;  &  un  à  Chartres  le  2 1  d'Avril  de  la  même 

année,  oùlon  voulut  d'un  confcntemcnt  unanime  ie'choififpGUtr 

Chef  de  cette  Croifade.  Mais  il  s'y  oppofaconftamment,  comme 

on  le  voit  par  dx  Lettre  au  Pape  Eugène  ,  où  d'un  cote  il  le  prefle 

de  fecourir  l'Ëglife  d'Orient  .fins  i'e  laiffer  décourager  par   la 

perte  d'EdelTe  ;  &  de  l'autre  il  lui  raconte  ce  qui  sétoit  paHc  à 

fon  égard  dans  rAlIemblée  tenue  à  Chartres,  Votre. Sainecfé  a 

fans  doute  appris  qu  on  m'y  avoit  fait  le  Chef  de  cette  nouvelle 

Croifade.  J'admire  d'oùeft  venu  ce  delîein.  Pour  moi  je  d'éclare 

que  je  n'en  ai  jamais  eu  la  penfëe  ,  ni  la  moindre  envie  ;  Ç\  je 

eonnois  bien  mes  forces,  je  fuis  même  dans  l'impuiffance  de 

m'acquitter  dune  pareille  commiliion.  Qui  fuis-je  pour  ranger 

une  Armée  en  bataille,  pour  me  mettre  à  la  tête  des  Troupes?  Je 

fuppofe  même  que  j'en  aye  ia  force  &  la  capacité  ,  quoi  de  pius 

oppofé  à  ma  proielhon  ?  Votre  Sainteté  ell  trt^p  fage  pour  n'y  pas 

faire  une  férieufe  attention.  Je  la  conjure  donc  parla  charité  Eiiijf.   t^r. 

donfellc  m'eft  redevable  d'une  manière  particulière  ,  de  ne  me 

livrer  point  au  caprice  des  hommes,  de  confuiterDieu ,  &  de 

fuivre  fes  volontés.  Saint  Bernard  prie  encore  le  Pape  d'avoir 

quelques  égards  pour  un  Moine  de  Clairvaux  nommé  Philippe  y 

fait  Évêque  de    rarente  par  l'Antipape  ,  ôc  dégradé  enfu'ice* 

Quoiqu'on  l'eût  fcduic  à  l'Olhce  de  Diacre ,  il  ne  (e  piaignoit  de 

xien  ,  content  de  vivre  inconnu  dans  la  Maifon  de  Dieu.  Il  s'in- 

tereffa  auffi  pour  le  rappel  du  Moine  Rualenus,  contraint  par  le     J^p-fr-  i^s , 

Pape  d'être  k\nhé  de  ■  faint  Anaftafe  ;  mais  voyant  que  le  Pape  ^î^^--®-' 

pcrfidoit  dans  fon  faninient ,  il  s'y  fournit,  &  écrivit  à  RualenuS 

pour  l'exhortera  fupporter  les  peines  &  les  inquiétudes  infcpa-^ 

rabies  du  gouvernement.   Dans  les  deux  Lettres  fuivàntes  adrcl^      £.;-?.  ,6 j  ^ 

fées  au  mfcme  Pape  ,  faint  Bernard  le  prie  d'abfbudre  fAbbé  de  îé».  "* 

faint  Urbain  de  l'interdit  qu'il  avoit  encouru  de  fa  part  pour 

avoir  donné  l'habit  à  un  Religieux  Templier  fans  l'agrément  de 

fes  Supérieurs,  6c  de  prpteger  les  Moines  de  fainte'Marie-fur- 


37^  SA  IN  T    BERNARD,- 

Meufe  au  Diocèfe  de  Reims,  dans  un  procès  qu'ils  avoîcnt. 
Epijf.  163.       L  X  V I.  L'Abbé  de  Chezy  en  avoit  un  autre  pour  lequel  faine 
Bernard  interella  l'Evêque  de Soifïons.  La  Lettre  qu'il  reçut  de 
'  Epijl.  itf4 ,  Pierre ,  Abbé  de  Ciuni ,  &  fa  réponfe  à  cette  Lettre  font  des 
•^î'  preuves  de  i'eftinie  qu'ils  fetémoignoient  mucuellenient ,  &  du 

Epijî.  z66,  défir  qu'ils  avoient  de  fe  voir.  Saint  Bernard  n'en  avoit  pas  moins 
,de  voir  l'Abbé  Suger ,  &  de  recevoir  fa  bénédicHon.  Mais  ne 
pouvant  fe  promettre  cet  avantage ,  parce  que  Suger  fe  trouvoit 
dangereufement  malade,  il  lui  écrivit  pour  l'encourager  à  la 
;  mort.  On  avoit  furpris  la  religion  du  Pape  pour  placer  dans  une 
dignité  de  l'Eglife  un  homme  convaincu  de  l'avoir  briguée,  ôc 
;-Epjl.  z6S..,dégradépubliquement  pour  crimes;  faint  Bernard  fit  connoître 
au  Pape  le  Sujet,  &  le  pria  de  le  priver  de  fa  dignité.  Il  fut  lui- 
même  furpris  par  un  homme,  qui  pour  éluder  la  juftice,  obtint 
EpiJl.  ii9-  de  lui  une  lettre  de  recommendation  pour  le  Pape.  Mais  il  en 
prévint  l'effet  en  lui  donnant  avis  de  la  fourberie.  Il  lui  donna 
/yf=  170.  gyjij  2vis  de  la  mort  de  Rainaud  ,  Abbé  de  Citeaux  ,  arrivée  en 
1 1  p  ,  &  de  l'éledion  de  Gofvin  ,  Abbé  de  Bonneval ,  fon  fuc- 
ceffeur,  qu'il  lui  recommande.  Par  la  même  Lettre  il  informe  le 
;Pape  d'un  fcandale  arrivé  à  la  grande  Chartreufe.  Certains  Reli- 
gieux de  cette  Maifon  qui  en  avoient  été  chaflés  ,  ou  qui  en 
'  ;étoientfortis  fcandaleufement,  obtinrent.de  Rome  parfurprife 

.une  Lettre  de  rétablilTement.;  mais  bien  loin  defe  foumettre  àla 
.peine.portée  par  les  Statuts  de  l'Ordre  ,  ils  infulterent  ceux  qu'ils 
avoieiit  offenies  pat  leur  apoftafie  ,  &:  s'érigèrent  en  Supérieurs.- 
-Le  Prieur  Anthelme  fe  voyant  fans  autorité ,  fongeoit  à  fe  retirer 
cour  n'être  pas  témoin  du  renvcrfement  de  la  Règle.  Mais  faint 
Bernard  prévoyant  les  flicheufes  fuites  de  fa  retraite  ,  pria  le  Pape 
jde  punir  ces  Moines  rebelles  qui  l'avoicnt  furp-ris.  11  efl:  doux, 
.dit-il ,  il  efl:  équitable  de  faire  tomber  le  méchant  dans  la  foffe  qu'il 
a  creufée  ,  de  lui  faire  porter  la  peine  qu'il  méditoit  d'attirer  fur 
l'innocent.  Tel  fera  l'effet  de  votre  zèle  ,  il  abbattra  l'orgueil ,  il 
rétablira  l'autorité  légitime.  Si  le  Prieur  demeuroit  fans  pouv.oàr, 
il  feroit  à  craindre  que  la  Règle  ne  pérît  bientôt.  Le  Statut 
auquel  ces  Moines  fugitifs  ne  vouloient  pas  fe  foumettre  ,  fe  lit 
dans  le  foixante-dix-feptiéme  chapitre  des  Conflitutions  du  bien- 
heureux Guigues ,  &  porte  quele  Religieux  déferteur  fera  mis  au 
dernier  rang  ,  laifl'ant  au  Prieur  à  lui  impofer  d'autres  peines. 
E/.jl.  lyu  L  X  V  1 1.  Saint  Bernard  avoit  pour  maxime  ,  que  fervir  un 
■ami  aux  dépens  de  ce  qu'on  doità  Dieu ,  c'étoit  fe  rendre  indigne 
de  fpn  amitié.  Sur  .ce  principe  il  crut  qu'il  offenleroit  Tliibaud  , 

Comte 


PREMIER  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX,&c.   377 

Comte  de  Champagne ,  dont  il-c'toit  aimé  ,  s'il  condefcendoit  au 

délîr  qu'il  avoit  de  procurer  à  (on  ffis,  encore  enfant,  des  dignités 

Eccleliadiques.  Perfuadé  ,  lui  dit-il ,  que  les  dignités  Ecclefiadi- 

ques  ne  font  dues  qu  à  ceux  qui  ont  la  volonté  &  le  pouvoir  do 

s'en  acquitter  dignement  ;  j'ofe  vous  déclarer  que  vous  ne  pouvez 

fans  injuftice,&.  que  je  ne  puis  fans  danger  les  foUiciter  pour 

votre  Hls  ,  encore  enfant.  Il  n'efl  pas  même  permis  à  un  homme 

d'un  âge  propre  à  les  pofTeder,  d'en  avoir  pluficurs  en  diverfcs 

Eglifes,  à  moins  qu'il  ne  foit  difpenfé  de  cette  loi ,  ou  à  caufe 

de  l'extrême  néceilité  de  l'Eglife  ,  ou  pour  une  utilité  confidé- 

rable  qu'elle  en  peut  tirer.  Si  ce  langage  vous  paroît  dur,  fi  vous 

êtes  déterminé  à  fuivre  vos  premières  vues ,  je  vous  fupplie  de 

ne  point  vous  adrelTer  à  moi.  Saint  Bernard  ne  laiiïa  pas,  par  £;il  174, 

quelque  confideration  humaine ,  de  travaillera  procurer  au  neveu 

de  TEvéque  d^Auxerre,la  Prévôté  de  cette  Eglife,  quoiqu'il 

fiit  encore  jeune  \  mais  il  s'en  repentit,  comme  d'une  faute  qu  il 

avoit  faite. 

L  X  V  1 1 1.  Hugues  ,  Abbé  de  Trois-Fontaines ,  à  qui  il  fait  E;,'i,/?.  17;. 
cet  aveu,étoit  alors  à  Rome  pour  les  affaires  de  fon  Ordre.  Saint 
Bernard  craignant  qu'une  longue  abfencc  ne  nuifit  au  bien  de 
cette  AIaifon,pria  le  Pape  de  l'y  renvoyer.  Il  le  remercie  en 
même-tems  de  fa  Lettre  affedueufe  au  Chapitre  général  aiTcm- 
blé  à  Citeaux,  6c  le  prie  de  continuer  à  honorer  ceux  de  fon 
Ordre,  de  fes  foins.  Ils  ne  font,  dit-il,  qu'une  petite  portion 
des  enfans  du  Père  de  famille;  mais  ils  en  font  la  portion  la  p!us 
précieufe  ,  les  enfans  les  plus  chéris,  les  premiers  héritiers  de  la 
Couronne  immortelle  ,   les    principaux  co-héritiers  de  Jefus- 
Chrift.  Informé  par  un  de  fes  Religieux  qu'il  avoit  envoyé  exprès 
à  Auxerre ,  des  brouilleries  qu'avoir  occafionnées  une  féconde 
éledion  ,  il  en  donna  avis  au  Pape  ,  ôc  appuya  la  première,  p.,;?.  17^. 
comme  ayant  été  faite  par  le  plus  grand  nombre.   Il    l'avert't  E-^iti.  lyi. 
encore  que  le  défunt  Evoque  d'Auxerre  étant  prcfque  f  ms  con- 
noifTancc ,  avoit ,  à  la  follicitation  d'un  certain  Eilienne,  fait  fon 
légataire  prefque  univerfei  fon  neveu ,  jeime  Laie  incapable  de 
fervir  l'Egiife  ;&  que  par  cette  difpofrLion  ce  jeune  homme  héri- 
toit  les  revenus  de  fept  ParoiiTes ,  les  dixmes  6c  les  prés  fuués 
dans  une  forêt  dépendante  de  l'Evêché  ,  fans  compter  les  effets 
mobiliers  de  fon  oncle.  C'efl  pourquoi  il  prie  le  Pape  de  faire 
caffer  ce  teftament  ,  comme  contraire  aux  Loix  delEglife  ,  ôc 
deshonorant  pourcefaint  Eveque.  Il  lui  recommanda  i'Abbé  de    '  E^.jî.  177, 
Cluni  qui  alloit  à  Romei  Henri,£vêque  deBeauvais,ôc  HeloitlTe,  -^-^• 
Terne  XXII.  B  b  b 


37«  S  A  I  N  T    B  E  R  N  A  R  D  ; 

Abbeiïie  du  Paraclet ,  qui  avoit  eu  recours  au  faint  Siëgc  pour 

Epijl.  iSo.  quelque  grâce.  Le  Pape  ayant  ordonné  une  nouvelle  élection  à 
Auxerre,  commit  faint  Bernard  avec  deux  autres  perfonnes  pour 
y  préfider.  Il  s'accorda  avec  l'un  des  deux ,  l'autre  reclama  ;  mais 
le  Pape  confirma  l'éledion.  On  croit  que  ce  fut  en  faveur  d'Alaia 
premier  Abbé  de  Lerivoir  au  Diocèfe  de  Troyes.  Cependant  on 
fit  entendre  au  Roi  Louis  que  la  première  élection  n'ayant  pas 
eu  lieu  ,  il  avoit  été  befoin  de  fa  permifTicn  pour  procéder  à  unç 

Epifl.  iSi.  féconde.  S.  Bernard  lui  repréfenta  qtie  fon  premier  confente- 
ment  fuffifoit  ;  qu'il  : 'toit  contre  l'ufage  ôcîa  raifon  de  recourir  à 
fon  autorité,  toutes  les  fois  que  le  Clergé  étoit  divifé.  Il  le  pria 
donc  de  confentir  à  l'éledion  d'Alain,  l'affurant  que  ce  Sujet 
étoit  digne  du  choix  qu'on  en  avoit  fait,  ôc  d'ailleurs  très-dévoué 
au  fervice  de  fa  Majefté, 

Epi,'?.  183  &      L  XI  X.  Suivent  cinq  Lettres  de  recommandation  adreffées- 
^  ^'  au  Pape  ôc  à  l'Evêque  d'Oftie  pour  diverfcs  perfonnes.  Dans 

Epijl.  iSS.  celle  que  faint  Bernard  écrivit  à  fon  oncle  André,  Chevalier  du 
Temple,  il  déplore  le  mauvais  fuccès  de  la  Croifade,  qu'il  fait 
retomber  fur  la  méfintelligence  des  Princes  Chrétiens,  &  fur 
leur  inaction.  Comme  il  fe  fentoit  proche  de  fa  fin  ,  il  auroit 
fouhaité  voir  cet  oncle  avant  de  mourir  ;  mais  il  n'ofoit  le  prier 
de  repaffer  la  mer  ,  dans  la  crainte  de  le  dérober  à  un  Pays  que 
fon  abfence  pouvoir  expofer  à  de  grands  dangers.  Cette  Lettre 
eft  de  l'an  1 1  J5.  Il  y  rappelle  celle  que  fon  oncle  lui  avoit  con^ 

Epijl.  185,  fcillé  d'écrire  à  la  Reine  de  Jerufalem  nommée  Melufine  ,  fille 
de  Baudouin  fécond  Roi  de  Jerufalem  depuis  que  cette  Ville  fut 
poffedée  par  les  Latins,  &  femme  de  Foulques  qui  avoit  fucccdé 
a  fon  beau-pere  dans  ce  Royaume.  Foulques  étoit  mort  dès  l'an 

Epifl.  10(5 ,  1 142  d'une  chute  qu'il  avoit  faitealachaire.il  y  a  plulieurs  autres- 
3î4,5î5.  Lettres  de  faint  Bernard  à  cette  Princcffe.  Dans  celle-ci ,  après 
avoir  fait  l'éloge  de  fa  fageffe/de  fa  modération,  de  fa  prudence, 
de  fon  attention  pour  la  confervation  de  l'Etat ,  il  lui  enfeigne 
à  faire  le  bien  avec  tant  de  circonfpeClion  ,  qu'il  foit  approuvé  de 
Dieu  ôc  des  hommes  ;  de  Dieu  ,  en  qualité  de  veuve  ;  des  hom- 
mes, en  qualité  de  Reine;  à  être  comme  veuve  ,  douce  ôc  hum- 
ble de  cœur  ;  ôc  comme  Reine  à  aimer  la  juftice,  ô:  à  protéger 

EpiJJ.  5î^.  l'innocence.  Il  lui  écrivit  l'autre  auOitôt  qu'il  eut  appris  la  mort 
de  fon  mari.  Elle  en  avoit  un  fils ,  mais  trop  foible  pour  porter  le 
poids  d'une  Couronne ,  enforte  qu'elle  étoit  chargée  du  foin  du 
Royaume.  Saint  Bernard  l'exhorte  à  régler  toutes  chofes  avec 
tant  de  fligefle  ôc  de  modération  ,  qu'aucun  de  fes  Sujets  ne 


PREMIER  ABBÉ  DE  CLAIR  V  AUX,  6cc.  379 

s'apper»^oive  de  la  mort  de  leur  Roi.  Dans  une  troifiéme  Lettre  il  ^f^^"^-  î^^* 
recommanda  à  Melufine  des  Religieux  Prémontrés,  comme  de 
pieux  Guerriers  qui  annon(^oient  la  paix  aux  hommes,  ôcla  guerre 
aux  démons. 

L  X  X.  Jourdain  des  Urfins ,  envoyé  Légat  en  Allemagne  Epijî.  zyo. 
l'an  1 1  j  I ,  ôc  depuis  en  France  &  en  Normandie ,  s'étoit  difFums 
par-tout  par  l'irrégularité  de  fa  conduite,  enforte  que  tous  par- 
loient  mal  de  lui ,  jufqu'à  ceux  de  fa  maifon.  Saint  Bernard,  aux 
inftances  du  Prieur  de  la  Chartreufe  du  Mont-Dieu  ,  en  écrivit  à 
l'Evêque  d'Oflie,  le  priant  de  communiquer  fa  lettre  au  Pape  , 
afin  qu'il  prît  les  mefures  de  fe  défaire  d'un  fi  mauvais  Sujet. 
Mais  il  en  adreflli  une  en  droiture  au  Pape  pour  lui  recommander  ^pil^-  ^''' 
les  Moines  de  faint  Claude  ,  dont  le  Monaftere  &  les  Prieurés  en 
dépendans  tomboient  en  ruine,faute  de  finances  pour  les  réparer. 
Saint  Bernard    recommanda  encore  au  Pape  ,  Guillaume  de     ^p'j^-  *''^  * 
PaflTavant ,  Evoque  du  Mans,  Prélat  d'une  candeur  6c  d'une  pro-  '^^  '  '^ 
bité  généralement  connue  ;  l'Abbé  de  Vendôme  6c  l'Evcquc 
d'Angers ,  qui  avoient  tous  des  affaires  à  Rome.  Ses  Lettres  au 
Cardinal  Henri  &L  à  l'Evcque  d'Ollie,  font  aulli  en  faveur  de 
l'Evêque  du  Mans. 

L  X  X I.  Il  reprit  vivement  un  Laïc  qui  avoit  voulu  détourner  Epijl.  191. 
un  de  fes  parens  de  fe  faire  Religieux.  Vous  avez  ,  lui  dit-il ,  la 
hardieiïe  de  débaucher  un  nouveau  Soldat  de  Jefus-Chrift ,  du 
fcrvice  de  fon  Seigneur.  Vous  lui  en  rendrez  compte  un  jour. 
Quoi  donc  n'ctes-vous  pas  aflez  chargé  de  vos  propres  péchés  , 
fans  vous  rendre  refponiable  de  ceux  d'autrui  ?  Quand  il  vcnoità  -Fi''-  '■^î' 
Clairvaux  un  Moine  d'une  autre  Maifon,  il  terebutoitôc  l'obli- 
gcoit  de  retourner  à  fon  propre  Mono  (1ère  ;  mais  quelquefois  il 
fe  laiifoit  fléchir  par  les  raifons ,  ou  les  infiances  de  ceux  qui  ne 
changeoient  de  demeure  que  par  des  motifs  de  falut.  Il  felaifloit  Ep'ijl.  197* 
aulfi  attendrir  par  les  regrets  de  ceux  qui ,  après  avoir  quitté  leur 
habit ,  fouhaitoient  de  rentrer  dans  leur  Monaftere  pour  y  faire 
pénitence  ,  &  il  inrercedoit  volontiers  pour  eux. 

LXX  I  1.  Le  Moine  Nicolas,  fon  Secrétaire  ôc  fon  confî-  E.#-  ^9'- 
dent,abufoit  quelquefois  de  fon  fceau  pour  écrire  de  fauffes 
Lettres  en  fon  nom.  Saint  Bernard  s'en  étant  apper^^u  changea  de  E-^'ijl.  --34. 
fceau  ,  ôc  en  avertit  le  Pape  iiugene.  Cette  précaution  étoit  alors 
nécefTuire  ,  parce  que  le  (beau  tenoit  lieu  de  llgnature.  Comme 
la  trahifon.du  Moine  Nicolas  étoit  encore  fecrette  ,  le  faint 
Abbé  ne  la  découvrit  à  perfonne  ;  mais  auifitôt  qu'il  fut  forti  de 
Clairvaux  ,  oà  fa  mauvaife  conduite  ne  lui  permettoit  plus  de 

Bbbij 


380  SAINT     BERNARD, 

refter,  il  ne  le  ménagea  plus ,  &  le  fit  connoîtreau  Pape  en  ces 
termes  :  Il  eft  forti  de  chez  nous  laiflant  après  lui  de  noires  im- 
preflions  de  fes  défordres.  J'en  crois  informé  depuis  longtems, 
mais  j'attendois  que  Dieu  le  convertît^  ou  que ,  comme  un  autre 
Judas ,  il  fe  manifeftat  lui-même.  Cela  eft  arrivé.  Outre  les  livres, 
l'or  6c  l'argent  qu'il  emporroit  en  fortant,  on  l'a  trouvé  faifi  de 
trois  cachets  ,  du  fien ,  de  celui  du  Prieur ,  &  d'un  troifiéme  qui 
étoit  à  moi.  Ce  n'étoit  pas  l'ancien  ,  mais  le  dernier  que  j'avois 
été  obligé  de  prendre  pour  éviter  la  fraude  ôc  les  furprifes  de  ce 
Relig^ieux.  Quel  moyen  de  marquer  le  nombre  infini  de  per- 
fonnes  à  qui  il  a  écrit  en  mon  nom  ,  ôc  à  mon  infçu  ?  Plut  à  Dieu 
que  votre  Cour  fût  purgée  de  l'effet  de  fes  menfonges,  6c  que 
l'innocence  de  ceux  qui  font  avec  moi  pût  être  jurtifiée  auprès 
de  ceux  qu'il  a  prévenus  par  fes  calomnies.  Il  a  été  convaincu  ,  ÔC 
en  partie  par  fa  propre  confeffion,  de  vous  avoir  aulli  écrit  de 
faulfes  lettres.  Quant  à  fes  infamies  qui  font  devenues  publiques, 
je  ne  veux  ni  en  fouiller  mes  lèvres  ,  ni  vos  oreilles.  S'il  va  vous 
trouver,  fouvenez-vous  d'Arnaud  de  BreffejCar  il  eft  encore 
pire ,  ôc  il  mérite  à  plus  jufte  titre  d'être  condamné  à  une  prifon 
ôc  à  un  filence  perpétuel.  Nicolas  avoir  d'abord  été  Moine  à 
Monftier-Ramei  près  de  Troyes,  &  chargé  de  l'inflru^lion  de 
fes  Confrères.  La  réputation  de  faint  Bernard  l'attira  à  Clair- 
vaux  ,  où  il  fut  reçu  de  la  Communauté  en  l'abfence  de  l'Abbé 
en  1 146.  On  le  donna  pour  Compagnon  à  Geofroi  ,  principal 
Secrétaire  du  Saint ,  que  la  multitude  des  affaires  obligeoit  d'en 
avoir  plufieurs  Enfuite  il  devint  le  premier  de  tous.  Plus  attentif 
à  imiter  le  ftyle  de  fon  Abbé,  qu'à  imiter  fes  vertus,  il  abufa 
de  fon  miniftere  ,  fortit  furtivement  de  Clairvaux  ,  6c  après  avoir 
vagabondé  revint  à  Monftier-Ramei ,  où  il  vécut  encore  plufieurs 
années. 

Epif!.  if9      L  X  X 1 1 1.  Les  Lettres  au  Comte  d'Angoulême,6c  à  Sancie 

*^'"'  fœur  d'A'phonfe,  Roi  de  Caflille,  regardent  uniquement  les 

intérêts  de  quelques  Maifons  dépendantes  de  l'Ordre  de  Citeaux. 

Epiji.  300.  Dans  celle  qui  efl  à  Mathilde ,  ComtefTe  de  Blois ,  faint  Bernard 
lui  conleile  de  ménager  un  lils  dont  la  conduite  étoit  peu 
réglée  ;  l'affurant  que  par  fa  douceur  6c  fes  complaifances  ,  elle 
le  rameneroit  au  devoir.  Ayant  appris  que  l'Archevêque  de 
Mayence  nommé  Henri,  étoit  cité  devant  les  Légats  du  faint 

Epift.  ;oi.  5iége  ,  il  leur  écrivit  de  le  traiter  avec  bonté  ,  6c  d'appuyer  une 
muraille  ébranlée  qu  on  étoit  fur  le  point  de  renverfer.  Il  écrivit 

F-P'f^-  joî-  au  Roi  Louis  le  Jeune  d'obliger  un  S^-igncur  Breton  de  feféparer 


PREMIER  ABBÉ  DE  CL AIRVAUX,&:c.  ^St 

d'une  femme  qu'il  entretcnoit ,  enfuite  de  fe  faire  aLfoudre  de 

l'excommunication  portée  contre  lui  ;  ôc  au  cas  que  ce  Seigneur 

ne  voulût  rien  faire  de  tout  cela  ,  de  ne  pas  lui  accorder  la  per- 

midion  de  s'établir  dans  fon  Royaume ,  &  de  ne  pas  fouffrir  pour 

VafTal  un  excommunié  ôc   un  incedueux.   Dans  une  féconde  £>;/?.  t*4. 

Lettre  au  même  Roi,  faint  Bernard  le  remercie  de  la  part  qu'il 

prenoit  à  fa  fanté.  Il  étoit  aulïi  trcs-confideré  d'Alphoiife  ,  Roi 

de  Portugal.  La  Lettre  qu'il  écrivit  à  ce  Prince  lui  fut,cefemble,  ^"'J*^-  î°'- 

rendue  par  un  Religieux  nommé  Roland  ,  qui  lui  apportoit  des 

Indulgences  du  faint  Siège.  Dans  les  trois  Lettres  précédentes     Epij'.  jof 

faint  Bernard  rend  compte  au  Pape  Eugène  des  railons  que  S'^'^^jo/. 

Henri,  Evêque  deBeauvais,  avoir  de  ne  pas  aller  à  Rome,  qu'il 

n'en  eût  reçu  un  ordre  du  faint  Siège.  Il  fait  agréer  à  TEvcquc 

d'Cflie  l'éledionde  Tourolde  pour  Abbé  deTrois-Fontaincs  ;ôc 

fait  auprès  du  même  Evêque  l'apologie  de  l'Evêque  de  Eeauvais. 

En  recommandant  au  Pape  Eugène  les  Députés  de  Suger ,  voici  Epijf.  30^. 

l'éloge  qu'il  fait  de  cet  Abbé  :  S'il  y  a  dans  lEglife  de  France 

quelque  vafe  de  prix  qui  embelline  le  Palais  du  Roi  des  Rois  ; 

fi  le  i  eigneur  a  parmi  nous  un  autre  David  lidele  à  exécuter  fcs 

commandemens,  c'eft  fans  doute  le  vénérable  Abbé  de  faint 

Denys.  Ce  grand  homme  efi  Hdele  &  prudent  dans  l'adminillra- 

tion  du  temporel  ,  humble  6c  fervent  dans  le  fpirituel  ;&;cequi 

efc  rare  ,  iirépréhenfible  dans  ces  deux  chofes.  Il  vit  à  la  Cour  eu 

fage  Courtifan  ,  dans  fon  Cloître  en  faint  Religieux,  Suger  avoit 

été  établi  en  1 147  Régent  du  Roy^aime  en  labfence  de  Louis  le 

Jeune. 

L  XXI  "V.  Le  recueil  que  l'on  fit  des  Lettres  de  faint  Ber-  ^pjjf-  ji»^ 
nard  pendant  fa  vie,  finit  par  celle  qu'il  écrivit  quelques  jours 
avant  fa  mort,  qui  fut  le  20  d'Août  i  in  >  ^  Arnold  Abbé  de 
Bonneval ,  de  qui  il  avoit  reçu  quelques  rafraîchinemens.  Les 
marques  de  votre  affedion  ,  lui  dit  il  ,  ne  m'ont  procuré  aucun 
plaifir.  Peut-'on  en  goûter,  où  tout  e(l  amertume?  Si  je  relîens 
que  que  forte  de  plaifir,  ce  n'eftqu'à  ne  point  prendre  de  nourri- 
ture. Mes  infomnies  ne  laiffent  aucun  intervatic  à  mes  douleurs. 
Tout  mon  mal  confifiant  prefque  dans  une  extrême  débilité 
d'eflomac,  il  a  befoin  d'être  focfifié  jour  ôc  nuit  de  quelque 
liqueur  :  il  n'eft  plus  en  état  de  fupporter  ce  qui  e(l  folide.  Après 
quelquautre  détail  de  fes  infirmités,  il  ajoute  :  Pour  ne  rien 
cacher  à  un  ami  de  mes  difpofitions  intérieures  ,  je  le  dis  avec 
confufion  ,  l'efprit  efl;  prompt  dans  une  chair  infirme.  Priez  le 
Seigneur  ,  qui  ne  veut  pas  la  mort  du  pécheur ,  de  ne  point 

Bbbiij 


î8«  SAINT     BERNARD, 

difFercr  la  mienne ,  mais  de  me  foutcnir  dans  ce  paflage.  Je  vous 
écris  moi-même  en  l'état  où  je  fuis ,  afin  qu'en  reconnoiflant  la 
main  ,  vous  reconnoidlez  le  cœur. 
Epijl.  311.  LXXV.  Les  autres  Lettres  de  faint  Bernard  ont  été  recueil- 
lies depuis  fa  mort  par  diverfes  perfonnes,  ôc  mifes  félon  Tordre 
des  tems  dans  l'édition  générale  de  fes  Couvres  parDom  Ma- 
billon.  Mais  il  s'y  en  trouve  quelques-unes  qui  font  de  Bernard, 
Abbé  de  faint  Anadafe,  ôc  depuis  Pape  fous  le  nom  d'Eugène 
III.  6c  de  q'-elques  autres.  Haimeric,  Chancelier  de  l'Eglife 
Romaine  ,  étoit  lié  d'amitié  avec  le  faint  Abbé  de  Clairvaux  ,  fie 
Hugues  de  Pontigni;  il  leur  faifoit  même  quelquefois  des  pré- 
fens.  Ces  deux  Abbés,  pour  répondre  à  ces  marques  d'amitié, 
lui  écrivirent  conjointement  vers  l'an  i  127  une  Lettre,  oii,  après 
avoir  montré  que  l'intérêt  des  gens  de  bien  ôc  celui  de  Jefus- 
Chrift  étant  le  môme,  il  falloit  peu  s'inquiéter  de  certains  en- 
vieux qui  s'oppofoient  aux  delfeins  des  perfonnes  de  pieté; 
pafTant  de-là  aux  louanges  d'Haimeric  ,  ils  relèvent  fon  penchant 
naturel  à  obliger  ;  mais  plus  encore  fes  talens  pour  l'exercice  de 
la  Charge  importante  de  Chancelier ,  fans  lequel  il  ne  fefait, 
difent-ils,  prefque  aucun  bien  dans  la  Chrétienté  dont  il  ne  foit 
le  canal  ôc  l'organe.  Comme  rien  n'ell  approuvé  qui  n'ait  été 
décidé  par  fon  jugement,  réglé  par  fon  confeil ,  appuyé  de  fon 
avis,  conrîrmé  par  fon  autorité  :  Comme  c'efl  à  lui  qu'il  s'en  faut 

f (rendre  quand  on  manque  de  faire  quelque  bien ,  ou  quand  on  ne 
c  fait  pas  avec  afTez  d'exactitude  ;  c'eiT  fur  lui  audl  que  réjaillit 
la  gloire  de  tout  ce  qu'on  entreprend  de  faint  ôc  de  louable. 
Efijl.  313.       LXXVI.  Geotfroi  ,   Abbé  de  fiùnte  Marie  d'Yorck,  fc 

Plaignoit  fur  fes  vieux  jours  que  quelques-uns  de  fes  Religieux 
abandonnoient  pour  palfer  à  un  genre  de  vie  plus  aufterc. 
N'eflce  pas  manquer  de  zèle  ôc  d'aa\our  pour  fesenfans,  lui 
écrivit  faint  Bernard  ,  que  d'ctre  jaloux  de  leur  avancement  ?  Si 
vous  êtes  difpofé  à  fuivre  les  confcils  des  plus  fagcs,  ils  vous 
confeilleront  d'empêcher  ceux  qui  vivent  avec  vous  dans. une 
Règle  mitigée  ,  de  tomber  dans  le  relâchement  ;  de  favorifer 
ceux  qu'une  délicatclTede  confcience  porte  à  obferver  la  Règle 
dans  fa  pureté  ,  Ôc  à  paflTer  à  un  état  plus  parfait.  Vous  devez  vos 
foins  aux  premiers  j  de  peur  qu'un  trop  grand  adouciflement  de 
la  Règle  ne  les  perde.  Vous  devez  votre  affcclion  aux,  derniers, 
pour  les  animer  à  remporter  la  couronne.  Il  blâme  deux  llcli- 
gieux  qui ,  après  avoir  quitté  la  vie  mitigée  de  leur  Alonallerc 
pour  cmbraiTec  la  réforme  ,  étoient  retournés  à  leur  prcmiec 


PREMIER  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX,6cc.  58) 

<?tat  ;  6c  il  ne  croit  pas  que  cela  fe  puilTç  faire  fans   péché. 

L  X  X  V  1 1.  On  avoit  rendu  fufpede  au  Pape  Innocent  la  fpi/î.  î^. 
fidélité  de  l'Archevêque  de  Milan ,  dont  la  réputation  étoit  toute- 
fois fans  reproche.  Saint  Bernard  travailla  à  le  iuftifier,&  ah 
attendant  qu'il  pût  aufli  ramener  à  l'obéilTancc  6c  à  l'union  les 
Villes  de  Crémone  6c  de  Milan  ,  il  le  pria  de  fufpcndre  l'effet  de 
fes  menaces.  La  mort  de  l'Antipape  Anaclct,  arrivée  le  fepticmc  Epi]!.  ;Tr. 
de  Janvier  1 1  3  S, mit  fin  au  fchifme  ôc  au  féjour  de  S.  Bernard  en 
Italie.  Quelques  années  auparavant  il  écrivit  à  Mathildc,  Reine  E^iJ}.  y^. 
d'Angleterre,  pour  la  prier  d'accomplir  la  promeffe  qu'elle  lui 
avoit  faite  ,  de  céder  le  droit  d'une  certaine  dixme  à  l'Abbé  de  la 
Chapelle  au  Diocèfe  de  Boulogne.  Il  s'employa  auffi  auprès  de  ^pi^-  î'^- 
Henri,  Archevêque  de  Sens,  ôc  du  Chancelier  Haimeric,  pour 
faire  remettre  à  un  Religieux  un  Bénéfice  polTedé  par  un  Olfi- 
cicr  de  guerre,  qui  en  avoit  jufques-là  confumé  les  revenus  à 
fervir  le  Roi  dans  les  Armées.  La  Ville  de  Reims  étoic  à  la 
veille  de  fa  ruine  par  les  révoltes  ôc  les  divifions  qui  y  regnoient. 
Saint  Bernard  ne  voyant  pas  de  moyen  plus  elFicace  pour  la  E^il.  jtï. 
réunir  ,  que  de  lui  donner  un  Evêque  ,  fupplia  le  Pape  Innocent 
d'en  faire  hâter  l'éledion.    Il  diOuada  ïuritin  ,    Archevêque 
d'Yorck,  de  fe  démettre  de  fon  Archevêché,  ne  trouvant  pas 
fuffifans  les  motifs  qu'il  en  alleguoiti  mais  au  cas  qu'il  en  eue 
quelque  raifon  fecrettc  ,  il  lui  confeilla  de  ne  faire  fa  démifiion  Epjl.  31^. 
qu'avec  l'agrément  du  Pape,  ôc  de  fe  retirer  alors  dans  une  Mai- 
fon  Religieufe  la  mieux  réglée  ,  fans  faire  attention  ni  à  fa  pau- 
vreté ,  ni  à  l'auflerité  de  la  Règle. 

L  X  X  V  1 1 1.  Saint  Bernard  ayant  appris  la  vacancede  l'Ab-     EpiJ}.  j,i« 
baye  de  Fontaines  en  Angleterre,  propofa  pour  la  remplir  l'Abbé  5'-'' 
de  Vauclaire  ,  nommé  Henri  de  Murdach.  Il  fut  choifi  par  la 
Communauté  ,  ôc  enfuite  fait  Archevêque  d'Yorck.  Voici  une 
partie  du  difcours  que  le  faint  Abbé  tint  à  un  jeune  homme  de 
qualité  qui  penfoit  à  renoncer  aux  vanités  du  monde  ,  pour  fc 
faire  Religieux.  Reconnoiffez  la  grâce  que  le  Seigneur  vous  E-iJl.  511^ 
fait  ;  ayez  le  courage  d'un  homme  formé ,  ne  foyez  enfant  qu'en 
malice.  Pour  n'être  point  rebuté  dans  votre  tendre  jeunelle  par 
les  auflerités  de  la  Règle  ,  comparez  les  rudeffes  des  habits  aux 
troubles  des  mondains;  la  paix  intérieure,  à  une  confciencc 
déchirée  de  mille  remords.  Dieu  vous  fera  fentir  une  joie  fecrette. 
Le  Prophète  afiaifonnera  avec  un  peu  de  farine  les  viandes  les    ^..P.fg.i. 
plus  infipides.  Dès  que  vous  fentirez  les  aiguillons  de  la  tenta- 
tion, jettez  les  yeux  fur  le  Serpent  d'airain ,  baifez  les  playcs  ,.oa 


384  SAINTBERNARD, 

plutôt  fucez  les  mammelles  de  Jefus-Chrifl:  crucifié.  Il  vous 
tiendra  lieu  de  mère  ,  ôc  vous  chérira  comme  fon  lils.  Les  doux 
dont  il  eft  attaché  à  la  Croix  ,  ont  percé  fes  pieds  ôc  les  mains 
avant  de  percer  les  vôtres.  Saint  Bernard  rappelle  à  ce  jeune 
homme  les  paroles  dont  faint  Jérôme  fe  lervit  pour  engager 
Heliodore  à  ne  faire  aucune  attention  aux  obftacres  que  laten- 
drelTe  de  fes  parens  apportoit  à  fa  retraite  ;  puis  il  ajoute  :  Evitez 
les  convcrfitions  des  gens  du  dehors  ;  accoutumez-vous  à  l'O- 
raifon.  Elevez  votre  ame  au  Ciel  avec  vos  yeux  ôc  vos  mains. 
Préfentes- vous  au  Père  des  mifericordes  dans  toutes  vos  néceiri- 
tés.  Vou3  ne  fçauriez  craindre  fans  impieté  que  Dieu  foit  infen- 
fible  à  vos  vcxux,  qu'il  foit  fourd  à  vos  cris  ôc  à  vos  gémiiTemens. 
Au  relie,  fouvenez-vous  d'écouter  avec  docilité  les  confeils  de 
vos  Pères  fpirituels,  ôc  de  leur  obéir  comme  à  Laeu  même. 
Hugues  ,  ce  11:  le  nom  de  ce  Novice ,  fut  cnfuice  Abbé  de  Bon- 
neval.  Il  y  avoir  en  l'Abbaye  de  Dunes  ,  transférée  depuis  à 
Bruges ,  un  Novice  d'un  tout  autre  caratlere.  Sur  le  rapport  que 

Epijl.  jiî.  l'Abbé  en  lit  à  faint  Bernard  ,  il  décida  qu'il  falloir  refufer  de 
l'admettre  à  profeTion  ,  jufqu'à  ce  qu'il  eût  donné  des  preuves 
d'une  véritable  vocation  ,  ou  le  renvoyer. 

fi/i^.  ji^  L  X  X  I  X.  Guillaume  de  faint  Thierri  avoir  envoyé  fou 
Livre  contre  Abaillard  à  l'Abbé  de  Clairvaux  ,  qui  le  goûta  ôc 
le  crut  alTez  fort  pour  détruire  les  erreurs  qu'il  attaquoit  ;  néan- 
moins ,  pour  ne  rien  décider  en  une  affaire  de  cette  conféquence> 
qu'aptes  y  avoir  bien  rédéchi,  il  en  renvoya  la  difculfion  après 
Pâques  de  l'an  1 1 3p  ;  car  il  étoit  alors  au  Carême,  ôc  il  craignoit 
de  fortlr  de  l'efprit  d'oraifo  i  ôc  de  recueillement  convenable  à 

Epif.-    y-7  ce  tcm>.  L'année  fuivante  il  écrivit  au  Pape  contre  l'éleftion 

^  î^^'  faite  à  Rhodez  d'un  Sujet ,  que  fes  infamies  connues  rendoient 

indigne  de   l'Epifcopat.  L'aiTairc  fut  renvoyée  à  l'Evêque  de 

Limoges  ;  ôc  ce  fut  une  raifon  à  faint  Bernard  d  écrire  à  ce  Prélat 

fy'jl-  358.  furie  même  fujet.  Au  contraire  il  prit  auprès  du  Pape  Innocent 
ladéfcnfe  d'Alvife  ,  Evêqued'Arras,  que  les  Moines  de  Mar- 
chiennes  au  Diocèfc  de  Tournai  avoicnt  ofé  calomnier.  Il  paroit 
que  l'Abbé  de  faint  Vaafl  d'Arras  y  entroit  pour  quelque  chofe, 
ou  du  moins  qu'il  étoit  allé  à  Rome  pour  une  aHRiire  qui  déplai- 
foit  à  faint  Bernard  ;  car  il  parle  de  lui  ôc  de  fon  Compagnon  en 
mauvais  termes.  Il  recommanda  aufli  au  Pape  l'Evoque  d'An- 
gers,  au  fujet  d'un  diiferend  qu'il  avoit  avec  une  iMaifon  Rcli- 
gieufe. 

Epil^-  î4i.      LXXX.  Malachie ,  Archevêque  d'Irlande  ,  penfoit  à  y 

établir 


PREMIEîl  ABBÉ  DE  CL AIRVAUX,6cc.  sS^ 
établir  un  Monaftere  dont  l'obfervance  fïit  femblable  à  celle  de 
Clairvaux.  Il  en  écrivit  à  faint  Bernard ,  ôc  lui  demanda  deux  de 
fcs  Religieux  pour  cet  établiflement.  Les  porteurs  de  la  lettre, 
qui  dtoient  Moines  en  Irlande  ,  étoient  chargés  de  rendre  à 
l'Abbé  de  Clairvaux  un  bâton  dont  TAr^^hevcque   lui  faifoit 

f)réfent.  Jl  futextrêmement  fatisfait  de  la  lettre  de  Malachie  ,  de 
a  modeflie  de  ces  Religieux,  ôc  du  bâton  qui  m'aide, dit-il ,  à 
foutenir  mon  corps  infirme.  Aullitôt  il  choilit  deux  Religieux  de  r,#-  i^li 
fa  Communauté,  les  forma, autant  qu'il  fut  poflible,  à  tous  les  '^^' 
exercices  de  la  vie  religieufe  ;  les  mit  au  fait  de  lendroit  qu'il 
faudroit  choilir  pour  y  bâtir  un  Monallerc,  &  les  envoya  en 
Irlande.  Cette  Alaifon  s'accrut  bientôt  dans  le  temporel  ôc  dans  le 
fpirituel.  Saint  Bernard  en  félicita  l'Archevêque  ,  le  priant  de 
cultiver  avec  une  ardeur  toujours  nouvelle  le  champ  qu'il  avoit 
femé.  I^es  Religieux  de  Clairvaux  y  revinrent  d'Irlande  au  bout 
/ie  quelque. tems,  6c  faint  Bernard  renvoya  ceux  qui  en  étoient 
venus ,  après  les  avoir  bien  inftruits  de  la  Règle ,  6c  mis  en  état  de 
la  faire  oblerver aux  autres. 

L  X  X  X  I.  En  faifant  l'éloge  de  Jonelin ,  Evoque  de  SoilTons  Epijl.  î-î^*  . 
&:  Miniflre  d'Etat ,  il  marque  quelles  doivent  être  les  qualités 
de  celui  qui  eft  deftiné  à  un  emploi  Ci  important.  Je  ne  puis ,  lui  -  , 
jdit-il,  trop  louer  la  confiance  dont  le  Roi  vous  honore  ,  tant  il 
«fl:  perfuadé  que  vous  êtes  plein  d'affedion  pour  fa  Perfonne  ÔC 
pour  fon  Etat ,  ôc  que  cette  affedion  ed:  d'ailleurs  réglée  &  fou- 
tenue  d'une  rare  prudence.  Il  faut  en  effet  qu'un  Minillre  d'Etat 
.polTede  ces  deux  qualités  ,  qu'il  foit  aff'etlionné  ,  quAÏ  foit  pru- 
dent. C'eft  l'ordre  ôc  la  règle  qu'on  doit  fuivre  dans  cette  efpece 
de  choix.  Dès  qu'un  IMinilire  rafTembleces  deux  caractères  ,  il  ne 
peut  donner  que  de  bons  confcils  ;  mais  lorfque  fon  affection  n'eft 
point  guidée  par  la  prudence ,  ou  que  fa  prudence  n  eft  pas  foa- 
•tenue  par  fon  affection  ,  malheur  à  l'Etat.  Saint  Bernard  con- 
noiffant  le  mérite  de  JofTelin ,  n'avoit  garde  de  le  foup^çonncx 
d'entrer  dans  le  procès  mal  fondé  que  le  Roi  faifoit  à  î'Àrche- 
vôque  de  Bordeaux.  C'efi:  pourquoi  il  le  prie  d'appaifer  ce  Prince, 
«ôc  de  lui  faire  entendre  que  le  Prélat,  en  confacrant  Evêque  de 
Poitiers  celui  qui  avoit  été  élu  d'une  voix  unanime,  ôc  en  dillri- 
buant  aux  pauvres  ôc  aux  Eglifes  un  legs  tait  par  un  homme 
mourant ,  il  n'avoit  fait  que  fe  conformer  aux  faints  Canons. 

L  XX  XII.   Les  douleurs  &c  les  miferes  du  corps  huma,in  r.piJI.  34^. 
xne  touchent  de  pitié ,  difoit  faint  Bernard  ,    en   écrivant  aux 
Aloines  de  faint  Anaftafe  àj^ome^m^is  les  maladies  de  l'amc 
Tome  XX IL  ".   *'    '  Ccc 


385  SAINT    BERNARD; 

me  font  frémir.  Il  ne  convient  point ,  il  n'efl:  pas  même  expédient 
peur  le  faluc  à  des  Religieux  de  recourir  à  l'art  de  la  Médecine» 
Qu'ils  ufent,  s'ils  veulent,  de  certaines  herbes  communes  ÔC 
convenables  à  la  pauvreté  de  leur  état  ;  mais  on  ne  peut  fans 
bicrffer  la  bienféance  &  la  pureté  de  notre  profeiïion  ,  furtout  celle 
de  notre  Règle  ,  acheter  des  drogues,  appeller  des  Médecins, 
le  iervir  de  potions  &  de  remèdes.  Laiflons-en  l'ufage  aux  gens 
du  monde.  Il  parloit  ainfi  ,  pour  témoigner  à  ceux  de  faine 
Anaftafequi,  à  caufe  que  leur  Maifon  fituée  dans  un  lieu  mal 
fain  leur  occafionnoit  beaucoup  de  maladies,  faifoient  ufagede 
l'art  de  la  Médecine ,  qu'il  défapprouvoit  leur  conduite  en  cela  ; 
ce  n'efi:  pas  qu'il  condamnât  Tufage  des  remèdes ,  on  voit  par 
la  Lettre  40  j  que  les  Cifterciens  en  ufoient;  mais  il  fouhaitoit 
que  l'on  fc  contentât  des  herbes  médicinales ,  fans  recourir  aux 
drogues  des  Apoticaires. 
Epifl.  548 ,       L  X  X  X 1 1  L  La  fuite  des  Lettres  de  faint  Bernard  en  pré- 
'o  '   ^Tj  '  fsnteplufieurs  de  recommandation  adrefrées>  foitauPape,  foit 
xt^7  ',   570  i  à  d'autres  perfonnes..  Le  privilège  qu'innocent  IL  lui  accorda,  fie 
>**•  à  fes  fucceffeurs  dans  l'Abbaye  de  Clairvaax  ,  porte  :  Qu'en  con- 

fideration  des  fervices  qu'il  avoit  rendus  à  l'iiglife  ,  de  fon  zèle 
EpijJ^Y!''  infatigable  ,  de  fa  pieté  finguliere  ;  ôc  pour  làtlsfaire  au/li  fes 
juftes  défirs ,  le  Monafterc  de  Ciairvaux  fera  à  l'avenir  fous  la 
protection  du  faint  Siège  ;  qu'il  jouira  irrévocablement  de  tous 
les  biens  dont  il  jouifToit  alors  ,  ou  qui  lui  feroient  donnés  dans 
la  fuite  ;  que  défenfe  fera  faite  à  tous  Archevêques  ôc  Evoques  de 
citer  au  Concile  aucun  Abbé  de  l'Ordre  de  Cîteaux;  que  l'Ab- 
baye de  ce  nom  étant  le  Chef  de  l'Ordre,  elle  aura  le  privilège 
de  fe  choifir  un  Abbé  de  fon  Corps  ;  que  le  même  privilège  aura 
lieu  pour  les  Abbayes  ^ui  en  ont  d'autres  dépendantes  d'elles,  ÔC 
qu'elles  regardent  comme  leurs  Filles.  Enfin  ,  le  Pape  l'étend 
même  aux  Abbayes  qui  n'ont  aucune  dépendance.  Il  exemte 
encore  du  payement  de  la  dixme  les  fruits  que  les  Frères  de  tout 
l'Ordre retiroiem  du  tra'/ail  de  leurs  mains. 
ipijf.  358.  L  X  X  X  I  V.  Il  n'y  a  que  deux  Lettres  au  Pape  Celeflin  II.. 
dont  le  Pontificat  fut  très-court,  c'efl-à-dire,  depuis  le  26  Sep- 
tembre I  r45,jufqu'au  neuvième  de  Mars  1 144.  Par  la  première, 
Tairat  Bernard  le  fupplie  de  procurer  la  paix  à  Thibaud,  Comte 
de  Champagne  ,  lans  doute  avec  le  Roi  Louis.  Le  motif  qu'il 
employé  e(l  que  le  Siège  ApoUolique  étend  fes  foins  fur  tous  les 
Fitleles  f  afin  d'être  le  lien  de  leur  union  ,  &  de  conferver 
«ntr'cux  l'uniiéd'unmt'mecfprit  dans  la  charité.  La  fccoudc  eft- 


PREMIER  ABBÊ  DE  CL  AIRVAUX,  &c.   5S7 

au  nom  de  la  Communauté  de  Clairvaux  ,  faint  Bernard  aLfent  ;  Epjl.  jï#. 
pile  regarde  l'Abbé  de  Moriniond  qui  avoit  inconilderément 
Quirté  (on  Monaftere  dans  le  deflein  de  faire  le  voyage  de  la 
j.  erre  fainre  ,  âc  emmené  avec  lui  tous  fes  meilleurs  Religieux. 
Pour  pouvoir  errer  &  courir  fans  fcrupulô ,  il  avoit  delTein  d'ob- 
tenir unepermiluon  du  Pape.  Ce  fut  pour  le  prévenir  là-defliis 
que  les  Moines  de  Clairvaux  lui  écrivirent  en  commun.  Ils  crai- 
gnoient  aulli  que  le  mauvais  exemple  de  l'Abbé  de  Morimond 
jn'eût  des  fuites  fâchéufes  dans  l'Ordre,  où  la  fuperiorité  étoit 
accompagnée  de  peu  d'honneur  &  de  beaucoup  de  peine.  Cet 
Abbé  diloit  qu'il  avoit  emmené  avec  lui  des  Religieux ,  pout 
pratiquer  dans  le  Pays  les  obfervances  delaReglei  mais  il  étoit 
.évident  que  la  Palefline  avoit  alors  plus  befoin  de  Soldats  pour 
combattre,  de  la  part  des  Chrétiens,  que  de  Moines  pour  chanter, 
ou  pleurer. 

L  X  XX  V.  En  effet ,  faint  Bernard  écrivit  en  n,4(î  uhfe  Epifi.  i^P 
Lettre  circukiire  au  Clergé  ôc  au  Peuple  de  la  France  Occiden-' 
taie  pour  les  exciter  à  prendre  les  armes  pour  chafTer  les  Iniideles 
d'un  Pays  que  Jefus-Chrifl:  a  illuftré  par  fes  miracles,  confacrc 
par  (on  fang  ,  &  orné  des  prémices  de  notre  réfurreclion.  Il  leur 
xepréfente  cette  conquête  comme  un  moyen  d'effacer  leurs 
péchés,  en  les  confeff^nt  avec  douleur.  Changez,  leur  dit-il ,  en 
un  faint  zèle ,  cette  valeur  farouche  ôc  brutale  qui  vous  arme  fi 
fouvent  les  uns  contre  les  autres  ,  &  vous  foit  périr  de  vos  propres 
mains.  Ce  n'efl:  point  un  ade  de  bravoure  &  de  magnanimité  ^ 
c'eft  une  folie  &  une  rage  qui  vous  fait  courir  le  hazard  de  faire 
mourir  votre  ame ,  de  la  même  épée  dont  vous  avez  égorgé  votre 
ennemi.  Je  vous  offre  une  occafion  de  vous  battre  fans  péril ,  de 
vaincre  avec  gloire,  de  mourir  avec  avantage.  Il  veut  toutefois 
xjue  leur  zèle  foit  tempéré  par  la  fcience  ;  que  loin  de  faire  mourir 
les  Juifs,  ils  ne  les  inquiètent  pas  même  dans  leur  demeure, 
parce  que  ce  font  des  caradercs  vivans  qui  nous  rappellent  Pac-^ 
compliffement  des  Myfteres  de  notre  rédemption  ,  6c  de  là 
Paffion  de  Jefus-Chrift.  Saint  Bernard ,  qui  faifoit  grand  fond  ^P'J-  5^4. 
fur  les  avis  de  Pierre  ,  Abbé  de  Cluni,  l'invita  à  l'Affemblée  que 
l'on  devoit  tenir  à  Chartres  le  vingt-unième  d'Avril ,  pour  régler 
le  voyage  de  laCroifade;  mais  Pierre  s'en  excufa  ,  tant  fur  un  Prtrur,FpiJf. 
défaut  de  fanté  ,  que  fur  ce  qu'il  avoit  convoqué  un  Chapitre  à  i7,'8,i^.io« 
Cluni  pour  le  môme  jour.  L'Abbé  de  Clairvaux  averti  par  Henri , 
Archevêque  deMayence  ,  qu'un  Moine  nommé  Raoul  fe  mcloit  - 
de  prêcher  ,  ôc  dexciter  les  Chrétiens  à  maffacrer  les  Juifs, 

Ccc  ij 


38S  S  A  IN'T    B  E  R  N  Â  R  D; 

tpift.  i6f.  écrivit  à  cet  Archevêque  ,  que  ce  Moine  n'ayant  point  cîî^ 
miffion  ni  de  Dieu,  ni  des  hommes ,  devoir  demeurer  dans  le- 
filence  ,  &  fe  fouvenir  que  fon  office  étoit  de  pleurer ,  &  nort 
•d'enleigner  ;  qu'à  l'égard  des  Juifs ,  ce  feroit  agir  contre  l'autorité 

Pfalm,  ï8 ,  dé  TEelife  qui  prie  Dieu  de  lever  de  delTus  leur  cœur  le  voilo 
ix  ,  Se  n.:,m,  ténébreux  qui  leur  dérobe  la  lumière  de  la  vérité  ;  &  de  l'Ecris 
ture  qui  défend  de  les  faire  mourir  j  parce  qu'ils  doivent  fe  con--- 
vertir  un  jour. 

Epji.  }6i.  L  X  XX  VI.  Auffitôt  après  la  promotion  du  Pape  Eugène* 
au  mois  de  Février  1 14'4' ,  faint  Bernard  écrivit  à  Robert  Pullus, 
Cardinal  &  Chancelier  de  l'Eglife  Romaine,  pour  l'exhorter  à 
s'acquitter  de  ia  Charge  avec  un  zèle  mêlé  de  fermeté  6c  de  pru* 
dence,  pour  préferver  le  Pape  des  furprifes  aufquelles  la  multi- 
tude des  affaires  l'expcfoit  continuellement.  Saint  Bernard  en 

Epijf.  5«^.  étoit  accablé  lui  même.  C'eft  la  raifonqu'ildonnoitàHildegarde^. 
Abbeffe'du  Mont-Saint-Robert  au  Diocèfe  deMayence,  de  ce 
qu'il  ne  lui  écrivoit  pas  plus  au  long.  Elle  lui  avoit  demande  de? 
inftrudions.  N'avez- vous  pas,  lui  réporrd-il ,  un  Maître  intérieur, 
de  qui  l'onttion  vous  enfeigne  toutes  chofes  ?  J'apprends,en  effctj . 
que  l'Efprit-Saint  vous  développe  les  fecrets  du  Ciel ,.  vous  révèle 
ce  qui  efl  au-deffus  de  la  portée  des  hommes.  Il  dit  à  Gui,  Car- 

Epijf.  3^?,  dinal-Diacre:  J'ai  montré  à  nos  Religieux  votre  Lettre  où  vous 
peignez  fi  bien  votre  cœur ,  6c  les  fentimens  de  charité  6c  de 
Religion  dont  il  eft  plein.  Je  leur  ai  fait  voir  aufli  le  préfent  que 
vous  faites  à  notre  Maifon,  ôc  je  leur  ai  recommandé  ,  comme 
vous  le  fouhaitez  ,  de  célébrer  la  Meile  dans  les  vafes  que  vous 
nous  envoyez ,  à  votre  intention ,  6c  à  celle  de  vos  parens  6c 
amis, 

^pis  j,;^-..  L  X  X  X  V  I  î.  Le  Pape  Eugène  III.  avoit  ordonné  que  l'on 
mît  des  Moines  à  la  place  des  Chanoines  dans  l'Abbaye  defainte 
Genevieve-du-Mont  à  Paris.  Suger,  Abbé  de  faint  Denys  ÔC 
Miniftre  du  Royaume  ,  crut  qu'il  valoir  mieux  y  établir  des 
Chanoines  réguliers.  Rome  donna  à  cet  effet  une  Bulle.  Saint 

Epijl.  170.  Bernard  congratula  Suger  de  cette  bonne  œuvre ,  &  l'exhorta  à 
rétablir  aulîi  la  difcipline  dans  l'Abbaye  deS.  Vidor.  Il  lui  adreffa 

Ejjijf.  iji.  une  Lettre  pour  le  Roi ,  par  laquelle  il  difluadoit  ce  Prince  de 
donner  fa  Hlle  en  mariage  au  Bis  du  Comte  d'Anjou ,  parce  qu'ils 
étoient  parens  dans  undégré  prohibé. 

Epi/?.  371.  L  XXXV  III.  La  Lettre  de  faint  Bernard  à  Pierre,  Evêquc 
de  Paienciadansle  Royaume  de  Léon,  eft  un  éloge  des  vertu» 
de  ce  Prélat,  de  fon  humilité  j  de  fc5  mortifications;  de  fon 


PREMIER  ABBÉ  DE  CL  AIRV  AUX,  &c.  38^ 

amour  pour  la  letlure  ,  de  fon  exaditude  dans  l'obfervation  delà 
Loi  de  Dieu  ;  mais  en  le  louant,il  fe  rabaille  lui-môme.  Ne  vous 
laiflez  point  toucher ,  lui  dit-il ,  aux  louanges  que  je  vous  donne  ; 
je  ne  luis  qu'un  pécheur  dont  les  douceurs  doivent  vous  être 
fufpeftes.  N'en  goûtez  jamais  d'autres  que  celles  qui  nailTent 
d'un  cœur  pur,  d  une  bonne  confcience,  ôc  d'une  loi  rmcerc.  Si 
je  vous  loue  ,  c'efl  afin  de  publier  en  vous  les  eiîets  de  la  grâce 
de  Jefus-Chrill.  J'ai  deflfein  de  louer  le  Créateur ,  non  pas  la- 
créature  ;  le  Difpenfateur  des  dons  ,  non  pas  le  fujet  qui  les 
reçoit;  la  gloire  de  celui  qui  donne  l'accroilfement ,  non  pas  le 
néant  de  celui  qui  plante  ou  qui  arrofc  ;  die  relever  le  bienfait 
6c  le  Bienfaiteur,  fans  penfer  à  l'homme  6c  au  ferviteurfur  qu"! 
on  le  répand.  Il  ajoute  qu'on  s'éieve  dans  la  grâce  par  trois 
dégrés  ;  par  Ihumiliiéj  par  la  foi  &  par  la  crainte.  L  humilité  l'at- 
tire ,  la  toi  la  reçoit ,  la  crainte  la  conferve. 

L  XXXIX.  Voici  comment  faint  Bernard  cDnfolelesRcli-  EfiJI.  n^'"- 
gieux  d'Irlande  fur  la  mort  de  l'Archevêque  faint  Malacliie  , 
arrivée  à  Clairvaux  le  deuxième  de  Novembre  1 14-8.  Nous 
devons  féliciter  cette  fainte  amedu  bonheur  dont  elle  jouit  ,  de 
peur  qu'elle  ne  nous  reproche  notre  peu  d'amour.  Elle  n'a  fait 
que  nous  précéder  en  fe  réuniffant  à  fon  principe.  Ne  feroit-ce 
pas  avoir  de  rindifference  pour  un  Père  ,  de  l'ingratitude  pour 
îbn  Bienfaiteur  ,  de  s'aftliger  de  ce  qu'il  a  pafTé  du  travail  au 
repos  ,  de  l'orage  au  port,  de  ce  monde  à  fon  Peref  Si  c'cfc  l'ai- 
mer que  de  pleurer  fa  mort  ;  c'eft  l'aimer  bien  plus,  dcfc  réjouit 
de  fa  vie  nouvelle.  En  effet,  ne  vît-il  pas ,  6c  ne  vît-il  pas  heu- 
reux ?  Il  paroît  mort  aux  yeux  des  infenfés ,  6c  il  jouit  d'une  vie 
délicieuiè ,  voilà  le  premier  motif  qui  doit  nous  confoler.  Le' 
fécond  eft  la  vue  de  notre  propre  utilité.  Nous  acquérons  auprès 
de  Dieu  un  puifûnt  Patron  ,  un  lidele  Interceffeur  ,  dont  la- 
charité  eft  trop  vive  pour  oublier  fes  enfaiis;  dont  le  mérite  cftr 
capable  d'obtenir  tout  ce  qu'il  demandera  pour  eux.SaiiitBernard 
rend  témoienaçeàces  Religieux  que  ce  faint  Evoque  fe  fouvinc 
d'eux  en  mourant,  &  qu'il  redoubla  fes  voeux  pour  eux  auprès  as 
Dieu.  Fuis  il  ajoute  :  IVlarchez  fidèlement  fur  les  traces  d'un  iT 
faint  Pcre;  profitez  des  exemples  de  vertus  qu'il  vous  a  donnés 
filongtems  j  pratiquez- fes  leçons  pour  vous  perfectionner  dans  la 
pieté. 

X  C.  Entre  les  fix  Lettres  à  FAbbéSuger,  Minifîre  &;  Régent  '  P-piJ!.  ne,- 
du  Royaume,  il  y  en  a  une  où  il  lui  confeille  d'employer  les  It^  '  5^8  p> 
eenfutes  Eccléfiaftiques  pour  réprimer  Vufage  diabolique   des  jii/  ^'^' 

G  oc  iij,. 


590  SAINT    BERNARD, 

duels,  que  quelques  Seigneurs  revenus  depuis  peu  delà  Croî- 
fa  !e  ,  e'toient  fur  le  point  de  renouveller.  Il  écrivit  fur  le  même 

Epi/T.  581.  fujet  aux  Archevêques  de  Reims  ,  de  Sens,  aux  Evêques  de 
Soillons  ôc  d'Auxerre ,  au  Comte  Thibaud ,  &  au  Comte  Raoul. 
Dans  fa  Lettre  à  Leonius  ,  Abbé  de  faint  Bertin  ,  il  l'exhorte  à 
ne  pas  détourner  un  de  fes  Religieux  d'entrer  à  Clairvaux. 
L'Abbé  Leonius  fe  fondoit  fur  ce  que  les  parens  de  ce  Religieux 
l'avoient  voué  au  Monaftere  de  faint  Bertin.  Saint  Bernard 
■répond,  que  la  difpofition  la  mieux  fondée  efl:  celle  que  nous 
faifc;ns  de  nous  m-êmes  ;  qu'en  tout  cas  le  vœu  des  parens  fe 
trouve  alors  accompli  plus  parfaitement ,  le  fils  ratifiant  p'ar  fon 
choix  l'ofi'rande  de  fes  père  ôc  raere.  Les  libéralités  desÂIoines 
de  faint  Bertin  envers  ceux  de  l'Ordre  de  Citeaux  ,  l'engageoient 
à  des  remerciemens;  mais  quelquefois  il  les  acccmpagnoit  d'avis 

E^ijl.  sîî^- Salutaires.  Il  écrivoit  aux  Religieux  de  ce  Monaftere  :  Qu'aucun 
de  vous  ne  dife  ,  j'en  ai  afiez  ,  je  veux  demeurer  comme  je  fuis  , 
je  veux  être  aujourd'hui  tel  que  j'étois  hier.  Quiconque  cil  dans 
cette  difporiîion  ,  s'arrête  en  chemin  avant  d  être  parvenu  au 
terme.  Où  efl:  l'ambitieux  qui  fe  borne  aux  honneurs  où  il  eft 
mont-é  ?  Le  vain  ôc  le  curieux  qui  ait  jamais  aflouvi  fes  yeux  ôc 
fes  oreilles?  Notre  négligence  ne  trouve-t-elle  pas  fa  condam- 
nation dans  l'infatiable  avidité  de  la  volupté ,  de  la  vaine  gloire  ? 
Rougiiïons  d'être  moins  ardens  pour  des  biens  fpirituels.  Ayons 
honte  d'avoir  eu  pour  le  péché  plus  de  vivacité,  que  nous  n'en 
avons  pour  la  vertu.  Aprèsavoir  foulé  aux  pieds  le  monde  entier, 
rompu  les  liens  de  la  chair  ôc  du  fzng  ;  pourquoi  perdre  par  notre 
tiédeur  ,  le  mérite  d'un  facrifice  Ci  généreux  ? 

EpiJl.liTSc       XC.L  Les  deux  Lettres  à  Pierre  ,  Abbé  de  Cluni,  contien- 

^f'  ncnt  des  proteRations   d'eflime  ôc  d'amitié.    Saint  Bernard  y 

rejette  fur  un  de  fes  Secrétaires  ,  quelques  paroles  aigres  dont 

Pierre  ce  Cluni  avoir  eu  lieu  de  fe  plaindre  ;  ôc  promet,  pour 

.éviter  un  femblable  inconvénient,  de  relire  à  l'avenir  toutes  les 

Epifl.^^ço.  lettres  qu'il  aura  didées.  Celle  qu'il  écrivit  à  l'Archevêque  de 
Lunden  ,  Métropole  de  Dannemarck  jeftauffi  rempliede  témoi- 

E"ill  '?r.  §"''■§"'''  <^  ""c  amitié  mutuelle.  En  exhortant  i'yVbbelle  de  Faver- 
ney  au  Diocèfe  de  Befançon ,  de  rétablir  la  Maifon  dont  elleétoit 
chargée  ,  il  l'exhorte  à  réformer  les  mœurs  de  fes  Religieufes,  ôc 
n  empêcher  fes  Ofiîciers  de  piller  les  biens  de  l'Hôpital.  Cette 
Abbaye  qui  étoit  alors  poffedée  par  des  Bénédiclines ,  ayant  été 
ravagée  ôc  réduite  prefque  en  folitude,  fut  cédée  en  1132  au)c 
JVloines  Bénédictins  de  la  Chaife-Dieu.  Elle  çft  maintenant  de  I3 
<P  ongrégation  de  faint  Vannes. 


PREMIER  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX,&c.   591 

XCII.  Saint  Bernard  écrivoit  à  Raoul,  Patriarche  d'An-  C;..;;'?.  351, 
tioche:  Soyez  toujours  fur  vos  gardes  dans  le  lieu  cminent  où 
vous  êtes,  de  peur  qxi'en  tombant  de  fi  haut ,  votre  cliute  n'en 
foit  plus  mortelle.  Au  lieu  de  vous  élever  à  caufe  de  votre 
'dignité  ,  tenez-vous  dans  la  crainte  ;  l'élévation  efl  bien  moins 
pour  un  homme  fenfé  un  motif  d'orgueil ,  qu'un  fujet  de  frayeur. 
Dans  fa  Lettre  à  Guillaume,  Patriarche  dejcrufalem,  il  relevé  %'/■  i9i* 
en  ces  termes  les  prérogatives  de  ce  Siège:  De  tant  de  Prélats 
que  le  Seigneur  honore  de  fon  Sacerdoce  ,  il  vous  cholilt  préfé- 
rablement  aux  autres,  pour  vous  établir  dans  la  Maiion  de  David 
fon  ferviteur  ;  entre  tous  les  Evêques  du  monde,  vous  êtes  le  feul 
à  qui  ii  confie  l'heureufe  1  erre  où  efl:  né  le  fruit  dévie.  Vous 
(•tes  feul  comme  fon  Pontife  lamiiier ,  à  qui  il  foit  donné  d'entrer 
tous  les  jours  dans  fon  Tal  crnacle  ,  Ôc  de  l'adorer  dans  le  lieu 
dont  il  a  fait  autrefois  fa  demeure.  Moyle  eut  ordre  d'oter  fes 
fouiiers  à  caufe  de  la  fuinieté  du  lieu  où  il  marchoit  ;  ce  lieu  n"c- 
toit  que  la  ligure  de  celui  que  .vous  habitez.  L'un  eftauffi  diffé- 
rent de  l'autre ,  que  l'ombre  de  la  vérité.  L'Archevêque  de  Lyon  Ê/;';.'.  354. 
avoit  condamné  &  dépofé  l'Abbé  d'Aifnay  fans  aucune  formalité 
dejuflice,  &  quoiqu  •!  fut  eftimé  univerfellement  ;  faint  Ber- 
nard en  fit  à  ce  Prciat  de  vifs  reproches ,  en  le  priant  de  révoquer 
fa  Sentence  6c  de  rétablir  l'Abbc  dans  fa  dignité.  Il  repréfenta  à.  r.r[(l, 
Alvife,  Evêque  d'Arras,  qu'il  ne  pouvoir,  fans  blefier  fa  conf- 
cience,  renvoyer  de  Clairvaux  à  l'Abbaye  de  faint  Bertin  ,  le 
Moine  rommé  Thomas,  à  caufe  que  la  difcipîine  régulière  y 
ëtoit  moins  bien  obfervée,  ôc  que  ce  Religieux  s'étoit  de  lui- 
même  confacré  à  Dieu  dans  l'Abbaye  de  Clairvaux,  ]i  n'en  ufa  e^ùji,  y^^-, 
pas  de  même  à  l'égard  de  Ricùin  ,  Evêque  de  Toul,  à  qui  il 
témoigne  être  prêt  de  lui  renvoyer  le  vénérable  Frère  Guillautne,- 
l'ayant  reçu  à  Clairvaux  fans  fçavoir  qu'il  flit  Profcs  de  la  Maifon 
de  ce  Prélat  ,c"el]-à-dire,  ou  de  faint  Manfui ,  ou  de  faint  Lure  ^ 
deux  Abbayes  fituéesdaiTs  les  Pauxbourgs  de  Toul. 

XC  1 1  L  La  Lettre  fuivante  eft  au  nom  de  Hugues,  Abbé  ^W"?-  3??- 
de  Pontigiry  ,  &  de  Bernard  de  Clairvaux.  Ils  y  exhortent  Odon  , 
Abbé  de  Marmouticr ,  à  terminer  un  procès  que  fa  Comniunauté 
avoit  avec  quelques  Ecclefiafliques  au  fujet  d'un  Autd,  c'eît-à- 
dire,  d'une  Eglife  Paroifllale  avec  la  dixme.  On  s'en  étoit  remis 
de  part  &  d'autre  à  la  dccifion  de  l'Evêque  de  Chartres  ,  &  de 
Thibaud ,  Comte  de  Champagne.  La  Sentence  arbitrale  ne  fut 
pas  favorable  à  la  Communauté  de  Marmoutier,  quelqucs-unS' 
des  Moines  voulurent  en  revenir  ^  quoique  la  chofc  eût  écxS- 


^9'r 


5P2  s  A  I  N  T    B  E  R  N  A  R  D, 

propofée  de  la  part  de  l'Abbé,  de  l'avis  des  Anciens.  Saint  Ber- 
nard ôc  l'Abbé  de  Pontignyfont  voir  linde'cenQe  de  cette  oppo- 
fition  ,  &:  par  l'autorité  de  la  Règle  de  faint  Benoît^  qui  ordonne 
aux  Religieux  d'une  Communauté  de  fe  ibumettre  fans  refit 
tance  à  pe  que  l'Abbé  aura  réfolu,  après  avoir  rei^ueiUi  leurs 
avis  ;  ôc  parce  que  dans  le  cas  préfent,  la  caufe  des  Clercs  étoit 
plus  favorable  que  celle  des  Moines.  En  clfet ,  la  ParoifTe  qui 
faifoit  le  fujet  de  la  conteftation  étoit  deflfervie  uniquement  par 
,des  Ecclefiafliques,  ôc  Jes  Moines  de  Marmoutier  ne  lui  xea- 
doient  aucun  fervice.  Sur  quoi  il  leur  dit:  De  quel  front'ofez- 
yous  boire  le  vin  d'une  vigne  que  vous  n'avez  pas  plantée  ? 
Prendre  le  bit  d'un  troupeau  que  vous  ne  paillez  point?  Si  vous 
prétendezy  avoir  droit,  baptifez  donc  les  eofaiis  ;  enterrez  les 
morts;  vilitez  les  malades  ;  faites  les  mariages;  catéchifez  les. 
ignorans  ;  reprenez  les  libertins  ;  excommuniez  des  rebelles^ 
abfoivez  c^ux  qui  confeiTent  leurs  fautes  ;  réconciliez  les  péni- 
>tens  ;  faites-vous  entendre  au  milieu  de  l'Eglife  ,  vous  dont  le 
devoir  capital  ell  dccouter  ôc  de  vous  tair.e.  Cependant  faint 
Bernard  convient  que  lesMoines  deMarmoutieravoient  un  droit 
légitime  de  jouir  de  ces  dixmes  depuis  que  1  Evêque  les  eu 
avoir  inveHis,;  ôc  il  fe  réduitàles  coaaaraner  fur  la  tranfadion 
.Not.inJBern.  qu'ils  avoient  i^aite  avec  Ics  Chanoines.  Dom  Mabiilon  rapporte 
£pi/?.  pag.  xc.  ^^,-,5  ç^^  Notes  fur  cette  Lettre ,  J'acle  de  donation  d'une  Egiifç 
.ôc  d'une  Chapelle  à  Odon,  A.bbé  de  Marmoutier,  en  confidé- 
ration  du  zèle  que  l'onfaifoit  paroltre  dans  fa  Commiuiauté  pour 
le  fervice  divhi. 
Epift.  398.       X  C  I  V.  Gui,  Abbé  de  Montier-Ramey  ,  ôc  fes  Religieux., 
■avoient  prié  faint  Bernard  de  compofer  un  Office  en  l'honneur 
de  faint  Vitlor,  Patron  de  leur  Monaflere.  Il  s'-en  défendit  d"a- 
l)ord,  difant,  qu'il  étoit  bcfoin  pour  un  ouvrage  de  cette  impor- 
tance d'un  homme  dout  la  fciencc,  la  capacité,  la  dignité,  1» 
Tjiété ,  le  ftyle,  répondiiTent  à  la  grandeur  ôc  à  la  faiateté  du  fujet. 
Il  ajoutait  que  dans  la  folemnité  d'un  Saint,  on  ne  devoit  rien 
dire  qui  eut  un  air  de  nouveauté  ,  ou  de  légèreté  ;  rien  qui  nefù,t 
-du  pcÀt  de  la  faine  antiquité  ,    qui  ne  tut  grave  ôc  édifiant; 
qu'au  cas  que  le  fujet  R\t  fufceptible  des  grâces  de  la  nouveauté, 
on  devoit  choifir  un  Auteur  qui  eût  allez  d'éloquence  ôc  d'auto- 
/ité  ,  pour  s'infinuer  utilement  dans  les  efprits  parle  tour  agréable 
.de  fes  exprefTloijs;  des  pcnfées  affez  élevées  pour  faire  briller  la 
ycritc  j  aimçr  la  vertu  ;  aiïez  vives  ôc  afTcz  fortes  pour  éclairer 
J'çfprit,  redrcffer  le  cœur,  mortifier  les  palfions,  réformer  les 

fcns, 


PREMIER  ABBÉ  DE  CL  AIR  VAUX, ôcc.    j<r5 

fcns  ,  infpirer  la  dévotion  ;  qu'il  falloit  encore  que  le  chant  fût  li 
grave  qu'il  ne  refientît  ni  la  moUefîe,  ni  la  rufticitc;  que  foti 
harmonie  n'eût  rien  d  "efféminé ,  quelle  touchât  le  cœur  en  frap- 
pant agréablement  les  oreilles  ;  qu'il  difTipâr  la  trifteffe  &  adoucît 
{'humeur.  Quoique  faint  Bernard  ne  fe  connut  point  tous  ces  t'fi/î.  4oi| 
talens,  il  ne  lailTa  pas  de  fùre  ce  qu'on  lui  avoir  demandé.  Pre- 
nant pour  matière  d'anciens  niémoires  fournis  par  les  Moines  de 
Monticr-Ramey ,  il  compofa  deux  difcours  à  la  louange  de  faint 
îViclor^  une  hymne,  douxe  répons  ôc  vingt-fept  antiennes;  une 
autre  pour  les  premières  Véj^rres  ,  ôc  deux  répons  ,  l'un  pour 
Laudes ,  6c  l'autre  pour  les  Vêpres  du  jour.  Toutes  ces  pièces  fe 
trouvent  dans  le  recueil  de  fes  ^^uvres. 

X  C  V.  Nous  remarquerons  dans  les  Lettres  quifuivent,  que, 
félon  faint  Bernard,  il  eft  plus  expédient  qu'un  Moine ,  quelque 
coupable  qu'il  foit,  fade  pénitence  dans  fon  Monaftere  ,  que  de 
permettre  qu'il  erre  de  Province  en  Province,  fous  prétexte  de 
pèlerinage  ;  que  le  Baptême  conféré  par  un  Laïc  à  un  enfant  dans 
une  extrême  néceSlité ,  fous  cette  forme  :  Je  te  baptifc  au  nom  de 
Vieil ,  G*  deliZ  vraie  (j'fainte  Croix ,  eft  bon  ,  non-feulement  parce 
qu'il  a  exprimé  par  ces  mots,  au  nom  de  Dieu,  l'unité  de  la  Nature 
-divine  qui  eft  dans  la  Trinité  ;  mais  qu'il  a  aulfi  marqué  en  termes 
clairs  6c  précis  la  Paffic^n  de  Notre-^eigneur,  en  ajoutant,  au  nom 
-delà  fainte  Croix  ;  6c  qti'on  lit  dans  les  Actes  des  Àpotres  que 
l'on  baptifoit  quelquefois  au  nom  de  Jefus-Chrift  feul  ;  qu'au 
refte ,  il  eft  fans  apparence  que  ce  Laïc  ait  péciiéen  n'cmplovant 
point  la  forme  ulitée  dans  l'Eglife  ,  fa  ùmplicité  rendant  fon 
a5;ion  excufabie  ;  ni  que  fa  faute ,  s'il  y  eii  a  eu ,  ait  préjudicié  au 
falut  de  l'enfant  ;  qu'il  eft  mieux  de  manger  deux  ,  ou  du  moins  £,71  ,^-. 
une  fois  par  jour,  que  d'en  palTer  plufieurs  fans  rien  prendre.; 
qu'un  dépôt  étant  une  ch.ofe  facrée,  on  doit  le  reftituer ,  à  quelque  e  j,?.  ^c7. 
prix  que  ce  foit,  fallùt-il  vendre  un  vafefacré  ;  que  les  avantages  £^,7.  41,. 
temporels  font  comme  une  fleur  dont  l'éclat  s'efface  en  un  jour , 
mais  que  la  bonne  confcience  eft  un  tréfor  ineftimable,  qu'elle 
n'eft  ni  épuifée  par  les  fatigues ,  ni  détruite  par  la  mort  ;  que  tou- 
jours floriffante ,  elle  nous  réjouit  pendant  la  vie  ,  nous  confole  à 
la  mort,  nous  fait  revivre  après  la  mort,  ôc  revivre  pour  tou- 
jours ;  que  quand  on  a  fait  vœu  de  fe  confacrer  à  Dieu, il  faut  f^i^.^jiS: 
l'exécuter  fans  délai  :  fervir  le  Seigneur  étant  moins  un  fardeau  '*'^* 
4ju'un  honneur. 

X  C  V  L    Les   deux  dernières  Lettres  regardent  quelques    Lettres  com 
Itfiiiires  temporelles.  Elles  font  fuivies  de  trois  Chartes ,  dont  »™'^-»     - 
Tome  XX IL  Ddd 


3^4  SAINT     B  E  R  N  A  R  D  ; 

l'une  eft  une  Sentence  arbitrale  rendue  entre  l'Abbaye  de  faînt 
Lure  deToul  ôc  l'Abbaye  de  Lugeen  par  faint  Bernard  ^  à  qui  le 
Pape  Innocent  II.  avoit  renvoyé  l'attaire.  Il  fe  fit  allifter  des 
Abbés  de  faint  Martin  de  Troyes  ,  de  Chatillon  ,  de  Trois- 
Fontaines ,  de  la  Crefte  &  de  Charlieu.  Aux  Lettres  qui  font 
conflamment  de  faint  Bernard  ,  Uom  ATabillon  en  a  joint  vingt- 
Epijl  i,:c.  fept  autres  qui  font  ou  douteufes  ,  ou  fuppofées.  Celle  que  l'on 
coiïipte  dans  la  nouvelle  édition  pour  la  quatre  cens  vingtième  y. 
eft  d'un  ftyle  tout  différent  de  celui  de  faint  Bernard,  moins 
coulant  ôc  plus  affecté.  L!le  ne  fe  trouve  fous  fon  nom  que  dans 
un  feul  manufcrit  du  Vatican,  non  dans  le  recueil  de  (es  Lettres, 
mais  à  la  fuite  du  difcours  (ur  le  mépris  du  monde.  On  y  établit 
d'alleurs  une  maxime  qui  ne  paroît  pas  s'accorder  avec  la  doctrine 
de  faint  Bernard;  fçavoir  que,  comme  Jefus-Chrift  a  glorifié- 
dans  toutes  fes  oeuvres  Dieu  fon  père  ,  nous  devons  le  glorifier 
de  même  dans  les  nôtres,  ôcdire,  s'il  nous  condamne,  que  fon 
nom  foit  béni  ,  parce  que  nous  l'avons  mérité  ;  s'il  nous  fauve, 
que  fon  nom  foit  loué,  parce  que  fa  mifcricorde  a  furpalTé  fa 
juftice.  Il  eft  vrai  que  faint  Bernard  dans  fa  quarante-deuxième 
Lettre  à  Henri  ,  Archevêque  de  Sens,  étend  le  défirqu'avoit 
Moyfe  d'être  efîacé  du  Livre  de  vie ,  &  faint  Paul  d'être  ana- 
thème  pour  fes  frères  ,  jufqu'à  defccndre  aux  enfers ,  s'il  étoir 
nécefî'aire  ,  pour  les  fauver;mais  il  fait  accompagner  ce  défir 
d'une  bonne  confcience ,  qui  ne  fe  trouvera  pas  dans  les  damnés  , 
qui  loin  de  bénir  Dieu  de  leur  fort  ,  le  détefteront  avec  opiniâ- 
treté. 
Épijl.  411  '      X  C  VII.  On  ne  remarque  dans  les  Lettres  à  Alphonfe,  Roî 

tt-Lz  ,  4^3  '  de  Portugal;  à  Jean  Cirit,  Abbé  de  Tarouca  ;  ôc  à  l'Abbé  de 

*'  '■  faint  Benoît ,  ni  le  génie  ,  ni  le  ftyle,  ni  la  modeftie  de  faint  Ber- 

nard. On  ne  le  reconnoît  pas  non  plus  dans  celle  qui  eft  adreffée 
Ef'i'?.  4ié ,  au  Roi  Louis.  La  Lettre  au  Comte  ôc  aux  Barons  de  Bretagne  , 

4ï'7,4i8.  ôc  la  fuivante  à  l'Empereur  Manuel  Comnene  ,  portent  le  nom  de 
Nicolas  ,  Secrétaire  de  faint  Bernard  ;  mais  il  eft  dit  dans  l'inf- 
cription,  que  c'eft  lui-même  qui  y  parle.  Ce  font  des  exhorta- 
tions à  la  Croifade.  On  le  fait  encore  parler  dans  la  Lettre  à 
Ep^.  41c.  i'£y^.que  de  Luques,lc  même  qui  lui  avoit  recommandé  Pierre- 
Lombard  ,  connu  fous  le  titre  de  Maître  des  Sentences.  Saint 
Bernard  fut  chargé  de  terminer  un  difîerend  entre  Hugues  , 
Evêque  d'Auxerre,  ôc  Guillaume,  Comte  de  cette  Ville.  La 
Eui/î.  415&  Sentence  qu'il  rendit  en  cette  occalion  fait  la  Lettre  quatre  cens- 

430..  vingt-neuf.  Eflienne,  Evêque  de  Paris ,  étoitûulli  ci  j  roc  es  ûyc 


I 


PREMIER  Abbé  de  CLAIRVAUX, &c.5p; 

Eftienne  deGarlande.  GeoiTroi ,  Evêque  de  Chartres,  coafeilla 
au  premier  de  prendre  pour  arbitre  faint  Bernard  ;  c'eft  le  fujet  de 
3a  Lettre  4^0.  Toutes  les  Lettres  fui  vantes  font  de  divers 
Auteurs  ,  &.  aucune  de  faint  Bernard.  Il  y  en  a  une  de  lui 
<ians  le  fécond  tome  (  ^  )  de  la  Bibliothèque  des  manufcrits  de 
Dom  Montfaucon ,  adrefTce  à  Raymond,  Chevalier,  Sire  du 
•Château  d'Amboife.  Elle  efl:  en  latin  ôc  en  françois ,  de  la  verfion 
faite  par  faint  Bernard  lui-même.  C  eil  une  inflruttion  qu'il  donne 
à  ce  Seigneur ,  tant  pour  le  gouvernement  de  fa  famille ,  que  de 
fes  biens  temporels  ,  ôc  del'ufage  qu'il  en  devoit  faire.  Voici  ce 
qui  nousparoît  de  plus  remarquable  dans  les  maximes  qu'il  pofe 
pour  principes  d'une  fage  économie.Si  vos  dépenfes  font  égales  à 
vos  revenus,  il  furviendra  un  accident  inopiné  qui  renverfera 
votre  maifon.  Pourvoyez  à  la  nourriture  de  vos  bcfliaux;  ils  ont 
faim  ,  ôc  ne  peuvent  demander.  NourrilTez  votre  famille  de 
viandes  grollleres  ,  ôc  non  délicieufes.  Aux  Fêtes  de  Pâques 
<3onnez-lui  abondamment ,  fans  affetter  des  mets  délicats.  La 
<iépenfe  que  vous  faites  pour  la  Chevalerie  efl  honorable;  celle 
qui  eft  pour  vos  amis  eft  raifonnable  ;  c'ed  à  pure  perte  que  vous 
aiderez  les  prodigues.  Vendez  vos  bleds  quand  ils  (ont  à  leur 
valeur ,  ôc  non  quand  le  pauvre  ne  peut  plus  en  acheter.  Ne 
vendez  point  à  un  plus  puilfant  que  vous,  mais  donnez  plutôt  à 
•meilleur  marché  à  votre  inférieur.  Les  chiens  de  garde  font 
utiles  ;  ceux  de  chaiTe  coûtent  plus  à  nourrir  qu'ils  ne  font  de 
profit.  Ne  faites  pas  vos  enfans  difpenfateurs  de  vos  biens.  A 
l'approche  de  votre  vieilleffe  recommandez-vous  plutôt  à  Dieu 
qu'à  votre  fils.  Difpofez  de  vos  affaires  avant  la  maladie.  Dom 
Montfaucon  rapporte  au  même  endroit  une  autre  verfion  de  la 
même  Lettre  ,  mais  dont  le  langage  eft  le  même  que  de  la 
première.  L'une  ôc  l'autre  lui  ont  été  communiquées  par  Dom 
Calmet. 

§.  IL 

Des  cinq  Livres  de  la  Conjidératlon, 

ï»  T  "\  An  s  les  éditions  des  (Euvres  de  faint  Bernard    par       Uvxf  3i» 
\  J  Horftius ,  le  fécond  tome  préfente  d'abord  fes  Sermons  '•*  C  .nhJcras 
4u  tems  ôc  des  Saints ,  enfuite  ceux  qui  traitent  de  divers  fu  jets  i 

<«)  P^^.  1334. 

Ddd  ii 


-^cj6  SAINT    BERNARD, 

ôc  ce  n'eft  que  dans  le  troifiéme  tome  que  l'on  trouve  les  différenS 
Traités  de  ce  Père,  encore  n'y  font-ils  qu'après  des  difcours.fuf 
le  Cantique  des  Cantiques.  On  a  fuivi  une  autre  méthode  dans 
l'édition  de  Dom  Mabillon  ,  où  le  fécond  tome  efl:  compofé  des 
Traités  de  morale,  de  doftrine  &  de  controverfe.  L'Editeur  en  a 
ufc  ainfi ,  parce  qu'il  lui  a  paru  plus  convenable  de  donner  enfuite 
6.Q^  Lettres,  des  Traités  écrits  dans  le  ftyle  &  la  forme  épiftoi 
laires ,  &  dont  quelques-uns  ont  été  tirés  d'entre  les  Lettres  pour 
les  mettre  au  nombre  des  Traités.  Au  relie  ,  il  s'eft  plus  arrêté  à 
la  dignité  des  matières ,  qu'à  l'ordre  des  tems ,  dans  la  place  qu'il 
leur  a  donnée.  C'eft  pour  cela  que  ce  fécond  tome  commence 
par  les  Livres  de  la  Confidération  ,  qui  furpaflent  tous  les  autres 
en  dignité,  foit  que  l'on  regarde  la  perfonne  à  qui  ils  font  dédiés, 
c'étoit  le  Pape  Eugène,  foit  que  l'on  faife  attention  à  la  fublimité 
du  Rijet ,  à  la  majcllé  du  flyle ,  6c  à  l'élévation  des  penfécs. 
Ils  ôfit  cti       1 1.  Auiït  dès  que  l'ouvrage  parut  ,  chacun  s'emprefla  de 

enTr/j  '^''  l'avoir  &  à  le  lire.  Saint  Bernard  le  compofa  pour  l'édification  & 
la  confoiation  du  Pape  Eugène  ;  &  il  s'y  propofa  de  lui  donner 
Bc-rnaru.  :n  ^^  confeiis ,  moins  comme  tm  maître  ,  que  comme  une  mère  , 
ou.  plutôt, comme  un  ami ,  parce  qu  il  conlerva  toujours  pouf 
Eugène  ,  qui  avoir  été  fon  Difciple  à  Glairvaux  ,  un  amour 
paternel.  Le-  premier  Livre  fut  achevé  en  1x4.5), comme  ou  le 
voit  par  la  Lettre  de  Nicolas  fon  Secrétaire,  à  Pierre,  Abbé  de 
Pet.lih  V7.  Gluni,  à  quiildit  :  Je  vous  envoyé  le  Livre  de  l'Abbé  de  Clair- 

'W"  7.  vaux  au  Pape.  Le  fécond  n'étoit  pas  fiit  alors,  faint  Bernard  ne 

le  finit  qu'après  que  l'on  eut  reçu  des  nouvelles  de  l'expédition 
infructueufedans  la  Terre-Sainte,  c'efl-à-dire ,  en  i  i  j'o,  auquel 
il  envoya  ce  fécond  Livre  à  Eugène.  Le  troifiéme  fut  achevé 
après  la  mort  de  Hugues  d'Auxerre  arrivée  erî  nja.  Lequa-» 
triémc  êc  Is  cinquième  quelque  tems  après,  ôc  avant  le  huitième 
de  Juillet  de  l'an  1  1 5"  3  >  ^'•'^  ^^^  ^^  P^^  ^^  ^^  mort  de  ce  Pape-^ 
car  les  cinq  Livres  lui  font  dédiés.  - 
An^Jyfe  C\i      1 1  L  Quand  faint  Bernard  eut  conçu  le  defi^ein  d'un  ouvrage 

prvnvcrLivre,  ^fj  \[  p{;,j.  é^ii^erôj;  confoler  le  Pape  Eugène  ÏH.  il  fc  rrxDuva  com- 
battu par  le  refped:  &  par  l'amour  qui  kii  commandoient  deux 
ch    '  '  "  "  " -.-..- 


>  d 


:hofeK  oppofées  j  l'amour  le  prelToit  d'écrire  ;-!e  refpecl  lui  défeii'' 

Ibi't.  L'amour  l'emporta  fur  une  timidité  refpedueufe  ;  &  voicf 

Proi'ff,     la  raifon  qu'en  donne  faint  Bernard.  Je  fçai  Lien,  dit-il  à  Eugène^ 

qxis  vous  êtes  élevé  au  fouvcrain  Pontificat;  mais  quand  vous 

feriez,  s'rleft permis  de  le  dire  ,  élevéfur  les aîles  des  vents,  je 

uc  iaificrois  pas  de  youg  aimej  tou  jours  de  la  même  forte.  L'ameur 


PREMIER  ABBÉ  DE' CL  AiRVAUX  ,  &c.  597 

<|ue  j'ai  pour  vous  ne  vous  confidere  point  comme  mon  maître, 
il  vous  reconnoît  pour  mon  fils,  &  la  qu«litd  de  fouverain  Pon-- 
tlfe  ne  l'affujettit  pas  davantage.  Il  fe  foumet  à  vous  volontai- 
rement ,  il  vous  obéit  fans  efpoir  de  récompenfe  ,  il  vous  révère 
fans  contrainte,  lous  n'en  ulènt  pas  ainli ,  la  crainte ,  ou  la  cupi- 
dité, font  les  principes  de  leurs  mouvemens.  ils  tont  beaucoup' 
de  carelTes,  ôc  dans  le  befoinils  abandonnent;  mais  la  charité  ne 
ment  jamais.  J'avoue  que  je  fuis  déchargé  envers  vous  des  foins 
de  mère,  mais  je  n'en  ai  pas  perdu  les  fentimens.  Saint  Bernard  c.,p^  5^ 
commence  foni^'.Livre  par  compatir  à  la  peine  qu'Eugène  avoit 
reiïcntie  en  fe  voyant  arracher  des  délices  du-  doux  repos  de  la- 
folitude  ,  pour  être  appliqué  à  un  travail  continuel  ôc  accablant. 
Enfuite il  l'exhorte  à  fe  méiier  des  effets  que  produit  l'aiuduité- 
aux  grandes  occupations.  Un  fardeau  ,  qui  dans  les  commence-  C.ip,  i.- 
mens  paroît  infupportable,  devient  plus  léger  à  mefure  que  l'on 
s'y  accoutume  ;enfuite  on  ne  le  fent plus,  Ôc  eniîn  on  y  prend 
plailîr:  C'eft  ainfi  que  l'on  tombe  dans  rendurcilTement  de  cœur , 
&  de-Ià  dans  l'averfion  du  bien.  Il  fîùt  une  defcription  de  ce? 
fiineftes  effets,  6c  confeille  au- Pape  de  les  prévenir,  en  ne  fe 
livrant  qu'avec  méiiagement  aux  occupations  extérieures  ,  &  en' 
fe  refermant  des  momens  de  loifir  pour  s'entretenir  6c  traiter  avec 
lui-même.  Quel  efl ,  je  vous  prie,  cet  état,  lui  dit-il ,  d'entendre  Cj;;,  ^- 
plaider  depuis  le  matin  jufqu'au  foir  ?  Les  nuits  mêmes  ne  font 
pas  libres.  A  peine  laifiet-on  à  la  nature  {es  befoifis.  I-i  n'elt  per- 
mis ni  de  refpirer^  ni  de  prendre  du  repos.  La  patience  eft  une' 
grande  vertu  ,  nais  je  ne  fouhaite  point  que  vous  la  pratiquiez  en' 
cette  occafion. 

I  V.  Ne  m'oppofez  point  ce  que  dit  l'Apôtre:  Qu'étant  libre' C;;'.  4.- 
il  s'eft  fait  cfclave  de  tout  le  monde.  Penîez-vous  que  de  toutes  ^'Cor.  9 ,  \vi-- 
les  parties  de  l'Univers  on  voyoic  venir  à  lui  des  ambitieux  ,  des- 
avares,  des  fimoniaques  ,  des  facrileges ,  desconcubinaires,  des^ 
incéftueux  ,  ôc  une  infinité  de  femblables  monflres  pour  obtenir 
les  dignités  Eccléfiaftiques  ,  ou  pour  y  être  maintenus  par  l'auto- 
rité Apofiblique?  Non;  il  s'étoit  fait  efclave  de  tous  pour  les' 
gagner  à  Jeilis-Chrifî: ,  &  nullement  pour  contenter  leur  avarice, 
yous  ferez  une  choie  plus  digne  de  votre  Apoilolat  d'écouîcr  ce 
que  cet  Apôtre  dit  ailleurs  :  y  oui  avz\  été  acheté  chèrement ,  ne  i  Cor.  7,  i%,~ 
vous  faites  pas  efclave  des  hommes.  Or,  efl-il  rien  de  plus  fervile  & 
déplus  indigne,  furtout  d'un  fouverain  Pontife ,  que  de  travailler  ' 
eontinuellement  à  de  telles  alTràres ,  &  pourde  tels  g<^ns  ?  Quanti 
prions-nc«s  ?  Quand  inftruifons-nous   les  Peuples  ?     QuaîKi^ 

Ddd  11^ 


398  SAINT     BERNARD, 

édifions-nous  l'Eglife?  Quand  méditons-nous  la  Loi  de  Pieu? 
Il  eft  bien  vrai  qu'on  entend  citer  des  Loix  dans  votre  Palais  ; 
mais  ce  font  celles  de  Juftinien  ,  non  celles  de  Notre-Seigncur. 
Cap.  ^  Vous  vous  croyez  redevable  aux  fages  &  aux  infenfés;  mais  ne 
foyez  pas  le  feul  que  vous  réfutiez  de  fervir.  Souvenez-vous  de 
vous  rendre  à  vous-même,  je  ne  dis  pas  toujours,  ni  même  fou- 
Cap.  6.  vent,  mais  du  moins  par  intervale.  Saint  Bernard  convient  que 
fon  tems  ne  permettoit  pas  à  un  Pape  de  ne  s  occuper  que  des 
fonciions  EccléfialHques  ;  qu'on  trouveroit  mauvais    qu'il    ne 
•répondit  point  à  ceux  qui  deraandoient  juflice  pour  des  intérêts 
féculiers  ;  qu'on  le  traiteroit  de  rulllque  ôc  d'ignorant  qui  ne 
connoîtroit  pas  fon  pouvoir,  &  qui  deshonoreroit  fa  dignité  ;  mais 
il  dit  aulïi  que  la  manière  de  penler  de  fon  fiécle ,  n'étoit  pas  celle 
des  Apôtres.  Ils  ont  été  cités  devant  les  Tribunaux  pour  y  être 
ï71imot.ii,4.  ji-igés,  6c  non  pour  y  faire  l'oMice  de  Juges.  Occupés  unique* 
ment  du  fervice  de  Dieu  ,  ils  ne  s'embarraffoient  point  d  .iiîaires 
Luc.  Il ,  H-  féculieres^  Jefus-Chrift  ae  voulut  pas  fe  rendre  arbitre  entre  deux 
frères. 
■dp..  7.       V.  Votre  pouvoir,  ajoute  faint  Bernard ,  s'étend  fur  les  coaf- 
clences  des  hommes  ,  &:  non  fur  leurs  biens  ;  les  clefs  du  Royau- 
me des  Cieux  vous  ont  été  données   pour  l'un,  &  non  pour 
l'autre.  Les  Rois  ôc  les  Princes  de  la  terre  font  Juges  des  affaires 
terreftres;  pourquoi  ufurpez-vous  le  droit  d'aurrui?  Il  cite  ce 
patTageduPfeaume.j.j'  :  Co?ifidcre^ù' voye-^  que  je  fuis  Dieu  ,  6c 
en  prend  occafion  de  traiter  de  la  Confidération  ,  qui  fait  le  fujet 
de  fon  ouvrage.  Son  premier  effet  efl:,  dit-il ,  de  purifier  l'ame  , 
enfuite  clen  diriger  les  défirs  6c  lesadions,  de  corriger  les  excès, 
d'adoucir  les  mœurs,  6c  de  porter  l'efprit  à  la  connoiflance  des 
Cap.  8.  çiiofes  ,  tant  divines  qu'humaines.  C'ell  elle  aula,  qui ,  comme 
Juge  entre  la  volupté  ôc  la  nécelfité  ,  leur  prcfcrit  des  bornes 
raifonnables  ,  donnant  à  l'une  ce  qui  fuffit,  ôc  otant  à  l'autre  ce 
qu'elle  a  de  trop;  ce  qui  produit  la  vertu  qu'on  appelle  tempé- 
rance. La  Confidération  forme  auffi  la  juflice  ,  la  prudence  ôc  la 
force,  en  nous  apprenant  à  ne  faire  à  autrui  que  ce  que  nous 
voulons  qui  nous  foit  fait ,  ôc  à  renfermer  notre  volonté  dans 
les  bornes  étroites  d'entre  le  peu  ôc  le  trop  ;  ce  qui  ell  un  effet  de 
la  force  6c  de  la  prudence. 
Crp.  9.       V  I.  Si  tout  d'un  coup,  dit  faint  Bernard  au  Pape  Eugène, 
vous  vous  appliquiez  à  cette  philofophie  ,  on  vous  accuferoit  de 
fingulavité,  ÔC  de  blâmer  vos  Prédéceflcurs  ,  en  vous  éloignant 
de  leur  conduite  ;   mais  il  pourra  venir  un  tems  où  il  vous 


PREMIER  ABBÉ  DE  CLAIRV  AUX,  &c.   399 

fera  libre  de  vous  y  donner  peu  à  peu ,  ôc  de  fuivre  l'exemple  des 
anciens  Papes  ,  qui  fe  donnoient  du  loifir  au  milieu  des  plus 
grandes  affaires  ;  comme  faint  Grégoire,  qui  pendant  le  fitge  de 
Rome ,  expliquoit  la  partie  la  plus  difficile  de  la  prophétie  d  Eze- 
chiel,  avec  autant  de  foin  que  d'élégance.  Si  donc  à  préfent  la  C-p.  10. 
fraude  ,  la  calomnie  qui  régnent  par  toute  la  terre ,  la  violence  ôc 
l'opprenion  des  pauvres,  vous  oblige  à  juger  des  caufes,  faites 
du  moins  qu'on  les  plaide  comme  il  convient  ;  car  je  ne  fçai 
comment  vos  oreilles  peuvent  fouffrir  ces  difputes  d'Avocats, 
&  ces  combats  de  paroles ,  plus  propres  à  caclier  la  vérité  ,  qu'à 
la  découvrir.  Rien  ne  la  fait  mieux  connoitre  qu'une  courte  ÔC 
fimplecxpofition  du  fait.  Accoutumez-vous  à  décider  prompte- 
nient  les  caufes  que  vous  devez  juger  par  vous-même  ;  retrancher 
les  délais  inutiles  &  captieux.  Connoiifez  par  vous-même  des 
caufes  des  veuves,  des  pauvres,  ôc  de  ceux  qui  n'ont  rien  à 
donner.  Vous  pourrez  en  commettre  plufieurs  à  d'autres.  Il  fe 
trouvera  même  des  affaires  indignes  de  votre  Audience  ,  comme 
font  celles  des  perfonnes  dont  les  péchés  font  manifeftes.  Faites-  Cap.  n, 
vous  craindre  de  ceux  qui  fe  tient  à  leur  argent  ;  qu'ils  le  cachent 
devant  vous ,  Ôc  qu'ils  fi;achent  que  vous  êtes  plus  difpofé  ù  le 
répandre  ,  qu'à  le  recevoir. 

VII.  Saint  Bernard  fait  au  commencement  du  fécond  Livre      AnaKfe  Hw 
l'apologie  de  la  Croifade,  dont  on  faifoit  retomber  fur  lui  le  ^'-^^^°"^' ^^■^■'■*^>- 
mauvais  fuccès,  parce  qu'il  l'avoir  prêchée,  quoiqu'avec  inftance 
du  Roi  Louis ,  &  par  orure  du  Pape  ,  ou  plutôt ,  de  Dieu  même. 
Il  rapporte  à  cet  effet  lexemple  de  Moyfe  ,  qui  après  avoir  tiré  Cap.  t: 
de  rjigypte  les  Ifraclites  par  l'ordre  de  Dieu  conHrjné  par  des 
miracles  ,  ne  les  lit  pas  néanmoins  entrer  dans  la  terre  fertile 
qu'il  leur  avoit  promife  ; -celui  de  la  guerre/des  autres  Tribus, 
pour  venger  par  ordre  de  Dieu  le  crime  de  la  Tribu  de  benja- 
min :  guerre  ou  ces  'l'ribus  furent  défaites  jufqu'à  deux  fc;is  ,  ôc 
ne  vainquirent  qu  à  la  troiliémc.  Comme  on  auroit  pu  lui  deman- 
der par  quels  miracles  il  autorifoit  la  prédication  delà  Croifade  l 
Il  appelle  en  témoignage  ceux  qui  avoient  vu  eux-mêmes  ces 
miracles ,  ou  qui  les  avoient  appris  des  témoins  oculaires, 

"V  I II.  Il  revient  enfuite  à  fon  fujet,  déiinit  la  Conlidératioii^  Cap.  2;      ■ 
Bne  recherche  attentive  de  la  vérité  ;  la  diùingue  de  la  contem-' 
plation  qui  fuppofe  une  vérité  déjà  connue,  ôc  la  divife  en  quatre 
parties  ,  dont  chacune  a  fon  objet.  Votre  confidération ,  dit- il  au  Cap.  3.- 
Pape  Eugène,  doit  commencer  par  vous-même.  Conliderez  pre- 
anerement  ce  que  vous  êtes  ,  enfuite  qui  vous  êtes  ;  cnlin ,  qy,^. 


^00  s  A  I  N  T     E  E  R  N  A  Pv  D , 

Cap.  4,  î.  VOUS  êtes.  Ce  que  VOUS  êtes,  regarde  la  nature;  qui  vous  êtes,  la 
,peifonne  ;  quel  vous  êtes  ,  les  mœurs,. Saint  Bernard  paile  légè- 
rement, fur  ie  premier  objet  de  xonlîdération  qui  fe  borne  à  la 
nature  de  Vhomme  4  mais  il  s'étend  davantage  fur  le  fécond  , 
■Cap.  6.  c'eit-à-dire ,  fur  les  devoirs  attacliés  à  la  dignité  de  Pape.  Ils 
condftent,  dit-il,  à  arracher  &  détruire  ,  édilier  6c  planter.  La 
Papauté  eil:  un  miniftere,  ôc  non  une  domination-  Le  Pape  efl 
aiïis  fur  une  Chaire  élevée ,  mais  c'eft  pouti  voir  de  plus  loin  ;  &r 
le  droit  d'infpection  qu'il  a  fur  toutes  its  Eglifes ,  doit  plutôt  le 
jlifpofer  au  travail  qu'au  repos.  Voilà  ;,  ajoute  faint  Bernard  ,  ce 
que  i'A.pôtrefaint  Pierre  vous  a  laitîe,  6c  non  dePor  ni  de  l'ar- 
eent.  Vous  pouvez  bien  en  avoir ,  à  quelqu'autre  titre ,  mais  non 
.conime  héritier  de  JApotre  ,  puifqu'il    n'a  pu  vous  donner 
.ce  qu'il  n" avoit  pas.   Il  rapporte  les  paflages  de  l'Ecriture  qui 
.défendent  l'efprit  de  domination  aux  Apôtres  ;  ôc  ajoute  :  Si  vous 
;Vous,gloriiiez,  ce  doit  être  , comme  fiint  Paul,  dans  les  travaux 
ôc  dans  les  fouffrances.;  -à  dompter  les  loups ,  Ôc  ne  pas  dominer 
iiir  les  brebis  ;  à  faire  confifter  votre  noblelfe  dans  la  pureté  des 
:mœurs  ,  dans  la  fermeté  de  la  foi ,  datis  l'hu  milité ,  qui  cft  l'orne- 
ment le  plus  éclatant  d'un  fouverain  Pontife. 
Cip.  8.      I  X-  Il  examine  quelle  en  efl  la  dignité  &  l'autorité  ,  -ôc  dit  à 
£u2."cne  :Qui  .êtes-vousf  Cirand-Prêtie  ,  fouverain  Pontife,  le 
Prince  dcsEvêques  ,  l'héritier  des  Apôtres.  Vcusctes  celui  à  qiu 
l'on  a. confié  les  clefs,  à  qui  l'on  a  commis  le  foin  des  brebis.  Il  cft 
•vrai  -qu'il  y  a  d'autres  Portiers  du  Ciel,  ôc  d  autres  Pafteurs  des 
trouvieaux  ;  mais  ;vc^us  avez  hérité  de  ces  deux  qualités  au-delTus 
des  autres  ,  avec  d'autant  plus  de  gloire,  que  vous  les  polledez 
.avec  une  plus  grande  ditiérence.  Cliacun  d'eux  a  fon  troupeau 
particuiicj-.  Tous  vx)us  {a)  font  commis,  de  forte  que  tous  ces 
troupeaux  n'en  font  qu'un  dont  vous  êtes  le  feul  Pailcur ,  ôc  noii- 
feulemcnt  le  Pafteurdes  Brebis,  mais  des  Pafleurs  mêmes.  Saint 
Bernard  le  prouve  par  les  paroles  de  Jefus-Çhiilt  à  faint  Pierre  .. . 
Jean,  it ,  1  -.  Pierre  ,  firous  m'aime^ ,  paijjei;  mes  brebis,  h  dit  •{  b  )  néanmoins 
ailleurs  ,  que  les  Evcqucsfont  les  f^^idïtres  de  Jeftis-Chrijî. 
Ca    9   10,      X.  De-là.faint  Bernard  pafle  à  la  troiliéme  Conlidération  qui 
n  ,11 15.    '  a  pour  objet  les  mœurs  ôc  la  conduite  du  Pape  ,  fes  progrès  dans 
la  vertu  ;,  fon  zèle  pour  le  bien  de  l'Eglife  ,  la  clémence  envers 


(&\  Ncc  moilo  oviuin  ,  foi  &  Pa.Qorum  I      {b)  Ite  nunc  erj-o  ,  -refiilite  ChiiAi  Vi 
fwnnusoauiium'l'aUor.I,:*.  i  .âcdnjid.      cnrio.  U.  di  ojicio  Epifcop.  ijp.9,num 


■ci^JSi 


fçs 


PREMIER  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX,6cc.  401^ 
fes  ennemis,  fa  patience  dans  les  adverfuds  ,  fa  modeftie  dans  la 
profpérité.  Il  1  exhorte  à  fuir  roifiveté ,  les  railleries  indécentes 
dans  fes  difcours;à  n'avoir  point  d'acception  de  perfonnes  dans 
lesjugemens.  Il  ne  lui  fait  point  de  remontrance  fur  l'avarice,  dp.n. 
parce  qu'il  droit  connu  dans  tout  le  monde  qu'Eugcne  III.  regar- 
doit  l'argent  comme  de  la  paille. 

XI.  Dans  le  troifiéme  Livre  qui  fut  compofden  1152,  faint  Analyfe  du 
Bernard  reprdfente  au  Pape  les  chofes  qui  font  au-delTous  de  lui ,  ^^J  ul^%-,  l', 
c'eft-à-dire  ,  le  monde  entier,  dont  l'adminiftration  lui  dtoit  coa-  ^ 

fiée  ,  6c  non  pas  la  poffeirion ,  puifqu'elle  appartient  à  Dieu  feul. 
.Vous  préfidez,  lui  dit-il,  aux  affaires  de  tout  le  mondes  mais 
pour  y  pourvoir,  pour  y  veiller,  pour  y  donner  ordre,  pour  y 
être  utile.  Le  Père  de  famille  vous  a  établi  pour  gouverner,  ÔC 
non  pour  régner.  N'affettez  point  la  domination  fur  les  hommes, 
étant  homme  vous-même.  11  n'y  a  ni  poifon  ni  fer  que  je  craigne 
tant  pour  vous,  que  le  défir  de  dominer.  Etendez  vos  foins  fur 
tous,  afin  que  ceux  qui  ne  font  pas  aflez  fages  le  deviennent; 
que  les  incrédules  fe  convertiffent  à  la  foi  ;  que  ceux  qui  font 
divifés  de  vous  par  le  fchifme  reviennent  à  l'unité  ;  que  les  héré- 
tiques foient  confondus,  &  leurs  erreurs  détruites;  que  l'ambi- 
tion &  l'intérêt  ne  défolcnt  plus  l'Eglife.  Il  dit  fur  ce  dernier 
article  :  N'eft-ce  pas  l'ambition ,  plus  que  la  dévotion ,  qui  engage 
à  vifiterles  tombeaux  des  Apôtres?  N'efl-ce  pas  de  fa  voix  que 
retentit  continuellement  votre  Palais?  Toute  l'Italie  netravaille- 
t-elle  pas  avec  une  avidité  infatiable  à  s'enrichir  de  fes  dépouil- 
les ?  Il  parloir  des  ambitieux  ôc  des  avares  ,  qui  par  le  moyen  du 
Pape  prétendoient  régner  dans  l'Eglife  ,  ôc  s'emparer  de  fes 
revenus. 

XII.  Il  vient  enfuite  à  l'abus  des  appellations.  On  appelloit  Cap.  t. 
devant  le  Pape  de  tous  les  côtés  du  monde.  C'efl:  ,  dit-il,  un 
témoignage  de  votre  primauté.  Mais  fi  vous  penfez  bien ,  vous 
vous  réjouirez  moins  de  cette  prérogative,  que  de  l'utilité  qui 

f)eut  en  revenir  au  Public.  Y  a-t-il  rien  de  plus  beau  que  de  voir 
es  foibles  à  couvert  de  l'oppreflion  aulfitôt  qu'ils  reclament  votre 
nom  ?  Mais  au  contraire  peut-on  rien  de  plus  trifte ,  que  de  voir 
ceux  qui  ont  fait  du  mal,  triompher,  ôc  ceux  qui  l'ont  fouffert, 
fe  fatiguer  inutilement?  Comme  il  y  auroit  de  l'inhumanité  de 
*i'être  pas  touché  à  la  vue  d'une  perfonne ,  qui  outre  le  tort  qu'on 
lui  a  fait ,  efl;  encore  épuifée  par  la  longueur  du  chemin  ôc  par  la 
dépenfe  :  il  y  auroit  de  votre  part  de  la  lâcheté  de  ne  pas  ufer  de 
(évetité  envers  celui  qui  lui  a  ©ccafionné  tous  ces  maux.  Saint 
Tome  XXII.  Eec 


402  SAINTBERNARD, 

Bernard  exhorte  le  Pape  à  réprimer  les  appellations  inutiles  ,  & 
celles  que  l'une  des  Parties  faifoit  quelquefois  avant  la  Sentence 
mêire ,  foit  pour  vexer  fa  Partie  adverfe,  foit  pour  gagner  du 
tems  ;  &  à  ne  pas  écouter  ceux  qui  fe  fervoient  de  l'appellation 
pour  arrêter  les  Evêques  lorfqu'ils  vouloient  diflbudrc  ou 
empêcher  des  mariages  illicites  ,  ou  punir  les  prévaricateurs 
des  Loix  ôc  des  Canons.  Il  décide  en  général  que  toute  appella- 
tion à  laquelle  on  n'a  point  été  contraint  par  une  injuitice,  eft 
illégitime  ;  que  les  appellations  étant  un  bien  lorfqu'elles  fub- 
viennentà  la  nécelTité  ,  on  doit  à  cet  égard  les  appuyer  ôc  les 
maintenir  ;  mais  non  ,  quand  on  les  fait  fervir  à  la  fraude  ôc  à  la 
tromperie.  Il  rapporte  deux  exemples  des  appellations  abufives, 
ôc  loue  le  Pape  de  renvoyer  les  Âppellans  devant  leurs  Juges 
naturels ,  ou  devant  des  CommilTaires  en  état  de  connoître  de 
l'affaire  ;  cette  façon  de  rendre  la  jullice  étant  plus  fùre  ôc  plus 
prompte. 

dp-î-  XIII.  Saint  Bernard  f\it  voir  que  les  Pafteurs  de  l'Eglife 
doivent  moins  chercher  leur  utilité  particulière  ,  que  le  profit  de 
leurs  Sujets  ;  ôc  après  avoir  donné  plufieurs  exemples  du  définté- 
refTement  du  Pape  Eugène  III.  il  lui  adreffe  la  plainte  générale 
des  Eglifes  au  fujet  des  exemtions  accordées  par  le  faint  Siège. 

Cap.^.  On  fouftrait , dit-il ,  les  Abbés  aux  Evêques,  les  Evêques  aux 
Archevêques,  les  Archevêques  aux  Primats  ,  ou  Patriarches. 
Vous  faites  connoître  en  cela  que  vous  avez  la  plénitude  de  la 
puiffance ,  mais  peut-être  aux  dépens  de  la  juftice.  'Vous  le  faites , 
parce  que  vous  le  pouvez  ;  mais  devez-vous  le  faire  ?  C'eft  une 
queftion.  On  vous  a  établi ,  non  pour  ôter,  mais  pourconfcrvet 
à  chacun  fon  degré  ôc  fon  rang  d'honneur.  Avant  d'entreprendre 
quelque  chofe ,  l'homme  fpirituel  doit  confidérer  premièrement, 
fi  cela  eft  permis  ;  enfuite,  s'il  eft  de  la  bienféance  ;  enfin,  s'il  eft 
expédient.  Ne  m'aileguez  pas  l'utilité  de  ces  exemtions.  Tout 
ce  qui  en  provient  ,  c'eft  que  les  Evêques  en  deviennent 
plus  infolens  ,  les  Moines  plus  relâchés  ,  ôc  même  plus  pauvres, 
parce  qu'on  les  pille  plus  librement ,  n'ayant  perfonne  pour  les 
défendre.  A  qui  en  effet  auroient-ils  recours  f  AuxEvêquesf 
Offenfés  du  tort  qu'on  leur  fait  à  eux-mêmes,  ils  ne  feront  que 
rire  des  maux  qu'ils  verront  fouffrir  à  ces  Moines ,  ou  qu'ils  leur 
feront  fouffrir.  Pardonnez-moi ,  fi  je  vous  dis ,  qu'il  ne  vous  ed 
pas  permis  de  confentir  à  ce  qui  produit  tant  de  maux.  Croyez- 
vous  d'r.illeurs  qu'il  foit  en  votre  pouvoir  de  confondre  l'ordre  , 
d'arracher  les  bornes  que  vos'  Pères  ont  pcfécs  ?  S'il  eft  de  là 


PREMIER  ABBÊ  DE  CL  AIR  VAUX, &c.  40? 

juftice  de  rendre  à  chacun  ce  qui  lui  appartient,  n'eft-ce  pas 
commettre  une  injuftice  que  doter  le  bien  à  qui  que  ce  foit? 
Vous  vous  trompez  ,  fi  vous  pcnfez  que  votre  puilTance  Apofto- 
liqueeft la  feule  établie  de  Dieu,  comme  elle  eft  la  fouveraine. 
Il  y  en  a  de  moyennes  ôc  d'inférieures  ;  &  comme  on  ne  doit  pas 
féparerceux  que  Dieu  a  joints,  il  n'eft  pas  jude  d'égaler  ceux  que 
Dieu  a  rendus  inégaux.  De  même  que  dans  le  Ciel  les  Chérubins, 
les  Séraphins  ,  jufqu'aux  Anges  &:  aux  Archanges  ,  font  difpofés 
chacun  en  fon  ordre  fous  un  feul  Chef,  qui  eft  Dieu  ,  ainfi  fur  la 
terre  les  Primats,  ou  Patriarches,  les  Archevêques, les  Evo- 
ques,  les  Prêtres  ,  ou  Abbés,  font  fous  le  fouverain  Pontife.  Il 
ne  faut  pas  méprifer  un  orilre  qui  a  Dieu  pour  auteur ,  ôc  qui  tire 
fon  origine  du  Ciel.  Mais  C\  un  Evêque  dit  :  Je  ne  veux  pas  être 
fournis  à  un  Archevêque  ;  ou  un  Abbé  :  Je  ne  veux  pas  obéira 
un  Evêque  ;  cela  ne  vient  pas  du  Ciel.  Je  n'ignore  pas  que  vous 
avez  le  pouvoir  de  difpenfer,  mais  pour  l'édification  ,  &  non 
pour  la  dedruclion.  Quand  la  néceilité  preffe,  la  difpenfe  eft  '  Cor.^.i. 
excufable.  Quand  l'utilité  le  demande,  eile  cft  louable  ;  je  dis 
l'utilité  publique,  non  la  particulière.  Il  y  a  toutefois  quelques 
Monafteres  exemts  ,  qui  relèvent  fpécialement  du  faint  Siège  , 
fuivant  l'intention  des  Fondateurs  ;  mais  il  y  a  de  la  différence 
entre  ce  qui  eft  donné  par  dévotion  ,  &  les  entreprifes  d'une  am- 
bition qui  ne  veut  point  fouffrir  de  Supérieur. 

XIV.  Il  eft  aulTi  du  devoir  du  Pape  ,  félon  faint  Bernard  ,  de  Cap.  ^ 
faire  attention  à  tout  l'Etat  Eccléfiaftique,  ôc  d'y  examiner  fi  les 
Peuples  font  fournis  au  Clergé,  les  Clercs  aux  Prêtres ,  ôc  les 
Prêtres  à  Dieu;  fi  dans  les  Mailbns  Religieufes  l'on  garde  l'ordre 
ôc  la  difcipline  ;  fi  les  cenfures  del'Eglife  font  en  vigueur  contre 
lesméchans,  ôc  les  héréfies;  fi  les  Décrets  Apoftoliques  font 
obfervés  exadement.  Le  Pape  Eugène  III.  en  avoit  publié  lui- 
môme  au  Concile  de  Reims  en  114?  touchant  la  modeftie  des 
habits  des  Clercs  ,  ôc  les  Ordres  aufquels  doivent  erre  promus  les 
Dignitaires  des  Chapitres  ;  ôc  toutefois  depuis  quatre  ans  que  ces 
Décrets  avoient  été  publiés ,  on  ne  s'étoit  pas  mis  en  devoir  de  les 
obfcrver. 

X  V.  Le  quatrième  Livre  de  la  Confidération  a  pour  objet  ce     Analyfe  d« 
qui  eft  autour  du  Pape,  fon  Clergé,  fon  Peuple,  fes  Domefti-  l"l"^,'^'^^[\ 
ques,  fon  Conleil.  Votre  Clergé  ,  lui  dit  faint  Bernard  ,  doit  vivre  Q'.  t. 
dans  une  grande  perfe£lion  ,  puifque  c'eft  de  lui  que  le  Clergé  de 
toute  l'Eglife  a  pris  fa  forme  ôc  fa  règle.  Quant  au  Peuple  Ro-  Ca^,  t. 
main ,  quoiqu'il  en  faffe  un  portrait  odieux ,  ôt  qu'il  le  repréfente 

E  ee  ij 


404  SAINTBERNARD, 

comme  endurci  dans  le  mal ,  il  ne  laifTe  pas  d'exhorter  Eugène  à 

travailler  à  le  réformer  ,  en  employant  la  parole ,  ôc  non  le  fer ,  le 

C^P-  3-  glaive  fpirituel ,  &  non  le  matériel  ;  le  premier  devant  être  tiré 
par  la  main  du  Prêtre ,  &  l'autre  par  h  main  du  Soldat ,  qui  toute- 
fois ne  doit  s'en  fervix  que  fuivanr  le  confeil  du  Prêtre,  Ôc  l'ordre 
de  l'Empereur.  Cefl  en  ce  fens  que  iiùnt  Bernard  dit  ici ,  que  les 
deux  glaives  ,  le  fpirituel  ôc  le  matériel  ^  appartiennent  à  PEglife; 
parce  qu'encore  qu'elle  ne  puiffe  elle-même  tirer  le  glaive  de 
fang  ,  elle  s'en  fcrt  par  la  main  du  Prince  j  ôc  le  Prince  ne  doit 
l'employer  ,  qu'après  avoir  confulté  le  Prêtre ,  pour  fçavoir  fi  la 
guerre  eft  jufte. 

Cif.  4.  XVI.  Saint  Bernard  recommande  au  Pape  beaucoup  d'at- 
tention dans  le  choix  des  Cardinaux  ,  de  les  prendre  de  toutes 
parts  ,  ôc  d'un  âge  mûr  ,  puifqu'ils  doivent  juger  tout  le  monde  ; 
de  choifir  pour  les  Légats  des  perfonnes  d'une  vie  exemplaire  , 
ôc  qui  ne  cherchent  point  dans  leur  Légation  des  avantages  tem- 
porels, mais  l'utilité  des  âmes  5  qui  reviennent  en  Cour  fatigués, 
ôc  non  chargés  ;  qui  puiflent  fe  glorifier,  non  d'avoir  rapporté 
les  chûfes  les  plus  curieufes  ,  mais  d'avoir  donné  la  paix  aux 
Royaume,  la  loi  aux  Barbares,  le  repos  aux  Monafteres ,  ôc 
rétabli  ou  maintenu  l'ordre  ôc  la  difcipline  dans  les  Eglifes.  Il 

Qav.  j.  rapporte  des  exemples  édilians  de  deux  Légats;  l'un,  le  Cardinal 
Martin,  Légat  en  Tranfilvanie  ,  qui  revint  du  Pays  de  l'or  fans 
or  ,  ôc  fi  dépourvu  d'argent,  qu'à  peine  put-il  regagner  Florence; 
l'autre ,  Gcoffroi ,  Evêque  de  Chartres  ,  Légat  »n  Aquitaine ,  qui 
fit  à  fes  frais  toutes  les  dépenfçs  de  fa  Légation,  fans  avoir  voulu 
recevoir  aucun  préfcnt,  pas  même  deux  plats  de  bois  bien  tra- 
vaillés ,  qu'une  Dame  lui  offroir  par  dévotion. 
Ihld.  XVII.  Il  étoit  d'ufage  dans  les  folemnités  que  les  Officiers 
du  Pape  fuflent  proches  de  lui ,  pour  la  commodité  du  fervice  ; 
mais  ils  prétendoient  encore  tenir  la  même  place  dans  toutes  les 
Aiïemblécs  régulières.  Saint  Bernard  fait  voir  qu'il  étoit  indécent 
que  ces  Ofliciers  euffent  rang  devant  les  Prêtres  ,  ôc  que  la  cou- 

Ccrp.6.  tumeà  cet  ég?rd  devoir  paiTer  pour  une  ufurpation.  Il  confeille 
au  Pape  de  confier  le  fuin  de  fa  Maifon  à  un  homme-  fidèle  ôc 
prudent ,  afin  d'avoir  tout  le  tems  de  vaquer  lui-même  aux  affaires 
de  fa  confcience  ôc  de  1  ii-glifc  ;  n'étant  pas  digne  d'un  Evêque 
d'entrer  dans  le  détail  d'un  ménage.  Il  dit  à  cette  occafion  ; 
IS  cft-il  pas  étonnant  que  ies  Evcques  trouvent  des  gens  à  qui 
confier  le  foin  de  leur  ame,  ôc  qu  ih  nanquent  de  perfonnes 
capables  dadminiftrer  leurs  bi^ns  temporels l  Cela  ne  vient  que 


PREMIER  ABBÉ  DE  CL AIRVAUX,&c.  40^ 

de  ce  que  nous  fupportons  plus  pati3mment  les  pertes  de  Jefus- 
Ci.riil,  que  le;,  nôtres.  li  veut  toutefois  que  le  Pape  ,  comme  les 
Evêques  ,  prenne  par  lui-même  le  foin  de  la  difcipJine  de  fa 
Maifon  ,  ôc  qu'il  n'y  laine  pas  le  defordre  impuni.  Dans  une  Cap.  7, 
efpece  de  récapitulation  des  quatre  premiers  Livres  ,  il  dit  au 
Pape  Eugène  :  Conlldetez  que  la  fainte  Egliie  Romaine  ,  où  par 
h  grâce  de  Dieu  vous  prclidcz ,  eft  la  mère,  ôc  non  la  maîtrefTe 
des  Egiifes  ;  que  vous  n'êtes  pas  le  Seigneur  des  Evêques  ,  mais 
l'un  deux,  !e  trere  de  ceux  qui  aiment  Dieu,  ôc  le  compagnon 
de  ceux  qui  le  craignent  ;  que  vous  devez  être  l'exemple  de  la 
piété ,  le  foutien  de  la  vérité,  le  défenfeur  de  h  foi ,  le  difpen- 
fateur  des  Canons,  le  tuteur  des  pupilles  ,  le  refuge  des  op- 
primés. 

XVIII.  Quoique  les  Livres  précédens  foient  intitulés  ,  de  .  A"alyfê  «^u 
la  Confidération,  ils  ne  laiffent  pas  de  contenir  plufieurschofes  vre'|pW.\5i. 
qui  ont  rap'oort  à  la  vie  adive.  Le  cinquième  au  contraire  ne  r 

traite  que  de  la  Loniidcration  ,  ou  contemplation,  c  eu-a-dire  j 
des  objets  qui  font  au-deilus  de  nous.  S.  Bernard  entend  par-là, 
non  le  Soleil,  ni  les  Etoiles,  qui  ne  nous  font  fupérieures  que  par 
leur  pofuion,  ôc  non  en  valeur  ni  en  dignité,  n'étant  que  des 
Lues  purement  corporels  ,  ôc  conféquemment  inférieurs  à  nous 
par  rapport  à  notre anie, qui  eft  fpirituelle;  mais  il  entend  Dieu 
ôc  les  Anges.  Dieu,  en  eli'et,  nous  eft  fupérieur  par  nature ;ôc 
les  Anges  par  grâce  feulement ,  puifque  la  raifon  nous  eft  com- 
mune avec  eux.  Il  propofe  trois  moyens  de  parvenir  à  la  con- 
noilfance  de  Dieu  &  de  les  Anges  ,  l'opinion  ,  la  foi ,  l'entende- 
ment ;  ôc  commence  par  la  confidération  des  Efprits  célcftes  ,  O;».  4. 
dont  il  rapporte  la  Hiérarchie.  Sur  les  Anges,  il  dit,  (a)  que 
l'on  croit  que  Dieu  en  a  donné  un  à  chaque  homme  pour  le 
fervir  ,  ou  le  garder,  Enfuite  il  pafTc  à  la  contemplation  de  Dieu  , 
de  fon  eiTenoe ,  ôc  des  inyftercs  de  la  Trinité ,  ôc  de  l'Incarna- 
tion. 

XIX.  La  divinité  par  laquelle  on  dit  que  Dieu  eft  Dieu  ,  Cay.c,^. 
n'eft  autre  chofe  que  Dieu  même.  Il  eft  lui-même  fe  forme,  fon 
elTence ,  un  ,  fimple  ,  indivilible.  Il  n'cft  point  compofé  de  par- 
tics  ,  comme  le  corps ,  ni  fujet  aux  changemens  ;  toujours  le 
même,  ôc  de  la  même  manière.  Dieu  eft  toutefois  Trinité.  Mais 


(«)  Putemus  Anjrclosdici,  qui  finguli  j  nam  ,  pr»pter  eos  oui  haTeJitatcm  capiunc 
»n-;ulis  hominibus  Aui  creduntur,   inifil  j  falutis.  Lia.  j  ,  Jf  Co/zy'.i.^.  fjp  4. 
in   mmiiterium     '"         ''        "     


s  Anjrclosdici,  qui  finguli  j  nam  ,  prapter eos  oui  hareJi 
ibus  (liui  creduntur,  inifil  1  falutis.  Lia.  j  ,  Jf  Co/zy'.i.^.  fj; 
i  J  fecuiidiiui   Pauli  doiftri-  \ 

E  e  e  Uj, 


4o6  SAINT     BERNARD, 

en  admettant  en  Dieu  latrinité,  nous  ne  détruifons  pas  l'unité. 
Nous  difons  le  Père,  nous  difons  le  Fils,  nous  difons  le  baint- 
Efprit  ;  néanmoins  ce  ne  font  pas  trois  Dieux  ,  mais  un  feul  Dieu. 

O^.  8,  Il  n'y  a  qu'une  fubflance  ,  mais  trois  Perfonnes.  Les  propriétés 
des  Perfonnes  ,  ne  font  autres  que  les  Perfonnes  mêmes  ;  ôc  les 
Perfonnes  ne  font  autre  chofe  qu'un  Dieu  ,  une  divine  Subfldnce , 
une  divine  Nature  ,  une  divine  ôc  fouveraine  iMajellé.  Mais 
comment  fe  peut  rencontrer  la  pluralité  en  l'unité,  &  l'unité 
avec  la  pluralité?  L'examiner,  c'eft  témérité;  le  croire,  c'eft 
piété  ;  le  connoître ,  c'eft  la  vraie  voye  &  la  vie  éternelle.  Saint 
Bernard  diftingue  diverfes  fortes  d'unité ,  ôc  met  au  premier  rang 
''^'  *  l'unité  de  Dieu  en  trois  Perfonnes.  Paflant  enfuite  au  myftere  de 
l'Incarnation  ,  il  enfeigne  qu'en  Jefus-Chrift  ,  le  Verbe  ,  l'Ame 
ôc  la  Chair  ne  font  qu'une  même  Perfonne  ,  fans  confufion  des 
cflences,  ou  des  natures.  Qu'ainfi  ces  trois  chofes  demeurent 
dans  leur  nombre  ,  fans  préjudice  de  l'unité  de  la  Perfonne. 

Cap.  II.  XX.  Il  revient  une  féconde  fois  à  la  définition  de  Dieu  ,  & 
dit  que  ,  quant  à  l'univerfalité  des  chofes ,  c'eft  la  rtn  ;  que  par 
rapport  à  l'éleftion  des  Eli'is ,  c'eft  le  fd!ut;qu"à  l'égard  de  lui- 
même,  il  eft  le  feul  qui  le  fçache  ;  aue  c'eft  une  volonté  toute- 
puiffante  ;  une  vertu  parfaite,  une  lumière  éternelle  ,  uneraiion 

Cdp.ii.  immuable,  la  fouveraine  béatitude;  qu'il  eft  autant  le  fupplice 
des  fuperbes  ,  que  la  gloire  des  humbles  ;  &  que  comme  il 
récompenfe  les  bonnes  oeuvres  par  fa  bonté ,  il  punit  les  crime* 
par  fa  juftice. 

§.   III. 

Traité  des  jnœiirs  &  des  devoirs  des  Evêques, 

Trait*  dfs  I.  T  TT  E  N  RI ,  fucceflcur  dc  Daimbert  dans  l'Archevêché  de 
Jevoirs  des  J[_  _£  5ens  cn  I  I  2i ,  fe  livra  d'abord  aux  délices  delà  Cour, 
laiiiant  fon  Diocèfe  fans  Pafteur.  Mais  revenu  de  fes  égaremens 
par  le  miniftcre  de  Geoffroi ,  Evoque  de  Chartres  ,  ôc  de  Bur- 
chard  ,  Evêque  de  Meaux ,  il  pria  faint  Bernard  de  lui  envoyer 
quelqu'un  dc  fes  ouvrages ,  qui  pût  l'affermir  dans  le  nouveau 
genre  de  vie  qu'il  avoit  embraffé.  Le  faint  Abbé  qui  en  avoit  été 
informé  parles  deux  Evêques  dont  nous  venons  de  parler,  lui 
adreffa  aullîtot  l'opufcule  intitulé  ,  du  devoir  des  Evêques.  C'eft  la 
quarante-deuxième  Lettre  dans  plulieurs  éditions  de  faint  Ber- 
nard. Elle  fut  écrite  vers  l'an  1126  j  auquel  Burchard  étoit 


PREMIER  ABBÉ  DE  CL  AIR  VAUX, &c.  4b7 

Evêque  de  Meaux ,  ou  du  moins  avant  l'an  1130,  qui  fut  celui 
de  la  mort  d'Honorius  II.  puifque  dans  la  quarante-neuvième 
Lettre  que  faint  Bernard  lui  écrivit  en  faveur  de  l'Archevêque 
de  Sens ,  il  marque  clairement  la  convcrfion  de  ce  Prélat. 

II.  Le  premier  confeil  que  l'Abbé  de  Clairvaux  lui  donne  ,      Anslyfe  r'e 
c'eft  de   confier    hardiment   fa  perfonne  &  fon  Diocèfe  aux   "   raite.^a^'. 
Evêques  de  Meaux  ôc  de  Chartres  ,   lalTurant   que   fous  leur  q„_  , 
diredion  ,  fa  réputation  &  fa  confcience  feront  en  lùreté.  Enfuite 

il  lui  fait  remarquer  que  la  gloire  ôc  la  dignité  Epifcopales  ne  Cap.  i. 
confident  ni  dans  la  pompe  des  habits,  ni  dans  la  magnificence 
des  équipages  ,  ni  dans  la  fomptuofité  des  Palais  ;   mais  dans 
l'innocence  des  moeurs,  dans  l'application  aux  devoir^  de  TEpif- 
copatjdans  1  exercice  des  bonnes  œuvres.  Il  lui  recommande  ^'P-i' 
en  particulier  les  vertus  de  chafleté  ,  de  charité  &  d'humilité; 
mais  il  veut  que  fa  charité  naiflé  d'un  cœur  pur,  d'une  bonne 
confcience  ,  d'une  foi  fincere.  La  pureté  de  cœur  doit  avoir  deux      Cap.  4,  î 
objets ,  la  gloire  de  Dieu  ,  &  l'utilité  du  prochain  ;  la  bonne      ^' 
confcience  confiflc  à  fe  repentir  du  mal  ,  &  à  n'en  plus  com- 
mettre i  la  foi  fincere  e(t  celle  qui  fe  fouticnt  &  qui  agit  par  la 
charité. 

III.  La  plupart  n'envifageant  dans l'Epifcopat  que  l'éclat,  &  Cap.  7- 
non  la  peine  qui  y  eft  attachée ,  rougilloient  d'être  au  bas  rang 

du  Clergé,  6c  couroient avec  vivacité  aux  honneurs.  On  élevoit 
même  aux  premières  dignités  de  jeunes  enfans  ,  qui  n'avoient 
d'autre  mérite  que  leur  naifiance  ;  des  gens  de  tout  âge ,  de 
toute  condition,  fçavans  ôc  ignorans,  briguoient  les  emplois 
Ecclélialliques;  Ôc  après  qu'ils  étoient  montés  aux  premières 
dignités  de  l'Eglife  ,  foit  par  mérite,  foit  par  argent,  foit  par  le 
privilège  de  la  chair  ôc  du  fang  ,  ils  brùloient  de  deux  défirs ,  de 
multiplier  leurs  Bénéfices,  ôc  d'en  acquérir  de  plus  honorables. 
Etoit- on  Prévôt  ,  Doyen,  Archidiacre?  L'on  n'étoit  pas  con^ 
tent  de  ne  pofTeder  qu'une  de  ces  dignités  ;  on  fe  donnoit  des 
mouvemens  pour  en  avoir  plufieurs ,  foit  dans  la  même  Eglife , 
fuit  dans  des  Egliies  dili'Jrentes.  S'il  falloit  s'en  dépouiller  pour 
devenir  Evêque  ,  on  le  faifoit  volontiers.  L'Evêque  fongeoit  à 
devenir  Archevêque.  L'ambition  n'avoit  point  de  bornes.  Saint 
Bernard  gémiffoit  fur  ces  abus  dont  il  étoit  témoin,  ôc  rappellanc 
ce  qui  fe  paflbit  dans  les  premiers  fiécles,  où  l'on  ne  trouvoit 
qu'avec  peine  des  perfonnes  qui  voululTent  fe  charger  de  l'Epif- 
copat ,  tant  ce  polie  leur  paroiflbit  au-delTus  de  leurs  forces ,  il 
blanie  l'emprellement  que  les  Clercs  de  fon  tems  témoignoiem 


Sjtof  5  A  I  N  T    B  E  R  N  A  R  D, 

pour  un  miniftcre  que  la  plupart  n'étoient  pas  en  état  de  remplir  , 
&  qu'ils  ne  rechcrchoient  ou  que  par  avarice  ,  ou  par  ambition. 
C^.i,f,  IV.  Il  e'tablit  cette  maxime:  Pour  fçavoir  commander,  il 
faut  fçavoir  obéir.  Et  fe  plaint  que  les  Abbés  de  fon  Ordre,  qui 
cxigeoient  IcbéifTance  de  leurs  Moines  avec  tant  de  rigueur, 
ruinoient  leurs  Maifons  pour  fe  rendre  indépendans  des  Evêques  ; 
ne  faifant  pas  attention  qu'ils  étoient  Moines  par  état ,  &  Abbés 
par  nécellité.  Ils  difoient,  qu'ils  ne  cherchoient  à  fefouftrairc 
de  la  Jurifûidion  des  Evêques,  que  pour  procurer  la  liberté  à 
leur  Monaftere.  Saint  Bernard  leur  répond  :  Qu'y  a-t-il  donc 
de  dur  ôc  de  fâcheux  dans  l'autorité  des  Evêques  ?  Craignez-vous 
leur  violence?  Mais  fi  vous  foufFrez  pour  la  juflice,  vous  ferez 
heureux.  Il  ajoute  :  Quelques-uns  de  ces  Abbés  ne  découvrent 
que  trop  leur  orgueil ,  en  n'épargnant  ni  peine ,  ni  dépenfe  pour 
obtenir  du  faint  Siège  le  privilège  de  porter  les  ornemens  Ponti- 
ficaux ;  d'avoir  la  mitre,  l'anneau  ,  la  chaulTure  d'un  Evêque.  Si 
ce  font  des  marques  de  la  dignité  Epifcopale ,  il  n'cft  rien  de 

f)lus  éloigne  de  l'état  Monaflique.  Si  ce  font  des  fymboles  de 
eurs  fondions  ,  il  eft  évident  qu'ils  ne  font  propres  qu'aux  Evê- 
ques. Votre  Légiflateur  diftingue  douze  dégrés  dhumilité,  il 
donne  à  chacun  fa  délinition.  Dans  quel  degré  ,  je  vous  prie, 
eft-il  marqué  qu'il  foit  permis  à  un  Moine  d'aimer  le  faite  ôc 
d'ambitionner  les  honneurs  ?  Le  travail  des  mains ,  la  retraite ,  la 
pauvreté  volontaire  font  (es  çrnemens  ,  ôc  les  marques  d'hon- 
neur de  la  vie  Monaflique. 
Cdf.  10,  V.  La  fuite  de  la  Lettre  ,  ou  Traité  de  faint  Bernard,  fait  voit 
qu'alors  les  Evêques  avoient  feuls  le  droit  de  fe  faire  drefler  un 
trône  dans  leur  Eglifc,  de  donner  la  bénédiction  au  Peuple  ,  ôc 
de  conférer  les  Ordres.  On  permit  dans  la  fuite  à  quelques 
Abbés  de  donner  les  quatre  Moindres^  même  le  Sous-Diaconat, 
ôc  la  bcnédiclion  au  Peuple. 

§.   IV. 

Livre  de  la   réforme  des  Clercs. 

LWrc  de  l«  j^  ^  A  I  N  T  Bernard  fe  trouvant  en  1122  dans  les  environs  de 

Reforme    des       ^  p^^.^  ^  l'Evêque  Efiienne  le  pria  d'y  venir,  ôc  de  prêcher. 

L'Abbé  qui  ne  paroilfoit  en  public  ,  que  le  moins  qu'il  pouvoir  , 

s'ejccufa  de  faire  ce  quo  le  Prélat  fouhaitoit  i  mais  le  lendemain  fe 

fentant 


TREMIER  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX,  &c.  40^ 

(entant  plus  de  confiance  pour  toucher  les  cœurs,  il  fit  dire  à 
l'Evêquc  qu'il  prôcheroit.  Il  s'afTeaibla  donc  un  Clergé  très- 
nombreux,  ce  qui  arrivoit  toutes  les  fois  qu'il  devoit  parler  en  •■  •  ■' 
rpublic.  Le  difcours  qu'il  fit  en  cette  occafion ,  eft  intitulé  ,  de  la 
<]onvernon ,  ou  de  la  Réforme  des  Clercs.  En  quelques  manuf- 
«rits  il  efl:  adrelfé  aux  Ecoliers ,  ce  que  l'on  peut  autorifer  par  ce 
rque  dit  un  de  fes  Hiftoriens  :  Qu'invité  par  les  Clercs  d'entrer 
.dans  leur  Ecole ,  il  y  parla  de  la  vraie  philofophie ,  en  les  exhor- 
.tant  au  détachement  des  créatures  ,  &  au  mépris  du  monde. 
D'autres  manufcrits  lui  donnent  le  titre  deDifcours  aux  Clercs»  Il 
efl  très-vif  ôc  très-preffant.  '       '. 

I I.  L'Auteur  y  attaque  furtout  ceux  qui  témoio-noient  trop      An?Iyfe  ié 

■j,      .j.    /  II-       •    /      J      1)1?    1T  o  •      '  .      '^    ce  difcours  a 

-d  avidité  pour  les  dignités  de  1  Lglue  ,  &  qui  s  engageoient  „a^.  ^g,,     * 
dans  les  Ordres  facrés  fans  réflexion  6c  fans  examen  ;  mais  il  y 
traite  aufli  delaconverfion  des  moeurs ôc  delà  pénitence.  Il  fait  Cap.  i, 
voir  que  perfonne  ne  fe  peut  convertir  à  Dieu  qu'avec  le  fecours  ■  ^   •.  '- 
de  fa  grâce  prévenante,  &  que  Jorfqu'il  a  fait  retentir  fa  voix 
dans  le  ccx^ur  du  pécheur ,  c'eft  à  nous  à  obéir  à  cette  voix  ,  &  à  C^p.  î  ,  fi 
ouvrir  les  yeux  à  la  lumière  qu'il  répand  fur  nos  ténèbres  ,  pour 
nous  faire  appercevoir  toutes  nos  iniquités  ;  que  ce  n'efl:  qu'en 
cette  vie  qu'on  peut  les  elfacer  par  la  pénitence^  le  regret  que  Cw,  « 
l'on  en  aura  en  l'autre  devant  être  inutile,  parce  que  dans  les 
damnés  le  péché  fera  aufîi  irrémiffible  ,  que  le  fupplice  fera 
durable.  . 

III.  Saint  Bernard  trouve  que  les  remords  de  confcîcncc  Cap.  s%;\\\ 
font  avantageux  au  pécheur  pour  le  détourner  du  péché  ,  qu'ainfi 

il  ne  doit  pas  étouffer  le  ver  rongeur  qui  le  pique  en  cette  vie.  Il 
confeille  à  celui  qui  penfe  férieulement  à  fe  convertir ,  de  çoai- 
jnencer  ce  falutaire  ouvrage  en  s'abfrenant  de  nouveaux  péché_S ,  Cn.  g, 
avant  de  déraciner  Çqs,  anciennes  &  mauvaifes  habitudes  ;  pour 
lui  en  faciliter  le  moyen ,  il  lui  repréfente  la  vanité  &  lincoii- 
ftance  des  biens  &  des  plaifirs  du  inonde  ,  la  faufle  fécurité  du  Cw.  8. 
pécheur  qui  fe  perfuade  follement  qu'il  n'efl  vu  de  perfonne  , 
«juand  il  pèche  entre  quatre  murailles,  tandis  qu'il  eft  apperçu  dp.  <if 
non-feulement  de  Dieu,  mais  de  fon  bon  6c  de  fon  mauvais 
Ange. 

1  V.  Ce  n'efl  pas  aiïez  pour  une  vraie  converfîon  de  s'éloigner  Cip.  i»; 
du  mal ,  il  f^ut  faire  le  bien  ,  6c  en  rapporter  la  gloire  à  Dieu.  Le 
tems  de  la  pénitence  efl  celui  de  pleurer  les  péchés  ;  mais  le 
Pénitent  ne  doit  pas  fe  lailTer  abforber  par  la  trifleffe  i  il  faut  qu'il     C:.:  n,  i<| 
^douciffe  l'âcreté  de  fes  larn;ies  par  refpéj:gnçe  dp  la  confolation  .  '"*> 
Terne  XXJL  "  '        '  Fff 


fio      -      SAINT    BERNARD*; 

6c  des  douceurs  que  ceux  qui  font  véritablement  convertis  ,  go(ï«^ 

tent  dans  les  délices  de  la  vie  fpirituelle.. 

€ap.  ij.  ,     V-  Au  fujet  des  Clercs  avides  des  fondions  Eccléfiaftiques  ^, 

iaint  Bernard  dit  qu'ils  s'ingereroient  avec  plu5  de  réferve  dans- 

4es  charges  &  les  enaplois  des  plus  petits  Rois  de  la  terre  ;  qu'ils- 

doivent  f<çavoir  que  Dieu  n'appelle  au  miniftere  facré  que  ceux 

qui  ont  le  cœur  pur,  qui  cherchent ,  non  leur  propre  intérêt,. 

mais  ceux  de  Jefus-Chrill;  6c  à  être  utiles,  plutôt  aux  autres  qu'à 

€.ip.  ic.  eux-mêmes.  Le  faint  Abbé  s'élève  contre  les  Clercs  incontinens, 

6c  dit,  qu'il  leur  feroit  plus  avantageux  de  travailler  à  leur  falut 

dans  l'humble  degré  du  peuple,  que  defe  perdre  dans  les  dignités 

■éfe  ^vhr  '      .^u  Clergé  ,  en  ne  gardant  pas  la  continence  qui  y  eft  attachée. 

^    "."iV^'.x:.-:  iMais  quoiqu'il  fe  plaigne  amèrement  du  grand  nombre  des  Mi- 

■   jiiftres  indignes ,  il  reconnoît  qu'il  y  en  avoit  encore  dans  rEgUfe 

.'-  .  ■>^  '    plufieurs  qui  s'y  conduifoient  d'une  manière  conforme  à  leur 

Cap.  î«'  ;état  ;  ôc  donne,  pour  marque  diftindive  des  bons  Pafteurs  d'avec 

les  Mercenaires _, de  fuir,  ou  de  foutenir  la  perfécution  pour  U- 

':«■•■■     juflicc^ 

§.  V.  ! 

Livre  du  Précepte  &  de  la  Difpenfe. 
Livre  du  j^  "|  ^  Ans  le  tems  qu'Udon  étoit  Abbé  de  Saint-Pere-e«-- 

Précepte  &<!e  ■«  ^ 


I 


'D 


la'DilpeW'^       jLV  Vallée  près  de  Chartres  ,  il  le  fut  depuis  l'an  1 1 28  juf- 
ques  vers  l'an  1 1  ço  ,  quelques-uns  de  fes  Moines  confulterent  à 
fon  infcu  faint  Bernard  touchant  l'obligation  de  la  Règle  de  faint 
Benoît  qu'ils  profefloient.   Il  ne  répondit  pas  d'abord   à  leur 
.'î.  .         Lettre;  mais  en  ayant  recju  une  féconde ,  écrite  comme  la  pre- 
mière, fans  la  permiflion  de  leur  Abbé  ,  il  adrefla  fa  réponfe, 
non  à  fes  Moines,  mais  à  Roger,  Abbé  delà  Coulombs,  du 
même  Ordre,  ôc  du  même  Diocèfe  ,  afin  qu'il  la  remît  à  l'Abbé 
de  Saint-Pere  ,  ôc  enfuite  à  fes  Moines  ,  fous  fon  agrément. 
st     -    =Roger  fut  Abbé  de  la  Coulombs  depuis  l'an  i  1 3 1  iufqu'en  iij8. 
•  Saint  Bernard  avoit  eu  deffein  de  répondre  féparément  aux  deux 
Lettres  ;  mais  s'appcrcevant  que  la  matière  qu'on  l'avoir  prié  de 
traiter ,  grofïifToit  fous  fa  plume,  au  lieu  d'une  Lettre  il  fit  un 
C«.io.  Livre;  laid'iint  toutefois  à  ces  Moines  la  liberté  de  le  qualilîer  , 
Lettre,  ou  Livre.  Il  l'intitula  du  Précepte  ôc  de  la  Difpenfe, 
parce  qu'entre  phifieurs  queftions  qui  y  font  traitées ,  il  y  exa- 
* ."  :  min-e  qilels  font  le«  préceptes  dont  on  j>eut  difpenfcr ,  à  qui  oe 
.  .    i  '  .    ,    .    . 


PREMIER  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX^&c.  4.^1 

'Idfoit  appartient  ,    &    comment  fe  doit  accorder  la  difpenfe.     ■''■>.>■ 'X 

II.  Il  pàroît  par  la  Lettre  à  l'Abbé  de  la  Coulombs  que  l'on  a-    AnaTyfe  da 
Imife  à  la  tête  de  ce  Traité  ,  que  ce  fut  lui  qui  exhorta  faintBer-.  "^'^■^'^'F.ê'* 
nard  à  lui  donner  tant  d'étendue;  qu'il  le  lui  adrefTa  pour  le 
remettre  à  l'Abbé  Udon  ,  &  enfuite  aux  Moines  de  Ton  Monaf- 

terc,  fcachant  que  les  Moines  ne  peuvent,  fuivant  la  Règle  de    Epil. >id Al^ 
faint  Benoît,  ni  écrire,  ni  recevoir  de  lettres  qu'avec  la  per-  b-u.  Cilumbt 
mifFion  de  leur  Abbé  ;  ôc  que  ce  qui  engagea  le  faint  Abbé  de- 
Clairvaux  à  ne  pas  répondre  à  leur  première ,  fut  qu'ils  l'avoienr 
écrite  fans  en  avoir  obtenu  l'agrément  de  leur  Supérieur.  Il  fur- 
monta  cet  obflacle  en  confiderant  la  confiance  qu'ils  avoient  en  P'-e/jf* 
lui,  6c  qui  étoit  fondée  fur  l'expérience  qu'ils  avoient  de  fon       ■,->!>■• 
fçavoir  ,   foit  pour  l'avoir  oui  parler  ,  foit  pour  avoir  lu  fcs 
iécrits. 

III.  La  première  queftion  confiée  à  ftçavoir  ,  fi  tout  ce  qui  Cv^.  tj 
efl:  contenu  dans  la  Règle  de  faint  Benoit,  cft  de  précepte,  ou 

s'il  y  a  quelques  articles  qui  ne  foient  que  de  confeil.  Saint  Ber-= 
nard  répond  que  cette  Règle  eft  de  précepte  pourtousceux  qur 
ont  foit  VŒU  librement  de  l'obfcrvcr.  D'où  il  fuit,  que  tout  ce' 
qu'elle  contient  eft  d'obligation  pour  eux.  Mais  il  diflingue  entre 
-ce  qui  eft  dit  dans  la  Règle  des  vertus  fpirituellcs,  comme  la 
charité ,  la  douceur ,  l'humilité  ,  &  ce  qui  eft  prefcrit  touchant 
les  obfervances  extérieures  ,  telles  que  la  pfaLmodie  ,  l'abfti- 
nence  ,  le  filence ,  le  travail  des  mains.  Les  préceptes  touchant 
les  vertus  venant  de  Dieu  même,  ne  fouffrent  point  de  difpenfe; 
mais  on  peut ,  dans  le  befoin  ,  en  accorder  pour  les  obfervances  Ca^.  £i 
Monartiques ,  parce  qu'elles  ne  font  ni  par  elles-mêmes,  ni  natu- 
rellement bonnes  ,  ôc  qu'elles  n'ont  été  inftituées  que  pour  pro- 
curer ,  ou  conferver  la  charité.  Tout  le  tems  donc  qu'elles  font 
pour  la  charité  ,  le  Supérieur  même  ne  peutdifpenfer  de  ces  ob-  .  - 
■fervances;  mais  fi  elles  viennent  à  être  contraires  à  la  charité,alors 
il  pourra  en  difpenfer.  S.Bernard  cité  fur  cela  les  témoignages  du' 
Pape  Gelafe  &  de  faint  Léon  ,  qui  décident ,  que  l'on  doit  invio- 
iablement  obferver  les  Décrets  des  Petes,  à  moins  que  l'utilité 
!de  l'Eglife  n'oblige  à  en  difpenfer. 

I  V.  Il  remarque  que  faint  Benoît  ,  en  laifiant  à  l'Abbé  de  ^''^  S- 
idifpenfer  dans  les  befoins  ,  des  obfervances  régulières,  ne  remec 
pas  cette  difpenfe  à  fa  volonté  feule ,  puifqu'il  eft  lui-môme 
attenuàl'obfervationdela  Règle  ;  mais  qu'il  la  remet  à  fa  pru- 
dence pour  en  difpenfer ,  fuivant  la  loi  de  la  charité,  en  l'avcr- 
xiffant  qu'il  rendra  compte  à  Dieu  de  tousfes  jugemens. 

Fffij 


4ia  SAINT     BERNAR  DV 

Cap.  4"&  î .       V.  Saint  Bernard  remarque  encore  que  la  formule  de  profeiïîort^ 
t;.  étant  conçue  en  ces  termes  :  Je  promets  VobéijJ'ance,  félon  la  Regls' 

*  j'  defaint  Benoît ,  &  non  fuivant  la  volonté  de  l'Abbé ,  il  ne  peut- 

commandera  fes  Religieux  que  ce  qui  eft  porté  par  cette  Règle, 
&  rien  qui  y  foit  contraire ,  ni  au-delà  de  la  Règle;  mais  il  dit- 
^a;v  1  C«p.  6.  qyç  cette  forte  d'obéilTance  rcilrainte  au  devoir ,  eft  imparfaite  ; 
.  re.1,,.^  que  celle  qui  eft  parfaite  ne  connoit  ni  loi ,  ni  bornes  ,.ôc  qu'il  eft 
dun  vrai  Religieux  d'aller  même  au-delà  de  ce  qu'il  a  promis,. 
ôc  de  fe  porter  à  une  obéiflance  auffi  étendue  que  la  charité,, 
à  l'exemple  de  Jefus-Chrift  ,  qui  a  été  obéiiTant  jufqu'à  la. 
mort. 

pop.  7.  VI.  La  féconde  queftion  des  Moines  de  Saint-Pere  rouloit 
fur  les  dégrés  d'obéi  (Tance.  Saint  Bernard  répond  qu'il  eft  de 
l'ordre  d'obéir  plutôt  à  Dieu  qu'aux  hommes  ;  aux  Maîtres,, 
qu'aux  Difciples  ;  &  entre  les  Maîtres ,  plutôt  à  ceux  de  la  Mai- 
fon  qu'aux  étrangers;  que  pour  juger  du  degré  d'obligation  dans- 
l'obéiffance  ,  il  faut  faire  attention  à  la  qualité  de  celui  qui  com- 
mande, &  à  l'importance  de  fon  commandement  ;  que  l'obéil^ 
fance que  l'on  rend  par  amour ,  eft  préférable  à  celle  que  l'on  na- 
rend  que  par  crainte  ;  l'une  étant  de  néceiFité,  l'autre  de  charité  ;. 
&  que  pour  obéir  parfaitement,  il  faut  faire  ce  qui  eft  commandé,, 

^<'i'' ^•- dans  l'intention  même  de  celui  qui  l'a  ordonné.  Il  décide  que 
celui  qui  pèche  par  mépris  pour  fa  Règle ,  eft  plus  coupable  que" 
celui  qui  y  contrevient  par  négligence  ;  la  raifon  qu'il  en  donne, 
eft ,  que  la  défobéiifance  du  premier  vient  de  fon  orgueil  ;  &  que: 

V«  ."-';  la  défobéiftTance  du  lecond  n'eft  que  l'effet  d'une  langueur  de. 
pareffe.  Il  infère  de-là  que  le  mépris  rend  mortel  le  péché  qui; 
ne  feroit  que  véniel  par  lalégerecé  de  la  matière,  ou  s'il  n'y  cntroic 
que  de  la  négligence. 

Cap.f.  "VII.  On  doit  obéir  au  Supérieur,  comme  à  Dieu  même ^ 
dont  il  eft  le  Vicaire  ;  fi  ce  n'eft  qu'il  commande  quelque  chofe. 
contre  la  Loi  de  Dieu.  Il  n'importe,  en  effet,  que  Dieu  nous, 
commande  ou  par  lui-même  ,  au  par  fes  Miniftres  ;  par  des 
€ap.io.  II.  Anges,  ou  par  des  hommes.  C'eft  le  fait  des  imparfaits  de  dif- 
cuter  ce  qui  leur  eft  commandé  ,  avant  d'obéir ,  ôc  de  ne  fe 
foumettre  qu'après  s'être  fait  rendre  compte  du  précepte.  Tout 
péché  contre  la  Loi  de  Dieu  n'étant  pas  mortel,  ceux  que 
l'on  commet  contre  la  Règle,  ne  peuvent  conféquemment  être. 
Cap.  11.  regardés  tous  comme  mortels.  Et  quoique  toute  défobéiffance 
foit  inexcufable  ,  aucune  n'eft  mortelle ,  que  celle  dont  on  ne  fait 
pas  pénitence,  ou  qui  a  pour  principe  l'enflure  de  l'orgueil. 


i 


PREMIER  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX  ,&c.  415 

VIII.  Les  Moines  de  Saint-Pere  avoient  dit  dans  leur  Cip.  13.- 
Lettre  ,  que  l'on  peut  à  peine  obferver  les  Commandemens  de 
Dieu  ;  mais  que  l'on  ne  pouvoit  abfolument  accomplir  ceux  de 
l'Abbé.  Saint  Bernard  leur  lait  voir  qu'ils  ne  s'étoient  exprimes 
ainH,que  parce  qu'ils  n'avoient  pas  encore  goûté  combien  le 
joug  du  Seigneur  eft  doux  ,  ni  fait  attention  au  précepte  que 
Jelus-Chrift  nous  fait  d'obéir  à  ce  qui  nous  e(l  commandé ,  mcmc  M^tt.  ij ,  3^ 
par  des  Pafleurs  de  mauvaifcs  mœurs.  Enfuite  il  les  tire  de 
terreur  où  ils  étoient ,  qu'en  faifant  profellion  de  la  Règle  de 
faint  Benoît,  on  s'engageoit  par  vœu  à  ne  point  contrevenir  à 
ce  qui  y  efl:  prefcrit.  11  faut,  leur  dit-il  ,  divifer  l'obfervance 
régulière  en  deux,  en  préceptes,  &  en  remèdes.  Les  préceptes 
nous  cnfeignent  à  vivre  de  façon  que  nous  ne  péchions  pas  :  Les 
remèdes  nous  rendent  l  innocence  perdue  par  le  péché.  Notre 
profellion  renferme  tellement  ces  deux  chofes,  que  s'il  arrive 
que  nous  devenions  prévaricateurs  en  violant  les  préceptes  de  la- 
Règle  ,  Ôc  qu'enfuite  nous  recourions  aux  remèdes,  nous  ne 
fbmmes  pas  te.ifésa'  '  .  iolé  notre  promeHe,  Celui-là  feul  doit- 
palier  jrour  avoir  enfreint  fon  va^u ,  qui  a  méprifé  les  préceptes  ÔC 
les  remèdes. 

I  X.  Ces  Moines  avoient  demandé  à  faint  Bernard  jufqu'où  Cap.  i<r. 
s'ércndoit  la  fabiliîé  que  l'on  promcttoit  dans  ia  profellion; 
&  s'il  y  avoir  des  cas  cù  il  fût  permis  de  pafler  d'un  Monaflere  à 
l'autre.  Il  répond  que  cela  eil  permis  lorfque  l'on  fe  trouve  dans 
une  Maifon  où  l'elfcntiel  de  la  Règle  ne  s'obferve  pas,  mais  noiv 
dans  Icî  Monafteres  bien  réglés,  fût- ce  môme  dans  le  delTein  de 
mener  une  vie  encore  plus  parfaite  ;  que  dans  le  cas  de  chan- 
gement ,  il  faut  le  confentement  de  l'Abbé  d'où  l'on  fort  ;  qu'il. 
lAft  permis  de  fortir  d'un  Monaflere  où  l'on  pratique  la  Règle  à' 
la  lettre  ,  ni  même  de  celui  où  on  ne  la  pratique  pas  toute 
entière  parce  qu'on  ne  s'y  efl:  pas  engagé  ,  pourvu  que  d'ailleurs 
on  y  vive  dans  une  bonne  difcipline.  Il  donne  pour  exemple  des' 
3\'lonafteres  d'où  l'on  ne  doit  pas  fortir,  ceux  de  Cîteaux  ôc  de 
Cluni.  A  l'égard  de  celui  qui  feroitforti  de  fon  Monaftere  pour- 
entrer  dans  un  autre  mieux  réglé,  6c  qui  enfuite  en  auroit  du 
fcrupule  ,  craignant  d'avoir  fcandalifé  les  Frères  par  fa  fortie,. 
il  n'eft  pas  d'avis  qu'on-lui  permette  de  retournera  fon  premier 
Monaftere  ,  de  peur  qu'il  ne  caufe  un  nouveau  fcandale. 

X.  Une  autre  queftion  des  Moines  de  Saint-Pere  étoit  pour-- Q;.  if, 
quoi  faint  Grégoire  avoir  reçu  à  la  Communion   un   nommé     Griser. Uii- 
t\enantius,  qui  avoit  quitté fcandaleuferaent  l'habit  de  Moine, ^'^f"^-  33* 

Fffiii.. 


4T4  SAINT     BERNARD, 

fans  l'avoir  auparavant  obligé  à  le  reprendre  ;  &  ce-  qu'on  doit 
Au^.  lib.  rf?  penfer  de  faint  Auguftia  ,  lorfqu'il  enfeigne  que  le  mariage 
l}io./id.c.p.  contracté  par  une  perfonne  qui  a  fait  vœu  de  continence  ,  eft 
"''  indilfolubie.  Saint  Bernard  fe  contente  de  répondre ,  que  tel  a 

été  le  fentiment  de  ces  deux  Pères  ,  que  c'étoit  à  eux  à  le  défen- 
dre. Mais  nous  avons  remarqué  ailleurs  (a)  que  TEglife  n'avoit 
pas  encore  alors  fait  du  vœu  de  continence  un  empêchement 
dirimant  du  mariage;  &  que  faint  Grégoire  tit  non-feulement 
tout  fon  pollible  pour  obliger  Venantius  à  reprendre  fon  premier 
état ,  mais  que  le  fçachant  à  l'extrémité ,  il  écrivit  à  TEvcque  de 
Syracufe  de  l'y  prefler  de  nouveau,  avec  menace  d'ctre  condamné' 
éternellement  au  Jugement  de  Dieu. 
Cap.  17'  X  I.  Il  eft  dit  que  ce  même  Pape  renferma  plufieurs  Evêques 
dans  des  Monafteres  pour  y  faire  pénitence.  Les  Moines  de 
Saint-Pere  en  prirent  occafion  de  demander  à  faint  Bernard ,  s'ils 
avoient  en  cette  occafion  quitté  leur  habit  pour  prendre  le  Mo- 
■naftique.  Ils  lui  demandèrent  auili  pourquoi  l'on  donnait  à  la 
.profcifion  Rciigieufe  le  nom  de  fécond  Baptême?  Si  dans  le  cas 
de  mort,  ou  de  dcpofuion  d'un  Abbé  ,  les  Moines  avoient  plus 
de  liberté  pour  paifer  de  leur  Monafterc  à  un  autre  ?  Et  fi  un 
Religieux  quiavoit  quelque  doute  fur  la  canonicité  de  l'éleêlioa 
■de  fon  Abbé,  devoir  lui  obéir  ?  Saint  Bernard  répond  à  la  pre- 
mière de  ces  queftions  ,  que  ces  Evêques  n'ayant  été  enfermés 
^ans  des  Monafteres ,  que  pour  un  tems,  il  n'eft  pas  vraifem- 
blable  qu'ils  en  ayent  pris  l'habit.  A  la  féconde  ,  que  la  profcifion 
Religieufe  eft  appellée  un  fécond  Baptême,  à  caufe  du  renon- 
cement parfait  au  monde,  6c  de  la  manière  excellente  dont  oa 
pratique  la  vie  fpirituelle  dans  les  Monafteres.  A  latroifiéme, 
Cjp.  li.  que  le  vœu  d'obéiftance  que  l'on  fait  à  la  profeflfion  Religieufe 
ncfe  terminant  pas  à  la  mort,  ou  à  la  dépofition  de  l'Abbé  en 
préfence  de  qui  on  la  prononcé,  doit  durer  autant  que  la  vie  du 
Religieux  ;  qu'ainfi  il  n'eft  en  aucun  tems  le  maître  de  changer 
de  Monaftere.  A  la  quatrième,  que  lorfque  l'élection  d'un  Abbé 
n'eft  pas  évidemment  défedueufe  ,  le  Religieux  doit  lui  obéir  ; 
cCit-il  contre  fon  Abbé  une  avcrfion  fecrette  j  ôc  des  doutes  furfon 
élection. 
Cap.  ip.  XII.  Sur  une  autre  queftion  que  ces  Moines  lui  avoient  pro- 
pofée  dans  leur  féconde  Letrre  ;  fçavoir ,  fi  celui  qui  eft  tellement 


(  a  )  Tom,  1 1  ,pag.  48^ ,  $>  tom.  1 7  ,  p.-ig.  12.9, 


PREMIER  ABBÉ  DE  CL  AIR  VAUX, &g.  41? 

difpofé  envers  un  autre  qui  la  offenfé ,  qu'il  ne  voudroit  pas  lui 

faire  du  mal,  mais  qui  ne  fcroit  pas  fâché  qu'il  lui  en  arrivât ,  peut 

s'approcher  de  l'Autel  ?  Il  répond  qu'il  ne  le  doit  pas ,  jufqu'à  ce 

qu'il  n'ait  plus  aucun  reffentiment.  Enfin,  à  leurs  prières,  il  fait  Cap.io^ 

voir  qu'il  n'y  a  point  de  contrariété  entre  ces  deux  palTages  de 

(aint  Paul  :  Nous  vivons  déjji  dans  le  Cid.  Pendant  que  nous  hahi-   VhiVw.  j,  zr;. 

tons  dans  ce  corps  ,  nousfonimes  éloignés  du  Seigneur  :  parce  qu'on  *■*  ^'-  î  '6w 

peut  les  entendre  en  cette  manière  :  Quoique  nous  foyons  fur  la 

terre,  nous  fomnies  déjà  dans  le  Ciel ,  par  refperance  d'y  arrivei 

un  jour  comme  dans  notre  patrie. 

§.  VI. 

Apologie  de  faint  Bernard, 

I.  13    I  E  N  ne  fouleva  plus  les  efprits  contre  lui  ,  que  fon    A[>o\o?,lé  cftr 
iV  Livre  contre  les  Moines  de  Cluni.  Ils  étoient  alors  en  Ci  '"^""'^'■^"«'^5 
bonne  odeur  dans  le  monde  ,  &  en  fi  grand  nombre ,  que  l'on  ne 
pouvoir  les  attaquer  lans  s  attirer  un  nombre  nmni  d  adverlaires.  Prwfat.  in 
Cet   ouvrage  trouve  encore  aujourd'hui  des  Ccnfeurs  qui  le  opujiul.  5. 
regardent  comme  la  produdion  d'un  zèle  outré,  ne  faifanc  pas 
attention  que  faint  Bernard  a  été  envoyé  de  Dieu  pour  réparée 
les  brèches  laites  à  la  difcipline  de  l'Eglifc  ,  6c  particulieremene 
de  l'Ordre  mcnaftique.  Cet  écrit  porte  tantôt  le  nom  de  Lettre, 
tai- tôt  d  OpuTcuIe,  quelquefois  d'Apologétique  &  d'Apologie. 
C'eft  fous  ce  nom  qu'il  le  cite  lui-même  ,  ôc  qu'on  l'a  imprimé. 
Il  eft  un  des  premiers  opufcules  de  faint  Bernard  ,  qui  le  compte  gyjv?,  jg, 
pour  le  troiiléme  dans  fa  Lettre  à  Pierre ,  Cardinal ,  écrite  vers 
l'an  1 127.  On  peut  donc  le  mettre  en  1 12^  dans  les  commen- 
.eemens  de  Pierre  leVénerable  ,  qui  fùcceda  dans  le  régime  de 
l'Abbaye  de  Cluni ,  à  Hugues  II.  en  1122  y  Cik  mois  après  que" 
Ponce  eut  abdiqué.  Cet  Abbé  avoit  non-feulement  dilfipé  les        MMloti. 
biens  de  Cluni ,  mais  il  en  avoit  encore  négligé  l'obfervance  ;  ce  i^''-7^,ii''nah 
qui  avoit  donne  lieu  a  de  grands  relachemens  qui  excitèrent  le 
zèle  de  faint  Bernard. 

1 1.  Pierre  de  Cluni  ne  fut  pas  peu  fenfible  lui-même  aux  abus   Quelle  m  fut' 
qui  s'étoient  gliiTés  dans  fon  Ordre  ;   ôc   pour  y  remédier   il  lo-"hon, 
affembla  chez  lui  un  Chapitre  général  ,  oiv  il  fit  divers  Statuts 
propres  à  rétablir  la  d'ifcipline  Monaftiquc.  Orderic  "Vital  qut  • 
alUIlaàce  Ciiapitre,  en  parle  fut  l'an  1 15^  i  ôc  ce  qui  s'y  p.afT*^ 


4i<î  SAINT    BERNARD, 

prouve  bien  que  faint  Bernard  n'avoit  pas  déclamé  envain  contre 
les  Cluniftes.  i\îais  ce  qui  donna  lieu  à  l'Apologie  d.:)nt  nous 
parlons,  fut  que  les  Ciiîerciens  ,  fous  le  prétexte  de  la  vie  régu- 
lière qu'ils  nienoient,  cenfuroient  vivement  les  ufages  des  Ciu- 
nifles.  Ceux-ci  rejetterent  fur  faint  Bernard  la  caufe  de  leur 
différend  avec  les  Ciderciens  ,  ou  du  moins  de  l'entretenir  ôc  de 
le  fomenter.  Ses  amis  l'engagèrent  à  fejurtiner  de  ce  reproche, 
Prœfat.ad^  nomniénient  Guillaume,  Abbé  de  faint  Tltierri ,  qui  le  pria  par 
•F4AU  *  lettres  de  rétablir  l'union  entre  ces  deux  Ordres ,  mais  en  remnr- 

.quant  ce  qu'il  jugeroit  digne  decorredion  dans  les  pratiques  de 
Cluni.  Saint  Bernard  divifa  fon  Apologie  en  deux  parties  :  Dans 
la  première ,  il  reprend  fortement  les  Cifterciens  de  ce  qu'à  caufe 
.<îe  l'aufcerité  de  leur  vie  ,  ils  méprifoient  les  Clunifîes  dont  les 
•mœurs  étaient  moins  aufteres  :  Dans  la  féconde ,  il  rapporte  les 
abus  qui  deshonoroient  l'ancieni'teobfervance  des  Cluniltcs. 
Analyfe  de      I  i  I.   Il  ptotcQ.c  à  Guillaume  "le  faint  Thierri,  à  q  i  l'ouvrage 
la    première  eftadreffé,  quc  lui  &  les  fiens  font  très  éloignés  de  blâmer  ua 
partie   p.ig.    Qf^j^g  ji^eiigiç^x  ,  tel  que  Celui  de  Cluni ,  où  il  y  avoir  de  faints 
f,         perfonnages,  &  allez  éclairés,  pour  qu'on  les  regardât  comme 
'  les  flambeaux  de  l'Univers.  S  il  nous  arrivoit,  dit-il,  de  nous 
élever  par  un  orgueil  paarifaïque  au-delfus  de  ceux  qui   font 
meilleurs  que  nous,  à  quoi  nous  ferviroient  notre  abOinence, 
nos  jeûnes,  nos  veilles ,  le  travail  des  mains  ,  &  les  autres  aufte- 
riîés  de  notre  vie  ?  N  y  avoit-il  pas  un  autre  genre  de  vie  plus 
■Cap.  ;.  traitable  pour  nous  conduire  aux  enfers  ?  Qui  m"a  Jamais  oiii 
parler  mal  de  cçt  Ordre  ,  en  fecjret  ou  en  public  ?  Eft-il  aucun  de 
ceux  qui  en  (ont  membres  que  je  n'aye  reçu  avec  joie,  avec  hon- 
neur ,  avec  révérence f  h  tait  l'éloge  de  cet  Ordre,  de  la  vie 
pure  que  l'on  y  mené,  de  la  charité  que  l'on  y  exerce  envers  les 
Etranf^ers  ,  comme  il  l'avoir  éprouvé  lui-même  ;  ôc  donne  pour 
preuve  de  l'eflime  qu'il  en  faifoit ,  le  refus  qui!  avoit  fait  à  plu- 
sieurs Cluniftes  de  les  recevoir  à  Clairvaux  ;  ajoutant  que  de  ce 
nombre  étoient  deux  Abbés,  à  qui  il  perfufida  de  garder  le  régime 
de  leurs  Monafteres. 
Ap-  3-      I V.  Il  mont-ie  que  la  variété  des  Ordres  Religieux  ne  doit  en 
.aucune  façon  rompre  le  lien  de  lunité  &  de  la  charité.  La  raifoii 
qu'il  en  donne^   c'eft  que  l'on  ne  trouveroit  jamais  nn  repos 
alfuré  ,  fi  chacun  de  ceux  qui  choififfent  un  Ordre  particulier, 
méprlfoit  ceux  qui  vivent  autrement ,  ou  croyoit  en  être  méprifé  ; 
puifqu'il  n'cft  pas  polfible  qu'un  môme  homme  cm  brade  tous  Les 
Ordres  ,   ni  qu'un  feul  Ordre  renfcmie  tous  les   hommes.  Il 

compare 


PREMIER  ABBÉ  DE  C  LAIR  V  AUX,  &c.  417 

compare  les  divers  Ordres  dont  l'Eglifcefl  compofée  à  la  tunique 
de  Joleph,  qui,  quoique  de  différentes  couleurs,  ëtoitune,  en 
figne  de  la  charitd  qui  doit  régner  dans  tous  ces  Ordres.  Je  les 
loue  tous,  ajoute-t-il,  6c  je  les  aime,  pourvu  qu'ils  vivent  avec  Gp.  4» 
pieté  &.  juflicc  dansTÉglife,  en  quelqu  endroit  delà  terre  où  ils 
ie  trouvent  ;  ôc  II  je  n'en  embraile  qu'un  feul  par  la  pratique,je  les 
cmbrade  tous  par  la  charité,  qui  me  procurera,  je  le  dis  avec  cou- 
-iiance,  le  fruit  des  obfervances  que  je  ne  pratique  pas. 

V.  S'adreffant  enfuite  aux  Moines  de  fon  Ordre ,  il  leur  de-  Cip.  u 
irnande  qui  les  avoit  établis  Juges  des  autres,  &  pourquoi ,  tandis 
qu'ils  feglorifioient  de  l'obfervation  de  la  Règle,  ilsycontre- 
venoient  en  médifant  d'autrui  ?   Il  convient  avec  eux  que  les  Ca.s. 
Clunifles  ne  vlvoient  pas  conformément  à  la  Règle  dans  les 
îiabits  ,  dans  la  nourriture  ,  dans  le  travail  ;  qu'ils  fe  revetoient 
de  fourrures  ;  qu'ils  mangeoient  de  la  viande  ou  de  la  graiffe 
enfanté;  qu'ils  négligeoient  le  travail  des  mains,  6c  plulieurs 
autres  exercices  ;  mais  il  foutient  que  le  Royaume  de  Dieu  étant  Lien ,  n* 
<iu  dedans  de  nous ,  félon  que  le  dit  l'Ecriture,  à  laquelle  la  Règle 
de  faint  Benoît  n'efl:  pas  contraire  ,  l'effentiel  de  cette  Règle  ne 
confine  ni  dans  les  vêtemens ,  ni  les  alimens  extérieurs  du  corps , 
mais  dans  les  vertus  de  l'homme  intérieur;  qu'en  vain  l'on  mené 
une  vie  dure  6c  pénible  ,  Ç\  le  cœur  eft  plein  d'orgueil ,  ôc  l'ame 
dépouillée  d'humilité.  Cen'eftpas  que  faint  Bernard  regarde  les  Cm.  7. 
obfervances  extérieures  delà  vie  Monaftiquecomme  inutiles  ,  ou 
de  peu  de  conféquence  :  Au  contraire,  il  en  prefcrit  la  pratique; 
mais  il  veut  qu'en  les  obfervant,  l'on  s'applique  aulli  à  ornec 
fon  ame  des  vertus  chrétiennes  ôc  religieufes. 

V  I.  Les  reproches  de  médifance  que  faint  Bernard  fait  dans     Annlyfc  ic 
cette  première  partie  à  ceux  de  fon  Ordre,  ne  peuvent  tomber  ^^  '?-°"^^  ^ 
furies  Aloines  qu'il  avoit  à  Clairvaux  fous  fa  difcipline,  puif-  j^o.    '     ** 
qu  il  dit  au  commencement  qu'ils  étoient  très-éloignés  ,  lui  6c 
les  liens ,  de  blâmer  aucun  Ordre  Religieux.  Dans  la  féconde 
■partie  il  parle  des  pratiques  deCluni,que  les  Cifterciens  des 
autres  Monafteres  cenfuroient  indifcretement  ,   puifqu'ils  n'é- 
toient  pas  en  droit  de  juger  les  ferviteurs  d'autrui .  faint  Paul  le  \  C:--.  4,  «-• 
défendant  expreffément.  Saint  Bernard  avoue  fans  peine  que  les    '""■■  '*'  '* 
Inftituteurs  de  l'Ordre  de  Cluni  en  ont  tellement  reo;lé  la  dif.-i- 
pane,  que  plufieurs  puiffent  y  trouver  le  falut;  &  il  fe  gardî  Q^.  8. 
bien  de  mettre  fur  leur  compte  toutes  les  vanités  ,   ôc  toutes  les 
fuperfluités  que  quelques  Particuliers  avoient  introduites.  J'ad- 
mire, dit-il,  d'où  a  pu  venir  entre  des  Moines  une  fi  grande 
Tome  XX IL  G  eg 


4i8  S  A  I  N  T    B  E  R  N  A  R  D, 

intempérance  dans  les  repas ,  tant  d'excès  dans  les  habits ,  Tes 
lits  ,  les  montures  ,  les  bâtimens  ,  &  comment  plus  on  s'y 
laifie  aller,  plus  on  dit  qu'il  y  a  de  religion  ,  &  que  l'ordre  efh 
mieux  obfervé  ?  Venant  au  détail,  il  blâme  laprofufion  des  repas 
que  l'on  faifoic  aux  Etrangers  ,  &  comparant  la  façon  de  les 
recevoir,  avec  ce  qui  fe  pafloit  à  cet  égard  du  tems  de  faint 
^?'  9-  Antoine,iI  dit:  Lorfqu'il  arrivoit  à  ces  faints  Moines  de  fe  rendre 
des  vifites  de  charité  ,  ils  étoient  fi  avides  de  recevoir  les  uns  des 
autres  le  pain  des  âmes  ,  qu'ils  oublioient  le  pain  néceffaire  à  la 
vie  du  corps,  &  pafToient  fouvent  le  jour  entier  fans  manger, 
uniquement  occupés  des  chofesfpirituelles  ;  mais  maintenant  il 
ne  fe  trouve  perfonne  qui  demande  le  pain  célefte  ,  perfonne  qui 
le  donne.  On  ne  s'entretient  ni  des  divines  Ecritures,  ni  de  ce 
qui  regarde  le  falut  de  l'ame  ;  ce  ne  font  pendant  le  repas  que  des 
difcours  frivoles  dont  on  repaît  l'oreille,,  à  mefure  que  la  bouche 

Ca.p.  ic.  ç^  remplit  d'alimens.  Il  parte  des  fuperfluités  de  la  table  au  luxe 
des  habits.  La  Règle  de  faint  Benoît  ordonne  qu'ils  feront  de  ce 
qui  fe  trouvera  à  meilleur  marché  ;  mais  on  ne  s'en  tenoit  pas-là  , 
les  Moines  fe  faifoient  taiiler  un  froc  de  la  même  pièce  d'étoffe 
qu'un  Chevalier  prenoit  un  manteau  ;  enforte  que  les  plus  quali- 
fiés du  fiécle ,  fuffent  ils  Roi,  ou  Empereur,  n'auroient  pas 
dédaigné  de  fefervir  des  habits  des  Moines,  s'ils  eufïent  été  d'un© 
autre îorme  proportionnée  à  leur  état. 

Ckp.  II.  VII.  C'étoii  aux  Abbés  à  réprimer  les  défordres ,  mais  ils  en 
étoient  eux-mêmes  coupables.  Celui-là  ne  reprend  pas  avec 
liberté  ,  qui  efl:  lui-même  repréhenfible.  Saint  Bernard  leur 
reproche  la  magnificence  de  leurs  équipages, fouvent  fi  nom- 
breux en  hommes  &  en  chevaux  ,  que  la  fuite  d'un  Abbé  auroic 
pu-fijffire  à  deux  Evêques.  C'eft  deSuger,  Abbé  de  faint  Denys,. 
qu'il  parle  ,  lorfqu'il  dit  :  J'en  ai  vu  un  qui  avoit  plus  de  foixante 

Cnp.  IX.  chevaux.  Il  ne  foufire  même  qu'avec  peine  la  fomptuofité  dans 
les  Eglifes  des  Monafleres ,  foit  par  rapport  à  leur  étendue ,  foit 
par  rapport  aux  otnemens  dont  on  les  décore,  &  les  peintures 
que  l'on  y  applique  fur  les  murailles,  difant,  qu'en  excitant  la 
curiofité  des  l' ideles  ,  elles  les  empêchent  d'être  attentifs  à  leurs 
prières,  ôc  nous  rappellent  en  quelque  forte  les  rits  anciens  des 
Juifs  ;  mais  il  s'élève  avec  force  contre  les  peintures  grotefques 
que  l'on  mettoit  dans  les  Cloîtres  des  Monafteres  ,  aux  lieux 
mêmes  où  les  Moines  faifoient  ordinairemeiit  leurs  le£lures ,  des 
combats ,  des  chafies ,  des  Singes ,  des  Lions ,  dt  s  Centaures ,  Ôc 
autres  nioûftres  ,  dont  la  vue  ne  pouvoit  que  leur  caufer  des 


PREMIER  ABBÉ  DE  CL AIRVAUX,&c.  419 

diftratlions ,  &  les  appliquer  peut-être  davantage  que  les  Livres 
qu'ils  avoient  en  main.  Si  ces  impertinences  ,  ajoute-t-il ,  ne  font 
point  de  honte,  que  l'on  craigne  au  moins  la  ddp-nife. 

VIII.  Saint  Bernard  auroit  pu  relever  divers  autres  abus  dans  ^V^-  '?• 
l'Ordre  de  Cluni  ;  mais  l'impatience  où  c'toit  le  Frère  Oger,  de 
porter  cette  Apologie  à  Guillaunie  de  faint  Thierri  ,  l'obligea  à 
finir  en  cet  endroit ,  furtout  après  qu'il  eut  fait  rétiexion  que  peu 
de  remontrances  faites  avec  douceur  ,  6c  dans  la  paix,  font  plus 
utiles  qu'un  plus  grand  nombre  faites  avec  hauteur  &  avec  fcan- 
dale.  Et  plût  à  Dieu  ,  difoit-il ,  que  le  peu  que  j'ai  e'crit  nefcan- 
dalife  perfonne  !  Car  en  reprenant  les  vices,  je  fçai  quej'offenferai 
les  vicieux  ;  peut-être  aulii  que  par  la  volonté  de  Dieu,  ceux 
que  je  crains  avoir  irrités  me  fcçauront  bon  gré  ,  s'ils  changent  de 
conduite.  Il  finit  en  difant  à  l'Abbé  de  faint  Thierri  qu'il  regar-  Mjhilhn. 
doit  comme  étant  de  l'Ordre  ,  c'e(t-à-dire  ,  de  l'obfervance  de  ^''Jl'!,]'  '"  ' 
Cluni ,  parce  qu'alors  prefque  tous  les  Moines  noirs  en  fuivoient 
les  rits  :  Je  loue  6c  je  publie  ce  qu'il  y  a  de  louable  dans 
votre  Ordre  ;  s'il  y  a  quelque  chofe  de  répréhenfible  ,  je  vous 
confeille  de  le  corriger  ;  c'eft  aulfi  l'avis  que  j'ai  coutume  de 
donnera  mes  autres  amis.  Je  vous  prie  d'en  agir  de  même  à  mon 
^gard.  Pierre ,  Abbé  de  Cluni ,  répondit  à  tous  les  reproches 
de  faint  Bernard ,  par  une  grande  Lettre  qu'il  lui  écrivit.  Il  en 
fera  parlé  dans  la  fuite. 

§.  V  I  L 

Livre  à  la  louange  des  Chevaliers  du  Temple, 

I./'A  UoiQUE  cet  écrit  foit  dans  quelques  manufcrits  adrefle     Eloge  de» 
\J  en  général  aux  Chevaliers  du  Temple,  c'eft  néanmoins  à  Chevaliers  du 
Hugues  feul ,  leur  premier  Maître ,  que  faint  Bernard  parle  dans  ji^étoient. 
le  prologue  ;  mais  il  paroît  indifférent  que  ce  Livre  foit  dédié  ou 
à  tous  les  Chevaliers  ,  ou  à  leur  Maître.  On  les  appelloit  Che- 
valiers du  Temple ,  à  caufe  qu'ils  logèrent  d'abord  auprès  du 
Temple  de  Jerufalem  ,  du  côté  du  Midy.  Guillaume  fa)  de 
Tyr  dit  qu'ils  étoient  de  condition  noble  ,  pieux  ôc  craignant 
Dieu  ;  6c  qu'à  la  manière  des  Chanoines  réguliers ,  ils  s'étoient 


(«/'  Cuillelm.  Tjr.  lib.  ii  ,  cip.  7  ,  ad^nn,  1 1 18. 

Gggij 


420  SAINT      BERNARD", 

Gonfacrésau  fervice  de  Jefus-Chrift  entre  les  mains  du  Patrîatr-- 
ehe ,  par  les  trois  voeux  de  chafteté,  d'obéiflance  6c  de  pauvreté  }• 
que  les  premiers  &  les  principaux  d'entr'eux  éroient  Hugues  des 
Payens  ,  ôcGeoftiroi  de  Saint- A-ldemar  ;  que  n'ayant  pas  encore 
d'i.glifeà  eux  ,  ni  de  demeure  ,  le  Roi  Baudoiiin  les  logea  pouc" 
un  tems  dans  le  Palais  voifin  du  Temple  ;  que  la  première  de  leur 
obligation  étoit  de  veiller  à  la  fureté  des  chemins,  afin  que 
les  Pèlerins  fudentà  couvert  des  incurfions  des  brigands  ôc  des 
voleurs. 
Il  fut  Écrit  1 1.  Il  n'eft  pas  aifé  de  fixer  l'époque  de  ce  Livre.  Il  parok 
▼erilanii32.  f^yien-jçi-u  q^g  f^i^t  Bernard  le  compofa  dans  un  tems  où  l'Ordre 
des  Templiers  étoit  déjà  (a)  nonibreux.  Ce  ne  fut  donc  pas  avant 
le  Concile  de  T  royes  en  1127  ,  où  ces  Chevaliers  n'étoient 
encore  que  neuf  en  tout  ;  mais  on  ne  peut  aulli  le  mettre  plus  tard 
qu'en  iij^  ,  vers  lequel  tems  Robert  fucceda  à  Hugues, 
premier  Maure  de  cet  Ordre.  Dom  Mabillon  le  met  vers 
1152. 
Rc?le  des  III.  On  a  inféré  la  Règle  des  Templiers  dans  la  Chronique 
Temp;itr?.  j^  Cîteaux  ,  parce  qu'on  l'a  regardée  comme  l'ouvrage  de  faint 
Préef  t.  \'n"  Bernard  ;  mais  on  n'en  a  jugé  ainfi  que  par  le  prologue ,  où  il  efl: 
oiufcul.  6.  dit  en  effet,  que  le  Concile  de  Troycsen  1127  chargea  faint 
Bernard  de  compofer  cette  Règle.  La  faite  fait  voir  qu'il  fc 
décharpea  de  cette  commiilion  fur  un  nommé  Jean  de  Saint- 
Michel.  Alberic  deTrois-Fontaines  ,  de  l'Ordre  de  Cîteaux  ,  nc" 
l'attribue  pas  à  faint  Bernard.  Il  dit  au  contraire  qu'on  donna  aux 
Templiers  la  Règle  de  faint  Auguflin  ;  d'où  vient  que  dans  le 
Monoiïïcon  AngUcanum  ,  on  les  place  parmiceux  qui  f^iventla 
Règle  de  ce  Père.  Quoiqu'il  en  foit  ,  celle  qu'on  prefcrivit  aux 
Templiers  fut  faite  de  leur  conlentement ,  &  après  avoir  confulté 
le  faint  Siège,  ôc  Eflienne^  Patriarche  de  Jerufalem.  Elle  elV, 
félon  l'édition  d'Aubert  le  Mire,  diftribuée  en  foixante-douze 
chapitres,  ôc  tirée,  pour  la  plus  grande  partie  ,  de  la  Règle  de 
faint  Benoît  ;  mais  il  y  a  plufieurs  articles  qui  n'ont  été  mis  dans 
cejte  Règle ,  que  félon  les  diverfes  circonfîances  des  tems ,  ôc  à 
mefure  que  l'Ordre  s'eft  multiplié.  Les  Chevaliers  n'avoient 
point  dans  les  commencemens  d'habits  particuliers.  Le  Pape 
Honorius  ôc  le  Patriarche  EfHenne  leur  ordonnèrent  l'habit 
blanc  ,  auquel  ils  attachèrent  dans  la  fuite  une  Croix  d'une  étoife 
rouge. 

{_a)  Cjp.  î  ,  iium.  10, 


PREMIER  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX,&c.  4,21 
IV.  L'éloge  que  fa'mt  Bernard  fait  de  ce  nouvel  Ordre  ,  ou  ,      Analyfe  Je 
eomme  il  dit,  de  ce  nouveau  genre  de  Milice  inconnu  aux  ce  Livre, p^. 


ÎJO. 


fiécies  précddens  ,  efl:  fondé  fur  le  double  combat  qu'on  y  livre 
aux  ennemis  corporels,  ôc  aux  fpirituels  ;  6c  fur  les  motifs  qui  ^^P-^' 
animent  les  Chevaliers  du  1  emple  dans  la  guerre  contre  les 
ennemis  de  la  Religion.  Ils  n'agilient  par  aucun  mouvement  de 
colère  ,  d'ambition  ,  de  vaine  a:loire  ,  ou  d'avarice.  Bien  dillé-  ^ 
rensde  ceux  qui  font  engagés  dans  la  Milice  féculiere ,  où  fou  vent 
celui  qui  tue  péchc  morfellement,&celui  qui  efl  tué  périt  éternel- 
lement. Ils  font  la  guerre  de  Jefus-Chrift  leur  Seigneur ,  fans 
craindre  de  pécher  en  tuant  leurs  ennemis  ,  ou  de  périr,  s'ils  font  Cip.  j^- 
tués  eux-iYicmes  ;  puifque  foit  qu  ils  donnent  ie  coup  de  la  mort 
aux  autres,  foit  qu  ils  le  reçoivent ,  ils  ne  font  coupables  d'aucua 
crime^  au  contraire  il  leur  en  revient  beaucoup  de  gloire.  S'ils 
tuent ,  c'ell  le  profit  de  Jefus-Chrift  ;  s'ils  font  tués  ,  c'eft  le  leur. 
Le  Chrétien  eft  gloriiié  dans  la  mort  d'un  Payen ,  parce  que 
Jefus-Chrift  y  eft  glorifié  lui-même.  Il  ne  faudroit  pas  néan- 
moins, dit  faint  Bernard  ,  tuer  même  les  Payens ,  fi  l'on  pouvoit 
les  empêcher  par  quelqu'autre  voye  dinfuker  aux  Fidèles  ,  ou 
de  les  opprimer.  Mais  dans  le  cas  préfent ,  il  eft  plus  expédient  de 
les  mettre  à  mort,  alin  que  la  verge  des  pécheurs  ne  frappe  pas 
les  Juftes.  Mais  il  penfê  que  dans  les  combats  ordinaires, -le  Cip.  i:- 
Guerrier  met  fon  ame  en  danger.  Ci  la  caufe  de  la  guerre  n'eft 
jufte,  &  s'il  n'a  lui-même  une  intention-droite,  cnforte  que  ce 
ne  foit  ni  la  colère  ,  ni  la  vengeance  qui  l'anime.  Il  ne  croit  pas 
même  qu'on  puille  appeller  bonne  la  victoire  de  celui  qui, 
fans  aucune  envie  de  fe  venger,  tue  uniquement  pour  fauver  fa 
vie. 

'V.  Saint  Bernard  décrit  enfuite  la  vie  des  Chevaliers  du  Cav.^s- 
Temple,  foit  dans  leurs  maifons,  foit  à  la  guerre.  En  tout  lieu  ils 
fuivent  l'obélifance  pour  règle.  Toutes  leurs  démarches  fout 
réglées  par  celui  qui  préfidc.  C'eft  par  fes  ordres  qu'on  leur 
diftribue  la  nourriture  &  le  vêtement  :  Dans  l'un  &  dans  l'autre 
on  évite  toute  fuperfluité,  orr  ne  confulte  que  la  nécellité.  Ils. 
vivent  en  cor.-vmun  dans  une  fociété  agréable  ,  mais  modefte  ÔC 
frugale,  n'ayant  ni  femmes,  ni  enfans,  ni  rien  en  propre  ,  pas 
même  leur  volonté  ;  mais  ils  ont  grand  foin  de  conferver  entr'eux 
l'union  &.  la  paix  ;  aufll  diroit-on  que  tous  ne  font  qu'un  cœur  ôc 
qu'une  ame.  Jamais  oififs,  ni  répandus  au-dehors  par  curiofité-, 
quand  ils  ne  vont  point  à  la  guerre,  ce  qui  eft  rare ,  ils  racconY- 
_modent  leurs  armes  ôc  leurs  habits,  ou  font  tout  ce  qui  leur  eft- 


422  SAINT     BERNARD,' 

commandé  par  le  Supérieur ,  6c  ce  qui  concerne  le  bien  de  la 
Communauté.  Sans  acception  de  perfonne  ,  ni  de  nobleffe ,  on 
rend  l'honneur  au  plus  digne.  On  n'entend  parmi  eux  ni  mur- 
mure, ni  parole  indécente  ^  le  coupable  ne  demeureroit  pas 
impuni.  Ils  décèdent  les  échecs  ôc  les  dez^ont  en  horreur  la 
chaiTe,  &  ne  fe  donnent  pas  môme  le  plaifir  de  la  fauconnerie- 
Ils  rejettent  les  fpectacles ,  &  tout  ce  qui  y  a  du  rapport  ;  fe 
coupent  les  cheveux,  fe  baignent  rarement ^  ôc  font  ordinaire- 
ment couverts  de  pouffiere ,  &  brûlés  du  foleiL 
jl,ij_  V I.  Lorfque  l'heure  du  combat  approche  ,  ils  s'arment  de  foi 
au-dedans  ,  ôc  de  fer  au-dehors  ;  ôc  après  s'être  préparés  à  l'aclion 
avec  foins ,  quand  il  efl  tems  de  donner ,  ils  chargent  vigoureu- 
fement  l'ennemi  ,  mettant  toute  leur  confiance  au  Dieu  des 
Armées ,  à  l'exemple  des  Macchabées.  C  eft  une  chofe  admi- 
rable ,  que  la  manière  dont  ils  fçavent  allier  la  douceur  de 
l'agneau  avec  la  férocité  du  lion  ;  ôc  l'on  peut  dire  qu  ils  font  tout 
à  la  fois  Moines  ôc  Soldats  ,  parce  qu'ils  ont  la  manfuétude  des 
Cap.  '.  premiers,  la  force  ôc  la  valeur  des  féconds.  Saint  Bernard  dit, 
que  ce  qu'il  y  a  de  plus  confolant  dans  ce  nouvel  Ordre ,  c'eft 
que  la  plupart  de  ceux  qui  s'y  engagent  ,  étoient  auparavant  des 
fcélerats  livrés  à  toutes  fortes  de  crimes  :  qu'ainfi  leur  conver- 
fion  produit  deux  biens;  l'un,  de  délivrer  le  Pays  de  ceux  qui 
l'opprimoientôcleravageoient;  l'autre, de  fournir  du  fecoursà  la 
Terre-Sainte.  Il  fait  le  parallelle  du  Temple  de  Jerufalem,  tel 
qu'il  étoit  alors,  avec  celui  que  Salomon  avoir  fait  bâtir,  ÔC 
donne  la  préférence  au  premier ,  à  caufe  de  la  piété  ,  de  la  pureté 
des  mœurs  de  ceux  qui  y  fervoient  ,  ôc  de  l'excellence  des 
Cap.  6,  7,  Hoflies  pacifiques  qu'on  y  offroit  tous  les  jours.  Il  s'arrête  auiïi 
t,9,0-c.  fm-  tous  les  lieux  que  Jeius-Chrift  a  fanctifiés  par'fa  préfence 
corporelle,  Bethléem,  Nazareth ,  le  Mont  des  Oliviers,  la  Vallée 
de  Jofaphat ,  le  Jourdain ,  le  Calvaire ,  le  Sépulchre,  Betphagé, 
Bethanie  ,  ôc  fait  fur  chacun  des  réflexions  myltiques  ôc 
morales. 
Câp.  II.  VII.Il  dit,en  (a)  parlant  des  Prêtres  qui  reçoivent  lesconfefllons 
des  Pénitens ,  qu'ils  doivent  tellement  s'appliquer  à  leur  donner 


(a)   Quamobrem  Minirtros  Verbi  Sa-  I  tenus  eos  nequaquàm  à  verbo  confeffionis 
cerdotes  cautc  neceffc   eft    ad    utrumque  j  exterreant;  (ic  corda  apcriant ,  ut  or;i  non 


Yigilare  follicitos  ,  quo  vidclitet  ikliii-  |  obnrucnt,  led  ncc  abibivant  etinm  com- 
qiientium  cordibus  tanto  inoileraniine  ver-  |  punifium  ,  nifi  viderint  &  cotifeirum.  Btr/i. 
bum  timoris &  contritionis  iiifligaiif ,   qua-  ]  de  Miliiibus  Temyli ,  cap.  j%. 


PREMIER  ABBE  DE  CLAIRVAUX  ,6:c.  425 

de  Thorreur  &  de  la  douleur  de  leurs  péchés  ,  qu'ils  ne  les  empê- 
chent pas  de  les  confeflTcr  ,  enforte  qu'en  ouvrant  leur  cœur  à  la 
contrition,  ils  ne  leur  ferment  pas  la  bouche;  parce  qu'ils  ne 
doivent  pas  abfoudre  le  Pénitent,  quoique  contrit,  s'il  ne  cor»- 
fefle  auiïi  de  bouche  fes  péchés. 

§.    VIII. 

Traité  des  degrés  d'humilité  &  d'orgueiL 

I.  /^  E  Traité  ,  qui  fait  le  feptiéme  des  opufcules  d'e  faint      Traité  de» 
V_7  Bernard  jdevroit  en  être  le  premier ,  îelon  l'ordre  des  ^-^^^^   ^'^^- 
tcms,  puifqu'il  le  met  lui-même  le  premier  dans  la  lifte  de  fes  "*'  "^' 
ouvrages,  enécrivant  (fl)  au  Cardinal  Pierre,  6c  qu'il  eft  aulfi  _    ■^•î*'?^'"'' 
nommé  le  premier  par  (  b  )  Geoffroi ,  Auteur  de  fa  vie.  Sa  Lettre  opufcul. 
au  Cardinal  Pierre  ayant  été  écrite  vers  l'an  1 127  ,  on  ne  peut 
mettre  guères  plutôt  qu'en  1 1 2  j  le  Traité  de  l'humilité  ,  qui  eft 
marqué  dans  cette  Lettre ,  comme  le  premier  des  quatre  que 
faint  Bernard  avoir  déjà  faits.  Il  le  dédia  à  Geoffroi ,  alors  Prieur 
de  Clairvaux ,  &  depuis  Evêque  de  Langres  ,  fon  parent.  Geof- 
froi l'avoit  engagé  à  écrire  fur  cette  matière ,  pour  expliquer 
plus  au  long  ce  qu'il  en  avoir  dit  en  préfence  de  la  CommU" 
nauté. 

I  L  Les  dégrés  d  humilité  qu'il  fe  propofe  d'expliquer,  font     Amlyfe  de 
ceux  dont  il  eft  parlé  dans  la  Règle  de  faint  Benoît.  On  peut,  ceTnhé.pag^ 
félon  faint  Bernard  ,  définir  Ihumilité  ,  une  vertu  par  laquelle  '^^' 
l'homme  fe  connoifTant  véritablement  tel  qu'il  eft  ,  devient  mé- 
prifable  à  lui-même.  Il  nous  la  fait  envifager  comme  le  chemin  dp.  i. 
qui  mené  à  la  vérité  ;  &  la  connoifTance  de  la  vérité ,  comme  le 
fruit  de  cette  vertu.  Après  quoi  il  diftingue  trois  dégrés  dans  la  Cap.  i. 
vérité;  la  connoifTance  de  fa  propre  mifere,  pour  en  gémir,  en  Cap. 1,4. 
devenir  plus  humble  ôc  plus  doux  ;  la  connoilfance  des  infirmités  Cap.  % ,  é- 
du  prochain  ,  pour  y  compatir  ;  ôc  fçavoir  purilier  l'œil  du  cœur 
pour  pouvoir  contempler  les  chofes  céleftes  ôc  divines.  Toutes 
ces  connoilTances  font  en  nous  l'ouvrage  de  Dieu,  ou,  comme  Cip.  7,8,^.- 
dit  faint  Bernard,  c'eft  la  fainte  Trinité  qui  les  opère  en  nous. 
^Venant  à  l'explication  des  douze  dégrés  d'humilité ,  il  dit ,  que 


(  a.  )  Epi/!.  18..  ]•      (  i)  Lil.  î  ,  cap.  S. 


42^  SAINT    BERNARD  , 

nous  les  comprendrons  lorfque  nous  aurons  remarqué  les  douze 
degrés  d'orgueil  qui  leur  font  oppofés,  &  que  le  dernier  degré 
d'orgueil  répond  au  premier  degré  d'humilité;  parce  qu'en  rétro- 
gradant, on  commence  à  monter  par  où  l'on  acefTédedefcendre. 
Par  exemple  ,  le  douzième  degré   d'orgueil  eft  1  habitude  de 
■Cip.iu  pécher.  Donc  le  premier  degré  d  humilité,  doit  être  de  renoncer 
.au  péché.  Il  détaille  tous  les  dégrés   d'orgueil ,  d'où  il  prend 
occalion  de  donner  aux  Moines  des  infirudions  très-folides. 
Rétradation       III.  Après  qu'il  eut  acbcvé  cet  ouvragc,  &  qu'apparemment 
deS.BernarJ  j|  ^^^  ^^^  rendu  public,  il  s'apperçut  qu'en  citant  lenJroit  de 
l'Evangile  où  Jefus-Chrifi:  dit ,  que  Ip  Fils  de  l'homme  ne  fixait 
pas  le  jour  du  Jugement ,  il  y  avoit  ajouté  un  mot  qui  n'efl  pas 
dans  le  texte,  quoiqu'il  ne  change  rien  au  fens  ;  ôc  qu'en  parlant 
des  Séraphins ,  il  avoit  avancé  une  opinion  qu'il  n  avoit  ouie  ,  ni 
lue  nulle  part  ;  il  fe  crut  obligé  de  fe  rétracter  ,  &  de  joindre  fa 
rétratlatiou  à  ce  Traité  même.  On  cite  quatre  manurcrits  où  elle 
fe  trouve  à  la  tête  du  Livre.  Le  mctajûucéài'Ëva'igiie  étoit  nec 
M^bill.PriE.  ip/è,  au  lieu  qu'on  lit,  mque  Filius  fcit.  Manriquez,  Auteur  des 
fat.inopufcul.  Annales  Cifterciennes ,  reprend  vivement  les  Tiiéologiens  myrd- 
^'  ques ,  qui  ne  craignent  pas  de  donner  des  interprétations  nou* 

velles  au  fens  ou  littéral,  ou  fublime  de  l'Ecriture;  au  lieu 
d'imiter  la  fage  retenue  de  faint  Bernard,  qui  regardoit  comme 
fufpett  ,  ce  qu'il  avoit  expliqué  dans  un  fens  diilérent  des  Pères 
de  l'Eglife. 

§.   IX, 

'Traité  de  l'amour  de  Dieu. 

Traite  Je  I.  T]?  Ntre  plufieurs  qucftions  du  Cardinal Haimeric à  fa'înt 

j'.iinour  de  Jj^  Bernard  ,  il  y  en  avoit  une  fur  l'amour  de  Dieu.  Ce 

"^"'  fut  à  celle-là  feule  qu'il  répondit.  Un  nommé  Berenger ,  Dif- 

Malilhn.  ciplc d'Abaillard  ,  lui  en  Ht  un  procès ,  difant,  que  vainementil 

Vrccfat.  in      avoit  travaillé  à  établir  un  précepte  qui  n'efl  ignoré  de  perfonne, 

Xi/"^'^BL-  pas  même  des  idiots.  Mais  il  y  a  une  grande  différence  entre 

rtn^.pàg.'i.i6.  connoître  un  précepte,  &  l'accomplir.  L'efprit  ôc  le  cœur  ne 

font  pas  toujours  d'accord  fur  ce  point.  On  confèlfe  de  bouche 

qu'il  faut  aimer  Dieu  ;  mais, on  le  nie  de  fiiit ,  en  ne  conformant 

pas  fa  vie  à  fes  obligations. 

11  fut  écrit       TI.  Haimeric,  à  qui  faint  Bernard  adrefla  cet  écrit,  croît 

après  l'an       Françoïs  de  naiffance ,  de  la  Chaftre  en  Berri.  Il  fut  fait  Cardinal 

'^*^  ^  pat 


PREMIER  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX,&"c.  41? 

par  le  Pape  Calixte  II.  en  1121  ,  ôc  Chancelier  de  l'Eglifc 
Romaine  en  1126  par  Honorius  II.  Ce  ne  fut  donc  qu'après 
<:ette  année  que  laint  Bernard,  fon  ami  particulier ,  lui  dédia 
ion  Traité  de  l'amour  de  Dieu,  puifque  dans  l'Epitre  dédica- 
toire  il  lequalilie  Cardinal  &:  Chancelier  de  TEglife  Romaine. 
Haimeric  mourut  en  1 141. 

1 1 1.  Vous  vouiez  fçavoir  de  moi ,  lui  dit  falnt  Bernard  ,      f^"^^''p'  ^^ 
pourquoi,  ôc  comment  on  doit  aimer  Dieu?  Je  vous  réponds  j  j^,,""*'"'^'^* 
que  la  raifon  de  l'aimer,  c'ell  qu'il  eft  Dieu ,  6c  que  la  manière  (j^^,  ,, 
de  l'aimer ,  c'efl  de  l'aimer  fans  mefure.  Nous  devons  l'aimer 
pour  lui-même,  foit  parce  qu'on  ne  peut  rien  aimer  de  plus 
jufle  ,  ni  de  plus  prolkable  que  lui  ;  ôc  nous  devons  aulîi  l'aimer 
-à  caufe  de  nous-mêmes,  parce  qu'il  nous  a  aimés  le  premier; 
•qu'il  s'elî  donné  à  nous  ,  lans  que  nous  le  méritions  ;  qu'il  nous  dp.  t^ 
.comble  chaque  jour  de  fes  bienfaits  ,  en  fourniffant  aux  befoins 
de  notre  corps  ôc  de  notre  ame.  L'inHdele  même  efl  averti  par  la 
,voix  de  la  Nature,  qu'il  doit  aimer  celui  de  qui  il  tient  tout  ce 
qu'il  efl: ,  ôc  qui  pourvoit  à  fes  befoins- 

1  "V.  Mais  les  Chrétiens  y  font  obligés  par  des  motifs  bea#^  Cap.  ^ 
coup  plus  preflans  ;  par  la  confideration  du  fang  que  Jefus-Chrift 
a  répandu  pour  les  racheter  ;  de  la  rémifTion  de  leurs  péchés  par 
fa  mort;  de  la  gloire  dont  il  leur  a  ouvert  le  chemin  par  fa  réfur- 
redion ,  ôc  fon  afcendon  au  Ciel  ;  ôc  de  quantité  d'autres  bien- 
faits ,  plus  abondans  dans  la  Loi  nouvelle  que  dans  l'ancienne: 
D'où  réfulte  aux  Chrétiens  une  obligation  plus  étroite  d'aimer 
Dieu  ,qu'à  ceux  qui  vivoient  avant  la  venue  de  Jefus-Chrifl:.  Je  Ci/.  Ji 
me  dois  doublement  à  Dieu  ,  ditfaint  Bernard ,  ôc  pour  m'avoir 
iait ,  ôc  pour  m'avoir  racheté  en  cette  manière  :  dans  la  création, 
il  ma  donné  à  moi-même  ;  mais  en  me  rachetant ,  il  s'efl:  donné  à 
moi,  ôc  en  fe  donnant  à  moi,  il  m'a  rendu  à  moi.  Par  cette 
Taifon,  je  me  dois  deux  fois  à  lui.  Que  lui  rendrai-je?  Quand 
je  pourrois  me  rendre  à  lui  mille  fois ,  que  feroit-ce ,  en  compa- 
taifon  de  ce  que  je  lui  dois?  Que  fuis-je  en  effet  par  rapport  à 
Dieu  ? 

V.  Saint  Bernard  prouve  encore  l'obligation   d'aimer  Dieu  ,  Ci;.  7. 
par  la  confideration  de  l'avantage  qui  nous  en  revient  ;  car  quoi- 
que le  véritable  (  ^i  )  amour  n'ait  pas  en  vue  la  récompenfe ,  il  ne 
laiHepasde  la  mériter.  D'ailleurs,  cet  amour,  qui  n'eft  autre 


.(il)   Venis  anior  rr.nniu:»!  nonreqiiirit  ,  ft'Jfiieretiir.  C.tp.  7. 

Tome  XXIL  Hhh 


425  SAINT    BERNARD, 

que  la  charité  ,  nous  mené  par  le  droit  chemin  au  fouveraln 
bien  ,  l'objet  de  nos  défirs  >  mais  que  la  plupart  des  hommes 
cherchent  envain  dans  les  créatures  ,  par  de  longs  circuits. 
Cap.  i.  V  I.  Ce  Père  diftingue  quatre  dégrés  d'amour;  le  premier,  où 
l'homme  s'aime  pour  lui-même; le  fécond,  où  connoiflant  le 
befoin  qu'il  a  de  Dieu,  il  commence  à  l'aimer  ,  mais  toujours 
Cap-  9-  par  rapport  à  lui-même  ;  le  troifiéme ,  où  frappé  des  perfetTions 
infinies  de  Dieu  ,  il  l'aime  pour  lui-même  ,  de  cet  amour  qu'on 
appelle  chafte,  &  qui  eftfans  retour  fur  celui  qui  aime  ;  le  qua- 

C«p.  10 &  14.  triéme  eft  de  ne  s'aimer  foi-même  que  pour  Dieu.  Heureux ,  dit 
faint  Bernard,  celui  qui  a  mérité  de  parvenir  à  ce  quatrième 
degré  j  mais  il  ne  croit  pas  que  l'on  parvienne  en  cette  vie  à 
Cap.  II.  la  perfedion  de  la  charité  ;  que  cet  état  n'eft  que  pour  les  Bien- 
heureux dans  le  Ciel ,  ôc  après  la  réfurredion  feulement.  Il  n'en 
excepte  pas  les  Martyrs.  Il  ne  fuit  pas  toutefois  de  fou  principe 
que  le  précepte  de  l'amour  de  Dieu  foit  impolhble  eu  cette  vie  > 
parce  qu'il  ne  nous  eft  pas  commandé  d^arriver  à  la  perfedion 
^  la  charité ,  mais  d'y  tendre  ,  autant  que  nous  le  pouvons. 
Cap.  II.  VII.  Il  renvoyé  à  la  Lettre  qu'il  avoit  écrite  fur  ce  fujet  aux 
Chartreux  ,  ôc  il  en  tranfcrit  une  partie.  Nous  y  reaiarqueronsque 
la  vraie  charité  ,  qui  part  d'un  cœur  pur  ôc  d'une  bonne  conf- 
cience  ,  eft  celle  qui  nous  fait  aimer  autant  le  bien  du  prochain  , 
que  le  nôtre;  qu'il  n'y  a  que  l'amour  de  Dieu  qui  convertilfe 

Cap.ixScxt^.  véritablement  le  cœur ,  d'où  vient  que  l'Efclave  qui  fait  une 
adion  commandée  de  Dieu ,  demeure  néanmoins  dans  fa  dureté 
de  cœur  ,  parce  qu'il  ne  fait  l'œuvre  de  Dieu  que  malgré  lui.  Le 
Mercenaire  la  fait  auiri;mais  ce  n'eft  que  par  intérêt.  Le  Fils 
feul  fçachant  que  Dieu  eft  effentiellement  bon  ,  l'aime  d'un 
amour  chafte  ôc  filial. 

§.   X. 
Traité  de  la  Grâce  &  du  libre  Arbitre. 


Grâce  &  du        _L^  l'an  1 128  ,  fai'it  Bernard  offre  de  lui  envoyer  le  Traité 
'  '"  '   de  la  Grâce  ôc  du  libre  Arbitre  qu'il  avoit  depuis  peu  rendu 
public.  11  L"  com,)ofa  donc  avant  cette  année, qui  otoitla  trente- 
huitième  de  fon  âge.  L'ouvrage  eft  adre.'fc  ..  Guillaume  ,  Abbé 
de  laint  Thicrri,  le  même  à  qui  il  dédia  f^n  Apologie.     Voie 


PREMIER  ABBÊ  DE  CL AIRVAUX,ôcc.  427 

quelle  fut  l'occafion  du  Traite  dont  nous  allons  donner  l'ana- 
lyfe. 

I  I.  Comme  je  parlois  un  jour  en  public  ,  dit  faint  Bernard,    Aquelleoc- 

«  •  '      t  _  1         1  1     V  'i A-  1  -         •  '  cafion    li    fut 

&  que  je  me  reconnoillois  redevable  a  Dieu  de  m  avoir  prévenu  écrit.  Anaiyfo 
dans  le  bien,  du  progrès  que  j'y  failbis,  &  de  l'efpérance  où  Js  ce  Traité, 
jetois  de  le  conduire  à  la  perfedion  ;  un  des  aiudaas,  me  dit:  C7.  i. 
Que  faites-vous  donc,  ou  quelle  récompenfe  efperez-vous ,.  fi 
c'efl:  Dieu  qui  fait  tout  ?  Ce  fut  pour  répondre  à  cette  objedion , 
plus  amplement  qu'il  n'avoir  fait  fur  le  champ ,  que  faint  Bernard 
entreprittfon  Traité  de  la  grâce  ôc  du  libre  arbitre.  Il  remarque 
que  deux  chofes  font  nécclîaires  pour  faire  le  bien,rinftruîlion 
6c  le  fecours  ;  qu'il  cft  befoin  que  Dieu  qui  m'éclaire  par  fes 
Miniftres ,  me  donne  la  force  de  faire  ce  qu'il  me  fait  connoîtrc, 
6c  me  confeille  ;  que  félon  l'Apôtre  ,  c'eft  lui  qui  donne  le  vou-  Rom. '8  ,  i(  , 
loir  ôc  le  parfaire.  Que  fi  l'on  me  demande,  ajoute  faint  Ber-  ^^.  ^  'S;  * 
nard,  où  font  mes  Maîtres  dans  le  bien  ?  Je  répondrai  avec  le      "'•-'  'î* 
même  Apôtre  :  //  nous  a  fauves ,  ?ion  à  caufe  des  œuvres  de  jujlice    AdTit.  3 ,  u 
que  nous  eujfions  faites  y  maïs  à  caufe  de  fa  nûfé  rie  or  de.  Et  encore; 
Lefalut  ne  dépend  ni  de  celui  qui  veut ,  ni  de  celui  qui  coure  ,  mais  de    R^m-  9,  i^  ; 
Dieu  qui  fait  mifericorde  ,   Cs"  fans  lequel  nous  ne  -pouvons  rien  '^  • '-"'•  '*  ' 
faire. 

III.  Il  remarque  en  fécond  lieu  ,  que  lorfque  la  grâce  opère  c.î-'.  \. 
en  nous  le  falut  y  le  libre  arbitre  co-opere,  en  donnant  fon  con- 
fentement,  en  obéiffant  à  Dieu  qui  commande  ,  en  ajoutant  foi  à 
fes  promeffes  ,  en  lui  rendant  grâces  de  fes  bienfaits.  Four  mettre 
cette  vérité  dans  un  plus  grand  jour,  il  enfeignc  que  le  confen- 
tement  eft  un  atle  de  la  volonté  ;  que  la  volonté  eil  un  mouve- 
ment raifonnable  qui  préfide  au  fens  ôc  à  l'appétit  ;  qu'elle  ne  fe 
meut  jamais  fans  la  raifon ,  parce  que  la  raifon  l'accompagne  ôc 
la  fuit ,  ôc  qu'elle  lui  eft  donnée  pour  l'inflruire,  ôc  non  pour  la 
détruire;  d'où  il  fuit  qu'elle  n'impofe  aucune  néceflité  à  la  vo- 
lonté, puifque,  fi  elle  lui  en  impoioit  quelqu'une  ,  elle  la  détrui- 
roit.  En  effet,  la  liberté  eft  cfienriclle  à  la  volonté  ;  où  il  y  a 
néceftité ,  il  n'y  a  point  de  volonté  ;  ôc  par  une  fuite  néceflairc  , 
où  il  y  a  nécelfité ,  il  n'y  a  point  de  liberté,  ôc  conféquemment 
point  de  mérite  :  D'où  vient  que  dans  les  enfans,  dans  les  infenfés, 
dans  ceux  quidormenr,leursa£l:ions  font  fans  mérite, ni  démérite, 
parce  que,  comme  ils  ne  font  pas  maîtres  de  leur  raifon,  ils  n'ont 
pas  non  plus  l'ufage  de  leur  liberté. 

I V.  Le  libre  arbitre  eft  appelle  libre ,  à  caufe  de  la  volonté  ;  ^^?'  î* 
ÔC  arbitre,  à  caufe  de  la  raifon.  Il  y  a  trois  fortes  de  liberté i  la 

Hhhij 


428  S  A  I  N  T    B  E  R  N  A  R  D, 

liberté  naturelle  ;  la  liberté  de  la  grâce,  la  liberté  de  la  glorrt;' 
Nous  a\ons  reçu  la  première  par  la  création,  cette  liberté  nous- 
exemte  de  la  nécefTité  ;  la  féconde  par  la  régénération ,  elle  nous-- 
délivre  du  péché  ;  la  troifiéme  ,  qui  ne  nous  fera  accordée  qu'a- 
vec la  poffeilion  de  la  gloire  éternelle,  nous  affurera  la  victoire* 
€sp.  A.  fur  la  corruption  &  fur  la  mort.  La  liberté  qui  exemte  de  nécef- 
lité,  convient  également  à  Dieu  &  à  toutes  tes  créatures  raifon- 
nables,  foit  bonnes,  foit  mauvaifes.  Elle  ne  fe  perd  ni  par  le 
péché,  ni  par  la  mifere;  elle  efl  au  même  degré  dans  l'Impie  ^ 
comme  dans  le  Jufte  :  dans  l'Homme,  comme  dan^l'Ange , 
avec  cette  différence  feule ,  que  dans  les  Juftes  elle  cft  plus 
Cap.  (.  réglée.  Ceux  qui  veulent  faire  le  bien,  &  ne  le  peuvent,  ne- 
laiifent  pas  d'être  libres,  puifqu'ils  ont  la  volonté;  mais  ils  ne 
font  pas  libres  de  la  liberté  du  péché  ,  qui  ne  fe  trouve  que' 
dans  ceux  qui  ont  la  grâce.  Car  c'eft  le  libre  (  a  )  arbitre  qui  nous- 
fait  vouloir,  mais  c'eft  la  grâce  qui  nous  fait  vouloir  le  bien. 
C'efl  par  le  libre  arbitre  que  nous  avons  le  vouloir  ,  &  c'eft  de  ta 
grâce  que  nous  vient  le  bon  vouloir  ;  foit  que  nous  appartenions 
à  Dieu ,  comme  bons ,  foit  que  itous  foyons  au  démon ,  comme 
mauvais ,  nous  confervons  toujours  notre  liberté  qui  eft  la  caufe 
de  notre  mérite,  ou  de  notre  démérite.  Cependant,  quoique 
nous  nous  rendions  (t)  efclaves  du  démon  par  notre  volonté , 
ce  n 'eft  pas  par  elle  que  nous  nous  affujettiitons  à  Diea  ,  c'eft 
par  fa  grâce  qui  donne  le  vouloir  partait  pour  le  bien. 
€  p.  7.       V.  Outre  la  liberté  naturelle  ,   faint  Bernard  en  diftingue 
deux  autres  qu'il  appelle  Liberté  de  confeil  &  de  complaifance  ; 
&  il  demande  fi  elles  étoient  toutes  les  trois  dans  Adam  ?  Sur  laf 
première  il  dit ,  que  l'on  peut  en  douter.  Il  diftingue  deux  dégrés 
dans  chacune  des  deux  autres,  le  fuperieur  &  l'inférieur  ;  le  pre- 
mier dans  la  liberté  de  confeil,  eit  de  ne  pouvoir  pécher;  le 
fécond  eft  de  pouvoir  ne  pas  pécher.  Dans  la  liberté  de  complai- 
fance le  degré  fuperieur  eft  de  ne  pouvoir  être  troublé  ;  l'infé- 
rieur, de  pouvoir  n'être  pas  troublé.  Après  cette  diftin£tion  il 
décide,  que  le  premier  homme  avoir  reçu  dans  la  création  te 
degré  inférieur  de  chacune  de  ces  deux  libertés  ,  mais  qu'il  en  a 
été  dépouillé  par  fon  péché  ,  enforte  qu'il  ne  lui  eft  refté  que  ta 
liberté  naturelle. 


(  a  )  I.iberuii-.  arbitriurn  nos  f.icit  volcn- 
tes ,  gratis,  lienevolof,  ex  ij  fo  nobis  tft 
velle,  rx  ijifa  bonum  vcUt,  Lernard,  tV 
grar.  (.iip.  6. 


(  b  )  Sanc  iliabolo  noflra  nos  mancipat 
voliiDtns,  Dco  (iib)icit  cjuè  gratia,  noa 
iiuflra  va'unus.  llid. 


PREMIER  ABBÉ  nEiCLÂlRV'AtJX,  &c.  ^^p- 
V  I.  Le  premier  homme  a  bien  pu  pai*  lui-même  pafTer  du  Cap.  », 
bien  au  mal  ;  mais  depuis  fa  chute  ,  il  ne  peut  plus  par  lui-même 
du  mal  palFer  au  bien.  Il  a  pu  tomber ,  mais  il  ne  peut  fe  relever 
de  lui-même.  Ce  n'efl:  que  par  Jefus-Chrift  qu'il  peut  recouvrer 
les  deux  libertés  qu'il  polTedoit  dans  letat  d'innocence  en  un 
degré  inférieur  ;  fçavoir,  de  pouvoir  ne  pas  péciier,  ôc  n'être  paS 
troublé.  Saint  Bernard  eft  de  fentiment  que  c'eli  dans  ces  trois  Cip.9. 
efpeces  de  liberté  que  confifta  notre  rellemblance  avec  Dieu  ; 
que  les  Anges  pofledent  cette  reffemblance  dans  un  degré  fupé- 
rieur,  étant  confirmés  dans  le  bien  ;  que  nous  ne  la  poffedons  que 
dans  un  degré  inférieur  ,  lors  même  qu'elle  nous  eft  rendue  par  la^ 
grâce  du  Sauveur,  c'efl-à-dire,  que  nous  n'avons  plus  qu'eff 
partie  la  liberté  de  confeil  &  de  complaifance.  Nous  pouvons 
bien ,  avec  le  fecours  de  la  grâce,  n'être  pas  furmontés  par  le 
péché,  ni  par  la  milere,  mais  nous  ne  pouvons  généralement  être 
fans  péché. 

Vil.  Au  reftc  ,  il  ne  faut  pas  croire  que  le  libre  arbitre  ^"P-  '°'' 
confifle  à  pouvoir  également ,  &:  avec  la  môme  facilité ,  fe  porter 
au  bien  ôc  au  mal;  autrement,  ni  Dieu, ni"  les  Anges,  r^i  les 
Saints  qui  ne  peuvent  faire  le  mal,  ne  feroient  pas  libres,  non 
plus  que  les  dénions  qui  ne  peuvent  plus  taire  le  bien  ;  mais  on- 
doit  plutôt  l'appeller  libre  arbitre  ,  parce  que  foit  que  la  volonté- 
fe  porte  au  bien  ,  ou  au  mal,  elle  le  tait  librement ,  rkom-me  ni*' 
pouvant  être  bon  ,oumauvais,  que  par  fa  volonté. 

VIII.  Saint  Bernard  fait  voir  que  la  grâce  ne  dérope  en  rien  ^'i'-  "•• 
au  libre  arbitre  ;  qu'encore  qu'il  foit  dit  dans  l'Ecriture  que  Dieu 

nous  attire  à  lui ,  ii  ne  nous  fauve  pas  pour  cela  malgré  nous  ;  que' 
ce  n'eft  qu'en  nous  fiifant  vouloir  le  bien,  foit  en  nous  effrayant' 
par  fcs  menaces,  foit  en  nous  éprouvant  par  lesadveriités.  Celui- 
là  ,  dit-il  ,  ne  fouhaitoit-il  pas  d  être  attiré  ,  qui  denlandoit  avec 
tant  d'ardeur  dans  les  Cantiques  :  yJttire^-jnoi  après  vous  ,  O  C^t.  t ,  ^, 
je  ccurerai  â  V odeur  de  vos  p.vfufns.  Il  faut ,  félon  lui ,  dire  la- 
même  chofe  delà,  concupifccnce.  Elle  ne  nous  contraint  pas  au^ 
mal.  La  tentaiion,  quelque  forte  qu'elle  foit,  ne  violente  pas' 
notre  volonté,  6c  ne  nous  enlevé  pas  h  liberté.  Nous  fommes 
toujours  libres  de  ne  pas  confentirau  mal. 

IX.  Il  donnepour  exemple  la  tentation  à  laquelle  faint  Pierre  Caj;.  iii- 
fuccomba.  Cet  Apôtre  aima  mieux  mentir  que  mourir  ,  &  con- 
ferver  la  vie  de  fon  corps,  quecelle  de  fon  amc.  Il  aimoit  Jefus- 
Chrift,  mais  il  s'aimoit  encore  plus  foi-mênie.  Cet  amour  dd 
préférence  fut  entièrement  libre  en  lui,  comme  il  préicra  libre.- 

Hhh  ny 


43dfr-  ./      S  A  I  NT    BERNARD, 

.i .",  "  ment  la  vie  de  fon  corps  à  la  vie  de  foname.  Il  ne  renonça  Jeftis- 
Ghrift,que  parce  qu'il  le  voulut.  Or  ce  qui  eft  volontaire  eft 
libre  ;  fila  volonté  peut  être  contrainte,  ce  n'efl  que  par  elle- 
Gç.  13.  même.  Il  fuit  de-là  quWrcxception  du  péché  originel  ,  tous  les 
autres  péchés  font  l'effet  de  la  volonté  qui  s'y  porte  fa:i3  con- 
trainte de  la  part  des  objets  extérieurs.  Mais  le  libre  arbitre  qui  a 
dans  lui-même  le  principe  de,  ù  damnation  ,  n'a  pas  celui  de  fon 
falut.  Ses  efforts  (  a)  pour  le  bien  font  vains  ,  fi  la  grâce  ne  les 
aide  ;  ôc  il  n'en  fait  aucun  ,  Ci  la  grâce  ne  lexcite.  Les  mérites  du 
falut  font  donc  l'effet  de  la  miféricordede  Dieu  ,  qui  a  divifé  les 
dons  qu'il  nous  faits  en  mérites,  ôc  en  récompenfes.  lia  voulu 
q:ue  les  dons  qu'il  nou&  faits  en  cette  vie  devinffent  nos  propres 
mérites,  par  une  poffeffion  libre  ;  quant  aux  dons  futurs,  il  a 
voulu  &  que  nous  les  attendiffions  ,  fondés  fur  fes  promeffes 
toutes  gratuites ,  ôc  que  nous  fuffions  en  droit  de  les  demander , 
comme  nous  étant  dus.  D'où  faint  Bernard  conclut  que  tout  eft 
.Cl  ,      un  don  de  Dieu,  nos  mérites  ,  &  les  récompenfes  que  Dieu  nous 

accorde. 
Cup,  i/.       X.  Il  enfeigne  que  nos  bonnes  œuvres  font  en  même-tem» 
nos  mérites  ,  ôc  des  dons  de  Dieu  ;  nos  mérites ,  parce  que  c'eft 
l'ouvrage  de  notre  libre  arbitre;  dons  de  Dieu,  parce  que  le 
confentement  libre  de  notre  propre  volonté ,  en  quoi  confiftc 
notre  mérite  ,  eft  l'effet  de  la  grâce  de  Dieu.  Ce  ne  font  pas  mes 
paroles ,  dit  faint  Bernard  ,  ce  font  celles  de  l'Apotre ,  qui  attri- 
bue à  Dieu  ,  ôc  non  au  libre  arbitre ,  tout  le  bien  qui  peut  être 
dans  l'homme  ,  c'eft-à-dire ,  le  penfer,  le  vouloir  ôcl'adion.  Dieu 
fait  le  premier  (  b  )  fans  nous  ;  le  fécond  avec  nous  ;  le  troifiéme 
par  nous.  Comme  nous  ne  pouvons  pas  nous  prévenir  nous- 
mêmes  i  il  eft  hors  de  doute  que  le  commencement  de  notre 
falut  vient  de  Dieu  ,  ôc  non  de  nous  ,  ôc  qu'il  ne  fe  fait  pas  même 
avec  nous  ;  mais  le  confentement  ôc  i'adion ,  quoiqu'ils  nefoient 
pas  de  nous  ,  ne  fe  font  pas  néanmoins  fans  nous.  Saint  Bernard 
s'explique  plus  clairement  en  difant  :  Dieu  en  nous  infpirant  une 
bonne  volonté  nous  prévient  ;    en  changeant  notre  hiauvaife 


(  a  )  Cuius  libcri  arbitrii  ail  bonum  co- 

natus  ,  &  cafll  funt  fi  à  s:ratia  non  a^ljuven- 

tur.  Si.  niilli  <i  non  excitemur.  Ibid.  cap. 

t. 

(  fc  )  Si  ereo  Dcus  tria  hse  ,  hoc  eft 


fecunilum  nobiftiim  ,  tertium  per  noi  {«cit. 
Si  quidem  iniinittenvlo  honam  co-Hrntio- 
nem  nos  pri'venit  ;  )inm\itan,lo  Et;am  m'- 
lam  Toliint;item  ,  (îbi  pi  r  co.'ilenlUr.i  jun- 
f  it  ,  n)iniftranilo&  con.'cnûii  facultitf  m  , 


bonum  coo-itoresvellc,  pcrficfooperatur  I  fons  pcr  apertum   opus   noitrum  internu* 
w  nobit  r  primum  perfeixi    fine  nobit  ;  j  opifexiBnotefut.  Ikd.aj!.  14. 


PREMIER  ABBÉ  DE.CLÂIRVAUX,&c.  4î» 

volontéjil  nous  unit  à  lui  par  le  confentement  ;  &  en  nous  donnant 
le  pouvoir  d'accomplir  le  bien  que'nous  voulons  ,  ce  qu'il  opère 
au-dedans  fe  manifeile  au-dehors  par  l'ouvrage  extérieur. 

XL  On  doit  donc  attribuer  à  la  grâce  toutes  les  oeuvres  du  /^''• 
fàlut. C'ell  elle  qui  (a)  exCite le  libre  arbitre  ,  lorfqu'clle  feme  eu 
nous  de  bonnes  penfces;qui  le  guérit,  lorfqu'elle  change  fon 
affection  ,  fa  volonté  ;  qui  le  fortifie ,  pour  le  conduire  à  l'accom- 
plilTcment  de  la  bonne  adion  ;  qui  le  conferve  de  peur  qu'il  ne 
fente  quelqu'affoibliffement  dans  le  bien.Ailais  ce  que  la  grâce  a 
commencé  feule,  s'accomplit  par  elle,  ôc  par  le  libre  arbitre. 
Leur  opcmtion  eft  commune,  &  non  particulière;  ils  agiflent 
conjointement ,  &  non  féparémcnt.  La  grâce  ne  fait  pas  une 
partie  de  l'œuvre ,  &  le  libre  arbitre  l'autre  ;  ils  opèrent  enfenible 
par  une  opération  indivifible.  Le  libre  arbitre  fait  tout ,  ôc  la 
grâce  fait  tout  ;  mais ,  comme  la  grâce  fait  tout  dans  le  libre 
arbitre ,  de  même  le  libre  arbitre  fait  tout  par  la  grâce.  Saint 
Bernard  ,  après  avoir  donné  cette  explication  de  la  manière  d'agir 
de  la  grâce  ôc  du  libre  arbitre  ,  dit ,  qu'il  croit  qu'elle  ne  déplaira 
pas  à  fes  Lecteurs^  parce  qu'il  n'a  fait  que  fuivtc  la  dodrine  de 
iaint  Paul. 

XI  L  Le  dernier  Editeur  de  ce  Traité,  dit,  que  dans  fa    J'i?*'"^"''** 

cc  1  r^itCa 

brièveté  il  renferme  plus  de  fubllancc  ôc  de  dodrine  (olide,  que    j^Wi/Z  Prè- 
les plus  grands  volumes  fur  la  même  matière;  que  leftyle  en  eft  f.n.lnopufcd, 
'vif  ôc  lumineux,  les  termes  propres  ôc  convenables  au  fujet  ,  le  '• 
difcours  aifé  ,  naturel,  fans  art ,    ni  foible  ,  ni  languiffant,  mais 
nerveux  ôc  bien  nourri ,  élégant ,  net  ôc  agréable ,  débarralfé  des 
expredions  triviales  de  l'Ecole.  L'Auteur,  ajoute-t-il ,  n'efl:  ni 
trop  précis  dans  fes  raifonnemens ,  ni  trop  diffus.  C'efl  comme 
un  deuve  dont  les  eaux  ont  un  cours  égal  ,  tranquille  ôc  majef- 
tueux  ,  qui  annonce  l'abondance  de  la  fource  d'où  elles  partent  ; 
&  on  voit  bien  qu'il  n'a  pas  puifé  ce  qu'il  dit,  ailleurs  que  dans 
lui-même,  ou  plutôt,  qu'il  l'a  reçu  de  Dieu  ,  ôc  que  c'eft  le  fruit 
d'une  méditation  continuelle  des  divines  Ecritures  ,  particulière- 
ment des  Epîtres  de  faint  Paul.  ■  ' 


(  a  "1  Ipf"^  liberum  excitât  arbitrlum  , 
cnm  feminat  coçitaium  ,  (anat  cum  immu- 
tatatïedum,  roborit  ut  perJucai  a.l  aiSum, 
fervat  ne  fen:  at  defedum.  I  a  timen  quoi 
.à  fola  gratia  coeptum  eft  ,  parité-  ab  utro- 
'■^ue  perficitur  ,  ut  mixùai  non  û^lauai , 


(îmvil ,  non  vicifl'iix!  cer  fin^^ulos  profe.'nis 
operentur.  Non  parum  erati,!  ,  partira  li- 
berum arbitrium.  Sed  toturn  finj^iila  opero 
indivjduopeiaçunt.  Totum  quidem  hoc  & 
totum  ifh  ;  fed  ur  totum  in  jllo  ,  (îc  totuiB 
cxilla.  ibid.  cap^  i;i. 


iij2  SAINT    BERNARD, 

-    .  §.    XI. 

Traités  du  Baptême  3  ^  contre  les  erreurs  d'Abaillard. 

Baptême'^  '"  ^'  ^^'Etoit  dans   Ics  anciennes  éditions  la  foixante-dix- 

\^  feptiéme  des  Lettres  de  faint  Bernard.  H orftius  la  mife 

Mahll.Fra;-  j,^,  nombre  des  opufcules  ,  en  quoi  il  a  été  fuivi   par   Doni 

Jdt.inopujcu  .    -.Ti-il  Ti       n         irr/vTT  /^^  ■  t         i-i       ■>•■ 

19.  Mabillon.  11  eft  adrelle  a  Hugues,  Chanoine  régulier  de  1  Ab- 

baye defaint  Vitlor  à  Paris  ,  connu  par  un  grand  nombre  d'ou- 
vrages ,  &  mort  en  1 1 5^2  ;  ce  qu'il  eft  bon  de  remarquer  ,  pour 
le  diftingue-r  d'un  Chanoine  régulier  de  même  nom  ,  ôc  de  la 
même  Abbaye,  qui  vivoir  queique  tems  après,  &;  dont  il  eft  fait 
mention  dans  une  Lettre  d'Eugène  III.  à  l'Abbé  Suger.  Nous 
n'avons  plus  pelle  qui  donna  occafion  à  ce  Traité  defaint  Ber- 
nard ;  niais  on  voit  par  la  réponfe  de  ce  Perc,  que  Hugues  de 
faint  Vifîor  lui  avoit  fait  part  de  plu  (leurs  propoGtions  peu 
exacles  qu'un  Anonyme  venoit  de  publier.  0\-\  ne  fçait  qui  étoic 
cet  Anonyme.  Il  y  a  là-deilusdiverfesconjeiflures,  aucune  affez 
forte  pour  nous  déterminer  que  ce  (oit  Jean  ,  Archevêque  de 
Seville  \  Hugues  Ferfuc  ,  ou  queiqu  autre  ,  cela  eft  égal.  Voici 
CCS  propofitioiTS  : 
Analyfede      jr    La  première  portoit  que  depuis  le  moment  que  Jefus- 

^, ,.  Chrift  eut  dit  a  JNicodeme  :  ot  /  nomme  ns  renaît  ne  l  eau  O  de 

Gv).  I.  fefprit ,  il  ne  peut  entrer  dans  le  Royaume  de  Dieu ,  tout  homme 
jocn. 3,-5.  ^  e'jj  jans  l'obligation  de  recevoir  réellement  &  vifiblement  le 
Baptême  ,  fous  peine  de  damnation,  s  il  n'y  fuppléoit  par  le 
martyre.  Cet  Anonyme  n'exceptoitni  l'impoillbilité  de  recevoir 
ce  Sacrement ,  ni  le  délir  fmcere  accompagné  d  une  vraie  foi  ÔC 
d'unefprit  de  pénitence.  Saint  Bernard  répond  ,  qu'il  y  avoit  de 
la  dureté  à  foutcnir  qu'une  inftruâion  faite  en  fecret  à  Nico- 
.  deme  j  eût  force  de  Loi  dans  tout  l'Univers  ;  qu'une  Loi  qui  n'eft 
point  publiée  ,  ne  peut  faire  de  prévaricateurs  ;  qu'il  n'en  eft  pas 
d'une  Loi  pofitive  ,  telle  qu'eft  celle  qui  prefcrit  l'obligation  du 
Baptême ,  comme  de  la  Loi  naturelle.  Celle-ci  n'a  pas  befoin 
d'ctre  publiée  i  elle  eft  gravée  dans  le  canir  de  tous  les  hommes  ; 
mais  la  Nature  ni  la  raifon  n'enfeignent  pas  que  nul  ne  peut  être 
fauve  ,  fans  être  extérieurement  lavé  des  eaux  du  Baptême.  C'eft 
iinçLoipofifive;,  une  inftitution  de  Jcfus-Chrift.  Les  Apôtres 
ont  été  charges  de  l'annoncer  ;   ôc  maintenant  qu'elle  a  étç 

publiée 


PREMIER  ABBÉ  DE  CL  AIRVAUX,  ^c.  4|y 

Îubliée  jufqu'aux  extrômirés  de  la  terre  ,  le  mépris  de  cette 
.01  fcroit  inexcufable  ,  parce  qu  on  ne  fçauroit  excufcr  Tigno- 
rance. 

1 1  ï.  Saint  Bernard  enfeigne  qu'avant  Jefus-Chrifl:  il  y  avoit  ^^-  *• 
d'autres  remèdes  que  le  Baptême  pour  la  rémiffion  du  péché 
originel  ;  la  foi  &  les  facrifices  pour  les  Adultes  fidèles  qui  fe 
trouvoient  parmi  les  Idolâtres,  ôc  la  foi  des  parens  pour  les 
cnfans  ;  chez  les  Juifs  ,  la  Circoncilion.  Il  renvoyé  l'Anonyme  à 
faint  Ambroifc  &:  à  faint  Auguftin,  qui  ont  cru  l'un  6c  l'autre      Amhmf.  ie 
que  celui  qui  dc'lire  fincerement  le  Baptême,  en  reçoit  le  fruit  f-„-"„;. 
iorfqu'il  fe  trouve  dans  l'impuiffance  de  fe  faire  baptifer  réelle-        Augujlin, 
ment  -  &  penfent  que  fi  le  martyre  fupplée  au  Baptême  ,  c'efl:  l'*'  '^  ',,  ""'• 
moms  a  caule  du  lupphce ,  qu  a  caule  de  la  toi  qui  1  accom-  cap.n. 
pagne  ;  que  fans  cette  foi  le  martyre  ne  feroit  qu'un  vain  tour- 
ment. Si  la  foi ,  ajoute-t-il ,  donne  au  martyre  le  privilège  du 
Baptême  ,   pourquoi  n'aura-t-elle  pas  la  même  cificacité  aux 
yeux  de  celui  qui  connoit  tout  fans  preuves  ?  Nous  croyons  donc 
que  la  foi  feule ,  fans  le  fecours  du  martyre  &  du  Baptême , 
quand  elle  eft  accompagnée  d'une  fincereconvcrfion  de  coeur, 
(àuve  un  mourant  qui  veut  ,  mais  qui  ne  peut  être  baptifé.  Pour 
ce  qui  efl  des  enfans  ,  comme  leur  âge  les  met  hors  d'écat  d'avoir 
la  foi,  ôc  de  fe  convertir  à  Dieuj  il  n'eft  point  de  falut  pour  eux, 
s'ils  meurent  fans  Baptême.  Ce  Sacrement  leur  donne  en  quelque 
façon  ceite  foi  ,  fans  laquelle   il    eft   impofTible  de    plaire  à 
Dieu  ;   &  la  foi  d'autrui  fupplée  à  celle  dont  ils  ne  font  pas 
capables. 

1  V.  L'Anonyme  foutenoit  en  fécond  lieu,  que  les  Juf^es  de  ^"''"  ^' 
l'ancienne  Loi  qui  ont  précédé  Tavenement  de  Jefus-Chrift  , 
ConnoiiToient  l'avenir  auifi  clairement  que  nous  qui  fommes  nés 
depuis  rincarnation  du  Verbe,  l'enfantement  d'une  'Vierge, 
la  dodrine  du  Sauveur,  fes  miracles  ,  fa  croix,  fa  mort ,  fa  fépul- 
ture ,  fa  defcente  aux  enfers  ,  fa  réfurredion  ,  fon  afcenlion. 
Hugues  de  faint  Vittor  ,  en  rendant  compte  de  cette  féconde 
propofition  de  l'Anonyme  ,  l'avoit  réfutée  folidement.  Saint 
Bernard  n'entreprend  donc  pas  de  la  réfuter  de  nouveau  ;  feule- 
ment il  ajoute ,  qu'en  la  fuppofant  vraie ,  il  faut  fuppofer  dans  les 
anciens  Jufles  autant  de  lumières  que  dans  les  enfans  de  l'Evan- 
gile ,  &  plus  de  grâce  ;  puifque  ce  n'étoit  ni  à  la  ledure,  ni  à  la 
prédication  qu'ils  fe  trouvoient  redevables  de  leurs  connoif- 
îances,  mais  à  la  feule  ondion  du  Saint-Efprit ,  qui  leur  enfei- 
enoit  toutes  chofes.  Il  fait  voir  que  faint  Jean-Baptifte,  le  plus 
Tome  XX IL  lii 


^4  SA  I  N  T    B  E  R  N  A  R  D, 

grand  d'entre  les  eiifans  nés  des  hommes,  ayant  de  fon  propre* 
aveu  ,  ignoré  quelque  chofe  :  F.Jt-ce  vous  ,  dit-il  à  Jefus-Ciirift  ^ 
qui  devci  venir  ?  En  attendons-nous  un  autre  ?  On  ne  pouvoit  dire  y 
fans  lui  faire  injure  ^  que  les  Julles  qui  l'ont  précédé  ,  ayent  tout 

Jean,  r  y,  T  y.  cQ^-m^  Jefus-Chrift  ne  dit-il  pas  ;  Plufieurs  Rois  &-  plufieurs^ 
uf,io,i4.  pj-Q-p]iQiQ^  ont  fouhaité  vainement  de  voir  ce  que  vous  voye^,  Csf 
d'entendre  ce  que  vous  entendei-  Pourquoi  ?  Parce  qu'ils  fouhai- 
toient  de  voir  pleinement  les  chofes  dont  ils  n'avoient  que  des 
lueurs  ôc  des  ombres.  Saint  Bernard  dit,  d'après  le  vénérable: 
Bede  ,  que  les  anciens  Juftes  n'ont  connu  ni  le  tems ,  ni  l'ordre  y 
ni  l'économie  de  la  Rédemption,  q^uoiqu'ils  efpcralTcnt  en  urv 
Rédempteur. 
Cap.  4-  "V.  Il  vient  à  la  troifiéme  propofition  de  l'Anonyme  ,  qui 
n'admettoit  aucun  péché  d'ignorance.  £n  cela ,  dit-il ,  il  fe  con- 
tredit lui-même  ,  puifqu'ayant  avancé  dans  fa  première  propor- 
tion ,  que  le  précepte  du  Baptême  donné  en  fecret  à  Nicodeme,; 
obligeoit  même  ceux  qui  ne  pouvoient  en  avoir  connoiflance, 
il  fuit  de-là  néceflairement  qu'il  y  a  des  péchés   d'ignorance. 

Pfalm.  1^,7-  David  ne  demande-t-il    pas    pardon  des  péchés  commis  par 

Lei'it.  s  ,  17-  ignorance  ?  La  Loi  de  Moyfe  n'ordonne-t-elle  pas  des  fatis- 
factions  pour  les  péchés  d'ignorance  ? 
Cap.  j.       Y  j^  Lg^  dernière  propoiition  de  l'Anonyme  regardoit  fainC' 
Bernard,  qu'il  accufoit  de  s'être  trompé  en  difant  dans  fes  Ho- 
mélies ,  que  le  myftcre  de  l'Incarnation  n'avoit  été  révélé  à 
aucun  Ange  ,  avant  de  l'avoir  été  à  la  fainte  'Vierge.  Ce  Perc 
répond  qu'il  ne  s'étoit  pas  expliqué  affirmativement  fur  ce  point  ,. 
&  qu'il  avoir  laiilé  au  LeiSleur  le  choix  des  deux  fcntimcns  ,  dont 
l'un  efl  que  les  Anges  ont  connu  ce  Myftere  avant  fon  acconi- 
plilTement;  l'autre,  qu'ils  ne  l'ont  pas  connu.  11  en  prend  un 
troifiéme  qui  tient  le  milieu,  fçavoir,  qu'il  a  été  révélé  aux 
Anges;  mais  que  les  circonftances  de  ce  Alydere,  le  tems  ,  le 
lieu ,  la  manière ,  la  perfonne  de  qui  devoir  naître  le  Aleflle ,  leur 
ont  été  inconnus. 
Tiaitécon-       VIL  Lc  onzième  opufcule  par  lequel  faint  Bernard  réfute 

i'AbaJlUrdr'  I^s  erreurs  condamnées  dans  Abaillard  au  Concile  que  les  Evê- 
ques  de  P'rance  tinrent  à  Sens  en  i  140  en  préfence  de  Louis  le 
Jeune,  Roi  de  France,  a  été  mis  au  nombre  des  Lettres  dans  les 
éditions  antérieures  à  celles  de  Horftius  ôc  de  Dom  Mabillon, 
Ce  qui  nous  a  engagé  à  fuivre  ces  anciennes  éditions,  c'cft  le 
grand  nombre  de  Lettres  que  faint  Bernard  fut  obligé  d'écrire  au 
lujet  des  nouveautés^  q^ue  ce  Théologien  continuoit  de  rcpandcew 


Î>REMTER  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX,6cc.    45? 

î^ous  avons  rapproché  ces  Lettres  du  Traité  contre  les  erreurs  Voycr  1« 
d'Abaillard,  &  donné  de  fuite  dans  l'analyfe  générale  des  Let-  ^c^t-e  .so^au 
très,  ce  qu'il  contcnoit  de  remarquable.  cent  II. 

$.  X  1 1. 

Vie  de  faim  Alalachie ,  Archevêque  d'Irlande, 
X  /^  E  faint  Prélat  défirant  depuis  plufieurs années  le  Pallïumj     Vie  de  faint 

-      ■  .  r.       r  ,.  Malachic,Ar-. 


c 


autant  pour  honorer  fon  i>iége,  que  pour  remplir  toutes  jj^pv^ilaued'lr^ 

les  cérémonies  aufquelles  ,  fuivant  l'ufage  de  l'Eglife  ,  fa  lanJc. 
•qualité  d'Archevêque  l'obligeoit  ,  prit  le  tems  que  le  Pape 
Eugène  III.  étoiten  France.  Mais  ayant  été  arrêté  quelque  tems 
«n  Angleterre  par  les  ordres  de  la  Cour ,  il  n'arriva  à  Clairvaux 
.que  plufieuis  jours  après  le  départ  du  Pape  pour  Rome.  Il  ne 
laifla  pas  de  fe  difpofer  à  le  fuivre  ;  mais  furpris  de  la  tiévre  dans 
cette  Abbaye  même  ,  il  y  mourut  la  nuit  du  fécond  jour  de 
Novembre  1148.  Samt  Bernard  écrivit  auffitôt  aux  Commu-  Enfl.  174. 
nautés  d'Irlande  pour  les  confoler  de  la  mort  de  leur  Arche- 
vêque, Ht  fon  craifon  funèbre  le  jour  xnême  de  fon  décès ,  &C 
écrivit  fa  vie ,  à  la  prière  de  l'Abbé  Congan  &  de  fes  Religieux , 
quiétoient  de  l'Ordre  de  Cîteaux.  Elle  fait  le  douzième  desopuf- 
cules  de  faint  Bernard. 

I I.  Saint  Malachie  né  en  Irlande  l'an  ;o^  j  de  parens  nobles      ^e  qu'elle 
&  riches,  fut  élevé  à  Arinac ,  où  il  fit  aulïi  fes  études.  Sa  mère  remarquable, 
qui  avoit  beaucoup  de  piété,  s'appliqua  à  lui  faire  connoître  le  ^j^  j. 
vrai  chemin  qui  conduit  à  la  vie ,  perfuadée  que  la  vertu  ferait 

plus  utile  à  fon  lils  ,  que  la  connoiflance  des  Belles-Lettres. 
Malachie  fit  des  progrès  dans  l'une  &  dans  l'autre.  S'étant  mis 
fous  la  conduite  d'un  faint  homme  nommé  Imarius  ,  il  mena 
avec  lui  une  vie  très-auilere  ,  jeûnant  fouvent ,  palTantles  jours 
<&cles  nuits  en  prières.  Celfe ,  Archevêque  d'Armac,  l'ordonna  Csp.  u 
Diacre  ,  &  enfuite  Prêtre  ;  mais  il  fallut  ufer  de  contrainte  pour 
l'engager  dans  les  Ordres.  Il  reçut  le  Diaconat  avant  la  vingt- 
cinquième  année  de  fon  âge  ,  ôcla  Prétrife  avant  la  trentième. 
C  etoit  contre  les  Canons.  Son  mérite  l'en  fit  difpenfer. 

III.  L'Archevêque  le  fit  fon  Vicaire  ,  ôc  le  chargea  de  C;^.  j. 
l'inflrudion  d'un  Peuple  aulfi  barbare   qu'ignorant.   Malachie 
i'inftruifit ,  le  polifla  ;  6c  comme  il  avoit  appris  'e  chant  dans  fa 
jeunelTe ,  il  l'cnfeigna  aux  Clercs  &:  aux  fimples  Fidèles, l'établit 

I  ii  i) 


4^5  SAINT    BERNARD, 

pour  les  Heures  Canoniales ,  introduifit  les  coutumes  de  rEglIfe' 
Romaine,  mit  en  vigueur  les  Décrets  des  faints  Pères  ,  ôc  les- 
Conflitutions  Apolloliques ,  l'ufage  de  la  {a)  Confeirion  ,  le' 
Sacrement  de  Confirmation ,  &  la  règle  dans  les  Mariages.  Pouc 

€np.  4.  fe perfectionner  dans  la  difcipline  de  l'Eglifc  en  l'adminiflratiori 
des  Sacremens,  il  allaconfulter  M::lc  ,  Evêquc  de  Lefmor  en 
Moumonie,  &  demeura  quelques  années  avec  lui. 

Cap.  y.  I  Y,  Cependant  ayant  eu  avis  de  la  mort  de  fa  fœur  ,  il  offrit 
pour  elle  le  Sacrifice  de  l'Autel ,  Ôc  Dieu  lui  fit  connoître  que' 
fes  prières  avoient  eu  leur  effet.  Depuis  fon  retour  de  Lefmor,  if 
rétablit  le  Monaftere  de  Bencor  ruiné  par  les  Pirates ,  qui  y 
avoient  maffacré  en  un  feul  jour  jufqu'à  neuf  cens  Moines.  Saint 

Cap.  (.  Malachie  content  de  rétablir  le  Monallere  ,  en  abandonna  a 
d'autres  les  polTeiFions  &  les  biens ,  par  zèle  pour  la  pauvreté. 
Saint  Bemard  ne  l'approuva  pas  en  ceia  ,  ôc  l'événement  fit  voie 
qu'il  auroit  mieux  fait  de  retenir  le  tout. 

Cap.  S.  V.  Vers  Tan  1 1  2  y  le  Siège  Epifcopal  de  Conneret  en  Ultonie 
étant  venu  à  vaquer,  Malachie  fat  choifi  pour  le  remplir.  Il 
étoit  alors  âgé  d'environ  trente  ans.  Ce  Diocèfe  étoit  rempli  de 
Chrétiens,  qui  ne  l'étoient  que  de  nom.  A.  force  de  patience  ÔC 
de  travaux ,  il  y  établit  la  même  difcipline  que  dans  celui  d'Ar- 
mac.  Celfe  qui  en  étoit  Archevêque  fe  voyant  prêt  de  mourir, 
déclara  qu'il  ne  cormoiffoit  perfonne  plus  digne  de  lui  fucceder 
Cnp.  10.  que  Malachie.  Il  commanda  même  au  Roi  ôc  aux  Grands  du 
Royaume,  par  l'autorité  de  faint  Patrice  à  laquelle  on  nefçavoit 
pas  réfifler,  comme  ayant  été  l'Apôtre  de  la  Nation,  de  ne  point 
en  élire  d'autre.  Il  fut  en  effet  choifi ,  mais  fon  Siège  fut  ufurpé 
par  un  nommé  Maurice  ,  qui  &'y  maintint  par  force  pendant  cinq 
ans.  Il  étoit  d'une  certaine  famille  qui  avoit  poffedé  cet  Arche- 
vêché près  de  deux  cens  ans  ,  par  droit  d'hérédité. 
Cap.  Il,  ^^  i  Saint  Malachie  ne  prit  poffellion  d'Armac  qu'en  irjj. 
Il  y  rétabli  la  paix  ôc  les  mœurs  ;  puis  ayant  remis  cette  Eglife 
à  Gelafc ,  homme  digne  de  la  gouverner ,  il  alla  prendre  foin  de 
celle  de  Dounc,  qui  faifoit  auparavant  partie  de  fon  ancien 

"^'  '"*■  Evêché ,  c'efl-à-dire ,  de  Conneret ,  qu'il  avoit  depuis  partagé  en 
deux  ,  ainfi  qu'il  l'étoit  autrefois.  Voulant  confirmer  ce  démem- 
brement ,  ôc  obtenir  le  Pallïum  pour  le  Siège  Archiépifcopal 


(a)  Ufum  fuluberrimumConfefllonis,  1  aut  nc<;lii;ebam ,  de  novo  iaflituit  Mala* 
Sacmmentinn  Contirmationis.contradum  I  (i\\i?iS.VUa ,  cap.  y, 
Con jugionurn ,  quae  omiiia  aui  ignorabant,  J 


PREMIER  ABBÉ  DE  CL  AIRVA  UX  ,  &c.  437 

d'Armac ,  à  qui  on  ne  l'avoit  jamais  accordé  ,  il  fit  le  voyage  de  Cap.  15. 
Rome  vers  l'an  n  3^.  Le  Pape  le  recçut  avec  honneur,  lui  accorda 
une  partie  des  grâces  qu'il  demandoit^ôc  le  fit  fon  Légat  dans  toute 
l'Irlande. 

VIL  Ce  voyage  lui  procura  de  voir  deux  foisClairvaux,  où  Cip.  16. 
il  laifia  quatre  de  Tes  Difciples  pour  en  apprendre  l'inflifut.  De 
retour  en  Irlande  il  y  tint  plufieurs  Conciles  en  qualité  de  Légat,  Cap.  18, 
ôc  fit  divers  Reglemcns  pour  le  rétablifiement  de  la  difcipline.  Il 
en  fera  parlé  dans  la  fuite.  Son  exemple  &  fes  miracles  donnoient  Cap.  i?, 
beaucoup  d'autorité  à  tout  ce  qu'il  ordonnoit  pourlaréfbrmation 
des  mœurs. 

VIII.  S'étant  mis  en  chemin  une  féconde  fois  pour  Rome'  ^'^"  5'' 
en  1 14.8,11  tomba  malade  à  Clairvaux.  Les  Frères  s'emprefferent 

à  l'envie  pour  le  foulager.  iMais  fçachant  que  fon  heure  étoit 
proche  ,  il  leur  dit  :  C'eft  ici  le  lieu  oi^i  doit  repofer  mon  corps. 
Pour  ce  qui  eft  de  mon  amc.  Dieu  qui  (îuive  ceux  qui  efperent 
en  lui ,  en  prendra  foin ,  s'il  lui  plaît.  Il  ajouta  ,  qu'il  n'avoir  pas 
peu  (a)  de  confiance  au  jour  que  les  vivans  rendent  tant  de  bons 
offices  aux  morts  ,  voulant  parler  du  jour  auquel  l'Eglife  fait  la 
Commémoration  de  tous  les  Fidèles  défunts,  &  qui  fut  en  effet 
celui  de  fa  mort.  Mais  avant  quelle  arrivât  il  fe  fit  adminiftrec 
l'Extrême-Ontlion ,  enfuite  le  Viatique  ,  fe  recommanda  aux 
prières  delà  Communauté,  pria  pour  elle,  impofa  les  mains  à 
tous  les  Frères  préfens  ,  &  leur  donna  fa  bénéditiion.  Saint  Ber- 
nard 6c  plufieurs  Abbés  l'adifterent  à  la  mort,  qui  arriva,  comme" 
on  l'a  déjà  dit,  le  2  de  Novembre  1 14.8  ,  dans  la  cinquante- 
quatrième  année  de  fon  âge. 

IX.  Il  efl  parlé  de  la  vie  de  faint  Malachie  faite  par  fainr 
Bernard ,  dans  la  Bulle  de  canonifation  de  cet  Archevêque  ^f 
datée  de  la  troifiéme  année  du  Pontificat  de  Clément  III.  c'eft-^- 
dire,cn  115)0. 


(a)  Nec  parum  fpei  repo/îtum mihi  in  [  oleo  uns;! un^iutr  &  fânôo  Via- 

dlc  illa  qiiâ  mortuis  tanta  à  vivis  bénéficia  tico  ,  Frntrum  le  oratio'iibus ,  &   Fratres- 

imperniumur.  Nec  lont;c  aberat  dies  ipfa  i  commendans  Deo ,   ad  lodiim  revertitur»- 

cuju  talialoinieretur.  Interea  jubet  fe  l'acro  j,  Vita.  Alalackioe  ,  cap.  3  j  ,  num,  7 1 . 


lii  iij 


438  SAINT     BERNARD, 

§.   XIII. 

Traité  du  Chant ,  ou  de  la  correÛion.  de  t'Amiphonier. 

Tnité  i^u  I-  T     E  treizième  &  dernier  des  opufculcs  de  faint  Bernard 

Chant.  J ^  dans  le  fécond  tome  de  fes  <Êuvrcs  ,  eft  intitulé  :  du 

Malill.Prx-  Chant,  ou  de  la  Correction  de  TAntiphonier.  Il  eft  précédé 
fat.inopufcul.  d'une  Lettre  que  les  Manufcrits  attribuent  à  ce  faint  Abbé  ,  & 
*^*  -qui  eft  en  effet  de  fon  ftyle.  Mais  en  d'autres  manufcrits  ,  la  pré- 

face de  ce  Traité  porte  le  nom  de  Gui  ,  Abbé  de  Charlieu  dans 
le  Dioccfe  de  Befançon  ,  le  même  que  faint  Bernard  recom- 
Epijl.  i>7-  manda  à  Pierre ,  Doyen  de  cette  Eglife,  dans  une  de  fes  Lettres. 
Il  paroît  néanmoins  que  l'Auteur  de  cette  Préface ,  ou  du  Traité 
du  Chant,  car  c'eft  la  même  chofe  ,  ne  demeuroit  pas  dans  le 
Diocèfe  de  Befançon  ,  puifque  fur  la  (in  il  appelle  fes  Com  Pro- 
vinciales, les  Eglifes  de  Reims,  de  Bcauvais,  d'Amiens  ôc  de 
Soiffons  ;  &  qu'en  parlant  de  l'Antiphonier  de  Soiffons,  il  dit: 
Nous  l'avons  ,  pour  ainfi  dire ,  à  notre  porte.  Cela  fait  conjeiflurer 
à  Dom  Mabillon  ,  ou  que  l'Auteur  du  Traité  étoit  de  l'Abbaye 
de  Longpont ,  qui  n'eft  pas  éloignée  de  Soiffons;  ou  que  par 
Gui ,  Abbé  de  Charlieu  ,  il  faut  entendre  un  autre  Gui ,  Abbé 
d'une  Abbaye  de  même  nom  dans  le  Diocèfe  de  Scnlis;  ou  enfin 
cjuc  Gui  de  Charlieu  dans  le  Dioccfe  de  Befançon ,  eft  appelle 
Auteur  de  cet  écrit ,  parce  qu'il  avoit  eu  part  à  la  correction  du 
Chant ,  &  de  l'Antiphonier. 
LettredeS.  1 1.  Saint  Bernard  dit  en  effet  dans  fa  Lettre,  que  l'Antipho- 
Bernard.  y,jgf  j^Qpie'  p^r  Jes  premiers  Pères  de  Citeaux ,  fur  celui  de  l'Eglifc 
de  Metz ,  qu'on  difoit  être  le  même  que  le  Grégorien  ,  fe  trouva 
il  défedueux,  que  le  Chant  en  étant  infupportablc ,  les  Abbés 
de  l'Ordre  lui  donnèrent  commifhon  de  le  corriger  ;  qu'il  afTem- 
bla,pour  cet  effet,  ceux  de  fes  Confrères  qui  paffoient  pour 
habiles  dans  le  Chant  ;  6c  que  leur  nouvel  Antiphonier  ayant  été 
approuvé  dans  le  Chapitre  général ,  il  fut  ordonné  à  tous  les 
Monaflercs  de  s'en  fervir.  Il  déclare  dans  la  même  Lettre  ,  que 
ceux  qui  avoicnt  corrigé  l'ancien  Antiphonier,  avoicnt  aufîi 
rendu  compte  dans  une  Préface,  ou  Traité,, des  changemens 
faits  par  eux.  Et  c'cft  ce  qui  prouve  encore  que  ce  Traité  appar- 
tient à  plufieurs  perfonnes,ôc  qu'on  a  pu  l'attribuer,  tantôt  à 
Gui  de  Charlieu,  tantôt  à  un  Abbé, ou  Religieux  de  Long- 

JTkOUt. 


PREMIER  ABBÉ  DE  CLAIRV  AUX,  &c.  439 
III.  Par  ce  qu'on  vient  de  dire,  il  paroît  hors  de  doute  que  s.  Bernard 
ÏAntiphonier  de  Cîteaux  fut  corrigé  par  faint  Bernard  ,  avec  f o">.ef  ^'An- 
l'aide  de  fes  Confrères.  Cependant  il  y  en  a  qui  prétendent  que  Citeaux? 
cette  correction  ne  fe  fit  pas  de  fon  vivant.  La  raifon  qu'ils  en 
donnent ,  c'eft  qu'il  femble  par  les  premiers  mots  de  la  Lettre 
qu'on  lit  à  la  tôtc  de  ce  Traité,  &  qui  porte  le  nom  de  faint 
Bernard  ,  que  l'on  ne  travailla  à  la  correction  deTAntiphonier , 
que  longtems  après  l'établiOement  de  l'Ordre  de  Cîteaux.  Mais 
outre  que  ces  mots  font  fufceptibîes  d'un  fens  contraire  ,  lAu- 
teur  de.  la  vie  d'Ellienne  ,  Abbé  d'Obazin  ,  qui  écrivoit  fur  la  fia 
du  douzième  fiéclcjleve  toute  diriiculté,en  difant  (a  ) ,  que  faine 
Bernard  fut  chargé  par  un  Décret  commun  des  Abbés  de 
Cîteaux,  de  corriger  les  Livres  en  ufage  dans  l'Ordre  pour  les 
Offices  divins  ;  &  qu'il  les  corrigea ,  en  effet  ,  féconde  de  coux 
qui  pofiedoient  le  Chant.  ' 

I  V.  L'Antiphonier  ainfî  corrigé,  fut  imprimé  à  Leipfic  en      Auti-escor- 

t    ■    1      I    T        u  ?   •        J  1       c  1  '       ^         1         rrctions  rutn- 

ly  17  ,  chez  !v,]cnel  Lotner  ;  euluite  dans  le  bupplement  des  bufes  à  lamt 
Pères  par  Jacques  Homey  ,  Auguftin,  à  Paris  en  16S6  m-S°.  ^sinarti. 
avec  !a  Lettre  de  faint  Btrnard  ;  &  dans  le  recueil  des  (Euvres 
de  ce  Père  par  Dom  Mabillon  ,  à  Paris  en  1666,  i6c^o,  1719; 
Riais  ce  dernier  Editeur  n'a  pas  cru  devoir  grofilr  fon  recueil  de 
quelques  autres  écrits  que  le  Pcre  Homey  a  mis  dans  fon  Sup- 
plément,  fous  le  nom  de  faint  Bernard;  fçavoir ,  un  Traité  de 
la  manière  de  chanter  le  Graduel  de  Cîteaux  ;  un  autre  des  tons , 
au  nombre  de  huit.  Il  n'eft  fait  aucune  mention  de  ces  deux 
Traités  dans  la  Lettre  de  faint  Bernard  ,  mai-s  feulement  de 
l'Antiphonier.  Dom  Mabillon  rejette  aufTi  les  autres  opufcules 
publiés  par  le  Fere  Homey  ,  comme  de  faint  Bernard.  Ce  font 
des  expolitions  morales,  partie  aftedives,  partie  fpéculatives  , 
la  plupart  fur  diverfcs  circonflances  de  la  vie  de  Jefus-Chrift  ;  un 
petit  Traité  du  Corps  du  Seigneur;  un  Livre  des  louanges  de 
la  fainte  Vierge.  Le  même  Père  a  donné  la  continuation  des 
Commentaires  fur  le  Cantique  des  Cantiques  ,  par  Gillebert  de 
Hoillande.  Fabriciuscite  {b)  plufieurs  Traités  de  Chant,  ou  de 
Mufique ,  d'un  autre  Bernard  ,  ou  Bernon ,  Abbé  de  Richenou  , 
mort  en  1048  ,  ôc  d'un  Moine  de  même  nom  qui  mourut  vers 
l'an  I  iSo.  Entre  ces  Traités  il  y  en  a  un  furies  Tons,&;  un  fur- 
l'Antiphonier. 

(a^KitaStefliani  ,lib.  i  ,cap.  iy,apud  \      (b)  Fabrkiu.<f  ,  BiiUor.  Latin,   medias 
Bdlufum ,  tom.  4,  MlfcelLvt.  '       \  Laîin,  tom.  1  ^f  ^g.  C-^o^  f4j. 


Sermons 
S.  Bernard 


440  SAINT     BERNARD; 

§.    XIV. 

Des  Ouvrages  de  faim  Bernard ,  contenus  dans  Us 
troifiéme  &,  quatrième  Tomes. 

L-ritè  des  I.   T     E  S  Sermons ,  ou  Homélies  des  Pères  de  l'Eglife  font, 

J f  pour  l'ordinaire  ,  moins  bien  travaillés  que  leurs  autres 

ouvrages  j  foit  parce  qu'ils  faifoient  fouvent  ces  difcours  fur  le 
fatintom'.'^C  champ,  n'ayant  pas  le  lolfir  de  les  préparer;  foit  à  caufe  que 
ji'ayant  pour  but  que  d'inftruire  les  Peuples  des  rayfleres  delà 
Foi ,  &  des  règles  de  la  vie  Chrétienne  ,  ils  affeiloient  un  ftyle 
commun  &  plus  populaire.  Il  n'en  ed:  pas  ainli  des  Sermons  de 
faint  Bernard.  Ils  ne  cèdent  en  rien  à  fes  autres  ouvrages  ,  foit 
pour  la  vivacité  du  ftyle  ,  ou  pour  la  variété  des  fentimens  ;  foit 
pour  la  fublimité  Jespenfées ,  ou  pour  l'ondion  ôc  la  tenjreflfe  de 
fes  expreifions. 
Garaftcre  ie       J  {^  Mais  au  lieu  que  les  Pères  de  l'Eglife  avoient  à  parler  à 
fes  Sermons.  ^^_  perfonnes  de  toutes  conditions  ,  faint  Bernard  n'avoit  entre 
fes  Auditeurs  que  des  hommes  ,  la  plupart  très-éclairés  dans  les 
chofes  fpirityelles ,  ôc  dans  les  divines  Ecritures;  qui  avoient 
yêcu  dans  le  monde  avec  diftinifiion  ,  autant  par  leur  nailTance  , 
que  par  leurs  qualités  perfonnelles.  Voilà,  ce  femble,  la  raifoii 
delà  différence  qu'il  y  a  entre  fes  Sermons  ôc  ceux  des  autres 
Pères  de  TEgiife.  On  convient  toutefois  qu'il  y  a  dans  fa  fiço  1  de 
prêcher  moins  d'art  que  de  naturel;  mais  fon  Ilyle  efl  vif,  agréa- 
ble ,  propre  à  remuer  le  cœur,  à  entretenir  la  ferveur  Ôc  la 
piété. 
Va  quels       j  j  [^  Suivant  le  foixante-feptiéme  chaptitre  des  Us  de  Cîteaux, 
!iho?t  '    ^'^~  o"  '"-£  préchoit  dans  l'Ordre  qu'aux  Fcres  principales  de  l'année  , 
le  Dimanche  des  Rameaux,  ôc  le  premier  Dimanche  de  l'A- 
yent.  Ces  Us  ne  parlent  pas  des  Sermons  pour  les  Fctcs  ordi- 
naires ,  ni  pour  les  Fériés.  Mais  faint  Bernard  prêchoit  très- 
fouven.t,  môme  en  ces  jours-là.  D'où  vient  que  dans  fon  pre- 
mier Sermon  fur  la  Septuagefune,  il  dit  à  fes  Frères  :  Je  vous 
,   ...  .,y  parle  fouvent ,  contre  la  coutume  de  notre  Ordre.  Il  en  donne 
'      *  pour  rajfon  fur  la  fin  de  fon  dixième  difcours  fur  le  Pfeaume  5>o  , 
que  les  Abbés  de  fon  Ordre  l'y  a  voient  engagé;  quefafmté  nelui 
pcrmettoit  pas  de  s'occuper  du  travail  des  mains  ,  ôc  le  zèle  qu'il 
fe  fentoit  pour  l'avancement  de  fes  Religieux  dans  la  perfedion 
^vangelique,  IV.  Quand 


PREMIER  ABBÉ  DE  CL  AIRVAUX  ,  &'c.  4^^! 

I V.  Quand  il  n'en  ëtoit  pas  détourné  par  des  occupations  A  quelle» 
indifpcnfables ,  il  préchoit  le  matin  après  Primes,  ou  avant  la  fi^afesil  pré- 
Melle,  ou  le  loir  avant  Compiles.  Il  y  avoit  a  L-jairvaux  des  qucioLansue, 
Frères  Laïcs  ,  qui ,  quoique  fans  tonfure  Cléricale,  airploient  au 

Chœur  avec  les  Religieux  Clercs.  Ces  Frères  Laïcs  étoient 
diiFérens  des  Convers  ,  mais  également  fans  Lettres  y  &  ne 
fc^achant  d'autre  Langue  que  celle  du  Pavs.  Comme  il  n'eft  pas 
douteux  qu'ils  n'alfiltalTent  aux  Sermons  de  Ikint  Bernard,  on 
pourroit  en  conclure ,  qu'il  les  prononçoit  en  Langue  vulgaire , 
que  l'on  appclloit  par  corruption  la  Romaine  ;  d'autant  que  l'on 
trouve  chez  les  Feuillans  à  Paris  ,  des  Sermons  delaint  Bernard 
écrits  en  cette  Langue ,  6c  dont  le  manufcrit  &  le  langage  peu- 
-yent  remonter  au  tems  de  cet  Abbé. 

V.  Mais  on  ne  lailTe  pas  d'être  perfuadé  que  ce  manufcrit  eft     îl  pricholt 
■poftérieur  à  faint  Bernard  ,  ôc  que  les  Sermons  qu'il  renfeniie  ne  «"L"'"* 
font  qu'une  traduction.  On  le  prouve  par  Pinfcription  même  du     MAidon.in. 
manufcrit ,  qui  ell  en  ces  termes  :  Ci  'commencent  lï  Sermon  faint 
Bcrnaut.  Ceux  qui  de  fon  tems  recueilloient  fes  Sermons ,  l'ap- 
pelloient-ils  Saint  à  la  tête  de  leur  colledion?  Les  Chartreux 
recevoient,  comme  les  Cifterciens,  des  Frères  Laïcs ,  toutefois 

-ils  pronon*^oienc  leurs  dfifcours  publics  en  Latin  ,  comme  ils  le 
font  encore.  Mais  ce  qui  montre  que  faint  Bernard  prêchoit  en 
Latin  à  fes  Religieux  du  Chœur ,  ôc  quelcs  Copiftes  nous  les  ont 
tranfmis  en  la  même  Langue  qu'ils  les  avoient  ouis ,  c'eli  la  con- 
formité du  ftyle  avec  fes  autres  écrits,  ce  jeu  continuel,  mais 
naturel  des  termes  latins ,  dont  il  forme  d'ingénieufes  antithèfes  : 
C'eft  enlin  le  témoignage  môme  de  faint  Bernard  ,  qui  parlant  de 
fes  difcours  fur  le  Cantique  des  Cantiques ,  dit  (  fl  ) ,  qu'ils  ont  été 
■écrits  ,  ainfi  que  tous  fes  autres  Sermons ,  dans  le  même  ftyle ,  ou 
la  même  langue ,  qu'ils  avoient  été  prononcés. 

VI.  A  l'égard  de  fes  difcours  aux  Frères  Convers  ,  ou  aux      II  prêchoit 
.Séculiers ,  il  paroit  certain  qu'il  les  faifoit  en  Langue  vulgaire  ,  i"^,'^^yg'^^y'^!! 
c  cft-à-dire ,  la  Romaine  ,  ou  Gauloife.  Il  s'en  fervoit  également  gaire. 
lorfqu'il  prêchoit  la  Croifade  en  Allemagne  ;  ôc  parce  que  cette 
Langue  y  étoit  peu  commune  ,  un  Interprète  rendoit  en  Alle- 
mand ,  ce  qu'il  avoit  dit  en  Gaulois.  Ces  faits  font  atteltés  par  les 
HiAorieus  (6  )  de  la  vie  ôc  de  fes  miracles- 


{a)  Serm.^^inC.mnmm.num.\.         )  &•   ùh.    6,    de   Mirdcutis  ,    numer.    i6. 
Ci)    Vi-a  ÈtTiiard.  lib,  7  ,  cap,  13,  | 

Tome  XXI L  Kkk 


44«  SAINT     BERNARD, 

Sermons  du       VII.   Lcs  Scrmons  de  faint  Bernard  font  divifés  en  trois 
Tems.  clafTes  ,   dont  la  première  contient  ceux  que  l'on  appelle  du 

Tems  ;  la  féconde ,  ceux  des  Saints  ,  ou  les  Panégyriques  ;  la  troi- 
fie'mejceux  qui  font  fur  divers  fujets.  Parmi  les  Sermons  du 
Tems ,  il  y  en  a  fept  fur  l' Avent  ;  quatre  fur  ces  paroles ,  VAngc 
Gabriel  fut  envoyé  ;  fix  pour  la  veille  de  Noël  ;  cinq  pour  le  jour 
de  la  Fête  ;  un  fur  les  faints  Innocens  ;  trois  fur  la  Circoncifion  du 
Seigneur  ;  trois  fur  l'Epiphanie  ;  un  pour  l'Odave  ;  deux  pour  le 
premier  Dimanche  après  l'Oclave  ;  deux  pour  la  Scptuagefime; 
fept  pour  le  Carême;  dix-fept  fur  le  Pfeaume  po  Qui  habitat , 
prononcés  pendant  le  Carême  ;  trois  pour  le  Dimanche  des  Pal- 
mes; un  pour  le  Mercredi-Saint  ;  un  pour  le  Jeudi-Saint  ;  trois 
pour  le  jour  de  Pâques  ;  deux  fur  l'Odave  de  Pâques;  un  pour 
les  Rogations  ;  cinq  pour  la  Fête  de  l' Afcenfion  ;  trois  pour  celle 
de  la  Pentecôte  ;  un  pour  le  quatrième  Dimanche  d'après  cette 
folemnité;  trois  pour  le  fixiéme;  cinq  pour  le  premier  Dimanche 
de  Novembre. 
Sermons  des  VIII.  Nous  avons  deux  Sermons  fur  la  Cenverlion  de  faint 
Saints.  Paul;  trois  fur  la  Purification  de  la  fainte  Vierge;  un  pour  la 

Fête  de  faint  Vittor,  ConfefTeur,  avec  l'Office  du  même  Saint 
compofé  par  faint  Bernard,  à  la  prière  de  Gui ,  Abbé  de  M on- 
tier-RaiTiey  ;  le  Panégyrique  de  faint  Benoît;  trois  difcours  pour 
la  Fête  de  l'Annonciation;  un  fur  celle  de  faint  Jean-Baptifte; 
un  pour  la  veille  des  Apôtres  faint  Pierre  ôc  faint  Paul  ;  trois 
pour  la  Fête  ;  quatre  fur  l'Afiomption  de  la  fainte  Vierge  ;  un  fur 
fa  Nativité  ;  deux  pour  la  Fête  de  faint  Michel  ;  cinq  pour  celle 
de  tous  les  Saints  ;  deux  fur  la  mort  de  faint  Malachie  ;  un  fur 
faint  Martin  ;  un  fur  faint  Clément ,  Pape  6c  Martyr  ;  un  pour  la 
veille  de  faint  André;  deux  pour  la  Fête;  un  fur  la  mort  de 
Dom  Humbert ,  Moine  de  Clairvaux  ;  fix  pour  la  Dédicace  de 
l'Eglife. 
Sermons  fur  IX.  Les  Semions  fur  divers  fuicts  font  au  nombre  de  cent 
.lujcts.  vingt-cinq.  Il  y  en  a  fur  lincertitudeôcla  brièveté  de  la  vie  ;  fur 
l'obéifla'ice;  fur  le  Cantique  d'Ezechias ,  &  fur  plufieurs  autres 
endroits  de  1''  criture  ,  tant  de  l'ancien  que  du  nouveau  Tefta- 
ment  :  fur  le  Baptême  ;  fur  les  dons  du  Saint-Efprit ,  ôc  fur  quan- 
tité d'autres  fujets  différens.  Ces  difcours  font  fuivis  de  quarante- 
trois  Sentences,  ou  palfages  tirés  de  l'Ecriture,  avec  les  expli- 
cations de  iaint  tiernard;  de  cinq  Paraboles,  dont  la  première 
feule  paroît  être  d  -  iaint  Bernard.  Elle  traite  du  combat  fpiri:ucl. 
La  formule  d'une  confcirion  particulière ,  n'a  rien  d'inaignedc  S» 
■Bernard, 


tiTcrî  I 


PREMIER  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX,étc.  44? 

X.  Prefle  par  Bernard ,  Religieux  de  la  Chartreufe  des  Portes ,    Sermon»  fur 
d'expliquer  le  Cantique  des  Cantiques,  il  commencja  pendant  jesCanti'que"' 
TA  vent  de  lan  1 1  3  >  ,  com  me  on  le  voit ,  par  Texorde  du  fécond 
difcours.  La  foiblefle  de  ù\  fanté  l'obligea  d  interrompre  le  qua-        MaUUon. 
rante-deuxidme  &  le  quarante-quatrième  difcours  ;  ce  qui  fait  S^'^^'i"'  '" 
voir  qu'il  les  prononçoit  de  vive  voix.  Cela  paroît  encore  par  le 
trente-fixiéme  ,  où  il  reprend  ceux  ,  qui  accables  de  veilles, 
dormoient  pendant  qu'il  prêchoit.  Il  donne  dans  le  neuvième 
une  explication  que  je  n'avois,  dit-il,  pas  préparée.  C'efl:  qu'il 
fe  préparoit  à  l'explication  du  Cantique  ,  par  la  méditation  ôc 
par  la  prière  ;  mais  quelquefois  aufïï  il  parloit  de  la  plénitude 
de  fon  efprit  ,  fans  préparation  ,    &  fans  écrire.   Les  Novices 
aflTiftoient  à  ces  difcours,  comme  les  Profès.  Cela  fe  voit  parle 
foixante-troifiéme.  On  alloit  du  Sermon  ,  tantôt  au  travail  des 
mains ,  tantôt  à  laMefTe,  &  quelquefois  à  Complies.  Ce  qui 
niarque  qu'il  prononçoit  fes  difcours  fur  le  Cantique  ,  à  peu  près 
dans  les  mômes  tems   que  ceux  dont  nous  avons  parlé  plus 
haut. 

X  I.  Lorfqu'il  eut  achevé  fes  difcours  fur  le  commencement         En  quel 
de  ce  Livre  ,  il  les  envoya  (  a  )  à  Bernard  des  Portes  ,  autant  f  ?''^  ''^  ?."' 
pour  s'acquitter  de  fa  promeffe  envers  lui,  que  pour  avoir  fon  Mubii'l.  ibid.' 
fentimcnt  fur  cet  ouvrage  ,  afin  qu'il  le  continuât  jJbu  qu'il 
n'allât  pas  plus  loin.  Ses  vingt-quatre  premiers  Sermons  furent 
achevés  en  1138,1a  même  année  qu'il  alla  en  Italie  travailler  à 
éteindre  le  fchifme.  De  retour  à  Clairvaux  l'année  fuivante,  il 
continua  fes  difcours  fur  le  Cantique  ,  6c  mit  un  nouvel  exorde  , 
&  une  autre  fm  au  vingt-quatrième.  Les  foixante-cinq  6c  foixantc- 
fixiéme  font  centre  certains   Hérétiques  de  Cologne   ,    dont 
Cuervin  ,  Prévôt  de  Steinfeld  en  Veflphalie  ,  de  l'Ordre  de 
Prémontré  ,  lui  avoit  donné  connoiflTance,  par  une  Lettre  que 
l'on  a  mife  à  la  tête  de  ces  deux  Homélies  dans  la  nouvelle 
édition.  Le  quatre-vingtième  difcours  efl  poftérieur  au  Concile 
de  Reims  de  l'an  1 14.8  ,  auquel  Eugène  III.  aififta. 

XII.    Prefque  tous  les  manufcrits  portent  quatre-vingt-fix      ^'^,  ^o'"  '" 

H,,.  ^^  r       1      /^        •  J        /^        •  A      1      nombre  Je86. 

omelies  ,  ou  Sermons  lur  le  Cantique  des  Cantiques.  (Quel- 
ques-uns en  compte  quatre- vingt-fept ,  parce  qu'ils  mettent  pour 
deux  le  vingt-quatrième  ,  à  caufe  de  fes  deux  cxordes  ,  6c  de  fes 
deux  fins  dillcrentes.  Le  dernier  difcours  finit  à  l'explication  des  ^^^;^^''*'''<'«- 

(«)  Efijl.  IJ4. 

Kkkij 


j(Zt.  in 
Cainic. 


444  S  A  I  N  T    B  E  R  N  A  R  D  ; 

premières  paroles  du  chapitre  troifiéme  du  Cantique.  On  cite 
une  coUeiStion  manufcrite  du  Vatican  ,   qui  ne  contient  que 
quatre-vingt-trois  difcours,  avec  une  préface  ,  où  l'on  ne  remar-- 
quenile  ftyle  ,  ni  le  génie  de  faint  Bernard.  Outre  cette  longue' 
expofKion  du  Cantique,  faint  Bernard  en  diâia  une  plus  courte' 
à  Guillaume  de  faint  Thierri,  de  laquelle  nous  parlerons  dans 
la  fuite.  Nous  remarquerons  ici  qu'encore  que  ce  Père  femble 
dire  dans  le  premier  des  quatre-vingt-fix  difcours ,  qu'il  avoir,, 
avant  Texpiication  du  Cantique,  donné  celle  de  l'Eccléfiafle  ÔC 
des  Paraboles  de  Saiomon  ,  on  peut  fort  bien  entendre  fes  paro-- 
les ,  du  foin  que  les  Moines  de  Clairvaux  avoient  de  lire  ces  deux- 
Livres ,  ôc  d  y  conformer  leurs  mœurs.  On  ne  voit  pas  en  effet 
que  Geoffroi ,  Auteur  de  fa  vie ,  ôt  affez  exatl  dans  le  catalogue 
de  fes  ouvrages ,  iafTe  mention  des  Commentaires  fur  rEcclé-- 
fiafte,  ni  fur'les  Paraboles  de  Saiomon. 
Recr.ell  des       XII I.  Les  difcours  fur  le  Cantique  ,  font  fuivis  d'un  recueil 
Senten.es  <  e  ^^  Maxiuies ,  OU  de  Seutenccs  tirées  des  écrits  de  faint  Bernard  , 
Chronolo-'c  ^^  plupart  très-bien  choifies  ;  d'une  Chronologie  de  fa  vie ,  à 
iefavie.  "     commencer  depuis  l'an  lopi  ,  jufqu'en  ifjj;  de  la  cenfure 
qu'Efdenne,  AbbédeCîteauXjfiten  i  lo»? ,  de  quelques  endroits 
que  l'on  avoit  ajoutés,  fans  raifon,  à  la  Bible  latine  dont  on  fe 
fervoitAuis  cette  Abbaye  ;  ôc  des  Notes  d'HorlVius  ôc  deDom 
A'îabillon  fur  faint  Bernard.  C'eft  par-là  que  finit  le  quatrième 
tome  de  fes  ^Euvres.  Avant  de  paffer  au  cinquième  tome ,  qui  ne 
renfefme  que  des  ouvrages  qu'on  convient  nôtre  pas  de  lui  ,  il 
eft  bon  de  donner  en  peu  de  mots  ,  ce  qui  nous  a  paru  remar- 
quable dans  fes  difcours. 
Ce  qu  il  va       XIV.  Quoiqu'ils  foient  tous  propres  à  former  les  mœurs ,  à 
«Je  ren-arq-j.i-  ranimer  la  piété  ,  à  donner  de  l'amour  de  la  vertu,  de  l'horreur 

bie    dans    Its     ,        .  i     /-  ...  i  r  !•        • 

diîcoi.rs  de  S,  du  vicc ,  Cela  le  remarque  particulièrement  dans  tes  explications 
Bernard.         du  Cantique  ,  où  ,  fous  des  figures  ôc  des  allégories,  il  déve- 
loppe tous   les  priiicipes  de  la  vie  fpirituelle  ,  d'une  manière 
aulli  agréable  qu'utile  :  les  difcours  de  faint  Bernard  ont  encore 
cet  avantage,  qu'ils  font  écrits  d'un  llylc  net  6c  facile,  enforte 
que  le  Lecteur  ne  fe  trouve  prefque  jamais  embarralfé.  Voici  ce 
qu'ils  contiennent  d'intérefiant  pour  notre  fujet. 
S-rrr..  \ ,  de       XV.  L'orgueil  eft  Ic  commencement  de  tout  péché.  C'eft 
Adtimu,p^>g.  \^^[  quj  ^^  premier  des  Anges  en  a  fait  un  démon  ,  ôc  qui  a  fait 
^^'*'  tomber  l'homme  pour  avoir  con<;u  le  deffein  de  devenir  fem- 

blableàDieu.  S  il  n'y  a  point  de  rédemption  pour  les  Anges,  c'efl 
qu  ils  font  toaibcs  par  leur  propre  malice  i  au  lieu  que  Ihumiae-- 


PREMIER  ABBÉ  DE  CLAIR  VA  UX,&c.  44? 
avant  été  fupplanté  par  la  malice  du  démon,  peut  erre  racheté 
par  la  charité'  d'autrui.    C'eft  pour  le  racheter  que  le  Fils  de 
Dieu  s'eft  fait  homme.  Nous  devons  obéir  de  cœur  &  d'affetliou     ç,^^       ^^ 
à  nos  Supérieurs  ,  quand  même  ils  ne  feroient  pas  reg'cs  dans  y^dientu.pzg^ 
leurs  mœurs  ;  parce  que  nous  devons  conliderer  en  eux  celui  de  ^J'- 
qui  vient  la  toute-puilTance.  On  doit  reprimer  les  mouvemens  de 
laconcupifcence,  &  on  le  peut  par  la  grâce.  C'ell:  empêcher    «SV™.  y .pag^ 
qu'elle  ne  règne  dans  nous,  où  elle  demeure  néanmoins  jufqu'à  ^^^' 
la  mort. 

XVI.  Il  étoitd'ufagechezles  Juifs,  que  depuis  le  jour  des  Serm.t^u^ 
fiançailles  iufqu'à  la  célébration  des  noces ,  la  Fiancée  demeurât  P'''  '"'^"^  *-/!'■ 

\  1  1      j     r       r  17  '-  >i  r       ^        •      j     /-  '     pag-747, 743.- 

à  la  garde  de  ion  futur  Epoux  ,  ann  qu  li  tut  témoin  de  la  pureté. 

C'eft  la  raifon  pourquoi  la  Hùnte  Vierge  fut  fiancée  avec  faint 

Jofcph.  Sien  la  voyant  enceinte,  ilpenlaàla  répudier,  ce  ne  fut 

que  parce  qu'il  fecroyoit  indigne  de  la  compagnie  d'une  li  fainte 

Créature.  S.Bernard,en  parlant  de  l'application  queTEglife  fait  de 

ces  paroles  de  l'Exode  :  yîujou^irhui  vcas  fçaure^  que  le  Seigneur 

viendra  ,  (y  vous  verrei  fa  gloire  le  matin  ,  à  l'Invitatoire  de  la    .  ^.-rm.  5  in 

Veille  de  Noél,  dit,  qu'elle  eft  infaillible  dans  ces  fortes  d'appli-  p^'l'^^''"*''''' 

cations.  Encore  (a)  de  fon  tems  on  poufiToit  le  jeûne  du  Carême 

jufqu'au  foir.  Dans  les  aucres  tems  les  Moines  jeûnoicnt  feuls 

jufqu'à  Nones  ;   mais  en  Carême,  les  Rois  ,  les  Princes  ,  le      ^tw.  j  i,i- 

Clergé  &  le  Peuple,  les  Nobles  ôc  les  Roturiers,  les  Riches  &  ^"'''^''"^'i^- P=>g.- 

les  Pauvres  ne  mangeoient,  comme  eux  ,  que  le  foir. 

XVII.  On  confcrvoit  à  Clairvaux  des  Reliques  de  faint  Sem.  7  irj 
Ignace,  Martyr ,  Difciple  des  Apôtres.  Saint  Bernard  donne,  ^^'  ^°»  l'^^*' 
d'après  lui ,  à  la  fainte  Vierge  le  titre  de  Porre-Chrift;  mais  en    '^^' 

cela  il  y  a  double  erreur  de  fa  part  :  la  première,  quelEpitre 

qu'il  attribue  à  faint  Ignace,  efl  une  de  celles  qui  lui  font  fup- 

pofées  :  la  féconde  ,  que  le  titre  de  Porte-Cliriil  n'y  eft  pas 

donné  à  la  fainte  Vierge  ,  mais  à  Marie  CaiT.ibolite.  Il  enfeignc      Ibid.  Serm.- 

que  le  foin  que  Dieu  prend  de  notre  falut  eft  tel,  qu'il  y  employé  ■-  ^  pag- *><??.• 

même(fc)  les  Efprics  céieftcs  qu'il  envoyé  pour  nous  garder,  & 

nous  fervir  de  Pédagogues  ;  que  ces  faints  Anges  prennent  foin     /.'..,,'.  s-nr,. 

de  nous,  noa-feuiement  pendant  cette  vie  ,  mais  qu'après  ils  '3;pag. S;»-,- 


(tf  )  Hadfnus  ufque  ad  Nonam  jejuna-  i  S.rm.  j  iiiQuadr.igef.  pig.  8if. 
vimus  foli  ,  nunc  ulqyead  Vefperam  jeju-  (  i  )  Beatos  illos  Spiritus  proprer  ncs 

nabunt    nobilcum    Reges    &    Principes  ,  !  mitcii  in  miiiifterii!™  ,    cuftodia;    noftr»' 

Uerus  &  Populus  ,nob:les  &  ignobiiîs ,  »  députas ,  noftros  fieri    jubés    Pxdagcos,- 

iiinul  in  unum  clivCi  &  pauper,  Bernard.  {  Bernofd,  inPfï'r..  '•o  ,  ï;^.  Zû^^       "* 

Kkk  u;. 


'44<^  SAINT     BERNARD, 

nous  tranfportent  dans  le  Ciel;  que  laCirconcifion  remcttoît  le 
Serm.inCa-  péché  originel  ;  qu  il  efl:  remis  aulli  par  le  Baptême;  qu'encore 
g     i^g'  que  la  concupucence  relce  en  nous,  elle  ne  peut  nous  nuire, 
qu'autant  que  nous  confentons  à  Tes  mouvemens  déréglés;  que 
nous  avons  dans  la  Communion  du  Corps  ôc  du  Sang  du  Sei- 
gneur ,  un  moyeu  de  rendre  inutiles  tous  ces  mouvemens. 
Sefm.  i  in       X  V  1 1 1.  U  diftingue  dans  le  Saint-Efprit  deux-  proce.Tions: 
Pe/iCfcq,ff. par.  J'unc  ,  du  Pe.'C  ôc  du  Fiis  :,  l'autre  ,  quand  il  eft  envoyé  vers  les 
^^'*'  Créatures  peur  les  fanâiiîer  ;  ce  qui  arriva  principaleme.it  le  jour 

Rom.  8    »?.  ^^  ^^  Pentecôte.  Sur  ces  paroles  de  faint  Paul  :  Ceux  que  Dieu  a 
Serm.  4  in  cciinus  dans  fc.  préfcience ,  il  les  a  avjji  prédejîinés  ;  G*  ceux  qu'il 
Vom.  I  Noi.  (i  prédejlijiés  ,  il  Us  a  aujfi  appelles  Cs"  jufùfiés  ;  Gr  ceux  qu  il  a 
»»£•  fil'       jujlifiés,  il  les  a  aujjl  glonfiis ,  faint  Bernard  dit  :  iMon  {a)  com- 
mencement vient  donc  de  la  grâce  feule ,  &  foit  dans  la  pré- 
deftination,  foit  dans  la  vocation  ,  je  n'ai  rien  que  je  puilTc 
m'attribucr.  7vïais  je  ne  fais  pas  de  même  étranger  à  l'égard  de 
l'eeuvre  àe  la  juilification  :  la  grâce  lopere  ,  il  eft  vrai ,  mais  c'eft 
Serin,  i  in  ^vec  moi.  Il  ne  doutoit  point  que  la  ftinre  Vierge  n'eût  été 
'AJJumpt.  pag.  gj^igyée  au  Ciel  auiTitôt  après  fon  trépas  ;  ôc  dit  ,  qu'étant  notre 
Serm.inNu-  Avocate  auprès  de  Dicu  fjTi  fils  j  nous  devons  recourir  de  tout 
tivitcLt.    pag.  j^otj-e  cœur  à  fon  intercefiion. 

■^o*"'        j        XIX.  Quoiqu'il  fe foit  beaucouo  appliqué  à  connoîtrc  l'état 

S.Bernard  fur  dcs  ames  laintes  apres  qu  eilcs  lont  leparécs  de  leurs  corps  ,  oc 

rétatdesaines  q^'\[  croyc  avoir  fuivi  en  cela  les  lumières  du  Saint-Efprit  , 

radondeleur  commc  il  le  dit  dans  le  quatrième  difcours  fur  la  Fête  de  tous 

corps.  les  Saints ,  il  ne  prétend  pas  pour  cela  affujettir  perfonne  à  fon 

Mabill.  Pr:t-  fcntimcnt,  laiffant  à  ceux  qui  pouvoieat  avoir  ret;u  de  Dieu  plus 

fit.  in  tom.  i ,  de  lumières  que  lui  fur  ce  fujct ,  de  penfer  autrement.  Après 

P^S-  7ï,*-        avoir  diitingué  trois  états  des  ames  des  Juftes;  le  premier,pendant 

leur  union  au  corps  corruptible;  le  fécond  ,  quand  elles  en  font 

réparées  ;  le  troifiémc  ,  dans  un  corps  glorieux  ;  il  s'explique  fur 

l'état  mitoyen  de  ces  ames,  en  difant,   1".  qu'au  moment  même 

de  leurfortie  du  corps  ,  elles  font  reçues  dans  le  Ciel ,  où  elles 

iouilTcnt  de  la  compagnie  des  Anges.  2°.  Qu'elles  y  jouifTent 

aufli  dune  grande  lumière.  3".  Que  ce  qui  fait  leur  bonheur, 

c'eft  de  voir  l'humanité  de  Jefus-Chrift,  mais  non  h  divinité, 

qui  ne  fera  l'objet  de  leur  vilion  qu'après  la  réfurredion.  4°.  Que, 


(fl>  Itn'juc  i!i!t'um  r-riim  fo'ii;'  rrutist  fané  ab  opère  jufl'ficationis  alienus  f.iiTi  ; 
eft ,  &  non  habeo  qui!  inilii  in  pr.v  .-raina-  1  operatur  &  illuil  gr.uia  .  !ed  plane  nietum. 
lione  attribuam ,  fire  vocatione.   Non  fie  l  Bernard.  Serm.  4  in  Dom.  i  Nov.  pjg.  S 5  î . 


PREMIER  ABBÉ  DE  CL  AIR  VAUX,  &c.  447 

quoiqu'elles  foient  dans  la  joye,ellen'ell  pas  pleine  ,  ni  parfaite, 

parce  qu'elles  ont  toujours  le  dclir  de  fe  réunir  à  leur  corps. 

Voilà  quelle  cfl  l'opinion  de  faint  Bernard  fur  l'état  des  âmes  des 

Juftes  avant  la  rcfurredion  générale  ,  dans  trois  de  fes  difcours 

fur  la  Fête  de  tous  les  Saints  ;  fk^aroir ,  le  fécond ,  le  troifiémc  6c 

le  quatrième  ;  dans  le  quatrième  fur  la  Ucdicace  de  l'Eglifc  , 

dans  le  nombre  3 2  du  Traité  de  l'amour  de  Dieu,  ôc  dans  le 

quatrième  chapitre   du  cinquième  Livre  de  la  Confidèration. 

Mais  dans  le  fécond  Sermon  fur  f.iint  Malachie,  il  dit  nettement,    S-rm.  z  d:S, 

qu'il  jouit  de  la  même  gloire  ôc  de  la  même-  félicité  que  les  ^^;''^'^- ""«• 

Anges  ;  que  quelques  Saints  ont  déjà  mérité  d'entrer  dans  le  àès.vlclori^ 

Saint  des  Saints,  où  ils  voyent  la  face  ôc  la  clarté  du  Dieu  ''"«•4« 

immuable;  enfin,  que  faint  Victor  Martyr,  voit  des-à-préfent 

ôc  à  découvert ,  la  gloire  de  Dieu.   Dans  cette  contrariété  de 

fentiment ,  il  n'eH:  pas  alfé  de  décider  quel  a  été  le  dernier  de  faine 

Bernard,  parce  qu'on  n'a  point  d'époque  certaine  des  difFéreas 

Sermons  où  il  traite  des  âmes  des  Juftes  après  cette  vie. 

XX.  Il  dit  que  nous  ne  pouvons  nous  plaindre  que  Jefus-    .•^"'' TEucfu* 
Chrift  ne  fe  montre  pas  à  nous,  comme  il  s'efl  montré  à  fes 
Apôtres,  puifque  nous  avons  (a)  la  véritable  fubftancc  de  fa   ^■'"'J^: '"^^F" 
Chair  dans  le  Sacrement  d'Euchariftie.  Dans  l'éloge  de  faint  pà?.  lo'js!   ' 
André ,  il  cite  quelques  endroits  de  fes  atles ,  tels  qu'on  les  dit    Serm.  1 ,  S. 
avoir  été  écrits  par  les  Prêtres  d'Achaïe.  C'eft  dans  ce  même   '^■'"^'    P^S'"* 
difcours  que  faint  Bernard  donne  pour  raifon  de  l'inftitution  des 
jeûn-es  aux  veilles  des  grandes  Fêtes,  l'obligation  de  nous  puri- 
fier de  nos  péchés ,  afin  de  célébrer  ces  faints  jours  avec  plus  de 
décence  ôc  de  piété.  Il  parle  du  Baptême,  comme  étant  encore 
conféré  par  la  triple  immerfion.    Il  rejette    plulieurs  endroits    S-rnï.if,de 
des  écrits  d'Origene,  ôc  confeille  à  fes  Auditeurs  de  ne  les  lire  '''f-f'l.'r?^*''* 
qu'avec  précaution.  Voici  ce  qu'il  veut  que  l'on  dife  à  un  pé-  jTpag.uj^,' 
cheur  qui  a  peine  de  fe  confefler  :  Pourquoi  {b)  avez-vous honte   '"^°' 
de  dire  votre  péché ,  vous  qui   n'en  avez  point  eu  de  le  com- 
mettre ?  Ou,  pourquoi  rougiflez-vous  de  vous  confefTeràDieu, 
puifque  vous  ne  pouvez  pas  vous  dérober  à  fss  yeux  ?  Que  fi  vous 


(  a  )  AJeft  enim  nobis  etiam  nunc  Gar- 
nis iplms  yera  fubftantia,  haud  Jubium  fane 
quin    in  SaLramento.   Serm.  S   Martini , 


tireri  j  lujus  oculis  non  potes  aLiicondi .' 
Quûd  (î  forte  pu  or  elt  tibi  uni  homiiii  St. 
p'ccatori  petcatum  trum  exponere  ,   c(a\A 
fog.  \oi;3.  I   f'durus  et  in  die  judicJi,  ubi  omnibus  expo- 

ci;  Dicaturilliquem  pudoraflficit  :  Cur  1  fiu  tua  confcient-a  patebit  f  ^erm,  io^  ydg 
fepudet  pe;,i.atum  tuum  dicere,  quem  non  j  diverjis  ,yJg.  l^li, 
fusiuitfacere  ^  Aut  tur  cruDeicis  Deo  con-  J  j 


448  SAINT     BEPv-NARD, 

Serm.  104 ,'  êtes  retenu  par  la  honte  de  faire  connoître  votre  pe'ché  à  u« 

pag.  iigi.      homniC  ,  à  un  pécheur,  que  ferez-vous  au  jour  du  Jugement ,  oij 

votre  confcience  fera  à  découvert  devant  tout  le  monde  ?  Les 

Serm.-ih^''^  txoïs  Conditions  d'une  bonne  confeiîîon  font  de   déclarer  fes 

Cantic.    pag.  ,péchés  avec  humilité ,  avec  funplicité,  avec  fidélité.  Mais  ce 

^^'  n'eft  pas  aifez  pour  guérir  le  pécheur,ies  remèdes  donc  il  a  befoiri, 

.f,','    '  font  les  jeunes  ,  les  veilles  .  les  prières  j  ôc  les  autres  exercices  d(? 

la  pénitence. 

o    ,        „        X  XI.  Lorfque  nous  fouîmes  dans  la  tiédeur ,  n'abandonnons 

Sur  la  grâce.  1  .  ,  ,  , 

pas  pour  cela  1  œuvre  de  notre  laiut ,  mais  recherchons  Ja  rwaua 
Stiti  21  m  ^^  celui  qui  nous  aide  ,  en  le  priant  ,  à  l'exemple  dcTEpoufe, 
Canficl    pag.  dc  nous  attirer  à  luijufqu'à  ce  qu'excités  de  nouveau  par  fa 
.^337^  ^119-  grâce  ,  nous  devenions  plus  fervens  ,  &  plus  prompts  à  courir 
dans  la  voye  des  Commandemens  de  Dieu.  Mais  réjouiifonsr 
nous  tellement  dans  la  grâce  ,  lorfqu'elle  el>  préfente,  que  nous 
■ne  nous  Hâtions  pas  qu'elle  nous  foit  due  par  droit  héicditaire .; 
6c  ne  nous  tenons  pas  affurés  du  don  de  Dieu  ,  comme  li  nous  ne 
devions  jamais  le  perdre;  de  peut  que  Dieu  venant  à  nous  le 
retirer  auffitôt,  &  à  ne  nous  plus  foutenir  de  fa  main,  nous  n» 
tombions  dans  l'abbattement  ôc  dans  la  triftefle.  Notre  courfe 
pag.  ,343.    '  dans  la  voye  de  Dieu  dépend  de  la  grâce;  mais  nous  courons 
cnfemble.  Au  reflc ,  c'eft  envain  que  les  Sages  du  fiécle  ont  tant 
difputé  â^^i  quatre  'Vertus  Cardinales  ;  ils  ne  les  ont  point  pof- 
fcdées  ,  n'ayant  pas  connu  celui  que  Dieu  a   fait  pour  nous 
Sagefle,  en  enfeignant  la  prudence  ;  Juftice,  en  remettant  les 
péchés  •;  Santtification  ,  en  nous  donnant  l'exemple  de  la  tempes 
rance ,  ôcc. 
Sur  PuGre       XXII.  Saint  Bernard  applique  aux  Clercs  qui  font  un  mau»- 
dcs  biens  de  vais  ufap,e  des  biens  de  l'Eglife,  ces  paroles  d'Ifaïe  :  Il  a  commis 
l'abils''^' ^u  on  ^*^  méchantes  aâ'ions  dans  la  terre  des  Saints  ,  (y  il  ne  verra  point  la. 
eti  fait,  g/ojre  Ja  ieig/iewr.  Que  les  Eccléfiaftiques  ,  dit-il,  que  les  Mi- 

Serm  lî  in  uiflrcs  de  l'Eglife  foient  touchés  de  Crainte  ,  cux  qui  Commettent 
Camk.  pag.  tant  d'injuliiccs  dans  les  terres  des  Saints  qu'ils  poiïedent  ,  6c 
'^*^'  qui  ne  fe  contentant  pas  de  ce  qui  eft  fufiifant  pour  leur  fubfif:- 

tance ,  retiennent  pour  eux ,  par  une  impiété  6c  un  facrilege 
horrible ,  le  reûe  dont  ils  devroient  nourrir  les  pauvres  ;  ôc  n'ap- 
préhendent point  d'employer  la  nourriture  dc  l'indigent  ,   à 
entretenir  leur  vanité  ôc  leurs  défordres;  coupables  d'un  double 
crime,  ôc  dc  ce  qu'ils  diflipcnt  un  bien  qui  n'eft  pas  à  eux,  ôc  de 
g.  ;„        ,-,j  ce  qu'ils  abufent  des  chofes  facrées  pour  fatisfaire  leur  ambition 
Çantk.   png.  6c  leut  débauche.  Voyez  ,  dit-il  encore  ,  en  parlant  des  Pafteurs 
W?°--  de 


PREMIER  ABBÉ  DE  CLÂIRVAUX,6cc;  4^p 

ide  l'EgUfe,  comme  ils  font  polis  ôc  parés,  vêtus  comme  une 
Epoulè  qui  fort  de  fa  chambre  nuptiale.  Si  vous  en  voyiez  un  de 
.cette  forte  venir  de  loin ,  ne  jugeriez-vous  pas  que  ce  feroit  plutôt 
une  Epoufe  ,  qu'un  Gardien  de  l'Epoufe  ?  Mais  d'où  croyez- 
vous  que  leur  vient  cette  abondance  de  toutes  chofes  ,  cette 
magniticence  d'habits,  ce  luxe  de  leur  table,  ces  monceaux  de 
yailfelle  d'or  &  d'argent ,  fmon  des  biens  de  l'Epoufe  ?  Voilà 
pourquoi  elle-  eft  toute  déligurée  ,  toute  en  dcfordre  ,  toute 
pâle  &  défaite.  Ce  n'eft  pas-là  orner  l'Epoufe  ,  c'eft  la  dé- 
pouiller. 

XX III.  Il  enfeigne  que  les  enfans  morts  en  même-tems     Sur  les  en- 
qu  ils  font  venus  au  monde ,  demeureront  enfans  de  colère ,  mais  r  "'  "^°"' 
non  de  fureur ,  parce  que  ,  Icion  que  la  pieté  ôc  Ihumanité  nous    ^,^^_  ^^^,-„ 
portent  à  le  croire ,  leurs  peines  feront  plus  douces,,  à  caufe  qu'ils  Cvnic.    pag. 
tirent  d'ailleursr  toute  la  corruption  qui  cfl  en  eux.  ' ^  "• 

XXIV.  Cuervin,  en  écrivant  à  faint  Bernard  vers  l'an  1 147,    Doarinede» 
touchant  certains  Hérétiques  que  Ion  avoit  découverts  a  Coio-  Coiû<^iie. 
gne,lui  marquoit  en  même-tems  les  principaux  articles  de  leurs 

erreurs.  Se  Hâtant  d'être  feuls  qui  fuivilfent  les  traces  de.  Jefus- 
Chrift,  &  qui  menaflent  la  vie  Apoftolique,  ne  poffedant  rien 
en  ce  monde,  ils  difoient,  que  i'Eglife  n'étoit  que  chez  eux. 
Ils  ne  mangeolent  ni  laitage,  ni  rien  de  ce  qui  eft  produit  par  Cu:riM. 
génération. 'quoiqu'ils  ne  s'expliquailent  point  fur  lesSacrcmens,  ^P'J'  "^  ^■''i. 
ils  ne  lailfoient  pas  de  convenir  quelquefois  qu'en  prenant  leur  ["S- 1+^°' 
nourriture  ordinaire,ils  prétendoient  en  faire  le  Corps  ôc  le  Sang 
deJefus-Chrifljparl'Oraifon  Dominicale.A  l'égard  du  Baptême, 
outre  celui  de  l'eau  ,  ils  admettoient  un  Baptême  par  le  feu  6c  le 
Saint-Efprit  ,  qu'ils  donnoient  par  l'impofition  des  mains.  Ils 
pondamnoient  le  mariage,  fans  en  donner  de  raifons.  Du  refle, 
ils  ne  tenoient  aucun  compte  des  Sacremens  adminiftrés  dans 
I'Eglife  Catholique  ,  ne  les  regardant  que  comme  une  ombre  ôc 
une  tradition  humaine.  D'autres  Hérétiques  du  même  tems  ôc 
du  même  Pays,  c'efl-à-dlre  de  Veflphalie,  prétendoient  qu'il  n'y 
avoit  point  alors  dans  I'Eglife  de  Prêtres  confacrés  ,  parce  que 
les  Papes  accablés  d'affaires  féculiçres  avoient  perdu  leur  pou- 
voir ,  ôc  ne  l'avoient  pu  conféquemment  communiquer  aux 
Archevêques,  ni  aux  Evêques  :  d'où  il  fuivoit ,  qu'on  ne  co!il1i- 
.croit  plus  le  Corps  de  Jefus-  Chrift  fur  l'Autel.  De  cette  façon  , 
ils  réduifoient  le  Sacerdoce  de  I'Eglife  au  feul  miniftere  de  la 
parole;  car  ils  rejettoientaulB  les  autres  Sacremens  ,  à  re.^cep- 
jtion  du  Baptême,  qu'ils  n'accordoient  toutefois  qu'aux  Adultes. 
iQiue  XXIL  LU 


'4y6  SAINT    BERNARD, 

A  l'égard  du  Mariage  ils  le  condamnoient ,  s'il  n'étoit  contra£l^ 
entre  deux  perfonnes  vierges.  Ils  n'admettoient  ni  l'interceflion 
des  6aints  ,  ni  le  Purgatoire ,  ni  la  prière ,  ni  les  oBlations  pour 
les  morts  ;  &  regardoient  comme  inutiles  les  jeûnes ,  ôc  les  autres 
mortifications  que  l'on  impofe  pour  la  rénrilfion  des  pèches  i 
traitant  de  fuperflitions  les  ohfervances  de  l'Eglife  ,  que  Jefus- 
Clirid  n'a  pas  établies  lui-même,  ôc  qui  ne  l'ont  pas  été  par  fes 
Apôtres  ,  depuis  qu'ils  fe  furent  féparés  de  lui. 
S.  Bernard  XXV.  La  divifion  qui  s'étoit  mife  entre  ces  deux  forte* 
les  rcfute  en  fj'h^rjftiques   ,    foumit  l'occafion  de    découvrir  leurs  erreurs^ 

deux        Ser-  .  ^  '  .  i-        /       >    r  •       u  J     ' 

mons.  Cuervin  ,  après  les  avoir  expliquées  a  lauit  Bernard ,  a  peu  près 

en  la  manière  que  nous  valons  de  le  dire  ,  le  prie  inltammenc 
de  les  réfuter,  en  lui  faifant  obferver  que  ceux  d'entr'eux  qui 
étoient  revenus  à  l'Eglife  avoient  avoué  que  ces  fcdes  étoient 
répandues  par-tout  ;    ôc   que  quelques-uns   condamnés  à  être 
brûlés,  avoient  dit  pour  leur  défenfe  ,  quelles  étoient  demeurées 
cachées  en  Grèce ,  ôc  en  d'autres  Pays ,  depuis  le  tems  des  Mar- 
tyrs ;  que  les  uns  avoient  un  Pape  ;  que  les  autres  nen  recon- 
noifToient  point  ;  qu'ils  fe  nommoient  Apoftoliques ,  ôc  menoient 
avec  eux  des  femmes  ,  qu'ils  difoient  vivre  dans  la  continence  ,. 
à  l'exemple  de  celles  qui  fuivoient  les  Apôtres.  Saint  Bernard  fit 
ce  queCuervnn  fouhaitoit  de  lui,  ôc  combattit  ces  Hérétiques 
dans  deux  de  fes  Sermons  fur  le  Cantique  ,  qui  font  le  foixante- 
cinq  ôc  foixante-fixiéme. 
Anslyfe  (lu       X  X  V I.  •  Il   Ics  attaque  d'abord  fur  la  contrariété  de  leurs 
premier  S< r-  prjpcipes.  Jurez ,  parjurez-vous  ,  fe  difoient-ils  l'un  à  l'autre, 
le  6?  fur  le  plutôt  que  de  divulguer  le  fecret.  Cependant  ils  défendoicnt  de 
Cantique,r(7^.  jurer,  difant  qu'on  lit  dans  l'Evangilc  :  A^c  jMre^  peint  ni  par  le 
^'''^'  ciel  ,  ni  par  la  terre.  Il  ajoute,  quêtant  de  la  gloire  de  Dieu 

de  révéler  des  chofes  utiles  au  prochain  ,  ils  ne  doivent  avoir 
aucune  peine  de  révéler  leur  fecret,  fi  en  eflct  il  efl  utile  ;  que 
s'il  ne  l'eft  pas  ,  ils  n'en  font  un  myflere,  que  pour  cacher  leur 
infamie.  C'efl:  pourquoi  il  infifte  fur  ce  qu'ils  étoient  toujours 
avec  des  femmes  ;  qu'ils  étoient  à  table  avec  elles  ,  6c  couchoient 
dans  la  même  chambre;  ce  qui  ne  pouvoir  manquer  de  caufer 
un  fcandale  ,  quand  même  ils  feroient  aulfi  continens  qu'Us 
affedoient  de  l'être  par  des  dehors  de  piété  ôc  de  mortification. 
Car,  pour  mieux  cacher  le  venin  de  leur  doctrine  ,  ils  fréquen- 
toient  l'Eglife ,  honoroient  les  Prêtres ,  olVroient  des  préfens  à 
l'Autel,  fe  confefToient ,  participoient  à  tous  les  Sacremens  ,. 
jeûnoicnt  ,  travailloient  des  mains  :  Ce  qui  fait  dire  à  faint 


PREMIER  ABBÉ  DE  CL  AIR  VAUX, 6cc.  4fi 

Bernard  ,  qu'un  faux  Catholique  nuit  beaucoup  plus  qu'ua 
Hérétique  découvert.  Ceux-ci  ne  lui  paroilloient  pas  né.in moins 
Lien  formidables.  Ce  font,  dit-il,  des  gens  ruiliques,  fans  lettres, 
ôc  fans  défenfe.  Leurs  erreurs  mômes  ne  font  ni  foutenables ,  ni 
bien  fubtilcs.  Elles  ont  été  foutenues  par  les  anciens  Hérétiques , 
&.  réfutées  par  nos  Dodeurs. 

XXVII.  Saint  Bernard  avoue  toutefois  que  ces  nouveaux  /•  ,^'"j^^\y- 
Hérétiques  faifoient  beaucoup  de  mal  à  lEglife  ,  &  que  leurs  c  \xvs  ,   pag. 
difcours  gagnoient  &  fc  gliflbient  comme  un  chancre.  Il  dit,   hpt- 
que  ce  (ont  ceux  dont  il  elt  parlé  dans  la  première  Epître  à 
Timothée  :  Lair  conduite  fera  toute  corrompue  ;  ils  cL'fendronî  iTimcif.  4»»^ 
defe  marier ,   (y  de  manger  des  viandes  que  Dieu  a  crcé^,s  pour 
iV/z  nourrir  avec  affions  de  grâces.  Ce  Père  fait  voir  que  con- 
damner le  mariage,  c'eft  lâcher  la  bride  à  toutes  fortes  d'impu- 
retés ,  remplir  l'Ëglife  de  concubinaires  ,  dinceftueux  &  d'im- 
pudiques de  toutes  efpeces  ;  ôc  réduire  conféquemment  le  falut 
au  petit  nombre  de  perfonnes  continentes,  n'étant  pas  permis 
idepenferque  des  monftres  d'impureté  foient  fauves. 

X  X  V  1 II.  Enfuite  il  prouve  que  faint  Paul  ayant  permis  aux  P-y-  '4;»?. 
veuves ,  &  même  ordonné  en  certains  cas,  de  fe  marier ,  on  ne  i  Cor.  7  ,  ^6, 
pouvoir  réduire  le  mariage  aux  feules  perfonnes  vierges  ,  comme  ^  ,j,.,^^^^  ^^ 
faifoient  ces  Hérétiques.  Ilss'abftenoient  aulfi  de  viande;  &.  en 
cela  ils  font  voir,  dit  faint  Bernard  ,  qu'ils  font  hérétiques ,  non 
parce  qu'ils  s'ablliennent  de  viande,  mais  à  caufe  qu'ils  s'en 
abfliennent  par  fuperfiition.  Je  m'abfliens  aulTi  quelquefois  de 
manger ,  mais  c'efi:  pour  expier  mes  péchés  ,  ôc  non  par  une 
fuperflition  impie  ;  je  m'abftiens  de  vin,  parce  qu'il  porte  à 
l'impureté  ;  ou  fi  je  fuis  foibîe,  j'en  ufe  fobremcnt,  fuivant  le 
conieil  de  l'Apôtre  ;  je  m'abfticns  aulfi  de  viande,  de  peur  qu'en 
nourriffant  trop  ma  chair  ,  elle  ne  nourrifle  en  moi  les  vices  de  la 
chair.  Si  c'ell  par  l'avis  des  Médecins  que  l'on  s'abftient  de  cer- 
tains alimenSjon  n'eft  point  blâmable  pour  le  foin  que  l'on  a  de 
fon  corps,  pourvu  qu'il  ne  foit  pas  excelfif;  mais  fi  c'efl  par  la 
même  extravagance  que  Manès,en  croyant  immonde  la  créature 
que  Dieu  nous  donne  pour  nous  nourrir ,  c'eft  un  blafphcme  que 
j'ai  en  exécration. 

XXIX.  Ces   Hérétiques   fe  vantoient  d'être  la  vérital/le  Pjf.  Tjiso. 
Eglife,  ôc  prenoient  le  nom  d'Apoftoliques.  Saint  Bernard  leur 
dit  de  montrer  des  marques  de  leur  Apoflolat.  Il  a  été  dit  aux 
A^otres ,  f-'ous  êtes  la  lumière  du  monde  :  Oe(i  pour  cela  qu'ils  Mttt.  y,  i/fy 
font  fur  le  chandelier ,  afin  qu'ils  éclairent  tout  l'Univers.  Mais 

LUij 


4^2  S  A  I  N  T    B  E  R  N  A  R  D; 

ces  Hérétiques  font  fous  le  boiiï'eau,  leur  erreur  fuit  le  jour;  ÔC 
au  lieu  que  l'Eglife  eft  répandue  par  tout  le  monde  ,  &  toujours - 
vifible,  ils  font  enfermés  dans  des  cavernes.  Saint  Bernard  réfute  ' 
en  peu  de  mots  leurs  erreurs  fur  le  Baptême  des  enfans,  fur  lô 
Purgatoire,  ôc  le  pouvoir  des  Pafteurs  de  l'Eglife,  même  pé^ 
F^g.  i5ti.  cheurs.  Et  après  avoir  remarqué  qu'ayant  été  mis  (a)  àlepreuvé 
de  l'eau  ,  ils  avoient  été  trouvés  menteurs,  ôc  convaincus  des 
erreurs  qu'ils  nioient  auparavant  cette"  épreuve  ,  il  dit ,  qu'on 
ne  doit  point  s'étonner  de  la  confiance  que  quelques-uns  deui 
avoient  montrée  dans  les  fupplices,  ni  la  comparer  à  celle  des 
Martyrs  ;  parce  que  dans  les  Martyrs  la  confiance  eft  l'effet  de 
leur  piété,  ôc  dans  les  Hérétiques  c'efl  l'endurciffementdecoeutî 
qui  caufe  le  mépris  de  la  mort. 

§..    XV,. 

Des  Ouvrages  contenus  dans  les  cinquième  &  fixiéme' 

Tomes, 

Cînquîùne  I.  /^  Es  deux  TomCs  contiennent  les  (Êuvres  à  qui  l'on  ït 
Tome.  0^   i  quelquefois  fait  porter  le  nom  de  faint  Bernard  ,  mais 

taire  dc-Gi!!e-  dont  on  a  depuis  dccouvcrt  fes  vrais  Auteurs,  ou  qui  ont  été 
bert  de  Hoi!-  rejettes  comme  indignés  de  lui.  Gillebert  de  Hoillande  ,  appelle 
Camique!"^  '°  ainfi,  du  nom'd'uiie  petite  Ifle  entre  l'Angleterre  ÔC  fEcoffc ,  oià 
Tom.i,})ig.u  étoit  fituée  fon  Abbaye  ,  fit  en  quarante-huit  Sermons  l'explica- 
tion du  Cantique  des  Cantiques  ,  commençant  à  l'endroit  du 
troifiéme  chapitre  où  faint  Bertiard  avoitfini,  jufqu'au  dixième 
verfetducinquiemechapitre.il  avoir  été  Moine  dé  Clairvaux 
fous  faint  Bernard  ,  ôc  étoit  pafTé  depuis  eil  riile  de  Hoillande, 
OLiilfut  chargé  de  la  conduite  de  deux  Monafleres,  l'un  d'hom- 
mes ,  l'autre  de  filles  ,  tous  les  deux  du  Diocèfe  de  Lincoln.  Ce 
fut-là  qu'il  compofa  fes  difcours  fur  le  Cantique. Les  dix-fcptiéme 
ôc  dix-huitiéme  furent  prononcés  en  préfence  de  la  Commu- 
nauté de  filles ,  les  autres  devant  celle  d'hommes.  Quoique  ces 
difcours  foient  beaux  ,  ils  ne  font  ni  fi  fublimcs ,  ni  fi  onclueu^ 
que  ceux  de  faint  Bernard  ;  mais  la  lecture  en  fi^ra  toujours  très- 
édifiante  ,  non-feulement  pour  les  Moines,  mais  aufîi  pour  les 

(  u)  EsamJnati  juJicio  ;içjuw,  mcHiiacet  iuvciiti  f\imi.Bern.Ssrm.  66,  f"T£f.  1501, 


PREMIER  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX,&c.  4;? 

Eccléfiafliques.  Nous  tranfcrirons  ici  fou  témoignage  fur  la 
tranfubflantiation  du  pain  ôc  du  vin^au  Corps  ôc  au  Sang  de  JcTus- 
ChrilldansTEucharidie.  {a)  Qu'y  a-t-ilde  plus  nouveau,  que  ce 
qui  fe  paiTe  dans  le  myftere  du  Corps  du  Seigneur ,  où  la  matière' 
eft  changée,  &t  l'efpece  demeure  ?  L'ancienne  forme  refre,- 
mais  c'eit  une  nouvelle  grâce,  parce  que  c'eft  une  nouvelle 
fubflance.  Nouvelle  ,  non  eu  elle-mCnne,  mais  dans  cette  efpcce. 
C'ed  ,  en  elfet ,  quelque  chofe  de  nouveau,  que  la  fubflance  de  la 
Chair  du  Seigneur  ,  prife  fous  une  autre  efpece,  confère  à  l'ame 
ïâ  vertu  de  fanclification;  ôc  que  cette  Chair  immaculée  purif.e 
dans  le  myflere  de  l'Autel,  la  fubftance  fpirituelle  de  l'ame. 
Chofe  encore  nouvelle,  ôc  qui  ne  fe  trouve  point  dans  l'ufage 
des  autres  Sacrennens ,  c'eft  que  non-feulement  lagrace  de  fandi^ 
fi'cation  eft  donnée  dan^  rEuchariftie ,  mais  }a  fubilance  natu-' 
relie  (  du  pain  &  du  vin  )  ell  changée.  Car  paria  bénédiclion  du' 
Sacrement,  le  pain  otîert  reçoit  ce  changement  incihble  ;  ôc  de 
la  confécration  myllique ,  de  même  que  de  l'union  du  Verbe 
vivant,  il  furabonde  une  grâce  viviliante  en  laCiuiirde  Jefus- 
Chriih 

II.  Le  Commentaire  de  Gillebert  furie  Cantique,  occupe    ^,  r^ffr,-!"- 
la  première  place  dans  le  cinquième  tome  ,  ou  fécond  volume  leberrdeHoil- 
des  écrits  de  fiint  Bernard.  Suivent  fept  Traités  afcétiques  du  '^""^^  '  FI*- 
même  Gillebert.  Le  feptiémeeft  divifé  en  deux  parties  ,  ce  qui 
fait  qu'au  lieu  de  fept  l'raités,  on  en  compte  quelquefois  huit.' 
Ils  HnilTent  par  un  fragment  d'un  difcours  fur  la  femence  de  la 
ûarole  de  Dieu.  Vrennent  enfuite  quatre  de  fes  Lettres  adreiTces" 
a-  diverfes  perfonnes.  Je  n'y  trouve  rien  de  bien  remarquable.  ■ 
Gillebert  de  Hoillande  mourut  en  i  172  ,  dans  un  Monaftere  de    P'^g'h'^dann.- 
fon  Ordre  fitué  en  Champagne  dans  le-  Diocèfe   de  Troyes  ,  "7-) ''"'"•  î' 
nommé  la  Rivour.  t'a 

IH.  La  Lettre  ou  Traite,  aux  Frères  de  la  Chartreufe  du'  Guya^ux':  r?- 
Mont-Dieu  ,  attribuée  à  faint  Bernard  par  Jean  de  Ragufc ,  Ôc  res'du  P.ioiu- 

Dieir,p.i^.iG3- 

(a)  QuiJmnçis  novuiii,  quàm  quoil  |  Novuni  qaiiicin  &  fupra  reliquoriim  i-fum 
jri  myflerio  Do:n:;iici  Corpon's  miitatur  J  Sncramcnrorum  ,c;uod  non  moilè  faiiAifi- 
nmtcries  ,  &  fpecies  ferv'.iur  ?  Friiliua  j  -cstionis  nova  gratia  r!F.tuf,fcd  (ubftanti;i 
manet  foi-nw  ,  feil  nova  [;f;'.î:ia  quia  nova  \  naturalis  mutrtur.  Nem  per  SnCiamenti 
fubrtantia.' Nova  qnidem  non  in  fe,  fed  in  j  benfidiftioneni  accipit  oblatus  pani;  hanc 
hujufmodi  fpccie.  >fovuin plans  q-uod  Car-  1  inetFabilem  tiiutatior.em  ,  &  ex  myftica 
ris  Doniinicr  fubllanria  ,  in  l'Tcua  fpecie  1  confecratioiie  e;  Verbi  viventis  copula- 
fumpta  ,  Iknftilic.itionis  virtufcin  amnis:  tione  ,  hzc  vivificatrix  eratia  in  Carnem  ■'. 
cônfert,&  fpivitualcni  tmunJat  lubRan-  '  Chrifti  redundans.  GUi-:lcr:us -,  Serm,  7\  ' 
mm  i»i  luyfit-rio  Akasis  imnwculuta  Caro.  {-in  Cantk.  jug-  i4. 

L'IÎ  iij. 


4r4  SAINT    BERNARD, 

par  Gerfon,  Chancelier  de  TUniverfité  de  Paris  ,  fe  trouve  en 
effet  fous  fon  nom  dans  quelques  manufcrits  alTez  récens  ;  mais 
les  plus  anciens ,  entr'autres,  celui  de  Pontigny  de  l'an  1 1  y6, 
&  celui  deCharlieu  le  donnentàGuy,  cinquième  Prieur  de  la 
grande  Chartreufe.  Ajoutons  que  le  ftyle  eftdiffe'rent  de  celui  de 
faint  Bernard  ,  &  que  l'Auteur  de  l'ouvrage  intitulé  :  Fleurs  de 
faint  Bernard ,  n'a  rien  tiré  de  la  Lettre  aux  Frères  du  Mont- 
Dieu.  Elle  fut  écrite  en  1 1 3  J .  On  l'a  divifée  en  trois  Livres. 
Livre -le  !a       j  V.  H  y  a  moins  de  difficulté  fur  le  Livre  de  la  contempla- 
tion'deDku,  tîon  de  Dicu  ,  imprimé  quelquefois  parmi  les  (îHuvres  de  faint 
p.7g,  246.        Bernard.  Guillaume  de  faint  Thierri,  Auteur  de  fa  vie,  s'attribua 
lui-même  cet  opufcule  dans  une  notice  de  fes  propres  écrits;  6c 
il  lui  ell  encore  attribué  dans  un  autre  catalogue  de  fes  ouvrages, 
avec  le  Traité  fuivant  qui  a  pour  titre  :  de  la  nature  &  de  la 
dignité  de  l'Amour,  que  l'on  a  aulTi  donné  à  faint  Bernard,  mais 
fans  raifon. 
Commentai-       V.  On  mit  auiïi  fous  fon  nom  dans  la  première  édition  de 
re  (ur  leCan-  ç^^  (Euvres  ,  le  Commentaire  fur  les  deux  premiers  chapitres  du 

tique   ,     p.?t.    _,.  i^-  1  1  r      r-  ,,r., 

i77.  Cantique  des  Cantiques,  dans  la  perluaiion  que  c  etoit  de  ce 

Commentaire  dont  Guillaume  de  faint  Thierri  avoit  parlé  au 
douzième  chapitre  du  premier  Livre  de  la  vie  de  faint  Bernard  ; 
iiiais  Dom  Mabiiion  ayant  depuis  examiné  la  chofe  avec  plus 
d'attention  ,   a  remarqué  que  ce  Commentaire   n'étoit  qu'un 
précis  ,  ou  abrégé  des  cinquante-un  premiers  difcours  de  faint 
Bernard  furie  Cantique,  fait  par  une  perfonne  de  pieté,  Je  à  ce 
qu'il  conjeclure,par  Guillaume  même  de  faint  Thietri,dont  on  y 
remarque  le  ftyle. 
Décl^mMîors       V  L  Les  déclamations  ,  ou  difcours  fur  ces  paroles  de  faint 
Geort'rofu!".  Pieff"  ^  Jefus-Chrift, /^oi/i)  que  nous  avens  tout  quitté ,  (ont  de 
f,pr.      '  '^    Geoffroi,  Difciple  de  faint  Bernard  ,  qui  les  compofa  de  divers 
endroits  des  Sermons  de  ce  Père.  Geoffroi,  après  avoir  été  foa 
Secrétaire  ,  fut  fait  Abbé  d'Igny  ,  6c  enfuite  de  Clairvaux.  C'cft 
de  lui  que  nous  avons  la  vie  de  faint  Bernard  en  deux  Livres ,  ÔC 
un  difcours  à  fa  louange.  Il  adrefla  fes  déclamations  à  Henri  de 
Pife,  Cardinal  de  l'Eglife  Romaine.  En  i^oi  elles  furent  impri- 
mées à  Spire ,  fous  le  nom  de  faint  Bernard. 
L'F.hellci!u       VIL  Le  Traité  qui  a  pour  titre  :  l'Echelle  du  Cloître ,  ou  de 
Cloître ,  p.îjr.  jjj  nianiere  de  prier,  a  été  imprimé  plufieurs  fois   parmi    les 
^''^'  ouvrages  de  faint  Auguftin.  Les  Codeurs  de  Louvaiu  ne  le 

croyent  ni  de  ce  faint  Do6lcur,  ni  de  faint  Bernard.  Son  titre 
«jansles  éditignsdefaint  Augullin^  cft  i'Echellq  du  Paradis.  Un 


PREMIER  ABBÊ  DE  CL AIRVAUX,6:c.  4rr 

manufcrit  de  la  Chartreufc  de  Cologne  l'attribue  à  Guy ,  fans 
fpécifier ,  Il  c'eft  le  même  que  l'on  compte  pour  le  cinquième 
Prieur  de  la  grande  Chartreufe.  Fabricius  le  donne  à  Guy,  Prieur 
de  la  même  Chartreufe  jufqu'en  ii7(5  ,  dont  on  a  parlé  plus 
haut.  L'ouvrage  ell:  adrelTé  à  Gcrvais,  que  l'Auteur  appelle  Ion 
frère. 

VIII.  PrefquGtous  les  manufcrits  mettent  fous  le  nom  de     M^iitarionf 
faint  Bernard  ,  les  Méilitations  pieufes  fur  la  connoifTancc  de  la  T,'!'/'  '  ^^^' 
condition  de  1  homme. Elles  font  fouvent  intitulées:  de  1  Homme 
intérieur.  Parmi  les  ouvrages  de  Mugues  de  fsint  Victor ,  elles 

font  fon  quatrième  Livre  de  l'Ame.  On  cite  un  manufcrit,  où 
elles  ont  pour  titre:  Traité  utile  compofé  des  paroles  de  fàint 
Bernard  ,  &  des  autres  Pères  ,  de  1  riomme  intérieur.  On  y 
trouve,  en  effet,  plulieurs  Sentences  tirées  des  écrits  de  faine 
Ambroile,  de  iàint  Augultin,  de  Boêce,  même  de  Seneque;il[ 
y  en  a  peu  de  faint  Bernard.  Mais  on  juge  que  ces  Méditations 
ne  font  pas  de  lui,  par  la  difiérence  du  Ityle,  par  les  fréquentes 
citations  de  vers  ,  &  par  une  formule  de  confelfion  des  péchés 
entièrement  diflérenre  de  celle  que  faint  Bernard  rapporte  au 
chapitre  i  8  de  fon  Traité  des  dégrés  d'humilité. 

IX.  On  a  mis  aulîi  entre  les  écrits    de   Hugues  de    faint  TraKc  Je  î'c- 
Vidor,  le  Traité  de  l'édification  delà  Maifon  intérieure  ,  ou  de  iaM',i(on  in- 
la  confcience  ,  ôc  il   y  efl  le  troifiéme  Livre  de  l'Ame.  Il  efl:  t'rkme,p.z£, 
plutôt  dun   Moine  Bonédidin  ,  que  d'un  Chanoine  régulier,  ^''* 
comme  il  paroit  par  le  dix-neuviéme  chapitre,  où  il  s'accufe  de 
plufieur-,  fautes  ,  qui  font  directement  contre  la  Règle  de  faint 

Benoît.  Il  parle  auift  de  la  Cuculle,  ou  Coule  ,  habit  de  cet 
Ordre.  L'ouvrage  elt  plein  de  fentimens  de  piété  ,  mais  écrit  fans 
ordre  &  fans  mcthocie.  On  y  répète  fouvent  les  mêmes  chofes. 
L'Auteur  avoir  puifé  dans  le  Livre  des  Méditations  fur  la  con- 
noiflance  de  la  condition  humaine. 

X.  l  e  Traité  fuivait  efl  encore  intitulé,  de  la  Confcience,  p'^";l'['^  ''^  ''^ 
&.  aireffé  à  un  Moine  de  l'Ordre  de  Citeaux. L'Auteur  témoigne  pij.'^si, 
fur  la  lin  ,  défirer  que  fon  nom  demeure  caché.  Saint  Bernard 

n'en  ufoit  pas  aiifi  à  l'égard  de  fes  ouvrages.  Il  en  donnoit  au 
contraire  le  catalogue  à  fes  amis ,  quand  ils  lui  paroiflbient  le 
fouhaiter. 

X  I.  On  ne  peut  non  plus  lui  attribuer  le  Traité  de  l'ordre  de  ^'T;''",'/'''' 

»ir-ci       »/  .r-,,    n  /-/i       !•  1-        I       lire  lie  la  Vie, 

la  Vie  OC  (les  Mœurs.  C  eft  un  compofe  de  divers  endroits  des  pag.iSj. 
écrits  des  faints  Pères ,  en  particulier  de  S.  Ambroife.  L'Auteur 
étoit  Bénédictin.  Il  le  dit  en  termes  exprès,  vers  le  milieu  du  cin- 
quième chapitrer 


4î^  S  A  I  N  T    B  E  R  N  A  R  D, 

Livre  de  la       XI I.  Le  Livre ,  ou  Traité  de  la  Charité ,  ell:  une  compilation 
403!'"'^  '  ^''^'  ^"-^  Traite  des  degrés  de  la  cliarité  par  Richard  de  faint  Viétor., 
des  deux  Livres  de  l'Amour  de  Dieu  par  Pierre  de  Biois,  ôc 
de  divers  écrits  de  faint  Bernard.  On  ne  fçait  qui  eft  ce  Compi- 
lateur. 
La  Vigne      XI II.  Ces  paroles  de  Jefus-Chrifl  :  Je  fuis  la  vraie  ^Igne, 
^441,  .ront  ia   matière  du   Iraite  intitule  :  la  Vigne  mylhque  ,  ou 

Traité  de  ia  Paflion  du  Seigneur.  L'ouvrage  n'eft  point  du  fl:yle 
.de  faint  Bernard,  mais  il  ne  manque  pas  d'élégance,  ôc  foa 
.Auteur  avoir  de  la  piété  &  du  fçavoir.    Il  parle  dans  le  dix- 
Xeptiéme  chapitre  de  quelques  Sermons  de  morale  qu'il  avoit 
faits. 
Mcditaticn      XIV.  Ce  Traité  eft  fuivi  d'une  Méditation  fur  la  PalTion  & 
&iaRc'furrec-  la  Réfurretliou  du  Seigneur.  On  n'y  reconnoît  point  du  tout  le 
pon  du  Sau-  ftyle  de  faint  Bernard  j  ôc  toutefois  elle  lui  eft  attribuée  dans  deux 
'  veur,p<!|:.î  14.  _.nianufcrits. 
Lamentnnon       X  V.   La  différence  du  ftyle  doit  encore   faire    rayer  di;ï 
fur  la  Paillon ,  .nombre  des  ouvrages  de  ce  Saint ,  la  Lamentation  fur  lu  PalTiOii 
du  Prctre,p'j^.  .de  Jefus-Chriu  ,  ôc  l'inftruclion  du  Prêtre^  ou  Traité  fur  les  prin- 
ÎÎ4, 537-      cipaux  myfteres  de  notre  Religion.  On  n'y  reconnoît  pas  non  plu3 
-fon  génie. 
Traité  des  ,     XVI.   Il   faut  pottçr   le   même  jugement  du  Traité    des 
Vertus ,&  de  Vertus,  ôc  de  l'explication  de  l'Oraifon  Dominicale.  Ces  deux 

i'OrailonDo-  r     \       r         j>  ^  \  u        2  r       \  '        J      r  ■ 

minicnie.p.ij-.  opulcules  iont  d  un  mcme  Autcur,  charge,  celembie,  du  loin 

ji°-  -des  Novices.  C'eft-  du  moins  pour  eux  qu  il  compofa  le  Traité 

-des  Vertus  qui  eft  divifé  en  trois  parties ,  dont  la  première  traitç 

àe  l'humilité  ;  la  féconde,  de  l'obéilTance  ;  la  troifiéme,  de  la 

charité.  Il  cite  fur  l'humilité ,  ce  qui  en  eft  dit  dans  (  a  )  la  Règle 

Sermons  de  faint  Benoît.         _  .  ,         ,         ^ 

de  divers  Av-       X  V  1 1.  On  a  mis  enfuite  de  ces  Traités  pludeurs  SermonSj 

*^"r  f  V  ^^^^'  doi^t:  ics  Auteur.^  font  connus  ;  fçavoir  ,  onze  Sermons  fur  Ifaïe  , 

'■■'■'      ■       prononcés  pendant  l'Avent  par  ^Irede,  Abbé  de  RicvaHe  en 

Angleterre  ,  de  l'Ordre  de  Cîteaux  ;  trois  de  Nicolas  de  Claicr 

vaux  ,fur  la  Nativité  de  Jefus-Chrift.  Ce  Nicolas  étoit  Secret. 

taire  de  faint  Bernard  ;  un  du  môme  Auteur  pour  la  Fête  de  faint 

Eftienne  ,  premier  Martyr  ;  un  Traité   d'/t^lrede  ,  fur  Jefus  , 

enfant  de  douze  ans  ;    un   fur  le  Dimanche  des  Rameaux  ^ 

qu'Eftius  croit  être  de  faint  Bernard  :  mais  ,  outre  qu'il  n'eft 

point  de  fon  ftylc,  on  ne  le  trouve  point  dans  les  manufcrits 

I  a.)  ^aft.'i  ,  num,  14. 

parnji 


PREMIER  ABBÉ  DE  CLAIRVAUX,  &c.  4J7 

parmi  fes  Sermons  du  Tcms.  Suivent  quinze  Sermons  d'Oger  , 
Abbé  de  Lucedia  au  Dioccfe  de  Verccil ,  tous  fur  les  parole?  de 
Jefus-Chrift  à  fes  Apôtres ,  le  jour  de  la  Cône  ;  un  autre  difcours 
fur  le  même  fujet ,  par  un  Anonyme.  Horftius  l'a  cru  de  faint 
Bernard.  On  l'a  rejette  dans  la  nouvelle  édition,  comme  n'étant 
ni  de  fon  llyle,  ni  defon  génie,  &  parce  qu'il  ne  fe  trouve  fous 
fon  nom  dans  aucun  ancien  manufcrit.  Il  n'eft  pas  même  dans 
l'édition  de  Lyon  de  l'an  15*  14.  Le  difcours  fuivant  fur  la  Vie  ôc 
Paffion  du  Seigneur^  n'eft  pas  non  plus  dans  cette  édition  ,  ni 
dans  les  anciens  manufcrits.  Trltheme  6c  Bellarmin  en  font 
honneur  à  faint  Anfelme^  mais  fous  le  une  de  Stimulus  amo ris. 

XVIII.  On  ne  connoît  point  l'Auteur  du  difcours  fur  les  Pag.éfi^ 
Difciples  qui  alioient  à  Emmaûs.  Celui  qui  a  compofé  le  Ser- 
mon touchant  l'excellence  du  faint  Sacrement ,    &  la  dignité 

des  Prêtres  ,  ne  l'étoit  pas  lui-même.  Il  ne  peut  donc  être  de 
faint  Bernard.  Le  difcours  fur  la  Nativité  de  faint  Jean  ,  fe 
trouve  parmi  les  ouvres  de  faint  Pierre  Damien.  Quelques  ma- 
nufcrits ,  &  la  Bibliothèque  Ciftercienne ,  l'attribuent  à  JS'icoIas 
de  Clairvaux.  Mais  comment  cet  Ecrivain  auroit-il  avancé  que 
de  fon  tems  l'on  ne  célebroit  point  d'autres  NaifTances,  que  celles 
de  Jefus-Chrift  6c  de  faint  Jean  ,  lui  qui  avoit  fait  un  difcours  fur 
ia  Fête  de  la  Nativité  de  la  fainte  Vierge,  ôc  qui  ne  pouvoit 
iignorer  que  faint  Bernard  parioit  de  cette  Fête  dans  fa  Lettre  1 7-4. 
.aux  Chanoines  de  Lyon  ? 

XIX.  Des  trois- ûircours  fur  la  fainte  Vierge  ,  dont  le  pre-  Pag.gfi., 
mier  eft  fur  fon  AiTomption ,  il  n'y  en  a  point  qui  fe  trouvent 

dans  les  colleclions  de  fes  véritables  écrits.  Le  fécond  eft  attri- 
bué par  Richard  de  faint  Laurent,  à  l'Abbé  Ekbert,  dont  on  a 
plufieurs  difcours  contre  les  Cathares  ,  dans  le  douzième  tome 
de  la  Bibliothèque  des  Pères  ,  à  Cologne.  L'explication  de  la 
Parabole  du  Ferniier  d'iniquité ,  n'eft  pas  digne  de  faint  Bernard, 
Elle  eft  d'un  Bernard,  Moine  de  Cluni.  Il  eft  parlé  dans  la  vie 
de  GuiFert  de  Nogent,  d'un  difcours  qu'il  avoit  fait  fur  ces 
paroles  du  chapitre  feptiéme  de  la  SagefTe  :  Lafageffe  Vemporte 
fur  la  miilic!.  C'eft  une  raifon  de  lui  attribuer  celui  qui  fe  trouve 
fur  ce  fujet  parmi  ceux  qui  font  fuppofés  à  faint  Bernard.  On 
met  de  ce  nombre  l'explication  de  la  Parabole  des  dix  Vieig.^s. 
Le  Sermon  pour  la  Fête  de  faint  André,  eft  de  Nicolas  de 
Clairvaux,  de  même  que  les  Panégyriques  de  faint  Nicolas, 
Evêque  de  Myre  ,  ôc  de  fainte  Magdelaine. 

XX.  Les  fréquentes  citations  des  Poètes  inufitées  dans  les  P^ig-rj* 
Tom  XX I L  M  m  m 


4îS  S  A  I  N  T    B  E  R  N  A  R  D, 

écrits  de  faint  Bernard  y  la  différence  du  ftyle ,  ôc  les  façons  dé 
penfer ,  font  des  raifons  fuffifantes  pour  lui  ôter  les  quatre  dif-i 
cours  fur  le  Salve  Regina.  Claude  de  la  Rote  les  attribue  à  Ber- 
nard, Archevêque  de  Tolède.  L'Auteur  du  difcours  adreffé  au 
Clergé  dans  le  Concile  de  Reims  ,  appelle  les  Evêques ,  fes 
Frères  ,  &  les  traite  quelquefois  de  démons.  Saint  Bernard, 
auroit-il  parlé  en  ces  termes  à  des  Evêques  ?  C'eft  donc  l'ou- 
vrage d'un  inconnu  j  qui  ne  fe  trouvant  pas  affez  de  fonds  pour 
compofer  un  difcours  ,  a  pillé  prefque  tout  ce  qu'il  dit  dans  les 
écrits  de  faint  Bernard.  Les  deux  difcours  fuivans  furent  aulïi 
prononcés  dans  des  Conciles.  On  croit  le  fécond  de  Giflebcrt, 
Abbé  de  Cîteaux  ,  auquel  Alexandre  IIL  écrivit.  Il  y  efl;  parlé 
de  la  mort  d'Eugène  III.  comme  arrivée  depuis  peu  de  tcms  ^ 
ôc  du  fchifme  fous  Alexandre  I II,  oui  ravageoit  alors  les  • 
Eglifes. 

Tag.rfé.  XXI.  Les  huit  difcours  fuivans  ne  font  pas  du  flyle  de  faint 
Bernard.  On  ne  le  reconnoît  pas  plus  dans  le  Livre  des  Sen- 
tences ,  renvoyé  déjà  par  Horftius  parmi  les  Livres  douteux. 
On  met  même  parmi  les  ouvrages  fuppofés  à  ce  Père,  la  difpute 
d'un  Judc  avec  Dieu  ;  le  Soliloque  ;  la  forme  d'une  Vie  honnête. 
Le  iMiroir  des  Moines  efl  d'Arnoul  ,  Moine  Ciftercien.  Les 
opufcules  qui  fuivcnt  font  fans  nom  d'Auteur.  On  a  fupprimé 
dans  la  nouvelle  édition  une  Lettre  au  Chevalier  Raymond,, 
comme  étant  indigne  de  faint  Bernard  ,  &  môme  de  voir  la 
jour. 

tiig.  s  16.  X  X  1 1.  Il  paroît  que  Gérard  Vofïius  n'a  fait  imprimer ,  fous  ■ 
le  nom  de  faint  Bernard  ,  le  Traite  qui  a  pour  titre  ces  paroles  : 
Pourquoi  étes-vous  venus. ^  que  parce  que  ce  fainr  Abbé  les  a  voit 
fréquemment  dans  la  bouche,  ainfi  qu'il  efl  remarqué  au  chapitre 
quatre  du  premier  Livre  de  fa  vie  ;  mais  dans  le  treizième 
tome  de  la  Bibliothèque  des  Pères  de  Cologne,  il  porte  le 
nom  de  David  d'Aufbourg ,  de  l'Ordre  des  Frères  Mineurs, 
avec  ce  titre  :  Formule  des  Novices  ;  ôc  une  Epître  dédicatoire  • 
à  Berthold.  Le  Traité  de  la  manière  de  bien  vivre  ,  adreffé  par 
un  Anonyme  à  fa  fa-ur ,  ne  convient  ni  à  fr.lnt  Bernard  ,  ni  à  fa 
freur  Humbeiine  ,  qui  avoit  été  mariée  avant  d'cmbraffer  l'état 

Cap.  iz.  Monaftiquc;  au  lieu  que  la  focur  de  cet  Ecrivain  n'étoit  pas 
encore  engagée  dans  le  mariage. 

Pn^-909.  XXtII.  Les  Ciflerciens  n'admettoicnt  dans  leurs  Offices- 
que  de  la  profe  ;  d'où  vient  que  faint  Bernard ,  en  compofant. 
celui  de  faint  Victor  ^  ne  s'cft  point  alfujctti  à  la  contrainte  des 


à 


PREMIER  ABBÉ  DE  CL  AIR  VAUX, &c.    4j^ 

■vers  ,  mais  qu'il  a  même  négligé  la  rime.   On  ne  peut  donc 

«lui  attribuer  avec  vraifembbnce,  le  Pocme  à  Rainaud  ,  qui  efl: 

•  en  vers  hexamètres  ,  ni  les  autres  petites  pièces  de  poclie  qui 

fuivent,  ni  même  la  Profe  rimce  fur  la  Naiffance  du  Seigneur. 

XXIV.  Le  (ixicme  ôc  dernier  Tome  des  (Èiuvres  de  faint    Sixk'mcTp- 
Bernard,  comprend  les  Sermons  de  Guerric  ,  Abbé  digny,  '^sermons  de 

.pour  les  Fêtes  de  lannc'e.  Il  avoit  été  Chanoine  de  Tournai ,  Guerric,  Ab- 
.  avant  de  fe  retirer  à  Clairvaux  pour  y  vivre  fous  ladifciplinede  ^'^^  '^^^"y  r 
-faint  Bernard.  Ce  fut  vers  l'an  1 1 5 1  ,  après  la  mort  de  Humbert ,     "'      * 
Abbd  d'Igny  dans  le  Diocèfe  de  Reims  ,  que  Guerric  fut  choifi 
pour  lui  fucceder.  Nous  devons  au  foin  qu'il  prenoit  de  TinllruC- 
tion  de  fes  E.eligicux-,  les  Sermons  qui  nous  reftent  de  lui.  Ils 
méritent  d'être  lus,  6c  ne  font  pas  beaucoup  au-delîous  de  ceux 
de  faint  Bernard.  Nous  en  avons  en  tout  cinquante- cinq.  On  les 
a  réimprimés  dans  le  vingt-troifiéme  tome  de  la  Bibliothèque 
.idcs  Percs ,  à  Lyon.  Manriquez  met  fa  mort  en  1 1  jy. 

XXV.  Horfiius  avoit  déjà  mis  dans  l'Appendice  des  (Euvres       Lsttres  &9 
de  faint  Bernard  ,  trois  Lettres  de  Guy,  cinquième  Prieur  de  la  nie'^PHem"'!» 
Chartreufe,  à  caufe  delà  liaifon  d'amitié  quiétoit  entre  lui  &  ce  laClurtrcufe, 
Saint.  Dom  Mabillon  y  en  a  ajouté  une  quatrième  ,  imprimée  ^•^-  ^°^^' 
dans  le  premier  tome  de  fes  Analedes.    Elle  a   pour  but  de 
montrer    la  llippolltion  de  quelques   écrits  attribués   à  làint 
Jérôme. 

XXVI.  Il  efl:  peu  de  Saints  qui  ayent  eu  un  fi  grand  nombre     Vie  c^e  fuinf 
&  de  fi  illuftres  Hifloriens,  que  faint  Bernard.  Le  premier  efl:  ^ç^"]V'''^  •  ^^/ 
Guillaume  de  faint  Thierry  ,  qui ,  de  cette  Abbaye  dont  il  ttoit  nii,u  Thierri' 
■Supérieur  ,  pafia  à  Signi  pour  y  vivre  en  fimple  Moine.  Il  étoit  ^■'^g-  ïo77^ 
lié  d'une  étroite  amitié  avec  faint  Bernard,  qui  l'eftimoit  pour 

fa  fagefle  &  pour  fon  fçavoir.  Mais  quelqu'eftime  qu'il  eût  pour 
l'Abbé  Guillaume  ,  il  ne  voulut  pas  lui  permettre  de  quitter 
fon  Abbaye  pour  venir  demeurer  à  Clairvaux.  Demeurez ,  ce  E'M.  s^ 
font  les  termes  de  la  Lettre  qu'il  lui  écrivit  à  cette  occafion  , 
demeurez  ,  fi  vous  m'en  croyez  ,  en  l'état  où  Dieu  vous  a  mis, 
^  travaillez  pour  le  bien  de  ceux'  que  vous  avez  à  conduire. 
Guillaume  écrivit  le  premier  Livre  de  la  vie  de  ce  Saint ,  de  fon 
•vivant  même ,  mais  à  fon  infçu.  C'cfl:  ce  qu'il  dit  dans  la  préface, 
où  il  marque  qu'il  l'écrivoit  à  Signi,  Monaflere  dans  le  Diocèfe 
deReims.  Helin  lui  avoit  fuccedé  en  1 1 5  5:  dans  l'Abbaye  de  faint 
Thierri  au  même  Diocèfe.  Guillaume  s'étoit  retiré  à  Signi  quel- 
'que  tems  auparavant.  Il  n'y  commença  à  écrire  la  vie  de  faint 
fiecnard,  qu'après  la  tranflatioii  de  Clairvaux  en  un  lieu  piu«    - 

M  m  ai  ij 


4do  SAINT     B  E  R  N  A  R  D , 

fpacleux  ôc  plus  commode,  &  après  que  faint  Bernard  eut  éteînr" 
les  fchifmes,  ôc  réfuté  les  héréiies  dont  l'Eglifc  avoit  été  agitée... 
On  doit  donc  mettre  ce  premier  Livre  de  fa  vie  après  l'an  i  i-jo, , 
ou  1147.  Guillaume  niourut  avant  faint  Bernard. 
B^narî^'Tr       ^>^VII.  Après  la  mort  de  ce  Saint  ,  Arnaud,  Abbé  de- 
l'Abbc   de      Bonneval,  Ordre  de  faint  Benoît,  dans  le  Diocèfe  de  Chartres, 
^.onaeyal.       continua  l'ouvrage  commencé  par  l'Abbé  Guillaume ,  &:  fit  le 
fécond  Livre  de  la  vie  de  faint  Bernard.  On  a  une  de  fes  Lettres 
à  cet  Abbéj  qui  eft  la  trois  cens  dixième.  Il  y  avoit  alors  k 
Clairvaux  plufieurs  perfonnes  de  Lettres ,  capables  de  faire  la 
vie  de  ce  Saint  ;  mais  ils  aimèrent  mieux  en  charger  Arnaud,  . 
qui  nous  fait  obferver  dans  cette  coramiflionj  un  trait  de  leur 
modeftie. 
Bern'ad  ,^Fr      X  X  V 1 1 1.  A  CCS  deux  Livres  GeofFroi ,  Moine  de  Clait- 
.Geofiroi.       vaux ,  en  ajouta  trois  autres  vers  l'an  1 1 5  3 ,  ou  1 1 J4 ,  treize  an« 
après  fa  converiion ,  ou  fa  retraite  à  Clairvaux.  Ilétoit  d'Auxerrc, 
&  avoit  étudié  fous  Abaillard.  Il  fut  Secrétaire  de  faint  Bernard,, 
avec  Nicolas  de  Clairvaux ,  l'accompagna  dans  fes  voyages  de  • 
France  ôc  d'Allemagne;  fut  avec  lui  au  Concile  de  Reims  en. 
1 14.8  ,dont  il  écrivit  l'hiftoire,  à  la  prière  du  Cardinal  d'Albe. . 
Il  fucceda  à  Bernard  ,  Abbé  d'Igni ,  &  enfuite  à  Faftrede ,  Abbé 
de  Clairvaux,  mort  en  1 1 52.  Une  gouverna  ce  Monaftere  qu'en- 
viron quatre  ans.  Mécontent  de  fa  Communauté,  il  l'aban- 
donna pour  paffer  à  FofTe-Neuve  en  Italie.  Ce  qu'il  dit  de  faint 
Bernard  eft  d'autant  plus  digne  de  croyance  ,  qu'il  ne  rapporte 
prefque  rien  qu'il  n'eût  vu.  Il  compofa  divers  autres  ouvrages  ;  ' 
un  Commentaire  fur  le  Cantique  des  Cantiques  ;  la  vie  de  faint: 
Pierre  de  Tarentaife  ;  un  Traité   contre  Gilbert  ,  Evcque  de  • 
Poitiers  ;  un  autre  contre  Abaillard  ;  quelques  Lettres  ôc  quelques  - 
Sermons. 
Recueris  des      XXIX.  Dom  Mablllon  ne  doute  point  que  le  même  Geof-  - 
•mmacjes  de  S.  f^Qj  ^e  foit  du  nombre  de  ceux  qui  ont  recueilli  les  miracles  de 
faint  Bernard ,  dont  on  a  compofé  deux  Livres  imprimés  à  la: 
fuite  de  fa  vie.  Le  premier  eft  divifc  en  trois  parties,  dont  la 
première  "  '"our  Auteur  Fliilippe ,  Moine  de  Ciairvaux,  qui 
l'adreffaàSamfon  j  Archevêque  de  Reims.  La  féconde  efl  dédiée 
au  Clergé  de  l'Eglife  de  Cologne  ,  par  cinq  Moines  delà  même  ■ 
Abbaye,  entre  lefquels  Gcoffroi  ôc  Philippe  font  nommés.  La    ■ 
troifiéme  eft  de  Geoffroi  feul ,  ÔC  adrcflee  à  Hermann ,  Evêque 
de  Conftance.  Ce  Livre,  avec  les  cinq  précédons  fe  trouvei^t 
ilîi»s.  ic6-J3ollandiftes  ,  au  20.  d'Août ,  de  même  que  daus  la 


PREMIER  ABBÉ  DE  CL  AIRV  AUX,  ôcc.  ^(Si 
nouvelle  édition  des  (Euvres  de  faint  Bernard.  Suit  dans  cette 
édition  un  fécond  Livre  des  miracles  de  ce  Saint ,  compté  pour 
lefeptiémedefa  vie,  tiré  des  monumens  qui  concern<nu  l'ori- 
gine, ou  le  commencement  de  l'établifTement  de  Citcaux  ,  6c 
des  fragmens  des  Livres  qu'Herbert  avoit  compofés  des  miracles 
opérés  par  les  Moines  de  cet  Ordre.  Ces  fragmens  font  au iTi  rap- 
portés par  les  BoUandifles. 

XXX.  On  peut  mettre  encore  au  nombre  des  Hiftoriens  de  ,  e"i'/'''^'T 

,/,.  •1,11/iiT-.-  r       r  ■    T^     n  deb.  iicr/lJtJ, 

lamt  Bernard,  Alaui ,  qui,d  Abbedela  Kivoure,  rut  laithveque 
d'Auxerre ,  &  gouverna  cette  Eglife  depuis  Tan  1 1 5'3  ,  jufqu'en 
1 1(5 1,  qu'il  retourna  à  Ciairvaux,  où  il  mourut  en  i  i8i.  Son 
ouvrage  n'eft  ,  à  proprenvent  parler  ,  qu'une  compilation  des 
cinq  Livres  de  la  vie  de  faint  Bernard ,  par  Guillaume  de  faint 
Thierri ,  Arnauld  de  Bonncval ,  6c  le  Secrétaire  Geoffroi.  Tviais 
il  a  mis  les  faits  qu'ils  racontent  dans  un  ordre  beaucoup  plus 
exatt,  ôc  plus  fuivi.  Ilya  ajouté  le  teftament  de  faint  Bernard, 
dont  ces  trois  Ecrivains  n'ont  rien  donné.  Le  Père  Chifflet  fit 
imprimer  en  i6j^  une  autre  vie  de  faint  Bernard ,  qu'il  croie 
être  du  Secrétaire  Geoffroi ,  mais  diftérente  des  trois  derniers 
Livres  de  la  vie  de  ce  Saint.  Ce  ne  font^  fuivant  la  conjecture 
de  l'Editeur  ,  que  des  matériaux  que  Geoffroi  avoit  amaffés  pour 
le  commencement  de  la  vie  du  Saint,  6c  qu'il  ne  voulut  pas 
mettre  en  œuvre  par  confiuération  pour  Guillaume  de  faine 
Thierri,  6c  Arnauld  de  Bonneval ,  qui  avoient  déjà  donné  les  ■ 
premières  années  de  l'hilloire  de  faint  Bernard. 

XX  X  L  Vers  l'an  1 1 8o  Jean  ,  furnommé  l'IIeniiite ,  fit  en'     Vie  de  fvhn 
deux  Livres  la  vie  de  faint  Bernard,  qu'il  dédia  à  Pierre,  Evoque  ^^"^^^\'rF~^' 
de  Tufculum ,  fait  Cardinal  en  1 178  parle  Pape  Alexandre  IIL  mue. 
Cette  vie  n'eft  complette  ni  dans  la  nouvelle  édition ,  ni  dans 
celle  du  Père  Chifflet,  qui  l'a  fait  entrer  dans  fa  dilTertation  fur 
la  nobieile  de  Fextra'ilion  de  faint  Bernard.  Enfoite- des  deux 
Livresde  Jean  IHermite,  DomMabilIon  a  mis  le  Pocme  du 
Moine  Fhilothée,  intitulé  :  de  la  vie  ôc  des  mœurs  de  faint 
Bernard  ;  quelques-autres  pièces  en  vers  à  la  louange  de  ce 
Saint  ;  la  defcription  de  l'emplacement  du  Monaftere  de  Clair- 
vaux  ;  le  difcours  prononcé  à  fon  anniverfairc  par  l'Abbé  Geof* 
froi  ;  fa  Lettre  au  Cardinal  d'Albe  ;  fon  Opufcule  contre  Gilbert, 
Evêque  de  Poitiers;  fa  Lettre  à  Jofbert,  contenant  quelques 
remarques  fur l'Oraifon  Dominicale  ;  les  acles  delà canonifaticn 
de  S.  Bernard  ;  6c  les  témoignages  que  l'on  a  rendus  à  fon  fcavoir- 
Ôc  à  fa  ver  tu. 

iVl  m  m  iij 


4<?2  SAINT     BERNARD, 

Doarlne  de       X  X  X  ï  I.  Lcs  Hiftoriens  de  fa  vie  ôt  de  Ces  miracles  en  ont 
S.  Bernard  fur  rapporté  des   circoiifiances  dont  il  eft  important  de    faire  ici 
mention  ,  parce  qu  elles  lont  des  preuves  évidentes  de  la  roi  tut 
la  prcfence  rdeile  dans  fEuchariftie.  Arnaud  de  Bonneval,  dit 
que  faint  Bernard  étant  à  Milan  pour  les  atiaires  de  l'Hglife  ,  on 
lui  amena  par  force  une  Dame  de  cette  Ville  ,   poircdéc  du 
démon,  qui  l'agitoit  fi  violemment ,  que  dans  le  tems  de  fcs  con- 
■vulfions  ,  elle  refTembloit  plutôt  à  un  inondre  qu  à  une  femme  ; 
que  le  faint  Abbé  offrit  pour  elle  le  Sacrifice  dans  l'Eglife  de 
faint  Ambroife  j  &  qu'après  l'Oraifon  Dominicale  ,  ayant  mis  le 
Corps  facré  de  Notre-Seigneur  fur  la  patène  qu'il  tint  élevée 
fur  la  tête  de  la  pofTedéejil  parla  ainfi  au  démon  :  Voici  ton 
Juge  ,  ô  méchant  efprit,  voici  celui  à  qui  appartient  le  fouveraia 
;pouvoir.  Réfiftes-lui ,  û  tu  le  peux.  Voici  celui ,  qui  peu  de  teras 
.avant  que  de fouffirir  la  mort  pour  notre falut ,  a  dit  :  C'eft  main- 
tenant que  le  Prince  du  monde  va  être  chalîé  dehors.  C'eft  (  a) 
ici  le  même  Corps  qu'il  a  pris  de  celui  de  la  Vierge;  ie  même 
qui  a  été  étendii  fur  le  bois  de  la  Croix  ;  qui  a  été  mis  dans  le 
tombeau;  qui  efî;  relTufcité  d'entre  les  morts;  qui  cft  monté  au. 
Ciel  à  la  vue  de  fes  Difciplcs.  C'efl  donc  au  nom  de  cette  terrible 
Majefté  que  je  te  commande  de  fortir  de  cette   femme.   Le 
démon  fut  contraint  d'obéir,  &  d'avouer  par  fa  fuite,  quelle 
puifTance  &  quelle  eîficace  réfident  dans  les  divins  Myfteres. 
La  liberté  de  l'efprit  &  celle  des  fcns  furent  rendues  à  cette 
Dame  ;  fa  figure  changée ,  &  la  tranquillité  de  fon  amc  rétablie. 
Tout  Milan  fut  témoin  du  miracle.  Le  même  Ecrivain  raconte 
que  faint  Bernard  eut  aufTi  recours  à  l'Euchariftic  pour  vaincre 
j'obltination  de  Guillaume,  Duc  d'Aquitaine,  dans  le  fchifme, 
.  &  pour  le  faire  entrer  dans  des  vues  de  paix  &  de  conciliation  , 
qu'il  avoit  toujours  rejcttées.  Nous  avons  rapporté  fes  paroles 
dans  l'abrégé  de  fa  vie  ,  &  nous  nous  contcnteror.s  de  tranf- 


(  a)  Explftâ  Oratione  Dominicâ  fffi- 
«ncirs  hoftem  :i<r£,'reditur  vir  bcntus.  Pate- 
Tia:  (îijuidctn  calicis  facrum  Domini  Corpus 
impontns ,  &  mulieris  capiti  fuperponcns 

.talia  loqutbntur  : Hoc  illud  Corpus 

quod  de  coi-pore  Virginis  funipium  tll  ; 
quod  in  ftipite  Crucis  extt  nfum  cil  ;  quod 
intumulo  jacuit  ;  quod  de  morte  furrcxit  ; 
,£jiod  vidcntijjus  Pillipulis  alcendir  in  Coe- 


lum  :  In  Iiujus  er^o  jV^jeflaiis  tcrribilt 
potefiate  ,  tibi ,  fpiritus  maiigne,  pr.ixipio 
ut  ab  hàc  ancillii  ejus  cprcdiciis  contin- 

gerc  eamdcinccps  non  prrfliinas 

Fusaio  diabolo, mulier  mentis  C\ix  compoj 
etleda,  redditis  cum  r.itione  fcnfîbus  , 
Dcuni  conlcffa  f^ratias  egit,  &;c.  Ar/sdiL 
honnM'ailis  ,  Ub,  i  ,  vit.  Bernjrdi,cap.  3  , 


PREMIER  ABBÉ  DE  CL  AIRVA  UX  ,  ôcc.  463 

crire  (  a  )  ici  en  latin  ,  celles  qui  atteftent  fa  croyance  fur  la 
réalité  du  Corps  &  du  Sang  de  Jefus-Chrift  dans  l'Euchariflie. 

§.   XVL 

De  quelques  Ecrits  de  faim  Bernard ,  publiés  depuis  ta 
dernière  édition  de  fes  Œuvres. 

L  T     Es  Ecrits  de  faint  Bernard  dont  nous  avons  parlé  iuf-  „  '^"^"«'^'^S- 

I  ,•    •      r  j  I  A  j         1  1     j         -i^      KcriiarJ,  pu- 

P    i  qu  ICI,  le  trouvent  dans  le  même  ordre  dans  la  dernière  biicsciepuisk 
édition  qui  en  a  été  faite  par  Dom  Mabillon  ,  ôc  que  l'on  a  mife  Jemiirrc  édi- 
plus  d'une  fois  fous  la  prelTe  ;  fçavoir ,  en  1666 ,  1  (5po  6c  1715),  cXuvrcs.   '* 
à  Paris.  C'eft  à  cette  dernière  que  nous  nous  en  fommes  tenus. 
Depuis  ce  tems  Dom  Martenne  6c  Dom  Durand  ont  publié 
plulieurs  Lettres  de  ce  Père  ,  ôc  quelques-uns  de  fes  opufcules  ;, 
©u  d'autre»  monumens  qui  intereflent  fon  hiftoire. 

IL  Dans  le  premier  tome  de  leur  grande  collection  ,  ils  ont    Lettres  de  S. 
donné  ,  fur  un  manufcrit  de  faint  Vaaft  d'Arras  ,  trente-cinq  ^.""'^''an.pTf. 
Lettres  adreflccs  à  diverfes  pcrfonncs.  Dans  la  première,  faint  loldcManen. 
Bernard  exhorte  deux  perfonnes  mariées  ;,  le  mari  ôcla  femme,  V-'^'é-i-^' 
à  la  pratique  des  bonnes  oeuvres  ,  furtout  de  l'aumône  ;  en  leur 
reprclentant  que  Dieu  n'avoit  rendu  le  tems  préfent  fi  fâcheux 
aux  pauvres,  qu'alin  que  les  riches  en  prill'ent  occafion  de  s'a- 
malîer  plus  facilement  un  tréfor  dans  le  Ciel.  Dans  la  fepticmCj 
ii  fait  des  reproches  à  l'Evêque  de  Troyes  d'avoir  conféré  un 
Archidiaconc  à  un  enfant  qui  ne  fçavoit  pas  encore  fe  gouverner 
lui-même.  La  huitième  ,  eit  à  un  Abbé  qui  s'appliquoit  à  rétablir 
fon  Monaflere.  Saint  Bernard  l'exliorte  à  y  faire  reileuriraulFi  les 
bonnes  moeurs  ,  6c  Ihofpitalité.  Par  la  dixième,  il  détourne  un 
de  fes   amis  de  recevoir  un  Bénénce  de  la  main  dun  Mili- 
taire, difant,  qu'on  n'en  doit  recevoir  que  de  la  main  de  fon 
Evêque, 


(a)  Vir Dei  jara  non  fe  agens  ut  homi- 
nem  ,  Corpus  Domiiii  luper  patenam  ponit 
&  kxuin  tollit ,  atque  iHiiea  facie  &  !-lam- 
meis  oculis  non  liipplicans  ,  led  minax 
foras  Ch:reJiiur  ,&  vei  bis  terriiÀlibus  a:;- 
greJitur  Duteni  :  Rogavimus  te,  inquit  /& 

fpreviiU  no^^ Hcce  ad  te  proce.Tit 

kiiius  Virginia  c]ui  eil  C^vut  &  Dominas 


'    Ecclefî.-Bquam  cuperfêqueris Nunr- 

quid  &  ipium  Ipernes  ;  riumquid  &  ipfuni 
licut  fcrvos  eius  coiitemnes  ?  .  .  .  .  Viucns 
Cornes  Abbatemii-  fpiritu  v=her.K'n'i  prc 
ccJentcm&  facratiliiniuniDoniini  Corpus- 
fcrentem  in  manibus ,  expavir. ...  &  quaff 
amens  Ibk)  provolvitoi'.  M.  ilid,  Cdp,  6  , 


4^4  SAINT    B  E  R  N  A  K  D  , 

Ptg.rio,  m.  Après  la  mort  d'Hildebert  ,  Archevêque  de  Tours  ^ 
arrivée  le  1 8  Décembre  i  i  3  <$ ,  le  Chapitre  choifit  canonique- 
:ment  Hugues  ,  recommandable  par  fa  noblefle  ôc  par  fa  pru- 
dence. Mais  il  fut  troublé  dans  fon  éledion  par  un  nomme 
.Philippe.  Il  y  eut  procès  entre  les  deux-  contendans.  Le  Pape 
Innocent  IL  délégua  faint  Beraard  pour  le  terminer.  C'eft  le 
fujet  de  fa  Lettre  à  ce  Pape  ,  à  qui  il  fait  connoître  la  nullité  de 
l'éleclion  de  Philippe.  Il  lui  en  écrivit  fix  autres  en  faveur  de 
l'Evêque  Hugues.  Quand  il  fe  préfentoit  à  Clairvaux  quelqu'un 
dont  les  forces  n'étoient  pas  fuffifantes  pour  foutenir  1  aufterité 
d^la  vie  que  l'on  y  menoit,  il  i'adrefToit  à  quelqu'Abbé  d'un. 
Ordre  plus  doux.  C'eft  ce  que  Ton  voit  par  la  vingt-unième 
Lettre.  Mais  il  ne  les  envoyoit ,  qu'après  avoir  éprouvé  ieuc 
vocation. 

.f»(y.  73^.  IV.  Gonfulté  par  un  de  fes  amis  fur  les  qualités  d'un  jeune 
homme  qui  recherchoit  en  mariage  une  pcrfonne  de  la  première 
confidération ,  il  ne  fit  aucune  difficulté  de  dire  à  cet  ami  le 
ma!  qu'il  c-onnoifloit  en  ce  jeune  homme  ,  ôc  féloignement  qu'il 
lui  fçavoit  pour  le  bien.  La  Lettre  fuivante,  qui  eft  la  vingt- 
îroifiéme,  regarde  un  Moine  forti  de  fon  Monaftere  pour  aller 
confulter  faint  Bernard,  fur  l'obligation  qu'il  fc  croyoit  d'ac- 
complir le  voeu  qu'il  avoit  fait  d'abord,  d'entrer  dans  un  Mo- 
naf;ere  différent  de  celui  où  il  avoit  fût  profeifion.  La  décifioa 
fut,  que  le  premier  vœu  n'ayant  pas  été  fait  publiquement,  &  les 
deux  Aîonafteres  étant  d'une  même  obfervancc,  il  devoir  reftcr 
dans  celui  où  il  étoit  engagé  pour  lors. 

jP/jf.  738.  ^-  La  vingt-fixiéme  Lettre  à  Amedée  ,  Abbé  de  Hautc- 
Combe  ,  efl  pour  le  prier  de  faire  fes  excufes  au  Roi  de  Sicile, 
de  ce  qu'il  ne  lui  avoit  point  envoyé  de  fes  Religieux;  de  lui 
dire  ,  qu'ils  étoient  prcts  à  partir,  lorfqu'on  étoit  venu  lui  annon- 
cer de  la  part,  qu'il  n'en  falloit  que  deux  pour  aller  reconnoître  le 
lieu  où  l'on  vouloir  bâtir  le  nouveau  Monaflere  ,  &  que  ces 
deux  Moines  partiroient  au  premier  ordre  du  Roi.  Parla  vingt- 
liuiriéme  ,  il  prie  le  Roi  de  France  de  lui  permettre  de  ne  point 
acquiefcer  à  l'élefiion  qu'on  avoit  faite  de  lui  pour  remplir  le 
•Siège  Archiépifcopal  de  Reims ,  vacant ,  ce  femble ,  par  la  mort 
de  Renaud. 

•ï>«^.74o,       V  I.  Pendant  la  famine  qui  régna  prefque  par- tout  en  1 14.5, 

Kpilf.  jo.  faint  Bernard  écrivit  à  fes  Frères  ,  non-feulement  defoulager  de 
Jeur  fubllance  les  pauvres  ,  mais  d'y  exciter  encore  les  autres. 
7  rois  ans  après ,  c'cft- à-dire,  en  i  i-i-^  ,  il  écrivit  à  la  Reine  ôc 

taute 


1 


PREMIER  ABBÊ  DE  CLAIRVAUX,&c.  4^? 

tante  de  l'Empereur  des  Efpagnes  ;  que  la  Conimunautd  de 
Clairvaux  Tavoit  volontiers  aflociée  ,  &  confenti  que  l'on  fit 
pour  elle  pendantfa  vie,  ôc  après  fa  mort,  la  même  chofe  que 
pour  un  Religieux  du  Monadere.  Il  la  pria  par  la  même  Lettre , 
qui  eft  la  trente-quatrième,  d'appaifer  undiiïerend  furvenu  entre 
les  Religieux  du  Monaftere  de  Caceda  ,  ôc  ceux  du  Monafterc 
de  l'Efpine  ,  ou  de  le  faire  juger  par  les  Evêques  Diocèfains. 

VII.  La  Lettre  trente-cinquicme  eft  une  réponfe  à  celle  ^"^  ''^^* 
que  faint  Bernard  avoir  reçue  de  l'Evêque  d'Albane ,  qui  lui 
demaadoit  fon  Homélie  fur  le  Fermier  d'iniquité  dont  il  eft 
parlé  dans  faint  Luc.  Le  faint  Abbé  la  lui  envoya  avec  un  petit 
couteau  à  manche  d'yvoire  appelle  Qidnivers.  Ces  Lettres  font 
fuivies  de  quelques  notes,  ou  obferv'ations  des  Editeurs  ,  fur  les 
infcriptions  de  plulieurs  Lettres  de  l'édition  de  Dom  Mabillon. 
Ils  remarquent,  par  exemple,  que  la  Lettre  foixante-fixiéme dans 
cette  édition,  s'adrefle  à  Geoffroi ,  Abbé  de  faint  Medard,  au 
lieu  que  dans  quatre  manufcrits  diftcrens  elle  eft  adreflée  à 
Geoftroi ,  Abbé  de  faint  Thierri  ;  que  la  deux  cens  foixante-qua- 
torziéme  dans  Dom  Mabillon  eft  à  Guy,  Abbé  de  Trois-Fon- 
taines ,  quand  ilétoit  à  Rome  ;  mais  que  dans  deux  manufcrits , 
l'un  de  Liège,  l'autre  d'Orvalle  ,  elle  eft  à  Hugues,  Evcque, 
touchant  le  Prévôt  d'Auxerre.  Ces  obfervations ,  &  plufieurs 
autres ,  que  l'on  doit  à  Dom  Martenne  6c  à  Dom  Durand, 
pourront  trouver  place  dans  une  nouvelle  édition  de  lliint 
Bernard. 

VIII.  lisent  aufTi  découvert  &  publié  une  Hymne  de  ce  Hymne  rur 
Sa'nt  en  l'honneur  de  faint  Malachie,  Archevêque  d'Irlande,  &  r,'ls.^^^6.  '  ' 
■mort  à  Clairvaux.  En  la  comparant  avec  celles  que  faint  Bernard 

a  faites  pour  faint  Vicier ,  on  y  reconnoît  aifément  le  même 
génie. 

IX.  Enfin,  nous  leur  fommes  redevables  de  la  découverte  LettroàHen- 
-dHine  Lettre  de  faint  Bernard  ,  ou  des  Moines  de  Clairvaux  qui  "' 
l'accompagnèrent  dans  fon  voyage  d'Allemagne  ,  à  Henri, 
Novice  en  cette  Abbaye,frere  du  Roi  Louis. Cette  Lettre  étoit  à 
la  tête  du  recueil  des  miracles  que  S.  Bernard  avoir  faits  en  Alle- 
magne. Ce  recueil ,  dans  les  éditions  de  fes  (Euvres,  eft  adrcffé 
à  Samfon  ,  Archevêque  de  R-eims;  mais  il  eft  vraifemblable  que 
les  Compagnons  de  faint  Bernard  l'envoyèrent  d'abord  à  ce 
jeune  Prince  qui  s'étoit  lait  Novice  à  Clairvaux,  foit  pour  lui 
faire  plaifir  ,  foit  pour  fa  confolation ,  6c  celle  de  tous  les  Frères  , 
6c  qu'enfuite  ils  l'adrefTerent  à  l'Archevêque  de  Reims.  Cette 

Tome  XXI L  Nna 


Roi 

Louis    , 

tJ.Tl. 

h ,  Ansc- 

dot. 

Mdrtiti 

P'S- 

jys». 

^66  SAINT     BERNARD, 

Lettre  fe  trouve  dans  le  premier  tome  des  Anecdotes  imprima 
jL  Paris  en  1717. 

§,  X  V  1 1, 

Jugement  des  Ecrits  de  jaim  Bernard.  ^Catalogue  des 
éditions  cjuon  en  a  faites.  ■ 

Jugement  î.  TJ  L  u  S  on  lit  IcsEcrits  de  S.  Bernard,  plus  on  en  admire 
^^J"'^\  '^^  jL  les  beautés.  L'on  y  voit  d'un,  côté  reluire  la  dodrine, 
le  zèle  ,  la  piété;  de  l'autre,  briller  un  efprit  naturellement 
noble  ,  vigoureux  ,  fublime;  mais  doux  ,  complaifant,  poli, 
&  une  éloquence  fans  enfiure  &;  fans  fard ,  plus  embellie  des 
grâces  de  la  Nature,  que  dei'Art.  Son  ftyleeft  vif,  ferré,  plein 
d'ondion ,  varié ,  fuivant  la  diifcrence  des  matières  &  des  fujets. 
Ses  penf^'es  font  élevées  •,  fes  feutimens  ne  refpirent  que  la  vertu  ; 
tous  fes  difcours  portent  à  Dieu  ,  6c  à  l'amour  des  chofes 
célefles.  Il.ne  clierche  qu'à  échauffer  le  cœur  ,  &  non  à  le 
briller.  Ses  reproches  ne  tendent  pas  à  aigrir  le  pécheur,  mais  à 
l'émouvoir  ;  à  le  toucher ,  non  à  1  infulter.  S'il  le  reprend  ,  s'il  le 
menace,s'il  l'effrayejc'efl  fans  indignation  &  fans  colère,  unique- 
ment par  un  effet  de fon  zèle  pour  le  falut  des  âmes.  Ses  careffes 
ne  tiennent  rien  de  la  Haterie.  11  loue,  fans  infpirer  des  fentimens 
d'orgueil ,  &  dit  les  vérités  fans  offenfer.  Mêlant  par-tout  la  dou- 
ceur à  la  vivacité  de  fes  expreliions,  il  plaît  &  échauffe  tout 
€nfcmblc.  L'on  diroit  qu'en  même-tems  que  les  paroles  coulent 
de  fa  bouche  comme  un  fleuve  de  lait&demicl,  il  fort  de  fon 
coeur  un  torrent  defentnnens  enflammée  de  l'amour  le  plus  pur. 
L'Ecriture fainte lui  eft  fi familière,  qu'il  en  employé  à  chaque 
période  les  paroles  ocles  expreffions.  Il  n'en  ufe  pas  toujours  de 
même  à  l'égard  des  écrits  des  Pères  ,  quoiqu'il  en  fuive  la  doc- 
trine ,  il  la  propofe  d'une  manière  qui  lui  cil:  propre.  Il  s'étend 
peu  fur  la  difcipline  de  l'Eglife.  Son  goût  étoit  décidé  pour  la 
morale ,  la  fpiritualité ,  ôc  l'allégorie. 
Editions  par-  j  j^  Qj^  ^  f^-^  ^^^^^^  j^^g  ]çs  tems  apprécier  le  mérite  des  ouvra- 
is" ou'vragcs'!  ges  de  faint  Bernard.  Avant  l'invention  de  l'Imprimerie,  il  s'en 
fit  des  copies  fans  nombre.  Depuis,  on  1er,  a  mis  très  fouvenc 
fous  la  preffe.  La  première  édition  eft  celle  de  Mayence  en  1 47  f 
par  Pierre  Schoyllér.  Elle  ne  comprend  que  les  Sermons  du 
Tems ,  des  Saints ,  ôc  de  divers  fujets ,  avec  le  Livre  aux  Che- 
;valiers  du  Temple,  ôc  quelques   opufcules  fuppcfés    à  faina 


PREMIER  ABBË  DE  CL  AIR  VAUX,  Ace.  ^(Sj 
Bernard.  On  met  pour  la  féconde,  celle  qui  fe  fit  à  Rouen,  fans 
date ,  6c  où  Ton  fit  entrer  trois  defes  principaux  écrits  ;  le?  Livres 
de  la  Confiddration  ;  l'Apologie  à  Guillaume  de  faint  Thierri  ; 
&  le  Traité  du  Précepte  &.  delà  Difpenfe.  Dans  celle  de  Bru- 
xelles en  1 4.8  I ,  on  ajouta  aux  Sermons  du  Tems  &  des  Saints , 
des  Lettres  de  faint  Bernard.  Cette  édition  eft  fans  nom  d'Edi- 
teur &  d'Imprimeur.  Celle  de  Paris ,  en  14.94',  eil  de  Maître 
Rouauld  ,  Dofteur  en  Théologie.  On  y  trouve  trois  cens  dix 
Lettres  avec  les  Sermons  fur  les  Cantiques.  Il  s'en  lit  une 
à  Brede,  en  14.^5'  ;  une  à  Spire,  en  ifoi  ;  &  deux  ans  après  une 
à  Venife.  On  donna  place  dans  celle  de  Brefle  aux  Homélies  fut 
Miffiis  ejî. 

ITl.  Toutes  ces  éditions  étoîcnt  très-imparfaites ,  &  ne  con-  FJitionîgè^ 
tenoient  qu'une  partie  des  ouvrages  de  faint  Bernard.  Mais  en  "•"''^*' 
150S  Jean  Bocard  ôc  Jolie  Clicthou  les  ralTemblerent ,  pour  la 
plus  grande  partie;  &  après  les  avoir  corrigés  avec  foin  fur  les 
originaux  delà  Bibliothèque  de  Clairvaux  ,  il  les  lirent  imprimer 
à  Paris  ,  chez  Jean  Petit  ,  Imprimeur  de  lUniverlité.  Cette 
édition  elt  intitulée  ,  Sérapiiique.  Elle  fut  remife  fous  preife  en 
I  j  I  ^  à  Lyon,  chez  Jean  Cleyn,  avec  les  difcours  de  Gillebcrt  de 
Hoillande  fur  !e  Cantique, par  les  foins  de  Jofle  Clicthou  dcNieu- 
port.  Il  s'en  fit  depuis  plufieurs  autres  éditions  ,  tant  à  Lyon  , 
qu'à  Paris  &  à  Venife.  Une  des  plus  corredes  eft  celle  de  Lyon 
,cn  1^20,  i')SO,  I  J44.,  par  deux  Moines  de  Clairvaux,  Lambert 
ôc  Laurent.  C'ell  celle-là  que  fuivit  François  Comeftor,  Dofteur 
de  Sorbonne,  dans  la  révificm  qu'il  fit  des  (Euvres  de  faint  Ber- 
nard furies  manufcrits  de  ce  Collège.  Il  y  trouva  l'épilogue  du 
Livre  de  l'amour  de  Dieu  ,  ôc  l'opufcule  de  l'amour  de  Dieu  ,& 
de  la  dignité  de  cet  amour, non  imprimés  jufques-là  ,  ce  qui 
V.  rendit  fon  édition  plus  ample  que  les  précédentes.  Elle  parut  à 
Paris  ,  chez  la  veuve  de  Claude  Chevallon  ,  en  i  y 4.7  6c  1565. 
On  en  cite  une  de  Venife  en  1 5'4f)  en  2  vol.  i;z-4°. 

I  V.  Pendant  que  Comeftor  revoyoit  à  Paris  les  ouvrages  de 
■  faint  Bernard  ,  Antoine  Marcellin  les  confrontoit  à  Balie  avec 
les  anciens  exemplaires.  Trouvant  l'ordre  des  éditions  précé- 
dentes défectueux ,  il  le  changea,  mit  en  premier  lieu  les  Ser- 
mons ;  en  fécond  lieu,  les  Lettres  ;  en  troifiéme  lieu,  les  Tra':  is  ; 
puis  les  Ecrits  fuppofés ,  ou  étrangers.  Le  tout  fut  imprimé  i:vjc 
des  Notes  critiques  de  fa  façon  ,  chez  Jean  Hcrvage ,  en  i  )•  j  2  ôc 
1  î6(5.  Jean  Gillot  en  donna  une  nouvelle  ,  à  Paris,  cliez  Jearr 
Nivelle.,  en  i  y  72  ,  qui  fut  réimprimée  à  Anvers  en  iî7(5,  ôc  à 

N  n  n  ij 


'^6è  SAINT     BERNARD; 

Paris  en  15'85  ,  fous  le  fymbole  du  grand  Navire  ,  &  de'diée  au-: 

Révérend  Père  GuiCornuat,  Abbé  de  Clairvaux.  Il  y  eutpeu- 

Mahillon.  in  ^'2^nnées  dans  le  feiziéme  liécle  où  il  ne  parût  quelqu'édition  de- 

Prapl.  gène-  f  ■       ry  ,       „  r       ^  v     i  ^^  u    r      i  1      J* 

rei,  lamt  bernard^  oc  ce  tut  a  peu  près  la  même  choie  dans  le  dix- 

feptiéme. 

V.  Nous  marquerons  ici  celle  d'Edmond  Tiraquau,  Moine-. 
de  Cîteaux,  en  1 5oi  ;  de  Jean  Picard,  Chanoine  régulier  de  faint. 
Vicl:or,en  i5oc);  celle  d'Anvers  ,  en  1620.  On  trouve  dans, 
celle-ci  quatre  opufcules  publiés  par  le  Père  Gretzer ,  à  Ingol— 
Itat  en  16  ij.  Celle  de  Jacques-Aîerlon  Horilius,  Curé  à  Colo- 
gne,  fortit  de  deffous  la  prefle  en  164.1  dans  la  même  Ville  eu. 
deux  volumes  i/2-/o/.  Le  Public  la  reçut  avec  applaudiffement,. 
&  elle  fut  réimprimée  à  Paris  en  i6ç8  parla  Société  des  Librai- 
res, fous  le  figne  du  Navire.  Horilius  dédia  l'ouvrage  à  faint: 
Bernard  même,  ôc  rendit  compte  de  fon  travail  dans  une  Préface: 
au  Lecteur.  Ces  deux  volumes  font  divifés  en  fix  tomes.  Le.- 
premier  contient  les  fept  Livres  de  la  vie  de  ce  Saint  ,  diverfes. 
pièces  qui  y  ont  rapport ,  &  fes  Lettres  avec  des  notes.  Le. 
iecond,  fes  Sermons,  les  Paraboles  qu'on  lui  a  attribuées,  l'Otiice. 
deS.  Viclor,&:  l'Hymne  fur  la  PalFion  du  Seigneur.  Le  troiliéme, 
fes  Commentaires  fur  le  Cantiquedes  Cantiques.  Le  quatrième  ,. 
les  Livres  de  la  Confidération  ,  de  la  vie  &  des  mœurs  de*- 
Evêques ,  fon  Apologie  à  Guillaume  de  faint  Thierri,ôc  divers- 
autres  Traités.  Le  cinquième ,  les  ouvrages  douteux ,  fuppolés  ,. 
ou  étrangers  ,  comme  les  Sermons  de  GiUebert  de  Hoillande.. 
Le  lixiéme,  les  ouvrages  de  deux  Difcipies  de  faint  Bernard  'y. 
fçavoir ,  GiUebert  de  Hoillande  ,  &  Guerric  ,  Abbé  d'Igni. 
Edition  Ac       V  I.  Horftius  s-écoit  donné  beaucoup  de  peine  pour  rendre 

Dom  Ma.il-  Çq^  édition  corretle  ;  mais  y  ayant  remarqué  des  fautes  notables  y 
ôc  peu  content  de  l'imprelfion  ,  il  fe  préparoit  à  en  donner  une 

,  plus  correcte ,  à  tous  égards ,  lorfque  la  mort  rompit  fon  deîfein  , 

le  20  dAvril  \6^^.  Alors  Dom  Chantelou  ,  Bénéùidin  de  la 
Congrégation  de  faint  Maur ,  reçut  ordre  de  fes  Supérieurs  de 
revoir  ôc  corriger  le  texte  de  faint  Bernard  ,  fur  les  manufcrits 
qui  fe  trouvoient  en  France.  Il  fit  iniprimer  à  Paris  en  \662  ,  en. 
un  volume  £«-4.°.  la  vie  de  ce  Saint ,  par  Alain ,  Evêque  d'Au- 
xerre  ;  fes  Sermons  Ôc  la  vie  de  faint  Malachie  par  faint  Bernard. 
Dom  Chantelou  étant  mort  le  28  de  Novembre  1654,  Dom 
Mubillon  fut  chargé  de  continuer  l'édition  projettée.  il  ne  fe 
Ci^ntenta  pas  de  rendre  le  texte  des  (Kuvres  de  faint  Bernard  plus 
c^j:i;e^,  il  s'appliqua  encore  à   fcparer  les. ouvrages  fuppofés 


PREMIER  ABBÉ  DE  CL  AIR  VAUX, &c.  4^^ 

d'avec  les  véritables  ,  ôc  à  mettre  ceux-ci   dans  un  meilleur 
ordre. 

VII.  On  connoît  quatre  éditions  des  écrits  de  faint  Ber- 
nard par  Dom  Mabillon  :  deux  en  1 5(55  à  Paris,  chez  Frédéric 
Léonard  ,  l'une  en  huit  volumes  1/2-8°.  l'autre  en  deux  volumes 
iji-fol.  Celle-ci  fut  remife  fous  prcffe  en  16^0,  &  dédiée  au 
Pape  Alexandre  VIU.  Il  étoit  prêt  d'en  publier  h  quatrième, 
lorfqu'il  mourut  le  27  de  Décembre  1707,  EUefutmifeau  joue 
en  171P  par  Dom  Mafiuet  ôc  Dom  Tixierqui  l'ont  augmentée 
d'une  nouvelle  Préface  générale,&  de  quelques  Lettres  ;  fçavoir, 
deux  au  premier  volume,  qui  font  la  quatre  cens  dix-huit  ôc  la 
quatre  cens  dix-neuviéme  ;  une  troifiéme  déjà  publiée  par  M. 
Balufe;deux  Chartes  pour  le  Monadere  de  Luxeu  ,&  la  troi- 
fiéme partie  de  la  Lettre  aux  Frères  du  Mont-Dieu  ,  que  Dom 
Mafiuet  fait  voir  ctrc  de  Gui ,  ou  Guigues  ,  cinquième  Prieur  de 
la  grande  Chartreufe.  C'eft  fur  l'édition  de  17  19  qu'a  été  faite 
celle  de  Vérone  en  1725.  On  y  a  ajouté,  par  forme  d'Appendice, 
les  Lettres  de  faint  Bernard ,  rapportées  par  Dom  Martenne  dans 
le  premier  tome  de  fes  Anecdotes  Ôc  de  fa  grande  Colledion. 
Il  en  a  été  parlé  plus  haut. Il  eft  imuile  d'entrer  dans  le  détail  de- 
l'cJition  defa-.nt  Bernard  par  Dom  Mabiilon.Nous  l'avons  alfez 
fait  conntître  \  ar  1  ufage  de  fes  Préfaces  ôc  de  fes  Notes  ,  dans  la 
critique  ôc  l'anaiyfe  des  écrits  de  ce  Père,  ôc  parl'ordreque  nous, 
avons  luivi ,  qui  eil  le  nicnie  que  dans  cette  édition. 

VIII.  En    IJ7J  Hubert  Lefcot ,  Chanoine  régulier,  ira-         E'itions^ 
duifit  ôc  fit  imprimer  en  François  les  Sermons  Ôc  les  opufcules  f^" 'S'^'"^»' - 
de- faint  Bernard.  Philippe  le  Bel ,  Docteur  de  Paris,  en  donna- 
une  nouvelle  verfion  en  1622,  ôc  y  ajouta  la  traduction  de  quel- 
ques Lettres.  Dom  Antoine"  de  Saint-Gabriel,  Feuillant,  tra- 

duiiit  de  nouveau  les  Sermons  de  faint  Bernard  ;  ils  furent 
imprimés  à  Paris  en  !  58  i,  chez  Jacques  de  Laize-de-Brefche; 
Il  s'en  fit  une  autre  édition  chez  Jean  Dupuis.  £t  une  troifiéme 
en  i585  chez  Léonard  Plaignard.  A  l'égard  des  Lettres  de  ce 
faint  Do£teur ,  on  en  connoît  deux  traducrions  Françoifes,  l'une  ■ 
de  M.  Roy,  à  Paris,  en  1702  ,  chez  Jean  Moreau ,  en  2  volumes 
i/z-S**.  L'autre  de  ^l.  de  Villefcrt,  en  171^  ,  aulli  en  deux  vo- 
lumes. Il  l'avoit  annoncée  dans  fa  Préface  fur  la  vie  de  faint  Ber- 
nard, qu'il  fit  imprimer  en  François  en  1704  ,  à  Paris  ,  chez  Jeam 
de  Nuliy  ,  fn-4°.  On  en  avoir  déjà  une  par  M.  Lamy,  ou  M. 
le  Maître,  imprimée  en  la  même  Ville  en  154S,  chez  Antoine- 
Vitré,  i/2-4*'.  En  1553  le  fteur  des  Mares  traduHic  en  François  , 

In  an  ii;- 


470  PIERRE  LE   VENERABLE, 

ôc  publia  en  cette  langue  à  Paris,  chez  Guillaume  deLuynes; 

les  Livres  delà  Confidératiou  en  un  volume  i/2- 12.  Il  y  en  avoit 

une  édition  Italienne  dès  l'an  i6'o(5,î/z-4.*.à  Venife,  par  les  foins 

de  Renaud  Retini  ;  mais  ils  furent  auîîi  imprimés  féparément  en 

Latin  ,  à  Paris  en    1701  ,  i/z-8°.  Dom  Mabillon  ,  Auteur  de 

rédition,pvit  foin  qu'elle  fût  en  bon  papier  &  en  beaux  caraderes, 

averti  que  le  Pape  Clément  XL  fouhaitoit  de  s'appliquer  à  la 

ledure  d'un  ouvrage  qui  avoît  été  fait  pour  Eugène  III.  l'un  de 

fes  PrcdéceiTeurs. 

-BMoth.  S.       I  X.  Dom  Gabriel.  Gerberon  mit  en  François  le  Livre  de  faint 

Maur.     pa-,  Auguftin ,   de  la  grâce  ôc  du  libre  arbitre  ,  ôc  celui  de  faine 

■  '  Bernard  fur  la  même  matière.  Nous  ne  fçavons  ni  le  lieu,  ni 

l'année  de  cette  édition.  On  neconnoît  pas  non  plus  le  lieu  de 

l'édition  Latine  du  même  Traité,  par  Higatus  Ranucius  ,  avec 

un  Commentaire  de  fa  façon;  mais  on  fçait  qu'elle  eft  de  l'an 

i(?49  ,  i/z-f^'.  Le  Ditlionnaire  de  l'Académie  de  b.Crufcafaic 

mention  d'une  verfion  Italienne  des  Lettres  de  lair.t  Bernard, 

Fiiridur ,  par  mi  f.-avant  Florentin.  Ses  Sermons  avoient  été  traduits  en 

Latin.  '  pa^i  cette  langue  dès  l'an  1420  par  Jean  de  ïulTignano,  Evêque  de 

Éio  ,6'.ï.  "    Ferrare  ;  mais  ils  ne  furent  impriiiiés  qu'en  1 5"  >  S  ,  1/2-8°.  à  Venife. 

li  y  en  a  m-ïo.  autre  verfion  de  l'an  145?^  ,  2/2-4''.  fins  nom  du 

Traducteur,  On  connoît  encore  une  traduction  Ailematide  de 

Quelques  Hymnes  de  fiint  Bernard,  publiée  à  Hambourg  en 

i(5j  3 ,  2/2-4^^.  par  Jofeph  Vuillelme. 

CHAPITRE     XXL 

F  i  li  RRE  ,  Abhé  de  Cla?ih  funiommé  le' Ven  ARABLE. 
Pifrrc  le  I.  /^~\  R  I  G  1 N  A I  R  E  de  la  première  (a)  Nobleffe  d'Auvergne, 


Yéner^b.c.^^  ^^  Maurice fon  petc,  ÔC  Raingarde  fa  mère,  l'oftrirent  à 
pcmc-nf.  '''''  Dieu  dès  l'enfance.  Saint  Hugues,  Abbé  de  Cluni,  étant  fur  la 
fin  de  fa..vie,  le  reçut  à  profeifion.  C'étoit  (  b  )  l'ufage  de  n'y 
admettre  perfonne  avant  l'âge  de  quinze  ans.  Pierre,  en  état  de 
fe  former  dans  la  vertu  ôc  dans  les  fciences  ,  fur  envoyé  au 
■Monafiere  de  Saucillanges  ,  où  l'on  tenoit   (c)  des    Ecoles 

(  a  ;  MMlon.  ub.  70  ,  .maJ.  num.  i  >  ,  I       ,  A  ;  CynÇu-::ui.  Quriuc.  hh.  3 ,  ciy.  S, 
,0^  I       i,':)  Md'illon.  Ub.  6^  ,r,u:i:.  100. 


11    eH   fsir 
/.hbé  de  Clu- 


A  B  B  É   D  E   C  L  U  N  I.  471 

publiques.  II  y  fit  en  peu  de  teras  de  grands  progrès.  A  peine  ea 
étoit-il  fort!  qu'on  le  fit  Prieur  à  Vezelai,  Ôcenluite  Prévôt  de 
Domena  dans  le  Diocèfe  de  Grenoble. 

II.  Hugues, fécond  du  nom,  AbbédeCluni ,  dtantmort  vers 
le  mois  de  j  uiliot  (a)  de  l'an  1122,  Pierre  Maurice  fut  choifi  pour  ni  ci  i  m. 
lui  fuccedcr,  oc  fon  élection  conlirmée  par  le  Pape  Caiixte  II. 
Pierre  étoit  alors  âgé  d'environ  trente  ans.  Il  faut  donc  mettre  fa 
nailTance  vers  l'an  lopz.  On  le  compte  pour  le  neuvième  Abbé 
de  Cluni.  Pierre  de  Poitiers  fit  un  poëme  fur  fon  éiedion  , 
adreffé  aux  Moines  de  Cluni ,  dans  lequel  il  relevé  la  nobleffe  de 
fa  nailTance ,  fes  vertus  &  fon  fçavoir.  Des  deux  Lettres  que 
le  Pape  Caiixte  écrivit  à  cette  occalion,  il  y  en  a  une  à  Pierre, 
l'autre  à  la  Communauté  de  Cluni.  Elles  font  l'une  &  l'autre  du 
21  Octobre  1122.  La  féconde  qui  n'avoir  pas  encore  été  rendue 
publique,  fe  lit  dans  {b)  le.  fixiéme  tome  des  Annailes  Béné- 
didines. 

III.  AvantHuguesîI.  Pons,  Abbé  de  Cluni,  enavoitdifTipé 
les  biens,  ôc  occafionnédivers  défordres  par  la  légèreté  de  fon 
efprit,&:  le  dérèglement  de  fes  mœurs.  Pierre,  pour  remettre 
toutes  chofes  en  état  ,  fe  fit  aider  par  Matthieu  ,  Prieur  de 
faint  Martin-des-Champs ,  qu'il appeila  pour  cet  ciTei:  à  Giuni. 

IV.  En  1  i4.6leRoiLouisIe  Jeune  voulant  régler  le  voyage 
de  la  Croifade  ,  indiqua  un  Parlement  à  Chartres  au'  troiiiénie 
Dimanche  d'après  Pâques  ,  21  d'Avril.  Saint  Bernard  (c)  ôc 
l'Abbé  Sugetj  qui  regardoierft  Pierre  de  Cluni,  comme  un  de 
ce^IX  dont  ie  confeil  croit  le  plus  néceflaire  ,  l'inviteront  à  cette 
Affcn-iblée  ;  mais  il  s'en  excufa  ,  tant  furfa  mauv":îfe  fan  té  ,  que 
parce  qu  il  avoir  convoqué  pour  le  môme  jour  un  Chapitre  à 
Cluni.  Deux  ans  auparavant  il  avoit  lait  le  voyage  de  Ron-.e , 
^x  (  d  )  invitations  du  Pape  Celeilin.  Il  demeura  en  cette  Ville 
jufqu'au  Pontificat  de  Lucius  II.  qui  le  chargea  dûnc  Lettre 
pour  les  Moines  de  Cluni,  par  laquelle  il  fe  recommancoit  à 
leurs  prières.  En  1151-  Pierre  fit  (  e)  un  autre  voyage  en  Italie 
pour  adifler  au  Concile  de  Pife  ,  où  fe  trouvèrent  un  grand 
nombre  d'Evéques  &  d'Abbés  des  Gaules.  A  fcn  retour  il  apprit 


Il  y  Th?h\:t 
bo:i  ordre. 


n  efl  iiivifj 
a  (liverj  Con— ^ 


(a)  MabiUcn.  iib,  74  ,  Annd.  niun. 

(  b)  itul.  nutn.  6. 

{ç)3i:viurL  £>;,?.  3^4;  &  MdiUcn. 


Ub.  78  ,  Annal,  num.  S6. 

1,  (i)   Ibtd.  num.  10. 

(  <?  )  hhbilLon.  Iib.  76  ,  Anr.al.  num.  it 
O  56. 


472         PIERRE    LE    VENERARLE, 

la  mort  de  fa  mère  Raingarde,  qui  s'étoic  depuis  quelque  tems 
confacrée  à  Dieu  dans  le  Monaftere  de  Marcigni. 

V.  Celui  de  Cluni  étoit  dans  l'ufage  depuis  fa  fondation  de 
recevoir,  non-feulement  les  Etrangers,  6c  ceux  qui  s'y  réfu- 
gioient  ,  mais  auiTi  de  répandre  des  aumônes  de  tous  côtés. 
C'étoit  comme  le  tréfor  (  a  )  public  de  la  Republique  Chrétienne. 
Cette  dépenfe  obligeoit  néceflairement  l'Abbé  à  recourir  aux 
libéralités  des  perfonnes  riches,  non  pour  enrichir fon  Monaf- 
tere j  mais  pour  foulagerks  indigens.  Pierre  voyant  que  les  fonds 
lui  manquoient,  écrivit  à  Roger,  Roi  de  Sicile,  qu'il  connoif- 
ibit  feul  en  état  de  fubveniraux  befoins  de  ClunL  Dans  [b  )  une 
Lettre  à  ce  Prince,  il  l'exhorte  à  fe  réconcilier  avec  Conrad, 
Empereur  des  Romains ,  en  lui  remontrant  que  leur  inimitié 
étoit  un  obftacle  à  la  vengeance  qu'il  falloit  tirer  des  Grecs  pour 
iivoir,  par  leur  traliifon,  fait  périr  unegrande  partie  de  l'Armée 
des  Croifés. 
Son  fécond       VI.  Pierre  fit  en  ii.j'o  un  {c)  fécond  voyage  à  Rome  pour 

If/^^r.^cV"  ies  affaires  de  fon  Monaftere,  muni  d'une  Lettre  de  faint  Ber- 
nard  pour  Eugène  III.  Il  en  fut  reçu  avec  beaucoup  d'honneur. 
On  met  (  d  )  un  troifiéme  voyage  de  Pierre  à  Rome,  fous  le 
Pontificat  d'Honorius  III.  en  1126,  à  l'occafion  des  troubles 
que  Pons  ,  6c  ceux  de  fon  parti ,  avoient  excités  dans  le  Monaf- 
tere de  Cluni,  dont  ils  avoient  pillé  les  biens,  ôc  mis  à  mort  les 
Moines  qui  leur  avoient  réfifté.  Pons  fut  condamné  par  le  Pape , 
&  Pierre  revint  à  Cluni ,  avec  des  Lettres  du  Pape  à  la  Commu- 
nauté de  Cluni ,  à  laquelle  il  ordonnoitdereudreà  Pierre  l'obéif- 
fance,  félon  la  Règle  de  faint  Benoît. 
■Son  voyage       VII.  Les  Pilans  étant  (e)  en  guerre  avec  ceux  de  Luques 

.en  Jpagneen  ^,^^^.^  y^^^  ii-^i  ,  Pierre  paiTa  en  Italie  dans  le  deffein  de  les 
réconcilier.  11  avoit  encore  la  dévotion  d'aller  flfire  fes  prières 
fur  le  tombeau  du  vénérable  JMatthieu ,  Cardinal ,  Evoque  d'Al- 
Jjane,  mort  feptans  auparavant.  La  même  année  1 141  ,  Pierre  fie 
la  (/)  vifite  des  Monaftercs  ,  Abbayes  ,  Prieurés  6c  Celles  fitués 
jCn  Efpagne ,  6c  qui  dépendoient  de  Cluni.  Pendant  fon  féjour 


(a)  Mdlill.  ibid.  Ub.  78  ,  num.  loi  ;  5: 


\a)   jvjaoïu.  iuia.  Lia.  70  ,  num.  loz  ,  e>;  1       \.i. 
Petrus ,  /i'i,  4  ,epijl  37.  14S,, 


(  b)  Petrus  ,  lib.  6  ,  epijl.  \6\&.  MMU. 
lii).  79  ,  Annal,  num.  104. 

(c)  Pccrus,tib.  6  ,  .71J?.  4^  ;  icMalill. 
iih,  79  ,  Amud.  num.  iH. 


(d)  Mahillon.   lib.  74  ,  Annal,  num. 


(f  )  Mabillon.  lib.   77.  Annal,    non, 
114. 
(/)  llid.  !i  Petru! ,  rpjl.  1 1 ,  lib.  4. 

dans 


ABBÉDECLUNI.  475 

dans  ce  Royaume,  il  s'appliqua  à  connoître  les  dogmes  impies 
des  Sarrazins,  ou  Arabes  ,  dans  le  delTeiiî  de  les  réfuter,  quand  il 
en  auroit  le loifir.  Il  traduifitauiïi  d'Arabe  (a)  en  Latin  ,  la  vie 
de  Mahomet. 

VIII.  Ce  fut  fur  le  tcmois;nao;e  de  l'Abbé  de  Cluni ,  que  le  ^^"^  "*°"  "* 
Pape  Innocent  II.  (b)  confirma  la  même  année  l'élection  d'Ar- 
noul,  Archidiacre  deSéez,  pour  rEvôchédeLizieux,à  la  place 
de  Jean  fon  oncle  ,  mort  le  20  de  Mai.  GeofFroi ,  Comte  d'An- 
jou, s'étoit  oppofé  fortement  à  cette  éleclion.  Pierre,  après 
avoir  donné  en  une  inîînité  d'occafions  des  preuves  de  fon  zèle 
pour  l'Eglife,  mourut  en  1 1  j5  la  nuit  de  Noël.  La  pureté  de  Ces 
mœurs, ôcfes  autres  vertus,  lui  firent  donner  le  titre  de  Saint 
prefqu'au  moment  de  fa  mort,  par  Pierre  (c  )  de  Celles  ;  ôc  s'il 
n'a  point  encore  été  mis  au  nombre  des  Saints  dont  le  culte  efl: 
public  ,  ce  n'efl  (d)  pas  qu'il  ne  l'ait  mérité.  Il  ne  manque ,  ce 
femble,àfon  culte  ,  que  l'autorité  de  l'Eglife,  où  il  eO:  connu 
fous  le  titre  de  Pierre  le  Vénérable. 

J  X.  Tousfes  écrits  font  autant  de  monumens  de  fa  pieté  &  Sesc'c.îtsj 
de  fon  zèle  pour  la  difcipline  régulière,  furtout  fes  Lettres; 
élégantes  pour  Ion  tems  ,  mais  fouvent  un  peu  longues.  C'étoit 
fon  génie ,  &  fon  inclination.  Il  n'approuvoit  pas  la  brièveté  dans 
celles  qu'on  lui  écrivoit,la  regardant  comme  un  effet  de  la 
parefTe  ,  ou  un  défaut  de  fécondité  dans  l'efprit.  On  a  recueilli 
fes  ouvrages  dans  la  Bibliothèque  de  Cluni^ôc  au  vingt-deuxième 
tome  de  la  Bibliothèque  des  Pères, où  l'on  a  donné  aulFi  un 
abrégé  de  fa  vie  ,  avec  deux  épitaphes.  Le  Moine  Radulphe  fon 
Difciple  l'écrivit ,  ôc  la  dédia  à  Eftienne ,  Abbé  de  Cluni.  L'Au- 
teur ne  s'y  e(l  pas  étendu ,  comme  il  le  devoir ,  fur  les  actions  de 
Pierre  le  Vénérable ,  ni  fur  fes  miracles.  Cette  vie  fe  trouve  dans 
le  fixiéme  (  e  )  tome  de  la  grande  coUettion  de  Dom  Aîartenne  ; 
dans  la  Bibliothèque  (/)  de  Cluni  à  Paris  en  i  ^14  ;  ôc  dans  une 
ancienne  Chronique  du  même  Monaftere.  Voici  le  détail  des 
ouvrages  de  l'Abbé  Pierre. 

X.  Le  recueil  de  fes  Lettres  eft  divifé  en  dx  Livres.  Elles  font  .^"  Lettrpf; 
ordinairement  fans  date.  On  les  a  placées  fuivant  l'ordre  de  la  j,  ^  Bimin. 
Chronique  de  Cluni.  Celle  qui  efl  au  Pape  Innocent  IL  efl  de  P:-c.p.3^.8iî. 


(a)  Bib:iorh.Ciui}iic.pag..iii<;.  j  (  d)  M.ibiUon.lib,  8o,AnndL  num.ioé. 

(*)  Ptnusjib.  'i^epiff.  7.  1  (  «■  )  ^^S-   "87. 

(  c  )  Parus  CeilenJ.  lih.  i ,  epil,  z.  \  (/)  Pa^.  ^i^. 

Tome  XXI 1/  Ooo 


474        PIERRE   LE   VENERABLE, 

l'an  X 1 3  7  5  puifqu'elle  fut  écrite  la  feptiéme  année  de  fon  Ponti- 
ficat, commencé  au  mois  de  Fé  varier  1 150.  Pierre,  qui  avoitété 
à  Pife  dans  le  deffein  de  laider  à  appaifer  le  fchifme  de  l'Anti- 
pipe  Pierre  de  Léon,  en  revint  fans  avoir  rien  fait,  parce  qu'il 
fut  attaqué  en  cette  Ville  d'une  maladie  qui  l'obligea  de  retour- 
ner à  Ciuni.  Quelque  tems  après  fon  retour  il  écrivit  au  Pape, 
pour  le  féliciter  de  fa  confiance  à  combattre  les  Schifmatiques  , 
lui  faifant  efperer  dans  peu  une  vidoire  complette  fur  les  enne- 

Evijl.  1.  ^""^is  de  l'Eglife.  Il  écrivit  à  Matthieu  ,  Evéque  d'Albane,  que  la 
mort  du  Roi  d'Arragon  ayant  occafionné  des  troubles  en  Efpa- 
gne ,  pourroit  bien  en  occafionner  auffi  dans  les  Monafteres  de 
ce  Royaume  dépendans  de  Cluni.  Par  la  même  Lettre  il  prie  cet 
Evêque  ,  qui  avoir  été  Moine  de  Cluni ,  de  s'interefTer ,  Ci  cela 
pouvoir  fe  faire  en  confcience ,  à  l'union  d'une  Prébende  que 
l'Evêque  de  Troyes  étoit  difpofé  d'accorder  à  ce  Monallere  , 
comme  il  en  poiTedoit  depuis  longtems  à  Chartres  &  à  Orléans. 
Il  le  prie  encore  de  faire  enforte  que  le  Pape  lui  laifTat  le  juge-» 
ment  d'un  Prêtre  de  (a  dépendance  ,  qui  au  lieu  de  fe  trouver  au 
jour  marqué  pour  plaider  fa  caufe ,  étoit  allé  lui-même  à  Pife  la 
porter  au  Pape. 

'Epijf.  j.  XI.  En  recommandant  à  Haimeric  ,  Cardinal  &  Chancelier 
de  lEglife  Romaine,  la  caufe  des  Moines  d'Aniane,  contre 
l'Evêque  de  Beziers  qui  les  moleftoit ,  il  fe  plaint  de  la  défu- 
nion  qui  regnoit  alors  dans  fon  Pays  entre  les  Membres  de 
l'Eglife,  en  lui  faifant  remarquer  que  les  Supérieurs  traitoient 
mal  leurs  Inférieurs  ;  que  les  Evêques  en  vouloient  aux  Moines  ; 
les  grands  -aux  petits  ;  enforte  qu'ils  étoient  moins  occupés  à 
paître  le  troupeau  confié  à  leurs  foins,  qu'à  en  tondre  la  laine,  & 

Epijf.  4.  a  tirer  le  lait.  Suivant  les  dcfirs  de  Hugues  ,  Archevêque  de 
Rouen ,  il  lui  Ht  fçavoir  que  le  Moine  Guillaume  s'étoit  difpofé 
à  la  mort  avec  de  grands  fentimens  de  pieté  &  de  confiance; 
qu'après  avoir  confèffé  Ces  péchés  ,  on  lui  avoir  adminiftré 
l'Ëxtrême-Ontlion  ,  ôc  enfuite  le  faint  Viatique  par  deux  fois, 
mais  en  deux  jours  différens. 

tpijt.  II.  XII.  Pierre  demanda  avec  beaucoup  d'inflances  au  Pape 
Innocent  II.  d'agréer  l'élettion  que  le  Clergé  &  le  Peuple  d'Or» 
leans  avoient  faite  de  PIclie,  Abbé  de  faint  Suipicc  ^  pour  leur 
Evêque.  Les  fuffragcs  avoient  d'abord  éié  partagés  ;  mais  lorf- 
qu'on  s'y  attendoit  le  moins  ,  tous  fe  réunirent.  Sa  Lettre  à 

£pl-  lî-  Adèle,  Comteffcde  BloiSj  fœur  du  Roi  d'Angleterre  Henri  I. 
cfl  pour  la  confoler  fur  la  mort  de  ce  Prince.  L.e  plus  j  uiflant 


J 


ABBÉ    DE    C  L  U  N  r.  '^ff 

motif  qu'il  employé  eft ,  qu'il  dtoit  mort  muni  de  tous  les  Sacre- 
mens  de  l'Eglife ,  après  avoir  confefle  fes  péchés  dans  des  fenti- 
mens  de  pénitence;  ôc  que  ion  avoit  fait  pour  lui  àCliiai  plus 
de  prières  &  de  bonnes  œuvres,  que  pour  aucun  autre  Prince. 
Henri  mourut  auprès  de  Rouen  le  2  de  DccembLe  1155'.  Dans 
une  féconde  Lettre  au  Pape  Innocent  II.  Pierre  le  pria  de  cou-  Epifi,  ir* 
fimier  la  Sentence  rendue  dans  le  Concile  de  Jouarre  auDiocèfe 
de  Meaux  ,  par  les  Archevêques  de  Reims  ,  de  Rouen  ,  de 
Tours,  de  Sens,ôc  leurs  SufTragans,  contre  les  meurtriers  de 
Hugues  ,  Doyen  d'Orléans  ,  élu  Evoque  de  cette  Ville  ,  &  de 
Thomas ,  Prieur  de  faint  Viiîtor;  6c  d'ajouter  mcme  quelque 
peine  contre  les  coupables ,  s'il  trouvoit  qu'ils  n'euifent  pas  été 
alTez  punis.  Le  Concile  s'étoit  contenté  de  les  frapper  d'excom- 
munication. 

XIII.  La  Lettre  au  Moine  Giflebert  eft  une  réponfe  à  celle  ^/'J^-  »•» 
qu'il  avoit  écrite  à  l'Abbé  de  Cluni ,  pour  avoir  de  lui  quelques 
inftruttions  fur  l'état  de  retraite  qu'il  avoit  embraffé.  Pierre  reçut 
cette  Lettre  le  Samedi-Saint,  &  n'ayant  pas  trouvé  le  loifir  de 
la  lire  avant  l'OlBce  ,  il  ne  Ht  aucune  difficulté  d'en  faire  la 
lecture  étant  affis  auprès  de  l'Autel  ,  l'Office  déjà  commencé. 
Il  ne  fe  repentit  pas  d'une  lecture  qui  lui  parut  néanmoins 
déplacée.  Les  fentimens  de  pieté  dont  cette  Lettre  ctoit  rem- 
plie ,  lui  en  infpirerent  à  lui-même  ;  ôc  en  gémiffant  intérieu- 
rement de  fe  voir  expofé  au  grand  monde  par  les  occupations  de 
fa  Charge,  il  fentit  une  vraie  joie  de  fçavoir  que  Gillebert  vivoit, 
comme  y  étant  mort.  Il  ne  laiffa  pas,  pour  contenter  la  faim 
qu'il  avoit  de  la  parole  de  Dieu  ,  de  lui  donner  diverfes  inftruc- 
tions  fur  les  devoirs  6c  les  vertus  des  Moines  ,  ou  plutôt  des 
Reclus  ;  car  il  paroît  que  ce  Religieux  vivoit  dans  la  foiitude ,  ÔC 
enfermé  ,  mais  fous  la  dépendance  d'un  Supérieur ,  de  qui  il 
recevoit  le  vêtement  ôc  la  nourriture.  Après  lui  avoir  expofé  les 
obligations  ,  les  avantages ,  les  tentations  du  genre  de  vie  qu'il 
avoit  choifi  ,  Pierre  de  Cluni  lui  dit:  Que  votre  cellule  foie 
vuide  d'argent  ôc  des  richefles  temporelles  ,  mais  remplie  de 
vertus;  afin  que  ne  pouvant  y  avoir  d'union  ni  d'accord  entre  -  Car. 6,  i5t 
Jefus-Chrift  ôc  Reliai,  elle  foit  un  lieu  propre  à  conferver  les  ' 

tréfors  céleftes.  Plaifez-vous  tellement  dans  votre  foiitude  ,  que 
vous  ne  méprifiez  pas  ceux  qui  vivent   plufieurs   enfemble. 
Eftimez-vous  le  plus  imparfait  de  tous,  ôc  le  dernier  en  vertu.   ■ 
Penfez ,  qu'étant  en  Communauté  ils  ont  à  fupporter  le  joug 
de  l'çbéiflance,  ôc  qu'ils  ont  quantité  de  faints  exercices  que 

O  o  o  ij 


47^         PIERRE    LE   VENERABLE, 

vous  n'avez  pas.  Faites  votre  première  occupation  delà  prîerej 
appliquez-vous  enfuite  à  la  méditation  des  vérités  faintes  ;  puis 
vous  vous  occuperez  de  la  ledure,  faifant  de  férieufes  réfle- 
xions fur  ce  que  vous  aurez  lu.  Ces  trois  exercices  feront  fuivis 
du  travail  des  mains.  Si  vous  avez  des  marais  dans  la  proximité, 
de  votre  retraite  ,  faites  des  nattes,  à  l'imitation  des  anciens 
Moines.  Elles  vous  ferviront  de  lit  pour  dormir.  Arrofez-les  de 
vos  larmes  tous  les  jours ,  &  fléchillez  fi  fouvent  vos  genoux  fur 
elles  devant  Dieu ,  que  vous  les  ufiez.  Je  ne  vous  prefcris  rien 
touchant  les  jeûnes  ,  les  veilles  ,  &  les  autres  macérations 
du  corps  ,  ne  connoilTant  ni  votre  complexion  ,  ni  votre  vie 
pafTée  ,  ni  a  quel  degré  de  grâces  Dieu  vous  a  favorifé ,  ou  vous 
favorifera.  Comme  vous  ne  fermez ,  ou  n'ouvrez  la  porte  devotre 
cellule ,  que  fuivant  les  befoins  ;  n'ouvrez  votre  bouche  que  pour 
édifier  vos  Frères ,  ôc  exhorter  à  la  vertu  les  perfonnes  de  pieté 
qui  iront  vous  voir.  Fermez-la  pour  tous  les  difcours  inutiles ,  ou 
qui  fententla  vanité,  ou  le  murmure,  ou  la  médifance.  A  l'exem- 
ple de  Moyfe,  intereffez-vous  auprès  de  Dieu  pour  fon  Peuple; 
priez  particulièrement  pour  l'Eglife,  furtout  en  ce  tems  ;  pour 
ceux  qui  y  préfident  ;  pour  toutes  les  PuiiTances  ;  pour  les  Con- 
grégations Religieufes  ,  nommément  pour  celle  de  Cluni. 

Efijl.  XI.  X  I  V.  Il  la  recommanda  aufli  au  Pape  Innocent  II.  pendant 
l'interrègne  ,  cette    Abbaye  fe  trou\'ant  alors  plus  expofée  au 

Epijl.  23.  pillage  ÔC  au  brigandage.  Il  témoigna  au  même  Pape,  la  peine 
qu'il  avoit  d'envoyer  des  Religieux  pour  rétablir  le  bon  ordre 
dans  l'Abbaye  de  Luxeu  ,  ne  pouvant  y  députer  que  les  meilleurs 
de  fa  Communauté.  Il  ajoutoit  toutefois ,  qu'il  étoit  prêt  d'obéir 
aux  ordres  de  fa  Sainteté,  auiïitot  qu'ils  lui  feroient  notihés  par 
une  féconde  Lettre  de  fa  part.  La  griice  qu'il  demande  au. Pape 
eft  de  ne  pas  permettre  aux  Moines  de  Luxeu  de  fc  choifir  eux- 
mêmes  un  Abbé  à  Cluni,  mais  de  leur  ordonner  de  s'en  rap- 

Epijl.  17.  portera  fon  choix.  En  une  autre  Lettre,  il  lui  donne  avis  des. 
violences  exercées  contre  plulieurs  Archevêques ,  Evêques  ÔC 
Abbés,  du  nombre  defquels  il  étoit,  dans  la  Ville  de  Cluni,  par 
des  gens  armés. 
■Zpijl.  i4 , 1  j.  X  V.  A  la  prière  de  Guignes ,  Prieur  de  la  Ciiartreufe ,  Pierre 
y  envoya  les  vies  de  faint  Grégoire  de  Nazianze  &  de  faint 
Chryfoftômc;  le  Livre,  ou  la  Lettre  de  (aint  Ambroife  contre  la 
relation  de  Symmaque  ,  Préfet  de  Rome,  qui  vouloit  y  faire 
rentrer  le  culte  des  Idoles.  Il  y  joignit  aufli  ,  ce  femble  ,  le 
Pccme  de  Prudence  fur  le  même  jujet.  Guigues  avoit  aufli 


ABBÉDECLUNI.  477 

demandé  le  Traité  de  faint  Hilaire  fur  lesPfeaumes  ;  mais  il  fe 
trouva  que  l'exemplaire  de  Cluni  n'étoit  pas  plus  complet  que 
celui  de  la  Charireufe.  Pierre,  delbn  côté,  lui  demanda  le  recueil 


des  Lettres  de  faint  Augullin 


Apologie  de 


XVI.  On  a  Vil  dans  l'article  de  faint  Bernard,  qu'il  repro-  ^>^\ 
choit  aux  Cluniftes,  de  ne  pas  fe  conformer  à  la  Règle  de  fdnc  ciuni. 
Benoît  dans  les  habits,  dans  la  nourriture,  dans  le  travail  des  .  Première- 
mains ,  ôc  la  magnificence  de  leurs  Eglifcs.  La  Lettre  de  faint  °  '^  '°"* 
Bernard,  ou,  comme  on  l'appelle,  fon  Apologie,  parce  qu'il 
y  failoitvoir  qu'on  l'accufoit  à  tort  d'être  l'auteur  des  dillercnds 
qui  regnoient  entre  les  Clunifles  6c  les  Cillerciens  ,  ou  du  moins 
de  les  fomenter,  ell  adrelTée  à  Guillaume  de  fiintThierri,  qui 
l'avoit  excité  à  fe  juflifier.  Pierre  de  Cluni  adrelTa  la  fienne  à 
faint  Bernard  môme,  pour  qui  il  témoigne  autant  d'eftime  que 
d'amitié.  Entrant  dans  le  détail  des  reproches  qu'on  fùfcit  aux 
Cluniltes:On  nous  accufe,  dit-il,  de  recevoir  les  Novices  à 
profelllion  fans  épreuves,  &  fans  ohferver  l'année  deNoviciat, 
amli  que  ia  Règle  ie  prefcrit.  Mais  quand  leSauveur  dit  au  jeune  Mitth.  ip^-sr, 
homme  riche  :  5i  vous  voulez  cire  parfait ,  allez  ,  vendez  ce  que 
vous  avez  ,  ôc  donnez-ie  aux  pauvres  ,  lui  accorda-t-il  un  an  pour 
penfer  à  fa  converlion  ?  En  difimt  à  faint  Pierre  de  quitter  fes 
filets ,  &  à  faint  Matthieu  de  quitter  fon  bureau  ,  ne  lesa-t-il  pas 
faits  Apotrcs  dans  'e  moment  f  En  promettant  l'obfervation  de  la 
Règle  de  faint  Benoît, avons-nous  promis  de  ne  pas  obfervcr 
l'Evangile  f  Nous  ne  faifons  même  rien  contre  cette  Règle, 
puifque  nous  agilions  félon  les  règles  de  la  charité,  en  recevant, 
fans  l'épreuve  de  l'année  entière,  quelques  Novices,  de  peur 
de  leur  faire  perdre  leur  vocation  ,  &  de  les  expoferà  retourner 
au  monde,s"ils  n'étoient  arrêtés  par  la  penfée  de  leur  engagement. 
Il  ajoute  ,  qu'encore  que  l'année  dépreuve  foit  prefcrite  parla 
Règle ,  faint  Benoît  lailTe  néanmoins  à  l'Abbé  le  pouvoir  de 
rcgter  tout ,  de  façon  que  les  amesfoientfiuvées  ;  ôc  que  la  dif- 
cipline  de  lEglife  ayant  varié ,  fuivant  les  différentes  circonf- 
tances  ,  il  ne  devoir  pas  être  furprenant  que  la  difcipline  Monaf- 
tiqueait  euaulh  fes  changemens. 

XV  IL  On  nous  demande,  continue  Pierre  de  Cluni  ,  par  .  ^".'"''''•'^'^  °^ 
quelle  autorité  nous  permettons  les  fourrures  dont  la  Reple  ne  ^'  *°"' 
dit  rien  ?  Nous  répondons  à  cela  ,  qu'elle  ne  les  défend  pas,  ôc 
qu'elle  permet  en  général  d'habiller  les  Frères ,  félon  les  faifons  , 
&  la  qualité  des  lieux.  Elle  n'a  rien  fixé  fur  les  habits ,  laiflant 
le  tout  à  la  prudence  de  l'Abbé.  Il  donne  la   même  raifon'- 

O  o  o  lij, 


478         PIERRE    LE    VENERABLE, 

pour  les  autres  habits  dedefibus,  la  garniture  des  lits,  &  l'aug- 
mentation delà  nourriture  des  Moines. 
Troîiléme       X  V 1 1  L  Nous  recevons  ,  dit-on ,  les  fugitifs  au-delà  des 
ouje  ion.       ^^^.^  ^^.^  marquées  par  la  Règle,  cela  eft  vrai.  Mais  Jefus-Chrift 
n'a-t-il  pas  pardonné  à  faint  Pierre  ?  Ne  1  a-t-il  pas  chargé  du  foin 
du  troupeau  ,  &  conftitué  Chef  &:  Prince  des  Apôtres  ,  depuis 
même  qu'il  l'eut  renié  trois  fois  ?  La  porte  de  la  mifericorde  ne 
doit-elle  pas  être  ouverte  aux  pécheurs  jufquau  dernier  foupir? 
La  Pvegie  même  ne  défend  pas  de  recevoir  au-delà  de  trois  fois  , 
celui  qui  par  fa  faute  fort  du  Monaftere  :  Elle  dit  feulement  qu'il 
doitfçavoir  qu'après  trois  forties,  la  porte  lui  fera  fermée;  mais 
non  ,  qu'on  ne  pourra  plus  la  lui  ouvrir. 
Quatrième       X  I  X.  A  l'égard  des  jeûnes  qu'on  nous  accufe  d'avoir  chan- 

&    cinquième       ,  /  i    •  r  ^     •  •  a 

obieaions.  g^s ,  OU  réduits  prelque  a  rien,  nous  ne  croyons  pomt  nous  être 
écartés  de  la  Règle  de  faint  Benoît,  fi  ce  n'eft  peut  être,  les 
Mercredis  &  Vendredis  depuis  la  Pentecôte  ,  jufqj'au  13  de 
Septembre ,  où  l'on  ne  doit ,  ce  fenible  ,  manger  qu'à  Nône ,  & 
les  autres  jours  à  Sextc,  ou  à  midi  ;  mais  la  difpofition  de  ces 
heures  eft  encore  laiffée  à  la  prudence  de  l'Abbé.  C'eft  envaiii 
qu'on  nous  reproche  de  négliger  le  travail  des  mains, la  Règle 
ne  l'a  ordonné  que  pour  éviter  l'oifiveté.  Or,  nous  l'évitons  en 
nous  occupant  de  foints  exercices  ,  de  la  prière  ,  de  la  ledure,  de 
la  pfalmodie.  Pierre  de  Cluni  prétend  que  faint  Maur,  envoyé  en 
France  par  faint  Benoît ,  voyant  que  ie  Monaftere  qu'il  avoit 
bâti  dans  le  Diocèfe  d'Angers  ,  étoit  pourvu  fulîîfammeilt  des 
chofes  néceflaires  à  la  vie,  fans  que  les  Moines  fuffent  obligés  de 
fe  les  procurer  par  le  travail  de  leurs  mains,  ne  leur  prefcrivit 
que  des  exercices  fpirituels.  Cet  exemple  eft  tiré  de  la  vie  apo- 
cryphe de  ce  Saint. 
Sixième  ob-       XX.  Pierre  rejette  ,  comme  une  puérilité,  le  reproche  que 

jedjon,  jgg   Cifterciens  faifoient  aux  Cluniftes  de  ne  pas  fe  profternec 

devant  les  Hôtes  à  leur  arrivée,  6c  à  leur  départ,  ôc  de  ne  pas 
leur  laver  les  pieds.  Si  cette  pratique ,  dit-il ,  ne  pouvoit  s'omet- 
tre fans  rifque  du  falut,  comme  le  difent  ceux  qui  nous  font  ce 
reproche,  il  feroit  ncceftaire  j  ou  que  la  Communauté  fût  tou- 
jours dans  la  chambre  des  Hôtes  ,  ou  que  ceux-ci  fuflent  reçus 
dans  le  Cloître  ôc  dans  les  Oftkincs  du  Monaftere.  Mais  il  fui- 
vroitde-là,  à  caufe  de  la  grande  quantité  des  Hôtes,  que  les 
Moines  ne  fcroient  plus  Moines  ,  ôc  qu'ils  n'en  meneroient  plus 
la.  vie ,  obligés  de  fe  trouver  continuellement  avec  des  Séculiers 
de  toutes  conditions,  même  avec  des  femmes.  Il  s'enfuivroit 


iiiiti'jme  o1>-' 
jeâions. 


A  B  B  É    D  E     C  L  U  N  T.  475, 

encore  que  l'on  devroit  faire  ceffer  l'Office,  &  tous  les  autres 
exercices  Monaftiques  ,  pour  vaquer  au  lavement  des  pieds. 
Nous  faifons  à  cet  égard  ce  que  nous  pouvons ,  continue  l'Abbé 
Pierre;  ôc  pour  ne  pas  négliger  ce  point  de  la  Règle,  chaque 
Moine  ,  à  commencer  par  l'Abbé  ,  lave  tous  les  ans  les  pieds  à 
trois  Hôtes ,  6c  leur  prélente  du  pain  ôc  du  vin.  Les  inlirmes  feuls 
font  difpenfésdecet  exercice. 

XXI.  Selon  la  Règle  de  faint  Benoît  ,  l'Abbé  doit  avoir  ,  Septième  Se 
un  mémoire  des  outils  ôc  des  uflanciles  du  Monaftere  ,  ôc  man- 
ger en  une  même  table  avec  les  Etrangers;  les  Religieux  abfens 
de  rOHice  commun,  doivent  le  réciter  où  ils  fe  trouvent, ôc 
faire  les  mêmes  génuflexions  qu'ils  feroient  au  Choeur;  lorfque 
les  Frères  fe  rencontrent ,  le  plus  jeune  doit  demander  la  béné- 
didion  àfon  ancien  ;  on  doit  mettre  à  la  porte  du  Monaftere  un 
ancien  qui  foit  fage  ,  ôc  qui  réponde  Deo  gratias  zious  lesfur- 
venans.  Rien  de  tout  cela  ne  lé  faifoit  chez  les  Cluniftes;  Ôc, 
quoique  la  Règle  ne  parle  que  d'un  feul  vœu  de  ftabilitc,  de 
converfion  ôc  dobéiflance  ,  ils  le  renouvelloient  chaque  ft  is 
qu'ils  changeoient  de  Monadere.  Pierre  répond  que  l'Abbé  ne 
pouvant  tout  taire  par  lui-même,  eft  autorifé  par  la  Reele  à  fe 
décharger  fur  d'autres  d'une  partie  de  fcs  obligations  ;  &  que 
c'eft  pour  cela  qu'elle  lui  ordonne  de  choilir  des  Doyens;  qu'il 
cfl  bien  cenfc  manger  avec  les  Hôtes  ,  quand  ils  font  nourris  de 
la  fubflance  du  iUonaftere  ;  qu'il  y  auroit  de  l'indécence  à  faire 
manger  au  Rcfetloire  indiftindement  tous  les  Etrangers,  ôc  que 
l'Abbé  quittât  fes  Religieux  pour  aller  manger  avec  les  Hôtes 
fans  aucune  diilindion  ;  que  l'ufage  de  Cluni  eft  qu'il  mange  au 
Réfedoire,  finon  en  cas  de  maladie  ,  ou  que  la  condition  des 
Hôtes  foit  telle  ,  que  l'Abbé  doive  leur  faire  compagnie;  que 
les  Religieux  de  cette  Congrégation  étant  en  campagne, n"o- 
mettcnt  pas  les  génuflexions  ordinaires  ,  iï  ce  n'eften  mauvais 
tems  ,  ôc  qu'alors  ils  difent  pour  y  fuppléer,  xxn  Aiiferere  ;  que 
les  jeunes  Religieux  fe  rencontrant  avec  les  anciens  hors  des 
lieux  réguliers,  leur  demandent  de  vive  voix  la  bénédiclion; 
mais  que  dans  l'intérieur  du  Cloître  ils  ne  la  demandent  que  par 
une  profonde  inclination,  en  gardant  le  fllence;que  fi  l'on  ne 
met  pas  toujours  un  ancien  à  la  porte,  on  a  foin  d'y  mettre  des 
perfonnes  lages  ôc  Hdelles  ;  que  les  portes  duMonaftere  n'étant 
point  fermées  pendant  le  jour  ,  il  n'eft  point  néceffaire  de  frap- 
per pour  les  faire  ouvrir,  ni  au  Portier  de  crier  Deo  gratins; 
que  les  Moines  peuvent,  fans  inconvénient,  renouvdler  leur 


4So         PIERRE    LE   VENERABLE, 

vœu  de  ftabiiité  en  changeant  de  Maifon_,puifque  la  Règle  le 
permet  à  un  Moine  étranger. 
Neuvième  XXII.  Pour  répondre  aux  plaintes  que  dans  l'Ordre  de 
objc^ion.  Cluni  l'on  recevoit  des  Moines  d'un  autre  Monaftere,  fans  la 
permillion  de  l'Abbé  propre ,  ôc  fans  lettre  de  recommandation  , 
Pierre  dit,  qu'on  ne  doit  point  recevoir  un  Moine  d'un  autre 
Monaftere  fans  l'agrément  de  fon  Abbé  ,  tant  que  cet  Abbé 
remplit  à  l'égard  de  ce  .Moine  les  devoirs  de  Paileur,  ôc  qu'il  a 
foin  de  pourvoira  fa  fubfidance  corporelle  ,  fans  laquelle  l'ame 
ne  peut  le  fauver ,  ni  le  corps  fe  foutenir  ;  mais  que  li  ce  Moine 
ne  peut  ni  fe  fauver,  ni  avoir  de  quoi  fournir  aux  néceifités  cor- 
porelles, il  peut  quitter  fon  Abbé  fans  fa  permiffion  ;  que  pour 
cette  raifon  l'Abbaye  de  Cluni  a  obtenu  du  faint  Siège  un  privi-. 
lege  de  recevoir  tous  les  Moines  contraints  de  fortir  de  leur 
Monaftere ,  pour  l'une  ou  l'autre  de  ces  raifons. 
Dixiémeob*  XXIII.  Vous  ne  voulez  pas,  difoient  les  Cifterciens  aux 
Cluniftes  ,  avoir  d'Evêque  propre,  contre  l'ufage  de  toute  l'E- 
glife;  d'où  aurez-vous  donc  le  faint  Chrême,  les  Ordres  facrés, 
la  confécration  de  vos  Eglifcs ,  la  bénédiction  de  vos  Cime- 
tières ,  &  tout  ce  qui  ne  fe  peut  faire  canoniquement  fans  l'E- 
vcque  ,  ou  par  fon  ordre  f  L'Abbé  de  Cluni  répond  :  Nous  avons 
un  Eveque  propre  ,  qui  eft  le  Pape  ,  le  premier  ôc  le  plus  digne 
de  tous  les  Evoques  ;c'eft  à  lui  feul  que  nous  obéiffons  fpécia- 
iement  ;  ôc  ce  n'eft  que  de  lui  feul  que  nous  pourrions ,  fi  le  cas 
l'exigeoit ,  être  interdits  ,  fufpens  ,  excommuniés.  Il  n'a  point 
été  l'Eglife  de  Cluni  à  un  autre  Evêque  qui  en  fiit  en  poffeifion  ; 
mais  il  l'a  gardée,  à  la  prière  des  Fondateurs,  pour  lui  être 
fourni  fe  à  lui  feul  pour  toujours ,  ainfi  qu'ils  l'ont  réglé.  Le  Pape  , 
trop  éloigné  pour  nous  donner  les  faintes  Huiles ,  les  Ordres  ,  & 
faire  chez  nous  les  autres  fondions  ,  nous  a  permis  de  nous 
adreffer,  pour  toutes  ces  chofes  ,  à  tout  Evêque  Catholique. 
Âinfi  nous  ne  nous  éloignons  en  rien  des  ufages  des  autres 
Moines  ,  ni  des  Chrétiens.  Il  cite  divers  exemples  des  exemp- 
tions accordées  aux  Moines  par  les  Papes,  pour  empêcher  les 
Evêques  de  troubler  le  repos  des  Monafteres ,  ou  de  difpofer  de 
leurs  revenus ,  &  de  leurs  Sujets.  D'où  il  conclut  que  les  Papes 
antérieurs  à  la  fondation  de  Cluni ,  ayant  exemté  en  partie  la 
plupart  des  Monafteres  ,  delà  dépendance  des  Evêques ,  leurs 
ûiccelTeurs  ont  pu  les  en  aftranchir  totalement. 
On7.x-mc  &  XXIV,  Par  quelle  raifon ,  par  quelle  autorité ,  continuoieat 
^SuT*^'  tes  Cifterciens ,  poffedez-vous  les  biens  desEglifes  Paroilliales  , 
^    °"''  des 


ABBÉ    DE     C  L  U  N  I.  481 

ides  prémices,  &  des  dixmes  ?  Elles  n'appartiennent  pas  aux 
Aîoines  ,  les  Canons  les  donnent  aux  Clercs.  Si  tout«s  ces 
chofes,  répond  l'Abbé  Pierre  ,  font  données  aux  Ecclefianiques 
à  caufe  de  la  prédication ,  &  deTadminiflration  des  Sacremcns , 
pourquoi  les  Moines  n'en  jouiroient-ils  pas  ,  à  caufe  des  prières , 
du  chant  des  Pfeaumes,  des  aumônes,  ôc  des  autres  bonnes 
.oeuvres  qu'ils  font  pour  le  falut  du  Peuple?  Vous  poITedez ,  dit- 
on,  des  Châteaux,  des  Villages  ,  &  des  Serfs  de  l'un  ôc  de 
l'autre  fexe  ;  vous  tirez  des  péages,  des  tributs  ;  vous  faites 
même  les  fondions  d'Avocat  ,  fans  faire  attention  qu'en  cela 
vous  fortcz  de  votre  état  ?  Toute  la  terre  étant  au  Seigneur ,  nous 
recevons  inditleremment ,  dit  l'Abbé  deCluni,  toutes  les  obla- 
tions  des  Fidèles  ;  &  en  cela  nous  ne  faifons  rien  contre  la  Regle^ 
qui  permet  au  Novice  ,  avant  de  s'engager  par  la  profciiion  ,  de 
donner  tout  fon  bien  aux  pauvres  ,  ou  d'en  faire  folemneilement 
une  donation  au  Monaftere.  Elle  n'excepte  aucune  forte  de 
biens  ;  elle  fuppofe  donc  que  les  Moines  peuvent  les  poffeder 
tous ,  Châteaux  ,  Villages ,  fonds ,  meubles ,  Serfs  de  toute  con- 
dition. Il  appuie  fa  réponfe  de  divers  exemples  tirés  de  la  vie  de 
flùnt  Grégoire  le  Grand,  ôc  de  quelques  autres  Saints.  Puis  il 
ajoute  ,  qu'en  accordant  aux  Moines  la  poireffion  des  biens  tciu- 
porels,  c  eit  une  conféquencedeleur  permettre  de  les  défeidre 
en  Judice  contre  les  ufurpateurs,n'y  ayant  aucune  Loi  qui  défende 
aux  Moines  de  plaider  dans  leur  propre  caufe. 

XXV.  Sur  la  (in  de  fa  Lettre  l'Abbé  Pierre  diftingue  deux  .  D-oit  àe 
fortes  de  Commandemens  de  Dieu ,  les  uns  éternels  &  immua-  '  P''"  "' 
blés  ;  les  autres  fujets  au  changement,  félon  les  tems  ôc  lescir- 
conftances.  On  n'a  jamais  dilpenfé  des  premiers  ,  comme  du 
précepte  d'aimer  Dieu  de  tout  fon  cœur,  ôc  le  prochain  comme 
foi-même.  Mais  les  autres ,  qui  ont  eu  pour  Auteurs ,  ou  les  faints 
Pères ,  ou  les  Conciles ,  ou  les  faints  Fondateurs  d'Ordres ,  peu» 
vent,6c  doivent  changer  ,lorfque  la  charité  le  demande;  les 
Supérieurs  font  en  droit  d'en  difpenfer.  C'efl:  fur  ce  principe  qu'il 
excufe  les  changemens  faits  dans  Cluni  à  l'égard  des  habits,  de 
ia  nourriture,  &  de  quelques  autres  obfervances  Monaftiques, 
Il  fonde  encore  la  nécellité  de  difpenfer,  fur  ce  que  la  nature 
humaine  étoit  beaucoup  affoiblie  depuis  le  fiécle  de  faint  Benoit , 
où  elle  étoit  plus  forte  ôc  plus  robufte.  De-là  il  conclut  ,  que  le» 
Cifterciens  refufant  à  leurs  Frères  les  foulagemens  néceffaires  à 
îa confervation  delafanté,  manquoientde  charité,  ôc  péchoieat 
Tome  XXII.  Ppp 


4S2         PIERRE  LE   VENERABLE; 

conféquemment  contre  la  Règle  de  S.  Benoît,  qui  ne  refpirequé' 
charité. 

EpzT?.  Z9.  X  X  VL  II  y  a  une  autre  Lettre  à  faint  Bernard  au  fujec  d  ua 
Aîoine  de  Cluni  éiù  Evêque  de  Langres.  Son  élection  s  etoit 
faite  du  confentement  du  Clergé  &  du  Peuple ,  de  l'avis  du- 
Métropolitain,ôc  de  l'agrément  de  l'Abbé  de  Cluni.  Cependant 
faint  Bernard  s'y  oppofa.  11  en  écrivit  au  Pape  Innocent  II.  à  deux 
Chanoines  de  Lyon  ;  aux  Evêques  ôc  aux  Cardinaux  de  la  Cour 
de  Rome  ;  au  Roi  Louis  le  Jeune  qui  avoir  déjà  inverti  l'Elu. 
L'Abbé  Pierre ,  mécontent  du  procédé  de  l'Abbé  de  Clairvaux  , 
elTaya  de  lui  rendre  favorable  le  nouvel  Evêque  de  Langres  ,  en 
lui  repréfentant ,  que  ceux  qui  lui  en  avoient  dit  du  mal ,  avoient: 
depuis  un  certain  tems  déclaré  une  guerre  fi  ouverte  à  l'Abbaye 
de  Cluni ,  qu'ils  avoient  publiquement  chargé  les  Moines  d'in- 
jures ,  de  calomnies  ,  &  quelquefois  même  de  coups.  Qu'à 
l'égard  de  l'Elu  ,  il  l'avoit  fondé  en  toutes  manières  pourfçavoir 
de  lui-même  s'il  étoit  coupable  de  quelques-unes  des  fautes 
dont  on  laccufoit  ;  qu'il  avoit  non-feulement  protefté  de  fou 
innocence  ,  mais  qu'il  s'étoit  encore  offert  de  fe  purger  par 
ferment. 

^Ffi-  3>-  XXVII.  Le  Pape  Innocent  II.  étant  à  Cluni  en  iiî2  au 
mois  de  Février ,  accorda ,  fans  en  parler  à  l'Abbé  ni  à  pcrfonnc 
de  fa  Communauté  ,  un  privilège  à  Eftienne ,  Abbé  de  Cîtcaux  , 
par  lequel  il  exemptoit  tous  les  Ciftcrciens  de  payer  les  dixmes. 
Ce  privilège  n'eut  d'abord  lieu  que  contre  les  Cluniftes  :  enfuite 
il  s'étendit  à  toutes  fortes  de  perfonnes  ;  mais  aucun  ne  réclama 
que  l'Abbé  Pierre  ,  &  celui  de  Gigny.  Celui-ci  avoit  des  dixmes 
confidérables  à  percevoir  furies  Terres  du  Monaflere  du  Miroir, 
Ordre  de  Cîteaux.  Les  ayant  voulu  exiger ,  le  Pape  mit  en  inter- 
dit l'Eglife  de  Gigny.  L'Abbé  de  Cluni ,  affligé  de  l'induit  ôc 
des  fuites  qu'il  avoit  occafionnécs  ,  en  écrivit  au  Pape,  pour  lui 
remontrer  que  l'Eglife  de  Cluni  tiroir  depuis  plus  de  deux  cens 
ans  les  dixmes  indiflin£lement  fur  toutes  fortes  de  Terres  ;  que 
fi  les  Cifterciens  en  étoient  exempts ,  comme  leurs  Monafleres 
fe  multiplioient  de  tous  côtés,  il  arriveroit  nécelfairement  la 
fuppredion  de  la  dixième  partie  des  Cluniftes,  ou  même  qu'ils 
feroient  obligés  de  céder  leur  place  aux  Ciilerciens.  Il  prie  le  Pape 
de  ne  pas  permettre ,  que  les  nouveaux  venus  chaffcnt  les  anciens  j 
&  de  fufpendre  jufqu'à  Pâques  l'exécution  de  la  Sentence  contre 
l'Abbaye  de  Gigny ,  afin  que  l'Abbé  ou  fes  Moines  aycnt  le 


ÂBBÉDECLUNI.   '  435 

loifir  d'aller  à  Rome  rendre  au  Saint  Siège  un  compte  exa£l  de 
leurs  droits  ôc  de  leur  conduite.  Pierre  écrivit  fur  le  même  fujct  Epijl.  jf, 
au  Cardinal  «Se  Chancelier  Aimeric  ,  à  qui  il  repréfentc  ,  qu'il  eft 
inoiii  que  quelqu'un  ait  été  dépouillé  de  fes  droits  par  le  Siège 
Apofioliquc,  fans  avoir  été  entendu  ;  ni  que  l'on  ait  donné  le 
bien  d'une  perfonne  ,  fans  fon  agrément.  Il  répond  à  ce  que  les 
Cifterciens  difoient  qu'ils  étoient  pauvres  ,  ôc  les  Cluniftes 
riches  ;  que  s'ils  étoient  riches  ,  ils  avoient  un  grand  nombre  de 
perfonnes  à  nourrir  ;  qu  ils  ne  refufoicnt  pas  de  foulager  les 
pauvres  ;  que  le  monde  connoiffoit  l'ufage  qu'on  faifoit  à  Cluni 
des  revenus  du  Monaflere  ;  qu'avant  de  juger  de  la  pauvreté  des 
Ciilcrciens  ôc  des  richelTes  des  Cluniiles ,  il  falloir  faire  un  paral- 
lelle  des  revenus  ôc  des  dépcnfes  des  uns  ôc  des  autres  ;  que  l'induit 
accordé  par  lePapeferoit  fupportablc,  s'il  ne  regardoit  que  quel- 
ques cantons ,  ôc  non  toutes  les  poiTenions  des  Cifterciens  qui  fe 
multiplioient  de  jour  en  jour.  Dans  fa  Lettre  au  Chapitre  général  H.i'?.  $u 
de  Cîteaux  ,  il  rappelle  les  bienfaits  dont  il  avoit  comblé  ,  autant 
qu'il  avoit  été  à  fon  pouvoir  ,  cet  Ordre  naiffant  ;  l'amcur  qu'il 
avoit  eu  pour  lui  ;  les  éloges  qu'il  avoit  faits ,  de  leur  ferveur ,  de 
leur  fobrieté  ,  de  leur  modcllie  ,  de  leur  humilité.  Il  leur  fait 
envifager  leur  privilège  touchant  l'exemption  des  dixmes  comme 
une  pomme  de  difcorde ,  que  l'homme  ennemi  avoit  jetcée  entre 
les  deuxOrdres;ôcles  exhorte  à  préférera  ce  privilège,  la  charité, 
l'ame  des  Chrétiens.  Cette  Lettre  offenfales  Abbés  de  l'Ordre  de 
Citeaux.  Pierre  en  ayant  eu  avis,  leur  en  écrivit  une  féconde  Ep;,*?,  55. 
l'année  fuivante  ,  où  il  protefte  ,  que  dans  la  première  il  n'avoit 
eu  aucune  intention  de  rompre  avec  eux,  ôc  qu'il  l'avoit  écrite 
dans  un  efprit  de  paix  ôc  de  charité. 

X X  V 1 1 1.  Il  arriva  que  quelqu'un  de  la  dépendance  de  l'Abbé         li^^'^  ^«" 
de  Cluni  tomba  dans  une  erreur  toute  femblable  à  celle  des  '^^ 
Apollinariftes,  foutenant  comme  eux,  que  Jefus-Chrifl:  en  fe  ^'-^     '* 
faifant  homme  n'avoit  pris  que  le  corps  &  non  l'ame  humaine. 
Il  n'eft  point  nommé  dans  l'infcription  de  la  Lettre  qu'il  lui 
écrivit  ;  mais  Pierre  fait  aflTez  entendre  qu'il  étoit  chargé  de  fa 
conduite  ,  ôc  qu'il  avoit  demeuré  longtems  ,  ou  même  qu'il 
demeuroit  encore  dans  une  Communauté  confiée  à  fes  feins. 
Pour  l'empccher  de  fe  perdre  lui-môme  ,  ou  d'infecter  les  autres 
de  fon  erreur ,  il  l'en  convainc  dans  cette  Lettre  ,  ôc  prouve  par 
un  grand  nombre  de  pafiages  de  l'Ecriture  ,  ôc  par  pluf.eurs   • 
raifonnemens  théologiques  ,  que  l'humanité  en  Jefus-Chrifl  étoit 
compofée  d'un  corps  ôc  d'une  ame  raifonnable ,  comme  dans 

Pppij 


484        PIERRE    LE   VENERABLE, 

tout  le  refte  des  hommes.  Il  le  prouve  encore  par  le  S^'mboiff 
des  Apôtres  ,  où  il  eft  dit,  que  Jefus-Chriil  eft  defcendu  aux 
Enfers  :  ce  qui  ne  peut  s'entendre  que  de  fon  anie ,  puifque  dans 
ce  tems  ,  fon  corps  étoit  dans  le  tombeau. 

Kpijl.  2.  XXIX,  En  congratulant  Pierre,  Archevêque  de  Lyon, 
de  ce  qu'il  étoit  élevé  fur  le  Siège  primatial  du  Royaume,  qui 
ne  connoic  d'autre  Supérieur  que  le  Siège  Apoftolique,  &  qui 
lui  donne  autorité' fur  toutes  les  Eglifes  de  France,  il  le  prie 
d'exercer  fon  zèle  contre  les  vices  ôcles  abus  qui  regnoient  dans 
le  Clergé  féculier  &  régulier  ;  &  lui  offre  fes  fervices  pour  cette 

Hpijf.  3.  œuvre  de  pieté.  Informé  de  la  froideur  du  Pape  Innocent  pour  le 
Cardinal  d'Aibane  ,  il  elTaya  de  le  remettre  dans  fes  bonnes- 
grâces,  ea  le  faifant  re(Touvenir  des  travaux  de  ce  Cardinal  pour 
l'Eglife  ôc  pour  lui-même  ;  de  la  fageffe  &  de  la  prudence  qu'il 
avoit  fait  paroitre  dans  les  diverfcs  légations  dont  on  l'avoit. 
chargé  ;  enan  les  mouvemcns  qu'il  s'étoit  donnés  au  commen- 
cement de  fon  exaltation  pour  le  maintenir  fur  le  faint  Siège,, 
contre  Pierre  de  Léon  fon  Compétiteur.  Il  prie  le  Pape  de  le. 
Iniffer  continuer  fa  légation  en  France ,  jufqu'à  ce  qu'il  eût  oeca- 
fion  de  le  rappeller  à  Home  avec  honneur.  Le  parti  de  Pierre  de 
Léon  étoit ,  lorfque  l'Abbé  de Cluni  écrivit  cette  Lettre,  réduit. 
Epijl. 4  &: -jO.  prefque  à  rien  ;  il  en. tira  une  preuve  pour  montrer  à  Gilon  ,, 
Evoque  de  Tufculum,  qu'il  ne  pouvoit  fe  difpenfer  de  quitter 
ce  parti ,  puifqu'il  n'étoit  pas  poifible  que  l'Eglife  Catholique  ne- 
fiit  compofie  que  du  petit  nombre  de  perfonnes  renfermées  dans-. 
quelques  FortereiTes  d'Italie  ou  du  Poitou. 

Bp'ijl.  7'      XXX.    Pierre   n'eut  aucun   égard  aux   remontrances   de. 
Tlieotad  fur  l'impolFibilité  où  il  fe  difoit  être  de  gouverner 
l'Abbaye  de  la  Charité  ,  dont  il  étoit  Prieur  ;  mais  il  lui  lit  voir 
qu'il  devoir  par  obéïfirance&  par  devoir  continuerl'exercicedefa. 
Charge  ;&  que  fi  fa  fanté  ne  lui  permcctoitpas  d'en  remplir  toutes 
lés  fondions/il  pouvoit s'abfentcr  quelquefois  des  exercices  coni-  ■ 
muns ,  ainfi  qu'il  étoit  permis  aux  infirmes ,  &  prendre  les  autres 
foulagemens  nécelfaires.  La  Lettre  que  l'Abbé  de  Cluni  avoit 
écrite  au  Pape  Innocent  II.  en  faveur  de  Mathieu  ,  Cardinal , 
Epijl.  10.  -Evoque  d'Aibane  ,  fut  fans  effet.  Ce.Légat  fut  rappelle  à  Rome. 
Pierre  ne  put  s'empêcher  de  témoigner  au  Pape  que  ce  rappel 
étoit  préjudiciable  à  Tes  intérêts.  Il  le  prie  encore  une  fois  de 
rendre  fes  bonnes  grâces  à  ce  Cardinal ,  qui  lui  avoit  toujours  ■ 
EpiJl.  11,  été  fi  attaché  ôc  fi  utile.  Ce  fut  à  ?vlatthieu  que  l'Abbé  de  Cluni 
fé  plaignit ,  comme  au  nom  de  tout  l'Ordre  Monailique,  qu'oiii 


A  B  B  É    D  E    C  L  U  N  T.  45^ 

eût  chaffé  les  Moines  de  Verdun ,  apparemment  dcTaint  Vannes ,' 
pour  mettre  en  leur  place  des  Clercs  féculiers. 

XXXI.  Il  necroyoitpas  que  celui  qui  avoitfait  ferment  de  cf,?,  ,y^ 
prendre  Ihabit  Monallique  ,  put  s'en  dilpenfer ,  ni  fupnicer  par 

un  voyage  à  jerufalemiSa  raifon  étoit ,  que  l'on  ne  pouvoit 
pas  compenfcr  une  bonne  adion  ,  par  une  autre  de  moindre 
valeur  j  &.  qu  il  étcit  plus  agréable  à  Dieu  de  le  fervir  toute  la 
vie  dans  l'humilité  ôc  la  pauvreté,  que  de  faire  un  pèlerinage 
avec  orientation.  Raingarde  fa  mère  étant  morte  le  22  juin  de  Efijî.  \6, 
l'an  ii?^,  dans  le  Monallere  de  Marcigni  ,  où  elle  avoit  fait 
profeiîion ,  il  écrivit  une  Lettre  circulaire  à  tous  les  Supérieurs 
des  Monaileres  de  fon  Ordre  ,  portant,  qu'ils  feroient  dire  pour 
le  repos  de  fon  ame  trente  ]Vi elles ,  Ôc  nourriroient  douze  Pauvres 
dans  les  lieux  où  cela  feroit  polîible  ;  &  que  tous  les  Prêtres  di- 
roient  deux  Méfies  pour  elle  ,  fans  compter  l'Oflice  &  la  MelTe 
générale.  IladrelTa  une  autre  lettre  à  Jourdain  jPonceôc  Armann  ,  Epij}.  17, 
dans  laquelle  iltliit  l'éloge  delà  pieté  de  fa  raere  ,  &  rapporte  les 
circonftap.ces  de  la  mcrt.  Suivant  la  coutume  ,  elle  rcait  l'Ex- 
trôme-Ondicn  avant  le  Corps  du  Seigneur ,  après  s'être  préparée 
à  l'un  &  à  l'autre  par  la  confellion  de  fes  péchés. 

XXXII.  Il  y  a  pîufieurs  Lettres  de  Pierre  le  Vénci'able  à  Epjl.  if. 
Henri,  Evcque  de  \incheilre,  par  lefquellcs  en  voit  que  ce 
Prélat  étoit  très-affeÛionnéaux  xMonaftercs  que  l'Ordre  de  Gluni 

avoit  en  Angleterre.  Dans  une  ,  Pierre  recommande  à  cet  Evêque 

de  faire  enlorte  que  les  cent  marcs  que  le  Roi  d'Angleterre  avoit 

donnés  julqucsià  à  Gluni  ,  lui  foient  aulTi  délivrés  à  l'avenir. 

Pierre  avoit  depuis  longtenis  le  deffein  d'aller  à  Rome.  Mais  le  EpiJI.  lé,  if* 

Pape  ccnnoiflant  la  Ibibiefie  de  fa  complexion  &  de  fa  fanté  ,  le 

dilpenfa  de  ce  voyage.  Il  écrivit  au  même  Pape  pour  lui  repré-  ■ 

fenter  le  dommage  que  foutiriroit  l'Abbaye  de  \'ezeîai ,  fi  l'on" 

en  tiroic  l'Abbé,  poar  le  faire  Evêque  de  Langres,ainfi  que  le  - 

bruit  en  couroit.  Guillaume,  Evêque  d'Orange, -avoit  niis  en  'E^ij'.  aS,  • 

interdit  le  Monaftere  du  Fuy  ,  fous  le  prétexte  que  les  Moines 

retenoient  in-uflementi"Egiifedefaint  Martin.  L'Abbé  de  Cluni  EpiJi:  3»,- 

écrivit  à  cet  Evcque,  que  l'Eglife  leur  avoit  été  donnée  par  fon  • 

prédéceflcur ,  avec  le  confcntement  du  Pape  Urbain  ;  ôc  qu'ils  ' 

en  avoient  pris  pofiefiion  avec  toutes  les  formalités  de  droit;  que  • 

s'il  ne  vouloit  pas  fe  défifter  de  fes  pourfuites  ,  il  lui  demandoit  • 

jour  pour  faire  difcuter  cette  aft'aire  en  préfence  du  Légat  du  '   • 

Pape. 

XXXIII.  On  a  vu  plus  haut  que  les  Cluni  il  es  SLyoietit'^piJl.  3;.- 

Ppp  iij 


4S<5         PIERRE   LE   VENEP.ABLE  ; 

obtenu  du  faint  Siège ,  des  privilèges  ,  qui  leur  permettoient  de 
recevoirles  Ordres  facrés  de  quel  Evoque  ils  voudroienr.  Atton, 
Evêquede  Troyes,  en  ordonna  plufieurs  dans  le  Monaftere  de  la 
Charité   fur  Loire.  Hugues  ,  Evêque  d'Auxerre  ,  auparavant 
Abbé  de  Pontigni ,  lui  en  fît  un  Procès.  Atton  confulta  fur  cette 
affaire  Pierre  le  Vénerabls  ,  qui  lui  donna  communication  des 
privilèges  de  Cluni.  Les  deux Evêques s'accordèrent,  &  l'affaire 
Epifl-  lU  en  refta  là.  On  voit  par  la  réponfe  d'Atton  ,  rcitime  qu'il  faifoit 
f^i/?.  j  .  des  lumières  ôc  des  vertus  de  l'Abbé  de  Ciuni.  Sa  Lettre  à  Jean 
Comnene  ,  ou  Ca/o  7oa/2/ze^,  Empereur  de  Conftantinople,  eft 
pour  l'engager  à  faire  rendre  à  l'Ordre  de  Cluni  le  JMonaftere 
de  la  Charité ,  fitué  dans  le  voifmagc  de  cette  Ville  ,  &  ufurpé 
par  d'autres  .Moines  depuis  trois  ans.  Il  promet  à  ce  Prince  de 
i'aflocier  aux  prières,  &  à  toutes  les  bonnes  oeuvres  de  Cluni, 
comme  on  y  avoir  alTocié  les  Rois  de  France,  d'Angleterre, 
d'Efpagne  ,  d'Allem?.gne  ,  de  Hongrie ,  &:  même  les  Eiii  pereurs. 
Ei':Jl.  4c.  Il  écrivit  fur  le  même  fujet  au  Patriarche  de  Conftantinople  ,  à 
qui  i;  fciit  remarquer  que  ce  Monaftere  avoir  été  donné  à  Cluni 
par  l'Empereur  Alexis  Coranene.  Pierre  dit  dans  cette  Lettre  , 
qu'il  étoit  uni  au  Patriarche  par  une  même  foi ,  ôc  que  s'il  lui  étoit 
poifible  d'aller  à  Con^antinople  ,  il  feroit  avec  lui  une  alliance 
fpirituelle  &  de  charité,  qui  ne  fouffriroit  aucune  diffolution.  Il 
Ep'ifl.  47.  demanda  au  Patriarche  de  Jérufalem  des  reliques  du  tombeau 
de  jefjs-Chrift ,  de  celui  de  la  fainte  Vierge ,  ôc  d'autres ,  telles 
qu'il  lui  plairoit  d'envoyer. 
Livi-e  troi-       XXXIV.  Un  Moine  nommé  Grégoire,  très-appliqué  à 
Mme.  l'étude  ,  furtout  de  l'Ecriture  fainte  ,  confulta  fon  Abbé  fur  di- 

i^pijl.  7.  verfes  difficultés.  La  première  étoit  de  fçavoir ,  fila  fainte  Vierge 
que  l'Ange  falua  pleine  de  grâce,  en  reçut  une  augmentation  le 
jour  de  la  Pentecôte  ,  lorfque  le  Saint-Efprit  delcendit  fur  elle  , 
comme  fur  les  Apôtres.  L'Abbé  Pierre  rép  juJ  ,  qu'elle  ne  reçut 
en  cette  occafion  aucun  accroiffement  de  charité  ,  ou  de  grâce 
fandirtante,  mais  qu'elle  a  pu  recevoir  une  augmentation  de 
ces  dons  dont  il  eft  parlé  dans  la  première  Epitrc  aux  Corin- 
thiens :  L'un  reçoit  du  Saint-Efprit  le  don  de  parler  de  Dieu 
dans  une  haute  fageffe  ;  un  autre  reçoit  du  même  Efprit  le  don 
de  parler  aux  hommes  avec  fcience  ;  un  autre  reçoit  le  don  de  la 
foi  par  le  même  Efprit  ;  un  autre  la  grâce  des  miracles  ;  un  autre 
celle  de  guérir  les  maladies.  Grégoire  demande  par  la  féconde 
qucftion,  comment  la  fainte  Vierge  ,  après  avoir  conçu  le  Fils, 
de  Dieu ,  uni  perfonnellement  dans  fon  foin  à  la  nature  humaine , 


3.  Loi\,ii,S,9, 


ABBÈDECLUNL  4S7 

en  quî  confdquemment  fe  trouvoient  tous  les  tréfors  de  la  fagede 
&  de  la  fcience  ,  a  pu  ignorer  quelque  chofe  dici-bas  ?  Pierre  de 
Cluni  répond  ,  qu'encore  que  la  fainte  Vierge  ait  conçu  &  ren- 
fermé dans  Ton  fein  ce.ui  en  qui  font  tous  les  trcfors  de  fcience, 
il  ne  s'enfuit  pas  qu'elle  y  ait  puifé  ,  ni  que  ces  trcfor.i  lui  ayeuc 
appartenu  pi-ri'onneiiement  ;  qu'autre  choie  eft  d'avoir  engendre 
celui  en  qui  eft  la  plénitude  de  la  lagelVe  ,  ôc  autre  de  poffedcr 
perlonneilement  cette  fagelTe  ;  que  quant  à  la  pureté  des  mœurs , 
a  la  perfection  delà  vie  ,  ôc  à  la  pratique  de  toutes  les  vertus,  elle 
a  furpaffé.même  étant  fur  terre  ,  les  hommes  &  les  Anges  ;  mais 
qu'on  ne  peut  dire  qu'elle  ait  eu  une  connoiffance  plus  parfaite  de 
Dieu  que  les  Anges  ,  qui  le  voyent  comme  il  e(l  ;  autrement  il 
faudroit  dire  qu'elle  a  joui  dès  ce  monde  de  la  béatitude  :  ce  qui 
ne  fe  peut,  vu  lestraverfes  dont  fa  vie  a  été  partagée  fur  terre, 
à  fon  enfantement,  à  ù\  fuite  en  Egypte,  à  la  mort  de  fon  Fils. 
La  troifiéme  queftion  roule  fur  un  paifage  de  fuint  Grégoire  le 
Grand ,  qui  femble  dire ,  que  le  Verbe  étoit  uni  à  l'homme  avant 
de  naître  de  la  fainte  Vierge.  Mais  l'Abbé  Pierre  fait  voir  par  le 
difcours  même  d'où  ce  paifage  eSl:  tiré,  que  faint  Grégoire  n'a 
voulu  dire  autre  chofe  ,  (inon  que  l'union  du  Verbe  avec  la  nature 
humaine  avoir  été  arrêtée  dans  les  décrets  de  Dieu  ,  &  figurée  ea 
plufieurs  manières ,  avant  qu'elle  fe  fit  dans  le  fein  de  Marie. 

XXXV.  Après  la  mort  d'Alberic,  Archevêque  de  Bourges,      Livre  qua- 
arrivée  en  i  14-0  ,  le  Pape  Innocent  IL  fit  élire  à  fa  place  Pierre  "''éme. 
de  la  Chaftre  ,  &  l'envoya  prendre  poITelfion.  Le  Roi  Louis  le    '-''■^^'  ^' 
jeune,  irrité  qu'on  l'eût  choifi  fans  fon  confentement,  jura  publi- 
quement, que  de  fon  vivant  Pierre  ne  feroit  point  Archevêque. 
Le  Pape  jetta  un  interdit  fur  la  France.  Saint  Bernard  fit  tous  fes 
efforts  pour  réconcilier  le  Roi  avec  le  Pape.   Pierre  de  Cluni 
lui  en  écrivit  aulli  ,  lui  repréfentant  la  dignité  du  Roi  &  du 
Royaume  de  France  ;  le  péril  dont  l'Eglife  étoit  menacée;  &  le 
prie  d'uferdecondefcendance  à  l'égard  d'un  jeune  Prince  ,  qu'il 
avoitlui-même  élevé  furie  throne  en  le  faerant  avec  Thuilefainte 
le  25-  d'Odobre  1  i  3  i.  Il  marque  au  Pape  dans  la  même  Lettre, 
que  la  réfornie  introduite  par  fes  ordres  l'année  précédente  dans 
le  Monaftere  de  Luxeu  ,  n'y  avoir  eu  lieu  que  très-peu  de  tems  ; 
qu'enfuite  il  étoit  retombé  en  un  état  pire  qu'auparavant.  Dans 
une  autre  Lettre  à  Innocent  II.  l'Abbé  Pierre  lui  raconte  com-  Epijl.  4. 
nient  il  avoit ,  avec  l'Abbé  de  Cîteaux- ,  reconcilié  Abaillard  avec 
faint  Bernard  ;  ce  qu'il  avoit  fait  pour  l'engager  à  rétracter  ce 
qui  paroiiToic ,  dans  fes  écrits  ^  contraire  à  Ta  Foi  catholique  ;  6c 


4SS  PIERRE    LE    VENERABLE,- 

la  réfolqtion  où  ctoit  Abaillard  de  quitter  le  tumulte  des  Ecoles,' 
pour  pafler  le  relie  de  fes  jours  à  Cluiii.  L'Abbé  ne  voulant  lui 
accorder  cette  grâce  que  fous  le  bon  plaifir  de  fa  Sainteté  ,  lui 
Epijl.  7.  demande  fon  confentement  par  la  même  Lettre.  Par  une  troi- 
fiéme  j  il  prie  le  Pape  de  confirmer,  malgré  lesoppofitionsdu 
Comte  d'Angers,  i eleûion  d'Arnoul  _,  Archidiacre  deSéez., 
confacré  Evéque  de  Lizieux. 
.•&i/î.  8,      X  X  X  V  L  Dans  la  Lettre  à  Milon  ,  Evêque  de  Terrouane-, 
il  fe  plaint  que  cet  Evcque  ait  traité  publiquement  en  préfence 
du  Clergé  ôc  du  Peuple ,  les  Moines  d€  Giuni ,  de  fuperbes  &:  de 
dcfobéiliàns  aux  Evêques.  Il  lui  repréfentc  que  de  tels  reproches 
dévoient  leur  avoir  été  faits  en  Chapitre  à  Cluni ,  ôc  non  en 
public  i  que  faint  Auguftin  n'en  agiflbit  pas  ainfi  à  l'égard  des 
Frères  de  fa  Communauté  ;  qu'au  reileil  ne  connoit  les  Moines 
de  Cluni,  ni  pour  fuperbes  ,  ni  pour  défcbéiffans  aux  Evêques.; 
que  prefque  tous  ceux  de  l'Eglifel^atineont  pour  «ux  de  l'amitié. 
.  il  prie  Milon  de  leur  être  propice  ,  ôc  lui  reproche  comme  à 
.un  ami ,  d'avoir  empêché  qu'on  ne  donnât  aux  Clunifles  uii 
Canonicat  d'Abbeville ,  quoique  ce  lieu  ne  fût  pas  de  fon  Dior 
cèfe,  mais  de  celui  d'Amiens.  Il  parie  d'un  Concile  de  Reims 
où  cette  donation  avoit  été  propofc;;  &  agréée  de  tous  les  Evê- 
^Epijl.  9i  ques ,  excepté  de  Milon.  Pierre  fe  chargea  de  la  part  du  Roi 
d'Efpagne  de  demander  au  Pape  Lmocent  IL  la  tranîlation  de 
TEvêque  de  Salainanque ,  à  rArchevêché  de  Compollelie  ;  ÔC 
.%'/Z.  10.  delà  part  de  l'Eglife  de  Tours,  la  permillion  à  Hugues  qui  en 
étoit  Archevêque ,  ôc  qui  étant  tombé  nialade  au  Monaftere  de  la 
Charité  ,  y  avoit  pris  Thabit  Religieux  ,  de  retourner  à  fon  Arche- 
Epil.  II.  yêché.  Au  contraire  ,  il  exhorta  lArclicvcque  deNarbonne,  que 
|on  âge  ôc  fes  infirmités  mettoient  hors  d'état  de  gouverner  fon 
pioccfe  ,  à  fe  retirer  à  Cluni ,  pour  s'y  rcpofcr  de  ics  travaux. 
Epljl.  17.       X  X  X  V  1 1.  Sa  Lettre  à  faint  Bernard  cil  pour  l'aiTurer ,  que 
leur  différend  au  fujet  du  Mome  de  Cluni  nommé  à  l'Evêché  de 
Langres,  n'a  rien  diminué  de  l'amitié  ni  de  redime  qu'il  avoit 
pour  lui.  Il  lui  demande  aulfi ,  que  la  différence  des  ufages  entre 
les  Cifierciens  ôc  les  Clunidcs  n'altère  point  la  charité  entre  les 
deux  Ordres.  Il  marque  fur  la  fin  ,  qu'il  lui  envoyé  une  nouvelle 
traduction  de  l'Alcoran,  de  l'Arabe  en  Latin  ,  qu'il  avoit  fait 
faire  étant  en  Efpagne ,  par  Maître  Pierre  de  Tolède.  L'Abbé 
4e  Cluni  l'avoir  fait  aider  dans  cette  verfion  par  fon  Secrétaire, 
parce  que  Pierre  de  Tolède  n'étoit  pas  en  état  d'écrire  claire- 
îucntôc  poliment  en  Latin,  quoiqu'il  l'entendit  bien.  A  cette 

tradudion, 


A  B  B  É    D  E    C  L  U  N  r.  489 

'tradudion  ,  Pierre  le  VéneraWe  joignit  l'abrégé  de  Thiftcire  de 
Mahomet  &  de  fa  doctrine  ,  afin  que  le  monde  qui  dtoit  inledé 
-de  fes  erreurs  ,  connût  combien  on  devoit  les  avoir  en  horreur. 

X  X  X  V  I  1  I.  Aulfitôt  quePierre  deCluni  eut  appris  1  éledioa   Ef'i/?-  '8- 
•^e  Celeftin  II.  faite  ie  26  de  Septembre  1 14.5  ,  i}  lui  écrivit  une 
Lettre  de  congratulation.  Ce  Pape  n'ayant  tenu  le  Saint  Siège 
que  cinq  mois  ,  Pierre  n'eut  pas  d'occafion  de  lui  écrire  plus 
Souvent.  Il  f\t  aulfi  au  Pape  Lucius  II.  élu  le  dixième  de  #Iars  E'/'J^-  '9. 
1  !44  ,  des  complimens  fur  fon  élévation  ,  ôc  lui  demanda  de 
nouveaux  jrdres  pour  lui  envoyer  treize  de  fes  Religieux  ,  dont 
un  devoit  être  Abbé  des  douze  autres.  L'envoi  fe  (ù  ,  ôc  le  Pape  Epifl.  lo,  -. 
leur  donna  à  Rome  le  Monafcere  de  Giint  Sabas  ,  fondé  dès  le 
tems  de  (IVint  Grégoire  ,  alin  d'y   rétablir  l'obfervance.  Il  mie 
pour  condition  ,   que  ce  Monaftere  dépendroit  de  lAlibé  de 
Cluni.  Nous  avons  une  autre  Lettre  de  l'Abbé  Pierre  au  Pape  E /,-?.  îi; 
Luce  ,  dans  laquelle  il  prend  le  parti  de  l'Evêque  d'Orléans 
contre  fes  Chanoines  ,  montrant  qu'ils  l'avoient  accufé  injuf- 
tement. 

XXXIX.  Abaillard  étant  mort  en  i  142  ,  Pierre  de  Cluni  EfiJ.  lu 
ne  trouva  rien  de  mieux  pour  confoler  Heloïfle  ,  que  de  lui 
apprendre  de  quelle  manière  fon  niari  avoit  vécu  &  iini  fa  vie 
dans  ia  retraite.  Je  ne  me  fouviens  point ,  dit-il ,  d'avoir  vu  fon 
femblable  en  humilité  ,  tant  pour  l'habit  que  pour  la  contenance. 
Je  l'obligeois  à  tenir  le  premier  rang  dans  notre  nombreufe  Com- 
manauté  ,  mais  il  paroilloit  le  dernier  de  tous  ,  par  la  pauvrcié  de 
fon  habit.  Dai^s  les  Procellions  ,  comme  il  marchoit  devant  moi 
fuivant  la  coutume  ,  j'admirois  fouvent  comment  un  homme 
d'une  ii  grande  réputation  put  s'abailfer  de  la  forte,  Ôcfemépriier 
iui-môme.  U  obibrvoit  dans  la  nourriture  &  dans  tous  les  befoins 
tlu  corps  la  même  fimplicité  que  dans  fes  habits  ,  &  condamnoit 
par  fes  difcoursôc  par  fon  exemple  ,  non-feulement  le  fuperflu, 
mais  tout  ce  qui  n'efb  pas  abfulument  néceffaire  II  liioit 
fouvent ,  gardoit  un  filence  perpétuel ,  fi  ce  n'eft  quand  il  étoit 
forcé  de  parler ,  ou  dans  les  conférences ,  ou  dans  les  fermons 
qu  il  Hiifoit  à  la  Communauté.  Il  offroit  fréquemment  le  facririce , 
6c  même  prefque  tous  les  jours  ,  depuis  que  par  mes  Lettres  ÔC 
mesfoUicitations  il  eut  été  réconcilié  au  Saint  Sicge.  Que  dirai- je 
davantage  f  II  n'étoit  occupé  que  de  méditer  ou  d'enfeigner  les 
vérités  de  la  Religion  ou  de  la  Philofophie.  L'Abbé  de  Cluni 
ajoute ,  que  l'ayant  envoyé  ,  à  caufe  de  (es,  infirmités ,  au  Prieuré 
de  faint  Marcel ,  près  Châlons  fur  Saône,  il  y  fut  attaqué  d'une 
Tome  XX IL  Qqq 


4po         PIERRE   LE   VENERABLE; 

maladie  qui  le  réduifit  à  l'extrémité  ;  qu'alors  il  fit  d'abord  fa 
confeifion  de  foi  ;  puis  celle  de  fes  pûcht's ,  &  reçut  le  Viatique 
avec  une  fainte  avidité  ,  en  préfence  de  tous  les  Frères  de  ce 
Monailere. 
"Epijl,  23.       XL.  La  Lettre  à  Raimond ,  Moine  de  Touîoufe ,  eft  en  vers 
élegiaques.  Elle  contient  fon  éloge.  Pierre  y  relevé  Ojrtout  la 
fécondité  de  fa  verve  poétique  ,  que  fon  grand  âge  n'alteroit 
poiiit ,  ôc  la  beauté  de  fa  voix  dont  l'éclat  étoit  toujours  le  même. 
L'Abbé  de  Cluni  avoit ,  comme  on  le  voit  parcette  élégie,  du 
goût  pour  la  poefie;  &  il  ne  pouvoir  fouffrir  qu'on  récitât  dans 
l'Eglife  des  hiiloires  pleines  de  fauffetés  ,  ni  qu'on  y  chantât  des 
Hymnes  dont  la  latinité  ne  fut  pas  pure,  ou  dont  les  vers  pé- 
Ep^,  30.  chaiïent  contre  la  quantité.  C'efl:  pourquoi  ayant  oui  chanter  & 
chanté  lui-même  une  Hymne  pour  la  fête  de  faint  Benoît,  qui 
péchoit  également  contre  la  vérité  del'hiftoire  ,  contre  la  pureté 
de  la  langue  latine  ,  &  contre  les  règles  de  l'art  poétique  ,  il  en 
compofa  une  autre  en  l'honneur  de  ce  Saint,  où  il  relevoit  fes 
vertus  ôc  fes  miracles.  Dans  une  autre  Hymne,  mais  plus  courte 
que  la  première ,  il  donna  l'hifloire  de  la  tranflation  de  fes  reliques 
en  France,  &  de  leur  illation  ,  ou  tranfport  de  l'Abbaye  de 
Fleuri  fur  Loire  à  Orléans  ,  &  d'Orléans  à  Fleuri  ;  car  on  faifoit 
la  fête  de  ces  deux  tranfations. 
'Epiji-  ic-.       X  L  L  Saint  Bernard  dans  fa  Lettre  circulaire  pour  la  Croifade, 
difoit ,  qu'il  ne  failoit  point  perfécuter  les  Juifs,  ne  les  pas  tuer, 
ni  même  les  chaifer ,  parce  qu'ils  étoicnt  comme  des  Lettres 
vivantes  qui  nous  reprëfentoient  la  Palfion  de  Notre-Seigneur, 
&  que  c'étoit  la  raifon  de  leur  difperfion  dans  tous  les  Pays  du 
monde.  L'Abbé  de  Cluni  penfoit  à  peu  près  de  même.   En 
fouhaitant  au  Roi  Louis  vers  l'an  i  1 46  un  heureux  fuccès  dans  fa 
Croifade  ,  il  dit  à  ce  Prince  ,  qu'encore  que  les  Juifs  foicnt  les 
plus  grands  ennemis  des  Chrétiens  ,  ôc  pires  que  les  Sarrafins  ,, 
il  faut ,  non  les  faire  mourir,  mais  les  réfcrver  à  un  plus  grand 
fupplice  ,  f^avoir ,  d'être  toujours  efclaves,  timides  &  fugitifs  ; 
qu'il  faut  encore  les  punir  en  ce  qu'ils  ont  de  plus  cher,  qui  eft 
îeur  argent;  leur  défendant  les  gains  illicites  qu'ils  foHtfurles 
Chrétiens  ,  non-feulement  par  les  ufutes  ,  mais  par- les  larcins, 
dont  ils  font  complices  ôc  receleurs  ,  furtout  de  l'argenterie  des 
Eelifes, qu'ils  achetoienr  des  Voleurs  ,  la  fondoient  enl'uite  ,  ôc 
i'employoient  à  des  ufagcs  prophnne«.  Il  exhorteleRoi  Louis  à 
puifir  les  Hicrileges  ,  ôc  à  prendre  fur  les  Juifs  de  quoi  fournir  à 
la  guerre  contre  les  Sarrafins. 


ABBÉ    DE    CL  UNI.  4pt 

IC  LIT.  Le  Pape  Eugène  ÎII.  dlu  au  mois  de  Février  II4.4- ,     r^re  c'm-i 

avoit  nomme  l'Archevêque  d'Arles  &  l'Evêque  de  Viviers  pour  'iuiéme. 
coniiokre  d'un  différend  entre  i'Evêque  de  rvlifmes  ôcTALbéde  fyi^l.  4. 
la  Chaife-Dieu  ,  au  fujet  du  Monailere  de  faint  Baudille  de 
Nifmcs  qui  dépendoit  de  cette  Abbaye.  Mais  les  Parties  conten- 
dantes  reculèrent  les  Arbitres.    Pierre  de  Cluni  ,  qui  prenoit 
intérêt  à  cette  aliciire,  écrivit  au  Pape  les  motifs  de  rccufation  , 
en  le  priant  de  juger  lui-mêmece  différend  ;  l'allurant  que  l' Abbc 
de  la  Chaife-Dieu  ,  ou  quelqu'un  de  fa  part,  fera  volontiers  le 
voyage  de  Rome  ,  quelque  pénible  6c dangereux  qu'il  fût,  pour 
foutenir  les  intérêts  de  fon  Monadere.  Il  recommanda  au  même  Epij!.  ?; 
Pape  les  Députés  de  l'Eglife  d'Angoulême ,  réfolus  de  fe  pourvoir 
à  Rome  ,  contre  l'Archevêque  de  Bordeaux  ,  qui  refufoit  de 
facrer  celui  qu'ils  avoient  élu  pour  leur  Evêque. 

XLIl  L  Confulté  par  1  hibaud  ,  Abbé  de  fainte  Colombe,  /r,.;/?,  7. 
pourquoi  on  réïteroit  Tonclion  des  malades  à  Cluni ,  il  répondit , 
qu'il  n'en  étoir  pas  decetteondion  comme  de  celle  du  Baptême  , 
•de  la  Conhrmation  6c  de  l'Ordre  facerdotal ,  ou  des  onclions 
d'Eglifes  ôc  de  vafes  facrés  ;  que  ces  onctions  imprimoient  une 
confécration  qui  ne  pouvoit  s'effacer  ;  au  lieu  que  l'effet  de 
l'onction  des  malades  étant  la  rémiifion  des  péchés ,  dans  lefquels 
ils  peuvent  retomber  après  s'être  relevés  de  leur  maladie,  il  eft 
permisdans  cecas  de  leur  adminiftrer  piuiieurs  fois  cette  ondion  ; 
ce  que  l'on  ne  fercit  cas  néanmoins ,  fi  le  malade,  après  fa  conva- 
lefcence  ,  ne  retomboit  plus  dans  aucun  péché.  Pierre  autoiife  fa  j^^^j.^  ^  ^  ,^_ 
réponfe  des  paroles  mêmes  de  l'Apôtre  faint  Jacques  ,  qui  éeant 
générales,  &:  fondées  fur  les  befoins  que  nous  avons  de  réitérer 
les  remèdes  à  nos  chutes  ,  fuppofent  qu'on  peut  recourir  à 
rEx'trême-On£lion  autant  de  fois  qu'il  eft  nécelTaire  pour  lefalut 
du  malade.  L'Abbé  de  f:tinte  Colombe  ne  concevo'it  pas  com- 
ment s'étoit  accompli  le  fonge  de  Jofeph  ,  où  il  lui  avoit  femblc 
que  fon  père ,  fa  mère  ,  6c  tous  fes  frères  l'adoroient.  En  eiiet , 
la  mère  de  Jofeph  éioit  morte  avant  qu'il  fat  établi  Prince  dans 
toute  l'Egypte,  ôc  l'Ecriture  ne  dit  point  que  Jacob  fon  père 
l'ait  adoré  depuis  fon  élévation.  Pierre  de  Cluni  dit ,  que  le  fonge 
de  Jofeph  ne  fut  pas  accompli  perfonnellement  dans  fon  père  ni 
dans  fa  mère  ,  mais  dans  leurs  defcendans  :  comme  la  bénédiclion    Qgnef,  xy, 
d'Ifaac  n'eut  pas  fon  eflet  perfonnellement  dans  Efaii,  qui  ne  fut 
jamais  affujetti  à  Jacob  ,  mais  dans  les  defcendans  d'Efaa  ,  c'ed- 
a-dirc,  can.  les  Iduméens  ,  qui  furent  pendant  un  certain  tems 
fournis  à  la  pcfleritéde  Jacob,  ou  aux  juifs.  Sur  la  fin  de  fa  Lettre 

Qqq  ij 


402        PIERRE   LE    VENERABLE, 

l'Abbé  de  Cluni  donne  à  Thibaud  des  inftruclions  pour  fa  con- 
duite dans  le  voyage  de  la  Terre  fainte. 
£pi/?.  r.  X  L I V.  Henri  j  frère  du  Roi  Louis  le  jeune ,  après  avoir  pra- 
tiqué quelquetems  la  vie  iMonafliqueàClairvaux,  fut  ciù  Evêque 
de  Beauvais  en  1 14_9.  Saint  Bernard  incertain  s'il  confentiroit 
à  cette  élection  ,  confulta  Pierre  de  Ciuni,  dont  la  réponfe  fut, 
que  fi  elle  avoir  été  faite  unanimement  par  leCiergé  ôc  le  Peuple, 
avec  le  confentement  du  Métropolitain  Ôc  de  fes  SutïVagans  ;  (i 
on  l'avoit  prié  lui-même  de  l'approuver  ;  &  fi  le  Pape  s'étoic 
déclaré  fur  ce  fuiet  en  écrivant  au  Métropolitain  ,  il  falloit  fe 
foumettre  à  la  volonté  de  Dieu  ,  manifedée  par  tant  d'endroits,. 
&  donner  à  i'Eglife  de  Beauvais  le  Pafteur  qu'elle  demandoit.  Si 
vous  vous  déliez  de  la  fcience  de  Henri ,  ajoutoit  Pierre ,  DieU' 
qui  l'a  déjà  favorifé  de  tant  de  grâces ,  peut  lui  en  accorder  en- 
EpUf.  9 ,  &  ^'^^^  '^^  P^^2  grandes.  Henri  n'ignorant  pas  que  l'Abbé  de  Cluni 

Ui.6,epijl.7-  n'eût  beaucoup  contribué  à  fa  promotion,  lui  en  fit  des  reproches» 
mais  qui  ne  bleffoient ,  ni  la  charité  ,  ni  l'amitié. 
Livre  SxÎL-      X  L  V.  Cet  Abbé ,  par  l'ellime  qu'il  avoir  pour  fiint  Bernard 

^^-  ôc  ceux  de  fon  Ordre ,  ibuhaitoit  qu  il  y  eût  entr'eux  ôc  ceux  de 

Efijl.  4.  Cluni  une  union  fraternelle,  qui  fans  les  obliger  à  changer  la 
couleur  de  leurs  habits, les  unît  par  d'autres  marques  de  fraternité,- 
Il  pria  doncS. Bernard  de  trouver  bon  que  lesClunifles  allant  dans 
les  Monafteres  des  Cifterciens,yfuirentreçus  dans  leRéfedoire,. 
dans  leDortoir,ôc  dans  les  autres  lieux  réguliers  ;  promettant  que 
de  fcn  coté  il  continueroit  de  recevoir  les  Cifterciens  ,  ôc  les 
ferolt  recevoir  dans  tous  les  Monafteres  d-  fa  Jurifdiction.  Pour 
faciliter  ce  devoir  de  charité,  il  lui  demande  que  les  uns  Ôc  les  au- 
tres fe  conforment  à  la  manière  de  vivre  dans  les  Monafteres  des 
deux  Ordres ,  en  ufant  de  la  nourriture  qui  y  fera  en  ufagc 
Ej.'{f!.s,ç,       XLVI.   On   avoit  fait  rapport  au  Pape  Eugène  III.  que 

*«•  l'Archevêque  de  Vienne,  au  lieu  de  protéger  les  Ckuiiftes  ,  les 

inquietoit.  Le  Pape  lui  en  lit  fes  plaintes.  L'Archevêque  fit  parc 
du  contenu  delà  Lettre  d'Eugène  III.  à  l'Abbé  de  Cluni,  qui 
défabufa  le  Pape,  en  lui  marquant,  que  l'Archevêque  n'avoic 
cccafionné  aux  Cluniftes  aucune  occafion  de  plaintes. 
Epifl.  If.  XL  V 1 1.  Il  écrivit  une  Lettre  trcs-vive  à  tous  les  Prieurs  6c 
Religieux  de  fon  Ordre,  pourréprimer  l'abus  qui  s'étoit  intro- 
duit dans  plufieurs  Monafteres,  de  ne  plus  garder  l'abftinence 
de  la  viande  ,  que  les  jours  de  vendredis.  11  leur  repréfente  , 
qu'en  cela  ils  fiut  non- feulement  moins  Religieux  que  les 
Laïcs ,  qui  s'en  abfticnncnt  les  famcdis  ;  ôc  la  plupart,  les  lundis- 


ABBÉDECLUNI.  4^5 

&  les  mercredis  ;  mais  encore  qu'ils  vont  directement  contre  leur 
engagement ,  contre  la  conllitution  d'Odon ,  l'un  des  Fondateurs 
de  leur  Ordre  ,  6c  contre  la  règle  de  faint  Benoit ,  qui  ne  permet 
l'ufage  de  la  viande  à  quatre  pieds  qu'aux  malades  &  à  ceux  qui 
en  ont  befoin  pour  fe  rétablir  ou  fe  foutenir.  Il  convient  que 
dans  l'Ordre  de  Cluni  l'on  avoit  change  quelque chofe  au  prefcrit 
de  la  Règle  à  l'égard  de  la  réception  des  Novices,  des  habits, 
du  travail  des  mains  ,  ôc  de  quelques  autres  uluges  ,  pour  des 
raifons  légitimes  ;  mais  il  fouticnt  qu  il  ne  s'étoit  lait  aucun 
changement  fur  l'article  de  Tabilinence.  Il  cite  quelques  exem- 
ples de  la  vengeance  de  Dieu  contre  des  prévaricateurs  ,  & 
n'oublie  pas  la  manière  dont  les  Ifraclites  furent  punis  ,  au  lieu  ^^um.  n,  j4. 
appelle  les  fépulchres  deconcupifcence,  pour  avoir  défiréavec 
trop  d'avidité  de  manger  de  la  chair. 

X  L  V 1 1 1.  Les  quatre  Lettres  fuivantes  regardent  le  mauvais  Epijf.  i^,- 
fuccès  de  la  Croifade.  L'Abbé  Pierre  après  avoir  témoigné  fa 
douleur  à  Roger,  Roi  de  Sicile  ,  fur  la  mort  de  fes  enfaas  ,  Ôc 
lavoir  afTuré  qu'on  avoit  fait  à  Cluni  pour  le  repos  de  leurs  âmes  , 
les  prières,  ôc  autres  bonnes  œuvres  ufitées  dans  TEglife,  lex- 
horte  à  faire  fa  paix  avec  l'Empereur  des  Pvomains,  pour  être 
plus  en  liberté  d'aller  enfuite  au  fecours  des  Croifés,  ôc  venger 
le  fang  des  Chrétiens  répandu  parlesSarrafins.  Pierre  avoit  appris  F-piri.  rr, 
ce  mauvais  fuccès  par  des  Lettres  de  faint  Bernard  ,  ôc  de  Suger  '^  '  '^  » 
Abbé  de  faint  Denys.  Il  écrivit  à  l'un  ôc  à  l'autre  pour  partager 
avec  eux  la  douleur  d'un  fi  tride  événement.  Dans  la  Lettre  à 
faint  Bernard  ,  il  s'excufe  defe  trouver  à l'aflembiée  de  Chartres, 
tantfur  fa  mauvaife  fanté,  que  parce  qu'il  avoit  convoqué  un 
Chapitre  à  Cluni  pour  le  même  jour  ,  qui  étoit  le  vingt-unième 
d'Avril  I  i^fî.  Il  allègue  les  mêmes  raifons  à  l'Abbé  Suger. 

XLIX.  Il  a  été  parlé  ailleurs  de  la  Lettre  d'Heloïfife  à  Pierre  EvXn,  ^^ 
de  Cluni  pour  le  remercier  de  fa  vilite  ôc  de  lui  avoir  apporté  le 
corps  d'Abaillard  ;  ôc  de  la  réponfe  que  lui  fit  cet  A  bbé.  Sa  Lcctre  ,^  .,, 
au  Prieur  de  Majorcve  ,  efl  un  témoignage  de  l'eflime  qu'il  avoit 
toujours  eue  de  l'Inftitut  des  Chartreux.  Il  promet  à  ce  Prieur 
de  lui  renvoyer  au  plutôt  les  deux  Livres  qu'il  répetoit  ;  l'un  , 
contenant  des  glofes  fur  l'Evangile  de  faint  xMatthieu  ;  l'autre, 
fur  l'Evangile  de  faint  Jean. 

L.   Le  Pape  Eugène  HT.  Tavoit  chargé  avec  l'Evéque  de  E'/if,  j^^ 
Limoges  ,  d'agir  auprès  de  l'Evéque  de  Clermont  pour  l'oLliger 
à  rendre  un  Chevalier  qu'il  tenoit  captif  depuis  deux  ans  ;  ôc  à    ' 
texaiinerla  diiîicuké  q^uil  avoit  avec  quelques  Nobles  au  fujet 

Q  q.  1  'iJ 


iO». 


4P4  PIERPvE   LE   VENERABLE, 

du  Château  d'Alfon.  Les  Lettres  du  Pape  ne  furent  pas  rendues 
à  l'Abbé  deCluni;,  mais  à  l'Evêque  nicine  de  Clermont ,  parce 
que  le  porteur ,  qui  étoit  frère  du  Captif,  ne  put  en  obtenir  l'é- 
largiffemeiit ,  qu'en  donnant  ces  Lettres  à  1  Evêque.   L'Abbé 
Pierre  n'ayant  donc  pu  exécuter  les  autres  Commiifioiis  portées 
dans  ces  Lettres ,  fe  contenta  d'inftruire  le  Pape  de  la  mauvaife 
^conduite  de  l'Evêque  de  Clermont ,  dont  le  Diocefe  étoit  dcC- 
.titué  de  tout  fecours  fpirituel  &  temporel  de  la  parc  de  ce  Prélat. 
Il  n'entre  pas  dans  le  détail  de  fcs  délcrdreS;,  ne  doutant  pas  que 
d'autres  n'en  infîruililfent  le  Pape. 
tE^iJl.  i:-       LL  Pierre  s'intéreffa  auprès  de  lui  en  faveur  de  Humbertde 
Beaujeu  ,  qui  depuis  fon  retour  d'outre-mer  ,  avoir  quitté  l'Or- 
di-e  des  Chevaliers  du  Temple,  &  repris  fa  femme.  Cette  dé- 
marche étant  contraire  au  vœu  de  chafîeté  que  faifoient  les  Che- 
valiers, le  Pape  ne  vouloit  pas  fouffrir  qu'il  rentrât  dans  le 
•monde  ,  ni  qu'il  demeurât  avec  fa  feinme.  L'Abbé  de  Cluni 
,avoit  cru  d'abord  qu'Humbert ,  en  pafTant  à  Rome,  avjit  ob- 
tenu du  Pape  cette  difpenfe.  Mais  ayant  été  détrompé,  il  pria 
le  Pape  de  laifTer  Humbert  en  cet  état,  difant  que  s'étant  établi 
dans  le  territoire  de  Cluni ,  il  en  avoit  banni  tous  les  pillards  ôc 
les  brifïands  ,  mit  les  pauvres  à  couvert  de  la  perfécution  des 
tyrans  ,  rendu  la  paix  partout  ;  que  fa  conduite  écoit  réglée  ;  enfin 
que  s'il  s'étoit  engagé  dans  l'Ordre  des  Chevaliers  ,  fa  femme 
n'y  avoit  point  confenti ,  6c  ne  s'étoit  point  engagée  depuis  à 
Eyi//?.  irt  ,  vivre  dans  la  continence.  L'Abbé  écrivit  fur  le  môme  fujet  à 
''  '^-■■43 ,  Ebrard,  Maître  du  Temple.  Il  y  a  plufieurs  autres  Lettres  de 
recommandation  de  l'Abbé  de  Cluni  au  Pape  Eugène  III.  dont 
une  Cil  contre  le  Prévôt  &  les  autres  Supérieurs  Eccléfiafliques 
de  Brioude  ,  qui  avoient ,  fans  aucune   formalité  de  Juftice  , 
dépouillé  de  fcs  biens  un  Clerc  de  cette  Egiife  ,  quoiqu'il  s'of- 
frît de  comparoître  à  jour  certain  &  déligné  par  eux  ;  qu'il  leuc 
donnât  fon  argent  pour  gage  de  fa  parole  ,  fes  parens  &  fes  amis  ; 
ôc  qu'il  confenrît,  au  défaut  de  jugement  judiciaire,  de  fe  juflifier 
par  l'épreuve  du  feu  ,  pourvu  qu'ils  permiffent  de  faire  fur  le 
bûcher  les  exorclfmes  ordinaires  ;  ce  qu'ils  avoient  refufé. 
E/iJ!.  7,y.       IA\.  La  Lettre  de  l'Abbé  de  Cluni  à  fes  deux  nièces  ,  Mar- 
guerite &  Ponce  ,  eft  un  éioge  de  la  virginité  qu'elles  avoient 
vouée  l'une  &  l'autre.  Il  en  fait  voir  les  avantages,  6c  emprunte 
fur  ce  fujet  quelques  beaux  endroits  des  écrits  de  faint  Auguflin  , 
de  faint  Ambroife ,  de  faint  Cvprien  6c  de  faint  Hilaire.  Comme 
elles  avoient  dans  leur  famille  même  de  grands  exemples  de 
vpa\x  3  Pierre  les  leur  propofe  à  imiter. 


;*4j   45 


I 


ABBÉDECLUNI.  4^5 

LUI.  De  retour  du  voyage qu"ilavoit  fait  à  Rome  cil  1  lyo,       Epiji,  j^d 
il  fit  à  faint  Bernard  le  récit  de  la  réception  que  le  Pape  Eus;enc 
III.  lui  avoit  faite.  11  a  ,  dit-il  ,  toujours  eu  pour  moi  un  vifage 
égal, quoiqu'il  en  changeât  avec  difcretion  pour  les  autres  ,  fui- 
vant  la  diverfité  des  perfonnes  &  des  évenemens.  Tel  je  l'ai 
trouve  à  mon  arrivée  ,  tel  je  l'ai  iailTé  en  prenant  congé  de  lui. 
Il  me  préferoit  à  tous  ,  même  à  ceux  qui  étoient  d'un  rang  plus 
élevé,  même  au  Patriarche  de  Ravenne  qui  étoit  prcfent.  J'é- 
tois  prefque  le  feul  Etranger  qui  fut  admis  à  fes  Confeils  avec 
les  Romains  ;  voilà  pour  le  public  ;  Mais  dans  le  particulier ,  je 
n'ai  jamais  trouvé  d'ami  plus  fidèle,  ni  de  frère  plus  fincere. 
Il  m'écoutoit  patiemment  ;  il  me  rcpondoit  promptcment  ÔC 
eiiicacement  ;  il  me  traitoit  comme  fon  égal ,  quelquefois  com- 
me fon  Supérieur.  Rien  ne  fentoit  le  farte  ou  la  f;randeur  ;  ce 
n'étoit  qu'équité  ,  humilité  ôc  raifon.  Ce  que  je  lui  ai  demandé, 
ou  il  me  l'a  accordé  ,  ou  il  me  l'a  refufé  de  manière  que  je  ne 
pouvois  m'en  plaindre.  Je  l'avois  vu  à  Rome  la  première  année 
de  fon  Pontificat  ;  je  i'avois  vu  depuis  à  Cluni ,  àAuxerre,  à 
Châlcrts  ,  à  Reims  &  ailleurs  ,  mais  je  l'ai  trouvé  encore  tout 
autre.  Pierre  remarque  que  pendant  fon  féjour  en  Italie  ,  qui  fur 
de  plus  de  quatre  mois  ,  on  eut  toujours  un  tems  ferein ,  pen- 
dant qu'en  France  il  plcuvoit  prefque  continuellement ,  comme 
il  l'apprit  à  for.  retour.  Quelque  tems  après  il  écrivit  à  Nicolas,  ^P'-^^-  '*^* 
Secrétaire  de  S.  Bernard  ,  pour  l'inviter  à  une  conférence  au'il 
devoir  avoir  avec  ce  Saint ,  à  Dion  ,  le  troifiéme  Dimanche  d'a- 
près la  Pentecofle  ,  fi  toutefois  elle  pouvoir  fe  tenir  en  ce  jour. 

LIV.  Des  huit  Lettres  publiées  de  nouveau  dans  la  Biblio-     Autres  Let- 
teque  des  Pères  à  Lyon  ,  il  y  en  a  trois  de  Pierre  de  Gluni  à  très  Je  P.ei-re 
l'Abbé  Suger;  la  quatrième  cft  une  Réponfe  de  cet  Abbé.  Les  '^'^^'""'* 
trois  fuivante.s  font  de  fiint  Bernard  ;  6c  la  huitième  ,  de  Pierre 
de  Celle  à  l'Abbé  de  C>luni,  Elles  ne  contiennent  rien  de  remar- 
quable. André  Duchcfne  a  inféré  quatre  Lettres  de  Pierre  de 
Cluni,  dans  le  quatrième  tome  (a)  des  Ecrivains  François,comme 
pouvant  fervir  à  l'Hiftoire  du  Rovaume  ;  mais  elles  avoient 
dé'a  été  imprimées  dans  la  Biblioteque  de  Cluni,  à  Paris  en 
16 14.  Il  y  a  aufii  de  fes  Lettres  qui  ont  éré  rendues  publiques 
par  Pierre  du  Mont  des  .^Tartyrs  ,  à  Paris  en  15-22.   Dom  T'îa- 
billon  [b)  nous  en  a  donné  deux ,  qui  n'avoient  pas  encore  vùle- 


(/:)  P^j.  458  C-r-r.  ,        {b)  Million,  ir.  .:nc,:e5lis  ,  p:i^.   1^9. 


495         PIERRE   LE    VENERABLE, 

jour.  L'une  eft  adreflee  aux  Sénateurs  de  Venife ,  de  qui  l'Abbé 
de  Cluni  avcit  reçu  pluiieurs  marques  d'amitié  étant  en  cette 
Viile.  Ils  s'étoient  obligés  à  fournir  gratuitement  à  l'Abbaye  de 
Cluni ,  en  l'honneur  de  Dieu  ôc  des  faines  Apôtres  faint  Pierre 
.&  (aint  Paul ,  chaque  année ,  cent  livres  d'encens  blanc ,  comme 
une  offrande  pour  la  rémiiiion  de  leurs  péchés.  Eti  reconnoiiran- 
ce,  Pierre  de  Cluni  ordonna  que  tous  les  ans  ,  le  lendemain  de 
la  Fête  de  S.  Benoit,  on  célébreroit  pour  leurs  parens  démars, un 
Office  général  avec  la  Méfie  folemneile  ;  que  chaque  Prêtre  di- 
jroit  aufii  une  M-ede  ,  ôc  que-ceux  qui  4ie  l'étoient  point,  récite- 
roient  un  certain  nombre  de  Pleaunies,  fuivant  qu'il  fe  pratique  à 
Cluni.  L'autre  Lettre  eft  aux  Religieux  de  la  grande  Chartreufe. 
Elle  porte  qu'il  avoit  été  arrêté  dans  le  Ciiapitre  de  Cluni ,  que 
lorfqu'on  y  auroit  avis  de  la  mort  d'un  Chartreux  ,  on  célébreroit 
pourJui  à  Cluni ,  l'Office  des  Morts  avec  la  Méfie  Conven- 
tuelle ;  qu'en  outre  chaquePrêtre  diroit  une  Méfie  pour  le  rcr- 
pos  de  fon  ame  ,  &  les  fimples  Clercs  les  fept  Pfeaumes  de  la 
Pénitence  ,  &  fept  fois  le  Ajiferere  md  ,  Dms  ;  qu'on  célébreroic 
aulli  rO.thce  des  Morts  ôc  la  Me;ire  Conventuelle  dans  les  Prieu- 
rés dépendans  de  Cluni ,  &  que  le  nom  du  mort  feroit  écrit  dans 
le  Nécrologe.  Les  Chartreux  en  répondant  à  cette  Lettre,  s'enga- 
.gereni  à  rendre  les  mêmes  fervices  à  chaque  Religieux  de  Cluni, 
aufil-tôt  qu'ils  apprendroient  leur  mort.  Geofifroi ,  Abbé  de  Ven- 
-dôme,  contratla  avec  les  Cluniftes  le  même  engagement,  comme 
on  le  voit  par  la  Lettre  qu'il  leur  écrivit ,  ôc  qui  eft  auiii  rappor- 
tée dans  les  Anale6te?  de  Dom  Mabiilon. 
Remarques  L  "V.  Ces  fortes  d'aflbciations  tiroieut  leur  origine  de  la  per-- 
^ur  les  (bcic-  fuafion  où  Ton  écoit ,  que  les  prières  de  l'Eglile  produifoient 
&îe  Oiiivà^e"  ^^^^  ^^^^  ^^'^  ^^^^  ^"'  ^"  étoient  les  membres  ,  ôc  qu'il  y  avoit 
,entre  les  Fidèles  une  communion  dî  bonnes  œuvres.  Elles 
•avoient  auffi  pour  principe  l'ancien  ufage  de  l'iiglife,  de  nom- 
mer dans  les  facrées  diptyques  les  vivants  ôcles  morts ,  pe;idant  la 
.célébration  des  divins  Myfteres.  C'eft  fur  (a)  cet  ufage  que  l'on  % 
introduit  dans  les  M.onafteres  celui  des  Nécrologes ,  où  l'on  écri- 
voit  le  nom  des  Frères ,  des  Bienfaiteurs  ôc  de  ceux  que  l'on  avoit 
affociés  aux  prières  de  la  Communauté.  Comme  le  jour  ôc  le 
mois  de  leur  iviort  étoient  marqués  dans  ceNécrologe,on  récitoit 
leur  nom  à  Primes,  après  la  lecture  du  Martyrologe  ôc  de  la 


(fl)  M.ibillon.  in  analeâis  ,png.  iCif. 

Règle 


A  B  B  É    D  E    C  L  U  N  I.  ^py 

Règle  de  S.  Benoit ,  afin  que  l'on  fit  en  commun  des  Prières  pour 
le  dcfunt  ou  poui-  plufieurs ,  s'il  y  en  avoit  plus  d'un  dont  la  mort 
fut  annoncce  en  un  mcme  jour.  La  Matrone  Theodetrude  ,  en 
faifant  quelques  donations  à  l'Abbaye  de  Saint  Denis,  l'an  4.5 
du  Roi  Clotaire,  exigea  que  Ion  écrivît  fon  nom  dans  le  livre 
de  vie.  Berchramn  ,  Evèque  du  Mans ,  demanda  la  même  chofe 
par  fon  teflament.  Le  vénérable  Bede ,  dans  fa  Lettre  à  l'Evê- 
que  Edfride  &  aux  Moines  de  Lindisfane  ,  leur  demande  des 
Mefles  &  des  Prières  après  fa  mort  ;  &  Alcuin  obtint  par  la  mé- 
diation de  Cliarlemagne,  des  Evoques  alTemblés  à  Francfort, 
d'être  admis  à  la  communion  de  leurs  fuffrages. 

L  V  L  Ce  n'étoit  jufques-là  que  des  alfociations  de  quelques     Suite, 
Particuliers,  mais  dans  la  fuite  il  s'en  fit  de  Monafteres  entiers. 
11  y  en  a  des  exemples  dans  les  Lettres  de  faint  Boniface.  Dans 
la  vingt-quatriéme,il  recommande  aux  Prières  de  l'Abbé  Aldher, 
quelques  Frères  dciants  ,  dont  il  lui  envoyoit  les  noms.  Par  la 
quatre-vingt-quatrième,  Dodon,  Abbé  d'Hornbach  ,  fupplia 
Lulle ,  Archevêque  de  ALiyence,  de  le  recevoir  lui  &  fa  Com- 
niunauté  à  la  communion  de  fes  Prières ,  de  celles  de  fes  amis , 
des  Evêques  fes  Suffragans ,  des  Abbés  &  du  Clergé  de  fon 
Diocefe;le  priant  en  même  tems  de  lui  envoyer  les  noms  de 
tous  fes  amis ,  tant  vivants  que  défunts  ,  afin  que  l'on  fit  pour  eux 
des  Prières  dans  fon  Abbaye  d'Hornbach.  Ce  fut  donc  dans  le 
huitième  fiecle  que  commença  cette  affociation  générale  &  mu- 
tuelle de  fuifrages.  Il  s'en  fit  une  [a)  la  vingt-cinquième  année  de 
Louis  le  Pieux,  entre  les  Moines  de  faint  Denis  &  de  faint  Rcmi, 
dont  l'acte  eft  rapporté  au  quatrième  tome  du  Spicilege.  On  en 
voit  une  autre ,  fous  le  règne  de  Charlemagne ,  entre  les  Moi- 
nes de  Richenou  ôc  ceux  de  faint  Gai.   Les    bonnes  œuvres 
prefcrites  par  ces  fortes  dafibciations  ,  ètoient  des  MeffeSjdes 
Prières  ,  des  Aumônes ,  tantôt  pendant  un  an  entier ,  quelque- 
fois pendant  trente  jours.  Les  Eglifes  Cathédrales  firent  aulfi 
entr'elles  des  fociétés  de  Prières.  Fulbert  ,  Evêque  de  Char- 
tres ,  fait  mention  dans  fa  Lettre  cent  dixième ,  de  celle  qu'il 
établit  avec  l'Evêque  de  Lizieux  en  84.0.  Les  Evêques  du  Con- 
cile du  Mans  s'obligèrent  mutuellement  à  célébrer  douze  Mef- 
fes  pour  chacun  d'entr'cux  qui  vicndroit  à  mourir.  11  fut  con- 
venu que  le  Doyen  de  chaque  Cathédrale  envoyeroit  au  Synode 


(a)  Ii'!aViUon.  Ibid. 

Tome  XX IL  R  r  r 


4pS         PIERRE    LE    VENERABLE, 

prochain  le  nom  des  Chanoines  morts  depuis  le  Concile  précé- 
dent; &  que  l'on  offriroit  douze  fois  pour  cliacun  le  S.  Sacriiice, 
avec  grand  nombre  de  Prières  fpécifiées  dans  l'ade  d'aflociation. 
On  en  cite  une  entre  les  Chanoines  de  Laon  &  les  Moines  de  S. 
Rémi,  à  Reims,  faite  en  928  ,  qui  porte  pour  chaque  défunt 
quatre  Vigiles  &  autant  de  Melles  ;fçavoir,  le  premier  jour  de 
fa  mort ,  le  troifiéme ,  le  feptiéme ,  le  trentième  ;  ôc  la  récitation 
du  Pfeautier  ,  avec  l'obligation  d'infcrire  dans  le  Nécrologe  fon 
nom  ,  pour  être  mis  devant  les  yeux  du  Prêtre  au  Mtmento  des 
morts. 
Autre? i.et-      L  VIL  On  lit  au  premier  tome  des  Anecdotes  de  Dom  Mar- 
tres  dePirrre  ^q^^q  une  Lettre  de  Pierre  de  Cluni  à  Pîugues,  Abbé  de  Trois- 
I  ,  "anecdo".  Fontaines ,  de  l'Ordre  de  Citeaux  ,  par  laquelle  il  lui  fait ,  à  la 
JSiarten.  ^ag.  prière  de  faint  Bernard  ,  donation  d'un  certain  terrain  qui  étoit  à 
'^*'*  la  bienfcance  de  cette  Abbaye  ,  fous  le  cens  annuel  de  dix  fols 

proviniens.  Cette  Lettre  efl:  de  l'an  1 1  jo  ,  de  même  que  celle 
qui  efl:  addreflée  aux  Prieur  &  Religieux  du  Monaftere  de  faint 
Benoît  fur  Pau,  foumis  à  l'Abbé  de  Cluni.  C'efl:  une  permillion 
d'élire  un  Abbé,  conformément  aux  privilèges  à  eux  accordés 
par  les  Papes  Grégoire  VIL  Urbain  IL  Pafchal  IL  Gelafe  IL 
Caliixte  IL  Honorius  6c  Lucius  IL  La  troifiéme  Lettre ,  pu- 
bliée par  Dom  Martenne ,  regarde  un  démêlé  entre  les  Moines 
de  fainte  Marie  de  la  Deaurade  ôc  les  Chanoines  de  faint  Etienne 
de  Touloufe.  Pierre  ordonne  aux  premiers  de  faire  ceffer  les 
plaintes  que  les  Chanoines  faifoient  contr'eux.  La  quatrième, 
adrelfée  à  tout  l'Ordre  de  Cluni ,  fait  mention  de  l'aiïociation 
Ihil.  fag.  faite  de  l'Abbaye  de  Rebais  à  cet  Ordre.  La  cinquième  efl  une 
'♦'^-  proteftation  d'amitié   à  l'Abbé  Suger,   ôc  en  même  tems  une 

Lettre  de  recommandation  pour  le  porteur ,  chargé  de  certaines 
afîaires,  dans  le-rquclles  il  pouvoir  être  aidé  par  l'Abbé  Suger. 
Traite- Je      LVIII.  Nous  pouvons   regarder  comme  le  premier  des 
Fierre  deCiu-  Xraités  Théologiques  de  Pierre  de  Cluni ,  fa  Lettre  à  Pierre 
TftirenPier- de  faint  Jean,  puifqu'outre  fa  longueur ,  c'efl  une  difcuffion 
r?  i!c  faint     d'une  vérité  fondamentale  de  notre  Religion.  Ce  Pierre  de  faint 
r';7o-^'V-'  •'^^"  avoit  averti  l'Abbé  de  Cluni,  étant  en  conférence  avec  lui, 
pp.g.970,     *  que  quelques-uns  de  fes  Religieux  ne  crovoient  pas  que  Jefus- 
Chriftfefùt  appelle  clairement  Dieu  dans  l'Evangile,  quoiqu'ils 
en  euiïent  lîi  le  texte  avec  beaucoup  d'attention.  L'Abbé,  pour 
les  défabufer,  leur  fait  remarquer  premièrement,  qu'en  tous 
te  ms  le  Deiuon  a  fait  ce  qu'il  a  pu  pour  détruire  dans  l'efprit  des 
Fidèles  la  foi  de  la  divinité  de  Jefus-Chrifl.  Il  leur  dit  en  fécond 


ABBÉDECLUNI.  4pp 

lieu  ,  que  fi  Jefus-Chrilt  ne  s'eft  pas  d'abord  appelle  Dieu ,  en 

termes  aulFi  clairs   que  Dieu  s'appeiloit  dans  l'Ancien  Tefta- 

ment,  le  Dieu  d'Abraham,  le  Dieu  de  Jacob  ;  c'efl:  qu'il  vou- 

loit  convaincre  infenliblement  les  Juifs  de  fa  divinité'.  Que  vous  Matt.  n,  41.- 

femble  du  Clirilt ,  leur  difoit-il  un  jour  ,  de  qui  doit-il  écre  fils  ? 

Ils  lui  repondirent:  de  David.  Comment  donc,  re'pliqua  Jefus- 

Chrift  ,  David  l'appelle-t-il  en  efprit  Ton  Seigneur  ;  &  s'il  eft  fon 

Seigneur,  coiiiment  ell-il  fon  Hls  ?  L'Abbé  de  Cluni  foutient 

que  par  ce  raifonnement  le  Sauveur  faifoit  voir  clairement  que 

le  Mellie  étoit  Dieu;  mais  il  apporte  des  pafTages  plus  exprelïifs, 

où  Jefus-Chrifl:  fe  dit  Dieu.  Nous  en  citerons  quelques-uns. 

La   Samaritaine  ayant  dit  à  Jefus-Chrift  : /e  j^ai  que  le  Aief-    Joan.4,i<;, 

fie,  qui  e/î  appelle  le  Chrijî ,  doit  venir  ^  le  Sauveur  lui  répondit: 

C'ejl  moi-même  qui  vous  parle.  Ayr.nt  rencontré  l'Aveugle  né 

quelques  momens  après  l'avoir  guéri ,  il  lui  dit  :  Croyez-vous  au 

Fils  de  Dieu  ?  Qui  efl-il  Seigneur  ,  lui  répondit  cet  homme  ,  afin    •^'''"'-  ?  »  î?. 

que  je  croye  en  lui.  Jeius  lui  dit  :  Fous  l'avei  vu,  Cf  c'ejl  celui-là 

même  qui  parle  à  vous.  Je  crois  Seigneur ,  répliqua-t-il ,  (yfeprof- 

ternant ,  il  l'adora.  Pierre,  le  premier  des  Apôtres,  ayant  dit 

au  Sauveur:  ^ow^  êtes  le  Chrijî  Fils  du  Dieu  vivant  :  Fous  êtes  Mut.  té,  16, 

bienheureux  ,  lui  répondit  le  Sauveur,  parce  que  ce  n'ejl  point  la 

chair  Cr  lefaiig  qui  vous  ont  révélé  ceci ,  mais  mon  Père  qui  ejl  dans 

le  Ciel 

L  I  X.  Le  fécond  Traité  de  Pierre  le  Vénérable ,  efl:  contre     Traité  con- 
les  Juifs,  à  qui  il  fait  voir,  par  l'autorité  des  divines  Ecritures,  "^J^.^  ^ 
qu'ils  admettent   comme  les  Chrétiens  ,  que  Jefus-Chrifl   eft  ^  ° 
Dieu  &.  Fils  de  Dieu.  Il  tire  fes  principales  preuves  du  Livre 
des  Pfeaumcs  ôc  des  Prophètes,  l'urtout  difaïe  &  de  ^^lichée.   /'■'-'  ?  >  ^ 
Le  premier  annonce  la  naiffance  du  Melfie  ,  qu'il  dépeint  avec  Mkhée 
tous  les  caractères  de  la  divinité  ;  le  fécond ,  le  fait  naître  à 
Bethléem  ,  oîi  Jcfus-Chrift  eft  etfettivement  né.  Ifaïe  parle  de 
cette  naiflance ,  comme  inefïl\ble ,  parce  qu'en  effet  elle  n'eft 
connue  que  de  Dieu  :  lui  feul  connoiffant  comment  le  Meffie 
eft  né  d'une  Vierge  ,  cette  naiffance  étant  fon  ouvrage.  Pierre 
rapproche  ce  qu'on  lit  de  la  Paifion  de  Jefus-Chrift  dans  l'Evan- 
gile ,  à  ce  qui  en  eft  prédit  dans  Ifaïe  ;  de-là  il  conclut  deux 
chofes  :  La  première  ,  que  ce  que  le  Prophète  dit  du  Sacriiicc 
&  de  la  Pallion  du  Meliie  ,  a  été  accompli  en  Jefus-Chrift  ;  la 
féconde  ,  que  le  premier  avènement  du  Meffie  ne  devoit  pas  fe 
faire  dans  l'éclat  de  fi  majefté  ,  comme  le  penfoient  les  Juifs, 
mais  dans  l'obfcurité  ôc  les  fouffrances.  Il  applique  à  Jefus-ChtiÂ: 

R  r  r  ij 


ybo         PIERRE   LE   VENERABLE, 

Malach.i, 11.  ce  qu'on  lit  dans  Malachie  ,  que  du  lever  du  Soleil  jufqu'au 
couchant,  le  nom  de  Dieu  feroit  grand  parmi  toutes  les  Nations  ; 
que  Ton  lui  ofFriroit  des  facrifices  &  une  obbtion  pure  en  tout 
lieu.  La  preuve  droit  évidente.  Du  temps  de  Malachie,  toute 
la  terre,  excepté  les  Juifs  ,  ofFroit  aux  Idoles.  Ce  n'eft  que  de- 
puis la   venue  de  Jefus-Chrifl: ,  que  les  Gentils  connoilîent  & 
adorent  le  vrai  Dieu  ;  &  c'efl:  auiii  depuis  ce  tems  que  1  on  a 
bâti  dans  tout  le  monde  des  Eglifes  au  nom  de  l'Agneau  de 
Ge/îff.  49.10.  Dieu   que  les  Juifs  ont  attaché  à  !a  Croix.  L'Abbé  de  Cluni 
vient  enfuite  aux  preuves  ,  tirées  des  Prophéties  de  Jacob  ,  tou- 
chant la  durée  du  fceptre  dans  Juda  jufqu  à  la  venue  du  Meilie; 
Dardées,  ij,.  de  celle  des  feptantc  femaines  du  Prophète  Daniel;&  de  quelques 
autres  Prophéties  ,  dont  il  fait  voir  raccompliOement  en  J.  C. 
Après  quoi  il  réfute  quelques  Fables   du  faimud  des  Juifs, 
qu'il  futiifûit  de  ripportcr  pour  en  faire  fentir  le  ridicule.  Quand 
on  demandcit  aux  Juifs  ce  que  faifoit  Dieu  dans  le  Ciel  ?  Ils 
Cav.  J  ,-pa^.  rcpondoient  :  qu'il  n'y  faifoit  autre  chofe  que  lire  le  Talmud  & 
loii.  d'en  conférer  avec  les  fages  Juifs  qui  l'ont  conipofé.  Pierre  de 

Cluni  ne  nous  apprend  point  quelle  fut  Toccafion  de  ce  Traité. 
Alais  on  fçait  par  d'autres ,  que  les  Juifs  ,  qui  en  tout  tems  fe 
font  déclarés  contre  les  Chrétiens ,  le  firent  avec  éclat  dans  le 
douzième  fiecle ,  d'où  font  venus  les  Ecrits  que  répandirent 
contre  les  Juifs ,  Gilbert  de  Weflminfler  ,  Rupert    Abbé  de 
Tuy,  Guibert  de  Nogent ,  Pierre  de  Blois,  ôc  quelques-autres 
Sçavans  de  ce  tems-là. 
TranHation      L  X.  Dans  le  voyage  que  Pierre  de  Cluni  fit  en  Efpagne  en 
delAlcoran     jj^^j,  il  fe  donna  tous  les  (oins  nécen'uires  pour  fnre  traduire 
Prtr.y.7^.)ov-,  en  Latm  la  Loi  des  mahometans  ,  nommée  ordu'kairement  l  Al- 
&fom-9.amp:    cotan ,  ÔC  choifit  à  cet  elFet  des  perfonncs  bien  inftruites  de 
va'^.iiiff.       1  Arabe,  parce  que  1  Aicoran  étoit  cent  en  cette  Langue.  De 
ce  nombre  étoit  Robert  de  Rétines  ;  &  c'eft  le  feul  dont  le 
nom  paroifTe  à  la  tête  de  la  Préface  de  cette  tranllarion  ,  dédiée 
à  l'Abbé  de  Cluni.  On  na  rapporté  dans  la  Biblioteque  des 
Feres  que  cette  Préface  ;  mais  la  traduttion  entière  fnt  imprimée 
Tivec  la  Préface  de  Robert,  à  Zurich  en  i  ^45  ,  par  les  foins  de 
1  lieodore  Bibliander.  Pierre  de  Cluni ,  de  retour  en  Irance  , 
envoya  la  Verfion  de  l'Alcoran  à  laint  Bernard  ,  avec  une  Let- 
tre ,  où  il  l'exhortoit  à  employer  les  talens  que  l'ieu  lui  avoit 
donnés,  à  la  réfutation  1  •  ce  Livre.  Cette  Lettre  c(l  de  l'an  i  (■^^. 
Tv'ous  Pavons  dans  la  Biblioteque  de  Cluni  ôc  dans  celle  des 
Pères.  Mais  la  réponfe  de  faint  Bernard  n'cii  \  as  l'urveiiue  juf- 


ABBÉDECLUNT.  501 

qu'à  nous  ;  ôc  il  ne  paroît  pas  qu'il  ait  jamais  rien  écrit  contre 
les  Mahométans ,  lailFant  ce  foin  à  l'Abbé  de  Ciuni. 

LXI.  Cet  Abbé   donna  en  particulier  un   fommaire   des       -'^ommaire 
erreurs  enfeignées  par  les  Sarrafins  ou  Ifmaeiites  ,  &  fit  rcmar-  'ç^  réfùt^ation* 
qucr  que  la  lioclrine  de  cette  Secte,  n'efl:  qu'un  amas  confus  ibid. 
de  fables  Judaïques ,  6c  de  puérilités  tirées  de  diverfes  hcréfies. 
Puis  u  enir."prit  la  rélutation  des  erreurs  de  cette  Sede,  en  qua- 
tre livTv^s.   Pierre  de  l'oitlers  mit  par  ordre  tous  les  articles  qui 
dévoient  v  être  traités.  Mais  l'Abbé  de  Ciuni  ne  voulut  pas  s'af- 
treinJre  à  les  traiter  coin  ne  ils  avoient  été  propofés.  Ces  quatre 
livres  ont  été  iong-tems  enfevelis  dans  lobfcuricé  des  Bibliote- 
ques  ,  ôc  quelques  foins  que  l'on  fe  foit  donnés  pour  les  recou- 
vrer, l'on  n'a  pi^t  encore  trouver  que  les  deux  premiers  livres. 
On  doit  cette  découverte  à  Dom  Martenne  ôc  à  Dom  Urfin 
Durand,  qui  les  ont  fait  imprimer  dans  le  neuvième  to'iie  de 
leur  grande  Collection  ,  fur  un  manufcrit  de  l'Abbaye  d'An- 
chin. 

L  X  1 1.  Dans  le  Prologue  qui  eft  à  la  tête  de  l'Ouvrage  ,      An'.lvfe  Je 
Pierre  de  Ciuni  entre  dans  le  détail  des  héréfies  qui  ont  attaqué  ^^^^'^  Uv^^i~ 
la  Doctrine  de  l'Eglife  dès  fon  commencement;  ôc  après  avoir  ]).^g.  my. 
détaillé  aulli  nommément  tous  ceux  qui  ont  pris  fuccelfivement 
la  défenfe  de  la  vérité  ,  à  mefure  quelle  étoit  combattue  par  de 
nouveaux  Hérétiques  ,  il  dit  que  ceft  pour  imiter  le  zèle  de  ces 
Défcnfeurs  de  l'Egiife  ,  qu'il  fe  propofe  de  réfuter  les  erreurs 
des  Mahométans  ;  6c  qu'il  avoit  déjà  cette  intention  lorfqu'il 
fit  traduire  en  Latin  leur  Loi,  ou    l'Alcoran   écrit  en  Arabe. 

LXIII.  AdreiTanc  la  parole  aux  Mahométans  mêmes,  il  P.:_f.  113+. 
leur  dit,  que  s'il  entreprend  de  combattre  leur  docTirine,  c'eft 
par  amour  pour  eux ,  ôc  non  par  haine  :  dans  la  feule  vue  de  leur 
procurer  le  falut  éternel.  L'Abbé  de  Ciuni  prend  cette  voye 
d  infinuation  ,  afin  de  les  engager  du  moins  à  lire  fon  Ouvrage, 
parce  qu'il  avoit  oui  dire  que  ceux  de  cette  Secle  n'écoutoient 
jamais  perfonne  qui  voulût  difputer ,  ou  contre  les  Loix  de  leurs 
pères  ôc  de  leur  patrie,  ou  contre  les  Rits  introduits  par  .Maho- 
met leur  Prophète.  Il  fait  voir  que  tout  efprit  raifonnable  doit 
aimer  à  connoître  la  vérité  ,  ôc  la  chercher ,  furtout  en  ce  qui 
regarde  les  chofes  divines  ;  que  de  toutes  les  Religions  ,  celle 
de  Mahomet  eft  la  feule  qui  aime  à  demeurer  dans  les  ténèbres , 
ce  qui  eft  une  preuve  de  fa  fauffeté  ;  qu  il  n'en  eft  pas  ainfi  de  la 
Religion  Chrétienne  ;  que  tous  ceux  qui  la  profefTent  font ,  aux 
termes  de  l'Apjtre  faint  Pierre  ,  obligés  de   rendre   compte  iPfft-, j,ij. 

Rrr  iij 


soi        PIERRE   LE   VENERABLE, 

de   leur    efpérance    à    tous   ceux   qui    le    leur    demandent, 
Pagf.  1141.       L  XI V.  Pierre  rapporte  l'endroit  de  l'Alcoran  où  il  efl  dé- 
fendu de  difputer  de  ia  Loi ,  &  ordonné  de  dire  anathêoie  à 
quiconque  veut  en  difputer  ;  ôc  même  de  le  tuer.  Il  fait  remar- 
quer aux  Mahométans  qu'un  confeil  de  cette  nature  deshonore 
leur  Secle,  en  montre  la  foibleffe  ,  ôc  combien  ils  fe  défient  de 
leur  propre  caufe  ;  que  les  Juifs  ne  pouffent  pas  fi  loin  leur  opi- 
niâtreté ,  puifqu'ils  écoutent  quand  on  leur  prêche  les  vérités 
de  la  Reiigion  ;  que  c'eft  en  les  écoutant  avec  attention  ,  que 
les  Rois  d'Angleterre  fe  font  convertis  avec  leurs  Peuples  ;  qu'il 
eft  furprenant  que  Mahomet ,  qui ,  pour  fermer  fa  Loi ,  a  em- 
prunté piufieurs  chofes  des  Chrétiens  ôc  des  Juifs  ,  n'ait  pas  tout 
tiré  de  leurs  écrits ,  en  prefcrivant  aux  liens ,  ou  la  Religioa 
Chrétienne  feule  ,  ou  la  Juive. 
P^.  ii4>«       LXV.  Les  Pvlahométans  en  donnoient  pour  ralfon,  que  les 
livres  des  Chrétiens  ôc  des  Juifs  avoient  été  corrompus.  Pierre 
leur  demande  l'époque  de  cette  altération  ,  ôc  les  prie  de  lui 
citer  quelqu'endroit  de  l'Alcoran  ou  de  leurs  autres  livres  ,  qui 
attellent  cette  faUliication.  Comme  ils  répondoientque  l'exem- 
plaire delà  Loi,  emporté  de  Babylone  par  les  Juifs  délivrés 
de  la  captivité  ,  étoit  péri  en  chemin  ;  il  répond  ,  que  la  perte 
de  cet  exemplaire  ,  quand  elle  feroit  arrivée  de  la  manière  fabu- 
leufe  qu'ils  la  racontoient ,  n'emportoit  pas  néceifairement  la 
perte  de  tant  d'autres  exemplaires  qui  étoient  en  mains  des  Juifs 
difperfés  dans  les  autres  Provinces  du  monde.  Qu'elle  efl,  dit- 
il  ,  la  Nation  ,  qui  ayant  à  fe  conduire  félon  une  Loi  écrite, 
n'en  conferve  pas  pludeurs  exemplaires  pour  les  befoins  de  ceux 
qui  fournis  à  cette  môme  Loi  vivent  éloignés  les  uns  des  autres 
en  divcrfes  Villes  ou  Provinces  fil  dit  qu'il  était  d'ufagechez  les 
Juifs  avant  la  captivité,  de  conferver  un  exemplaire  de  la  Loi, 
non-feulement  à  Jerufalem  ,  mais  encore  dans  toutes  les  autres 
"Villes,  afin  qu'ils  puffent  aifément  s'en  inftruire  ôc  l'obferver  ; 
que  les  Sarrafins  mêmes  ont  piufieurs  copies  de  l'Alcoran.  Pierre 
t  Efd.  8 , 1.  rapporte  un  palfage  du  fécond  livre  d'Efdras  ,  qui  prouve  nette- 
ment que  le  Livre  de  la  Loi  exifloit  depuis  le  retour  de  la  capti- 
vité ;ôc  prouve  que  fi  cette  Loi  avoit  été  corrompue,  on  ne 
l'auroit  pas  reçue  depuis  avec  tant  d'unanimité  ;  ou  qu'en  admet- 
tant qu'elle  a  été  fallifiée  ,  on  doit  rejettcr  l'Alcoran  qui  en  a 
Pfl^.  1157.  emprunté  piufieurs  chofes.  11  montre  par  un  femblable  raifonne- 
ment ,  que  l'Evangile  ÔC  les  autres  livres  des  Chrétiens  ne  font 
ni  perdus  ,  ni  altérés. 


ABBÉDECLUNI.  jo? 

LXVI.  Venant  au  point  capital  de  la  Religion  Mahomé-  Livrefecond. 
tane ,  il  l'attaque  de  front ,  &  foutient  que  Mahomet  ne  fut  ja-  ^^"  '*^'' 
mais  Prophète.  La  Prophétie  eft  ,  dit-il ,  la  maniledation  des 
chofes  inconnues,  foit  paflees ,  foit  préfentes,  folt  futures ,  en 
vertu  de  l'infpiration  divine,  ôc  non  d'une  invention  humaine. 
D'où  il  fuit,  que  le  Prophète  eft  celui  ,  qui  infpiré  de  Dieu  ôc 
non  inflruit  des  hommes ,  leur  fait  connoitre  les  chofes  du  tems 
paffé,  préfent  ou  futur  ,  qu'ils  ne  connoifl'cnt  point  d'eux-mêmes. 
Moyie  fut  un  vrai  Prophète  ,  puifqu  il  apprit  aux  hommes  ce  qui 
s'étoit  pafié  à  la  création  de  l'Univers  ;  qu  il  fit  connoître  aux  ^"™«  î<^»4^. 
Peuples  Juifs  combien  Dieu  étoit  irrité  contr'euv;  qu'il  ordonna  à 
Aaron  de  prier  &  d'offrir  de  l'encens  pour  leur  réconciliation  ;  ôc 
qu'il  prédit  un  grand  nombre  de  chofes  futures, rapportées  dans  le 
Pentateuque.Ii'aïejJeremiejEzechiel  ÔC  Daniel  étoient  Prophètes. 
Leurs  Livres  font  remplis  de  diverfes  prédirions  ,  qu'ils  n'ont 
pu  faire  que  par  la  connoifTance  que  Dieu  leur  a  donnée  des 
chofes  à  venir.  Mais  à  l'égard  de  Mahomet ,  quelle  preuve  pro- 
duit-on qu'il  ait  révélé  aux  hommes  des  chofes  paiïées  ,  mais 
qui  leur  étoient  inconnues  ;  ou  des  chofes  préfentes ,  dont  ils 
n'avoient  aufli  aucune  connoifTance  ;  ou  qu'il  leur  ait  prédit 
des  chofes  futures  ?  Qu'on  feuilleté  l'Alcoran  d'un  bout  à  l'autre, 
on  n'y  trouvera  aucune  Prophétie  de  fa  part.  S'il  eût  été  Pro-  P-'g.  ujt. 
phete  ,  n'eût-il  pas  prévu  fes  fréquentes  défaites  dans  les  com- 
bats ,  ôc  en  conféquence  ,  ne  les  eût-il  pas  évitées  ? 

[^X'Vir.  Il  eft  dit  dans  l'Alcoran  que  Dieu  en  envoyant  P^g.  nrj. 
Aîahomet,  lui  parla  ainfi  :  Vous  ne  viendrez  point  vers  eux 
avec  des  miracles  évidens ,  parce  qu'ils  les  rejettent  comme 
odieux ,  ôc  qu'ils  fe  font  déjà  oppofésà  la  vérité  qui  leur  a  été 
annoncée.  Nous  vous  donnerions  néanmoins  des  prodiges  ôc 
des  miracles ,  fi  nous  ne  fcavions  qu'ils  ne  vous  croiront  pas. 
Pierre  de  Cluni  fe  mocque  avec  raifon  de  cette  f:icon  de  million  , 
où  il  y  a  fi  peu  de  fens  ôc  de  vraifemblance.  Qui  croira  que 
Mahomet  fe  foit  abflenu  de  faire  des  minxlcs  ,  uniquement  par- 
ce que  les  Peuples  n'avoient  pas  cru  à  ceux  qui  en  avoient  fait 
avant  fa  venue  f  On  ne  connoît  que  deux  Légiflateurs  envoyés  de 
Dieu  :  Moyfe  ôc  Jefus-Chrift.  lis  ont  fait  l'un  ôc  l'autre  des  pro- 
diges fans  nombre  :  mais  ceux  qui  en  ont  été  témoins  ont  cru  à 
Moyfeôc  à  Jefus-Chrifl.  Les  Peuples  de  toute  la  terre  ont  cru 
aulTi  aux  Apôtres  envoyés  de  lui ,  en  voyant  leurs  miracles.  Il 
conclut  ,  de  l'aveu  de  Mahomet,  qu'il  n'éroit  pas  Prophète, 
puifque  la  Prophétie  efc  un  des  plus  grands  miracles. 


J04        PIERRE  LE    VENERABLE, 
Traité  con-       L  X  V  1 1 J.  La  Lettre  ou    le  quatrième  Traité  de  Pierre 
trèfles  Pe:ro-  jg  Cluni  ,    eft  contre  les  Hérétiques  nommés  Petrobufiens  , 

bulicns,  tom.  or,  j  i      r»-  j       r)      •        Tl     r        •  ■ 

iT.,  Bibl.  Pat.  OU  oectatcurs  des  erreurs  de  rierre  de  liruis.  Il  rut  impri- 
/>ij^.  1053.  nié  en  i5'46  à  Ingolftat  ,  in-'^.  avec  quelques  Lettres  & 
quelques  Sermons  de  faint  Bernard  ,  par  les  foins  de  Jean 
Hofmeiilerus ,  ôc  dans  la  Bibliothèque  de  Cluni  en  \6ï^  ,  à 
Paris.  Pierre  le  dédia  aux  Archevêques  d'Arles  ôc  d'Embrun  , 
aux  Evéques  de  Die  &  de  Gap,  qui  s'étoient  employés  contre 
ces  Hérétiques ,  ôc  les  avoient  fait  fortir  de  leurs  Diocèfes.  C'efl: 
ce  que  dit  Pierre  dans  fa  Lettre  à  ces  Prélats.  Mais  il  ajoute, 
qu'encore  qu'ils  euffent  banni  les  Chefs  de  cette  Secle,  parle 
fecours  des  Princes,  il  en  reftoit  des  membres  ;  ôc  que  ceux  qui 
avoient  été  chaffés  de  leurs  Diocèfes  ,  s'étoient  retirés  dans  les 
lieux  voifnis ,  où  ils  continuoient  de  répandre  en  fecret  leurs 
erreurs  ;  que  Pierre  de  Bruis  ôc  Henri  fon  Difciple  avoient  m  Jme 
Pjt.  113J.  été  reçus  dans  tout  le  Languedoc.  Il  marque  en  peu  de  mots 
les  crimes  commis  par  ces  llérétiques  dans  les  Diocèfes  dont  on 
vient  de  parier.  On  a  vu,  dit-il ,  rebaptiferles  Peuples,  profaner 
les  Eglifes ,  renverfer  les  Autels  ,  brûler  les  Croix  ,  fouetter  les 
Prêtres ,  emprifonner  les  Moines,  les  contraindre  à  prendre  des 
femmes  par  les  menaces  ôc  les  tourmens.  Dans  une  féconde 
Lettre  que  l'on  a  mife  à  la  tête  de  celle  ci ,  il  rapporte  les  erreurs 
de  Pierre  de  Bruis,  qu'il  réduit  à  cinq;  fçavoir ,  de  refufer  le 
Baptême  aux  enfans  avant  l'ufage  de  raifon  ;  de  ne  permettre  ni 
Autels,  ni  Eglifes  ;  de  défendre  d'adorer,  ou  d'honorer  la  Croix, 
d'ordonner  même  de  la  brifer  ôc  fouler  aux  pieds  ;  denier,  non- 
feulement  la  réalité  du  Corps  ôc  du  Sang  de  Jefus-Chrifl:  dans  le 
Sacrifice  qui  s'offre  tous  les  jours  fur  nos  Autels ,  mais  de  défen- 
dre encore  de  l'offrir  ;  de  rejetter  les  prières  ,  les  facrifices  , 
ôc  les  autres  bonnes  œuvres  faites  par  les  vivans  pour  les 
morts. 
Analy'e  ("e  L  X I X.  Pierre  de  Cluni  réfute  avec  étendue  toutes  ces 
ceTraité./iiff.  cireurs.  Il  dit  fur  la  première  ,  que  s'il  étoit  vrai  qu'on  ne  dût 
^'  '°^^'  baptifer  que  ceux  qui  font  en  âge  d'être  baptifés,ôc  de  profefferla 
foi  pareux-niêmes,il  fuivroit  de-là  que  tous  ceux, qui  de  fon  tems 
portoient  le  nom  de  Chrétien ,  d'Evcque ,  de  Prêtre  ,  de  Diacre, 
de  Moine ,  le  portoient  envain  ,  puifqu'aucun  n'ayant  été  bap- 
tifé  à  l'âge  de  raifon  ,  leur  Baptême  étoit  nul ,  ôc  conféquem- 
ment  tout  ce  qui  s'étoit  enfuivi  ;  perfonne  ne  pouvant  être 
Evêque ,  fans  avoir  été  baptifé.  Pierre  parle  non-feulement  de  ce 
qui  fe  paffoit  en  France  au  fujet  du  Baptême  des  enfans,  mais 

dans 


ABBÉDECLUNI.  jo? 

dans  les  autres  Royaumes.  Depuis  environ  cinq  cens  ans,  dit-il , 

toute  la  Gaule,  l'Éfpagne  ,  l'Allemagne,  l'Italie  ,  cnlia  toute 

l'Europe  n'a  prefque  baptifc  que  des  enfiins.  Enfuite  il  prouve 

par  pluTieurs  exemples  de  l'Evangiie  que  la  foi  des  pères  ,  ou  des 

maîtres  ,  peut  être  utile  à  leurs  enfans  ,  ou  à  leurs  domeftiques. 

On  voit  dans  faint  Jean  ,  que  le  fils  d'un  Officier  fut  guéri  par  la    ^«n.  4,  ja. 

foi  de  fon  père;  dans  faint  Matthieu,  que  le  Centenier  obtint  ^an.s  ,  i». 

par  la  grandeur  de  fa  foi  la  guërifon  de  fon  ferviteur  ;  dans  S. 

Marc,  que  Jefus-Chrift  accorda  la  gucrifon  de  l'enfant  lunatique,  A'^'c  9  ,  n, 

à  caufe  de  la  foi  de  fon  père  ;  dans  le  même  Evangelifle,  que  la  ^i'^irc,  î,  j^. 

fanté  fut  rendue  à  la  fiile  du  Maître  de  la  Synagogue,  parla 

vertu  de  la  foi  de  fon  pcre.  Il  conclut  des  guérifons  corporelles 

aux  fpirituelles  ,  ôc  dit ,  que  fi  la  foi  des  parens  peut  obtenir  à 

leurs  enfans  la  fanté  du  corps  par  la  médiation  de  Jefus-Chrilt, 

elle  peut  aulïï  leur  procurer  celle  de  l'ame  par  le  Baptcme  con- 

leré  en  fon  nom.  Si  tout  efl:  polïible  à  celui  qui  croit,  ainfi  que 

ledit  Jefus-Chrift,  la  foi  de  toute l'Egiife  ne  pourra-t-elle  rien 

pour  le  falut  des  enfans  ?   Les  enfans  des  Juifs  étoient  fauves 

par  la  Circoncifion  ,  pourquoi  les  enfans  des  Chrétiens  ne  le 

leroient-ils  point  par  le  Baptcme  ?  Jefus-Chrift  n'a-t-il  pas  dit 

à  ceux  qui  repouifoient  les  enfans  qu'on  lui  préfentoit  :  Laiffei  Ahrc.  10, 14; 

venir  à  moi  les  petits  enfans  ,  car  le  Royaume  de  Dieu  ejl pour  ciu:<: 

<^ui  leur  rejfembknt. 

L  X  X.  Il  combatia  féconde  erreur  des  Petrobufiens  ,  parla  P-S-  «o^î. 
ratique  unanime  de  tous  les  fiécles  ,  tant  chez  les  Patriarches  ôc 
_es  Juifs,  que  chez  les  Chrétiens.  Noë  drelTa  des  Autels  fur  lef-    Gsn:f.2yZit 
quels  il  offrit  à  Dieu  des  l^'xririces  après  le  déluge  ;  Abraham  en 
dreffa  un  auffi  par  ordre  de  Dieu ,  pour  y  immoler  fon  fils  ;  Jacob 
répandit  de  l'huile  fur  la  pierre  qui  lui  fervit  d'Autel  ;  ôc  ne  dou- 
.tant  pas  que  Dieu  ne  Teùt  approuvé  ,  il  s'écria:  Vraiment  le 
Seigneur  eft  en  ce  lieu  ,  ôc  il  n'eft  autre  que  la  maifon  de  Dieu , 
&  la  porte  du  Ciel.  Les  Ifraëlites  n'ayant  point  de  demeure  fixe    Exol  40. 
dans  le  défert,  avoient  un  Tabernacle  portatif  ,  fur  lequel  ils 
offroient  à  Dieu  des  facrifices  ;  ôc  ce  Tabernacle,  depuis  leur 
entrée  dans  la  Terre  promife  ,  fut  fixé  à  Jerufalem.  Salomoii 
bâtit  en  cette  Ville  un  Temple  magnifique  par  l'ordre  de  Dieu. 
C'eft-là  où  les  Juifs,  les  Rois,  les  Prophètes  venoient  offrir  au    i-^'S-*- 
Très-Haut.  Dans  la  Loi  nouvelle,  ôc  dès  le  tems  des  Apôtres, 
les  Fidèles  avoient  certains  lieux  deftinés  à  leurs  affemblées  ,  où 
on  célebroit  les  divins  Myfleres  ;  ôc  dans  la  fuite  des  tems, 
les  Chrétiens  ont  eu  des  EgUfes  6c  des  Autels  dans  toutes  les 
Tome  XXI L  S£i 


l 


SoS         PIERRE   LE   VENERABLE, 

Provinces  de  l'Univers.  Pierre  de  Cluni  entre  dans  quelque 
détail  à  cet  égard.  Il  dit  que  faint  Pierre  ayant  été  vingt-cinq; 
ans  à  Rome ,  y  eut  fans  doute  une  maifon  de  prières  ;  que  faint 
Trophime,  Difciple  de  faint  Paul,  en  eut  aulli  une  à  Arles,, 
n'étant  pas  vraifemblable  qu'il  ait  toujours  prêché ,  baptifé ,  prié 
en  pleine  campagne.  Il  fuppofc  la  même  chofe  des  autres  Apô- 
tres des  Gaules,  &  dit,  qu'après  avoir  détruit  les  Idoles,  ou  ils 
bâtiiToient  des  Eglifes ,  ou  ils  changeoienc  en  Eglifes  les  temples- 
des  Idoles.  Ceux  qui  prêchèrent  l'Evangile  en  Orient  en  uferent 
de  même  ;  de  façon  qu'il  fe  trouva  des  Eglifes  dans  toutes  les 
parties  du  monde.  L'Abbé  de  Cluni,  outre  les  preuves  de  fait ,. 
allègue  une  raifon  générale,  mais  décifive  en  ce  genre  ,  qui  efl: , 
que  toute  Religion  facrée  ,  ou  prophane  ,  veut  avoir  un  lieu 
defliné  aux  exercices  qui  lui  font  propres  ;  d'où  vient  que  les  Ido- 
lâtres mêmes  ont  eu  leurs  temples. 

Pag.  icn-  L  X  X  J.  Avant  de  réfuter  la  troifiéme  erreur  de  ces  Héré-- 
tiques  touchant  le  culte  de  la  Croix  ,  il  leur  reproche,  qu'ayant 
fait  un  grand  bûcher  de  Croix  entaffées,  ils  y  avoient  mis  le  feu  , 
s'en  étoient  fervi  pour  faire  cuire  de  la  viande ,  dont  ils  avoient 
mangé  le  Vendredi-Saint,  après  avoir  invité  publiquement  le 
peuple  à  en  manger.  Il  dit  qu'en  cela  ils  ont  rendu  deux  fervices 
au  démon  ;  l'un,  en  effaçant,  autant  quil  étoit  en  eux,  la  mé- 
moire de  la  Pafllon  de  Jefus-Chrift  :  Oter ,  dit-il ,  la  Croix ,  ôc  le 
nom  de  la  Croix  ,  c'eft  ôter  la  mémoire  de  la  mort  ôc  de  la 
paffion  du  Crucifié;  l'autre,  en  ce  que  le  figne  de  la  Croix  n'étant 
pas  en  ufage  ,  ce  fera  un  moyen  de  moins  pour  mettre  en  fuite: 
les  Anges  apoflats.  Les  Petrobufiens  répondoient  que  ron> 
devoit  détruire  ôc  brûler  un  bois  qui  avoit  mis  à  la  torture  les 
membres  de  Jefus-Chrift.  S'il  en  efl:  ainfi,  réplique  Pierre  de. 
Cluni ,  il  faut  donc  auOi  avoir  en  horreur  les  lieux  où  il  afouiTert, 
renverfer  la  Ville  de  Jerufalem  ,  arracher  fon  Sépulcre.  Mais  la- 
Croix  eft-clle  donc  capable  de  raifon  ,  pour  la  charger  d'une, 
faute;  &  fi  elle  n'en  a  point  commis,  pourquoi  lui  imputer  la^ 
mort  du  Sauveur  ?  Qui  s'efi;  jamais  avifé  dans  les  vindicles  publi- 
ques ,  de  brûler  les  gibets ,  ôc  de  mettre  en  pièces  le  glaive  defliné 
à  répandre  le  fang  des  coupables  ?  Ce  n'efl  pas  contre  les  inflru- 
mens  des  fupplices  ,  mais  contre  les  impics  qui  en  abufent ,  que 
l'on  doit  fe  mettre  en  colère.  Il  fait  voir  que  le  (îgne  de  la  Croix' 
doit  être  refpedable  ,  non-feulement  aux  Catholiques  ,  mais 

Exoâ.  11.    encore  aux  Hérétiques  ;  parce  que  le  fang  de  l'agneau  mis  en 
furnie  de  croix  fur  les  portes  des  Hébreux ,  les  garantit  de  TAngc: 


A  B  B  É    D  E    C  L  U  N  r.  ^07 

Exterminateur  ;  que  ce  même  iigne  imprimé, fur  le  front  des 
hommes  qui  gémiffoieiit  fur  les  abominations  de  Jerufalem,    E7eckîel,n 
les  fauva  de  la  mort  ;  que  la  Croix  a  été  en  fi  grand  honneur  dès  *  ,  u 
le  fiécle  des  Apôtres  ,  que  faint  Paul  verfoit  des  larmes  fur  ceux  p^:/j    j    ,|^ 
■qui  fe  conduifoient  en  ennemis  delà  Croix  de  Jefus-Chrift;  & 
qu'il  ne  vouloit  fe  glorifier  en  autre  chofe  qu'en  cette  Croix  ;  &  Galat.  «  ,  i*. 
que  Jefus-Chrift  viendra  avec  fa  Croix  pour  juger  tous  les  hom- 
mes. 11  s'explique  fur  le  culte  de  la  Croix,  en  difant,  que  ce  n'efl: 
pas  la  Croix ,  mais  Dieu  qu'on  adore  en  elle  ;  qu'on  y  adore  J.  C. 
«comme  y  étant  attaché. 

L  X  X  1 1.  Sur  la  quatrième  erreur  ,  qui  tendoit  à  anéantir  Paz-  ««îri 
le  Sacrifice  de  la  Melle,  Pierre  de  Cluni  dit,  que  les  Petrobu- 
fiens  étoient  pires  que  les  Berengariens ,  qui  en  niant  la  réalité  du 
Corps  de  Jefus-Chrill  dans  l'Euchariliie  ,  convenoienrau  moins 
qu'iiy  étoit  en  figure.  Il  ajoute,  qu'il  lui  feroit  facile  de  réfuter 
cette  erreur  par  l'autorité  ôc  les  raifons  ,    non-feulement  des  ' 

Anciens,  comme  faint  Ambroife,  faint  Auguftin  ,  faint  Gré- 
goire ,  mais  encore  des  Ecrivains  récens ,  &  prefque  contem- 
porains ,  comme  Lanfranc,  Guitmond,  Alger,  dont  les  écrits 
doivent  convaincre  ceux  qui  les  lifent ,  6c  les  retirer  de  l'erreur  , 
ce  qui  étoit  déjà  arrivé  à  plufieurs;  mais  qu'étant  nouvelle ,  il 
falloir  l'attaquer  par  de  nouveaux  moyens- 11  dit  donc  aux  Pccro- 
bufiens,  quefEglife  n'eft  pas  fans  Sacrifice  ,  comme  ils  l'avan- 
^oient,  &  que  dans  ce  Sacrifice  elle  n'ofFroit  à  Dieu  autre  chofé, 
que  le  Corps  &  le  Sang  de  Jefus-Chrift.  Comment  l'Eglife  feroit- 
elle  fans  Sacrifice?  N'en  a-t-on  pas  offert  à  Dieu  depuis  Abel , 
fans  aucune  interruption  ,  jufqu'à  la  venue  de  Jefus-Chrifi: ,  foit 
fur  des  Autels  dreftés  par  tes  Patriarches  ,  foit  dans  le  Temple 
de  Salomon.  Jefus-Chrift  lui-même  n'a-t-il  pas  été  immolé  ,  ôc 
n'eft-il  pas  notre  Pàque  ?  Il  eft  le  feul  Sacrifice  des  Chrétiens. 
Ne  convient-il  pas  en  etfet  qu'il  n'y  en  ait  qu'un  feul ,  puifqu'il 
n'y  a  qu'un  Peuple  Chrétien  qui  l'offre  ,  comme  il  n'y  a  qu'un 
Dieu  à  qui  il  l'offre,  6c  qu'une  Foi  par  laquelle  il  l'offre.  L'Abbé 
de  Cluni  applique  à  ce  Sacrifice  ce  qui  eft  dit  dans  la  Prophétie 
de  Malachie  :  Depuis  le  lever  du  Soleil  jiifqu  au  coucher ,  772072  72C77Z  j\r..iack.  i,  n-; 
ejl  grand  parmi  les  Naîio?is;  on  offre  en  tout  lieu  à  mon  nom  une 
ablation  pure.  Il  en  conclue ,  que  comme  la  vraie  Religion  eft 
pafféedes  Juifs  aux  Gentils,  les  facrifices  ôc  tout  le  culte  divin 
y  font  pallés  en  même-tems  ;  ce  qui  fait  depuis  le  commen-  , 
cément  du  monde  jufqu'à  préfent,  une  continuité  de  Sacrifices, 

Sffij 


yoS         PIERRE    LE  VENERABLE, 

quoique  de  différentes  efpeces.  L'Fglife  offre  (a)  aujourd'hui 
TAgneau  de  Dieu,  qui  eliace  les  péchés  du  monde  ;  qui  étant 
immolé  ,  ne  meurt  point  ;  qui  étant  partagé  ,  ne  diminue  point  ;■ 
ôc  qui  étant  mangé  ,  ne  fe  confume  point.  Elle  offre  pour  elle^ 
même,  celui  qui  seft  offert  pour  elle-même  ;  &  elle  fait ,  en  l'of- 
frant toujours ,  ce  qu'en  mourant  il  n'a  fait  qu'une  feule  fois.  Il 
feroit  bien  étrange  que  ce  culte  qui  eft  principalement  dû  à  Dieu, 
ne  lui  fut  pas  rendu  ence  tems,  après  qu'on  a  eu  tant  de  foin,  ôc 
tant  de  zèle  pour  le  lui  rendre  dans  tous  les  tems  qui  ont  précédé 
le  nôtre. 
Senriment      L  X  X 1 1 1.  L'Abbé  Pierre  s'explique  enfuite  très-clairement 
Clun^fur  la  ^""^  ^^  tranfubflantiation  :  Quiconque,  dit-il,  ne  croit  pas,  ou. 
prcfenc-  r^el  doute  que  dans  le  Sacrement  del'Eglife  ,  le  pain  foit  changé  er» 
\^^'(]-  '^"*  la  Chair  de  Jefus-Chrifl,  ôc  le  vin  en  fon  Sang  ,  penfeainfi  ,  ou» 
liQéz!    '    "  parce  qu'il  ne  croit  pas  que  Jefus-Chrift  ait  voulu  faire  ce  chan- 
gement, ou  parce  qu'il  doute  qu'il  en  ait  eu  le  pouvoir.  Mais  il 
ne  faut  que  lire  ce  qui  en  eft  écrit  dans  l'Evangile ,  pour  fe  con- 
vaincre qu'il  a  voulu  ce  changement.  Quant  au  pouvoir  qu'il  en 
avoit ,  on  ne  peut  en  douter,  après  l'affurance  que  nous  donne  le 
Prophète  ,  qu'il  a  fait  tout  ce  qu'il  a  voulu  ,  puifqu'il  eft  Diea 
tout-puiffant.  Pierre  donne  des  exemples  de  changement  d'une 
fubftance  en  une  autre.  La  verge  de  Moyfe  fut  changée  en  Ser- 
pent ;  les  eaux  du  Nilfurent  changées  en  fang.  La  Nature  même- 
change  chaque  jour  par  la  digeftion  des  alimens  dans  le  corps  de 
l'homme ,  le  pain  en  chair ,  &  le  vin  en  iang.  Pourquoi  ne  croira- 
t-on  pas  ,  pourquoi  doutera-t-on  que  Dieu  puiffe   faire  par  fa. 
puiffance,  ce  que  la  Nature  peut  par  la  digeftion  f  Que  l'infidé- 
lité (  b)  ceffe  donc,  ôc  qu'on  levé  tout  doute  ,  puifque  le  Verbe 


(a)  Offert  Eccîcfia  Afinurn  Dei  ,  qui 
tollit  peccatn  mundi  ,  qui  nec  inimohtus 
]noritur,nec  divifus  niinuitur,  nec  co- 
meftus  confuinitur.Offcrt  ipfum  pro  Cc'ipfz, 
qui  fe  obtulit  pro  (cipla  ,  &  quod  ille  fecit 
icmel  morienJo  ,  hoc  illa  facit  femptr 
ofFcrendo,&c.  Petrus,  contra  Petrolufun. 
pag.  10^8. 

(i)  Celïït  ert^o  infiJelitas  ,  fanctur 
dubietas  :  Quin  omnipotrns  Vcrbum  Dci  , 
per  quod  omnia  fada  lunt ,  (îcut  quotidie 
facit ,  ut  per  tomeflionem  5f  di£reftionein 
humanam,  panis  in  carnein,  &  vinura 


vertamr  in  fans^uinem  tnultorum  filiorum 
liominum  :  Sic  quotidie  facit ,  ut  per  con-. 
fecrationem  &  virtutem  divinam  paiiis  Se 
viiuim  commutctur  in  C'rnem  &  Sangui- 
nemfuuniihoc  eft  uniusFilii  Dci  &  homi- 
nis,  non  multorum  tilioruni  hominum. 
Qui  cnini  dixit  iSi  hOa  luin  ,  mandavit  & 
creaia  Cunt;,  quâ  pot;  ntiâ  facit  hoc  fîngu- 
li'.riter  in  feipfo  :  ut  mutatio  fubflantia- 
rum  qu.r  honiinibus  lo.'cbjt  confciremoi- 
talcm  vitani ,  nunc  eildem  huminibus ,  led 
(îdclibus  conférât  fempiternain.  Ibid.  pag, 
io6j, 


ABBÉ    DE    C  L  U  N  I.  jo^ 

tout-puî(Tant  de  Dieu  ,  par  qui  toutes  chofes  ont  été  faites  ,  fait 
chaque  jour  que  par  la  manducation  ôc  la  digeflion,le  pain  fe 
change  en  chair,ôc  le  vin  en  fang  de  plufieursenfans  des  hommes. 
Il  fait  aulli  chaque  jour  que  par  la  confécration  &  la  vertu  divine , 
Je  pain  ôc  le  vin  Ibient  changés  en  fa  Chair  6c  en  fon  Sang  , 
c'eft-à-dire  ,  du  Fils  unique  de  Dieu  &  de  Thomme  ,  &  non  de 
pluficurs  enfans  des  hommes.  Car  celui  qui  a  dit  ,  ô:  toutes 
chofes  ont  été  faites;  celui  qui  a  ordonné,  ôc  toutes  chofes  ont 
c^té  créées,  fait  par  la  même  puillance  en  tous  généralement,  &  en 
lui  fingulierement,  que  le  changement  des  fubilances  qui  avoient 
coutume  de  donner  aux  hommes  la  vie  mortelle,  leur  donne, 
mais  aux  Fidèles  feulement,  la  vie  éternelle.  On  dira  ,  peut-être  , 
pourquoi  réitérer  i\  fouvent  le  Sacrilice  de  Jefus-Chrill ,  puifque 
celui  qu'il  a  offert  fur  la  Croix  fuilit  pour  la  rédemption  des 
péchés  de  tout  le  monde  ?  L'Abbé  deCiuni  répond  que  le  Sau- 
veur ayant  ordonne  de  réitérer  le  Sacrifice  en  mémoire  de  lui  , 
on  ne  peut  fe  difpenfer  de  lui  obéir.  Qu'au  relie  ,  cette  mémoire 
augmente  la  foi  des  Fidèles,  fortifie  leur  efpérance,  confirme 
leur  charité  mutuelle,  excite  l'amour  envers  Dieu  ,  &  remet  les 
péchés  à  ceux  qui  en  font  pénitence.  Pierre  allègue  ,  pour  la- 
préfence  réelle ,  l'autorité  des  acles  de  faint  André. 

L  X  X  I  V.  Il  vient  à  la  cinquième  erreur  des  Petrobufiens  Pjj.  lotfs.' 
qui  rejettoicnt ,  comme  inutiles  ,  les  prières  ôc  les  fuflrages  des 
vivans  pour  les  morts  ,  fous  le  prétexte  que  l'autre  vie  n'eft  paS' 
un  lieu   de  mérites  ,  mais  de  rétributions.  En  premier  lieu  il 
prouve  par  l'endroit  de  l'Evangile  où  il  efl  dit ,  que  le  blafphéme     M.::t.  i:.- 
contre  le  Saint-Efprit  ne  fera  pardonné  ni  en  ce  monde ,  ni  en     ^'-"^  '  ^-'' 
l'autre  ,  qu'il  y  a  des  péchés  que  Dieu  pardonne  en  ce  monde  , 
mais  dont  la  peine  eft  renvoyée  en  l'autre  pour  y  être  expiée.  Il 
montre  en  fécond  lieu  ,  que  l'ufage  de  prier  pour  les  morts  eft 
autorifé  par  l'Ecriture,  par  la  Tradition,  6c  la  difcipline  uni- 
Verfelle  de  l'Eglife.  Il  dit  à  cette  occafion  que  l'on  regr.rdoit, 
comme  divin ,  le  fécond  Livre  des  Macchabées.  Quant  à  ce 
que  difoient  les  Petrobufiens  ,  que  c'étoit  fe  moquer  de  Dieu  , 
de  l'invoquer  à  haute  voix ,  ôc  de  chanter  des  hymnes  à  fa  gloire. 
L'Abbé  de  Cluni  les  réfute  encore  par  l'udige  autorifé  dans  une  Pfa.lm.9^.^7;- 
infinité  d'endroits  de  l'Ecriture,  où  il  eft  fait  mention  de  canti-  **''^p  ^^"*'' 
ques  en  l'honneur  de  Dieu ,  ôc  d'inftrumens  de  Mufique  dans  les  ^^iCg.  jf"'^' 
louanges,  ou  atlions  de  grâces  folemnelles;  6c  par  la  coutume 
confiante  de  l'Eglife,  de  faire  chanter  les  Pfeaumes  au  Clergé. 
11  finit  fa  Lettre;  ou  foa  Traité,  en  priant  les  Evêques  qui  avoient- 

S  f  f  ii| 


^10         PIERRE    LE    VENERABLE, 

purgé  leurs  Diocèfes  de  ces  Here'tiques  ôc  de  leurs  erreurs,  de 
veiller  avec  foin  furies  lieux  où  ils  s'efforçoieat  de  les  répandre  ; 
ôc  de  les  réprimer. 
Sermons  de       L  X  X  V.   Nous   ne  connoifTons  que    quatre  Sermons  de 
Pierre dcCk-  pjgfre  le  Vénérable; le  premier,  fu>r  la  Transfieuration  du  Sau- 
Bibliot.    Pflf.  veur,  unprime  dans  la  Bibliothèque  de  Hum,  dans  cède  des 
pag.\oSo;&  Pères,  &  dans  la  Bibliothèque  des  Prédicateurs,  par  le  Père 
Murtenn.paf.  Combehs  ;  les  trois  autres  ont  ete  publies  parDoiii  martenne  , 
;i4i5'.  dans  le  cinquième  tome  de  fes  Anecdotes.  L'un  eil  à  la  louange 

du  Sépulchre  de  Jelus-Chrift ;  l'autre,  en  l'honneur  de  faint 
Marcel,  Pape  &  Martyr ;ôcle  troiiiéme  fur  la  vénération  des 
Reliques.  Pierre  de  Cluni  fait  mention  dans  fon  diicoursfur  le 
Sépulchre  du  Sauveur  ,  du  miracle  qui  s'y  Hiifoit  annuellement 
la  veille  de  Pâques.  Un  feu  miraculeux  deicendoit  du  Ciel ,  ôc  à 
la  vue  de  tout  le  monde  allumoit  les  lampes  qui  étoient  autour 
du  faint  Sépulchre.  Le  Moine  Bernard  (  fl) ,  qui  (it  en  870  le 
pèlerinage  de  Jerufalem  ,  affure  dans  fon  Itinéraire ,  avoir  été 
témoin  de  ce  fait  miraculeux.il  en  eft  parlé  dans  l'ancienPontifical 
de  l'Eglife  de  Poitiers,écrit  il  y  a  plus  de  800  ans  ;  dans  le  fixiéme 
chapitre  du  quatrième  Livre  de  Raoul  Glaber  ;  dans  la  Chro- 
nique de  Léon  {b)  d'OlVie  ;  dans  celle  de  Hugues  de  Flavigni  ; 
dans  Guillaume  de  Malmediuri ,  &  dans  les  neuvième  &  dixième 
tomes  du  Spicilege.  L'Abbé  de  Cluni  reaiarque  fur  cet  événe- 
ment,  qu'il  eft  particulier  au  Samedi  de  Pâques,  ôc  qu'on  ne 
voit  rien  de  femblable  ni  le  jour  de  Noël,  ni  autres  jours  def- 
tinés  à  la  célébration  de  quelque  Myftere  ;  qu'il  fe  continuoit 
encore  de  fon  tems ,  &  n'avoit  point  été  jufques-là  interrompu. 
Il  dit  dans  le  difcours  fur  faint  Marcel,  qu'après  la  mort  de  faint 
Mr.rccilin  arrivée  en  50+,  le  faint  Siège  vaqua  fept  ans  ('\)i  mois  ÔC 
vingt-cinq  jours.  Cependant  faint  Marcel  fon  fucceffeur  fut  élevé 
au  fouverain  Pontilicaten  308  ,  aprcsune  vacance  feulement  de 
trois  ans  lix  mois  ôc  vingt-cinq  jours.  Dans  le  manufcrit  de 
Cluni  d'où  efl  tiré  le  difcours  fur  la  vénération  des  Reliques,  il 
eft  dit  ,  que  l'Abbè  Pierre  le  prononçable  jour  qu'on  re«çut  de 
Rome  celles  de  faint  Marcel.  Cela  paroit  aulli  dans  le  corps  du 
difcours.  Il  fonde  fur  deux  raifons  le  refped  dû  aux  Reliques 
des  Saints.  La  pteraiere^  que  leurs  membres  ont  été  pendant  leur 

(  a  )  Martenn.  noi,  in  hun:  Scnn,  tom  î  ,  1  Chronic.  Virdurienf.  j)<ij.  178.  Hijlor.  Belli 
^<wrrr/of.-p.?[f.  T4ji.  l  fjcri ,    tom.  i  ;  Aluj'xi  halici ,  num.  loi; 

(,h)  Çh'rervc,  Cafm.  l'é.  3  ,  cff.  5   j  &  |  Milmcpur^.lih.  4  ,  de  Ry^ib,  Ar.glor. 


ABBÉDECLUNI.  pi 

vie  employés  au  fervice  de  Dieu.  La  féconde  ,  qu'on  ne  doure 
pas  qu  ils  ne  doivent  relTufciter  pour  jouir  de  la  gloire  éter- 
nelle. 

L^  XVI.  Il  y  a  eu  plufieurs  éditions  du  Recueil  des  Mira-       Livres  des-^ 
clés,  une  aucrautres  à  Douai  en  i  jpç  in-12.   Il  ell  dans  la  ?'^'"'^ gj'//^^"'' 
Bibliothèque  de  Cluni  &  dans  celle  des  Pères.  Pierre  de  Cluni  Paùp.ig.ioi7ï 
n'y  a  rapporté  que  ceux  qui  étoient  arrivés  de  fon  tems.  Son  but 
dans  ce  Recueil ,  qu'il  a  divifé  en  deux  Livres  ,  eft  de  contri- 
buer à  l'accroillemcnt  de  la  foi  &  de  l'efpérance  des  P  ideles ,  ôc 
de  confirmer  les  vérités  de  la  Religion ,  par  des  évenemens  qui 
y  avoient  du  rapport.  Il  commence  le  premier  Livre,  parles 
Miracles  qui  regardent  l'Euchariflie.  Ceux  qu'il  raconte,  font 
des  témoignages  évidens  de  fa  foi  ôc  de  celle  de  fon  (iccle  fur 
la  préfence  réelle  ;  de  l'ufage  oi^i  l'on  étoit  de  ne  point  admi- 
niftrer  ce  Sacrement  aux  malades  qu'après  la  confeilion  de  leurs 
péchés  au  Prêtre  ;  &  des  Prières  que  l'on  falloir  pour  eux  après 
leur  mort ,  pour  les  délivrer  du  Purgatoire.  Les  Miracles  rap- 
portés dans  le  fécond  Livre  ont  d'autres  objets  ;  mais  ils  font 
comme  ceux  du  premier ,  mêlés  de  diverfes  apparitions  des- 
morts  aux  vivants.  11  y  efl  parlé  du  Schifmeoccafionné  dans  Cluni 
par  l'Abbé  Ponce;  des  moyens  que  l'Abbé  Matthieu,  depuis 
Cardinal  ôc  Evoque  d'Albane,  employa  pour  l'éteindre  ;  &  des 
mouvemens  qu'il  fe  donna  pour  maintenir  le  Pape  Innocent  II. 
fur  le  Saint  Siège ,  que  Pierre  de  Léon  vouloir  ufurper.  L'Abbé 
de  Cluni  y  dit  auili  quelque  chofe  de  l'Inftitut  des  Chartreux,  P-ig.  m''.»- 
qui  ,  dit-il  ,  pour  dompter  leur  chair  ,  la  mortifient  par    des 
cilices,  l'affligent  par  des  jeûnes  très-auderes  &  prefque  conti-- 
nuels,  s'abfùennent  de  viande  en  tous  tems,  foit  qu'ils  foient 
fains  ou  malades  ;  fe  nourriffent  de  pain  de  fon ,  ôc  mettent  tant'; 
d'eau  dans. le  vin  qu'ils  boivent ,  qu'il  en  perd  prefque  le  goûti- 
En  parlant  du  concours  qui  fe  fait  à  Sainte  Marie  Majeure  ,  pour 
la  l'ece  de  l'Àfiomption  de  la  fainte  Vierge,  oii  le  Pape  célèbre' 
ordinairement  la  Meiî'e,  aliiué  des  Evêques  ôc  des  Cardinaux, 
il  dit  que  les  Pvomains  y  viennent  aux  Vêpres  dès  la  veille,  Ô:  y  p.:g.  my»- 
allument  des  cierges  après  les  avoir  pefés  en  leur  maifon  ;  ÔC 
que   quoiquils  demeurent  allumés  depuis  le  foir  jufqu'après 
la  Melfe  du  lendemain  ,  ils  ne  diminuent  pas  de  poids.  L'Abbé 
de  Cluni  allure  qu'il  y  avoit  plus  de  cent  ans  que  ce  Miracle  fe 
faifoit  annuellement  en  ce  jour,  ôc  qu'il  s'opéroit  encore  de 
fon  tems. 

LXX  VIL  II  refte  des  Poçfies  de  Piene  de  Cluni,  une     Hymne.  si< 


JI4  PIERRE   LE   VENERABLE, 

ProfesdePier-  Apologie  en  vers  éiegiaques  de  Pierre  de  Poitiers  ,  contre  ceux 

lbid.^p?rsl\]  qui  blâmoientfes  vers;  des  Rimes  ôc  des  Profes  fur  la  vie  de 
Jefus-Chrifl:  ;  en  Thonneur  de  la  fainte  Vierge ,  de  fainte  Marie- 
Magdelaine,  defaint  Benoît  &  de  faint  Hugues  Abbé  de  Cluni; 
avec  les  Epitaphes  du  Comte  Euftache  ,  de  Bernard  Prieur  de 
Cluni ,  de  Rainaud  Archevêque  de  Lyon  ,  &  de  Pierre  Abaillard. 
Son  Poëme  intitule ,  de  la  Vertu  ,  fe  trouve  (  a  )  parmi  les  manuf- 
crits  de  la  Bibliothèque  Pauline  ,  à  Leïpfic.  Fabricius  (b)  avoit 
fait  imprimer  fous  le  nom  de  Pierre  de  Cluni  un  autre  Poëme 
fur  les  Rits  de  la  Meffe ,  à  Hambourg  en  1715.  7vlais  il  a  reconnu 
depuis  qu'il  étoit  d'Hildebert,  Evêque  du  Mans. 
Statuts  de       LXX  VIIL  Pendant  les  vingt  quatre  premières  années  de 

Cluni  ,  pa^.  fon  gouvernement,  l'Abbé  Pierre  lit  plufieurs  Regîemens  pour 
*  '  fon  Abbaye  &  pour  fon  Ordre.  Il  changea  quelques-uns  de  ceux 

que  fes  Prédéceffeurs  avoient  faits;  6c  en  retrancha  plufieurs 
de  peu  d'importance  dont  il  n'étoit  plus  befoin  ,  parce  que  les 
raifons  en  avoienc  cefle.  Il  recueillit  en  1 145  tous  ceux  qu'il 
avoit  faits  ,  f>c  fit  un  corps  de  foixante-feize  articles,  rendant  fuc 
chacun  la  raifon  du  changement  qu'il  y  avoit  fait,  afin  de  ne  pas 
fcandalifer  ceux  à  qui  elle  feroit  inconnue.  Quoiqu'il  fçût  par 
l!exempLe  des  changemens  faits  de  tout  tems  dans  la  difcipline 
de  l'Eglife  &  dans  les  pratiques  des  Monafleres ,  qu'il  lui  étoic 
libre  d'en  faire  dans  les  Statuts  de  fon  Ordre  ,  il  prit  toutefois  là- 
deffus  l'avis  des  plus  fages  de  fes  Confrères  ,  Ôc  lit  approuver  fon 
Recueil  par  le  Cb.apitre  général.  Les  plus  remarquables  de  ces 
Statuts,  font  ceux  qui  reforment  certains  abus  que  l'on  repro- 
choit  aux  Clunifles. 
Ce  qu'ils       LXX  IX.  Dcfenfe  de  manger  de  la   graiffe  tous  les  Ven- 

contiennciu     (^^gj^'is ,  fi  ce  n'eft  que  la  Fête  de  Noël  tombe   en  ce  jour. 

de  remarqua-  •  rr  •      •    J  /  J-  i         r     •■  •    u 

bie.  Il   paroilloïc  indécent  que    tandis    que  les  Laïcs   riches    ou 

C.ip.  17.  pauvres   s'abftenoient  entièrement  de  viande  les  Vendredis , 
O;;.  II.  les  Moines  fiilent  cuire  leurs  légumes  avec  de  la  graiiïe.  Défcnfe 
de  boire  du  vin  mêlé  de  miel  ôc  d'épices  ,  c'eft-à-dire,  de  l'hy- 
pocras  ,  hors  le  jour  du  Jeudi  Saint ,    fuivant  l'ancien  ufage. 
Cip.  i>.  J3^fcnfes  de  manger  de  la  viande,  finon  aux  infirmes  ôc  à  ceux 
'  qui  font  abfolument  caducs.  Les  Clunifles   avoient  fait   quel- 

ques changemens  dans  les  obfervances  prcfcrites  par  la  Règle 


(a)  r.iJrifiu» ,  ton.  •;  ,Bibi!Ot,    Latin,  j       (b)  Ibid.p.ig.  7j8. 


df 


ABBÉ    DE    CLUNI.  'jij 

de  faint  Benoît.  Pierre  convient  qu'il  n'y  avoit  aucune  caufe  rai- 
fonnable  d'en  faire  à  l'égard  de  l'abftinence  de  la  viande.  Pour 
diminuer  le  nombre  des  jeûnes  qu'elle  prefcrit,  depuis  la  mi-  Cap.iM- 
Septembre  jufqu'au  Carême ,   ils  avoicnt  multiplié  les  Fctes. 
Pierre  en  iixe  le  nombre  ;  fçavoir,  celles  de  faint  Michel,  de 
la  Dédicace  de  l'Eglife  ôc  des  Apôtres  ,  hors  de  l'Avent  &  de  la 
Septuagelime  ;  l'Octave  entier  de  Noël,  le  jour  de  l'Epiphanie , 
les  Fêtes  de  faint  Marcel  Pape  ,  de  faint  Vincent  Martyr ,  de  la 
Purification  &  de  la  Chaire  de  faint  Pierre.  On  accordoit  l'ufage 
de  la  graiffe ,  dans  toutes  les  Fctes  à  douze  leçons  ;  mais  elle  étoit 
défendue  en  A  vent,  exxepté  le  premier  Dimanche.  Les  étoffes  Op.  tu 
6c  les  fourrures  précieufes  font  défendues  ;  &  pour  en  éviter 
l'abus,  on  fpécifie  toutes  celles  dont  il  n'eft  pas  permis  d'ufer. 
]1  eft  ordonné  de  garder  le  iilence  à  l'Inlirmerie,  dans  la  cham-    (^^?-  ^(>  it> 
bre  des  Novices,  au  Réfectoire,  &  toujours  pendant  le  Carême.  ' 
On  en  excepte  les  perfonnes  de  confidération ,  avec  qui  le  Grand    Cip.  19,  i»i 
Prieur,  le  Sous-Prieur  ôc  quelques  autres  Officiers  pourront  *'• 
parler  dans  l'appartement  des  Novices.  L'atHuence  des  étrangers 
a  Cluni ,  la  multitude  des  affaires  y  avoient  occafionné  du  relâ- 
chement à  l'égard  du  fdence. 

LXXX.  Par  un  autre  abus  beaucoup  plus  dangereux,  on  q„_  ,y^ 
recevoir  dans  prefque  tous  les  Monafteres  dépendans  de  Cluni , 
des  paifans,  des  enfans ,  des  vieillards,  des  fous,   des   gens 
ineptes  à  toutes  fortes  de  chofes,  ou  coupables  de  grands  crimes. 
Il  y  avoit  déjà  eu  des  défenfes  de  les  recevoir  ;  &  l'Abbé  Pierre 
ne  fit  que  les  renouveller ,  en  y  ajoutant  la  claufe  qu'on  ne  pour- 
roit  recevoir  aucun  Moine  dans  l'Ordre  fins  la  pcrm illion  de 
l'Abbé  de  Cluni.  Il  ordonna  auffi,  qu'on  ne  donneroit  l'habit    Op^js,  jr> 
monaftiquCcà  perfonne  avant  l'âge  de  vingt  ans  ;  qu'on  éprouve-  5^' 
roit  les  Novices  au  moins  pendant  un  mois;&  qu'on  rétabliroic 
le  travail  des  mains ,  autant  qu'il  feroit  poliible  ,  pour  éviter 
l'oifiveté.  Mais  il  reÛreignit  le  travail  à  l'intérieur  des  Cloîtres , 
ou  aux  autres  lieux  ,  où  l'on  put  le  faire  décemment  ôc  fans 
être  vu  des  Séculiers.  Les  autres  Statuts  concernent  ou  l'Ollice 
divin  ,  eu  la  forme  des  habits ,  ou  la  modeftie  que  l'on  doit 
garder  dans  les  équipages  de  campagne  ,  ou  l'éducation  des 
enfans  que  l'on  enfeignoit  dans  les  Alonafleres.  Il  étoit  d'ufage  Op.  yi; 
en  plulieurs  Eglifes  de  fufpendre  au  milieu  du  Chœur  une 
grande  couronne  d'airain  ornée  d'or  ou  d'argent,  ôc  d'y  allumer  ■ 
un  grand  nombre  de  cierges  dans  lesfolemnités.  Infenfiblement 
on  les  alluma  prefque  à  toutes  les  Fêtes  de  l'année  ;  ôc  alors  oa 
TomiXXll.  Ttt 


P4  PIERRE   LE   VENERABLE, 

ne  diPiinguoit  plus  les  grandes  foleinnités  ,  des  autres.  C'eft 
pourquoi  iifutordonné  que  cette  multitude  de  cierges  ne  feroient 
allumés  qu'aux  cinq  principales  Fêtes  ,  à  la  Dédicace  de  l'Eglife 
ôc  à  la  Fête  de  tous  les  Saints  ;  qu'aux  autres  Fêtes  où  l'onavoit 
coutume  d'illuminer  cette  couronne,  on  fe  ferviroit  de  lampes 
de  verre. 
Gç.  j4.       L  X  X  X  L  Nous  remarquerons  encore  dans  ces  Statuts ,  que 
l'on  devoit  dire  chaque  jour  une  Méfie  en  l'honneur  de  la  fiiinte 
Vierge  ,  &  fon  Olîice  entier  dans  la  Chapelles  des  infirmes  ,, 
depuis  la  Fête  de  tous  les  Saints  jufqu'à  Pâques;  que  lorfqu'après 
avoir  adminiftré  l'Extrême-Ondion  aux  malades,  on  leur  pré- 
fentera  la  Croix  pour  l'adorer ,  ce  fera  une  Croix  de  lx>is ,  dans 
laquelle  on  avoit  incrufté  une  particule  de  la  vraie  Croix ,  en- 
Cap.  61.  chaiTée  dans  de  l'or  ;  afin  que  les  paroles  de  l'adoration  :  Ecce 
liguum  crucis  ,  Cfc.  eulfent  du  rapport  à  la  matière  de  la  Croix  ; 
qu'à  la  Fête  de  Noël  il  n'étoit  permis  à  aucun  Prêtre  de  dire  la 
Cap.  71,  Mefle  avant  la  fin  de  celle  qui  fe  chante  au  point  du  jour,  par- 
ce que  ces  Meffes  particulières  pendant  la  célébration  delà  MelTe 
folemnelle  ,  occafionnoient  de  déferter  le  Chœur. 
Traité  de    '  LXXXIL  Le  Traicé  de  Pierre  le  Vénérable  ,    intitule: 
Pierre  deClu-  ^uclcus  de  Sacrificio  Mif^û! ,  OU  Noiau  du  Sacrifice  de  la  Mefle, 
crifice  de  h  ^^^  imprimé  à  Rome  en  i  jp  1  ,  dans  le  Recueil  des  Livres  qui 
Me/re.  traitent  des  offices  ôc  des  minifteres  de  l'Eglife  Catholique  ;  à 

Paris  en  1624,  dans  le  dixième  tome  de  la  Bibliothèque  des 
Pères  ;  en  1544.,  dans  la  féconde  partie  du  douzième  tome  de 
cette  Bibliothèque.  Il  eft  diftribué  en  quatorze  Chapitres. 
Analvfe  c'e       L  X  X  X III.  L'Abbé  de  Ciuni  y  fait  voir  que  depuis  Adam 
ceTraitc.ro;?;.  jufqu'à  Jefus-Chrilt ,  on  n"a  pas  ceflé  d'ofïrir  des  Sacrifices  à 
10  ,  BiUtot.  Dieu:quç  ces  Sacrifices  étoicnt  de  diverfes  efpeces  ;  quecom- 
pa^.iopt.       me  11  n  eit  permis  den  ofinr  qu  a  JJieu  ieul,  pas  même  aux 
Cap.  1,1, 3,4.  Anges ,  on  ne  peut  douter  aufTi  que  cette  marque  de  la  fervitude 
des  hommes  ne  lui  foit  agréable  ;  qu'après  un  Ci  long  ufage  d'of- 
frir à  Dieu  des  Sacrifices,  foit  du   tcms  des  Patriarches ,  foit 
Cap.  j ,  6.  fous  la  Loi  de  Moyfe  ,  on  ne  peut  voir  qu'avec  furprife   les 
Héi'étiques  faire  un  crime  aux  Catholiques  du  Sacrifice  unique 
qu'ils  ofirent  à  Dieu  ;  qu'en  obfervant  la  pernicieufc  dodrine 
de  ces  Novateurs  ,  il  arrivera  que  l'Eglife  fera  fans  Sacrifice 
dans  le  tems  de  la  grâce ,  ce  qui  n'eft  pas  arrivé,  même  dans  le 
Cap.f.j.  tcms  de  !a  colère,  ou  tous  la  Loi.  Il  prouve  par  le  témoignage 
des  Prophètes,  que  le  culte  du  vrai  Dieu  efl  paficdes  Juifs  aux 
Chrétiens  ;  que  le  Sacrifice  offert  à  Dieu  par  les  Chrétiens 


A  B  B  É    D  E    C  L  U  N  I.  p; 

dans  tout  l'Univers,  a  été  annoncé  par  Malachie  ;  que  l'Hoftie    Mdach.  z: 
n'eit  autre  que  Jefus-Chrilt ,  qui  en  eirTet  sert  oiTert  pour  nous  Op.s,?. 
raciheter  de  la  mort  que  nous  avions  encourue  par  le  péché  de 
notre  naifl'ance. 

L  X  X  X  I  V.  Enfuite  il  vient  à  l'enence  du  Sacrifice  de  nos  c.-.p.  lo ,  n. 
Autels,&  die  que  le  Corps  qui  y  ett  offert, eft'le  même  qui  a  foul- 
fert  fur  la  Croix  ;  &  le  même  Sang  qui  a  été  répandu  pour  la 
•rémiflion  ;  que  c'eft  ce  Corps  que  Jefus-Chrill  nous  ordonne  de 
manger ,  ôc  ce  Sang  qu'il  veut  que  nous  buvions  pour  vivre 
éternellement.  Pierre  de  Cluni  établit  le  dogme  de  la  Tranfubf- 
tantiation ,  ou  du  changement  réel  du  pain  fie  du  vin  au  Corps 
&  au  Sang  de  Jefus-Chrift  ,  par  les  paroles  de  la  confécration , 
6c  inlifle  (a)rur  ce  que  le  Sauveur,  pour  nous  oter  tout  doute  , 
a  dit  à  les  Difciples:  ceil  mon  corps  &  non  le  corps  d'un 
autre,  que  je  vous  donne;  il  n'efl  ni  changé  ,  ni  nouvellement 
créé  ;  c'eil  le  môme  qui  fera  livré  pour  vous  fit  attaché  à  la 
Croix  ;  c'eft  le  même  fang  qui  fera  répandu  ,  provoqué  par  les 
verges  fi>c  contraint  de  fortir  de  mes  veines  par  les  doux  ôc  par  la 
lance.  Il  dit  à  ceux  qui  doutoient  delà  réalité  de  ce  changement,  Cjp.  12,1?, 
qu'ils  ne  pouvoient  douter  de  la  toute-puiffance  de  Dieu  ,  à  qui  ''^' 
l'Ecriture  rend  des  témoignages  fi  éclatans  ;  aux  effets  qu'ils  en 
voyoient  eux-mêmes  ;  fie  leur  rapporte  quantité  d'exemples  de 
la  nature  ,  où  une  fubdance  eft  changée  en  une  autre  ,  comme 
le  pain  fie  le  vin  fe  changent  chaque  jour  en  chair  ôc  en  fang  dans 
ie  corps  humain. 

LXXXV.  Berenger  difoit  qu'il  n'étoit  pas  poffible  que  le  ^V-  '*• 
Corps  de  Jefus-Chrifl ,  eût- il  été  gros  comme  une  tour ,  eût  pîi 
fuBire  à  nourrir  les  Fidèles  depuis  tant  de  tems  qu'il  leur  eft 
adminiflré.  C'efl-là,  dit  Pierre  de  Cluni,  le  langage  de  ceux  qui 
croyent  que  Dieu  ne  peut  que  ce  qu'ils  peuvent  eux-mêmes  ; 
qu'il  ne  fçait  que  ce  qu'ils  fçavent  ;  qu'il  ne  fait  que  ce  qu'ils 
font:  Mais  qu'ils  fe  fouviennent  que  d'une  extrémité  du  monde 


(a)  Accipite  ,  hoc  rft  Corpus  ,  adjun- 
xit  meum.  ciiiim  crgo  tion  r.iterius  Corpus 
dcJit  Dilcipulis.  llurium  ne  fonè  alicui      vobis  crucifi£;etur,pro  vobis  morie.tur. .Sic 


co:jiraiio  octultaûibreperet  :  potulifc  crea- 
re  in  manibiis  fuis , Corpus «nioJ  ruum<5ui- 
tJcm  elu-'t  ,  Icd  wmeii  quod  ipfe  crat  non 
■edet ,  addidit ,  quod  pro  vobis  tradetur  ;  ac 
f\  diceret  :  Nolite  dubitare. . . .  quw  hoc  eft 
Corpus  non  alieruin  ,  aut  altenus  ,  led  , 


meum  ,  non  permutatiim  ,    vel  novhetr 

creatum  ,  (êd  quod  pro  vobis  naJ^'tur,  pro 


&  de  Calice  :  Hic  eÛ,  ait,  Sangu'is.  .  . .  qui 
pvo  vobis  fuadetur,  flagellis  provoca;us , 
clavis  extortus  ,  lancxa  exoulTus.  Petrut 
Clunidc.  Nudeo  de  S^rifcio  Alifx ,  cap» 
II» 


Ttt  ij 


■Si6        PIERRE   LE   VENERABLE, 

à  l'autre,  du  lever  du  Soleil  au  couchant ,  l'on  publie  à  haute 
voix  ce  que  nous  lifons  dans  le  Pfeaume  154:  Dieu  a  fait  tout 
ce  qu'il  a  voulu  ,  foit  dans  le  Ciel ,  foit  fur  la  terre ,  foit  dans  la 
mer  &  dans  les  aUmes.  Or  il  a  voulu  (  a  )  changer  le  pain  en 
fa  Chair ,  &  le  vin  en  fon  Sang  ;  il  a  donc  pu  taire  ce  change- 
ment, étant  Dieu  ,  &  conféque.nment  tout-puiffant. 
Charte  de       L  X  X  X  V  I.  On  lit  dans  le  Spicilege  une  Charte  ou  A£le 
fondation  tn  de  Pierre  ,  AbbédeCluni,  par  lequel,  en  reconnoiflance  des 
Spicileg.  'pag.  biens  que  Raoul ,  Comte  de  Peronne  ,  fils  de  Hugues  le  Grand , 
îji*  frère  de  Philippe  ,  Roi  de  France  ,  avoir  faits  au  Monaftere  de 

Crefpy  Oc  à  celui  de  Cluni ,  il  ordonne  qu'après  fa  mort  on  lui 
fera  deux  trentains  ;que  chaque  Prêtre  lui  dira  trois  MefTes  ,  6c 
les  non-Prêtres  trois  fois  les  fept  Pfeaumes  de  la  Pénitence; 
aue  dans  les  autres  Monafteres  de  l'Ordre  de  Cluni ,  on  lui  fera 
trois  trentains  ,  &  tous  les  Prêtres ,  fans  exception  ,  célébreront 
deux  fois  pour  le  repos  de  fon  ame  ;  qu'en  outre ,  on  fera  à  Cluni 
fon  anniverfaire  foiemnellement ,  comme  d  un  des  plus  grands 
amis  & -bienfaiteurs  de  l'Abbaye,  après  les  Empereurs  ôc  les 
Rois;&  que  chaque  jour  pendant  un  an,  on  offrira  pour  lui  le 
faint  Sacrifice.  En  cet  anniverfaire  folemnel ,  on  chantoit  pour  le 
défunt  la  Meffe  conventuelle  ;  tous  les  Prêtres  de  la  Commu- 
nauté de  Cluni  célebroient  pour  lui  chacun  une  fois  ;  les  autres 
récitoient  le  Pfeaume  Miferere  mei  Dciis  ,  &  l'on  doanoit  à 
manger  à  treize  pauvres. 
Etatdcl'Ab-  LXXXVIL  Pierre  deCluni.dreffa,  la  vingt-feptiémean- 
baye  dtCiuni,  j^^g  depuis  qu'il  en  fut  Abbé,  un  Etat  de  cette  Abbaye,  telle 
'ce'llàn.kdujù,  qu'elle  écoit  lorfqu'il  en  prit  pcffeiTion  ,  ô:  de  ce  qu'il  fit  pen- 
^ag.  443-  dant  ces  vingt-fix  ans  pour  l'améliorer.  En  entrant  il  trouva 
l'pglife  grande,  mais  pauvre,  dont  les  réparations  ou  entretiens 
abforboient  les  revenus.  Ilyavoit  dansleMonadere  plus  de  300 
Aîoines  ;  &  la  Maifoa  ne  pouvoir  en  entretenir  au-delà  de  cent 
de  fcs  propres  revenus,  quoiqu'ils  fuffent  nourris  très  pauvre- 
ment :  enfortc  qu'il  falloir  emprunter  des  fommes  confidérabies 
pour  fournir  à  l'entretien  des  deux  cens  autres  ,  des  étrangers  & 
des  pauvres.  Pour  fournir  aux  dépenfes  nccefiaiies,  fans  emprunt,. 


(a)  Voluit  erpo  &  potuit  ut  panis  in  quia  ad  convertcnJum  paiifm  -n  Corpus 

Cnrnem    Aiam  ,  A  vin' tn  convert;itiir  in  A  um  .   &  vinum  in  Sanguin -m  fiium  om- 

S-nguincm  l-im.  Ftrui.i  vo.'uit  S;  potuit,   !  rimodô  ,   fie  ut  &   ad  univerfa  pjtens  cft. 

id^ircô  &   Ttiit.  Si  enim  Dei's  l  mnipo-  '  Perru^  Cuniac.  Nucleo  deSacrijiCwMi£a\^, 

«cns  eft,  &  Chriflus  Dcus  cft  ,  llqimur  |  ca£.  14» 


fes( 


•un. 


A  B  B  É   D  E   C  L  U  N  I.  py 

Pierre  mît  un  autre  ordre  dans  les  recettes  des  Fermes  dépen- 
dantes de  1  Abbaye.  Cet  Etat ,  qui  efl  repréfenté  dans  le  cinquiè- 
me tome  des  Mélanges  de  M.  Balufe,  prouve  bien  que  Pierre  le 
Vénérable  avoir  les  qualités  nécelTaires  pour  le  gouvernement 
fpirituel  6c  temporel  de  ce  Monaflere  &  de  tout  fon  Ordre. 

LXXXVllI.  Il  étoit  d'un  naturel  doux  ;  &  réunilToit  un  Jugen-.emde 
efprit  élevé  avec  les  talens  propres  à  infpirer  leflime  ôc  la  véné- 
ration. Si  l'on  en  croit  un  Pocte  (  ^  )  de  fon  tems  ,  lAbbé  Pierre 
n'avoir  point  d'égal  fous  le  Ciel ,  pour  les  qualités  de  l'efprit. 
Ses  Lettres  en  font  pleines  ;  le  flyle  en  eft  aifé  ,  pur ,  agréable 
&  toujours  égal  ;  les  penfées  fines  &  délicates  ;  les  réflexions  foli- 
des  &  judicieufes.  Il  y  a  du  feu  dans  fes  difcours  &  du  nerf 
dans  fes  ouvrages  pour  la  défenfe  de  la  Religion.  Mais  il  y  a 
moins  d'aménité  Ôc  d'élégance  dans  fes  vers  que  dans  fa  profe. 

*S^ Vi:^ '^  Ît4^  "^  .4^ 'V^^  "^  V4^  ^'Vi'^ '^^^ 

CHAPITRE      X  X  ï  I. 

If'i  B  ALD,  Ahbé  de  Stavelo,  &  de  Corhie. 

I.  T      'Abbaye  de  Stavelo ,  fondée  par  Sigebert ,  Roi  d'Auf-     \Vibard.  Ses 

\    i  trafie,  dans  i'Ardenne  au  Diocèfe  de  Tonpres  ,  auiour-  '^°'^'"^"ce- 
d'bui  de  Maflricht,avoit  pour  Abbé  en  1 130  jWibald,  homme  1   ,    àmplif 
de  beaucoup  d  efprit  ôc  de  vertu  ,  connu  dans  l'iiifloire  de  fon  «"■^'«'"•Awrefl. 

.         '  '.  ^  .  ...  ,.         , .  . .        _  1)7).     If  ■> 


de  la  bafle  Lorraine  :  car  il  témoigne  auffi  qu'il  aroit  pris  naif-  Ej^j^-.  3°?' 
fance  dans  le  Pays  de  Liège.  Il  eut  deux  frères ,  Erebert  ôc 
Erlebold  ;  ôc  une  fœur  ,  nommée  Havid.  Le  premier  fit  le 
voyage  delà  Paledine  en  114.8, avec  le  Roi  Conrad,  dont  il 
étoit  Chancelier;  le  fécond,  après  avoir  fait  profelfion  delà  vie 
monaûique  à  Saint  Laurent  de  Liège ,  palla  à  Stavelo.  Havid  Epi]}.  »j,»». 
fe  confacra  à  Dieu  dans  un  Monaflere  de  Filles,  nommé  Ge- 


(a)  Scitbenè,  fcit  mundus  ,  quod  lia-  i  bonis  pr-rcellis  frm  rntionis.  Rri'J"'-uS' 
beris  in  orbe  fecuniiuf.  . .  .  fub  Cœli  capa  f  Torrarim  ,  in  J:logio  Pétri  Fener.zbilitr 
tlbi  lion  lupcreil  luii  Papa. ...  &  fort.;.Te  ',  Mabiiiun.  lib.  -S  ,  Annal,  num,  45. 

T  1 1  ii] 


yi8  W  I  B  A  L  D  ; 

rishem  ,  vers  l'an  1 1  jo.  Wibald  ,  fon  frère  aînd,  lui  envoya  uni 
anneau  ,  en  la  congratulant  fur  l'état  qu'elle  avoir  embraiTé. 
jl  Çg  f.,it      IL  II  fut  mis  e'tant  encore  jeune  dans  l'Abbaye  de  Stavelo,pour 
Moine  à  Va!'-  y  apprendre  les  premiers  élemens  des  Lettres  &  la  Grammaire, 
for      pu;s  a  ç       ^^^  vénérable  vieillard  ,  appelle  Reinard.  Enfuite  il  pafla  aux 
études.  Ecoles  de  Liège,  ou  il  apprit  en  tres-peu  d  années ,  la  Dialedi- 

Epifl.  î7i.  C|ue,la  Réthorique,  l'Arithmétique,  n.  Géométrie, l'Aftronomie. 
C'étûit  vers  l'an  iiij.  Ennuyé  du  commerce  du  monde,  il 
penfoit  férieufement  à  le  quitter.  Stavelo  avoit  pour  lui  de  l'at- 
trait :  mais  il  en  avoit  aulii  pour  la  folitude  de  ValTor ,  au  Dio- 
Pjg.  x^(.  cèfe  de  Liège.  "Widric  qui  en  étoit  Abbé,  y  attiroit  par  fa  répu- 
EtChronic.  çation  grand   nombre  de  perfonnes  de  vertu    ôc    de   fçavoir. 
tim.'7.%kil.  Wibald  y  alla  avec  Richer,  un  de  fes  Condifciples.  Ils  y  prirent 
l'habit  monaftique.  Leur  deflein  étoit  d'y  vivre  dans  la  contem- 
plation des  vérités  de  la  Religion  &  dans  le  repos.  Mais  Widric 
chargea  Wibald  du  foin  des  Ecoles  avant  même  qu'il  eût  pro- 
noncé fes  vœux.  Ceux  de  Stavelo  le  réclamèrent  &  fe  don- 
nèrent tant  de  mouvemens ,  qu'ils  l'engagèrent  à  y  retourner. 
iieRfaitAb-       in.  Cette  Abbaye  depuis  la  mort  de  l'Abbé  Folmart,  en  iio5, 
bcdeStaveio.  (J^p^riffoit  de  jour  en  jour,  par  la  mauvaife  conduite  defesfuc- 
"  ^'^°'        ceiTeurs.  Cunon  ôc  Rulland  avoieat  elïayé  d'en  rétablir  les  biens 
&  l'obfervance  :  mais  morts  tous  deux,  depuis  112S  jufqu'en 
1130,  ils  n'eurent  pas  le  loifir  de  mettre  leurs  bons  defleins  à 
exécution.  "Wibald  leur  fuccéda  ,  ayant  été  élu  fur  la  fin  de  l'an 
1130.   Au  mois  d'Avril  de  l'année  fuivante  1131  ,  il  reçut  à 
P.y.  90,  91.  Stavelo  ,  Lothaire  III.  Roi  des  Romains  ,  ôc  la  Reine  Richifc 
fon  époufe.  Ce  Prince  confirma  l'éiedion  de  Wibald  ,  ôc  tant 
à  fa  prière,  que  des  Moines  de  cette  Abbaye,  il  la  maintint 
dans  la  poirelîion  de  fes  droits  ôc  de  fes  privilèges ,   par  un 
Ibid.  kjiag.  Diplôme ,  daté  du  1 3  de  ce  mois.  Adalberon  ,  Evoque  de  Liège, 
'5^*  accompagna  Lothaire  jufqu'à  Trêves  ,  d'où  étant  revenu  à  Sta- 

velo pour  la  Fête  de  Pâques ,  il  donna  le  lendemain  à  l'Abbé 
■Wibald  la  bénédiction  Abbatiale. 
Ilrcrablit  le       IV.  Son  premier  foin  fut  de  rétablir  l'obfcrvancc  régulière; 
bon   orJre  à  gj-  ^^  ^-gt  ^{Y;^^  \[  remit  les  Ecolcs  en  vigueur,  ôc  fit  rentrer  les 
Stavelo.         ijiens  aliénés,  ou  engagés  par  fes  prédécefi'eurs.  On  ne  doute 
Pag.  ijg,  pas  que  Lothaire,  qui  connoiffoit  Hi  capacité  dans  les  allaites, 
n'ait  pris,  étant  à  Stavelo  avec  Innocent  II.  fes  avis,  fur  les 
P>^g.  \6o.  moyens  de  rétablir  ce  Pape  fur  le  Saint  Siège  ,  ôc  d'en  chaiïer 
Pierre  de  Léon  ,  comme  cela  arriva  en  1 1 3  3.  Mais  les  Schif- 
matiques  s'étant  remis  en  forces ,  il  fallut  les  attaquer  de  nou- 
veau. 


1 


ABBÉ     DE    STAVELO,&c.      pp 

V.  L'Empereur  Lothaire  paflfa  donc  les  Alpes  en  \  i^6 ,  fuivi       lltravaill» 
d'une  nomhreufe  arince  ;  &  ayant  convoqué  une  afTemblee  à  ""'^"^      ""''fl 

•^  A  rt-'ur  pour   ic 

Melplie  ,  l'Abbé  Wibald  fut  chargé,  comme  chef  de  l'expédi-  rctabijifement 
tion  contre  Roger,  Roi  de  ijicile  ,  feul  protecteur  de  lAnti-  dut'apelnno- 
Pape,  de  pourvoira  l'équipement  d'une  flotte,  en  foldats  &  p^î^'^îéz!^  * 
en  armes.  Il  fe  rendit  devant  Salerne  avec  l'armée  de  l'Empe- 
reur ;  ôc  après  la  prife  de  cette  Ville  ,  il  palTa  en  Sicile  ,  oii 
l'ennemi  s  éroit  retiré.  "Wibald  fe  voyant  à  portée  de  Mont-Caf-  ^^'i-  '^-• 
fin  ,  y  alla  autant  par  dévotion  ,  eue  pour  engager  l'Abbé  &  les 
Moines  ,  qui  avoient  pris  le  parti  de  Pierre  de  Léon  ,  à  rentrer 
dans  l'unité  de  lEglife ,  en  reconnoilTant  peur  Pape  légitime 
Innocent  II.  Rainald  le  Tofcan ,  c'étoit  le  nom  de  l'Abbé,  fit 
ferment  de  fidélité  à  Lothaire  &  au  Pape  Innocent  ;  mais  il  faufila 
bientôt  fcn  ferment.  Il  y  avoit  conteftation  fur  la  canonicité  de  fon 
élection  ,  &  l'Empereur  penfoit  à  lui  fubfiituer  "Wibald  ,  qui  pré- 
voyant ce  qui  devoir  arriver ,  étoit  allé  à  Naples  fous  prétexte 
d'affaires;  mais  en  effet  pour  fefoullraire  au  fardeau  qu'on  vouloit 
lui  impofer. 

VI.  De  retour  de  Naples^  où  l'Empereur  l'avcit  envoyé       ii  eft  éia 
chercher,  ce  Prince  le  prcfTa  d'accepter  l'Abbaye  de  Mont-  A  b'deMont- 
Caffin -,  il  en  fut  prié  par   l'Impératrice  Richife ,  par  les  Ar-  ^'"'"' 
chevêques,  les  Evêques  ,  les  Abbés,  les  grands  Seigneurs  qui     ''^' ' 

fc  trouvoient  à  la  Cour  de  Lothaire.  Il  le  refafa,  L'Empereur       Chronkon. 
le  fit  prendre  de  force  ôc  le  livra  aux  Moines  de  Caifin,  qui  C^ln^nf.  lib. 
l'ayant  conduit  au  Chapitre,  le  proclamèrent  leur  Abbé,  d'une  ''•'"/'•  "*• 
voix  unanime  ;ôc  l'inflallerent  en  la  manière  ordinaire.  Lothaire 
qui  avoit  coni^u  de  l'edime  pour  Pierre  Diacre,  Moine  de  Mont-  P'^-  '^'^' 
Cafiln  ,  qu'il  avoit  vu  dans  l'afiemblée  de  Melphe  prendre  avec 
ardeur  les  intérêts  de  fon  Monafiere,  longeoit  à  l'emmener  en  pj^_  ,^, 
Allemagne  &  à  lui  donner  l'Abbaye  de  Stavelo  à  la  place  de'Wi- 
bald.  Mais  il  changea  de  defil'ein  fur  les  remontrances  de  "Wibald. 

VIL  Cet  Abbé  penfoit  lui-même  à  retourner  dans  fa  prc-      il  retourna 
miere  Abbaye,  voyant  que  fa  préfence  à  Mont-Callin  ne  l'ai-  ■^  Smeio.ea 
foit  qu'irriter  de  plus  en  plus  le  Pvoi  Roger  contre  cette  Maifon.  p'^^" 
De  concert  avec  Landulpb.c  ,  un  de  les  confidens,  ii  fortit  du  &''i'.,^/j. 
Monaftere  la  nuit  du  fécond  de  Novembre  de  l'an  1137,  &  s'en 
retourna  à  Stavelo.  Avant  d'y  arriver  ,  il  écrivit  aux  Moines  de 
Mont-CafiTm  pour  leur  déclarer  qu'ils  eufi'ent  à  fe  choinr  un  autre 
Abbé.  Leur  choix  tomba  fur  Raynald  CoUemezzo ,  Ccmpeti-  ^fifi.  4. 
teur  de  Raynald  le  Tofcan.  "Wibald  ayant  appris  fon  éleûion  , 
l'en  congratula  ;  &  par  une  féconde  Lettre  aux  Moines  de  Mont- 


S20  \V  I  B  A  L  D, 

Epijl.  y.  CafTin,  il  les  déchargea  derobéiflance  qu'ils  luî  avoîent  promlfe; 
ôc  leur  fit  fçavoir  qu'il  rcnvoyoit  le  fceau  &  l'anneau  à  l'Abbé 
Raynald.  C'dtoient  les  marques  de  la  dignité  d'Abbé,  avec  la 
crofle  &  le  Livre  de  la  Règle. 
Y  travaille  à       VIII.  Depuis  fon  retour  à  Stavelo  ,  "Wibald  continua  à  faire 
faire    rentrer  rentrer  les  biens  de  l'Abbaye ,  ufurpés  ou  aliénés.  Il  ne  put  y 
nL  en^iMo"  ^cullir  fans  faire  divers  voyages  à  la  Cour  du  Roi  Conrad,  à  Co- 
1144.  logne  ,  à  Liège  ,  même  à  Rome.  Etant  en  cette  Ville  en  1 145  , 

Pj^.  168 ,  lors  de  la  mort  d'Innocent  II.  il  obtint  de  Celeftin  II.  fon  fuccef- 
i^>"»  feur,  une  Lettre  pour  Adalberon ,  Evêque  de  Liège,  que  ce 

Pape  exhortoit  de  prendre  la  défenfe  de  l'Abbaye  de  Stavelo  , 
&  d'employer  s'il  étoit  befoin,  les  Cenfures  contre  les  détenteurs 
des  biens  de  ce  Monaftere. 
IlefléluAb-       IX.  A  peine  s'étoit-il  repofé  de  fes  voyages,  qu'il  fut  obligé 
bédeCotbie,  Jg  fg  trouver  fur  la  fin  d'Aoùt  1 144,  àCorbie  en  Saxe,  pour  juger 
^"^''"^  ■         avec  d'autres  Abbés  ,  des  plaintes  formées  contre  Henri ,  Abbé 
de  ce  Monaftere.  Il  fit  tant  auprès  du  Roi  Conrad ,  que  l'on  arrêta 
Pdg.  170,  la  procédure.  Mais  ayant  été  recommencée  l'année  fuivante , 
par  Thomas,  Prêtre  ôc  Cardinal  de  lEglife  Romaine,  il  pro- 
nonça à  Paderborne  au  mois  de  Mars  ii^6 ,  une  Sentence  de 
dépofition  contre  l'Abbé  Henri.  Les  Moines  de  Corbic  qui  en 
ces  deux  occafions  avoient  connu  le  mérite  de  Wibald, ôc  qui  n'i- 
gnoroient  pas  les  biens  qu'il  faifoit  dans  fon  Abbaye  de  Stavelo, 
l'élurent  pour  leur  Abbé  d'un  commun  confentemcnt  ôc  de  l'avis 
de  Bernard  ,  Evêque  de  Paderbornc.  Wibald  ne  voulut  point  y 
confcntir;les  Moines  de  Stavelo  s'y  oppoferent:  mais  le  Roi 
pfl?.  17'-  Conrad  appuyant  l'életlion  ,  manda  à  Wibald  de  fe  rendre  à 
Francfort  îe  iix  de  Décembre ,  pour  y  recevoir  de  fa  main  les 
Regales ,  comme  Abbé  de  Corbie.  Il  fut  reçu  en  cette  Abbaye 
le  18  du  même  mois  aux  acclamations  de  toute  la  Commu- 
nauté ;  ôc  ceux-mêmes  qui  avoient  foutenu  le  parti  d'Henri,  s'en 
rapportèrent  à  la  clémence  de  Wibald. 
Croîfade  des       X.  Cependant  le  Roi  Conrad  s'étant  croifé  à  Ratifhonne, 
Saxonscontre  pour  aller  au  fecoursdes  Chrétiens  d'Orient,  ordonna  avant  fou 
"  g^^^^"'*^"  départ  une  autreCroifade  contre  les  PayensduNord, nommément 
contre  les  Sclaves,qui  ravageoient  les  terres  des  Chrétiens, furtout 
des  Danois ,  dont  plufieurs  avoient  été  tués  par  ces  Infidèles. 
Les  Chefs  de  cette  Croifade  furent,  l'Archevêque  de  Magdc- 
bourg;  les  Evêqucsd'Halberflat ,  de  Munfler ,  de  Mer(bourg  ôc 
quelques  autres  ,  avec  le  nouvel  Abbé  de  Corbie,  Wibald  ;  il  y 
avoit  auin  plufieurs  Seigneurs  Laïcs.  L'armée  qui  étoit  de  plus 

de 


J 


ABBÉ    DE    STAVELO,&c.       jjt 

Jde  foi.xante  mille  hommes  ,  après  avoir  attaqué  les  Sclaves,  fait 
le  dégât  dans  leurs  terres  y  brûlé  quelques-unes  de  leurs  Villes, 
leur  oifrit  la  paix  fous  la  condition  de  ie  faire  baptifer  ,  &:  de  relâ- 
cher les  Danois  qu'ils  tenoient  en  efclavage.  Ils  acceptèrent  les 
conditions  ;  mais  ceux  qui  reçurent  le  Baptême  n'en  obferverent 
.pas  les  promefles  ;  ôc  tous  continuèrent  à  maltraiter  les  Chré- 
tiens. Ainii  l'on  ne  retira  pas  de  cette  expédition  le  fruit  que  l'on 
•s'en  étoit  promis. 

X I.  Avant  de  fe  mettre  en  chemin ,  Wibald  avoit  envoyé  le  ^'b^ld  em- 
Prieur  de  Corbie  &c  le  l'revot  de  Creihurch  au  Pape  Eugène,  f.rixcrés  aux 
alors  en  France,  dans  l'Abbaye  de  faint  Denis,  pour  recevoir  f"is_  de  U 
de  lui  la  confirmation  de  fon  éleclion.  Elle  fut  accordée,  "Wibald  '"'^°*  ^  ^' 

■fe  trouva  dans  un  autre  embarras  avant  fon  départ.  L'Abbaye  de      ^*'"  '^^  » 
•Corbie  devoir  fournir  ion  contingent  pour  les  trais  de  la  Croiirdc.     '    ' 
Tout  largent  de  la  Maifon  ayant  été  dépenfé  quelques  années 
auparavant  par  l'Abbé  Henri,  il  fallut  avoir  recours  au   trefor 
-de  l'Egiife  ,  .&  engager  même  les  calices  au  Duc  de  Saxe.  Il  fut 
drefié  un  Ade  des  emprunts  &  dépenfes  faites  en  cette  occafion. 
La  date  eft  de  l'an  1 148  ,  ^24  ans  depuis  la  fondation  de  la  nou-  °'^5-  '^r. 
velle  Corbie.  Les  Partifans  de  lAbbé  Henri  exagérèrent  les  dé- 
penfes de  \Y'iba!d  ,  répandirent  le  bruit  qu'il  avoit  dépouillé  les     '^^-  ''''• 
Autels  &  donné  au  Roi  Conrad  les  Vafes  facrés  &  les  autres 
lichefles  de  l'Egiife  de  Corbie  ;  &  le  diffamèrent  de  façon  auprès 
du  Pape  Eugène,  qu'il  envoya  un  Légat  fur  les  lieux  pour  in- 
former du  vrai  des  accufations.  Elles  furent  trouvées  fauffei ,  ôc  ^P'-I^-  4^- 
l'on  reconnut  l'innocence  de  "Wibald. 

XII.  Environ  un  mois  après  l'expédition  contre  les  Sclaves ,  ^'' retourne* 
il  alla  à  Stavelo  ,  pour  délivrer  ce  Monafterede  l'opprefliion  de  " 
<jodefroi ,  Comte  de  Namur ,  &  de  quelques  autres  Seigneurs  ^^S.-  '78. 
Lorrains.  Le  Pvoi  Conrad  à  fon  retour  de  la  Paleftine  ,  l'invita 

à  une  aflemblée  qu'il  devoit  tenir  à  Francfort ,  le  i  j  d'Août  de 
l'an  II4P,  pour  des  aff"aires  d'Etat  de  la  dernière  importance. 
Il  fuivit  ce  Prince  à  Bamberg  ,  à  Spire  ôc  en  plufieurs  au- 
tres "Villes;  puis  il  fut  envoyé  en  députation au  Pape  Eugène 
&  aux  Romains,  pour  ménager  avec  eux  une  expédition  fecrett/- 
contre  la  Sicile ,  en  faveur  de  l'Egiife  :  mais  la  mort  du  Roi 
Conrad  ht  renvoyer  l'exécution  de  ce  projet  à  un  autre  tems. 

XIII.  Il  eut  pourfucceiTeur  ,  Frideric,  qui  connoifllmt  la      Sa  mort ea 
fegeffe  ôc  la  prudence  de  l'Abbé  "Wibald,  partagea  avec  lui  le  "5^* 
gouvernement  de  l'Empire.  Ce  fut  fur  lui  qu'il  fe  repola  pour 

traiter  de  fon  mariage  avec  la  tille  de  l'Empereur  iManuel ,  ea 
Tome  J{ XII,  Vuu 


^22  'W  I  B  A  L  D, 

1155.  "Wibald  fit  deux  fois  le  voyage  de  Conflantinople ,  eff 
qualité  de  Député  du  Roi  Frideric  vers  l'Empereur  des  Grecs. 
Il  mourut  au  retour  de  fa  féconde  dcputation,  le  ip  de  Juillet 
de  l'an  1 1  j8  ;  digne  par  la  douceur  &  la  pureté  de  fes  mœurs,, 
des  premiers  fiécles  de  l'Eglife  ;  &  l'un  des  plus  grands  hommes 
defcn  tems  ,  par  la  bonté  de  fon  génie  ,  par  fa  prudence  &  fes 
autres  excellentes  qualités.  Ses  olTemens  furent  rapportés  de 
Butellie ,  Ville  de  Paphlagonie ,.  à  Stavelo  ,  par  les  foins  d'Erle- 
bold  fon  frère  ôc  fon  fucceileur ,  ôc  inhumés  honorablement  au. 
milieu  du  Chœur,  en  préfence  de  Henri ,  Evêque  de  Liège, 
qui  ht  les  obfeques. 
Lettres  de      XIV.  On  conferve  dans  l'Abbaye  de  Stavelo  un  Recueil  des 

TAbbé    Wi-  Lettres  de  Wibald ,  dont  la  plupart  font  intéreiïantes  pour  l'Hif- 
toire  de  l'Empereur  Conrad  ,  de  Henri  fon  his  &  de  Frideric 
Pag.  181 ,  fon  fuccefleur.  Il  s'y  en  trouve  d'autres  qui  peuvent  répandre 
*°  beaucoup  de  jour  fur  l'Hiftoire  des  Eglifes  de  Cologne,  de 

Mayence,  de  Brème,  de  Minden  &  de  plufieurs autres  d'Alle- 
magne ;&  ce  qui  n'eft  pas  moins  interehant ,  on  peut  en  tirer 
plulieurs  traits  pour  la  difcipline  Ecclehadique  &  Monaflique 
du  douzième  fiécle.  Il  paroît  que  ce  Recueil  étoit  en  deux  to- 
mes. Le  premier  n'exifte  plus  ;  &  il  manque  plufieurs  feuillets 
au  fécond  ,  qui  ne  comprend  que  les  Lettres  écrites  depuis  qu'il 
fut  élu  Abbé  de  Corbie.  Dom  Martenne  les  a  fait  imprimer  au 
commencement  du  deuxième  tome  de  fa  grande  Colledion,avec 
quelques  autres  Lettres  de  Wibald  qui  lui  font  venues  des  Ab- 
bayes de  Corbie  ,  de  Vafi!br ,  ou  qu'il  a  tirées  de  la  Chronique  de 
Mont-Caffin,&  des  Papiers  de  Dom?vîabillon.Ily  a  jointtous  les 
Diplômes,  Bulles  &  autres Documens  qui  concernent  la  fonda- 
tion de  i.tavclo ,  fes  droits ,  fes  pofil'efllons ,  fes  privilèges.  On  y 
voit  que  le  Monafiere  de  Mahnedi  litué  dans  le  Diocèfe  de 
Cologne,  devoit  être  fou  mis  à  celui  de  Stavelo ,  comme  une 
Celle,  ou  Prieuré  en  dépendant  ;  que  l'Abbé  de  Stavelo  devoit 

Tag.ço,  pi,  être  choifi  entre  les  Membres  de  cette  Communauté;  maisqu'au 

cas  qu'il  ne  s'en  trouvât  point  qui  en  fût  digne,onen  choifiroitun 

de  Malmedi,  s'il  y  en  avoit de  capable,  (inonque  l'on  en  pren- 

Pfl^.  100,  droit  d'ailleurs.  Qu'au  furplus, les  Moines  des  deux  Monafleres 

s'afiembleroient  en  commun  dans  le  Chapitre  deStavelo ,  pour  y 

'  procéder  librement  à  réiedion  de  l'Abbé. 

Epif?.'i ,  i ,       y^y-  QuoiqueWibald  ncîit  accepté  qu'à  regret  &  comme  par 

jag.  185,10;?:.  -violence  la  dignité  Abbatiale  de  Mont-Cafiln,  il  ne  laifi'a  pas  d'en 

Mmènnf''^'  prcndrc  à  cœuc  les  intérêts  j  ôc  voyant  que  ce  Monaftere  avoit 


ABBÉ     DE    STAVELO,  ôcc.       p5 

tout  à  craindre  des  Schifmatiques  &  des  ennemis  de  l'Empire  , 
il  pria  l'Empereur  Lothaire  de  le  prendre  fous  fa  protedion.  Il 
rappelle  à  ce  Prince  les  maux  que  l'Abbaye  avoit  foufterts  de  la 
part  des  Lombards,  des  Normans  &  des  Sarrafins  ,  pour  serre 
toujours  attaciiée  à  l'Empire  Romain  &  au  Saint  Siège  ;  &  parce 
que  le  détail  de  ceux  qu'elle  foulTioit  alors  l'auroit  mené  trop 
loin  ,  il  dit  à  Lothaire  qu'il  les  apprendra  de  Pierre ,  Diacre  de 
Mont-Cailin  ,  dans  le  voyage  qu'il  devoit  faire  en  Allemagne, 
en  Saxe,  en  Lorraine.  Il  ajoute  ,  que  l'hiRoire  de  lEmpire 
Romain,  dont  Lothaire  avoit  chargé  ce  Diacre^  n'étoit  point 
achevée  ,  parce  que  preflé  par  diverfes  tribulations,  il  avoit  été 
moins  en  liberté  d'écrire  que  de  pleurer.  Pierre  écrivit  lui-même 
cette  Lettre  au  nom  de  fon  Abbé.  La  fui  vante,  adrelTéeau  même 
Prince  ôc  à  Richife  fon  époufe  ,  fait  le  détail  des  domniases 
■caufés  à  l'Abbaye  de  Mont-Calfin  par  les  Lombards  ,  les  Sarra- 
fms  ôcles  Normans.  Elles  font  l'une  &  l'autre  de  l'an  1 1  ^7.  Il 
paroît  par  la  féconde  ,  que  l'on  ne  doutoitpas  en  cette  Abbaye 
que  le  Corps  de  faint  Benoît  n'y  fût  encore. 

XVI.  '^vV'"ibald  qui    s'en  étoit  fauve  de   nuit,  écrivit  aux  gnù?,  j  ^^^.y. 
Moines  de  Callin  de  fe  choifu'  un  autre  Abbé  ,  ôc  renvoya  les 
marques  de  fa  dignité  à  Rainald  Colomezzo  ,  qui  fut  fonfuccef- 

feur.  Thierri ,  Abbé  de  VafTor",  fçachant  le  retour  de  Wibald 
à  Stavelo  ,  lui  envoya  le  Recueil  qu'un  de  fes  Religieux  , 
nommé  Robert  ,  avoit  fait  des  miracles  de  faint  Fovann , 
Ecoffois  de  Nation ,  Evéque  &  premier  Abbé  de  Vaflfor  ;  le 
priant  de  le  lire  &  de  corriger  ce  qui  s'y  trouveroit  de  défectueux. 
;'Wibald  loua  le  zèle  de  Robert  ,  pria  que  l'on  continuât  à  re-  E^f?.  g, 
cueillir  les  miracles  du  Saint ,  ôc  promit  qu'à  fon  loifir  il  feroit  ce 
qu'on  fouhaitoit  de  lui. 

XVII.  Ayant  été  choifi  Abbé  de  Corbie  en  1 141?  ,  le  Roi  E'M.y. 
Conrad  ,  qui  avoit  fouhaité  cette  élection  ,lui  écrivit  de  fe  rendre 

à  Francfort  le  6  de  Décembre  ,  Fête  de  faint  Nicolas  ,  pour  y 
recevoir  de  fa  main  l'inveftiture.  Mais  il  pria  ce  Prince  de  trou-  p,,;^^  g^ 
ver  bon  qu'il  examinât  auparavant  la  canonicité  de  fon  élection  , 
parce  que  jufques-là  il  n'étoit  venu  perfonne  de  Corbie  lui  en 
faire  connoître  les  circonftances.  Le  Roi  Conrad  la  notifia  lui- 
même  par  Lettre  aux  Doyen  ôc  Religieux  de  l'Abbaye  de 
Stavelo  j  en  leur  marquant,  que  Wibald  continueroit  d'être  leur 
Abbé  ;  ôc  que  s'il  les  privoit  pour  un  tems  de  fa  préfence  ,  c'efl 
que  le  bien  de  fon  Royaume  le  vouloit  ainfi.  Les  Moines  de  Epijl.  p  ,  10, 
Corbie  remercièrent  ceux  de  Stavelo ,  du  confentement  qu'ils 

y  u  u  ij 


'y24-  WIHALD, 

EpiJ!.  11.  avoient  donné  à  l'éledion  de  Wibald.  La  réponfe  de  ceux-cr 
contient  un  fort  bel  éloge  de  Wibald.  Ils  demandent  à  leurs- 
Confreres  de  Corbie  de  le  traiter  avec  beaucoup  d'honneur ,  ÔC 
de  foutenir  avec  leurs  épaules  les  bras  de  ce  Moyfe ,  pendant 
qu'il  priera  pour  la  défaite  d'Amalec  ,  c'eft-à-dire ,  des  ennemis 

Epi/?.  11.  tant  deTEglifede  Corbie,  quedeStave'.o.  "\5^ibald  reçut  fur  foiv 
élection  une  Lettre  de  congratulation  de  la  part  de  Rernard  ,■ 
Abbé  de  Reinehaufen  ,  dont  nous  avons  un  Opufcule  fur  la- 
fondation  &  les  commencemens  de  fon.  Eglife,  au  deuxième- 
tome  des  Ecrivains  de  Brunfvic. 
Epijl.  13&14.  XVIIL  Avant  daccepter,  W^ibald  écrivit  à  la  Communauté 
de  Corbie  ,  de  rendre  compte  de  1  eledion  au  Pape  Eugène  IIL 
L'Empereur  Conrad  l'avoit  déjà  fait ,  ôc  demandé  au  Saint  Siège 
que  Ton  unît  à  l'Abbayede  Corbie  les  biens  de  deux  Monafieres 

Epi/?,  iç.  de  Filles  yfitués  dans  le  voifinage.  Le  Prieur  de  Corbie  écrivit 
aufTi  au  Pape,  pour  lui  donner  avis,  que  l'élettionde  Wibald 
s'étoit  faite  canoniquement ,  &  du  befoin  qu'il  y  avoit  d'unir  à 
Corbie  les  pofTeflions  de  ces  deux  Monafieres  de  Filles,  Kami- 

EpiJl.K.  natôc  Vi/tika,  attendu  que  l'on  n'avoit  pu  jufques-là  y  remettre 
le  bon  ordre  ,  quelques  foins  que  fe  fuiïent  donnés  les  Abbés 
de  Corbie.  La  Lettre  au  Cardinal  Guy  eft  fur  le  même  fujet. 

EpiJl.  18.  Il  y  en  a  une  féconde  de  l'Empereur  Conrad  à  Henri ,  Duc  de 
Saxe  ,  à  qui  il  recommande  l'Abbé  Wibald.  Par  une.troifiéme  , 

EpiJ}.  10.  il  fait  part  au  Pape  Eugène  III.  de  l'életlion  de  Henri  fon  fils 
pour  Roi,  des  Romains,  &  du  deffein  où' il  étoit  lui-même, 

Bpift.  ji.  de  partir  inceffamment  pour  la  Croifade.  Mais  auparavant,  il  fe 
recommanda  aux  prières  de  Wibald,  ôcle  chargea  de  l'éducation 
de  fon  fils  Henri. 
E;)i/?.iï,»^.  XIX.  Le  Pape  ne  confirma  pas  l'union  des  deux  Monafieres 
à  celui  de  Corbie  ;  mais  aulTi  il  ne  changea  rien  à  la  difpofition 
que  l'Empereur  Conrad  en  avoit  faite.  Wibald  affuré  par  le 
Cardinal  Guy,  Chancelier  de  l'Eglife  Romaine,  qu'il  pou  voit 
fans  manquer  à  fon  devoir  quitter  Stavelo  pour  aller  à" Corbie  , 

Ep'tjî.  j5.  s'y  rendit.  Ce  fut  de-là  fans  doute  qu'il  écrivit  au  Cardinal  Guy 
en  faveur  de  l'Abbé  de  Fulde ,  moiefté  par  quelques  Moines, 
qui, oubliant  leurs  vœux  et  leur  Règle,  n'avoient  d'autrcguide 
que  l'ambition  dans  les  Procès  qu'ils  lui  fufcitoient.  Illuirecomi- 
manda  aufli  l'Abbé  Reinard ,  qu'il  avoit  eu  pour  Maître  à  Stavelo, 


(fi)  Pag.  70 j. 


ABBE    DE    S  T  A  V  E  L  O ,  &c.       f2f 

Il  s'întérefla  aaprès  de  Menri,  Evêque  de  Liège  ,  pour  faire  g^;*^ ^o; 
reftituer  à  cette  Abbaye  les  biens  qu'on  lui  avoit  cnlevc's ,  quoi- 
qu'ils lui  euiïentcté  conlirmcs  par  les  Papes  Honorins  &  Jnno-' 
cent  IL  &  qu'Eugcne  IIL  en  lui  mettant  la  Croix  pour  l'expé- 
dition contre  les  Sclaves  ,•  l'eut  mis,  &.  les  biens  de  fa  dépen-' 
dance  fous  la  protediondu  Saint  Siège.  Cet  Evoque  lui  demanda  Rpifi.  41. 
à  fon  tour  de  venir  à  Liège  ,  l'aider  à  remédier  aux  défordres  qui 
regnoient  dans  fon  Diocèfe.  Il  fe  tint  à  cet  ettet  un  Synode, 
maisilétoit  fini  quand  ^5l7'ibald  reçut  la  Lettre  d'invitation.  Sça- 
chant  qu'Eugène  III.  fedifpofoit  à  venir  en  Lorraine  ^  il  le  WàVà- Epijl.  4»» 
d'arranger  toutes  les  affaires  dont  il  devoir  lui  rendre  compte; 
ôc  fit  mettre  en  liberté  des  perfonnes  envoyées  pour  le  confulter  £..,7;.  ^^^ 
fur  certaines  affaires  Eccleiiaftiques  ,  &  qu'on  avoit  arrêtées  en 
chemin. 

X  X.  Depuis  que  "Wibald  fut  élu  Abbé  de  Corbic,  il  fe  forma  Epijl.  4y; 
entre  les  Moines  de  cette  Abbaye  &  ceux  deStavelo  uneuniorf 
de  fraternité  ,  &  Wibald  prenoit  foin  de  ces  deux  Monaftcres. 
En  1 14^8  il  fit  fournir  par  celui  deStavelo  ,  au  Pape  Eugène ,  un  EpiJl.  ^y. 
contingent   plus  fort  qu'il  n'avoit  été  ordonné  dans  le  Diocèfe 
de  Liège.  Il  écrivit  la  môme  annéeà  Guy  &  à  Jean  ,  Cardinaux'     Enijl.  4?  , 
de  l'Eglife  Romaine,  pour  demander  leur  protection  contre  le3  '-'î'* 
ennemis  de  cette  Abbaye;  ils  la  lui  promirent  l'un  &  l'autre. 
EugenellI.  après  avoir  confirmé  l'életiion  de  Wibaid  ,  écrivît  £j;;'J.  ji.fj- 
aux  Moines  de  Corbie  de  lui  rendre  l'obéiflance  &  les  refpecls 
dûs  à  fa  dignité  ,  &  à  Henri  ,  Evoque  de  Liège,  de  réprimer  les 
raviffeurs  des  biens  de  l'Abbaye  de  Stavelo.  Mais  il  refufoit  tou-      Epifl.  ^6  , 
jours  de  confirmerl'union  des  deux  Monafteres  de  Filles  à  l'Ab-  ^^  ^■'^'^' 
baye  de  Corbie.  Henri ,  Roi  des  Romains  >  l'en  priajôc  il  fut 
fécondé  en  cela  par  l'Evêque.  d'Hildesheim  ;  par  Henri ,  Duc 
de  Saxe  ;  par  Herimann  ,  Comte  de  "W^inccnbourg  ;  ôc  par 
d'autres  perfonnes  confiderables.  L'union  faite  parle  Roi  Conrad  P-^i-  f^-- 
en  1 14.7  eut  lieu  ;  l'Evêque  de  Minden  y  confentit,  &  il  en  fat  £,;,•?.  i;,f, 
remercié  par  ce  Prince.  Le  Pape  môme  lui  écrivit,  ôcà  fEvÔque  Epi;!.  6J,  - 
de  Bremen  &  de  Ferden  de  faire  rentrer  les  biens  de  ces  Monaf- 
teres aliénés  par  les  Abbefl'es. 

XXI.  Celui  de  Fulde  ayant  perdu  fon  Abbé ,  IcPaoe  Eusrene  Epifl.  es,- 
informé  qu  il  avoit  laifie  en  mourant  cette  Abbaye  dans  un  grand 
dérangement  ,  tant  pour  le  fpirituel  que  pour  le  temporel ,  or- 
donna qu'on  lui  choitiroit  un  fucceiïeur  dans  un  autreMonailerc   • 
Le  Pape  ne  fut  point  obéi.  Les  ?vîoines  de  Fulde  choifirent  uri 
d'entr  eu.\  ,  fi  diiibrme  dans  fes  membres,  qu'on  nepouvoic^ 

V  uu  iij. 


S26  AV  I  B  A   L   D , 

Epilî.  (-9 .,  l'ordonner  Prêtre.  L'élection  fut  déclarée  nulle  ,   &  le  Pape 

7o,7i,8i,  Eugène  ordonna  à  plulieurs  Abbés  ,  entrautres  ,  à  celui  de 
Corbie  ,  de  fe  rendre  à  Fuide  pour  aliifter  à  une  nouvelle. 
Wibald  y  fut  invité  par  la  Communauté  de  Fulde ,  à  qui  il 
répondit  ,  que  s'il  ne  pouvoir  y  aller  ,  il  les  aideroit  de  fes 
^'M-  75.  confeils.  En  mcme-tems  il  écrivit  à  Henri,  Roi  dei  R.om  .ins  , 
d'em pêcher  que  la  dellitution  de  i'éiu  caufat  aucun  trouble  à 
Fulde,&  de  ne  contrevenir  en  rien  aux  Décrets  du  Pape  Eugène, 
ôc  de  TEglife  Romaine.  Parlant  du  ConcMe  qui  venoit  defe  tenir 
à  Reims ,  le  vingt-deux  Mars  1 148  ,  parle  Pape  Eugène  ,  il  dit 
au  Roi  :  Je  ne  doute  point  que  l'on  ne  vous  ait  rendu  témoignage 
du  zèle  avec  lequel  nous  y  avons  défendu  vos  intérêts  ôc  ceux  du 
Royaume  que  Dieu  vous  a  donné.  Il  parle  dans  la  même  Lettre 
du  prochain  retour  de  l'Empereur  Conrad,  de  fon  voyage  de  la 
Terre  fainte.  La  Chronique  d'AiHighen  ,  dit  que  ce  Prince 
■revint  dans  fes  Etats  en  114-9.  Il  mourut  le  \$  Février  w^i. 
Epi/?.  75  &       XXII.   Wibald  avoir  cultivé  les  Belles-Lettres  ,  fait  fon 

t-jc,  147.  étude  des  écrits  des  Pères ,  &  il  foiihaite  que  ceux  qui  en  avoient 
les  talens ,  s'y  appliquaffent  ;  mais  il  demandoit  dans  les  Sçavans , 
furtout  ceux  que  leur  fçavoir  avoir  élevés  aux  grandes  dignités  , 
qu'ils  les  hcnoraffent  par  beaucoup  de  modeilie  ;  &  que  ceux  qui 
écoient  chargés  d'enfeigner  publiquement,  fufient  aflidus  ;  ne 
doutant  pas  que  la  préfence  d'un  Maître  ne  rendit  les  Auditeurs 
'Ept^.  i(.  plus  exads  &  plus  attachés  à  leurs  devoirs.  Les  Aîoines  de 
Corbie  ie  prièrent  d'ordonner,  qu'à  l'avenir  ,  à  caufe  de  la  So- 
ciété entre  l'Abbaye  de  Stavelo  &  de  Corbie  ,  l'on  nommeroit 
dans  une  Oraifon  particulière  les  noms  des  Patrons  de  ces  deux 

■  .£;•[/?.  85.  Egiifes ,  &  que  l'on  en  feioit  lafcte  dans  chacune.  Au  mois  de 
Septembre  de  l'an  1  «48  ,  Henri  ,  Roi  des  Fs.omains  ,  invita 
Wibaid  à  fe  trouver  à  Francfort  pour  la  fête  de  la  Nativité  de  la 
fainte  Vierge,  afin  de  l'aider  de  fes  confeils  ôc  de  fon  fccours  dans 
ce  qu'il  fe  propofoit  défaire  pour  l'arrangement  6c  la  paix  de  foa 

£;•''?.  90, 9\,  Royaume.  Ce  Prince  fouhaitoit  que  fes  affaires ,  tant  particulières 
que  publiques,  fulfent  maniées  par  cet  Abbé.  Quelque  tems  après 
le  Chapitre  de  Notre-Dame  ôc  de  laint  Lambert  de  Liège  ,  le 
prièrent  avec  inftances  de  venir  leur  donner  confeil  dans  une 
affaire  très-épineufe.  Il  en  avoir  lui-même  alors  de  fort  embarraf- 
fantes  à  terminer  à  Stavelo  ,  qui  ne  lui  permirent  point  le 
voyage  de  Liège  ;  mais  il  lit  part  aux  Chanoines  de  Notre-Dame 
ôc  de  i'aint  Lambert  des  moyens  qu'il  croyoit  convenables  ,  pour 

*  ■«  ^,  r«.  terminer  les  diilicultés  au'oaleurfufcitoit.  Sur  les  remontrances 


ABBÉ    DE    STAVELO,&c.        727 

qu'il  fit  de  la  part  du  Chapitre  de  la  Cathédrale  de  Paderborneà 
t'olquin  ,qui  en  ctoitEvéque  ,  que  fes  Chanoines  vivoient  dans 
l'indigence  ;  cet  Evêque  s'offrit  de  fournir  à  leurs  beCoins  6c  à 
ceux  de  leurs  pauvres,  aux  dépens  de  fcs  propres  revenus.  \^^i- 
bald  de  fou  coré  leur  témoigna  qu'il  étoit  prct  de  paruger  avec 
eux  la  fubllance  de  fon  Monaftere  ,  quoiqu'elle  tut  peu  con- 
lidérable. 

XXI  IL  Le  Pape  Eugène  III.  avoit  invité  au  Concile  de  £-,iq^  ^^. 
Reims  Henri,  Archevêque  deMayence;  mais  il  ne  put  y  affilier, 
parce  qu'il  étoit  d'ufage  qu'en  rabfence  du  Roi  des  Romains, 
l'Archevêque   de    Mayence    fut    le   Gardien    &  Régent    du 
Royaume;  que  d'ailleurs  il  n'y  auroit  point  eu  de  fureté  pour 
lui ,  d'aller  à  un  Concile  qui  fc  tenoit  en  un  Royaume  Etranger. 
"Wibald  chafia  de Corbie  trois  Moines  incorrigibles ,  &c  défendit-  £  /1,  ,o^ 
à  ceux  de  Stavelo  de  les  recevoir.  Le  tems  dcfliné  à  l'éledion 
d'un  nouvel  Abbé  de  Fulde  étant  arrivé  ,  la  Communauté  invita 
Wibaldày  aflifîer;  elle  écrivit  même  à  celle  deCorbie  deprcifer      e?;'?.  107, 
cet  Abbé  de  s'y  rendre  fans  délai.  Wibald  y  alla,  mais  il  ne  put  '^■'S- 
engager  les  Moines  de  Fulde  à  fe  choifir  un  Abbé  dune  autre 
Communauté  que  la  leur  ,  quoique  le  Pape  l'eût  ordonné  ainfi  ; 
il  écrivit  far  cela  deux  Lettres  à  Eugène  III.  Tune  pour  lui  faire    £„;q^  ni^- 
connoîrre  les  foins  qu'il  s'étoit  donnés  pour  empêcher  qu'il  ne  "4. 
fe  fît  rien  à  Fulde  contre  fes  ordres  ;  l'autre  pour  l'informer  des 
obflacles  qu'il  avoit  rencontrés  à  cette  életlion  ;  que  plufieurs 
avoient  demandé  pour  Abbé  celui  de  Flerevelden  ,  autrefois 
membre  de  la  Communauté  de  Fulde  ;  que  lui  ayant  propofé  Epijl.  nj; 
d'accepter,  il  en  avoit  d'abord  fait  difficulté,  puis  confenti.  Il 
conferva  fon  Abbaye  avec  celle  de  Fulde  ,  comme  on  le  voit 
par  l'infcription  de  la  Lettre  que  Wibald  lui  écrivit  en  i  I4p  ,  £,,,x  ,^^.. 
où  il  le  prie  de  recevoir  avec  bonté  ceux-  de  la  Communauté  de 
Fulde  ,  à  qui  les  divifions  avoient  été  une  occafion  de  fortir  du 
Alonaftere. 

XXIV.  Au  mois  de  Février  114.9,  Thierri  ,  Comte  de  £•;,'?.  l'.u 
Huxaire-jfut  accule  par  Rheinere  de  la  Porte  d'avoir  enlevé  ôc 
fait  tuer  les  chevaux  de  l'Abbé  de  Corbie  ;  &  celui-ci  s'offrit  de 
prouver  fon  accufnion  par  un  duel.  Wibald,  que  cette  affaire 
regardoit ,  empccha.le  duel  ;'mais  il  ordonna  que  Thierri  feroit 
ferment  fur  les  reliques  de  faint  Vit ,  qu'il  n'avoit  aucune  part  à 
l'enlèvement  des  chevaux.  Il  fit  non-feulement  ce  ferment, 
mais  il  protefta  qu'il  n'auroit  aucune  liaifon  avec  l'Abbé  Henri 
dépofc  de  ia  dignité  pour  fa mauvaife  conduite,  ôc  donna  des 


p8  W  I  B  A  L  D, 

otages  de  fa  fidélité  envers  Wibald  foii  fuccefTeur. 

Epi/î.  14^,       XXV.  Un  jeune  homme  plein  d'ardeur  pour  l'e'tude  lui 
'-'•  écrivit  une  Lettre  en  forme  d  eioge ,  ûù  il  relevoit  &  fes  vertus 

&  fon  fçavoir.  Wibald  reçut  cette  Lettre  comme  une  marque 
d'amitié  ;  ôc  pour  en  témoigner  lui-même  une  bien  fincere  à 
Manegold.j  c'efi:  ainO  qu'il  lé  nommoit  ,  il  lui  donna  un  plan 
d'étude,  qui  fait  voir  combien  il  étoit  verfé  dans  la  leâure  des 
Ecrivains  Eccléfiaftiques  &  prop'tianes  ,  Poètes,  Phiiofophes, 
Hiftoriens  ,  Orateurs,  Grammairiens.  "W^ibald  fait  dans  cette 
Lettre  Téloge  de  faint  Bexnard. 

Ep.ijl.  IJ3-  XXVL  En  labfence  de  l'Abbé  de  Corbie  ,  un  des  jeunes 
Ecoliers  du  Monaftere  de  Kaminat ,  s  "échappa  avec  un  de  fes 
Condifciples ,  monta  furie  toit  de  lEglife  que  i"on  couvroit  à 
neuf,  tomba  fur  le  lambris  ,  &  de-ià  fur  le  pavé  auprès  de  fautel 
de  faint  Denys  ,  6c  fe  tua.  On  y  courut  ;  ou  examina  s'il  y  avoit 
du  fang  répandu  ;  on  n'en  trouva  point.  Les  Religieux  ne  bilTant 
pas  de  regarder  l'Eglife  comme  pollue  par  le  fang  de  cet  enfant, 
ne  vonlurent  pas  y  célébrer  l'Oihce  fans  avoir  confulté  là-deflfus 
leur  Abbé.  Mais  en  lui  écrivant ,  ils  le  firent  fouvenir  qu'il  y 
avoit  dans  la  Lourde  Kaminat  uneEglife  confacrée,  &que  s'il 
ie  trouvoit  bon  ,  on  y  célebreroit  fOiiice  Divin.  C'étoit  l'ufage 
autrefois  dans  les  Monafteres  ,  de  dreifer  un  Autel  dans  la  Tour 
de  lEglifej  &  de  le  dédier  à  faint  Michel  comme  Tutelaire  de 
ja  maifon.  L'avis  de  "Wibald  fut,  que  fi  la  Tour  de  l'Eglife  de 
Kaminat  avoit  été  dédiée  en  un  autre  jour  &.  féparément  de 
l'Eglife  ,  on  pouvoit  faire  l'Oflâce  dans  cette  Tour  ;  &  à  l'égard 
de  l'Eglife  ,  qu'il  falloit  envoyer  des  Députés  à  l'Evêque  de 

£pjî.  ijr.  Minden  ,  pour  le  prier  de  venir  la  réconcilier.  Il  lui  écrivit  lui- 
xnême  pour  ce  fujet.  Dans  cette  Lettre,  il  donne  à  celui  qui 

jEpiJl.  ij^.  avoit  été  tué  ,  le  nonî  de  iMoine;  6c  pour  adoucir  la  douleur  que 
fes  frères  refléntoient  de  cet  accident,  il  le  leur  fait  envifager 
comme  un  trait  de  la  malice  du  Démon  ,  qui  ne  pouvoit  foulfrir 
que  les  Moines  de  Corbie  ,  fubftitués  aux  Religieufes  dans  le 
Monafterede  Kaminat  ,  y  rétabliifent  la  difcipline  régulière. 

X  X  V  I L  L'Abbé  Wibald  bien  informé  des  mauvais  fenti-r 
mens  ,  6c  de  la  con .^jite  irréguliere  d'un  de  fes  Moines  de 
Corbie  ,  lui  interdit  la  célébration  des  faints  myileres  ,  avec 
fàéfenCe  de  fortir  du  Cloître ,  de  parler  ou  d'avoir  aucune  relation 
avec  des  Laïcs  ,  fous  peine ,  en  cas  dincorrigibihté  d'être  expulfé 
irrévocablement  du  Monallere.  Un  des  crimes  de  ce  Moine, 
,jiu  plutôt  unç  de  fes  CKiravagances,  étoit  de  dire  chaque  jour 

une 


Çpi^.  >r 


ABBE    DE    STAVEL  0,&c.       p^? 

une  MefTe  de  la  Sainte  Trinité,  pour  le  dcperifTement  de 
la  proCperité  temporelle  ôc  la  fanté  de  fon  Abbc  6c  de  ion 
Prevot. 

XXVIII.  L'Empereur  Conrad  ayant  fait  fçavoir  à  "Wibald    ^^pj^-^^*» 
fon  retour  du  voyage  delà  Terre  (liiiue  ,  cet  Abbé  l'en  félicita 

en  lui  témoignant  qu'il  l'avoit  toujours  eu  préfent  à  lefprit  pen- 
dant le  voyage  &  n'avoit  celle  de  prier  pour  lui  ;  qu'il  auroit 
même  été  au-devant  de  lui,  fans  les  vexations  continuelles  dont 
on  accabloit  lu  Lorraine,  ôc  furtout  cette  partie  qu'on  appelle 
Ardenne.  L'expédition  de  la  Croifade  n'avoit  pas  été  heureufe. 
Le  Pape  Eugène  III,  écrivit  fur  cela  une  Lettre  de  confolation  ^i^i/î-  1^4; 
à  Conrad ,  ôc  lui  envoya  un  Nonce  pour  fçavoir  de  lui-même 
l'état  de  fa  fanté.  Ce  Prince  avoit  reçu  des  plaintes  de  l'Abbé 
Wibald  contre  l'Evêque  de  Minden  ,  qui  s'oppofoit  à  l'unioa 
des  deux  Monafteres  Kamlnatôc  Visbichaà  l'Abbaye  de  Corbie, 
êc  qui  refufoit  de  réconcilier  l'Eglife  de  Kaminat ,  pollue  par  la 
chute  ôc  la  mort  du  jeune  Moine  dont  on  vient  de  parler.  Il  en      £/"/•  ^ï*; 
écrivit  à  cet  Evêque,  ôc  lui  ordonna  de  ne  plus  s'oppofer  à  l'u- 
nion de  ces  deux  Monafteres  ,  ôc  de  réconcilier  au  plutôt  l'Eglife 
de  Kaminat.  Il  y  a  encore  une  Lettre  de  l'Empereur  Conrad ,  ôc      ^-''i!^-  '7»» 
une  du  Cardinal  Guy  à  lEvcque  de  Minden  furie  même  fujet.  '''^* 
Le  Pape  Eugène  écrivit  depuis  à  cet  Evêque,  que  l'Eglife  de 
Kaminat  n'avoit  pas  befoin  de  réconciliation  pour  l'acciderit  qui 
y  étoit  arrivé. 

XXIX.  "W^ibald  fut  invité  par  l'Empereur  Conrad  à  une     F.pij^.  179, 
afTeniblée  qui  devoit  fe  tenir  à  Francfort  à  l'Alfomption  de  la  '^'^' 
fainte  Vierge  114-9,  où  l'on  devoit  concerter  quelques  expédi- 
tions intéredantes  pour  l'Empire.    Il  entreprenoit  fouvent  de      Epifl.171^, 
terminer  des  difficultés  qu'il  fçavoit  être  entre  des  Eglifes  au  (^jJJ  '  '" 
fujet  de  quelques  droits,  ou  entre  des  perfonnes  conflituées  en 

dignité  ;  Ôc  il  ufoit  volontiers  de  fon  crédit  auprès  des  Princes  du 
fiécle  ou  de  l'Eglife,  en  faveur  de  ceux  qui  s'adrefloient  à  lui.  Le 
5".  Dimanche  de  Carême  de  l'an  1 1  jo,  il  aililla  à  une  Conférence  Epijl.  iM» 
que  l'Empereur  Conrad  eut  à  Fulde  avec  les  Saxons  ,  touchant 
l'expédition  d'Italie,  dont  on  avoit  déjà  traité  à  Francfort  le  14- 
d'Aoùt  de  l'année  précédente.  Dans  la  Lettre  où  il  invite  de  la 
part  de  ce  Prince  ,  Arnold  ,  Prévôt  de  la  Cathédrale,  il  lui 
apprend  la  victoire  que  le  jeune  Roi  Henri  avoit  remporté  fur  les 
l'roupes  de  Guelfe,  homme  d'une  grande  nobleffe  ,  ôc  de  beau- 
coup de  pouvoir  dans  le  Royaume  de  Conrad.,  mais  révolté 
cditrece  Prince.  Il  en  donna  aulFi  avis  à  Hermann,  Evêque  de 
Terne  XXI L  Xxx 


tlt 


$30  W  I  B  A  L  D, 

^pif}.  1S6,  Conftance.  L'Empereur  l'écrivit  à  l'Impératrice  de  Conflanti- 
■■  '  ^'       nopie,  à  qui  il  demanda  la  nièce  de  fon  mari  en  mariage  pour  fon 
fils  iienri ,  qui  fit  lui-même  le  détail  de  fa  vicioire  à  l'Empereuc 
Manuel ,  &  à  l'Impératrice  fon  époufe. 
^^P'Jf-  i?r,       XXX.  Pendant  que  ces  chofes  fe  paiToient  ,Wibald  avoità 
loj  ',   ll^'  Airmonrerlesoppofitions  que  rAbbefi'edeKaminatformoitàru- 
^^S'  nion  que  l'Empereur  en  avoir  faite  à  celle  de  Corbie.  Il  en  écrivit 
non-feulement  à  Conrad  ,  mais  à  diverfes  perfonnes  qui  alloient 
à  la  Cour,  ou  qui  étoient  dans  le  miniftere  ,   niéme  au  Pape 
Eugène.  Enfin,  par  la  médiation  de  l'Empereur, il  vint  à  bout 

Epijl.  z!,(^  de  faire  lever  les  oppofitions ,  &  defe  réconcilier  avec  l'Evequci 

'''^^'       de]\Iinden,qui  étoit  l'Evêque  Diecèfain  de  Kaminat  ,&leplus 

oppofé  à  l'un.ion  de  ce  Monafiere  à  Corbie.  Les  Moines  que 

\v  ibald  y  avoit  envoyés  y  furent  maintenus,  &  protégés  dans  la 

fuite  par  l'Evcque  même. 

E;'ifl.nj^  XXXI.  Durant  le  féjour  que  l'Empereur  Conrad  fi.t  à 
"^"  Confîantinople  au  retour  de  la  Croifade,  ilfit  avec  l'Empereur 
Manuel  une  alliance  contre  Roger,  Roi  de  Sicile.  Le  bruit  fe 
répandit  que  ce  traité  étoit  également  contre  le  Pape  Eugène 
III.  &  on  le  crut  aifément  quand  on  vit  Guelfe  fe  joindre  au  Roi 
de  Sicile  pour  déclarer  la  guerre  à  fEmpereur.  Les  Romains 
informés  de  tous  ces  projets  de  guerre,  reprirent  leur  ancienne 
idée  de  rétablir  le  Sénat;  &  par  haine  contre  le  Pape,  ils  appel- 
lerent  à  Rome  les  Allemands,  ôc  mirent  la  Ville  en  confuiion.^ 
Parmi  les  Lettres  de '^v  ibald  il  s'en  trouve  trois  de  ces fadieux à- 
I  Empereur  Conrad,  à  qui  ils  offrent  leurs  biens  &:  leurs  per- 
fonnes pour  lui  aider  à  vaincre  le  Roi  de  Sicile  ,  &  à  rétablir 
Rome  dans  l'état  defplendeurdont  elle  jouifToit  fous  les  Empe- 
reurs Conflantin  &  Juflinicn.  Eugène  III.  dans  ces  extrêm'tés, 

Epijl.  214.  écrivit  à  l'Abbé  Xvibald  qu'il  connoifibit  trci^-attaclié  au  faint 
Siège ,  &  dont  il  fçavoit  le  crédit  auprès  de  l'Enipereur  Conrad  , 
de  détourner  ce  Prince  de  toute  expédition  nuinble  à  i'EgUfe 

r.pij}.  218.  j^omaine.  L"Abbéde  Corbie  afiu  raie  Pape  que  l'Empereur  Con- 
rad n'avoit  aucun  mauvais  deffein  contre  fa  perfonne,  ni  contre  la 
fainteEglife  Romaine  fa  mcre,  dont  il  fçavoit  que  Dieu  l'avoic 
conflituéie  Défenfcur.  Il  ajouta:  Pendant  que  je  vous  écrivois 
cette  lettre  à  Spire  où  ed  la  Cour  du  Roi ,  on  cil  venu  fuMtcment 
nous  annoncer  que  Ciuelfe  a  été  fait  prifonnier  ;  que  Godebold  6c 
grand  nombre  de  Soldats  de  l'Armée  de  Guelfe  ont  été  tués  dans 
le  combat  qu'ils  avoient  livré  au  jeune  Pvoi  des  Romains,  fila 
de. Conrad.  Par  la  vidoire  que  ce  jtune  Prince  vient  de  rem?- 


ÂBBÊ    DE    STAVEL0,6cc.       n» 

porter,  toutes  les  diflicultés  feront  vraifemblablementapplanics* 
ôc  notre  Seigneur  Roi  pourra  entrer  en  Italie  fans  aucun  obfla- 
ele.  La  Lettre  que  l'Empereur  écrivit  au  Pape  auffitôt  après  fon 
retour  de  la  Croifadc,  marquoit  aulli  bien  clairement  qu'il  n'a- 
voit  que  des  penfécs  de  paix  fur  l'Eglifc  Romaine ,  puifqu'il 
fbngeoit  à  envoyer  à  Eugène  IIL  des  Ambaffadeurs  qui  avifaf- 
fent  avec  lui  aux  moyens  de  mettre  le  Peuple  Chrétien  en  état 
de  fervir  Dieu  en  paix ,  &  dans  une  crainte  falutaire ,  6c  de  rendre 
à  l'Empire  fon  ancienne  dignité. 

XX  X  I  L  Nous  avons  une  féconde  Lettre  de  Conrad  au  Ep^.  i'.6. 
Pape  fur  le  môme  fujet.  "Wibald  fçachant  la  terreur  qu'avoir  jette 
dans  l'Eglife    de  Rome  le  firuit  de  ra!li:.nce  de  l'Empereur 
Conrad  avec  l'Empereur  de  Conftantinoplc,  contre  le  Pape  & 
Roger,  Roi  de  Sicile,  écrivit  au  Cardinal  Guy,  différent  du  Ep.jt  nj. 
Chancelier  de  l'Eglife  Romaine,  que  ce  bruit  étoitfaux,  &  que 
s'il  y  avoit  un  traité  d'alliance  entre  ces  deux  Princes,  c'étoic 
uniquement  contre  le  Roi  de  Sicile.  Wibald  écrivit  à  l'Empe-  Cp,?.  114. 
reur  de  Condantinople  fur  ce  traité ,  6c  l'exhorta  vivemeiit  à 
tirer  vengeance  de  ce  Tyran,  c'e(l-à-dire ,  du  Roi  de  Sicile. 
Dans  une  de  ces  Lettres,  qui  efl  de  l'an  iijo,  Wibald  parle  du  E^ijl.  n?. 
Cardinal  (juv  ,  Chancelier  de  l'Eglife  Romaine,  comme  déjà 
mort.  C'eft  donc  une  faute  à  Ciaconius  de  n'avoir  mis  la  mort  de 
Guy  qu'en  1193. 

X  X.  X  1 1 L  Le  Pape  Eugène  m.  apprit  avec  joie  le  deffein     £;,.;,'?.  :i9  , 
que  l'Empereur  avoit  conçu  de  lui  envoyer  des  Député;.  Ce  '-P>-î7. 
Prince  jetta  les  yeux  fur  l'Abbé  de  Corbie,ôc  fur  le  Chancelier-, 
en  leur  faifant  entendre  qu'ils  feroient  le  voyage  de  Rome  à 
leurs  frais.  Ils  fupplierent  l'Empereur  de  charger  d'autres  qu'eux     E'^ljl.  kJo, 
de  cette  Légation ,  6:  lui  donnèrent  des  raifons  folides  de  ne  pas  ^^'  ',  r*^'  ' 
la  faire  à  leurs  dépens.  Conrad  perfifla  dans  fon  choix.  Wibald 
obéit  ,  6c   perfuada    au  Chancelier  d'accepter  la  députation. 
L'Empereur  faifant  toutefois  attention  aux  raifons  que  l'Abbé 
de  Corbie  avoit  alléguées  pour  fe  difpenfer  d'aller  à  Rome , 
choiiit  pour  fes  Députés  les  Evoques  de  Bafle  ôc  de  Conftance. 
Wibald  ne  lai(ïï\  pas  d'écrire  au  Pape  Eugène  qu'il  devoir  être     £„;i      j 
lui-même  un  des  Députés  ,  6c  qu'il  en  auroit  volontiers  accepté  iSo.  ^ 
la  conimillîon  ,  s'il  eût  crû  qu'elle  pût  être  avantageufeà  l'Eglife 
Catholique,  au  faint  Siège,  à  f  Empire  Romain.  L'Empereur     j?  -i  ,._- 
^ant  revenu  à  fon  premier  deffein  ,  Wibald  partit  pour  Rome  ,  5.35.  ' 
avec  l'Archevêque  de  Cologne  ,  6c  Henri ,  Notaire  de  l'Empe- 
reur ,  où  ils   furent   reçus   honorablement   d'Eugène  III.    A 

X  X  X  ij 


152  \V  I  B  A  L  D, 

leur  retour  le  Pape  les  chargea  d'une  Lettre  pour  Conrad  ,-& 
d'une  autre  pour  Henri ,  Duc  de  Saxe,  à  qui  il  recommandoit 
particulièrement  l'Abbé  de  Corbie.  Il  annonça  lui-même  foa 

Epi/?.  340.  retour  à  fa  Communauté  par  une  Lettre  datée  de  Cologne,  dans 
laquelle  il  lui  donne  avis  de  la  mort  de  l'Empereur ,  arrivéele  i  j 
de  Février  1 1  j  2  ;  ôc  leur  ordonne  de  faire  a  ce  Prince  des  obfé- 
ques  folemnelles  ,  dignes  d'un  Roi. 

Epijl.  is>î.  XXXIV.  De  Cologne  Wibald  retourna  à  Corbie  paf 
Stavelo.  La  diflance  conlidérable  entre  ces  deux  Abbayes  , 
faifoit  douter  à  Wibald  qu'il  fut  en  état  de  les  gouverner.  Ces 
deux  Communautés  étoient  nombreufes  ,  poffedoient  de  grands 
biens;  &  dans  les  difficultés  qui  furvenoient  touchant  la  jouif- 
fance  de  ces  biens ,  on  n'avoit  que  peu ,  ou  point  de  fecours  à 
attendre  des  Tribunaux  Eccléfialliques,  ni  Séculiers.  D'un  autre 
coté ,  'Wil'ald  croyoit  n'avoir  rien  à  fe  reprocher  fur  fes  élevions. 
Il  avoir  été  canoniquement  élu  Abbé  de  Stavelo  ;  l'Empereur 
avoit  contribué  à  le  faire  choifir  Abbé  de  Corbie,  ôc  le  Pape 
avoir  conlirmé  cette  éleclion  ;  enforte  qu'il  gouvcrnoit  ces  deux 
Monafteres  tout  à  la  fois ,  du  confentement  des  deux  Puiffances. 
Néanmoins  il  penfoit  férieufement  à  quitter  celui  de  Stavelo.  Il 
en  fit  la  propofition  à  la  Communauté,  &  en  écrivit  à  un  Moine 
delà  mcme  j'vlaifon  ,  en  qui  il  avoit  plus  de  confiance  ,  nommé 

EpiJi,-9-:,  Henri.  Tous  repréfenterent  à  Wibald  que  l'Eglife  de  Stavelo 
m  1  300'  ^toit  fa  mère;  qu'elle  l'avoir  nourri  ,  &  élevé  ;  qu'il  en  étoit 
301.  l'Epoux  en  qualité  d'Abbé  ;  qu'ils  ne  confentiroient  jamais  qu'il 

les  abandonnât.  Les  Moines  de  Malmedy  lui  écrivirent  dans  les 
mômes  termes.  Le  Moine  Henri  lui  écrivit  plufieurs  fois  fur  ce 
fujet.  Ceux  de  Corbie  l'avoicnt  foUicité  quelquefois  de  quitter  le 
gouvernement  de  Stavelo  ,  afin  qu'ils  l'euiTent  plus  fou  vent 
auprès  d'eux;  mais  informés  du  mauvais  état  des  affiires  de  cette 
Abbaye,  &  du  danger  qu'elles  n'empiraffent,  fi  Wibald  venoit  à 

F.piJ}.  30:.  la  quitter,  ils  le  prièrent  de  ne  faire  aucune  attention  ,  pour  le 
préfcnt,  à  la  demande  qu'ils  lui  avoient  faite.  \v'ibald  prit  le 
parti  de  continuer  fes  foins  à  l'Abbaye  de  Stavelo ,  lui  donna  pour 
Prieur  le  Moine  Henri,  dont  on  vient  de  parler,  ôc  dellitua 
celui  qui  fétoit  auparavant ,  mais  qui  s'acquittoit  mal  des  devoirs 
de  fa  Charge, 

£piq,  j4^^,  XXXV.  Aufiltot  que  Wibald  eut  appris  la  mort  de  lEm- 
percur  Conrad,  il  en  écrivit  au  Pape  Eugène,  à  qui  il  fit  fçavoir 
CM  méme-tems  l'élection  deFrideric,  fils  du  frcre  de  Conrad.  Ce 
Piince  f  avoit  déligné  lui-m6mc  pour  fon  fuccelfeur,  à  caufe 


ABBÉ    DE    STAVELO,&c.       ni 

que  fon  propre  lils  Frideric  dtoit  trop  jeune  pour  être  élu  Roi. 
L'éleiStion  de  Frideric,  furnommé  BarberoufFe ,  fe  fit  à  Franc- 
fort, du  confentement  unanime  de  tous  les  Seigneurs  qui  étoienc 
prclens  ,1e  quatrième  jour  de  Mars,  ôc  il  fut  couronné  le  Diman- 
che fuivant ,  qui  étoit  le  quatrième  de  Carême,  à  Aix-la-Cha- 
pelle ,  par  Arnold  ,  Archevêque  de  Cologne.  Les  Evéques  qui 
afliflerent  à  fon  couronnement  croient  d'avis  d'obliger  ce  Prince , 
en  lui  mettant  le  diadème  fur  la  tcte,  à  promettre  de  mettre  en 
exécution  les  projets  de  guerre  de  l'EmpereurConrad  contre  le 
Roi  de  Sicile ,  afin  d'abbattre  les  ennemis  du  faint  Siège.  Mais  les 
Seigneurs  Laïcs  ne  furent  pas  de  cet  avis.  Ils  opinèrent  qu'il  ne 
fallait  pas  engager  fitôt  ce  jeune  Prince  dans  une  expédition 
militaire;  qu'il  valoir  mieux  que  le  Pape  l'appellâtà  fon  fecours, 
que  d'y  aller  de  lui-niéme.  Frideric  n'avoir  pas  encore  trtnte  ans. 
Il  étoit  d'un  efprit  vif,  prompt  à  prendre  fon  parti ,  heureux  dans 
la  guerre ,  avide  de  la  gloire  &  des  grandes  entreprifes  ,  affable , 
libéral ,  parlant  fa  langue  avec  grâces  &  élégance  ;  mais  il  ne  pou- 
voir foufiVir  une  injure.  11  donna  lui-même  par  fes  Députés  avis  Epil.  34J, 
au  Pape  defon  éleélion  ,  &  lui  promit  fincerement  de  protéger 
PEglile  Romaine.  L'Evêque  de  Bamberg ,  l'un  des  Députes ,  fut 
chargé  de  tout  ce  qui  concernoit  cette  dépuration.  L'A.bbé 
Wibald  quiconnoiiloit  le  flyle  de  la  Cour  de  Rome,  l'avertit  que  j^^-^n  ^^ 
les  Romains  étoient  extrêmement  attentifs  dans  les  légations  qui 
leur  venoient  de  l'Empire  ,  aux  termes  dont  fe  fervoient  les 
Députés,  ôc  qu'ils  neperniettroient  pas  qu'on  les  changeât ,  de 
peur  que  la  majefié  de  l'Empire  &  l'ordre  de  la  difcipline  n'en 
fouffriflent.  Il  j-aroir  que  l'Abbé  de  Corbie  eut  la  commiffion  des 
fceaux  d'or  ôc  des  Patentes  pour  l'Evéque  de  Bamberg ,  au  bas  dcf- 
quelles  ces  fceaux  dévoient  être  fufpendus.  Le  Pape  Eugène  fut 
très-fatisfait  de  la  dépuration  du  Roi  Frideric,  à  qui  de  fon  côté 
il  envoya  un  Nonce  Apodolique  ,  pour  le  féliciter  furfon  avène- 
ment à  la  Couronne;  mais  par  une  Lettre  particulière  fur  le  Epijl.  37?, 
même  fujet,il  témoigna  à  ce  Prince  qu'il  efperoit  de  lui  les 
mêmes  fecours  que  l'Empereur  Conrad  avoit  prêtés  à  l'Eglife. 

XXXVI.  "Vers  le  même  tems  ,  c'efl-à-dire,  en  1 1  j2  ,les  E;;|/7.  jEf 
Evêques  d'Allemagne,  croyant  faire  plaifir  au  Roi  Frideric,  î^-- 
écrivirent  à  Eugène  III.  pour  la  tranllation  de  l'Evéque  de  Citi- 
zen au  Siège  Epifcopal  de  Magdebourg.  Le  Pape  voyant  qu'il 
n'y  avoit  ni  néccOué,  ni  utilité  pour  l'Eglife  de  Magdel;curg  ; 
que  le  Prevot  de  cette  Eglife  avoit  été  élu  canoniquement  ;  que 
l'Evéque  de  Citizen  ne  s'y  étoit  introduit  que  par  la  protection 

X  X  X  iij 


5Î4  W  I  B  A  L  D, 

du  Roi,  il  écrivit  au  Chapitre  de  Magdebourg  de  rejetter  cet" 
Evêque  ,  comme  un  ufurpateur;  ôcaux  Evèques  d'Allemagne, 
de  ne  plus  s'intéreder  pour  fa  tranflation  ,  mais  d'engager  le  Roi 
Frideric  à  laiiier  à  l'Eglife  de  Magdebaurg  la  liberté  entière  de 
l'élection:  car  nous  ne  pouvons,  dit-il,  rien  accorder  contre 
Dieu  ôc  les  Canons. 

Epijl.  34?.  .XXXVII.  "Wibald  déjà  chargé  de  la  conduite  de  deux 
Abbayes  ,  fut  prié  par  les  Moines  de  ValTor  d'être  aulli  leur 
Abbé  ,  à  la  place  de  celui  qu'ils  venoient  de  perdre.  Il  ne  paroit 

EpiJ.  I4S.  point  qu'il  fe  foit  prêté  à  leur  défir  ,  ni  qu'il  le  foit  donné  aucun 
niouvement  pour  fe  procurer  l'Eveché  de  Bremen  ,  après  la 
mort  d'Adalberon  en  1 149  ,  quoiqu'il  n'ignorât  pas  que  le  plus  ' 
grand  nombre  des  fuffrages  étoient  pour  lui.  Harteric,  qui  au 
contraire  le  fcupçonnoit  de  l'avoir  traverfé  dans  fon  éledion, 
lui  en  voulut  du  mal.  Ce-  fut  pour  s'expliquer  fur  ce  fujet  que 
Wibald  lui  écrivit  la  Lettre    if!^.  Il  avoit  auparavant  écrit  à 

£  ;(j   j,,   Guy,  Cardinal  &  Chancelier  de  l'Eglife  Romaine,  pour  lui 
recommander  Harteric  nouvellement  élu  Evêque  de  Brème , 
l'alfurant  qu'il  feroit  utile  à  cette  Eglife.  Il  ne  failoit  quecette 
■    Lettre  pour  faire  tomber  les  foupçons  de  Harteric. 

■Epii}.  3S4.  X  X  X  V  1 1 1.  Un  nommé  '^/etzel  du  parti  oppofé  aux  inté- 
rêts d  iiugene  IIL  écrivit  à  lEmpereur  Frideric  de  fecouer  le 
joua"  du  faint  Sicge,  de  reprendre  l'empire  du  Sénat  &  du  Peuple 
Romain  ,  ôc  d  envoyer  au  plutôt  à  Rome  des  fçavans  Jurifcon- 
fultes  pour  traiter  avec  les  Romains,  de  peur  qu'ils  ne  fetour- 
naiTent  contre  lui.  Il  cite  dans  fa  Lettre  la  donation  de  Conllan- 
tin  ,  ôc  la  rejette  comme  une  pièce  fuppofée  ôc  hérétique.  Les 

Ep:^.  3  8î  follicitations  de 'Wetzel  n'eurent  aucun  fuccès.  L'Empereur  ôc 
Et  ajiud  le  Pape  Eugène  firent  entr'eux  un  traité  le  23  de  Mars  1 1  ja  ,  où 
,^3ron..i  ann.^  ^^  princc  promit  de  ne  faire  ni  paix,  ni  trêve  avec  les  Romains , 
A'j'^sniU         ni  avec  Roger,  Fvoi  de  Sicile,  fans  le  confentement  ôc  la  libre 
volonté  de  l'Eglife  Romaine  ,  du  Pape  Eugène  ,  ou  de  fes  Suc- 
ceiïeurs  qui  voudront  garder  le  traité  fait  avec  le  Roi  Frideric  ; 
de  travailler  de  routes  fes  forces  à  rendre  les  Romains  aulîi  fou- 
rnis au  Pape  ,  qu'ils  l'avoient  été  depu;s  cent  ans;  de  défendre 
contre  tous  la  dignité  Papale,  ôc  les  Régales  de  faint  Pierre, 
comme  Avoué  de  l'Eglife  Romaine,  ôc  l'aider  à  recouvrer  ce 
qu'elle  avoit  perdu  ;  de  n'accorder  aucune  Terre  à  l'Empereur 
des  Grecs  deçà  la  Mer;  ôc  s'il  en  envahiflbit  quelqu'une,  l'en 
chafTer  au  plutôt ,  félon  fon  pouvoir  atluel ,  ou  s'il  ne  le  peut 
alors ,  d'aider  à  l'en  clialfer.  Le  Pape  promit  auffi ,  par  l'autorité 


ABBÉ    DE    S  T  A  V  E  L  O  ,  &c.       j.j  r 

.  duSii^ge  Apoftolique  ,  avec  les  Cardinaux  préfens ,  dé  donner  au 
Roi  la  Couronne  Impériale  ,  quandilviendroit  la  recevoir  ;  de 

•  1  aider  de  tout  fon  pouvoir  à  maintenir  ÔC  augmenter  fa  dignité  , 
employant  pour  cet  effet  les  cenfures  Eccléliaftiques  ;  &  d'em- 
pcchtr  rLmpereur  Grec  de  faire  aucune  conquête  deçà  la  Mer. 
Ce  traiid  fut  ligné  de  la  part  c\u  Pape  par  Icpt  Cardiiiaux  ôc  deux 

;  Abbés  ;  &  de  la  part  du  Roi ,  par  deux  Evéques  £>c  trois  Ccrnits. 
Néanmoins  le  Roi  F rideric  n'entreprit  aucune  expédition  en 
Sicile  contre  le  Roi  Roger  fous  te  PontiHcat  dEugene  II  J.  6c  ce 
Pape,  fuivant  les  avis  de  l'Abté.Xvibald,  fe  réconcilia  avec  les 
Romaitis ,  alnli  que  nous  l'apprenons  (a)  de  Romuald  de  Sa- 

•  lerne.  \v  ibald  lit  aufii  ce  qu'il  put  c.our  engager  Manuel ,  Empe-       ''-^'  l^^  '' 
.  rcur  de  Ccn}iantinopie5.,a  vivre  en  paix  avec  le  Roi  p  rideric,  & 

à  cimenter  cette  paix  par  un  mariage  de  quelque- perfonne  de  fon 
fang  avec  ce  Prince. 

X  XX  1  X.  Le  Pi'pe Eugène  III.  mourut  en  odeur  de  f;;:-.-  £/'i/?.  j'î^^ 
tetéjdu  7  au  8  de  juillet  1 1  513  ,  après  huit  ans  quatre  mois  Êc 
.fei/:e  j^urs  de  Por.tiilcat.  Il  eut  pour  fucceiieur  Conrad  ,  Evtque 
de  Sabine  &  C?-rdinal,  qui  prit  le  nom  d'AnaflafelY.  L'Abbé 
de  Ccrbie  auroit  fait  volontiers  le  voyage  de  Rome  peur  le  féli- 
citer de  Ion  élévation  ,  &:  le  mettre  au  fait  de  piufîeurs  afr?ircs 
qui  intérefloitrnt  le  faint  Sicr:e;mr.is  obligé  de  travailler  aux 
préparatifs  de  le;  j  cditicn  prccbaine  en  Italie ,  il  fe  contenta  de 
lui  écrire  avec  le  rcfpeft  d'un  lils  à  fon  pcre,  &  la  confiance  d'un 
-ami  ;  car  il  y  avoit  vingt-cinq  ans  qu'ils  étoient  liés  d'une  étroite 
amitié.  "Kv'ibald  fut  invité  à  un  Parlement  que  l'Empereur  Fri-  ^Pj^.  sp?.- 
cîeric  devoir  tenir  à  Cologne  le  premier  de  Novembre  1 1  y?  j 
Fête  de  tous  les  Saints  ;  &  ce  Prince  lui  promit  qu'on  y  oblige- 
roit  le  Comte  Pa'atin  de  Sumerlure  ,  de  réparer  les  torts  qu'il 
lui  avoit  faits.  lienri ,  Comte  deSaImes,en  avoit  aulîl  beaucoup  F.if.  401 , 
caufésà  r Abbaye  de  Stavelo.  "M^ibald  ,  qui  y  étcit  rétourné  par  "i'-' 
ordre  du  Roi  &  des  Cardinaux,  lit  à  ce  Coirne  le  dérail  de  tous 
ces  dommages ,  &.  lui  en  demanda  la  réparation;  ajoutant, 
-qu'en  cas  de  rifu3.de  fa  part,  il  fe  pcr.rvoiroit auprès  du  Roi  ôc 
.<3es  Grands  du  Royaume.  Lé  Comté  fe  plaignit  de  fon  coté  des 
injures  qu'il  avoit  reçues;  &  pour  ne  pas  rompre  avec  l'Abbé 
i\v  ibald  qu'il  ainioit ,  ii  le  lit  Juge  de  leurs  différends. 

XL.  Cet  Abbé  ntannuller  un  ade  par  lequel  Poppon  ,  l'un  Epifi.  403.: 

■  -  ;.  ^  ■'^-  "    ■  .:  ""'.'  '.';:./  ;/);      ■:'  '    "" 

(a;  Martin.  r;Wî  i  ,  ampliffiÇoUiê.  in  Pr.<ej^h'^^.  xxïVv'-  ■ 


55-^  W  I  B  A  L  D; 

de  fes  prédécefleurs  ,  avoit  accordé  à  un  Laïc ,  à  titre  de  Béné- 
iîce ,  des  redevances  appartenantes  à  l'Eglife  de  Stavelo  ■■,  ce  qu'il 
lit  à  cet  égard  fut  conlirmé  dans  une  Aiiemblée  où  fe  trouvèrent 
Arnold ,  Archevêque  de  Cologne  ;  Henri ,  Evêque  de  Liège,  ôc 
Anlelme  d'Hœvelebergen  ;  &:  par  un  Décret  de  l'Empereur ,  qui 
défendit  pour  toujours  ces  fortes  d'aliénations. 
Epi]t.  404,       XLI.  LePape  A naftafe IV.  qui  avoit  des  preuves  du  zèle  d-e 
l'Abbé  Wibald  pour  les  intérêts  de  l'Eglife  Romaine  ,  lui  en 
témoigna  fa  reconnoilTance  en  lui  accordant ,  à  la  prière  de 
quelques  Cardinaux,  l'ufage  de  porter  l'anneau,  ôc  lui  en  envoya 
un  par  Gérard,  Cardinal-Diacre,  qui  alloit  en  Allemagne.  Les 
•     Epft.  40Î-  Abbés  dans  le  douzième  ficcle  ne  portoient  donc  l'anneau  <\uq 
par  privilège  du  faint Siège,  qui  ne  l'accordoit  qu'avec  dilline- 
.  tion  du  mérite  ôc  des  perl'onnes. 
Efijl.  41Î  £.       X  L  I L   En  1 1  ç5  l'Abbé  de  Corbie porta  fcs  plaintes  à  l'Era- 
£eq,^ii.        pereur  Frideric  contre  l'Evêque  d'Oinabrug  ,  qui  avcit  ufurpé 
dans  la  Nortlande  des  dixmes  aflez  conlidérables,  appartenantes 
à  fcn  Abbaye;  il  (it  encore  d'autres  plaintes  à  ce  Prince,  qui 
étoient  plus  de  fon  redort.  La  caufe  fut  dabord  portée  au  Pape 
■Hadrien  IV.  qui  avoit  fuccédé  à  Anallafe  ,  le  5  Décembre 
.  1 1 S'^.  Hadrien  en  commit  la  connoiflance  à  Wicmann  ,  Arche- 
■  vêque  de  Magdebourg  ,   avec  pouvoir    de  terminer  l'affaire. 
L'Empereur  ordonna  aulii  à  Wicmann  de  l'examiner  avec  foin  , 
&  de  la  finir.  L'Archevêque  cita  à  fon  Tribunal  l'Evcque  d'Of- 
nabrug  ôc  l'Abbé  de  Corbie,  à  jour  certain  dans  la  Ville  de  Mers- 
bourg.  L'Evcque  d'Ofnabrug  fit  défaut ,  difant  qu'il  aimoit  mieux 
.renoncer  à  fon  Evêché,qu'à  des  dixmes  que  fon  Eglife  poffé- 
dcit  pailiblement  depuis  plus  de  foixante  ans.  Cependant  après 
avoir  pris  coniéil  ,  il  fe  mit  en  chemin  ;  ôc  étant  tombé  malade  , 
.  il  s'en  retourna  :  deux  Chanoines  comparurent  en  fa  place.  "Wi- 
bald  au  contraire  comparut  en  perfonne  au  jour  nommé,  qui 
ctoit  le  25  de  Janvier.  11  produifitles  Diplômes  ôc  les  Privilèges 
des  Empereurs  ,  qui  prouvoient  que  ces  dixmes  avoient  été  don- 
nées à  l'Abbaye  de  Corbie  par  Louis  le  Pieux ,  lors  de  fa  fonda- 
tion ;  qu'elle  les  avoit  poflédées  jufqu'au  règne  de  l'Empereur 
Jlenri  IV.  qui  pendant  fon  fchifme  avec  le  Pape,  les  avoit  don- 
nées par  dépit  à  l'Evêque  d'Ofnabrug,  qui  n'en  avoit  jamais 
joui  pailiblement.   Les  Chanoines  n'iniiftcrcnt  que  fur  l'impolfi- 
bilité  où  leur  Evêque  s'étoit  trouvé  de  venir  à  jMcrfbourg.  Wi- 
bald  répondit,  que  puifqu'il  avoit  eu  allez  de  force  pour  s'en  re- 
tourner,  il  pouYoit  en  avoir  affcz  pour  comparoître  ;  ôc  voyant 

que 


ABBÉ    DE    STAVELO,&c.        ssi 

«Jue  la  contcftatioti  traîneroit  en  longueur ,  fi  on  la  laifibit  au 
jugement  de  l'Archevêque  de  Magdebourg  ,  il  en  appella  au 
Pape  Hadrien ,  &  cita  l'Évêque  d'Ofnabrug  à  comparoître  dans 
l'odave  de  faint  Martin.  Wicmann  en  donna  avis  au  Pape.  Mais 
l'Empereur  Frideric  à  qui  la  prcTcnce  de  Wibald  étoit  nécefTaire, 
l'engagea ,  quoiqu'avec  peine ,  à  fe  défifter  defon  appel  ;  il  écri- 
vit au  Chapitre  dOfnabrug  de  terminer  le  procès  à  l'amiable  : 
ajoutant  que  s'il  n'étoit  pas  fini  pour  un  certain  tems  ,  il  fe  char- 
geroit  lui-même  de  le  décider. 

X  L  1 1 1.  Il  écrivit  en  1 1  j?  à  "Wibald  ,  de  fe  rendre  le  troi-  t!:pijt.  41  j. 
fiéme  Dimanche  d'après  Pâques  à  Nimegue  ,  où  il  avoir  befoin 
de  fes  confeils.  Par  la  même  Lettre ,  ce  Prince  lui  fit  fçavoir  qu'il 
ne  penfoit  plus  à  l'expédition  contre  la  Pouillc  ,  parce  que  les 
Grecs  en  avoicnt  été  chaflés  ;  mais  qu'il  y  en  avoir  une  d'indiquée 
contre  les  Milanois,  pour  la  veille  de  la  Pentecoftc,  qu'il  remet- 
toit  à  fa  prudence.  Le  Pape  Hadrien  ayant  appris  que  quelques- 
uns  s'eftbrt^oicnt  de  diminuer,  ou  même  d'éteindre  dans  Frideric 
l'amour  &  le  rcfpe6t  qu'il  avoir  pour  le  Saint  Siège ,  lui  envoya 
des  Légats.  Il  les  recommanda  a  l'Abbé  de  Corbie  ,  le  priant  de    Epijl.  41? /k 
leur  procurer  tous  les  honneurs  &  tous  les  fecours  convenables;  *3°* 
de  travailler  avec  le  Roi  à  l'agrandifiement  de  l'Eglife  Romaine 
6c  à  tout  ce  qui  pouvoir  lui  être  utile  ;  de  l'engager  furtout  à  de-  E;^'^*  439» 
meurer  ferme  dans  fa  vénération  pour  le  Siège  Apoftolique. 
Dans  d'autres  Lettres  le  Pape  marquoit  à  "Wibald  d'empêcher  EpiJl.  417. 
que  quelques  Maifons  Religieufes,  qu'il  nomme,  fouffrent  des 
dommages  au  pafl"age  de  l'Armée. 

XL IV.  C'étoit  apparemment  celle  qui  devoir  pénétrer  en  ^Pb"'- ^i'^' 
Italie.  Avant  d'entamer  cette  expédition ,  1  Empereur  avoir  rem- 
porté une  victoire  complette  fur  les  Polonois.  Il  en  envoya  le 
détail  à  l'Abbé  de  Corbie .  &  les  conditions  fous  lefquelles  le 
Roi  Boleflas  s'étoit  rendu  au  vainqueur.  Une  étoit ,  qu'il  feroit 
de  l'expédition  d'Italie.  Par  la  même  Lettre  il  prioit  "Wibald  de 
venir  le  joindre  la  veille  de  faint  Michel  pour  lui  communi- 
quer fon  dedein  touchant  la  légation  ,  dont  il  vouloit  le  char- 
ger vers  l'Empereur  des  Grecs.  Ce  fut  pour  la  féconde  fois 
qu'il  fit  le  voyage  de  Conftantinople  en  qualité  de  Légat. 

XLV.  Il  avoit  fur  la  fin  de  l'an  1154.,  pafTé  en  Italie  avec    ïï'ibrj^.vua, 
Frideric;  6c  ce  Prince  ,  par  fes  confeils  ,  s'y  étoit  fait  couronner  "■'^'  '^^' 
Roi  des  Lombards.  W' ibald  entra  avec  lui  à  Rome  au  mois  de 
Mai  de  l'année  fuivante  iijj.  Frideric  y  recrut  des  mains  du 
Pape  Hadrien  IV.  la  Couronne  Impériale.  Incertain  des  motifs 
Tome  XXI L  Yyy 


^58    WIBALD,  ABBÉ  DE  STAVELO,&c. 

qui  amcnoient  ce  Prince  à  Rome  ,    il  envoya  au-devant  de  lui 
fag.  616.  une  députation.  Mais  il  fut  bientôt  raflfuré  par  l'Abbé  de  Corbie, 
dont  il  récompenfa  les  fervices  &  lafledion  envers  rEglilè  Ro- 
maine, par  une  Bulle  confirmative  des  droits,  biens  &  privilè- 
ges des  Abbayes  de  Stavelo  ôc  de  Corbie.  La  même  Eulie  lui 
accorde  lufcge  des  fandales  &  de  la  dalmatique  ,  dans  les  prin- 
cipales folen-inités  de  l'année ,  &  met  l'Abbaye  de  Corbie  fous  la 
protedion  du  Saint  Siège,  avec  exemption  de  toute  autre  Jurif- 
Pag.  (19.  diclion.  Il  y  a  deux  autres  Bulles ,  où  le  rnôme  Pape  unit  à  l'Ab- 
baye de  Corbie  celle  de  Werbé  ,  foumife  immédiatement  au 
Saint  Siège  ,  tant  pour  le  fpirituelque  pour  le  temporel. 'Wibal4 
Par.  601  obtint  aulii  des  Diplômes  en  faveur  de  fes  deux  Abbayes  de  Sta- 
'^'  yelo  ôc  de  Corbie ,  des  Empereurs  Conrad  &  Frideric.  On  les  a 

fait  imprimer  enfuitc  du  Recueil  de  fes  Lettres. 
On  n'a  point       X  L  V I.  On  ne  connoît  point  d'autres  Ecrits  de  ''^''ibald.  Ses 
baw"^"'  !''m '"  g'^'^^des  occupations  ne  lui  donnoient  gueres  le  loiilr  de  travailler 
Letirès.  fur  l'Ecriture  fainte,  ou  fur  des  matières  intérefiantes  pour  la 

Religion.  Mais  il  propofoit  quelquefois  aux  autres  des  qucftions 
jj ,.  à  éclaircir  ôc  à  réfoudre.  Il  pria  Ànfelme  (  a  )  Evêque  d'Havel- 

bergen  de  lui  marquer  ce  qu'il  penfoit  de  la  création  des  Anges. 
Il  engagea  Henri  (  h  )  Moine  de  Stavelo  ,  à  la  compofition  d'un 
ouvrage,  qui  devoit  être  un  monument  éternel  de  fon  efprit  &  de 
fa  capacité.  Nous  n'en  fçavons  pas  le  fujet.  On  a  vu  plus  haut  (c) 
qu'il  avoit  approuvé  le  Recueil  que  le  Moine  Robert  avoit  fait 
des  Miracles  du  Saint  AbbéPorannan,ôc  qu'il  l'exhorta  à  le  conti- 
nuer. On  ne  doute  pas  que  les  anciens  Rits  de  l'Eglife  de  Corbie, 
que  l'on  voit  encore  dans  la  Bibliothèque  de  cette  Abbaye,  ne 
foient  l'ouvrage  de  \^ibald.On  en  (d)  juge  ainfi  par  les  caraderes 
du  manufcrit,  qui  font  du  douzième  liecle,  &  par  le  bel  ordre 
&  la  décence  de  ces  Rits.  Sa  Lettre  à  (  e  )  .Manegold  mérite 
d'être  lue  ,  tant  pour  l'érudition  qui  y  brille  de  toutes  parts ,  que 
pour  la  beauté  des  fcntimens  &  l'aifance  du  ftyle. 


(fl)  Epiff.  T4î.  I      (d)Fv[ff.  181. 

X.b.)Epi!K  106.  I      Çt)  Epij!.  1^7. 

(  c  )  EpiJL  (. 


CHUNON  ou  CONRAD,  ABBÉ  DE  MOURY,  &c.  $  ;> 

CHAPITRE     XXIII. 

Chu  N  0  N  ou  C  Oi  n  r  a  d,,  Abbé  de  Moury  en  SidJJe. 

I.  ir     Es  A£tes  de  l'origine  de  cette  Abbaye,  fituée  au  Dio-     Adesdela 
i    i  ccfe  de  Connance  ,  fur  les  bords  de  la  Rivière  de  Bintz  ,  !^°"'^''"°\a' 
a  une  lieue  au-defTus  de  Bremgarten ,  &  a  fix  de  la  Ville  de  mus  de  plu- 
Bade  ,  font  devenus  célèbres  par  l'ufage  que  les  Généalogifles  en  '''^"'■^• 
ont  fait ,  pour  établir  leurs  divers  Syflcmes  touchant  la  Maifoii 
d'Habfbourg  ,  d'où  defcendent  celles  d'Autriche  &  de  Lorraine. 
Audi-tôt  qu  ils  furent  rendus  publics ,  on  les  reçut  avec  joie ,  ÔC 
plufieurs  en  firent  autant  de  cas  que  des  plus  anciens  originaux. 
Guillimann  (  j  )  les  cita  fouvent  avec  eioge,  comme  des  monu- 
mens  dignes  de  foi.  Chriflophe  Hartmann  (t)  en  ufa  de  môme. 
Eccard  s'en  autorifa  (  c  ) ,  pour  faire  defcendre  l'Empereur  Ro- 
dolphe de  Gontrand  le  Riche ,  ôc  de  Radeboton  Comte  d'Habf- 
bourg. Il  fit  même  imprimer  ces  Attes  tout  entiers   dans  le 
Recueil  des  Preuves  de  la  Maifon  d'Autriche ,   à  Leïpfic  en 
1721.  Dom  Bernard  Pez  [à)  en  releva  auffi  l'autorité  ;  &  avant  tous 
ces  Généalogifles,  les  Pères  Vignier  &  Chifflet  entrèrent  afTez 
dans  l'idée  que  préfentent  ces  Ailes  ^  fur  l'origine  de  la  Maifon 
d'Habfbourg. 

II.  Blondel  (e)  en  penfa  difTéremment.  La  Généalogie  des  Quelques- 
Comtes  dHabfDours;  qu'on  lit  à  la  tête  de  ces  Acl;es  ,  lui  parut  ""s  Joutent  de 
fautive  ,  &  i  autorité  des  Attcs  mêmes  tort  luipede.  Dom  Mar- 
quard  Hergott ,  connu  depuis  long-tems  dans  la  république  des 
Lettres  ,  par  plufieurs  excellens  ouvrages,  fans  rejetter  abfolu- 
ment  cette  Généalogie  &  ces  Atles  ,  a  entrepris  "de  montrer 
qu'ils  ne  pouvoient  pafTer  pour  des  monumens  dignes  de  foi  en 
tous  points  ;  qu'on  y  trouvoit  des  erreurs  contre  la  vérité  de 
l'Hiftoire  ôc  de  la  Chronologie;  enfin  que  l'édition  qui  en  a  été 


(  a)  Guillim^n.  in  Hahjb.  iib.  4  ,  cap,  5  ; 
lib.  ^  ,  cap.  4  ;  lit.  6  ,  eup.  i. 

(  h  )  Hdrrman.  in  tinnil.  Eremi  Deip.  in 
vitaEmhricii.  Alh.  v. 

(c)  Eccard  ,  de  origin.  Habfiurg.    in 


Prafat.  pag.  4  ;  &'  in  probat.  pag.  1^9. 
{dj  Pe^.  Epijl.  ad  Ccmit.  de Siniendorfi 

i  e  )  Blondel,Genedog. Franc,  pag.  37^; 
&  D.  Hergctt.  Prolegom.  1  ,  num,  ic, 

Yyy  ij 


J40  C  H  U  N  O  N  ou  C  O  N  R  A  n, 

faite  à  Paris  en  i6\S  ,  par Pegreft ,  fe  trouvant  remplie  de  fautes, 
il  s'étoit  cru  obligé  d  en  donner  une  nouvelle  ,coliationnéeavec 
foin  fur  le  manuicrit  même  de  l'Abbaye  de  Moury.  Ces  Ades 
ainfi  corrigés,  font  partie  du  premier  tome  de  la  Généalogie  di- 
plomatique de  la  iMaifon  d'Habronurg,  imprimée  à  Vienne  en 
1737,  in-jol.  Dom  Hergott  y  a  joint  fes  remarques  fur  i'age  ÔC 
la  qualité  du  manufcrit  dont  il  s'eft  fervi,  &  fes  conjedures  fur 
l'Auteur  de  ces  A  des  ,  ôc  le  fiéclc  où  il  vivoit. 
Apologie  de  III.  Sa  Critique  fur  tous  ces  points ,  déplut  aux  propriétaires 
ces  Actes.  ^^  manufcriî.  Dom  Gerold  ,  alors  Abbé  -  Prince  de  Moury  , 
vo}ant  les  Ades  de  la  fondation  de fon  Abbaye  attaqués  ,  char- 
gea Dom  Fridolin  Kopp,  que  fon  mérite  a  depuis  élevé  à  la 
dignité  d'Abbé  ,  d'en  prendre  la  défenfe.  Son  ouvrage  fortit  de 
l'Imprimerie  mênie  de  l'Abbaye  de  Aîourv  ,  en  17^0,  in-^'^. 
fous  le  titre  de  Défenfe  des  Acles  de  ce  Monaflcre,  pour  ôc 
contre  le  R.  P.  D.  Alarquard  Hergott.  Cette  Apologie  efl:  divifée 
en  deux  parties.  Dans  la  première ,  Dom  Kopp  rapporte  les 
divers  jugemens  que  les  Sçavans  ont  portés  du  manufcrit  de 
Aîoury.  Il  en  fixe  l'âge  ,  en  foutientl'autenticité  ;  Ôc  defcendanc 
dans  le  détail  de  la  Généalogie  des  Comtes  d'Habfbourg  ,  qui 
fe  lit  au  commencement  du  manufcrit,  il  montre  qu'elle  e(l  de 
deux  Ecrivains ,  dont  l'un  a  rapporté  les  cinq  preimieres  généra- 
tion:-; ;  l'autre  ,  les  trois  dernières.  Dans  la  féconde  partie,  Dcni 
Fridoiin  traite  en  particulier  des  Comtes  d'Hublliourg  ,  depuis 
Gontrand  le  Riche  jufqu  à  Rodolphe  I.  Roi  des  Fvomai.ns  ,  ôc 
depuis  Empereur. 
Ec'.itions  de  I  "V.  A  la  défenfe  des  Acles  de  Mourv' ,  l'Auteur  a  ajouté  les 
cesAftes.  A.des  mêmes  5  ce  qui  en  fait  une  quarriéme  édition.  Jl  y  en  a 
rApologie.  une  cinquième  de  Pierre  Ludcvig  ,  à  Francfort  6c  à  Leïpfic  en 
1718.  Celle  de  Dom  Knpp  a  été  revue  fur  le  manufcrit  de  l'Ab- 
baye. L'Editeur  Ta  cru  néceiTaire  pour  corriger  quelques  fautes 
dans  les  éditions  précédentes  ,  occni'Ionnées  par  les  abréviations 
fréquentes  dans  ce  manufcrit.  Mais  il  efl  arrivé  qu'il  a  pris  pour 
fautes ,  ce  qui  pouvoit  n'en  ôtre  pas,  ôc  qu'il  n'a  pas  toujours 
réuffi  à  juflifier  les  Ades  de  la  fondation  de  fon  Monaîlere.  C'eft 
ce  qui  a  fait  naître  une  Critique  de  fon  Apologie  ,  où  en  ufant  de 
toutes  les  bieiiféances  que  Dom  Kopp  avoit  obfervées  lui-même 
envers  Dom  Hergrtt,  on  foutient  comme  a  fait  ce  dernier  que 
la  Généaloeie  ôc  les  Ades  de  la  fondation  de  Moury  ne  font  pas' 
exempts  de  fautes.  Cet  Ecrit  eft  de  Dom  Ruftein  Hécr,  Bene- 
didin  de  l'Abbaye  de  faint  Blaife  ,  dans  la  l''orêc  noire,  afTocié 


ABBÉ  DE  MOURY  ENSUISSE.        ^^i 

àt)omHergott  pour  la  compolltion  de  l'Hifloire  numifmati- 
que  de  la  Maifon  d'Autriche  ,  dont  le  premier  volume  fut  im- 
primé à  Vienne  en  17J0,  in  foi  le  fécond  ôc  le  troifiéme  à 
Fribourgen  Brifgaw,  en  17^2  ôc  lyj-i-:  ouvrages  qui  montrent 
dans  ces  deux  dodes  Ecrivains,  autant  de  goût  que  de  lumières, 
ôc  une  profonde  connoiffance  des  matières  fur  lefquelles  ils 
prononcent. 

V.  La  difcuflîon  de  tous  les  articles  qui  regardent  cette  difpute  ^a  G6nén- 
littérairc  ,  nous  meneroit  trop  loin  ,  &  feroit  inutile  à  beaucoup  M^îron^rHab*- 
d'égards.  Nous  nous  contenterons  de  nous  expliquer  fur  l'autea-  ibûurgn'eit 
ticité  de  la  Généalogie  qu'on  a  mife  à  la  tête  des  Acles  de  l'orl-  ^''^  «xade, 
gine  de  Moury  ;  fur  les  Auteurs ,  tant  de  cette  Généalogie  ,  que 
de  ces  Actes, ôc  fur  le  tems  où  ils  ont  écrit.  La  Généalogie  de  la 
Maifon  d'Hablltourg  eft  défedueufe  en  plufieurs  points,  i".  Il  y 
eft  dit  que  la  iJomteffe  Itta  ,  époufe  de  Radeboton  ,  Comte 
d'Hafbourg  ,  étoit  focur  de  Thierry ,  Duc  de  Lorraine ,  &  confé- 
quemment  fille  de  Fridcric  L  &  de  Beatrix  ,  Duc  &  Duchelfe 
de  Lorraine  &  de  Bar.  Mais  les  Chronologifles  6c  les  Ecrivains 
du  Pays  ne  connoiiTent  d'autre  enfant  de  i*rideric  L  &  de  Bea- 
trix, que  le  Duc  Thierry,  qui  fut  père  du  Duc  Frideric  II.  ôc 
Ton  ne  voit  par  aucun  ancien  monument  que  Beatrix  fe  foit 
remariée  après  la  mort  de  Frideric  I.  arrivée  en  984.  2".  îtra  ,  qui 
ce  ftmbie  étoit  déjà  mariée  en  1  027  {a)  ,  ne  pou  voit  être  fœur 
du  Duc  Thierry ,  qui  ne  mourut  qu'en  1  1 1 5- ,  quatre-vingt-huit 
ans  après  le  mariage  d'Itta.  5°.  Cette  Généalogie  donne  au  Duc 
Thierry  pour  fils  ,  le  Duc  Gérard  ;  en  quoi  elle  eft  contraire  à 
la  Généalogie-  de  filnt  Arnould  ,  revue  &:  approuvée  (  h  )  de  tous 
les  Sçavans  ;  fe'on  laquelle  le  Duc  Thierry  eut  pour  fils  Frideric 
11.  &  non  pas  Gérard.  S'il  y  a  des  dcraucs  dans  la  Généalogie  de 
faint  Arnould  ,  on  convient  que  ce  n'eil  que  dans  les  afcendans^ 
depuis  Thierry  jufqu'à  faint  Arnould  ;  &  que  pour  les  defcen- 
dans  de  Thierry  jufqu'à  nos  jours  ,  elle  eft  bien  fuivie.  Elle  efl 
encore  contraire  au  titre  de  fondation  de  l'Abbave  de  Bouzon- 
vilie,  &  à  tous  les  monumens  les  plus  inconteftables  &  les  plusi 
aurcntiaucs  de  la  Lorraine,  rapportés  par  Doni  Calmer  dans  le 
Kecueil  (c)  des  Preuves  de  l'Hifloire  de  cettre  Province.  -1.°.  Les 
Ades  de  la  fondation  de  Moury  font  (ii)  la  ComtelTe  Itta  non- 


(fl)  AfiaMurenf.a  ,v2g.  S  ,  9.  i       (c)  llià.pag.  Ui  ^f^'h 

(b)  Calmer ,  Hifl.  de  Lorraine  ytonu  ^ ,  \       {à)  Fag.  3  ,  9. 
-.  lit,  151.  j 

Yyyil), 


H2  C  H  U  N  O  N  OU  C  O  N  R  A  D; 

feulement  fœur  du  Duc  Thierry ,  maisaufli  de  Vernaire,  Evê- 
quc  de  Straltourg.  Mais  c'efl:  une  nouvelle  erreur.  La  Comtefle 
Itta  avoir ,  félon  Jes  mêmes  Atles  ,  époufé  le  Comte  Rade- 
boton  ;  6c  ce  Comte  droit,  fuivanc  la  table  généalogique  qui  fe 
voit  à  la  fin  de  l'Apologie,  frère  de  Vernaire,  Evêque  de  Stras- 
bourg. Itta  ne  pouvoir  donc  être  fa  fœur ,  mais  feulement  fa 
belle-fceur.  Les  Auteurs  de  la  Gaule  Chrétienne  (  a  )  prétendent 
même  que  Vernaire  étoit  fils  de  Radeboton  ,  &  apparemment 
d'Itta  ;  en  quoi  ils  fe  fondent  fur  le  Diplôme  de  la  fondation  de 
FAbbaye  de  Moury ,  oii  cet  Evoque  fe  donne  pour  frère  ger- 
main de  Lancelin  ,  qu'ils  fuppofent  avoir  été  aufii  fils  de  Rade- 
boton &  d'Itta. 
Enqueltems  VL  II  fuit  de  tout  Cela  que  l'Auteur  de  cette  Généalogie 
cette  Généa-  n'étoit,  ni  au  fait  des  Comtes  d'Habfbourg,  ni  de  leur  Maifon, 
Ute.  ^  ^'^  &  qu'il  fçavoit  encore  moins  ce  que  c'eft  que  d'écrire  une  Généa- 
logie ,  puifquc  dans  celle-ci ,  où  il  fe  propofoit  de  donner  la  fuite 
des  Comtes  d'Habfbourg  en  ligne  direde  ,  jufqu"à  Rodolphe  L 
Roi  des  Romains,  il  pafTe  fous  filence  Radeboton,  regardé 
comme  la  tige  de  la  Maifon  d'Autriche  ,  dans  le  fyfiême  de  ceux 
qui  ne  remontent  pas  jufqu'à  Gontrand  le  Riche.  Il  fuit  encore 
que  cette  Généalogie ,  dans  l'état  qu'elle  efl:  aujourd'hui ,  n'a 
été  achevée  que  fur  la  fin  du  treizième  fiécle ,  quelque  tems 
avant  que  Rodolphe  I.  fût  couronné  Empereur:  ce  qui  arriva  en 
1273.  Enfin  ,  qu'étant  écrite  de  la  même  main  que  les  Ades  de 
l'origine  de  Moury  dans  le  manufcrit  de  cette  Abbaye  ,  on  doit 
dire  néceffairement  que  ce  manufcrit  eft  aulfi  de  la  fin  du  trei- 
zième fiécle  ,  mais  que  ce  n'eft  qu'une  copie. 
Aftcs  de  VII.  On  en  conviendra,  fi  l'on  fait  attention  que  l'Auteur  de 
rorigine^  de  ^gg  Adcs  dit  nettement  en  plufieurs  endroits  ,  qu'il  vivoit  à 
dans  le  do'!-  Moury  fous  l'Abbé  Ronzelin  ;  qu'il  aida  avec  fes  Confrères  à 
àcme /îi.'cle.  démolir  [b)  lAutel  qu'une  noble  Matrone  avoir  fiit  bâtir  fous 
TAbbé  Udalric,prédéceffeur  de  Ronzelin  ;  qu'il  vit  lui-môme  les 
Reliques  que  l'Abbé  Ronzelin  fit  enfermcrdans  le  nouvel  Autel  ; 
qu'il  étoit  à  Moury  [c]  lorfque  cet  Abbé  fit  en  1132  l'acquifition 
d'un  fonds  déterre.  De  la  manière  dont  il  en  décrit  les  fuites, 
il  paroît  qu'alors  l'Abbé  Ronzelin  étoit  mort  ;  qu'ainfi  l'Auteur 
écrivoit  après  l'an  1 14-7  ,  auquel  Ronzelin  mourut ,  ôc  avant  l'an 
1 188  qu'il  mourut  lui-même,  comme  on  le  verra  dans  la  fuite. 


( a )  Tom,  î  ,  Çallïx  Chrif.'uiicc ,  pag.  I       ( /; )  Acla  A'u rerf, pag.  jo  ,  51, 
1036.  I       {c)Fag.S6. 


ABBÉ  DE  MOURY  EN  SUISSE.        h? 

VIII.  Non-feulement  cet  Auteur  nous  fait  connokre  le  tems    L'Autrur  de 

1  •!     •       •  •  .1-  H        1  •!  •      i  1      114-         ces    Actes  fit 

auquel  il  vivoit  j  maisaulh  quelle  place  il  occupoit  dans  le  Mo-  Conrarf,  Abbé 
naîlere  depuis  la  mort  de  l'Abbé  Ronzeiin.  Tantôt  il  fe  montre  JeMoury. 
comme  difpoiant  (a)  de  tout  en  Supérieur,  foit  pour  le  tem- 
porel ,  foir  pour  îe  fpirituel.  Tantôt  il  fe  (  h  )  met  au  nombre  des 
Abbés,  en  donnant  ce  titre  à  fes  prédécefleurs  ;Ôc  quoiqu'il  ne 
fe  nomme  pas,  on  ne  peut  ce  femble  douter  quefon  nom  n'ait 
été  Chunon  ou  Conrad  ,  fuccefleur  immédiat  de  l'Abbé  Ronze- 
iin. Nous  venons  de  voir  que  lAuteuravoit  vécu  à  Moury  fous 
l'Abbé  Ronzeiin;  qu'après  la  mort  de  cet  Abbé,  il  y  avoit  fait  les 
fondions  de  Supérieur, &  porté  le  nom  d'Abbé.  Or  il  efl  convenu 
parmi  les  Hilloriens  (c)  de  cette  Maifon ,  que  Chunon  ou  Conrad 
ibccéda  immédiatement  à  Ronzeiin  ;  c'eft  donc  ce  Conrad  qui  a 
écrit  les  Ades  de  l'origine  de  ce  Monaflere.  Ce  qu'on  dit  de 
lui ,  fait  voir  qu'il  en  étoit  capable.  Chunon  ou  Conrad  ,  di- 
fent  les  Auteurs  (d)  de  la  Gaule  Chrétienne  ,  élu  de  Moine  de 
faint  Blaife  Abbé  de  Moury  en  1145"  >  obtint  une  Bulle  du 
Pape  Adrien  IV.  qui  lui  permettoit  de  célébrer  l'Olîlce  divin 
pendant  l'Interdit  jette  fur  le  Pays  ;  ôc  une  autre  Bulle  ,  en  i  i  jp  , 
conlirmative  de  tous  les  droits  &  privilèges  du  Monaficre.Après 
y  avoir  rétabli  l'étude  des  Belles-Lettres,  un  peu  négligées  au- 
paravant, il  fe  démit  de  fon  Abbaye  vers  l'an  i  \66 ,  &  mourut 
le  2  de  Novembre  1188.  Les  anciens  (e)  monumens  de  l'Ab- 
baye de  faint  Blaife  marquent  ce  Conrad  pour  le  cinquième 
Abbé  qu'elle  avoit  donné  à  celle  de  Moury.  Mais  il  paroit  que 
Conrad  y  fut  d'abord  envoyé  pour  faire  reprendre  vigueur 
aux  études;  ôc  que  ce  fervice  rendu  à  ce  Monaflere,  l'en  fît 
choilir  Abbé  après  la  mort  de  Ronzeiin. 

I X.  Chunon  rendit  un  autre  fervice  à  fon  Abbaye  ,  en  met-  ^«'  ^îu'ii  y  a 
tant  par  écrit  l'origine  de  fa  fondation  ,  ôc  tous  les  biens  qu'elle  biV'danl'^ces 
avoit  reçus  de  fes  Fondateurs ,  ou  qu'elle  avoit  acquis  d'elle-  Ades. 
même  par  fes  épargnes  ,  foit  de  fon  tems  ,  foit  fous  les  Abbés  fes 
prédéceffcurs.  Le  Fondateur  de  Moury,  futVernaire,  Evêquc  AFt.Mur-nf. 
de  Strafbourg.  Le  ?vIonaftere  fut  mis  fous  la  procedion  du  faint  ^■'•^*  ''  '  »  ^• 
Siège, avec  l'obligation  d'un  cens  annuel  à  faint  Pierre.  L'Ade 


(d^  A^cr.  Murenf.  pag.  6  ,   ^^  ,   76,  |  xi,pa:^.  109,110,  jn.  IdeaCcngrejit. 
77  .  79  ,  80  ,  88.  I  BenediB.  in  }if:i:tia  ,  vag.  40. 

{b  )  Pag.  59  ,  f  I.  (  li  )   Gsdlia  Chrijihna  ,  tcm.  '5  ,   p«^. 

(^c)Koi;)p.    Viaikix     part,  i  ,  cap.  7,  '    10^8, 
ps^,  -^o.Anonjhi.  Dniudaïus  ,  lïh.  i  ,  cip.  [      (  e)  Anonjm,  Deauda:. p:zg,  iio. 


;44  C  H  U  N  O  N  ou  C  O  N  R  A  n, 

Pof.p.  de  fondation  efl:  de  l'an  1027.  Il  paroît  par  les  termes  dont  il  eft 
conçu ,  que  Vernaire  étoit  fils  de  Radeboton  ,  &  non  pas  fon 
frère.  C'eft  ainfi  que  l'ont  entendu  les  Auteurs  de  la  Gaule  Chré- 
tienne, comme  on  vient  de  le  remarquer,  &  Dom  Mabillon, 
dans  le  tome  quatrie'me  {a)  des  Annales  de  l'Ordre.  Vernaire 
ordonna  qu'on  fuivroit  à  Moury  la  Règle  de  faint  Benoît  ;  que  les 
Moines  auroient  la  liberté  de  choifir  leur  Abbé  ,  foit  dans  la 
Communauté,  foit  dans  un  autre  Monaftere  ;  que  l'Abbé,  de 
l'avis  de  fes  Religieux,  choifiroit  un  défenfeur  du  Monafterc 
dans  la  famille  du  Fondateur-  La  ComtefTe  Itta,  femme  de  Ra- 
deboton, fit  beaucoup  de  bien  à  Moury,  d'oii  vient  que  dans 
le  Necrologe  elle  efl  appellée  Fondatrice,  quoiqu'elle  ne  fût  que 

Pas-  ic.  bienfaitrice.  L'Auteur  des  Ades  dit  que  Vernaire  étant  allé  à 
Conftantinople  par  ordre  de  l'Empereur  Conrad  ,  y  mourut  en 
1027.  C'efl:  une  faute.  La  mort  de  cet  Evêque  n'arriva  [b)  qu'en 
loap,  le  28  d'Otlobre. 

Fag.  II.  X.  Embricius  ,  Abbé  de  Notre-Dame  des  Ermites,  prit  foin 
du  nouveau  Monaftere,  auquel  il  donna  pour  Prieur  ou  Prévôt 
le  Moine  Reginbold.  L'Evêque  de  Confiance  favorifa  ce  nouvel 
établiffement  à  la  prière  de  Radeboton  ôc  d'Itta.  Reginbold 
amena  avec  lui  des  Moines  de  Notre  -  Dame  des  Ermites  ; 
des  Reliques  ,  des  Livres  &  des  Ornemens  facerdotaux.  Il 
acheta  des  cloches  à  Straftourg,  fit  tranfcrire  les  Livres  de  l'E- 
criture ôc  plufieurs  ouvrages  des  Pères  ;  un  Pfeautier ,  des  Mif- 
fels  ,  un  Antiphonier  &  une  partie  du  Graduel  ;  en  un  mot  ilfe 
donna  tous  les  foins  néceffaires  pour  former  une  Bibliothèque  ÔC 

Pag.  \6.  une  Sacriftie.  Le  Comte  Radeboton  étant  mort ,  il  le  fit  inhu- 
mer dans  l'Eglife  devant  l'Autel  de  la  fainte  Croix. 

XL  Mort  lui-même  en  loj^' , les  Moinesde  Moury,  de  con- 
cert avec  le  Comte  Vernaire,  fils  de  Radeboton,  demandèrent 
un  autre  Prieur  à  Hermann ,  Abbé  de  Notre-Dame  des  Ermi- 

Pag.  10,  tes ,  qui  leur  donna  Burkard  ,  nourri  dès  fon  enfance  dans  ce 
Monaftere.  Mais  après  la  mort  de  l'Abbé  Hermann  ,  le  Comte 
Vernaire  craignant  que  les  Moines  de  Notre-Dame  des  Ermites 
ne  s'arrogcaflent  un  pouvoir  trop  abfolu  fur  le  Monaftere  de 
Aloury,  en  fit  choilir  Abbé,   Burkard,  qui  mourut  en  1072. 

Pig.  i6.  On  élut  pour  fécond  Abbé  Luitfrid  ,  Moine  de  lAbbaye  de  faint 
Blaife.  Dans  un  voyage  qu'il  fit  à  Rome  en  icp5,  il  obtint 


(a)  Lib.^6,f2g.  551  ^nwn.'j.  (  Jli.ina  ,  wn.   j  ,    ydg.  y^^. 

Ib)    Mdiilon.  ibid.  &   G  Mi   Chri-\ 


des 


ABBÉ  DE  MOURY  EN  SUISSE.        J4j 

des  Cardinaux,  en  l'abfence  du  Pape,  un  Décret  qui  confirmoit  Pag.  i8. 
l'exemption  de  fon  Abbaye  ,  fous  la  rctributioa  d'un  denier  d'or 
de  cens  annuel. 

XII.  Le  troide'me  Abbé  fut  Udalric ,  à  qui  l'Empereur  Henri 
IV.  confirma,  par  un  Diplôme,  tous  les  droits  &  toutes  les  poffef- 
fions  de  l'Abbaye  de  Moury  ,  en  T094  ;  nommément  le  pouvoirà  Pa^.ji,  3?- 
la  Communauté  d'élire  un  Abbé  félon  la  Règle  de  S.  Benoît.  Le 
nombre  des  Reliques  des  Saints  qu'il  y  avoit  à  Mouri  eft  prodi- 
gieux. On  y  en  voyoit  entr'autres  de  la  fainte  Croix ,  de  l'Eponge 
du  Seigneur ,  du  Sépulchre  de  la  fainte  "Vierge  &  de  fes  che- 
veux ,  du  fang  de   faint  Jean-Baptifle.  La  Bibliothèque  étoit 
auffi  très-nombreufe  ;  outre  les  Livres  de  l'Ecriture  &  les  ouvra-  Pr7^.43. 
ges  des  Peves ,  il  y  avoit  ceux  d'Homère ,  de  Perfc ,  d'Helperic , 
de  Donat,  de  Martial ,  d'Ovide ,  de  Sululte,  de  Stace  ,  d'Achille- 
Stace ,  &  des  Livres  de  Dialetlique  ,  de  (.îrammaire  ,  de  Ivlull- 
que,  de  Géométrie,  de  Réthorique  ;  &  une  Mappe-monde. 
Après  en  avoir  donné  le  détail,  l'Auteur  des  Acles  ajoute:  il 
faut  toujours  avoir  fcin  de  tranfcrire  des  livres  &  d'en  augmen- 
ter le  nombre  ,  parce  que  la  vie  des  hommes  fpirituels  n'eft  rien 
fans  les  livres. 

XIII.  Il  remarque  que  l'ufage  d'avoir  à  Moury  des  Frères  Pdg.  h. 
Conversou  La'?'cs  pour  les  ouvrages  du  dehors,  venoit  de  l'Ab- 
baye de  faint  Blaife  ;  qu'il  s'étoit  répandu  partout ,  &  qu'on  de- 
voitle  maintenir,  en  les  obligeant  de  vivre  fous  la  règle  &  l'o- 
béiiTance  du  Père  fpirituel.  Il  eft  aufii  d'avis  qu'on  lailTefubfifler  Pag-i^' 
le  Monafiere  de  Filles  bâti  dans  le  voifinage  de  Moury ,  pourvu 
qu'il  y  ait  entre  ces  deux  Maifons  une  diftance  convenable  ,  pour 
éviter  tout  foupçon  ;  ôc  qu'on  donne  à  celui  des  Filles ,  des  per- 
fonnes  fages  pour  les  diriger.  On  les  transfera  depuis  en  un  lieu  P.iç.  tf?. 
appelle  Hermentfwile,    qui  faifoit  partie  de  la    fondation  de 
Moury. 

XIV.  Le  quatrième  Abbé  lut  Rupert ,  qui  mourut  en  1 1 10.     lesAàes&. 
li  eut  pour  fuccefieur  Udalric  IL  à  qui  fuccéda  en   1 1  ip  Ron-  n^fo,"pJ^ju 
zelin  ,  dont  le  fucceffeur  fut  Chunon  ou  Conrad  ,  Auteur  des  même  ums , 
Aûes  dont  nous  parlons.  Il  finit  fon  ouvrage  en  priant  ceux  qui  "!"''""  '"'"'"*^ 
viendront  après  de  mettre  par  écrit  ce  qui  arrivera  de  remarqua- 
ble dans  l'Abbaye  de  Moury.  Ce  qui  fuit  ^  de  même  que  la  i  able 
généalogique  des  Comtes  d'Habfbourg  ,  ont  été  ajoutés  aux 
Acles  de  la  fondation  de  Moury.  La  chofe  eft  évidente  pour  le 
fragment  qu'on  lit  enfuite  des  Ades  ;  &  elle  ne  l'eft  pas  moins  à 
l'égard  de  la  Généalogie,  puifqu'elle  va  beaucoup  plus  loin  que 
Tome  XX IL  Zz  z 


S4^     CIWNON  ou  CONRAD ,  ABBE  DE  MOURY.&c 

les  A£les ,  ôc  qu'elle  eft  contraire  en  faits  avec  les  Actes  mêmes."- 
La  ComtefTe  Ittaeft  appelle'e  dans  la  Généalogie,  Réparatrice 
du  Monaftere  de  Moury  :  les  Acles  l'en  difent  Fondatrice.  Il  eft  , 
dit  dans  ceux-ci  que  Radeboton  ,   Comte  d'Habfbourg  ,  prit' 
pour  femme  Itta.  La  Généalogie  ne  fait  pas  même  mention  de" 
Radeboton  ,  quoiqu'il  fût  la  tige  de  la  Alaifon  dHablbourg  ÔC 
de  la  Maifon  d'Autriche  :  ce  qui  fait  voir  que  l'Auteur  n'étoic 
pas  au  fait  de  la  matière  qu'il  avoir  à  traiter ,  ou  que  cette  Généa- 
logie n'eft  pas  compiette. 
'Autres écrii s       XV.  On  attribue  encore  à  l'Abbé  Conrad  une  Chronique' 
de  Conrad  ,  du  Mouaflere  de  Burglen,  fitué  fur  une  montagne  très-élevée 
AbbedeMou-  j^^sle  Brifgaw ,  entre  Bafle  &  Fribourg.  Cette  Chronique  que 
Ckronic.  ^'^^  conferve  dans  la  Bibliothèque  de  faint  Blaife ,  avec  quel- 
Cap.  i.  ques-autresopufcules,  qu'on  juge  par  le  ftyle  ôcla  méthode  être 
du  même  Conrad,  Moine  de  cette  Abbaye,quand  il  les  compofa, 
a  été  imprimée  à  Fribourg  en  17  j  J  m-^°.  par  les  foins  de  Dom 
Ruflene  Hécr.  Elle  nous  apprend  que  le  Monaftere  de  Burglen- 
fut  fondé  par  Wernher  de  Cattinbach ,  d'une  très-noble  ôc  très- 
ancienne  famille  de  Erifgaw  ,  Seigneur  recommandable  parfes 
Gap.  j,4.  vertus  ,  furtout  par  fes  libéralités  envers  les  pauvres,  fa  compaf- 
fion  pour  les  malheureux ,  &  fes  bienfaits  envers  le  Clergé  ÔC 
Cap.  (.  les  Moines  de  l'Abbaye  de  faint  Blaife  ;  qu'il  y  fit  mêmeprofef-- 
Hon  de  la  vie  monaftique  fous  le  vénérable  Ruftene,  qui  en  fut 
C«p.  13.  Abbé  depuis  l'an  1108  ,    jufqu'en  iiaj  ;  qu'Itta,  femme  de 
"Wernher,  qui  ne  cédoità  fon  mari  ni  en  noblefle  ni  en  venu,, 
fe  confacra  à  Dieu  dans  un  Monaftere  de  Filles ,  nommé  Beraw,  ■■ 
C'V-  ■•  bâti  par  l'Abbé  Ruftene.  Avant  la  fondation  de  Burglen,  il  y 
avoit  au  même  lieu  une  ancienne  Eglife,  deilervie  par  un  feul 
Clerc.  Wernher  la  donna  à  l'Abbaye  de  faint  Blaife  ,  avec  une 
partie  des  terres  qu'il  polfédoit  dans  le  Prifgaw  ,  la  Bourgogne  ' 
ôc  la  Suiffe  ,  à  charge  d'établir  à  Burglen  une  Communauté  de 
C»p.  10.  JVloines  fous  la  Règle  de  faint  Benoît.  Cela  s'exécuta  fous  l'Abbé 
Berthold  ,   fucceflcur  de  Ruftene ,   malgré  les  oppofitions  de' 
Cap.  li.  l'Evêque  de  Conftance  ,  qui  enfuite  les  leva,  par  la  médiation  du 
ç^^    j       Pape  Honoré  II.  "Wernher  mourut  à  faint  Blaife  en  1 125  ,  ôc 
:j4,iji       '  fon  époufc  à  Beraw  Tannée  fuivante.  Des  deux  enfans  qu'ils- 
avoient  eus  de  leur  mariage,  le  premier,  nonmié  Wernhere,,. 
fe  fit  Moine  à  faint  Blaife,  ôc  y  mourut  en  odeur  de  fainteté,. 
en  1 1  jp.  Le  fécond  ,  qui  fe  nommoit  Wipcrt ,  embrafl^a  aufli  la 
vie  monafiique,  ôc  fut  le  premier  Prévôt  de  Burglen,  dont  il 
augmenta  les  fonds.  • 


1 


SUITE  DES  CONCILES  DU  HUITIEME  SIECLE.  ^47 

Not-i.  L'on 


"^^^  XX.le  Ma^ 

CHAPITRE     XXIV.  rS'S 


ync^ant    l'im- 

D  ES  Conciles  de  Vomies,  d'Ingelhehn,   de  Narbonne,  Z  'xx\.  oà 
d'Acdech,  de  Fincenhalle ,  de  Inoui,  de  Ratijboiine,     Lp/S?"* 
de  Irancfort ,  &  d'Angleterre. 

î.  T"     E  Roi  Charles  fit  en  787  un  troifiéme  voyage  à  Rome ,     Concile  de 
1    i  dans  le  defTein  de  prendre  le  Pape  Adrien  pour  arbitre  js'^'^^^t^^^'^ 
de  fon  diffcrend  avec  Taililton ,  Duc  de  i3aviere  :  ôc  ce  Duc  de  cWi/.    vag, 
fon  côté  envoya  un  Evêque  ôc  un  Abbé  pour  le  même  fujet.  Le  y^.^  '  f  '^"y" 
Pape  confentit  à  accommoder  les  Parties  ;  mais  les  AmbalTadeurs  '^^^^ 
de  Tallillon  ayant  déclaré  qu'ils  n'avoient  aucun  pouvoir  pour 
régler  les  conditions  du  Traité  ,  le  Pape  mécontent  de  ce  pro- 
cédé, prononça  anathême  contre  Tallillon  &  fes  complices, 
s'il  n'accomplilToit  les  fermens  qu'il  avoir  faits  au  Roi  Charles. 
Ce  Prince  après  avoir  fait  fa  prière  au  tombeau  de  faint  Pierre 
6c  reçu  la  bénédidion  du  Pape ,  retourna  en  France  ,  ôc  s'arrêta 
à  Vomies, où  étoit  Faftrade  fon  époufc.  Il  y  aifcmbla  les  Evo- 
ques ôc  les  Grands  de  fon  Royaume,  leur  expofa  le  fu;et  de 
fon  voyage  à  Rome ,  ôc  comment  le  fouverain  Pontife  avoic 
découvert  la  mauvaife  foi  de  Taflillon.  Puis  de  l'avis  de  l'alTem- 
blée  ,  il  députa  à  ce  Duc ,  pour  l'avertir  de  fe  rendre  aux  ex- 
hortations du  Pape.  Taflillon  l'ayant  refufé ,  le  Roi  Charles  entra 
avec  fon  armée  dans  la  Bavière ,  obligea  le  Duc  de  lui  renouvel- 
1er  fes  fermens,  exigea  de  lui  douze  otages,  du  nombre  def- 
quels  étoit  Thcodon  ,  l'un  de  fes  enfans. 

II.  TafTillon  continua  fes  pratiques  avec  les  ennemis  du  Roi  C^s'icd'Tncel- 
Charlcs ,  qui  en  étant  informé  par  les  Bavarois  mêmes,  que  t^m.7,Cor.cil. 
l'inquiétude  de  leur  Duc  expofoit  à  une  guerre  funefte  ,  convo-  p-g-9(^i;Egi- 
qua  une  alTemblée  à  Ingelheim  en  788  ,  où  le  Duc  de  Bavière  "g'g.'&K/j'in' 
&  tous  les  autres  Vaflaux  de  l'Empire  François  furent  appelles.  mCkron." 
Taflillon  qui  nefe  mélioit  de  rien  ,  comparut  devant  l'aflemblée, 
où  fes  propres  Sujets  le  chargèrent  de  plufieurs  crimes  de  le  '.e- 
Majeflé,  en  particulier  d'avoir  engagé  les  Huns  à  faire  la  guerre 
à  la  France.  Les  preuves  étant  évidentes  ôc  fans  réplique  ,  le 
Duc  fut  condamné  à  avoir  la  tête  tranchée.  Mais  Charles  ne 

Z  z  z  ij 


hs     suite  des  conciles 

pouvant  fe  réfoudre  à  verfcr  le  fang  de  fon  coufin  germain  ,  lut 

donna  la  vie ,  à  condition  qu'il  fe  retireroit  dans  un  Monaftere* 

avec  Tlieodon  fon  fils  pour  y  faire  pénitence.  Les  complices  du: 

Duc  furent  envoyés  en  exil:  pour  lui  il  fut  relégué  d'abord  aa 

Monaltere  de  faine  Goar,  fur  les  rives  du- Rhin  ,  au  Diocèfe  de- 

Treves,  &  enfuite  à  celui  de  Lauresheim  ;  &  fon  fils  Theodon^ 

dans  celui  de  faint  ?vlaximin  à  Trêves. 

Concile  de       III-  L'héréfie  de  Félix  d'Urgel  &  d'Elipand  continuant  à 

Karbonne  en  f^ire  dcs  progrès  ,  le  Roi  Charles  pour  les  arrêter  fit  afTembier 

€ondU%L'.  "'"^  Concile  à  Narbonne  le  vingt-feptiéme  de  Juin,  la  vingt- 

?É4.  troifiéme  année  de  fon  règne,  qui  eft  l'an  ypi.  Il  eft  dit  dans 

les  Acl;esdece  Concile  ,  qu'il  fut  affemblépour  plulieursaftaires 

Eccléfiaftiques,  principalement  contre  le  dogme  pernicieux  de 

Félix  d'Urgel  ;  mais  on  ne  ferait  pas  ce  qui  fut  décidé  fur  ce  fujet  f 

,^  ce  qui  fait  croire  qu'on  ne  décida  rien  touchant  fes  erreurs,c'eft 

qu'il  foufcrivit  lui-même  en  fan  rang  aux  Ades  de  ce  Concile, 

auquel  il  aliilta  avec  vingt-cinq  autres  Evêqucs,  deux  Députés* 

d'abfens,  6c  un  Commifiaire  de  la  part  du  Roi,  nommé  Didier. 

Il  y  avoir  quelques  différends  entre  l'Archevêque  de  Narbonne* 

ôc  les  Evoques  d'Elne  ôc  deBeziers  ,  pour  les  limites  de  leurs^ 

Diocèfes  ;  le  Concile  les  termina. 

Conciles       IV.  On  met  deux  Conciles  en  Angleterre,  vers  l'an  7S8  , 

J'Acckch  &  l'un  à  Acclech  ,  l'autre  à  Fincenhalle.  Les  Acles  n'en  font  pas 

le,  ibid.  r.v.  venus  julqu  a  nous. 

i)6i iSiSpd-       V.  En  791,  ou  en  796,  Paulin  Patriarche  d'Aquilée,  tint 

mon.  tom.i,  ^^^^  fes  Suffragans  un  Concile  à  Frioul,  dans  l'Eglife  de  la' 

314.  '        '  fainte  Vierge.  Il  en  fit  l'ouverture  par  un  long  difcouis ,  où  it 

Concile  c'e  reprcfenta  que  les  défordres  des  puerres  ne  lui  ayant  pas  per- 

Frioul  ,  ton.        !      1         •    ?  i  •     j      '^^  i  •  i       /^     ^ 

7,Condl.  ua  .  "^'^  dcpuis  long-tcms  de  tenir  des  Conciles ,  quoique  les  Lanons 
9^91-  "  en  ordonnaflent  deux  par  chacune  année  ,  il  avoit  faifi  le  mo- 
ment de  la  paix  &  de  la  tranquilité  publique  pour  en  alfembler 
un  où  l'on  pût  établir  la  foi  ,  ôc  la  défendre  contre  deux  nouvel- 
les erreurs  :  dont  l'une  foutenoit  que  le  Saint-Efprit  ne  procède 
que  du  Père  &  non  pas  du  Fils  ;  l'autre  que  Jefus-Clirift  n'efb. 
fils  de  Dieu  que  par  adoption.  Il  établit  lui-même  les  principaux» 
dogmes  de  la  foi  ,  en  expliquant  ce  que  le  Concile  de  Nicée  civ 
a  dit  dans  fon  Symbole.  Jl  s'arrête  principalement  à  l'article  du 
S  iint-Efprit.  Le  Concile  de  Nicée  ne  s'étoit  pas  expliqué  claire-* 
ment  fur  fa  divinité.  Celui  de  Condantinople  le  fit  d'une  ma- 
il .te  plus  expreffe,  en  difant  qu'on  devoit  l'adorer  avec  le  Père 
&.  le  Fils.  Et  parce  que  ce  dernier  Concile  avoit  dit  feulemeno 


DU    HUITIEME    SIECLE.        54P 

que  le  S^int-Efprit  procède  du  Père  ,  ôc  que  quelques-uns  eu 
prenoient  occafion  d'avancer  qu'il  ne  procédoit  pas  du  Fiis  ;  on 
a  depuis  ajoute  au  Symbole ,  que- le  Saint-Efprit  procède  du 
Père  ôc  du  l' ils.  Paulin  enfcigne  que  ces  fortes  dexplications  ou 
additions  ne  font  point  contraires  aux  dt'fenfes  faiteL;  ii  fouventr 
dans  les  Conciles  ,  de  compoler  de  nouvelles  profclllons  de  foi , 
parce  que  ceux  qui  ont  fait  ces  additions ,  n'avoient  pas  une  doc- 
trine dilfcrente ,  ôc  qu'ils  n'ont  eu  autre  chofe  en  vue  que  de 
rendre  en  termes  plus  clairs  le  fens  du  Symbole  mcnie  de  Nicée.K 
Après  cette  remarque  ,  Paulin  montre  par  plulieurs  pafiages  de- 
l'Ecriture,  que  le  Saint-Efprit  procède  du  Père  &:  du  Fils  y 
parce  qu'autrement  il  ne  fcrcit  pas  confubllantiel  à  c-s  deux- 
Ferfonnes:ce  qui  ne  fe  peut  dire,  puifquele  Père,  le  Fils  ôc 
le  Saint-Efprit  font  un  en  nature  ,  ôc  que  les  opérations  de  la 
fainte  Trinité  font  indivifibles  &  inféparables.  Enfuite ,  fous 
Kommer  Félix  ôc  Elipand,  qui  divifoient  Jefus-Chriften  deux  ,- 
l'un  naturel ,  l'autre  adoptif ,  il  les  réfute  par  ces  paroles  du 
Pfeaume ,  qui  dit  du  Fils  de  Dieu  fîit  homme:(^ous  êtes  toujours  Pfalm.  lor, 
le  même  &  vos  années  72e paijhont  point.  Il  ne  s'étend  pas  davan-  -^• 
tage  fur  ce  fujet ,  remettant  à  le  faire  dans  une  profeilion  de  foi 
raiibnnée  qu'il  donne,  en  priant  les  Evêques  du  Concile  delà  P^j- 9'i'j. 
graver  profondement  dans  leur  mémoire.  Le  Peuple  deFrioul 
ne  fut  pas  préfent  au  difcours  de  Paulin.  Il  étoit  en  foule  au-  Pjj.yçn.- 
dehors  de  l'Eglife ,  où  les  Evêques  entrèrent  par  une  porte 
lècrette. 

V I.  Ce  Concile  fit  quatorze  Canons ,  qui  portent  en  fubftance   ^  Cnnons  du 
que  l'on  ne  prendra  rien  pour  les  ordinations  ;  que  les  Pafteurs  ir°o„|^  ■j-'^'' 
feront  par  Icxcelience  de  leur  vie  le  modèle  de  leur  troupeau  ^  pig.  lo'^i. 
comme  ils  en  doivent  être  la  lumière  par  leurs  inurudions  ;  p''- J- 
qu'ils  s'abfiiendront  furrout  de  l'excès  dans  le  vin  ,  fous  peine  c.^n,'-'^ 
de  privation  de  leur  degré  d'honneur,  en  cas  d'incorrigihilité. 
Qu'ils  n'auront  avec  eux  d'autres  femmes  que  celles  qui  font-  C.w.  4. 
permifes  par  le  cinquième  Canon  de  Nicée.  Qu'aucun  Clerc  ne  C.:;t.  j. 
fe  mêlera  des  alTaires  du  fiecle  ;  qu'ils  ne  fe  mêleront  point  des 
emplois  qui  font  ordinairement  exercés  par  les  gens^du  monde 
ou  par  les  Princes  de  la  terre  ;  ô:  qu'au  lieu  de  s'occuper  de  b  C-.n.  6,- 
ehaife ,  de  chanfons  profanes  ,  d'inllrumens  de  mufique  ôc  d'au- 
tres jeux  femblables  ,  ils  mettront  leurs  piaifirs  à  lire  les  faintes 
Ecritures  ,  ôc  au  chant  des  Hvnmes  ôc  des  Cantiques  fpirituels* 
Le  Concile  femble  ne  point  dcfaprouver i'ufage  des  inftrumens,- 
méaie  d  ans  les  Clercs  ,.lorfqu"il  s'agit  de  ces  fortes  de  Cantiques.- 

Zzz  iij. 


j^o        SUITE    DES    CONCILES 

Can.  7.  Il  ajoute  qu'aucun  Evêque  ne  dépofera  un  Prêtre  ,  un  Diacre 
ou  un  Abbé ,  fans  avoir  auparavant  confulté  le  Patriarche  d'A- 

Can.  r.  quile'e  ;  que  les  mariages  nefe  feront  point  clandeftinement ,  ni 
entre  parens  ;  qu'il  y  aura  un  tems  futHfanr  entre  les  fiançailles 
&  ia  célébration  du  mariage,  afin  d'avoir  le  loifir  d'examiner  fî 
les  Fiancés  ne  font  point  parens;  que  ceux  qui  fc  trouveront 
mariés  dans  les  dégrés  défendus  ,  feront  féparés  &z  mis  en  péni- 
tence ;  que  li  cela  fe  peut,  ils  demeureront  fans  fe  remarier,  mais 
que  s'ils  veulent  avoir  des  enfans,  ou  ne  peuven:  \'ivre  dans  le 
.célibat,  il  leur  fera  permis  de  fe  marier  à  d'autres.  Pour  parer 
aux  inconveniens  qui  pourroient  arriver  dans  les  mariages,  il  eft 
ordonné  qu'il  ne  s'en  fera  aucun ,  que  le  Curé  du  lieu  n'en  ait 

■Cdji.  9.  connoifTance.  On  ne  contrariera  pas  de  mariage  avant  l'âge  de 
puberté  ;  &  il  n'y  aura  pas  entre  les  contractans  une  trop  grande 

^  difproportion  d'âse  ,  pour  éviter  les  occafions  dadultere.  Celui 

-Can.  10.        f      r  o^  i  r    j     r       ■       ■  r 

qui  fe  fépare  de  la  femme  pour  caule  de  rornicanon ,  ne  peut  le 
remarier  tant  qu'elle  eft  vivante,  parce  que  Jefus-Ctirift  ea 
permettant  à  un  homme  de  renvoyer  fa  femme  ,  ne  lui  a  pas 
permis  d'en  époufer  une  autre.,  ainfi  que  le  remarque  faint  Jé- 
rôme. A  l'égard  de  la  femme  coupable,  elle  ne  peut  fe  remarier , 

r^  ,  même  après  la  mort  de  fon  mari.  Les  filles  ou  les  veuves  de 
quelque  condition  que  ce  foit ,  qui  onr  une  fois  pris  l'habit  noir , 
en  figne  de  continence ,  doivent  en  garder  !e  vœu  ,  quoiqu'elles 
n'ayent  point  été  confacrées  par  l'Evêque.  Que  fi  elles  fe  marient 
^n  fecretou  vivent  dans  le  défordre,  elles  feront  punies  fuivant 
la  rigueur  des  Loix  ,  féparées  de  ceux  qu'elles  auront  époufés , 
&  mifes  en  pénitence  pour  le  refte  de  leur  vie.  Permis  toutefois 
à  l'Evêque  d'ufer  envers e'Ies  d'indulgence,  eu  égard  à  la  ferveur 
de  leur  pénitence.  Mais  à  l'article  de  la  mort  on  leur  accordera 
le  Viatique.  Le  Concile  ajoute  qu'aucune  ne  pourra  prendre 
1  habit  de  Religieufe  à  finfçu  de  l'Evêque.  Il  paroît  par  ce  Ca- 
non que  la  coutume  ancienne  d'Aquilée  Ôc  des  Provinces  voi- 
fines,  étoitque  les  perfonnes  confacrées  à  Dieu  s'habillalfent  de 

■Can.  tï.  noir.  Défenfe  à  qui  que  ce  foit  d'entrer  dans  les  ?*lonafteres  de 
ÏmHcs,  fans  la  permiliion  de  l'Evêque  Diocèfain  ,  qui  n'y  en- 
trera lui-même  qu'accompagné  de  Prêtres  ou  de  fes  Clercs.  Les 
Abbefies  ni  les  Religieufes  ne  fortiront  point,  fous  prétexte  d'aller 
à  Rome  ou  en  d'autres  lieux  vénérables,  pour  raifon  de  péleri- 
siage.  Celles  qui  feront  le  contraire  fubiront  la  peine  portée  par 
les  I -oix  Canoniques  ,  feront  foumifes  ou  à  lanathême ou  à  l'ex- 
communicurion,ou  privées  de  leur  degré  d'honneur ,  fuivant  la 


DU    HUITIEME    SIECLE.        ^ji 

grandeur  de  la  faute.  Ces  peines  regardent  également  ceux  qui 
entrent  dans  lei  Monafleres  de  Reiigieufes  lans  l'agrciucnt  de 
l'Evcque.  On  commencera  robfervation  du  Dimanche,  au  foir  Cm  i^. 
du  Samedi  ;c"eft-à-Qire,  à  l'heure  que  l'on  fcnne  les  \'cpresi  mais 
on  ne  chômera  pas  pour  cela  le  Samedi ,  comme  faifoient  encore 
quelques  paifans.  Les  autres  Fctes  annoncées  par  les  Evcques  ou 
les  Pafteurs ,  feront  auiFi  obfervces.  On  les  paffera  dans  la  prière 
&  dans  l'exercice  de  toutes  les  bonnes  oeuvres  :  &  les  gens  ma- 
riés garderont  la  continence  en  ces  jours.  Le  dernier  Canon  C-'"'  m.' 
recommande  le  payement  des  dixmes  ôc  .des  prémices ,  qu'il 
autorife  par  quelques  paiïages  de  l'Ancien  Tefiamenr. 

VII.  Alcuin  dit  qu'avant  qu'il  eût  palTé  en  1" rance ,  la  caufe '  Conci'e  Je 
de  Félix  d  Urgel  avoit  déjà  été  agitée  dans  un  Concile  célèbre  "'-'"^'^«""ecn 
tenu  à  Ratiibonne,  en  préfence  &  par  les  ordres  du  Roi  Char-  Co'ndl.  %L] 
les,  6c  que  fon  héréfie  y  avoit  été  condamnée  par  les  Evêques  '°"^  ;  ^'gi~ 
allemblés  en  cette  Ville  de  toutes  les  parties  de  l'Empire.  C'croit  !;'J,'  .■"  j'^,''^^' 
en  792,  le  Roi  Charles  y  avoit  paflé  Ihyver.  Pour  convaincre  idem. 
Félix ,  il  le  fit  amener  en  cette  Ville  afin  qu'il  fut  préfent  au 
Concile  ôc  y  défendit  fa  docirine.  Mais  convaincu  d'erreur  par 

les  Evêques,  on  ordonna  qu'il  feroit  envové  à  Rome  vers  le 
Pape  Adrien.  L'Abbé  Angiiberr  fut  chargé  de  le  conduire.  Félix 
voyant  que  le  Pape  penioit  de  fa  dodrine  comme  en  avoient 
jugé  les  Evêques  de  Francfort,  l'abjura  dans  l'Eglife  de  faine 
Pierre  ,  puis  il  retourna  chez  lui  à  Urgel. 

VIII.  Le  jugement  du  Concile  de  Ratisbonnc  n'empêcha  pas  Prancfo-'t".-* 
les  Evêques  d'Efpiigne,  infciStés  de  l'erreur  de  Félix,  d'y  per-  75-^  tom-.j, 
lifter.  Fclix  lui-même,  qui  l'avoir  abjurée  à  Rome,  en  prit  de  ^^'"^•^'  Ç^g" 
nouveau  la  défenfe.  Elipand  écrivit  une  Lettre  pour  la  foutcnir.' 

Il  l'adrelfa  aux  Evoques  de  F'rance,  &  en  écrivit  une  particu- 
lière au  Roi  Charles,  qui  la  Wx.  lire  devant  les  Evêques  qu'il 
avoit  afiTemblésde  diverfes  Provinces.  Non  content  d'avoir  leurs 
avis  ,  il  confulta  le  Pape  Adrien  ,  qui  lui  envoya  une  Lettre , 
adrelfée  aux  Evêques  de  Galice  &;  d'Efpagne ,  dans  laquelle  il 
rétutoit  les  erreurs  contenues  dans  la  Lettre  d'Elipand.  Paulin, 
Patriarche  d'Aquilée,  les  combattit  auili  par  un  Ecrit  où  il  par- 
loir tant  en  fon  nom  que  de  tous  les  Evêques  d'Italie  de  Tobéif- 
fânce  du  Roi  Charles.  Cet  Ecrit  fut  préfenté  dans  le  Concile  de 
Francfort,  tenu  au  commencement  de  IFté  de  l'an  754  ,  avec 
la  LettD2  du  PapeAdrien  aux  Evêques  d'Efpagne  contre  Eiipand, 
&  celle  de  Charlemagne  à  Elipand.  Ce  Prince  adifta  au  Concile 
avec  les  Légats  du  Pape ,  Theophilade  ôc  Etienne ,  ôc  environ 


j;2        SUITE    DES     CONCILES 

trois  cens  Evêques.  Le  nombre  en  devoir  être  confidérable,' 
puifque  Charles  en  avoit  fait  venir  de  toutes  les  Provinces  de 
l'on  obéiiîance,  c'cil-à-dire,  de  France,  d'Italie,  d'Allemagne 
ôc  d'Angleterre  ,  d'où  vient  que  ce  Concile  a  été  long-tems  re- 
gardé en  France  comme  un  Concile  général. 
Aftcs  eu  IX.  Le  P.oi  Charles  Ht  lire  dans  ce  Concile  l'écrit  envoyé 
Concile,  ibid.  p^^  EHpand  ôc  les  Evoques  d"Efpagne  ;  &  après  qu'on  l'eut  exa- 
.pcg.  lo^î.  j^j[^j<  ^  les  Evêques  du  Concile  le  réfutèrent  par  une  Lettre 
Synodique  adrefTée  à  tous  les  Evêques  6c  les  Fidèles  d'Efpagne. 
Ils  font  voir  premièrement  la  mauvaife  foi  d'Elipand  ôc  de  fes 
Seclateurs ,  en  ce  que  voulant  appuyer  leurs  erreurs  par  des  paf- 
fages  des  Pères ,  ils  avoient  affedé  de  ne  point  marquer  les  noms 
des  livres,  ni  le  nomtre  des  chapitres  d'où  ils  les  avoient  tirés, 
lis  les  accufcnt  môme  d'avoir  altéré  ces  pafiages  en  y  ajoutant 
quelques  paroles,  afin  de  fe  les  rpndre  plus  f.ivorables.  Elipand, 
entre  pluheurs  pafiages  de  l'Ecriture  par  lefqueis  il  vouloit  prou- 
ver que  Jefus-Chrift  n'eft  que  le  Fiis  adoptif  de  Dien  ,  citoit 
Jo'an.  I  ,  14.  celui-ci  :  /Mon  Père  ejl  plus  grand  que  moi.  Les  Percs  de  Franc- 
fort répondent  que  JefuG-Chrin:  a  parlé  ainfi ,  non  àcaufe  de  fon 
adoption  ,  mais  de  fa  forme  de  Serviteur^  ou  à  caufe  de  fa  nature 
huniaine,felon  laquelle  il  eft  moindre  que  fon  Père.  Sur  ces  paro- 
,Jonn.  ilid.  les  dc  faint  Jean  :  Nous  avons  vu  fa  gloire  commz  du  [ils  unique  du 
Père  ,  étant  plein  àc  grâce  G*  de  vériié;'ûs  difent  qu'elles  font 
plutôt  contre  l'adoption  de  la  chair.  En  effet ,  s'il  eft  Fils  uni- 
que, comment  peut-il  être  adoptif?  Ou  s'il  n'eflpas  Fils  propre, 
comment  eft-il  plein  de  grâce  &  de  vérité  ?  Ils  répondent 
aux  paffages  objedcs  de  faint  Hilaire  ,  de  faint  Jérôme  &  de 
faint  Augudin  ,  montrant  qu'Eiipand  en  avoit  mal  pris  le  fens  , 
mj  les  avoit  altérés.  Ils -ne  répondent  point  aux  raifons  tirées  dc 
la  Liturgie  d'Efpagne  ,  attribuée  à  Eugène,  à  faint  Ildepiionfe 
ôc  à  Julien ,  Evoques  de  Tolède ,  fe  contentant  de  dire  que  c'eft 
pour  cette  nouvelle  erreur  qu'ils  ont  été  livrés  entre  les  mains 
des  Infidèles ,  ôc  des  ennemis  de  Jefus-Chrift  ;  qu'il  vaut  mieux 
croire  au  témoignage  que  Dieu  le  Père  a  rendu  à  fon  Fils  ,  en 
difant  :  Celui-ci  ejl  mon  Hls  bien  aimi ,  qu'à  (liint  Ildepiionfe  Au- 
teur dc  cette  Liturgie;  que  les  prières  qu'elle  contient  n'étant 
point  en  ufage  dans  l'Eglife  univcrfelle,  il  cft  fans  apparence 
que  ceux  qui  les  récitent  fbient  exaucés  de  Dieui  que  fi  faint 
Ildephonfe  a  appellédans  cette  Liturgie  Jefus-Chrift  Fils  adop- 
fig.  I034-  tif,  faint  Grégoire  le  Grand,  dont  le  nom  eft  célèbre  dans  tout 
Je  monde,  l'a  nommé  dans  la  Tienne  Fils  unique  de  Dieu.  Lej 

Evêques 


1 


DTJ    HUITIEME    SIECLE.        jn 

Evêques  du  Concile  prouvent  enfuite  par  l'Ecriture  &  par  les  P-Jg^'  «»» 
Pères ,  que  Jefus-ChriÛleft  ôc  doit  écre  appelle  le  propre  Fils  de  -'''^* 
Dieu  ;  qu'il  ne  peut  être  nommé  Fils  adoptif,  parce  qu'il  n'y  a 
point  en  lui  de  divifion  ni  de  féparation  des  deux  natures  ;  que 
les  deux  natures  étant  unies  perlbnnellement  en  lui,  c'eft  le 
même  qui  eft  vrai  Dieu  ôc  vrai  homme  ;  que  l'Apôtre  faint  Paul  Pjg.  io4î. 
ôc  l'Eglile  Catholique  n'ayant  jamais  appelle  Jefus-Chrift  Fils 
adoptif,  on  doit  s'abftenir  de  cette  dénomination  ,  qui  ne  peut 
avoir  d'autre  fens ,  finon  que  J.  C,  n'eft  pas  propre  Fils  de  Dieu. 
Ils  conjurent  les  Evêques  d'Efpagne  de  ne  point  fe  fervir,en  par-  ^'g-  iot*« 
knt  de  Jefus-Chrift,  d'autres  noms  que  de  ceux  qui  lui  (ont 
donnés  dans  l'Ecriture ,  &  leur  témoignent  beaucoup  d'amitié  ôc 
de  charité ,  fans  aucune  menace  d'anathême.  Le  tloi  Charles 
employa  auili  la  voye  de  douceur  pour  ramener  Elipand  &  les 
Evêques  de  (on  parti ,  parce  qu'il  fçavoit  qu'il  n'y  avoit  que  l'o- 
piniâtreté dans  l'erreur  qui  Ht  l'Hérdaq-je  ;  &  ju(ques-là  il  ne  les 
croyoitpas  tels: au  co«t-raire  il  les  traite  d'Ortodoxes  dans  Fini-  '^'ë-  ^°^^' 
eription  de  fa  Lettre  ,  en  les  avertiflant  toutefois  que  s'ils  ne 
renoncent  à  leurs  erreurs ,  ils  feront  traités  d'Hérétiques  &  fé- 
parés  de  ia  communion  des  autres  Evêques.  On  voit  dans  cette 
Lettre  de  quelle  manière  on  avoit  procédé  dans  le  Concile  de 
Francfort ,  pour  la  condamnation  de  l'erreur  dont  ils  étoient  p,i-.  ,345. 
accufés;  qu'on  y  avoit  fait  la  ledure  de  la  Lettre  du  Pape  A''rien 
&  de  l'Ecrit  de  Paulin  d'Aquiiée  ;  que  leurs  preuves  touchant 
l'adoption  de  Jefus'Chfift  y  avoient  été  propofées  ,  examinées, 
ôc  réfutées  dans  la  Lettre  Synodale  du  Concile  ;  qu'on  y  avoit 
fait  plufieurs  Canons  ,  aufquels  il  avoit  lui-même  donné  fon 
approbation  parla  foufcription.  Il  fait  dans  la  même  Lettre  une 
longue  profeliion  d-e  foi,  qu'il  dit  être  celle  de  lEglife  Catho- 
lique, &  qu'il  fouin^ite  être  embralTée  d'Elipand  &des  autres 
Evêques  d'Efpagne.  Tous  les  articles  du  Symbole  y  font  expii-  P.^^. -jo^j. 
qués  clairement ,  principalement  celui  de  l'Incarnation.  li  y  eft 
dit  que  Jefus-Chrift  eft  vrai  Fils  de  Dieu,  en  fes  deux  natures. 
Dieu  &  l'Homme  ne  faifant  en  lui  qu'une  feule  Perfoii.ie, 
qu'ainfi  il  n'eft  point  Fils  adoptif  ni  putatif,  mais  propre  l  ils  de 
Dieu. 

X.  Le  Concile  de  Francfort  fit  cinquante-fix  Canons,  ^fous     Cnnons  du 
mettrons  les  plus  intérelTans.  Le  premier  marque  qu'il  fut  aiiem-  ^-oncie     de 

11/  !••/  ni-  lin-     /^\       I  '."ranctort  , 

blé  par  1  autorité  Apoftohque  ôc  par   ordre  du  Koi  Charles,  .j^^.  ,0,7, 
L'Iiéréfie  d'Elipand  de  Tolède  ôc  de  Félix  d'Urgel  touchant  Cm.  i. 
l'adoption  de  Jefus-Chdft,  y  eft  condamnée.  Le  fécond  rejette 
Tome  XXI  J.  Aaaa 


SS^         SUITE    DES    CONCILES 

€an.  î,  le  Décret  du  fécond  Concile  de  Nicée  fur  l'adoration  des  Ima-- 
Can.  3.  ges.  Il  eft  dit  dans  le  troiliéme  ,  que  Taflillon  ,  auparavant  Duc 
de  Bavière ,  fe  préfenta  au  milieu  du  Concile ,  demanda  par- 
don des  fautes  qu'il  avoit  commifes  ,  tant  contre  l'Etat  des 
François,  que  contre  les  Rois  Pépin  &.  Charles;  que  la  grâce 
lui  fut  accordée  ,  &  que  Ton  en  expédia  trois  Brevets  ;  un  pour 
être  mis  au  Palais  Royal  ;  le  fécond  pour  TaflTdlon  ;  le  troifiéme 
devoir  être  dépofé  dans  la  Chapelle  du  facré  Palais.  Le  hui- 
Can.  ?»■  tiéme  Canon  renvoyé  au  Pape  la  décifion  d'un  différend  furvena 
entre  Urfion  Archevêque  de  Vienne,  ôc  Elifant  Archevêque 
d'Arles ,  au  fujet  des  limites  de  leurs  Provinces.  Il  fut  ordonné 

Ciî/r.  p.  par  le  neuvième ,  que  Pierre  Evêque  de  Verdun ,  accufé  d'avoir 
eu  part  à  la  conjuration  de  Pépin  le  Boffu  contre  le  Roi  fon  père,, 
fe  purgeroit  par  ferment  avec  deux  ou  trois  Evêques  ou  avec 
l'Archevêque  de  Trêves  fon  Métropolitain.  Perîonne  n'ayant 
voulu  jurer  avec  lui ,  il  envoya  un  des  liens  éprouver  le  jugement 
de  Dieu  ;  en  proteftant  de  fon  innocence^  il  en  demanda  pour 
marque  la  proteclion  de  Dieu  fur  l'homme  qu'il  avoit  envoyé- 
Cet  homme  étant  revenu  fain  ôc  fauf ,  le  Roi  pardonna  à  l'Evê- 
que  &  lui  conlêrva  fa  dignité  ,  ne  doutant  plus  après  cette- 
épreuve  qu'il  ne  fut  innocent.  Ce  Canon  ne  dit  pas  en  quoi 
elle  confiftoit  :  fi  c'étoit  le  fer  chaud  ou  quelqu'autre  ufitée  alors 
&:  autorifce  par  les  loix  barbares.  Il  marque  feulement  que  le 

Can.  10.  I^oi  ^  l^  Concile  n'y  eurent  aucune  part.  Le  dixième  déclare 
Gerbord  déchu  de  TEpifcopat,  parce  qu'il  ne  pouvoir  produire 
aucun  témoin  de  fon  ordination,  &  qu'il  convenoit  qu'il  n'avoit 
pas  été  promu  canoniquement  au  Diaconat  ni  à  la  Prctrife.  Par 

Qn.  ij.  le  quinzième,  le  Concile  accorde  au  Roi  de  retenir  à  fa  Cour 
Angelramne ,  Evêque  de  Metz ,  pour  lui  fervir  dans  les  afïaires 

Can.  '.?,  Eccléfiafliqucs.  Le  vingt-huitième  défend  d'ordonner  des  Clercs 

Gfl"-  51-  fans  les  attacher  à  quelque  Egiife.  Le  cinquante-deuxième  dé- 
clare qu'on  peut  prier  Dieu  en  toute  langue ,  &  non  pas  feule- 
ment en  trois  ,  comme  quelques-uns  le  prétendoient.  Le  Canon 
ne  nomme  point  ces  trois  langues  ;  mais  on  croit  que  c'étoit 
l'Mébreu  ,  le  Grec  ôc  le  Latin  ,  à  caufe  que  le  titre  mis  fur  la- 
Croix  de  Jcfus-Chrifl  ètoir  écrit  en  ITébrcu,en  Cjrcc  ôc  en  Latin. 
Les  autres  Canons  font  fouvent  répétés  dans  les  Capitulaires  de 
Gharlemagne.  Il  en  faut  excepter  le  cinquante-fixiéme ,  où  il 
eft  dit  que  le  Roi  pria  le  Concile  de  recevoir  Alcuin  en  fa  com- 
pagnie ôc  dans  la  Ibciété  de  (es  prières,  à  caufe  de  fon  fçavoic 
dans  les  matières  Eccléliaftiques  ;  ce  qui  lui  fut  accordé. 


DU    HUITIEME    SIECLE.        r5f 

X I.  On  met  trois  Conciles  en  Angleterre  ;  les  deux  premiers         Conciles 
en  7P3  ,  &  le  troilic-me  en  7^4.  Ils  lurent  ailemblés  à  Verulara  roJ^càndl'. 
fous  le  règne  d'Olfa ,  Roi  des  Mcrciens,  ôc  l'EpKcopat  de  Hum-  piy.  1012. 
-bert,  dont  le  Sii^ge  droit  à  Lichelelden.  Il  s'y  trouva  quelques 
Evoques  l'uffragans  de  Humbert,  des  Seigneurs  du  Royaume 
&  une  grande  multitude  de  peuple.  Le  fujet  de  ces  alTemblées 
fut  de  conllruire  un  Monaftere  en  llionneur  de  Saint   Alban 
Martyr,  dont  on  avoit  depuis  peu  trouve  les  Reliques.  Le  Roi 
Offa  le  fonda  en  lui  allignant  de  grands  patrimoines  :  &  afin  que 
fes  donations  fuilcnt  fermes  &  ftables ,  il  fut  convenu  qu'on  les 
feroit  confirmer  par  le  faint  Siège.  On  croit  que  ce  fut  dans  l'un    Tom.  6,c>n. 
de  ces  trois  Conciles  que  l'on  publia  les  vingt  Canons  qui  avoient  ''''•Fi^'is/s. 
■été  faits  en  787  dans  celui  deCalecut.  Comme  ils  étoient  en 
Latin  ,  on  les  expliqua  en  langue  Teutonique  afin  qu'ils  fullent 
•entendus  de  tout  le  monde.  L'Archevêque  Humbert  y  foulcrivit 
par  un  figne  de  Croix  ;  le  Roi  Offa  en  fit  autant,  ôc  les  autres 
Evêques  du  Concile  avec  les  Abbés  &  les  Comtes.  Le  premier 
Abbé  du  Monaflere  fondé  par  Ofia  ,  fut  le  Prêtre  "WiHigod  ,      Mahill.lih. 
comme  il  efl;  porté  dans  le  Diplôme  de*ce  Prince  ,  datte  de  l'an  ^^  >    ^'^"^1- 
7P3  de  l'Incarnation.  Spelman  dit  que  Willigod  fut  tiré  avec  ^ii'nÀ^^J.,„i, 
plufieurs  Moines  de  l'Abbaye  du  Bec  en  Neullrie  ,  pour  être  tom.  i  ,  pîg, 
tranfportés  dans  le  Monaflere  de  faint  Alban.  Mais  c'eft  une  '77- 
faute,  l'Abbaye  du  Bec  n'avant  été  bâtie  que  plus  de  deux  cens 
ans  après  celle  de  faint  Alban.  Le  Diplôme  d'Offa  porte  que  le 
Prêtre  Willigod  feroit  obferver  à  fes  Moines  la  Règle  de  faint 
Benoît.  Le  Roi  Offa  après  cet  établiffement  alla  à  Rome  &  affu- 
jettit  fes  Etats  à  faint  Pierre,  en  ordonnant  que  chaque  famille 
de  fes  Sujets  payeroit  un  tribu  au  faint  Siège,  pour  marque  de 
leur  dépendance  ;  m.ais  il  voulut  que  ce  qu'on  leveroit  de  ce  tri-  Monajl,  Angl. 
but  dans  le  Diocèfe  d'Hertford  fut  pour  l'Abbaye  de  faint  Alban  Hid-^'cig^iyS, 
qui  y  étoit  fituce.  Offa  eut  pour  fuccefieur  dans  le  Royaume  des 
Merciens ,  Kenulphe.  Il  y  eut  fous  fon  règne  deux  Conciles, 
l'un  à  Finchallend  en  79S  ;  &  l'autre  à  Bancanceld  ,  la  même 
année,  qui  étoit  la  féconde  de  ce  Prince  ,  ou  félon  d'autres  la 
troifiéme.  Plufieurs  Evêques  &  plufieurs  Seigneurs  y  affilièrent. 
Ehandbald ,  Archevêque  d'Yorc,  prélida  au  premier,  où  l'oii 
traita  divers  points  de  difcipline  ,  entr'autres  ce  qui  regardoit  la 
Fête  de  Pâques  ,  ôc  l'obfervation  des  faints  Canons.  On  y  reçue 
auffi  les  cinq  premiers  Conciles  généraux.  Athelard  Archevêque 
de  Rochefler ,  préfida  au  fécond,  dont  il  fit  l'ouverture  par  un 
petit  difcours ,  où  il  dit ,  que  fuivant  l'ordre  du  Pape  Léon  IIL 

Aaaa  ij 


S^^      s  U  I  T  E    D  E  s    C  O  N  C  ï  L  E  s 

les  Eglifes  dévoient  jouir  en  telle  forte  de  leurs  biens  ôc  dé 
leurs  privilèges,  que  les  Laïcs  ne  s'en  rendiflent point  les  mar- 
tres. 11  menaça  ceux  qui  avoient  fait  le  contraire  d'être  féparés 
dès-lors  de  l'Eglife,  ôc  de  rendre  compte  de  leurufarpation  aa 
jour  du  Jugement ,  s'ils  ne  fe  corrigeoient.  Tous  les  Evoques  dô 
Concile  approuvèrent  ce  difcours,  &  y  foufcrivirent  parle  figne 
delà  Croix.  Ils  étoient  au  nombre  de  dix-huit  Evêques^avee 
deux  Abbés.  &  un  Archidiacre.  - 

CHAPITRE     XX  V. 

Des  Conciles  àe  Rome ,  (TUrgel ,  d'Aix-la-Chapelle  >■• 
de  R.Oîr.e  &  de  Cloveshoiu- 

Concire  :îc  !•  T7  E  L  IX  d'Urgerqui  n'avoit  abjure  fon  he'tcfie  que  de- 


Romeer7i?o,  J|^  bouche  ,  foit  à  Rome  devant  le  Pape  Adrien  ,  foit  à 
pee'.'î'iï^o '•'  Ratifl^onne-  en  préfence  du  Roi  Charles,  &  des  Evêques  div 
i8j8.  Concile,  fit  voir  parfa  rdponfe  à  la  Lettre  qu'Aicuin  lui  avoit 

écrite  pour  l'exhorter  de  fe  réunir  à  l'Eglife  Catholique ,  qu'il 
n'étoit  rien  moins  que  converti,  5on  écrit  fcandalila  toute  l'E-»  ■ 
giife,cequi  obligea  le  Roi  Charles  d'ailcmbier  un  Concile  à 
R.ome  pour  le  condamner.  Il  fe  tint  .en  75?^:.  Le  Piipe-.Leon  IJL- 
y  préfida  adillé  de  cinquante-fcpt  Evêques.  .11  nous  refle  trois 
fragmens  des  trois  fedions  de  ce  Concile.  Dans  la  première ,  le 
Pape  rendit  raifon-  de  la  convocation  du  Concile,  en  difant, 
qu'il  y  avoit  été  obligé  pour  arrêter  le  cours  delà  doêlrine  em-r. 
peftée  de  Félix,  qui  fe  répandoit  plus  que  jamais,  quoiqu"oa 
l'eût  cru  entièrement  éteinte  par  les  Sentences  ôc  les  Anathêmes 
du  Pape  Adrien  ,  ôc   du  Concile  tenu  par  orJre  du  Roi  Charles 
à  Ratilbonne.  Il  dit  dans  la  féconde,  que  Félix  avoit  dans  le 
même  Concile  confellé  fon  erreur  ,  ôc  anathcmatifé  par  écrit 
cette  proposition  :  Jefus-Chrift  efl  Fils  adoptif  (.ie  Dieu  félon  la 
chair.  Qu'ayant  depuis  été  envoyé  au  Pape  Adrien  ,  il  lu  ,  étanc 
prifonnier ,  uneconfeilion  de  foi  Catholique  qu'il  mit  fur  les 
divins  Myfteres  dans  le  Palais  Patriarchal  ,  ôc  enfuire  fur  le 
corps  de  faint  Pierre,  affurant  avec  ferment  qu'il  croyoit  ainiî  , 
&  difant  anatliêmc  à  quiconque  ne  croit  pas  que  JNotrc-Seigneur 


DU    HUITIEME    SIECLE.      SH' 

Jefus-Clirill  ivefl:  pas  le  vrai  &  propre  l' ils  de  Dieu  ;  mais  quo 
s'ctant  enfui  chez  les  Payelis  ,  c  ell-à-dire  ,  chez  les  MuTulmans, 
il  avoir  fliullé  ("on  ferment.  Le  Pape  ajoute,  que  Félix  n'avoit  pas 
niôme  apprchendé  la  Semence  rendue  contre  lui  au  Concile  ds 
Francfurr.  Il  en  donne  pour  preuve  l'c'crit  que  cet  Evcque  avoic 
oomporé  contre  le  vénérable  Alcuin  ,  Abbé  du  Monaflere  df 
faint  Martin  ,  oii  il  répandoit  les  erreurs  avec  plus  de  véhémence 
qu'il  n'avoit  fait  juiqu'alors.  Léon  prononce  dans  la  troidéme 
fellion  la  Sentence  d'excommunication  contre  Félix  d'Urgel , 
s'il  ne  renonce  à  l'erreur  par  laquci.eil  a  oléeui'e:gner  que  J.  C. 
efl  Fils  adoptif  de  Dieu. 

IL  La  môme  année  700  le  Roi  Charles  étant  à- Paderborne  ,.,.  ^-oncûe 

T        11        ai'n  it  K>ri-'i        Al  'I  C'ri^el      en 

envoya  Leidrade^  Archevêque  de  Lyon  ,  JNcrnde,  Archevêque  79,;  rom,  7, 
de  Narbonne  ,  Benoît ,  Abbé  d'Aniane,  &  pluhcurs  autres ,  tant  Cindl.    p^y.- 
Evéques  qu'Abbés,  à  Urgel,  pour  engager  Félix  à  abandonner  '  '  ' 
ion  erreur  ,  &  à  le  foumcttre  au  jugement  de  l'i'.glife.  Ils  lui 
rcpréfenterent  ce  qui  venoit  de  fe  pafTer  dans  le  Concile  ds 
Ilûme,&  1  invitèrent  à  venir  devant  le  Roi,  lui  donnant  parole 
qu'il  pourroit  e«  toute  liberté  produire  toutes  lesprcu\es  de  Ion 
lentiment.  On  met  quciquelois  cette Aflemblée  {a)  au  nombre 
des  Conciles. 

1 1 1.  Sur  !a  parole  des  Evêques ,  Félix  vint  à  Aix-la-Chapelle  ,, . .  V''!^';'^ 
lur  lahn  deian  7ij().  11  y  produilit  en  toute  liberté  les  raHons  &  p^neenyç? 
les  pafTagcsdes  Feres  qu'il  croyoit  favorables  à  Ton  opinion  ;  mais  r  '«7,C:wi/. 
lesÈvèqucs  que  le  Roi  Cliarles  avoir  aiïemblés  le  convainquirent  ^g%.'°'  ' 
tellement ,  qu'il  renonça  à  fon  erreur.  Néanmoins  à  caufedefes 
fréquentes  rechutes,  ils  le-dépoferent  delEpifcopat,  &  le  Roi 
le  relégua  à  Lyon  où  il  finit  fes  jours.  Etant  encore  à  Aix-la- 
Chapelle  il  donna  fon  abjuration  par  écrit  en  forme  de  Lettre 
adreiïée  au  Clergé  &  au  Peuple  dUrgel.  Il  y  expofela  maïucre 
dont  les  Evéques  envoyés  par  le  Roi  Charles  l'avoient  engiigé  à 
fe  rendre  à  Aix-la-Chapelle  ;  la  liberté  qu'en  lui  avoir  accordée 
de  défendre  fon  fentlmenti  la  douceur  avec  laquelle  les  Evêques 
du  Concile  l'avoient  traité;  la  force  des  raifons  par  lesquelles  ils 
l'avoient  convaincu  jfurtout  par  l'autorité  des  écrits  des  faints  ■ 
Pères ,  nommément  de  faint  Cyrille  ,    de  faint  Grégoire ,  Pape  , 
de  faint  Léon  ,  &  de  quelques  autres  qu'il  ne  connoilioit  point 
auparavant.  11  raconte  encore  ce  qui  s'étoit  palTé  dans  le  Concile- 


ia..)  Cave  ^  Jlijor.  Llr.ir.  yjr,  43 1. 

Aaaa  iij 


5j8       SUITE   DES    CONCILES 

de  Rome  en  préfence  du  Pape  Léon  III.  ôc  de  cinquante-fept 
Evéques.  Puis  il  dit ,  que  convaincu  par  la  force  de  la  vérité ,  & 
du  confentement  de  toute  l'Eglife  univerfelle  ,  il  y  retourne  de 
tout  fon  cœur ,  &c  prend  Dieu  à  témoin  de  la  fincerité  de  fa  con- 
verfion.Enconféquenceil  promet  de  ne  plus  croire,  ni  enfeigner 
•que  Jefus-Chrift  ,  félon  la  chair ,  foit  Fils  de  Dieu  adoptif ,  ou 
nuncupatif  ;  mais  de  croire,  conformément  à  la  do6trine  des 
Saints  Pères ,  qu'en  Tune  &c  l'autre  nature  il  efî:  le  vrai  Fils  unique 
de  Dieu  ,  par  l'union  perfonnelle  qui  s'eft  faite  des  deux  natures, 
de  la  divine  &  de  Thumaine  ,  dans  le  fein  même  de  la  fainte 
Vierpe.  Il  exhorte  le  Clereé  &  le  Peuple  d'Ur^relà  embraiTec 
-cette  dodrine  avec  l'Eglife  univerfelle,  à  implorer  pour  lui  la 
-miféricorde  de   Dieu  ,  &  à  faire  ceffer  le  fcanda'e  qu'il  avoit 
caufé  parmi  les  Fidèles  par  fes  erreurs.   Il  reconnoît  qu'elles 
n'étoient  point  éloignées  de  celles  de  Neftorius,  qui  ne  croyoit 
Jefas-Chriil  qu'un  pur  homme.  Sur  quoi  il  rapporte  les  propres 
paroles  de  cet  Héréfiarque ,  &  plufieurs  paflliges  des  Pc:-."  >  pour 
le  combattre  ;  fçavoir,  de  faint  Cyrille  de  Jerufalem  ,  de  faint 
Grégoire  Pape,  de  faint  Athanafe,   de  faint  Grégoire  de  Na- 
zianze,&de  faint  Léon. 
Concile  de       I  V.   Les  ennemis  du  Pape  Léon  III.   après  avoir  exercé 
^0"^^^"?^°?;' plufieurs  violences  contre  lui ,  voyant  qu'il  leur  avoit  échappé 
vag.  1158.      en  lî^  retirant  en  r  rance  vers  le  Koi  Charles ,  envoyèrent  a  ce 
Prince  des  Députés  avec  ordre  de  former  plulieurs  accufations 
contre  ce  Pape.  Charles  vint  en  Italie,  &  arriva  à  Rome  le  vingt- 
quatrième  de  Novembre  de  l'an  800.  Léon  III.  qui  y  étoit  arrivé 
le  vingt-neuvième  de  Novembre  de  l'année  précédente  75)9  , 
-vint  au-devant  de  lui  avec  le  Clergé ,  le  Sénat,  la  Milice  &:  le 
Peuple.  Sept  jours  après  le  Roi  convoqua  une  Aiïemblée  ,  où , 
«ntre  plufieurs  affaires,  il  propofa  d'examiner  les  accufations 
formcei  contre  le  Pape.  Le  Concile  fe  tint  dans  l'Eglife  deiaint 
Pierre.  Le  Roi  &.  le  Pape  étoient  affis ,  de  môme  que  les  Evéques 
&  les  Abbés  ;  mais  les  Prêtres  ôc  les  Seigneurs  demeurèrent  de- 
Anufcajina ,  bout.  Pcrfoune  nefe  préfentant  pour  prouver  les  crimes  objectés 
in  Leone  111.  gu  Pape ,  les  Evcques  dirent  :  Nous  (  a  )  n'ofons  juger  le  Siège 
Apoflolique ,  qui  cft  le  Chef  de  toutes  les  Eglifes  ;  c'eft  l'an- 
cienne coutume  que  nous  fuyions  jugés  nous-mêmes  par  lui ,  6c 


{a)  Nos  Scccm  ApofloHcnm  ,  qui' cft  j  Vicario  fuo  juùicamur  ,  qi'cmadmorîuin 
Caput  omnium  Dci  Frcle(!:!riim  ,  judicarc  S.  antioiiirjs  mos  fuir.  Anaft^jlus  ,  tom.  j  , 
«CD  nudcmiiî  ;  r^(n  ab  ipja  nos  omnes  &  i  Condl.p.ig.  St. 


DU  HUITIEME  SIECLE.  f;<? 
par  fon  Vicaire.  Le  Pape  prenant  la  parole ,  dit ,  qu'il  voiiloit 
fuivre  les  traces  de  fes  Prcdécefleurs  ,  ôc  qu'il  étoit  prêt  à  fc 
purger  de  ces  fauffes  accufations.  Il  le  fit  le  lendemain  dans  la 
même  Eglife  de  l'aint  Pierre  ,  en  prcfcnce  des  Archevêques , 
Evêques  ,  Abbcs  ,  des  François  &  des  Romains.  A  cet  eiîct  il 
prit  entre  les  mains  les  faints  Evangiles ,  &  montant  devant  tout 
le  monde  fur  lambon  ,  il  dit  à  haute  voix  avec  ferment  :  Je  n'ai 
aucune  connoilTance  d'avoir  commis  les  crimes  dont  m'ont 
charge  les  Romains  qui  m'ont  perfécuté  iniuftement.  Alors  tous 
les  Archevêques ,  Evêques  &  Abbds  ch.anterent  avec  le  Clergé 
une  Litanie,  ôc  louèrent  Dieu,  la  fainte  Vierge,  faint  Pierre  ôc 
tous  les  Saints. 

V.  En  Angleterre ,  fous  le  règne  du  Roi  Kenulphe ,  Adelard  ,      Concile  cfa' 
Archevêque  de  Cantorberi  ,  tint  vers  l'an  800  un  Concile  à  ^''^"j^^h""  > 
Cloveshou  avec  les  Evêques  de  fa  Province, où,  en  prcfence  um.  j.Conàl. - 
du  Roi,  on  examina  premièrement  ce  qui  regardoit  la  Foi ,  &  P'^i- ^ 53» 
enfuite  les  ufurpations  des  biens  d'Eglife.  On  reconnut  que  la 
Foi  ctoit  la  même  qu'on  l'avoit  reçue  de  faint  Grégoire.  Mais  à 
l'égard  des  biens  des  Eglifes  ,  il  fut  prouvé  que  ion  en  avoic 
uiurpé  plufieurs ,  &:  que  l'on  en  avoir  même  détourné  les  titres. 
Ces  ufurpations  regardoient  le  RoiOfia,  &  Kenulphe  lui-même. 
Ce  dernier  en  témoigna  du  repentir,  avecpromell'e  de  rediruer. 
Adelard  fit  autorifer  dans  le  même  Concile  un  échange  qu'il 
avoir  fait  avec  TAbbelTe  du  Monaftere  de  Cotha.  Dans  un  antre       ihid.  ^3g.- 
Concile  alTemblé  au  même  lieu  le  i  2  d'Oclobre  de  l'an  Soj ,  le  >^Sp. 
même  Archevêque  fe  plaignit  encore  des  ufurpations  faites  fous 
fon  prédécelTeur  par  le  Roi  Otfa  ;  &.  en  vertu  du  pouvoir  qu'il 
avoir  reçu  du  Pape  Léon,  il  défendit,  fous  peine  d'anathéme,  à 
qui  que  ce  (bit ,  Rois ,  Evêques,  Princes  ,  d'ufurper  aucun  des 
biens  de  l'Eglife  de  Cantorberi,  Il  défendit  aufii-,  en  vertu  du- 
même  pouvoir ,  aux  Moines ,  de  fe  choifir  des  Laïcs  pour  Mal-  • 
très  ,  voulant  quiis,  fe  conformaifent  dans  l'éieiftion  de  leurs- 
Supérieurs  ,  aux  décrets  des  Conciles  ,  aux  privilèges  du  fainr 
Siège,  6c  aux  intentions  de  leurs  Fondateurs,  en  obfervant la-' 
règle  Ôc  la  difcipline  qui  y  avoient  été  établies.  Douze  Evêques- 
foufcrivirent  auxacles  de  ce  Concile,  ôc  après  eux  les  Abbés  ÔC- 
ies  Prêtres. 


^6o  C  O    N    C   I    LES 

CHAPITRE     XXVI. 

CoNCi  LES  d'Altino  ,  i'Aïx-la-Chavdle  ,  d'Arles» 
de  Ma.yence ,  de  Reuns ,  de  Tours,  de  ChJdons-J'ur'- 
'Saône ,  d^ Aix-la-Chapelle, 

Concile  î*  T  E  A  N  j  Duc  de  Vcnife ,  voulant  faire  plaifir  à  l'Empereut 
d'Altino  tn  J  Nicephore ,  eflaya  de  faire  élire  Evcque  d'Olivito  un 
C)lcil°'^'pL\  no"''^''<^  Chriftophe  ,  Grec  de  naiiTance.  Les  Tribuns  s'oppo- 
1187.  ferent  à  (on  Ordinarion  ,  &  prièrent  le  Patriarche  de  Grade  de  ne 

le  point  confacrer.  Celui-ci  alla  plus  loin  ,  il  excommunia  C^hrif- 
tophe  ;  ce  qui  irrita  tellement  le  Duc  de  Veiiife ,  qu'ayant  mené 
uneFlote  contre  la  Ville  de  Grade  ,  il  s'e.i  rendit  m.al-re  ,  ôc  fît 
précipiter  le  Patriarche  d'une  Tour  très-haute  avec  d  autres 
Frctres,qui  en  moururent,  Paulin,  Patriarche  d'Aquiiée,  in- 
formé de  cette  violence  ,  affembla.au  mois  de  May  de  l'an  805 
un  Concile  à  Altino  ,  d'oii  il  écrivit  à  l'Empereur  Charles  une 
Lettre  fynodale,  où  il  fe  plaignoit  que  des  Prêtres  avoient  été 
tattus  ,  ôc  laiiTés  demi-moxts ,  d'autres  même  tués  ;  l'exhortant  à 
en  faire  juflice  ,  comme  l'unique  Protecteur  de  l'Eglife ,  aîin  que 
l'exemple  d'une  juftc  féverité  arrêtât  le  cours  de  ces  excès ,  qui 
étoient  devenus  frcquens  par  l'impunité  des  défordres.  Il  deman- 
doit  encore  que  la  Sentence  que  ce  Prince  rendroit  à  ce  fujet 
fut  publiée  dans  toute  la  Monarchie,  afin  qu'on  ne  l'oubliât 
jamais.  On  ne  fçait  point  la  fuite  de  cette  aHaire  ,  finon  que  les 
''i'ribuns  de  Venife  firent  élire  Forcunat  à  la  place  du  Patriarche 
mis  à  mort  par  le  Di:c. 
■Corcile       IL  La  même  année  Paulin  d'Aquilée  ,  en  qualité  de  Légat 


f',pr.g.i7i>;Si  fait  aiîembler  à  Aix-la-Chapelle-  Il  nous. en  refte  un  Capi 
"^c's^  '  ^'^'  divifé  en  fept  articles.  Les  trois  premiers  fontpour  le  maintien 
des  biens  appartenans  à  l'Eglife  ,  la  liberté  des  éleèlions  ,  ôc  la 
confervation  des  privilèges  ôc  des  domaines  Eccléfiadiqucs. 
Les  trois  fuivans  contiennent  les  plaintes  formées  contre  les 
co-Evêques  ,  ôc  le  décret  rendu  contr'eux.  LT.mpercur  y  dit  , 
■qu'ayant  c.té  fouvent  fatigué  des  remontrances  faites  contre  les 

.,co-Evcques  ^ 


DU    NEUVIEME    SIECLE,      s^i 

co-Evêques  ,  non-feulement  parle  Clergé,  mais  encore  par  les 
Laïcs ,  il  avoir  envoyé  l'Archevêque  Arnon  au  Pape  Léon  pour 
le  confuker  fur  cette  affaire,  afin  que  les  Evêqucsde  fon  Empire 
puffent  la  décider  ,  fuivanc  l'autorité  du  faint  Siège  ;  que  la 
réponfe  du  Pape  porcoitquelesco-Eveques  n'avoient  le  pouvoir 
ni  d'ordonner  des  Prêtres  ,  des  Diacres  &  des  fous-Diacres  ,  ni 
de  dédier  des  liglifes ,  confacrer  des  Vierges ,  donner  la  Confir- 
mation ,  ou  faire  aucune  fonttion  Epifcopale  ;  &  que  tout  ce 
qu'ils  avoicnt  prétendu  faire  par  attentat,  devoit  être  fait  de 
nouveau  par  des  Evêques  légitimes ,  fans  crainte  de  réitérer  ce 
qui  étoit  nul  ;  que  le  Pape  avoit  ordonné  de  condamner  tous  les 
co-Evêques ,  ôc  de  les  envoyer  en  exil ,  en  trouvant  bon  toutefois, 
que  les  Evoques  les  traitaffent  plus  doucement ,  6c  qu'on  les  mît 
au  rang  des  Prêtres ,  à  condition  de  n'entreprendre  à  l'avenir 
aucune  fonttion  Epifcopale,  fous  peine  de  dépofition.  C'efl: , 
ajouta  l'Empereur  ,  ce  qui  a  été  ordonné  au  Concile  tenu  à 
Ratifbonne    par    l'autorité  Apoftolique  ,  &  on  y   a   déclaré 
que  les  co-Evêques  n'étoient  point  Evêques,  parce  qu'ils  n'a- 
voient été  ordonnés  ni  pour  un  Siège  Epifcopal ,  ni  par  trois 
Evêques.  Nous  avons  donc,  continue  ce  Prince,  ordonné,  de 
l'avis  du  Pape  Léon,  de  tous  nos  Evêques  6c  nos  autres  Sujets, 
qu'aucun  co-Evêque  ne  pourra  donner  la  Confirmation  ,  ordon- 
ner des  Prêtres,  des  Diacres,  ou  des  fous-Diacres  ,  donner  le 
voile  à  des  Vierges ,  faire  le  faint  Chrême ,  confacrer  des  Eglifes, 
ou  des  Autels ,  ou  donner  la  bénéditlion  au  peuple  à  la  Meffe 
publique  ;  le  tout  fous  peine  de  nullité  ,  6c  de  dépofition  de  tout 
rang  Eccléfiadique  pour  le  co-Evcque,  parce  que  toutes  ces  fonc- 
tions font  Epifcopales,ôc  que  les  co-Evêques  ne  font  que  Prêtres. 
C'efl:  pourquoi  lesEvêques  confirmeront,ou  ordonneront  de  nou- 
veau ceux  à  qui  les  co-Evêques  ont  impofé  les  mains  ,  6c  ainfidu 
refte,  fans  craindre  de  réitérer  les  Sacremens  ;  parce  qu'il  eft  écrit 
que  l'on  ne  doit  point  regarder  comme  réitéré,ce  que  l'on  prouve 
n'avoir  point  été  fiit.  Le  feptiéme  article  traite  de  la  manière 
dont  un  Prêtre  accufé  devoit  fe  juftifier ,  6c  de  la  qualité  des 
témoins  ôc  des  accufateurs.  Il  eft  ordonné  que  fi  l'accufateur  efl: 
tel  que  les  Canons  le  demandent,  6c  qu'il  prouve  en  préfencc 
des  Evêques ,  par  un  nombre  fuffifant  de  témoins  dignes  de  foi , 
ôc  qui  foient  de  bonnes  mœurs ,  le  crime  dont  il  accufe  un 
Prêtre,  celui-ci  fora  condamné  canoniquement;  mais  que  fi  l'ac- 
cufateur ne  prouve  point,  il  fera  lui-même  jugé  canoniquement. 
Le  Capitulaire  ajoute  que  fi  un  Prêtre  n'eft  que  foupconné  de 
TomQ  XXIL  Bbbb 


y($2  CONCILES 

crime  ,  fans  qu'il  y  ait  des  preuves  qu'il  en  foit  coupable,  H 
prouvera  foii  innocence  en  préfence  de  plufieurs  Prêtres ,  ou 
devant  le  Peuple,  en  faifant  ferment  fur  les  quaïxe  Evangiles, 
quil  cft  innocent  de  ce  dont  on  le  foupçonne. 
Conciles  de       III.  On  a  remarqué  en  fon  lieu  que  le  Patriarche  Taraife 
Conftannno-    ayoit  dopofc  le  Prêtre  Jofepii  pour  avoir  donne'  la  bënédiîtion 
80^,  tom.  7 ,  su  mariage  illicite  de  l'Empereur  Conftantin  avec  Théodore  , 
Cor.al.    pj^.  ^  que  ce  Prêtre  ayant  dans  la  fuite  gagné  les  bonnes  grâces  de 
u^itT'iiiii   i'£f,-,pereur  Nicephore,  ce  Prince  preli'a  fi  vivement  le  Patriar- 
che Nicephore  ,  fuccelfeur  de  Taraife,  qu'il  rétablit  Jofeph 
dans  fes  fonïtions.  Il  ne  voulut  pas  toutefois  caffer  de  fon  auto- 
rité le  décret  de  Taraife  ;  il  aiïembla  à  cet  effet  en  io6  un  Con- 
cile d'environ  quinze  Evêques.  Saint  Théodore  Srudite  qui  fe 
trouvoit  à  ce  Concile  ,  s'oppofa  à  fon  décret ,  comme  il  sétoit 
oppofé  au  mariage  de  Conllaniin  avec  Thcodote  ;  Ôc  le  lende- 
main il  fignifia  fa  proteftation  au  Patriarche  ,  après  quoi  il  fe 
fépara  de  (a  communion  avec  tous  fes  Moines.  Saint  Platon  prit 
le  même  parti  ,   6c  quelques  mouvemens  que  l'Empereur  fe 
donnât  pour  les  obliger  lun  &  l'autre  à  approuver  fon  mariage  , 
ils  le  refuferent  conframment.  Ce  Prince  les  voyant  inébran- 
lables affeinbla  un  Concile  en  S09  ,  où  il  les  fit  coiviparoître  ayant 
les  chaînes  aux  pieds.  Ils  y  furent  traités  indignement  ;  &  le  Con- 
cile, fans  s'arrêter  à  leur  oppofition  ,  déclara  que  le  niariage  de 
Conftantin  avoit  été  légitime  par  difpenfe.  En  conféquence,  il 
prononça  anathême  contre  ceux  qui  ne  recevoient  pas  ce  qui 
avoit  été  fait  à  cet  égard  par  le  Parriarche  Nicephore.  L'Empe- 
-reur  fit  fignifier  ce, décret  à  faint  Platon  &  à  faiut  Théodore ,  de 
même  qu'à  Jofeph  fcn  frère ,  qui  éroit  Archevêque  de  Thefialo- 
nique  ,  quis'étoit  oppofé  ,  comme  lui ,  au  décret  du  Concile  de 
8o(5  5  Ôc  après  les  avoir  fait  mettre  en  prifon  ,  &.  leur  avoir  figni- 
fié  le  décret  de  dépofition  ôc  d'excommunication  ,  il  les  relégua 
tous  trois  dans  des  Ides  voifmes  de  Conftantinopie  ,  avec  ordre 
de  les  mettre  en  des  prifons  féparées. 
ConcHe.''^       IV.  En  807  le  vingr-fix  de  Janvier  ,  Amon,  Métropolitain 
f?l?bour;^,      de  Salzbourg  en  Bavière  ,  tint  avec  phifieurs  Evêques  ,  Abbés  ÔC 
l,"'"'^"'^-;'     autres  Clercs,  un  Concile  où  l'on  agita  principalement  la  quef- 
k'Cointe,tom    tion  des  dixmes.  Il  y  fut  déclaré  que,  fuivant  les  ufages   6c  les 
7jpag.9i.      f^atuts  des  Anciens,  on  en  feroit  quatre  parts ,  une  pour  l'Evo- 
que, une  autre  pour  les  Ckrcs ,  la  troifiénie  pour  les  Pauvres,  ôc 
une  quatrième  pour  la  Fabrique  de  l'Eglife.  Nous  n'avons  qu'un 
:précis  des  actes  de  ce  Concile-,  donné  par-Bruner-u^fur  un-anaeb 
Eîanuicrit  deFrifingue, 


DU    NEUVIEME    SIECLE.    ^$i 

V.  Il  eft  fait  mention  dans  la  Chronique  de  Moiflac  fur  l'an  Condlei 
802  ,  d'un  Concile  tenu  au  mois  d'Oètobre  à  Aix-la-Chapelle,  peiie''en  SoT 
en  préfence  de  l'tmpereur  Charlemagne.  Ce  Prince  y  fit  lire  8cSo9,tom.7, 
tous  les  Canons  &  les  Décrets  des  Papes ,  6c  ordonna  qu'ils  ^'^''^if^i' 
feroient  obfervds  à  l'avenir  ,  tant  par  le  Clergé  que  par  le  Peuple. 
Comme  il  avoit  fait  venir  à  ce  Concile  les  Abbés  &  les  Moines  , 
il  les  obligea  au(îi  à  faire  obferver  dans  leurs  Monaftercs  la  Règle 
de  faint  Benoît,  &  à  réformer  tous  les  abus  contraires  à  cette 
Règle.  Au  mois  de  Novembre  de  l'an  8op  le  même  Prince 
alTembla  un  Concile  en  cette  Ville  pour  y  examiner  la  queftion  : 
Si  le  Saint-Efprit  procède  du  Fils  comme  du  Père.  Elle  avoit 
auparavant  été  agitée  à  Jerufalem  par  un  Moine  nommé  Jean. 
L'Empereur  ne  voulant  rien  décider  fur  cette  matière  fans  l'avis 
du  faint  Siège  ,  députa  à  Rome  Bernard  ,  ou  Bernaire,  Evêque 
de  Vormes,  6c  Adélard,  AbbédeCiorbie,  avec  une  Lettre  delà 
faconde  Smaragde,  Abbé  de  faint  Mihel,  contenant  les  paf- 
fages  de  l'Ecriture  ôc  des  Pères  qui  montrent  que  le  Saint-Efprit 
procède  du  Fils  comme  du  Père.  Les  Députés  lurent  cette 
Lettre  au  Pape  Léon  avec  qui  ils  entrèrent  en  conférence.  Le 
réfultat  qui  en  a  été  fait  par  l'Abbé  Smaragde  ,  préfent  à  la  confé- 
rence j  porte  :  que  le  Pape  convint  que,  fuivant  la  dotlrine  de 
l'Ecriture  ôc  des  Pères,  le  Saint-Efprit  procède  du  Père  6c  du 
Fils  ;  que  l'on  devoit  enfeigner  cette  dotlrine  à  ceux  qui  l'igno- 
roient  ;  mais  qu'il  ne  fut  point  d'avis  d'ajouter  cet  article  au 
Symbole  ,  moins  encore  de  le  chanter  ;  qu'il  permit  toutefois  de 
continuer  de  le  chanter  danS  le  Palais  de  Charlemagne ,  à  condi- 
tion que  peu  à  peu  on  aboliroit  cet  ufage  qui  s'écoit  introduit 
fans  autorité.  Son  avis  ,  à  cet  égard  ,  ne  fut  point  fuivi ,  6c  on 
continua  en  France  de  chanter  le  Symbole  avec  l'addition  Filio- 
que.  L'Auteur  (a)  de  la  vie  de  Charlemagne  ,  dit,  que  l'on 
traita  dans  le  même  Concile  plufieurs  autres  matières  touchant 
l'état  des  Egliles  ,  ôc  la  converhon  de  ceux  qui  y  fervoient  Dieu  ; 
mais  que  Ton  n'y  décida  rien ,  à  caufe  de  l'importance  des  chofes 
qui  y  furent  propofées. 

V  I.  L'Empereur  Charles  avoit  envoyé  en  81 1  une  Lettre  „,    C°""l« 

1   •        >  1         A      L       A  1      r        r,  I  1-1  Arles  en 

Circulaire  a  tous  les  Archevêques  de  fon  Royaume,  dans  la-  sij.wm.  7, 
tjuelle  il  les  prioit  de  lui  faire  fçavoir  comment  eux  ,  6c  leurs  P^S'  '»3'' 
SufFragans,  inftruifoient  les  Prêtres  6c  les  Peuples  touchant  le 


(a)  Vif -i  Caroli ,  p. r  Moncickam  Egolifm,  Duçheihe,  lom.  ■    va-'.  84. 

Bbbbij 


y(?4  CONCILES 

Baptême  &  les  cérémonies  qui  le  précèdent  &  l'accompagnent; 
Cette  Lettre  occafionna  plulieurs  Traités  dont  nous  avons  rendu 
compte  dans  ce  Volume.  Deux  ans  après  il  afTembla  un  Parle- 
ment à  Aix-la-Chapelle  ,  où  il  ordonna  que  l'on  tiendroit  cinq 
Conciles  dans  les  principales  MétropolesdefesEtats,  à  Arles,  à 
Mayence  ,  à  Reims  ,  à  Tours  &  à  Châalcns-fur-Saône  ,  &  que 
les  décrets  lui  en  feroient  apportés.  Ces  cinq  Conciles  fe  tinrent 
en  813.  Les  Réglemens  que  l'on  y  fit  ont  rapport  à  la  Lettre 
circulaire  envoyée  à  tous  les  Archevêques ,  deux  ans  auparavant. 
Le  Concile  d'Arles  fut  tenu  le  dixième  de  May  dans  l'Ëglife  de 
faint  Eftienne.  Jean,  qui  en  étoit  Archevêque,  y  préiida  avec 
Nebridius  deNarbonne,  qui  fe  qualifient  l'un  ÔcTautre, Envoyés 
de  leur  très-glorieux  ôc  très-pieux  Prince.  On  y  fit  vingt-fix 
C^/z.  T.  Canons.  Le  premier  contient  une  profefhon  de  Foi  avec  l'addi- 
Can.  1.  tion  Ex  Pâtre  ù"  Filio.  Le  fécond  ordonne  une  Afiemblée  géné- 
rale dans  l'Ëglife  pour  y  chanter  des  fvlefles ,  Ôc  faire  des  prières 
C,!/i.  5.  pour  le  Roi  Charles.  Il  eft  dit  dans  le  troifiéme,que  chaque 
Archevêque  exhortera  fes  Suffragans  de  fe  mettre  en  état  par 
l'étude  de  l'Ecriture  fainte,  de  bien  infl.ruire  les  Prêtres  &  le 
Peuple  fur  le  Baptême ,  &  tous  les  Myfleres  de  la  foi  ;  parce  que 
l'ignorance  étant  la  mère  de  toutes  les  erreurs,  elle  ne  doit  pas 
fe  trouver  dans  les  Prêtres  ,  qui  font  cliargés  de  i'inftruction  des 
autres.  Il  faut  donc  qu'ils  fçachent  ôc  l'Ecriture  fainte,  ôc  les 
Canons  ;  ôc  que  tandis  qu'ils  enfeignent  les  Peuples  ,  ils  les  édi- 
Cm.4&  î»  fient  par  leur  bonne  conduite.  Les  quatrième  ôc  cinquième  por- 
tent, que  les  Laïcs,  c'efl-à-dire,  le? Patrons,  ne  pourront  chalTer 
des  Eglifes  les  Curés  à  qui  les  Evêques  en  ont  confié  le  foin ,  ni 
yen  mettre  d'autres  fans  le  jugement  de  leur  propre  Evêque,  de 
qui  ils  recevront  les  inftrutlions  néceffaires,  lorfqu'ils  feront  par 
lui  ordonnés  pour  la  defferte  des  Paroifies  ;  que  les  Patrons  ne 
pourront  non  plus  exiger  des  préfens  pour  confier  à  des  Prêtres 
le  foin  de  quelques  Eglifes,  parce  qu'il  arrive  fouvent  que  la 
cupidité  des  Laïcs  les  engage  a  préfenter  des  Miniflres  indignes 
Car.  c.  des  fonctions  Sacerdotales.  Le  fixiéme  veut  que  chaque  Evêque 
ait  foin  que  les  Chanoines  ôc  les  Moines  vivent  cliacun  ,  feloa 
Can.  7.  leur  inflitut.  Il  eft  ordonné  par  le  feptiéme  que  l'on  choilira  des 
hommes  de  bonnes  mœurs ,  ôc  d'un  âge  avancé ,  pour  le  fetvice 
des  Monaftcres  de  Filles  ;  que  les  Prêtres  qui  y  iront  célébrer  la 
Meffe  ,  enfortiront  aulfitôt  qu'elle  fera  finie;  qu'aucun  Clerc, 
ni  Moine  jeune ,  n'aura  accès  dans  ces  Monafteres ,  fi  ce  n  eft  à 
laifon  de  parenté. 


DU    NEUVIEME    SIECLE.      j(?î 
•     VII.  Il  eft  porté  dans  le  huitième  ,  que  dans  les  Monaftcrcs  Can.  »« 
de  Chanoines  ,  de  Moines  ,  ou  de  Religieufes  ,  on  ne  recevra 
qu'autant  de  perfonnes  que  la  Maifon  en  pourra  commodément 
entretenir.  On  lit  dans  les  fuivans,  que  chacun  offrira  de  fon  Can.  9, 
propre  travail  les  dixmes  ôc  les  prémices  à  Dieu  ;  que  non-  „ 
îeulement  dans  les  Villes  ,  mais  aulli  dans  toutes  les  Paroiffes  ,       '  '"* 
les  Prêtres  inflruiront  de  vive  voix  leur  Peuple;  que  l'on  féparera  q.,  ,, 
tous  ceux  qui  ont  contracté  des  mariages  inceilueux  ,  en  leur 
faifant  d'ailleurs  fubir  la  peine  portée  par  les  anciens  Canons  ; 
que  chacun  contribuera  de  fon  côté  à  l'entretien  de  la  paix  entre  Can.  n- 
les  Evêques ,  les  Comtes ,  les  Clercs ,  les  Moines  ,  ôc  tout  le 
Peuple  ;  qu'à  cet  effet ,  les  Comtes ,  les  Juges ,  ôc  tout  le  Peuple ,  Cw.  i  j. 
obéiront  à  l'Evêque ,  &c  qu'ils  agiront  de  concert  pour  le  maintien 
de  la  Juliice  ;  qu'en  tems  de  famine,  ou  de  quelqu'autrc  nécef-  Can.  n, 
f\t6 ,  chacun  nourrira  ielon  fes  facultés  ceux  qui  lui  appartiennent  ; 
que  les  poids  ôc  les  mefurcs  feront  partout  égales  ôc  juftes  ;  qu'on  Cn.  ly. 
n'expofera  point  publiquement  des  marchandifes  les  jours  de  Cm.  is. 
Dimanche,  qu'on  n'y  tiendra  point  les  plaids  ;  ôc  ques'abltenant 
de  toutes  oeuvres  ferviles  ôc  de  la  Campagne,  cliacun  ne  s'occu- 
pera que  du  culte  de  Dieu  ,  ou  des  chofes  qui  y  ont  du  rapport  ; 
que  chaque  tvcque  fera  une  fois  l'année  la  vifitede  fonDiocèfe,  Cjn.  17, 
ôc  prendra  la  protection  des  pauvres  opprimés,  en  employant 
même  l'autorité  de  la  puiffance  Royale  pour   réprimer  ceux 
qu'il  n'auroit  pu  Héchir  par  fes  prières  ôc  fes  remontrances  ;  que 
les  Prêtres  garderont  fous  la  clet  le  faint  Chrême ,  ôc  ne  le  donne-  Cw.  i  j. 
ront  à  perfonne ,  fous  prétexte  de  médecine  ,  parce  que  c'eft  un 
genre  de  Sacrement  que  d'autres  que  les  Prêtres  ne  doivent  point 
toucher  ;  que  les  parens  doivent  inflruire  leurs  enfans,ôclc3  Cm.  f^. 
Parains  ceux  qu'ils  ont  tenus  fur  les  Fonts  ;  ceux-là ,  parce  qu'ils 
les  ont  engendrés  ;  ôc  ceux-ci  ,  parce  qu'ils  répondent  pour  eux  ; 
que  l'on  confervera  aux  anciennes  Eglifes  leurs  dixmes  ôc  les  O/;.  zo. 
autres  biens  dont  elles  font  en  poffeilion  ;  que  pour  ce  qui  regarde  Cm,  z  1. 
lafépulture  des  morts  dans  les  Bafiliques,  on  s'en  tiendra  aux 
Décrets  des  anciens  Pères  ;  que  l'on  ne  tiendra  point  de  plaids  Cuû.h, 
publics  ôc  féculiers  dans  les  Parvis   des  Egliles  ,  ni  dans  les 
Eglifes  mêmes  ;  que  les  perfonnes   puiffantes  ,   comme   les  Cn.  îj. 
Comtes  ,  les  Vicaires  ,  les  Juges  ,  les  Centeniers  ,  n'achèteront 
les  biens  des  Pauvres  que  publiquement  en  préfence  du  Comte 
ôc  des  plus  Nobles  de  la  Cité  ;  que  chaque  Evêque  veillera  fur  Can.i^i 
les  Prêtres  ôc  les  Diacres  de  fon  Diocèfe ,  ôc  obligera  les  Clercs 
fugitifs  de  retourner  vers  leur  propre  Evêque  ,  ôc  les  rendra  i 

B  b  b  b  iij 


^66  CONCILES 

dn.  »î.  ceux  qui  les  répéteront  ;  que  fi  quelqu'un  poflede  en  bénéfice 
les  biens  d'une  Eglife,  ceft-à-dire  ,  en  ufurruit ,  il  contribuera 
non-feulement  aux  réparations  ,  mais  encore  à  la  conftruftion 
C^.  z6.  d'une  nouvelle  Eglife  ,  s'il  en  eft  befoin  ;  que  ceux  qui  feront 
convaincus  d'un  crime  public ,  feront  pénitence  publique  feloa 
les  Canons. 
Concile  de       V 1 1 1.  Le  Concile  de  Mayence  fut  affemblé  le  neuvième  de 
Mayence    en  jyj^  dans  le  Cloître  de  la  Bafilique  de  faint  Alban  ,  Martyr. 
Concii'^'pL'.  il  s'y  trouva  en  tout  trente  Evêques  ,  vingt-cinq  Abbés  ,  ôc 
«ij^.       "    plufieurs  Laïcs,  Comtes  ôc  Juges.  Les  Préfidens  de  raflfemblée 
turent  Hildebold  ,  Archevêque   du  facré  Palais  ;  Riculphe  , 
Archevêque  de  Mayence  ;  Arnon  ,  Archevêque  de  Salzbourg  ; 
ôc  Bernaire  ,  Evêque  de   Vormes.  Pour  régler  plus  aifément 
toutes  les  affaires,  on  divifa  raffemblée  en  trois  bandes  ,  dont  la 
première  fut  des  hvêques  qui  dévoient  s'appliquer  à  la  confer- 
vation  de  la  difcipline  Ecclefiaftique  ;  la  féconde  ,  des  Abbés  ÔC 
des  Moines  ,  que  l'on  chargea  de  chercher  les  moyens  de  réta- 
blir rObfervance  Monaltique  ;  ôc  la  troifiéme  ,  des  Comtes  ôc 
des  Juges ,  chargés  d'examiner  les  Loix  féculieres  ,  ôc  de  rendre 
juftice  à  tous  ceux  qui  fe  préfenteroient.  CeConcilefitcinquante- 
Can  4    ^"^"^  Canons  ;  voici  les  plus  remarquables.    Le  Baptême  fera 
adminiflré  partout  fuivant  l'ordre  Romain  ôc  les   Décrets   du 
Pape  Léon  ,  qui  en  fixe  l'adminiitration  à  Pâques  ôc  à  la  Pente- 
cote  ,  fi  ce  n'elt  en  cas  de  nécelfité ,  où  il  eft  permis  ,  fuivant  le 
Cm.  6.  Pape  Siricc  ,  de  l'adminiftrer  en  tout  tems.  Pour  conferver  la 
paix,  les  Evêques  feront  rendre,  autant  qu'il  dépendra  d'eux, 
aux  Orphelins  ôc  aux  Pauvres,  les  héritages  de  leurs  pères  qui  leur 
Cil. p.  auront  été  enlevés  par  des  voyes  injul1:es.  Les  Chanoines  vivront 
conformément  à  leur  Règle,  ne  feront  rien  fans  la  permiffion 
de  l'Evêque,  ou  du  Supérieur  ,  mangeront  ôc  dormiront  en 
commun  ,  ôc  demeureront  dans  leur  Cloître  ;  tous  les  jours  dès 
le  matin  ils  s'affembleront  pour  écouter  la  letture  ôc  ce  qui  leur 
fera  commandé  ;  on  lira  pendant  leur  repas  ,  ôc  ils  rendront 
l'obéiiïance  à  leurs  Maîtres  fuivant  les  Canons.  Ils  s'abftiendront 
des  plailirs  du  fiécle ,  ôc  n'aiiifteront  point  aux  Spedlaeles  ;  ils 
s'appliqueront  à  fétude  ,  à  la  pfalmodie  ,  ôc  fe  rendront  capables 
Can.  M.  d'inllruire  les  IVniples.  Les  Abbés  vivront  avec  leurs  Moines  en 
obfcrvant  la  Règle  de  faint  Benoît  ,  autant  que  la  fragilité 
Can.  II.  humaine  le  permet;  les  Moines  n'iront  point  aux  plaids  fcculiers> 
ôc  l'Abbé  même  ne  pourra  y  aller  fans  l'avis  de  fon  Evoque  ;  s'il 
a  quelque  Procc-s ,  il  le  tcr-a  po;urfuivre  par  l'Avocat  du  Monaftere. 


DU    NEUVIEME    SIECLE.    ^67 

Les  Miniflres  de  l'Autel  6c  les  Moines  ne  comparoîtront  point  Cap.  14. 
devant  les  Tribunaux  féculiers  pour  des  affaires  temporelles  ,  fi 
ce  n'cft  pour  la  défenfe  des  Orphelins  ôc  des  Veuves  ;  ce  qui 
n'empêche  pas  qu'ils  ne  prennent  foin  de  leurs  intérêts  félon  la 
juftict'.  Ceux  qui  ont  quitté  le  ficcle  ,  ne  doivent  avoir  d'autres  Can.  17. 
armes  que  les  fpirituelles  ;  mais  les  Laïcs  qui  demeurent  chez  les 
Clercs  ,  c"eft-à-dire  ,  leurs  Serfs  ,  leurs  Domeftiques ,  &  leurs 
Vaffaux ,  peuvent  porteries  armes  ,  fuivant  l'ancienne  coutume, 
qui  fubfilloit  encore  alors.  Les  Envoyés  du  Prince  avecl'Evêque  C»n.  i»* 
Diocèfain  examineront  la  fituation  des  Monafleres ,  tant  des 
Chanoines  que  des  Moines  ôc  des  Rcligieufes ,  s'ils  font  em 
lieux  propres  à  trouver  tout  ce  qui  leur  ell:  néceffaire  ,  afin  de 
n'avoir  pas  befoin  de  fortir  au-dehors  ;  ce  qu'ils  ne  pourroicnt 
faire  qu'au  péril  de  leurs  âmes  :  ils  examineront  encore  Cx  les 
édifices  font  conftruits  ôc  diftribués  de  manière  quon  puide  y 
faire  tous  les  exercices  de  leur  profellion.  Les  Evêques  feront  Cm.  it; 
jobligés  de  fcavoir combien  de  Chanoines  lesAbbés  ont  dans  leurs 
Mon^lleres  ,  ôc  de  concert  avec  les  Abbés  ils  feront  o^Tter  ceu.x 
qui  font  dans  les  Monafteres  ,  de  vivre  en  Aîoine  ou  en  Cha- 
noine, afin  qu'après  cette  option  ,  ils  vivent  conformément  à  la 
llegle  des  Moines  ou  des  Chanoines.  A  l'égard  des  Ciercs  qui  Cm.ix, 
ibut  faiis  Supérieurs,  ôc  vagabonds  ,  TEvêque  les  fera  arrêter  ;  ÔC 
au'C?.s  qu'ils  ne  voudroient  pas  lui  obéir ,  il  les  excommuniera; 
s'ils  ne  fe  corrigent  point ,  on  les  mettra  en  prifon  jufqu'au  pre- 
•mier  Synode  ,  ou  ils  feront  Jugés.  On  aura  foin  à  1  avenir  de  ne  Can.  i j* 
donner  la  tonfure  Cléricale  à  perfonnc  que  dans  lâge  légitime, 
•ôc  dej'agrément  de  fon  Maître,  s'il  eft  Serf,  ou  de  fa  pleine 
^c;lonté  ,  s'il  e(l  libre. 

IX.  Si  lEvêque  eft  abfent  ou  malade  ,  il  y  aura  toujouts  C-J"-  ^5» 
quelqu'un  qui  prêchera  la  parole  de  Dieu  les  Fêtes  ôc  Diman- 
ches ,  félon  la  portée  du  Peuple.  Les  Prêtres  porteront  toujours  Cin.i.t. 
rOrarium,  eu  l'Etolepour  marque  de  la  dignité  du  Sacerdoce. 
On  ol)fervcra  la  grande  Litanie,  ou  les  Rogations  pendant  trois 
jours ,  ôc  on  y  marchera  nuds  pieds  avec  la  cendre  Ôc  le  cilice, 
li  l'on  n'en  eft  empêché  par  quelqu'infirmité.  Les  jeunes  des  Cm.  35.. 
Quatre-temps  feront  aulTi  obfervés  par  tous  les  Chrétiens;  ôc 
celui  qui  méprifera  le  jeûne  commandé ,  fera  excommunié.  Les  Can.  54  >  jy. 
Fêtes  d'obligation  font ,  ie  jour  de  Pâques  avec  toute  la  femaine , 
l'AL-en  on  j  la  Pentecôte  comme  Pâques  ,  faint  Pierre  Ôc  faine 
Paul  ,  faint  Jean-Baptifte  ,  l'AfTompticn  de  la  fainte  Vierge, 
iàjnt  Mickel ,  faint  sKerai ,  laint  Martin,  faint  André.  A  Noâl  Can.  j*» 


j58  CONCILES 

quatre  jours  ;  l'Oclave  du  Seigneur ,  fon  Epiphanie ,  la  Purifi- 
cation de  la  fainte  Vierge  ;  les  Fêtes  des  Martyrs  ôc  des  Con- 
feffeurs  ,  dont  les  reliques  font  en  chaque  Diocèfe ,  ôc  la  Dédicace 

Can.  57.  de  l'Eglife  ,  avec  tous  les  Dimanches  de  l'année.  Dieu  ayant 
ordonné  le  payement  de  la  dixmc ,  on  ne  négligera  pas  de  la 

Ciin.  jS.  lui  payer.  Aucun  Prêtre  ne  chantera  feul  la  Melle.  Comment 
diroit-il  ,  le  Seigneur  ejl  avec  vous ,  fi  perfonne  n'étoit  préfent 

Can.  43.  pour  lui  répondre  ,  il  ejl  aujfi  avec  vous  ?  On  avertira  fouvent  le 
Peuple  de  l'aire  l'offrande  ôc  de  recevoir  la  paix  ,  parce  que  l'of- 
frande eft  un  grand  remède  pour  les  âmes  ;  6c  la  paix  que  l'on 

Cw.  44.  reçoit  marque  l'unanimité  ôc  la  concorde.  Les  Prêtres  avertiront 
les  Fidèles  d'apprendre  le  fymbole  ôc  l'Oraifon  Dominicale:  Ils 

Cm.4î.  impoferont  des  jeûnes  ou  d'autres  pénitences  à  ceux  qui  le 
négligeront  ;  à  cet  effet  les  parens  envoyeront  leurs  enfans  aux 
Ecoles ,  foit  des  Monafteres ,  foit  des  Prêtres ,  pour  apprendre 
leur  créance  ôc  l'enfsigner  aux  autres  dans  la  maifon:  ceux  qui 
ne  pourront  l'apprendre  autrement  ,   l'apprendront  en  langue 

Cit.i.  4é.  vulgaire.  Pour  détruire  le  vice  d'yvrognerie  ,  qui  eft  la  fource 
de  tous  les  autres ,  on  excommuniera  les  y vrognes.  Comme  il 
n'étoit  point  décent  que  les  Evêques  ôc  les  Abbés  adminiftraffent 

Cxn.  fo.  par  eux-mêmes  leur  temporel^il  eft  ordonné  qu'ils  choifiront  pour 
Vidâmes,  Prévôts,  Avoués  ouDéfenfeurs^des hommes  vertueux, 
fidèles  ,  juftes ,  doux ,  défintéreffés  ,  non  fujets  au  menfonge  ôc 
au  parjure  ;  ôc  de  les  deftituer  au  cas  qu"ils  s'acquittent  mal  de 

Pan.  ji.  leurs  foncbions.  Défenfe  de  transférer  les  corps  des  Saints  fans 
la  permiffion  du  Prince  ;  d'enterrer  dans  les  Eglifes  les  morts ,  fi 
ce  n'eft  un  Evêque,  un  Abbé ,  un  Prêtre ,  ou  les  Laïcs  (i^deles  > 

Can.  ji.  d'en  tirer  les  criminels  pour  les  faire  mourir;  ce  qui  n'empêchera 
pas  qu'on  ne  puiffe  leur  faire  payer  la  compofition  de  leur  crime  ; 

Can.  19.  de  contratter  mariage  au  quatrième  degré  de  parenté  5  aux  pères 

Can.  î4.  ÔC  mères  ,  de  lever  leurs  enfans  des  P'onts  de  Baptême  ;  aux 

Can.  J5.  Parains  d'époufer  leurs  filleules  ,  ou  la  mère  de  celui  ou  de  celle 
quils  auront  menés  à  la  Confirmation. 
Concîle  (ie       X.  Vulfaire  ,  Archevêque  de  Reims  ,  préfida  au   Concile 
Reims  en  Sij,  affemblc  en  cette  Ville  à  la  mi-Mai  8  i  ? .  Le  nombre  des  Evêques 

tom.7M'"cU.         .  >    a         •  '     r\      \ 

«I;?.  1154-      qui  y  adiuerent  n  eu  point  marque.  On  le  commença  par  un 

jeune  de  trois  jours  ,  comme  on  le  fit  à  Mayence ,  ôc  on  y  drefia 

Can.  1,2,5.  quarante-quatre  Décrets,  dont  les  trois  premiers  regardent  le 

foin  que  les  Clercs  doivent  avoir  de  s'inftruire  des  fondions  de 

Can.  4.  leur  Ordre.  On  lut  pour  cet  effet  les  Epîtres  de  faint  Paul ,  pour 

•>;         apprendre  aux  Sous-Diacres,  comment  ils  font  obligés  de  les 

lire  ; 


DU    NEUVIEME    SIECLE.      ^69 

"lire;  on  lut  l'Evangile  pour  montrer  aux  Diacres  à  s'acquitter  C<t/t.  r. 
du  niiniilere  qu'ils  remplilTcnt  au  noni  de  Jefus-Cliriil:  ;  pour 
les  Prêtres  qui  n'ëtoient  pas  bien  au  fait  des  ccrcaionics  de  la    **"■    ' 
Meire  6c  des  Rits  du  Baptême,  ou  lut  ce  qui  concernoit  cette 
matière  ;  on  lut  encore  les  Canons  pour  les  Chanoines;  la     Cm.  s,  9, 
Règle   de  faint  Benoît  pour  les  Abbés  ;  le  Pailcral  de  fainr  13,11. 
Grégoire,  ôc  plufieurs  Sentences  des  Pères  pour  les  Palpeurs. 
Après  quoi.,  on  examina  l'ordre  de  la  pénitence  ,  afin  que  les  q,,_  ^^^ 
Prêtres  compriment  comment  ils  dévoient  écouter  les  confef-r 
fions  ôc  impofcr  les  pénitences  aux  péciieurs.  On  s'expliqua  fur  ç^^^  ,j. 
la  nature  des  huit  vices  capitaux  pour  en  faire  conncitre  les 
différences ,  ôc  en  donner  de  l'éloignement  ;  ôc  on  fit  plufieurs 
Canons  pour  régler  les  obligations  des  Evêques ,  des  Prêtres  ôc 
des  Abbés.  Les  Evêques  feront  des  homélies  à  leurs  Peuples,    On.  if,  17, 
ne  foufirironi-  point  qu'on  fifle  devant  eux  des  jeux  deslionnctes ,  '^" 
•recevront  les  Pauvres  à  leurs  tables  ,  feront  lire  l'Ecriture  fainte 
pendant  leurs  repas,  ôc  ils  éviteront  les  excès  de  bouche.  Les  Cm.zu 
Prêtres  ne  pafferont  point  d'un  moindre  titre  à  un  plus  grand. 
Les  Abbés  vivront  félon  leurs  Règles,  ôc  obferveront  dans  leur  q,j.  ,3. 
manière  de  vivre  ôc  de  fe  vêtir  ,  la  volonté  de  Dieu  ôc  celle  de 
l'Empereur.  Les  Moines  ôc   les  Chanoines  n'entreront  point  Can.  ifi&3'^ 
dans  les  tavernes  ,  ôc  ne  fe  mêleront  d'aucune  affaire  fécuiiere. 
On  didinguera  ceux  qui  doivent  faire  pénitence  publique,  de 
ceux  à  qui  il  ne  faut  en  impofer  que  de  fecrettes.  Les  donations  c,fn.  jx. 
faites  à  l'Eglifc  ,  d'un  bien  acquis  par  des  voyes  illégitimes , 
feront  nulles ,  ôc  le  bien  fera  rendu  à  qui  il  appartiendra  ,  en  met- 
tant en  pénitence  les  ufurpateurs ,  félon  la  grieveté  de  leur  faute. 

X  I.  On  ne  fçait  ni  le  mois  ni  le  jour  de  la  tenue  du  Concile     Concile  de 
de  Tours  ,  ni  qui  en  fut  le  Préfident.  Ce  fut  fans  doute  l'Ar-  Tourser.815, 
chevêque  de  cette  Ville.  Plufieurs  Evêques  y  affilièrent ,  avec  [^'"^  i'^,y!"' 
des  Abbés  ôc  le  Clergé.   Les  Canons  de  ce  Concile  font  au  ''  ' 
nombre  de  cinquante-un,  la  plupart  conformes  à  ceux  des  trois 
Conciles  précedens.  Permis  à  l'Évoque  de  prendre  dans  le  tréfor  q^^  ,  j^ 
del'Eglife,  en  préfence  des  Prêtres  ôc  des  Diacres,  dequoi  fournir 
aux  befoins  de  la  famille  de  cette  Eglifeôc  des  Pauvres.  Perfon«e 
lie  fera  ordonné  Prêtre  avant  l'âge  de  trente  ans  ;  ôc  avant  d'être  r-n.  n, 
promu  au  Sacerdoce  ,  il  demeurera  dans  l'Evêché  pour  y  ap- 
prendre fes  fondions  ,  ôc  y  donner  des  preuves  de  fon  idonéité 
pour  le  faint  miniûere.  Un  Prêtre  ne  pourra  célébrer  lOtlice  C.w.  14. 
dans  une  Paroiile  étrangère  fans  Lettre  de  recommandation. 
^Chaque  Evêque  aura  des  homélies  pour  l'inftrudion  de  fon 
Tome  XXI  L  Ce  ce 


no  CONCILE    S 

Caiu  17.  Peuple  ;  &  afin  qu'elles  puiflent  être  entendues  de  tous  ,  il  les 
fera  traduire  clairement  en  langue  Romaine  ruftiqueou  en  langue 
Tudeiquc.  Il  n'y  avoir  que  ces  deux  langues  qui  eulTent  cours 
en  France  :  la  première  étoit  celle  des  anciens  Habitans  Gaulois 
Romains,  c'eft-à-dire ,  le  Latin  ,  mais  alors  fort  corrompu; 
lautre  étoit  la  langue  des  Francs  6c  des  autres  Peuples  de  la 

Can.  18.  Germanie  ,  répandus  dans  l'Empire  François.  Les  Evêques 
auront  foin  d'inllruire  leurs  Prêtres  touchant  le  Baptême  &  les 

Can,  ip.  renonciations  qui  s'y  font.  Ils  les  avertiront  aulTi  de  ne  pas  donnée 
indifféremment  après  la  Mcfie  le  Corps  de  Notre  Seigneur, 
aux  enfans  ôc  aux  perfonnes  qui  s'y  rencontrent,  de  peur  que 
s'il  s'en  trouvoit  qui  fuffent  cliargés  de  crimes  ,  l'Euchariftic  au 
lieu  de  leur  être  un  remède  ,  ne  leur  attirât  la  condamnation. 
On  obfervoit  donc  encorel'ancien  ufao;e  de  diftribuer  aux  enfans 
ce  qui  rcftoit  de  l'Euchariftie',  après  la  Communion  générale.  ■ 

Can.  1  j.  Pour  obferver  l'uniformité  dansl'adminiflration  de  la  Pénitence, 
les  Evêques  conviendront  à  leur  première  alTemblée  dans  le 
facré  Palais ,  duquel  des  pénitentiels  des  Anciens  on  fe  ferviraà 
l'avenir  envers  ceux  qui  viennent  confelTer  leurs  péchés.  On 

Can,  34,  avertira  les  Comtes  &  les  Juges  de  ne  point  admettre  en  témoi- 
gnage les  perfonnes  viles  &  fans  probité ,  à  caufe  de  leur  facilité  à 

^     ,0    ^2  parjurer  pour  un  léger  intérêt.    Les  Fidèles  feront  avertis 
'^  *   d'entrer  à  l'Eglife  lans  bruit  &  fans  tumulte;  ôc  de  s'abftenic 
pendant  la  Meffe  ,  non-feulement  de  difcours  inutiles ,  mais  de 
mauvaifes  penfées. 

Cr/2.  41.  X 1 1.  Il  paroît  par  le  quarante-unième  Canon  ,  que  lesDccrets  ■ 
du  Concile  furent  envoyés  à  l'Empereur  Chartes  ,  puifque  les 
Evêques  lui  adrefferent  la  parole  en  ces  termes  :  Nous  avons 
chez  nous  plufieursincedueux,  parricides  ôc  honiicides  qui  per- 
féverent  dans  leurs  crimes  ,  nonobftant  nos  e.xliortations  ;  nous 
en  avons  déjà  excommunié  quelques-uns  ,  qui  n'en  tiennent 
compte  :  C'eft  pourquoi  nous  prions  votre  clémence  d'ordonner 

Can.  41.  ^^  9^  '^  ^'^  ^'^"^  faire.  Ils  ordonnent  d'avertir  les  F'idelcs ,  que  ' 
les  fortileges  ni  lesenchantemens  ,  ou  les  ligatures  d'herbes  ou  - 
d'tjflTemens,  ne  peuvent  guérir  les  hommes  ni  les  animaux,  fié 

Can.  1,1.  que  ce  ne  font  que  des  illu(ions  du  Démon  ;  de  les  avertir  encore 
de  ne  pas  prendre  le  nom  de  Dieu  en  vain  :  ce  qui  fe  fait  lorfqu'à 
chaque  occafion  qui  fe  préfente  d'affurcr  quelque  fait  ,  on  en 

G»n.  17.  prend  Dieu  à  témoin.  Les  jeûnes  ordonnés  généralement  pour 
quelque  nccefïité  ,  feront  obfervés  de  tous.  Les  Laïcs  commua 

Can.  îo.  nieront  au  moins  trois  fois  l'an  ^  s'ils  n'en  font  empêchés  prr  dfr 


DU    NEUVIEME    SIECLE,      pt 

grands  crimes.  Il  y  avoit  des  Monaderes  peu  nombreux  ,  dont  Can'V/. 
les  Abbcs qui  vivoicnt  .plutôt  ca  Chanoines  qu'en  Moines,  ne 
faifoient  pas  promettre  à  leurs  Moines  l'obfervance  ;  le  Concile 
ordonne  ,  qu'ils  feront  reformés  fuivant  la  Règle  de  faint  Benoît. 
.11  défend  de  donner  le  voile  de  la  Religion  aux  Hlles  avant  ii^ge  Cm.  x». 
de  vingt-cinq  ans  ,  s'il  n'y  a  néce.Iitc.  L'Empereur  avoit  averti  q^j  ,, 
d'exammer  (bigneufcment  ceux  qui  prétendoient  avoir  été  dé- 
pouillés de  leurs  biens  :  les  Evêques  iirent  à  ce  fujec  toutes  h:s 
recherches  nécelfaires  ôc  ne  trouvèrent  aucune  plainte  contre 
i'Egiife;  &  il  ne  pouvoir  y  en  avoir,  car,  difent-ils,  il  n'y  a  prelque 
perfonne  qui  donne  fon  bien  à  rEglife,  fans  rccevoirautanr,  ou  le 
double  ou  le  triple  des  biens  de  l'Eglife  en  ufufruit  ,  avec  con- 
vention d'en  laiifcr  jouir  fes  enfans  ou  fes  parens,qu'iladéfignds  ; 
&  nous  leur  avons  offert  la  faculté  de  retirer  ces  biens  aliéné:;  par 
leurs  parens,  dont  ils  étoient  déjà  exclus  par  la  Loi,  pour  les 
tenir  de  l'Eglife  en  Bénélice,  c'ef:-à-c!ire  enl'ief. 

XIII.    Les  actes  du  Concile   de  Châlons-fur-Saône  font  „,^°"^''^ ''^ 
couime  celui  de   1  ours  fans  date  de  mois   ôc  de  jour.    Les  "-ionecn  s'n, 
Evêques  de  la  Gauie  Lyonnoifey  alfifterentavec  les  Abbés,  Ôc  :  >'«• ',Co.-:ci2. 
firent foixante-fix  Canons.  Il  y  eil:  ordonné  ,  que  conformément  '^//'  ''''°' 
à  l'Edit  de  l'Empereur,  les  Evêques  établiront  des  Ecoles,  où  ""'"'  ^* 
lesClercs  apprendront  les  bonnes  Lettres  &  les  faintes  Ecritures, 
non-feulement  pour  fe  rendre  capable?  d'inflruire  les  Peuplai  , 
maisaulTi  pour  rélifter  aux  Hérétiques  &  détruire  leurs  erreurs  ; 
que  les  Evoques  uferont  des  biens  de  l'Eglife,  non  comme  de  Cj^'-c- 
leur  bien  propre,  mais  d'un  bien  qui  leur  ei!: confié  pour  en;iider 
les  Pauvres  ;  que  les  Evêques  &  les  Abbés  qui  auront  perfuadé  Cm.  7. 
à  quelques  perfonnes  de  renoncer  au  monde  pour  donner  leurs        •    * 
biens  à  f  Eglife ,  feront  foumis  à  la  pénitence  Canonique.  6"il 
arrive  aux  Prêtres  de  mettre  des  fruits  6c  tout  autre  produit  de  Cr.?.  s. 
leurs  terres  en  réferve  ,  cène  doit  point  être  dans  la  vue  de  les 
vendre  plus  cher ,  mais  pour  fecourir  les  pauvres  en  difette. 
Défenfe  aux  Prêtres,  aux  Diacres  &  aux  Moines  de  prendre  des  dn.  n. 
terres  à  ferme  ;  aux  Evêques  de  faire  jurer  ceux  qu'ils  ordonnent,  c^^  ,j. 
<<]u'ils  en  font  dignes ,  qu'ils  ne  feront  rien  contre  les  Canons ,  & 
qu'ils  obéiront  à  l'Evêque  de  qui  ils  reçoivent  rOrciin;!t!on , 
parce  que  ce  ferment  eft  dangereux;  de  faire  des  exaftions  ijiicites  Cm.  14. 
■dans  le  cours  de  la  vilite  de  leur  Diocèfe  ;  d'être  à  charge  à  pcr- 
ibnne ,  fi  ce  n'eft  dans  le  beloin  ,  &  d'être  à  leuTS  frères  une 
occafiondefcandale;  aux  Archidiacres  d'exercer  fur  les  Prôt.es  Can.  15. 
-de  leur  dépendance  une  domination  tyrannique ,  en  exigeant 

Ce  ce  ij 


S12  CONCILES 

Can,  M.  d'eux  des  redevances  ;  aux  Evéques  de  rien  prendre  pour  le  prix", 
du  baume  qui  entre  dans  le  faint  Chrême,  ou  du  luminaire ,  nort 
plus  que  pour  la  Dédicace  des  Eglrfes  ôc  pour  les  Ordinations  j" 

Cm.  17.  d'exiger  des  Prêtres  ,  des  cens  annuels  ,  6c  de  recevoir  des 

Can.  18.  amendes  par  les  incellueux,  par  ceux  qui  ne  payent  point  les- 
dixmes  ,.ou  parles  Prêtres  négligens  ;  ces  forces  d'amendes  pou- 

Cvu  ip.  vant  donner  lieu  à  l'avarice.  11  eft  ordonné  ,  que  les  familles' 
payeront  la  dixme  à  l'Eglife  où  elles  entendent  la  Melfe  pendantr 
toute  l'année,  &  oij  eUes  font  baptifer  leurs  enfans.  On  avoit- 

Cui.  iç.  aboli  en  beaucoup  d'endroits  l'ufage  de  la  pénitence  publique 
fuivant  les  anciens  Canons  ;  le  Concile  veut  que  l'on  recoure 
à  l'autorité  de  l'Empereur ,  afin  que  les  pécheurs  publics  faiTenr 
pénitence  publique  ,  qu'ils  foient  excommuniés  ôc  réconciliés" 

Ceui.  '-6,  (èlon  les  Canons.  Sur  les  plaintes  que  les  Eglifesqui  fetrouvoienr 
dans  les  Domaines  des  Particuliers,  étoient  partagées  entre  les 
héritiers  ,iufqu'à  faire  d'un  feul  autel  quatre  parts ,  dont  chacune 
avoit  fon  Prêtre  ,  le  Concile  défendit  ces  partages ,  ordonna  que 
jufqu'à  ce  que  les  héritiers  fuffent  convenus  du  Prêtre  qui  devoif 
deflervir  feul  cette  Eglife,  l'Evêque  Diocèfaia  défendroit  d'y 
célébrer  la  MelTe.  Voilà  le  Patronage  la'ic. 

Ctin.  50.  XIV.  On  n'annullera  point  les  mariages  contra£lés  entre  des- 
perfonnes  Serfs  ,  quoiqu'appartenans  à  ditferens  Maîtres ,  pourvij- 
qu'ils  fe  foient  mariés  de  leur  confentement  ôc  félon  les  Loix  ; ' 

Can.  51-  mais  ils  continueront  chacun  à  fervir  leur  Maître,  On  ne  féparera' 
point  non  plus  les  femmes  qui  ont  tenu  leurs  enfans  à  la  ConHr-- 
mation  ,  par  mégarde  ,  ou  par  malice,  pour  quitter  leur  mari  : 
mais  elles  feront  mifes  en  pénitence  pour  toute  leur  vie.  Quel- 

Can.ii.  ques-uns  ne  fe  confeffoient  pas  entièrement  aux  Prêtres.  Le- 
Concile  déclare  ,  que  l'homme  étant  compofé  de  deux  fubflan— 
ces  ,  de  l'ame  ôc  du  corps,  il  pèche  tantôt  par  un  mouvemenf 
de  i'efprit ,  tantôt  par  la  fragilité  de  la  chair,  qu'ainfi  il  doit  con-- 
feffer  également  les  péchés  de  penfée  ,  comme  les  péchés  exté- 

Can.  ;;.  ricurs  ;  qu'il  ne  fuHit  pas  de  fe  confefl'er  de  fes  péchés  à  Dieu, 

Can.  34.  Qu'il  faut  encore  s'en  confeffer  aux  Prêtres  ;  que  ceux-ci  dans  le 
jugement  qu'ils  portent  des  péchés,  doivent  prendre  garde  de 
ne  fe  pas  laifler  prévenir  de  quelque  paifion  envers  les  Pénitens , 
foitde  haine  ,  foit  de  faveur,  mais  prendre  pour  règle  les  Canons' 

Gi/î.  3:.  de  l'Eglife.  Il  blâme  ceux  qui  dans  la  pénitence  penfent  moins  à' 
effàcer  leurs  péciiés ,  qu'au  tems  où  la  fuisfadion  qu'on  leur  a' 
impofée  finira  ,  6c  qui  lorfqu'on  leur  interdit  le  vin  &  la  chair, 
clitrchcnt. d'autres  viandes  ôc  d'autres  boiflbns  plus  délicieufcs  j'. 


DU    NEUVIEME    SIECLE.     ^î 

Te  vrai  pénitent  devant  fe  priver  abfolument  des  plaifirs  du  corps.  ^ 

jl  ajoute  contre  ceux  qui  pcchoient  de  propos  dchberc  ,  dans 

l'efperance  d  effacer  leurs  péchés  par  des  aumônes  ,  qu'il  ne  faut 

pas  pécher  pour  faire  l'aumône  ,  mais  la  faire  parce  qu'on  a  péché; 

qu'au  refte  les  Prêtres  en  impofant  la  pénitence  aux  pécheurs,  Cm. -7&î«. 

doivent  confulter  l'Ecriture  iainte,  les  Canons  &  la  coutume  de 

l'Eglife,  ôc  non  les  Livres  pénitentiels ,  dont  les  erreurs  font 

certaines  &c  les  Auteurs  inconnus,  ôc  qui  flattent  les  pécheurs  eit 

leur    ordonnant  des   fatisfactions  légères  &  inudtées  pour  de 

grands  péchés.  11  faut  expliquer  ce  que  le  Concile  dit  des  Livres 

pénitentiels,  par  cequi  en  eil  dit  dans  celui  de  Tours  rapporté 

plus  haut  :  fçavoir  ,que  l'on  choifu'a  parmi  les  pénitentiels  anciens 

celui  que  l'on  doit  fuivre. 

XV.  Comme  il  n'y  a  aucun  jour  où  nous  ne  devions  prier  Cw.  39. 
Dieu  pour  nos  befoins,  il  n'y  en  a  point  où  l'on  ne  doive  faire 
à  la  Méfie   des   prières  pour   les   Morts  ,    fuivant   l'anciennef 
coutume  de  l'I:elifc&  la  dodrine  defaint  Aupuinn.  Les  Préires ,  ^■'"'  40.- 
qui  étant  dégradés  pour  leur  négligence  ,  vivent  d'une  manière 
féculiere    &   rcfufent  de    faire   pénitence  ,  fercnc    renfermés 
dans  des  Monafteres;  fi  cela  ne  fe  peut  &  qu'ils  continuent  dans 
leurs  déreglemens  ,  ils  feront  excommuniés.   Ceux  qui  ayant  C.i/z.  41. 
quitté  leur  propre  Eglife,  pafi"ent  à  une  autre,  n'y  feront  point 
reçus  fans  donner  des  preuves  de  leur  bonne  vie  ,  &  fans  apporter 
avec  eux  des  Lettres  où  le  nom  de  l'Evêque  &  de  la  Ville  fcic 
imprimé  fur  du  plomb.  Il  y  avoircn  quelqT.ies  lieux  des  EcolTois  Cm.  45. 
qui  fe  difant  Evêques  ,  ordonnoient  des  Prêtres  ôc  des  Diacres 
fans  la  permiluon  de  leurs  Seigneurs  ôc  de  leurs  Supérieurs  ;  le 
Concile  déclare  nulles  ces  Ordinations,  comme  étant  abufivej 
&  la  plupart  fimoniaques.  En  s'expliquant  llir  les  pèlerinages  Cin.  4^, 
quifcfailcient  à  Rome  ou  à  Tours,  foit  par  des  Prêtres  ôc  des 
Clercs  qui  prétcndoient  par-là  fe  purifier  de  leurs  péchés  ,  ôc  en 
çonféquence  être  rétablis  dans  leurs  fondions  ;  foit  par  dcsLaVc? 
qui  s'imaginoient  acquérir  l'impunité  pour  leurs  péchés  paifés 
ou  à  venir  ;  fcit  par  les  Pauvres  qui  en  prcnoient  un  prétexte  de 
mendicité  :  Nous  louons  la  dévotion  de  ceux  qui  pour  accom- 
plir la  pénitence  que  le  Prêtre  leur  a  confeiliée  font  ces  pèleri- 
nages en  les  accompagnant  de  prières,  d'aumônes  Ôc  de  correc- 
tion de  leurs  mœurs.  Il  marque  l'ufage  delà  Communion  gêné-  Cun.^r. 
raie  au  Jeudi  faint ,  &  dit  que ,  félon  la  dodrine  de  l'Apôtre  faint 
Jacques  6c  celle  des  Pères ,  l'ondion  que  l'on  fait  aux  malades  Can.j^i. 
aTcc  de  l'huile  bénite  par  l'Evêque  ,  efl  une  médecine  utile 

C  c^c  lij 


574  CONCILES 

pour  guérir  les  langueurs  du  corps  &  de  i'ame;  qu'à  l'égard  de 

ia  Communion  ,  il  f?,ut  éviter  de  trop  la  différer ,  ou  de  s'en 

approcher  indignement ,  ôc  s'a-btlenir  quelques  jours  auparavant 

des  oeuvres  de  ia  chair  ,  ôc  fe  puririer  !e  corps  ôc  lame.  Le 

Concile  ne  fait  aucun  règlement  pour  les  Moines  ôclesMoniales., 

fe  contenrant  de  les  renvoyer  à  la  Règle  de  faint  Benoît  ;  mais  il 

en  fait  quelques-uns  pour  les  Chanoinelfes ,  principalement  fut 

l'exactitude  à  l'Oi^ice  divin*,  à  ia  lecture  ,  ôc  à  la  clôture. 

Capitulaire      X  V  I.  Les  Décrets  de  ces  cinq  Conciles  ayant  été  envoyés  à 

de  Charieina-  ['Empereur  Charles ,  ce  Prince  les  fit  examiner  en  fa  préfence  à 

fom.T.Coaa'.  Aix-la-Chapelle ,  au  mois  de  Septembre  de  fan  8  i  î  ,  ôc  en  forma 

pig.  11H7.       un  Capitulaire  de  vingt-fix  articles  contenant  les  Canons  dont 

l'exécution  avoit  plus  befoin  de  la  Puiifance  temporelle.    Il  y 

ajouta  deux  articles  qui  n'avoient  point  été  traités  dans  ces  cinq 

■Conciles.  Le  premier  porte  que  l'on  s'informera  ,  s'il étoit  vrai, 

comme  on  le  difoit ,  qu'en  Autriche  les  Prêtres  découvroieat 

.pour  de  l'argent  les  voleurs  ,  fur  leurs  confeifions.  Le  fr^cond., 

-qu'on  s'informeroitauili  des  hommes  fujets  au  droit  de  Faide., 

qui  fùfjient  du  trouble  les  Dimanches  ôc  les  Fêtes  ,  afin  d'em- 

u/i  "^l^^V^  pêcher  qu'ils  n'en  liiTent  à  l'avenir.  On  appelloit  Faide  dans  les 
•Hift.   Lcch!.  f     .     ,     1  1     j     •        >        •        I  j.       1  '  j 

Liv.  4* ,  tom.  Loix  barbares ,  le  droit  qu  .avoient  les  parens  d  un  homme  tue  de 

,io,^2g.iSi.  venger  fa  mort  par  celle  du  meurtrier.  Ce  Capitulaire  dans  un 

raanufcrit  de  Gand contient  deux  autres  ariicles,  dont  l'un  règle 

la  vie  des  Chanoines  ôc  des  Moines  ;  l'autre  défen  \  aux  Prêtres  , 

ôc  aux  autres  Clercs ,  l'entrée  dans  les  Monalleres  de  lides  fans 

nécelfité  ;  ôc  aux  femmes  de  parcourir  les  raaifons  des  Clercs, 

.-«I»  ,-*v-,  .-l'rv,  ,-ïii.  .s/K.   ■»».  -vik  .-v^.,  ,-ïtt-  -ïit  ^v.    .-»K..  '!/v  .-ïu-  ^-VV;  ,<n;  .•*i»,  -y»,  .-y»,  .-vit  .-»u  ,<ii^  ,sr»i 

G  II  A  P  I  T  Pv  E     XXVI  I. 

.C  0   N  c  .1   L  E  s    de   Conjîaminople  .,    de  Noyon  ., 

d'Aix-la-Ckapclle .,  de  Cclchyte  .,   de  Thionville  3 

de  Trehiir,  de  Cloveshou  &  d'Attigny. 

Concile  lie    t      ^r      >t^  t  r  /^    i,  a 

Conftr.ntno-   L    T      Lmpereur  Leon  ,  lurnommé  l  Arménien,  s  étant 


if-.n.  7,Ca/7fi/. 


pie  en  814,         fli  déclaré  pour  le  parti  des  Iconoclaitcs,  choilit  pour  lui 


aider  à  l'établir  ,  un  Prêtre  nommé  Jean ,  à  qui  il  promit ,  s'il  le 
vim  Théo'd.vi  faifoit  réuilir ,  de  lui  donner  le  Siège  Patriarchal  de  Conflanti- 
^wr«.  '  ^"^  "°P^^  »  ^  Antoine ,  qui  de  Moine  ôc  d'Abbé  étoit  devenu 


DU    NEUVIEME    SIECLE,      n? 

Métropolitain  de  Sylée  ,  ou  de  Perge  ,  Capitale  de  Pamphylie. 
Aidé  de  leurs  conleils  ,  il  attaqua  ouvertement  le  Patriaiche 
Nicephore  ,  ôc  n'ayant  pu  l'oblircr  à  condamner  le  cuite  des 
Images ,  il  manda  à  Conitantinople  la  plupart  des  Evoques  qui 
en  dc'pendoient  ,  efpcrant  de  leur  faire  embralier  fon  erreur. 
Ceux  qui  le  refufercnt  furent  mis  dans  des  cachots,  où  on  leur  fit 
fouffrir  beaucoup  de  mauvais  traitemens  ;  on  laiiïa  en  liberté 
ceux  qui  paroifloient  dirpofcs  à  fuivre  la  volonté  du  Prince.  Le 
Patriarche  témoin  de  cette  conduite  ,e>;hortoit  les  Catholiques  à 
demeurer  fermes, redoublant  fes  prières  vers  Dieu.  Il  aiïembla 
dans  le  Palais  Patriarchal  autant  d'Evêques  &:  de  Aîcin.es  qu'il 

Eut,  &  après  avoir  pafïéia  nuit  en  prières  avec  eux  dans  la  grande 
,glife,il  monta  fur  l'ambon  ôcdit  anathême  à  Antoine  de  Sylce  , 
comme  prévaricateur.  Le  peuple  qui  étoit  préfent  répondit,  a:ia- 
thcme.  L'Empereur  averti  de  cette  afiemblée  s'en  plaignit  au 
Patriarche  ,  comme  d'une  fédition,  &  lui  ordonna  de  venir  au 
Palais  avec  les  Evoques  &  les  Moines.  Ils  y  allèrent.  Le  Patriar- 
che Nicephore  entra  en  matière  avec  ce  Prince ,  &  traita  à  fonds 
la  queftion  des  Images.  Léon  voulant  une  conférence  en  règle 
entre  les  Catholiques  6c  les  Iconoclades,  fit  entrer  les  Evoques 
des  deux  partis ,  avec  les  Grands  &  les  Officiers  de  la  Cour, 
Pépée  nue  à  la  main,  pour  intimider  les  Catholiques.  Nicephore, 
après  avoir  montré  que  le  culte  des  Images  étoit  plus  ancien  que 
Leonl'Ifaurien  ,  ôc  Confcantin  fon  fils ,  refufa  d'entrer  en  con- 
férence avec  les  ïconoclaftes  dans  le  Palais ,  difant  que ,  s'agiilLinc  > 
d'une  matière  Eccléliaftique  ,  on  devoir  la  traiter  dansTEglife, 
fuivant  la  coutume.  Les  autres  Evêqucs  Catholiques  opinèrent 
de  même.  Pierre  de  Nicée  dit  à  l'Empereur:  Comment  voulez- 
vous  que  nous  entrions  en  conférence  avec  les  Iconociaftes  , 
pendant  que  vous  les  foutenez  ?  Ne  fçavez-vous  pas  que  les 
Manichéens  mêmes  l'emporteroient,  fi  vous  étiez  de  leur  coté  ? 
Euthymius  de  Sardes  ajouta,  qu'il  y  avoir  plus  de  huit  cens  ans 
que  l'on  peigncit  &que  l'on  adoroit  l'Image  de  Jefus-Chrifl  ;  que 
perfonne  ne  leroit  afiez  hardi  pour  abolir  une  tradition  fi  ancienne, 
&  confirmée  par  le  fécond  Concile  de  Nicée  fous  Conflantin  6c 
Ircne.  Théodore  Studite  prenant  la  parole  après  les  Evcques , 
pria  l'Empereur  de  ne  point  troubler  l'ordre  de  l'Eglife,  en  lui 
repréfentant  que  l'Apôtre  ne  dit  rien  des  Princes  temporels  dans 
lé  dénombrement  des  Minières  de  l'Eglife  j  qu'ils  font  cb.argés 
de  l'Etat  &  cie  f  Armée  ,  &  qu'ils  doivent  laifl'er  l'EgilTe  aux 
Paûcurs  ôc  aux  Dodeurs.  Léon  irrité  de  ces  remontrances  les 


57<^  -CONCILES 

chaffatousdu  Palais,  avec  défenfe  de  plus  paroître  devant luî., 
ni  de  parler  fur  cette  matière.  On  trouve  à  la  fuite  de  ce  Concile 
dix-fept  Canons ,  fous  le  nom  de  Nicc;phore  ,  Confefieur,  impri- 
mes d'abord  dans  le  troifiéme  Livre  du  Droit  Grec.  Le  dix- 
feptiénie  défend  de  donner  les  Sacremens  à  ceux  qui  prêtent  à 
ufure.  Letroifiéaie  &  le  quatrième  condamnent  certains  Livres 
apocryphes  qui avoient  cours  alors, entr'autres  ,  les  Révélations 
ou  Apocalypfes  de  Zozyme ,  d'Efdras  ôc  de  faint  Paul. 
Concile  des  IL  Quoique  l'Empereur  Léon  eût  défendu  au  Patriarche 
Iconoclaftes    Nicephore  de  prêcher  ôc  de  parler  du  culte  des  Images  ,  il  ne 

aConftantinc-   .    -rr  i       i'-        •  r  i        r   •       »  r 

pie  en  8 15  ,  unla  pas  de  1  mvjter  une  ieconde  rois  a  une  conférence  avec 
t.;w.7,C(?nri/.  les  Iconoclaftes.  Il  refufa  de  l'accepter  jufqu'à  ce  qu'on  lui  eût 
ïdùsNicephor.  ^^''■'^^^'^  ^^  gouvernement  libre  de  fon  Eglife  ,  qu'on  eût  remis  en 
cap.  lo,  nu!n.  liberté  les  Eveques  Catholiques  que  ce  Prince  avoir  fait  mettre 
''°V'a/'^'  '  ^'^  ptifon  ,  ôc  que  l'on  fût  convenu  que  la  conférence  fe  tiendroit 
cj.f.  6.  '  dans  l'Eglife  ôc  non  dans  le  Palais.  Les  Evéques  Iconoclaftes 
qui  précendoient  repréfenter  le  Concile  de  la  Cour,  pcrfuade- 
rent  à  l'Empereur  de  rejetter  ces  conditions  ;  ôc  après  avoir  fait 
une  nionition  par  écrit  au  Patriarche,  voyant  qu'il  ne  vouloit 
point  comparpîtrcj  ils  défendirent  de  le  reconnoître  pour  Pa- 
:triarclie  ôi  de  le  nommer  à  la  MeiTe.  Il  fut  enlevé  quelques 
jours  après  par  ordre  de  l'Empereur  ôc  envoyé  en  exil.  Qn  voulut 
mettre  à  fa  place  Jean  lEconomante  ;  mais  fur  les  remontrances 
des  Patrices  l'Empereur  changea  d'ayis ,  ôc  fit  ordonner  Patriar- 
che de  Çonftantinople,  l'heodote ,  fils  du  Patrice  Michel,  le 
jour  de  Pâques,  premier  d'Avril  8 1  j.  Après  les  Fêtes  ,  les  Evo- 
ques Iconoclaftes  ôc  ceux  des  CatJioliques  qui  avoient  cédé  aux 
violences  j  s'aflemblerent  dans  l'Eglife  de  fainte  Sophie.  Les 
Abbés  orthodoxes  furent  appelles  au  Concile.  Quelques-uns 
comparurent  avec  fermeté.  Lesautres,  nommémentS.TheoJore 
Çtudite,  s'en ex'çuferent  par  Lettre,  difant  que  fuivant  les  Canons, 
on  ne  devoir  faire  aucun  Acte  Eccléiiaftique,  furtout  touchant 
la  Foi ,  fans  le  confentement  dç  l'Evoque  Diocèfain.  Theodote 
préfidoit  à l'affemblce  :  mais  lesOrthodoxes le  regardoient  comme 
Intrus.  Les  Moines  qui  préfenterent  la  Lettre  de  cet  Abbé  au 
Concile  furent  renvoyés  avec  opprobre.  Dans  la  première  fefiîon 
on  lut  ôc  on  confirma  la  délinition-  de  Foi  du  Concile  tenu  à  Bla- 
quernes  fousConftantin  Copronyme,  cnyj"-}.  Elle  eft  directe- 
ment oppofée  à  la  do6lrine  de  l'Eglife  fur  les  Images.  Enfuite  on 
prononça  anathôme  contre  le  fécond  Concile  de  Nicée  ôc  contre 
les  Patriarches  orthodoxes.  Dans  la  féconde  on  fit  comparoître 

les 


D  U    N  E  U  V  I  E  M  Ë    s  I  E  C  L  E.     ^77 

les  Evoques  Catholiques  que  l'on  croyoit  les  plus  faciles  àôtre 
fcduits.  Ils  tinrent  fermes  pour  la  l'oi.  Les  Iconocly.(les.!es  char- 
gèrent de  coups,  les  chaiïerent  avec  ignoininie,  &c  les  livrèrent  à 
des  Soldats  ,  qui  les  conduifirent  en  prifon.  On  ufa  de  fembla- 
bles  violences  envers  les  Abbds  des  principaux  Mcnafteres.  I..a 
troifiéme  (eilion  fut  eaiploviie  à  drelTer  &  à  foufcrire  la  défini- 
tion de  Foi  j  en  vertu  de  laquelle  on  etfaçu  toutes  les  peintures 
qui  fetrouvoient  dans  les  Eglifes,  &  on  brila  celles  que  fon  ne 
pouvoit  effacer  :  ce  qui  vcriHa  ce  que  faint  Théodore  Studite  Toin.7,C<>'i- 
avoit  dit  dans  fa  Lettre  aux  Evoques  de  ce  Concile  pour  s'excu-  '"-/'"a-  'î°*' 
ier  d'y  aller,  qu'il  n'avoir  été  affemblc  oui  pour  renverfer  celui 
de  Nicée  ,  c'eft-à-dire  ,  pour  abolir  les  Images  de  Jefus-Chrift, 
de  la  Mère  de  Dieu  ôc  des  Saints,  &  le  culte  qu'on  leur 
rendoit. 

III.  En  France,  Windelmare,  Evoque  de  Noyon  ,  &  Ro-     Coicile  de 
tard  ,  Evéque  de  Soiflbns  ,  revendiquoient  mutuellement  cer-  ,'^.^^^"q1^cj7I 
taines  Paroiffes  ,  qu'ils  difoient  être  de  leur  Diocèfe.  Wulfaire,  pa^.  l'joj. 
Archevêque  de  Reims  &  ?,Iétropolitain  ,  voulant  terminer  leur 
conteflation  ,  aflembla  en  8  1 4.  un  Concile  à  Noyon ,  où,  de  l'avis 
des  Evêques  de  la  Province,  qu'il  avoit  convoqués  ,  il  fut  con- 
■venu  &  arrêté  que  tous  les  lieux  du  territoire  de  Noyon  qui  fc 
trouvoient  en-deça  de  la  Rivière  d'îfere  ,  appartiendroient  à 
l'Eglife  de  Noyon  ;  6c  que  ceux  qui  feroient  fitués  au-dcià  de 
•ce  Fleuve ,  dépendroient  de  celle  de  SoifTons.  Cet  accommode- 
•ment  fut  fcufcrit  par  les  Evêques ,  co  -  Evêques  ôc  Abbés  du 
•Concile ,  6c  par  le  Clergé  des  deux  Eglifes  qui  étoient  en  contef- 
lation. Il  eft  parlé  de  cette  affembléc  dans  Flodoard  (û)  6c  dans 
la  Chronique  de  Cambrai. 

I  V.  Frotaire ,  Evêque  de  Toul ,  écrivant  à  Hetti ,  fuccefleur     Concile  de 
-d'Amalaire  dans  l'Archevêché  de  Trêves ,  le  prie  de  lui  marquer  j  J,;  g"  ^^'" 
■le  tems  auquel  il  tiendroit  fon  Concile',  fuivant  qu'il  avoit  été 
■ordonné  nouvellement.  On  ne  fçait  fi  Hetti  en  affembla  un ,  ni 
-ce  qui  y  fut  réglé. 

V.  En  816,  l'Empereur  Louis  le  Débonnaire  en  convoqua    ^  .  Concile 
■un  général  à  Aix-la-Chapelle,  où  les  Evêques  fe  rendirent  au  peiic'ênSrr,' 
mois  de  Septembre  de  la  même  année.  Ce  Prince  les  exhorta  à  tjm.7,ConùU 
drefler  une  Règle  pour  les  Chanoines ,  tirée  des  anciens  Canons  /"^o-  '3°r' 
&  des  Ecrits  des  faints  Pères.  Son  deU'ein  en  celaétoit  de  fouia- 


(.a)  F'iohmrd.iïb.  i  ,  civ.  iS  ,  Ckron.  Cimeracenfe  ,  :iô.  i  ,  ctp.  ii. 

Tome  XX IL  Dddd 


378  CONCILES 

ger  les  fimples  &  ceux  qui,  faute  de  capacité  ou  délivres,  ne" 
pouvoienc  s'inftruire  par  eux-mêmes  ;  &  en  même  tems  de  met- 
tre de  Tuniformité  dans  la  vie  des  Clercs,  foit  îuperieurs,  foit 
inférieurs ,  ôc  de  les  faire  niarclier  d'un  pas  égal  dans  la  voye 
qu'ils  avoient  choifie.  Il  fouriiit  à  cet  effet  les  livres  néceffaires. 
Amalaire,  Prêtre  de  l'Eglife  de  Metz  ,  fut  charge  de  la  coni- 
miffion  ;  mais  il  fe  borna  aux  extraits  des  Pères  &  des  Conciles. 
Les  Evêques  d'Aix-la-Chapelle  achevèrent  le  refre  de  la  Règle, 
ou  plutôt  des  Règles  :  car  il  y  en  a  deux  ;  une  pour  les  Chanoines 
Ôc  une  pour  les  Religieufes  Chanoinelfes. 

Règle  pour       V  I.  La  première  eft  comporée  décent  quarante-cinq  articles, 

lesChanoin?s,  (]ont  Ics  ccnt  treize  t'reniiers  ne  font  que  les  extraits  faits  par 

Amalaire;  ceux  qui  viennent  enluite  lont  des  Reglemens  faus 

Cm  I  P^''  ^^  Concile.  Il  commence  par  détruire  le  faux  préjugé  de  ceux 
qui  lorfqu'on  les  reprenoit  de  leur  tiédeur  &  de  leurs  négligen- 
ces dans  l'obfervation  des  préceptes  de  l'Evangile ,  répondoient  ) 
que  ces  préceptes  n'étoient  que  pour  les  rvîoines  &  les  Clercs.  11 
fait  voir  que  la  voye  étroite  eft  la  feule  qui  mené  à  la  vie  ,  &  que 
perfonne  n'y  peut  arriver  que  par  cette  voye;  qu'ainfi  les  Laïcs 
comme  les  Clercs  &  les  Moines  doivent  y  marcher,  s'ils  veu- 
lent être  heureux  dans  la  vie  future.  C'eft  ce  qu'il  prouve  non- 
feulement  par  un  grand  nombre  de  paflages  de  l'Ecriture,  mais 
encore  paries  promefles  que  chaque  Chrétien  fait  dans  le  Bap- 
tême, de  renoncer  à  Satan ,  à  fcs  pompes  &  à  toutes  fes  oeuvres. 

Cm.  115.  Le  Concile  convient  néanmoins  qu'il  y  a  certaines  obfervances 
qui  font  particulières  aux  Moines ,  parce  qu'ils  mènent  une  vie 
plus  auflere  ;  mais  il  foutient  qu'il  n'y  a  entr'eux  &  les  Chanoines 
aucune  didindiion  à  faire  lorfqu'il  s'agit  de  s'éloigner  du  vice  & 
de  pratiquer  la  vertu.  Il  cfl:  permis  aux  Chanoines  de  porter  du 
linge,  de  manger  de  la  chair,  de  donner  &  de  recevoir,  d'avoir 
des  biens  en  propre,  &  de  poffederavec  humilité  &  jufaceles 
biens  de  l'Eglife ,  parce  que  ni  l'Ecriture,  ni  les  Canons  ne  leur 
défendent  rien  de  femblable  ;  mais  il  n'en  eft  pas  de  même  des 
Aloines  ,  qui  font  une  profellion  particulière  de  renoncera  tout, 
quoiqu'il  leur  foit  permis  de  recevoir  de  l'Eglife  de  quoi  fournir 

Can.  j}(.  à  leurs  befoins.  Les  biens  de  l'Eglife  étant  les  vœux  des  Fidèles, 
le  prix  des  péchés,  le  patrimoine  des  pauvres ,  ceux  qui  en  ont 
l'adminillration  doivent  en  prendre  beaucoup  de  foin  ,  fans  en 
rien  détourner  à  leur  propre  ufage.  Les  Cloîtres  où  les  Chanoi- 
nes doivent  loger  ,  feront  exaftement  fermés,  enforte  qu'il  ne 
foit  permis  à  aucun  d'y  entrer  ou  d.'en  fortir  qtie  par  la  porte.  Il 


D  U    N  E  U  V  I  E  M  E    s  I  E  C  L  E.       pp 

y  aura  dans  l'intérieur ,  des  dortoirs,  des  rdfeîloircs,  des  celliers,  Qw.  iir. 
&  tous  les  autres  lieux  nJceiîliires  à  ceux  qui  vivent  en  commun. 
Les  Supérieurs  auront  grand  foin  de  proportionner  le  nombre  c.m.  ut 
des  Chanoines  au  fervicc  6c  aux  revenus  des  Eglifes,  de  peur 
que  11  par  vanité  ils  en  all'embloient  un  trop  grand  nombre  ,  ils 
ne  puflent  futHre  aux  autres  dépenles  ,  ni  au  befoin  même  des 
Chanoines  ,  qui  ne  recevant  pas  les  appointemens  néceilaires  , 
deviendroient  vagabonds  6c  déregle's  dans  leurs  moeurs.  Quel-     mj, 
ques-uns  prenoient  leurs  Clercs  d'entre  les  Serfs  de  l'Eglife,  afin 
que  s'ils  leur  faifoient  quelque  injuftice  ou  les  privoient  de  leurs 
penfions ,  ils  n'ofallent  fe  plaindre  ,  dans  la  crainte  d'être  châtiés 
ou  remis  en  fervitude.  Le  Concile  défend  cet  abus,  &C  ordonné  Cm.  n?. 
que  les  nobles  feront  admis  dans  le  Cierge,  fans  toutefois  en 
exclure  lesperfonnes  qui  font  ou  de  baile  condition,  ou  de  la 
famille  de  f  Eglife  qui  en  feront  trouvés  dignes  ,  puifqu  il  n'y  a 
point  en  Dieu  d'acception  de  perfonne.  Les  Clercs  qui  ont  du  Can.  no. 
patrimoine  ou  des  biens  de  l'Eglife ,  c'eft-à-dire  des  Bénénces 
ou  des  fonds  de  l'Eglife,  par  concellion  de  l'Evêque  ,  ne  rece- 
vront que  la  nourriture  &:  une  partie  des  aumônes.  Ceux  qui 
ont  du  bien  de  l'Eglife  fans  patrimoine  ,  6c  font  d'une  grande 
utilité  à  l'Eglife ,    auront  la  nourriture  ôc  le  vêtement ,  avec 
une  partie  des  aumônes;  quant  aux  autres  qui  n'ont  ni  patri- 
moine ^  ni  bien  d'Eglife ,  les  Prélats  auront  foin  de  pourvoir  à 
tous  leurs  befoins. 

"VIL  Dans  la  plupart  des  Communautés  de  Chanoines  ,  les  Cw.  lii. 
riches  fe  faifoient  donner  une  plus  grande  quantité  de  boillon  6c 
de  nourriture  qu'aux  autres  ;il  eft  ordonné  que  tous  les  Chanoines 
recevront  la  même  quantité,  fans  aucune  acception  de  perfonne; 
que  la  portion  devin  fera  plus  ou  moins  grande,  félon  la  fertilité  Ccw.nz, 
du  Pays  6c  la  richefle  des  Eglifes  ;  que  quand  il  y  aura  moins  de 
Tin  ,  OR  fuppléra  par  la  bière  >  que  communément  ils  auront  pat 
jour  4.  livres  de  vin  ,  c'eft-à-dire  environ  trois  chopines  melure 
de  Paris  ;  que  s'il  n'y  a  point  de  vignes  dans  la  Province ,  on  leur 
donnera  trois  livres  de  bière  6c  une  livre  de  vin  ,  fi  cela  eft  polfi- 
ble  ;  ce  qui  doit  s'entendre  pour  les  deux  repas  du  jour ,  deux  Can.n^. 
livres  de  boiffon  pour  chaque  repas.  Les  Chanoines  auront  foin  Cr.n.  114. 
également  d'orner  leur  ame  de  vertus,  6c  de  ne  point  deshono- 
rer la  dignité  de  la  Religion,  par  des  excès  de  propreté  ôc  de 
parure  dans  leurs  habits.  Mais  ils  éviteront  auffi  l'extrémité  op- 
pofée ,  de  faletd  ôc  de  négligence.  Ils  ne  porteront  point  de  Cw.  115. 
(Cucules,  qui  ell  l'habit  des  Moines,  étant  du  bon  ordre   que 

D  d  d  d  ij 


5So  CONCILES 

^   chacun  porte  l'habit  de  fon  état,  êc  réglé  par  l'Eglife.  Ils  feront' 

j,j*  '    "        aliidus  à  toutes  les  heures  de  l'Office,  foit  de  jour  ,  foit  de  nuit ,. 

&  aufTi-rôt  qu'ils  entendront  le  ligne  de  la  cloche  ils  accoure- 

Cij/ï.  i;i.  tont  àrEgUreavec  modeftie  &  révérence.  Ils  fe  comporteront. 

à  l'Eglife  comme  étant  en  la  préfence  de  Dieu  &  des  Anges  ,- 

qu'on  ne  peut  douter  être  préfens  dans  le  lieu  où  l'on  célèbre 

les  Myfteres  du  Corps  &  du  Sang  de  Jefus-ChriO:.  Soit  qu'ib 

Can.  133.  jjfenf^  qu'ils  chantent  ou  qu'ils  pfalmodient ,  ils  s'appliqueront 

plus  à  l'édification  du  peuple ,  qu'à  tirer  vanité  de  la  mélodie  de. 

leur  voix^  ôc  on  choiiira  pour  lire  &  pour  chanter  ceux  qui  pour- 

^  ront  mieux  remplir  ces  fonctions.  Ceux  qui  néeli^eront  d'aififter 

Clin.  134.  ,  ^  .  j  -^irjr- 

aux  heures  canoniques ,  de  venir  a  la  conférence  ,  de  raire  ce 

qui  leur  cft  commandé  par  leurs  Supérieurs ,  de  fe  trouver  à  la. 

table  aux  tems  marqués ,  qui  auront  forti  du  Cloître ,  couché 

hors  du  dortoir  fans  permilhon  ou  néceilité  inévitable  ,  feront 

avertis  jufqu'à  trois  fois  ;  s'ils  ne  tiennent  compte  de  ces  avertif- 

femens  ,  on  les  blâmera  publiquement ,  &  s'ils  perCcverent  dans 

leurs  déréglemens,  on  les  réduira  pour  toute  nourriture  au  paiiv 

&  à  l'eau  ;  enfuite  on  leur  donnera  la  difcipline ,  Ci  l-âge  ôc  la 

condition  le  permet,  Hnon  on  fe  contentera  de  les  féparer  de  la 

Communauté  &  de  les  obliger  au  jeune.  Enlin  s'ils  deviennent; 

incorrigibles  ,-  on  les  enfermera  dans  une  t)rifon  bâtie  à  cet  effet- 

dans  le  Cloître.,  puis  on  les  préfenteraà  l'Evêquepour  etrecon» 

Cflr.  135,  clamnés  canoniqucment.  A  l'égard  des  enfans  &  des  jeunes 
Clercs  que  l'on  nourrit  ou  que  l'on  élevé  dans  la  Communauté,. 
les  Supérieurs  les  feront  loger  dans  une  chambre  du  Cloître, fous 
la  conduite  d'un  vieillard  d'une  vertu  éorcuvée.  S'il  les  néfîli«-'e  ,- 
on  en  mettra  un  autre  à  fa  place,  après  1  avoir  repris  feverenienr» 
Les  Offices  du  jour  étant  Hnis  ,  tous  les  Chanoines  iront  à  ComT 
plies  ,  après  lequel  ils  iront  au  dortoir ,  où  ils  coucheront  cha- 
cun féparement.  Il  y  aura  pendant  toute  la  nuit  une  lampe  allu- 

Ccn.  137.  mée  dans  le  dortoir.  On  choifira  quelques-uns  des  Anciens  pour 
être  préfens  à  certaines  heures  à  l'Ecole  des  Chantres ,  &  em- 
pêcher que  ceux  qui  doivent  apprendre  à  chanter  ne  perdent  leuï 
tems  en  chofes  inutiles. 

Gan.  158.  VIII.  Les  Prélats  de  l'Eglife  choifiront  des  perfonnes  de 
bonnes  mœurs  pour  partager  avec  eux  le  loin  des  Communautés 
qui  leur  font  confiées  ,  fans  avoir  égard  au  rang  qu'ils  tiennent 
dans  la  Communauté,  ni  à  leur  âge,  mais  feulement  à  leur 

Gan  739.  mérite  perfonncl.  L'ufage  droit  de  les  nommer  Prévôts.  Ils 
av oient  fous  eux  un  Cellçrier  ou  Procureur  ;  ceux  que    l'on 


DU    NEUVIEME    SIECLE.      j8i 

eliargeoit  de  la  boulangerie ,  de  la  cuifine  &  des  autres  offices  Can.  140. 
femblables ,  fe  prenoient  d'entre  les  Serfs  de  l'Eglife  les  plus 
fidèles.  Les  Evcques  fe  fouvenant  de  ce  que  Jefus-Chriil  dit  C  n.  141,- 
dans  l'Evangile  :  fai  été  étranger  (jf  vous  in' avei  logé,  ctabUront, 
à- l'exemple  de  leurs  prcdécelicurs,  un  Hôpital ,  pour  recevoir 
les  pauvres  en  auiii  grand  nombre  que  les  revenus  de  lEglifc 
pourront  fupporter.  Les  Chanoines  y  donneront  la  dixme  de 
leurs  fruits,  mcme  des  oblations  ,  &  un  d'entr'eux fera  choifi  , 
tant  pour  recevoir  les  pauvres  ôc  les  étrangers ,  que  pour  gérer  le- 
temporel  de  l'Hôpital.  Si  les  Clercs  ne  peuvent  en  tout  tems  laver 
les  pieds  des  pauvres, ils  le  feront  du  moins  en  Carême  :  c'efl  pour 
quoi  l'Hôpital  fera  fituc  de  façon  qu'ils  puificnt  y  aller  aifcment. 
C'efl-là  ,  comme  on  le  croit ,  l'origine  des  Hôpitaux  fondés  près  Fleuri  ,- 

des  Eelifes  Cathédrales  ,  &  gouvernés  par  des  Chanoines.  Quoi-  \^    '  Ecdef- 
qu  il  leur  tut  permis  d  avoir  des  mailons  particuheres  ,  ?pparem-  10, jw.  lyi..- 
ment  pour  s'y  retirer  pendant  le  jour,  car  ils  dévoient  coucher 
dans  le  dortoir  commun  ,  le  Prélat  aura  foin  qu'il  y  en  ait  dans 
le  Cloître  pour  les  iniîrmes  &  les  vieillards  qui  n'en  auront  point 
à  eux;  les  Frères  iront  les  vifiter  ôc  les  confoler,  &  ils  y  feront 
entretenus  des  fubfldes  de  l'Eglife.  On  mettra  pour  Portier  quel-  q^^_  ^ 
qu'un  d'entre  les  Chanoines,  de  probité  reconnue,  qui  ne  laif' 
fera  entrer,  ni  forcir perfonne fans  congé  ,  ôc  après  Complies  por- 
tera les  clefs  au  Supérieur.  L'entrée  du  Cloître  fera  interdite  aux  ^^"'  '^^•" 
femmes  ;  à  plus  forte  raifon  ne  pourront-elles  y  manger  ni  s'y  repo- 
fer ,  ôc  aucun  des  Ch.anoines  ne  leur  parlera  fans  témoins.  Le  der- 
nier chapitrede  cette  Règle  efl  une  exhortation  générale  àla  pra- 
tique des  bonnes  oeuvres  Ôc  à  la  fuite  des  vices ,  ôc  en  même  tems 
une  récapitulation  de  ce  qui  e(l  prefcrlt  dans  les  articles  précédenst 

I  X.'  il  y  en  a  vingt-liuit  pour  la  Ilc2,ie  des  Chanoineffes  ou  ^,  Rf/?'?<^«' 
Religicules,  puaqu  elles  etoicnt  engagées  par  vœu  de  cnalrete.  iiid.pj^.Ufoc^;. 
Les  tix  premiers  ne  font  que  des  extraits  des  Lettres  de  faint 
Jérôme  à  Eudochie  ,  à  Demetriade  ,  ôc  à  Furia  ;  dé  la  Lettre  de 
faint  Cyprien  ,  intitulée  :  i^e  la  Conduite- des  Fierges\à\x  Dif-- 
cours  de  faint  Cefaire  adreffé^ux  Reiigieufes,  ôc  de  celui  de' 
faint  Athanafe  aux  Epoufes  de  Jefus-Chriil.  Les  autres  contien- 
nent à-peu-près  les  mêmes  reglemens  que  nous  venons  de  rap- 
porter de  la  ilegle  des  Chanoines ,  autant  que  le  permet  la  diffé- 
rence du  fexe.  Les  Abbefl'es  fe  fouviendront  qu'elles  ne  font  conf-  Cm.  7;- 
tituées  du  Seigneur  au-deflus  des  autres,  qu'afin  quelles  leur, 
ièrvent  de  modèles  parla  régularité  de  leur  vie,  qu'elles  veillent 
fur- leur  conduite. ^  qu'elles  corrigent  leurs  défauts ,  ô<:  qu'elles 

Ddddiij. 


y82  CONCILES 

fournifTent  à  leurs  befoins  temporels  &  fpirituels.  Eîles  ne  doi- 
vent employer  qu'un  certain  tems  aux  atfaires  du  Monallere  , 
mais  en  donner  beaucoup  à  la  prière  ,  à  la  lecture  ôcaux  autres 
pratiques  de  piété.  Si  les  nécellités  de  laCommunauté  les  obligent 
à  parler  à  des  Séculiers,  elles  le  feront  avec  gravité  &  modellie, 
^  j,_  en  préfence  de  deuxou  trois  Sœurs.  Elles  ne  recevront  dans  le 
Monaftere  que  des  filles  recommandables  par  la  probité  de  leurs 
mœurs  ,  6c  ne  leur  permettront  de  s'engager  par  le  vœu  de  con- 
tinence, qu'après  leur  avoir  lu  la  Règle ,  les  avoir  éprouvées  ÔC 
leur  avoir  fourni  ies  moyens  de  s'inilruire  de  leurs  obligations. 
Can.  r.  Elles  auront  foin  que  les  poflulantes  difpofent  tellement  de  leurs 
biens ,  qu'elles  n'en  foient  point  inquiétées  après  leur  entrée 
dans  le  Monaftere.  Que  fi  quelqu'une  des  Religieufes  donne 
fon  bien  à  l'Eglife  fans  s'en  réferver  même  Tufufruit ,  elle  fera 
entretenue  fuffifamment  des  revenus  de  l'Eglife;  li  elle  s'en  ré- 
ferve  l'ufufruit ,  le  Quefleur  en  fera  chargé.  Si  elle  veut  confer- 
ver  fon  bien  ,  elle  le  pourra  ,  mais  à  condition  de  paficr  procu- 
ration par  acte  public  à  un  parent  ou  à  un  ami ,  pour  l'adminif- 
trer  &  défendre  fes  droits  en  Juftice.  On  ufera  d'une  plus  grande 
réferve  dans  la  réception  des  petites  filles ,  dont  la  conduits 
caufe  fouvent  du  trouble  dans  les  Communautés. 

Qin  lo.  X.  Les  Religieufes  doivent  fe  fouvenir  qu'étant  engagées 
par  le  vœu  de  çhadeté,  elles  font  dans  l'obligation  de  demeurer 
toujours  dans  le  Monailere  oc  d'y  fcrvlr  le  Seigneur  de  toute  la 
•  capacité  de  leur  ame  &  de  leur  corps  ;  qu'il  ne  leur  fert  de  rien 
de  voiler  leur  corps,  fi  elles  fouillent  leur  ame  par  ratîeclion 
au  péché  ,  ôc  Ci  elles  fe  permettent  ce  qui  efl  défendu  ;  quelles 
^évitent  donc  l'oifiveté  ,  les  diflraclions  ôc  tous  les  autres  vices  j 
qu'elles  s'occupent  fucceiTivement  du  chant  des  Pfeaumes  ,  du 
travail  des  mains  ôc  de  faintes  lec^lures.  Elles  coucheront  toutes 
dans  un  même  dortoir,  chacune  dans  un  lit  féparé.  Elles  man- 
geront enfemble  dans  le  même  réfeclioire  ,  ii  ce  n'eil  qu'elles  en 
foient  empêchées  par  maladie  ou  par  la  foiblelfe  de  l'âge.  On 
lira  pendant  leur  repas  ,  qu'elles  prendront  en  filence ,  tenant 
leur  efprit  appliqué  à  la  ledure.  Chaque  jour  elles  iront  à  la  coa- 
ference  ,  où  on  lira  quelque  Livre  d'édification.  Si  quelqu'une  fe 
trouve  en  faute,  elle  en  fera  punie  félon  le  mérite  de  fa  faute. 
Celles  qui  feront  de  condition  noble,  ne  fe  préféreront  point  à 

Ca  .11.  celles  dont  l'extradion  n'a  rien  de  relevé.  lien  fera  de  même 
de  celles  qui  ont  plus  de  vertu  ou  de  fcjavoir ,  fe  fouvenant  que 
c'efl;  un  don  qu'elles  ont  re^u  de  Dieu ,  à  qui  elles  doivent  en 


DU    NEUVIEME    SIECLE.      ySj 

rendregraceSjôc  non  pas  s'en  diever.  La  clôture  de  leur  Monaflere 
ferafiexade,  que  perfonne  ne  puiiTe  y  entrer  ni  en  (ortirque 
par  la  porte.  Il  n'y  aura  entr'elles  aucune  diftin£tion  pour  le  boire 
&  le  manger.  On  donnera  à  chacune  trois  livres  de  pain  par  jour 
&  trois  livres  de  vin  ,  s'il  eft  commun  dans  le  lieu.  Dans  les 
tems  de  liérilitd  elles  n'auroni  que  deux  livres  devin,  ou  môme 
une.  On  fupplcra  au  furpkis  parla  lîi.^re.  Elles  mangeront  delà  Cin.x^. 
chair ,  du  poillon  ,  des  herbes  ôc  des  légumes ,  fi  toutefois  il  efl 
poiïible  d'en  avoir  ,  ce  qui  ei\  remis  à  la  difcrction  de  l'Abbefle. 
On  leur  fournira  de  la  laine  &  du  lin  pour  faire  eli^s-mcmes  leurs 
habits,  à  l'exception  des  malades  &  des  infirmes  qui  n'ont  pas 
la  force  de  travailler  à  ces  fortes  d'ouvrages.  Leurs  habits  exte-  Cm.  n. 
rieurs  dtoient  noirs.  Elles  pouvoicnt  avoir  des  fervantes  dans 
l'intérieur  du  Cloître,  ôc  fe  charger  de  l'éducation  de  jeunes 
filles.  Le  Concile  propofe  pour  modèle  de  l'éJucation  chré-  (;„  ^^^ 
tienne  que  la  ?*îaitreile  devoir  leur  donner,  celle  que  faint  Jé- 
rôme prefcrit  dans  fa  Lettre  à  Larta.  Les  Prôtres  chargés  d  ad-  "^'i"-  -7- 
minifircr  lesSacremens  aux  Religieufes,  avoicnt  leur  logement 
&  IcurEgiife  au-dehors  ■■,  ils  n'cntroient  dans  le  Monafiere  qu'au 
tems  marqué  ,  ôc  toujours  accompagnés  d'un  Diacre  &  d'un 
Sous-Diacre  ,  avec  lefquels  ils  fortoient  au'h-rôt  qu'ils  avoient 
rempli  leurs  fonctions.  Les  Religieufes  tiroient  un  rideau  de- 
vant elles  pendant  la  Méfie  ôc  les  heures  canoniques.  Si  quel- 
qu'une (a)  vculoit  confefTer  fes  péchés  au  Prêtre,  c'étoit  dans 
l'Eglife,  afin  qu'elle  fut  vue  des  autres.  Elles  n'étoient  point  cif- 
penfces  del'hofpitaîité,  mais  le  lieu  où  l'on  recevoit  les  étran- 
gers ôc  les  pauvres  devait  6tre  au-dehors  &  près  de  l'Eglife. Elles 
employoient  pour  l'entretien  de  cet  Hôpital ,  la  dixme  des  obia- 
ticns  qu'on  faifoit  à  leur  Monaflere. 

XI.  L'Empereur  Louis  envoya  tfes  deux  Pvegles  aux  Arclie-  lettre  de 
vêques  qui  n'avoient  point  alTidé  au  Concile  ,  nommément  à  Si-  Louif  le  D - 
chaire,  Archevêque  de  Bordeaux  ;  àMagnus,  Arclievéque  de  f^rp^^'^ïRe- 
Sens,  ôc  à  Arnon  de  Salltour^; ,  avec  ordre  d'aflembler  leurs  .?i<-s  tt-biifs  i 
Sufî'ragans  ôcles  Supérieurs  des  Érlifes ,  de  faire  lire  ces  Règles  '^',':'^^"^^■'7 

1  1  .  c  ^  O  pelle,  lild» 

devant  eux,  ôc  d'cn-faire  des  copies  conformes  à  l'original  gardé  ;,aj.  mj?. 
clans  le  Palais.  Nous  avons  les  trois  Lettres  que  ce  Prince  leur 
écrivit  à  cette  occafion.  Il  marque  qu'il  cnvoycroit  au  premier 


(a  )  Siçuipcccara  fi'?.  Sxrer'oticcrfi-  1  ab   aliis  vide^tur.  C;/,.  17. 
içri   volue.ii       i.i  m  Elc1c;1.i    i.xiat ,  i.t  1 


j84  CONCILES 

jour  de  Septembre  des  CommifTaires  pour  s'informer  fi  ces  Rè- 
gles étoient  mifes  en  exécution.  L'Empereur  envoya  en  même 
tems  à  ces  trois  Archevêques   le  poids  &  la  mefure  dont  oa 
devoit  fe  fervir  dans  la  diikibution  du  pain  Ôc  du  via  aux  Cha- 
noines ôcaux  Religieufes. 
Lettre    de       ^  j  j^  £..j  confcquence  des  ordres  de  Louis  le  Débonnaire  , 
y/qùliiTie-  Hetti ,  Archevêque  de  Trêves  ,  écrivit  à  Frothaire  ,  Evêque  de 
■ves.  Ibid.   in  Toul,  pour  l'avertir  de  s'informer  fi  les  Règles  dont  on  vient 
VsTî      ^'^^'  ^^  parler  s'obfervoient  exaclement  dans  fon  Dioccfe ,  afin  qu'il 
pût  en  certifier  ce  Prince. 
Concile  (6      XII I.  Le  vingt-feptiéme  de  Juillet  de  la  même  année  8  1 6", 
B^x6,'Zm.  T  ^"  afl'embla  en  Angleterre  un  Concile  ,  en  un  lieu  nommé  Cel- 
<:onci!.    p.v.  çhyte.  "Wulfirede,  Archevêque  de  Cantorberi ,  y  préfida  ,  affilté 
^^^'*'  de  douze  Evêques  de  diverfes  Provinces.  Quenulfe  ,  Roi  des 

Merciens  ,  y  étoit  préfent  avec  plufieurs  Seigneurs,  outre  les 
■Cm.  I.  Abbés  ,  les  Prêtres  &  les  Diacres.  On  y  fitl'expofition  de  la  Foi 
Catholique  ôc  de  la  doctrine  contenue  dans  les  anciens  Canons , 
ôc  tous  s'engagèrent  non-feulement  à  i'obferver ,  mais  aulFi  à 
/L'a/!,  i,  l'enfeigner  aux  autres.  Après  quoi  le  Concile  ordonna  que  les 
pglifes  nouvellement  bâties,  feroient  confacrées  par  l'Evêque 
Diocèfain  avec  rafperfion  de  l'eau  bénite  &  les  autres  cérémo- 
nies preforites  par  le  Rituel  ;  que  l'on  y  conferveroit  l'Euchariftie 
;:vec  les  Reliques  dans  une  boëte  ou  petite  châfTe  ;  que  s'il  n'y 
avoir  (a)  point  de  Reliques,  l'Eucharircieconfacrée  par  l'Evê- 
que fuiliroit ,  comme  étant  le  Corps  &  le  Sang  de  Jefus-Chriil:; 
ôc  qu'il  y  auroit  quelque  peinture ,  pour  faire  connoître  à  quel 
5aint  eft  dédiée  f  Eglife  ou  l'Autel ,  que  pour  conferver  la  paix 
4^m,  j,  ^  l'unanimité ,  on  ne  fe  contenteroit  pas  de  croire  de  la  même 
manière  ,  mais  que  l'on  s'uniroit  encore  de  paroles  ôc  d'actions 
dans  la  fincerité  &  dans  It  crainte  de  Dieu  ;  que  les  Evêques 
choifiroient   chacun  dans  leur  Dioccfe  les  Abbés  èc  les  Ab- 
.0/7,4.  belles  ,  du  confontement  de  la  Communauté  ;  que  l'on  ne  per- 
mettroit  aux  Ecofiois  aucune  fonttion  Ecc!cfiallique,ni  de  bap- 
tifer ,  ni  de  célébrer  la  Méfie,  ni  de  diftribuer  l'Euchariftie, 
parce  que  l'on  ne  fçavoit  par  qui  ils  avoient  été  ordonnés  ;  que 
■Can.  y.  |'qj^  ^g  cafleroit  point  les  jugemens  rendus  dans  un  Synode 


(,;)  EuchariÙi;i  qur  nb  Epifcopp  pci 
idem  niinilif nuiu  conk'tr.irur  ,  cua>  aliis 
■Reliquiis  conJr.tur  in  c:ip!ul.i ,  ac  fervctur 
in  c.iuCin  J^adii^a.  Et  l!  aba»    Reli^uias  ^ 


intininrc  non  poteft  ,  tamen  hoc  maxime 
proHcere  poiclt ,  quia  Corpus  &  Sanguins 
cil  Douiini  nollri  Jcl'u  Chrilli.  Cait.  i.i. 


DU    NEUVIEME    SIECLE.     y8; 

par  les  Evoques,  ôc  que  tout  autre  atle  confirme  par  un  figne  Cm.  6. 
de  la  Croix  feroit  inviolablement  obfervé;  que  les  Evcques,  les  Cm.y. 
Abbés  &  les  AbbelTes  ne  pourroient  aliéner  aucun  fonds  des 
Eglifes  ôt  des  Monafieres ,  que  pour  le  tenis  de  la  vie  d'un 
homme  ôc  du  confentement  de  la  Communauté ,  &  que  les 
titres  en  demeurcroient  au  ?vIonanere;  que  les  Monafteres  où  Cm.i. 
l'en  aura  une  fois  établi  la  vie  régulière  ,  demeureront  toujours 
en  cet  état ,  &  que  l'Abbé  ou  l'Abbefle  feront  bénits  par  l'Evê- 
que  ;  que  chaque  Evêque  tirera  copie  des  jugemens  rendus  dans  Can.  9. 
le  Concile ,  avec  le  nom  de  TArchevêque  qui  y  aura  préfidé  ôc 
la  date  de  l'année  où  il  aura  été  alfembié  ;  qu'à  la  mort  d'un  ^'"''  '*• 
Evêque  on  donnera  la  dixième  partie  de  fon  bien  aux  pauvres, 
foit  qu'il  confifle  en  bétail  ou  en  autres  efpeces  ;  qu'on  affran- 
chira tous  fes  Serfs  Anglois  ;  qu'en  chaque  Eglife  on  s'aflemblera 
au  fon  de  la  cloche  pour  y  réciter  trente  Pfeaumes  ;  que  chaque 
Evoque  ôc  chaque  Abbé  en  fera  dire  fix  cens,  ôc  fix  vingt  Méfies, 
6c  affranchira  trois  Serfs  en  leur  donnant  à  chacun  trois  fols  ;  ôc 
que  chaque  Moine  ou  Clerc  jeûnera  un  jour ,  afin  de  procurer 
au  défunt  une  place  dans  le  Royaume  éternel  par  un  fuffrage 
commun  ;  que  les  Evêques  n'ufurperont  les  Paroiffes  d'un  autre  Cm.  ir. 
Diocèfe ,  ôc  n'y  feront  aucune  fon6lion  épifcopale ,  comme 
de  confacrer  des  Eglifes,  d'ordonner  des  Prêtres.  On  en  ex- 
cepte l'Archevêque,  parce  qu'il  efl:  le  Chef  des  Evcques  de  fa 
dépendance.  Ce  Canon  qui  efl  le  dernier  ,  porte  encore  que 
les  Prêtres  n'entreprendront  point  de  grandes  affaires  fans  l'agré- 
ment de  leur  Evoque  ;  que  dans  l'adminiflration  du  Baptême  , 
ils  ne  fe  contenteront  pas  de  répandre  de  l'eau  fur  la  tête  des 
enfans  ,  mais  qu'ils  les  plongeront  dans  le  lavoir,  à  l'exemple  du 
Fils  de  Dieu  qui  fut  plongé  trois  fois  dans  le  Jourdain.  On 
commençoit  donc  dès-lors  d'introduire  dans  quelques  Eglifes 
d'Angleterre  le  Baptême  par  infufion. 

X  I  'V.  En  S  1 7  ,  l'Empereur  Louis  tint  un  Parlement  à  Aix-      AtTcmblée 
la-Chapelle,  où,  de  l'agrément  de  tous  ceux  qui  y  étoient,  il  'l^^'J^ën^i?^' 
donna  a  Lothairefon  fils  aîné,  le  titre  d'Empereur,  ôc  à  fes  deux  îom.  7,Co/ic!/I 
autres  fils ,  deux  parties  de  fes  Etats  ;  à  Pépin ,  l'Aquitaine  ;  ôc  v-^-  »507. 
à  Louis ,  la  Bavière.  Après  que  TAiSte  en  futdreffé,  plufieurs 
Abbés  de  France  qui  fe  trouvoient  à  Aix ,  conférèrent  enfemble 
fur  les  moyens  de  rétablir  le  bon  ordre  dans  les  Monafteres.  Ils 
trouvèrent  que  la  principale  caufe  du  relâchement  de  la  difci- 
pline  monaflique  venant  de  la  diverfité  des  obfervances  dans  les 
pratiques  non  écrites,  il  étoit  néceffaire  d'établir  une  difciplinc 
Tome  XXII.  Eeee 


5S(5  CONCILES 

uniforme  par  des  Statuts ,  qui  expliquaffent  la  Règle  de  faint 
Benoît,  dont  on  faifoit  profeilion  dans  ces  Monafleres,  Ces  Sta- 
tuts font  au  nombre  de  quatre-vingt  dans  les  CoUeâions  des 
Conciles  ;  mais  fuivant  d'autres  éditions ,  il  n'y  en  a  que  foi- 
Can.  I.  xante  &  douze  ,  dont  voici  les  plus  remarquables  :  Les  Abbés  à 
leur  retour  liront  la  Règle  entièrement,  ôc  après  qu'ils  en  auront 
bien  compris  le  fens ,  ils  la  feront  obferver  par  leurs  Moines. 
Can.  î.  Tous  les   Moincs  qui  en  auront  la  facilité  l'apprendront  par 
Can.2,.  cœur.  Ils  feront  l'Office,  fuivant  la  Règle  de  faint  Benoît  ;  ils 
travailleront  de  leurs  mains  à  la  cuifine  ,  à  la  boulangerie  ôc  aux 
autres  offices,  &  laveront  leurs  habits  en  un  tems  convenable. 
Cm.  ^.  On  ne  les  rafera  que  tous  les  quinze  jours  ;  mais  en  Carême  ils 
Cm.  c.  ne  feront  rafés  que  le  Samedi  faint.  L'ufage  des  bains  leur  fera 
Can.-j.  accordé  fuivant  la  difcrétion  du  Supérieur.  Ils  ne  pourront  man- 
Can.i.  ger  de  la  volaille,  ni  dedans,  ni  deiiors  du  Monallere,  fi  ce 
C(7/2. 78.  n'efl  aux  grandes  folemnités  ,  c'eft-à-dire ,  à  Noël  Ôc  à  Pâques 
Can.  II.  durant  quatre  jours.  Ils  ne  fe  feront  point  faif^aer  en  certaines 
Crri.  lî.  faifons,  mais  fuivant  le  befoin.  Lcrfqu'ils  iront  en  voyage,  ils 
''"•  '^-  feront  accompagnés  d'un  de  leurs  Frères.  Les  jours  de  jeûne 
ordinaires  ,  c'eft-à-dire ,  du  ?»lercredi  ôc  du  Vendredi ,  leur  tra- 
vail fera  plus  léger  :  en  Carême  ils  travailleront  jufqu'à  None; 
Can.-i9.  puis  la  Meiïe  étant  finie,  ils  prendront  leurs  repas.  On  leur 
Can.  zz.  donnera  deux  fergettes,  deux  tuniques,   deux  cucules  pour 
fervir  dans  le  Monaftere ,  deux  chappes  pour  le  dehors  ,  deux 
paires  de  fémoraux  ou  caleçons,  deux  paires  de  fouliers  ôc  des 
pantoufles  pour  la  nuit ,  des  gands  en  Eté ,  des  moufles  en  Hy- 
ver;un  froc  ou  habit  de  delTus,  une  pelifle  ou  robe  fourrée.  Il 
y  aura  toujours  de  la  graiffe  dans  la  noarriture  des  iMoines,  ex- 
cepté le  Vendredi ,  vingt  jours  avant  Noél ,  ôc  depuis  le  Di- 
Mnhll.Vrct-  nianche  de  la  Quinquagefime  jufqu'à  Pâques.   L'ufage  de  la 
num!^i'iil'a\  gf^iAe  ^^toit  permis  en  France,  parce  que  l'huile  y  étoit  très- 
7o;8iinAiu-  rare,  Ôc  peut-être  encore  pour  montrer  qu'on  ne  s'abftenoit  pas 
"  ''^^°'  '  '^    de  la  chair  par  fuperftition.  Dans  les  Monafteres  où  l'on  manque 
Can.  11.  de  vin,  on  donnera  une  double  émine  de  bière.  Les  Frères  fe 
laveront  mutuellement  les  pieds ,  furtout  en  Carême,  en  chan- 
tant des  Antiennes. 
Cfl/z.  15.       XV.  Les  Abbés  fe  contenteront  de  la  portion  des  Moines; 
Hs  feront  vêtus  ôc  couchés  de  même,  &  travailleront  comme 
Can.  17.  eux ,  s'ils  ncfout  occupés  plus  utilement.  Ils  ne  mangeront  point 
avec  les  Hôtes  à  la  porte  du  Monaftere,  mais  dans  le  réfectoire, 
&  pourront  à  leur  confidération  augmenter  les  portions  des 


DU    NEUVIEME    SIECLE,      f^j 
Frères.  Ils  n'iront  que  rarement  ôc  dans  la  ndceflké  vifiter  les  C:n.  ié. 
Me'tairies ,  6c  n'y  laiiTeront  point  des  Moines  pour  les  garder; 
néanmoins  il  leur  fera  permis  d'avoir  des  Celles  ou  Prieurés ,  où  Cin.  44. 
ils  laiiïeront  des  Chanoines,  ou  des  jMoines;  &  jamais  au-deflbus 
de  fix.La  ledure  fe  fera  au  réfedoire  à  la  première  &feconde  table;  Can.  iS. 
celle-ci  droit  pour  les  Ledeurs  6c  Serviteurs  de  la  première  table. 
Le  Prévôt  fera  tird  d'entre  lesMoines;il  aura  la  principale  autorité  Can.  5 1, 
après  l'Abbéj  tant  dedans  que  dehors  du  Monaftere.  L'entrée 
n'en  fera  pas  accordée  ficilement  à  un  Novice;  pour  éprouver  O/?.  3.}. 
fa  vocation  ,  on  le  fera  fervir  les  Hôtes  dans  leur  appartement 
pendant  quelques  jours.  11  commettra  à  fes  parens  l'aiminillra- 
tion  de  fes  biens  ,  dont  il  difpofera  fuivant  la  Re^le ,  oprès  l'an- 
née de  probation.  Il  ne  recevra  la  tonfure  Monachale  ôc  ne  pren- 
dra l'habit  qu'en  faifant  fon  vœu  dobéiflance.  Les  parens  pour- 
ront offrir  leurs  enfans  ôc  faire  pour  eux  la  demande,  qu'ils  con-  ■^'^''  ^ 
iîrmeront  eux-mêmes  étant  en  âge  de  raifon ,  en  préfence  de 
témoins  Laïcs.  Il  n'y  aura  point  d'autre  Ecole  dans  l'intérieur  Cm.  4^ 
du  Monaflere  que  pour  ces  enfans  ;  mais  en  plufieurs  Monafleres 
il  y  en  av^oit  d'extérieurs  ôc  de  publics.  Aux  principales  Fêtes  Cm.  ^6. 
de  l'année  ,  comme  à  Noël ,  aux  Octaves  du  Seigneur,  à  l'Epi- 
phanie, à  Pâques ,  à  l'Afcenfion,  à  la  Pentecofte  ,  les  jour-  de 
Fêtes  de  faint  Edienne,  de  faint  Jean  l'Evangelifte,  des  faints 
Innocens ,  de  la  Purification  ,  de  l'Affomption  de  la  fainte  Vier- 
ge ,  de  faint  Jean-Baptifte,  de  faint  Laurent ,  de  faint  Martin, 
on  fera  rOilice  pienier,  c'eft-à-dire  ,  plus  folemnel  qu'aux  au- 
tres jours  de  Tannée.  Le  Vendredi  faint  on  ne  prendra  que  du  Cm.Ar- 
pain  ôc  de  l'eau.  Les  Séculiers  ne  boiront  ni  ne  mangeront  au  Cm.  ^i. 
réfectoire. 

XVI.  La  livre  de  pain  portée  par  la  Règle ,  efl  eflimée  trente    i/j'J]{}i.j.iii, 
fols  ,  à  douze  deniers  l'un  ,  ce  qui  revient  à  dix-huit  onces  avant  Prc^fat.  in  f 
la  cuiflbn  ôc  feize  après.  On  diRribuera  même  au  réfectoire  les  rom.A6l.pag. 
euiogies,  celi-a-dire,  les  pams  oncrts  a  1  Autel ,  ôc  non  con- 
facrés,  Ôc  la  diftribution  s'en  fera  par  les  Prêtres.  Au  Chapitre  Cin.é?. 
on  lira  d'abord  le  Martyrologe ,  puis  la  Règle ,  ou  quelque 
Homélie.  Ceux  qu'on  aura  mis  en  pénitence  pour  des  fautes  Cm.  40. 
confidérables ,  auront  un  logement  féparé,  avec  une  cour  où 
ils  puilTent  travailler;  mais  le  Dimanche  ils  feront  traités  avec  Cm.  71. 
plus  de  douceur,  ôc  ne  demanderont  point  pardon.  Quelque  Can.-n. 
faute  qu'ils  avent  faite  ,  ils  ne  feront  pas  fouettés  à  nud  à  la  vue 
de  leurs  Frères.  Si  le  ravail  des  Moines  eft  tel  qu'ils  ayent  be--  Can.  ji; 
foin  de  boire  après  le  repas  du  foir  j  on  leur  en  accordera  la  peE- 

E  e  c  e  ij 


^SS  CONCILES 

miiïlon ,  même  en  Carême  :  c'eft  l'origine  de  la  collation  ;  & 
Ca«.  58.  quand  on  célébrera  l'Office  des  Morts  ,  ils  boiront  avant  de  le 
Can.  6}.  commencer.  Les  Moines  lurvenans  feront  logés  dans  un  dor- 
toir féparé  &  bâti  près  de  TOratcire.  On  choiiira  des  Frères  bien: 
Tom.  7, Con- inftruits  pour  les  entretenir.  L'Empereur  Louis  confirma  êc  fit 
cz/.pj^.  1513  exécuter  par  ion  autorité  tous  ces  Reglemens,  ainfi  que  le  re- 
'c  *        marque  l'Auteur  de  fa  vie.  On  croit  que  ce  fut  dans  la  même 
alTemblée  que  ce  Prince  fit  drefifer  un  état  des  charges  que  les 
Monafteres  de  fon  obéifTance  dévoient  fupporter  pour  fon  fer- 
Bâ/uf-  """•  vice.  Il  en  a  été  parlé  plus  luut.  Les  principaux  Abbés  qui  y 
i ,  C2phu.v.  affifterent ,  étoient  faint  Benoît  d'Aniane  ,  Arr.ould  de  Noir- 
]/ag,  1084.     nioutier,  Apollinaire  de  Mont-Cafïin  ,  Alveus  de  faiat  Hubert 
en  Ardenne  ,  Apollinaire  de  Flavigny ,  Jofué  de  faint  Vincent 
de  Wulturne  ,  Agioife  de  Solignac.  On  a  inféré  leurs  Regle- 
j.^^^  Q  l^^  mens  dans  les  Collerions  des  Conciles  ,    ôc  dans  le  premier 
yig.    j7s>  &-  tome  des  Capitulaires  ,  avec  la  charte  de  confirmation  des  do- 
5>'''  nations  faites  à  l'Eglife  Romaine  par  le  Roi  Pépin  &  par  Char- 

lemagnc. 
Concile  de      XVI I.  Au  mois  d'06lobre  de  l  an  821,  l'Empereur  Louis 
ThionviUeen  ^^^^-^^  à  ThionviUe ,  fit  époufer  à  fon  fils  Lothaire  ,  Irningarde, 
Concil.    pag.  fiHc  du  Comte  Hugues.  Les  Seigneurs  ôc  les  Evêques  qui  avoicnt 
M 19  ;  Si  l'e  eu  part  à  la  conjuration  de  Bernard,  profitèrent  de  cette  conjonc- 
rc  ur ,  i  m .  ^^^.^  ^^^^^^  demander  leur  grâce.  Le  Prince  les  ayant  fait  venir  en 
fa  préfence,  leur  pardonna  ,  leur  rendit  leurs  biens  confifqués , 
&  renvoya  les  Evêques  exilés  dans  leurs  Sièges.  Aillulphe, 
Archevêque  de  Mayence  ,  Hadabalde  de  Cologne  ,  Hetton  ou 
Hetti  de  Trêves  ,  ôc  Ebbon  de  Reims  ,  tous  avec  leurs  Suffra- 
gans ,  avec  des  Députés  des  autres  Evêques  de  Gaule  ôc  de  Ger- 
manie, au  nombre  de  trente-deux  ,  firent  quatre  Canons  contre 
ceux  qui  feroient  convaincus  d'avoir  frappé  un  Clerc.  Ils  furent 
confirmés  par  un  Décret  de  Louis  le  Débonnaire ,  dans  une 
affembléc  tenue  l'année  fuivante  à  Trel)ur ,  lieu  iitué  près  du 
confluant  du  Rhin  ôc  du  Mein.  Le  meurtre  d'un  Evêque,  nom- 
mé Jean,  tué  en  Gafcogne  d'une  manière  honteufe,  donna  lieu 
à  ces  Canons. 
Corciîc;c!e      XVIII.    En  Angleterre  on  tint  deux  Conciles  à  Clif  ou 
Ciovc.hou  tn  Cloveshou  ;  l'un  en  822 ,  l'autre  en  824.  Bernulfe  étoit  alors  Roi 
tôm.i^Co'ncU.  ^^s  Merciens.  Dans  le  premier,   Wulfrede  ,  Archevêque  de 
fag.  1517  ,  Cantorberi,  fe  plaignit  que  le  Roi  Quenulfe  l'avoit  tellement 
*^^^'  perfécuté  ,  qu'il  avoit  été  près  de  {\x  ans  fans  avoir  pu  exercer 

fon  autorité  épifcopale,  ôc  que  pendant  tout  ce  tems  ona'avoit 


DU    NEUVIEME    SIECLE.      $îp 

point  adminiflré  le  Baptême  dans  toute  l'Angleterre  ;  que  le 
même  Prince  l'avuit  caiomnié  auprès  du  Pape  ;  qu'étant  à  Lon- 
dres ,  il  l'avoit  tait  venir  ,  &  lui  avoir  ordonne  de  quitter  l'An- 
gleterre ,  jufqu'à  ce  qu'il  lui  eût  abandonné  une  certaine  terre 
de  trois  cens  familles  ,  ôc  fe  rùt  fournis  à  lui  payer  (ix-vingc  livres 
de  deniers  ;  qu'ayant  été  obligé  d'obéir ,  l'Abbefl'e  Cynedrite, 
fille  de  Quenulfe  &  fon  héritière,  retenoit  cette  terre  depuis  la 
mort  de  ion  père.  L'AbbelTe  invitée  de  venir  au  Concile  ,  pro- 
mit en  préi'ence  du  Roi  Bernulfe  &  des  Êvêques  ,  de  la  rendre, 
&  en  rendit  encore  d'autrco  qui  appartcnoient  à  l'Archevêque, 
pour  marque  de  l'amitié  qu'elle  lui  portoit ,  quoiqu'elle  n'eût 
point  promis  de  les  rendre.  Dans  le  fécond  Concile  de  Clo- 
veshou  ,  le  Roi  Bernulfe  &:  les  Evêques  terminèrent  un  différend 
entre  Hébert,  Evêque  de  Vorcheftre ,  ôc  les  Moines  deBerclci, 
touchant  le  Monaflere  de  'Veftburi ,  que  ceux-ci  prctendoient 
leur  appartenir.  Mais  il  fut  adjugé  à  l'Evêque  ;  ôc  la  Sentence 
rendue  fur  ce  fujct  fut  fignée  par  le  Roi ,  par  douze  Evoques, 
quatre  AbLés,  un  Député  du  Pape  Eugène,  &  plufieurs  Ducs  ôc 
autres  Seigneurs. 

XIX.  On  a  vu  en  fon  lieu,  que  Louis  le  Débonnaire  ne  Concile 

voulant  point  jus;er  par  lui-même  de  la  peine  que  méritoit  Ber-  f  ^"'-^"X  ^^ 
nard  ,  Ivoi  d  Jtahe ,  pour  avoir  conjure  contre  lui  ôc  attente  a  fa  Condl.  p^. 
vie  ,  ôc  que  quoiqu'il  eût  été  condamné  à  mort  dans  une  alTem-  ^^-^• 
blée  générale  des  Seigneurs,  Louis  avoir  commué  cette  peine 
ôc  adouci  la  Sentence  ;  malgré  cette  modératinn.il  fe  laifTa  perfua- 
der  par  les  Evêques  ,  qu'il  avoir  en  cela  commis  un  péché  con- 
fidérable,  ôc  qu'il  devoit  s'acculer  lui-mcme  publiquement,  ôc 
condamner  fa  propre  conduite.  Il  indiqua  à  cet  effet  un  Parle- 
ment à  Attigni  en  ^'22  ,  Maifon  Royale  fur  la  Rivière  d'Aine, 
où  il  fit  une  confefïion  publique  de  la  rigueur  dont  il  avoit  ufé 
envers  Bernard  ,  ôc  envers  l'Abbé  Adalard  ÔC  V"ala  fon  frère, 
comme  d'un  crime  fcandaleux  qu'il  ne  pouvoir  tffacer  que  par 
cette  forte  de  réparation.  Il  fit  aulli  une  pénitence  publique^ 
pour  imiter  celle  de  l'Empereur  Theodcfe ,  quoiqu'il  n'y  eût 
point  de  proportion  entre  le  péché  de  ce  Prince  &  celui  qu'on  im- 
putoit  à  Louis  le  Débonnaire.  Il  fit  dans  la  même  affemblée  un 
aveu  plus  louable  ;  c'étoit,  que  contre  les  intentions  ôc  les  vo- 
lontés de  Charlemagnc  fon  père,  il  avoit  fait  couper  les  cheveux 
à  fes  trois  frères  cadets ,  ô:  les  avoit  obligés  de  fe  retirer  dans 
des  Monafieres  :  ce  qui  étoit  contre  les  Canons  ,  qui  défendent 
d'obliger  perfonnc  à  fe  renfermer  dans  le  Cloître,  li  ce  n'ell  pour 

E  e  e  e  iij 


jpo  CONCILES 

Rathertus ,  quelque  crime  qui  méritât  pénitence.   Pour  réparer  ce  tort; 

in^jiM  Ade-  p£mpereur  Louis  leur  demanda  pardon  &:  leur  laifla  la  liberté 
de  revenir  à  la  Cour  ou  de  demeurer  dans  l'état  qu'on  les  avoit 
forcés  d'embralTer.  ?*Iais  ils  préférèrent  la  retraite  aux  efpérances 
du  fiécle.  On  traita  dans  la  môme  aifemblée  de  divers  abus  intro- 
duits par  la  négligence  des  Evoques.  L'Empereur  témoigna  un 
grand  defir  d'y  apporter  remède.  Un  des  plus  grands  étoit  fufur- 
pation  des  biens  Eccléfiaftiques  parles  Laïcs.  Agobard  ,  Arche- 
vêque de  Lyon,  qui  étoit  préfent,  parla  fortement  fur  ce  fu jet, 
6c  foutint  que  violer  les  Canons,  é:oitun  attentat  contre  Dieu 
même.  Les  ASles  de  ce  Conci'e  ne  font  point  parvenui  jusqu'à 
nous ,  &:  nous  n'en  fçavons  que  ce  que  nous  ap-^  rennent  les  Hif- 
To.'n.7,Cw    toriens  du  tems.  Quelques-uns  lui  attribuent  le  Capitulai rc  qu'on 

cil.pjj.i^j^-  lit  à  la  fuite  du  Concile  d'Aix-la-Chapelle  en  8i<5,  &  corapofé 
de  trente  articles.  Mais  s'il  n'/  a  faute  dans  rinf:ription  ,  il  fut 
fait  en  cette  même  Ville  ,  la  troifiéme  année  du  règne  de  l'Em- 
pereur Louis ,  c'eft-à-dire ,  en  8  i  6.  Le  fécond  article  eO:  plus 
intérelfant:  il  porte,  qu'artn  que  lEglife  iouilfe  de  fa  liberté  ,  les 
Evêques  feront  élus  par  le  Clergé  &  le  Peuple  ,  &  pris  dans  le 
Diocèfe  même ,  en  confidération  de  leur  mérite  &  de  leur  capa- 
Ibid.  va£,  cité,  gratuitement  ôc  fans  acception  de  perfonnes.  En  Saj ,  le 

•Î3Î'  même  Prince  donna  un  autre  Capirulaire  en  vingt-huit  articles  , 

qui  contiennent  des  infirudions  générales  ,  tant  pour  les  Peuples 
que  pour  les  Evoques  &  les  Erivoyés  du  Prince  ,  pour  l'aider  à 
fétaBlir  le  bon  ordre  en  toutes  chofes.  Il  paroit  par  le  cinquième, 
que  les  Evêques  lui  avoient  promis  dans  le  Concile  d'Attigny , 
d'établir  partout  où  fe  pourroit  des  Ecoles  pour  y  inftruire  les 
enfans  &  les  Miniftres  de  l'Eglife.  L'Empereur  leur  recommande 
de  tenir  la  main  à  l'exécution  de  ce  projet ,  qui  ne  pourroit  être 
que  très-utile  pour  plufieurs.  Il  exhorte  dans  le  fixiémeles  Gou- 
verneurs des  Provinces  6c  les  Juges  ordinaires  à  vivre  en  union 
avec  les  Evêques ,  à  protéger  l'Eglife  ôc  les  pauvres ,  ôc  à  aider 
les  Miniftres  de  l'Eglife  dans  leurs  fonctions. 


^V^ 


DU    NEUVIEME    SIECLE,     jpi 

sta  ara  ,5ta  iali  £hra  .1^  ^  ir«  j;ra  iia  sa  .ita  iîa  £ia  sia  ^  û^^ 

CHAPITRE     XXVIII. 

Co  N  c  I  LE  de  Paris  aujujet  des  Images  ;  i'Ingelheim, 
de  Rome  &  d'Aix-la-Chapelle. 

I.  A  Pre's  que  Michel,  Empereur  d'Orient,  eut  terminé  Concile  ce 
xV  I3  guerre  civile  contre  I  homas  ,  qui  fe  difoit  Conftan-  ^^"*  ^'^  ^^^' 
tin,  fils  dlrene,  il  envoya  une  ambaflade  à  Louis,  Empereur 
d'Occident,  avec  une  grande  Lettre,  dattée  de  Conftantinoplc 
le  10  d'Avril, Indiction  féconde  ,c'efl-à-dire,  de  l'an  824.  llfe 
plaignoit  dans  cette  Lettre  de  divers  abus  au  fujet  des  Images, 
6c  ajoutoic  que  plufieurs  Empereurs  orthodoxes  ôc  les  plus  Iça- 
vans  Evêques  avoient  affemblé  un  Concile  local ,  où  ils  avoient 
défendu  ces  abus  ;  que  leurs  Décrets  à  cet  c'gard  n'ayant  pas  été 
approuvés  géncralcment ,  il  avoit  pris  le  parti  d'en  écrire  au  Pape 
de  Rome.  Louis  le  Débonnaire  reçut  cette  Lettre  au  mois 
de  Novembre  de  la  même  année  ,  ôc  fuivant  le  deùr  de  l'Empe- 
reur Michel,  il  fit  conduire  fes  Ambaffadeurs  avec  honneur  juf- 
qu  à  Rorne.  Il  en  envoya  deux  de  fon  coté,  Freculphe,  E,vê- 
que  de  Lizicux ,  ôc  Adegaire ,  dont  on  ne  connoit  point  le  Siège,, 
avec  ordre  de  demander  au  Pape  Eugène  IL  la  permiinon  de 
faire  examiner  par  les  Evêques  de  France  !a  queuicrt  des  Ima- 
ges. Le  Pape  l'accorda,  ôc  le  Concile  01:1  fe  devolt  faire  cet 
examen  ,  fut  indiqué  à  Paris  pour  le  premier  Novembre  825. 
Quelques-uns  en  ont  mis  l'époque  en  824.,  trompés  apparem- 
ment par  la  date  (  j)  de  l'inlIrucVion  de  l'Empereur  Louis  à 
Jcremie ,  Archevêque  de  Sens ,  6c  à  Jonas  ,  Evêque  d'Orléans , 
touchant  les  Actes  du  Concile  de  Paris.  Mais  cette  date  eft  vi- 
fiblement  faufie  ;  ôc  au  lieu  de  824,  il  fiut  lire  825-.  Cela  paroît 
par  la  Lettre  des  Evêques  de  ce  Concile  à  Louis  Augufle  ,  où 
ils  difent  :  (b)  Nous  avons  fait  relire  en  notre  préfcnce  la  Lettre  que 
les  yimbajfadeurs  des  Grecs  ont  apportée  Vannée  derniers.  Or  il  ell 
certain  que  cette  Lettre  fut  rendue  à  ce  Prince  par  les  AmbafTa- 
deurs  de  Michel  ôc  de  Théophile ,  Empereurs  d'Orient^  au 


(.1)    B.i'.uf.    tom,  I  ,    Cipitular.  pjg.  l      (l)  Concil.  P.irif.  epijl.  cii  LuiovkiM'- 
*4j.  \  Au-giijlum». 


^^2  CONCILES 

mois  de  Novembre  824.,  comme  le  dit  Eginhard  (a)  fur  cette 
année. 
Aaes  du      1 1-  Les  Evêques  du  Concile  de  Paris  marquent  dans  la  mê- 
Conciie.  sy'  me  Lettre,  qu'ils  s  dtoient  affemblcs  le  premier  jour  deNovem- 
nodusVarijifn-  ^        felon  l'ordre  qu'ils  en  avoient  reçu  de  l'Empereur.  Tous 
furti   ,  ann.  ceux  qui  avoicnt  été  mandes  s  y  trouvèrent ,  a  1  exception  de 
^')96,  in-iz.  Modouin  d'Autun  ,  qui  étoit  malade.  Jeremie ,  Archevêque 
de  Sens  ,  Jonas  d'Orléans,  Halitgaire  de  Cambrai ,  Frcculphe 
de  Lifieux  ,  &  Adegaire  ,  font  les  feuls  dont  les  Ades  faffenc 
mention  ;  mais  on  ne  peut  douter  que  ce  Concile  n'ait  été  beau- 
coup plus  nombreux.  On  y  lut  la  Lettre  du  Pape  Adrien  à  l'Em- 
pereur Conftantin  &  à  Irène,  ôc  on  remarqua  que  comme  il 
avoir  eu  raifon  de  blâmer  ceux  qui  brifoient  les  Images,  il  avoit 
manqué  de  difcretion  en  ordonnant  de  les  adorer  fuperftitieufe- 
ment.  On  lut  aufli  plufieurs  Ecrits  faits  fous  le  règne  de  Charle- 
magne  au  fujet  des  Images  ,  entre  autres  les  Livres  Carolins  ; 
les  Evêques  approuvèrent  la  cenfure  qu'on  y  fait  du  fécond  Con- 
cile de  Nicée  ;  ôc  ils  trouvèrent  infuffifantes  les  réponfes  du 
Pape  Adrien  à  ces  Livres.  On  fit  enfuite  la  lecture  de  la  Lettre 
de  l'Empereur  Michel  à  Louis  le  Débonnaire  ;  ôc  à  la  demande 
du  Concile  ,  Freculphe  ôc  Adegaire  firent  de  vive  voix  le  rap- 
port de  ce  qu'ils  avoient  négocié  à  Rome  auprès  du  Pape  Eu- 
gène II.  Cependant  les  Evêques  avoient  donné  commiflion  de 
recueillir  un  grand  nombre  de  pafiages  de  1  Ecriture  &  des  Pères 
Grecs  ôc  Latins  fur  les  Images  ;  ils  les  firent  lire  ôc  en  compofe- 
rent  un  recueil  ,  pour  appuyer  leurs  décifions,  qu'ils  réduifirent 
à  quinze  clicis. 
Décrets  de       I H-  -^'s  Y  combattent  également  ceux  qui  vouloient  que  l'on 
ce  Coiciie  ,  abolît  les  Images ,  ôc  ceux  qui  leur  rendoient  un  culte  fuperfli- 
iM,  pag.  i8  jjgy^  ^  prétendant  imiter  la  conduite  de  faint  Grégoire  le  Grand 
Mabill.  'Pra-  cnvcrs  Serenus  ,  Evoque  de  Marfcille.  Cet  Evéque  voyant  que 
fat.  in  tom.  ^ ,  fon  Peuple  adoroit  les  Lnages,  les  ôra  de  l'Eglife  ôc  les  brifi. 
f ^"iffî""'"'  Saint  Grégoire  approuva  fon  zèle  ,  parce  qu'en  effet  on  ne  doit 
point  adorer  ce  qui  efl  fait  de  la  main  des  hommes  ;  mais  il  blâma 
fon  aftion  ,  difant  qu'on  mettoit  des  Images  dans  1  Eglife,  afin 
que  ceux  qui  ne  fçavent  pas  lire,  puifTent  en  voyant  ces  pein- 
tures apprendre  ce  qu'ils  ne  peuvent  lire  dans  les  livres.  Le  Con- 
cil«  veut  donc  que  l'on  continue  à  mettre  des  Images  dans  les 


(a)  Eginhard.adann.  Sm, 

Eglifes , 


DU    NEUVIEME    SIECLE.      ^pj 

Eglifes ,  mais  il  défend  de  les  adorer  ;  &  afin  que  l'on  ne  fe  mé- 
prenne point  au  terme  d'adoration  ,  il  l'explique ,  &  montre 
qu'elle  n'cft  due  qu'à  Dieu  ,  fans  toutefois  dcfaprouver  un  cer- 
tain culte  modère  envers  les  Images ,  comme  feroit  de  les  placer 
en  un  lieu  décent  ,  de  Jes  orner,  de  les  tenir  proprement.  Il 
fait  une  diftindion  entre  les  Images  ôc  la  Croix, foutenant  qu'on 
devoit  l'adorer ,  parce  que  Jefus-Chrift  y  a  été  attaché  ,  quoique 
la  plupart  des  raifons  fur  lefquelles  il  fe  fondoir  contre  le  culte 
des  Images,  combatiifent  celui  de  la  Croix.  Il  accufe  d'erreur  le 
fécond  Concile  de  Nicée ,  pour  avoir  dit  qu'il  ed  non-feulement 
permis  de  rendre  un  culte  aux  Images  &  de  les  adorer ,  mais 
encore  qu'elles  fontfaintes ,  &  qu'elles  fan£lilîent  ceux  qui  s'ea 
approchent.  Enhn  il  reproche  au  Pape  Hadrien  d'avoir  confirmé 
les  Décrets  de  ce  Concile ,  ôc  approuvé  le  culte  fuperftitieux  des 
Images.  Si  l'on  peut  excufer  les  Evéques  du  Concile  de  Paris 
dans  la  manière  dont  ils  fe  font  oppofés  aux  abus  qui  regnoient 
alors  dans  le  culte  des  Images  ,  on  ne  peut  nier  qu'ils  n'ayent 
manqué  d'attention  pour  les  Décrets  de  Nicée  ,  foit  parce  qu'ils 
n'en  comprenoient  pas  bien  le  fens ,  foit  parce  qu'ils  ne  le  regar- 
doient  pas  comme  un  Concile  général. 

I  V.  Ils  mirent  à  la  tctede  leur  recueil  une  Lettre  adrefTée  aux   .  ,  Suite  cffs 
deux  Empereurs  Louis  le  Débonnaire  &  Lothaire  fon  fils ,  pour  cile  l'.e  Paris , 
kur  rendre  compte  de  ce  qui  s'étoit  pa(lé  dans  leur  affemblée  ;  F^-  '5  >  i-^ 
&  à  la  fin  des  quinze  articles,  les  modèles  des  deux  Lettres,  ""'^î' 
Tune  de  lEmpcreur  Louis  au  Pape  ,  l'autre  du  Pape  à  l'Empe- 
reur Michel.  Dans  la  première,  Louis  le  Débonnaire  exhorte  le 
Pape  à  ufer  de  fon  autorité  pour  procurer  la  réunion  des  Eglifes 
d'Orient,  en  ramenant  l'ufage  des  Images  au  milieu  établi  dans 
le  Concile  ;  ft^avoir  qu'on  les  retiendroit  dans  les  Egl'.fes,  mais 
qu'on  ne  leur  ren droit  point  de  culte.  Ce  Prince  fuivit  ce  mo- 
dèle en  écrivant  à  Eugène  II.  On  ne  fçait  fi  ce  Pape  fe  conforma 
au  modèle  qui  lui  fut  envoyé.   Quoiqu'il  en  foit,  les  Actes  du 
Concile  furent  portés  à  l'Empereur  Louis  par  Halitgaire  ôc 
Amalaire  ,  qui  arrivèrent  à  Aix-la-Chapelle  le  huitième  des  Ides 
de  Décembre  ,  c'eft-à-dire ,  le  fix  de  ce  mois  de  l'an  82c.  Ce    „        ^ 

T>  ■  r    1       r    I-      ■         -1  V    T  •  AU"  Tom.7,XZon* 

Frmce  le  les  ht  lire ,  puis  les  envoya  a  Jeremie,  Archevêque  cn.yag.ie^z, 
de  Sens,  &  à  Jonas  d'Orléans ,  qui  les  portèrent  de  fa  part  au 
PapeEugene,avec  une  féconde  Lettre,par  laquelle  il  le  prioitde 
conférer  avec  ces  deux  Evoques  touchant  la  légation  qu'il  dévoie 
envoyer  à  Conftantinople.  Il  exhortoit  aulFi  le  Pape  à  fe  conduire 
tellement  dans  cette  affaire ,  que  ni  les  Grecs  ni  les  Romains  ne 
Tome  X XI L  F  f f f 


JNJ4  C    O  -N    C    r   L    E    S 

puffent  y  trouver  à  redire.  A  ces  deux  Lettres  ce  Prince  en  joi- 
gnit une  troifiéme,  pour  fervir  d'inftruttion  à  fes  Envoyés.  Elle/ 
fait  partie  des  A£ies  du  Concile  de  Paris ,  imprimés  à  Francfort 
en  i$ç6,  chez  les  héritiers  d'André  Wechel,  fur  un   ancien 
manufcrit.  Comme  on  ne  marouoit  point  dans  rinfcription  de 
quelle  Bibliothèque  ce  manufcrit  avoir  été  tiré ,  que  d'ailleurs 
l'édition  étoit  fans  nom  d'Auteur ,  &  qu'il  y  avoir  toute  appa- 
rence qu'elle  avoit  été  faite  en  haine  de  l'Eglife  Romaine,  Bel- 
larmin  compofa  un  Ecrit,  où  il  entreprit  de  montrer  que  les  Aîtes 
publiés  fous  le  nom  du  Concile  de  Paris  ,  étoient  fuppofés.  Le 
Tcw.  7,Cv:-  Fere  Labbe  s'cft  contenté  de  rapporter  l'Ecrit  deBellarmin,  6c 
*'^'J''^.  1543.  ji'a  mis  dans  fa  Colletlion  que  la  Lettre  de  l'Empereur  Louis 
au  Pape  Eugène  IL  ôc  l'indruction-  pour  Jeremie  de  Sens  6c 
Jonas  d'Orléans.  Le  Père  Hardouin  n'a  rapporté  non  plus  que 
ces  deux  pièces ,  avec  une  note  du  PereSirmondfur  le  Concile" 
de  Paris.  En  1 60S ,  Goldaft  publia  de  nouveau  les  Adles  da 
Concile  de  Paris ,  dans  le  Recueil  des  Conflitutions  Impériales 
fur  les  Images ,  imprimé  à  Francfort;  &  M.  delà  Lande  leur 
donna  place  dans  le  Supplément  des  Conciles  de  France ,  qui 
parut  à  Paris  en  1666.  La  différence  des  fentimens  entre  le  faine 
Siège  ôc  les  Evêques  de  France  au  fujet  des  Images  ,  ne  rompit 
point  la  communion  qui  étoit  entre  eux  ;  ôc  lorfqu'Adon  ,  Ar— 
'    Malïllon.  chevcque  de  Vienne,  demanda  le  P^zZ/zu/tz  à  Nicolas  I.  ce  Pape/ 
Frxfiî.inwn   ne  demanda  de  lui  ,.que  de  reconnoitre  l'autorité  des  fix  pre-- 
15    Mm.^rf  "^iers  Conciles  généraux,  fans  parler  du  fécond  de  ISicée,  qui 

cil  le  fepriéme  général.  ' 
Conciied'ÎK-  V.  L'Empereur  Louis  vint  le  premier  de  Juin  de  l'an  9'Z6 
geiheim  en  ^  Inaelheim  ,  Maifon  Royale  fur  le  Seizt ,  ou  il  tint  un  Parle- 
Concil.  pag.  ment  avec  les  Seigneurs  de  Germanie.  On  y  Invn  Capitulaire 
js^6 ;&.tom.  ^q  fçpt  articlcs  ,  rapportés  dans  la.Collettion  de  Benoît ,  Dia— 
Balurii  '^^Tw  ^^^-  ^^  ^'^^^^  porte  qu'il  fut  confirmé  par  l'autorité  Apoftolique,. 
«47.  Le  fécond  ôc  le  troifiéme  de  ces  articles  prefcrivent  des  peines  ■ 

contre  ceux  qui  auront  maltraité  d'effets  ou  de  paroles  quel-- 
qu'un  du  Clergé  ou  des  Moines.  Le  quatrième  en  ordonne  con- 
tre ceux  qui  auront  enlevé  ou  deshonoré  une  Religieufe,  de 
même  que  contre  les  fauteurs  de  ces  crimes.  Le  cinquième  mec: 
en  pénitence  publique  celui  qui  aura  blafphêmé  contre  Dieu  y 
&  ordonne  de  le  mettre  en  prifon  jufqu'à  ce  qu'il  ait  accompli  fa 
pénitence.  Le  fixiémc  défend  de  célébrer  la  Meffe  dans  un  Ora- 
toire particulier,  fans  la  permiffion  de  TEvôque  Dioccfain.  Le 
feptiéme  confirme  les  privilèges  accordes  aux  Clercs  par  les  Rois 
précédcns^  ou  par  l'Empereur  Louis. 


DU    NEUVIEME     SIECLE,     ^pj 

•    VI.  Les  Décrets  du  Concile  que  le  Pape  Eugène  II.  tint  à      Concile  de 
Rome  ,  font  dattes  du  quinzième  de  Novembre  de  la  treizième  ^^«'"^^"^'î^» 
année  du  couiosinement  &  du  rogne  de  Ihnipereur  Louis  ,  la  'a'.  loj. 
dixiémede  Lothaire  foa  His  ,  nouvel  Einpereur  ,  indidion  qua- 
trième,  c'e(l-à-dire  ,  de  Tan  82^.  Le  Pape  y  préiida  ,  ailiQé  de 
;foixante-deux  Evoques  dltalie,  de  dix-huit  Prêtres^deiix  Diii- 
5cres,  ôcde  plufieurs  autres  Clercs.  L'ouverture  du  Concile  fe  fit 
par  un  petit  difcours  ,  que  le  Diacre  Théodore  lut  au  nom  du 
•Pape,  qui  apparemment  n  éroit  ni  dans  l'ufagede  parler  en  pu- 
blic, ni  de  rien  compjfer  de  lui-même,  puifqu'il  cil:  copié  du 
•Concile  de  Grégoire  il.  en  721.  Enfuite  on  publia  trente-huit 
.Canons ,  prefque  tous  pour  la  rérbrmacion  de  la  difcipUne  Eg- 
xléliaftique.   On   ne  choillra  pour  Evèques  que  des  perfonnes  dn.t. 
lecommandables  par  leurs  bonnes  œuvres  ôc  par  leur  doHlrine, 
JLe  Prêtre  qui   aura  fait  des  préfens  pour  être  ordonné,  fera  CiK.i^ 
Tpnvé  de  l'honneur  du  Sacerdoce  ,  de  même  que  celui  qui  les 
.aura  reçus.  Les  Evêques  ignorans  feront  fufpendus  par  leur  Cvi..^. 
JVIétropolicain  ;  &  les  Prêtres ,  Diacres  &  Sous- Diacres  par  leur 
propre  Evêque ,  pour  leur  donner  le  tems  de  s'inftruire.  S'ils  ne 
■îe  rendent  point  capables  de  remplir  leurs  fonctions ,  ils  feront 
jugés  canoniquement,  c'eft-à-dire,  qu'ils  pourront  être  dépofés. 
On  obfervera  les  Canons  anciens  dans  leledion  d'un  Evêque,  Q;î.  j. 
«nforte  qu'on  ncn  ordonnera  point  que  du  confentement  du 
Clergé  ôc  du  Peuple.  Les  Evoques  ne  demeureront  point  hors  de  Can.  6. 
leur  Eglife  au-delà  de  trois  fcmaines  ,  fi  ce  n'ell  par  l'ordre  du 
Métropolitain ,  ou  pour  le  fervice  du  Prince.  Les  Clercs  de-  q„_  ^^ 
meurcront  dans  un  Cloître  proche  l'Eglife;  ils  auront  un  même 
■dortoir ,  un  même  réfectoire  &  mêmes  oBicines  ;  &:  feront  fous 
la  conduite  de  Supérieurs  capables  ôc  fubordonnés  à  l'Evêque. 
Les  Evêques  ne  mettront  des  Curés  que  du  confentement  des      r^     „ 
llabitans,   ôc   n  ordonneront  des  rretres  que  pour  certaines  ,0. 
Eglifes  ,  ou  pour  un  Alonaftere ,  artn  qu'ils  ne  foient  point  en 
néceiïité  de  demeurer  dans  des  Maifons  féculicres.  Les  Prêtres  q„  j,. 
ne  feront  ni  ufuriers  ,  ni  chaiTeurs  ;  ils  ne  s'occuperont  point  des 
travaux  de  la  Campagne  ,  ôc  ne  fortiront  de  leurs  maifons  qu  en 
habit  facerdotal  ,  pourn'être  point  expofés  aux  injures  des  Se-  .1 

culiers ,  ôc  pour  être  toujours  en  état  de  fiiire  leurs  fonctions.  Ils 
ne  pourront  être  cités  pour'témoins  en  Juftice  pour  affaires  fé-  ^-"^-  ?î- 
culieres  ,  s'ils  ne  font  témoins  néceffaires.  Les  Prêtres  convain-  Cm.  in 
eus  de  crime  qui  mérite  la  dcpoiirion ,  feront  dépofés  ôc  mis 
par  l'Evêque  en  un  lieu  où.  ilsfaiTent  pénitence.  Tout  Ecclcùaf-  Qm.  i»-. 

Ffff  ij 


5*9^  CONCILES 

tique  foupçonné  de  mauvais  commerce ,  fera  averti  une ,  deut- 

ôc  trois  fois  par  fon  Supérieur  ;  s'il  ne  fe  corrige  point,  il  fera- 

O/j.  If.  jugé  canoniquement.  Les  Evêques  ne  tourneront  point  à  leuC 
propre  ufage  les  biens  des  ParoilTes  &  des  autres  lieux  de  pieté, 
&:  n'en  tireront  pas  plus  que  de  coutume. 

€an.  17.      V  I L  Défenfe  aux  Prêtres  de  refufer  fur  aucun  prétexte  leS" 

Cm.  18.  offrandes  de  tous  ceux  qui  fe  préfentent  ;  &  aux  Evêques  de 
donner  des  démiffoires  à  des  Clercs  qui  ne  font  point  demandés' 
par  quelqu'autre  Evêque  ,  de  peur  qu'ils  ne  deviennent  vaga- 

Can.  19.  bonds.  Ils  auront  de  même  que  tous  les  Prêtres,  des  Avocats 
qui  pourfuivent  en  Juftice  leurs  caufes  &  celles  de  leurs  Egli- 
fes,  à  la  charge  d'en  choifir  qui  foient  de  bonnes  mœurs.  Les 

Lin.  II.  jvionafteres  ou  les  Oratoires  dépendront  de  leurs  Fondateurs  , 
lefquels  auront  droit  d'y  établir  des  Prêtres  avec  l'agrément  de' 

Qin.  14.  TEvêque.  A  l'égard  des  lieux  de  pieté  qui  font  abandonnés ,  s'ils 
font  de  la  dépendance  des  Séculiers  ,  les  Evêques  les  avertiront 
d'y  établir  des  Prêtres  &  de  leur  fournir  la  fubfiltance.  Si  après 
avoir  été  avertis ,  ils  font  trois  mois  fans  y  en  établir,  l'Evêque 
en  prendra  foin  ,  &  en  donnera  avis  ati  Prince  ,  pour  s'autorifec 

Qan.  17.  à  les  faire  deffervir.  On  ne  mettra  pour  Abbés  dans  les  Monaf- 
teres  que  des  perfonnes  capables  de  connoître  ôc  de  corriger 
les  fautes  des  Moines.  Ils  feront  Prêtres ,  afin  qu'ils  ayentplus 
d'autorité  pour  le  maintien  du  bon  ordre  &  des  Statuts.  Les 

G^-î.  î8.  Evêques  auront  foin  que  les  Moines  qui  n'en  ont  que  l'habit, 
obfervent  la  Règle  dans  le  Monaftere  d'où  iis  fon:  fortis  ,  ou 
de  les  envoyer  en-  d'autres,  afin  qu'ayant  fait  des  vœux  à  Dieu, 
pris  l'habit  monaflique,  fait  tondre  leurs  cheveux,  ils  vivent 

^  conformément  à  l'état  qu'ils  ont  embrafTé.  Ils  en  uferont  de  mê* 

*  me  à  regard  des  femmes  qui  ont  pris  l'habit  ou  le  voile  de  la 

Religion  ;  mais  on  ne  retiendra  point  dans  les  Monafteres  ceux 

qui  y  ont  été  mis  par  force,  fans  l'avoir  mérité  par  quelque  cri- 

(;,,„,,  me.  On  s'abiliendra  les  jours  de  Dimanche  de  toute  œuvre  fer- 
vile,  fi  ce  n'eft  qu'il  faille  préparera  manger  pour  ceux  qui  font 

£an.  ;o,  en  voyage.  Aucun  Laïc  ne  s'afleoira  dans  le  lieu  où  les  Prêtres 
&  les  autres  Clercs  fe  tiennent  pendant  la  célébration  de  la 

Can.ii.  Méfie,  c'eft-à-dire  ,  dans  le  Prefbytere  ;  ce  lieu  étant  réfervé 
pour  y  faire  honorablement  ôc  avec  liberté  l'Office  divin.  On 

Cm.  54.  établira  des  Ecoles  dans  les  Evêchés ,  les  Paroifics  ôc  les  autres 
lieux  où  elles  feront  jugées  néceiTaires,avec  des  Maîtres  capables 
d'enfeigner  les  Lettres ,  les  Arts  libéraux  ôc  les  Dogmes  de  l'E* 

Can.i';.  glife.  Quclqucs-unS;  principalement  les  femmes  ;  pafToientles 


DU  NEUVIEME  SIECLE.  r<?7 
jours  de  Fêtes  à  fe  baigner ,  à  danfer  ôc  à  chanter  des  chanfons 
deshonnctes  ,  au  lieu  de  les  employer  à  la  prière  &  à  fréquenter 
les  Eglifes  ;  le  Concile  ordonne  aux  Prêtres  de  corriger  cet 
abus.  Le  mari  ne  doit  point  fe  fcparer  de  fa  femme,  que  pour  Can.ié, 
eaufe  de  fornication  ;  mais  ils  peuvent  d'un  commun  confente- 
ment  embralVer  chacun  1  ctat  Religieux ,  avec  la  permillion  de 
l'Evêquc,  qui  leur  afïlgnera  des  demeures  féparées.  Le  dernier 
Canon  de'fend  les  mariages  dans  les  degrés  de  parenté  pro"hibésy 
fous  peine  d'anathême  ôc  de  privation  de  la  communion.  Pe- 
tronax  ,  Archevêque  Je  Ravenne ,  foufcrivit  le  premier  à  tous 
ces  Décrets. 

CHAPITRE     XXIX, 

Concile  d-e  P  a  r  i  s.^ 

I.  T     'Empereur  Louis  informé  des  grands  défordres  qui     Concile  cfe" 
1    j-  regnolent  dans  fes  Etats  ,  avoit  nommé  des  Commiflai-  f.^"^f-^fV 
res ,  fous  le  nom  d'Envoyés  du  Prince,  pour  aller  dans  tout  pnj-.  l'^pi  ,•& 
l'Empire  ,  ôc  voir  par  eux-mêmes  ce  qui  s'y  paflbir.  Vaia  ,  Abbé  "'■'f''"'-'^'  ^'*'- 
de  Corbie,  recommandable  parfa  naiiïance,  fon  efprit ,  fapru-  V,-^f:'i\Ôrdùu 
dence  Ôc.  fon  expérience  dans  le  maniement  des  affaires  ,  ôc  par  ^^-  BeneoiEii , 
£à  vertu  ,  fut  du  nombre  de  ces  Envoyés.   A  fon  retour  il  V^'  '^''^   ^ 
rendit  compte  de  ce  qu'il  avoit  vu  à  l'Empereur,  qui  tenoic  ' 
alors,  c  eft-à-dire ,  en  828,  un  Parlement  à  Aix-la-Chapelle; 
lui  parla  avec  liberté  des  devoirs  des  Princes,  ôc  de  ceux  des 
Evcques  ;  fe  plaignit  que  l'Etat  de  i'Eglife  contenant  deux  Puif-- 
iùnces,  la  Séculière  ô:  i'Eccléfiaftique,  elles  entreprenoient  Tune 
fur  l'autre  ;  que  l'Empereur  négiigeoit  fouvent  fes  devoirs  à  lé- 
gard  des  affaires  temporelles  ,  pour  s'appliquer  aux  affaires  Je  la 
Religion    qui  ne  le  regarJoient  point  ;  que  les  Evcques  ôc  les 
autres  MinUlres  de  I'Eglife  s'occupoient  d'affaires  temporelles  , 
au  lieu  de  s'occuper  principalement  du  Service  de  Dieu  ;  qu'on 
abufoit  des  biens  confacrés  au  Seigneur  en  les  donnant  à  des- 
Laïcs.  Les  Seigneurs  qui  étoient  prélens  dirent  que  l'Etat  étoit 
tellement  affoibli ,  qu'il  ne  pouvait  fuillre  aux  befoins  préfens  du- 
Royaume  ;  qu'aind  il  falloir  avoir  recours  aux  biens  Je  i'Eglife.- 
S'il  eaeil  de  la  forte  ;  répondit  "Vaia^  il  faut  examiner  de  quell& 

Ffffiij 


^p8  CONCILES 

manière  les  Evêques  pourront  fubvenir  à  ces  befoins.  II  demanda 
que  l'éledion  des  Evêques  le  Ht  félon  les  Canons  ;  ôc  p:iria  forte- 
ment contre  l'ambition  ôc  l'avarice  des  Archichapeiauis  du  Pa- 
lais. Puis  il  expofa  le  mauvais  état  des  Monaiieres,  dont  les 
Laïcs  avoient  ufurpé  les  biens  ;  &  dit  à  ces  Seigneurs  :  Si  quel- 
qu'un des  Kideles  a  mis  fon  offrande  fur  l'Autel  pour  être  préfen- 
tée  à  Dieu  ,  grande  ou  petite ,  ôc  qu'un  autre  vienne  la  prendre 
de  force  ou  autrement ,  comment  appellerez-vous  cette  action  f 
Tous, comme  s'ils  euflent  été  touchés  intérieurement  par  quelque 
nouvelle  infpiration  ,  répondirent  que  c'ctoit  un  facrilege.  Sut 
cela  Vala  s'addreiiant  à  Louis  le  DéboPinaire/Iit  :Que  perfonne  ne 
vous  trompe,  très-illuflre Empereur;  il  eft  bien  dangereux  de  dé- 
tourner à  des  ufages  profanes ,  les  chofes  une  fois  confacrées  à 
Dieu  ,  à'I'entretien  des  pauvres  ôc  des  ferviteurs  de  Dieu  ,  con- 
tre l'autorité  divine.  S'il  eft  vrai  que  l'Etat  ne  puiffe  fubfifter  fans 
le  fecours  des  biens  Eccléfiaftiques ,  il  en  faut  chercher  raodefte- 

'Tom.-i,i^or.  ment  les  moyens  ,  fans  nuire  à  la  Religion.  'Vala  die  beaucoup 

uèifuprd.  d'autres  choies  qui  font  rapportées  dans  l'hiftoire  de  fa  vie,  par 
Pafchafe  Ratdbert.  Comme  on  ne  pouvoit  en  contefler  la  vérité, 
l'Empereur ,  de  l'avis  de  fon  Parlement ,  ordonna  que  l'on  tie;i- 
droit  quatre  Conciles,  où  l'on  prcndroit  les  mo-yens  de  rétablir 
la  difcipUne  Eccléfiaftique  ;  l'un  à  ?.îayence ,  l'autre  à  P.^ris  ,  le 
Tom.7,Con-  troiliémeà  Lyon,  ôc  le  quatrième  à  Touioufe.  Ces  quatre  Con- 

ciLpjg.i^8i.  j,-jjç„  dévoient  fe  tenir  le  jour  de  lOclave  de  la  Pentecofte ,  ôc 

auiîi-tôt  après  en  avoir  tait  l'ouverture  ,   c'eft-à-dire  ,  dès  le 

Lundi,  on  devoir obferver  un  jeûne  de  trois  jours.  En  attendant, 

,,. ,  lEmpcreur  envoya  des  Commiifaires  partout  l'Empire  pour  s'in- 

.1.583.  former  de  la  conduite  desiiveques,  des  co-hveques,  des  Ar- 

chiprêtrcs,  des  Archidiacres,  des 'Vidâmes  &  autres  iVIiniftres 
de  i'Eglife  ;  de  l'état  des  Aîonaftercs  ;  ôc  des  Eglifes  données  en 
bénéfice  par  autorité  du  Prince  ;  de  la  manière  dont  ies  Comtes 
remplilfoient  leurs  fondions ,  s'ils  maintenoient  la  paix  parmi  les 
Peuples ,  ôc  l'exercice  de  la  Judice.  lous  ces  articles  font  détail- 
lés dans  la  Lettre  générale  qu'il  écrivit  à  tous  fes  Sujets.  Il  en 
■Jhid.  paj.  écrivit  une  autre  ,  où  après  avoir  rapporté  toutes  les  calamités 

*^'°*  qui  défoloient  fes   Etats  ,  la  famine,  la  ftériiité  ,  les  maladies 

contagieufes,  les  révoltes  ,  les  incendies,  des  Chrétiens  menés 

en  captivité  ,  des  Serviteurs  de  Dieu  mis  à  mort,  les  incurlions 

des  Bulgares  ;  il  nomme  tous  les  Métropolitains  qui  dévoient 

VhiVa'as,  afiiller  aux  Conciles  indiqués.  Quoique  Pafchafe  Ratdbert  n'en 

t«wi**"aij?^  '  cnmpte  que  trois  ,  on  ne  doute  point  gue  l'on  n'en  ait  teniL 
f'%-  ♦71. 


DU    NEUVIEME    SIECLE,      f  99 

quatre, félon  l'ordre  de  TEmpereur^qui  en  avoir  lui-même  déligné 
les  lieux  dans  fa  féconde  Lettre  :  mais  il  ne  nous  refle  que  les 
A£tes  de  celui  de  Paris. 

IL  II  ne  fut  tenu  que  le  fixiéme  de  Juin  de  l'an  839,  trois         /TAcs  du 
femaines  après  la  Pentecofte  ,  quinze  jours  plus  tard  qu'il  n'avoir  Concile     de 
été  indique.  Il  ell  compté  pour  le  fixiéme  de  Paris,  parce  qu'on  lom^^Con/u. 
ne  met  point  au  nombre  des  Conciles  tenus  en  cette  Ville,  celui  p-ïg.  155)4. 
qu'on  y    aifemMa  quatre  ans  auparavant  pour  y  examiner  la 
queftion  des  Images.  Il  s'y  trouva  quatre  Métropolitains,  Eb-        Mabïilm,- 
bon  de  Reims  ,  Alderic  de  Sens ,  qui  ce  femble  fut  confacré  ''^-  l^yc^nnal. 
dans  le  Concile  même,  ilavoit  été  Abbc  de  LerricrcsiRognoard  52,0,'     '?'^^*' 
de  Rouen,  ôc  Landran  de  Tours,  avec  leurs  SuiTragans  ,  ce 
qui  faifoit  en  tout  vingt-cinq  Evêques.  Les  Reglemens  faits 
dans  ce  Concile  font  diflribués  en  trois  livres.  Le  premier  con- 
tient cinquante-quatre  articles  ;  le  fécond  treize ,  6c  le  troifiéme 
Vingt-fepr ,  prefque  tous  appuyés  de  l'autorité  de  l'Ecriture,  des 
Pères  ôc  des  Canons. 

III.  Il  ne  fuffit  pas  pour  être  fauve  de  croire  au  Pcre ,  au    Premier  U- 
Fils  &  au  Saint-Efprit ,  ni  tous  les  autres  articles  énoncés  dans  le  '^'''^  j^"  .«""Ses 
oymbole;Ies  bonnes  oeuvres  lont  encore  necellaires,  parce  que  Paris,n)m. 7 
la  foi  fans  les  œuvres  eil  une  foi  morte.  La  foi  doit  précéder,  Condl.    pag. 
mais  elle  doit  être  fuivie  des  bonnes  œuvres.  On  peut  juger  !,'^  ' 
dc-là  des  fuppiices  aufquels  feront  condamnés  ceux  ,  qui  non-      '' 
feulement  n'ornent  point  leur  foi  des  œuvres  de  pieté,  mais  qui 
la  déshonorent  parleurs  m.auvaifes  actions.  La  fainte  Eglife  de  C.7.  i. 
Dieu  ei>  un  Corps  dont  Jefus-Chrifl:  eft  le  Chef.  Elle  e(ï,  félon  C^.  3. 
que  nous  l'apprenons  des  faints  Pères  ,  gouvernée  par  deux  Puif- 
fances  ,  la  Sacerdotale  ôcla  Royale.  Gouvernée  par  les  Evêques 
fuccelfeurs  des  Apôtres,  ils  doivent  être  les  modèles  de  leurs 
Peuples.  Quels  fruits  peuvent-ils  efperer  de  leurs  prédications,  Cip-'^. 
s'ils  ne  font  pas  ce  qu'ils  prêchent  aux  autres  ?  Un  Evêque  qui  Cz:^.  y. 
vit  mal  ôc  ne  fait  pas  le  bien  ,  ne  fe  rend  pas  Dieu  propice  ni 
fôn  Peuple.  Dans  les  commencemens  de  l'Eglife  on  n'admetrcit  Cy.  e. 
perfônne  à  h  fui  &  au  Sacrement  de  Baptême,fans  uneinflruaion 
précédente  ;  mais  la  foi  étant  préfentement  établie  partout ,  ôc 
les  enfans  des  Chrétiens  étant  admis  au  Baptême  avant  Tâge  de 
raifon  ,  il  faut  fuppléer  aux  inflriâctions  ,  dont  ils  n'étoient  pas 
capables  lors  de  leur  Baptême.  On  s'en  tiendra  e:;acLement  aux  Ci/?.  7.- 
tems  marqués  par  les  Canons  pour  l'adminiflration  de  ce  Sacre- 
ment ,  qui  font  les  Fêtes  de  Pâques  Ô:  de  Pentecofle  :  ceux  qui 
feront  le  contraire  feront  punis ,  s'ils  ne  fe  corrigent  avec  humi»  ■ 


?oo  CONCILES 

lité.  Les  parains  font  obligés  d'inftruire  leurs  filleuls ,  comme 
devant  en  répondre  devant  Dieu  ;  c'eft  pourquoi  il  eft  befoin 
qu'ils  foient  eux-mêmes  inflruits  des  devoirs  de  la  Religion.  Dé- 
Cap.  S.  fénfe  de  viol^'r  à  l'avenir  les  Canons  qui  excluent  des  Ordres 
ceux  qui  ont  été  baptifés  en  maladie ,  ou  qui  nefe  font  fait  bap.- 
r„„  „    tifer   que  par   cupidité  ôc  hors  des  tems   realés.  Les  Prêtres 
auront  loin  que  ceux  qui  ont  ete  bapnîcs  accomplnient  les  pro- 
melles  faites  au  Baptême  ,  &  ils  les  avertiront  lorfqu'ils  feront 
en  âge  de  raifon  ,  de  vivre  conformément  aux  obligations  qu'ils 
Cap.  10.  ont  contractées  par  ce  Sacrement.  Les  éledions  &  les  ordina- 
tions des  Evêques  feront  exemtes  de  toutes  taches  de  fimonie; 
Cap.  II  S-  II.  .&  ceux  qui  auront  été  ordonnés  félon  les  Canons,  s'occuperonc 
continuellement  de  l'exemple  &  de  l'inflrudlion  qu'ils  doivent 
donner  à  leurs  Peuples.  Ils  ne  feront  point  avares  ;  ils  exerceront 
ap.  13, 14.  l'jiofpitalLté.  Ils  ne  détourneront  point  à  leurs  propres  ufages  les 
jchofes  confacréesà  Dieu  ôc  à  l'entretien  des  pauvres.  S'ils  veu.- 
Cap.  t(.  lent  faire  des  donations  à  leurs  parens  ,  ce  ne  fera  que  des  biens 
qu'ils  poflédoien:  avant  d'être  Evêques  ,  ou  de  ceux  qu'ils  ont 
acquis  par  fucceifion  héréditaire  pendant  leur  Epifcopat.  On 
Ap.  17.  n'aliénera  les  biens  de  l'Eglife  que  dans  une  extrême  néceffité, 
du  confentement  du  Primat  de  la  Province,  &  en  préfence  des 
Evêques  voifins.  Il  y  avoir  des  Evêques  qui ,  contre  lufage  des 
anciens,  couchoient  en  particulier ,  fans  avoir  des  témoins  de  îa 
Csp.  10.  yiureté  de  leur  conduite;  le  Concile  le  leur  défend  à  l'avenir, 
pour  retrancher  toute  occafion  de  médifance.  Il  trouve  aulTi 
^'^''  ■'*  mauvais  que  la  plupart  fe  plaifoient  à  converfer  ôc  à  manget 
avec  des  Séculiers  plutôt  qu'avec  des  Eccléfiailiques  ,  en  quoi 
ils  étoient  invités  p:;r  les  Abbés  ôc  par  les  Abbeffes  ;  qu'ils  s'ab' 
fentoient  fouvent  delà  Ville  où  étoit  leur  Siège,  6c  alloient  en 
des  lieux  éloignés ,  ou  pour  leur  intérêt  particulier ,  ou  pour 
?2g.  .15P3.  leurs  plaiftrs.  Le  titre  de  ce  chapitre  porte ,  qu'excepté  le  cas  de 
néceliité ,  les  Evêques  ôc  les  autres  Prélats  diront  les  heures 
canoniales  avec  leurs  Clercs  ;  qu'ils  leur  feront  chaque  jour  des 
conièrences  fur  l'Ecriture,  ôc  qu'ils  mangeront  avec  eux, 
Çap.  il,       IV.  Sur  les  plaintes  qu'il  y  avoit  des  Evêques  qui  refufoient 
d'ordonner  ceux  qui  leur  étoient  préfentés  par  des  Laïcs  ,  il  fut 
îeglé ,  que  fi  après  avoir  été  examinés  ils  étoient  trouvés  capables, 
l'Evêque  fcroit  obligé  de  les  ordonner  ;  que  s'ils  ne  l'étoient 
point  ,  il  donncroit  des  preuves  de  leur  inflitlifance.  En  quelques 
,  ^ip.-'-s-  Diocèfes  les  Archidiacres  ôc  autres   Minillres  des  Evêques, 
fongeant  plus  à  contenter  leur  avarice ,  qu'au  falut  des  Peuples , 

faifoieitç 


D  U    N  E  U  V  I  E  M  E    s  I  E  C  L  E.      6o\ 

.faifoientfiireux  des  exaclicns.LeConcile  enjoint  à  cesEvcques  de 
les  empêcl'.er.  Dans  la  perfuafion  que  les  abus  qui  s'ctoient  glilTés  Czp.  xi, 
dans  la  difciplinc  de  l'Eglife  ne  venoient  que  de  ce  qu'on  ne 
tenoit  plus  les  Conciles  deux  fois  l'an ,  félon  les  Canons ,  il 
.ordonne  qu'ils  fe  tiendront  au  moins  une  fois  ,  6c  qu'on  en  de- 
mandera la  permiflion  à  l'Empereur.  Il  défend  aux  co-Ev6ques  Cdp.ij, 
de  donner  la  Confirmation  ,  &  de  fiire  les  autres  fondions  réfer- 
vées  aux  Evêques ,  attendu  que  les  co-Evéques  ne  font  point  les 
fucceffeurs  des  Apôtres  ,  mais  des  foixante-dix  Difcipies.  11 
■défend  encore  aux  Prêtres  &  aux  Moines  de  tenir  des  fermes  ôc  dp.  it. 
de  négocier ,  ôc  aux  Moines  en  particulier  de  fe  môier  d'aucune 
.affaire  Ecclefiaftique  ou  féculiere,  fmon  par  ordre  de  i'Evêque 
de  la  Ville ,  en  cas  de  néceifité  ;  aux  Prêtres  de  s'abfenter  de  Cip.  i?. 
leurs  Eglifes  ,  &  aux  Evêques  de  les  occuper  au-dchors ,  au  pré- 
judice du  Service  Divin  ,  &  des  âmes  de  ceux  qui  meurent 
pendant  leur  abfence  ,  fans  confelfion  ou  fans  Baptême.    Il 
ordonne  l'exécution  de  l'Ordonnance  de  l'Empereur  touchant  C.ip.  30, 
les  Ecoles  ,  £c  dit  que  pour  montrer  qu'elle  efl  en  vigueur, 
chaque  Maître  d'Ecole  amènera  fes  Ecoliers  au  Concile  de  la 
Province.  Il  fait  dcfenfe  aux  Evêques  d'être  à  charge  aux  Prêtres  dp.  zu 
•&  aux  Fidèles  pendant  la  vifite  de  leur  Diocèfe;  de  donner  la 
Confirmation  en  d'autres  jours  que  le  Baptême  ,  c'ed-à-dire  ,  à  Cip.ip. 
Pâques  ôc  à  la  Pentecôte,  &  de  donner  la  Confirmation  après 
avoir  mangé  ,  fi  ce  n'eft  en  cas  de  nécefiité. 

V.  Plufieurs  Prêtres  ,  foit  par  négligence  ou  par  ignorance,  Crp.  y.^ 
impofoient  à  ceux  qui  fe  confefloient  à  eux  ,  des  pénitences  , 
autres  que  celles  qui  font  prefcrites  par  les  Canons  ,  fe  fervant 
de  certains  pénitentiels  pleins  d'erreurs  ;  le  Concile  enjoignit 
aux  Evêques  de  faire  chacun  dans  leur  Diocèfe  la  recherche  de 
ces  pénitentiels ,  6c  de  les  brûler ,  afin  que  les  Prêtres  ne  s'en 
ferviifent  pas  pour  tromper  les  hommes ,  au  lieu  de  guérir  leurs 
playes.  Il  ordonna  en  même  tems  ,  que  ces  Prêtres  feroient 
inftruits  avec  foin  de  leurs  Evêques  fur  la  manière  dont  ils  dé- 
voient interroger  leurs  pénitens  ôc  de  la  mefure  de  la  pénitence 
■qu'il  falloit  leur  impofer  ;  parce  que  par  la  faute  de  ces  Prêtres , 
plufieurs  crimes  étoient  demeurés  impunis  ,  à  la  perte  des  ame<^. 
Il  compte  parmi  ces  crimes  les  impuretés  abominables ,  fem-  Cap.  54. 
blables  à  celles  des  Benjnmites  ,  ôc  veut  qu'on  les  punifie  fuivant  Lnit.  10,  i; 
Ja  féverité  des  Canons.  Les  Evêques  veilleront  avec  foin  fur  la 
vie  des  Prêtres  ôc  autres  Clercs  dépofés  ,  ôc  les  foumettront  à  la 
pénitence  canonique  ;  c'efl:  que  plufieurs  comptoient  pour  rien 
Tome  XX IL  ^ggS 


?o2  CONCILES 

la  dépofitlon ,  &  vivoieiit  en  Séculiers ,  s'abandonnant  au  crïme; 
Ils  réprimeront  aufii  la  licence  des  Clercs  vagabonds,  cuflent-ils 
été  reçus  par  des  Evêques  ôc  des  Abbés ,  ou  par  des  Comtes  ,  & 
demanderont  pour  cet  effet  le  fecours  de  l'Empereur,  furtout 
à  l'égard  de  l'Italie  où  l'on  recevoit  librement  les  Clercs  fugitifs 

<-.!;'.  Il-  de  Germanie  ôc  des  Gaules.  Les  Abbés  qui  par  orgueil  refuferont 
d'obéir  à  leur  Evêque,  feront  ou  corrigés  par  le  Synode,  ou 
privés  par  une  autorité  fupérieure,  de  l'honneur  de  leur  Pré- 
lature. 

Ç,„  ,^_       V  I.  Défenfe  de  donner  aux  Religieufes  pour  AbbeiTes  des 

.    femmes  veuves  ,  qui  n'ont  jamais  été  Religieufes ,  étant  contre 

le  bon  ordre  de  confier  le  régime  des  âmes ,  &  le  gouvernement 

des  Monafteres  ,  à  celles  qui  n'en  ont  point  appris  les  exercices, 

Caj..  40.  ni  les  Statuts.  Les  Prêtres  ne  donneront  point  le  voile  aux  veuves  , 
fans  avoir  confulté  leurs  Evêques.  Ils  ne  pourront  non  plus  con- 

Cjp.  41.  facrer  des  Vierges.  Il  y  avoit  des  femmes  qui  prenoient  le  voile 
d'elles-mêmes  ,  pour  avoir  quelque  part  à  l'adminiflration  des 

C,»  ^,_  Eglifes.  Les  Evêques  font  chargés  de  réprimer  cet  abus ,  &  de 
foumettreà  la  pénitence  canonique  les  Abbefles  ,  qui  après  avoir 
été  averties  de  ne  plus  donner  de  leur  propre  autorité  le  voile,, 
ni  aux  Veuves  ,  ni  aux  Vierges  ,  continueront  dans  cette  prévari- 

Giç.  43.  cation.  Les  femmes  nobles  qui  après  la  mort  de  leur  mari  fe 
donnent  le  voile  à  elles-mêmes,  &  ne  laillent  pas  de  demeurer 
dans  leur  maifon  ,  fous  prétexte  de  l'éducsttion  de  leurs  enfans  , 
&  y  vivent  dans  la  licence,  feront  averties  de  ne  point  prendre 
le  voile  aulhtôt  après  leur  veuvage  ,  mais  feulement  trejite  jours 
depuis  ,  félon  le  Décret  de  l'Empereur  Louis  ,  donné  du  con- 

Cjp.  4^.  fentement  des  Evoques  ;  au  bout  de  ce  tems  elles  prendront  le 
parti  de  fe  marier  ou  de  fe  confacrcr  à  Dieu  ,  6c  au  cas  qu'elles 
fe  déterminent  pour  ce  dernier  état,  elles  prendront  le  voile, 
non  dans  leur  maifon  ,  mais  dans  un  Monaflerc  où  elles  vivront 

Grp.  4^^  fous  la  conduite  de  la  Supérieure.  Par  un  autre  abus,  des  femmes 
en  quelques  endroits  fcrvoient  à  l'Autel,  touchoient  les  vafes 
facrés  ,  préfentoient  aux  Prêtres  les  habits  facerdotaux  ,  ôc  pouf- 
foient  leur  témérité  jufqu'à  donner  au  Peuple  le  Corps  ôc  le 
Sang  de  Jefus-Chrift  :  ce  que  les  hommes  laïcs  n'ofoient  entre- 

C^5. 4^.  pi'endre.  Le  Concile  ordonne  aux  Evêques  d'empêcher  qu'elles 
ne  falTent  rien  de  tout  cela  dans  leurs  IJiocèfes.  11  interdit  aux 
Chanoines  ôc  aux  Moines  l'entrée  des  Monafleres  de  Filles  , 
foit  Chanoineflcs  ,  foit  Moniales,  fi  ce  n'eft  qu'ils  en  ayent 
cbccnula  permilïion  de  l'Evêque  ou  de  fon  Vicaire.  Il  ajoute  i- 


D  U    N  E  U  V  r  E  M  E    s  r  E  C  L  E.      60^ 

que  fi  c'efl:  pour  leur  parler ,  ce  fera  clans  le  Parloir ,  en  préfence 
de  perlbnnes  pieufes  de  l'un  ôc  l'autre  fexe  ;  que  fi  c'eft  pour 
prêcher ,  ce  lera  publiquement  ;  que  (i  c'eft  pour  dire  la  MelTe, 
ils  entreront  avec  leurs  Miniftrcs  ôc  fortiront  aulFitôt  après, 
fans  avoir  des  entretiens  fecrets  avec  les  Religieufes  ;  que  fi  c'eft 
pour  confcller ,  ce  fera  dans  l'Eglife  devant  l'Autel ,  en  préfence 
de  témoins  qui  ne  feront  pas  trop  éloignés.  Il  ajoute,  qu'il  ne 
paroît  pas  convenable  que  les  Moines  Prêtres  quittent  leurs 
Monafteres  pour  aller  entendre  les  confeflions  des  Religieufes , 
ôcleur  impofer  des  pénitences;  qu'ils  ne  peuvent  recevoir  que 
les  confelfions  des  Moines  de  leurCommunauté;  ôc  qu'il  n'eft  pas 
du  bon  ordre  que  les  Clercs  &  les  Laïcs  déclinent  les  jugemens 
desEvcques  ôc  desPrêtres  canoniqucs^pour  aller  fe  confefi'erdans 
les  Monafteres.  Il  déclare  que  chacun  doit  fe  confelTer  à  celui 
qui  lui  peut  impofer  la  pénitence  canonique  ôc  le  réconcilier ,  Çi 
l'Evêque  l'ordonne. 

VII.  Quelques  Prêtres  fans  égard  pour  les  Canons  qui  de-  Ci;;.  47. 
fendent  de  célébrer  la  Méfiée  ailleurs  que  dans  les  Eglifes  confa- 

crées  à  Dieu  ,  la  célcbroient  dans  des  maifons  ôc  dans  des  jardins 
,011  il  y  avoir  des  Oratoires  érigés  à  cet  effet  avec  tous  les  orne- 
mens  néceïïaires.  Cet  ufage  eft  traité  de  téméraire  ,  ôc  on  déclare 
qu'il  vaut  mieux  ne  pas  entendre  la  MefTe  que  de  l'entendre  en 
un  lieu  où  il  n'eft  pas  permis  ;  que  le  feul  cas  où  l'on  puille 
célébrer  la  Méfie  hors  de  l'Eglife ,  c'eft  en  voyage  ,  ou  lorfque 
l'Eglife  eft  trop  éloignée  ;  parce  qu'alors  c'eft  une  nécellké ,  afin 
que  le  Peuple  ne  foit  point  privé  de  la  Mefi'e  ni  de  la  participa- 
tion du  Corps  ôc  du  Sang  de  Jefus-Chrift.  Qu'en  ce  cas  on  doit  C.vp.  4a. 
fe  fervir  d'un  Autel  conlacré  par  l'Evêque  ;  ôc  qu'à  l'avenir  les 
Prêtres  qui  célébreront  dans  les  maifons  particulières  ou  dans 
les  jardins,  feront  dépofés.  Il  leur  eft  pareillement  défendu  de  ^'.'' ''-''• 
célébrer  la  Méfie  feuls ,  fous  peine  de  correction  canonique , 
ôc  d'avoir  plus  d'une  Eglife  ôc  d'un  Peuple ,  chaque  Eglife  devant 
avoir  fon  Prêtre  ,  comme  chaque  Ville  a  fon  Evêque  ;  chaque 
Prêtre  pouvant  à  peine  s'acquitter  dignement  du  Service  Divin 
dans  celle  qui  lui  eft  confiée. 

VIII.  Défenfe  de  tenir  des  marchés  ôc  des  plaids  les  jours  de  Ci;.  50. 
Dimanche,  ôc  de  travailler  à  la  Campagne,  la  célébration  de  ce 

faint  jour  étant  d'inftitution  Apoftolique ,  ôc  ayant  toujours  été 
commandée  de  l'Eglife.   On  réformera   l'abus  introduit  non-  Ctp.^ii 
feulement  chez  les  Laïcs  ,  mais  aufii  cliez  les  Clercs ,  d'avoir  de- 
iaux  poids  ôc  de  différentes  niefures ,  grandes  quand  ils  rece- 

Gggg  ij 


Cap.  r- 

Cap.  5  3 

Cap.  j4, 

Livre  fécond, 

f^g 

.  1636. 

"€04  CONCILES 

voient ,  &  petites  lorfqu"iis  vendoient  ou  prêtoient.  La  plupart' 
avoient  un  autre  moyen  de  s'emparer  du  bien  des  pauvres  quj 
leur  étoient  fournis  :  c'étoit  de  leur  défendre  dans  le  tems  de  la' 
moifTon  &  de  la  vendange  ,  de  vendre  la  mefure  de  bled  ou  de 
vin  à  plus  haut  prix  qu'ils  ne  l'avcient  taxée  :  d'où  il  arrivoit: 
que  ces  pauvres  étoient  obligés  de  leur  vendre  leurs  den- 
tées à  moitié  de  perte.  Le  Concile  dételle  cet  ufage  comme 
plein  d'impiété  ôc  d"injuflice.  Il  condamne  encore  toutes  les 
efpeces  d'ufure  ;  &  défend  de  recevoir  pour  Parains  ,  foit  au 
Baptême  ,  foit  à  la  Confirmation  ,  ceux  qui  font  pénitence 
publique. 

I X.  Les  treize  articles  du  fécond  Livre  regardent  les  devoirs- 
du  Roi  envers  fes  Sujets,  &  des  Sujets  envers  leur  Roi.  Ils 
font  tirés  mot  à  mot  d'un  Traité  de  Jonas  ,  Evéque  d'Orléans  r 
préfent  au  Concile.  Nous  ne  répéterons  pas  ce  que  nous  en' 
avons  dit  en  parlant  de  fes  ouvrages. 
Livre  troi-  X.  Après  que  les  Evêques  du  Concile  eurent  achevé  l'ou- 
fieme  ,  p:ig.  y^age  de  la  réformation  de  la  difcipline  ,  pour  lequel  ils  s'étoient 
affemblés,  ils  en  (irent  part  à  l'Empereur  Louis  par  une  Lettre 
qui  lui  eft  adrelTée  ,  &  à  Lothaire  fon  fils,  fous  le  titre  iVaugiifies? 
invincibles  :  comme  ils  lui  envoyoient  en  même-tems  les  articles 
qu'ils  avoient  dreffés  ,  ils  n'en  dirent  qu'un  mot  dans  leur  Lettre  ;■ 
mais  ils  y  joignirent  fept  articles  du  premier  Livre  qu'ils  regar- 
doient  comme  les  plus  intéreffans  ,  &  en  compoferent  vingt 
autres  dont  ils  lui  demandèrent  l'exécution.  Ces  vingt-fepc 
articles  compofcnt  le  troificme  Livre  des  Atles  de  ce  Concile; 
Les  fept  premiers  font 'les  4,  31-?  pj  23? ,  ço,  ^j-yôc  4^. ,  du' 

Gap.  ?.  preniier  Livre.  Les  Evêques  demandent  dans  les  vingt  autres 
à  l'Empereur  de  faire  enforte  que  fes  enfans  &  les  Grands  de  fa 
Cour  refpettent  le  pouvoir  ôc  la  dignité  ficerdotale  ,  en  les  faifant- 
fouvenir  que  c'eft  aux  Evêques  qu'eft  commis  le  foin  des  âmes  ; 
qu'ils  font  après  les  Apôtres,  les  Fondateurs  des  Egiifes  ;  que 
Gap.  p.  ç'g(^  pg^  ç^jj  qyg  |çg  volontés  de  Dieu  nous  font  connues  ;  qu'ils 
font  les  Chefs  du  Peuple  fidèle  ,  les  dcfenfeurs  de  la  vérité ,  ôc 
les  pères  de  ceux  qui  font  régénérés  dans  la  Foi  catholique  ;  de 

Cap.  10.  maintenir  en  tout  tems  la  paix  j  la  concorde  ôc  l'unanimité  entre 
les  Evêques  ôc  leurs  Peuples  ;  de  leur  accorder  la  permiffion  de 
s'afiembler  du  moins  une  fois  l'année  ,  dans  chaque  Province  , 

Cap.  II.  pour  l'utilité  des  Eglifcs  ôc  le  maintien  de  la  difcipline  ;  d'établir 
par  fon  autorité  des  Ecoles  publiques  dans  les  trois  endroits  les 

Cfl^-  'i-  plus  convenables  de  l'Empire  j  d'autonfcr  fes  Envoyés  à  faire. 


DU    NEUVIEME    SIECLE.      '6c^ 
la  recherche  des    Clercs   fugitifs  ,   principalement  en  Italie; 
d'empêcher  que  les  Moines  ,  les  Prêtres  &  les  autres  Clercs,  ne  ^^P-  'î* 
fréquentent  li  fouvent  le  Palais  ;  de  rétablir  quelques  Evêchés  Cap.  14.- 
qui  nelublilloient  plus,  parce  qu'on  lesavoit  dépouilles  de  leurs 
biens;  de  flure  celfer  les  dcfordres  qui  fe  commettoient  dans  Cap.i^. 
quelques  endroits  des  Dioccfes    d'Alirgaire   ôc  de   Eangaire, 
l'un  Evoque  de  Cambrai  ,  l'autre  de  Noyon  ;  de  réprimer  la  C:p.  is, 
fureur  de  ceux  qui  pour  fatisflure  leur  haine  ou  vanger  les  injures 
qu'on  leur  avoit  faites  ,  répandoient  de  leur  propre  autorité  le 
fang  de  leurs  ennemis  ;  de  maintenir  le  bon  ordre  dans  les  Mo-  Cip.  ij. 
nafteres  &  d'empccher  qu'ils  ne  dcperifTent  par  la  faute  des 
Laïcs  à  qui  ils  font  donnés  ;  de  fupprimer  les  Chiipelles  dom.ef-  q^,  ,g, 
tiques,  même  celles  du  Palais  ;  d'engager  les  Fidèles  par  fon  q     ,j,_ 
exemple ,  à  s'approcher  de  la  Communion  du  Corps  &  du  Sang 
de  Notre-Seigneur  ;  de  s'appliquer  avec  foin  à  pourvoir  les  Cap.io. 
Eelifes  de  bons  Pafîeurs  ;  les  Monafteres  de  Filles  de  dignes  C.y.  n, 
Aobefics  ;  &  l'Etat ,  de  Miniflres  fa.oes  &  éclairés  ;  ôc  d'élever  r  „ 
lui-même  fes  enfans  dans  la  crainte  de  Dieu.  lis  repréfentenc 
en  dernier  lieu  à  Louis  le  Débonnaire  la  nécefîlté  de  contenir 
chacune  des  deux  Puiffance  dans  fes  bornes  ,  difant ,  que  le  plus  ^-^V'  ^^* 
grand  obltacîe  au  bon  ordre  venoit  de  ce  que  depuis  iongtems  les 
Princes  s'ingeroient  dans  les  affaires  Eccléfialliqucs  ;  &  de  ce 
que  les  Evoques  j  foit  par  ignorance  de  leurs  devoirs,  foit  par 
cupidité ,  s'occupoient  plus  qu'ils  ne  dévoient  d  aifaires  tempo- 
relles. On  voit  par  le  fécond  article  de  ce  troiliéme  Livre  ,  que  ^T-  -•- 
parmi  plufieurs  dcfordres  qui  régnoient  dans  l  Empire  ,  il  y  en 
avoit  que  les  Evêques  ne  doucoient  point  être  des  reftes  du 
Paganifme  ;  ils  parlent  de ?vîagiciens ,  de  Devins,  de  Sorciers  , 
d'Empoifonneurs  ,  d'Enchanteurs  >  d'Interprètes  defonges ,  de 
gens  qui  troubloient  l'air  par  leurs  maléfices ,  qui  envoyoient  de 
la  grêle  ,  qui  ôtoient  les  fruits  6c  le  lait  pour  le  donner  à  d'autres  > 
&  faifoient  beaucoup  d'autres  chofes  fcmblables.  Ils  prient  le 
Prince  d'employer  contr'eux  la  féverité  des  Loix  ,  &  citent  un 
Canon  du  Concile  d'Ancyre  ,  où  il  eft  ordonné  ,  que  les  Devins 
&  autres  adonnés  aux  fuperfiitions  des  Payens  ,  feront  mis  en 
pénitence  pendant  cinq  ans ,  en  pailant  par  tous  les  dégrés  de  la- 
pénitence. 


GgggiiJ! 


€o6  CONCILES 

CHAPITRE     XXX. 

Co  N  c  1  L  E  s  cU  Vormes  ,  de  Langres,  de  Nlmegue; 
de  Vormes ,  de  Londres  ,  de  Compiegne  ?  d'Aix-la- 
Chapelle  ,  de  Manzoue ,  de  Stramiac ,  de  Kinfion , 
de  Châlons-fur-Saone  ,  d'Engelheim,  &  de  Fomenai. 

Concile  de  I.  "^^TOus  apprenons  d"HincmardeReinis,qu'en8  2p  ilfe  tint 


Vormes     en        I  ^  ^^^^  Concile  a Vormes, auquel  ainfterent  le  Leg.''t  du  Pape 

Condl.   fcig,  uregoire  i  V.oc  un  grand  nombre  d  iiveques,qui  conhrmerentce 

^6(9.  qui  avoir  été  réglé  dans  les  quatre  Concile-  deMayence^  de  Paris, 

de  Lyon  ,  &  de  Touloufe.  Ils  décidèrent  encore ,  que  celui  qui 

auroit  quitté  fa  femme  ,  ou  l'auroit  tuée  pour  en  époufer  une 

autre,  feroit  pénitence  publique  après  avoir  quitté  les  armes  , 

ôc  que  s'il  rélÏÏtoit ,  il  feroit  mis  en  prifon  &  dans  les  liens  jufqu'à 

ce  que  l'Empereur  connût  du  fait.  Il  n'elt  pas  douteux  que  ce 

Tom.  I ,  Ca-  Priiice  n'ait  accédé  à  ce  Règlement ,  on  le  trouve  dans  le  Capi- 

ptul.pag.67c.  tulaire  qu'il  fit  en  cette  Ville  la  même  année.  Il  y  en  a  un  autre 

Il'id.  pay.  qui  défend  l'examen  ou  l'épreuve  de  l'eau  froide  que  l'on  avoic 

^^^*  pratiquée  jufqu'alors.  On  lit  dans  un  manufcrit  de  l'Abbaye  de 

laint  Rémi  de  Reims ,  que  ce  fut  le  Pape  Eugène  IL  qui  inflitua 

cette  épreuve  ,  pour  empêcher  que  l'on  ne  jurât  fur  les  reliques  , 

MnbUlon.  in  OU  qu'on  ne  mît  la  main  fur  l'Autel.  Dom  Mabillon  rapporte  fur 

Anakâl.  pag^.  l'autorité  de  ce  manufcrit ,  qu'il  croit  être  du  neuvième  fiécle  , 

les  rits  de  cet  examen.  On  chantoit  une  AleiTe  à  laquelle  les 

Accufés  affiftoicnt  &  communioient  :  mais  le  Prêtre  avant  de 

leur  donner  la  Communion,  les  conjuroit  au  nom  de  la  faiote 

Trinité  ôc  de  tout  ce  que  la  Religion  Chrétienne  a  de  plus  ref- 

pcctab!e,de  ne  la  point  recevoir  s'ils  étotent  coupables  de  Ja 

faute  dont  on  les  accufoit.  S'ils  ne  répondoicnt  point ,  il  les 

communioit  en  difant  :  que  ce  Corps  Cs"  ce  Sang  de  Notre-Seigneicr 

Jefiis-Chrijlfoient  aujourd'hui  pour  votre  épreuve.  La  Meffe  finie , 

il  béniffoit  de  l'eau  ,  la  portoit  au  lieu  où  l'examen  fe  devoit  taire , 

leur  en  faifoit  boire  ;  puis  après  avoir  cxorcifé  l'eau  dans  laquelle 

ils  dévoient  être  plongés,  il  les  y  plongeoit  lui-même  ,  en  priant 

Jefus-Chrift  d'empêcher  (qu'elle  les  reçut  ^  s'ils  étoient  coupab^s. 


DU  NEUVIEME  SIECLE.  ^07 
Cette  cérémonie  L*  Hiifoit  à  jeun,  tant  de  la  part  du  Prêtre  que 
des  Accufés,  Le  Décret  del'ÉmpereurLouisne  fut  pas  générale- 
ment obrervé,puifqu'Hincmarcon(ulté  fur  cette  épreuve  quelque 
tems  après  par  Hildegaire  ,  Evêque  de  Meaux  ,  prouve  par 
plufieurs  raii'ons  que  Ion  pouvoit  admettre  le  jugeaient  de  l'eau 
froide. 

II.  Alberic,  Evcque  de  Langres  ,  craignant  que  fes  fuccef-  Concne  de 
feurs  ne  reprillent  au  Monaflerc  de  Beze  les  biens  qu'il  lui  avoit  ''""ff'es  en 
donnes  depuis  qu  il  1  avoit  rétabli ,  eut  loin  de  taire  confirmer  Cwdl.  par. 
fes  donations  par  l'Empereur  Louis  &  fon  fils  Lothaire  ;  par  ^fjoi&Ma. 
Agobard,  Archevêque  de  Lyon  ,  fon  Métropolitain  ,  par  fes  Ji^'^m/ r'Z'. 
Sulfragans  &  par  le  Clergé  de  Langres.  Il  fe  tint  à  cet  elTet  un  47, p^^;-  ii''. 
Concile  à  Langres  ,  auquel  Agobard  préfida,  affifté  de  quatre 
Evêques ,  d'un  Abbé,  d'un  co-Evcque ,  &  de  plufieurs  Prctres. 

Les  ades  font  dattes  de  l'an  830,  de  môme  que  les  diplômes 
des  Empereurs  ,  ôc  la  charte  de  la  donation  faite  par  l'iivcque 
Alberic. 

III.  En  831  l'Empereur  Louis  ayant  fait  comparoître  dans  Concile  <le 
raffcmblée  tenue  à  Niiiieg^ue  iur  leVahal ,  les  Cheis  de  la  révolte,  >fimc2ue  ci 
Jeilc,  iiveque  d  Amiens,  y  hit  depole  par  les  hvcques  ;  mais  Cwdl.  pa^^ 
quelque  tcnis  après,  ce  Prince  le  fit  rétablir  ;&  quoique  le.s  autres  lOii-Tk-gàn, 
coupables  euilent  été  condamnés  à  mort ,  il  fe  contenta  de  les  "^'  î'* 
reléguer  &:  de  les  faire  garder  ,  les  Laïcs  en  divers  lieux  ,  &  les 

Clercs  dans  des  Monafteres. 

I  V.  Aldric  ,  Archevêque  de  Sens ,  ne  prit  aucune  part  à  la      Concile  de 
révolte  des  enfans  de  Louis  le  Débonnaire.  Voyant  que  le  Mo-  J.T''rL  T 
naflere  de  faint  Rémi  ,  fitué  en  un  des  rauxoourgs  de  cette  c^'ml.    pajr. 
Ville  ,  avoit  été  dilapidé  fous  fes  prédécefTeurs  ,  qu'il  étoit  l^.J^/.f^-'^'-^- 
à  ailleurs  en  un  heu  fierile  ôc  incommode,  il  le  translera,  de  1  avis  Annall.  num. 
de  fes  Chaiioines,  des  Moines,  &  des  Fidèles  Laïcs ,  àVarcilles ,  i hi"'?-  'f °  > 
&  lui  accorda  plufieurs  fonHs  ôc  divers  privilèges.  L'ade  de  cette  * 'g^,  """Ih^I 
tranflation  fe  trouve  dans  le  fécond  tome  du  Spicilege  ,  d'où  il  p.ig.  1683^ 
eft  parte  dans  le  Ilecucil  des  Conciles.  Il  eft  fans  date  dans  les 
imprimés  ;  ce  qui  en  rend  l'époque  incerraine.  Mais  l'infcription 
qui  eft  aux  Evcques  ôc  aux  Abbés  de  la  domination  de  Lothaire , 
fait  voir  qu'il  fut  drelTé  après  la  dépofirion  de  l'Empereur  Louis , 
mais  avant  Tan  834,  puifqu'en  cette  année  ce  Prince  étant  à  Aix 
h  Chapelle  ,  conlirma  cette  tranflation  par  un  diplôme  datte 
du  feiziéme  des  Calendes,  la  vingt-deuxième  année  de  fon  Eni-    . 
pire  ,  indiction  treizième  j  c'cft-à-dire  ,  du  feiziéme  de  Novem- 
bre 83^.  Aldric  lit  approuver  ce  qu'il  avoit  fait  par  les  Evêques^ 


'^o8  CONCILES 

aiTemblés  à  Vormes.  Il  figna  le  premier  latte  de  cette  tranHation ,' 
qui  fut  enfuite  foufcrit  par  Landramn  ,  de  Tours  ;  Barthelemi , 
deNarbonne  ;  Jonas  ,  d'Orléans  ;  Fulcouin  ,  de  Vormes  ;  ôc 
plufieurs  autres  Evêques  ou  Abbés.  A  Londres  on  tint  un  Concile 
enS  j  3  en  préfenced  Egbert ,  Roi  des  Saxons  ;  ôcde'Withiurius, 
Roi  des  Aîerciens  ,  pour  avifer  aux  moyens  d'empêcher  lirrup- 
tion  des  Danois.  On  y  confirma  aulTi  les  donations  &  les  privi- 
lèges accorde's  au  Monaftere  de  Croylande  par  le  Roi  "W^ith- 
lulius. 
Concilesde       V.  On  ne  répétera  point  ce  qu'on  a  dit  plus  haut  de  la  dépo- 
Compiegne  ,  fition  de  l'Empereur  Louis  au  Concile  de  Compiegne  en  8j?  ; 
de  M*etz,dAi-  de  fon  rétabliffement  à  faint  Denis  en  France  en  834  ,  puisa 
ligny    ,     de  Mctz  &  à  Thionville  en  8  3  c  ;  il  y  en  eut  un  à  Attimiy  en  834, 

Thionvilleen      \  d-  -u  J'  i 

g         g        OU  ce  r rince  travailla  aux  moyens  de  reparer  les  maux  occa- 
iom.7,CondL  fionnés  ,  tant  dans  les  affaires  Civiles  qu'Eccléfiaftiques ,  par  les 
yr-g.  16S6  ù-  guerres  précédentes.  On  rapporte  au  même  Concile  le  jugomeac 
de  la  conteftation  entre  une  femme  noble  nommée  Northilde 
&  Agembert  fon  mari.  D'autres  difent  qu'elle  fut  jug  Je  -lans  un 
Concile  tenu  en  la  même  Ville  en  822.   Voici  ce  qu'en  dit 
Hincmar  dans  fon  écrit  touchant  le  divorce  de  Lothaire  6c  de 
Teutberge.   Northilde  fe  plaignit  aux   Evèques  de  certaines 
■chofcs  deshonnétes  qui  s'étoient  paffées  cn:re  fon  mari  &  elle, 
ies  Evêques  ne  croyant  point  que  de  telles  matières  fuiïent  de 
leur  compétance  ,  en  renvoyèrent  le  jugement  aux  Laïcs  mariés, 
avec  ordre  à  Northilde  de  s'en  tenir  à  leur  décifion  ,  à  charge 
néanmoins  que  (i  elle  fe  trouvoit  coupable  ôc  demandoit  pt'n'ir 
tence,  elle  lui  feroit  impofée  par  les  Evêques  félon  les  Canons, 
Concile       V i.  Au  mols  de  Février  de  l'an  S^6 ,  les  Evêques  s'allem- 
dAixia-Cha-  i^lerent  à  Aix-la-Chapelle  par  ordre  de  l'Empereur  Louis  j  qui 
iom.7,Cciml.  propoui  lui-mcmc  les  matières  qu  us  avoient  a  traiter.  Comme 
fig.  1700.       elles  regardoient  les  devoirs  des  Mihillres  del'Eglife,  &  ceux 
des  Princes  temporels  ,  on  partagea  en  deux  parties  les  Décrets 
de  ce  Concile ,  connu  fous  le  nom  de  Second  d'Aix-la-Chapelle, 
Ils  ne  contiennent  rien  de  nouveau  ;  ce  ne  font  que  les  anciens 
Canons  que  l'on  tâcha  de  remettre  en  vigueur,  la  plupart  étant 
P.irt.  I.  tombés  dans  l'oubli  par  le  non-ufage.  Les  deux  puiffances ,  la 
Can.  ;.  fpirituelle  &  la  temporelle ,  contlnuoient  à  entreprendre  l'une 
fur  l'autre;  c'ell  pourquoi  le  Concile  déclare  qu'elles  agiffent 
■Cm.  15.  en  cela  l'une  ôc  l'autre  contre  l'autorité  de  Dieu.  Il  prie  l'Em- 
pereur de  rétablir  tellement  les  Evêques  dans  leur  liberté ,  qu'ils 
,Çiin.\é.  puiffentvacquer  à  kur  falut;  à  celui  de  leurs  Peuples  ^  Ôc  être 

cil 


r>U  NEUVIEME  SIECLE.  ^60^ 
«n  état  de  faire  à  Dieu  des  vœux  pour  la  fiabilité  &  la  tranquilité 
de  l'Empire  ;  de  leur  permettre  de  paffer  en  repos  le  tems  du  ^'"''  "7. 
Carême  qui  doit  fervir  d'un  tems  de  purirication  pour  le  refte 
de  l'année  ;  d'accorder  la  même  grâce  à  tous  les  autres  Eccléliaf- 
tiques  ;  &  d'empêcher  que  les  Prêtres  de  divers  Diocèfes  qui  C.w.  ij, 
vont  s'établira  la  Cour  n'y  foient  reçus  fans  le  confentement  de 
leurs  Evêques ,  étant  fort  poillble  qu'ils  ne  fortent  de  leurs  Pa- 
roifles  que  dans  la  crainte  d'y  être  punis  ,  félon  les  Canons ,  pour 
quelque  crime ,  ou  que  cefoit  des  impofleurs  qui  fe  faiïcnt  palier 
pour  Prêtres ,  quoiqu'ils  ne  le  foient  pas.  Après  avoir  fait  une 
féconde  fois  la  diilindion  entre  la  puifTance  facerdotale  âc  la 
royale,  les  Evêques  avouent  qu'ils  ont  excédé  en  plulieurs  ma- 
nières à  l'occalion  de  la  révolte  des  enfans  de  l'Empereur ,  qu'ils 
appellent  un  crime  inoui  dans  tous  les  fiécles  ;  puis  ils  ajourent  en 
s'adrelTant  à  ce  Prince  :  le  feul  moyen  de  rétablir  les  chofes  ,  eft 
que  laiiTant  jouir  les  Evêques  de  toute  la  puilTance  que  Jefus- 
Chrift  leur  a  donnée  ,  vous  ufiez  de  toute  celle  que  vous  avez 
comme  père  6c  comme  Empereur  :  c'eft  ce  qu'on  lit  dans  la 
conclufion  de  la  première  partie.  La  féconde  efl:  adreflee  au 
Roi  Pépin  pour  l'engager  à  reftituer  les  biens  Ecclefiaftiques 
dont  lui  &  les  Seigneurs  s'étoient  emparés.  L'Empereur  Louis 
fon  père  lui  en  avoir  déjà  envoyé  l'ordre  en  854,  comme  on  le 
voit  par  le  Concile  d'Attigny.  Les  Evêques  font  mention  dans 
leur  Lettre  à  Pépin  ,  d'un  écrit  qu'ils  lui  avoient  adrelfé  par 
Aldric ,  Evêque  du  ATans ,  ôc  Erchanrad  ,  Evêque  de  Paris  , 
contenant  des  avis  Hilutaires  ,  qu'ils  étcient  autorifés  de  lui 
donner  en  qualité  d'Evêques.  Nous  n'avons  plus  cet  écrit.  Mais 
on  nous  a  confervé  le  recueil  de  pafTages  qu'ils  y  avoient  joints 
en  preuves  de  ce  qu'ils  y  avançoient  fur  la  nature  &  l'ufage  des 
biens  Ecclefiaftiques.  Ce  Recueil  eft  en  trois  Livres,  On  fait 
voir  dans  le  premier  ,  que  l'ufage  d'offrir  à  Dieu  des  vœux  ôc  des 
facrifices  eft  aulli  ancien  que  le  monde  ;  que  dans  l'ancienne 
Loi  ,  comme  dans  la  nouvelle  ,  il  a  eu  pour  agréable  qu'on 
dreffat  des  Autels  en  fon  nom  ;  qu'il  les  a  lui-mêene  ordonnés  , 
ôc  obligé  les  Peuples  à  fournir  aux  frais  du  Sanduaire  &  du 
Tabernacle  ;  qu'il  a  donné  non-feulement  des  terres ,  des  mai- 
fons  ,  des  Villes  ôc  des  Fauxbourgs  ,  aux  Miniftres  de  fes  Autels, 
mais  encore  une  partie  des  dépouilles  que  fon  Peuple  avoit 
enlevées  aux  ennemis ,  &  ce  qu'il  y  avoit  de  plus  eftimabie  dans 
les  facrifices  qu'on  lui  oiTroit  à  lui-môme  dans  le  lieu  qu'il  avoit 
choifi,  c'eft-à-dire  ,  dans  le  Temple.  Les  Eve  ^ues  du  Concile 

TomXXll.  Hhhh 


«jio  CONCILES 

fe  fervent  de  tous  ces  faits ,  qui  étoient  inconteftables  ,  pt)ue 
Lib.  I.  répondre  à  l'objedion  des  Laïcs  ,  qui  ne  penfant  uniquement. 
Can.  j.  qu'à  contenter  leur  cupidité  &  leur  avarice  ,  difoient ,  quel  mal 
y  a-t-il  de  nous  fervir  de  ces  biens  dans  nosbefoins  ?  Dieu  ni  les 
•  Saints  ne  s'en  fervent  point  ;  tout  eft  à  lui  ;  &  c'eft  pour  notre 

ufage  qu'il  a  créé  tout  ce  qui  eft  fur  la  terre.  C'étoit ,  comme  le 
remarquent  ces  Evéques ,  raifonner  fottement  6c  faire  injure  à 
Dieu  ,  puifquil  avoir  lui-même  deftiné  une  partie  des  biens  de 
Pag..  1747  la  terre  à  l'entretien  de  fes  Miniftres.  Ils  détaillent  dans  le  fécond 
^feq.  Li\re  les  fupplices  dont  Dieu  a  puni  plufieurs  Princes  pour  avoir 

ou  dépouillé  le  Temple  du  Seigneur ,  ou  fait  un  ufage  prophane 
.    des  vafes  facrés.  Ils  montrent  dans  le  troifiéme  comment  i'Eglife 
de  Jefus-Chrift  s'eft  accrue  par  les  oblations  des  Fidèles  i  ce 
qu'ont  penfé  les  Saints  Pères,  de  ceux  qui  détournent  à  leurs 
propres  ufages  les  terres  &  les  autres  biens  des  l'EgliléSj&de 
quelle  manière  ont  été  punis  ceux  qui  après  avoir  offert  à  Dieu. 
leurs  bierïs  ,  en  ont  retiré  une  partie.  Ils  citent  les  Canoils  du 
Concile  de  Gangres  contre  ceux  qui  ont  la  témérité  de  s'appro- 
prier les  biens  de  I'Eglife  ,  &  fupplient  le  Roi  Pépin  les  genoux 
à  terre  ,  de  ne  point  imiter  ceux  qui  ont  deshonoré  &  humilié 
I'Eglife  en  la  dépouillant  de  fes  poffefTions  i  mais  de  fe  modeler 
fur  lès  ancêtres  qui  font  ornée  &  enrichie  par  leurs  libéralités. 
Les  remontrances    des    Evêques  eurent    un  licureux   fuccès. 
Paj.  lyfS.  Pépin  Ht  expédier  des  Lettres  fcellées  de   fon  fceau  pour  la 
rellitution  de  tous  les  biens   Ecclcfiaftiques  dont   on  s'étoit 
emparé. 
Concile  de       V I L  II  y  eut  vers  l'an  8  3  j  un  Concile  à  Mantoue,  en  préfencc 
Wantone    en  de  l'Evêque  Benoît,  de  Léon  le  Bibliothécaire  ,  des  Légats  du 
^^''    An^ï  ^^''^^  Siège  ,  où  Ton  termina  la  difîicuké  entre  les  Patriarches  de 
icm.  8  ,  p^.  Frioul  &  de  Grade  ,  au  fujet  de  quelques  Evéchés  dlfirie  ,  alors 
35  «•  dépendans  du  Patriarchatde  Grade.  Mais  fur  les  preuves  allé- 

guées par  le  Patriarche  de  P  rioul ,  on  les  lui  adjugea. 
Concile  <^e       VII I.  Ceux  qui  après  Ebbon  de  Reims  avoient  eu  le  plus  de 
Strnmi,ic    rn  p^ft:  à  la  dépofition  de  Louis  le  Débonnaire,  étoient  Agobard 
(Inciu'^'iu'  !  "^  Lyon  ôc  Ùernard  de  Vienne.  Appelles  au  Concile  de  Thion-,. 
»768.  ville,  ils  refuferent  de  comparoître  ,  ôc  fë  fauverenten  Italie. 

Conime  on  s'imaginoit  qu'ils  vouloicnt  fe  pourvoir  par  appel 
auprès  du  faint  Siège  de  la  Sentence  de  dépofition  conir'eux, 
les  Evê(]nes  de  ce  Concile  n  examinèrent  j^olnt  à  fond  i'alfaire 
de  ces  deux  Evêque' .  C'efl  pourquoi  fur  la  iiécefîité  qu'il  y  avoit 
de  remplir  leurs   Eglifes   vacaïues  ,  l'Empereur  indiqua  une 


DU    NEUVIEME    SIECLE.      '€ii 

affemblée  à  Stramiac  ou  Cremieu  auprès  de  Lyon.  Elle  fe  tint 
pendant  l'Eté  de  l'an  Sjô;  Lothaire  ne  put  s'y  trouver ,  parce 
qu'il  étoit  tombé  malade  après  fon  Traité  fait  à  Thianville,au 
mois  de  Mai  de  la  même  année ,  avec  l'Empereur.  Mais  fcs 
frères  Pépin  &:  I  ouis  y  alFifterent  avec  leur  père.  On  y  examina 
la  caufe  des  Eglifes  de  Lyon  6c  de  Vienne.  Agobard  ôc  Bernard 
furent  cités.  Se  défiant  de  la  bonté  de  leur  affaire,  ils  ne  com- 
parureht  point  ;  ce  qui  fut  caufe  qu'on  ne  put  rien  conclure , 
n'ayant  pas  été  ouis.  Aindon  remit  à  un  autre  tems,  de  pourvoir 
à  la  vacance  de  ces  deux  Eglifes. 

IX.  En  838  on  aflembla  un  Concile  à  Kingfton.  Le  Roi      Concile  de 
Egbert  y  prélida  avec  fon  fils   Athelwulfe  &  l'Archevêque  sis^,  roL  7"! 
Ceonokhe.    Il  étoit  compofé  de  plufieurs  autres  Evoques  ôc  Condl.    pag. 
grands  Seigneurs  d'Angleterre.  On  appelloit  mixtes  ces  fortes  '^^°* 
d'affemblées  ,  parce  qu'elles   étoient  compofées  de  Laïcs  ôc 
d'Ecclefiaftiques.  L'Archevêque  Ceonokhe  repréfenta  ,  que  le 

Roi  Baldrede  avoit  donné  à  l'Eglife  de  Cantorberi  une  cer- 
taine" Terre  exempte  de  toute  charge  féculiere  ôc  même  dû 
tribut  royal  ;  mais  que  ce  Roi  n'étant  point  agréable  à  tous  les 
Princes, ils  n'avoient  pas  voulu  ratifier  la  donation.  Il  en  demanda 
la  confirmation  au  Concile.  Egbert  ôc  Athelwulfe  l'accordèrent  : 
Les  Evêques  ,  les  Seigneurs ,  les  Abbés  en  firent  de  même ,  avec 
anathême  contre  ceux  qui  oferoient  contefter  cette  donation. 

X.  Après  la  mort  de  Pépin,  Roi  d'Aquitaine,  l'Empereur     Concile  de 
Louis  partagea   fon    Royaume   entre   Lothaire  ôc  le  Prince  Sy.'^neen'g^r 
Charles  ,  Roi  de  Neuftrie  ,  ne  laifiant  à  fon  fils  Louis  que  la  tom.  7,Cnr'cU, 
Bavière.  Ce  Prince  fe  croyant  lezé  leva  une  armée  pour  vanger  F"^*  '^rc 
l'injure   qu'il   croyoit  qu'on  lui  avoit  faite.  En   même  tems 

Ebroin  ,  Evêque  de  Poitiers,  avertit  l'Empereur  des  divifions 
qui  commençoient  à  s'élever  en  Aquitaine,  ôc  lui  fit  entendre 
qu'il  étoit  abfolument  néceffaire  qu'il  y  vînt  lui-même  pour 
gagner  ou  intimider  ceux  qui  fe  déclaroient  pour  le  jeune  Pépin  , 
fils  du  feu  Roi.  Louis  le  Débonnaire  promit  d'y  aller  ;  mais 
auparavant  il  affcmbla  un  Concile  à  Châlons-fur-Saône  pendant 
l'Automne  de  l'an  839,  avec  ordre  aux  Seigneurs  d'Aquitaine 
de  s'y  trouver  ;  il  y  alla  lui-même  accompagné  du  Prince 
Charles  ,  Ôc  expofa  les  raifons  qu'il  avoit  eues  de  donner  le 
Royaume  d'Aquitaine  à  ce  Prince  préferablement  à  l'un  des 
deux  enfans  de  Pépin  ,  aufquels  il  promit  fes  foins  ôc  un  établif- 
fement.  Il  régla  dans  le  même  Concile  diverfes  affaires  Civiles 
ôc  Ecclefialliques ,  dont  les  Hiftoriens  du  tems  ne  nous  ont  point 
laifle  le  détail.  H  h  h  h  ij 


«?r2  C    Ci    N,  <^    I    L    E    S 

Concile d'in-  :   XL  Ebbon  dc  Reims  dépofé  depuis  l'an  83  ;  ,  ayant  appris 

gehcim     tv  {^  mort  de  1  Empereur  Louis  ,  vint  trouver  Lotliaire  à  Vormes, 

Concil.    poj'  poi^f  'e  taire  fouvenir  de  rattachement  qu'il  avoit  eu  pour  fes 

.1770,  intérêts  ,  ôc  le  prier  de  le  rétablir  dans  fon  Siège,    llcthairc 

croyant  lui  devoir  cette  marque  de  fa  reconnoiifance  ,  le  fît 

abfoudre  par  vingt  Eyéques ,  tant  des  Gaules  que  de  Germanie  , 

affemb:és  dans  le  Palais  d'Ingelheiai  ,  &  enfuite   conduire  à 

Reims  où  il  fut  remis  en  poileilion  de  i'Evêché  par  wn  Edit 

Impérial  datte  de  la  première  année  de  fon  règne  en  France. 

Drogon  ,  Evoque  de  Mets,  foufcrivit  le  premier  à  cet  Edit, 

en  fa   qualité   d'Archi-Chapeiain  ,   ôc   après   lui  Olgaire    de 

iVIayence. 

Loix  du  R  oi      X 1 1.  Le  Père  Labbe  a  mis  ei\ruite  des  a6les  du  rctabliflement 

Keneîh,^  ibid,  4^>£b[,on  ,  un  Recueil  de  Loix  faites  par  Keneth ,  Roi  d'Ecoffe , 

DOP",.  1777..  ',  .-.  .  ^  .. 

qui  rcgna  depuis  1  an  840  jufqu'en  Sj  j  ;  elles  font  divifées  en 
.deux  articles  :  le  premier  contient  les  Loix  Civiles  ;  le  fécond  ,. 
les  Eccleliaftiqi-ies  ;  niais  cette  difiribution  n'efl  point  exade, 
on  en  trouve. det:  EccLefiaftiques    parmi  les   Civiles,  &  des 
Ci\ile£  parmi  les  Ecciefiaftiques.  Elles  ordonnent  la  vénération 
des^TenipL'S  ^  des  Autels  ,  des  Statues  qui  repréfentent  les 
Saints V  l'obf'^rvation  des  Fêtes ,  des  jeûnes  ôc  des  veilles:  Pu- 
nilfent  de  mort  les  infultes  faites  à  un  Prêtre  de  Jefus-Chrill:  ^ 
foii  de  paroles,  foit  d'adion  :  Veulent  qu'on  laillc  fan^  culture 
pendant  fept  ans  un  champ  où  quelqu'un  auroit  été  tué  ôc  en- 
feveli  ;  que  l'on  mette  une  Croix  fur  tous  les  tombeaux  ,  avec 
défenfe  de  marcher  fur  Icndroit  de  la  fépulture  ;  que  les  pompes 
funèbres  fe  failent  à  proportion  des  faculcés  du  défunt;  que  fi 
c'eftun  riche. ôc  un  homme  de  condition  ,  le  convoi  funèbre 
fera  accompagné  de  deux  Ecuyers  à  cheval  portant  les  armes 
dont  il  fe  fervoit  pendant  fa  vie  ;  que  l'un  d'eux  entrera  dans 
rEglift!j)our  y  annoncer  la  mort  de  fon  J^.ïaître ,  ôc  en  fortira 
auflitot  ;  ôc  que  l'autre  dépolera  devant  TAutel  les  armes  du 
défunt  ôv  les  offrira  au  Prêtre  avec  le  ciieval  fur  lequel  il  étoit 
monté.  Cet  ufagc  fut  changé  depuis ,  Ôc  au  lieu  d'un  cheval  ôc 
des  armes  ,  il  fut  ordonné  qu'on  donneroit  au  Prctre  cinq  livres 
llet'iings.  Ces  Loix  portent  encore,  que  l'on coijpera  la  langue 
à-ceiui  qui  aura  blafpliémé  contre- Dieu  ,  contre  les  Saints> 
<ÉX;i)crj-e  Roi,  ouiContreleChcfdefa  Tribu. 
Affèm'i:-  J    XML.  4p-ccs^  |^.-^'-'-^''le  qui  fec'onna  le  vingt-cinquième  de 
de   Fonte  ■;  {^uni  842,eii  un  lieu  nommé  Tauriac,  procl;e  de  Fonce. lai, 
'^CoVu'7   Bourg  de  i'AujiiÇçtçîiSjf  e»«c  Lotliaire  ,. d'une  part i  Charles,, 
»7^'.-   *     "  ^:  xiihlH 


DU    NEUVIEME    SIECLE.      613 

Roi  de  France  ;  &  Louis  de  Bavière  ,  d'autre  ;  ces  deux  Princes 
perfuadcsque  cetoit  de  Dieu  feul  qu'ils  renoient  la  victoire, 
ordonnèrent  qu'on  enterrât  avec  les  cérémonies  de  l'Eglife 
tous  les  corps ,  foit  de  leurs  Soldats  ,  foit  des  Ennemis  ;  que 
l'on  panfat  avec  beaucoup  de  foin  les  blelTés  de  l'unôc  de  l'autre 
parti  ;  ôc  firent  publier  une  amniftie  générale  pour  ceux  de  leurs 
fuiets  qui  voudroient  rentrer  dans  leur  devoir.  Ils  alTemblerent 
même  les  Evêques  pour  fcavoir ,  Çi  ni  eux  ni  leur  confeil ,  ni 
leurs  Soldats  n'étoient  point  coupables  devant  Dieu  du  fang 
répandu  dans  cette  bataille.  Les  Evoques  repondirent  ^  que  la 
julîice  de  leur  caule  ôc  tous  les  efforts  qu'ils  avoient  faits  pour 
n'en  pas  venir  à  cette  extrémité  ,  les  difculpoiciit  entièrement  ; 
qu'il  tàlloit  feulement  que  chacun  s'examinât  pour  fçavoir  fi  la 
colère  ,  la  haine  ,  la  vaine  gloire  n'étoient  point  entrés  dans  le 
motif  de  leur  guerre  ôc  des  adions  qu'ils  avoient  faites  dans  le 
combat  j  qu'en  ce  cas  il  falloir  avoir  recours  (  a  )  à  la  confeilioa 
fecrette  de  leurs  péchés  pour  en  avoir  l'abfolution.  Enfuite  ils 
indiquèrent  un  jeûne  de  trois  jours  pour  le  repos  des  âmes  ôc 
la  rémifllon  des  péchés  de  ceux  qui  étoient  morts  dans  la 
bataille. 

XIV.  Lothaire  hors  d'état  de  foutenir  la  guerre  ,  fe  retira  à  Concile 

Aix-la-Chapelle.  Les  deux  Rois  l'y  fuivirent ,  ôc  fcachant  qu'il  '•'^'-''■'^-p'ia- 

•      1     r  •  -1  I      j    n-  •       j      1       r'-  i  /    .  pelle  en  841  , 

avo)t  pris  la  tuite ,  ils  conçurent  le  delieui  de  le  faire  déclarer  tom.  y.Condl.- 
déchu  de  tous  les  Etats  qu'il  pourroit  avoir,  ou  prétendre  dans  h''^S-  '781, 
le  Pays  d'en-deçades  Alpes,  ôc  au-delo  du  Rhin,  lis  alTemblerent 
à  cet  effet  les  Evêques  Ôc  les  Prêtres  qu'ils  avoient  à  leur  fuite  à 
Aix-la-Chapelle  ,  réfolus  de  s'en  tenir  à  leurs  avis  ,  comme  à  la 
volonté  de  Dieu.  Les  Evêques  confiderant  la  conduite  que 
Lothaire  avoir  tenue  depuis  le  commencement  ,  les  guerres 
qu'il  avoit  faites  à  fon  propre  père ,  l'injuUice  qu'il  avoit  corn- 
mifeen  lui  otant  la  couronne  ,  les  parjures  qu'il  avoit  fait  com- 
mettre au  Peuple  chrétien  par  fon  ambition  ,  les  fermens  qu'il 
avoit  violés  à  1  égard  de  fes  frères ,  les  adultères ,  les  homicides , 
les  incendies  ôc  les  autres  crimes  dont  il  s  étoit  rendu  coupable  , 
fon  incapacité  pour  le  gouvernement ,  ôc  fes  autres  mauvaifes 
qualités ,  déclarèrent  que  c'étoit  par  un  jufte  Jugement  de  Dieu, 


(a.)  At  quiciimque  confcius-  fibi,  aut 
irn  ,  aut  odio  ,  uut  vnna  gi.nia  ,  aut  terre 
quolibet  vitio  cjuiiiqiam  in  liac  cxpedi- 
Mone  lUafit ,  vel  geilit,  euct  vue  coafcllws 


fectetè,  (êcreti  deliAi,  &  ;cc«ndùin  modum 
culpjE  diji;dicrre;ur.  T  m.  7  ,  Ccncil.- 
pr.g.  178  t  ;  ^  Vitandus  ,  lih.  i',pag,  JV-ï 7» 
tom,  z  jDuthtjus.  s 

Hhhhuj, 


«14  CONCILES 

qu'après  avoir  été  défait  à  Fontenai ,  il  venoit  d'abandonner  fes 

i  Etats  par  une  fuite  honteufe  ;  6c  que  Dieu  les  avoit  donnés  à 

j  fes  frères  meilleurs  que  lui ,  ôc  plus  capables  de  régner.  Mais  ils 

■;  ne  permirent  aux   deux  Princes  de  s'en  mettre   en  podefTion 

qu'après  avoir  promis  en  préfence  de  tout  le  Peuple  ,  qu'ils  fc 

régleroient  dans  leur  gouvernement  félon  la  Loi  &  les  ordres 

de  Dieu.  Ils  le  promirent.  Les  Evêques  dirent  enfuite  ,  en  leur 

adreflant  la  parole  :  Recevez  le  Royaume  par  l'autorité  de  Dieu  , 

'  ôc  gouvernez-le  félon  fa  divine  volonté  :  Nous  vous  en  aver- 

tiflbns  ,  nous  vous  y  exhortons  ,  nous  vous  le  commandons* 

Les  deux  frères  choifirent  chacun  douze  perfonnes  pour  faire  le 

Tom  %   on.  P^^t^ge  de  tous  les  Etats  en  deux.  Nithard ,  qui  a  rapporté  cet 

Diichefn.par.  événement  au  commencement  de  fon  quatrième  Livre ,  dit 

2^^*  qu'il  fut  un  de  ceux  que  le  Roi  Charles  choifit. 


CHAPITRE     XXX  L 

Des  Conciles  de  Bourges  ,    de  Conjlantinople  ,    de 

Coulaine ,  de  Lauriac ,  de  Toulouje ,  de  Thioiiville , 

de  Verneuil,  deBeauyais ,  de  Meaux  ,  de  Paris, 

Concile  de  I-  T7  B  B  o  N  rétabli  fur  le  Siège  Epifcopal  de  Reims  par  les 

Bourges    en       JjjEvêques  affcmblés  à  Ingelheim  en  840  ,  fut  obligé  de  le 

Con'r'"*^'  quitter  pour  toujours  par  ordre  du  Roi  Charles  le  Chauve  >  en 

1874.  *  841.  L'année  fuivante  il  fe  tint  à  ce  fujet  un  Concile  à  Bourges  , 

où  il  fut  prouvé  qu'Ebbon  avoit  été  dépofé  canoniquement. 

Rodolphe,  Archevêque  de  Bourges ,  préilda  à  ce  Concile. 

Concile  de      1 1-  La  même  année  842 ,  l'Impératrice  Theodora  en  afTembla* 

Conftantjno-   un  à  Conflantinoplc  dans  le  Palais ,  où  les  Evêques  dirent  ana- 

^In'û'^'  a  '  thème  aux  ennemis  des  faintes  Images ,  ôc  confirmèrent  le  fécond 

1781.*        '  Concile  de  Nicée.  Ils  dépoferent  Jean  Leconomante  fauteur 

des  Iconoclanes  ,  ôc  mirent  à  fa  place  Methodius  qui  avoit 

fouffert  de  grandes  perfccutions  fous  les  Einpereurs  Michel  & 

Théophile.  Dès-lors  les  Eglifes  reprirent  leur  ancienne  fplen- 

deur.  On  y  rétablit  les  Images  ,  ôc  on  en  chafïïi  ceux  qui  les 

avoient  ôtécs  ,  pour  donner  leurs  places  à  des  Orthodoxes. 

Concile  de      \\l.  Le  Roi  Charles  fe  trouva  dans  la  quatrième  année  de 

ViUdColonu , 


DU    NEUVIEME    SIECLE.      6i^ 

fon  Règne,  ceft  en  84^  ,  à  un  Concile  qui  fut  tenu  à  f^illa  tom.j^Condl. 
Colonia ,  près  de  la  Vilie  du  Mans  ,  félon  le  Père  Sirmond  ,  P'^^- J?»?. 
&  connu  lous  le  nom  de  Coulene,  ou ,  félon  d'autres,  à  Cou- 
laine  en  1  ouraine  ,  fur  la  Vienne.  Ce  Prince  y  publia  un  Capi- 
tulaire  ,  qui  fut  foufcrir  de  lui  ,  de  tous  les  Evéques  ,  ôc  les 
Seigneurs  préfens.  Il  contient  lix  articles  ,  précédés  d'une  pré- 
face, où  comparant  l'Eglife  à  un  vailleau  ,  tantôt  agité  de  la 
tempête  ,  tantôt  dans  le  calme  ,  il  fait  voir  qu'elle  a  befoin  du 
fecours  de  celui  qui  la  gouverne  ,  c'efl-à-dire  ,  de  Jefus-Chrift. 
Il  s'étend  dans  les  lix  articles  de  fon  Capitulaire  fur  le  culte 
&  le  refpett  que  ion  doit  à  Dieu  ;  fur  le  foin  que  l'on  doit 
prendre  des  Eglifes  •,  fur  la  vénération  due  aux  Miniflres  des 
Autels ,  ôc  la  nécellité  de  les  maintenir  dans  leurs  privilèges  , 
ou  de  leur  en  accorder  ;  i'ur  les  devoirs  des  Peuples  envers  leurs 
Rois;  ôc  des  Rois  envers  leurs  Peuples.  Il  défend  à  qui  que  ce 
foit,  ôc  fous  quelque  prétexte  que  ce  foit  ,  de  lui  rien  propofer 
contre  l'équité  ôc  la  juliice;  ôc  ordonne  à  ceux  qui  pourroient 
en  être  intln-méo  de  l'en  avertir,  pour  n'être  point  (urpris,  ou 
pour  remédier  à  ce  qu'il  auroit  pu  faire  au  contraire. 

I  V.  Au  mois  d'Odobre  de  la  même  année  on  tint  un  Concile      Concile  de 
à  Lauriac  en  Anjou  ,  dans  lequel  on  fit  quatre  Canons  ,  avec  g^'^ff,    ^'^ 
anatlieme  contre  ceux  qui  neles  obierveroient  pas.  JLe  premier  17^0. 
ell  contre  les  tranfgrefléurs  publics  de  la  i.oi  de  Dieu  ,  ôc  contre 
ceux  qui  convaincus  de  crimes  dans  les  Tribunaux  Ecclefiaf- 
tiques  refuferont  d'en  fubir  le  jugement  ;  le  fécond  ,  contre  ceux 
qui  attenteront  à  la  dignité  royale  Ôc  n'en  feront  point  une 
fatisfaction  cotivcnabie  ;letroiriéine  ,  contre  ceux  qui  refuferont 
d'obéir  à  la  puiffance  royale,  qui ,  (Aon  l'Apôtre,  efl:  établie 
de  Dieu;  le  quatrième,  contre  ceux  qui  oferont  violer  ce  que: 
le  Concile  a  établi  pour  le  maintien  de  la  tranquilité  de  l  Eglife ,, 
'de  la  vigueur  iacerdotale  ,  ôc  de  la  dignité  royale.  On  ne  dcute' 
pas  que  ces  Canons  n'ayent  été  faits  contre  Lambert,  douver- 
neur  de  Nantes  ,  qui  avoit  fait  déclarer  le  Duc  de  Bretagne 
contre  le  Roi  Charles. 

V.  Ce  Prince  éiant  à  Touloufe  au  mois  de  Juin  de  l'an  844  ,      Capituhire 
reçut  des  plaintes  des  Prêtres  du  pays  contre  leurs  Evéques.  En  g„  g^_|;'"  °"^_ 
attendant  qu'on   put  les  examiner  avec  plus  de  foin  dans  un  y^L^ndlfag,- 
Concile,  ii  v  pourvut  par  un  Capitulaire  de  neuf  articles  ,  où  il.  ^'^*' 
défend  en  premier  lieu  auxEvcques  de  traiter  mal  leurs  Prêtres  c.ip.  i. 
en  vangeance  de  ce  qu'ils  avoient  eu  recours  à  lui.  Enfuite  il  G;;>.  i. 
ordonne  que  les  Evéques  n'exigeront  point  des  Prêtres  au-delà- 


'6i6  CONCILES 

de  la  quantité  de  vin  ,  de  bled  ,  d'orge  ,  &  autres  fournitures,  qui 

Cap.  ;,  eil  fpécifiée  ;  que  les  Prêtres  ne  feront  obligés  de  les  faire  porter 
qu'à  cinq  milles  du  lieu  de  leur  demeure  ,  fans  qu'ils  puiffent 
être  moleftés  fur  ce  point  par  les  Miniftres  des  Evoques  ;  que 

Cap.  4-  ceux-ci  en  faifant  la  vifite  de  leurs  Diocèfes ,  fe  choifiront  un 
logement  où  les  ParoilTes  puiffent  s'aflembler  commodément 
pour  y  recevoir  la  Confirmation  ôc  les  inftruclions  néceffaires  ; 
que  le  Curé  du  lieu  &  quatre  autres  des  plus  voifins  ,  fourniront 
une  certaine  quantité  de  vivres  pour  la  dépenfe  de  l'Evêque  , 
avec  défenfe  à  fes  gens  d'en  exiger  une  plus  grande  que  celle  qui 

Ctp.  ^  eft  ici  marquée  ;  que  les  Evéques  ne  feront  qu'une  fois  1  an 
cette  vifite  ,  &  qu'au  cas  qu'ils  la  rciteraffent ,  ils  ne  recevront 

Cj?.  6.  qu'une  fois  cette  fourniture  ;  qu'elle  ne  leur  fera  même  délivrée 

Cap.  7.  que  quand  ils  vifiteront  en  perfonne  ;  qu'ils  ne  multiplieront 
point  les  ParoilTes  dans  la  vue  d  augmenter  leurs  revenus,  mais 
uniquement  pour  l'utilité  des  Peuples ,  ôc  qu'en  divifant  une 
Paroiffe  en  deux  ,  ils  ne  retireront  des  deux  Curés  que  ce  qu'ils 

Cap.  9-  recevoient  d'un  feul  ;  qu'ils  n'obiic^eront  les  Curés  qu'à  deux 

Synodes  par  an  ôc  dans  les  tems  réglés  par  les  Canons.  On  a 

inféré  ce  Capitulaire  dans  les  Recueils  des  Conciles. 

Concile  de       V I.  Les  trois  frères  Lothaire ,  Louis  ,  ôc  Charles ,  revenus 

9.l°^ZJl'^  de  leurs  animofités  ,  après  plufieurs  ambaffades  qu'ils  s'éioient 

Concil.   pag.  envoyées  mutuellement,  fe  rendirent  au  mois  d'Odobre  de  la 

1809,  même  année  844  à  Jeuft  près  de  Thionville  ,  où  ils  renouvel- 

lerent  leurs  anciennes  proteftations  d'amitié,  avec  promefTc de 

rétablir  l'état  de  l'Eglife  qui  avoit  beaucoup  fouffert  de  leurs 

divifions.  Ils  confentirent  qu'il  fe  tint  là-de(Tus  un  Concile, 

auquel  Drogon  ,  Evêque  de  Mets  ,  préfida  ,  6c  en  approuvèrent 

les  Canons  ou  Reglemens  qui  font  au  nombre  de  lix.  Dans  le 

Cijj,  I.  premier  on  exhorte  ces  Princes  à  conferver  entr'eux  la  paix  ôc 
la  charité,  afin  de  faire  ceffer  les  troubles  que  leur  divifion  avoit 
jettes  dans  l'Eglife  rachetée  du  Sang  de  Jefus-Chrift  ,  réunie  ôc 
rétablie  avec  tant  de  peine  par  les  Rois  leurs  prédécelfeurs. 

Cap.  z.  Qj^  leur  demande  dans  le  fécond  de  remplir  au  plutôt  les  Sièges- 
Epifcopaux  vacans  à  caufe  de  leurs  querelles ,  ou  d'y  faire 
rentrer  ceux  qui  en  avoientété  chaflcs  en  quelqu'occafion  que 
ce  fût  ;  mais  on  les  prie  en  même-tems  de  bannir  la  fimonie  , 

Cap.  3.  ÔC  de  fuivreen  tout  la  difpofition  des  Canons.  Par  le  troifiéme  , 
ils  font  priés  d'ôter  aux  Laïcs  les  Monaileres  qui  leur  ont  été 
donnés,  ôc  d'y  remettre  des  Abbés  ôc  des  Abbelfes  pour  .les 
gouverner  ;  ôc  au  cas  qu'ils  s'en  acquitteroient  mal ,  d'en  mettre' 

d'autres 


I 


DU    NEUVIEME    SIECLE.     6x1 

-d'autres  à  leur  place.  Les  Evêques  demandent  dans  le  quatrième  ^'^P-  '^ 
la  confcrvation  des  privilèges  des  Eglifes  ,  en  s'offrant  de  four- 
nir des  fubfides  félon  leurs  facultés  dans  les  befoins  preffans  de 
l'Etat.  Ilsdifent  dans  le  cinquième  ,  que  fi  à  caufe  de  ces  befoins  d^.  ?♦ 
il  n'étoit  pas  polllble  alors  d'ôter  aux  Laïcs  les  Monafteres,  pour 
j  mettre  des  Abbés ,  ou  des  Abbelles  ,  il  foit  du  moins  permis 
^ux  Evêques  dans  les  Diocèfes  defquels  ces  Monaileres  font 
■  fitués,  d'en  prendre  foin  ,  afin  que  les  réparations  foient  faites, 
-l'Office  divin  célébré,  ôc  les  Moines  entretenus.  Leur  dernière  Cip.  6i 
demande  efl: ,  que  l'on  rende  à  l'Eglifefon  ancienne  vigueur ,  ôc 
.<|ue  l'Ordre Ecclefiaftiquepuilfe,  foutenu  delà  puiflance  royale, 
.faire  en  toutes  chofes  ce  qui  eft  nccelîliire  pour  le  falut  des  Peu- 
..pies. Les  trois  Princes  promirent  d'obferver  tous  ces  Réglemens. 

VIL    Deux  mois  après  ,  c'e(l-à-dire  ,  en  Décembre  844.,  vcrneuil*  e« 
Je  Roi  Chaiies  Ht  aflcmbler  à  Verneuil  fur  Oifè  un  Concile  des  844,  nm.i , 
Evêques  de  fon  Royaume,  où  Ebroin  ,  Evêque  de  Poitiers.,  Co^ci/.    pa^. 
préfida  comme  Archi-Chapelain  du  Palais  ,  quoique  Venilon., 
Archevêque  de  Sens,  fut  préfcnt.  Les  Evêques  qui  regardoient 
.la  convocation  de  ce  Concile  comme  une  frrace  de  la  part  de  ce 
.Prince  ,  lui  en  témoignèrent  leur  reconnoiflance.  Ils  s'appli- 
:querent  au  rétabliffement  de  la  difcipline  de  l'Eglife  6c  tirent  à 
cefujct  douze  Canons,  qui  portent,  que  plufieurs  Monaftcres  ^'"''  î- 
s'étant  relâchés  de  l'Obfervance,  par  la  nèccffité  des  vivres  ôc 
.des  vêtemens,  quelques  autres  par  négligence,  il  fera  envoyé  pat 
.l'autorité  du  Roi ,   ôc  avec  l'agrément  del'Evêque  Diocèfain  ,, 
.des  perfonnes  capables  pour  faire  la  vifite  de  ces  lieux,  ôc  en 
rendre  compte,  tant  au  Roi,  qu'à  l'Evêque  ;  que  les  Moines  Ciî".  4. 
vagabonds  ièront  contraints  de  retourner  à  leurs  Monafteres  ; 
que  s'ils  ont  quitté  leur  habit  ,  ou  ont  été  chaiïés  pour  leurs 
.fautes  ,  ôc  ne  veulent  pas  accomplir  ce  qu'ils  ont  promis  à  Dieu  , 
on  les  enfermera,  ôc  on  les  féparera  de  la  fociété  des  hommes 
jufqu'à  ce  qu'ils  fe  foient  corrigés  ;  qnae  ceux  qui  auront  époufé  Qn.5« 
des  Religieufes  feront  excommuniés,  mis  en  pénitence  publi- 
que, ôc  ne  recevront  le  Viatique  qu'à  la  mort,  fi  toutefois  ils 
.fe  font  repentis  de  leur  faute;  que  les  raviffeurs,  parce  qu'ils  Cm. 6. 
■  méprifent  l'excommunication  Eccléfiaftique,  feront  téprimés 
par  la  féverité  des  Loix  civiles  ;  que  les  Religieufes  ,  qui  fous  un  ^^ 
îàux  prétexte  de  piété,  prennent  un  habit  d'homme  ,  ôc  fe  cou- 
.pent  les  cheveux,  ne  feront  qu'admoneftées,  parce  qu'elles  le  , 
-font  plutôt  par  ignorance,  que  par  mauvais  delTein  ;   au  lieu 
.qu'elles  devroient  être  féparées  du  Corps  de  l'Eglife,  fi  ellas 
Tomt  XXI J.  liii 


«i8  C    O     N    C    I    T.    E    S 

agifToient  en"  cela  par  malice.  Les  Evcques  informés  que  qûeî- 
ques-uns  de  leurs  Ceafrerc:;  s'e>:cufoient  du  fervice  de  guerre 
fur  la  foibleirc  de  leurs  corps,  que  d'autres  en  avoient  été  dif- 
Can.   S,  penfés  par  le  Roi ,  prient  ce  Prince  de  trouver  bon  qu'ils  don- 
nent la  conduite  de  leuts  honimes  à  quelqu'un  de  fes  ValTaujc. 
Ebroin  ,  Préfident  du  Concile,  6:  Loup ,  Abbé  de  Ferrieres  , 
qui  en  compofa  les  Canons,  s'étoient  trouvés  en  perfonne  la 
même  année  à  la  bataille  donnée  près  d'Ângoulême  ,  Loup  yftît 
Car...  y,  fait;  prifounier.  Ils  prient  aulïi  ce  Princ?  de  pourvoir  à  la  vacance  ' 
de  l'Eglife  de  Reims  deftituce  de  Pafîeur  depuis  longtems,  6c 
On,  ic.  dépouillée  depuis  peu  de  fes  biens  ;  &  d'approuver  l'ordination 
d'Agius,  Evoque  d'Orléans ,  &  auparavant  Prêtre  de  fon  Palais  : 
difant,  que  certe  ordination  avoit  été  faite  par  Venilon  ,  Arche- 
vêquedeSens,  du  confentement defesSuffragans,  furletémoi- 
Gm.  II.  gnage  du  Clergé,  &  à  la  demandedu  Peuple.  Ils  renvoyèrent  à 
un  Concile  plus  nombreux  l'examen  de  î'alïaii'e  de  Drogon  , 
Evêque  de  Metz ,  ôc  Archichapelain  de  l'Empereur  Lothaire, 
qui  vouloit,  en  vertu  des  Lettres  qu'il  avoit  obtenues  du  Pape 
-Sergius  ,  fe  faire  reconnoître  pour  Vicaire  Apoftolique  dans  le 
Royaume  de  Charles.  Ils  ftnifient  par  une  très-humble  remon- 
trance au  Roi  pour  empêcher  les  rapines  ,  &  quantité  d'autres 
crimes  qui  attiroient  la  colère  de  Dieu' fur  les  Peuples;  &  furtouf 
pour  ôter  des  mains  des  Séculiers  les  biens  que  les  Princes  &  les 
autres  Fidèles  avoient  offerts  à  Dieu  ,  pour  l'entretien  des  Mi-  ■ 
jiiftres  des  Autels ,  6c  autres  Serviteurs  de  Dieu ,  pour  le  foula-  • 
gement  des  Pauvres  &  des  Etrangers ,  pour  la  rédemption  des  • 
Captifs ,  ôc  le rétablilTement  des  Eglifes. 
CôiTclle  de       V  J 1 1.  Les  remontrances  du  Concile  de  Verneuil ,  ne  furent 
Beauvais    en  pQJ;^(.  inutiles.  Le  Roi  Charles  confentit  à  l'éieûion  d'un  Ar-  - 
Cnncil.    fag.  chcvêquc  de  Rcims,  &  le  choix  tomba  fur  Hincmar,  ifTu  d'une 
'*"•  'ancienne  noblelle  ,  ôc  parent  de  Bernard  ,  Comte  de  Touloufe. 

II  fut  élu  dans  le  Concile  de  Beauvais  au  mois  d'Avril  de  Tan 
S4J ,  parlesEvêques  des  deux  Provinces,  de  Reims  6c  de  Sens, 
<lu  confentement  du  Clergé  6c  du  Peuple  de  Reims ,  6c  avec 
l'agrément  du  Roi ,  de  l'Archevêque  de  Sens  6c  de  l'Abbé  de 
faint  Denis,  car  il  avoit  été  Moine  dans  ce  McnaOere.  Avant 
de  procéder  à  fon  éledion  ,  les  Evoques  du  Concile  de  Beauvais 
Tapporterent  ce  qu'ils  avoient  vîi  ÔC  oui  de  la  dépofition  d'Eb- 
bon  ,  ce  que  les  Canons  ordonnoient  en  cas  pareil  ;  &  conclu- 
rent qu'ils  ne  pouvoient'fe  difpenfer  de  remplir  un  Siège  vacant  ' 
-ëepuis  dix  ans.  Enfuite  jls  firent  huit  Reglemcns ,  que  le  Roi  ; 


D  U    N  E  U  V  I  E  M  E    s  I  E  C  L  E.      <?i^ 

•Charles  promit  d obferver  6c  d'étendre  à  toutes  les  Eglifes  de 
fon  Royaume.  Les  Evoques  s'engagèrent  de  leur  côte  à  rem- 
plir fidèlement  ce  qu'ils  promettoient  au  Roi  dans  ces  huit  arti- 
cles. Hincmar  les  a  infcics  dans  un  de  fes  Opufcules  ,  parce         Hlnmn: 
qu'ils  étoient  intéreiïims  pour  lui.  Ils  demandent  au  Roi  Char-    "  "  *  '  ^"^^ 


JM. 


les  par  le  premier ,  de  leur  conferver ,  comme  avoient  fait  fes 
prédéceffeurs  ,  toute  l'autorité  que  leur  donnent  les  Canons  ; 
par  le  fécond,  de  ne  point  permettre  que  les  Evoques  foient  des- 
honorés pour  quelque  faute  paiïce  ;  par  le  troiiîéme  ,  de  leuc 
faire  reflituer  ôc  à  leurs  Eglilés  ce  qu'on  leur  avoir  enlevé,  foit 
fous  fon  règne ,  foit  fous  les  règnes  précédens  ;  par  le  quatrième, 
de  révoquer  les  ordres  illégitimes  qu'il  pourroit  avoir  donnés, 
touchant  les  chofes  qui  appattenoient  aux  Eglifes,  ôc  de  n'en 
plus  donner  de  femblables  à  l'avenir  ;  par  le  cinquième ,  de  fup- 
primer  toutes  les  mauvaifes  coutumes  &  les  exactions  introdui- 
tes de  fon  tems  dans  les  Eglifes ,  Ôc  de  les  rétablir  dans  la  liberté 
dont  elles  jouilToient  fous  Louis  le  Débonnaire  fon  père  ;  par  le 
jQxiéme  ,  d'en  prendre  la  défenfe  contre  ceux  qui  vouloient  les 
opprimer  ;  par  le  feptiéme  ,  de  conhrmer  les  privilèges  que  fon 
père  ôc  lui  avoient  accordés  aux  Eglifes;  par  le  huitième,  que 
s'il  arrivoit  que  lui  ou  eux-mêmes  contrevinrent  par  un  effet 
delà  foiblcfie  humaine  ,  Ôc  non  par  malice, à  ces  Reglemens, 
cette  faute  fut  corrigée  dun  commun  avis.  Le  Concile  de  Aîeaux 
qui  rapporte  les  Reglemens  de  celui  de  Beauvais ,  ne  dit  rien  des 
deux  premiers  ;  mais  il  en  ajoute  quatre ,  qui  ne  fe  trouvent  point 
dans  les  huit  que  nous  venons  de  rapporter  ;  un  entre  autres  qui 
tend  à  faire  déclarer  nulles  les  aliénations  ôc  les  commutations 
des  biens  de  l'Egllfe  pendant  la  vacance  du  Siège. 

I  X.  Le  Concile  de  Meaux  fut  tenu  le  dix-feptième  de  Juin  Conciîe 

84;  ;  trois  iMétropolitains  y  aiîiderent,  Venilon  de  Sens ,  Hinc-  g^^  7c'i^.  7" 
rnar  de  Reims  ,  ôc  Rodolphe  de  Bourges.  Les  deux  premiers  Condl.  px^ 
s'ètoient  trouvés  au  Concile  de  Beauvais.  On  recueillit  dans  '^'"^ 
celui  de  Meaux  les  Canons  des  Conciles  tenus  quelque  tems 
auparavant  à  Thionville,  à  Lauriac ,  à  Coulaine  ôc  à  Beauvais; 
&  l'on  y  en  ajouta  cinquante-fix ,  ce  qui  fait  en  tout  quatre-vingt  ; 
ceux  de  Verneuil  n'entrèrent  point  dans  cette  collection ,  parce 
qu'ils  n'étoient  pas  encore  venus  à  la  connoiflance  du  Roi  ôc  du 
Peuple  :  ce  qui  paroît  furprenant ,  puifque  ce  Concile  avoit  été 
affemblé  par  le  Roi  Charles  ,  comme  on  le  voit  par  la  Lettre  ou 
Préface  dans  laquelle  les  Evoques  lui  rendent  grâce  de  les  avoir 
■affemblés.  Auffi  voulant  rendre  raifon  de  ce  que  les  Canons  de 

liii  ij 


(J20  CONCILES 

Vcrneuil  n'étoient  point  parvenus  à  la  connoiffance  de  ce  Prin- 
ce ,  ils  nen  donnent  point  d'autre ,  finon  que  cela  étoit  arrivé 
par  lesî.rtiiices  du  Démon  &  de  les  Minidres.  Ils  ne  rapportent 
point  les  articles  du  Capitulaire  de  ïouloufe  en  844.,  apparem- 
ment à  caufe  qu'ils  n'avoient  point  été  faits  dans  un  Concile. 
iNous  remarquerons  en  paffant ,  que  cette  Lettre  ou  Prt'tace  n  eft 
peint  des  Evêques  affemblés  à  Meaux ,  mais  de  ceux  du  Concile 
de  Paris  en  84.5  ou  847.  La  raifon  de  renouveller  les  Canons 
de  T'hionville,  de  Lauriac  ,  de  Coulaine  &  de  Beauvais,  qui 
étoient  demeurés  fans  exécution  ,  eft  que  l'on  ne  doit  pas  avoir 
moins  de  foin  de  donner  vigueur  aux  anciens  Canons ,  que- 
d'en  faire  de  nouveaux. 
Canons  X.  Il  arrivoit  fouvent  que  les  Rois  obligés  de  voyager ,  ou: 
âuConciitile  pour  leurs  propres  intérêts,  ou  pour  ceux  de  l'Etat ,  logeoient 
""^*  dans  les  Maifcns  Epifcopales  ,  y  faifoient  loger  des  femmes  ôc 

des  perfonnes  mariées  ,  &  y  féjournoient  long-tems;  leurs  paf- 
fages  dans  les  Villes  éroientaufïi  des  occallons  de  pillage  à  ceux- 
de  leur  fuite.  Les  Evêques  du  Concile  font  fur  cela  des  remon- 

dn.  i6.  trances  au  Roi  Charles  ,   en  lui  repréfentant  que  les  Canons' 
défendent  aux  femmes  d'entrer  dans  les  maifons  des  Clercs  ,  à 

Cm. -7  P^^s  ^onc  raifon  dans  celle  de  l'Evêque  ;  &  le  prient  d'empêcher 
à  l'avenir  le  pillage  des  Villes  qui  feront  fur  la  route  ,  de  leur 
laiffer  à  eux  le  loiiir  ôc  la  liberté  de  faire  les  fonctions  de  leur 
miniftere  ,  furtout  en  Avent  &  en  Carême  ;  de  corriger  ceux  qui 
négligent  de  taire  h  vifite  de  leurs  Diocèfes  ;  de  miintenir  la  fu- 
bordniation  des  Evêques  envers  leurs  Métropolitains  ;  de  leur' 
permettre  de  tenir  une  ou  deux  fois  l'année  les  Conciles  Provin- 
ciaux ,  dont  aucun  Evêque  ne  puiiTe  fe  difpenfer ,  que  dans  1-e- 
cas  d  impoilibilité  évidente.  Le  Concile  dit  enfuite  que  dans  \g$ 
explications  de  l'Ecriture  fainte  ,  foit  par  écrit  ou  de  vive  voix, - 
l'on  fuivra  celles  des  faints  l'eres  les  plus  approuvés  ,  &  que  les 

Ca/r.  34.  Evêques  empêcheront  les  nouveautés  non-feulement  de  dodri- 
ne  ,  mais  même  des  termes ,  en  particulier  dans  les  Monafteres > 

Can.  3'.  &  que  chacun  d'eux  aura  près  de  lui  une  perfonne  capable  d'inf- 
truire  dans  toute  la  pureté  de  la  Foi  les  Prêtres  chargés  du  foi»' 

Can.  16.  des  Peup'es.  Il  recommande  à  ces  Prêtres,  c'eft-à-dire,  aux 
Curés,  de  ne  fortir  que  rarement  de  leurs  Eglifes  ,  afin  d'être- 
toujours  en  état  d'olfrir  les  faints  MyReres  &  de  les  difpenfer  aux 

Cnn.  37.  Peuples.  Il  défend  aux  Clercs,  fous  peine  de  dépofition  ,  de- 

Can.  38.  porter  les  armes  ;  &   aux  Evêques  de  prêter  ferment  fur  les. 

Cnn.  3>).  chofes  faintes.  L'ufage  en  étoit  commun  alors  ;  mais  il  arrivoit 


Cm. 

iS. 

Can. 

î9. 

Can. 

5^- 

C.w. 

;i. 

Can. 

35- 

V 

D  U  N  E  U  V  I  E  M  E  s  I  È  C  L  E.  cT^i 
fouvent  que  ceux  des  Fidèles  qui  avoient  prête  ces  fortes  de 
fermens ,  i'e  trouvoient  parjures;  ôc  que  dans  les  lieux  ou  les 
malades  recouvroient  la  lanté  ,  &  ceux  qui  ecoient  polledc's  du 
Démon  leur  liberté  ,  ces  parjures  qui  paroilloient  lains  au-de- 
hors ,  fe  trouvoient  tout-à-coup  faifis  de  ce  malin  efprit. 

XI.  Il  ell:  ordonné  de  faire  trois  remontrances  au  Roi;  la  Can./ic 
pi-emiere  ,  au  (ujet  des  Hôpitaux   qui  étoient  réduits  à  rien, 
principalement  de  ceux  que  quelques  H ibernois  avoient  fondés 
en  France  pour  les  perlbnnes  de  leur  Nation  ;  non-feulement  on 
n'y  recevoir  point  les  furvenants,  on  en  chaffoir  encore  ceux 
qui  y  avoient  fervi  Dieu  dès  l'enfance ,  &  on  les  réduifoit  à  men- 
dier de  porte  en  porte; la  féconde,  pour  l'engager  à  rétablir  les  O/î. 4r, 
Monafteres,  qui  depuis  qu'ils  avoient  été  donnés  en  propriété 
à  des  Particuliers,  étoient  totalement  déchus  de  l'oblervance  ; 
la  troifiéme  ,  pour  obtenir  de  lui  qu'il  envoyât  des  CommilTaires  Cm.  41, 
partout  le  Royaume  pour  faire  un  état  de  tous  les  biens  Ecclé- 
îiaftiques  que  lui  ou  fun  pcre  avoient  donnes  en  propriété,  ou 
par  ignorance  ou  par  fubreption.LeConcile condamna  la  fimonie  Cm.  4j, 
dans  toutes  fesefpeces;  détendit  aux  co-Evêquesde  faire  aucunes  Qz;;.  44 
fonctions  épifcopales  ;  fixa  le  jour  de  la  confécration  du  faint  G:.7. 450-4^, 
Chrême,  avec  défenfe  aux  Evoques  de  rien  recevoir  de  ceux  qui 
vcnoient  en  demander.  Il  ne  défend  pas  néanmoins  aux  Prêtres 
lorfqu'ils  vont  rendre  vifite  à  leur  Evcque  ,  en  certain  tems  ,  de 
leur  offrir  volontairement  quelques  eulogies ,  pour  témoignage 
de  leurs  refpeds.  Si  un  Evoque  ne  peut,  pour  caufe  de  maladie,  c./?.  4/. 
faire  fes  fondions,  ce  fera  à  l'Archevêque  d'y  pourvoir,  du  con- 
fentement  de  cet  Evêque  ;  à  l'égard  du  fervice  de  l'Etat,  l'Evc- 
que  malade  choifira  du  eonfentement  de  l'Archevêque ,  celui 
d'entre  fes  Clercs  qu'il  en  croira  capable.  Aucun  des  Prêtres  ne  .-^ 
pourra  baptifer  finon  dans  les  Eglifes  Baptifmales ,  ôc  aux  tems 
marqués,  excepté  le  cas  de  néceffité.  Défenfe  aux  Laïcs  ,  fous  q^ 
peine  d'txcammunlcation  ,  d'occuper  les  Prêtres  de  leurs  Epji- 
fes  à  la  régie  des  fermes  de  la  Campagne,  ou  à  des  négoces  fe- 
Guliers  &  indécens.  On  n'admettra  point  les  Prêtres  &  les  Clercs  ^  ,. 
d'un  autre  Diocèfe  à  faire  les  fonâions  de  leurs  Ordres  ,  s'ils  ne 
font  munis  de  Lettres  formées  de  leurs  Evêques  ;  s'ils  en  ont, 
on  les  inftruira  de  leurs  devoirs  ,  &  on  leur  indiquera  les  lieux 
ôùily  a  des  excommuniés  ,  afin  qu'ils  ne  communiquent  poiiU 
avec  eux.  Si  quelques^Seigneurs  prefentent  des  Clercs  pour  l'or- 
dinatioii  ,  fans  Lettres  canoniques  ,  TEvcqueles  renvoyera  dans-' 
léuH  Diocèfe  pour  y  être  ordonnés.  Les  Sujets  des  dlv erfes  Pi^  C.;.';.  p., 

ï  i  i  i  iij, 


'e^  CONCILES 

xoii(Tcs  d'un  Diocèfe  qui  demandent  d'être  ordonnes  abfolumenl;,' 
ceft-à-dire,  fans  être  attachés  à  une  Eglife,  feront  rejettes;  ÔC 
ceux  qui  demanderont  d'être  ordonnés  pour  un  titre ,  ne  le  fe- 
ront qu'après  qu'ils  auront  paiïe  un  an  au  moins  dans  un  Clergé 
réglé,  ou  dans  la  Ville  Epifcopale,  afin  que  l'on  puifTe  s'affurec 
Ci/2. 55.  de  leur  doctrine  ôc  de  leurs  mœurs.  Les  Chanoines ,  foit  dans 
la  Ville ,  foit  dans  le  Monaftere  ,  obferveroat  la  vie  commune, 
fuivant  la  Conftitution  de  l'Empereur  Louis ,  faite  à  Aix  -  la- 
Chapelle. 
-Ccin.  ^6.       X I L  Les  Evêques  ne  priveront  perfonne  de  la  communioa 
Eccléfiaftique,  que  pour  un  péché  certain  &  connu  publique- 
ment ;  ôc  ne  prononceront  Tanathême  que  du  confentement  de 
l'Archevêque  ou  des  autres  Evêques  de  la  Province,  ôc  cela  après 
avoir  fait  au  coupable  les  monitions  prefcrites  par  l'Evangile.  Ils 
■Cin.  54.  (^ifpoferontjfeion  les  Canons,des  titres  cardinaux  des  Villes  ôc  des 
Cin.  57.  Fauxbourgs ,  c'eft-à-dire  des  Eglifes  de  la  Ville  Epifcopale.  Les 
Moines  qui  ne  font  point  chargés  du  gouvernement  des  Monade- 
resne  fréquenteront  point  le  Palais  fansperraiOlon  ;  que  fi  on  les 
croit  utiles  à  l'Eglife  ou  au  Prince ,  ils  les  pourront  fervir  avec 
l'autorité  de  lEvêque  ;  maisjes  Evêques  ou  les  Abbés  ne  les  em- 
ployèrent ni  à  faire  leurs  meffages ,  ni  à  gouverner  leurs  métai- 
-Cm.  5 S.  ries  fous  prétexte  d'obéilTance.  Le  Roi  ne  pourra  non  plus  rece- 
voir à  fon  fervice  un  Chanoine  fans  le  confentement  de  fon  Evê- 
oue.  C'étoit  encore  l'ufage  de  chaiTer  les  Moines  incorrigibles; 
■Cin.  59.  le  Concile  ordonne  donc  que  cela  ne  fe  pourra  faire  fans  la  par- 
ticipation del'Evêque  ou  de  fon  Vicaire  ,  qui  réglera  la  manière 
de  vie  du  Moine  cxpulfé  ,  afin  qu'il  ne  fe  perde  pas  entièrement. 
.■€an.  co.  On  foumet  à  la  pénitence  canonique  ceux  qui  brifent  les  portes 
des  Monaderes ,  des  Eglifes  ôc  des  autres  lieux  faints ,  ôc  qui  en 
emportent  ou  les  dépots  ,  ou  toute  autre  chofe  ;  ou  qui  deshono- 
Cin.6i.   î^ent  les  Prêtres  ôc  autres  Clercs,  ou  les  maltraitent.  La  peine  d'ex- 
commun  icationellordonnée  contre  ceux  qui  s'emparent  des  biens 
_  de  rEglife,jufqu'à  ce  qu'ils  les  reflitucnt  ;  ôc  contre  ceux  qui  rcfu- 

fent  de  payer  à  rEglife,à  caufe  des  héritages  qu'ils  tiennent  d'elle, 
les  noves  ôc  les  dixmcs  ,  pour  fournir  aux  réparations  des  bâti- 
mens  ôc  entretien  des  Clercs.  La  dixme  étoit  due  félon  le  droit 
commun  ;6c  la  nove,  ou  neuvième  partie  des  fruits,  comme 
rente  feigncuriale  ou  redevance ,  pour  les  terres  que  l'Eglife 
■Can.fi.  avoir  cédées  à  quelqu'un.  Selon  les  Canons  ôc  la  Conftitution 
de  l'Empereur  Louis,  perfonne  ne  pourra  contraindre  les  Prê- 
tres de  payer  quelque  cens  pour  les  dixmes  ôc  oblacions  4ea 


DU    NEUVIEME    SIECLE,     ^^ij 
"$"1(36165  5  ni  pour  ce  qui  aura  été  donné  à  l'Eglife  pour  le  lieu 
de  la  fc'pulture.  Les  raviffeursj  les  adultères,  ôc  les  corrupteurs  de    Can.6ji,Cf^ 
Religieufes  feront  punis  fuivant  la  rigueur  des  Canons.  A  1  égard  ^'^»  ^7,  *«, 
de  celles  qui  fous  le  voile  de  la  Religion  ,  affectent  de  paroîtrc  '^' 
vivre  en  Religieufes,quoiqu'elles  vivent  dans  les  délices  &  dans 
la  débauche,r£venue  aidé,  s'il  elt  befoin,  d-'  la  puiifance  royale ,  q^_  ^^^ 
les  obligera  de  vivre  en  certains  lieux  où  elles  ayent  des  per- 
fonnes  de  piété  témoins  de  leur  conduite  ;  que  s'il  n'a  point  de 
preuves  évidentes  de  leurs  mauvaifes  mœurs ,  mais  feulement 
des  foupçons ,  il  les  contraindra  de  fe  juftilier  félon  les  Loix , 
&  les  avertira  de  vivre  plus  religieufement  à  ravenir. 

XIII.  Le  Roi  donnera  des  Lettres  munies  de  fon  fceau  à  Çci.rT.- 
chaque  Evêque,  en  vertu  defquelles  les  Officiers  publics  feront 
obligés  de  lui  prêter  fecours  pour  l'exercice  de  fon  miniflere 
lorfqu'il  en  fera  befoin.  On  ne  fera  enterrer  perfonne  dans  les  Can.  n. 
Eglifes  ,  comme  par  droit  héréditaire  ;  niais  ceux-là  feulement 
que  l'Evêque  ou   le  Prêtre  en  jugeront  dignes  par  la  fainteté 
de  leur  vie; on  ne  fouillera  point  dans  le  tombeau  pour  en  tirer 
les  offemens  des  morts  ;  ôc  on  n'exigera  rien  pour  le  lieu  de  la 
fépulture  ;  mais  fi  les  parens  ou  les  héritiers  offrent  quelque  cîiofe 
en  aumône  ,  on  pourra  la  recevoir,  fans  toutefois  la  demander. 
Les  Loix  des  Pri:îces  Chrétiens  ,  contre  les  Juifs  ,  feront  cbfèr-  c.,n,  7j. 
vces,  nommément  celles  de  Conflantin  ,   de  Theodofe  ,  de 
Childebert.  Ces  Loix  font  rapportées  à  la  fuite  de  ce  Canon  , 
avec  plufieurs  Décrets  des  Pères  ôc  des  Conciles  fur  le  même 
■fujet.  Le  Concile  exhorte  les  perfonnes  puiffantes,  principale-  Cw;. -■). 
ment  les  Dames ,  à  empêcher  dans  leurs  maifons  le  concubinage 
&  la  débauche;  &  à  autorifer  leurs  Chapelains,  pour  inflruire' 
&  corriger  leurs  dnmefliques.  Il  exhorte  aufTi  le  Pvoi  à  donner  Can.jK.- 
les  Chapelles  des  Maifons  Royales  ,  non  à  des  Laïcs  ,  mais  à 
des  Prêtres  pieux  ;&  de  leur  laifTer  les  dixmes  pour  fubvenir  aux 
réparations,  aux  luminaires  ôc  aux  frais  delhofpitalité,  de  crainte' 
qu'en  laifTant  ces  dixmes  à  des  Laïcs  avec  les  Chapelles  ,    ils 
n'en  abufent  pour  la  nourriture  de  leurs  chiens.  On  le  prie  de  Cm.  76,  ■ 
tiéfcndre  aux  Comtes  Ôc  aux  autres  Juges  de    tenir  leurs  Au- 
diences depuis  le  Mercredi  des  Cendres,  commencement  du' 
Carême,  auquel  on  impofeles  mains  à  tousîes  Pénitens  ,  pour 
vaquer  le  refle  de  ce  faint  tems  aax  exercices  delà  pénitence  ôc 
aux  Offices  divins.*  Il  cfl  ordonné  ,  fous  peine  d'cxcommunica-  Can.  77. 
tien,  de  fêter  l'Oftave  de  Pâques  entière,  ô:  de  s'alftenir  pen- 
dant ce  tems  de  toute  oeuvre  fervile_,  foit  à  la  Campagne  j  loiei 


62^  CONCILES 

Cm.  78.  dans  les  Villes  ;  dobferver  tous  les  Capitulaires  Eccldfîaûîques 
Çun.  7p.  (ie  Charlemagne  ôc  de  Louis  le  Débonnaire  ;  &  tous  les  Règle- 
mens  du  prélent  Concile ,  fous  peine  de  dépofition  pour  les 
Clercs ,  ôc  de  bannilîement  pour  les  Laïcs.    Les  Evêques  ne 
parlent  ainfi ,  que  dans  la  fuppofition  que  le  Roi  les  confirme- 
Cii. 8c.  roit.  C'elt  auifi  ce  qu'ils  le  prient  de  faire,  en  lui  repréfentant 
qu'ils  n'avoient  fait  ces  Canons  qu'à  fa  prière.  Mais  les  princi- 
Pig.iS'i?-  paux  Seigneurs  voyant  qu'en  les  recevant,  ils  feroient  obligés 
de  quitter  les  Abbayes  ôc  autres  biens  de  lEglife  dont  ils  jouif- 
foient ,  firent  tant  auprès  de  ce  Prince ,  qu'il  refufa  de  confir- 
mer les  Canons  qui  les  regardoient ,  &  qu'il  n'approuva  que 
ceux  qui  ne  les  intéreffoient  point. 
Concile  de       XIV.  Lcs  Evcques  du  Concile  de  Meaux  ,  de  retour  dans 
tom\^ConcU.  leurs  Dioccfcs  ,  tinrent  des  Conciles  Provinciaux  ,  oi:i  ils  firent 
.p2g.  1848, &  divers  Reglemens  ,  que  le  Roi  Charles  fe  fit  préfenter  étant  à 
Bjluf.wm.i,  £pei-nai  en  847.  Lothaire  mécontent  de  ce  qu'un  Seigneur, 
^a^jtui   .j-i,.  j^Qi^^^j^  (j|f^[ljg^f  ^  ^yolf  g.-)ley^  2^  Q'poufé  faillie  Eraiingonde, 
entreprit  de  s'en  venger  fur  le  Roi  Charles  ,  dont  ce  Seigneur 
étoit  Vaflal.  Il  exigea  (^)  à  cet  effet  des  Lettres  du  Pape  Ser- 
gius  pour  examiner  de  nouveau  la  dépofition  d'Ebbon.  Il  y  en 
avoit  une  addrelTée  au  Roi  Charles,   portant  ordre  d'envoyer 
Gondebaud  ,  Archevêque  de  Rouen  ,  avec   quelques    autres 
Evcques  de  Ion  Royaume,  6c  Hincmar,  à  Trêves,  où  fes  Légats 
dévoient  fe  trouver.  Le  Pape. écrivit  fur  le  même  fujet  à  Gon- 
debaud &  à  Hincmar.  Mais  Charles  prévoyant  que  (es  Evêques 
ne  feroient  point  en  liberté  à  Trêves ,  qui  étgit  de  la  dépendance 
àe  Lothaire,  refufa  d'obéir  ;  ôc  Gondebaud  indiqua  le  lieu  de 
l'affemblée  à  Paris  ,  où  il  manda  à  Ebbon  &  aux  Légats  du  Pape 
de  fe  rendre.  Il  s'y  rendit  lui-même  avec  fes  Suftragans  &  la  plu- 
part des  Evoques  qui  avoient  ailiflé  au  Concile  de  Meaux.  Eb- 
bon  n'y  comparut  ni  en  perfonne  ,  ni  par  député  :  il  n'y  envoya 
pas  même  de  Lettres.  Gondebaud  ,  de  l'avis  &  au  nom  du  Coiv 
cile  ,  lui  dénonça  par  écrit  qu'on  lui  interdifoit  toute  prétentioa 
fur  le  Diocèfede  Reims,  avec  défenfc  d'inquiéter  perfonne  pour 
,ce  fujet ,  jufqu'à  ce  qu'il  fe  préfentât  devant  eux  félon  l'ordre  du 
Pape,  &  qu'il  fût  jugé  canoniquement.  Ebbon  n'ayant  pas  ré- 
. pondu ,  le  Concile  ne  prononça  point  fur  cette  afîàire.  Il  fe  tint 
le  quatorzième  de  Février  de  l'an  84^,  indi£tion  dixième,  ce 


r  ,1  )  ihdoM-d.  lib.  3 ,  Hijl  cip.  i  ;  J^c  tom,  8  ,  Concil.  pag.  }S  ,}9, 

qui 


DU    NEUVIEME    SIECLE.      62^ 

qui  revient  (a  ) ,  félon  notre  'manière  de  compter ,  à  l'an  84.7 , 
parce  qu'alors  on  commençoit  l'année  à  Pâques.  Les  Evêques 
n'y  firent  point  de  nouveaux  Canons  ;  mais  dans  une  Lettre 
qu'ils  addreiïerent  au  Roi  Charles ,  ôc  qui  (6)  fert  de  Préface 
aux  Reglemens  du  Concile  de  Meaux ,  ils  renouvellent  leurs 
inftances  pour  la  réformation  de  l'Etat  ôc  de  l'Eglife ,  attribuant 
les  calamités  publiques,  en  particulier  les  incurfions  des  Nor- 
mands, au  mépris  de  leurs  avertiffemens.  Ils  confirmèrent,  à 
la  requête  de  Pafchafe  ,  Abbé  de  Corbie ,  les  Lettres  accordées 
à  ce  Monaftere  pour  la  liberté  des  éledions  ôc  la  difpofition  de 
fes  biens ,  en  confidération  de  ce  qu'on  y  avoit  confervé  une 
exatle  régularité  depuis  fa  fondation.  Trois  Métropolitains 
foufcrivirent  à  l'Afte  de  confirmation;  Hincmar,  de  Reims; 
kVenilon,  de  Sens;  ôc  Gondebaud,  de  Rouen,  avec  dix-fept 
autres  Evêques. 

X  V.  Cependant  les  Seigneurs  qui  ne  s'accommodoient  pas  Parlement 
du  zèle  des  Evêques,  prefibient  le  Roi  Charles  de  convoquer  gi/^oug/?" 
une  afiemblée  générale  où  ils  puffent  fournir  leurs  moyens  d'op- 
pofition  à  la  réception  des  Reglemens  faits  à  Meaux.  Elle  fut 
indiquée  à  Epernai  fur  la  Marne,  pour  le  mois  de  Juin  de  la 
même  année  84.5  ou  84-7.  Les  Evêques  s'y  rendirent  en  grand 
nombre  ,  de  même  que  les  Seigneurs.  Ceux-ci ,  qui  la  plupart  ^"ndlBer- 
tenoient  en  bénéfices  des  Egaies  mêmes ,  a  la  charge  de  quelque  846. 
redevance  réglée  par  le  Roi ,  repréfenterent  que  toutes  leurs 
terres  ayant  été  ruinées  par  les  guerres  civiles  ,  ils  fe  trouvoient 
d'autant  moins  en  état  de  faire  le  fervice  ,  que  le  Roi  étoit  lui- 
même  dans  l'impuifTance  de  fournir  à  leurs  befoins  ;  qu'ils  expo- 
foient  à  tous  momens  leur  vie  pour  l'utilité  de  l'Etat  ôc  de  l'E- 
glife ;  qu'ils  ne  trouvoient  pas  à  redire  que  les  Evêques  fiffent 
des  Reglemens  pour  la  réformation  des  mœurs  ,  mais  qu'il  n'é- 
toit  pas  raifonnable  que,  fous  ce  prétexte,  ils  fe  rendiffent  feuls 
les  arbitres  de  l'Etat  :  Qu'en  compofant  le  corps  le  plus  illuftre 
ôc  le  plus  utile,  ils  étoient  en  droit  d'examiner  les  Statuts  des 
Evêques  qui  concernoient  la  police  ôcle  gouvernement,  n'étant 
pas  obligés  de  fe  foumettre  aveuglement  à  leurs  décifions  fur 
cet  article.  Ils  demandèrent  donc  au  Roi  permiffion  d'examiner 
.certains  points  fur  lefquels  le  Concile  de  Meaux  avoit  ftatué  ; 


(a)  Labbe,  No:,  tom.  8.  Concil,  pag.  |       (i)  Tom.  7  ,Condl.pag.  1Î16. 

Tome  XXII,  KJckk 


626  CONCILES 

&  afin  qu'ils  le  puffent  avec  liberté,  de  faire  fortir  les  EvêqueS 
du  lieu  de  l'alTemblée.  Quoique  cette  demande  fût  extrêmement 
offençante  pour  les  Evêques ,  qui  depuis  long-tems  fe  trouvoient 
dans  les  affemblc'esavec  les  Seigneurs ,  Charles  l'accorda.  Alors 
les  Seigneurs  délibérèrent  entr  eux  fur  les  Canons,  du  Concile  de' 
Meaux.  Ils  en  choifirent  dix-neuf  qui  n'avoient  aucun  rapport  à 
leurs  prétentions ,  ôcles  donnèrent  par  écrit  aux  Evêques,  di- 
fant  ,  que  ni  le  Prince  ni  eux  n'en  vouloient  point  obferver 
davantage.  Ils  font  tirés  des  i,  5,  15',  20, 21,  22,  23,2<f, 
28  ,  57  j  40  j  4?  ^  47  j  n  )  ?<^  ^  J7  j  <52  ,  6j  ,  6S  èa  -72  arti- 
Tom.  1 ,  Gi-  clés  de  ce  Concile ,  &  rapportés  au  long  dans  le  fécond  tome  deS' 
fiiul.pag.io.  Q^piml^ij^Qs,  Le  Père  Labbe  n'en  a  donné  que  les  titres^ 

CHAPITRE     XXXI  L 

Des  Conciles  de  Mayence  ,  de  Bretagne,  de  Quiercy  ^ 
de  Pans,  &  de  Favie, 

Concile  (le  j^  T  T*  E  R  S  le  commencement  d'Octobre  de  l'an  84.7,  Rha- 
n^iTmn.  s"  V  ^'^^^  ^^^  venoit  de  fuccéder  à  Otgaire  dans  rÀrchevê-*- 
Conàl.  pag.  elle  de  Mayence ,  affembla  un  Concile  par  ordre  de  Louis ,  Roi 
*^*  de  Bavière,,  pour  travailler  à  la  réformation  de  la  difcipline  de 

l'Eglife  ,  &  trouver  des  moyens  pour  empêcher  les  ufurpations 
des  biens  Eccléfiaftiques.  Il  s'y  trouva  douze  Evêques  Suffra- 
gans  de  Mayence  ,  des  co-Evêques  ,  des  Abbés ,  des  Prêtres  jf 
avec  les  autres  Ordres  du  Clergé.  Pour  attirer  la  grâce  de  Dieu 
fur  eux,  ils  jeûnèrent  trois  jours,faifant  des  proceliions  ;  6c  après 
être  convenus  qu'en  chaque  Dioccfe  on  diroit  pour  le  Roi,  la 
Reine  ôc  leurs  enfans  trois  mille  cinq  censMefîes  ôc  dix-fept  cens 
Pfeautiers,  ils  s'affemblerent  dans  le  Monaflere  de  S.  Alban ,  lieu- 
ordinaire  des  Conciles.  La  diverfité  des  matières  qu'ils  avoienc 
à  traiter,  les  engagea  à  fe  divifer  en  deux  troupes  ;  l'une,  des 
Evêques,  appliqués  avec  leurs  Secrétaires  à  lire  l'Ecriture  fainte, 
les  Canons  &  les  Ecrits  des  Pcres  \  l'autre ,  des  Abbés  avec  des 
Moines  choifis,  qui  lifoient  la  Règle  de  faint  Benoît,  &  exa- 
minoient  avec  foin  de  quelle  manière  on  pourroit  en  rétablic 
i'obfervance.  Ces  conférences  produilirent  trente-un  Canons,, 
doiit  voici  la  fubftance,. 


DU    NEUVIEME    SIECLE.      62-7 
1 1.  Chaque  Evcque  aura  un  recueil  d'Homelics  pour  inftruite  ^"f^j! 

les  Peuples  lur  les  articles  edentiels  de  la  Foi  Catholique ,  fur  la  Àl'nycnce. 
récompenfe  éternelle  des  bons,  fur  la  condamnation  éternelle  Cm.-l, 
des  mcchans  ,  fur  la  réfurredion  future  ,  fur  le  Jugement  der- 
nier, fur  les  œuvres  par  lefquelles  on  peut  mériter  la  félicité  , 
&  celles  qui  en  excluent;  &  les  fera  traduire  en  langue  Romaine 
ruftique  ôc  en  ïudefque,  afin  que  tous  puiflent  les  entendre. 
Le  fcrutin  fe  fera  avant  le  Baptême  ,  6c  on  fuivra  dans  tous  les  Cm.  j. 
Diocèfes  l'Ordre  Romain  pour  l'adminiflration  de  ce  Sacre- 
ment, qui  ne  fera  conféré  qu'à  Pâques  6c  à  la  Pentecofte,  hors 
le  cas  de  nécefiité.  Ceux  qui  feront  des  conjurations  contre  le  Cm.  f. 
Roi  ou  contre  les  Puiflances  Eccléfiaftiqiies  ou  Séculières  ,  fe- 
ront féparés  de  la  communion  6c  delà  fociété  des  Catholiques , 
s'ils  ne  font  pénitence  de  leur  rébellion.  Il  en  fera  de  même  des 
ufurpateurs  des  biens  Eccléfiadiques  ;on  employera  contre  eux    ■''^' 
laprotedion  du  Roi,  comme  défenfeur  des  biens  de  l'Eglife.  Les 
Evêques  auront  le  pouvoir  de  gouverner  6c  de  difpenfer  ces  biens  C.v\.  7. 
fuivant  les  Canons ,  6c  lorfqu'ils  auront  befoin  pour  les  fondions 
de  leur  miniftere,  de  celui  des  Laïcs,  ceux-ci  leur  obéiront.  Les 
Clercs  qui  lors  de  leur  ordination  ne  polTédoient  rien  ,  6c  qui  *""'* 
pendant  leur  Fpifcopat,ou  depuis  qu'ils  font  dansle  Clergé,  ont 
acheté  des  terres  ou  autres  fonds  en  leur  nom  ,  les  laifieront  à 
l'Eglife  ;  mais  ils  pourront  difpofer  des  biens  qui  leur  auront  été 
donnés  ou  qu'ils  auront  eus  par  fucceffion  de  leurs  parens.  La  q^,.  ,o. 
<Vixme  ayant  été  ordonnée  de  Dieu ,  fe  payera  exactement  ; 
l'Evêque  en  fera  ,  comme  desoblations  des  Fidèles  6c  des  reve- 
nus de  l'Eglife  ,  quatre  parts  ;  une  pour  lui ,  une  pour  les  Clercs , 
la  troifiéme  pour  les  Pauvres ,  la  quatrième  pour  la  Fabrique 
de  l'Eglife.  On  ne  dépouillera  pas  les  anciennes  Eglifes  de  leurs  Cm,  ir. 
terres  ôc  de  leurs  dixmes  pour  les  donner  à  de  nouveaux  Oratoi- 
res ,  fans  le  confentement  de  l'Evêque  6c  de  fon  Concile.  Dé- 
fenfe,  fous  peine  de  dépofition  ,  à  un  Prêtre  d'acheter  une  Egii-  ^"'''  '*• 
fe  ,  ou  de  donner  de  l'argent  pour  en  chaffer  le  Prêtre  qui  la 
■poflede  légitimement,  pour  fe  l'approprier  ;  ôc  aux  Clercs  6c 
aux  Laïcs  de  donner  uneEglife  à  un  Prêtre,  fans  lapermi.iion 
Ôc  l'agrément  de  l'Evêque.  C'eft  à  lui  à  veiller  fjr  la  vie  des  Cm.  13. 
Chanoines  6c  des  Moines  ,  afin  que,  chacun  d'eux  vivant  félon 
leur  Règle  ,  ils  ne  fe  mêlent  en  aucune  manière  des  affaires  fé- 
culieres ,  6c  n'exercent  aucun  négoce.  Le  Concile  fpécifie  les 
négoces  qui  leur  font  défendus ,  entr'autres  de  plaider  dans  les 
plaids ,  fi  ce  n'eft  pour  la  défenfe  des  veuves  &  des  orphelins. 

K  k  k  k  ij 


^28  CONCILES 

Cm.  14.  Les  iMoines  n'auront  rien  en  propre,  6c  ne  fe  chargeront  point" cfe 

l'adminiftration  des  Paroiffes  qu'avec  le  confentement  de  l'Evê- 

que;  en  ce  cas  ils  rendront  compte  de  leurs  Eglifes  à  i'Evêque 

Cm.  I^  ou  à  fon  Vicaire,  &  fe  trouveront  au  Synode.  11  efl  défendu  aux 

Clercs  de  lâcher  leurs  cheveux. 
0,-7.16       jj  j_  Les  Abbeffes  dont  les  Monafleres  fontfitue's  dans  les 
Villes ,  n'en  fortiront  point  fans  la  permiiTion  de  TEvêque  ;  elles 
pourvoiront  tant  aux  befoins  de  leurs  Religieufes,  qu'aux  entre- 
tiens des  bâtimens.  A  l'égard  des  Religieufes ,  elles  s'occupe- 
ront de  la  ledture  ,  du  chant  des  Pfeaumes,  de  la  prière  ,  de  la 
récitation  des  heures  canoniques  ôc  de  tous  les  exercices  mar- 
Ctn.rr,  18.  qués  dans  leur  Règle.  Pour  empêcher  que  les  riches  n'oppri- 
ment les  pauvres,  on  prie  le  Roi  d'en  prendre  la  défenfe  ;  ôc  ou 
défend  à  toutes  fortes  de  perfonnes  d'acheter  rien  d'eux,  finon 
dans  les  Plaids  publics  ôc  en  préfence  de  témoins  de  probité.  Il 
Can.  10.  étoit  tourné  en  ufage  de  condamner  les  parricides  à  vivre  errans 
parmi  le  monde,  d'où  il  arrivoit  qu'ils  fe  livroient  à  des  excès 
de  bouche  ôc  à  d'autres  défordres  ;  on  ordonne  qu'ils  demeure- 
ront  en  un  lieu  pour  faire  unefevere  pénitence,  ôc  qu'ils  ne 
Cw  -j  "    pourront  plus  porter  les  armes  ni  fe  remarier.  Les  pénitences 
13^14.  '     '  que  le  Concile  impofe  aux  fornicateurs,  aux  homicides  volon- 
taires ou  involontaires  ôc  à  d'autres  crimes  ,  font  tirées  de  ceux 
d'Elvire,  d'Ancyre,  d'Agde  ôc  de  quelques  anciens  Canons.  Il 
Can.z').  (îéclare  excommuniés  ceux  qui  avoient  tué  des  Prêtres,  qui 
étant  dégradés   alloient    par  pénitence  en  divers  pèlerinages;. 
Qm.  i6.  Les  Prêtres  qui  alFifleront  les  malades  à  l'article  de  la  mort,  les- 
feront  confeiïér  ;  mais  fans  leur  impofer  de  pénitence,;  ils  leur' 
feront  connoître  celle  qu'ils  devroient  faire  :  leurs  amis  yfup- 
pléront  par  leurs  prières  ôc  par  leurs  aumônes.  Si  les  malades 
guériffent,  ils  accompliront  la  péniter.ce  qui  leur  aura  été  im- 
pofée  par  le  Confefleur.  On  donnera  aux  malades  l'Ondion  faintc 
Cc.n.n.  ÔC  le  'Viatique.  Ceux  qui  feront  condamnés  à  mort  pour  leurs 
crimes,   pourront  recevoir  la  communion  s'ils  font  vraiment 
pénitens,  ôc  s'ils  ontconfefle  leurs  péchés  à  Dieu  ;  ils  ne  feront 
privés  ni  de  la  fépulture  ni  des  prières  de  l'Eglife  après  leur 
Cfl-.,i8.  niort,  ni  de  l'oblation  du  faint  Sacrifice.  Les  inceilueux  incor:- 
rigibles  feront  chaiïés  de  l'Eglife  jufqu'à  ce  qu'ils  falTent  pénir 
tance  ;  s'ils  perféverent  dans  leurs  défordres ,  après  les  monitioiis 
des  Prêtres, on  employera  la  force  de  la  Puiiîance  féculicre  poiu: 
C(U!.i?$>50.  les  réprimer.  Il  y  a  deux  Canons  contre  les  mariages  contradds 
dans  les  dégrés  de  parenté  prohibés  ;  le  dernier  veut  que  l'on. 


DU    NEUVIEME    SIECLE.      6o.y 
Smpofe  une  pénitence  publique  pour  les  péchés  publics ,  ôc  une 
fccrette  pour  les  péchés  commis  en  fecret;  &  qu'on  fafle  com-  Cw.  31: 
prendre  aux  Pénitens  qu'ils  doivent  non-feulement  s'abftenir  du 
mal ,  mais  encore  faire  le  bien.  Les  Evcques  envoyèrent  tous 
ces  Reglemens  à  Louis  de  Bavière ,  en  le  priant  d'employer  fun 
autorité  pour  les  faire  obferver.  Ils  y  joignirent  une  Lettre  Syno- 
dale ,  où,  entr'autres  plaintes  y  ils  en  font  une  du  peu  de  refpett 
que  l'on  avoir  pour  les  lieux  faints.  Le  Concile  condamna  une    AnnaW.TM.- 
femme  nommée  Thiote  ,  à  être  fouettée  publiquement,  pour  '''^•s.ComiL 
avoir  jette  le  trouble  dans  le  Dioccfe  de  l'Evoque  Salomon  ,  &     °" 
ailleurs  ,  en  afïurant  que  Dieu  lui  avoit  révélé  que  la  fin  du 
monde  devoit  arriver  la  même  année  ,  c'eft-à-dire ,  en  h'-^-y, 
C'étoit  de  fa  part  un  artifice  pour  gagner  de  l'argent.  En  eifer, 
plufieurs  pcrfonnes  de  l'un  ôc  de  l'autre  fexe  lui  apportoient  des 
préfens,  &  fe  recommandoient  à  fes  prières.  Interrogée  com- 
ment elle  s'en  étoit  avifée  ,  elle  répondit  qu'un  certain  Prêtre  lui 
avoit  fuggeré  ce  qu'elle  difoit. 

IV.  Les  Annailes  de  Fulde  mettent  au  mois  d'Otlobre  de  Concile  (le' 
l'année  fuivante  S48  un  autre  Concile  àMayence,  àl'occafion-  p'^^^'^fV  ^" 
delà  dodrine  de  Gothefcalc  fur  les  deux  prédeftinations  inévi-  ^^.-^nAnnaîi,- 
tables;  l'une,  des  bons  à  la  vie;  l'autre,  des  méchansàla  mort  f^'''ienf.adani- 
éternelle.  Elle  lut  condamnée  dans  ce  Concile ,  &  il  y  fut  réfolu    "^  * 

de  renvoyer  ce  Moine  à  Kincmar ,  Archevêque  de  Reims  ,  dans 
le  Diocêfe  duquel  il  avoit  reçu  l'Ordre  de  la  Prêtrifc.  Rhaban 
envoya  en  méme-tem.s  une  Lettre  fynodale  à  Hincmar,  où  il  ex- 
pofe  que  Gothefcalc  dit,quelaprédeflination  de  Dieu  efl  pour  le 
mal ,  comme  pour  le  bien  ;  ôc  qu'il  y  a  des  hommes  en  ce  monde, 
qui,  à  caufe  de  cette  prédeflination  qui  les  contraint  d'aller  à  la 
mort ,  ne  peuvent  fe  corriger  de  leur  erreur  ôc  de  leur  péché, 
comme  fi  Dieu  les  avoit  fait  incorrigibles  dès  le  commencement.- 
Hincmar  {a)  cite  cette  Lettre  dans  un  de  fes  ouvrages,  ô:  le 
Libelle  que  Gothefcalc  préfenta  à  Rhaban  dans  ce  Concile,  qu'il 
appelle  le  Libelle  de  fes  erreurs. 

V.  La  même  année  848  Nomenoy  ,    Duc  de  Bretagne,     Concile  Hê- 
prelTé  par  les  inflances  réitérées  de  faint  Convoyon ,  Abbé  de  Bretagne    en' 
Redon,  affembla  les  Evêques  de  la  Bretagne ,  ôc  avec  eux  les  ^^z.'é  Mor.'. 
plus  habiles  gens  de  la  Province ,  pour  réprimer  les  abus  qui  p-tg.  ii-r,. 
s'étoient  glilXés  dans  les  Ordinations.  La  plupart  de  ces  Evêques , 


(vo.)  Hincmar  ,,  tom..  8  ,  Concil.pag.  5  r,- 

K.k.kk  iij. 


6^0  CONCILES 

nommément  Subfanne,  Evêque  de  Vannes,  étolent  accufés  de 
n'ordonner  fans  argent  ni  Prêtres ,  ni  Diacres.  Ils  en  turent  con- 
vaincus. Mais  s  étant  élevé  de  grands  débats  dans  cette  AITem- 
blée,  on  convint  que  deux  d'entr'eux  iroient  à  Rome,  fçavoir, 
Subfanne ,  ôc  Félix  Evêque  de  Quirnper ,  &  que  Ton  s'en  rap- 
porteroit  au  jugement  du  faint  Siège.  Le  Duc  N  omenoy  engagea 
faint  Convoyon  à  y  aller  avec  eux ,  6c  le  chargea  de  préfens  con- 
fîdérables  pour  l'Eglife  de  faint  Pierre,  &  de  demander  au  Pape 
Léon  IV.  le  corps  de  quelqu'un  des  Papes  Martyrs  fes  prédé- 
celTeurs.  Léon  aifembla  un  Concile  où  il  lit  ailifter  faint  Con- 
voyon. On  y  fit  des  reproches  aux  Evêques  Bretons  de  ce  qu'ils 
avoient  reçu  des  préfens  pour  les  Ordinations.  Comme  ils  s'en 
excuferent  fur  leur  ignorance  ,  le  Pape ,  après  avoir  déclaré  qu'il 
étoit  défendu,  fous  peine  de  dépoiition,  de  rien  prendre  pour 
les  Ordinations  ,  les  renvoya  avec  des  Lettres  aux  Evêques  de 
Bretagne  ,  où  il  leur  enjoignoit  de  juger  les  iivéques  Hmonia- 
ques ,  fuivant  la  rigueur  des  Canons.  Nomenoy  mécontent  de 
ce  que  le  Pape  ne  les  avoit  pas  jugés  lui-même,  tint  une  Affem- 
blée  au  Monaftere  de  Redon  ,  où  ayant  fait  venir  Subfanne  t 
Evêque  de  Vannes  ,  Salacon,  Evêque  de  Saint-Malo,  Félix  de 
Cornouaille  ,  &  Libérât  de  Léon  ,  il  les  obligea  de  renoncer  à 
leurs  Sièges  ,  en  quittant  les  verges  6c  les  anneaux  qui  étoicnt  les 
marques  de  la  dignité  Epifcopale,  6c  lit  ordonner  quatre  autres 
Evêques  à  leur  place. 
Concile      V  1.  En  849  Hincmar  de  Reims  iit  comparoître  le  Moine 
de  Qtiiercy-  Gothefcalc   devant    l'Aiïemblée  que  le  Roi  Charles  tenoit  à 
^l^^tom.T,  Quiercy-fur-Oife.  Il  s'y  trouva  douze  Evêques,  entr'autres  , 
Conçu,    pag.  Venilon  de  Sens   ,   Hincmar  ,   Rothade  de  SoifTons  ;    deux 
îî  ;  Se  Annal.  ^Q.gv^.ques ,  Riçbold  de  Reims,  6c  Wittao  de  Cambrai  ;  Enée, 

Beniniani ,  ad  ■     ^  ,     r        -  <>   i    •        o      i  •     i-    ^  i     t>     •  •     »  t  i    ' 

tinn.  S  i9.  Notaire  du  lacrc  riuais ,  6c  depuis  Evêque  de  rr.ris  ;  trois  Abbcs, 
Pafchafc  Ratbert  de  Corbie,  Bavon  dOrbais,  6c  Hilduin  d'Hautr 
villcrs.  Gothefcalc  interrogé  fur  fa  doctrine ,  fut  jugé  hérétique 
&  incorrigible ,  ôc  en  conléquence  dépofé  de  l'Ordre  de  Prêtrife 
qu'il  avoit  reçu  du  co-Evêque  Rigbold  ,  fans  l'agrément  de 
Rothade  de  SoifTons  ,  fon  Evêque  ;  puis ,  à  caufe  de  Ion  opiniâ- 
treté ,  ôc  de  la  façon  infolente  dont  il  avoit  parlé  aux  Evêques  du 
Concile  ,  on  le  condamna  à  être  fuiligé  ,  fuivant  les  Canons  du 
Concile  d'Agde  ôc  laRegle  de  S.Benoît,  à  une  prifon  perpétuelle , 
ôc  à  jetter  lui-même  fes  écrits  au  feu.  La  Sentence  fut  exécutée 
à  la  ripueur.  Apres  avoir  été  fouetté  publiquement  en  préfence 
du  Roi  Charles  ^  ôc  après  avoir  briilé  lui-même  fes  écrits ,  il  fut 


DU  NEUVIEME  SIECLE,  «fsi 
renfermé  dans  l'Abbaye  d'Hautvillers.  On  a  mis  à  la  fuite  des 
ades  de  ce  Concile  quatre  Canons  ,  où  la  dottrine  de  la  prédefli- 
nation  ell  expliquée  ;  mais  ils  appartiennent  au  Concile  qui  fetint 
encore  à  Quiercy  en  8  5- 3. 

VIL  Les  quatre  Evéques  de  Bretagne  avertis  du  deffein  que  Concî'e  Je 
le  Duc  Nomenoy  avcit  de  les  contraindre  à  quitter  leurs  Evô-  ^'*"-/^^'*^,' 
ches ,  s  etoientauiiitot  pourvus  a  Rome  par  une  Lettre  adreiiee  pjj.58. 
au  Pape  Léon  IV.  où  ils  lui  demandoient  de  quelle  peine  on 
devoit  u(er  envers  les  Simoniaques ,  par  qui  ils  dévoient  être 
jugés  ,  &  combien  il  falloit  de  témoins  pour  les  condamner. 
Leur  but  dans  cette  confultation  étcit  de  préfenter  la  réponfc  du  Léon  IV. 
Pape  au  Duc  de  Bretagne,  pour  faire  échouer  fes  deffeins  y  mais  ^,  "  a-ucnlC 
elle  n'arriva  qu'après  leur  dépofiticn.  Ce  Duc  avoitaulîi  écrit  à 
Léon  IV.  mais  craignant  que  la  réponfe  à  fa  lettre  ne  fur  pas 
félon  fes  défirs ,  ou  plutôt  f.iché  de  ce  que  le  Pape  l'avoit  adrcUce 
aux  Evéques  de  France  pour  la  lui  envoyer ,  il  refufa  de  la  rece- 
voir. Les  Evéques  de  France  aifemblés  au  nombre  de  vingt-deux 
à  Tours  ,  ou  à  i'aris,  car  on  n'cft  pas  d'accord  fur  le  lieu ,  lui 
écrivirent  une  Lettre  pleme  de  reproches  ôc  de  menaces ,  où  ils 
luidifoient:  qu'encore  qu'il  portât  le  nom  de  Chrétien,  il  avoit 
ravagé  les  terres  des  Chrétiens,  détruit  une  partie  desEglifcs, 
de  brûlé  l'autre  ,  avec  les  Reliques  des  Saints  ;  détourné  à  fou 
ufage  le  patrimoine  des  pauvres  ;  chafie  de  leurs  Sièges  des 
Evéques  légitimes ,  &  mis  à  leurs  places  des  voleurs  &  des  mer- 
cenaires. Ils  lui  reprochoient  encore  d'avoir  méprifé  le  Vicaire 
de  faint  Pierre  à  qui  Dieu  a  donné  la  primauté  dans  tout  le 
monde,  en  refufant  non-feulement  d'obéir  à  fes  avertiffemens, 
mais  même  de  recevoir  fes  Lettres  ;  d'avoir  favorifé  la  révolte  du 
Comte  Lambert  contre  le  Roi  Charles ,  ôc  de  n'obferver  pas  les 
bornes  que  les  François  avoient  nVifcs  au  commencement  de  leur 
Empire  entr'eux  ôc  les  Bretons.  Us  le  chargeoient  d'avertir  Lam- 
bert, que  s'il  ne  rentroitau  plutôt  dans  fon  devoir  ,  ils  l'al'oienc 
excommunier,  ôc  tous  ceux  de  fon  parti  ;  ôc  le  menaçoient  lui- 
même  d'une  mort  prochaine,  s'il  ne  fe  convertilToit.  Néanmoins 
pour  lui  donner  des  marques  de  charité  qu'on  doit  aux  pécheurs , 
ils  s'ofFroient ,  au  cas  qu'il  rentrât  en  lui-même,  mît  fin  à  fes 
mauvaifes  actions ,  ôc  fe  convertît  à  Dieu,  de  lui  fervir  de  Média- 
teurs auprès  du  Roi ,  ôc  d'engager  ce  Prince  à  le  pourvoir  lui  ÔC 
ies  entans.  Mais  le  Duc  ne  tintïaucun  compte  des  menaces ,  ni 
des  promeiTes  des  Evéques.  La  Chrcniqued'Angoulême  marque  TVw.  s,  Cv*i 
qa'il  mourut  en  850  frappéde  Dieu  par  le  miniilere  d'un  Ange.  '^■'•P''ê-^'- 


€32  CONCILES 

Ainfi  il  ne  fufvêquit  qu'un  an  à  ce  Concile,  que  l'on  met  ordi- 
nairement en  849.  On  croit  que  cette  Lettre  fut  écrite  par  Loup 
de  Ferrieres,  Landran  Archevêque  de  Tours,  y  eft  nommé  le 
premier  dans  l'infcription.  C'eft  ce  qui  a  fait  croire  que  ce  Con- 
cile s'étoit  tenu  en  cette  Ville.  Et  ce  qui  le  prouve  encore,  c'efl 
que  les  affaires  traitées  dans  la  Lettre  Synodale  étoient  du  reffort 
de  la  Métropole  de  Tours  ;  mais  la  Chronique  de  Fontenelle  le 
met  à  Paris. 
Concile  de      VII I.  Il  y  en  eutunàPavie  fur  la  fin  de  l'an  8  jo,  Tindidion 

Pavieen  8îo,  qQ^torziéme  étant  commencée ,  fous  Lothaire  ôc  Louis  Au^ufte. 

pag,6i.  Angilbert,  Archevêque  de  Milan  ,  y  prelida  avec  Iheodemar, 
Patriarche  dAquilée  ,  6c  Jofeph  ,  Evoque  ôc  Archichapelain  de 
toute  l'Eglife.  Baronius  dit  qu'il  y  avoit  à  Ivrée  en  84.4.  ôc  Sjj 
un  Evêque  de  ce  nom.  Ils  firent  vingt-cinq  Canons,  qui  por- 
Cin.  I.  tent,  quel'Evêque  aura  dans  fa  chambre,  ôc  pour  les  l'ervices 
les  plus  fecrets  ,  des  Prêtres  ôc  des  Clercs  de  bonne  réputation  , 
qui  le  voyent  continuellement  veiller,  prier,  étudier  l'Ecriture 
fainte,  ôc  qui  foient  les  témoins  ôc  les  imitateurs  de  fa  fainte  vie^ 
Can.  i.  qu'il  célébrera  la  Meffe  non-feulement  les  Dimanches  ôc  les 
Fêtes  principales  de  l'année,  mais  tous  les  jours,  s'il  eflpoflible  , 
ôc  priera  en  particulier  pour  lui ,  pour  les  autres  Evêques,  pour 
les  Rois ,  pour  tous  les  Pafteurs  de  l'Eglife,  pour  ceux  qui  fe 
feront  recommandes  à  fes  prières  ,  ôc  furtout  pour  les  pauvres; 
Can.  3.  qu'il  fe  contentera  de  repas  modérés  ;  qu'au  lieu  de  prefTer  fes 
Convives  à  manger  ôc  à  boire  ,  il  leur  donnera  l'exemple  de 
fobriété;  qu'il  n'y  admettra  point  les  fpe£lacles  ridicules  ,  de 
fous,  ni  de  bouffons  ,  mais  qu'on  y  verra  des  pèlerins  ,  des  pau- 
vres ,  ôc  des  infirmes;  qu'on  y  lira  l'Ecriture  fainte,  ôc  qu'il 
entretiendra  enfuite  fes  Convives  de  difcours  de  piété,  afin  qu'ils 
fe  réjouiffent  d'avoir  reçu  en  mcme-tems  une  nourriture  corpo- 
Can.  4.  ^elle  &  fpirituelle  ;  qu'il  n'aimera  ni  les  oifeaux  ,  ni  les  chiens  , 
ni  les  chevaux ,  ni  les  habits  précieux ,  ni  tout  ce  qui  fent  le  fafle 
ôc  le  luxe;  qu'il  fera  fimple  ôc  vxai  dans  fes  difcours ,  en  em- 
ployant ces  façons  de  parler  de  l'Evangile  :  Cela  ejî ,  ou  cela  n'ejl 
pas ,  ou  celle-ci ,  Dieu  le  fçalt ,  lorfqu'il  ell  befoin  d  affurer  quel- 
Çan.  j.  que  chofe;  qu'il  s'occupera  fans  reflé  de  la  méditation  des  Ecri' 
tures  canoniques,  ôc  des  dogmes  de  la  Religion,  pour  en  inflruire 
p  .  les  Prêtres  ôc  les  autres  Clercs;  qu'il  prêchera  aux  peuples,  félon 
leur  portée,  les  Dimanches  ôc  les  Fêtes  ;  qu'il  aura  foin  que  les 
Archiprêtres  vifitent  tous  les  Chefs  de  familles,  afin  que  ceux 
qui  fe  trouveront  coupables  de  péchés  publics  faflent  pénitence 

publique, 


DU    NEUVIEME    SIECLE.        ^^jy 

publique  ;  &  que  pour  les  pc'chés  fecretsilsfcconfeflcnt  à  ceux 
que  lui  ou  fes  Archiprêtres  auront  choiils  ;  lefquels  ,  en  cas  de 
difficulté  ,  confulreront  l'Evéque  ,  &  l'Evêque  confultera  fes 
Confrères  voifins,  ou  le  jMétropolitain,  ou  même  le  Synode  de 
la  Province,  fila  difficulté  le  demande. 

I  X.  Enfuite  le  Concile  ordonne  aux  Prêtres  de  la  Ville  &  de  Cdi.  r; 
la  Campagne  de  veiller  iur  les  Pénitens  ,  pour  voir  comment  ils 
pratiquent  rabftinence  qui  leur  elt  impofée  ;  s'ils  font  des  aumô- 
nes ,  ou  d'autres  bonnes  œuvres  pour  l'expiation  de  leurs  péchés, 
quelle  eft  leur  contrition,  quelles  font  leurs  larmes,  pour  abré- 
ger, ou  étendre  le  tems  de  leur  pénitence;  qu'à  l'égard  de  la 
réconciliation,  elle  fe  fera,  non  par  les  Prêtres,  mais  par  l'Evêque 
feul ,  fuivant  le  prefcrit  des  anciens  Canons,  Ci  cen'eftquil  y  ait 
danger  de  mort,  ou  que  l'Evêque  foitabfent ,  &  que  le  Pénitent 
ait  demandé  avec  piété  d'être  réconcilié.  Les  Prêtres  avertiront 
les  malades  de  demander  le  Sacrement  recommandé  par  l'Apôtre 
faint  Jacques,  c'eft-à-dire,  l'Extrême-Onction;  mais  ils  ne  Tac-  C^n.  t. 
corderont  aux  Pénitens  qu'après  qu'ils  auront  été  réconciliés ,  ôc 
rciju  !e  Corps  ôcle  Sang  du  Seigneur.  Si  la  qualité  du  malade 
l'exige,  l'Evêque  lui  adminiflrera lui-même  l'Onêtion  fainte.  Ou 
renouvelle  les  anciens  Canons  qui  défendent  aux  Pénitens  de  fe  Cot.  f. 
marier  pendant  le  cours  de  leur  pénitence;  &  parce  qu'il  arrivoit 
quelquefois  que  des  parens  refufoient  de  marier  leurs  filles  ,  quoi- 
qu'ils en  eufiént  l'occafion ,  &  que  ces  filles  fe  livroient  à  1  impu- 
dicité  dans  la  maifon  même  paternelle,  il  eft  ordonné  que  fi  un 
père  ou  une  mère  ont  confenti  à  la  corruption  de  leur  fille,  ils 
accompliront  l'un  ôc  l'autre  leur  pénitence  publique  ,  avant 
qu'elle  puifie  être  mariée.  Les  raviffeurs  &  leurs  complices  pour-  Can.  i». 
ront  recevoir  la  Communion  à  la  mort ,  s'ils  font  vraiment  péni- 
tens ,  ôc  s'ils  la  demandent  avec  dévotion  ;  mais  jamais  un  ravif- 
feur  ne  pourra  époufer  légitimement  celle  qu'il  a  enlevée.  Pour 
éviter  la  fraude  de  ceux  qui ,  ayant  des  terres  en  diftérens  Diocè-  Can.  n. 
fes,  difoient  à  l'Evêque  qui  vouloit,  à  caufe  de  quelque  crime, 
les  mettre  en  pénitence,  qu'ils  l'avoient  déjà  reçue  d'un  autre; 
le  Concile  ordonne  que  c'eft  à  l'Evêque  du  lieu  où  le  crime  a 
été  commis  à  impofer  la  pénitence  ,  ôc  qu'il  fera  chargé  d'écrire  à 
tous  les  Evêques  dans  les-  Dioccfes  defquels  le  coupable  a  des 
terres  ,  de  ne  point  l'admettre  à  leur  communion  ,  comme  ayant 
été  excommunié  pour  fon  crime.  Or  ,  tous  ceux  qui  étoient  Can.  iî, 
privés  de  la  Comnuinion  du  faint  Autel ,  ÔC  foumis  à  la  pénitence 
publique ,  ne  pouvoieat  ni  porter  les  armes ,  ni  juger  des  caufes , 
Tome  XXII.  LUI 


(f34  CONCILES 

ni  exercer  ancune  fonction  publique ,  ni  fe  trouver  dans  les  affem- 
blées ,  ni  faire  des  vifites.  Néanmoins  il  leur  étoit  permis  de 
vaquer  à  leurs  affaires  domeftiques  ,  fi  ce  n'eft  ,  comme  il  arri- 
voit  fùuvent,  que  touches  de  l'énormité  de  leurs  crimes  ^  ils  ne 
pufTent  en  prendre  foin. 

Cm^  13.  X.  Il  diftingue  deux  fortes  de  Paroifles  ;  les  unes  ,  qu'il 
appelle  moindres  Titres  ;  &  les  autres  Piebes,  ou  Baptifmales  ;  ÔC 
veut  que  les  premières  foient  gouvernées  par  de  fimples  Prêtres; 
les  fécondes  par  des  Archiprêtres,  qui  outre  le  foin  de  leurs 
Paroilfes  ,  dévoient  encore  veiller  fur  les  moindres  Cures ,  &  en 
rendre  compte  à  l'Evêque.  Il  Juge Tinfpection  des  Archiprêtres  fi 
néceflaire,  qu'encore  que  l'Evêque  foit  en  état  de  prendre  foin 
de  ces  Eglifes  Baptifmales ,  en  même-tems  que  de  l'Eglife  Ma- 
trice,  ou  Cathédrale ,  il  doit  néanmoins  fe  contenter  de  veiller 
par  lui-même  fur  celle-ci, afin  de  partager  avec  d'autres  les 
fondions  &  les  charges  de  l'Epifcopat.  La  plupart  des  Monaf- 
teres,  tant  d'hommes  que  femmes,  avoient  été  détruits,  tant 

C3..1. 14-  par  les  Evêques  que  par  les  Laïcs.  Le  Concile  en  ordonne  la 
réparation ,  ôc  premièrement  de  ceux  qui  étoient  fous  la  puif- 
fance  des  Evêques  ,  enforte  que  pour  le  premier  Synode  il  y  en 
ait  cinq  de  rétablis.  Il  menace  d'excommunication  les  Evoques 
négligens  à  cet  égard.  Les  Hôpitaux  feront  gouvernés  par  ceux 

Can.  15.  que  les  Fondateurs  auront  défignés  ;  &  s'il  arrive  que  leurs  héri- 
tiers s'emparent  des  biens  de  la  fondation  ,  on  recourera  à  l'auto- 
rité de  l'Empereur  pour  réprimer  leur  ufurpation.  Quant  aux 

Can  16  Monafleres  &  aux  Hôpitaux  mis  par  les  Fondateurs  fous  la  pro- 
tedion  du  facré  Palais  ,  on  fe  contente  ,  pour  empêcher  les 
Princes  de  contribuer  à  leur  deflruction  ,  de  leurrepréfenter  que 
fi  dans  le  fiécle  ils  n'ont  perfonne  pour  les  juger.  Dieu  les  jugera 

Can.  17.  en  l'autre.  Les  dixmes  feront  payées  exactement,  &  l'Evêque  en 
fera  la  didribution  félon  les  Canons ,  &  non  félon  fa  volonté.  On 

Ca„^  ,3.  ne  foufl'rira  point  de  Clercs  acéphales,  c'efi-à-dire,  qui  ne  font 
fous  la  difcipline  d'aucun  Evêquc;  c'cfl  pourquoi  on  avertira  les 
Séculiers  qui  veulent  que  l'on  célèbre  les  divins  Myfteres  dans 
leurs  maifons ,  de  n'y  employer  que  ceux  qui  auront  été  examinés 
par  les  Evêques,  &  qui  auront  des  Lettres  de  recommandation  de 

Can.  ip.  ceux  de  qui  ils  auront  re<ju  les  Ordre».  Défenfc  aux  Laïcs,  fous 
peine  d'excommunication,  de  charger  des  Prêtres  de  la  recette 
des  deniers  du  fifc,  des  impôts,  de  leurs  propres  affaires,  ou 

C«/i.  ic.  d'autres  foiclions  femblables;  6c  de  commettre  les  Juifs  pour 
juger  des caufes  criminelles  entre  les  Chrétiens,  ôc  den  exiger 


DU    NEUVIEME    SIECLE.       '63  f 

des  tributs.  On  ordonne  aux  ufuriers  de  reftituer  ce  qu'ils  auront  ^'^"'  *^* 
acquis  par  ufure;  ôc  au  cas  qu'ils  ne  l'eulTent  pas  fait  de  leur 
vivant ,  il  eft  enjoint  aux  héritiers  de  faire  cette  reftitution  ,  du 
moins  à  moitié  ,  &  de  racheter  leurs  péchés  parles  aumônes.  Le 
Concile  ne  parle  que  de  ce  qui  s'étoit  fait  jufqu'alors  :  mais  il 
ajoute  que  fi  à  l'avenir  quelqu'un  eft  convaincu  de  prêter  à  ufure, 
s'il  efl:  Laïc ,  il  fera  excommunié  ;  s'il  eft  Prêtre  ,  ou  Clerc,  &  ne 
s'efl:  point  corrigé  après  avoir  été  averti  par  fon  Evêque,  il  fera 
privé  de  fon  grade.  On  implorera  le  fecours  de  l'Empereur  C.m.  ii; 
contre  ceux  qui,  s'étantfait  donner  la  tutelle  des  veuves  &  des 
orphelins,  les  oppriment ,  au  lieu  de  les  protéger.  Les  Evêques  Cm.  15. 
feront  arrêter  les  Clercs  &  les  Moines  vagabonds  qui  fement  des 
erreurs  par-tout  où  ils  pafient,ou  propofent  des  queflions  inu- 
tiles ;  enfuite  il  les  fera  conduire  au  Métropolitain  pour  être 
punis ,  comme  perturbateurs  de  la  paix  de  l'Eglife.  Il  refloit 
encore  des  femmes  adonnées  à  la  magie  ,  6c  qui  fe  fervoient  de 
cet  art  pour  donner  de  ramour,ou  de  la  haine,  &  même  pour 
faire  mourir  des  hommes;  les  Evêques  ordonnent  d'en  faire  une 
recherche  exatte,  d'impofer  une  févere  pénitence  à  celles  qui 
feront  convaincues  ;  mais  au  cas  qu'elles  faffent  de  dignes  fruits 
de  pénitence ,  ils  permettent  de  les  réconcilier  feulement  à  la 
mort. 

X  I.  L'Empereur  Louis  qui  croit  préfent  à  ce  Concile  ,  v  fit  ,  C';P'f"li'''« 
un  Capitulaire  qui  tut  depuis  coniirrae  par  Lothnirelon  père.  Il  icuh.    itid. 
efl:  compofé  de  cinq  articles,  dont  deux  ont  rapport  aux  matières  P-^S-  y°- 
Eccléfiaftiques.  L'un  ordonne  aux  Comtes  &  à  tous  les  Minières  ^'^?-  '• 
publics,de  veiller  à  la  fureté  des  Pèlerins  qui  alloient  à  Rome 
faire  leurs  prières.  L'autre  défend  aux  Prélats  qui  alloient  à  la  ^^?-'^' 
Cour ,  de  commettre  des  vexations  envers  leurs  Hôtes ,  &  de  ne 
rien  exiger  d'eux  qu'en  payant. 


Llllij 


J5<^  CONCILE    S 

CHAPITRE     XXXII  L 

Des  Conciles  de  SejiS}  de  Benningàon,  de  Kingejhiiric, 

de  Soijjons  ,  de  Cor  doue,  de  Mayence,  deQiaercy , 

&  de  Verherïe^ 

Concile  Je  J.  /"^  N  ne  connoît  le  Concile  de  Aluritum ,  ou  rvîoret  en 

tornsclncii       \.^  Gaflinois  dans  la  Province  de  Sens  ,  que  par  i'infcrip- 

ï^'g.  7i,         tion  de  la  Letire  que  (  a)  Loup  de  Ferrieres  écrivit  au  nom  de 

cette  AlTemblée  à  Ercanrade ,  Evêque  de  Paris.  Cet  Evêque 

n'ayant  pa  s'y  trouver  y  envoya  une  perfonne  de  fa  part.  Loup 

ne  dit  rien  des  matières  qui  y  furent  traitées.  Il  marque  feulement 

que  ce  Concile  fut  tenu  dans  un  tems  de  trouble  ,  &  qu'on  eut 

bien  de  la  peine  d'obtenir  du  Roi  la  permiiiion  de  lallembier. 

Venilon  ,  Archevêque  de  Sens ,  y  préùda.  On  met  ce  Concile 

vers  Tan  8  jo.- 

Concile  de       j  j,  i[  s'en  tint  un  vers  le  même  tems  à  Benningdon  ,  fous  ie 

en  850^  ibid.  rcgnc de  Bertliulphe ,  RoidesMercicns,  dans  le(|uelce  Prince, 

pag.   71  ;  t>  en  confiiiération  des  dommages  caufes  parles  Danois,  ôcautres- 

Spelman.  ton:..  gi-,[^çniis ,  au.  Monaftcre  de  Croyiand ,  lui  accorda  plufieurs  terres 

tan.pag..^i4.  ôc  pluiieurs  privueges  mentionnes  dans  la  Charte  qui  en  fut 

dreilée,  ôc  conrirmée  l'année  fuivante  Sji  dans  ie  Concile  de 

K-ingefourie.. 

III.  On  l'aflembla  le  Vendredi  de  la  femaine  de  Pâques, 
pour  diverfes  affaires  du  Royaume.  L'Evcque  de  Cantorberi 
îoufcrivit  le  premier  ,  enfuite  l'Evèque  de  Londres,  &  cinq 
autres  Evêques  ;  puis  les  Abbés,  ôc  les  Comtes.  Le  Roi  Bertulphe 
foufcrivit  le  dernier. 

I  V.  Pépin  le  jeune  ,  neveu  du  Roi  Charles ,  &:  fils  de  Pépin  , 

,,  5"  Roi  d'Aquitaine ,  entretcnoit  dépens  longtems  la  révolte  dans  ce 

Concil.  inAp    Royaume  ,  lorfqu'il  fut  pris  par  banche, Comte  de  Ciafcogne, 

\^^'!'"  '  ''  •^'  ôc  livré  au  Roi  Charles  ,  qui ,  par  le  couILmI  ^z5  Evêques  ôc  des 

Seigneurs,  lui  lit  couper  les  cheveux,,  ôc  ie  renferma  dans  le 

Monaftere  de  faint  IVIedard  de  Soilfons  en  8  5 1.  Hincmar qualifie 


(a)  Litpw:,  EyiJ,  115.. 


Concil 

e  de 

Kinjefbu 

rie 

en  «51  , 

ikld. 

F'^g-   74 

Spclman. 

;  ^ 
ibid. 

P^S-  544 

Conc! 

e  d,- 

Soii'.ons 

en 

>U,tom 

•  S  , 

DU    NEUVIEME    SIECLE.    '(^37 

te  confeil  des  Evoques ,  Sentence  Synodale  ;  ce  qui  fait  voie 
qu'ils  s'ailemblerent  pour  dccider  de  la  manière  dont  ce  jeune 
Prince  feroit  puni.  Mais  ,  comme  il  avoit  ctc  fait  Moine  malgré 
lui,  i.  le  fauva  du  Monaflcrecn  8  j  2,  à  laide  de  deux  Prennes,  qui 
en  conitquence  furent  cl laflJs  comme  incorrigibles, fuivant  la 
Reg!e  d- faint  Benoît ,  ôc  ddpcfçs  de  la  Prôtrife  dans  un  autre 
Concilequi  fe  tint  en  la  même  V  ille  en  S  <,  3. 

V.  Les  ^.a^ra^uls ,  dont  la  domination  s'e'tendoit  en  Afie  ,  en  „  Concile  de 
Afriqu-r  ,  6.  en  lurope  ,  ayant  choili  pour  Capitale  de  leur  i;,-- ,  f,,w.R, 
Royaume  la  Ville  de  Corduue  en  Efpagne,  y  excitèrent  une  C<nal.    p.ig. 
violente  perfccution  contre  les  Ciirétiens.  Ils  firent  mourir  plu-  '*'" 
fleurs  Moines  ôc  plufieurs  Laïcs  de  l'un  &  de  l'autre  fexe,& 
mirent  en  prifon  TEvêque  de  Cordoue  ,  ôc  quelques-autres  , 
avec  un  grand  nombre  de  Prêtres  ,  parce  qu'ils  dcceUoient  la 
fc61e  de  iMahoniet ,  dont  les  Sarrafins  fuivoientla  doctrine.  De 
ces  prifonniers,  les  uns  fouffrirent  le  martyre ,  d'autres  furent 
délivrés,  quelques-uns  apoftaliercnt.  Il  y  en  eut  de  ces  derniers 
qui  conleiliercntà  Abderame,Roi  de  cctteNation,  deconvoquer 
un  Concile  de  tous  les  Evoques  de  fon  Pvoyaume  ,ôc  de  les  obli- 
gera faire  un  décret  qui  défendît  le  martyre  volontaire.  Ce  confeil 
fut  d'autant  plus  de  fon  goût,  que  le  grand  nombre  de  Chrétiens 
qui  couroient  d'eux-mêmes  au  martyre  ,  lui  tàifoit  ap'préhender 
une  révolte.  Il  aflembia  donc  à  Cordoue  les  ?/iéîropoiitains  de 
diverfes  Provinces  ,  qui ,  après  avoir  conféré  cntreux  décla- 
rèrent ,  que  ceux  qui  n'auroient  point  été  violentés  par  les  fup- 
plices  pour  renoncer  la  Foi ,  mais  qui  le  feroient  offerts  d'eux- 
mêmes  à  la  perfécution,  ne  feroient  point  mi-s  au^  nombre  des 
Alartyrs.  Ils  en  donnèrent  deux  raifcns.  La  prenviere  ,  que  ces 
fortes  de  Martyrs  ne  faifoient  point  des  miracles  ,  comme  en 
faifoient  les  anciens  Martyrs.  Lalcconde,queleui-s  corps  ctoient 
fujets  à  la  corruption  ,  comme  le  refre  des  hommes.  Ce  déci'èt 
qui  a  fait  donner  à  cette  Alfemblée  ie  nom  de  Conciliabule,, 
déplut  extrêmement  au  Prêtre  Eulogc  ,  l'un  des  Docieurs  de' 
l'Eglife  de  Cordoue ,  &  qui  avoit  déjà  foufFert  la  prifon  pour  la 
Foi.  Il  fit  même  un  écrit  pour  combattre  cette  dccifion  y  intitulé, 
Aîènioricù.  des  Saints.  Il  en  a  été  parlé  en  fon  lieu.  On  y  lit  qu'Ab-     Eu!}g.  Me-- 
derame  étant  monté  fur  une  terrafie  de  fon  Palais ,  ôc  voyant  '"''""'•  'i  » 
les  corps  des  Martyrs  attachés  à  des  pieux,  commanda  de  les 
brûler  i  qu'auditôt  il  perdit  la  parole,  ôc  mourut  la  nuit  fui- 
vante. 

VI.-  Les  annales  de  Fulde  mettent  en  Sjs  un  Concile  a     Concile  Je 

LlUiij, 


63?  CONCILES 

JWayence  en  Mayencc  ,  compofé  des  Evoques  de  France  ,  de  Bavière  &  de 
851  fom.  H ,  §^^g  ^  convoqué  par  ordre  de  Louis  de  Bavière.  Elles  aiou- 
77;  Se  Annal,  tcnt ,  quc  pendant  que  les  hveques  traitoient  entre  eux  des 
Fuld.  ad  ann.  matières  Ecclefiaftiques  ,  ce  Prince  s'occupoit  avec  les  Sei* 
^"  gneurs  de  celles  de  i'iitat.  Mais  elles  n'entrent  là-deiTus  dans 

aucun  détail.  On  rapporte  à  la  même  année  le  Concile  de  Sens  , 
dans  lequel  Venilon  qui  en  étoit  Archevêque  ,  fit  confirmer  le 
privilège  qu'Aldric  avoit  accordé  au  Monaflere  de  faint  Rémi. 
Il  s'y  trouva  treize  Evêques  &  deux  Abbés. 
ConcUe  de       VII.  Au  vingt Tixiéme  d'Avril  de  l'année  fuivante  85"  3  on 
Solfions    en  jjj^j.  m^  Concile  à  SoilTons  où  fe  trouvèrent  vingt-fix  Evêques . 
Condl.    pue.  dont  trois  etoient  Métropolitains  ,  Hincmar,  de  Keims;  Veni- 
79.  Ion,  de  Sens,  ôc  Amalric,  de  Tours.  Ricbold  ,  co-Evêque  de 

Reims,  y  afTiHa  auiïi  avec  plufieurs  Abbés  ,  entr'autres  ,  Loup 
de  Ferrieres  ;  Odon  ^  de  Corbie  ;  &  Bavon  ,  d'Orbais.  Le  Roi 
Charles  qui  avoit  permis  cette  afTemblée,  voulut  y  être  préfent. 
Nous  n'en  avons  pas  les  actes  entiers,  mais  feulement  le  précis 
de  ce  qui  fc  pada  dans  les  huit  Sellions.  On  a  mis  en  premier 
lieu  les  treize  Canons  ou  Décrets  du  Concile  ,  qui  contiennent 
en  abrégé  tout  ce  qui  y  fut  réglé  ,  foit  par  rapport  aux  perfonnes , 
'Can.  T.  foit  fur  les  matières  Ecclefiaftiques.  On  y  traita  d'abord  des  Ordi- 
nations faites  par  Ebbon  depuis  qu'il  avoit  été  dépofé  ;  on  les 
déclara  nulles  ,  ôc  on  décida  qu'ayant  été  légitimement  dépofé, 
Hincmar  avoit  été  ordonné  légitimement  à  fa  place.  Enfuite 
Can.z.  f^j.  jgg  remontrances  qu'IIeriman  ,  Evêque  de  Nevers ,  étoit 
attaqué  d'une  maladie  qui  lui  faifoit  commettre  beaucoup  d'in- 
décences ôc  négliger  le  foin  de  fon  Eglife ,  il  fut  ordonné  que 
Venilon  de  Sens  ,  fon  Métropolitain  ,  iroit  à  Nevers  avec 
quelques  autres  Evêques  pour  régler  les  affaires  de  cette  Eglife, 
&  qu'il  garderoit  à  Sens  l'Evêque  Heriman  pendant  l'Eté,  faifoii 
la  plus  contraire  à  fon  mal ,  pour  régler  fa  conduite  autant  que 
_  cela  fe  pourroit.  Venilon  faifoit  difilculté  d'ordonner  Burchard  , 

Evêque  de  Chartres  ,  fur  ce  qu'il  n'avoir  pas  une  bonne  réputa- 
tion ;  mais  il  fçavoit  que  le  Roi  Charles  fouhaitoit  fon  Ordina- 
tion. On  prit  le  parti  de  demander  à  Burchard  s'il  neconnoiffoit 
■point  en  lui  quelqu'irrégularité  ;  ôc  aux  Clergé  ôc  Notables  du 
Peuple  de  Chartres  ,  s'ils  n'avoient  rien  à  lui  reprocher.  Ceux-ci 
lui  rendirent  un  bon  témoignage;  ôc  Burchard  ayant  déclaré  qu'il 
étoit  prêt  à  fe  junifier  fur  tout  ce  qu'on  lui  objetleroit ,  il  fut 
ordonné  que  l'on  envoyeroit  des  CommilTaires  fur  les  lieux 
pour  examiner  fon  élection  ,  afin  que  fur  le  rapport  qui  en  feroit 


DU    NEUVIEME    SIECLE.     63^ 

fait  à  Venilon  ,  il  l'ordonnât  fans  délai.  Saint  Aldric  ,  Evéque 
du  Mans  ,  attaqué  dune  paralyfie  ,  écrivit  au  Concile  pour  r„  4 
s'excufer  de  n'y  être  point  venu ,  ôc  fe  recommander  aux  prières 
des  Evêques  pendant  fa  vie,  ôc  après  fa  mort.  Sa  demande  lui 
fut  accordée,  &  l'Archevêque  de  Tours  fon  Métropolitain  fut 
chargé  de  l'aller  voir  Ôc  de  faire  dans  l'Eglife  du  Mans  tout  ce 
qui  feroit  néceffaire.  Rothade  de  Soiffons  fit  amener  au  Concile 
par  fon  Archidiacre  les  deux  Moines  de  faint  Medard  qui 
avoientaidé  le  jeune  Pépin  à  fortir  de  l'endroit  où  il  avoit  été 
enfermé  par  ordre  du  Roi  Charles.  Ils  furent  dépofés  de  la  Prê- 
trife  ôc  relégués  fcparément  en  des  Monaderes  éloignés ,  afin 
que  perfonne  n'ofit  à  l'avenir  tenter  quelque  chofedefembiable, 
s'il  ne  vouloit  auffi  fubir  la  même  peine.  Le  Roi  Charles  s'étant 
plaint  au  Synode  d'un  Diacre  de  l'Eglife  de  Reims ,  accufé  c.in.  6. 
d'avoir  fait  de  faufles  Lettres  en  fon  nom  ,  il  lui  fut  défendu  de 
s'abfenter  du  Diocèfe ,  jufqu'à  ce  qu'il  fe  fût  juftilié ,  ou  qu'il 
eût  fait  fatistadion. 

,     VIII.  Après  avoir  terminé  ce  qui  regardoit  les  perfonnes ,  le  Czn.  7.- 
Concile  fit  divers  Réglemens  concernans  la  difcipline;  fçavoir,. 
qu'on  rétabliroit  au  plutôt  le  culte  divin  dans  les  Villes  ôc  Mo- 
nafteres  des  deux  fexes  ,  ôc  qu'à  cet  effet  le  Roi  feroit  prié  d'en- 
voyer des  CommilTaires  qui  avec  lEvcque  Diocèfain  examine- 
roient  l'état  préfentdes  lieux  ôc  réfereroientau  prochain  Concile 
ôc  à  la  puiffance  royale  la  correction  des  abus  qu'ils  n'auroienc 
pu  réprimer  eux-mêmes  ;  que  les  Eglifes  qui   avoient  reçu  Can.  8,- 
autrefois  des  immunités  par  la  conceflion  des  Princes ,  ou  des 
Fidèles,  en  jouiroient  toujours  ;  que  fi  l'on  ne  pouvoit  rétablir  Can.  9. 
les  Eglifes  dans  leurs  anciennes  pofTefîions,  à  caufe  de  diveribs- 
nécelUtés,  on  leur  rendroit  du  moins  les  novcs  ôc  les  dixmes  ; 
qu'on  ne  tiendroit  pas  les  plaids  dans  les  lieux  faints ,  ni  les  Cj.i..io, 
jours  de  Dimanches  ôc  de  Fêtes;  que  les  Evêques  ne  feroient 
point  empêchés  de  punir  ceux  qui  ont  fait  quelque  faute  contre.  ^^'^'  "* 
la  difcipline  de  l'Eglife  ,  foit  qu'ils  foient  libres  ou  fcrfs  ;  que 
les  inceftueux  ôc  autres  coupables  de  femblables  crimes  ,  qui  C.m.  12, 
refuferoient  d'être  examinés  par  les  Evêques,  y  feroient  con- 
traints par  les  Juges  publics,  afin  que  l'impunité  des  crimes  ne 
fût  pas  une  occafion  d'en  commettre  ;  ôc  que  l'on  ne  feroit 
aucun  échange  des  biens  Ecclefiaftiques  fans  le  confentemcnt 
du  Roi. 

I X.  On  a  mis  à  la  fuite  de  ces  Canons  des  extraits  de  ce  qui^   ,  ^^p  '^^  « 
fe  palfa  dans  les  huit  Sellions  de  ce  Concile ^  ôc  le  Capitulaire.  s^^^çl]^"^' 


6^0  CONCILES 

qui  y  fut  fait  par  le  Roi  Charles.  Il  contient  douze  articles; 
qui  font  autant  d'inflruttions  pour  les  Corn miflaires  qui  dévoient 
être  envoyés  partout  pour  viliter  les  Eglifes  &  les  Monafteres 
avec  l'Evêque  Diocèlain,  régler  le  nombre  des  Chanoines  ÔC 
des  Moines ,  leur  manière  de  vivre  ,  leur  entretien  ,  réparer  les 
bâtimens ,  &  dreffer  un  état  des  biens  ôc  des  dégâts  que  les  Nor- 
mands y  avoient  caufés. 
Concile  Je       X.  Le  Roi  Charles  étant  pafle  de  SoifTons  à  Quiercy  fur 
Quiercy    en  Qj^^  ^^g^  quelques  Evcques  ôc  quelques  Abbés ,  y  tint  avec 
Concil.  '  'psg,  eux  un  Concile ,  ou  il  foufcrivit  aux  quatre  articles  dreffés  par 
ffi&'S'S.         Hincmar  de  Reims,  contre  la dotlrine  de  Gothefcalc.  Le  pre- 
Can.  I.  mier  porte,  que  Dieu  par  fa  prcfcience ayant  choifi  de  la  maffe 
de  perdition  ceux  qu'il  a  prédeftinés  par  fa  grâce  à  la  vie  éter- 
nelle ,  il  a  laifTé  les  autres  par  le  jugement  de  fa  juflice  dans 
cette  maffe  de  perdition,  connoiffant  par  fa  préfcience  qu'ils 
périroient  ;  mais  qu'il  ne  les  a  pas  préJeilinés  à  périr ,  quoiqu'il 
leur  ait  préiefliné  la  peine  éternelle ,  parce  qu'il  efl  jufte  ;  qu'ainfi 
on  ne  doit  reconnoître  qu'une  feule  prédeftination ,  qui  appar- 
tient au  don  de  la  grâce ,  ou  à  la  rétribution  de  la  juflice  ;  que  Ci 
le  genre  humain  eft  devenu  maffe  de  perdition  ,  cela  ne  vient 
point  de  Dieu  ,  qui  a  fait  l'homme  droit  &  fans  péché,  lui  a 
donné  le  libre  arbitre,  l'a  placé  dans  le  Paradis ,  ôc  a  voulu  qu'il 
perféverât  dans  la  juflice  :  mais  de  l'homme  même  ,  qui  en  ufant 
mal  de  fon  libre  arbitre,  a  péché  ôc  efl  tombé.  Il  efl  dit  dans 
Can  i.  le  fécond  ,  que  nous  avons  perdu  dans  le  premier  homme  la  li- 
berté ,  que  nous  avons  recouvrée  par  Jefus-Chrifl ,  ôc  que  com- 
me nous  avons  le  libre  arbitre  pour  le  bien ,  lorfqu'il  efl  pré- 
venu ôc  aidé  de  la  grâce  ,  nous  l'avons  pour  le  mal  quand  il  efl 
abandonné  de  la  grâce.  Or  il  efl  libre,  parce  qu'il  ell  délivré  ôc 
Can.  X.  guéri  par  la  grâce.  On  enfeigne  dans  le  troiliéme ,  que  Dieu 
veut  que  tous  les  hommes  fans  exception  foient  fauves  ,  quoi- 
que tous  ne  le  foient  pas  ;  que  c'efl  par  la  grâce  du  Sauveur  que 
quelques-uns  font  fauves ,  ôc  par  leur  faute  que  quelques-uns 
P         périlTent.  Le  quatrième  dit,  que  comme  il  n'y  a  point  d'homme, 
qu'il  n'y  en  a  point  eu ,  qu'il  n'y  en  aura  point  dont  J.  C.  n'ait 
pris  la  nature  ;  il  n'y  en  a  point ,  n'y  en  a  point  eu  ,  ôc  n'y  en  aura 
point  pour   lequel  il  n'ait  fouffert  ,  quoique  tous  ne  foient  pas 
rachetés  par  le  myflere  de  fa  Palfion  ;  que  (i  tous  ne  font  pas 
rachetés  par  ce  myllere ,  ce  n'efl  pas  que  le  prix  ne  foit  fuffffanc , 
mais  c'efl  par  rapport  aux  Inlîdeles  ôc  à  ceux  qui  ne  croyent  pas 
de  cette  foi  qui  opère  par  la  charité  ;  parce  que  la  médecine 

falutaire , 


DU    NEUVIEME    SIEC  LE.     'g-^f 

falutaire,  compofce  de  notre  infirmité  ôc  de  la  vertu  divine  , 
eft  de  foi  capable  de  profiter  à  tous  :  mais  elle  ne  guérit  quç 
ceux  qui  la  prennent.  Il  eft  parlé  de  ce  Concile  dans  les  Anna- 
les de  faint  Bertin  ,  fur  l'an  S  j  3  ;  ôc  on  y  trouve  en  abrégé  ces 
quatre  articles. 

X  r.  Dom  Martenne  a  donné  avec  quelques  Opufcules  de  .^""'^J-""" 
Florus,  Diacre  de  l'Eglifc  de  Lyon  ,  les  Adcs  d'un  Concile  cv^M^fr"'"^ 
tenu  à  Quiercy ,  contre  les  erreurs  attribuées  à  Amalaire,  dont  tom.9.  amyl. 
la  principale  étoit,  qu'il  divifoit  le  Corps  euchariftique  de  Je-  '^^'J^^'  P'^- 
fus-Chrift  en  trois  corps  différens.  On  sert  déjà  expliqué  là- 
delTus  dans  l'article  d' Amalaire ,  &  on  l'a  fait  aufll  dans  celui 
de  Florus. 

XII.  Le  Roi  Charles  fit  relire   dans   le  Concile  de  Ver-  y^(^''^;^^f° 
berie ,  aflemblé  au  mois  d'Août  de   l'an  8J3   ,   les  Capitules  ssll'tom.s, 
qu'il  avoir  fait  publier  dans  celui  de  Soiffons ,  &  ils  furent  agréés  Condl.    p-^g» 
tcus  d'une  voix  :  ce  qui  n'avoir  rien  de  fingulier,    puifque  les  '''^* 
Evêques  de  ces  deux  Conciles  étoient  prefque  tous  les  mêmes. 
Il  fut  encore  queftion  à  Vcrberie  des  infirmités  de  l'Evêque  de 
NeverSj  nommé  Heriman;&fur  le  témoignage  qu'on  rendit 
de  fa  guérifon  ,  il  fut  ordonné  qu'on  lui  rendroit  le  gouverne- 
ment de  fon  Eglife.  Le  même  Concile  défendit  de  donner  à 
titre  de  précaire  Ôc  de  bénéfice  le  Monaftere  de  (lunt  Alexandre 
de  Lcberaw  ou  Lieure  en  Aiface  ,  à  Conrad  ,  parce  qu'il  avoit 
été  donné  à  l'Abbaye  de  faint  Denys  par  l'Abbé  Fulrade,  & 
que  cette  donation  avoit  été  confirmée  par  le  Pape  Etienne. 
Leberaw  eft  aujourd'hui  uni  à  l'Eglife  Primatiale  de  Nancy. 

CHAPITRE     XXXIV. 

Des  Concïhs  de  Rome  ,  de  Conjl antinomie  j  de  Valence i 
&  de  Pavie. 

î.  T     E  huitième  de  Décembre  de  l'an  Sjj,  le  Pape  Léon      Concile  d» 
I    i  IV.  tint  un    Concile  à  Rome  dans  l'Eglife   de  faint  R^meenSî;, 
Pierre,  alTifté  de  foixante-fept  Evêques,  entre  lefquels  il  y  en  "Jl\^'^l"''^' 
avoit  quatre  envoyés  par  l'Empereur  Lothaire.  Jean,  Archevc- 
l^ue  de  Ravenne ,  n'ayant  pu  s'y  rendre,  députa  de  fa  part  un 
Tome  XXII,  Mm  m  m 


^42'  CONCTLES 

Diacre,  nommé  Paul,  qui  foufcrivit  le  premier  de  tous  après  îe  " 
Pape  &  l'Empereur  Lothaire.  Le  Diacre  Nicolas  ouvrit  le  Con- 
cile par  la  ledure  d'un  difcours  du  Pape  aux  Evêques  ;  ceux-ci 
lui  répondirent  par  un  autre  difcours  ,  qui  fut  lu  par  le  Diacre 
Benoît.  Enfuite  on  publia  quarante- deux    Canons,  dont  les- 
trente-huit  premiers  font  les  mêmes  qui  avoient  été  publiés  par 
le  Pape  Eugène  II.  en  825.  Le  Concile  y  fit  néanmoins  quel- 
ques additions,  qui  ont  été  imprimées  féparement  dans  i'édi-- 
tion  Romaine  de  Luc  Holftenius  ôc  dans  les  fuivantes  ;  où  l'on  - 
amis  d'abord  tous  les  Ades  du  Concile  de  l'an  826,  puis  ceux 
de  8  5'3  ,  avec  la  remarque  que  les  35?,  40, 4  1  ÔC42  Canons,  font 
les  I  ,  2  ,  3  &  quatrième  Canons  de  ce  dernier  Concile.  Il  y  eil 

Can:  i?.  dit  que  pour  fe  conformer  aux  Décrets  des  Anciens  ,  qui  défen- 
dent d'ordonner  pour  une  Egiife  un  plus  grand  nombre  de  Clercs^ 
que  les  revenus  &  les  oblations  des  Fidèles  ne  peuvent  en  en- 
tretenir, on  retranchera  le  nombre   fuperflu   des  Prêtres   qui- 
fe    trouvoient  à  Rome ,  ordonnés  par   les  Evêques    les    plus 
voifms  ,  6c  dont  le  tiers  fuffifoit  pour  faire  le  fervice;  que  tous 

Cm.  40.  les  Prêtres  des  Eglifes  baptifmales,ou  qui  deflervent  de  Hmples 
Oratoires,,  viendront  au  Synode  de  leur  Evêque  Diocèfain  ,  . 
foit  qu'ils  demeurent  dans  les  Villes  ou  à  la  Campagne  ;  que  les 

Q,„        Laïcs  ne  mettront  point  de  Pré':fes  d'un  autre  Diocèfe  dans  les 
Eglifes  de  leur  dépendance  ,  fims  le  confentement  de  l'Evêquc 
Dioccfain  ,  fous  peine  d'excommunication  contre  les  Laïcs,  ÔC 
de  dépofition  contre  les  Prêtres.  La  même  peine  cîl  ordonnée 
contre  les  Abbés  6c  autres  Patrons  Eccléliaftiques  ;  ôc  on  en 
donne  pour  raifon,  que  les  Prêtres  ne  peuvent  être  placés  que" 
par  ceux  qui  ont  droit  de  les  ordonner  6c  de  les  corriger.  Le 
Pag.  MO.  Concile  procéda  enfuite  contre  Anaftafe,  Prêtre  de  l'EgHfe- 
Romaine,  6c  Cardinal  du  titre  de  laint  Marcellin ,  qui  ayant 
quitté  Rome  depuis  cinq  ans  ,  avoit  fixé  fa  demeure  à  Aquilée. 
Le  Pape,  après  l'avoir  averti  jufqu'à  quatre  fois  de  retournera 
fon  Egiife,  l'avoit  excommunié  en  deux  Conciles  pour  fa  défo- 
béiflTance.  Ill'anathêmatifa  enfuite  pour  ne  s'être  point  foumis 
à  l'ordre  que  l'Empereur  Louis  lui  avoit  donné  fur  le  même 
fujet;6c  voyant  qu'il  n'avoit  point  comparu  au  Concile  tenu  • 
le  quinzième  de  Novembre,  quoique  cité  par  trois  Evêques,.- 
\\  le  dépofa  daivs  celui  du  huitième  de  Décembre ,  après  qu'on  ; 
y  eut  fait  aux  Evêques  le  rapport  de  toute  la  procédure.  La  Sen- 
tence fut  foufcritc  parle  Pape  ,  l'Empereur l^othaire ,  cinquante^  - 
net,!  Evêques  préfens  .  huit  Députés  des  Evêques  abfens  ,  vingts 


DU  NEUVIEME  SIECLE.  (^4^ 
Prêtres  6c  fix  Diacres  de  l'Eglife  Romaine.  On  y  a  joint  toutes 
les  autres  Sentences  rendues  par  le  Pape  Léon  IV.  contre  le 
Cardinal  Anaftafe ,  avec  un  Abrège  des  Canons  de  fon  Con- 
cile &  de  ceux  qui  furent  faits  par  le  Pape  Eugène  IL  en  825. 

I I.  Après  la  mort  du  Patriarche  Methodius ,  on  mit  fur  le  Concile  de 
Siège  de  Conflantinople ,  vers  le  mois  de  Juin  de  l'an  847 ,  pie'^n^g" 4' 
Ignace,  fils  de  l'Empereur  Michel  Rangabé,  ôc  de  Procopia,  r~m.s,Conàl. 
fille  de  l'Empereur  Nicephore.  Prévoyant  que  Grégoire  de  f  !,;'■.  yL,^ 
Syracufe  en  Sicile,  voudroit  être  prêtent  à  fon  ordination  ,  car  tu ,'  in  vm 
les  Evoques  de  Sicile  ctoient  foumis  au  Patriarche  de  Conftan-  (?''""'• 
tinople  depuis  le  règne  de  Léon  llfaurien,  il  le  fit  avertir  de  ne 

point  s'y  trouver,  à  caufe  des  crimes  dont  il  étoit  accufé.  II 
. aflembla  enfuite  un  Concile  à  Conflantinople,  où  Grégoire  fut 
dépofé  de  l'Epifcopat.  Ignace  voulant  faire  confirmer  la  Sen- 
tence par  Léon  IV.  lui  envoya  des  De'putés  à  cet  effet.  Mais  le 
Pape  le  refufa ,  jufqu'à  ce  qu'il  eût  oui  l'Evêque  Grégoire.  Pen- 
dant cet  intervalle  Léon  mourut  ;  &  l'affaire  ayant  été  porte'e  à 
Benoît  III.  fon  fucceffeur,  la  dépofition  de  Grégoire  fut  con- 
firmée. Cet  Evêque  pour  fe  vanger  ,  fit  tous  fes  efforts  pour 
mettre  Photius  fur  le  Siège  Patriarchal  de  Conflantinople  à  la 
place  d'Ignace  ;ôc  il  en  vint  à  bout,  comme  on  l'a  dit  en  fon  lieu. 

III,  Les  quatre  articles  dreffés  par  Hincmar  dans  le  Concile     Concî'e  Je 
de  Quiercy  fur  Oife  en  8  n  >  déplurent  au  Clergé  de  l'Ealiie  de  7'^""'^    T 
l^yon.   Kcmy  ,  qui   en  etoit  Archevêque  ,  les  réfuta  par  un  Cmcil.    fng. 
écrit ,  où  ilfoutient  la  double  prédeflination  des  élus  &  des  ré-  '3"** 
prouvés  ;  &  s'étant  trouvé  au  Concile  affemblé  à  Valence  par 

ordre  de  l'Empereur  Lothaire  le  huitième  de  Janvier  Sfj  ,  il 
y  établit  cette  doctrine  avec  plufieurs  autres  Evcques  ,  dont 
trois  étoient  Métropolitains  ;  ft^avoir,  Remy  de  Lyon ,  Agilmar 
de  Vienne,  6c  Roland  d'Arles.  On  y  examina  d'abord  l'affaire 
de  l'Evêque  de  Valence,  accufé  de  divers  crimes;  puis  on 
fit  vingt-trois  Canons  ;  les  uns  fur  la  dottrine  ,  les  autres  fur  la 
difcipline  de  l'Eglife.  Quant  à  la  dodrine,  les  Evêques  décla- 
1-ent  qu'ils  s'en  tiennent  à  l'Ecriture  fainte ,  6c  à  ceux  qui  l'ont  Can.i. 
x;lairemcnt  expliquée  ;  à  faint  Cyprien  ,  faint  Hilaire  ,  faint  Am- 
broife,  faint  Jérôme,  faint  Auguflin  6c  aux  autres  Dov^eurs 
<i;atholiques  ;  6c  qu'ils  n'ont  fur  la  préfcience  de  Dieu  ,  la  pré- 
deflination ôc  les  autres  queftions  qui  fcandalifent  les  Frères , 
d'autres  fentimens  que  ceux  qu'ils  ont  appris  dans  le  fein  de  l'E- 
glife. Ils  prouvent  par  l'autorité  de  l'Ecriture,  que  Dieu  a  connu  Can.  i; 
de  toute  éternité  les  bonnes  adions  que  les  bons  dévoient  faire, 

M  m  m  m  i j 


(^44  CONCILES 

&  les  mauvaifes  des  méchans  ;  qu'il  a  prévu  auiïl  que  les  bons  le  " 
feroient  par  fa  grâce  ,  ôc  qu'ils  recevroient  par  la  même  grâce 
la  rdcompenfe  éternelle  ;  que  les  méchans  le  feroient  par  leur 
propre  malice  ,  &  que  par  fa  juftice  ils  feroient  condamnés  à  la 
•  peine  éternelle.  D'où  ils  concluent  que  la  prcfcience  de  Dieu 

II" impofe  la  nécelfité  à  perfonne  d'être  méchant  ;  &  que  Ci  les 
méchans  font  condamnés,  cen'eft  point  par  le  préjugé  de  Dieu  , 
mais  par  le  mérite  de  leur  propre  iniquité  ;  que  s'ils  périifent, 
ce  n'eft  pas  à  caufe  qu'ils  n'ont  pu  être  bons  j  mais  parce  qu'ils 
n'ont  pas  voulu  l'être  ,  &  qu'ils  font  demeurés  dans  la  n>a(te  de 
perdition  ,  ou  par  leurs  péchésaduels  ou  par  l'originel.  Ils  con- 

Cm/;,  5.  ieircnt  d'après  faint  Paul ,  dont  ils  citent  les  paroles  ,  la  prédefl!- 
nation  des  élus  à  la  vie ,  &  la  prédeftination  des  méchans  à  la 
mort; ce  quils  expliquent  en  difant  que  dans  le  choix  de  ceux 
qui  feront  fauves  ,  la  mifericorde  de  Dieu  précède  leur  mérite  ;  ôc 
dans  la  condamnation  de  ceux  qui  periront^leur  démérite  précède 
le  iufte  jugement  de  Dieu  ;  que  Dieu  n'a  ordonné  par  fa  prédelli- 
nation  que  ce  qu'il  devoit  faire  par  fa  mifericorde  gratuite  ,  ou  par 
fon  jufte  jugement  ;  que  dans  les  méchans  il  a  feulement  prévu 
la  malice,  parce  qu'elle  efl  d'eux  ,  mais  qu"il  ne  l'a  pas  prédcfti-r 
née,  parce  qu'elle  n'eft  pas  de  lui;  qu'à  l'égard  delà  peine  qui 
doit  fuivre  leurs  mauvaifes  actions ,  Dieu  l'a  prévue ,  parce 
qu'il  fçait  tout,  ,&  l'a  prédeflinée  parce  qu'il  ed  jufte.  Ils  ajoi^- 
tent ,  que  non-feulement  ils  ne  croyent  pas  que  quelques-uns 
foient  par  la  puiffance  divine  prédedincs  au  mal ,  comme  s'ils 
ne  pouvoicnt  ctreautre  chofe  ;  niais  qu'ils  difent  anathême  avec 
le  Concile  d'Orange  ,  à  ceux  qui  croyent  un  fi  grand  mal.  Ils 

Can.  i,.  défaprouvent  la  dodrine  de  ceux  qui  avoient  depuis  peu  enfei- 
gné  dans  leurs  écrits ,  que  le  Sang  de  Jefus-Chrift  a  été  répandu, 
même  pour  les  impies  qui  font  morts  dans  leur  impiété  depuis 
le  commencement  du  monde  ,  juf]u"à  la  Palfion  du  Sauveur^ 
J(i«,'j.  3 ,  14.  ôc  foutiennent  que  ce  prix  n'a  été  donné  que  pour  ceux  qui 
croyent  en  lui  ,  félon  qu'il  le  dit  lui-même  en  faint  Jean.  Ils 
rejettent  les  quatre  articles  d'Hincmar,  ôc  dix-neuf  autres  arti- 
cles de  Jean  Scot,  comme  n'étant  que  des  conclulions  de  fyllo- 
gifmes  impertinens  ,  plutôt  que  des  propofitions  de  foi  ;  ôc 
demandent  que  les  Auteurs  de  nouveautés  foient  réprimés. 

Ccn.  <„      IV.  Enfuite  ils  enfcignent  que  l'on  doit  croire  fermement  que  ■ 
tous  les  Fidèles  baptifés  font  véritablement  lavés  par  le  San"  de 
Jefus-Ciirifl,  parce  qu'il  n'y  a  rien  d'inutile  ni  d'illufoire  dans 
ics,Sacrcmens  de  l'Eglife ,  Ôc  que  tout  y  cil  vrai  ôc  elieclif  ;  que 


BU  NEUVIEME  SIECLE.  6i.-^ 
nàinmoins  de  cette  multitude  de  Fidèles  6c  de  rachetés ,  les 
uns  font  fauves  éternellement ,  parce  qu'ils  perfdverent  par  la 
grâce  de  Dieu  dans  leur  rédemption  ;  les  autres  ne  parviennent 
point  à  la  béatitude ,  parce  qu'ils  n'ont  pas  voulu  demeurer 
dans  le  falut  de  la  foi  qu'ils  ont  reçue  dès  le  commencement , 
GU  qu'ils  ont  rendu  inutile  la  grâce  de  leur  rédemption  par  leur 
mauvaife  doûrine,  ou  par  leur  vie  déréglée.  Quant  à  la  grâce 
par  laquelle  feront  fauves  les  Fidèles  ,  &  fans  laquelle  jamais  la 
créature  raifonnable  n'a  bien  vécu  ;&  à  l'égard  du  libre  arbitre 
affoibli  dans  le  premier  homme  ,  &  guéri  par  la  grâce  de  notre 
Seigneur  ,  ils  confefTent  d'une  foi  pleine  &  confiante  qu'ils 
croyent  ce  qu'ont  enfeigné  les  Pères  par  l'autorité  de  l'Ecriture,. 
ce  que  le  Concile  d'Afrique ,  celui  d'Orange  ôc  les  Papes  ont 
tenu.  Ils  rejettent  avec  mépris  les  queflions  indécentes  propofées 
fur  ces  matières  par  les  Ecoflois  ,  c'eft-àdire  par  Jean  Scot,  le 
regardant  comme  l'Auteur  des  troubles  ôc  des  divifions  qui  re- 
gnoient  dans  TEglife. 

V.  Ils  ordonnent  que  pour  le  maintien  de  la  vigueur  Ecclé-  Cm.  7. 
fiaftique ,  qui  perd  fa  force  dans    des    Evéques    qui  n'ont  ni 
mœurs,  ni  fçavoir ,  le  Prince  fera  fupplié  de  laiiTer  au  Cleraé 
&  au  Peuple  la  liberté  des  életlions  ;  que  les  Ëvêques  feront 
choifis  dans  le  Clergé  de  la  Cathédrale  j  ou  dans  le  Diocèfe  , 
ou  du  moins  dans  le  voifinage;  ôc  que  l\  l'on  prend  pour  Evoque 
un  Clerc  attaché  au  fervice  du  Prince  ,  le  Métropolitain  s'infor- 
mera exademcnt  de  fa  vie  ôc  de  fa  dotlrine  ,  pour  ne  point  or- 
donner un  indigne;  que  ceux  qui  s'emparent  des  biens  de  l'E-  dn.  s,'- 
glife,  feront  excommuniés  ,  quoiqu'ils  difent  qu'ils  leur  ont  été 
donnés  par  le  Prince;que  l'onufera  de  la  mcmeféverité  envers  les  Cm.  <?. 
Laïcs  qui  manqueront  de  refpe£t  envers  les  Curés  ,  ou  qui  s'en> 
pareront  des  biens  des  ParoifTes  ;  que  tous  les  Fidèles  payeront  Gan.  10, 
exa£lement  la  dixme  de  tout  ce  qu'ils  pofledent  ;  que  Ion  abo- 
lira l'abus  introduit  dans  les  Tribunaux  féculiers  de  faire  prêter  Can.  n. 
ferment  aux  deux  parties  qui  font  en  procès ,  n'étant  pas  ponible 
que  l'une  des  deux  ne  foit  parjure  ;  que  celui  qui  aura  tué  ou  Cm.  iz. 
chargé  de  plaies  fon  adverfaire  en  duel ,  fera  foumis  à  la  péni- 
tence de  l'homicide  ,  ôc  le  mort  privé  des  prières  ôc  de  la  fépul- 
ture  Eccléfiaflique  ;  que  l'on  fuppliera  l'Empereur  de  confirmer 
ce  Décret ,  ôc  d'abolir  lui-même  un  fi  grand  mal  par  des  Loix 
publiques  ;  que  pour  maintenir  la  charité  ôc  l'unité  entre  lesCa/z.  ij. - 
Ëvêques  ,  ils  fe  foutiendront  l'un  l'autre  contre  les  rebelles  à   • 
iZElglife,  afin  de  les  obliger ,  fous  peine  d'excommunication ,  à- 

M  m  m  m  iij 


g4^  C   O   N   C   I    LES 

Can.  i6.  fe  foumettre  à  la  pénitence  ;  que  chaque  Evêque  inftruira  ,  ou 

par  lui-même ,  ou  par  d'autres  perfonnes  capables  les  Peuples 

Can.  17.  tant  de  la  Ville  que  de  la  Campagne;  qu'il  fera  la  vifite  de  fou 

Cin.  18.  Diocèfefans  être  trop  à  charge  ;  que  l'on  reuiettra  fur  pied  les 
Ecoles  ,où  l'on  apprendra  les  fciences,tant  divines  qu'hun^aines, 

Cil.  19.  &  le  chant  Eccléiiaftique  ;  que  les  Métropolitains  veilleront  fu-r 
la  conduite  de  leurs  SufFragans ,  &  ceux-ci  fur  le  Clergé  de 

Cxn.  10.  jçyp  Diocèfe  ;  que  l'on  gardera  foigneufement  les  ornemens  des 
Eglifes,  qu'on  en  fera  ufage  fuivant  l'intention  des  donateurs, 
&  qu'on  ne  les  employera  à  rien  qui  foit  contraire  aux  Canons; 

Can.ii.  que  l'on  ne  fera  point  d'échange  des  biens  de TEglife  ;  &  que 
fi  l'on  en  fait,  ce  fera  avec  beaucoup  de  foin  &  d'exattitude. 
Le  dernier  Canon  menace  d'excommunication  quiconque  con- 
tinueroit  à  inquiéter  l'Archidiacre  de  Vienne  ,  foit. dans  fa  per- 
fonne ,  foit  dans  fes  proches.  Ce  Concile  efl  appelle  le  trcifiéme 
de  Valence.  L'Empereur  pour  en  confirmer  les  Décrets,  emprun- 
ta l'Editde  Conftantin  ,  adreffé  à  Ablavius  ,  Préfet  du  Prétoire. 
Concile  de  yj^  L'Empereur  Louis  ,  fils  de  Lothaire  ,  voulant  réformer 
tpm.s,Coiicii.  plufieurs  abus  dans  la  difcipline  de  lEglife,  en  demanda  les 
j-^g.  i4<^.  moyens  aux  Evêques  de  Lombardie ,  qu'il  avoir  affemblés  à 
Pavieau  mois  de  Février  de  l'an  S<;').  La  réponfe  de  ces  Evê- 
ques contieiît  dix-neuf  articles,  dans  lefquels  ils  fe  plaignent 
que  quelques-uns  de  leurs  confrères  ne  veilloient  ni  fur  leur 
•Clergé  ,  ni  fu-r  leurs  Peuples  :  ils  demandent  toutefois  à  l'Empe- 
reur de  leur  accorder  du  tems  pour  fe  corriger,  voulant  qu'en 
cas  d'incorrigibilité  ils  foient  punis  feverement.  Ils  déclarent  en- 
fuite  qu'ils  font  difpofés  à  écouter  toutes  les  plaintes  qui  pouc- 
■roient  être  formées  contre  des  Evêques,  foit  par  des  Laïcs j 
foit  par  des  Clercs,  6:  de  punir  les  délits  d'une  manière  con- 
venai)le.  Ils  ajoutent  qu'il  étoit  vrai  que  le  miniflere  de  la  parole 
de  Uicu  croit  extrêmement  négligé,  autant  par  la  fuite  des 
Evêques  &  des  Prêtres  ,  que  du  Peuple  ;  mais  aulTi  que  quel- 
ques Laïcs,  principalement  les  Seigneurs,  qui  dévoient  être 
les  plus  affidus  aux  inftruclions  qui  fe  faifoicnt  dans  les  grandes 
Eglifes,  n'y  venoient  point,  aimant  mieux  entendre  l'otïice  di- 
vin dans  les  Eglifes  qui  étoient  proche  de  leurs  maifons.  Quel- 
ques-uns de  ces  Seigneurs  recevoicnt  même  des  Clercs  fans  la 
permidion  de  leur  Evêque  ,  6c  faifoient  célébrer  la  Méfie  par 
des  Prêtres  ordonnés  en  d'autres  Diocèfcs  ,  ou  dont  l'ordination 
^toit  doutcufe.  Il  y  avoit  aulfi  des  Laïcs  qui  fous  prétexte  qu'ils 
.avoient  part  à  l'éleciion ,  traitoicnt  leurs  Archiprêtres  avec  hau- 


DU    NEUVIEME    SIECLE.      6^j 

téur;  d'autres  qui  enlevoient  les  biens  de  l'Eglife  ;  d'autres  qui 
donnoient  leurs  dixmes  aux  Eglifes  fituées  dans  leurs  terres  ,  ou 
aux  Clercs  qu'ils  av'oient  à  leur  fervice,  au  lieu  de  les  donner 
aux  Eglifes  où  ils  recevoicnt  l'inflrudion  ,  le  Baptême  ôc  les 
autres  Sacremens.  Les  Evoques  prient  l'Empereur  de  réformer 
tous  ces  abus  ;  d'empêcher  les  mariages  incedueux,  ôc  de  faire 
obferver  les  Capitulaircs  de  fes  prédccefTeurs  ,  fur  le  rétablif- 
fement  des  Hôpitaux  &  des  Eglifes ,  6c  l'obfervation  de  la  Règle 
de  faint  Benoit  dans  les  Monafteres  d'hommes  ôc  de  filles.  Ils 
marquent  en  de'tail  ce  que  les  Archiprôtres  dévoient  fournir  à- 
l'Evêque  lors  delà  vifitede  fon  Diocèfe. 

'VII.  Tous  ces  articles  ayant  été  communiqués  à  l'Empereur  P-ig-  i+p.  ■ 
Louis,  il  y  fit  une  réponfe, dans  laquelle  il  promet  de  maintenir 
les  Eglifes  dans  la  pofleirion  paifible  de  leurs  biens  ôc  de  leurs 
droits  ;  ôc  de  faire  obferver  les  Capitulaires  de  fes  prédéceficurs. 
Ce  Prince  en  fit  un  dans  le  même  Concile  de  Pavie ,  qui  contient 
einq  articles,  tous  fur  des  matières  de  police,  excepté  le  pre-  ^g^  '  •  ^■'■^* 
mier ,  qui  règle  le  tems  auquel  une  veuve  peut  fe  remarier,  ou 
prendre  le  voile  de  la  Religion, 

CHAPITRE     XXXV. 

ID  E  5  Conciles  de  Vinchejîre ,   de  Boiioil,  de  Qidercy  ,>    . 
de  Mayence,  de  Conjlam inonde, de  Aîct\,dLe  Langres, 
de  Savonieres,  de  CoJifiaminople,  de  Sijleron. 

L  T7  Thelulfe  ,   Roi  d'OuefTex  en  Angleterre ,  étant      Concile  ds 
l^i  de  retour  du  voyage  qu'il  avoir  fait  à  Rome  au  corn-  'V  ncheftiem 

"     *  11,        „  ,-r       11  -ixT  I  ii8î5,  rom.  8  , 

lïiencement  de  1  an  8ç  j  ,  aliembla  au  mois  ce  JNovembre  de  Ja  Conal.  pa^-. 
même  année  un  Concile  à  Vinchefire  dans  l'Eglife  de  faint  143. 
Pierre.  Les  deux  Archevêques  de  Cantorberi  ôc  d'Yorc  y  aflif- 
terent  avec  tous  les  Evêques  d'Angleterre,  plufieurs  Abbés, 
Bowede  ,  Roi  de  Mercie  ,  Edmond  ,  Roi  d'Eftrangle  ,  ôc  grand 
nombre  de  Seigneurs.  Il  y  fut  ordonné  qu'à  l'avenir  la  dixième 
partie  de  toutes  les  terres  du  Royaume  d'OilelTex  appartien- 
droit  à  l'Eglife  ,  pour  l'indemnifer  des  pertes  qu'elle  avoit  laites 
pendant  la  guerre  ,  ôc  des  pillages  des  Barbares  ,  c'eft-à-dire  des 
iSormands.  Le  principal  Auteur  de  ce  Décret  fut  le  Roi  Ethe- 


■6^^  CONCILES 

lulfe.  Il  offrit  lui-même  fur  l'Autel  de  faint  Pierre  la  charte  d« 
cette  donation  ,  lignée  de  fa  main.  Les  Princes  ôc  Evêques  pré- 
fens  y  foufcrivirent ,  même  des  Abbeffes  ;  &  les  Evêques  ea 
ayant  pris  copie ,  la  publièrent  dans  leurs  Diocèfes.  Elie  portoit , 
que  cette  dixième  partie  qu'il  donnoit  à  TEglife,  feroit  franche 
de  toutes  charges  ôc  de  toutes  fervitudes  féculieres. 
Concile  Je     IL  La  mome  année  8jj  ,  il  y  eut  unealTemblée  d'Evêques 

Bonoil      en  ^^  ^^  j-g^  appelle  Bonoil  fur  la  Marne  ,  près  de  Charenton  ; 

'  '  *  où  entr'autres  chofes  on  traita  des  privilèges  de  l'Abbaye  de  faine 

Calez  dans  le  Diocèfe  du  Mans.  Rainald  qui  en  étoit  Abbé, 
expofa  au  Concile  fes  fujets  de  plainte  contre  l'Evoque  du  Mans. 
Il  vouloit  s'affujettir  ce  Monaftere,  fans  aucun  égard  aux  privi- 
lèges des  Rois ,  qui  avoient  accordé  aux  Moines  de  faint  Ca- 
lez la  liberté  de  choifir  leur  Abbé ,  fuivant  la  Règle  de  faint  Be- 
jioît  dont  ils  faifoient  profeiïion.  L'Abbé  Rainald  fut  écouté  ,  & 
les  Evêques  ordonnèrent  que  fon  Monaflere  feroit  maintenu 
d'ans  la  poiTefTion  de  fes  droits  ;  fur  quoi  ils  firent  expédier  des 
Lettres,  aufquelles  foufcrivirent  quatre  Métropolitains,  vingt 
Evêques  6c  treize  Abbés.  Elles  font  dattées  du  huit  des  Calendes 
de  Septembre,  la  feiziéme  année  du  règne  du  Roi  Charles  le 
(Chauve,  c'ell-à-dire  le  2;  d'Août  Sjj.  Ce  Prince  confirma  ces 
Lettres  fynodiques  par  un  Diplôme  du  même  jour  ôc  de  la  mô- 
me année.  On  peut  voir  ces  pièces  dans  l'appendice  (  a  )  du  troi- 
•fiéme  tome  des  Annales  Bénédictines,  par  Dom  Mabillon.  Dom 
Martennen'a  rapporté  que  la  Lettre  fynodique  dans  le  quatrième 
tome  (&)  de  fes  Anecdotes.  Il  remarque  que  Robert,  fucceffeur 
d'Aldric  dans  l'Evêché  du  Mans,méprifant  lesDécrets  de  ce  Con- 
cile, fc  pourvut  auprès  du  Pape  Nicolas  I.  dont  il  étoit  aimé; 
que  ce  Pape  écrivit  en  conféquence  au  Roi  Charles,  aux  Evê- 
ques de  France  ôc  aux  Moines  de  faint  Calez  des  Lettres  très- 
preiïantes,  qui  apparemment  occafionnerent  l'examen  des  pri- 
'vileges  de  ce  Monaftere  dans  le  Concile  de  Piftes.  Mais  l'exa- 
men fut  favorable  ;  on  confirma  ces  privilèges ,  ôc  le  Pape  infor- 
mé du  vrai  par  le  Roi  Charles,  les  confirma  lui-même  par  au- 
torité Apoftolique.  La  Lettre  de  Nicolas  I.  fe  trouve  dans  le 
iroificme  tome  des  Conciles  de  France  ,  par  le  Père  Sirmond  ; 
<,elledes  Evêques  de  Piftes,  avec  lesAdes  de  leur  Concile,dan$ 
le  quatrième  tome  (  c  )  des  Anecdotes  de  Dom  Martenne.  Ces 

(a)  Pag.  66%  ,  669.  j       (c)  Ibid. 

AAes 


DU  NEUVIEME  SIECLE.  (^49 
■A£l:es  font  dates  de  i'an  S  6  2.  La  Lettre  eft  de  la  même  année. 
On  y  exhorte  Robert  à  laiflcr  paifibles  les  Moines  de  laint  Ca- 
lez dans  la  joiiiflance  de  leurs  privilèges. 

1 1 1.  On  continuoit  en  France  les  violences  &  les  pillages.      Concile  de 
Charles  le  Chative  voulant  y  remédier ,  tint  un  Concile  à  Quier-  g    "fp,„  g" 
cy  le  2j.de  i'^cvrier  de  l'an  8 5" 7,  avec  les  Evêques  6c  les  Sei-  Concil.    pas'. 
gneurs  qui  lui  croient  demeures  fidèles  ;  il  y  fut  réfolu  que  cha-  ^■^'^• 
que  Evêque  remontreroit  aux  Peuples  par  l'autorité  de  l'Ecri- 
ture ôc  des  Canons ,  la  grandeur  du  péché  de  ceux  qui  pilloient 
ou  prenoient  de  force  le  bien  d'autrui ,  ôc  quelle  pénitence  ils 
méritoient  ;  que  les  Comtes  ôc  les  Envoyés  du  Prince  feroient 
de  femblables  remontrances  dans  leurs  départemens  ,  en  les  ap- 
puyant de  l'autorité  des  Loix  ôc  des  Capitulaires  ,   ôc  en  me- 
naçant de  fupplices  ceux  qui  fe  trouveroient  coupables.il  ne  rede 
de  ce  Concile  que  la  Lettre  fynodale  écrite  au  nom  du  Roi 
Charles,  ôc  addreffée  aux  Evêques  &  aux  Comtes.  Les  Evê- 
q-ues  y  trouvoient  une  formule  des  remontrances  qu'ils  avoient 
à  faire.  L'autre  partie  qui  regardoit  les  Comtes ,  n'a  pas  encore 
été  rendue  publique. 

I  V.  Il  fé  tint  vers  le  même  tems  un  Concile  à  Mayence  ,       Concile  Jo 
CHX  l'on  agita  plufieurs  queftions  touchant  les  droits  de  l'Eglife.   gZ/^^om.  s" 
On  y  lut  une  Lettre  deGonthier,  Evêque  de  Cologne,  à  l'E-   Condl.    pag. 
vôque  Alfride,  dans  laquelle  il  faifoit  la  defcription  d'une  tem-   *5o- 
pête  horrible  arrivée  à  Cologne  le  i  j  de  Septembre  de  i"an  S  çy. 
Pendant  que  le  Peuple  effrayé  étoit  en  prière  dans  la  Balilique 
de  faint  Pierre,  ôc  que  l'on  fonnoit  les  cloches  ,  la  foudre,  en 
forme  de  dragon  de  feu ,  paflTa  au  travers  de  l'Eglife ,  ôc  tua 
plufieurs  perfonnes. 

V.  AConftantinople  le  Patriarche  Ignace  ne  pouvant  fouffrir    Concilinbue 

1      r        J    1  D      J  r  •  Li-  '^^  Conftanti- 

le  Icandale  que  bardas  cauloit ,  en  entretenant  publiquement   nopleenS58, 
fa  brià ,  après  avoir  chalTé  fa  femme  légitime ,  le  retrancha  de  la  f^-  ^.CûnaU 
communion.  Bardas  pour  s'en  venger,  le  Ik  chaffer  lui-même  du  ^'^^'   ^'* 
Palais  Patriarchal ,  ôc  réléguer  dans  l'Ille  de  Terebinthe  ,  ôc 
clîoifir  à  fa  place  l'Eunuque  Photius ,  qui  fe  fit  ordonner  par 
Grégoire  de  Syracufe ,  dépofé  de  l'Epifcopat  dans  un  Concile 
qu'Ignace  avoit  tenu  dès  l'an  8  j-^.  L'ordination  de  Photius  fe  fit 
le  jour  de  Noël  l'an  Sj8.   Quelque  tems  après  il  affenibla  un 
Concile  dans  l'Eglife  des  Apôtres,  où,  avec  les  Evêques  de 
fon  parti ,  il  dépofa  Ignace  ,  ôc  lui  dit  anathême. 

VI.  La  même  année  8  jS  ,  Louis  de  Germanie  ayant  pénétré   q^°""'*  e* 
jgnFrance,  ordonna  aux  Evêques  de  fe  rendre  à  Reims  le  25    sjs,  :om,s^ 

Tome  XXIL  N  n  n  n 


6so  CONCILES 

Concil.    j'.ig.  de  Novembre  ,  pour  avifer  aux  moyens  de  rétablir  l'Eglife  ÔC; 
^^'**  l'Etat..  ?.îais  la  plupart  des  Evêques  qui  ne  le  reconnoiiToient 

point  pour  leur  Souverain ,  parce  qu'ils  voulaient  demeurer  fidè- 
les au  Roi  Charles,  fe  contentèrent  de  s'ailembler  à  Quiercy, 
d'où  ils  écrivirent  à  Louis  de  Germanie  une  grande  Lettre^  au- 
nom  de  tous  les  Evêques  des  Provinces  de  Reims  &  de  Rouen,- 
V'enilon,  Archevêque  de  R.ouen,    ôc  Creanrad  de  Châlons^, 
en  furent  les  porteurs.  Nous  en  avons  (  a  )  donné  ailleurs  le  con- 
tenu. Flodoard  (h)  dit  que  Louis  de  Germanie  tint  un  Parle- 
ment à  Reims  ôc  un  Concile  à  Soiflbns. 
Concile  de      VII.  Nous  avons  aulïi  rendu  compte  de  ce  qui  fe  pafTa  au' 
tom^s^ondi.  Concile  de  Metz,  afiemblé  le  28  de  Mai  8  ^9 ,  du  confentement 
pag.  868.        des  Rois  Charles  le  Chauve  ôc  de  Lothaire  fon  neveu  ,  pour  ■ 
moyenner  la  paix  entre  eux  ôc  Louis  de  Germanie.  Les  Evêques 
députés  vers  ce  Prince  de  la  part  du  Concile  ,  étoient  chargés 
d'une  inftruiStion  contenant  douze  articles,  qui  renfermoient  les 
conditions  aufquelles  ils  dévoient  Tabfoudre  de  l'excommuni- 
cation quil  avoit  encourue  par  les  excès  commis  dans  le  Royau-, 
me  de  France. 
Concile  Je       VIII.  Quelques  jours  avant  cette  Affemblée ,  c'efl:- à-dire  le  • 
s^ç^^mn.  T  '^  d'Avril  de  la  même  année  ,  il  s'en  étoit  tenu  une  dans  l'Ab— 
Concil.   pag.  baye  des  Saints  Jumeaux,  près  de  Langres ,  en  préfence  du- 
*^^*  Roi  Charles  le  jeune ,  fils  de  l'Empereur  Lothaire.  Rémi,  Ar- 

chevêque de  Lyon  ôc  Agilmar  de  Vienne ,  y  préfidcrent ,  alfiflés 
d'Ebbon  de  Grenoble,  ôc  de  plufieurs  autres  Evêques.  On  y  fit 
feize  Canons ,  dont  les  fix  premiers  font  les  mêmes  que  les  CiK 
de  Valence  fur  la  prédeftination  ,  fi  ce  n'eft  que  dans  le  quatriè- 
me il  n'eft  rien  dit  des  quatre  articles  de  Quiercy.  Les  Canons 
du  Concile  de  Langres  furent  renouvelles  dans  celui  de  Savo- 
nieres,  dont  ils  font  partie  dans  la  Collection  générale  des  Con- 
ciles. Flodoard  (  c  )  en  fait  mention  dans  l'extrait  d'une  Lettre 
d'Hincmar  à  Charles  le  Chauve. 
Concile  de      J  X.  Le  Concile  de  Savonieres  ,  près  de  Toul ,  fe  tint  au 
s^T^tom.'s^  mois  de  Juin  de  la  même  année  8  jp.  Il  étoit  compofé  des  Evê- 
Concii.    pag.  ques  de  douze  Provinces  des  trois  Royaumes ,  de  Charles  le 
*^'**  Chauve ,  de  Lothaire  ôc  de  Charles  le  jeune  ,  fes  neveux.  Ces 

Cup.  I.  trois  Princes  y  allifterent.  Le  but  de  ce  Concile  fut  de  détruire . 


(a)   Voyr  les  articles  de  Cliarles  le  j       (h)  Flodoard  ,lih.  ^,  cap.it. 
Chauve  ,.&  d'Hincmar  de  Reims.  \      (  c  ;  itid.  lib.  3 ,  kilt,  cap,  1 6, 


DU    NEUVIEME    SIECLE.       5^1 

le  Schifme  qui  s'étoit  dlcvc  depuis  peu  dans  l'Eglife  ,  d'en  rc'- 
tablir  la  difciplinc  prelque  tombée ,  &  de  ramener  à  robciiïaiice 
ceux  qui  avoient  manque  de  Hdeiitd  envers  leurs  Souverains.  A 
cet  effet  les  Evêques  obtinrent  la  permiifion  des  trois  Rois  de  Cap.ti, 
tenir  des  Conciles  dans  les  tems  prefcrits  par  les  Canons  :  ce 
■qu'ils  n'avoient  pu  faire  pendant  les  troubles  &  les  agitations  de 
la  guerre;  car  ces  trois  Princes  étoie^it  parfaitement  d'accord  à 
procurer  le  rétabliffement  de  la  Religion  dans  leurs  Etats.  On 
porta  des  plaintes  au  Concile  fur  l'orcliiation  de  trois  Evoques,  ^-P-î* 
'1  ortold  dé  Baycux ,  Anfcaire  de  Langrei ,  &  Atton  de  Verdun  ; 
&  on  les  accufa  détre  parvenus  à  l'Epifcopat  par  des  voies  i!lé-   ''"^'  ''* 
gitimes.LacaufedeTortoldfut  renvoyéeà  Venilon, Archevêque  Ci;;,  y. 
de  Sens,  &à  trois  autres  Evêques.  Anfcaire  promit  par  des  Dé- 
putés defe  défifter  ;fu;quoi  le  Concile  lui  prefcrivit  une  formule 
d'un  ferment ,   par  lequel  il  demandroit  pardon  de  hn  entre- 
prife  ôc  promettoit  de  ne  rien  tenter  de  fembiable  à  l'avenir. 
A  l'égard  d'Atton,  il  fut  ordonné  qu'il  comparoîtroit  à  un  autre  Cip.  7. 
Concile.  On  croit  que  comme  il  avoit  fait  profeirion  de  la  vie 
nionaftique  dans  l'Abbaye  de  faint  Germain  d'Auxerre,  il  ne  lui 
înanquoit  que  le  confentement  de  fes  Supérieurs  pour  l'Epifco- 
pat, qu'ils  lui  donnèrent  apparemment,  puifque  fon  ordination 
fut  confirmée  dans  la  fuite  ,  &  qu'il  gouvernoit  encore  l'Evêché 
de  Verdun  en  807.  Il  y  avoit  au  contraire  un  autre  Evêque  à 
Bayeux  en  8^0.  Ce  qui  prouve  que  Tortold  en  avoit  été  dé- 
jetté. 

X.  Le  Roi  Charles  le  Chauve  préfenta  une  Requête  contre     Reqyr^te  du 
Venilon  ,  Archevêque  de  Sens,  oii  il  difoit,    que  malgré  les  ')l'ifL'if^^'_ 
fermensde  fidélité  qu'il  lui  avoit  faits  en  plus  d'une  occalion  ,  il  damit.    -pag. 
s'étoit  joint  contre  lui  à  Louis  de  Germanie  avec  toutes  fes  for-  ^''^' 
ces  ;  qu'il  s'étoit  fait  donner  par  ce  Prince  l'Abbaye  de  fainte  ^'^V-  ^' 
Colombe  qui  ne  lui  appartenoit  pas  ;  &  que  depuis  que  lui , 
Charles,  avoit  recouvré  fon  Royaume,  Venilon  avoit  continué 
"dans  fa  révolte,  en  lui  refufant  les  fecours  que  l'Eglil'e  de  Sens 
lui  devoir  comme  à  fon  Souverain.  Charles  difoit  dans  la  même 
Requête  :  lorfque  Venilon  me  facra  Roi  dans  l'Eglife  de  fainte 
Croix  d'Orléans ,  qui  efl  de  fa  Province,  il  me  promit  de  ne  me 
point  dépofer  de  la  dignité  Royale,  au  moins  fans  les  Evêques 
qui  m'avoient  facré  avec  lui ,  ôc  au  jugement  defquels  je  me  fuis 
fournis,   comme  je  m'y  foumets    encore.  Les  Evêques,  qui 
avoient  fans  doute  eu  part  à  la  Requête  de  ce  Prince  ,  ordon-' 
lièrent  que  Venilon  feroitcité  à  certain  terme;  en  conféquencc 

N  n  a  n  i  j 


6^2  CONCILES 

ils  écrivirent  une  Lettre  fyiiodique  qu'ils  lui  adclreHerent ,  & 
dans  laquelle  ,  après  lui  avoir  donné  communication  des  plain- 
tes du  Roi,&  nommé  les  Evêques  qu'il  avoit  choills  pour  Juges; 
fçavoir,  Rémi  de  Lvon  ,  Venilon  de  Rouen  ,  tierr^rd  de  Tours  > 
&  Rodolphe  de  Bourges;  ils  lui  ordonnent  de  comparoître  de^ 
vant  eux  trente  jours  après  la  réception  de  cette  Lettre  ,  pour 
propofer  fes  défenfes.  Ils  ajoutèrent  à  leur  Lettre  fynodique  des 
extraits  des  anciens  Canons ,  touchant  les  principaux  chefs  d'ac- 
cufations  contenus  dans  la  Requête  du  Roi  Charles.  Herard 
de  Tours  tut  chargé  par  le  Concile  de  porter  cette  Lettre  à 
Venilon  ôc  de  lui  faire  la  citation  ;  mais  ne  l'ayant  pu  à  caufe 
Fag.  é54.  de  maladie  ,  il  en  donna  la  commiffion  à  Robert  du  Mans  ,  fon 
Suffragant,  ôc  écrivit  en  même  tems  à  l'Archevêque  de  Sens, 
pour  l'exhorter  à  fe  juftifier  ôc  à  fatisfaire  au  Roi.  Venilon  l'ui- 
vant  ce  confeil ,  fe  réconcilia  avec  ce  Prince  ;  ôc  par-là  il  évita 
le  jugement  des  Evêques. 
Letrresaux       XI.  Le  Conciîe  de  Savonieres  écrivit  aufTi  aux  Evêques  de 
Breton?.         Bretagne,  pour  les  engager  à  fe  réunir  en  rentrant  fous  l'obéif- 
Op.  s.  ç^y^^Q  jg    l'Archevêque  de  Tours    leur  Métropolitain.  Il  les 
?ag.  6?^.  chargea  encore  d'avertir  Salom.in,  qui  fe  difoit  Souverain  delà 
Bretagne,  de  tenir  la  foi  qu'il  avoit  promife  au  Roi  Charles. 
Nous  avons  cette  Lettre  ôc  celle  de  la  même  AfTemblée  à  neuf 
C-ip.  9.  Seigneurs  Bretons ,  les  principaux  d'entre  ceux  que  l'Archevê- 
que de  Tours  avoit  excommuniés  pour  leurs  crimes.  Le  Con- 
Pag.  tfj?6.  elle  les  exhorte  à  rentrer  en  eux-mêmes,  leur  donne  jufqu'au 
prochain  Synode  pour  fe  corriger ,  avec  menace  d'anathême 
s'ils  perfeverent  dans  leur  endurcidement. 
Canons  c)u      XII.  On  lut  enfuite  les  Canons  qui  avoisnt  été  faits  quelques 
Concile     de  jq^^s  auparavant  dans  le  Concile  de  Langres.  Les  (ix  premiers 
font ,  comme  on  1  a  déjà  dit,  les  mêmes  que  ceux  du  troiheme 
Cm.  7.  Concile  de  Valence.  Ilfutordonné  parle  feptiéme,  que  l'on  prie- 
roit  les  Princes  de  permettre  la  tenue  des  Conciles  Provinciaux 
tous  les  ans,  ôc  une  alTemblée  générale  dans  leur  Palais  tous  les 
Cm.  8.  deux  ans.  Le  huitième  porte  ,  que  dans  la  promotion  d'un  Evê- 


Can.  9.  j^e  neuvième,  que  les  livëques 

les  Communautés  de  Chanoines  ,  de  Moines  ôc  de  Religieufes, 
pour  voir  li  la  Règle  ôc  les  Statuts  y  font  obfcrvés.  Le  dixième  , 

Can  10.  que  le5  Princes  6c  les  Evoques  feront  exhortés  à  établir  des 
Ecoles  publiques,  tant  des  faintes  Ecritures  que  des  Lettres 


DU    NEUVIEME    SIECLE.     5n 
humaines,  dans  tous  les  lieux  où  il  fe  trouvera  des  pcrfonnes 
capables  de  les  enfeigner,  parce  que  la  vraie  intelligence  des 
Ecritures  étoit  alors  tellement  déchue,  qu'à  peine  en  refloit-il 
quelque  veaige.  Il  eft  dit  dans  les  fuivans  ,  que  les  Eglifes  feront  Om.  i  r; 
rc^parées  ou  rebâties  par  ceux  qui  en  tirent  les  revenus  ;  que  l'on 
demandera  aux  Princes  la  permiirion  à  chaque  Communautd  ^''''"  '^* 
Religieufe  ou  Ecclcliallique  ,.defe  chofir  un  Chef  de  la  même 
profeifion  ;  que  la  dillribution  des  biens  confacrés  à  Dieu  ,  fe  0/2. 13, 
fera  de  façon  que  la  neuvième  ou  dixième  partie  en  foit  don- 
née aux  Eglifes  ;  que  l'on  rétablira  les  Hôpitaux  fondés  par  les  Can.  14. 
pieux  Empereurs  ;&c  que  les  revenus  en  feront  employés  à  la 
labftentation  des  pauvres  &  des   étrangers.  On  pria  les  trois 
Princes  qui  aiTiftoient  au  Concile  défaire  examiner  les  caufes  C.i«.  ly. 
des  pauvres  par  des  Minières  intégres  ;&  de  punir ,  fuivant  le 
pouvoir  que  i>ieu  leur  en  a  donné,  les  adultères  ,les  ravifTeurs,  ^'""  ^^' 
jufqu'à  ce  qu'ils  fe  préfentent  d'eux-mêmes  publiquement  pour 
être  jugés  par  les  Frctres  ,  ôc  fournis  à  la  difcipline  Eccléliaf- 
tique. 

XIII.  Après  qu'on  eut  achevé  la  le£lure  de  ces  Canons  à  Suite ;îu 
Savonieres,  quelques  Evéques  du  parti  d'Hincmar  voulurent  saTonierc^  ^ 
former  quelque  ditlîculté  ;  mais  on  les  arrêta  ;  &  il  fut  convenu 

que  les  articles  conteflés ,  c'étoient  ceux  qui  regardoient  la  grâce  C-ip.  10. 
&  la  prédellination  ,  feroient  examinés  au  premier  Concile  qui  P-'i'^y^' 
fe  tiendroit  après  le  rctabliiTement  de  la  paix.  Enfuite  les  Evo- 
que,-, conjurèrent  le  Roi  Charles  &  R.odolphe  Archevêque  de 
Bourges ,  de  maintenir  en  vigueur  le  privilège  du  Monaftere    ''^'''  "* 
defaint  Benoît,  qu'ils  avoient  déjà  confirmé  du  confentement 
du  Roi  ;  6c  pour  fe  donner  des  marques  de  charité  avant  leur 
fcparatiûn,i':s  convinrent  unanimement  dédire  chaque  femaine,  q.,, 
le  jour  de  Mercredi,  une  Melle  pour  tous  ceux  qui  avoient 
affidé  au  Concile  ;  &   qu'au  cas  que  quelqu'un  d'eux   vînt  à 
mourir  ,  les  furvivans  célebreroient  fept  fois  la  Pviefle  pour  lui, 
ôc  autant  de  fois  les  Vigiles;  que  chaque  Prêtre ,  foit  dans  les 
Monafteres ,  foit  à  la  Campagne ,   diroit  trois  Mefles  oc  trois 
fois  les  Vigiles  :  ôc  qu'à  cet  effet  on  envoyeroit  des  Lettres  cir- 
culaires pour  donner  avis  de  la  mort.  Les  Abbés  préfens  au 
Concile  furent  admis  à  cette  fociété  de  prières. 

XIV.  Photius  voyant  que  l'exil  dlgnace  n'empêchoit  pas  Concile  de 
ceux  de  fon  parti  de  lui  demeurer  fide'es  ,  perfuada  l'Empereur  pie^eT's-o' 
Michel,  par  le  miniflere  de  Bardas  ,  d'afiembler  un  Concile  où  tlm.  s.Ccr.cil. 
l'on  obligeât  les  partifans  d'Ignace  de  le  condamner.  Ceux  qui  f^i'^'-^î* 

Nu  an  lij 


<?^4  CONCILE    S 

refuferentfurent  envoyés  en  prifon  &  punis  de  diverfes  maniè- 
res. LeSynodiquedit  que  ce  Conciliabule  fut  tenu  à  Blaquerne. 
Il  en  eft  parle  dans  la  Préface  d'Anailafe  le   Bibliothécaire  , 
fur  le  quatrième  Concile  général  de  Conftantinoplc. 
Concile  c3e       X  V.  Aurelien  ,  Abbé  d  Aifnai ,  ôc  depuis  Evoque  de  Lyon, 
Sifteron     en  gp^^g  avoir  rétabli  le  bon  ordre  dans  fou  Monaflere  ,  penfa  à  en 
bâtir  un  nouveau:  mais  n'ayant  pas  de  fonds  en  fuPnfance,  il 
, obtint  de  fes  parensîe  terrein  où  il  avoit  defl^in  de  le  bâtir,  ôc 
divers  héritages  qui  en  dépendoient.  Il  fit  tout  de  concert  avec 
Rémi,  Archevêque  de  Lyon,  qui  confirma  cet  étabiiflemenf , 
comme  étant  dansfon  Diocèfe.  Il  fut  auiTi  confirmé  par  un  Di- 
plôme du  Roi  Charles  ,  ôc  par  un  Décret  du  Concile  de  Sifte- 
rron,  où  dix  Evêques  afîlfîerent.  Ce  Monaftere  eft  connu  fous 
le  nom  de  SelTleu.  Le  Décret  ou  privilège  des  Evêques  (fl), 
cft  daté  de  l'an  Sjfj.  Ils  y  rsppelîent  les  Actes  de  fondation  ôc 
.de  confirmation  ,  ôc  déciarent  que  les  biens  donnés  à  ce  Alonaf- 
tere  ne  pourront  être  employés   qu'à  l'ufage  des  Moines,  ôc 
.qu'ils  ne  pourront  être  inquiétés  de  perfonne  dans  le  droit  d'é- 
lire eux-mêmes  leur  Abbé.  Ils  prient  les  Evêques  qui  n'avoient 
point  alfifté  au  Concile  de  Sifteron  ,  de  fouferire  à  ce  Décret; 
ôc  font  la  même  prière  aux  Abbés  abfens. 
.  .•  ^°""^^       XVI.  Le  Roi  Lothaire  avoit  époufé  en  S<6  Thietberge  , 
pelle  en  Sâo,  fiHcdu  Ccmtc  Bofon  ;  mais  il  la  quitta  l'année  fuivante  ,  ôc  en- 
iom.s,Coml.  tretint  plufieurs  concubines.  Pour  donner  quelque  prétexte  à  la 
^ag.  (196.        répudiation  de  cette  PrincefTe ,  on  répandit  le  bruit  qu'elle  avoit 
commis  un  inceftcavec  Hubert  fon  frère.  Au  défaut  de  preuves, 
les  Seigneurs  Laïcs ,  de  l'avis  des  Evêques  ,  ôc  du  confentement 
du  Roi,  ordonnèrent  l'épreuve  de  l'eau  bouillante.  Elle  réuflit 
en  faveur  de  Thietberge ,  ôc  il  fut  décidé  que  Lothaire  la  repren- 
droit.  Il  la  reprit  ,  mais  la  mit  prefqu'aufiltôt  en  prifon.  Et 
.voulant  lui  faire  avouer  fon  incefte ,  il  fit  afîembîer  un  Concile  à 
Aix-la-Chapelle  le  neuvième  de  Janvier  %6o.  Il  inftruifit  les 
£vêques  de  ce  qu'il  f<;avoit  du  crime  de  Thietberge  ,  ôc  lui 
députa  quatre  d'entr'eux  pour  fçavoir  d'elle-même  ce  qui  en 
I  étoit.  Gonthier ,  Arclievôque  de  Cologne  ,  l'un  des  Députés , 

rapporta  au  Roi  qu'elle  avoit  confeffé  fon  crime,  ôcfe  recon- 
noilfoit  indigne  d'être  à  l'avenir  l'époufe  de  ce  Prince  ;  qu'elle 
demandoit  même  de  fe  rétirer  pour  faire  pénitence.  Adventius^ 

J^ol)  Mibilbn.  lib,  jj ,  Aniuil,  num.  6j  j  &  tom.  6  ,  Aôior.jjag.  J07. 


DU    NEUVIEME    SIECLE.     <îr? 

EvêquedeMetz,  dità  Lothaire  ,  qu'il  ne  lui  ctoit  plus  permis 

d'habiter  avec  Thietberge.    Teutgaud  de  1  rêves  ,    opina  de 

même.  Egil,  Abbé  de  Frùm  ,  ajouta,  qu'elle  n'avoit  d'autre 

laifon  de  demander  à  fe  retirer  que  pour  vaquer  à  fon  falut.  Oa 

eut  foin  de  dred'er  un  afte  de  toutes  ces  déclarations.  Thietberge, 

obligée  de  comparoître  dans  une  autre  ademblée  d'Evcques  & 

de  Seigneurs  que  le  Roi  Lothaire  tint  encore  à  Aix-la-Cbiapelle 

le  quatrième  de  Février  de  la  même  année  ,  déclara  fon  crime  & 

de  vive  voix,  &  par  écrit, ajoutant  qu'elle  iaifoit  cette  con- 

felFion  fans  contrainte,  ôc  dans  la  vue  de  fon  falut.  Les  Evoques 

la  conjurèrent  de  ne  pas  fe  charger  d'un  crime  dont  elle  ne  fût  •; 

point  coupable;  ôc  voyant  qu'elle  demeuroit  ferme  dans  fa  coti---  jW 

feflîon ,  ils  la  condamnèrent  à  faire  pénitence  publique.  Thiet-  ' 

berge  fut  donc  renfermée  dans  un  Monaflere  ;  mais  ayant  trouvé 

moyen  d'en  fortir  ,  elle  s'enfuit  dans  les  Etats  de  Charles  le 

Chauve  ,  d'oi^i  elle  envoya  des  Députés  au  Pape  Nicolas  I.  pour 

fe  plaindre  du  jugement  des  Evêques.  Lothaire  en  envoya  de  Ion 

coté  avec  une  Lettre  des  Evêques  de  fon  Royaume  ,  où  ils 

expofoient  ce  qui  s'étoitpafTé  dans  le  Concile,  priant  le  Pape  de  ' 

ne  point  fe  laifler  prévenir  contre  Lothaire. 

XVII.  Le  Concile  convoqué  à  Coblents  le  cinquième  de     Concile  de  ' 
Juin  de  l'an  S  60,  eut  pour  but  l'établifîement  d'une  paix  folide  ^°^^''""p!„  g"' 
entre  les  Rois  Louis  de  Germanie,  6c  Charles  le  Chauve  fon  Conâi.    ^agi  ■ 
firerc ,  &  leurs  trois  neveux  ,  Louis  ,  Lothaire  &  Charles.  Treize  û^^* 
Evoques  &  trente-trois  Seigneurs  furent  chargés  de  drefler  le 
ferment  que  ces  Princes  dévoient  fe  faire  matuellement.  Ils  y 
firent  entrer  deux  articles  remarquables  ,  &  qui  étoient  inté- 
relTans  ,  tant  pour  le  maintien  de  la  difcipline  Eccléfiaftique, 
que  pour  la  tranquillité  des  Etats.  Le  premier  porte,  que  s'il  P.tg.699,  ■ 
arrive  que  quelqu'un  étant  excommunié,  ou  ayant  commis  un 
crime  qui  mérite  l'excommunication ,  change  de  Royaume  pour 
éviter  la  pénitence,  ou  qu'il  emmené  avec  lui  celle  qu'il  aura 
enlevée,  ou  dont  il  aura  abufé  ,  le  Prince  dans  les  Etats  duquel  ' 
le  coupable  fe  fera  retiré  ,  le    contraindra  de  retourner  à  fon 
Evêque  ,    pour  recevoir  ou  accomplir  fa  pénitence.  Dans  le 
fécond  Règlement  qui  avoit  déjà  été  public  à  Epernai  en  84  f  ,  il 
eft  dit  ,  qu'aucun  Evoque  ne  retranchera  de  la  communion  de 
l'Eglife un  pécheur ,  fans  lui  avoir  fait  auparavant  les  monitions 
prefcrites  par  l'Evangile ,  de  fe  corriger  &  de  faire  pénitence  > 
que  dans  le  cas  d'incorrigibilité  ,  l'Evcque  s'adrelfera  au  Roi  & 
à  fes  Officiers ,  pour  contraindre  le  pécheur  à  la  correction  ôc 


6^6  C    O    N    C    I    L    E    S 

à  la  pénitence  ;  &  que  fi  ce  moyen  devient  inutile ,  alors  il  le 
fe'parera  de  la  communion  Ecciéliaflique.  Il  fut  convenu  par  un 
troiliéme  article,  que  ceux  d'entre  les  perturbateurs  publics  qui 
reconnoîtroient  de  bonne  foi  leurs  fautes  ,  ôc  reviendroient  à 
l'Eglife,  en  obtiendroient  le  pardon,  &  feroient  non-feuiement 
rétablis  dans  la  polTeifion  de  leurs  biens  ,  mais  qu'us  auroient 
encore  part  à  la  dillribution  que  les  Princes  font  des  honneurs  de 
leur  Royaume. 
Concile  de       XVIII.  Le  vingt-deuxiéme  d'Octobre  de  la  même  année 
ToufienSéo,  gj^Q  ,  on  alTembla  un  Concile  à  Toufi  dans  le  Diocéfe  deToul, 
[ag.joz.        ou  le  trouvèrent  des  iiveques  de  douze  ,  ou,  lelon  cl  autres  ,  de 
quatorze  Provinces  ;  fçavoir ,  Befançon ,  Lyon ,  Trêves  ,  Reims, 
Vienne,  Sens,  Cologne,  Bourges,  l'ours,  Narbonne  ,  Bour- 
deaux  ,  Rouen  ,  Arles  ôc  Mayence.  Ces  deux  dernières  ne  font 
point  nommées  dans  les  acles  imprimés  du  Concile ,  mais  elles 
le  font  dans  quelques  manufcrits.  Ils  étoient  en  tout  cinquante- 
fept  Evêques.  La  raifon  de  s'aiTembler  fut  d'arrêter  le  cours  des 
crimes  qui  inondoient  toutes  les  Provinces  j  les  Loix  divines  ÔC 
humaines  y  étoient  généralement  méprifées  ,  Ôc  tous  les  Ordres 
de  la  Religion  Chrétienne  Ce  reiTentoient  de  la  corruption  des 
mœurs.  On  fit  donc  cinq  Canons  pour  empocher  du  nioinsque 
ce  qui  étoit  encore  fain  ,  ne  participât  à  la  contagion.  Le  pre- 
Q^^_ ,    mier  foumet  à  l'anathême  ôc  retranche  de  la  communion  du 
Corps  ôc  du  Sang  de  Jefus-Chrifl ,  même  à  la  mort,  ceux  qui 
s'emparent  des  biens  de  l'Eglife,  qui  les  donnent,  ou  qui  les 
reçoivent  fans  la  permidion  de  l'Evêque  ;  ôc  ordonne  que  les 
coupables  ,lorfqu"ils  demanderont  la  pénitence,  refiicuent  non^ 
feulement  le  principal  ,  mais  le  triple  ,  ou  même  le  quadruple, 
fuivant  la  qualité  de  la  perfonne  ôc  du  dommage  qu  ils  auront 
Can.  1.  caufé  à  l'Eglife.  Il  eft  ordonné  par  le  fécond  d'enfermer  dans 
des  prifons,  pour  y  faire  pénitence  toute  leur  vie,  les  Reli- 
gieufes  qui  le  feront  abandonnées  enfecret,ou  mariées  publi- 
quement ;  de  même  que  les  veuves  qui  vivent  dans  la  débauche, 
ou  qui  proflituent  leurs  filles  ;  ôc  à  l'égard  des  hommes  qui  leur 
auront  fait  violence  ,  de  les  contraindre  à  faire  pénitence  par  les 
cenfures  Eccléliafliques ,  foutenues  de  l'autorité  des  Princes  ÔC 
des  Juges,  lorfqu'ils  en  feront  requis  par  l'Evêque.  Le  troifiéme 
Can.  3.  efl:  contre  les  juremens  ,  les  parjures,  Ôc  les  faux  témoignages  : 
Les  coupables  fubiront  la  rigueur  des   peines  portées  par  les 
anciens  Canons  ;  on  les  chaftera  de  l'Eglife  ,  ôc  on  ne  récitera 
...Om.  4.  point  leurs  noms  paimi  les  Fidèles,  Lç  q.uatriéme  prive  de 

l'allillance 


DU    NEUVIEME    SIECLE.     6^7 

raflTiftance  à  l'office  de  la  Mefle  ,  &  de  toute  fociété  chrétienne , 
ceux  qui  exercent  des  rapines,  des  meurtres,  les  incendiaires , 
ceux  qui  pillent  les  biens  de  l'Eglife ,  ou  qui  fe  fouillent  de  crimes 
énormes  d  impureté  ;  ôc  ordonne  aux  Evcques  de  s'écrire  mutuel- 
lement touchant  les  excommuniés  ,  afin  que  perfonne  ne  com- 
munique avec  eux.  Les  Normands  avoient  pillé  ou  brûlé  plu- 
sieurs Eglifes  &  plufieurs  Monafleres ,  d'où  les  Clercs  ôc  les 
Moines  en  grand  nombre  avoient  pris  occafion  de  quitter  leurs 
habits,  ôc  de  vivre  vagabonds  ôc  fans  obferver  aucune  règle; 
c'eft  pourquoi  le  cinquième  Canon  ordonne  qu'ils  fe  remettront  Cas.  f. 
fous  ia  conduite  ôc  la  difcipline  de  leurs  Evêques  ôc  de  leurs 
Abbés.  A.  ces  Canons  le  Concile  deToufi  ajouta  une  Lettre  Syno-  P'^S-  7or. 
•dale ,  qui  eft  de  ia  façon  d'Hincmar  de  Reims  :  Elle  e(t  adrefîée  à 
tous  ceux  qui  s  etoient  emparés  des  biens  de  l'Eglife  ,  ôc  qui  à 
cet  égard  paflbient  pour  voleurs  des  pauvres,  pour  les  inftruire 
du  tems  ôc  de  la  manière  dont  on  avoit  confacré  des  biens  à 
Dieu  ,  ôc  du  danger  qu'il  y  avoit  de  les  ufurper.  Les  Evêques 
reconnoilfent  dans  la  même  Lettre  la  prédeftination  des  Elus  ; 
l'cxiftence  de  la  liberté  dans  l'homme  après  le  péché  d'Adam  , 
ôc  le  befoin  qu'elle  a  d'être  guérie  par  la  grâce  pour  faire  le 
bien  ;  la  volonté  de  Dieu  pour  le  falut  de  tous  les  hommes  ,  ôc 
la  mort  de  Jefus-Chrifl  pour  tous  ceux  qui  font  fournis  à  la  mort. 
Telle  fut  la  fin  des  difputes  fur  la  prédeftination.  On  traita  dans 
le  même  Concile  de  l'affaire  du  Comte  Raimond  avec  Eftienne 
fon  gendre. 

XIX.   En  SCji  Photius  fit  affembler  à  Conftantinople  un      Concile  dd 
Concile  dans  l'Eglife  des  Apôtres.  Il  s'y  trouva  trois  cens  dix-  ^le"'^""^^' 
Jiuit  Evêques ,  y  compris  les  Légats  du  Pape  Nicolas  I.  C'étoient  rom.  s.Condl. 
Rodoalde,Evêque  de  Porto,  ôcZacharie,  Evêque  d'Anagnia.  P<^-7}î. 
L'Empereur  Michel  y  aiïifta  avec  tous  les  Magiflrats  ôc  un  Peu- 
ple nombreux.  Ignace  ,  qu'on  avoit  exprès  rappelle  de  fon  exil , 
fut  obligé  de  comparoître  devant  l'Aifemblée.    On    produiût 
contre  lui  un  grand  nombre  de  témoins  préparés  depuis  long- 
tems;    ôc  les  Evêques  ayant  fait  lire  le  trentième  Canon  des 
Apôtres,  qui  ordonne  de  dépofer  ôc  d'excommunier  celui  qui 
s'eftfervi  de  la  Puitïance  féculiere  pour  fe  mettre  en  polfeffion 
d'une  Eglife,  ils  décidèrent  qu'ayant  contrevenu  à  ce  Canon, 
il  devoir  être  dépofé  ôc  dégradé.  Ils  prononcèrent  contre  lui  la 
Sentence  de  dépofition.  Nicetas  dit  que  les  Légats  du  faint    Inimlgns>' 
Siège  refuferent  Icngtems  d'y  foufcrire;  mais  qu'intimidés  par  "'• 
de  grandes  menaces  ,  ils  fe  rendirent.  On  en  employa  pour 
Tome  XXII.  O  o  o  o 


?S8  CONCILES 

obliger  Ignace  à  foufcrire  à  fa  propre  condamnation  ;  mais  il 
tint  ferme ,  ôc  Photius  foufcrivit  pour  lui.  L'Empereur  ôc  Photius 
n'avoient  demandé  des  Légats  au  Pape  {a) ,  qu'en  lui  faifant 
entendre  qu'il  feroit  queftion  dans  le  Concile  du  culte  des 
Images.  On  en  traita  donc  dans  une  féconde  féance ,  mais  feule- 
ment pour  la  forme  :  car  on  fe  contenta  de  lire  la  Lettre  du  Pape 
à  l'Empereur ,  en  fupprimant  toutefois  ce  qui  pouvoit  paroître 
favorable  à  Ignace,  ôc  contraire  à  Photius. 
Canons  de  X  X.  L'infcrjption  (  6  )  de  ce  Concile  porte  ,  premier  & 
ee  Concile,  fécond  ,  ce  qui  vient  de  ce  qu'il  y  eut  un  intervale  entre  les  deux 
féances^  ôc  de  ce  qu'on  rédigea  féparément  ce  qui  y  avoit  été  fait 
contre  Ignace ,  ce  qui  regardoit  le  culte  des  Images ,  ôc  les 
réglemens  de  difcipline  faits  dans  cette  Afiémblée.  Ils  font  au 
nombre  de  dix-fept,  ôc  contiennent  en  fubflancc  que,  pour  em- 

Can.  I,  pêcher  à  l'avenir  que  ceux  qui  bâtiront  ôc  doteront  des  Monaf- 
teres  ne  fe  difent  les  maîtres  des  biens  qu  ils  auront  donnés  à  cet 
effet ,  ils  ne  pourront  en  bâtir  fans  l'avis  ôc  l'agrément  de  l'Eve- 
que,&  que  l'on  tiendra  un  regidre  de  ces  biens  dans  l'Archive 
de  l'Evêché;  que  les  Evêques  n'en  fonderont  point  de  nouveaux 
''"■  ■'■  aux  dépens  de  leurs  Eglifes  ;  qu'il  ne  fera  permis  à  perfonne  de 
Can  -  & <  prendre  Ihabit  monaflique  qu'en  préfence  du  Supérieur  ,  fous 
i'obéiflance  duquel  il  doit  vivre,  ôc  après  trois  années  dépreu- 
ves ,  fi  ce  n'efl:  qu'il  y  ait  de  bonnes  raifons  d'abréger  fon  Novi- 
ciat ;  que  l'on  féparera  les  Abbés  ôc  Supérieurs  des  Monafteres  , 
qui  ne  veillent  pas  avec  foin  fur  leurs  Communautés  ;  que  les 

Cm.  3.  Moinesquiferontfortis  de  leurs  Monafteres  pour  fe  retirer  dans 
un  autre,  ou  même  dans  des  Maifons  féculieres ,  ne  pourront  y 
être  reçus ,  fous  peine  d'encourir  eux ,  ôc  ceux  qui  les  recevront , 

Can.4.  la  peine  d'excommunication  ;  qu'il  fera  toutefois  au  pouvoir  de 
l'Evêquc  de  tirer  un  Moine  de  fon  Monailere  ,  pour  en  établir 
un  autre,  ou  pour  l'avantage  fpirituel  de  quelque  Maifon,  même 

Can.  6.  féculierc  ;  que  les  Moines  n'auront  rien  en  propre  ;  que  les  Minif- 

Can.f.  très  de  l'Eglife  n'ont  d'autres  moyens  de  corriger  les  pécheurs  , 

que  les  exhortations  ôc  les  peines  prefcrites  par  les  Canons  ;  que 

Can.  10.  les  ornemens  ôc  les  vafes  facrés  ne  feront  employés  à  aucun  ufage 

profane  ;  queles  Prêtres,  les  Diacres  ôc  autres  Clercs  ne  pourront 

^'"'"'^-  exercer  aucun  Olfice  de  Magiflrature.  Il  efl  défendu  de  célébrer 

Cun.  II.  laxMcffe  dans  des  Oratoires  domeftiques,  Ôc  d'y  baptifer  fans  la 

..C«n.  13.  permillion  de  l'Evcque  i  de  feféparerde  fa  communion,  fous 

quelque  prétexte  que  ce  foit  ,  jufqu'à    ce  qu'il   foit   jugé  ôc 

'  <;■«  j  Mo.aitf  jf^'ij.'.  10.  !..     (6;  J'tim.  8,  CoAa/,j.u^.  1511. 


D  U    N  E  U  V  I  E  M  E    s  I  E  C  L  E.      d^ 

"ccndamnd  par  un  Concile.  Un  Evêque  ne  doit  pas  non  plus  fe  Cw.  t^ 
réparer  de  la  communion  de  fon  Aîccropolùain ,  ni  refufer  de 
prononcer  fon  nom  dans  les  Myfieres  ,  avant  que  le  Synode  ait 
prisconnoilFance  des  fautes  donc  le  Métropolitain  eft  accufc.  Il 
en  eft  de  même  du  Métropolitain,  par  rapport  au  Patriarche.  Le  Cm.  ly. 
Concile  excepte  le  cas  où  les  Prélats  prêchereient  publiquement 
une  héréfie  condamnée  par  les  SS.  Pères,  ou  par  les  Conciles.  Dé-  ^ 
fenfe  d'ordonner  un  Evcque  dans  une  Egiifequiena  un,  à  moins 
qu'il  n'ait  renoncé  volontairement  à  l'Epifcopat,  ou  qu'il  ne  fe 
foit  abfenté  pendant  fi\  mois  ,  fans  des  raifons  légitimes ,  comme 
feroit  l'ordre  du  Roi  ,  le  fervice  de  fon  Patriarche,  ou  quelque 
malaladie  dangereufe.  On  défend  aufTi  d'élever  à  l'Epifcopat  un  Cm..ï7. 
La'ïc ,  ou  un  Moine,  avant  qu'il  ait  été  éprouvé  dans  tous  les 
dégrés  du  miniflere  Eccléfiaftique.  Comme  cette  défenfe  regarr 
doit  Photius  ,  on  croit  qu'il  la  reUreignit  en  faifant  ajouter  que  , 
comme  il  étoit  néamoins  arrivé  quelquefois  que  des  Moines ,  ou         ^ 
des  La'ics  d'un  niérite  diflingué  ,  avoient  été  jugés  auilitot  dignes 
de  l'Epifcopat ,  ces  exemples  ne  tireroient  point  à  conféquencc 
pour  l'avenir. 

XXI.  Les  Habltans  de  Ravenne  ayant  formé  leurs  plaintes  Concile  it 
à  Nicolas  I.  contre  Jean  leur  Evêque,  le  Pape  l'appella  trois  tirnï^Condl 
fois  par  Lettres  au  Concile  qu'il  tcnoit  à  Rome  en  8(5i.  Jean  ne  vi^.  '157  &• 
voulut  point  y  venir:  on  l'excommunia.  Quelque  tems  après  ^5^* 

il  vint  à  Rome  avec  des  Députés  qu  il  avoir  obtenus  de  l'Em- 
pereur Louis,  Le  Pape  reprit  les  Députés  d'avoir  communiqué 
avec  un  excommunié  ,  ôc  manda  à  l'Archevêque  Jean  de  fe 
trouver  au  Concile  le  premier  de  Novembre  pour  rendre 
compte  de  fa  conduite,  il  refufa ,  6c  fortitde  Rome.  Nicolas  L 
aux  inftances  des  Sénateurs  de  Ravenne,  alla  fur  les  lieux  pour 
s'inftruire  par  lui-môme.  Jean  ne  l'y  attendit  pas  ,  mais  fe  retira 
à  Paiie  auprès  de  l'Empereur.  Le  Pape  fit  donc  un  Décret  par 
lequel  il  rendit  aux  Parties  plaignantes  les  biens  que  Jean  leur 
avoit  enlevés.  Convaincu  dans  la  fuite  d'avoir  confpiré  contre 
l'autorité  du  faint  Siège  ,  il  fut  dépofé  dans  un  Concile  que  le 
même  Pape  tint  à  Rome  en  864. 

XXII.  On  produit  une  Lettre  fynodique  d'un  Concile  •   Condlc  <Sk 
tenu  dans  le  Diocèfe  de  Sens  en  852  ,  au  fujet  d'Heriman  ,  tlm.Tcondl. 
attaqué  d'une  maladie  qui  lui  troubloit  tellement  l'esprit  qu'il  in     Append, 
faifoit  des  actions  indécentes  ,  &  le  rendoit  incapable  des  fonc-  P'^ê-  'en- 
tions de  fon  miniflere.  Il  étoit  Evêque  deNevers,  ôc  on  penfoit 

aie  dépofer  ;  mais  les  Evêques  du  Concile  voulurent  auparavant 

O  o  o  o  ij 


'€d<3  CONCILES 

confulterle  faint  Siège.  Le  Pape  Nicolas  ne  décida  rien  là-deflus  J 
tant  parce  que  la  Lettre  fynodique  ne  fpécifioit  aucun  fait ,  que 
parce  qu'il  ne  s'étoit  préfenté  perfonne  pour  la  défenfe  d'He- 
riman.  On  rapporte  au  même  Concile  le  fragment  d'une  Lettre 
du  même  Pape  ,  où  il  dit,  que  celui-là  ne  peut  être  regardé 
comme  médiateur  e'quitable  qui  juge  les  Procès  fans  avoir  oui 
les  Parties  ;  qu'ainfi  le  Prêtre  qui  avoit  été  excomm.unié ,  appa- 
remment fans  avoir  été  entendu ,  pouvoit  librement  en  appcilec 
au  Siège  Apoftolique, 
Concilesde       XXI  IL  La  même  année  8^2  le  Roi  Charles  le  Chauve 
Piftei    &  de  (ji^f  avec  les  Evêques  de  quatre  Provinces  un  Concile  à  Piftes  , 
8éi    tom.  s ,  où  il  publia  un  Capitulaire  contre  les  pillards  ,  avec  ordre  aux 
Concil.    pag.  Evêques  d'impofer  des  pénitences  convenables  à  ceux  qui  fe 
7i6  &•  15136.  trouveroient  coupables  ;  ôc  aux  Commiffaires  du  Roi  de  les 
punir  fuivant  la  rigueur  des  Loix.  Ce  fut  dans  ce  Concile  que 
Rothade  de  SoilTons  fe  plaignit  de  la  Sentence  rendue  contre 
lui  l'année  précédente  par  Hincmar  de  Reims  fon  Métropo- 
litain. L'Archevêque  ,  au  contraire  ,  en  demanda  la  conHrma- 
tion.  Rothade  en  appella  au  faint  Siège  ,  ôc  tout  le  Concile 
défera  à  l'appel.  Le  Concile  où  Hincmar  priva  Rothade  de  la 
Communion  Epifcopale ,  fut  tenu  à  faint  Crépin  de  Soillbns 
en  861.  Il  s'en  tint  un  autre  l'année  fuivante  dans  l'Eglifc  de 
faint  Medard  ,  où  Rothade,  malgré  fon  appel,  fut  jugé  ,  dé- 
pofé  de  l'Epifcopat ,  ôc  mis  enfuite  en  prifon  dans  un  Monaflere. 
Auffitôt  on  élut  un  Evêque  de  Soilîons  à  fa  place.  Il  fe  tint  la 
même  année  un  autre  Concile  en  cette  Ville  ,  à  l'occafion  du 
mariage   entre  le  Comte    Baudouin  6c  Judith    fille  du  Roi 
Charles  ,  ôc  veuve  d'Edilulfe  ,  Roi  des  Anglois.  Baudouin  avoit 
enlevé  Judith  ;  ainfi  fon  mariage  étant  contre  les  Loix  ,  les 
Evêques  affemblés  à  SoiOons  l'excommunièrent  ,  de   même 
que  Judith  qui  avoit  confenti  à  l'enlèvement.  Le  Roi  fitfçavoic 
au  Pape  Nicolas  I.  ce  qui  s'étoit.  palfé  en  ce  Concile;  ôc  le 
Pape  répondit,  qu'il  ne  toucheroit  point  à  la  Sentence  rendue 
contre  Baudouin  ôc  Judith,  dont  ii  déteftoit  la  conduite. 
Concile  de       XXIV.  Il  aîTembla  lui-mêmc  un  Concile  à  Rome  en  852, 
Fomccn8^.i,  où  il  Condamna  ceux  qui  renouvelloient  l'hércfie  de  Valentin  , 
T^'  ^'u'^'o-  ^^  Manés  ,  d'Appollinaire  ôc  d'Eutiches  ,  difant  que  la  Divinité 
738.  avoit  fouffert  en  Jefus-Chrift,  contre  la  dodrine  exprefle  du 

Prince  des  Pafteurs  qui  nous  enfcigne  ,  que  Jefus-Chrift  n'a 
fouffert  que  dans  fa  chair.  Pour  confirmer  cette  do£trine,  le 
Concile  fit  deux  Canons ,  dont  le  premier  porte ,  que  Jefus^ 


Du    NEUVIEME    SIECLE.      66i 

Chrift  ,  Dieu  ÔC  Fils  de  Dieu,  n'a  foufFert  la  mort  que  dans  fa 
chair,  la  Divinité  étant  deineurée  impadible  ;  ôc  le  fécond 
prononce  l'anathême  contre  tous  ceux  qui  enfeignent  une  doc- 
trine contraire. 

XXV.  Le  Roi  Lothaire  penfant  toujours  à  faire  déclarer  9°rl'^* 
nul  fon  mariage  avec  Thietberge  ,  fit  affembler  un  Concile  à  pdieénSéi . 
Aix-la-Chapelle  le  28  d'Avril  862.  Il  en  prit  pour  prétexte  les  row.s.Concii. 
befoins  de  l'Eglife  ;  mais  fon  divorce  en  étoit  le  vrai  motif.  ?'»•'' j^». 
Huit  Evéqucs  y  aiïifterent.  Gonthier  de  Cologne  ,  dont  le  Roi 
témoignoit  avoir  deflein  d'époufcr  la  nièce  ;.  Theutgaud  ,  de 
Trêves;  Adventius  ,  de  Metz  ;  Atton  ,  de  Verdun  ;  Arnoul , 
de  Toul  ;  Francon  ,  de  Toagres  ;  Hangaire  ,  d'Utrecht;  & 
Ratold  ,  de  Strafbourg.  Lothûire  leur  prefcnta  fa  Requête, 
reconnoifTant  leur  dignité  fuperieure  à  la  fienne  ,  6c  les  pria  de 
décider  fur  le  parti  qu'il  avoit  à  prendre ,  tant  pour  expier  les 
fautes  qu'il  avoit  faites  depuis  que  ,  fuivant  leurs  avis  ,  il  s'étoit 
féparé  de  Thietberge  ,  que  pour  procéder  à  un  autre  mariage. 
Deux  Evêques  furent  chargés  d'examiner  le  fond  de  la  queflion  , 
qui  étoit  de  fçavoir,  fi  un  homme  ayant  quitté  fa  femme  peut 
en  époufer  une  autre  du  vivant  de  la  première.  Ils  opinèrent 
que,  félon  l'Evangile ,  un  mari  ne  peut  quitter  fa  femme  que 
pour  caufe  d'adultère,  ôc  que  l'ayant  quittée  dans  ce  cas  ,  il  ne 
peut  en  époufer  une  autre ,  fans  tomber  lui-même  dans  l'adul- 
tère ;  que  dans  le  fait  préfent  il  n'y  avoit  point  de  raifon  à  Lo- 
thaire de  répudier  Thietberge ,  parce  que  le  crime  qu'on  lui 
imputoit  avoit  été  commis  avant  fon  mariage  avec  le  Roi; 
que  ce  mariage  ne  pouvoit  non  plus  être  cafié  par  raifon  d'in- 
eefte ,  puifque  Lothaire  ôc  Thietberge  n'étcient  point  parens. 
D'où  ils  conclurent  que  le  mariage  devoir  fubfiilcr.  Sans  s'ar- 
rêter à  l'avis  des  deux  Evêqoes,  qui  étoit  conforme  aux  règles 
de  l'Eglife  ,  le  Concile  déclara  nul  le  mariage  de  Lothaire  avec 
Thietberge ,  ôc  permit  à  ce  Prince  d'en  contracter  un  nouveau  ;• 
ces  Evêques  fe  fondoient  fur  le  quatrième  Canon  (a)  du 
Concile  de  Lerida  en  p-f,  où  il  eft  dit,  que  ceux  qui  com-  P'^.Ç-7^3*- 
mettent  un  incefte  feront  excommuniés  tant  qu'ils  demeurcronc 
dans  ce  mariage  illicite.  Mais  ils  ne  faifoient  pas  attention  que 
Thietberge  n'avoit  jamais  époufé  Hubert  fon f  ère;  qu'amli  ce  ""i'Ti^" 
Canon  n'avoit  point  trait  à  la  quellion.  Le  palLge  qu'ils  citèrent 


(,J  )  Csft  le  mtme  que  le  61  ù\\  Concile  d'Agde. 

P  O  O  0   il], 


662  CONCILES 

fous  le  nom  de  faint  Ambroife ,  ne  leur  étoit  pas  plus  favorable  : 
Il  porte  que  la  nécefTité  de  garder  la  continence  après  la  fépara- 
tion  pour  caufe  d'adultère  n'eil  pas  réciproque,  ôc  ne  regarde 
point  le  mari ,  mais  la  femme.  Ce  paiTagc ,  comme  on  le  voit , 
fuppofe  clairement  une  fcparation  pour  caufe  d'r..Ju!tcre  commis 
pendant  le  mariage  ;  ce  qui  ne  pouvoit  s'appliquer  à  Thietberge. 
En  conféquence  du  Jugement  de  ce  Concile,  le  Roi  Lothaire 
époufa  foie.nnellement  Valdrade  &  la  fît  couronner  Reiie. 
Concile  de  X  X.  V  I.  Ce  mariage  déplut  au  Roi  Charles  le  Chauve  , 
Sablonieresen  rné^^ontent  d'ailieurs  de  Lothaire  à  caufe  de  la  prote£l:ion  qu'il 
cà'nrii°'''"va-\  donnoit  à  Ingelrrude  ,  femme  de  Bofon  ,  &  de  la  retraite  qu'il 
7Î4.  ""  accordoit  à  Judith  fa  fiile  ,  enlevée  par  le  Comte  Baudouin. 
Louis  de  Germanie  voulant  rétablir  la  paix  entre  1j  Roi  Charles 
&  Lothaire ,  les  engagea  à  fe  trouver  à  Sablonieres  dans  le  Dio- 
ch^G  de  Toul.  Charles  ,  avant  de  s'y  rendre  ,  donna  à  Louis  un 
Mémoire  contenant  fes  griefs  contre  Lothaire  ,  marquant  en 
même-tems  qu'il  ne  vouloit  point  communiquer  avec  lui ,  que 
préalablement  il  ne  promît  de  le  foumettre  au  Jugement  du 
Pape  &  des  Evêques.  Lothaire  l'ayant  promis ,  ces  deux  Princes 
fe  virent  &  s'embraflerent  à  Sablonieres  ,  le  troifiéme  de  No- 
vembre 852.  Il  s'y  trouva  huit  Evêques,  dont  quatre  étoient 
venus  avec  le  Roi  Charles  ,  &  quatre  avec  le  Roi  Lothaire.  Ils 
furent  les  entremetteurs  de  la  paix. 
Concile  i!e  XXVII.  Plufieurs  perfonnes  ,  qui  fuyoient  la  perfécutioti 
Romeeni?^;?,  dcPhotius ,  étant  venues  à  Rome  ,  y  publièrent  que  les  Légats 
Tcm.%, Conçu,  j^  Pape  à  Conftantinople  ,  Rodoalde  &  Zacharie  ,  avoient 
concouru  à  la  condamnation  du  Patriarche  Ignace.  Nicolas  I. 
voulant  effacer  cette  tache  de  l'Eglife  Romaine,  afTembla  un 
Concile  au  commencement  de  l'an  855  ,  où  on  lut  d'abord  les 
Acles  de  celui  de  Conftantinople  ôc  les  Lettres  de  l'Empereur 
Michel  que  le  Secrétaire  Léon  avoir  apportées.  Enfuite  on  fît 
comparoître  le  Légat  Zacharie  ,  qui  ayant  avoué  qu'il  avoit 
confenti  à  la  dépofition  d'Ignace,  &  communiqué  avec  Pho- 
tius  ,  fut  dépofé  de  l'Epifcopat  &  excommunié.  On  ne  put 
procéder  contre  Rodoalde  ,  parce  qu'il  étoit  abfent.  Sn  caufe 
futrenvfvée  au  Jugement  d'un  autre  Concile.  Celle  dePhotius 
Ca;'-  !•  fut  examinée  ;  &  fur  les  preuves  qu'il  étoit  paiTc  de  la  Milice 
féculiere  à  l'Epifcopat  ;  qu'il  avoit  du  vivant  d'Ignace  ,  Pa- 
triarche de  Conflantinople  ,  ufurpé  ce  Siège  ;  qu'il  avoit  ofc 
dépofer  ôc  anathémat'ifcr  Ignace;  corrompre  les  Légats  du  faint 
Siège;  reléguer  les  Evêques  qui  ne  vouloient  point  communi- 


DU    NEUVIEME    SIECLE.     663 

quer  avec  lui ,  ôc  ne  cciïbit  de  perfécuter  l'Eglife  ,  il  fut  privé 
de  tout  honneur  Sacerdotal  ôc  de  toute  fondion   Cléricale  , 
avec  menace  de  n'être  jamais  admis  à  la  communion  de  l'Eglife, 
&  du  Corps  ôc  du  Sang  de  Jefus-Chrift ,  finon  à  la  mort,  au 
cas  qu'il  empêchât  Ignace  de  gouverner  paifiblement  fonEglifc. 
On  interdit  pareillement  toute  fondion  facerdotale  à  Grégoire  Cap.  t. 
de  Syracufe,  Ordinateur  de  Photius  ,  ôc  à  tous  ceux  que  Pho- 
tius  avoit  ordonnes.  A  l'^-'g^rd  d'Ignace  ,  on  déclara  qu'il  n'avoit  Cap.  j. 
jamais  été  dépofé  ;  ôc  il  fut  ordonné  que  les  Evêques  ôc  les  Cap.  4. 
Clercs  exilés  ou  dépofés  depuis  l'expulfion   de  ce  Patriarche 
feroient  rétablis  dans  leurs  Sièges  ôc  dans  leurs  fondions  ,  fous 
peine  d'anathême  à  ceux  qui  s'y  oppoferoient.    Le  Concile  C^p.  i. 
ajouta  ,  que  s'ils  étoient  accufés  de  quelque  crime  ,  oncommen- 
ceroit  par  les  rétablir;  qu'enfuite  ils  feroient  jugés,  mais  feule- 
ment par  le  faint  Siège.  Enfin  on  confirma  par  un  Décret  la  Cap.  6. 
tradition  touchant  le  culte  des  Images ,  ôc  on  prononça  ana- 
thêmc  contre  Jean  ,  autrefois  Patriarche  de  Conflantinople , 
&  fes  Sedateurs  qui  s'étoient  déclarés  contre   le  culte   des 
Images. 

XX Vin.  Enfuite  du  Concile  d'Aix-la-Chapelle  ,  le  Roi  j^i^^^'^l;''^^ ''* 
Lothaire  ôc  Thietberge ,  envoyèrent  chacun  de  leur  côté  des  tm.^.Concil, 
Députés  au  Pape  Nicolas  ,  Lothaire  pour  faire  confirmer  fon  ?•'-;•  764. 
mariage  avec  Valdradc  ;  Thietberge  ,  pour  s'en  plaindre.  Le 
Pape  voulant  que  l'affaire  fût  difcutée  en  préfence  de  fes  Légats  , 
ordonna  la  tenue  d'un  Concile  à  Metz  ,  où  ils  feroient  preiéns. 
Il  avoit  d'abord  été  indiqué  pour  le  fécond  de  Février  8(^5  :  on 
le  remit  au  quinzième  de  Mars,  ôc  ne  fe  tint  toutefois  qu'à  la 
mi- Juin.  Il  y  eut  de  l'affedation  dans  ces  délais  ;  ôc  la  fuite  fie 
voir  que  ce  n'étoit  que  pour  donner  à  Lothaire  le  loilîr  de 
corrompre  les  Légats.  C'étoient  Rodoalcle,  Evêque  de  Porto, 
le  même  qui  avoit  été  envoyé  à  Conllantinople  ;  ôc  Jean , 
Evêque  de  Ficocle,  ou  Cervia,  dans  la  Romagne.  Il  ne  fc 
trouva  au  Concile  de  Metz  que  des  Evêques  du  Royaume  de  • 
Lothaire  ;  tout  s'y  pafia  au  gré  de  ce  Prince.  Les  Légats  gagnés 
par  fes  libéralités  ,  ne  montrèrent  point  les  Lettres  qu'ils  avoient 
ordre  de  la  part  du  Paj^e  de  rendre  aux  J'.\êques  lorfqu  ils 
feroient  aflemblés ,  ôc  ne  fuivirent  en  rien  les  inllrudions  que 
Nicolas  I.  leur  avoit  données.  Ils  foufcrivircnr  avec  les  autres 
Evêques  l'ade  d'approbation  du  divorce  de  Thietberge ,  ôc  du. 
mariage  avec  Valdrade  ;  mais  pour  faire  voir  qu'ils  n'avoienr 
pas  été  inutiles  au  Concile,  ils  coafeillerenc  au  Roi  d'envoyés" 


'65^  CONCILES 

à  Rome  avec  cet  A£le ,  Gonthier  de  Cologne ,  &  Teutgaud 
de  Trêves  ,   pour  demander  la  confirmation  du  Pape.  Il  eO: 
remarqué  qu'un  des  Evêques  a;outaà  fa  foufcription  ,  que  l'adc 
du  Concile  nauroit  lieu  que  jufqu'à  l'examen  du  Pape  ;  mais 
que  Gonthier  prit  un  canif  6c  effaça  ces  mots. 
ConcHe  de       XXIX.  Les  Legats  avant  d  aller  à  Metz  avoient  été  trou- 
Seniisenf!^^  ver  Charles  le  Chauve  à  Soiifons.  Pendant  leur  féjour  en  cette 
v'^z'-76u^^'  ^'^'^^)  ^^  Peuple  leur  demanda  avec  de  grandes  inllances  le 
rétabiilfemenr  de  Rothade  leur  Evoque.  Cet  empreffement  du 
Peuple  occafiomia  ,  comme  l'on  croit  ,  la  tenue  d'un  Concile 
près  de  Senlis.  Les  Evcques  écrivirent  au  Pape  Nicolas  I.  pour 
le  prier  de  confirmer  la  dépofition  de  Rothade ,  dont  ils  lui  en- 
voyèrent les  ades  par  Odon ,  E vêque  de  Beauvais.  Ils  le  prioient 
aulTi  de  confirmer  les  privilèges  de  leurs  Eglifes ,  &  de  convo- 
quer un  Concile  de  toutes  les  Provinces  pour  le  Jugement  de 
l'affaire  de  Lothaire  ôc  de  fes  femmes. 
Concile       XXX.  On  met  vers  le  même  tcms  un  Concile  dans  la 
a^Armenie.     grande  Arménie  ,  dans   lequel  on  condamna  les   erreurs  de 
Concil.Ecclff.  Ncftorius  ,  d'Eutyches  ,  de  Diofcore,  ôc  de  leurs  Sedateurs. 
Ârmen.   tom.  On  y  fit  quinzc  Canons  ,  qui  ont  été  publiés  avec  les  acles  du 
P  '  i^'*  *  '  Concile  par  Cleraent  Galanus,  -en  Arménien  &  en  Latin, 

Concile       X  X  X  L   Raimond  ,  Comte  de  Touloufe  ,  avoit  porté  fes 

d'Aquitaine     plaintes au Concile  de Toufi  en  85o  contre  Efliennefon gendre, 

Tconcd  '°"''  ^^  ^^  ^"'^  "^  vouloir  point  habiter  avec  fa  femme.  Mais  le 

ifiiT'    '      '  Concile  après  avoir  pris  quelque  connoilTance  de  latfaire,  ne 

jugea  point  à  propos  de  la  décider ,  parce  que  toutes  les  Parties 

^■r        intérelTées  n'étoient  point  prefentes.    Elle  fut  renvoyée  à  un 

Concile  qui  devoit  fe  tenir  en  Aquitaine  ,  avec  ordre  à  Eftiennc 

-j)        d'y  amener  la  fille  du  Comte  Raimond  ,  fa  femme  ,  afin  qu'elle 

y  fut  interrogée.  On  fe  plaignoit  encore  qu'Eftienne  avoit  chaffé 

du  Siège  Epifcopal  de  Clermont  Sigon  ,  ôc  mis  à  fa  place  Adon. 

Le  Concile  fe  tint  en  préfence  des  Legats  du  Pape  Nicolas  I. 

Sigon  fut  rétabli  dans  fon  Siège  ,  comme  on  le  voit  par  le  troi- 

fiémc  Concile  de  Soiifons  en  856  ,  oli  il  foufcrivit  avec  les  autres 

Evêques  ;  mais  on  ne  fçait  ce  qui  arriva  du  mariage  d'Efticnnc 

avec  la  fille  du  Comte  Raimond  ,  s'il  fut  déclare  nul  ,  ou 

légitime. 

Concile  de       X  X  X  I  L  Le  Roi  Charles  le  Chauve  fit  tenir  le  vingt-cin- 

Hr^'tl.r,  quiéme  d'Oaobre  de  Tan  85 j  un  Concile  dans  fon  Palais  de 

Concil.    'yag.  Vcrberic  ,  où  il  fut  décidé  que  l'Abbaye  de  faint  Calez,  que 

lygs  •  Si  A-  l'Evêquc  du  Mans  prétcndoit  lui  appartenir,  refteroit  fous  la 

mM.  «<}.  Jurifdiaion 


DUNEUVIEMESIECLE.     ^^f 

Jurifdittion  des  Moines.  Ce  Prince  réfolut  da^is  la  même  afTem- 
blce  d'envoyer  Rothade  à  Rome  ,  félon  l'ordre  qu'il  en  avoit 
reçu  du  Pape.  Il  y  reçut  auffi  en  fcs  bonnes  grâces  fa  tille  Judith 
,  &  le  Comte  Baudouin  ;  &  quelque  tems  après  étant  l\  Auxerre, 
,il  leur  permit  de  célébrer  folemnellement  leur  mariage. 

XXXIII.  Cependant  le  Pape  Nicolas  I.  informé  de  la  pré-     Concile  de 
■  varication  de  fes  Légats  dans  le  Concile  de  ?vletz,  auquel  ils  ^  °^l^oniiL 
avoient  préfidé  ,  en  convoqua  un  à  Rome  fur  la  fin  de  l'an  86^  ,  p.ig.  765. 
,  ou  au  commencement  dcSôd.,  dans  le  Palais  de  Latran.  Theut- 
gaud  ôc  Gonthier  y  préfenterent  les  Atles   des   Conciles  de 
Metz  &c  d'Aix-la-Chapelle;  mais  ils  contenoient  des  propofi- 
tions  il  honteufes  &  fi  inouies ,  que  ces  Prélats  furent  condamnés 
fur  leur  propre  confefiion.  Le  Décret  de  condamnation  efl 
renfermé  dans  une  Lettre  que  le  Pape  écrivit  à  tous  les  Evêques 
de  Gaule,  dltalicôc  de  Germanie  ,  6c  dlvifé  en  cinq  articles. 
Dans  le  premier  le  Concile  de  Rome  calfe  celui  de  Metz  du  Cm.  u 
mois  de  Juin  de  Fan  S6^  qu'il  compare  au  brigandage  dEphefe. 
Il  déclare  dans  le  fécond  1  heutgaud  de  Trêves ,  &  Gonthier  de  Cm.  xi 
Cologne,  dépouillés  de  toute  puifl'ance  Enifcopale,  avec  dé- 
fenle  de  faire  aucune  fondion  de  leur  dignité ,  fous  peine  de 
n'être  jamais  rétabli.    Le  troifiéme  dépofe  les  Evêques  leurs  Cm.  j. 
complices  ,  en  leur  promettant  toutefois  de  les  rétablir  s'ils 
reconnoiiîent  leur  faute.   On  anathématife  dans  le  quatrième 
Ingeltrude  ,  lille  du  Comte  Mattefride  ,  ôc  femme  de  Bofon  ,         '^ 
qu'elle  avoit  quitté  depuis  environ  fept  ans  5  mais  on  lui  oft're  le 
pardon  Ci  elle  retourne  avec  fon  mari ,  ou  vient  à  Rome  deniTiU- 
der  l'abfolution  de  fes  fautes.  Le  cinquième  prononce  anathême  C.w.  j.. 
contre  tous  ceux  qui  méprifent  les  Décrets  du  Siège  Apoftolique 
touchant  la  Foi  catholique  ,  la  difcipline  Eccleliaftique  ,  &  la 
■corredion  des  moeurs.  11  n'eil  rien  dit  des  deux  Légats  ,  parce  P.ij.  iS^; 
que  Rodoalde  troublé  par  le  reproclie  de  fa  confcience,  s'étoit 
enfui  avant  la  tenue  du  Concile  ;  ôc  on  ne  vouloit  point  le  con- 
damner fans  l'avoir  entendu. 

XXXIV.  Il  revint  à  Rome  avec  l'Empereur  Louis  dans  „  Concile  de 

1  1      n  ■NT-      ri'-  •    '  o  n^       >  \    Romeen864, 

le  tems  que  le  râpe  JNicolas  I.  ctoit  retire  oc  comme  afliegc  a  fj„;_  g  Conai. 
•faint  Pierre  par  fes  Ennemis.  Cette  circonftance  fit  différer  la  p-^g-  ^90   &• 
tenue  du  Concile  où  on  devoir  le  juger;  &  le  Pape  ayant  appris  ^^^' 
qu'il  penfoit  encore  à  s'enfuir,  lui  fit  fçavoir  qu'il  pouvoir  de- 
meurer à  Pvome  en  fureté  ;  que  s'il  en  fortoit ,  il  feroit  dès  le 
■moment  dépofé  &  excommunié.  Rodoalde  ne  laiifa  pas  d'en 
fortir-,  ôc  ayant  enlevé  de  fonEglife  ce  qu'il  put ,  il  fe  retira  en 
Tome  XXII.  Pppp 


t;^S  CONCILES 

d'autres  Provinces.  LePapeafTembLi  un  Concile  nombreux  dans 
rhgiife  de  Latran  ,  où  il  le  dépofa  &:  l'excom^munia  ,  le  mena- 
çant danaihâme  ,  s'il  communiquoit  jamais  avec  Photius  ,  ou 
prenoit  paui  contre  Ignace. 
Coîicllc  (^e  XX)i  V.  Je  ne  fçai  s'il  faut  diilinguer  ce  Concile  de  celui 
Romeenb(:<;,  qui  rétablit  PvOtiiaûe  daus  le  Siège  de  Soilïons.  Le  Roi  Charles 
^--îf. 78*735-  ^pi^^s  bien  des  deiais  lavoit  envoyé  a  Kome,  accompagne  de- 
liobert ,  Evêque  du  Mans ,  avec  des  Lettres  pour  le  Pape. 
Rothade  y  arriva  fur  la  fin  d'Avril  S  64..  Six  mois  s'étant  e'coulés 
fans  que  perfonne  fe  préfentât  pour  l'accufer  ,  il  donna  au  Pape 
une  P\.equétcen  plaintes  contre  les  vexations  qu'on  lui  avoit  fait 
fouJffrir,  demandant  que  le  faint  Siège  prononçât  fur  fon  appel. 
Le  Pape  avoit  indiqué  un  Concile  pour  le  commencement  de 
Novembre,  où  l'on  devoir  traiter  non-feulement  de  cette  affaire, 
mais  aufii  de  celle  du  Roi  Lothaire,  du  Patriarche  Ignace,  ôc 
confirmer  la  dépofition  de  Theurgaud  de  Trêves,  ôc  de  Gonthier 
deCologne.CesdeuxEvêquesfe  rendirent  àRome  pour  le  tems  du 
Concilcjô:  ils  furent  les  feuls  d'en-deç?  les  Alpes.  Les  autresEvê- 
ques  des  Gaules ,  de  Germanie  ôc  de  la  Belgique  s'excuferent 
d'aller  à  Rome  fous  divers  prétextes.  La  veide  dcNoèl  804 ,  le 
¥:ig.  78^.  Pape  étant  monté  fur  fambon  dans  i'Eglife  de  fainte  Marie 
majeure  ,  où  il  ofiîcioit  ,  expliqua  publiquement  laftaire  de 
Rothade ,  ôc  conclut  de  l'avis  de  toute  rafiemblée  à  lui  rendre  fes 
crnemens  Pontificaux.  Rothade  les  prit ,  ôc  s'en  revêtir  en  pro- 
tefcant  qu'il  feroit  toujours  prêt  à  répondre  à  fcs  Accufateurs. 
Le  Pape  attendit  toutefois  jufqu'au  21  de  Janvier,  ôc  voyant 
que  perfonne  ne  fc  préfentcit  pour  ?ccufer  Rothade  ,  il  reçut 
de  lui  un  libelle  contenant  fa  juilification  ,  le  lut  publiquement; 
puis  ayant  lu  aulli  la  formule  de  fon  rétablilfement ,  on  l'admit  à 
célébrer  folemnellemcnt  la  Mefle  dans  I'Eglife  de  Conllantia. 
Le  lendemain  le  Concile  s'étant  alfeniblé  ,  Rothade  (e  jufiilia  , 
&  fut  encore  rétabli  dans  fon  premier  état.  Après  quoi  le  Pape 
le  renvoya  à  Soiffons,  avec  Arfenne,  Evoque  d'Orta  en  Tofcane, 
chargé  de  faire  exécuterfon  rétabiiiîémcnt.ôc  d'obligerLothaireà 
quitter  Valdrade.  Iheuigaud  ôc  Gonthier  qui  étoient  venus  à 
Rome  dans  l'cfperance  de  fe  faite  rétablir, s'en  retournèrent  fans 
avoir  rien  obtenu. 
.,  r  XXXVI.  La  dépofition  de  ^Tulfade  ôc  des  autres  Clercs 
.So-ffc'li'^s  "  r^  ordonné^,  par  Ebbon  ,  Archevêque  de  Reims,  donna  occafion  au 
866,  tor.?.,  Concile  qui  fe  tint  à  Soiffons  en  S66.  Le  Pape  Nicolas,  à  qui 
CojKil.    p-j  ^^^^  p^j.j.^'  ^^^  plainte:;  fur  cette  aiFal.e  ,  ayant  lu  les  Ades  dix 


,  D  U    N  E  U  V  1  E  M  E    s  I  E  C  L  E.      (;6^ 

Concile  tenu  en  la  môme  Ville  en  Sj^  ,  trouva  que  ces  Clercs 
n'avoient  pas  6:6  régulièrement  dépoll-s.  C'eft  pourquoi  il  écrivit 
danslecommenceinent  du  mois  d'Avril  à  Hincmar  ôcà  pluiieurs 
autres  Evéques  de  France  ,  d'appeller  Wulfade  Ôc-les  autres 
Clercs  ordonnés  par  Ebbon;  d'examiner  enfemble  à  l'amiable 
s'ils  avoient  été  juftemenc  dépofés ,  de  lui  envoyer  les  Ades  du 
Concile  qu'ils  tiendroient  à  cet  effet ,  &  de  ne  point  maltraiter  '' 

.  ces  Clercs  pour  s'ctre  pourvus  devant  le  faint  Siège.  Le  Concile 
fe  tint  à  Soiiïons  le  18  d'Août  S66.  Il  s'y  trouva  trente-cinq 
Evoques  ,  du  nombre  defquels  étoit  Rothade  rétabli  l'année 
précédente.  Le  Roi  Charles  y  aififta ,  ôc  il  en  avoit  une  raifoii 

■particulière  ,  qui  étoit  lerétabliffement  deWuIfade ,  qu  il  venoit 
de  faire  élire  Evêque  de  Bourges  ,  à  la  place  de  Rodolphe 
mort  le  20  Juin  de  la  même  année.  L'Archevêque  Hincmar 
préfenta  au  Concile  quatre  Mémoires  ,  dont  le  premier  conte- 
noit  ce  qui  s'étoit  palTé  dans  la  dépofuioa  de  Wulfade  6c  des 
autres  Clercs  ordonnés  par  Ebbon.  Il  y  difoit,  que  puifque  le 
Pape  Nicolas  vouloit  qu'on  jugeât  de  nouveau  cette  affaire ,  il 
conlentoità  toutes  que  l'on  ordonneroit,  pour  conferver  l'unité. 
Le  fécond  étoit  touchant  la  dépofition  d'Ebbon  ,  qu'Hincmar 
prétendolt  avoir  été  faite  canoniquement.  Cela  fut  confirme 
par  les  actes  d'un  Concile  de  Bourges  6c  par  divers  monumens 
que  quelques  autres  Evêques  produifirent.  Dans  le  troiiiéme  , 
Hincmar  faifoit  voir ,  que  par  indulgence  ôc  par  l'autorité  du 
Pape  on  pouvoit  rétablir  Wuliade  6c  les  autres  Clercs ,  fans  que 
cela  put  tirer  à  conféquence  pour  l'avenir.  On  n'acheva  point 
la  letlure  du  quatrième  Mémoire,  parce  que  l'Archevêque  de 
Reims  s'y  déclaroit  trop  fortement  contre  Wulfade.  Le  Concile 
fuivit  le  tempéramment  propofi  dans  le  troifiéme  Mémoire, 
ôc  on  ufa  d'indulgence  envers  V7ulfide  ôc  les  autres  Clercs,  à 
l'imitation  de  ce  qui  s'étoit  paffé  au  Concile  de  Nicés  ,  où  l'on 
reçut  ceux  que  AÎelece  avoit  ordonnés  ;  en  foumettant  le  tout 
au  Jugement  du  Pape.  Les  Evêques  du  Concile  lui  rendirent 
compte  par  une  Lettre  fynodale  ,  datée  du  vingt-cinq  Août, 
de  ce  qu'ils  avoient  fait.  Ils  en  joignirent  une  féconde  où  ils  fe 
plaignoient  de  l'indocilité  des  Bretons  qui  depuis  vingt  ans 
refufoient  de  reconnoître  la  Métropole  de  Tours ,  6c  de  venic 
aux  Synodes  Nationaux  des  Gaules  ;  ce  qui  avoit  produit  chez 
eux  un  grand  relâchement  dans  la  difcipîine. 

XXX "VII.  Nous  avons  parlé  ailleurs  du  prétendu  Concile     Conote  (î» 
cccumenique  quePnotius  ht  tenir  a  Confranunoplc  eu  S5J,  ou  pk  en  S6S  j 


^^S  CONCILES 

mtrofrsinsf.  ap^^g  avoir  fait  faire  le  procès  au  Pape  Nicolas  I.  il  le  de'pofâ-;  ' 

Epi  t.  VJ".    „f  ^  .  \  ,   r       '  •  •  1   ,'  '  11 

Pj^ài,  r  our  ioutenir  un  procède  li  téméraire  ,  il  ht  reconnoitre  dans  le 

même  Concile  j  Louis  qui  regnoit  en  Italie,  peur  Empereur,  & 
fa  femme  Ingeitrude  pour  impératrice  ;  en  quoi  il  contrevenoit 
aux  ufages  des  Grecsqui  réfervoientà  leur  Souverain  feul  le  titre 
cl"Empereur,  ne  donnant  à  celui  des  François  que  la  qualité  de 
Roi.  11  lit  plus ,  il  envoya  à  Louis  les  ades  de  fon  Concile , 
avec  des  Lettres  flatteufes  pour  Ingeitrude  qu'il  prioit  d'engager 
l'Empereur  fon  époux  à  chafier  de  Rome  Nicoias  L  comme 
condamné  par  im  Concile  général. 
Concile  (îe        XXXVI  IL    Les  mcmes  Evêques   qui  s'étoient  trouvés 

i^r^  ^"  au  Concile  de  SoilTons  ,  reçurent  ordre  du  Pape  Nicolas  I.  de 
s'aflembler  de  nouveau  ;  mais  ils  en  avoient  eux-mêmes  plufieurs 
raifons.  On  continuoit  à  piller  les  Eglifes ,  à  attaquer  la  réputa- 
tion des  Evêques  ,  à  ooprimer  les  Peuples.  Tous  ces  maux 
avoient  leur  fource  dans  la  rareté  des  Conciles  ;  &  dans  la 
perfuafion  que  la  tenue  d'un  Concile  général  pourroity  apporter 
des  remèdes  ,  les  Evêques  des  Etats  de  Charles  le  Chauve  &  de 
Lothaire,  invitèrent  ceux  du  Royaume  de  Louis  de  Germanie 
de  fe  rendre  à  Troyes  vers  le  vingt-cinq  d'Octobre  867.  Cette 
invitation  fe  fit  de  l'agrément  de  Charles  &  de  Lothaire,  ÔC 
Adventius ,  Evéque  de  Metz ,  fut  député  vers  Louis  de  Ger- 
manie pour  avoir  fon  confentement  ;  mais  elle  fut  fans  fucccs. 
Le  Concile  fe  tint  au  jour  marqué  ,  ôc  il  n'y  eut  que  vingt 
Evêques,  tous  des  Royaumes  de  Charles  &  de  Lothaire,  y 
compris  (ix  Archevêques;  Hincmar,  de  Reims  ;  Herard ,  de 
Tours  ;  Venilon  ,  de  Rouen  ;  Frotaire  ,  de  Bourdeaux  ;  Egilon  , 
de  Sens  ,  &  Wulfade ,  de  Bourges.  Quelques  Evêques  agitèrent 
d'abord  certaines  queflions  qui  avoient  pour  but  d'examiner  de 
nouveau  la  canonicité  de  l'éledicn  d'Hincmar ,  ôc  de  la  dépo- 
fition  d'Ebbon  ;  mais  Hincmar  fe  défendit  de  façon  ,  qu'il  fut 
convenu  à  la  pluralité  des  voix,  qu'on  fe  contenteroit  de  drefler 
une  relation  exacte  de  ce  qui  s'étoit  paiïé  au  fujet  d'hbbon  ôc 
des  Clercs  qu'il  avoit  ordonnés  ,  &  qu'on  en  enverroit  copie  au 
Pape  ,  comme  il  l'avoit  demandé.  Cette  relation  commence  à 
h  dépofition  de  Louis  le  Débonnaire  en  8  ?  3  ,  &  (init  au  Concile 
indiqué  à  Trêves  en  S4.5  par  le  Pape  Sergius  à  la  demande  de 
l'Empereur  Lorhaire.  Les  Evêques  terminent  leur  Lettre  fyno- 
dale  en  priant  le  Pape  Nicolas  I.  de  ne  point  toucher  à  ce  qui 
avoit  été  réglé  par  fes  prédéceifeurs  ;  de  ne  pas  permettre  qu'à 
i'avcnir  aucun  Evêq^ue  ibit  dépofc  fans  la  participation  du  ùïa% 


DU    NEUVIEME    SIECLE.       6Cp 

Siège  ,  fuivant  les  anciennes  Décretales  ;  6c  d'accorder  ie 
Pailium  à  "Wulfade,  au  rctabiiffement  duquel  il  s'étoit  fi  fort 
intérefic.  Adard,hveque  dcNantes,fut  le  porteur  de  cetteLettre. 

XXXI  X.  Photius,  après  avoir  dépofé  dans  fon 'Concilia-  Concile  Je 
bule  de  lan  8d6  ,  le  Pape  Nicolas  I.  en  rendit  publics  les  f,°™8,cS 
attes.  Comme  ils  étaient  extrêmement  oHenfans  pour  le  faint  zr.g.  y-i»  t> 
Sifge  &  celui  qui  l'occupoit  alors,  le  Patriarclie  Ignace  les  '3-''-- 
envoya  à  Rome.  Adrien  iJ.  croyant  qu'il  étoit  de  fon  devoir 
de  vanger  i'honneur  de  fon  prédccelfeur  6c  de  l'Iîglife  Romaine, 
alTembla  un  Concile  en  8(58  ,  où  de  l'avis  des  Eveques  il  frappa 
jufqu  à  trois  fois  Photius  danathême  ,  Ôc  condamna  au  feu  ces 
ades  ,  comme  remplis  d'erreurs  6c  de  menfonges.  Il  ordonna  la 
même  chofe  pour  tous  les  écrits  que  Photius  avoir  publiés  contre 
le  faint  Mege ,  de  même  que  ceux  qui  avoient  été  compofés  par 
ordre  de  l'Empereur  Michel ,  £<:  condamna  les  deux  Conven- 
ticuies  qu'ils  avoient  riiïemblés  contre  le  Patriarche  Ignace. 
Mais  à  la  prière  des  Eveques  il  pardonna  aux  Complices  de 
Photius ,  pourvu  qu'ils  condamnafient  eux-mêmes  de  vive  voix 
&  par  écrit  ce  qu'ils  avoient  fait  avec  lui.  Il  ajouta  ,  qu'il  ne 
refuferoit  pas  même  la  communion  laïque  à  Photius  s'il  vouloic 
condamner  les  acles  de  fon  Conciliabule.  Adrien  IL  dit,  en 
parlant  de  la  témérité  que  Photius  avoir  eue  de  condamner  le 
Pape  Nicolas  I.  que  le  Pape  juge  tous  les  Eveques  ,  mais  qu'on 
ne  lit  point  que  perfonne  l'ait  jugé  :  qu'il  eft  vrai  que  les  Orien- 
taux dirent  anathême  à  Honorius  après  fa  mort ,  mais  que  c'étoic 
à  caufe  qu'on  lavoit  accufé  d'hérefic ,  la  feule  raifon  pour  laquelle 
il  eft  permis  aux  inférieurs  de  réfifler  à  leurs  Supérieurs  ;  Ôc  que 
toutefi^is  aucun  ,  ni  Patriarche,  ni  Evêque  n'auroit  été  en  droit 
de  prononcer  contre  ce  Pape  ,  fi  l'autorité  du  faint  Siège  n'eût 
précédé.  Trente  Eveques  foufcrivirent  à  ce  Concile  ,  neuf 
Prêtres  6c  cinq  Di.lcres.  Quai>d  il  fut  fini,  on  mit  à  !a  perte  i\n  p^^.  o^^^ 
les  dégrés  de  TEgiife  de  (aint  Pierre  les  actes  du  Conciiiabuîe 
de  Photius  ;  on  les  fouia  aux  pieds ,  enfuite  on  les  jetta  au  feu. 

XL.  Au  mois  de  Décembre  de  la  même  année  Sd'S  ,  \ç^     Concife  t'e 
Députés  du  Clergé  &  du  Peuple  de  Châ!ons-fur-Marne  vinrent  gôs'^'^L.  e  ' 
trouver  Hincmar  de  Pvcims  pour  le  prier  de  leur  don;Tcr  pour  Cm;/.    p.y. 
Evêque  à  la  place  d'Erchanrade  mort  depuis  peu  ,  "^'illebert,  '^^^* 
Prêtre  du  Diocèfe  de  Tours ,  qu'ils  avoient  élu  canoniquement , 
comme  l'acte  d"éie£tion  en  îà\(o\t  foi.   Il  fe  tint  là-defEis  uiv 
Concile  à  Quiercy  ,  où  avec  les  Eveques  de  la  Province  de 
Keims  fe  trouvèrent  Veiiiloii;  Archevêque  de  Rouen^  Herard^ 

Pppp  ;:j 


6-70  CONCILES 

de  Tours  ;  5c  Egilon  ^  de  Sens.  Comme  ils  ne  connoinbîent 
point  Willebert ,  ils  l'interrogèrent  far  le  lieu  de  fa  naiffance, 
fur  Çi  condition  ,  fur  fes  études  ,  fur  fcs  qualités.  Il  répondit 
qu'il  ctoit  né  dans  le  Territoire  de  Tours  ,  de  condition  libre  ; 
qu'il  avoit  fait  fes  études  en  cette  Ville  ;  qu'il  avoit  reçu  les 
Ordres  jufqu'au  Diaconat ,  d'Herard  fon  Evêque  ;  qu'avec  des 
Lettres  dimifforiales  de  fa  part  il  avoit  été  promu  au  Sacerdoce 
par  Erpûin  ,  Evêque  de  Senlis,  &  enfuire  attaché  au  fervice  du 
Palais.  Ceux  quil'avoient  connu  à  la  Cour  rendirent  témoignage 
à  fa  probité.   On  lui  iit  lire  un  chapitre  du  Padoral   de  faine 
Grégoire  &  les  Canons  qui  regardent  les  devoirs  de  celui  qui 
doit  être  ordonné  Evoque  j  &  après  qu'il  eut  afTuré  qu'il  les  en- 
tendoit  &  qu'il  vouloit  bien  s'y  conformer,  il  fit  à  haute  voix  fa 
.  profeliion  de  foi  devant  l'alfemblée  ;  il  la  foufcrivit  de  fa  propre 
main.  Sur  cela  on  marqua  le  jour  de  fon  facre,  &  ce  futHincmac 
qui  en  fit  la  cérémonie. 
Concile  des       XLL  Hugues  de  Flavigny  met  au  commencement  du  Pon- 
Eveques     de  tilîcat  d'Adrien  II.  c'eil-à-dire ,  en  8  68  ,  un  Concile  des  Evêques 
p^I!!L,.^>>  '  de  Gaule  &  de  Bourgogne.  Il  ne  dit  point  en  quel  lieu  ils  s'af- 
tom.  i.Concil.  femblerent ,  mais  feulement  qu  ils  y  repondirent  a  deux  Lettres 
fa.g,  ip4'-.      ^Q  ce  Pape,  dont  l'une  leur  étoit  adreffée  ;  l'autre  au  Duc  Gerarc|; 
Adrien  défendoit  dans  toutes  les  deux  d'ordonner  aucun  Evoque 
que  de  l'agrément  de  l'Empereur  Louis  ,  &  ceux  là  feulement  à 
qui  il  auroit  donné  l'Evcché.  Les  Evoques  du  Concile  lui  écri- 
virent fur  cela  ,  qu'ils  obfervcroient  inviolablement  les  décrets 
des  faints  Pères ,  ôc  qu'ils  confacreroient  les  Evcques ,  fuivantle 
prefcrit  des  Canons. 
Concile  de       XL II.    La  difcipline  Eccléfiartique  avoit  fouffert  en  Gcr- 
Vormes     en  manie,  commc  ailleurs,  de  grands  affoibliffemens.  Ce  fut  une 
Conci^'^iiT''  raifon  auxEvcques  de  s'alTembler  à'Vormes  lefeiziéme  de  Mai 
#4».         *    86S.  Le  Roi  Louis  qui  avoit  permis  cette  AfTeniblée,  voulut  y 
aflifter.  Les  Prélats  la  commencèrent  par  une  longue  profelfioii 
de  foi,  où  ils  s'expliquent  très-clairement  fur  tous  les  articles 
contenus  dans  le  Symbole,  en  particulier  fur  la  Trinité,  recon- 
noiilant  qu'encore  qu'il  y  ait  en  Dieu  trois  Perfonnes  diftinguées 
l'une  de  l'autre  en  vertu  de  leur  relation  mutuelle,  il  n'y  a  tou- 
tefois qu'une  feule  nature  ,  une  fubflance  ,  une  même  divinité, 
d'où  vient  que  ces  trois  Perfonnes  font  éternelles.  Ils  reconnoif- 
fent  aufll  que  leSaint-Efprit  procède  du  Père  &  du  Fils  ,  &  que 
îe  Fils  feul  s'efl:  incarné  pour  la  rédemption  du  genre  humain; 
On  compte  quatre-vingt  Canons  de  ce  Concile  ;  mais  dans  les 


D  U    N  E  U  V  I  Ë  M  E    s  I  E  C  L  E.      6ii 

meilleurs  exemplaires  il  ne  s'en  trouve  que  quarante- quatre.  En 
effet,  ceux  qui  luivent  le  quarante-quatricnie,  ne  font  que  répé- 
ter ,  pour  la  plupart ,  ce  qui  eft  dit  dans  les  précédens ,  &  i^buvcnt 
en  mêmes  termes.  Voici  les  plus  remarquables. 

X  L  1 1 1.  L'Evêque  invité  à  confacrer  une  nouvelle  EQ'ife      ^:''"°",-  ^^ 
ne  doit  pouit  exiger  un  prêtent  de  celui  qui  la  lait  batir ,  ou  du  Qj,^_ 
Fondateur,  mais  il  peut  recevoir  ce  qui  lui  fera  offert.  Il  n'en 
doit  point  confacrer   que  le  Fondateur  n'ait  doté  l'Eglife  par 
un  ade  autentique,  afin  qu'elle  foit  pourvue  de  luminaires,  6c 
des  fonds  ncceflaires  à  la  fubfillance  des  ?vlini(lres.  On  n'offrira  Cxn.^. 
dans  le  Sacriiice  de  l'Autel  que  du  pain  &  du  vin  mclé  d'eau. 
En  quelques  Egliles  les  Prôtres  conferoient  le  Baptême  par  une  C.:/;.  y. 
fimple  immerfion  ;  en  d'autres,  ils  plongeoient  trois  fois.  Il  eft 
ordonne  qu'on  fui vral'ufage  del'Eglife  Romaine,  où  le  Baptême 
fe  donne  par  une  triple  immerfion  ,  en  figne  des  trois  jours  que 
Jcfus-Chrifl:  demeura  dans  le  tombeau.  Les  Evêques ,  les  Pre-  Can.9. 
très ,  les  Diacres  ,  &  ml-me  les  Sous-Diacres  ,  feront  obligés  à  la 
continence ,  fous  peine  d'ctrc  privés  de  Ihomieur  de  la  Clérica- 
ture.  Dans  le  cas  où  l'on  ignoreroit  l'auteur  d'un  vol  commis     Can,  10  Cr 
dans  le  Monaftere,  l'Abbé,  ou  quelqu'un  par  fon  ordre,  celé-  '^* 
brera  la  Meffe  en  prélence  de  la  Communauté  ,    &  tous  les 
Ercres  ,  pour  fe  laver   de  l'accufation  du  vol  ,   recevront  le 
Corps  ôc  le  Sang  de  Jefus-Chrift.  Défenfe  aux  Evcques,  aux  ^^^^ 
Fretres  &  aux  Diacres  de  nourrir  des  chiens  &  des  oifeaux  pour 
s'en  fervir  à  la  chaffe.  Il  ne  fera  point  permis  aux  enilms  des  deux  q,^_  ,^^ 
frères ,  offerts  à  Dieu  par  leurs  père  &  mère,  d'en  fortir ,  lorfqu'ils 
feront  parvenus  à  l'âge  de  puberté  ;  parce  que  le  Moine  fe  fait  en 
deux  manières,  ou  par  la  dévotion  du  père,  ou  par  la  profeffion 
propre  de  celui  qui  embraffe  cet  état.  C'eft  au  Prêtre  à  juger  de  O/mj. 
la  p-énittnce  que  mériicnt  les  péchés;  mais  il  doit  avoir  égard  Can.  ij. 
aux  tems,aux  lieux,  à  l'âge,  &  à  la  qualité  des Pénitens.  Les 
pénitences  canoniques  étoient  encore  alors  en  u(age.  Quiconque  Cm.  i6  ,  19, 
avoit  tué  un  Prêtre,  étoit  condamné  à  s'abflenir  de  chair  &  de 
vin  ,  du  port  des  armes,  de  voitures.  On  ï'obligeoit  à  jeûner  tous 
les  jours, excepté  les  Fêtes  ôc  Dimanches.  L'entrée  de  l'Eglife 
lui  étoit  défendue  pour  cinq  ans.  Il  refioi'.  à  genoux  à  la  porte  de 
l'Eglife  pendant  la  célébration  des  Offices  &  de  la  Meffe.  Les 
cinq  ans  paffés  il  entroit  dans  l'Eglife,  ôc  fe  mettoitau  rar.g  des 
Auditeurs,  mais  il  ne  lui  étoit  pas  permis  de  communier.  Oiv 
ne  lui  acccrdoit  cette  grâce  qu'après  la  dixième  année  de  fa. 
pénitence':  encore  continuoit-il  à  jeûner  trois  fois  la  femaine, 
julqu'à  ce  qu'il  eut  éié  entièrement  réconcilié. 


(f72  CONCILES 

C«/?.  51.  XL  IV.  On  admettoit  les  Lc^preux  à  la  Communion  du 
Corps  &  du  Sang  de  Jefus-Chrift  -,  mais  il  leur  étoit  détendu 

Can.  38.  de  manger  avec  ceux  qui  fe  porroient  bien.  Le  Maître  qui  avoit 
tué  fon  Efclavede  fon  autorité  privée,  étoit  mis  en  pénitence, 

Cm.  41.  mais  feulement  pour  deux  ans.  On  chalToit  de  lEgiiie  ceux  qui 
refbfoient  de  fe  réconcilier  avec  leurs  ennemis,  quoiqu'avertis 
par  les  Prêtres  de  la  Ville  ;  &  l'on  en  ufoit  de  même  envers  les 
Laïcs  qui ,  dans  le  tems  que  leur  Nation ,  ou  leur  Ville ,  ou  la, 
Puiflance  Royale  avoient  à  foufFrir  delà  part  des  ennemis,  fe 

ÇiM.  43.  tournoient  du  côté  de  ceux-ci  ;  outre  l'excommunication  ,  on 
coniifquoit  encore  leurs  biens ,  &  on  ne  leur  rendoit  la  Com-; 
munion  qu'à  la  mort. 


CHAPITRE     XXXVI. 

Qu AT  RI  ÉME  Concile  de  Coîijîaminople  ,   que  l'on 
compte  pour  le  huitième  général. 

Quatrième  L  TT     'E  M  p  E  R.,E  u  R  Bafile  avoit  envoyé  en  858  des  Députés 
ConJle     de       ij  au  Pape,  chargés  de  rendre  grâces  à  l'Egiife  Romaine 
^rertr,  d'avoir  éteint  le  Schifme  de  l'Egiife  de  Conftantinople.  Adrien 
iom.'B,Concil.  H.  pour  confommer  un  ouvrage  fi  falutaire  ,  en  envoya  de  fon 
.pag.96i.       c5té  à  Confcantinople  ,   avec  ordre  d'y  aflembler  un  Concile 
pour  régler  diverfes  affaires  importantes ,  mais  furrout  pour  met- 
tre la  dernière  nuain  à  la  réunion.  Ces  Légats  étoient  Donat, 
Evoque  d'Oftie; Etienne,  Evêque  de  Nepi;  &  Marin  un  des 
.fcpt  Diacres  de  l'Egiife  Romaine.  Le  Pape  les  chargea  de  deux 
Lettres ,  en  réponfe  à  celles  qu'il  avoit  reçues  de  l'Empereur 
Pdg.  jg]  Bafile  &  du  Patriarche  Ignace.  Dans  l'une  &  dans  l'autre  il  ap- 
.fi^  '°'î'        prouvoit  ce  qui  avoit  été  fiit  à  l'égard  d'Ignace  &  de  Photius,; 
ôcpromettoit  d'ufer  d'indulgence  envers  ceux  qui  quitteroient 
de  bonne  foi  le  parti  de  Photius.  Il  difoit  en  particulier  à  l'Em- 
pereur :  Nous  voulons  que  vous  fafliez  célébrer  un  Concile  nom- 
breux oii  préfident  nos  Légats ,  ôcoù  l'on  examine  les  différen- 
ces des  fautes  ôc  des  perfonnes  ;  que  dans  ce  Concile  on  brûle 
tous  les  exemplaires  du  faux  Concile  tenu  contre  le  faint  Siège; 
que  les  Décrets  du  Concile  de  Rome  contre  ceux  de  Photius 
*  foient 


DU    NEUVIEME    SIECLE.      ?7f 

roient  foufcrits  de  tous  dans  le  Concile  qui  fera  tenu  chez  vous  ; 
ôc  qu'on  les  garde  dans  les  Archives  de  toutes  les  Eglifcs.  Adrien 
donna  au(li  à  fes  Ldgats  un  modèle  de  la  fatisfaction  impoféeà  Ps^.  j88. 
tous  ceux  nui  quitteroient  le  parti  de  Photius  pour  fe  réunir  au 
Patriarche  Ignace.  La  Lettre  à  l'Empereur  eft  fans  date;  mais 
elle  fut  écrite  apparemment  le  même  jour  que  celle  qui  eft 
addreflee  au  Patriarche  Ignace ,  c'eft-à-dire  le  dixième  de  Juin  ^ 

8<5p.  ^  . 

II.  Les  Légats  arrivèrent  à  Conflantinople  le  24.  de  Sep-  fn-,on?"""* 
tembre  de  la  mcnie  année.  Ils  eurent  leur  audience  de  l'Empe-  pja.^yt, 
reur  le  2d;  ôc  ce  Prince  les  ayant  priés  de  s'appliquer  à  rétablir 
l'union  &  la  tranquillité, ils  répondirent  que  c'étoit  ie  fujet  de  leur 
voyage  ,  mais  qu'ils  ne  pourroient  recevoir  au  Concile  aucun  des 
Orientaux ,  qu'en  donnant  un  Libelle  fuivant  la  forme  qu'ils 
avoient  tirée  des  Archives  du  faint  Siège;  ils  la  préfenterent  à 
l'Empereur  :  on  la  traduifit  en  Grec  ,  &  on  la  fit  voir  à  tout  le 
monde.  Le  jour  de  la  première  feilionfut  indiqué  au  cinquième 
d'Oclobre  ,  dans  l'Eglife  de  ùùnte  Sophie.  On  y  avoit  expofé  la 
vraie  Croix  ôc  le  Livre  des  Evangiles.  Les  Légats  tinrent  la 
première  place, puis  Ignace  Patriarche  de  Conilantinople,enfuite 
les  Députés  des  autres  Patriarches  d'Orient ,  à  l'exception  du  Pa- 
triarche d'Alexandrie,  qui  n'y  envoya  perfonne.  L'Empereur 
n'y  affifta  point  j  mais  onze  des  principaux  Ofiiciers  de  la  Cour 
y  furent  préfens  par  fon  ordre.  On  fit  entrer  tous  les  Evêques  qui 
avoient  été  maltraités  pour  avoir  fuivi  le  parti  d'Ignace.  Ils 
Croient  douze ,  ôc  prirent  féance  félon  leur  rang. 

II  ï.  Tous  étant  affis  ,  le  Patrice  Bahanes  fit  lire  par  un  Se-  P«i:-i'7*« 
.cretaire  le  difcours  de  l'Empereur  addrelTé  au  Concile  ,  puis  il 
demanda  au  nom  des  Evêques  ôc  du  Sénat  à  voiries  pouvoirs 
des  Légats.  Ils  en  firent  d'abord  difficulté,  fur  ce  qu'il  n'étoit 
pas  d'ufage  d'examiner  ainfi  les  Légats  de  Rome  ;  mais  voyant 
qu'on  ne  prenoit  cette  précaution,  que  parce  que  Rodoaldeôc 
Zacharie  avoient  abuféde  leur  commifîlon  dans  le  Concile  tenu 
contre  Ignace  en  85i  ,  ils  montrèrent  les  Lettres  qu'ils  avoient 
pour  l'Empereur  ôc  pour  Ignace.  On  les  lut  en  Latin  à  haute 
voix  ,  puis  en  Grec  ,  traduites  par  Damien ,  Interprète  de  l'Em- 
pereur. Onlutaulfila  Lettre  de  Theodofe,  Patriarche  de  Jeru- 
falem,  addreflee  à  Ignace;  la  formule  de  réunion  apportée  par  les 
Légats,  qui  étoit  la  môme  que  le  Pape  HormifJas  envoya  en 
51P  pour  la  réunion  de  l'Eglife  de  Conftantinople  ,  fi  ce  n'eft  p  ., 
qu'on  y  avoit  changé  les  noms  des  hèréfies  ôc  des  perfonnes  ; 
Tome  XXII.  Q  <!  1 1 


'674  CONCILES 

la  déclaration  que  les  Députés  des  Patriarches  d'Orient  avoienc 
faite  a  Conftantinople  avant  que  ceux  de  Rome  y  fuflent  arrivés, 
portant  qu'ils  obéilToient  avec  tout  le  monde  aux  Décrets  du 
Pape  Nicolas ,  conîcntant  que  le  Patriarche  Ignace  demeurât  en 
pailible  polTeilion  de  fon  Siège  ;  que  les  Clercs   dépofés  pour 
n'avoir  pas  voulu  communiquer  avecPhotius,  fuffent  réubiis  ; 
que  ceux  qui  étoient  pafles  du  pani  d  Ignace  à  celui  de  Photius, 
fuiTent  reçus  s'ils  revenoient  de  bonne  foi  ;  ôc  que  Photius  ,  de 
même   que   Grégoire   de   Syracufe  fon  Ordinateur  ,    fuffent 
condamnés  &  déclarés  indignes  de  toute  fon£tion  Eccléliaftique. 
Les  Députés  des  Patriarches  interrogés  ii  cette  déclaration  con- 
tenoit  leur  fentiment,  ils  l'affurerent  ^  fur  quoi  elle  lut  approu- 
vée de  tout  le  Concile. 
Pag.  JP4.      I V.  Le  Patrice  Bahanes  demanda  aux  Légats  du  Pape  com- 
ment on  avoir  condamné  à  Rome  Photius  fans  l'avoir  jamais 
vu  î  Ils  répondirent  que  le  Pape  Nicolas  Tavoit  condamné  com- 
me préfent  par  fes  Lettres  &  par  fes  Députés.  Pour  mettre  cette 
affaire  dans  fon  jour,  ils  en  donnèrent  la  fuite  en  peu  de  mots, 
commençant  à  la  députation  envoyée  à  Rome  par  l'Empereur 
Michel,  ôc  liniffant  au  Concile  que  le  Pape  Nicolas  aOémbla 
en  cette  Ville,  où  le  faux  Concile  de  Photius  ôc  fa  perfonne 
furent  condamnés  avec  les  Légats  Rodoalde  ôc  Zacharie,  qu'il 
avoit  féduits.  Bahanes  demanda  aulii  aux  Députés  des  Patriar- 
ches d'Orient ,  pourquoi ,  étant  à  portée  de  voir  Photius  j  ils 
l'avoient  condamné  fans  le  voir  ?  Ils  répondirent ,  que  Photius 
n'ayant  été  reconnu  ni  par  le  Pape  ni  par  aucun  des  Patriarches 
d'Orient ,  il  leur  avoit  paru  inutile  de  l'appeller  pour  le  juger. 
A  quoi  ils  ajoutèrent ,    qu'ils  n'avoient  jamais  connu  d  autre 
Patriarche  de  Conflantinople  qu'Ignace ,  avec  qui  ils  avoient 
communique  dès  le  moment  de  leur  arrivée  en  cette  Ville  ;ôc 
qu'encore  qu'ils  n'euffent  pas  vu  Photius  ,  ils  ne  laiîToient  pas 
d'avoir  appris  fes  moyens  de  défenfe  par  ceux  de  fon  parti. 
Seconde      V.  La  fecondefciîion  fut  tenue  le  27  d'Odobre.  Paul,  Garde- 
fefTîon.  Chartes  de  l'Egliitî  de  Conllantinople,  s'étant  avancé  au  milieu 

Pug.  99^.  ^Q  l'Aiïemblée  ,  dit  que  ceux  qui  avoient  prévariqué  fous  Pho- 
tius demandoient  d'entrer.  On  le  permit  d'abord  aux  Evêques. 
l's  entrèrent  au  nombre  de  dix,  tenant  en  leurs  mains  un  Li- 
belle de  confellion  de  la  faute  qu'ils  avoient  fai;econire  le  Pa- 
triarche JgnL.ce  ;  protcilant  qu'il  contiinoit  leur.N  véritables 
fcntimens.  Ils  demandèrent  qu'on  en  fit  ia  leciureice  qui  leur 
fut  accordé.    On    connut  clairement  par  ce  L-ibciiC  ,  qu'ils 


DU    NEUVIEME    SIECLE.      6j^ 

h*avoient  pris  le  parti  de  Photius  que  par  la  crainte  des  fupplices 
qu'il  faifoit  fouttrir  à  ceux  qui  lui  étoient  contraires ;ôc  comme 
ils  fe  foumettoient  à  la  pénitence  qu'il  plairoit  au  Patriarche 
Ignace  de  leur  impofer,  le  Concile  les  reçut.  Après  qu'ils  eu- 
rent foufcrit  la  formule  de  fatisfadion  que  les  Légats  avoient 
apportée  de  Rome,  &  qu'on  lut  une  féconde  fois  dans  cette 
fellion  ,  car  elle  l'avoir  été  dans  la  première ,  le  Patriarche  Ignace 
leur  ordonna  ,  du  confenteiient  des  Légats  ,  de  mettre  leurs 
Libelles  fur  la  Croix  &  fur  l'Evangile  ;  enfuite  de  les  lui  appor- 
ter. Ils  obéirent.  Alors  Ignace  leur  donna  à  chacun  un  Pallium  , 
en  difant  :  vous  voilà  guéris,  ne  péchez  plus,  de  peur  qu'il 
ne  vous  arrive  pis.  Ils  rendirent  grâces  ;  ôc  prirent  féancedans 
le  Concile  félon  leur  rang. 

V I.  Le  Concile  reçut  aux  mêmes  conditions  onze  Prêtres  ,  pag.  too4» 
neuf  Diacres  6c  fept  Sous-Diacres ,  qui  avoient  été  ordonnés 

par  Methodius  ou  par  Ignace,  mais  qui  s  étaient  depuis  rangés 
du  côté  de  Photius.  On  leur  rendit  les  marques  de  leur  Ordre  ; 

Îiuis  le  Patriarche  Ignace  fit  lire  à  haute  voix  les  pénitences  qu'il 
eut  impofoit ,  en  cette  manière  :  ceux  qui  mangent  de  la  chair  , 
s'en  abfticndront  jufquà  Noël, même  de  fromage  ôc  d'oeufs  ;  ceux 
qui  ne  mangent  point  de  chair ,  fe  priveront  de  fromage  ,  d'oeufs 
&  de  poiflfons  ,  le  Mercredi  ôc  le  Vendredi ,  ôc  fe  contenteront 
des  légumes  ôc  des  herbes  avec  de  l'huile  ôc  un  peu  de  vin.  Tous 
feront  cinquante  génuflexions  par  jour  ;  diront  cent  fois  Kyrie 
eleifon  ;  cent  fois,  Seigneur,  j'ai  péché  i  cent  fois,  Seigneur, 
pardonnez  moi.  Ils  réciteront  le  fixiénie,  le  trente-feptiéme  ÔC 
cinquantième  Pfeaumes  i  ôc  demeureront  cependant  interdits  de 
leurs  fondions. 

VII.  Dans  la  troifiéme  felTion  ,  qui  fe  tint  l'onzième  d'Oc-       Troifiéme 
tobre,  les  Légats  du  Pape  informés  qu'il  y  avoit  des  Evêques  pj'°"ooj 
ordonnés  par  Methodius  ôc  par  Ignace, qui  rcfufoient  de  foufcrire 

à  la  formule  apportée  de  Rome ,  les  tirent,  de  l'avis  du  Concile  , 
inviter  à  fe  foumettre.  Ils  le  refuferent,  difant  qu'ils  avoient 
fait  ferment  de  ne  foufcrire  à  aucune  formule,  depuis  celle 
qu'ils  avoient  foufcrire  à  leur  ordination,  en  donnant  leur  pro- 
felTion  de  foi  ;  ôc  qu'on  la  trouveroit  au  Greffe  du  Patriarche. 
Le  Concile  ne  jugeant  pas  à  propos  de  leur  faire  de  nouvelles 
inftances  ,  ordonna  la  lecture  des  Lettres  de  l'Empereur  Baille 
ôc  du  Patriarche  Ignace  au  Pape  Nicolas  ,  ôc  la  réponfc  du  Pape 
Adrien  à  ce  Patriarche.  Cette  fefllon  fut  terminée  par  des  adions 
de  grâces  ôc  des  acclamations,  comme  les  précédentes  ÔC  les 

Qqqqij 


'€n6  CONCILES 

fuivantes  ;  mais  on  ajouta  à  celle-ci  une  imprécation   contre 
?ag.  974.  Photius  ,  en  quatre  vers  ïambes.  Il  en  eft  fait  mention  dans 

l'Hiftoire  abrégée  du  Concile  ,  imprimée  à  la  tête  des  Ades. 
Quatrième       VIIL  II  y  eut  au  commencement  de  la  quatrième  felTionj 
feffion.  tenue  le  treizième  d'Octobre,  quelque  conteliation  au  fujet  de 

''^- loij.  deux  Evêques  ordonnés  par  Methodius,  mais  qui  communi- 
quoient  encore  avec  Photius.    Le  Patrice  Bahanes  &  Metro- 
phane  de  Smyrne,  étoient  davis  qu'on  les  fit  entrer , afin  qu'on 
entendît  leurs  raifons ,  &  qu'ils  fçuffent  pourquoi  on  les  con- 
damnoit.  Les  Légats  au  contraire  ,  foutenoient  qu'on  devoit  leur 
refi-ifer  l'entrée  ,  parce  que  leur  eaufe  avoir  été  jugée  parl'Eglife 
Komaine  ,  6c  qu'ils  ne  pouvoient  l'ignorer ,  ayant  eu  à  Ron%e 
leurs  Députés ,  par  qui  ils  avoient  appris  la  condamnation  de 
Photius.  Néanmoins  les  Légats  cédèrent ,  &  l'on  fit  entrer  dans 
le  Concile  ces  deux  Evêques  ,  nommés  Théophile  ôc  Zacharie. 
On  leur  demanda  s'il  étoit  vrai ,  comme  ils  le  difoient ,  qu'ils 
euflent  officié  comme  Evêques ,  avec  le  Pape  Nicolas.  Ils  l'affu- 
rerent ,  6c  en  prirent  à  témoin  le  Légat  Marin  ,  qui  convint  que 
quand  ces  deux  Evêques  vinrent  à  Rome  avec   Arfaber,  le 
Pape  Nicolas  les  reçut ,  en  donnant  un  Libelle  ôc  prêtant  fer- 
ment: mais,  ajouta-t-il,  le  Pape  ne  leur  donna  point  la  Com- 
munion à  la  place  des  Evêques.  Théophile  6c  Zacharie  n'ayant 
pu  prouver  qu'ils  euiTent  été  reçus  comme  Evêques,  on  lut  les 
Lettres  du  Pape  Nicolas  ,    où  il   défaprouve  l'Ordination  de 
Photius  ôc  tout  ce  qui  s'étoit  fait  à  Conihintinople  en  préfence 
de  fes  Légats  ,  Rodoalde  ôc  Zacharie.  Il  fut  prouvé  eniliite  par 
les  témoignages  des  Députés  d'Orient ,  que  les  Patriarches  de 
Jcrufalem  ôc  d'Antioche  n'avoient   Jamais   envoyé  de  Lettres 
de  communion  à  Photius  ;  qu'il  n'avoit  été  reconnu  pour  Evê- 
quc  ,  ni  à  Rome,  ni  dans  les  autres  Patriarchats. 
Vag.  lo^ic,       I  X.  Sur  ce  que  le  Légat  Marin  avoit  dit  du  Libelle  préfenté 
au  Pape  Nicolas  par  Zacharie  ôc  Théophile  ,  les  Sénateurs  de- 
mandèrent 'ix  c'étoit  l'ufage  de  l'Eglife  Romaine  d'exiger  de  tous 
les  Etrangers  leur  confeifion  de  foi  avant  de  les  laiifer  entrer 
dans  l'Eglife  de  faint  Pierre  ;  6c  ce  que  contenoit  ce  Libelle. 
Les  Légats  certifièrent  cette  coutume  ,  ôc  ajourèrent  que  ceux 
qui  le  préfentoient  y  faifoientprofeîTion  de  tenir  ôc  défen.ire  la 
foi  de-  l  EgUfc  Catholique  ,  ôc  de  fuivre  en  tout  le  jugement  de 
l'Egli'''^*  Romaine.  Surquoi  lesSéiat^irs  propoferent  à  Zacha- 
rie ôc  à  Théophile  de  donner  un  femblable  Libelle.  Ils  le  refu- 
fccent  :  ôc  fur  ce  refus  on  les  chaffa  de  l'Aiicmbice. 


DU    N  E  il  V  I  E  M  E'   S  I  E  C  L  E.      ej-j 
X.  On  tint  la  cinquième  felfinn  le  dix-neuviéme  d'Otlobre.      Cinquième 
Elle  fut  plus  nombfeufc  que  les  précéJcntes,  parce  qu'il  arri-  p  '°"' 
voit  tous  les  jours  des  Evéques,  &.  que  l'on  pardonnoit  à  ceux 
qui  deniandoient  indulgence.  Le  Concile  averti  par  Paul,  Garde- 
Chartes  ,  que  l'Empereur  lui  avoir  envoyé  Phoiius,  fit  députer 
plufieurs  Laïcs  pour  f<^avoir  de  Photius  même  s'il  defiroit  de  fe 
préfenter.  Jl  répondit ,  qu'il  étoit  furpris  que  n'ayant  jamais  été 
appelle  au  Concile ,  on  l'y  appellât  alors  ;   &  qu'il  n'iroit  pas 
volontairement.  On  lui  iït  une  première  &  féconde  monition  , 
&  voyant  qu'il  n'obéiiioit  peint ,  on  l'amena  malgré  lui.  Les 
Légats  lui  rirent  diverfes  queftions  ,   aufquelles   il  ne  voulut 
point  répondre.  Il  garda  également  le  fiîence  quand  les  Députés 
d'Orient  l'interrogèrent  :  ce  qui  fit  prendre  le  parti  de  faire  lire 
à  haute  voix  les  Lettrci  envoyées  à  fon  fujet  par  l'Eglife  Ro- 
maine ,  tant  à  l'Empereur  Michel  qu'à  Photius  lui-môme.  Dans- 
l'une,  qui  étoit  du  2<;  Septembre  bô'o  ,1e  Pape  Nicolas  approu- 
voit  fa  confelîion  de  foi ,  ôc  refufoit  d'approuver  fon  Ordination. 
La  letture  de  ces  Lettres  achevée,  Elle ,  Député  de  Theodofc 
Patriarche  de  Jerufalem  ,  monta  fur  la  Tribune  ,  ôc  après  avoir 
fait  remarquer  à  l'AlTemblée  ,  que  de  tout  tems  les  Empereurs 
avoient  aiïemblé  les  Conciles  ôc  fait  venir  les  Députés  de  toute  la 
terre  j  il  ."-'expliqua  fur  l'affaire  préfente,  ôc  dit,  au  nom  des 
autres  Députés  d'Orient,  que  s'il  recevoir  Ignace,  ce  n'étoit 
point  parce  qu'il  étoit  préfent  ôc  en  autorité;  ôc  que  s'il  con- 
damnoit  Photius,  ce  n'étoit  pas  non  plus  parce  qu'il  fe  trouvojt 
debout  ôc  fans  crédit  dans  le  Concile  ;  que  depuis  fept  années 
qu'il  faifoit  les  fondions  de  Syncelle  dans  l'Eglife  de  Jerufalem, 
il  pouvoir  rendre  témoignage  que  cette  Eglife  n'avoit  point  recu- 
de  Lettres  de  Photius  ;  qu'elle  ne  lui  en  avoit  point  envoyé  ;  ÔC 
qu'il  en  étoit  de  même  de  l'Eglife  d'Antioche,  comme  Tho- 
mas, Métropolitain  de  Tyr  ,    ôc  Député  d'Antioche  ,  l'avoit 
déjà  alfuré.  Il  ajoute,  que  Photius  étoit  condamné  dcs-là  qu'il 
n'avoit  été  reçu  par  aucune  Eglife  Patriarchale  ;  ôc  qu'il  ne  l'étoic 
pas  moins  pour  s'être  emparé  avec  violence  du  Siège  de  Conf- 
tantinople.  La  conclufion  du  difcours  d'Elie  fut,  que  Photius 
devoir  reconnoitre  fon  péché  ôc  s'en  repentir  finceremenr, 
fous  i'efpérance  d'être  reçu   dans  lEglife  comme   un  ilmple 
Fidèle. 

XL  On  lut  enfuife  l'avis  des  Légats  du  Pape,  portant  en  P^g-  1043Ï- 
fubfiance  que  la  promotion  de  Photius  n'étoit  pas  recevable,. 
&  que  la  dépoiition  d'Ignace  étoit  irréguliere  i  que  fans  prOf 


<f78  CONCILES 

noncer  un  nouveau  jugement  contre  Photius ,  on  pouvoît  s'en 
tenir  à  celui  qui  avoit  été  rendu  par  le  Pape  Nicolas ,  &  confirmé 
par  Adrien.  L'avis  du  Concile  fut  conforme  à  celui  des  Légats. 
On  prella  donc  Photius  de  fe  fou  mettre;  ôc  le  Patrice  Bahanes 
prenant  la  parole,  lui  dit  :  parlez  ,  Seigneur,  dites  tout  ce  qui 
peut  contribuer  à  votre  juftification  ;  le  Monde  entier  efl:  ici  : 
autrement  craignez  que  le  Concile  ne  vous  ferme  fes  entrailles. 
Où  voulez-vous  avoir  recours  ?  A  Rome?  Voici  des  Romains. 
A  l'Orient  ?  Voici  les  Orientaux.  On  fermera  la  porte,  &  fi  ceux- 
ci  la  ferment ,  perfonne  ne  l'ouvrira.  Photius  répondit  :  mes 
juftifications  ne  font  point  en  ce  monde  ,  fi  elles  étoient  en  ce 
monde  vous  les  verriez.  Cette  réponfe  Ht  croire  qu'il  avoit  l'ef- 
prit  troublé  ;  ôc  on  le  renvoya ,  en  lui  donnant  du  tems  pour 
penfer  à  fon  falut. 
Sixième       XII.  La  fixiéme  fefTion  eft  du  2f  Ottobrc.  L'Empereur  Ba- 

(èfTion.  file  y  alfilla ,  aflis  à  la  première  place  du  coté  droit  de  la  grande 

Pag.  1044.  Eelife.  Metrophane  ,  Métropolitain  de  Smyrne ,  fit  un  difcours 
aflez  court,  à  la  louange  du  Concile  &  de  l'Empereur,  après 
lequel  ce  Prince  ordonna  la  ledure  d'un  mémoire  des  Légats  du 
Pape  ,  où  ils  faifoient  en  abrégé  le  récit  de  toute  l'affaire  qui 
avoit  occafionné  le  Concile  ,  ôc  concluoient  que  toute  l'Eglife 
étant  d'avis  de  rejetter  Photius ,  il  étoit  inutile  d'écouter  fes 
Paz.  1031  partifans.  On  ne  laifTa  pas  de  les  faire  entrer.  Onlut  en  leur  pré- 

&•  1048.  lence  les  Lettres  du  Pape  Nicolas  I.  à  l'Empereur  Michel  ôc 
à  Photius  ,  envoyées  par  le  Secrétaire  Léon.  Enfuite  Elie ,  Syn- 
celle  de  Jerufalem  ,  raconta  ce  qui  s'éroit  paffé  dans  la  dépofî- 
tion  d'Ignace  ôc  dans  l'ordination  de  Photius,  ôc  s'autorifant  de 
l'exemple  du  fécond  Concile  deConftanrinople,  fous  l'Empereur 
Theodofe  où  Maxime  le  Cinique  fut  rejette  avec  tous  ceux  qu'il 
avoit  ordonnes  ,  fans  qu'on  rejettât  ceux  de  qui  il  avoit  été  ordon- 

'  né,  il  dit  qu'il  ne  condamnoit  point  lesEvêques  qui  avoient  afiiOé 

à  l'ordination  de  Photius,  parce  qu'ils  y  avoient  été  contraints  par 
l'Empereur ,  ôc  ne  condamnoit  que  le  feul  Grégoire  de  Syra- 
cufe  fon  Ordinateur  ,  dépofé  il  y  avoit  déjà  long-tems,  ôc 
anathématifé  par  le  Patriarche  Ignace  ôc  par  l'Eglife  Romaine. 
Son  difcours  fut  fuivi  de  la  foumillion  des  Evêques  du  parti  de 
Photius ,  ôc  le  Concile  leur  accorda  le  pardon. 
Obieftions       XIII.  Il  n'en  fut  p,is  de  morne  des  Evêques  ordonnés  par 

ies    Erc-ques  Photius.  Ils  contcfterent  l'autorité  du  Pape;ôc  pour  montrer 

photius"  ^^"^  qu'on  n'y  avoit  pas  toujours  égard  ,  ils  citèrent  les  exemples  de 
P<y.'ioîo.  Marcel  d'Ancyre,  qui,  quoique  ret^u  par  le  Pape  Jules  ôc  par 


p.!?.   1051 


DU    NEUVIEME    SIECLE.      619 

le  Concile  de  Sardique  ,  étoit  à  préfent  anathématifé  comme 
Hérétique;  d'Apiarius,  qui,  juftiiié  par  iesEvcques  de  Rome, 
fut  rejette  par  le  Concile  d"y\frique.  Ils  foutinrent ,  qu'encore 
que  Photius  eût  été  tiré  d'entre  les  Laïcs  ,  ce  n'étoit  pui  un  lujet 
de  le  condamner  ;  que  Taraife,  Nicephore  ,  Nectaire  6c  Am- 
bro'.fe  avoient  été  tirés  de  même  de  l'état  laïc  pour  être  promus 
a  l'Epifcopat  ;  que  la  dépolition  de  Grégoire  de  Syracufe  ne 
rendoit  pas  nulle  l'ordination  de  Photius  ;  que  quoique  Pierre 
Mongus  eût  été  dépofé  par  Proterius,  on  ne  laifta  pas  de  l'élire 
Patriarche  d'Alexandrie  après  Timothée  ,  &  l'on  ne  condamna 
aucun  de  ceux  qu'il  avoir  ordonnés.  Ils  ajoutèrent  :  fi  donc 
quelque  Canon  nous  dépofe,  nousacquiefçons,&  non  autrement. 

XIV.  Métrophane  de  Smyrne  leur  répondit,  qu'ayant  de-  R^ponfe  à 
mandé  pour  Juge  le  Pape  Nicolas,  ils  n'étoient  plus  receva-  p"°  f„^/°"* 
blés  à  fe  plaindre  de  fon  jugement,  parce  qu'autrement  il  n'y 
auroit  jamais  de  jugement  certain  ,  perfonne  n'approuvant  le 
jugement  qui  le  condamne  ;  qu'à  l'égard  des  Laïcs  qu'ils  difoient 
avoir  écé  choifis  Evêques  ,  leur  élettion  étoit  bien  difiérente  de 
celle  de  Photius  ;  que  Nectaire  avoir  été  élu  &  ordonné  Arche- 
vêque de  Conflantinople  par  un  Concile  général  &  par  des  Pa- 
triarches, fans  que  l'Empereur  fit  aucune  violence  aux  Electeurs 
ni  aux  Ordinateurs  ,  ni  que  l'on  chaHât  de  ce  Siège  quelqu'un; 
qui  l'occupât  ;  qu'il  y  avoit  eu  la  même  liberté  dans  l'ordination 
de  faint  Ambroife,  qui  fe  fit  auili  par  un  Concile  d'Evêques 
Catholiques,  &  après  la  mort  d'Auxence  qui  occupoit  le  Siège 
de  Milan  ;  que  Taraife  fut  choifi  fur  le  témoignage  de  Paul  fort 
prédécelfeur,  &  du  confentement  des  Evêques  Catholiques  fans 
aucune  violence  ;  que  Nicephore  fut  ordonné  librement  par  les 
Evêques  aiTemblés  ;  qu'au  contraire  Photius  avoit  chafié  le  Pa- 
triarche Ignace ,  pour  ufurper  fa  place  ;  que  les  Evêques  qui  l'a- 
voient  ordonné  y  avoient  été  forcés  par  l'autorité  impériale, 
&  qu'il  n'avoit  été  reconnu  par  aucune  des  Chaires  Parriarcha- 
les  ;  que  fi  Marcel  d'Ancyre,  après  avoir  été  ret^u  de  l'Eglife 
Romciine  ,  avoit  été  anathématifé  depuis,  c'eit  qu'il  étoit  re- 
tourné à  l'héréfie  qui!  avoit  anathématifée  fous  le  Pape  Jules  î 
que  le  Concile  d'Afrique,  loin  de  réiifter  au  Décret  du  Pape 
Zofime ,  touchant  Apiarius  ,  y  déféra  ,  fe  contentant  de  borner 
l'interdiction  de  ce  Prêtre  à  l'Eglife  de  Sicque  .  u  il  avoit  caufé 
du  fcandale  ;  que  Çi  l'on  ne  dépofa  point  les  Evêques  ordonnés 
par  Pie.  re  Mongus ,  cela  ne  faifoit  rien  à  l'aftlfire  préfente  :  les 
Can.'jns  difiinguant  les  Llérétiques  convertis,  davec  ceux  qui 
ont  été  ordonnés  par  des  Lfurpateurs, 


(SBô  CONCILES 

Pag.  10^^     X  V.  Zacharie,  l'un  des  Evêques  ordonnés  par  Photîus,  &ë. 
qui  avoit  fait  les  objedions,  voulut  répliquer  aux  réponfes  de 
Métrophanes.  ?vîais  les  Légats  l'en  empêchèrent ,  difant  à  l'Em- 
pereur qu'il  n'étoit  point  à  propos  d'ouir  ces  Evêques  Schifmar 
tiques  fur  une  affaire  déjà  jugée.  On  lut  donc  un  difcours  au 
nom  de  ce  Prince  ,  oia  il  les  preffe  de  quitter  l'efprit  de  conten- 
tion &  daniniolité,  ôc  de  reprendre  refprit  d'union  ôc  de  cha- 
rité. Nous  femmes,  leur  dit-il  ,  à  la  dernière  heure,  le  Juge  efl 
à  la  porte,   qu'il  ne  nous  furprenne  pas  hors   de   fon  Eglife. 
N'ayons  point  de  honte  de  découvrir  notre  mal ,  pour  y  cher- 
Paj.  IOÎ7.  cher  le  remède.  Si  vous  craignez  tant  cette  confufion,  je  vous 
montrerai  i'-exemple  de  vous  humilier.  Je  me  profternerai  le  pre- 
'     mier  fur  le  pavé,  au  mépris  de  ma  pourpre  ôc  de  mon  diadème. 
Montez  fur  mes  épaules,  marchez  fur  ma  tête  &  fur  mes  yeux, 
je  fuis  prêt  à  tout  fouffrir ,  pourvu  que  je  voye  la  réunion  de  l'E- 
Fag.  10^9.  gl'^^-  L'Empereur  donna  fept  jours  de  tems  à  ces  Evêques  pour 
prendre  leur  denicre  rcTolution,  après  lefquels  ils  feroient  con- 
damnés par  le  Concile, 
Septième       X  VL  Ce  Prince  affifla  encore  à  la  feptiéme  feiïion  ,  qui  fut 
fefllon,  tenue  le  29  d'Otlobre.  Photius  entra  dans  le  lieu  de  rAffemblée 

^  appuyé  fur  un  bâton  ,  ôc  avec  lui  Grégoire  de  Syracufe.  On  lui 

fit  quitter  fon  bâton  ,  qui  étoit  une  marque  de  la  dignité  Pafto- 
rale  ;  puis  on  lui  demanda  s'il  vouloit  donner  fon  libelle  d'abju- 
ration. Jl  répondit,  qu'il  rendroit  compte  à  l'Empereur  ôc  non 
aux  Légats.  On  lit  la  même  quellion  aux  Evêques  de  fon  parti, 
qui  avoient  déjà  été  admoncftés  dans  la  felFion  précédente  ,  de 
feire  le  libelle  d'abjuration.  Ils  répondirent  qu'ils  n'en  feroient 
rien.  Ce  libelle  étoit  le  même  que  les  Légats  avoient  apporté 
de  Rome.  Ils  refuferent  auHi  de  rejetter  Photius  ôc  les  Actes  de 
fjes  Conciles  ;  d'anathématifer  Grégoire  de  Syracufe;  de  fe  fou- 
mettre  au  Patriarche  Ignace  ;ôc  d'exécuter  les  Décrets  de  l'E- 
glife  Romaine.  Le  Patrice  Bahanes  leur  repréfenta  qu'en  cas 
de  fchifme  ou  d'héréfie  ,  on  ne  connoiffoit  pcrfonne  qui  fe  fût 
fauve  n'étant  pas  de  l'avis  des  quatre  Patriarches  ;  qu'au  lieu  de 
quatre  ils  en  avoient  cinq  contre  eux.  Ces  Evêques  répondirent: 
nous  avons  les  Canons  des  Apôtres  fie  des  Conciles.  Et  voyant 
que  le  Patrice  continuoit  à  les  prefTer  par  des  rail'ons  aufquelles 
il  n'étoit  point  aif^  de  répondre,  ils  fe  plaignirent  qu'on  leur 
refufoit  d'expliquer  librement  leurs  affaires ,  ôc  fe  répandirent  eu 
injures  contre  les  Députés  d'Orient.  On  lut  la  Lettre  du  Pape 
JSficolas  aux  Orientaux  en  ^66,  qui  contenoit  les  Décrets  du 

Concile 


DU  NEUVIEME  SIECLE.  <58i 
Concile  de  Rome  en  8(j  j.  Celles  du  Pape  Adrien  à  l'Empereur 
Bafile  &  au  Patriarche  Jgnace  ,  en  date  du  i  Août  868.  Deux 
autres  Lettres  du  même  Pape  à  Bafile  &  à  Ignace,  du  lo  Juia 
S6^  ,  ôc  les  Actes  du  Concile  de  Rome  fous  Adrien  en  8(58. 
■Enluite  on  lii  la  ledure  de  la  dernière  mcnition  à  Photius  ôc  à 
.ceux  de  fon  parti ,  pour  les  engager,  fous  peine  d'anathcme  ,  a 
le  foumettre  au  jugement  du  Concile.  Après  quoi  Lflienne, 
Diacre  ôc  Notaise,  lut  un  difcours  au  nom  d'Ignace,  conte- 
nant le  rdcit  des  periccutions  qu'il  avoit  foufl'ertes,  &  des  ac- 
tions de  grp.ces  fur  fon  rétabliliement  ôc  la  réunion  de  l'Eglife» 
Le  même  Eftienne  prononça  de  fuite  les  anathêmes  contre  Pho- 
tius, Gregoite  de  Syracufe  ,  Eulampius&c  les  autres  Schifmati- 
ques.  La  feliion  (init  par  les  acclamations  à  l'Empereur,  à  l'Im- 
pératrice, au  Pape  Adrien  ôc  aux  Patriarches  d'Orient,  aux 
Légats  du  Pape,  aux  Députés  d'Orient ,  ôc  au  Sénat.  Il  n'eft 
rien  dit  de  l'Empereur  dans  les  douze  vers  iambiques,  qui  con- 
tiennent en  précis  ces  acclamations  ;  mais  on  y  fait  mention  de 
-l'expuliion  de  Photius  ,  Ôc  du  jugement  rendu  contre  lui  par  les 
Papes  Nicolas  ôc  Adrien,  ôc  par  les  quatre  Patriarches  d'Orient. 

XVII.  On  brûla  dans  la  huitième  felTion  ,  tenue  le  cinquié-       Humcma 
me  deNoveniLre  ,  un  fac  de  nromclTes  que  Photius  avoit  exi-  „ 

■gées,  tant  du  Clergé  que  des  Laïcs  de  toutes  conditions  ;les 
Livres  qu  il  avoit  fabriqués  contre  le  Pape  Nicolas  ,  ôc  les  Ac?[es 
des  Conciles  contre  le  Patriarche  Ignace.  Fuis  on  lit  entrer  ceux 
-qui  avoient  affilié  au  Concile  de  Photius  contre  le  Pape  Nico- 
las, ou  qui  avoient  donné  des  libelles  contre  fEglife  Romai- 
ne ,  ou  qui  avoient  paru  dans  ce  Concile  en  qualité  de  Légats  ; 
&  il  fe  trouva  qu'après  les  avoir  interrogés ,  aucun  d'eux  n'avoit 
été  préfent  à  ce  Concile  ,  ôc  n'en  connoifToit  pas  les  Actes,  qui 
par  cet  examen  furent  convaincus  de  fuppofition.  La  découverte 
de  cette  impofture  engagea  les  Légats  du  Pape  à  demander  qu'on 
fit  la  ledure  du  dernier  Canon  du  Concile  de  Latran  en  549  , 
qui  efl:  contre  les  fauiïaires.  Cette  lecture  achevée,  iMétro-  Pjg.zjo^j 
phane  de  Smyrne  dit  quelque  chofe  à  la  louange  de  la  vérité 
6c  de  l'Empereur  Bafile,  qui  en  la  mettant  en  fon  jour  avoit 
accompli  cette  ^rédicWon:  Les  refics  des  Impies  feront  exterm'més.  Pf.ilm.  jtf, 

XVIII,  L'Empereur  étoit  préfent  au  Concile  ;âc  il  y  avoit      Décret  fut 
fait  amener  Théodore  Crithin  ,  Chef  des  Iconoclades.  On  l'ex- 


Ifs    In- 


Pc 


horta  inutilement  à  donner  un  libelle  d'abjuration  :  il  ne  fe  laiiii  no 
pas  non  plus  perfuader  aux  raifons  du  Patrice  Bahanes.  Crithin 
iui  avoùoit  qu'il  honoroit,  qu'il  eflimoit  l'Image  de  l'Empereur 
Tome  XXII.  Rrrr 


"î^.  H04» 
5. 


'€^2  CONCILES 

impnm(5e  furies  monnoyes;Bahanes  en  concluoit  qu'il  devoit 
à  plus  forte  raifon  honorer  les  Images  de  Jefus-Chrifl  ôc  de  fa 
trcs-fainte  Mère.  Je  le  ferai  ^  repondit  Crithin  ,  fi  l'on  me  mons- 
tre que  ce  foit  un  précepte  de  Jefus-Chrii"}:.  On  lut  le  Décret 
du  Pape  Nicoias  touchant  les  Images,    rendu  su  Concile  de' 
Home  en  ^6^.  Fuis  les  Légats  informés  qu'il  y  avoit  d'autres 
Iconocîafies  que  Crithin  ,  on  les  (it  entrer.  Mais  ils  reconnurent 
auili-tot  leur  erreur,  ôc  anathcmatiferent  quiconque  n'adoroir 
pas  les  faintes  Im:;ges.  Ils   montèrent  l'un  après  l'autre  fur  ua 
tribunal  élevé  ,  d'où  ils  dirent  anathême  à  i'héréfie  des  Icono-- 
clafîes  &:  à  fes  Chefs  ,  nommément  à  Théodore  ,  fumoniraé 
Crithin.  L'Empereur  les  em'brafla  &  les  félicita  de  leur  réunion 
à  i'Egiife.  Enfuite  on  fit  la  leclure  au  nom  duConcile  d'un  anathê- 
me foiemnel  contre  les  Iconoclaftes,  contre  leur  fau-x  Concile  ôC 
contre  leurs  Chefs  ;  &  on  répéta  les  anathêmes  contre  Photius.. 
Neuvième       XIX.  Le  Ccnciie  fur  trois  mois  entiers  fans  s'allembler  :  ce 
fetuonen87o.  q^,j  donna  le  tems  au  Député  de  Aîichel ,  Patriarche  d'Alexan* 
.ag.  iioi;..  ^^\q  ^  d'arriver  pour  la  neuvième  fellion  ,  qui  nefe  tint  que  le 
douzième  de  Février  870.  Avant  de  l'admettre  au  nombre  des 
Légats  des  Chaires  Patriarchales ,  on  lut  fa  Lettre  de  créance. 
Elle  étoit  adreffée  à  l'Empereur  Bafile  ,  ôcle  Patriarche  Michel 
y  rendoit  compte  des  motifs  qui  l'avoient  empêché  d'écrire  à  ce 
Prince;  fçavoir,  la  crainte  des  Infidèles,  qui  étoient  les  maîtres  de 
ia  Palefline ,.  de  la  Syrie  &  de  l'Egvpte.  Bafile  ,  pour  lever  cette 
difhculté  ,  avoit  écrit  à  Ahmed ,  fils  de  Toulcun  ,  qui  comman- 
doit  dans  ces  Provinces  ,  pour  le  prier  de  trouver  bon  qu'il  vînt 
quelqu'un  d'Alexandrie  avec  les  Lettres  du  Patriarche ,  pour 
fçavoir  fon  fentiment  touchant  la  divifion  de-  I'Egiife  de  ConC' 
tantinople.  Ahmed  l'accorda  ;  ôc  jMichcl  députa  un  homme  vé- 
nérable, nommé  Jofeph,  à  qui  il  ne  donna  point  d'infiructioa 
particulière  fur  l'affaire  portée  devant  le  Concile,  parce  qu'on 
n'en  étoit  pas  inllruit  à  Alexandrie.  On  commença  donc  cette 
,  fpg.  II 15.  fellion  par  inflruire  ce  nouveau  Député  ;  ôc  on  lui  raconta  par 
ordre  ce  qui  sxtoit  paffi  dans  les  huit  premières  fellion?.  Il  ap- 
prouva par  écrit  tout  ce  qui  avoit  été  réglé  ,  tant  fur  le  Schifme 
de  ConAantinople  que  fur  les  Images.  Son  avis  fut  lu  au  milieu 
de  l'aflemblée  par  le  Diacre  Thomas.  Jofeph  l'avoit  mis  aupa- 
ravant fur  la  Croix  ôc  fur  l'Evangile. 
Ps».  1 1 '. '.'.      XX.  H  reftoit  à  examiner  ceux  qui  avoient  porté  un  faux 
témoignage  contre  le  Patriarche  Ignace.  On  les  fit  entrer ,  ôc 
•on  les  interrogea  féparement.  Tous  convinrent  qu'ils  avoient  fait 


DU  NEUVIEME  SIÈCLE.  (fSj 
un  Faux  ferment,  mais  qu'ils  y  avoient  été  contraints  pût  l'Em- 
pereur. Ils  témoignèrent  du  repentir  de  leur  taute ,  &  le  Con- 
cile leur  impofa  une  pénitence.  Il  e(t  remarqué  que  l'un  d'eux , 
nommé  Théodore,  interrogé  s'il  s'étoit  confelTé  de  fon  crime, 
&  s'il  en  avoir  reçu  la  pénitence ,  répondit  qu'oui  ;  mais  que 
celui  qui  lui  avoit  donné  la  pénitence  écoit  mort  ;  que  de  Ion 
vivant  il  étoit  Cartulaire  ,  &  que  s'étant  fait  Moine  il  avoit  palTé 
quarante  ans  fur  une  colonne  :  Qu'interrogé  de  nouveau  s'il 
étoit  Prêtre,  Théodore  répondit  qui!  n'en  fçavoit  rien, mais  qu'il 
^toit  Abbé  ,  ôc  avoit  conlîance  en  lui.  La  pénitence  prefjrite 
par  le  Concile,  tant  pour  les  coupables  qui  étoient  préfens  ,  que 
pour  ceux  qui  fe  préfenteroient  à  l'avenir ,  portoit  qu'ils  feroient 
■deux  ans  liors  de  l'Eglife  ,  puis  deux  ans  Auditeurs  ,  comme  les 
Cathccumenes  ,  fans  communier  ;  que  pendant  ces  quatre  ans  ils 
s'abftiendroient  de  chair  &:  de  vin  ,  excepté  les  Dimanches  6c 
les  Fêtes  de  Notre-Seigneur  ;  que  les  trois  années  fuivantesils 
ieroient  debout  avec  les  Fidèles,  &  communieroient  feulement 
aux  Fctes  de  Notre-Seigneur ,  s'abftenant  de  chair  &  de  vin 
trois  fois  la  femaine ,  le  Lundi ,  le  Mercredi  &  le  Vendredi. 
■Cette  pénitence  ayant  paru  longue  aux  Sénateurs  ,  ils  deman- 
dèrent qu'il  fut  au  pouvoir  du  Patriarche  Ignace  de  l'abréger  : 
ce  que  le  Concile  accorda  ,  le  laiflànt  le  maître  d'augmenter 
ou  de  diminuer  j  fuivant  les  difbofitions  des  pénitens. 

XXI.  L'Empereur  Michel  avoit  fait  un  jeu,  où,  en  déri-  p^^  ,,,(,^ 
•fion  des  cérémonies  de  l'Eglife,  plufieurs  Laïcs  de  fa  Cour  (k. 
autres  ,  revêtus  des  omemens  facerdotaux  ,  reprcfentoieat  les 
laints  Myfteres.  Trois  d'entr'eux  ,  Marin  ,  Bafile  &  George ,  qui 
:avoient  été  Ecuyers  de  ce  Prince ,  furent  introduits  dans  le 
Concile,  où  ils  avouèrent  les  iinpiétés  qu'ils  avoient  commi- 
fes  en  cette  occafion  ;  quoiqu'ils  s'en  fuffent  déjà  confeiTcs  au 
Patriarche  Ignace ,  &  qu'ils  euiTent  accompli  la  pénitence  qu'il 
leur  avoit  impofée,  le  Concile  ne  laiffa  pas  de  leur  en  ordonner 
une  féconde  ,  pour  obtenir  le  pardon  de  leur  crime  :  mais  il  en 
remit  l'impofition  à  une  autre  aflemblée,  où  l'on  auroit  égard  à  la 
faute  de  chacun  ,  attendu  qu'ils  avoient  péché  plus  par  foiblede 
&  par  crainte  d'être  maltraités  de  l'Empereur,  que  par  malice. 
On  iit  encore  comparoitre  les  faux  Légats  de  Photius,  ahn  que 
Ses  impoilures  fuflent  connues  de  Jofeph  ,  Député  du  Patriar- 
che d'Ale>;andrie  ,  qui  n'étoit  pas  préfentlorfqu'ils  comparurent 
dans  la  huitième  felfion.  Ils  avouèrent  une  féconde  fois  qu'ils 
avoient  écé  forcés  de  faire  le  pecfonnage  de  Légats;  ôc  on  leur 

Rrxr  ij 


6S4  CONCILES 

fit  grâce  à  caufe  de  la  violence  qu'ils  avoient  foufferte.  L* 
feilion  Hnit  par  une  imprécation  en  dix-rept  vers  contre  Photius.- 
Dixième       XXII.  La  dixième  ôc  la  dernière  fe  tint  le  28  de  Février. 
fefllon.  L'Empereur  Baille  y  fut  préfent ,  accompagné  de  fon  tiis  Conf- 

Pag.  U13.  fajifi^  ^^  fie  vingt  Patrices.  Les  Ambaltadeurs  de  l'Empereur 
Louis  s'y  trouvèrent  aulTi,  avec  ceux  de  Michel,  Prince  de 
Bulgarie.  Anaftafe  le  Bibliothécaire  étoit  du  nombre  des  Am-" 
baffadeurs  de  Louis.  Ils  étoient  chargés  de  deux  commifTions 
importantes  ;  l'une  de  demander  à  l'Empereur  Balile  du  fecours 
contre  les  Sarrafins  ;  l'autre  ,  de  traiter  d'un  mariage  entre  le  fils 
de  ce  Prince  ôc  la  fille  de  l'Empereur  Louis.  On  compta  dans 
cette  feffionplus  décent  Evêques.  Comme  il  n'auroit  point  été 
facile  à  un  feul  Letteur  de  fe  faire  entendre  d'une  AfiTemblée  fi 
nombreufe  ;  on  en  prit  deux  pour  lire  les  Canons  que  le  Concile 
devoit  confirmer.  Le  Diacre  Eftienne  les  lut  au  haut  du  Con- 
cile ,  ôc  le  Diacre  Thomas  au  bas  ,  mais  en  même  tems. 
Canons  de  XXIII.  Ils  font  au  nombre  de  vingt-fept,  dont  voici  la 
ce   oncie.      {^]-,f[ance  :  On  obfervera  les  Canons  tant  des  Conciles  généraux 

Cm',  r.  que  particuliers  ,  ôc  la  doctrine  tranfmife  par  les  faints  Pères  ; 

Cin.i.  de  même  que  les  Décrets  des  Conciles  tenus  par  les  Papes 
Nicolas  ôc  Adrien  touchant  le  rérablilTement  dTgnace  ôc  l'ex- 

C:/!.  4.  pullion  de  Photius.  Celui-ci  n'ayant  jamais  été  Evêque ,  toutes 
les  Ordinations  qu'il  a  faites  feront  cenfées  nulles  ,  ôc  l'on  confa- 

Cin.  3,  crera  de  nouveau  les  Autels  qu'il  aura  confacrés.  On  honorera  ôC 
on  adorera  l'Image  de  Notre-Seigneur  ,  les  Livres  des  faints 
Evangiles ,  l'image  de  la  Croix ,  celle  de  la  Mère  de  Dieu  ôc  de 
tous  les  Saints  •>  mais  en  rapportant  le  culte  qu'on  leur  rend  aux 
prototypes  ,  c'eft-àdire,à  Jefus-Chrifl  ôc  à  fes  Saints.  Le  terme 
adorer  dont  fe  fcrvoient  les  Grecs  ,  ne  figniiie  point  ici  un 
culte  de  latrie  ,  qui  n'eft  dû  qu'à  Dieu  feul  ,  mais  feulement  ua 

Can.  f,  culte  de  refpecl  ôc  de  vénération.  Défenfe  d'élever  tout  d'ua 
coup  un  Laie  à  l'Epifcopat  ,  quand  même  on  le  feroit  pafier 
par  tous  les  dégrés  du  Miniftere  ,  (1  ce  n'eft  que  l'on  ait  des 
preuves  certaines  qu'il  n'y  a  eu  dans  fa  promotion  aucune  vue 
d'ambition  ni  d'intérêt.  Dans  ce  cas-là  même,  il  fera  un  an 
Ledeur,  deux  ansSous-Diacre,  trois  ansDiacre,quatreans  Prêtre. 
Quoique  ce  fût  dix  ans  d'épreuves  ,  le  Concile  ne  laiifoit  pas  de 
permctre  d'abréger  le  tems  prefcrit  par  les  anciens  Canons,  à 
caufe  de  la  pieté  du  fujet  que  1  on  vouloit  promouvoir. 

Cm. 6.  XXI  V.  Anathême  à  Photius  pour  avoir  fuppofé  de  faux 
Légats  d'Orient  ôc  de  faux  ades  contre  le  Pape  JNicolas  ;  ôc  à. 


D  U    N  E  U  V  I  E  M  E    s  I  E  C  L  E.      (?9? 
tous  ceux  qui  à  l'avenir  uferont  de  pareilles  fupercheries.  Quoi- 
qu'il foit  bon  de  peindre  de  faintes  Images,  &  d'enfeigner  les    '^'^'^' 
fciences  divines  &  humaines  ,  il  cfl:  bon  aulfi  que  cela  ne  fe  fade 
que  par  des  perfonnes  fages.  Ceft  pourquoi  le  Concile  défend 
à  tous  ceux  qu'il  a  excommuniés  de  peindre  (a)  des  images  6c 
d'enfeigner  ,  jufqu'à  ce  qu'ils  fe  convertifient.  Il  déclare  nulles  C.m.  9. 
toutes  les  promeffes  exigées  par  Photius  de  ceux  à  qui  il  enfei- 
snoitles  Lettres ,  Ôc  des  autres  qu'il  vouloir  s'attacher;  ôc  défend  Cm.  j. 
a  tout  Patriarche  d'exiger  autre  chofe  des  Evoques  à  leur  Ordi- 
nation que  la  profeilion  de  foi  ordinaire.  Aucun  Clerc  ne  fe 
réparera  de  fon  Evêque  ,  qu'il  n'ait   été  juridiquement  con- 
damné ;  ôc  il  en  fera  de  même  de  l'Evêque  à  l'égard  du  Métro-  Cin.  10. 
politain  ,  ou  du  Patriarche ,  6c  cela  fous  peine  de  dépoficion , 
&  d'excommunication  pour  les  Moines  ôc  les  Laïcs.  Anathéme  Cin.  n, 
à  quiconque  foutient  qu'il  y  a  deux  âmes  dans  l'homme  [b).  Il 
eft  défendu  d'ordonner  des  Evoques  par  l'autorité  6c  le  comman-  c.in.  n-. 
dément  du  Prince  ,  fous  peine  de  dépofition  pour  ceux  qui 
feront  parvenus  à  l'Epifcopat  par  cette  voye  tyrannique  ,  étant 
évident  que  leur  Ordination  ne  vient  point  de  la  volonté  de 
Dieu  ,  mais  des  défirs  de  la  chair.  On  fera  monter  les  Clercs  de  ^'"'-  'î* 
la  grande  Eglife  d'un  degré  inférieur  au  fuperieur,  pour  récom- 
penfe  de  leur  fervice ,  s'ils  fe  font  bien  comportés  ;  ôc  on  la'ad- 
mettra  pas  dans  le  Clergé  ceux  qui  auront  gouverné  les  Maifons 
ou  les  Métairies  des  Grands. 

XXV.  Ceux  qui  font  élevés  à  l'Epifcopat  ne  l'aviliront  Cs'.-.  m* 
point  en  s'éloignant  de  leurs  Eglifcs  pour  aller  au-devant  des 
Gouverneurs  ;  bien  moins  s'huniilieront-ils  en  defcendant  de. 
cheval  ôc  en  fe  profternant  devant  eux  ;  mais  en  rendant  aux 
Grands  les  honneurs  qui  leur  font  dûs  ,  ils  conferveront  lau- 
torité  néceflaire  pour  les  reprendre  dans  le  befoin.  Ils  ne  pour-  Can.  if» 
ront  vendre  les  meubles  ni  les  ornemens  des  Eglifes  ,  fi  ce  n'eil 
pour  les  caufes  fpécilîées  dans  les  Canons  ;  ni  en  vendre  les 
Terres  ,  ni  en  lailfcr  les  revenus  à  baux  emphytéotiques.  Au 
contraire,  ils  feront  obligés  d'améliorer  les  polTeifions  de  l'E- 
glife  ,  dont  les  revenus  fervent  à  l'entretien  des  MiniUres  ôc  au 
foulagement  des  pauvres.  Défenfe  aux  Laïcs  de  quelle  condition  C^t,  t^ 


(a)  La  première  partie  de  ceCnnoit  .       (b^  Cote  erreur  eft  attribuée  à  Fho 
eft  contre  Grégoire  i!c  S)  racule  ,  qui  éio^c      tins  ,  tl^ns  i<: 


Peintre.  La  fecoii.ie  contré  Fhotius ,  qui 
avojt  enicigné  les  Lcttn.  s,  ^  ^ 


s  vers  qui  le  liCent  à  la  fin  delà 
neuvième  iciiîon. 


K  rr  r  iij 


eu  CONCILES 

qu'ils  foient ,  de  relever  leurs  cheveux  pour  imiter  les  Clercs ,  de 
porter  les  iiabits  facerdotaux,  ôc  de  contrefaire  les  cérémonies 
de  l'Eglife  ,  fous  peine  d'être  privés  des  Sacremens.  Ordre  aux 
Patriarches  &  à  leurs  Suft'ragans  d'empêcher. ces  fortes  diiTV- 
pietés  ,  fous  peine  de  dépoiition  en  cas  de  tolérance  ou  de  négli- 
gence de  leur  part.  Ce  Canon  regarde  ceux  qui  avoient  contrefait 
les  cérémonies  de  l'Eglife  par  ordre  de  f  Empereur  Michel.  La 
pénitence  qu'on  leur  impofe  ici ,  eft  d'être  trois  aas  féparés  de 
la  communion  ;  un  an  pleurans  hors  de  l'Eglife  ;  un  an  debout 
avec  les  Cathécumenes  \  la  troifiéme  avec  les  Fidèles. 
.Ca/î,  17.  XXVI.  Il  fera  au  pouvoir  des  Patriarches  de  convoquer 
dans  le  befoin  des  Conciles  &  d'y  appeller  tous  les  Métropoli- 
tains de  leur  Reilore ,  fans  que  ceux-ci  puiiïent  s'en  difpenfer 
■fous  prétexte  qu'ils  font  retenus  par  quelque  Prince.  En  effet , 
puifqueles  Princes  de  la  Terre  tiennent  des  affemblées  quand 
bon  leur  femble  ,  ils  ne  peuvent  fans  impieté  empêcher  les  Pa- 
triarches d'en  tenir ,  ni  les  Evêques  d'y  allifter.  Le  Concile 
rejette  avec  mépris  ce  que  difoient  quelques-uns  peu  verfés 
dans  la  fcience  des  Canons ,  qu'on  ne  pouvoit  tenir  de  Concile 
fans  que  le  Prince  y  fôt  préfent.  Les  Canons  n'admettent  dans 
les  Conciles  que  les  Evêques  ;  &  à  l'exception  des  Conciles 
généraux  ,  les  Princes  n'ont  jamais  afiifîé  aux  aflcmblées  d'E- 
vêques  ;  &  il  y  auroit  de  l'indécence  de  leur  part ,  à  caufe  des 
afùiires  qui  arrivent  quelquefois  aux  Prêtres  du  Seigneur.  Les 

Can.  18.  Egtifes  &  ceux  qui  y  préfident  jouiront  des  biens  &  des  privi- 
lèges dont  ils  font  en  polleflion  depuis  trente  ans  ;  défenfe  à 
aucun  Laïc  de  les  en  priver  ,  fous  peine  d'anathême  ,  jufqu'à 

Can,  ip.  reflitution  defdits  biens  &  privilèges.  Il  eft  aufii  défendu  aux 
Archevêques  ,  d'aller  ,  fous  prétexte  de  vifite ,  féjourner  fans 

•■.'  néceilité  chez  leurs  Sulîragans  ,  6c  confumer  les  revenus  des 

Çan.xo.  Eglifes  qui  font  de  leur  Jurifdidion.  Si  un  Cenfitaire  emphy- 
théotique  néglige  pendant  trois  ans  de  payer  à  l'Eglife  le  cens 
convenu ,  l'Evéque  fe  pourvoira  devant  les  Juges  de  la  'Ville 
ou  du  Pays  pour  faire  rendre  la  Terre,  ou  la  poirellion  lailTée  en 
emphythéofe. 

Can.  iT.  X  X  'V  1 1.  Les  cinq  Patriarches  feront  honorés  de  tout  le 
monde  ,  même  des  plus  puilTans  Seigneurs  ;  on  n'entreprendra 
pas  de  les  dépoffedcr  de  leurs  Sièges  ;  on  ne  fera  rien  contre 
l'honneur  qui  leur  eft  dû  ;  6c  personne  n'écrira  contre  le  Pape 
/bus  prétexte  de  quelques  prétendues  accufations  ,  comme  ont 
^©(^  faire  Photius.  ôc  Diofcore  avant  lui.  En  cas  toutefois  qu'il 


DU    NEUVIEME    SIECLE.      <f87 
s't^leve  dans  un  Concile  généî'al  quelque  difficulté  contre  l'Eglife 
Romaine  ,  on  propofera  la  quedion  avec  refped ,  &  on  la  déci- 
dera de  môme.  Déf'enfe  aux  Laïcs  puifians  d'intervenir  à  l'élec-  ^■"-  **'•■ 
tion  des  Evoques  ,  s'ils  n'y  font  invités  par  1  Eglife  ;  eu  de  s'op- 
pofer  à  réîeclicn  Canonique^  à  peine  d'ctre  anatherne  jnfquà 
cequ  il  ait  confenti  à  cette  élection.  Il  n'eft  point  permis  à  lui  Oi.  xj.  '     ' 
Evéque  de  prendre  à  titfe  de  location  les  Terres  d'une  autre 
Eglife  i  ni  d'y  établir   des   Clercs  ,  (ans  le  confcriternent  de 
l'Èvêque  Diocèfivin,  Les  Métropolitains  ne  pourront  faire  venir  Cm.  î4i 
chez  eux  leurs  Suffragans  pour  le  décharger  fur  eux  de  leurs 
fondions  Epifcopales  ,  en  (é  livrant  eux-momes  aux  aifaires 
temporelles  ;  mais  ils  feront  ce  qui  eft  à  leur  charge'  ,  fous 
peine  d'ctre  punis  par  le  Patriarche  ^  ou  dépolés  en  cas  de 
récidive. 

X X  V II I^  Le  Concile  dcpofe  fans  efperafice  de  reuitution  Cm. ifV 
les  Evêques  ,  les  Prêtres  ,  les  Diacres ,  &  autres  Clercs  ordonnés 
par  Methodius,  ou  par  Ignace,  qui  demeuroicnt  obftincs  dans 
ie  parti  de  Photius.  Il  autorife  un  Clerc  dépofé  ou  maltraité  par  Cm.  -.g,- 
fon  Evoque  ,  à  fe  pourvoir  par  appel  ,  au  Alétropoiiiain  & 
autres  Juges  Supérieurs  de  lEglife  Catholique.  Enhn  il  ordonne 
que  tous  l«s  EccicliafLiques  ,  ôc  même  les  Moines ,  s'habilleront 
dans  toutes  les  Provinces,  chacun  fuivant  leur  état. 

XXIX.  Après  la  letlure  de  ces  Canons  ,  deux  Métrcpo-       Profèm'on-' 
litains  ,  fcavoiT ,  Metrophane  de  Smyrne  ,  &  Cvprien  de  Clau-  ^.''J"'.'"  ^^'■''•' 
Giopoiis, lurent  en  même  tems  ,  1  un  au  haut.,  l autre  au  bas  de  n.v,-. 
l'Eglife  de  fainte  Sophie ,  où  le  Concile  étoit  affemblé  ,■  une 
dérinition  de  fui,  femblable  à  celle  de'Nicée,  mais  beaucoup 
plus  détaillée.  On  y  dit  anathéme  à  Arius ,  à  Macedonius  ,  à 
Sabellius,  àNeftorius ,  àEutyches,  à  Diofcore,  à  Origenes, 
à  Théodore  de  Mopiuefte,  à  Didyme  ,  à  Evagre,  à  Sergius  , 
à  Ilonorius  ,  à  Cyrus  d'Alexandrie  ,  &  aux  Icorioclades.  Oiï" 
reçoit  enfulte  les  fept  Conciles  généraux,  &  on  y  joint  celui-ci 
comme  faifant  le  huitième  ;  puis  on  conlirme  la  Sentence  norrée 
contre  Pliotius  par  les  Papes  Nicolas  ôc  Adrien.    L'Emoereur 
Baiile  demanda  aux  Evêques  s'ils  étoicnttoûs  d'accord  de  cette 
dciinition  de  foi.   Les  Evêques  ayant  témoigné  leur  confente- 
inent  par  des  acclamations  ,  ce  Prince  leur  rendit  grâces  de;  la 
peine  qu'ils  s'étoient  donnée  pour  procurer  la  paix  à  l'Eglife  ; 
puis  il  permit  à  tous  ceux  qui  étoient  préfens  ,  même  aux  Laïcs  ,  • 
quoiqu'ils  n'eullent  pas  droit  de  parler  des  affaires  Ecclefiafti-- 
q:ues^de  propofer  ce  qu'ils  auroient  à  dire  contre  le  Conciley 


(?S8  CONCILES 

fes  Canons  ,  ou  fa  définition  ,  ajoutant,  que  quand  les  ÊvêqueS 
feroient  fcparés ,  il  ne  feroit  plus  tems ,  &  qu'il  ne  pardonne^ 
roit  à  aucun  de  ceux  qui  refuferoient  de  fe  fou  mettre. 
Soufcriptions      XXX.  Les  Legats  l'invitèrent  à  foufcrire  le  premier  avec 
du  Concile  ,  fes  fîls  Conftantin  &  Léon  ;  mais  il  témoigna  vouloir  foufcrire 
f^g'  iij6.     après  tous  les  Evêques  ,  à  l'imitation  de  fes  prédéceflTeurs , 
Conftantin  ,  Théodofe  ,  Marcien  ,  &  les  autres.    Toutefois  il 
foufcrivit  après  tous  les  Légats  de  Rome  6c  d'Orient.  Ceux  de 
Rome  inférèrent  cette  claufe  dans  leur  foufcription  :  Jiifques  à 
la  volonté  du  Pape ,  ou  à  charge  de  ratification  de  fa  part.  Ils 
foufcrivirent  fur  cinq  exemplaires,  pour  les  cinq  Patriarches; 
&  les  Empereurs  en  firent  autant ,  avec  cette  différence ,  que 
Bafile  ne  iit  qu'une  croix  fur  chacun.  Conflantin  fit  auiïi  la  croix 
pour  lui  ôc  pour  ion  frère  Léon  ,  &  écrivit  les  noms  des  trois 
Empereurs;  Chriftophle  ,  premier  Séc«taire  ,  acheva  le  relie 
de  la  foufcription.  Les  trois  Empereurs  y  font  appelles  Princes 
des  Romains.  Le  Patriarche  Ignace  foufcrivit  immédiatement 
après  les  Légats  de  Rome;  puis  les  Légats  d'Orient;  ôc  après 
les  Empereurs,  Bafile  ,  Archevêque  d'Ephefe  ,  ôc  les  autres  de 
fuite  ,  au  nombre  de  cent  deux.    Anadafe  le  Bibliothécaire 
j-emarque  {a),  qu'on   ne  doit  point  être  furpris  d'un  Ci  petit 
nombre,  parce  que  Photius  avoit  dépofé  la  plupart  àts  Evê- 
ques ordomiés  par  fes  prédéceffeurs,  ôc  en  avoit  mis  d'autres  à 
jeur  place,  qui  ne  furent  point  reconnus  pour  Evêques  dans  ce 
Concile.  Ceux  qui  y  furentadmis  avoient  été  facrés  parles  Pa- 
■triarchcs  précedens.  Il  efl  dit  dans  la  vie  du  Patriarche  Ignace 
par  Nicetas  ,  que  les  Evoques  foufcrivirent ,  non  avec  de  l'encre 
iimple  ,   mais  apics  avoir  trempé  le  rofeau  dans  le  Sang  du 
Sauveur.  Le  Pape  Théodore  (  6  )  en  ufa  de  même  lorfqu'il  écri- 
.vit  la  dépofition  de  Pyrrhus.  Les  Légats  du   Pape  avant  de 
foufcrire  (c)  ,  donnèrent   à  examiner  les  a£tes  du  Concile  à 
Anaftafe  le  Bibliothécaire,  qui  fçavoit  bien  le  Grec.  Il  s'apper- 
cut  qu'on  avoit  retranché  d'une  Lettre  du    Pape    Adrien  les 
louanges  de  l'Empereur  Louis.   Les  Légats  s'en  plaignirent. 
Mais  les  Grecs  répondirent ,  que  dans  un  Concile  on  ne  devoit 
donner  des  louanges  qu'à  Dieu  feul  ;  c'étoit,  comme  le  remar- 
que Anaftafe  ,  parce  qu'ils  ne  pouvoient  fouffrir  qu'on  donnât  à 


{a)  Norj  AnaiLifii  ,j):ir.    1157.  I       (c  )  Â;;aJ}af.jntaMriani,tnm.i,Conc. 

Lo^is 


DU    NEUVIEME    SIECLE.     6%9 

'Louis  le  titre  d'Empereur.  On  difputa  beaucoup  ,  &  il  fut 
convenu  que  les  Légats  mettroient  dans  leurs  foufcriptions  la 
claufe  dont  nous  venons  de  parler  :  Jufques  à  la  volonté  du  Papî. 

XXXI.  Nous  avons  deux  Lettres  fynodales  au  nom  du     Lettres  Sy 
Concile,  l'une  circulaire  qui  contient  la  relation  de  ce  qui  s'y  ",'"'''"^^,'  &«, 
eft  paiTé  ,  avec  ordre  à  teus  les  enfans  de  l'Eglife  de  fe  fou-  feq. 
mettre  au  Jugement  rendu  en  cette  aftemblce;  l'autre  au  Pape 
Adrien  ,  où  les  Evcques  font  l'éloge  de  fes  Légats,  dont  ils 
difent  qu'ils  ont  fuivi  le  Jugement.  Ils  ne  laillent  pas  de  lui 
demander  la  conlirmation  des  Décrets  faits  dans  le  Concile. 
La  même  Lettre  fut  envoyée  à  tous  les  Patriarches.  Ces  deux 
Lettres  font  fans  date.  Celle  qui  ell  au  nom  des  trois  Empereurs 
eft  datée  de  la  troifiéme  indidtion  ,  c'cft-à-dire,  de  l'an  870; 
elle  étoit  circulaire  pour  tous  les  Evcques  ,  à  qui  ces  Princes 
■donnent  avis  de  la  conc'ilion  du  Concile  6c  du  Jugement  rendu 
contre  Photius.    Ils  écrivirent  en  particulier  au  Pape  Adrien  P^is-nséi 
par  l'Abbé  Theognofle  ,  pour  le  confulter  (ur  les  Ledeurs 
ordonnés  par  Photius;  fcavoir,  fi  on  pouvoit  les  promouvoir 
aux  Ordres  fupérieurs.  Ils  demandoient  aufli  indulgence  pour 
Paul ,  Garde-Chartes  de  l'Eglife  de  Conflantinople  ,  que  Pho- 
tius avoit  ordonné  Archevêque  ;  ôc  pour  Théodore  ,  Jvîétropo- 
litain  de  Carie.  Le  Patriarche  Ignace  écrivit  en  même  teffls    '^='  "^'* 
au  Pape  6c  pour  le  même  fujet  ;  mais  ce  ne  fut  qu'après  le 
départ  des  Légats  dont  l'Empereur  Bafile  dit  dans  fa  Lettre , 
qu'il  étoit  en  peine  de  fcavoir  s'ils  étoient  de  retour  à  Rome. 

XXXII.  Tout  étoit  fini  dans  le  Concile  lorfque  quelques-  touchànrTe! 
uns  des  Grecs  vinrent  fe  plaindre  au  Patriarche  Ignace  ,  6c  à  Bulgares  , 
l'Empereur  Bafile  ,  que  les  Lésats  en  faifant  foufcrire  les  libelles  r"m-^,Cona!. 
d  abjuration  apportes  de  Komc,  avoient  misiligliie  de  L^on-  ntj.  Adri.mi  ; 
ilantinople  fous  la  puiflance  des  Romains,  d'où  on  ne  pouvoit  &i'în:'f-'î'J- 
la  tirer  qu'en  faifant  rendre  ces  libelles.  L'Empereur  donna  ordre  ^  'y--^''^'^  ^* 
d'enlever  fccrettement  ces  libelles  aux  Légats.  Mais  ils  avoient 
eu  foin  de  mettre  de  côté  ceux  des  principaux  Evêques.  Ils  fe 
plaignirent  à  leur  tour  à  l'Empereur  de  cette  fupercherie  ;  6c  à 
■lorce  de  remontrances,  ils  obtinrent  que  ces  libelles  leurferoient 
rendus.  Quelques   jours  après  Bafde  fit  aflembler  les  Légats 

du  Pape ,  ceux  d'Orient  6c  le  Patriarche  Ignace  ,  pour  entendre  ^      , 

les  Ambafladeurs  des  Bulgares.  Pierre,  Chef  de  l'aiTvbailade,  ,ri.i 

expofa  les  raifons  qui  avoient  engagé  Michel ,  Prince  de  cçs 
Peuples,  à  députer  au  Concile.  La  principale  étoit  de  fcavoir 
à  quelle  Eglife  cette   Nation   nouvellement  convertie  feroit 
TomaXXIU  Sfff 


690  CONCILES 

foumife  ,  fi  ce  feroit  à  celle  de  Rome ,  ou  à  celle  de  Cofiftari- 
tinople.  Les  Légats  du  Pape  foutenoieiit  ,  que  ce  devoitêtre 
à  l'Eglife  Romaine ,  puifque  le  Prince  des  Bulgares  s'étoic  lui- 
même  fournis  à  cette  Eglife  ;  qu'il  avoit  reçu  des  règles  de 
conduite  des  Evoques  &  des  Prêtres  de  la  part  du  Pape  Nicolas. 
Pierre  convint  de  ces  faits  ;  mais  les  Députes  d-Orient  préten- 
dirent que  la  Bulgarie  ayant  appartenu  aux  Grecs  a\iint  qu'elle 
eût  été  conquife  par  les  Bulgares  ,  elle  devoir  être  de  la  Jurif- 
diclion  de  Conftantinople.  Les  Légats  du  Pape  prouvèrent  par 
les  Décretales  des  Papes  ,  que  l'Epire  ancienne  &  nouvelle-, 
toute  la  TheiTalie  &  la  Dardanie,  qu'on  nommoit  alors  Bul- 
garie ,  avoient  été  gouvernées  par  le  làint  Siège  ;  &  que  depuis 
que  cette  Province  s'étoit  convertie  ,  les  Romains  y  avoient 
ordonne  des  Prêtres ,  confacté  des  Eglifes ,  inftruit  les  Peuples;, 
enlin  que  l'Eglife  Romaine  en  étant  en  poiïelîion  depuis  plus 
de  trois  ans  ,  on  ne  pouvoir  l'en  déjetter  fans  en  avertir  le  Pape 
Toutes  ces  raifons  ne  frappèrent  point  les  Députés  d'Orient. 
Ils  décidèrent  que  le  Pays  des  Bulgares  ayant  été  autrefois  fous 
la  domination  des  Grecs  ,  devoir  par  le  Chriftianifme  être 
réuni  à  l'Eglife  de  Conftantinople  ,  dont  il  s'étoit  féparé  par  le 
Paganifme.   Les  Légats   de   Rome    rejetterent  ce  Jugement 
comme  rendu  par  des  Juges  incompétens  ,  &  conjurèrent  le 
Patriarche  Ignace ,  en  lui  rendant  une  Lettre  du  Pape  Adrien 
fur  cette  affaire  ,  de  ne  point   fe  mêler  de  la  conduite  des 
Bulgares.   Le  Patriarche  répondit,  qu'il  ne  s'engageroit  point 
dans  des  prétentions  contre  l'honneur  du  faint  Siège.  Telle  fut: 
l'ifTue  de  cette  conférence  ,  où  les  Parties  ne  difputant  leurs 
droits  que  par  un  Interprète  de  l'Empereur  qui  étoit  préfent ,  ne 
pouvoient  fe  promettre  de  bien  faire  entendre  leurs  raifons.  Mais 
on  donna  aux  Légats  du  Pape  un  écrit  en  Grec  qui  contenoit  la 
Sentence  rendue  par  ceux  d'Orient  en  faveur  de  l'Eglife  de 
Conftantinople.. 
Les  Légats       XXXIII.   L'Empereur,,  déjà  mécontent  des  Légats  de- 
dù  Pape  re-  ^g  qu'ils  l'avoient  obligé  à  rendre  les  libelles  d'abjuration,  le 
Rome.  Tra-  fut  bien  davantage  en  voyant  leur  réfiflance  au  fujet  de  la  Bul- 
dudion     «J.cs  garie.  Dillimulant toutefois  fa. colère  ,  il  les  invita  à  manger,.  & 
cil", iiid  paT  ^^^  combla  de  préfcns.  Mais  il  s'intéreifa  ii  peu  à  la  fureté  de  leur 
N4f  embarquement ,.  qu'étant  tonibés  entre  les  mains  des  Sclaves  on 

leur  prit  tout  ce  qu'ils  avoient,  même  l'original  grec  des  ades 
du  Concile,  &  fiùUirent  à  perdre  la  vie.  Ils  arrivèrent  à  Rome 
dépouillés  de  tout ,  le  2  de  Décembre  870,  ôc  racontèrent  au 


D  U  N  E  U  V  I  E  M  E.  s  I  E  C  L  E.  '69X 
Pape  Adrien  tout  ce  qui  s'étoit  palTé  ;  mais  ils  ne  purentlui  prd- 
fenter  d'autres  écrits  que  le  livre  de  Vaciion  d'Ignace  ,  les  libelles 
•que  les  Sclaves  leur  avoient  rendus,  ôc  une  copie  des  aftes  du 
Concile  que  le  Bibliothécaire  Anaftafe,  l'un  des  Ambafladeurs 
de  l'Empereur  Louis,  avoit  emportée  par  précaution.  lien  fit 
•une  tradudtion  latine  par  ordre  du  Pape,  6c  ce  n'efl:  que  dans 
cette  verfion  que  nous  avons  lesatles  entiers  du  huitième  Con- 
cile général.  Les  ades  grecs  imprimés  à  la  fuite  de  la  verfion  d'A- 
naftafe,  n'en  font  qu'un  abrégé,  où  Ton  a  retranché  plufieurs 
.chofes  de  l'original.  Analiafe  mit  à  la  tcte  de  fa  traduttion  une 
loaigue  préface  où  il  fait  l'hiftoire  du  fchifrae  dePhotius,  6c  du 
Concile  tenu  à  cette  occafion  ;  de  la  converfion  des  Bulgares ,  ôc 
de  la  conférence  que  l'on  tint  à  leur  fujec  trois  jours  après  la  fin 
du  Coacile.  Il  en  parle  aulfi  dans  la  vie  du  Pape  Adrien  IL 


CHAPITRE     XXXVI  L 

15  E  5  Conciles  Àe  Verberie  ,  deMet^^,  &  autres ,  depuis 
l'an  S6c}  ,  jufquen  87p. 

L  T_T  I N  c  M  A  R  ,  Eveque  de  Laon  ,  devenu  odieux  à  fon     Concile  de 
X~jL  Clergé  6:  à  fon  Peuple  par  fes  injufiices  ôc  par  fes  vio-  V'^f'^f'^    en 
lences,  fut  accufc  devant  le  Roi  Charles  ,  qui  lui  ordonna  de  Cnc'iL    pag. 
■répondre  aux  chefs  d'accufations ,  ou  par  lui-même,  ou  par  fon  1517. 
Avoué.  Il  refufa  l'un  ôc  l'autre ,  difant  ,  qu'il  ne  pouvoit  fe  pré- 
fenter  à  un  Jugement  féculier  au  préjudice  de  la  Jurifdiction 
Eccléfiaftique.  Charles  fit  faifir  tous  les  biens  de  l'Evêque  fitués 
dans  fon  Royaume.  Hincmar  de  Reims  fon  oncle  intervint  pour 
lui  auprès  du  Roi,  fit  lever  la  faifie  ,  6c  on  convint  que  l'affaire 
de  l'Evêque  de  Laon  feroit  terminée  par  des  Juges  choifis ,  ou , 
s'il  étoit  befoin  ,  par  un  Concile.  La  Sentence  des  Juges  ne  lui 
ayant  pas  été  favorable ,  il  refufa  de  s'y  foumettrc.  Le  Roi  le  fit 
appellerau  Concile  de  Verberie  indiqué  pour  le  24.  d'Avril  de 
l'an  8(5p.  Hincn\ar  y  vint.  Vingt-neuf  Evêques  y  affifterent,  ôc 
Hincmar  de  Reims  y  préfida ,  com;ue  étarrt  dans  fa  Province. 
L'Evêque  de  Laon  embarraffé  des  accufations  qu'on  formoit 
contre  lui,  prit  le  parti  d'appeller  au  Pape,  ôc  demanda  pet- 

S  f f f  ij 


^.^  CONCILE    S" 

mifTlon  d'aller  à  Rome.  On  la  lui  refufa  ;  mais  on  fufpendit  la" 
procédure  entamée  contre  lui.  Le  Concile  confirma  l'union  de 
trois  Monafteres  à  celui  de  Charroux  ,  déjà  faite  fous  lagrément 
du  Pvoi  Charles. 
Concile  tic       j  j^  Qg  Prince  ayant  appris  la  mort  du  Roi  Lotliaire ,  vint  à. 
Tom. 'c  Concil.  Metz  le  cinquième,  de  Septembre  859  ,  où  il  fe  fit  couronnée 
P^'  lîjr..     Roi  de  Lorraine  par  les  Eveques.  Ils  étoient  au  nombre  de  fept. 
La  cérémonie  fe  fit  dans  lEglife  Cathédrale  de  faint  Eftienne. - 
Adventius,  Evêque  de  Metz,  portant  la  parole  en  préfence  du  ■ 
Roi ,  des  Seigneurs,  &  de  quantité  de  Peupies  ,  déclara  Charles  • 
légitime  héritier  du  Royaume.  Le  Roi  promit  de  maintenir  ' 
l'homieur  ôc  les  privilèges  de  l'Eglife  ;  de  protéger fes  Sujets,  . 
chacun  félon  leur  rang;  &  de  faire  rendre  la  juHice  , félon  les 
Loix  Eccléfiaftiques  &c  Civiles  :  enfuite  il  fut  couronné  le  neu- 
vième du  même  mois.  Ce  fut  Hincmar  de  Reims  qui  lui  fit  les 
onctions  du  S.  Chrême  fur  le  fronts  depuis  l'oreiile  droite  jufqu  a  • 
l'oreille  gauche  ,  &  fur  la  tête;  mais  les  autres  Evêquesiuimir-ent 
la  couronne  ,  &  lui  donnèrent  la  palme  ôc  le  fc°ptre. 
Concile  lie       1 1  L  Quclque  tems  après ,  le  Roi  Charles  étant  à  Piftes  ,  y  fit 
tont^^C^n^f  venir  plulieurs  Evêques  pour  traiter  avec  eux  des  affaires  de  fou  - 
p^i'.iSié.      Royaume.  Il  ne  relie  d'autres  moi;iumens  de  cette  Airemblée, 
qu'un  Diplôme  accordé  àEgil,  Archevêque  de  Sens,  par  lequel 
on  confirme  les  donations  qu'il  avoit  faites  à  un  Monaflere  6c  à 
une  Eglife  de  fon  Diocèfe ,  qui  avoieiit  l'un  &  l'autre  faint  Pierre  ■ 
pour  Patron.  Douze  Evêques  foufcri virent  à  ce  Diplôme,  Egil  . 
a  la  tête  ,  Pilles  étant  dans  fa  Province.  Hincmar  de  Reims  fouf- 
crivit  des  derniers  avec  Wulfade  de  Bourges  ,  &  Herard  de  ' 
Tours. 
Concile       IV.  Le  Roi  Charles  mécontent  de  la  conduite  de  fon  fiîs 
d'Attigny  en  Carloman  ,  à  qui  il  avoit  fait  donner  la  tonfjre  cléricale  dès  fon 
ConciC^mJ  bas  âge  ,  ailembla  au  mois  de  Mai  de  l'an  870  un  Concile  à 
IÎ37.  Attigny ,  voulant  le  faire  juger  par  des  Evêques  ,  comme  Clerc. 

Il  s'y  trouva  trente  Evêques  de  dix  Provinces  ,  avec  i\x  Arche- 
vêques ,  Hincmar  de  Reims  ,  Remy  de  Lyon  ,  Harduic  de 
Befançon  ,  Wulfade  de  Bourges  ,  Frotaire  de  Bordeaux,  &  Ber- 
tulfe  de  Trêves.  Carloman  convaincu  dé  conjuration  contre  le 
Roi  fon  père,  ôc  de  beaucoup  d'autres  crimes  ,  fut  privé  des 
Abbayes  qu  il  pofTedoit  en  grand  nombre ,  &  mis  en  prifon  à 
Senlis.  Hincmar  de  Laon  accufé-  dans  le  même  Concile  de 
défobéiflance  envers  le  Roi  ,  &  envers  fon  oncle  fon  Métropo- 
litain ,  évita  la  Sentence  dont  il  étoit  mçnacé  ,   en  donnan©' 


DU    NEUVIEME    SIECLE.      <?p? 

un  libelle  par  lequel  il  diiclaroit  qu'à  l'avenir  il  feroit  fidèle  ôc 
obciilant  au  Roi  Charles,  fuivant  fon  miniflere ,  comme  un 
Vailal  doit  être  à  fon  Seigneur,  &  un  Evoque  à  fon  Hoi  ;  qu'il 
obéiroit  aufii  à  Hincmar  Ion  Métropolitain  ,  félon  les  Canons  ÔC 
lesDccrets  du  S.Sie'ge  approuvés  par  les  Canons.  Au  moyen  de  ce 
libelle  qu'il  foufcrivit  devant  tout  le  monde  ,  le  Roi  &  l'Arche- 
vêque de  Reims  lui  donnèrent  lebaiierdepaix.  Mais  il  relloit  à 
contenter  un  Seigneur  nommé  Normand,  à  qui  le  Roi  avoit 
donné  en  lier  la  terre  de  Pouilly,  &  dont  Hincmar  de  Laon  s'étoit 
emparé.  11  convint  d'en  pafler  par  l'avis  de  trois  Evcques.  Mais 
informé  qu'ils  étoient  d'accord  à  faire  rendre  à  Normand  la  terre" 
de  Poui.ly ,  il  fortit  fecretementd'Attigny  ,  &  écrivit  à  fon  oncle 
de  lui  obtenir  la  permidion  d'accomplir  le  vcea  qu'il  avoit  fait 
d'aller  à  Rome.  Aimoin  dit  que  le  Roi  Charles  donna  audience  Aiwo'w.Uh! 
dans  ce  Concile  aux  douze  Députés  de  Louis ,  Pvoi  de  Germanie,  <;  >  f-  ?•  ^•"'•-''-- 
toucliant  le  partage  du  Royaume  de  Lothaire.  co'.cay.  14. 

V.  PcndcUit  qu'Adon  de  "Vienne  tenoit  fon  Synode  en  870,      Concile  de 
M'annon  ,  Prevot  du  Monaftere  de  Saint-Ovan  ,  ou  Mont-Jura  ,  Y'""!??  ,„^" 
vint  lui  rtprelenter  que  les  rrcueceneurs  avoient  accordé  a  Ion  f^cu'oA.p.irr. 
Monaftere  une  iiglife  iltuée  dans  le  Diocèfe  de  Vienne ,  &•  qu'au  -  >  *^  ''■'■  >7,' 
préjudice  de  cette  donation  le  Curé  de  faint  Alban  vouloit  s'en  pl'l'îiéi"^'^*' 
emparer.  Cette  conteflation  n'étoit  pas  nouvelle.  Un  Curé  du 

même  lieu  avoit  déjà  tenté  de  fe  rendre  maître  de  cette  Eglife 
fous  l  Archevêqre  Agilmar ,  qui  l'avoit  débouté  de  fes  préten- 
tions par  Sentence  rendue  avec  connoiiTance  de  caufe.  Mais 
parce  que  les  Chanoines  de  Vienne  n'y  avoient  pas  foufcrit, 
Adon  crut  devoir  reprendre  toute  l'affaire,  &  la  faire  examiner 
de  nouveau  par fes  Prêtres,  afin  de  mettre  fin  à  cetteconteda- 
tion.  Il  fut  décidé,  du  confentement  de  tout  le  Concile,  que  ' 
l'Eglifedciu  te  Curé  de  faint  Alban  vouloit  s'approprier,  demeu- 
reroit  h  la  Communauté  de  faint  Oyan,  com.me  elle  lui  avoit  été 
donnée  par  les  Archevêques  de  Vienne.  La  Sentence  eil  datée 
du  mois  d'Avril ,  indiclion  troifiéme,  c'eft-à-dire,  l'an  S70. 

VI.  On  tint  au  mois  de  Septembre  de  la  même  année  un  <^o"^^-<^e^ 
Concile  à  Cologne  ,  où  l'on  régla  plufieurs  points  de  difcipline.  870,"^^;  8  , . 
Il  paroit  qu'il  fut  affemb'é  à  l'occafion  de  la  dédicace  d'une  nou-  Condl.  pag,- 
velle  Egiife  érigée  fous  l'invocation  de  faint  Pierre.  Les  ailes  de  ''^^* 

ce  Concile  ne  font  pas  venus  jufqu'à  nous.  Il  feroit  même  tombé 
dans  l'oubli ,  fans  une  ancienne  Chronique  des  Empereurs  Fran^- 
çpis  ,  donnée  au  Public  par  M.  Pithou. 
yil.  Quoique  Hincmar  de  Laon  eût  vu  plu.'iaurs  fois  le  Roi  ;    Conci'.;  c»-^ 

Sfffiij 


?P4  CONCILES 

Douzv  en  Charles  depuis  le  Concile  d'Attigny  ,  il  n'avoit  rien  dît  à  ce 
^535!  '^"^'  Prince  de  fbn  voyage  de  Rome;  mais  il  n'avoit  pas  laiffé  d'ea 
écrire  au  Pape  Adrien  ,  en  lui  faifant  des  plaintes  contre  le  Roi, 
&c  contre  Hincmar  de  Reims.  Il  fe  joignit  même  au  Prince  Car- 
loman  ,  qui  abufant  de  la  liberté  qu  ii  avoit  obtenue ,  recom- 
mençoit  fes  brigandages  ôc  fes  cruautés.  Les  Evêques  dont  il 
avoit  défolé  les  Diocèfes  publièrent  des  ceufures  contre  fes 
complices,  n'ofant  pas  rexcommunier  lui-même, parce  que  le 
Roi  Charles  vouloit  le  fair-e  juger  par  les  Evêques  de  la  Province 
de  Sens  dont  il  étoit  Clerc,.  Hincmar  de  Laon  fut  fommé  diverfes 
fols  par  fon  oncle  de  foufcrixe  aux  ceafures  contre  les  complices 
de  Carloman  ,  comme  les  autres  Evêques  de  la  Province  de 
Reims  ;  mais  il  n'en  voulut  rien  faire.  Le  Roi  Charles  irrité  de 
ce  refus ,  ôc  mécontent  d'ailleurs  de  la  conduite  Je  cet  Evêque, 
indiqua  un  Concile  à  Douzy  dans  le  Diocèfe  de  Reims  pour  le 
mois  d'Août  de  l'an  871.  Hincmar  de  Laon  y  fut  appelle  par 
une  Lettre  de  fon  Métropolitain ,  du  quatorzième  de  Mai.  Il 
chercha  à  s'en  défendre  par  un  grand  Mémoire  plein  de  repro- 
ches contre  fon  oncle,  qui  l'avertit  une  féconde  fois  de  venir  au 
Concile  ;  ajoutant  qu  il  lui  faifoit  cette  mo^iition  au  nom  du 
Pape,  qui,  en  effet,  lui  avoit  écrit  d'affembler  un  Concile  pour 
remédier  à  divers  défordres  qu'on  difoit  être  dans  fon  Diocèfe. 
Le  Concile  fe  tint  à  Douzy  le  cinquième  d'Août.  Il  étoit  com- 
pofé  de  vingt-un  Prélats,  treize  Evêques ,  ôc  huit  Archevêques. 
Hincmar  de  Reims  y  préfida  ,  ôc  le  Roi  Charles  y  alfifta  en  per- 
fonne.  Ce  Prince  préfenta  un  Mémoire  contenant  fes  plaintes 
'  contre  Hincmar  de  Laon.  L'Archevêque  de  Reims  en  préfenta 
un  fécond.  Le  Roi  infiftoit  fur  ce  qu'Hincmar  de  Laon  lui  avoit 
manqué  de  fidélité ,  avoit  excité  des  révoltes  ,  s'étoit  emparé  par 
voye  de  fait  des  biens  de  fes  VafTauK,  l'avoit  calomnié  auprès  du 
Pape,  &  lui  avoit  réfiflé  à  main  armée.  Les  plaintes  de  l'Arche- 
vêque étoient  en  plus  grand  nombre,  mais  moins  griéves  pour 
la  ph'ipact.  Ellesrouloient  fur  le  mép-ris  de  fes  ordres  ôc  de  fon 
autorité. 
F.!'.  î6p,  VIII.  Hincmar  de  Laon  arrivé  à  Douzy  ne  fe  préfentoit 
point  au  Concile.  Il  fut  cité  juridiquement  par  trois  fois.  Il  ne 
répondit  à  la  première  citation  que  par  un  Mémoire  pour  le 
Con.cile,  où  il  difoit  qu'il  appelloitau  faint  Siège;  mais  il  obéit 
à  la  troiliéme,  ÔC  comparut.  0n  lut  en  fa  préfence  la  plainte  du 
Jioi  Charles  ,  on  la  lui  donna  pour  l'examiner,  ôcdu  tcms  pour  y 
refondre.  Il  le  préfenta  au  Concile  une  féconde  fois,  fuis  qu'il 


D  U    N  E  U  V  I  È  M  E    s  I  E  C  L  E.      69s 

eût  répondu  à  la  plainte  du  R.oi.  Hincmar  de  Reims  !e  preflant 
là  deiius  ,  il  dit  qu  étant  dépouille  de  tous  fes  biens  ,  il  ne  répotr- 
droitrien  à  ce  qu'on  lui  ohjectoit.  Il  récufa  le  jugeuient  de  fou 
oncle  ,  ôi  appella  au  iaint  Sidge.  Comme  il  perlifioit  dans  fa  con- 
tumace ,  l  Archevêque  de  Reims  prit  -les  avis  des  Evêques. 
Harduic  de  Befançon  opina  qu'Hincmarde  Laon  é:auc  convaincu 
d'avoir  allumé  des  féuitions,  devoir,  fuivant  les  Canons,  être 
déporé  de  ri'pifcopat.  Frotaire  de  Bordeaux  releva  fon  parjure 
&  fa  défobéilTance  au  Roi  Charles  ;  6c  ^^''ulfade  de  Bourges  les 
calomnies  dont  ilavoit  noirci  le  Roi  à  Rome.  Tous  appuyant  fur 
quelque  crime  en  particulier  ,  conclurent  à  fa  dcpr>iicion.  Sur 
quoi  Hincmar  de  Reims,  comme  Préfident  du  Concile  ,  pro-  '^"S-  'fij^i.- 
nonça  la  Sentence  en  ces  termes  :  Je  le  juge  privé  de  l'honneur 
&  delà  dignité  Epifcopale ,  &  dépouillé  de  toutes  fondions 
facerdotales  ,  fauf  en  tout  le  droit  de  notre  Père  Adrien ,  Pape  de 
la  première  Chaire  Apofîolique  ,  ainfi  aue  l'ont  ordonné  les 
Cûncns  deSardiqiae.  Cette  Sentence  fut  foufcrite  par  les  Evo- 
ques préfens,  par  les  Députés  de  huit  Eveques  abfens,  ôc  par 
huit  autres  Eccléfialliques  ,  Prêtres,,  ou  Archidiacres  en  divers 
Dioctfcs. 

J  X.  Le  Concile  envoya  les  a£les  de  la  procédure  contre  Lettres  îy-- 
Hincraar  de  Laon  au  Pane  Adrien  ,  avec  une  Lettre  Synodale  "?,"l"f'''  "  *' 
dans  laquelle  il  lui  demande  la  confirmation  de  ce  qui"  s'étoit 
fait ,  protcflant  qu'il  n'avoit  eu  recours  à  la  dépofition  de  cet 
Evêque,qucfaute  d'autres  moyens  de  le  ramener  à  fon  devoir. 
Le  Concile  prie  aufii  le  Pape,  qu''au  cas  qu'il  lui  plairoit  défaire 
juger  de  nouveau  cette  caufe  ^  d'en  renvoyer  le  jugement  fur  les 
lieux  ;  &  qu'en  attendant ,  Hincmar  de  Laon  demeure  privé  de  la 
Communion  facerdorale.  La  Lettre  Synodale  efb  du  ftxiéme 
Septembre  871'.  Adard  de  Nantes,  élu  Archevêque  de  Tours  , 
fut  chargé  de  la  porter  au  Pape,  avec  les  actes  du  Concile.  Ils 
font  divifés  en  cinq  parties.  Les  trois  premières  contiennent  les 
chefs d'aecufations  contre  l'Evêque  de  Laon.  La  quatrième,  la 
procédure  faite  centre  lui.  La  cinquième,  la  Lettre  Synodale  du 
Concile, &  celle  qu'Hincmar  écrivit  en  particulier  au  Pape.  Il 
lui  rend  compte  de  l'affaire  d'Aftard  dont  il  l'avoit  chargé ,  ôc  le  Pag.  ié>8.- 
prie  de  l'ordonner  Archevêque  de  Tours,  à  condition  qu  après 
la  mort ,  fon  Succelfeur  fera  ordonné,  fuivancles  Canons,  par 
les  Evêques  de  la  Province..  "Venant  enfuite  à  Hincmar  Ion 
neveu,  il  déclare  qu'ayant  travaillé  inutilement  à  le  corriger  ,  il 
ne  veut  plus  fe  mêler  de  fa  conduite^ni  le  regarder  comme  un 


69<^  C    O    N    C    I    L    E    S 

de  fes  Suffragans.  Il  s'explique  enfuite  fur  les  raifons  qu'il  avoit 
eues  de  dépofer  un  Prêtre,  qui  étant  yvre  avoit  blelTé  un  homme  à 
deiTein  de  le  tuer ,  ôc  cite  plufieurs  Canons  pour  juftilîer  ce  qu'il 
avoit  fait  à  1  égard  de  ce  Prêtre.  On  voit  par  la  fuite  de  la  Lettre 
qu'il  fe  pourvut  à  Rome  à  rinf(^u  d'Hincmar ,  &  qu'il  en  rapporta 
des  Lettres  du  Pape  Adrien  ;  ce  qui  obligea  l'Archevêque  d'en- 
voyer une  relation  exacte  du  fait   ,    ôc  de  la  conduite  de  ce 
Prêtre. 
„_   Concile       X.  Les  Collections  des  Conciles  en  mettent  deux  à  Oviedo, 
873  ou  çot  ,1  ^^  ^^"1  S73  ,  1  autre  en  901  ;  1  un  ôc  1  autre  tous  lePontihcat  du 
îom.9,Concil.  Pape  Jean  VIIL  qui  avoit  permis  de  les  affembler.  Il  n'eil  tou- 
6-'i'iii*'''^°''  t^efols  parlé  dans  fes  Lettres  au  Roi  Alphonfe  III.  que  d'un  feul 
Concile  en    cette  Ville  ,  ôc  il  n'en  éroit  pas  befoin  davanta- 
ge ,  puifqu'il  ne  s'agiffoit  que  d'ériger  en  Métropole  l'Eglife 
d'Oviedo  :  ce  qui  fe  fit  d'abord  ôc  fans  aucune  difficulté.  Al- 
phonfe avoit  fortifié  cette  Ville  pour  fervir  de  barrière  contre  les 
courfes  des  Normands,  ôc  rebâti  magnifiquement  LEglife   de 
faint  Jacques  en  Compoftelle.  Il  ne  voulut  point  la  faire  con- 
facrer  fans  en  avoir  la  permilïion  du  Pape.  Deux  Prêtres ,  nom- 
més Severe  &  Sinderede  ,  ôc  un  Laïc  qui  fe  nommoit  Rainald, 
'furent  députés  à  cet  effet  vers  Jean  VIII.  qui  leur  donna  deux 
Lettres  pour  le  Roi.  Dans  la  première  il  permetroit  l'éreclion 
-d'Oviedo  en  Métropole  ;  dans  la  féconde ,  la  confécration  de  la 
nouvelle  Eglife  ,  ôc  la  tenue  d'un  Concile.  Dix-fept  Evêques  fe 
trouvèrent  pour  la  cérémonie  de  la  dédicace  ;  Le  Roi  y  alUfta 
.avec  fon  époufe  ôc  fes  fils,  ôc  plufieurs  Seigneurs  de  la  Couc. 
C'étoit  le  lixiéme  de  Mai.  Onze  mois  après  ,  c'eft-à-dire ,  au 
mois  d'Avril  fuivant,  les  mêmes  Evêques  tinrent  un  Concile  à 
/Oviedo ,  en  préfence  du  Roi ,  de  la  Reine  ,  de  fes  fils  ôc  des 
Seigneurs.  L'Eglife  de  cette  Ville  y  fut  érigée  en  Métropole ,  Ôc 
Hermenegilde  qui  en  étoit  Evéque,  reconnu  pour  Chef  des  au- 
tres Evêques  ,  afin  de  travailler  avec  eux  au  rétabliffement  de 
la  difcipline.  On  ordonna  de  choifir  des  Archidiacres  pour  faire 
deux  fois  l'année  la  vilite  des  Monaflcres  6c  des  Paroilîes ,  ôc  on 
lailTa  au  pouvoir  de  l'Evêquc  d'Oviedo  d'établir  des  Evêques 
de  fon  choix  dans  toutes  les  Villes  où  il  y  en  avoit  eu  aupara- 
vant. Comme  la  Province  d'Afturie  étoit  la  plus  forte  ôc  la  plus 
fùre  de  toutes ,  il  fut  convenu  que  tous  les  Suftragans  d'Oviedo 
y  auroient  des  Eglifes  ôc  des  terres  ,  foit  pour  en  tirer  leur  fub- 
iidance  quand  ils  viendroient  au  Concile  ,  foit  pour  s'y  retirer 
en  cas  de  befoin.  Le  Roi  défigna  les  bornes  de  la  Province 

Ecclcfiaflique 


DU    NEUVIEME    SIECLE.     6^1 

Ecck^llaftique  d'Oviec!o,&  attribua  plufieurs  terres  à  ce  Siége.Oa 
en  dreiTa  un  état,  qui  fut  lu  en  plein  Concile  ôc  approuvé  una- 
Aiimement. 

XL  II  s'en  tint  un  à  Chi^.lons-fur-Saône  en  87?  ,  le  21  de     f^oncile  de 
Mai,  au  fujet  de  l'EpIilb  de  faint  Laurent.  Les  Chanoines  de  ^•''?l<'"^ -/""- 
famt  Marcel  la  repéioient ,  dilant  quelle  leur  avoit  eié  donnée  tom.^.ConciU 
par  les  Rois  qui  en  étoient  les  Fondateurs,  ôc  que  les  Evoques  ?'a--5'. 
de  Châlons  l'avoient  uTurpée  fur  eux.   Le  Concile  s'aflembla 
dans  cette Eglife.  Il  s'y  trouva  cinq  Evoques,  un  co-Evêque, 
des  Abbés  ,  des  Moines ,  des  Prêtres ,  des  Diacres  &  des  Ar- 
chidiacres, ayant  à  leur  tête  Renii ,  Archevêque  de  Lyon.  Leu- 
terius,  Prévôt  des  Clianoines  de  faint  Jviarcel ,  parut  au  milieu 
de  l'alTemblée,  6c  produifit  fes  raifons.  Girbold  ,  Evcque  de 
Châlons ,  dit  les  fiennes.  Le  réfultat  du  Concile  fut  que  FEglifc 
de  faint  Laurent  feroit  rendue  aux  Clianoines  de  faint  Marcel; 
6c  tous  foufcriyirent  à  ce  jugement,  i'Evêque Girbold  comme 
les  autres. 

XII.  Le  26  de  Septembre  de  l'an  S75  ,  on  tint  un  Concile     ConcHe  de 
à  Cologne,  auquel  prélida  Willibcrt  ou  Guillebert , Archevê-  g°,'°^(o,^.  9") 
que  de  cette  Ville,  alîifté  des  Archevêques  de  Trêves  &  de  Co/idl.    p.î^. 
Mayence,  ôc  des  Evêques  de  Saxe.  On  y  lit  la  Dédicace  de  TE-  "'*• 
glife  Cathédrale,  ôc  on  y  conlirma  les  Statuts  de  Gonthier  , 
prédéceileur  de  GuilleLcrt ,  portant  que  les  Clianoines  auroi^nc 
des  biens  en  fuffifance  pour  fubfiller  ;  qu'ils  auroient  Iclection 
libre  de  leurs  Prévôts ,  fans  que  l'Archevêque  y  intervînt  ;  ôc 
qu'ils  pourroientauffi  fans fon  avis  difpoferde  tout  ce  quiappart»- 
noit  à  leurs  Monafteres.  Le  Concile  approuva  la  fondation  ,  faite 
par  Guillebert ,  d'un  Monaflere  de  Hlles  ,  fous  l'invocation  de 
lainte  Cécile,  gouverné  alors  par  une  Abbefîe,  nommée  Be- 
refvinthe.  Ceft  aujourd'hui  un  Chapitre  de  ChanoineiTes. 

XIII.  Le  Roi  Charles   voyant  que  Carloman  entretenoit     Conçue  de 
toujours  le  trouble  dans  le  Pvoyaume ,  affembla  les  Evoques  ^^^^^.'p^CoJclù 
des  Provinces  de  Sens  ôc  de  Reims  ,  à  Senlis ,  en  873.  Il  pré-  f.?».  157. 
fenta  fa  plainte  à  Anfcgife,  Archevêque  deSens,  de  qui  Carlo- 
man dépendoit,  comme  fon  Métropolitain;  ôc  à  Hildegaire, 
qui  l'avoit  ordonné  Diacre.  Le  jugement  du  Concile  fut  que  ce 
Prince  feroit  dépofé  du  Diaconat  ôc  de  tout  degré  EcclélialU-  ' 

que,  ôc  réduit  à  la  communion  la;quc.  Les  Attes  de  ce  Con- 
cile font  perdus. 

XIV.  L'année  fuivante  S74.,  le  Roi  Charles  convoqua  un     Cop^iv  c- 
^-oncile  à  Douzi ,  où  fe  trouvèrent  des  Evêques  de  plulîeurs  ror'^  .r  7' 

Tome  XX IL  TttC  '*va:-^:-. 


'69S  CONCILES 

Provinces.  On  y  travailla  à  arrêter  ie  cours  des  mariages  incef-- 
tueux ,  ôc  des  ufurpations  des  biens  de  l'Eglife.  Cela  paroît  pas 
la  Lettre  fynodale  adrelTe'e  aux  Evêques  d'Aquitaine,  Le  Con- 
cile y  fait  voir  qu'cnvain  ceux  qui  conrradoient  des  mariages 
dans  les  dc'grés  de  parenté  déi'endus  ,  s'autorifoient  de  l'indul- 
gence accordée  par  faint  Grégoire  aux  Anglois  j  dans  les  com- 
inencemens  de  leur  converiion  ,  puifque  ce  faint  Pape  avoit 
reftraint  cette  indulgence,  en  ajoutant  que  quand  ils  feroienC 
aHernùs  dans  la  foi ,  ils  obferveroient  la  parenté  jufqu  a  la  fep- 
tiéme  génération  ;  au  lieu  que  dans  ces  commencemens  il  leur' 
avoit  permis  le  mariage  à  ia  troifiéme  ôc  à  la  quatrième.  Le 
Concile  rapporte  divers  Décrets  contre  ces  conjondions  illici- 
tes; entr'autres  du  Concie  de  Rome  fous  le  Pape  Grégoire  II, 
du  Concile  d'Agdc,  &  delà  Lettre  du  PapeSirice  à  Himerius,- 
Evêque  de  Tarragone.  A  l'égard  des  ufurpateurs  des  biens  de' 
TEglife,  il  copie  ce  qu'avoient  dit  contre  eux  les  Evêques  du- 
Concile  de  Toufi  en  860. 
Décret  de  X  V.  On  examina  daus  le  Concile  de  Douzi  la  caufe  d'une 
te  Concile ,  Relieieufe  ,  nommée  Dude  ,  qui ,  dans  le  deflein  de  dépofer  foa 
Abbefle,  pour  le  mettre  a  la  place,  avoit  complote  avec  un 
Prêtre,  nommé  Humbert,  &  s'étoit  abandonné  à  lui.  Ce  Prê- 
tre fut  d'abord  convaincu  d'avoir  écrit  des  lettres  pleines  de  ca- 
loiTjnies  contre  l'AbbelTe;  ôc  fur  ce  qu'il  nioit  avoir  abufé  de 
l)udc,le  Concile  nomma  des  Députés,  avec  ordre  de  fe  tranfpor- 
ter  au  Monaftere  avec  des  Commiflaires  du  Roi ,  pour  interroger 
deux  Keligieufes  ,  Berte  ôc  Erprede ,  qui  s'étoient  avouées  com- 
plices du  crime  de  Dude,  ôc  recevoir  leurs  dépofitions.  Ils  fu- 
rent aufli  chargés  d'interroger  Dude  ôc  le  Prêtre  Hutnbert  fépa-- 
rement,  Ôc  en  cas  d'aveu  de  leur  part,  de  les  faire  venir  avec 
leurs  complices  devant  la  Communauté  pour  ré'iterer  leur  con- 
fedion.  Le  Concile  n'attendit  pas  la  lin  de  cette  procédure  ;  mais 
il  régla  par  provifion  la  pénitence  qu'on  devoit  impofer,  tant  à 
Humbert  qu'à  Dude  ôc  à  fes  complices,  voulant  qu'on  les  traitât 
plus  doucement  s'ils  confeffoient  volontairement  leurs  fautes, 
que  s'ils  en  étoient  convaincus  par  témoins. 
ConcHe  de  X  V  L  Hincmar  ,  que  l'on  regarde  avec  raifon  comme  Au- 
Reims<^i874.  j    j^  Lettre  fynodale  Ôc  du  Décret  du  Concile  de  Douzi, 

pag.  587.        en  tint  un  au  mois  de  J.uillet  de  la  même  année  874 ,  a  Keims, 
où  il  publia  cinq  Articles  pour  les  Prêtres  de  fon  Diocèfe.  Le 
Can.i.  premier  eft  touchant 4es  Curés  delà  Campagne,  jqui  ,  négli- 
geant leurs  Pareilles ,  fe  rctiroient  daias  le  Monallere  de  Mont-r 


BU    NEUVIEME    SIECLE.      60^ 

Faucon  ,  6c  y  recevoient  la  prJbendc  ou  diftribution  en  cTpece , 
que  chaque  Chanoine  avoit  coutume  de  recevoir  pourf.  ilib- 
fiflance  ;  ôc  Jes  Chanoines  du  même  Monaftere  qui  s'emp;»  oient 
des  ParoiiTes  de  la  Campagne.  Les  uns  &  les  autres  contreve- 
noient  aux  Canons  ;  les  Curés  en  quittant  leurs  ParoifTes  po'i.rfe 
mettre  en  fiireié  t'a'^s  le  Monafîcre;  les  Chanoines  en  quittant 
leur  Mona(lere,pour  aller  deiiervir  les  Paroiffes  de  la  Campagne, 
dans  la  vue  de  percevoir  le  proHt  de  la  dixme.  Hincmar  leur 
fait  voir  qu'il  n'efi  pas  permis  aux  Clercs  de  pafler  d'une  Eglifc 
à  une  autre  j  6c  bien  moins  d'en  tenir  deux  enfemble,  n'étant 
pas  polïible  de  faire  en  même-tems  les  devoirs  de  Curé  ôc  de 
Chanoine.  S'il  arrive  ,  dit-il,  qu'il  faille  baptifcr  la  nuit  un  en- 
fant en  péril ,  ou  porter  le  Viatique  à  un  malade  ,  le  Chanoine 
nefortira  pas  du  Cloître  pour  aller  au  Village.  Si  donc  un  Prê- 
tre, pour  quelqu'iniîrmité  corporelle  ,  ou  pour  quelque  péché 
fecret,  veut  fe  retirer  dans  un  Monaftere ,  qu'il  renonce  par  écrit 
au  titre  de  fa  Cure  ;  autrement  qu"il  y  demeure.  Les  Cloîtres  des 
Chanoines  étoient  alors  fermés  comme  ceux  des  Moines  :  c'eft 
pourquoi  quelques  Curés  s'y  retiroient  pendant  les  guerres , 
comme  en  des  lieux  de  fureté. 

XVII.  Dans  le  fécond  ,Hincmar  défend  aux  Prêtres , fous  Ca/i. î, 
peine  de  dépolition  ,  de  rien  prendrj  pour  la  place  de  îa  matri- 
-Cule,  c'eft-à-dire  des  pauvres  que  l'on  infcrivoit  dans  la  marri- 
■cule  de  l'Eglife ,  ôc  à  qui  en  ccnfiquence  on  diilribuoit  une  par- 
tie de  la  dixme  ou  des  oblations.  11  leur  défend  par  le  troilié.-ne  C:.n,  ;, 
la  fréquentation  des  femmes,  6c  de  leur  rendre  des  vKites  hors 

de  faifon.  La  plupart  des  Prêtres  acquercient  des  terres  ôc  des  mai- 
sons des  épargnes  de  leurs  revenus  Ecciéfir.iliques  ,  aux  dépens 
de  l'aumône  &c  de  Phofpitalité ,  6c  donnoienr  enfuite  ces  terres 
jÔc  ces  maifons  à  leurs  parens  ;  Hincmar  menace  delafévérité  Cj/i.  4. 
des  Canons  ceux  qui  fe  trouveront  coupables  de  cet  abus.  Il  leur 
défend  encore  de  faire  des  préfcns  aux  Patrons,  dans  la  vue  d'ob-  Cxn.  y. 
tenir  des  Bénéfices ,  ou  pour  eux-mêmes ,  ou  pour  leurs  Clercs, 
protellant  qu'il  n'ordonnera  point  de  Clercs  dont  il  ne  foit 
content. 

XVIII.  Il  s'éleva  en  87-4.  un  différend  entre  Urfus  ,  Duc  de     ron;I!e  de 
Yenife,  ôc  Pierre,  Patriarche  de  Grade,  au  fujet  du  fucceifeur  ^•^^^""-  ,  *;^ 
qu'on  devoir  donner  à  Sénateur  ,  Evoque  de  Torcelle.  On  élut  C:,7c'i/.    pag. 
Dominique,   Abbé  d'Altino.  Le   Patriarche  ne  voulut  point, '-3^ 
l'ordonner,  difant  qu'il  s'étoit  fait  lui-même  Eunuque.  Le  Duc 

qui  fouhaitoit  que  Dominique  ïkm  Evêque  ,  intimida  tellement 

T  1 1 1  i  j 


70O  CONCILES 

le  Patriarche ,  qu'il  eut  recours  au  Pape  Jean  VIII.  pour  dëcidéû 
la  conteflation.  Le  Pape  aflembia  à  Ravenne  ua  Concile  de  foi- 
xante  &  dix  Evêques ,  où  l'on  permit  à  Dominique  de  tirer  les- 
revenus  de  l'Eglife  de  Torcelle.  Quelques.  Evéques  ,  pour  être, 
venus  trop  tard  au  Concile,  furent  privés  de  la  communion;, 
mais  on  la  leur  rendit  peu.  de  tems  après  ,.  à  la  prière  du  Duc 
Concils  ùe       XIX.  Le  Père  Labbe  joint  aux  Actes  du  Concile  de  Ra- 

Touioufe  en  ygi-ine^  ceux  du  Concile  de  Touloufe  en  873  ,  où  les  Evêques. 

iijj.'  ^'  de  Septimanie  &  d'Aquitaine  confirmèrent  l'exécution  d'une 
Sentence  rendue  autrefois  par  Charlemagne ,  contre  les  Juifs, 
de  Touloufe;  portant  que  chaque  année  l'un  d'entre  eux  feroit 
frappé  fur  la  joue  par  un  homme  vigoureux, trois  fois  fannée^de- 
vaut  la  porte  de  l'Eglife  ;  fçavoir,  les  jours  de  Noël ,  de  la  Paf- 
fion  &  de  l'Alfomption  ,  en  punition  de  ce  qu'ils  avoient  fait 
venir  dans  le?  Gaules  Abderam  ,  Roi  des  Sarrafins.  Mais  ces- 
Atles  ne  font  pas  d'une  grande  autorité. 
Concile  Je      ^  ^*  Ceux  du  Concile  de  Chalons-fur-Saône  ont  été  donnés 

Châions-fir-  en  premier  licu  par  le  Pcre  Chifliet  avec  l'Hiftoire  de  l'Abbaye 

Saône  en  g/î-  ^^  Toumus  ;  enfuitc  on  les  inférés  dans  les  Colledions  e;énérales. 
Rémi ,  Archevêque  de  Lyon  ,  préfida  à  ce  Concile  ,  aîfidé  de. 
quarante-quatre  Evêques.  L'ordination  d'Adalger ,  Evêque  d'Au-  ■ 
tun  ,  y  donna occafion.  Après  qu'on  en  eut  achevé  la  cérémonie^ 
cet  Evêque  demanda  au  nom  du  Roi  Charles  la  conlirmation 
des  donations  faites  à  l'Abbaye  de  Tournus  :  ce  qui  fut  accordé. 
Elles  furent  auffi  confirmées  par  une  Bulle  du  Pape  Jean  VIII. 
datée  du  2^  Avril  878  ,  c'efhà-dire  dans  le  tems  qu'il  étoit  en; 
Eag.  173.  France  pour  la  tenue  du  Concile  de  Troyes.  Odon  ,  Evêque  de 
Beauvais,  confirma  à  la  prière  des  Chanoines  de  faint  Pierre, 
les  dotations  faites  à  leur  Communauté  ;  &  pour  rendre  cet 
établifTement  plus  folide,  il  en  obtint  auflî  la  confirmatioa  du 
Roi  Charles  &  de  plufieurs  Evêques,  nommément  d'Hincniac 
de  Reims  ,  Métropolitain,  L'Ade  efl  daté  de  Soiffons  le  i .  de 
Mars  87  ç.  Il  porte  que  les  Qianoines  de  faint  Pierre  ne  pourront 
être  au-delà  de  cinquante. 
/.     .,    j        XX  I.  Le  Roi  Charles  étant  à  Pavieau  mois  de  Janvier  87(J, 

Concile  de  .  v  '-i  /  /  /   c-  ^    o 

PavicenS76,  quelques  jours  après  qu  a  eut  été  couronne  Empereur  a  Kome 
ibiii, ya^.iHo,  p^^  le  Pape  Jean  VlII.  y  tint  un  Concile  ,  où  les  Evêques  l'éli" 
rent  unanmiemenr  pour  leur  rrotecteur  &  leur  beigneur,  avec 
promeiTede. lui  obéir  en  tout  ce  qu'il  ordonneroit  pour  l'utilité 
de  l'Eglife  &  leur  falut.  L'a£le  qu'ils  en  drefferenc  fut  foufcrit 
par  dix-fept  Evoques  de  Tofcaiie  ôc  de  Lonibardie ,  par  ua 


Du    NEUVIEME    SIECLE.     701 

!Âbbé  ôc  par  dix  Comtes.  Les  mêmes  Evoques  Hrent  quinze 
Canons  de  difciplinc  ,  que  l'on  conlirma  dans  le  Concile  de 
Pontion  ,  ôc  qui  en  font  aujourd'hui  partte.  Les  plus  remarqua- 
bles font  le  feptiéme  ôc  le  huitième.  Il  y  efl  dit  que  les  Evcques  Cm.  7. 
inllruiront  les  Peuples  ,  ou  par  eux-mêmes  ,  ou  par  kurs  Prê- 
tres; que  les  Fidèles  alliflcront  les  jours  de  Fêtes  aux  Otliees 
publics  à  la  Ville  ou  à  la  Campagne;  fie  que  pour  cette  raifon 
on  ne  célébrera  pas  la  MclFe  dans  des  maifons  particulières  fans 
la  perminion  de  l'Evcque  ;  que  les  Evcques  demeureront  dans  Csn.  s, 
des  Cloîtres  avec  leurs  Chanoines ,  qui  lui  feront  fournis  fuivant 
^autorité  des  Canons. 

XXII.  Le  vingt-unième  de  Juin  de  la  même  année  ,  l'Em-      Concile  Je 
pereur  Charles  fit  tenir  un  Concile  à  Pontion  ,  où  il  allifla  avec  Po^^ofi     en 
deux  Légats  du  faint  Siège  ;  Jean  ,  Evêque  de  Tofcanelle  ,  ÔC  Cmalf'^'pa/^ 
Jean,  Evêque  d'Avezze.  Il  s'y  trouva  cinquante  Evcques  de  '-Si. 
France  ;Hmcmar  de  Reims  foufcrivit  le  premier  après  les  Lé-      -  Premierr 
gats ,  enfuite  A urelien  de  Lyon.  On  lut  dans  la  première  fedion 
une  Lettre  du  Pape ,  datée  du  2  Janvier  de  cette  année  SjiS , 
par  laquelle  il  établilToit  Anfcgife  Archevêque  de  Sens ,  Primat 
des  Gaules  ôc  de  Germanie,  comme  fon  Vicaire  en  ces  Pro- 
vinces ,  avec  pouvoir  de  convoquer  des  Conciles,  ôc  de  notifier' 
aux  Evêques  les  Décrets  du  faint  Siège.  Les  Evoques  ayant  oui 
le  contenu,  de  cette  Lettre,-  dirent  qu'ils  obèiroient  aux  ordres- 
du  Pape  fans  préjudice  des  Métropolitains,  ôc  fuivant  les  Ca- 
nons; ôc  quelque  inliance  que  leur  fit  le  Roi  Charles  de  recon- 
noître  fans  reftriction  la  primauté  d'Anfegife  ,  ils  n'en  voulurent 
rien  faire.  I  rotaire.  Archevêque  de  Bordeaux,  fut  le  feul  qui- 
fe  conforma  à  la  volonté  du  Roi  :  ce  qu'on  regarda  comme  une 
flatterie.  Ce  Prince  pour  mettie  en  exécution  la  Lettre  du  Pape  ,. 
fit  alTeoir  Anfegife  fur  un  fiège  pliant, avant  tous  les  Evêques 
plus  anciens  que  lui  d  ordination.  Hincmar  s'y  oppofa  comme 
a  une  entrcprife  qui  ctoit  contraire  aux  Canons;  iuais  le  Roi- 
demeura  ferme,  ôc  refu'a  même  aux  Evêquts  de  fon  Royaume- 
de  prendre  copie  ce  la  Lettre  du  Pape. 

X  X  III.  La  féconde  feliion  fe  tint  le  lendemain  27  de  Juin,         Second»' 
elle  fut  employée  à  la  ledure  d-js  Ades  du  Concilede  Pavie  ôc  '"•flîon. 
des  Lettres  du  Pape  Jean  envoyées  aux  Laïcs  ;  ôc  l-électiun  de  f^J- »8î. 
l'Empereur  y  fut  conhrmt'e  par  tous  les  Evêques  ôc  Seigneurs 
qui  étoient  préfens.  Charles  n  aliida  poiiu  xh  troifième  feliion,       Troif- 
qui  ne  fut  tenue  que  le  troifième  de  Juillet.- Elle  fe  pa.fa  en- ^^''^"on. 
coutellationsfur  les  Prêtres  de  divers  Diocèfe.s ,  qui  réciamoieaf .    ^^'"■'' 

l' t  tt  iij 


702  CONCILES 

Quatrième  l'autorltd  dcs  Légats  du  faint  Siège.  Dans  la  quatrième  ',  qu'on 
feflion.  j.j|^ç  Yq  lendemain  ,  l'Empereur  donna  audience  aux  Amhafla- 

deurs  du  Roi  Louis  fon  fVere ,  qui  demandèrent  en  fon  nom  U 
part  du  Royaume  de  1  Empereur  Louis.  Jean  de  ïofcanelle, 
Lcgat,  lut  une  Lertre  du  Pape  aux  E■^'cques  du  Royaume  du 
Roi  Louis,  dans  laquelle  il  blârne  ce  Prince  d'être  entré  à  main 
armée  dans  les  Etats  de  Charles  en  fon  abfence  ;  ôc  les  Evêques 
de  ne  l'en  avoir   pas   empêche  ;  les  mena<^ant  d'excommunica- 
tion s'ils  ne  détournent  ce  Prince  de  cette  injufte  entreprife. 
Le  Légat  après  avoir  fait  le£lure  de  cette  Lettre   du  Pape  , 
en  donna  copie  à  Guillebert,  Archevêque  de  Cologne,  l'un 
des  Ambaffadeurs  ,  pour  la  rendre  à  ces  Evêques.  Le  Pape 
Joai.  Epiff.  écrivit  aufil  aux  Comtes  du  Royaume  de  Louis  ,  à  qui  il  ordonne 
^i6,p.î^.ii6.  ^^  ç^  trouver  à  la  conférence  indiquée  par  fes  Légats.  Il  n'cft 
pas  dit  que  cette  Lettre  ait  été  lue  dans  cette  quatrième  feirion; 
Epij7. 317 ,  mais  on  y  en  lut  deux  autres  du  même  Pape  ;  l'une  aux  Evê- 
^^^'  ques  du  Royaume  de  l'Empereur  Charles  qui  lui  étoicnt  de- 

meurés fidèles,  l'autre  à  ceux  qui  avoient  pris  le  parti  de  Louis 
de  Bavière.  Le  Pape  leur  ordonne  à  tous  d'obéir  à  fes  Légats., 
Cînqulcrac       XXI  V.  Il  ne  fe  pafla  rien  de  remarquable  dans  la  cinquié- 
:tefnon.  me  felîion^  qui  fe  tint  le  dixième  de  Juillet ,  parce  qu'elle  fut 

interrompue  par  l'arrivée  de  deux  nouveaux  Légats  ,  qui  appor- 
toient  des  Lettres  à  l'Empereur  ôc  à  l'Impératrice ,  &  des  com- 
Sixicme  plimens  du  Pape  aux  Evêques.  La  fixiéme  fefïion  fut  tenue  le 
fe/Gon.  lendemain.   On  y  lut  une  Lettre  du  Pape  adreffèe  à  tous  les 

Evêques  de  Gaule  &  de  Germanie ,  contenant  les  Sentences 
rendues  contre  Formofe ,  Evoque  de  Porto ,  ôc  contre  Grégoire 
Nomenclateur ,  ôc  leurs  complices.  Le  Pape  exhortoit  les  Evê- 
ques à  faire  publier  ces  Sentences  ôc  à  les  faire  exécuter  dans 
kurs  Diocêfes.  On  préfenta  enfuite  à  l'Empereur  les  prèfens  de 
Jean  VIII.  qui  conliftoient  en  un  fceptre  ôc  un  baron  d'or  pour 
ce  Prince  ;  des  ccoifes  prècieufes  ôc  des  brafielets  ornés  de  pier- 
reries pour  l'Impératrice. 
Septième  X  XV.  Le  14.  de  Juillet  on  lut  encore  dans  la  feptième  fef- 
.feflTion.  fioHj  par  ordre  de  l'Empereur,  la  Lettre  du  Pape  touchant  la 

Pag.  z8z.  primatie  d'Anfegife  ;  ôc  le  Légat  demanda  que  les  Archevêques 
promiflent  de  s'y  conformer.  Ils  répondirent  qu'ils  n'obéiroient 
aux  Décrets  du  Pape  qu'en  la  manière  que  leurs  prèdècelTeurs 
y  avoient  obéi.  Comme  l'Empereur  n'ètoit  pas  préfent ,  leur  ré- 
ponfe  fut  mieux  reçue  qu'elle  ne  l'avoir  été  dans  la  première  fef- 
fion.  U  y  eut  enfuite  plufieurs  dif^utes  au  fujet  des  Prêtres  qui 


DU    NEUVIEME    SIECLE.     705 

îfvoient  réclanni  les  Légats.  Puis  on  fit  la  lefture  de  la  Requête 
de  Frotaire  ,  par  laquelle  il  demaiidoit ,  que  ne  pouvant  occu- 
per le  Siège  Epifcopal  de  Bordeaux,  à  caufe  de  rincurfion  des 
Normands  ,  il  lui  tut  permis  de  paiTcr  à  celui  de  Bourges  :  ce 
qui  lui  fut  refufii  tout  d'une  voix. 

XXV  I.  L'Empereur  avoit  aiïîdé  à  la  première  feiTion  vâtu        Hniiiéœe 
à  la  Franœife  d'un  habit  orné  d'or  ;  il  parut  dans  la  huitième  ^"''^"• 
habillé  à  la  Greque.  Jean  d'Avezze ,  Légat ,  lut  un  Ecrit.  Odon    ^^'  ''^^' 
de  Beauvais  en  lut  un  autre  ,  contenant  certains  articles  que  les 
Légats  du  Pape,  Anfegife  de  Sens  ôc  Odon  lui-même, avoient 
dreirés  fans  la  participation  du  Concile.  L'Hiftorien  Aimoin  dit    ^■'^o^n.  ibiâ. 
que  ces  articles  n  étant  d  aucune  utilité  ,  il  lésa  lupprimcs  ,  de  cap. a. 
même  que  l'Ecrit  lii  par  Jean  d'Avezze,  parce  qu'il  étoit  defli- 
tué  de  raifon  ôc  d'autorité.  Il  ajoute  qu'on  revint  pour  une  troi- 
fiéme  fois  à  la  queftion  de  la  primatie  d'Anfegife,  ôc  qu'il  n'ob- 
tint pas  plus  ce  dernier  jour  du  Concile  que  le  premier  ;  qu'en- 
fuite  l'Impératrice  ayant  été  amenée  dans  l'afTemblée  ,  la  cou- 
ronne fur  la  tête,  le  Légat  Léon  pronont^a  l'Oraifon  ;  après  quoi 
les  Evêques  fe  féparerent. 

XXVII.  On  trouve  à  la  fuite  des  Atles  du  Concile  neuf  .  Artidrsre- 
articles,  qu'on  croit  être  ceux  dont  Aimoin  parle  avec  tant  de  Co^ciie^"^  j* 
mépris.  Il  y  efl:  dit  qu'après  la  mort  de  l'Empereur  Louis  ,  le  Pomion. 
Pape  .Teaii  VIII.  avoit  invité  le  Roi  Charles  à  venir  à  Rome  ,  ^■^■^-  -^°* 
où  il  l'avoit  choifi  pour  Défenfeur  de  l'Eglife  de  faim  Pierre ,  ôc  An.  r. 
couronné  Empereur  ;  qu'avant  fon  arrivée  le  Pape  avoir  tenu  un 
Concile,  ôc  écrit  au  Roi  Louis,  aux  Evêques,  aux  Abbés  ôc 
aux  Seigneurs  de  fon  Royaume,  pour  leur  défendre  de  faire 
aucutie  irruption  dans  les  Etats  du  Roi  Charles  ,  jufquà  ce  que 
dans  une  conférence  011  eût  réglé  les  droits  de  leurs  Royaumes  ; 
mais  qu'Odon  de  Beauvais  leur  ayant  préfenté  jufqu'à  deux  fois  -^'"f-  »• 
les  Lettres  du  Pape  ,  ils  les  avoient  rejettées  ;  que  le  Roi  Louis 
méprifant  les  avis  du  faint  Siège  ,  étoit  entré  à  main  armée  dans 
le  Royaume  de  Charles  ;  qu'admoneflé  d'en  retirer  fes  troupes  ^^r.  3 ,  4. 
6c  de  faire  pénitence  de  fes  crimes,  il  n'avoir  point  obéi ,  non    . 
plus  qu'à  la  iecon  Je  monition  qui  lui  avoit  été  faite  par  les  Lé- 
gats du  Pape  ;  qu'en  conféquence  le  Pape  avoit  donné  fes  pou- 
voirs à  fes  Légats  pour  faire  ce  qu'il  convenoit  en  pareille  oc- 
cafion.  On  dit  aulfi  que  le  Pape,  du  confentement  del'Empe-  Art.  6. 
reur  Charles  ,  a  établi  Anfegife  ,  Archevêque  de  Sens  ,  Primat- 
des  Gaules  ôc  fon  Vicaire  ;ôc  que  le  Concile  le  reconnoît  en  An.  7. 
cette  qualité  j  qu'il  adopte  aulli  la  Sentence  rendue  contre  For-  Arusi-?. 


7©4  CONCILES 

mofc  &  fes  complices,  de  même  que  la  condamnation  pronon- 
cée contre  les  excès  commis  par  le  Roi  Louis. 
Autres aa^s       X  X  V  I IL  En  ce  memj^^  Concile  de Pontion ,  Hincmar  pré- 
.àu    Concile  fenta  une  Requête  à  lEmpereur  ôc  aux  Légats,  en  plainte  des 
p°    ^  '^    excès  que  fon  Diocèfe  avoit  foufferts  de  la  part  du  Roi  Louis 
.2k>3.    '       '  &  de  les  troupes.  Cette  plainte  ne  Jevoit  pas  le  fûupçon  que 
^'Empereur  Charles  avcit  de  la  fidélité  d'Hincm.ar  ;  c'eft  pour- 
.  quel  ce  Prince  l'obligea  de  lui  prêter  un  nouveau  ferment.  Le 
,''i  Prêtre    Adalgand  obtint  du  Concile  que  fon  Eglife  lui  feroic 

renc'ue  ,  Ôc  on  lui  donna  quatre  mois  pour  fe  purger  des  crimes 
dont  onl'accufoit,  à  condition  que  s'il  ne  fe  juftilioit  point  ca- 
noniquement  dans  ce  tems,  il  ne  feroit  plus  admis  à  prouver 
fon  innocence. 
Concile  de       XXIX.    Quoiqu'on  eût  accordé  les  revenus  de  l'EgUfe 
.<âe  Rome  en  de  Torcelie  à  Dommique  dans  le  Concile  de  Ravenne  en  8  74-, 
877  ,j:om.  9 ,  on  ne  laiflbit  pas  de  le  faire  paiïer  pour  un  Intrus.  Il  fut  même 
ciff^.  Cite  deux  rois  a  Kome.pour  examiner  Ion  anaireen  prcience  de 

.Pierre ,  Patriarche  de  Grade ,  qui  s'étoit  oppofé  à  fon  ordina- 
tion ;  &  nayant  point  comparu  ,  le  Pape  lui  ordonna  de  fe  trou- 
ver au  Concile  qu'il  avoit  indiqué  à  Rome  pour  le  treizième  de 
■P^évrier  de  l'an  877.  Il  y  appelia  aufîl  les  Evêques  de  Venetic 
;  intérefTés  dans  cette  affaire.  Ils  n'y  vinrent  point  ;  &  on  ne  fit 

■  .autre  chofe  dans  cette  Affemblée  que  de  confirmer  l'éietHon  de 

i  l'Empereur  Cliarles.  Jean  VIII.  y  fit  un  long  difcours  à  la  louan- 

ge de  ce  Prince,  &  entreprit  de  montrer  que  fon  élection  s'écoit 
.faite  par  l'infpiration  de  Dieu.  C'eft  pourquoi ,  après  avoir  pris 
l'avis  des  Evoques  du  Concile  ,  il  prononça  le  Décret  de  co  ifir- 
mation  ,  ajoutant  ranathéme  contre  ceux  qui  s'oppoferoicat  à 
cette  éii-'dion. 
•Cciiciie  l'e       XXX.  Le  vingt-deuxiéme  de  Juillet  de  la  môme  année,  il 
'f\^];'^"j"j    "■"  tint  à  Ravenne  un  Concile  de  cinquante  Evêques,  tous  du 
50c.'         ^    Royaume  de  Lombardie  ,  dans  le  deifein  de  travailler  au  réta- 
blifiement  de  la  dtfcipline  &  des  immunités  del'Eglife.  On  fit 
à  cet  effet  dix-neuf  Canons  ,  qui  furent  confirmés  dans  le  troi- 
.Qm.  I.  fiéme  du  Concile  de  Troycs  en  878.  l'ous  Métropolitains  en- 
voyeront  à  Rome  dans  les  trois  mois  de  leur  confécration  pour 
faire  la  déclaration  de  leur  foi,o:  recevoir  le  Paliïum  du  fiiint  Sié- 
.ge;6c  n'exerceront  aucunes  fondlions  jufqu'à  ce  qu'ils  L  foient 
On.  1.  acquittés  de  ce  devoir.  Les  Evêques  élus  leront  tenus  de  fe  faire 
confacrer  dans  trois  mois  ,  fous  peine  d'être  privés  de  la  com- 
munion :  après  cinq  mois  ils  ne  pourront  plus  être  confacrcspouc 

1% 


DU    NEUVIEME     SIECLE.      70^ 

ïa  même  Eg'ife,  ni  pour  uii^  autre.  Djienfe  aux  xMJtropoIitains  c.-./!.  j. 
de  fe  fervir  du  Paliium  en  d'autres  tenis  qu'aux  jours  marqués  par 
le  Siège  Apoftolique  ;  &  aux  Ducs  de  prcfenter  au  Pape  des  0^.4. 
Evoques,  d'exiger  deux  des  redevances  publiques,  ni  des  pré- 
fens,  ôc  de  les  reprendre  en  prdfence  des  Laïcs.  Les  Clercs  ,  les  Can.  j. 
Reiigieufes  ,  les  Pupilles  &:  les  Veuves  demeureront  fous  la  tu- 
telle de  leur  Evoque.  On  privera  de  la  communion  ceux  qui  au- 
ront violé  la  Maifon  de  Dieu  ,  ou  qui  en  auront  emporte  quel-     ^^'^-  ^ >  7 > 
que  chofe,  ou  fait  injure  à  quelque  Eccléilaftiquc  ;  les  ravif-     '^' 
feurs  ,  les  honiicides,  les  incendiaires  ,  les  pillards  ôc  ceux  qui 
communiquent  avec  les  excommuniés.  A  cet  efîét  les  Evoques  C^^i.  i». 
feront  connoître  les  excommuniés  en  envoyant  leurs  noms  aux 
Evêques  voifins  ôc  à  leurs  Diocèfains,  ôc  les  faifant  afficher  à 
la  porte  de  l'Eglife,  Les  coupables  pour  éviter  d'être  dénoncés 
changeoient  de  Dioccfe  ,  ou  n'alliftoient  point  aux  Oiîices  di- 
vins dans  leurs  ParoiOes.  Le  Concile  défend  de  les  recevoir,  ôc  ^"■'^'  ''• 
déclare  excommuniés  tous  ceux  qui  s'abfenteront  volontairement 
trois  Dimanches  confécutii's  de  l'EgUfe  Paroifllale.  Il  efl:  ordonné  Cm.  u, 
aux  Magiftrats  Séculiers ,  fous  peine  d'excommunication  ,  d'é- 
couter les  plaintes  des  Evêques, ôc  d'agir  en  conféquence  pour  la 
correttion  des  mœurs.  L'Evêque  qui  ordonnera  un  Prêtre  j  le  C"!.  13. 
fixera  à  la  delTerte  d'une  certaine  Eglifc.  Dcfenfe  de  demander  Cm.  14. 
à  l'avenir  les  patrimoines  de  l'Eglii'e  Romaine  en  Bénéfice  ou 
autrement,  fous  peine  de  nullité,  de  reflitution  des  fruits  ôc      '"■'^■''  * 
d'anathême  contre  ceux  qui  donneront  ou  recevront  ces  patri- 
moines ou  leurs  dépendances  ;  on  en  excepte  les  familiers  du 
Pape  ,  c'efl-à-dire  ceux  de  fa  maifon.  Les  dixmes  feront  payées  Cm.  18. 
au  Prêtre  prépofé  par  l'Evêque  pour  les  recevoir,  ôc  non  à  d'au- 
tres. Les  Envoyés  des  Princes ,  les  Comtes  ôc  les  Juges  ne  Cm.  19. 
prendront  point  leurs  logemens  dans  les  maifons  de  l'Eglife , 
fous  le  prétexte  de  la  coutume,  ôc  n'y  tiendront  point  les  plaids  ; 
mais  dans  les  maifons  publiques,   fuivant  l'ancien  ufage.  Le 
Concile  confirma  à  Adalgaire ,  Evêque  d'Autun  ,  ôc  à  fon  Eglife 
fes  droits  fur  le  Monallere  de  Flavigni  ôc  fur  la  Terre  de  Tili- 
niac,  qui  lui  avoit  été  enlevée.  Le  Pape  Jean  VIIL  foufcrivit 
le  premier ,  ôc  après  lui  Jean  ,  Archevêque  de  Ravenne  ,  puis 
Pierre ,  Patriarche  de  Grade.  La  date  des  foufcriptions  eft  du  2  5 
Novembre  877.  D'autres  lifent  Septembre. 

XXXI.  Après  la  mort  de  Charles  le  Chauve  ,  arrivée  le  6  ^2i°(^^^  en 
d'Odobre  877,  Hugues,  fils  naturel  du  Roi  Lothaire,  conçut  S7?,ib':d.];.ig. 
le  delTein  de  recouvrer  le  Royaume  de  fon  père.  Il  alTembla  3°^  >  ^  ■^"'* 
Tome  XXI L  Vuuu 


70?  CONCILES 

ioari.  m.  i ,  des  troupes,  6c  fit  de  grands  ravages  dans  les  Etats  de  Louis îrf 
H^.Rijn.cdp.  ggg^g^  Qj-j  g'gj-j  plaignit  à  un  Concile  tenu  en  Neuftrie  ,  auquel 
Hincmar  de  Rems  préfidoit.  Les  Evêques  engagèrent  le  Roi 
Louis  à  écrire  à  Hugues  pour  le  détourner  de  fës  prétentions 
furie  Royaume  de  Lorraine,  Il  lui  die  dans  fa  Lettre:  Ci  vous 
n'avez  égard  à  mes  remontrances ,  j'aflemblerai   les  Evêques 
de  ma  Province  &  des  Provinces  voifines ,  &  nous  vous  excom- 
munierons vous  &  vos  complices,  puis  nous  dénonceroni  l'ex- 
communication au  Pape ,  à  tous  les  Evêques  ,ôc  aux  Princes  des 
Royaumes  circonvoifuis. 
Tr?°r''en       XXXI 1.  Le  Pape  Jean  VIIL  Contraint  de  fortir  d'Italie  par 
«73,  iom.9,  les  violences  de  Lambert,  Duc  deSpolete,  fe  retira  en  Fran- 
Conai.    pjs.  ^g^  ^  j-jj^j.  yj^  Concile  à  Troyes  l'onzième  jour  d'Août  de  l'an 
§78.  Quoiqu'il  y  eût  convoqué  douze  Archevêques  des  Gaules 
feffio/^™"^  &  trois  d'Allemagne,  avec  leurs  SufFragans  ,  il  ne  s'y  trouva  en 
tout  que  trente  Evêques,  y  compris  Valbert  de  Porto  ,  Pierre 
de  Fodembrune ,  &  Pafcafe  d'Amerie,  qu'il  avoir  amenés  d'I- 
talie. Il  ouvrit  la  première  felTion  par  un  petit  difcours,  où  il 
exhorta  les  Evêques  à  compatir  à  l'injure  faite  à  l'Êglife  Ro- 
maine par  Lambert  ôc  fes  complices,  que  nous  avons,  dit-il, 
excommuniés  ,  &  que  nous  vous  prions  d'excommunier  avec 
nous.  Les  Evêques  demandèrent  du  tems ,  afin  d'en  délibérer 
avec  leurs  confrères  ,  lorfqu'iis  feroient  tous  arrivés. 
SeconJe       X  X  X 1 1 1.  Comme  ils  fe  trouvoient  en  plus  grand  nombre 
'°"'  dans  la  féconde  Seflîon  ,  le  Pape  Ht  lire  de  nouveau  les  violences 

commifes  à  Rome  par  Lambert.  Le  Concile  convint  que ,  félon 
la  Loi  du  monde ,  il  étoit  digne  de  mort  &  d'anathêmc  per- 
pétuel ;  mais  il  demanda  encore  du  tems  pour  répondre  par 
écrit  à  la  propofuion  du  Pape,  qui  en  attendant  ordonna  que 
fon  excommunication  feroit  envoyée  par  tous  les  Métropolitains 
à  leurs  SufFragans  ,  pour  être  publiée  dans  toutes  les  Eglifes. 
Hincmar  de  Reims  dit  ,  que  fuivant  les  faints  Canons  reçus 
dans  tout  le  monde  avec  refpecl ,  il  condamnoit  ceux  qui  étoient 
condamnés  par  lefaint  Siège;  &  qu'il, recevoit  ceux  que  le  faint 
Siège  recevoir  ,  &  qu'il  tenoit  ce  qu'il  tient,  conformément  à 
l'Ecriture  fiinte  ôc  aux  Canons.  Aurelien  de  Lyon  ,  &  les,  autres 
Evêques  dirent  la  même  chofe.  Après  quoi  Roftaing  d'Arles 
forma  une  plainte  contre  les  Evêques  6c  les  Prêtres  qui  paffoieat 
d'une  Eglife  à  une  autre ,  ôc  contre  les  maris  qui  quittoient  leurs 
femm:;s  pour  en  époufcr  d'autres  de  leur  vivant.  Il  fut  appuyé 
par  Valbert,  Evê'que  de  Porto,  qui  demanda  que  le  Concilie 


DU    NEUVIEME    SIECLE,      ^oi 

s'expliquât  fur  cette  plainte.  Hincmar  de  Reims  répondant  au 
nom  de  1  afTemblée  ,  demanda  qu'on  lui  donnât  du  tems  pout 
{produire  ce  que  les  Canons  prefcrivoientlà-deffus.  Théodoric, 
Archevêque  de  Befançon ,  préfenta  un  libelle  d'accufation  contre 
une  femme  nommée  Verfmde ,  qui  ayant  quitté  le  voile  avoit 
contradé  un  mariage  illégitime. 

XXXIV.  Dans  la  troifiéme  Seiïion  ,  les  Evêqucs  préfen-  f^^ion'"'^^"* 
terent  au  Pape  l'a£le  de  leur  confentement  au  Jugement  rendu 

contre  Lambert  &  fes  Complices  ,  ôc  parce  que  leurs  Eglifes 
fouffroient  les  mêmes  violences  de  la  part  de  ceux  qui  les  pil- 
loient ,  ils  prièrent  le  Pape  de  les  aider  a  réprimer  ces  violences. 
Jean  VIII.  recrut  cet  a£tc  avec  joye,  ôc  en  donna  un  aux  Evê- 
ques  ,  portant  Sentence  d'excommunication  contre  les  ufurpa- 
teurs  des  biens  de  l'Eglife ,  avec  privation  de  la  fépulture  ,  s'ils 
ne  reftituoient  dans  le  tems  limité.  On  préfenta  une  plainte  au 
Concile  touchant  le  différend  qui  regnoit  entre  Ratfred ,  Evêqud 
d'Avignon,  ôc  Valfred ,  Evêque  d'Uzès,  au  fujct  de  la  Jurif- 
diûion  fur  une  Paroiffe.  L'affaire  fut  renvoyée  aux  Archevêques 
d'Arles  ôc  de  Narbonnc  leurs  Métropolitains  ,  à  caufe  de  l'ab- 
fence  d'une  des  Parties.  Hincmar  de  Laon  forma  une  plainte 
contre  l'Archevêque  de  Reims  fon  oncle,  où  il  racontoit  ce  qui 
s'étoit  paiTé  au  Concile  de  Douzy  ,  fon  exil  ,  fa  prifon  ,  ôc 
comment  on  lui  avoit  ôté  la  vue.  On  donna  du  tems  à  Hincmat 
de  Reims  pour  répondre  à  cette  plainte. 

XXXV.  On  lut  dans  la  quatrième  SefTion  les  fept  Canons      Quatriéma 
que  lePape  avoit  dreffés,  ôc  ils  furentapprouvesunanimement.il  f'^'°"  '  f'^^' 
y  eft  dit,que  les  Laïcs  ne  s'afTeoiront  pas  devant  un  Evoque  fans  q„"_  i_ 
ion  ordre;  que  perfonne  ne  demandera  au  Pape  ni  auxEvêques,  Gw.  t. 

les  Monafleres  ,  les  patrimoines  ,  les  Maifons ,  les  Terres  appar- 
tenantes aux  Eglifes,  fi  ce  n'eft  ceux  à  qui  les  Canons  le  per- 
mettent. On  avoit  déjà  décidé  la  même  chofe  au  Concile  de 
Ravenne  ;  ôc  on  confirme  les  Canons  qu'on  y  avoit  publiés.  Les 
Evêques  aideront  leurs  Confrères  à  fe  tirer  de  la  vexation  ,  ôc  ils  Cm.  j. 
combattront  enfemble  pour  la  défenfe  de  l'Eglife ,  armés  du 
bâton  Pafloral  ôc  de  l'autorité  Apoflolique.  Un  Laïc ,  ou  un  Clerc  Cm.  4, 
excommunié  par  fon  Evêque  ,  ne  fera  point  reçu  par  un  autre, 
afin  qu'il  fe  trouve  obligé  à  faire  pénitence.  On  ne  recevra  pas  Ci/?,  j. 
non  plus  le  VafTal  d'un  autre  que  dans  les  cas  portés  par  les  Loix 
Civiles.  S'il  y  a  plainte  contre  un  Evêque  ,  elle  fe  fera  publique-  Cafi.  «. 
ment  ôc  fuivant  les  Canons.  Le  Concile  ordonne  l'obfervation  Can.  u 
de  tous  ces  Canons  fous  peine  de  dépofition  pour  les  Clercs  ^ 

y  u  u  u  ij 


7oS  CONCILES 

&  de  privation  de  toute  dignité  chrétienne  pour  les  Laïcs.  Ot? 
lut  enîuite  la  Sentence  déjà  publiée  par  le  Pape  contre  Formofe , 
Evêque  de  Porto  ,  6c  Grégoire  Nomenclateur  ,  &  contre  tous 
leurs  Complices,  qui  continuoient  à  piller  les  Eglifes. 
Cinquième      XXXVL  A  la  cinquième  Seflion  ,  Ottufle  ,  Evêque  de 
Iroyes  ,  le  plaignit  qu  liaac  ,   Lveque  de  Langres  ,  setoïc 
emparé  d'un  Village  de  fon  Diocèfe.  Théodoric  de  Befançon  fit 
fes  plaintes  contre  quelques-uns  defesSuffragans,  qui,  appelles 
en  Concile  ,  n'avoient  pas  encore  voulu  comparoitre.   On  fit 
Pag,  31^.  enfuite  lefture  des  Canons  qui  défendent  aux  Evéques  de  paflet 
d'une  moindre  Eglife  à  une  plus  confiderable.   Cela  regardoit 
Frotaire  qui  étoit  pafTé  de  Bourdeaux  à  l'Evêché  de  Poitiers, 
Jozn.  '  Epui.  enfuite  à  celui  de  Bourges.  Le  Pape  lui  ordonna  de  venir  aii 
rii&'iiî.     Concile  &  d'y  produire  les  motifs  de  fa  tranflation  &  les  auto- 
rités dont  il  l  appuyoit.   Il  y  cita  aulTi  le  Comte  Bernard  donc 
Frotaire  s'étoit  plaint  ;  &  ce  Comte  n'ayant  point  comparu  ,  il 
P«i:-3'i-  fut  excommunié  par  le  Concile.  Les  Evêques  firent  un  Décret 
portant  défenfe  aux  Laïcs   de  quitter  leurs  femmes  pour  en 
époufer  d'autres  ,  avec  ordre  de  retourner  avec  la  première  ;  & 
aux  Evêques  de  retourner  auffi  à  l'Evêché  qu'ils  avoient  quitté 
Pa^.  ji?    pour  pafifer  à  un  autre.  Le  Pape  couronna  le  Roi  Louis  le  Bègue, 
mais  il  refufa  de  couronner  Àdcleide  fon  époufe  ,  parce  qu'Anf- 
garde  ,  qu'il  avoir  d'abord  époufée ,  vivoit  encore.  Il  avoir  été 
obligé  de  la  quitter  par  le  Roi  Charles  fon  père  ,  à  caufe  qu'il 
l'avoit  époufée  fans  fon  confentement. 
Autres  aftes       X  X  X  "V 1 1.  Le  Roi  Louis  fit  demander  au  Pape  la  confir- 
Tro°eT'^'A^'-  "^^^'°"  ^"  Royaume  d'Italie ,  que  Charles  fon  père  lui  avoit 
naît.  5r  Ber~  donné  comme  il  en  conftoit  par  fes  Lettres.  Mais  le  Pape  de- 
iri.  ad  ann,  manda  de  fon  côté  au  Roi  Louis  la  confirmation  de  la  donation 
que  le  môme  Prince  avoit  faite  de  l'Abbaye  de  faint  Denys  à 
l'Eglife  Romaine.  Aucune  de  ces  donations  n'eut  lieu.  Mais  on 
publia  dans  le  Concile  une  excommunication  contre  Hugues , 
fils  naturel  de  Lothaire ,  &  contre  fes  Complices  ,  parce  qu'ils 
Jnan.  Epijl.  Gontinuoient  leurs  ravages.  Il  fut  aulfi  ordonné,  qu'Hedenulfe 
'*î'  qui  avoit  été  fait  Evêque  de  Laon  à  la  place  d'Hincmar,  après 

le  Concile  de  Douzi ,  reftcroit  paifiblc  polTeffeur  de  ce  Siège. 
On  permit  toutefois  à  Hincmar  déchanter  s'il  pouvoir  la  Méfie; 
&  on  lui  afiigna  une  partie  des  revenus  de  1  Evcché  de  Laon 
Po^.  3,7.  pour  fournir  à  fii  fubliftance.  Le  Pape  termina  le  Concile  par 
un  difcour" ,  où  il  exhorta  les  Evêques  à  s'unir  avec  lui  pour  la 
îdéfenfe  de  l'Eglife  Romaine  ;  &  le  Roi  à  venir  fans  délai  la  déli- 


DU    N  E  UT  V  1  E  IVT-  E;    S  a  EX  L  E.     7©p^ 
vrer  de  fes  ennemis.  Il  accorda  quelques  privilèges  aux  E"lifes  Pa^.  i-^. 
d-e  Tours  ,  de  Poitiers ,  au  Monaftete  de' Fleuri  ■;■  6c  ir  V^la  î 
Evêque  de  Metz  ,  de  porter  le  Pallïum  ;  ce  qui  occafionna  dans         pig^    t 
la  fuite  un  différend  entre  lui  &  Bertulfe,  Archevêque  de  l'reves    Hb.  j,  cap.  ij! 
fon  Métropolitain,  qui  fondé  fur  un  Canon  portant  défenfe  à  un 
Suffragant  de  s'attribuer  de  nouveaux  droits  fans  le  confente- 
ment  de  foii  Métropolitain  ,  lui  défendit  de  porter  le  Paîlium. 

XXXVIII.  Jean  VIII.  pour  fe  conformer  aux  Canons  qui      Condle  da 


&  Anfpert  ,  Archevêque  de  Milan,  l'un  &c  l'autre  avec  leurs  ^îJ^^^''*' "''' 
Suffragans.  Pour  les  y  engager ,  il  leur  fie  fçavoir ,  qu'outre  les 
affaires  Ecclefialliques ,  on  y  tfaitêroit  de  Medion  d'un  Empe-,- 
reur.  Carloman  ,  Roi  de  Bavière,  auroit  pu  prétendre  à  lEm-  ■ 
pire;  mais  fa  mauvaife  flmté  ne  lui  permettoit  pas  d'ngir  ;  & 
Louis  le  Bègue  étoit  mort  le  dixième  d'Avril.  Le  Pape  defti-  > 
n'oit  la  Couronne  Impériale  au  Roi  Charles  ,  frère  de  Carloman  ;  - 
mais  il  eut  des  raifons  pour  fufpendre  fon  éledion  ;  &  elle  n'eut  '- 
Keu  qu'en  88'i.  Anfpert  n'étant  pas  venuauConcile,  le  Papele.f 
priva  de  la  communion  Ecclellartique,  &  lui  enjoignit  de  fe'^ 
rendre  à  celui  qu'il  ticndroit  le  douze  d'Odobre  de  la  niêmc^i 
année  87p.  i  :  vt 

'XXXIX.  Le  Concile  fe  tint  au  jour  marqué.  Anfpert  n'y  :    Concile  d» 
vint. pas  ,  6c  n'envoya  perfonncde  fa  part.  Le  Pape  le  dépofa  j  .'^«•"'-'«"S;*- 
&  écrivit' aux  Evêques  de  la  Province  de  Milan  de  procéder  à'^ 
î'életlion  d'un  autre  Archevêque.  Dans  lentre-ternsde  ces  deux''^ 
Conciles,  Anfperc  comptant  pour  rien  fon  excommunication'" 
du  premier  de  Mai  avoit  ordonné  un  nommé  Jofeph  ^  Evêqué- 
de  Verceil.  Le  Pape  déclara  nulle  cette  Ordination  ,   ôc  ot'''- 
donna  lui-même  pour  Evêque  de  cette  Ville  Confpert ,  à^rtui    -L  ;:::» 
Carloman  ,  en  qualité  de  Roi  d'Italie,  avoit  donné  l'Evê<;h^      .5;:^.noD3« 
de  Vereeil.  ob- 


•  A 


y  u  u  u  iij 


7ior  CONCILES 

CHAPITRE     XXXVIII. 

Concile    de  Cofijîandnople  pour  le  ràahlijjement 

de  Photius, 

Concile  de  I.  T  A  mort  du  Patriarche  Ignace  arrivée  le  vingt-trois  d'Oc- 
^°"^"""°'  i  ^tobre  878  ,  fut  une  occafion  favorable  à  Photius  d  ufurpec 
de  nouveau  le  Siège  de  Conftantinople.  Il  s'en  empara  dès  le 
troifiémc  jourjôc  envoya  auflîtôt  à  Rome  Théodore ,  Métropoli- 
tain de  Patras ,  avec  une  Lettre  au  Pape  Jean  VIIL  où  il  difoit, 
qu'on  lui  ayoit  fait  violence  pour  rentrer  dans  ce  Siège.  Afin  de 
donner  plus  de  crédit  à  cette  Lettre  ,  il  la  fit  foufcrire  par  plu- 
fieurs  Métropolitains  ,  qu'il  trompa  en  leur  faifant  entendre  qu'il 
s'agilToit  d'un  contrat  d'acquifition  qui  dcvoit  demeurer  fecret. 
Il  fuppofa  aufli  des  Lettres  ,  tant  fous  le  nom  du  Patriarche 
Ignace ,  que  d'autres  Evêques  ,  où  le  Pape  étoit  prié  de  rece- 
voir Photius  ;  &  il  y  en  joignit  une  de  l'Empereur  Bafîlc  en  fa 
faveur.  La  négociation  fut  heureufe.  Le  Pape  réfolu  de  recon- 
noître  Photius ,  envoya  des  Légats  à  Conflantinople  chargés  de 
plufieurs  Lettres  ,  toutes  favorables  au  rétablifTement  de  Photius, 
&  d'une  inftrutlion  fur  la  manière  dont  ils  dévoient  fe  com- 
porter dans  le  Concile ,  avec  le  Patriarche ,  les  Légats  d'Orient 
&  les  autres  Evêques.  Cette  inftruction  avoir  été  approuvée  6c 
foufcrite  par  plufieurs  Evêques  que  le  Pape  aflembla  pour  ce 
fujct,  entr'autres  ,  par  Zacharie  ,  Evêque  d'Anagnia  &  Biblio- 
thécaire du  faint  Siège  ,  par  cinq  Prêtres  ôc  deux  Diacres. 
Ades  de  I  !•  Photius  convoqua  le  Concile  au  mois  de  Novembre  87p. 
«Concile.  Qn  3  ^té longtems  fans  en  rendre  publics  les  ades ,  à  l'e-xception 
de  quelques  fragmens  publiés  par  Beveregius  ,  6c  fans  les  tra- 
duire en  latin  ,  quoiqu'ils  fuffent  en  grec  en  diverfcs  Bibliothè- 
ques de  l'Europe  ,  dans  celle  du  Vatican  ,  &  dans  celle  de 
Bavière.  Frédéric  Metius  eft  le  premier  qui  les  ait  mis  en  latin. 
Baronius  qui  avoir  vu  cette  traduction  ,  s'en  eft  fervi  dans  fes 
Annales ,  où  il  a  donné  une  Hiftoire  abrégée  de  ce  Concile.  C'efl: 
de-ià  qu'eft  tiré  tout  ce  qu'on  en  lit  dans  les  collections  de 
BiniuSjdu  Louvre,  6c  du  Perc  Labbe.  Monfieur  Balufc  ayant 
fait  venir  de  Rome  une  copie  fidelle  du  texte  grec  avec  la 


DU    NEUVIEME    SIECLE.       7ÏÏ 

"Verfion  de  Metius ,  la  communiqua  à  M.  l'Abbé  Fleuri  qui  en 
infera  des  extraits  dans  Ion  Hiftoire  Ecclefiafîique.  Il  la  com- 
muniqua aulli  au  Pcre  le  Quicn.  Enfin  le  Père  Hardouin  a 
donné  ces  udes  en  grec  Car  le  raanufcrit  du  Vatican  ,  avec  une 
verfion  latine. 

III.  Il  fe  trouva  à  la  première  Seffion  ,  dont  le  jour  n'eft  ,  ,  Première 
pas  marqué ,  trois  cens  quitre-vingt  Evoques.  Photius  y  préfida,    Y'°"*  c 
&  toute  cette  féance  fe  pafla  en  complimens  de  la   part  des  ciLHarip^i 
Lée,ats  <?<:  de  Photius.  Les  Evêques  Grecs  donnèrent  de  grands  -h. 
éloges  à  Photius   &   à  l'Empereur.   Ils    déclarèrent    quêtant 
unis  entr'eux  ,  ils  n'avoient  pas  befoin  de  ce  Concile;  qu'on 
l'avoit  plutôt  alîemblé  pour  juQiHer  l'Egiife  Romaine  des  ca- 
lomnies répandues  contr'elle   par  un  refte  de  Schifmatiques. 
Les  Légats  de  leur  côté  témoignèrent  que  le  Pape  Jean  vouloit 
avoir  Photius  pour  fon  frère ,  &  lui  donnèrent  de  la  part  du 
Pape  des  habits  Pontificaux,  avec  le  pallium  ôc  des  fandales. 
Il  n'eft  rien  dit  de  ces  préfens  dans  les  Lettres  du  Pape  ;  cétoit 
toutefois  l'ufage  d'en  faire  mention  dans  les  Lettres  adrellécs  aux 
perfonnes  pour  qui  étoient  les  préfens. 

I  V.  On  tint  la  féconde  Seiîion  le  dix-fept  de  Novembre ,  SeconJ* 
non  dans  la  grande  Salle  fecrete  comme  la  première ,  mais  dans  ^ '^"^"* 
la  grande  Eglife  de  Conftantinople  ,  au  côté  droit  des  galeries  *"-5'^' 
hautes  nommées  Cathécumenies.  Photius  y  préfida  ,  ayaiic 
auprès  de  lui  les  trois  Légats  du  Pape,  Pierre ,  Prêtre  Cardinal  ; 
Paul  6c  Eugène ,  Evoques.  Pierre  ouvrit  la  SefFion  par  un  dif- 
cours  latin  ,  qui  fiit  rendu  en  grec  par  Léon ,  Secrétaire  de 
PEmpereur.  Enfuite  Pierre  demanda  qu'on  lût  les  Lettres  qu'il 
avoit  apportées  pour  l'Empereur  ,  pour  Photius  6c  pour  les 
Evêques  du  Concile.  On  commença  parla  Lettre  a  PEmpereu?. 
Le  Secrétaire  Léon  l'avoit  traduite  en  grec  ,  6c  ce  fut  de  cette 
forte  qu'on  l'inféra  dans  les  ades  ;  mais  elle  ell  en  beaucoup  de 
chofes  différente  de  l'original  latin.  Néanmoins  les  Légats  qui 
en  entendirent  la  letture  ,  ne  fe  plaignirent  point  de  ces  altéfci- 
tions  ,  quoiqu'elles  fuffent  importantes.  Le  Pape  s'éfoit  plairtc 
que  Photius  eût  repris  fes  fondions  fans  confulter  le  faint  Sic^e. 
H  avoit  ordonné  à  Photius  de  demander  pitrdon  en  plein  Con- 
cile ,  &  à  cette  condition  il  lui  accordoit  l'abfoluticHT.  Toutes 
ces  circonftances  font  fupprimées  dans  la  traduction  grecque, 
oia  Ton  a  mis  en  place  de  grandes  louanges  à  Photius.  A-jfli 
Procope  de  Céfarée  6c  les  autres  Evêques  Grecs  témoignerertc 
en  être  contens.  On  lut  après  cela  la  Lettre  à  Photius ,  dont  dn 


i7?2  .T  J  D  rC  X)  'NT'C  I  L  E  :S  '■  J 
flvdit-aîtcralelfefis  ÔC'fupprimé  plufieurs  circonflances.  Cette 
-lecture  achevée  ,'  Pierre  demanda  la  Jurifdiction  fur  la  Bulgarie  ; 
-comme  on  ne  lui  rcpondoitque  par  des  difcours  vagues  ,  il  de- 
manda comment  Photius  étoit  rentre  dans  fon Siège?  L? Con- 
cile re'pondit  qu'il  y  e'toit  rentré  du  confentement  des  trois  Pa- 
îriarcliç»  d'Orient^  à  la  prière  de  l'Empereur  ,  en  cédant  à  la 
.violenceôc  à  laXupplication  de  toute  i'Egiiie  de  Conftantinople. 
.Phojius  prenant  la-parole ,  fit  lui-même  fon  Apologie  ,  &  le  Con- 
cile y  applaudit.  Le  rcfle  de  la  Seflion  fut  employée  à  lire  les  Let- 
tres des  Patriarches  &  des  Evêques  d'Orient  à  Photius ,  elles 
.  étoient  toutes  à  fa.louange.  Abraham  ,  Métropolitain  d'Amide , 
-prononça  anathêmé  contre  quiconque  ne  recevoir  pas  Photius. 
Troifiéme;  V.  La  troifiéme  Selhon  fut  tenue  le  dix-neuviéme  de  Nc- 
**''°"'  -Venibre  ,  au  même  endroit,  Photius  préfidant,  ôc  les  Légats 

aflis  auprès  de  lui.  On  lut  premièrement  la  Lettre  du  Pape  aux 
Evêques  dépendans  de  Conftantinople  ,  ôc  à  ceux  des  premières 
Eglifes,  c'eft-à-dire  ,  de  Jérufalem,  d'Antioche,  d'Alexandrie; 
le  Tradutfteur  ne  favoit  pas  rendue  plus  Hdellement  que  les 
autres  du  même  Pape  ,  ëc  au  lieu  que  Jean  VIIL  avoit  ordonné 
,  :  à  Photius  de  demander  mifericorde  devant  tout  le  Concile, 

l'Literprête  difoit  feulement  que  Photius  ne  devoit  pas  dédai- 
gner de  reconnoître  devant  le  Concile  la  bonté  &  la  miferi- 
corde ,   dont  l'Eglife  Romaine  avoit  ufé  en  le  recevant.  Le 
•Concile  ne  fit  donc  aucune  diiiicultéde  recevoir  cette  Lettre, 
excepté  ce  qui  regardoit  la  Jurifdiction  fur  la  Bulgarie.  Procopc 
de  Cefarée  entreprit  de  montrer  que  Piaotius  avoit  pu  pafler  de 
l'état  de  Laïc  à  i'Epifcopat ,  ôc  après  qu'il  eut  fini  de  parler ,  on 
lut  la  Lettre  fynodique  de  Théodofe  ,  Patriarche  de  Jérufalem , 
adrelTée  à  l'Empereur ,  ou  il  difuit  anathême  à  qui  ne  recevo'it 
'    ■.  pasPhotius.  Le  Concile  répéta  l'anathême.  Les  Légats  voyant 
la  réunion  des  fuffrages  en  faveur  de  Photius  ,  lui  donnèrent  des 
louanges.  Puis  ils  demandèrent  qu'on  lût  leur  inflruttion  ,  que 
le  Secrétaire  Léon  avoit  traduite  en  grec.  Sur  le  dixième  article 
qui  regardoit  l'abrogation  des  Conciles  tenus  contre  Photius, 
le  Concile  faifant  allufion  au  Concile  de  Conftantinople  en  85p  , 
.  ôc  que  l'on  compte  po'ir  le  huitième  général ,  dit  :  Nous  difons 
anathême  à  quiconque  ne  le  rejette  pas.  On  donna  des  louanges 
au  Papequi avoit  drcn"é l'infîrudion  ,  ôc  aux  Légats  pour  l'avoir 
fuivic  en  tout.  Ils  s'applaudirent  des  fatigues  ôc  des  travaux  qu'ils 
avoient  foufl'erts  pour  procurer  la  réunion  des  Eglifes  ;  ôc  pour 
montrer  quÇ  les  Évêqu.çs  d'Occident  étoient  d'accord  de  rece- 
voir 


DU    NEUVIEME    SIECLE.     71? 

voir  le  Patriarche  Photius,  on  lut  les  noms  de  ceux  qui  avoient 
loufcrità  l'infiruction  dans  le  Concile  de  Rome. 

VI.   La  quatrième  Seflion  eft  datée  du   vingt-quatre  Dé-      Quamcme 
cembre  ,  veiile  de  Noël  ;  elle  fe  tint  comme  la  première  dans  la  '^^"^"• 
grande  Salle  fecrette.  On  y  admit  le  Métropolitain  de  Marty-  ^'^^'  ^^^' 
ropoiis  qui  vcnoit  d'arriver ,  apportant  des  Lettres  des  Patriar- 
ches d'Antiochc  ôc  de  Jérufalem.  Elles  furent  approuvées  una- 
nimement du  Concile  ,  parce  qu'ils  déclaroient  l'un  6c  l'autre 
qu'ils  n'avoient  eu   aucune  part  à  ce  qui  s'étoit  fait  contre 
Photius.  On  admit  aulli  deux  Patrices,  qui  demandèrent  pardon 
de  s'être  féparés  de  Photius ,  difant  qu'ils  n'avoient  donné  leurs 
foufcriptions  contre  lui,  que  parce  qu'on  les  avoir  féduits.  Ils  fc 
feroient ,  ajouterent-ils ,  contentés  de  rabfolution  du  Patriarche  ; 
mais  leur  foufcription  étant  contre  lui-même ,  ils  crurent  devoir 
attendre  labrolution  d"un  autre  Siège.    Le  Concile  les  reçut 
comme  fesenfans  &  fes  propres  membres. 

VIL  Les  Légats  du  Pape  en  firent  de  même.  Puis  ils  pro-     Artirîes  de 
.poferent  les  articles  qui  dévoient  fervir  de  fondement  à  la  réu-  p',!',,^ 
-nion  des  deux  Eglifes  ;  ils  étoient  contenus  dans  la  Lettre  du     =•' '    " 
Pape  à  l'Empereur.  Le  premier  portoit ,  que  l'Archevoque  de 
'Conftantinople  ne  feroit  plus  à  l'avenir  d'Ordination  dans  la 
Bulgarie,  &  n'y  enverroit  point  le Pailium.  Le  Concile  répondit 
que  le  Règlement  des  limites   des  Diocèfes  n'avoit  point  de 
rapport  à  ce  qui  faifoitle  fujet  del'aiïemblée;  que  cette  queflioii 
'demandoit  un  autre  tems  ;  qu'au  refte  on  fe  jcindroit  aux  Légats, 
pour  obtenir  là-deffus  de  l'Empereur  un  Règlement  conforme 
aux  Canons.  Il  étoitdit  dans  le  fécond  article  ,  qu'on  ne  pren-  Fig.in, 
droit  plus  perfonne  d'entre  les  Laïcs  pour  l'élever  fur  le  Siège  de 
Conftantinople.  Les  Evêques  répondirent ,  que  fi  l'on  exciuoit 
les  Laïcs  de  l'Epifcopat ,  c'en  feroit  fait  des  Chaires  épifcopales, 
puifque  la  plupart  des  Evêques  qui  brilloient  alors  ,  avoient  été 
■tirés  d'entre  les  Laïcs  ;  que  l'Êglife  Romaine  qui  n'étoit  point 
dans  l'ufage  de  prendre  fes  Evêques  dans  le  nombre  des  Laïcs, 
pouvoit  fe  maintenir  dans  cet  ufage  ;  mais  qu'il  n'étoit  pas  de 
-même  des  Eglifes  d'Orient  ;  qu'à  Alexandrie  ,  à  Antioche  ,  &  à 
Jérufalem  on  ne  fiifoit  point  de  difficulté  d'élever  à  l'Epifcopat 
un  La'C  d'un  mérite  diiiingué  ;  qu'on  en  avoit  ufé  de  mèp.ie  à 
Conflantinople;  &  que  quoiqu'il  fût  à  fouhaiter  que  l'on  prît 
les  Evêques  dans  le  Clergé  ,  toutefois  s'il  ne  s'en  trouvoit  poiiir  ■ 
qui  fulïent  dignes  de  l'Epifcopat  ,  il  valoit  mieux  en  choific 
parmi  les  Laïcs.  Le  troifiéme  article  ordonnoit  de  tirer  le  P^-  JbiL 
Tome  X XI L  Xxxx 


fefCion, 


714  CONCILES 

triarche  de  Conftantinople  d'entre  les  Prêtres  &  les  Diacres  de  îa 
même  Egiife.  Le  Concile  répondit  qu'on  le  feroit  s'il  s'en,: 
trouvoit  de  capable  ;  finon  qu'on  le  choiliroit  dans  toute  l'Eglife. 
Le  quatrième  contenoit  la  condamnation  des  Conciles  tenus  à 
Rome  ôc  à  Conftantinople  contre  Photius.  Cet  article  fut  reçu 
avec  l'applaudiflement  de  tout  le  Concile;  ôc  il  confirma  avec ' 

Pag,  i\4.  plaillr  le  cinquième,  qui  portoit  excommunication  contre  tous- 
ceux  qui  ne  vouloient  pas  reconncître  Photius.  Le  Légat  Pierre 
dit,  que  la  paix  &  la  concorde  étant  rendues  à  l'Eglife,  il  falloit 
célébrer  avec  le  Patriarche  Photius.  C'étoit  l'heure  de  l'OHice, 
ôc  tous  y  alfifterent. 

Cinquième      y  j  j  j^  ^^  cinquième  Seiïion  flit  tenue  le  26  de  Janvier  880 

p*  ,,  dans  les  Galeries  hautes  de  la  grande  Egiife.  Photius  propofa 
^  de  reconnoître  le  fécond  Concile  de  Nicée  pour  le  feptiéme 
Concile  général.  Le  Légat  Pierre  déclara  que  l'Eglife  Romaine  , 
en  avoir  reçu  les  Décrets  au  fujet  des  Images,  ôc  qu'elle  le  nom- 
moit  feptiéme  Concile  général.  On  dit  donc  anathême  à  qui- 
conque n'admettoit  point  ce  Concile.  Métrophane ,  Métropo- 
litain de  Smyrne ,  continuoit  à  s'oppofer  à  Photius.  Il  fut  cité  de 
la  part  du  Concile,  ôc  n'ayant  point  voulu  comparoître  fous 
prétexte  de  maladie,  il  fut  féparé  de  la  communion  Ecclefiaf- 

Pafiiç,  tique. On  fit  diversRéglemens,qui  tendoient  à  affermir  l'autorité 
de  Photius  ;  fçavoir  ,  que  tous  ceux  que  le  Pape  Jean  VIII. 
avoit  excommuniés  ,  feroient  cenfés  fournis  à  la  même  cenfure 
par  Photius  ;  ôc  que  tous  ceux  que  Photius  auroit  excommu- 
niés ou  dépofés ,  ou  anathématifés ,  le  Pape  Jean  les  regarderoit 
comme  excommuniés  ,  dépofés  ,  anathématifés  ;  qu'il  feroit  au 
pouvoir  de  Photius  après  la  fin  du  Concile  de  recevoir  ceux  qui 
reviendroient  de  leur  fchifme  ,  ôc  d'excommunier  les  impéni- 
tens  ,  ôc  en  particulier  Métrophane  ;  que  les  Evoques  qui  avoient 
quitté  l'Epifcopat  pour  fe faire  Moines,  ne  pourroient  plus  re- 
venir à  l'Epifcopat ,  parce  que  de  fe  réduire  au  rang  des  Moi- 
nes, c'eft  fe  mettre  au  rang  des  pénitens  ;  tel  étoitl'ufage  des 
Eglifes  d'Orient ,  où  l'on  élevoit  quelquefois  des  Moines  à 
l'Epifcopat ,  mais  où  l'on  ne  permettoit  jamais  que  des  Evêques 
devenus  Moines  ,  repriffent  leurs  premières  fondions.  Il  fut 
encore  arrêté  ,  que  Ci  un  Laïc  au  mépris  des  Loix  Impériales  ÔC 
des  Canons  de  l'Eglife  ,  frappoit  ou  emprifonnoit  un  Evêque  , 
il  feroit  anathématifé. 
Soufcriiitions  1  X.  Les  Evcques  du  Concile  de  Rome  avoient  foufcrit  à 
jcs     Dccias  ^g.  ^^^.jI  y  avoit  été  réglé  pour  la  réception  de  Photius  ôc  la  cafTa- 

Pa^.^ie,  tion  des  actes  faits  contre  lui.  Les  Légats  demandèrent  que  l'on 


DU    NEUVIEME    SIECLE.     71? 

foufcrivît  de  même  à  tout  ce  qui  venoit  d'être  déciJd  dans  le 
Concile  ;  &  les  Evêques  y  ayant  confenti  ,  Paul  ,  Evoque 
d'Ancone  ;  Eugène,  Evéque  d'Ortie;  &.  le  Cardinal  Pierre, 
tous  trois  Légats  du  Pape  Jean  VIIL  foufcrivirent  les  premiers 
aux  aftes  qu'on  avoir  écrits  fur  du  parchemin;  &  après  eux  ,  les 
Députés  des  Patriarches  d'Orient  ;  puis  les  Métropolitains  ôc 
les  autres  Evêques  ,  au  nombre  de  5  Se.  Ils  exprimèrent  dans 
leurs  foufcriptions  l'acceptation  du  fécond  Concile  deNicée, 
ièptiéme  général ,  ôc  fon  Décret  touchant  les  faintes  Images. 
Photius  ne  foufcrivit  point ,  apparemment  parce  que  tout  étant 
en  fa  faveur,  on  ne  pouvoir  douter  qu'il  n'approuvât  ce  qui  avoit 
été  fait. 

X.  L'Empereur  Bafile  qui  avoit  affedé  de  ne  pas  fe  trouver         Sixième 
aux  cinq  premières  Sellions  ,  de  peur ,  difoit-il ,  qu'on  ne  dît  „/ 

dans  le  public  que  l'union  des  EgUlcs  s'ctoit  faite  ,  ou  par  crainte 
ou  par  complaifance  pour  lui  ,  prclida  à  la  fixiéme  qui  fe  tint 
au  Palais.  Il  propofa  de  publier  ,  non  une  nouvelle  profeffion 
de  foi ,  mais  celle  de  Nicée  ,  déjà  approuvée  dans  les  autres 
Conciles.  Le  but  de  cette  propofition  étoit  de  condamner  taci- 
tement l'addition  ^iioque,  en  publiant  une  profeflion  de  foi  où 
cette  addition  ne  fp  trouvoit  pas.  Néanmoins  les  Légats  de 
Rome  donnèrent  comme  tous  les  autres  leur  confentement.  On 
lut  donc  le  fymbole  de  Nicée  avec  la  prétace  de  Photius,  où  il 
difoit  que  le  Concile  embralToit  cette  définition  ,  avec  anathême 
à  tous  ceux  qui  feroient  allez  hardis  pour  compofer  une  autre 
profeiHon  de  foi, ou  altérer  celle-ci  par  des  paroles  étrangères, des 
additions  ou  des  fouflractions.  Tous  s'écrièrent  qu'ils  croyoient 
ainfi  ;  que  c'étoit  dans  cette  foi  qu'ils  avoient  été  baptifés  6c 
ordonnés.  L'Empereur  foufcrivit  aux  a£les  avec  fes  trois  li!s. 
Au  lieu  du  fvmbole  de  Nicée  ,  Beveregius  lifoit  dans  foii 
exemplaire  ,  celui  deConllantinople  en  58  i. 

XI.  Cette  définition  de  foi  fut  lue  une  féconde  fois  dans  la     ^J^^P'""^*' 
feptiéme  Seilion  ,  qui  fut  tenue  dans  la  grande  Eglife  le  treize  de  p ^^    '.  g^ 
Mars,  ôc  on  répéta  l'anathême  contre  quiconque  enôteroit,  ou  y 
ajouteroit.  Procope  de  Cefarée  Ht  enfuite  un  difcours ,  où  prodi- 
guant les  louanges  à  Photius  ,  il  ne  craignit  point  de  le  comparer 

à  Jefus-Chrift  ,  ôc  de  lui   appliquer  ce  que  faint  Paul  dit  du 
Sauveur  dans  l'Epître  aux  Hébreux  :  Ncm  avons  un  Ponùfe  qui  H  h.  4, 14» 
d  pénétré  k  Ciel.  Les  Légats  du  Pape  renouyellerentl'anati.iéme 
•contre  qui  ne  reconnoifloit  pas  Photius  pour  Patriarche.  Le 
Concile  l'approuva  ôc  finit  par  les  acclamations  ordinaires. 

X  X  X  X  ij 


7i(?  C    O    N  C  I    L    E    S 

Lettre  i!u      XI  f.  On  a  mis  à  la  fuite  des  actes  du  Concile  une  Lettre  du" 
Pape  ^  Jean  Pape  Jean  à  Photius,  dans  laquelle  il  traite  de  tranfgrelTeurs  de 
tius    ^  vas.  ^^  \>^^o\e  de  Dieu  ^  &  de  corrupteurs  de  la  doctrine  de  Jefus- 
j4î.  Elle  pa-  Chrift  ,  des  Apôtres  Ôc  des  Pères,  ceux  qui  avoient  ajouté  au  ■ 
loit  luppofcc.  ^yj^'^^^g  j^  p^xTÛculs  fiiioqm.  Il  les  range  avec  Judas,  comme' 
déchirans  les  membres  de  Jefus-Chrill  ,  par  le  fcandale  qu'ils  • 
avoient  caule  dans  les  Eglifes.  Mais  après  s'être  fervi  d'cxpref- 
lions  fi  dures ,  il  fe  radoucit  en  quelque  forte ,  difant ,  qu'on  ne 
doit  toutefois  contraindre  perfonne  à  quitter  cette  addition  faite  ' 
au  fymbole  ;  niais  exhorter  doucement  les  autres  à  renoncer  à 
ce  blafphème.  Le  Cardinal  Baronius(a)  a  rejette  cette  Lettre 
comme  fuppofée  par  quelque  Grec.  N'en  pourroit-on  pas  accufec 
Photius  lui-même?  On  fçait  qu'il  en  fabriqua  une  fous  le  nom  ■■ 
du  Pape  Nicolas  I.  (  t  )  à  qui  il  faifoit  dire  fauffement  qu'il  éta-  • 
blilToit  avec  lui  pour  l'avenir  une  communion  ôc  une  ainitié - 
inviolable  ;  qu'il  compofà  un  Livre  (  c  )  plein  de  fauflfetés  contre  • 
l'Eglife  Romaine  ,  ôc  le  même  Pape  ;  qu'il  trompa  (  cl  )  l'Empe- 
reur Bafile  par  une  faulTe  généalogie  ,  où  il  le  faifoit  defcendre  de 
Tiridate ,  Roi  d'Arménie  ;  ôc  on  ne  peut  douter  qu'il  n'ait  eu  - 
part  à  la  falfilication  des  Lettres  du  Pape  Jean  VIII.  produites 
dans  le  Concile  dont  nous  venons  de  parler.  Quelque  complai- 
fance  que  l'on  fuppofe  dans  ce  Pape  pour  Photius  *!<;  pour  l'Em- 
pereur Bafile ,  on  ne  pourra  jamais  lui  attribuer  avec  vraifem- 
blance  d'avoir  traité  de  blafphème  l'addition ^/io^î^c  qui  étoit 
reçue  daiTs  plufieurs  Eglifes  d'Occident,  avec  Icfquelles  l'Eglife 
Romaine  étoit  en  communion  fans  qu'elles  fudent  en  aucune 
manière  inquiétées  fur  ce  point.  Il  n'en  avoit  plus  été  quefiiou 
depuis  les  conférences  des  Envoyés  de  Charlemagne  avec  le 
Pape  Léon  III.  Comment ,  pendant  un  ti  longtems ,  les  Papes  , 
fuccelTeurs  de  Léon  III.  dont  quelques-uns  ,  ôc  le  Pape  Jean. 
VIII.  lui-môme  avoient  oiii   chanter  en   France  le  fymbole 
avec  cette  addition  ,  ne  firent-ils  aucune  démarche  pour  retran- 
cher un  ufage  ,  qu'ils  auroient  regardé  comme  un  blafphème? 
L'Auteur  de  la  Lettre  dit  même  des  chofes  qu'il  ne  feroit  pas 
facile  de  concilier  ;  ce  qui  pourroit  donner  lieu  de  douter  qu'elle 
fût  de  Photius ,  trop  habile  fauflaire  pour  ne  pas  fçavoir  fe  fou- 
tenir.  La  Lettre  fait  dire  au  Pape  Jean  :  A'ous  croyons  qu'on  ne 
doit  contraindre  perfonne  à  quitter  celte  addition  faite  au  fymbole , 
mais  ufer  àe  douceur  (s  à^ économie  j  exhortant  peu  à  peu  les  autres 


DU    NEUVIEME    SIECLE.     717 

èl  renoncer  à  ce  blafghême.  Si  l'addition  ëtoit  un  blafphcme  > 
falloit-il  ufer  de  douceur  pour  la  retrancher  ?  Ne  falloit-il  pas 
au-contraire  ufer  d  anathême  fuivant  lufage  du  tems  où  on  les 
prodiguoit  •pour  réformer  des  abus  qui  n'étoient  rien  moins  que 
des  blafphêmes  ?  Enfin  on  ne  voit  point  à  quelle  occallon  ,  ni  en 
quel  tems  le  Pape  Jean  VllI.  auroitpu  écrire  cette  Lettre.  Ce 
n'eft  point  une  rcponfe  àPliotius ,  qui  n'avoit  point  écrit  au  Pape 
fur  ce  fujet.  Cela  eft  dit  expreflément  :  J\ii  voulu  vcus  éclairàr 
avant  même  que  vcus  iri' en  écnviey^.  On  dira  que  Photius  confulta  le 
Pape  fur  le  fimbole  par  un  Envoyé.  La  lettre  le  porte.  Mais  en  quel 
tems cetEnvoyé fut-il àRome.  Avant  le  Concile?  Le  Papeatiroit 
donné  là-defTus  des  inilrudions  à  fes  Légats.  Après  le  Concile  ? 
Mais  le  Pape  qui  n'approuva  que  ce  qui  s  etoit  fait  pour  la  réfuta- 
tion de  Photius  ,  &  avec  les  rellridions  qu'il  avoit  marquées  dans 
fa  Lettre  à  l'EmpereurBafilCj  fe  feroit-il  relâché  au  point  d'ac- 
corder fur  l'addition  fdioque ,  plus  que  le  Concile  n'avoit  de- 
mandé ,  c'eft-à-dire  ,  de  publier  le  fymbole  de  Nicée  ou  de 
Conflantinople  ,  (ans  cette  addition  ?    . 

XIII.  Ce  qui  fe  palîa  depuis  le  retour  des  Légats  fera  voir       Suites  <în-; 
encore  que  le  Pape  Jean  VIIL  ne  devoitpoint  être  porté  à  écrire  Conftanrino- 
une  Lettre  aufli  favorable  aux  Grecs  que  celle  qu'on  lui  a  fuppo-  pe. 
fée.  Ces  Légats  fe  contentèrent  de  lui  faire  rapport  du  rétabiilïe- 
rnent  de  la  piix  dans  l'Eglife  de  Conftantinople  par  celui  de 
Photius  ;  de  la  reflitution  de  la  Bulgarie  ,  ou  plutôt  de  la  pro- 
Biefl'e  qu'on  avoit  faite  de  la  reftituer,  ôc  des  ordres  donnés  par 
l'Empereur  pour  le  départ  de  la  Flotte  qu'il  envoyoit  au  fecours 
de  l'Italie.  lien  écrivit  à  ce  Prince  pour  l'en  remercier,  mais 
avec  cette  ciaufe  remarquable  :  Nous  recevons  ce  que  le  Concile 
de  Conftantinople  a  accordé  par  grâce  pour  la  reflitution  de 
Flîotius.  Si  nos  Lerats  ont  fait  quelque  chofe  contre  nos  ordres  ,     •^"''"^  ■^P'J^' 
nous  ne  le  recevons  point  ôc  ne  jugeons  pas  qu'il  foit  d"aucune     °'' 
force.  Il  mit  !a  même  rcftriction  dans  fa  Lettre  à  Photius  ,  &  en 
lui  témoignant  fa  joie  de  la  réunion  de  l'Eglife  de  Conllanti- 
nopile  ,  il  le  plaint  de  l'inexécution  de  fes  ordres.  Ayant  appris 
enfuite  que  les  Légats  ne  les  avoient  point  exécutés ,  il  députa 
en  Orient  l'Evcque  Marin  ,   avec  pouvoir  d'annuller  tout  ce 
qu'ils  avoient  fait  de  contraire  à  leurs  inftrudions  ,  &  de  frapper 
même  Photius   d'anathême.    Cette  conduite   de   Jean   VIII.  ■     ^ 
fournit-elle  la  moindre  apparence  à  la  Lettre  adrelfée  fous  fon    Aukiiir  no-  ' 
nom  à  Photius  ?  Une  dernière  preuve  de  fa  fuppofitionjc'efl:  qu'il  viP.    lHh'.wT,  • 
n'en  elt  fait  aucune  mention  dans  celle  que  Photius  écrivit  après  ^^'■■V-'^à-  5^7.  - 

XXXX    lij 


7i8  CONCILES 

la  mort  de  Jean  VIII.  à  l'Archevêque  d'Aquilée,  quoiqu'il  y 
combatte  la  doctrine  des  Occidentaux  fur  la  proceilion  du  ^aint 
Efprit.  Pour  montrer  qu'il  ne  procède  pas  du  Père  &  du  Fils  , 
Photius  citeLeon  III.  ôc  lesLégats  au  Concile  de  Conftantinople 
auquel  il  préfidoit.  Il  ne  dit  pas  un  mot  de  la  Lettre  préte.idué  de 
Jean  VIII.  foit  parce  qu'on  en  avoir  déjà  reconnu  la  fauiTeté,, 
foit  qu'elle  n'ait  été  fabriquée  que  depuis  Photius. 
Ades  de      XIV.  Il  fut  condamné  ôc  rejette  par  les  fuccefleurs  de  Jcaii. 
ce     Concile  VIII.  par  Marin  II.  par  Adrien  III.  par  Eftienne  V.  ôc  pac 
rejettes.         pormofe.  Aucun  d'eux  n'eut  égard  à  ce  qui  s'étoit  paffé  en  fa 
faveur  dans  le  Concile  de  Conftantinople,  que  l'on  a  depuis 
regardé  dans  l'Eglife  Catholique  comme  un  Conciliabule  fans 
aucune  autorité. 

CHAPITRE     XXXIX. 

Des  Conciles  de   Rouen ,   de  Mante  ,  &  autres  , 
juf^uen  l'an  5^04. 

Concile  de  I.  /^N  n'a  rien  d'affuré  fur  l'époque  du  Concile  de  Rodome 

Rouen,  tom.       \^^ OU  Rouen.  Le  Père  Hardouin  le  met  en  87S.  Dom 

fhomlg.  p^g.  Beffm  dans  fa  colleaion  des  Conciles  tenus  en  cette  Ville,  le 

ij,edit.ann.  place  fous  le  règne  de  Clovis  II.  &  l'Epifcopat  de  faintOuen, 

1717  ScCon    ,      raifon  qu'il  en  donne,  c'ell:  que  ce  Concile  condamne  les 

6,  fag.  1C5,  mêmes  abus  ,  que  ce  faint  Eveque  condamne  dans  la  vie  de  lauiç 

Can.  I.  Eloi.  Ce  Concile  fit  feize  Canons  ,   dont  le  premier  porte  , 

qu'après  l'Offertoire  on  encenfera  les  oblations  en  mémoire  de 

Can.  z.  la  mort  du  Sauveur;  le  fécond,  que  les  Prêtres  communieront 

de  leurs  propres  mains  les  Laïcs  des  deux  fexes  en  leur  mcttanjc 

l'Euchariflie  dans  la  bouche  ,  ôc  prononçant  ces  paroles  :  Que 

le  Corps  du  Seigneur  ôc  fon  Sang  vous  fervent  pour  la  réminion 

des  péchés  ôc  la  vie  éternelle.    C'ell  que  certains  Prêtres  nç 

voulant   point  prendre  eux-mêmes   les  divins   myfteres  qu'ils 

avoient  confacrés ,  les  donnoient  à  des  Laïcs ,  même  à  des 

femmes,  incapables  de  diftinguer  entre  la  nourriture  fpirituellç 

ôc  corporelle.  Le  Concile  fépare  de  l'Autel  ceux  qui  à  l'avenir 

^         en  uferont  de  la  forte.  Il  eft  ordonné  par  le  troifiéme ,  de  payer 

'^"'  ^'  exactement  la  dixme  ,  tant  des  fruits  que  des  animaux  ,  fans 

commutation  d'efpece  ^  fous  peine  d'anathême  envers  ceux  cjuj 


DU    NEUVIEME    SIECLE.      715 

iétant  avertis  deux  Ôc  trois  fois  ,  refuferont  de  la  payer.  Le  qua- 
trième détend  toutes  fortes  de  remèdes  fuperflitieux  ,  foit  pour  Can.^, 
les  maladies  d'animaux  ,  foit  pour  quelque  calamité.  Ces  remèdes 
confifioient  en  certains  vers  diaboliques  que  les  Pâtres  ou  les 
Challeurs  prononçoicnt  fur  du  pain,  ou  fur  des  herbes  ,  ou  fur 
des  ligatures  5  qu  ils  cachoicnt  enfuite  dans  un  arbre  ,  ou  qu'ils 
jettoient  fur  un  clicmin  fourchu.  Il  eft  dit  dans  le  cinquième,  ç^^  y^ 
que  l'on  ne  rebaptifcra  point  ceux  qui  ont  été  baptifés  au  nona 
de  la  fainte  Trinité  chez  les  Hérétiques  ;  que  l'on  fe  contentera 
de  les  inftruire  ôc  de  leur  impofer  les  mains  en  les  recevant  dans 
l'Eglife. 

I I.  Le  fixiéme   défend   de  recevoir  ceux  qui  auront  été  Can.  c. 
excommuniés  pour  leurs  fautes  par  leur  propre  Evcquc.   Le 
feptiéme  défend  ,  fous  peine  d'être  chaffé  du  Clergé ,  à  un  Prêtre  Q/j.  7. 
de  donner  de  l'argent  ou  des  préfens  ,  foit  à  un  Clerc  ,  foit  à  un 
Laïc  ,  pour  fe  faire  mettre  en  poUeffion  de  l'Eglife  d'un  autre, 

ou  même  d'une  Eglife  vacante.    On  défend  dans  le  huitième  Cxn.  «» 
d'admettre  aux  fondions  Eccleliaftiques  des  Evéques  ou  des 
Prêtres  inconnus  ,  fans  le  confentement  du  Synode.  Il  avoic 
déjà  été  défendu  de  donner  le  voile  à  des  veuves  ;  le  neuvième  Can.  9. 
Canon  renouvelle  cette  dètènfe  ,  &  réferve  à  l'Evêque  feul  de 
donner  le  voile  aux  Vierges.  Le  dixième  ordonne  aux  Evêques  dn.  10, 
d'entrer  fouvcnt  dans  les  Monafleres  de  Moines  6c  de  Reîi- 
gieufes  ,  accompagné  de  perfonnes  graves  ôc  pieufes;  d'en  exa- 
miner l'obfervance  ;  de   punir  de  prifon  les  fautes  contre  la 
chafteté  ;  ôc  d'empêcher  qu'aucun  Laïc  n'entre  dans  le  Cloître  ni 
dans  les  chambres  des  Religieufes  ;  l'entrée  du  Cloître  n'étant 
pas  même  permife  au  Prêtre,  (i  ce  n'eil  pour  la  célébration  de 
la  MefTe.  C'eft  que  les  Eglifesdcs  Monaiteres  de  Filles  étoienc 
dans  l'enclos. 

III.  L'Evêque  ne  quittera  point  fon  Eglife  Cathédrale  pour  Can.  n, 
aller  faire  fes  fondions  en  quelqu'autre  Eglife  de  fon  Dioccfe. 

Si  un  Laïc  en  a  frappé  un  autre  jufqu'à  ettulion  de  fang  ,  il  fera  (2an.  i*. 
pénitence  pendant  vingt  jours,  fi  c'êft  unClerc^fa  pénitence  fera  de 
trente  jours  ,  ôc  on  augmentera  la  peine  à  proportion  des  degrés 
aufquels  le  coupable  fera  élevé  ;  un  Diacre   fera  \\y.  nicis  en 
pénitence;  un  Prêtre  pendant  un  an  ;  un  Evêque  deux  ans  ÔC  ' 
demi.  Ceux  qui  feront  ce  que  font  les  Payens  aux  Ca'endes  de  Ccm.  ij. 
Janvier  ,  ou  qui  obferveront  fuperllitieufement  la  lune  ,  les. 
jours  ,  les  heures  ,  feront  anathème.  Les  Prêtres  auront  foin  Can.  14, 
d  avertir  les  £,eas  de  la  campagne  occupés  a  la  garde  des  trou- 


720  Ç    O    N    CI    LE    5 

peaux ,  de  venir  à  la  Méfie  les  Dimanches  j  étant  comme  les. 
autres  hommes  rachetés  du  Sang  de  JeCus-Chrifl ,  on  ne  doit 
Can.  I).  point  négliger  leur  falut.  A  1  égard  de' ceux  qui  demeurent  dans 
les  Villes  &  dans  les  Villages,  on  les  avertira  d'ainder  les  jours 
de  Fctes  &  Dimanches  aux  Vêpres,  aux  Offices  de  la  nuit, 
&  à  la  Mefl'e  ;  ôc  l'on  conRituera  des  Doyens  craignant  Dieu, 
pour  préfixer  les  pareileux  de  fe  rendre  au  Service  de  Dieu.  Les 
jours  de  Fêtes  le  célébreront  d'un  foir  à  l'autre  ,  en  s'abftenant 
de  toute  œuvre  fervile  ,  ôc  dans  un  rçfped  convenable.  Lorfque 
l'Evêque  fera  la  vifite  de  fon  Dipcèfe  ,  un  Archidiacre  ou  un 
Archi-Prêtre  le  devancera  d'un  jour  ou  deux  ,  pour  annoncer 
fon  arrivée  dans  les  Paroiffes  ,  &  tous,  excepté  les  infirmes  ,  fe 
trouveront  au  Synode  le  jour  marqué,  lous  peine  d'être  privés  de 
la  communion.   S'il  y  a  des  affaires  de  moindre  importance, 
i'Archi-Prêtre  les  vuidera  avec  le  Clergé  du  lieu  ,  aiin  que 
l'Evêque  à  fon  arrivée  ne  foit  occupé  que  des  plus  difficiles. 
■L'infcription  de  ce  Concile  porte  qu'il  étoit  général ,  c'eu-à-dire, 
conipofc  desSuiFragans  de  rArchevêché  de  Rouen.  Il  efl  fans 
date  &  fans  foufcriptions. 
Concile  île      I  V.  Bofon  ,  Duc  de  Lombatdie ,  voyant  les  Etats  de  Louis  le 
^ManteenSvp,  ;gegue  entre  les  mains  de  fes  deux  fils   Louis  ôc  Carloman  , 
'"'"•^'^'""'''' profita  de  leur  peu  d'autorité  pour  fe  faire  déclarer    Roi  de 
■•^'^^*^^''       Provence.  Il  aflembla  pour  cet  effet  les  Evêques  &  les  grands 
Seigneurs  du  Royaume  d'Arles  ,  &  ayant  intimidé  les  uns , 
gagné  les  autres  par  promefTes  ,  ils  lélirent  Roi.   L'éledion  fe 
iità  Mante  près  de  Vienne  ,  le  quinzième  d'Odcbre  87p  ,  oii  fe 
trouvèrent  dix-fept  Evêques  &    fix  Archevêques.  Ottram  de 
Vienne  foufcrivit  le  premier  au  décret  d'éledion ,  enfuite  Aure- 
lien  de  Lyon.  Les  Evêques  &  les  Seigneurs  difenr  dans  ce  décret, 
,que  manquant  de  Protecleur  depuis  la  mort  de  Louis  le  Bègue  , 
ils  ont  choifi  Bcfon  pour  leur  Roi, comme  le  plus  capable  de 
les  défendre  par  l'autorité  qu'il  a  eue  fous  les  Rois  précédens  , 
ôc  par  l'afTeclion  du  Pape  Jean  VIÎI.  qui  l'avoir  adopté  pour  fon 
fils.  Le  décret  eft  fulvi  d'une  Lettre  du  Concile  au  nouveau  Roi , 
pourlui  demander  fon  confentement  à  réle(flion  ,à  laquelle  on 
.fuppofequ'ils'étoitoppofé,ôc  pourlui  marquer  les  conditions 
de  fon  éledion  ;  f^avoir ,  de  prendre  la  défcnfe  del'Eglife  Catho- 
lique ,  de  rendre  la  juftice  à  tous  fes  Sujets  ,  ôc  de  remplir  les 
autres  devoirs  de  la  Royauté.  La  réponfe  de  ce  Prince  elt  con- 
forme, Bofon  promet  tout,ôc  témoigne  n'accepter  que  pour  ne 
pas  réfifter  à  la  volonté  de  Dieu.  Il  demande  que  les  Evêques 

ordonnent. 


DU  NEUVIEME  SIECLE.  721^ 
ordonnent ,  chacun  dans  leur  Diocèfe,  des  prières  pendant  trois 
jours  ,  pour  lui  obtenir  de  Dieu  la  rémifilon  de  fes  péchés ,  6c  les 
lumières  pour  bien  gouverner  l'Etat.  Les  acles  de  ce  Concile 
avoientécc  publiés  par  Guillaume  Paradin, dans  les  Annales  de 
Bourgogne  imprimées  à  Lyon  en  ij^iS" ,  avant  que  les  Peres- 
Sirmond  &  Labbe  les  infernilent  dans  leurs  Collections, 

V.  Ils  mettent  enfuice  deux  Lettres  fynodales  fous  le  nom  Concile  do 
dliincmar  de  Reims  .  dont  la  première  porte  ,  que  dans  un  ^^^''''■-'^'^^''^■* 
Concile  tenu  en  cette  Vule  le  22  d  Avril  879  ,  le  rretre  (joq- 
balde  convaincu  d'avoir  eu  un  mauvais  commerce  avec  une 
femme  nommée  Dode  ,  fut  privé  de  fes  fondions.  On  voit  par 
la.feconde  ,  que  dans  le  même  Concile  on  excommunia  Foulcre 
&  Hardoife,  qui  s'étant  mariés  enfemble,  quoique  parens,  re- 
fufoientdefe  féparer.  On  les  menaça  ,  s'ils  perlilîoient  dans  leur 
opiniâtreté  ,  de  leur  refufer  même  à  la  mort  la  Communion  du 
Corps  &  du  Sang  de  Jefus-Ciirift  ,  &  de  les  priver  des  honneurs 
de  la  fépulture  Eccléliaffique,  c'eft-à-dire  de  ne  pas  prier  pour 
eux  fuivant  i'ufage  de  l'Eglife ,  ôc  de  ne  pas  les  enterrer  avec  les 
autres  Chrétiens. 

V  L  Le  Pape  Jean  avoit  fouvent  averti  Athanafe  ,  Evêque      Conciie  J» 
de  Naples,  de  rompre  le  traité  fait  avec  les  Sarrafms.  Il  l'avoit  Roinnenssi, 
promis  ,&  conienti  d  être  depolc  de  1  hpiicopatôc  anatnematue  yj^.^  ,^5,   . 
au  cas  qu'il  continuât  fon  alliance  avec  eux.  Malgré  toutes  ces 
promedes  ,  &  fans  égard  à  l'argent  qu'il  avoit  reçu  du  Pape  pour 
fe  féparer  de  ces  Barbares,  il  partagea  avec  eux  le  butin.  Le 
Pape  fut  donc  contraint  de  procéder  contre  lui  dans  un  Concile 
qu'il  tint  à  Rome  au  mois  d'Avril  881  ,  ôc  de  le  priver  de  la 
communion  Eccléfiadique  jufqu'à  ce  qu'il  fe  fiât  féparé   des 
Sarrafms.  Il  fit  part  de  cette  Sentence  aux  Evêques  voifins  ,  ôc 
quelques  inftances  qu'Athanafe  fit  pendant  plus  d'un  an  pour      .hnn.Ejnlf. 
obtenir  l'abfolurion  de  fon  excommunication,  il  ne  la  lui  accorda  ^?4>r''!i- -'°* 
qu'à  condition  qu'il  lui  envoyeroit  les   principaux  d'entre  les 
Sarrafms ,  dont  il  lui  marquoit  les  noms  ,  ôc  que  l'on  égorgeroit 
les  autres. 

VII.  Dans  les  commencemens  du  mois  d'Avril  de  la  même.     Concile  i!e 
année  881  ,  les  Evêques  de  France  de  diverfes  Provinces  s'af-  ss^^o/n.  9, 
femblerent  à  Fifmes  ,  au  Diocèfe  de  Reims  ,  dans  l'Eglife  de  C-ndl.    pag^ 
fainte  Macre,  Martyre.  On  ne  fçait  pas  les  noms  de  ces  Eve-  5  57- 
ques  ,  parce  que  les  foufcriptions  ne  font  pas  venues  jufqu'à 
nous  i  mais  on  ne  peut  douter  qu'Hincmar  n'ait  préfidé  à  ce 
Concile ,  qui  fe  tenoit  dans  fon  Diocèfe  ;  ôc  que  les  huit  articles 
Tome  XXI  L  Yyyj 


722  CONCILES 

que  nous  en  avons  ne  foient  de  fa  façon  :  on  y  reconnoît  fon  flyle 
ôc  la  longueur  de  fes  difcours.  Il  déclare  dans  la  préface ,  que  le 
Concile  ne  fe  pit>pofe  point  de  faire  de  nouveaux  Statuts  ,  mais 
de  remettre  en  vigueur  les  anciens  ,  entièrement  négligés  dans 
Cap.  !.  ces  tems  malheureux.  Dans  la  Loi  nouvelle  comme  aans  l'an- 
cienne, les  deux  Puiifances  deftinées  à  gouverner  le  monde  ont 
toujours  été  dillinguées  de  façon  ,  qu'elles  avoient  chacune  leurs 
fonttions  feparées.  La  temporelle,  le  maniement  des  affaires 
politiques;  la  fpirituelle,  ce  qui  concerne  le  facré  Miniftere.  Il 
n'étoit  pas  permis  à  l'une  d'entreprendre  fur  les  droits  de  l'autre. 
Oza  fut  frappé  de  lèpre  pour  avoir  mis  la  main  à  l'encenfoir. 
Les  Prêtres  avoient  même  l'avantage  d'oindre  les  Rois  ,    de 
leur  mettre  le  diadème  fur  la  tête  &  de  leur  préfenter  le  livre 
de  la  Loi,  afin  qu'ils  fçuffent  comment  fe  conduire  ,  gouverner 
leurs  Sujets  &  refpecler  les  ?vliniftres  du  Seigneur. 
dp.  î.       VIII.  Les  Evêques  contraints  dans  ces  tems  de  troubles  de 
s'occuper  du  foin  des  affaires  féculieres,  négligeoient  les  fonc- 
tions de  leur  miniftere  ,  ce  qui  occafionnoit  la  perte  des  âmes  ^ 
Q:p.  :.  par  le  défaut  d'inftrudion  ôc  de  correction.  Le  remède  étoit  de 
faire  entendre  aux  Princes  temporels  qu'il  étoit  de  leur  devoir 
de  faire  jouir  les  Eglifes  ,  des  biens  ,  des  droits  ,  des  privilèges 
Cj}\  4.  accordés  par  leurs  prédéceffeurs.  îlconvenoit  aufii  que  les  Com- 
miffaircs  du  Roi,  avec  l'Evéque  Diocèfain,fe  rendident  danS' 
les  Monafteres  ,  tant  de  Chanoines  que  de  Moines  ôc  de  Rcli- 
gieufes ,  du  confentemcnt  de  ceux  qui  en  font  en  polfeillon  , 
pour  y  examiner  le  nombre  ôc  les  mœurs  des  Religieux  ,  leurs 
revenus,  l'état  des  lieux  réguliers,  du  tréfor ,  de  la  bibliothè- 
que,  comment   s'exerçoit   1  hofpitalité  ,  Taumône;  gu'ih  dref- 
faffent  de  tout  un  état  exatl  pour  être  envoyé  au  Roi  ,  alin  qu'il 
y  fut  pourvu  avec  le  confeil  des  Evoques  ,  ôc  que  l'on  aug- 
mentât le  nombre  des  Chanoines  ou  des  Moines   lorfqu'il  fè 
trouveroit  infutfifant.  On  devoir  aulli  lui  rendre   compte  de  la 
manière  dont  les  Abbés  exécutoient  les  ordres  des    Envoyés 
du  Roi.  Cétoit  une  précaution  ncceffairc  ,  à  caufe  que  les  Mo- 
nafteres  tomboient  fouvent  en  décadence  par  la  faute  des  Sei- 
gneurs fécuiiers  qui  les  poffédoient ,  ôc  en  abforboient  les  re- 
venus. 
Cap.  f.       I  X.  Les  pillages  qui  devenoient  de  jour  en  jour  plus  fré- 
quens  ,  occafionnoient  encore  la  ruine  des  Eglifes  ôc  des  Mo- 
naftcres.  Le  Concile  rapporte  grand  nombre  de   pdflagcs   de 
l'Ecriture  ôc  des  Pcres  j  quelques-uns  même  des  fauffes  Utcre- 


DU    NEUVIEME    SIECLE.     725 

taies,  contre  ces  fortes  de  brigandages ,  avec  ordre  aux  Evcques 
d'anathcmatifcr  les  coupables  ,  &  de  les  obliger  à  reftitution.  Il 
exhorte  le  Roi  ôc  fes  Oillciers  à  rendre  non-feulement  la  jufHce  dp.  s, 
avec  dquitc  &  à  prendre  la  défenfe  de  la  veuve ,  de  l'orphelin  , 
du  pauvre ,  mais  encore  à  réprimer  ceux  qui  par  leurs  vols  ôc 
leurs  rapines  troubloient  le  repos  public.  Surquoi  il  donne  de 
iongs  extraits  des  Capitulaires ,  aiin  que  l'on  connut  que  les  pil- 
lages &  les  rapines  n  etoient  pas  moins  contraires  aux  Loix 
humaines  qu'aux  divines.  Il  employé  auili  les  paroles  del'Ecri-  ^.'7.  7.' 
ture  6c  des  Pères  pour  montrer  la  néceilité  de  la  pe'nitence  6c 
de  la  reflitution  dans  ceux  qui  s  etoient  emparés  du  bien  d'autrui, 
foit  par  vol ,  ou  par  ufure ,  ou  par  d'autres  voyes  illégitimes. 
Puis  s'adrelfant  au  Roi  Louis  III.  il  lui  propofe  l'exemple  de  Caj).  s. 
Charlemagne  ,  qui  quoique  très-infiruit  des  liantes  Ecritures  êc 
des  Loix  Eccléliaftiques  6c  Civiles  ,  tenoit  toujours  auprès  de 
lui  trois  de  ies  plus  fages  Confeillcrs  ,  6c  mettoit  au  chevet  de 
fon  lit  des  tablettes  où  il  écrivoit  même  la  nuit  toutes  les  pen- 
fées  qui  lui  venoient  touchant  l'avantage  de  l'Eglife  ou  de  l'Etat, 
pour  les  communiquer  à  fon  Confeil.  Le  Concile  rcpréfente  au 
jeune  Prince  Louis  qu'il  ne  devoir  pas  fouffrir  que  ceux  qu'il 
s'étoit  afiociés  dans  le  gouvernement  de  fon  Royaume,  s'em-  ■ 
paradent  de  toute  l'autorité  ;  qu'il  devoir  par  fa  fageffe  s'élever 
au-deffus  de  (on  âge  ,  6c  prendre  dans  les  deux  Ordres  des  Laïcs 
&  des  Clercs ,  des  Confeillers  avec  qui  il  s'aiïemblât  chaque  mois 
pour  le  bien  de  l'Etat  &  de  l'Eglife.  On  trouve  (a)  parmi  les 
Opufcules  d'Hincmar  une  longue  exhortation  que  le  Concile 
■envoya  au  Roi ,  contre  les  ravideurs  qui  enlevoient  des  veu\  es , 
des  lîlles ,  6c  même  des  Religicufes  ;  il  y  joignit  plulieurs  extraits 
■des  Canons  fur  ce  fujer. 

X.  Le  Roi  Louis  après  la  mort  d'Odon  ,  Evêquc  de  Beau-     -^^^^'p'-^ 
vais,  avoit  fait  élire  un  Clerc  nommé  Odoacre.  On  préfenta  le  cret<iciedioii 
Décret  d'élection  au   Concile  de  Fifmcs  ,  qui  n'y  eut  aucun  ''"O^oa^^-. 
égard  ,   jugeant   Odoacre  indigne  de   l'Epifcopat.   Les  Eve-  irr^m/^r 
ques  en  écrivirent  au  Roi ,  à  qui  ils  détaillèrent  les  raifons  de  j-c-g'  >8S. 
leur  refus ,  ôc  lui  demandèrent  la  liberté  des  éledions.  La  Cour 
prit  le  parti  d'Odoacre.  Hincniar  s'oppoi'a  ;  publia  contre  llntrus 
une  Sentence  d'excommunication  avec  les  Evêques  de  fa  Pro- 
vince ,  ôc  empêcha  par-là  qu'il  ne  fut  reconnu  pour  Evêque  dô 


(  «  )  Tom.  2.  j  cpufcul,  l6  j  p.tg,  123. 

Y  y  y  y  ij 


72^  CONCILES 

Beauvais.  On  auroit  du  mettre  cette  Lettre  à  la  fuite  des  Acle9 
du  Concile  de  Fifmes  ,  mais  elle  ne  fe  trouve  que  da"ns  le  re- 
cueil des  œuvres  d'Hincmar,  parce  qu'en  effet  ce  fut  lui  qui 
l'écrivit.  Il  y  combat  une  maxime  que  quelques-uns  vouloient 
établir;  fçavoir,  que  les  Rois  font  les  maures  des  biens  de  l'E- 
glife  ,  ôc  d'en  difpofer  en  faveur  de  qui  il  leur  plaifoit.  Il  fait: 
envifager  au  Roi  Louis  de  pareils  difcours  comme  fuggerés  pat 
le  malin  Efprit ,  ôc  montre  que  fuivant  la  dottrine  des  Saints ,  les 
biens  de  l'Eglife  font  offerts  ôc  confacrés  à  Dieu  ;  que  ce  font  les 
vœux  des  Fidèles  ,  le  prix  des  péchés  ,  ôc  le  patrimoine  des  pau- 
vres ;  que  celui  qui  en  retient  une  partie  e(t  digne  du  même 
châtiment  qu'Ananie  ôc  Saphire  ;  que  les  Empereurs  Charles  ôc 
Louis  ,  convaincus  de  cette  vérité  ,  ont  défendu  dans  leurs  Ca- 
pitulaires  aux  Rois  leurs  fucceffeurs  de  faire  aucune  divifion  ni 
aliénation  des  biens  de  l'Eglife  ;  ôc  fouvent  témoigné  être  plus 
difpofés  à  les  augmenter  qua  les  diminuer.  Il  exhçrte  ce  jeune 
Prince  à  ne  point  fe  difpenfer  d'une  obligation  que  fes  pré- 
déceffeurs  avoient  reconnue,  ôc  qu'ils  lui  avoient  tranfmife, 
ôc  l'affure  que  de-là  dépendent  le  bonheur  ôc  la  félicité  de  foix 
règne. 
Conciles  ce  ■  XL  On  connoît  fept  Conciles  tenus  àLandaffen  Angleterre, 
Lnn.JaiF     en  ^^^^^  j|  i^'^f^  point  aifé  d'en  (ixer  les  années  à  cuufe  de  l'obfcurité 

Ançletene    ,  .  i  i       i  i       •       i       t-    a  o       i        n     •  •  i 

t^m.sfi^ncv.  qui  règne  dans  Ja  chronologie  des  hveques  ôc  des  Kois  qui  les 
T?.ig.  190  C-  ont  affemblés.  Au  refte  il  ne  s'y  paffa  rien  de  bien  important. 
^^■'^'  Les  A 6tes  ne  parlent  que  d'exconimunications  portées  contre 

des  parjures  ,  des  homicides ,  des  inceftueux  ôc  des  ufurpateurs 
des  biens  de  l'Eglife.  Nous  ne  remarquerons  donc  que  l'ufagede 
jurer  fur  l'Autel  par  le  Saint  des  Saints  ,  en  préfence  des  Livres 
facrés  ôc  des  Reliques  des  Saints ,  lorfqu'on  vouloit  affurer  une 
vérité  qui  n'étoit  pas  connue ,  ôc  ne  la  pouvoit  ctie  que  pat  fer- 
ment. 
.Concile  de       XII.  Le  Conciie  affembléledix-huitiémedeMaiàChâions- 
ehiions-fiir-  fur-Saône  dans  l'Eglife  de  faint  Marcel  fan  88(5,  eut  pour  but 
S'cS  le  rétabliffementdelapaix  ôc  de  la  tranquillité  publique;  ôc  de 
m- 199.        finir  quelques  affaires  particulières  entre  des  Ecclcfiafliques. 
Aurelien  ,  Archevêque  de  Lyon  ,  v  prélida  ,  aiïillé  de  Bernoin, 
Archevêque  de  Vienne  ;  de  fix  Evcques  ;  de  Leboin,  co-Evô- 
que.de  Lyon,  ôc.-d'un  Prêtre,  Chancelier  de  l'Eglife  de  fainr 
Mammert.  On  y  confirma  à  l'Abbaye  de  Charlicu  toutes  les 
dona'tions  qul'lui  avoient  été  faites  jufqucs-là,  avec  pouvoir  aux' 
Moines  de  fe  choifir  un  Abbé  après  la  mort  d'Ingelaire  qui  l'é-r 
toit  alors. . 


DU    NEUVIEME    SIECLE,      72? 

XlII.  Le  dix-feptiéme  de  Novembre  de  la  même  année.      Concile  c?« 
Théodore ,  Archevêque  de  Narbonne ,  ayant  reçu  des  Lettres  du  ^''"'"     ^" 
Pape  Efticnne  V.  contre  un  Clerc  Efpagnol  qui  avoir  ufurpé  c-ncil.    va^. 
l'Archevêché  de  Tarragone ,  &  s'étoit  t'ait  ordonner  Tans  le  con-  3?^ 
fentement  du  Métropolitain  ,  cita  Tes  Ordinateurs  ;  ils  refuferent 
de  comparoitre,  ce  qui  l'obligea  de  convoquer  un  Concile  en 
un  lieu  nommé  Port  dans  le  Diocèfe  de  Niiines.  Ils  y  furent  con- 
damnés; mais  ayant  demandé  pardon  avec  humilité,  on  le  leur 
accorda.  Quant  à  Sclva  &  à  Ermemire  qui  avoient  été  ordonnés 
contre  les  règles ,  on  les  dépouilla  avec  ignominie  de  leurs  or- 
nemens  pontiiicau.\'. 

XI  V.  L'année  fuivante  887  ^  k  premier  jour  d'Avril ,  Guil-      Concile  Je 
lebert  Archevêque  de  Coloîrne,  Francon  de'l  onF,res,  ôc  ouel-  ^„"'%".j    '■'^ 
qucs  autres  Lvcques  s  ailcmbiercnt  a  Loîogne  du  conientement  5^6. 
de  i  Empereur  Charles,  pour  régler  diverses  aHaires.  Le  Clergé 
de  Miadcn  y  envoya  des  Députés  chargés  de  prier  le  Concile 
d'ordonner  Drogon  qu'ils  avoient  élu  unanimement  pour  leur 
Evêque.  On  leur  accorda  leur  demande,  &  Drogon  fut  facré  C.:<i.  i. 
Evoque.  Francon  de  Tongres  reprefenta  que  fon  Diocèfe  fouf- 
froit  beaucoup  de  la  parc  des  Schifmatiques  &  de  ceux  quipil- 
loient  les  Eglii'es.  Le  Concile  renouvellant  les  anciens  Canons,  On.  t. 
menaça  danatliême  les  auteurs  de  ces  violences,  fi  pour  le  pre- 
mier Synode  qui  devoir  fe  tenir  à  la  Fête  de  f'aint  Jean-Baptiile , 
ils  ne  fe  foumettoient  à  la  pénitence ,  félon  les  Statuts  des  Pères. 
On  rapporta  pluiîeurs  de  ces  Statuts,  dent  un  eft  tiré  de  la  faulfe  Can.  3, 
Décrétale  du  Pape  Anaclet;  les  autres  des  Conciles  de  Tolède 
&  des  Capitulaires  ;  &  on  fit  défenfes  à  tout  Laïc  de  rien  donner  Can.  4^ 
ni  prendre  des  biens  des  Eglifes  fans  la  permilîion  de  l'Evcque 
dans  le  territoire  duquel  ces  Eglifes  font  lituées.  Ce  Concile  re- 
nouvelle encore  les  anciens  Canons  contre  les  mariages  incef- 
tueux ,  contre  les  adultères  &  contre  les  Vierges  qui  après  s'ê- 
tre confacrées  à  Dieu  vivoient  dans  le  libertinage.  Liudbert  Ar- 
chevêque de  Cologne  ôc  faint  Rambert  Evêque  de  Hambourg  , 
donnèrent  leur  confentement  à  tout  ce  qui  fut  réglé  dans  ce 
Concile,  apparemment  par  Députés,  n'ayant  pu  y  être  préfens 
en  perfonne. 

X  V.  Raoul  ou  R.odolphej  fils  de  Conrad  lî.  s'étant  emparé  Concile 

du  Pays  d'entre  les  Alpes  &  le  Mont  Jura  en  S 88  ,  convoqua  la  t''l'?*'V  '"" 

A  '  A/Tii'i       1^   •  oit-    A  \   t^  ■        n"S,  icin  p 

même  année  une  Atlemblce  de  Seigneurs  &  d  n-vcques  a  iaiat-CotcL  -,1/ 
Maurice  en  Valais,  où  il  fe  fit  élire  &  couronner  Roi.  La  céré-;  -s^o^  «'^'■.^•^C 
monie  unie  ,  ii  envoya  des  Députés  dans  les  Etats  de  Lothaire  "''-""'^  '*''^' 

Y  y     y  nj 


1^6  CONCILES 

pourfe  rendre  favorables  les  Seigneurs  fie  les  Evêques.  C'ed  tout 
ce  que  Reginon^  Abbé  dePrum,qui  vivoit  alors  ,  nous  apprend 
de  ce  Concile. 
Concile  de       XVI.  Jl  s'en  tint  un  la  même  année  à  Tvlayence  par  ordre 
cl7^"/^    ^"  d'Arnoui ,  qui  venoit  d'être  reconnu  Roi  de  Germanie.    Les 
Ccncil.    l'ag.  Archeveques  de  Mayence ,  de  Cologne  &  de  Trêves  s'y  trouve- 
4°'.  rent  avec  leurs  SufFragans.  On  y  fit  vingt-fix  Canons,  qui  font 

précédés  d'une  préface  ,  où  l'on  fait  une  tride  peinture  des  cala- 
mités de  l'Eglife  ,  les  Temples  détruits,  les  Autels  renverfés, 
foulés  aux  pieds  ,  les  ornemens  facrés  diiFipés  ou  confumés  par 
le  feu  ;  les  Evêques  &  les  autres  Miniftres  des  Autels  mis  à 
mort  par  le  fer  ou  par  le  feu  ;  les  Moines  ôc  les  Religieufes 
diperfés  ,  fans  fecours  &  fans  Fadeurs;  les  pauvres  opprimés  ; 
on  ne  voyoit  que  pillages  ,  que  rapines  ,  que  meurtres  :le  Pays 
;Cm.  I ,  î  ,  3.  étoit  réduit  en  folitude.  Les  Evêques  dans  ces  circonftances  s'ef- 
forcèrent de  remettre  en  vigueur  les  anciens  Canons  ,  6c  après 
avoir  ordonné  que  l'on  feroit  des  prières  générales  pour  la  prof- 
périté  du  règne  du  Roi  Arnoul ,  &  lui  avoir  repréfenté  les  devoirs 

■Can.  4.  de  la  Royautéjils  déclarèrent  que  la  dot  des  Eglifes  ne  demeureroit 
point  au  pouvoir  des  Fondateurs ,  mais  d-^s  Evêques  ;  qu'un  Prê- 
5-  ti-e  qui  fe  feroit  fait  pourvoir  d'une  Eglife  par  argent  feroit  dé- 
pofé;  que  l'on  ne  pourroit  confier  la  delTerte  d'une  Eglife  à  un 
Prêtre  ,  ni  ne  la  lui  otcr ,  fans  le  confentement  de  TEvêque  ;  que 
:Car..6 ,7.  l'on  anathématiferoit  les  ufurpateurs  des  biens  de  l'Eglife  ôc  des 
Monaderes  ;  que  l'on  chalTeroit  de  l'Eglife  ceux  qui  auroient 
maltraité  ou  calomnié  un  Clerc. 

■Can.  S,  XVII.  Arnon,  Evêque  de  Virzbourg,  fe  plaignit  que  des 
fcéiérats  s'étoient  faifis  d'un  Prêtre  vénérable,  lui  avoient  coupé 
le  nez  ,  &  rafé  les  cheveux  ,  &  donné  tant  de  coups,  qu'il  étoit 
redé  à  demi  mort  fur  la  place.  Le  Concile  les  excommunia,  ré- 
fcrvant  à  leurs  propres  Evêques  de  les  abfoudre  après  une  péni- 

;Can.  9-  tence  convenable.  Il  défendit  de  célébrer  la  MclVe  ailleurs  que 
dans  les  lieux  confacrés  par  l'Evêque  ;  permettant ,  au  défaut 
d'Eglife  ,  de  la  dire  dans  des  Chapelles ,  &  même  en  plein  air 
dans  les  voyapcs  ,  fur  une  pierre  d'Autel  confacrée.  Les  anciens 

Gi7i.  10,  Canons  avoient  permis  aux  Clercs  de  loger  chez  eux  leurs  plus 
proches  parentes  :  on  leur  défend  ici  de  loger  même  leurs  propres 

£an.  12.  fœurs.  Un  Evoque  ne  fera  point  condamné  que  fur  la  dépofition 
de  foixante-douze  témoins  fans  reproclics  ;  un  Prêtre  fur  la  dépo- 
fition de  quarante-deux; un  Diacre  fur  la  dépofition  de  vingt-fix, 

Çcn.  13.  ÔC  ainfi  des  Minidres  inférieurs  à  proportion.  On  ne  privera  pas 


DU    NEUVIEME    SIÈCLE.     727 

les  anciennes  Eglifes  de  leurs  dixmes  ni  de  leurs  autres  revenus 
pour  en  fonder  de  nouveaux  Oratoires.  Les  Evéques  n'entre-  Cm.  14,  ly. 
prendront  rien  fur  les  ParoiOes  d'un  autre  Diocèfe  fans  le  confen- 
tement  de  l'Ordinaire. 

XV  III.  La  pénitence  de  celui  qui  aura  tué  un  Prêtre  cfl  Cw.  \6. 
prefcrite  en  cette  manière  :  il  ne  mangera  point  de  chair  &  ne 
boira  point  de  vin  toute  fa  vie.  Il  jeûnera  tous  les  jours  jufqu'au 
foir,  excepté  les  Dimanches  &  les  Fêtes.  Il  ne  portera  point 
les  armes  ,  &  fera  tous  fes  voyages  à  pied.  L'entrée  de  l'Hglifc 
lui  fera  interdite  pendant  cinq  ans  ;  ôc  durant  la  Meffe  ôc  les  au- 
tres Oflices  il  demeurera  à  la  porte  ,  priant  Dieu  de  l'abfoudre 
d'un  fi  grand  crime.  Les  fept  années  fuivantes  il  entrera  dans 
l'Eglife ,  fans  y  recevoir  la  Communion ,  ôc  prendra  place  parmi 
les  Auditeurs.  Après  douze  ans  de  pénitence,  on  lui  accordera 
la  Communion  ;ôc  alors  il  ne  fera  plus  fa  pénitence  que  trois  fois 
la  femaine.  Le  Concile  fournit  à  l'anathême  un  nommé  Alte-  Caî.  rS.- 
jnannus  qui,  après  avoir  été  féparé  par  autorité  de  l'Eglil'e  de  fa 
commère  fpiritueHe,  qu'il  avoit  époufée  contre  les  régies  ,  l'a- 
voit  reprife  pour  fa  femme.  Les  autres  Canons  ne  font  que  des 
extraits  des  anciens  Conciles. 

XIX.  La  première  année  du  règne  d'Arnou! ,  c'ed-à-dire  en     Concile  is- 
8S8  ,  on  tint  un  Concile  à  Metz  dans  l'Eglife  de  f.iint  Arnoui ,  ^''-^'^  ^■"  ''^^* 
fituée  alors  dans  un  des  Fauxliourgs  de  cette  Ville.  Ratbod  , 
Arclievêque  de  Trêves,  y  préfida  ,  accompagné  de  Robert, 
Evêquc  de  Metz  ,    des  Evêques  de   Toul  &  de  Verdun  fes 
Suffragans,  de  l'y^bbé  Eftienne  &  de  piufieurs  Prêtres.  Il  s'y 
trouva  aufii  des  Comtes  &  d'autres  perfonnes  nobles,  rccom- 
mandables   par  leur  piété.  Les  Evêques,  comme  ceux  du  Con-  Cm.   i.- 
cile  de  Mayence  ,  attribuent  les  guerres  &  les  autres  calamités 
publiques  à  l'interruption  des  Conciles  Provinciaux  ,  &  fe  plai- 
gnent en  parti(^uiier  des  maux  qu'ils  avoicnt  foufFérts  de  la  part 
des  Normands  ,  ô^uils  foulrroienr  encore  de  tous  cotés  de  la 
part  des  mauvais  Chrétiens.  Ne  trouvant  point  d'autres  armes 
pour  les  réduire  aux  devoirs  que  le  glaive  fpirituel,   ils  firent 
treize  Canons,  dont  voici  la  fubftance.  Défenfe  aux  Seigneurs  Cw,  i;- 
Laïcs  de  prendre  aucune  portion  des  dixmes  de  fon  Egiife, 
c'efl-à-dire  de  celle  dont  il  eft  Patron.  C'ell:  au  Prêtre  qui  la 
deflfert  à  les  tirer,  tant  pour  fa  fubfillance  que  pour  le  lumi- 
naire, l'entretien  de  l'Eglife  &  des  bâtimens,  la  fourniture  des  . 
ornemcns  &  toutes  les  chofcs  nécelTaires  au  facré  miniflere.  Ihi 
Prêtre  ne  pourra  a\oir  deux  Eglifes,  fi  ce  n'efl  une  ChapelleO?.  ;. 


728  CONCILES 

qui  dépende  anciennement  de  fa  Paroifle,  ou  quelque  Eglife 
adjacente  &  unie  à  cette  ParoiiTe  ;  car  c  ed  beaucoup  s'il  peut 
en  gouverner  une  avec  fruit,  &  il  ne  doit  point  fe  charger  des 
âmes  dans  la  vue  de  fon  intérêt  temporel. 

Cvi.  4.       XX.  On  n'exigera  point  de  cens  des  terres  données  pour  la 

.Cm.?,  fépulture ,  ni  argent  pour  Ja  fépulture  môme.  Les  Pmtres  ne 
logeront  aucune  femme ,  pas  mêrne  leur  mère  ni  leurs  fœurs. 

Cw.  e.  Ils  montreront  à  leur  Evêque  dans  le  prochain  Synode  leurs 
livres  &  leurs  habits  facerdotaux  ;  conferveront  le  faint  Chrême 
feus  la  clef,  ne  porteront  point  d'armes  ni  d'habits  laïcs.  On 
n'admettra  pas  deux  parains  dans  le  Baptême  ,  mais  un  feul  qui 
fçache  les  renonciations  que  l'on  y  fait,  &  la  profeliion  de  la 

Can.  7.  foi  Catliolique.  Sur  la  requête  en  plainte  contre  les  Juifs ,  pré- 
fentce  parGontbert,  Primicier  de  l'Eglife  de  Metz,  il  fut  dé- 
fendu aux  Chrétiens  de  manger  avec  eux  ,  &  de  recevoir  d'eux 

^Qin.8.  ce  qui  peut  être  bu  ou  mangé.  Il  fut  aulfi  défendu  aux  Prêtres 
de  dire  la  PvîefTe  dans  des  lieux  non  confacrés  ;  &  ordomié  de 
confccrer  les  Eglifes  qui  avoient  été  confacrces  par  des  co-Evê- 
ques.  Deux  Kdigieuiés  convaincues  de  crimes,  avoient  été 
chafTées  du  Monailere  de  faint  Pierre  fans  leur  donner  de  voile  : 

■Can.  $.  Le  Concile  ordonna  qu'on  leur  rendroit  le  voile  ,  ôc  qu'on  les 
mettroit  en  prifon  dans  le  Monailere,  où  elles  auroient  pour 
nourriture  un  peu  de  pain  &  d'eau,  ôc  beaucoup  d.inftrudions, 
jufqu'à  ce  qu'elles  euflent  fatisfait.  On  ordonna  encore  la  prifon 
à  un  Diacre  convaincu  de  facrilege,  &  on  lui  interdit  le  faint 
miniitere. 
-Can.  lo.  XXL  Une  Dame  ,  aidée  de  fon  frère ,  avoit  quitt,é  fon  mari. 
•Le  Curé  de  la  Paroifle  étant  allé  chez  eux  pour  faire  ceffer  ce 
fcandale  ,  ils  Le  mutilèrent.  Cités  au  Concile  j  ils  refuferent  de 
,Ci/;.  II.  çomparcitre.  C.'eft  pourquoi  on  les  e;ccommunia.  On  prononça 
^ulli  Sentence  d'exconiitiunication  contre  les  pillards  qui  rava- 
geoicnt  la  Province,  ôc  deux  particuliers  qiii  avoient  Contracté 
.Can,  M.  des  mariages  illégitimes  ;ôc  on  renouvella  les  défenfes  de  com- 
muniquer avec  les  excommuniés  ;  mais  on -excepta  leurs  Serfs, 
Jcurs  Affranchis  ôc  leurs  Vaiïaux.  Le  Concile  allègue  l'autorité 
de  la  Lettre  de  fiint  Clément  à  faint  Jacques  ,  qu'on  reconnoît 
pour  fuppofée.  Le  dernier  Règlement  porte  un  jeune  de  trois 
jours  avec  des  prières  pour  le  Roi  Arnoul ,  pour  la  paix  ôc  pour 
la  convcrfion  des  pécheurs. 
.■Concîlc  (le  XXI  J.  La  Rcinc  Ermengarde  s'étant  alTemblée  à  Varennes 
avec  plufieurs  Evêques  6c  les  Seigneurs  de  la  Cour  de  Louis, 

fils 


V.ireni  c 
pis ,  '■en..  9 


DU  NEUVIEME  SIECLE.  729 
fils  de  Bofon  ;  Bernon  ,  i\bhé  de  Gigny  ,  dans  le  Diocî^fe  de  Condl.  pug. 
Lyon  ,  fe  plaignit  qu'un  nommé  Bernard  ,  Vaiïal  de  cette  Pria-  ''''* 
cefTe  ,  s'étoit  emparé  de  la  Celle  de  la  iBaume  ,  qui  appartenoit 
au  Monadere  de  Gigny  par  conceCùon  du  Roi  Rodolphe.  Ber- 
nard .cité  devant  le  Concilf  j  repondit  que  Louis,  iils  de  Bofon, 
lui  en  avoitfait  donation.  Les  deux  parties  ouies ,  la  Celle  de 
la  Baume  fut  adjugée  à  Bernon  6c  à  fes  Moines.  Ermengarde 
foufcrivit  à  ce  jugement,  &  après  elle  Rofiaing  ,  Archevêque 
d'Arles;  Andrade  ,  de  Châlons-fur-Saone  ;  Ilaac,  de  Grenoble, 
puis  les  Seigneurs  Laïcs.  On  met  cette  AflTcmblée  en  SSp  , 
parce  que  Louis  n'y  e(t  point  qualiiié  Roi ,  &  qu'il  ne  le  fut  que 
l'année  iuivante-  Mais  il  fenible  (a)  qu'on  ne  peut  la  mettre- 
au  plutôt  qu'en  894.  ,  puifque  le  Dipiome  du  Roi  Rodolfe 
portant  la  donation  de  cette  Celle  au  Monaftere  de  Gigny  ,  eu 
datte  de  cette  année-là ,  qui  étoir  la  feiziéme  du  règne  de  ce 
Prince.  Si  Louis  n'eft  pas  qualifié  Roi  dans  ce  Concile,  ce  n'eil 
pas  qu'il  n'en  eût  le  titre.  L'Empereur  Charles  le  lui  avoit  donné 
avant'i'an  88p,  comme  il  efl  dit  dans  les  Ades  du  Concile 
fuJvant. 

X  X  î  IL  En  890  Bernoin  ,  Archevêque  de  'Vienile  ,  in  un  ■<"'•'•'' ''^  «î* 
voyage  à  Rome  ,  où  il  repréfenta  au  Pape  Ëllienne  V.  le  fâcheux  8)oTibtd.va^^ 
^tat  du  Royaume  depuis  la  mort  de  l'Empereur  Charles.  Touf  4*4- 
y  étoit  dans  le  trouble,  faute  de  Maître^  pour  gouverner  ;  &  les^ 
Habitans  fe  voyoient  expofés  au  pillage ,  tant  de  la  part  des 
Normands  que  des  Sarralins.  Le  Pape  touché  jufqu'aux  larmes, 
écrivit  aux  Evêques  de  la  Gaule  Cilalpine  de  proclamer  unani- 
mement  Roi  Louis,  fils  de  Boî'on.  Ce  fut  le  motif  du  Concile 
de  Valence  tenu  la  même  année.  Aurelicn  de  Lyon,  Rouaing 
d'Arles,  A.rnaud  d'Embrun  ,  &  Bernoin  de  Vienne,  y  afilflerent 
avec  plufieurs  autres  Evoques ,  qui  s'accordèrent ,  fuiva-nt  le 
confeil  d'Efiienne  V.  à  .choifir  &  à  facrer  Pvoi  Louis,  fils  de 
Bofon  ,  ôc  d'Ermcngarde,  (ille  de  l'Empereur  Louis  II.  Quoi- 
qu'il ne  fut  pas  d'un  âge  à  réprimer  les  entreprifes  des  Barbares, 
n'étant  âgé  que  de  dix  ans  ,  on  comptoit  fur  les  bons  confeiîs 
de  la  Nobleiîe  ,  ôc  furtoutde  fon  oncle  Richard  ,  Duc  de  Bour- 
gogne, ôc  de  fa  mère  la  Reine  Ermengarde. 

,  XXIV.  Il  eft  parlé  dans  Luitprand  ,  dans  Adam  de  Brème     rrmdle  âe 
•ôc  dans  Flodoard ,  d'un  Concile  tenu  à  Vormes  par  ordre  du  Y'^^fj    ^^ 


Tome  XXII.  Zz  zz 


4iS. 


73©  CONCILES 

Pape  Eftienne  V.  Voici    quelle  en  fut  roccafioti.   HermatTy 
Archevêque  de  Cologne  ,  avoit  envoyé  des  plaintes  au  faine 
Siège  contre  Adelgaire,  Evêque  de  Hambourg  &  de  Brème  , 
qui  de  fon  coté  en  envoya  auiii  contre  Herman  ,  qu'il  accufoit 
dt^ntreprendre  fur  les  droits  de  fon  Egiife.  Adelgaire  Ht  même 
le  voyage  de  Rome  pour  être  plus  à  portée  de  foutenir  fon  droit 
fur  f  Ëglife  de  Brème  que  Herman  lui  conteftoit.  Le  Pape  cita 
lierman  à  Rome.  N'ayant  point  comparu,  Eftienne  écrivit  à 
Foulques  ,  Archevêque  de  Reims ,   de  tenir  en  fon  nom  un 
Concile  à  Vormes  ,  où  les  Archevêques  de  Cologne  ôc   de 
JMayence  dévoient  alfifler  avec  leurs  Suffragans  6c  Adelgaire  , 
afin  que  les  droits  des  parties  fuffent  examinés  en  leur  prélence. 
On  ne  fçait  point  ce  qui  fut  décidé  alors  ;  mais  dans  le  Concile 
de  Tribut,  en  89  j  ,  on  caffa  l'érctlion  de  Hambourg  en  ?»lé- 
tropole  &  fon  union  avec  Brème  ,  qui  fut  réduit  à  un  fimple 
Evêché  foumis  à  TArchevêque  de  Cologne. 
Concile       XXV.  Le  Roi  Alfrede  étant  mort  le  vingt-huitième  d'Oc- 
ti'Angieterre    tobrc  ço  I  ,.  Edcuard  fou  fils  aîné  lui  fuccéda.  11  eft  c^nnu  dans 
^ar°j°z-l%'.  l'Hifloire  fous  le  nom  d'Edouard  le  Vieux.  Dès  le  commence- 
ment de  Ibn  règne  il  convoqua  un  Concile  ,  auquel  Piegmond,. 
Archevêque  de  Cantorberi ,  préfida.  On  y  lut  des  Lettres  du: 
Pape  Formofe  ,  contenant  de  grandes  plaintes  contre  îe  Roi, 
de  ce  qu'il  n'y  avoit  point  d'Evêques  depuis  fept  ans  dans  tout 
le  Pays  de  Gevifes ,  ou  d'Oueflex.  Le  Roi  &  les  Evêques  du 
Concile  choifirent  donc  un  Evêque  pour  chaque  Province  de  ce 
Pays  5  Ôc  diviferent  deux  Evêchés  en  cinq  ;  mais  avant  que  d'or- 
donner ces  nouveaux  Evêques  ,  Piegmond  fut  chargé  de  porter 
à  Rome  le  Décret  du  Concile,  avec  des  préfens  pourlc  Pape. 
Le  Décret  fut  approuvé  ,  &  Piegmond  à  ibn  retour  ordonna  à 
Cantorberi  fept  Evêques ,  pour  autant  de  Provinces.  Guillaume 
de  Malmelburi  met  ce  Concile  après  l'an  904.,  &  le  Regidre 
de  l'Eglife  de  Cantorberi  en  poj.  Il  y  ell:  dit   que   le  Pape 
Formofe  ratifia  le  Décret  du  Concile  d'Angleterre  dans  un- 
Synode  qu'il  tint  à  faint  Pierre,  pour  le  rendre  puis  fiable. 
^     M    j.       XX  VLP.endant  la  tenue  du  Concile  quele  Roi  Eudes  avoit 

Concile  de        ■'*•  ^        ,  v   ,,  r      t     ■        1         1     t>-       v  r     1/-.  i  ' 

Mtunenijoi,  convoquc  a  Meun-lur-Loire  dans  le  l)ioc;;led  Orléans  cnpoi  , 
iirid.i'o^.ii--  ]es  Moines  du  Monafiere  defaint'Pierre  dans  le  Fauxbourg  de 
Sens,,  préfentorcnt  une  requête  en  plainte,  portant  que  les 
Evêques  de  cette  Ville  leur  donnoient  fouvent  des  Abbés  tirés 
^'autres  TVÎonaTleres  ,  ce  qui  leur  avoit  caufé  de  grands  dom- 
maj^es.  Le  Concile  eut  cg;vrd  à  leur  remontrance  j  &  à  la  pnexe 


DU    NEUVIEME    SIECLE,    tji 

•même  de  Gautier,  alors  Archevêque  de  Sens,  il  fut  ordonné 
que  conformément  à  la  Règle  de  faint  Benoît  6c  aux  anciens 
Canons,  on  n'ordonneroit  à  l'avenir  aucun  Abbé  pour  le  Mo- 
naftere  de  faint  Pierre ,  qu'il  n'eût  été  élu  librement  par  la 
Communauté.  Seize  ,  tant  Evoques  qu'Archevêques  ,  foufcri- 
virent  à  ce  Décret  ;  Gautier  de  Sens  à  la  tête. 

XX  VU.  En  8i?2  les  deux  Légats,  Pafchal  &  Jean  ^  que    ^Concile  d« 
Formule  avoit  envoyés  en  France ,  tinrent  par  fon  ordre  un  syil^i'w.M?^. 
Concile  à  Vienne,  où  ils  préfiderent.  Il  s'y  trouva  plufieurs  453. 
Evêques,  entre  autres   Bernoin,  Archevêque  de  Vienne ,  & 
Aurelien  de  Lyon  ,  avec  deux  Evêques  ;  l'un  de  Valence  ,  l'au- 
tre de  Grenoble.   Le  Concile  fit  quatre  Canons,  qui  portent  Cm.  i. 
que  les  Séculiers  qui  continueront  à  s'emparer  des  biens  del'E- 
glife ,  feront  excommuniés  ;que  l'on  foumettra  à  la  même  peine  Cm.  z. 
les  Laïcs  qui  auront  tué  ,  ou  mutilé  ,  ou  deshonoré  un  Clerc  , 
■ou  lui  auront  coupé  quelque  membre;  que  l'on  punira  de  même  Cm.i^ 
ceux  qui  auront  fraudé  les  legs  pieux  faits  par  un  Evêque  ou  par 
un  Prêtre.  Il  y  avoit  des  Séculiers  qui  donnoient  ou  offroient  Cm.  4. 
des  Eglifés  fans  le  confentement  des  Evêques,  &  qui  exigeoient 
■des  Prêtres  les  droits  d'entrée  dans  un  Bénéfice  ;  le  Concile 
défend  tous  ces  abus. 

XXVIII.  Foulques ,  Archevêque  de  Reims  ,  alTembla  un      Coxi<^Ai  de 
oncile  en  Spa,  ou  de  lavis  desliveques  ôc  des  Seigneurs  qui  ihià.-çi-'.M\, 

y  affifterent ,  il  fit  proclamer  Roi  le  jeune  Prince  Charles,  fils  de 
Louis  le  Bègue  &  d'Adélaïde,  quoiqu'il  ne  fut  âgé  que  de  qua- 
torze ans.  Il  fut  facré  au  mois  de  Janvier  de  l'année  fuivante; 
mais  il  ne  jouit  que  d'une  partie  de  fes  Etats  ,  parce  que  le  Roi 
Eudes  s'étoit  emparé  de  l'autre.  11  fut  réfolu  dans  le  môme 
•Concile  d'excommunier  Baudouin  ,  Comte  de  Flandres,  con- 
vaincu de  plufieurs  crimes  :  mais  on  crut  devoir  fufpendre  l'exé- 
cution de  cette  Sentence,  fur  ce  qu'il  pouvoir  être  utile  à 
i'Eglife  ôc  .î  l'Etat  dans  les  circonflances  préfentes.  On  fe  con- 
tenta donc  de  l'avertir  de  fe  corriger ,  &  on  lui  en  donna  le 
■tcms. 

XXIX.  Nous  apprenor^s  de  Flodoard  que  le  Pape  Formofe      Concile  Je 
affembla  un  Concile  à  Rome  le  premier  de  Mars  895 ,  auquel  '■-^m«enS93, 
il  invita  Foulques ,  Archevêque  de  Reims.  Il  paroît  qu'il  y  fut  '       '^^'  * 
queftion  davifer  aux  moyens  de  pacifier  les  troubles  occafion- 

îiés  par  de  nouvelles  erreurs  que  l'on  répandoit  de  toutes  parts,. 
&  par  des  fchifmes  qui  s'élevoient  dans  I'Eglife  de  Coiiûaiiti-» 
nople  ôc  en  Orient. 

Z  z  2;  z  i; 


732  CONCILES 

Concile  de       XXX.  Adalgaire  ,  Evêque  d'Autun  ,  étant  mort,  il  fe  r^- 
Chalons-fur-  pendit  un  bruit  qu'il  avoit  été  emooifonné  par  Gerfroi ,  Diacre 

Saône  en  894,   *„     t. /r    •         1      t^i      •  •  •  '  /    1  Tt         r  1 

ibid.pagAî?;  ^^  /Mome  Qc  rlavignvj.  qui  avoit  exerce  dans  ce  Monaltere  les 
&  a;ji/rf  Ah-  fonctions  de  Prévôt.  Une  accufation  de  cette  nature  caufa  un 
itù.  hb.  ;.; ,  f^-jjp.^gjg  ^^y^^  toute  l'Eslifc  de  Fraiice.  Gerfroi  fe  iuliiiia  d'abord 
?9,l)j.j.  z'jx'  auprès  de  Waion ,  fucceffeur  d' Adalgaire  ;  mais  l'Evêque  n'ofant 
*"  fe  charger  feul  de  la  décifion  d'une  aifaire  (i  importante  ,  la  ren-» 
voya  au  jugement  de  fes  Comproyinciaux.  Ils  s'affemblerent 
à  Châlons  dans  l'Egiife  de  faint  jean-Baptifte  le  i  jour  de  Mai 
85)4.  Aurelien  de  Lyon  préudoit;  ôc  dans  les  Actes  de  ce  Coa- 
cile  il  efl  qualifié  Primat  de  toute  la  Gaule.  Les  autres  Evoques 
écoient,  Walon  d'Autun  ,  Ardrard  de  Châlons ,   Gerauid  de 
Mâcon.  Teutbold  de  Langres  n'y  alFifta  que  par  fes  Députés. 
Gerfroi  fe  préfenta  ;  fa  caufe  fut  examinée  ;  on  ne  trouva  aucune 
preuve  contre  lui;  il  ne  parut  aucun  accufateur  après  trois  pro- 
clamations. Il  fut  donc  arrêté  que  pour  faire  ce(Ter  le  bruit  fcan- 
daleux,  Gerfroi  fe  purgeroit  du  crime  dont  il  étoit  accufé  au 
premier  Synode  ,    en  recevant  des  mains  de  Walon  la  fainte 
Communion  ,  pour  témoignage  de  fon  innocence.  Le  Synode 
fe  tint  dans  le  iMonaftcre  de  Flavigny  ;  Walon  célébra  publi- 
quement la  Meflc  dans  TEglife  de  faint  Pierre  ;.  &  Jtyant  fait 
avertir  Gerfroi  de  s'approcher  de  la  Communion,  ou  de  s'en 
retirer  félon  le  ténicignage  de  fa  confcience,  il  s'approcha  ,  6c 
prenant  Dieu  à  témoin  &  le  prix  de  notre  rédemption  qu'il  al- 
îoit  recevoir ,.  il  reçut  en  préfence  de  tout  le  monde  le  Corps 
de  Jefus-Chrift.  Comme  il  ne  lui  en  arrivoit  point  de  mal, 
Waion  lui  en  donna  un  a£te  auteurique,  qu'il  foufcrivit  avea 
Ardrard  de  Châlons  ,  &  Gerauid  de  jMàcon. 
Concile  r'e       X  X X I.  Au  mois  de  Mai  de  l'an  S^  ^  ,  le  Roi  Arnoul  afren> 
Vf°^\ùm.T  ^^^  ^^^  ^^^^  Palais  de  Tribur  près  de  Mayence,  un  Concile 
C^rxil    pag.  général  de  tous  lés  Etats.  Il  s'y  trouva  vingt-deux  Evoques.  Ds 
*>3'  ce  nombre  étoient  les  Archevêques  de  Mayence,  de  Cologne 

&  de  Trêves  ,  qui  fignerent  les  premiers.  Quoiqu'il  y  eut  auOi 
piufieurs  Abbés,  il  ne  paroît  point  de  foufcriptions  de  leur  parc. 
Le  Concile  fut  précédé  d"ui"i  jeihne  de  trois  jours,  de  proccf- 
fions  ôc  de  prières  publiques.  Le  jour  de  l'Aflemblcc  les  Evo- 
ques dépotèrent  au  Roi  pour  fçavoir  sil  étoit  dans  ledciTein  de 
protéger  i'Egiilc  ,  ôc  d'en  augmenter  l'autorité.  Le  Roi  leur 
envoya  des  Seigneurs  de  ù  part  pour  leur  dire ,  qu'ils  ne  s'appli- 
Gyiafrent  qu'aux-  fondions  de  leur  Miniflere,ôc  qu'ils  le  trouve^ 
roient  toujours  prêt  à  les  défendre.  Sur  cela  les  Ev£ques  [9 


DU  NEUVIEME  SIECLE.  7^5 
levèrent,  firent  des  prières  &  des  acclamations  pour  ce  Prince. 
On  Ibnna  les  cloches.  On  chanta  IcTeDeum.  l'uis  lesEvcques 
s"ctant  inclinés  devant  les  Dcputds  du  Roi ,  iij  les  chargèrent  de 
lui  témoigner  leur  reconnoilKince.  Comme  ils  commençoient  à 
traiter  les  affaires  de  l'Cglife,  le  Roi  entra  dans  ic  Concile.  Il  fut 
admis  aux  délil-etations  ,  ôc  de  fon  côté  il  admit  les  Evêques  à 
fon  Confeil  ;  enforte  que  tout  fe  paiTa  d;;ns  le  Concile  avec  una- 
nimité. 

XXXII.  On  y  fit  cinquante-b.uit  Canons  ,  qui  tendent  f,^''^"."  ^^ 
prefquc  tous  a  réprimer  les  violences  &  l'impunité  des  crinie?. 
Un  Laïc  avoit  rendu  aveugle  un  Prctre,  fous  prétexte  d'un  crime  c«.  1. 
dont  il  étoit  innocent  ;  l'Evcque  avoit  cité  ce  La'ic  à  fon  Synode, 
mais  il  en  avoit  appelle  au  Concile.  Le  Prêtre  uenîanda  jufhce 
aux  Evêques ,  qui  députèrent  au  Roi  pour  fçavoir  ce  que  l'on 
ordonneroit  de  ce  Laïc ,  &  des  autres  pécheurs  e.xccmmunieVqui  • 

refufoicnt  de  f.iire  pénitence,  &  lui  envoyèrent  en  même-ttms 
l'extrait  des  Canons  qui  défendent  de  communiquer  avec- les 
excommuniés.    Le  P..oi  ordonna    à    tous  les  Comtes  de  fon  Can.  ;. 
Royaume  de  fe  faifir  de  tous  les  excommuniés  qui  ne  ie  fcu- 
mettoient  pas  à  la  pénitence,  ôc  de  les  lui  amener.  Rajouta  que 
il  quelques-uns  d'eux  vencient  à  être  tués  en  fe  révoltant  contre 
ceux  qu'on  envoyeroit  pour  les  prendre,  les  Evcaues  n'impo- 
feroicnt  aucune  pénitence  à  ces  Envoyés;  ôc  que  de  fon  coté  il 
ne  permettroit  pas  qu'on  leur  Fit  payer  la  compofition  des  Lcix, 
ni  quelesparens  des  morts  en  pourfuiviflent  la  vengeance.  Le 
Concile  régla  la  compofition  que  devoit  payer  celui  qui  avoit  C".i/!.  4. 
bleiïé  ou  maltraité  un  Prêtre  ;  &  à  l'égard  de  cekii  qui  en  avoit 
tué  un ,  il  prefcrivit  une  pénitence  ,  à  peu  près  dans  les  mêmes  Cm.  y. 
termes  qu'elle  avoit  été  réglée  dans  le  leiziémc  Canon  du  Con- 
cile deAIayencecn  8S8,  rapporté  plushaut. 

X  X  XI I  ï.  Celui-là  eit  coupable  de  facrilege  ^  qui  entre  Can.  6. 
dans  le  vefiibule  de  l'Egiife  l'épée  nue.  C'en  efc  un  ci'eniever 
l'argent,  ou  les  meubles  de  l'Egiife.  Quant  aux  biens  qu'elle  pof-  Cm.  7^ 
fede  au-dehors ,  les  Comtes  doivent  contraindre  ceux  qui  s'en 
font  emparés  à  les  reftituer.  A  leur  défaut ,  les  Evêques  procé- 
deront a  cette  reflitution  par  les  voyes  cationiqucs.  Celui  qui  Cin.  8. 
méprife  le  ban  de  l'Evèque,  c'eft-à-dire,  ia  citation,  jeûnera 
quarante  jours  au  pain  ôc  à  l'eau.  Si  le  jour  que  l'Evêque  ,  dans  c.m.  9-. 
le  cours  de  fa  vifite,  a  marqué  pour  tenir  fon  Audience ,  fe  ren- 
contre avec  celui  que  le  Comte  a  indiqué  pour  la  fienne,  tout  le 
peuple  obéira  à  i'Evêque  préferabienient  au  Comte,  qui  fera; 

Z-zzz  lij 


17 


754  CONCILES 

obligé  lui-même  de  fe  trouver  à  l'Audience  del'Evêque,  mais 
dans  le  lieu  de  la  réfidence  de  l'Evcque.  On  aura  égard  à  celui 

Cw.  ic.  des  deux  qui  aura  indiqué  le  premier  fon  Audience.  Un  Evêque 
ne  pourra  être  dépofé  que  par  douze  Evêques  ;  un  Prêtre  par  (îx  ; 

Ctn.  n.  un  Diacre  par  trois.  Le  Clerc  qui  aura  fait  un  homicide  ,  même 
par  contrainte  ,  fera  dépofé ,  foit  qu'il  foit  Prêtre  ou  Diacre  ;  mais 
s'il  n'a  été  que  préfent  à  Thomicide  ,  fans  y  avoir  participé  en 
aucune  forte  ,  il  demeurera  dans  fon  grade.  Les  jours  defdnésau 

Cm.  lî.  Baptême  folemnel ,  font  les  Fêtes  de  Pâques  &  de  la  Pentecôte. 
On  pouvoitle  conférer  en  tout  autre  tems  ,  en  cas  de  néceflité. 
Il  fe  donnoit  encore  alors  par  la  triple  immerfion.  On  fuivoit 

■Cm.  t;.  aulii  l'ancien  ufage  pour  le  partage  des  dixmes  &  des  oblations 
en  quatre  parts ,  l'une  pour  f  Evêque  ,  l'autre  pour  les  Clercs ,  la 
troifiéme  pour  les  pauvres  y  la  quatrième  pour  les  réparations  des 
Eglifes. 

■Can.  14.  XXXIV.  Les  dixmes  &  les  autres  pofleflions  feront  con- 
fervées  aux  anciennes  Eglifes.  Si  quelqu'un  cultive  de  nouvelles 
terres  dans  la  dépendance  de  l'ancienne  Eglife,  elle  en  percevra 
ia  dixme,  mais  s  il  arrive  que  celui  qui  a  edarté  un  bois, ou  dé- 
friclié  une  campagne  déferre  d'une  étenJue  de  quatre  à  cinq 
milles,  y  bâtit  une  Eglife  avec  le  confenteaient  del'Evêque, 
alors  la  dixme  decescantons  nouvellement  cultivés  appartiendra 
au  Prêtre  établi  pour  la  defferte  de  cette  nouvelle  Eglife ,  fauf  le 
Cm.  1  j,  1!^,  pouvoir  de  TEvëque.  Défenfe  dejien  exiger  pour  iesfépuîtures , 
&  d'enterrer  les  Laïcs  dans  les  Eglifes.  La  cérémonie  de  ia  fépul- 
turefelaifoitdansi'Eglife  du  lieu  où  l'Evcque  demeuroit  ;  mais 
Il  eiie.écoit  trop  éloignée,  on  la  faifoit  en  quelque  autre  Eglife  où 
il  y  avoir  une  Communauté  de  Chanoines,  de  Moines  ou  de 
Religieufes,  afin  que  le  défunt  fût  foulage  par  leurs  prières.  Si 
cela  n'étoit  point  faifable,  on  l'enterroit  au  lieu  où  il  payoit  la 
dixme  de  fon  vivant.  Ce  qui  eft  dit  dans  ce  Canon  delà  fépulture 
dans  i'Iigiife  de  la  Ville  Epifcopale,  ne  doit  pas  fe  prendre  à  la 
lettre  ,  puifque  le  fuivant  défend  d'enterrer  des  Laïcs  dans  des 
Eglifes.  11  faut  donc  l'entendre  ou  des  obleques  ,  ou  de  la  (épulr 
ture  dans  le  Cimetière  public  de  la  Ville  où  demeure  l'Evêque. 

Cm.  18.       XXXV.  Défenfe  de  célébrer  les  i'aints  Myfteres  dans  des 

calices  ou  des  patènes  de  bois,  &  de  confacrer  le  vin  fans  eau. 

Cm.  ip.  On  mettra  dans  le  calice  deux  tiers  de  vin  &:  un  tiers  d'eau , 

parce  que  la  majcflé  du  Sang  de  Jefus-Chrifl  eft  plus  grande  que 

la  fragilité  du  peuple  figuré  par  l'eau.  Les  procès  entre  les  Prê- 

iÇm.ii.  très  Ôc  Ici  Laïcs  feront  terminés  par  les  Evêques.  Les  Laïcs 


D  U    N  E  U  V  I  E  M  E    s  I  E  C  L  E.      73; 

pourront  employer  le  ferment  dans  leur  caufe  ;    mais  on  ne 
demandera  aux  Prêtres  que  d'alfurer  le  vrai  par  leur  confccration, 
parce  qu'ils  ne  doivent  point  jurer  pour  une  choie  légère.  Si 
i'accufation  eft  grave  &  répandue  parmi  le  peuple,  &:  que  le 
ferment  de  i'accufé  nefuffilepas  pour  fa  juftificacion  ,  on  pourra 
employer  l'épreuve  du  fer  chaud.  Celui  qui  aura. époulé  une  Cz/i.  i-. 
Vierge  confacréc  à  Dieu  par  le  faint  voile ,  fera  privé  de  la  Com- 
munion ,  6c  ne  pourra  y  être  admis  de  nouveau  qu'après  avoir 
fait  pénitence  publique  de  fon  crime.  Il  avoir  été  régie  dans  un 
Concile  de  Carthage  qu'on  ne  donneroit  point  le  voile  à  une 
iVierge  avant  l'âge  de  vingt-cinq  ans.  Celui  de  Tribur  ne  fixe  Cot.  14. 
point  1  âge  ,  ôc  veut  que  toute  fille  qui  a  pris  le  voile  de  fa  pro- 
pre volonté  ,  &  fans  contrainte  ,  ôc  qui  l'a  gardé  an  &  jour ,  le 
garde  toujours.  Si  un  Moine,  par  le  défir  de  fon  falut,  ou  de  Can.ze. 
celui  des  autres ,  demande  de  pafier  de  fon  Monallerc  à  un  autre  , 
jl  le  pourra,  du  confentement  de  l'Evêque,  de  l'Abbé  ô-c  des 
Frères.  S'il  le  quitte  pour  vivre  avec  plus  de  liberté,  on  l'obli- 
gera d'y  retourner  ;  &  en  cas  d'un  refus  opiniâtre  de  fa  part ,  on  le 
mettra  en  prifon.  Les  Clercs  apoftats  feront  punis  par  l'Evêque,  Cm.zj.- 
fuivant  la  rigueur  des  Canons.  On  renouvelle  les  Décrets  des  Cm.  zS. 
Conciles  de  Nicce  &  de  Calcédoine  au  fujet  de  la  tranllatlon 
des  Evêques  &  des  Prêtres  d'une  Eglife  à  une  autre  i  &  les 
anciens  Canons  qui  défendent  d'ordonner  un Efclave,  avant  qu'il  Cm.  zç.- 
ait  obtenu  fa  liberté. 

XXXV  1.   Il  fera  au  pouvoir  des  Evêques  de  fiirc  mettre  c.vi.^o.- 
en  prifon  celui  qui  fera  porteur  de  Lettres  fuppofées  au  Pape, 
jufqu'à  ce  qu'ils  en  ayent  écrit  à  Rome  pour  fçavoir  de  quelle 
manière  on  doit  punir  ce  FaufTaire.  Lorfque  des  co-héritlers  Cw.  'i.- 
à  qui  appartient  le  patronage  d'une  Eglife  ne  s'accorderont  pas 
fur  le  Prêtre  qu'ils  y  doivent  nommer,  l'Evêque  en  orera  les 
reliques ,  en  fermera  les  portes  j  &  y  mettra  fon  fceau  ,  afin  qu'on 
n'y  faffe  point  d'Office  ,  jufqu'à  ce  que  les  Patrons  conviennent 
enfembie.  Défenfe  aux  Comtes  détenir  leurs  plaids  les  jours  de  Cm  5<r,- 
Fêtes  &  Dimanches,  pendant  le  Carême  ôc  les  autres  jours  de 
jeûne  ;  ôc  d'y  citer  les  pénitens ,  pour  ne  pas  les  détourner  de 
leurs  exercices  fpirituels.  La  diverllté  de  Nations  &  de  Loix 
n'eft  point  un  empêchement  du  mariage  ;  un  P^anc  peutépoufer  c.m.  j9.  ■ 
uneBavaroife  ou  uneSaxoiae,  en  fuppléant  ce  qui  manque  au 
Contrat  civil.  Il  eft  défendu  d'éooufcr  la  femme  avec  qui  on  a  Cw.  40.  ■ 
commis  un  adultère.  Le  Concile  rapporte  divers  autres  cas  dans 
efqueis  il  n'eft  pas  permis  de  fe  marier.  Il  ordonne  de  traiter  Cm.  50,. 


75^  CONCILES 

comme homicicie  celui  qui  a  fait  mourir  quelqu'un  parle  poifon., 
ôc  qu'on  lui  impofe  une  douille  pénitence.  Voici  comme  il  règle 
celle  de  rhomicidevolcntairej 

Car..  îj.  X  X  X  V  1 1.  Elle  iera  de  fept  ans.  Les  quarante  premiers 
jours  il  ne  lui  fera  pas  permis  d'entrer  à  l'Eglife  ;  il  ne  nv-.ngera 
que  du  p^'.in  &  du  fel ,  &  ne  boira  que  de  ieau ,  marchera  nuds 
pieds  ,  ne  portera  point  de  linge ,  fi  ce  n'efl  des  paile:çons  ;  il 
n'ufera  ni  d'armes  ,  ni  de  voitures ,  &  vivra  dans  la  continence , 
fans  aucun  commerce  avec  les  autres  Chrétiens  ,  ni  même  avec 
un  autre  pénitent.  En  cas  de  maladie  ,  ou  que  fes  enneinis 
^    cherclient  à  le  faire  mourir,  on  diilferera  fa  pénitence  jufqu'à  ce 

Can.  '■,€.  que  l'Evèque  l'ait  réconcilié  avec  eux.  Les  quarante  joursécou- 
lés  ,  l'entrée  de  l'Eglife  lui  fera  encore  interdite  pendant  un  an  ; 
•il  s'abfliendra  de  chair ,  de  fromage,  de  vin  ,  &  de  toute  boiflbn 
emmiellée,  excepté  les  Fêtes  ôc  Dimanches.  En  maladie  ou  en 
;Voyape  il  pourra  racheter  le  mardi ,  le  jeudi  &  le  famedi  ,  par  un 
denier,  ou  par  la  nourriture  de  trois  pauvre?.  Cette  année  finie, 

-,  l'Etriife  lui  fera  ouverte  comme  aux  autres  pénitens.  Il  paffera 

'"'^^'  les  deux  fuivantes  dans  les  mêmes  exercices,  'î\  ce  n'eft  qu'il 

aura  le  pouvoir  de  racheter  les  trois  jours  de  la  feniaine  en  quel 

lieu  il  fe  trouve ,  foit  à  la  maifon  ,  foit  en  campagne.  Pendant 

£in,^%.  chacune  des  autres  quatre  années,  il  jeûnera  trois  Carêmes,  un 
avant  Pâques  ;  un  avant  la  faine  Jean  ;  le  troifiénie  avant  Noël, 
Dans  les  autres  tems  il  ne  jeûnera  que  le  lundi  ,  le  mercredi  &c 
4e  vendredi ,  encore  lui  fera-t-i!  permis  de  racheter  le  lundi  ôc 
;niercre,ii.  Les  fept  ans  de  fa  pénitence  accomplis ,  il  fera  récour 
cilié  à  la  manière  des  autres  pénitcns  ,  ôc  admis  à  la  fainte 
communion. 
Concile  a"e  X  X  X  V 1 1 L  Enfuitc  du  Concile  de  Trjbur,  le  Père  Labbe 
Narufîs,  tom.  ^Qi-„-,e  [gs  Çauons  de  celui  de  Nantes  £ans  en  fixer  l'époque. 
'ÀciT"'"^'^  Le  Fere  Sirmond  n'eu  pas  éloigné  de  croire  qu'il  fut  tenu  avant 
Tan  6'^'ù.  C'eft  auifi  le  fentiment  du  Père  le  Cointe,  qui  le  met 
en  6j<j.  Le  troiliéme  ôc  le  dixième  Canons  de  ce  Concile  font 
rapportés  dans  le  feptiéme  Livre  des  Capicuiaices.  Ils  font  donc 
plus  anciens  que  ce  Recueil  ,à  moins  qu'on  ne  dife  qu'ils  en  ont 
fcté  tirés.  Mais  le  vingtième  où  l'on  défend  le  culte  fuperfdtieux 
de  certains  arbres  ôc  de  certaines  pierres ,  a  plus  de  rapport  au 
feptiéme  fiécle  qu'au  dixième.  On  trouve  auiîi  dans  les  autres 
Canons  de  ce  Concile   des  preuves  de  fon  antiquité.   Il  eft 

Q/7.  I.  ordonné  aux  Prètre^  avant  de  commencer  la  Melfe,  de  déman- 
cher au  Peuple  de  la  Paroilfe ,  s'il  ne  fe  trouve  point  dans  lEglifç 

quelqu'Etranger 


i 


DU    NEUVIEME    SIECLE.      757- 
quelqu'Etranger  pour   l'entendre  ,  au  mépris   de   fon   propre 
Cure,  6c  en  ce  cas  de  l'obliger  de  fortir.  On  excepte  ceux  qui 
étant  en  voyage  ne  peuvent  entendre  la  Meffe  dans  leur  ParoifTe. 
Diifenfe  aux  Prêtres  de  loger  des  femmes  ,  même  leur  mère  ôc     '"*'  *"* 
leurs  fœurs.  Si  elles  font  dans  le  befoin,ils  pourront  leur  fournir  ^'^"'  5* 
de  quoi  fubfider  dans  une  autre  maifoii  que  la  leur.  Les  Curés  C.i«.4- 
vifiteront  foigneufemcnt  les  malades  ,  prieront  pour  eux  ,  les 
■exhorteront  à  la  patience,  &  à  confcflbr  leurs  péchés.  En  entrant 
dans  la  maifon  de  l'infirme  ,  ils  jetteront  de  l'eau  bénite  fur  lui 
&  dans  la  chambre ,  &  réciteront  les  pfeaumes  de  la  Pé.ntence. 
Ils  ne  donneront  i'aWblution  au  Moribond  qu'à  condition  de  Can.  y. 
faire  pénitence  des  péchés  qu'il  aura  déclarés  s'il.revient  en  fuite, 
La  fépukurc  fe  fera  gratuitement ,  fi  ce  n'eft  que  le  malade  ait  ^^  g 
offert  quelque  chofe ,  ou  que  fes  héritiers  donnent  par  forme 
d'aumône  volontaire.  On  enterrera  dans  le  veflibule  ou  portique 
de  l'Eglife  ,  ouau-dehors  ,  &  jamais  auprès  de  l'Autel  où  l'on 
confiicre  le  Corps  ôc  le  Sang  du  Seigneur. 

XXXIX.  Défenfe  de  procurer  l'Ordination  à  quelqu'un,  q„_  y, 
ou  par  faveur,  ou  en  vue  de  préfens.  L'Evoque  n'aura  qu'une  c^juS. 
Ville;  le  Prêtre,  qu'une  Eglife  ;  mais  il  pourra  avoir  fous  lui 
plufieurs  Prêtres  avec  qui  il  célébrera  fOltice  divin  de  jour  ôc  de 
nuit.  Les  Curés  après  avoir  pris  des  pains  offerts  par  les  Fidc^les  Can.9, 
ce  qui  efl:  néceffaire  pour  la  confécration ,  couperont  le  rcde 
par  morceaux  ,  pour  en  donner  après  la  ?cîefle  à  ceux  qui  n'au- 
ront pas  communié.  On  appelle  ces  morceaux  eulogies  ou  pains 
béiiits.  La  prière  que  l'on  difoit  pour  les  bénir,  efl:  ia  même  qui 
eft  aujourd'hui  en  ufage.  Les  dixmes  feront  partagées  en  quatre  C«'^.  i», 
•fuivant  les  Canons ,  une  partie  pou-r  la  Fabrique  ,  ^Jne  pour  les 
pauvres ,  une  pour  les  Clercs ,  la  quatrième  pour  l'Evêque.  Ceux 
<jui  font  deftinés  au  Miniiîerc  feront  examinés  depuis  le  mer-  ^^'"^-'^ 
■credi  jufqu'au  famedi  de  l'Ordination  ,  fur  leurs  mœurs  ô-c  fur 
leur  dodrine  ,  par  les  Prêtres  commis  à  cet  effet  de  la  part  de 
i'Evêque.  On  traitera  avec  plus  de  rigueur  les  perfonnes  mariées 
qui  tombent  dans  le  crime  d'impureté  ,  que  celles  qui  ne  le  font 
pas.  Dans  toutes  les  confraternités  ou  focietés  de  prières ,  on  Cdi.  14. 
•s'en  tiendra  aux  Réglemens  faits  par  I'Evêque  ;  Ôc  puifqu'ellcs 
jie  font  infiiruées  que  pour  le  foulagemcnt  des  anies  ,  on  évitera 
les  grands  repas  ôc  les  autres  diiiolutions.  Il  efl;  défendu  à  un  Cj/i.  if. 
Prêtre  de  quitter  fon  Eglife  pour  en  avoir  une  plus  riche  deve- 
nue vacante  par  mort.   On  réprime  la  témérité   de   certaine*  Çwî.  Ht 
femmes  qui  fe  trouvoient  à  des  audiences  publiques,  ôc  y  dé- 

Tome  XXII.  AAaaa 


Concile  àe 
Rome  enSç7, 


Conci'e  de 
Poit  en  è97 , 


Conciles  Je 
ru  iras  &  -le 
Compoftelle , 


Concile  t'e 
Rome  vers 
l'an  joo. 


f^t  CONCILES 

fcndoient  des  caufes ,  même  pour  des  hommes.  Il  paraît  quff 
les  Religieufes  &  les  Veuves  furtout  en  faifoient  métier.  Le 
Concile  ne  leur  permet  d'aller  à  ces  audiences  que  pour  leur 
propre  intérêt  &  avec  l'agrf^'ment  de  l'Evêque, 

X  L.  On  donne  avec  juflice  le  titre  de  Conciliabule  à  l'af- 
femblée  que  le  Pape  Eflienne  VI.  convoqua  en  Sp-j  pour  la. 
condamnation  de  Formofe  fon  préde'ceffeur.  Son  corps  que  l'ort 
avoir  exhumé  ,  fut  apporté  au  milieu  de  l'afTemblée  ;  on  le  revêtit 
des  ornemens  Pontificaux  ,  ôc  on  lui  donna  un  Avocat  pour 
répondre  en  fon  nom.  La  procédure  fut  courte.  Formofe  avant 
été  condamné  comme  ufurpateur  du  iliint  Siège  ,  on  lui  coupa 
trois  doigts  6c  la  tête  ;  puis  on  le  jetta  dans  le  Tibre.  Ceux 
qu'il  avoit  ordonnés  furent  dépofés  ,  ôc  ordonnés  de  nouveau. 
Les  a£l:es  de  ce  Conciliabule  font  rapportés  dans  un  Concile  de 
Rome  en  5)04. ,  où  ils  furent  calfés. 

XLI.  Le  19  d'Avril  8p7,  Abbon  deMaguelone  ,  Arnuftde 
Narbonne,  &  deux  autres  Evêques  afTiflés  de  quelques  Archi- 
Diacres  ,•  Prêtres  ôc  Arçhi-Prêtres  ,  s'afTemblerent  à  Port,  dans 
le  Diocèfe  deNifmes  ,  pour  terminer  un  différend  au  fujet  des 
dixmesde  Cocon.  Il  y  avoit  en  ce  lieu  deuxEgiifes,  l'une  en 
l'honneur  de  faint  Jean-Baptifte  ;  l'autre  de  laint  Andoche. 
L'Evêque  de  Maguelonc  prétendit  qu'elles  appartenoient  à  l'E- 
glife  de  faint  Andoche.  Un  Prêtre  nommé  Adalfredefoutintque 
c'étoit  à  l'Eglife  de  faint  Jean-Baptifle.  L'affaire  difcutée,  il 
parut  que  cette  dernière  Eglife  avoit  pofledé  ces  dixmes  pendant 
près  de  cent  ans  ,  ôc  que  ce  n'étoit  que  depuis  fept  ans  que  celle 
de  faint  Andoche  les  avoit  ufurpées.  Le  Concile  fut  donc  d'avis 
de  les  rendre  à  l'Eglife  de  faint  Jean-Baptifle  ;  ôc  l'Evêque 
Abbon  fut  le  premier  à  foufcrire  à  ce  Jugement. 

X  L  1 1.  On  ne  répétera  point  ce  qu'on  a  dit  du  Concile  de 
Reims  en  900  dans  l'article  d'Hervé  ,  Archevêque  de  cette 
Ville.  Il  fut  aflemblé  contre  ceux  qui  avoient  eu  part  à  la  mort 
de  Foulques  j  ôc  on  les  anathêmatifa.  Le  vingt- neuvième  de 
Novembre  de  la  même  année  on  aiïembla  à  Compoftelle,  dans 
l'Eglife  de  faint  Jacques,  un  Concile  de  huitEvôques  ,  où  l'Abbé 
Ce/aire  fut  élCi  ôc  facré  Archevêque  de  Tarragone.  L'Arche- 
vêque de  Narbonne  s'oppofa  à  cette  Ordination  avec  les  Evêqucs 
d'Efpagne  qui  dépendoient  de  fa  Métropole;  ce  qui  obligea 
Ceiaire  d'en  appeller  au  Pape. 

XLI  II.  Le  Concile  de  Rome  fous  le  Pape  Jean  IX.  eft 
fixé  dans  les  collerions  ordinaires  (  a  )  à  l'an  5)04..  Le  Père  Pagi 

(a  j  Liibu^  &■  HardouJB.   ■""""""■ 


DU    NEUVIEME    SIECLE.       755 

5c  met  en  ?p^  (a).  La  diiVicuké  ne  vient  que  de  l'incertitude 
de  la  chronologie  des  Papes  qui  occupèrent  le  faint  Siège  fur  la 
fin  du  neuvième  fiécle  ,  &  au  commencement  du  dixième.  Leur 
PortiHcat  fut  fi  court,  qu'on  ne  prie  pas  la  peine  d'en  marquer 
la  durée.  Ce  que  l'on  fçait  de  plus  exad  là-dclTus  efl:  dû  à 
Flodoard  de  Reims ,  qui  quoiqu'Etranger  à  la  Cour  de  Rome  , 
s'eft  appliqué  à  donner  la  fuite  des  Papes.  Mais  à  l'égard  de 
Jean  IX.  on  voit  par  deux  diplômes  (  b  )  rapportés  par  Monfieur 
de  Marca,  l'un  addreffé  à  Riculfe ,  Evêque  d'Elne  dans  le  Rouf- 
lillon  ;  l'autre  à  Servus-Dd ,  Evêque  de  Gironne  ,  qu'il  étoit 
Pape  dès  le  mois  d  Octobre  de  l'an  poo.  Comme  il  ne  gouverna 
l'Eglife  qu'environ  trois  ans  ,  ou  même  deux  (  c  )  félon  quelques 
Hiiloriens ,  on  ne  peut  mettre  fon  Concile  de  Rome  qu'en 
cette  année,  ou  dans  la  précédente  ou  la  fuivante.  On  lut  d'abord 
dans  ce  Concile  un  Mémoire  concernant  l'état  prcfent  de  l'E- 
glife ôc  les  moyens  de  la  pacifier  ;  puis  les  ailles  du  Concile 
tenus  fous  le  Pape  Théodore,  fucceffeur  de  Romain  Gallefin,  élu 
à  la  place  d'Eftiennc  VI.  Quoique  Théodore  n'eût  vécu  que 
vingt  jours  depuis  fan  Ordination  ,  il  ne  laiffa  pas  de  contribuer 
beaucoup  à  la  réunion  de  l'Eglife ,  ayant  rappelle  les  Evêques 
chafTés  de  leurs  Sièges ,  rétabli  les  Clercs  ordonnés  par  Formofe , 
&  fait  reporter  folemncUement  le  corps  de  ce  Pape  dans  la 
fépulture  ordinaire  des  Pontifes  Romains.  Il  prit  apparem- 
rnent  toutes  ces  réfolutions  dans  le  Concile  dont  il  efl  parlé  ici. 
On  n'en  trouve  rien  ailleurs. 

X  L I V.  Après  qu'on  en  eut  lu  les  aclcs  ,  on  fit  lefture  de  ce       Aâis?  àa 
qui  s'étoir  pafié  contre  le  Pape  Formofe  dans  les  Conciles  de  ^"^^  ''■''  j"^ 
Jean  VIII.  6c  d'Eftienne  VI.  Trois  des accufateurs  de  Formofe  bUbn.'tom.  i , 
étoient  préfens.  On  leur  demanda  fi  leur  dépofition  contenoit  '^^■'>^'    'f"'* 
vérité  ;  ils  répondirent  que  non  ,  &  cherchèrent  à  s'excufer ,  ^^^'   ^' 
difant  qu'ils  n'avoient  agi  que  par  autorité  du  Pape  ,  &  qu'ils 
avoient  été  forcés  d'affiner  à  ces  Conciles.  Le  réfukat  de  la  dif- 
cuflion  fut,  que  les  Evêques  qui  s'étoient  déclarés  contre  For- 
mofe ,  demandèrent  pardon  proflernés,  ÔC  le  Pape  Jean  IX.  le 
leur  accorda  volontiers. 

XLV.  On  publia  enfuite  le  Décret  du  Concile  en  douze     f:^"""'  ^^ 
capitules  ou  articles ,  qui  contiennent  en  fubftance ,  que  le  pré-  '^'^^'^"""^* 

(a)  Piigi,  aàann.  %yi  ,  rsm.  5  ,  j^ag.    ,  hïll.  lib.  ^o  ,AnnaU.  num.  55  ^jmg.  306. 
77'.  I       {c)  F  tuty  ,  HiJl.Eiclef.lh.^4,  pjg. 

(i)  M^rcji  Hifp-^n.  c:^p.  833  ;  &  Mi-   i  611 ,  lom,  1 1 . 

AAaaa  ij 


C:7. 


a. 


Ga: 


Crp,  4, 


G^r. 


dp.  ^. 

Cap.  7. 
Cap.  ?. 

Qip.  9. 
Cap.  lo. 


740  CONCILES 

,  tendu  Jugement  rendu  contre  Formofe  dans  le  Concile  d*E{^- 
tienne  VÎ.  fera  rejette  j  étant  inoui  que  l'on  ait  jamais  fait 
comparoître  uil  cadavre  en  Juftice  ,  ou  l'on  n'appelle  les  accufe's 
que  pour  fe  de'fendre,  ou  être  convaincus  ;  que  ceux  qui  ont 
aifillé  à  ce  Jugement ,  ayant  protefié  qu'on  lès  avoit  contraints 
de  s'y  trouver  ,  obtiendront  le  pardon  qu'ils  ont  demandé  ;  que 
Formofe  ayant  été  transféré  de  TEslife  de  Porto  au  faint  Siège 
Apoftolique  par  néceffité,  fon  exemple  ne  doit  pas  tirer  à  con- 
féquence,  attendu  que  les  Canons  défendent  la  tranilation  d'un 
Evoque  d'un  Siège  à  un  autre  j  jufqu'àrefufer  aux  Contrevenans 
la  communion  laïque  même  à  la  fin.  Après  la  mort  de  Formofe, 
unefadTtion  populaire  avoit  choifi  pour  lui  fucceder  Boniface , 
qui  avoit  été  dépofé  du  Soûdlaconat ,  &  enfuite  de  la  Prêtrife. 
Le  Concile  en  prend  occafion  de  défendre  d'élever  à  un  plus 
haut  degré  celui  qui  a  été  dépofé  par  un  Synode  &:  n'a  point  été' 
canoniquement  rétabli. 

X  LV  L  Les  Evcques,  les  Prêtres  ,  &  les  autres  Clercs  de- 
l'Eglife  P>.omaine  ordonnés  canoniquement  par  le  Pape  For- 
mofe ,  furerit  rétablis  dans  leur  rang  ,  &  on  rappelîa  ceux  d'eiitr- 
eux  qui  avoient  été  chaffés  par  la  témérité  de  quelques  perfonnes; 
Ontenouvelîa  les  défenfes  faites  par  un  Concile  d'Afrique  dé' 
réordonner ôc  de  rcbaptifer ,  &  d'oter  les  Evêques  régulièrement 
ordonnés  pour  en  mettre  d'autres  à  leur  place.  Guy,  Duc  de 
Spolette  ,  Roi  d'Italie,  étant  mort ,  Berengcr ,  Duc  de  Frioul , 
s'étoit  fait  couronner  Empereur  par  Eflienne  VI.  MaisLambert', 
fils  de  Guy  ,. couronné  par' Formofe  dès  l'an  8^| ,  trouva  le 
moyen  defe  maintenir  &  dechaffer  Berenger.  Le  Concile  dé- 
clare donc  qu'il  confirme  l'Onclion  du  faint  Chrême  donnée  à 
l'Empereur  Laiiibert  ,  ôc  qu'il  rejette  abfolument  celle  que 
Berenger  avoit  extorquée.  Il  ordonne  de  jetter  au  feu  les  acîes 
du  Concile  tenu  contre  Formofe.  Défend  fous  peine  d'ana- 
thême  de  rétablir  quelques  Prêtres  &  quelques  Diaeres  condam- 
nés canoniquement  ôc  chalTés  de  l'Eglife  Romaine  ;  ôc  menace 
d'excommunication  ceu^  qui  avoient  violé  la  fépuhure  du  Papô 
Formofe  ,  s'ils  ne  viennent  à  réfipifcence. 

XLVII.  Pour  remédier  aux  violences  que  1  Eglife  Romaine 
fouffroit  à  la  mort  d'un  Pape  ,  lorfqu'on  ohoifidoit  fonfucceffeut 
à  finfcu  de  l'Empereur  ôc  en  l'abfence  de  fes  Commiiïaires 
dcilinés  à  maintenir  le  bon  ordre  ,.le  Concile  veut  qu'à  l'avenir 
le  Pape  foit  élu  dans  l'alfemblée  des  Evêques  ôc  de  tout  le 
Gler<^é ,  à  la  demande  du  Sénat  ôc  du  Peuple ,  ôc  enfuite  coiffa-- 


DU    NEUVIEME    SIECLE.      741 

Crc  foleninellement  en  préfence  des  Commlffaires  de  l'Empe- 
rcur,  fans  qu'il  foit  permis  à  pcrfonne  d'exiger  de  lui  des  {"cr- 
mens  nouvellement  inventes  ,  mais  feulement  ce  qui  s'cft  tou- 
jours pratique,  A  la  mort  du  Pape  on  piiloit  le  Palais  Patriarchal,  O-.  n.- 
ôc  ce  pillage  s'étendoit  par  toute  la  Ville  de  Rome  &  fes  Faux- 
bourgs;  on  en  ufoit  de  môme  à  l'égard  des  Maifons  épifcopales 
à  la  mort  de  l'Evcque.Le  Concile  fupprime  ces  abus ,  fous  peine 
aux  Contrevenans  d'encourir  les  cenfures  Ëcclefiaftiques  & 
l'indignation  de  TEmpereur.  Il  condamne  encore  la  coutume  dp.  ti. 
abunve  où  croient  les  Juges  féculiers ,  ou  leurs  OiTiciers  ,  de 
vendre  des  Commiilions  pour  la  recherche  des  crimes;  ce  qui 
tcndoit ,  non  à  arrêter  les  défordres  ,  mais  à  les  commettre  avec 
Liberté  y  en  donnant  de  l'argent  à  ces  Commilïionnaires  pour 
n'être  plus  recherché.  On  déclare  que  les  Evêques  auront  la 
liberté  dans  leurs  Diocèfes  de  rechercher  &  de  punir,  félon  les 
Canons,  les  adultères  ëc  les  autres  crimes,  ôc  qu'ils  pourront  dans- 
le  befoin  tenir  des  audiences  publiques  pour  reprimer  ceux  qui 
leur  réfideront. 

XLV  II I.  Les  Ades  du  Concile  de  Rome  ne  font  point  p  Coticile  de 
entiers  dans  la  CoiiccVion  du  Pcre  Labbe  ;  on  n  y  trouve  que  les  1  ;m  ^co  ^itu.- 
douze  articles  que  nous  venons  de  rapporter;  mais  Dom  Ma-  P'^i'^'^y- 
billon  (a)  z  donné  un  long  fragment  du  même  Concile.  Il  pa- 
roit  que  c  en  eft  le  commencement.  Le  manufcrit  d'où  il  l'a 
t-iré  contient  un  autre  article,  diviféen  douze  Capitules,  qui 
font  une  coniirmation  de  ce  qui  efl  ordonné  dans  les  Caoitulai- 
res  de  Charlemagne  ,  de  Louis  le  Débonnaire  ,  de  Lothaire  ôc 
de  Louis  fon  fils,  touchant  les  dixmes  Eccléfialliques.  Cet  ar- 
ticle fe  lit  tout  entier  (  b  )  dans  ia  Colledion  des  Conciles ,  fous 
le  titre  :  De-  Canons  cVun  Concile  anonyme  ;  mais  on  prétend  qu'il' 
appartient  au  Concile  de  Ravenne.  En  effet ,  dans  le  manufcrit 
dont  s'eft  fervi  le  Père'  Mabillon ,  ces  douze  Canons  font  fuivis 
immédiatement  du  premier  Capitule  de  ce  Concile,  dont  les 
premiers  mots  font  :  Si  quis  fanctorwn  Paîniin.  LePape  Jean  IX. 
aflembla  ce  Concile  peu  de  tcms  après  celui  de  Rome.  L'Em- 
pereur Lambert  y  affilia  avec  foixante-quatorze  Evêques  ,  ôc 
en  lut  en  la  préfence  les  dix  articles  fuivans. 

XL  IX.  Si  quelqu'un  n'obferve  point  les  relies  des  faints     CapnulcsJu 

^  Concile      de 

Kavenne,ptf£,. 
—  _ ^^^^ 

(a)  Mabillon.  TOm,  i,Muf,Itdlk.  pr.r:.  I       (b)  Concil.  tom,  9  ,p.ig.  ^oC-.- 
»«,f.t^.  S6.  j; 

A  A  a  aa  iij 


74î  CONCILES 

Pères  &  les  Capitulaires  des  Empereurs Charlemagne  ,  Louis, 
Lothaire  &  fon  fils  Louis  ,   fera  excommunié.    L'Empereur 
C«p.  '.  Lambert  déclara  qu'il  feroit  permis  à  toute  peribnae  d'aller  im- 
plorer fa  protection  ,  &  menaça  de  fon  indignation  ceux  qui  s'y 
Cay.  1.  oppoferoient.  Il  promit  de  conferver  inviolabiement  le.-,  anciens 
Cip.  3.  privilèges  de  i'Eglife  Romaine.  Enfulte  le  lape  le  pria  d  appuyer 
de  fon  autorité  ce  qui  avoit  été  fait  dans  le  dernier  Concile  de 
Op.  4.  Rome,  touchant  le  Pape  Formofe  ;  de  le  faire  autorifer  par  les 
Cap.  j.  Seigneurs  comme  par  les  Evéques  ;  de  réprimer  les  pillages  6c 
les  autres  violences  commifes  dans  les  terres  de  I'Eglife  Ro- 
Cap.  (.  maine  ;  de  coniirmer  le  traité  fait  par  fon  père  Gui ,  d  heureufc 
Cap. 7  0- s.  mémoire  ;  de  révoquer  toutes  les  donations  faites  illégitimement 
Ciç.  ».  des  patrimoines  &  autres  biens  de  i'Eglife  Romaine  ;  ôc  de  dé- 
fendre les  aifemblées  illicites  de  Francs,  de  Ronufms  &  de 
Lombards  dans  les  territoires  de  faint  Pierre,  comme  contraires 
Cap.  10.  à  l'autorité  du  faint  Siège  &  de  la  dignité  Impériale.  Jean  IX. 
fit  encore  des  remontr:i::ces  à  ce  Prince,  fur  ce  que  des  gens 
mal  intentionnés  avoient  empêché  que  Ton  coupât  des  bois  pour 
le  rétablilTemenc  de  I'Eglife  du  Sauveur,  &  fur  la  pauvreté  où 
I'Eglife  Romaine  étoit  réduite  ,   qui  étoit  telle  qu'il  n'y  avoit 
plus  de  moyen  de  foulager  les  pauvres,  ni  de  fubvenir  aux  be- 
foins  des  Miniftresôc  des  DomeUiques.  Après  qu'on  eut  achevé 
la  ledure  de  ces  articles  ,  le  Pape  s'adreîfant  aux  nvêques  les 
exhorta  à  veiller  avec  foin  fur  leurs  Peuples,  à  leur  donner 
exemple  d'une  bonne  vie ,  &  à  demander  à  Dieu  rextinttion 
des  fchifmeSjôc  la  confervation  de  l'Empereur  Lambert ,  en 
ordonnant  à  leur  retour  dans  leurs  Evêchés  un  jour  de  jeûne  ôc 
une  procellion  ou  litanie. 
Difficulté  fur      L^  Sigebert  fait  mention  de  ce  Concile  de  Ravenne  dans  fa 
Co'ncir/''^'^^  Chronique  fur  l'an  5)04,  &  Baronius  dans  fes  Annales  fur  fan 
504.  Sigonius  (a)  ôc  le  Père  Pagi  le  mettent  en  898  ,  quelque 
tems  avant  la  mort  de  l'Empereur  Lambert,  arrivée  félon  eux 
en  8pp.  Ils  fe  fondent  fur  divers  Drplômes,  dont  un  ell  de  Be- 
noît IV.  en  faveur  d'Argrim  ,  Evcque  de  Langres  ,  rétabli  dans 
fon  Siège  par  Jean  IX.  Il  efl:  daté  du  fécond  des  Calendes  de 
Septembre  Indiclion  troifiéme  ,1a  féconde  année  depuis  la  mort 
de  Lambert ,  c'eft-à-dire  du  5  i  Août  de  l'an  poo,  deux  ans  après 
la  mort  de  ce  Prince  ,  arrivée  conféquemment  en  Sp8.  Mais 


(a)  T:\gi ,  ad iirji.  Sp8  , ;•('„•.  771  ,  77i. 


D  U    D  I  X  I  E  M  E    s  I  E  C  L  E.         745 

en  mettant ,  comme  fait  le  Père  Pagi,  1  ele£lion  de  Jean  IX.  en 
la  même  année,  ôc  en  lui  donnant  pour  fuccefieur  Benoît  IV. 
dès  avant  la  fin  d'Août  de  l'an  900  ,  ainli  que  le  porte  le  Di- 
plôme en  faveur  d'Argrim^  comment  concilier  toutes  ces  épo- 
ques (  a  )  avec  les  deux  Diplômes  de  Jean  IX.  date's  l'un  &  l'au- 
tre du  mois  d'Odobre  de  cette  môme  année  ;  l'un  adreffé  à 
Riculfe,  Evêque  d'Elne,  lautre  à  Servus-Dèi,  conlme  on  l'a 
déjà  dit  plus  haut  ? 

L I.  Il  ne  refte  rien  des  A£î:es  du  troifiéme  Concile  queFlo-     Concn«  ie 
doard  {b)  dit  avoir  été  tenu  fous  le  Pontificat  de  Jean  IX.  ^^"^      *" 
Peut-être  l'alTembla-t-il  pour  l'examen  de  la  caufe  d'Argrim,  'Cov\l.    p/. 
Evêque  de  Langres  ,  qui  s'étoit  pourvu  au  faint  Siège  contre  ''J. 
ceux  qui  l'avoient  chafTé  du  fien.  Le  Pape  Benoît  IV.  fait  men- 
ticn  de  ce  Concile  ,  ôc  dit  que  Jean  IX.  fon  prédéceiïeur  y  ré- 
tablit Argrim.  En  conféquence  ce  Pape  écrivit  au  Clergé  &  au 
Peuple  de  Langres,  pour  leur  marquer  qu'il  leur  rendoit  leur 
Evêque,  non  pour  reprendre  le  jugement  du  Pape  Eftienne, 
mais  pour  le  changer  en  mieux.  Toutefois  le  rétablifiemenc 
d'Argrim  n'eut  pas  fon  exécution  ;  6c  après  la  mort  du  Pape 
Jean  IX.  Argrim  envoya  des  Députés  à  Benoît  IV.  fon  fuccef- 
feur,  qui  ne  voulant  rien  décider  dans  cette  affaire  fans  l'avis  des 
Evêques,  les  affembla  dans  le  Palais  de  Latran.  Il  fut  jugé  qu'Ar- 
grim  feroit  maintenu  dans  fon  Siège ,  ôc  le  Pape  fit  écrire  deux 
Lettres  ;  l'une  aux  Evêques  des  Gaules  ,  l'autre  au  Clergé  ôc  au 
Peuple  de  Langres ,  où  il  confirme  à  Argrim  le  Pallïum  qu'il 
avoit  déjà  re(^u  du  Pape  Formofe.  Les  A£tes  de  ce  Concile  de 
Latran  font  perdus. 


^    ,  _^^  3j,-  &  Mi-  I       ^    ,    _     

mien.  lih.  40  ,  AnnalL  ntux.  jj  ,  pag.  j  refertur ,  Jo^ma  lalutiferum.  F/orfoari/,  ia 
306.  î  Joanne,  apud.  Mabiltcn. 


^ 


744  CONCILES  "" 

-CHAPITRE     XL. 

Des  Conciles  deSaint-Oyan,  de  Narhonm,  &  autres^ 
juJquefL  L'ail  950.. 

Concil"  de^"    \    UsTERius,  Archevcquc  de  Lyon ,  &  Gérard ,  Eve- 
Saint  Ova;i  jfjL  1'^^  '^^  Mâcon ,  étant  afl'emblés  en  (^06  dans  l'Eglife  de 

en  <:o5,rw/!.?,  faint  Uyan ,  les  Chanoines  de  faint  Vincent  de  Mâcon  reven- 
xls.  '  ^°'^'  diquerent  une  Chapelle  qu'ils  difoient  leur  avoir  été  donnée  par 
Bertric,  &  dont  les  Moines  de  faint  Oyan  s'étoient  mis  en  pof- 
fèiTion.  Ceux-ci  foutînrent  qu'ils  la  tenoient  de  i'Evêque  Lam- 
bert. On  les  fomma  de  produire  la  charte  de  donation.  Ils  ne 
le  purent.  C'eft  tout  ce  que  Severt  nous  apprend  de  cette  Af- 
ferablée,  dont  on  voit  bien  que  les  Actes  ne  font  pas  entiers, 
puifqu'ils  ne  rapportent  pas  la  décifion  de  ce  procès. 

I I.  On  n'a  pas  encore  rendu  publics  ceux  des  deux  Conciles 
Concile  lîe  qui  fe  tinrent  dans  la  Province  de  Narbonnc  en  ço6  6c  5)07. 

^^f  °""' 7  M.  de  Marca  qui  les  avoit  vus  dans  l'archive  de  l'Eelifc  d'Au- 
Ibul.  lonnc  ,  en  a  donne  le  précis  ,  d  ou  nous  apprenons  que  le  pre- 

jnier  de  ces  Conciles  fut  tenu  à  Barcelone  en  ^06  ;  qu'Arnufte 
<de  Narbonne  y  préfida,  accompagné  de  fept  Evcques  ;  &  qu''on  y 
agita  laquenion,!]  l'Eglife  d'Aufone  devoitêtre  tributaire  de  celle 
de  Narbonne.  Dans  le  fécond  ,  qui  fe  tint  l'année  fuivantepoy 
àfaint  Tiberi,  dans  le  Diocèfe  d'Agde,  6c  auquel  Arnuflepré- 
(ida  encore ,  alfifié  de  neuf  Evcques  ,  on  propofa  la  même 
queAion  ,  6c  il  fut  décidé  que  l'Eglife  d'Aufone  6c  fon  Evcque 
léroient  cxcmts  du  tribut  qu'ils  avoicnt  payé  à  l'Eglife  de  Nar- 
bonne. Arnufte  foufcrivit  à  ce  jugement. 

III.  La  même  année  Alexandre,  Arclicvêque  de  Vienne, 


qu'ils  prêt 

ium  ,   pjg.  taine  Chapelle.  Il  ne  fe  trouva  dans  cette  Affemblée  que  des 
*^  '  Abbés  6c  des  Prêtres.  Alexandre  étoit  fcul  d'Evêque.  Les  par- 

ties ouies ,  le  gain  de  caufe  fut  adjugé  à  Aribert. 
Concile  de     I V.  Le  troifiémç  de  Mai  de  l'an  ^0^  ^  Arnufte ,  Archevêque 

de 


DU    DIXIEME    SIÈCLE.        74^ 

'de  Narhonne,  s'aiïembla  avec  dix  Evêques  à  Jonqueres,  dans  Mfl?"<*Ione 
le  Diocèfe  de  Maguelone ,  pour  abfoudre  de  i'cxcommunlca-  ^"concû  "T 
tion  le  Comte  Sinuarius.  Il  parokpar  les  Ades  de  cette  Aiïem-  î'1,9. 
blée ,  que  ce  Comte  avoit  dtc  excommunié  par  les  Evoques  de 
la  Province  de  Narhonne  ;  mais  on  ne  dit  point  pour  quel  cri- 
me. Le  Comte  fut  prcfent  a\ec  fa  femme  ,  fes  enfins  &.  fes  fer- 
vitcurs.  Les  Evcques  lui  donnèrent  Tablblution  aux  conditions 
prefcrites  par  le  Métropolitain  ,  ôc  joignirent  à  l'abfolution  des 
bénédidions  en  tout  genre,  lui  fouhaitant  &  à  toute  fa  famille 
abondance  de  biens  temporels,  de  longues  années  6c  la  félicité 
-éternelle. 

V.  Les  Evêques  de  la  Province  de  Reims  avoient  été  pen-     Concile  de 
dant  piulieurs  années  fans  pouvoir  s'adembler,  par  le  malheur  li^d^^aJ^lV^^ 
des  tems  ;  &  de  fatisfaire  à  cet  égard  aux  Canons  qui  ordonnent 
k  fréquente  tenue  des  Conciles.  Hervé  qui  en  étoit  le  Métro- 
.politain  ,  en  ayant  obtenu  la  permilîion  du  Roi  Charles  ,  en  iiv 
^iqua  un  à  Trollé ,  près  de  Soiiîons ,  pour  le  26  de  Juin  de 
l'an  90p.  Il  en  fit  lui-même  l'ouverture  par  un  difcours  ,  où  il 
^repréfente  le  trille  état  de  l'Eglife  &  du  Royaume.  D'un  côté 
la  Religion  étoit  comme  abandonnée  ;  les   crimes   fe    multi- 
•plioient  chaque  jour  ;  ce  n'étoit  partout  que  fornication  ,  qu'a- 
dultères j  qu'homicides.  Les  Evêques. ne  rempliffoient  pas  leurs 
devoirs,  ôc  négligeant  le  miniftere  de  la  parole  de  Dieu,  ils 
lailToient  périr,  faute  d'inflrutïions  6c  de  bons  exemples ,  le  trou- 
peau du  Seigneur.  D'un  autre  ,  les  pillages  ôc  les  violences  con- 
tinuoient ,  les  Villes  étoient  dépeuplées  ,  les  Monafteres  ruinés 
ou  brûlés,  les  Campagnes  déferres.  Les  Moines,  les  Chanoines,  Pag.'^zj. 
les  Religieufes  n'ayant  plus  pour  Supérieurs  que  des  étrangers, 
Tomboient  dans  le  dérèglement.  Des  Abbés  laïcs  confumoient 
les  revenus  des  Monafteres  avec  leurs  femmes ,  leurs  enfuns  6c 
leurs  chiens  ;  quoique  la  plupart  ne  fçuflent  pas  même  lire,  ils 
ne  lailToient  pas  de  vouloir  juger  de  la  conduite  des  Prêtres  ôc 
des  Moines. 

V  I.  Il  n'étoit  pas  aifé  de  remédier  à  tant  de  maux.  Cependant     ^''on^."ie  ^^ 
le  Concile,  où  ailifterent  douze  Prélats,  Hervé  leur  Métropoli-  pj,_ 
tain  compris  ,     fit   quinze   Canons  ,   qui  ont  moins   Pair  de 
Décrets  que  d'exhortations.  Les  Evcques  y  difent  qu'il  eft  de  la  Cxn.i, 
décence  que  le  Roi  ôc  les  Princes  confervent  aux  EglifesleufS 
biens  ôc  leurs  privilèges  en  la  manière  qu'elles  les  ont  reçus  des 
anciens  Rois;  ôc  qu'ils  protègent  les  Prêtres  ôc  les  autres  Servi- 
teurs de  Dieu  ,  pour  les  mettre  en  état  de  remplir  leurs  devoirs, 
Tomi  XXIL  BBbbb 


74<5  CONCILES 

Can.i.  Ks  reconnoiflent  que  comme  les  Rois  ont  befo'm  pour  acquérir 
la  vie  éternelle,  du  minifcere  des  Evéques  ,  ceux-ci  ne  peuvent 
fe  palfer  du  fecours  des  Rois  dans  l'adminiflration  des  biens 
temporels  ;  qu  ils  doivent  à  leur  Souverain  l'obéiflance  6c  la  fidé- 

C»n.  3,  lité.  iinfuite  ils  décrivent  la  décadence  des  Monalteres  des  deux 
fexes,  qui  étant  ou  ruinés,  ou  gouvernés  par  des  étrangers  ,ne 
pouvoient  plus  fe  foutenir  dans  l'obfervance  ,.ce  quioccafion- 
noit  un  dérèglement  prefque  inévitable  dans  les  Moines  &  dans 
les  Religieulés ,  partie  par  pauvreté  ,  partie  par  mauvaife  vo- 
lonté, ôc  furtout  par  le  défaut  de  leurs  Abbés,  qui  étant  Laïcs 
&  la  plupart  (ans  lettres,  &.  mariés  ,  nefe  trouvoient  pas  en  état 
de  faire  obferver  la  Règle.  Le  Concile  rapporte  les  Capituiaires 
des  Rois  où  il  eft  défendu  aux  Laïcs,  mcm.e  de  piété ^  de 
difpofer  des  biens  des  Monafteres,  ôc  ordonné  que  les  Abbés 
entendront  la  Règle  ôc  la  pratiqueront  avec  les  ?4oines  ;  6c 
qu'il  fera  permis  à  ceux-ci  de  fe  choifir  leurs  Abbés.  Enconfé- 
quence  il  ordonne  qu'à  l'avenir  les  Abbés  feront  des  Religieux 
,  inftruits  de  la  difcipline  régulière ,  ôc  que  les  Moines  &  les  Reli- 
gieufes  vivront  dans  la  piété  «Se  la  fimpiicité  de  leur  profelîion  ; 
ôc  qu'afin  de  retrancher  dans  les  Monafleres  le  vice  de  propriété 
ôc  la  vanité  dans  les  habillemens,  il  fera  fourni ,  félon  la  Règle, 
tout  le  néceflaire,  tant  pour  la  nourriture  que  pour  le  vête- 
ment. 

Ciin.4.  VIL  On.  explique  enfuite  ce  que  c'eft  que  le  facrilege  , 
combien  il  y  en  a  defpeces,  ôc  on  prononce  quatre  anathêmes 
contre  les  coupables  de  ce  crime;  que  la  porte  du  Ciel  leur  l^it 
fermée  ;  que  la  porte  de  l'Enfer  leur  foit  ouverte  ;  qu'ils  n'aycnt 
aucune  communion  ni  fociété  avec  les  Chrétiens ,  ôc  qu'on  ne 
donne  pas  même  ce  qui  fort  de  leur  table  aux  pauvres.  Ces 
anathêmes  font  particulièrement  contre  les  voleurs  d'Egiifei  (2c 

Cm.  j.  ceux  qui  en  détiennent  les  biens.  On  prononce  encore  anatliéme 
contre  ceux  qui  manquoient  de  refpetl  envers  les  Prétrco  ôC 
autres  Minières  facrés  ,  qui  les  mépriïbient  ou  les  outragecneiit. 
Le  Concile  cite  ,  fur  le  refpett  dû  aux  l^ccléfialliques,  plufici.rs 
paff.ges  des  fauifes  Décretales  ,  ôc  il  y  e.i  ajoute  de  l'Ecriture. 

Can.6.  Il  fe  plaint  de  l'avarice  dos  Laïcs,  montée  à  un  point,  qu'ils 
exigeoieiu  des  Prêtres, fur  les  biens  confacrés  à  Dieu  ,  des  cens 
ÔC^auires  tributs,  des  préfens  ,  des  repas,  de  !eur  fournir  des 
cheva.ix  ou  de  quoi  les  engraifftr ,  quoiqu'il  ne  leur  fût  permis 
d'exigé.'  pour  ces  i  icn,  que  le  lérvice  fpiricucl.  Ces  plaintes  ic- 
gardoiciiL  apparemment  les  Patrons,  qui  en  nommant  aux  Bé- 


DU    DIXIEME    SIECLE.       747 

r^fices  de  leur  collation  ,  impofoient  ces  charges  à  ceux-  qu'ils 
romnioienf.  Le  Concile  dcciare  les  dixmes,  les  oblations  ÔC 
les  prémices  exemtes  de  tous  droits  Fifcaux  ôc  Seigneuriaux, 
&  ordonne  qu'elles  feront  adminidrdes  fuivant  l'ancien  ufage 
par  les  Prêtres ,  avec  la  participation  de  TEvêque.  Il  exhorte 
néanmoins  les  Prêtres  à  rendre  aux  Seigneurs  des  lieux  où  leurs 
Egliles  font  lîtuées  le  refpecl  convenable  ,  &  à  fe  faire  aimer 
de  môme  de  leurs  Paroiliiens,  fans  préjudice  de  leur  miniftere. 
Il  fait  voir  par  l'autorité  de  l'Ecriture  ,  qu'on  doit  la  dixme 
de  tous  les  biens  ,  fullent-ils  les  fruits  du  trafic  ou  de  l'induflrie, 

"V  I II.  Après  quoi  il  condamne  les  rapines  ,  les  pillages  ,  le  Can.r. 
rapt  &  les  mariages  (  a  )  clandedins  ,  ou  qui  fe  contracloient  en 
fecret  ôc  fans  les  formalités  ordinaires  prefcrites  par  les  Loix. 
Avant  que  de  contracter  mariage  on  devoir  en  donner  avis  au  Can.  t. 
Curé  de  la  ParoilTe  ,  qui   interrogeoit  les  contrattans  dans  l'E- 
glife  (6)  en  préfence  de  tout  le  Peuple  ,  pourfçavoir  d'eux  s'ils 
n'étoient  point  parens  ,  ou  s'ils  n'avoient  point  d'engagemens; 
9lors  le  Prêtre  leur  donnoit  la   bénédiction  nuptiale.  La  fille 
devoit  avoir  fa  dot  :  c'étoit  les  parens  qui  la  mettoient  entre  les 
mains  de  l'époux  ,  ou  des  paranymphes.  Le  Concile  condamne  Cm.  t. 
auUi  la  débauche,  furtout  dans  les  Eccléfiaftiques ,  à  qui  pour 
ce  fujet  il  défend  la  fréquentation  des  femmes.  Mais  l'impureté  Can.io. 
étoit  le  vice  dominant  dans  tous  les  Chrétiens  ;  quand  on  les 
reprenoit ,  ils  répondoient,  nous  ne  faifons  que  ce  que  font  les 
Prêtres:  ce  qui  rendoit  mcprifable  le  facré  Miniftere;  quoiqu'il 
y  eut  encore  de  faints  Prêtres  ,  mais  dont  la  réputation  fouffroit 
des  mauvaifes  mœurs  des  autres.  Le  Concile  exerce  encore  fon    C-w.  ti,ix, 
zèle  contre  les  fraudes  ,  les  parjures  ,  les  juremens  ôc  les  inimi-  '^* 
tiésqui  occafionnoient  grand  nombre  de  meurtres; ces  violences 
s'étendoient  non-feulement  fur  le  commun  des  Chrétiens  ,  mais 
encore  fur  les  Prêtres ,  ôc  même  fur  les  Evêques  :  &  on  en  avoit 
un  exemple  récent  dans  le  meurtre  de  Foulques  ,  Archevêque 
de  Reims.  On  renouvella  la  Sentence  d'excommunication  con-  Cm.  14. 


(a)  Nullus  occultas  miptias  faciat ,  'vel 
quam  propinqiius  lis'.bu.t  l'ucat  iixorrm  : 
frd  doî:it.im  &  à  parent. bus  tradi'am  per 
benedifti''nem  SacerJotum  accipiat  qui 
Yult  uxoren'.  Cin.  8. 

(b)  Pli  is  «onvenieniiis  efl  Sacerilos 


rere  unà  cum  omni  populo  ipfe  Sacerdoi 
débet ,  fi  ejus  propinqu.i  (it  ,  an  non  ,  avt 
al'.'rius  uxor  ,  vel  fponû  ,  vl  adultéra, 
&  (îliiita  &  honcP.a  pariter  omnia  inve. 
B'.Tint  ,  tune  per  coniîiiuin  &  l)€ncdiLtio- 
ncin  SacerdoMs   ,    &    confultu    aliorum 


în  cujus  Parochia  nuptir  fieri     bent  ,   in    j    hominum  bonjrum  eam  fponlare  ,  &  k- 
Eccleflacoramoiniii  populo:  &  ibiinqui-    1    citijnè dotale -'  b^t.   Ji'.à. 

BBbbbij 


748  e    O   N    c   r  L    ET  5 

tre  ceux  qui  en  avoient  été  les  auteurs  ;ôc  ce  qui  avoit  été  or- 
donné dans  plufieurs  Conciles  ,  pour  empêcher  qu'à  la  mort 
d'un  Evêque  on  ne  s'emparât  des  meubles  ôc  autres  biens  de 
l'Eglife  ,  fous  prétexte  qu'ils  auroient  appartenus  au  défunt ,  le 
Concile  traite  ce  pillage  de  facriiege  ,  ôc  veut  que  pour  obvier 
à  cet  abus  ,  l'Evéque  le  plus  voifin  alîiile  aux  funérailles  ,  qu'il 
faffe  inventorier  tout  ce  qui  fe  trouve  dans  la  Maifon  Epi/co- 
pale  ,  &  qu'il  envoyé  cet  inventaire  au  Métropolitain,  il  veut 
encore  qu'autant  que  faire  fe  pourra  ,  deux  ou  trois  Evêques  fe 
trouvent  aux  obféques  de  leur  confrère ,  afin  de  lui  témoigner  la 
mêmecharité  après  fa  mort ,  qu'ils  auroient  eue  pour  lui  de  fon 
vivant. 
€an.i4,'T).  IX.  Toutes  ces  Ordonnances  font  appuyées  de  quantité  de 
pafTages  de  l'Ecriture,  des  Conriles ,  des  Pères  ôc  des  Capitu- 
laireSj  ce  qui  les  rend  extrêmement  diffus.  Le  Concile  ajouta 
qu'étant  informé  par  le  faint  Siège  que  l'on  répandoit  en  Orient 
les  erreurs  ôc  les  blafphêmes  d'un  certain  Photius  contre  le  Saint- 
Efprit ,  ailurant  qu'il  ne  procède  que  du  Père  ,  ôc  non  du  Fils  i 
il  exhortoit  les  Evêques  à  chercher  dans  l'Ecriture  Ôc  dans  les 
Pères  dequoi  réfuter  cette  erreur ,  ôc  écrafer  la  tête  de  ce  mau-; 
vais  ferpent-  Cette  Affemblée  finit  par  une  longue  exhortation,  . 
qui  roule  fur  la  néceiîité  d'inflruire  les  Fidèles ,  dont  plufieurs 
arrivoient  à  la  -vieilleffe  faiTS  fçavoir  même  les  paroles  du  Svm* 
bole  ÔC  de  fOraifon  Dominicale  :  ignorance  d'autant  plus  dan- 
gereufe'  qu'elle  rendoit  inutile  ce  qui  paroilfoit  de  bon  en  eux, 
p.uifqu'ilsn  avoient  pii  faire  de  bonnes  œuvres  fans  ce  fondement - 
de  la  Foi. 
FondatiioiT  X.  On  a  mis  enfuite  du  Concile  de  Troflé  le  teftament  de" 
Guiilau'me'^^^'^  Guillaume,  Comte  d'Auvergne  ôc  Duc  d'Aquitaine.  C'eft:  pror 
Duc  d'Aqui-  prcment  la  charte  de  la  fondation  de  l'Abbaye  de  Cluni.  Elle  effe 
t3ine,tom.i>,  (J^tée  de  l'onzième  de  Septembre  de  l'an  pio,  l'onzième  du 
5^5,  '  règne  du  Roi  Charles.  Le  Duc  y  déclare  que  voulant  employer 

utilement  pour  le  falut  de  fon  anie  les  biens  que  Dieu  lui  avoic 
donnés  ,  fon  defïcin  étoit  d'entretenir  à  fes  dépens  une  Commu- 
nauté de  Moines;  qu'il  donnoità  cet  effet  la  Terre  de  Cluni", 
avec  la  Chapelle  qui  y  étoit ,  à  cOncUtion  qu'on  bâtiroifà  Cluni 
même  un  Monaflcre  en  IhonnGur'de faint  Pierre  ôc  ffmt  Paul^ 
où  la  Règle  de  faint'Benoît  feroit  obfcrvée  ;  ôc  qu'il  (érviroit  de 
refuge  à  ceux  qui  forçant  pauvres  du  iiccle,  napporteroient  a\ec 
.eux  qu'une  bonne  volonté.  Il  ordonna  que  les  Moines  de  ce 
Monaftere  ôc  les  biens  en  dépendans  demcurcroient  fous  la 
(i  d  :  .;  d  a 


DU    DIXIEME    S  I  E  C  L  E.        74^ 

j)ulflance  de  l'Abbc  Bernon  ,  tant  qu'il  vivroit ,  &  qu'après  fa 
mort  il  leur  feroit  permis  d'élire  pour  Abbé  ,  félon  la  Règle  de 
faint  Benoit ,  celui  qu'il  leur  plairoit  du  même  Ordre ,  faiis  que 
lui ,  Duc,  ni  aucune  autre  Puilfance  puiiïe  empêcher  l'élection 
régulière.  Une  autre  condition  fut ,  que  les  Moines  de  Cluni 
payeroient  tous  les  cinq  ans  dix  fois  d'or  àS.Pierre  dellome  pour 
]e  luminaire,  &  qu'ils  excrceroient  tous  les  jours  les  œuvres  de 
mifericorde  envers  les  pauvres,  les  étrangers  ôc  les  pèlerins. 
Guillaume  déclara  que  dès  ce  jour  ces  Moines  ne  feroient  fou- 
rnis ni  à  lui  ,  ni  à  fes  parens,  ni  au  Roi ,  ni  à  aucune  Puifiance 
de  la  terre  ;  conjurant  au  nom  de  Dieu  les  Princes  ,  le  Pape  , 
les  Evéques  de  ne  point  s'emparer  des  biens  de  ce  Monallere  ; 
de  ne  les  vendre,  ni  échanger,  ni  diminuer ^  ni  les  donner  eia^ 
Fief  à  perfonne  ;  &  de  ne  leur  point  donner  de  Supérieur  con- 
tre leur  volonté.  Cette  donation  fut  pafTée  à  Bourges,  &  fcuf-^ 
crite  par  le  Duc  Guillaume  avec  le  fceau  d'Ingelberge  fon  épou- 
fe;de  ?vladalbert ,  Archevêque  de  Bourges,  d'Adalard  ,  Evê- 
que  de  Ci-ermont ,  d'un  autre  Evéque  nommé  Atton  ,  de  plu- 
Heurs  Seigneurs,  &  d'Oddon,  Diacre  ôc  Vice-Chancelier. 

X I.  Mariana  met  en  5)4-0  un  Concile  dans  le  Dioccfe  de  Nar-  Concile  de- 
benne,  en  un  endroit  nommé  la  Fontaine-Couverte.  Mais  puif-  ^'^•'''^°"';e  «"■ 

-,  '.911,  iL'id.  vn^t ' 

qu'ArnudCj  Archevêque  de  Narbonne  ,  y  préfida  ,  &  qu'Agius  j^s. 
•  lui  avoit  fuccédé  dès  l'an  pi  <; ,  comme  on  le  voit  par  les  fouf- 
cripcions  du  Concile  de  Châlons-fur-Saône  de  cette  année  ;  il 
faut  en  fixer  l'époque  à  l'an  p  1 1 .  On  y  termina  le  différend  entre 
■I^vantigife,  Evêqued'Urgel,  ôc  Adulphe  de  Pallaria au fujet  des 
limites  de  leurs  Diccèfes. 

XI I.  On  ne  fcait  autre  chofe  du  Concile  de  Tours  en  p  1 2  ,     Ccuciie  de 
fmon  qu'il  y  fût  arrêté  qu'on  célebreroit  chaque  année  la  Fête  Tours  cn^iî^ 
de  la  Trandation  des  R^eliques  de  faint  Martin  ,,le  1 3  de  Décem- 
bre, jour  auquel  elles  avoient  été  rapportées  d'Auxerreà  Tours, 

en  SS7  ,à  la  réquifition  d'Adalande,  Archevêque  de  cette  Ville. 
L'Evêque  d'Auxerre  fit  d'abord  dilficulté  de  les  rendre  ;  mais- 
Adalande  avant  affemblé  en  cette  année  S 87  les  Evêques  d'Or- 
léans ,  du"  Mans  ôc  d'Angers ,  il  s'adrelfa  de  leur  avis  à  Ingelger  ,- 
Gomte  deGafiinois  ,  qui  obligea  l'Evêque  d'Auxerre  à  rendre 
le  dépôt  qu'on  lui  avoit  confié  pendant  les  incurfions  des  Nor- 
mands. 

X  1 1 1.  Le  Concile  de  Châlons-fur-Saône  en  91  j ,  afïémbl^  ^  Çp^*^'"'*-'''^ 
pour  le  maintien  des  droits  de  l'Eglife  ,  ayant  reçu  du  Prêtre  S;ioneenV>'î>= 
Bcrerius  une  requête  en  plainte  qu'un  autre  Prêtre,   nommi  tom. 9, Cciu:U,- 

BBbtbiii  Fi- 5?^' 


750  CONCILES 

Yves ,  s'ëtolt  emparé  d'une  Métairie  dépendante  de  l'Egllfe  de 
faint  Marcel  que  Bererius  gouvernoit;  le  Concile  ordonna  que 
cette  Métairie  retourneroit  Tous  la  dépendance  de  l'Egiife  de  S. 
Marcel  ,  comine  elle  en  avoit  dépendu  d'ancienneté.  Agius  de 
Narbonne  étoit  un  des  Evêques  de  cette  Affeniblée. 
Concile  de       XIV.  Ilsen  tint  une  à  frodé  en  021  ,  en  préfence  du  Roi 
iW.Mj"??*    Charles  ;  &  ce  fut  à  la  prière  que  Hervé ,  Archevêque  de  Reims, 
leva  rexcoriimunication   qu'il  avoit  prononcée   quelque   tems 
auparavant  contre  le  Comte  Erlebald  pour  s'être  emparé  de 
quelques  terres  qui  appartenoient  à  1  Egli(e  de  Reiras.  Ce  Comte 
avoit  été  tué  dans  le  tems  de  fon  excommunication.  Il  n'en  fut 
relevé  qu'après  fa  mort. 
Concile  de       XV.   Le  Roi  Charles  afTifla  aufTi  avec  Henri  ,  Roi  de  Ger- 
Cobientf    en  manie,  au  Concile  de  Coblents  en  922.  Il  s'y  trouva  huit  hvê- 
^^^'''*       ques.  quelques  Abbés  &  pUiHeurs  Prêtres.  Heriman  ,  Arche- 
vêque de  Cologne,  ôc  Heriger  de  Mayence ,  font  nommés  les 
premiers.  On  y  rit  huit  Canons  dont  les  2  ,  3  ôc  4.  font  perdus. 
Can.  1.  Le  premier  fait  défenfe  de  contrader  mariage  entre  les  parens 
Can.  j.  jiifqu  au  fixiéme  degré  inclufivement.  Le  cinquième  dit  qu'il  eft 
contre  les  règles  que  les  Laïcs  tirent  les  dixmes  des  Chapelles 
qui  font  à  eux  ,  ou  dont  ils  font  Patrons,  pour  en  nourrir  leurs 
chiens  &  leurs  concubines  ;  que  ces  dixmes  doivent  appartenir 
aux  Prêtres  prépofés  à  la  delTertede  ces  Eglifes,  tant  pour  leur 
fubfiftance,  que  pour  les  luminaires  ,  les  réparations,  &  le  fou- 
Can.  6.  lagement  des  pauvres  &  des  étrangers.  Il  eft  dit  dans  le  fixiéme  , 
que  les  Moines  obéiront  en  tout  tems  aux  Evêques,  &  leur 
feront  fournis  avec  les  Eglifes  qu'ils  deffervenr.  On  déclare  dans 
Can.  7.  le  feptiéme ,  coupable  d'homicide ,  celui  qui  féduit  un  Chrétien 
Can.  8.  pour  le  vendre.  Il  eft  défendu  par  le  huitième  à  quiconque  fait 
une  donation,  de  priver  des  dixmes  l'ancienne  Eglife  qui  les 
avoit  tirées  avant  cette  donation. 
^  Concile  He       XVI.  En  925,  OU  924*,  Seulfe ,  Archevêque  de  Reims, 
ihid,'pàgf^l\\  tint  un  Concile  avec  fix  Evêques  &  les  Députés  de  la  Province 
de  Reims  ,  où  1  on  régla  la  pénitence  que  ton  devoit  impoferà 
ceux  qui  s'étoient  trouvés  à  la  bataille  de  Soiffons  entre  le  Roi 
Charles ,  Se  Robert  fon  compétiteur ,  qui  y  fut  tué  ,  n'ayant  pas 
régné  un  an  entier.  Ils  lont  condamnés  à  faire  pénitence  pendant 
trois  Carêmes  ,  trois  ans  de  fuite.  Le  premier  Carême  ils  demeu- 
reront hors  de  l'Egiife  ,    ôc  feront  réconciliés  le  Jeudi-Saint. 
Chacun  de  ces  trois  Carêmes  ils  jeûneront  au  pain  ôc  à  l'eau  le 
Lundi ,  ic  Mercredi  ôc  le  Vendredi,  ou  ils  le  rachèteront.  Ils 


DU    DIXIEME    SIECLE.  7J1 

obferveront  un  feiviblabie  jeune  quinze  jours  avant  la  Saint-Jean, 
ôc  quinze  jours  avant  Noël  ,&  tous  les  Vendredis  de  Tannée, 
s'ils  ne  rachètent  ce  jeône,  ou  ,  s'il  n'arrive  ce  jour  là  une  Fête 
folemneile  ,  s'ils  ne  font  malades,  ou  occupés  au  fervice  de.  la 
guerre.  On  rachetoit  les  jeûnes  par  des  aumônes  >  ou  en  nour- 
riffant  un  certain  nombre  de  pauvres. 

XVII.  L'Archevêque  Seulfe  préfida  à  un  autre  Concile  „  ^*?"*^''^ '''' 
aliemble  a  1  roi  le  au  mois  d  Octobre  de  1  an  5)24  ,  ou  le  Comte 
Ifaac  fe  réconcilia  avec  Eftienne  ,  Evêque  de  Cambrai.  Ifaac 
s'étoit  emparé  fraudul'-'ufement  d'un  Château  dépendant  de 
l'Eglife  de  Cambrai ,  ôc  l'avoit  brûlé.  Il  fut  ordonné  qu'il  don- 
neroit  en  dédommagement  cent  livras  d'argent;  6c  à  cette  con- 
dition, réglée  en  préfence  desEvcques  ,  ôc  depluficurs  Comtes 
de  France,  Eftienne  lui  rendit  Ton  amitié. 

X  V  1 1 1.  Dom  Martenne  ôc  le  Père  Hardouin  ont  publié  les      Concile  de 
aftes  d'un  Concile  de  Tours  en  92  j  ,  où  l'on  ne  voit  point  d'au-  HMduirKTômi 
tre  Evéque  que  le  Diocèfain.  C'étoit  Robert ,  Archevêque  de  '^,pig.  565; 
cette  Ville.  Comme  il  tenoit  fon  Synode  ordinaire,  le  Prêtre  ^ffT^'^o'' 
Kainald  le  plaignit  que  le  rretreCaulridc  lui  enievo.t  les  aixmes  rhomag.  ann. 
'appartenantes  à  l'Eglife  de  faint  Saturnin  qu'il  deiTervoit.Gau-   ^7°°^U'>,v^'<-g' 
Iride  foutint  qu'il  étoit  en  podelhon  d'en  percevoir  la  moitié  ,  à 
caufc  de  l'Eglife  de  faint  Vincent.  Ses  preuves  n'ayant  pas  été 
jugées  fulliîantes  ,  le  Synode  ordonna  que  Gaufride  recoureroit 
au  jugemenr  de  Dieu  ,  par  une  perfonne  députée  de  fa  part.  On 
fit  l'épreuve  ou  feu ,  l'homme  en  fortit  fans  en  être  endommagé  ; 
ôc  l'on  adjugea  à  bEgiife  de  faint  Vincent  la  moitié  des  dixmes 
conreltées. 

X  I  X.  Le  Concile  de  Charlieu,  Wonafiere  drais  le  M-^^co-     Concile  Je 
nois  ,  ne  fut  compofé  que  des  Evêoues  de  Lyon  ,  de  Màcon  ôc  „  l"^  "^"    ^" 
de  Maurienne.  On  y  prit  les  mefures  néceifaires  pour  rétablir  les  C^'-xn.    pajr. 
Eglifes  ôc  les  autres  lieux  faints  détruits  ,  ou  ravagés  par  les  5^^*' 
brigands.  Il  y  fut  auffi  ordonné  qu'on  rendroit  à  l'Abbaye  de 
Charlieu  dix  Eglifes  qu'on  lui  avoir  otées.  Ce  Concile  fe  tint  en 
5125. 

X  X.  Le  Comte  Keribert  en  convoqua  un  à  Trofié  en  P27  ,      Concile  Je 
où  aflillerent  fix  Evêques.  Rodolfe  quiavoit  été  reconnu  pour  iil^,'"^^"^*''' 
Roi  depuis  la  mort  de  Robert ,  par  plufieurs  Seigneurs  François , 
manda  à  Heribert  de  différer  le  Concile  ,  ôc  de  venir  hnrouver  à 
Compiegne.  Le  Comte  n'obéit  point.  L'Alfemb'ée  eut  lie;,  ôc  ' 
Heribevt  y  fut  préfent.  On  admit  à  pénitenc  le  Comte  Herluin  , 
qui,  du  vivant  de  faiemme,  en  avoir  époufé  une  autre. 


f.^è  CONCILES 

Concile  ik      XXI.  Après  la  mort  de  Vigeric,Evcque  de  Metz,  le  Roi 
o'  7    iLid  Si  -lienri  mit  a  la  place  un  nomme  bernon  qui  menoit  la  vie  tiere- 
Aâ.    ^Ordin.  mitique  fur  le  Mont-Eccel  aux  environs  de  Zurich.  Le  Clergé 
,S.  Benedicu,  ^  |    Peuple  dc  Metz  n'eurent  aucune  part  à  ce  choix.  Ils  en 
Flodn-.rd.    in  a^'oient  élu  un  ;  mais  1  autorité  du  r rince  prévalut,  au  préjudice 
Chronic.     M  Je  Bemon  ;  car,  après  avoir  gouverné  fou  Kg! ife  environ  deux 
aiji.i^i  °        ans ,  des  mcchans  l'ayant  fu-rprisfecrettement  lui  arrachèrent  les 
yeux  ,  ôc  d'autres  membres  ,  qui  le  mirent  hors  d'état  de  faire  les 
fontlions  de  fon  Miaiftere.   Ce  crime  occafionna  le  Concile 
d''Uiitourg  dans  le  Duché  de  Clevcs.  On  y  excommunia  les  cou- 
pables; ôc  Bernon  ayant  renoncé  volontairement  à  fon  Evêché^ 
on  éîut  canoniquement  Adalberon  pour  lui  fucceder.  Bernon 
foufinc  avec  beaucoup    de   patience   Tinjure  qu'on  lui  avoit 
faite. 
^o^Kile  àe       XXII.  En  Angleterre  le  Roi  Ethelflan  ,  fuccelTeur  d'E- 
Angleterre  en  douard ,  aliembla  un  Concile  a  Cratelean  en  92b  ,  ou,  de  1  avis 
^i8 ,  Tom.  p ,  (Je  l'Archevêque  Ulfhelme ,  des  autres  Evêques  de  fon  Koyau- 
5  8i"&  jl'in'l  "1^  )  ^  "^^  ^"^  Miniftres  ,  il  Ht  diverfes  Loix  ,  tant  pour  la  police 
tom.  6 ,  p:g.  civile  ,  qu'eccléfiaflique.  Ce  Prince  y  ordonne  que  toutes  les 
'^''  t-errcs  ,  mcme  de  fofi  Domaine,  payeront  la  dixme;  que  ceux 

Ca^.  I.  qui  tieniKnc  fes  Fermes  donneront  de  quoi  nourrir  &  vêtir  cer- 
txiin  nombre  de  pauvres,  ôcque  l'on  mettra  en  liberté  un  Efclave 
chaque  mois.  Il  veut  qu'on  punilTe  de  mort  les  Sorcières,  ou 
IViagiciennes  convaincues  d'avoir  attenté  à  la  vie  de  quelqu'un  , 
ou  de  prifon  &  de  grolTes  amendes ,  i\  la  preuve  n'efl:  pas  com- 
•C-p.  3-  plettc  :  Mais  il  leur  permet  de  fe  judilîcr ,  fi  elles  le  demandent , 
par  les  épreuves  ulitées  alors ,  qui  étoicnt  celles  du  feu  &  de 
.C(7j.i.  4£r' j.  l:eau.  Celui  qui  fefourncttoit  à  l'une  ou  l'autre  de  ces  épreuves  , 
venoit  trois  jours  avant  que  de  l'entreprendre ,  trouver  le  Prêtre , 
de  qui  il  recevolt  la  bénédiction  ordinaire.  Pendant  les  trois 
jours  fuivans  il  ne  mangeoit  que  du  pain,  du  fel ,  ou  des  légumes, 
ôc  ne  buvoit  que  de  l'eau.  Chaque  jour  il  afFiftoit  à  la  Melfe,  ôc 
f?.ifoit  fon  offrande.  Au  moment  dje  l'épreuve  il  recevoit  l'Eu- 
chariflie  ,  ôc  fiifoit  ferment  qu'il  étoit  innocent  du  crime  dont 
on  faccufoit.  Si  c'étoit  l'épreuve  de  l'eau  glacée  ,  on  l'enfonçoit 
avec  une  corde  d'une  aune  ôc  demie  de  longueur  au-dclTous  de  la 
fuperlicie  de  l'eau.  Si  c'étoit  celle  du  fer  chaud  ,  on  l'envcloppoit 
dans  fa  main  ,  où  on  le  laiffoit  trois  jours.  Si  c'étoit  l'épreuve  de 
l'j^au  chaude  ,on  attendoit  qu'elle  fût  bouillante,  ôc  alors  on  lui 
enf  inçoit  la  main,  ou  même  le  bras  dans  cette  eau  ,  en  attachant 
_à  fa  main  une  pierre.  Dans  ces  trois  épreuves  l'accufateur ,  de 

iiiçme 


i 


DU    DIXIEME    SIECLE.       -j^i 

•jnênrre  queTaccufc!;,  ctoit  obligé  de  jeûner  trois  jours,  &  d'attcfter 
jpar  ferment  la  vérité  de  fon  accufation.  Ilsfaifoient  venir  chacun 
douze  témoins,  qui  prctoient  ferment  avec  eux.  On  a  deux  édi- 
tions de  ces  Loix.  La  première  ne  parle  que  de  l'épreuve  de 
l'accufc  pour  fa  juftification.  Ilcfl:  dit  dans  la  féconde  que  l'accu-  Qp.r  ,  s. 
.fateur  la  faifoit  aufli,  ou  qu'elle  fe  faifoit  par  deux  perfonncs  de 
.chaque  coté. 

X  X  1  1 1.  On  défend  de  vendre  &  de  négocier  les  jours  de  Cap.  6. 
^Dimanches,  fous  peine  d'amende;  d'admettre  à  ferment  celui 
.qui  a  été  convaincu  de  faux.  Les  mefures  publiques  dévoient  Cap.  lo. 
■être  réglées  fur  celle  de  TEvêque.  Il  efl  ordonné  que  tous  les  Cap.  w, 
■.Vendredis  les  Minifl.res  du  Seigneur  ,  tant  dans  les  Monafteres , 
(que  dans  les  grandes  Eglifes,  chanteront  cinquante  Pfeaumes 
^pour  le  Roi  Ôc  fes  Sujets. 

XXI V.  Le  premier  jour  de  Juin  de  l'an  p5  2  le  Roi  Henri      .    Concile 
.affembla  un  Concile  à  Erford,  Ville  d'Allemagne  dans  la  Tu-  '^ ,'!  ? t'cm.  ? , 
.ïinge,  où  affifterent  Hildebert,  Archevêque  de  Mayence  ;  Roger,  Cmdl    pag-. 
Archevêque  de  Trêves,  ôcUnni  de  Hambourg,  avec  dix  autres  '^'' 
Evêques  ,  du  nombre  defquels  étoit  faint  Uldaric  ,    Evcque 
d'Aultourg.  Il  nous  relie  cinq  Canons  de  ce  Concile,  qui  por- 
tent ,  que  l'on  célébrera  avec  folemnïté  les  Fêtes  des  douze  Ctn.  t. 
.Apôtres ,  &  que  l'on  jeûnera  les  Vigiles  établies  anciennement  ; 
(que  l'on  ne  tiendra  point  les  Audiences,  ouAffemblées  fécu-  ^ 
lieres,  les  Dimanches,  les  Fêtes  ,  ni  les  jours  de  jeûne  ;  ôc  que 
les  Juges  ne  pourront  citer  perfoune  à  leurs  Audiences,  fept 
jours  avant  Noël,  depuis  la  Quinquagcfime  jufqu'à  TOclave  de 
Pâques,  ôc  fept  jours  avant  la  Saint-Jean.  Ce  fut  le  Roi  Henri 
qui  autorifa  cette  défenfeen  faveur  de  la  Religion  Chrétienne, 
afin  que  les  Fidèles  euffentplus  de  loifir  pour  fréquenter  les  Egli- 
fes ,  ôc  y  vaquera  la  prière  dans  ces  tems-là.  Il  fit  ajouter  qu'ils  Can.  j. 
ne  feroientfujets  à  aucun  ban  ,  ou  citation  de  la  Puifi'ance  publi- 
que, lorfqu'ils  iroient  à  l'Eglife  ,  qu'ils  y  feroient,  ou  qu'ils  en 
reviendroient.  Uii  Prêtre  ,  ou  un  Diacre,  qui,  faute  d'attention  q^j.  4. 
fur  fes  mœurs ,  aura  donné  lieu  à  quelques  mauvais  foupçons 
dont  l'Evêque  aura  eu  connoiflance  ;  ou  s'accufera  devant  lui  de 
fon  péché  pour  en  recevoir  la  correèlion  ,  ou  prouvera  fon  inno- 
cence par  ferment,  ôc  par  le  témoignage  de  quelques-uns  de  fes 
Collègues.  Il  y  avoit  des  Chrétiens  ,  qui  étoient  perfuadés  qu'en  ^.^^ 
s'impoiant  des  jeûnes,  ils  devinoient  plus  aifément  l'avenir  ;  le 
Concile  défend  cette  fuperflition,  ôc  des'impofer  un  jeûne  fins 
la  pcrmidion  de  l'Evêque. 

Tome  XXI I.  C  C  c  c  c 


754  CONCILES 

Concile       XXV.  On  ne  fçais.  rien  de  ce  qui  fe  pafTa  au  Concile  de 
Tierrl'en*^^"'  Château-Thierri-fur-la-Mame  dans  le  DiocèfedeSoiffons,  finon 
tom.6,ConnL  quHildegalre  y  fut  ordonné  Evêque  de  Beauvais  par  Artaud, 
Harduini,pjg.  Archevêquc   deR.eims,  accompagné  de  Teutolon  de  Tours, 
&  de  quelques  autres  Evêques  de  France  &  de  Bourgogne.  Ce 
Concile  fut  tenu  en  93  5  ,  pendant  le  cours  des  fix  femaines  que 
dura  le  fiége  mis  par  le  Roi  Rodulfe  devant  cette  FortercfTe  qui 
appartenoit  au  Comte  Heribert. 
Concile  de       X  X  V  L  Deux  ans  après ,  c'eft-àdire ,  en  9  3  ç  ,  Artaud  pré- 
p\r^]bid.  &  fidaà  un  autre  Concile  qui  fe  tintàFifmes  dans  l'Eglife  defainte 
10771. 9-ConcU.  Macre,  contre  ceux  qui  s'emparoient  des  biens  Eccléfiaftiques  , 
ffl^-  593-        5^  contre  les  pillards.  0\\  les  avertit  de  fe  corriger,  &  de  faire 
pénitence. 
^T^^'\^^       XXVII.  On  rapporte  au  même  temsles  Loix  que  Hoëli, 
en  Ans'iêt'er-  furnommé  le  bon  Roi  de\v'alles,ou  deGalles  en  Ang}eterre,fiten 
re,  ibïd.  ptijT.  favcur  de  r£g!ife,dans  uneAfTemblée  générale  qu'il  convoqua  de 
,Éoo.  ^Q,jg  ^gg  Etats.  Tous  les  Evoques, Abbés, &  Supérieurs  de  ,\Ionaf- 

teres  s'y  trouvèrent,  avec  fix  Laïcs  de  chaque  Centurie ,  ou  Can- 
ton ,  &  il  choifit  les  plus  dotles  ôc  les  plus  prudens.  Ces  Loix 
font  divifées  en  quarante  articles  ,  ôc  on  paffa  tout  le  Carêmeà 
Gap.  ^  ù").  les  former.  Voici  les  plus  remarquables.  Le  Roi  donnoit  à  fou ■ 
Prêtre  ,  le  jour  de  Pâques  ,  les  habits  dont  il  s  eroit  lervi  pendant 
le  Carême  ;  ôc  la  Reine  donnoit  auiii  à  fon  Prêtre  ceux  avec  Icf- 
quels  elle  avoit  fait  pénitence  pendant  ce  famttems.  L'Office  du 
Cap.  6.  Prêtre  de  la  Cour  dans  les  Audiences ,  efl  d'effacer  du  regiftre  les 
Procès  qui  font  jugés;  de  conferver  par  écrit  ceux  qui  ne  le  font 
pas ,  6c  de.prêter  fon  miniflerc  au  Roi  pour  les  lettres  qu'il  reçoit ,  , 
Cap.  7.  &  pour  les  réponfes.  Les  douze  principaux  Officiers  de  la  Cour 
prêtoicnt  chaque  année  ferment  dans  l'Eglife  devant  le  Chape- 
lain ,  de  rendre  la  juflice  gratuitement  ,  avec  équité ,  &  fins 
f^P-  -?•  acception  de  perfonne.  Le  Prêtre  du  Roi  étoir  chargé  de  bénir 
les  viandes  6c  la  boiffon  qu'on  fervoit  à  fa  table.  Lorfqu'il  s'agif- 
Cap,  40.  foit  de  fe  purger  d'un  crime  par  ferment ,  on  le  répetoit  trois 
fois  en    préfence    du  Prêtre  ,    à  l'entrée  du  Cimetière  ,  à  la 
porte  de  l'Eglife  ,  ôc  à  la  porte  du  Choeur.  Il  paroît  par  le  dix- 
feptiéme  article  ,  qu'un  homme  pouvoir  répudier  fa  femme  pour 
le  feul  cas  de  familiarité  avec  un  autre,  fans  preu\e  d'aduttere. 
SoSo'n's ''  en       ^  ^  V  n  I.  A  la  mort  de  Seulfe  en  9  2  s ,  Heribert ,  Comte  de 
9^^,ihiA.p^g.  Vermandois  ,  lui  lïit  donner  pour  fucceffeur  fon  fils  Hugues, 
*°*'  quoiqu'il  n'eut  que  cinq  ans.  Six  ans  après  le  Roi  Rodulfe  ayant - 

pris  la  Ville  de  Reims ^  tira  du  Monadcre  de  fauit  Keiiii  Artaud  , 


DU    DIXIEME    SIECLE.        j^t 

^&  le  fitfacrer  Archevêque.  Artaud  gouverna  l'Eglife  de  Reims 
huit  ans  ôc  feptmois  ,  au  bout  defquelscette  Ville  étant  retournée 
en  la  puilTance  d'Heribert ,  ce  Comte  l'obligea  de  renoncer  à 
i'adminiflration  de  l'Archevêché  ,  ôc  de  fe  retirer  en  l'Abbaye 
de  faint  Balle.  C  etoic  en  9-4.0.  L'année  fuivante  Heribert  ôc 
Hugues  fon  fils  affcmblerenc  un  Concile  à  SoilTons.  Artaud  y 
fut  invité  ,  mais  il  rcfufa  d'y  aller  ;  ôt  fçachant  qu'on  penfoit  d'y 
■facrer  Archevêque ,  Hugues  ,  qui  étoit  déjà  avancé  dans  les 
Ordres,  il  menaça  d'excommunication  ceux  qui  oferoient  or- 
. donner  de  fon  vivant  un  Arclicvêquc  de  Reims,  ôc  appella  au 
■faint  Siège  de  tout  ce  qui  fe  feroit  à  cet  égard  dans  le  Concile. 
Ses  menaces  n'intimidèrent  perfonne.  Le  facre  de  Hugues  fut 
réfolu  ;  ôc  les  Evêques  étant  palfés  de  SoilTons  à  Reims  l'ordon- 
•nerent  Archevêque  dans  l'Eglife  de  faint  Rémi  à  lage  de 
vingt  ans. 

XXIX.  Ode  ou  Odon,fucce(reurde\^ulfelme  dans  leSiege  j„^,;''"a;[£: 
.de  Cantorberi  en^p-^a  ,  fit  quelque  tems  après  dix  Statuts  pour  la  v  quedeCan- 
.cpnfolation  du  Roi  Edmond  ôc  l'indrudion  des  Peuples  fournis  '''^en  ,  iki, 
à  fa  domination.  Il  recommande  dans  le  premier  l'immunité  des  ^'•''  " 
Eglifes  ,  ôc  foutient  qu'il  n'ell  permis  à  perfonne  de  les  charger 
<d'aucun  tribut,  en  étant  exemtes  dans  tous  les  Royaumes.  Suc 
quoi  il  cite  un  palTage  de  faint  Ambroife  ,  ôc  un  de  faint  Gcé- 
eoire.  Dans  les  cinq  fuivans  il  détaille  les  devoirs  des  Princes      r'^é,' 
féculiers  ,  des  Evêques ,  des  Prêtres  ,  des  Clercs  ôc  des  Moines. 
Il  exhorte  ces  derniers  à  vivre  dans  l'humilité,  occupés  au  tra- 
vail des  mains,  à  la  lecture  ,  à  la.priere.  Dans  le  feptiéms  il  On. 7. 
.condamne  les  mariages  incellueux  ,  ôc   dit    anathême  à  qui- 
. conque  aura  époufé  une  fille  confacrée  à  Dieu.  Il  recommande  c-n.  s, 
dans  le  huitième  la  paix  ÔC  la  concorde  ,  entre  les  Evêques ,  les 
Princes  ôc  les  Peuples  ;  Ôc  dans  le  neuvième  l'obfervation  des  Cm.  9. 
jeûnes  ,  du  Carême  ,  des  Quatre-tems  ;  ôc  des  mercredi  ôc  ven- 
dredi pendant  l'année.  Il  donne  dans  le  dixième  le  nom  d'au-  Can.  t», 
mône  à  la  dixme  ,  mais  il  ne  lailTe  pas  de- l'ordonner  comme 
étant  prefcrite  par  l'Ecriture.  Les  Statuts  font  fuivis  d'une  Lettre 
fynodalc  à  fes  Suffragans  qu'il  exhorte  à  remplir  avec  foin  les 
devoirs  de  leurs  charges. 

XXX.  En  P4.4.  ,  le  jour  même  de  Pâques  ,  Edmond  ,  Roi     Loix;iuRoi 
d'Angleterre,  tint  à  Londres  une  alTemblée  d'Ecclèfiaftiques  '^'^"^'^i^i'^   l^ 
•&  de  Laïcs ,  dans  laquelle  il  fit  un  grand  nombre  de  Loix  ,  dont  in'.  ' 
<5uelques-uncs    regardent   l'Eglife.    Odon  de  Cantorberi  ,  ôc 
Wulrtan  d'YorcK  étoient  prcfens  avec  plufieurs  autres  Evêques» 

C  Cccc  ij 


T^e  CONCILES 

Ca<^.  I.  La  continence  eft  ordonnée  aux  Clercs ,  fous  peine  de  prîva^- 
tion  de  leur  temporel  &  de  la  fépulture  après  leur  mort.   Les- 
Ca;;.  y.  Eglifes  feront  à  la  charge  des  Evéques  ,  ôc  ils  auront  foin  d^a-- 
vertir  le  Roi  d'orner  celles  dont  ils  ne  font  pas  chargés  cux-- 
O;-.  6.  mêmes.  Le  Prêtre  adiftera  au  mariage  qui  fe  célébrera  dans 
i'Eglife  où  il  dira  la  Mefle.   Il  eft  en  droit  de  les  unir  par  la- 
Ca.^,  II.  bénédidion  de  Dieu  qu'il  donne  aux  deux  contratlans.  Défenfe 
'^^'   '^'  d'attaquer  celui  qui  s'eft  réfugé  dans  TEglife. 
Concile  de       XXX  L   Pierre  de  faint  Julien  raconte  dans  fes  origines  de^' 
9iA,WiàpT  Tournus  ,  qu'en  5)44.   le  Duc  Gifalbert  affembla  un   Concile 
in..  '  dans  le  Monaftere  de  ce  nom  ;  que  les  Archevêques  de  Lyon 

&  de  Befançon  y  alFifterent  avec  cinq  Evéques,  &  qu'ils  déci- 
dèrent unanimement ,  que  l'on  envoyeroit  à  faint  Portien  en 
Auvergne  pour  redemander  les  reliques  qui  y  avoient  été  tranf- 
portées  trois  ans  auparavant,  à  l'occafion  d'un  différend  entre' 
les  iMoines  ôc  le  Duc  qui  vouloir  leur  donner  un  Abbé  indigne 
de  l'être.  Il  ajoute ,  qu'après  le  retour  de  ces  reliques  ,  les  cala- 
mités ,  dont  le  Monaftere  de  Toarnus  avoit  été  affligé  pendant 
leurabfence,  cefferent. 
Concili:>       XXXII.  Après  la  mort  d'Eftîenne ,  qui  de  Métropolitain-; 
»i"nLLV°"'"  d'Amafée  étoit  devenu  Patriarche  de  Conftantinople  ,  on  lui' 
9<,^,ihià.        donna  pour  fucceiTeur  le  MoineTryphon  (  a  ) ,  a  condition  qu'il' 
ne  tiendroit  ce  Siège  que  jufqu'à  ce  que  Theophila£le,  fils  de 
l'Empereur  Romain  ,  fïit  en  âge  de  le  remplir.  Tryphon  ,  quoi-  • 
qu'en  réputation  de  lainteté ,  accfepta  la  condition ,  ôc  fut  ordonné  • 
Patriarche.  On  n'avoit  pas  encore  oui  parler  dans  l'Egliie  de' 
Conftantinople  d'une  ordination  femblable  ;  mais   il  y  avoit ' 
quelque  chofe  d'approchant  dans  le  fait  d'Hcribert,  Comte  de' 
Vermandois ,  par  rapport  à  l'Archevêché  de  Reims ,  qu'il  avoit  ' 
fait  conférer  à  fon  fils  Hugues  âgé  feulement  de  cinq  ans.  Le' 
tems  de  Tryphon  pafTé,  il  refufî  de  quitter  fon  Eglifc  jufqu'à  la. 
décifion  d'un  Concile.  On  en  alfembla  un.  Tryphon  s'y  plaignit  ' 
delà  violence  qu'on  lui  faifoit  pour  l'obliger  a  abandonner  le 
Siège  Patriarchal  ;  ôc  pour  preuve  que  l'objedion   qu'on  lui 
fâifoitde  nefçavoir  point  les  Lettres  ,  étoit  fauffe,  il  écrivit  en 
préfencc  du  Concile  fur  un  papier  ces  mots  :  Tryphon  par  la 
mifericorde  de  Dieu  ,  Patriarche  de  Conftantinople  la  nouvelle 


' a  )  Aaonjm,  num,  z 6  ,  png.  i$.\  ,  Scriptor.  pcjl  Theoph.  & Ceorgius  Mcnachus  , pjg. 


ï)  U    DIXIEME    SIECLE.        7^7 

Rome.  Il  envoya  ce  papier  à  l'Empereur  par  le  Protothrone. 
Le  Prince  en  fublVitua  un  autre  011  il  écrivit  au  nom  de  Tryphon , 
que  fe  croyant  indigne  du  Siège  Patriarchal ,  il  l'abandonnoit  à 
qui  le  voudroit.  Le  Concile  lit  droit  fur  cette  excufe  prétendue 
de  Tryphon  ôc  le  dépofa  fans  aucun  égard  à  fes  plaintes  fur  ia^ 
fraude  dont  le  Protothrone  avoir  ufé  envers  lui.  Le  Siège  d& 
Conftantinople  demeura  néanmoins  vacant  pendant  un  an  & 
cinq  mois  ,  à  caufe  que  Thecphilacle  étoit  encore  trop  jeunes- 
La  collection  des  Conciles  met  celui  ci  enp4.}. ,  d'autres  en  931, 
&  difent  que  Theophilade  fut  ordonne  le  deux  de  Févri^- 
Fan  p5  j. 

XXXIII.  Vers  l'an  94.7  il  y  eut  un  Concile  à  Fontaines  Concîk" 

dans  le  Diocèfc  d'Elne  ,  auquel  Aimt-ricde  Narbonne  préfida.  ':^^^"^er,^47» 
Les  Evêques  de  Girone  &  d'Urgel  y  furent  dépofés  fuivant  le 
Jugement  rendu  contr'eux  parle  faint Siège  ;  mais  auffitôt  après- 
les  Pères  du  Concile  touchés  de  compaHion  ,  les  rétablirent.  Ils- 
ordonnèrent  qu'à  l'avenir  l'Evéque  d'Elne  tiendroit  la  première 
place  après  l'Archevêque  de  Narbonne,  tant  dans  les  Conciles 
que  dans  les  Ordinations  d'Fvêques. 

XXXI  V.  Le  Roi  Louis  ayant  repris  la  Ville  de  Reims  en     Concile  dé 
P4.(5  à  l'aide  d'Otton  ,  Roi  de  Germanie,  Hugues  fut  obligé  ^'^"'iun      en 
d'en  fortir  ,  6c  Artaud  remis  dans  fon  Siège  parles  Archevêques  ^^^''     •f'^*' 
de  Trêves  6c  de  Alayence.  Les  deux  Rois  tinrent  quelque  tems 
après  un  Parlementa  Douzi  fur  le  Cher,  où  l'affaire  des  deux 
Contendans  à  l'Archevêché  de  Reims  fut  examinée.  Hugues 
produifit  des  l  ettres  d'Artaud  au  Pape ,  dans  lefquelles  il  renon- 
çoit  à  l'Archevêché.  Artaud  foutint  qu'elles  étoient  fuppofées.- 
Ce  Parlement  ne  pouvant  paffer  pour  un  Concile,  il  fut  ordonné' 
qu'on  en  tiendroitun  pour  la  mi-Novembre  ,  6c  qu'en  attendant' 
Artaud  demeureroir  en  poffellion  de  l'Eglife  de  Reims ,  &  que 
Hugues  pourroit  faire  fon  féjour  à  Mouzon.  Le  Concile  fut  tenu 
à  Verdun  au  mois  de  Novembre  5)47.  Robert,  Archevêque  de 
Trêves  ,  y  préfida  avec  Artaud  ôc  Odolric,  Archevêque  d'Aix,^ 
qui  s'étoit  réfugié  à  Reims   Les  autres  Evêques  étoient  Adal- 
beron  de  Metz,  Goflin  de  Toul  ,  Hildebalde  de  Munfter,  ôc 
Kraël ,  Evêque  Breton.  Brunon  ,  Abbé  ,  frère  du  Roi  Otton, 
y  affifla  avec  Agenold  ,  Odilon  ,  ôc  quelques  autres  Abbés.  On' 
députa  deux  Evêques  à  Hugues  pour  l'amener  au  Concile  ;  ôc 
n'ayant  pas  voulu  venir ,  on  maintint  Artaud  en  pofTelfion  du' 
Siège  deReims,  ôc  on  indiqua  un  autreConcile  pour  le  treizième^ 
de- Janvier  de  l'année  fuivante. 

C  Cccc  iij, 


7)8  CONCILES 

Concile  de  X  X  X  V.  Il  s'alTembla  à  Mouzoïi  dans  l'Eglife  de  S.  Pierrç.' 
^^r^ii)/'  i"^  Robert ,  Archevêque  de  Trêves,  y  e'toit  avec  les  Evêques  de 
6ii!  fa  Métropole  ,  &  quelques-uns  de  celle  de  Reims.  Hugues  ne 

voulut  p-oint  y  venir  ;  mais  il  envoya  au  Concile  des  Lettres  fous 
le  nom  du  Pape  Agapet,  par  un  de  fes  Clercs  qui  les  avoit 
apportées  de  Rome.  Elles  contenoient  un  ordre  de  rendre  à 
Hugues  fon  Evcché  :  durefte,  elles  n'étoient  point  conformes 
aux  Canons,  On  n'y  eut  donc  aucun  égard.  Et  les  Evcques 
ayant  prisconfeilde  plufieurs  gens  habiles  qui  ëtoient  préfens., 
il  fut  décidé  que  l'on  continueroit  à  exécuter  un  autre  ordre  du 
Pape  apporté  par  Frideric,  Archevêque  de  Mayence  ,  de  pro- 
céder canoniquement  à  l'examen  de  l'affaire  des  deux  Conten- 
dans.  En  conféquence  ,  on  lut  le  dix-neuviéme  Canon  du  Con- 
cile de  Carthage  ,  touchant  l'accufateur  6c  l'accufé  ,  &  confor- 
mément à  ce  Décret  ,  on  conferva  à  Artaud  la  Communion 
Eccléfiaftique ,  &  la  polTelTion  de  l'Eglife  de  Reims  ;  ôc  on  priva 
Hugues  qui  avoit  refufé  de  comparoitre  ,  de  la  Communion  ôc 
du  gouvernement  de  cette  Eglife ,  jufqu'à  ce  qu'il  fe  préfentât  au 
Concile  pénéral ,  indiqué  pour  le  premier  d'Août  de  la  même 
année  Ç'^S.  Le  Canon  de  Carthage  fut  inféré  dans  le  Décret  du 
Concile  de  Mouzon ,  6c  envoyé  à  Hugues  j  qui  déclara  qu'il 
n'obéiroit  pointa  ce  jugement. 
Concile      XXXVI.  Artaud  fe  pourvut  à  Rome.  Le  Pape  Marin  IL 
d'Ingciheini    chargea  fon  Légat  auprès  du  Roi  Otton  ,  d'affemblcr  un  Concile 
eii94S ,  ibid.     '^j[.^i^  ]\  fe  jint  à  Ineelheimle  feptiémede  Juin  048  ,  ôc  non. 
le  premier  d  Août  auquel  on  avoit  d  abord  penie  de  i  indiquer. 
Les  deux  Rois  Louis  ôc  Otton  y  alTiflerent ,  avec  cinq  Arche- 
vêques, vingt-fix  Evêques  ,  tant  de  Gaule,  que  de  Germanie  , 
ôc  grand  nombre  d'Abbés ,  de  Chanoines  ôç  de  Moines.  Les 
Archevêques  étoient  ceux  de  Trêves j  de  Mayence,  de  Colo- 
gne, de  Reims  ;  de  Hambourg.  Le  Légat  Marin  qui  préfidoit  à 
cette  Aflemblée  en  fit  l'ouverture  par  la  lecture  de  fa  commif- 
fion  :  comme  elle  lui  donnoit  tout  pouvoir  ,  les  Rois  ôclesEvê- 
Piig.6t6.  ques  déclarèrent  qu'ils  obéiroient.  Enfuite  le  Roi  Louis  forma 
fa  plainte  contre  Hugues,  Comte  de  Paris ,  qui  l'avoit  chall'é  de 
fes  Etats,  ôc  tenu  un  an  en  prifon,  dont  il  n'étoit  forti  .qu'en 
abandonnant  à  ce  Comte  la  Ville  de  Laon.  Il  s'offrit  de  mon- 
trer qu'il  n'avoit  point  mérité  un  pareil  traitement  ;  ôc  en  cas 
.qu'on  l'accusât  de  quelque  crime,  de  s'en  purger  en  la  manière 
que  le  Concile  l'ordonneroit,  ou  fuivant  l'ordre  du  Roi  Otton,  ou 
parle  combat  fingulier. 


DU  D  I  X  I  E  M  E  S  I  E  C  L  E.  7^5) 
XXXVII.  Après  que  le  Roi  Louis  eut  achevé  fa  plainte  ,  Piig.6z6, 
Artaud  lit  la  lieniie  par  un  mémoire  en  forme  de  lettre  ,  adrclfé  '^' 
au  Légat  ôc  à  tout  le  Concile  ,  détaillant  au  long  tout  ce  qui 
sétoit  palTé  entre  Hugues  &  lui  au  fujet  de  l'Archevêché  de 
Reims  ,  &  ce  qui  avoit  été  réglé  à  cet  égard  dans  les  Con- 
ciles de  Verdun  &  de  Mouzon.  Le  mémoire  étoit  en  Latin  : 
on  l'expliqua  en  Tuilcfque,  à  caufe  des  deux  Rois.  Hugues, 
qui  jufques-Ià  n'avoit  point  comparu  ,  entra  dans  le  Con-  P-g-i^i^ 
cile  avec  les  m^mes  lettres  qu'il  avoit  fait  préfenter  au  Con- 
cile de  Mouzon.  On  les  lut  :  Elles  furent  convaincues  de  faux  ,  ÔC 
Sigebolde  qui  difoit  les  avoir  apportées  de  Rome ,  fut  dépofé  du 
Diaconat,  &  envoyé  en  exil.  On  confirma  donc  à  Artaud  la 
pofrelîlon  de  l'Archevêché  de  Reims.  Sa  caufe  parut  la  meil^ 
leure  ,  parce  qu'il  s'étoit  trouvé  à  tous  les  Conciles ,  &  n'en  avoiÉ 
point  lui  le  lugement. 

XXX  V  H  I.  Tout  cela  fe  pafTa  le  premier  jour  del'Af-  c- SoS/*" 
fembléc.  Le  fécond  on  jugea,  à  la  réquifirion  de  Robert,  Arche- 
vêque de  Trêves  ,  la  caufe  de  Hugues,  ufurpateur  du  Siège  de- 
Reims,  &  ion  (it  la  letture  des  Gsinons  ôc  des  Décrets  des  > 

Papes,  en  vertu  defquels  il  fut  de  nouveau  excommunié.  Le§' 
jours  fuivans  furent  employés  à  drefler  les  dix  Canons  de  ce" 
Concile.  Il  eft  dit  dans  le  premier  que  Hugues ,  Comte  de  Paris ,  Can.  t. 
fera  excommunié  pour  avoir  attaqué  les  Etats  du  Roi  Louis  ,  s'il 
ne  fe  foumèt  à  la  décifion  d'un  Concile.  Dans  le  fécond ,  on  c.t«,  z.. 
déclare  Artaud  canoniquement   rétabli  dans  l'Archevêché  de 
Rei.ns  ;  Hugues   excommunié  pour  l'avoir  ufurpé;  fcs  Ordina- 
teurs, ôc  ceux  qu'il  a  ordonnés  ,  privés  de  la  communion,  s'ils - 
ne  viennent  faire  fatisfaction  au  Concile  indiqué  à  Trêves  pour' 
le  fi^'iéme  de  Septembre.  Le  troifiéme  menace  encore  d'excom-  dn.  j;- 
munication  le  Comte  de  Paris  ,  pour  avoir  chaffé  de  fon  Siégé 
Raoul,  Evêque.de  Laon  ,  dont  tout  le  crime  cojififtôit  dans  fà 
fidélité  au  Roi  Louis.  Les  autres  Reglemens  du  Concile  font  fur 
divers  points  de  difcipline.  On  défend  aux  Patrons  des  Eglifes  C-^"-  4. 
d'y  mettre  des  Prêtres, ou  de  les  en  oter  fanslapermiffion  del'E-- 
vêque'  ;  Ôc  en  général  aux  Laïcs  deVéxerles  ï*rétfës.  Il  eft  ordon-  Can.  j. 
né  de  fêter  lafemaine  de  Pâques  tofute^ôntiere,  ôc  {é -Lundi ,  le 
Mardi  ôc  le  Mercredi  de  la  Pentecôte",   côhime 'le' jour  de 
JDimanche;  de  jeûner  la  grande  Litanie y'où  le  jour'de  faint  Can.6,- 
Marc,  de  même  que  lès  Rogations  avant  rAfcenfion.  Défénfe.Ci/j.  7. 
aux  Laïcs  de  fe  rien  attribuer  des  dblatk>nf*  des-Fïdeles , ni  des  Can.  s.- 
dixmes  qui  font-deftinées  à  ridàtBt  ce'uk  -«^tféfv^ntà  l'A'ut^l^ 


7^0  CONCILES 

CivT.  9-  ^  au  cas  que  les  Laïcs  s'en  foient  emparés  ,  le  jugement  delà 
caufe  n'appartiendra  pas  aux  Juges  féculiers  ,  mais  au  Concile. 
ConcUe  ce  XXXIX.  L'Armée  du  Rai  Louis  reprit  la  Ville  de  Laon 
ib'h^^a/.é^-î.  ^^'^  1^  Comte  Hugues.  AufTitôt  les  Evêques  s'y  afTembierent ,  ôc 
citèrent  Hugues,  tant  de  leur  part,  que  du  Légat  Marin,  à 
venir  rendre  compte  des  maux  qu'il  avoit  faits  au  Roi  &  aux 
Evêques.  Ils  excommunièrent  un  de  fes  Officiers  nommé  Tet- 
baud  ,  qui  avoit  bâti  une  Fortereffe  à  quelque  diflance  de  Laon  , 
pour  fe  maintenir  plus  facilement  en  poflelHon  de  cette  Ville.. 
Trevèl"  ^  en  X.  L.  Artaud  de  Reims ,  fe  rendit  à  Trêves  dans  le  tems 
.g/{i,ihid.  marqué  pour  le  Concile ,  accompagné  des  Evêques  de  Soiflbns, 
de  Laon  ôc  de  Terroùane.  Le  Légat  Marin  les  y  attendoit  avec 
l'Archevêque  Robert.  Il  n'y  vint  point  d'Evêques  de  Lorraine  , 
ni  de  Germanie.  Les  Prélats  s'étant  alTcn^iblés  ,  le  Légat  leur 
denaanda,  comment  le  Comte  de  Paris  s'étoit  conduit  envers 
eux,  ôc  envers  le  Roi  Louis  ,  depuis  le  Concile  d'Ingelheim.: 
Si  on  lui  avoit  rendu  fes  Lettres  de  citation  ,  ôc  s'il  y  avoit  quel- 
que Député  de  fa  part.  Ils  répondirent  qu'il  avoit  continué  à  leut 
faire  beaucoup  de  maux  ^  6c  à  leurs  Eglifes  ;  qu'il  avoit  été  fuffir 
famment  appelle,  tant  par  lettres,  que  de  vive  voix,  ôc  que 
toutefois  il  ne  paroiffoit  perfonne  de  fa  part.  On  attendit  jufqu'au 
lendemain;  ôc,  quoique  tous  les  afiiftans  criaffent  qu'il  falloit 
l'excommunier,  les  Evêques  donnèrent  encore  un  délai  de  trois 
jours.  Pendant  ce  tems  Guy  ,  Evêquede  Soiffons,  l'un  des  Ordir- 
nateurs  de  Hugues  de  Reims  ,  fc  profterna  devant  le  Légat 
Marin  ôc  l'Archevêque  Artaud  ,  s'avouant  coupable.  Les  deux 
Archevêques,  Robert  de  Trêves,  ôc  Artaud  de  Reims,  intet^ 
cédèrent  pour  lui ,  ôc  on  lui  pardonna.  Il  fut  prouvé  que  Vicfred  , 
Evêque  de  Terroiiane  ,  n'avoir  eu  aucune  part  à  l'ordination  de 
Hugues.  Tranfmar ,  Evêque  de  Noyon ,  avoit  apparemment  été 
du  nombre  des  Ordinateurs  ;  mais  étantmalade  .,  il  ne  comparut 
au  Concile  de  Trêves  que  par  un  Député.  Le  délai  accordé  au 
Comte  de  Paris  étant  palfé  fans  qu'il  comparut  ,  ni  perfonne  de 
fa  part ,  on  l'excommunia  jufqu'à  ce  qu'il  vînt  à  réfipifcence ,  ôc 
••»  .s,a?>  fit  fatisfadion  en  préfence.du  Légat ,  ou  des  Evêques ,  au  défaut 
de  quoi  il  fut  ordonné  qu"il  iroit  à  Rome  fc  faire  abfoudre.  Ou 
exconnmuiiia  encore  deux  Evêques  ordonnés  par  Hugues ,  ôc  ua 
.:^r::;  Clerc  de  LaOn  ,  accufé  par,  fon  Evoque  d'avoir  introduit  dans 
l'Eglife  l'OlGiciçriTetbaud  ,  depuis  qu'il  avoit  été  excommunié, 
Enfuitç  on  expédia  des  Lettres  pour  citer  Hildegaire ,  Evêque  de 
Peauvais,à  conipa,toîti:e  devant  le  Légat,  ou  allefà  Rome  rendre 

compte 


DU    DIXIEME    SIECLE.         761 

'Compte  de  l'ordination  de  ces  deux  Evêques  à  laquelle  il  avoit 
allillé  ,  &  Hcribert,  fils  du  Comte  Heribert,  ôc  frère  de  Hugues, 
pour  faire  fatisfaclion  aux  Evoques, des  maux  qu'il  leur  avoit 
caufés. 

X  L  I.  A  près  la  mort  du  Roi  Edmond ,  arrivée  le  26  de  Mai  Concile  <!e 
545,  le  Royaume  d'Angleterre  pafTa  à'  fon  frère  Edrede  ,  qui  en  p^s,tbid.pae, 
P48  tint  un  Concile  à  Londres  le  jour  de  la  Nativité  delà  iainte  ^a- 
'Vierge,avecles  Archevéquesd'YorckÔc  de  Cantorberi,  quatre 
Evoques  ,  deux  Abbés  ,  ôc  plulieurs  grands  Seigneurs.  On  y 
traita  d'abord  des  affaires  qui  concernoient  le  Royaume  ;  puis  le 
Roi  donna,  en  préfence  de  toute  l'Aflemblée,  à  l'Abbé  Tur- 
quetul,  le  Monallere  de  Croiland.  Lacle  de  donation  ,  qui  eft 
daté  de  l'an  948  ,  fut  foufcrit  par  le  Roi,  par  les  deux  Arche- 
vêques, les  Evoques  ôc  les  Abbés.  Turquetisl  étoir  auparavant 
Chancelier  du  Royaume  ;  mais  au  mois  d'Août  précé  ient ,  le 
jour  de  faint  Barthelemi  ,  il  avoit  quitté  1  habit  féculier  &  s'cioit 
revêtu  du  monaOique  dans  le  Monaftere  de  Croiiand.  Le  Roi 
lu'i  donna  auilitôt  le  bâton  pafloral,  ÔC  Cedulfe  ,  Evcque  de 
Dorceflre  ,luidonnala  bénédiction  Abbatiale,  l.e  nouvel  Abbé 
6c  les  Religieux  retnircriit  ce  Monaflere  entre  les  mains  du  Roi , 
qui  donna  des  ordres  pour  en  rebâtir  l'Eglife  ôc  les  lieux  réguliers, 
&  le  rendit  enfuite  à  Turquetul ,  en  confirmant  au  Monaliere  de 
Croiland,  tant  fcs anciennes  poileilions,  que  les  donations  que 
cet  Abbé  venoit  de  lui  faire  defesbiens. 

XLI I.  Le  Pspe  Agapetinformé  de  ce  quis'étoit  fiit  dans  le     Concile  ie 
Concile  d'Ingelheim,  en  affembla  un  à  faint  Pierre  l'an  949  ,  oij  :iiid\Bi.ltcl 
îl  confirma  la  Sentence  rendue  contre  i'Evcque  Hugues  ,  ôc 
contre  Hugues ,  Comte  de  Paris  ,  jufqu'à  ce  que  celui-ci  eût  fait 
latisfaclion  au  Roi  Louis. 

XLIIL  Les  actes  du  Concile  de  Landaffe  en  Angleterre,     Conàle  ie 
nous  apprennent  que  le  Roi  Nougui ,  qui  s'étoit  emparé  des  .,  "'^/|j    ^" 
biens  de  cette  Eglife,ôc  avoit  violé  le  droit  de  refuge,  ou  d'azile,  «34! 
en  demanJ;a  pardon  devant  toute  l'AfTemblée  ,refcitua  les  biens 
qu'il  avoit  ufurpés,  ÔC  fe  fournit  à  la  pénitence  qui  lui  (croit 
enjointe  par  TEvcque. 


Tome  XXII,  DDddd 


-^Cx  CONCILE    S- 


ta     £ 


CHAPITRE     X  L  I. 

D  £  5   Conciles  Li'AuJhourg,  &  autres  ,  jufquà  la  fin  iif 
dixième  fiecle. 

Concile  J.  T     E  feptiéme  d'Août  de  l'ail  p  j'a  ,  qui  étoitle  feiziéme  da; 
d'Auibourg  i       j-ep;-!;^  ci'Otton  en  Germanie,  ce  Prince  fit  aflfembler  ua 

Concil.-  pag.  Concile  nombreux  a  Auibourg ,  pour  travailler  au  retabliiiement;. 
^î^  de  la  difcipline.  Il  s'étoit  rendu  maître  fur  la  i\n  de  Tannée  précé- 

dente ,  de  la  Lombardie  ,  après  en  avoir  chalTé  Berenger  ;  c'eft 
pour  cela  qu  il  fe  trouva  à  ce  Concile  plufieurs  Evêques  Lom- 
bards, avec  ceux  de  Germanie.  Ils  avoient  à  leur  tête  quatre  Mé- 
tropolitains; Frideric,  de  Aîayence  ;  Herold ,  de  Salzbourg; 
Manaffès  ,  de  Milan  ;  &  Pierre  de  Ravenne.  Le  plus  connu  d'en-- 
tre  les  Evêques  éroit  faint  Udalric ,  Evêq^ue  d'Aufbourg  même. 
Le  Roi ,  invité  de  la  part  du  Concile  ,  y  vint.  On  le  reçut  avec 
l'honneur  convenable  à  fa  dignité  ,  &  au  fon  d'une  agréable  mu- 
fique.  La  Meffe  finie ,  l'Archevêque  de  Mayence  porta  la  parole, 
Ôc  propofa  les'  articles  qui  dévoient  faire  la  matière  des  délibéra- 
tions,  priaat  le  Roi  deles  appuyer  de  fcn  autorité:  ce  qu'il  pro- 
mit avec  zèle. 
Canons  de       IL  Enfuite  !e  mciTie  A  rchevêque  publia  onze  Canons,  faits 
rA:!r^'  '^'''^'      '■^^^  confentement  de  l'Aflemblée  ,  dont  le  premier  défend  à  tous 
Cw.r.  les  Clercs,  depuis  l'Evcquejufqu'au  Sous-Diacre  inclufivement, 
de  fe  marier  ,  fous  peine  d'excommunication.  Le  fécond  renou- 
Can.z.  vellela  défenfe  faite  dans  un  Concile  de  Tolède  aux  Eccléfiafti- 
qucsjde  s'occuper  de  la  cha{re,&  d'avoir  à  cet  effet  des  chiens,, 
&  des  oifeaux  de  proie,  fous  peine  de  privation  de  leurs  fonc- 
Q«.  ;.  tiens.  On  menace  de  dépontion  dans  le  troifiéme  les  Evêques  , 
les  Prêtres  ôc  les  Diacres  ,  qui ,  étant  avertis  de  ne  point  jouer 
aux  jeux  delrazard,  continueront  de  le  faire.  Par  le  quatrième 
il  eft  défendu  à  tous  les  ClercS' d'avoir  clicz  eux  des  femmes 
fous-introduites.  Et  au  cas  qu'ils  en  auroient  quelques-unes  dont 
la  réputation  fut  fu(petlc,le  Concile  permet  à  l'Evêque  delà 
frr.re  fufliger,  ÔC  de  lui  couper  les  cheveux  ;  voulant  que  fi  la 
Puiuaace  féculiere  s'y  oppofe,  on  emploie  l'autorité  da  Roi.. 


T)U    DIXIEME    SIECLE.        7(^5 
Le  cinquième  porte,  que  ceux  qui  renoncent  aux  affaires  du  C'n.  r. 
monde  pour  embralTer  l'état  Monadique  ,  ne  fortiront  point  du 
?Vîonallere  fans  la  permiilion  de  l'Abbé  ;  qu'ils  y  vaqueront  au 
jeûne  &  à  la  prière.  Le  iixiéme  met  les  Monaileres  fous  la  con-  Can.  6. 
duite  des  Evêques  Diocèfains,  avec  pouvoir  d'y  corriger  au 
plutôt  ce  qui  méritera  de  l'âtre.  11  eft  dit  dans  le  feptiéine  que  les  C^i.  /• 
Evcques,  au  lieu  d'empêcher  leurs  Clercs  de  fe  faire  Moines 
pour  liienerune  vie  plus  auficre,  exhorteront  à  la  pcrféverance 
ceux  qui  auront  déjà  pris  ce  parti.  Le  huitième  règle  la  méiiie  O/i.  s, 
chofe  parrapport  aux  lilles  qui  fe  font  faites  volontairement  R.e- 
ligieuiès.  Le  neuvième  défend  aux  Patrons  La'ics  doter,  fans  le  Cm.  9. 
confentementde  TEvêque,  à  un  Prctre,  l'Eglife  dont  il  a  été 
canoniquement  pourvu.  Le  dixième  veut  que  toutes  les  dixmes  Cm.  10. 
foient  (ousla  puifi'ancede  l'Evcque.  Et  Tonzicme  ,  que  les  Eve-  Can.  n. 
ques  ,  les  Prêtres  ,  les  Diacres  &  les  Sous-Diacres  s'abllicnnent 
de  leurs  femmes  ;  ôc  qu'on  oblige  à   la  continence  les  autres 
Clercs  ,  quand  ils  feront  parvenus  à  un  ogeplus  mûr. 

IJL  Artaud  ,  Archevêque  de  Reims  ,  ayant  convooué  un  ^  .^°"^,''.^'^! 
Concile  à  Saint-Thierri  dans  fon  Diocèfe  en  pjj  ,  y  cita  le  en 553,  ilirf. 
Comte  Regenold  ,  qui  ,  après  avoir  ufurpé  quelques  terres 
de  l'Eglife  de  Reims ,  faifoit  des  ravages  dans  celles  dont  il  ne 
s'étoit  pas  emparé.  Le  Comte  craignant  l'excommunication  , 
engagea  le  Roi  à  écrire  en  fa  feveur  au  Concile.  On  fufpcndrt 
donc  alors  la  cenfure  dont  il  avoit  été  menacé  ;  mais  ayant  con- 
tinué dans  fes  brigandages  ,  Odalric  ,  fuccelfeur  d'Artaud  , 
prononça  contre  lui  en  ()66  la  Sentence   d'excommunication. 

I"V.  Le  Concile  de  Ravenne  auquel  Pierre,  Archevêque  de  Conrîie  àa 
cette  "Ville  ,  préfida  en  pj4,  ordonna  la  reftitution  des  biens  .^"^'^ii'i^r^l 
■qu'on  avoit  enlevés  à  l'Evêque  de  Ferrare.  1137, 

V.  Celui  de  Landaffe  fut  tenu  en  p  j  ç  à  l'occafion  d'un  Diacre     Concile  de 
qui  avoit  été  tué  devant  l'Autel.  Ce  Diacre  s'étoit  lui-même  \*,^^i,v,a^, 
attiré  la  mort,  en  étranglant  un  Payfan  qui  lui  avoit  coupé  un  gj^^ 
doigt,  lorfqu'il  paffoit  au  milieu  de  fes  moiffons.  Le  Diacre, 
après  s'être  ainfi  vengé  ,  s'étoit  fauve  à  l'Eglife  ,  comme  en  un 
lieu  de  refuge.  Les  parens  du  mort  l'y  fuivirent,&  le  tuèrent 
devant  l'Autel  qui  fut  teint  de  fon  fang.  L'Evêque  de  LandalTe 
afiembla  un  Concile  pouf  juger  cette  affaire.  LeRolNougui 
intervint  ;  &  il  fut  décidé  que  les  meurtriers  du  Diacre  lien- 
droient  h  prifon  pendant  fix  mois ,  ôc  que  leurs  terres  feroieat 
confifquées  au  profit  de  l'Eglife  ou  ils  avoicnt  fuit  le  meur- 
tre. 

DDddd  ij 


7<f4  CONCILES 

Concile  âa      VI.  Il  ne  refte  d'un  Concile  tenu  en  Bourgogne  en$^Ç 
ourgognecn  q^,•^,■,^^  proclamatioaadreflee  à.  ManaiTes  ,  Archevêque  d'Arles  , 
par  laquelle  on  voit  que  le  Fape  Agapet  IL  ayant  reçu  des  plain- 
tes de  i  Abbc  &  des  Moines  de  faine  Symphorien  d.'Autun,  qu  ui* 
certain  Ifuard  avoir  ufurpé  des  biens  dépendans  de  cette  Abbaye^ 
écrivit  à  i'Evêque  d'Autun  de  les  foire  rendre.  Ces  terres  étant 
dans  les  environs.  dWrles  ôc  d'Avignon^ le  Concile  prioit  les 
Evéques  de  ces  deu:{  5ieges  de  s'intereffer  dans  cette  affaire  ^ 
dont  ils  pouvoient  avoir  plus  de  connoiiTance  que  ceux  qui. 
étoient  plus  éloignés  des  lieux,,  ôc  d'avertir  Ifuaxd  &  fes  com- 
plices,de  rendre  à  lAbbayc  de  faint  Symphorien  ce  qu'ils  lut 
avoient  ôté.  Il  ajoutoit:  S  ils  veulent  confervercequ'ils  ont  pris^ 
qu'ils  en  obtiennent  le  confentement  de  lAbbé,  finon  anathô- 
niatifcz-les,  fuivant  Tordre  du  Pape,  enforte  qu  à  l'avenir  il» 
fuient  privés  de  l'entrée  de  l'Eglife  ,  de  la  focieté  avec  les  Fidèles, 
&  de  la  fépulture  commune  ,  eii  cas  de  nK»rt.  Ifuard' ne  voulut 
Fa;f.  «4z.  P^'"^  ^^  delïciifir  des  biens  ufurpés  ,    ce  qui  obligea  Girard, 
Evéque  d"x\utun  en pjcjt,  de  recourir  à  l'autorité' du. Pape  Jean 
XII.  qui  exconinuinia  Ifuard  ôc  fes  complices.  La  Sentence  fuo 
envoyée  aux  Evêques  de  France  ôc  de  Bourgogne.  Les  déten- 
teurs revinrent  à  réiipifcence,.  ôc  rendirent  en  972  à  l'Abbaye, 
de  faintSymphorien  ,  les  terres  quils  lui  avoient  enlevées.. 
Diiîn-.e       VIL.  Le  même  Pape  couronna  Empereur  Otton  er^  9<j2  ^ 
f^"^1   .,',"  &  lui  rit  prêter  femient  fur  le  corps  de  faint  Pierre,  avec  tous  les 
lîli'ie'Vom^îi"  Citovens  ÔC  Grands  de  Rome ,.  de  lui  être  toujours  fidèle  ,  ôc  de 
i»c ,  ib:d.  pag.  ne  prêter  aucun  fecours  à  Berenger ,  ni  à  (on  (ils  Adalbcrt.  Ottoiv 
*''^'  defon  coté  lît  expédier  en  lettres  d'or  un  Diplôme,  qui  fe  voit 

encore  au  C^haccau  Saint-Ange,  où. il  conlàrma  toutes  les  dona- 
tions .faites  à  l'Eglife  Romaine  par  Pépin  ôcCharlemagne  ,  ôc  )5 
ajouta  fept  Villes  de  fon  Royaume  de  Lombardie.  Ce  Prince 
rendit  auiîi  à  cette  Eglifcce  qu'on  lui  avoir  ôté.  il  ordonna  en- 
fuite  que  le  Clergé  ôc  laNobieife  de  Romes'obligeroion  parfer- 
jnent  à  procéder  canoniqucment  à  l'éleiSlion  d'un  Pape  ,  avec  la 
claufe  que  le  Pape  élu  ne. feroit  point  facré,  qu'il  n  eût  promis 
puliiiquement  en  préfence  desCommilTaires  de  l'Empereur,,  de 
confcrvçr  les  droits  d'un  chacun,  ôc  quc.perfonne  ne  troublcroit 
cette  élection  ,  fous  peine  d'exil.  11  ajouta,,  tant  pour  l'honneur 
du  Pape  ,  que  pour  fe  conferverla  foiivcraineté  fur  Ronie ,  qu'il 
Y  auroit  toujours  des  Con-vmiffaircs  du  Pape  ôc  de  l'Empereur 
€^d\  lui  feroient  tous  les  ans  rapport  de  la  manière  dont  les  Ducs 
fct  les  Juges  adminillreroient  la  JuilicC;  q^u'ils  portetolcm.  en 


DU  D  I  X  I  E  M  E  S  I  E  C  L  E.  jf^f 
premier  lieu  au  Pape  les  plaintes  qu'ils  recevroient;  quelePapc 
y  remédieroit ,  ou  foultriroit  qu'il  y  fût  remédié  par  les  Commif- 
iaircs  de  l'Empereur.  La  date  de  ce  Diplôme  ett  du  treizième- 
Février  (;(52.  Otton  fouicrivit  le  premier  ;  enfuiie  Adalj;agne, 
Archevêque  de  Hambourg  ,  avec  iix  Evêquesd'Alicniai^ne,  ôc 
trois  de  Lombarvlie  ,  deu;.  Ahbcs  Allemands ,  cinq  Cc-n-ires ,  ÔC 
quelques  autres  Seigneurs,  L'Empereur  Octon  parle  dnns  ce 
Diplôme,  tant  en  l'on  nom,  que  de  fon  (ils.  Mais  apvcs  avoir 
conlirmé  toutes  les  donations  faites  à  TEglife  Romaine,  ôcles 
avoir  fpéciliées  en  détail,  il  ajoute  cette  claufe  :  Sauf  en  tout  ^-'i-^-iU 
notre  puiflance,  de  tvotre  fils  &  de  nos  delcendans  ,  comme 
il  eu.  marqué  dans  la  Conditution  du  Pape  Eugène.  Suit  dans  ia 
eolleclion  des  Conciles  le  fragment  d'une  Conflitution  des  Em- 
pereurs Otton  ôc  Henri  L  portant ,  qu'on  n'admettra  dans  l'c-  "^•'^4^. 
leclion  d'im  Pape  que  ceux  qui  y  ont  été  admis  d'ancienneté. 

■VI I  L  Après  la  mort  d'Artaud  ,  Archevêque  de  Reims  ,  le  /^o^f'lf  Je 
30  de  Septembre  p6i  ,  Hugues  mit  tout  en  œuvre  pour  rentrer  ii-,\nag.  61,7. 
dans  ce  Siège,  Il  fe  tint-  à  cet  effet  un  Concile  daivs  le  Dioccfe  de 
Meaux-fur-la-Marnc,  oii  préfida  l'Archevêque  de  Sens ,  ailillé  de' 
douze  Evêques  des  Provinces  de' Reims  ôc  de  Sens.  La  plupart 
des  Evêqucs  opinèrent  pour  le  rétabiiiTement  de  Hugues;  nui*' 
ceux  de  Laon  Ôc  de  Châlons  ayant  reniontré  qu'un  hon-vme  ex- 
communié par  tant  d'Evêqucs ,  ne  pouvoit  être  abfous  par  un 
nombre  moins  conildérable,  il  fut  convenu  de  confulter  le  faint; 
Siège.  La  réponfe  de  Jean  XIL  ne  fut  point  favorableà  f îuaucs. 
C'ell:  pourquoi  on  donna  pour  fucceifeur  à  Artaud  ,  Odalric  ,  qui 
fut  enfuite  l'acre  à  Reims  par  les  Evêques  deSoiflons ,  de  Laon  ,- 
de  Châlons  ,  de  Noyon  &  de  Verdum 

I  X^  Le  Pape  Jean  XIL  s'étant  joint  à  Adalbert  contre  l'Em-    Concillabnle 
pereur  Otton,  ce  Prince  en  apprit  la  nouvelle  étant  à  Pavie.  Il  ^'^  ^'°,'^'^  ^" 
eut  peine  a  y  ajouter  toi;  ôc  poursailurer  du  vrai,  u  envoya  a  ^^g. 
Rome.  Les  Romains  certifièrent  la  révolte  du  Pape  Jean  ,- Ôc  le 
chargèrent  de  plulleurs  crimes.  Otton  nes'enémut  point  ,  difanr 
à  ceux  qu'il  avoit  envoyés,  que  le  Pape  étoit  jeune,  ôc  qu'il  pour- 
roit  fe  corriger.  En  effet,  Jean  XII.  lui  députa  Léon  ,  Protofcri- 
niaire  de  l'Eglife  Romaine,  ôc  Demetrius ,  pour  s'excufer  de 
ce  qu'il  avoit  fait  pour  Adalbert,  fur  un  emportement  de  jeu- 
neffe.  Il  fe  plaignit  en  même-tems  de  ce  que  l'Empereur  lui  avoir 
manqué  en  plufieurs  points.  Otton  fe  juftifia  ,  Ôc  otirit ,  au  cas 
que  le  Pape  ne  recevrort  pas  fcs  excufes,  de  prouver  fon  inno- 
cence parie  duel..  Luitprand,EvÊque  de  Crenione,  fut  chargé' 

DDddJiij 


7^^  CONCILES 

de  porter  cette  réponfe  au  Pape,  qui  ne  voulut  ni  recevoir  la 
juftiiication  ni  par  ferment ,  ni  par  le  duel.  11  fit  même  revenir  à 
Rome  Adaibert   afliegé    par  l'Empereur    dans  Monte- Feltro. 
L'Empereur  l'y  fuivit  ;  mais  le  Pape  ôc  Adaibert  informes  de  foa 
voyage  ,  en  fortirent.  Les  Romains,  quoique  divifés  en  deux 
partis,  dont  l'un  tenoit  pour  le  Pape,  l'autre  pour  l'Empereur, 
lui  promirent  fidélité ,  avec  ferment  de  ne  point  élire  de  Pape 
fans  Ion  confentement ,  ou  de  fon  fils.  On  alTembla  un  Concile 
nombreux,  où  l'Empereur  ailifta  avec  quarante  Evêques  ,  treize 
Cardinaux,  plufieurs  autres  Clercs  &  Laïcs.  Otton  témoigna 
être  fâché  que  le  Pape  ne  fut  pas  préfent  au  Concile,  &  demanda 
pourquoi  il  l'avoit  évité.  Les  Evoques  répondirent  qu'ils  croient 
furpris  de  cette  queftion  ,  les  crimes  de  Jean  XIL  étant  fi  pu- 
blics, qu'ils  n'étoient  ignorés  de  perfonne.  Ce  Prince  dit  qu'il 
{alloit  propofer  les  acculations  en  particulier.  On  les  propofa  eia 
grand  nombre  ,  &  toutes  très-griéves.  L'Empereur  en  donna 
avis  au  Pape  par  une  Lettre  du  fixiéme  de  Novembre  fjf)  3.  Il  ne 
répondit  que  par  des  menaces  d'excommunication  contre  ceux 
qui  entreprend-roient  d'élire  un  autre  Pape.  Cette  Lettre  ayant 
été  lue  dans  une  féconde  fefiion  du  22  de  Novembre,  on  luicii 
écrivit  une  autre  qui  ne  luifut  pas  rendue  ,  parce  qu'on  ne  put  le 
trouver. 
LePnpeJe-n     ,^^^  Cela  fut  caufe  apparemment  qu'on  ne  lui  en  écrivit  pas 
■i'/w-.'é^i'  une  troifiéme  par  forme  de  citation  ,  pour  garder  les  formalités. 
Le  Concile  s'étant  aifemblé  pour  une  dernière  fois  ,  l'Empereur 
fe  plaignit ,  qu'après  avoir  délivré  le  Pape  Jean  des  mains  de 
Berenger  ôc  d'Adalbert ,  oubliant  la  fidélité  qu'il  lui  avoit  jurée , 
il  avoit  pris  le  parti  d'Adalbert,  fait  des  féditlons ,  6c  étoit  devenu 
^1  Chefde  guerre,  pbrta'nt  une  cuirafife  &  un  cafque.  Le  Concile 

i,,  invité  par  ce  Prince  à  déclarer  ce  qu'il  convenoit  d'ordonner, 

*•*  .     demanda  que  Jean  fût  clialfé  de  fon  Siège,  ôc  qu'on  mît  à  fa 

place  un  homme  de  bon  exemple.  L'Empereur  en  fut  d'avis, 
&  tous  ayant'  nommé  d'une  voix  unanime   &  par  trois  fois, 
Lecn,  Protofcriniaire,  il  fut  conduit  au  Palais  de  Latran  ,  6c 
ordonné  Pape  au  mois  de  Décembrep^j.  Il  tint  le  faint  Siège 
Luhprand.  un  an  &  quatre  mois.Nousn'avons  pas  lesaûes  de  fon  életlion  , 
iih.  6 ,  c:ip.  6  ni  de  ce  qui  fc  palîa  dans  cette  AlTemblée  ;  6c  nous  n'en  fçavons 
^'''  que  ce  qu'on  en  lit  dans  Luitprand  ,  6c  dans  fon  Continuateur. 

Concile  i!e  X  L  En  Orient ,  les  Empereurs  Léon  ôc  Romain  étant  morts, 
*^ie"cn"i'r'  on  reconnut  Empereur,  Nicephore  Phocas,  illuftreparles  vie- 
fo/7i.9,Co)L/.  toires  qu'il  avoit  remportces  furies  Sarraiins.  Couronné  par  Ic' 


Concile  de 


DU    DIXIEME    SIECLE.         7^7 

Patriarche  Polyeu£te ,  le  1 5  d'Août  del'an  96?  ,  il  époufa  Theo- 
phanie,  veuve  de  Romain  ,  le  20  de  Septembre  fuivanr.  Le 
Pattiarche  n'approuva  point  ce  mariage, tant  parce  que  Nice- 
phore  n'avoit  pas  reçu  la  pénitence  des  fécondes  noces ,  qae 
parce  qu'on  difoit  que Nicephore  avoir  levé  des  Fonts  de  Bap- 
tême un  enfant  de  l'heophanie.  Il  voulut  môme  l'obliger  à  quitter 
fa  femme  ,  réfolu  en  cas  de  refus  ,  de  lui  interdire  l'entrée  de 
l'Egiife.  Niccpliore  alfembia  les  Evcques  qui  fc  trouvoient  à 
ConOantinopIc ,  &  plulieurs  Sénateurs.  L'aifaire  fut  difcutée. 
Le  Cefar  Bardas  afiura  que  l'Empereur  fon  (ils  n'avoit  été  Parein 
d'aucun  des  enfans  de  Theophanic.  Stylien  ,  que  l'on  faifoit 
auteur  du  bruit  contraire  ,  jura  qu'il  n'avoit  rien  oiii-dire  de  fem- 
blable.  Ainfi  le  Concile  laiffa  fubfifter  le  mariage,  ôc  donna  à 
Nicepl.ore  des  Lettres  d'abfolution. 

X 1  I.  Le  Pape  Jean  XII.  rappelle  à  Rome  par  les  Romains  ,  „  ^ 
nnt  un  Loncile  dans  1  bgule  de  lamt  lierre,  le  16  de  revner  iiij.pa^.  sjj.- 
cj^^- ,  avec  feizeEvêques  Italiens  ôc  douze  Prêtres-Cardinaux  , 
dont  la  plupart  avoient  aOilié  au  Conciliabule  de  l'année  préè.é- 
denteoùil  avoit  été  dépofé.  Jean  ouvrit  la  première  felïïon  par        Première 
des  plaintes  contre  l'Empereur  Ctton  :  puis  il  demanda  aux  atlif-  ^^'^"^"* 
lians  ,  comment  on  devoit  appeller  le  Concile  tenu  dans  fon 
Fglif^  en  fon  abfence.  Ils  répondirent  que  c'étoit  une  proftitu- 
tion  en  fu'eur  de  Léon  l'adultère  &  l'ufurpateur  ;  qu'ii  falloit 
condamner  les  Evcques  qui  l'avoient  ordonné  ,  comme  avant 
paffé  leur  pouvoir  ,  &  le  condamner  lui-même.  Léon  ^'éroic 
■  fauve  de  Rome.  Le  Concile  ordonna  de  le  chercher ,  &  on  rèmir 
fa  condamnation  à  la  troifiémè  feffion.  Le  Pape  ne  laiffa  oas  en 
attendant,  de  le  déclarer  dépofé,  ôc  ilfitlamcmechofe  à  léinird 
des  Evcques  que  Léon  avoit  ordonnés.    Cependant  il  les  fit 
entrer  dans  le  Concile  revêtus  de  chafubles  ôc  d'éroles  ,  ôc   tous 
avant  écrit  par  fon  ordre  fur  un  papier  :A7(7n  'pcre  n'avcit  riznh" 
lui  ,<  Cr  72e  m'a  rien  donné ,  il  les  rétablit  dans  le  irang  qu  ils  avoient 
auparavant. 

XIII.  La  féconde  fefîion  fut  tenue  le  27  du  même  mois  d'è         Seconde 
Février.  Le  Pape  dit  qu'on  avoit  cherché  inutilement  Sicon  y  '*='^'*"' 
Evêque  d'Oflie,  qui  avoir  facré  Léon  ,  aveb  Benoît  de  Porto  ,- 
6c  Grégoire  d'Albane,  On  remit  leur  corldanination  à  la  feliioit 
fuivante,  ôc  toutefois  onfit  entrer  Benoît  ôc  Grégoire  ,  à  qui  orï' 
ordonna  de  lire  dans  un  papier  :  Aloi  tel ,  duvivarlt  de  mon  petè^j 
fai  confacri  à  fa  place  Lion  de  Cour-t  Néophyte  (s'jrayjure  ,  contre: 
les  'ordùnnaiiC2s  d^s  Pères,    Le*Cënciiii  -étèodit"  Tes  clîfcuHrdhs 


7(SS  CONCILES 

jufques  fur  ceux  qui  avoient  prêté  de  l'argent  au  Pape  Léon  ,  & 
xlécida  que  s'ils  étoientKvêques,  Prêtres,  ou  Diacres  ,  ils  per- 
droient  leur  rang;  que  Ci  c'étoit  un  Moine,  ou  un  Laïc,  qu'il 
feroit  anathcmaciré.  Li  rûferva  au  Pape  le  jugement  des  Abbés  de 
fa  dépendance  qui  avoient  allifrés  au  Concile  précédent  ,  ôc 
xléfendit,  fous  peine  d'excommunication  ,  à  tout  inférieur  dotet: 
le  rangà  foniuperieur,.&  aux  Moines  d'abandonner  le  Monalterc 
où  ils  ont  renoncé  au  fiécle. 
Troifiéme       X  I  V.  11  ne  fut  plus  qucHiou  du  Pape  Léon  dans  la  troiilénie 

&ffion.  jfcance  ;  mais  on  y  dépofa  Sicon  d'Ollie  ,  fon  Ordonnateur ,  faiis 

.cfperance  de  rétablilfement,  ôp  on  remit  en  leur  premier  rang 
ceux  que  Léon  avoit  ordonnés.  Le  Concile  fe  modela  en  cela 
Xur  la  condu'ue  du  Pape  Eiiienne  ,  qui  déclara  nulles  les  Ordina- 
tions faites  par  Conlîantin.  Enfuite  ,  à  la  prière  du  Pape  ,  il 
déiendit  aux  Laïcs  de  lé  tenir  pendant  la  M.eflé  autour  de  l'Aute!, 
.ou  dans  le  Sanduair-e. 
Ccmciip  d,e      X  V.  Lc  Roi  Edvin  étant  devenu  odieux  aux  Anglois,  ils  le 

BranJc-fort  cil  ehafiércnt ,,  ÔC  reconnurent  pour  Roi  fon  frère  Edeard  en  0Ç7. 

Ant''It?''(*rr'*  cm  cj  -^  ^  > 

■p6^,ibii.p:ig.  Quelques  années  après,  &  ,  pomme  fon  croit  ,en  ^(j-j-jCe  Prince 
*î7.  affembla  un  Conciie  à  Brandeford ,  où  il  caiïa  toutes  les  Lois 

jnjudes  de  fou  frère  ,  rcilitua  aux  Eglifes  ôc  aux  Monailcras  ce 
qu'il  leur  avolt  enlevé,  rappella  l'Abbé  Dunllan  de  fon  exil ,  ôc 
l'obligea  depuis  d'accepter  fEvêché  de  Vorchelîre.  Le  même 
6%%^^    ^^"  Prince  confirma  en  p  j8  à  l'Eglife  de  Cantorberi ,  la  qualité  de 
Aîcre  ÔC  de  Majtreflé  de  toutes  les  Eglifes  du  Royaunje, 
Concile  de      XVI.  C'cft  eucore  de  Luitprand  que  nous  apprenons  ce  qui 
ibï'h^iTl^'^V  ^^  P'-^^^  ^"'^^  ^^  Concile  de  Rome  dont  les  a6tcs  n'exiilcnt  plus. 
Luifrancllib.  Ls  Pa^")e  Jcau  XII.  étoit  mort  le  quatorzième  de  Mai  ^6^  ,  les 
fiifCjp.ii.      J^omains  lui   donnèrent  pour  fuccclfeur  Benoit  ,  Cardinal  de 
l'Egliié  Romaine  ,  que  l'on  nomma  Benoît  V.    L'Empereur 
Otton  l'ayant  appris  vint  alliégcr  Rome  ,  d<M"it  il  fe  rendit  maître 
le  vingt-troifiénie  de  Juin  fuivant.  Les  Romains  lui  abandon- 
nèrent Benoit ,  ôc  reçurent  Léon  VIII.  dépofé  par  Jean  XIL 
daivs  le  Concile  précédent.  On  en  aiTcmila  undans  l'Eglife  de 
Latran.  Lcon  y  préfida.  L'Empereur  étoit  préfent ,  avec  plu- 
fieurs  Evêques  d'Italie  ,  de  Lorraine  ,  de  $axe  ,  le  Clergé  ôc  le 
peuple  de  Rome.  On  amena  Benoît  V.  revêtu  de  fes  ornemens 
Pontificaux ,  ôc  on  lui  Ht  de  vifs  reproches  fur  fon  manque  de 
fidélité,  tanx  au  Pape  Léon,  qu'à  l'Empereur.  Benoît  fe  jettant 
aux  pieds  de  l'un  ôc  de  l'autre  ,  demanda  pardon  ,  s'avouant  ufur- 
RatçMj:  du  faim  Siège.  Il  ôta  de  Ijai-mêmc  fon  Pallium ,  le  rendit  à 

Léon 


D  U    T)  I  X  I  E  M  E    s  I  E  C  L  E.        7^<, 
Léon  avec  le  bâton  pafloral  qu'il  tenoit  en  main.  Le  Pape  brifa 
le  bâton  ,  fit  afTeoir  Benoît  à  terre  ,  lui  ota  la  Chafuble  ôc  l'Eto'.c  , 
&  le  déclara  privé  de  tout  honneur  du  Pontificat.  Néanmoins , 
en  confidération  de  l'Empereur  ,  qui  n'avoit  pu  voir  toute  cette 
procédure  fans  verfer  des  larmes ,  il  lui  permit  de  garder  l'Ordre 
de  Diacre  ,  à  condition  qu'il  fcrtiroit  de  Rome,  &  iroit  en  e\iL 
Le  Concile  (it  un  Décret  par  lequel  on  accorda  à  Otton  &  à  fes  i,ij''l"'''"''JI^' 
fuccefl'eurs, le  pouvoir  de  fedonnerunfuccefieur  pourle  Royau-  ijé. 
me  d'Italie;  d'établir  le  Pape,  ôc  de  donner  Tinvcditureaux   ,:„.  9''^'^''''' 
Evêques  ;  avec  défenfe  ,  fous  peine  d'excommunication  ,  d'exil  ^ap.  i}. 
perpétuel  ôc  de  mort ,  de  choiiir  ni  Pape ,  ni  Patrice  ,  ni  Evêques 
fans  Ton  couft-ntement.  Il  ne  faut  pas  être  furpris  delà  peine  de 
mort  impofée   aux  contrevenans  à  ce  Décret ,  parce  oue  les 
deux  Puiifances  fc  trouvoient  réunies  dans  certe  Afiemblée. 

XVII.  En  p55  le  Roi  Edgar  chalTa  de  l'Eglife  de  Vin-  j^JJ''^p7'^f* 
cheflre  les  Clercs  mariés,  6c  de  mœurs  déréglées ,  mit  à  leur  ,i,(/. y/^. "074 
place  des  Moines,  ôc  fe  déclara  le  Protedeur  de  ce  nouveau  0-966. 
Monaftere.  Il  fait  voir  dans  le  Diplôme  qu'il  leur  accorda,  de 

grands  fentimens  de  pieté  ;  donne  aux  Moines  des  avis  fur  la 
manière  dont  ils  dévoient  fe  comporter  dans  le  Cloître  ,  ôc  rece- 
voir le.-.  Etrangers  ;  ôc  leur  permet  l'éledion  de  leur  Abbé  ,  fui- 
vant  la  Règle  de  faint  Benoît.  Il  foufcrivit  ce  Diplôme  ,  ôc  avec 
lui  un  grand  nombre  d'Evêqucs  ,  d'Abbés  ôc  de  Seigneurs  Laïcs. 
Par  un  autre  Diplôme  il  donna  au  même  Monaftere  plufieurs  »*  '^''*' 
terres  confidérables ,  avec  de  grandes  menaces  contre  ceux  qui , 
à  l'avenir  .  tenteroient  de  l'en  dépouiller. 

XVIII.  L'Empereur  Otton  étant  à  Ravenne  dans  le  tems  „    '"  '  ^  l! 
delà  Fête  dePâquesen  957, y  afiembla  un  Concile,  où  alTifterent  ç67,ibid.fA^. 
plufienrs  Evêquesd  Italie,  de  Germanie  ôc  de  Gaule.  On  y  régla  '^^"'* 
diverfes  affaires  utiles  à  l'Eglife  ,  ôc  ce  Prince  y  rendit  au  Pape 

Jean  XIII.  qui  avoit  fuccedé  à  Léon  VIII.  la  Ville  de  Ravenne, 
ôc  fon  territoire.  Le  Pape  étoit  préfent.  Il  confirma  la  dépofitioti 
d'Herolde,  Archevêque  de  Salzbourg ,  ôc  l'ordination  de  Fri- 
deric ,  excommuniant  tous  ceux  qui  tenoient  le  parti  d'Herolde  , 
à  qui  on  avoit  fait  perdre  la  vue ,  pour  le  punir  de  fes  crimes  ôc 
de  fes  violences.  Il  confirma  aulfi  l'éretlion  deMagdebourg  en 
Métropole,  faite  à  Rome  en  ^62  par  le  Pape  Jean  XII.  Ces 
deux  Décrets  furent  fignés  par  un  grand  nombre  d'Evèques. 
L'Empereur  foufcrivit  au  premier^  après  le  Pape;  enfuite  Ro- 
doaldc ,  Patriarche  d'Aquilée  ;  puis  Pierre  ,  Archevêque  de 
Ravenne. 

Tome  XXII.  E E  e  e  e 


nxT      r  "^  c  ."d:  n  c  r  l  e  ^    • 

Lci>:  d'Ed-       XlX.On  rapporte  à'Fan;)  671111  grand  recueil  deLoix  faites  par 
fud.^mty'.èlo.  ^^  '^°^  Edgar;  mais  peut  êtrefurent-eiies  ie  fruit  de  la  pénitence 
quefaintDuniian  iuiimpola  pour  avoir  ahufc  d'une  iiiie  deltinée 
à  l'état  Religieux.  Ce  Prince  fe  fournit  avec  humilité  à  cette 
pénitence,  qui  fut  de  fept  ans,  pendant  lefqueis  il  jeûnoit  deux 
jours  de  la  femaine ,  faifoit  de  grandes  aumônes,  &  ne  portoit 
point  de  couronne.  11  fonda  auili,  par  l'ordre  de  l'Archevêque, 
un  Monaftere  de  filles ,  afin  de  rendre  à  Dieu  piulieurs  Vierges  , 
au  lieu  d'une  qu'il  lui  avoit  enlevée.  Ses  Loix  font  didribuées 
fous  divers  titres;  mais  en  général  elles  ont  pour  but  le  règle- 
ment des  mœurs ,  &  le  rétabiifiement  deladifjiplinede  l'Eglife. 
fa^.6%\.  Nous  donnerons  ici  les  plus  remarquables.  Chacun  payera  la 
Num.  j.  dixme  des  animaux  avant  la  Pentecôte  ;  des  grains ,  avant  i'Equi- 
noxe.;  les  prémices  ,  à  la  Fête  de  (aint  Martin  ;  le  denier  impofé-' 
Num.  ^.  fur  chaque  niaifon  ,  avant  la  Saint-Pierre.  Chaque  année  l'on  tien^ 
dru  un  Synode, où  les  Prêtres  fe  trouveront  accompagnés  chacun 
Png.6^^.  d'un  Clerc.  li  y  aura  des  livres  &  des  ornemens  pourla  célebra- 
A'i/w.  30-4.  tion  du  Service  divin,  de  l'encre  &  du  parchemin  pour  écrire 
Num.  8.  les  Statuts  qu'on  y   fera.  Aucun  Prêtre  n'abandonnera  l'Eglife- 
pour  laquelle  il  a  été  ordonné  ,  mais  il  la  regardera  comme  fa 
Alw.  rj.  femme  légitime,  lladminiftrera  le  Baptême  aulfitôt  qu'il  en  aura 
été  requis ,  &  a,vertira  fes  ParoiiTiens  de  faire  baptifer  leurs  enfans 
dans  les  trente-fept  nuits  après  leur  naiflance,  &  de  ne  pas  trop 
Num.  \6.  tivrder  à  les  faire  confirmer  parl'Evêque.  Les  Prêtresauront  foin- 
d'aboiirles  refies  d'idolâtrie  ,.  la  nécromancie,  les  divinations, 
les  enchantemens ,  les  honneurs  divins  rendus  à  des  hommes,  le 
culte  fuperftitieuxdes  arbres,  des  rochers. 
.   A'u/;z.  17.       XX.  Les  pères  &  mères  apprendront  à  leurs  enfans  l'Oraifort 
Num.  1'    Dominicale  oc  le  Symbole  des  Apôtres.  Ceux  qui  ne  les  fçauront 
pas  ne  pourront  être  enterrés  dans  le  Cimetière  confacré,  ni 
recevoir  l'Euchariflie ,  ni  être  admis  pour  Pareins  dans  leBap- 
A'iiOT.  30,31.  tême,  ni  dans  la  Confirmation.  Défenfe  aux  Prêtres  de  célébrer 
la  Mefle  dans  uneEglifenon  confacrée,  fi  ce  n'eft  pour  un  ma^ 
Lade  à  l'extrémité  ;  de  la  dire  fur  un  Autel  non  confacré  ,  &  fans 
Num. -yz, ■%■!,•  livre.  11  doitavoirie  Canon  fous  fes  yeux,  6c  être  revêtu  d'aube  , 
ôc  des  autres  ornemens  ufités  ,  avoir  avec  lui  quelqu'un  qui  ré- 
Num.it,, 1%.  ponde;  &  ne  pourra  dire  que  trois  Méfies,  au  plus,   en  un  jour. 
Num. -T-  O"  ne  recevra l'Eucliariflie  qu'à  jeun,  linon  en  cas  de  maladie. 
Num.  II-.  Lé  Prêtre  la  confervera  pour  les  befoins;  mais  il  aura  foin  de  la 
Niim..i'i    cenouveller,  de  peur  qu'elle  ne  fe  corrompe.  Dans  ce  cas,  il  la 
brûlera,  en  mettra  les  cendres  fous  l'Autel,  ôc  fera  pénitence  de. 


DU    DIXIEME    SIECLE.        771 

fa  faute.  Il  ne  célébrera  pas  la  Mcffe  fans  avoir  tout  ce  qui  eft  Num.  j?. 
ncceflaire  pour  l'Eucharillie  ,  une  obiation  pure  ,  du  vin  pur ,  de 
i'eau  pure,  il  ne  confacrera  que  dans  un  Calice  de  fonte,  &  non  .\'/m.  4t. 
de  bois.  Onnechanrera  pas  i a  MeiTe  fans  luminaire.  Le  Peuple  A":;.-.-.  41. 
fera  appelle  à  l'Eglife  par  le  fon  des  cloches. 

XXI.  Il  eft  défendu  à  tout  Chrétien  de  manger  du  fang  ;  &  \'u'n.  jj. 
ordonné  aux  Prêtres  de  chanter  des  Pfeaumes  en  dillribuant  aux  Nirn.  u. 
Pauvres  les  aumônes  du  Peuple.  Les  Prêtres  ne  s'occuperont  Xum.  ^6, 
point  de  la  chalTe ,  ôc  ne  feront  pas  buveurs  ;  mais  ils  s'applique- 

Tont  à  des  lectures  convenables  à  leur  Ordre.  Ils  enfeigneront  N:m.6.\. 
aux  Peuples  la  manière  de  confeller  leurs  péchés ,  &  d'en  faire 
.pénitence;  porteront  l'Euchariftie  aux  malades,  &  leur  feront  Njm.é^. 
î'onaion.  A  cet  effet,  ils  auront  delhuilepour  le  Baptême,  ôc  is'jm.66. 

Four  l'onclion  des  mahides.  En  allant  demander  le  chrême  à  js^um  6r. 
Evêque ,  ils  lui  rendront  compte  des  prières  qu'ils  font  pour  le 
Roi ,  &  pour  l'Evêque  même. 

XXII.  Edgar  fait  un  article  féparé  pour  la  ConfefTion.  Un  P:!:r-^^^* 
autre  pour  la  manière  d'impofer  la  Pénitence.  Un  troiliéme  pour  A"'"-  i- 
la  Satisfaciion.  Le  Prêtre  écoutera  avec  douceur  le  Pénitent;  lui  Num.  j. 
demandera  ,  s'il  eft  dans  l'intention  de  confefTer  humblement  fcs 
péchés ,  l'interrogera  fur  fes  moeurs  ,  mais  en  fè  proportionnant 

aux  diverfes  conditions  des  perfonnes.  En  Juge  prudent,  il  déci- 
dera de  la  griéveté  des  péchés  par  rapport  au  tems  ,  au  lieu  ,  6c 
aux  autres  circonllances.  Le  Pénitent  ,  avant  de  confe.Ter  fes  AW.  4, 
péchés  ,  fera  un  acie  de  foi  par  lequel  il  déclarera  qu'il  croit  en  un 
Dieu  6c  trois  Perfonnes,  la  vie  future,  la  réfurrcction  au  jour  du 
Jugement.  Enfuite  il  fera  en  général  une  confeffion  de  tous  fes 
péchés,  puis  une  particulière;  après  laquelle  il  demandera  par- 
don ,  6c  promettra  de  fe  corriger.  Alors  le  Prêtre  lui  impofera  la 
pénitence. 

XXIII.  Celui  qui  étoit  coupable  d'un  péché  capital  fe  pré-  P''r- 1^-?. 
fentoitàl'Evêque  le  premier  Mercredi  de  Carême.  Silepéchéle  ^'^«'"  S- 
niéritoit,  on  le  privoit  de  la  communion  Eccléliaftique,  en  lui  Au.;.  4  ,  f. 
laiflant  la  liberté  de  vaquera  fcs  affaires.  Il  fe  repréfentoit  le  Jeudi 
d'avant  Pâques ,  ôc  on  lui  donnoit  l'abfolution ,  après  s'être  afluré 

s'il  avoit  accompli  fa  pénitence.  Pour  un  homicide  volontaire 
«lie  étoit  de  fept  années  de  jeûne  ,  trois  ans  au  pain  ôc  à  l'eau  , 
les  quatre  autres  à  la  difcrétion  du  Confefleur.  Mais  après  ces  s-um.  6. 
fept  ans  le  Pénitent  devoit  encore  pleurer  fon  péché,  autant  qu'il 
lui  étoit  polfible,  ne  fçachant  pas  de  quelle  valeur  fa  pénitence 
ûvoit  été  devant  Dieu.  Celui  qui  a  eu  la  volonté  de  tuer,  quoiqu  il  Sum.  7. 

E  E  e  e  c  ij 


772  CONCILES 

ne  l'ait  pas  exécuté  ,  eil  condamné  à  trois  ans  de  ieûne,  un  aa 
pain  &à  Tcau  jlesdcux  autres  au  jugeaiv.'nt  de  (on  Confeileur. 

Nwn.  ic.  L'aduitere  clt  puni  de  feptans  de  jtunc  ,  donc  les  trois  pre.iiiers 

Num.  3.;.  ^^^  p^i,-j  5j;  ^  1  eau.  Celui  qui  n'en  a  eu  que  la  volonté  ,  fans  l'exé- 
cuter ,  jeûnera  trois  Carêmes  au  pain  &  à  l'eau  ;  un  en  Eté  ,  un 

Aum.  3  s.  en  Automne  ,  le  troihéme  en  H  y  ver.  Trois  années  de  jeûne  pour 
une  pollution  volontaire  ,  ôc  quaratue  jours  de  jeûne  au  pain  &  à 
l'eau  chaque  année  avec  abiîinence  de  viande  pendant  les  trois 
ans,  excepté  leDimanciîe.  On  injpofe  auiii  trois  ans  de  jeûne  à 
celui  qui,  dans  le  lonimei! ,  a  étouiiéiou  enfant.  Si!  arrive  qu'un 
tnlant  inaiadc  meure  iaiis  Baptême  ,  &.  que  ce  loit  de  la  faute  du 
Prêtre  j  il  perdra  fon  grade  ;  iic'eiidelafautç  des  amis  ,  i.s  jeûne- 
ront trois  ans  au  pain  6c  à  Teau.  Orr  peut  juger  par  ces  exemples  , 
de  la  rigueur  de  la  difcipiinc  en  Augleterre  Lus  le  règne  d'Ed- 
gar ,  &  l'épifccpat  de  (aint  Duniîan. 

P.i".  r-?^.  X  X  I  V.  Il  y  avoit  toutefois  différens  dJgrcs  de  pénitence, 
x\'u,-n.  3.  fuivanc  la  dilicrence  des  péchés  :  comme  on  en  inipoioit  de  plu- 

hu;n.  ^.  fleurs  années,  de  piuficurs  mois^de  piuficurs  joursjon  en  donnoit 
auilid  un  an, d'un  mois, d'un  jour;  maison  cxige^ic  toujours  des 
Pénitens  la  confellion ,  la  correclion  de  leurs  moeurs ,  la  fatisfac- 

,T  tion.  Il  efl  parlé  d'une  pénitence  appehée  profonde  ;  c'étoit  celle 

d'un  Laïc  qui  quittoitles  armes, failoit  de  longs  pèlerinages,  mar- 
chant nuds  pieds  ,  lans  couclier  deux  fois  dans  un  même  lieu, 

Num.  II.  fans  coup  r  fes  cheveux  ,  ni  fes  ongles  ,  ians. entier  dans  un  bain 
chaud  ,  ni  coucher  mollement  ;  fans  goûter  de  chair  ni  d'aucune 
hoiflbn  qui  pût  enyvrer.  Quoiqu'il  allât  à  tous  les  lieux  de  dévo- 
tion ,  il  n'cnrroit  pas  dans  les  Eglifes.  Il  confeifoit  fes  péchés, 
en  demandoit  le  pardon  ,  &  les  déteiloit  avec  de  grandes  mar- 

Ku.-r.  II  Q.^<^^  de  douleurs,  il  ne  donnoit  à  pcrfonne  le  baiier.  Cette  forte 
de  pénitence  étoit  regardée  comme  très-eaicace  pour  la  rémif- 
Atim.  11  ''^'i^  tics  péchés.  On  l'obtenoit  aulli  par  raumône  ,  par  la  conf- 
'■*  '  '5 ,  lû.  trudion  &  la  décoration  dune  Eglife  en  l'honneur  de  Dieu  ;  pat 
la  rédemption  des  Captifs  ,  &  en  donnant  la  liberié  à  des  Efcla- 
ves  ;  par  le  fou'agement  des  pauvres  ,  ôc  autres  bonnes  oeuvres; 
par  les  jeûnes  ôc  les  mortifications  ;  par  le  renoncement  aux  biens 

Kum.  it.  temporels,  &  à  fa  Patrie.  Un  malade  pouvoir  racheter  un  jour  de 
jeûne  avec  un  denier,  qui  apparemment  fuillfoit  pour  la  nourri- 
ture d'un  Pauvre  ,  ou  en  récitant  deux  cens  \  in^  t  bfeaumes.  Il 
pouvoit  auiii  racheter  un  jeune  de  douze  mois  avec  trente  fols  , 

Num.  i;;.  ou  en  délivrant  un  Efclave  de  pareil  prix.  Une  Melfedifpenfoit 
un  homme  de  douze  jours  de  jcûae  i  q^uatre  Melfes ,  d'un  jeûne 


DU    DIXIEME    SIECLE.        77J 

de  quatre  mois  ;  trente  Méfies,  d'un  jeûne  de  toute  l'année. 

X.  X  V.  Un  grand  Seigneur  pouvoit  rendre  fa  pcnitence  plus  Pag.  e,^^ 
douce  j  en  la  partageant  avec  fes  amis.  Mais  i!  faiioit  auparavant  ■N"'".  i- 
qu'il  conferiâi  tous  fcs  pcchcs,  qu  il  s'en  corrigeât,  &  qu'il  en 
reçût  lu  pcnitence  avec  douleur  de  fes  fautes.  Si  la  pénitence  Sum.i. 
qu  on  lui  impofoit  e'toit  de  jeûner  pendant  fept  ans ,  il  pouvoit  la 
racheter  en  faifant  jeûner  pour  lui  autant  de  perfonnes  qu'il  en 
falloir  pour  accomplir  en  trois  jours   les  jeûnes  de  fept  anndcs  ; 
mais  on  ne  le  difpenfc/ir  pas  de  certaines  autres  œuvres  fatisfac-  AW.j. 
toires  ;  comme  d  aller  nuds  pieds ,  de  porter  le  ciiice  ;  6c  on  To- 
blircoit  à  des  aumônes  coniidcrables. 

XXVI.  L'Ârciicvcque  Dunftan  convoqua  en  ptîp  par  ordre  Concile 
du  Pape  Jean  yi.lll.  un  Concile  eénéral  d'Angleterre  ,  où  le  Roi  '''A"f:iaerre 
lidgar  h:  de  vives  piamtes  contre  les  dereglemens  des  Clercs.  CnràU    p^r. 
Non-feulement  leur  couronne  n'étoit  plus-  de  la  grandeur  pref-  636,^518. 
crite  par  les  Canons  ;  mais  tout  leur  extérieur  ,  leurs  habits , 

leurs  geflcs ,  leurs  paroles  ,  montroient  la  corruption  dans  leur 
cteur  ;  négligens  aux  Oiiices  divins ,  furtout  la  nuit  ;  immodelles 
à  1  Eglife ,  ils  fembloient  n'y  venir  que  pour  rire  &  badiner. 
Abandonnes  aux  débauches  de  la  table  ôc  du  lit ,  ils  y  ajoutoient 
les  jeux  de  hafard  ôc  les  danfes,  qu'ils  pou'foient  jufqu'à  minuit 
avec  des  bruits  fcandaleux.  C'efi  ainfi  qu'ils  ufoient  des  patri- 
moines des  Rois  ,  des  aumônes  des  Pau\  res  ,  des  revenus  de 
l'Eglife  de  Jeius-Chrifl.  Les  Soldats  s'en  plalgnoient  hautement, 
le  Peuple  en  murniuroit ,  les  Comédiens  en  faifoient  des  rifées  , 
les  Evcque-i  feals  diilimuloient  ces  défordres.  Ed[-ar,  pour  ra- 
nimer lec,rzèic,  dit  :  11  ell:  tems  de  s'élever  contre  ceux  qui  ont 
diPiipé  la  Loi  de  Dieu  :  j'ai  en  main  le  glaive  de  Conllantin  ,  ôc 
vous  celui  de  faint  Pierre  :  joignons-les  enfemble  p?ur  purger  le 
fanduaire  du  Seigneur,  afin  que  les  fils  de  Le\'i  fervent  dans  le 
Temple.  Que  la  confidération  des  faintes  Reliques  que  ces 
mauvais  Clercs  iiifultent  ;  des  Autels  qu'ils  prophanent ,  ôc  des 
aumônes  de  nos  prédécefleurs  dont  ils  abufent,  vous  anime. 
Puis  s'adreiTant  à  l'Archevêque  Dunfian  ,  il  le  chargea  ,  Ethe- 
volde  deVinceflre  ôc  Ofval  de  X^orchefire,  de  chailer  des  Egii- 
fes  les  Prêtres  qui  la  déshonoroient  par  leur  vie  fcandaleufe,  ôc 
d'en  mettre  à  leur  place  de  bien  réglés  dans  leurs  mœurs. 

XXVII.  Sur  les  plaintes  du  Roi ,  le  Concile  ordonna  que  Dfcrers  ("c 
tous  les  Chanoines  ,  les  Prêtres  ,  les  Diacres  &  les  Soudiacres  ihid.pa1.690, 
garderoient  la  continence  ou  quitteroient  leurs  Eglifes.  On'com- 

•  mit  1"  exécution  de  ce  Décret  àfaint  Dunfian,  ôc  a  ix  deux  Eve- 

EEeee  iij 


-774'  CONCILE    S 

<jues  nofnmes  par  le  Roi.  Celui  de  Vorcheflre  fit  bâtir  un  grand 
nombre  de  Monafteres  dans  fon  Diocèfe ,  y  mit  des  Moines 
arec  un  Abbé,  à  qui  il  confia  le  foin  desEglifes  ,  après  en  avoir 
chaffé  les  Prêtres  féculiers.  L'Evêque  de  Vincheftre  en  fit  de 
même,  &  ces  deux  Evêques  furent  avec  faint  Dunflan  les  reflau- 
rateurs  de  la  difcipline  monaftique  en  Angleterre.  Quelques-uns 
des  Prêtres  qu'on  avoir  chafTés  prirent  l'habit  monaftique,  réfolus 
de  vivre  à  l'avenir  d'une  manière  plus  réglée  ;  mais  n  e'tant  point 
au  fait  des  exercices  de  cette  nouvelle  vie  ,  Ethevolde ,  Evêque 
de  Vincheftre,  fit  venir  des  Moines  d'Abbendon  pour  les  en 
Pag.roQ,  inftruire.  Saint  Dunftan  avoit  excommunié  un  Comte  très-puif- 
fant ,  pour  avoir  contracté  un  mariage  inceftueux.  Le  Comte  fe 
pourvut  fucceflivement  devant  le  Roi  Edgar ,  &à  Rome.  L'Ar- 
chevêque ne  voulut  point  fe  relâcher,  quelque  prière  qu'on  lui 
en  fit.  Sa  fermeté  ébranla  le  coupable.  Il  vint  nuds  pieds  au 
milieu  du  Concile,  tenant  des  verges  en  main,  &fe  foumità 
la  pénitence.  Saint  Dunftan  &  les  autres  Evêques  en  eurent  pi- 
tié ,  lui  pardonnèrent  fa  faute ,  &  le  relevèrent  de  fon  excommu- 
nication. 
Ccmcile  de       X  X  V 1 1 1.  Il  ne  refte  du  Concile  de  Rome  en  p 6$ ,  que  la 
'Romecngf?,  Lettre  du  Pape  Jean  XIII.  à  Landulfe  ,  Archevêque  de  Bene- 
Hu'ni  ,    vag.  vent,  par  laquelle  il  déclare  qu  u  a  érige  1  hveche  de  lienevent 
679  -,  &  tom.  gii  Archevêché  ,  &  qu'en  conféquence  il  lui  accorde  l'ufage  du 
\lïZ     '^'^°'  Pi^lli-'^^i'  Cette  Lettre  fut  foufcrite  par  l'Empereur  Ottbn  ;  par 
vin?t-trois  Evêques  ,  trois  Prêtres ,  ôc  quatre  Diacres. 
Concile  ^e       X  X  I X.  Le  Roi  Edgar  fit  confirmer  dans  un  Concile  de 
^^"'^v"^  /"  Londres  en  5)70^  fes  donations  au  Monaftere  de  Glaflemburi, 
7oiV704.       en  fe  réfervant  à  lui  &  à  fes  héritiers  le  droit  d'inveftiture,  c'cft- 
à-dire  d'en  établir  l'Abbé  élu  parla  Communauté,  par  la  colla- 
tion du  Bâton  paftoral.  Il  demanda  au  Pape  Jean  XIII.  une 
Bulle  confirmative  des  mêmes  donations.  Le  Pape  l'accorda , 
prit  le  Monaftere  de  Glafiembuti  fous  la  protection  du  faint  Siè- 
ge ,  confirma  aux  Moines  le  droit  déledion  ,  inais  fans  faire 
mention  de  celui  d'inveftiture ,  que  le  Roi  s'ctoit  réfervé.  Le 
Koi  &  la  Reine  foufcrivirent  l'Aêle  du  Concile  ,  ôc  après  eux  , 
nlufieurs  Evêques  ,  Abbés  &  Seigneurs  du  Pays, 
roncîle  de       XXX.  Le  Diplôme  accordé  par  le  Pape  fut  expédié  dans 
Ilil/'Xc'yoî!  """  Concile  qu'il  tint  à  Rome  en  97 1  ,  ôc  il  y  a  apparence  que  le 
Roi  Edgar  l'avoit  demandé  par  fes  Députés,  pour  donner  plus 
de  force  à  cette  confirmation. 
Concile  <n      X  X  X I-  Le  même  Pape  confirma  rétablifîement  d'un  Mo- 


DU    DIX  I  E IM  E    S  I  E  C  L  E.       77? 

rtaftereà  Moufon,  par  A dalbcron  ,  Archevêque  de  Reims,  en  Tardenois , 
5?7i.  Au(ii-tot  qu  il  eut  re(^u  la  Lettre  du  Pape,  il  afïembla  un  ^'^"  ^t"- 
Concile  en  Tardenois ,  Canton  de  fon  Diocèfe  ;  6c  après  avoir 
donné  aux  Evoques  &  Abbcs  prdfens  lecture  de  cette  Lettre  ,  il 
ordonna,  du  ccnientement  du  Concile  ,  qu'à  la  place  des  Cha- 
ncines  qui  deiiervoient  l'Eglife  de  ce  Monaflere  ,  mais  dont  ia 
conduite  occaiionnoit  quantité  de  plaintes ,  on  mettrcit  des  Moi- 
nes ,  à  qui  l'on  donna  pour  Abbé  Ledald.  L'Acte  de  cette  iubro- 
gation  ell  date  de  Tan  5)72. 

X  X  X I L  Nous  ne  fçavons  autre  chofe  du  Concile  affemblé  j^o'^ciled'Iir- 
la  mcme  année  par  l'Empereur  Otton  à  Ingelhcim  ,  finon  que  "< -j^^^i^.i.-nl»,. 
faint  Udalric  ,  Evcque  d'AuiLourg,  y  fut  invité  ,  ôc  qu'on  lui  fit  ^u.  •'      '^ 
des  plaintes  de  ce  qu'Adalberon  fon  neveu  portoit  publiquement 
le  Bâton  pailoral ,  comme  s'il  eût  été  déjà  Evéque  d'Autbourg. 
Le  Saint  témoigna  (on  délit  de  quitter  l'Epifcopat ,  pour  vivre 
en  Moine  de  l'Ordre  de  faint  Benoit ,  &  pria  qu'on  lui  donnât 
fon  neveu  pour  fuccefleur.  ATais  le  Concile  craignant  qu'à  fon 
exemple ,  piuiieurs  bons  Evoques  ne  fuflent  expofés  à  dépareilles 
démarches  par  la  follicitation  de  leurs  neveux  ,    ou  de  leurs 
Clercs  ,  le  pria  de  demeurer  en  fa  place.  On  lui  promit  toutefois 
de  ne  point  ordonner  après  fa  mort  d'autre  Evêque  d'Aufbourg  y 
qu'Adalberon.  Le  Saint  fuivit  cet  avis  ;  &  de  l'agrément  des 
Evêques  ,  l'Empereur  chargea  Adalberon  de  gouverner  fous  fon 
oncle  ,  l'Evêché  d'Aufbourg. 

XX  XI IL   Le  Concile    de  Marzalia  dans  le  Diocèfe  de      Cona'fe  <?« 
Parme,  fut  alfeniblé  en  975  pour  terminer  la  conteflation  entre        ''''^'^:]    '" 
Albert,  E\êque  de  Bologne,  &  Ubert  ,  Evêque  de  Parme,  au  ii^i.  "''^"^* 
fujet  de  certaines  terres  qu'ils  prétendoient  l'un  &  l'autre  devoir 
leur  appartenir.  L'affaire  fut  décidée  au  gré  des  Parties,  ôc  on  mit- 
une  r.niende  de  cent  livres  d'or,  à  celui  des  deux  qui  refuferorc-' 
d'exécuter  la  Sentence  du  Concile.  Honeftus ,  Archevêque  de^ 
Ravenne,  vpréfida. 

XXXIV.  Il  affembla  la  même  année  5175  un  Concile  à  Concile  cfe 
Modene,oùwi  termina  un  différend  à  peu  près  femblable  entre  ^y',^\^^i  -J". 
deux  frères,  Pierre  ôc  Lambert ,  delà  preniiere  condition.  Il  ne  711. 

relie  qu'un  fragment  des  ades  de  ce  Concile  ^  encore  eft-ii  rempli 
de  lacunes. 

XXXV.  Il  manque  auffi  quelque  chofe  aux  ades  de  l'Af-    ,      Goncile- 
femblée  où  le  Roi  Edgar  prit  la  réfolution  de  mettre  des  Moines  ^^  "h"^it^d. 
dpns  le  Monartere  de  Malmefhuri,  à  la  place  des  Chanoines.  p-tg.7i^. 
L'ade  qui  en  fut  dcefle  eft  figjié  du  Roi  y  de  deux  Archevêques  ,. 


77^  CONCILES 

trois  Evêques  ,  trois  Abbés  6c  trois  Duc;.  En  parlant  6e  la  Mainte 

Vierge ,  on  a  afte£lé  de  lui  donner  en  caractères  Grecs  le  titre  de 

Mère  de  Dieu  ,  Theotocos. 

Concile  c!e       X  X  X  V  I.  A  Conftantinople  Bafilc  Scamandrin  ,  qui  avoit 

Conftantino-   f^ccedé  à  Polveudc  dans  le  Siège Patriarchal  de  cette  Ville  en 

pie  en  97t   ,  /  ,  »  .  c        l  '       c    A 

ibid.pag.7%0.  P70  ,  ayant  ete  acculo  de  queique  crime  ,  rut  depoie  dans  un 
Concile  de  Tan  pyj.Oa  mit  à  fa  place  Antoine  Studite,qui 
renonça  à  la  dignité  de  Patriarche  ,  &  fe  retira.  Le  Siège  demeu- 
ra vacant  pendant  quatre  ans  ,  parce  qu'on  ne  voulut  point  lui 
donner  de  fucceileur  avant  fa  mort ,  qui  n'arriva  que  vers  l'an 
^80. 
Concile  '«       XXXVI  !._  En  pyj  on  tint  à  Reims  un  Concile,  où  Thie- 

Reiinsen?  5,  ^aud  ,  Evêque  d'Amiens  ,  fut  excommunié  comme  ufurpateur 
de  cette  Egiife.  Il  avoit  déjà  fubi  la  même  Sentence  dans  le 
Concile  de  Trêves  encj^S  ,  m""s  il  en  avoit  appelléà  Rome.  Au 
lieu  de  pourfuivre  fon  appel ,  il  en  fit  venir  des  Lettres  quifii- 
foient  plus  contre  lui ,  que  pour  lui.  Il  ne  les  avait  d'ailleurs 
obtenues  que  par  argent ,  &  en  expofant  faux.  Cité  par  Eiiiennc, 
Légat  du  Pape  Benoît  VII.  à  deux  Conciles  ,  il  ne  voulut  point 
comparoître.  Les  Evêques  alTemblés  à  Reims  ,  le  Légat  ÔC 
l'Archevêque  Adalberon  prirent  le  parti  de  l'excommunier,  ôcde 
le  chafler  de  l'Eglife  jufqu'à  ce  qu'il  donnât  des  marques  de 
repentir. 
Concile  de       X  X  X  V  I II.  Le  Roi  Edgar  étant  mort  en  py  5-  ,  les  Clercs 

^'"'"^tJ^^"  que  ce  Prince  avoit  fait  chalTer  de  leurs  Eglifes  pour  leur  vie 
'  '  fcandaleufe ,  renouvellerent  leurs  plaintes  ,  appuyés  de  plufieurs 
Seigneurs,  dont  un  nommé  Alfier,  Prince  des  Merciens,  s'étoit 
déclaré  hautement  contre  les  Moines,  en  renverfant  pr^fque  tous 
les  Monaftcres  que  faint  Ethelvolde  venoit  d'établir  dans  le  Pays 
des  Merciens,  Les  troubles  qu'ils  excitèrent  en  cette  occafion 
donnèrent  lieu  au  Concile  de  Vinchcftre  qui  fe  tint  la  même 
année.  Saint  Dunilan  y  préfida  ,  &  les  Clercs  ôc  les  Moines  eurent 
la  liberté  de  défendre  leur  caufe  en  plein  Concile.  Les  premiers 
ne  trouvant  rien  de  folide  pour  faire  valoir  leurs  prétentions  ,  en 
vinrent  aux  prières  ,  &  iireu  intercéder  pour  eux  le  jeune  Roi 
Edouard  ,  ôc  les  Seigneurs  de  fa  Cour.  Saint  Dunikn  demeura 
quelque  tems  fans  leur  répondre  ,  incertain  s'il  leur  accorderoit , 
ou  non  ,  leur  rétablifiement  ;  mais  enfin  il  le  refufa.  On  dit  qu'il  y 
fut  déterminé  par  une  voix  miraculcufe  fortie  de  la  bouche  d'un 
Crucifix  attaché  contre  la  niiurailleau  fond  delà  falle  où  fetenoit 
le  Concile.  Cette  voix  fut  entendue  dillinclement  par  le  Roi  ôc 

pat 


t>U    DIXIEME    SIECLE.        777 

.par  l'Archevêque  qui  avoient  étd  choifis  pour  Juges.  Les  autres 
n'entendirent  qu'un  bruit  femblable  à  celui  du  tonnerre.  Les 
Clercs  perdirent  donc  leur  caufe ,  6c  les  Moines  furent  main- 
tenus. 

XXXIX.  La  même  année  on  affembla  après  Pâques  un      Concile  ds 
"Concile  nombreux  à  Ketling,  ou  Katlage  en  Angleterre,  où  Ka'in"e  '  en 
J'on  autorifa  le  pèlerinage  à l'Eglife  de  fainte  Marie  d'Abbendon.  9'S,ibid.fag. 
Cétoit  l'EgUfe  du Monaftere de  ce  nom ,  dont  faint  Ethelvoldc  '''■'*• 
avoit  été  tait  Abbé  en  514.4. 

XL.  La  Sentence  rendue  contre  les  Clercs  dans  le  Concile     Conciles  a* 
de  Vincheflre  n'appaifa  pas  entièrement  leurs  plaintes.  Il  les  breiburv    "eiî 
lenouvellerent  enpySdans  celui  que  l'on  aiïembia  à  Kent.  Mais  97^,il'id.pig, 
faint  Dunftan  ne  voulant  plus  difputercontr'eux,  fe  contenta  de  ^^'*'" 
leur  dire,  qu'il  laifToità  Dieu  à  défendre  la  caufe  de  fon  Eglife. 
Au  moment  même  la  maifon  croula ,  le  plancher  de  la  chambre 
îTjanqua,  6c  les  Clercs  féditieux  furent  écrafés  pat  les  poutres. 
Saint  Dunflan  fut  feul  préfervé  avec  les  liens.  On  tint  un  autre 
Concile  à  Ambrefbury  ,  dont  les  Hiftoriens  n'ont  pas  marque 
l'année  ,  ni  le  fujet.  Ils  n'ont  pas  marqué  non  plus  en  quel  tems 
furent  faites  les  Loix  qui  ont  pour  titre  :  des  Prêtres  de  Northum- 
bre.  Elles  font  diviféesen  cinquante-fix  articles  ,  6c  ne  contien- 
nent prefque  rien  de  nouveau  ,  finon  qu'elles  impofent  des  amen- 
des pécuniaires  pour  diverfes  fautes.  L'article  5- 1  parle  du  denier 
Romain  que  l'on  devoit  payer  annuellement.  On  en  faifoit  la 
collefte  ,  ôc  on  portoit  le  tout  à  l'Eglife  Cathédrale  le  jour  de  la 
Fête  de  faint  Pierre  ,  avant  la  Mefle. 

X  L  I.  En  pSo  Sevin  ,  Archevêque  de  Sens ,  étant  affemblé     Concile  Je 
avec  les  Evêques  de  Chartres,  de  Paris,  de  Troycs  6c  d'Or-  ^^"'^V^°,' 
leanSjl'Abbé  6c  les  Moines  deS.Pierre-le-Vif  vinrent  lefupplier  Uarduini^pag. 
de  leur  fournir  à  eux  6cà  leurs  fucceffeurs  de  plus  amples  revenus,  70?. 
tant  pour  leur  fubfiflance,que  pour  leurs  vêtemens.L'Archevêque 
décréta  leur  demande,  6c  leur  affigna,  de  l'avis  du  Concile, 
quatre  Eglifes  dans  fon  Dioccfe ,  avec  les  revenus  en  dépendans, 
fans  obligation  de  les  dcifcrvir  par  eux-mêmes  ,  en  leur  laiffant 
la  liberté  d'y  mettre  de  dignes  Prêtres  pour  y  faire  l'Office.  Il  en 
fut  drcflc  un  acte  auquel  Sevin  foufcrivit ,  avec  ces  quatre  Evo- 
ques 6c  quelques  autres  Eccléllalliques  conditués  en  dignité. 

XLII.  Il  y  eut  en  985  deuxConcilcs  àRome.Lc  premier  à  l'oc-  Conciles  <!« 
xafion  delatranflation  de  Gililer  de  l'Evêché  de  Mersbourg  à  Rojnecny85, 
l'Archevêché  d^  Magdebourg.  Ce  dernier  Siège  étoit  vacant  j-iar  'j^'  '/^^^J'  '^'°* 
la  mort  de  faint  Adalbert.  Le  Clergé  ôc  le  Peuple  élurent  pour  Lihl.,  ^ag^ 
\       Tome  XXI L  FFfff  '»*î- 


Ibid. 


fi 


778  CONCILES 

fon  fucceffcur  le  Moine  Ochtrie  ,  homme  de  grande  r^putatîof^ 
pour  fon  fçavoir,  ôc  ils  en  donnèrent  avis  à  l'Empereur  Utton- 
par  des  Députés.  Gifiler  qui  étoit  alors  avec  ce  Prince- en  Italie  ^ 
lui  demanda  pour  lui-même  cet  Archevêché^  &  il  l'obtint  avant 
que  les  Députés  enflent  notifié  à  l'Empereur  la  mort  de  faint 
Adalbert,  ôc  l'élection  d  Ochtrie.  Il  le  pourvut  à  Rome  pour 
faire  autorifcr  fa  tranllation.  Benoît  VII.  propofa  la  chofe  à  fon 
Concile  ,  qui  fut  d'avis  ,  qu'on  pouvoit  faire  palTer  Gililer  à 
Magdebourg,  attendu  que  le  Siège  de  Mersbourg  lui  avoir  été 
ôté  par  l'Evêque  Hildevard.  Ditmar  l'accufe- dans  fa  Chronique; 
d'avoir  obtenu  cet  Archevêché  par  de  mauvaifes  vo^es  :  mais  un 
autre  Chronologifte  éloigne  ce  foupçon  de  Gifiler,  en  lefaifant 
Ibid.  pag.  pafl'er  pour  un  Saint  6c  pour  un  Apôtre.  On  lut  dans  le  fécond 
Concile  divers  Décrets  contre  les  Ordinations  fimoniaques.  La 
Lettre  fynodale  cft  au  nom  du  Pape  Benoît  VU.  qui  l'adreffa  à' 
Miron,  Evoque  de  Girone,  pourla  faire  publier.  Elle  eft  fans- 
date  ,  mais  on  la  met  en  pS  ? ,  qui  efl  la  première  de  l'Epifcopat 
de  Miron.  On  croit  même  que  de  ces  deux  Conciles  il  n'en  faut 
faire  qu'un  ,  où  ,  fur  ce  qu'on  difoit  que  Gifiler  étcit  parvenu  à- 
iSld.  in  no-  l'Archcvêché  de  Magdebourg  par  des  voyes  illégitimes ,  on  en. 
s,pa£.Tit.  p^ij- Qj.j~afioti  de  décerner  des  peines  contre  ceux  qui  donneroient- 

ou  recevroient  de  l'argent  pour  l'Ordination. 
Concile  de       XLII I.  En  ^8j  Adalbcron ,  Archevêque  de  Reims,  écri- 
tom"^(.CwcU^  vit  une  Lettre  circulaire  à fes  Comprovinciauxpour  les  invitera 
Mirduin.  pug.  un  Concile.  Il  leur  en  marquoit  le  lieu  ôc  le  jour.  On  nefvjait 
point  ce  qui  s'y  pafla.  Il  y  a  d'autres  Lettres  particulières  de  cet 
Archevêque  à  Rochard  de  Cambrai ,  ôc  à  Norger,  Evêque  de 
Liège ,  dans  lefquelles  il  les  invite  à  fon  Concile.  La  vingt-neu- 
vième ôc  la  trentième  de  celles  de  Gerbert  font  au  nom  d'Adal- 
beron  ,  à  "Walon  ôc  fes  complices ,  pourles  citer  au  Concile  de  la 
Province. 

XLI  V.  Arthmail  ,  Roi  de  Galles  ,  ayant  tué  fon  frère 
Elifed ,  Goncan ,  Evêque  de  Landaff,  envoya  des  Députés 
dans  toutes  les  parties  de  fonDioccfe,  pour  inviter  à  (on  Con- 
cile tous  les  Clercs ,  en  quelques  dégrés  qu'ils  fuffent  conditués } 
&  de  leur  confentement ,  il  anathématifa  ce  Prince  ,  Ôc  le  fépara 
de  la  communion  de  tous  les  Chrétiens.  Le  Roi  en  étant  averti 
vint  à  Landaff,  demanda  pardon  avec  larmes,  fe  foumit  à  la 
pénitence  ,  ôc  racheta  fon  péché  par  de  grandes  aumônes. 
Concile  de  X  L  V.  Saint  Adalbcrt ,  Evoque  de  Prague,  voyant  que  for> 
^omeengSQ,  Peujjle profîcoit  peu  de  ios  inftruitions,  réfoiut  de  le  quuter.  U 


•71  j 


Concile  de 
Landaff       en 

Concii,     pag, 
7il. 


DU  DIXIEME  SIECLE.  -j-ji 
fit  un  voyage  à  Rome  pour  confulter  le  Pape  fur  ce  fu jet.  Il  en 
obtint  ce  qu'il  fouhaitoit,  ôc  avec  Ton  confentement  il  entreprit 
le  pèlerinage  de  Jerufalem.  Il  vint  une  féconde  fois  à  Home, 
dans  le  delfein  d'y  (inir  fes  jours  dans  un  Monaftere.  Il  y  dtoit, 
Jorfqu'il  arriva  à  Rome  une  dépuration  des  Citoyens  de  Prague, 
pour  redemander  leur  Evêque  ,  avec  promeffe  de  lui  être  plus 
fournis  ,  &  de  mieux  profiter  de  fes  inllrudions.  C'ctoit  en  98p. 
Le  Pape  Jean  XV.  aiTembla  un  Concile  dont  le  réfultat  fut  que 
faint  Adalbert  retourneroit  vers  fon  Peuple  ;  mais  avec  cette 
claufe,  que  s'il  continuoit  dans  fes  défordres,  l'Evêque  pourroic 
le  quitter  fans  r'ifque  de  fon  falut.  Le  Saint  obéit  &  retourna  à 
Prague,  après  en  avoir  obtenu  la  permilîioa  de  l'Abbé  Léon  qui 
lui  avoir  donné  l'habit  monaflique. 

XLVI.  Vers  l'an  989  fix  Evêques  d'Aquitaine,  ayant  à  leur      Concile  (!« 
tête  Gumbauld,  Archevêque  de  Bordeaux  ,  s'aflemblerent  dans  ^','  '^^v''  ^" 
le  Monailere  de  Charroux  au  Diocèfe  de  Poitiers  ,  oli  ris  firent  7,3'/  ''*^'^* 
trois  Canons  pour  remédier  à  des  défordres  qui  augmentoient 
•de  jour  en  jour ,  parce  qu'on  ne  tenoit  que  rarement  des  Con- 
;Ciles.  Le  premier  de  ces  Canons  prononce  anathême  contre 
ceux  qui  ont  rompu  les  portes  d'une  Eglife,  6c  en  ont  enlevé 
quelque  chofe.  Le  fécond  frappe  de  la  même  cenfure  ceux  qui 
auront  volé  à  un  Laboureur  ,  ou  à  quelque  pauvre  une  brebis  , 
<un  bœuf ,  ou  quelques  autres  beftiaux.  Le  troifiéme  défend  l  en- 
trée de  l'Eglifeà  quiconque  aura  frappé ,  ou   pris  un  Prêtre  ,  un 
Diacre ,  ôc  tout  autre  Clerc  trouvé  fans  armes.  Tous  ces  ana- 
ïhêmes  dévoient  durer  jufqu'à  ce  que  le  coupable  eût  fait  fati-s- 
îfadion. 

XLVII.    Après  la   mort  d'Adalberon  ,   Archevêque  de     Concile  de 
Reims  ,  les  Evêques  de  la  Province  s'aflemblerent  pour  lui  don-  ''^'=™»<^"^^^» 
ner  unfuccedeur.  Les  fuffrages  fe  réunirent  en  faveur  d'Arnoul. 
L'éledion  fe  fit  du  confentement  des  Rois  Hugues  Capet  & 
Robert.  L'Elu  leur  prêta  ferment  de  fidélité.  Fils  naturel  du  Roi 
Lothaire,  ilétoit  neveu  du  Prince  Charles.  Celui-ci  s'empara  de 
la  Ville  de  Reims  ,  &  emmena  prifonnier  le  nouvel  Arche- 
vêque, qu'on  foupçonna  d'avoir  livré  la  Ville  à  fon  oncle  ,  &  de 
s'êtretait  prendre  exprès  pour  couvrir  fa  trahifon.  Arnoul,  pour  P?^.  rjr. 
fe  purger  de  ce  foupçon  ,  publia  une  excommunication  contre 
ceux  qui  avoient  pillé  l'Eglife  ÔC  la  Ville  de  Reims,  jufqu'à  ce 
qu'ils  euifent  reftitué  le  tout. 

XL VIII.  A  fon  imitation  les  Evêques  de  fa  Province  affem-      Concile  4e 
blés  à  Senlis  ca  p^o ,  publièrent  un  Décret  portant  interdit  fut  iiil'-^^^r'r 

FFfffij  ■'^'  '" 


78o  C    O    N    C    r    L    E    S 

les  Eglifcs  de  Reims  ôc  de  Laon  ,  qui  avoient  auflî  été  pillées ,  Ôê. 
anathême  contre  le  Prêtre  Adalger ,  accufé  d'avoir  livré  la  Villo 
de  Reims  ;  &  contre  tous  les  complices  ,  jufqu'à  ce  qu'ila 
fc  foumilTent  à  la  pénitence.  Ils  envoyèrent  leur  Décret  aux 
Evéques  des  autres  Provinces.  Arnoul ,  en  obligeant  dans  le  fiea 
les  pillansà  reftitution  ,  en  avoit  excepté  le  boire  ôc  le  manger; . 
les  Evêques  du  Concile  de  Scnlis  ne  1  exceptèrent  pas. 
Concile  de  XL  IX.  On  a  parlé  dans  l'article  d'Arnoul,  Ëvêque  d'Or^ 
fblP^^'^^^l'  leans,  des  a6tes  du  Concile  tenu  dans  l'Abbaye  de  Taint  Balle 
proche  de  Reims.  Le  Roi  Hugues  mécontent  d'Arnoul ,  Archcr 
vêque  de  cette  Ville,  le  fit  juger  canoniquement  par  les  Evoques 
de  la  Province.  Ils  étoient  treize  en  tout ,  fix  de  la  Province  de 
Reims  ,  trois  de  celle  de  Sens  ,  trois  de  celle  de  Lyon  ,  ôc 
Dabert ,  Archevêque  de  Bourges.  Seguin ,  Archevêque  de  Sens  , 
préfida  au  Concile^  comme  le  plus  ancien.  On  fit  venir  Arnoul.  Il 
convint  qu'il  avoit  manqué  de  fidélité  au  Roi,  renonça  al'Epit- 
copat.  ôc  demanda  pardon  publiquement,,  fe  déclarant  indigne 
du  Sacerdoce.  Sur  cela  il  tut  dépofé,  ôc  on  élut  à  fa  place  Gerr 
■bert,  Abbéd'Aurillac.  On  dépoia  aulîi  le  Prêtre  Adalger ,  ôc  on 
renouvclla  l'auathême  contre  tous  ceux  qui  avoient  livré  la  Ville  ■ 
de  Reims  au  Prince  Charles.  Les  actes  de  ce  Concile  ont  été 
imprimés  féparément  à  Francfort  en  i5oo  ,  ôc  réimprimés  ea 
partie  dans  le  quatrième  tome  du  Recueil  d'André  Duchefne, 
ôc  dans  le  dixième  tome  des  Annalles  de  Baronius.  Les  Pères 
LabbeôcHardouin  n'ont  publié  quele  Libelle  delà  renonciation 
d'Arnoul,  l'acle  de  l'élettion  de  Gerbert ,  ôc  fa  profeifion  de 
foi.  Il  y  a  dans  les  ades  du  Concile  une  Lettre  du  Roi  Hugues 
au  Pape  touchant  la  perfidie  d'Arnoul,-  ôc  une  des  Evêques  fur 
le  mémefujet;  mais  on  foupçonne  Gerbert  de  les  avoir  altérées. 
Ce  qu'il  y  a  de  vrai ,  c'eft  qu'ils  ne  s'accordent  pas  avec  ce  que 
P"^;  Hugues  ,  Moine  de  F^leury-fur-Loire ,  ôc  quelques-autres  difent 
Bii/iot.  LrtW.'  de  ce  Concile.  Arnoul  réclama  contre  fa  renonciation.  Sadépo- 
&  Duchefne ,  fition  fut  aunullée  à  Rome  ,  ôc  on  lui  rendit  fon  Siège  Epif- 
^'^^"  copal. 

L.  Gerbert  ne  laifla  pasde.l'occupier  pendant  'quelque  tems." 
Enpp3  il  préfida  à  un  Concile  des  Evêques  de  fa  Province,  où 
l'on  invita  ceux  qui  en  avoient  pillé  les  biens, ou  maltraité  les 
Clercs  ,  à  en  faire  pénitence  ôc  fatisfadion  ;  avec  menace  de  les 
retrancher  de  la  communion  de  l'Eglife,  fi  dans  un  lems  limité, 
ils  ne  fe  rendoient  a  leurs  devoirs. 
Concile  dt  ■     LI.  Le  dernier  jçur  de  Janvier  p^i^  IcPape  Jean  XV.  tint  Un 


Tom.  ',,-pa.g- 


Oinnicon 
Viràun. 
157,    tom 


lom.  4 
«4». 

Concile  de 
Reijns  en<?9;, 
iiid.pag.  740. 


DU    DIXIEME    SIECLE.         yîv 

Cloncile  à  Rome  ,  où  faint  Udalric,  Evêque  d'Aufbourg,  fut  mis  Rome  en?-»?,' 

au  nombre  des  Saints  ,  vingt  ans  après  fa  mort.  Il  s'étoit  fait  de-  '^"^•F'i'74«.- 

puis  plufieurs  miracles  à  fun  tombeau  ,  ôc  l'on  avoit  eu  foin  de 

ks  recueillir.  Le  Prêtre  Gérard  fon  Dif:iple  ,  Auteur  de  ce 

recueil ,  y  joignit  la  vie  du  Saint.  On  en  fit  la  ledure  en  pleiiT 

Concile  à  la  rcquifuion  de  Liutolfe,  Evoque  d'Aufbourg  ,  qui 

étoit  pr(5fent.En(uite  le  Pape  ordonna  que  la  mémoire  du  Saint 

feroit  honorée,  6c  en  fie  expédier  une  Bulle  qu'il  foufcrivit  avec 

cinq  Evêques  ,  neuf  Prêtres-Cardinaux  &  trois  Diacres.  Il  n'y  a 

point  de  foufcription  de  la  part  de  Liutolfe,  apparemment  parcs 

qu'il  étoit  la  Partie  requérante.  Cette  Bulle  elt  la  première  que 

l'on  ait  pour  la  canonifation  d'un  Saint.  Dom  Mabiilon  (^  )  qui 

nous  a  donné  la  vie  &  les  miracles  de  faint  Udalric  remarque  (^) , 

que  le  terme  de  canonïfaûon  n'étoit  point  encore  en  ufage  lorf» 

que  lePape  Jean  fit  cette  cérémonie.  On  peut  confulteriur  les 

canonifationsfolemnelles  la  diflertation  du  Père  Papebrock  ,  à  la 

tête  du  premier  (c)  tome  des  Actes  des  Saints  du- aïois  de 

Mai. 

LU.  Le  même  Pape  Jean  XV.  fit  indiquer  par  Léon,  fon      Concile  de 
Légat  en  France,  un  Concile  à  Moufon  le  2  de  Juinde  l'anp^)^,  9$,°"°"^.  9, 
pour  terminer  le  différend  entre  Arnoul  &  Gerbert.  Liutolfe,  Condi.    p.ij.o-' 
Archevêque  de  Trêves ,  y  ailifta  avec  les  Evêques  de  Verdun  ,  ^■^^* 
de  Liège  &.  de  Munder ,  &  plufieurs  Abbés.  Godefroi ,  Duc  de 
Lorraine,s'y  trouva  auili  accompagné  de  quelques  Laïcs.  Aymon 
de  Verdun  ouvrit  la  féancepar  un  difcours  en  Gaulois ,  ou  Latin 
vulgaire  ,  où  il  expofa  les  raifons  que  le  Pape  avoit  eues  d'aiTcm» 
bler  le  Concile  ;  puis  il  ouvrit  une  Bulle  de  ce  Pape  fcellée  en 
plomb,  ôc  la  lut  publiquement.  Elle  étoit  adreffée  à  tous  les 
Archevêques  des  Gaules.  Gerbert  fe  levant  enfuite  fit  l'apologie 
de  la  conduite  qu'il  avoit  tenue,  tant  dans  fa  promotion  à  l'Ar-  ■ 
chevêche  de  Reims  ,  que  par  rapport  à  la  dépofition  d'ArnouI  , 
&  foutint  qu'ayant  été  mis  à  fa  place  fur  le  Siège  Epifcopal  de 
cet;;e  Eglife  ,  fi  l'on  n  avoit  pas  obfervé  toutes  les  Loix  Ecclé^ 
fiaftiques  en  cette  affaire ,  c'étoit  moins  à  lui  qu'il  s'en  falloit 
prendre ,  qu'aux  malheurs  des  tems  ,  &  aux  hoûilités  publiques. 
Il  donna  fon  difcours  par  écrit  au  Légat  Léon ,  Préfident  du 
Concile ,  qui  lui  mit  en.  main  une  Lettre  du  Pape.  Les  Evêques  > 

(a)  Mdbillcn.  tom.  7,  A6lor.  Ordin.  |  rMin.  59  ,  100,  101. 
i'ûê"-4i7.  (c;  Pag.  171. 

{}>•)   Mcm,  Pruefit.  in  eumàan  tom,  î 

FF-fff  iijj 


7S2  CONCISES 

fortirf  nt  cie  raflemblée  avec  le  Duc  de  Lorraine  ,  &  après  avoir 
conféré  enfemble ,  ils  rentrèrent ,  6c  indiquèrent  un  Concile  à 
Reims  pour  le  premier  jour  de  Juillet.  On  alloit  feféparer  lorf- 
que  les  Evêques  vinrent  de  la  part  du  Légat  dire  à  Gerbert ,  qu'il 
eût  à  s'abftenir  de  l'Office  divin  jufqu'au  Concile  indiqué,  11  s'en 
défendit,  mais  il  fallut  obéir. 
Concile  ce      LU  I.  Pendant  ce tems-là  Arnoul  étoit détenu  dans  la  prilbtv 
Reims enppî,  ^  Qrleans  parle  Roi  Hugues  ,  Protecteur  de  Gerbert ,  ôc  il  n'ea 
.i  id.pug.vio.  £q|.j.Jj.  qu'apr-ès  la  mort  de  ce  Prince  ,  qui  n'arriva  que  le  24  d'Oc- 
tobre pp  6.  Le  Continuateur  d'Aimoin  dit  qu'on  tint  en  efFetutx 
Concile  à  Reims,  que  Gerbert  y  fut  dépofé,  &  Arnoul  rétabli  ôc 
Ihid.  piîf.  délivré  de  prifon  ;  mais  en  cela  il  eft  contraire  à  Aimoin  même, 
^'^'''  -qui  dans  la  vie  de  faint  Abbon  marque  clairement ,  qu'Arnoul 

pe  fortit  de  prifon  ôc  ne  revint  à  fon  Eglife  que  fous  le  Pontiiicat 
de  Grégoire  V.  fuccelTeur  de  Jean  XV.  après  la  mort  du  Roi 
Hugues. 
Concile  de  L I  V.  Herluin  ,  après  avoir  été  ordonné  Archevêque  d« 
Rpmernf9<!,  Cambrai  par  Grégoire  V.  adifla  au  Concile  que  ce  Pape  tinta 
pag.  I14Î.  Rome  en  9^6.  Jl  y  rorma  des  plamtes  contre  ceux  qui  s  etoient 
emparés  des  biens  de  fon  Eglife.  Le  Pape,  pour  l'en  indemnifer 
.en  quelque  forte,  lui  accorda  plufieurs  privilèges,  ôc  excora- 
.munia  les  ufurpateurs  des  biens  de  cette  Eglife.  Ces  privilèges 
•font  détailles  dans  la  Lettre  que  le  Pape  adreiïa  à  Herluin.  On  y 
voit  aulli  la  raifon  qui  obligea  cet  Archevêque  de  faire  le  voyage 
de  Rome  pour  recevoir  l'Ordination.  C'efl:  qu'alors  le  différend 
entre  les  deux  Contendans  à  l'Archevêché  de  Reims  n'étoic 
point  terminé.  L'Empereur  Otton  III.  fut  préfent  à  ce  Concile 
>avec  pluHeurs  Evêques ,  Abbés ,  Prêtres,  ôc  autres  Eccléfiafli- 
•ques.  On  y  traita  de  divcrfes  affaires  de  l'Eglife.  L'Hiftoire  ne 
■fait  mention  que  de  celle  qui  concernoit  l'Eglife  de  Cambrai, 
Sigebert  [a)  dit  que  pendant  le  féjour  de  ce  Prince  à  Rome,  on 
traita  plufieurs  matières  qui  concernoicnt  les  droits  de  l'Empire.. 
On  s'efl  appuyé  de  ce  témoignage  pour  faire  valoir  la  préteiKion 
de  ceux  qui  veulent  qu'il  fc  foit  tenu  un  Concile  à  Rome  fous 
-Grégoire  "V.  où  il  fut  ordonné  que  dans  la  fuite  l'Empereur  feroit 
lélu  par  fept  Princes  d'Allemagne,  ôc  que  c"cfl-là  l'origine  des 
lept  Eledeurs  ;  mais  cette  prétention  n'a  prefque  plus  de  par- 
tilans.  Il  fuflit  pour  la  détruire,  de  rapporter  ici  ce  qu'un  Ecri- 
-yaiu  du  treizième  fiécle  dit  de  la  manière  dont  les  Allemands 

^«  )  Sigebert ,  ûdann.  looi. 


DU    DIXIEME    SIECLE.        78^ 

fjrocedoient  à  l'életlion  de  leur  Chef.  Elle  fe  fait  (a) ,  dit-il ,  pat 
a  volonté  unanime  du  Clergé  ôc  des  grands  Seigneurs.  Au  relte , 
les'ades  de  ce  Concile  n'étant  pas  venus  jufqua  nous,  on  ne  peut 
en  rien  dire. 

LV.  Arnoul  rétabli  fur  le  Siège  Archiépifcopal  de  Reims  par     Concile  <te 
ordre  du  Pape  Grégoire  V.  ôc  du  confentement  du  Roi  Robert,  '^'^■^'■',"^    ''" 
Gerbertfe  retira  auprès  de  l'Empereur  Otton  III.  qui  le  fit  Ar-  y^^l     '^^^' 
chevôque  de  Ravenne.  Le  premier  de  Mai  de  l'an  pjiS  il  tint  un 
Concile  en  cette  Ville  avec  neuf  de  fesSuffragans,  où  il  (it  trois 
Canons.  Par  le  premier,  il  abolit  l'abus  qui  s'étoit  introduit.  Cm.  t.. 
qu'un  Soùdiacre  vendoit  à  l'Evêque  le  jour  de  fa  confécration 
l'hoftie  qu'il  recevoit  en  cette  cérémonie.  On  défendit  aulîi  aux 
Archi-Prêtres  de  vendre  le  faint  Chrême.  Le  fécond  ordonne  Cm.  %. 
aux  mêmes  Archi-Prôtres  de  payer  chaque  année  le  jour  de  la 
Fête  de  faint  Vital,  aux  Soùdiacres  de  Ravenne  ,  deux  fois  de 
cens.  On  renouvella  dans  le  troifiéme  la  défenfe  faite  par  les  Cw.  j.. 
anciens  Canons  de  confacrer  un  Oratoire  ou  une  Eglife  dans  un 
Dioccfe  étranger ,  fans  la  permiffion  de  l'Evêque  Diocèfain  ;  de 
recevoir  ,  de  pro-mouvoir  ,  ôc  de  retenir  quelqu'un  d'un  autre 
Diocèfe ,  fans  Lettres  formées  de  fon  Evêqne  ;  ôc  de  ne  conférer 
les  Ordres  qu'à  ceux  qui  en  feroient   jugés  dignes  par  leur 
fçavoir ,  leurs  bonnes  mœurs  ,  ôc  qui  auroient  l'âge  prefcrit  par 
les  Loix  de  l'Eglife.  On  y  ajouta  la  défenfe  de  rien  exiger  pour 
lies  fépultures.  Les  collections  des  Conciles  mettent  celui  de 
Ravenne  en  95)7  ;  mais  Gerbert  n'étoit  pas  encore  Archevêque' 
de  cette  Ville  cette  année-là.  Ce  ne  fut  que  l'année  fuivante. 
Cela  paroît  par  la  Lettre  que  Grégoire  V.  lui  écrivit  auihtôc 
après   fa  nomination  à  cet  Archevêché  ,  en  lui   envoyant  le' 
Pallium.  Elle  eft  du  quatrième  des  Calendes  de  Mai ,  indidioa; 
onzième  ,  c'ell-à-dire  ,  du- 28  d'Avril  ^^98. 

LVI.  L'année  précédente  5197  ,  le  Pape  Grégoire  V.  avoit         Conrîfe' 
été  chaffé  de  Rome  par  le  Sénateur  Crefcence ,  qui  fit  élire  à  fa      ,  '^li    ^^ 
place  un  Grec  nommé  Philagathe  ,  connu  fous  le  nom  de  Jean  770! 
XVI.  Grégoire  fe  retira  à  Pavie,  où  il  affembla  un  Concile 
nombreux  ,  dans  lequel  Crefcence  fut  frappé  d'anathêmc. 

LVII.  On  rapporte  à  la  même  année  007  le  Concile  de  _  Concile «îè 

'■  *  s.    Dcnys  en^ 

France   ,    e<»< 
■ ■  S9è. 

(a)  Eft  etenim  talis  Dynaftia  Teuto-  i  nimis  CJeri  Procf  riimque  voluntas.  Guil- 
tricorum ut    nuUus    reenat  fuper  I  lAnnis  Brifo ,  lïb.  4,   verf.   173.   Voyez 


illoî  nifi  priùs  illum cligat  una-  |  le  Père  Pngi ,  tom.  4  ,  p.Jg.  71  &'/wV 


^§4  CONCILES 

faint  Denys  en  France.  Mais  il  faut  le  mettre  un  an  plutôt ,  8c 
çn  9^6  ;  la  raifon  en  efl: ,  qu'Abbon  de  Fleuri  n'écrivit  fon  apo- 
logie qu'après  la  tenue  de  ,ce  Concile  ,  ôc  qu'il  l'adreda  au  Roi 
Hugues  ,  qui  mourut  le  24.  d'0£lobre  pp5.  Il  fut  queftion  dans 
ee  Concile  d  oter  les  dixmes  aux  Laïcs  ôc  aux  Moines ,  pour 
les  rendre  aux  Evêques.  L'Abbé  Abbon  s'y  oppofa.  Il  s'excita 
dans  le  Monaftcre  de   faint  Denys    une  fédition    contre    les 
Evêques  ,  qui  furent  contraints  de  fe  retirer   fans  avoir  riea 
décide. 
Concile  de       LVIII.   L'Empereur  Otton  III.   informé  de  la  conduite 
^wTffe"?;!'  ^^^  ^^  Sénateur  Crefcence  avoit  tenue  envers  Grégoire  V. 
partit  pour  l'Italie ,  &  ayant  trouvé  ce  Pape  à  Pavie  ,  il  le  recon- 
duifit  à  Rome  ,  d'où  l'Antipape  Jean  XVI.. s'enfuit  aulTitôt. 
Quelque  tems  après ,  &  comme  l'on  croit  en  pp  8  ,  Grégoire  V. 
tint  en  préfence  de  ce  Prince  un  Concile  à  Rome  ,  où  fe  trou- 
vèrent vingt-huit  Evêques ,    entr'autres   Gcrbert,  Archevêque 
de  Ravenne.  Des  huit  Canons  que  l'on  y  fit ,  il  n'y  en  a  point 
X^an.  I.  qui  ne  regarde  des  affaires  particulières.  Il  efl;  dit  dans  le  premier, 
que  le  Roi  Robert  quittera  Berte  fa  parente quil  avoit  époufée 
contre  les  Loix  ;  qu'il  fera  pénitence  ièpt  ans ,  fuivant  les  dégrés 
prefcrlts  par  l'Eglife  ;  6c  qu'en  cas  de  refus  de  fa  part  ,  il  fera 

Ç^„,  j,  anathême:  la  même  chofe  eft  ordonnée  pour  Berte.  Le  fécond 
fufpend  de  la  communion  Archembaud  de  Tours  ,  qui  leur 
avoit  donné  la  bénédittion  nuptiale  ,  &  tous  les  Evêques  qui  y 
avoient  affifté  ,  jufqu'à  ce  qu'ils  fe  préfentent  au  faint  Siège  pour 

,Cî/j.  j.  faire  fatisfaclion  de  cette  faute.  Le  troifiéme  ordonne  le  réta- 
bliffement  de  l'Evcché  de  Werfbourg,  érigé  parle  faint  Siège 
^  par  l'Empereur  Otton  I.  dans  un  Concile  univerfcl  ;  6c  fup- 

Can.  4.  primé  par  Otton  II.  fans  l'avis  d'aucun  Concile.  Le  quatrième 
porte  ,  que  fi  Gifiler  peut  montrer  canoniquement  qu'il  a  été 
transféré  de  Merfbourg  à  Magdebourg  ,  non  par  ambition  , 
mais  à  1  invitation  du  Clergé  6c  du  Peuple  ,  il  demeurera  dans 
ce  dernier  Siège  ;  ôc  que  s'il  ne  peut  fe  juiliiier  d'ambition  ou 
d'avarice  dans  cette  tranflation  ,  il  perdra  l'un  ôc  l'autre.  On 

Ctn.s-  dépofe  dans  le  cinquième,  Eflienne,Evêque  du  Puy  en  Ver 
lai,  pour  avoir  été  élu  par  Gui  fon  oncle  ôc  fon  prédéceffeur  , 
fans  le  confentement  du  Clergé  ôc  du  Peuple;  ôc  ordonné  après 
la  mort  de  Gui ,  feulement  par  deux  Evêques  ,  qui  n'étoient  pas 
même  de  la  Province.   Ces  deux  Evêques  étoient  Dagbert  de 

Cm.  6.  Bourges ,  ôc  Rodenc  de  Nevers.  Le  Concile  par  fon  fixiéme 
Cangn  les  fufpend  de  la  Communion  jufqu'à  ce  (ju'ils  viennent 

pour 


DU    DIXIEME    SIECLE.        ySj 

pour  faire  fatisfliftion  au  falnt  Siège  pour  avoir  ordonne  Ertienne 
du  vivant  de  Gui  fon  oncle  contre  les  Loix  del'Eglile.  11  faut 
qu'il  y  ait  erreur  dans  ce  Canon  ou  dans  le  précèdent  j  puifque 
l'un  met  l'Ordination  d'Eûienne  duVivantde  Gui  ;  l'autre  après 
fa  mort.  En  conféquence  le  Concile  déclara  par  fon  feptiénie  ^^"'  '• 
Canon  ,  que  le  Clergé  &  le  Peuple  de  Vêlai  auroit  le  pouvoir 
de  procéder  à  l'éledion  d'un  autre  Evoque  qui  feroit  confacré 
par  le  Pape.  Il  fut  dit  dans  le  huitième  ,  que  le  Roi  Robert  n'ac-  ^'^"-  ^' 
corderoit  point  fa  proteclion  à  Eiiienne  ,  mais  qu'il  favoriferoit 
Téledion  du  Clergé  ôc  du  Peuple  ,  (liuf  lobcifTance  qui  lui 
étoit  due  par  fes  Sujets. 

LIX.  Le  vingtième  de  Septembre  de  la  même  année  90S  ,   .^,?t"''"""^'! 
l'EmpereurOttonllI. étant  aPavie,  publia  une  conflitution  adref-  Otton    .1 IT. 
fée  à  tous  les  Archevêques  ,  Abbés,  Marquis,  Comtes  ,  ôcàtous  ibld.pdg.77A. 
les  Juges ,  par  laquelle  voulant  obvier  aux  fréquentes  aliénations 
des  biens  de  i'Eglile  ,  il  annulle  toutes  les cmphytéofes, contrats 
libellatiques  &  autres  qui  fe  faifoient  ou  par  avarice  ou  en  confi- 
deration  de  la  parenté  ou  de  l'amitié.  Il  donne  pour  motif  de 
cette  Loi  le  refus  que  faifoient  les  fuccefTeurs  d'un  BénéHcier , 
de  réparer  les  Eglifes  ,  ou  de  rendre  au  Prince  le  fervice  qu'ils 
lui  dévoient  à  caufe  de  leurs  Fiefs  ,  fous  prétexte  que  leurs 
prédécefleurs  avoient  aliéné  ces  Fiefs  ôc  les  autres  biens  dépen- 
dans  de  leurs  Eglifes  ;  c'efl:  pourquoi  il  ordonne  que  les  contrats 
de  cette  nature  n'obligeront  point  les  fuccefl'eurs. 

LX.  Ditmar  en  parlant  du  fécond  voyage  que  l'Empereur  ^^'^<^:'«  ^■' 
Otton  III.  iità  Rome  en  P5pp,dit  que  l'onyallemb'a  un  Concile  ibd.pd^.THo. 
dans  lequel  Gifiler  ,  Archevêque  de  Magdebourg  ,  fut  accufé 
de  poffeder  en  même-tems  deux  Evcchés  ,  celui  de  Magdebourg 
ôc  celui  de  Merfbourg ,  que  l'on  avoir  défunis  dans  le  Concile 
précèdent  ;  que  n'ayant  pu  venir  répondre  à  cette  accufation  à 
caufc  d'une  paralyfie  ,  l'ailaire  avoit  été  renvoyée  à  un  Concile 
Provincial  de  Germanie.  On  lit  dans  Baronius  (a)  ,  que  l'Em- 
pereur fit  lire  dans  le  Concile  de  Rome  le  privilège  accordé  à 
î'Eglife  de  'Vormes. 

L  X I.  On  met  à  la  fin  du  dixième  lîécle  ,  ou  au  commence-  p^jn^"!'  *  c* 
ment  de  l'onzième ,  le  Concile  que  Guillaume  V.  furnommé  le  .co^  ,  iliiL 
Grand,  Comte  de  Poitiers  &  Duc  d'Aquitaine,  convoqua  à  i>^g-7^°' 
Poitiers.  Il  s'y  trouva  cinq  Eveques  ,  Seguin  de  Bourdeaux , 


(al   Paninim  .  câ  .irn.  $^9  ,  num.  11. 

'Tome  XXI L  GGggg 


jSS  CONCILES 

Giikbert  de  Poitiers  ,  Hilduin  de  Limoges  ,  Grimoard  d'An^ 
goulôme,  Iflo  de  Saintes,  &  douze  Abbés,  dont  les  noms  ne 
fbnt  pas  marqués.  Le  motif  de  cette  aiTemblée  fut  de  rétablir  la 
paix,  la  }uftice&  la  difcipline  derEgb.fe.C'eft  pourquoi  on  y  fit 
trois  Canons.  Le  premier  porte,  que  les  différends  touchant  les 
dommages  caufés  cinq  ans  avant  la  tenue  de  ce  Concile  ,  ou 
dans  la  luite  ,  feront  terminés  parles  Juges  ou  Princes  des  lieux, 
devant  qui  les  Parties  feront  obligées  de  comparoître  ;  qu'en  cas 
de  refus ,  le  Prince  ou  le  Seigneur  du  lieu  afîemblera  les  Sei- 
gneurs ôc  les  Evêquesqui  ont  aifiîlé  au  Concile  j  qu'ils  marche- 
ront contre  le  rebelle  ôc  l'obligeront ,  même  en  faifant  le  dégât 
cliez  lui ,  à  fe  foumettreà  la  raifon.  Le  Duc  Guillaume  6c  les 
Seigneurs  préfens  au  Concile  promirent  d'obferver  le  Canon  , 
fous  peine  d'excommunication,  &  donnèrent  des  otages.  Oa 
renvoya  au  Concile  de  Charrou  en  p8p  ,  pour  limpofition  des 
peines  qu'encourreroient  ceux  qui,  à  l'avenir,  romproient  les 
portes  des£gli(és,  ou  en  enleveroient  quelque  chofe.  Le  fécond 
Canon  défend  aux  Evêques  ôc  aux  Prêtres  d'exiger  des  préfens 
pour  ia  Pénitence ,  ou  pour  la  Confirmation  ;  mais  il  permet  de 
recevoir  ce  qu'on  offrira  volontairement.  Le  troifiéme  défend, 
fous  peine  de  dégradation  ôc  d'excommunication ,  aux  Prêtres  ÔC 
aux  Diacres ,  d'avoir  des  femmes  chez  eux. 
Conci'es  L  X I  L  Vers  le  même  tems  on  affembla  divers  Conciles  en 
èes  Gaules  (  n  Italie  ôc  dans  les  Gaules ,  dont  nous  ne  fçavons  que  ce  qui  en  eft 
looi  ,  ou  j-appQrté  par  Glaber  Rodulfe,  Moine  de  faint  Germain  d'Au- 
781.  xerre,qui  ecnvoit  dans  1  onzième  liecle.  11  y  rut  derenau  aux 

Glaber,  Uè   Evêques  d'ordonner  des  jeûnes  entre  l'Afcenfion  ôc  la  Pente- 
î,cap.i,pcrs.  c^j-g^  excepté  la  veille  de  cette  dernière  Fête;  mais  on  permit 
Can.i.  les  jeûnes  de  dévotion.  On  y  fît  quelques  plaintes  contre   les 
Cm.  1.  Moines,  de  ce  qu'ils  chantoient  le  Te  Deum  les   Dimanches 
d'Avent  ôc  de  Carême ,  contre  lufage  de  l'Eglife  Romaine  :  Et 
fur  ce  qu'ils  répondirent  qu'ils  fuivoient  en  celala  Règle  de  faint 
Benoît  approuvée  par  faint  Grégoire  ,    on  les  laifla  dans  leur 
Cm.  3.  ufage.  On  propofa,  touchant  la  Fête  de  l'Annonciation  ,  qui  fe 
fàifoitalorsle2j  de  Mars  ,  delà  célébrer  Jiors  du  Carême,  ôc  de 
la  fixer,  à  l'imitation  des  Efpagnols ,  au  huitième  de  Décembre  ; 
mais  l'ancienne  coutume  prévalut. 
1  ^^"i'*rjr*^"'       L  XI 1 1.  Nous  finirons  ce  Chapitre  par  l'analyfe  d'une  Lettre 
quedeSLiiei'  circulaire  del'Evêque  de  Schepton  enAngleterre,dans  le  Comté 
'on,  toin.  1  ,  de  Sonicrfct.  Doni  Martenne  qui   l'a  donnée  le  premier ,  croit 
TSiura'.  qu'elle  fut  écrite  fur  la  fin  du  dixième  fiécle.  Elle  efl  adrciléc 


JH- 


DU    DIXIEME    SIECLE.       787 

à  touslcs  EvêqueSjles  Abbds  ôc  Fidèles.  Il  yeftqucftion  d'un 
homme  qui  avoit  tué  le  Fxls  de  fon  oncle.  L'horreur  qu'il  eut  de 
fon  crime  le  porta  à  le  déclarer  à  fon  Evêque  ,  en  le  foumettant  à 
ia  pénitence.  C'ctoit  l'ufage  dans  les  commencemens  du  neu- 
vième liécle  ,  6c  peut-être  encore  auparavant  ,  d'impofer  aux 
homicides  pour  pénitence ,  de  voyager  pendant  toute  leur  vie 
le  corps  ferré  de  cercles  de  fer.  Le  Concile  de  Mayence  de  l'an 
847  avoit  défendu  ces  fortes  de  mortifications  par  fon  vingtième 
Canon.  Soit  que  l'Evoque  de  Schepton  ignorât  cette  défenfe , 
foit  qu'il  eût  retranché  les  cercles  de  fer  dans  la  pénitence  impoféc 
à  cet  homme  qui  avoit  tué  fon  coufin  germain,  il  lui  ordonna 
d'expier  fon  péché  par  les  incommodités  inféparables  des  voya- 
ges, ôc  par  la  mendicité.  Maisen  même-tems  il  lui  donna  cette 
Lettre  circulaire,  alin  que  ceux  à  qui  il  lapréfenteroit  fourniffeiit 
à  fes  befoins  corporels  ,  ôc  qu'ils  priaiïent  Dieu  de  lui  accorder  le 
pardon. 

Fin  du  vingt-deuxième  Volume. 

iNota.  Les  Conciles  du  onzième  fiécle  fe  trouvent  à  la  fuite  du  Tome  XXIII.] 


GGggg  ij 


788 

TABLE 

DES     MATIERES 

Contenues  dans  ce  vingt-deuxième  Volume. 


AEiiLiARD  (Pierre)  écrit  lui-même 
fa  vie,  pjg.  1Î4.  Sa  naiflance  ,  l'on 
c^ucRtion  ,  fon  finiour  pour  les  Lettres  , 
ilid.  Il  enfeigne  à  Melun  ,  ouvre  une 
EcoleàParis  ;  ilépoul'e  Heloifre,  1^5. 
Il  fe  fait  Moine  à  Saint  Denys ,  enfeigne 
clans  un  Prieuré  ciéper.Jant  de  cette 
Abbaye  ,  i  j*.  11  efi  condamné  au  Con- 
cile de  Soiifons ,  &  ob  igc  de  jettcr  lui- 
irénie  fon  Livre  :'.u  feu  ,157.  Conduite 
d'AbaillarJ  dans  le  Concile  ,  ilid.  ù" 
paç..  15S.  On  lui  i'o]ine  pour  prifon 
l'Abbaye  de  Saint  Médard,  puis  on  le 
renvoyé  à  Saint  Den-s,  158.  Il  fonde 
le  Paraclet ,  1  55  ;  ell  fait  Abbé  cie  Saint 
Gildas  de  Ruis  ,  155;  cil  cond;  mné  au 
Concile  de  Sens  ,  1 60  tV  5  2 <i.  Se  tciire 
à  Cluni.  Sa  mort ,  léo  C^iSi.  Son  corps 
eft  tranfporté  Ifcretemcnt  au  Paraclet , 
161.  Ecrits  d'Abai!LirJ.  Ses  I  étires  , 
itfi  &•  fuiv.  Prtmif  re&i  leçon  Je  apolo- 
gie d'Abaill.ird  ,173  £•'  fiiiv.  Ses  Com- 
mentaires fur  rOraifon  Dominicale  , 
Jes  Symboles  des  Apôtres  &  de  Saint 
Athanafe  ,  176.  Problèmes  d'Heloifle  à 
Abaillard  ,  avec  les  folutions  ,  177. 
Livre  d'Abaillard  contre  les  Hérefies  , 
»77,  Son  Commentaire  fur  l'Epitre 
aux  Romains  ,  179.  Se?  Sermons  ,  i  80. 
Son  introduélion  à  la  Théologie  ,  i8r 
(y  fuir.  Ses  Profes.  Sa  Théologie  ,  1 84 
fj-Juiv.  SoiT  Commentaire  fur  l'ouvrage 
des  fix  jours  ,  1S7.  Sa  J\lorale,  i88. 
Autres  Ecrits  d'Abaillard,  189.  Juge- 
rient  des  Ecrits  d'Abaillard  &  d'He- 
loifle, 191.  Editions  qu'on  en  a  faites, 
ipi.  Erreurs  d'Abai'lard  condamnées 
par  le  Pape  Innocent,  j6j 

jibhéi.  v>aiiu  Bernard  hljœac  ki  Abbés  de 


fon  tems  qui  tâchoient  d'obtenir  du  S. 
Siège  le  privilège  de  porter  les  Orne- 
mens  Pontificaux,  i;o8.  On  aquelque- 
fcii  permis  à  quelques  Abbés  de  donner 
les  quatre  moindres  ,  &  même  leSous- 
D.aconat ,  &  la  bénéJidion  au  peuple  , 
408.  Les  Abbés  doivent  ctre  Prêtres, 

Alanius ,  Abbé,  Son  Traité  de  l'Eucha- 
riftie  ,  i97 

j^Zifi/iim,  Roi  des  Sarrafîns ,  7^'° 

AArtn/,  Moine  de  Clairvaux.  Ses  écrits, 

y^Jii/Z'frf,  Archevêque  de  Brème.  Sa  met, 

I.  Son  éloge  ,  î 

Adalbert  ,    Moine    Bénédiftin   Arglois , 

fait  des  Extraits  du  Commentaire  de  S. 

Grégoire  lur  Job,  ^99 

Ad.ilande  ,  Archevtque  de  Tours  ,       749 

Adalleron  ,  Archevêque  de  Reims  Sa 
mort,  779 

Aidiheron  ,  Evêque  de  Met/  ,  7  5* 

Addlhcrt  {  Saint  )  Evêque  de  Prague ,  quitte 
fon  peuple  indocile,  778.  Se  retire 
à  Rome  dans  un  Monaftere  ,  779. 
Fait  un  fécond  voyage  à  Rome,  tîl 
rappelle  à  Prague  ,  y  retourne  ,      779 

Ad.vn  ,  Chanoine  de  Brème.  Lieu  de  fa 
naillance  ,  i.  11  eft  chargé  du  loin  des 
Ecoles  de  Brcnie  ,  ilid.  Travaille  à 
IHiftoire  des  Eiîliles  du  Nord  ,  i. 
Analyle  de  cette  Hiftoire  ,  ihià.  ù-pag- 
fuiv. 

Adcle  ,ffmmed'Fftienne,  Comte  deBlois. 
Fait  \audela  vie  mon?(lio,ue  après  la 
rrort  i>  fon  mari ,  16.  Pierre  le  Véné- 
rr^ble  lui  écrit,  474 

Addcide  ,  femme  de  Louis  le  Eegue, 
'708 

Aàelme  (  Saint  )  Fvc'qiie  de  Schjrburn.  Sa 
Vie  éciitt  par  Guillaume  diMalraclbury, 


DES    MA 

14S.  Aiflions  remarquables  de  ce  faint 
ï'^cqae  ,  149 

Adrien  II,  Pape.  Ses  Lettres  pour  la  réu- 
nion ,  671  Cf  67J 

Adultère.  Les  Suédois  puniffent  de  mort 
l'adultère  &  la  violence  faite  à  une 
vierge ,  9 

Agnès  ,  veuve  d'Helie  ,  Comte  du  Mans , 
fe  confacre  à  Dieu  dans  un  Monaftcre  , 
16.  Alberic  ,  Lfgat  du  Pape  à  Tou- 
loufe  ,  Î7I 

Alhcron  ,  Archevêque  de  Trêves,  îi?» 
Hugues  Metellus  lui  éi.rit  touclmnt  les 
défordres  qui  regnoient  dans  le  Diocèfe 
deToul.  _  _  ibid. 

Akcran.  Pierre  deCluni  fait  faire  iinetra- 
duiflioii  de  l'Alcoron  ,  48S&'4S9 

/.Ifth ,  mère  de  ûint  Kernard ,  j  1 8 

Alxis,  (Saint)  Sa  vie  écrite  par  Mar- 
bo.le  ,  5  t 

Alfonfe ,  Comte  de  Saint  Gilles.  Saint 
liernard  lui  écrit  contre  rilérétiijue 
Henri  ,  371 

Al^cr  ,  E>iacre  &  Stliobflique  de  Liège, 
H4.  Ses  comrr.eiicemens.  Il  cnfeigne  , 
ihid.  Se  fût  A. aine  à  Cluni.  Sa  mort , 
15 î.  Ses  Ecries.  Son  Traité  fur  l'Eu- 
thariftie  ,  ïîî.  Pierre  le  Vénérable  le 
préfère  à  ceux  que  Lnnfranc  &  (niit- 
mond  ont  écrit  fur  le  mime  lujet.  Ana- 
lyfe  de  ce  Tr.iité  ,  ihïd.  îr  pag.  fuii'. 
Jugement  de  1  Ecrit  d'Alger  far  l'Eu- 
chariftie.  Editions  qu'on  en  a  faites  , 
«63  ù-  ^6-].  Autres  Ecrits  d'Alger.  L^n 
Traité  de  la  milcricorJe  &  de  la  juftice , 
164  ù-fuiv.  Une  Hiftoirede  l'Eglife  de 
Liège.  Un  Traité  de  la  Grâce  &  du 
libre  arbitre ,  zC'6 

Aluîfe  ,  Moine  ,  fait  des  Extraits  de  Saint 

Grégoire  fur  le  Nouveau  Teftament  , 

99 

Aluîfe  ,  Moine.  Fait  des  Extraits  de  Saint 
Grégoire  fur  le  Nouveau  Teflament , 

Amalaire.  Erreur  qui  lui  cft  attribuée  fur 
l'Euchariftie,  C}t 

Ame.  Sentiment  de  Saint  KernirJ  fur  IViat 
des  âmes  après  la  féparaùon  de  leurs 
corps,  4i>'' 

Amour  de  Dieu.  Traité  de  Saint  Fe-nsrd 
fur  ce  (ujet ,  414  G'  /"if. 

Anacht ,  Anti-Pape,  85.  Eft  excommunié 
.'•u  Concile  de  Reims ,  87.  Et  dans  celui 
dePife  ,  88.  Sa  mort  ,  S9 

Anaflafe  ,  Prute  &  Cardinal  dépofè  ,  (nr. 

Anges.  Sentiment  d'Hildebert  du  Mans 
fur  les  An'TCs  &  les  Démons,  35.  De 
RoUert  Fuilus ,  178,  17?»  184. 


T  I  E  R  E  S.  78P 

Apges  G-AxiliCns  ^  40Î  ,  ^4j 

Angilbert.  Charlemagne  lui  donne  en  ma- 
riage fa  fille  Kerte  ,  59.  Se  retire  du 
confentement  de  fa  femme  à  Saint  lli- 
quier  ,  dont  il  cit  fait  Abbé,  ihid.  Sa 
vie  écrite  par  Ariulfe  &  Anftlicr , 
Moines  de  Saint  Riquier  ,  60 

Angleterre.  Concile  général  d'Angleterre 
Ibus  faint  Dunftan  ,  77;.  Dérèglement 
du  Clergé  ,  ihid. 

Anne,iu  donné  aux  filles  qui  fe  confacrtnt 
à|Dieu  ,  116,  Les  Abbés  dans  le  dou- 
zième fiécle  ne  portoient  l'anneau  que 
par  privilège  du  faint  Siège  ,  536 

Annomimon  célébrée  en  Carcme  ,      781Î 

Anfckaire  (Saint)  convertit  les  Danois; 
e(l  ficré  le  premier  Archevêque  de 
Hambourg  ,3.  hft  obligé  d  en  fortir  & 
devient  Evcouc  de  Frcme  ,  iiid. 

Anfcker  ,  Abbé  de  Saint  Kiouier.  Stfs 
Ecrits ,  (■  I 

Anfe^ife  ,  Archevêque  de  Sens ,  c ft  établi 
Primat  de^  Gaules  &  de  Germanie  ,701 

Anfeime  ,  Evoque  de  Havelburte  ,ei\  en- 
voyé en  qualité  d'Ambaliadeur  à  Con(- 
tantinople  par  l'Empereur  Loihaire , 
3 10;  eft  guéri  par  faint  Bernard,  iijd. 
Ses  Ecrits.  Ses  Conférences  avec  les 
Grecs  ,511.  Son  Traité  de  l'uniforniité 
de  l'Egliîe ,  ilid.  &fuiy.  Réponfe  aix 
objedions  des  Grecs  ,  513  i^  fuiv. 
Apologie  de  l'OrJre  des  Chanoines 
Réguliers  attribuée  à  Anlelme  ,3166' 
3'7 

Anfpert ,  Archevêque  de  .Milan  ,  excom- 
munié par  le  Pape  Jean  VIII.  709 

Antoine  Studite  ,  Patriarche  de  COnRanti- 
nople ,  77(î. 

Apjllinarilles.  Leur  erreur  touclu-nt  l'hu- 
manité de  Jefus  Chrift,  renouveliée  par 

,    un  Moine  de  l'Ordre  de  Cluni ,       483 

y4Bo/i?fif.v  d'Abaillard  ,  173  (y  fuiv. 

Apologie  de  faint  Bernard  adrelTée  à  Guil- 
laume ,  Abbé  de  faint  Thierry  ,  ^46  y 
1 15  ^  fuiy.  Apologie  de  Pierre  le  \  c- 
nér.ible  ,  477  Cr  Juii'. 

Appellan^nsà  Rome.  Plaintes  d'Hildebert, 
Evoque  du  Mans  ,  contre  l'abut  qu'on 
en  fr.ifoit,  xi  6-13.  Saint  liernard  tn 
bi.ime  l'abus  ,  5  5  7  1  "JOi 

Archanihaud  ,  Archevêque  de  Tours  ,  fuf- 
pendu  de  la  Comnumion  ,  7S4. 

Argrim  ,  Evcque  de  Langtes  ,  chrfle  de 
fon  Siéee  ,  ril  rétabii  ,  74?. 

Arnoul  ,  Roi  de  Germa;iie  ,  ancnib!e.un 
Concile    dans  fon   Palais   de  Trioir, 

731- 
Arntul  ,  fils  n-n'""l  du  R  ••   Lcthaire, 

G  G  g  g  g  iij 


750  TA 

Archevêque  de  Reims ,  excommunie 
ceux  qui  avoient  pitié  l'Egilie  &  la 
Ville  de  Reims  ,  77^.  Le  Roi  Hueues 
le  tait  ju^er  canoniqiiement  par  les 
Evcques  de  la  Province  ,  780.  Anioul 
eft  dcpofé.  Sa  dépoiîiion  annulée  à 
Rome  ,  780.  Arnoul  ell  détenu  dans 
la  Prifon  d'Orléans  par  le  Roi  Hugues, 
78 z.  Eft  rétabli  fur  le  Siège  de  Reims 
•  par  ordre  du  Pape  Gret;oire  V.       78? 

ATckamb-iud,  Sous-Doyen  d'Orléans  ,  tué.. 
Son  meurtrier  excommunié  au  Concile 
de  Jouarre,  po 

finhidacres  des  Evéques.  Il  leur  eft  dé- 
fendu de  faire  fur  les  peuples  des  exac- 
tions ,  600  &-  éot 

Arméniens.  Députation  des  Evéques  d'Ar- 
ménie &  de  leur  Patriarche  au  Pape 
Eugène  III.  p8 

^rniud  dti  BrefTe.  Ses  erreurs  condamnées, 
par  le  Concile  de  Latran  ,365.  Arnaud 
fe  retire  à  Zuric  en  Suiife  ,  ibid.  Portrait 
qu'en  fait  faint  Bernard  ,  ibid.  G-  364. 
Vient  à  Rome  ,  y  excite  le  peuple  Ro- 
main à  la  révolte  ,  371  &  371 

Arnold  ,  Abbé  de  Ronneval.  Saint  Bernard 
lui  écrit ,  38  i 

Armilpke  ,  Evcque  de  Roclieûer  ,  61.  Sa. 
mortjrt^.  Ses  Ecrits,  6z  (y  fuiv. 

Artaud ,  Archevêque  de  Reims  ,  eft  obligé 

de  renoncera  l'adminillration  del'Ar- 

chey-cché  ,  755.  Eft  rétabli ,    757    &< 

7î8. 

Arthmdl ,  Roi  de  Galles,  tue  fon  frère. 
Eft  excommunié  par  l'Eveque  deLan- 
datF,  778.  Le  Roi  fe  foumet  à  la  pé- 
nitence ,  ibid. 

Atlunafe  ,  Evéque  de  Naples  ,  fait  un 
traité  avec  les  Sarrafîns ,  71 1.  Eft  ex- 
communié ;  puis  relevé  en  livrant  des 
Sarrafitvs  ,  ibid. 

Aflompnon.  Sentiment  d'Hildebert  du 
Mans  fur  l'Aftomption  de  la  fainta 
Vierije  dans  le  Ciel ,  19 

AJlrolabe  ,  fils  d'Abaillard  &  d'Heloifle  , 

IVÎ 

Audience.^.  Défenfes  de  les  tenir  les  Di- 
manches ,  les  Fêtes  &  les  jours  de  jeûne, 
75J 

Aurelien  ,  Archevêque  de  Lyon  ,         714 

Avent.  Hildebertdu  Mans  exhorte  les  Sé- 
culiers à  s'abftenir  des  viandes  dans  le 
tcms  del'Avcnt ,  15 

Augujli'i.  (Saint)  Commentaire  de  Hugues 

de  iaint  Viitor  fur  la  Règle  de  ce  Père , 

204 


BLE 


B 


BA  H  A  N  E  s  ,  Patrice  ,  afllfte  su  hni- 
ficme  Concrle  générai ,     673  &•  674 

Buprême.  Dodrine  de  Robert  PuUus  fur 
ce  Sacrement,  ziz  £r  285.  Traité  du 
Baptême  contre  un  anonvine,  atiribué  à 
faint  Bernard  ,  451  ^fuiv.  Reyleniens 
du  Concile  de  Mnyence  ,  ^66.  De  t.elui 
de  Paris  fur  ce  Sacrement ,  559  G"  600. 
Du  tems  ds  faint  Bernard  on  conferoii 
encore  le  Baptême  par  la  triple  irnmer- 
fîon  ,  447.  Baptemep  rinfulîon.  Quand 
intioduit  en  Angleterre,  58? 

Baptême  adminiftré  par  un  Laie  fous  cette 
forme  :  je  îe  baprifs  au  nom  de  Dieu  & 
de  la  vraie  &  fainte  Croix  ,  eft  bon  ft  Ion 
faint  Be  rnard  ,395.  Défenfe  aux  Prêtres 
de  baptifer  ,  (înon  dans  les  Eglifes  bap- 
tifmales  ,  excepte  le  cas  de  nccefllté ,. 
611.  De  rebaptifer  ceux  qui  ont  été  bap- 
tilés  au  nom  delà  Trinité  chez  les  Hé- 
réti>jues  ,  7 13 

Bardas  excommunié  par  le  Pi'-.risrche 
Ignace  ,  le  fait  challer  lui-mi.nie  du 
Palais  PatriarcV/al,  6^49 

Bajiie  (  lEmpertur)  envoyé  des  Députés 
au  Pape  Adrien  il.  671.  Aftîfte  à  la  fep- 
tiéme  Seilion  du  huitième  Concile  gé- 
néral ,  6$o 

BaJile  Scamandrin  ,  Patriarche  de  Conf^ 
tantinople  ,  dépofé  ,  776 

Baudouin  ,  Comte  de  Flandres  ,  enlere 
Judith  tille  du  Roi  Charles ,  &  l'époufe  , 
660.  Les  Evéques  du  Concile  de  Soif- 
fons  excommunient  Baudouin  de  mémo 
que  Judith  ,  ibid.  Le  Roi  Charles  reçoit 
en  fes  bonnes  grâces  fa  fille  Judith  &  le 
Comte  Baudouin  ,  66^ 

Baudouin  ,  Comte  de  Flandres ,  menacé 
d'excommunication,  73'' 

Bede{  le  Vénérable)  appelle  le  Prince d« 
la  littérature  chez,  les  Anglois.  Eglife 
dédiée  fous  fon  nom  ,  148 

Benei'ent  érigé  en  Archevêché ,  774 

Benoît.  (  Saint  )  Pierre  de  Cluni  donne 
l'Hiftoire  de  la  tianllation  des  reliques 
de  ce  Saint  en  France  ,  &  de  fon  illa- 
tion ,  490 

Bene'u  V.  Pape  ,  7 «S,  Eft  dépofé  ,  ibid.  (r 

769 

Berengofe  ou  Berengaude ,  Abbé  de  faint 

Maximin    de  Trêves,   66.  Ses  Ecrits , 

67.  Eft-il  Auteur  d'un  Commentaire  fut 

TApocalvpfe  attribué  à  faint  Ambroife  , 

670-6» 

Berenger ,  Difciple  d'Abaillard ,  tidic  «Jc 


DES    MA 

jnftifier  fon  maître  des  reproches  qu'on 
lui  foifoit  fur  k  foi  ,  J7J 

Btren^er  ,  Duc  de  Frioul  ,  fe  fait  cou- 
ronner Empereur  par  le  Pape  Etienne 
VI.  740 

Bern.vd  (  Saint)  premier  Abbé  de  Clair- 
vaux  ,  Docl-jnr  lie  rEelirt".  Hiiloire  de 
fa  vie.  Sa  naiiiànco  ;  f<"s  Etudes  ,  ;i7. 
Sa  converflon  ;  il  fe  fait  Moine  à  Ci- 
te-aux.  Sa  conduite  dans  fon  Noviciat, 
5  1  o.  Bernard  efl  fait  Abbc  de  Clairvaux, 
J19.  Sa  manière  de  gouverner,  510. 
Converiîon  de  la  f  lur  de  faint  Bernard  , 
310. 11  fait  t.n  vov?i;o"à  Paris  ;  alîiftc  à 
divers  Con.ilfs ,  ;i;<f.  &-  311.  Reçoit  le 
Pape  à  Clair\aux;  refuie  divers  Evéchcs, 
jii  Fait  un  voyage  en  Italie,  ilid. 
Fait  la  paix  entre  les  Génois  &  les  Pi- 
fans  ,  ih:d.  Fait  de  nouveaux  b;uimens  à 
Clairvaux  ;  va  en  Aquitaine  ,  31}. 
Convertit  Giiillaunie  IX.  Duc  d'Aqui- 
taine, 314.  Fait  un  troilîéme  voyai^een 
Italie,  314  II  fait  ceiTer  le  fchifme  , 
31J.  Fonde  divers  Monafleres  ,  3^6. 
Eft  tlwrgé  de  pr.  cher  la  CroifaJe  ,  ihid. 
Refuù'den  être  leCiier,3i7,  Combat 
les  Henriciens  ;  fait  un  miracle  .1  Sarlat 
en  Petif^ord  ,  517.  Kcfiite  les  erreurs 
de  Gilbert  de  la  Poirce  ,  jif!.  Ecrit  les 
livres  de  la  conlîderation.  Sa  mort ,  ib. 
Son  cio^  ,  iiid.  G"  319  &*  330.  Ecrits 
de  laint  Bcriuud.  Ses  Lettres  ,  330  G* 
fuh\  Ses  Livres  de  !a  çonîideration  ;  leur 
An*lyfe,  :?"?  &•  fui:'.  Sou  Traité  des 
mœijrs  f;  dos  devoirs  des  Evcqnes  ,  .(oô 
Cr-  fuiv.  S.)  Lettre  de  la  reforme  des 
Clercs  ,  4C.9.  Son  Livre  du  précepte  & 
de  la  d  .p(  ifc,  4T1  Z"  fuiv.  Apologie  de 

5  Ber-ar  ,  4  i  î  ù-fuiv.  Son  Livre  à  la 
loiian-^e  d  s  Chevaliers  duTempIe,  419. 
Son  Trai  :  de  l'humilité  &  de  l'or!;ueil , 
4'' 3  £•' 4'v.  Son  Traité  de  l'amour  de 
Div'i;  ,440'  fuir.  Son  Traité  de  la 
Grâce  &  du  libre  arbitre  ,  41e  ù"  fuiv. 
Juge'  ■\e:n  de  ce  Traité  ,451.  Trr.itc  de 
faint  iJernard  du  liaptcint; ,  &  contre  les 
crrei  rs  i'A'oaillard  ,  431  ù"  fuiv.  Vie 
de  !  tint  Malachi«  ,  Archevêque  d'Ir- 
land;  prr  liiint  Bernard,  ('c  qu'elle  con- 
«ienr  de  rimarquable  ,  455  ù'fuiv.  Son 
Trai:é  .!u  cliant,  ou  de  la  corrcJiion  de 
yAi;-ij.!!on;er  ,  J3S.  Saint  Bernard  cor- 
ni\e  Tvintiphonier  de  Citeaiix  ;  autres 
coir'é  ions  qui  lui  font  attribuées,  4  3 ■». 
Sermons  de  laint  Bernard  ;  leuriaérite; 
Icurcp.raLlerc,  j.40.  En  (juels  jours  ûint 
Bernard  prtthoit ,  iti(/.  À  quelles  heures 

6  t'ai.  4ùtik-  l.iii^i;e  ,  441.  Ses   Ser- 


T  I  E  R  E  S.  7p» 

moui  de  temps  ;les  Sermons  des  Saints  ; 
les  Sermons  fur  divers  fujets  ,  441.  Ses 
Sermons  lut  le  Cantique  des  Cantiques  ; 
en  quel  temps  ils  ont  ctc  compoîés.  Ils 
ibnt  au  nombre  de  86  ,  443.  Recueil 
des  Sentences  de  faint  J-ît  riiard  ;  Chro- 
nûlof;ie  de  fa  vie  ;  ce  qu  il  y  a  de  remar- 
quable dans  les  difcours  de  S.  Bernard  , 
444  O'fuiv.  Ouvrages  attribués  à  S.Ber- 
nard ,  mais  dont  on  a  depuis  découvert 
les  vrais  Auteurs, 4^l  ù'Jii'v.  Vks  de  S. 
Bernard  par  Guillaume  ,  A'jbé  de  faint 
Thierry,  45«.  Par  Bernard,  Abbé  d« 
Ronneval  ;  par  Geotfroi  ,  Aloine  île 
Clairvaux.  Recueil  des  miracles  de 
S.  Bernard,  460.  Autres  vies  du  même 
Saint,  4é.i.  Dodrine  de  faint  Bernard 
fur  l'Éuchaiiftie  ,  j^6i.  Ecrits  de  faint 
Bernard  lubiiés  depuis  la  dernière  édi- 
tion de  fes  Oeuvres ,  4'^?  (yfuiv.  Juge- 
Jiient  des  Ecrits  de  ce  Saint  ,  ^  Cata- 
logue des  Editions  qu'on  en  a  faites  , 
4^6  if  fuiv.- 

Bernard  des  Portes  ,  Fondateur  de  la  Ch?r- 
treulede  ce  nom  ,  190  0- 191.  Sa  mort. 
Ses  Ecrits  ;  fe«  Lettres  ,      291  ^fu\v. 

Eern.rrd  ,  Abbé  de  faint  Analtafe  ,  élu 
Pape.  •^'9"7  Eugène  III,. 

Bernard  ,  Abbé  de  faint  Cyprirn  à  Poitiers. 
Fonde  le  Monaflere  deTiron,         198 

Bernon  ,  Evéque  de  Metz  ,  7^i.  Renonce 
volontaivcmenf  à  fon  Evcché  ,.         il  id.- 

Bernon  ,  Abbé  de  Gin^ny  ,  71-?' 

Bernon,  premier  Abbé  de  Cluni ,       74? 

Biens  del'Eglife.  Si  les  Rois  en  font  les- 
maîtres ,  &  s'ils  peuvent  en  difpcfer  en' 
faveur  de  qui  il  leur  plait ,  714.  Les 
ufurpateurs  des  biens  de  l'Eglife  ana- 
thématifés  ,  716.  Les  Séculiers  qui 
s'emparent  des  biens  de  l'Eglife  font 
excommuniés  ,  731.  Conflinition  le 
rp.mpercur  Otton  III.  pour  obvier  aux 
fréquentes  aliénations  des  biens  âe 
l'Eglife,  7iJf 

BiUioteque.  Elle  eft  auflî  néceftairc  à  un 
Monaftere  qu'un  Arfeiwl  à  une  Fone- 
reiîe ,  joy 

Biens  de  l'Eglife.  Les  Evcques  doivent  en 
ufer  non  comme  d  un  bitn  propre, 
mais  comme  d'un  bien  qui  leur  eft  con- 
fié pour  en  aider  les  pauvres  ,571.  Sen- 
timent de  faint  Bernard  fur  lufage  dts 
biens  de  l'Eglife ,  &  fur  l'abus  qu'on  en 
fait,  44:i  &■  449.  Ceux  qui  s'en  empa- 
rent font  retranchés  de  \i  Communion 
d»  Corps  &  du  Sang  de  Jefus-Giriû  , 
mcmeaiamoir,  65s' 

ELiJ^îJmauurs    mis    tn     féiiijsnce    pu» 


75>2 


T  AE  L  E 


blique ,  f  94.  Loi  Je  Ken? th  ,  Roi  d'E- 
co: e,  contre  les  B:2(phémateurs ,    é  ii 

Bofm ,  Duc  lie  Lombardie ,  le  fait  élire 
Roi  dt  Piovence,  710 

Br;roi's.   (Quatre  Evêques  Breton^   fimo- 

niaqt-fs  lont  obligés  de  rCDoncer  à  leurs 

Sicçes  ,  630 

.  Brunon  ,  fils  d'Engelbert ,  cli'i  Archevêque 

de  Cologne  ,conrulte  S.  Bernard  ,533 

Bulgares.  Conférence  à  Conflantinople 
pour  f^avoir  à  quelle  Egiife  cette  Nation 
îèroit  (buinife  ,  éSp  &-  690 

Bunhard  ,  premier  Abbé  de  Balerne  dans 
le  Dioicl'e  de  Befarçon  ,  «52 

Burgordion  ,  Jurifconfulte  &  Citoyen  de 
Pife  ,  traduit  pluiïeurs  Etrits  des  Peies 
Grecs ,  m 

C 

CAlicf.  Défcnfe  de  célébrer  les  faints 
Mylteres  dans  des  calices  ou  patènes 
de  bois  ;  de  conlacrer  le  vin  fans  eau  , 
734.  Il  ert  ordonné  de  mettre  dans  le 
calice  deux  tiers  de  vin  &  un  tiers  d'er.u , 
734 

Cancnifiticn  des  Saints.  Elle  ne  fe  devoir 
faire  régulièrement  que  dans  les  Con- 
ciles généraux,  lOî 

Canonifanon.  Premier  ade  autentique  de 
la  canonifation  df  s  Saints ,  78  r. 

CaTloman  .,  'àh  du  Roi  Charle?.  Son  père 
li;i  f^it  donner  la  tonfure  Cléricale  , 
(<)■!..  Carloman  conjure  contre  (on  peie; 
ert  mis  en  pril'on  à  Senlis  j  iFid.  ert  dé- 
pofé  du  Diaconat,  &  réduit  à  la  Com- 
munion laioue  ,  6»7 

Carte  ou  charte  de  chr.rité.  Conftitution 
de  l'Ordre  de  Citeaux  ;  ce  qu'elle  con- 
tient ,  Î4  5  îî  j  Editions  qu'on  en  a 
faites,  îî 

C*2iJat&  continence  des  Clercs  ,31,187,- 

671 

Champeaux  (  Guillaume  de  )  abandonne 
fa  chaire  de  phiJofophie  ,  fe  retire  dans 
la  Chapelle  de  faint  Vi<Sor,  hors  des 
murs  de  Paris ,  -    i  f 

Chanoines.  Règle  d'Aix-la-Chapelle  pour 
les  Chanoines,  ^j^^fuiv.  Reniement 
du  Concile  de  Mayence,  î6(;.  Décret  du 
Concile  de  Reims  pour  les  Chanoi- 
nos  ,  (99 

Ckanoineffes.  Reele  d'Aix-h-Chapelle 
pour  les  Chanoinefles  ,        58 1  Êr  fidv. 

Cluvles  ,  ou  C.harlemagne.  Son  iroiftme 
voyage  à  )>onie,  547.  Son   dittcrcnd 

.   nv:c  Taltillon  ,  Duc  de  Bavière  >'iiiii. 

Charles  i:  rit  aux  Evéques  «i'iifpasne  contre 
Perreurdlflipand,  ..  )î> 


Charles  le  Chauve  fe  fait  couronner  Roi 
de  Lorraine  à  Metz  ;  la  mort ,  70^ 

Charles ,  fils  de  Louis  le  Bègue  ,  proclamé 
&facréRoi,  731 

Chartreux.  Leurs  anciens  u(âges  écrits  par 
le  Bienheureux  Guiges  ,  13Î  &•  fuiv.. 
Aufteritc  des  Chartreux  ,  ju 

Cheveux.  Il  étoit  dufage  chez  les  anciens 
de  fe  couper  volontairement  quelques 
cheveux  pour  attefter  la  vérité  de  leur 
parole,  lo 

Chrt'rrie  (  le  faint)  gardé  fous  la  clef ,  ^é^ 

Ckn'me,  (le  faint)  Défcnfe  aux  Archi- 
prétres  de  le  vendre,  785.  Il  eft  or- 
donné aux  Prêtres  de  le  conferver  fous 
la  clef,  7i3 

.  Cïm;tiere.  L'on  n'inhumoit  pas  dans  le 
Cmctiere  commun  les  Fidèles  les  en- 
fans  morts  fans  E.iptc  me,  279 

Circoncifion.  Elle  ne  remettoit  que  le  péché 
or.ginel,  183  ,  4-}^ 

Clainaux.  Abbaye  ;  fâ  fondation,  31P, 
PriviUge  accordé  à  ce  Mor.allere  parle 
Pppe  InnocentlI.  ;84 

Clarius  ,  Moi.ie  de  faint  Pierre-le-Vif.  Sa 
chronique,  66 

Clercs  ou  Chanoines  Réculiers.  Les  Moi- 
nes ne  leur  font  po  nt  inléneufS.  Preuves 
de  ce  fentiment,  171.  Rétjlemens  pour 
les  Clercs,  549,  fy?  îy  ?9J.  Clercs 
var^abonds  ;  leur  licence  réprimée,  6oi. 
Peines  impofées  à  ceux  qii  maltrnitcnt 
d'eft'ets  ou  de  paroles  les  Clercs  ou  les 
Moines,  504.  Livre  Je  faint  Berni:rJ 
de  la  réforme  des  CUercs  ,  4''3 

Clercs.  Reglemens  du  Concile  d'Aurtjoir» 

touchant  la  conduite  des  Clercs  ,7616' 

763 

Cluni,  Le  Pape  Innocent  II.  dédie  la  nou- 
velle Egiife  ,9 1.  Confirme  tous  les  pri- 
vilèges accordés  à  Cluni  parfesprédc- 
celîeurs  ,  ibïd.  Le  Pape  Liicius  II.  con- 
firme tous  les  biens  donnés  à  cette  Ab- 
baye ,  &c.  94.  Saint  Bernard  fait  l'éloge 
de  Cluni,  416.  Pratiques  de  cet  Ordre 
repréhenfibles  félon  le  même  Saint  ,418 
0-  41? 

Cluni.  Fondation  de  ce  Monaftere,  74* 
&'74^ 

Co//af ton.  Son  origine  ,  587  &•  588 

Communion,  Il  eft  ordonné  aux  Pntres  da 
communier  de  ieuis  propr..'s  mains  les 
Laïcs  des  deux  fexes,  &c.  718 

Communion  ou  alfociatiens  de  pnercj 
établies  dans  les  Monafteres  ,  4*7   6* 

Conctpim  immaculée  de  la  f-Jnte  Vierge, 
Sentiment    d'UilJebcrt  ,    Kv^'^i  e   du 

Mans , 


D  E  s    M  A 

Mans,  ip.  Lettre  i\c  Ibint  Jiernar.l  fur 
la  Fcte  de  la  Conception  ,    ^^«i&'jî/ 

Conciks  de  Vormes  ;  d'inçelheim  ,  547. 
De  Narbonne  ;  d'Acclecli  ;  de  Finien- 
hnlle  ;  de  Frioul  ,  548.  (fanons  du 
Concile  de  Frioul,  Ç49  ^  fuiv.  Con- 
ciles de  Ratilbonne  ;  de  Francfort  ,^51 
ù'fuii'.  D'Angleterre,  j^^.  De  Rome  , 
îî6.D'Urgei;d'Aix-l.i-L.hapelle,  557. 
De  Rome  ,  y  5 8.  De  Clolveliou  ,  5î9  ; 
d'Altino  ;  d'Aix  InCliapcl  e  ,  y6o  ;  de 
Conftantinopie  ;  de  Sahbourg,  j6i  ; 
d'Aix-la  Chapelle  ;  d'Arles  ,  ySj  &• 
fuiv.  de  MayencP,  566  ;  de  Reims ,  568; 
de  Tours,  5(î!>  ;  de  Châlons-lur-Saône  , 
J7  '.Cap^tulairede  Cliarlemagne  ,  574. 
Conciles  de  Conilantinople  ,  574  &- 
fuiv.  Concile  des  Iconoclalies  ;  de 
Conftantinopie  ,  ^76  ;  d'Aix-la-Cha- 
pelle ,  Î77  ;  d'Aix-la-Chap"lle  ,  177 
C*  fuh'.  l  ettrc  de  Louis  le  Débonnaire 
touchant  les  règles  établies  à  Aix-la- 
Chapelle  ,  fS^.  Concile  d«  Cekhyte, 
584.  Afiemblée  d'Aix  la-€hapeilc  , 
585  ;  de  Trihur;  de  Clo-zesliou,  s8J  ; 
d'Attigny,  ^89.  Conciles  de  Paris  au 
fujetdes  Images,  $91  £/ fiiii'.  d'Ingel- 
heim  ,  594  ;  de  Rome,  fgç  ;  de  Paris  , 
f  97  &fuiv.  Concilf  s  de  Vomies  ,  606. 
De  Langres  ;  de  Nimegue  ;  de  Vormes, 
É07,  De  Londres  ;  de  Compiefjne  ; 
d'Aix-la-Chapelle  ,  éo8.  De  Mintoue  ; 
de  Stramine  ;  de  Kinfton  ;  de  Ciiilons- 
fur-Saône ,  610  Cf  6ti.  d'Ingclheim  , 
éi2.  Aifemblée  de  Fontenai  ,  6 11. 
Conciles  d'Aix-la-Chapelle,  6ij.  de 
Bourges  ;  de  Conftantinopie  ;  de  ViUa- 

,  Colonia  ,614.  De  Lauriac.  Car)itulnire 
de  Touloufe  ,61';.  Concile  de  Thion- 
ville  ,  616.  De  Verneuil  ,  617.  Pe 
Beauvais ,  (;  1 8.  De  Meaux  ,619  ù'fuh'. 
De  Paris ,  614.  Parlement  d'f!pernai , 
éiç.  Conciles  de  Mayence,  (16  ù'fuiv. 
De  Bretagne  ,  619.  De  Quiercy ,  630. 
De  Paris  ,  <î  3 1 .  De  Pavie  ,  651  &■  fuiv. 
Capitulaire  de  l'Kmpereur  Louis  ,635. 
Conciles  de  Sens  ;  de  Benningdon  ;  de 
Kingefburic  ;  de  SoifTons  ,6-^6,  De 
Cordoue  ,  637.  D»»  Mayence  ;  de  Soif- 
fons,  (=3  S  ù-fuiv.  De  Q^uiercy  ^  640  &■ 
<;4T.  De  Verberie ,  641.  De  Rome, 
é4i.  De  Conftantinopie  ;  de  Valence, 
é43.  De  Pavie,  ('■46.  DeVincheftre, 
<;47.  De  Benoit ,  648.  De  Quiercy  ; 
de  Mayence.  Conciliabule  de  Conftan- 
tinopie ;  Concile  de  Quiercv  ,  ^49.  De 
IMetz;  de  Langres  ;  de  Savonieres  ,650, 
Requête  du  Roi  Cli;ir|po,  ^^i.  Lettres 

Tome  XXI L 


T  ï  E  R  E  S.  i^^' 

duContiiedc  Savonierfs  atix  Fvtqu-es 
de  Bret,ii;iie.  Canons  du  Concile  de 
Langres,  ^52.  Su:te  du  Concile  de 
Savonieres,  6<!x.  Conciles  de  Conftan- 
tinopie, 653.  De  Sifteron  ;  d'Aix-!a- 
<;iiapelle,  654.  De  Coblents  ,  65j.De 
Toufv  ,  6^6.  De  Conftantinopie,  6^7 
ù'  (■'S.  De  Rome  ;  de  Sens ,  650.  Con- 
ciles de  Piftes  ;  de  Soiftbns  ;  de  Kome  , 
r.i^o.  D'Aix-la-Chapelle  ,66t.  Oe  Su- 
bloniercs  ;  de  Rome  ,  (-ûi.  De  Metz  ^ 
663.  De  Senlis  ;  d'Arménie;  d'Aqui- 
taine ;  de  Verberie,  664.  Conciles  de 
Rome,  66^ù'666.  De  SoilFons ,  iJif/, 
Concile  de  Conftantinopie  ,  667.  De 
Troyes ,  668.  Conciles  de  Rome  ;  de 
Quiercy,  ('69.  Cortcile  des  Evoques 
de  Gaule  &  de  Bourgogne.  Concile  de 
Vormes.  Ses  Canons  ,  670  Êr  fuir. 
Quatrième  Concile  de  ConHanrinople  , 
que  l'on  compte  pour  le  huitième  géné- 
ral ,  67t.  Première  Seftlon  ,  675.  Se- 
conde SeQlon  ,  674.  Troi(î!me,  675. 
Quatrième  ,  676.  Cisquiéme  ,  677. 
Sixième  ,  678.  Ubjeftions  des  Fvcques 
ordonnés  par  Phorius  ,  678.  Réponfe 
aux  obj^flions,  f79.  Sep'i'me  &  hui- 
Utme  Sefllons,  6S0  &- 681.  Dècretfur 
les  Images,  681.  Neuvic  ne  Seflîon  , 
6S1  Cr-  fuiv.  Canons  du  Concile  da 
(lonftantinople  ,  684  (y  fuiv.  Profenîoii 
de  foi  du  Concile,  6S7.  Soull  ri  itic^ii 
du  Concile,  6S8.  Lettres  fynodiqiief. 
Conférence  touchant  les  Bulgares,  6É9 
&'  690.  Les  Léeats  du  Pape  retournent 
à  Rome.  Traduétions  des  aéles  du  Con- 
cile ,  690  Cr*  691.  Conciles  de  Verberie, 
691.  De  Metz;  de  Piftes  ;  d'Attigny, 
691.  De  Vienne;  de  Cologne  ,  65)3. 
De  Douzy,  694.  Lettre  fvnodale  Sr  les 
ades  de  ce  Concile  ,  6.oç.  Conciles 
d'Oviedo  ,  (•96.  DeChâloiis-fur-Saone; 
de  Cologne  ;  de  Senlis  ;de  Douzi ,  69-^. 
De  Reims,  69S.  De  Raverme  ,  fi?9. 
De  Touloufe  ;  de  Châlons-fur-Saône'; 
de  Pavie  ,  700.  De  Pontion.  Première 
Selfion  ;  (econde  ,  70i.Troi/îime  ,  ihid. 
Qu:'triéme, cinquième  ,  fîxième,  702, 
Huiriéme  Sefllorr  ,  703.  Articles  re- 
jettes par  le  Concile  de  Pontion  ,  703. 
Autres  aèîes  de  ce  Concile  ,  704.  Con- 
ciles de  R  orne  ;  de  Ravenne  ,  ibid.  Coii- 
ciles  de  Ncuftrie,  705.  De  Troves.  Pre- 
mière SelTion  ;  féconde' ,  706.  TroJ- 
fième  ;  quatrième  ,  707.  Cinquième 
Sedion.  Autres  aftes  du  Concile  de' 
Troves  ,  708.  Conciles  de  Rom?  ,709, 
Concile  deCoiift">''noplp  pour  le  rétâ-' 

H  H  h  h  h 


75^  T  A  B 

biiifement  Je  Photîu)  ,710.  Première 
Sellion  ,  féconde  ,711.  Troilîi'me  , 
712.  Quatrième  Sefllon.  Articles  de 
réunion  ,  7ij.  Cinquième  Sefllon; 
Soufcriptions  des  Décrets  du  Concile, 
7  14.  Sixième  &fepticme  Seflloiis,  715. 
Lettre  du  Pape  Jean  VTII.  à  Photius 
fuppolée  ,  716.  Suite  du  Concile  de 
Conftantinople  ,717.  Aftes  de  ce  Con- 
cile ,  71 3.  Concile  de  Rouen,  71  S. 
Ses  Canons,  71  j  Cr' 710 

Conciles.  De  Reims  ;  de  Rome  ;  de  Fil- 
mes ,  711  îf  fuiv.  De  LandarF  ;  de 
Châlons-fur  Saône  ,  714.  De  Nifmes  ; 
de  Cologne  ;  d'Agaune  ,  725.  De 
Mayence  ,  716.  De  Meti  ,  717.  De 
Varennes  ,  718.  De  Valence  ;  de 
Vormes  ,  719.  D'Angleterre  ;  de  Meun 
flir  Loire  ,  730.  De  Vienne  ;  de  Reims  ; 
de  Rome  ,  73 1.  DeChalons-fur-Saone, 
de  Tribur  ,  731  Gf /uiV.  De  Nantes; 
736  G'/uiv.  De  Rome;  de  Port;  de 
Reims  &  de  CompoUelle  ;  de  Rome, 
738  &■  fuiv.  De  Ravenne  ,  741  ù'fuh. 
De  Latran ,  745.  Conciles  de  Saint 
Oyan;  de  Narbonne;de  Vienne  ,  744. 
DeMaguelone  ;  de  Troflc,  745  ô'fuiv. 
Fondation  de  Cluni  par  Guillaume , 
Duc  d'Aquitaine  ,.  7.;  8.  Conciles  de 
Narbonne  ;  de  Tours  ;  de  Ch.îlons-fur- 
Saone  ,  74t>.  De  Troflé  ;  de  Coblents  ; 
de  Reims ,  7J0..  Dt  Troflé  ;  de  Tours  ; 
de  Charlieu  ,  7  5  i .  De  Troflé ,  7  5  i  •  De 
Virlbourg;  de  Gratelan  ,  751.  D'Er- 
ford ,  753.  De  Châteaii-Thierri  ;  de 
Fifmes  ;  Statuts  du  Roi  de  Walles , 
754,  Concile  de  Soillons  ,  ibld.  Sta- 
tuts d'Odon  ,  Archevêque  de  Cantor- 
bcri.  Loix  du  Roi  Edmond  ,755.  Con- 
cile de  Tournus;  Conciliabule  de  Conf- 
tantinople ,  7îf.  Conciles  d'Klne  ;  de 
Verdun,  757.  De  Mouzon  ;  d'Inçel- 
heim  ,7586'  75?.  De  Laon  ;  de  Trê- 
ves ,  760.  De  Londres;  de  Rome;  de 
Landatf,.  761.  D'Aulbourg,  761.  De 
Saint-Thierri  ;  de  Ravenne;  de  Lan- 
dafF,  763.  De  Bourgogne;  Diplôme 
d'Otton  en  faveur  de  l'Eglife  Romaine, 
764.  Concile  de  Meaux..  Conciliabule 
de  Rome,  yfi^.  Concile  de  Conftanti- 
.Bople,  7-66.  De  Rome  ,  767.  De  Bran- 
defort  en  Âvieleterre  ;  de  Rome,  7*8. 
Diplôme  du  Roi  Edgard  ;  Concile  de 
Ravenne,  7(9.  Loix  du  Roi  Edgar, 
770  ù-  fuiv.  Conciles  d'Angleterre  77 5. 
DeRorae;de  Londr<:s  ;  de  Rome,  774. 
Concile  en  Tardenois  ;  Conciles  dlii- 
"geilisiitt  i,  de  Marfalia  ;  de  Mcfdtne  ; 


LE 

d'Angleterre ,  775.  DeConftantinopIff} 
de  Reims  ;  de  Vincheftre  ,  77e.  Dff 
Ketling  ;  de  Kent  ;  d'Ambrelbury  ;  d» 
Sens  ;de  Rome,  777.  De  Reims  ;  de 
Landaff  ;  de  Rome  ,  778.  De  Charroux  > 
de  Reims  ;  de  Senljs  ,  7  79-  De  Reims  ^ 
780.  De  Rome  ;  de  Mouzon  ,  7&1.  De 
Reims  ;  de  Rome  ,  781.  De  Piavenne  ; 
de  Pavie  ;  de  Saint  Denis  en  France  , 
783.  De  Rome  ,  78-*.  Conftitution  de 
l'Empereur  Otton  IIL  Corrciles  de 
Rome  ;  de  Poitiers ,  785.  Conciles  dies 
Gaules,  7S6.  Lettre  circulaire  de  l'E- 
veque  de  Schepton  en  Angleterre,  78^ 
(y  787.  (  Nota)  les  Conciles  du  ort- 
7.iéme  fiécle  fe  trouvent  à  la  fuite  dit 
tome  23,. 

Confections  faites  aux  Prêtres  ■,  ')69  ,  ffij» 
Sentiment  de  Robert  PuUus  fur  la  con- 
fefllcHi ,  i84G'iS5.  Les  ClifinoinelTès 
fe  confelfoient  au  Prttre  dans  l'Eglife  , 
583.  Confefllon  faite  à  pluiieurs  perfon- 
ne.',  149.  Secret  de  la  confèlfion  révélé, 
Î74.  Sentimem  de  laint  Bernard  fur  la 
confefllon,         421  ,  423  ,  447  tj"  448- 

Conjîr /nation.  Il  appartient  à  l'Evcque  fe.ul 
de  la  conférer,  217.  On  doit  l'admi- 
niftrer  mtme  aux  enfans ,  i8  j. 

Coni-jd ,  Roi  des  Romains ,  fe  croife.  Une 
partie  de  fes  Troupes  périt,  loi.  Si 
mort  ,  Î5» 

Conrad ,  Abbé  de  Mourv  en  SuiiTe.  Ses 
écrits ,  543  Gf  fuif. 

Ccnfàence.  LesremorJs  de- la  coVifcience 
("ont  avantageux  au  pccihtur,.  409 

Coijff.intin^  (  le  Grand  >  Sa  donation  re- 
jcttée  coninie  une  pièce  fuppolée  &  hé- 
r' tique  ,  5  34 

Conjhintia  ,  Empereur  de  Conftantinople. 
Son  mariage  avec  Tlu'o.ioîe  cÛ  déclaré 
légitime,  î 62,  Saint  Tl'Aodore,  Stu- 
dite  ,  &  laint  Platon  s'y  oppofent  Ils 
font  perfécutés ,  iiid. 

Cfjrdaup.  Concile  an  cette  Ville  au  lujet 
des  Mart)^s  ,  -^17 

Cor-Evêques.  Plaintes  contr'eux.  Le  Pape 
ordonne  de  le$  condamner  &  de  les  en- 
vovcr  en  exil ,  î6ii  (r'^ti.  Il  leur  eft 
défendu  de  donner  la  confirmation, 
d'ordonner  des  Pivtres  des  Diacres-, 
,ibid. 

Corneille  [  Saint  ';  de  Compiegrre.  Sugçï  , 

Abbé  de  làint  Dt^nys ,  eil  choifi  pour 

mettre   la    réforme  dajie  cetti»  Eglife, 

148 

Continence  ordonnée  aux  Qercs,  756  &• 

77? 

Crainte  des  peines  de  l'Enfer.  Son  uà- 


lîté, 


D  E  S    M  A  T  I  E  R  E  S.  7^? 

i  l         animaux ,  7 1 H .  L'exemption  des  liiAin  .'s 


Crffcfncf  (le  Sénateur)  chafle  de  Rome 
le  Pape  Gret^oire  V.  Il  cft  excommunié 
dans  le  Concile  de  Pavie  ,  783 

Croix.  Guillaume  ,  Patri.uclie  de  Jcrufa- 
lem  ,  fait  prcfent  à  (aint  KernarJ  d'un 
morceau  «Je  la  vraie  Croix  ,  357.  On 
dit  qu'on  le  montre  encore  à  Clairvau< , 
ibid.  Dans  TOrdre  Je  Cluni  on  prclen- 
toit  aux  malades  la  Croix  pour  l'adorer, 
5  14.  Les  Petrobuiiens  brûlent  les  Croix, 
506,  Culte  de  la  Croix  ;  ce  n'eft  pas  la 
Croix  ;  mais  Dieu  qu'on  adore  en  elle  , 
on  y  adore  Jefus-Chrift  comme  y  étant 
attaché.  507.  Croifade  des  SaKons  con- 
tre les  Sclaves  ,  ^roG-îii 

ÇroJJ'e  ou  bâton  paftoral.  Le  droit  de 
porter  la  croiïe  n'appartient  qu'aux 
Eveques  &  aux  Supérieurs  des  Moines. 
Sentiment  de  l'Abbé  Rupert,  114 

Cunon  ,  Abbé  de  Sibourg  ,  puis  Evcque  Je 
Ratilbonne.  L'Abbé  Rupert  lui  déJie 
plufieurs  de  Tes  Ouvrage^ ,  1J4  &-  1 1  j 


D 


DAmascï NE.  (faint  Jesn  )  Traduftion 
latine  de  fes  Livres  ,  intitulés  de  la 
Foi  orthodoxe,  101 

Dédicaces  des  Lglifes.  Indulgences  accor- 
dées en  ces  (blemnités ,  30 
Denis  Cfaint)  l'Aréopagite  a  été  Evéque 
de  Corinthe   félon  le  vénérable  Bede  , 
170,  171.  Hiftoire  de  la  Dédicace  de 
faint  Denis,  &  de  la  Tranflation  des 
Reliques  rie  ce  faint  Martyr  &  de  faint 
Ruftique  &  faint  Ekutliere  fes  Compa- 
gnons ,                                              i^o 
Dimanche.   Comment  obfervc  en  Italie. 
Règlement  du  Concile  de  Frioul,  ^  o. 
Défenfe   d'expofer    publiquement  des 
marclinndifes  &  de  tenir  des  Plaids  les 
jours  de  Dimanches,              ^6<;  ,   ^05 
Diptyques.  On  y  nommoit  les  vivans  &  les 
morts  pendant  la  célébration  des  faints 
Myfteres ,                                          496 
Diffenfe.  Il  faut  quelquefois  dilpenfer  des 
préceptes  divins  &  ecclélîaftiques,  i(î<f. 
Traité  de  laint  Bernard  du  Précepte  & 
de  la  Difpenfe,  410  (s'fuiv.  Sentiment 
de  Pierre  le  Vénérable  lùr  1«   droit  de 
difpenfe,                                              481 
Dixme.  Sentiment  de  Robert  Pullus  fur  la 
dixme  ,   1S6.  Le  payement  des  dixmes 
&  deà  prémices    recommandé    par  le 
Concile  de  Frioul,  551,  Le  Concile 
de  Rouen    ordonne  de  paver  exade- 
iDcm  la  dixtuc  ,  tant  des  fruits  que  des 


accordée  à  l'Ordre  de  Citiaux  caiife  de 
grands  différends  entre  cet  Ordre  & 
celui  de  Cluni ,  481  &-  48  j 

Dixmes.  Défenfe  au  Seigneur  Laïc  de 
prendre  aucune  portion  des  dixmes  de 
fon  Eglife  ,  c'eft-à-dire  de  celle  dont  il 
eft  Patron  ,  727.  Règlement  du  Concile 
de  Tribur  touchant  les  dixmes  Si  le» 
oblations  ,754.  Des  Conciles  de  Nan- 
tes,  737  &dc  Coblents,  750.  En  quel 
tems  on  doit  payer  la  dixme  ,  770 

Donat ,  Evcque  d  Ollie  ,  Légat  du  Pape 
au  huitième  Concile  général,  67^ 

Donations  faites  à  l'Eglife  des  biens  acquis 
injuflement ,  font  nulles,  ^69 

Dot.  La  dot  des  Egliles  ne  doit  point  de- 
meurer au  pouvoir  des  Fondateurs  , 
mais  des  Eveques  ,  71* 

Drofron  ,  Evéque  de  Metz ,  Archicimpp'  1- 
lain  de  l'Empereur  Lothaite  ,  veut  f« 
faire  reconnoitre  Vicaire  Apoftoiiq'  e 
dans  le  Royaume  de  Charles  ,  618 
Dude ,  Religieufe ,  s'abandonne  à  un 
Prêtre;  elle  eft  coudaninée  au  Concile 
de  Douzi ,  6^3 

Diinjliin  (laint)  Archevêque  de  Cantor- 
beri ,  met  le  Roi  Edgar  en  pénitence  , 
770.  Tient  un  Concile  général  en  An- 
gleterre, 773.  Fermeté  de  faint  Dunf- 
tan  ,  774,  Il  préllde  au  Concile  de 
Vincheftrc,  77^ 


EB  B  o  N  ,  Archevêque  de  Reims ,  dc- 
pofé  &  rétabli ,  éiz.  Les  Ordinations 
faites  par  Ebbon  depuis  fa  dépofition 
font  déclarées  nulles  ,  6,8 

Ehroin  ,  Evéque  de  Poitiers  ,  &  Archi- 
chapelain  du  Palais ,  préfide  au  Concile 
de  Verneuil ,  617 

Eccird ,  premier  Abbé  de  Saint  Laurent 
dUragen  ,  dans  le  Diocèfe  de  Virz- 
bourg  ,   198.  Ses  écrits,  ibid.  ^    ro9 

Eccard ,  Chanoine  Régulier  de  S.  Viftor. 
Ses  écrits  ,  i<j9 

Ecoles  dans  les  Monafteres  ,  587.  Dans 
les  Evcchés  ;  dans  les  Paroiffes  &  autres 
lieux,  59^ 

Ecriture  fainte.  Sa  leéture  recommandée 
aux  Religieufes  du  Paraclet  ,  770. 
Abaillard  les  exhorte  de  s'appliquer  i 
l'étude  de  l'Ecriture  fainte  ,  171 

Edgar  ,  Roi  d'Angleterre.  Son  Diplôme 
en  faveur  des  Moines  ,  7(9,  Son  péché; 
fa  pénitence  ;  fes  Lo'x  ,  770 

Edgar  fait  confirmer  dans  un  Concile  de 

H  H  h  h  h  ij 


75«  TA 

Londres  Ces  donations  au  Monaftere  de 
Glaffemburi  ,  774.  Sa  mort,  77e 

Edmond  ,  Roi  d'Angleterre  ,  75 f.  Ses 
Loix  ,  75^.  Sa  mort,  761 

Edouard  le  Vieux  ,  Roi  d'Angleterre  ,  y 
fait  ériger  fept  Evéchés  ,  730 

Eglife  Romaine,  Sa  Foi  n'a  jamais  été 
fouillée  d'aucune  erreur,  251.  Elle  a 
la  prééminence  fur  toutes  les  autres 
Eglifes ,  même  fur  celle  lîe  Jerufalem  , 
180.  La  primauté  de  1  Eirlife  Romaine 
eft  de  droit  divin  ,  &  non  par  la  concef- 
iîon  de  quelques  Conciles  ,  314.  L'E- 
glife  Romaine  eft  la  inere  &  non  la 
maitrell'e  des  Eglifes  ,  405 

EgUfes  matérielles.  Confacrées  par  l'E- 
veque  Diocèlain  avec  l'afpcr/îon  de 
l'Eau-benite,  584 

EitpiTnd,  Archevêque  de  Tolède,  enl'ei- 
gne  que  Jefus-Chrift  eft  fils  adoptif. 
Le  Concile  de  Francfort  condamne 
cette  erreur,  55rCr'5ii 

Eglife.  Trifie  état  de  l'Eglife  dans  le 
Il  neuvième  &  au  commencement  du  di- 
;  xiéme  Cécle ,  716  &'74?.  Dcfenfe  au 
'  Prttre  d'avoir  deux  Eglifes ,  fi  ce  n'eft 
une  Chapelle ,  7^7 

Emnereur.  Sonéleélion.  Manière  dont  les 
Allemands  procédoient  autrefois  à  1  é- 
leftion  de  leur  Chef  ,  782.  ù'  783. 
Epreuve  du  fer  chaud  ,  751  ;  de  l'eau 
froide  &  de  l'eau  g-lacée  ,  752. 

Enfar.s  offerts  par  les  parens  dans  les 
Monafteres.  Le  vœu  par  lequel  ils  fe 
eonfacroient  à  Dieu  étoit  irrévocable  , 
70.  L'ufage  d'otfrir  les  enf;ins  ctoit  en- 
core en  vigueur  dans  le  dou/icme  iîécle, 
71 
Epreuves  (  les)  du  feu  &  de  l'eau  chaude 

-  étoient  encore  en  ufage  dans  le  douzié- 
„  me  fîécle  ,  xSf.  Examen  eu  épreuve  i!e 
T  l'eau  froide.  On  croit  que  te  fut  le 
j    Pape  Eugène  IL  qui  inititua  cette  épreu- 

-  ve  ,  606.  R;ts  de  cet  examen  ,  ihid. 
■    Epreuve  du  ftu.  On  fajfoit  les  exorcif- 

mes  fur  le  budier ,  494 

Efpric  (  le  Saint  )  procède  du  Père  comme 
.    du  Fils,  3 '4,  Î49-  Réponfe  aux  obicc- 
/.  lions  des  Grecs  contre  Iss  Latins,  tou- 
;     chant   la    proccHîon   eu    Saint-Efprit, 
t'    313.  On  reproche  à  l'Abbé  Rupert  d'a- 
.■    voir  dit  que  le   Saint-Elprit  s'étoit  in- 
carné dans  le  fcin  de  la  laime  Vierge  , 
131.  Rupert  s'en  juftifie  ,  ibid.  Confé- 
rence des  François  avec  le  Pape  fur 
ladditian.  fiioque  ,  ^  <  j 

Efliinva.  Conc'ie  en  i  tjo  où  Saint  Ber- 
oaid  eft  :ippe-.é  ,  311.   On  s'en  rap- 


BLE 

porte  à  lui  pour  l'éleftion  d'un  Pape, 

EJlienne ,  Evéque  de  Nepi ,  Légat  du  Pape 
au  huitième  Concile  général  ,  671 

Efiienne  Harding  ,  Abbé  de  Cite»ux.  Soi» 
éducation,  53-  ^^^  f^it  Abbé  de  Citcaux; 
afîêmblc  un  Chapitre  général  en  1 1 1 6  , 
&  lin  fécond  en  1 1 1 9  ,  ilid.  Il  publie  la 
Charte  de  charité  ,  ilid.  Il  fe  démet  du 
gouvernement  de  Citeaux.  Sa  mort  ;  fes 
écrits  ,  154 

Efiienne  de  Senlis ,  Chancelier  de  France  , 
puis  Evtque  de  Paris ,  aigrit  l'efprit  du 
Roi  Louis  le  Gros,  met  les  terres  du 
Roi  en  interdit  ,    538.  Saint  Bernard 
écrit  au  Roi  en  faveur  d'Etienne,     33^ 
EJlienne  de  Chalmet.  Sa  Lettre  à  des  No- 
vices ,  1^4 
Etienne  Dupuy  en  Vêlai  dépofé  dans  un 
•  Concile  de  Rome  ,  784 
Eiheljlan  ,   Roi  d'Angleterre  ;  fes  Loix 
pour  la  police  ,  tant  Ecdélîaftique  que 
Civile ,                                               751 
Eyanrail   pour  chafTer  les  mouches  pen- 
dant Id  célébrition  des  faints  iDyfleres , 
16 
EuckiirifAe.  Diverfes  erreurs  répandues  fur 
cet  augufte  M\  llere  détruites  par  Alger , 
Diacre  de  Liège  ,  155  ù-  fuv.Lz  Foi 
ce  l'Eglife  Liniverfeile  ,  depuis  le  com- 
mencement de  Ion    établillement  ,  eft 
que  c'eft  la  vraie  Chair  du  Sauveur  & 
fon    vrai  Sang   que  l'on    immole  fur 
l'Autel  ,    îj7,    Profellion    de   Foi  de 
Louis  le  Gros ,    Roi  de  France,  fur 
l'Euehariftie  ,  149.  Adoration  du  Corps 
de  Jefus-Chrift  dans  l'Euchariftie,  ic:, 
157.   Doe'irine    des  Doéteurs  Catholi- 
ques fur  la  préfence  réelle  &  la  traii- 
fubftantation  ;d  Hik'.ebert  ,  Evcque  du 
Mans,   17,   28,  37,  39  ,•  de  Giltert 
delà  Porte,  Evtque  de  l'oititrs,   n6  ; 
de  l'Abbé  Ab?udus  ,    197  ;  de  l'ALbé 
Francon  ,    198  ;  d'Amt:lphe  ,    F.vct,i.e 
de   Rochefler  ,   63    &■  fuiv.  de  Fit  ne 
Abi'illard,!  78  ;  de  .ler.n  de  CornouEilit", 
î  18  ;  de  hîugues  de  Saint  Viàor,  11  j> 
d'Alger ,    Diacre    &     Sciiolafiique   de 
Liège,  H6  ù-fuiv.  de  Guillaume,  Abbé 
de  S.  Thierri ,  171  &•  lulv.  ce  l'Abbé 
Ruppert,   IIP  Er'/iiiV.  d'Erafme  ,  1*^4; 
de   Robert  Pullus  ,   180,   289  ;  d  An- 
lelme  ,   Evcque  d'Haveiburg  ,  3  14  ;  de 
faint  Kernard  ,   447  ;  461  &•  463  ;  de 
Pierre  le  Vénérable,  508  &■  joji,  L'u- 
façe  général  de  l'Eglile  eft  de  recevoir 
l'Euchanitii'  avant  tout  autre  aliment, 
53.  Jefu»-Chrift  la  donna  i  Judut  com- 


D  E  s    M  A 

fnc  aux  autres  Apùtrcs  ,  46.  L'ulai,'e  de 
l'Hçlife  ttoitdt  ne  communier  les  en- 
fans  que  fous  la  feule  efpece  du  vin  ,  & 
les  moribonds  fous  la  feule  efpece  du 
pain  ,  196.  On  donnoit  aux  nouveaux 
baptifcs  le  Corps  Se  le  San^  de  Jefus- 
Chrift,  117.  Hildebert,  Evcque  du 
Mans  ,  dcfaprouve  h  coutume  établie 
à  Cluni  de  tremper  l'Euclianlie  dans 
le  précieux  Sang  avant  de  la  donner  aux 
Communians ,  i?  &"  10.  RailoJi  de 
cette  coutume  ,  65  C-'  (^4.  H  faut  refuftr 
l'Eucharirtie  à  ceux  qui  font  pénutnce 
publique  ,  &  à  ceux  qui  mènent  une  vie 
honteufe  ,  1.90.  Euchariftie  donnée  aux 
enfans  ,  570.  Les  Laies  obligés  de  com- 
munier au  moins  trois  fois  l'an  ,  570. 
Règle  du  Concile  de  Chàions,  575  Zf 
î74,Euchariftie  confervéedans  l'Eglife, 
^584 

Eucharijli;.  Elle  doit  être  reçue  à  jei'in  , 
finon  en  cas  de  maladie,  770.  Etre 
conlervce  pour  les  bc!oirs  ,&  renou- 
vellce  de  peur  qu'elle  ne  fe  corrompe  , 
770.  Les  Prttres  doivent  la  porter  aux 
Malades,  771 

Evtqucs.  Ils  font  les  \'icaires  de  Jefus- 
Chrift  ,  400.  Traité  des  moeurs  &  des 
devoirs  des  Evcques,  406  &-  fuiv.  Ils 
doivent  être  élus  par  le  Clergé  &c  le 
Peuple,  &  pris  dans  le  Dioccfe  même, 
590.  R»glcmens  pour  les  Evêques  ,  des 
Conciles  de  Rome,  ^95  ;  des  Conciles 
de  Paris ,  600  ;  de  Pavic  ,  (•■!,■<.,  701. 
Les  Evcques  font  tenus  de  (e  faire  con- 
facrer  dans  trois  mois ,  704.  Il  leur  eft 
défenju  de  palier  d  une  moindre  Eglife 
a  une  plus  conlîdérable  ,  708.  Dans  les 
Eglifcs  d'Orient  on  ne  permettoit  ja- 
miis  que  des  Evcques  devenus  Moines 
repriiî'ent  leurs  premières  fondion» , 
_  _  714 

Evétjuf.  Il  ne  peut  être  dépofé  que  par 
douze  Eveqiies  ;  un  Prêtre  par  lîx ,  & 
un  Diacre  par  trois,  7j4.  Audience 
de  l'Evcque  prcférte  à  celle  du  Comie  , 
73?.  Funérailles  d'un  Evcque,        74'i 

Eu^enf  III.  Pape  ,  197.  Saint  Bernard 
écrit  aux  Cardinaux  fur  cette  éledion  , 
^8.  Le  Pape  reçoit  à  Viterbe  les  Dé- 
putés d'Arménie  ;  retourne  à  Rome; 
palfe  en  France  ,  99.  Tient  un  Concile 
à  Paris  ,  ibid.  Va  à  Verdun  ;  puis  à 
Trêves,  100.  Préfide  au  Concile  de 
Reims  ;  ailifte  au  Chapitre  pénéral  de 
^-!te2ux  ,  iticL  Retourne  à  Rome  ;  fi 
mort  ;  fes  Lettres  ,101  Z;'fuiv.  Autres 
Lettres  d'E'agcne  III.  1 07  &• /ii.r. 


T  I  E  R  E  S.  7P7 

Eugent  ,  Evcque  ,  Légat  au  Concile  de 
Conftantinople  pour  le  rétabljlfcment 
de  Phoiius ,  711 

Eulogies  ou  pains  offerts  fur  l'Autel  & 
non  confacrés  diftribués  aux  Moines  , 

Excnmmuniés.  Défenfc  de  communiquer 
avec  eux,  718 

Exemptions  des  Evcques  &  des  Abbés  ; 
blâmées  par  faint  Bernard,  401.  Re- 
prochées aux  Moines  de  Cluni ,       4^0 

Extrême-Onâion.  Sentiment  de  Robert 
Pullus  fur  ce  Sacrement ,  1 17.  Il  étoic 
d'ufage  de  la  donner  aux  moribonds 
avant  le  Viatique  du  Corps  de  Notre- 
Seigneur  ,  509  ,  457,  474,  485'. 
Pourquoi  on  réiteroit  l'onction  de» 
malades ,  45 1 

F 

FA  I  D  E.  Droit  de  vengeance  ,       574 
F.ilcon  ,  Archidiacre  de  Lyon  ,  en  eft 
élu  Archevêque  ,  jjç 

Fe/i.>r,  tivêque  d'Lfrgel  convaincu  d'erreur 
au  Concile  de  Ra'iîbonr.e  ,  ^ç  i.  L'ab- 
jure à  Rome  ,  ihid  Le  i'  ne  I.con  III. 
prononce  d-.^rti  un  Concile  tenu  à  Rome 
la  Sentence  d'exconinu;nic;'.tion  contre 
Félix  ,  ÎÎ7.  Félix  renonce  à  fon  erreur, 
&  eft  dépofé  de  rEpiC  opat ,  ç  ç 7 

Femmes.  Défenfc  aux  Prctres  &  aux  Dia- 
cres d'en  avoir  chez  eux  ,  78e 

Fêtes  d'obligation  félon  le  Concile  de 
Mayence  ,  567  &-  y68 

Flaosllarhns  volontaires ,  ou  impofces  par 
le  Prêtre.  Ulâge  nouveau  ,  zS6 

Ft'tes  des  douze  iVpôtres  célébrées  avec 
folemnité,  7^5 

Florent  Bravon  ,  Moine  Anglois.  Ses 
Ecrits,  77 

Foi.  Néceffité  de  la  Foi  en  Jefus-Chrifl 
pour  être  lauvé,  it"-  &'  17.  La  Foi  divine 
eft  fans  mérite,  des  que  la  raifon  lui 
fournit  des  pretivPs  ,  360 

Fonds  des  EgJiles  &  des  Monaileres.  Dé- 
fenfc aux  Evêqi  e;  ,  aux  Abbés  &  aux 
ALbfires  de  les  aliéner  ,  jïj 

Fontenaj.  Monaftcre  dans  le  Dioccfe 
d'Autun ,  310 

Formofe  ,  Pape ,  condamne  par  Etienne 
VI.  738.  Son  corps  exhumé  &  traité 
indignement  ,  ibid.  Remis  en  la  Icpul- 
ture  des  Papes,  739.  La  et ndamnation 
de  Formofe  calice.  Ses  ordination» 
confirmées.  Les  ades  du  Concil-  d'E- 
tienne contre  Formofe  jettes  au  feu,  740 

FcuJi  r ,  fécond  .archevêque  Latin  de  T\  r, 

H  H  h  h  h  iij 


A 


7p8  T  A  B 

foulques  ,  Archevêque  de  Reims ,  fait  pro- 
clamer Roi  le  jeune  Prince  Charles  , 
fils  de  Louis  le  Bègue,  751.  Le  Concile 
de  Troflé  renouvelle  la  Sentence  d'ex- 
communication contre  les  meurtriers 
de  Foulques  ,  747  t>  748 

Francon ,  Abbé  d'Affighen  ,  157.  Ses 
écrits,  ibid.  G-  15*8.  Ce  qu'ils  contien- 
nent ,  ibid.  Ses  Lettres  ,        i,çS  G'  199 

Frédéric  ,  (u.rnommé  Barbe-rouiFe  ,  ciû 
Empertir  &  couronné  à  Aix-la-Cha- 
pelh  ,533.  Reçoit  ces  mains  du  Papa 
la  Couronne  impcriale  ,  Ç37 

Frotiire  ,   Archevêque    de    Bourdeaux  , 

transféré  à  Poitiers  ,  puis  à  Bourges , 

708 

Frotairi ,  Evcque  de  Toul,  ^77.  Het-.i , 
Archevêque  de  Trêves  lui  écrit  ,     584 

Frcvin  ,  Abbé  du  Mont  des  Anges.  Ses 
Ecrits ,  56 


GA  L  F  R  E  D  E  ,  ou  Geofroi-le-Gros  , 
Moine  de  Tiron  ,  é>.rit  la  vie  de  Ber- 
nard Funtl;:--eiT  de  ce  ."iloi-.nftere  ,   i?8 

Gduikisr  de  Maur:t;'nie.  Sa  Lettre  à 
Hugues  de  Saint  ViAor,  281 

Cénevieye.  (  Sainte  )  Le  Pape  Eugène  IIL 
reforme  les  Chanoines  de  Sainte  Gene- 
viève, S;  leur  donne  pour  Abbé  Odon  , 
Prieur  d€  faint  V'idtor ,  59 

Geoffi\)i ,  Evcque  de  Chartres  ,  Légat  en 
Aquicanie.  Son  défintcreflement ,  404 

Geoffroi  de  Loriole  ,  Archevêque  de 
bourdeaux.  S?int  Bernard  lui  écrit, 
303.  Mort  de  Geofroi  ,  ib'.d.  Ses 
Lct'res ,  304 

CiC§rûi  ,  Chanoine  Régulier    ce  {ainte 

Éarbe  dans  la  Neuitrie.    Ses   Lettres, 

ibid. 

Geojfvn  ,  Prieur  de  Cl.rirvaux ,  élu  Evcque 
de  Langres  ,  35Î 

Geoffroi ,  iMoiiîe  Je  Clairvaux  ,  écrit  la 
vic  de  f.iini  Bernaivl ,  ^('O 

CcojVoi ,  Moine  de  FLivigny  ,  accufé  d'a- 
voir empoifonné  Adah'aire  ,  Evèque 
d'Aiin-n  ,  Te  juitifie  ,  751 

Gérard  ,  Cardinal  du  titre  de  fainte  Croi.x 
en  Jcrulalem  ,  élu  Pape  fous  le  nom  de 
Lucius  U.  ii;4 

Gerbcron.  (  Dom  )  Son  apologie  de  l'Ab- 
bé Rupcrt,  iji 

Ccrbert ,  Ar>  hevéque  de  Reims ,  fait  l'a- 
polo^ic  de  (à  conduite  au  Concile  de 
Alou/.on  ,  7!ii  &•  781 

Ciii>'-rt  de  la  Poréeefl  fait  Evéqiie  de  Poi- 
tiers ;  donne  dans  des  fentimens  fîngu- 
Jicfs  ,   i;»;.   Plainte  fur  lîi  Dodtrinf. 


LE 

Concile  de  Paris  contre  Gilbert ,  ibid. 
Ses  erreurs  ,ibid.  &  19^-  Cond.'mnées 
au  Concile  de  Reims,  i<P4  Êf  15Ç.  Ecrits 
de  Gilbert  ,  ilid.  Remarques  fur  (es 
ouvrages  ,  iii/f,  C"  196.  Lettie  de  Gil- 
bert fur  l'Euchariftie  ,  ipâ 

Gilbert ,  Archevêque  de  Tours.  Sa  mort  , 

14 

Gilbert  ,  Evéque  de  Londres ,  80  Ses 
Ecrits,  Si 

Gilbert ,  Evéque  de  Limeric  en  Hibernie. 
Ses  Ecrits  ,  S  i 

Cilleben  de  Hoillande.  Son  Commentaire 
fur  le  C^antique  des  Cantiques  ,  451. 
Ses  autres  Ecrits ,  4  j  j 

Glaive.     En  quel  fens  faint  Bernard    dit 

que  les  deux  glaives  ,  le  matériel  &  le 

fpirituel  ,    appartiennent    à    l'Eglife , 

40+ 

Gifiler ,  Evéque  de  Merfbourg  ,  transféré 

à  .l'Archevêché  de  Magdebourg ,  777 

&-  778.  Il  eft  accufé  d'avoir  obtenu  cet 

Archevêché  par  de  mauvaifes  voyes  , 

'778 

Goâefroi ,  Evéque  d'Amiens  ,  fe  retire  à 

la  Chartreufe  ,    154.    Le  ConLiie  de 

Soiffons  l'oblige  de  retourner  à  Amienf, 

ibid. 

Godefroi ,  Evéque  de  Chartres ,  bannit  la 
fimonie  qui  infefloit  fon  Egiife  depuis 
longtemi  ,  îj?7.    Ses  Lettres  ,  ibid.  &• 

Godbalde  convaincu  d'avoir  eu  mauvais 
commerce  avec  une  femme  ,  eft  privé 
de  Tes  fondions  ,  711 

Gonthier,  Arubevcque  de  Cologne,  dépofé 
par  le  Pape  Nico  as  L  (-t^ 

Gothefca'c  ,  Prince  des  Sclaves, zélé  pour 
la  propagation  de  la  Foi ,  6 

Gothe'ealc  ,  Moine  ,  eft  condamné  dans  le 
Concile  de  Maycnce  ,  fi9  ;  &  dans 
celui  de  Quicrcy.  Y  eft  fouetté  publi- 
quement ;  &  après  avoir  brûlé  fes  écrits, 
eft  renfermé  daii^  l'Abbaye  de  Haut- 
villiers ,  éjoCfS;! 

Gotielin  ,  Moine  de  Cantorberi,  58.  Ses 
Ecrits  ,  ibid.  G*  59 

Grâce.  Sentiment  d'Abaillard  furlaGrace, 
1 80.  De  faint  Bernard  ,  4  +  S.  Son  Traite 
de  la  Grâce  &  du  libre  arbitre  ,  416  &• 
fui!'.  Jugement  de  ce  Traité  ,  431 

Gr.7i/)'é  permi(è  aux  Moines,  58^ 

Cr.r;oire  de  Svracufe  ,  Ordinateur  de 
Photius,  eft  inter.lit  de  toute?  fondions 
facerdotnles  ,  66^  ;  &  ansthématifé  par 
le  Patriarclie  Ignace  &  par  l'Eglife  Ro- 
maine ,  678 

Crégoirç  ,  Cardinal  de  faim  Ange ,  hig^i 


DES    MATIERES. 


-  en  Allemagne  &  en  trariLe  ,  «5.  Voji-:^ 
Innocent  II. 

Grégoire ,  Prctre-Cardinal  élu  Anti-Pape 
ious  le  nom  île  Vittor ,  89 

Cuerric  ,  Abbé  d'Igny.  Ses  écrits.  Ses 
Sermons ,  4Î9 

Gui  de  Cailel  ,  Prétrc-Cardinal  du  titre  de 
Taint  Marc  ,  clù  P.ipe  fous  le  nam  de 
Celeltin  II.  95.  Levé  l'interdit  (jue  le 
Pape  Innocent  II.  avoit  jette  fur  le 
Rovi'ume  de  Fr.mce  ,  ihià.  Ses  lettres , 
ïh'iA,  Sa  mort ,  94 

Cuiges ,  ou  Guiçucs  (  le  Bienheureux  )  fe 
fait  Chartreux.  Il  eft  fait  le  cinquième 
Prieur  de  la  Chnitreulè  ,  134.  Son 
eftime  pour  l'Ordre  de  Citeaux.  il 
fonde  plusieurs  ChartrAfes  ,  154  &" 
155.  Il  i'applique  à  faire  tranl'crire  des 
Livres.  Sa  mort,  13?.  Ses  écrits.  Son 
Recueil  deo  Ufiijes  &  des  Statuts  de  fon 
Ordre,  135  ir[\Àv.  Autres  ouvrages  de 
Guides  ;  un  Livre  de  méditations,  138. 
La  vie  ài  laint  Hurues,  Fveque  de  Gre- 
noble ;  une  Lettre  ou  Traité  aux  Frères 
du  Mont-D'.cu  ,  139  &■  juir.  Lettres  di; 
Guiges  ,  141,  141.  Oi  vraies  qui  lui 
l'ont  attribués,  141,  î94&*i9Jj  454  î 
45  ^.  Ses  Lettres  ,  41 P 

GuUUiwne  IX.  Duc  d'Aqurtaine  ,  Chef  des 
Scliilmatiques  ,  jij.  Converti  parfaint 
Bernard,  3:4 

GuiUaumi  de  Malmefburi  ou  de  Somerfet. 
Ses  Ecrits  ,  14  :;.  Son  HiiloJre  des  Ro-is 
d'Angleterre,  ibid.  Ce  qu  elle  contient , 
i44C-fu.'i'.  Autres  ouvrages  de  Guil- 
laume. Les  geûrsdcs  Kvcques  d'Angle- 
terre ,  146  &■  fuh'.  Les  vies  de  faint 
Wlfran  ,  de  faint  -Adelme  ,  148  ,  149. 
Autres  écrits  ce  Guillaume  ;  ceux  qui 
n'ont  pas  encore  été  imprimés,  149  &* 
lîo.  Jugement  de  (et  écrits  ,  150 

Guillaume,  Abbé  de  faint  Thierry  ,  écrie 
la  vie  de  ftint  Bernard  ,  459 

Guillaume  ,  neveu  d'Ertienne ,  Roi  d'An- 
gleterre eil  clù  Archevêque  d'^orck, 
369.  Saint  Bernard  écrit  au  Pape  Inno- 
cent, &  au  Pape  Celeftin II.  contre  cet 
Archevêque,  Jf'? 

Çuillaume,  Abbé  de  faiiu  Thierri  ,  167. 
Ses  liai'cnsavec  lairu  Bernard  ;  il  quitte 
PAbba^e  de  faint  Thierri  &  fe  retire  à 
Signi,  liS.  Sa  mort,  ibid.  Catalogue 
de  fes  Ecrits,  :68.0i<!g.  Ses  ouvrages 
de  pieté  ,  z6v  îf  170.  Sa  Lettre  à 
Geofroi  de  Chinrcs.  Son  Traité  contre 
îes  erreu's  de  Guillaume  de  Conches , 
17  ! .  Son  Commentaire  fur  le  Cantique 
des   Cantiqi.es ,  ihià,  if  17».    Autres 


7^9 

P-crits  de  Guill.iunie.  Un  Opufcuii  i.es 
Sentences  de  la  Foi,  Un  Traité  du  Sa- 
crement de  l'Autel,  171.  Une  Lettre 
fur  rpAichariftic  ,  173.  Un  Commen- 
taire lur  1  l'pitre  aux  Romains  ;  une  vie 
de  (aint  Bernard  ,  ijj,.  La  Lettie  aux 
Frères  du  Monr-Dicu  (ft  de  Guigcs, 
Prieur  de  la  Ckanreufe,  Jugement  des 
écnis  de  (Guillaume  ,  X74 

Guillaume  de  C'(?T\c!:es.  Ses  erreurs.  Sa 
mort  ;  les  écrits  ,  ?. 7  t 

Guill.iume  ,  Duc,  d'Aquitaine ,  fonde  le 
Monaftere  de  Cluni ,  748  &  749 


H. 


HA  E  I  T  s  des  Clercs  ,  30.  Les  Iic- 
ckfîaftiques  &  les  Moines  doivent 
s'habiller  dans  toutes  les  Provinces  fut- 
vant  leur  état ,  éC/ 

Hublhourg.    Généalo-;ie   des    Comtrs  de 

fiablbourg,  559.  Elle  n'eft  pas  exacte  , 

541  £/  ^41 

Kiimeric  ,  Cardinal,  Chancelier  du  Saint 
Siège,  354.  Saint  l'rma.rd  lui  écrit  en 
faveur  de  rEglifë  d'Orléans  opprimée 
dans  plulîeurs  de  fes  Clercs  ,  3;4.  Hu- 
gues de  Toubigni  &  l'Ab'kié  de  Clair- 
veaux  lui  écrivent  conjointement  une 
lettre,  381.  Saint  Bernard  lui  adreife' 
fon  Traité  de  l'Amour  de  Dieu  ,  414,- 
Mort  d'Haimcrie  ,  41^ 

Hariulf;  ,  Moine  de  Saint  Riquicr  ,  écrit' 

la  vie  d'Angilbtrt,  60,  Ses  autres  écrits. 

iHd. 

HiTTold,  Roi  de  DannemarCp  embraflè  la 
Religion  Qirétlenm* ,  4 

Heloijje  cfouk  d'AbaiUard,  156.  Se  re- 
tire à  .Argenteuil ,  15p.  Abaillard  lui 
offre  le  Paraclet,  où  elle  fe  retire  ,  ibid^ 
Pierre ,  Abbé  de  Chmi ,  hii  écrit  la 
mort  d'AbaiUard,  16&,  Lettres  d'He- 
loitre.T  Abaillard,  réi,  163,  i(;4,  16 y. 
Règle  d'HeloilFe,  i?9  ;ce  qu'elle  con- 
tient de  remarçupble  ,  190.  Ji:gement 
des  écrits  d'Heloiilè  ,  lyi.  Sa  mort, 
ilid.  Hugues  Metellus  relevé  fes  vertusi 
&■:  fon  f(,avoir  ,  119 

Henri,  Archevêque  dp  Trêves  ,  584 

Henri  de  CoiHi ,  neveu  du  Rci  Eftienne  , 
élu  Archevêque  d'Yorck.  Le  Pape  In- 
nocent II.  reiufe  de  recevoir  fon  élec- 
tion ,  3^8 

Henri  (f.iint)  Empereur,  eanonifc,'  101 

Henri  de  Lorraine  ,  Evêque  ce  Toul ,  zx9 

Henri  de  Hungtin^jwn  ;  fes  écrits  i  fon 
hiftoire  des  Anglois,  Sic.       ifi^MS 

Henri  ^  Héréti<iue  ,  Difciple  de  Pieircii* 


ioo 


T  A 


hriiis  ;  prêche  nu  Mans  Se  à  Touloufe  , 

3x7.  Ses  erreurs  combattues  par  HiU 

debert,  Evéque  du  Mans,  13 

Henrkiens   répandus   dans  le    Perigord, 

Héréjîe.  Livre  d'Abaillard  contre  les  héré- 
fies ,  177  &"  178.  Différence  de  Thç- 
rcfie  d'avec  le  fchifme  ,  l'îj 

Hérétiques  découverts  à  Colojne  &  en 
Weftphalie.  Leurs  erreurs  réfutées  par 
faint  Benisrd  ,  ^ 4  ■^  C- /j:i'. 

Heribert  (  le  Comte)  convoque  un  Concile 

à  Troflé  ,  7f  I 

'  Herluin  ,  Arclievcque  de  Cambrai ,  forme 

des  plaintes  au  Concile  de  Rome  contre 

les  iifurpatcurs  des  biens  de  fon  flgiife , 

7S1 

Herluin  (  le  Comte  )  du  vivant  de  fa  fem- 
me en  cpou'e  une  autre,  751,  11  eft 
admis  à  la  pénitence,  ibii. 

Jiermjnn  ,  Abbé  de  faint  Martin  de  Tour- 
nai. Son  hiftoire  du  rétabli îFement  de 
cette  Abbaye ,  307.  Ce  quil  y  a  de 
remarqiistle ,  308  G-  30p.  Son  trai'é 
de  l'Incarnation  ,  309.  Autres  écrits 
d'Hermann  ,  310 

Herman  ,  Archevêque  de  Coloî'ne  ,  porte 
fss  plaintes  au  Concile  de  Rome  contre 
Adelgaire ,  Evéque  de  Hambourg  &  de 
Brème  ,  7^0 

Tierolde  ,  Archevêque  de  Salzbourg  ,  dé- 
pofé  ,  269 

Hervé,  Aloine  Bencdidin.  Ses  études. 
Son  éJo<:e  fait  par  l'es  Confrères  du 
Bourg  de  Dol ,  zpî  Catalogue  de  Tes 
ouvrages,  1:^6.  Ses  commentaires  fur 
l'Ecriture  fainte  ,  ibid.  Son  Livre  des 
miracles  de  la  fiiinte  Vierge  ,  zp6  (y 

Hervé  ,  Archfvcqvie  de  TroHé  ,  prcfide  au 
Concile  de  TroHé  ,  74^.  Donne  rabfo- 
lution  au  Comte  Erlebad  mort  dans 
l'excommunication,  7fo 

Heures  Canoniales.  Les  Evêques  &  les 
autres  Prélats  obligés  à  les  dire  avec 
leurs  Clercs ,  Coo 

Hiliiebert  (  le  Vénérable  )  Evcque  du 
Mans  ,  enfuite  Aichevcque  de  Tours , 
II.  Sa  naiiïiînce  ;  fon  éducation  II  prc-- 
fide  à  l'Ecole  du  Mans  ;  eft  fait  Arclii- 
diacre  de  cette  Fglife  ,  ibid.  Eft  fait 
E'vcque  ,  itid.  Eft  mis  en  prifon  par  le 
Roi  d'Angleterre.  Il  veut  renoncer  à 
l'Epifcopat,  13.  Il  combat  les  erreurs 
ie  l'Hérétique  Henri ,  ibid.  Eft  mis 
une  féconde  fois  en  prifon,  14,  Sa 
conduite  pendant  fon  P'pifcopnt  ,  14.  Il 
eft  fait  Archevêque  de  Tours.  Il  de- 


BLE 

meure  attaché  au  Papa  Innocent.  Snlnt 
Bernard  lui  écrit  ,  14  Cr-  349.  Mort 
d'Hildebert ,  ibid.  Ses  écrits  ,  fes  let- 
tres ,  15  Z'-  fuir.  Ses  fermons,  15  6* 
fuiv.  Doftrine  d'Hildebert  fur  la  Foi  en 
Je'us-Chrift,  z6  ;  fur  l'Incarnation; 
fur  l'Euchariftie  ,  17  &■  i8.  Sur  la 
Prédeftination  &  la  Grâce,  i8.  Sur  la 
Conception  immaculée  &  l'Aflomption 
de  la  Sainte  Vierge.  Sur  quel(jues 
points  (le  difcipline  ,  z?  &-  30.  Sur  le 
Purgatoire  &  autres  points  de  doftrine, 
30  £7-  31.  Opufcules  d'Hildebert,  31 
ù'  fuiv.  Opulcules  qui  ne  font  point 
dans  la  nouvelle  é  ition  ,  ou  qui  font 
perdus,  çi.  Pocmes  d'Hildebert ,  38 
&•  fuiv.  Jugement  de  lès  écrits.  Edi- 
tions qu'on  en  a  faites  ,  41  (rfuiv. 

Hi'dsrarde.  (  Sainte  )  Ses  écrits  approuvés 
par  Eugène  III.  100 

Hincmar ,  Moine  de  Saint  Denis,  élu 
Archev^'que  de  Reims,  6i%.  On  pro- 
po(è  au  Concile  de  Trêves  d'exammer 
de  nouveau  la  canonicité  de  fon  élec- 
tion ,  668 

yiiKcmar  de  Laon  refufe  de  répondre  aux 
chefs  d'accufàiion  formés  contre  lui  ; 
appelle  au  Pape,  691.  Eft  accufê  dans 
le  Concile  d  Attigny  de  défobéiirance 
envers  le  Roi ,  691.  Donne  un  libel  de 
foumiflîon  &  d  obéilFance  au  Roi  Char- 
les &  à  Hincinnr  de  Reims  ,  <!93.  Se 
plaint  au  Pape  du  Roi  Charles  &  d'Hinc- 
mar  de  Reims  ,  69^.  Eft  dépofé  au 
Concile  de  Douzy  ,  fpy.  Forme  une 
plainte  contre  Hincmar  de  Reims , 
707.  Eft  réhabilité,  708 

Hoeli ,  fiirnommé  le  Bon,  Roi  de  Galles 
en  Angleterre.  Ses  Loix  ,  7^4 

Homélies  traduites  en  Langue  Romaine  , 

Î70 

Homicide.  Il  n'eft  pas  permis  à  un  Prêtre 
de  répandre  le  fang  humain  pour  con- 
ferver  (a  propre  vie.  '  734 

Homicide.  Celui  qui  féduit  un  Chrétien 
poui  le  vendre  eft  coupable  d'homicide, 
7Ç0.  Pénitences  impofces  aux  Homi- 
cides, 7x7  ,  73<; ,  787 

Honorius  II.  Pape.  Sa  nailiance,  fes  em- 
plois avant  la  Papauté  ,  81.  Il  excom- 
munie plufîeurs  pcrfonnes  étantPape,8  3 . 
Il  dépofe  les  Patriarches  d'Aquilée  & 
de  V^enife  ,  ihid.  Mort  d'Hcnorius.  Ses 
lettres,  84 

J-f<{/;iti3u.v  fondés  près  ies  Eglifes  Cathé- 
drales ,  &  gouvernées  par  des  Cha- 
noines ,  î8i 

Hugues  ,   Evcque  de  Cabale,    vient  en 

Occident 


DES    MATIERES. 


Occident  demander  au  Pape  Eusjtnc  cL- 
au  Roi  ùes  llomains  du  lècours  pour 
l'Kt^life  d'Orient,  374&'?7î 

tiuguts  ,  Ciianoine  régulier  de  Saint  Vic- 
tor. Son  pays,  -loo.  Ses  études.  Il  fe 
ïait  Chanoine  réjjulierà  Saint  Viélor  ;  y 
enfcigne.  Sa  mort,  •%oi.  Ses  écrits 
diftribuéi  en-troistomei.  Ecrits  contu- 
Tus  dans  le  premier  tome  ,  loi  (yfuiv. 
Oeuvres  contenus  dans  le  fécond  volu- 
me ,  10+  ù-  fuïv.  Ouvrages  contenus 
,<ianï  le  troificme  tome,  iio  ù"  fuiv. 
Ouvrages  de  Hugues  de  Saint  Viftor, 
qui  ne  font  point  imprimés.  Jugement 
de  Tes  écrits,  114 

Hugues  de  Foliet.  Eft  Auteur  des  quatre 

Livres  du  cloître  de  l'ame  ,  attribués  .i 

Hutïues  de  Saint  Vidor,  lo^.  Autres 

ouvrages  attribués  à  Huçues  de  Foliet , 

zo6 , 207  ,   108 ,110. 

Jîugues  ,  (  failli  )  Fvcque  de  Grenoble  , 
excommunie  l'Anii-P.ipe  Anaclet ,    86 

.tiugu^s  ,  (  l;iint  )  Abbé  de  Cluni.  Sa  vie 
écrite  par  Hiidcbert ,  Evtquedu  Mans , 

31 

Hugues,  Moine  de  Fleuri-fur-Loire.  Ses 
écrits  ;  un  Commentaire  fur  les  Pfeau- 
mes  ,  71.  Une  Hilloire  Fccléfiaftique , 
75.  Une  Hilloire  des  Gcftes  des  Rois 
de  Fr.ince  ,  74.  Autres  écrits  de  Hu- 
gues, iii'tf.  &' 75  &■  7É. 

Hugues  de  Ribomond.  Ses  écrits  ;  une 
Lettre  fur  la  naure  de  l'ame,  159. 
Deux  Lettres  toiich;:nt  la  méthode  & 
l'ordre  de  lire  l'Ecriture  fainte,        300 

Hugues  de  Màcon  ,  premier  Abbé  de 
roniigni ,  puis  Fvcque  d'Auxerre.  Sa 
mort  ,  3. 11.  Ses  écrits  ,       301  &*  joj. 

Hugues  ,  fils  naturel  Au  Roi  Lothaire. 
Conçoit  le  delTein  de  récupérer  le 
Rovaume  de  fon  père  ,         70c  £/  706 

Hugues  ,  fils  de  Heribert ,  Comte  de  Ver- 
mandois  ,  intrus  à  c'.nq  ans  dans  le 
Siège  de  Reims ,  754.  Ordonné  à  vingt- 
.«inq  ans  ,  715.  Efl  privé  de  la  commu- 
nion &  du  gouvernement  del'Eglifcie 
Reims  ,  75S( 

Hugues  ,  Comte  de  Paris ,  chalTe  le  Roi 
Louis  de  fes  Etats,  758.  Eft  excom- 
munié au  Concile  de  Trêves  ,         760 

Humbeline  ,  -fanir  de  faint  Bernard.  Sa 
converfion ,  31» 

■Humiliré.  Traité  de  faint  Bernard  des  dé- 
grés d  humiliié  &  d'orgueil ,  41} 


Tome  XXÎL 


80  f 


I. 


ICONOCLASTES,  Les  Catholi.ue! 
refuient  d'entrer  en  conférence  avec 
eu.\  dans  le  Palais  ,  J7î.  Concile  dei 
Iconoclaflesà  Conftp.ntinople ,         577 

Jean  V III.  Pape  ,  excommunio  Lambert  , 
Duc  de  Spoletc  ,  70^.  Finvove  des  Lé- 
gats à  ConRantinople  chargés  de  plt- 
fîeurs  lettres  favorables  au  rétabliiFe- 
ment  de  Photius  ,710.  Ses  lettres  font 
altérées,  jxi  £-751.  Sa  lettre  à  Piio- 
tius  paroit  fuppolée  ,  716  ù'fuh; 

Jean  ,  Archevêque  de  Ravenne.  Plaintes 
contre  lui  ;  eft  excommunié  ;  eft  dc- 
pofé,  6$s 

Jean,  furnonimé  l'Hermite,  écrit  la  vie 
de  faint  Bernard  ,  46 1 

Jean  ,  Prieur  d'Haguftad.  Son  Hiftoirc 
des  Rois  d'Angleterre  ,  if4 

Jeun  de  Cornouaille  eft  Auteur  d'un  Livre 
intitulé  ,  de  la  Cène  myftique,  1 1 8.  Il  y 
reconneii  le  changement  réel  du  pain  éc 
du  vin  au  Corps  &  au  Sang  de  J.  C,  ibitf, 
&  i  19. Autres  écrits  de  Jean,i  i^  &-  zio 

Jem  de  la  Chartreufe  des  Portes.  Ses 
lettres  ,  i9j 

Jean,  Dua  de  Venife.  Fait  précipiter  le 
Patriarche  de  Grade  d'une  tour  avec 
d'autres  Prêtres  ,  î6 

Jean  IX.  Pape  ,  758  Cr  7?,? 

Jean  XII.  Pape,  fe  révolte  contre  l'Em- 
pereur Otton  ,  76^.  Sort  de  Rome, 
Accufations  contre  lui  au  Concile  lie 
Rome  ,  tC'6.  Jean  eft  dépofé  ,  ibid.  Eft 
rappelle  à  Ron.e  par  les  Romains  ;  y 
tient  un  Concile  ,  767.  Sijnort,    7(8 

Jeun  Xîli.  L'Empereur  Otton  lui  rend  la 
Ville  de  Ravenne  &  fon  territoire  ,  769. 
Lettre  du  Pape  Jean  à  Landulfe  ,  Ar- 
chevêque de  Kenevent ,  774 

J?J;,e  ,  Evoque  d'Amiens ,  eft  dépofé  dans 
le  Concile  de  Nimegu?  ,  607.  Jefus- 
Chrirt  ne  peut  ctre  nommé  Fils  adoptif , 

Jeûne.  Du  tems  de  faint  Bernard  on  pouf- 
foit  le  Jeune  du  Carême  jufqu'au  foir, 
445 .  Les  jeunes  des  Quatre-Tems  doi- 
vent être  obfervés  par  tous  icsChrétiens, 
«67.  Jeune  de  ttois  jours  indiqué  pour 
le  repos  des  âmes  de  ceux  qui  étoient 
morts  dans  la  Bataille  de  Tnuriac  ,61} 

Je(me  par  fuperftition  défendu ,  753.  Jeû- 
nes entre  l'Afcenfion  &  la  Pentecôte 
défendus,  786.  Jeûnes  de  dévotion  per- 
mis ,  ihii,  L'obfervation  des  jeûnes  de 
Carême  ,  des  Quatre- f-ns  &  des  Mer» 

Iliii 


't02  T    A 

credi  &  Vendre^'.!,  pendant  l'armée,  re- 
commande e  ,  75  î 

Ignice  ,  (  faint  )  Martyr.  On  confervoit 
à  Clair\aux  de  Its  Reliques,         44^ 

I-^nice  ,  Patriarche  de  Conllantinople , 
aiîifte  au  8^.  Concîie  Geîicral,  675. 
Photius  alTemble  un  Concile  ,  où  il  le 
fait  dépolir,  6^7.  Mort  d'Ignace,  7  10 

Ignorance  des  Chrctieni  au  lot.  ficcle,74  8 

Images  Concile  de  Paris  fur  les  Imai;es, 
591.  Les  Pères  de  ce  Concile  veulent 
que  l'on  continue  à  mettre  des  Ima^'CS 
dans  les  Eslifes  ,  mais  défendent  de  les 
adorer,î9î  &-  593.  Le  culte  des  îmai^ej 
rétabli  ,614.  Décret  du  huitième  Con- 
cile Général  lut  les  Images,  681  ô-éSi 

Imp-.'cuèiAté  de  Jcfas-Chrift.  Sentimens 
des  Théologiens ,  iS  i 

Impudiciré.  11  n'arrive  prefque  jamais  que 
l'ïmpudieité  foit  fuivic  d'une  véritable 
pénjtence ,  159 

Impunie.  Remède  contre  les  tentations 
d  impureté,  i3 

Incariiùîion.  Dcflrine  d'Hildebert  du  Mans 
fur  ceAîyftere,  17.  De  Robert  PuUus  , 
zSo,  181.  De  S.  Bernard  ,40É.  Si  les 
Ançes  ont  conî^u  le  Myftere  de  l'Incar- 
nation avEnt  fon  acccmpliirement,  434 

li.dulgtncts  accordées  aux  Croifés  par  le 
Pape  Eugène  III.  10 1 

Ingelrrudt ,  femme  du  Comte  Bofon  , 
qu'elle  avoit  quitté  depuis  environ  fept 
ans,  eft  anathématiféeparle  Pape  Ni- 
colas I.  66^ 

Innocfnt  II.  Pape,  Ses  qualités,  85.  Se 
retire  en  France ,  Sj  &-  S6.  Eft  recon- 
nu pour  lape  au  Concile  d'Eflanipes , 
ii6.  Par  le  Roi  d'Angleterre  &  en  Alle- 
magne par  le  Roi  Lothaire  ,  ihid.  Ptéli- 
de  au  Concile  de  Clermont ,  itid. 
Vient  i  Liège  ;airemble  un  Concile  à 
Reims ,  B/.Le  Pape  Innocent  retourne 
à  Rome,  88^  Ailemble  un  Concile  à 
Pife ,  ibid.  Il  eft  reconnu  généralement  ; 
il  tient  un  Concile  à  Rome  ,  89.  Sa 
mort ,  ikid.  Ses  lettres ,  iLid.  ù'fuiy.  &- 

Interdit  jette  fur  les  Terres  du  Roi  de 
France  par  le  Pape  Innocent  II.       366 

Jourdain  des  Uriîns  ,  Légat  en  France ,  en 
Allemagne  &  en  Normandie.  Sa  con- 
duite irrcguliere,  379 

Judith,  fille  du  Roi  Charles  ,  cpoufe  le 
Comte  Paudouin  ,  660 

Juifs.  Saint  Bernard  défend  de  les  faire 
mourir,  187  É>  î88  ,  4})o.  Pierre  le 
Vénérable  le  défend  auflî ,  450.  Traité 
de  Pierre  contre  le»  Juifs ,    4^^  £7-500 


K 


B    L    E 

Juifs  de  l'ouloufe.  Sentence  rendue  con- 
tre eux ,  7'30 

Juifs.  Défenfe  de  manszer  avec  eux  ,    718 

Jurement,  Canon  du  Concile  de  Tou(î 
contre  les  juremens ,  les  parjures  &  les 
faux  témoignages ,  65^ 

Junm-nt.  Ufeede  jurer  fur  l'Autel  par 
le  Saint  des  Saints  en  prcfence  des  Re- 
liques des  Saints,  714' 
K. 

E  N  E  T ,  Roi  d'Ecofle.  Ses  Loix  »,. 

L. 

LAïQUïS.  Défenfe  de  les  élerer 
fur  le  Siège  de  Conflantinople.  Les 
Evcques  Orientaux  s'oppofêut  à  cette' 
défeiife  ,  71  j 

Laïques  ou  Frères  Convers  chez  les  Char- 
treux ,  137 

Lambert  ,  Gouverneur  de  Nantes  ,  fait 
déclarer  le  Duc  de  Bretagne  contre  le 
Roi  Charles,  éff 

Lambert ,  Duc  de  Spolette ,  eft  excommu- 
nié par  Jean  VIII.  706 

Lambert ,  fils  de  Guy  ,  couronné  Em.pe- 

reurparlePape  Fgrmole.  Sa  mort,74o,. 

74Ï- 

Lan^tie  Romaine  ruftique,  5^70.  Lani^ue- 
Tudefque ,  ibid, 

Lecomunte  ,  (Jean)  Fauteur  des  Icono-- 
clafies  ,  dépofé  ,  614 

Lé^.us  du  Pape.  Comment  doivent  être 
choifis  ,  404 

Le^s  pieux  faits  par  un  Evêque  ou  un  Prê- 
tre. Ceux  qui  les  fraudent  l'ont  e.'vcom- 
muniés  ,  73  » 

Léon  ,  Empereur ,  furnommé  l'Arménien,, 
fe  déclare  pour  le  parti  des  Iconoclal- 
tC3,  674 

L?vn  ni.  fe  purge  des  accufations  for- 
mées contre  lui,  558  &  5  5^ 

Léon  Protofcriniaire  élu  Pape  fous  le  nom 
de  Léon  VIII.  766.  Dépofé  par  Jean 
XII.  7<;7.  Eftrétabli,  76S 

Léjreiix  admis  .i  la  communion  du  Corps 
&  du  Sang  de  Jefus-Chrift  ,  671 

Lettres  formées  &  canoniques  ,  6îll 

Liberté.  Où  il  y  s  nécellité  ,  il  n'y  a  point 
de  liberté,  417.  Il  y  a  trois  fortes  de 
libertés ,  lelon  laint  Bernard  ;  la  liberté 
naturelle,  la  liberté  delagrace,  la  li- 
berté i!e  la  gloire,  4î8 

Libre  arbitre.  Sentiment  d'Hildebert  , 
Evtquc  du  Mans ,  fur  le  libre  arbitre  ,. 
35.  De  liiitit  Bernard  ,         4:8  Crfuiv. 

Lii:inius  ,  (faint)  Evcque  d'Angers.  Sa- 
vie  letouchce  par  i\larbodc ,  43»/ 


719 


D  ES     M  A 

JJturgle  d'Efpnfne.  Citée  f.ar  iilipan:! 
pour  foiitrnir  Ion  erreur  ,  î  î  i 

lÀrrcs.  Les  Moines  de  l'Abbaye  de  faint 
Miiitin  à  Tournai  croient  oci  iipcs  en 
certaines  heures  à  tranfcrire  des  livres  , 

%.othaire  (le  Roi)  f.?it  déclarer  nul  fon 

mariai^e  avec  Thictberije  ,661.  Fpoule 

Tolemnrlleinent   Valdrade ,   &  la  fait 

couronner  Reine ,  66z 

Lothjire  ,  ï<h  a;nc  de  Louis  le  Débon- 
naire ,  prive  de  fes  Etats  par  le  Jugt;- 
ment  des  Evéqucs  ,  6!3&'fi4 

Louis  le  Débonnaire.  Sa  pénitence  à  At- 
tif^ny ,  5  89 

Louis  ie  Jeune  ,  Roi  de  France.  Son  dé- 
part pour  la  Croifhde ,  100.  Saint  Ber- 
nard lui  écrit,  ^66 

Louis   V'I.  furnonimé   le  Gros.    Sa    vie 

écrite  par  Suger ,  Abbé  de  Saint  Denis , 

149 

Louis  le  Bègue  ,  couronné  Roi  de  France 

par  le  Pape  Jean  VIII.  708,  Sa  mort , 

709 

Louis,  fils  de  £ofon,clioi<î  Se.  facré  Roi  , 

Lucius,  Pape.  Ses  lettres , 
M. 

\^  A  ce  H  A  B  K  E  s.  (  le?  lâints  )  Leurs 

J.Vl  Reliques  ap;  oitécs  à  Cologne  p.ir 
l'Archevêque  Reinoid  ,  347.  Pourquoi 
les  Macch;'.bées  l'ont  les  feuls  Martyrs 
de  l'ancienni  Loi  dont  l'Eglife  Catholi- 
que faiFe  la  fcrc  ,  ibid.  &  548 

Magnobcde  ,  (  f.'ini  )  Evéque  d'Angers,  Sa 
vie  retouchée  par  Marbode ,  47 

iMahomer.  Abréi;é  de  Ion  Hilloirc  &  de  la 
Dodrine  par  Pierre  le  V'encrable ,  4S9 

JMa'rJ.cs.  Devoir  tles  Curés  envers  les 
malades,  757 

jMainmprte.  L'Abbaye  de  Saint  Denis  avoit 
le  droit  de  Mainmorte  fur  les  Habif.ins 
de  Saint  Denis.  L'Abbé  Suger  leur 
remit  ce  droit ,  içi 

Malachie  ,  (  faint  )  Archevêque  d  Ir.'ande , 

meuit  à  Clairvaux  en  1148  ,  jS".  Sa 

vie  écrite  par  faint  Bernard,  43  y.  Ce 

qu'elle  contient  de  remarquable ,  Uid, 

&'  fuiv, 

fi/larhcde ,  Evcque  de  Rennes.  Lieu  de  fi 
naiifance  ,  44.  Son  érudition.  Il  eft 
choifi  pour  préfidcv  aux  Ecoles  d'An- 
gers ,  45.  Hft  contraint  d'accrpter  l'E- 
pifcopat  de  Rennes ,  iiiW.  Sa  mort. 
Ses  écrits.  Ses  lettres ,  ihid.  Celle  qui 
eftinfcrite  àRobertd'Arbrifelle  ne  porte 
Ip  nom  de  Marbode  dans  aucun  manuf- 


T  I  E  R  E  S.  to3 

crit ,  46.  /.îarDode  écrit  les  vies  de 
plufieurs  Saints  ;  de  Licinius ,  Evcque 
d'Angers  ;  de  Robert  ,  Abbé  de  la 
Chailc-Dieu  ;  de  Magnobode  ,  Evcque 
d'Angers ,  47.  Pocfies  &  autres  écritg 
de  Marbode  ,486-  fuii\  Jugement  de 
fes  ouvrages,  ji.  Editions  qu'on  en  a 
faites ,  44 

Mariage.  L'eflence  de  ce  Sacrement  con- 
lîrte  dans  le  confentement  des  perfor— 
nés  ,  exprimé  psr  les  paroles  du  tems 
prélênt  S.C,  217.  Dodrine  de  Robert 
Pullus  fur  le  Mariage,  i88.  Cas  de 
confcience  fur  le  Mariage  propofé  à 
Hugues  Mettellus,  25.  Un  Mariage  en- 
tre parens  dans  les  degrés  prohibés  ne 
doit  pas  fe  permettre ,  même  pour  termi- 
ner une  guerre  entre  denx  familles  ,  13, 
Cas  de  confcience  propofé  à  Hildc- 
bcrt,  Evcque  ilu  Mars ,  fur  le  M.'ria^'e  , 
iS.  Si  une  femme  coupable  d'adiilti're 
avec  le  fils  de  ion  mari  doit  en  être 
féparce  :  queftion  agitée  entre  Ar- 
nulphe  ,  Evéque  de  Rochefter,  &  Wnl- 
quelin  ,  Evéque  de  Vindfor,  61  &  6^. 
Ijn  Mariage  contraâé  par  une  perionne 
qui  a  fait  vœu  de  con:incnLe  efi  inCÀC- 
foluble  félon  faint  Auf^ullin  ,  414.  Re- 
glf  mens  des  Conciles  fur  le  Mariage  ; 
des  Conciles  de  Frioul  ,  550  ;  de 
ilayence,  çf.8  ;  de  Chalons-fur-Sone  , 
57 ^  ;ue  Rome,  597  ;  >ieD(-uzy,  6vS; 
de  Troyes,  708  ;  d'Aix-la-Chapelle  , 

Mmage,  La  diverlîté  de  Nations  &  de 
Loix  n'eft  point  un  empêchement  de 
mariage,  73^.  Reglemens  du  ConJIe 
de  Tribur  fur  le  mariage  ,  755.  Du 
Concile  de  Troflé  ,  747.  Défenfe  de 
contraéter  mariage  entre  les  parens 
jufqu'au  lîxiéme  degré  inclufivemcnt  , 
750.  Mariages  incellueux  condamnés  , 
7?î 

Marif.  (  la  fainte  Vierge  )  Traité  de  la 
VirHnité  perpétuelle  de  Marie  par  Hu- 
gues de  fiintVidor  ,  HjO-lIf 

Marie  d'Abbandon.  (  Hunte  )  Pèlerinage 
à  fon  Eglife  ,  777 

Martin.  (  laint  )  Ses  Reliques  Tapportée» 
d'Auxerre  à  Tours.  Fête  de  cette  tranf- 
lation,  74J 

Marin  ,  Diacre  de  l'Eglife  Romaine, 
Légat  du  Pape  au  huitième  Concile 
Général,  f  71 

MiVijre  (le)  fupplée  au  Baptême,     45  j 

M:ir'nrs  de  Cordoue.  Blimés ,  défenéus 
par  faint  F.uloge  ,  .  *37 

Mathilde,  DuchelTede  Ro'irçogne.  Saint 

1 1  i  i  i  i  j 


So4  TA 

Bernard  lui  écrit  touchant  un  mariage 
de  les  Sujets ,  349 

M-ivence.  Il  ttoit  d'ufage  qu'en  rabfence 
du  Roi  des  Romains  ,  l'Archevêque  de 
J\1ayence  fut  le  Gardien  Se  Régent  du 
Royaume,  527 

i3eiif:nde  ,  Reine  de  Jerulalem  ,  jéj.  S, 
Bernard  lui  écrit ,  578 

MerCvour^ ,  Evcché  ,  fupprimc,  784 

Mejjè.  Les  anciens  Chartreux  la  difoient 
rarf^ment ,  156 

Mejj}s  Si  Prières  ordonnées  pour  le  Roi 
Charles  ,  5*4 

Mejfg  quotidienne  de  !a  Sainte  Vierge  éia- 
blie  dans  l'Ordre  de  Cluni,  514 

Mefe  de  ia  Sainte  Trinité.  Extravar^rae 
d'un  Moine  qui  difoit  chaque  jour  une 
Alcfie  de  la  Saince  Trinité  ,  pour  le  d*- 
pcriflement  de-  la  profpérité  tempo- 
relle &  la  fantc  de  fou  Abhé  &  de  i'on 
Pre ,ot ,  ^  î ^  &-  î î y .  Dcicnre  aux  Fro- 
tre^  de  clianter  feus  la  M:"S'',  s  68.  Dé- 
fènfe  de  dire  la  iVîefTe  dans  un  Oratoire 
particulier  ans  ia  permillion  de  l'Evé- 
que  Diocèfain ,  <9-4.  Etdans  des  iVlai- 
font  5c  dans  des  Jardins  ,  6oj 

i^ejjes  célébrées  pour  les  Morts,  148, 
196  C-"  Î97.  Trentains  de  Meiles ,    f  1 6 

i-'Sjje.  Défen(e  de  la  célébrer  ailleurs  que 
dans  le-  lieux  conftcrés  par  l'Eveque  , 
716  ,  7z8  ,  770.  On  ne  peut  dire  que 
trois  Meflcs  au  plus  en  un  jour  ,       770 

Mefurts.  Défenfe  auxLaics&aux  Clore  s 
d'avoir  de  faux  poida  &  de  différentes 
melurcs ,  boj 

Metsllus.  (  Hugues  )  Ses  ctuder.  Se  fiiit 
Chanoins  régulier  dans  l'Abbaye  de  S. 
LeonàTûul,  iif.  Ses  écrits  ;  les  let- 
tres ,   n.6.  Oespoéfies,  137 

iWirac/f^.  1. ivres  dos  Miracles  par  Pierre  le 
Vénérable  ,  ^  1 1 

Mûines.  Traité  du  pouvoir  qu'ils  cmtde 
prêcher,  115.  Leurs  habits ,  114.  Re- 
gleraens  pour  les  ?.loincs,  faits  danj  les 
Conciles  de  Conftantinoplc  ,  «■•58;  de 
Mayence  ,  ')66  t>  567  ;  d'Aix-la-Cha- 
pelle ,  î8(î&'î87;de  Verneuil ,  617  y 
de  Me^iux  ,  <^ii 

Monajkns  donnés  aux  Laies,  6rè.  Dé- 
fenfe à  qui  que  ce  foit  d'entrer  dans  les 
Monafteres  de  Filles,  fans  la  perniif- 
/îon  de  l'Eveque  Diocefain  ,  550.  Rè- 
glement du  Concile  d'Arles  pour  les 
Alonaftcros  des  Filles,  564  &  ^6$ 

Menajlfret.  Leur  décadence  ,  74*.  Grand 

nombre  de  Monafteres  bâtis  en  An-'le- 

terre ,  7 " 4 

Monbonds.  Il  ctoit  d'uliige  dans  les  Monaf' 


BLE 

teres  de  mettre  les  Moribonds  fiir  li 
cendre  &  fur  le  cilicc  Sfc.  30? 

3^orf.r.  Défenfe  d'enterrer  dans  les  Eglifês 
les  morts,  fi  ce  n'eft  un  Evêque,  un 
Abbé  ,  un  Prêtre  ou  les  Laïcs  fidèles  , 
568.  Les  prières  &  les  fotfrages  des  vi-- 
vans  pour  les  morts  rejettes  parles  Pc-* 
trobufiens  ,.  foo.  Ces  Hérétiques  font 
réfutés  par  Pierre  le  Vénérable  ,       5,09 

Moury  ,  en  Suille.  Les  actes  de  la  Fonda- 
tion de  cette  Abbaye  font  cftimés  d« 
plu'îetirs  ;  quekjres-uns  doutent  de  leur 
autorité  ,  5  55».  Apologie  de  ces  artes. 
Critique  de  l'Apologie  ,  540.  Lesaâea 
de   1  origine  de  Moury  écr  ts  dans  le 

•  douzième  fiécle  ,  <;.vz.  L'Auteur  de  ceâ 

actes  eft  Conrad  ,  Abbp  de  Moury.    Ce 

qu'il  y  a  de  remarquable  dans  ces  actes  , 

Î4J  Cr"  luivi 

M'-'u-;on  Le  Pape  Tean  Xlli.  confîr.Tie 
ré;a'jliirement  d'un  Aionai-iere  à  Mo?:- 
_z.on,  774&'77?( 

Morambes.  Le  Pape  Eugène  III.  leur  or- 
donne de  fe  conformer  à  la  pratique  da 
lEglilë  Catholique  ,  107J 

N. 

NA  R  B  o  N  N  E  reconnue  I\IétropoIe  en  ■ 
Eipaïine,  738;- 

J^dcrolo^es,  Leur  ufage  dans  les  Monat 
teres ,  496 

hi.ée.  L'Fglife  Romaine  reçoit  les  Dé- 
crets du  fécond  Concile  de  Nicée  au 
fu jet  des  Images  ,  714 

Nicephon  ,  Patriarche  de  Conftantinople  , 

refufe  d'entrer  en  conférence  avec  les 

Iconoclaftes ,  575.  Eli  envoyé  en  exil  , 

57^ 

N'icepkore  Phoeas  ,  Empereur  ,76,5.  Cou- 
ronné par  le  Patriarche  Polyeude  , 
767.  Epoufe  Thcophanie  ,  ibià. 

îsicolas   I.  Pape  ,   dépofé  par  Photius  ,^ 

661 

Nico!.^.i-  ,  Secrétaire  ie-  fa-nt    Bernard, 
abuf;  de  fon  Si. eau  ,  379.  Sort  furtive-  • 
ment  de  Clairvaux  ,  380 

Nûmenoy  ,  Duc  de  Bretagne,  i5 19. Oblige 
quatre  Evcoues  Bretons  Simoniaques  de 
renoncer  à  leurs  Sièges,  fjo.  Les 
l'vcques  dç  France  lui  écrivent  une 
Lettre  pleine  de  reproches  &  de  mena-» 
ces,  6:51.  Mort  de  Xomenoy  ,      ^31 

None  diftinguée  de  la  dixxueEcclélîaftique, . 

6i» 

Nord.  Adam,  Chanoine  de  Brème  ,  tra- 
vaille à  l'Hifloiie  des  Egliles  du  Nord  , 

r 

hWiihJns.  Ih  font  le  Siège  de  Cologne  ,  j 


DES    MA 

ïiùrthilie ,  femme  nobK  ronvoycc  au  ju- 
freiiiennles  Laïcs  maries  ,  éo8 

îsovkcs.  Comment  admis  dans  les  jMo- 
nafteres ,  587 

O. 

OC  iiTR  I  c,  Moine  fçavant,  élu  Ar- 
tlicv>.que  (le  Maçilebourg  ,  777  &* 
77S 

Cdairic,  Archevcquf  fie  Reims,  excom- 
munie le  Comce  Regi'-nold  ,  7^} 

Odoacre  ,  (lu  Evéqur  de  Beauvais,  Hinc- 
ni.-:r  ùe  Rtinis  s'yoppofe  ,  l'excommu- 
nio,  _  _   ^  7ij 

Cdon- ,  Abbé  de  Saint  Reml  à  Reims, 
joi.  S^  lettre  au  (^om  te  l'homns ,  30i 

Cdon  ,  Archevêque  de  Cantorbcri.  Ses 
Statuts  ,  .755 

Cr.iKon  Dominicale.  Le?  pères  &  mères 
fom  oLligé»  de  l'apprendre  à  leurs  en- 
fans ,  770 

CJfu  j.Roi  des  Merciens  ,  fonde  un  Mo- 
nrliere  en  Ihonneur  de  laint  Alban  , 
Maityr,  ffî 

Oldriirure,  (Czint)  Abbé  de  Saint  Ruf, 
puis  Evéque  de  IJarielonue.  11  eft  fait 
Archevêque  de  Tarragone  ,  ;oç.  Il 
rétablit  cette  Ville,  306.  Aflîftc  au 
Concile  de  Latvan  ,  ibid.  Tient  «n  Con- 
cile à  Bsrcelonne  ,  ibid.  Procure  la  paix 
entre  le  Roi  d'Arragon  Se  celui  de 
Cai'i!le.  Ftabljt  un  Gouverneur  à  Tar- 
ra^onne,  506  &'  307.  Il  fonde  lui  Hô- 
pital &  une  Aîailon  de  Templiers  ,   307' 

0ri:(/on. Dominicale.  Saint  Bernard  défa- 
prouve  la  coutume  des  Religieufcs  du 

^  Paraclct  ,  qui  difoient  en  l.i  récitant: 
Doniie^-iwus aujourdhui  notr: pa'iHfiipfr- 
fubjldntiel  ;  (y  nonpas  notre  pain  quin- 
èien ,  171  &'  171.  Commentaire  d'A- 
baillarJ  fur  l'Oraifon  Dominicale  ,176 
&177 

Ôrarium  ou  étole.  Il  eft  ordonné  aux  Prê- 
tres de  la  porter  toujours,  567- 

GrMoires  doinefliques.  Défenfe  dV  célé- 
brer la  Mtile,  '      6i? 

Qrdfric  Vital  Sa  nailTance ,  137.  Ses 
études.  11  ett  admis  dons  le  Clergé , 
i  3  i^.  Il  embraile  la  profclfion  monaftî  • 
oue  ;  eft  promu  aux  Ordres  facrés  , 
jUd.  Ses  écri's.  Son  Hiftoire  Ecclé- 
iîaftique  divifée  en  treize  livres  ,  139 
&"  fuiv.  Jugement  de  cette  hiftoire; 
édition  qui  en  a  été'faitc  ,      zi^'^ù'z^^ 

Criin.inon.r.  Défenfe  d''ordonner  des 
Clercs  fans  les  attacher  à  quelque  Egli- 
fe  ,  554.  Ordinations  faiies  par  Eb- 
bJon  depuis  fa  dépofition  déclarées  nul- 


T  I  E  R  E  S.  80; 

les ,  6  j  $ 

Crdination,  Règles  fur  les  Ordinations , 
785.  Examendes  Ordiuaiis ,  737,  Dé- 
fenfe de  procurer  l'ordination  à  quel- 
qu'un ou  par  faveur  ou  par  vàe  des 
prclens,  737 

Origtne.  Saint  Eernard  rejetts  plufîeurs 
endroits  de  fes  écrits  ,  S;  conseille  à  (es 
Auditeurs  de  ne  les  lire  qu'avec  précau— 
tfon ,  447 

Ofbert  de  Stocl  ecl;  te  ,  Moine  Bénédictin, . 
écrit  plufieurs  vies  des  Saints ,  301 

Otton  couronné  Empcrei'r  par  le  Pape 
Je.in  XXII.  7(^4.  Son  Diphjme  en  f'- 
veur  de  l'Eglife  Romnine  ,  iti.',- 

Otton  m.  Sa  coaftitutioii  pour  obvier  aux 
fréquentes  aliénations  des  biens  de  l'V- 
glile  ,  785.  L'Empereur  fait  un  fécond 
voyage  h  Rome  ,  ibid^ 

Cttrim  ,  Archevêque  de  Vienne  ,        7:0' 

Oviido  érigée  en  Métropole  ,  636 


PAiN  b'ni  diftribué  en^çIu/îeursE^liïeg  ■ 
aufortirdcla  MeîTr,  i8î> 

i'iib:.  ('oncile  de  Poitiers  en  lo^o  pour' 
rétabLr  la  paix  ,  la  jufike  &  la  difv.ipiii:e 
deTEglife,  7S5  &  786 

Fallium.  Métropolitains  obligés  de  lede-- 
mander  à  Rome  dans  trois  mois,  704, 
Il  leur  eft  défendu  de  s'en  fcrvir  en  d'au- 
tres jours  qu'aux  jt-urs  marqu.'s  parle 
Siège  Apofiolique  ,  70^ 

Piïpi  ,  ainfi  nommé  ,  parce  qu'il  el'i  le  Père 
des  Feres ,  iiS.  En  quoi  conrfie  fon 
Oifice  ,  ihld.  I.e  Pape  juge  tous  les 
Evcqucs  ,  mai'  on  ne  lit  point  que  per- 
fonne  l'ait  jus^é.  Sentiment  du  Pape 
Adrien  II.  66i).  Défenfe  d'écrirecontr*  ' 
le  Pape  fous  pr;-texte  de  quelques  pré- 
tendues accufations  ,  68/-.  Quels  font- 
les  devoirs  attachés  à  la  dignité  de  Pape, 
4^o.  Quelle  eft  la  dignité  &  l'autorité 
du  Pape  félon  faint  Bernard,  ihid.  Il 
n'appartient  qu'au  Pape  de  dépoler  lin 
Evcque  ;  il  parta.^e  avec  d'autres  le  foin 
d'une  EgliCe  ;  mais  il  eft  le  foui  qui  ait 
la  plénitude  de  la  puilfance  félon  le 
mcm.e  Père  ,  370 

P«pf.  Confertement  de  l'Empereur  pour 
l'éleétion  du  Pape  ,  740.  Défenfe  Aq- 
piller  le  Palais  Patri.irchal  après  la" 
mort  du  Pape,  741.  Rcgiemein  pcuo 
1  élcflion  du  Pape,  7(4  ù'7^') 

Pâ^ue.  Le  Concile  de  Meaux  ordonne  de 
fctcr  rOélave  de  P.iques  entière  ,     615. 

Piradet.  I\Ionaftere  fondé  par  Abai'Ltd  ,- 

IXiii  ii}. 


So<f 


TABLE 


i??.,  qui  compofe  une  re^le  pour  les 

Reiigieules  de  ce  Monaftere ,  ifif'  &• 

fuii'. 

Pâ]Ufs.  La  femaine  entière  fètce  ,      759 

Parains.  Leur  devoir  ,  iS',  0"  283,  600, 
Direnfe  de  recevoir  pour  Parain,  foit 
au  Baptême  ,  foit  à  la  Confirmation 
ceux  qui  font  pénitence  publique ,    (^04 

Parains.  Dt'fenfe  d'en  admettre  deux  dan-s 
un  Baptême  ,  71S 

Patrimoine.  Dcfenfe  de  demander  les  pa- 
trimoines de  rF.fli  e  Romaine  en  Bc- 
néfic»:s  ,  705.  Patronage  Lnic,       ^71 

PatroluhTiic ,  564 

Pflfronx  des  Eglifes,  7.;;.  Il  leur  eft  dé- 
fendu d'y  mettre  des  Prêtres  ou  de  les 
en  ôter  fans  la  permifllon  de  l'Eveque  , 
7Î9.   7^:5. 

Paul ,  Evéque-Légat  du  Paoe  au  Concile 
de  Conftantinople  pour  le  rétabliJîè- 
irient  de  Pliotius  ,  711 

Paulin  ,  Patriarche  d'Aquilée  ,  ti-ent  un 
Concile  à  Frioul  ,  ^48 

PduluI.U':  (  P.obert  )  Prêtre  del'Eglife  d'A- 
miens. Ses  écrits,  x  16  £7-117 

Péché  originel.  Avant  Jefùs-Clirift  il  y 
avoit  d'auties  remèdes  que  le  Baptême 
pour  la  rémilTion  du  péché  originel  , 

Ptlerina^es  qui  fe  faifoient  à  Rome  ou  à 
Tours  par  des  Prêtres  &  des  Clercs.  On 
en  conJamne  les  abus ,  <t\.  Hildebert 
Lvcque  du  IVlnns ,  ne  condamne  pas  les 
pélcrmages  ;  mais  il  veut  que  le  motif 
«n  foit  raifonnable  &  religieux,  17.  Il 
détourne  le  Comte  d'Angers  du  pèleri- 
nage de  faint  Jacques  ,  ibiâ.  Il  eft  plus 
expédient  qu'un  Moine  faiïe  pénitence 
flans  fon  Monallere  ,  qiied'errerdePro- 
vince  en  Province  fous  prétexte  de  pè- 
lerinage ,  3^,5 

Vémten'-e.  Règles  duConcdc  de  Toers  , 
Î70.  Du  Concile  de  Ch.îlons  fur  la  Pé- 
nitence, ^7'..  Quels  livres  péni-entiels 
on  doit  fuivre  ,  575.  Certains  pénitefi- 
liels  pleins  d'erreurs.  Il  eft  ordonné 
aux  Evoques  d'en  faire  la  recherche  & 
«le  les  briller,  601.  Règles  du  Concile 
de  P^iris  ,  doi  &-  ^05.  Du  Concile  de 
Mayence,  Ci. 9  0  (Siy.  Du  Concile  de 
Vormes  fur  la  Pénitence  ,  671  C"  'i/i 
Pénirenct.  On  contraignoit  .à  la  pénitence 
par  l'autorité  féculiere  ,  7;^.  Péniten- 
ces canoniques  nu  neuvième  fiécle. 
Canons  du  Concile  l'eTribur,  7;?&' 
fuiv.  Règles  de  la  Pénitence ,  771  &< 
771.  Pénitence  impofée  à  ceux  qui 
fi'ctoiejit  trouvés  à  la  bataille  de  Soif- 


Ions ,  7Î0,  7f!.  Rachat  dej  Péniten- 
ces, .  .  7îr  ,  771  Sr'77î 
Pépin  ,  Roi  d'Aquitaine ,  r;fti:ue  les  bi.'ns 
Ecclé/îaftiques,  dont  lui  Se  [es  Seigneurs 
s'éroient  emparés  ,  6oy  ù'  6ia.  Mort 
de  Pépin  ,  611 
Pépin  le  jeune  ,  fils  de  Pépin  ,  Roi  d'  aqui- 
taine ,636.  Le  Roi  Charles  lui  fait 
coupe  ries  cheveux,  &  renfermer  dans 
le  Monaftere  de  faint  iVIédar.i  de  Soiii 
fons ,  6JS.  Pépin  fe  fauve  du  Monaf- 
tere ,  63T 
P4iiLa^athi  ,  Antipape  ,  connu  fous  le  nom 
deJeanXVI.  7i} 
Photius  ordonné  Patriarche  de  Conftanti- 
nople ,  dépo'e  Ignace  &  lui  dit  ana- 
theme  ,  é4>).  Eft  privé  de  tout  honneur 
facerdotal  ,  663.  Dépofe  le  Pape  Ni- 
colas I.  ^60.  Le  Pape  Adrien  a  frappé 
julqu  à  trois  fois  Photius  d'anatheme  , 
669.  Les  aftes  du  Conciliabule  de  Pho- 
tius font  foulés  aux  pieds  &  jettes  au  feu, 
66?.  Afllfte  au  huitième  Concile  gé:ié. 
rai  ;  refufe  de  donner  fon  libelle  d  abju- 
ration ,  680.  Ailèm'ule  un  Concile  pour 
fon  rétabliflement,  7 1  o  ^fuiv.  Photius 
eft  condamné  &  rejette  par  les  fuccef- 
feurs  de  Jean  VIII.  par  Marin  II.  par 
Adrien  !II.  par  Eiiienne  V,  &  par  For- 
mofe ,  718 
Pierre  (  faint }  a  été  vingî-çinq  ans  à  Rome, 

50S 
Pierre ,  Maurice  ,  furnommé  le  Véné- 
rable ,  470.  Eft  fait  Abbé  de  Cluni  ; 
y  rétablit  le  bon  ordre  ;  eft  invité  i 
divers  Conriles  ,  471.  Fait  deux  fois  le 
voyage  de  Rome  ,  ibiJ.  &•  471.  Voya»e 
de  Pierre  (Je  Cluni  en  Efpagne  ,  471. 
Sa  mort  ;  fes  écrits  ,475.  Ses  Lettres  , 
ibid.  (y  fui:'.  Son  apologie,  476  ù"  fuiv. 
Suite  des  Lettres  i!^  Pierre  de  Cluni, 
48  I  fr  fuiv.  Son  Traité  contre  les  Juifs, 
490.  Sa  tradudion  de  l'Alcoran  ,  &  (a 
réfutation  ,  foo  ù"  ^ot  ,  ^oi  ,  ^03, 
Son  Traité  contre  les  Petrobuflens  , 
Î04  (y  fuiv.  Sentiment  de  Pierre  de 
Cluni  fur  la  préfence  r'eile  ,  ^oS.  Ses 
Sermons  ,  j  ro.  Ses  deux  Livres  i!es 
miracles  ,  î  1 1.  Ses  Hrmnes  &  Ces  Poë- 
/îcs  ^  r  t  &*  5 1 1.  Ses  StaMitj  ;  ce  qu'ils 
contiennent  de  rcma-quable  ,  çii  &• 
fuiv:  Son  Traité  du  facrificede  la  Meffe , 
Ji4£7'îiî.  Charte  de  Fondation.  Etat 
je  l'Abbaye  de  Cluni ,  ^  ifi.  Ju;cment 
des  écrits  de  Pierre  de  Cluni  ,  J17 

Pierre  ,  Evcque  de  Verdun  ,  fe  juftifie  par 
le  jugement  de  Dieu  dans  le  Concile  de 
Fraacfort ,  554 


1 


DES    MA 

Pierre  ,  Patri;'. relie  ùc  Gavle  ,  704 

Pierre  ,  Protre-CarJinal-Lcgat  ,  pour  le 
rctabiiilèmcnt  lie  l'horius  ,  711 

Pierre  de  h  Chafirc  ,  clû  Archevêque  de 
Kourgcs,  eft  lacré  par  le  Pape  Inno- 
cent ,  56^.  Se  retire  fivms  les  Tcrrci  de 
Tliibaud  ,  Comte  de  Champagne  ,  ^66 

Pierre  de  l'iie  ,  Cirîinal.  Saine  Bernard 
le  réconcilie  avec  le  P;'pe  Innocent  II. 
31?.  Pierre  eft  prive  de  fa  dignité  au 
Concile  de  Latran.  Saint  Bernard  s'en 
pliiint  au  Pape  ,  ibid. 

Pierre  de  Léon  ,  Cardinal ,  clii  Anti-Pape 
fous  le  nom  d'Anaclet ,  S f 

Piurre  de  Honeftis ,  Fonde  un  Monaftere 
au  Pûit  JeKavcnne.  Sa  mort ,  77.  Pierre 
compofc;  une  règle  qui  eft  confirmée 
par  PafchaL  II.  78,  AnalyTe  de  cette 
règle  ,  ilid.  S^fuiv. 

Pierre  as  Bruis.  Ses  erreurs  réfutées  par 
Pitrte ,  Abbé  de  Cluni ,       504  0"  fuiv. 

Flaids  publics  &  féculiers.  D.'fenfe  d'en 
tenir d.ms  les  Parvis  des  Eglifcs  ,      "j^^ 

Pillages  fréquens  au  neuvième  fiécle  occa- 
lîonnent  la  ruine  des  Eglifes  &  des 
Monnfteres,  7ii 

Plegmoni  ,  Archevêque  de  Cancorberi , 

7;o 

Foheuâe ,  Patriarche  de  Conftantlnoj)lf, 
dcfaprouve  le  mariage  de  Nicephore 
Phocas  avec  Theophanic  ,  767 

Pû.'ice  ,  Abbé  de  Cluni ,  renonce  à  cette 
dignité  ;  veut  la  reprendre  ,  85.  Il  eft 
excommunie  p;;r  Pierre  ,  Caidinal- 
Légat ,  ibid.  Le  Pape  accorde  à  Ponce 
une  fépuliurc  honorable  ,  84 

Pons  de  LazaîC.  Sa  converlîon  ,.  134 

PrédeHinanon.  Dodrine  d'Hildebert , 
Evéque  du  Mans  ,  fur  ce  fujet,  iS. 
d'Alger  ,  z66  t>  167,  Les  quatre  fa- 
meux articles  de  Quiercy  fur  la  prédef- 
rination  ,  la  réprobation  &  la  grâce , 
640.  Canons  du  Concile  de  Valent e 
fur  la  prédeflination  &  la  grâce,  645 
^  [un: 

Prescience.  Différence  qu'il  y  a  entre  la 
prefcience  &  la  prédeftination  ,  34 

Prèirs.  Perfonne  ne  doit  être  ordonné 
Prêtre  avant  l'âge  de  30  ans.  Canon  du 
Concile  de  Tours  ,  ',6^.  \]n  Prêtre  ne 
peut  célébrer  l'Ofiîce  dans  une  Paroilfe 
étrangère  fans  Lettre  de  recommanda- 
tion ,  ibid.  ]\hniere  dont  un  Prêtre 
acculé  doit  fe  juilifieriS;  de  la  qualité  des 
Témoins  t\:  des  Accufatcurs  ,  560. 
Prciie  dégradé  comment  traité  ,     573 

Pritres.  On  peut  prier  en  tou  e  langue  , 
5  H.  Prières  pour  les  iMons-àla  Alcfie, 


T  I  E  R  E  S.  S07 

65;.  Société  de  prières  pour  les  i\lorts, 
6  '1 3 

Primauté  de  l'Eglife  Romaine  fur  toutes 
les  Eglitès  ;  elle  a  dro;i  de  décider  les 
queftions  de  la  Foi ,  uy 

Profi-£ion.  lleligieufe.    Saint    Bernard  ïa 

reijarde  comme  un  fécond  Baptcme  , 

5  /  î , 414 

Puijjance.  L'Eglife  eft  gouvinicc  par 
deux  Puiiiances,  la  Sactrdotale  &  la 
Royale  ,  599.  Traité  fur  la  PuifTance 
Rovale,  746-  fuiv.  La  Puiffance  Sa- 
cerdotale &  la  Royale  font  établies  de 
Dieu  pour  le  faiut  &  ia  pai;;  de  l'homme, 

Puiffance.  Diftinc'lion  de  la  Puiffance  fpi- 
rituelle  &  temporelle,  yu. 

Pallus  i  Robert  ;  Cardinal  &  Cliancelier 
de  l'Eglife  Romaine,  175.  H  rétablit 
l'Académie  d'Oxfort ,  ell  aimé  du  Roi 
Henri  ;  il  pa.Teen  France, puis  à  Roine^ 
ibid.  Le  Pape  Innocent  II.  l'appelle  i 
Rome.  Lucius  II.  le  fait  Cardinal  i7(;. 
Saint  Bernard  écrit  à  Pullus  ,  ibid. 
Monde  Robert  PuUus,  C'eil  le  premier 
Cardinal  Anglois  que  l'on  connoit  , 
ibid.  Ses  Ecrits  ;  fes  Livres  de  Senten- 
ces ;  leur  Analyle  ,  177  O-fuly, 

Purgatoire.  Senjiment  d'Hildebert  du 
iMans  ,  50,  &  de  Robert  Pullus  fur  le 
Purgatoire,.  lyg 

Purijtcidon.  Le  jour  de  cette  £.te  on 
portoit  des  cierges ,  30 


QUenulfe,  Roi   des  Merciens , 
affifte  au  Concile  de  Celchvte  ,    5  84 
Quijïun  ou  tortures.  Il  ne  convient  pas 
aux  Prenes  de  la  faire  donner,  14 

Quiercy.  On  y  tient  un  Concile  en  853. 
On  y  dreffe  quatre  articles  contre  la 
doftrine  de  Gothcfcalc  ,  640.  Ces 
quatre  articles  drellcs  par  Hincmar  , 
font  réfutés  par  Remy  ,  Archevêque  de 
Lyon,  é43, 

R. 


R 


A  o  u  L  ou  Rodolphe  ,  fils  de  Conrad 
II.  fe  fait  élire  &    couronner  Roi , 


Ranhan  ,  Archevêque  de  Mayence  ,    al- 

fenible  un  Concile  pour  travailler  à  la 

rêformation  de  la  «lifcipline  de  1  Egliie  , 

6i(.  Canons  de  ce  Concile,  62.6   Gf 

fuiv,- 

Ridebcton  ,  Comte  de  H.iblbourg ,  54» 


8o8 


H^idigonde  ,  (  fninte  )  Reine  de  Frain.e.  6.1 
vie  écrite  par  Hildebert ,  Eveque  du 
Mans,  5 1 

Refti-unon.  Sa  néceffité,  71  j 

-,Rob;rt ,  Roi  de  France,  cpoufe  Berthefa 

■•    parente,  784.  Le  Concile  de  Rome  en 

99S  lui  impofe  une  pénitence  de  le;  t 

■■      ans,  7S4 

■  Raingarde  ,  mère  de  Pierre  le  Vénérable  , 

470.  Sa  mort,  4S?.   Son  fils  ordonne 

un  trcntain  de   Mellès  &  des  aumônes 

pour  le  repos  de  fon  ame  ,  48^ 

Rûdo.ilde  ,  Légat  du  P;ipe  ,  dcpofé  &  ex- 
communié par  le  Pape  Nicolas  l.  66^ 
ù-  666 

Règle  de  faint  Benoit.  Si  tout  ce  qui  eft 
contenu  dans  cette  Règle  eft  de  pré- 
ceote  ,  ou  s'il  y  a  quelques  articles  qiii 
ne  foient  que  de  conleil ,  411 

Rameaux.  A  la  Procedlon  du  Dimanche 
des  Rameaux  ,  on  portoit  des  fleurs  & 
des  palmes ,  que  l'on  bénifloit  enfem- 
ble,  30 

Riixnaui  ,  Eveque  d'Angers  ,  perfécute 
Marbode  ,  4Î 

Reliques.  Refpeft  qui  eft  dû  aux  Reliques 
des  Saims  ,  5^  i  o  &'  j  1 1 

Religiiufes.  Reglemens  des  Conciles  pour 
les  Rcligieufes  ;  du  Concile  de  Frioul , 
îîo  £•"  5 5  I  ;  du  Concile  de  Paris,  6iz  , 
fîi  j  ;  du  Concile  de  Verneuil ,  617  ;du 
Concile  de  Meaux,  613  ;du  Concrle 
de  Mayfnce  ,  fi8  ;  du  Concile  de 
Toufi ,  6')6 

Reiienus  des  biens  de  l'Eglife.  Leur  em- 
ploi ,  1  •  (î 

Ricuin  ,  Eveque  de  Toul  ,  envoyé  un 
Pénitent  à  laint  Bernard  pour  le  conful- 
ter  fur  fa  conTcience  , .  541 

Robirr ,  (  fiint)  Abbé  de  la  Chaife-Dieu. 
Sa  vie  retouc'ice  par  Marbode  ,         47 

Robert  ,  coufin  germain  de  ftint  Bernard  , 
attiré   a  Cluni  ;  renvoyé   à  Clairvaux , 

■  ^  \        ?3°  ^  3?' 

Rodulpke  ou  Raoul ,  Abbé  de  Saint  Tron, 
68.  Sa  mort,  6i).  Ses  écrits.  Une  Chro- 
nique de  Ihint  Tron  ,  09.  Une  vie  de 
faint  Lietbert  ,  Eveque  de  Cambrai. 
LJne  lettre  a  Sibert  ,  Prieur  de  (îiint 
Pantaleon  à  Cologne  ,  70.  Analyfede 
«ette  lettre,  71.  Ecrits  de  Raoul  nç)n 
imprimés,  71 

iiogations.  Le  jeûne  &  l'abAinence  en 
ctoient  indifpenfables  du  tenis  d'Hildc- 
bert  du  Mans  ,  1^.  Il  eft  ordonné  d'y 
marcher  nuds  pix;ds  avec  la  cendre  iï  le 
cilice ,  •if'J 

f^oger ,    Comte  de  Sicile.  Excommunié 


TABLÉ 


pa-  ie  Pape  Honoriu?  IT.  85.  Fait  fit 
paix  avec  le  P.ipe  ,  ibid.  Innocent  II, 
confirme  â  Roger  le  Royaume  de  Sicile 
avec  le  titre  de  Roi ,  51 

fiojif.  Ufage  de  couronner  les  Rois  à  tou- 
tes les  grandes  folemnités ,  371 

Rom.iins.  Ils  veulent  îè  ictablir  dans  leur 
ancienne  autorité  ,  ?5  &"  96.  Sakit 
Bernard  en  fait  un  portrait  odieux ,  40  j 

Rohaie  ,  Evc<jue  de  Soiiîons ,  privé  de  la 
communion  épil'copale  par  Hincmarde 
Reims  ;  appelle  au  Pape,  660.  Mais 
malgré  fon  appel  eft  dcpofé  &  mis  eii- 
fuite  en  prifon  dan.^  un  Monjftere,  ibid. 
Le  Peuple  demande  fon  réta  lilîëment, 
^64.  Les  Evéq'ies  du  Roymme  de 
Charles  écrivent  au  Pape  Nicolas  pour 
le  prier  de  confirmer  la  dépofition  do 
Robade ,  6^4.  Le  Pape  Nicolas  I.  prend 
fa  défenfe  &  le  rétablit ,  6i6 

Rupert ,  Abbé  de  Tuy.  Son  éducation  ; 
fa  fcience  miraculeufe  ,111.  Il  eft  fait 
Prêtre  ;  pafle  au  Monaftere  de  Sibourg  ; 
eft  choifi  Abbé  de  Tuy  ,  lii.  Fait  un 
voyage  en  France.  Sa  mort,  113.  Ca- 
talogue de  fes  ouvrages ,  ibid.  Ses  écrits 
fur  l'Ecriture  faime,  1 14,  1 15  &•  117. 
Ses  autres  écrits  ,  1 1 5  &<  fuiT.  Senti- 
ment de  l'Abbé  Rupert  fur  1  Eucharifiic, 
i.iy  &'  fuiv.  Jugement  de  les  écrits. 
Editions  qu'on  en  a  faites  ,     :  3 1  &-  1 3  j 


SAcFRDOS,  (  faint  )  Eveque  de  Li- 
moges. Sa  vie  écrite  par  Hugues  de 
Fleuri,  y  6 

Sacremens,  Le  défaut  de  probité  dans  4e 
Miniftre  n'empcche  ni  la  validité  ni 
l'effet  du  Sacrement  ,  46.  La  validité 
des  Sacremens  ne  dépend  ni  -de  la  foi 
ni  de  la  piété  du  Minillre  ,  ici.  Les 
Sacremens  conf'rrc^  par  les  Schifmati- 
ques  font  valides,  mais  inutiles  à  ceux 
qui   font  dans  le  fchifme,  z6^ 

Sûcrifice.  Un  Prctre  (  Latin  )  qui  offre  le 
Sacrifice  avec  du  pain  commun  ,  pécha 
plutôt  contre  la  coutume  que  contre  la 
foi.  Sentiment  d'Hildebert,  Eveque  du 
Mans,  zo  Cr  11.  On  ne  doit  offrit 
flans  le  Sacrifice  de  l'Autel  que  du  pain 
&  du  vin  mclc  d'eau,  67  j.  Traité  de 
f  ierrc  ele  Cluni  fur  le  Sacrifice,  5  14  &• 
fuiv. 
S:icriiegf.  Ce  que  c'eft  que  le  facrilege; 
combien  il  y  en  a  d'cfpeccs  ,  746,  Ana- 
thén.rs  prononcés  contre  les  coupables 
de  ce  crime  ,  ibid. 

Saints^ 


DES    MA 

Saintt,  Les  âmes  de  Saints  qui  rognent 
déjà  avec  Jefus-Chrift  ,  gavent  ce  que 
nous  faifons  ,  &  prient  pour  nous  lors- 
qu'il en  eft  befoin  ,  1 1.  Leur  intercef- 
fxon  ,  389.  Dcfenfe  de  transfcrer  les 
Corps  des  Saints  fans  la  perinillîon  du 
Prince,  ^68 

Sandales  pontificales.  En  France  elles 
étoient  ouvertes  par  defïïis  ,  enibrte 
qu'on  vovoit  le  pied,  15.  Adrien  IV. 
accorde  à  VCibald  ,  Abbc  de  Curbic  , 
Tufage  des  fandales  &  de  la  daimatique 
dans  les  principales  folemnitcs  de  l'an- 
née, ■  Jj8 

StLtisfaâion.  Doftrine  de  Robert  PuUus 
fur  les  œuvres  fitisfaftoires  ,  186 

Saxe  réduite  en  Province.  L'on  y  criée 
huit  Evêchés  ,  3.  Schifmatiques.  Réu- 
nion des  Hvéques  Schifmatiques  au 
huitième  Concile  ,  £74.  Réunion  des 
Prêtres,  des  Diacres  &  des  Soùdiacres. 
Le  Patriarche  Ignace  leur  impole  des 
pénitences,  67  ^ 

Sens.  Son  Archevêché  érigé  en  Primatie 
en  faveur  d' Anfegife ,  701 

S:!j)ulture.  Défenfe  de  rien  exiger  pour  les 
fjpultures  ,  &  d  enterrer  les  Laïcs  dans 
les  Eglifes  »  7J4>    7^3 

Serment.  Défenfe  d'admettre  à  ferment 
celui  qui  aura  été  convaincu  de  faux  , 
75  3.Ufage  de  fiire  ferment  fur  les  reli- 
ques ,  Î17.  Défenfe  aux  Hvcques  de 
prêter  ferment  fur  les  chofes  laintes  , 
6zo.  Il  leur  eft  encore  défendu  de  faire 
jurer  ceux  qu'ils  ordonnent ,  qu'ils  en 
font  indignes  ,  &c.  fyt 

Ssulfe  ,  Archevêque  de  Reims  ,  7J0.  Pré- 
fide  au  Concile  de  Trollé  ,  751 

Skon  ,  Hvcque  d'Ollie  ,  dépofé  ,       768 

Siège.  (  le  faint  )  Ses  prérogatives  établies 
par  Alger,  i66.  LesEveques  du  Concile 
de  Rome  en  800  déclarent  qu'ils  n'ofent 
juger  le  Siège  A.poftolique  qui  ert  le 
Chef  de  toutes  les  Eglifes,  &c,  558 

Simeon ,  Moine  Bcnédidin  de  Durliam  ou 

Dunelme  ,  57  ,  151.  Ses  Ecrits  ,153 

_     &•  IÎ4 

Simoniaques.  Ceux-là  le  font  qui  vendent 
les  Sacremens  ,  qui  tirent  de  l'argent 
pour  les  Meffes  ,  le  Baptême  ,  la  Con- 
fisflîon  ,  la  prédication  ,  la  fépulture  , 
31.  Robert  PuUus  remarque  que  l'u- 
fage  étoit  d'otFrir  quelque  choie  auxMi- 
niftres  pour  l'adminiftration  des  Sacre- 
mens ,  mais  qu'il  leur  étoit  défendu  de 
rienexisrer,  îS7i>iSS 

S'monie.  Défendue  par  les  Conciles  ,  549 
éoo , 71^ 

Tome  XXIL 


T  I  E  R  E  S.  S05 

Simniiie.  Défcnlès  aux  Evéqucs  &  aux 
Pn  très  d'exiger  des  préfens  pour  la 
Pénitence  ou  pour  la  Confirmation  , 
7S6.  Défenfe  au  Soi'idiacre  de  vendre  à 
i'Evcque  le  jour  de  fa  confécration 
l'hoAie  qu'il  recevoit  en  cette  céré- 
monie ,  783 

Simon  ,  Di!C  de  Lorainc.  Saint  Bernard  lui 
écrit,  345.  Société  de  prières  &  do  iljf- 
frages  ,  496  &•  4^7 

Sinuarius  (  le  Comte  )  excommunié  par 
les  Evéques  de  In  Province  do  Nar- 
bonne,  74?.  Eft  abfous  dans  le  Con- 
cile de  fllaguelone ,  7^5 

Sorcières  ou  Magiciennes  punies  Je  mort, 

Stabilité,  Jufqu'où  s'étend  la  ftabilité  que 
l'on  promet  dans  la  profe.lion  Monafti- 
que  ,415.  Stnvelo  ,  Abbaye  fondée  par 
Sif^ebert ,  Roi  d'Auftrade  ,  517 

StercoraniÇmc  condamné  desGrccs  comme 
des  Latins ,  iCa 

Stercoranijles  combattus  par  Alger,   15? 

Suenon  ,  Roi  de  Dannemarc,  zélé  pour  la 
propae;  tion  de  la  Foi ,  i 

Siiger ,  Abbé  de  faint  Denys  ,  Minière 
d'Etat  &  Régent  JuRoyaume  de  France. 
Sa  nailliiitce;  fon  éducation  ,  145.  Il  va 
étudier  dans  le  Poitou  ,  ibid.  Il  eft  fait 
Prevcit  de  Touri'  ;  aflîite  aux  Conciles 
de  Reims  &  de  Latran  ;  eft  choiit  Abbé 
de  fiint  Denys  ,  146.  Il  eft  faitConlèil- 
1er  d'Etat  &  Régent  du  Royaume  ,  147. 
Converlîon  de  l'Abbé  Suger  ,  344.  il 
met  la  réforme  à  lainte  Geneviève  3c 
3l  faint  Denys  ,  247.  Lettres  du  Pape 
Eu;enc  à  l'Abbé  Suger  ,  103  ty  104  , 
109&-T10.  Suger  tombe  malade,  va 
au  tombeau  de  faint  Martin,  148.  Sa 
mort.  Son  éloge,  1486' 149.  Le  Roi 
Louis  le  jeune  lui  donne  le  nom  lie 
père  de  la  Patrie  ,  iî4-!Ecrits  deSugcr. 
La  vie  Je  Louis  VI.  Roi  de  France  , 
249.  L'hiftoirede  ce  que  fit  Suger  dans 
l'adminiilration  de  l'Abbaye  Je  faint 
Denys,  250.  Un  Livre  Je  la  confécra- 
tion de  l'Eglife  de  faint  Denys  &  de  la 
tranHation  des  reliques  de  ce  Martyr  , 
ibid.  Autres  Ecrits  de  Suger.  Des  conf- 
titutions.  Son  teftament,  iç  1.  Ses  Let- 
tres ,  ïfi  &'/'uiV.  Eloge  que  faint  Ber- 
nard fait  de  l'Abbé  Suger ,  381 
Superflitions  payennes  condamnées  ,  719 
Superlition.  Le  culte  fupertiftieux  de  cer- 
tains arbres  &  de  certaines  pierres  dé- 
fendu par  le  Concile  de  Nantes ,      73^ 


KKkkk 


«10 


T  A 


T'A  s  s  1 1  i  o  N  ,  Duc  de  Bavière.  Son 
difix'rend  avec  le  Roi  Charles  ,  547. 
Le  Pape  Adrien  prononce  anathcme 
contre  lui  &  (e.;  co:Tiplices  ,  ibid.  Eft 
condamné  à  mort ,  ibid.  Le  Roi  Charles 
lui  accorde  la  vie,  à  quelles  conditions, 
Î48.  Demande  pardon  au  Concile  de 
Francfort,  554 

Tarm^cnc.  Le  Comte  Raymond  donne 
cette  Ville  à  (àint  Oldcgaire  Sa  à  Ces 
fuccelFeurs ,  30^ 

TauriiC  proche  de  Fontcnai.  Il  s'y  donne 
une  bataille  entre  Lothaire  d'une  part, 
Charles ,  Roi  de  France  ,  &  Louis  de 
Bavière  ,  (=  1 1  &-  (^  1 3 

Tiivernes   défendues  aux    Moines  &  aux 

Chanoines, 
Te  Deum.  En  quel  tems  doit  être  chanté  , 

7S6 
Templierr.  Saint  Brrnard  f.iit  un  l  ivre  à 
la  lounn?e  des  Chevaliers  du  Temple. 
Qui  ils  étoient  ,419.  Règle  des  Tem- 
pliers ,  4' o  Cf/u/V. 
Tefliment  de  l'Abbé  Surer  ,      1  y  1 1>  i  ?  i 
Tficodore  Cirthien  ,  Chefdes  Iconoc!aftes, 
ed  condimnc  au  huitième  Concile  gé- 
néral ,  68  I  C--  68i.  Theodofe  ,  Patriar- 
che de  Jérufalem.   Ses  Lettres  au  faux 
huitième  Concile,  7126?' 713 
Thcdore  ,  fils  du  Patrice  Michel  ordonné 
Patriarche    de    Conft  ntinople.  Thict- 
burr^e  ,  fille  du  Comte  Bofon  ,  femme 
du  Roi  Lothaire  ,   654.    Se  reconnoit 
faudêment  coupable,  6<;^.   Eft  enfer- 
nr  e  dans  un  Monnftere  ;  elle  écrit  au 
Pape  pour  fe  plaindre  du  Jugement  des 
Ev-qucs  ,  65  f .  Thiote  ,  faudc  Prophe- 
telTe  ,  condamnée  à  être  fouettée  publi- 
quement ,   6i>i.  Thcufnud  ,   Arche- 
vêque de  Trêves  ,  dépofé  par  le  Pape 
Nitol.isT.  fréj 
Théodore  ,  Pape  ,739.  Rétablit  les  Clercs 
ordonnés  par  Formofe,                   iiid. 
Thffldont  ,  Archevêque  de  Narbonne  ,715' 
Thiel'd'id ,  Kvéque.d'Ams'ns ,  excommu- 
nié comme  uliirpateur  de  cette  Eglife, 
77-^ 
Tkom.is  ,  Prieur  de  fiint  V'iftor  ,  mafTacré 
entre  Ir;  mains  d'Fftienne  ,  Fvcque  de 
Paris  ,  89.  Les  meurtriers  de  Thomas 
font    excommuniés     au    Concile    de 
Jouarre,  90 
Tiron.   Monaftere  nu  Dioccfe  de  Chartres 
par  Bernard,  Abbé  de  famt  Cvprien  à 
roitierî.  Son  accroiffement ,          198 


BLE- 

Tifc.'lin  ,  père  de  fajnt  Bernard  ,  51$ 

To/?^/'.  Sa  primatie  ,  9é,io<?&'io7 

Tonfurs  cléricale.  Défen'e  de  la  donner  à 
p?rfonne  que  dans  l'âge  lé  ;itime  ,   567 

Toul.  Hérétiques  répandus  dans  ce  Dio- 
cèfe ,  lis»/ 

Tour.  C'étoit  autrefois  Tufage  dans  les 
Monaftetes  de  drefl'er  un  Autel  dans  la 
Tour  de  l'Egliie  ,  jiS 

Tournas.  Donations  faites  à  cette  Abbaya 
confirmées  par  le  Concile  de  Châloni 
&  par  le  Pape  Jean  VIII.  700 

Tranjub'ld'm.vion.  L'Eglife  a  toujours 
crû  le  doc;me  de  la  tranfubftantation, 
175.  Sentiment  de  Giliebert  de  Hoil- 
lande  fur  ce  myllere,  4ÎÎ 

Trinité.  Erreurs  de  Gilbert  de  la  Poirée 
lur  ce  myftere  ,  19}  $>  i94-  Dodrina 
de  Hu-jnes  IMetellus  fur  la  Trinité,  117. 
De  Robert  Pullus  ,  z77  &•  178.  De 
Pierre  Abaillard,  186.  De  faint  Ber- 
nard, 361  ,  405  Cf  40S.  Prof^rflion  de 
foi  du  Concile  de  Vormes  fur  la  Tri- 
nité ,  67a 
Tryphon  ,  Moine  ,  Patriarche  de  Conftan- 
tinople  pour  un  tems  ,756.  Eftdépolé  , 

TrSne..  Au  douzième  fiécle  les  Evcquet 
avoient  feuls  le  droit  de  fe  faire  drelFer 
un  Trône  dans  leur  Edile  ,  de  donner 
la  bénédirtion  au  peuple  ,  &c.  408 

Tur-jot ,  Kvêque  de  faint  André  en  EcoiFe  , 
f6.   Ses  Ecrits,  %y 

Tu-quetul ,  Chancelier  d'Angleterre ,  7é i. 

Se  retire  àCroiland,  &  en  ellfait  Abbé, 

ibid, 

Turjliin  ,  Archevêque  d'ïorck.  Sa  mort  , 

V. 

VA  L  A  ,  Abbé  de  Corbie.  Ses  plaintes 
contre  les   ufurpations   des  biens  de 
l'E^life  ,  iç'  Gt'  ?98 

Vali ,  Evêque  de  Metz ,  obtient  le  Pallium 
du  Pape  Jean  VIII.  709.  Bartulfe , 
Archevêque  de  Trêves ,  lui  défend  de 
le  porter ,  ïbii, 

V.i!drade.  Le  Roi  Lothaire  l'époufe  &  la  ■ 
fait  couronner  Reine  ,  (6x 

Uilalric  de  Bamberg.  Son  Recueil  épifto- 
laire  ,  81  &-  8s 

UJjlric  (  faint  1  Evêque  d'Aufbourg  ,  veut 
quitter  TEpifcopat,  77?.  Sa  déraiffiom 
en  faveur  de  ("on  neveu  efl  défapprou- 
vée  ,   ibid.    Canonifadon    d'Udalric  , 

78t 

Venilon ,  Archevêque  de  Sens.    Le  Roi 

Charles-lc-Chaute  prcJentc    une   Re-; 


DES    MATIERES. 


'Sir 


çupte  contre  lui ,  '51.  v'ciulon  fc  rc- 
concilieavec  le  Koi ,  6'!i 

î^crnairi'  ,  Evcque  àc  Strafbourî; ,  fonde 
le  MonalVere  de  Moury  en  Siiifle  ,  543 

VeT;i:Lù.  On  y  tient  un  Parlement  pour  la 
CroilaJc  ,  37Î 

Viatiqw:.  Louis- le-Gros ,  Roi  de  France , 
le  reçoit  lous  les  deux  cfpeces ,  Z49 

Vidam-s.  Des  Evcqucs.  &  des  Abbés  .,  <;oS 

Viôlor.  Saint  Bernant  exhorte  l'Abbé 
Su^er  à  rétablir  la  diicipline  dans  l'Ab- 
baye de  faint  Viftor  ,  '  5SS 

Vierge.  (  la  fainie  )  Du  tems  d'Hildebert 
du  Mans  on  avoit  coutume  dans  l'Eglifè 
de  prier  la  l'ainte  Vierge  avec  plus 
d'aftêdion  que  les  autres  Saints  ;  Se 
lorfqu  on  prononçoit  Ion  nom  on  flé- 
chidoit  ks  genoux,  50.  Saint  Bernard 
cro'tquela  iainte  Vierge  a  été  enlevée 
au  Ciel  aullltôt  après  fon  trépas  ,  44(^. 
Qu'elle  eft  notre  Avocate  auprès  de 
Dieu  l'on  fils  ,  &  que  nous  devons  re- 
courir à  fon  intercelllon  ,  ibid. 

yïrs^inité.  Traité  de  la  corruption  de  la 
Virginité  par  l'Abbé  Rupert ,  iî(î 

Viftre  iJes  Evenues  ,  5(^5  ,  720.  Il  Imr  eft 
défendu  de  faire  des  exaâions  illicites, 
Î7I.  D'être  à  charge  aux  Prctres  ,  & 
aux  Fidèles  ,  60  r 

Vital.  Voyez.  Orderic  ,  157 

Voile.  Défenle  de  le  donner  aux  veuves  , 
710. 1.'Evéque  feiil  a  le  droit  de  ilonner 
le  voile  aux  Vierges ,  ibid. 

Volonté  en  Dieu.  Hugues  de  faint  Viélor 
en  diftingiie  deux.  La  volonté  de  bon 
plaifir,  volwnas  henè  fldàti ,  &•  la  vo- 
lonté de  ligne  ,  voluntas  fiçni,         2.11 

Uffal,  Les  Suédois  Idolâtres  y  avoient  un 


Teinpic  1.  inçux  ,  jo 

Ufure.  Toutes  les  cfpecos  d'ufure  font 
condamnées,  ^0+ 

Wihald ,  Abbé  de  Sf  avelo  5i  do  Corbie  , 
fi7.  Il  fe  fait  Moine  à  Vaiïbr,  puis  à 
Stnvelo.  Ses  Etudes,  51  S.  U  elè  fait 
Abbé  de  Stavclo  ,  y  rétablit  1;  bon 
ordre  ,  ibià.  Il  travaille  avec  l'Empe- 
reur pour  le  rétablillement  du  Taps 
Iniiocent  ,  v'P-  Il  eft  élu  Abbé  (ie 
Mont-Callin  ;  il  retourne  à  Stnvelo  ,  ih. 
Travaille  à  f  lire  rentrer  les  biens  alto- 
nés.  Il  eft  élu  Abbé  de  Corbie,  510. 
Croifade  des  Saxons  contre  les  Schvcs, 
ibid.  VJ-'ibald  employé  les  vafes  faciès 
aux  frais  de  la  croifade  ,  511.  Il  retour- 
ne à  Stavelo  ,  ibid.  Sa  mort  ,  yii. 
Son  éloge  ,  ihid.  Ses  Ecrits  ;  fes  Let- 
tres ,  f'ii  Zr  fu'iv. 
Windelmar  ,  Evcque  de  Noyon.  Son  ('!ti"é- 
rend  avec  Rotade ,  Evéque  de  Soiilbiis , 

Wulf.idc  &  les  autres  Clercs  ordonnés  par 
Ebboii  dépofés  ,  666.  Le  Pape  Nico- 
las I.  écrit  pour  eux  ,  667.  Leur  caufe 
eft  examinée  au  Concile  de  Soiflons, 
60y.  WuifaJe  eft  rétabli ,  ibid. 

Y. 

JL  Vrognes  excommuniés,       j6S 


ZAcHARiE  ,  Lésât  du  Pape  .1  Cortlan- 
tinople  ,  confent  à  la  dépofition  du 
Patriarche  Ignace  ,  eft  dépcf.-  de  l  Epif- 
copatSc  excommunié ,  66i 


Tin  de  la  Table  des  Matières. 


ERRATA.  ^ 

PAge  îi ,  Benudit ,  /fff^  Baudri.  Fags  14  ,  la  torture  i  la  queftion  ,  lifex  la  torture 
delà  queftion.  Pagf  95  ,  Pafchal  IL  llÇer^  Lucius  II.  l'j-Z-  'i'  i  Cloj  he  ,  ///f^ 
Elophe  ,  ibid.  Ville  de  Gand  ,  lifc-;^  Grin.  Pag.  154,  Gui,  i/ff?  Guiges  ou  Guifjues. 
Va'ie  317  ,  Pierre  de  Druis  ,  life\  iie  Bruis.  Page  578  ,  Melufine  ,  If/j^  Mciilende. 
Page  5  60  ,  Olivito  ,  /ip^  Olivolo  ,  ilii.  Co-Evequcs  ,  lifii  Cor  Evi  ques.  Page  <77  , 
Rotard,  /i/f^  Rotade.  Page  tf  ii ,  Noves ,  lifer^  Nones  Pa^e  717,  dcfenfe  aux  if  i;;ieurg 
Laies  de  prendre  ai'cune  ponion  des  dixmes  de  fon  Fflife  ,  c'elt-à-dire  ,  de  celle  dont  il 
eft  Patron.  Je  trois  qu'il  faut  dire  au  (îngulier  6el^neur  Littc.  Autrement  il  fndroit  Ire 
des  àixmes  de  leurs  EgUfcs  ,  c'eft-à-dire  ,  de  cefes  dont  ils  !ont  Patrons  ;  c'eft  ainli  qu« 
litM.Fleury,  Hift.  Eccl.  tom.  II.  p.ij.  565.  Pj^?78o,  ligne  d  ,  pillansà  rcftitution  , 
je  crois  qu'il  faut  lire  piliards.  Page  7SI4  ,  WerlLourg ,  tifei  Merlbourg, 

(Le  PmUegefe  trouve  dans  lesprécedens  Volumes.  ) 


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