Skip to main content

Full text of "Histoire générale des auteurs sacrés et ecclésiastiques : qui contient leur vie, le catalogue, la critique, le jugement, la chronologie, l'analyse & le dénombrement des différentes éditions de leurs ouvrages : ce qu'ils renferment de plus intéressant sur le dogme, sur la morale & sur la discipline de l'Église : l'histoire des conciles tant généraux que particuliers, & les actes choisess des martyrs"

See other formats


... 


'•■«• 


1% 


•A 


vu 


*  _*  ■ 


>i 


'"iï 


>^'^^ 


;?»• 

•9'^ 


Ilrf^% 


/Vl 


i-ià% 


»lîJrs^ 


^^*fVi 


Digitized  by  the  Internet  Archive 
-  in  2010  with  funding  from 
University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/histoiregnra23ceil 


HISTOIRE  GENERALE 

AUTEURS  SACRÉS 

E  T 

ECCLESIASTIQUES> 

QUI  CONTIENT  LEUR  VIE  ,  LE  CATALOGUE, 
la  Critique  ,  le  Jugement ,  la  Chronologie  ,  l'Analyfë  êc  le  Dé- 
nombrement des  différentes  Editions  de  leurs  Ouvrages  ;  ce  qu'ils 
renferment  de  plus  intéreffant  fur  le  Dogme,  fur  la  Morale ,  ôc  fur 
la  Difcipline  de  l'Eglife  ;  THiftoire  des  Conciles  ,  tant  généraux 
que  particuliers,  &  les  Aâes  choiiis  des  Martyrs. 

Par  le  R.  P.  Dom  Remy    Ceillier,  Religieux  Bénédiciin  ; 

Prieur  Titulaire  de  Flavigîiy ,  &  Préfiiem  de  la  Congrég^ation 

de  Saint  Vannes  6"  de  Saint  Hydulphe, 

TOME     V  I  N  G  T-T  R  O  I  S  I  E  M  E. 


A    FA  R  I  S, 

f  La  Veuve  de  D.  A.  P  i  e  r  r  e  s  ,  rue  S.  Jacques ,  vis-à-vis  S.  Yves , 
^,7  à  S.  Ambroife  &  à  la  Couronne  d'Epines. 

Chez  <  ET 

(  B  u  T  A  R  D ,  Irnprimeur-Libraire ,  rue  Saint  Jacques ,  à  la  Vérité. 

M.   D  C  C.    L  X  I  IL 
u^FEC  APPROBATION  ET  PRIVILEGE    DU   ROI. 


TABLE 

DES     CHAPITRES 

Contenus  en  ce  Volume. 

DISCOURS  fur  la  Thtologie  Pofitive  &  Scholafliqtiel 
Page  I 
Chapitre  Premier.  Pierre  Lo?nhard ,  Eveque  deParisyfur- 

nommé  IcMaîcre  des  Sentences. 
Akticlu  l.  Hifioire  de  fa  Fie.  Page  ii 

Article  IL  Des  Ecrits  de  Pierre  Lombard,-  15 

§.  I,  Du  premier  Livre  des  Sentences,  17 

^.  M.  Du  fécond  Livre  des  Sentences.  27 

§.  m.  Du  troifeme  Livre  des  Semences,  3'!> 

§.  IV.  D/i  quatrième  Livre  des  Sentences.  41 

^ .  V.  Des  outres  Ecrits  de  Pierre  Lombard,  5  i 

Chap.  II..  Piirre  de  Poitiers  ^  Chancelier  de  l'EgliJe  de  Paris  y 
&  quelques  autres  Ecrivains  du  même  nom,  ^5 

Ghap.  III.  Saint  Etienne  de  Muret ,  Infitittetir  de  l'Ordre   de 
Grandmonî.  66 

Ghap.  IV.  Pierre,  Diacre  &  Bibliothécoire  de  Mont-Cojfm. 

Ghap.  V.  LeVc'ne'rable  Godefroy ,  Ahhè  des  Monts.  po 

Chap.  VI.  Sainte  Hildegarde ,  Vierge  ^  Alhelfe  du  Mont  Saint- 

Robert  3  Elifahetk  de  Schonauge.  05 

Ghap.  VU.  Hugues ,  Archevêque  de  Rouen.  109 

Ghap.  VIII.  Arnaud,  Abbé  de  BonnevaL  128 

Chap.  IX.  Le  bienheureux  Alrede  ,  Abbé  de  Rïedvali  &  Ame- 

dée  de  Confiance.  i  3  5 

GHap,  X.  Geroch  ,  Prévôt  de  Reicherfperg ,  &  Arnoufon frère, 

144 

Ghap.  XI.  Conférence  de  Théorien  avec  les  Arméniens.        157 

Ghap.  XII.  Jean  Cinnam,  & plujieurs  autres  Ecrivains  Grecs 
du  douzième  Siècle.  16^ 

Chap.  XIII.  Gautier  de  Mauritanie ,  ou  de  Mortagne,  Evêque 
de  Laon.  202 

Chap.  XIV'.  Pierre  de  Blois ,  Archidiacre  de  Batk  en  Angle- 
terre. ■2.06 

Ghap.  XV.  Saint  Thomas  Bequet ,  Archevêque  de  Cantorheri, 
&  Martyr,  24e 


TABLE. 
Ch^p.  XVI.  Jean  Petit  ,  furnommè  de  Sarijhen  ,  Evêque  de 


Chartres. 


270 


Chap.  XVIT.  Pierre  de  Celle  ^  Evêque  de  Chartres.  280 

Chap.  XVni.  Philippe  de  Eonne-Efpérance y  Ordre  de  Pré- 

montrè  ;  Adam  du  même  Ordre.  285 

CjiAP.  XIX.  JeaUf  Diacre  de  l'Eglife  de  Latran.  ZC)J 

Chap.  XX.  Raoul  le  Noir ,  Moine  de  Saint-Germer.  300 
Chap.  XXI.  Pierre  Comejhr ,  Chancelier  de  l'E'i^life  de  Por- 

ris,  305 

Chap.  XXII.  Arnoul ,  Evêque  de  Lifieux.  3  1 1 

Chap.  XXIII.  Grarieu,  Aloine  BénèdiSîin,  325 

Ç>IAP.  XXIV.    Théodore  Baljamon  ,   Patriarche  d'Antioche^ 

Chap.  XXV.  Le  bienheureux  Joachim  y  AbbJ  &  Fondateur  de 

Flore  en  Calabre.  358 

Chap.  XXVI.  Guilbert ,  Abhè  de  Gemhkiirs.  344 

Chap.  XXVII.  Des  Papes  Anafiafe  IF,  Adrien  IF,  Ô- Ak^ 

xandre  IH.  347 

Chap.  XXVIII.  Lucius  lîl ,  Urbain  lll  y  Grégoire  FUI,  Cle- 

ment  ni  y  &  Cekflin  lll ,  Papes.  372 

Cha?.XX.IX.  Innocent  m.  Pape.  38^ 

Article  I.  Des  Lettres  d'Innocent  Ut.  391 

Art.  II.  Des  Opiifcules  d'Innocent  lîl.  4^^ 

Chap.  XXX.  Guillaume  d'Auvergne ,  Evêque  de  Paris.  460 
Chap.  XXXI.   Colletiion  des  A6fes  des  Martyrs  d'Orient  & 

d'Occident, par  Etienne  AJJernani,  Archevêque  d'Apatnie.  482 
Article  I.  Des  Adles  des  Martyrs  y  recueillis  dans  le  premier 

Tome  de  la  ColleBion  d^Affèmafii.  48  J 

Arj.  II.  Des  Acles  des  Mattyrs  recueillis  dans  le [econdTome. 

521 
Chap.  XXXÎÏ.  Des  Conciles  de  Pamiers,  de  Lavaur,&c.  548 
Chap.  XXXIII.  .Qiiatrieme  Concile  de  Latran  ,^ douzième  gè' 

néral.  555 

Chap.  XXXI V.  Conciles  depuis  Van  looi  jufquen    103 1. 

580 
Chap.  XXXV.  D^-j  Conciles  depuis  Van  103 1  jufquen  1062. 

Chap.  XXX VI»  F^es  Conciles  depuis  Van  106^  jufqu'en  lofjp. 

623 

Fin  de  la  Table  des  Chapitres. 


APPROBATION. 

J'Ai  lu  pnr  crJre  Je  Monfeignciir  le  Ciiancelicr  le  vingt-troifïc'mc  Tome  de  l']h(lo!rj 
Gâiirale  lia  Auteurs  Sacres   Î5    Ecclt^/i.ijîiqries  ,  &  je  n'y  ai  rien  trouvé   qui  puillc 
en  çmpcchtr  riiiiprcillon.  A  Paris  ce  i;  Novembre  i76j. 


j^iiiciirs  .liiircs    Ci     CCiityi.Jjiiqties  ,  «  je    n  y 

iiiiprc-illon.  A  Paris  ce  i;  Novembre  176J. 


MILLET, 


PRIVILEGE     DU     ROI. 

LOUIS,  paria  grâce  de  Dieu,  Roi  de  France  &  de  Navarre  :  A  nos  aniés 
&  féaux  ConCeillcrs  les  Gens  tenans  nos   Cours  de  Parlement,  Maîtres  des 
Riequètes  ordinaires  de  notre  Hôtel,    GrandConfeil ,  Prévôt  de  Paris,  Baillifs, 
Séntciiaux ,  leurs   Lieutenans  Civils  &  autres  nos  Jufticicrs  qu'il  appartiendra; 
Smvt.   Notre  aînée  la  Veuve   Déni  s-A  ntoine  Pierres,  Libraire  à 
Paris  ,    Nous   ayant  fait  cxpolcr  qu'elle  délireroit  faire  imprimer   &   donner   au 
Public  des  Livres  qui  ont  pour  titre  :   Hijtoire  des  Auteun  Sacrés  ^  Eccléfi.ijliqucs, 
fitr  Dom  Cdllicr  :  Scnreirlii  Lexicon  Grœcc-Lnrinum  :  Livres  de  Piété  du  Père  Avrils 
Ion  :  hmtddon  de   Jejus-Chrijl  traduite  par  Brig/ion   ,   avec   1rs   Penfées  Cûnfolantes:' 
Méthode  peur  lien  prier  Di'U  , par  Go/welieu  .-Traité  des  Maladies  ù-  leurs  P\enicdes', 
far  He'.vetiuS  .-' Pratique  efficace  pour  bien  vivre  &■  bien  7rcurir  .-  Traité  de  la  Piiere,p.ir 
Niccle  :  Pfe-mtier  à  trois  colonnes,  avec  lès  notes  de  jaint  Aus^ujUii  :  Paroles  thées 
de  r Ecriture  Sainte  ,  par  Bouhours  :  Devoirs  des  Filles  Chrétiennes  :  s'il  nous  plaifoit 
lui  accorder  nos  Lettres   de  Privilège   (ur  ce  ncceffaires,  A  Ces  Causes,  vou- 
lant fivorablement  traiter  l'Expofante,  nous  lui  avons  permis  &  perrnettons  par  ces' 
Préfentes  de  faire  réimprimer  lefdits  Ouvrages  autant  de  fois  que  bon  lui  fcmblera  ,- 
&:  de   les  vendre,  faire  vendre  &  débiter- par  tout  notre  Royaume  ,  pendant  le 
temps  de  dix  années  confécutives ,  à  compter  du  jour  de  la  date  des  Préientes, 
Faifons    défenfes  à  tons  Irriprimeurs  ,  Libraires  &  autres  perfonnes  ,  de  quelque 
qualité  &  condition  qu'elles  (oient ,  d'en  introduire  de  réim.prefTion  étranecre  dans 
aucun  lieu  de  notre  obéifTance  :  comme  auffi  de  réimprimer  ,  vendre  ,  &'  faire 
vendre  ,     débiter  nJ  contrefaire   leîlits    Livres  ,   ni  d'en  faire  aucuns   Extraits, 
ibus    quelque  prétexte    que  ce  p'ûiffe  être,  fans   la  permiffion  exprtiïe   &   par 
écrit  de  ladite  Exposante,  ou  de  ceux  qui  auront  droit  d'elle  ,   à  peine  de  confif- 
cation  des  Exemplaires  contrefaits  ,  de  trois  mille  livres  d'amende  contre  chacun 
des  Contrevenans  ,  dont  un  tiers  à  Nous  ,  un  tiers  à  l'Hôtel-Dieu  de  Paris,  &  l'au- 
tretiers  à  ladite  Expofante,  ou-à  celui  qui   aura  droit  d'elle,   &  de  tous   dépens, 
dommages  &  intérêts;  à  la  charge  que  ces  Préfentes  feront  enregifirées  tout  au 
long  fur  le  Regiftre  de   la  Communauté  des  Libraires  &  Imprimeurs  de  Paris , 
dans  trois  mois  de  la    date   d'icclles  ;  que   la    réimprefllon   defdits   Livres    fera 
faite  dans  notre  Royaume  ,  &  non  ailleurs,  en  bon  papier  &  beaux  caraâeres, 
conformément  à  la  feuille  imprimée  attacliée  pour  modèle  fous  le  contre-fcel  des 
Préfentes  ;  que  l'Impétrante   fe  conformera  en  tout  aux  Réglemens   de  la  Librai- 
rie ,  &   notamment  à   celui  du   lo  Avril  1725  ;  qu'avant  de  les  expofer  en  vente  , 
les  Imprimés  qui  auront    fervi    de  copie  à  h   réimpre.Tion  defjits  Livres  ,   fe- 
ront remis  dans  le  même  état  011  l'Approbation  y  aura  été  donnée,  es    mains  de 
notre  très-cher  &  féal  Chevalier,  Chancelier  de  France,  le  Sieur  de  L.amoi- 
r>T)()N  ;  &  qu'il  en  fera  enfuite  remis  deux  Exemplaires  dans  notre  Bibliothè- 
que publique  ,  un  dans  celle  de  notre    Château  du  Louvre  ,  &  un  dans  celle   de 
notredit  très-cher  &  féalCliancelierde  France  le  Sieur  De  Lamoionon,  &  undans 
celle  de  notre  très-cher  &  féal  Chevalier  Garde  des  Sceaux  de  France  le  fieur 
Fevdeau   de    Brou:  le  tout  à  pv"ine  de  nullité  des  Préfèntes.   Du  contenu 
defquelles  vous  mandons  &  enjoignons  de  faire  jouir  ladite  Expofinte  ,  &  fes  ayants 
caufe  ,  pleinement  &  pai/iblement ,  (ans  foufîVir  qu'il  leur  foit  fait  aucun  trouble 
ou  empêchement.  Voulons  que  la  Copie  des  Préfentes ,  qui  fera  imprimée  tout  au 


lonp  au  commeïïcehlent  ou  à  la  fui  cîerdits  Livres  ,  foit  tenue  poiïi*  duement  fî- 
gnifiée  ,  &  qu'aux  Copies  conationiic'e?  par  l'un  de  nos  amés  &  ftaux  Confeillers 
&  Secrétaires ,  foi  foi:  ajoutée  comme  à  l'Original.  Commandons  au  premier  no- 
tre Huillier  ou  Sergent  fur  ce  requis ,  de  faire  pour  l'exécution  d'iccUcs  tous  Ades 
requis  &  néceffaires,  fans  demander  autre  permiiTîon  ,  &  nonobflant.  Ciamcur  de 
Haro  ,  Charte  Normande ',-&  Lettres  à  ce  contraires;  Cir  tel  cft  notre  plaifir. 
Donné  à  Paris  le  cinquième  jour  du  mois  d'Odobre  ,  l'an  de  grâce  mil  fept  cens 
foixante-deux  ,  &  de  noire  Hegne  le  quarante-huitième.  Par  le  Roi  en  fo.î 
Confeil. 

..Signé,  LE  EEGUE. 

Je  foufli^née  cède  &  tranfporte  à  M.  Jacques- Hubert  Butard  ,  Imprimeur*' 
lyibraire  à  Paris,  la  moitié  de  mon  droit  au  préfent  Privilège  feulement  pour! 
l'Ouvrage  de  l'Hifioire  des  Auteurs  Sacrés  &  Eccléfiaftiques ,  par  Dom  Remyl 
Ceillicr  ,  fuivant  l'accord  fait  entre  nous.  A  Paris  ce   ii    Oftobre   17^1. 

Signé,  Veuve  PIERRES. 

Rcéftrê  enfemble  le  préfent  PrivUég;  &  la  CeJJïon  fur  le  B.egi[ire  X  V.  àe  h  Ckamlra 
Rq}'.ile  O  Sj.ndicdk  des  Libraires  &■  Imprimeurs  de  Paris  ,  N".  Sis./oi.  334  ,  corh' 
forméincnî  au  Règlement  de  1723.    A  Paris  ce  15  Oâiolre  1^62. 

S/;gne' ,  L  E  B  R  E  T  O  N  ,  Sj/?<iici 


HISTOIRE 


HISTOIRE  GENERALE 

DES  AUTEURS 


SACRES  ET  ECCLESIASTIQUES. 


DISCOURS 

Sur  la  Théologie  Pofinve  &  Scholajlique, 

I  L  a  été  facile  au  Le£i:eur  de  remarquer  dans  Etabiiiïement 
\  le  cours  de  cette  Hiftoire  ,  de  quelle  ma- *^f 'f-î^^'^S'"" 
niere  la  Religion  révélée  s'eit  établie  dans 
le  Monde  ;  quels  en  ont  été  les  commence- 
mens  &  les  progrès  ;  comment  elles'efi:  lou- 
tenue  ;  quels  moyens  les  Dodcurs  de  l'E- 
glife  ont  employés  ,  foit  pour  la  perfuadcr 
aux  incrédules ,  foit  pour  la  défendre  contre  ceux  qui  l'ont 
attaquée.  Quoique  la  même  dans  tous  les  fiécles  ,  la  mé- 
thode de  l'enfeigncr  ou  de  la  défendre  n'a  pas  été  toujours 
uniforme. 

II.  Les  Pères  de  l'Eglife ,  dans  les  onze  premiers  fiécles ,  Coroment  il 
qui  fçavoient  comment  on  doit  rendre  la  vérité  fenfiblc  8c  ^'^^  ^^"' 
Tome  XXllI,  A 


a  DISCOURS 

aimable ,  &  qui  n'ignoroient  point  que  ce  n'étoit  pas  affez  de 
la  faire  connoitre ,  lî  on  ne  porte  à  la  faire  révérer  6c  ado- 
rer ,  l'ont  traitée  d'une  manière  noble  &  élevée  ;  mai^.  tou- 
jours par  des  difcours  à  portée  des  efprits  qu'ils  vouloient 
convaincre.  Ils  s'app uyoient,foit  dans  leurs  Ecrits,  foit  dans 
leurs  Inftrudions  verbales ,  de  l'autorité  des  divines  Ecritu- 
res ,  de  la  Tradition  Apoftolique  ,  du  témoignage  que  les 
Martyrs  avoient  rendu  à  la  vérité  de  nos  Myfteres  jufqu'à 
l'effulion  de  leur  fang  ;  du  confcntement  unanime  de  toutes 
les  Eglifes ,  &  de  l'autenticité  des  miracles  de  Jefus-Chrifl  & 
des  Apôtres. 

III.  Telle  étoit  la  façon  de  prouver  la  divinité  de  Jefus- 
Chrifl  &  de  fa  dodrine ,  pendant  les  trois  premiers  fiécles. 
On  l'a  fuivit  encore  dans  le  quatrième  &  dans  tous  les  au- 
tres jufquau   douzième  ,  avec  cette  différence  ,  que  depuis 
les  fixiéme-&  feptiéme  liécles  ,  le»  Ecrivains  cccléfiaftiques 
ajoutèrent  en  témoignage  de  la  R.eligion  Chrétienne  ce  qu'en 
ont  dit  les  Pères  dans  leurs  Ouvrages,  les  Décitions  des  Con- 
ciles ,  les  Décrets  des  Souverains  Pontifes  ,  lans  négliger  les 
argumens  tirés  des  lumières  de  la  raifon. 
Théologie      IV.  Cette  mé;hode  de  traiter  les  Myfteres  ,  efl  ce  qu'on  a 
miH'é^'  ^°"  appelle  Théologie  pofnive  ;  &  dès-lors  on  conçoir  aifément  de 
quelle  utilité  elle  a  été  à  l'Eglife.  Les  Docteurs  n'avoient  point 
de  voies  plus  affurées  pour  faire  parvenir  une  connoiffance 
certaine  de  nos  dogmes  à  tous  les  fiécles ,  ni  de  fources  plus 
pures  où  puifer  les  preuves  de  la  vérité  de  ces  dogmes. 
Moyens qu'el-     V.  C'eft  Dicu  qui  nous  parle  dans  l'Ancien  comme  dans 
le  emploie    \q  jvjouveau  Tcftamcnt  :  l''un  &  l'autre  font  marqués  au  fceau 
[es"vérités"'de  de  la  Divinité.  Il  voulut ,  en  donnant  la  Loi  fur  le  Mont 
la  Religion.  Sinaï ,  faire  connoître  par  les  fignes  les  plus  éclatans  ,  qu'il 
Moyfe?  ^^    ^^  ^^^^^  l'Auteur  ;  &  afin  que  l'on  ajoutât  foi  à  Moyfe  ,  qu'il 
avoit  charge  de  la  promulguer,  il  le  revêtit  de  fa  fcience  & 
de  fa  puifiîance  ,  dons  qui  fe   manifcflerent  par  un  grand 
nombre  de  miracles  publics ,  qui  confondirent  les  prefliges  de 
la  magie. 
Les  prophé-     VI.  L'accomplifiTement  des  événemens  prédits  par  les  Pro- 
accompiiile- "^  phétes  ,  formc  une  preuve  fi  évidente  de  leur  certitude ,  que 
'ment.  les  Payens  ne  pouvant  réiifler  à  la  force  de  cette  preuve , 

ont  pris  le  parti  de  dire  que  les  prophéties  ont  été  fabriquées 
après  l'événement.  C'eft  la  remarque  de  faint  Auguftin  :  mais 
ce  faint  Doûeur  fait  voir  par  le  témoignage  même  des  Juifs  , 


SUR   LA   THEOLOGIE,  &c.  5 

ennemis  les  plus  irréconciliables  de  la  Religion  Chrétienne  , 
que  les  prophéties  dont  ils  font  les  dépofitaires ,  ont  été  écri- 
tes en  leur  langue  dans  le  tems  de  leurs  dates  ,  c'eft-à-dire, 
fous  les  régnes  des  Princes  qui  y  font  rappelles.  Au  relie,  ce 
n'ell  pas  feulement  à  l'égard  des  myfteres  de  la  Religion  pré- 
diis  pir  les  Prophètes  ,  que  leurs  prophéties  ont  été  accom- 
plies. On  a  vu  la  nailfance  &  la  chute  de  l'Empire  des  Per- 
les ,  des  Grecs  &  des  Romains,  arrivées  en  la  manière  &  dans 
le  tems  qu'ils  avoient  prédit.  Tout  ce  qui  eft  arrivé  à  l'E- 
gypte ,  à  Ninive ,  à  Babylone  ,  avoit  auparavant  été  révélé 
aux  Prophètes.  Des  preuves  fi  évidentes  de  la  certitude  des 
prophéties  faiioient  dire  à  l'Apôtre  faint  Pierre ,  qu'il  ajou- 
toit  plus  de  foi  à  ce  qu'on  lifoit  dans  les  Ecrits  des  Prophètes , 
qu'à  ce  qu'il  avoit  vu  de  les  propres  yeux  fur  le  Thabor ,  lors 
de  la  transfiguration  du  Sauveur. 

VII.  Or  ces  Prophètes  ont  annoncé  la  venue  du  Meffie  ;  L'autorité  de 
ils  ont  marqué  le  tems  &  le  lieu  de  fa  Naiffance  ,  &  n'ont  ||f/^"fa'cîes^ 
omis  aucun  des  carafteres  auxquels  ont  devoit  le  reconnoî- 
tre.  Jefus-Chrift  les  a  tous  réunis  en  fa  perfonne  :  il  l'a  prou- 
vé par  un  nombre  infini  de  miracles  ;  &  c'efl:  par  la  même 
voie  qu'il  a  établi  fon  Evangile  par  toute  la  terre.  A  la  mul- 
tiplication des  cinq  pains  ,  cinq  mille  perfonnes  croient  qu'il 
eft  vraiment  le  Prophète  qui  doit  Venir  dans  le  monde.  L'a-  ■^'""'-  *•  '4« 
veugle-nè  l'adora  comme  Dieu ,  aufli-tôt  qu'il  l'eut  guéri ,  &  t  « 

lui  eut  fait  connoitre  quil  etoit  le  i^ils  de  Dieu.  Pluiieurs 
Juifs  ayant  été  témoins  de  la  réfurredlion  de  Lazare,  cru- /»>"'•  ii-4r. 
rent  en  Jefus-Chrift ,  fâchant  qu'il  avoit  fait  ce  mi  acle.  Il  fe 
convertit  environ  trois  mille  hommes  à  la  première  prédica-  ^''•«'•4.<î. 
tion  de  faine  Pierre  ,  &  environ  cinq  mille  à  la  féconde.  La^'^'* 
première  vcnoit  d'être  précédée  de  la  defcente  du  Sainc-Ef-   '  ■^•^•'^  4* 
prit  &  du  don  des  langues  ;  &  la  féconde ,  de  la  guérifon  du 
boiteux  à  la  porte  du  Temple.  Les  Apôtres  employoient  les 
miracles  ,  non-feulement  pour  convertir  les  Juifs  &  les  Infi. 
déles ,  mais  aufti  pour  les  affermir  dans  la  foi ,  lorfqu'ils  l'a- 
voient  embraffée  :  d'où  vient  que  faint  Paul  difoit  aux  Co- 
rinthiens :  Je  il" ai  pas  employé  ,  en  vous  parlant  &  en  vous  prê-  !•  ^"'-  "-4. 
chint  ,  les  difcôurs  de  lafngeffe  humaine  ,  mais  les  effets  fetjfible s     ''"'"' 
de  Pefp'-'it  &  de  la  venu  de  Dieu  j  afin  que  votre  foi  ne  fût  point 
habite  fur  la  fageffe  des  hommes  ,  mais  fur  la  vertu  de  Dieu» 
Il  étoit  important  que  ces  miracles  fuflent  rapportés  dans  le 
Livre  des  Aftcs  des  Apôtres ,  pafce  qu'ils  formeront  toujours 

Aij 


Vide  y"  Ad. 
5. 


Martvrs, 


4  DISCOURS 

une  preuve  fubfillante  de  la  vérité  de  TE vangile  qu'ils  devoienc 
prêcher  dans  tout  l'univers. 
LesAùesies  VIII.  Il  n'étoit  pas  moins  intéreflant  que  l'on  recueillît 
les  A£tes  des  Martyrs  :  les  Fidèles  s''en  faifoient  un  devoir  ;  ils 
marquoient  exadement  le  genre  &  le  jour  de  leur  mort  pour 
en  faire  la  Fête.  L'ufage  de  mettre  par  écrit  les  circonftan- 
ces  de  leurs  fupplices  ,  avoit  lieu  dès  le  fiécle  des  Apôtres  , 
parce  qu'on  regardoit  les  fouffrances  des  Martyrs  (a)  com- 
me autant  de  témoins  qui  dépofoicnt  pour  la  divinité  de 
Jefus-Chrift.  C'efl:  pourquoi  les  premiers  Evêques,  &  ceux 
mêmes  qui  avoient  été  difciples  des  Apôtres  ,  après  avoir 
employé  contre  les  Hérétiques  {b)  l'autorité  de  la  Loi  de 
Moyfe,  des  Prophètes  &  de  l'Evangile  ,  y  ajoutoient,  pour 
les  convaincre  ,  les  A£les  des  Martyrs.  C'cft  ce  que  l'on  voit 
dans  l'Epître  de  faint  Ignace,  Evêque  d'Antioche,  &  Mar- 
tyr, aux  Smyrniens.  Défenfeurs  de  la  mort  ou  de  l'erreur  , 
plus  que  de  la  vérité  (c),  ils  n'ont,  dit -il  en  parlant  des 
Hérétiques  ,  pu  être  perluadés  jufqu'à  ce  jour  ,  ni  par  les 
prophéties  qui  rendent  témoignage  à  la  divinité  de  Jefus- 
Chrifl; ,  ni  par  la  Loi  de  Moyle  ,  ni  par  l'Evangile  _,  ni  par 
les  tourmensque  nos  Martyrs  ont  fouffert  pour  la  foien  Jeîus- 
Chrift. 

IX.  Telle  étoit  ,  dès  le  premier  fiécle  de  l'Eglife ,  la  mé- 
thode de  traiter  les  matières  de  la  Religion  :  ainfi  l'on  peut 
faire  remonter  la  Théologie  pofitive  jufqu'au  tems  des  Apô- 
tres ou  de  leurs  Difciples.  Cette  méthode  fut  fuivie  par  faine 
Juflin  dans  fes  Apologies  pour  la  Foi  contre  les  Payens.  Il 
y  établit ,  comme  faint  Ignace ,  la  vérité  de  notre  Religion 
par  l'autorité  des  divines  Ecritures ,  &  par  la  confiance  des 
Martyrs.  Il  en  eft  de  même  de  autres  Apologiftes  du  Chri- 
ftianifme ,  comme  Théophile  d'Antioche ,  Athenagore ,  Mil- 
tiade  ,  Tertullien.  Saint  Irenée  la  prouve  auiïi  par  l'unité  de 
dodrine  (  «s?  )  ,  toujours  la  même  dans  l'Eglife  depuis  Jefus- 
Chrift  ,  au  lieu  qLi'elle^  y^/iflitjChez  les  Hérétiques. 


q 


-r"* 


S'.'p 


(a)  Pont,  D;««».  iti  ,vita  S,  Cypriaa, 

(è)  Cyprian.  </»  IdoloT.vaiiitate  ,  pag. 
11. 

(c)  Paironi  mortis  magjs  quàm  veri- 
tatîs  j  quibus  nec  prophetis  perruaîeie  , 


nec  Moyfis  Lex  ,  feâ  nec  Evangelium  in 
hune  ufque  diem  ,  neque  noftri'  fingulo- 
rum  pafllones.  Ignat,  ad  SntyrnenJ,  t>um. 

î- 

(■rf)  Iren.  Lib.  3.  cant,  bxrtf.  oap.  i.  }. 
^  lib.  4,  c,t(.  33. 


SUR  LA   THEOLOGIE, .&c.         ^     5 

X.  Un  autre  de  fes  argumens  cfl:  (  e  ) ,  que  l'Ecriture  étant  La  Tradition 
obfcurc  en  quelques  endroits,  il  eft  néceffaire  de  recourir  à    ^°  0 'ï>'e' 
la  Tradition  ,  c'cft-à-dire  ,  à  la  doftrinc  que  Jcrus-Chrifl  & 

fes  Apôtres  nous  ont  tranlmiie  de  vive  voix  par  une  lucccf- 
fion  confiante  des  Evoques.  Saint  Clément  d'Alexandrie 
infiRe  auifi  iur  la  néceflité  de  cette  Tradition  orale  (/).  Les 
Hérétiques  ne  pouvant  montrer  par  une  fucceflion  non  in- 
terrompue d'Evcques  ,  qu'ils  delcendoienc  des  Apôtres  ou 
des  hommes  Apofloliques ,  Tertullien  conclut  dc-là  (g) ,  que 
leur  dodlrine  étoit  nouvelle,  &  conféquemment  qu'ils  ne  dé- 
voient pas  être  reçus  à  la  paix  &  à  la  communion  par  les  Egli- 
fes  Apofloliques. 

XI.  Il  prouve  au  contraire  la  vérité  de  nos  dogmes  par  Leconfente- 
le  confentement  unanime  de  toutes  les  Eglifes  en  une  même  me"'  '^^  'o"- 
croyance.  Il  n'efl  pas  vraifemblable  ,  dit-il  (  h)  ,  que  tant  ^"  ^"  ^  '  "' 
d'Egliles  &  fi   nombreuies  fe  foient  accordées  à  recevoir 
l'erreur  :  fi  leur  doctrine  eût  été  foufle ,  elle  auroit  dû  varier. 

Ce  qui  fe  trouve  être  le  même  chez  plufieurs,  n'eft  pas  une  er- 
reur, mais  une  tradition. 

XII.  Les  fiécles  fuivans  fournirent  à  la  Théologie  pofitive  L'autorîtédes 
plufieurs  autres  moyens  de  conftater  les  vérités  que  la  foi  Conciles ,  des 
nous  enfeigne.  La  paix  qui  fuivit  la  converfion  des  Empe- Rome,  &  des 
reurs,  &  autres  Potentats  de  l'univers,  mit  les  Evoques  dans  Fxrits  des  Pe- 
la liberté  de  s'aflTembler  pour  les  befoins  de  l'Eglife.  Tous  dé-  ^^^' 
pofitaires  des  vérités  fpéculatives  &  pratiques  de  la  Reli- 
gion ,  ils  s'accordèrent  à  compofer  des  Canons  ou  des  Dé- 
crets pour  le  maintien  &  l'obfervation   de  ces  vérités.  Les 
Souverains  Pont  fes,  confultés  de  toutes  parts  fur  les  matiè- 
res de  la  Religion  ,  répondirent  par  des  Êpîtres  décrérales  , 

que  l'on  reçut  par  tout  le  monde  avec  refped  ,  parce  qu'il 
étoit  d'ufage  dans  toures  les  Eglises  de  n'y  rien  traiter  d'im- 
portant en  matière  de  foi  &  de  difcipline ,  fans  en  commu- 
niquer avec  l'Eglife  de  Rome  ,  comme  étant  chargée  du  foin 
de  toutes  les  autres.  L'inftrudion  des  Cathécumenes  &  des 
Néophites  ,  les  divcrfes  héréfies  qui  jetteient  le  trouble  dans 
l'Eglife  ,  engagèrent  les  Evoques  &  d'autres  Ecrivains  Ec- 


(0  UiJ. 

{f)  ClEiMEnS  ,  Lib.    I.   Slromat.  f,xg. 
311. 

[g  )  TerTull.   Lib.  de  Vrafcript,  c,i^-. 


3î. 


(h)  TfRlUtL,  Uid.  c.%iK  a8.  2p.   jo. 


6  DISCOURS 

cléfiafliques  à  écrire  ,  fou  pour  rutilicé  &  l'édification  de  l'E- 
glife  ,  foie  pour  la  défendre  contre  fes  ennemis  :  de-Ià  font 
venus  ranc  d'excellens  Ouvrages  de  faint  Cyprien,  de  faine 
Hilaire ,  de  faint  Athanafe  ,  de  faint  Baille  ,  de  faint  Cy- 
rille de  Jerufalem  ,  de  faint  Ambroifc,  de  faint  Auguftin  , 
&  d'un  grand  nombre  d'autres  vSçavans  de  l'Antiquité,  dont 
les  Ecrits  font  d'autant  plus  précieux  ,  qu'ils  nous  y  ont  tranf- 
mis  d'âge  en  âge  les  vérités  qu'ils  avoient  reçues  par  la  voie 
de  la  Tradition.  Quoiqu'ils  ne  fe  ioient  pas  appliqués  à  faire 
des  corps  entiers  de  Théologie ,  ils  en  ont  expliqué  tous  les 
dogmes.  Les  Théologiens  qui  vinrent  après  eux  ,  citèrent 
leurs  Ecrits  ,  les  Décrets  des  Conciles  ,  les  Décrétales  des 
Papes ,  avec  d'autant  plus  de  fuccès  ,  qu'ils  n'avoient  rien  en- 
feigné  que  de  conforme  aux  divines  Ecritures  &  à  la  Tradi- 
tion de  l'Eglife. 
^Théo!ogiens     XIII.  iTs  profitèrent  encore  des  argumens  que  les  lumie- 
Leurincthode!  ^^^  ^^  ^^  raifon  naturelle  fournilToient ,  ou  qu'ils  trouvoient 
dans  les  Ecrits  des  Pères.  Avec  tous  ces  fecours  il  leur  fut 
facile  de  compofer  des  Traités  de  Théologie  fur  tous  les  ar- 
ticles de  la  foi.  Aufii  la  plupart  des  Ecrivains  des  huitième , 
neuvième  &  dixième  fiècles ,  ont  fait  de  leurs  Ouvrages  un 
tiflu  des  paiTages  de  l'Ecriture  &  des  Pères ,  des  Décrets  des 
Conciles  ,  &  des  Décifions  des  Papes.  Le  Ledeur  en  a  vu 
des  preuves  dans  ce  que  nous  avons  dit  de  Bede ,  d'Alcuin  , 
de  Rhaban  ,  Maur  ,  &  de  quantité  d'autres  Ecrivains  du 
moyen-âge. 
Ufagedela      XIV.  Mais  quoique  les  Pères  de  l'Eglife  aient  communé- 
dans*i'°  Ecrits  '^^^1'^  employé  la  voie  d'autorité  dans  les  matières  de  Reli- 
as Pères,      gion  ,  ils  n'ont  pas  laiflë  en  certains  cas  de  recourir  à  la  mé- 
thode des  Ecoles  Péripatéticiennes ,  pour  développer  toutes 
les  rufes  des  Novateurs.  Saint  Grégoire  de  Nyflc  ayant  à  ré- 
futer Eunomius ,  le  plus  dangereux  &  le  plus  fubtil  Sophifte 
de  fon  fiécle  ,  mêla  dans  l'Ouvrage  qu'il   écrivit  contre  lui 
les  raifonnemens  de  la  Philofophie  &  de  la  Théologie.   Il 
répondit    fuivant  la  méthode  d'Ariflote  aux  objetlions    de 
cet  Héréfiarque  ,  difiingua  les  termes  qu'Eunomius  confon- 
doit  ,  débrouilla  fes  raifonnemens  captieux  ,   découvrit  fes 
fubterfuges.  Il  fuivit  la  même  méthode  dans  ce  qu'il  écrivit 
contre  Apollinaire  ,  &  combattit  fi  puiflammcnt  ces  deux 
ennemis  de  la  vérité ,  qu'elle  en  reçut  un  nouvel  éclat.  Ce  fut 
aufii  avec  le  fecours  de  la  Philofophie  que  faint  Augufiin  fie 


SUR  LA   THEOLOGIE,  &c.  7 

évanouir  toutes  les  fubtilitcs  des  Donatiftcs  ,  des  Mani- 
chéens &  des  Pélagicns  ;  que  faint  Jean  Damalcenc  fuivit  les 
Hérétiques  de  fon  rems  dans  tous  leurs  détours  ,  démêlant 
leurs  équivoques  ,  &  développant  leurs  fophiimes  :  ce  qu'il 
n'auroit  pu  taire  ians  les  lumières  de  la  Diale£tiquc  ,  dont  il 
avoit  une  11  exade  connoiflance  ,  qu'il  en  fit  un  Traité  très- 
utile  pour  l'intelligence  des  Percs  Grecs.  Boécc  ,  Sénateur 
Romain  ,  habile  Théologien  &  bon  Philofophe ,  employa  , 
dans  les  Traités  de  l'Unité  de  Dieu  ,  de  la  Trinité  &  de  l'In- 
carnation ,  les  termes  les  plus  abftraits  de  la  Philofophic,  uni- 
quement pour  ne  faire  connoître  ces  myfleres  qu'à  un  cer- 
tain nombre  de  perionnes  à  qui  ces  termes  croient  connus , 
&  pour  les  cacher  aux  autres.  Jean  Scot  ,  plus  Philolbphe 
que  Théologien  ,  metcoit  en  œuvre  toutes  les  fubtilités  de  la 
Dialeéliquc  pour  prouver  fes  fentimens ,  même  dans  des  ma- 
tières de  Théologie  :  mais  ces  fubtilités  l'ayant  jette  dans  di- 
verfes  erreurs ,  ia  doftrine ,  de  même  que  fa  méthode  ,  furent 
rejettées  parles  Théologiens  de  fon  tems  ,  c'eft-à-dire,  du 
neuvième  fiécle.  Ils  continuèrent  jufqu'au  douzième  à  traiter 
les  matières  dans  le  goût  delà  Théologie pofitive. 

XV.  Saint  Anfelme,  moins  verfé  dans  la  pofitive  que  dans  Commence- 
les  raifonnemens  méraphyfiques  ,.  en  a  rempli  la  plupart  de  ™^"^,  ^^.  ^' 
fes  Ouvrages  ,  fur  -  tout  ceux  qui  traitent  de  l'exiftence  de  fchoîâftfque. 
Dieu  j  de  Tes  attributs ,  de  la  Trinité  :  néanmoins  il  avoit  lu  Ses  progrès. 
les  Ouvrages  de  faint  Auguflin  ,  &  en  avoit  tiré  plufieurs 
principes ,  dont  il  appuyoit  fes  raifonnemens  philofophiques. 
On  a  donc  quelque  raifon  de  le  compter  pour  un  des  premiers 
qui  mit  en  ufage  la  Théologie  que  nous  nommons  Scholaftique. 
Le  Sophifte  Rofcelin ,  contre  qui  ce  Prélat  écrivit ,  la  fuivoit 
aufli.  Abaillard  ,  fon  difciple ,  la  prit  de  lui.  Gilbert  de  la 
Porrée  en  fit  des  leçons  publiques.  Othon  de  Frifinghen  la 
mit  en  vogue  en  Allemagne  ;  enfin  on  l'cnieigna  publique- 
ment par-tout,  &  on  lui  donna  tous  les  dégrés  de  perfeftion 
qu'elle  pouvoir  avoir.  En  vain  quelques-uns  voulurent  s'y  op- 
pofer ,  elle  prévalut  fur  la  Théologie  pofitive.  On  donna  le 
nom  de  Scholafliques  à  ceux  qui  fuivoient  cette   nouvelle 
Théologie  (  «  )  ,  foit  parce  qu'ils  l'enfeignoient  publiquement 
à  leurs  Difciples  dans  les  Ecoles  ,  à  la  manière  des  Philofo- 

•  ^ '  1.1    ■ 

(«)  DuBOUtAl  ,fttcHlo  4.  VnkierJitMis  P,xrhte9ijis ,  Dijfert,  4,  p,  ^84, 


8  DISCOURS 

phes  ,  foit  parce  qu'ils  y  difputoienc  fur  les  matières  à  la  fa- 
çon des  Ecoliers ,  agitant  des  queftions  qui ,  hors  de  l'Ecole, 
n  ctoient  que  de  peu  ou  d'aucune  utilicé. 
Oppofirionsà      XVI.  Gautier  de  Saint  Victor  (l)  fe  déclara  ouvertement 

cette  nouvelle  n  '  i      j       ti  r       i    •       •  i  »     ' 

méthode.  contre  cette  nouvelle  méthode.  Il  le  plaignit  qu  on  osit  éta- 
blir par  des  argumens  ineptes ,  &  par  les  règles  de  la  Philo- 
fophie  d'Ariftote,  les  plus  profonds  myfteres,  que  les  efprits 
les  plus  fublimes  ne  peuvent  pénétrer.  Il  alla  jufqu'à  fufpe£ter 
d'héréfie  les  Maîtres  &  les  Difciples.  Ceux-ci  en  uferent  de 
même  envers  ceux  qui  demeuroient  attachés  à  la  Théologie 
pofitive  :  enforte  qu'il  s'éleva  entr'eux  une  guerre  qui  eut  de 
facheufcs  fuites.  Ils  fe  chargeoicnt  mutuellement  d'injures: 
les  Scholailiques  appelloient  ânes  &  Itupides  ,  les  Se£tateurs 
de  la  Théologie  pofitive  :  ceux-ci  donnoient  aux  Scholaftiques 
le  nom  d'Hérétiques.  Il  eft  vrai  que  dans  ce  tems  quelques-uns 
ont  abufé  de  cette  nouvelle  méthode.  A uffi  dans  les  Synodes  de 
Soiflbnsen  iiîi^&deSensen  1 140,  Abaillard  fut  condamné 
&  taxé  d'Hérétique  par  Innocent  II  ;  8c  même  dans  le  Concile 
général  de  Latran  en  1 179  ,  &  dans  celui  de  Tours  en  1 1(^5, 
la  do£lrine  de  Pierre  Lom:)ard  fut  rejettée;&:  l'on  défendit  aux 
ProfelTeurs  d'agiter  certaines  queftions  qu'on  agitoit  alors, 
p^il'eiîl'ëft  XVII-  Nonobftant  cette  défenfe  ,  la  dodrine  &  la  mé- 
condaranée.  thode  d'A  rillote  furent  luivies  dans  le  douzième  fiécle  ,  juf- 
qu'à  ce  que  leurs  Se£tatcurs  paflant  les  bornes  d'un  jufte  mi- 
lieu ,  inventèrent  une  troifiéme  méthode  de  traiter  les  ma- 
tières théologiques ,  indigne  de  la  gravité  de  la  Religion 
Chrétienne  ,  qu'ils  avilirent  par  quantité  de  queftions  &  de 
folutions  auffi  indécentes  que  ridicules.  Pierre  de  Poitiers , 
difciple  de  Pierre  Lombard  ,  l'emporta  fur  les  autres  dans 
cette  troifiéme  méthode.  Plufieurs  de  ceux  qui  la  fuivirent 
furent  condamnés  avec  Amauri  de  Chartres  ;  &  plufieurs 
regardèrent  la  do£trine  des  Péripatéticicns ,  quoique  com- 
mode pour  la  réfutation  des  Hérétiques ,  comme  l'arfenal  de 
l'héréfie. 
Idée  de  cette  XVIII.  Pour  donner  une  idée  de  la  Théologie  fcholafli- 
°^'  °  ^'  que  dégénérée  en  queftions  frivoles  &  inutiles  ,  Duboulaî 
rapporte  ,  dans  fon  fécond  Tome  de  l'Hifloire  de  l'Univer- 
fité  de  Paris  (m),  ce  qu'en  dit  Gauthier  de  Saint  Viftor.  Ce 


(/)  IJeirifiHJ,  ^  (m)  PAg,  CxÇ), 

Théologien 


SUR   LA    THEOLOGIE.  &c.  9 

Thcologien  ,  qui  écrivoic  vers  l'an  1180  ,  attaque  les  plus 
célehres  Maîtres  des  Ecoles  de  Ion  fiécle  ,  Abaillard  ,  Gil- 
bert de  la  Porrce  ,  Pierre  Lombard ,  &  Pierre  de  Poitiers  , 
qu'il  nomme  les  quatre  Labyrinthes  de  la  France  ,  &  les 
nouveaux  Hérétiques.  Il  s'élève  contre  les  changemens  faits 
dans  la  méthode  d'étudier  la  Théologie  jufqu'au  douzième 
fiécle  ;  contre  les  queilions  indécentes  ,  inutiles  &  dange- 
rcurcs  que  l'on  traitoit  dans  les  Ecoles  ;  &  il  les  réfute  par 
l'autorité  des  Conciles  &  des  Pères.  Il  montre  les  contrarié- 
tés dans  lefquelles  les  Philosophes  font  tombés ,  &  combien 
ils  ont  été  éloignés  de  la  vérité.  Attaquant  en  particulier  So- 
crate  ,  Ariftote  &  Seneque  ,  il  fait  voir  que  toutes  les  héré- 
fies  qui  fe  font  élevées  dans  l'Eglife ,  ont  pris  leur  naiflan- 
ce  dans  les  principes  de  ces  Philofophes.  Ce  fut  par  cette 
conlidération  que  Robert  de  Corceon  ,  Cardinal-Légat  en 
1 2 1 5  (  »  )  ,  dans  TAde  de  la  réformation  de  l'Univerfité  de 
Paris ,  fit  une  défenfe  générale  de  lire  les  Livres  d'Ariftote 
■Fntitulés  :  De  la  Mètaphyftque  &  Philofophie  naturelle  ;  mais 
il  ordonna  aux  Maîtres-ès-Arts  d'expliquer  fa  Dialedique  , 
fa  Morale ,  &  le  quatrième  Livre  des  Toniques.  Les  Livres 
de  la  Métaphyfique  &  de  la  Philofophie  naturelle  furent 
défendus  dans  les  Ecoles  par  Grégoire  IX  en  1231  ,  juf- 
qu'à  ce  qu'ils  euflent  été  purgés  de  tout  foupçon  d'erreur  : 
mais  dans  la  fuite  Albert-le-Grand  &  faint  Thomas  d'Aquin 
firent  fur  ces  Livres  des  Commentaires ,  dans  lefquels  ils  ef- 
fayerent  de  concilier  les  nouveaux  Théologiens  ,  c'eft-à-dire , 
les  Scholaftiques  ,  avec  l'Evangile  :  &  pour  lever  les  obftacles 
que  ces  Théologiens  avoient  mis  dans  leurs  Ecrits  au  pro- 
grès des  jeunes  Etudians  (  0  )  ,  ils  en  retranchèrent  plu- 
fieurs  quefiions  frivoles  &  inutiles ,  &  propofèes  fans  aucua 
ordre. 

XIX.  Ils  ne  touchèrent  point  à  la  méthode  fcholaftique  ;  Inconvéniens 
elle  eft  pafTée  jufqu'à  nous  avec  fa  féchereffe  &  tous  fes  ter- JJ^^,^^^^h°^« 
mes  barbares  ;  propofant ,  comme  elle  fait ,  les  vérités  toutes 
nues ,  lous  une  forme  toujours  contrainte ,  &  d'un  ftyle  fec 
&  décharné  qui  n'a  ni  grâce  ni  nobleffe ,  fa  façon  de  pro- 
céder eft  moins  utile  &  moins  agréable  que  celle  des  anciens 
Pères  de  l'Eglife  ,  qui  s'expliquoient  naturellement  ,  mais 


(n)  Pag.  670.  I       (0)  Thomas  ,in  Prolog,  T. paru 

Tome  XXIII,  B 


lo  DISCOURS 

noblement.  La  chofe  fera  fcnfible  par  cet  exemple.  S'il  s'a- 
giflbit  de  prouver  le  péché  originel  par  les  miferes  des  en- 
ians ,  fuivant  la  méthode  dialedique ,  on  procéderoit  en  cette 
manière  :  Les  enfans  ne  fauroient  être  miférabies  {p  ) ,  qu'en 
punition  de  quelque  péché  qu'ils  tirent  de  leur  naiffance  :  or 
ils  font  miférabies  ;  donc  c'eft  à  caufe  du  péché  originel.  La 
majeure  fe  prouveroit  par  cet  argument  disjondif.  La  mifere 
des  enfans  ne  peut  procéder  que  de  l'une  de  ces  quatre  cau- 
fes;  1°.  des  péchés  précédens  commis  dans  une  autre  vie  ; 
2°.  de  l'impuiflance  de  Dieu ,  qui  n'avoit  pas  le  pouvoir  de 
les  en  garantir  ;  3°.  de  l'injurtice  de  Dieu,  qui  les  y  affervi- 
roit  fans  fujct;  4°.  du  péché  originel:  or  il  eft  impie  de  dire 
qu'elle  vienne  des  trois  premières  caufes  ;  elle  ne  peut  donc 
venir  que  de  la  quatrième ,  qui  eft  le  péché  originel.  La  mineu-  » 

re ,  que  les  enfans  font  miférabies ,  fe  prouveroit  par  le  dénom-  I 

brement  de  leurs  miferes.  1 

ta  méthode  XX.  Mais  faint  Auguftin  a  propofé  cette  preuve  du  péché 
TEgiifeTpius  originel  avec  plus  de  grâce  &  de  force  ,  en  la  renfermant 
de  grâce  &  dâns  un  argument  compofé  en  cette  forte  :  Confidérez  la 
çiuide  force,  multitude  &  la  grandeur  des  maux  qui  accablent  les  enfans  ; 
&  combien  les  premières  années  de  leurs  vies  font  remplies 
de  vanité  ,  de  fouffranccs  ,  d'illufions  ,  de  frayeurs  :  enfuite 
lorfqu'ils  font  devenus  grands  ,  &  qu'ils  commencent  même 
à  fervir  Dieu  ,  l'erreur  les  tente  pour  les  féduire  ;  le  travail 
&  la  douleur  les  rente  pour  les  aflfoiblir  ;  la  concupifcence  les 
tente  pour  les  enflammer;  la  trifteffe  les  tente  pour  les  abat- 
tre ;  l'orgueil  les  tente  pour  les  élever  ;  &  qui  pourroit  re- 
préfenter  en  peu  de  paroles  tant  de  diverfes  peines  qui  ap- 
pefantiflent  le  joug  des  enfans  d'Adam  ?  L'évidence  de  ces 
miferes  a  forcé  les  Philofophes  payens  ,  qui  ne  fçavoient  & 
ne  croyoient  rien  du  péché  de  notre  premier  père ,  de  dire 
que  nous  n'étions  nés  que  pour  fouffrir  les  châtiraens  que  nous 
avions  mérités  par  quelques  crimes  commis  en  une  autre  vie 
que  celle-ci  ;  &  qu'ainfi  nos  âmes  avoient  été  attachées  à  des 
corps  corruptibles  j  par  le  même  genre  de  fupplice  que  des 
Tyrans  de  Tofcane  faifoient  fouffrir  à  ceux  qu'ils  attachoient 
t-out  vivans  avec  des  corps  morts  :  mais  cette  opinion,  que 
les  âmes  font  jointes  à  des  corps  en  punition  de  leurs  fau- 


(/_)  logiqtte  dt  Port'Rtyal ,  pug,  28 j.  chap,  r$4  part.  3. 


SUR   LA   THEOLOGIE, &c.  u 

tes  précédentes  d'une  autre  vie  ,  cft  rcjcttcc  par  TApôtrc. 
Que  refle-c-U  donc ,  finon  que  la  caufe  de  ces  maux  effroya- 
bles foit  ou  rinjuftice  ou  l'impLilTIince  de  Dieu,  ou  la  peine 
du  premier  péché  de  l'homme  ?  Mais  parce  que  Dieu  n'efl: 
ni  injufte  ni  impuilTant,  il  ne  refte  plus  que  ce  que  vous  ne 
voulez  pas  reconnoitre ,  mais  qu'il  faut  néanmoins  que  vous 
reconnoiflîez  malgré  vous ,  que  ce  joug  Ci  preflanc  que  les 
cnfans  d'Adam  iunr  obligés  de  porter ,  depuis  que  leurs  corps 
font  lorris  du  Icin  de  leur  mère ,  [ufqu'au  jour  qu'ils  rentrent 
dans  le  Icin  cie  leur  mère  commune ,  qui  eft  la  terre,  n'auroit 
point  été,  s'ils  ne  l'avoient  mérité  par  le  crime  qu'ils  tirent  de 
leur  origine. 

XXI.  Ce  n'efl  pas  que  la  forme  fyllogiftique  n'ait  quel- 
quefois fon  utilité  ,  foit  pour  développer  un  fophilme  fpé- 
cieux  (  7  )  ,  foit  pour  rendre  fenfible  une  vérité  abftraite  ; 
mais  il  eft  ennuyeux  de  l'emplover  toujours  ,  &  de  répéter 
à  chaque  moment  les  mêmes  formules.  Cette  méthode  ne 
nous  permettant  pas  non  plus  d'analyfer  les  Ecrits  des  Théo- 
logiens fcholafliques  qui  l'ont  fuivie  ,  femble  mettre  des 
bornes  à  notre  Ouvrage ,  dont  les  analyfes  des  Auteurs  Ec- 
cléfiaftiques  fait  l'objet  principal.  Nous  donnerons  néanmoins 
celle  des  Ecrits  de  Pierre  Lombard  ,  parce  qu'ils  tiennent 
plus  de  la  Théologie  pofitive  que  de  la  fcholailique  ,  &  nous 
dirons  un  mot  de  quelques  -  uns  de  fes  plus  fameux  Difci- 
ples. 


(j)  FlEURY  ,  cmquiémt  Difcottrs. 


Bij 


la  PIERRE    LOMBARD, 

CHAPITRE     PREMIER. 

Pierre  Lombard  j  Evêque  de  Paris ,  furnommé  le  Maître 

des  Sentences, 

A  R  T  I  C  L  E     I. 

Hijîoire  de  fa  Vie, 

Pierre  Lom-I.  T  L  n'y  a  quc  ceux  qui  font  abfolument  étrangers  dans 
des.  ii^va"en      JL  ^^^  matières  de  Théologie  (r) ,  à  qui  le  nom  &  les  Ou- 
France.         vragcs  de  Pierre  foient  inconnus.  On  le  furnomma  Lombard 
à  caufe  qu'il  étoit  né  à  Novarre ,  Ville  de  la  Province  de 
Lombardie.  Il  fit  fes  premières  études  à  Bologne ,  d'où  le 
defir  de  s'avancer  dans  les  Sciences  le  fit  pafler  en  France. 
Deftitué  des  biens  de  la  fortune  (  0  >  l'Evêque  de  Luques  , 
ami  de  faint  Bernard  ,  lui  écrivit  de  trouver  dans  la  bourfe 
des  perfonnes  de  fa  connoiflance  de  quoi  faire  fubfifter  Pierre 
pendant  qu'il  demeureroit  en  France  pour  fes  études.  S.  Ber- 
nard fournit  à  fes  befoins  durant  fon  féjour  à  Reims  ;  &  Gil- 
duin,  Abbé  de  Saint  Vi<Sor,  dans  les  commencemens  de  fa 
demeure  à  Paris. 
Ses  progrès     H.  l\  fit  de  fi  grands  progrès  dans  les  Ecoles  de  cette 
dlT-  iUnftU  Ville  (f)  ,  qu'il  fe  trouva  en  état  d'y  enfeigner  publiquement, 
gne'à  Paris.    II  s'cn  acquitta  avcc  éloge.   Un  de  fes  plus  illuftres  Difciples 
Eft  fait  Cha-  f^p  Philippe  ,  fils  du  Roi  Louis-le-Gros.  Pierre  fut  pourvu 
d'un  Canonicat  dans  l'Eglife  de  Chartres  ;  &  le  Prince  Phi- 
lippe ,  qui  avoir  renoncé  au  monde  pour  embrafler  l'état  Ec- 
eléfiaftique ,  eut  la  dignité  d'Archidiacre  dans  la  Cathédrale 
de  Paris. 
Son  voyage     III.  Vers  l'an  1149  (")  il  s'éleva  parmi  les  Ecoliers  de 
raniT49.'""l'Univerfité  de  cette  Ville  une  fédition  ,  dans  laquelle  plu- 


{r^Calli/iChrifllana  fTom.y.  p.  <;8.      (     («)Tof».  1,  Uift,  Univtrf, Parif,  fMgt 
(i)  BïRNARD,  Epift.  410.  adGilduin.  j  iji, 
(»}  Galliit  Çhr>jlia>nt,{ag,  68. 


EVESQUE  DE  PARIS.  Ch.  T.  15 

fieurs  Profefleurs  furent  impliqués.  Il  y  en  eut  d'excommu- 
niés par  Thibaud  ,  Evcque  de  Paris  :  mais  cette  Sentence 
n'ayant  pu  rétablir  la  paix  dans  l'Univerlité  ,  Jofcelin  , 
Chanoine  de  Meaux,  déféra  au  Pape  Eugène  III  le  nom 
de  Maître  Pierre  &  de  deux  autres  Profefleurs,  accufcs  non- 
feulement  de  n'avoir  pas  réprimé  les  Ecoliers,  mais  encore 
d'avoir  excité  le  trouble.  Jofcelin  &  Pierre  allèrent  à  Rome 
plaider  leur  caufe.  Pierre  y  trouva  de  l'appui  chez  les  Car- 
dinaux ,  &  le  Jugement  de  fon  affaire  fut  renvoyé  par  le  Pape 
à  l'Abbé  Suger.  Pierre  à  fon  retour  préfenta  à  cet  Abbé  la 
Lettre  du  Pape  ,  &  celles  des  Cardinaux  Yves  &  Hugues. 
On  ne  fçait  point  la  fin  de  cette  affaire ,  finon  qu'elle  ne  fit 
aucun  tort  à  la  réputation  de  Pierre.  Quelques-uns  ont  douté 
fi  par  ce  nom  il  falloir  entendre  Pierre  Lombard  ;  car  il  y  avoin 
alors  plufieurs  ProfefTeurs  de  ce  nom  dans  TUniverfité  de 
Paris  :  mais  il  efl  vraifemblable  qu'il  s'agiffoit  dans  cette  con- 
teftation  de  Pierre  Lombard  ,  connu  alors  comme  dans  la 
fuite  fous  le  titre  de  Maître  Pierre ,  comme  l'appelle  Jean  de 
Sarifljeri ,  Auteur  contemporain ,  ou  de  Maître  des  Sentences  f 
à  caufe  de  fon  Ouvrage  intitulé  :  Des  Sentences.  On  l'appella 
aufÏÏ  Pierre  Lombard. 

IV.  Thibaud  ,  Evêque  de  Paris  (x)  ,  étant  mort  le  neu-  U  eflfaitEyê- 
viéme  de  Janvier  de  l'an  11  57  ,  les  Chanoines  élurent  d'une  ^^,^^7.*"*' 
voix  unanime  Philippe  ,  fils  de  Louis-le-Gros.  Il  étoit ,  com- 
me on  vient  de  le  dire ,  Archidiacre  de  cette  Eglife.  Prince 
vertueux  &  modefte  ,  il  porta  les  fuffrages  du  Chapitre  à 

Pierre  Lombard  fon  Maître  ;  &  content  de  fa  dignité  d'Ar- 
chidiacre ,  il  la  conferva  jufqu'à  fa  mort ,  qui  arriva  l'an  Ji6i» 
On  ne  lui  a  donné  point  donné  d'autre  titre  dans  fon  Epi- 
taphe. 

V.  On  fçait  peu  de  chofcs  de  l'Epifcopat  de  Pierre  ,  par- Mort  de  Pier- 
ce  qu'il  fut  très- court,  n'ayant  gouverné  l'Eglife  de  Paris ^^ ^^g"'^^"'^  ' 
que  depuis  l'an  i  i5p  ,  jufqu'au  mois  d'Août  de  l'an  ii^o, 
comme  on  le  voit  par  la  Chronique  de  Nicolas  Trivette  (y). 

Celle  de  Ricobalde  de  Ferrare  (z)  raconte  que  les  Princi-' 
paux  de  Novarre  étant  venus  à  Paris  rendre  vifite  à  l'Evê- 
que  de  cette  Ville ,  leur  Compatriote  ,  menèrent  avec  eux  fa 


{x)  GalliaChnlliatt.  tcm.  y,  p.  67,^8.  J     t(x)BsTltm.T<un.7.fiiigmeni.hiftQri(, 
(j)  Siùihg.  Tom.  %,{xg.  44/.  l-p«j.  186. 


14  PIERRE    LOMBARD, 

mère  :  qu'avant  que  de  la  lui  prcienter  ,  ils  la  firent  habiller 
de  la  manière  qu'ils  croyoienc  la  r  lus  décente  ,  mais  au-deflUs 
de  la  naiffance.  Je  conaois  mon  fils  ,  die  la  mère  ;  il  n'ap- 
prouvera pas  cette  aff -dation  dans  ma  parure.  En  effet ,  la 
lui  ayant  prélentée  ,  il  dit  en  la  regardant  :  Ce  n'efl:  pas  là  ma 
mère  ,  je  iuis  le  fils  d'une  pauvre  femme  ;  &  il  détourna  les 
yeux  de  defT^s  elle.  Donnez -moi ,  dit- elle  à  ceux  qui  l'ac- 
compagnoient ,  mes  habits  ordinaires,  &  il  me  reconnoîtra. 
Cela  le  fit  ainfi:  on  la  préfenta  à  l'Evêque  ,  qui  l'ayant  ap- 
perçue  vêtue  félon  fon  état ,  dit  :  Voilà  ma  pauvre  mère  ;  celle 
qui  m'a  mis  au  monde  ,  allaité  ,  foigné  &  élevé  :  alors  fe  levant 
il  l'embraffa  ,  &  la  fit  affeoir  auprès  de  lui.  Pierre  Lombard 
mourut  le  20  Juillet  de  l'an  ii<^o  (<7),  &  fut  enterré  dans 
l'Eglile  Collégiale  de  Saint  Marcel  au  Fauxbourg  de  ce 
nom  ,  où  l'on  a  eu  foin  de  marquer  lur  fon  Epitaphe  les  Ou- 
vrages qu'il  avoit  compofés.  L'année  de  fa  mort ,  félon  cette 
Epitaphe,  efl  11 64  ;  mais  cette  date  a  été  ajoutée  dans  les 
fiécles  poftérieurs.  C'efl  toutefois  celle  que  Duboulai  a  fuivie, 
de  même  que  Fabricius  (b)  :  mais  il  efl  certain  que  Maurice 
de  Sully  étoit  Evêque  de  Paris  en  1 1^0 ,  &  qu'il  fonda  en  cette 
année  le  Monaflere  d'Herinal  (c) ,  pour  des  Chanoines  Régu- 
liers en  Lorraine. 
Eiog«sdon-  y j^  Aufli  -  tôt  que  Hugues  ,  Archevêque  de  Sens  ,  eut 
Lombard,  a-ppris  la  mort  de  Pierre  Lombard  (d),  il  écrivit  une  Lettre 
de  confolation  à  Barbe- d'or ,  Doyen ,  &  aux  autres  Chanoi- 
nes de  la  Cathédrale,  à  qui  il  dit,  qu'éiant  pénétré  d'une 
vive  douleur  de  la  perte  de  fon  Maître ,  il  ne  fe  trouve  gueres 
«n  état  de  confoler  les  autres.  J'ai  perdu  ,  leur  dit-  il ,  une 
portion  de  mon  ame  ,  le  bâton  de  ma  jeunefTe  ,  le  confola- 
teur  &  îe  do£teur  de  ma  vie.  Les  Sçavans ,  comme  Matthieu 
Paris  ,  Tritcme,  faint  Antonin  ,  Sixte  de  Sienne  ,  Henri  de 
Gaiid  ,  ôi  beaucoup  d'autres  ,  l'ont  comblé  d'éloges.  On  l'ap- 
pella  par  excellence  le  Maître  des  Sentences  ;  &  l'Ouvrage 
qui  lui  a  occafionné  ce  titre ,.  fijt  fi  efiimé  de  fon  tems  &  dans 
les  fiéclcs  iuivans ,  que  les  pkis  dodes  le  commentèrent.  Quel- 
ques-uns trouvèrent  dans  fes  Ecries  des  façons  de  piirler  peu 


(a]  Gaina  CbrilHan.  p.  69.  "~ 

{b)  Tom.  1.  liift.  Univerf.  Parif.  pag. 

î87.  FabriC  lonk,  f.  BtbUiV,  lati>t..f. 

777» 


3»i  .j. 


— ^ej-GTitiuciiTtjttini/pdgrri. 

(d)  Tom.  4.  Hifïor.  Francor.  Drichefne,  C» 
T»f».  2.  HijhUniverf.  PariJ.  p.  314. 


EVESQUE  DE  PARIS.  Ch.  I.  Art.  II.  15 
exactes.  Sixte  de  Sienne  les  a  remarquées  dans  les  cinquiè- 
me &  lixiéme  Livres  de  l'a  Bibliothèque  fainte  (e).  Pierre 
Lombard  acculé  auprès  d'Alexandre  III  d'avoir  enfeigné 
que  Jefus-Oirift,  comme  homme  ,  n'efl  rien  ,  ce  Pape  or- 
donna à  Guillaume  ,  Archevêque  de  Sens ,  d'alTembîer  un 
Concile  à  Paris ,  de  travailler  avec  les  Evêques  à  détruire 
cette  doftrine ,  Se  d'obliger  les  Théologiens  à  enieigner  que, 
comme  Jefus-Chrill  eft  Dieu  parfait  _,  il  efl  auffi  Homme  par- 
fait ,  compofé  d'une  ame  raifonnable  ,  &  d'une  chair  humai- 
ne. L'Abbé  Joachim  accufa  encore  Pierre  Lombard  de  di- 
verfcs  erreurs ,  mais  il  fut  lui-même  condamné  dans  un  Con- 
cile général  tenu  à  Rome  en  1115.  Pierre  n-ouva  un  Défen- 
feur  dans  Maître  Jean  de  Cornouaille  ,  qui  ccrivoit  après 
Tan  1175»  &  depuis  la  tranflation  de  Guillaume  ,  Archevê- 
que de  Sens ,  fur  le  Siège  Archiépifcopal  de  Reims.  Dans 
un  Ecrit  adreifé  au  Pape  Alexandre  III  (/)  ,  où  il  prouve 
que  Jefus-Chrifl:  eft  Dieu  &  Homme  parfait ,  il  enfeigné  que 
Lombard ,  qui  paroiflbit  être  dans  un  fentiment  oppofé ,  ne 
l'avoit  pas  avancé  alTertivement ,  mais  comme  une  opinion 
qu'il  avoir  reçue  de  fon  Maître ,  &  qui  n'écoit  pas  la  Tienne. 


ARTICLE     II. 

Des  Ecrits  de  Pierre  Lombard, 

1. 1"     ^Ouvrage  le  plus  célèbre  de  Pierre  Lombard,  eft  ce-    livres  des 

■  j  lui  qui  efl  intitulé  :  Des  Sentences.  C'eft  à  propre-  Sentences, 
ment  parler  une  Somme  de  Théologie  ,  corapofce  des  pafla- 
ges  choifis  des  Pères  de  i'Eglifc  ,  &  diûribuée  fuivant  la  mé- 
thode des  Scholaftiques.  Le  deffein  de  l'Auteur  étoit  pre- 
mièrement de  prouver ,  par  l'autorité  des  Pères ,  les  vérités 
fpèculatives  &  pratiques  de  la  Religion,  fe  perfuadant  qu'ayant 
décidé  par  cette  voie  les  queflions  agitées  alors  dans  les  Eco- 
les ,  il  en  appaiferoit  les  difputes  ;  fecondement ,  de  fournir 
aux  Théologiens  tous  les  paffages  néceffairés  pour  la  preuve 
de  leurs  décifions  ,  afin  que  les  ayant  recueillis  dans  un  même 


■1    (f: 


(e)  Lié.  ^.anmt,  éi^-ji,^   lit,  6,\       (f)  Martenn.  Tom.  f,Anecdor,fa^. 
aunot,  202.. 


i^  PIERRE    LOMBARD, 

Volume ,  &  à  la  fuite  de  chaque  queflion,  ils  fuflent  difpen- 
fés  de  feuilleter  les  Livres  des  Pères  pour  chercher  ces  palTa- 
g  s;  ce  qui  ne  pouvoit  fe  faire  qu'avec  beaucoup  de  travail. 
Des  vues  11  idgcs  furent  fans  fuccès  :  il  arriva  que  l'Ouvrage  , 
au  lieu  de  me.tre  fin  aux  difputes  &  aux  queftions ,  en  occa- 
fionna  fms  fin. 

II.  Pierre  emploie  non  -  feulement  l'autorité  des  Pères  de 
l'Eglife ,  mais  aufli  celle  de  l'Ecriture  fainte.  Les  Pcres  La- 
tins font  ceux  qu'il  cite  le  plus  fouvent ,  en  particulier  faint 
Jérôme,  faint  Ambroife,  faint  Hilaire  ,  faint  Auguflin.  Des 
Pères  Grecs  il  cite  Origenc  ,  Didyme  &  faint  Athanafe  , 
c'eft-à-dirc ,  le  Symbole  qui  porte  fon  nom  (g).  Il  eut  auffi 
recours  aux  Livres  de  faint  Jean  Damafcene  ,  qui  ont  pour 
titre  :  De  la  Foi  orthodoxe ,  &  qu'on  vcnoit  de  traduire  en 
latin.  On  l'a  accufé  de  plagiat  {h  )  \  mais  il  n'y  a  pas  de  preu- 
ves certaines  que  la  Somme  théologique  de  Maître  Bardin  , 
où  l'on  veut  qu'il  ait  pillé ,  foit  plus  ancienne  que  les  Livres 
des  Sentences.  Il  paroît  au  contraire  que  cette  Somme  n'en 
cft  qu'un  abrégé.  Pierre  Lombard  a  divifé  fon  Ouvrage  en 
quatre  Livres  ,  &  chaque  Livre  en  plufieurs  Diftindions.  Par 
une  le£lure  bien  réfléchie  des  Livres  de  l'Ancien  &  du  Nou- 
veau Teftament ,  il  connut  que  la  dodrine  qui  y  eft  renfer- 
mée a  pour  objet  les  chofes  &  les  fignes  ;  parce  qu'en  effet  , 
fuivant  la  remarque  de  faint  Auguïtin  ,  toute  la  fcience  eft 
des  chofes  &  des  fignes.  On  appelle  chofes  proprement,  non 
celles  dont  on  fe  ferc  pour  fignificr  quelque  choie ,  mais  celles 
dont  on  peut  jouir  ou  ufer  ;  ce  qui  fe  réduit  à  Dieu ,  &  aux 
créatures.  On  peut  jouir  de  Dieu  ;  on  peut  ufer ,  mais  non 
jouir  des  créatures.  C'eft  le  fujet  des  deux  premiers  Livres. 
Le  troifiéme  traite  du  Myfterede  l'Incarnation  du  Verbe  de 
Dieu ,  de  la  foi ,  de  l'amour  de  Dieu  &  du  Prochain ,  &  des 
autres  vertus  ;  le  quatrième  des  Sacremens ,  de  la  Réfurredion 
&  du  Jugement  dernier. 


{.g  )  ^'^t  3.  dipinS,  1 1 ,  C?  aliHf<tpt,    J   (  A )  Fabric,  Tow.  f .  Biiliot.  Lat.  p.  778. 


§.   h 


EVESQUE  DE  PARIS.  Ch.  I.  Art.  IL       17 
§.  I.  • 

Du  premier  Livre  des  Sentences, 

I.  T  L  eft  divifc  en  48  Diftindlions.  Les  chofes  dont  nous  premîer Livre 
J[  devons  jouir ,  font  celles  qui  nous  rendent  heureux,  des  Sentences. 
Jouir,  c'cfl:  s'attacher  par  amour  à  la  chofe  dont  on  jouit  ,uvre^.  ^  ^^^ 
&  l'aimer  pour  elle-même.  Il  n'y  en  a  pas  d'autre  que  Dieu 
le  Père  ,  le  Fils  ,  &  le  Saint-Efprit  :  d'où  vient  que  les  An-Diftinfl.  i. 
ges  qui  jouiflent  déjà  de  Dieu  ,  font  bienheureux  :  en  cette 
vie  nous  n'avons  que  le  defir  d'en  jouir,  ou  fi  nous  en  jouif-j.Cor.  ij.12. 
fons ,  ce  n'efl:  qu'en  le  voyant  comme  en  un  miroir  ou  en  des 
énigmes. 

II.  Cette  Trinité  eft  un  &  feul  vrai  Dieu ,  d'une  &  même  Diflina.  i, 
fubftance  ou  effence ,  le  fouverain  bien  qui  n'efl  vu  que  des 

âmes  très-purifiées.  Les  Grecs  donnent  à  cette  unité  d'eflen- 
ce  le  nom  de  confubftantielle ,  parce  qu'encore  que  perfon- 
nellement  le  Père  foit  autre  que  le  Fils ,  le  Fils  autre  que  le 
Saint-Efprit,  ces  trois  Perfonnes  font  fubftantiellement  la  mê- 
me chofe  &  la  même  nature. 

III.  Les  grandeurs  invifibles  de  Dieu  ,  fa  puiflance  éter-  Diftind.  j. 
nelle  &  fa  divinité  ,nous  deviennent  comme  vifibles  ,  en  fe^i"".  ï.  40. 
faifant  connoître  par  fes  ouvrages  depuis  la  création  du  Mon- 
de. On  voit  dans  fes  œuvres  l'excellence  de  l'Ouvrier  ;  nous 

y  voyons  même  des  images  de  la  fainte  Trinité  :  quoique 
i'ame  ne  foit  pas  Dieu  ,  elle  en  ell  toutefois  l'image ,  &  l'on 
peut  trouver  en  elle  l'image  de  la  Trinité.  Il  y  a  dans  l'ame 
de  la  mémoire  ,  de  l'intelligence ,  de  l'amour  ;  ces  trois  cho- 
fes font  diftinguées,  &  néanmoins  ne  font  qu'une  même  chofe 
avec  l'ame ,  &  une  feule  ame  :  mais  il  ne  faut  pas  trop  prefTer 
cette  comparaiion  ,  ni  quantité  d'autres  qu'on  tire  des  créa-, 
tures.  Ce  n'efl:  qu'en  quelque  chofe  que  l'ame  efl:  femblable  à 
la  fainte  Trinité  :  quoique  l'ame  fe  fouvienne,  qu'elle  connoiflc, 
qu'elle  aime ,  la  mémoire  n'efl  pas  l'ame  j  c'eft  une  de  fes  facul- 
tés ,  comme  i'in.elligence  &  l'amour. 

IV.  Pierre  Lombard  fe  propofe  cette  queftion  :  Peut-on  I^'^»"^- •♦• 
dire  que  le  Père  s'efl:  engendré  lui-même  ,  ou  s'il  a  engendré 


(  i)'Fx  IJii.  ^ar'^fimf.  an.  Ij'48. 

Tome  XXIIL 


i8  PIERRE    LOMBARD, 

Diflinft.  j.  un  autre  Dieu  ?  Il  répond  qu'on  ne  peut  dire  que  Dieu  ait 
engendré  un  autre  Dieu  ,  puifqu  il  n'y  a  qu'un  feul  Dieu  ; 
mais  qu'on  dit  bien  que  le  Père ,  qui  eft  Dieu ,  a  engendré  une 
autre  perfonne  qui  eft  Dieu  ;  &  qu'on  ne  doit  dire  en  aucune 
façon  que  le  Père  s'eft  engendré  lui  -  même  ,  parce  qu'il  eft 
fans  exemple  que ,  foit  dans  les  créatures  vifibles  ,  ou  dans  les 
inviiibles  ,  quelqu'une  fe  foit  engendrée  pour  fe  donner  l'ê- 
tre. Il  fe  fait  fâ-deffus  plufieurs  queftions  frivoles  agitées  alors 
parmi  les  Scholaftiques  ;  puis  venant  à  la  génération  du  Ver- 
be ,  il  demande  fi  le  Père  a  engendré  l'eflence  divine ,  ou  ft 
l'eiTence  divine  a  engendré  le  Fils  ?  11  répond  luivant  la  do- 
drine  dont  il  rapporte  les  paflages  :  EHeu  le  Père  n'a  pas 
produit  l'eflence  divine,  ni  l'eflence  divine  une  autre  eflen- 
ce  ,  ni  cette  effence  le  Fils  ;  mais  le  Père  a  produit  le  Fils  8e 
le  Saint-Efprit ,  lefquelles  deux  perfonnes  font  de  la  même 
fubftance  &  de  la  même  nature  que  le  Père» 

Diftina.  6.  V.  On  a  coutume  de  demander  fi  le  Père  a  engendré  fon 
Fils  néceflàirement  ou  volontairement  ?  A  quoi  l'on  doit  ré- 
pondre ,  que  n'y  ayant  point  de  néceiïité  en  Dieu  ,  on  ne 
peut  dire  qu'il  ait  engendré  fon  Fils  par  néceflTité  ;  qu'il  ne 
l'a  pas  non  plus  engendré  par  volonté  ,  parce  que  la  volonté 
n'a  pu  précéder  la  générarion  de  la  Sageffe  éternelle  ;  qu'il 
l'a  donc  engendré  fuivant  la  nature ,  quoique  volontairement. 
Lombard  fait  la  même  réponfe  à  cette  autre  queftion  :  Le 
'  "  ■  ^'  Père  a-t-il  eu  une  volonté  8c  un  pouvoir  particulier  d'engen- 
drer fon  Fils  ?  La  génération ,  dit-il  ,  n'eft  pas  un  effet  de  la 
volonté  ni  de  la  puiffance ,  mais  de  la  nature  ;  &  elle  n'eft  point 
une  des  chofes  qui  font  foumifes  à  la  volonté  &  à  la  puiflTance 
divine. 

Diftina.  8.  VI.  Le  Maître  des  Sentences  s'explique  enfuice  fur  la  fim- 
plicité  &  l'incommutabilité  de  Dieu.  Il  enfeigne  que  comme 
il  n'y  a  que  l'eflence  divine  qui  foit  immuable  ,  elle  eft  feule 
parfaitement  fimple ,  enforte  que  n'étant  fujette  à  aucun  ac- 
cident ,  aucun  des  prédicamcns  de  l'art  dialedique  ne  lui  con- 
vient ;  que  c'eft  même  abufivement  qu'on  dit  de  Dieu  qu'il 
eft  une  fubftance  ,  puifqu'il  n'y  a  rien  en  lui  qui  ne  foit  Dieu  ;. 
que  fubftance  ne  fe  dit  proprement  que  des  créatures  ;  qu'en 
parlant  de  Dieu  ,  il  vaut  mieux  fe  fcrvir  du  terme  d'ef- 
fence. 

VIL  L'eflence  du  Père ,  du  Fils  &  du  Saint-Efprit  eft  une 
&  la  même  j  c'eft  pourquoi  ils  ne  font  qu'un  feul  Dieu ,  quoi- 


I 


Diflinft.  9. 


EVESQUE  DE  PARTS.  Ch.  T.  Art.  IL  ip 
que  diflingucs  pcrfonncllcmcnc.  Le  Fils  eft  engendré  du 
Pcre  ;  toutefois  le  Perc  n'eft  pas  avant  le  Fils  :  les  trois  Pcr- 
fonnes  font  cocrcrnelles.  Arius  difoit  :  Tout  ce  qui  eft  né  a 
un  principe  ;  le  P'ils  efl  né  ,  il  a  donc  un  principe ,  il  a  com- 
mencé d'être.  Saint  Auguftin  répond  que  le  Fils  de  Dieu  efl 
né  ,  mais  qu'il  efl  né  de  toute  éternité ,  &  qu'il  efl;  des  -  lors 
coécerncl  au  Père,  comme  la  fplcndcur  qui  cil  née  du  feu  efl 
en  même-tems  que  le  feu ,  &  qu  elle  lui  fcroit  coéternelle  ,  fi  le 
feu  étoit  éternel. 

VIIL  Le  Saint-Erprit  efl  l'amour  mutuel  du  Père  &  duDiftina.  lo. 
Fils  ;  c'efl  pourquoi  il  ne  procède  pas  du  Père  feul ,  ni  du  Fils 
feul ,  mais  des  deux.  Comme  on  appelle  le  Fils  de  Dieu  Sa- 
gefTe  ,  quoique  toute  la  Trinité  foit  aufli  SagefTe ,  de  même 
on  donne  particulièrement  au  Saint-Efprit  le  titre  de  Cha- 
rité ,  encore  qu'il  convienne  également  au  Père  &  au  Fils  ; 
parce  que  Dieu  efl  charité ,  &  que  les  trois  Perfonnes  font  un 
îeul  Dieu.  SagelTe  &  charité  font  des  attributs  communs  à 
la  nature  divine  ,  mais  particulières  aux  perfonnes ,  la  fa- 
gefTe  au  Fils  ,  la  charité  au  Saint-Efprit.  Pierre  Lombard  Diflina.  m 
prouve  par  l'autorité  de  l'Ecriture ,  des  Conciles  &  des  Pè- 
res ,  même  Grecs ,  que  le  Saint-Efprit  procède  également  du 
Père  &  du  Fils ,  fans  aucune  diflindion  de  priorité  de  tems. 
11  convient  cependant  qu'on  peut  dire  en  un  fens  que  le  Saint- 
Efprit  procède  proprement  du  Père ,  parce  que  le  Fils  dont 
il  procède  aufli ,  reçoit  fa  nature  du  Père ,  &  le  principe  de 
la  procefTion  du  Saint  -  Efprit ,  au  lieu  que  le  Père  a  l'un  & 
l'autre  de  lui-même.  C'efl  en  ce  fens ,  dit-il ,  que  les  Pères  en- 
■feignent  que  le  Père  envoie  le  Saint-Efprit  par  fon  Fils ,  parce 
que  le  Fils  a  du  Père  d'envoyer  le  Saint-Efprit ,  comme  de 
procéder  de  lui. 

IX.  Dans  la  Trinité  il  efl  difficile  de  diflinguer  la  généra-  Diftinâ.  13/ 
tion  de  la  procefTion  ,  &  quelle  différence  il  y  a  entre  procéder 
&  naître.  Quoique  faint  Auguflin  avouât  ibn  impuiffance  à 
cet  égard  ,  il  ne  laifTe  pas  de  dire  que  le  Saint-Efprit  ne  peut 
être  appelle  Fils ,  parce  qu'il  implique  d^être  né  de  deux  Pe- 
res^cequi  feroit ,  s'il  étoit  rté  du  Père  &  du  Fils  ;  au  lieu  qu'on 
dit  .bien  qu'il  procède  de  l'un  &- de  l'autre,  parce  qu'il  efl 
l'Efprit  des  deux  ,  Dieu  le  Père ,  en  engendrant  fon  Fils ,  lui 
ayant  donné  que  le  Saint-Efprit  procédât  audî  de  lui.  Mais 
le  Fils  ne  dit-il  pas  dans  l'Evangile,  qu'il  procède  lui-même  7o.«».  kî. 
du  Père  ;  en  quoi  doftc'fa  procefTion  efl -elle  différente  de 

Ci] 


ao  PIERRE   LOMBARD, 

celle  du  Saint-Efprit  ?  En  ce  que  le  Fils  procède  du  Père , 
comme  engendré  &  né  de  lui ,  &  le  Saint-Efprit  comme  don- 

Diflina.  14.  né  du  Père.  Il  faut  diflinguer  deux  procédions  du  Saint-Ef- 
prit -,  l'une  écernelle ,  par  laquelle  il  procède  du  Père  &  du 
Fils  j  l'autre  temporelle  ,  lorfqu'il  efl:  envoyé  aux  hommes 

Diftînft.  15.  pour  leur  lan£lification.  Comme  il  cfl  Dieu  ,  on  doit  dire  que 
non-feulement  il  efl  envoyé  du  Père  &  du  Fils  dans  le  tems , 
mais  qu'il  fe  donne  aufli  aux  hommes  pour  les  fanftifier  :  il 
en  ert  de  même  du  Fils  envoyé  du  Père  pour  la  rédemption 
du  genre  humain  ;  il  fe  donne  également  pour  l'accompliffe- 
ment  de  cette  œuvre ,  parce  que  les  opérations  des  trois  perfon- 
nes  de  la  fainte  Trinité  font  une  &  indivifibles. 

Diflina.  16&     X.  Pierre  Lombard  montre  enfuite  qu'il  y  a  deux  milTions 

>7'  temporelles  diflPérentes  du  Saint-Efprit  ;  l'une  invilible  _,  lorf- 

qu'il eft  reçu  dans  le  cœur  des  vrais  fidèles  j  l'autre  vifible , 
comme  le  jour  de  la  Pentecôte ,  auquel  il  parut  fous  des  lan- 
gues de  feu;  que  Jefus-Chrifl: ,  en  tant  qu'homme ,  eft  inférieur 
au  Père ,  au  Saint-Efprit ,  &  à  lui-même  ;  que  le  Saint  Efpric 
étant  Dieu  ,  ne  peut  augmenter  ou  diminuer  dans  l'homme  à 

_„.  -  _  qui  il  eft  donné  :  mais  que  le  don  de  la  charité  qu'il  fait  à 
1  homme  peut  avoir  plus  ou  moins  de  degrés.  On  dit  du 
Saint-Efprit,  qu'il  eft  don  &  donné  ;  don  ,  eft  une  pro- 
priété aufli  éternelle  que  fa  proceflion  du  Père  &  du  Fils  : 
donné,  a  rapport  au  tems  qu'il  eft  envoyé  aux  hommes. 

Diftinft.  15.  XL  Tous  les  attributs  d&  la  Divinité  conviennent  égale- 
ment aux  trois  Perfonnes  ,  parce  qu'elles  n'ont  qu'une  & 

Diftinft.  10.  même  eflence  :  l'une  n'eft  pas  plus  puiftante  que  l'autre.  Le 
Fils  eft  égal  au  Pçre ,  le  Saint-Efprit  égal  au  Père  &  au  Fils. 
Quand  on  dit  que  le  Père  eft  feu! ,  cela  n'exclut  pas  les  deux 
autres  perfonnes  ,  les  trois  font  indivifibles  ;  cela  veut  dire 

Diftinâ. il.  feulement  que  le  Père  eft  feul  Pe're ,  le  Fils  feul  Fils ,  &  ainli 
du  Saint-Efprit  :  enforté  qu'il  n'y  a  dans  la  Trinité  qu'un 
Père  ,  qu'un  Fik ,  qu'un  Saint-Efprit.  Mais  dans  les  difcours 
ordinaires  nous  ne  devons  pas  dire  :  Le  Père  feul  eft  Dieu  , 
iii,  le  Fils  feul  eft  Dieu ,  ni,  le  S^int-Efprit  feul  eft  Dieu,  parce 
jquè  le  Père,  le  Fils  &  le  Saint-Efprit  font  un  feul  Dieu  :  ce  n'eft 
que  de  la  Trinité  qu'on  peut  dire  :  Elle  eft  un  feul  Dieu  ,  n'y 
en  ayant  pas  d'autre. 

Diftinft,  11.  XIL  Venant  aux  noms  &  aux  termes  dont  on  doit  fe  fer- 
vir  en  parlant  de  Dieu  &  de  fes  attributs,  Pierre  Lombard 
die  que  tous  ceux  qui  ont  rapport  à  la  fubftance  on  natuçe  de 


EVESQUE  DE  PAKIS.  Ch.  I.  Art.  II.        21 
Dieu  ,  ne  fe  dilcnt  point  en  pluriel  des  trois  Perl'onncs ,  mais 
leulcmcnt  au  ilngulier.  On  dit  bien  :  le  Perc  cft:  tout-puifTanc, 
le  Fils  eft  tout-puilTant ,  le  Saint  -  Efprit  eft  tout-puiflant  ; 
mais  on  ne  dit  pas  qu'il  y  a  trois  Tout-pui(Tans  ;  les  noms 
qui  appartiennent  à  chaque  perfonnc  le  difent  relativement 
de  chacune  ,  comme  Père  ,  Fils  ,  &  Saint-Flprit.  11  y  a  des  DiiHnd.  îj; 
termes  qui  ne  conviennent  qu'en  commun  aux  trois  Perfon- 
nes,  comme  celui  de  la  Trinicé  ;  d'autres  qui  fe  difent  éga- 
lement de  chaque  Perfonne,  tels  font  les  termes  abfolus  de 
Grand ,  de  Tout-puiflant ,  d'Infini ,  de  Créateur.  Le  nom  de 
Perfonne  ne  peut  fe  dire  qu'en  pluriel  des  trois  Perfonnes 
divines  :  car  on  ne  dit  pas  :  Le  Père ,  le  Fils  ,  le  Saint-Elprit 
font  une  perfonne,  mais  font  trois  perfonnes  ou  trois  hypofta- 
fcs ,  comme  parlent  les  Grecs ,  qui  difent  qu'il  y  a  en  Dieu  une 
eflence ,  &  trois  fubflances  ou  hypoflafes ,  entendant  fous  les 
termes  de  fubflances  ou  d'hypoftalcs ,  ce  que  les  Latins  appel- 
lent perfonnes. 

Xin.  On  trouve  dans  les  Diftindions  fuivantcs  plufieurs  Dlftîna.  14. 
queftions  fur  la  fignificarion  des  termes  d'Unité ,  de  Trini- 
té,  &  autres  donc  on  fe  fert  lorfqu'on  parle  de  l'unité  de 
Dieu  ,  de  la  trinité  des  Perfonnes  ,  de  la  diftindion  qu'il  y  a 
entr'elles.  Pierre  Lombard  dit  que  ces  termes  ont  été  mis  en 
ufage ,  moins  pour  nous  faire  connoître  ce  que  Dieu  eft  en 
lui -môme  ,  que  ce  qu'il  n'eft  pas.  Quand  on  dit  qu'il  n'y  a 
qu'un  Dieu  ,  on  exclut  la  multitude  des  dieux  :  en  diianc 
un   Père ,  un  Fils  ,  nous  faifons  profeflion  de  croire  qu'en 
Dieu  il  n'y  a  qu'un  Père  &  un  Fils ,  &  non  plufieurs  Pères  & 
plufieurs  Fils.  Lorfque  nous  difons  que  les  trois  Perfonnes 
îbnt  diflinguées  l'une  de  l'autre ,  c'eft  pour  marquer  qu'il  n'y 
a  entr'elles  ni  confufion  ni  mélange.  Le  terme  de  Perfonne 
fe  prend  en  deux  manières,  pour  la  fubftance  &  pour  la  pro- 
priété de  la  fubftance  ;  dans  le  premier  fens  on  dit  bien  ;  Le  Dlftina,  ij. 
Père  eft' perfonne ,  le  Fils  eft  perfonne,  le  Saint -Efprit  eft 
perfonne ,  c'eft-à-dire  ,  l'eflence  divine,  parce  que  dans  ce  fens 
Ae  nom  de  Dieu  &  de  Perfonne fignifie  également  l'eflTence  divi- 
ne :  dans  le  fécond  fens  on  fe  fert  du  terme  de  Perfonne  pour 
marquer  la  diftinâion  des  Perfonnes,  qui  font  en  effet  diftintles 
Tune  de  l'autre  par  leurs  propriétés  :  enforte  que  le  Père,  le  Fils, 
&  le  Saint-Efprit,  qui  font  un  en  fubftance ,  font  diftingués  par 
leurs  propriétés  relatives  de  Père,. de  Fils,  &  de  Saint-Efprit, 
La  perfonne  du  Père  eft  diftinguée  de  la  perfonne  du  Fils-, 
par  la  propriété  de  Père  j  la  perionne  du  Fils ,  par  fa  propric- 


IX  PIERRE   LOMBARD, 

té  de  Fils ,  cft  autre  que  la  perfonne  du  Père  &  du  Saînt- 
Efpric  ;  le  Sainc-Efpric  efl:  diiiinguc  par  fa  propriété  procef- 
Dîftîna.  16.  ''^'^  ^'^  '^  perfonne  du  Père  &  du  Fils  :  en  effet ,  autre  chofe 

^feq.  eft  d'avoir  engendré ,  que  d'être  né  ;  &  autre  chofe  de  procé- 

der ,  que  d'engendrer  ou  de  naître. 

Diftinâ.  jo.  XIV.  Outre  les  propriétés  relatives  des  Perfonnes  divines 
entr'elles  de  toute  éternité  ,  elles  en  ont  dans  le  tems  avec 
les  créatures  ,  comme  d'être  Créateur  ,  Seigneur  ,  Refuge  , 
Sandificateur  :  car  il  y  a  relation  de  la  créature  au  Créateur  , 
de  l'efclave  ou  ferviteur  au  Maître,  &c.  mais  ces  relations 
temporelles  n'apportent  aucun  changement  à  la  nature  di- 
vine :  fi  elles  font  accidentelles  ,  ce  n'eft  pas  par  rapport  à 
Dieu ,  à  qui  rien  n'arrive  par  accident ,  mais  par  rapport  aux 

Diflinâ.  ji.  créatures.  L'égalité  &  la  reffemblance  des  Perfonnes  eft  fon- 
dée fur  l'unité  &  l'identité  de  nature  &  d'effence  ;  la  diftin- 
âion  qui  eft  entr'elles  a  pour  fondement  les  propriétés  relati- 
ves de  chacune. 

aftina.  3».  XV.  Peut  -  on  dire  que  le  Père  &  le  Fils  s'aiment  par  le 
Sainn-Efprit?  Cette  queftion  paroîc  décidée  par  l'autorité  des 
faines  Pères  ,  qui  enieigncnt  que  le  Sainc-Efprit  eft  l'amour 
par  lequel  le  Père  &  le  Fils  s'aiment  mutueilement.  Mais  fi 
cela  eft  ainfi ,  il  s'enfuivra  que  le  Père  &  le  Fils  font  un  par 
le  Saint- Efprir ,  parce  qu'en  Dieu ,  être  &  aimer  eft  une  mê- 
me chofe.  Saint  Auguftin  réfout  cette  difficulté  ,  qui  eft  ex- 
trêmement difficile  ,  en  difant  que  les  trois  Perfonnes  font 
un  en  fubftance  &  en  amour  :  d'où  il  fuit  que  le  Père  &  le 
Fils  ne  font  pas  de  l'Amour  qui  les  unit ,  mais  un  même  amour 
&  une  même  eflence  avec  lui ,  c'eft- à-dire ,  avec  le  Saint- 
Efprit.  Une  autre  queftion  eft  de  fçavoir  fi  le  Père  eft  fage 
par  la  SageflTe  qu'il  a  engendrée ,  comme  il  aime  par  l'Amour 
qui  procède  de  lui  î  C'eft  encore  faint  Auguftin  qui  réfout 
cette  queftion  ,  en  difant  que  le  Pcre  eft  la  fageflc  même  par 
laquelle  il  eft  fage  ;  que  le  Fils  eft  appelle  la  fagefte  du  Père, 
non  que  le  Père  foit  fage  par  le  Fils ,  mais  parce  que  le  Fils 
étant  engendré  du  Père  ,  eft  par  fa  génération  &  la  lagefle  & 
la  vertu  du  Père  ;  qu'au  refte  ,  comme  l'amour  eft  commun 

DJdînfl,  3}.  âiJX  trois  Perfonnes  ,  la  fagefle  leur  eft  aufli  commune.  On 

&34«  demande  encore  fi  les  propriétés  des  perfonnes  font  diftin- 

guées  des  perfonnes  mêmes ,  Se  conféqu'emment  de  l'eflcnce 
divine?  Pierre  Lombard  répond  avec  faint  Auguftin,  faint 
Hilaire  ,  &  quelques  autres  Pères  ,  que  les  propriétés  des 
perfonnes  ne  font  diftinguées ,  ni  des  perfonnes  ,  ni  de  la  na- 


EVESQUE  DE  PARIS.  Ch.  T.  Art.  II.  2^ 
turc  divine  ;  qu'cneore  que  les  propriétés  déterminent  les  per- 
fonnes ,  la  paternité  le  Perc ,  la  filiation  le  Fils ,  la  procef- 
fion  le  Saint-Elprit  ;  ces  trois  propriétés  ne  lont  point  di- 
ftinguées  des  pcrlonnes  qu'elles  déterminent  ,  la  paternité 
étant  la  même  choie  que  le  Père  ,  &  le  Père  la  même  chofe 
que  la  nature  divine ,  puifqu'il  eft  Dieu.  Il  condamne  comme 
hérétique  ceux  qui  enfcignent  une  dodrinc  contraire. 

XVI.  Il  pafle  aux  attributs  qui  appartiennent  à  la  nature  oiftina,  ssi 
divine ,  comme  font  la  fcience  de  Dieu  ,  fa  providence ,  fa 
prédeftination  ,  fa  volonté ,  fa  puiflance  ;  &  montre  que  ces 
attributs  font  relatifs  aux  créatures ,  &  aux  chofes  futures  ; 
que  toutefois  la  fcience  de  Dieu  regarde ,  non-feulement  ley 
chofes  temporelles  ,  mais  aufTi  les  éternelles  ;  en  forte  que 
quand  il  n'y  auroit  rien  de  futur ,  il  ne  laifleroit  pas  d'y  avoir 
une  fcience  en  Dieu ,  qui  connoiflfoit  en  lui-même  ce  qu'il  a 
fait ,  avant  qu'il  eût  ordonné  qu'il  fût  fait.  Tout  lui  eft  pré-Diftind.  36* 
fent ,  le  pafle ,  le  préfent  &  le  futur  ,  tant  le  bien  que  le  mal , 
avec  cette  différence  que  les  biens  font  en  lui ,  parce  qu'il  les 
approuve ,  &  que  les  maux  n'y  font  point ,  ne  connoilTant  le 
mal  que  pour  le  défapprouver.  Quoiqu'il  foit  d'une  nature 
incorporelle ,  &  qu'il  habite  en  lui-même ,  il  eft  préfent  par- 
tout par  fon  efîence  &  par  fa  puifTance  :  il  eft  plus  particuliè- 
rement dans  les  Saints  par  fa  grâce  fandlifiante ,  dans  Jefus- 
Chrift  par  l'union  de  fa  perfonne  divine  avec  la  nature  hu- 
maine ;  préfent  fubftantiellement  aux  créatures  même  corpo- 
relles ,  il  n'eft  point  falli  de  leurs  impuretés  ;  c'eft  un  rayon  Diftind.  37. 
de    foleil  que  la  boue  ne  fouille  pas;  mais  quand  on  dit  que 
Dieu  eft  par-tout ,  ce  n'eft  pas  localement;  il  ne  pafle  pas  d'un 
lieu  à  un  autre  ;  il  ne  peut  y  être  enfermé  ;  fa  durée  n'eft  point  , 
fucceflive  comme  celle  des  créatures  ;  il  eft  éternel,  &  n'eft 
pas  fujet  à  la  différence  des  tems  :  on  dit  qu'un  certa  n  lieu 
eft  fon  Temple  ,  mais  c'eft  une  façon  impropre  de  parler. 
Les  créatures  fpiriruelles  lont  tellement  dans  un  lieu  ,  qu'elles 
n'occupent  aucun  efpace ,  &  ne  le  rempliffent  pas ,  en  quelque 
nombre  qu'elles  foienr. 

XVII.  Venant  à  la  queftion  de  la  fcience  ou  de  la  pré-DiftinA,  38» 
fcience  de  Dieu  ,  Pierre  Lombard  enfeigne  que  n'étant  qu'u- 
ne fimple  connoîflance ,  elle  n'eft  pas  la  caufe  de  toutes  les 
chofes  qu'elle  fçait  ou  qu'elle  prévoit ,  parce  qu'autrement  elle 
feroit  la  caufe  du  mal  ;  que  les  chofes  futures  ne  font  pas  non 
plus  la  caufe  de  la  préfcience  j  car  encore  qu'elles  ne  foient 


«4  PIERRE   LOMBARD, 

pas  futures ,  Ci  Dieu  ne  les  prévoit ,  elles  ne  font  pas  prévues 
précifémcnt  parce  qu'elles  font  futures  ;  que  fi  fous  le  terme 
de  fcicnce  ou  de  préfcience  l'on  comprend  la  volonté  ,  le 
décret  de  Dieu  ,  alors  cette  fcience  eft  la  caufe  des  chofes  ; 
c'eft  de  cette  feience  que  dit  faint  Auguftin  :  Ces  chofes  font 
parce  que  Dieu  les  a  connues ,  qu'elles  lui  ont  plu ,  qu'il  les 
a  ordonnées  par  une  volonté  de  bon  plaifir.  Il  n'en  efl:  pas 
ainfi  du  mal  :  quoiqu'il  le  prévoie ,  il  ne  le  fait  pas ,  il  le  dé- 
fapprouve  :  c'efl  ainîl  qu'il  a  prévu  &  prédit  l'infidélité  des 
Juifs.  Quelques-uns  objedoient  contre  la  certitude  de  la  pré- 
fcience :  Dieu  a  prévu  que  Pierre  liroit  ;  mais  il  peut  arriver 
que  Pierre  ne  lira  pas  ;  il  peut  donc  arriver  autrement  que 
ce  que  Dieu  a  prévu.  Le  Maître  des  Sentences,  pour  répon- 
dre à  cet  argument ,  emploie  la  diftindion  fi  commune  dans 
les  Ecoles ,  du  fens  compofé  &  du  fens  divifé ,  ou  du  con- 
jon£lif  &  du  disjondtif  :  c'efl:- à-dire  ,  qu'il  ne  peut  fe  faire 
que  Dieu  ait  prévu  une  chofe  ,  &  qu'elle  n'arrive  pas  ;  mais 
il  eft  pofiible  que  la  chofe  n'arrive  pas ,  &  alors  Dieu  ne  l'aura 
pas  prévue. 

Diftina.  39.  XVIII.  N'y  ayant  point  en  Dieu  de  fucceflîon  de  tems  , 
il  fçait  immuablement  toutes  les  chofes  qui  ont  été ,  qui  font , 
qui  feront,  bonnes  ou  mauvaifes  ;  enforte  que  fa  fcience  eft 
toujours  la  même ,  fans  qu'elle  puifife  augmenter  ni  diminuer. 
La  préfcience  s'étendant  fur  toutes  les  chofes  futures ,  même 

Diftina. 40.  fur  celles  que  Dieu  ne  peut  faire  ,  c'eft-à-dire  les  mauvaifes, 
eft  différente  en  cela  de  la  prédeftination ,  qui  n'a  pour  objet 
que  ce  que  Dieu  veut  faire  :  c'eft  pourquoi  on  la  définit  la 
préparation  de  la  grâce  par  laquelle  font  fauves  ceux  qui  font 
fauves.  La  prédeftination  ne  peut  pas  être  fans  la  préfcience; 
mais  la  préfcience  peut  être  fans  la  prédeftination  ,  parce  que 
Dieu  par  fa  prédeftination  a  prévu  les  chofes  qu'il  doit  faire: 
au  lieu  que  fa  préfcience  s'étend  même  fur  celles  qu'il  ne  doit 
pas  faire.  La  prédeftination  regarde  les  Elus  -,  la  réproba- 
tion ,  ceux  que  Dieu  a  prévu  devoir  être  par  leurs  péchés 
condamnés  à  la  mort  éternelle.  La  prédeftination  eft  un  dé- 
cret éternel  par  lequel  Dieu  a  choifi  ceux  qu'il  a  voulu  ,  & 
leur  a  préparé  les  grâces  néceflaires  au  falut.  La  réprobation 
confifte  dans  la  préfcience  des  péchés  ,  en  conféquence  de 
laquelle  Dieu  a  préparé  aux  pécheurs  la  peine  éternelle.  Il 
fuit  de-là  que  le  nombre  des  Prédeftinés  ,  comme  des  Ré- 
prouvés ,  ne  peut  être  augmenté  ni  diminué.  On  objeétoit  :  Si 

cela 


EVESQUE  DE  PARTS.  Ch.  T.  Art.  IL  25 

cela  cft  ainfi ,  il  eu.  donc  impofllblc  qu'un  prcdcftinc  foie  dam- 
né, ni  qu'un  damne  l'oit  fauve.  Pierre  Lombard  répond  ,  1». 
oue  la  difficulté  eft  la  même  h.  l'égard  de  la  préfciencc  ,  que 
ae  la  prédcflination  ,  n'étant  pas  poffib'e  que  ceux-là  ne 
foient  ou  prédertinés  ou  damnés  ,  que  Dieu  a  prévu  devoir 
l'être.  2".  Il  a  recours  à  la  diftindion  du  fens  compofé  &  du 
fcns  divifé,  en  cette  forte:  Il  n'efl  pas  pofliblc  que  le  pré- 
dcfliné  de  toute  éternité  ne  le  foit  pas  à  préfent:  cela  cfl;  vrai 
dans  le  fens  compofé  ;  mais  cela  clt  faux  dans  le  1  ns  divifé , 
parce  qu'il  étoit  poffible  que  celui  qui  a  été  prédeftiné  de 
toute  éternité,  ne  le  fut  pas.  Il  en  efl:  de  même  de  la  «^épro- oiftina.  41, 
bation.  Parlant  des  caufcs  de  la  prédeltination  ,  il  prouve 
qu'elle  cfl  purement  gratuite ,  fuivant  en  cela  le  lentiment  de 
laint  Auguftin  dont  il  rapporte  ces  paroles  :  Dieu  nous  a 
choifis ,  non  parce  qu'il  a  prévu  que  nous  ferions  faints ,  mais 
afin  que  nous  le  fufTions  ,  par  l'élection  de  fa  grâce  ,  dont  il 
nous  a  gratifiés  dans  fon  Fils  bien-aimé.  Pierre  convient  que 
ce  faint  Do£leur  avoit  penfé  d'abord  que  la  prédeftination  fe 
faifoit  en  vue  des  métitcs  prévus  ;  mais  qu'ayant  depuis  exa- 
miné plus  exadlement  la  quefiion ,  il  avoit  reconnu  que  fuivanc 
l'Apôtre  faint  Paul,  la  prédeftination  des  Elus  fe  faifoit  félon 
le  bon  plaifir  de  la  volonté  de  Dieu ,  afin  que  perfonne  ne  fe 
glorifie  danslafienne  propre.  . 

XIX.  Quoique  Dieu  puiffe  tout ,  il  ne  fait  que  ce  qui  con-  D'ft>"«-4*^ 
vient  à  fa  vérité  &  à  fa  juftice  :  mais  l'homme  parle,  il  mar- 
che ,  il  pèche,  il  meurt  :  Dieu  ne  fait  rien  de  tout  cela,  Par- 
ler, marcher,  font  tellement  propres  à  l'homme,  que  c'eft 
Dieu  néanmoins  qui  opère  dans  l'homme  l'un  &  l'autre  ,  en 
lui  donnant  la  faculté  de  marcher  &  de  parler  :  ainfi  le  dJ-  DiftinA.  45^ 
faut  de  ces  deux  adtions  en  Dieu  ne  marque  en  lui  aucune 
impuiflance.  A  l'égard  du  péché  &  de  la  mort  ,  ce  ne  font 
pas  des  preuves  de  la  puiflance  de  l'homme ,  mais  de  fon  in- 
firmité. Quelques-uns  objectoient  ,  que  Dieu  ne  peut  faire 
que  ce  que  fa  juftice  exige ,  &  que  ce  qu'il  doit.  Pierre  Lom- 
bard répond  que  Dieu  ne  doit  rien  qu'en  conféquence  de  fes 
promefTes  ;  que  tout  ce  qu'il  fait  eft  conforme  aux  régies  de 
fa  juftice  &  de  fa  fagelTe  ;  qu'il  peut  faire  une  infinité  de  cho- 
fes  qu'il  ne  fait  pas  ,  comme  de  changer  l'ordre  des  chofes  , 
en  créer  de  nouvelles  ,  anéantir  celles  qui  font  créées.  Il  faitDiftinfl.  44. 
ce  qu'il  veut ,  &  ne  veut  pas  tout.  Si  l'on  regarde  fa  fageft'e 
&  fon  intention  dans  la  création  de  l'Univers  ,  il  ne  peut 

Tome  XXlll,  D 


i6  PIERRE    LOMBARD, 

faire  les  chofes  plus  parfaites  qu'elles  fr-nt  ;  mais  fi  on  fait  atten- 
tion aux  créatures  ,  il  pouvoit  abfolument  en  créer  de  plus 
parfaites. 

Diôinft.  4r.  XX.  La  volonté  de  Dieu  eft  Dieu  même,  à  qui  c'eft  la 
même  chofe  d'être  &  de  vouloir.  On  ne  laiffe  pas  de  diftin- 
guer  en  Dieu  plufieurs  fortes  de  volontés  ,  quoiqu'il  n'y  en 
ait  qu'une  ,  qui  efl:  la  caufe  fouveraine  de  toutes  chofes  :  les 
autres  volontés  que  l'on  diftingue  en  Dieu  prennent  les  noms 
des  fignes  par  lefquels  elles  nous  font  manifeftées.  Il  y  a  des 
fignes  de  colère  ,  &  des  fignes  d'amour  ;  Dieu  emploie  les 
premiers  quand  il  défend  une  chofe  ,  les  féconds  quand  il  la 
commande  :  mais  fa  volonté  n'efl  pas  toujours  qu'on  accom- 
plilTe  ce  qu'il  ordonne.  En  commandant  à  Abraham  d'immo- 
ler fon  fils  5  il  ne  vouloir  pas  qu'il  l'immolât  en  effet ,  mais  feu- 
lement éprouver  fa  foi. 

DiAinft.  46.  XXL  Quant  à  la  volonté  qu'on  appelle  de  bon  plaifir ,  elle 
a  toujours  ;fon  effet  ;  &  c'eft  par  cette  volonté  que  Dieu  a 
fait  tout  ce  qu'il  a  voulu  dans  le  ciel  &  fur  la  terre.  Comment 
donc  faut  -  il  entendre  ce  que  dit  faint  Paul  ;  Dieu  veut  que 
tous  les  hommes  foient  jauvès  ,  puifque  tous  ne  le  font  pas  ? 
Pierre  Lombard  explique  ce  pafTage  de  l'Apôtre  en  ce  fens  : 
Dieu  veut  que  tous  les  hommes  foient  fauves  («)  ;  c'eft-à- 
dire  ,  qu'aucun  des  hommes  n'efl  fauve ,  fi  ce  n'eu  celui  qu'il 
veut  qui  foit  fauve  :  c'eft  pourquoi  nous  devons  le  prier  qu'il 
veuille  que  nous  foyons  fauves  ,  étant  néceflaire  que  nous 
foyons  fauves ,  s'il  le  veut.  Dieu  ne  veut  jamais  le  mal  ,  mais 
il  ne  l'empêche  pas  toujours  ;  quelquefois  il  laiffe  agir  les  mé- 
chans  ,  à  caufe  du  bien  qui  arrive  de  leurs  mauvaifes  adions  : 
c'eft  âinfi  qu'il  permit  que  Judas  livrât  Jefus-Chriflaux  Juifs 
pour  le  faire  mourir ,  afin  que  par  fa  mort  le  genre  humain  fût 
racheté. 

Diflba.  47.  XXIL  Pierre  Lombard  appuie  ce  qu'il  dit  de  l'efficacité 
de  la  volonté  de  bon  plaifir  ,  fur  pbfieurs  paffages  de  faint 
Auguflin  ,  qui  enfeigne  clairement  que  tout  ce  que  Dieu  veut 
arrive  infailliblement ,  &  que  rien  n'arrive  que  par  fa  vo- 
lonté. Elle  s'accomplit  toujours ,  ou  dans  nous ,  dit  ce  Père, 
lors  même  que  nous  allons  contre ,  en  l'offenfant ,  parce  qu'a- 


(a)  .....Debemus  quodfcriptumefl,vuU 
omnes  hortiines  falvos  fieri  :  tamquam  di- 
ceretnr ,  nullum  hominem  falvum  fieri , 


nia  qucm  falvum  fiiri  ipfe  voluerit.  L/5, 


EVESQUE  DE  PARIS.  Ch.  I.  Art.  IL  v; 
lors  ,  ou  Dieu  veut  nous  pardonner ,  &  nous  laifTer  vivre  pour 
faire  pénitence ,  ou  nous  punir  fi  nous  perféverons  dans  le  pé- 
ché :  elle  s'accomplit  par  nous ,  lorfque  nous  faifons  le  bien  p 
parce  que  nous  ne  le  faiions  que  pour  lui  plaire. 

XXIir.  Ceux  qui  prétendoient  que  Dieu  veut  Je  mal  ,  ci''^'"^'  4»- 
obje£loient  que  Dieu  avoit  voulu  que  fon  Fils  fût  livré  aux 
Juifs  ,  &  crucifié  par  eux.  Il  répond  que  Dieu  a  bien  voulu 
que  fon  Fils  fouffrît  &  mourût ,  à  caufe  que  fa  Paflion  étoit 
un  bien  «fe  la  caule  de  notre  falut  ;  mais  qu'il  ne  vouloit  nulle- 
ment que  les  Juifs  le  filïent  mourir  ,  ce  qui  étoit  de  leur  parc 
une  mauvaife  attion  ;  c'eft- à-dire  ,  qu'il  vouloit  l'effet  de 
leur  mauvaife  volonté  ,  mais  non  pas  l'ade  de  leur  mauvaife 
volonté. 

§.     II. 

Du  fécond  Livre  des  Sentences, 

I.  r^  Uelques  Philofophes ,  comme  Platon  8c  Ariftote ,  ont    Livre 2, Dl- 

V_^imaginé  plufieurs  .principes  des  chofes  du  monde  j  ^'"'^' '• 
mais  pour  le  monde  en  lui-même ,  ou  la  matière  dont  il  eft 
compofé ,  ils  l'ont  cru  éternel.  La  foi  au  contraire  nous  en- 
feigne  qu'il  n'y  a  qu'un  principe  de  toutes  chofes  ,  qui  eft 
Dieu  ,  qu'il  a  créé  tout  de  rien  ,  les  chofes  céleftes  comme  les 
terreftres.  Souverainement  bon ,  il  a  voulu  faire  part  de  fa 
félicité  éternelle  à  deux  de  l'es  créatures  ,  à  i'Ange  &  à 
l'Homme  :  c'eft  pour  cela  qu'il  les  a  créés  raifonnables  ,  afin 
qu'ils  connuflent  le  fouverain  bien  ,  qu'ils  l'aimaflent ,  & 
qu'ils  le  pofTédafTent  en  l'aimant.  L'Ange  eft  d'une  fubftance 
incorporelle  :  l'Homme  compofé  d'un  corps  &  d'une  ame 
raifonnable.  Ils  font  l'un  &  l'autre  créés  pour  louer  &  fervir 
Dieu  :  non  que  Dieu  ait  befoin  de  leur  fervice  ,  mais  afin 
qu'en  le  fervant  ils  jouilTent  de  lui',  parce  que  le  fervir,  c'eft 
régner.  Comme  l'homme  a  été  fait  pour  Dieu ,  le  monde  a  été 
fait  pour  l'homme.  Il  eft  même  dit  des  Anges  en  quelques 
endroits  de  l'Ecritures  ,  que  les  Anges  fervent  les  hommes  , 
c'eft-à-dire  ,  qu'ils  font  quelquefois  envoyés  pour  le  fervice 
de  l'homme  :  mais  quand  on  dit  que  l'homme  a  été  créé  pour 
remplacer  les  Anges  apoftats ,  il  ne  faut  pas  s'imaginer  que 
l'homme  n'auroit  pas  été  créé  fi  les  Anges  ne  fuflTent  tombés  ; 
c'efl  une  des  caufes  de  la  création  de  l'homme ,  mais  non  la 
ffeule.  Dieu  a  uni  une  ame  au  corps  de  l'homme ,  afin  que  le 


4, 


28  PIERRE    LOMBARD, 

fervant  dans  ces  deux  fubftances  il  en  reçût  une  couron- 
ne plus  grande.  Telle  eft  en  fubflance  la  dodrine  conte- 
nue dans  la  première  Diftinclion  du  fécond  Livre  des  Sen- 
tences. 

Diflinft.  1  ^^'  I*i^^''^  Lombard  traite  dans  les  dix  fuivantes  ce  qui 
regarde  les  Anges.  Créés  en  même-tems  que  le  monde  ,  on 
ne  laifle  pas  de  dire  qu'ils  ont  été  créés  les  premiers  ,  à  rai- 
fon  de  la  dignité  de  leur  nature  :  auflî-tôt  après  leur  créa- 
tion ils  furent  placés  dans  le  Ciel  empyrée  ,  &  non  dans  le 
Firmament  qui  eft  vifible  à  nos  yeux.  D'une  fubftance  fim- 

Wftinft.  3.  p]e  ^  indivifible  ,  immatérielle,  &  doués  du  libre  arbitre  ,  ils 
pouvoicnt ,  fans  violence  ni  contrainte  ,  fe  tourner  par  leur 
propre  volonté  vers  le  bien  ou  vers  le  mal ,  pcrfévcrer  dans 
la  juftice  qu'ils  avoienr  reçue  avec  l'être  ,  ou  en  décheoir  : 
une  partie  en  déchut  prefque  auflî  -  tôt  après  la  création  ; 

Diflinft,  4.  l'autre  perfévéra  dans  la  juftice.  Jufques-là  leur  béatitude 
confiftoit  dans  l'état  d'innocence  &  de  bonté  dans  lequel  ils 
avoient  été  créés  ;  mais  depuis  qu'ils  furent  confirmés  dans  la 
juftice,  ils  jouirent  de  la  béatitude. 

Dlfiina.  ;&  nj,  Qn  convient  que  dans  la  création  tous  avoient  reçu 
une  grâce  coopérante  ,  ians  laquelle  ils  n'auroient  pu  méri- 
ter ;  mais  on  n'eft  pas  décidé  s'ils  en  reçurent  une  particu- 
lière pour  mériter  la  béatitude,  après  la  confirmation  dans  le 
bien.  Comme  il  y  avoir  divers  ordres  d'Anges ,  les  uns  fu- 
péricurs ,  les  autres  inférieurs  ,  il  en  tomba  de  tous  les  or- 
dres ,  &  un  des  plus  diftingués, connu  dans  l'Ecriture  fous  le 
nom  de  Lucifer  :  il  fut  précipité  avec  les  complices  de  fon 
orgueil  dans  l'air  ténébreux  -,  il  ne  méritoit  plus  d'avoir  un 
féjour  auffi  agréable  que  le  Ciel  ;  &  il  eût  été  dangereux  pour 
les  hommes  qu'on  lui  eût  accordé  de  demeurer  avec  eux. 
Pierre  Lombard  croit  que  dès-à-préfent  les  Démons  def- 
cendent  tour  à  tour  en  enfer  ,  foit  pour  y  conduire  les  âmes 
des  damnés  ,  foit  pour  les  y  tourmenter  ;  qu'il  y  a  entr'eux 
une  fubordination  comme  entre  les  bons  Anges  ;  que  foit 
que  Lucifer  foit  dé  a  rélégué  en  enter  ,  fuivant  l'opinion  de 
piuficurs  ,  il  n'a  pas  aujourd'hui  autant  de  pouvoir  pour  nous 
tenter  qu'il  en  aura  au  tcms  de  l' Antechrift  ;  &  que  les  Démons 
une  fois  vaincus  par  les  Saints ,  perdent  le  pouvoir  d'en  tenter 
<l'autres. 

Diilina.7.  IV.  Endurcis  dans  le  mal ,  les  mauvais  Anges  nepeuvemr 
plus  faire  le  bien  ,  ni  les  bons  fair^  le  mal  :  ils  ont  néanmoixis 


EVESQUE  DE  PARIS.  Ch.  I.  Art.  II.  2p 
encore  le  libre  arbitre ,  mais  détermine  au  mal  dans  les  Dé- 
mons ,  &  au  bien  dans  les  bons  Anges ,  dont  le  libre  arbitre 
cft  d'autant  plus  libre  ,  qu'il  ne  peut  être  el'clave  du  péché, 
depuis  cju  il  efl;  confirmé  dans  la  grâce.  Les  Démons ,  par  la 
fubtilité  de  leur  nature,  par  une  longue  expérience ,  par  beau- 
coup de  rulcs ,  &  par  conjedure,  font  ou  devinent  des  cho- 
fes  à  étonner  les  'hommes  ;  mais  ils  n'ont  pas  le  pouvoir  de 
créer,  ni  de  nuire  aux  hommes,  qu'autant  que  Dieu  le  leur 
permet. 

V.  Le  Maître  des  Sentences  rapporte  ,  d'après  quelques  Diftina.  8^~ 
Anciens  ,  que  tous  les  Anges  avant  leur  chute  avoient  des 

corps  très-minces  &  très-fubtils  ,  lefquels  ont  écé  changés  en 
de  plus  épais  dans  les  mauvais  Anges ,  afin  qu'ils  pulTent  fouf- 
frir  dans  ces  corps  ;  mais  il  remarque  que  ces  Anciens  n'ont 
dit  ces  choies  qu'en  doutant  ;  que  le  fentiment  des  Interprè- 
tes Catholiques  efl  que  les  Anges  font  incorporels,  &  n'ont 
point  de  corps  qui  leur  foient  unis  ;  que  s'ils  apparoilTent 
quelquefois  ious  des  corps  que  Dieu  leur  a  formés ,  ils  les 
quittent  aufTi-tôt  qu'ils  ont  rempli  leurs  miffions  ;  cela  luf 
donne  occalîon  d'examiner  en  quelle  manière  Dieu  a  apparu 
aux  hommes ,  &  comment  les  Démons  entrent  dans  les  corps. 
Il  décide  fur  la  première  queftion  ,  que  Dieu  ne  s'eft  jamais 
fait  voir  aux  hommes  mortels  tel  qu'il  eft  en  fubftance  ,  par- 
ce qu'elle  efl:  invifible  ;  qu'ainfi  toutes  les  apparitions  de  Dieu 
marquées  dans  l'Ecriture,  fe  font  faites  par  le  miniflere  des 
créatures,  nommément  des  Anges.  Sur  la  féconde  queflion, 
il  efl  du  fentiment  que  les  Démons  n'entrent  pas  fubdantiel- 
lement  dans  les  corps  ,  ni  dans  le  cœur  des  hommes ,  mais 
feulement  par  les  effets  qu'ils  y  produifent  ;  &  que  lorfqu  il  efl 
dit  qu'on  les  en  chaffe ,  cela  ne  veut  dire  autre  chofe,  finon 
qu'ils  ceflènt  de  les  vexer  &  de  les  tourmenter. 

VI.  Il  traite  enfuite  des  divers  ordres  d'Anges ,  qu'il  ré-  Diflir.a.^,. 
duit  à  neuf,  fuivant  faine  Grégoire  le  Grand.   Les  noms  en 

font  connus  de  tout  le  monde,  il  croit  qu'ils  croient  diflin- 
gués  de  la  forte  dès  leur  création  ;  ce  qu'il  prouve  parce  que 
faint  Paul  dit  des  Principautés  &  des  PuifTcinces  des  ténè- 
bres. 11  rapporte  les  diilérens  fentimens  fur  la  milTion  deSjjn-  n. 
£fprits  céleftes  ;  le  fien  eft  que  les  Efprits  céîetles  des  pre- 
miers ordres  font  rarement  envoyés  ,  parce  qu'ils  affilient 
toujours  aux  pieds  du  Trône;  que  les  Archanges  &  les  An- 
ges font  envoyés  plus  fouvent ,.  &  que  c'efl  pour  cela  qu'iîs> 


3ù  PIERRE    LOMBARD, 

portent  le  nom  d'Anges ,  qui  fignifie  Envoyés.  Il  penfe  qu'un 
même  Ange ,  foie  bon ,  foie  mauvais ,  eft  député  pour  garder 
ou  tenter  plulieurs  perfonnes ,  fans  qu'il  foit  befoin  que  cha- 
cun en  ait  un  particulier  ,  comme  il  ne  faut  qu'un  homme 
pour  en  garder  ou  exercer  plu/leurs  ;  qu'il  eft  cependant 
poiïlble  que  chaque  homme  ait  Ion  Ange  en  cette  vie.  Il 
examine  fi  les  Anges  augmentent  en  mérite  depuis  qu'ils 
ont  été  confirmés  dans  la  grâce  ;  &  fi  au  jour  du  Juge- 
ment leur  récompenfe  en  fera  plus  grande  qu'elle  n'efl:  fur 
cela  il  rapporte  les  fentimens  pour  &  contre  ,  lans  rien  dé- 
cider. 

Diftina.  II.      VII.  II  vient  à  la  création  ,  &  s'arrête  à  l'ouvrage  des  fix 

13- 14-  «f-    jours  ,  fur  lefquels  il  fait  une  efpece  de  Commentaire  ,  avec 
le  fecours  de  ceux  de  faint  Ambroife ,  de  faint  Augufiin  ,  & 

Didind.  i6.  autres  Anciens.  Dans  ces  paroles  de  l'Ecriture,  FaifomPhom- 
me  à  notre  image  &  rejjemhlance ,  il  trouve  que  l'opération  des 
trois  Perfonnes  divines  eft  une ,  &  leur  fubftancc  ou  nature 
une  &  égale  ;  &  que  l'homme  n'étant  fait  qu'à  l'image  de  la  Tri- 
nité ,  il  fuit  de-là  qu'il  ne  lui  eft  point  égal  ,  mais  feulement 
reflemblant  en  un  certain  fens,  c'eft-à-dire,  félon  foname, 
qui  eft  raifonnable  &  fpirituelle. 

Diftina,  17.  VIII.  L'ame  n'eft  pas  une  partie  de  la  fubftance  de  Dieu, 
autrement  elle  feroit  incapable  de  pécher  &  de  fouffrir  ;  c'eft 
ce  fouffle  par  lequel  Dieu  anima  le  corps  d'Adam  :  l'ame  eft 
créée  de  rien ,  &  dans  le  moment  même  que  Dieu  l'unit  au 
corps  pour  l'animer.  Il  femble  que  Dieu  créa  l'homme  hors  du 
Paradis  terreftre ,  puifqu'il  l'y  mit  enfuite  de  fa  création  ,  mais 

Diftina.  18.  la  femme  fut  formée  en  ce  lieu.  Pierre  Lombard  dit  que  Dieu 
forma  la  femme ,  non  d'une  partie  de  la  tête  ,  ni  des  pieds 
d'Adam  ,  mais  de  fon  côté ,  pour  marquer  qu'elle  ne  dévoie 
être,  ni  fa  maîtreffe  ,  ni  fa  fervante ,  mais  fa  compagne; 
que  quant  à  l'ame ,  Dieu  la  créa  après  la  formation  du  corps 
de  la  femme.  Il  réfute  ceux  qui  difent  que  l'ame  ,  comme  le 
corps ,  fe  communiquent  par  la  propagation,  &  ceux  qui  en- 
feignent  que  toutes  les  amcs  ont  été  créées  dès  le  commen- 
cement. 

Diftina.  19.     IX.  L'homme  avant  le  péché  étoit  mortel  de  fa  nature  , 

*°'  mais  immortel  par  la  grâce  du  Créateur  ,  qui  lui  avoit  donné 

à  cet  effet  l'arbre  de  vie  :  mais  depuis  fon  péché  il  eft  inva- 
riablement nécefllté  de  mourir.  La  propagation  dans  l'état 
.d'innocence  fe  feroit  faite  comme  elle  s'eft  faite  depuis  ,  avec 


EVESQUE  DE  PARTS.  Ch.  I.Art.  TT.  31 
cette  difTcrence,quc  les  plaifirs  dcfordonncs  n'y  auroient  point 
eu  de  part. 

X.  Le  démon  connoiffant  que  l'homme  pouvoit,  par  le  Diaina.  n. 
mérite  de  l'obcilTance  ,  parvenir  à  un  plus  haut  degré  ,  d'où  *"' 
lui-même  étoit  tombé  par  Ion  orgueil  ,  envia  fon  bonheur  , 
le  prélcnta  à  la  femme  lous  une  forme  étrangère ,  la  féduifit , 
Se  l'engagea,  elle  &  Ion  mari,  dans  la  défobéifiancc.  Pierre 
Lombard  croit  que  cela  le  fit  en  cette  forte  :  la  tentation  du 
Démon  ptécéda  :  Si  vous  mangez  ,  dit  -  il ,  du  fruit  défendu  , 
vous  ferez  comme  des  Dieux.  L'orgueil  s'empara  de  leur  cœur  ; 
ih  mangèrent  de  ce  fruit,  &  leur  péché  fut  fuivi  aurti-tôt  de 
la  peine.  Mais  pourquoi  Dieu  fçachant  que  l'homme  tombe-  Diftinâ.  ij, 
roit ,  permit-il  qu'il  fût  tenté  ?  C'eil  que  l'homme  ayant  en 
fon  pouvoir  de  confentir  à  la  tentation  ,  ou  de  n'y  pas  con- 
fenrir ,  il  lui  auroit  été  plus  glorieux  de  ne  pas  confentir  ,  que 
de  ne  pouvoir  être  tenté.  Par  une  raifon  à  peu  près  fembla- 
ble ,  Dieu  a  créé  ceux  qu'il  prévoyoit  devoir  être  mauvais , 
parce  qu'il  prévoyoit  aurfi  le  bien  qu'il  tireroit  de  leurs  mau- 
vaifes  aftions. 

XL  II  convenoit  à  l'état  de  perfe£lion  dans  lequel  l'hom-  olflindi.  ij. 
me  avait  été  créé  ,  qu'il  fçût  diftinguer  entre  le  bien  &  le 
mal  ,  qu'il  connût  les  choies  créées  avant  lui  ,  puifqu'elles 
étoient  faites  pour  lui  ,  &  la  vérité  ;  qu'il  connût  fon  Créa- 
teur, &  qu'il  le  connût  lui-même.  Pierre  Lombard  ne  doute 
pas  qu'Adam  n'ait  eu  toutes  ces  connoiflances  dès  le  mo- 
ment de  fa  création.  11  donne  pour  preuve  de  la  connoilTan- 
ce  qu'il  avoit  des  chofes  créées  ,  les  noms  qu'il  donna  à  tous 
les  animaux  ;  ce  qui  ,  félon  lui  ,  fuppofoit  qu'il  en  connoif- 
foit  la  nature.  Il  connoiflToit  Ion  Créateur  par  une  afpiration 
intérieure  ,  qui  le  lui  rendoit  préfent:il  connut  ce  qu'il  devoit 
faire  ou  éviter  ;  il  fe  connut  lui-même  ,  on  n'en  peut  douter_,  au- 
trement il  n'auroit  pas  été  refponfable  de  la  faute  dans  laquelle 
il  tomba. 

XII.  Adam  reçut  dans  fa  création  un  libre  arbitre  exempt  DlfliiKEt.  14. 
de  toute  tache ,  une  volonté  droite  ,  &  une  ame  douée  de 
toutes  les  perfections  de  fa  nature  ;  par  la  feule  force  de  fon 
libre  arbitre  il  pouvoit  perfcvérer  dans  l'état  de  fa  création, 
mais  il  avoit  befoin  d'une  autre  grâce  pour  mériter  la  vie 
éternelle.  Le  Maître  des  Sentences  définit  le  libre  arbitre , 
une  faculté  de  la  raifon  &  de  la  volonté  ,  par  laquelle  ,  avec 
le  fecours  de  la  grâce,  on  choifit  le  bien  ,  ou  le  mal  lorf- Difiînfl.  z^. 


g2  PIERRE    LOMBARD, 

qu'elle  nous  abandonne  ;  ou  une  faculté  de  l'ame  par  laquelle 
elle  fe  porte  volontairement  &  de  fon  plein  gré  à  ce  qu'elle 
connoît  de  bien  ou  de  mal.  Le  libre  arbitre  eft  dans  les  An- 
ges comme  dans  les  autres  Bienheureux  ;  mais  étant  con- 
firmé dans  la  grâce  ,  il  ne  peut  plus  fe  porter  vers  le  mal. 
L'homme,  depuis  le  péché ,  a  aufli  confervé  fon  libre  arbitre  ; 
mais  pour  qu^il  veuille  le  bien ,  il  a  befoin  de  la  grâce  du  Ré- 
dempteur. 
Dlftînft  6  XIIL  Pierre  s'explique  fur  la  grâce  opérante  &  coopé- 
i7.  z8.  '  'rante,  fur  la  grâce  prévenante  &  fubféquente  ,  fuivant  les 
princies  de  faint  Auguftin  ;  qu'il  fuit  encore  dans  ce  qu'il  die 
du  don  de  la  foi  &  du  mérite  des  bonnes  œuvres ,  &  de  la 
jullification.  Voici  comme  il  s'explique  fur  les  différens  dé- 
grés de  grâces,  au  fujet  de  ces  paroles  du  Pfeaume  ii8  : 
Mon  ame  a  fouhaité  ardemment  de  defirer  vos  jujîices.  Le  Pro- 
phète a  fouhaité  ardemment  de  defirer,  dit- il  ;  il  ne  dit  pas  : 
il  a  defiré  ;  car  nous  voyons  quelquefois  par  la  lumière  de  la 
raifon  ,  combien  les  juftices  de  Dieu  font  utiles  ;  mais  quel- 
quefois nous  ne  les  defirons  pas ,  parce  que  notre  infirmité 
nous  en  empêche.  L'entendement  précède  donc,  &  ne  pro- 
duit qu'un  effet  tardif,  ou  n'en  produit  aucun  ;  nous  con- 
noiffons  le  bien  ,  mais  nous  ne  reflentons  pas  de  plaifir  à  le 
faire ,  &  nous  Ibuhaitons  de  reffentir  ce  plaifir  :  ainfi  autre- 
fois le  Prophète  fouhaitoit  avec  ardeur  de  defirer  ce  qu'il 
voyoit  être  bien  ,  fouhairant  de  reflendr  des  chofes  dont  il 
pouvoir  voir  la  raifon.  Il  fait  donc  voir  par  quelle  cfpece  de 
dégrés  on  parvient  aux  œuvres  juflifi-intes  (a)  :  car  i''.  il 
faut  connoître  combien  elles  font  utiles  &  honnêtes  ;  enfuite 
il  faut  fouhaiter  de  les  defirer  ;  &  enfin  il  faut  que  par  le 
progrès  de  la  grâce  l'aûion  de  ces  chofes  dont  la  leule  con- 
noiflance  réjouiflToit  ,  fafle  le  plaifir.  Faites  attention  à  cet 
ordre  de  grâces  ,  &  voyez  comment  la  connoiflance  des 
biens  précède  le  défir  de  ces  mêmes  biens  ;  le  défir ,  le  plaifir 
qu'on  en  reffent,  qui  fe  fait  fentir  par  la  foi  &  la  charité  ;  & 
lorfqu'on  reffent  ce  plaifir  (b)  ,  c'cft  alors  qu'on  a  cette 


(il)  Oflendit  itaque  quibus  qua/î  grn<Ii- 
bus  ad  eas  juftificationes  perveniatur:  prius 
enim  eft  ut  videantur  quàm  (înt  utiles  & 
honeftx  :  deindè  ut  earum  defîderium  con- 
cupifcatur  ;  poflremo  ut  proficiente  gratja, 


delcdet  earum  operatio.quarumlbla  ratio 
deleôabat.  Lik.  z.  Dij}.  16. 

(h)  Quâ  habita  cantate  ,  verè  bona  eft 
voluntas  çuâ  reflè  vivitur.  Ibid, 

bonne 


EVESQUE  DE  PARIS.  Ch.  I.  Art.  IL  55 
bonne  volonté  qui  fdit  bien  vivre.  II  dit  fur  la  ncceriîté  de 
la  grâce  :  Nous  ne  pouvons  aimer  Dieu  (  c  )  ,  ni  garder  fes 
commandemens  lans  la  grâce  du  Sainr-Elprit  ;  &  nous  pou- 
vons &  opérons  d'autant  moins  ces  bonnes  œuvres ,  que 
nous  recevons  ce  divin  Elprit  avec  moins  d'effufion  ;  comme 
nous  les  pouvons  &  opérons  d'autant  plus ,  que  nous  les  re- 
cevons plus  abondamment.  Il  fait  connoître  en  ces  termes  la 
différence  de  la  grâce  opérante  &  coopérante  :  quelques-uns, 
dit-il ,  croient  avec  raifon  que  c'cft  une  feule  &  même  grâce 
qui  opère  &  coopère  ;  mais  qu'elle  cil  nommée  opérante  8c 
coopérante  à  cauie  des  différens  effets  :  car  elle  cft  nommée 
opcTcinte  en  ce  qu'elle  délivre  &  prépare  la  volonté  de  l'hom- 
me à  vouloir  le  bien  ;  &  elle  efl:  dite  coopérante  {d)  en  ce 
qu'elle  aide  cette  même  volonté  ,  afin  que  fon  vouloir  ne  foit 
pas  inudle  ,  c'eft-à-dire,  afin  qu'elle  faite  le  bien:  caria  grâ- 
ce n'eft  jamais  oilive  ;  elle  mérite  d'être  augmentée  par  l'u- 
fage  qu'on  en  fait.  Il  ne  dépend  pas  de  la  voionté  Se  de  l'a- 
âion  de  l'homme  d'appeller  la  grâce  pour  s'en  fervir  ;  mais 
cette  grâce  prévient  la  volonté ,  &  la  prépare  pour  qu'elle 
veuille  faire  le  bien  (  e  ) ,  &  après  l'avoir  préparée  ,  elle  l'aide 
encore  pour  qu'elle  l'accompliffe.  Quant  au  mérite  des  bon- 
nes œuvres ,  il  dit  :  Nous  fommes  bons ,  &  nous  vivons  en 
juftes  par  les  ades  des  vertus  ,  &  par  la  grâce  qui  n'eff  point 
un  mérite  ,  mais  qui  le  fait  :  cependant  nos  mérites  n'en  pro- 
viennent pas  fans  le  libre  arbitre  ;  j'entends  les  bonnes  actions 
&  leurs  progrès  ,  &  les  bonnes  œuvres  que  Dieu  récompenfe 
en  nous ,  &  toutes  ces  chofes  font  des  dons  de  Dieu.  Ce  qui 
fait  dire  à  faint  Auguftin ,  écrivant  au  Prêtre  Sixte  :  Lorfque 
Dieu  couronne  nos  mérites ,  ;/  ne  couronne  rien  autre  chofe  que  fes 
dons  :  d'cù  il  paroît  que  c'eft  avec  raifon  que  la  vie  éternelle 
que  Dieu  accorde  à  la  fin  aux  mérites  précédens  (/)  ,  eft 


(f )  Sine  Spiritu  S;iniSo  conftat  nos  Deum 
diliç^re  &  e jus  mandata  fervare  non  pof- 
(e  ,  &  id  n  .s  pofTe  atque  agere  tanto  mi- 
nus, quanto  illum  percip'mus  mini'is;  tanto 
veroampliùs,  quaniù  illum  percipimus  am- 
pl.ùs.  Lib.  I.  Dift.  17. 

{/l)  Operans  dicitur  in  quantum  libérât 


cîat  bon>:m.  Ipfaenim  g'atia  non  eft  otio-, 
fa,  fed  meretur  augeri.  Lib.  %.  Difl.  z6. 

(e>  Ipfa  gtaria  voluntatem  prsvenit  prx- 
parandout  velitbonum,  &  pr.iparatamad- 
juvatut  perficiat.  Lit>.  z.  Difl.  ij. 

(/)  Reftè  &  ipfa  vita  sterna  ,  gratia 
nuncupatur  ,  quia  gratis  datur  ;  nec  ideo 


&  praparat  voluntatem  hominis  ut  bonum  '  gratis  datur  ,  quia  non  meritis  datur  ,  fed 
velit;  cooperans,  in  quantum  eamdem  ad-  j  quia  data  funt  per  gr.itiam  &  ipfa  mérita 
jjjvat  ne  fruftrà  velit ,  fciJicet  ut  opus  fa-  [quibus  dacur.  Lib.  i.  Dijl.  17, 

Tome  XXIIL  E 


34  PIERRE   LOMBARD, 

nommée  grâce ,  parce  qu'elle  cft  donnée  gratuitement ,  & 
parce  que  ces  mêmes  mérites  auxquels  elle  efl  accordée  ,  ne 
font  point  de  nous ,  mais  formés  en  nous  par  la  grâce  ;  & 
elle  n'eft  point  dite  être  donnée  gratuitement,  enforte  qu'elle 
ne  foit  point  donnée  aux  mérites  ,  mais  parce  que  ces  mê- 
mes mérites  auxquels  elle  eft  accordée ,  nous  font  donnés 
par  la  grâce.  Pierre  Lombard  combat  les  Pélagiens  avec  les 
mêmes  armes  que  faint  Auguftin  les  a  combattus,  &:  rejette 
avec  faint  Jérôme  les  erreurs  des  Pélagiens  ,  de  Jovinjen  & 
des  Manichéens. 

rifljna.  19.  XIV.  Revenant  au  premier  état  de  l'homme  ,  il  montre 
qu'avant  fon  péché  il  avoir  befoin  d'une  grâce  opérante  & 
coopérante  qui  préparât  fa  volonté  à  vouloir  efficacement  le 
bien  qu'il  ne  pouvoit  faire  de  lui-même.  Il  agite  plufieurs 
queflions  fur  la  défenfe  faite  à  Adam  de  manger  du  fruit  de 
l'arbre  de  vie  ;  fur  le  glaive  de  feu  qui  lui  défendôit  l'entrée 
du  Paradis  terreftre  depuis  qu'il  en  eut  été  chaffé^  fur  le  péché 
originel ,  &  comment  il  efl  paffé  avec  fa  peine  aux  defcendans 
d'Adam. 
Diftina.  30.      XV.  Il  dit  que  les  Doâcurs  Scholafliques  ont  penfé  di- 

3''  verfement  fur  la  nature  du  péché  originel  ^  quelques-uns  ont 

cru  que  ce  n'étoit ,  ni  une  coulpe  ,  ni  une  peine ,  mais  une 
condamnation  générale  à  la  peine  temporelle  &  éternelle 
pour  le  péché  aduel  du  premier  homme.  Pierre  Lombard 
prouve  par  divers  paffages  de  l'Ecriture  que  le  péché  origi- 
nel efl  une  vraie  coulpe  ,  qui  nous  rend  en  naifTant  enfans  de 
colère  ;  que  nous  tirons  ce  péché  ou  cette  coulpe  de  nos  pa- 
ïens, comme  ils  l'ont  ciré  eux-mêmes  d'Adam  ,  &  fuccefÏÏ- 
vement  de  fes  enfans  ,  qui  étoient  en  lui  &  tous  fes  autres 
defcendans  ,  comme  dans  une  raaffe ,  lorfqu'il  pécha.  Il  en- 
tend du  péché  originel  ce  que  dit  faint  Paul  aux  Romains  : 

Rfiî».  j.  II.    j^g  pêche  e{î  entré  dans  le  monde  far  un  feul  homme  ,  &  ta 
mort  par  le  pecké ;  <ÙT  ainft  la  mort  ejl  petffée  dans  îgîis  les  hom- 

ihu.  ip,  }72es ,  tous  ayant  péché  dans  un  feul.  Il  ajoute  que  quand  le  mê- 
me. Apôtre  dit  :  Plufieurs  font  devenus  dèfohéijj'iins  par  la  défo- 
héiffhncé  d'unfml,  cela  fignifie  que  le  péché  originel  par  le- 
quel nous  naifTons  tous  pécheurs  ,  a  pris  ion  origine  de  la 
défcbéiffance  ou  du  péché  aducl  d'Adam  ,  &  qu'il  eft  pafTé 
à  tous  les  defcendans  par  la  loi  de  la  propagation  :  d'où  il 
fuit  qu'il  n'efl  tranfmis  que  félon  la  chair,  &  que  fi  l'ame  efl 
coupable, -ce  n'eft  que-par  fon  union  à  un  corps  vicié  par  le 


EVESQUÈ  DE  PARTS.  Ch.!  Art.  II.  3^ 
foyer  de  la  concupifcence  qui  demeure  dans  les  Baptifés , 
quoique  la  coulpe  en  ioit  effacée  par  le  Baptême  :  mais  en  de- 
meurant dans  le  Baptilé,  elle  ne  règne  en  lui  qu'autant  qu'il 
y  conlent ,  parce  qu'en  vertu  de  la  grâce  de  ce  Sacrement 
les  forces  de  la  concupilcence  font  affbiblies.  Il  dit  qu'a- 
vant le  Baptême  elle  efl  péché  ,  &  qu'après  elle  n'eft  que  pé- 
nalité. 

XVI.  Pierre  Lombard  ne  croit  pas  que  les  péchés  des  pe-  Diflin'S.  jj. 
res  paflent  aux  enfans ,  comme  celui  d'Adam  à  tous  fes  dcf- 
ccndans  ;  8c  que  quand  Dieu  menace  de  punir  les  fautes  des 

pères  julqu'à  la  troidcme  &  quatrième  génération  ,  c'cd: ,  ou 
a  caufe  que  les  enfans  imitent  les  dérégicmens  de  leurs  pcres, 
ou  que  les  pères  vivent  quelquefois  jufqu'à  la  quatrième  gé- 
nération de  leurs  enfans  :  enfuite  il  traite  du  péché  aduel , 
qu'il  définit  comme  faint  Auguftin  ,  ce  qu'on  dit ,  ce  qu'on  Diflina.  ■•4. 
fait ,  ce  qu'on  defire  contre  la  Loi  de  Dieu.  Il  en  rapporte  les  55.  j6. 
différentes  efpcces ,  quelques-uns  qui  font  en  même-tems  la 
caufe  &  la  peine  du  péché  ;  de  ce  nombre  eft  celui  que  le  pé- 
cheur ne  veut  point  effacer  par  la  pénitence. 

XVII.  Dieu  n'eft  point  Auteur  des  péchés  ,  mais  il  l'eft  des  Diftir.a.  57. 
peines  dont  il  les  punit:  toutes  les  natures  font  de  lui  ;  l'ini- 
quité n'en  eft  pas ,  parce  qu'elle  n'cJt  point  une  fubftance.  Diftinft.  38. 
C'eft  l'intention  qui  rend  l'aélion  bonne  ou  mauvaife  :  pour 

qu'elle  foit  bonne ,  Dieu  doit  en  être  la  fin ,  parce  que  la  fin  du  Diftlnfi.  p, 
précepte  eft  la  charité  ,  &  la  charité  eft  Dieu.  Pierre  deman- 
de pourquoi ,  de  toutes  les  puiflances  de  l'homme ,  la  volonté 
eft  feule  fufceptible  de  péché  ?  A  quoi  il  répond ,  que  c'eft  par- 
ce que  l'ade  de  la  volonté  a  pour  objet  fadion  ;  que  fi  elle  veut 
faire  le  mal,  elle  pèche,  comme  lorfqu'elle  ne  veut  pas  faire 
le  bien  ;  qu'il  n'en  eft  pas  ainfi  des  autres  facultés  ,  comme  de 
la  mémoire  &  de  l'entendement ,  qui  ne  font  fufceptibles  de 
péché  qu'en  certains  cas  ,  comme  lorfqu'on  fe  fouvient  du 
mal  pour  le  faire ,  ou  quand  on  cherche  la  vérité  pour  la  com- 
battre. 

XVIII.  11  décide  que  les  a£tions  de  l'homme  font  bonnes  Diftina.  40. 
ou  mauvaifes  fuivant  l'intention  de  celui  qui  les  fait ,  &  fui- 

vant  la  caufe  de  ces  adions ,  fi  ce  n'eft  quand  ces  a£lions  font 
mauvaifes  d'elles-mêmes.  C'eft  une  bonne  adion  de  nourrir  le 
pauvre ,  fi  on  la  fait  par  un  motif  de  compafilon  8c  de  mifé- 
ricorde  ;  elle  devient  mauvaife ,  fi  on  la- fait  pnr  un  motif  de 
vanité.' Le  menfongc ,  le  blafp'hême  font  des  chofes  mau-    *-  '^-' '•- 

Eij 


^6  PTE  RKE    L  OM  B  ARD, 

Diflinft. 41.  vaifes  par  elles-mêmes,  que  l'inrention  ne  peut  re£lifier.  î\ 
rapporte  quelques  paiTagcs  de  faint  Auguftin  pour  montrer 
la  nécelTité  de  la  foi  8c  de  la  bonne  volonté  dans  les  bonnes 
attions,  &  joint  Tcx,  lication  que  quelques-uns  en  ont  don- 
née ,  par  laquelle  ils  diftinguent  entre  les  aftions  bonnes  & 
utiles  d'elles- mêmes ,  &  celles  qui  (ont  dignes  de  la  récompen- 
fe  étcrnel'c  ;  pour  celles-».!  la  foi  &  la  charité  font  nécelTaires , 
la  piété  naturelle  fuffit  pour  les  autres. 

Diflinft.  41,  XIX.  Il  ne  croit  pas  que  la  volonté  de  faire  le  mal  ,  & 
l'aQion  mauvaife,  foient  deux  péchés  différens  ;  mjis  il  cnlei- 
gne  que  le  péché  eft  plus  grand  ,  lorfque  ladle  eil  joint  à  la 
volonté.  Dans  la  divifion  des  fept  péché>  capitaux  ,  il  fait 
voir  que  l'orgueil  &  la  cupidité  font  l'origine  &  la  raci/ie  de 
tous.  A  l'égard  du  péché  contre  le  Saint  Efprit,  il  rapporte 

Diftina.  43.  çç  qu'en  ont  dit  faint  Auguftin  &  faint  Ambroife,&  penfe 
qu'on  doit  en  croire  coupables  ceux  qui ,  perfuadés  que  leur 
malice  eft  plus  grande  que  la  bonté  de  Dieu  ,  refufent  de  faire 
pénitence  de  leurs  péchés. 

Diftina. 44.  XX.  Il  prouve,  par  l'autorité  de  l'Ecriture  &  des  Pères, 
que  le  pouvoir  de  faire  le  mal  eft  de  Dieu  ,  comme  le  pou- 
voir de  faire  le  bien  ,  mais  que  la  volonté  de  faire  le  mal 
vient  de  l'homme  feul  ;  que  comme  il  eft  ordonne  d'obéir  aux 
Puiftances  établies  de  Dieu ,  aux  Rois  &  aux  Princes,  l'on  doit 
réfifter  au  pouvoir  que  le  Démon  a  de  nous  porter  au  mal. 

§.    III. 

Du  troiftéme  Livre  des  Sentences, 

Troifîéme  Li-  ^*  1  "A  Ans  le  troifiémc  Livre  Pierre  Lombard  traite  du 

vre  des  Sen-      _|  J  Myfterc  de  l'Incarnation  ,  fur  lequel  il  fe  propofe  & 

tences.  rélout  un  grand  nombre  de  queftions.  Il  étoit  plus  convena- 

'  '    •  '•     ble  que  le  Fils  fe  fit  chair,  que  le  Père  &  le  Saint-Efprit , 

parce  que  Dieu  ayant  créé  toutes  chofes  par  fa  SagefTe  ,  il 

devoir  encore  par  fa  Sagefle  réparer  la  perte  que  l'homme 

avoir  faite  de  fon  innocence  ;  il  convenoit  aufti  que  celui  qui 

étoit  Fils  de  Dieu  par  nature ,  fût  encore  Fils  de  l'Homme  , 

Dieu  &  Homme  tout  enfemble  par  l'union  perfonnelle  des 

deux  natures  ;  néanmoins  il  étoit  au  pouvoir  du  Père  &  du 

Saint-Efprit  de  s'incarner ,  comme  il  l'eft  encore. 

Dîftinft.  2,        II,  Toute  la  nature  humaine  étoit  corrompue  par  le  pé- 


EVESQUE  DE  PARIS.  Ch.  I.  Art.  TI.        37 
ché ,  l'amc  &  le  corps  ;  le  Fils  de  Dieu  s'eft  uni  à  l'une  & 
à  l'autre  pour  les  gui'rir  &  les  lanûifier.  Cette  union  s'cfl; 
faite  des  le  moment  môme  que  la  chair  a  été  conçue  &  l'ame 
unie  au  corps ,  l'union  du  Fils  de  Dieu  à  l'humanité  ne  s'c- 
tant  faite  que  par  le  moyen  de  l'ame  :  la  chair  que  le  Verbe    *  ""^"  ^* 
a  prife  de  la  Vierge  étoit  exempte  de  la  corruption  du  pé- 
ché ;  la  Vierge  en  étoit  exempte  elle  -  même  par  une  grâce 
linguliere  dont  elle  avoit  été  prévenue.  Quand  on  dit  que 
Jeius-Chrift  cfl:  né  du  Saint-Elprit ,  ce  n'efl:  pas  que  les  deux 
autres  Perfonnes  n'aient  concouru  au  Myftere  de  l'Incarna-  DiftinA,  4. 
tion  ;  c'eft  parce  que  le  Saint-Efprit  cfl:  charité  ,  &  que  c'eft 
par  une  ineffable  charité  de  Dieu  que  le  Verbe  s'efl:  fait  chair.  R<"".  '•  j. 
Mais  pourquoi  l'Apôtre  dit-il  que  Jefus-Chrift  a  été  du  lang'^"'"'^'** 
de  David  félon  la  chjir ,  &  qu'il  a  été  formé  d'une  femme ,  & 
qu'il  ne  dit  pas  qu'il  en  efl:  né  ?  C'efl:  que  Jefus-Chrifl;  n'efl  pas 
né  fuivantles  voies  ordinaires ,  mais  par  l'opération  &  la  vertu 
du  Saint-Efprit. 

III.  Ce  n'efl  pas  à  la  perfonne ,  mais  à  la  nature  humaine  ,  Diftind.  f.é, 
que  le  Verbe  s'eft  uni  :  telle  eft  la  doftrine  &  le  langage  des  7« 

Pères  &  des  Conciles  ;  n'y  ayant  point  eu  d'inftant  entre  la 
conception  de  l'humanité  &  fon  union  avec  le  Verbe ,  on  ne 
peut  dire  qu'il  fe  foit  uni  à  la  perfonne,  puifqu'il  n'y  en  avoit 
point.  Jefus-Chrift ,  dit  faint  Auguftin  (^)  ,  eft  une  Perfon- 
ne de  deux  fubftances ,  parce  qu'il  eft  Dieu  &  Homme  :  il 
n'eft  pas  une  autre  Perfonne  de  celle  qu'il  avoit  avant  l'In- 
carnation ;  mais  étant  auparavant  la  Perfonne  de  Dieu  ,  il  a 
été  fait  auiïi  la  Perfonne  de  l'Homme  par  l'Incarnation  ;  non 
que  ce  foit  deux  Perfonnes  ,  mais  la  même,  de  Dieu  &  de 
l'Homme.  Pierre  approuve  ces  propofitions  :  Dieu  eft  fait 
Homme ,  l'Homme  eft  fait  Dieu  ;  mais  il  trouve  de  l'incon- 
gruité à  appeller  Jefus-Chrift ,  Homo  Domimcus ,  parce  qu'é- 
tant Médiateur  de  Dieu  &  des  hommes ,  il  eft  véritablement 
Seigneur. 

IV.  Il  ne  croit  pas  que  l'on  doive  dire  que  la  nature  di-  Dinir..".  j. 
vine  eft  née  de  la  Vierge  ,  mais  que  cela  fe  dit  de  la  Perfonne 
divine  du  Fils  ;  qu'on  peut  dire  auffi  de  lui ,  qu'il  eft  né  deux 

fois ,  dans  l'éternité  ,  &  dans  le  tems.  Comme  né  du  Pcre ,  il 
eft  le  Verbe  de  Dieu  j  comme  né  de  la  Vierge ,  il  eft  Homme:. 


Cs)  AucuST,  Lib,  I .  contr,  Maxim» 


58  PIERRE    LOMBARD, 

la  première  naifTance  efl  avant  tous  les  fiécles ,  la  féconde  dans 
le  (iécle. 

Diflma.p.  V.  Quelques  Théologiens  prccendoient  qu'on  ne  devoit 
pas  rendre  à  l'humanité  de  Jelus-Chrill  le  même  cuire  de  la- 
trie qu'on  rend  à  fa  divinité  :  d'autres  fourcnoient  qu'il  fa!- 
loit  l'adorer  avec  le  Verbe ,  d'une  feule  adoration  ,  non  à 
caufc  d'elle-même ,  mais  à  caufe  de  celui  à  qui  elle  eft  unie  : 
d'où  vient  que  perfonne  ne  mange  fa  chair,  qu'il  ne  l'ait  adorée 
auparavant. 

Biftina.  10.  VI.  Le  Maître  des  Sentences  enfeigne  que  Jefus-ChriH:  , 
en  tant  qu'homme,  n'efl  pas  une  perfonne  ;  qu'il  ne  peut  en 
cette  qualité  ni  en  aucune  autre  être  appelle  Fils  adop:if  de 
Dieu  ,  parce  qu'il  l'cfl:  par  nature  ;  que  l'on  dit  bien  de  la 
perfonne  du  Fils  qui  efî  éternelle  ,  qu'elle  a  été  prédeftinée  , 
ielon  l'humanité  à  laquelle  efl  s'cft  unie  ,  &  de  la  nature  hu- 
maine qu'elle  a  été  prédeftinée  pour  être  unie  au  Verbe  du 
Père  ;  qu'on  ne  peut  appe'.ler  Jefus  -  Chrift  créature ,  fans 

_...  ,         aiouter  Iclon  fon  humanité  ,  ni  dire  que  comme  Homme  il  a 

Diftina.  u.       '    .  ,    ,        ■,,  ,  t        '  \;-     L      j      T-^- 

toujours  cte ,  n  étant  éternel  qu  en  tant  que  Verbe  de  Dieu  ; 

Diftind,  12.  que  le  Fils  de  Dieu  pouvoit  prendre  une  autre  chair  &  une 
autre  ame  que  celles  qu'il  a  prifes ,  &  même  créer  une  au- 
tre nature  qui  n'eût  rien  de  commun  avec  celle  d'Adam  ;  mais 
qu'il  a  mieux  aimé  en  prendre  une  de  l'efpece  de  celle  qui  avoic 
été  vaincue  en  Adam  ,  afin  de  vaincre  par  elle. 
Diillna.  ij.  VII.  Il  traite  enfuite  de  la  grâce  ,  &  de  la  puiflance  que 
Jefus-Chrifl  a  eue  en  tant  qu'Homme  ,  &  dit  que  dès  fa  con- 
ception il  fur  rempli  de  la  plénitude  de  la  grâce  ;  &  que 

Luc.  i.  ji.  quand  il  cft  dit  dans  l'Evangile  ,  qu'il  croifbh  en  fagejfe  & 
en  âge  devant  Dieu  &  devant  hs  hommes  ,  ceia  doit  s'entendre 
des  preuves  extérieures  qu'il  donnoit  de  fa  fagcfle.  Il  diftin- 
guc  en  Jefus-Chrift  la  lagcfTe  qu'il  avoir  comme  Dieu ,  6c 
qui  n'cfl:  pas  différente  de  lui-même,  &  la  fagc/Te  qu'il  avoir 
comme  Homme ,  &  qui  lui  avoit  été  donnée  gratuitement 
dès  fa  conception:  la  première  efl:  infinie,  égale  à  celle  du 
Père  ;  la  féconde  n'efl:  pas  égale  à  celle  de  Dieu ,  qui  eft  beau- 
coup plus  digne  &  beaucoup  plus  excellente.  Quoique  l'ame  de 
J.  G.  voie  tout  dans  le  Verbe  auquel  elle  eft  unie  ,  ce  n'eft 
pas  fi  clairement,  ni  avec  tant  d'évidence,  que  Dieu  voie  & 
comprend  toutes  chofes  ;  elle  luieftauffi  beaucoup  inférieure 
en  pouvoir:  d'où  vient  que  S.  Paul  dit  :  Nul  ne  connoît  ce  qui 
ejl  en  Dieu ,  que  FE/prit  de  Dieu  :  &  à  l'égard  de  la  puiffance , 


14 


J.  dr,  î.  II. 


EVESQUE  DE  PARIS.  Ch.  I.  Art.  IT.  557 
il  n'a  pas  été  donné  à  la  nature  humaine  en  Jefus-Chrift  de 
pouvoir  faire  tout  ce  que  Dieu  fait ,  fi  ce  n'efl  en  tant  qu'elle 
n'cft  qu'une  Perfonne  avec  le  Fils  de  Dieu. 

VUI.Ccmme  Homme  ,  Jefus-Chrift  a  pris  tous  les  défauts   Diftina.  ly. 
ou  les  foiblcfles  de  notre  nature ,  excepte  l'ignorance  &  le  '  ' 
péché  ;  encore  n'a-t-il  pris  les  infirmités  de  la  nature  humai- 
ne ,  que  parce  qu'il  l'a  bien  voulu  ,  pour  opérer  l'ouvrage  de 
notre  rédemption;  il  n'y  étoit  point  néceflité  parkcondiiion 
de  fa  nature. 

IX.  Il  y  a  en  lui  deux  volontés  ,  comme  deux  natures,  la  Diflinâ.  17. 
divine  &  l'humaine  :  on  peut  difiinguer  dans  la  volonté  hu- 
maine l'afTeclion  des  fcns,  &  de  la  raifon  :  Iclon  celle-ci  ,Jc- 
fu^-Chrifl;  a  toujours  voulu  exécuter  la  volonté  de  Dieu  Ion 

Père ,  fouffrir  ,  mourir  pour  le  falut  du  genre  humain  ;  félon 
l'autre ,  il  redoutoit  la  mort. 

X.  Cétoit  une  queftion  entre  les  Théologiens,  de  fçavoir    Difiina.i8. 
fi  Jelus-Chrift  avoir  mérité  pour  lui-même  &  pour  nous  ,  8c 

en  quoi  confiftoit  ce  mérite.  Pierre  Lombard  répond ,  que 
Jefus-Chrift  nous  a  mérité  d'être  délivrés  de  la  fervitude  du 
Démon ,  du  péché ,  de  la  peine  ,  &  l'entrée  dans  le  Ciel  ; 
qu'il  a  mérité  pour  lui-même  i'impaffibilité  ,  la  gloire  de 
l'immortalité  ,  fon  élévation  à  une  louvcraine  grandeur ,  &c 
un  nom  qui  eft  au-deflus  de  tous  les  noms.  C'cft  par  fa  more    Diifiinft.ij', 
qu'il  nous  a  mérité  le  pardon  de  nos  péchés ,  &  l'encrée  dans 
la  gloire ,  &  c'eft  par  elle  qu'il  nous  a  juftifiés  :  par  fon  fang 
la  cédule  qui  nous  tenoit  fous  la  puifiance  du  Démon  a  été 
effacée  ;  c'eft  pour  cela  que  Dieu  s'eft  fait  Homme ,  &  afin  d'ê- 
tre notre  Médiateur  auprès  de  Dieu.  Il  pouvoir  chojfir  d'autres 
moyens  de  notre  falut ,  mais  l'Incarnaiion  lui  a  paru  le  plus 
convenable  à  notre  mifere. 

XI.  Prêtre  &  Hoftie  ,  il  s'efl  offert  à  fon  Père  pour  tous ,    Dlftj'nft.io, 
quant  à  la  fuffifance  du  prix  de  notre  rédemption  -,  mais  feu-  ^^'  "• 
lement  peur  les  Elus  quant  à  l'efficacité  de  fon  facrifice  {h) , 

qui  n'a  opéré  le  lalut  que  dans  les  prédeftinés.  On  peut  re- 
garder la  Pafiîon  de  Jefus-Chrift  comtnc  l'ouvrage  de  Dieu  , 
parce  qu'il  Fa  voulu  ;  &  des  Juifs  ,  parce  qu'ils  l'ont  fait  mou- 
rir. Pierre  Lom.bard  penfe  ,  av.ec  les  meilleurs  Théologiens  j 


(A  )  Sacerdos  idemqne  Hoftia  fe  Dco  .  quantum  ad  efficacinm,  quia  prideflinatis 
Trinttatiobtuiit  pro  omnibus  quantum  ad  |  tantùm  falutem  efîccit.  Lit.  j.  Dijh  ro. 
piçiii  fufficientiam  ;  fed  pro  ekâis  tantùm  | 


40  PIERRE    LOMBARD, 

que  le  Verbe  eft  demeuré  uni  au  corps  comme  à  l'ame  de 
Jt  fu<;-Chrin:  après  fa  mort  ;  &  qu'encore  que  fon  ame  fût  fé- 
parée  de  fon  corps  pendant  les  trois  jours  qu'il  demeura  dans 
le  fépulcre  ,  il  étoit  toujours  Homme  ,  à  caufe  de  fon  union 
permanente  avec  le  corps  8z  l'ame.  Il  propofe  là-dcfTus  plu- 
fieurs  qucflions,  entr'autres,  fi  ce  que  l'on  dit  de  Dieu  ou  du 
Fils  de  Dieu  fe  peut  dire  aufli  du  Fils  de  l'Homme?  A  quoi 
il  répond  qu'on  le  peut ,  à  raiion  de  l'union  des  deux  natures 
en  une  feule  perfonne  :  ainfi  l'on  dit  bien  que  le  Dieu  de  gloire 
a  été  crucifié ,  quoiqu'il  ne  l'ait  écé  que  félon  la  forme  de  fcr- 
viteur ,  c'eft-à-dire ,  félon  fon  humanité. 
Dîftina,  23.      XII.  Depuis  la  vingt-troifiéme  Difl:in£tion  jufqu'à  la  tren- 

adjz.  te-deuxiéme,  Pierre  Lombard  traite  des  trois  vertus  théolo- 

gales ,  la  foi ,  l'cfpérance ,  la  charité.  Il  enfeigne  dans  celle- 
ci  que  Dieu  de  toute  éternité  a  aimé  les  élus ,  &  haï  les  ré- 

,  ^  prouvés  ,  félon  ce  qui  efl:  dit  dans  l'Ecriture  :  Tai  aimé  Jacob  ^ 

^.  ' .  '    '     &  fai  haï  Efaii  :  enfuite  il  parle  des  quatre  vertus  cardina- 

34«  5î«  36.     1^5  »  P^'S  "^^  '^^P^  ^'^'^^  *^"  Saint-blpnt  ,  qu  il  dit  avoir  ete 

en  Jefus-Chrifi  ,  de  même  que  les  trois  vertus  théologales  , 

&  dans  tous  ceux  qui  ont  la  charité ,  qui ,  étant  la  mère  des 

vertus ,  renferme  toutes  les  autres. 

Diftinâ.  37.      XIII.  Le  troifiéme  Livre  des  Sentences  finit  par  l'explica- 

î  •59'4°'  tion  du  Décalogue.  Pierre  rapporte  au  cinquième  Comman- 
dement la  défenfe  de  mentir.  Il  définit  le  menfonge  ;  parler 
contre  ce  que  l'on  penfe ,  foit  que  ce  que  l'on  penfe  foit  vrai 
ou  faux ,  avec  intention  de  tromper.  Il  dit  que  la  lettre  de 
mort  dont  il  efl  parlé  dans  la  féconde  Epître  aux  Corinthiens, 

JI.  Ctr,  3.  7.  eft  le  Décalogue  ;  non  que  cette  Loi  foit  mauvaife ,  mais  parce 
qu'en  défendant  le  péché,  elle  augmente  le  defir  de  le  com- 
mettre ,  à  moins  que  la  grâce  ne  nous  délivre  ;  qu'il  y  a  cette 
différence  entre  la  Loi  de  Moyfe  &  celle  de  l'Evangile,  que 
cel'e-ci  promet  des  biens  célefles ,  au  lieu  que  l'autre  n'en  pro- 
mettoit  que  de  terreflres. 


"N^nifi 


§.  IV. 


EVESQUE  DE  PARIS.  Ch.  I.  Art.  II.        41' 
§.    IV. 

Du  quatrième  Livre  des  Sentences. 

I.  T  Es  Sacrcmcns  ,  tant  de  l'ancienne  que  de  la  nouvelle  du  qmtùéme 
-L/  Loi ,  font  la  matière  du  quatrième  Livre  des  Senten-  Livre  des  Sen- 
ces.  En  général  ,  le  Sacrement  eft  le  ligne  d'une  chofe  fa-  p"fl^„'^  ^ 
crée  ,  ou  la  forme  viiible  de  la  grâce  invilible.  Dieu  les  a  in- 
flitucs  pour  nous  en  occuper  faintcment ,  &  nous  inftruire. 
En  effet ,  voyanc  ce  qui  ie  pafTe  au  dehors ,  nous  fommes  por- 
tés à  connoître  la  vertu  invidble  que  les  Sacremens  opèrent 
intérieurement.  Ils  font  corapofés  de  paroles ,  &  de  choies  ou 
fubflances  ;  de  paroles ,  comme  efl:  l'invocation  de  la  fainte 
Trinité  ;  de  chofes ,  comme  font  l'eau  &  l'huile.  La  Loi  an- 
cienne avoit  fes  facremens ,  fes  facrifices ,  fes  oblations ,  mais 
ils  n'étoient  que  des  figures  de  ceux  de  la  Loi  nouvelle  :  ils 
promettoient  la  grâce ,  &  ne  la  donnoient  pas  :  ceux  de  la 
nouvelle  Loi  donnent  le  falut  :  la  Circoncifion  toutefois  opé- 
roit  alors  ce  que  fait  aujourd'hui  le  Baptême,  c'eft-à-dire ,  la 
rémilïion  du  péché  originel.  Avant  l'inftitution  de  la  Cir- 
concifion ,  la  foi  des  parens  juflifîoit  les  enfans  ;  les  adultes 
obtenoient  le  falut  par  leur  foi  &  leurs  bonnes  œuvres ,  ou  par 
la  vertu  des  facrifices,  dans  lefquels  ils  envifageoient  des  yeux 
de  l'efprit  ce  qu'ils  opéroient  dans  l'ame. 

II.  Pierre  Lombard  compte  fept  Sacremens  dans  la  Loi  Dîftinft.  z,  j. 
nouvelle  ,  dont  le  premier  eft  le  Baptême.  Il  parle  de  celui 
de  faint  Jean ,  &  de  fon  inefficacité  pour  le  falut.  Le  Baptê- 
me inftitué  par  Jefus-Chrift  opère  la  grâce  &  la  rémiffion  de 
tous  les  péchés ,  originel  &  aduels ,  pourvu  qu'il  foit  conféré 
avec  les  paroles  de  l'inftitution.  Mais  ne  fuffit-il  pas  de  bap- 
tifer  au  nom  d'une  des  trois  Perfonnes  de  la  Trinité?  Pierre 
cite  pour  l'affirmative  un  paflage  de  faint  Ambroife ,  &  pré- 
tend que  fi  celui  qui  baptife  croit  pleinement  le  Myftere  de 
la  fainte  Trinité ,  le  Baptême  qu'il  donne  au  nom  de  Jefus- 
Chrift  feul  eft  bon,  parce  qu'en  nommant  Jefus-Chrift,  il 
eft  cenfé  nommer  les  trois  Perfonnes  :  il  dit  néanmoins  qu'il 
eft  plus  sûr  de  les  nommer  toutes  trois.  Il  rapporte  les  diffé- 
rens  fentimens  fur  le  tems  de  l'inftitution  du  Baptême ,  mais 
ne  donne  pas  le  fien  ;  néanmoins  il  paroît  adopter  l'opinion 
qui  met  l'inftitution  de  ce  Sacrement  avant  la  Paffion  du  Sau- 
Tome  XXnU  F 


42  PIERK  E     LOM  B  ARD  , 

veur ,  &  dit  qu'encore  qu'il  ne  foit  pas  écrie  en  quelle  forme 
les  Apôtres  baptifoienc ,  il  eft  probable  qu'avant  la  mort  de 
Jelus-Chrifl ,  comme  après  ,  ils  baptifoienc  au  nom  de  la 
fainte  Trinité.  Il  pofe  pour  une  chofe  confiante  ,  que  Ton 
doit  plonger  trois  fois  le  Baptifé  ;  mais  il  ne  laifTe  pas  de  re- 
garder comme  valide  le  Baptême  donné  par  une  feule  immer- 
fion ,  &  ne  croit  pas  coupable  celui  qui  baptiie  en  cette  maniè- 
re ,  fi  elle  efl  d'ufage  dans  fon  Eglife, 

Difiina.  4.  m.  L'effet  du  Sacrement  de  Baptême  n'efl:  pas  le  même 
dans  tous  ;  il  y  en  a  qui  reçoivent  le  Baptême  &  la  grâce  du 
■Baptême  ,  d'autres  qui  reçoivent  ce  Sacrement  fans  la  grâce  ; 
quelques-uns  qui  reçoivent  la  grâce  fans  le  Sacrement.  Tous 
les  enfans  reçoivent  l'un  &  l'autre  :  ceux  qui  s'en  approchent 
fans  foi ,  &  fans  douleur  de  leurs  péchés  ,  reçoivent  ce  Sa- 
crement fans  la  grâce  ;  ceux  qui  fouffrent  le  martyre  pour 
Jefus-Chrifl ,  ou  qui  defirant  d'être  baptifés  en  font  empê- 
chés par  quelque  néceflîté ,  reçoivent  la  grâce  fans  le  Sacre- 
ment. Outre  la  grâce  fanftifianre,  les  adukes  reçoivent  dans 
le  Baptême  une  grâce  opérante  &  coopérante.  Pierre  Lombard 
paroît  croire  que  Dieu  accorde  aufîl  aux  enfans  une  grâce  fem- 
blable ,  pour  les  aider  dans  l'âge  de  raifon  à  faire  de  bonnes 
œuvres. 

Diftînâ.  j.  IV.  Il  prouve  ,  par  l'autorité  &  les  principes  de  faint  Au- 
guflin  ,  que  le  Baptême  conféré  par  un  bon  ou  mauvais  Mi- 
nière efl  également  faint  ,  parce  que  c'efl  toujours  Jefus- 
Chrift  qui  baptife  ;  que  lui  feul  a  le  pouvoir  de  baptifer  ,  & 

Diftina.  é.  qu'il  ne  le  communique  à  perfonne.  Les  Miniflres  auxquels 
il  en  a  commis  l'adminiftration  ,  font  les  Prêtres  feuls  ;  les 
Diacres  ne  peuvent  conférer  ce  Sacrement  fans  l'Evêque  ou 
le  Prêtre  ,  fi  ce  n'eft  que  l'un  ou  l'autre  en  foit  empêché  par 
maladie  ,  ou  autrement:  mais  en  ce  cas-là  même  ,  c'efKà-dire 
dans  la  néceiïité ,  les  Fidèles  laïques  des  deux  fexes  peuvent 
adminiftrer  le  Baptême.  L'enfant  étant  dans  le  fein  de  fa 
mère  ne  peut  être  baptifé ,  parce  que  n'étant  pas  encore  né 
en  Adam  ,  il  ne  peut  être  régénéré  en  Jefus-Chrirt;  Les  tems 
deflinés  au  Baptême  font  Pâques  ,  &  la  Pentecôte  ;  mais 
lorfqu'il  y  a  néceffité  ,  on  peut  le  conféi-er  chaque  jour  de 
l'année. 

Dîftînâ.y.  ^'  ^e  Saint-Efprit  eft  donné  dans  le  Sacrement  de  Con- 
firmation ,  comme  dans  le  Baptême  ;  dans  ce  Sacrement , 
pour  remettre  les  péchés  5  dans  l'autre  ,    pour  fortifier  le 


EVESQUE  DE  PARTS.  Ch.  I.  Art.  II.  43  , 
Baptifc:  l'adminirtration  en  cfl:  réfervceà  l'Evcquc  feul,  fous 
peine  de  nullité.  La  forme  confiftc  dans  les  paroles  que  TE- 
vêquc  prononce  en  oignant  le  Baptifé  fur  le  front.  La  Confir- 
mation ne  doit  point  le  réitérer  :  celui  qui  la  reçoit,  doit  être  à 
jeun ,  comme  celui  qui  la  confère. 

VI.  La  manne  dont  les  Ifraélites  furent  nourris  dans  le  Diftinft. 8. 
défert,  le  pain  &  le  vin  offerts  par  Melchifedech  ,  étoient  la 
figure  de  l'Euchariftie.  Jefus  -  Chrifl:  Tinflitua  le  jour  de  fa  : 

dernière  Gêne.  Les  paroles  qu'il  prononça  alors  :  Ceci  eji  mon 
Corps  :  Ceci  efî  mon  Sanz,  ,  font  les  mêmes  par  lefquellcs  fe 
fait  le  changement  du  pain  &  du  vin  au  Corps  8c  au  Sang  de 
Jefus-Chriu  par  le  miniftere  du  Prêtre  :  elles  font  donc  la 
forme  de  ce  Sacrement  ;  le  pain  &  le  vin  la  matière.  Suivant 
la  coutume  générale  de  l'Eglife  on  le  reçoit  à  jeun  ,  par  ref- 
pe£l  pour  cette  célefte  nourriture  ,  qu'il  faut ,  félon  l'Apôtre, 
bien  diflinguer  des  alimens  ordinaires.  Pierre  diftingue  trois 
chofes  dans  l'Euchariftie;  le  Sacrement,  &  non  la  choie,  c'efl- 
à-dire,  les  efpeces  &  apparences  du  pain  &  du  vin  ;  le  Sacre- 
ment &  la  chofe,  qui  efl:  la  propre  Chair  de  Jefus -Chrifl  & 
fon  Sang  ,  contenus  lous  les  efpeces  du  pain  &  du  vin  ',  & 
la  chofe  qui  n'efl  point  Sacrement  ,  c'ell-à-dire  ,  la  chair 
myftique  de  Jefus  -  Chrifl  ,  qui  efl  l'Eglife  ,  ou  l'union  des 
Fidèles. 

VU.  Il  diflingue  encore  deux  manières  de  manger  le  Corps  Dlftina.?, 
de  Jefus  -  Chrifl  ;  l'une  facramentelle  ,  qui  efl  commune  à 
tous  ceux  qui  le  reçoivent ,  bons  &  méchans  ;  l'autre  fpiri- 
tuelle ,  qui  efl  particulière  aux  bons  feuls  ,  parce  qu'en  re- 
cevant le  Corps  de  Jelus-Chrifl  dignement ,  ils  demeurent  en 
lui ,  &  Jefus-Chrifl  en  eux  ;  au  lieu  que  les  méchans  ne  le  re-^ 
çoivent  que  pour  leur  condamnation. 

VIII.  Enfuite  il  combat  l'héréfie  de  ceux  qui  difent  que  Dlflina.  la. 
le  Corps  de  Jefus-Chrifl  n'efl  fur  l'Autel  qu'en  figure  :  puis 
il  prouve  qu'il  y  efl  réellement  préfent ,  &  que  le  pain  &  le 
vin  font  véritablement  changés  au  Corps  &  au  Sang  de  Je- 
fus-Chrifl. Il  rapporte  fur  cela  les  autorités  de  faint  Am- 
broife  ,  de  faint  Auguflin  ,  &  d'Eufcbe  d'Emefe  ,  qui  dit  : 
Le  Prêtre  invifible  (  i  )  change  par  fa  parole  &  fa  puifTancc 


(i)  Invifîbilis  Sacerdos  vifibiles  créa-  1  fui  verbo  fuo ,  fecreta  poteflate  commutât, 
turas  in  fubftantiam  Corporis  &  Sanguinis  I  Eafeb.  Emifen.   Ex  liis  aliifque  pluribu? 

Fij 


44  PIERR  E    LOMBA  RD, 

fecrettes ,  les  créatures  viiibles  en  la  fubftance  de  fon  Corps 
&  de  fon  Sang.  Il  conclut  de  ces  témoignages  ,  &  de  plu- 
fieurs  autres  qu'il  auroitpu  cirer,  qu'il  eit  confiant  que  le  vrai 
Corps  de  Jefus  Chrift  &  fon  Sang  font  fur  T  Autel ,  &  même 
que  Jcfus-Chrifl  y  eft  tout  entier  fous  les  deux  efpeces  ;  que 
la  fubflance  du  pain  efl  changée  au  Corps ,  &  celle  du  vin  au 
Sang. 

Diftina.  II.  IX.  Pour  s'expliquer  encore  plus  nettement  fur  la  pré- 
fence  réelle  j  il  examine  de  quelle  nature  efl  la  convcrlion 
des  fubftances  du  pain  &  du  vin,  fi  elle  e(l  formelle  ou  fub- 
flantielle.  Il  fe  décide  pour  la  converfion  fubftantielle  ,  &  dit 
qu'après  la  confécration  (  /)  le  pain  &  le  vin  font  tellement 
changés  au  Corps  &  au  Sang  de  Jefus-Chrift  ,  qu'il  ne  refle 
plus  fur  l'Autel ,  ni  la  fubflance  du  pain ,  ni  celle  du  vin  , 
mais  feulement  les  efpeces  ,  comme  la  faveur  ;  en  forte  que 
l'on  voit  une  chofe  ,  &  que  l'on  en  conçoit  une  autre.  Il  re- 
connoît  (fn)  que  le  Corps  auquel  le  pain  &  le  vin  font  chan- 
gés ,  efl:  le  même  qui  efl  né  de  la  Vierge  ,  qui  eft  reffufcité. 
Il  donne  plufieurs  raifons  de  la  Communion  du  Corps  &  du 
Sang  de  Jefus-Chrift  fous  les  efpeces  du  pain  &  du  vin ,  que 
nous  avons  fouvent  touchées  ailleurs ,  &  convient  que  quoi- 
que Ton  communie  fous  les  deux  efpeces ,  Jefus  -  Chrifl:  efl 
néanmoins  tout  entier  fous  l'une  &  l'autre  des  deux  :  en- 
forte  que  l'on  ne  reçoit  pas  plus  fous  les  deux  efpeces ,  que 
fous  une  feule.  La  raifon  qu'il  donne  de  mêler  de  l'eau  au 
vin  dans  le  Calice  j  ell  la  même  qu'ont  donnée  tous  les  Pères 
de  l'Eglife. 

Diftind.  li.  X.  11  enfeigne  que  les  accidens  ,  la  faveur  ,  le  poids  de- 
meurent dans  l'Euchariflie  fans  fujet  ,  parce  qu'il  n'y  refle 
plus  d'autre  fubflance  que  celle  du  Corps  de  Jefus -Chrifl , 
qui  ne  peut  être  le  fujet  d'aucuns  accidens  ;  que  ce  font  eux 
qui  font  rompus ,  divifés ,  partagés  en  plufieurs  parties  ;  que 
ce  qui  efl  offert  fur  l'Autel  &  confacré  par  le  Prêtre,  efl  appelle 
Sacrifice,  parce  qu'il  efl  la  mémoire  &  lareprélentation  du  vrai 


confiât  verum  Corpus  Chrifli  &  Sanguî-  J  ibi  fubftantia  panis  vel  vini ,  licèt  fpecies 
rem  in  Altari  effe,  inio  integrumChriltum  remaneant;eft  enim  ibi  Ipecies  panis  & 
ibi  fub  utraoue  foecie  !  &  fubftantiam  d3-    vini ,  ficut  fapor  :  un  iè  aliud  videtur,  aliud 

inteiligitur.  Ibid.  Dift.  i 


ibi  fub  utraque  fpecie  ;  &  fubftantiam  pa- 
ris in  Corpus  ,  vinique  fubftantiam  in 
Sanguinem  converti,  Lib.  4.  Seittentiar. 
Diji.  10 


(  /  )  Poft  confecratJonem  ergo  non  eft  ]  Cœlum  afcendit.  Ibid. 


— fa — ^-  — I 

(m)  lU'jd  vere  ,  ilJud  fané  quod  fump- 
fum  eft  de  Virgine  ,  quod  refurrejit ,  &  in 


EVESQUE  DE  PARTS.  Ch.  I.  Art.  TT.  45 
facrifice  &  de  l'immolation  laintc  faite  par  Jclus-Chrift  fur 
la  Croix  ;  que  l'effet  de  ce  facrifice  que  nous  offrons  tous  les 
jours ,  eft  la  rdmiflion  des  péchés  véniels ,  la  perfctlion  de  la 
vertu  ,  &  le  fouticn  de  notre  infirmité  ;  que  les  méchans  Prê- 
tres peuvent  conlacrer  ,  la  confécration  n'étant  pas  l'effet  de^'^'"'^*  'î* 
leur  mérite  ,  mais  de  la  parole  &  de  la  vertu  du  Créateur  ; 
que  cela  ne  s'eniend  que  des  Prêtres  qui  font  dans  l'Eglife  , 
au  nom  de  laquelle  ils  offrent,  &  non  des  Excommuniés  & 
des  Hérétiques  notés  publiquement ,  &  confcquemmcnt  hors 
de  l'Eglife. 

XI.  Pierre  Lombard  diftingue  deux  fortes  de  pénitence  ,  Diftina.  14; 
l'une  extérieure ,  l'autre  intérieure  :  la  première  eft  le  Sacre- 
ment de  Pénitence  :  la  féconde  efl:  une  vertu  de  l'ame  ;  l'une 

&  l'autre  opèrent  le  falut  &  la  juffification.  Il  définit  la  pé- 
nitence ,  une  vertu  par  laquelle  nous  pleurons  les  péchés 
commis ,  avec  réfolution  de  nous  corriger.  On  diftinguoic 
dans  l'Eglife  deux  fortes  de  pénitences ,  la  publique  ou  fo- 
lemnelle,  qui  fe  faifoit  hors  de  l'Eglife  ,  c'eft-à-dire  dans  le 
veftibule  ,  à  la  vue  de  tout  le  monde  ,  le  Pénitent  couvert  de 
cilice  &  de  cendres.  Cette  pénitence  ne  s'impofoit  que  pour 
les  crimes  les  plus  graves  &  publics  ;  on  ne  la  réitéroic  pas , 
de  peur  qu'elle  ne  tombât  dans  le  mépris  :  en  quelques  Egli- 
fes  elle  n'avoir  pas  lieu.  L'autre  pénitence  eft  celle  qui  eft 
dans  l'ufage  commun  de  l'Eglife  ,  qui  fe  réitère  fuivant  les 
befoins  des  pécheurs  pénitens,  &s'impofe  fecreccement.  Pierre 
Lombard  fait  voir  la  nécefllté  de  cette  pénitence  •,  qu'on  ne  Diftina.  ry; 
peut  la  faire  d'un  péché  ,  qu'on  ne  la  faflTe  de  tous  ;  qu'elle  ^^* 
eft  compofc  de  trois  parties;  l'çavoir,  de  la  contrition,  de  la 
confeftion  ,  de  la  fatisfadion  ;  que  la  contrition  doit ,  non- 
feulement  renfermer  la  douleur  d'avoir  péché ,  mais  aufll  d'a- 
voir manqué  à  un  a£te  de  vertu  ;  que  la  confeftion  ne  peut  fe 
divifer ,  n'étant  pas  permis  de  ne  confefTer  qu'une  partie  de 
fes  péchés  ,  &  d'en  réferver  l'autre  à  un  autre  Prêrre  ,  ou 
à  plufieurs  ;  que  la  fatisfadion  doit  être  proportionnée  à  la 
grandeur  du  péché  ,  &  telle  qu'elle  produife  de  dignes  fruits 
de  pénitence. 

XII.  11  demande  pour  la  rémifflon  des  péchés  véniels ,  la  Diftina.  i«. 
prière  ,  le  jeûne  ,  l'aumône  ,  la  douleur ,  &  la  confeiTion ,  ri'7. 

l'on  en  a  la  faculté.  Il  décide  fur  la  confcflîon  des  péchés , 
qu'on  doit  la  faire ,  premièrement  à  Dieu  ,  enfuice  au  Prêtre , 
fi  cela  eft  poftible,  comme  un  moyen  nécefl'aire  pour  en  ob- 


4<5  PIERRE    LOMBARD, 

tenir  rabfolucion  :  il  croit  qu'au  défaut  du  Prêtre  on  peut  fe 
confefler  à  un  Laïque  ,  fi  l'on  le  trouve  en  danger  de  mort. 
Après  avoir  rapporté  les  différentes  opinions  des  Théologiens 
fur  Tufage  des  clefs ,  il  paroît  adopter  celle  qui  enfeigne  que 
Dieu  feu!  délie  entièrement  le  pécheur ,  en  effaçant  la  tache 
de  fon  péché  ,  en  lui  remettant  la  dette  de  la  peine  éternelle , 
en  vivifiant  ion  ame  par  fa  grâce  ;  que  les  Prêtres  lient  & 
délient  en  déclarant  que  les  pécheurs  font  liés  ou  déliés  de- 
vant Dieu ,  en  leur  impofant  une  fatisfaftion  pour  leurs  pé- 
chés ,  &  en  les  admettant  à  la  Communion  lorfqu'ils  les  croient 
purifiés  ,  ou  qu'ils  la  leur  refufent  lorfqu'ils  les  en  jugent  in- 
dignes. 

Diftlnâ.  15.  Xin.  Le  pouvoir  des  clefs  efl  donné  par  le  miniftere  de 
l'Evêque  à  celui  qu'il  ordonne  Prêtre  ;  mais  ceux-là  leuls  en 
ufent  dignement  ^  qui  fuivent  la  vie  &  la  dodrine  des  Apô- 
tres ;  ce  qui  n'empêche  pas  que  les  méchans  Prêtres  n'aient 
aufli  ce  pouvoir ,  &  n'en  ufent  validemcnt ,  quoiqu''indigne- 
ment,  Dieu  donnant  fa  bénédidion  à  celui  qui  la  demande  , 
même  par  un  Miniftre  indigne.  On  peur  faire  pénitence  juf- 

„.-.  „  qu'au  dernier  moment  de  la  vie  :  d'où  vient  qu'on  ne  doit 
delelperer  de  perlonne  tant  qu  il  vit  ;  mais  des  pénitences 
fi  tardives  font  fufpe£tes.  Le  Prêtre  peut  dire  en  ces  occa- 
fions  :  Nous  donnons  la  pénitence  ,  nous  ne  donnons  pas  la 
fécurité. 

Djftinft.  ji.  XIV.  Il  efl:  confl:ant ,  dit  Pierre'  Lombard  ,  qu'il  y  a  des 
péchés  véniels  effacés  après  cette  vie  par  le  feu  du  Purga- 
toire; que  des  âmes  y  reftent  plus  long-tems  que  les  autres, 
fuivant  qu'elles  ont  été  plus  ou  moins  attachées  aux  biens  de  ce 
monde.  Il  dit  qu'il  cft  néccfifaire  de  confefi"er  tous  les  péchés 
mortels  que  l'on  a  commis  ,  &  autant  que  la  mémoire  peut 
les  repréfenter  ;  qu'à  l'égard  des  péchés  véniels ,  parce  qu'ils 
font  infinis  en  nombre ,  il  luffit  de  les  confefi!er  en  général  , 
fi  ce  n'efl  ceux  que  l'on  a  commis  fréquemment  :  car  il  eft 
mieux  de  les  exprimer  en  détail.  Le  Prêtre  qui  aura  révélé 
le  péché  de  fon  Pénitent ,  doit  être  dépofé  &  condamné  à 
voyager  toute  fa  vie.  Il  eft:  défendu  au  Curé  d'une  Paroifi'e 

Diftina.  20.  ^g  juger  le  Paroiflien  d'une  autre.  Les  excommuniés  &  Jes 
pécheurs  publics  ne  peuvent  être  réconcilies  fans  l'avis 
de  l'Evêque  ,  fi  ce  n'ell  qu'il  foit  abfent  ,  &  le  malade  en 
danger. 

Diflinô.  z9»       XV.  Suppofant  comme  certain  que  les  péchés  font  remis 


EVESQÛÉ  DE  PARIS.  Ch.  I.  Art.  H.  47 

par  une  vraie  contrition  ,  même  avant  qu'on  les  ait  confcf- 
lés,  &  qu'on  en  ait  fait  pénitence  ,  Pierre  Lombard  deman- 
de (i  celui  à  qui  les  péchés  font  remis  parla  contrition,  négli- 
geant par  mépris  de  s'en  confeffer,  ou  retombant  dans  les  mê- 
mes péchés,  ii,  dis-je,  les  péchés  remis  reviennent  à  caufe 
de  ce  mépris  ?  11  rapporte  les  raifons  pour  &  contre ,  &  ne  dé- 
cide rien. 

XVI.  Il  pafie  du  Sacrement  de  Pénitence  à  celui  de  l'Ex-  Diftina.  ij. 
trême-Ondion  ,  qu'il  dit  d'inflitution  Apoftolique.  11  y  di- 
flingue  le  Sacrement ,  qui  cft  l'onttion  extérieure  ,  &  la  chofe 

du  Sacrement,  c'eft-cà-dire  ,  l'ondion  intérieure ,  qui  opère  la 
rémifllon  des  péchés,  &  l'augmentation  des  vertus.  Ce  Sacre- 
ment peut  le  réitérer  en  diverfes  maladies ,  pour  obtenir  au 
malade  la  fanté  du  corps  &  de  l'ame. 

XVII.  On  ne  doit  admettre  dans  le  Clergé  que  ceux  qui ^'^'"'-'^•^'t* 
peuvent  dignement  adminiflrer  les  Sacremens  du  Seigneur  ; 

&  il  vaut  m  eux  que  l'Evêque  n'ait  que  peu  de  Miniflrès  pour 
l'aider  dans  fcs  fondions ,  que  d'en  avoir  beaucoup  de  mau- 
vais. Pierre  détaille  les  fepr  dégrés  du  miniflere  Eccléliafti- 
que  ,  en  marquant  les  devoirs  de  chacun ,  &  la  façon  de  les 
ordonner.  Il  dit  fur  les  Soûdiacres ,  qu'ils  font  obligés  au  cé- 
libat. Il  diftingue  quatre  ordres  dans  l'Epifcopat,  ou  plutôt 
quatre  d  grés  ;  fçavoir,  les  Patriarches,  les  Archevêques  , 
les  Métropolitains ,  les  Evêques.  Il  rapporte  les  divers  fen-  D'flinfl.  i$. 
timens  des  Théologiens  fur  la  validité  des  Ordinations  faites 
par  les  Hérétiques  :  celui  qu'il  paroît  embrafler  efl: ,  que  ceux 
qui  ont  été  ordonnés  dans  l'Eglife ,  confervenc  le  pouvoir 
d'ordonner  ,  quoique  depuis  leur  Ordination  ils  foient  tom- 
bés dans  l'héréfie  ;  mais  que  ceux  qu'ils  ordonnent  dans  l'hé- 
réfie  n'ont  pas  le  même  pouvoir  ;  que  ceux-ci  néanmoins  ne 
doivent  pas  être  réordonnes  lorfqu'iis  reviennent  à  l'unité 
de  l'Eglife ,  pourvu  qu'ils  aient  été  ordonnés  fuivant  les  for- 
malités ufitées  dans  l'Eglife  Catholique.  Il  croit  valides  les 
Ordinations  &  les  Conlécrations  faites  par  des  Simoniaques 
avant  qu'ils  aient  été  dégradés  par  l'Eglife  ;  mais  il  regude  ..-.  -t, 
comme  nulles  les  Ordinations  de  ceux  qui  les  ont  reçues  iciem-  «^  £  •^£ 
ment  des  Simoniaques ,  au  lieu  qu'il  efl;  de  fentiment  qu'on 
ufe  de  miféri-orde  envers  ceux  qui  ont  été  ordonnés  par  des 
Simoniaques  fans  les  connoître  pour  tels.  Il'  réfute  les  divers 
prétextes  de  ceux  qui  achètent  des  Bénéfices. 

XVIII.  Venant  enfuite  au  Sacrement  de  Mariage,  il  fait Diftinfl. z^. 


48  PIERRE    LOMBARD, 

voir  que  Dieu  l'irifticua  avanc  le  pcche';  qu'il  avoit  alors  pour 
fin  la  propagation  du  genre  humain;  mais  que  depuis  la  chu- 
te de  l'Homme  il  lui  fut  aufli  donné  comme  un  remède  à 
la  foiblefle  de  la  chair  ,  &  pour  en  réprimer  les  ardeurs  ;  que 
le  Mariage  efl  bon  en  lui-même ,  qu'il  efl  la  Hgure  de  l'union 
de  Jelus-Chrift  avec  fon  Eglife  ,  que  la  cauie  efficiente  du 
Mariage  e(l  le  confentemenc  des  deux  Parties ,  donné  par  des 
paroles  du  préfenc,  en  cetre  forte:  Je  vous  prends  pour  mon 
Diflina.  27.  Mari  :  Je  vous  prends  pour  ma  Femme  ;  que  dès-lors  que 

28.  ce  confentemcnt  eft  donné  mutuellement  ',  le  Mariage  fubfi- 

ile ,  &  avant  la  confommation  ;  qu'après  la  confommacion  il 
n'efl  permis  à  aucune  des  Parties  de  fe  féparer  de  l'autre  , 
même  pour  entrer  dans  un  Monaftere ,  fi  ce  n'efl  avec  fon 
confentement. 
Diftina.  1$.     XIX.  Une  des  conditions  cfTentielles  du  Mariage  efl  que 

i°'  le  confentement  des  Parties  foit  libre  &  volontaire  ;  qu'il  n'y 

ait  erreur ,  ni  fur  la  perfonne  ,  ni  fur  la  condition  :  ainfi  celui 
qui  par  erreur  époufe  une  femme  pour  une  autre  ,  une  per- 
fonne de  condition  fervile ,  la  croyant  libre  ,  efl  cenfé  n'a- 
voir pas  donné  fon  confentement ,  &  fon  Mariage  efl;  nul. 
Il  n'en  efl  pas  de  même  de  celui  qui  croyant  époufer  une 
fille  riche ,  en  époufe  une  pauvre.  On  diflingue  trois  avanta- 
ges dans  le  Mariage  ,  la  fidélité ,  la  génération  des  enfans  ,  & 
Diflinft.  31.  le  Sacrement  ;  c'efl-à-dire ,  que  les  Conjoints  fe  doivent  mu- 

3**  tuellement  la  foi ,  élever  chrétiennement  leurs  enfans ,  ne  point 

fe  féparer  pour  s'unir  à  d'autres  ;  il  y  a  des  tems  où  ils  doivent 
vivre  dans  la  continence ,  fçavoir  les  jours  de  jeûne  8c  de  gran- 
des Fêtes. 
jDiflinft.  33.  XX.  Les  Patriarches  ne  péchoient  pas  en  époufant  plu- 
fieurs  femmes  enfemble ,  foit  parce  que  cela  ne  leur  étoic  pas 
alors  défendu  par  aucune  Loi ,  foit  parce  que  tel  étoit  alors 
l'ufage ,  ou  à  caufe  qu'ils  n'avoient  d'autre  but  que  la  multi- 
plication du  genre  humain  :  mais  la  polygamie  ayant  été  dé- 
fendue par  la  Loi  de  Moyfe  ,  il  n'a  plus  été  permis  d'avoir 
Dîflînô.  34.  ^n  même-tems  plufieurs  femmes.  Pierre  Lombard  traite  en- 

j;.  36.  '  fuite  des  empêchemens  du  Mariage ,  &  des  caufes  qui  le  ren- 
dent nul  après  qu'il  a  été  contrafté.  Il  croit  que  celui  qui  a 
commis  un  adultère  avec  une  femme,  peut  l'époufer  après  la 
mort  de  fon  ftiari ,  pourvu  qu'il  n'ait  pas  contribué  à  fa  mort. 
Il  décide  que  les  garçons  ne  peuvent  contrafter  valide- 
ment  mariage  avant  l'âge  de  quatorze  ans ,  &  les  filles  avanc 

douze 


EVESQUE  DE  PARIS.  Ch.  I.  Art.  II.         4^ 

douze  ans  ;  qu'on  ne  peut  aufli  les  fiancer  avant  1  âge  de  fcpc 
ans. 

XXI.  Il  pafle  à  la  Loi  du  célibat  impofée  aux  Evêques ,   Diftinft.  37. 
aux  Prêtres  ,  aux  Diacres  y  aux  Soûdiacrcs ,  à  ceux  qui  font  ^^"'' 
engages  dans  l'état  Religieux ,  &  aux  autres  qui  ont  fait  vœu 

de  chafteté  :  fur  quoi  \\  rapporte  pluficurs  palTagcs  des  Con- 
ciles ,  des  Papes ,  &  des  Pères ,  qui  déclarent  nuls  les  Ma- 
riages contradés  par  tous  ceux  qui  font  dans  ces  états  ;  ce 
qu'il  étend  aux  Vierges  &  aux  Veuves  engagées  par  vœu  à 
la  continence.  Il  en  rapporte  encore  pour  montrer  qu'un 
Chrétien  ne  doit  pas  époufer  une  Infidèle  ni  une  Juive ,  ni 
une  Chrétienne  un  Payen  ou  un  Juif,  à  caufe  de  la  dispa- 
rité du  culte  ,  ou  différence  de  Religion.  11  croit  qu'une  fem- 
me fidèle  mariée  avec  un  infidèle,  peut  convolera  de  fécon- 
des noces  ,  fi  fon  mari  l'abandonne  ;  mais  non  ,  s'il  confenc 
de  demeurer  avec  elle.  Il  difiingue  les  differens  dégrés  de 
confanguinité ,  d'aflinité ,  tant  charnelle  que  fpirituelle ,  dans 
lefquels  il  efl  défendu  de  fe  marier  :  on  avoir  alors  dans  l'Eglife 
diversufages  fur  cet  article  ;  en  quelques  endroits  il  étoit  défen- 
du de  fe  marier  jufqu'au  fixiéme  degré  inclufivement ,  en  d'au- 
tres jufqu'au  feptiéme. 

XXII.  Dans  les  dernières  Diftindlions  du  quatrième  Li-  Diftinft,  40. 
vre  ,  Pierre  Lombard  fe  propofe  grand  nombre  de  quefiions  ^  H' 

fur  la  réfurre£tion  ,  l'état  des  Bienheureux  &  des  damnés 
après  leur  mort  ;  fur  la  manière  dont  les  Démons  feront  tour- 
mentés ;  fur  la  prière  pour  les  morts  ;  fur  la  Sentence  du  Ju- 
gement dernier  ;  fur  la  différence  des  demeures  des  Saints 
dans  le  Ciel ,  &  des  damnés  dans  l'enfer.  Il  ne  doute  pas  que 
les  Démons  ,  comme  les  âmes  des  autres  damnés ,  ne  doivent 
être  fenfibles  aux  feux  dont  il  feront  tourmentés  ,  quoiqu'il 
convienne  qu'il  n'efl  pas  facile  d'expliquer  comment  le  feu 
matériel  peut  agir  fur  une  fubflance  fpirituelle  :  pour  le  faire 
concevoir ,  il  luppofe  dans  les  Démons  des  corps  aériens. 

XXIII.  Il  enleigne  ,  d'après  faint  Auguftin  ,  que  Jefus-  Diftinâ.  48. 
Chrift ,  comme  Fils  de  l'Homme ,  reffufcitera  les  morts  ,  & 

les  jugera  ;  qu'il  apparoîtra  ,  tant  aux  méchans  qu'aux  bons  , 
fous  une  forme  giorieufe ,  8c  pleine  de  majeflé.  Il  rejetre , 
comme  une  puérilité  ,  ceux  qui  prenant  trop  à  la  lectre  le 
paffage  de  Joël  ,  difent  que  le  Jugement  de  tous  les  hom- /««/,  j.  4i 
mes  fe  fera  dans  la  vallce  de  Jofaphat ,  à  côté  du  mont  des 
Oliviers  ;  &  dit  que  Jofaphat  fignifiant  le  Jugement  du  Sei- 
Jome  XXllL  G 


50  ■     PIERRE    LOMBARD, 

gneur ,  il  faut  entendre  par  le  texte  du  Prophète,  que  tous 
les  hommes  comparoîtront  devant  le  Seigneur  pour  y  être 
jugés  ;  qu'au  rcfte  ce  Jugement  fe  fera ,  non  fur  la  terre ,  mais 
dans  les  airs. 
Jugement  XXIV.  Tels  font  CD  fubftance  les  quatre  Livres  de  Pierre 
ées.  Livres  des  Lombard  ,  qui  font  un  corps  de  Théologie  le  plus  complet 

en  en.ef.  q^'^j^  g,jj-  donné  jufqu'alors.  Les  myfteres  de  la  foi  y  font 
prouvés  folidement  ,  &  l'on  y  réfute  les  objeQions  que  les 
Hérétiques  ont  formées  de  tems  en  tems  contre  les  vérités 
de  la  Religion.  C'cfl  toujours  par  l'autorité  de  l'Ecriture  & 
des  Pères  ,  que  Pierre  Lombard  établit  nos  dogmes  ",  c'eft 
pourquoi  il  n'agite  que  peu ,  ou  point  de  queftions  ,  que  les 
Pères  n'aient  traitées ,  ou  exprès  ,  ou  en  pafîant.  Il  ne  fe  ferc 
que  rarement  des  termes  &  des  raifonnemens  philofophiques  ; 
fa  méthode  tient  de  la  Théologie  pofitive  ;  &  il  y  a  tout  lieu 
de  croire  qu'il  ne  compofa  fon  Ouvrage  que  pour  bannir  des 
Ecoles  les  termes ,  les  raifonnemens ,  &  la  méthode  des  Scho- 
laftiques ,  qui  commençoient  à  prendre  le  deffus.  Son  ftyle 
efl:  clair;  il  propofe  fes  queflions  d'une  manière  aiféc  ,  &  les 
réfout  de  même  ;  mais  il  en  laiffe  quelquefois  d'indécifes  , 
après  avoir  rapporté  les  raifons  de  part  &  d'autre  :  c'efl:  or- 
dinairement faint  Auguflin  qu'il  prend  pour  guide  dans  fes 
décifions.  On  a  remarqué  plus  haut  que  le  deffein  de  Pierre 
Lombard  avoir  été  d'établir  tellement  nos  dogmes  par  l'au- 
torité de  l'Ecriture  &  des  Pères,  que  l'on  ne  s'arrêtât  plus  à 
former  fur  ces  matières  des  qucilions  inutiles.  Un  deflein  (i 
louable  n'a  point  eu  tout  le  fuccès  qu'on  en  devoit  attendre. 
Ses  Livres  ont  bien  été  lus  &  expliqués  dans  les  Ecoles ,  mais 
il  eft  inconcevable  combien  ils  ont  occafionné  de  queflions  in- 
terminables à  fes  Interprètes. 

Comm'nta:-  XXV.  Les  plus  célèbres  de  ceux  qui  ont  commenté  les 
vTefdes  s^'"  ^^^^^^  ^'^^  Sentences  ,  font  Guil'aume  d'Auxerre  ,  Albert- 
le-Grand  ,  faint  Thomas  ,  faint  Bonaventure,  Guillaume 
Durand  ,  Gilles  de  Rome  ,  Gabriel  Major  ,  Scot ,  Ocham  , 
&  Guillaume  Eftius.  11  s'étoit  gliffé  un  grand  nombre  de  fau- 
tes dans  les  Livres  des  Sentences  ,  foit  par  la  faute  des  Co- 
■pifles  ,  foit  par  la  bonne  foi  de  Pierre  Lombard  ,  qui  n"a- 
voit  pas  affez  examiné  ce  qu'il  avoir  tiré  de  Hugues  de  Saint 
Viclor  ,  &  de  la  Glofe  ordinaire  ;  mais  Jean  Alcaumc ,  & 
les  Dodeurs  de  Louvain  ont  pris  foin  de  corriger  toutes 
«es  fautes  dans  les  Editions  qu'ils  ont  données  des  quatre 


tencer. 


EVESQUE  DE  PARTS.  Ch.  I.  Art:!!.        ^t 
Lîvrcs  des  Sentences ,  &  dont  on  va  parler. 

XXVI.  Les  premières  Editions  de  cet  Ouvrage  fontcel-  LJ^J^^sSen- 
les  de  Nuremberg,  en  1474.  1478.  145)9.  in-fol.  H  fut  re- tences. 
imprime  à  Veniie  en  1477.  1480.  in-fol.  &  en  1507.  in-4°. 
à  Bade ,  avec  les  Commentaires  de  Nicolas  d'Ôrbclles  ,  les 
Conclurions  de  Henri  Govichem  ,  &  les  Problèmes  de  Tho- 
mas ,  en  i486.  1498.  1502.  151^.  in-fol.  On  ajouta  à  la 
fin  la  lifte  des  erreurs  condamnées  à  Paris ,  en  1 277  ,  par 
Guillaume  Evêque  de  Paris  ,  dans  divers  Auteurs  ,.&  les 
articles  dans  lefquels  on  ne  fuit  pas  communément  le  Maître 
des  Sentences.  Ils  font  au  nombre  de  vingt-fix  ,  mais  dans  la 
Somme  de  faint  Antonin  on  n'en  compte  que  quatorze.  Il 
étoit  difficile  ,  dans  un  Ouvrage  aufli  épineux  ,  &  d'une  fi 
vafte  étendue  ,  de  marquer  par  -  tout  la  même  cxaditude. 
Les  autres  Editions  de  Paris  font  de  l'an  1518,  1536  ,  & 
1 548.  in-8°.  celle-ci  eft  de  l'Imprimerie  de  Charles  Guil^ 
lard.  •      -■'■  '  N 

XXVII.  Jean  Aleaumc  en  donna  une  à  Louvain  ,  en  SuitedesEdt- 

1 54^.  in-fol.  qui  fut  remife  fous  prefTe  à  Paris  ,  en  i  550. 

1 564.  in-8°.  &  à  Louvain  ,  en  i  568.  in-4''.  Plufieurs  Gens 
habiles  ,  du  nombre  defquels  étoit  Barthelemi  Gravius,  re-- 
virent  le  texte  des  Livres  des  Sentences ,  &  le  firent  impri- 
TTier  à  Venife  ,  en  i  570.  in-8°.  D'autres  Sçavans  en  publiè- 
rent de  nouvelles  Editions  à  Cologne,  en  156^.  1575*  if"" 
-So*  à  Lyon  ,  en  1594.  16 ïS.  16^6.  celle-ci  eft  àc  Jean 

Martinez  de  Ripalda.  L'Edition  de  Genève  ,  en  1580.  in- 

8°.  ne  contient  que  le  premier  Livre  des  Sentences ,  avec  le 

Commentaire  de  Lambert  Danseus. 

§.    V. 


Des  autres  Ecrits  de  Pierre  Lombarde 

I.  /^  N  conferve  dans  laJBibliotheque Pauline  {a)ï  Léi-     Leur 

V^pric  une  Lettre  d'Airnoud  ,  Prévôt  de  l'Eglife  deP'^^^re 
Metz  ,  à  Pierre  Lombard ,  &  deux  de  cet  Evêque  à  Philippe, 
Archevêque  de  Reims  :  elles  n'ont  pas  encore  écé  mifcs  fous 
la  Prefle. 


■es  de 
Lom- 


(<i)  OuDiN.  Tom.  2 ,  p.  1120, 

Gij 


5«  PIERRE   LOMBARD,  &c. 

Se»  Difcoursi     II.  II  en  faut  dire  autant  des  Difcours  qu'il  avoit  faits  dans 
les  grandes  folemnités  :  ils  font  cités  par  Henri  de  Gand  (b)  , 
&  par  Cifingrenius. 
Commentai-     III.  Le  rcfc  Le  Long  cite  de  Pierre  Lombard  les  Glofes 
res fur  l'Ecri- fur  Jq^  (c)  ;  elles  fe  trouvent  manufcrites  dans  la  Biblio- 
thèque de  Savigni.  Il  compofa  auiïi  ,  fuivant  le  rapport  de 
Tritheme ,  des  Commentaires  fur  tous  les  Pfeaumes  de  Da- 
vid ,  &  fur  toutes  les  Epîtres  de  faint  Paul  :  ce  n'eft  prefque 
que  des  extraits  des  Ecrits  de  faint  Ambroife ,  de  faint  Hilai- 
re  ,  de  faint  Jérôme ,  de  faint  Auguftin  ,  de  Caffiodore  ,  de 
Rémi  d'Auxerre ,  dont  il  a  fupprimé  les  noms  :  il  ne  laiffe 
pas  de  tems  en  tems  d'y  dire  quelque  chofe  de  lui-même. 
Editions  de      IV.  On  n'a  pas  encore  rendu  publiques  les  Glofes  fur 
taTres?^™^"'  *^°^  »  ^^^^  ^^  Commentaire  fur  les  Pfeaumes  parut  à  Nu- 
remberg, en  1478.  in-fol.  à  Bafle ,  en  148^  ,  &  à  Paris  , 
en  1541.  Celui  des  Epîtres  de  faint  Paul  a  été  imprimé 
à  Paris,  en  1555.  1557.  in-fol.  &  en  1541.  1543.  1555. 
in-80. 
Elo^edesE-     y^  Nous  finirons  l'article  des  Ecrits  de  Pierre  Lombard 
Lombard,      p^i*  l'éloge  qu'en  faifoit  le  célèbre    François  Pithou   dans 
une  Lettre  à  un  de  fes  amis ,  à  qui  il  difoit  (  d):  Je  vous 
prie  de  m'acheter  Pierre  Lombard  fur  les  Pfeaumes  ;  c'efl: 
un  très  -  bon  Livre.  Tout  ce  qu'a  fait  Lombard  eft  excel- 
lent. Nous  ajouterons  que  fa  Perfonne  &  fes  Ouvrages  ont 
été  en  une  finguliere  vénération  dans  toutes  les  Ecoles  Ca- 
tholiques. 


(*)  C<f.  5.  de  Script,  Etdif.  [^  Tgm.j.  j      (0 1-^  Long.  Bihliot.  Biblica,f.^oZi 
Call,  Cbriftian,  f,  69,   _  |      (d)  Pua,  in  FitbMnis, g,  10^ 


53 


CHAPITRE     II. 

Pierre  de  Poitiers  ,  Chancelier  de  l'Eglife  de  Paris , 
&  quelques  autres  Ecrivains  de  même  nom. 

I.  T  L  fut  un  des  plus  zélés  Difciples  de  Pierre  Lombard  ,  Pierre  de Poî- 
\  dont  nous  venons  de  parler,  &  des  plus  attachés  à  la  ''"^.'  ''i|''^'pie 
doctrine  de  fon  Maître  ;  mais  il  n'en  fuivit  pas  la  méthode:  bardT'^'^ 
&  au  lieu  que  le  Maître  des  Sentences  explique  &  rélout  les 
queftions  de  la  foi  par  les  principes  établis  dans  l'Ecriture  , 
&  dans  les  Pères  de  l'Eglife ,  Pierre  de  Poitiers  y  emploie  la 
forme  &  les  raifonnemens  de  la  dialcftique.  C'efl:  ce  qui  !e  fait 
appeller  par  Gauthier  de  Saint  Victor ,  un  des  quatre  Laby- 
rinthes de  la  Gaule. 

II.  En  II 69  (f),  Pierre  de  Poitiers  fuccéda  à  Pierre    "  enfeigne 
Comeftor  dans  la  Chaire  de  Théologie  ,  8c  l'occupa  pendant  Iy^ûu'^^^ 
trente- huit  ans;  ce  qui  lui  acquit  à  Paris  beaucoup  de  répu- 
tation. Le  Pape  Innocent  III.  lui  renvoya  (/) ,  au  Doyen  de 
l'Eglife  de  Paris  ,  &  à  l'Abbé  de  Sainte  Geneviève  ,  la  con- 
noiflance  du  différent  furvenu  entre  la  Comtefle  de  Blois  & 

les  Chanoines  de  Chartres ,  au  fujet  d'un  voleur  que  les  Offi- 
ciers de  cette  Comteffe  avoient  pris  &  jufticié ,  quoique  les 
Chanoines  l'eufTent  revendiqué ,  parce  qu'il  avoit  été  pris  fur 
leur  territoire. 

III.  Le  Pape  Céleftin  rendit  auffi  Pierre  de  Poitiers  Par-    ^^  "*®"  «« 
bitre  d'un  procès  entre  les  Moines  de  Saint  Eloi  dans  Tlfle'*"^' 

de  Paris ,  &  les  Chanoines  de  Saint  Vi6tor  ,  touchant  les 
dixmes  de  vin  &  de  bled  à  Vitry.  On  voit  encore  la  Sen- 
tence qu'il  rendit  en  cette  occafion,  avec  fon  fceau  pendant, 
fous  cette  infcription  :  Sceau  de  Pierre  de  Poitiers ,  Chancelier 
de  Paris,  Il  conferva  cette  dignité  jufqu'à  fa  mort,  'qui  arri- 
va l'an  120J.  Quelques-uns  l'ont  fait  Evêque  d'Evreux  , 


(t)  Cbronic,  Alheric,  td  an,  li^?i  /"«j.I      (/)  LU.  J.  Décret,  ca^,  xj.  txfart,  d« 
As  h  1  verb.Jignific, 


54  PIERRE    DE    POITIERS, 

pour  avoir  mal  pris  le  fens  de  la  Chronique  d'Albcric  (g), 

où  nous  lifons:  Bertrand  qui  droit  Chancelier  de  Paris  après, 
*■  Pierre  de  Poitiers,  futfa^t  Archevêque  d'Evreux.  Alberic  ne 

donne  ici  à  Pierre  que  la  qualité  de  Chancelier ,  &  à  Bertrand 

celle  d'Archevêque, 
Ses  Ecrit?.      IV.  Nous  avons  de  Pierre  de  Poitiers  cinq  Livres  des 
Livres  des  Sentences ,  imprimes  à  Paris  à  la  fuite  de  Robert  PuHus ,  en 

centences.  .  ,    '        f      /         t«-  i        r  i 

1655,  chez  Simcon  Pigct ,  par  les  loins  de  Dom  Hugues 
Mathoud.  Pierre  les  dédia  à  Guillaume ,  Archevêque  de  Sens  : 
ils  furent  donc  achevés  avant  l'an  1 1 7  5; ,  puifque  Guillaume 
fut  transféré  fur  la  fin  de  cette  année  furie  Siège  A  rchiépif- 
copal  de  Reims. 
Ce  qu'ils  con-  y.  Dans  le  premier  Livre,  Pierre  traite  de  l'exidence  de 
Premier*  Li-  Dicu  ,  de  fon  unité  ,  des  noms  fous  lefquels  il  eft  connu  ,  de 
vre.Edition de  fes  attributs,  de  fa  préfcience,  de  la  prédcflination  des  Elus 
Paris.iéjj.  ^  de  la  réprobation  des  méchans,  de  la  diftindion  &  de  la 
trinité  des  perfonnes  en  Dieu.  Dans  toutes  ces  queftions  il 
fe  conforme  à  la  do6lrine  de  fon  Maître  ,  &  copie  fouvent 
fes  propres  termes  ;  par  exemple  ,  en  examinant  dans  l'on- 
zième Chapitre  s'il  fe  peut  faire  quelque  chofe  contre  la 
volonté  de  Dieu  :  On  nous  oppofe,  dit-il  (A)  ,  que  l'Apô- 
tre enfeigne  que  Dieu  veut  que  tous  les  hommes  ibient  fau- 
ves ,  mais  il  faut  l'expliquer  ainfi  :  Perfonne  n'efl  fauve ,  fi 
ce  n'efl:  celui  que  Dieu  veut  qui  foit  fauve  :  c'efl:  ainfi  qu'il 
eft  dit  que  Dicu  éclaire  tout  homme  qui  vient  dans  le  monde, 
c'efi-à-dire  que  perfonne  n'efl  éclairé  que  par  lui. 
Livre  fécond.  VI.  H  eft  parlé  dans  le  fécond  Livre,  de  la  création  des 
Anges  ,  de  leur  nature  ,  de  leurs  offices  ,  de  leurs  ordres 
difïérens  ;  de  l'Ouvrage  des  fix  jours  ;  de  l'état  du  premier 
Homme  avant  &  depuis  fon  péché  ;  toutes  quefl:ions  déjà 
traitées  par  le  Maître  des  Sentences ,  &  dans  les  mêmes  prin- 
cipes ;  mais  Pierre  de  Poitiers  en  propofe  de  tems  en  tcms 
quelques-unes  que  fon  Maître  n'avoir  pas  agitées  :  telle  eft 
celle-ci  :  Peut-on  fervir  Dieu  dans  la  vue  d'en  obtenir  des 
bienfaits  temporels  ?  Il  dénride  qu'on  le  peut  dans  l'inten- 


(^)  Alberic.  iuChro/iicad  a».  iio6. 
p.  444- 

(A)  Quod  ergo  primo  dicitur,  fie  ex- 
ponitur  :  Vult  omnes  homines  falvos  fie- 
ri,  idefl,  nullus  falvatur,  nilîquem  vult 


falvumfieri;  fie  dicitur:  Deus  illuminât 
omnem  hominem  venientem  in  hune  mun- 
dum,  id  eft,  nemo  illuminatur ,  nifi  per 
cmn,  LU.  1.  Sent.  cap.  it. 


CHANCELTER  DE  PARTS.  Ch.  II.  5^ 

tion  de  parvenir  aux  biens  éternels  (i)  par  le  bon  ufage  des 
temporels  :  en  forte  qu'on  ne  demande  pas  ceux  -  ci  pour 
eux-mêmes  ,  mais  comme  un  moyen  d'en  poflcder  de  meil- 
leurs. 

VII.  Le  troifiéme  traire  de  la  grâce  &  du  libre  -  arbitre      Livre  troi-: 
dans  les  principes  de  faint  Auguftin  ,  de  la  contrition ,  de  la  fif"^^. 
diftintlion  des  péchés  en  mortels  &  véniels ,  de  la  nccefTité 

de  la  confefTion  ,  des  vertus  théologales ,  de  l'union  des  ver- 
tus ,  de  la  crainte  iervilc ,  8c  de  quelques  autres  queftions  qui 
y  ont  du  rapport  (/).  Son  fentimenc  eft  que  la  crainte  fervile 
efl  bonne ,  parce  qu'elle  éloigne  du  péché ,  &  qu'elle  eft  une 
introdu£lion  à  la  charité. 

VIII.  Il  explique  dans  le  quatrième  Livre  ce  qui  regarde    Livre  qua- 
les  Sacremens  de  la  Loi  ancienne ,  les  dix  préceptes  du  Dé-  ""™^- 
calogue ,  &  les  obfervances  légales  :  enfuite  il  parle  des  dif- 
férentes efpeces  de  menfonges  &  de  parjures  ;  d'où  il  pafle 

à  l'Incarnation  du  Verbe,  dont  il  examine  toutes  les  circon- 
flances  à  peu  près  de  la  même  manière  qu'avoir  fait  avant  lui 
le  Maître  des  Sentences. 

IX.  Il  le  fuit  aufli  dans  ce  qu'il  a  enfeigné  fur  les  Sacre-     Livre  cin- 
mens  de  la  Loi  nouvelle.  Il  dillingue  dans   l'Euchariftie  le'^"''""'^- 
Sacrement  d'avec  la  chofe  du  Sacrement  :  les  efpeces  du  pain 

&  du  vin  qui  demeurent  après  le  changement  du  pain  &  du 
vin  au  Corps  &  au  Sang  de  Jefus-Chrift ,  font  le  Sacrement; 
la  chofe  du  Sacrement  eft  le  Corps  &  le  Sang  de  Jefus- 
Chrift  ;  la  matière  du  Sacrement  efl:  le  pain  &  le  vin  (m)  ; 
la  forme  ,  les  paroles  de  la  confécration  :  Ceci  ejl  -mon  Corps  : 
Ceci  ejl  mon  Sang.  En  parlant  du  changement  du  pain  &  du 
vin  au  Corps  &  au  Sang  de  Jcfus  Chrift  ,  il  fe  fert  du  terme' 
de  tranfubftanriation  ,  &  dit  que  ce  Corps  efl:  le  même  qui 
efl  né  de  la  Vierge  {ji).  Il  attribue  à  faint  Ambroife  la  dé- 
fenfe  de  confacrcr  le  Vendredi,  à  caufe  que  Jefus-Chrifl:  efl: 
mort  ce  jour-là  ,  &  qu'il  y  a  été  immolé  réellement.  Il  donne 


(;■)  Ceip.  17.  l  tîaturpanis  in  Carnem  ,'K-ec  funt:  Ihc  ifî 

( I)  Cap.  iS    jp.  l  Corpus  tntttm  ;  ea  ve  o  ad  quorum  pro'n- 

(»j)  Confic'erandum  eft  qua;  (ît  forma  I  tionem  tranfnbflanti.itur  vinum  ,hi'c  funt: 
Sacrimenti  (  Euchariftir)  ;  fixe  zutn.W.yUie  efl  Saugnis  mem.lAb.  K.cap.iu 
tur  in  rébus  &  verbis  ;  in  rébus  quideni ,  (  «  )  Non  augetur  Corpus  Chrifti  ,  qiiia 
pane  &  vino  qui  tranfubPantiantur  in  Car-  fubftanria  panis  tranfît  in  illud ,  idem  Cor- 
nem  &  Sanguinem  Domini  . .  .  verba  au-  j  pus  quod  de  Virgine  traxit  ,  quia  invaria- 
leiiî  ad  quorum  prolationem  tranfubflan-  [bile eft.  Ibid.  tap.  ii. 


$6  PIERRE    DE   POITIERS, 

encore  d'autres  raifons  pour  autorifer  l'ufage  où  efl:  l'Eglife 
de  ne  point  célébrer  la  Mefle  le  Vendredi  ;  ce  qu'il  entend 
apparemment  du  Vendredi-Saint.  Il  enfeigne  que  quand  on 
dit  que  l'on  voit  le  Corps  de  Jefus  -  Chrift ,  cela  n'eft  qu'à 
l'égard  des  efpeces  &  apparences  du  pain  &  du  vin  ;  que  c'efl: 
encore  des  efpeces  qu'il  faut  entendre  la  fraflion  ,  l'attou- 
chement du  Corps  de  Jefus  -  Chrift  :  mais  il  remarque  que 
quelques  Théologiens  l'entendoient  du  Corps  même  de  Je- 
fus-Chrifl:  (  o  )  ,  quoiqu'ils  avouafTent  qu'il  demeuroit  entier 
&  incorruptible  après  la  fradion  ,  &  que  tel  étoit  aulTi  le  fen- 
timent  de  Berenger  dans  fa  confellion  de  foi.  Le  refle  du  cin- 
quième Livre  eft  employé  à  réioudre  divers  cas  touchant  le 
Sacrement  de  Mariage ,  à  traiter  de  l'état  de  l'ame  après  qu'elle 
eft  féparée  du  corps ,  &  de  la  demeure  des  Jufles  dans  la  cé- 
lefte  Patrie. 
Propoiîtions  X.  Dom  Hugues  Mathoud  (p)  rapporte  fur  chacun  des 
rejettées  dans  j^jjjq  Livrcs  de  Pierre  de  Poitiers  les  propofitions  que  l'on 

Pierre  de  Foi-         ^        .  /  j  i       tp      i  «    m  r  •  • 

tiers.  ne  reçoit  pas  communément  dans  les  iLcoles  ,  &  il  tait  voir 

qu'elles  font  tirées  prefque  toutes  de  Pierre  Lombard  ,  fon 
Maître ,  &  rejettées  avec  raifon  par  l'Ecole  de  Paris  :  telles 
font  les  propofitions  où  il  avance  que  le  Saint  -  Efprit  eft  la 
charité  qui  rélide  dans  l'ame  ;  que  le  Prêtre  ne  remet  le  pé- 
ché ,  ni  quant  à  la  coulpe  ,  ni  quant  à  la  peine  ,  qu'il  ne  fait 
que  le  déclarer  remis  de  la  part  de  Dieu  quant  à  la  coulpe; 
que  la  circoncifion  remettoit  feulement  le  péché  originel  ,  & 
ne  conféroit  pas  la  grâce  aduelle  pour  agir;  que  J.  C.  étoit 
un  vrai  homme  pendant  les  trois  jours  qu'il  fut  dans  le  tom- 
beau ,  parce  que  l'union  fubftantielle  de  fon  ame  avec  fon  corps 
n'étoit  point  nécefTaire  en  lui  pour  la  vérité  de  la  nature  hu- 
maine. Nous  en  paflbns  pluficurs  autres  de  ce  genre. 
Autres  Ecrits  XI.  Pierre  de  Poitiers  compofa  divers  autres  Ouvrages, 
de  Pierre  de  que  l'on  n'a  pas  encore  rendu  publics  ,  &  que  l'on  confer- 
Pouierj.  ^g  jgj^g  j^  Bibliothèque  >de  Saint  Vidor  à  Paris  ;  fçavoir  , 
un  Commentaire  fur  le  Maître  des  Sentences  ,  qui  fut  ap- 
paremment le  premier  fur  cet  Auteur  :  il  faut  le  diftinguer 
des  cinq  Livres  des  Sentences  dont  on  vient  de  parler  ;  les  Di- 
ftinftions  du  Pfeautier ,  les  Allégories  fur  l'Ancien  &  le  Nou- 
veau Teftament ,  fe  trouvent  dans  la  Bibliothèque  de  Clair- 


(  0  )  Cip.  Il,  (f  )^"  Prtefat,  ai  Lelfor, 

vaux 


GRAND-PRIEUR  DE  CLUNI.  Ch.  H.  57 
vaux  ,  fous  le  nom  de  Pierre  de  Poitiers  ,  &  elles  lui  font 
attribuées  dans  la  Chronique  d'Alberic  de  Trois-Fontaincs , 
avec  des  apollilles  (tj)  on  courtes  notes  lur  quelques  Livres 
de  l'Ecriture.  C'eft  de  cette  Chronique  que  nous  apprenons 
que  Pierre  ,  pour  procurer  aux  pauvres  Clercs  le  moyen  de 
s'entretenir ,  leur  enfeigna  à  peindre  fur  des  peauK  des  fa- 
çons d'arbres ,  comme  des  arbres  de  lignes ,  où  l'on  voyoit 
de  fuite  les  hiftoires  de  l'Ancien  Teftament  :  il  en  fit  de  fem- 
blables  pour  les  vices  &  les  vertus.  Il  y  a  fous  fon  nom  ,  dans 
la  Bibliothèque  de  Sorbonne,  6c  dans  celle  de  Saint  Victor  , 
des  Sermons  pour  toute  l'année,  &  de  petites  notes  tirées  de 
fes  Sermons ,  des  Ecrits  d'Etienne ,  Evcque  de  Cantorberi  ^  & 
de  quelques  autres  Ecrivains ,  eflimées  néceflaires  pour  ceux 
qui  font  chargés  du  foin  des  âmes.  On  cite  de  la  Bibliothè- 
que du  Roi  d'Angleterre  (  r  )  un  abrégé  de  l'Ancien  Tefla- 
ment  par  Pierre  de  Poitiers  ;  mais  peut-être  efl-il  de  Pierre  , 
Grand-Prieur  de  Cluni. 

XII.  On  le  connoît  auflTi  fous  le  nom  de  Pierre  de  Poi-Pienc  de  Poi- 
tiers ,  &  quelquefois  de  Saint- Jean.  Il  fit  profefTion  de  la  p'['j,5c!u- 
Regle  de  Saint  Benoît  dans  l'Abbaye  de  Cluni ,  oij  il  vécut  ni. 
fous  la  difcipline  de  l'Abbé  Maurice  ,  mort  en  1156  ,  plus 
connu  fous  le  titre  de  Pierre  le  Vénérable,  Cet  Abbé  le  fit 
Bibliothécaire  de  Cluni ,  &  fe  fervit  de  lui  en  qualité  de  Se- 
crétaire. Il  le  nomma  Pierre  de  Saint- Jean  dans  une  Lettre 
qu'il  lui  écrivit  (î)  contre  ceux  qui  avoient  ofé  avancer  que 
Jefus-Chrift  ne  s'efl:  jamais  dit  ouvertement  Dieu  dans  les 
faints  Evangiles.  On  voit  par  la  même  Lettre ,  que  l'Abbé  v 

Pierre  s'entretenoit  ordinairement  avec  ce  Religieux  fur  des 
chofes  utiles  &  férieufes.  Il  y  marque  auffi  que  fa  Lettre  étoit 
une  réponfe  à  celle  où  Pierre  lui  donnoit  avis  de  cette  nou- 
velle erreur.  Pierre  de  Saint-Jean  fut  fait  Grand-Prieur  de 
Cluni ,  &  mourut  vers  l'an  1 170,  avec  la  réputation  d'un  des 
bons  Poètes  de  fon  tems. 

XIII.  On  a  de  lui  ,  dans  la  Bibliothèque  de  Cluni ,  &     Ses  Ecrît?. 
dans  le  vingt-deuxième  Tome  de  celle  des  Pères,  une  Elégie  J^'^^un-'^" p. 
fur  la  victoire  que  Pierre  le  Vénérable  remporta  à  Rome(Si5.(5i7.' 
contre  Ponce  &  fes  adhérans ,  qui  lui  conteftoient  la  dignité 


i^q')  AlBERIC.  Cbron.  ai  an.  iiOf  j  p.  1  i.  /»•  6z6. 
442-  I      (  ^  )  Tom.  zZi  Bibliot,  Fat.  fag,  970. 

(0  MoNTFAtic.  Btblioih.  Biiliotb,  tom,  • 

Tome  XXIIL  M 


58  PIERRE  DE  POITIERS, 

d'Abbé  de  Cluni  ;  un  autre  petit  Poème  fur  le  paflage  du 
même  Abbé  à  l'Ifle  d'Aia  ,  trois  autres  Pocmes  en  vers  he- 
xamètres contre  un  Barbare  \  l'Epitaphe  du  Pape  Gelafe  II. 
mort  en  1 1  ip  ,  &  enterré  à  Cluni;  celle  d'Adefonfe  ,  Evc- 
que  de  Salamanque,  mort  la  même  année  au  retour  du  Con- 
cile de  Reims.  Pierre  avoit  fait  toutes  ces  pièces  de  Poéfies 
étant  jeune  :  il  trouva  des  cenfeurs.  L'Abbé  Pierre  prit  fa 
défenfe  dans  un  long  Poëme  en  vers  élégiaques  (r).  Pierre 
de  Poitiers  en  écrivit  une  lui-même  à  un  de  fes  calomnia- 
teurs. Son  Abbé  lui  ayant  ordonné  de  mettre  fes  Poéfies  à 
la  tête  du  Recueil  de  fes  Lettres ,  il  obéit  ;  mais  auparavant 
il  corrigea  fes  vers.  Dans  un  âge  plus  avancé  il  compofa  un 
abrégé  hiftorique  de  la  Bible ,  que  Huldric  Zwingle  le  jeune 
fît  imprimer  à  Zurich  en  15^1  à  la  tête  de  fa  propre  Chro- 
nologie ,  qu'il  a  conduite  depuis  Jules -Céfar  jufqu'à  fon 
tems  ;  on  en  met  encore  une  Edition  à  Balle  ,  en  ijpa. 
Cet  Abrégé  eft  apparemment  le  même  qui  fc  trouve  dans  la 
Bibliothèque  du  Roi  d'Angleterre,  fous  le  titre  de  Compen- 
dium  de  l'Ancien  Teilament ,  &  dont  nous  avons  parlé  plus 
haut. 
Pierre  de  Poi-  XIV.  Il  y  eut  vers  le  même  tems  un  troifiéme  Pierre  de 
tiers,  Chanoi-  Poiticrs  ,  célebrc  par  fa  fcience  &  la  probité  de  fes  mœurs. 
"efegiifede  II  gouverna  l'Ecole  de  Paris  avec  tant  de  fuccès ,  que  fa  ré- 
Pam.  putation  s'étendit  dans  toutes  les  Gaules.  Son  mérite  lui  value 

dans  la  Cathédrale  de  Paris  la  dignité  de  Chantre  ;  d'où 
vient  qu'on  l'appelle  ordinairement  Pierre  le  Chantre.  L'E- 
vêché  de  Tournai  étant  vacant  en  1 1 9 1  ,  Pierre  en  fut  choifi 
Evêque.  Son  éledion  fut  rraverfée  :  Etienne  ,  Abbé  de  Sain- 
te Geneviève  de  Paris  ,  s'employa  pour  la  faire  valoir  (  «  ) 
auprès  de  Guillaume  ,  Archevêque  de  Reims  ,  alors  Mini- 
ftre  du  Royaume.  Après  avoir  relevé  les  excellentes  quali- 
tés de  l'Elu ,  il  fait  voir  que  fon  élection  avoit  toutes  les  con- 
ditions que  faint  Lfon  demandoit  pour  une  éle<Stion  cano- 
nique ,  les  vœux  des  Citoyens  ,  les  témoignages  des  peu- 
ples ,  l'approbation  des  perfonnes  honorables  ,  les  fuffrages 
des  Clercs. 
ileftéiuEvê-  XV.  L'Archevêque  de  Reims,  à  qui  il  appartenoit,  en  fa 
que  de  Tour-  qualité  de  Métropolitain  ,  de  pourvoir  à  l'Êglife  vacante  , 


Bai 


(t)  Tew,  XX,  Biblioi,  Pat. p.  iijj.        («)  Guiiliim. ip»/?.  137. 


CHANTRE  DE  L'EGLISE  DE  PARTS.  Ch.  IL  çp 

obligea  l'Abbé  même  de  Sainte  Geneviève  de  la  remplir  (.r), 
trouvant  des  défauts  dans  l'élcdion  de  Pierre,  qu'il  ne  pou- 
voir rcdificr.  Pierre  fc  retira  à  l'Abbaye  de  Long  -  Ponr , 
Ordre  de  Cîteaux,  dans  le  Diocèfe  de  Soiflbns ,  où  il  prie 
l'habit  monaftique  -,  mais  il  y  mourut  pendant  le  tems  de  fes 
épreuves ,  l'an  1 197.  Jacques ,  Cardinal  de  Vitry  ,  Auteur 
contemporain  ,  Célaire  d'Heiflerbach  ,  Tritheme  ,  Sixte  de 
Sienne ,  &  pluficurs  autres  (  y  )  ,  lui  ont  donné  de  grands 
éloges. 

XVI.  De  tous  fes  Ouvrages,  qui  font  en  grand  nombre.  Ses  Ecrit?. 
il  n'y  a  que  que  la  Somme  Théologique  que  l'on  ait  mife  fous 
la  Prefle  :  elle  eft  intitulée  :  Le  Verbe ,  ou  la  Parole  abrégée 
fur  la  terre ,  parce  qu'elle  commence  par  ces  paroles  ,  qui  font 
tirées  du  neuvième  Chapitre  de  l'Epître  aux  Romains.  Dom^'""*^"*' 
George  Galopin ,  Moine  &  Bibliothécaire  de  Saint  Guillain , 
la  fit  imprimer ,  avec  des  notes  de  fa  façon ,  à  Mons  en  Hay- 
naur ,  l'an  1^35».  in  -  4°.  chez  François  Vaudré.  Le  153e 
Chapitre ,  qui  traite  de  la  propriété  des  Moines ,  a  été  im- 
primé à  Paris  dans  un  Recueil  de  divers  Opufcules  fur  cette 
matière.  On  trouve  quelques  endroits  de  fon  Pénitentiel  à 
la  fin  de  celui  de  Théodore ,  Archevêque  de  Cantorberi , 
imprimé  à  Paris ,  en  167^ ,  in-4°  (z).  le  rcfte  n'a  pas  été  ren- 
du public. 

XVn.  La  Somme  de  Pierre  le  Chantre  efl:  compofée  de    Analyfe  de 
1 5  3  Chapitres  ,  dans  lefquels  il  traite  des  vices  &  des  vertus.  p^ier°eTecLn! 
Il  confeille  de  ne  lire  jamais  que  des  Livres  approuvés  ,  de  tre.w.r.1639, 
ne  pas  pafTer  de  la  lecture  d'un  Livre  à  un  autre ,  fans  avoir  a^»""*- 
achevé  le  premier  {a) ,  8c  de  faire  chaque  jour  une  récapi- 
tulation de  fes  le£lures  ,  pour  s'en  appliquer  le  profit  pour 
la  conduite  de  la  vie.  Comme  elle  efl  très -courte  ,  il  veut 
qu'on  y  proportionne  la  ledurc  ,  &  qu'on  s'occupe  à  extraire 
de  l'Ecriture  ,  &  des  autres  bons  Livres ,  ce  qu'il  y  a  de  plus 
utile  pour  le  falut.  Il  recommande  auffi  la  brièveté  dans  les 
difputes(/j) ,  de  bannir  toutes  les  queftions  vaines,  téméraires, 
inutiles ,  d'examiner  les  chofes  avec  modération  &  fans  opi- 
niâtreté ,  en  peu  de  mots  ,  &  à  voix  bafle ,  fans  étendre  les 
•bras ,  ni  remuer  la  tête  ,  bien  moins  frapper  du  pied  ,  ni  fe 


(x^GatliaChrtfiùin.tom.  l,  f.  Il'),       |      (^a)  Cap.  1. 1, 
(r)Ad  C.tp.Oper.  |      (*)  Ca/».  5.  4.  J. 

(4)  Pagi  341,  341.  J 


Hij 


^o  PIERRE    DE   POITIERS, 

donner  des  contorfions  &  des  mouvemens  violcns  ;  fur- 
tout  quand  la  difpure  roule  fur  les  Sacremens  de  TEglife  , 
ou  qu'il  s'agit  de  donner  des  confcils  pour  la  conduite  des 
âmes. 

XVIII.  Il  demande ,  dans  ceux  qui  s'adonnent  au  minifte- 
re  de  la  parole  de  Dieu  (  c  ) ,  des  mœurs  très-pures ,  &  des 
bonnes  œuvres,  à  l'exemple  du  Sauveur  ,  qui  a  commencé 
de  faire  avant  d'enfeigner  ;  qu'ils  foient  animés  du  feu  de  la 
charité  (d)  ;  de  n'affecter,  ni  des  termes  fublimes  ,  ni  des 
figures  de  Rhéteur  (e);  d'y  obferver  la  gravité ,  la  fimplici- 
ré  ,  l'humilité  (/) ,  en  un  mot ,  de  ne  chercher  qu'à  fe  rendre 
utiles  à  l'Auditeur. 

.XIX.  Pierre  combat  enfuite  les  vices  (g)  d'orgueil ,  d'en- 
vie ,  de  médifancc ,  &  de  calomnie ,  auxquels  il  oppoie  les 
vertus  d'humilité,  de  douceur  ,  de  pauvreté.  Il  fuit  la  même 
méthode  dans  ce  qu'il  dit  contre  la  cupidité  ,  l'avarice  ,  la 
fimonie  ",  contre  les  Juges  qui  fe  laiflcnt  corrompre  par  pré* 
fens  ;  contre  les  Clerc^s  qui  abufent  de  leur  fuperflu  ,  fous  le 
prétexte  qu'ils  chantent  fOffice  divin  ,  &  contre  leur  avidité 
pour  l'argent.  Il  condamne  toute  permutation  de  Bénéfàce, 
faite  dans  la  feule  vue  d'en  obtenir  un  plus  riche  ;  &  veut 
qu'outre  la  peine  décrétée  par  les  Canons  contre  les  Simonia- 
ques ,  on  oblige  le  permutant  à  refter  toute  fa  vie  dans  fon 
premier  Bénéfice.  Il  fe  plaint  de  l'abus  qu'il  y  avoit  dans  la 
célébration  de  la  Meffe  (h)  ;  quelques-uns  en  difoient  juf- 
qu'à  quatre  dans  la  vue  de  recevoir  plus  d'offrandes  de  ceux 
qui  y  afliffoient  ;  &  ils  juffifioient  leur  conduite  en  difant  , 
qu'ils  en  érigeoient  ou  ornoient  les  Autels  &  les  Egf  fes  ,  ou 
qu'ils  en  bâtiffoient  des  Monafteres.  Il  dit  à  ces  Miniftres , 
que  faint  Auguffin  ne  penfoit  pas  comme  eux  ,  lui  qui  n'o- 
loit  confeiller  à  perfonne  de  communier  chaque  jour ,  laiflant 
cette  dévotion  à  la  confcience  d'un  chacun  ;  «&  qu'il  écoit 
également  défendu  &  dangereux  de  célébrer  deux  fois  en  un 
tnême  jour ,  lorfqu'il  n'y  avoir  point  de  néceflîté  :  par  un  au- 
tre abus ,  quelques-uns  cclébroient  plufieurs  Meifes  fous  un 
feul  Canon  ,  en  multipliant  les  Introïts  ,  &  les  prières  fui- 
vantes  jufqu'à  l'Offertoire  ;  par  exemple  l'Introït  en  l'hon- 


(c)Cnp.  6. 

(d)  C-ip.  7. 
(f)  Cap,  S. 


(/)  Cap.  p. 

(  ^  1  Cap.  10.  î^  feq, 

{h)  Cap.  17.  îâ. 


CHANTRE  DE  L'EGLISE  DE  PARIS.  Ch.  IL  6i 

ncur  d'un  Saint  (  ?  ) ,  &  un  autre  Introït  pour  les  Mcflcs  des 
Morts.  Il  appelle  ces  Mell'cs  ,  des  McfTes  à  deux  ou  à  trois 
façons ,  félon  le  nombre  des  Introïts.  Il  foutienc  que  les  priè- 
res particulières  étant  plus  proHtablesà  une  pcrionne,  que  les 
générales  (/)  ,  le  Sacrifice  de  la  Méfie  offert  Ipécialemenc 
pour  un  Défunt ,  lui  cil  plus  utile  que  quand  on  l'offre  pour 
plufieurs.  11  s'élève  avec  force  contre  les  Prêtres  qui  offroient 
pluHeurs  Méfies  fur  des  images  de  cire,  pour  procurer  du  mal 
à  quelqu'un ,  ou  pour  accélérer  fa  mort  :  pour  remédier  à  ces 
abus ,  il  voudroit  qu'on  retranchât  le  nombre  des  Eglifes  & 
des  Autels ,  qu'il  n'y  en  eut  qu'une  dans  chaque  Ville ,  ou 
qu'autant  qu'il  ieroit  befoin  pour  la  quantité  des  peuples  ;  & 
que  conformément  au  Règlement  que  Grégoire  VIH.  avoic 
voulu  faire  ,  on  ne  fit  des  oblations  à  la  Mefi'e  que  trois  fois 
l'année ,  fçavoir ,  les  jours  de  Noël ,  de  Pâques ,  de  Pentecôte, 
&  de  la  Fête  du  Patron  ,  lorfque  le  corps  du  Défunt  efl  pré- 
fcnt ,  8c  au  jour  de  l'Anniverfaire. 

XX.  Pierre  ne  déclame  pas  avec  moins  de  force  contre  les 
Communions  indignes  (m),  &  contre  ceux  qui  pofiTedenc 
plufieurs  dignités  Eccléfiaffiques ,  foit  dans  une  même  Eglife  , 
foit  dans  deux  ,  étant  impofiîble  qu'ils  puifi'ent  bien  s'acquit- 
ter des  devoirs  attachés  à  ces  dignités  :  enfuite  il  traite  des 
caufes  qui  empêchent  la  canonicité  d'une  élection  (  «  )  ;  des 
diverfes  efpeces  de  fimonie  ;  s'élève  contre  ceux  qui  tâchent 
de  fe  fouftraire  à  la  Jurildidion  de  leurs  Prélats  (  o  )  ;  contre 
les  adulateurs  ;  contre  ceux  qui  reçoivent  des  préfens  de  cho- 
fes  mal  acquifes  ,  ou  lorfqu'ils  n'en  ont  pas  befoin  ;  contre 
ceux  qui  contribuent  à  l'entretien  des  farceurs  ;  contre  les 
ufuriers  ,  &  les  Avocats  qui  rendent  leur  langue  vénale  :  il 
veut  que  s'ils  ne  font  pas  dans  le  befoin  {p  ) ,  i's  défendent  gra- 
tuitement la  caufe  de  l'innocent ,  &  que  dans  le  befoin;  ils  fe 
contentent  d'un  falaire  modique  ;  que  les  Juges ,  dans  leurs 
Sentences  ,  fe  fondent  plus  fur  les  Loix  divines ,  que  fur  les 
humaines. 

XXI.  Son  zèle  s'anime  après  cela  (q)  contre  .les  ambi- 
tieux, contre  ceux  qui  mettent  en  place  des  indignes,  foie 


(«■)  Cap.  19. 

(  /  )  Vc)ex.  Marten.  Lib.   i.  de  antiqtth 
EccUf.  ritièus.  Cap.  ;.  art.  i.^,  276. 
(»«)  C'P-  30.  31.  31.  3  3- 


(-«)  Cap 

^6 

îS. 

(0)  Cap. 

44- 

S  /e<j. 

ip)  Cap. 

51- 

^hh 

.J  >  .> 

(î)  C.»/-. 

5Î. 

-1  JlJifî  j3i:i.b 

62  PIERRE   DE   POITIERS, 

à  raifon  de  parenté ,  foit  par  d'autres  mauvais  motifs.  11  fait 
voir  quelles  lont  les  obligations  des  Evêques  (r)  ,  leur  fcien- 
ce  ,  leur  vigilance  ,  leur  douceur  ,  leur  patience ,  leur  humi- 
lité  11  le  plaint  qu'ils  ordonnoient  quelquefois  fans  examen 
des  Religieux  &  des  Clercs  qui  leur  étoient  préfentés  d'un 
autre  Diocèfe  avec  des  Lettres  dirniflbriales  ;  on  remarque 
en  paflant  que  ce  n'étoit  que  depuis  peu  (s)  qu'on  avoit  mis 
le  Soûdiaconat  au  nombre  des  Ordres  facrés.   Il  inveflive 
contre  l'abus  d'apprcbender  des  enfans  dans  l'Eglife  (t)  y 
avant  qu'ils  foient  en  âge  de  fe  décider  fur  leur  vocation  ;  & 
d'un  autre  abus  encore  plus  grand,  de  confier  à  des  enfans, 
ou  à  des  néophytes ,  les  Prélatures  de  l'Eglife.  Il  y  a ,  dit-il ,  un 
âge  réglé  par  les  Canons.  Si  Jérémie  ,  fi  Daniel ,  fi  Timo- 
thée  ont  été  employés  jeunes  dans  le  miniftere  ,  c'efl:  un  pri- 
vilège de  peu  de  perfonnes,  qui  ne  doit  pas  tirer  à  confé- 
quence.  Comment  celui  qui  a  beloin  qu'on  lui  rompe  le  pain, 
le  rompra- t-il  aux  autres  ?  Comment  ceux  qui  font  encore 
allaités  ,  donneront-ils  du  lait  aux  autres  t  Comment  devien- 
dront Maîtres  ceux  qui  n'ont  pas  encore  été  Difciples  ?  N'eft-ce 
pas  un  opprobre  pour  l'Eglife ,  de  voir  dans  le  Chœur  celui  qui 
étoit  hier  fur  le  Théâtre  ?  Hier  dans  le  Cirq ,  aujourd'hui  à 
l'Autel?  Hier  le  fauteur  des  gens  de  Théâtre,  aujourd'hui  le 
confécrateur  des  Vierges  ? 

XXII.  Pierre  rapporte  un  grand  nombre  de  traditions  & 
d'ufages  obfervés  («)  ,  tant  dans  les  Monafteres  que  dans 
les  Chapitres  de  Chanoines ,  &  dit  que  l'on  doit  abandon- 
ner à  cet  égard  tout  ce  qui  efl:  contraire  à  la  Loi  de  Dieu. 
Il  défapprouve  le  Décret  de  Grégoire  VII.  qui  ordonne  de 
jeûner  les  Mercredis  &  Vendredis  pendant  cinq  ans  ,  pour 
obtenir  de  Dieu  la  confolation  de  l'Eglife  de  Jérufalem  ;  le 
Décret  du  troifiémc  Concile  de  Latran ,  qui  porte  qu'on  re- 
tirera les  dixmes  des  mains  des  laïques  ,  fous  peine  d'ana- 
thême  en  cas  de  refus  de  leur  part  ;  &  les  variations  qu'il  y 
a  eu  fur  les  dégrés  de  parenté  &  d'affinité ,  dans  lefquels  il 
ctoit  permis  ou  défendu  de  contrader  Mariage  :  fa  raifon 
efl: ,  que  tous  ces  Décrets  multiplient  les  prévaricateurs  ,  ou 
entretiennent  l'avarice  dans  les  Avocats  chargés  de  faire  la 


(r)Cap.f6.t!Sfeq. 

(  i)  De  novo  enim  jnftitutum  efl  Sub- 
diaconatum  efTe  facrum  Ordinem,  Petr. 


CantoR.  Vert,  abrev,  C>tp,  60, 
(«)  Cap.  60.  61. 
C«)  Caf.  75, 


CHANTRE  DE  L'EGLTSE  DE  PARIS.  Ch.II.    6^ 

preuve  des  degrés  où  le  trouvent  les  Contra£tans. 

XXIII.  Le  luxe  &  la  lupcrfluité  dans  les  habits  (^),  dans 
le  boire  &  le  manger ,  dans  les  édifices  ,  n'échappent  pas  à 
la  ccnfure  de  Pierre  de  Poitiers.  11  doute  que  l'Idolâtrie  ait 
pouflé  CCS  chofcs  à  un  (1  grand  excès  que  les  Chrétiens.  Il 
détaille  tous  les  ouvriers  dont  ils  le  lervoient  pour  contenter 
leur  vanité  &  leur  moUefl'e  (  v  )  i  blâme  ceux  -  ci  de  l'abus 
qu'ils  faifoient  de  leurs  talens  (2.)  y  8c  dit  qu'il  ne  leur  ac- 
corderoit  pas  la  pénitence ,  qu'ils  n'euflent  renoncé  à  leur 
arr. 

XXIV.  Enfuite  il  traite  des  vertus  théologales  (<»),& 
des  autres  qui  y  ont  du  rapport ,  commençant  par  la  foi  , 
qu'il  appelle  la  mère  &  l'origine  de  toutes  les  autres  ;  puis 
ces  vertus  cardinales  (  ^  )  ;  de  la  prière  ,  &  de  fes  effets  ; 
de  l'hofpitalité  ,  &  des  œuvres  de  miféricorde.  Il  fe  plaine 
que  l'hofpitalité  étoit  négligée  des  Evêques  &  des  Clercs  (c) , 
éc  que  les  Laïques  ne  recevoient  les  étrangers  que  pour  de 
l'argent. 

•XXV.  Quatre  chofes  ,  félon  lui  (d)  ,  font  néceffaires  pour 
la  pénitence  parfaire  ;  l'infufion  de  la  grâce ,  la  contrition  du 
cœur ,  la  confeffion  de  la  bouche ,  &  1  a  fatisfadion  des  œu- 
vres :  les  trois  dernières ,  dit  -  il  ,  font  infuffifantes  fans  la 
première  :  en  vain  nous  ferons  contrits (e),  nous  confeffe- 
rons  nos  péchés ,  nous  fatisferons ,  &  nous  nous  affligerons  par 
les  travaux  de  la  pénitence ,  fans  l'infufion  de  la  grâce ,  & 
fans  la  foi  qui  opère  par  la  charité.  Pour  mieux  faire  con- 
noître  quelle  doit  être  la  contrition  ou  douleur  du  péché  ,  il 
propofe  l'exemple  de  ce  qui  fe  paffa  en  Jefus-Chrift  lors  de 
la  réfurre£lion  de  Lazare ,  &  dit  :  Pour  vous  tirer  de  l'abîme, 
des  vices ,  jettez  dans  vous  le  trouble  par  la  douleur  ,  fré- 
miffez  d'horreur  par  la  crainte  de  l'enfer  ,  pleurez  par  des 
fentimens  de  piété  (/) ,  criez  vers  Dieu  par  la  confeflion  , 


(x)  Cap.yi. 

O  )  C'p-  74. 

{x,)Cap.S4. 
(a)  Cap,  91.         E 
(*)  Cap.  Il  y. 
(0  Cap.  119. 
(,d)  Cap.  141. 

(  f  )  Ad  pœnitentîae  fufficîentiam  ,  per- 
feâionem  &  imegritatem  quatuor  funt  ne- 


ceflkria;  fdlicet  gtzâx  infulîo,  cordis  coit- 
tritio  ,  oris  confeflîo  ,  operis  digna  fatif- 
faôio  :  tria  fine  primo  Lnfufficientia  funt. 
Inutiiiter  enirn  conterimur,  confiteniur, 
fatisfacimus  &  labore  pœm  affligimur  fine 
infufione  gratis  ,  fine  fide  opérante  per 
dileâionem.  ll/id.  Cap,  141. 
(/)  Cap.  14^. 


^4  PIERRE    DE   POITIERS, 

la  prière ,  les  bonnes  œuvres  ,  en  difanc  à  votre  ame  :  Sortez 
de  l'abîme  de  vos  défordres.  Il  veut  qu'avant  de  confeffer 
fes  péchés  aux  Prêtres  (g  )  ,  l'on  examine  avec  foin  fa  con- 
fcience ,  afin  qu'il  n'y  refte  aucun  vellige  de  péché  *,  que  le 
Confefleur  faffe  à  l'égard  du  Pénitent  les  fonctions  de  père 
8c  de  mère ,  c'cft-à-dire  ,  qu'il  infpire  de  la  douleur  ,  &  donne 
de  la  confolation  ;  qu'il  foit  prudent ,  difcret  ,  doux  ,  affa- 
ble {k)  ;  que  la  fatisfadion  pour  les  péchés  foit ,  autant  qu'il  efl: 
pofTible  cà  l'homme ,  égale  à  la  peine  dont  Dieu  punit  les  péchés 
dans  le  feu  du  Purgatoire. 

XXVI.  Il  confeille  d'avoir  toujours  dans  l'efprit  la  briève- 
té de  la  vie  (  î  )  ,  afin  d'accélérer  la  pénitence  qu'on  doit  fai- 
re ,  dans  la  crainte  d'être  furpris  de  la  mort  avant  de  l'avoir 
accomplie  ;  de  méditer  auflî  fans  ceffe  les  biens  &  les  maux 
de  l'autre  vie.  11  fait  confifter  la  béatitude  dans  la  connoif- 
fance  de  Dieu  ,  &  dans  la  joie  de  le  pofféder.  Pierre  le  Chan- 
tre finit  fon  Ouvrage  par  quelques  remarques  fur  la  proprié- 
té des  Moines.  Saint  Jérôme,  faint  Benoît,  faint  Grégoire 
le  Grand  l'avoient  en  horreur ,  &  ne  croyoient  pas  dignes 
de  la  fépulture  chrétienne  ceux  qui  en  étoient  convaincus. 
Pierre  ne  concevoir  pas  que  des  Moines  ,  à  qui  il  n'efl  pas 
même  permis  d'écrire  ou  de  recevoir  des  Lettres  fans  le  con- 
fentement  de  leur  Supérieur ,  euffcnt  au  réfe£toire  commun 
des  pitances  particulières.  Il  fe  plaint  de  la  liberté  que  les 
Moines  de  fon  tems  fe  donnoient  hautement  d'avoir  quelque 
chofe  en  propre,  &  rapporte  plufieurs  hiftoires  pour  donner 
del'éloignement  de  cette  prévarication  dans  un  point  eflentiel 
de  la  Règle. 
'Jugement de      XXVII.  L'Ouvrage  de  Pierre  le  Chantre  eft  folide  ;  il 
cet  Ouvrage,  ^'avance  prefque  rien  qu'il  ne  le  prouve  par  l'autorité  de 
l'Ecriture ,  des  Conciles  ,  &  des  Pères ,  fouvent  même  des 
Auteurs  profanes ,  dont  il  avoit  une  grande  connoifTance  ; 
fon  flyle  efl:  vif  autant  que  fon  zcle  pour  la  pureté  de  la  do- 
ftrine  &  des  mœurs.  L'Editeur,  Dom  George  Galopin,  a 
donné  cet  Ouvrage  au  Public  fur  deux  manufcrits ,  l'un  de 
faint  Vaafl  d'Arras ,  l'autre  de  Camberon.  Il  en  trouva  un 
troifiéme  à  Marchiennes ,  différent  des  deux  autres  depuis  le 


(g)  Cap.  144.  I       ^ '  ^  ^''^'  ^'^'^'^ ^'^' 

(/OC-Jf.  146.  I 

Chapitre 


.     CHANTRE  DE  PARIS.  Ch.  II.  6^ 

Chapitre  66  julqu'au  80.  Pour  ne  rien  laifTer  à  délirer ,  il  a  fait 
imprimer  le  texte  de  ce  manufcrit  à  la  fuite  de  les  notes  fur 
tout  rOuvrage  de  Pierre  le  Chantre. 

XXVIII.  Ses  autres  Ecrits  non  imprimes  font  des  Diflin- pP;";;^/^"  ^« 
fiions ,  ou  une  Somme«  intitulée ,  Abel ,  parce  qu  elle  efl;  di-  primés, 
flribucc  félon  l'ordre  alphabétique ,  &  qu'elle  commence  par 
Abel ,  appelle  le  principe  ou  commencement  de  l'Eglife  ; 
une  autre  Somme  qui  traite  des  Sacremens ,  &  des  confeils 
de  l'Ame  ;  un  Opufcule  fous  le  titre  :  Des  contrariétés  de  la 
Théologie  ,  &  quelquefois  ,  Des  contrariétés  de  PEcriTure  , 
parce  que  l'Auteur ,  au  commencement  de  l'Ouvrage ,  parle 
de  quelques  contrariétés  apparentes  des  Livres  faints  ;  une 
Grammaire  des  Théologiens  ,  Livre  aflez  utile  pour  l'intel- 
ligence de  pluficurs  endroits  de  l'Ecriture  :  elle  efl  citée  par 
Henri  de  Gand  (  /  )  ;  des  Commentaires  fur  les  cinq  Livres 
de  Moyfe ,  fur  Jofué ,  les  Juges  &  Ruth  ,  &  fur  les  Pfeau- 
mes  ;  des  Glofes  fur  le  Nouveau  Teftament  ;  une  grande 
Somme  des  Conciles  &  des  chofes  Eccléfiafliques.  Alberic 
de  Trois-Fontaines  [m)  la  marque  au  nombre  des  Ecrits  de 
Pierre  le  Chantre.  Sixte  de  Sienne  lui  attribue  encore  des 
Commentaires  fur  les  Proverbes ,  l'Eccléfiafle  ,  la  Sagefle  , 
Ezéchiel ,  les  Ades  des  Apôrres ,  les  Epîtres  Canoniques  , 
&  l'Apocalypfe  ;  d'autres  lui  donnent  un  Commentaire  fur 
tout  l'Ancien  &  le  Nouveau  Teftament  ;  mais  il  faut  remar- 
quer que  l'on  a  fouvent  confondu  les  Ouvrages  de  Pierre  le 
Chantre  avec  ceux  de  Pierre  de  Reims, 


(  /  )  Cap.  ly.  De  Script.  Ecclef,  (m)  Chronic,  Alberic,  p,  41 1. 


Tome  XXÎIL 


66  SAINT    ETIENNE   DE  MURET, 

CHAPITRE     III. 

Saint  Etienne  de  Muret  ,  Injlituteur  de  l'Ordre  de 

Grandmont, 

.s.Eiîe.nnea'el.  "(VT  É  dans  la  baiïe  Auvergne  ,  vers  le  milieu  de  l'on- 
Grjndaion;.        j^  >j  ziémc  fiécle  («)  ,  d'Etienne,  Vicomte  de  Thiers, 
Si.  de  Candide  Ion  époule ,  il  fut  élevé  de  bonne  heure  dans 
les  maximes  de  la  Religion  Chrétienne ,  &  dans  les  Belles- 
Lettres.  Son  père  étant  allé  en  Italie  pour  y  vifiter  les  Tom- 
beaux des  Apôcrcs  ,  &  les  autres  lieux  de  dévotion  ,  pafia 
par  Benevenr,  où  il  logea  chez  Milon  fon  Compatriote  ,  Si 
peut-être  fon  parent.  Son  fils  qu'il  avoit  mené  avec  lui  y  tom- 
ba malade  ;  ne  pouvant  le  foulager  lui-même  ,  il  en  laifla  le 
foin  à  Milon ,  &  retourna  feul  en  fon  pays.  Il  y  avoit  alors 
en  divers  endroits  de  la  Calabre  des  Religieux  qui  faifoient 
leurs  demeures  dans  des  lieux  déicrrs ,  &  y  vivoient  dans  une 
grande  réputation  de  piété  j  Etienne  les  alla  voir  j  converfa 
avec  eux ,  &  forma  le  defTein  de  les  imiter. 
Ilinftitueun      H,  Aprcs  quclquc  féjour  dans  la  Calabre,  il  alla  à  Rome, 
Ordre   Reli-  &  communiqua  au  Pape  Alexandre  II  fon  defir  d'inftituer 
^*™^  un  Ordre  Religieux ,  où  l'on  pratiquât  une  règle  de  vie  fem- 

blable  à  celle  qu'il  avoit  vu  obfcrver  en  Calabre  ,  &  qu'il  y 
avoit  obfervée  lui-même.  Le  Pape  ne  le  trouvant  pas  afTez 
expérimenté  dans  la  pratique  des  vertus  religieufes ,  ni  d'une 
fanté  afiez  forte ,  différa  de  lui  accorder  la  grâce  qu'il  de- 
mandoit.  On  dit  que  Grégoire  VII ,  Ion  Succeffcur,  voyant 
la  perfévérance  d'Etienne  ,  lui  fit  expédier  une  Bulle  à  cet 
efïet ,  la  première  année  de  fon  Pontificat,  c'eft-à-dire  l'an 
1073  ,  le  premier  jour  de  Maïv  Dom  Mabillon  a  rapporté 
cette  Bulle  dans  la  féconde  Préface  fur  le  fixiéme  fiécle  Bé- 
nédiftin  :  elle  eft  adreffée  à  Etienne  ,  Vicomte  de  T  hiers  , 
&  aux  frères  q^ui  dévoient  mener  avec  lui  une  vie  régu- 
lière. 


(»OMi?iLl.  1j^,  ^4.  Annal,  uum,  J/./».  6J.  tom,  ^^ 


INSTITUTEUR  DE  GRANDMONT.  Cii.  III.  6f 
III.  C'cft  fur  ce  monument  que  les  Grandmontains  ibu-    LaBulieJe 
tiennent  aujourd'hui  ou'ils  Ibnt  capables  des   Bénéfices  de  ^^'^^^^  gj-J^Î,^ 
rOrdre  de  Saint  Benoit ,  parce  qu'il  y  efl  dit  qu'Etienne  de-  eftfuppoice. 
manda  au  Pape  d'établir  l'on  Ordre  lelon  la  Règle  de  Saint 
Benoît ,  qu'il  avoit  lui-même  praticjuéc  long-tcms  en  Cala- 
bre  avec  des  Religieux  Bénédidins.  Mais  ians  entrer  dans 
un  long  détail  des  taufletés  de  cette  Bulle,  il  efl  aifé  de  mon- 
trer qu'elle  efl  fuppoféc.  i''.  On  n'y  reconnoît  point  le  flyle 
de  la  Chancellerie  (o).  2".  L'Infcription  efl:  conçue  en  ces 
termes  :  Gre'ip'îrc  ,ferviîeiir  des  ferviteurs  de  Dieu.  Or  ce  Pape 
ne  l'employa  dans  aucune  de  les  Lettres  écrites  avant  l'a 
conl'écration  ,  qui  ne  Te  fit  que  le  fécond  jour  de  Février  de 
l'année  fuivante  1074.  Avant  cette  cérémonie  il  infcrivoic 
ainfi  fes  Lettres  :  Grégoire  ^  élu  Pontife  des  Romains.  3°.  L'in- 
fcription  porte  :  Sahit  &  bénedi5iion  Apojîolique  ,  &  à  la  mé- 
moire perpétuelle  de  la  chofe.  Façons  de  parler  qui  ne  fe  ren- 
contrent pas  enfcmble  dans  les  Bulles  authentiques.  4°.  Mi- 
lon  ,  chez  qui  Etienne  avoit  demeuré ,  efl  appelle  Archevê- 
que de  Benevent  ;  mais  Milon  ne  Tétoit  pas  au  mois  de  Mai 
1073  ,  date 'de  cette  Bulle:  il  ne  le  fut  ,  félon  Ughelli , 
qu'en  1074.  5°.  Le  fceau  de  cette  Bulle  porte  un  lion  ,  qui 
de  fon  pied  droit  montre  une  étoile  ,  avec  cette  légende  :  il 
marque  le  chemin  aux  ajhes  :  fceau  fans  exemple  dans  toutes 
les  Bulles  des  Papes.  60.  La  Bulle  dont  il  efl  queflion  ne  fe 
trouve  dans  aucune  des  Collerions  faites  par  les  anciens 
Grandmontains  de  leurs  Bulles  &  de  leurs  privilèges.  C'efl 
l'aveu  de  Frère  Jean  l'Evêque  (p  )  ,  dans  fon  abrégé  des  An- 
nales de  cet  Ordre,  imprimé  à  Troyes  chez  Euflache  Renaud 
en  1662. 

IV.  Etienne  de  retour  en  fa  patrie  y  pafTa  quelques  Jours  Etienne  fe 
dans  fa  famille  ;  puis  renonçant  à  tous  les  biens  &  à  tous  les  retire  lians  le 
honneurs  du  liécle ,  il  fixa  fa  demeure  dans  le  défert  de  Mu-  '^^'^"  '*'^"" 
ret ,  au  voifinage  de  Grandmont  dans  le  Territoire  de  Li- 
moges, n'emportant  avec  lui  qu'un  anneau.  S'étant  pratiqué 
en  cet  endroit  une  cabane  avec  des  branches  d'arbres  entre- 
lafTées  ,  il  fe  confacra  à  Dieu  ,  &  renonça  au  diable  &  à 
toutes  fes  pompes.  Il  écrivit  fa  profelïïon,  la  mit  fur  fa  tête. 


ret. 


(  0  )  Martenn.  in  Trxfitt.  ad  tom.  6.\      (p)  lu  Epitom,  Annal,  p.  30. 
ampliff.  CslUa.  \ 


6^  SAINT  ETIENNE  DE  MURET , 

&  fon  anneau  dans  fon  doi^t ,  en  difanr  que  l'un  &  l'autre  îuî 
ferviroient  de  bouclier  &  de  défenfe  contre  renncmi. 
^^ Sa  manière      y^  q^  ^^^^  mettre  la  retraite  vers  l'an  1078.  II  y  vécut 
feul  la  première  année  ,  ne  prenant  pour  nourriture  que  du. 
pain  &  de  l'eau  (f  ).   H   portoit  fur  la  chair  une  cuirafle 
de  fer  ,  &  un  mauvais  habit  par-deflus.  Outre  l'Office  divin 
prefcrit  par  l'Eglife,  il  récitoit  chaque  jour  celui  delà  fainte 
Vierge  ,  des  Morts ,  &  celui  de  la  fainte  Trinité  à  douze 
Leçons.  La  peau  de  fes  genoux  ,  à  force  de  génuflexions , 
s'étoit  durcie  comme  celle  d'un  chameau  :  fouvent  il  paffoic 
deux  ou  trois  jours  fans  manger.  La  féconde  année  il  com- 
mença à  recevoir  quelques  Difciples  :  un  des  plus  célèbres  fuc 
Hugues  de  Lacerta. 
ifileT*^''  '^      ^^^'  ^^  réputation  d'Etienne  lui  attira  la  vifite  de  deux  Car- 
Cardinaux,     dinaux  ,  Légats  en  France  (r)  ,  Grégoire  qui  fut  Pape  fous  le 
nom  d'Innocent  II  ,  &  Pierre  de  Léon  ,  Antipape  ,  fous 
celui  d'Anaclet  IL  Ils  lui  demandèrent  quel  étoit  fon  genre 
de  vie.  Il  n'en  fpécifîa  aucun ,  &  dit  uniquement  que  lui  &  fes 
Difciples  faifoient  la  profelTion  de  pauvreté  &  d'abaiffemenc 
qui  leur  avoit  été  ordonnée  par  le  Pape  en  pénitence  de  leurs 
péchés  ;  que  ne  pouvant  atteindre  à  la  perfedion  de  ces  an- 
ciens Ermites  qui  paffoient  des  femaines  entières  dans  la 
contemplation- fans  prendre  aucune  nourriture  _,  ils  fe  bor- 
noient  à  imiter,  autant  qu'il  étoit  en  eux  ,  les  Frères  qui  fer- 
voient  Dieu  dans  la  Calabre.  Les  Légats  édifiés  de  cette  ré- 
ponfe  donnèrent  à  Etienne  les  louanges  qu'il  méritoir. 
Sa  mort ,  en      VII.  Dans  fa  vieillefle  Etienne  ufoit  d'un  peu  de  vin  pour 
^'^''^'  fortifier  fon  eftomac.  Etant  tombé  malade  ,  il  exhorta  fes 

Difciples  à  ne  point  s'éloigner  de  l'état  de  pauvreté  dans  le- 
quel ils  avoient  vécu  jufques-!à,  les  afifurant  que  la  Provi- 
dence prcndroit  foin  d'eux.  Le  cinquième  jour  de  fa  maladie 
il  fe  fit  porter  dans  la  Chapelle ,  où  après  avoir  ouï  la  MefTe, 
reçu  l'Extrême-Ondion ,  &  enfuite  le  Corps  &  le  Sang  de 
Jefus-Chrift  ,  il  expira  au  milieu  de  fes  Difciples  le  8  de  Fé- 
vrier 1 1  24.  Son  humilité  étoit  il  grande  ,  que  quoiqu''initié 
au  Sacerdoce  (  j)  ,  il  ne  voulut  jamais  faire  à  l'Autel  d  autres 
fondions  que  celles  de  Diacre.  Clément  III.  lui  donna  pla- 


(/})  Mabiil.  Lih.  64.  Aimai.  ».  us.  i      (s)  Mabili.  Lib.  54,  Annal. num.ni. 
p.  100.  j  p,  100. 

(r)  Marten,  nbifup. p,  1 061.  I 


INSTITUTEUR  DE  GRANDMONT.  Ch.  III.    ^9 
ce  dans  le  Calendrier,  par  une  Bulle  du  13   Mars  de  l'an 

VIII.  Nous  venons  de  remarquer  qu'Etienne  ,  en  fe  con-  Profefnonde 
facranrà  Dieu  (r)  ,  mie  fa  profeiïion  iur  la  tête  ,  &  à  fon^'^"^"""- 
doigt  l'anneau  qu'il  s'étoit  réfervc  en  abandonnant  tous  fes 

biens  ;  il  eil  bon  de  rapporter  les  paroles  dont  il  accompa- 
gna la  cérémonie  de  fa  conlécration  :  »  Moi ,  Etienne  ,  je  re- 
«  nonce  au  diable  &  à  les  pompes  :  je  m'offre  &  me  remets  à 
»  Dieu  le  Père,  à  fon  Fils  ,  &  au  Saint-Efprit  «  :  &  mettant 
fur  fa  tête  la  profeflion  qu'il  avoir  écrite  ,  il  ajouta  :  »  Dieu 
3>  tout-puiflant  &  mifcricordieux  ,  qui  demeurez  toujours  le 
j»mcme,  vivez  &  régnez  ,  un  feul  Dieu  en  trois  Perfonncs; 
"  moi ,  Frère  Etienne ,  je  vous  promets  de  vous  fervir  dès  ce 
»  moment  en  ce  défert  dans  la  foi  Catholique  :  c'efl  pourquoi 
»  je  mets  cet  a£le  fur  ma  tête,  &:  cet  anneau  à  mon  doigt , 
»  afin  qu'au  jour  de  ma  mort  cette  promeffe  &  cet  a£le  me 
»  fervent  de  bouclier  6c  de  défenfe  contre  les  embûches  de  mes 
»  ennemis.  Seigneur  ,  rendez-moi  ,  je  vous  en  fupplie  ,  la 
»  robe  nuptiale  ;  daignez  me  mettre  au  nombre  des  enfans 
»  de  votre  Eglife  ;  &  lorfque  mon  ame  fe  féparera  de  mon 
i>  corps ,  revêtez- la  de  la  robe  de  votre  charité ,  &  faites-la 
»  entrer  dans  la  falle  du  feftin  des  noces  de  votre  Fils  pour 
»  régner  avec  tous  vos  Saints  » .  Il  recommanda  aufîi  fon  corps, 
fon  ame  &  fon  efprit  à  la  fainte  Mère  de  Notre  Seigneur  Je- 
ius  -  Chrift  ,  &  depuis  ce  moment  il  ne  rentra  plus  dans  le 
fiécle» 

IX.  De  favans  Critiques  ont  prétendu  que  la  Règle  que    Régie  de  s. 
l'on  a  publiée  fous  le  nom  de  faint  Etienne  de  Grandmont  ^"^"".e.-preu- 

,    n  •  j       I    .  •      j      -n-  J      r  •  i»  i       r      ves  qu  elle  ©ft 

nelt  point  de  lui  ,  mais  de  Pierre  de  Limoges  ,  lun  de  les  de  lui. 
Difciples ,  qui  l'avoit  compofée  fur  les  difcours  &  les  exem- 
ples de  fon  Maître.  Mais  fi  Ton  fait  attention  à.  la  fagefife  &f 
à  l'ondion  qui  règne  dans  toute  cette  Règle  ,  on  ne  pourra 
difconvenir  qu'elle  ne  foit  l'ouvrage  d'un  Saint  rempli  de 
l'Efprit  de  Dieu  &  de  fon  amour.  Ces  premières  paroles  du 
Prologue  (  «  )  :  Mes  enfans  &  mes  frères  très-cliéris ,  ne  con- 
viennent-elles pas  mieux  au  Fondateur  de  l'Ordre  qu'à  un  de 
fes  Difciples  ?  On  en  doit  dire  autant  de  ce  qui  fuit  au  même 
Prologue  :  Toutes  les  Règles  écrites  par  lesfaints  Percs ,  com- 


(')  Mabill.  liid.  num,  lll.f.Ç^.  ^         (n)    I«  Prologo.. 


70  SAINT   ETIENNE  DE  MURET, 

me  celles  de  faint  Bafile  ,  de  faint  Auguftin  ,  de  faint  Be- 
noît ,  ne  font  pas  la  fource  de  la  Religion  ,  mais  des  ruif- 
feaux  :  ce  font  des  feuilles,  &  non  la  racine.  La  première  four- 
ce  de  la  foi  &  du  falut ,  la  règle  des  règles  ,  d'où  toutes  les 
autres  font  forties ,  comme  des  ruiffcaux  d'une  fontaine  ,  c'efl: 
l'Evangile.  Quand  donc  on  vous  demandera  de  quelle  pro- 
feflion  vous  êtes  ,  quelle  Règle  vous  profeffez  ,  vous  répon- 
pondrez  que  vous  n''en  obfervez  point  d'autre  que  l'Evan- 
gile. 

X.  N'efl-ce  pas  encore  le  Fondateur  qui  parle  dans  le  cha- 
pitre neuviém.e  (x)  ,  où  nous  lifons  ?  Vous  me  demanderez 
peut-être  comment  après  ma  mort  vous  pourrez  vivre  ,  vous 
à  qui  nous  défendons  d'avoir  des  Eglifes ,  des  bcftiaux ,  des 
revenus ,  &  le  négoce  ?  Et  dans  l'onzième  Chapitre  (y)  :  Il  y 
en  a  peut-être,  &  j'en  connois  qui,  par  une  piété  feinte , 
vous  difent  :  La  manière  extraordinaire  dont  votre  Maître 
vous  fait  vivre  ,  durera  un  peu  de  tems  &  pendant  fa  vie  ; 
mais  après  fa  mort  comment  pourrez -vous  foutenir  votre 
obfervance  ,  n'ayant  ni  Eglifes ,  ni  revenus  ,  ni  beftiaux  ,  ni 
le  moyen  de  faire  aucun  gain  ?  Ajoutons  ce  que  faint  Etienne 
dit  de  lui-même  dans  le  Chapitre  quatorzième  (z)  :  Il  y  a 
près  de  cinquante  ans  que  je  fuis  dans  ce  défert.  Dans  ce 
nombre  d'années  quelques-unes  ont  été  abondances ,  d'autres 
flériles  :  à  mon  égard  ,  les  chofcs  fe  font  paflees  de  façon , 
que  dans  l'abondance  je  n'ai  rien  eu  de  fuperflu,  &  dans  la 
flérilité  je  n'ai  manqué  de  rien.  Il  en  fera  de  même  de  vous ,  iî 
vous  gardez  mes  Inlîituts. 
CetteRegle  XI.  Mais  cette  Règle  étoit-elle  différente  de  celle  de  faint 
^^^^'['j^'y "g- Benoît  (fl)?  Saint  Etienne  décide  lui-même  cette  queftion 
Benoît.  '  dans  le  Prologue  de  la  fienne  ,  où  après  avoir  nommé  la  Rè- 
gle de  faint  Bafile  ,  de  faint  Auguftin ,  de  faint  Benoît,  il  dit 
à  fes  difciples  :  Si  l'on  vous  demande  quelle  Règle  vous  pro- 
feffez ,  vous  répondrez  que  vous  n'en  obfervez  point  d'autre 
que  celle  de  l'Evangile ,  qui  eft  la  fource  de  toutes  les  Rè- 
gles. Il  convient  cependant  au  même  endroit  ,  qu'en  lifant 
les  Règles  des  Pères  avec  beaucoup  de  réHexion  ,  &  en  con- 
fultant  des  perfonnes  de  fçavoir  &  de  piété  ,  il  avoit  formé 


(x)Cap.<}.  j        (X.)  C.tf.  !4. 

(;)  Caf.  II.  •  -i      {«]  Ci;.  4». 


INSTITUTEUR  DE  GRANDMONT.  Ch.  III.  71 
un  corps  de  tradicions  Se  de  préceptes  pour  fes  Difciples  ;  c'cft 
ce  corps  de  Statuts  qui  compole  la  Règle ,  &  qui  a  toujours 
porté  depuis  le  titre  de  Reo^/e  de  Saint  Etienne.  Elle  n'a  rien 
de  commun  avec  celle  de  iiint  Benoît ,  qui  ne  fc  trouve  dans 
toutes  les  Règles  Religieulcs  ;  l'obéiflance,  la  pauvreté  ,  la 
charité  ,  qui  devoir  tellement  régner  dans  les  Dilciples,  qu'ils 
ne  fulTent  qu'un  corps  &  qu'une  arae  ;  mais  elle  en  diffère 
dans  des  points  elTentiels.  Il  eft  défendu  dans  le  quarantième 
Chapitre  de  recevoir  des  Religieux  d'un  autre  Ordre,  par 
la  raifon  de  la  différence  des  mœurs  &  des  ufages  :  au  con- 
traire la  Règle  de  Saint  Benoît ,  au  chapitre  60  Se  61  ,  or- 
donne de  recevoir  les  Prêtres  &  les  Moines  étrangers  ,  qui  , 
après  s'être  éprouvés  dans  le  Monaftere ,  voudront  s'y  fta- 
bilier. 

XII.  La  Règle  de  faint  Etienne  défend  abfolument  de  re-     Su!  , 
cevoir  des  femmes  dans  le  Monaffere  {h)  ;  de  leur  permettre 
d'aider  les  Frères  dans  leurs  travaux  ,  &  d'entrer  dans  leurs 
chambres  depuis  le  coucher  du  foleil  jufqu'au  matin  ;  mais  elle 

ne  défapprouve  point  qu'elles  y  entrent  de  jour,pourvu  qu'elles 
ibient  accompagnées  de  quelqu'un  qui  ait  de  l'âge.  11  n'efl: 
rien  dit  des  femmes  dans  la  Règle  de  faint  Benoît.  Elle  per- 
met au  cinquante-feptiéme  Chapitre  d'avoir  des  ouvriers  dans 
le  Monaflere ,  &  de  vendre  leurs  ouvrages ,  mais  à  un  prix 
plus  modique  que  n'ont  coutume  les  léculiers.  Elle  permet  en- 
core ,  dans  le  Chapitre  fuivant ,  au  Novice  de  difpofer  de 
fes  biens  avant  fa  profeffion ,  foit  en  faveur  des  pauvres ,  foit 
au  profit  du  Monafcere.  La  Règle  de  faint  Etienne  défend 
de  recevoir  ou  d'acquérir  des  terres  hors  de  l'enclos  de  leurs 
Monafferes  ou  de  leirrs  limites  ;  &  quoiqu'elle  permette  de  ven- 
dre pour  leurs  befoins,  elle  bannit  tout  ce  qui  fent  le  gain  jSç 
tout  commerce.  -':'■.! 

XIII.  Cette  Règle  eft  diviféq  en  ^5  Chapitres,  dont  voici     Analyfeds 
la  teneur.  Celui  qui  s'engage  dans  l'Ordre  (  f  )  ,  doit  pro-  ^^^^^g^e  da  S=. 
mettre  obéifTance  à  Dieu ,  au  Supérieur  qui  l'admet ,  &  à  feS 
Succedeurs  ,  en  préfence  des  Frères.  Il  doit  renoncer  à  tous 

les  biens  qu'il  poflcdoit  dans  le  monde.  Les  Monafteres  ne 
pofféderont  point  de  Ctjres^(  ^) ,  ni  aucun  des  biens  qui  en 


(J)  Op.  39.  1      U)  c«/. +, 


72  SAINT  ETIENNE  DE  MURET  , 

dépendent.  Ils  ne  recevront  rien  pour  Toblation  du  Sacrifi- 
ce (f  )  ;  n'adminiftreront  point  le  Sacrement  de  Pénitence  aux 
étrangers.  Leurs  oratoires  ieroryi;  fermés  aujc  féculiers  les 
Fêtes  8c  Dimanches  ,  étant  obliges  en  ces  jours  d'afïxRer  aux 
Offices  divins  dans  leurs  ParoifTes  :  on  ne  leur  permettra  pas 
non  plus  d'.^  le  prélenter  dans  ces  oratoires  pour  adorer  la 
Croix  le  jour  du  Vendredi-Saint ,  ni  d'y  prendre  de  l'eau 
bénite.  Pour  ôter  toute  avidité  du  gain  ,  ils  n'auront  point 
de  beftiaux  (/) ,  &  ne  feront  aucun  commerce.  Si  les  chofes 
néceflaires  à  la  vie  viennent  à  leur  manquer  ,  ils  auront  re- 
cours à  l'Evêque  ;  s'il  ne  leur  prête  aucun  fecours ,  après  un 
jeûne  de  deux  jours  (g),  le  Supérieur  enverra  quelques-uns 
des  Frères  les  plus  iages  demander  l'aumône  de  porte  en 
porte.  Défenfe  d'aller  aux  marchés  pour  y  acheter  (  À  )  ;  pa- 
reille défcnfe  de  négotier  &  de  plaider. 

XIV.  Les  femmes  ne  feront  pas  admifes  dans  l'Ordre  (z) , 
ni  perfonne  d'un  Ordre  étranger.  On  n'y  admettra  même 
aucun  féculier  au-deflbus  de  vingt  ans.  On  gardera  le  filen- 
ce  dans  l'Eglife ,  dans  le  cloître  ,  au  réfedoire ,  au  dortoir  , 
&  par-tout ,  &  depuis  Complies  jufqu'au  matin ,  après  le  Ca- 
pitule (/).  Le  foin  du  temporel  fera  confié  aux  Frères  con- 
vers  (m).  Statut  qui,  félon  le  témoignage  de  Jacques  de  Vi- 
try  ,  a  caufé  de  grands  troubles  dans  l'Ordre  de  Grandmont^ 
jufqu'à  le  mettre  à  la  veille  de  fa  ruine  (»).  Les  infirmes  doi- 
vent être  foulages  avec  tant  de  foin  ,  qu'il  efl:  ordonné  de 
vendre  les  ornemens  de  l'Eglife  ,  fi  l'on  ne  peut  autrement 
leur  procurer  les  chofes  nccefi!aires  ;  néanmoins  faint  Etienne 
leur  interdit  ,  de  même  qu'à  ceux  qui  fe  portent  bien  (  o  )  , 
l'ufage  de  la  viande ,  tant  des  quadrupèdes  que  des  volailles. 
Dans  les  changemens  que  le  Pape  Innocent  IV.  a  faits  dans 
la  Règle  de  ce  Fondateur ,  il  a  excepté  les  malades  de  la  dé- 
fenfe de  manger  de  la  viande. 

XV.  La  Règle  permet  deux  repas  depuis  Pâques  jufqu'à 
TExaltation  de  la  fainte  Croix ,  l'un  après  Sexte  (p)  ,  l'autre 


( e)  Cap. f. 
(/J  C^p.  6.  7.  9. 
(g)Cap.  13. 
(h)  Cap.   15. 
(i)Cap.  39.  40. 
H)  Cap.  47. 


{mi)  Cap.  f  4. 

(n)  Maeill.  lu,  6^<  Annal.  ».  113. 
pag,  loi. 

(o)Cap.  ^6. 
(p)  C<.;.  57. 

après 


INSTITUTEUR  DE  GRANDMONT.  Ch.  III.   75 

après  les  Vêpres  ;  mais  clic  prcfcric  un  jeûne  perpétuel  depuis 
l'Exaltarion  de  la  lainte  Croix  jufqu  à  Pâques  ,  excepte  les 
Dimanches  &  le  jour  de  Nocl  ;  avec  cette  différence  que  de- 
puis l'Exalcation  julqu'au  Carême  la  réfe£lion  fe  prenoic  après 
Nonc  ,  &  qu'au  Carême  on  ne  mangeoic  qu'après  Vêpres. 
Depuis  la  Toulliiinc  jufqu'à  Nocl  l'abïtincnce  croit  la  même 
pour  les  alimens  qu'en  Carême  ;  dans  les  autres  jeûnes  il  étoic 
permis  de  manger  des  œufs  &  du  fromage. 

XVI.  Lorfqu'il  s'agiflbit  de  1  élection  (q)  du  Prieur  de 
Grandmont,  deux  Religieux  de  chaque  Monaftere  de  l'Or- 
dre fc  rendoient  au  lieu  de  l'cledion  ;  on  choififToit  douze 
d'entr'eux  ,  fix  Clercs  &  fix  Convers  pour  élire  le  Prieur, 
ou  le  Pafteur  ,  c'efl:  ainfi  que  la  Règle  le  nomme  ;  &  celui  fur 
qui  tomboicnt  leurs  futfragcs,  étoit  élu  légitimement.  L'Elu 
devoir  être  de  l'Ordre  ;  &  le  nombre  des  Ele£leurs  étoit  fixé 
à  douze.  Les  Souverains  Pontifes  ont  fouvent  apporté  des 
modifications  à  la  Règle  de  Saint  Etienne  :  elle  fut  impri- 
mée à  Dijon  chez  Pierre  Palliot,  en  1^45.  in- 12.  à  Paris, 
chez  Jean  Paflé ,  en  16^0.  in-i8.  avec  les  Maximes  de  faine 
Etienne  ,  fcs  Sentences  recueillies  par  fes  Difciples  ,  les 
Statuts  du  Chapitre  général  de  l'Ordre ,  tenu  en  1 643  ,  & 
l'Office  de  ce  Saint.  Il  y  a  encore  une  Edition  de  la  même 
Règle  à  Rouen  ,  chez  Euftache  Viret,  en  1671.  in- 12.  Les* 
Maximes  ont  été  traduites  en  françois  par  M.  Baillet,  & 
imprimées  deux  fois  en  cette  langue  ;  la  première  ,  en  1704. 
chez  Auguftin  Le  Mercier  ,  &  la  Veuve  Jean  de  Saint- 
Aubin  ;  la  féconde  ,  en  1707  ,  chez  Jacques  Vincent  , 
in-i  2. 

XVII.  Les  Maximes  de  faint  Etienne  de  Muret  font  tel-  Maximes  & 
lement  propres  à  fes  Difciples  ,  que  tous  les  Fidèles  peuvent  Sentences  de 
y  puifcr  des  infl:ru£lions  falutaires.  On  croit  qu'elles  furent 
recueillies  par  Hugues  de  Lacerta  (  r  )  ,  le  plus  célèbre  de  fes 
Difciples ,  &:  qui  étoit  prefque  toujours  auprès  de  lui.  Ces 
Maximes  font  folides ,  &  propofées  la  plupart  avec  agré- 
ment ;  d'où  l'on  peut  juger  du  cara£lere  d'elprit  de  leur  Au- 
teur. Nous  en  rapporterons  quelques-unes  pour  l'édification 

des  Ledeurs.  Saint  Etienne  de  Muret  (s)  difoit  à  ceux  qui 


<  r  )  Marten.  Tom.  6.  amplrJJ",  ColleB.  \      (ij  Lib,  Sent,  cap.  i, 

TomeXXUU  K 


74  SAINT   ETIENNE  DE   MURET, 

demandoient  de  vivre  fous  fa  difcipline:  Comment  pourrez- 
vous  porter  le  fardeau  donc  vous  voulez  vous  charger  î  Re- 
gardez la  croix  ,  &  penfez  combien  il  efl  difficile  d'y  de- 
meurer long-tems  attaché  :  c'eft  néanmoins  à  la  croix  que 
vous  ferez  attaché ,  li  vous  entrez  dans  ce  Monaftere  i  vous 
perdrez  le  domaine  de  vous-même  dans  l'ufage  de  tous  vos 
membres  ;  ce  que  vous  aimiez  dans  le  fiécle  deviendra  pour 
vous  un  objet  de  haine  ;  enfermé  dans  une  prifon  qui  n'a  au- 
cune ouverture  pour  en  fortir  ,  vous  ne  pourrez  retourner 
dans  le  monde  que  par  la  brèche  que  vous  y  ferez  vous- 
même.  Un  Religieux  content  de  ce  qui  lui  eft  utile  yit  dans 
le  repos  &  dans  la  paix  (?)  ;  s'il  recherche  ce  qui  ne  lui  efl: 
pas  expédient  ,  il  tombe  dans  le  trouble  &  l'agitation.  La 
première  tentation  d'un  Novice  regarde  fa  vocation  ;  étant 
dans  le  fiécle  (k)  il  penfoit  avantagcufement  de  la  Religion 
à  laquelle  il  fe  fentoit  appelle  ;  le  Démon  commence  par  l'en 
dégoûter  ,  ou  pour  le  faire  forcir  de  l'état  qu'il  avoit  d'abord 
embraffé,  il  lui  en  propofe  de  plus  parfaits  (x).  S.  Etienne 
confeille  à  ceux  qui  font  tentés  de  cette  manière  ou  d'au- 
tre ,  d'oppofer  aux   follicitations  du  Démon  les  inftru£lions 
qu'ils  ont  reçues  de  leur  Supérieur ,  &  de  s'en  fervir  comme 
d'un  bouclier  ,  de  combattre  les  fentimens  de  vanité  par  une 
dilcuflîon  férieufe  (jy)  des  peines  que  méritent  les  mauvai- 
fes  avions  de  la  vie  ;  l'envie  de  commander  aux  autres  , 
par  la  confidération  de  fon  incapacité  ,  &  des  dangers  du 
gouvernement  (z). 

XVIII.  Il  traite  de  la  fcience  néceflaire  dans  le  fervice  de 
Dieu  (a)  ,  afin  qu'on  ne  le  ferve  qu'en  la  manière  qu'il  veut 
être  fervi  ;  8c  dit  que  Dieu  donne  lui  -  même  à  l'homme  fi- 
dèle les  moyens  de  l'aimer  comme  il  doit  être  aimé.  Il  fait 
remarquer  la  miféricorde  de  Dieu  envers  celui  qui  entre  en 
Religion  (  Z»  )  ,  en  ce  qu'il  lui  fait  trouver  doux  ce  qui  lui 
paroiffoit  d'abord  difficile  à  fupporter  ;  &  fon  amour  en  gé- 
néral envers  les  hommes  ,  en  ce  qu'il  prend  pour  lui  -  même 
le  bien  que  nous  faifons  à  notre  Prochain  ,  comme  il  fe  fâ- 
che contre  nous  du  mal  que  nous  faifons  aux  autres.  Par  le 


il)  Cap.  2.  j      (i.')C^p.9. 

(n)  Cap.   j.  I      C")  Crtp.  lo. 

{x)Cap.6.  {       (é}C»/.  lî. 


INSTITUTEUR  DE  GRANDMONT.  Ch.  III.  75 
centuple  promis  dans  l'Evangile  (c)  à  ceux  qui  quittent  le 
fiécle  pour  s'attacher  à  Dieu  ,  il  entend  la  vidloire  qu'il  leur 
accorde  fur  les  tentations  ,  celles  dont  il  les  prcfcrve ,  de 

f)eur  qu'ils  n'en  foient  accables  (d)  ,  la  joie  que  leur  caufe 
a  vi£loire  qu'ils  ont  remportée  lur  l'ennemi  ,  la  confiance 
qu'il  leur  donne  de  leur  ialut.  Il  enfeigne  qu'il  n'y  a  que  l'a- 
mour de  Dieu  qui  puilFe  remplir  la  capacité  de  notre  cœur, 
parce  qu'il  en  bannit  la  cupidité  (e)  ;  qu'ainfi  nous  ne  de- 
vons rien  aimer  de  tout  notre  cœur  ,  que  Dieu  feul  ;  que  la 
caufe  de  la  damnation  de  l'homme  vient  de  ce  qu'il  écoute 
plutôt  les  mauvais  confeils  du  Démon ,  que  les  commande- 
mens  du  Seigneur  (/)  ;  que  l'imprefllon  de  l'amour  divin 
faifant  méprifer  aux  Juftes  ce  qu'ils  ont  de  plus  cher  dans  le 
monde  ,  on  doit  croire  que  dans  le  Ciel  ils  n'ont  aucune 
compaffion  pour  les  damnés  ;  qu'il  eft  utile  aux  Juftes  ,  lorf- 
qu'ils  font  des  bonnes  œuvres  (g)  j  de  fciire  attention  aux 
fautes  qu'ils  ont  faites  ,  afin  que  par  des  fentimens  d'humi- 
lité ils  confervent  les  avantages  de  la  vertu  ;  qu'un  moyen 
de  s'empêcher  de  cenfurer  la  conduite  des  autres  (h)  ,  ed 
de  faire  attention  aux  fautes  que  l'on  fait  foi-même  ,  foit  en 
penfées,  foit  en  paroles,  foit  en  adions  (i);  qu'un  Eccléfiaftiquc 
qui  fe  propofe  de  faire  le  pèlerinage  de  Jérulalem ,  ou  de 
quelque  autre  lieu  ,  doit  penfer  auparavant  de  partir  à  faire 
dans  fon  Eglife  tout  ce  qu'il  lui  doit ,  foit  en  oblations ,  foie 
en  autres  bonnes  œuvres  ,  &  s'en  acquitter  (  /  )  j  qu'il  y  a  de 
la  vanité  de  choifir  fa  fépukure  ailleurs  que  dans  fon  Ci- 
metière propre  ;  qu'il  efl:  de  la  perfedion  de  prévenir  celui 
qui  nous  a  oflfenfé ,  à  l'imitation  de  Jefus  -  Chrift  qui  a  prié 
pour  ceux  qui  le  crucifioient  avant  qu'ils  lui  en  demandalTent 
pardon  (m). 

XIX.  Un  des  Difciples  de  faint  Etienne  (»)  lui  ayant  de- 
mandé pourquoi  Dieu  avoit  permis  aux  Ifraélites  d'emprun- 
ter &  d'emporter  les  tréfors  des  Egyptiens ,  il  répondit  qu'en 
cela  Dieu  avoit  agi  avec  équité ,  parce  que  les  Egyptiens  , 
non-feulement  n'avoienc  donné  aucun  falaire  aux  Ifraélites 


(  f  )  Cap,  I J-. 

(d)  Ctp.  16. 

(e)  Cap.  19. 
(/)  Cap.it. 
(i)  Cap.xi, 


{h)  Cap.  3J. 

{i)Cap.  34. 
(/)  C/i;.47.  48» 
(in)  Cap,  04, 
(»)  Cap.  99. 


Kij 


7^  SAINT  ETIENNE  DE  MURET  , 

pour  leurs  (ervices  &  leurs  travaux ,  mais  qu'ils  les  avoient 
encore  traites  avec  dureté.  Il  répondit  à  un  autre  qui  lui  dc- 
mandoit  comment  il  faut  fe  tenir  pendant  la  prière  (  o  )  , 
que  l'on  doit  y  prendre  la  pofture  dans  laquelle  on  croit  être 
plus  agréable  à  Dieu  ;  fur  quoi  il  rapporte  l'exemple  de  Moy- 
îe  ,  qui  pria  les  bras  étendus  vers  le  ciel ,  &  de  Marie-Mag- 
deleine  qui  pria  Jefus  -  Chrift  en  fe  jettant  à  fes  pieds. 
Il  préfère  le  chant  des  Pfeaumes  &  des  Cantiques  à  la  priè- 
re (  p  )  ,  parce  qu'en  chantant  les  Pfeaumes  on  imite  fur  la 
terre  ce  que  les  Anges  font  dans  le  Ciel.  Il  regarde  la  prière 
faite  aux  Saints  {q) ,  comme  faite  à  Dieu  même ,  &  dit  que 
Dieu  la  recevant ,  fait  connoître  aux  Saints  cette  prière  ,  & 
que  c'efl:  à  caufe  d'eux  qu'il  fait  miféricorde  à  celui  qui  les  in- 
voque. Le  Recueil  des  Sentences  de  faint  Etienne  finit  par 
une  inftru6lion  fur  les  dixmes,  où ,  après  avoir  montré  com- 
ment Dieu  donne  l'accroiflemcnt  à  la  femence  que  le  Labou- 
reur jette  fur  la  terre  ,  il  div  qu'il  ne  peut  fans  injullice  ne  pas  en 
payer  la  dixme  à  fes  Minifli  es. 

XX.  Il  y  a  encore  quelques  autres  Maximes  (  r)  de  faine 
Etienne  de  Muret  dans  la  Vie  qu'en  a  compofée  Etienne 
de  Lifiac  ,  quatrième  Prieur  de  Grandmont ,  en  i  i^p  ,  & 
imprimée  dans  le  fixiéme  Tome  de  la  grande  Colle£lion  de 
Dom  Martenne  ;  mais  quelques-unes  de  ces  Maximes  font  à 
peu  près  les  mêmes  que  celles  de  la  CoUeftion  de  Hugues  de 
Lacerta ,  les  autres  font  différentes.  Il  étoit  de  fentiment  que 
l'on  devoit  donner  du  fouiagement  aux  femmes  publiques  , 
&  aux  gens  de  Théâtre  (s)  ,  dans  leurs  befoins  corporels  , 
afin  d'en  prendre  occafion  de  les  rappeller  aux  foins  de  leur 
falur.  Si  nous  recevons ,  difoit-il ,  le  pécheur  avec  des  paro- 
les dures,  lorfqu'il  s'adreffe  à  nous,  il  en  fera  plus  attaché  à 
fon  péché  ,  penfant  que  Dieu  efl  un  cruel  ;  au  lieu  qu'en  lui 
procurant  d'abord  les  befoins  du  corps ,  il  écoutera  plus  vo- 
lontiers ce  que  nous  lui  dirons  pour  le  falut  de  fon  ame.  II 
répondoit  à  ceux  qui  lui  propofoient  des  Confrairies  {  t)  , 
lavec  obligation  de  prier  pour  ceux  qui  lui  donnoient  du 
bien,  que  c'étoit  vendre  ,  pour  ainfi  dire,  l'Office  divin,  & 


(o)  Cap.  102. 

(/>)  Cap.  104.  loy. 

(î)C.~.  iij. 

(r)  Mart£m.  Tm.  6.  nmpliff.  ColteS, 


p.  '04?. 

(s)  Pag.  II  22, 

(0   P"^.  IliJ. 


INSTITUTEUR  DE  GRANDMONT.  Ch.  III.  77 

ctrc  mercenaire ,  que  de  prier  lorfqu'on  donne  quelque  cho- 
f c  ,  &  de  cefler  de  prier  lorlqu'on  ne  donne  rien.  11  n'ctoic 
donc  point  d'avis  d  ajouter  d'autres  prières  à  celles  que  lui  &: 
les  Dilciples  failoient  chaque  jour  ;  &  quoiqu'elles  leur  fuf- 
fent  particulières ,  il  les  regardoit  comme  étant  communes  à 
tous  les  hommes. 

XXI.  Dom  Martenne  («)  a  fait  encore  imprimer  dans  „ 
le  cinquième  Tome  de  fes  Anecdotes  un  Livre  intitulé  ;  des  Novices"' 
Dodlrine  ou  lnJlru5lîon  des  Novices  de  POrdre  de  Grandmom  ; 
mais  on  ne  peut  l'attribuer  à  S.  Etienne  de  Muret ,  ni  à  aucun 
de  l'es  premiers  Difciples  ,  puifque  dans  le  premier  Chapitre  le 
Supérieur  de  l'Ordre  efl:  appelle  Abbé  ;  titre  que  les  Grand- 
montains  ne  fe  font  donnés  que  fous  le  Pontificat  de  Jean 
XXII,  au  lieu  qu'auparavant  ils  ne  donnoient  à  leur  Supé- 
rieur Général  que  le  nom  de  Prieur.  Le  premier  qui  a  pris 
la  qualité  d'Abbé  eft  Guillaume  Pellicier*,  en  13  17.  Dom 
Martenne  le  regarde  comme  Auteur  de  l'Ouvrage  dont  nous 
parlons ,  foit  à  caufe  du  grand  zélé  qu'il  avoit  pour  la  Reli- 
gion ,  foit  parce  que  le  plus  ancien  manufcrit  de  cette  In- 
firudion  pour  les  Novices  efl  d'un  caradere  uflté  dans  le 
tems  auquel  Guillaume  Pellicier  étoit  Abbé.  Le  Livre  efl  di- 
vifé  en  dix-fept  Chapitres  ,  où  l'on  peut  apprendre  quels 
étoient  alors  les  ufages  de  l'Ordre  de  Grandmont.  La  for- 
mule du  Confiteor  efl  marquée  au  troilléme  Chapitre  en  ces 
termes  :  Confiteor  Deo  &  Beata  Maria  ,  &  Angelis  Dei , 
&  San5lo  Stéphane  ,  Confejfori  y  &  omnibus  Sandiis ,  &  tibi  , 
Fater ,  &c. 


(«)  Marien.  Tom,  j,  Anetdot.f.  1813, 


4A^ 


78       PIERRE,  DIACRE  ET  BIBLIOTHEC. 

CHAPITRE      IV. 

Pierre  ,  Diacre  &  Bibliothécaire  de  Mont-Cajfin. 

Pierre, Dîa-I»  T^T  E  à  Rome  d'une  famille  Patricienne  {a)  ,  il  fut  of- 

cre.  Ses  coin-      J^  \|  fert  par  fes  parens  à  faint  Benoît  dès  l'âge  de  cinq  ans 

^w"nr"'    en  1 1 1  ç.  Girard ,  alors  Abbé  de  Mont-Caflin ,  le  fie  élever 

fous  fes  yeux  pendant  huit  ans.  Pierre  en  âge  de  cultiver 

les  belles  Lettres  ,  s'y  appliqua  avec  fuccès  :  il  ne  fit  pas  moins 

de  progrès  dans  l'étude  de  l'Ecriture  fainte ,  de  la  Théologie, 

&  de  l'Hiftoire  facrée  &  profane. 

11  eft  envoyé     H.  Qderife  ,  SuccefTcur  de  l'Abbé  Girard  ,  ayant  été  dé- 

Tii8^'  *  ^"  P°^^  P'^'^  ordre  du  Pape  Honorius  II ,  dont  il  avoit  encouru 

l'indignation  pour  lui  avoir  rcfufé l'hofpitalité  {b)  avant  fon 

élévation  fur  le  Saint  Siège ,  fut  obligé  de  quitter  le  Mont- 

Caflin ,  &  l'on  mit  à  fa  place  Seignorct ,  dortt  l'éledionlui  fut 

fi  agréable ,  qu'il  voulut  le  bénir  lui-même  :  foit  que  Pierre 

lui  eût  refufé  fon  fuffrage ,  ou  qu'il  fût  trop  attaché  à  Ode- 

rife ,  on  l'obligea  de  fortir  de  Monr-Caffin  n'étant  âgé  que 

de  a  I  ans  :  c'étoit  en  1 1 17  ou  1 1 28.  Ptolemée ,  fon  oncle  , 

mit  cet  exil  fur  le  compte  de  l'Abbé  Seignorct  {c).  II  offrira 

fon  neveu  de  le  recevoir  chez  lui  avec  l'Abbé  Oderife  ,  &  de 

les  mettre  en  pofl'efilon  de  toutes  les  Bafiliques  dépendantes 

de  Mont-CafiTin. 

Il  revient  à      HI.  Pierre  y  étoit  de  retour  en  1 1 37  ,  lorfque  l'Abbé  Ray- 

Mont-CafTin.  ^^|j  ^^^  ^^j^.^  ^  j^  ,^  ^^^^  j^  l'Empereur  Lothaire  (i),  de 

fe  trouver  à  Melfe  ,  pour  la  Cour  qu'il  devoir  y  tenir  à  la 
faint  Pierre.  Raynald  y  vint  accompagné  de  plufieurs  de  fes 
Mcines  ,  du  nombre  defqucis  étoit  Pierre,  Diacre  ,  que  ce 
Prince  avoit  demandé  nommément.  Il  étoit  quefiion  d'exa- 
miner l'eleftion  de  Raynald ,  dont  le  Pape  Innocent  II  con- 
teltoit  la  canonicité ,  parce  qu'elle  s'étoit  faite  dans  le  tems 


(4)  Petr.  de  Viris  illujl.  CaJBn.  cap.  j       (c)  Ma  Bill.  Ibid.  Lib.  7y.  ».  4. 
'47.  I      (d)  ChronicCaJJin.Lib,  4.  cap,  I08< 

(l>)  MABiit.  Lih  4, Annal,  n,  147.       '  ^  feq.' 


DE    MONT-CASSIN.  Ch.  IV.  7p 

que  Ra  ynald  &  les  Moines  de  Mont  -  Caffin  adhcroient  au 
fchifme  de  Pierre  de  Léon. 

IV.  L'Empereur  Lothaire  avoit  bien  voulu  fe  rendre  Ar-    il  eftchoifi 
bitre ,  ou  plutôt  Médiateur ,  entre  le  Pape  &  la  Communauté  pf 'i<^f^"'ire 

!«-/-•         /Y- n  1       T»        -  n  »         •!  >  '^^   droits   de 

de  Mont-Caflin.  Il  le  ht  aflilter  du  Patriarche  d  Ac^uilee  &  Mom-Caffin. 
de  plulieurs  Evcques.  Le  Pape  nomma  pour  la  defenl'e  le 
Chancelier  Aimeric  ,  trois  autres  Cardinaux  ,  &  l'aint  Ber- 
nard. Henri,  Duc  de  Suabe  ,  &  plufieurs  autres  grands  Sei- 
gneurs,  prirent  le  parti  des  Moines  de  Mont-Caflin  ;  & 
ceux-ci  choiiirent  Pierre  ,  Diacre  ,  pour  défendre  leur  caufe: 
elle  occupa  cinq  féances ,  pendant  lefquelles  Pierre  répondit 
aux  difficultés  que  le  Cardinal  Gérard  forma  fur  l'élection 
de  l'Abbé  Raynald.  Les  principales  étoient  (e) ,  que  les  Moi- 
nes de  CafTin  avoicnt  abandonné  !e  Pape  Innocent  pour  ad- 
hérer à  l'Antipape  Pierre  de  Léon  ,  &  que  l'éleftion  de  Ray- 
nald s'étoit  faite  fans  le  confentemenc  du  Pape.  Pierre  ré- 
pondit ,  qu'ils  ne  s'étoient  point  féparés  du  Pape  Innocent, 
mais  qu'il  les  avoit  abandonnés  lui-même  ,  en  le  iauvant  en 
France  ;  qu'à  l'égard  de  l'élettion  de  leur  Abbé  ,  elle  devoir 
fe  faire  librement  ,  félon  la  Règle  de  faint  Benoît.  Il  cita 
quantité  d'éle£tions  auxquelles  le  Pape  n  avoit  concouru  ,  ni 
par  lui-même ,  ni  par  Député.  Pierre  défendit  les  droits  de 
Ion  Monaftere  avec  tant  de  fuffifance ,  que  l'Empereur  Lothai- 
re le  prit  à  fon  fervice. 

V.  Ce  Prince  ,  pendant  l'entre-tems  de  ces  féances ,  avoit    RécondlJa- 
fouvent  prcffé  le  Pape  Innocent  de  pardonner  aux  Moines  "°",'^"J''°'' 
&  à  l'Abbé  de  Mont-Cafîin  (/).  Ses  infiances  eurent  leurcaflln.        ^ 
effet.  Le  Pape  leur  pardonna  ;  &  après  qu'ils  lui  eurent  pro- 
mis obéiffance  &  à  les  Succefleurs ,  il  leur  rendit  fa  commu- 
nion ,  &  les  reçut  au  baifer  de  paix. 

VI.  Vers  le  même  tems  ,  c'eft-à-dire  l'an  1137,  avant     Difpute  ds 
le  mois  de  Septembre,  arrivèrent  des  Ambafladeurs  de  Jean P'fre.Diacre, 
Comnene,  Empereur  de  Conftantinople  (g)  ,  po"^  féliciter  j^f^^^J^gQ^è'J^ 
Lothaire  de  fa  victoire  contre  Roger  ,  Roi  de  Sicile.  L'un 
d'entr'eux  ,  qui  étoit  Philofophe  ,  fe  répandit  en  inventives 

contre  le  Saint  Siège  &  toute  l'Eglife  d'Occident.  I!  difoit 
que  le  Pape  étoit  moins  un  Evêque  qu'un  Empereur  ;  lui  re- 


O)  ChronU,  Caffin.  f <i/>.  1 1  o.  1 1 1 , 1 1 1 .  I      (  f  )  Il'iJ.  cap.  1 1  f. 
lij,  114.  i      (^)  Uid.  cap.  ii$. 


8o  PIERRE  ,  DIACRE  ET  BIBLIOTHKC.  ^ 
prochoit  &  aux  Evêques  d'aller  à  la  guerre ,  &  de  fe  vêtîr  de 
pourpre.  Il  traitoit  les  Clercs  de  l'Eglife  Romaine  d'excom- 
muniés &  d'azymites  ,  &  faifoic  un  crime  à  tous  les  Latins 
d'avoir  ajouté  au  Symbole  la  particule  Filioque.  Pierre ,  Dia- 
cre ,  s'éleva  contre  ce  Philofophe.  L'empereur  Lothaire  leur 
ordonna  de  difputer  enfemblc  devant  lui.  La  difpute  com- 
mença de  grand  matin  ,  «&  ne  finit  cfue  le  foir  {h).  Au  re- 
proche que  le  Grec  faifoit  aux  Latins  d'avoir  contrevenu  au 
Symbole  de  Nicée  ,  en  y  ajoutant  que  le  Saint-Efprit  pro- 
cède du  Père  &  du  Fils ,  Pierre  répondit  :  Si  vous  nous  dites 
excommuniés  pour  avoir  fait  cette  addition ,  vous  êtes  donc 
auffi  excommuniés ,  vous  qui  y  avez  ajouté  que  le  Saint-Ef- 
prit procède  du  Père  feul.  Ce  Grec  ne  répliqua  rien  ;  mais 
il  eut  foin  de  mettre  par  écrit  tout  ce  qui  s'étoit  dit  de 
part  &  d'autre  dans  cette  difpute ,  &  de  l'envoyer  à  l'Empe- 
reur &  au  Patriarche.  Il  donna  aufli  par  écrit  à  Pierre  ,  Dia- 
cre ,  les  autorités  fur  lefquelles  on  fe  fondoit  dans  l'Eglife 
Grecque  pour  permettre  le  mariage  aux  Prêtres.  Lothaire  ex- 
trêmement content  des  réponfes  de  Pierre  ,  Diacre  (  /  )  ,  le 
lit  fon  Secrétaire  ,  fon  Auditeur ,  &  Chapelain  de  l'Empire 
Romain.  On  ne  fçait  s'il  rédigea  par  écrit  fa  difpute  avec  le 
Philofophe  Grec  ,  mJs  il  ne  s'en  trouve  rien  dans  le  Cata- 
logue de  fes  Ouvrages.  Il  y  eft  fait  mention  de  ce  qu'il  dit  en 
préfence  de  l'Empereur  Lothaire  pour  la  défenfe  des  droits 
de  Mont-CafTin  (/). 
Pîerre  ac-  VII.  Pierre  obtint  de  ce  Prince  la  liberté  d'y  retourner 
«etnpagne  pour  quinze  jours  (?«)  :  enfuite  il  eut  ordre  de  revenir  à  la 
i'Empeteur,  Qq^^^  Lothaire  fongeoit  même  à  l'emmener  avec  lui  en  Alle- 
magne ,  &  lui  avoir  déjà  ordonné  de  prendre  les  devans  pour 
des  affaires  de  l'Empire  ;  mais  l'Abbé  Wibald  ou  Guibald , 
qui  venoit  d'être  élu  à  la  place  de  Raynald  ,  fit  fi  bien  valoir 
le  befoin  qu'il  avoit  de  Pierre ,  Diacre  ,  dans  le  gouverne- 
ment de  Mont-CafTin  ,  que  l'Empereur  le  lui  laifla.  Wibald 
eut  lui-même  le  deffein  d'envoyer  Pierre  en  Allemagne ,  en 
Saxe,  en  Lorraine  (k)  ,  &  en  quelques  Provinces  du  Nord  ; 
mais  on  ne  fçait  s'il  l'exécuta.  On  croit  que  Pierre ,  Dia- 


(h)  Ihid.   citp.  II*. 
(  (  )   Ibid.  6"  in  notis  ad  Litter.  B, 
(/)  P£TR.  De  Virisiliufi,  Caffin.  (ap. 

47- 


(m)  Chronic.  Ci:ffu),  cap,  1 1 8.  l ip.  i îo, 
lïl.  I  li.  12  j.  izf . 

(»)  Guibald.  Epifl,  l.  tom,  i,  ampliff, 
Colleil.  p.    iSj. 

cre , 


DE   MONT-CASSIN.  Ch.  IV.  8i* 

cre(o),  vécut  jufques  fous  le  Pontificat  d'Alexandre  III  , 
élu  Pape  le  leptiéme  de  Septembre  11^9,  qui  le  pourvut  de 
l'Abbaye  de  Vcnoufe  après  la  mort  de  l'Abbé  Gilles. 

VIII.  Pierre  ,  Diacre,  voyant  que  iaint  Jérôme  ,  Gen-Ses  Fcrits. 
nade ,  Ifidore  (/>)  &  quelques  autres,  s'étoient  appliqués  à^^J|||^su^''^^' 
faire  connoîrre  à  la  poflérité  ceux  que  leur  fçavoir  avoir  i^nres  de 
rendu  rccommandables  ,  forma  le  defTcin  de  donner  le  Ca-  Mom-CafTin, 
talogue  de  tous  les  Ecrivains  de  l'Abbaye  de  Mont-CaflTin  , 
avec  un  précis  de  leur  vie  ,  &  la  liflc  de  leurs  Ecrits.  Guy, 
fon  Maître, homme  de  lettres  &  de  mœurs  très-pures  ,  avoit 
travaillé  fur  la  même  matière  quelques  années  auparavant  : 
mais  la  difficulté  de  l'entreprife  la  lui  fit  abandonner.  Pierre 
n'en  fut  point  effrayé,  &  quoiqu'il  fe  crût  beaucoup  au- dcf- 
fous  de  fon  Maître  pour  la  beauté  du  langage  &  la  folidité 
du  jugement ,  il  fe  mit  à  l'ouvrage.  Il  efl:  compofé  de  qua- 
rante-quatre Chapitres  ,  dont  le  premier  traite  de  faint  Be- 
noît, de  fa  Règle  ,  &  de  deux  Lettres  qui  portent  fon  nom, 
Tune  à  faint  Rémi ,  Archevêque  de  Reims  ,  l'autre  à  faint 
Maur  fon  Difciple  ,  qu'il  avoit  envoyé  dans  les  Gaules.  Le 
dernier  regarde  Rainald,  Soûdiacre  de  Mont-CafTin  ,  Poète 
célèbre  de  fon  tems.  On  y  a  ajouté  trois  autres  Chapitres  , 
où  il  cft  parlé  des  Ecrits  de  Gélafe  II ,  Pape  ,  &  auparavant 
Moine  de  Mont-Caflîn  ;  de  Jean  Tiburtin ,  &  de  Pierre  , 
Diacre  :  ce  Chapitre  contient  le  dénombrement  de  fes  Ou- 
vrages. Ce  Traité ,  qui  cft:  intitulé  :  Des  Hjmmes  illujires  de 
Mont  -  Cafftn  ,  a  été  enrichi  de  longues  &  fçavantes  notes 
par  Jean-Baptifl:e  Mari,  Chanoine  de  Rome,  Se  imprimé 
en  cette  Ville  en  165  5  ,  in-S".  à  Paris  en  la  même  forme  l'an 
1666  ;  au  vingt-unième  Tome  de  la  Bibliothèque  des  Pères , 
à  Lyon  ,  en  i6jj  ;  dans  la  Bibliothèque  Eccléfiaftique  de 
Fabritius,  à  Hambourg  en  17 18.  in-fol.  au  fixiéme  Tome 
des  Ecrivains   d'Italie  ,  de  Muratori ,  &  au  neuvième  de 
Burmann.  Il  cft:  fuivi  dans  ces  Editions  du  Supplément  de 
Dom  Placide,  auiïi  Diacre  de  Mont-Caflîn  ,  en  trente-un 
Articles  ou  Chapitres,  qui  conduifent  l'Hiftoire  desSçavans 
de  cette  Abbaye  jufqu'en    i  584,  qui  fut  l'an  de  la  mort  de 
Grégoire  Corcefe,  le  dernier  de  ceux  dont  il  eft  parlé  dans  ce 
Supplément. 


(fl)  Mabili.  hih.  7f.  Annal,  ««w.  J       (/>)  Petr..  De  Viris  illuft.  CaJ]ln,  im 

Tome  XXllU  L 


82        PIERRE  ,  DIACRE    ET  BIBLIOTHEC. 

Chroniquede  IX.  Léon  de  Mariic  ,  Moine  de  Moni-CaflTin  ,  &  de- 
DiTûhéffur  P"^^  ^^^'^'"^^  Evêquc  d'Oftie  ,  avok  d'abord  été  chargé 
quelques  (Jha- par  Odcrifc ,  Abbé  de  ce  Monaftere  ,  l'an  1087  >  d'écrire 
pitres.  Ja  vie  de  Didier  ,  l'un  de  fes  PrédécefTeurs  ,  plus  connu  fous 

le  nom  de  Vi6tor  III.  Pape  ;  Oderife  lui  ordonna  depuis  de 
donner  la  vie  de  tous  les  Abbés  de  Monc-CafTin ,  à  com- 
mencer par  faint  Benoît  jufqu'à  Didier.  Léon  obéit ,  &  dé- 
dia l'Ouvrage  à  celui  qui  le  lui  avoit  commandé.  Il  trouva 
des  fecours  dans  les  Archives  de  l'Abbaye,  fur -tout  dans 
une  Chronique  de  l'Abbé  Jean  ,  dans  l'Hifloire  des  Lom- 
bards ,  des  Empereurs  Romains ,  des  Papes ,  &  dans  divers 
Diplômes  des  conceiïions  &  privilèges  accordés  au  Mont- 
Caffin.  L'Ouvrage  a  pour  titre  :  Chronique  de  Mont-Coffm  j 
les  trois  premiers  Livres  font  de  Léon  d'Oflie  ,  &  fîniflent 
à  la  mort  de  l'Abbé  Didier,  ou  Vidor  III.  en  1087.  Pierre, 
Diacre  ,  y  en  ajouta  un  quatrième ,  qui  commence  à  l'Abbé 
Oderife,  en  1087 ,  &  finit  à  la  mort  de  Rainald  II.  &  à  la 
mort  de  l' Anti-Pape  Anaclet,  en  1138  ;  mais  on  ne  trouve 
point  dans  ce  quatrième  Livre  la  même  exa£titude  ni  la 
même  précifion  que  dans  les  précédens.  Quelques-uns  ont 
foutenu  que  tout  ce  qui  y  efl:  dit  depuis  le  Chapitre  108  juf- 
qu'au  115,  n'étoit  pas  de  Pierre  ,  Diacre ,  mais  une  addi- 
tion faite  à  fa  Chronique  par  quelque  Schifmatique  du  parti 
de  l'Anti-Pape  Anaclet  ;  ils  en  donnent  pour  raifon  ,  qu'il 
eût  été  indigne  de  Pierre ,  Diacre ,  d'avancer  que  l'Empe- 
reur Lothaire  avoit  été  Juge  en  préfence  du  Pape  Innocent 
II.  du  différent  agité  entre  les  Cardinaux  &  les  Moines  de 
Mont-Caffin  ;  que  l'Auteur  confond  faint  Bernard  ,  Abbé 
de  Clairvaux  ,  avec  faint  Norbert ,  difant  que  celui-ci  afllfta 
à  cette  difpute  ,  ce  qui  n'efl:  vrai  que  de  faint  Bernard  ;  enfin 
qu'il  met  cette  conférence  au  mois  de  Juillet  11 38  ,  ce  qui 
eft  abfolument  contraire  à  la  vérité  de  l'Hiftoire  ,  qui  nous 
apprend  que  Lothaire  étoit  mort  fur  la  fin  de  l'année  précé- 
dente. 
Réponfesaux  X.  Mais  il  faut  remarquer  que  Pierre,  Diacre  (q) ,  dans 
difficultés,  le  tems  de  la  difpute  de  fes  Confrères  avec  les  Cardinaux  au 
fujet  de  l'éledion  de  l'Abbé  Rainald  ,  adhéroit  comme  toute 
la  Communauté  de  Mont  -  Caifin  au  parti  de  l'Anti-Pape 


(  j  )  Noth  in  cap,  io8.  Cironic,  Caffin,  liir,  4, 


DE   MONT-CASSIN.  Ch.  IV.  Sî 

Anaclet  i  que  l'Empereur  Lothaire  étant  Médiateur  entre  le 
Pape  Innocent  IL  &  les  Moines  de  ce  Monaftere,  pouvoir 
prélider  à  une  Aflcmblce  convoquée  du  confentement  du 
Pape,  &  juger  ,  aflifté  de  divers  Evêques  ,  d'un  différent 
que  les  deux  Parties  avoient  remis  à  fa  prudence  ;  que  tou- 
tefois ce  Prince  ne  prononça  fur  rien  ,  qu'il  renvoya  tout  au 
Pape,  &  fe  conduifit  plutôt  en  IntercefTeur qu'en  Juge.  S'il 
y  a  faute  pour  l'époque  de  cette  Affemblée,  ce  n'eft  que  dans 
l'Edition  de  Venife  ,  où  il  cft  dit  qu  elle  fe  tint  la  fcptic- 
rae  année  du  Règne  de  Lothaire  ,  au  lieu  que  dans  les 
autres  Editions,  &  dans  le  manufcrit  de  Mont-Caffin,  on 
lit  la  fixiéme.  A  l'égard  de  ce  qui  eft  échappé  à  l'Auteur  de 
la  Chronique ,  de  mettre  Norbert  pour  Bernard  ,  c'eft  une 
faute  d'inadvertance  d'autant  plus  pardonnable  ,  qu'il  la  cor- 
rigeoit  lui-même  en  donnant  à  Norbert  la  qualité  d'Abbé  de 
Clairvaux  ,  qui  ne  convenoit  qu'à  faint  Bernard.  Ce  qu'on 
peut  reprocher  à  Pierre  ,  Diacre ,  dans  la  continuation  de  la 
Chronique  de  Caffin  ,  c'efl:  d'être  trop  prolixe ,  de  charger 
fon  Hiftoire  de  quantité  de  minuties  &  d'inutilités ,  &  fon 
affedation  à  relever  la  noblefTe  de  fa  famille  ,  &  la  confidéra- 
tion  que  les  Grands  du  ficcle  avoient  pour  fon  mérite  &  fon 
fçavoir. 

XL  Au  refte ,  il  a  donné  à  ce  qu'il  raconte  toute  l'autenti-  Editions  Je 
cité  qui  a  dépendu  de  lui  ,  n'ayant  rien  avancé  que  fur  l'au-  ce«e  chroma 
torité  des  Regiftres  des  Papes  Grégoire  VIL  &  fes  Succef- 
feurs ,  &  que  ce  qu'il  avoir  appris  de  l'Abbé  Seignoret  ,  ou 
de  témoins  dignes  de  foi ,  ou  vu  de  fes  propres  yeux  :  c'efl 
ce  qu'il  affure  dans  la  Préface  du  quatrième  Livre  de  fa 
Chonique.  Elle  fut  imprimée  à  Venife  en  1513.  in-4*'.  par 
les  foins  du  Moine  Laurent,  à  Paris  en  i6o-^.  in-fol.  avec 
les  Geftes  des  François ,  par  Aimoin.  L'Edition  cfl:  de  Dom 
Jacques  de  Breuil ,  Moine  de  Saint  Germain  des  Prés  ;  celle 
deNapIes,  en  1616,  eft  de  Matthieu  Lauret ,  Efpagnol , 
Abbé  de  Saint  Sauveur.  On  a  de  lui  une  Diflertation  fur  le 
Monachifme  de  faint  Grégoire  le  Grand ,  &  une  fur  la  tran- 
flation  du  corps  de  faint  Benoît  ,  imprimées  en  la  même 
Ville  en  i6oy.  in-40.  Ange  de  la  Noix ,  cent  trente-fixié- 
me  Abbé  de  Mont-Caffin  ,  ayant  remarqué  plufieurs  omif- 
fions  ,  &  quelques  altérations  du  texte  dans  l'Edition  de 
Lauret ,  en  donna  une  nouvelle  ,  revue  fur  deux  manulcrits, 
qui  parut  à  Paris  en  166$.  in-fol.  avec  des  notes  de  l'Edi- 

Lij 


S4       PIERRE,  DIACRE    ET    BIBLIOTHEC. 

teur ,  la  vie  de  laint  Benoît  tirée  du  fécond  Livre  des  Dia- 
logues de  fainr  Grégoire  ;  un  Poème  en  vers  élégiaques  ,  de 
JVlarc ,  difciple  de  laint  Benoît ,  lur  la  fituation  &  conftru- 
6lion  du  Monaftere  de  Caflin ,  &  plufieurs  autres  pièces  qui 
ont  rapport  à  rHiftoire  de  cette  Maiibn  :  l'Edition  efl  dédiée 
au  Pape  Clément  IX.  En  16^0  on  imprima  à  Rome  un 
Supplément  aux  notes  d'Ange  de  la  Noix  ,  m^is  fans  la 
Chronique  ,  dont  la  dernière  Edition  eft  celle  qui  vit  le  jour 
à  Milan  en  1724.  in -fol.  au  quatrième  Tome  du  Tréfor 
d'Ittlie  de  Muratori,  avec  les  notes  d'Ange  de  la  Noix.  On 
ne  trouve  point  dans  l'Edition  de  Paris  la  Differtation 
d'Ange  de  la  Noix ,  où  il  entreprend  de  montrer  que  le  corps 
de  faint  Benoît  repofe  encore  dans  l'Eglife  de  Mont-Caiïin.: 
auiïi  ne  fut-elle  imprmiée  qu'en  \6-jo  à  Rome  (r) ,  chez  Fabius 
de  Falco. 
rinvèm^°"  f  ^^^*  ^^^""^^  >  Diacre  ,  dans  la  Relation  qu'il  a  faite  de  la 
corps  de  s.  J^^riiere  dont  on  découvrit  à  Mont-Caiïin  le  tombeau  de 
Benoît.  faint  Benoît,  fousl'Abbi  Didier, die  qu'un  nommé  George, 
Maniîonaire  ,  ou  Garde  de  rKgi;e  (5)  ,  propofa  en  l'ab- 
fence  de  cet  Abbé  aux  Religieux  qui  veilloient  la  nuit  au- 
près du  tombeau  de  ce  Saint,  de  l'ouvrir,  &  d'en  regarder 
les  Reliques  ;  que  tous  y  ayant  confcnti,  &  le  tombeau  ou- 
vert ,  ils  y  trouvèrent  l.s  offcmens  de  faint  Benoît  &  de 
fainte  Scholaflique  ;  que  George  emporta  une  dent  du  Saint, 
la  mit  dans  un  vafe  d'argent;  mais  qu'il  fut  aufli-tôt  attaqué 
d'une  douleur  violente  ,  qui  ne  cefla  que  lorfqu'il  eut  remis 
cette  dent  où  il  l'avoit  prife.  li  raconte  beaucoup  d'autres 
miracles  qui  accompagnèrent  l'invention  de  ces  Reliques  ; 
mais  Léond'Oflie,  non-feulement  ne  rapporte  aucun  mira- 
cle (r) ,  il  affure  même  que  l'on  n'ouvrit  point  le  tombeau  de 
S.  Benoît,  de  peur  que  l'on  n'en  prie  quelque chofe.  Il  en  met 
l'invention  au  tems  de  la  conftrudion  d'une  nouvelle  Eglife  à 
Mont-Calîin  par  l'Abbé  Didier,  en  1066. 
Statuts  de  XIII.  C'eft  à  Pierre  ,  Diacre  ,  que  nous  devons  la  con- 
JWont-Cafiin.  noiflance  de  la  difcipline  régulière  qui  s'obfervoit  en  cette 
re°d^"pierr'e  Abbaye  :  ce  qu'il  nous  a  laiité  fur  ce  fujeta  été  imprimé  dans 
Diacre.         le  Recueil  des  Ecrivains  de  l'ancienne  difcipline  raonafti- 


(>•)  Bihlhth.  CiJF».  p.  58.  I  11./).  l!'8. 

(i)  Boj-LAND.  Jtm,  i^^l^lutt,  ad  diem\      («)  CirowtV,  C»jp»,  Lii,  3 .  m/.  »&,;. 


DE  MONT-CASSIN.  Ch.  IV.  ^5 

qae  ,  à  Paris  en  172^.  in-4".  parles  l'oins  de  Dom  Mar- 
quart-Ergott.  Nous  avons  donne  plus  haut  le  précis  de  cette 
Collcdion.  Pierre  nous  apprend  à  la  fin  de  cet  Opulcule  , 
qu'il  avoit  fait  un  Commentaire  fur  la  Règle  de  iaint  Be- 
noît :  on  ne  la  pas  encore  rendu  public.  Le  Cardinal  Bona 
en  a  rapporté  un  fragment  (u)  dans  fon  Traité  de  l'har- 
monie que  TEghie  oblerve  dans  le  chant  desPieaumes. 

XIV.  Pierre  compoia  un  Traité  pour  expliquer  les  figles  .  Traîté  dej 
ou  lettres  c]ui,  fuivant  l'ufage  des  Romains,  fignifioient  un  '^"* 
mot  entier,  comme  celles  ci  :  S.  P.  Q.  R.  Senatus  Populuf- 

que  Romanus.  Il  le  dédia  à  l'Empereur  Conrad.  Nicolas  Chy- 
thrée  l'a  fait  imp  imer  à  Venifc  (a:)  en  152c.  in- 4''.  Il 
fe  trouve  aufTi  dans  la  CoUedion  des  anciens  Grammai- 
riens Latins  à  Hanaw  ,  en  1605  ,  parles  foins  d'Helie  Put- 
fchius. 

XV.  Au  Chapitre  47  des  Hommes  illuftres  de  Mont-   Viedefaint 
Caiïin  ,  où  il  ell  parlé  de  Pierre  ,  Diacre  ,  on  met  au  nom-    ^     * 
bre  de  fes  Ouvrages  la  Vie  de  îaint  Placide  ,   difciple  de 

faint  Benoît.  Nous  en  avons  une  dans  le  premier  Tome  des 
A£tes  des  l'Ordre  ,  mais  elle  y  efl:  fous  le  nom  du  Moine 
Gordien  ;  &  il  y  eft  dit  qu'étant  à  Conflantinople  ,  il  l'écri- 
vit en  Gicc  ,  par  ordre  de  l'Empereur  Juflinien.  Quoique 
Dom  Mabillon  ,  en  la  donnant  au  Public  ,  ne  doutât  pas 
qu'elle  n'eût  été  interpolice  ,  il  laifla  en  tête  le  nom  du  Moi- 
ne Gordien  ,  comme  s'il  en  eût  été  l'Auteur  original  :  il 
changea  depuis  de  fentiment ,  &  dans  les  iroifiéme  &  qua- 
trième Livres  des  Annales  Bénédidines  {y)  il  fait  paffer 
ce  Gordien  pour  un  Ecrivain  fuppolé  ,  &  éloigné  de  plu- 
fieurs  fiécles  du  Moine  Gordien  ,  difciple  &  compagnon  de 
faint  Placide  dans  la  Miiïion  de  Sicile.  En  effet ,  ce  qu'on  lit 
dans  cette  vie,  depuis  le  nombre  cinquième  jufqu'au  quator- 
zième ,  eft  tiré  du  fécond  Livre  des  Dialogues  de  faint  Gré- 
goire le  Grand  ,  mort  trente  -  fept  ans  depuis  le  règne  de 
Juflinien.  Au  nombre  80  il  efl  dit  que  le  Pape  Vigile  con- 
firma par  un  privilège  accordé  à  faint  Benoît  tous  les  biens- 
que  le  Patrice  Tertulle  lui  avoic  donnés  en  Sicile,  &  qu'ils 
lui  furent  confirmés  auffi  par  quarante-neuf  Papes  ,  Succef- 


(»)  Bona  ,  de  hurmon,  Pfal,  Ecclef.eap, 
tz.  n.  2. 


(yi  Mabill.  Li!;.  7.  ^  4.  Annal,  f.  C6, 


S6        PIERRE,  DIACRE  ET  BIBLTOTHEC. 

feurs  de  Vigile  ,  ce  qui  revient  au  Pontificat  de  Jean  VIII. 
mort  au  mois  de  Décembre  l'an  882.  Outre  ces  traits  de 
nouveauté  qui  décèlent  un  Ecrivain  plus  récent  que  le  Moi- 
ne Gordien  ,  Miflionairc  en  Sicile  avec  faint  Placide  ,  on 
trouve  dans  cette  Vie  quantité  de  faits  incertains  &  fabu- 
leux ,  avancés  fur  une  Tradition  vague  &  fans  fondement. 
Ange  de  la  Noix  (z)  ,  Abbé  de  Mont-Caffin   en  1668  , 
les  met  tous  fur  le  compte  de  Pierre  ,  Diacre  ;  &  il  eft  vrai 
qu'il  compofa  une  Vie  de  faint  Placide  ,  &  qu'il  traduifit 
celle  qui  portoit  le  nom  de  Gordien.  Pierre  le  dit  lui-même 
dans  le  Prologue  qu'il  mit  à  la  tête  de  cette  Vie  (  ^2  )  ,  que 
l'on  garde  encore  parmi  les  manufcrits  de  Mont-Caflîn  ,  & 
qui  a  été  donnée  au  Public  par  Dom  Martcnne  :  mais  il  eft 
vifible ,  &  par  ce  Prologue  ,  &  par  le  commencement  &  la 
fin  de  la  Vie  écrite  par  ce  Diacre ,  qu'elle  n'cfl  pas  la  même 
que  celle  qui  a  été  donnée  par  Dom  Mabillon  au  premier 
Tome  des  Ades.  Pierre  auroit-il  interpoUé  celle-ci ,  en  la 
mettant  de  grec  en  latin  ?  Ç'auroit  été  mal  répondre  aux  in- 
tentions de  Grégoire  ,  Evêque  de  Terracine  (b),  qui  avoir 
exigé  de  lui  ce  travail.  Enfuice  du  Prologue  de  Pierre,  Dia- 
cre (c),  Dom  Martenne  a  mis  une  Lettre  d'Etienne  aux 
Moines  de  Mont-CafTin  ,  dans  laquelle  il  fait  mention  des 
Ades  du  martyre  de  faint  Placide  par  le  même  Gordien,  de 
la  traduction  latine  qu'ils  en  auroient  faire  eux-mêmes ,  & 
des  foins  qu'il  s'étoit  donné  à  leurs  prières  pour  mettre  ces 
—    Ades  en  un  meilleur  flyle.  Voilà  donc  une  féconde  Vie  de 
faint  Placide  en  latin,  mais  tirée  des  A6les  grecs  écrits  par  le 
Moine  Gordien.  Eft-ce  la  même  que  Dom  Mabillon  a  publiée  ? 
Eft-elle  différente  ?  C'efl  ce  qu'on  ne  peut  décider  fans  le  fe- 
cours  des  manufcrits. 
Livre  des     XVI.  On  trouve  dans  ceux  de  Mont-Caffin  le  Livre  de 
Lieux  faims.  Pierre  ,  Diacre  ,  intitulé  :  Des  Lieux  faims.  Il  l'écrivit  en 
1137,  &  l'adrefla  à  "Wibald  ou  Guibald  ,  alors  Abbé  de  ce 
Monaflere  ,  &  qui  l'étoit  en  même-tems  de  Stavelo.  Nous 
n'en  avons  que  le  Prologue ,  &  deux  fragmens  inférés  dans 
le  fixiéme  Tome  de  la  grande  Colledion  de  Dom  Martenne 


(  X.)  /»  cap.  3 7.  Vitx  S.  BeneJiSi.  1      (b)  Jbid.  in  Prelog. 

(a)  Marten.  Tom,  6.  amplijf.  Colleû.  1       (  <r  )  Martem.  lèiJ.  fag.  78S. 
f.  7S6.  ^feq.  J 


DE    MONT-CASSIN.  Ch.  TV.  87 

&  de  Dom  Urlln  Durand  (  ci  ).  On  voit  par  le  Prologue  que 
Pierre,  Diacre  ,  compola  cet  Ouvrage  ,  non  lur  ce  qu'il 
avoit  vu  lui  -  même ,  il  ne  fit  jamais  le  voyage  de  la  Tcrrc- 
fainte  ,  mais  fur  ce  qu'il  en  avoit  lu  ou  entendu  raconter. 
11  prit  beaucoup  de  choies  du  Livre  de  Bede  fur  la  même 
matière ,  cjui  n'avoit  lui  -  même  fait  qu'abréger  les  defcrip- 
tions  de  la  Terre  -  fainte  publiées  avant  lui.  Pierre  dit  du 
fuaire  avec  lequel  Jcfus-Chrifl:  effuya  fon  vilage  ,  appelle  par 
quelques-uns  la  Véronique  ,  qu'il  fut  porté  à  Rome  fous  l'Em- 
pire de  Tibère ,  &  que  l'on  conlervoit  avec  honneur  dans  la 
Bifilique  de  Conftantin  le  rofeau  dont  on  avoir  frappé  la 
tête  du  Sauveur  ,  fcs  fandales  ,  les  cordes  dont  on  l'avoit  lié , 
&  le  fang  qu'il  avoit  répandu  lorfqu'il  fut  circoncis. 

XVII.  Pierre,  Diacre,  compofa  un  autre  Ouvrage,  qu'il  Livre  de  l'o- 
intitula  :  De  Fori^iiîe  Ù"  de  la  vie  des  Jiifles  du  Monaflere  de  "§'"?  '-^  '^^  'a 
Alom-Cajfin.  Dom  Mabillon  en  tranfcrivit  le  ritre  de  chaque  dè^Mont-Ca(- 
Chapitre  étant  fur  les  lieux  ,  &  c'efl  d'après  lui  que  Dom  En. 
Martenne  les  a  fait  imprimer  (e).  Le  premier  Chapitre  traite 

de  faint  Benoît  ,  le  huitième  de  faint  Placide  :  la  vie  de  ce 
Saint  y  eft  rappellée ,  avec  les  premiers  mots  du  Prologue 
publié  par  Dom  Martenne.  Le  quatorzième  parle  de  Sévère , 
dont  Pierre  ,  Diacre ,  a  écrit  la  Vie ,  &  dédié  à  l'Abbé  Sei- 
gnoret.  Le  dernier  &  le  foixantiéme  eft  de  Bruno. 

XVIII.  On  a  vu  dans  l'article  de  Wibald  ou  Guibald  (/) ,     lettres  A 
Abbé  de  Corbie  &  de  Stavelo  ,  que  fes  deux  Lettres  à  l'Em-  SLe?' 
pereur  Lothaire ,  pour  lui  demander  du  fecours ,  &  fa  prote- 
ction contre  les  ufurpateurs  des  biens  de  l'Abbaye  de  Mont- 

Caflin ,  font  de  Pierre ,  Diacre ,  du  moins  pour  le  ftyle  :  elles 
font  de  Tan  1 1 3  7  ;  Guibald  ccoit  alors  Abbé  de  Mont-CafTin. 
Il  eft  dit  dans  la  première  que  ce  Prince  avoit  ordonné  à 
Pierre  d'écrire  l'Hiftoire  des  Empereurs  d'Occident.  Il  n'en 
eft  pas  fait  mention  dans  le  Catalogue  de  fes  Ouvrages  ;  peut- 
être  ne  l'acheva-t-jl  pas ,  ou  faut-il  le  confondre  avec  quelques 
autres  Ouvrages  de  Pierre ,  Diacre ,  fur  la  même  matière ,  & 
dont  il  fera  parlé  dans  la  fuite. 

XIX.  L'Empereur  Lothaire  {g  )  étant  mort  fur  la  fin  de    Lettres  l 

l'Impératrice 


peratrice 
Rithife. 


(e  )  Makt£n.  Tow.  6,  ampliff.  CoUe^l, 
fag.791. 

(f)  MAB.TEM.  Tom,  z,  amflijf,  Cslled, 


p.  i8j. 

{g)  Tom,  6,  Annal,  Beneditl,  in  Affeni, 
fag.  É7a. 


8S        PIERRE ,  DIACRE  ET  BIBLIOTHEC. 
1 137,  Pierre  écrivit  à  l'Impératrice  Richife,fon  époufe,  deux 
Lettres  de  conlblation,  que  l'on  a  imprimées  dans  l'Appen- 
dice du  lîxiéme  Tome  des  Annales  de  faint  Benoît.  Dans  la 
première  il  dit  à  cette  Princeffe  qu'il  a  tardé  à  lui  écrire,  juf- 
qu'à  ce  qu'elle  eût  modéré  la  douleur  que  lui  avoit  caufée  la 
mort  de  Ion  mari.  Il  lui  rcpréfente  que  des  regrets  trop  longs 
&  des  pleurs  trop  abondantes  ne  fonr  que  pour  des  perfonnes 
dont  l'ame  eft  énervée  par  les  plaifirs  temporels,  &  qui  met- 
tent toute  leur  efpérance  dans  le  iiéde  ,  fans  étendre  leurs 
de/lrsiufqu'aux  biens  éternels;  mais  qu'il  ne  doit  pas  être  ainfi 
de  celles  qui  ont  paiïé  prefque  toute  leur  vie  dans  l'agitation 
des  foins  inféparablcs  de  leur  condition  ,  qui  fe  font  néan- 
moins occupées  des  chofes  du  Ciel ,  ont  méprifé  les  vanités  & 
les  plaifirs  du  fiécle,&  fouffert  avec  confiance  les  adverfités.Elle 
avoit  perdu  depuis  peu  Henri ,  Duc  de  Bavière,  fon  gendre  ; 
Pierre ,  Diacre ,  lui  en  témo  gne  de  la  douleur.  Sa  deuxième 
Lettre  cfl:  un  élcge  des  vertus  de  l'Empereur  Lothaire ,  où 
l'on  voit  que  ce  Prince  entendoit  au  point  du  jour  une  Meffe 
pour  les  morts ,  puis  une  pour  l'armée  ,  &  enfuitc  la  Mefle 
du  jour ,  qu'après  cela  il  diftribuoit  abondamment  aux  veu- 
ves &  aux  orphelins  à  boire  &  à  manger  ,  écoutoit  les  plain- 
tes des  Eglifcs ,  &  enfin  s'appliquoit  aux  affaires  de  l'Empire. 
Pierre  n'oublie  point  de  dire  que  quand  l'Empereur  Lothaire 
couchoit  au  Mont-CafiTin ,  il  veilloit  avec  foin  que  la  Règle  de 
faint  Benoît  y  fût  cbfervée  ;  qu'il  maintenoit  avec  fermeté 
tous  les  droits  de  cette  Eglife ,  &  qu'en  général  il  vouloir  que 
les  éleélions  des  Archevêques ,  Evêques ,  &  Abbés  le  lifiTent 
avec  liberté  dans  tout  l'Empire  ;  fon  principe  étoit  {h) ,  que 
celui-là  n'eft  point  Abbé,  qui  n'a  pas  été  élu  par  les  fuffra^es 
ou  le  confentement  des  Moines ,  &  que  leur  ôter  le  droit  d'é- 
ledion ,  c'eft  renverfer  le  Monaftere. 
fe^Dfaae';     ^^'  ^^  ^om-\ï  tous  les  Ecrits  de  Pierre ,  Diacre ,  qui  ont 
qui'  ne  font  été  rcndus  publics  ^  mais  il  en  compofa  un  grand  nombre 
pas  imprimés,  d'autres  que  l'on  conferve  dans  la  Bibliothèque  de  Mont- 
Caflîn ,  &  dont  nous  avons  le  Catalogue  ,  tant  dans  le  qua- 
trième Livre  de  la  Chronique  de  ce  Monaftere  ,  que  dans  le 


(h)  Dicebat  enim  ;  Abbas  fi  ex  confen-  !  nacflis  tollif,omne  Monafterium  convellif. 
fu  Monachorum  eleâus  non  fuerit,  Abbas  Petr.  Ep'fl.  2.  'td  Richif,  Tom,  6.  A'inal. 
non  efl  ;  &  guicum^ue  eleàionem  Mo-'  Eenediil.f.  673. 

Traité 


DE   MONT-CASSTN.  Ch.  IV.  8p 

Traite  des  Hommes  illuRrcs  de  CaflTin.  En  voici  la  notice 
générale  donnée  par  Mari  :  De  la  naiflance  &  de  la  vie  des 
Juftesde  Mont-Caflln  i  des  Scholies  l'ur  divcrfes  Sentences 
de  l'Ecriture  ;  un  Recueil  d'exhortations  aux  Moines ,  à  qui 
il  enfeigne  ce  qu'ils  doivent  obl'crver  &  éviter  ,  &  où  il  traite 
des  Icpt  vices  capitaux  Se  des  vertus  ;  des  Patriarches  ,  de 
Rebccca  &  Ifaac  ,  du  Roi  Ozias  &  de  Moyre  ;  un  Rithme 
fur  les  derniers  jours  ;  la  Défenl'e  des  droits  de  l'Abbaye  de 
Mont-Caffin  en  préfence  de  l'Empereur  Lothairc  ;  le  Cata- 
logue des  Rois ,  des  Confuls ,  des  Dictateurs  ,  des  Tribuns  , 
desPatriees,  &  des  Empereurs  de  la  Nation  Troyenne;  deux 
Lettres  à  l'Empereur  Lothairc  au  nom  de  Guibald  ,  Abbé 
de  Mont-Caflin  &  de  Stavelo  ;  deux  Lettres  de  coniblation 
à  l'Impératrice  Richife  fur  la  mort  de  ce  Prince  ;  une  à  l'Em- 
pereur Conrade  fur  fon  éle6lion  ;  divers  Difcours  fur  la  Cênc 
du  Seigneur,  fur  les  Vendredi  &  Samedi  faims  ,  fur  la  Ré- 
furreftion  &  l'Afcenfion  du  Seigneur,  fur  la  Fête  de  la  Pen- 
tecôte ,  fur  faint  Jean-Baptifte  ,  faint  Pierre  ,  faint  Paul , 
êc  faint  Laurent  ;  fur  la  Veille  de  l'Aflbmption  de  la  fainte 
Vierge,  fur  la  Fête  de  tous  les  Saints  &  la  Naiflance  de  Je- 
fus-Chrift;  ;  fur  faint  Benoît ,  &  le  grand  nombre  de  fes  mi- 
racles ;  Vie  de  faint  Placide  ,  ou  compilation  des  A£tes  de 
fon  martyre;. Vie  de  faint  Sévère ,  Evêque  de  Caflin  ,  à  l'Ab- 
bé Seignoret  ;  Vie  de  faint  Apollinaire  ,  Abbé  ,  à  Raynald  , 
Diacre  de  Caflin  ;  Vie  des  iaints  Guinifon  &  Janvier ,  au 
Moine  Richard.  Les  BoUandines  l'ont  publiée  au  fixiéme 
Tome  de  Mai  (i).  Sermons  fur  la  Veille  &  la  Fête  de  faine 
Marc  ,  Evêque  d'Atine ,  &  de  fes  Compagnons  ,  Martyrs 
dans  la  perfécution  de  Domitien  ;  Vie  de  faint  Léon  ,  au 
Pape  Innocent  II.  l'Itinéraire  de  la  Terre- fainte  ;  la  def- 
cription  de  Fafl:es  confulaires  ;  la  fuite  des  Empereurs  ,  des 
Papes  ,  &  des  Abbés  de  Mont  -  Caflîn  ;  un  Commentaire 
fort  étendu  fur  la  Règle  de  faint  Benoît  ;  un  Recueil  des 
Diplômes  accordés  à  cette  Abbaye  par  les  Papes ,  les  Em- 
pereurs ,  les  Rois  ,  &  autres  Princes.  La  Chronique  de 
Mont-Caflln  ajoute  ,  que  Pierre ,  Diacre  ,  traduifit  en  grec 
&  en  latin  (/)  ,  un  Livre  des  pierres  précieufes  qu'Heva  , 
Roi  d'Arabie ,  avoit  adreflees  à  l'Empereur  Néron  ,  &  que 


(»■)  Pag.  4Ç0.  (  /)  Lib.  4.  cap.  66, 

Tome  XXlll.  M 


90  LE  VENERABLE  GODEFRÔI  , 

Conftantin  avoit  emportées  de  Rome  à  Conftantinople  ;  qulî 
jàt  un  abrégé  des  Livres  de  Vitruve  lur  l'architcdure  du 
Monde  ;  qu'il  compofa  des  Hymnes  en  l'honneur  de  plulieurs 
Martyrs  ;  qu'il  donna  l'Hiftoire  des  Troyens  depuis  le  com- 
mencement du  Monde  jufqu'à  fon  tems  ,  &  un  Livre  des 
prodiges  &  des  événemens  extraordinaires  ,  dédié  à  Ptole- 
mée  H.  Conful  des  Romains.  Il  n'y  avoit  p'us  de  Confuls  à 
Rome  du  tems  de  Pierre  ,  Diacre  ;  ainfi  il  faut  corriger  cet 
article  fur  le  quarante-feptiémc  Chapitre  du  Livre  des  Hom- 
mes illuftres  de  Calfin  ,  où  il  efi:  dit  qu'il  abrégea  celui  de 
Solin  ,  intitulé  :  Des  merveilles  du  Monde.  Pierre  fit  encore 
un  Recueil  de  ce  qu'il  avoit  trouvé  de  plus  remarquable  fur 
TAflronomie  dans  les  Ecrits  des  Anciens  fur  cette  matière  , 
&  corrigea  un  manufcric  qui  conrenoit  la  vifion  du  Moine 
Alberic  ,  dans  les  endroits  qu'il  trouva  fautifs  ;  ce  qui  fup- 
pofe  qu'il  en  avoit  l'original  fous  les  yeux.  Cette  attention 
de  fa  part  marquoit  en  lui  de  l'exadicude  ;  mais  il  en  a  man- 
qué fouvcnt  ailleurs,  foit  dans  les  dates  des  événemens ,  foie 
dans  les  circonflances  des  faits  -,  peut-être  aulli  n'eft-il  tombé 
dans  ces  fautes  que  lorfqu'il  a  raconté  de  mémoire  ,  ou  trop 
long-tems  après  l'événement  des  chofes ,  pour  en  avoir  préfen- 
tes toutes  les  circonftances. 

CHAPITRE      V. 

Le  Vénérable  Godefroi ,  Abbé  des  Monts, 

Godefro:,Ab-l.  ^"^  E  Monaftere  fondé  dans  l'onzième  fiécle  par  faint 
Seslaïr  V-J  Gcbehard ,  Archevêque  de  Salzbourg ,  eft  fitué  dans 
Sa  mort  en  la  Stirie  fur  l'Ens.  Godefroi  qui  en  fut  le  premier  Abbé  (m) , 
iKSy.  l'avoir  été  pendant  quelques  années  de  "Wcingarten.  Profès  de 

TAbbaye  de  S.  George  dans  la  Forêt  Noire,  il  y  avoit  été 
formé  dans  la  pratique  exacte  de  la  Règle  de  faint  Benoît 
fuivant  les  ufagcs  d'Hirfauge.  Il  les  fit  obierver  à  "Wcingar- 
ten ,  &  enfuite  dans  l'Abbaye  des  Monts  ,  où  il  remplit  par 


(m)  GoDEFR,  Vitaadt7pHt  Optrum». 


ABBÉ  DES   MONTS.  Ch.  V.  pt 

fon  exemple  &  par  fes  difcours  les  devoirs  de  fa  dignité  : 
c'ctoit  À  lui  qu'on  s'adrcil'oic  pour  placer  quelques  -  uns  de 
les  Dilciplcs  dans  les  Abbayes  vacantes ,  &  il  en  fournit  mê- 
me pour  remettre  en  vigueur  la  difciplinc  régulière  dans  les 
Monarteres  de  Filles,  ou  elle  étoit  ou  affoiblie,  ou  tombée. 
Les  progrès  de  l'Abbaye  des  Monts  furent  arrêtés  par  un 
incendie  qui  la  réduilit  en  cendres  ,  de  même  que  le  Mona- 
flere  de  Filles  qui  étoit  adjacent  ,  pendant  l'Office  de  Mati- 
nes ;  tout  fut  rétabli  dans  l'cfpace  d'une  année  par  les  libéra- 
lités des  Bienfaiteurs  du  Monaftere ,  &  avant  la  mort  de  Go- 
defroi  qui  arriva  au  mois  de  Juin  1 1 65  ,  28  ans  après  qu'il  en 
avoir  été  élu  Abbé. 

II.  Godefroi  a  rendu  fon  nom  illuftre  dans  la  poftérité ,  Ses  Fcrit;. 
non-feulement  par  les  monumens  de  fa  piété  («) ,  &  de  fon  ^^  méthode 
zélé  pour  la  difcipline  monaflique ,  mais  auffi  par  un  grand 

nombre  d'Homélies  que  Dom  Bernard  Pez  a  jugées  dignes  du 
Public  ,  &  qu'il  a  fait  imprimer  à.  Auftourg,  l'an  1725  ,  en 
deux  volumes  in-fol.  Elles  font ,  partie  fur  les  Dimanches  , 
partie  fur  les  Fêtes  de  l'année  ,  dans  l'ordre  qu'on  les  cé- 
lébroit  au  fiécle  de  Godefroi.  Il  y  a  quelquefois  plufieurs 
Homélies  fur  un  même  Dimanche  ,  mais  elles  ne  font  pas 
toujours  fur  l'Evangile  du  jour.  L'Orateur  en  faifoit  aufli , 
ou  fur  les  Epîtres  qu'on  lifoit  à  la  MefTe  ,  ou  fur  les  Leçons 
du  premier  Nofturne  de  l'Office  de  Matines  :  fouvent  il  fait 
des  réflexions  fur  l'Introït  &  l'Oraifon  de  la  MefTe  ,  pour 
en  faire  voir  la  liaifon  avec  l'Evangile  du  jour.  Il  fuit  dans 
toutes  les  Homélies  les  fens  allégorique  ,  tropologique  ou 
anagogique  ,  comme  plus  propres  à  former  les  mœurs  des 
Moines  auxquels  il  adreffoit  fes  Difcours  ,  comme  on  le  voit 
par  la  Préface  fur  les  Homélies  d'été  (0).  Il  s'applique  fur-tout 
à  leur  infpirer  des  fentimens  de  compon6fion  ,  &  à  les  en- 
gager à  expier  &  confefTer  leurs  fautes.  C'eft  dans  ce  defTein 
qu'il  rapporte  dans  fes  Homélies  tous  les  pafTages  de  l'E- 
criture qui  ont  rapport  à  cette  matière.  Sa  méthode  dans  la 
corredion  des  mœurs  efl  de  n'être ,  ni  trop  févere  ,  ni  trop 
relâché ,  mais  de  garder  un  jude  milieu. 

III.  Il  fuit  dansiles  matières  de  la  grâce  (^p)  &  de  la  Sesfentîmenj, 


(n)   Jb!d.  j  ^41. 

(0)  Tom,  t.'pag.  tty.  il/.  iZ9.  ^\      (p)  Tom.I.  fag,i^6.  1^^.  ^    314; 

Mij 


P2  LE   VENERABLE  GODEFROI  , 

prédeftination  les  fentimens  de  faint  Auguftin ,  &  ceux  de 
iaint  Bernard  &  de  pludeurs  Anciens  fur  la  Conception  de 
la  faintc  Vierge  (iq  ).  Ce  ne  fut  que  dans  le  fiécle  fuivant  que 
l'on  agita  parmi  les  Théologiens  la  queftion  de  l'immaculée 
Conception  :  ainfi  Godefroi  ne  peut  être  accufé  d'avoir  pris 
parti  à  cet  égard  ,  puifquc  de  fon  tcms  &  avant  lui  il  n'y  avoic 
là-defTus  aucune  conteuation. 
Homélies  du      IV.  Le  premier  Tome  des  Homélies  de  Godefroi  com- 
premicrTome  mence  par  cclles  qui  font  fur  les  Dimanches  de  l'Avent ,  & 
•he»  de  l'an-  ^'o^i  y  ttouve  de  fuite  des  Homélies  fur  les  Dimanches  d-'a- 
née.  près  l'Epiphanie  ,  les  Dimanches  &  les  Fériés  de  Carême  » 

fur  ceux  d'après  Pâques  &  d'après  la  Pentecôte.  Il  y  en  a  fix 
fur  le  premier  Dimanche  de  l'Avent  (r) ,  dont  la  première  ex- 
plique l'endroit  du  vingt- unième  Chapitre  de  faint  Mat- 
thieu ,  où  il  efl:  parlé  de  l'entrée  triomphante  de  Jefus-Chrift 
dans  Jérufalem.  On  le  lifoit  en  ce  Dimanche  au  tems  de 
Godefroi  ,  au  lieu  qu'il  fait  aujourd'hui  partie  de  l'Office  du 
jour  des  Rameaux.  La  féconde  &  la  troifiéme  Homélie  font 
encore  fur  le  même  fujet.  Il  dit  dans  la  quatrième  Homélie , 
que  quoique  le  Livre  du  Cantique  des  Cantiques  (s)  puifle 
le  rapporter  à  l'Eglife  ,  &  à  l'Ame  fideîle  ,  à  caufe  de  leur 
union  avec  Jefus-Chrifl ,  il  a  un  rapport  plus  particulier  à 
la  fainte  Vierge  ,  comme  Mère  du  Sauveur  du  Monde.  Après 
avoir  dit  dans  la  quatrième  que  la  fainte  Vierge  a  été  fujette 
comme  le  refte  du  genre  humain  à  la  loi  du  péché  originel ,. 
il  ajoute  que  le  Saint-Efpric  furvenant  en  elle  (  r  )  ,  l'en  a  puri- 
fiée ,  &  de  tout  péché  adtuel  fi  elle  en  avoit  commis.  Il  attri- 
bue au  Baptême  la  vertu  de  remettre  j  non-feuleraent  le  péché 
originel  (u) ,  mais  tous  les  aftuels. 

V.  Sur  l'Euchariftic  (x)  il  cnfeigne  que  le  Fils  unique  de 
Dieu  ,  qui  s'efl  immolé  une  fois  pour  nous  fur  l'Autel  de  la 
Croix ,  ell  chaque  jour  mis  à  mort  par  la  confécration  de  fon 
Corps   &  fon  Sang  pour  le  falut  des  Fidèles  ;   qu'en  rece- 


(q)  Hom,  4.  in  Dotn,  i.  Advem.  p.  27. 
ttî  alibi-, 

(r)  liotnil.  I. 

(  j)  homil,  4.  f.  23,. 

(,)l'ag.:9. 

Çh)  Pag.  117 . 

{x)  Unigenitus  Dei  Filius  pro  nobis  in 
iia  CTU^is  fêiuel  immolatus ,  quotidiè  9C> 


ciditur  ,  quia  facro  -  fariftiim  Corpus  & 
Sanguis  illius  in  falutera  credentium  quo- 
tidie  in  ea  conficiiur  &  accipitur.   Hom,  in 

Sabbat,  arite  Dom,  3.  Qttadr.ig Vi- 

fiîiilis  ejufdem  Corporis  &  Sanguinis  per- 
ceptio  ,  invifibilis  &  fpiritalis  anim«  megc- 
fit  rtfeftio.  Ibii.f,  163.  i:?  i66. 


ABBÉ  DES   MONTS.  Ch.  V.  ^5 

Vanc  vifiblcmcnc  ,  c'eft  -  à  -  dire  ,  Tous  dc5  clpcccs  vifiblcs  , 
Ion  Corps  &  fon  Sang ,  notre  amc  en  eÙ.  nourrie  Se  rafTa- 
liée  inviliblcmenc.  Dans  T Homélie  ilir  la  Samaritaine  ,  au 
Vendredi  d'après  le  troiliéme  Dimanche  de  Carême,  Godc- 
froi  dilHngue  exadement  les  deux  natures  en  Jefus-Chrift, 
dilant  que  Iclon  la  nature  divine  (  y  )  il  ne  pouvoir  jamais 
être  fatigué  ,  mais  qu'il  le  pouvoit  lelon  la  nature  humaine, 
dont  il  a  pris  toutes  les  infirmités  ,  excepté  le  péché.  Il  veuc 
qu'il  y  ait  un  li  grand  fecret  entre  le  Confefleur  &  le  Péni- 
tent (z),  qu'eux  deux  l'euls  entendent  les  péchés,  cnfortc  qu'ils 
ne  puillent  être  connus  de  perfonnes  ,  &  que  la  confclTion  ne 
devienne  pas  publique. 

V.  Dans  la  diftribution  des  Homélies  fur  les  Fêtes  de  l'an-  Hom<?i;es  du 
née  ,  on  a  fuivi  l'ordre  qu'elles  tenoient  dans  le  Calendrier  J5""''  T^^'l 
de  l'Eglife  à  l'onzième  &  douzième  (iécle  :  ainli  elles  commen-  deVannée. 
cent  dans  le  fécond  Tome  de  l'Edition  de  Dom  Bernard  Pez 
par  l'Homélie  fur  la  Fête  de  faint  André ,  &  font  abfolumenc 
dans  le  même  goût  que  les  Homélies  fur  les  Dimanches  j  c'eft- 
à-dire ,  remplies  d'allégories  &  de  moralités  ;  ce  qui  ne  nous 
fournit  prefque  rien  d'înréreffant  pour  notre  fujet.  Godefroi 
parle  dans  les  Homélies  fur  la  Nativité  de!»  Jefus-Chrifl:  (a} 
des  trois  MefTes  que  l'on  y  célébroit ,  l'une  à  minuit ,  l'autre 
à  l'aurore  ,  la  troifiéme  au  jour  ,  &  en  rapporte  les  Introïts  ,. 
qui  font  les  mêmes  qu'aujourd'hui.  Il  donne  de  chaque  MefTe 
une  explication  fpirituclle  &  morale.  Dans  l'Homélie  fur  la 
Chaire  de  faint  Pierre  à  Antioche  (&)  ,  il  reçoit  fans  diffi- 
culté l'Hiftoire  du  Baptême  de  Conftantin  par  le  Pape  faine 
Sylveftre ,  &  la  donation  que  cet  Empereur  lui  fit  ;  on  n'avoit 
pas  encore  alors  découvert  la  fauffeté  de  ces  pièces.  Dans  fa 
première  Homélie  fur  la  Fête  de  Pâques  (c)  ,  il  confond 
Marie-Magdeleine,  fœur  de  Lazare,  avec  la  Femme  péche- 
reffe.  Il  croit  que  la  fainte  Vierge  a  été  réellement  enlevée 
au  Ciel ,  afin,  dit-il  dans  l'Homélie  fur  l'Affomption ,  qu'é- 
tant au-deflus  des  chœurs  des  Anges  (d) ,  elle  intercède  avec 
plus  de  confiance  pour  nos  péchés.  11  efl  de  fentiment  qu'a- 


(y)  Piig.  300.  ^  Tom,  x.p,  477.  \  beat.  lUm.  in  Teriam.6.  Dûm.  3.  Q_uadragr. 

(jL)Inter  ConfefTorem  &  Pcrnitentem  I  ^.  J07» 
tanta  familiarhas  efle  débet  atque   fecre-         {a)  Pag,  ^^.^fej. 
tum,  quoi  praîter  confitentem  &:  audieii- I      (è)   Pag.    1^6. 
tern  nuUum  intereiïe  oporteat ,  quod  num- 1      (c)  Pag.  138.180-; 
^uam  publicari  &  diti'amari  confeflio  de- 1     (i)  1^.1^.4851^ 


P4  LE   VENERABLE  GODEFROI,&c. 

vant  la  venue  de  Jefus-Chrift  le  myftere  de  la  fainte  Trinité 
étoit  inconnu  au  monde  (  e  ) ,  ou  du  moins  qu'il  étoit  connu  de 
très-peu  de  perlonnes. 
Homélies  fur      VI.  L'Appendice  des  deux  Tomes  des  Homélies  de  Gode- 
divers  fujets.  froi  en  contient  dix-fept  fur  divers  fujets  :  on  ne  doute  point 
qu'elles  ne  foient  de  cet  Abbé ,  puifqu'elles  fe  trouvent  dans 
les  manuicrits  d'où  font  rirées  celles  dont  nous  avons  parle 
jufqu'à  préient.  La  première  efl:  iur  la  députation  d'Eliézer 
pour  le  Mariage  d'iiaac  avecRebecca.  Dans  les  fuivantes  Go- 
defroi  explique  difïérens  endroits  des  cinq  Livres  deMoyfe, 
de  Jofué,  des  Juges ,  des  Rois,  des  Proverbes  ,  de  TEcclé- 
fiafli  -]ue ,  de  Daniel ,  des  Macchabées  qu'on  lifoit  dans  l'Office 
del'Eglife. 
Opufculedes      VL  Suit  dans  le  même  Appendice  l'Opufcule  des  bénédî- 
bénédicftions    £tions  que  Jacob  donna  à  fes  enfans  au  lit  de  la  mort ,  félon 
de  Jacob.       qu'elles  font  rapportées  au  49^.  Chapitre  de  la  Génefe. 
Livre  des  dix      VIL  Le  Livre  des  dix  calamités  annoncées  par  le  Prophète 
calamités  pré- ifaïe  à  Babylonc  (/),  à  Damas,  à  l'Egypte,  à  Moab,  &  à 
dues  parifaie.  jj^^j-g  autres  Peuples ,  a  d'abord  paru  fous  le  nom  du  vénérable 
Ifimbert,  frerc  de  Godefroi ,  &  fon  SuccefTeur  dans  l'Abbaye 
des  Monts ,  au  fécond  Tome  des  Anecdotes  de  Dom  Bernard 
Pez  ;  mais  cet  Editeur  qui  ne  lui  avoir  attribué  ce  Commen- 
taire que  fur  quelques  conjectures  (^  )  ,  en  a  eu  depuis  de  plus 
fortes  pour  le  rendre  à  l'Abbé  Godefroi  {h) ,  comme  à  fon  vé- 
ritable Auteur.  Il  fe  trouve  en  effet  parmi  les  Homélies  de  Go- 
defroi dans  le  manufcrit  de  l'Abbaye  des  Monts ,  &  l'on  y  re- 
marque aifément  fon  génie  &  fon  flyle. 
Lettre  de      VIII.  On  a  de  lui  une  Lettre  à  un  Moine  qui  avoit  été  au- 
r  Abbé  Gode-  ji-çfois  du  nombre  de  fes  Religieux ,  mais  qui  enfuite  étoit  pafTé 
à  un  autre  Monaftere.  Godefroi  lui  demande  par  cette  Lettre 
de  lui  faire  tranfcrire  (i)  ,  ou  de  tranfcrire  lui-même  l'Ouvrage 
de  Jofephe  qui  traire  de  la  prifc  de  Jérufalem ,  &  du  triom- 
phe de  Vefpafien  &  de  Tite  à  Rome. 


(/)  Tom.  2.  Anecd.  Vtt,  fart.  I.pag. 
4X7- 

(g)  DiJJeruIfagog.  inTom.  i.  Anud, 


p.  14. 

(h  )  Fr<efat.  de  Vhn  ^  Scrlft.  Godefr. 

p.   li. 

(i)  Tom. 6.  Anecd.  ?et. p.  5^4. 


SAINTE  HILDEGARDE,  VIERGE,  &c.       5^5 

CHAPITRE      VI. 

Sainte  Hildegarde  ,  Vierge ,  Abbeffe  du  Mont-Saint- 
Robert  i  Elifabeth  de  Schonauge. 

I.  TVT  Ée  dans  le  Village  de  Spanhcim  (/)  au  Dioccfe  de  Sainte Hilde- 
1\|  Mayence,  fur  la  tin  de  1  onzième  ficcle,  enunc  Me- f^'^fj^^;;' j^ 
tairie  nommée  Bikesheim  ,  elle  fut  offerte  à  Dieu  par  fes  pa- Mom-Saintr 
rens  n'étant  âgée  que  de  cinq  ans  ;  dix  ans  après  elle  fc  rcci-  ^"P"'- 
ra  iur  la  montagne  de  laint  Dilibode ,  où  il  y  avoir  un  Mona- 
ftere  d'hommes ,  &  vécut  en  Reclufe ,  avec  deux  autres  filles  , 
fous  la  dilcipline  de  la  Bienheureufe  Jutte,  qui  les  forma  dans 
les  exercices  de  la  piété.  Cette  fainte  Dame  étant  morte ,  Hil- 
degarde ,  avec  la  permiffion  de  l'Abbé  Conon  ,  fe  retira  avec 
fes  Compagnes  en  un  lieu  appelle  Binguc  :  elle  bâtit  à  quel- 
que diftance  de- là  un  Monaflere ,  où  elle  affembla  dix-huit 
filles ,  dont  elle  fut  Supérieure.  Ce  Monaflere  portoit  le  nom 
de  Mont-Saint-Rupert,  &  n'étoit  pas  éloigné  de  Mayence. 

II.  Favorifée  dès  fa  jeuneffe  de  vilions  céleftes  (m) ,  Dieu  Elle  Jévîenf 
augmenta  ce  don  en  elle  l'an  1 141  ,  âgée  alors  de  42  ans  ^^JJ^Jj^^j^^^ 
&  fept  mois.  Ces  vilions  ne  lui  arrivoient  pas  la  nuit,  mais 

de  jour.  Sçachant  quelle  opinion  l'on  a  ordinairement  de  ces 
fortes  de  vifions  ,  elle  fit  difficulté  de  les  mettre  par  écrit, 
jufqu'à  ce  qu'elle  y  fut  comme  contrainte  par  les  inftantes 
prières  d'une  Dame  de  qualité  &  de  vertu  ,  &  d'un  homme 
dont  elle  connoiflbit  la  piété.  Elle  fut  dix  ans  à  achever  cet 
Ouvrage  ,  qui  contient  les  vifions  6c  les  révélations  qu'elle 
avoit  eues  fous  l'Epifcopat  de  Henri ,  Archevêque  de  Mayen- 
ce ,  fous  Conrade ,  Roi  des  Romains  ,  &  fous  le  Pontificac 
d'Eugène  II. 

III.  On  ne  peut  trop  admirer  lé  refpe£i  &  îa  confiance  ^f^ill^^^-^ 
qu'elle  s'acquit  des  plus  grands  Perfonnages  de  l'Egli-fe  8c  Eion^dï 

l'Eglife    & 
■■ '  dans  l'Etat». 


(/)Tom.  (..Amial.  Bened:3.  îih,  77.  J       (  w  )   Ibii, 


1 


^6  SAINTE  HILDEGARDE  ,  VIERGE  , 
de  l'Erat  (  «  )  ;  non-feulemcnr  les  Evcques ,  les  Abbés ,  & 
d'autres  perfonnes  d'un  rang  inférieur  ,  lui  écrivoient  pour 
lui  demander  des  confeils  &  des  prières  ,  elle  recevoir  fur  le 
même  fujec  des  Lettres  de  la  part  des  fouverains  Pontifes , 
des  Empereurs,  &  des  Rois.  Anaftafc  IV.  aufTi-tôt  qu'il  fut 
placé  fur  la  Chaire  de  faint  Pierre ,  lui  écrivit  pour  la  con- 
gratuler de  ce  que  le  nom  de  Jefus  -  Chrifl  étoit  de  jour  en 
jour  glorifié  en  elle.  Nous  fçavons  ,  ajoutoic-il ,  combien 
notre  Prédéceffeur  de  pieufe  mémoire  vous  affedionnoit  ; 
&  c'eft  à  fon  imitation  que  Nous  vous  écrivons ,  dans  le  defir 
de  recevoir  une  réponfe  de  votre  part.  Elle  lui  en  fit  une , 
mais  avec  cette  liberté  que  donne  le  zélé  pour  la  gloire  de 
l'Eglife  :  Rempliffez  ,  lui  dit-elle  ,  avec  ardeur  les  devoirs 
de  la  juftice  ,  afin  que  vous  ne  foyez  point  accufé  de- 
vant le  grand  Médecin  de  n'avoir  pas  lavé  les  taches  de  vo- 
tre troupeau  ,  &  d'avoir  négligé  de  l'oindre  d'huile.  Elle 
écrivit  dans  le  même  ftyle  à  Adrien  IV.  à  Alexandre  III. 
&  à  l'Empereur  Conrad.  Le  Patriarche  de  Jérufalem  lui  di- 
loit  dans  |fa  Lettre  ,  fçavoir  des  Pèlerins  qui  venoient  vi- 
liter  le  faine  Sépulcre ,  les  merveilles  que  Dieu  opéroit  en 
elle. 
Eileeft  con-  IV.  Le  Moine  Guibert,  depuis  Abbé  de  Gemblou  (o) ,  lui 
fuitée  par  les  propofoit  fouvenc  des  difficultés  fur  l'Ecriture  Sainte  ;  elle  fut 
Sçavans.  ^j.-^  ^^^  l^  Communauté  du  Monaftere  d'Heningen  dans  le 
Diocèfe  de  Vormcs ,  de  donner  par  écrit  l'explication  de  quel- 
ques Chapitres  de  la  Règle  de  Saint  Benoît ,  dont  la  pratique 
varioit  dans  plufieurs  Monafteres. 
SesEcrîts font  V.  Le  Pape  Eugène  III.  étant  aflemblé  en  Concile  à  Tre- 
approuvés  du     g    y^^  j  j    -  (  p  ■)     Henri  ,  Archevêque  de  Mayence  ,  le 

Pape  Eugène       .  '   ,      _  .     t/    \r  /  ?  -r.     .        „     i  '    m     •  j'rji  J 

III.  pria  de  faire  examiner  les  Ecrits  &  les  révélations  d  Hildc- 

garde  ,  dont  on  parloit  différemment  dans  le  monde.  Le 
Concile  députa  vers  elle  Alberon  ,  Evêque  de  Verdun  ,  & 
avec  lui  Adelbert ,  Primicier ,  &  quelques  autres  perfonnes 
de  piété  &  de  fçavoir.  Ils  examinèrent  avec  foin  les  Ecrits 
&  les  révélations  d'Hildegarde  ,  &  n'y  ayant  rien  trouvé  dç 
contraire  à  la  foi ,  &  qui  ne  fût  conforme  aux  fentimens  de 
la  vraie  piété  ,  ils  les  préfenterent  au  Pape  afin  qu'il  les  exa- 


\o)lbid.f.$)Q,  * 

mina: 


ABBESSE  DU  MONT  S.  ROBERT.  Ch.  VL    97 

minât  lui-mcmc.  Eugcnc  lll.  les  jugeant  dignes  d'être  con- 
fcrvcs  à  la  poflcritc ,  l'exhorta  à  continuer  de  mettre  fes  révé- 
lations par  écrit.  Dans  fa  Lettre  que  l'on  a  mife  à  la  tête  de 
celles  d'Hildcgarde  ,  le  Pape  loue  Dieu  des  miracles  qu'il 
vouloir  bien  opérer  de  fon  tems  par  le  miniftcrc  de  cette 
faintc  fille,  en  lui  faifant  connoître  des  chofcs  inconnues  aux 
hommes  ;  l'avertit  que  Dieu  qui  réfifte  aux  fuperbes  donne  fa 
grâce  aux  humbles  ,  8c  approuve  le  lieu  qu  elle  avoir  choifi 
pour  fa  demeure ,  aux  conditions  d'y  vivre  en  clôture  avec 
fes  fœurs  dans  la  pratique  de  la  Règle  de  faint  Benoît.  Hil- 
dcgardc,  dans  faréponfe  au  Pape,  accepta  ces  conditions, 
déclarant  que  fon  defir  étoit  qu  elles  eulTent  lieu  de  fon  vi- 
vant &  après  fa  mort.  Elle  fait  mention  dans  une  autre  Let- 
tre de  l'approbation  donnée  à  fes  Ecrits  par  Eugène  IIL  qui , 
dit-elle ,  les  fit  lire  dans  une  AlTemblée ,  &  les  lut  lui-même 
en  particulier. 

VL  Si  l'on  en  croit  l'Abbé  Tritheme  (q)  ,  faint  Bernard  Hert douteux 
alla  de  Francfort  à  Bingue  rendre  vifite  à  l'AbbelTe  Hilde-  '^"«S.Bernard 

,  ,,0  ^  aitrcndu  vilite 

garde ,  &  eut  avec  elle  une  converianon  en  1 146  ;  mais  ce  à  fainte  Hii- 
fait  neparoît  pas  bien  avéré.  L'Abbé  de  Clairvaux  ne  corn- ''^S»«'<^- 
mença  à  connoître  cette  pieufe  fille  que  l'année  fuivante  , 
c'efl-à-dire  ,  'au  Concile  de  Trêves  ,  où  il  fe  trouva  avec 
le  Pape  Eugène  en  1 147  ,  &  où  il  fut  queflion  de  l'e- 
xamen des  Ecrits  &  des  révélations  d'Hildegarde;  d'ailleurs 
les  Auteurs  de  la  vie  de  faint  Bernard  ne  dilent  rien  de  cette 
vifite. 

VIL  Sainte  Hildegarde  mourut  le  dix-feptiéme  de  Sep-  Ses  miracles. 
tembre  1178  ,  âgée  de  80  ans.  L'Eglife  lui  a  décerné  un^'""°""' 
culte  public ,  tant  à  caufe  de  la  fainte  ce  de  fa  vie  ,  que  pour 
fes  miracles.  Thierri ,  Abbé  de  Saint-Trond  ,  en  a  rappor- 
té jufqu'à  vingt   dans  l'Hiftoire  qu'il  a  faite  des  adions  de 
cette  Sainte. 

VIIL  Jufques  dans  fa  quarante -troifiéme année  (r)  elle     Sa  rdence 
n'a  voit  appris  que  le  Pfeautier  ;  mais  alors  un  rayon  de  Ju- é'oit  >"f"fe. 
miere  defcendant  du  Ciel  l'éclaira  tellement ,  qu'elle  comprit 
le  fens  du  Pfeautier,  des  Evangiles  ,  &  de  tous  les  Livres 
de  l'Ancien  &  du  Nouveau  Teftament.  Elle  ne  fçavoit  d'au- 
tre langue  que  celle  de  fon  pays  ;  mais  pour  rendre  fes  pen- 


Tom,  XXllU  N 


pÇ         SAINTE  HILDEGARDE  ,  VIERGE  , 

fées  en  latin,  elle  fe  falloir  aider  d'un  homme  frdele. 
SesLeitres,  jx.  Le  Recueil  de  fes  Lettres  imprimé  à  Cologne  en 
15^6.  in-4''.  par  les  foins  de  Juft  Blanckwak  (s)  ,  com- 
prend ,  tant  celles  qu'elle  reçut  des  Papes ,  des  Empereurs  , 
des  Evêques ,  des  Princes  ,  &  autres  perfonnes  ,  que  fes  ré- 
ponfes  ;  on  les  a  toutes  réimprimées  dans  la  Bibliothèque  des 
Pères  à  Cologne  en  1662,  &  à  Lyon  en  i6j'/  ,  8c  il  s'en 
trouve  quantité  d'autres  dans  le  fécond  Tome  de  la  grande 
Colledion  de  Dom  Martenne.  Nous  apprenons  de  celle 
quelle  écrivit  au  Pape  Alexandre  (f),  qu'elle  avoit  coutu- 
me de  fe  choifir  un  Prévôt  ou  Supérieur  dans  le  Monaftere 
de  faint  Didbode  ;  que  l'Abbé  fous  lequel  cet  ufage  avoir 
commencé  étant  mort ,  fon  SuccefTeur  refufa  d'accorder  ce- 
lui que  fainte  Hildegarde  &  fes  Sœurs  avoient  demandé  pour 
Prévôt,  &  que  s'étant  pourvues  auprès  du  Pape,  il  nomma 
un  CommifTaire  pour  entendre  les  deux  Parties ,  avec  pou- 
voir de  leur  donner  un  Prévôt  d'un  autre  Monaftere,  fi  le 
nouvel  Abbé  de  Saint  Dilîbode  pcrfévéroit  dans  fon  refus, 
L'Empereur  Conrad  (u)  j  en  fe  recommandant  &  fon  fils 
aîné  aux  prières  de  la  Sainte  &  de  fa  Communauté  ,  leur 
promit  de  les  alTifter  dans  tous  leurs  befoins.  Elles  reçurent 
les  mêmes  promefTes  de  la  part  de  PEmpcrcur  Frideric  ,  par 
une  Lettre  où  ce  Prince  difoit  à  leur  Abbefle  ,  que  ce  qu'elle 
lui  avoit  prédit  étoit  arrivé.  Philippe ,  Comte  de  Flandres  ,  la 
confulta  fur  le  voyage  qu'il  méditoit  en  la  Terre-fainte  (  ^  ). 
La  réponfe  de  l'Abbeffe  fut ,  que  de  réfifler  aux  ennemis  du 
nom  Chrétien ,  pouvoir  lui  être  utile  pour  la  rémiffion  de  fes 
péchés. 

X.  On  né  peur  s'expliquer  plus  dairemenr  qu'elle  le  fait 
fur  la  tranfubftantation  du  pain  &  du  vin  au  Corps  &  au  Sang 
de  Jefus  -  Chrift.  La  même  vertu  du  Très -haut  (y)  qui  a, 
dit- elle,  formé  la  chair  du  Sauveur  danslefein  de  la  Vier- 
ge ,  change  fur  l'Autel  par  les  paroles  du  Prêtre  l'oblation  du 
pain  &  du  vin  au  Sacrement  de  la  Chair  &  du  Sang  de  Jefus- 
Chrift. 


(j)Tom.  23.  Eil/liot.  Fat. p.  5-37. 
(O  f""^-  J40-  54 '• 
(«)  Pag-  îîi. 

{y)  Eadem  yirtua  AlufTimi qax  in  ute- 


ro Virginis  carnem  operata  eft  ,  fuper  Ai- 
tare  ad  verba  Sacerdotîs  cblationem  panis 
&  vini  in  Sacrainento  Garnis  Se  Sanguinis 
convertit,  virtute  (uâ  illud  fovens.  P^g. 
Jél.  •£/«/?.  <i(  Corp.  55  San£,  Oirifli, 


ABBESSE  DU  MONT  S.  ROBERT.  Ch.  Vf.    99 
XL  Parmi  les  Lettres  d'EIifabeth  ,  Abbcffe  de  Schnau-    Lettre  d'Eii- 
ge  au  Dioccfcde   Trêves  (z^,  à  fainte  Hildegardc  ,  cft  ^J^f ^^•'^^^ 
celle  qu'elle  lui  écrivit  au  fujcc  ac  quelques  peines  d'crprit  qui 
la  jettoicnt  dans  le  trouble.  Sainte  Hildegardc  en  ayant  eu 
révélation  ,  lui  écrivit  pour  la  conloler.  Eliiabcth  l'en  re- 
mercia par  une  Lettre  écrite  vers  l'an   1160  ,  où  elle  dit 
qu'elle  avoir  en  effet  été  agitée  de  quelques  troubles  dans 
l'eiprit ,  à  caui'e  des  mauvais  difcours  qu'on  tenoit  d'elle  dans 
le  monde  ;  qu'elle  les  auroit  foufferts  avec  patience  ,  s'ils  n'a- 
voient  eu  pour  Auteurs  que  des  gens  du  peuple  ;  mais  que 
les  Religieulbs  même  ayant  cenfuré  Ta  conduite  fans  h  con- 
noître ,  ni  la  grâce  de  Dieu  qui  agiflbit  en  elle ,  fa  peine  avoic 
été  bien  plus  Icnlible.  Elle  fe  plaint  enfuite  des  fauflcs  Lettres 
que  l'on  faifoii  courir  fous  fon  nom  ,  dans  lefqucllcs  on  lui 
tippofoit  des  prophéties  fur  le  jour  du  Jugement ,  &  déclare 
^^ue  les  révélations  que  Dieu  lui  avoir  faites  par  le  miniftere 
d'un  Ange,  n'avoient  pour  but  que  d'engager  les  peuples  à 
faire  pénitence  de  leurs  péchés  ;  que  pour  éviter  les  fenti- 
mens  d'orgueil  ,  elle  avoir  tenu  fecrettes  ces  révélations ,  & 
ne  les  auroit  jamais  publiées  fans  un  ordre  exprès  de  cet 
Ange  ,  plufieurs  fois  réitéré  ;  enfin  qu'elle  ne  les  avoir  rendu 
publiques  en  préfence  des  Magiftrars  &  de  perfonnes  de  pié- 
té ,  qu'après  avoir ,  par  le  confeil  de  fon  Abbé  ,  conluké 
Dieu  fur  ce  fujet.  Elle  ajoute  que  de  ceux  devant  qui  elle  les 
publia  ,  les  uns  les  reçurent  avec  refpecl ,  les  autres  s'en  mo- 
quèrent. 

XIL  L'Abbefle  &  les  Religieufes  du  Mont-Saint-Robert  Lettre  au 
ayant  fait  inhumer  chez  elles  le  corps  d'un  homme  {a)  avec  ^^"^^^^^^^ 
les  cérémonies  ordinaires ,  les  Officiers  du  Clergé  de  Mayen- 
ce  leur  ordonnèrent  fous  peine  d'interdit  de  l'exhumer  ,  & 
de  le  jetter  hors  de  leur  Cimetière  ;  elles  le  refuferent  fous 
prétexte  que  cet  homme  avant  fa  mort  avoit  reçu  les  Sacre- 
mens  de  Pénitence,  d'Extrême- Onction  &  d'Euchariftie  , 
&  qu'il  avoit  été  inhumi  fans  aucune  oppoGtion  ,  &  en  pré- 
fence du  Prêtre  qui  avoit  conduit  le  corps  :  cependant  pour 
ne  pas  défobéir  en  tout ,  elles  gardèrent  l'inrerdit ,  cefferent 
de  chanter  l'Office  divin ,  &  de  s'approcher  de  la  Communion 
du  Corps  de  Jefus-Chrifl:  ;  mais  avertie  dans  une  vifion ,  l'Ab- 


Nij 


loo       SAINTE  HILDEGARDE  ,  VIERGE , 

befle  Hildegarde  écrivit  à  ceux  qui  avoient  jette  Tinterdit  pour 
les  prier  de  le  lever. 

XIII.  Elle  décide  que  le  Prêtre  ne  doit  point  accorder  le 
Corps  de  Jcfus-Chrill ,  caché  fous  l'efpece  du  ^a.\n,  quod  in 
Jpecie  punis  latet ,  à  celui  qui  eft  fujec  au  vomiiïement ,  quoi- 
qu'il le  demande  avec  empreffement  ;  mais  que  pour  la  lan- 
dification  du  malade  il  peut  mettre  l'Euchariflie  fur  la  tète 
&  le  cœur  du  malade,  en  prononçant  quelques  prières.  Elle 
penfe  que  le  Corps  de  Jefus-Chrift  efl:  caché  fous  l'efpece  du 
pain  ,  comme  lame  de  l'homme  efl  invifiblc  {b).  Les  Clercs 
de  Cologne  l'avoient  priée  de  leur  faire  fçavoir  ce  qui  devoit 
leur  arriver ,  au  cas  qu'elle  l'eût  appris  dans  une  vraie  vifion  ; 
elle  leur  fît  dans  fa  réponfe  de  vifs  reproches  fur  leur  vie  fé- 
culiere  &  voluptueufe  (c),  fur  leur  indécence  dans  la  célébra- 
tion de  l'Office  divin  ,  fur  leur  liaifon  avec  des  gens  de  mau- 
vaifes  mœurs  &  de  mauvaife  do£trine.  Sa  réponfe  au  Cler- 
gé de  Trêves  n'efl  pas  plus  favorable.  La  Sainte  prédit  aux 
Clercs  de  ces  deux  Eglifes  de  grandes  calamités ,  s'ils  ne  font 
pénitence. 
Lettre  aux     XIV.  On  dit  que  fainte  Hildegarde  fut  priée  en  1 153  {d) 
Moines  Gris,  par  le  Chapitre  général  des  Moines  de  Citeaux  ,  de  leur 
faire  connoître,  lî  Dieu  le  lui  révéloit,  ce  qui  pouvoit  lui 
déplaire  dans  l'Ordre.  Elle  répondit ,  félon  que  nous  l'ap^ 
prenons  d'AIberic  de  Trois-Fontaines  (e),  que  le  reproche 
que  Dieu  avoic  à  leur  faire  ,  étoit  d'avoir  rompu  entr'eux  la 
charité.  Cette  Lettre  ne  fe  lit  pas  dans  le  Recueil  de  celles 
de  fainte  Hildegarde  ,  imprimé  à  Cologne  en  1 566  ;  mais 
elle  a  été  donnée  depuis  par  Dom  Manenne  dans  le  fécond 
Tome  de  fa  grande  Colledion  (/).   Elle  en  écrivit  une 
adrefîée  aux  Moines  Gris ,  nom  que  l'on  donnoit  quelque- 
fois aux  Ciflerciens  ,  parce  qu'en  voyage  ils  portoient  un 
manteau  gris.  On  montre  encore  dans  l'Abbaye  de  Saint  Vi- 
â;orà  Paris  celui  de  fainr  Bernard.  Dans  cette  Lettre,  qui 
eft  fort  longue ,  l'AbbefTe  Hildegarde  leur  donne  divers  aver- 
tiffemens ,  fur-tout  touchant  les  Convers  ,  dont  la  plupart 
n'étoicnt  pas  véritablement  convertis  à  Dieu  ,  &  ne  travail- 


(  ^  )  Divinum  Sacramentum  in  fpecie 
panis  latet ,  quemadmodum  anima  homi- 
jiis  invifibilis  exiftit,  [.  ^66, 

(0  P''Z-  572. 


(f)  AlBERIC.  <li;»«.  ITf  î  ,  p.  JiJ. 

(  f)  Annal.  BenediH,  Lib,  8o.  nitm.  i  li 
p.  Î28, 


ABBESSE  DU  MONTS.ROBERT.  Ch.  VI.  loi 
loicnt  ni  le  jour  ni  la  nuit  :  elle  en  reprend  d'autres  qui  fc 
croyant  élevés  à  un  haut  degré  de  faintcté  ,  mépriloient  leurs 
Confrères  ,  les  regardant  comme  des  membres  inutiles  ,  8c 
d'autres  qui  s'appliquoient  trop  à  s'enrichir.  Ces  hommes ,  dir- 
clle ,  veulent  pofféder  tout  enlemblc  le  ciel  &  le  monde ,  ce  qui 
eft  impoffible. 

XV.  Outre  les  Lettres  de  fainte  Hildegarde  rapportées    Autres  Let- 
dans  le  Recueil  dont  on  vient  de  parler  (^  ) ,  il  s'en  trouve  u^i/^/j"'^ 
une  à  l'Abbé  de  Brunvillers  dans  la  Vie  de  cette  Sainte  ,    '  ^^^'  ^' 
compofé  par  Thicrri ,  Abbé  deSaint-Trond,  &  quatre-vingt- 
quatre  dans  la  grande  CoUedion  de  Dom  Martenne.  Quoi- 
qu'elles refpirent  toutes ,  comme  les  précédentes ,  un  air  de 
piété ,  le  flyle  n'en  efl:  pas  fi  myftérieux  :  on  y  trouve  quel- 
ques faits  qui  ont  rapport  à  l'hiftoire  de  fon  fiécle ,  fur-tout 
au  fchifme  que  l'Empereur  Frideric  avoir  excité  entre  le 
Pape  Alexandre  III.  &  l'Antipape  Vi£lor  IV.  II  y  en  a  plu- 
fîeurs  de  la  part  des  Abbés  &  des  AbbefTes  qui  la  conful- 
toient  pour  fçavoir  s'ils  dévoient  abandonner  le  gouverne- 
ment de  leurs  Monafteres ,  foit  à  caufe  qu'ils  ne  s'en  croyoienc 
pas  capables  ,  foit  pour  les  difficultés  qu'ils  y  rencontroienr. 
Son  principe  général  efl ,  que  lorfque  l'on  efl  appelle  par 
les  voies  canoniques  au  gouvernement  des  âmes  (^  ) ,  on  ne 
doit  pas  le  quitter  ;  mais  elle  regarde  comme  un  prévaricateur 
celui  qui  abandonne  fon  troupeau  pour  fe  charger  d'en  con- 
duire un  autre  (i). 

XVI.  Elle  confoloit  les  Pafleurs  (/)  qui  s'afHigeoient  des 
tribulations  que  leur  occafionnoit  la  charge  d'ames  ,  rani- 
moit  leur  zèle  ,  les  exhortoit  à  combattre  avec  force  (  w  )  , 
à  veiller  foigneufement  fur  leur  troupeau  ,  à  foufFrir  les  per- 
fécutions  ,  &  à  traiter  avec  bonté  ceux  qui  leur  étoient  fou*^ 
mis  (w).  Une  femme  noble  &  riche  étant  allée  à  pied  pour 
la  voir ,  &  obtenir  par  fes  prières  la  fécondité  (  o  )  j  elle  ré- 
pondit à  plufieurs  Abbés  qui  la  lui  avoient  recommandée  , 
qu'il  dépendoit  de  Dieu  de  donner  ou  non  la  fécondité  dans 
le  mariage  ,  mais  qu'elle  ne  laifTeroit  pas  de  prier  Dieu  d'ac- 
corder à  cette  Dame  ce  qu'elle  fouhaitoit.  Elle  confeiila  à  un 


(^)  Tom.  2.  ampUJJ".  ColliS,  Marien, 
p.  loii. 


(l)Epifl.  I.  a. 
(m)    Epi)}.  5.  4, 
(fl)  Epifl.  6, 
(o)  Epiji.  II, 


TOI  ^  SAINTE  HILDEGARDE  ,  VIERGE , 
Abbé  de  quitter  fa  dignité  (p)  ,  s'il  ctoit  inutile  à  fes  Reli- 
gieux. Le  Prévôt  de  Coblentz  l'affure  dans  fa  Lettre  [q)  que 
tout  ce  qu'elle  lui  avoir  prédit  ctoit  arrivé.  Elle  donne  pour 
maxime ,  que  nous  devons  toujours  obéir  à  nos  Maîtres  (  r  )  , 
fi  ce  n'cfl  lorfqu  ils  veulent  nous  obliger  à  renoncer  à  la  foi 
Catholique  ;  que  l'on  doit  dans  l'abftincnce  des  alimens  cor- 
porels garder  les  règles  de  la  difcrétion  {s);  que  quand  on 
a  affez  de  lumières  pour  conduire  un  Monaflere  ,  on  ne  doit 
pas  en  abandonner  le  gouvernement  ,  cette  fonftion  étant 
agréable  à  Dieu.  C'efl:  un  confeil  qu'elle  donne  à  quantité 
d'Abbés  &  d'Abbeffes  qui  penfoient  à  fc  décharger  du  poids 
de  la  Supériorité. 

XIII.  Sainte  Hildegarde  a  voit  introduit  l'ufage  dans  fon 
Monaftere  de  faire  porter  les  jours  de  Fêtes  à  fes  Religieufes 
un  voile  blanc  fur  leurs  têtes ,  avec  des  couronnes  d'où  pen- 
doient  de  chaque  côté  &  derrière  des  images  reprélencanc 
des  Anges,  &  fur  leurs  fronts  la  figure  d'un  Agneau  ,  avec 
un  anneau  à  leur  doigt  :  elle  fe  diftinguoit  encore  des  au- 
tres Monafteres,  en  ce  qu'elle  ne  recevoit  dans  le  fien  que 
des  filles  d'une  naiffance  confidérable ,  &  de  condition  libre. 
L'Abbefle  d'Anturnac  prenoit  tout  cela  en  bonne  part,  mais 
elle  ne  laifla  pas  d'objeder  à  fainte  Hildegarde ,  que  dans 
la  primitive  Eglife  Jefus-Chrifl:  avoit  choifi  des  pêcheurs  & 
des  pauvres  pour  le  faint  Miniftere  ;  &  que,  félon  S.  Pierre, 
Dieu  ne  fait  acception  de  perfonne.  La  Sainte  répondit, 
que  les  Vierges  étant  les  époufes  de  Jefus  -  Chrift  ,  l'habit 
blanc  leur  convenoit  ;  qu'elles  font  du  nombre  des  perfonnes 
qui  fuivent  l'Agneau ,  &  qui  portent  fon  nom  &  le  nom  de 
Aioc.  14.  r.    ^Q^  pgj.g  écrits  fur  leur  front  ;  que  Dieu  ne  confond  pas  l'or- 
dre des  perfonnes ,  &  ne  permet  pas  que  l'inféritur  prenne 
la  place,  ou  monte  même  au-delTus  du  fupérieur;  que  parmi 
les  hommes  aucun  ne  s'avife  de  loger  dans  une  même  étable 
les  bœufs  ,  les  ânes  ,  les  brebis ,  les  boucs  ;  qu'il  efl  du  boa 
ordre  de  ne  pas  raffembler  dans  un  même  troupeau  des  per- 
fonnes de  différentes  conditions  ,  de  peur  qu'il  ne  fe  forme 
entr'elles  une  haine  mutuelle ,  Si  que  les  nobles  ne  méprifenc 
celles  qui  font  de  balle  naiffance. 


(p)Efift.i6.  I      {r)  Epifl.  14. 

(f)  Bpifi.  17.  I     W  Rpifl.  38-  35-  40. 


ABBESSE  DU  MONT  S.  ROBERT.  Ch.  VI.    1C3 

XIV.  Un  Doaciir  de  l'Uniicriiré  de  Pam  (r)  nyant  con^ 
fulré  faintc  Hildegarde  iur  le  lentiment  de  Gilbert  de  la 
Porréc  ,  qui  Iburcnoit  qu'en  Dieu  la  parcrnité  &  la  divinité 
n'croit  pas  Dieu  ,  elle  répondit  qu'elle  avoir  appris  dans  une 
viiion ,  que  la  paternité  &  la  divinité  cil  Dieu  ,  parce  qu'il 
n'y  a  rien  en  Dieu  qui  ne  foit  Dieu.  L'Abbé  &  les  Moines 
du  Mont  de  Saint  Dilibodc  la  prièrent  avec  infiance  de 
compofcr  la  Vie  de  ce  Saint  leur  Patron  ,  &  qui  ctoit  aufli 
le  lien ,  puirqu'elle  avoir  été  inftruitc  des  l'on  enfance  dans 
le  Monaflcre  Ibus  l'invocation  de  fainr  Dilibode  :  elle  fit 
ce  qu'ils  demandoicnr.  Sa  réponfe  fe  trouve  avec  la  Vie 
de  ce  Saint  dans  Surius ,  &  dans  Bollandusau  huitième  de 
Juillet. 

XV.  Dom  Marrenne  a  mis  à  la  fuite  des  Lettres  de  fainte     Lettres  de 
Hildegarde  («)  celles  de  l'Empereur  Frideric  II.  recueillies  ^p^j";Pf;;"' 
par  Pierre  des  Vignes  ,  fon  Chancelier.  Les  Protcflans  les 
avoient  déjà  rendu  publiques  pour  fatisfaire  leur  haine  contre 

le  Saint  Siège  ,  parce  que  ces  Lettres  font  remplies  de  ca- 
lomnies &  d'invedives  contre  les  Pontifes  Romains.  Dom 
Mabiilon  ,  dans  une  vue  toute  différente  &  uniquement  pour 
fervir  a  l'Hidoire  Ecclcfiaflique  du  douzième  liccle  ,  les  a 
tranfcrites  fur  un  manufcrit  de  la  Reine  de  Suéde  ;  &r  c'eft 
en  fuivant  le  même  deffein  que  Dom  Marrenne  ,  après  les 
avoir  corrigées  en  plufieurs  endroits  fur  un  manufcrit  de  la 
Bibliothèque  de  M.  Colbert  ,  les  a  inférées  dans  fa  grande 
Colletlion.  Il  remarque  que  plufieurs  Ecrivains  contempo- 
rains, nommément  Guillaume  du  Pui- Laurent,  ont  dit  de 
cet  Empereur  qu'il  reconnur  à.  la  fin  de  fa  vie  l'erreur  dans 
laquelle  il  éroir  rombé  en  prenant  le  parti  de  l'Antipape  Vi- 
ftor  IV.  &  que  pour  témoigner  fon  regrer  de  fa  defobéiffancé 
&  de  fa  rébellion  envers  l'Eolife,  il  défendir  qu'on  le  pleurât 
après  fa  m.orr ,  &  qu'on  lui  fit  les  obfeques  qu'on  avoir  accou- 
tumé de  faire  aux  Empereurs. 

XVI .  Guibert  n'érant  que  Moine  de  Gemblou  (x)  pro-  Solutîons  Je 
pofa  à  fainre  Hildegarde  rrenre-huir  quefiions  ,  les  unes  fur  ^^J"|'J  ^'^^^" 
divers  endroits  de  T'Scriture  fainre  ,  d'autres  fur  la  grâce  &  queftions  de 
le  libre  arbitre,  quelques-unes  fur  des  matières  de  Théolo- ^"'^f"  '^^ 

'   T        »  Gemblou, 


((')  Martenn.  ToWfc  1,  amflijf.  CilleS.  \      (,v)  Totr,,  ii.Bilfliot,  Pat^pap  585. 


I04  SAINTE  HILDEGARDE  ,  VIERGE  , 
gie.  Elle  répondit  à  toutes.  Nous  remarquerons  dans  fes  ré- 
ponfes  qu'elle  ne  croyoit  pas  qu'Adam ,  même  avant  fon  pé- 
ché ,  vît  Dieu  comme  il  eft ,  des  yeux  du  corps ,  ce  privilège 
étant  réfervé  aux  Bienheureux  ,  lorfqu'après  la  réfurrc6lion 
leur  corps  fera  fpiritualifé  ;  qu'elle  penfoit  que  les  Anges  qui 
ont  apparu  aux  anciens  Patriarches  fe  formoient  un  corps 
des  parties  de  l'air ,  ne  pouvant  fe  montrer  à  eux  que  de  cette 
manière ,  parce  qu'ils  font  invifibles  de  leur  nature  ;  que  ce 
qu'ils  mangeoient  pétant  avec  des  hommes ,  fe  diflîpoit  aufH- 
tôt  comme  la  rofée  devant  le  foleil  ;  que  l'apparition  de  Sa- 
muel à  Saiil  n'efl:  point  fondée,  n'étant  pas  poÂible  qu'un  Jufte 
mentit  après  fa  mort  ;  que  tous  ceux  qui  ont  péché  en  Adam 
&  les  enfans  même  font  enfans  de  perdition  ,  s'ils  ne  font 
régénérés  dans  les  eaux  du  Baptême  ;  qu'Enoch  &  Elie  tranf- 
férés  miraculeufement  en  un  lieu  inconnu  ,  n'y  ont  aucun 
befoin  des  vêtemens  ni  des  alimens  ordinaires  ;  que  les  Saints 
qui  font  dans  le  Ciel  voient  tout  ce  qui  fe  pafle  fur  la  terre  ,  foie 
dans  Dieu  ,  foit  par  le  miniftere  des  Anges  ;  que  les  damnés 
même  y  voient  les  maux  qui  s'y  partent  ,  &  conçoivent  la 
félicité  des  Saints  ;  que  le  feu  d'enfer  n'efl  pas  formé  des 
élémens  terreflres  ,  &  qu'il  efl:  différent  de  celui  dont  font 
punies  les  âmes  dans  le  Purgatoire  pour  les  purifier  de  leurs 
péchés. 
Explication     XVIT.  Le  Commentaire  que  fainte  Hildegarde  fît  fur  la 

de  la  Règle  de  Resle  de  faint  Benoît  (v)  ,  à  la  prière  de  la  Congrégation 
s.  Benoit.        ,,,p    .  ,  ,y/  '       ,     r  •        .1     n.i-7>'     i      o 

d  Henmgen  ,  n  en  explique  qu  une  partie  :  il  elt  littéral ,  & 

rend  en  peu  de  mots  le  fcns  de  la  Règle  d'une  manière  très- 
claire.  Elle  y  répète  plus  d'une  fois  que  le  Légiflateur  n'a 
point  défendu  l'ufage  de  la  volaille  ,  parce  qu'elle  efl  moins 
propre  à  exciter  les  pafTions  que  la  chair  des  animaux  à  qua- 
tre pieds ,  dont  faint  Benoît  accorde  l'ufage  aux  infirmes  feuls 
pour  le  rétablilTement  de  leur  fanté.  Ce  Commentaire  fe  trouve 
avec  les  autres  Opufcules  dans  le  Recueil  de  fes  Œuvres  à  Co- 
logne en  1566. 
Explication  XVIII.  Sainte  Hildegarde  compofa  pour  fes  Sœurs  une 
flu  Symbole,  explication  du  Symbole  (z)  qui  porte  le  nom  de  faint  Atha- 
nafe.  Sa  dodrine  fur  les  mylleres  de  la  Trinité  &  de  l'In- 
carnation efl  très -pure  j  &  pour  en  donner  l'intelligence 


(^)  JbU.  ;.  590.  (t)  Uid.f,  j?4, 

autant 


ABBESSE  DU  MONT  S.  ROBERT.Ch.  VT.  loy 
nutant  que  rhommc  en  cft  capable,  elle  propofc  divers  exem- 
ples ou  comparaifons  que  l'on  ne  trouve  pas  ailleurs.  Elle 
donne  à  h  fin  un  précis  de  la  Vie  de  faine  Robert,  Patron  de 
fon  Monaftcre  &  quelques  traits  de  l'Hiftoire  de  la  famille 
de  ce  Saint ,  que  l'on  peut  voir  plus  en  détail  dans  Surius  & 
dans  Bollandus  au  quinzième  de  Mai. 

XIX.  Les  révélations  de  fainte  Hildegarde  ont  été  re-    Autres  Ou- 
cueillies  en  trois  Livres  ,  8c  imprimées  avec  celles  de  fainte  ^?^^^'  ^^^^^^ 
Brigitte  &  de   fainte  Elifabeth  de  Schnauge  ,    à   Paris  en 
en  1 5  I  3  ,  féparément  à  Haguenau  en  i  529  ,  &  à  Cologne 
en  1628.  Elle  les  commence  ordinairement  par  quelques  ima- 
ges fenfibles  qu'elle  dit  avoir  vues ,  &  dont  elle  donne  des  ex- 
plications myftérieufes:  enfuite  el'e  en  tire  une  morale  faine 
&  folide ,  d'un  ftylc  vif  &  figuré ,  où  elle  combat  fortement 
les  vices  qui  régnoient  alors  ,  &  excite  les  pécheurs  à  péni- 
tence. La  plupart  de  fes  Lettres  font  dans  le  même  goût. 
On  lie  dans  Molanus  (^a)  qu'elle  inféra  plufieurs  de  ces  ima- 
ges merveilleufes  dans  un  Commentaire  fur  l'Apocalypfe, 
qu'une  entre  autres  repréfentoit  l'Eglife  fous  la  forme  d'une 
Reine  d'un  beau  viùgc  ,  avec  cette  infcription  :  //  faut  que 
je  conçoive  &  que  f enfante .  Tritheme  donne  à  fainte  Hil- 
degarde cinquante-huit  Homélies  fur  les  Evangiles ,  un  Li- 
vre fur  le  Sacrement  de  l'Autel ,  que  l'on  a  imprimé  parmi 
fes  Lettres  ,  un  grand  Volume  intitulé  :  Scivias ,  ou  Sciem 
vitis  ,  c'efl;  le  Recueil  de  fes  révélations  ;  trois  Livres  des 
Mérites  de  la  vie.  Il  paroît  que  Tritheme  n'avoit  pas  vu 
l'Ouvrage  entier  [b)  ,  puifqu  il  eft  divifé  en  fix  Livres ,  dont 
le  premier  contient  142  Chapitres  ,  le  fécond  85  ,  le  troî- 
fiéme  84  ,  le  quatrième  70  ,  le  cinquième  85  ,  le  fixiéme45. 
Il  lui  attribue  encore  la  Vie  de  faint  Difibode  ,  de  faint 
Rupert  ,  Duc  ,  &  de  fainte  Berthe  fa  mère  j  avec  quelques 
autres  Opufcules,  dont  deux  traitoient  de  la  Médecine ,  im- 
primés à  Strafbourg en  1533  &  1544  in-fol.  Richer  ,  Moi- 
ne de  l'Abbaye  de  Senones ,  qui  écrivoit  environ  trente  ans 
après  la  mort  de  fainte  Hildegarde  ,  dit  en  avoir  vu  un  à 
StrafLourg ,  écrit  de  la  main  même  de  cette  Abbefle.  Il  re- 
marque qu'outre  fes  prophéties  touchant  l'état  des  Royau- 


(■«)  MoiAN.  Hijl.  défailli.  Imaghiih,  lib.  1       (h)  Marteh.  Tom.  z,  amfUff.  ColleS. 

Tome  XXllL  O 


io6  ELISABETH  DE   SCHNAUGE. 

mes  (c),  elle  avoir  prédit  rctablifTemcnt  de  l'Ordre  des  Prê- 
cheurs &  des  Frères  Mineurs,  qui  ont  ,  dit  Richer  ,  com- 
mencé de  notre  tems.  Il  viendra ,  dit-elle  ,  des  Frères  por- 
tant une  grande  tonfure  &  un  habit  Religieux  ,  mais  ex- 
traordinaire ,  qui  dans  leur  commencement  feront  reçus  du 
Peuple  comme  Dieu  ;  qui  n'auront  rien  de  propre  ,  &  ne 
vivront  que  d'aumônes  fans  en  rien  réferver  pour  le  lende- 
main ;  qui  iront  dans  cette  pauvreté  prêchant  par  les  Vil- 
les &  les  Villages  ,  &  feront  d'abord  chéris  de  Dieu  &  des 
hommes  ;  mais  qui  étant  bientôt  déchus  de  leur  Inftitut, 
tomberont  dans  le  mépris  ;  &  leur  conduite  ,  ajoute  Ri- 
cher ,  a  vérifié  cette  prédidion.  Bzovius  a  rapporté  fur 
l'an  141  5  ,  une  autre  prophétie  de  fainte  H'idegardc  tou- 
chant les  Moines  Mendians  ,  que  les  Bollandiftcs ,  à  la  page 
667  du  premier  Tome  de  Mars  ,  rejettent  comme  fup- 
polce  ,  parce  qu'ils  ne  l'ont  pas  trouvée  dans  fes  Ecrits  à 
Bingue. 
Eiifabeth  de      ^^'  Elifabcth  de  Schnauge  (  ^  )  ,  dont  on  a  rapparré  plus 

Schnauge.  haut  une  Lettre  à  fainte  Hildegarde ,  naquit  en  1 1 5  8  ;  à  l'âge 
d'environ  douze  ans  elle  entra  dans  le  Monaftere  de  Schnau- 
ge ,  au  Diocèfe  de  Trêves ,  bâti  par  Hildelin  ,  premier  Abbé 
d'un  Monaftere  de  même  nom  ,  à  quelque  diflance  de -là. 
Elifabeth  fe  nomme  dans  fes  Lettres  humble  Moniale  ,  & 
MaîtrelTe  des  Sœurs  qui  font  établies  à  Schnauge.  Quelques- 
uns  l'ont  appellée  Abbeffe  ,  mais  fans  raifon  ,  parce  qu'elle 
vivoit  ,  elle  &  fes  fœurs  ,  fous  la  conduite  de  l'Abbé  Hil- 
delin ,  qui  gouvernoit  en  même  tems  un  Monaftere  d'Hom- 
mes )  de  l'Ordre  de  Saint  Benoît ,  à  Schnauge  ,  lieu  nom- 
mé ainfi  à  caufe  de  fa  belle  vue.  Etant  âgée  de  vingt- trois 
ans  ,  Elifabeth  commença- à  avoir  des  exrafes  &  des  vi- 
fions  ;  l'Abbé  Hildelin  l'obligea  de  les  découvrir  à  un  frè- 
re qu'elle  avoit  ,  nommé  Lebert  ,  Chanoine  de  l'Eglife  de 
Bonne. 
5ç5  révéla-      XXL  Cclui-ci  vint  à  Saint  Florin  de  Schnauge  (e)  en 

lions.  1152  ,  y  embralTa  l'état  Monaflique,  &  en  fut  depuis  le  fé- 

cond Abbé.  Il  écrivit  fous  Ja  didion  de  fa  fœur  les  vidons 


(  f  )  RiCHïR.  Tom.  J.  Spicil.  lib.  4.  cap.  |  ^  feq. 
lî.p.  371.  {i)Uid. 

(,d)  Bon  AND.  ad  diem  Jiitiii ,  p,  6O4. 1 


contiennent. 


FXTSABETH  DE  SCHNAUGE.  Ch.  VI.  107 
&  les  rcvcJations  qu'elle  avoit  eues  ,  8c  en  forma  cinq  Li- 
vres ,  dont  le  troidcme  c(l  intitulé  :  Des  voies  du  Seigneur , 
auxquels  il  en  ajouta  un  (ixicme  ,  qui  contient  les  circon- 
flances  de  la  mort  d'Elilabcth  ,  dont  il  avoit  été  témoin. 
Ils  font  écrits  d'un  ftyle  fimple  ,  &  TAurcur  ne  paroît  pas 
y  avoir  ajouté  du  ficn.  Il  iuit  dans  les  événemens  qu'il  ra- 
conte l'ordre  chronologique ,  en  commençant  à  la  Pentecôte 
de  l'an  1 1  52  ,  &  donne  de  fuite  tout  ce  qui  arriva  à  fa  fœur 
jufqu'au  18  de  Juin  de  l'an  1 165  (/)  ,  qu'elle  mourut  âgée  de 
36  ans. 

XXII.  Les  Bollandiftes  ont  fait  imprimer  une  partie  de  Ce  qu'elles 
fes  vifions  &  de  fes  révélations  à  la  fuite  de  fa  Vie  [g)  ,  au' 
18  de  Juin.  On  trouve  dans  le  troifiéme  Livre  des  exhorta- 
tions pour  les  différens  états  ;  des  reproches  aux  Prélats  de 
fon  tems  ;  &  ce  principe  de  Théologie ,  que  les  Prêtres  or- 
donnés par  des  Evêques  (  A  )  ,  dont  l'entrée  dans  l'Epifcopat 
n'efl:  pas  canonique  ,  ne  laiflent  pas  d'avoir  le  pouvoir  de 
confacrer  le  Corps  de  Jefus  -  Chrift.  Ce  qui  eft  dit  dans  le 
quatrième  Livre  (  i  )  du  martyre  de  fainte  Urfule  &  de  fes 
Com.pagnes  ,  ne  mérite  aucune  croyance  (/)  ,  quoiqu'Elifa- 
beth  dife  qu'elle  en  avoit  appris  l'hiftoire  de  fainte  Veren- 
ne,  dont  le  corps  avoit  été  apporté  à  Schnauge  en  115e, 
d'un  Ange.,  &  d'autres  Saints.  On  avoit  déjà  une  Hiftoire 
des  onze  mille  Vierges  ,  rejettée  de  tous  les  Critiques  ,  & 
dans  laquelle  elle  trouvoit  elle-même  plufieurs  fautes.  Dans 
les  Martyrologes  imprimés  avant  le  Pontificat  de  Grégoire 
XIII.  on  lifoit  que  fainte  Elifabeth  de  Schnauge  s'étoit  ren- 
due célèbre  par  fes  révélations.  Le  Pape  retrancha  cette  cir- 
conftance  dans  le  Martyrologe  Romain  ,  revu  &  augmente 
par  fes  ordres.  La  principale  raifon  de  ce  retranchement  fut: 
qu'il  ne  doutoit  point  de  la  fauffeté  de  ce  que  la  Sainte  ra- 
conte du  martyre  de  fainte  Urfule  (m)  ,  des  onze  mille  Vier- 
ges ,  &  de  quelques  autres  Martyrs,  Hiftoire  vifiblement  fa- 
buleufe  ,  &  pleine  de  circonftances  contraires  à  la  vérité  de 
l'Hiftoire.  Il  y  efl  entr'autres  fait  mention  d'un  Pape  nom- 


(i)Ptig.  657.  <;j9. 


(/  )  Papebroc.  in  conatu  Chronologie, 
Diprt    <;. 

(m)  BoLLAND.  ad  diem  18.  Junii ,  fag. 

Oij 


îo8  ELISABETH  DE  SCHNAUGE. 

mé  Cyriaque,  inconnu  dans  tous  les  Catalogues  des  Papes  , 
&  on  le  place  ici  entre  Pomicn  &  Anteros  ,  c'eft-à- dire , 
entre  le  28  de  Septembre  235  ,  &  le  21  de  Novembre  de 
la  même  année.  Il  y  cil  auffi  parlé  d'un  Roi  de  Conflanti- 
nople,  nommé  Dorothée  ,  &  d'un  Roi  de  Sicile  ,  qui  ne  font 
connus  ni  l'un  ni  l'autre  dans  THiftoire.  Au  reftc  ,  Elifa- 
beth  ne  doit  point  paffer  pour  fabricatrice  des  Atles  du 
martyre  des  onze  mille  Vierges  -,  il  y  en  avoit ,  comme  on 
vient  de  le  dire  ,   de  fabriqués  avant   elle.   Le  Père  Sir- 
mond  conjefture  que  le  nom  d'une  Martyre  appellée  Un- 
decimilla  ,  a  donné  lieu  à  l'Hifloire  fabuleufe  des  onze  mille 
Vierges. 
Lettres  de  Ste     XXIIL  Des  quinze  Lettres  que  l'on  a  fous  fon  nom  ,  la 
Eiifabcth.      pj^g  remarquable  eft  celle  qui  eft  adreflee  à  fainte  Hildc- 
garde  :  nous  en  avons  parlé  plus  haut.  Lebert  l'a  rappor- 
tée dans  le  Prologue  fur  la  Vie  de  fa  fœur  ;  elle  fe  lit  aulTi 
dans  la  Chronique  d'Hirfauge  ,  par  l'Abbé  Tritheme.  Les 
cinq  Livres  des  vidons  d'Elifabeth  de  Schnaugc  ont  été  mis 
fous  la  PrefTe  ,  avec  les   révélations  de  fainte   Hildegarde 
&  de  fainte  Brigitte ,  à  Paris  en  1 5 1  j  ,  in-fol.  par  les  foins 
de  Jacques  Lefevre  *,  &  depuis  à  Cologne  en  1628,  in-fol. 
Il  y  en  a  une  Edition  en  langue  Italienne ,  à  Venife  en  i  585?-, 
in-4°.  Les  Bollandifles  n'ont  donné  que  le  premier  &  le  fé- 
cond Livre  des  vifions  d'Elifabeth ,  une  partie  du  troifiéme  , 
&  le  fixiéme  entier  ;  ils  ont  omis  le  refle  comme  ne  faifanc 
rien  à  l'Hiftoire  de  cette  Sainte. 


HUGUES  ,  ARCHEVESQUE  DE  ROUEN,    lop 

CHAPITRE     VIL 

Hugues ,  Archevêque  de  Rouen. 

I.  TT  L  fut  une  des  Itimicres  de  TEglife  de  fon  tcms ,  &    Hugues; fa 
X  rorncmcnc  de  l'Ordre  de  S.^  Benoît  ,  de  même  que  ^f^£f  ;' ^^; 
Matthieu  fon  frère,  Cardinal,  Evêquc  d'Albane.  LaFran-fait  Moine  ; 
ce  leur  donna  la  naiffance  (a)  ,  feja  Ville  de  Laon  l'édu- 'leviemAbbé. 
cation.  Ils  y  apprirent  l'un  &  l'autre  les  Belles-Lettres,  fans 
doute  dans  l'Ecole  d'Anfelme.  Sans  fe  laifTer  éblouir  par  la 
nobleffe  &  l'opulence  de  leur  famille  ,  ils  embraffercnt  l'érac 
Monaftique  dans  l'Abbaye  de  Cluni  (b).    Dès  l'an  ii  i  $ 
Hugues  étoit  Prieur  de  Saint  Martial  à  Limoges ,  cnfuite  il  le 
fut  de  S.  Pancrace  en  Angleterre  ,  puis  Abbe  d'un  nouveau 
Monaftere  appelle  Radinge. 

II.  Apres  la  mort  de  Geoffroi  ,  Archevêque  de  Rouen  ,iieftfaitAr 
arrivée  en  1 1 28  ,  on  mit  à  fa  place  l'Abbé  Hugues.  Son  cle-  ^'^^^Jg^^^"*^^  ' 
£tion  fut  approuvée  de  Henri,  Roi  d'Angleterre  (c)  ,  &  de  mg. 
l'Evêque  de  Salifberi ,  dans  le  Diocèfe  duquel  le  Monaftere 
de  Radinge  étoit  fitué.  Hugues  fut  le  feul  qui  s'y  oppofa. 
Le  Clergé  de  Rouen  en  écrivit  au  Pape  Honorius  II.  qui 
confirma  l'éleftion.  Hugues  ne  fut  facrc  qu'au  mois  de  Sep- 
tembre 1 130  :  auflTi  tôt  qu'il  fut  inftallé  fur  le  Siège  Archié- 
pifcopal  de  cette  Vi^fe  ,  faint  Bernard  lui  écrivit  (d)  pour 
lui  faire  connoître  les  mœurs  du  peuple  qu'il  avoit  à  gouver- 
ner ,  &  pour  l'exhorter  à  être  en  même  tems  patient  &  pacifi- 
que ,  &  à  modérer  fon  zèle  par  la  prudence.  Pierre  de  Cluni 
lui  en  écrivit  aufli  une  {e)  ,  mais  pour  l'inviter  à  venir  voir 
fa  Communauté  ,  qui  n'avoit  pas  encore  oublié  ,  dit-il ,  com- 
bien il  avoit  illuftré  cette  Abbaye  par  fon  érudition  «Si  par 
fa  piété. 


de 


(a)  HuG.  Ep'ft.  ad  M<i»f.  Alban.  Tow. 
5.  Atiecdot.  Marten,  p.  857. 

(i)  Mabill.  Liù.  74,  Annitl.nuirh  70. 
i3  Lib,7^.n,  ji. 


(c)  Mabiii.  uhi  fup. 

(d)  BtRN.  Epift.  4f. 

(e)  P£iR,  V£t*£&.  LU,  6.  Epijl.  jî. 


iio  HUGUES, 

iladifteau     III.  En  ii^i  >  Hugucs  aiïlfta  au  Concile  de  Reims,  où 
Concile  de    p^le^tion  du  Pape  Innocent  IL  fut  folemnellement  approu- 

Reims     en  ,  _.  it-  'ti/c  -nj 

1 1  u ,  &  de  vee ,  &  Pierre  de  Léon  excommunie.  11  preienta  au  Pape  des 
Montpellier  Lettres  d'obédience  de  la  part  de  Henri ,  Roi  d'Angleter- 
f"H54>  J.J,  ^j-y  Tsîommé  par  Innocent  IL  en  1 134  pour  examiner 
le  différent  entre  les  Abbés  de  la  Chaife  -  Dieu  &  de  Saint- 
Tiberi  ,  il  fe  trouva  le  troifiéme  de  Novembre  à  Montpel- 
lier avec  Bernard  ,  Archevêque  d'Arles,  &  Arnaud  ,  Ar> 
chevêque  de  Narbonne ,  Légats  du  Saint  Siège ,  &  avec  plu- 
fieurs  Evêques  &  autres  perionncs  Eccléllafliques.  Les  deux 
Abbés  avoient  été  cités  au  Concile.  Ademar  ,  Abbé  de  Saint- 
Tiberi  ,  s'y  préfenta  ;  mais  Etienne  ,  Abbé  de  la  Chaife- 
Dieu  ,  n'y  comparut  paS ,  ni  perfonne  de  fa  part.  Hugues  de 
Rouen  ne  laiffa  pas  de  faire  toutes  les  informations  ;  &  après 
avoir  interrogé  tous  ceux  qui  pouvoient  avoir  connoiflance 
du  fait ,  il  rendit  un  Jugement  favorable  à  l'Abbé  de  Saint- 
Tiberi  (^  ) ,  en  lui  adjugeant  l'Eglife  de  BefTan  ,  que  Be- 
renger  ,  Evêque  d'Agde ,  lui  avoir  donnée  ,  &  que  l'Abbé 
de  la  Chaife -Dieu  prétendoit  lui  appartenir  en  vertu  d'une 
donation  faite  poftérieurement  par  le  même  Evêque.  L'Ar- 
chevêque de  Rouen  rendit  compte  au  Pape  de  ce  qu'il  avoic 
fait  ,  par  une  Lettre  rapportée  dans  les  preuves  de  la  nou- 
velle Hitloire  de  Languedoc  (^)  ,  avec  celle  que  Hugues 
écrivit  fur  le  même  fujet  à  l'Abbé  de  Saint-Tiberi ,  &  dans 
l'Appendice  du  fixiéme  Tome  des  Annales  (?)  de  l'Ordre  de 
S.  Benoît. 
11  fe  trouve  IV.  Roger  de  Salifberi  (  /) ,  &  Alexandre  de  Lincolne , 
au  Conc.ie  de  j^g  ^^^^    j^^g  puifTans  entre  les  Evêques  d'Angleterre  ,  s'é- 

Vincheitre  en  ,^     r  r      ~,  -n-i-..  -  rjir  r? 

1 1 55.  tant  rendus  fufpetts  au  Roi  Etienne ,  a  caufe  de  plulieurs  r  or- 

tereffes  qu'ils  avoient  fait  bâtir,  ce  Prince  les  fit  arrêter,  & 
fe  faifit  de  leurs  Châteaux.  L'action  du  Roi  fut  prife  diffé- 
remment. Henri ,  Evêque  de  Vincheftre  ,  fon  frère,  la  dé- 
fapprouva  ,  difant  que  ces  Evêques  n'avoient  pu  être  dé- 
pouillés de  leurs  biens  fans  un  Jugement  eccléfiaffique  :  Hu- 
gues de  Rouen  prit  hautement  le  parti  du  Roi.  L'affaire  fut 
agitée  au  Concile  tenu  à  Vincheffre  en  1 1 3^  ,  le  p  d'Août. 


(/)  Mabill.  Lib.  7y.  Anital.n.  Hz. 
{g)  Hifl.  Lang.  Tom,  2.^.412.413. 
{f>)  Ibid.  f.  47J.  47^-  477. 


(n  P^ig.  666.^  fc<j. 

(I)  Tom.  10.  Conc.p.  lolj.  1017. 


ARCHE VESQUE  DE  ROUEN.  Ch.  VIT.      m 

L'Archevêque  de  Rouen  y  convint  que  les  Evêques  garde- 
roicnt  leurs  Châteaux  ,  s'ils  pouvoient  montrer  par  les  Ca- 
nons qu'ils  cufTcni  droit  d'en  avoir  ;  mais  il  ajouta  qu'en 
leur  luppofant  ce  droit ,  ils  dévoient  donner ,  comme  tous  les 
autres  Seigneurs ,  les  clefs  de  leurs  Fortereflcs  au  Roi,  àcaufe 
cjue  l'on  ctoit  dans  un  tcms  lulpe^t  ;  que  tel  ctoit  l'ul'age  de 
toutes  les  autres  Nations ,  lorlqu'un  Roi  failoit  la  guerre  pour 
la  sûreté  commune.  Les  autres  Evêques  demandoient  que 
ceux  de  Salifberi  &  de  Lincolne  fuflcnt  rétablis  dans  la  pof- 
feflîon  de  leurs  Châteaux  avant  que  leur  affaire  fut  exami- 
née ;  &  l'on  fe  fépara  le  premier  de  Septembre  fans  avoir 
rien  fait.  -.^^ 

V.  Plufieurs  années  auparavant  ,  &  dès  l'an  1130  (m)  ,     Il  érige  en 
Hugues  avoit  érigé  en  Abbaye  l'Eglife  d'Aumale ,  deflervie  ^.'^^'^iTa''^" 
auparavant  par  lix  Chanoines,  a  deux  conditions,  1  une  ,  leen  1150. 
que  le  premier  Abbé  feroit  pris  dans  la  Communauté  de  faine 
Lucien  de  Bcauvais ,  d'où  Aumale  dépendoic  ;  l'autre  ,  que 

l'Abbé  feroit  profeflion  d'obéifTance  à  l'Archevêque  de 
Rouen ,  ce  que  la  plupart  des  Abbés  de  ce  Dioccfe  ne  vou- 
loient  pas  faire.  Les  Lettres  que  Hugues  écrivit  à  ce  fujec 
font  rapportées  dans  la  Neuftrie  pieufe ,  &  dans  la  nouvelle 
Colleftion  des  Conciles  de  Rouen.  Il  confirma  en  1 141  (  n  ) 
les  privilèges  accordés  à  l'Abbaye  du  Bec  par  l'Archevêque 
Guillaume ,  dans  le  tems  que  faint  Anfelme  en  étoit  Abbé.  Il 
ne  fe  réferva  fur  cette  Abbaye  que  les  chofes  qui  ne  peuvent 
fe  faire  ou  adminiflrer  fans  l'office  de  l'Evêque. 

VI.  Orderic  Vital  dit  que  Hugues  de  Rouen  aiïifta  au  ï'  a'^î'^e  au 
Concile  de  Pife  ,  qu'il  y  fut  d'un  grand  fecours  au  Pape  In- re°,"„''J;?'.^'' 
nocent  contre  Pierre  de  Léon  ;  qu'occupé  des  affaires  du 

Saint  Siège  pendant  un  long  féjour  en  Italie  ,  il  négligea 
celles  de  fon  Diocèfe  ,  ce  qui  déplut  beaucoup  à  Henri , 
Roi  d'Angleterre  (0) ,  à  qui  la  Normandie  appartenoit  auiïi; 
le  Pape  témoigna  fa  reconnoiffance  à  Hugues  en  diverfes 
occafions.  On  a  de  ce  Pape  une  Bulle  adreffée  à  cet  Arche^ 
vêque  {p  )  ,  dans  laquelle  ,  après  avoir  loué  fon  zèle  infa- 
tigable pour  l'Eglife  Romaine  ,  &  fon  intrépidité  à  le  fou-^ 
tenir  lui-même  contre  l'Antipape  Anaclet ,  fon  Compéti- 


(»»)  Maeiil.  L>b.  y$.  Aiinal.n.  103. 1      fo)  Order.  Vit.  IîiJ.  ij./'.jjoo. 
(n)  idem.  Lib.  77,  «.  97.  }       [p)  Conc.  Kotem.tg. p.irt,  z.f.  tj, 


HZ  HUGUES, 

leur,  il  lui  accorde,  &  à  fes  Succefleurs  dans  le  Sie'ge  Ar- 
chiépifcopal  de  Rouen  ,  la  confirmation  des  privilèges  de 
cette  Eglife.  Le  Pape,  par  une  autre  Lettre  (^  ) ,  lui  mar- 
que qu'il  lui  envoie  en  figne  d'amitié  l'ctole  qu'il  avoit  ac- 
coutumé de  porter  ,  afin  qu'il  la  mît  lui  -  même  habituelle- 
ment fur  Ion  col  en  mémoire  de  lui ,  &  par  refpe£l:  pour  faint 
Pierre.  Sur  les  plaintes  de  Henri ,  Roi  d'Angleterre  (  r)  , 
que  Hugues  exigcoit  une  profeffion  d'obéiflance  de  tous  les 
Abbés  de  fon  Diocèfe  ,  &  qu'il  y  caufoit  d'autres  troubles , 
Innocent  IL  lui  écrivit  qu'il  falloit  le  relâcher  pour  un  rems 
de  la  févérité  des  Canons  à  l'égard  des  Abbés  ,  en  confidé- 
ration  de  la  protection  que  ce  Prince  accordoit  à  l'Eglife  , 
&  abfoudre  les  Abbés  qui  avoicnt  encouru  quelque  cenfure 
pour  n'avoir  pas  voulu  faire  cette  profeffion.  Outre  l'obéifiTan- 
ce  (j)  ,  les  Evêques  obligeoient  les  Abbés,  en  les  béniffant, 
de  leur  payer  un  cens  annuel ,  appelle  le  droit  fynodal ,  de  les 
loger  dans  leur  Monaftere  lorfqu'ils  voyageoicnt ,  de  leslaif- 
fer  célébrer  des  Meflfes  folemnclles  dans  leur  Egîife,  &  d'y 
tenir  leurs  Afifemblées.  Ce  fut-là  la  matière  d'un  long  différent 
entre  les  Evêques  &  les  Abbés  dans  les  dixième ,  onzième  & 
douzième  fiécîes. 
ZcledeHu-      VI.  Le  Pape  connoiflibit  très-bien  la  fermeté  de  1  Arche- 
gués.  Sa  mort  yêquc  de  Rouen  (  r  )  ,  &  fon  zèle  à  remplir  les  devoirs  de  fa 
en  1164.       dignité  ,  foit  par  fes  Difcours  ,  foit  par  les  bons  exemples 
qu'il  donnoit  à  fes  Peuples  ;  mais  il  craignoit  qu''il  ne  fût  trop 
févere  ;  c'efl:  pourquoi  il  le  prioit  de  le  conduire  dans  toutes 
fes  fondions  avec  douceur  &  avec  charité  j  fuivant  le  pref- 
crit  des  Canons.  Hugues  rentra  dans  les  bonnes  grâces  du 
Roi  Henri ,  comme  on  le  voit  par  une  de  fes  Lettres  au  Pape 
Innocent  II  (m),  à  qui  il  marque  que  ce  Prince  étant  tom- 
bé inopinément  malade  ,  l'avoit  fait  venir  pour  le  confolcr 
dans  l'extrémité  où  il  fe  trcuvoit.  Hugues  pafTa  trois  jours 
auprès  de  lui ,  reçut  la  confeiïion  de  fes  péchés ,  lui  en  don- 
na chaque  jour  l'abfolution  ,  lui  adminiflra  le  Corps  &  le 
Sang  du  Seigneur ,  &  enfuire  l'Extrême-Ondion  après  que 
Henri  la  lui  eut  demandée  lui-même.  Telle  fut  la  fin  de  ce 


(q)  Uid.  p.  17.  î      ^  *  ^  ^*"^*  ^'  ^^' 

[r)  Uid.p.i^.  ij,  I      Ça)   Ibid.f.XJ. 

(s)  Uid.f.  zf.  l 

Prince 


ARCHEVESQUE  DE  ROUEN.  Ch.  VIT.  115 
Grince.  Hugues  détaille  les  bonnes  œuvres  qui  la  prcccdc- 
rent  :  elle  arriva  en  1 1  ^ç.  On  mec  celle  de  Hugues  (x)  en 
1 164,  le  10  de  Novembre.  L'année  précédente  il  avoic  levé 
folcmnellemenc  de  terre  à  Pontoifc  le  corps  du  Bienheu- 
reux Gautier ,  ce  qui  étoit  alors  la  manière  de  canoniler.  Hu- 
gues gouverna  l'Eglife  de  Rouen  environ  30  ans ,  avec  autant 
de  piété  que  de  dignité.  Il  fut  libéral  envers  les  pauvres  ,  le 
protcdeur  des  veuves  &  des  orphelins. 

VII.  Pendant  qu'il  étoic  en  Angleterre  Abbé  de  Radin-     Ses  Ecrûs. 
ge  (  y  )  ,  il  s  occupoit  à  réfoudre  pludeurs  queftions  théolo-  ScsDialo^ues. 
giqucs  ,  qu'il  réduifit  en  forme  de  Dialogues  ,  ou  par  de- 
mandes &  par  réponics ,  pour  la  facilité  des  Lecteurs,  Il  en 
compofa  d'abord  (ix  Livres ,  qu'il  dédia  à  Matthieu  ,  Prieur 

de  Saint  Martin-des-Champs  à  Paris  ,  qui  Tavoit  engagé  à 
cet  Ouvrage.  M  itthieu  n'étoit  pas  encore  Cardinal,  ni  Èvcque 
d'Albane.  Ces  Dia'ogucs  furent  donc  écrits  avant  Pan  1125, 
qui  efl  l'époque  de  l'élévation  de  Matthieu  au  Cardinalat,  fui- 
vant  Ughelli  (z) .  Matthieu  les  reçut  avec  plaifir ,  les  communi- 
qua à  fes  amis ,  puis  les  répandit  dans  le  Public  qui  en  fut 
content.  Hugues  encouragé  par  cette  approbation  ,  relut  fon 
Ouvrage  ,  effaya  de  le  rendre  plus  parfait ,  foit  pour  les  cho- 
fes ,  foit  pour  le  (lyle ,  &  y  ajouta  un  feptiéme  Livre.  Dans 
un  manufcric  de  M.  Colberc  l'Ouvrage  efl  attribué  à  Hu- 
gues ,  Abbé  de  Radinge  ,  en  d'autres  il  porte  le  titre  de 
Hugues ,  Archevêque  de  Rouen  :  mais  il  efl  à  remarquer  que  le 
feptiéme  Livre  manque  dans  le  manufcrit  de  M.  Colbert , 
&  que  Hugues  compofa  les  fix  premiers  étant  Abbé  de  Ra- 
dinge, en  II 24  ;  le  feptiéme  ne  fut  écrit  que  quelques  an- 
nées après  ,  &  apparemment  depuis  qu'il  devint  Archevêque 
de  Rouen  ;  c'efl:  pour  cela  que  dans  d'autres  manufcrits  où  fe 
trouvent  les  fept  Livres ,  Hugues  y  efl  qualifié  Archevêque 
de  Rouen. 

VIII.  Le  premier  traite  du  fouverain  bien  ,  c'efl-à-dire  ,    Anaiyfe  de 
de  Dieu  même  (a) ,  &  des  trois  Perfonnes  divines  ,  le  Père ,  f^s  Dialogues. 
je  I^ils ,  &  le  Saint- iifprir  qui  procède  des  deux  premières. 
Hugues  trouve  ces  trois  Perfonnes  bien  défignées  dans  le 
commencement  de  la  Génefc  ,  &  dans  plufîeurs  endroits  de    Cenef.  i.i, 

(*)  lêirf.  p.  4,  I       (u^^  Tom.  I.  hal.Sacr.  ad  an,  irj, 

(y)Tom.  s.Aaecd,  Marten.f,  S<)^.      \       (a)  Ibid.  f,  igj, 

TomeXXnU  P 


114  HUGUES, 

7o«».8. 2f.    l'Evangile  félon  faint  Jean  ;  il  montre  que  l'eflence  de  la 

joari.  10.1}.  nature  divine  étant  fimple  ,  elle  eft  néceflairement  une,  & 
n'eft  Ibfceptible  d'aucun  accident  ;  que  fi  la  raifon  humaine 
ne  peut  comprendre  le  myflere  de  la  Trinité ,  nous  l'appre- 
nons par  la  foi ,  qui ,  étant  fondée  fur  l'autorité  divine  ,  eft 
beaucoup  plus  certaine  que  les  connoifTances  que  nous  ac- 
quérons par  les  fens ,  toujours  fujets  à  erreur.  Il  ^traite  en- 
fuite  de  l'Incarnation  du  Verbe  dans  les  termes  les  plus  ortho- 
doxes ,  &  du  péché  contre  le  Saint-Efprit ,  qu'il  dit  être  le  mé- 
pris des  clefs  de  l'Eglife ,  ou  du  pouvoir  que  l'Eglife  a  reçu  du 
Saint-Efprit  comme  des  deux  autres  Perfonnes  de  la  Trinité  , 
pour  remettre  les  péchés. 

Livre  fécond.  IX.  Il  demande  dans  le  fécond  Livre  (h)  pourquoi  Dieu 
qui  eft  la  fouveraine  charité  ,  &  qui  aime  indifféremment 
toutes  chofes  ,  en  punit  quelques-unes?  A  quoi  il  répond  que 
Dieu  a  doué  la  créature  raifonnable  du  libre  arbitre  ,  afin 
qu'elle  connût  &  armât  fon  Créateur  ;  que  lorfqu'elle  s'ac- 
quitte de  ce  devoir ,  elle  eft  récompenfée  par  la  béatitude  , 
&  que  quand  elle  le  néglige,  elle  mérite  d'être  punie  de  fon 
ingratitude  •,  l'ordre  de  la  fouveraine  Juftice  ,  qui  eft  Dieu  , 
le  voulant  ainfi.  Hugues  dit  de  la  charité  ,  qu'elle  eft  fi  né- 
ceffaire ,  que  tout  ce  que  nous  faifons  dans  cette  vie  doit  en 
être  animé  ,  parce  que  comme  Dieu  ne  fait  rien  qu'avec 
amour ,  il  veut  que  la  créature  raifonnable  faffe  aufti  avec  cha- 
rité tout  ce  qu'elle  fait.  Il  donne  une  explication  littérale,  allé- 
gorique &  morale  des  fix  jours  de  la  Création ,  &  du  feptiéme 
qui  fut  le  jour  de  repos. 
Livre  troi--     X.  Il  définit  le  libre  arbitre  (f)  ,  un  certain  mouvement 

fiéme.  Je  l'intelligence  raifonnable ,  avec  pouvoir  d'exécuter  ce  qu'il 

juge  à  propos  de  faire.  D'autres  difoicnt  que  le  libre  arbitre 
avoir  été  donné  à  l'Homme  pour  le  bien  comme  pour  le  mal. 
Hugues  n'eft  point  de  ce  fentiment,  &  croit  que  le  libre  ar- 
bitre fe  perd  par  le  péché ,  &  ne  peut  être  réparé  que  par  la 
,  o  ,  grâce ,  félon  que  le  dit  Jefus-Chrift  :  Si  le  Fils  vous  délivre  ^ 
vous  Jerez  véritablement  bores,  11  tait  1  apphcation  de  ce  prin- 
cipe au  premier  Homme  ,  qui ,  en  voulant  le  mal  ,  a  perdu 
le  pouvoir  du  bien  ,  ce  qu'il  entend  fans  doute  du  pouvoir 
prochain.  11  enfeigne  que  la  préfcience  de  Dieu  n'a  impofé 


{b)  Pag.çio^,  ,  (<■)  Tag.^iu 


ARCHEVESQUE  DE  ROUEN.  Ch.  VIT.    iiy 

aucune  néccfntc  aux  Anges  ni  à  l'Homme  de  tomber  ;  qu'ils 
ont  pichc  librement  ;  &  qu'encore  ciue  les  chofes  prévues 
,  de  Dieu  puilTenc  ne  pis  arriver  ,  elles  arrivent  toujours. 
En  expliquant  ces  paroles  de  l'Apôtre:  Jefus-Chrijl  veut 
que  tous  les  hommes  foient  fauves  ,  il  dit  qu'il  faut  les  entendre 
de  cette  forte  :  Ceux  dont  il  veut  le  falut  font  tous  fauves; 
car  aucun  ne  peut  être  fauve ,  fi  Jcfus-Chrift  ne  le  veut  :  d'où 
vient  que  faint  Paul  veut  qu'on  prie  pour  tous. 

Xi.  Dans  le  qu.itriéme  Livre  {d)  Hugues  traite  de  la  chute  .f-ï^f^  ^"=»- 
du  premier  Homme ,  &  demande  pourquoi  Dieu  qui  içavoic  "^^"^^' 
que  l'Homme  lui  dcfobéiroit  ,  lui  fit  défenfe  de  manger  du 
fruit  de  l'arbre  de  vie^  &  pourquoi  il  permit  qu'il  fût  tente? 
Il  répond  que  Dieu  fit  à  l'Homme  quelque  commandement  y 
afin  que  l'Homme  fçût  qu'il  avoit  un  Maître  &  un  Seigneur  ; 
que  fi  Dieu  permit  qu'il  fût  cxpofé  à  la  tentation  ,  ce  fut  par 
un  même  principe  ,  c'efl-à-dire  ,  pour  éprouver  fi  le  fer- 
viteur  voudroit  obéir  à  fon  Maître.  Hugues  ne  croit  pas 
que  l'orgueil  ait  précédé  dans  Adam  la  tentation  ,  parce 
qu'il  feroit  tombé  avant  d'être  tenté  :  la  tentation  précé- 
da -  féduifit  l'Homme  par  le  plaifir  ,  &  le  fit  confentir  au 
péché. 

XII.  Le  cinquième  Livre  regarde  la  rémiffion  des  pé-  Livre  ci»- 
chés ,  en  particulier  du  péché  originel  {e)  ,  qui  efl  une  luite  ^"'  ™** 
de  celui  d'Adam.  Quoique  par  la  grâce  de  la  Rédemption 
il  nous  foit  remis  dans  le  Baptême  quant  à  la  coulpe  ,  & 
que  par  la  même  grâce  notre  libre  arbitre  recouvre  la  liber- 
té de  faire  le  bien ,  il  refte  en  nous  la  concupifcence  de  la 
chair  qui  nous  excite  au  péché  ,  mais  dont  les  mouvemens 
ne  nous  font  point  imputés  quand  nous  n'y  confentons  pas  : 
au  contraire  ,  lorfque  daiis  la  révolte  de  la  chair  contre  l'ef- 
prit  nous  recourons  à  Jefus  -  Chrift  ,  que  nous  pleurons  la 
dure  néceflité  où  nous  réduit  cette  révolte  ,  il  arrive  ,  par 
un  efTet  merveilleux  de  la  grâce  ,  que  le  mal  fe  tourne  en 
bien  par  les  fentimens  d'humilité  qu'elle  nous  infpire  :  d'où 
vient  que  faint  Paul  dit  :  Si  vous  faites  mourir  par  Pefprit  les 
pnQions  de  ta  chair ,  vous  vivrez.  Hugues  parlant  des  Sacrc- 
mens  ,  dit  qu'il  n'eft  pas  étonnant  qu'ils  ne  foient  pas  les  mê- 
mes dans  la  Loi  nouvelle  que  dans  l'ancienne  ,  Dieu  ayant 


Pij 


ii<î  HUGUES, 

jugé  à  propos  de  les  varier  fuivant  les  différentes  circonflan- 
CCS  des  rems  ;  mais  que  la  foi  n'a  jamais  varié  ,  n'étant  pas 
poflîble  qu'aucun ,  depuis  la  chute  du  premier  Homme  ,  ait 
été  fauve  fans  la  foi  en  Jcfus-Chrifl:  ;  que  le  falut  a  été  donné 
aux  enfans  comme  aux  adultes  dans  la  Loi  ancienne  par  la 
Circoncifion  ,  &  dans  la  nouvelle  aux  perfonnes  des  deux 
fexes  par  le  Baptême  ,  avec  cette  différence ,  que  le  Sacre- 
ment de  la  foi  fuffit  aux  enfans ,  &  que  les  adultes  doivent 
y  ajouter  les  bonnes  œuvres.  Il  prouve  par  l'autorité  de  l'E- 
criture que  les  Martyrs  ,  fans  avoir  reçu  le  Baptême  d'eau,, 
font  fauves  par  le  fang  qu'ils  répandent  pour  la  foi  ;  que 
les  Apôtres  ont  été  baptifcs  ;  que  le  Baptême  ne  doit  point 
fe  réitérer  ,  eût-il  été  adminiftré  par  un  indigne  ,  parce  que 
c'eft  Dieu  qui  donne  l'efficacité  aux  Sacremens  ,  &  que  le 
défaut  de  mœurs  dans  un  Miniftrc  n'y  efl  pas  un  obltacle,. 
Il  femble  dire  que  les  Sacremens  conférés  par  des  excommu- 
niés, ou  par  ceux  qui  font  fufpens  de  leurs  fondions,  font  nuls^ 
mais  fa  penfée  eft  qu'ils  confèrent  illicitement ,  mais  vaJide- 
ment  (/)j&  il  le  prouve  par  la  conduite  que  l'Eglife  univerfelle 
a  tenue  envers  les  Novatiens,  dont,  quoiqu'ils  fuffent  anathé- 
mathifés ,  elle  a  reçu  les  Clercs  dans  leur  rang  lorfqu'ils  fe  font, 
réunis  à  l'Eglife. 

XIII.  Après  avoir  rapporté  les  divers  fenrimens  fur  l'ori- 
gine de  l'Ame  (g  )  ,  il  établit  celui  de  l'Eglife  Catholique  , 
qui  enfeigne  que  l'Ame  ne  vient  point  des  parens  par  la  gé- 
nération ,  mais  qu'elle  efl:  créée  de  Dieu  à  la  naiffance  de 
chaque  perfonne.  Il  dit  qu'avant  fon  union  avec  la  chair 
elle  eft  fans  péché  ,  mais  qu'elle  le  contraâe  par  Ion  union 
avec  la  chair  qui  a  été  corrompue  en  Adam  :  &  c'cft  de 
celte  forte  qu'il  explique  la  transfufion  du  péché  originel. 
Sur  le  Sacrement  de  l'Autel ,  il  veut  qu'on  s'en  rapporte  à 
la  foi  de  l'Eglife  Catholique  &  Apoffolique  ,  qui  nous  ap- 
prend que  par  l'efficacité  de  la  parole  tour-puiffante  ,  la  fub- 
ftance  du  pain  &  du  vin  eft  changée  au  Corps  &  au  Sang  de 
Jefus-Chrift  (  A  )  ,  par  la  puiffance  du  même  Verbe  par  qui. 
toutes  chofes  ont  été  faites  de  rien.  Jefus  -  Chriff  a  fait  le 


(f)  Pug.  958.  &  Epift.  ad  M.itt.  Alban. 
.  981. 
ig)  Pas;.  9^9. 
(i)  Ejus  Verbi  potentiâ  quâ  de  nihiJo 


faiSa  funt  omnia  ,  fech  Se  hic  Chriftus 
ut  lubftantia  panis  &  vini  fiât  fubilamia. 
Corporis  &  Sanguinis  fui,  Hugo,Rojciw,, 
LU,  5,  Diulo^.  p.  $6}, 


ARCHEVESQtJE  DE  ROUEN.  Ch.  VIL  1 17 
dmngcmcnc  du  pain  &  du  vin  en  la  fubftance  de  ion  Corps 
&  de  Ion  Sang  ;  mais  ce  changement  étant  au  -  delFus  des 
lumières  de  la  railbn  humaine  ,  inutilement  on  prétendrok 
le  démontrer  par  des  raiionncmens  humains  :  on  doit  le 
croire,  &  non  pas  le  prouver.  Il  en  efl;  de  même  de  tous  les 
Sacremcns.  A  Tégard  des  lacrilices  &  des  prières  que  l'E- 
glii'e  otTre  pour  les  morts  (i) ,  Hugues  enfeignequ'el'es  n'onc 
pas  pour  objet  la  rémilHon  de  quelques  péchés  en  l'autre 
monde  ,  mais  de  la  peine  dûb  aux  péchés  pour  lefqucls  on 
n'a  pas  fatisfait  en  cette  vie  ;  &  que  ceux-là  feuls  recevront 
du  l'ecours  des  prières  de  l'Ëglife,  qui  ont  été  dans  fa  com- 
munion avant  leur  mort.  Il  dit  qu'on  donne  le  nom  de  Fia- 
tique  à  TEuchariftie ,  parce  qu'elle  nous  foutient  dans  le  voya- 
ge que  nous  failons  pour  arriver  à  notre  véritable  Patrie. 
Entre  les  difpofKions  qu'il  demande  pour  s'approcher  digne- 
ment de  l'Euchariftie  ,  il  met  la  foi  qui  nous  fait  croire  inté- 
rieurement que  le  pain  &  le  vin  qui  paroiflcnt  extérieure- 
ment à  nos  yeux  (/),  font  le  Corps  &  le  Sang  de  Jefus-Chrill  ; 
les  bonnes  œuvres ,  la  correction  des  mœurs,  &  lalatisfadion 
rmpofée  pour  les  péchés  palTés. 

XIV.  Lefixiéme  Livre  cft  employé  principalement  à  re- Livre fîxiémei 
lever  l'Ordre  Monaflique  (w),  Hugues  en  regarde  la  pro- 

fefTion  comme  un  autre  Baptême ,  &  dit  que  de  même  que 
l'on  fe  dépouille  de  la  vétuflé  des  péchés  dans  le  Baptême , 
pour  fe  revêtir  de  la  nouveauté,  qui  efl:  Jefus-Chrift  ,  c'efl- 
à-dire  de  l'innocence  ;  ainfi  par  la  bénédiftion  monailique  , 
en  quittant  le  vieil  homme  on  fe  revêtit  du  nouveau  ,  figuré 
par  l'habit  de  la  Religion.  Il  ajoute  qu'à  caufe  du  mérite  de 
leur  vie  ,  ils  doivent  prêcher  au  Peuple  le  Royaume  dé  Dieu,: 
reprendre  les  pécheurs  ,  recevoir  les  pénitens  ^  les  lier  ,.  les 
délier  ,  fervir  affidûment  à  l'Autel  ,  &  vivre  des  oblations 
&  des  dixmes.  W  reconnoît  qu'ils  font  du  Clergé  ,  &  que 
vivant  canoniquement,  c'efl-à-dire  régulièrement,  on  pour-, 
roit  les  nommer  Clercs  &  Chanoines ,  s'ils  n'avoient  à  vivre 
dans  le  fllence  &  dans  la  retraite. 

XV.  Le  feptiéme  Livre  efl;  précédé  d'une  Lettre  de  Ru-  livre  fep& 


Rie. 


(^i)fag.  967.  j  fpeciem  panis  &  vin: ,  credis  interiùsCor- 

(/)  Cum  hâc  fide  acceditur  ad  Altare  ,  I  pus  &  Sanguinem  dhn&i,  Ibid,  f,  %6;,. 
cùfn  Sacramema  percipis ,  vides  exteriùs  [     Cm)  Paj.  $>6q. 


ii8  HUGUES, 

gués  à  Matthieu  ,  Prieur  de  Saint  Martin  ,  &  depuis  Evê- 
que  d'Albane  (  «  )  ?  dans  laquelle  il  s'explique  fur  ce  qu'il 
avoit  dit  dans  les  précédens  touchant  les  Prêtres  dépofés  ou 
excommuniés  ,  &  dont  quelques  -  uns  s'étoient  offcnfés  , 
croyant  qu'il  les  regardoit  comme  incapables  de  l'admini- 
ftration  des  Sacremens  ,  quoique  fon  ientiment  fût  feulement 
qu'ils  les  conféroient  illicitement.  Il  traite  dans  ce  Livre 
de  la  trinité  des  Perfonnes  en  Dieu  dans  une  unité  de  na- 
ture ,  en  montre  l'exiflence  par  les  témoignages  de  l'Ecritu- 
re ,  &  la  rend  croyable  par  divers  exemples  tirés  des  chofes 
I  créées  ,  en  particulier  des  cinq  fens  de  l'Homme.   Lorfque 

nous  regardons  quelque  chofe,  notre  ame  qui  eft  au  dedans 
voit  au  dehors  :  c'eft  la  chofe  vue  ;  au  milieu  eft  l'œil  par  lequel 
l'ame  voit  j  il  en  eft  de  même  des  autres  fens  par  rapport  à 
l'ame. 
Commentaire  XVI.  Aux  fept  Livres  des  Dialogues  (o)  Dom  Martenne 
fur  l'ouvrage  ^  jqjj^,-  yj^  ^^^^  Iqj^q.  frag-ment  des  Commentaires  de  Ku- 

gues  fur  l'ouvrage  des  (ix  jours  de  la  Création.  Il  avoit  dé- 
dié ces  Commentaires  à  Arnulphe  ,  Evêque  de  Lizieux , 
qu'il  appelle  fon  très-cher  fils.  Quoique  Moyfe  fe  foit  expli- 
qué d'une  manière  très -claire  dans  la  defcription  des  origi- 
nes de  toutes  chofes  ,  ce  qu'il  en  dit  eft  néanmoins  fufcepti- 
ble  de  plufieurs  fens  très-profonds;  &  ce  font  ces  fens, que 
Hugues  fe  propofe  de  développer.  Il  dit  nettement  qu'on 
doit  reconnoître  Moyfe  pour  Auteur  de  la  Génefe.  Son 
Commentaire  fur  cette  partie  de  l'Ecriture  (  p  )  fe  trouve 
parmi  les  manufcrits  de  l'Abbaye  de  Clairvaux  ,  où  il  eft 
divifé  en  trois  Livres  :  on  ne  l'a  pas  encore  rendu  pu- 
blic. 
Livre  «Je  la  XVII.  On  doit  à  Dom  Martenne  la  connoifTance  de  deux 
Mémoire.  autres  Ouvrages  de  Hugues  de  Rouen  (  7)  ,  l'un  qu'il  com- 
pofa  étant  avancé  en  âge,  intitulé:  De  la  Mémoire  ^  l'autre 
îur  le  Symbole  des  Apôtres  &  l'Oraifon  Dominicale.  Ils  font 
partie  du  neuvième  Tome  de  la  grande  Colledion.  Le  Trai- 
té de  la  Mémoire  eft  en  trois  Livres.  Hugues  l'adrefla  à 
Philippe  ,  un  de  fes  amis ,  qui  faifoit  fon  occupation  de  l'é- 
tude de  l'Ecriture-fainte.  Hugues  fait  en  peu  de  mots  l'éloge 


(«)  Tag.  981. 
(0)  Pttg.  1001. 
(/)  Martes.  Tow.  <>.  ampliff.  Colleâ. 


p.  iiSf. 

(y)  Tom.  9.  ampliff.  Colleil.p,  1187. 


ARCHEVESQUE  DE  ROUEN.  Ch.  VII.      115? 

de  la  Mémoire;  mais  il  s'ctcnd  fur  les  choies  qu'elle  doit  s'im- 
primer, comme  la  connoidancc  des  Myftercs  de  la  Trinité 
&  de  l'Incarnation ,  qui  lont  les  objets  de  notre  foi.  Hugues 
explique  ces  Myrtcres  dans  le  premier  Livre  (r).  Il  traite 
dans  le  fécond  de  la  pénitence  de  David  ,  de  l'impénitcnce 
de  Judas ,  du  péché  &  de  la  pénitence  de  faint  Pierre ,  de  (a. 
primauté  dans  le  Collep;e  des  Apôrrcs  ,  &:  de  cel'c  de  fes 
Succefleurs  dans  toute  TEglife  Catholicpe,  qu'ils  enleignent 
&  qu'ils  gouvernent.  Il  dit  que  la  grâce  n'a  jamais  manqué 
qu'à  ceux  qui  n'ont  voulu  ,  ni  quitter  le  péché ,  ni  en  faire 
pénitence  (  j)  ;  que  ce  que  nous  avons  perdu  par  le  péché 
d'Adam  ,  nous  le  recouvrons  par  la  foi ,  en  particulier  par 
le  Baptême,  où  le  corps  &  l'ame  renaillent  &  font  purifiés. 
Le  troiliéme  Livre  commence  ,  comme  les  deux  précédens , 
par  un  court  éloge  de  la  Mémoire  :  puis  Hugues  continuant 
à  traiter  des  matières  théologiques  ,  montre  que  Dieu  n'eft 
pas  auteur  des  maux  ,  qu'ils  ne  viennent  pas  de  lui  ,  qu'ils 
fie  font  pas  en  lui  ;  que  les  Anges  &  l'Homme  dévoient  & 
pouvoient  s'attacher  a  Dieu  à  l'image  duquel  ils  avoient  été 
créés;  l'aimer ,  s'élever  au- dcflus  de  leur  nature  en  devenant 
meilleurs  ,  vivre  heureux  &  perfévérer  dans  le  bien  ;  mais 
qu'ayant  abufé  de  la  liberté  de  leur  libre  arbitre,  ils  font  tom- 
bés dans  une  infinité  de  maux ,  dont  l'Homme  n'a  pu  être  dé- 
livré que  parle  Sang  de  Jefus-Chrift.  Tous  ces  myfteres ,  tous 
ces  bienfaits  de  Dieu  ne  doivent  point  s'effacer  de  notre  mé- 
moire ;  en  nous  les  repréfentant,ce  font  autant  de  fujets  de  joie 
qu'elle  nous  fournit. 

XVIII.  Dans  fon  explication  du  Symbole  adrelfée  à  l'Ar-    Explication 
chidiacre  Egidius  (r)  ,  il  dit  fur  l'article  de  l'iAcarnation  du  ^"^'>'"'^°'^^^ 
jbils  de  Dieu ,  qu  il  a  pris  la  nature  humaine  ,  &  non  la  pcr-  Dominicale, 
fonne  ;  d'où  vient  qu'en  Jefus-Chrift  il  n'y  a  qu'une  perfon- 
ne  ,  les  deux  natures  ayant  été  unies  en  lui  en  une  feule  per- 
fonne  ,  fans  mélange  ni  confufion  de  ces  deux  natures  ;  que 
fon  ame  fut  féparée  de  fon  corps  lorfqu'il  expira  fur  la  croix , 
mais  que  la  perfonne  de  Dieu  &  de  l'Homme  ne  fut  féparée 
ni  de  l'ame  ni  du  corps  dans  ce  moment.  Sur  l'article  du 
Saint-Efprit,  il  enfeigne  qu'il  n'eft  qu'un  feul  Dieu  avec  le 


(y)Pag. 119^.  I       (t)Il/id.p.i2it. 

0)  P«g-  119».  1 


I.2Ô  HUGUES, 

Père  &  le  Fils ,  &  qu'il  procède  eflentiellement  de  l'un  &  de 
l'autre  de  toute  éternité  ,  les  trois  perfonnes  de  la  Trinité 
étant  fans  commencement  comme  elles  font  fans  fin.  Il  re- 
marque fur  rOraifon  Dominicale  («)  ,  qu'on  la  faifoit  réciter 
à  haute  voix  aux  Baptilés  ;  que  le  pain  que  nous  mangeons 
chaque  jour  fe  confume  ;  mais  que  le  Pain  vivant,  célelle  & 
fuperfubftanticl  que  nous  mangeons  aufll  tous  les  jours  ,  c'efl:- 
à-dire  TEuchariftie ,  ne  fe  confume  pas ,  qu'il  demeure  en- 
tier &  vivant  ;  qu'encore  que  ceux  qui  s'en  nourriffent  le 
mangent  entier ,  il  ne  diminue  point  ;  mais  que  pour  le  man- 
ger il  faut  avoir  l'Efprit  de  force  pour  empêcher  le  Démon 
de  nous  l'enlever.  Hugues  cite  le  feptiéme  Livre  des  Dialo- 
gues qu'il  avoit 'dédié  à  Matthieu  ,  Evêque  d'Albane  (;r). 
On  a  mis  à  la  fuite  de  l'explication  de  l'Ôraifon  Dominica- 
le,  la  Lettre  de  Hugues  au  Pape  Innocent  II.  fur  la  mort 
de  Henri  ,  Roi  d'Angleterre.  Il  en  a  été  parlé  plus  haut, 
pom  Martenne ,  qui  l'a  rendue  publique  (y)  ,  regrette  la 
perte  de  celle  que  Hugues  écrivit  à  Thierri ,  Evéque  d'A- 
miens ,  au  furet  de  la  conflrutlion  de  l'Eglile  de  S.  Martin  à 
Chartres ,  dont  Robert  du  Mont  fait  mention  dans  fa  Chro- 
nique fur  l'an  1 144. 
Lettres  de      XIX.  La  Lettre  que  Dom  Martenne  croit  perdue ,  ne  pa- 
Hugues  de    roît  pas  être  la  même  qui  a  été  publiée  dès  l'an  1717   dans 
Rouen.         jg  j^gj-^eii  j^s  Conciles  de  Rouen  (5  ),  que  l'on  a  réimpri- 
mée en  1739  dans  le  lixiéme  Tome  des  Annales  de  l'Ordre 
de  Saint  Benoît  (a),  qui  fe  trouve  dans  l'Appendice  des 
Œuvres  de  Guibert  de  Nogent,  &  à  la  dern  ère  page  du  vingt- 
deuxième  Tome  de  la  Bibliothèque  des  Pères ,  de  l'Edition 
de  Lyon  en  16^^.  On  voit  par  cette  Lettre  qu'il  s'étoit  for- 
mé une  lociété  de  Laïques  fidèles  dans  la  Normandie  ,  dont 
le  but  étoit  de  fcrvir  de  Manœuvres  dans  la  conftruftion  des 
Eglifes.  Ils  portoient  les  pierres  &  tous  les  autres  fardeaux; 
Se  lorfqu'il  en  étoit  bcfoin  ,  ils  traînoient  eux-mêmes  les  char- 
riots  en  place  des  chevaux  ;  ce  qu'ils  faifoient  avec  beaucoup* 
d'humilité  &  en  filence.  Ils  avoient  un  Chef  de  qui  ils  dé- 
pendoient  en  tout  :  aucun  n'étoit  admis  dans  cette  Société , 
qu'après  s'être  confelTé ,  &  réconcilié  avec  fes  ennemis.  S'il 


C«)  Pag,   1219. 

(*)  Pag.  iijz. 

(y  )  M^RTEN.  Tom,  5,  amfUJf.  Cellell. 


pflj-.  1 1 8  5". 

{a}  Pag.  19Z. 

falloit 


ARCHEVESQUE  DE  ROUEN.  Ch.  VIL     121 

falloit  lortir  du  Dioccl'e ,  ils  en  obtenoienc  la  pcrmifTion  de 
l'Evcquc ,  qui  leur  défendoic  d'encrer  chez  les  excommu- 
nies, ou  ceux  qui  ctoicnc  interdits.  L'Archevêque  de  Rouen 
.  affurc  l'Evêque  d'Amiens  qu'il  le  failoic  de  tcms  en  cems  de 
très-grands  miracles  dans  les  Eglifes  de  (à  dépendance  ,  à 
l'occalion  de  cectc  Société  ;  qu'ils  ramcnoient  lains  ceux  qui 
éroient  partis  infirmes  &  invalides.  Dom  Martenne  a  donné 
au  Public  deux  autres  Lettres  de  Hugues  (h) ,  l'une  par  la- 
quelle il  donne  avis  au  Clergé  &  au  Peuple  de  Rouen  ,  que 
le  Comte  Gui  ,  Dauphin  ,  qui  avoit  ravagé  cette  Ville  à 
main  armée  ,  &  l'Eglile  adjacente  fondée  autrefois  par  Ber- 
nard ,  Archevêque  de  Vienne ,  &  dépendante  du  Saint  Siè- 
ge ,  ayant  témoigné  aux  Evêques  aflemblés  fur  les  lieux  du 
repentir  de  fon  iacrilege  ,  &  vouloir  en  faire  fatisfaâion , 
venoit  d'être  abfous.  Ces  Evêques  étoient  Etienne  ,  Arche- 
vêque de  Vienne,  Humbertdu  Pui ,  Euflache  de  Valence  , 
Goceran  de  Viviers ,  Agrard  de  Mauricnne ,  Ponce  de  Trois- 
Châteaux  ,  &  Jean  de  Bonneval.  Hugues  préfida  à  cette 
Affemblée  comme  Légat  du  Saint  Siège  (c).  Sa  Lettre  fut 
écrite  vers  l'an  1 1 3  2  ;  l'autre  efl:  de  l'an  1 1  ço  ,  &  adrefTée 
à  Suger ,  Abbé  de  Saint-Denis ,  à  qui  il  accorde  ce  qu'il  lui 
avoit  demandé  pour  l'Eglife  de  Mont  -  Girou  ,  jufqu'à  ce 
qu'ils  aient  eu  enicmble  une  conférence  fur  ce  fujct.  Il  re- 
montre à  cet  Abbé  le  tort  que  le  Roi  faifoit  à  l'Eglife  de 
Rouen  ,  en  retenant  le  Fief  de  Gifors  qui  en  dépendoit,  & 
le  prie  d'avertir  ce  Prince  du  danger  où  il  éroit  d'encourir 
l'excommunication  &  l'anathême  que  cette  Eglife  prononce 
chaque  Dimanche  contre  les  ufurpateurs  &  les  détenteurs 
de  fes  biens.  Par  une  troi(iéme  Lettre  rapportée  dans  l'Ap- 
pendice des  (Euvres  de  Guibert  de  Nogcnt  (d)  ,  &  à  la  fin 
du  vingt  -  deuxième  Tome  de  la  Bibliothèque  des  Pères  à 
Lyon  ,  Hugues  écrivit  à  Alfonfe,  Comte  de  Touloufe  ,  que 
fuivant  fes  defirs  il  fc  rendroit  à  Valence  le  feptiéme  de  Mars 
de  l'an  1145,  pour  l'abfoudre  de  l'excommunication  qu'il  avoit 
encourue  ,  &  le  réconcilier  à  l'Eglife  ,  qu'il  avoit. promis  de 
fa-isfaire.  Il  paroît  qu'il  tint  fa  promelfe  ,  puifquil  fut  abfous 
le  jour  marqué. 


(i)  Marten.  Tom.  Anecd.f.  380.  1      (</)  Vng.  ^88.  ^  Hift.  de  Lang.Tom.  2, 

Tome  XXllL  Q 


iii  HUGUES,^ 

vieclefaint     XX.  Nous  dcvons  à  Huffucs  ,  Archevêque  de  Rouen, 

Adiuttur.         iT7-jr-  aj-  /      \  ^i  •* 

la  Vie  de  laint  Adjuteur  [e)  ,  quil  avoir  connu  parncu- 
licremenc.  Né  dans  le  Perche ,  en  la  Ville  de  Vernon  ,  de 
Jean  ,  Seigneur  temporel  du  lieu  ,  &  de  Pvofimonde  de  Blaru, 
ii'uftres  l'un  &  l'autre  par  leur  nobleffe  &  la  faintecéde  leur 
vie  ,  il  rendit  lui  -  même  la  Tienne  recommandable  par  fon 
afîiduité  aux  jeûnes ,  aux  veilles  ,  à  la  prière  ,  &  aux  autres 
pratiques  de  vertu.  Etant  en  âge  de  porter  les  armes  ,  il 
partit  pour  la  Croifade  avec  environ  deux  cens  hommes  ar- 
més. Paffant  fur  le  Territoire  d' Antioche ,  ils  tombèrent  dans 
une  embufcade  de  1500  Ifmaélites;  s'en  voyant  environnés, 
tous  commencèrent  à  défefpérer  de  leur  vie  ;  Adjuteur  ieul 
fut  ferme.  Il  fc  proflernc  à  terre  fuivant  fa  coutume  ,  fait  fa 
prière  à  Dieu  ,  promet  à  la  Bicnheureufe  Marie-Magdeleine , 
au  cas  de  la  vi£toire  fur  fes  ennemis  ,  de  faire  conftruire  à 
Tiron  une  Chapelle  en  fon  honneur  ,  &  de  donner  fa  mai- 
fon  du  Mont  avec  fes  dépendances  à  ce  Monaftere  ,  fe  jette 
fur  les  Ifmaélites  ,  les  met  en  fuite  ,  &  en  tue  plus  de  mille 
fans  perdre  de  fon  côté  un  feul  homme.  Délivré  de  ce  dan- 
ger il  en  rendit  grâces  à  Dieu  &  à  fainte  Magdeleine  :  mais 
après  dix-fept  ans  de  fervice  dans  l'expédition  de  la  Terre- 
fainte  ,  il  fut  pris  par  les  Sarrafms ,  mis  en  prifon ,  &  chargé 
de  chaînes.  Ces  Barbares  le  preflant  de  renoncer  à  la  foi  de 
Jefus-Chrifl ,  fe  recommanda  à  Dieu  ,  à  la  fainte  Vierge  ,  à 
fainte  Mageleine  ,  &  au  Bienheureux  Bernard  ,  Fondateur 
de  Tiron.  Ses  prières  furent  exaucées  ,  fes  liens  fe  rompi- 
rent ,  &  fe  voyant  en  liberté  il  revint  en  France  :  aufTi-tôc 
il  s'aquitta  de  fon  vœu  ,  prit  l'habit  Monafhque  à  Tiron  ,  & 
mit  tous  fes  biens  entre  les  mains  de  l'Abbé  Guillaume  pour 
en  faire  la  diftribution.  L'Archevêque  de  Rouen  confacra 
lui-même  la  Chapelle  de  fainte  Magdeleine,  &  les  trois  Au- 
tels qu'on  y  avoit  érigés.  La  vie  qu'Adjuteur  mena  dans  le 
Monaftere  fut  fi  fainte  &  fi  admirable  ,  que  Dieu  la  rendit 
éclatante  par  un  grand  nombre  de  miracles.  Saint  Adju- 
teur mourut  au  mois  d'Avril  de  l'an  1133.  ^^  ^^^  ^^  trou- 
ve au  cinquième  Tome  des  Anecdotes  de  Dom  Martenne  , 
à  la  fuite  des  fept  Dialogues  de  Hugues  ,  Archevêque  de 
Rouen. 


(*)  Marten.  Tsw.  ^.Anecâ.f.  loii. 


ARCHEVESQUK  DE  ROUEN.  Ch.  VIL     125 

XXI.  Vers  l'an  1147  (y)  ,&  quelque  tems  avant  la  mort  Livres  de  Hu. 
d'Albcric,  Evcquc  d'Ortie,  Hugues  compofa  à  les  inftances|j"^;^;;;^J^* 
trois  Livres  contre  les  héréfics  de  fon  tems.  Il  nous  apprend 
lui-même  quelle  fut  l'occafion  de  cet  Ouvrage  dans  TEpicre 
dcdicatoirc  adreflec  à  Alberic.  Cet  Evcquc  avoit  ctc  envoyé 

en  qualité  de  Légat  en  Angleterre ,  en  Syrie  ,  puis  à  Tou- 
loulc  ,  pour  combattre  l'hérétique  Henri  ,  difciplc  de  Pierre 
de  Bruis.  Etant  à  Nantes  en  Bretagne  ,  il  prêcha  contre 
d'autres  Hérétiques  ;  mais  ni  eux  ni  leur  Chef  ne  voulurent 
y  être  préfens ,  dans  la  crainte  d'être  convaincus  :  c'eft  pour- 
quoi il  engagea  l'Archevêque  de  Rouen  qui  l'accompagnoit 
en  ce  voyage  de  les  combattre  par  écrit ,  ce  qu'il  Ht  par  un 
Ouvrage  divifc  en  trois  Livres ,  &  imprimé  à  la  fuite  de 
ceux  de  Guibert  de  Nogent ,  de  l'Edition  de  Dom  Luc  d'A- 
cheri ,  à  Paris  en  1651 ,  &  dans  le  vingt-deuxième  Tome  de 
la  Bibliothèque  des  Pcrcs  à  Lyon.  Il  paroît  que  ces  Héréti- 
ques étoient  les  Difciples  d'un  Gentilhomme  Breton  nommé 
Eon-de-l'Étoile ,  qui  fe  difoit  être  le  Fils  de  Dieu ,  &  le  Juge 
des  vivans  &  des  morts ,  fur  l'allufion  de  fon  nom  avec  le 
mot  latin  eum ,  dans  cettte  conclufion  des  exorcifmes  ,  per 
eum  qui  judicaturus  ejl.  Cet  Hérétique  fut  condamné  au  Con- 
cile de  Reims  en  1 148  ,  &  mis  en  une  étroite  prifon  (  par 
ordre  de  l'Abbé  Suger  ,  alors  Régent  du  Royaume  ,  )  où  il 
mourut.  Ses  Difciples  livrés  au  bras  fécuîicr  aimèrent  mieux 
périr  parle  feu ,  que  de  renoncer  à  leurs  erreurs. 

XXII.  Avant  de  les  réfuter  (g) ,  l'Archevêque  Hugues  éra- ^^^^naiy^^^de 
blit  par  l'autorité  des  divines  Ecritures  la  foi  de  l'Eglife  fur  ^^g  premier. 
Punîté  d'un  Dieu  en  trois  Perfonnes  ;  fur  l'Incarnation  du 

Verbe  dans  le  fein  de  la  fainte  Vierge  ,  &  l'union  des  deux 
natures  ,  la  divine  &  l'humaine  en  une  feule  perfonne  (k)  ; 
fur  la  divinité  de  Jefus  -  Chrift  &  la  rédemption  du  genre 
humain ,  par  la  mort  qu'il  a  foufferte  pour  nous  ;  fur  fon  union 
avec  l'Eglife  qui  efl:  fon  cpoufe.  Il  enfeigne  que  celui-là  cfl 
parfait  Chrétien  ,  qui ,  après  avoir  été  régénéré  de  l'eau  & 
du  Saint-Efprit,  reçoit  enfuite  par  l'impolition  des  mains  de 
PEvêque  le  Sacrement  de  Confirmation ,  puis  le  Corps  &  le 
Sang  de  Jefus-Chrift  (  i  ) ,  qui  s'adminiftroient  encore  alors 


(/)  Tom.  Oper.Guib.inApftnd.       ■       1       C^)  Cap.  i.  î.  5.  '^3  feq.- 
ii)  P«g.6Ç)i.  1      («■)  Cap.  %. 

Qij 


V 


114,  HUGUES, 

en  même  tems  ;  que  dans  l'Eglife  feule  eft  l'efficacité  des  Ss- 
cremens ,  la  rémifTion  des  péchés ,  la  grâce  des  dons  céle- 
leftes  ,  la  communion  des  Saints,  la  réfurredion  &  la  vie  des 
Bienheureux  (/)  ;  que  comme  c'eft  le  Saint-Erprit  qui  a  inf- 
piré  la  faine  do6liine ,  i'héréfie  &  le  menfonge  ont  pour  Au- 
teur le  Démon. 

XXIII.  Celle  qui  régnoit  du  tems  de  Hugues  de  Rouen  , 
attaquoit  le  Baptême  des  enfans  (m),  fous  le  prétexte  qu'il 
faut  croire  avant  que  de  recevoir  le  Baptême  ,  &  que  les  en- 
fans  ne  font  en  état ,  ni  d'être  enfeignés  ,  ni  de  croire.  L'Ar- 

Mr.rc.i6.  j5.  chevêque  fait  voir  que  ces  paroles  de  l'Evangile  :  Celui  qui 
joar.  3.  î.  croira  &  fera  batifé ,  fer  a  fauve  ^n^  s'entendent  que  des  adul- 
in.m.  18. 1?.  tes  («)  ,  qui  en  effet  doivent  donner  leur  nom  pour  être 
baptifés  ,  &  faire  profelfion  de  la  foi  ;  que  le  précepte  du 
Baptême  étant  général  ,  il  regarde  également  les  enfans  com- 
me les  adultes  ,  avec  cette  diff.'rence  que  la  grâce  fan£tifiante 
fuffit  aux  enfans  dans  le  Bapiême ,  &  que  les  bonnes  œuvres 
font  néceffaires  aux  adultes  ;  que  comme  on  donnoit  aux 
enfans  le  Sacrement  de  la  Circoncifion  fous  la  Loi  y  on  leur 
donne  aujourd'hui  le  Baptême  pour  eîiacer  le  péché  originel  ; 
&  que  contra£tant,  (ans  le  fçavoir,  ce  péché  qu'ils  tirent  d'A- 
dam, i's  reçoivent  auflî  en  Jefus-Chrifl  par  les  Sacremens  une 
grâce  qu'ils  ne  connoiffcnc  pas. 

XXIV.  Les  Hérétiques  objcfloient  que  Jefus-Chrifl  avoît 
trente  ans  lorfqu'il  reçut  le  Baptême  (0).  Hugues  répond  que 
fi  la  conduite  de  Jefus-Chnfl;  à  cet  égard  fauoit  loi  ,  il  fau- 
droit  refufer  le  Baptême ,  non-feulement  aux  enfans,  mais  à 
tous  ceux  qui  fe  trouveroient  au-dcffous  de  30  ans  ;  qu'il  y  a 
cette  différence  entre  le  Baptême  de  Jefus-Chrift; ,  &  le  nô- 
tre ,  qu'au  lieu  de  recevoir  quelque  fandificarion  du  Baptême, 
c'efl:  lui  qui  a  donné  à  ce  Sacrement  la  vertu  de  fandifier  ceux 
qui  le  recevroient  ;  que  c'eff  pour  cela  que  S.  Jean  refufoit  de 

Uatt.  3. 14.   le  baptifer,  en  lui  difant  :  Ctfl  moi  qui  ai  befom  dêtre  baptijé  pat 
vous  ,  (jr  vous  venez  à  moi  ? 

XXV.  Il  y  en  avoit  qui  en  admettant  la  néceffité  du  Bap- 
tême (p)  ,  re;ettoient  comrr.e  in  jtile  le  Sacrement  de  Con- 

Gtiicf.i^.c,  firmation  j  ils  difoient  :  Dans  l'Ancien  Teilamenc  on  a  été 


(l)Cap.6.  I      (0)  Cap.  iz. 

(m)  C ./».  1 1 .  ,  .;5,3  (A         J      (p)  Cap.  1 1 . 


ARCHEVESQUE  DE  ROUEN.  Ch.  VIL  tzj 
juflificpar  la  foi  feule;  dans  le  Nouveau  la  foi  jointe  au  Bap-  Marc.  i6,i&. 
tême  procure  le  falut  ;  qu'cft-il  befoin  de  rimpofition  des 
mains  de  l'Evcquc  ?  La  rcponle  de  l'Archevêque  eft ,  que 
dans  l'adminirtration  du  Sacrement  de  Confirmation  ,  l'E- 
glife  fuit  l'exemple  de  Jeius-Chrift  ,  qui  ,  après  que  fes 
Difciplcs  curent  été  fandifics  par  le  Baptême  ,  leur  enyoya 
le  Saint-Ffprit  fous  la  forme  de  langues  de  feu  ;  que  les  Evê- 
qucs  en  ufent  de  même  à  l'égard  des  Baptilés  en  leur  impo- 
sant ks  mains  (  «^  )  ,  en  priant  fur  eux  ,  en  les  (ignant  du  fi- 
gne  de  la  Croix ,  &  en  les  oignant  du  faint  Chrême  ,  afin 
de  faire  defccndre  fiir  eux  les  iept  dons  du  Saint-Efprit  ;  que 
les  Evcqucs  fculs  ont  droit  de  conférer  ce  Sacrem^-nt ,  com-"^^'^*  'M*, 
me  il  paroît  par  divers  endroits  des  Ailes  des  Apôtres  ;  qu'il 
n'eft  pas  donné  aux  Baptifés  pour  les  fandifier ,  mais  pour  les 
fortifier  contre  les  dcfirs  de  la  chair,  les  plaifirs  du  monde, & 
les  tentations  du  Démon. 

XX VL  Hugues  prouve  qu'il  n'efl  permis  à  aucun  Chré- 
tien de  s'abflenir  de  la  Communion  du  Corps  &  du  Sang  de 
Jefus-Chrifl;  que  par  la  participation  d'un  fi  grand  Myflere  /<,^„,  ^,  ^^ 
il  fe  fait  entre  Jefus-Chrift  &  nous  une  union  ineffable  ;  que  ?;•  J<î- 
par  les  paroles  de  l'infiitution  le  Prêtre  confacrc  fur  l'Au- 
tel le  vrai  Corps  &  le  vrai  Sang  de  Jefus-Chrifl:  (  r  )  ;  que  le 
même  Corps  qui  efi:  afTis  à  la  droite  du  Père  ,  eft  tout  en- 
tier dans  la  main  du  Prêtre ,  dans  la  bouche  de  celui  qui  le 
reçoit ,  un  dai.s  pufieurs,  le  même  dans  diverfes  perfonnes 
qui  communient ,  fans  qu'il  foufïre  ni  altération  ni  diminu- 
tion -,  qu'il  eft  utile  aux  vivans  pour  la  rémiflîon  de  leurs 
péchés  ,  aux  morts  pour  l'expiation  des  peines  ;  qu'il  fert  aux 
uns  &  aux  autres  d'aliment  pour  la  vie  éternelle. 

XXVILLequatriémeSacrement(5),dont  Hugues  prend  la  Livre  fjconci. 


(  ^  ■)  Qui  prééminent  Ofiîcio  Pontifi- 
cli  donant  opère  cœkrti  vice  Jefu  Chrirti 
filiii  in  Baptifmo  regeneratis,  luper  eos 
imponentes  manus,  cum  oratione  &  figno 
lanâx  Crucis,  &  unftione  Chrilmitis,  Sp'- 
ritum  fapientiï  &  intellcâûs ,  Spi'itum 
confilii  &  forfitudinis,  Spiritum  fcientis 
&  pietatis,  Spiritum  timoris  Domini.  Hug. 
'Rot'-iom.  Lit.  I.  cont.  Harei.  cap.  1  ;. 

(r)  Ex  hâ;  ergo  inftitutione  &  przcep- 
to  ,  in  Altari  Dominico  ,  &  ore  Sacerdo- 
tum  &  minibus  ipfum  Corpus ,  ipfe  San 


guis  Ciirifti  conficitur  ;  non  incipit,  non  ^      (.s)  P>»^,  700 


nafcitur,  fed  quod  totum  manet  in  dex- 
trâ  Dei  Pafris  ,  totum  eft  in  manu  Sacer- 
l'oris ,  totum  in  ore  fumentis  ,  unum  in 
multis  ,  idem  in  diverfis .  .  .  feJens  itaque 
ad  dextram  Dei  Patris  fcipruni  abfque  de» 
trimenti  perpedlone  ,  abfque  omnimoda 
detritione  donac  in  Altari  per  officium  Sa- 
cerdotis  ,  viventibus  fuis  fide  ibus  in  re- 
m-dionem  peccatorum ,  defuniSis  Sandis 
vel  intra  Ecc!e/îjm  abfolutis  in  expia- 
tionem  pœnjrum  ,  &  utrifque  in  vitspe- 
rennis  alimentum.  IbiJ.  cap.  14, 


ii6  HUGUES, 

défcnfe  contre  les  Hérétiques ,  efl:  celui  de  l'Ordre.  Il  en  par- 
court tous  les  dégrés  au  nombre  de  fept.  Les  Evêqucs  agiflent 
dans  tout  l'Univers  au  nom  de  Jelus-Chrift  ,  occupés  prin- 
cipalement à  bâtir  la  Maifon  de  Dieu.  Succefleurs  des  Apô- 
tres ,  ils  ont  comme  eux  le  pouvoir  de  donner  le  Saint-Ef- 
prir  par  l'impolition  des  mains  ,  à  l'cxclufion  des  autres  Mi- 
niftres  de  l'Eglife  :  ce  font  eux  aulfi  qui  confacrent  les  Prê- 
tres (  M  )  ,  qui  par  leur  confécration  reçoivent  la  puiffance  de 
confacrer  les  Sacrcmens  du  Corps  &  du  Sang  du  Seigneur , 
&  de  faire  la  même  chofe  fur  l'Autel  ,  que  Jcfus-Chrift  a 
faite  à  la  Cène  Pafchale  :  c'efl  pourquoi  les  mains  confacrées 
pour  former  fur  l'Autel  le  Corps  &  le  Sang  du  Sauveur ,  font 
les  mains  mêmes  de  Jefus-Chrid ,  par  lefquellcs  le  Fils  eft 
offert  au  Père.  Les  Diacres ,  qu'on  peut  appeller  les  yeux  des 
Evêques  &  des  Prêcres  {x)  ,\es  fervent  à  l'Autel  dans  la 
confécration  de  ce  Sacrement  ;   ils  le  reçoivent   de  leuis 
mains ,  tant  pour  s'en  nourrir  eux-mêmes ,  que  pour  le  diflri- 
buer  aux  peuples  -,  ils  font  auflî  chargés  de  la  difpenfation 
des  biens  de  l'Eglife  fous  les  ordres  de  l'Evêque  ,  de  ré- 
primer ceux  qui  troublent  les  Prédicateurs  de  l'Evangile  dans 
leurs  fondions  ;  de  faire  connoître  à  l'Evêque  les  chofes  in- 
téreflantes  pour  fon  Diocèfe ,  &  de  chanter  l'Evangile  à  la 
Mefle.  Hugues  s'étend  fur  les  devoirs  de  tous  les  autres  Mi- 
niftres  inférieurs  ,  en  remarquant  fur  les  Sous -Diacres,  que 
l'Evêque  dans  l'Ordination    ne  leur  met  en  main  le  Ca- 
lice que  parce  qu'ils  ont  promis  de  garder  la  chafteté  (y).  II 
répète  ,  en  parlant  une  féconde  fois  des  Prêtres ,  ce  qu'il  avoir 
dit  touchant  la  préfence  réelle  dansl'Euchariftie  (z),  &  ajoute: 
Jefus-Chrifl;  a  enfeigné  à  fes  Difciples  ce  qui  regarde  le  Sa- 
crement de  fon  Corps  &  de  fon  Sang ,  &  tous  les  autres  Sa- 
cremens  ,  &  quels  en  étoient  les  Miniflres.  Les  Difciples  ont 
enfeigné  aux  leurs  ce  qu'ils  avoient  appris  du  Seigneur ,  avec 
ordre  de  faire  paffer  toutes  ces  chofes  à  la  pollcrité  pour  y 
être  obfervées  en  la  même  forme. 
Livre  troi-      XXVIII.  Il  dit  que  la  couronne  Cléricale  (a)  ,  qui  efl: 
fiéme.  un  mémorial  de  la  liberté  chrétienne  ,  tire  fon  origine  des 

Apôtres ,  &  que  c'eft  par  leur  autorité  qu'elle  efl  établie  dans 


(0  Cap.  I. 
(h)  Cap.  1. 
W    Cap.  ,. 


ly)Cap.4:  « 

(l)Cv.  10.  » 

(  a)  Pag.  706.  é 


ARCHEVESQUE  DE  ROUEN.Ch.  VII.  127 
toutes  les  Eglifes  du  Monde  {b)  ;  que  tous  ceux  qui  la  por- 
lent  ont  le  nom  de  Clercs  ;  qu'il  y  a  trois  fortes  de  Clercs, 
dont  deux  ,  f(javoir  les  Chanoines  Réguliers  &  les  Moines 
Cénobites ,  vivent  en  commun  après  avoir  renoncé  à  la  pro- 
priété de  leurs  biens  ;  la  troifiéme  comprend  ceux  qui  le  divi- 
îent  chacun  leurs  prébendes ,  &  fous  le  nom  de  Chanoines 
chantent  enfemble  à  certaines  heures  les  louanges  de  Dieu. 

XXIX.  Hugues  ne  délap prouve  pas  les  fécondes  noces  , 
mais  il  ne  trouve  que  dans  les  premières  (c)  \e  Sacrement 
de  l'union  perpétuelle  de  Jefus-Chrift  avec  TEglife.  Il  veut 
que  Ton  fépare  par  l'autoriré  du  Saint  Siège  ceux  qui  fe  font 
mariés  dans  le  fcptiéme  degré  de  confanguinité  ou  d'affinité, 
&  au-dcflbus ,  &  que  l'on  prive  de  la  communion  de  l'Eglile 
ceux  qui ,  après  avoir  fait  publiquement  &  en  face  de  T'E- 
glife  vœu  de  chafteté,  auront  olé  fe  marier.  Le  dernier  ar- 
ticle qu'il  traite  efl  celui  de  l'Eglife  Catholique  (i^),  qu'il  dit 
être  une  ,  quoique  compofée  de  plufieurs  Peuples.  Quiconque 
ne  connoît  point  cette  unité,  ou  l'a  quittée  par  apoftafie,  a 
perdu  tous  les  biens  ,  s'il  ne  retourne  à  l'unité  de  l'Eglife. 
Le  Père  Pagi  &  Oudin  attribuent  à  Hugues  de  Rouen  trois 
Livres  des  Offices  &  des  Minières  de  l'Eglife  (e)  :  mais  en 
difant  qu'ils  ont  été  imprimés  à  la  fuite  des  Ouvrages  deGui- 
bert  de  Nogent ,  il  efl  vifible  qu'ils  fe  font  trompés  par  inad- 
vertance ,  ayant  donné  aux  trois  Livres  contre  les  Hérétiques , 
qui  font  effedivemenc  dans  les  Œuvres  deGuibert,  le  titre 
de  Livres  des  Offices  &  Miniflres  de  l'Eglife. 

XXX.  Le  flyle  de  Hugues  de  Rouen  efl  clair,  précis,  dé-  Jvgementdes 
veloppé,  &  propre  au  fujet  qu'il  traite.  Bon  Théologien  ,  il  ^"'^^  ^^  ^"* 
met  les  vérités  de  la  Religion  dans  un  grand  jour  ;  il  en  r^fout 

les  difficultés  d'une  manière  qui  ne  fe  reflent  point  de  la  fé- 
chereffe  de  la  Théologie  fcholaftique ,  qui  commençoit  de  fon 
tems  à  êire  en  vogue.  Ses  réponfes  &  fes  décifions  font  tou- 
jours appuyées  de  l'autorité  de  l'Ecriture  &  de  la  Tradition, 
fuivant  la  méthode  des  Anciens. 


(b)Citp.  a.  5. 

(<r)Cj/>.  4. 

(d)  Ct{.  8.. 


(e)  Pagi  ,  ad  an,  \  i  J4,  »,  i  !•  OuDin. 
Tom.  1,  p.  147  j. 


128  ARNAUD, 

CHAPITRE     VIII. 

Arnaud  f  Abbé  de  BonnevaL 

Arnaud, ami  !•  T     'Un  dcs  amis  intimes  de  faint  Bernard  ,  &  fon  Hifto- 

de  s.  Bernard.      J_v  rien  ,  le  fçachant  dangereul'ement  malade ,  lui  envoya 

quelques  petits  foulagemens  ,  mais  fans  lui  écrire  ,  content 

de  recevoir  des  nouvelles  de  fa  fanté  par  le  Porteur.  Le  faint 

Abbé  fut  fenfibie  à  ces  marques  d'amitié  ,  quoiqu'il  fût  hors 

d'état  d'en  profiter  ;  mais  il  auroit  fouhaiié  quArnaud  les 

eût  accompagnés  d'une  Lettre  :  cela  ne  l'empêcha  pas  de  lui 

en  écrire  une  lui-même  &  de  fa  propre  main  (/)  ,  pour  le 

remercier  &  fe  recommander  à  fes  prières.  Il  lui  fait  une 

courte  defcription  de  fes  maux ,  trouvant  quelque  confolation 

à  les  faire  connoître  à  un  ami.  C'eft  ainfi  qu'il  qualifie  Arnaud, 

que  quelques-uns  nomment  Ernaud. 

îleftfaitAbbé      IL  II  fit,  ctant  jeune (^)  ,  profeflion  de  la  Règle  de  Saint 

deBonneval.  jgenoît  dans  l'Abbaye  de  Marmoutier  :  on  l'en  tira  pour  le 

faire  Abbé  de  Bonneval  dans  le  Diocèfe  de  Chartres ,  vers 

l'an  II 44,  après  la  mort  ou  l'abdication  de  l'Abbé  Bcrnier. 

Arnaud  eut  beaucoup  à  fouffrir  dans  le  gouvernement  de  ce 

Monaftere.  Le  même  qui  avoir  perfécuté  Tedfride,  Gautier 

&  Bernier  fes  PrédécefTeurs  ,  le  traita  fi  inhumainement, 

qu'il  fut  obligé  de  fe  pourvoir  à  Rome.  On  ne  fçait  qui  étoit 

le  perfécuteur  des  Abbés  de  Bonneval  :  il  paroît  qu'il  étoit 

plutôt  au  dehjors  qu'au  dedans  de  l'Abbaye.  Arnaud  fut  reçu 

du  PapeLuclusII.  avec  honneur,  &  il  en  obtint  un  privilège 

pour  fon  Monafiere. 

Il  quitte  ion      III.  Cette  grâce  du  Saint  Siège  ne  le  mit  pas  à  couvert  des 

Abbaye.        cruautés  de  fon  perfécuteur  (h)  ,  &  il  fut  obligé  de  faire  un 

Sa  mort.    ^^^^^^  voyage  à  Rome  fous  le  Pontificat  d'Adrien  IV.  vers 

l'an  1 154  )  pour  demander  permiiïion  de  quitter  fon  Abbaye. 

Il  retourna  à  Marmoutier  où  il  mourut  quelques  années  après. 


f/)  Mabiil.  Annal,  Beneiiâ.Lib.  78.]       (^)Mabii.l.  Uid.Lil/.do.  n,  $1. 
nam,  ji*  » 

Le 


ABBÉ  DE  BONNEVAL.  Ch.  VIIT.  125? 
Le  Martyrologe  de  Franco  fait  mémoire  d'Arnaud  de  Bonne- 
val  comme  d'un  homme  de  pieufe  mémoire ,  célèbre  par  Ion 
fçwoir  Si  la  piété. 

IV.  Prcfquc  auflTi-tôt  après  la  mort  de  faint  Bernard,  lestes  Ecrit». 
Moines  de  Clairvaux  engagèrent  Arnaud,  qu'ils  fçavoient ^^^J^j*^""* 
avoir  été  fon  ami ,  à  continuer  l'Hiftoire  de  la  vie  ,  com- 
mencée par  Guillaume  de  Saint-Thierri.  11  reconnoît  dans 
fa  Préface  qu'il  y  avoir  à  Clairvaux  des  gens  habiles  &  capa- 
bles de  cet  Ouvrage  ;  mais  que  cherchant  leur  gloire  dinsla 
croix  de  Jcfus-Chrift  ,  &  non  à  compofer  des  Livres ,  ils  fc 
déchargeoient  volontiers  fur  les  autres  des  fardeaux  de  cette 
cfpece ,  quoiqu'ils  eulTcnt  pu  les  porter  eux-mêmes.  II  mar- 
que dans  la  même  Préface  que  Guillaume  de  Saint-Thierri, 
le  premier  Hiftorien  du  Saine,  étoit  mort.  L'Ouvrage  d'Ar- 
naud faic  le  fécond  Livre  de  la  Vie  de  faint  Bernard.  Il  le 
commence  au  Pontificat  d'Innocent  II.  &  le  finit  au  différent 
qui  s'éleva  entre  le  Roi  Louis  le  Jeune  &  Thibaud  ,  Comte 
de  Champagne. 

Vn.  Le  Traité  d'Arnaud  intitulé  :  Des  (Euvres  cardinales  dû    Traité  des 

y   r      /^i    -n  .      ,    ,    ,      .  p  .r    (Euvres  cardi- 

Jejus-Lhnjt ,  ne  peut  avoir  ete  écrit  avant  lan  1154,  P""~  nales  de  J. C 
qu'il  eft  dédié  au  Pape  Adrien  IV.  élevé  en  cette  année  fur 
le  Saint  Siège:  on  Ta  quelquefois  imprimé  parmi  les  Œuvres 
de  faint  Cyprien  &  fous  fon  nom.  L'occafion  de  l'erreur  efl  ve- 
nue de  ce  qu'au  lieu  du  Pape  Adrien  IV.  (i)  on  a  mis  dans  quel- 
3ues  Editions  Corneille  ,  qui  en  effet  occupa  le  Saint  Siège 
ans  le  tems  que  faint  Cyprien  étoit  Evêque  de  Carthage  ; 
mais  l'erreur  qu'occafionne  l'Epître  dédicatoire  fe  trouve  dé- 
truite, 1°.  par  le  manufcrit  de  f  Abbaye  de  Clairvaux  ,  où 
le  Traité  dont  nous  parlons  porte  en  tête  le  nom  d'Arnaud 
ou  Ernaud ,  Abbé  de  Bonneval  ;  2°.  par  plufieurs  traits  ré- 
pandus dans  le  corps  de  l'Ouvrage.  L'Auteur  parlant  du 
baptême  ,  dit  qu'il  efl  valide  ,  quel  qu'en  foit  le  Miniftre  ; 
qu'il  tire  fon  effet ,  non  des  mérites  de  celui  qui  le  confère  , 
mais  de  la  grâce  de  Jefus-Chrift.  Saint  Cyprien  ne  penfoit 
pas  ainfi ,  puifqu'il  n'admettoit  point  le  Baptême  conféré  par 
ks  Hérétiques.  L'Auteur  ,  fur  l'article  de  la  dernière  Cène 
4e  Jefus  -  Chrifl  ,  ou  le  jour  qu'on  en  fait  la  mémoire ,  dit 
<jue  les  Juges  y  dclivroient  des  prifonniers  condamnés  à 


(i)  Mabiil.  Ub,  80,  Annal,  num.  yz» 

Tome  XXllL  R 


I30  ARNAUD, 

morr.  II  parle  aufTî  de  l'ondion  des  reins  dans  l'adminiflra- 
tion  du  Sacrement  de  rËxtrême-On£lion  ,  &  de  plufieur» 
autres  Rits  que  l'on  n'a  mis  en  ufage  que  depuis  faint  Cy- 
prien. 
Ce  qu'il  con-  VI.  Arnaud  ne  mit  point  fon  nom  à  la  tête  de  cet  Ou- 
tient.  vrage  (  /  )•  Il  fe  contenta  de  fe  faire  connoître  au'  Pape 

Adrien  IV.  à  qui  il  le  dédia.  C'eft  un  compolë  de  douze 
Difcours  moraux  qu'Arnaud  avoit  prononcés  aux  jours  de  la 
célébration  des  Myfleres  ,  qui  en  font  la  matière  ;  ils  font  in- 
titules :  De  la  Naijfance  temporelle  de  Jejus-Chrijî  ;  De  fa  Cir- 
conciÇton  ,  De  P adoration  des  Mages  ^  &  de  la  fuort  des  înno- 
cens  ;  Du  Baptême  de  Jefus-Chrifl  y  &  de  l'apparition  de  la  Tri- 
nité ;  Du  jeûne  &  des  tentations  du  Sauveur  >  de  fa  dernière 
Cène  j  &  de  finjîitution  du  Sacrement  de  tEuchariJlie  j  Du 
lavement  des  pieds  ;  De  Pon^lion  du  Chrême  ,  &  des  autres 
Sacremens  ;  De  la  Pajfion  de  Je/ùs-CkriJ}  ,  de  fa  Réfurreâiion  , 
de  fort  yifcenfion ,  &  de  la  defceme  du  Saint- Efprit.  Tous  ces 
Myfteres  ont  rapport  à  Jefus-Chrifl  ;  ils  font  le  fondement 
de  la  Religion  qu'il  a  établie  :  c'eft  pour  cela  qu'Arnaud  a 
donné  à  fon  Traite  le  titre  :  Des  (Suvres  cardinales  de  Jefus" 
Chrifl.  Voici  ce  qui  nous  y  a  paru  de  plus  remarquable. 
Ce  qu'ils  con-  VU.  Dans  tous  les  tems  il  a  été  néceflaire  d'expier  par 
tiennent  de  quelques  rcmcdcs  le  péché  originel  (tn)  ,  qui  s'efl;  communi- 
quabie!™^''  1"^  ^  ^°"^  '^^  defcendans  d'Adam.  Ces  remèdes  ont  été, 
ou  les  Sacrifices ,  ou  la  Circoncifion  ,  ou  le  Baptême.  Il  y  a 
un  Baptême  de  fang  auffi  efficace  que  celui  d'eau  («).  C'eft 
de  ce  Baptême  que  les  Innocens  maffacrés  par  Hérode  ont 
été  baptifés  ,  &  que  le  fonc  les  Martyrs  de  la  foi ,  quand  ils 
ne  peuvent  recevoir  le  Baptême  de  l'eau.  Jefus-Chrifl  l'a 
reçu  des  mains  de  faint  Jean ,  non  qu'il  en  eût  befoin  ,  mais 
pour  en  faire  une  Loi  éternelle  pour  tous  les  hommes.  Tan- 
dis que  le  Prêtre  l'adminiflre  dans  la  forme  &  avec  les  pa- 
roles de  Tinfliturion  (o),  !e  Saint-Efprit  répand  intérieure- 
ment dans  le  Baptifé  la  plénitude  de  la  grâce ,  &  donne  au 
Sacrement  fa  perfedion  :  C'efl  pourquoi  le  Baptême  efl  va- 
lide, fût  il  conféré  par  un  Miniflre  indigne.  Soit  que  Paul 
ou  Judas  baptife  ,  c'efl  Jefus-Chrifl  qui  lave  ,  qui  eflface  \çs 


(/)   In  Append,  Opir.  Cyfrian,  p.  71. 
"BHit.  Parif.an.  T716. 

(m)  Strm,  de  Circttmcif,  p,  87, 


(n)  &trnt,  de  Innocent,  p.  91, 
(0  )  Serm.  de  Baprifm.p,  >j. 


ABBÉ   DE  BONNEVAL.  Ch.  VIII.  i?i 

péchés.  Le  Baptême  de  Jean  ne  lavoir  que  les  corps ,  celui 
de  Jcfus-Chrift  remet  les  péchés.  Ce  fut  par  l'Elprit-Saint  ou 
par  Ion  propre  Efprit  (p)  que  Jefus-Chrift  fut  conduit  dans 
le  défère  pour  y  erre  tenté  par  le  Démon. 

VIII.  Le  pain  que  le  Seigneur  donnoit  à  fes  Difciples  ,  eft 
changé, non  d'apparence  {q) ,  mais  de  nature,  &  fait  chair 
par  la  toute-puiflance  du  Verbe.  Ce  pain  commun  change 
de  cette  forte  en  Chair  &  en  Sang  procure  la  vie  (  à  lame) 
&  l'accroiffemcnt  aux  corps.  L'homme  animal  ne  doit  pas 
être  admis  parmi  les  Convives  de  la  Table  du  Seigneur  (r); 
tout  ce  que  di£le  la  chair  &  le  fang  doit  être  exclus  de  cette 
Aflemblée.  L'Euchariftie  eft  un  Sacrifice  continuel  (^)  &  un 
Holocaufte  permanent  :  quelque  grande  que  foit  la  multitu- 
de ,  elle  ne  le  confume  pas ,  &  il  ne  vieillit  pas  par  le  laps 
des  années.  Ce  n'eft  que  dans  la  maifon  leule  de  l'Eglifeque 
l'on  mange  l'Agneau  ;  perfonne  n'y  a  part  que  le  vrai  Ifraé- 
lite. 

IX.  On  ne  doit  réitérer  ni  le  Baptême  ni  l'Ordination  , 
parce  qu'il  n'efl  pas  permis  d'annuller  ce  que  le  Saint-Efpric 
a  fandifié  ;  comme  la  divinité  eft  la  même  dans  le  Saint- 
Efprit  &  dans  Jefus-Chrift ,  il  s'enfuit  que  ce  qu'ils  ont  fta- 
tué  eft  d'une  égale  autorité.  Ce  que  les  Apôtres  mêmes  ont 
enfeigné  par  l'infpiration  du  Saint-Efprit  (  ^  )  ,  ne  doit  pas 
être  moins  ftable  que  ce  que  Jefus-Chrift  a  enfeigné  &  or- 
donné de  faire  en  mémoire  de  lui.  Arnaud  infifte  beaucoup 
fur  l'utilité  du  lavement  des  pieds  ,  dont  Jefus-Chrift  nous 
a  donné  l'exemple ,  &  il  nous  le  reprèfente  comme  un  a£te 
d'humilité  capable  d'effacer  nos  fautes  journalières.  Il  parle 
dans  le  Sermon  fur  la  Cène  de  tout  ce  qui  fe  fiifoit  en  ce 
jour  ,  auquel  il  rapporte  l'inftitution  de  l'Euchariftie.  On  y 


(p)  Serm.  de  Jejun.  p,  99.  |      (  j  )  Perpes  eft  hoc  Sacrificium  &  Tem- 

(5)  Panis  ifte  quem  Dominus  Difcipu-  I  per  permanens  Holocauftum.  NuUa  pa- 
lis porrigebat  ,  non  effigie  ,  fed  naturâ  nem  hune  multitude  confumit,  nullâ  anti- 
mutatus  ,  omnipotentiâ  verbi  faftus  eft  I  quitate  veterafcit  :  una  eft  domus  Ecclefix 
Caro.  pa^.  m.  Panis  ifte  communis  in  1  in  qua  Agnus  edifr  :  nullus  ai  communi- 
Carnem  &  Sanguinem  mutatus ,  procu-  cat  quam  Ifraelitici  nominis  generofitas 
rat  vitam  ,  &   incrementum  corporibus.    non  commendat.  Uid. 


un. 

(r)  Inter  Dom'nica;  menfe  convivas 
animalis  homo  non  admittitur  :  quidquid 
caro  &  fanguis  diftat,  ab  hoc  cœtu  exclu- 
diiur.  Ibid.p.  11^. 


(t)  Nec  minus  ratum  eft  quod  disan- 
te Spiritii  Sanfto  Apoftoli  tradiJerunt  , 
quàm  quod  ipfe  (Chriftus)  tad  dit ,  &  in 
fui  commemorationem  fieri  ptscepit.  IbiJ. 

Rij 


I5X  A  R  N  A  U  D, 

faifoicle  faint  Chrême  (a),  &  l'on  bénilTok  les  autres  hui- 
les pour  le  Baptême  ,  la  Confirmation  &  l'Ordination  :  on 
réconcilioit  les  pécheurs  à  TEglife ,  &  l'on  rendoit  la  com- 
munion aux  excommuniés.  Les  Juges  ouvroient  les  prifons, 
&  donnoient  la  liberté  aux  criminels  condamnés» 
Sermon  fur  X.  Le  Difcours  iur  la  Paiïion  efl  une  paraphrafe  du  Can- 
laPaiTioB.  tique  d'Habacuc.  Dans  celui  qui  efl  fur  la  Rélurrection  (x), 
il  dit  d'après  quelques  Anciens  ,  qu'on  croyoit  qu'Adam  avoin 
été  enterré  au  lieu  même  où  la  Croix  de  Jelus-Chrift  fut 
plantée ,  &  que  fon  Sang  ayant  coulé  fur  la  tête  de  ce  pre- 
mier Homme ,  il  en  fut  ian6lifié.  Le  Traité  des  Œuvres  car- 
dinales de  Jefus-Chrift  fut  imprimé  à  Paris  en  1500  ,  par  les 
foins  de  Cyprien  Beneti  de  POrdre  des  Frères  Prêcheurs , 
chez  André  Bocard  ;  en  i  5 1 2  dans  l'Edition  des  Œuvres  de. 
faint  Cyprien  faite  en  la  même  Ville  ,  &  en  1574  chez  Ni- 
velle ;  il  fe  trouve  encore  dans  l'Edition  d'OxFort  en  1682  , 
&  dans  celle  de  Paris  en  1726  au  Louvre:  on  en  cite  encore 
d'autres. 
Des  feptPa-  XL  Le  Livre  des  fept  Paroles  de  Jefus-Chrifl  fur  la  Croix 
rôles  dsj.c.  porte  dans  un  manufcrit  de  Citeaux  (y)  le  nom  d^'Arnaud  , 
Abbé  de  Bonneval  en  France.  L'Edition  qu'en  a  faite  Jean 
Gagney,  Confeiller  &  premier  Aumônier  de  François  L  porte  : 
»  Arnaud ,  Abbé  de  Bonneval  dans  le  Diocèfe  de  Chartres.  ?> 
François  Titelman  fit  imprimer  cet  Opufcule  à  Anvers  en 
\  1532  ,  avec  un  Commentaire  auquel  il  ajoura  un  Difcours 

•/  d'Arnaud  fur  les  louanges  de  la  laintc  Vierge.  On  aie  Livre 

des  fept  Paroles  de  Jelus-Chrift  fur  la  Croix  dans  plufieurs 
Editions  de  faint  Cyprien ,  dans  la  Bibliothèque  des  Pères  à 
Paris  en  157  c  ,  &  dans  le  vingc-deuxiéme  Tome  de  la  Bi- 
bliocheque  des  Pères  à  Lyon  en  1^77.  Titelman  relevé  la 
douceur  du  ftyle ,  la  gravité  &  la  folidiré  des  pentées ,  &  l'on- 
6lion  qui  fe  fait  fentir  dans  tout  l'Ouvrage.  Il  commence  par 
l'explication  de  ces  paroles  :  Mon  Dieu  ,  mon  Dieu  ,  pourquoi 
m'avez^vous  abandonné  ?  8c  finit  à  celles-ci  :  A^on  F  ère  ,  je 
remets  mon  ame  entre  vos  mains.  Arnaud  fait  voir  que  toutes 
ces  façons  de  parler  regardoient  l'humanité  de  Jefus-Chrifl:  , 
&  non  la  divinité  ;  c'efl  en  diftinguant  les  deux  natures  qu'il 


(.K_)  Pag.  I  jj.  1  Tom,  11,  Bibliot.  Pat. p.  ziCl, 


abbP.  de^  bonneval.  Ch.  vin.        133 

concilie  ce  qui  paroîc  d'abord  contraire  à  la  foi  de  rEglile 
fur  l'Incarnation  du  Verbe.  Comme  Homme  ,  il  le  plaine 
c]u  il  eO;  abandonne  ;  comme  Dieu  ,  il  accorde  le  Paradis  au 
Larron. 

Xll.  Le  Difcours  des  louanges  de  Marie  publié  à  Anvers    Sermon  fur 
en  iSî^  par  Titclman  ,  le  lit  dans  la  Bibliothcque  des  Pcrcs  l"„!,°"3"S" 

I      T  ^      5-     \      ^  1  ■  <■  •        ..II*'  de  Marie, 

de  Lyon  (z  j.  Arnaud  croit  que  laint  Joicpti  lurvccut  au  cru- 
cifiement de  Jelus-Chrift.  L'Ecriture  n'en  dit  rien  ;  &  parce 
qu'elle  ne  nous  apprend  pas  de  quelle  manière  la  faince  'V^ier- 
ge  eft  montée  au  Ciel  ,  fi  c'eft  en  ame  leule  ,  ou  avec  fon 
corps ,  il  ne  veut  rien  décider  là-defiTus  ;  il  croit  feulement  que 
fon  féjour  fur  la  terre  depuis  la  mort  de  fon  Fils  ne  fut  pas 
long. 

Xin.  On  a  ccélong-tems  fans  pouvoir  découvrir  le  Traité  Traité- de rou. 
de  l'Ouvrage  des  fix  Jours  de  la  création  (a).  Jean  Gagncy  V^f^'.  '^^'  ^^ 
l'avoit  cherché  en  vain  ;  Denis  Perroner ,  Théologal  d'Au- 
xerre,  l'ayant  trouvé  à  Langres  8z  dans  l'Abbaye  de  Notre- 
Dame  de  Reynac,  le  publia  fur  l'autorité  de  ces  deux  ma- 
nufcrits  à  Auxerre  en  1 605» ,  in-8''.  &  le  dédia  au  Cardinal 
du  Perron.  La  Préface  d'Arnaud  manque  dans  cette  Edi- 
tion :  elle  fe  trouve  dans  l'Edition  de  faine  Cyprien  à  Oxfort 
en  1^82  ,  cl  la  fin  des  Œuvres  de  ce  Père.  L'Abbé  de  Bon- 
neval y  prouve  que  les  Livres  de  Moyfe  font  les  plus  anciens 
que  l'on  ait.  La  Bibliothèque  des  Pères  ayant  été  imprimée 
à  Lyon  avant  l'Edition  des  Œuvres  de  faint  Cyprien  à  Ox- 
fort en  1682  ,  il  n'ed  pas  furprenanc  que  le  Traité  d'Ar- 
naud lur  l'Ouvrage  des  fix  Jours  y  foit  fans  Préface.  Il  cite 
les  Commentaires  de  faint  Ambroife  &  de  faint  Bafile  fur 
cette  matière  ;  mais  il  traite  mal  Origene  &  fon  Livre  des 
Principes  ,  l'accufant  d'avoir  introduit  dans  l'Eglife  les  dog- 
mes de  Platon  ,  l'erreur  touchant  le  falut  des  Démons  >  &  la 
préexiftence  des  Ames.  Quoique  Moyfe  ne  dife  rien  de  la 
création  des  Anges ,  on  ne  peut  douter  qu'il  n'en  ait  eu  con- 
noiffance  ,  puifqu'il  parle  en  plus  d'un  endroit  de  ces  Ef- 
prits  céleftes.  Arnaud  croit  qu'il  les  a  compris  dans  la  créa- 
tion du  Ciel.  Dans  ce  que  l'Auteur  dit  fur  l'Ouvrage  des  lix 
Jours  ,  il  s'attache  plus  au  fens  moral  &  allégorique  ,  qu'au 
littéral. 


(t)  Ton:,  zz.  Bilflioe.  F.it,  p.  iiBi»,  (  ii  )   Il/iii.  p.  nS^, 


i?4  ARNAUD, 

Aneres Ecrits  XIV.  On  attribue  à  l'Abbé  Arnaud  (^)  un  Traité  du 
de  VAbbi  Ar-  Corps  &  du  Sang  du  Seigneur  ;  mais  c  eft  apparemment  le 
Dilcours  fur  la  Cène  ,  l'un  des  douze  ,  dont  efl  compofé 
l'Ouvrage  intitulé  :  Des  (Eiivres  cardinales  de  Jefus-  Ckrijî  , 
où  il  parle  fort  au  long  de  l'Euchariflie.  Dom  Mabillon  étant 
à  Cîteaux  tranfcrivit  deux  Ouvrages  d'Arnaud  {c)  ,  l'un 
fous  le  titre  ;  Des  Dons  du  Saint-Efprit  ;  l'autre,  un  Commen- 
taire fur  le  Pfeaume  i }  2  ,  divifé  en  cinq  Homélies.  Ces  deux 
Opufcules  ont  depuis  été  publiés  par  Calimir  Oudin  à  Ley- 
de  ,  chez  Pierre  Vander-Mcerche  en  1692  ,  fur  un  manuf- 
crit  de  l'Abbaye  de  Long -Pont  ,  Ordre  de  Cîteaux.  Les 
Méditations  d'Arnaud  ne  fe  trouvent  que  dans  l'Edition  des 
Œuvres  de  faint  Cyprien  par  Feil  à  Oxfort  en  1682.  On  a 
à  Clairvaux  un  Commentaire  d'Arnaud  de  Bonneval  fur  le 
Prophète  Ifaïe. 
Lettresd'Ar-  ^V.  Tritheme  met  des  Lettres  (  ^)  dans  le  Catalogue 
naud.  des  Ouvrages  de  l'Abbé  de  Bonneval  ,  &  il  n'efl  pas  dou- 

teux qu'il  n'en  ait  écrit  un  grand  nombre  ;  aucune  n'eft  ve- 
nue jufqu'à  nous.  Arnould  ,  Evêque  de  Lizieux,  fait  men- 
tion de  celle  que  cet  Abbé  à  fon  retour  de  Rome  lui  envoya 
par  un  Exprès  à  Tours.  L'Evêque  de  Lizieux  le  congratule 
fur  le  luccès  de  fon  voyage  (  e  )  ,  &  fur  les  honneurs  qu'il  avoit 
reçus  de  la  part  de  l'Eglife  Romaine ,  ajoutant  qu'il  fe  faifoit 
un  plaifir  de  recevoir  fa  vifite  à  Lizieux  dans  le  commence- 
ment du  mois  de  Mars.  Il  lui  en  écrivit  une  autre  (/)  pour  lui 
témoigner  combien  il  étoit  fenfible  à  fes  infirmités  ,  &  aux 
perfécutions  de  fes  ennemis.  Arnould  de  Lizieux  loue  dans 
cette  Lettre  les  talens  de  l'Abbé  de  Bonneval  ,  foit  pour  la 
compoiition  ,  foit  pour  l'élocution.  Ses  entretiens  n'étoienc 
pas  moins  agréables  qu'inftruftifs  :  s'il  répandoit  des  lumières 
dans  l'efprit  de  fes  Auditeurs  ,  il  charmoit  leurs  oreilles  par 
la  doqceur  &  l'agrément  de  fes  expreflîons.  La  troifiéme  efl 
une  réponfe  à  la  Lettre  qu'Arnaud  avoit  écrite  à  cet  Evê- 
que (^  ) ,  en  fe  mettant  en  voyage  pour  un  endroit  qu'il  ne 
nomme  pas.  J'ai  fait ,  lui  dit-il ,  ce  que  j'ai  pu  pour  rendre 


{t)  Mabill.  LiL  80,  Annal,  nam. 

(c)  Uld. 

{d)   TriTH.   df   Script.  Ecclef.   cap. 
38;. 


(e)  Arvold,  Epifc,  Lexo'jiefif.EpiJ}.  17. 
ToBi.  22.  Bibliot.  Put.  p.  13  II, 
{f)lhid.  Fpifl.  5. 
(^)  lùid.  Epij}.  }8. 


LE  BIENHEUREUX  ^LREDE  ,  &c.  135^ 
votre  voyage  heureux  ;  j'ai  offert  Tholocaufte  moelleux  (  de 
rEuchanilie  )  :  on  ne  peut  rien  offrir  de  plus  précieux  ni  de 
plus  efficace ,  ni  de  plus  utile  à  celui  qui  l'offre  ,  ou  pour  c]ui  il 
l'offre  ,  pourvu  que  par  leur  indignité  ils  ne  mettent  point  d'ob- 
ffacles  à  la  dignité  de  ce  Sacrifice.  Arnould  de  Lizieux  die 
cnfuite  que  Jclus-Chrifl:  ell  tellement  dans  l'Euchariftic  ,  que 
chacun  de  ceux  qui  le  reçoivent  le  mangent  tout  entier  ;  que 
celui  qui  l'offre  en  retire  k  même  avantage  que  celui  pour  qui 
il  l'offre  ;  que  quel  que  foit  le  nombre  de  ceux  lur  qui  le  Prê- 
tre étend  fa  charité  (  ^  ) ,  le  Sacrifice  eft  tout  entier  pour  tous, 
&  pour  chacun  en  particulier  ,  la  participation  de  plulieurs 
n'en  divifant  pas  l'intégrité  ,  comme  elle  n'en  diminue  pas  la 
folidiié  ou  le  prix. 

CHAPITRE     IX. 

Le  Bienheureux  jElrede  ,  Abbé  de  Riedvalj  &  Amedée 

de  Confiance. 

I.  "O  Levé  dès  fon  enfance  avec  le  Prince  Henri  ,  fils  de    LeBlenheu- 
X-^  David  ,  Roi  û'EcofiTe,  il  quitta  la  Cour  pour  embraf-  AbbédeRied- 
fer  l'état  Monaftique  dans  l'Abbaye  de  Riedval  ,  Ordre  de  val,  mort  en 
Cîteaux  ,  dans  le  Diocèfe  d'Yorc.  D'une  conduite  édifiante  ,  »*''<^* 
on  le  chargea  quelques  années  après  fa  profeflion  du  foin  des 
I^ovices  ;  cnfuite  il  fur  élu  Abbé  de  ce  Monaffere  ,  qu'il  gou- 
verna jui^^u'à  l'an  1166,  qui  fut  celui  de  fa  mort,  le  1 2  de 
Janvier.  Sa  vie  &  fes  miracles  le  lifent  en  ce  jour  dans  Bollan- 
du-> ,  qui  lui  donne  le  titre  de  Bienheureux. 

IL  On  trouve  de  lui  dans  le  Recueil  des  Hifforiens  An-     Ses  Fcrits 
glois  ,  fait  par  Roger  Twifden  ,  &  imprimé  à  Londres  en  hiftoriques. 
1652,  in-fol.  l'Hiltoire  de  la  guerre  de  Standard  en  1138  ; 
la  Généalogie  des  Rois  d'Angleterre  ;  la  Vie  &  les  miracles 


(f  )  Quofcumque  enîm  Sacerdos  efFufx 
caritatis  latitudine  compledatur  ,  toium 
fimul  omnium  ,  totum  uniufcuiufque  eft 
Cugillatim  ,  nec  integiitatem  dividic  com- 


municatio  plurium  ,  nec  foliditatem  mi- 
nuit partie! patio  diverforum.ARNOr.D.Lf- 
xovienj,  Efift.  38.  ai  Arnald,  Abbat,BoiiX* 
Va.  Us. 


il6  LE  BIENHEUREUX  ^ELREDE  ; 

de  faine  Edouard  ,  Roi  &  ConfcfTeur  ;  celle  d'une  Relîgieu- 
fe  de  "Wathun  -,  Ja  Vie  de  fainte  Marguerite  ,  Re-ne  d'E- 
cofle.  Il  y  a  auiïi  de  lui  un  fragment  de  fon  Ouvrage  inti- 
tulé :  Dei  Affaires  d  Angleterre  ,  adrefle  à  Henri  II.  Duc  des 
Normans ,  &  depuis  Roi,  contenant  le  Difcours  que  le  Roi 
Eadgar  fit  aux  Evêques  &  aux  Supérieurs  des  Monafteres. 
Il  fe  trouve  dans  le  Chapitre  III.  du  dixième  fiécle  de  l'Hi- 
ftoire  d'Angletere,  par  Nicolas  Haerpsfild  ,  &  dans  le  23e. 
Tome  de  la  Bibliocheque  des  Pères  à  Lyon  en  1677. 
Autres  Ecrits      HL  Les  Bibliothécaires  Anglois  font  mention  de  quelques 
Liftoiiques.     Ouvrages  hiftoriques   d'^lrede  ,  qui  n'ont  pas  encore  été 
rendus  publics  ;  fçavoir  un  Livre  des  Miracles  de  l'Eglife 
d'Haguftalde  ;  la  Vie  de  faint  Ninien  ,  Evèque  ;  la  Vie  de 
faint  Edouard  en  vers  élégiaques ,  didiée  à  Laurent ,  Abbé 
de  "Weftminfter  ;  celle  de  David  ,  Roi  d'Ecoffe  ,  en  deux 
Livres  adrefifés  à  Henri  II.  Roi  d'Angleterre.  Le  fécond  de 
ces  Livres  donne  un  précis  de   la  Vie  des  Rois  d'Angle- 
terre ,  depuis  Edelwulfe  ,  père  du  grand  A'frede  ,  julqu'à 
Henri  II.  &  une  Chronique  depuis  Adam  jufqu'à  Henri  I. 
Sermoiisfur      XV.  On  a  fait  un  Recueil  particulier  des  Sermons  &.des 
ifaïe?^  "^'^     autres  Œuvres  ipirituelles  d'^lrede.  L'Auteur  de  ce  Recueil 
efl  le  Père  Richard  Gibbon  ,  Jéfuite  ,  qui  le  fit  imprimer  à 
Douai  en  1631  ;  elles  ont  pafTé  de-là  dans  le  cinquième  Tome 
de  la  Bibliothèque  de  Citeaux  ,  &  dans  celle  des  Pères  à 
Lyon  en  \6']'j.  Ces  Sermons  au  nombre  de  31  expliquent  ce 
qui  eft  dit  dans  les  13,  14,   15    &  16^    Chapitres  d'Ifaïe 
couchant  les  malheurs  de  Babylone  ,  des  Philiftins  &  des 
Moabites.  Le  premier  Difcours  intitulé  :  De  fAvem  ou  Avê' 
nement  du  Seitneur ,  fe  trouve  dans  le  fécond  Tome  des  Ou- 
vrages de  faint  Bernard  (z),  de  l'Edition  de  Paris  en  171p. 
^Irede  avoit  d'abord  commencé  à  expliquer  en  peu  de  mots 
à  fes  frères  la  prophétie  d'ifaïe  ;  voyant  qu'ils  y  trou  voient 
du  plaifir  &  de  l'avantage  ,  il  continua  jufqu^au  dernier  des 
malheurs  de  Moab.  Alors  réd  géant  par  écrit  fes  Homélies, 
il  les  envoya  à  Gilbert,  Evêque  de  Londres ,  pour  les  exa- 
miner &  lui  en  dire  fon  fentimeu.  Il  s'y  applique  moins  à 
développer  le  fens  littéral  du  Prophète  ,  qu'à  en  tirer  des  al- 
légories &  des  moralités  pour  l'indruftion  de  fes  Religieux. 


(O  Pag.  ;<8. 


ABBÉ   DE   RIEDVAL.  Ch.  IX.  1^7 

II  ne  laifTe  pas  de  tcms  en  rems  de  faire  remarquer  que  ce 

3ui  avoir  été  prédit  par  Ifaïe  de  l'Eglifc  Chrétienne  fous 
es  termes  mylléricux  ,  s'eft  accompli  depuis  de  point  en 
point.  Il  dit  dans  le  dixième  Difcours  que  les  deux  grandes 
lumières  dont  il  cft  parlé  dans  la  Géncfc  ,  le  Soleil  &  la  Lu- 
ne ,  font  la  figure  des  deux  luminaires  qui  brillent  dans  le 
Firmament  de  l'Eglife,  le  Sacerdoce  &  la  Royauté  ,  le  Roi 
&  l'Evèque  ,  le  Prince  &  le  Clerc,  &  qu'ils  produilent  un 
effet  admirable ,  quand  ils  fe  tiennent  chacun  dans  les  bornes 
de  leur  puiflance  ;  l'un  en  prélidantaux  chofes  fpirituellcs,  l'au- 
tre aux  temporelles  &  féculieres.  Il  rappelle  aux  Evêques  l'e- 
xemple de  S.  Auguflin ,  de  S.  Grégoire ,  de  S.  Ambroifc  ,  de 
S.  Hilaire  ;  aux  Rois  &  aux  Princes ,  celui  du  grand  Conftan- 
tin ,  &  de  Théodofe  I. 

V.  Il  y  a  encore  d'-^îllrede  vingt -cinq  Sermons  fur  les   Sermons  du 
vangiles  &  les  betes  de  1  année  :  on  les  trouve  dans  1  Edi-  Saints. 

tion  de  Douai  en  1 6 }  i  ,  &  dans  le  cinquième  Tome  de  la 
Bibliothèque  de  Cîteaux  ,  à  Bonne- Fontaine  en  1^62.  ; 
mais  on  ne  les  a  pas  rapportés  dans  la  Bibliothèque  des  Pères 
de  Lyon. 

VI.  L'Editeur  y  a  donné  place  à  l'Ouvrage  d'^Irede  (/)  LeMiroîrde 
qui  a  pour  titre  :  Miroir  de  la  Charité.  Il  eft  diviié  en  trois  ^    '""'^' 
Livres,  dans  lefquels  l'Auteur  traite  à  fond  de  la  charité  ,  & 

des  autres  vertus  chrétiennes.  Dans  un  Abrégé  qui  précède 
l'Ouvrage  ,  il  montre  que  nous  ne  pouvons  nous  difpenfer 
d'aimer  Dieu  (m) ,  parce  qu'en  l'aimant  nous  évitons  d'être 
condamnés  de  lui ,  nous  méritons  d'en  être  récompenfés ,  & 
nous  lui  rendons  amour  pour  amour ,  Dieu  nous  ayant  aimé 
k  premier  ;  qu'en  pofTédant  cette  vertu  on  rend  toutes  les  ac- 
tions agréables  à  Dieu  ;  que  ,  comme  un  couteau  divin  (  «  )  , 
elle  retranche  de  l'ame  toutes  les  paflTions  vicieufes  ;  qu'elle 
procure  à  l'homme  un  repos  qu'il  ne  peut  trouver  ^  ni  dans  la 
fanté  du  corps ,  ni  dans  les  plaifirs  des  fens  ,  ni  dans  les  ri- 
ehefles  ;  que  par  elle  on  acquiert  l'innocence  des  mœurs  (0) , 
qui  confiile  dans  l'amour  réglé  de  foi-même  &  du  prochain  , 
que  ce  double  amour  eft  pour  ainfi  dire  une  portion  de  l'amour 
divin  (p). 


(i)  TojM.  15.  Bibliot,  Pat.p,^6.  j      (o)  Cap.  y. 

(m)  Cao.   I.  (       {p)  Cap,  14. 

(«>  Cap.  z.  • 

Tome  XXIÎL 


138         LE   BIENHEUREUX  .CLREDE  , 

VU.  Dans  le  premier  Livre  (q),  qui  efl  compofc  de  54 
Chapitres  ,  ^Irede  enfeigne  que  l'Homme  fait  à  l'image  de 
Dieu,  écoir  capable  de  la  béatitude  ,  &  que  par  fon  libre  ar- 
bitre, aidé  toutefois  de  la  grâce  ,  il  pouvoit ,  en  aimant  Dieu 
fans  cefle ,  trouver  toujours  fon  plaifir  dans  le  fouvenir  &  la 
connoiffince  de  Dieu  (r)  ;  mais  qu'ayant  cefle  d'aimer  Dieu 
pour  s'attacher  à  la  créature  ,  il  eîï  tombé  dans  la  mifere.  I! 
traite  enfuite  de  la  réparation  de  l'Homme  par  Jefus-Chrifl  ;. 
de  la  grâce  du  Rédempteur  (j),  de  fon  efficacité  ,  qui  eft 
telle ,  qu'elle  laiffe  au  libre  arbitre  fon  adivité ,  en  forte  que 
c'cfl  l'Homme  qui  fait  le  bien  ,  prévenu  &  aidé  de  la  grâce  , 
&  qu'il  le  fa.t  librement  (r).  Il  fait  cette  diftindion  entre  la 
grâce  donnée  à  l'Homme  innocent ,  &  la  grâce  accordée  à 
l'Homme  depuis  fon  péché  (m)  ,  que  celle-ci  efl:  plus  forte 
que  la  première  à  caufe  de  nos  infirmités ,  inconnues  à  l'Hom- 
me dans  l'état  d'innocence  ,  &  en  ce  qu'alors  la  grâce  du 
Créateur  donnoit  à  l'Homme  le  pouvoir  de  perfévérer  dans 
le  bien  ,  s'il  eût  voulu  ;  au  lieu  que  la  grâce  du  Rédempteur 
nous  donne  même  la  perfévérance.  11  dit  enfuite  que  de  tous 
les  animaux  (.r)  l'Homme  a  la  prérogative  de  s'élever  des 
plaifirs  des  fens  au  defir  du  fouverain  bien  ,  dont  la  poffcffion 
feule  peut  le  rendre  véritablement  heureux. 

VIII.  Le  fécond  Livre  eft  divifé  en  vingt-fix  Chapitres  (y  ). 
^Irede  s'y  étend  fur  les  effets  différens  que  la  charité  &  la 
cupidité  produifent  dans  le  cœur  de  l'Homme  ;  l'une  en  cal- 
me les  paffions ,  l'autre  les  irrite  ;  mais  il  avertit  qu'il  ne  fauc 
pas  prendre  pour  charité  ,  pour  amour  de  Dieu  (z),  certai- 
nes affedions  momentanées  que  l'on  fe  fent  pour  lui  ;  le  vrai 
amour  de  Dieu  confifle  dans  un  attachement  fincere  &  con- 
tinuel à  fa  volonté  ,  qui  efl  Dieu  même  :  cet  amour  n'eft  pas 
parfait  d'abord  ;  il  a  fes  dégrés  de  perfedion  par  lefquels  nous 
nous  élevons  vers  le  Ciel  {a)  ,  comme  la  cupidité  a  les  liens  pour 
nous  abaifler  vers  la  terre. 

IX.  Dans  le  troifiérne  Livre  divifé  en  quarante- un  Cha- 
pitres j,  l'Auteur  y  donne  la  définition  de  l'amour  (  ^  )  ,  de  la 


(■  j  )  Lib.  I .  Cap.  ï. 
(  r  )  Ci;.  4. 
(s)C<tp.  5. 
(  t )  Cap.  II.  it.. 
lu  )  Cap,  j4. 


(*)  Cap.  zi^ 

(y)  Lib.%.  Cap.  j, 

\i.)Cap.  18. 

{a)  Cap.  21. 

\\h  )  Lib,  J,  Cap.  7. 


ABBÉ   DE   RIEDVAL.  Ch.  IX.  i^ 

charité  ,  de  la  cupidité ,  ce  qu'il  n'avoic  pas  encore  fait.  Sous 
Je  nom  d'ymour  ,  il  dit  qu'on  peut  entendre  j  ou  la  faculté 
naturelle  de  l'amc  d'aimer  ou  ne  pas  aimer  un  objet  ,  ou 
i'ade  même  de  cette  faculté ,  qui  le  porte  vers  un  objet  bon 
ou  mauvais  :  la  bonté  de  l'objet  détermine  la  bonté  de  l'a- 
mour ;  mais  ii  l'objet  efl  mauvais ,  l'amour  cft  mauvais.  Selon 
yt.lrcde  ,  la  charité  &  l'amour  font  une  même  chofe  ,  avec 
cette  différence  que  la  charité  a  toujours  un  bon  objet ,  Dieu 
ou  le  Prochain  ,  &  que  l'amour  peut  en  avoir  un  mauvais  : 
c'eft  à  nous  de  choifir  ce  dont  nous  voulons  jouir  ,  &  après 
le  choix  (c) ,  fixer  notre  amour  félon  que  la  raifon  nous  le 
dide  :  or  elle  nous  enleignc  que  nous  devons  aimer  Dieu 
comme  l'Etre  iuprême  de  qui  nous  devons  tout  craindre  & 
tout  efpérer  ,  &  parce  qu'il  nous  a  aimé  le  premier  ;  nous  de- 
vons auflTi  nous  aimer  nous-mêmes ,  &  notre  Prochain  comme 
nous-mêmes  :  Dieu  l'ordonne  ainfi. 

X.  Mais  il  doit  y  avoir  de  l'ordre  dans  ces  amours  {d)  : 
fi  nous  afpirons  au  comble  de  la  perfe£tion  ,  il  faut  nous  atta- 
cher à  Dieu  par  amour ,  nous  le  propoferpour  la  fin  de  toutes 
nos  avions ,  lui  rapporter  notre  abftincnce  ,  nos  veilles ,  nos 
leftures ,  nos  travaux.  L'ordre  de  l'amour  de  nous  -  mêmes 
efl:  de  procurer  à  notre  corps  fes  befoins  (  e  )  ,  &  à  notre 
ame  tout  ce  qui  efl:  néceflaire  au  falut.  Comme  nous  devons 
^ufli  aimer  le  Prochain  ,  non  plus  que  nous-mêmes,  mais 
comme  nous-mêmes  ,  nous  fommes  conféquemment  obli- 
gés de  contribuer  ,  autant  qu'il  efl:  en  nous  ,  au  falut  de  fon 
ame  &  aux  befoins  de  fon  corps.  Il  y  a  même  un  ordre 
à  garder  dans  les  attentions  que  nous  devons  au  Prochain  ; 
fçavoir  (/)  ,  de  préférer  ceux  qui  nous  font  les  plus  pro- 
ches ,  ou  par  le  fang  ,  ou  par  l'amitié  ,  ou  par  les  bienfaits 
que  nous  en  avons  reçus  ,  &  ceux  qui  font  dans  un  degré 
fupérieur  ,  en  confervant  toutefois  la  volonté  de  fe  rendre 
utile  à  tous. 

XI.  yElrede  croit  que  nous  pouvons  en  cette  vie  (g)  jouir, 
dans  le  même  ordre,  de  ceux  avec  qui  nous  fommes  ou  pa- 
ïens ou  amis ,  ou  liés  par  quelque  motif  honnête  ;  c'eft-à- 


(O  Ctp.ç.  17. 37. 

(  d  )  Cap.  5  6. 
(t)Cap.ij. 


(/)  c^^p-  58. 

U)  Citp.  i9.  40. 


Sij 


140  LE  BIENHEUREUX  ^LREDE ,      ^    . 

dire ,  les  pratiquer  avec  joie  ,  &  nous  en  fervir  ;  maïs  tou- 
jours dans  le  Seigneur ,  &  non  pour  contenter  des  delirs  illi- 
cites. 
Traité  de  TA-     XII.  Le  Traité  de  l'Amitié  fpirituelle  eft  aufTi  partagé  en 
m"ue  ^^'""   ^^^^^  Livres  (^)  ;  on  l'a  réimprime  ,  comme  le  précédent , 
dans  la  Bibliothèque  des  Pères  à  Lyon.  11  eft  en  forme  de 
Dialogue ,  dont  les  Interlocuteurs  font  yElrede  ,  Yves ,  Gra- 
lien  &  Gauthier.  Dès  fon  enfance  ^Irede  ne  crouvoit  rien 
de  plus  agréable  que  d'aimer  &  d  être  aimé  :  cette  pafTion  le 
fuivit  dans  les  Ecoles  ;  mais  il  n'en  connoiflbic  point  les  dan- 
gers ,  &  ne  fçachant  pas  même  les  loix  de  l'amitié  ,  il  chan- 
geoit  fouvent  d'objet.  La  lecture  des  Livres  de  Ciceron ,  in- 
titulés: De  l'amitié ,  lui  donna  des  fentimens  ,  &  lui  fit  con- 
noîrie  en  quoi  l'amitié  confifte.  Ayant  quitté  le  Monde  quel- 
que tems  après  pour  le  confacrer  à  Dieu  dans  un  Monalle- 
re ,  il  s'appliqua  à  la  letlure  des  divines  Ecritures;  il  y  trou- 
va du  goût  ;  &  comparant  ce  qui  eft  dit  de  l'amitié  dans  les 
Livres  faints  ,  avec  ce  qu'il  en  avoit  lu  dans  les  Ecrits  de 
Ciceron  ,  il  étoit  furpris  de  ne  plus  fe  fentir  pour  ces  der- 
niers le  même  attrait.  Il  n'en  trouvoit  plus  que  dans  ce  qui  fe 
reflentoit  de  la  douceur  du  nom  de  Jefus  ,  &  affaifonné  du 
fel  des  faintes  Ecritures  :  cela  lui  fit  naître  le  deflein  de  tirée 
de  ces  divins  Livres  &  des  Ecrits  des  Percs  de  l'Eglife  de  quoi 
former  un  Traité ,  où  il  prefcriroit  Les  règles  d'une  amitié  char, 
fte  &  fainte. 

XIII.  Il  diftingue  trois  fortes  d'amitié  (z)  ,  la  charnelle,  la 
mondaine  ,  la  fpirituelle.  La  première  tire  fon  origine  d'un 
confentemenc  aux  mêmes  vices  ;  la  féconde  de  l'efpcrance  du 
gain ,  &  du  defir  des  biens  temporels  ;  la  troifiéme  ,  qui  eft  la 
ieule  véritable,  n'a  pour  but  ni  les  voluptés  ni  les  richeftes  ; 
c'eft  une  union  qui  le  forme  entre  des  perfonnes  de  probité  & 
de  bonnes  mœurs. 

XIV.  Cette  amitié  eft  un  degré  à  l'amour  de  Dieu  (Z), 
aufli  ne  fe  trouve  -  t  -  elle  qu'entre  les  bons  :  elle  ne  peut 
être  entre  les  méchans ,  &  l'on  doit  détefter  le  fentiment  de 
ceux  qui  croient  qu'il  eft  permis  de  manquer  à  fon  devoir 
pour  faire  plailir  à  un  ami.  En  effet  ,  l'amour  de  Dieu  étant  le 


(h)Tom,zi.  Biiliot.  Pat.p.  Ji^.        1       (/)Lî"t.  z. 


ABBÉ  DE  RTEDVAL.  Ch.  IX.  141 

fondement  de  Tamicié  chrétienne  (»j),il  ell:  ncccflaire  que  Dieu 
en  Ibic  aufli  la  fin ,  &  que  les  amis  lui  rapporccnc  tout  ce  que 
ramour  leur  lug<rcrc. 

XV.  Le  Dilcours  fur  le  fécond  Chapitre  de  faint  Luc  ,  Difcours  fur 
où  il  cft  dit  que  Jelus,  âgé  de  douze  ans  (  «)  ,  fut  trouvé  JeCus  %c  da 
dans  le  Temple  au  milieu  des  Dottcurs ,  a  été  imprimé  dans 

le  fécond  Tome  des  Œuvres  de  faint  Bernard  ,  de  l'Edi- 
tion de  Paris  en  t  609  ,  puis  dans  les  Recueils  des  (Euvres 
d'yElrcdc  ,  &  dans  la  Bibliothèque  des  Pcrcs  à  Lyon ,  avec 
les  Variantes  tirées  de  l'Edition  de  faint  Bernard  en  1609. 
TElrcde  examine  dans  ce  Difcours  pourquoi  Jefus  -  Chrifl 
ell  né  à  Bethléem ,  pourquoi  il  fuit  en  Egypte  &  y  demeure 
cache  ;  pourquoi  il  cfl  nourri  à  Nazareth  ,  &  que  fortant 
de- là  pour  aller  à  Jérulalem ,  il  n'y  va  pas  feul ,  mais  fous 
la  con  Juite  de  fes  parens.  Il  remarque  qu'il  étoit  d'ufage 
parmi  les  Juifs ,  lorfqu'ils  alloient  à  Jerufalera  aux  jours  de 
Fêtes  )  que  les  hommes  en  chemin  fulTent  féparés  des  fem- 
mes ,  afin  que  les  uns  &  les  autres  arrivafient  plus  purs  à  fa 
Soicmnité.  Il  prend  occafion  de  ce  qui  fe  pafTa  au  Temple 
encre  Jefus  &  les  Dodcurs  ,  d'établir  fa  divinité ,  fa  con- 
fubftantialité  avec  le  Perc  &  le  Saint -Efprit  ;  &  à  1  égard 
de  ce  qu'on  lit  dans  faint  Luc ,  que  fes  parens  ne  comprirent 
point  ce  qu'il  leur  difoh  ,  ^Iredc  croit  que  cela  ne  regar- 
doit  point  la  fainte  Vierge ,  fa  Mère  ,  qui ,  depuis  qu'elle 
avoit  été  remplie  du  Saint  -  Efprit  ,  ne  pouvoit  ignorer  au- 
cune des  chofes  qui  regardoient  fon  Fils  ;  &  que  c'eft  pour 
cela  qu'il  eft  dit  ,  qu'elle  confervoit  dans  fon  cœur  toutes  fes 
paroles. 

XVI.  Il  ne  refte  rien  de  l'Hiftoire  d'Angleterre  compo-  ^^]J^°'f« 
fée  par  ^tlrede  (0)  ,  que  le  Difcours  du  Roi  Edgar,  qu'il       " 

y  assoit  inféré.  Ce  Prince  ,  furnommé  le  Pacifique  ,  régna 
depuis  l'an  959  jufqu'à  ^yj.  Voulant  rétablir  le  bon  ordre 
dans  le  Clergé  Séculier  &  Régulier  .  il  affembla  les  Evoques 
&  les  Supérieurs  à^-s  Monafleres  ,  les  fit  fouvcnir  des  loins 
que  lui  &  fes  Ancêtres  avoient  eus  de  leur  procurer  les 
befoins  de  la  vie  ,  la  paix  &  le  répps  ;  leur  repréfenta  les 


*>  i.»  <i. 


(m)  Lih.  5.  1(0)  Ih'd-S.  lû'k 

(a)  loin,  2  3 .  Bibliot,  Par,  f»%'  I  y  5 . 


142  ^    L  R   E   D   E  ,  &c. 

fcandales  qu'ils  caufoient  par  leur  mauvaife  conduite  ,  ou 
en  ne  corrigeant  pas  ceux  des  Clercs  &  des  Moines  qui  s  e- 
loignoient  des  règles  de  la  difcipline  ,  &  les  exhorta  à  pren- 
dre de  leur  côté  le  glaive  de  faint  Pierre ,  pendant  que  du  fien 
il  prcndroit  le  glaive  de  Conflantin  pour  retrancher  tous  les 
défordres  qui  dcshonoroient  l'Eg^ifc. 
Ouvrag^snt-  XVII.  La  Règle  des  Religieufes  Reclufes  (p)  ,  'faufle- 
rede"  ^  ^^' ^^^^  attribuée  à  laim  Auguftin  ,  fe  lit  fous  le  nom  d'yEl- 
rede  dans  la  troifiéme  partie  du  Code  des  Règles  par  Hol- 
flenius  ,  imprimé  à  Rome  en  ï66i  ,  &  dans  l'Appendice 
du  premier  Tome  des  Œuvres  de  faint  Auguftin  ,  de  l'E- 
dition de  Hollande  ,  fous  le  titre  :  De  la  Vie  Erc'mitiqtie  à 
une  Sœur;  elle  eft  en  partie  dans  les  Méditations  15,1^ 
&  17  de  faint  Anfelme.  Les  autres  Ecrits  attribués  à  ^1- 
rede ,  mais  qui  n'ont  pas  encore  été  mis  fous  la  Preffe ,  font , 
la  Flèche  de  Jonathas  ;  Des  trois  Hommes  ;  Des  diverfes 
vertus  ;  une  explication  du  Cantique  des  Cantiques  ;  Du 
lien  de  la  Perfection  ;  un  Dialogue  de  la  nature  &  des  qua- 
lités de  l'Ame  en  deux  Livres  ;  Des  douze  abus  des  Cloî- 
tres ;  De  la  Ledure  évangélique  à  Yves  ;  un  Dialogue  ehtre 
l'Homme  &  la  Raifon  ;  trois  cens  Lettres  ;  un  Recueil  de 
Sentences  choifies;  Des  Mœurs  des  Prélats  ;  Des  Offices  des 
Miniflres  ;  cent  Sermons  Synodaux  ;  un  Traité  de  la  Mi- 
lice Chrétienne  ;  un  de  la  Virginité  de  Marie  ;  l'Hiftoire  de 
la  fondation  des  Monafleres  de  fainte  Marie  d'Yorc  &  des 
Fontaines. 
Jugement  des  XVIII.  Les  Ouvrages  d'^lrede  font  des  preuves  de  la 
rcde!^  folidité  de  fon  efprit  &  de  fa  piété  ;  ce  ne  font  qu'inflru- 

£lions  faluraires  ,   que  maximes  édifiantes  ,  que  règles   de 
conduite.  Il  intércffe  les  Lecteurs  par  la  clarté  &  la  pri- 
cifion  de  fon  ftyle  ,  par  l'onftion  qu'il  répand  fur  les  vérités 
pratiques  de  la  Religion  ,  &  par  la  façon  aifée  dont  il  les 
propofe. 
Amedée,Evê-      XIX.  Lcs  huit    Sermons  d'Amedée  ,  Evcque  de   Con- 
que de  Con-  fl^nce  (  ^  )  j  font  tous  à   la  louange  de  la  fainte  Vierge. 
Ses"sérmons.  Dans  les  deux  derniers  il  célèbre  le  triomphe  de  fon  AfTomp- 


(/>  )  FabRic.  Tom,  I,  Biblioth.  Lat,  p.)      (g)  Ton.  ao.  Bibliot.  Vat,  Lugd,  {ag. 
41.  I  11^3. 


AMEDÉE ,  EVESQ.  DE  CONSTANCE.  Ch.  IX.  145 
tion  dans  le  Ciel  ,  ne  doutant  point  qu'elle  n'y  eût  été  éle- 
vée en  corps  &  en  amc  ,  (ans  avoir  depuis  la  mort  effuyc 
aucune  corruption.  Ces  Difcours  iont  élégans  ,  &  pleins  de 
Icntimcns  de  pièce.  Gervais  Sophcnc  ,  Allemand  ,  les  fit 
imprimer  à  Baile  en  1517  ,  in-S''.  chez  Adam  de  Pierre. 
Richard  Gibbon  en  donna  une  féconde  Edition  à  Anvers 
en  i6i-^.  Ils  ont  été  imprimés  plufieurs  fois  parmi  les  Ser- 
mons de  faint  Léon  &  de  quelques  autres  Percs  ,  puis  à 
Lyon  en  i<^33  »  dans  l'Heptadc  des  Prélats ,  par  Théophi- 
le Rainaud  ,  &  à  Paris  en  1671  ,  &  inférés  dans  les  Bi- 
bliothèques des  Pères  de  Cologne  &  de  Lyon  ;  dans  celle 
des  Prédicateurs  ,  par  le  Père  Combcfis  ,  &  dans  le  pre- 
mier Tome  de  la  grande  Marialle  ,  à  Madrid  en  1648  , 
in-fol.  Amedée  étoit  de  l'Ordre  de  Cîteaux  (r).  D'Abbé 
de  Haute  -  Colombe  il  fut  fait  Evêque  de  Confiance  vers 
l'an  1 148  ;  on  met  fa  mort  vers  l'an  1 1 60  ,  le  vingt-  fepc 
de  Septembre.  Il  eft  parlé  de  lui  dans  la  trente  -  quatrième 
Lettre  de  Nicolas  de  Clairvaux  ,  dans  la  Chronique  de 
Cîteaux  ,  par  Aubert  le  Mire  ,  &  dans  la  Vie  de  faine 
Bernard  ,  par  Alain  d'Auxerre  (  5  )  ,  &  Arnaud  de  Bon- 
neval  (  f  ).  Il  faut  diftinguer  Amedée  ,  Evêque  de  Con- 
fiance 5  d'Amedée ,  de  l'Ordre  des  Francifcains ,  mort  en 
1482. 


(r)  G.illia  Chrifllan.  p.  ^99.  \      (0  C(i/>.  8, 


'm- 


144        G  E  R  0  C  H  ; 

0®®®^®®®®®!$;!^!^^+)  ®®®®®®®®®®®®® 

CHAPITRE      X. 

Gerock  ,  Prévôt  de  Reicherfperg ,  6*  Arnou  fon  frère, 

Geroch,  <?a  j^    A    Pr^s  avoir  fréquenté  fuccefîlvement  les  Ecolcs  d'Hil» 
études.  XJL  desheim  en  Saxe  ,  &  celles  d'Auftourg  (m)  ,  i!  en* 

tra  dans  le  Clergé  de  cette  Ville  ,  où  l'Evêque  Hermann  lui 
donna  un  Canonicat,  &  l'ordonna  Diacre.  Cet  Evêque  te- 
noit  le  parti  des  Schifmatiques ,  c'eft-à-dire  de  l'Antipape 
Bourdin  &  de  l'Empereur  Henri  V.  Geroch  étoit  attaché  au 
Pape  Callixtc  II.  Il  quitta  donc  Aufbourg  pour  fe  retirer  dans 
un  Monaftere  de  Chanoines  Réguliers,  nommé  Rcitenbuch. 
Chunon ,  Evêque  de  Ratifbonne ,  l'ordonna  Prêtre,  &  lui  con- 
fia le  foin  d'une  ParoifTe.  Cet  Evêque  étint  mort ,  Conrad , 
Archevêque  de  Salzbourg,  le  prit  à  fon  fervice.  Geroch  avoir 
l'efprit  très-cultivé ,  &  des  mœurs.  Conrad  le  députa  à  Rome 
pour  les  affaires  de  fon  Eglile. 
Il  eft  fait  II.  Gotefcalc  ,  Prévôt  de  Reicherfperg  ,  avoit  rcfigné 
ïiiln^^^^^^^' ^3.  dignité  entre  les  mains  de  l'Archevêque  en   ii?2.   Le 

cherfperg  en  6  .  .     ^  ,  .   ,  ^,  ,  ^  ,  ^  .       , 

II3Z.  rre  at  en  revêtit  Geroch,  qui  la  policdj  pendant  près  de 

quarante  ans  ,  c'efl-à-dire  jufqu'en  ii6p  ,  qui  fut  1  année 
de  fa  mort.  Il  s'étoit  toujours  occupé  à  la  médication  des  Li- 
vres faints,  à  la  prédication  delà  parole  de  Dieu,  à  la  dé- 
fenfe  de  la  foi  &  de  l'unité  de  TEglife ,  &  à  la  cômpofition 
de  divers  Ouvrages  très-utiles  ,  dont  le  Catalogue  eft  rap- 
porté dans  la  Chronique  de  Reicherfperg  ,  que  l'on  trou- 
ve dans  le  Recueil  des  Ecrivains  de  Bamberg  ,  imprimé  à 
Francfort  8c  à  Léipfic  en  17 1 8  par  les  foins  de  Jean -Pierre 
Ludevig. 

Ecrits  de  Ge-  III.  L'Auteur  de  la  Chronique  cite  en  général  divers 
Opufcules  adrelTés  aux  Papes  Innocent  &  Eugène^,  &  aux 
Cardinaux;  grand  nombre  de  Lettres  recueillies  en  un  Re- 
giftre  compofé  de  deux  Volumes  ;  un  Traité  de  l'Incarna- 
tion ,  un  Commentaire  fur  les  Pfcaumes  en  huit  Volumes  ; 


roch. 


{u)  Ex  Cbronic,  Reùherfperg.  Idit,  Lelpf.  p.  ijtf.  . 

un 


PREVOST  DE  REICHERSPERG.  Ch.  X.      145 

un  Traite  contre  les  Dilciplcs  de  Pierre  Abaillard ,  à  Otton , 
Evêquc  de  Frilinguc  ,  frerc  du  Roi  Conrad  ;  divers  Opuf- 
cules  à  ceux  de  Frifingue ,  &  à  Daniel ,  Evoque  de  Prague  ', 
un  Livre  de  li  Foi  ,  tait  à  la  prière  de  Henri  ,  Cardinal- 
Prêtre  j  un  Opufcule  au  Pape  Adrien  ;  un  Dialogue  entre 
les  Grecs  &  les  Latins  ;  un  petit  Ecrit  fur  la  glorification  du 
Fils  de  l'Homme  ,  à  Eberhard,  Archevêque  de  Salzbourg  ; 
quel'-|ues  autres  Opufculcs  au  Pape  Alexandre  ,  aux  Cardi- 
naux &aux  Evêqucs.  Geroch  compofa  plufieurs  autres  Ouvra- 
ges que  TAuteur  de  la  Chronique  a  fupprimcs  pour  éviter  la 
longueur. 

IV.  Il  y  en  a  un  fur  l'état  de  l'Eglife  fous  les  Règnes  des  Traîtéfurré- 
Empereurs  Henri  IV.  &  Henri  V.  &  fous  le  Pontificat  de  "erEgiifT.^" 
Grégoire  VIL  &  de  fcs  Succefleurs  ,  imprimé  à  IngoUTac 

en  1611  par  les  foins  de  Gretzer.  M.  Balufe  a  fait  impri- 
mer au  cinquième  Tome  de  fes  Mélanges  (  a:  )  un  Ouvrage 
fur  la  même  matière ,  intitulé  :  Expoftion  du  Pfeaiime  64 ,  ou 
Livre  de  l'état  corrompu  de  VEgUJe  au  Pape  Eugène  III.  Il 
cil  divifé  en  deux  parties  ,  dont  la  première  eft  précédée 
d'une  Lettre  à  Henri ,  Cardinal-Prêtre ,  à  qui  il  préfenta  cet 
Ouvrage  après  l'avoir  préfenté  au  Pape  Eugène.  Il  roule  fur 
la  diftindion  des  deux  glaives ,  des  deux  luminaires ,  du  Sa- 
cerdoce &  de  l'Empire  ,  de  la  Puiffance  fpirituelle  &  de  la 
PuifTance  temporelle.  Geroch  trouve  mauvais  qu'au  lieu  d'ap- 
pellcr, comme  anciennement,  l'Eglife  Romaine,  on  la  nom- 
moit  la  Cour  de  Rome  ;  nom  qui  ne  convient  qu'au  féjour  de 
la  moUeife ,  ou  à  des  Juges  deftinés  à  répandre  le  fang  des  cou- 
pables. 

V.  Geroch  donne  d'abord  une  explication  morale  &  allé-     Anaiyfe  de 
gorique  du  Pfeaume  6^  ()?)  ,  puis  venant  aux  Auteurs  du"^'"^' 
fchifme ,  qui  vouloient  détruire  les  murs  de  Jérufalem  ,  & 

rebâtir  ceux  de  Babylone,  ou ,  comme  il  le  dit ,  rendre  payen 
le  Royaume  de  Jelus  -  Chrift ,  il  dit  en  pafTant  _,  qu'étant  à 
Rome ,  un  Avocat ,  ennemi  de  l'Eglife ,  lui  ayant  objecté  que 
les  privilèges  accordés  par  l'Empereur  Conftantin  n'étoient 
pas  recevables  ,  parce  que  ce  Prince  avoit  été  baptifé  par 
Eufcbe  de  Nicomédie  ,  Evêque  Arien  (z)  ,  il  foutint  qu'il 


(■v)   Balus.   Tarn,  f.    Mifcell.    pag,  \       (y)  Uem,  ihid. p,67- 

Tome  XXIÎU 


1^6  G   E    R   O    C    H, 

avoit  été  baptifé  par  le  Pape  Sylveftre  ;  &  que  quand  il 
Tauroit  été  par  un  Evcque  Arien  ,  fcs  donations  de- 
vroient  avoir  lieu ,  comme  l'Edit  de  Cyrus  ,  quoique  Ido- 
lâtre ,  eut  fon  effet  pour  le  renvoi  des  Captifs  de  Babylone 
en  Judée. 

VI.  Il  rapporte  d'un  côté  les  Edits  des  Succeffeurs  de 
Conftantin  («)  ,  Princes  ,  pour  la  plupart  ,  pieux  comme 
lui ,  en  faveur  de  l'Eglife  ,  &  le  changement  des  Temples 
des  Idoles  en  Eglifes  Chrétiennes  ;  de  l'autre  ,  les  maux 
qu'elle  a  foufferts  de  la  part  des  Princes  llmoniaques  &  im- 
pies, qui ,  fans  égard  aux  faints  Canons ,  donnoient  les  Pré- 
laturcs  &  les  autres  Bénéfices  cà  qui  bon  leur  fembloit.  De 
cet  abus  en  naiffoient  beaucoup  d'autres  :  les  Evêques  ainfi 
pourvus  n'obfervoient  aucune  règle  ;  on  ne  les  reconnoif- 
îoit ,  ni  dans  leurs  habits  ,  ni  dans  leur  manière  de  vivre  ; 
ils  fufcitoient  des  guerres  juftes  ou  injuftes  (^)  ,  mettoient 
à  mort  fouvent  les  innocens  ,  &  réuniffoient  en  leur  per- 
fonne  l'office  de  Prêtres  8c  de  Soldats  ;  ne  tenoient  aucun 
compte  de  l'obfervarion  des  Canons ,  &  n'obéiflbient  pas  au 
Saint  Siège-,  quoiqu'excommuniés,  ils  trouvoient  des  appro- 
bateurs ,  &  des  gens  qui  ne  failoient  aucune  difficulté  de  com- 
muniquer avec  eux ,  de  vive  voix  &  par  écrit. 

VII.  Dans  la  féconde  partie  (c)  il  oppofe  à  la  Conftitution  de 
l'Empereur  Louis-le-Débonnaire  ,  qui  fit  diftribuer  aux  riches 
les  biens  deftinés  aux  pauvres  &  à  l'entretien  de  ceux  qui 
vivoient  en  commun  dans  les  Eglifes  Matrices  ,  les  Décrets  des 
Papes  Urbain  II.  &  Pafchal  II.  touchant  la  vie  commune  des 
Clercs  &  la  polTcffion  des  biens  néceffaires  pour  leur  fubfiftance. 
Il  rejette  cette  Conftitution ,  comme  étant  fans  autorité ,  di- 
fant  qu'il  n'appartient  pas  aux  Princes  de  la  terre  {d) ,  mais 
à  faint  Pierre  feul  &  à  fes  Succefl^eurs  ,  de  confirmer  leurs 
frères  dans  un  genre  de  vie.  Sur  les  Ordinations  fimonia- 
ques  ,  il  dit  d'après  le  Pape  Nicolas  II.  que  celui  qui  s'efl 
fait  ordonner  par  un  Evêque  qu'il  fçavoit  être  fimoniaque  , 
doit  être  dépofé  avec  fon  Ordinateur  ,  faire  pénitence  ,  & 
erre  privé  de  fa  dignité  i  mais  qu'il  ne  faut  rendre  cette  Sen- 
tence qu'après  avoir  confultélc  Saint  Siège. 


(.j)  Pag.  8i.  î^feç.  I      (c)  Pag.  i  ç  i,  t8o. 

(ij   P.T^.  90,  P4.  «      {d)  Pag.  HZ, 


PREVOST  DE  REICHERSPERG.  Ch.  X.     147 

VIII.  Gcroch  s'explique  ainli  (c)  à  l'occafion  de  certains  Traitécomre 
Clercs,  qui,  n'ayant  aucun  titre  qui  les  attachât  à  une  Etïli- ''^^  Simoma- 
le  particulière  ,  exerçoicnt  par-tout  leur  miniltcrc  pour  de 
l'argent.  Il  compofa  contr'cux  un  Traité  exprès ,  intitule  : 

Courre  /es  Simoniaques.  Dom  Martenne  lui  a  donné  place 
dans  le  cinquième  Tome  de  les  Anecdotes ,  fur  un  manuf- 
crit  du  Monaftere  de  Dunes  à  Bruges.  Geroch  adrcfla  fon 
Livre  à  faint  Bernard,  qu'il  avoir  pu  voir  à  Rome  ,  ou  en 
Allemagne.  Son  Icntiment  cfl:  qu'on  peut  tolérer  &  commu- 
niquer avec  ces  Prêtres  mercenaires ,  tandis  qu'ils  ne  font 
point  dénoncés  publiquement  ;  mais  qu'il  faut  les  éviter  com- 
me Hérétiques  &  ennemis  de  l'Eglife  (/)  ,  après  la  Senten- 
ce de  l'Evêque  Diocéfain.  Il  déclare  llmoniaques ,  non-feu- 
lement les  Clercs  ,  mais  auffi  ceux  qui  les  tiennent  à  gage  ; 
&  quoiqu'il  ne  doute  pas  que  les  Sacremens  conférés  par  eux 
ne  foient  bons  ,  quand  ils  les  adminiftrent  fuivant  la  for- 
me ordinaire  de  l'Eglife  (^)  j  il  penfe  qu'ils  ne  produi- 
fent  pas  la  grâce  dans  celui  qui  les  reçoit  :  au'rcfte  ,  il 
foumet  fes  fentimens  Se  fon  Livre  au  jugement  de  faine 
Bernard. 

IX.  Il  fournit  aufTi  à  la  cenfure  d'Eberhard,  Archevêque    Traité  de  la 
de  Salzbourg  {k)  ,  fon  Ecrit  qui  a  pour  titre  :  De  la giori- S^°^^.'^^^^°'^ 
fication  du  Fils  de  f  Homme  ,  &  l'envoya  depuis  à  Hartmann ,  l'Homme.^ 
Evcque  de  Brefle,  &  au  Pape  Eugène  III.  qui  l'en  remer- 
cia par  une  Lettre  ,  où  il  loue  fon  zélé  contre  les  nouveautés 

de  dodrine  qui  s'élevoient  dans  l'Eglife.  Les  Papes  Ana- 
{lafe  &  Adrien  ne  firent  point  de  réponfe  aux  Lettres  qu'il 
leur  écrivit  en  leur  envoyant  quelques-uns  de  fes  Ouvrages. 
Geroch  ne  s'en  formalifa  pas  ,  attribuant  leur  filence  à  leurs 
grandes  occupations  (  i  )  ,  mais  il  fut  très-fenfible  à  la  Lettre 
d'Alexandre  III.  par  laquelle  ce  Pape  l'affuroît  qu'il  lui  con- 
tinueroit  les  mêmes  bontés  que  fes  Prédécefleurs  avoienc  eues 
pour  lui. 

X.  Il  paroît  que  ce  Traité  de  Geroch  (  /  )  fut  écrit  pour    Analyfe  du 
réfuter  certaines  cxpreflions  des  Scholaftiques  ,  qui  ne  di-""^"^^"^* 
ftinguanc  pas  affez  les  deux  natures  ,  ni  les  fuites  de  leur 


(e)  Tom.  f.  Anecd.  Marten.  p.  1458. 

(/)  Pai.  1461.  1470. 

ig)  P''g-  148 1. 

(h)  Pez,  Tom.  1,  Thef/tur,  Anecd.  fag. 


16^.  169. 

(')  l''*g-  170. 

(/)  Pag.  i8j.r,«.  5-. 


Tij 


148  G   E   R  D   C  H, 

union  perfonnelle  en  Jefus-Chrift  ,  difoient  qu'il  n'eft  ni  fi 
puifTant  ni  aufli  grand  que  fon  Père.  11  entreprit  de  prou- 
ver le  contraire ,  &  de  détruire  en  même  rems  les  héréfies 
d'Eutyches  &  de  Nedorius.  Pour  le  faire  clairement,  il  di- 
flingue  avec  TEglife  ,  en  Jefus-Chrift ,  la  nature  divine  de 
la  nature  humaine  ,  en  ce  que  la  divinité  n'eft  pas  l'huma- 
nité ,  ni  l'humanité  la  divinité  ;  mais  il  foutient  que  le  mê- 
me Fils  de  Dieu  &  de  l'Homme  eft  Homme  par  la  vraie 
&  entière  humanité ,  comme  il  efl  Dieu  par  la  plénitude  de 
la  divinité  ;  moindre  que  le  Père  félon  l'humanité  par  la- 
quelle il  efl:  Homme  ;  égal  au  Père  félon  la  divinité  par  la- 
quelle il  efl  Dieu.  Ce  Lnt  fes  termes.  C'efl  fur  ce  principe 
qu'il  enfeigne  que  nous  devons  à  l'Homme  en  Jefus-Chrifl: 
le  culte  de  Latrie  (m) ,  parce  que  ,  félon  faint  Auguftin  ,  on 
ne  peut  concevoir  Jefus-Chrift  Homme  ,  qu'on  ne  le  con- 
çoive uni  au  Verbe  de  Dieu  ,  &  qu'il  dit  qu'on  doit  l'ado- 
rer dans  l'Euchariflie  ,  où  il  eft  réellement  préfent ,  &  où  il 
nous  nourrit  du  même  Corps  qu'il  a  pris  dans  le  fein  de  la 
Vierge  («) ,  &  non  en  figure  ,  comme  l'ont  avancé  Beren- 
ger  ,  &  après  lui  Folmar.  Celui-ci  difoit  de  plus  ,  que  le 
Corps  de  Jefus-Chrifl  étoit  feulement  dans  le  Ciel ,  &  non  ail- 
leurs jufqu'au  jour  du  Jugement ,  s'appuyant  fur  un  paflage  de 
S.  Auguftin,  tiré  d'un  exemplaire  défedtucux.Geroch  rétablie 
la  vraie  Leçon  ,  &  montre ,  par  le  témoignage  de  ce  Père  , 
que  le  vrai  Corps  de  Jefus-Chrift  eft  fur  les  Autels  où  l'on 
célèbre  le  Sacrifice  dans  l'Eglife  Catholique  (  0) ,  &  qu'il  eft 
en  même  tems  au  Ciel. 

XL  II  combat  enfuite  les  façons  de  parler  ufitées  parmi 
les  Sçholaftiques  (p)  ,  lorfqu'ils  traitoient  du  Myftere  de 
l'Incarnation  ,  montrant  qu'elles  font  étrangères  au  langage 
de  l'Eglife ,  &  favorables  aux  erreurs  de  Paul  de  Samofates  , 
de  Neftorius  &  de  Photin.  Pour  lui  ,  il  ne  parle  que  d'a- 
près les  Pères  de  l'Eglife  les  plus  célèbres  ,  dont  il  cite  un 


(?/)  Credat  igitur  mundus  quod  Chri 
ftus  Jefus  corporaliter  manens  in  Cœlo  , 
rihilominus  corporaliter  fît  in  Temple 
fuo  ,  quod  eft  Ecdefia  ,  quatn  pafcit  Cor- 
pore  &  Sanguine  fuo,  non  folùm  Sacra- 
mento  tenus .  . .  fed  in  rei  veritate,  ita  ut 
ipfius  ChrifU  veium  Corpus  de  Virgine 


(»j)  Cap.  7.  Ç^  5.  l  fumptutn  ,  in  Altari  prsfentetur  ,  imnio- 

letur  ,  manducetur  ,ac  proinde  falubriter 
adoretur.  Geroch.  Lib.  de  glorifie  cap, 

(  9  )  Vernm  ejus  Corpus  tn  omni  Altari 
eft  ubicamque  intra  Catholicam  Eccle- 
fiam  celebratur  Miiïà.  Uid,  caf,  14. 

{p)Ciip,  i8,  ^f'i' 


PREVOST  DE  REICHERSPERG.  Ch.  X.      14^ 

grand  nombre  de  patTagcs.  Ce  Traité  le  trouve  dans  le  pre- 
mier Tome  des  Anecdotes  de  Dom  Bernard  Fez. 

XII.  Il  y  cft  riiivi  d'un  Livre  contre  deux  hércfies  (q)  ,  Traité  contre 
l'une  des  nouveaux  Ncftoricns,  l'autre  de  ceux  qui  admet- ''^"^  hértfiet, 
tcnt  les  Prêtres  excommuniés  ,  &  les  Sacrcmcns  qu'ils  con- 
fèrent. L'Ouvrage  eft  adrefle  à  Geofroi ,  Abbé  des  Monts. 

11  cite  au  commencement  fa  Lettre  à  Eberhard  ,  Abbé  de 
Bambcrg ,  dans  laquelle  il  faifoit  voir  que  faint  Hilaire  ne 
penloit  pas  différemment  de  l'Auteur  du  Symbole  qui  porte  le 
nom  de  faint  Athanafe;  que  l'un  &  l'autre  enfeignoient  éga- 
lement que  le  Fils  de  l'Homme  efl:  égal  au  Perc  félon  la 
divinité  ;  qu'il  eft  moindre  que  le  Père  fuivant  l'humanité. 
C'efl  fur  cette  diftindion  que  Geroch  fonde  tout  ce  qu'il  dit , 
tant  dans  le  Traité  contre  les  deux  héréfics  ,  que  dans  la 
Lettre  à  l'Evèque  de  Bamberg  (r)  ,  jointe  à  ce  Traité  dans  le 
fécond  Volume  des  Anecdotes  de  Dom  Bernard  Pez.  Il  parle 
d'une  conférence  qu'il  avoit  eue  de  vive  voix  avec  l'Abbé  Ru- 
pert  fur  cette  matière  (5). 

XIII.  A  l'égard  des  Prêtres  excommuniés  ou  dépofés  (r), 
&  des  Sacremens  par  eux  adminiflrés ,  il  rapporte  une  Let- 
tre de  l'Abbé  Rading  ,  où  il  dit  que  celui  que  Jefus-Chrift 
a  privé  du  miniftere  Sacerdotal  par  l'autorité  de  i'Eglife , 
foit  en  l'excommuniant ,  foit  en  le  dépofant  ,  ri'étant  plus 
Miniftre  de  I'Eglife ,  ne  fait  rien  à  l'Autel ,  s'il  entreprend 
d'y  offrir.  Il  dit  la  même  chofe  des  Schifmatiques  &  des  Hé- 
rétiques ,  fondé  fur  ce  principe  ,  qu'il  n'y  a  point  de  lieu 
pour  le  vrai  Sacrifice  hors  I'Eglife  Catholique.  Geroch  em- 
braffe  ce  fentiment  («)  ;  mais  il  convient  avec  Rading  que 
cela  ne  s'entend  point  des  Sacremens  néceflaires  au  falui  , 
comme  le  Baptême  ,  dont  l'adminiftration  n'eft  interdire  à 
perfonne  ,  ni  des  Miniffres  indignes  par  leurs  mauvaifes 
mœurs  du  facré  miniftere.  Tandis  qu'ils  ne  font  point  fé- 
parés  de  la  communion  de  I'Eglife  ,  ni  privés  des  fonc- 
tions de  leur  Ordre  ,  ils  confacrent  réellement  &  valide- 
ment. 

XIV.  Suivent ,  dans  les  Anecdotes  de  Dom  Bernard  Pez ,  Queftîons  en- 

tre les  Grecs 
—  Il  &  les  LiKins. 

{q)?tz,Tûm.  j.f.Zi$. fart,  t,  j      (t)  Cap.  ^, 

{OCap.2,  I 


I50  G   E   R   O   C    H  ; 

quatre  Lettres  (x) ,  dans  lefquelles  il  efl:  fait  mention  de 
l'Ouvrage  de  Geroch  touchant  les  différends  entre  les  Grecs 
&  les  Latins.  La  première  efl:  de  Vauchier  ,  Evêque  de 
Laon;  cette  Lette,  dont  on  ne  trouve  ici  que  l'infcripcion, 
a  été  donnée  toute  entière  par  Dom  Luc  d'Acheri  ,  au  fé- 
cond Tome  de  fon  Spiciiege.  La  deuxième  efl:  de  Geroch  à 
un  de  fes  amis ,  qui  lut  avoir  confeillé  d'envoyer  à  Rome  fon 
Traité  de  la  glorification  du  Fils  de  l'Homme,  pour  y  être 
examine.  La  troifiéme  efl:  du  même  Geroch  à  Henri ,  Cardi- 
nal ,  à  qui  il  envoie  fon  explication  du  Pfeaume  64.  La  qua- 
trième cft  encore  de  lui  :  elle  efl:  adreflee  à  Odion  ,  Evêq  ue 
deFrifingue,  qu'il  rend  le  Juge  de  fon  Commentaire  furies 
Pleaumes.  Le  Pape  Eugène  approuva  l'explication  du  Pfeau- 
me 64 ,  comme  on  le  voit  par  la  Lettre  à  Geroch  (  y  )  ,  rappor- 
tée dans  les  mélanges  de  M.  Balufe. 
Autres  Let-  XV.  Geroch  acculc  d'avoir  contribué  à  la  dépofition  de 
ttes  de  Ge- l'Abbeffe  de  Prague  (z)  ,  s'en  juflifia  en  difant,  qu'ayant 
'  mérité  par  fa  défobéiflfance  au  Cardinal-Légat  ,  d'être  dé- 

pofée ,  il  n'auroit  pu  ne  pas  confentir  à  fa  dépofition  ;  qu'au 
refl:e  il  s'étoit  intérefl'é  pour  lui  procurer  quelque  conlola- 
tion  de  la  part  de  l'Abbeffe  qu'on  avoit  mife  en  fa  place. 
La  Lettre  de  l'Abbé  d'Ege  efl:  un  éloge  de  la  dotlrine  de 
Geroch  &  de  fes  Ecrits  (a).  On  y  voit  que  Geroch  avoit  com- 
battu les  fentimens  du  Prévôt  de  Triph  ou  Triefenfl:ein  ,  & 
que  celui-ci  y  avoit  renoncé  en  préfence  de  cet  Abbé  &  de  l'E- 
vêque  de  Bamberg. 
vîesdesfaînts     XVL  Nous  avons  encore  dans  le  Recueil  de  Dom  Bernard 
Abbés    de    Pez(&)  Ics  Vics  de  deux  Abbés  de  Formbach  ,  Berenger& 
Formbach.     "^ij-nton  ,  compofées  par  Geroch.  Ce  qu'il  y  rapporte  des  mi- 
racles opérés  par  l'interceffion  de  ces  deux  Saints ,  eft  d'autant 
plus  digne  de  foi ,  qu'il  dit  les  avoir  vus  de  fes  yeux ,  ou  appris 
de  gens  non  fufpeds. 
LîvrederE-      XVII.  Ce  fut  à  la  prière ,  ou  ,  comme  le  dit  Geroch  (c)  , 
dificedeDieu.  par  ordre  de  Chunon  ,  Evêque  de  Ratiibonne  ,  qu'il  compo- 
fa  l'Ouvrage  intitulé  :  De  l'Edifice  de  Dieu.  Il  n'y  mit  pas  fon 
nom,  &  ne  fe  fit  connoître  que  fous  le  titre  d'idiot  &  de 


(  *  )  Pez, /?/l^.  3i8.  ^feq, 
(y)  Tom.  y.p.  2  5d. 
(i)  Ibii.  p.  5JX. 
WP-'^.  354. 


(b)  PlZ,Antcd.  Tarn,  i.  part,  5,  fag. 

399. 

(  c  )  Uid.  Tom,  z>  p.  il6. 


TREVOST  DE  RETCHERSPERG.  Ch.  X.  151 
pcchcur.  Il  diftinguc  dans  l'Edifice  de  Dieu  ,  rArchitede  qui 
cft  Dieu  ;  les  matériaux  (<r/),  qui  font  les  Elus  ;  les  inftrumcns 
&  les  aides ,  c'eft-à-dire  ,  les  reprouvés  &  les  créatures  ina- 
nimées, dont  Dieu  fe  fert  pour  cet  édifice.  Il  veut  qu'on  en 
défende  l'entrée  &  le  féjour  aux  Clercs  propriétaires  ,  &  qui 
ne  Tuivent  pas  la  vie  commune  ;  en  conléquence  il  blâme  les 
Décrets  du  Roi,  Louis -le -Débonnaire  ,  qui  leur  permettent 
de  demeurer  dans  des  maifons  particulières ,  &  d'y  avoir  des 
biens  en  jropre  (  f  )  ,  &:  dit  anathcme  au  Livre  qui  contc- 
noit  ces  Décrets.  Il  ne  laifle  pas  de  croire  que  ce  Prince 
fera  fauve  ,  mais  après  avoir  été  purifié  par  le  feu  du  Purga- 
toire. 

XVIII.  Geroch  parlant  de  l'ufige  des  biens  de  l'Eglife , 
dit  qu'ils  n'appartiennent  pas  au  Roi  (/) ,  mais  aux  Mini- 
ftres  de  l'Eglife  &  aux  pauvres  ;  que  fi  le  Roi  en  demande  , 
l'Evêque  doit  répondre  avec  faint  Ambroifc  :  Il  ne  m'eft  pas 
permis  de  vous  les  donner  ,  &  il  ne  vous  cfl  pas  expédient 
de  les  recevoir.  Il  remarque  que  fi  Jefus-Chrifl  paya  le  tri- 
but ,  ce  ne  fut  point  de  la  bourfe  de  Judas ,  dépolkaire  des 
deniers  deftinés  à  la  fubfifiance  du  Collège  des  Apôtres  & 
des  pauvres  ,  mais  d'ailleurs  ;  qu'à  fon  exemple  l'Evêque 
doit ,  s'il  lui  eft  poflible  ,  tirer  d'ailleurs  que  du  Tréfor  de 
l'Eglife  de  quoi  donner  au  Roi  &  à  fes  Soldats.  Il  excepte  le 
cas  où  le  Roi  mettroit  fur  pied  une  armée  pour  la  défenle  de 
l'Eglife  (g). 

XIX.  Il  dit  que  les  premiers  Empereurs  (  ^  ) ,  Conftantin', 
Conftans ,  Valenrinien  &  autres  ,  &  depuis  la  divifion  de 
l'Empire  les  Othons  &  les  Henris ,  ont  enrichi  les  Eglifes  , 
&  que  leurs  Succefleurs  les  ont  dépouillées  ;  que  dans  les  pre- 
miers fiécles  les  Princes  ne  s'arrogeoient  rien  dans  les  éle- 
vions des  Evêques  ;  qu'il  y  avoir  même  peine  de  dépofition 
&  d'anathême  ,  tant  contre  les  Evêques  &  les  Prêtres  qui 
fe  faifoient  ordonner  par  la  Puiffance  laïque  ,  que  contre 
leurs  Ordinateurs  ;  en  ibrte  qu'alors  les  élcdions  étoîent  li- 
bres ,  &  fe  faifoient  fuivant  le  prefcrit  des  Canons  ,  fans 
que  les  Princes  fe  plaignilfenr  que  leur  autorité  fût  méprifée  , 


W  Cap.    I,  \       (g)  Cap.  8. 

if)  C»t,  6.  y 


152  G  E  R   O  C  H, 

mais  que  dans  les  fiécles  fuivans  les  PuifTances  féculieres  n*a- 
voient  plus  eu  la  même  attention  pour  l'Eglife. 

XX.  Geroch  confeille  de  faire  gérer  les  biens  de  l'Eglife 
par  des  Clercs  (i)  ,  8c  d'en  ôrer  Tadminirtration  aux  Laï- 
ques; de  confier  le  foin  des  âmes  à  ceux  qui  ont  auparavant 
mené  la  vie  commune  dans  des  Cloîtres  (  ^)  ;  de  la  faire  ob- 
ferver  dans  les  Chapitres  de  Chanoines  ,  d'y  contraindre  les 
Clercs  de  mauvaifes  mœurs.  II  donne  plufieurs  inftrudions 
aux  Evêques  fur  la  façon  de  fe  conduire  envers  le  Clergé  ; 
fur  l'ufage  des  biens  de  l'Eglife  (w)  ,  fur  l'éloignement  des 
affaires  temporelles  &  militaires  j  fur  le  bon  ordre  qu'ils  doi- 
vent obferver  dans  les  Monafteres  de  Filles;  les  peines  qu'ils 
font  obligés  de  faire  fubir  à  celles  qui  vivent  mal,  &  aux  Clercs 
tombés  dans  des  excès. 

XXI.  Il  finit  en  montrant  que  dans  la  diilribution  des 
dixmes  (»)  l'on  doit  donner  la  quatrième  partie  aux  veuves  & 
aux  pauvres ,  &  qu'il  n  eft  pas  permis  aux  Evêques  d'aliéner 
pour  toujours  celles  de  leurs  Eglifes. 

Livre  Epi-      XXII.  Son  Livre  Epiftolaire  au  Pape  Innocent  T.  (o),  pu- 

^och"^'^^^^' ^^^^  ^"^'  P^'^  ^^"^  Bernard  Pez  ,  eft  un  Dialogue  entre  un 
Clerc  féculier  &  un  Clerc  régulier  ,  où  ils  font  voir  la  diffé- 
rence qu'il  y  a  entre  leur  état.  Geroch  s'y  explique  fur  la  Rè- 
gle qu'il  attribue  fifouvent  à  Louis-le-Débonnaire  ,  &  entend 
par-là  celle  qui  fut  faite  par  fon  ordre  dans  une  Aflcmblée 
d'Evêques  &  de  Clercs  ,  où  il  fut  permis  aux  Chanoines  de 
vivre  dans  des  maifons  féparées.  C'efl  le  Concile  d'Aix-la- 
Chapelle  en  8 1  (5.  Il  y  traite  aufîi  de  la  validité  des  Sacre- 
mens  adminiftrés  par  les  Hérétiques  &  les  Excommuniés  , 
&  fuit  là-delTus  le  fentiment  déjà  propofé  dans  fes  autres  Ou- 
vrages. 
Folmar,  Pré-     XXIII.  Folmar  ,  Prévôt  de  Triefenflein  en  Franconie  , 
vôt  de  Trie-  dans  Ic  Diocèfe  de  Virzbourg ,  répandoit  vers  le  milieu  du 
Fra^coliie*"sa  douziéme  ficelé  diverfes  erreurs  fur  TEuchariftie.  Il  ne  crai- 
Lettreà  rÀr-  gnit  point  de  les  propofer  à  Eberhard  ,  Archevêque  de  Salz- 
chevêque  de  bourg  ,  dans  une  Lettre  qu'il  lui  écrivit  vers  l'an  ii6o  ,  où 
Saiibourg.     .|  ^.^^.^  .  Lorfque  j'approche  de  l'Euchariftie  ,  je  ne  doute 
point  que  je  n'y  boive  le  Sang  fous  la  faveur  &  l'efpece  du 


(»■)  C.jp.  ifi. 

(l^  Cap.11.21.  1';.  Z6. 

(m)  Cap.  n-ii'^fj' 

Vin 


{o)Ibid.p.  438. 


PREVOST  DE  RETCHERSPERG.  Ch.  X.    i  j  j 

vin  ,  mais  feul  &  pur,  fans  la  Chair  (p).  Je  crois  auiïi  que 
fous  la  laveur  &  l'elpccc  du  pain  je  mange  la  feule  &  pure 
Chair  de  Jcfus-Chriil  ,  mais  fans  os  &  ians  membres  cor- 
porels. Je  confeflc  que  je  mange  la  Chair  du  Fils  de  l'Hom- 
me, mais  non  le  Fils  de  l'Homme.  L'Archevêque  fit  réfuter 
ces  erreurs  par  une  Lettre  adreflee  à.  Folmar ,  à  qui  l'on  faic 
cette  objedion  ,  qui  iert  de  réfutation  de  fa  dodrine  :  Si 
vous  buvez  le  Sang  de  Jefus-Chrifl:  fans  manger  fa  Chair, 
dites-nous  li  vous  ne  buvez  qu'une  partie  de  ce  Sang  ^  ou  fi 
vous  le  buvez  tout  entier  :  fi  ce  n'eft  qu'une  partie ,  dites- 
nous  de  quel  membre  vous  le  tirez  ;  fi  vous  le  buvez  tout 
entier  fans  la  Chair ,  dites ,  que  devient  cette  Chair  feche  , 
morte  ,  vuide  de  fang  ?  Folmar  ne  pouvant  rien  répliquer 
de  raifonnable ,  l'Auteur  de  la  Lettre  conclut  que  les  Fidè- 
les reçoivent  le  Sang  de  Jefus-Chrift  ,  non  féparé  de  fa 
Chair,  mais  avec  fa  Chair;  en  "un  mot,  Jefus-Chrifl:  tout 
entier ,  &  les  deux  fubftances  du  Corps  &  du  Sang  toutes  en- 
,  tieres. 

XXIV.  Avant  que  d'écrire  à  l'Archevêque  de  Salzbourg ,  Lettre  de  Ge- 
Folmar  avoir  écrit  à  l'Abbé  d'Ebrach  (^)  ,  &  à  plufieurs  ^^t^JX^'^'^' 
hommes  de  lettres  &  de  piété  dans  la  Bavière.  Geroch  ayant 
eu  communication  de  la  Lettre  à  l'Archevêque  ,  la  réfuta 
dans  celle  qu'il  écrivit  à  l'Abbé  d'Ebrach.  Son  raifonnemenc 
eft ,  que  dans  Jefus-Chrifl:  refliifcité  tout  y  étoit ,  la  chair  , 
les  os  ,  le  fang  ,  le  Jouffle  humain  &  divin  ;  que  de  féparer 
ce  fouffle  de  vie ,  ou  la  chair  des  os ,  ou  le  fang  du  corps  , 
ce  feroit  crucifier  de  nouveau  Jefus-Chrifl  ;  qu'encore  qu'on 
le  reçoive  fous  les  deux  efpeces  du  pain  &  du  vin  mêlé 
d'eau  ,  il  efl:  en  lui-même  indivifé  &  entier  ,  tout  entier  fur 
l'Autel ,  dans  le  Ciel ,  &  dans  la  bouche  de  celui  qui  mange 
fon  Corps  ou  boit  fon  Sang.  Il  ajoute  que  Folmar ,  en  di- 
fant  que  l'on  mange  à  la  Table  facrée,  non  le  Fils  de  l'Hom- 
me ,  mais  la  Chair  du  Fils  de  l'Homme ,  raifonnoit  comme 
Neftorius ,  qui  tomba  dans  l'erreur  pour  s'être  perfuadé  que 
la  Chair  que  l'on  mange  à  l'Autel  n'étoit  point  vivifiante  , 
parce  quelle  étoit  la  Chair  d'un  Homme  fan£tifiée  par  l'in- 
habitation  de  Dieu  ,  mais  incapable  de  vivifier  celui  qui  la 
mangeoit. 


(l>)Tom.  l^.Biiliot.  Pat.  p,  ^It.^feq,         (î)  Uid.  f,  5IJ. 

Tome  XXlll, 


154  G  E  R  O  C  H, 

Lettre  de  XXV.  L'Abbé  d'Ebrach  répondit  que  Folmar  lui  avoir  lu 
l'Abbé  d'E-  c^  profefnon  de  foi  fans  qu'il  lui  eût  paru  qu'elle  contînt  rien 
roch.  de  mauvais  {r  )  ;  que  toutetois  ayant  ete  cizq  devant  1  hveque 

de  Bamberg  depuis  les  Ecrits  publiés  par  Geroch,  Folmar 
avoit  défavoué  fes  erreurs ,  &  embrafle  la  do£trine  de  Geroch, 
qui  étoit  celle  de  l'Eglife. 
LettredeFo!-     XXVI.  Il  les  dciavoua  encore  dans  une  Lettre  écrite  à 
(TEbrach.    ^  l'Abbé  d'Ebrach  (  5  ) ,  &  généralement  à  tous  les  Prélats  de 
la  Bavière  &  de  l'Autriche  ,  reconnoiflant  fincérement  que 
l'Euchariftie  contient,  non-feulement  le  vrai  Corps  de  Je- 
lus-Chrift  ,  mais  auiïi  qu'il  y  efi:  plein  ,  entier  &  parfait ,  & 
qu'on  l'y  reçoit  d'une  manière  admirable  &  invifibie  fous- 
une  autre  efpece.  Folmar  erroit  encore  fur  l'Incarnation  ,  8c 
l'on  ne  voit  pas  qu'il  ait  pour  lors  changé  de  fentiment  à  cet 
égard. 
Arnonécrit      XXVII.  Amon  ,  frcrc  &  Succeiïeur  de  Geroch  dans  la 
marr    °  *   Prévôté  de  Reicherfperg  en  i  i6p ,  écrivit  un  long  Ouvrage 
fur  l'Euchariftie.  Il  n'étoit  encore  que  Doyen  de  ce  Mona- 
ftere  ,  &  fon  frère  en  étoit  Prévôt.  Voyant  que  Folmar  le 
chargeoit  d'injures  dans  fes  Lettres  &  dcins  fes  Ecrits  ,  par- 
ticulièrement dans  fa  Lettre  à  l'Archevêque  de  Salzbourg , 
Amon  entreprit  de  le  venger  ,  &  d'établir  en  même  tems  la 
vérité  de  la  préfence  réelle  dans  l'Euchariftie  ,  que  Folmar 
nioit  en  partie ,  comme  on  vient  de  le  dire.  De  ce  grand 
Ouvrage  que  l'on  conferve  entier  dans  les  Bibliothèques  de 
Bavière  ,  Stevartius  n'en  a  rendu  public  que  le  Prologue 
dans  fes  anciennes  Leçons  (t) ,  &  le  commencement  du  Livre. 
Bafnage  n'en  a  pas  donné  davantage  dans  la  féconde  Edition 
des  Leçons  de  Canifius ,  à  Anvers  en  172  5  (u). 
Idée  de  cet      XXVIII.  On  voit  par  ce  Prologue  ,  que  quoiqu'Arnon  en 
"^^'  voulût  particulièrement  à  Folmar  ,  il  n'étoit  pas  fâché  que 

l'apologie  qu'il  faifoit  de  la  perfonne  &  des  fentimens  de  fon 
frère  fût  répandue  par-tout.  Les  autorités  qu'il  emploie  pour 
établir  les  dogmes  de  la  foi ,  font  l'Ecriture  fainte ,  les  Pères 
de  l'Eglife,  en  avertiffant  que  s'il  y  en  a  un  ou  deux  qui  fe 
foient  expliqués  moins  clairement  en  un  endroit,  ils  y  ont  fup- 
pléé  en  d'autres.  Outre  l'erreur  de  Folmar  fur  l'Euchariftie  , 
où  il  difoit  que  la  chair  de  Jefus-Chrift  étoit  fans  les  os ,  &  le 


(r)  Geroch.  Jiid.  p.  ^14.  |      (()  Stev.  y4«S«.i)-.  p.  245. 

(î)  Uiii.p.  31J.  I      («)  Tom,  i.  part,  i.P.  ZOO, 


PREVOST  DE  RETCHEKSPERG.  Ch.X.     155 

fang  fans  la  chair  (ous  les  elpcccs  du  pain  &  du  vin  ,  il  don- 
noit  encore  dans  le  Ncftorianilmc  :  mais  il  paroît  qu'il  ne 
tomba  dans  cette  erreur  qu'après  avoir  avance  la  première. 
Arnon  réfute  l'une  &  l'autre  dans  l'Ouvrage  qu'il  écrivit  con- 
tre lui.  Stevartius  dit  qu'en  réfutant  le  Ncftorianifme  il  penfa 
tomber  dans  l'erreur  oppofée  ,  c'eft-àdire  des  Eutychiens  v 
mais  il  efl  affez  ordinaire  à  ceux  qui  écrivent  avec  chaleur  ,  de 
laifler  échapper  quelques  façons  de  parler  peu  cxattes  :  on 
doit  alors  juger  du  fcntiment  de  l'Auteur  par  le  deflein  gé- 
rerai de  fon  Ouvrage  ,  &  non  fur  quelques  termes  peu  me- 
furés.  Il  me  femble  qu'il  s'explique  bien  catholiquement  fur  la 
diftind'on  des  deux  natures  ,  lorlqu'il  confefîe  avec  TEglile 
que  le  Fils  de  la  Vierge  efl  aufli  Fils  de  Dieu  (x)  ,  parce  que 
comme  il  cft  Dieu  tout  entier ,  il  eft  aufTi  Homme  tout  en- 
tier ,  &  que  l'on  doit  le  reconnoître  pour  Fils  de  l'un  &  de 
l'autre  ,  de  Dieu  &  de  la  Vierge.  C'efl  par  erreur  que  l'on  a 
attribué  l'Ouvrage  d'Arnon  à  Etherius  &  à  Beatus.  Ces  deux 
Ecrivains  vivoient  plus  de  quatre  cent  ans  avant  Folmar ,  qui 
écrivoit  dans,  le  douzième  fiéclc,  fous  le  Pape  Alexandre  III. 
L'erreur  n'efl:  venue  que  de  ce  que  Stevartius  a  joint  dans  fon 
Recueil  le  Prologue  de  l'Ouvrage  d'Arnon  aux  Ecrits  de  Bea- 
tus &  d'Etherius. 

XXIX.  On  trouve  auflTi  dans  les  Bibliothèques  de  Bavière  ,^"'i5'^* 
le  Traité  de  l'Ante-Chrift  par  Geroch  (y  )  ,  dans  lequel  il  l'A"^*^-^'^"*- 
réfute  le  Neflorianifme  de  Folmar.  Stevartius  dit  de  ce  Trai- 
té ce  qu'il  avoic  dit  de  celui  d'Arnon  fur  l'Euchariltie  ,  que 
l'Auteur  approche  de  l'erreur  des  Eutychiens  &  des  Ubiquî- 
ftes  d'Allemagne ,  en  difant  que  l'humanité ,  par  la  commu- 
nication des  perfcdions  divines  ,  efl:  égale  à  la  Divinité  :  mais 
n'étant  pas  poffible  de  juflifier  Geroch  par  fon  Ecrit  même 
fur  l'Ante-Chrift  ,  puifqu'on  ne  l'a  pas  encore  mis  au  jour,  il 
faut  recourir  à  les  autres  Ouvrages ,  notamment  à  celui  qui  a 
pour  titre  :  De  /a gloire  &  de  Chonmur  du  Fils  de  IHojntne,  Il 
y  condamne  également  l'erreur  d'Eutyches  &  celle  de  Nefto- 
rius  (  z  ) ,  la  diftindion  des  perfonnes  en  Jefus-Chrift  ,  &  la 
confufion  des  natures.  Il  y  enfeigne  qu'encore  que  nous  hono- 
rions en  la  perfonne  de  Jelus-Chrift  la  grande  union  de  l'Hom- 
me avec  Dieu ,  &  de  Dieu  avec  l'Homme ,  qui  fait  que  l'Hom- 


(  ji  )  To»i.  i.faii.  1.  Ootr,  Canif,  \  146. 

Vij 


1^6  A   R    N    O   N,  &c. 

me  a  part  aux  a£les  de  Dieu  ,  &  Dieu  aux  a£les  de  l'Homme , 
on  doir  néanmoins  diftinguer  tellement  la  propriété  des  ades , 
que  l'on  donne  à  Dieu  ceux  qui  font  de  lui ,  &  à  l'Homme  ceux 
qui  font  de  l'Homme  ,  parce  que  la  nature  divine  &  humaine 
opèrent  dans  une  même  Perfonne.  Tout  ce  que  Geroch  dit 
dans  ce  Traité  à  l'avantage  du  Fils  de  l'Homme ,  c'efl:  toujours 
en  fuppofant  l'union  intime  des  deux  natures  ,  la  divine  8c 
l'humaine ,  en  une  &  feule  Perfonne  qui  efl:  Dieu ,  &  confé- 
quemment  égale  à  Dieu. 
Concile  de     XXX.  Marc  Hanfitzius  rapporte  qu'il  fe  tint  en  1 130  («),, 
Francfort  en  un  Concile  à  Francfort  contre  la  cenfure  trop  févere  que  Ge- 
"^°'  roch  avoit  faite  de  la  conduite  des  Clercs  féculiers.  La  Chro» 

nique  de  Reicherfperg  [b)  loue  fon  zèle  pour  le  rétablifle- 
ment  de  la  difcipline  dans  ce  Monaftere ,  &  le  bon  ordre  qu'il 
y  établit  dans  la  célébration  des  divins  Offices ,  dans  la  con- 
duite des  Clercs  ,  dans  leurs  occupations ,  leur  prefcrivant  à 
tous  des  heures  pour  les  prières  particulières ,  pour  les  lectures, 
pour  le  travail  des  mains  ;  les  uns  s'occupoient  à  tranfcrire  des 
livres,  d'autres  à  divers  arts,  fuivant  leurs  talens.  Il  en  avoit 
beaucoup  pour  l'étude,  &  fes  Ecrits  font  une  preuve  confiante 
qu'il  s'étoit  appliqué  de  bonne  heure  à  la  le£ture  des  Livres 
faints,  des  Ecrits  des  Pères  ,  des  Décrets  des  Papes  &  des 
Conciles.  Il  cite  fouventles  fauflfes  Décrétales ,  &  cela  efl:  très- 
commun  parmi  les  Ecrivains  du  moyen-âge ,  qui  n'enconnoif- 
foient  pas  encore  la  faufleté. 
LJvied'Ai-  XXXL  Arnon  mourut  au  mois  de  Janvier  de  l'an  1 180  , 
"^"'  1 1  ans  environ  après  fon  frère  Geroch  (c).  La  Chronique  de 

Reicherfperg  le  qualifie  d'heureufe  mémoire.  On  a  de  lui  ua 
Ouvrage  imprimé  fous  le  titre  de  Bouclier  des  Chanoines  Régu-^ 
liers ,  à  Aufbourg  en  171 3  ,  in-4°.  dans  le  premier  Tome  des 
Mélanges  de  Raymond  Duellius, 


[a)  Hantsit,  lem.  î .  Gtrtnan.  facr,  f.\      (t)  CUronic.  Retfp.  p.  )0i. 
118.  I       (OC*ro»»V.  Rf/Tf.f.  311. 


'H^'^ 


eonen  en- 


CONFERENCES  DE  THEORIEN ,  Sec.       15  7 

CHAPITRE      XL 

Conférences  de  Théorien  avec  les  Arméniens. 

I.  /^^  N  ne  fçait  pas  bien  fi  ce  Thcoricn  efl  le  même  que  ^,^ 

V.^'  le  Philofophc  de  ce  nom  ,  dont  Allatius  cite  une  voyéenÀrmé- 
Lettre  adreffce  aux  Prêtres  des  Montagnes  (d)  ,  dans  la-'"«^'"  "7°' 
quelle  ce  Philofophe  traite  du  jeûne  du  Samedi,  de  la  Com- 
munion Euchariilique,  du  Mariage  des  Prêtres,  &  de  la  dé- 
fenfe  de  fe  rafer  la  barbe.  Quel  qu'il  foit,  il  écrivoit  fous  l'Em- 
pereur Manuel  Comnene  l'an  1170.  Ce  Prince  ayant  reçu 
une  Lettre  de  Norfcfis ,  Catholique  des  Arméniens,  c'eft-à- 
dire,  leur  Patriarche  ou  Primat,  où  il  s'expliquoit  fur  quel- 
ques points  de  foi  &  de  difcipline  dans  lefqucls  les  Armé- 
niens ne  s'accordoient  pas  avec  les  Grecs,  témoignant  fouhai- 
ter  s'en  éclaircir,  lui  envoya  Thcorlen  pour  en  conférer  en- 
femble. 

IL  Les  Arméniens  ne  croyoient  pas  qu'il  y  eût  deux  na-  Erreurs  dei 
tures  en  Jefus-Chrifl;  ils  n'en  admettoient  qu'une  ,  &  s'ap- Atméniens. 
puyoient  dans  cette  erreur  fur  un  pafTage  tiré  de  la  Lettre 
de  faint  Cyrille  à  Neftorius  qu'ib  n'entendoient  pas  y  &  oCr 
ce  Père  dit  qu'il  n'y  a  quune  nature  diiVerhe  incarné  ;  c'efl-à- 
dire,  qu'après  l'union  des  deux naturesJefus-Chrift  efl:  un  {e). 
Les  Arméniens  craignoient ,  en  difanc  deux  natures  en  Jefus- 
Chriftjde  tomber  dans  i'héréfie  de  Neftorius  ,qui,  en  admet- 
tant deux  natures  ,admettoit  auflTi  deux  perfonnes,  &  au  lieu 
d'adorer  trois  Perfonnes  en  Dieu  ,  d'en  adorer  quatre,  à  caufe 
de  la  nature  humaine  unie  à  la  féconde  Perfonne.  Cette  Nation 
répandoit  fes  erreurs  dans  les  Provinces  voifines ,  &  met- 
toit  les  Fidèles  dans  le  danger  d'être  féduits  comme  les  au-^ 
très.  Les  Arméniens  erroient ,  non  -  feulement  dans  la  foi  y 
mais  ils  avoient  des  ufages  tout  différens  des  Catholiques.  Ils 
faifoient  le  Chrême ,  non  avec  de  l'huile  d'olives ,  mais  avec 


{d)  AixAT,  Lib.de  Purgctnr.  f,  69o.\      {e)  Tow.ij.  f,  jS». 


iç8  CONFERENCES  DE  THEORIEN 

du  fifame  ou  de  la  jugioline  ,  difanc  qu'ils  n'avoient  point 
d'oliviers  dans  leurs  cantons.  Dans  la  célébration  de  la  Mefïe 
le  Prêtre  CcL  brant  entroit  feul  dans  le  Temple ,  les  autres 
Prêtres  &  le  Peuple  reftoient  dehors  :  tous  les  autres  Offices 
fe  faifoient  hors  du  Temple.  Ce  fut  pour  les  réunir  en  tout 
avec  l'Eglife  de  Conftanfinople,que  Théorien  alla  vers  eux 
de  la  part  de  l'Empereur  Comnene,  muni  d'une  Lettre  pour 
le  Catholique. 
Première        ^^^'  H  ^^^iva  au  Heu  de  fa  demeure  le  quinzième  jour  de 
Cont'érencede  Mai  iijo  (f) ,  &  dès  le  lendemain  ils  entrèrent  en  confé- 
Théonenavec  j-gncç.  Théoricn  ,  après  quelques  préliminaires  fur  la  manie- 
*  rc  donc  elle  fe  pafleroit ,  demanda  au  Catholique  Ci  fa  Let- 
tre à  l'Empereur  contenoit  fes  véritables  fcntimens  ,  lequel 
ayant  répondu  que  oui ,  Théorien  le  pria  de  s'expliquer  fur 
'     les  Conciles  qu'il  recevoit  ,  &  les  Pères  de  l'Eglife  dont  il 
embrafifoit  la  dodrine.  Le  Catholique  répondit  qu'il  recevoit 
le  Concile  de  Nicée  ,  celui  de  Conftantinople  &  celui  d'E- 
phèfe ,  où  Neftorius  fut  dépofé  ;  qu'il  approuvoit  la  dodrine 
de  faint  Athanafe  ,  de  faint  Grégoire  le  Théologien  ,  de 
faint  Bafile-le-Grand  ,  de  faint  Grégoire  de  Nyffe  ,  de  faint 
Jean  Chryfollôme ,  de  faint  Ephrem ,  de  faint  Cyrille  d'Ale- 
xandrie, &  de  plufieurs  autres. 

IV.  Ces  principes  pofés  (g)  ,  on  examina  fi  la  Lettre  du 
Catholique  à  l'Empereur  y  étoit  conforme ,  &  l'on  s'arrêta 
d'abord  à  cette  propofition  ;  Il  n'y  a  qu'une  nature  en  Jefus- 
Chrift  ,  non  par  confufion  ,  comme  le  difoit  Eutyches ,  ni 
par  diminution ,  comme  l'enfeignoit  Apollinaire  ,  mais  dans 
le  fens  de  faint  Cyrille  d'Alexandrie.  Théorien  fit  voir  que 
ce  Père  n'a  voit  pas  dit  une  nature  en  Jefus-Chîifl ,  ni  une 
nature  de  Jefus-Chrifl ,  mais  une  nature  du  Verbe  incarné  , 
ce  qui  n'eft  pas  la  même  chofe  :  car  le  nom  de  Chrift  fignifie 
proprement  les  deux  natures  unies  ,  Dieu  &  l'Homme  tout 
enfemble  ;  c'eft  pourquoi  nous  difons  :  Le  Verbe  s'eft  fait 
ehair  ,  &  non  pas  :  Le  Chrifl  s'eft  fait  chair  ;  &  l'on  ne 
trouvera  aucun  Père  qui  ait  dit ,  une  nature  du  Chrijl  j  mais 
faint  Athanafe  a  dix  avant  faint  Cyrille  ,  iine  nature-  du  Verbe  y 
c'eft-  à-dire  ,  la  nature  divine  du  Fils  -;  &  crt  ajoutant  /»- 
carné ,  comme  faint  Cyrille  dans  fa  féconde  Lettre  à  Suç- 


(/)  Tbff».  12.  Bibliot.  Pat.  pag.  J96.  ig)  Pag.  7^7. 


AVEC  LES   ARMENIENS.  Ch.  XL  jy^ 

cefiTu^ ,  on  exprime  tout  le  Myltcrc  de  l'Incarnation. 

V.  Norleds  demanda  fi  quelques  Percs  avoicnt  ainfi  parlé 
de  ce  Myftere  ,  après  l'union  des  deux  natures  (/i).  Thco- 
rien  répondit  que  tous  ceux  dont  il  approuvoit  la  dodrine  , 
s'étoient  exprimés  de  la  lorte  ;  &  quoique  Noriclls  témoignât 
vouloir  le  contenter  d'un  feul  témoignage,  Théorien  en  allé- 
gua plulieurs ,  içavoir  de  iaint  Athanale  ,  de  laint  Cyrille  , 
lur  le  jUel  les  Arméniens  s'appuyoient  le  plus  (i),  de  faint 
Grégoire  de  Nazianze,  de  laint  Grégoire  de  Nyile ,  de  faine 
Ambroiie  &  de  faint  Chryfoflôme.  Théorien  mêla  à  ces  au- 
torités divers  raiionnemens  tirés  de  la  Philofophie  &  de  la 
Théologie ,  &  montra  que  l'Eglife  tient  le  milieu  entre  l'hé- 
réde  de  Neftorius  &  celle  d'Eutyches  ,  qui  étoienr  diamé- 
tralement oppofées.  Ncftorius  diloit,  deux  na  ures  féparées, 
deux  Peilonnes ,  deux  Chrifts  &  deux  Fils  ;  Eutyches  ,  une 
nature ,  Se  une  hypoflafe  ou  perfonne.  Pour  nous,  nous  difons 
une  hypoftafe  ,  un  Chrift,  un  Eils  en  deux  natures  parfai- 
tes ,  la  divinité  &  l'humanité ,  unies  inféparablement  &  fans 
confufion.  Ayant  ainfi  parlé  ,   l'Evcque  Grégoire  ,  parent 
du  Catholique  ,  s'écria  :  Je  fuis  Romain ,  c'eft-à-dire  Grec  ; 
car  fous  le  nom  de  Romains  (/)  les  Arméniens  entendoient 
les  Grecs ,  &  je  dis  anatheme  à  qui  ne  dit  pas  deux  natures  en 
Jefus  Chrift. 

VL  Le  lendem.ain  Pierre  ,  Evêque  de  Sappirion  ,  étant  Seconde 
arrivé  (m) ,  Norfefis  ou  le  Catholique ,  lui  fit  part  de  ce  qui  °"'"^""* 
s'étoit  dit  la  veille ,  &  des  paflages  que  Théorien  avoir  allé- 
gués en  faveur  de  la  doctrine  des  deux  natures  en  Jefus- 
Chrifl:.  Pierre  ,  qui  étoit  inftruit  &  parloir  avec  élégance , 
détournoit  à  fon  fens  tous  ces  paffages  ;  mais  étant  entré  en 
difpute  avec  Théorien ,  celui-ci  le  fit  convenir  du  vrai  fens 
de  ces  paroles  de  faint  Cyrille  :  Une  nature  du  Verhe  in" 
carné  >  après  quoi  l'Evêque  Grégoire  fe  levant  ,  dit  une 
féconde  fois  ;  Je  fuis  Romain ,  &  je  penfe  comme  les  Ro- 
mains. 

VIL  Deux  jours  après  Norfefis  (»)  ,  quoique  convaincu  Troifîéme 
de  la  vérité  des  deux  natures  unies  inféparablement  en  une  ^°"f"'-'"'=^' 
feule  Perfonne  ,  dit  à  Théorien   qu'il   ne  voyoit  rien  qui 


(t)  ïhii.  I      (m)  Ibiii. 

(')Uid.p.79S.799.î^ft'J.  I       (»)    U'id. 

(/}  Uid.  p.  ioi.  I 


1^0^         CONFERENCES  DE  THEORIEN 

empêchât  de  reconnoître  en  Jefus  -  Chrifl  une  nature  com- 
polée  de  deux ,  comme  la  nature  de  l'Homme  efl  compofée 
de  Tame  &  du  corps  ,  qui  font  deux  natures  différentes  ; 
c'ell ,  ajouta-t-il ,  la  comparaifon  qu'apporte  faint  Cyrille  , 
dans  fa  féconde  Lettre  à  SucccfTus.  Théorien  répondit  pre- 
mièrement par  un  partage  de  faint  Grégoire  de  Nazianze , 
qui  die  que  l'unité  qui  réfulte  de  l'union  des  deux  natures  , 
n'eflpas  naturelle;  d'où  Théorien  conclut,  que  dans  le  fen- 
timent  de  ce  faint  Do£teur  on  ne  pouvoit  dire  que  les  deux 
natures  unies  fuffent  une  nature.  Comme  ce  partage  ne  fe 
lifoit  pas  dans  la  traduction  Arménienne  des  Écrits  de  faine 
Grégoire  ,  Théorien  fit  voir  à  Norfefis  qu'il  fe  trouvoit  dans 
la  verfion  Syriaque.  Il  répondit  en  fécond  lieu  que  faint  Cy- 
rille n'avoit  employé  la  comparaifon  delà  compofidon  qui  eft 
en  nous ,  que  pour  montrer  qu'il  ell  portible  que  de  deux  na- 
tures différentes  il  fe  fartée  un  fuppôt  (  o  )  ,  comme  Pierre  ou 
Paul ,  d'une  ame  &  d'un  corps  :  car  ayant ,  continue-t-il ,  à 
combattre  Neftorius  ,  qui  nioit  l'importibilité  d'une  hypoftafe 
en  deux  natures,  faint  Cyrille  employa  l'exemple  de  l'Hom- 
me pour  montrer  que  ,  comme  un  feul  Homme  eft  compofé 
d'une  ame  &  d'un  corps  ,  de  même  Jefus-Chrifl  eft  un  ,  de 
la  nature  divine  &  de  la  nature  humaine  unies  dans  lui  en 
une  Perfonne.  Il  prouva  par  une  démonftration  géométrique 
que  le  fingulier  &  le  plurier  ne  pouvant  être  dits  de  la  même 
Perfonne  fous  un  même  afped  (p  ) ,  il  y  auroit  contradiflion  à 
dire  en  même  tems  qu'en  Jefus-Chrift  il  y  a  deux  natures  & 
une  feule  nature. 

VIII.  Enfuite  pour  réfoudre  fans  réplique  (q)  l'obje£lion 
tirée  des  paroles  de  faint  Cyrille ,  une  nature  du  Ferbe  incar- 
né ,  à  laquelle  Norfefis  revenoit  toujours ,  Théorien  montra 
que  ce  Père  avoir  emprunté  cette  exprertion  de  faint  Atha- 
nafe  ,  qui  s'en  étoit  fervi  contre  l'erreur  d'Arius  ,  &  que 
quoiqu'elle  foit  vraie  ,  on  ne  devoir  pas  s'en  fervir ,  à  caule 
du  mauvais  fens  que  quelques  -  uns  lui  donnoient;  comme  on 
n'appelloit  pas  Marie  ,  Mère  de  Chrifl  ,  quoiqu'elle  le  foie 
en  effet  (  r  )  ,  parce  que  Neftorius  abufoit  de  cette  exprefïïon  ; 
que  ç'efl:  pour  cela  qu'elle  a  été  rejettée  des  faints  Pères  corn- 


(o)  Pag.  Bot.  I      (<l)P'>S'^Oî- 

ip)Uid,  I       (r)P<i^.804. 

me 


AVEC  LES  ARMENIENS.  Ch.  XL  i6r 
me  facrilcgc.  Le  Catholique  content  de  ces  rcponl'es  deman- 
da à  Thcorien  la  dcHnition  de  foi  du  Concile  de  Calcédoine , 
qu'il  lui  préfcnta. 

IX.  Le  jour  fuivant  Jean,  Evcquc  de  Ceffounion  (  j )  ,     Quatriém» 
arrive  tout  récemment,  ayant  appris  que  le  Catholique,  a- ^°''^"'^"'^^' 

Jjrès  pluficurs  Conférences  avec  les  Grecs  ,  ctoit  entré  dans 
eurs  fcntimcns ,  il  lui  en  fit  des  reproches ,  comme  s'il  eût 
adopté  l'hérélie  des  Ncrtoricns.  Je  ne  me  ierois  rendu  ,  lui 
répondit  Noriefis ,  ni  à  l'autorité  du  Patriarche  de  Conftan- 
tinople ,  ni  à  celle  de  l'Empereur  ,  fi  je  n'avois  reconnu  la 
vérité  par  moi  même  ;  mais  je  ne  puis  la  défavoucr  ,  ni  réfi- 
fter  aux  faints  Percs.  L'Evcque  Syrien  in  lifta,,  que  confefTer 
deux  natures  en  Jefus-Chrift ,  c'eft  admettre  une  quaternité 
au  lieu  de  la  Trinité.  Noriefis  fatigué  des  trois  Conférences 
qu'on  avoir  déj  i  tenues  ,  renvoya  l'Evêque  Jean  à  la  qua- 
trième. Théorien  ,  que  l'on  avoir  informé  de  ce  qui  s'étoit 
pafTé  entre  NorfcHs  &  l'Evêque  de  Celfounion ,  fit  voir  qu'en 
admettant  en  Jefus-Chrifl:  deux  natures,  on  ne  tomboit  pas 
dans  l'héréfie  de  Neftorius  ,  &  que  l'on  n'admcttoit  point 
une  quaternicé  au  lieu  de  la  Trinité.  Il  prouva  la  première 
propofition  en  montrant  que  Neftorius  n  avoir  point  été  con- 
damné pour  avoir  foutenu  deux  natures  ,  puifquc  faine  Cy- 
rille ,  faint  Grégoire  de  Nazianze ,  &  tous  les  Pères  les  ad- 
mettent très  -  clairement ,  mais  parce  qu'il  les  foutenoit  fé- 
parées  l'une  de  l'autre ,  la  divine  de  l'humaine  ,  &  qu'il  en- 
feignoit  conléquemment  qu'il  y  avoir  deux  Fils  &  deux 
Chrifts  ,  l'un  Fils  de  Dieu  ,  qui  étoit  né  du  Père  ;  l'autre , 
Fils  de  la  Vierge  ,  d'où  vient  qu'i;  ne  vouloit  pas  lui  donner 
le  titre  de  Mère  de  Dieu  :  au  contraire  nous  difons,  ajouta 
Théorien  ,  qu'à  caufe  de  l'union  des  deux  natures  il  n'y  a 
qu'un  Chrift ,  un  Fils ,  un  Seigneur.  Quant  à  la  féconde  p'o- 
pofition  ,  il  montra  que  de  l'union  des  deux  natures  en  Jefus- 
Chrift  on  ne  pouvoir  en  conclure  la  quaternité  des  pcrfon- 
nes  en  Dieu ,  parce  que  fuivant  la  dodrine  de  faint  Atha- 
nafe  dans  fa  Lettre  à  Epidete ,  &  des  autres  Pères  de  l'Egli- 
fe ,  le  Verbe  en  fe  faifant  chair  ,  n'a  pas  pris  une  nouvelle 
hypoftafe  ou  pcrfonne  ,  mais  il  a  uni  à  fa  propre  Perfonne 
la  nature  humaine.  L'Evêque  Syrien  n'ayant  rien  à  répon- 


0)  P.i?  S04. 
TomeXXUl. 


16-1  CONFERENCES  DE  THEORIEN 

dre  aux  raifons  de  Théorien  ,  fortit  de  la  Conférence  (  f  )  > 
difant  aux  Prêtres  qui  raccompagnoient  qu'il  ne  lui  étoic  pas 
permis  de  parler  de  ces  matières  dans  un  Synode  étranger. 
Cinquième     X.  La  fuitc  de  la  quatrième  Conférence  manque  dans  le 
Conférence,    textc  (  «  )  >  &  il  femblê  qu'il  s'en  tint  une  cinquième  pour  ré- 
foudre  les  difficultés  propofées  dans  la  Lettre  du  Catholique 
Norfefis  à  l'Empereur.  En  admettant  deux  natures  en  Jelus- 
Chrift  ,  c  etoic  une  conféquence  d'admettre  aufll  en  lui  deux 
volontés.  Théorien  le  prouva  par  divers  partages  de  l'Ecri- 
ture ;  mais  il  montra  en  même  tems  que  ces  deux  nature* 
étant  unies  perfonnellemenc  ,  il  n'y  avoit  en  Jefus  -  Chrifl: 
qu'une  volonté  perfonnelle ,  parce  que  c'étoit  la  même  Per- 
fonne  qui  vouloir ,  tantôt  comme  Dieu ,  tantôt  comme  Hom- 
me. Le  Catholique  avoit  dit  dans  fa  Lettre  (x),  qucjefus- 
Chrifl;  avoir  été  neuf  mois  &  cinq  jours  dans  le  fein  de  la 
Vierge.  Il  fondoit  cette  opinion  fur  la  tradition  des  Doc- 
îeurs  qui  foutcnoient  que  les  premiers  nés  revoient  plus  long- 
tems  dans  le  fein  de  leur  raere,  que  les  enfans  qui  naiflbient 
enfurte  ;  &  fur  ce  que  dit  Salomon  ,  qu'il  avoit  été  enfermé 
l'efpace  de  dix  mois  dans  le  fein  de  fa  mère ,  ce  qui  faifoit 
voir  qu'il  y  avoit  au  moins  quelques  jours  du  dixième  mois» 
Théorien  répondit  cju'on  ne  pouvoir  rien  conclure  des  paro- 
les de  Salomon  pour  le  fenciment  de  Norfefis ,  parce  que 
les  mois  des  Hébreux  étant  lunaires ,  ils  étoient  plus  courts 
que  les  nôtres  qui  font  folaires  ;  &  que  faint  Chrytoflôme  di- 
foit  nettement  que  le  Sauveur  n'avoir  été  que  neuf  mois  dans 
le  fein  de  fa  Mère.  Le  Difcours  où  ce  faint  Doâcur  s'explique 
de  la  forte ,  ne  fe  trouvoir  pas  dans  les  exemplaires  de  Norfe- 
fis :  ainfi  on  pafia  à  une  autre  quellion. 

XL  Elle  regardoit  les  Fêtes  de  Jefus-Chrifl(j).  Les  Ar- 
méniens célébroicnt  en  un  même  jour  celle  de  la  Nativité  & 
de  fon  Baptême  vies  Grecs  en  deux  jours  différens:  mais  le 
Catholique  convint  que  ces  divers  ufages  dévoient  paroître 
peu  importans  ,  pourvu  que  l'on  s'accordât  dans  la  foi.  On 
vint  enfuite  au  Trifagion,  ou  trois  fois  Saint,  que  l'on  chan- 
loit  dans  les  Myfteres.  Norfefis  dit  que  quand  on  le  chantoic 
en  l'honneur  de  la  faiinte  Trinité  ,  on  n'y  faifoit  aucune  ad;- 


{t)  Uid.  p.So$,  \      {x)Pas.2o6, 


AVEC  LES  ARMENIENS.  Ch.  XL  i5? 
dition  ;  mais  que  lorlqu'il  étoic  chanté  en  l'honneur  du  Fils 
fcul  ,  on  ajoutoic  luivant  la  différence  des  tcms  ou  des  fo- 
lemnités  :  ^ui  êtes  crucifié  pour  nous  ;  ^ui  êtes  rejfufcitè  ,  ou 
^ui  êtes  monté  au  Ciel.  Il  iuivroic  de  cet  uiage  ,  dit  Thco- 
rien,  que  Ton  chante  trois  fois  en  l'honneur  du  Fils ,  &  feu- 
lement une  fois  en  l'honneur  du  Perc  &  du  Saint-Elprit  ;  ce 
qui  n'étant  pas  propolable  ,  il  montra  que  l'addition  ,  Quiètes 
crucifié  pour  «omt,  introduite  par  Pierre  le  FouUon  ,  avoit  été 
juftement  rejettce  dans  le  quatrième  Concile  général ,  &  n'a- 
voit  aucun  fondement  dans  les  Percs  de  l'Egliie. 

XII.  Le  Catholique  difoit  dans  fa  Lettre  a  l'Empereur  (z) , 
que  dans  les  onélions  facrées  les  Arméniens  ufoient  de  l'huile 
de  feiame  ou  bled  d'Inde  ,  à  caufe  qu'ils  n'avoient  point  d'o- 
liviers. Je  fuis  étonné  ,  lui  dit  Théorien  ,  que  vous  ayez 
écrit  de  la  forte  à  l'Empereur  ;  je  vois  ici  beaucoup  d'oli- 
viers &  aflez  d'huile.  Il  foutint  donc  qu'on  ne  devoit  em- 
ployer que  de  l'huile  d'olives  pour  les  Sacremens  ,  comme 
on  ne  fê  fert  que  de  vin  de  vigne  pour  le  faint  Sacrifice  ,  & 
non  de  cidre  ou  de  quelque  autre  liqueur.  Le  Catholique  con- 
vint qu'il  étoit  facile  de  réformer  cet  abus. 

XIII.  On  en  étoit  là  lorfque  les  Prêtres  Arméniens  com- 
mencèrent à  chanter  Vêpres  hors  de  l'Eglife  (a)  y  fuivant 
leur  coutume.  Théorien  en  ayant  demandé  la  raifon,  Nor- 
lefis  lui  répondit  que  ceux  de  leurs  Dodeurs  qui  avoient  ré- 
glé chez  eux  l'Office  divin  ,  avoient  ordonné  qu'on  ne  célé- 
breroir  dans  l'intérieur  de  l'Eglife  que  les  divins  Myfteres  ; 
que  le  feul  Pontife  y  entreroit  pour  les  célébrer  (b) ,  le  Peu- 
ple demeurant  dehors  ,  &  même  les  Prêtres  ;  mais  qu'on  di- 
roit  dehors  les  autres  Offices.  Norfefis  donna  quelques  rai- 
fons  de  contenance  de  cet  ufage  ,  difartt  qu'on  en  ufoit  ainii 
chez  les  Hébreux  :  mais  Théorien  fit  voir  qu'il  étoit  contrai- 
re au  Décret  du  Concile  de  Nicée  ,  qui  porte  qu'on  mettra 
entre  les  Auditeurs  ,  c'eft-à-dire ,  hors  de  l'Eglife  pendant 
trois  ans ,  ceux  qui  après  avoir  apoftafié  dam  la  perfécution , 
demanderont  la  pénitence  ;  &  vous  ,  dit  Théorien  en  s'âdref- 
font  à  Norfefis  i  vous  mettez  pour  toujours  vofrPrêtres  encré 
les  Auditeurs.  -  ^ionnob  .-'i  s..\'ii7Î 


(î.)  Pag.  808.  j       (b)  un.  f.  809,  ^  PagI,  **«I«.ÏI79. 

(a)  Ihii.  I  num,  {. 


Xij 


1^4  CONFERENCES  DE  THEORIEN 

XIV.  Le  Catholique  ne  croyant  pas  devoir  infiflier  (d), 
parce  que  le  Canon  de  Nicée  étoit  clairement  contre  lui  > 
demanda  qu'on  lût  la  définition  de  foi  du  Concile  de.^Calcé— 
doine  :  l'exemplaire  Arménien  que  l'on  produifit  s'étant  trou- 
vé conforme  au  texte  Grec  ,  Théorien  en  expliqua  quelques 
endroits  qui  paroifToient  obfcurs  à  Norfelîs  ;  puis  la  prenant 
article  par  article  ,  il  montra  que  les  expreffions  dont  elle 
étoit  compofée  (e)  avoient  été  tirées  des  plus  anciens  Pé- 
rès ,  fur-tout  de  faint  Cyrille  ,  &  qu'elle  ne  s'éloignoit  en 
rien  de  leur  doctrine.  Théorien  rapporta  un  grand  nombre 
de  paflages  des  Ecrits  de  faint  Cyrille  (/) ,  &  s'off  it  d'en 
rapporter  des  autres  anciens  Pères  de  l'Eglife  ,  fi  Norfefis  ne 
l'eût  cru  inutile ,  ne  doutant  plus  que  le  Décret  de  Calcé- 
doine ne  fut  entièrement  conforme  à  la  doctrine  des  Pères  y 
&  à  la  foi  orthodoxe.  Il  témoigna  fon  étonnement  comment 
fes  Prédécefleurs  avoient  calomnié  cette  définition  de  foi  ; 
&  Théorien  reprenant  la  parole  (g  )  >  fit  voir  en  détail  tou- 
tes .les  héréfies  qui  y  font  condamnées  ;  fçavoir  ,  celles  de 
Paul  de  Samofates  ,  de  Neflorius ,  d'Arius  ,  d'Appollinai- 
re  ,  de  Manès  ,  d'Arcemas  j  d'Eunomius  ,  &  de  plufieurs 
autres.  .        . 

XV.  Norfefis  n'ayant  plus  d'^éclairciffemens  à  demander  à 
Théorien  (h)  ,  lui  lut  le  commencement  d'un  Traité  contre 
les  Monophyfites  ,  c'eft-à-dire  ,  qui  n'admettoient  qu'une 
nature  en  Jefus-Chrift*  Ce  Traité  avoit  été  compofé  il  y  avoic 
deux  cens  ans  par  un  Catholique  d'Arménie  nommé  Jean, 
Prélat  :  d'une  grande  vertu  &  d'un  profond  fçavoir.  Théo- 
den  pria  Norfefis  de  lui  donner  une  copie  de  l'Ecrit  entier  , 
qu'il  emporta  à  Confiantinople.  Comme  il  étoit  rempli  de 
pafi!ages  de  l'Ectiture ,  &  de  raifonnemens  très-folides,  Nor*^ 
icfis  fe  propofa  de  convoquer  un  Concile  de  tous  les  Eve^ 
ques  d'Arménie  ,  &  d'employer  pour  les  retirer  de  l'erreur 
le  Traité  du  Catholique  Jean  ;  &  enfuite  de  faire  un  Dé- 
cret Synodal,  où  Ton  recevroit  le  Concile  de  Calcédoine,  & 
où  l'on  anathcmatiferoit  tous  ceux  qu'il  a  condamnés,  lequel 
Décret  il  enverroit  ou  porteroii;  lui-même  à  l'Empereur ,  fi  ce 
Prince  l'ordonnoit  ainfi. 


(</)   U!J.  I      ( g)  Pag.  il i, 

\e)  Pag.  S09,  .i  {h)  Ihid. 


AVEC  LES  ARMENIENS.  Ch.  XT.  ï6$ 

XVI.  Tel  fut  le  Tucccs  du  voyage  de  Thcoricn  en  Armé- 
ric  (/).  Le  Catholique  en  le  quittant  lui  donna  fa  bcnédi- 
ftion  en  lui  touchant  la  tête  ;  il  lui  donna  aufTi  une  Lettre 
pour  l'Empereur  ,  &  le  chargea  d'obtenir  de  ce  Prince  ,  que 
lorfque  les  Evèques  d'Arménie  feroienc  arrivés  à  Conftan- 
tinople,  le  Patriarche  de  cette  Ville  étant  fur  fi  Chaire  pen- 
dant la  Liturgie ,  revêtu  de  l'es  ornemens  &  tenant  à  fa  main 
la  vraie  Croix ,  donneroit  fa  bénédidion  à  la  Nation  Armé- 
nienne en  préience  de  tout  le  Clergé  &  de  tout  le  Peuple,  & 
pricroic  po'ur  les  Arméniens  défunts  qui  n'avoient  péché  que 
par  ignorance. 

XVII.  On  lira  toujours  avec  plaifir  l'Hiftoire  de  la  Léga-    Editions  du 
tion  de  Théorien  vers  le  Catholique  d'Arménie  ,  foie  parce '^"''^■.''* 
qu'elle  eft  très- intéreflante  pour  l'Eglife  Catholique,  foit    '^°"^''* 
parce  qu'elle  eft  écrite  d'une  manière  très-méthodique  ,  &  que 
l'Auteur  en  appuyant  avec  force  la  vérité  des  dogmes  de  la 
Religion ,  réfute  fes  Adverfaires  avec  autant  de  polireffe  & 

de  douceur  que  de  folidité.  Lewunclavius  efl  le  premier  qui 
l'ai,  traduite  du  grec  en  latin.  Il  la  fît  imprimer  en  ces  deux 
Langues  à  Bafle  en  1 578 ,  in-40.  avec  la  Lettre  de  faint  Léon 
à  Flavien  ;  l'Ecrit  de  laint  Damafcene  contre  les  Manichéens, 
celui  de  Léonce  &  de  Conftantin  d'Hermenople  ,  intitulé  : 
Des  Se  fies ,  &  quelques  autres  Opufcules.  Elle  fut  réimprimée 
en  grec  &  en  latin  dans  le  premier  Tome  de  l'Auduaire  de 
la  Bibliothèque  des  Pères  par  Fronton -le -Duc  ,  à  Paris  en 
1^24 ,  d'où  elle  eft  paflée  dans  le  2a«.  Tome  de  la  Bibliothè- 
que des  Pères  à  Lyon  en  1677. 


{i)  Uid.  f.îlt. 


j66  JEAN    CINNAM. 

CHAPITRE      XI I. 

Jean  Cinnam ,  &  plujîeurs  autres  Ecrivains  Grecs  du 

douTdéme  fiécle. 

je^n Cinnam, !•  T Ean  Cinnam,  Grammairien  honoraire  dans  la  Cour 
J  de  Conftantinople ,  écrivit  après  la  more  de  l'Empe- 
reur Manuel  Comnene ,  arrivée  l'an  ii8d.  Il  setoit  attaché 
de  bonne  heure  au  fervice  de  ce  Prince  (  /) ,  &  l'avoir  fuivi  en 
diverfes  expéditions  ,   tant  en  Occident  qu'en  Orient  ;  ce 
qui  donne  beaucoup  d'autorité  à  l'Hifloire  qu'il  a  faite  du 
Règne  de  Manuel  Comnene  &  de  Jean  Comnene  fon  père, 
qui  régna  depuis  l'an  1 1 18  jufqu'en  114)  (m)  ,  qui  fut  celui 
de  fa  mort. 
SonHiftoîre      ^^'  ^^^^  ^^  diviféc  en  fix  Livres  dans  un  manufcrit  du 
des   Comne-  Vatican   du  tems  de   la   prife  de   Conftantinople  par   les 
•*•«•  Turcs  en  1453  ,  &  cette  divifion  a  été  fuivie  dans  les  Edi- 

tions de  Paris  &  de  Venife  ;  mais  Tollius ,  dans  fon  Edi- 
tion ,  des  trois  derniers  Livres  n'en  a  fait  qu'un.  Cinnam 
s'étend  peu  fur  le  Règne  de  Jean  Comnene  ,  dont  il  n'avoir 
qu'une  connoiflance  imparfaite  (  «  )  ,  n'ayant  pas  vécu  de 
fon  tems  ;  mais  il  entre  dans  un  grand  détail  des  allions  de 
Manuel  Comnene ,  &  fe  flatte  que  perfonne  n'a  été  plus  en 
état  que  lui  d'en  rendre  un  compte  fidèle ,  puilqu'il  avoit  ac- 
compagné ce  Prince  dans  toutes  fes  expéditions.  Ce  n'eft  pas 
là  le  feul  mérite  de  l'Hifloire  de  Cinnam  :  ce  qui  la  rend 
encore  intéreflante  ,  c'eft  q^e  l'on  y  trouve  quantité  de  faits 
qui  ont  rapport  a  celle  des  Empereurs  d'Occident,  &  dont  il 
n'eft  parlé  dans  aucun  Ecrivain  contemporain  ,  foit  Italien, 
foit  Allemand.  Son  flyle  eft  pur  ,  grave  ,  élégant  &  poli. 
Corneille  Tollius  fit  imprimer  cette  Hiftoire  en  grec  &  en 
latin ,  avec  des  notes  de  fa  façon ,  à  Utrecht  en  1^52,  in-4'*. 


(/)  Cinnam.  Lib,  i.tium,  i,  1      C)  ^'^«  '•  "'""•  ^» 

(m)  Uem ,  ititL  \ 


MICHEL    GLYCAS.  Ch.  XTF.  167 

Chirles  Dufrcfnc  ayant  corrige  la  vcrfion  de  Tollius  en 
plulicurs  endrovcs  ,  la  fit  réimprimer  à  côté  du  texte  grec 
à  Paris  en  1^70,  rn-fol.  &  au  lieu  des  noces  de  cet  Editeur, 
qu'il  trouva  infulliiantes  pour  l'incelligencc  de  certains  en- 
droits difficiles ,  il  en  mit  de  nouvelles  qui  répandent  un  grand 
jour  iur  les  faits  hifloriques.  Il  y  a  une  troiliéme  Edition  de 
Cinnam  à  Venile  en  1  7 15^  ,  faite  fur  celle  de  Paris.  On  a 
joint  dans  Tune  &  dans  l'autre  la  defcription  en  vers  de  l'E- 
glile  de  Sainte  Sophie  à  Conftancinople ,  par  Paul  le  Silen- 
tiaire  ,  dont  il  a  été  parlé  en  fon  tems  (0)  :  l'on  en  a  une  autre 
de  l'Hiftoricn  Evagre  (/>). 

III.  Michel  Glycas  étoit ,  félon  la  remarque  de  M.  Boi-  .Michel  Gly- 
vin  ,  non  de  Sicile ,  mais  de  Conftantinople  j  &  ccrivoit  vers"*"- 
l'an  1 150.  Le  furnom  de  Glycas  lui  fut  donné,  ce  femble  , 
lorfqu'il  prit  l'habit  monaflique.  Nous  avons  de  lui  des  An- 
nales divifées  en  quatre  parties  ,  dont  la  première  traite  de 
ce  qui  s'eft  fait  les  fix  premiers  jours  de  la  création  du  Mon- 
de ;  la  féconde  rapporte  la  fuite  des  événemens  depuis  cette 
création  jufqu'à  la  Naiffance  de  Jefus  -  Chrifl;  ;  la  troificme, 
ce  qui  efl:  arrivé  dans  les  premiers  fiécles  de  l'Eglife  jufqu'au 
règne  du  grand  Conftantin  ;  la  quatrième  s'étend  jufqu'à  la 
mort  d'Alexis  Comnene  en  11 18.  On  conferve  un  grand 
nombre  de  fes  Lettres  dans  la  Bibliothèque  du  Roi ,  &  dans 
celle  de  l'Empereur.  Pontanus  en  a  donné  deux  ,  mais 
feulement  en  latin  ,  à  la  fuite  de  la  Dioptre  de  Philippe  Je 
Solitaire  ,  imprimée  à  Ingolflaî  en  1^04,  in-40.  on  les  troè- 
\e  dans  le  vingt  -  deuxième  Tome  de  la  Bibliothèque  des 
Pères,  &  avec  le  texte  grec  au  commencement  des  Annales 
de  Glycas,  de  l'Edition  du  Père  Labbe  ,  au  Louvre  en  1660 
in-fol.  &  à  Venife  en  172p.  La  première  de  ces  Lettres  efl 
adreflce  à  Jean  Synaïte ,  Moine  &  Stylite.  Glycas  y  enfei- 
gne  que  l'on  ne  doit  pas  accorder  facilement  l'Eticharillie 
aux  pécheurs  ;  qu'il  faut  à  leur  égard  fuivre  la  difpofition  des 
fainrs  Canons ,  &  les  purifier  avant  de  leur  accorder  la  chair 
du  Seigneur  ,  de  peur  que  cette  nourriture  falutaire  ne  foie 
pour  eux  un  poifon.  Il  cite  fur  cette  conduite  l'autorité  de 
S.  Paul  &  de  S.  Baille ,  qui  dit  :  Ne  livrez  point  le  Fils  de  Dieu 
entre  les  mains  des  indignes.  Ilprefcrit  aux  Direfteurs  fpiri- 


(0  Ttw.  lÉ.  pag,  6iS,  {p)  Tonh  ij.  f,  m. 


i<8  CONSTANTIN   MANASSÉS. 

tu-ls  la  méchode  des  Méde<  ins  corporels;  &  veut  de  deux 
chofes  Tune  ,  ou  que  ies  pécheurs  le  corrigent  petit  à  petit , 
ou  qu'on  les  abandonne  s'ils  font  réfradaires  aux  avis  &  aux 
ordres  de  ceux  qui  les  dirigent.  Dans  la  féconde  Lettre  à 
Jean  ,  ou  plutôt  à  Maxime  Smeniote  ,  Glycas  prouve  que 
Dieu  a  créé  incorruptible  le  premier  Homme  ;  que  ce  n'eft 
que  par  le  péché  qu'il  efl:  devenu  fujet  à  la  mort ,  &  que 
l'Homme  ne  s'eft  point  trouvé  dans  un  état  mitoyen  entre  la 
corruption  &  l'incorruptibilité.   Ce  que  cet  Auteur  ajoutoit 
de  la  nature  de  l'arbre  de  la  fcience  du  bien  &  du  mal ,  efl 
perdu  (  q).  Il  appuie  tout  ce  qu'il  dit  des  paflages  des  Pères 
Grecs.  Glycas  compofa  divers  autres  Opufcules  ;  un  Traité 
fur  la  procefTion  du  Saint-Efprit  ;  un  fur  le  pain  dont  Jefus- 
Chrifl  le  fervit  dans  la  dernière  Ccne  ;  un  fur  l'état  des  ames 
féparées  du  corps.  On  ne  les  a  pas  encore  rendu  publics. 
Conftantin      IV.  Conftantin  Manafles ,  contemporain  de  Michel  Gly- 
Manallés.      cas  (r)  ,  compofa  fous  le  Règne  de  Manuel  Comnene  une 
Chronique  abrégée  ,  qui  commence  à  la  création  du  Monde  , 
&  finit  à  l'an  1081  ,  auquel  Niccphore  Botoniate  fut  dé- 
trôné par  Alexis  Comnene  le  3  d'Avril ,  n'ayant  régné  que 
trois  ans.  Voyant  les  Comnenes  îrlaîtres  de  Conftantino- 
.   pie ,  il  en  fortit  &  fe  retira  dans  un  Monaftere ,  où  il  mourut 
quelque  tems  après.  La  Chronique  de  ManafTés  eft  en  vers  , 
&  adreffée  à  Irène ,  fœur  de  l'Empereur  Manuel  Comnene  , 
&  femme  d'Andronic  Sebaftocrator  (s).  Lewunclavius  tra- 
duifit  cette  Chronique  en  latin  fur  un  manufcrit  d'Italie  ,  & 
la  fit  imprimer  en  cette  langue  avec  des  notes  à  Bafle  en 
1573  ,  in-S".  Meurfius  joignit  le  texte  grec  à  cette  verfion  , 
après  l'avoir  corrigée  fur  un  manufcrit  de  la   Bibliothèque 
Palatine,  &  enrichie  de  nouvelles  notes.  Son  Edition  parut 
à  Leyde  en  16 16  ,  in-4°.  Nous  en  avons  une  autre  parmi 
les  Ecrivains  de  l'Hiftoire  Byfantine ,  à  Paris  en  1 6  j  5;  ,  par 
les  foins  de  Charles  Annibal  Fabrorti.  Pour  compléter  cette 
Edition ,  il  a  mis  à  la  fin  de  cette  Chronique  les  notes  de 
Lewunclavius  &  de  Meurfius  ,  avec  les  Variantes  de  Léon 
Allatius,&  un  Gloffaire  pour  l'intelligence  des  termes  peu 
ufités. 


(g)  Allât.  De  confenf.  utrinf.  T.cclef.  |  Edit.  Venet.P*rif,  x^6. 
t.yoï.  I      (0  DvcAtiii.  De  Fiimil.  Byfant.  p.iBï» 

(r)  CoNST,  M  AN  AS.  Cbnnic.  ^.  113.  {  ^  >»  Edit.  Veiitt,  />.  151. 

V» 


NTCEPHORE  BRYENNE.  Ch.  XII.         1^9 

V.  Niccphore  Brycnne  ,  mari  d'Anne  Comnene  ,  fille     Nîcephore 
d'Alexis  Comnene  &  de  rimpératricc  Irène,  fe  fit  admirer ^'^^""'* 
de  fon  r^ms  par  la  beauté  de  Ion  corps  &  de  fon  efprit ,  par 

fa  prudence  conlommée  ,  par  fon  fçavoir  &  par  fon  élo- 
quence. Irène  ,  fa  bclle-mere  ,  lui  fraya  autant  qu'il  fut  en 
elle  le  chemin  à  l'Empire  ,  à  l'exclufion  de  Jean  fon  fils 
aîné.  Alexis ,  fon  beau-pere  ,  le  fit  d'abord  Céfar  &  enfuite 
Panhyperfcbafte  ;  mais  les  tentatives  pour  faire  monter 
Bryenne  fur  le  Trône  furent  inutiles.  Jean  Comnene  y  fut 

flacé  le  I  f  d'Août  l'an  i  ri8  ,  comme  ayant  été  affocié  à 
Empire  dès  l'an  lopo  ou  lo^i.  Nicéphore  Bryenne  écri- 
vit en  quatre  Livres  l'Hiftoire  des  Empereurs ,  en  commen- 
Î:ant  au  Règne  d'Ifaac  Comnene  ,  &  finiffant  à  celui  d'A- 
exis  Comnene  ,  c'eft-à-dire  ,  depuis  l'an  1057  jufqu'en 
108 1.  Le  Père  Pouflînes  les  a  traduits  du  grec  en  latin  ,  & 
fait  imprimer  en  ces  deux  langues  à  Paris  en  1661  ^  in-fol. 
à  la  fuite  de  Procope.  Anne  Comnene  parle  fouvent  de  cette 
Hiftoire  dans  celle  qu'elle  a  faite  du  Règne  de  fon  père  Ale- 
xis Comnene. 

VI.  Il  eft  parlé  dans  l'Hiftoire  de  la  Légation  de  Théo-  Jf^^^^f^- 

■\i      r  n        /^ii-  j  «         '■  /N         11       tnolique  de  la 

Tien  vers  Norielis ,  Catholique  des  Arméniens  (r)  ,  d  un  Grande  Ar- 
Ifaac ,  Evêque  ,  qui  s'étoit  expliqué  fur  les  deux  natures  en  ménie. 
Jefus  -  Chrift.  On  croit  que  c'eft  le  même  dont  nous  avons 
deux  Invedlives  contre  les  Arméniens  ,  fous  le  nom  d'Ifaac, 
Catholique  ou  Métropo  itain  de  la  grande  Arménie.  On  y 
cite  quelques  paroles  de  Norfefis  dans  fes  conférences  avec 
Théorien  (m)  :  ainfi  les  Invedives  d'Ifaac  furent  écrites  po- 
ftérieurement  à  ces  conférences.  Ifaac  éroit  Arménien,  avoir 
été  élevé  parmi  ceux  de  cette  Nation ,  &  imbu  de  toutes  leurs 
opinions  ;  mais  ayant  embrafle  la  foi  Catholique ,  il  en  prit 
la  défcnfc  dans  deux  Ecrits  intitulés:  lnve6îives  contre  Ls  Ar- 
méniens ,  dont  les  erreurs  étoient  les  mêmes  que  celles  d'Eu- 
tyches  ,  de  Diofcore  ,  de  Timothée  Elure  ,  de  Pierre  le 
Foullon ,  de  Julien  d'Halycarnafle  &  des  Apthartodocites  , 
qui  nioient  que  Jefus- Chrift  eût  pris  dans  le  fcin  de  la  Vier- 
ge un  corps  de  même  nature  que  le  nôtre  ,  &  anéantiffoicnt 
conféqucmment  le  dogme  de  l'Incarnation.  Le  Père  Combefis 
a  traduit  de  grec  en  latin  &  fait  imprimer  ces  deux  Traités  , 


(M  fi^.  120.  {u)Pag.i79, 

Tome  XXllU 


170  I    s    A    A    C  jr-^irrr-'-^v' 

fur  un  manufcrit  de  la  Bibliothèque  du  Roi ,  dans  le  fécond 
Tome  de  fon  Supplément,  à  Paris  en  16^8  ,  in-fol.  Ils  ont  été 
réimprimés  en  latin  dans  le  vingtième  Tome;  de  la  Bibliothè- 
que des  Pères,  à  Lyon  en  1 6'/y. 
Inveftivesdl-      VU.  Dans  la  première  Invetcive  Ifaac  combat  d'abord 
AnnéniCTs!"^'^"^^"^  dcs  Aphtartodocites  (  a:  ) ,  en  niant  que  Jefus-Chrift 
Anal)  le  de  eût  un  corps  conful:)ftantiel  au  nôtre;  ils  ne  îaiffoient  pas  de 
la  première.   \^^^  ^q  donner  un ,  mais  impafTible  ,  immortel ,  incréé  ,  in- 
vifible  de  fa  nature.  Ils  ajoutoient  que  par  rincarnarion  ce 
corps  avoit  été  changé  en  la  nature  divine  ,  qui  l'avoit  ab-- 
forbé  5  comme  une  goutte  de  miel  jettée  dans  la  mer  fc  mêle 
tellement  avec  Teaujqu'elle  difparoît  entièrement.  Sur  ce  prin- 
cipe ils  dilbienc  que  le  corps  de  Jefus-Chrift  n'avoit  confer- 
vé ,  ni  fa  nature  ,  ni  fes  propriétés  ,  &  que  par  une  confé- 
quence  néccifaire  il  n'y  avoit  pas  en  lui  deux  natures  ,  mais 
une  feule ,  fçavoir  la  nature  divine.  Ils  ne  donnoicnt  donc 
pas  au  faint  iacritice  de  la  Chair  du  Seigneur  le  nom  de  Corps 
de  Jefus-Chrift ,  mais  le  nom  de  fa  divinité  ,  quoiqu'ils  ne 
puflent  ignorer  que  Jefus-Chrift  même  l'avoit  appelle  fon 
Corps. 

VIII.  Ifaac  dit  qu'on  avoit  prouvé  mille  fois  aux  Armé- 
niens par  l'autorité  des  Livres  (y  )  ,  foit  de  l'Ecriture  ,  foie 
des  Pères ,  écrits  en  langue  Arménienne  ,  qu'il  y  a  en  Jefus- 
Chrift  deux  natures  &  deux  opérations  ;  &  il  démontre  en- 
core cette  vérité  par  des  paifages  tirés  des  Pfeaumes,  des 
Evangiles  &  des  faints  Dofteurs  de  l'Eglife.  Il  prouve  qu'erï-, 
corc  que  la  divinité  n'ait  jaitwis  été  féparée  de  Jefus-Chrift  , 
néanmoins  fon  Corps  a  été  attaché  à  la  Croix  ,  enfermé  dans 
le  tombeau  ,  tandis  que  fon  Ame  qui  en  fut  féparée  à  la  more 
étoit  defcendue  aux  enfers ,  félon  l'expreffion  de  l'Ecriture  ; 
que  ce  même  Corps  étoit  en  un  lieu  éloigné  de  la  demeure 
de  Marie  8c  de  Marthe,  lorfque  Lazare  leur  frère  mourut; 
que  ce  même  Corps  après  fa  ré'"urre6lion  étoit  fur  terre  & 
non  dans  le  ciel ,  lorfque  Jefus-Chrift  apparut  à  Marie  ;  qu'il 
avoit  des  os  &  de  la  chair  lorfqu'il  le  donna  à  toucher  aux 
Apôtres ,  pour  les  tirer  du  doute  où  ils  etoient  qu'il  fût  ref-- 
fufcité  ;  que  s'il  éioit  vrai  qu'en  lui  la  nature  humaine  avoir 
été  changée  en  la  divinité  ,  on  ne  pourroit  dire  qu'il  étoit. 


^  «  )  Tom.  1^  Ailuar.  Comief.  p.  j  1 8.  {y)  Fag.  3 1  j. 


CATHOL.  DE  LAGRANOé ÀRMÉN.Ch.XII.  171 

Homme  parfait  (z) ,  comme  rcnfeignent  l'Evangile ,  les  Percs 
du  Concile  de  ^jiccc  dans  leur  Symbole ,  S.  Athanafe  &  (aine 
Cyrille  d  Alexandrie.  /* 

IX.  Les  Arméniens  ne  cdlcbroîent  en  aucun  temsde  l'an- 
née la  Fête  de  l'Annonciation  (^) ,  fous  prétexte  que  la  fain- 
te  Vierge  n'avoir  pas  conçu  au  mois  de  Mars  ;  ils  fe  con- 
tentoient  de  faire  en  un  même  jour  &  fans  cérémonie  Mé- 
moire de  ce  Myflere  ,  de  la  Nativité  &  du  Baptême  de  Je- 
fus-Chrift.  Ils  avoient  fupprimé  dans  leurs  exemplaires  un 
endroit  de  l'Evangile  de  faint  Luc  ;  à  la  confécration  ils  ne 
mêloient  point  d'eau  avec  le  vin  ,  &  fe  fervoient  de  pain 
azyme  dans  le  Sacrifice  ;  ils  ofFroient  à  l'Autel  des  bœufs  , 
des  agneaux  &  des  brebis  ;  ils  ne  refpe£loient  pas  affcz  le 
ligne  de  la  croix  ,  &  joignant  trois  croix  enfemble  ,  ils  don- 
noient  à  cet  affemblage  le  nom  de  Trinité.  Dans  le  chant  du 
Trifagion  ils  ajoutoient,  comme  Pierre  le  Foulon ,  Dieu  feint , 
Dieu  piiffant  ,  Dieu  immortel ,  qui  êtes  crucifié  pour  nous.  Ils 
ne  vouloient  pas  recevoir  l'Ordination  des  mains  de  l'Arche- 
vêque de  Céfarée ,  &  obfervoient  un  jeûne  très-rigoureux  la 
femaine  qui  précède  le  commencement  du  Carême ,  dans  la- 
i^uelle  les  Grecs  fe  contentoient  de  s'abflenir  de  viande  &  de 
vivre  de  laitage. 

X.  Ifaac  attaque  les  Arméniens  fur  tous  ces  articles  {b). 
Il  fait  voir  par  le  témoignage  de  tous  les  anciens  Pères  de 
l'Eglife ,  nommément  d'Eulebe  de  Céfarée  ,  de  faint  Atha- 
nafe ,  de  faint  Chryfoflôme ,  que  le  fentiment  commun  étoit 
que  la  fainte  Vierge  avoir  conçu  le  vingt -cinq  de  Mars  ; 
qu'en  ne  célébrant  pas  avec  folcmnité  la  NaifTance  de  Jefus- 
Chrift,  ils  s'éloignoient  de  l'ulage  de  toute  l'Fgl  fe  ;  qu'en 
n'admettant  qj'une  feule  nature  en  Jefus-Chrifl ,  fçavoir  la 
divine ,  c'étoit  dire  que  l'incarnation  ne  s'étoic  faite  qu'en 
apparence  ;  que  c'étoit  à  dcffein  d'appuyer  cette  erreur ,  qu'ls 

'^avoient  retranché  de  l'Evangile  de  faint  Luc  ce  qui  y  eft  dit  i«f,  12.44, 
Me  la  fueur  de  fang  de  Jefus-Chrift  dans  fon  agonie  ;  que 
l'ufage  de  l'Eglife  de  mêler  de  l'eau  avec  le  vin  dans  le  ca- 
lice venoit  d'une  tradition  Apoftolique,  f.ndée  fur  ce  que 
l'eau  étoit  fortie  avec  le  fang  du  côté  de  Jefus-Chrift  lors  de 


Yij 


372  I  s  A  A  C  , 

fa  Paflîon  ;  que  h  Liturgie  de  faint  Jacques  &  de  faînt  Marc , 
de  même  que  de  S.  Bafile  (  f  )  ,  le  Concile  de  Canhage  com- 
pofé  de  deux  cens  dix  -  fept  Evêques ,  fous  les  Empereurs 
Arcade  &  Honorius ,  rendent  témoignage  à  la  dodrine  de 
l'Eglife  fur  ce  point  ,  comme  à  fa  foi  fur  l'union  des  deux 
natures  en  Jefus-Chrift  ;  qu'en  fe  fervant  du  pain  azyme  dans 
le  Sacrifice  ,  ils  n'avoicnt  d'autre  avantage  que  d'imiter  les 
Juifs  ;  &  qu'en  accordant  que  Jefus-Chrift  en  a  ufé ,  on  ne 
pourroit  s'en  prévaloir  ,  pa  ce  qu'étant  au  moment  d'être  li- 
vré aux  Juifs ,  il  a  p.is  pour  l'accompliflement  du  myftere 
de  l'Euchariftie  le  pain  qui  lui  eft  tombé  fous  la  main ,  pour 
ne  pas  fcandalifer  les  Juifs  qui  en  ce  jour  ne  mangeoient  que 
du  pain  azyme,  fuivant  que  la  Loi  de  Moyfe  le  prelcrivoit, 
Ifaac  prétend  que  comme  il  nous  eft  défendu  de  jeûner  avec 
les  Juifs  &  de  célébrer  la  Pâque  avec  eux,  nous  ne  devons 
pas  non  plus  nous  fervir  comme  eux  du  pain  azyme  dans  le 
Sacrement.  Il  eft  du  fentimenr  que  Jefus-Chrift  prévint  le  jour 
de  la  Pâque  des  Juifs,  &  qu'il  la  fit  le  1  5  de  la  Lune  qui  étoit 
le  Jeudi  i  qu'ainfi  il  mangea  du  pain  fermenté  {d)  y\e  pain 
azyme  ne  devant  avoir  lieu  que  le  1 4  de  la  Lune,  Tel  eft  aulïi 
le  fentiment  de  plufieurs  Grecs. 

XL  II  prétend  qu'encore  que  Jefus-Chrift  fe  feroit  fervi  du 
pain  azyme  (  e  )  ,  on  ne  feroit  pas  obligé  de  l'imiter  en  ce 
point ,  l'Eglife  obfervant  diverfes  chofes  dans  la  célébration 
des  Myfteres  ,  qui  ne  font  pas  conformes  à  ce  que  Jefus- 
Chrift  a  fait:  par  exemple ,  il  n'a  été  baptifé  qu'à  30  ans, 
faut-il  attendre  cet  âge  pour  recevoir  le  Bdptême  ?  En  le  re- 
cevant, Jefus-Chrift  n'a  pas  été  oint  d'huile  fan£lifiée,  il  a 
été  baptifé  dans  un  fleuve ,  il  n'a  obfervé  aucune  de  nos  cé- 
rémonies i  après  fon  Baptême  il  n'a  pas  reçu  fon  corps  com- 
me nous  le  recevons  ;  il  a  jeûné  quarante  jours  depuis  fon 
Baptême  ,  &  l'on  a  obfervé  un  jeûne  de  quarante  jours  dans 
l'Eglife  jufques  cent  vingt  ans  après  Jefus-Chrift  :  mais 
maintenant  ,  dit  Ifaac  ,  nous  jeûnons  cinquante  jours  avant 
Pâques.  Il  ajoute  que  le  Sauveur  donna  fon  Corps  à  fes  Dif- 
ciples  après  qu'ils  eurent  foupé  ',  qu'il  le  confacra  dans  une 
maifon  particulière  ,  &  qu'il  a  f^ic  plufieurs  autres  chofes  que 


(  f  )  P'g-  34»-  I     < '  J  ^^'^-  f"^'  ^^'^* 

{d)  CotAait.Noi.  fag.  411,  \ 


CATHOL.  DE  LA  GRANDE  ARMEN.  Ch. XTT.  175 
nous  ne  pratiquons  pas  ;  Ar  que  nous  en  pratiquons  licaucoup 
qu'il  n'a  pas  ordonnées  (/) ,  mais  qui  toutefois  nous  Ibnt  ve- 
nues de  la  tradition  Apoflolique  ,  &  ont  été  prefcrites  par  les 
anciens  Pères ,  comme  de  jeûner  le  Mercredi  &  le  Vendredi , 
de  prier  le  vilage  tourne  à  l'Orient ,  de  fabriquer  &  de  révé- 
rer les  Images. 

XII.  Eniuite  il  vient  aux  facrifîces  des  Arméniens  Cg), 
qui  en  immolant  des  bœufs,  des  brebis  &  autres  animaux, 
montroient  qu'ils  étoicnt  plutôt  luifs  que  Chrétiens.  Il  inve- 
dive  vivement  contr'eux  pour  leur  peu  de  refped  envers  la 
Croix  ,  dont  le  figne  nous  fandifie  &  chafle  les  Démons  (k)  , 
&  leur  reproche  de  donner  le  nom  de  la  faintc  Trinité  à 
trois  bois  joints  enfemblc  en  forme  de  croix  ,  &  de  dire  que 
la  fainte  Trinité  a  été  attachée  à  la  Croix.  Comme  ils  enfei- 
gnoient  d'à  Heurs  ,  félon  Ifaac,  que  le  Saint  Efprit  n'étoit 
pas  confubftantiel  au  Père  ôc  au  Fils ,  il  rejette  leur  Baptême 
comme  nul  ,  &  parle  avec  mépris  de  deux  Synodes  qu'ils 
a  voient  aflemblés  (  0  »  ^^"^  portant  le  défi  de  montrer  qu'ils 
font  en  communion  avec  aucun  Evêque  des  Sièges  Apoflo- 
liques.  Il  les  renvoie  à  leurs  anciens  Livres  Eccléliafliques  , 
pour  y  apprendre  la  vraie  doctrine  des  deux  natures  &  des 
deux  volontés  en  Jefus-Chrifl  dont  ils  s'étoient  éloignés  (/). 
Il  rejette  la  caufe  de  leurs  égaremens  dans  la  foi ,  fur  ce  qu'ils 
avoient  cefle  depuis  la  mort  de  Grégoire  ,  Evêque  des  Ar- 
méniens ,  de  recevoir  comme  lui  l'Ordination  de  l'Archevê- 
que de  Céfaréc  en  Cappadoce  ,  leur  Métropolitain  (m)  ,  & 
qui  en  cette  qualité  auroic  veillé  fur  la  pureté  de  leur  do- 
Ùàne. 

XIII.  Quant  à  leur  jeûne  fingulier  (»)  &  rigoureux  à  l'ex- 
cès ,  dont  ils  attribuoient  Tinllitution  à  un  nommé  Sergius  , 
il  foutient  qu'il  cH  illégitime ,  n'étant  autorifé  ni  des  Apôtres 
ni  des  Conciles ,  &  qu'en  vain  ils  le  célébroient ,  eux  qui  ne 
jeûnoient  ni  les  veilles  de  faint  Jean,  ni  des  Apôtres  &  des 
Martyrs  ,  &  qui  n'en  folemnifoient  pas  même  les  Fêtes. 
Quelaues-uns  d'eux  avançoient  qu'il  avoit  été  inftitué  à  l'e- 
xemple de  celui  que  le  grand  Conftantin  avoit  pratiqué  à 


(/)  P'g-  ÎJO. 
(?)  P»S-  351- 
ib)  Vag.  jy4, 

(»)Pag.tl7. 


(.m)  Fag.  j(57. 
{»)  l'ap.  370. 


Ï74  I   S    A  A  C,  &c. 

Rome  pour  fe  préparer  à  recevoir  le  Baptême  du  Pape  Syl- 
veftre,  Ifaac  les  réfuce  ,  en  difant  que  ce  Prince  n'avoir  pas 
été  baptifé  à  Rome  ,  mais  à  Nicomcdie  ,  &  qu'il  étoic  mort 
auffi-tôr.  Il  établit  en  paflant  l'infaillibilité  de  l'Eglife  dans  la 
foi ,  anathéraatife  les  erreurs  des  Arméniens ,  &  fait  voir  qu  el- 
les l'avoient  déjà  été  dans  plufieurs  Conciles. 
Seconde inve-     XIV.  Ifaac  Convient  dans  l'exorde  de  fa  féconde  Inve- 
ûive  d'ifaac.  £^jyg  (  0  )  ,  qu'après  avoir  été  très-attaché  aux  erreurs  des  Ar- 
méniens ,  &  ennemi  déclaré  des  Catholiques  ,  Dieu  par  fa 
miféricorde  l'avoit  appelle  à  la  connoiiïance  de  la  vérité.  Il 
dit  enfuite  que  les  Evêques  &  les  Prêcres  irrités  de  fon  chan- 
gement réfolurcnt  de  le  fdire  mourir  ;  qu'enfin  !ils  lui  inter- 
dirent toutes  les  fondions  des  Ordres  facrés ,  c'efl-à-dire  du 
Diaconat ,  n'étant  pas  alors  honoré  du  Sacerdoce.  Tous  ces 
mauvais  trairemens  ne  firent  qu'exciter  fon  zèle.  Il  fit  con- 
noître  au  Public  leurs  erreurs  ,  &  les  réfuta  en  les  dévoilant. 
En  voici  le  détail,  i".  Les  Arméniens  ne  reconnoiflfoient  en 
Jefus-Chrifl  qu'une  nature  (p)  ,  une  volonté  ,   une  opéra- 
tion :  Dodrine  condamnée  dans  Sergius  ,  Pyrrhus  &  Paul , 
dans  le  fixiéme  Concile  tenu  à  Conuantinople ,  &  contraire 
aux  Pères  orthodoxes  2°.  Ils  errent  en  ajoutant  au  Trifagion  : 
jQui  êtes  crucifié  pour  nous  :  Addition  qui  fait  Dieu  palfible  , 
&  conféquemmcnt  digne  d'être  frappée  d'anathême.  3°.  On 
doit  rejetter  aufli  la  différence  qu'ils  mettent  entre  les  Per- 
fonnes  divines,  dont  deux,  félon  eux,  figurées  par  les  deux 
grands  bois  de  leur  croix  ,  font  égales;  fçavoir  le  Pcre  6c  le 
Fils ,  &  le  troifiéme  plus  petit  ,  qui  repréfente  le  Saint-Ef- 
prit.  4°.  Ils  ne  font  unis  de  communion  à  aucun  des  quatre 
Sièges  Patriarchaux  ,  &  ne  reçoivent  point  comme  ils  de- 
vroient  l'Ordination  de  l'Archevêque  de  Céfarée,  leur  Mé- 
tropolitain. 5°.  Ils  ne  mettent  point  de  fel  dans  leur  pain, 
en  quoi  ils  agifiTent  contre  la  do£lrine  de  l'Evangile  &  de  faine 
Chryfoflôme,  qui  défend  d'offi^ir  aucune  vidime  fans  fel.  iz°. 
Ils  ne  folemnifent  point  la  Eête  des  Lumières  ,  ni  celle  du 
Baptême  de  Îefus-Chrift  le  fixiéme  de  Janvier.  15°.  Ilscom- 
pofent  leurs  faintes  Huiles  de  graines  de  fiiame  &  non  d'oli- 
ves. 16°.  Ils  n'en  oignent  point  les  nouveaux  Baptifcs,  con- 
tre la  dodrine  des  Pères  ,  nommément  de  faint  Denis  l'A- 


(0)  liiJ.  ;.  35.4.  Cp)P''g-i9«' 


N  I  C  E  T  A  s  ,  &c.  Ch.  Xir.  175 

réopagite.  17'*.  Ils  ne  permettent  qu'au  Cclcbrant  de  réciter 
rOrailon  Dominicale  ,  en  quoi  ils  tranfgreflcnt  le  comman- 
dement de  Jelus-Chrift  ;  mais  peut-être  que  leur  défenle  ne 
rcgardoit  que  les  jours  de  Fêtes  &  d'AOcmblée,  où  ils  per- 
mertoient  au  Célébrant  leul  de  réciter  cette  prière  à  haute 
voix ,  tandis  que  le  Peuple  la  rccitoit  ou  tout  bas  ou  menta- 
lemenr. 

XV.  Ifaac  leur  reproche,  18°.  de  ce  qu'ils  ne  fouffloienc 
pas  fur  les  Bapcilés  {q)  j  Rit  ulitc  dès  l'Ancien  Teftament ,  ^"'  ^'S'  ^7' 
pour  rendre  la  vie  aux  morts  ;  15)°.  de  ne  point  révérer  les  ^'* 
Images  ;  20°.  de  ne  point  entrer  dans  l'Egliie  en  Carême, 
&  de  ne  pas  adorer  la  Croix  ;  21°.  de  manger  du  fromage 
les  Samedis  &  Dimanches  de  Carême  ;  220.  de  ne  pas  célé- 
brer avec  décence  la  Fête  de  la  Dormition  de  la  fainte  Vier- 
ge ou  de  fon  Aflbmption ,  ni  celle  de  l'Exaltation  de  la  pré- 
cieule Croix, &  de  les  transférer  à  leur  fantaifie;  250.  de  ne 
pas  changer  d'ornemens  facrés  fuivant  les  différentes  circon- 
ftances ,  &  de  vaquer  aux  chofes  faintes  la  tête  couverte  ;  26°^ 
de  ne  pas  communier  le  Jeudi-Saint,  quoique  tous  les  Chré- 
tiens communient  en  ce  jour.  Nous  paffons  fous  filcnce  quel- 
ques autres  erreurs  des  Arméniens ,  parce  qu'il  ena  été  parlé 
dans  r  Analyfe  de  b  première  Invedive. 

XVi.  Un  Prince  d'Arménie  ayant  répandu  une  Lettre ^j[^".'  ^~ 
dans  laquelle  il  prenoit  la  défenfe  de  l'erreur  d'Eutyches ,  -1°"  ^"""°~ 
condamnée  par  le  Concile  de  Calcédoine  en  45  i  ,  Nicétas 
de  Conftantinople  répondit  à  cette  Le;tre.  Il  y  parle  comme 
s'il  eût  été  Patriarche  de  Conflantinople,  quoiqu'en  effet  il 
ne  fût  que  Moine.  Le  Concile  avoir  dit  dans  la  profefllon 
de  foi  que  l'on  doit  confeiTer  un  fcul  &  même  Jefus-Chrift:  , 
Fils  unique ,  Seigneur  en  deux  natures  ,  fans  eonfufion ,  fans 
changement,  fans  divifion  ,  fans  fépar^tion  ,  fans  que  l'u- 
nion ôte  la  différence  des  deux  natures ,  qui  au  contraire  y 
confervent  chacune  leurs  propriétés ,  quoique  unies  en  une 
feule  Perfonne  &  une  feule  hypoftafe.  11  défendit  a  qui  que 
ce  fût  d'enfeigner  ou  de  penfer  autrement ,  fous  peine  d'a- 
nathême  ,  &  condamna  l'erreur  oppofce  ,  qui  étoit  celle  de 
Diofcore  &  d'Eutyches  ;  elle  conllftoit  à  foutenir  que  Jefus- 
Chrifl:  étoit  de  deux  natures  avant  l'union ,  qui  après  l'union 


(?)  Pfg-  41^. 


I7<?  N  I  C  E  T  AS 

n'en  faifoient  qu'une ,  étant  par  cette  union  mêlées  &  con- 
fondues. 

Anatyfe  <^e         V'  '  I.  Nicétâs  prouve  l'cxiftencc  &  la  diftinûion  des  deux 

''"°^'^S'^*natuics  en  Jefu^-Chrift  (r)  après  leur  union  en  une   feule 

P^rfonne  ,  par  plufieurs  paflages  de  TEcritiire ,  qui  difent 

^,    ,        nettement  que  Jefus-Chrift  eft  Dieu  &  Homme  ;  qu  avant 

Mattb.  16.  J  •     P       •  ■\     n     '  1   D     J  «  ^  1 

comme  depuis  1  union  ,  il  elt  éternel  &  de  même  nature  que  le 
Père  &  le  Saint-Efprit ,  &  que  depuis  lunion  il  a  été  tenté 
comme  nous  en  toutes  chofes  ,  fans  être  néanmoins  fujet 
Btbr.ii.i^.  au  péché.  11  prouve  la  même  vérité  par  l'autorité  des  Conci- 
les ,  en  particulier  celui  d'Ephèfe  ,  qui ,  pour  rendre  fenfible 
l'union  des  deux  natures  en  une  feule  Perfonne  dans  Jefus- 
Chrift  (  J  ),  propofe  l'exem^  le  de  l'Homme,  qui  eft  compofé  de 
deux  natures ,  l'une  corporelle,  l'autre  incorporelle ,  mais  unies 
en  une  feule  perfonne. 

XVIII.  Enluite  il  fait  voir  (f  )  que  le  Prince  d'Arménie 
calomnioit  le  Concile  de  Calcédoine  en  l'accufant  d'avoir 
donne  dans  l'héréfie  des  Sabellicns  &  des  Neftoriens  ;  que 
ce  Conci  e  a  fuivi  en  tout  la  foi  de  l'Eglife,  qui  confelfe  trois 
Perfonnes  en  Dieu ,  confubftantielles  &  d'une  même  natu- 
re ,  &  dans  Jefus-Chrift  deux  natures  diftinâes  ,  la  divine 
&  l'humaine  unies  en  une  feule  Perfonne  ,  fans  confufion  ; 
en  forte  qu'il  n'y  a  qu'un  Fils ,  quoique  de  deux  natures ,  & 
un  feul  Chrift,  Fils  de  Dieu  &  de  la  fainte  Vierge.  11  fait  à 
cette  occafion  un  précis  de  la  définition  de  foi  publiée  dans 
le  Concile  de  Calcédoine ,  en  l'oppofant  aux  erreurs  de  Sa- 
bellius ,  de  Neftorius  &  d'Eutyches ,  &  de  la  Lettre  de  faine 
Léon  àFlavien  («  ) ,  montrant  que  le  Concile  n'a  rien  enfei- 
gné  qui  ne  foit  conforme  à  la  dodrine  contenue  dans  cette 
Lettre. 

XIX.  Il  vient  après  cela  à  l'objeftion  du  Prince  d'Armé- 
nie (  *  ) ,  qui  foutenoit  que  le  Concile  de  Calcédoine  étoic 
d'une  dodlrine  contraire  à  celle  de  faint  Cyrille  d'Alexan- 
drie ,  qui  dit  ,  non  deux  natures  ,  mais  une  nature  incarnée. 
Tsficétas  répond  que  ce  Père  ne  s'eft  exprimé  ainfi  que  par 
rapport  à  Neftorius ,  qui  des  deux  natures  en  Jefus-Chrift 
concluoit  qu'il  y  avoir  aulïi  deux  Perfonnes  ;  &  que  quand 


(r)  Grtc,  Ortbod.  Tom.  i.f,  663.  j      f  ")  P-»^-  ^9?.  C^/ff. 

(s)  Pag.  <!7i.  I      (*)   Pȣ.  699. 

iO  P'*S'  574-  e?/*f.  j 

faint 


DE  CONSTANTÎNOPLE.  Ch.  Xn.  177 
faint  Cyrille  a  dit  ,  une  nature  incarnée  ,  c'efl-à-dire ,  une  na- 
ture du  Verbe  incarnée ,  il  n'a  pas  prétendu  qu'après  l'union 
des  deux  natures  ,  la  divinité  8c  l'humanité  ne  faifoient  plus 
qu'une  nature  ;  au  contraire  ,  que  même  après  l'union  elles 
ilibnftoient  entières  &  diftin£tes  ,  quoiqu'unies  en  une  Pcr- 
fonnc.  En  effet,  lorfqu'il  dit,  une  nature  du  yerbe  y  W  rniV" 
Gue  que  la  nature  du  Fils  efl  la  même  que  celle  du  Père  & 
du  Saint-Eiprit  ;  &  lorsqu'il  ajoute,  incarne'e  ,  il  dcfigne  no- 
tre nature  compoléc  de  corps  &  d'ame  raifonnable  (  ^  )  ,  à 
laquelle  celle  du  Verbe  a  été  unie  hypoftatiquement  par  l'In- 
carnation. Il  confirme  fa  Réponi'e  par  plufieurs  partages  de 
la  féconde  Lettre  de  faint  Cyrille  à  Succeflus  ,  où  ce  Père 
enfeigne  clairement  deux  natures  ,  la  divine  &  l'humaine  , 
après  leur  union  en  la  perfonne  du  Fils.  Il  la  confirme  en- 
core par  un  partage  de  laint  Ambroife  allégué  par  faint  Cy- 
rille dans  la  même  Lettre  ,  où  l'Evêque  de  Milan  déclare 
fans  aucune  équivoque  la  diflindion  des  deux  natures  depuis 
l'union. 

XX.  Le  Prince  d'Arménie  inféroit  de  l'exemple  de  l'u- 
nion des  deux  natures  en  l'Homme  (z),  que  le  Concile  de 
Calcédoine  en  avoit  admis  trois  en  Jelus-Chrifl: ,  ou  que^, 
comme  les  deux  natures  en  l'Homme  n'en  font  qu'une  après 
l'union  ,  il  fuivoit  néceflairement  qu'après  l'union  de  la  na- 
ture divine  &  de  l'humaine  en  Jefus-Chrift  ,  il  n'y  avoit  plus 
en  lui  qu'une  nature  ,  ce  qui  étoif  l'erreur  d'Eutyches.  Ni- 
cétas  répond  que  dans  le  cours  ordinaire  des  chofes ,  le  com- 
pofé  ne  prend  pas  le  nom  ni  les  notions  des  chofes  dont  il 
efl:  compofé  ;  qu'ainfi  l'Homme  compofé  d'ame  raifonnable 
&  de  corps  ,  n'efl;  pas  appelle  ame  ni  corps  ,  mais  Homme, 
parce  que  l'ame  &  le  corps  conftituent  l'ertence  Se  la  nature 
de  l'Homme  ;  mais  qu'à  l'égard  de  Jefus-Chrifl:  ce  n'efl  pas 
la  même  chofe.  Il  prend  le  nom  &  les  propriétés  des  deux 
natures  dont  il  efl  comoofé  ;  &  on  dit  bien  :  Jefus-Chrifl  efl 
Dieu  ;  Jefus-Chrift  efl  Homme ,  parce  qu'après  l'union  la 
divinité  &  l'humanité,  quoiqu'unies  en  lui  perfonnellement, 
font  diftinguécs  l'une  de  l'autre.  Si  après  l'union  il  n'y  avoit 
plus  qu'une  nature ,  on  pourroit  la  nommer  indifféremment 
humaine ,  ou  divine  feulement ,  ou  humaine  &  divine  tout  en- 


(r)  Pa?.  7«)0.  701.  70i.  C5/r7.  if^)^ig-7^l'^f"l' 

Tome  XXlll.  Z 


178         CONSTANTIN   HARMENOPULIT. 

femble ,  ou  dire  qu'elle  n'eft  ni  divine  ni  humaine  :  langage 
que  la  foi  ne  connoît  pas ,  &  qui  eft  contraire  aux  expreffions 
de  rEeritufe  ,  qui  en  parlant  de  Jéfus-Chrift  (./z),  l'appelle  y 
Fils  de  Dieu  &  Fils  de  F  Homme. 
Autres  Ecrits     XXI.  Il  paroît  par  plufieurs  endroits  de  cette  Apologie^ 
deNicétas.    qyg  Nicitas  avoit  déjà  écrit  fur  la  même  matière  ^  &  que  c'eft 
ce  premier  Ecrit  que  le  Prince  d'Arménie  attaqaoit  dans  fa 
Lettre.  Il  paroît  encore  que  ce  Prince  combattoit  plutôt  les 
termies  &  les  expreffions  de  Nicétas ,  que  le  fond  de  fa  dottri- 
ne  ;  car  il  ne  voulait  entrer  pour  rien  dans  les  erreurs  d'Eu- 
tychesni  de  Nellorius.  Nicétas  eft  preflant  &  folide  dans  fes 
raifonnemens. 
Conftantin      XXII.  On  met  Ordinairement  Conflamin  Hàrmenopule 
Harmenopu-  p^rmi  les  AuteurS  qui  ont  fleuri  vers  le  milieu  du  douzième 
fiécle.  Ceft  le  fentiment  dé  Freherus  dans  la  Chronologie 
qu'il  a  fait  imprimer  à  la  tête  du  Droit  Grec-Romain  ;  de  Jac- 
ques Godefroi  dans  fon  Manuel  du  Droit  ,  &  de  plufieurs 
autres.  Il  eft  toutefois  d'un  âge  plus  récent  ,  fuivanr  la   re- 
marque de  Selden  (  &  )  ,  &  il  vivoit  encore  en  1345  (c  )  , 
fous  le  Règne  de  Jean  Paleologue  &  d'Anne  Paleologue  fa 
mère  :  ainfi  on  doit  le  placer  entre  les  Ecrivains  du-  quatorziè- 
me fîéele. 
Jean,  Patriar-     XXIII.  Jean ,  Moine  de  rifle  d'Oxa  ou  Oxia  ,  Patriarche 
che*^^^"'"'  d'Antioche  (d)  ,  vivoit  vers  le  milieu  du  douzième,  ce  qui 
paroît  en  ce  qu'il  compte  quatre  cens  ans  depuis  fon  rems 
julquà  la  naiflance  dé  l'héréfie  des  Iconomaques.  Balfamon 
qui  écrivoit  fur  la  fin  du  même  fiéele  ,  fait  mention  de  cet 
Auteur  &  défapprouve  la  façon  dont  il  avoit  parlé  des  do- 
nations des  Monafleres  faites  aux  perfonnes  laïques  ,  &  il 
va  jufqu'à  traiter  fon' fentiment  d'impiété.  Le  Traité  de  Jean 
d'Antioche  a  été  mis  en  latin  &  publié  dans  le  premier  Tonale 
des  Monumens  de  l'Eglife  Grecque  par  M.  Cotélier.  Voici  eé 
qu'il  contient. 
Traité  des      XXIV.  Le  Patriarche  le  commence  par  le  détail  des  efforts 
que  le  Démon, a  faii&.(e)  pour  renverfer  les  maximes  du 


Donations  des 
Mon  ad  ères 
aux  Lai^ues< 


(a)  Pag.-yi^y7^4,  jif.  '  '    .'.'i.r  j  ■    }•      i'^)  CoTji..  Tom.  i.  Monum.  in  mt, 

(i  )  Selden,  de  Syned.  Lib,  i.  cap.  la.  'fag.  747. 
p,  iij^ y     (<r)  Tom.  I,  Monum,  EccleJ.GrAC. fag, 

(f  )  Fabric,  Tom.  10.  Biblioth.  Grxc,\  i^f,  Parif.an.  1677. 
f.  176,  177, 


JEAN ,  PATRIARC  D'ANTTOC.  Ch.  XIT.    17^ 

falut  mblies  par  Jclus-Chrift  ,  en  infpirant  aux  Magiftrats 
&  aux  Empereurs  de  perlccurer  les  Chrcciens ,  aux  Hcréfiar- 
qucs  de  corrompre  la  foi  Chrétienne  par  des  opinions  nou- 
velles &  dangerculcs  ,  &  aux  Chrétiens  même  de  différer  la 
réception  du  Baptême  jufqu'à  la  fin  de  leur  vie  :  mais  ,  ajou- 
te-t-il ,  nos  très-laints  Pères ,  Succcflcurs  des  Apôtres ,  voyant 
que  ce  délai  portoit  de  grands  préjudices  à  l'Eglife ,  plufieurs 
perfonnes  mourant  fans  Baptême ,  ordonnèrent  que  tous  les 
cnfans  feroient  baptifés  8c  élevés  dans  la  Religion  Chrétienne 
par  leurs  Parcns  &  par  leurs  Parreins.  Trompé  par  cette  pré- 
caution ,  le  Démon  s'appliqua  à  corrompre  les  mœurs  des 
Baptifés  ,  fçachânt  que  la  foi  fans  les  œuvres  efl:  inutile  au 
falut.  L'Eglife  ouvrit  aux  pécheurs  un  moyen  de  réparer  la 
perte  de  leur  innocence  en  leur  accordant  la  pénitence  ,  & 
l'on  en  vit  une  grande  multitude  courir  aux  Eglifes  pour  y 
recevoir  les  pénitences  qu'on  leur  impofoit  ,  &  obtenir  par 
ce  remède  l'abfolution  de  leurs  péchés  ;  mais  féduits  par  le 
Démon,  il  arrivoit  fouvent qu'ils retomboient  dans  leurs  cri- 
mes avant  que  d'avoir  rempli  leurs  pénitences.  La  difficulté  de 
vivre  innocemment  dans  le  Monde  engagea  plufieurs  perfon- 
nes à  fe  retirer  en  des  lieux  écartés ,  pour  y  mener  la  vie  Afcé- 
tique  &  Monaftique. 

XXV.  Leur  réputation  attira  dans  ces  lieux  quarvtité  d'imi- 
tateurs de  leur  vie  (/).  Us  bâtirent  des  Monafteres  ,  pre- 
-miérement  en  Egypte  ,  enfuite  dans  tous  les  pays  du  Monde , 
comme  faint  Athanafe  &  faint  Théodore  Studite  l'ont  re- 
marqué ,  l'un  dans  la  Vie  de  faint  Antoine ,  l'autre  dans  un 
•Hymne  fur  tous  les  Saints.  Pour  rendre  l*Ordre  Monaftique 
^lus  refpeftable  ,  il  plut  aux  Evêques  de  donner  aux  Moi- 
nes une  efpece  de  confécration  ou  de  bénédi£lion  ,  qui  efl: 
comme  un  renouvellement  des  vœux  du  Baptême  ,  &  que  les 
iaints  Pères  ont  appelle  un  fécond  Baptême  {g)  y  difanc 
qu'il  avoit  la  force  8c  la  vertu  du  premier.  Outre  les  renon- 
remens  qui  font  d'ufage  dans  la  réception  de  ce  Sacrement, 
les  Moines  ajoutoient  qu'ils  renonçoient  à  leurs  parens  ,  à 
leurs  amis  ,  à  leurs  domefliiques  ,  &  a  tous  leurs  biens  ,,  avec 


(/)  Cap.  1 6^. 

{g)  Eft  igitur  praediûa  Monachorum 
facra  initiatio ,  ad  exemplum  divini  Bap- 
tifinj ,  in  renuntiationibus  &  profeflîonibus 


longé  difficilioribus  magirque  formidabi- 
libus  pofita ,  quam  fecundum  BaptiTma, 
renovandi  prioris  vim  h  bens ,  divini  Pâ- 
tres noftri «ominaverunt,  t^ag.  i ^^    '■  '• 

Zij 


iSo.IÎX.-  J    E    A    N  ^TT-A^i 

réfolutîon  de  vivre  dans  le  célibat  &  la  pauvreté ,  &  de  perfé- 

vérer  dans  le  Monaflere  &  la  vie  Monaftique  jufqu'à  la  mort. 

XXVI.  Jean  d'Antioche  (h)  cite  grand  nombre  de  Li- 
vres compofés  par  de  faines  Solitaires  fur  la  difcipline  Mo- 
naftique ,  par  Pallade  ,  Calfien  ,  Macaire  ,  Théodore  Stu- 
dite ,  &  autres  ,  en  particulier  le  Livre  des  faims  Vieillards 
de  Scété ,  de  la  Thébaïde  &  de  la  Lybie,  qui  contenoir  par 
ordre  alphabétique  leurs  a£lions  &  leurs  paroles  remarquables. 
Quoique  Léon  Ifaurien  eût  entrepris  de  détruire  1  état  Mona- 
ftique, il  fe  foutint  fous  fon  Règne  ,  &  devint  depuis  en  fi 
grande  confidération ,  qu'il  fut  permis  aux  Moines  d'entendre 
les  confeflions  (  2  )  >  d'impofer  des  pénitences  &  de  donner  des 
abfolutions ,  comme  nous  voyons ,  dit  le  Patriarche  d'Antio- 
che ,  qu'ils  le  font  encore. 

XXVII.  L'ennemi  ne  pouvant  fouffrir  un  Ordre  fi  bien 
établi  (/)  ,  s'eft  employé  à  le  décruirc  en  faifant  donner  les 
Monafteres  &  les  Hôpitaux  à  des  Laïques  ,  d'abord  pour  en 
prendre  foin  ,  enfuite  pour  en  tirer  du  profit.  Sifinnius ,  Pa- 
triarche de  Confl;antinople  (  w  ) ,  s'oppofa  à  cet  abus ,  quoi- 
qu'il ne  fût  pas  parvenu  à  l'excès  qu'on  l'a  porté  de  notre 
tems  j  où  nous  voyons  tous  les  Monafteres  grands  &  petits, 
pauvres  &  riches  ,  d'Hommes  &  de  Filles  entre  les  mains 
des  Laïques  ,  même  mariés ,  quelquefois  à  des  Gentils ,  &  à 
deux  perfonnes.  Jean  d'Antioche  déplore  amèrement  cet 
abus,  &  met  en  œuvre  tout  ce  qu'il  peut  pour  en  faire  ap- 
percevoir  toutes  les  fuites  fâcheufes.  i''.  Il  trouve  du  blaf- 
phême  dans  le  préambule  de  ces  Donations ,  conçu  en  ces 
termes  :  «  Mon  empire  (  «  )  ,  ma  médiocrité  vous  donne  un 
3)  tel  Monaftere  confacré  à  Dieu  ,  à  notre  Seigneur  Jefus- 
s>  Chrift ,  à  la  fainte  Vierge  ,  Mère  de  Dieu  ,  ou  à  quelque 
"  Saint ,  avec  tous  fes  droits ,  privilèges  &  pofl'effions  pour 
»  tout  le  tems  de  votre  vie.  Comment ,  dit  -  il ,  un  Homme 
»  corruptible ,  mojtel ,  de  peu  de  durée ,  ofe-t-il  donner  à  un 
»  Laïque  un  Monaftere  appelle  du  nom  terrible  de  Dieu  ,  ou 


fh)  Pajl.  166.  \6y.%S  feq. 

(  «  )  Igitur  ab  eo  tempore  (  Leonis  Ifàu  - 
rici  )  ad  hune  ufque  diem  ,  elapfîs  jam 
quadragintis  annis  ,  adeo  â  cunftis  Fideli- 
bus  cultus  honoratufque  fuit  Monacho- 
rum  Ordo  ,  ut  confeflîones  ac  enuntia- 
tlones  peccatorum ,  confeq^^efu^fque  eenr 


furse  &  ab'blutiones  ad  Monachos  tranfla- 
tf  (înt ,  quemadmodum  in  przrentianu& 
guoque  fieri  videmus  >  {ag,  ijy. 

(m)   Pag.  171, 
(»)  P»g.  I7i. 

'K-jvai  tu  ,  imi& 


PATRIARCHE  D'ANTIOCHE.  Ch.  XTT.  i8i 
»  du  nom  de  la  trcs  laintc  Vierge  f  Pourquoi  donne-t-il  ce 
»  qui  eft  à  Dieu  ,  comme  s'il  lui  appartcnoic  en  propre  ?  Ne 
»>  lii^ait-il  pas  que  les  Monafleres  iont  un  port  qui  reçoit  de 
»  conlcrve  ceux  qui  voguent  lur  la  mer  de  ce  Monde  ?  Qu'ils 
»  font  une  Mailon  lainte  érigée  au  nom  de  Dieu  ,  une  So- 
»  ciécé  laintc  de  Perionnes  qui  ont  tout  cjuitté  &  renoncé  à 
»  eux-mêmes  pour  plaire  à  Dieu  &  s'y  attacher  ,  qui  chan- 
»  tcnt  jour  &  nuit  les  louanges ,  &  l'ont  toujours  au  milieu 
»  d'eux  »  ?  Il  ajoute  que  par  ces  Donations  l'ordre  de  l'Eglife 
cftrcnverfé,  puilqu'on  met  les  Laïques  à  la  place  des  Moines  ; 
que  les  Monaftcres  qu'on  leur  donne  ,  au  lieu  d'améliorer 
entre  les  mains  des  Laïques  ,  comme  ils  le  difent ,  font  bien- 
tôt détruits  &  ruinés  ;  que  les  Moines  font  traités  comme  des 
efclaves  (o)  ;  qu'on  ne  leur  donne  que  la  moindre  part  des  re- 
venus; que  ceux  à  qui  on  les  donne  n'y  font  aucune  réparation 
ni  aumône  ,  ne  fourniflcnt  ni  luminaires ,  ni  encens  ,  ni  dif- 
cours  ni  exhortations ,  comme  il  efl  de  coutume  en  Carême 
dans  le  tems  Pafchal  &  autres  jours  'prefcrits ,  n'ont  foin  ni 
de  l'Office  divin  ni  de  la  régularité  ;  qu'ils  font  de  leurs  re- 
venus un  ufage  profane  ;  qu'ils  nomment  &  font  recevoir  des 
Moines  fans  permettre  qu'on  leur  faflent  fubir  les  trois  an- 
nées de  probation  ,  d'où  il  arrive  que  ces  Moines  n'ayant  au- 
cune vocation  mènent  une  vie  déréglée  ,  &  ne  gardent  ni 
l'abflinencc  de  la  viande,  ni  les  règles  du  Monaftere  ,  &  vi- 
vent comme  des  féculiers  (p). 

XXVin.  Jean  d'Antioche  après  avoir  rapporté  les  vexa- 
tions des  Donataires  des  Monafleres  d'Hommes ,  pafle  à  cel- 
les qu'ils  font  fouffrir  aux  Filles  confacrées  à  Dieu.  Maîtres 
de  ces  Lieux  fainrs  qu'ils  fe  font  donner  fous  le  nom  de  leurs 
femmes  (^)  ,  non  -  feulement  ils  s'en  approprient  tousjles 
revenus  ,  mais  ils  fe  bâtiflent  pour  eux  -  mêmes  des  mai- 
fons  dans  l'intérieur  du  Monaftere  ;  d'où  il  arrive  que  les 
mondains  &  les  mondaines  ,  les  valets  &  les  fervantes  vivent 
&  converfent  avec  les  Religieufes ,  ce  qui  ne  peut  fe  faire  fans 
le  détriment  de  la  difcipline  monaftique ,  &  l'infradlion  des  en- 
gagemens  effentiels  à  la  Religion. 

XXIX.  La  conclufion  du  Difcours  de  Jean  d'Antioche, 
eft  que  de  donner  des  Monafleres  aux  Laïques ,  efl  un  crime 

(»)P«g.l79.  \     (,q)Pag.ii&. 

{f)P»g.  181.185.  1 


iS2    ARSENNE,  MOTNE  DU  MONT  ATHOS. 
d'une  énormicé  égale  à  l'héréfie  (r)  ;  que  les  Laïques  ne  peu- 
vent les  recevoir  fans  péché  mortel ,  &  que  ceux  qui  meu- 
rent fans  en  avoir  fait  pénitence  ,  font  dignes  des  fupplices 
éternels.  Il  regarde  comme  une  punition  de  l'abus  des  dona- 
tions de  Monafteres  aux  Laïques ,  les  ravages  que  les  Turcs 
..faifoient  dans  les  Provinces  de  l'Orient ,  les  tremblemens  de 
■  terre ,  les  morrs  tragiques  &  intifitées  ,  les  incendies  &  au- 
tres calamités  ,  &  prie  Dieu  d'ouvrir  les  yeux  aux  Empe- 
reurs, aux  Patriarches  ,  aux  Moines  &  au  Peuple  ,  &  de  les 
frapper  en  même  tems  d'une  crainte  falutaire  ,  pour  les  en- 
gager à  obfervcr  fes  divins  Commandemens.  Balfamon  , 
comme  on  l'a  dit  plus  haut  ,  &  Matthieu  Bleflarcs  ne  pen- 
foient  pas  comme  Jean  d'Antioche  (s)  fur  la  donation  des 
Monafteres  aux  Laïques  ;  au  contraire  ils  les  approuvoient  » 
pourvu  qu'elles  fuffent  faites  pour  des  caufes  raifonnables. 
ArfenncMoU      XXX.  Arfcnnc  ,   Moine  du  Monaftere  de  Philothée 
ne  du  Mont£-^j.  j^  Mont  Athos ,  dans  le  douzième  fiécle  ,  nous  a  laiffé 
leâion  des     une  Collection  abrégée  des  Canons  ,  dilpoiee  non  iuivant 
Canons.        l'ordre  chronologique  des  Conciles ,  comme  font  la  plupart 
des  Synopfcs  des  Canons ,  mais  par  titres  ,  où  il  a  recueilli 
fous  une  même  matière  les  Canons  de  divers  Conciles  qui  y 
ont  rapport.  Il  cite  en  particulier  les  Canons  des  Apôtres  , 
ceux  des  Conciles  de  Nicée,  d'Ancyre ,  de  Néocéfarée,  de 
Gangres  ,  d'Antioche  ,  de  Laodicée  ,  de  Conftantinople  , 
d'Ephefe  ,  de  Calcédoine  ,  de  Sardique ,  de  Carthage  ,  & 
les  autres  que  l'on  trouve  dans  le  Code  Africain  \  les  Aftes 
du  Procès  entre  Bagade  &  Agapius  ,  qui  prétendoient  l'un 
&  l'autre  à  l'Evêché  de  Boftres ,  jugé  à  Conftantinople  en 
394  ;  les  Canons  du  Concile  in  Trullo  en  680 ,  du  fécond 
de  Nicée  en  jBj  ,  l'Epître  canonique  de  faint  Grégoire 
Thaumaturge ,  de  îaint  Denis ,  de  faint  Bafile  ,  de  Timo- 
thée.  Patriarche  d'Alexandrie,  de  Théophile,  de  Pierre  8c 
de  Cyrille ,  Archevêque  de  la  même  Eglife ,  de  faint  Grégoire 
de  Nyfle  ,  de  faint  Grégoire  de  Nazianze  ,  de  faint  Bafile  , 
de  faint  Amphiloque,,  &  quelques  autres  anciens  monumens 
Eccléfiaftiques. 
Autre  Collée-      XXXI.  La  Colledion  d'Arfenne  fait  partie  du  fécond 
non  d'Arfen-  j;q^q  ^q  1^  Bibliothèque  Canonique  de  Juftel  ,  imprimée 


(r)  Fag.  187.  ^ ftq»  (/)  CoTtL.  in  ntt.f,  747. 


ANDRONIC  CAMATERE.  Ch.XIT.  tS^ 

à  Paris  en  i66i.  Arlcnnc  in  pour  les  Loix  des  Empereurs 
ce  qu'il  avoit  fait  pour  les  Canons  des  Conciles  ,  mais  il 
n'en  eft  rien  venu  julqu'à  nous.  Juflel  penfe  que  cet  Arfcnne 
cfl  le  même  qui  fut  Patriarche  à  Niccc  en  125  5  ,  puisa  Con- 
flancinoplc  même  en  1261  ,  depuis  que  cette  Ville  fut  refti- 
ruce  aux  Grecs  ;  mais  il  faut  remarquer  que  ce  Patriarche  avoic 
été  Moine ,  non  d'Athos ,  mais  dans  la  Ville  de  Nicce  &  d'Ap- 
polloniade,  ainli  que  le  dit  le  Chronographe  Ephraim,  cité 
par  Léon  Allatius  (j). 

XXXIl.  Le  premier  article  de  la  ColIe£tion  des  Canons  Cequec&n- 
par  le  Moine  Arfenne  (t)  regarde  la  fainte  &  confubftan- ^|^|^  j,^°^g^_; 
rielle  Trinité;  le  fécond  ,  les  aflcmblces  qui  fe  font  dans  les  ne. 
Eglifcs,  &  la  mémoire  que  Ton  y  fait  des  Martyrs  ;  le  troi- 
(ime  ,  l'oblcrvation  des  iaints  Canons  ;  le  quatrième  ,  la  le- 
cture des  divines  Ecritures  de  l'un  &  de  l'autre  Teflament  , 
&  des  Ecrits  des  faints  Pères ,  &  l'obligation  où  font  les  Évê- 
qucs  de  tirer  de  ces  fourccs  les  inftruftions  qu'ils  doivent  faire 
aux  Peuples  chaque  Dimanche  ;  le  cinquième,  la  défenfe  de 
lire  dans  l'Eglife  les  Livres  apocryphes ,  &  les  Martyrologes 
qui  ne  font  pas  autentiqucs.  Cette  défenle  porte  la  peine  de 
dépolition  contre  les  Miniftres  facrés,  &  d'anathême  contre 
les  Laïques.  II  efl  dit  dans  le  fixiéme  qu'on  ne  confacrera  point 
d'Eglife  fans  y  mettre  des  reliques  des  Martyrs  ,.&  que  l'on 
n'y  célébrera  pas  les  faints  Mylkres  en  préfence  des  Héré- 
tiques. 11  efl  inu;ile  d'entrer  dans  un  plus  long  détail,  puif- 
que  tous  les  articles  fuivans  ,  comme  les  précédens ,  ne  font 
que  rapporter  les  Canons  fur  différens  pointa  de  foi  &  de  dif- 
cipline  que  l'on  a  eu  foin  de  remarquer  dans  le  cours  de  cette 
Hiftoire. 

XXXIIL  Andronic  Camatere ,  parent  de  l'Empereur  Ma*  Andronic 
nuel  Comnene ,  qui  régna  depuis  l'an  1143  jufqu'au  mois  de  Camatere. 
Septembre  de  l'an  1 1 80  ,  fut  élevé  par  ce  Prince  à  là  di- 
gnité de  Gouverneur  de  Conflantinople  ,  &  de  Comman- 
dant des  GardeSi  II  écrivit  un  Traité  contre  les  Latins  en 
forme  de  Dialogue  entre  l'Empereur  Comnene  &  les  Car- 
dinaux Romains  ^  touchant  la  proceffion  du  S.nnt  -  Efprit. 
Jean  Veccus ,  Patriarche  de  Conftancinople  depuis  l'an  1 2  74 


(t)  AiLAT.  de  ceiifenfu  uniufj.  Ecclef.  I      («)  Tm.  2.  Collul.  Jiiflel.  pag.  749. 


i84  BASILE   D'ACRIDE. 

jufqu'en  1282  ,  réfuta  ce  Livre.  Cette  Réfutation  fe  trouve 
dans  le  fécond  Tome  de  la  Grèce  orthodoxe  de  Léon  Alla- 
tius,  imprimée  à  Rome  en  1^52  ,  in-40.  Nous  n'avons  du 
Dialogue  de  Camatere  que  ce  que  Veccus  en  avoit  rapporté. 
Il  avoit  compofé  d'autres  Ouvrages  que  l'on  conferve  dans  la 
Bibliothèque  de  Bavière ,  mais  qui  n'ont  pas  encore  vu  le  jour  ; 
fçavoir  une  Conférence  entre  le  même  Empereur  &  Pierre , 
Do£teur  des  Arméniens,  &  un  petit  Traité  des  deux  natures 
en  Jefus-Chrift.  Andronic  Camatere  eut  un  fils  nommé  Jean 
Ducas' ,  à  qui  Euflathe  dédia  fon  Commentaire  fur  Denis 
Periégetc. 
lîîrlceintn"     XXXIV.  Dans  fon  Traité  de  la  Proceflîon  du  Saint-Ef- 
duS.  Efprit.  prie  (  ;v  ),  Andronic  Camatere  foutenoit  avec  toute  la  force 
de  fon  efprit  &  de  fon  éloquence,  que  le  Saint- Efprit  ne 
procède  que  du  Père ,  &  que  s'il  efl:  envoyé  par  le  B'ils  aux 
îidelesjce  n'efl  que  comme  Minifire  du  Père,  fans  qu'il  aie 
aucune  part  à  fon  origine.  Il  apporte  en  preuve  plufieurs 
pafTages  du  Nouveau  Teflament  &  des  Pères  de  l'Eglife  ,  fai- 
îant  iur  chaque  paflage  des  réflexions  qui  tendent  à  en  dé- 
tourner le  vrai  fens.  Ses  raifonncmens  tiennent  prefque  tous 
du    fophifme.    Voici   les  principes   fur  lefquels  roule  tout 
fon  Ouvrage  (y).  1°.  C'eft  le  propre  du  Père  de  produire 
l'Efprit.  a°.  Tout  ce  qu'on  qu'on  aflure  de  la  Trinité,  eft  d'un 
ou  de  trois.  3°.  Tout  ce  qu'on  dit  des  Perfonnes  divines,  efl: 
ou  perfonnel  ou  naturel.  4°.  Tout  ce  que  le  Père  produit 
de  lui-même ,  il  le  produit  à  raifon  de  fa  pcrfonne ,  &  non 
de  fa  nature.  5".  Le  Saint-Efprit  efl  du  Père  contiguement 
&  immédiatement.  Jean  Veccus  développe  toutes  les  fubti- 
lités  de  Catamere ,  &  met  en  évidence  le  vrai  fens  de  l'E- 
criture &  des  Pères  ,  montrant  que  les  paflages  même  allé- 
gués par  Andronic  prouvent  que  le  Saint-Efprit  procède  du 
Père  &  du  Fils ,  &  qu'il  eft  confubftantiel  à  ces  deux  perfonnes 
de  la  Trinité. 
Bafiied'Acn-     XXXV.  Nous  avons  dit  dans  l'article  du  Pape  Adrien 
quède^Thef-IV.  (z),  dont  le  Pontificat  commença  au  mois  de  Décem- 
faionique.      brc  I  I  Ç4 ,  qu'il  écrivit  à  Bafile  d'Acride  ,  Archevêque  de 
pf  e  aTich  "  Theflalonique  ,  pour  l'engager  à  procurer  la  réunion  des 


(x)  AitAT.  Tom.  1.  Grat.  wtbod.  pag.  1      (i.)  Allât,  de  confenf,  utjiufq.  Ecclef. 
(y)  Pag.  zpu  i 

deux 


LUC  CHRYSOBERGE  ,  &c.  Ch.  XII.  185 
deux  'Eglifes  ,  &  lui  recommander  en  même  tcms  les  deux 
JJonces  qu'il  cnvoyoic  à  l'Empereur  Manuel  Comncnc.  La 
réponfe  que  lui  fie  Bafilc  a  ccc  imprimée  dans  le  Code  du 
Droit  Grec-Romain  ,  dans  les  Annales  de  Baronius  fur  l'an 
1 1  j  ç  ,  dans  AUatius  au  fécond  Livre  du  Confcncemenc  de 
l'Eglifc  d'Orient  &  d'Occident ,  «Se  après  les  Remarques  de 
Zonarc  fur  les  Canons  des  Conciles.  L'Archevêque  de  Thef- 
falonique  dit  au  Pape  dans  cette  Lettre  :  »  Si  nous  étions 
»  tels  que  nous  vous  le  paroiflbns  ,  comment  ,  très  -  faine 
'>  Père,  pourriez-vous  nous  nommer  autrement  quedesbre- 
»  bis  égarées,  que  la  dragme  perdue ,  &  le  mort  depuis  plu- 
»>  fleurs  jours  dans  le  tombeau  ?  Mais  ne  penfez  pas  ainfi  de 
»  nous.  Vous  ne  pofez  point  d'autre  fondement  que  celui  qui 
»  cfl  déjà  conftruit  :  nous  prêchons  &  enfeignons  avec  vous 
»  une  même  do£trine  ,  moi  &  tous  ceux  qui  appartiennent 
»  au  grand  Siège  Apoftolique  de  Conftantinople.  La  foi  efl: 
>'  la  même  dans  les  deux  Eglifes  (  d'Orient  &  d'Occident ,) 
»  on  y  offre  le  même  Sacrifice  ,  fçavoir  Jefus-Chrift ,  l'A- 
i>  gneau  qui  efface  les  péchés  du  Monde.  Quoiqu'il  y  ait  en- 
»  core  entre  nous  quelques  petits  fujets  de  divifion  ,  il  fera 
«au  pouvoir  de  Votre  Sainteté  de  les  ôter  ,  comme  des 
»  pierres  qui  embarraffent  le  chemin  ,  &  d'établir  l'unité  en- 
»  trc  les  Eglifes  avec  le  fecours  de  l'Empereur ,  à  la  volonté 
»  duquel  nous  obéirons  «.Il  y  a  dans  le  Code  du  Droit  Grec- 
Romain  (s  )  une  Réponfe  du  même  Bafile  d'Acride  à  une 
queftion  qui  lui  fut  propofée  par  le  grand  Sacellaire  de  Du- 
razzo  j  touchant  les  mariages  dans  les  dégrés  de  confangui- 
nité. 

XXXVI.  L'Eglife  de  Conftantinople  eut  pour  Patriarche  ^J;"c^^^[>'/f^^ 
Luc  Chryfoberge  (<ï),  depuis  l'an  1155  jufqu'en  116'p.  ïlche^deVon- 
préfida  au  Concile  que  l'Empereur  Manuel  Comnene  fit  te-  ftantinopie. 
nir  en  cette  Ville  l'an  1 1 66  contre  les  erreurs  d'un  nommé 
Demetrius  ,  natif  de  Lampe ,  Bourgade  d' Afie  ,  qui  ne  diftin- 
guant  point  les  natures  en  Jefus-Chrift ,  foutenoit  publique- 
ment qu'on  ne  devoit  pas  dire  que  le  Fils  de  Dieu  efl  moin- 
dre que  fon  Père.  La  même  année  il  préfida  à  un  autre  Con- 
cile où  il  fut  défendu  de  tolérer  à  l'avenir  les  Mariages  con- 


fi)  ^ag.  J09.  408.  I  110.  ^  feq,  tS  AiLAT.  dt  Confenf.  lib.  t» 

(j)    Ub.  3.  }uT.  Grttc,Kim»»,f,  117.    I  ctf'  12. 

Tomu  XXllU  A  a 


i8^  ANTOINE    MELISSE, 

tradés  du  fixiéme  au  fcptiéme  degré  ,  abus  qui  avoir  été  ir> 
troduit  environ  150  ans  auparavant  par  le  Patriarche  Alexis» 
Dans  un  Synode  particulier  de  l'an  1157  il  fit  défendre  aux 
Clercs  de  fe  mêler  d'aflfàires  féculieres  ,  aux  Evêques  de  faire 
des  cranfaftions  au  préjudice  des  droits  de  leurs  Eglifes,àceux 
qui  ont  fait  un  faux  ferment  de  Texécuter ,  aux  Parreins  de 
rendre  témoignage  contre  leurs  fils  fpirituels ,  aux  Diacres  &: 
aux  Prêtres  d'exercer  l'art  de  la  Médecine ,  &  de  s'occuper 
de  gains  fordides ,  entre  lefqucls  on  comptoit  les  métiers  de 
Parfumeurs  ou  de  Baigneurs.  Il  abrogea  auffi  la  Fête  qu'on 
nommoit  des  faims  Notaires ,  &  fit  quelques  autres  Conftitu-' 
tions  Synodales  rapportées  dans  le  Droit  Grec-Romain  avec 
celles  dont  nous  venons  de  parler.  •  '• 

Antoine  Me-     XXXVII.  On  ne  fçait  pas  bien  en  quel  fiécle  vivoit  An- 
'    •  toine  Meliffe  ou  l'Abeille  ,  ainfi  nommé  de  ce  qu'il  avoir 

compofé  un  Recueil  des  plus  belles  maximes  des  Pères  Grecs 
fur  les  vertus  &  contre  les  vices  :  il  efl:  divifé  en  deux  Li- 
vres fous  176  Titres  ou  Chapitres.  Dans  le  premier  Livre  (b) 
6c  dans  le  fécond  (c)  i\  cite  Théophilaâ:e  ,  que  quelques- 
uns  ont  pris  pour  l'Archevêque  des  Bulgares  vers  l'an  107  i  ; 
d'où  il  conclut  que  Meliflc  écrivoic  ,  ou  fur  la  fin  de  l'onziè- 
me fiécle ,  ou  dans  le  douzième  :  mais  le  Théophilacle  cité 
par  cet  Ecrivain  étoit  furnommé  Simocatte  ,  &  vivoit  dans 
le  feptiéme  fiécle  fous  le  Règne  d'Héraclius.  Ce  qu'il  y  a  de 
plus  certain ,  efl  qu'Antoine  Meliffe  a  écrit  depuis  faint  Jean 
Damafcene ,  qu'il  cite  dans  le  premier  Chapitre  du  fécond 
Livre  ,  &  il  eft  vraifemblable  qu''il  a  pris  pour  modèle  de  fon 
Ouvrage  les  Parallèles  de  ce  Père  (d). 
Son  Recueil  XXXVIII.  Le  Recueil  des  Maximes  d'Antoine  MelifTe  a 
des  Maximes,  d'abord  été  imprimé  en  grec  avec  l'Ecrit  de  Théophile  con- 
tre Aurolycus ,  &  celui  de  Tatien  contre  les  Gentils ,  à  Zu- 
rich en  154^,  par  les  foins  de  Conrad  Gefner.  Cet  Editeur 
ajouta  à  la  fin  du  Volume  une  verfion  latine  à  laquelle  il 
avoit  travaillé  avec  Jean  Ribitr,  Savoyard.  On  publia  fépa- 
rément  cette  verfion  à  Anvers  en  1 560  ,  in- 1 2 .  puis  à  Paris 
eni57J  &  1589.  L'Ouvrage  de  Meliffe  le  trouve  en  grec 
&  en  latin  dans  l'Edition  de  faint  Maxime  à  Zurich  en  i^^6. 


{h)  Cap.  60.  I      {d)  VojetTom.\î.p.  l^%, 

.0  L. 


GE    O  R  G  E  S,  &c.  Ch.XII.  «87 

în-fol.  dans  le  Microprcfbyticon ,  à  Balle  en  i  j  ço  ,  in-fol. 
&  dans  la  première  Edition  des  Orthodoxographes  à  Baflc 
en  155"),  in-fol.  Il  eft  auffi  dans  les  Editions  de  Stobée  à 
Francfort,  chez  "Wechclin  en  i  j8i  ,  in-fol.  &  de  Genève 
en  1^05» ,  in-fol.  Antoine  MelifTc,  après  avoir  traité  des  ver- 
tus &  des  vices  dans  le  premier  Livre ,  en  fait  dans  le  fécond 
l'application  à  toutes  les  pcrfonnes  de  divers  états  &  de  dif- 
férentes conditions ,  en  forte  que  chacun  peut  trouver  dans 
ce  Livre  des  règles  &  des  maximes  de  conduite  ;  les  Rois , 
les  Princes ,  les  Evcques ,  les  Magiftrats,  les  Pères  &  Mères , 
les  Enfans,  les  Jeunes,  les  Vieillards,  les  Maîtres  ,  les  Ser- 
viteurs ,  les  Citoyens,  les  Moines ,  les  Commerçans,  &c. 

XXXIX.  L'Empereur  Manuel  Comncne  (e)  informé  que  Georges, Mé- 
Frideric  ,  Roi  des  Romains  &  fchifmatique  ,  avoir  des  vues  tropoiitain  de. 
fur  l'Empire  d'Orient  ,  fit  tous  fes  efforts  pour  engager  le  °'  °"' 
Pape  Alexandre  III.  &  les  Lombards  à  faire  échouer  les 
defleins  de  Frideric.  Ce  Prince  penfoit  d'abord  à  s'emparer 
de  rifle  de  Corfou.  Il  en  écrivit  à  Grégoire  qui  en  étoit 
Métropolitain  ;  ce  Prélat  le  détourna  de  cette  entreprife , 
en  lui  remontrant  qu'elle  pouvoir  être  d'une  dangereufe 
conféquence  pour  fes  Etats  ,  &  de  peu  d'utilité  s'il  réulTif- 
foit  (/)  ;  que  d'ailleurs  il  ne  pouvoir  ,  fans  blefler  l'équi- 
té ,  chercher  à  s'emparer  du  bien  d'autrui ,  fur-tout  d'un 
Empereur  recommandable  par  toutes  fortes  de  vertus.  L'Em- 
pereur Manuel  Ducas  avoir  ordonné  à  Georges  de  mettre 
Corfou  en  état  de  défenfe  (g"),  ce  qui  engagea  cet  Arche- 
vêque à  lui  rendre  compte  de  l'état  des  Fortereffes  de  Cor- 
fou &  des  travaux  auxquels  on  y  étoit  occupé.  Ce  Prince  avant 
fa  mort  difpofa  de  l'ifle  de  Corfou  en  faveur  de  fa  fœur  Com- 
nene  (  A  ),  à  qui  il  en  accorda  le  domaine.  Georges  l'en  félici- 
ta ,  l'afTurant  que  pour  récompenfe  d'une  aÊlion  lî  louable 
Dieu  prolongeroit  fes  jours. 

XL.  Le  Pape  Alexandre  IIL   ayant  indiqué  un  Con-    Georges  eft 
cile   à   Rome   (i)  pour  le  premier  Dimanche  de  Carême  ^^p"'^    ^" 
1 179  ,  l'Empereur  Manuel  Comnene  y  députa  le  Mctropo-  Rome. 
litain  de  Corfou ,  qu'il  chargea  auffi  d'aller  de  fa  part  vers 
l'Empereur  Frideric  ;  mais  étant  tombé  malade  à  Otrante , 


(e)  Baron.  <ii/<5»,  117$.  p.  Éé5,  1       (h)  liid. 

\f)^*i-^67.  I      (»■;  Baron.  «i<»«.  ii78./>.  714.; 


Û)  Pag.  66  8. 


A  ai; 


i88  G  E   O  R  G   E   S  ,   &c. 

où  il  étoît  arrivé  le  i  5  d'0£lobre  1178  ,  il  y  demeura  fix 
mois,  pendant  lefquels  le  Concile  fe  tint  dans  l'Eglife  de 
Latran.  Nectaire ,  Abbé  des  Cafules,  y  affifta  pour  les  Grecs. 
Georges  écrivit  à  l'Empereur  Frideric  pour  lui  donner  avis 
de  Tordre  qu'il  avoit  reçu  de  Comnene ,  &  qu'une  maladie 
furvcnue  l'avoir  empêché  d'exécuter.  Pendant  qu'il  en  étoit 
attaqué ,  il  reçut  lui-même  une  Lettre  de  Siméon  ,  Patriar- 
che d'A mioche,  fur  les  diverfes  afflidlions  dont  il  étoit  ac- 
cablé (  /).  Georges  dans  fa  Réponfe  lui  témoigna  qu'il  étoit 
pénétré  jufqu'aux  larmes  de  fa  trifte  lituation ,  demandant 
à  Dieu  avec  ferveur  de  l'en  tirer.  On  voit  par  fa  Lettre  à 
Jean ,  Notaire  de  l'Empereur  ,  qu'auiïi  -  tôt  après  fa  con- 
valefcence  il  s'étoit  propofé  de  pafTer  d'Otrante  à  Rome  , 
lorfque  Comnene  le  rappella  (  w  )  ,  pour  aflifter  à  un  Con- 
cile indiqué  à  Conftantinople  par  le  Patriarche  de  cette 
Ville. 

XLI.  Nedaire  qui  alla  à  celui  de  Latran  de  la  part  des 
Grecs  (  «  )  ,  étoit  le  plus  obftiné  de  fa  Nation  dans  les  er- 
reurs qui  la  divifoient  d'avec  les  Latins.  Ce  fut  dans  ces  dif- 
pofitions  qu'il  fe  préfenta  à  cette  Aflemblée ,  &  il  en  fortit 
aufli  inflexible  qu'il  y  étoit  entré  (  0  )  ,  après  y  avoir  difputé 
avec  chaleur  contre  les  Latins.  Les  Grecs  le  reçurent  à  fon 
retour  comme  on  recevoir  ceux  qui  avoient  remporté  la 
viftoire  dans  les  Jeux  Olympiques  :  c'efl:  ce  que  Ton  voit 
par  la  Lettre  que  le  Métropolitain  Georges  lui  écrivit  (/>); 
elle  eft  pleine  d'adulation ,  mais  d'un  ftyle  qui  tient  plus  de 
l'ancienne  éloquence  Attique  que  de  la  piété  chrétienne.  La 
féconde  Lettre  de  Georges  à  cet  Abbé  des  Cafules  efl  dans 
le  même  goût  (q).  L'Abbé  Neftaire  étant  mort,  Georges 
de  Corfou  écrivit  une  Monodie  en  fon  honneur  ,  dans  la- 
quelle il  relevé  d'un  ftyle  pompeux  les  vertus  &  le  fçavoir 
du  Défunt ,  lui  donnant  des  regrets  qu'il  ne  pouvoir  bien 
exprimer  ,  tant  il  étoit  pénétré  de  douleur  de  la  perte  d'un 
fi  grand  Homme.  Il  cite  quelques  Ouvrages  de  l'Abbé  des 
Cafules ,  écrits  en  grec  &  en  latin,  &  d'autres  qu'il  avoit  tra- 
duits de  l'hébreu.  Georges  (r)  parlant  de  la  procefTion  du 


(m)WJ.p.jl^,  I      (j)    IbiJ. p.  740* 

(u)  lUd.  p.714,  I      (r)P<5{.  74K 


MICHEL  DE  THESSALONIQUE.Ch. XII.  i8p 
Sainc-Efprit ,  dit  qu'il  la  croie  du  Perc  ,  en  quelque  manière 
qu'elle  fe  fafle. 

XLII.  Baronius  de  qui  nous  tenons  toutes  les  Lettres  de 
Georges ,  Métropolitain  de  Corfou  (s)  ,  dont  nous  venons 
de  parler  ,  en  rapporte  encore  une  fur  l'an  1 188  ,  adreflee 
à  Athanale ,  Patriarche  de  Jérulalem  ,  avec  la  Réponfe  de 
ce  Prélat.  Georges  témoigne  Ion  ardent  dcfir  d'aller  vifiter 
les  faints  Lieux  ,  mais  fur-tout  le  Patriarche ,  &  l'impofTibi- 
lité  de  l'accomplir  ,  par  une  maladie  qui  le  tenoit  cloué  dans 
fon  lit.  Athanafe  Tafllira  que  dans  la  difpofition  où  il  étoit  , 
il  recevroit  les  mêmes  grâces  que  s'il  fût  venu  fur  les  lieux  , 
&  fait  fes  prières  dans  les  tabernacles  même  de  la  Maifon  du 
Seigneur.  Les  deux  Lettres  à  Neétaire ,  Abbé  des  Cafules, 
font  partie  des  Aftes  du  troifiéme  Concile  de  Latran. 

XLIII.  Les  erreurs  des  Bogomiles  (r)  ,  efpece  de  Mani-  Michel  de 
chéens  ou  de  Pauliciens  que  l'on  avoit  découverts  &  con-  ^g^^^^^"*" 
damnés  à  Conftantinople  fous  le  Règne  d'Alexis  Comnene^ 
continuoient  à  fe  répandre  dans  la  Grèce  fur  la  fin  du  dou- 
zième fiécle.  Celui  qui  les  avoit  publiées  le  premier  ,  étoic 
un  nommé  Bafile.  Ses  Difciples  affedoient  comme  lui  un 
grand  extérieur  de  piété  ,  coupoient  leurs  cheveux ,  &  por- 
loient  des  manteaux  &  des  cucules  abailTées  jufques  fur  leurs 
nés  ;  à  leurs  habillemens  on  les  eût  pris  pour  des  Moines.  Ils 
ne  recevoient  de  l'Ancien  Teftament  que  les  Pfeaumes  &  les 
Prophètes.  Quoiqu'ils  confeffaiTent  la  Trinité  ,  ils  ne  recon- 
noifîoient  que  la  perfonne  feule  du  Pcre  ,  foutenant  que  le 
Fils  &  le  Saint-Efprit  n'étoient  point  éternels ,  &  n'exiftoienc 
que  depuis  l  an  du  Monde  4500  ,  ce  qui  revenoit  à  peu  près 
à  la  Naiflance  de  Jefus-Chrift.  Ils  enfeignoient  que  l'incar- 
nation du  Verbe ,  fa  vie  fur  la  terre  ,  fa  mort  ,  fa  réfurre» 
étion,  n'avoient  été  qu'en  apparence  :  c'eft  pourquoi  ils  avoienc 
en  horreur  la  Croix  ,  rejettoient  le  Baptême  ,  l'Euchariflie  , 
condamnoicnt  les  Temples,  ne  prioient  jamais  dans  les  Egli- 
fes ,  méprifoient  le  culte  des  Images  ,  ne,  reconnoiflbient 
pour  faints  que  les  Prophètes ,  les  Apôtres  &  les  Martyrs, 
Ils  condamnoient  le  Mariage  ,  défendoient  de  manger  de 
la  chair  &  des  œufs  ;  mais  leur  conduite  particulière  étoit  (i 


(i)  Ïbid.f.j97.  I  Anna  Comn.  Alt*'  I-»^.  ij". 

(t)  EoTYM.  Zygab.  Panofl.  tit,  25. [ 


rpo  ALEXIS    ARISTENE. 

déréglée ,  que  la  Princefle  Anne  Comnene  n'ofa  expofcr  leur 
hérélic ,  de  peur  de  manquer  à  la  pudeur  &  à  la  bienféance 
de  fon  (exe.  Ceux  de  cette  Sefte  furent  encore  condamnés 
dans  un  Concile  que  Michel  ,  Patriarche  de  Conflantino- 
ple  ,  affembla  le  vingt-deuxième  Février  de  l'an  1144  dans 
le  Palais  de  Thomaïte,  la  féconde  année  du  Règne  de  Ma- 
nuel Comnene  ;  &  ce  fut  auiïi  par  fes  ordres  que  Ton  bannit 
de  Conftantinople  &  de  fon  Territoire  Michel  de  Thefla- 
lonique  &  quelques  autres  ,  comme  infedés  de  l'héréfie  des 
Bogorailes.  Michel  étoit  Maître  des  Rhéteurs ,  premier  Dé- 
fenleur  &  Diacre  de  l'Eglife  de  Conftantinople.  Sur  la  fin 
de  fa  vie  il  renonça  à  cette  hcréfie  &  mourut  dans  la  pro- 
feflTion  de  la  Foi  Catholique.  Nous  avons  fa  rérraflation  dans 
le  fécond  Livre  du  Confentement  des  deux  Eglifes  par  Alla- 
tius  (m). 
Alexis  Ari-  XLT  V.  Alexis  Ariftene ,  (Econome  de  de  la  grande  Eglife 
%"%  h  r  ^^  Conftantinople  ,  compofa  vers  Tan  1 1  ^o  des  Scholies 
'fur  la  Synopfe  des  Canons  ,  imprimées  en  grec  8c  en  latin 
par  les  foins  de  Guillaume  Beveregius  dans  les  Pandémies 
des  Canons  à  Oxford  en  1672  ,  in-fol.  La  Synopfe  même 
fur  laquelle  il  fit  des  Scholies  ,  quoique  beaucoup  plus  an- 
cienne que  lui  ,  félon  quelques  Sçavans ,  a  été  publiée  fous 
fon  nom  par  Guillaume  Voéllius  &  Chriftophe  Juftel  dans 
le  fécond  Tome  de  la  Bibliothèque  Canonique  (x) ,  à  Paris  en 
1661 ,  in-fol.  L'Auteur  de  cette  Synopfe  ,  quel  qu'il  (oit,  a 
fuivi  l'ordre  du  Code  de  l'Eglife  univerfelle  ,  mettant  au 
commencement  de  fa  Colledion  les  Canons  des  Apôtres,  «fe 
à  la  fin  ceux  des  Conciles  de  Sardique  ,  de  Carthage  ,  de 
TruUe  ,  &  des  trois  Epîtres  canoniques  de  faint  Bafile.  Ari- 
ftene  confulré  par  le  Concile  tenu  à  Conftantinople  en  11^6 
au  fujet  de  Nicéphore,  Patriarche  de  Jérufalem  ,  produifît 
contre  lui  le  trcnre-feptiéme  Canon  de  Trulle  (y).  Il  paroîc 
que  ce  Patriarche  n'étoit  pas  préfent,  du  moins  fon  nom  ne 
fe  trouve-t-il  pas  parmi  les  Evêques  qui  foufcrivirent  aux  Dé- 
crets de  cC'Concile  (z),  mais  il  y  eft  fait  mention  de  Nicéphore 
de  la  nouvelle  Céfarée  &  de  Nicéphore  de  Rhodes.  Le  Pa- 


(u)  Allât,  de  Cwfenf.Lib.  i.  c»f,  13.  j  Trull. 
f,6<)i.  J      (t)  Allât.  Je  Coofeaf.utTsuf.Ecdef. 

(x)  P/»^.  573.  709.  iLiè.  I,  f«yj.   iz.p,  6&8. 

(>)   Balsam.  in  noi,  ad  Can.  37»' 


SIMÉON   LOGOTHETE.  Ch.  XII.  rp, 

triarche  Niccphorc  aflifta  à"  un  autre  Concile  qui  fc  tint  à 
Conllantinoplc  lavingt-troifiémc  année  duRcgnc  de  Manuel 
Comncnc  («). 

XLV.  La  Synopfe  des  Canons  imprimée  à  la  fuite  de  Simi^onLo. 
celle  d'Alexis  Ariftcne  (h)  dans  la  Bibliotiieque  Canonique  S°''"^'''- 
de  Jultcl  ,  en  clt  peu  dmerente  :  elle  porte  le  nom  de  Si- 
méon  ,  Maître  des  Offices  ,  Se  Logothete  ou  Chancellier. 
On  cite  aufli  fous  Ion  nom  un  Traité  des  Mœurs  de  l'Egli- 
fe  (c).  Il  n'a  pas  encore  été  rendu  public.  Nous  avons  die 
ailleurs  (d)  qu'il  pourroit  bien  être  l'Auteur  des  neuf  Let- 
tres que  Léon  Allatius  attribue  à  Siméon  Mécaphrafte  ,  & 
qui  ont  été  publiées  par  le  Père  Combefis  à  Paris  en  1664. 
M.  Ducangc  avoit  un  Ouvrage  mafiuicfit  fur  la  création  du 
Monde  ,  que  quelques  -  uns  conjecturent  être  du  Siméon 
dont  nous  parlons  (  e  ).  Il  écrivoit  vers  la  fin  du  douzième 
fiécle. 

XLVI.  Le  premier  degré  d'honneur  que  pofleda  Nil  ou^''°"N!co. 
Nicolas,  furnommc  Doxapatcr  ,  fut  celui  d'Archimandrite;  ''son^Tra'ité* 
mais  on  ne  fçait  en  quel  lieu.  Il  eut  enfuito  l'tîmploi  de  No- des  SiégesPa- 
taire  Patriarchal  de  la  grande  Eglife  de  Conflantinople  ,  &i"'archaux. 
de  premier  des  Syncelles ,  &  de  Défcnfeui-  des  Loix  de  l'Em- 
pire Romain  :  de  Conflantinople  il  pafla  en  Sicile  >  &  fie 
quelque  féjour  à  Palerme.  Roger  II.  Roi  de  Sicile  l'enga- 
gea à  compcfcr  un  Traité  des  grands  Sièges  Pàrriarchaux 
de  Rome,  d'Antioche  ,  d'Alexandrie  ,  de  Conftantinople  , 
de  Jérufalem.  Nil  acheva  cet  Ouvrage  en  1143  ?  ^  1'^"" 
dreffa  à  Roger.  Il  y  traite  de  l'origine  de  ces  cinq  grands 
Sièges,  des  Archevêques  ,  des  Métropolitains  &  des  Evo- 
ques qui  leur  font  foumis  ;  de  l'ordre  qu'ils  tiennent  entr'eux, 
&  de  leurs  noms  propres.  Léon  Allatius  (/)  a  rapporté  un 
grand  nombre  de  fragmens  de  cette  Notice  dans  fon  premier 
Livre  du  Confentement  des  deux  Egïifes  ;  mais  ftous  av^ns 
l'Ouvrage  entier  dans  le  premier  Tome  des  Mélanges  facrés 
d'Etienne  le  Moine ,  imprimé  en  grec  &  en  latin  à  Leyde  en 
-1685  jin-^/*.^..  .  -         ;  .,'      ...  ,.     .,  _.  . 

>'[  îloi'tr.  J-,I  ; .;    .■■■\;      -;•  , 

(.1  )  IJem  ,  ibiii.p.  690.  (d)  Tom.  19-  p.  y 98- 

{bj  Tom.  2.    Bibltot.  CntnH,   Jitftri;  p,  -    <!«,)  D«c*N<iE  ,  m  Indice .Autlnr,  ad 

710.  cale.  Glctfar. 

(c)NlC.  CoMN.   îu  Pranotatioti.  My-  (f)  ALLAT.  Lib.  1.  Je  Confen.  lit.  i. 

fi'mgic.  f.»/».  2.  8.?.  10.  12.  14.  16.' 17,  i4.  >  - 


ipi        THEOPHANES  CERAMÉUS. 
^onNomo-     XLVU.  Lambecius  fait  mention  d'un  Commentaire  de  Nil 

""°Ê^-  ^""Doxapater  (g)  fur  quelques  Poèmes  de  iaint  Grégoire  de 
Nazianze ,  &  Ton  trouve  dans  la  Bibliothèque  des  Moines 
de  faint  Bafile  à  Rome ,  une  Synopfe  des  Canons  fous  fon 
nom ,  faite  par  ordre  de  l'Empereur  Jean  Comnenc.  Dans 
le  titre  de  l'Ouvrage  Nil  eft  qualifié  Diacre  de  la  grande 
Eglife.  Cette  Synopfe  eft  beaucoup  plus  étendue  que  celle 
d'Alexis  Arifthene  &  que  celle  de  Siméon  Logothete.  On  peut 
voir  ce  qu'a  die  de  cet  Ecrivain  &  de  fes  Ouvrages  Dom  Ber- 
nard de  Montfaucon  dans  fon  Voyage  d'Italie  (h)  ,  &  dans 
fa  Paléographie  (i).  Nous  remarquerons  feulement  ici  qu'a- 
près avoir  rapporté  le  premier  Canon  de  Pierre  d'Antioche 
contre  l'Evêque  de  Venife ,  il  dit  qu'on  ne  doit  pas  ici  donner 
à  l'Evêque  de  Venife  ou  d'Aquilée  le  titre  de  Patriarche  , 
parce  qu'on  ne  connoît  que  cinq  Patriarches  dans  tout  le 
Monde;  fçavoir  ,  de  Rome  ,  de  Conflantinople  ,  d'Alexan- 
drie, d'Antioche  &  de  Jérufalem.  Il  en  donne  pour  raifon  , 
que  comme  notre  corps  a  cinq  fens  pour  le  gouverner ,  de  mê- 
me le  Corps  de  Jefus-Chrill  ou  l'EgUfe  des  Fidèles  eft  admi- 
niftrée  par  Içs  cinq  Sièges  Patriarchaux. 
Théophanes     XLVUI.  Théophanes  Cerameus  né  à  Taormine  en  Sicile  , 

Cerameus.  q^  dans  une  Ville  voifine  nommée  Mafchalis  ,  y  fut  élevé 
dans  les  fciences ,  comme  il  le  témoigne  lui-même  dans  fon 
Homélie  fur  faint  André  ,  qui  eft  la  cinquantième.  Admis 
dans  le  Clergé  ,  il  fut  fait  Archevêque  de  Taormine  fous  le 
Règne  de  Roger  IL  Comte  ,  &  depuis  Roi  de  Sicile  &  de  la 
Pouille.  La  puifTance  des  Sarrafins  étoit  alors,  c'eft- à-dire  , 
depuis  l'an  1130  jufqu'en  1151  ,  très  -  confidérable  :  d'où 
vient  que  Théophanes  prie  Dieu  dans  deux  de  fcs  Homé- 
lies ,  qui  font  la  quatrième  &  la  quarantième ,  de  fortifier  le 
Roi  contre  les  affauts  des  enfans  impies  d'Agar  ,  &  contre 
les  Ifmaéhtes  qui  s'efforçoient  de  renverfer  la  vraie  Reli- 
gion. Dans  la  vingt -fixiéme  Homélie  ,  qu'il  prononça  en 
préfence  du  Roi ,  Théophanes  en  relevé  la  piété.  Toutes  ces 
circonftances  fervent  à  fixer  l'époque  de  l'Epifcopat  de  cet 
Ecrivain ,  &  à  montrer  qu'ayant  été  dans  le  facré  miniftere 
depuis  que  les  Souverains  de  la  Sicile  portoient  le  titre  de 


(g)  Lambic.  Tom.  8-  Commtttt. Biblitt.  1     (  «  )  Lib.  i.  cap.  6.  p.  di.  ^  lit.  4.  {cap. 
Vitidob.  pag.  457.  I  (î.  ^.  j  oz . 

Roi 


ALEXANDRE,  &c.  Ch.  XII.  rp^ 

Roi,  ce  n'a  puctrc  que  depuis  l'an  1130,  auquel  l'Antipape 
Anaclet  en  donnant  l'a  fœur  en  mariage  à  Roger,  Comte  de 
Sicile,  lui  accorda  le  titre  de  Roi,  quiluifutcontirmc  en  1135» 
par  le  Pape  Innocent  II. 

XLIX.  On  a  de  ThéophancsCerameusun  grand  nombre  S" "°"'"^'^'"- 
d'Homélies  ;  fçavoir  ,  quarante-cinq  fur  les  Dimanches ,  & 
foixantc-deux  fur  diverles  Fêtes  de  l'année ,  &  elles  ont  été 
traduites  en  latin  par  François  Scorfe ,  Jéfuite  ,  &  impri- 
mées avec  (es  notes  à  Paris  en  i<^44,  in-fol.  L'Editeur  les 
avoît  revues  fur  desmanufcrits  de  Palerme,  du  Vatican  &  de 
Pans.  Dom  Montfaucon  en  cite  un  de  1 583  dans  fon  Voya- 
ge d'Italie  (  /)  ,  &  un  autre  dans  fa  Bibliothèque  (  m  )  Coi- 
lline  ,  &  Lambecius  («)  un  troifiéme  qui  fe  trouve  dans  la 
Bibliothèque  de  l'Empereur.  Le  manufcrit  que  Léon  Alla- 
tius  vit  dans  l'Ifle  de  Chio  en  contient  cinq  de  plus  qu'il  n'y 
en  a  dans  l'Edition  de  Scorfe,  &  il  en  a  donné  les  titres  & 
les  commencemens  (0).  La  troifiéme  fur  les  Evangiles  fut 
imprimée  féparémcnt  dans  le  fécond  Tome  de  Œuvres  de 
Gretzer  à  Ingolflad  en  i  ^00 ,  in-40.  de  la  verfion  de  Tur- 
rien.  On  y  trouve  aufli  la  quatrième  traduite  par  le  même  ; 
elles  font  1  une  &  l'autre  fur  l'Exaltation  de  la  fainte  Croix. 
On  les  a  imprimées ,  mais  feulement  en  latin  dans  les  Biblio- 
thèques des  Pères  de  Cologne  &  de  Lyon.  Théophanes  re- 
marque dans  la  cinquième  que  depuis  long-tems  il  étoit  d*u- 
fage  dans  l'Eglife,  de  lire  depuis  Pâques  jufqu'à  la  Pente- 
côte l'Evangile  de  faint  Jean ,  celui  de  faint  Matthieu  de- 
puis cette  folemnité  jufqu'à  la  fin  de  l'année  ,  puis  celui  de 
îaint  Luc ,  &  qu'on  réfervoit  la  ledture  de  l'Evangile  de  faint 
Marc  pour  le  tems  des  jeûnes.  La  vingtième  Homélie  eft 
fur  le  premier  Dimanche  de  Carême  ,  auquel  les  Grecs  cé- 
lébroient  la  mémoire  du  rétabliflement  du  culte  des  Images. 
Baronius  l'a  fait  imprimer  dans  fes  Annales  fur  l'an  842, 
de  la  verfion  de  Turrien ,  avec  laquelle  elle  fe  lit  aufli  dans  le 
fécond  Tome  de  Gretzer  fur  la  Croix ,  imprimé  à  Ingolflad 
en  16 1<5,  in-fol. 

L.    Léon   Allatius    &   quelques    autres   Critiques  met-  ..^}^^Tru*^ 
tent  Alexandre  ,  Moine  Grec  de  1  Ifle  de  Chypre ,  entre  pfg. 

(/)P«^.  J09.  I      (0)  Aliat,  Diatrib,  de  Geor^iis,  fag, 

(m)P.i^.  391.  I41;. 

(»)  Lih.  4. p.  17.  1 

Tome  XXllU  Bb 


IP4  A  L  E  X  A  N  D  R  E  ,  &c. 

les  Ecrivains  dont  le  fiécle  n'efl:  pas  bien  connu  (p)  ;  mais 
on  le  place  communément  dans  le  douzième.  Nous  avons  de 
lui  un  Difcours  en  l'honneur  de  l'Apôtre  faint  Barnabe ,  & 
fur  l'Invention  de  fes  Reliques ,  imprimé  en  grec  &  en  latin 
de  la  traduttion  de  Zinus  dans  le  fécond  Tome  de  Juin  par 
les  Bollandiftes  à  l'onzième  de  ce  mois  (q).  Alexandre  fup- 
pofe  en  un  endroit  que  faint  Paul  alla  à  Jérufalem  aufli-tôc 
après  fa  converfion  ;  cependant  cet  Apôtre  dit  dans  l'Epître 
aux  Galates ,  qu'il  n'y  alla  que  trois  ans  après  pour  voir  faint 
Pierre.  Le  Moine  Alexandre  a  encore  compofé  un  Difcours 
hiftorique  fur  l'Invention  de  la  fainte  Croix  ,  que  Gretzer  a 
fait  imprimer  dans  fon  fécond  Tome  fur  la  Croix  ;  &  le  Père 
Combefis  dans  le  fixiéme  de  la  Bibliothèque  des  Prédica- 
teurs ,  où  il  prétend  que  ce  Difcours  a  été  fait  avant  le  Rè- 
gne de  l'Empereur  Heraclius  :  mais  ce  Difcours  même  four- 
nit des  preuves  qu'il  efl  d'un  fiécle  beaucoup  poftérieur  (r), 
&  que  fon  Auteur  n'étoit  point  au  fait  des  chofes  qu'il  ra- 
conte j  «&  très  -  ignorant  dans  l'Hiftoire  de  l'Eglife.  Nous 
n'en  citerons  qu'un  exemple.  II  dit  que  les  Pères  du  Concile 
de  Nicée  féparerent  de  leur  communion  tous  ceux  qui  de- 
meurèrent attachés  à  l'opinion  d'Arius  &  d'Eufebe  de  Nico- 
médie ,  les  condamnèrent  à  l'exil ,  &  mirent  d'autres  Evê- 
ques  en  leurs  places.  Il  efl  toutefois  certain  que  les  Prélats 

3ui  favorifoient  le  parti  des  Ariens  foufcrivirent  à  la  formule 
e  Nicée  ,  quoique  frauduleufeinent  pour  la  plupart  ;  &  Ton 
ne  voit  nulle  part  que  le  Concile  ait  excommunié  ou  exilé 
ceux  qui  avoient  foufcrit  à  fon  Symbolc(i).  Il  avance  encore 
que  Macaire  ,  Evêque  de  Jérufalem  ,  alla  au  devant  de  l'Im- 
pératrice Hélène  avec  tous  fes  Comprovinciaux  ,  comme  fi 
cet  Evêque  eût  été  dès  -  lors  Métropolitain  ou  Patriarche  , 
dignité  à  laquelle  les  Evêques  de  Jérufalem  ne  furent  élevés 
que  long  -  tems  après.  Alexandre  fe  trompe  également  dans 
la  Chronologie  des  Empereurs  Romains  &  des  Evêques  de 
Jérufalem  :  c'efl  pourquoi  les  Bollandiftes  n'ont  fait  aucun  cas 
de  fon  Homélie  fur  l'Invention  de  la  Croix  ,  quoiqu'ils  aient 
inféré  dans  leur  Recueil  celle  qui  cft  en  l'honneur  de  S.  Bar- 


(,p  )  Allât,  de  Simeon.  Script,  fag.  59. 
OuDiN.  Tarn.  z.  de  Script.  Ecclef.  pag, 
1071. 


pag.  441. 

(r)  BOLLAND.  ad  diem   j,  Miaii,pagi 
366. 


iq)  BoiiAND.  T«»».  2.  /««u,  in  flot,  *     ()■)  Voyi%.Tçm.  4. pag.  57P,  î3fig. 


MANUEL   COMNENE.  Ch.  XII.  195 

nabé,qui  fc  trouve  aufli  dans  la  Bibliothèque  des  Prédicateurs 
par  le  Pcre  Combefis. 

LI.  Manuel  Comnenc  ,  le  plus  jeune  des  deux  fils  de  Manuel Com- 
Jcan  Comnenc ,  cft  mis  au  nombre  des  Auteurs  Ecclédafti-  "®"^* 
ques ,  pour  avoir  pris  à  cœur  &  elTayc  de  terminer  les  diffi- 
cultés qu'il  y  avoit  fur  les  matières  de  Religion  entre  les  deux 
Eglifes  Grecque  &  Latine.  Son  Règne  fut  de  37  ans  5  mois 
6c  16  jours ,  l'ayant  commencé  le  8  Avril  1145  ,  &  fini  le 
24  de  Septembre  11 80.  En  1166  il  envoya  à  Rome  Jour- 
dain (  f  )  ,  fils  de  Robert  ,  Prince  de  Capoue  ,  qu'il  avoic 
honoré  du  titre  de  Sébaftc  ,  offrir  au  Pape  Alexandre  III. 
du  fccours  contre  la  perfécution  injufte  de  l'Empereur  Fri- 
deric.  Jourdain  étoit  chargé  en  même  tems  d'aflurer  le  Pape 
que  Manuel  étoit  dans  le  deffein  de  réunir  l'Eglife  Grecque 
avec  la  Romaine  ,  comme  elle  avoit  été  dans  la  meilleure 
Antiquité  ,  &  de  foumettre  à  l'Eglife  Romaine  ,  non-feule- 
ment Rome  ,  mais  l'Italie  toute  entière.  En  reconnoiflance 
de  tous  ces  ferviccs ,  Manuel  fit  demander  au  Pape  de  lui 
rendre  la  Couronne  Impériale  qui ,  difoit-il ,  lui  appartenoic 
de  droit ,  &  non  pas  à  Frideric ,  Allemand  :  en  conféquence 
le  Pape  Alexandre  III.  jugea  à  propos ,  de  l'avis  des  Car- 
dinaux ,  d'envoyer  à  l'Empereur  Manuel  l'Evêque  d'Oflie  , 
&  le  Cardinal  de  faint  Jean  &  de  faint  Paul  ,  avec  le 
Sébafte  Jourdain.  Cinnam  ,  Auteur  du  tems  (  «  )  >  ^'^  ^'^^ 
quoique  plufieurs  Rois  défapprouvaflent  la  conduite  de  Fri- 
deric envers  le  Pape  Alexandre ,  Manuel  Comnene  fut  le  feul 
qui  employa  fes  tréfors  en  divers  autres  moyens  que  fa  politi- 
que lui  fuggéra  pour  rétablir  Alexandre  III.  fur  le  Trône 
Apoftolique. 

LU.  Le  même  Ecrivain  rapporte  de  longs  fragmens  Lettre  da 
d'une  Lettre  de  Manuel  Comnene  à  l'Empereur  Conrade  ,  Manuel. 
dans  laquelle  il  dit  (x)  que  les  Grecs  &  les  Latins  profel- 
fent  une  même  foi  &  une  même  Religion  :  d'où  il  paroît  que 
ce  Prince  ne  penfoit  pas  que  les  qucftions  agitées  entr'eux 
îbleflafTent  la  fubftance  de  la  foi.  Sa  Lettre  à  Guillaume  (y  ), 
Roi  de  Sicile ,  regarde  les  Grecs  qu'il  détenoit  captifs. 


(  t  )  /!Ba  apttd  Bartn.  ad  au,  1 1 66, 
(«)  CiNNAM,  Lib,  5,  num,  15,  p,  104. 
Hdit,  Venet. 


(  *  )  Idem  ,  hib,  z,  num,  1 9  pt  38, 
ly)  Ibid.f.yZ, 


Bbij 


jp6  HUGUES    ETERIEN. 

Confiitution  LUI.  Au  mois  dc  Mars  de  l'an  1166  (z),  l'Empereur  Com- 
fur  les  Fêtes,  nene  publia  une  Conftitution  touchant  les  Fêtes  auxquelles 
les  Tribunaux  de  Juflice  dévoient  cefTer ,  diftinguant  celles 
du  premier  ordre  ,  où  ils  dévoient  ceiîer  entièrement  ,  & 
celles  du  fécond  ordre  où  Ton  pouvoit  rendre  la  Jullice  de- 
vant &  après  le  Service  divin.  Parmi  les  Fêtes  il  y  en  a  que 
l'Eglife  Latine  ne  célébroit  pas  alors ,  mais  qu'elle  a  reçues 
depuis  ,  fçavoir  la  Préfentation  de  la  fainte  Vierge  le  2 1  de 
Novembre  ,  la  Conception  le  p  de  Décembre  ,  la  Fête  de 
fainte  Anne  le  2  5  de  Juillet ,  la  Transfiguration  de  Notre- 
Seigneur  le  6  d'Août.  Les  Grecs  célébroient  auffi  la  Con- 
ception de  faine  Jean-Baptifte  le  25  de  Septembre,  en  quoi 
ils  n'ont  pas  été  fuivis  par  les  Latins.  On  a  du  même  Em- 
pereur une  Bulle  d'Or  ,  appellce  médicina'e  («)  »  parce 
qu'elle  remédie  aux  plaies  que  l'on  avoit  faites  aux  titres  Se 
aux  droits  des  Eglifes  ,  foit  Epifcopales  ,  foit  Métropoli- 
taines ,  même  à  celles  de  Conflantinople  &  des  Monafle- 
res  :  elle  efl:  de  l'an  1 148.  Sa  Novelle  touchant  les  jours  de 
vacances  pour  les  Tribunaux  {b)  ,  efl  du  mois  dc  Mars 
1 1 66.  Ce  Prince  publia  au  mois  d'Avril  de  la  même  année 
un  Edit  fur  les  homicides  volontaires  (c);  un  autre  dans  le 
même  mois  &  la  même  année  {d)  ,  qui  caffe  &  annulle 
les  Mariages  contra£lés  dans  le  feptiéme  degré  de  paren- 
té ;  &  un  troifiéme  daté  du  mois  de  Mars  (  e  )  auffi  de  la. 
même  année ,  qui  concerne  les  Juges  ,  les  Avocats ,  &  tout  ce 
qui  a  rapport  aux  Jugemens  du  Barreau.  Il  a  été  parlé  ailleurs 
de  la  Légation  de  Théorien  au  Catholique  ou  Patriarche  des 
Arméniens  par  ordre  de  ce  Prince. 

LIV.  Ce  fut  fous  le  Règne  de  Manuel  que  Hugues  Ete- 
rien  compofa  divers  Traités  (/)  ,  aux  inftances  &  avec  le 
fecours  de  Léon  fon  frère  ,  qui  fervoit  d'Interprète  à  ce 
Prince  à  la  Cour  Impériale.  Hugues  éroit  né  en  Tofcane  , 
d'où  il  paffa  à  Conflantinople  ,  attiré  fans  doute  par  Léon 
fon  frère.  Son  premier  Ouvrage  a  pour  titre  :  Du  retour  des 
u4mes  de  r Enfer.  Il  efl  dédié  au  Clergé  de  la  Ville  de  Pife  , 


HuguesEtC' 
lien. 


(t)  Tant.  I.  JutîsGrM.  Roman,  p,  149^ 
^  tom.  i.p.  186. 

(a)  Ut  m  ,  iiiJ,  Tom,  I,  Lit,  1,  ptig. 
149. 

Ç^i)  Uid.  f,  160. 


(  c)  Uid.  p.  Téj. 

(   )    Uid.  p.  if-f. 

{e)  Uid.  Tom.  2.  p.  ï26. 

Q)Tom,  zx,  Biilkt.  Pat,  p.  11 7^* 


HUGUES     ETERIEN.  Ch.  Xlt.  jc,j 

qui  connoiflant  fes  talcns  ,  lavoic  engagé  à  écrire  fur  cette 
matière  ,  &  de  combattre  ceux  qui  doutoient  de  la  vérité 
de  la  réfurre6lion  future  ,  &  trouvoient  mauvais  que  l'on 
offrît  Je  faint  Sacrifice  pour  les  Défunts.  L'cftimc  que  les 
Pifans  faifoicnt  d'Etericn  paroît  bien  clairement  ,  en  ce 
qu'ils  lui  difent  dans  leur  Lettre ,  que  ion  Ouvrage  leur  fera 
auffi  précieux  que  s'il  étoit  de  la  compofition  de  faint  Au- 
guflin. 

LV.  Eterien  crut  qu'il  ne  pouvoir  rien  faire  de  mieux  ,  ,  Analyfe  de 
fur  un  fujet  aufTi  embarraffiint  (g)  ,  que  de  recourir  à  ce [e^f^uY^^fs^ a- 
qu'cn  avoient  dit  S.  Chryfoflôme ,  S.  Ambroife,  S.  Grégoire,  mes  de  l'enfer, 
S.  Jérôme,  S.  Bafile,  S.  Auguftin,  S.  Hippolytc,  S.  Nil  &  quel- 
ques autres  Pères  Grecs  &  Latins,  Il  prit  donc  leurs  penfées,  & 
emprunta  fouvent  leurs  propres  paroles.  Il  rapporte  d'abord 
les  opinions  différentes  touchant  l'origine  &  la  nature  de 
l'ame  (h)  :  fondé  fur  ce  que  nous  lifons  dans  l'Ecriture,  que 
r Homme  efl  fait  à  fimage  de  Dieu ,  il  dit  que  cela  devant  s'en- 
tendre de  fon  ame  ,  elle  efl;  un  efprit  raifonnable  8c  immor- 
tel ,  &  cet  efprit  de  vie  que  Dieu  inlpira  fur  la  face  de 
l'Homme  après  l'avoir  formé  d'argille  ;  qu'elle  efl:  invifible  , 
foie  dans  le  rems  qu'elle  anime  le  corps  ,  foit  quand  elle  le 
quitte  ;  qu'elle  elt  de  Dieu ,  mais  non  pas  de  la  fubflance  de 
Dieu  ,  incorruptible;  que  quoique  fpirituelle  ,  elle  agit  parles 
fens  du  corps  auquel  elle  efl  unie  ;  qu'étant  incorporelle ,  elle 
peut  s'attacher  à  Dieu  ,  comme  lui  étant  femblable ,  à  raifon 
de  fa  nature  qui  efl  fpirituelle. 

LVI.  Il  répond  à  ceux  qui ,  fondés  fur  un  paffage  du  Li- 
vre de  la  Sageffe  (  0  »  prétendoient  que  les  Ames ,  placées 
dans  une  certaine  région  ,  étoient  envoyées  fuivant  leurs 
mérites  pour  animer  des  corps  plus  ou  moins  parfaits  ;  que 
ce  fentiment  efl  contraire  à  ce  que  faint  Paul  dit  d'Efaii  & 
de  Jacob ,  qu'avant  qu'ils  fuffent  nés  &  avant  qu'ils  euffent 
fait  aucun  bien  ni  aucun  mal ,  afin  que  le  décret  de  Dieu 
demeurât  ferme  félon  fon  éledion  éternelle  ,  non  à  caufe  de 
leurs  œuvres  ,  mais  à  caufe  du  choix  de  Dieu ,  il  fut  dit  à 
Rebecca  :  V  aîné  fera  ajfujetti  au  p/us  jeune  ;  que  le  fens  du 
paffage  du  Livre  de  la  Sageffe  n'a  rien  d'oppofé  à  la  dodri- 


(g)nid.Cap.t.  ,  I      {i)lbid. 


ip8  HUGUES    ETERIEN. 

ne  établie  par  faine  Paul  ,  puifque  l'Auteur  reconnoît  que  s'il 
a  été  bon  depuis  fa  naiflance,  fage,  intelligent,  c'a  été  par 
la  grâce  de  Dieu ,  &  que  c'efl  à  elle  qu'il  attribue  fes  progrès 
dans  la  vertu. 

LVII.  Enfuîte  Eterien  combat  le  fentiment  de  ceux  qui 
penfent  que  l'ame  vient  par  la  génération  comme  le  corps , 
&  fait  voir  (  /)  que  le  corps  étant  vicié  avant  que  l'ame  lui 
foit  unie ,  elle  participe  à  cette  corruption  aufli  tôt  après  fon 
union  avec  le  corps ,  &  que  cette  corruption  tirant  fon  prin- 
cipe du  premier  Homme  ,  c'cft  à-dire  de  fa  défobéiflance , 
Eow.  j.  ï9»  plujieurs ,  comme  le  dit  faint  Paul ,  font  devenus  pécheurs  par 
la  défobéîjfance  d'unfeul.  Il  n'importe  que  nous  foyons  en- 
gendrés par  des  parens  en  qui  le  Baptême  a  effacé  le  péché 
originel ,  parce  que  le  foyer  de  la  concupifcence  n'eft  pas 
éteint  par  ce  Sacrement  ;  il  relie  toujours  de  la  paille  parmi 
le  bon  grain ,  &  le  père  n'engendre  pas  fon  fils  félon  qu'il 
a  été  régénéré ,  mais  en  ce  qu'il  a  été  lui-même  engendré 
félon  la  chair.  L'Auteur  convient  qu'il  n'efl  point  aifé  d'ex- 
pliquer {m)  comment  l'ame ,  qui  efl  une  fubftance  fpr  ituelle  , 
eft  unie  au  corps  qui  eft  matériel ,  &  que  tout  ce  que  l'on  en 
peut  dire  ,  c'efl:  qu'elle  eft  dans  le  corps  comme  le  foleif 
dans  l'air  ",  qu'elle  n'eft  dans  le  corps ,  ni  localement  ni  cor- 
porellcment ,  mais  par  fon  adlion  ,  en  l'animant  &  le  gou- 
vernant (»). 

LVni.  Il  prouve  l'immortalité  de  l'Ame  (  o)  par  le  facri- 
ficequeles  Martyrs  &  les  autres  Saints  ont  fait  de  leur  corps, 
perfuadés  que  leur  ame  lui  furvivroit ,  par  les  miracles  qu^'ils 
ont  opérés  après  leur  mort  ,  par  la  vénération  qu'on  a  pour 
leurs  reliques  &  leurs  tombeaux  ,  par  diverfes  vifions  rap- 
portées dans  les  Dialogues  de  faint  Grégoire  (/>)  >  par  les 
qualités  &  les  prérogatives  de  l'ame  ,  par  la  dignité  de  fa 
fubftance  créée  à  l'image  de  Dieu  ,  par  l'éternité  des  récom- 
penfes  ou  des  peines  qui  l'attendent  dans  l'autre  vie  ,  fé- 
lon que  THomme  aura  bien  ou  mal  vécu  en  celle-ci  {q). 
Il  s'étend  fur  ce  dernier  article  (r)  ,  &  traite  des  peines  de 
l'enfer  ,  des  moyens  de  les  éviter  par  la  pénitence  ;  de  l'ufage 


im)Cap.  y.  I     (?;  C»/>.p. 

(w)  Cap.  6.  I      (•")  C<i/.  10.  II.  H.  t^/«f. 

(o)  Cap.  7.  * 


HUGUES   ETERIEN.  Ch.  XIT.  ipp 

&  de  l'utilitc  de  la  pricrc  pour  les  morts  ,  qu'il  autorifc  du 
témoignage  du  Ibcond  Livre  des  Macchabées  &  de  la  prati-  Macch.i,  iz, 
que  de  rEglife. 

LIX.  Il  s'objcfte  que  Jefus-Chrifl: ,  les  Apôtres,  &  leurs 
SucccfTcurs  {s)  ,  n'onc  point  ordonné  de  prier  pour  les 
morts  ;  à  ciuoi  il  répond  que  rEglife  obferve  beaucoup  de 
chofcs  que  Von  peut  regarder  comme  néceflaires  ,  quoiqu'el- 
les ne  foicnt  point  prelcrites  dans  les  Ecritures  faintes ,  & 
que  l'on  ne  pourroit  négliger  i'ans  b  efler  la  foi  annoncée  par 
lEvangi.e.  Il  met  de  ce  nombre  le  figne  de  la  Croix  que 
l'on  fait  iur  le  front ,  l'ufagc  de  fc  tourner  vers  l'Orient  pen- 
dant la  prière  ,  les  paroles  myltiques  pour  la  fandification 
du  pain  de  vie ,  la  bcnédidion  de  l'eau  du  Baptême  ,  &  du 
Chrême  ,  la  triple  immerlion  dans  l'eau  ,  &  quelques  autres 
rits  femblables  ,  qui  nous  font  venus  par  la  Tradition  des  ^i.  î^^^jf.  »■> 
Apôtres  ,  loit  de  vive  voix,  foit  par  écrit,  tel  qu'eft  encore 
la  prière  pour  les  morts.  Il  inveclive  contre  ceux  qui  fe  laif- 
fent  aller  à  des  pleurs  &  à  des  regrets  exceffifs  pour  les  Dé-- 
funts  (  r  )  >  comme  s'ils  ne  dévoient  pas  reffufciter  un  jour  ; 
d'où  il  prend  occafion  d'établir  la  foi  de  la  réfurredion  par 
l'autorité  des  divines  Ecritures ,  &  la  venue  de  l'Ante-Çhrift 
qui  doit  précéder  la  réfurrcdion  générale. 

LX.  Hugues  Etericn  étant  à  Conftantinople  (m)  fut  invité  Traité  de  Hu- 
par  l'Empereur  Manuel  Comnene  à  lui  donner  des  preuves  gués  Eterien 
du  fentiment  de  l'Eglife  Latine  touchant  la  ProcefTion  du  p^^^^on  ju 
Saint-Efprir.  Il  montra  en  préfence  de  ce  Prince  que  les  Pe-  Saint-Erpm. 
res  Grecs  mêmes  ,  comme  faint  Bafile  ,  faint  Athanafe  8c 
faint  Cyrillei«d'Alexandrie  ,  reconnoiflfoient  dans  leurs  Ecrits 
que  le  Saint- Efprit  piocédoit  du  Fils  comme  du  Père.  Il 
apperçut  £ins  beaucoup  de  peine  que  l'Empereur  trouveroit 
bon  qu'il  rendît  publiques  les  preuves  qu'il  lui  avoir  allé- 
guées ,  &  il  y  fut  encore  excité  par  les  Evêques  d'Oilie  ,  de 
Porto  ,  &  par  le  Cardinal  de  faint  Jean  &  de  faint  Paul. 
Hugues  adreffa  fon  Traité  au  Pape  Alexandre  III.  qui  l'en 
remercia  par  une  Lettre,  où  après  avoir  loué  fon  Ouvrage  , 
il  l'exhorte  à  engager  ce  Prince  à  aimer  &  refpeder  l'Eglife 
Romaine  ,  &  à  travailler  à  la  réunion  des  brebis  difperfées  , 


(s)  Crtp.  13.  14.  I        («  )  Tcw.  aa.  B«i/îof.  P;»î.f.  1  jyg» 

(«)e«^.  Ip.  îo.  Î!j  Jeq, 


aoo  HUGUES    ETERIEN. 

afin  que  comme  il  n'y  a  qu'un  Paflieur  ,  il  n'y  ait  auflî  qu'un 

bercail. 

Livrepremler,  LXI.  Ceux  d'entre  les  anciens  Ecrivains  Grecs  (a-)  qui 
ne  penfoient  pas  que  le  Saint-Efprit  procédât  du  Père  &  du 
Fi's  ,  alléguoient  pour  railon  (y  )  ,  qu'il  ne  fe  peut  qu'une 
même  chofe  ait  deux  principes  j  ni  que  deux  principes  pro- 
duilent  une  même  chofe.  Hugues  répond  que  le  Père  &  le 
Fils  ne  font  pas  deux  principes ,  mais  un  feul  &  le  même  , 
ni  deux  chofes  différentes  ,  mais  une  ,  comme  ils  ne  font 
qu'un  feul  &  même  Dieu  ;  qu'ainfi  ce  qui  procède  d'eux  ne 
procède  pas  de  deux  principes ,  mais  d'un  feul,  qui  efl  Dieu. 
Il  rejette  tous  les  exemples  tirés  des  natures  créées  ,  difant 
qu'il  n'y  a  aucune  proportion  entr'elles  &  la  nature  divine  ; 
que  quoique  le  Père  &  le  Fils  foient  deux  pcrfonnes  diflin- 
guées  l'une  de  l'autre  ,  ce  ne  font  néanmoins  qu'une  même 
nature  (z)  ,  conféquemment  qu'un  principe  du  Saint-Efprit. 
Hugues  fe  fert  du  terme  de  caufe ,  pour  marquer  la  procef- 
fion  du  Saint-Efprit  des  deux  premières  Perfonnes  de  la  fainte 
Trinité  :  mais  il  efl  affez  ordinaire  aux  Grecs  de  confondre  les 
termes  de  caufe  ,  d'origine ,  de  principe.  Pour  répondre  aux 
autres  objedions  ,  il  pofe  un  principe  certain  dans  la  Théo- 
logie (  «  )  ,  que  ce  n'efl  pas  en  ce  que  le  Père  eft  diftingué 
du  Fils ,  qu'il  produit  le  Saint-Efprit ,  mais  en  ce  qui  lui  efl: 
commun  avec  le  Fils  ,  c'eft-à-dire  ,  par  la  nature  divine. 
Eterien  dit  à  la  fin  du  premier  Livre  (  ^  ) ,  qu'il  avoii  été 
aidé  de  Léon  fon  frère  ,  Secrétaire  &  Interprète  de  l'Empe- 
reur Comnene ,  mais  qu'étant  parti  pour  l'A  fie  avec  ce  Prin- 
ce ,  il  ne  pourroit  tirer  de  lui  aucun  fecours  pour  les  Livres 
fuivans. 

Livre  fécond.  LXII.  Ce  fut  toutefois  aux  inftances  de  Léon  qu'il  tra-^ 
vailla  au  fécond  &  au  troifiéme  Livre  qui  lui  font  dédiés  (c). 
Hugues  commence  le  fécond  Livre  par  rapporter  les  divers 
fentimens  des  Philofophes ,  dont  les  uns  croyoient  le  Monde 
éternel  ;  les  autres  ,  engendré.  Le  fien  efl:  que  le  Monde 
efl  l'ouvrage  de  Dieu.  Enfui  te  après  avoir  réfuté  les  objec- 
tions ,  ou  plutôt  les  fophifmes  de  Nicétas  de  Byfance  {d)  , 


(x)  Uid.f.ii99^  I      (*)  Cap.  10. 

(^)C«/.  Î.4.  I      (c)Pag.  11.  i^.cap.  1. 

{a)  Cap.  7,  '  » 

de 


HUGUES   ETERIEN.  Ch.  Xir.         201 

de  l'Evèque  de  Methone ,  de  Thcophilaftc  ,  Archevêque  de 
Bulgarie,  &  de  Photius;  il  donne  d après  faint  Chryfoftôme 
&  uint  Cyrille  le  vrai  fcns  des  paflages  dont  ces  Ecri- 
vains abufoicnc  pour  contefler  la  proceffion  du  Saint-Efprit 
du  Fils  comme  du  Pcre.  Il  allègue  auffi  contr'cux  faint  Atha- 
nale  &  S.  Bafile  (e)  ,  qui  enfcignent clairement  que  le  Saint- 
Efprit  procède  du  Pere&  du  Fils. 

LXIII.  Dans  la  Préface  du  troifiéme  Livre  (/),  Hugues  j.^,J;^««  "°'- 
dit  qu'il  le  compofa  aux  dcfirs ,  non- feulement  de  fon  frère , 
mais  aufli  d'un  de  fes  amis  très  -  inftruit  dans  les  beaux  arts  , 
nommé  Calciareda.  Ce  ne  font  dans  les  premiers  Chapitres 
que  des  raifonnemens  fur  l'unité  de  la  nature  de  Dieu  ,  la 
trinité  des  Perfonnes ,  la  génération  du  Fils  &  la  proccfHon 
du  Saint  -  Efprit  :  enfuite  il  rapporte  un  grand  nombre  de 
paflages  de  l'Ecriture  fur  la  même  matière  ;  &  après  avoir 
expliqué  les  termes  dont  les  Grecs  fe  fervent  en  parlant  de 
la  proceflîon  du  Saint-Efprit  (g)  ,  il  fait  voir  qu'ils  recon- 
noifl'ent  comme  les  Latins  que  le  Saint-Efprit  procède  éga- 
lement du  Père  &  du  Fils.  II  s'arrête  particulièrement  à  faint 
Athanafe ,  à  faint  Cyrille  d'Alexandrie  &  à  faint  Epipha- 
ne  ,  &  fait  voir  contre  Nicétas  de  Byfance  ,  que  leur  do- 
ftrine  fur  la  proceflîon  du  Saint-Efprit  efi:  la  même  que  celle 
de  faint  Grégoire  le  Grand ,  &  des  autres  Pères  de  l'Eglife 
Latine.  Il  remarque  en  paflant  que  les  Grecs  n'ayoient  pas 
traduit  fidèlement  l'endroit  où  ce  faint  Pape  a  parlé  de  la 
proceflion  du  Saint-Efprit  (A). 


{e)  Cap.  10.  I       (^)  Cap.  zo.^/ej. 

iJ)Caf.i.^feq.  \      (*)C<»^^^. 


TomeXXllî.  Ce 


262  GAUTHIER   DE    MAURITANIE, 

CHAPITRE     XIII. 

Gauthier  de  Mauritanie  ,  ou  de  Mortagne ,  Evêque 

de  Laon, 

Gauthier  Je  I.  T  L  cnfeigna  avec  réputation  la  Rhétorique  au  Mont  de 
Hv^^qurdè  A  Sainte  Geneviève  à  Paris  ,  depuis  l'an  1136  jufqu'en 
Laon.  114ÎJ  (i);  Jean  de  Sarifljcri  fut  un  de  fes  Ecoliers  :  en^ 

fuite  il  profefla  la  Philofophie,  puis  la  Théologie  en  la  même 
Ville.  Duboulai  parle  de  les  Lettres  &  de  fes  Traite^  dans 
THiftoire  du  quatrième  ficelé  de  l'Univerfité  de  Paris.  Il  pa- 
roît  que  Gauthier  tint  aufii  les  Ecoles  de  Laon.  Après  avoir 
été  Chanoine  de  la  Cathédrale^il  en  fut  fait  Doyen  ,  &  cn- 
fuite  Evêque ,  l'an  1155,3  la  mort  d'un  autre  Gauthier  fon 
Prédécefleur  :  en  11 59  il  fut  prcfent  à  l'accommodement 
qui  fe  fit  entre  Odon ,  Abbé  de  Saint-Denis  ,  &  Hugues  ^ 
Comte  de  Rociac  ,  &  en  1 163  au  Concile  de  Tours.  Il  mou- 
rut l'an  II 74,  &  fut  enterré  dans  l'Eglife  de  Saint  Martin. 
Son  Epitaphe  efl:  rapportée  dans  le  neuvième  Tome  de  la 
Gaule  Chrétienne  (/). 
Ses  Lettres.  II.  Scs  Lettres  ont  été  recueillies  {m)  par  Dom  Luc  d'A- 
chcri  ,  &  imprimées  dans  le  fécond  Tome  du  Spicilege  : 
elles  fe  trouvent  audi  dans  l'Hiftoire  de  l'Univerfité  de  Pa- 
ris ,  par  Duboulai  fur  l'an  1120;  la  première  eft  adreffée  à 
un  Moine  nommé  Guillaume  (  «  )  5  qui  ne  croyoit  pas  que 
les  enfans  baptifés  avant  Tâge  de  difcrétion  par  les  Héréti- 
ques, reçuffent  la  grâce  du  Baptême.  Gauthier  prouve  que  la 
qualité  du  Miniftre  n'influe  pas  dans  l'effet  du  Baptême ,  par- 
ée que  c'eft  Dieu  ,  c'efl:  Jefus-Chrifl:  qui  baptife  ,  qui  confir- 
me ,  qui  opère  la  grâce  de  l'un  &  de  l'autre  Sacrement.  Il  allè- 
gue fur  cela  l'exemple  de  Judas ,  qui  ayant  reçu  comme  les 
autres  Apôtres  la  grâce  des  miracles ,  de  lier  &  de  délier  , 
n'en  fut  pas  privé  tandis  qu'il  demeura  avec  le  Seigneur  , 

(  i  )  Gallici  ChriftiM»  um.  9.  f .  5  }?•       |      (  "»  )  Tcm.  z.  Sjiieil.  p.  45$». 
(,l)Uid.  1     {"yEpiJi'i. 


EVESQUE  DE  LA.ON.  Ch.  XTIT.  20; 

quoique  dans  Ion  cœur  il  l'eût  dcja  trahi  ;  de  Caïphc  ,  qui 
prophétifa  par  le  privilège  attaché  à  fa  dignité  de  Pontife  , 
quoiqu'il  en  fut  indigne  ;  des  Scribes  8c  des  Pharifiens  ,  k 
qui  leurs  mauvaifes  mœurs  n'ôtercnt  pas  le  pouvoir  que  leur 
donnoit  le  droit  de  s'afleoir  fur  la  Chaire  de  Moyfe  ;  enfin 
l'autorité  de  faint  Auguftin ,  du  Pape  Nicolas  I.  qui  ont  re- 
connu pour  bon  tout  Jiaptême  donné  au  nom  de  la  iaintc  Tri- 
nité ,  eût-il  été  conféré  par  un  adultère  ,  un  homicide ,  un 
payen  même. 

III.  Dans  la  féconde  (  0  )  Gauthier  traite  du  myftere  de 
l'Incarnation  ,  à  l'occafion  d'une  propofition  qu'il  avoir  avan- 
cée ,  où  il  difoit  que  l'Homme  pris  par  le  Verbe  efl:  Dieu.  II 
fait  entendre  que  de  femblables  propofitions  ,  qui  font  affez 
ordinaires  ,  ne  lignifient  autre  chofe ,  finon  que  l'Homme  , 
c'eft-à-dire ,  le  corps  &  l'ame  auxquels  le  Verbe  s'efl:  uni , 
eft  Dieu  ,  parce  que  l'union  des  deux  natures ,  de  l'humani- 
té &  de  la  divinité  ,  s'eft  faite  en  une  feule  Perfonne  qui  efl: 
Dieu  ;  mais  il  ajoute  que  cette  union  s'étant  faite  fans  le  mé- 
lange ni  la  confufion  des  deux  natures  ,  on  ne  peut  dire  fc- 
parément  que  la  nature  humaine  eft  Dieu ,  ni  que  la  nature 
divine  eft  Homme  ,  l'une  de  ces  deux  natures  ne  pouvant 
être  changée  en  l'autre  ;  au  lieu  qu'on  dit  bien  en  vertu  de 
l'union  perfonnelle  des  deux  natures,  Jefus-Chrift  a  toujours 
été  ;  il  eft  é-ernel  ;  ce  qui  ne  fignifie  pas  que  le  Fils  de  Dieu 
ait  toujours  été  Homme,  mais  que  celui  qui  s'eft  fait  Homme 
dans  le  tems,  a  toujours  été. 

IV.  Par  la  troifiéme  Lettre  (p)  Gauthier  réfute  le  fenti- 
ment  d'un  Do£l:eur  nommé  Thierry ,  qui  afl'uroit  que  Dieu 
étoit  par-tout  par  fa  puiffance  ,  mais  non  par  fon  eftence.  Il 
montre  que  cette  propofition  fe  détruit  d'elle-même  ,  puif- 
que  Dieu  ne  pourroit  exercer  fa  puiflance  par-tout ,  s'il  n'é- 
toit  par-tout  eflentiellement.  Dira-t-on  d'un  Roi  puifTant  , 
qu'il  eft  par -tout  fon  Royaume  ,  parce  que  fa  volonté  eft 
exécutée  dans  toutes  les  Villes  de  fes  Etats  ?  D'ailleurs  l'cf- 
fence  divine  eft  incirconfcriptible ,  &:  ne  peut  être  dans  un 
lieu  plutôt  qu'en  un  autre  ;  elle  eft  par-tout  dans  le  ciel  &  fur 
la  terre. 

V.  Un  autre  Do£teur  appelle  Alberic  avoir  avancé  que 


Ccij 


a04  GAUTHIER  DE  MAURITANIE  ; 

Jefus-Chrift  n''avoit  en  aucune  manière  (q)  appréhendé  la 
mort ,  &  qu'au  moment  de  fa  Paflion  il  n'avoit  refTenti  au- 
cun trouble  ni  trifteffe.  Gauthier  montre  d'abord  que  Jefus- 
Chrift  s'ctoit  affujetti  à  toutes  les  infirmités  de  la  nature  hu- 
maine ,  excepté  le  péché  :  enfuite  il  rapporte  les  pafTages  de 
l'Evangile  où  le  Sauveur  lui-même  nous  apprend  que  fon 
Ame  fut  agitée  de  trouble  à  !a  réfurreftion  de  Lazare  ;  qu'aux 
joari,ii.i7'  approches  de  fa  Paiïlon  il  commença  à  s'attrifler  ,  que  fon 
Mm.  ié.  i7' Ame  fut  trifte  jufqu'à  la  mort  ,  &  que  la  frayeur  qu'il  en 
Marc  14      avoit  lui  fit  demander  à  fon  Père  de  l'en  délivrer  ,  s'il  étoit 
*  poiïible.  Aux  témoignages  de  l'Ecriture  Gauthier  ajoute  ceux 
des  Pères  de  l'Eglife ,  qui  enfeignent  unanimement  que  Je- 
fus-Chrifl:  a  craint  la  mort ,  &  que  les  fentimens  de  trouble 
&  de  trifteffe  ont  eu  lieu  en  lui  comme  en  nous  ,  avec  cette 
différence  qu'il  étoit  le  maître  de  ne  les  pas  reffentir ,  &  qu'ils 
dépendoient  de  fa  volonté ,  au  lieu  qu'ils  font  une  fuite  de 
la  corruption  de  notre  nature.  Il  cite  quelques  Pères  qui 
femblent  avoir  dit  que  Jefus-Chrift  ne  craignoit  pas  la  mort, 
&  pour  les  concilier  avec  ceux  qui  difent  nettement  qu'il  l'a- 
voit  appréhendée  ,  il  diftingue  entre  une  crainte  excefîîve 
&  une  crainte  modérée  ,  telle  qu'en  eut  le  Prophète  Elie  à 
l'égard  de  Jezabel  donc  il  craignoit  la  cruauté,  &  telle  qu'a- 
voit  faint  Paul  d'être  livré  aux  Juifs.  C'efl  cette  crainte  mo- 
dérée qu'avoit  Jefus-Chrift.  II  n'eut ,  ni  une  crainte  excef- 
five  de  la  mort ,  ni  des  agitations  ,  ni  des  triftefles  véhé- 
mentes. 

VI.  La  cinquième  Lettre  (r)  efl;  adreflee  à  Pierre  Abail- 
lard ,  à  qui  Gauthier  fe  plaint  de  quelques  difcours  que  fes 
Difciples  répandoient  dans  le  Public  -,  qu'ils  difoient  entr'au- 
tres  que  Pierre  leur  Maître  étoit  fi  fubtil ,  qu'il  connoiiToit 
parfaitement  comment  l'effence  divine  étoit  une  en  trois  Per- 
Tonnes,  comment  le  Fils  étoit  engendré  du  Pcre,  &  com- 
ment le  Saint-Efprit  procédoit  du  Père  &  du  Fils.  Gauthier 
avoit  peine  d'ajouter  foi  à  ces  difcours  ,  parce  qu'il  arrive 
fouvent  que  les  Difciples  prenant  mal  les  fentimens  de  leurs 
Maîtres ,  s'en  éloignent  ou  par  ignorance ,  ou  en  voulant 
donner  dans  des  nouveautés  ,  &  toutefois  s'appuyer  ea 
cela  de  l'autorité  de  ceux  dont  ils  ont  pris  les  leçons  :  ce- 


(i)E^ifi.  4.  (0  £/<;/».  î' 


EVESQUE  DE  LAON.  Ch.  XÎIT.        ^  205 

pendant  étant  tombé  fur  la  première  partie  d'un  Traité  d'A- 
baillard ,  intitulé  :  Livre  de  Théologie  ,  il  y  remarque  que  ce 
Dotleur  promettoit  d'cxpofcr  dans  une  autre  partie  de  ce 
Traité  la  manière  dont  le  Fils  cft  engendré  du  Père  ,  &  dont 
le  Saint-Efprit  procède  des  deux  ;  qu'il  y  difoit  encore  que 
dans  une  Incrodu£lion  à  l'intelligence  des  divines  Ecritures 
il  fuivoit  plutôt  fes  opinions  particulières  ,  que  la  vérité  du 
texte.  Abaillard  y  enfcignoit  aulfi  que  la  puiflance  du  Père 
étoit  la  plus  grande  ,  &  celle  du  Fils  la  moindre.  Ce  font-là 
les  erreurs  que  Gauthier  réfute  dans  cette  Lettre.  Il  deman- 
de à  Abaillard  s'il  eft  arrivé  à  aucun  Interprète  Catholique 
de  propofer  fes  opinions  particulières  au  lieu  de  la  vérité  ? 
Il  lui  fait  voir  par  l'autorité  de  l'Ecriture  ,  que  l'on  ne  peut  han.  10. 50. 
fans  témérité  enfeigner  que  la  toute  -  puiflance  du  Père  eft  ^^'''P-  '•  ^'  ' 
plus  grande  que  celle  du  Fils ,  puifque  le  Fils  eft  égal  à  fon 
Père  ,  &  un  avec  lui.  Il  fait  pafler  pour  une  fotte  vanité , 
même  pour  folie  ,  dont  il  a  peine  de  le  croire  coupable  , 
qu'un  fiomme  en  cette  vie  puifle  fe  flatter  de  connoître  par- 
faitement le  myftere  de  la  fainte  Trinité:  ^ui  pourra,  dit  le  ij-„^  j,,  g. 
Prophète  ,  en  parlant  de  la  génération  du  Verbe ,  la  racon- 
ter >  N'eft-il  pas  dit  dans  l'Evangile  ,  que  perfonne  ne  con- Mm.  n,  17. 
nott  le  Père  ,finon  le  Fils  ,  &  celui  à  qui  il  voudra  bien  le  ré- 
véler ? 

Vil.  La  fixiéme  Lettre  de  Gauthier  (j)  eft  une  réponfe 
à  Hugues  de  Saint  Victor  ,  qui  lui  avoir  adreflTé  fon  Traité 
de  l'Ame  de  Jefus-Chrift.  Hugues  y  difoit  que  l'Ame  de 
Jefus-(-hrift  avoit  une  fcience  égale  à  celle  de  la  nature  di- 
vine. Gauthier  le  reprend  en  ami  &  avec  politeflTe  du  peu 
d'exa£litude  de  cette  propofition ,  &  diftinguant  dans  Jefus- 
Chrift  les  l'deux  natures ,  il  dit  qu'étant  félon  fa  nature  di- 
vine égal  à  fon  Père  ,  il  a  félon  la  même  nature  tout  ce  que 
le  Père  a  lui  -  même  ,  &  conféquemment  la  plénitude  de  la 
fcience  ;  mais  qu'étant  moindre  que  le  Perc  félon  la  nature 
humaine  ,  il  a  aufll  une  fcience  inférieure  à  la  Tienne.  Cette 
Lettre  ne  fe  lit  pas  à  la  fuite  des  autres  dans  le  Spicilege , 
parce  qu'elle  avoit  été  imprimée  dans  les  Notes  de  Dom 
Mathoud  fur  Robert  Pullus,  page  332  (f  )  :  au  lieu  de  Gau- 
thier on  y  lit  Guillaume ,  ce  qui  vient  de  ce  que  fon  nom  n'é- 


(  !  )  Epifl,  6,  Not.  ad  Kobtrt.  Pullum  ,    |      (  t  )  Tetn.  2 ,  p.  f  4. 


2o6  PIERRE  DE    BLOIS^ 

toit  marqué  dans  le  manufcrit  que  par  la  lettre  initiale  de  fort 
nom  G.  Duboulai  fait  la  même  faute  dans  l'Hifloire  de  l'Aca- 
démie de  Paris ,  fur  l'an  1 1 20 ,  tom.  2.  p.  64. 
Donation  de  VIII.  Le  Hom  entier  de  Gauthier  de  Mauritanie  ou  de 
Gauthier.  Mortagne  («)  fe  trouve  dans  un  Ade  de  donation  qu'il  fit 
en  1 1  52  à  l'Eglife  de  Prémontré.  Il  en  eft  parlé  dans  le  Ca- 
talogue des  Doyens  de  la  Cathédrale  de  Laon  ,  à  la  fuite  des 
Ouvrages  de  Guibert  de  Nogent  :  les  Lettres  de  Gauthier 
font  écrites  avec  élégance ,  les  raifonnemens  en  font  folides 
&  propofés  avec  beaucoup  de  netteté. 

CHAPITRE      XIV. 

Pierre  de  Blois ,  Archidiacre  de  Batk  en  Angleterre, 

Pierre  de  I.  "T)  lerre  furnommé  de  Blois  (  a-  )  ,  du  lieu  de  fa  naiflan- 
^l?"'  .„  JL     ce ,  fe  diftingua  dans  le  Monde  &  dans  l'Eglife  par 

Sa  naillance.  r        r  •      r.     r  t-xv  ,.1   r  ^  1        »         v 

Ses  études,    lon  içavoir  &  la  vertu.  Des  qu  il  tut  en  âge  de  s  appliquer, 
il  alla  à  Paris  fe  former  dans  les  Arts  libéraux  &  dans  les 
Belles-Lettres.  Il  fe  trouva  du  goût  pour  la  Poéfie ,  mais  il 
abufa  de  fon  talent  à  cet  égard ,  l'employant  à  compofer  des 
Chanfons  amoureufes.  Dieu  par  fa  grâce  le  tira  de  ce  piège; 
Pierre  lui  en  rendit  grâces  dans  une  de  fes  Lettres  (^).  Il 
réulTit  aulTi  dans  l'art  Oratoire  &  dans  la  Jurifprudence  :  c'efl 
pourquoi  étant  à  Boulogne  il  faifoit  fouvent ,  à  la  prière  de 
fes  Difciples  (z),  des  Difcours  d'éloquence  en  préfence  des 
jeunes  Jurifconfultes.  Ils  s'appliqua  encore  à  la  Médecine  & 
aux  Mathématiques  [a). 
Il s'appi'quf  à     II.  De  Boulogne  il  retourna  à  Paris  (&),  où  renonçant 
la  Théologie,  p^^^  toujours  aux  beaux  Arts ,  il  fit  fon  unique  étude  de  la 
Théologie.  Avec  un  efprit  excellent  il  devint  en  peu  d'années 
un  des  bons  Théologiens  de  fon  tems.  On  voit  par  fes  Ecrits 
qu'il  avoit  fait  de  grands  progrès  dans  l'étude  de  l'Ecriture 
fainte.  Sans  tirer  vanité  de  fes  talens ,  mais  uniquement  pour 


(«)    AdfifiemOper.Guib.f.ilp,  1      {x.)  Epift.  2..  6.^  8, 

\x)  VitaadCaf.  Op.  I       (a)   UiJ. 

(_y)  Epifl.y6.  \      {l  )  Vita  Pétri 


ARCHIDIACRE  DE  BATH.  Ch.  XIV.  207 
en  donner  une  preuve (c) ,  il  dit  qu'il  lui  écoic  arrivé  en  pré- 
ience  de  pluficurs  pcrlbnncs,  nommément  de  l'Archevêque 
de  Cnncorberi ,  de  didler  en  même  tems  trois  Lettres  lur  di- 
verlls  matières  à  trois  Scribes  difîérens ,  &  qui  écrivoicnt  avec 
célérité.  '  '\^  ' 

III.  Pierre  eut  pour  Maître  Jean  de  Sarifbcri  {â)  ,  Do-     Il  va  en  Si- 
fleur  célèbre  ,  depuis  Evêque  de  Chartres.  Apres  ion  cours "'^' 
d'étude  il  fut  envoyé  en  Sicile  par  Rotrou  ,  Archevêque  de 
Koucn  ,  oncle  de  la  Reine  Marguerite  ,  vers  l'an  1 167.  Le 
jeune  Roi  Guillaume  II.  avoir  eu  jufquos-là  pour  Précep- 
teur  Gauthier  ,  qui  fut  enfuicc  Archevêque    de   Palerme. 
Pierre  de  Blois  lui  fuccéda  dans  le  foin  des  études  de  ce 
Prince  ,  &  fut  en  même  tems  charge  de  fon  fceau  ;  ce  qui 
lui  donnoit  le  fécond   rang  après  le  Chancelier  Etienne  , 
fils  du  Comte  de  Perche  ,  avec  qui  il  étoit  venu  en  Sicile. 
Un  pofte  11  avantageux  excita  la  jaloufie  de  quelqu'es  Cour- 
tifans,  qui,  pour  éloigner  Pierre  de  Blois,  le  firent  élire 
Archevêque  de  Naples.  Il  refufa  cette  dignité  ,  &  voyant 
les  fréquentes  conjurations  contre  le  Chancelier  Etienne  y 
il  fortit  comme  lui  de  Sicile  ,  la  même  année  que  Catane 
fut  renverfée  par  un  tremblement  de  terre  ,  c'eft-à  dire  en 
116^. 

IV.  A  peine  étoir-il  de  retour  en^Francc,  que  Henri  II.  n  retourne  en 
Roi  d'Angleterre  {e)  l'appella  à  fa  Cour  pour  le  renvoyer  AngT/tS'" 
à  celle  de  France  négocier  des  affaires  importantes.  Il  de- 
meura à  la  Cour  de  Henri  H.  jufqu'à  ce  que  par  le  dcfir 
d'une  vie  plus  tranquille  il  fe  retira  auprès  de  Richard  , 
Archevêque  de  Cantorberi,  qui  fe  fervitde  lui  pour  ména- 
ger les  affaires  de  l'Eglife  avec  le  Roi  Henri  II.  Après  la 
mort  de  ce  Prince  ,  Eléonore ,  Reine  d'Angleterre  ,  voulut 
avoir  auprès  d'elle  Pierre  de  Blois  pour  lui  fervir  de  Se- 
crétaire. Nous  avons  encore  plufieurs  Lettres  de  lui  au  nom  de 
cette  Princeffe.  Sa  grande  probité ,  &  fon  intelligence  dans 
le  maniement  des  affaires ,  lui  procurèrent  une  Légation  en 
1176  vers  le  Pape  Alexandre  III.  de  la  part  de  l'Arche- 
vêque Richard  ,  &  une  autre  en  1178  vers  le  Pape  Ur- 
bain III. 

V.  Après  avoir  refufé  l'Evêché  de  Naples  il  refufa  auffi   iirefuferE- 

_       véché  de  Ro- 

"  "  chïfter. 

(.e)Epift.92.  t     (e)  VitiiPttri. 

{d)Vtt»P,tri.  l 


2oS  PIERRE    DE    BLOIS, 

celui  de  Rochefter  ,  content  de  FArchidiaconé  de  Bath,  qui 
lui  fut  même  enlevé  par  la  fadion  de  fes  envieux.   On  lui 
donna  celui  de  Londres  ,  plus  honorable  que  riche  ;  enforte 
que  ne  pouvant  le  pofleder  avec  décence ,  il  fut  obligé  d'é- 
crire au  Pape  Innocent  III.  pour  lui  demander  une  aug- 
mentation de  revenus  pour  vivre  plus  honorablement  (/). 
On  ne  fçait  pas  fi  le  Pape  eut  égard  à  fes  prières  ;  mais  il 
il  eft  certain  que   Pierre  de  Blois  mourut  pauvre  ,  &  que 
n'ayant  pu  retourner  en  France  (^  ) ,  il  pria  Odon ,  Evêque 
de  Paris  ,  de  lui  procurer  du  moins  la  fépulturc  dans  fon 
pays. 
Sa  mort  vers      VI.  Il  mourut  en  Angleterre  vers  l'an  1 200  ,  fi  l'on  en 
laniioe.      ^^^-^^  j^^  Hiftoriens  Anglois  ,  &  cette  époque  peut  fe  con- 
firmer par  la  dernière  de  fes  Lettres  ,  qui  eft  de  l'an  1  ipp 
ou  environ.  Pierre  de  Blois  fe  fit  eftimer  ,  non  -  feulement 
dans  fon  pays  natal  ,  mais  auflS  des  étrangers.  On  loua  en 
lui  la  régularité  de  fes  mœurs  (h)  ,  fon  zèle  contre  les  dé- 
fordres ,  qu'il  ne  fouffroit  ni  dans  fes  amis ,  ni  dans  les  Prin- 
ces auxquels  il  étoit  attaché  ,  &  fa  liberté  à  avertir  les  Evêques 
mêmes  de  leurs  devoirs. 
Ecrits  de  Pier-      VII.  Il  nous  refte  de  lui  cent  quatre-vingt-trois  Lettres  , 
rc  de  Blois.    ^^^^^  j^  celles  qu'il  écrivit  en  fon  nom  (  i  )  ,  que  de  la  part 
des  Princes  ,  Princefles  ,  Evêques  ,  &  de  quelques  autres 
perfonnes  de  la  première  condition.  La  première  à  Henri 
II.  Roi  d'Angleterre  (/)  ,  tient  lieu  de  Préface  au  Recueil 
de  fes  Lettres ,  que  ce  Prince  lui  avoir  ordonné  de  rendre 
public.  Il  en  excufe  le  ftyle  ,  difant  qu'il  l'auroit  rendu  plus 
poli  &  plus  exa£t ,  s'il  eût  prévu  qu'elles  dufi"ent  être  mifes 
au  grand  jour.  Dans  une  autre  Lettre  (m)  il  confole  ce 
Prince  fur  la  mort  de  fon  fils  ;  &  pour  arrêter  les  pleurs  que 
cette  mort  lui  faifoit  verfer ,  il  lui  repréfente  les  fentimens 
de  pénitence  &  de  piété  dans  lefquels  ce  jeune  Prince  étoit 
paffé  de  cette  vie  à  l'autre.  Il  fait  voir  à  un  Homme  de  con- 
dition (  «  )  ,  qui  reprochoit  à  fon  Chapelain  la  bafleffe  de 
fa  naiffance ,  que  l'on  doit  plus  eftimer  la  pauvreté  dont  Je- 
fus-Chrift  a  fait  un  fi  grand  cas ,  que  la  nobleffe  d'une  naif- 


(/)  Epifl.  i^i.  I  (i)EJit.  Parif.  an.  1667. 

(g)Epip.i66.  '  {t)Epift.j. 

(b)  Nicot.  Harpfïid.  Uifl.  Angl.  (ap.  j  (m)  Epifl.  1. 

IP.  •  (»)  Epifl.  j. 


fance , 


ARCHIDTACRE  DE  BATH.  Ch.  XIV.  20^ 
Tance,  louvent  imortainc,  tel  fc  croyant  fils  d'un  Prince, 
qui  Tell  d'un  Comédien  ;  iur-tout  lorf-iue  la  fplcndeur  de 
la  naifrancc  n'eft  poini  accompagnée  du  luftre  de  la  vertu. 

VIII.  Sa  Lettre  ju  Prieur  de  Cîtcaux  cil  fur  les  avan- 
tages de  la  vie  Re'igieufe  (0)  ;  Pierre  y  gémit  de  fe  voir 
obligé  de  demeurer  dans  le  liécle,  &  cite  ion  Livre  intitulé: 
Des  pr'jlh^es  de  la  Fortune.  Il  fit  part  à  Richard  ,  Succeflcur 
de  l'aine  îliomas  dans  le  Siège  de  Canrorberi  ,(  />  )  ,  des 
plaintes  du  Peuple  &  du  Roi  Hvnri  II.  contre  lui  ;  &  comme 
ces  plainres  étoienc  fondées  fur  les  défauts  de  la  conduite  , 
il  lui  reproche  de  s'applicjuer  plus  aux  affaires  temporelles , 
qu'aux  fpiritueiks  ,  c'eft-à-dire  ,  au  gouvernement  de  (on 
Diocèfe.  Cet  Archevêque  avoir  toutefois  dans  fa  maifon  des 
Clercs  trèsfçavans  &  très-iudicieux  ,  toujours  occupes  à  la 
letlure  &  à  décider  les  caulcs  &  les  difficultés  que  l'on  por- 
toit  devant  eux  de  tout  le  Royaume  [q).  Ils  s'aflembloient 
pour  juger  dans  un  Auditoire  commun  ,  où  Pierre  fe  trou- 
voit  auUi  avec  quelques  autres  de  la  Cour  Epifcopale.  Il  fe 
fert  de  1  avantage  qui  en  revenoit  au  Public  ,  pour  réprimer 
l'infolence  d'un  Maître  d'Ecole  qui  répandoit  des  invedives 
contre  les  Clercs  ,  l'exhorte  à  adorer  d'autres  Dieux  que 
Ciceron  ,  Lucain  &  Perfe  ,  &  à  facrifier  du  moins  les  lies  de 
fa  vieilleffe  au  Très-Haur,  Il  s' efforça  d'en  détourner  un  au- 
tre (  r  )  ,  qui  de  fubtil  difputeur  étoit  devenu  grand  bu- 
veur par  l'amour  excelTif  du  vin  ,  &  lui  écrivit  à  cette  occa- 
fion  tout  ce  que  les  Livres  faints  ont  de  plus  fort  contre  l'y- 
vrognerie. 

IX.  Pierre  croyoit  qu'il  étoit  permis  dans  des  Difcours 
de  piété  (  j  )  de  faire  quelquefois  ufage  des  Sentences  des 
Philofophes  &  des  Jurilconfultes  ;  il  paroît  même  qu'il  l'a- 
voit  fait  en  prêchant  dans  le  Chapitre  à  des  Moines  d'une 
Abbaye  qu'il  ne  nomme  pas.  Il  étoit  ennemi  déclaré  de  l'oi- 
fiveté  :  c'eft  pourquoi  il  blâmoit  un  de  fes  Difciples  qui  après 
avoir  achevé  Ion  cours  des  Arts  libéraux  (t)  ,  penfoit  à  de- 
meurer deux  ans  fans  rien  faire  ,  avant  d'étudier  en  Théo- 
logie. Il  écrivit  à  Gauthier  ,  Chapebin  du  Roi  de  Sicile , 
pour  fe  plaindre  de  ce  que  ce  Prince  («)  à  la  perfuafion  de 


(o)Ep;/?.  4.  (s)Epift.S. 

(p)Ep</î.  î.  (t)Epijl.9. 

il)E!>ip.6.  {h)  Epift.  10. 

(  r  )  Epijt.  7. 

Tome  XXIIL  D  d 


110  PIERRE   DE   BLO'IS, 

Robert  ,  Comte  de  Corocelle  ,  vouloit  nommer  Evêque  de 
Gcrgenti  le  frère  de  ce  Comte ,  homme  incapable ,  &  mal- 
gré la  rcfiflance  du  Chapitre.  Il  fe  plaint  encore  que  le  Roi 
avoit  donné  fa  confiance  à  deux  de  fes  domeftiques ,  gens  fans 
cfprit  &  fans  naiffance ,  plutôt  qu'à  Romuald  ,  Archevêque 
de  Salcrne. 

X,  Il  écrivit  à  un  de  fes  amis  (^)  ,  qui  avoit  fait  un  vœu 
folemnel  de  fe  faire  Religieux  ,  de  fatisfaire  à  fa  promcffe, 
s'il  ne  vouloit  s'expofer  à  la  perte  de  fon  falut ,  qu'il  ne  de- 
voit  écouter  là-deiïus  ni  fes  parens  ni  fes  amis  qui  effayoient 
de  le  détourner  de  l'accompliffement  de  fon  vœu  ,  ni  la  ré- 
pugnance qu'il  fe  fentoit  pour  les  auftcrités  de  la  Religion. 
Son  neveu  s'affligeoit  extrêmement  de  la  mort  d'un  de  fes 
oncles  ,  de  l'incendie  de  fa  maifon  ,  d'un  accident  fâcheux 
qui  lui  étoit  arrivé  à  lui-même  (y).  Pierre,  pour  le  confoler 
fur  tous  ces  fujets  de  trifteffe ,  fait  voir  que  les  affligions  font 
des  marques  de  l'amour  de  Dieu  envers  nous  ;  que  nous  ne 
devons  pas  pleurer  ceux  qui  ont  pafTé  leur  vie  dans  la  piété 
&  l'innocence ,  puifque  la  mort  leur  ouvre  un  paflage  à  une 
meilleure  vie.  Il  reprend  vivement  un  Moine  Novice  qui  vou- 
loit aller  demeurer  dans  un  Prieuré  (z)  fous  le  prétexte  d'y 
gagner  plufieurs  âmes  à  Dieu  par  fes  difcours.  «  Vous  vou- 
3j  lez  ,  lui  dit-il,  commander  avant  que  d'avoir  obéi:  c'efl: 
3>  renverfer  l'ordre.  Avant  que  d'enfeigner  les  autres  ,  il  efl 
»  expédient  que  vous  receviez  vous-même  des  leçons.  Entré 
i>  une  fois  dans  le  Cloître  ,  vous  avez  fermé  la  porte  fur 
»  vous  5  &  vous  vous  êtes  attaché  par  les  liens  de  Jefus- 
/)  Chrid  ;  vous  ne  fauriez  avoir  une  plus  grande  liberté  qu'en 
»  fervant  de  cœur  celui  dont  il  e(l  dit ,  que  de  lefervir ,  c^eji 
"  régner.  Le  defir  que  vous  avez  de  forrir  du  Cloître  pour 
î>  aller  prêcher  les  autres  ,  eft  une  illufion  du  fiécle  :  appre- 
»  nez  auparavant  ce  qu^il  faut  que  vous  enfcigniez  :  votre 
>i  état  préfent  efl;  de  gémir  ;  on  ne  vous  a  pas  encore  confié  le 
»  foin  d'enfeigner. 

XI.  Erant  à  la  Cour  du  Roi  Henri  II  (  a  ) ,  il  trouvoit  du 
plaifir  &  de  la  confolation  dans  les  entretiens  des  Chape- 
lains de  ce  Prince  ;  mais  ion  cœur  s'y  livroit  à  l'ambition  & 
à  l'amour  des  richeflTes  j  ne  penlatit  que  peu  à  ce  qu'il  dévoie 

W  Epifi.  11,  l    (a)  £py?.  14. 


ARCHIDIACRE  DE  BATH.  Ch.  XIV.  211 
à  Dieu  &  à  l'Eglirc.  Il  tomba  malade;  réduit  à  l'extrémité, 
il  ouvrit  les  yeux  fur  les  dangers  de  la  Cour  pour  un  Clerc 

3ui  vouloit  manier  les  allaires  &  gagner  les  bonnes  grâces 
u  Roi  ;  &  failant  rcHexion  que  Dieu  ne  l'avoit  conduit  à 
la  porte  du  tombeau  que  pour  le  rappelJer  à  lui  ,  «Se  le  faire 
rentrer  dans  les  voies  de  la  vertu  ,  il  quitta  la  Cour.  Pour 
engager  les  Chapelains  qui  y  ctoient  reftés  depuis  fa  fortie , 
à  s'en  retirer  aufli  ,  il  leur  fait  une  peinture  très  -  vive  des 
vains  prétextes  des  Clercs  qui  fe  procurent  des  places  dans 
les  Cours  des  Princes  ,  &  des  dangers  auxquels  ils  y  font 
continuellement  expofcs.  H  ne  trouve  point  à  redire  que  des 
Clercs  limples  &  peu  inftruits  dans  la  fcicnce  des  divines 
Ecritures ,  s'attachent  au  fervice  des  Rois  ;  mais  il  ne  le  croit 

f)as  permis  à  ceux  qui  font  dans  les  Ordres  facrés ,  &  qui  ont 
es  talens  néceflaires  pour  inftruire  &  convertir  les  Peuples. 
Pierre  cite  dans  cette  Lettre  fon  Livre  des  Geftes  de  Henri  II. 
Roi  d'Angleterre. 

XII.  Celle  qu'il  écrivit  â  un  certain  Comte  ,  élu  Evêque 
de  Chartres  (  &  )  ,  contient  une  inftruâion  trcs-folide  fur  les 
devoirs  &  les  qualités  d'un  Evêque.  »  Soyez  ,  lui  dit -il , 
>>  droit  dans  vos  jugemens ,  modefte  dans  vos  paroles ,  com- 
«  mandez  avec  difcrétion  ,  difpenfez  avec  fagefle  ,  agiffez 
»  avec  ardeur ,  fecourez  promptement ,  foyez  fidèle  dans  vos 
»  confeils  ,  circonfpeâ:  dans  vos  réponfes  ;  montrez  -  vous 
»)  afFeûueux  à  vos  anciens ,  afl^ble  à  vos  inférieurs  ,  doux 
»  envers  vos  égaux ,  rigide  à  l'égard  des  fuperbes  ,  bénin  en- 
»>  vers  les  humbles ,  miféricordieux  pour  les  pénitens  ,  infle- 
»  xible  envers  les  obftinés.  Conduifez  -  vous  comme  Jean- 
»>  Baptifte  contre  les  inceflucux ,  comme  Jéhu  &  Matathias 
j>  contre  les  apoflats  ,  comme  Phinéès  contre  les  fornica- 
»>  teurs ,  comme  Elie  contre  les  idolâtres  ,  comme  Pierre  con- 
»>  tre  les  menteurs  ,  comme  Paul  contre  les  blafphémateurs  : 
»  plus  votre  naiffance  efl  illuflre  ,  plus  vous  acquerrez  de 
»  gloire  &  de  louanges  ,  en  furpaflant  dans  les  devoirs  du 
»  miniftere  de  Jefus-Chrift  ceux  que  vous  furpaffez  par  la 
*>  noblefle  du  fang  «.  Il  écrivoit  à  un  autre  Evêque  déjà  âgé, 
■mais  plus  occupé  d'affaires  temporelles  que  du  foin  de  ion 
-Diocèfe  (c)  ,  de  changer  fa  vie  tumultueufe  en  une  plus 
tranquille  ,  foit  pour  lui-même  ,  foit  pour  le  bien  de  fon  trou- 
er) Ep'fî,  ly.  (c)  Epifl.  16. 

Ddij 


212  PIERRE    DE    BLOÎS, 

peau  ,  ajoutant  qu'il  ne  lui  fuffifoit  pas  d'être  exemt  de  gran- 
des fautes ,  qu'il  devoit  encore  s'occuper  de  bonnes  œuvres. 

XIII.  Il  condamne  le  commerce  dans  un  Clerc  (^),  non- 
feulement  parce  qu'il  efl  défendu  par  les  Canons  ,  mais  à 
caufe  qu'il  ne  peut  l'exercer  fans  une  efpece  d'ufure.  En  effet, 
ce  Clerc  n'acheté  à  vil  prix  que  pour  vendre  cher  ,  &  dès- 
lors  il  reçoit  plus  de  fon  Prochain  qu'il  ne  lui  avoir  donné  : 
ajoutez  qu'un  Clerc  ,  en  fuivant  l'efprit  de  fa  vocation  ,  a 
plus  befoin  de  faintes  le£lures  que  de  travailler  à  s'enrichir  par 
le  négoce. 

XIV. On  propofa  à  Pierre  de  Blois  deux queftions (e)  ;  la 
première ,  fi  une  femme  qui ,  croyant  fon  mari  mort ,  fait  vœu 
de  la  vie  Monaftique  ,  p-ut  de  fon  autorité  retourner  avec 
fon  mari  lorfqu'il  revient.  La  féconde  ,  fi  fon  mari  étant 
mort  depuis ,  elle  efl  obligée  au  vœu  qu'elle  avoir  fait.  Il 
répond  à  la  première  ,  que  cette  femme  s'érant  engagée  à  la 
continence  ,  fans  l'autorité  &  le  confentement  de  fon  mari , 
elle  n'a  point  été  obligée  à  le  garder.  Il  appuie  cette  déci- 
fion  de  l'autorité  des  Pères  &  des  Conciles.  Sur  la  féconde 
il  dit ,  qu'après  même  la  mort  de  fon  mari  elle  n'efl  point 
tenue  à  obferver  un  vœu  qu'elle  n'avoit  pas  gardé  aupara- 
vant ,  &  qui  de  lui-même  étoit  nul. 

XV.  Dans  une  autre  Lettre  (/)  il  foutient  que  l'Evêque 
n'eft  pas  le  Maître  des  biens  de  l'Eglife  ,  mais  le  Tuteur  ; 
qu'il  doit  donner  en  aumône  aux  pauvres  le  bien  du  Cruci- 
fix ,  &  non  à  des  Soldats  ;  que  rien  ne  fait  plus  d'honneur  à 
fa  réputation  ,  que  de  défendre  fortement  l'état  de  la  liberté 
Eccléfiaflique  ;  que  par  fa  dignité  il  n'efl  pas  inférieur  au 
Roi.  Pierre  de  Blois  s'explique  ainfi ,  pour  engager  les  Evê- 
ques  à  s'oppofer  à  la  décime  que  le  fCoi  Philippe  avoit  exi- 
gée du  Clergé  par  un  Edit.  Il  difoit  que  cette  levée  du  Prin- 
ce tourncroic  infenfiblement  en  coutume  ,  &:  réduiroit  l'E- 
glife  en  une  honteufe  fervitude.  Par  un  même  principe  U 
confole  Jean  de  Sarifberi  ,  compagnon  de  l'exil  de  faint 
Thomas  de  Cantorbcri  ,  par  l'efpérance  d'une  récompenfe 
pour  fes  travaux ,  &  l'exhorte  à  défendre  de  toutes  fes  for- 
ces la  liberté  de  l'Eglife  ,  fans  toutefois  fe  laifTer  aller  à  l'et 
prit  de  vengeance  contre  ceux  qui  l'opprimoient.  Il  dit  qu'il 

le^Epift.i^..  i  l 


ARCHIDIACRE  DE  BATH.  Ch.  XTV.  215 
avoir  été  charmé  de  la  Icdiire  de  fon  Livre  intitulé ,  Polycraù- 
que,  ou  Des  badineries  des  Seigneurs  de  la  Cour. 

XVI.  Les  Evêchés  écoicnt  fouvcnc  remplis  par  des  Clercs 
fans  fcicncc  (  ^  ) ,  fans  vertu ,  avant  1  âge  prefcrit  par  les  Ca- 
nons ,  &  qui  n'avoient  pas  d'autres  vues  dans  l'Epifcopac, 
que  de  fati^faire  leur  ambition.  Pierre  de  Blois  lupplie  le 
Cardinal  0£tavien  ,  Légat  du  Saint  Siège  ,  d'éloigner  par 
fon  crédit  &  fon  autorité  les  ambifieux  &  les  fimoniaques  du 
gouvernement  de  l'Eglilc.  Il  détaille  à  cette  occalion  toutes 
les  qualités  que  doit  avoir  un  Evêquc.  Dans  la  Lettre  fui- 
vante  (i),  aux  amis  de  faint  Thomas  de  Cantorberi,  il  les 
prie  de  réconcilier  avec  ce  faint  Evcque  l'Archidiacre  de 
Sarifberi ,  qui  offroit  de  lui  faire  faiisfadion  :  c'étoit  Reginald  , 
qui  fut  depuis  Evèque  de  Bath. 

XVII.  Il  fe  commettoit  alors  tant  d'abus  dans  les  fondions 
des^Officiaux  (/),  qu'on  ne  pou  voit  les  exercer  avec  honneur. 
On  les  appelloit  les  fangfues  des  Evêques  ,  qui  rejettoient 
dans  le  fein  de  leurs  Maîtres  le  fang  qu'elles  avoient  fucc  , 
&  on  les  comparoir  à  ces  portes  fecrettes  par  lefquelles  les 
Miniflres  de  Bel  emportoient  fecretteraenr  les  facrifîces  que 
l'on  mettoit  fur  l'Autel  de  cette  idole.  Ces  notes  d'infamie  & 
plufieurs  autres ,  qui  déshonoroienr  les  Officiaux  ,  engagèrent 
Pierre  de  Blois  à  écrire  à  un  de  fes  amis  de  fe  défaire  de 
cer  Office.  Il  y  avoir  auffi  beaucoup  d'abus  dans  le  Barreau  ; 
les  Avocars  ,  nom  autrefois  refpedable  (  w  )  ,  le  fouilloient 
par  leur  avarice  ;  ils  vendoient  leur  éloquence  ,  achetoient 
des  procès ,  &  fans  avoir  égard  à  l'équité  &  à  la  juflice  ,  ils 
travailloient  à  diffoudre  des  mariages  légitimes  ,  cies  difpofi- 
tions  teftamentaires ,  &  faire  revivre  les  cendres  des  procès 
affoupis.  Pierre  ne  croyant  pas  que  l'étude  des  Loix  fûtexemte 
de  dangers  pour  un  Clerc ,  l'abandonna  pour  s'appliquer  uni- 
quement à  la  Théologie. 

XVIII.  Ayant  appris  la  mort  de  faint  Thomas  de  Can- 
torberi (  «  ) ,  arrivée  le  29  de  Décembre  1 170  ,  il  écrivit  aux 
Moines  de  Beauvoir  qu'ils  ne  dévoient  point  s'en  affliger  , 
mais  plutôt  fe  réjouir  de  fon  bonheur ,  puifqu'il  jouilfoit  déjà 
des  délices  de  la  célefte  Patrie.  Il  fait  l'éloge  de  fes  vertus , 
qu'il  commence  à  fes  premières  années  ;  &  après  avoir  parlé 

Ih)  Epi/i.  11.  j       (m)  Epifl.lJ, 

{i)Epijl.  zi.  I      {n-)Efin,ir,. 


214  PIERRE    DE    BLOIS, 

deladivifion  qui  fe  trouvoit  dans  l'Eglife  de  Cantorberi  tou- 
chant l'cle£lion  d'un  SuccefTeur  ,  il  prie  Dieu  de  ne  point 
laifTer  fouler  aux  pieds  la  vigne  plantée  de  fa  main  ,  &  l'E- 
glife rachetée  de  fon  fang.  Dans  le  danger  auquel  celle  de 
Rouen  étoit  expofée ,  à  caufe  de  la  guerre  entre  Louis  VU. 
Roi  de  France,  &  Henri  II.  Roi  d'Angleterre  ,  Rotrou  qui 
en  étoit  Archevêque  (  o  )  pria  Guillaume  ,  Archevêque  de 
Sens  ,  &  Légat  du  Saint  Siège  ,  de  travailler  à  la  mettre  à 
couvert  de  fa  perte ,  de  même  que  la  Ville  d'Andely  ,  de 
fa  dépendance.  Cette  Lettre  eft  la  28^.  parmi  celles  de  Pierre 
de  Blois ,  parce  qu'il  l'écrivit  lui-même  au  nom  de  Rotrou. 

XIX.  La  fuivante  eft  un  éloge  de  l'hofpiralitc  (  p  ).  Il  en 
prend  occafion  de  la  mauvaife  réception  qu'on  lui  avoit  faite 
dans  un  Monallere ,  en  faifant  la  vi(ite  de  fon  Archidiaconé. 
Dans  celle  qui  eft  à  l'Evêque  élu  de  Bath  {q)  ,  il  lui  ra- 
conte le  fonge  qu'il  a  eu  fur  fa  promotion  à  l'Êpifcopat.  En 
remerciant  l'Abbé  des  Fontaines  de  la  part  qu'il  avoit  prife 
à  fa  maladie  (r) ,  il  rend  grâces  en  même  tems  à  Dieu  de 
l'avoir  rappelle  à  fon  devoir  par  cette  afflidion.  Il  en  écrivit 
une  féconde ,  au  nom  de  l'Archevêque  Rotrou  ,  à  Henri  III. 
Roi  d'Angleterre  (  5  ) ,  pour  le  prier  de  prendre  fous  fa  pro- 
tcdtion  Andely  ,  &  les  autres  Terres  dépendantes  de  l'Eglife 
de  Rouen  ,  &  le  détourner  de  la  guerre  qu'il  avoit  deflein 
de  faire  à  Henri  II.  fon  père.  L'Evêque  de  Périgueux  avoit 
offert  fa  maifon  à  Pierre  de  Blois  (t):  celui-ci  s'excufa  de 
l'accepter  ,  fur  ce  qu'il  ne  pouvoit  quitter  alors  celle  de  fon 
ancien  Maître. 

XX.  On  voit  par  fa  Lettre  à  Anfelme  ,  Religieufe  («  )  , 
qu'elle  avoit  préféré  la  qualité  de  Vierge  de  Jefus  -  Chrift  à 
celle  d'Epoufe  du  neveu  du  Duc  de  Bourgogne  ,  qui ,  avec 
la  naiflfance ,  avoit  toutes  les  plus  belles  qualités  de  corps  & 
d'efprit.  Pierre  de  Blois  la  confirme  dans  fa  vocation  ,  en  lui 
repréfentant  d'un  côté  les  avantages  de  l'état  Religieux  ,  de 
l'autre  la  caducité  des  biens ,  des  honneurs  ,  des  plaifirs  du 
fiécle.  Il  fait  la  même  chofe  dans  fa  Lettre  à  Chriftienne  {x)j 
auiïi  Religieufe  ,  qu'il  exhorte  de  joindre  à  la  virginité  la 
charité ,  l'humilité ,  la  perfévérance.  Il  s'excufe  dans  celle  qui 


(0)  Epiji.zZ. 
(p)Epifl.ip. 
il)  ^P'ft-io. 


(fj  Epil}.i4. 
(u)  Epi/}.  3î. 


ARCHIDIACRE  DE  BATH.  Ch.  XIV.  21^ 
efl:  à  Alexandre  ,  Prieur  de  Jumicgc  (jy)?  de  ne  lui  avoir 
pas  renvoyé  dans  le  tems  le  Livre  c]u  il  lui  avoir  prêté.  On 
acculoit  Richard  ,  Succefleur  de  iaint  Thomas  dans  le  Siège 
de  Cantorberi,  d'ignorer  les  Loix,  d'être  avare,  &  trop  at- 
taché à  élever  la  famille.  Pierre  de  Blois(z),  lans  préten- 
dre que  cet  Archevêque  fût  cxcmt  de  fautes ,  le  juftifie  fur 
tous  ces  points  ,  &  fait  fon  éloge  dans  une  Lettre  à  Albert, 
Cardinal  &  Chancelier  de  TEglife  Romaine.  Il  écrivit  auffi 
avec  beaucoup  de  force  à  un  Prélat  de  les  amis  (  «  ) ,  pour  lui 
remontrer  combien  il  étoit  indécent  à  un  Homme  de  fon  ca- 
radere  ,  d'invetliver  contre  la  perfonne  &  la  conduite  de  fon 
Roi. 

XXI.  Pierre  informa  Henri  II.  abfcnt  de  fa  Capitale  {h) , 
que  fes  Envoyés  à  Rome  en  étoient  revenus  ,  déchargés 
d'argent  &  chargés  de  plomb  ,  fans  avoir  reçu  de  préfens 
conlidérables  ;  qu'il  étoit  venuaufïï  des  Ambaffadeurs  du  Roi 
d'Efpagne  le  demander  pour  Médiateur  de  la  paix.  Sa 
Lettre  à  Robert ,  Prévôt  d'Aire  en  Flandres  (c)  ,  élu  Evê- 
que  de  Cambrai ,  eft  pleine  de  reproches ,  qu'il  ne  remplif- 
foit  pas  les  devoirs  d'un  Evêque  ,  qu'il  fe  mêloit  trop  d'affai- 
res féculieres  ,  de  celles  même  où  il  s'agiffoit  d'effufion  de 
fang  ;  qu'il  traitoit  tyranniquement  fes  fujers ,  &  n'écoutoic 
les  remontrances  de  perfonne.  On  a  remarqué  plus  haut  que 
Pierre  de  Blois  avoit  étudié  en  Médecine.  Il  en  donne  des 
preuves  dans  fa  43e.  Lettre  {d).  Dans  la  fuivante  il  con- 
cilie à  Arnoul ,  Evêque  de  Lizieux  (e)  ,  de  ne  pas  aban- 
donner fon  Evêché  à  caufe  des  contrariétés  qu'il  éprouvoic 
de  la  part  de  fon  Prince  ,  de  fon  Chapitre ,  ou  d'autres  per- 
fonnes ,  l'affurant  qu''il  pourra  aifément  captiver  la  bienveil- 
lance de  ce  Prince  par  des  façons  humbles  &  afifedueufes  j 
à  quoi  il  ajoute,  qu'il  lui  confeiîloit  au  contraire  de  quitter 
fon  Evêché ,  s'il  y  étoit  parvenu  par  des  moyens  qui  bleflaf- 
fent  fa  confcience.  Il  fouticnc  dans  fa  Lertfe  à  un  Anony- 
me (/)  ,  que  Rcginald  ou  Renaud  ,  Evêque  de  Bath  ,  n'a 
point  concouru  à  la  mort  de  faint  Thomas  de  Cantorberi  , 
qu'il  l'avoir  aimé  lincérement ,  &  fouhaité  d'être  lié  d'amitié 
avec  lui  ;  que  s'il  lui  cft  échappe  quelque  terme  de  dérifion 


0)  E/"!/?-  37. 


((.•)  Efifl.  42. 

(  e  )  Epift.^^. 
{f)Epift.^U 


2j6  pierre  de   BLOIS, 

contre  cet  Archevêque  ,  dans  le  tems  quil  avoît  fufpendu 
de  fes  fonctions  l'Evêque  de  Sariiberi ,  on  doit  lui  pardon- 
ner, comme  tout  ce  qu'il  avoit  pu  faire  contre  lui  par  ignoran- 
ce ,  puifqu'il  avoit  expié  cette  faute  par  uneféverc  pénitence, 
par  fes  larmes ,  par  fes  aumônes. 

XXII.  Richard ,  Evcque  de  Syracufe  {g)  ,  prelToit  Pierre 
de  Blois  de  retourner  en  Sicile.  Il  s'en  cxcufe  lur  l'intem- 
périe de  l'air ,  &  donne  beaucoup  de  railons  à  cet  Evêque 
pour  l'engagera  retourner  lui-même  en  Angleterre  ,  fon 
pays  natal.  On  trouve  dans  cette  Lettre  un  éloge  de  faint. 
Thomas  de  Cantorberi ,  dont  on  fait  le  parallèle  avec  faine 
Thomas ,  Apôtre.  Il  en  écrivit  une  au  nom  de  Richard  , 
Succefleur  de  ce  faint  Martyr  (A)  ,  au  Roi  Henri  III.  pour 
le  faire  défifler  de  la  guerre  qu'il  avoit  déclarée  à  Henri  II. 
fon  père.  Pierre  remplit  fa  Lettre  d'exemples  tirés ,  tant  des 
Hiftoires  facrées  que  profanes  ,  qui  repréfentent  d'un  côté 
le  refped:  &  la  tendreffe  des  enfans  envers  leurs  pères ,  de 
l'autre  les  châtimens  dont  ont  été  punis  les  enfans  qui  ont 
manqué  à  ces  devoirs.  Volufien  ,  quoiqu'afTocié  à  l'Empire 
par  Gallus  fon  père  ,  ne  voulut  rien  avoir  de  commun  avec 
lui ,  fi  ce  n'eft  qu'il  permit  aux  ennemis  qui  feroient  mourir 
fon  père  ,  de  le  faire  auiïi  mourir  pour  lui  &  avec  lui.  Le 
fils  de  l'Empereur  Dece  refufa  le  Diadème  du  vivant  de  fon 
père,  difant  qu'il  craignoit  qu'étant  fait  Empereur,  ii  ne  défap- 
prît  à  être  iils.  Démétrius  au  contraire  periécuta  cruellement 
fon  père ,  mais  il  finit  une  miférable  vie  en  exil ,  chargé  d'op- 
probres. 

XXIII.  En  1 178  (i  )  ,  Pierre  de  Blois  fçachant  avec  quel 
zele  Guillaume ,  Evêque  de  Pavie ,  &  Cardinal ,  s'étoit  ap- 
pliqué à  éteindre  le  fchifme  entre  le  Pape  Alexandre  III.  & 
l'Empereur  Frideric  ,  le  congratula  fur  le  fuccès  de  fes  tra- 
vaux :  il  dit  beaucoup  de  chofes  au  défavantage  de  l'Anti- 
pape Odavien ,  &  de  ceux  qui  après  lui  ufurperent  les  hon- 
neurs de  la  P<3pauté  ,  ou  qui  les  y  élevèrent.  Dans  un  procès 
qu'il  eut  à  foutenir  contre  Robert  de  Sariiberi  au  fujet  de 
la  Prévôté  de  Chartres  (/)  ,  qu'il  foutenoit  lui  appartenir  , 
il  eut  le  déplaifir  de  voir  fes  Adverfaires  ,  qui  n'avoient  rien 
à  lui  reprocher  ,  attaquer  la  mémoire  de  fon  père  ,  mort 


()^)Epifl.46.  1      (i)Ep»/f.  48. 

depuis 


ARCHIDIACRE  DE  BATH.  Ch.XIV.        217 

depuis  quelque  tcms  :  mais  il  vengea  cet  affront  en  prouvant 
aux  Juges  que  ce  qu'on  avoir  avancé  n'étoic  que  calomnie, 
que  fon  pcre  Si  fa  merc  ctoienc  defcendus  des  plus  illuftres  fa- 
milles de  la  Baffe- Bretagne  ,  &  qu'ils  avoicnt  vécu  dans  la 
piété, 

XXIV.  Dans  fa  Lettre  à  Henri ,  Evcque  de  Bayeux  (m)  , 
il  emploie  les  autorités  les  plus  fortes  -de  l'Ecriture  pour  en- 
gager ce  Prélat  à  pardonner  au  Camérier  de  l'Abbé  de  Caën, 
qui  étant  attaqué  avoit  en  fe  défendant  tué  fon  ennemi , 
6c  s'offroit  à  faire  telle  fatisfa£tion  que  l'on  exigeroit  de  lui. 
Il  écrivit  au  nom  de  Richard  ,  Archevêque  de  Cantorberi  , 
&  Primat  du  Royaume,  une  Lettre  circulaire  à  tous  les  Evo- 
ques d'Angleterre ,  portant  défenfe  de  laiffcr  faire  dans  leurs 
Diocèfes  les  fonctions  Epifcopales  à  des  Ecoffois  &  à  des 
Hibernois  qui  n'avoient  pas  reçu  l'onttion  Epifcopale  («) , 
ou  dont  la  confécration  étoit  au  moins  doutcufe  :  il  etl  or- 
donné par  la  même  Lettre  de  dénoncer  excommuniés  ceux 
qui  faiïifioient  les  Bulles  des  Papes  ,  &  contrefaifoient  les 
fceaux  des  Eveques.  Ce  défordre  étoic  alors  commun  en  An- 
gleterre. 

XXV.  Les  deux  Lettres  fuivantes  regardent  une  jeune 
fille  nommée  Adelitie  (0).  Elle  étoit  en  âge  de  prendre 
parti  pour  le  Monde  ou  pour  la  Religion  :  Pierre  de  Blois 
confeille  à  fon  oncle ,  Archidiacre  de  Poitiers ,  de  ne  la  con- 
traindre en  rien ,  parce  que  tout  ce  que  l'on  fait  fans  liberté 
n'eft  pas  méritoire  devant  Dieu ,  &  que  le  vœu  de  la  Reli- 
gion ne  lie  pas  celui  qui  réclame  &  réfifle.  Ayant  fçu  de- 
puis ,  qu'elle  avoit  fait  vœu ,  mais  en  fecret ,  de  confacrer  à 
Dieu  fa  virginité  dans  un  Monaftere  (p  ) ,  Pierre  lui  écrivit  de 
fe  hâter  de  l'accomplir. 

XXVI.  II  fit  connoître  à  Gauthier ,  Evêque  de  Rochc- 
fter  (q)  i  qu'on  étoit  informé  à  Rome  de  fa  paflion  pour  la 
chafle  ,  qu'il  préféroit  cet  exercice  aux  fon£lions  Epifcopa- 
les ,  &  que  le  Pape  &  les  Cardinaux  auroient  déjà  pronon- 
cé une  Sentence  contre  lui  ,  s'ils  n'euifent  jugé  à  propos  de 
charger  le  Légat  qui  alloit  partir  pour  l'Angleterre  ,  de  s'in- 
former du  vrai ,  &  de  le  condamner  enfuite.  Pierre  rapporte 
la  Sentence  de  fufpenfe  &  d'excommunication  portée  par  le 

(m)  £^«7?.    {0.  I      (p)Epij}.Si. 

(■«)  Epijt.  ji.  I      (?)  ^P'P-  î^' 

(ol  E;,r/Î.  51.  I 

Tome  XXni,  E  e 


2i8  PIERRE    DE   BLOIS, 

Pape  Nicolas  contre  l'Evêque  Lanfrede ,  pour  caufe  de  chafTe, 
quoique  fa  jeunefle  pût  en  quelque  forte  excufer  en  lui  cet 
exercice  :  mais  Gauthier  s'en  occupoic  encore  à  l'âge  de 
quatre-vingts  ans.  »  Parcourez ,  lui  dit  Pierre  de  Blois,  l'Hi- 
»  floire  de  tous  les  faints  Pères  ;  depuis  le  commencement 
»  du  Monde  jufqu'à  vous  ,  vous  n'en  verrez  aucun  faire  fon 
>j  plaifir  de  la  chaffe.  Nous  connoiflbns  ,  dit  faint  Jérôme  , 
»  un  faint  Pêcheur ,  nous  ne  lifons  point  qu'il  y  en  ait  eu  de 
3>  Chafleur, 

XXVII.  Un  de  fes  amis  ,  Moine  de  l'Abbaye  d'AuInai 
en  Normandie  [r) ,  s'étoit  imaginé  qu'aufTi-tôt  après  avoir 
embraffé  la  profcflion  Monaftique  ,  il  feroit  délivré  de  tou- 
tes les   tentations.   Pierre  le  fit  fouvenir  de  ce  qu'on  lit 

J"^-  7'  dans  le  Livre  de  Job  ,  que  la  vie  de  C homme  ejî  une  ten- 
tation &  un  combat  continuel  fur  la  terre.  A  quoi  il  ajouta  , 
que  le  monde  attaque  bien  plus  fortement  ceux  qui  l'a- 
bandonnent ,  que  ceux  qui  le  fervent.  Il  joignit  à  fa  Let- 
tre une  Profe  fur  le  combat  de  la  chair  &  de  l'efprit.  Sa 
Lettre  à  l'Evêque  de  Bath  (  j  )  efl  une  remontrance  fur  l'in- 
terdit de  fon  Vice- Archidiacre.  Il  allègue  d'abord  à  ce  Pré- 
lat les  fervices  qu'il  lui  avoit  rendus  ,  &  dont  le  fouvenir  au- 
rait dû  l'empêcher  de  le  moleller  en  la  perfonne  de  fon  Vice- 
Archidiacre  :  en  fécond  lieu  ,  que  contrairement  aux  Ca- 
nons il  l'avoit  interdit ,  fans  lui  avoir  fait  les  trois  monitions 
ordinaires  ;  en  troifiéme  lieu  ,  le  privilège  que  le  Concile  de 
Latran  lui  avoit  accordé  de  ne  pouvoir  être  excommunié 
par  aucun  Evêque  »  ni  perfonne  de  ceux  qui  lui  apparte- 
noient  :  mais ,  ajoute-t-il  ,  ce  qui  met  le  combi*  à  ma  dou- 
leur ,  c'cft  que  vous  m'avez  caufé  ce  chagrin  pour  la  fomme 
que  je  vous  devois ,  &  que  j'avois  ordonné  qu'on  vous  payât, 
11  y  a  une  féconde  Lettre  à  ce  même  Evêque  (r)  ,  que  l'on 
riommoit  Raynaud  ,  par  laquelle  Pierre  de  Blois  l'exhorte 
de  fe  réconcilier  avec  Henri  ,  homme  fage  &  d^'une  fociété 
agréable ,  dont  il  n'avoit  été  offenfc  que  par  quelques  paro- 
les indifcrettes ,  &  de  ne  plus  avoir  de  liaifon  avec  Simon  , 
qui  éroit  un  flatteur  &  un  calomniateur. 

XXVIII.  fin  répondant  à  un  ami  (jt)  qui  trouvoit  mau- 
vais que  les  Evêques  s'occupaiïent  tellement  de  l'avancement 


ARCHIDIACRE  DE  BATH.  Ch.  XIV.      219 

de  leurs  neveux ,  &  de  les  enrichir,  qu'ils  ne  penfoicnc  à  au- 
tre choie ,  en  forte  qu'ils  ne  loulageoicnt  point  les  bcfoins  des 
pauvres  Ecoliers,  &  ne  les  voyoient  t]ue  rarement;  »  Vos  plairv- 
»>  tes  ,  lui  dit  Pierre  de  Blois  ,  ne  l'ont  pas  nouvelles  :  lifez 
»ïce  que  dit  David  dans  les  Pfeaumes  57  &  72  delà  prof- 
»pcrité  des  impies ,  &  de  l'oppreflion  des  juftcs  :  la  félicité 
»  des  premiers  n'eft  que  momentanée  ,  &  il  y  a  peu  de  ri- 
»  ches  qui  à  l'article  de  la  mort  ne  louhaitent  d'avoir  vécu 
«  pauvres.  Je  ne  doute  pas  que  quand  vous  ferez  élevé  à 
»>  l'Epifcopat ,  vous  ne  fuiviez  l'exemple  de  ceux  dont  vous 
"  vous  plaignez  ,  &  que  vous  ne  vous  occupiez,  comme  eux, 
«  de  procurer  à  vos  neveux  des  Bénéfices ,  &  à  vos  nièces 
»  des  maris ,  fans  avoir  égard  ,  dans  la  collation  des  Béné- 
»  fices ,  au  mérites  de  la  Perionne ,  ni  dans  le  mariage  à 
«la  parité  de  la  condition  «.  Il  écrivit  à  Renaud ,  Archi- 
diacre de  Sarilberi  (x)  ^  qu'étant  chargé  par  fon  office  du 
foin  des  âmes  ,&  devant  être  bientôt  promu  à  l'Epifcopat, 
il  ne  devoir  plus  chercher  un  amufement  dans  la  chafTe  des 
oifeaux. 

XXIX.  Richard  ,  Roi  d'Angleterre  (y)  ,  inftruit  des 
troubles  excités  dans  fon  Royaume  pendant  fon  abfcnce  , 
quitta  le  féjour  de  la  Terre -Sainte  ,  &  s'embarqua  au  port 
d'Acre  le  huit  d'Otlobre  1 1  f?2.  Obligé  de  paffer  fur  les  Ter- 
res de  Léopold  ,  Duc  d'Autriche  ,  avec  lequel  il  avoit  eu 
des  difficultés  pendant  le  fiqge  de  cette  Ville ,  il  fut  pris  & 
mené  au  Duc  ,  qui  le  retint  à  Vienne  dans  une  étroite  pri- 
fon  ,  puis  le  livra  à  l'Empereur  fon  ennemi.  La  nouvel- 
le de  fon  emprifonnement  ,  qui  dura  toute  l'année  1193» 
•étant  venue  en  Normandie ,  l'Archevêque  de  Rouen  &  fes 
Suffragans  en  écrivirent  au  Pape  Céleftin  III.  pour  fe  plain- 
dre que  le  Roi  Richard  eût  été  pris  en  revenant  du  pèleri- 
nage de  Jérufalem ,  contre  le  privilège  de  la  Croifade  ,  qui 
mettoit  les  Croifés  fous  la  protection  Ipéciale  du  Saine  Siège. 
Il  exhorte  le  Pape  à  ufer  en  cette  occafion  du  glaive  de  faint 
Pierre  ,  afin  qu'en  montrant  par  des  effets  ce  qu'il  devoit  à 
un  fi  digne  fils  de  l'Eglife  ,  les  autres  d'un  rang  même  infé- 
rieur appriffent  par  expérience  ce  qu'ils  pouvoient  attendre 
du  Saint  Siège  dans  leurs  befoins.  Pierre  de  Blois  fut  char- 
gé de  la  part  des  Prélats  de  compofer  cette  Lettre.  Il  prêta 

E  e  i j 


110  PIERRE   DE   BLOIS, 

auffi  pluficurs  fois  fa  plume  à  la  Reine  Eléonore  ,  mère  de 
ce  Prince.  Dans  une  de  ces  Lettres  (z  )  cette  Princeffe  repro- 
che au  Pape  Céleftin  de  n'avoir  pas  envoyé  en  cette  occafion 
un  Nonce  pour  négocier  la  délivrance  du  Roi  Richard  {a) , 
vu  que  fouvcnt  il  envoyoit  pour  des  affaires  médiocres  des 
Cardinaux  en  Légation.  Ceft,  lui  dit -elle  ,  qu'aujourd'hui 
l'intérêt  fait  des  Légats ,  non  l'honneur  de  l'Eglife  ni  le  fa- 
lut  du  Peuple.  »  Quelle  excufe,  dit  cette  Princeffe  dans  une 
»  autre  Lettre  à  ce  Pape  ,  peut  pallier  votre  indolence 
w  &  votre  négligence ,  puifqu'il  elt  connu  de  tout  le  Monde 
«  que  vous  avez  le  pouvoir  de  délivrer  mon  fils  ,  fi  vous  en 
»  aviez  la  volonté  ?  Dieu  n'a-t-il  pas  donné  à  faint  Pierre  & 
»  à  vous  en  fa  perfonne  la  puiffance  de  gouverner  tous  les 
«  Royaumes  ?  11  n'y  a  ni  Roi  (  ^  )  ,  ni  Empereur  ,  ni  Duc  , 
5)  qui  foit  exemt  du  joug  de  votre  Jurifdièlion  :  où  eft  donc 
»  le  zcle  de  Phinéès  î  Qu'il  paroiffe  que  ce  n'eft  pas  en 
»  vain  que  l'on  vous  a ,  &  à  vos  Co-Evêques  ,  mis  en  main 
»  des  glaives  à  deux  tranchans  «.  La  Pleine  fait  fouvenir 
Céleflin  III.  de  la  fidélité  du  Roi  envers  le  Saint  Siège  , 
combien  elle-même  s'étoit  intéreffée ,  foit  pour  lui ,  foit  pour 
fes  Légats.  Revenant  à  la  puiffance  du  Pape  dans  une  troi- 
fiéme  Lettre  :  »  Vous  me  direz  (  c  ) ,  lui  dit  -  elle  ,  qu'elle 
«  vous  a  été  donnée  fur  les  âmes  ,  &  non  fur  les  corps.  Je 
»  le  veux  :  mais  il  nous  fuffit  qus  vous  ayez  la  puiffance  de 
»  lier  les  âmes  de  ceux  qui  tiennent  mon  fils  en  prifon  , 
»  pour  qu'il  vous  foit  facile  de  le  délivrer  :  faites  feulement 
»  que  la  crainte  de  Dieu  chaffe  en  vous  la  crainte  des  Hom- 
3>  mes.  Rendez-moi  mon  fils  ,  ô  Homme  de  Dieu  ,  fi  toute- 
»  fois  vous  êtes  l'Homme  de  Dieu ,  &  non  pas  un  Homme 
»  de  fang. 

XXX.  Pierre  de  Blois  écrivit  lui-même  à  Conrad  ,  Arche- 
vêque de  Mayence  (d)  ,  qu'il  avoit  eu  pour  Condifciple  & 
pour  ami  dans  les  Ecoles,  de  faire  tous  fes  efforts  avec  les  au- 
tres Princes  de  l'Empire  pour  procurer  la  liberté  au  Roi  Ri- 
chard. 

XXXI.  La  Lettre  de  Pierre  à  un  de  fes  amis  (e)  eft  un 


(t)  Epifl.  144.  I4f.  146. 

(a)  Epifl.  144. 

(  i  )  iSTonne  Petro  &  in  eo  vobis  à  Deo 
Otnne  Regnum  ,  omnifque  poteftas  regen- 
da  commutitur  ?  Non  Rex ,  non  Impera- 


ter ,  aut  Dux  à  jugo  veftr»  Jurifdidionis. 
eximitur,  Peir,  Bies.  E/'fi»  I4;» 
((•)  Epifl.  146. 

[d)  Epift.  14J. 
Xe)Efip.6i> 


ARCHIDIACRE  DE  BATH.  Ch.  XIV.  221 
Recueil  de  ce  que  Ton  trouve  dans  les  Ecrivains  profanes  &£. 
les  Livres  faines,  touchant  les  augures,  les  fondes  &  les  vi- 
(îons.  Il  dit  que  de  recourir  A  ces  lortcs  de  voies  pour  décou- 
vrir l'avenir ,  c'efl;  une  tentation  du  Diable  ,  &  s'cxpofer  à  la 
damnation  éternelle. 

XXXII.  Après  avoir  congratulé  Gauthier  ,  Archevêque 
de  Palerme  ( /) ,  de  fa  promotion  à  cette  dignité  ,  quoiqu'il 
fiît  d'une  baffe  nailTance  ,  il  fatisfaic  au  defir  que  ce  Prélac 
avoir  de  connoître  la  ftature  &  les  mœurs  de  faint  Thomas 
de  Cantorberi.  Pierre  en  donne  la  defcription,  puis  il  affure 
que  le  Roi  Henri  n'avoit  eu  aucune  part  au  meurtre  de  ce 
faint  Prélac,  &  que  Gauthier  pouvoic  s'en  convaincre  par  les 
informations  que  les  Légats  du  Saint  Siège  avoient  faites 
là-deffus.  II  perfuada  au  Roi  Henri  II.  par  plulieurs  raifons 
&  par  plufieurs  exemples  (g),  qu'il  étoit  ncceflaire  de  faire 
étudier  les  Belles  -  Lettres  à  Ion  Fils ,  difanc  qu'un  Roi  fans 
lettres  eft  un  vaifTeau  fans  rames ,  &  un  oifeau  fans  ailes  ;  que 
comme  elles  donnent  de  l'ouverture  pour  le  gouvernement  d'un 
Etat ,  elles  adouciflent  auffi  les  mœurs. 

XXXIII.  Il  appelle  l'EgUfe  Romaine  la  Merc  de  toutes 
les  Eglifes  [h),  C'eft  dans  une  Lettre  écrite  au  nom  de  Ri- 
chard, Archevêque  de  Cantorberi,  au  Pape  Alexandre  III. 
contre  l'Abbé  de  Malmefbury  ,  qui  cherchoit  à  fe  fouftraire 
de  la  Jurifdidion  de  fon  Evêque  ,  c'efl:-à-dire  de  celui  de 
Sarilberi.  Cet  Abbé  avoir  non-feulement  été  élu  fans  la  par- 
ticipation de  l'Evêque  Diocéfain ,  ce  qui  étoit  contre  la  dif- 
cipline  de  l'Eglife  d'Angleterre  ;  mais  il  s'étoit  encore  fait 
bénir  par  un  Evêque  étranger  ,  fous  prétexte  qu'il  y  étoit  au- 
torifé  par  des  Bulles  de  Rome  qui  l'exemptoient  de  la  Jurii- 
didion  de  tout  Evêque  &  Archevêque ,  &  qui  le  rendoient  im- 
médiat au  Saint  Siège.  L'Archevêque  Richard  le  plaint  des 
privilèges  accordés  aux  Abbés  'par  les  Papes  pour  un  cens 
modique  en  or  ,  qu'ils  payoient  annuellement  à  la  Chambre 
Apoftolique.  Il  dit  que  ces  Abbés  en  prennent  occafion  de 
s'élever  contre  leur  Primat  &  contre  leurs  Evêques ,  de  man- 
quer au  rcfpe£l  qu'ils  leur  doivent  ,  de  fecouer  le  joug  de 
l'obéiffance  qui  étoit  l'unique  efpérance  du  falut ,  de  détefter 
leur  Supérieur ,  de  faire  tout  avec  impunité  ,  de  négliger  la 

(/)  Efifl.  6,,  I     (t)  Ef;y?.  62. 


ll^  PIERRE  DE   BLOIS, 

difcipline  Monaftique  ,  &  de  fe  livrer  à  toutes  leurs  paflîons  ; 
que  c'efl  de-là  que  les  biens  des  Monafteres  font  en  proie  & 
au  pillage  ,  parce  que  d'un  côte  les  Abbés  ne  cherchoient 
que  leurs  plaifirs ,  &  que  de  l'aucre  les  Moines  fe  regardant 
fans  Chefs ,  pafToient  leur  vie  dans  Toiliveté  &  dans  de  vains 
entretiens.  L'Archevêque  remontre  au  Pape  que  ce  mal  de- 
mande un  prompt  remède ,  de  peur  qu'à  l''imitarion  des  Ab- 
bés, les  Evêques  ne  refufent  ce  qu'ils  doivent  aux  Archevê- 
ques ,  &  que  les  Doyens  &  les  Archidiacres  ne  prétendent 
auffi  être  exempts  de  la  Jurifdi£lion  de  leur  Evcque.  Il  fait  voir 
les  fuites  de  ce  défaut  de  fubordination- 

XXXIV.  Le  Peuple  d'Angers  avoir  abandonné  le  Roi 
Henri  II.  dans  la  guerre  que  fon  fils  Henri  III.  lui  faifoit. 
Pierre  de  Blois  en  écrivit  à  Radulphe  (i)  ,  Evêque  de  cette 
Ville  ,  lui  faifant  remarquer  la  faute  de  ce  Peuple  ,  l'obliga- 
tion où  il  étoit  de  le  faire  rentrer  dans  le  devoir  envers  ion 
Prince ,  &  d'employer  même  à  cet  égard  les  cenfures  de  l'E- 
glife  ,  comme  avoir  fait  depuis  peu  l'Archevêque  de  Can- 
torberi ,  tant  envers  le  jeune  Roi ,  que  contre  tous  ceux  qui 
s'étoient  joints  à  lui  pour  déclarer  la  guerre  à  fon  père 
Henri  II.  f 

XXXV.  Il  confeilla  à  Jean  ,  Evêque  de  Chartres  (/)  , 
de  ne  pas  écouter  ceux  qui  le  détournoient  de  donner  des 
Bénéfices  à  les  neveux ,  difant  que  puifqu'ils  en  étoient  di- 
gnes ,  &  pauvres  ,  il  devoir  les  préférer  aux  étrangers  moins 
méritans  qu'eux.  »  C'efl ,  lui  dit-il ,  faire  une  injure  atroce  à 
»  la  nature  ,  que  de  rejetter  un  neveu  pauvre  &  de  condi- 
»  tion  honnête ,  &  expofer  fon  fang  &  fa  propre  chair  à  l'op- 
}>  probre  de  la  mendicité  publique.  Si  la  voix  de  la  nature  ne 
j>  fuffit  pas  pour  vous  toucher,  rendez-vous  du  moins  au  mé- 
»  rite  de  la  littérature  &  de  la  probité. 

XXXVI.  La  Lettre  de  Richard  ,  Archevêque  de  Can- 
torberi  &  Primat  d'Angleterre  {m) ,  aux  Evêques  de  Vin- 
cheflre  ,  d'Heli  &  de  Norvic  ,  efl  pour  les  engager  à  dé- 
truire un  abus  qui  s'éroit  introduit  dans  ce  Royaume  ,  de 
punir  de  mort  les  meurtriers  des  Laïques ,  &  de  ne  punir  que 
par  l'excommunication  les  meurtriers  des  Clercs  &  des  Evê- 
ques. Richard  veut  donc  qu'à  l'égard  de  ceux  qui  auront  tuç 

ii)Epil{.69.  I      {m)  Epijl.yi. 

{l)Efift.  70. 


ARCHIDIACRE  DE  BATH.  Ch.  XIV.  229 
un  Clerc  ou  un  Evoque  ,  l'EgUlc  exerce  d'abord  fa  Jurifdi- 
ftion  en  le  puniflant  par  l'excommunication  ,  qu'enluice  le 
glaive  laïque  fupplce  par  une  punition  plus  fevcre.  II  y  a 
une  Lettre  du  même  Archevêque  (  n  )  aux  Moines  de  Cî- 
tcaux ,  à  qui  il  ordonne  de  payer  la  dixme  de  leurs  terres 
aux  Clercs  &  aux  autres  Moines.  Ses  railbns  font  qu'ils  ne 
peuvent  fe  difpenfer  de  payer  la  dixme  d'une  terre  dont  on 
la  tiroit  avant  qu'ils  en  tuffcnt  en  podcfTion  ;  que  fi  le  Saint 
Siège ,  par  un  privilège  particulier ,  leur  en  a  accorde  l'im- 
munité ,  ce  n'étoit  qu'à  raifon  de  leur  pauvreté  ;  mais  qu'é- 
tant devenus  très -riches  ,  ce  privilège  ne  peut  plus  avoir 
lieu  ;  que  les  Chevaliers  François,  c' eu-à-dire  les  Seigneurs, 
à  qui ,  pour  avoir  fervi  dans  les  Croifades ,  les  Papes  avoient 
accordé  les  dixmes  inféodées  ,  n'avoient  aucun  égard  aux 
exemptions  de  Cîteaux ,  &  en  exigeoient  les  dixmes  par  force. 
Il  menace  donc  les  Moines  de  cet  Ordre  d'excommunication , 
s'il  leur  arrive  de  retenir  les  dixmes  aux  Clercs  &  aux  autres 
Moines  de  l'Angleterre. 

XXXVII.  Ces  deux  Lettres  de  l'Archevêque  de  Can- 
torberi  (0)  font  de  la  compofition  de  Pierre  de  Blois  ,  de 
même  que  celle  de  Gauthier ,  Archidiacre  d'Oxford  ,  à  Bar- 
thelemi  ,  Evêque  d'Excheftre  ,  dans  laquelle  il  l'avertir , 
comme  Juge  Eccléfiaftique ,  de  déclarer  nul  le  mariage  con- 
traûé  entre  Robert  &  fa  parente  Ifmene  ,  fuivant  l'ordre 
que  Barthelemi  lui-même  en  avoir  reçu  du  Pape  ,  &  la  dé- 
fenfe  des  faints  Canons  de  contra£ter  dans  un  degré  pro- 
hibé. 

XXXVIII.  La  Lettre  de  Richard  (p)  au  Pape  Alexan- 
dre III.  eft  encore  de  Pierre  de  Blois.  On  s'étoit  plaint  au 
Saint  Siège  que  les  Evêques  d'Angleterre  ,  nommément  Ri- 
chard de  Vinchcftre  ,  Geofroi  Ridel,  d'Heli,  &  Jean  d'Ox- 
ford ,  Evêque  de  Norvic  ,  fuivoient  toujours  la  Cour  ;  qu'ils 
y  jugeoient  des  Cauies  criminelles,  &  que  fe  reconnoiffant 
pour  des  hommes  de  fang  ,  ils  s'abflenoient  des  chofcs  fain- 
tes,  &  n'ofiroicnt  point  le  Sacrilke.  Le  Pape  Alexandre  in- 
digné de  ces  abus ,  en  écrivit  à  l'Archevêque  de  Cantorbc- 
ri ,  le  menaçant  de  le  punir  lui-même ,  s'il  ne  réformoit  ces 
abus  ,  &  ne  puniflbit  les  coupables  fuivant  la  rigueur  des 


{fi)Ef!fl.  %z.  1      C/ï)i>J/'.  84. 


224  PIERRE    DE    BLOIS, 

Canons.  L'Archevêque  répondit  au  Pape,  que  ce  qu'on  lui 
avoir  écrit  touchant  les  trois  Evêques  ,  étoit  une  calomnie  ; 
que  perionne  n'étoic  plus  compatiflant  pour  les  affligés ,  que 
l'Evcque  de  Vincheflre ,  plus  humble,  plus  affidu  à  l'Autel, 
plus  libéral  envers  les  pauvres  ;  que  l'Evêque  d'Heli  avoit 
confondu  fes  ennemis  en  fe  juftifiant  candniquement  fur  tous 
les  chefs  d'accufation  porcés  contre  lui  ;  que  l'Evêque  de 
Norvic  avoir  donné  au  Pape  des  preuves  de  fa  prudence  & 
de  fa  probité  dans  fes  fé jours  à  Rome  ,  lorfqu'il  y  avoit  été 
envoyé  par  le  Roi.  Paffant  du  particulier  au  général  ,  il 
entreprend  de  montrer  qu"'il  n'eft  pas  nouveau  de  voir  des 
Evêques  aux  Confeils  des  Rois  ;  que  leur  préfcnce  ne  peut 
qu'y  être  avantageufe  ,  parce  que  furpaffant  les  autres  en 
dignité  &   en  fagclle  ,  ils  font  plus  propres  au  gouverne- 
ment de   l'Etat.   Il  cire  fur  cela  divers  exemples  de  l'An- 
cien Teftamenr ,  où  les  Rois  prenoient  le  confeil  des  Pro- 
phètes &  des  Prêtres  ;  puis  il  ajoute ,  que  fi  les  Evêques  n'é- 
toienr  ni  dans  les  confeils ,  ni  dans  la  faveur  des  Rois ,  le 
Clergé  feroir  opprimé  par  les  Laïques ,  au  lieu  que  les  Evê- 
ques ayant  place  dans  le  Confeil  des  Princes ,  s'il  arrive  que 
les  cenfures  Eccléfiafliques  ne  fuffifenr  pas  pour  venger  une 
injure  faite  à  l'Eglife  ,  ils  font  intervenir  l'autorité  du  Sou- 
verain. L'Archevêque  continue:  Si  le  Roi ,  comme  il  arrive 
fouvent ,  efl  irrité  contre  des  innocens  ,  les  Evêques  l'adou- 
ciffenr  par  leurs  prières  ;  ils  font  modérer  la  rigueur  des  Ju- 
gemens  ,  écouter  les  plaintes  des  pauvres ,  foulagcr  leurs  mi- 
feres  ;  ils  affermiffenr  la  liberté  du  Clergé ,  le  repos  des  Mo- 
nafteres ,  la  paix  des  Peuples ,  l'autorité  des  Loix  ;  ils  font 
obferver  les  Décrets  du  Saint  Siège ,  ils  augmentent  la  dé- 
votion des  Laïques  &  les  domaines  de  l'Eglife  ;  à  toutes  les 
principales  Fêtes  ils  vont  à  leurs  Eglifes ,  où ,  par  la  diftri- 
bution  des  aumônes ,  la  confolation  des  veuves  &  des  orphe- 
lins j  la  corre£lion  de  ceux  qui  leur  font  foumis ,  &  d'autres 
bonnes  œuvres  ,  ils  réparent  le  féjour  qu'ils  ont  fait  à  la 
Cour.  11  n'en  eft  pas  de  même  à  la  Cour  de  Sicile ,  où  des 
Evêques  demeurent  des  fept  ans  &  des  dix  ans  fans  en  for- 
tir  ,  en  forte  qu'il  eft  indifférent  qu'ils  vivenr  ou  qu'ils  meu- 
rent pour  la  confervation  des  domaines  de  l'Eglife  ,  ou  le 
gouvernement  des  âmes.  Nous  avons  voulu  quelquefois  re- 
tirer nos  Evêques  de  cette  aftîduité  à  la  Cour ,  mais  elle  a 
été  jugée  utile  par  des  gens  fages ,  dont  ils  ont  fuiyi  le  confeil , 

malgré 


ARCHIDIACRE  DE  BATH.  Ch.  XIV.  225 
malgré  les  incommodités  qu'ils  y  louffrciu  ,  &  qui  leur  fe- 
roicnt  délirer  d'en  iortir.  Je  vous  prie  donc  ,  iainc  Père, 
de  pcier  l'utilité  de  l'Eglile  Anglicane  avec  les  inconvéniens 
qu'on  vous  a  ir.alicieulement  repréfentés,  &  quand  vous  nous 
aurez  fait  Içavoir  votre  volonté ,  nous  l'exécuterons  avec  fou- 
miflTion. 

XXXIX.  Pierre  de  Blois  avoit  fouvent  exhorte  amiable- 
ment  Robert  de  Sarifbeti  (q)  à.  modérer  les  dépenics  de  fa 
table,  autant  pour  ménager  fa  lanté  ,  que  pour  fournir  aux 
beioins  &  à  l'entretien  des  Egliles  de  fa  dépenddnce.  Ses 
exhoriations  ayant  été  fans  fuccès  ,  il  lui  écrivit  fur  le  même 
fujct  utie  Lettre  ft  rt  vive ,  dans  laquelle  il  lui  fait  voir  que 
fes  excès  ne  nuiroient  pas  moins  au  falut  de  fon  amc  >  qu'à 
la  famé  de  fon  corps.  11  cite  en  preuve  Hypocrate  &  Ga- 
lien. 

XL.  Son  exhortation  au  Moine  Alexandre  efl  d'un  autre 

genre  (  r).  Engagé  dans  l'Ordre  des  Chartreux  ,  il  en  vou- 

loit  fonir  fous  le  prétexte  qu'on  n'y  dit  pas  la  Mefle  tous  les 

jour?.  »  Ne  fçavez-vous  pas  ,  lui  dit  Pit'rre  de  Blois  ,  que  le 

»>  Pcre  des  Religieux  &  Tlnflituteur  d'un  Ordre  fi  faine , 

»  c'efl-à-dire  faint  Benoît,  n'a  jamais  été  élevé  à  la  dignité 

j>  de  Prê  re ,  &  qu'étant  demeuré  beaucoup  de  tems  fans  en- 

s>  tendre  la  Meffe ,  (  car  il  n'y  avoit  pas  encore  de  précepte 

»  de  l'Hglife  là  -  deffus  )  il  ne  fçavoit  pas  même  le  jour  de 

»  Pâques  qu'il  fût  le  jour  de  cette  Fête  fi  folcmnclle.  Nous 

»  ne  liions  point  dans  les  Livres  de   l'Fglife  que  faim  Paul, 

»  premier  Ermite,  que  faint  Antoine ,  que  les  Apôtres  même, 

»  fdint  Pierre  &  faint  Paul ,  &  les  autres  qui  ont  annoncé 

»  l'Evangile  avec  tant  de  gloire  ,  aient  offert  tous  les  jours  à 

»  Dieu  l'Hoflie  vivante  de  notre  falut.  On  méprfe  aifement 

M  ce  que  l'on  fait  d'ordinaire  ,  &  lorfqu'on  ne  célèbre  les 

»  faints  Myfteres  que  rarement,  on  s'en  approche  avec  plus 

»  de  révérence.  11  efl:  vrai  que  nous  péchons  tous  les  jours  , 

»  &  que  les  remèdes  doivent  être  coniinucls  ,  lorfque  les  ma- 

3>  ladies  font  continuellcb  ;  mais  il  n'cft  pas  permis  d'immo- 

i»>  1er  autrement  que  dans  un  efprit  d'humilité ,  &  un  cœur  con- 

ï>  trit ,  ce  prix  incltimable  de  la  rédempdon  du  Monde  ,  & 

»>  cette  Hofl:ie  commune  &  univerfelle  du  falut  des  Hommes. 

»  La  mort  efl;  dans  cette  viande,  félon  la  parole  de  l'Ecri- 

.»i      _  ... . ■..!  l  M  .     I 

Tome  XXllh  Ff 


22^  PIERRE    DE    BLOTS, 

»  ture  ,  fi  on  n'y  mcle  la  farine  d'Elifée.  Vous  voulez  ,  au 
»  contraire,  vous  unir  tous  les  jours  au  Corps  de  Jefus-Chrift , 
»  ne  difcernant  pas  le  Corps  du  Seigneur  :  c'eft  pour  cette 
r>  raifon  que  plufieurs  Ames  foibles  s'endorment  djns  leurs 
n  péchés,  ^uand  vous  ferez  affis  ,  dit  le  Sage  ^  à  la  table  du 
»  Riche ,  mettez,  un  couteau  dans  votre  bouche  ,  ofîn  que  vous 
i'>fnj[irz  différence  entre  les  viandes  célefles  &  divines  ,  les  corn- 
»  munes  €7"  les  profanes ,  par  le  refpe6i  profond  avec  lequel  vous 
»  vous  en  approcherez.  Prenez  garde  que  le  Seigneur  ne  dife 
»  de  vous  :  La  main  de  celui  qui  me  trahit  efl:  avec  moi  à  la 
»  même  table  ;  car  il  défend  à  celui  qui  efl  étranger  ou  impur 
M  de  manger  l'Agneau  Pafchal.  On  ne  doit  mettre  Jefus- 
»  Chrift  que  dans  un  linceul  très-net  &  un  monument  nou- 
»  veau ,  parce  que  le  pain  de  vie  ne  doit  être  reçu  qu'avec 
»  une  confcience  pure  &  un  cœur  fincere.  Lorfqu'on  reçoit 
»  indignement  cette  divine  Hoftie  ,  elle  condamne  celui  qui 
»  le  reçoit,  au  lieu  de  le  guérir  ;  elle  fouille, au  lieu  de  puri» 
»>fier.  Pierre  de  Blois  ajoute  :  Mais  puifque  pour  vous  em- 
»  pêcher  de  devenir  le  fujet  d'un  fcandale  général  dans  le 
M  Monaflere ,  vos  frères  ,  par  une  charité  particulière  ,  ont 
»  bien  voulu  vous  accorder  d'offrir  tous  les  jours  le  Sacrifi- 
»  ce  de  la  Meffe ,  il  ne  vous  reftera  à  l'avenir  aucune  rai- 
»  fon  de  quitter  votre  état,  ni  la  Maifon  où  vous  êtes  «,  Il 
fait  la  defcription  &  l'éloge  de  la  Chartreufe  ,  qu'il  fait  en- 
vifagcr  comme  la  Maifon  de  Dieu  &  la  porte  du  Paradis. 

XLI.  Richard ,  Roi  d'Angleterre  (  j  ) ,  enjpartant  au  mois 
de  Décembre  i  ipo  pour  la  Croifade  ,  laiffa  le  gouverne- 
ment de  fes  Etats  à  Guillaume  de  Long -Champ  ,  Evêque 
d'Ely  ,  fon  Chancelier  ;  &  pour  lui  donner  plus  d'autorité  , 
il  demanda  pour  lui  au  Pape  Clément  III.  la  Légation  d'An- 
gleterre :  mais  pendant  l'abfence  du  Roi  Richard  ,  fes  deux 
fils  excitèrent  de  grands  troubles  en  Angleterre ,  formèrent 
un  parti  contre  le  Régent  du  Royaume  ,  qui  s'oppofoit  à 
leurs  entreprifes ,  &  avec  l'aide  des  Prélats  &  des  Seigneurs 
d'Angleterre  ,  aigris  contre  l'Evêque  ci'EIy  à  caufe  de  fes 
hauteurs  ,  ils  le  deflituerent  de  la  Régence  ,  ce  qui  l'obligea 
de  fe  retirer  en  France,  &  de-là  en  Normandie.  Pierre  de 
Blois  lui  écrivit  pour  le  confolcr.  Il  inventive  vivement  contré 
ceux  qui  a  voient  eu  part  à  la  dilgrace  de  Guillaume  (r) ,  nom- 


ARCHIDIACRE  DE  BATH.  Ch.  XIV.      227 

ïïicmcnt  contre  Hugues ,  Evêquc  de  Conventri ,  qui  y  avoic 
eu  plus  de  parc  que  perlonnc. 

XLII.  Pierre  de  Blois  («)  ayant  appris  que  Guillaume  fon 
frère  »  Abbé  de  Mani  ,  avoic  été  béni  du  Pape  même  ,  en 
eut  de  la  joie  ;  mais  il  n'approuva  point  qu'il  eût  accepté  les 
ornemens  Pontificaux.  »  La  mitre  ,  dit -il  ,  l'anneau  &  les 
»  fandales ,  dans  tout  autre  que  dans  un  Evêquc  ,  lont  une 
n  oftentation  prélomptucufc.  L'ufage  de  ces  ornemens  efl 
»  dans  la  Dédicace  des  Eglifes  ,  dans  la  confécration  des 
»  Vierges  ,  &  dans  les  Ordinations  j  fondions  qui  n'appar- 
»  tiennent  pas  aux  Abbés  ,  ni  conléquemment  les  ornemens 
»  qui  y  font  deflinés«.  Il  ajoute  qu'ils  ne  peuvent  en  ce  point 
s'autorifer  de  la  Règle  de  Saint  Benoît  ;  que  cet  abus  occa- 
llonne  ou  fomente  les  conreiîations  qu'ils  ont  avec  les  Evo- 
ques ;  qu'en  vain  les  Abbés  fe  flattent  de  donner  par  -  là  un 
luftre  à  leurs  Monafleres  ;  que  pour  lui  il  ne  voit  dans  ces 
privilèges  que  le  vent  de  l'orgueil.  Guillaume  à  qui  Pierre 
de  Blois  avoit  confeillé  ,  ou  de  renoncer  à  ces  ornemens ,  ou 
à  fon  Abbaye ,  prit  ce  dernier  parti  (x)  y  6c  préféra  l'humi- 
lité d'un  fimple  Moine  à  la  dignité  d'Abbé.  Son  frère  l'en 
congratula. 

XLIII.  Il  dit  dans  une  Lettre  à  Radulphe  ,  Evoque  de 
Lizieux  (/>)  ,  qui  par  un  motif  d'avarice  8c  d'ufure  avoic 
fermé  fes  greniers  dans  un  tems  de  cherté  :  »  Scachez  que 
>>  le  fouverain  Juge  vous  rendra  refponfable  de  la  mort  de 
j>  tous  ceux  dont  vous  vous  êtes  rendu  coupable  en  ne  leur 
i>  fauvant  pas  la  vie ,  comme  vous  le  pouviez ,  par  vos  den- 
»>  rées.  On  efl  à  la  veille  de  la  moiffon  ,  &  dans  ce  tems 
»  de  difette  vous  n'avez  pas  encore  donné  à  manger  à  un  feul 
»>  pauvre. 

XLIV.  Pierre  regarde  la  diverfité  des  Ordres  Monafti- 
ques  avancageufe  à  l'Eglife  (  z)  ,  mais  il  n'approuve  pas  qu'on 
pafle  d'un  Ordre  à  un  autre  fans  de  bonnes  raiions.  La  lon- 
gueur de  la  pfalmodie  lui  paroît  utile  ,  quand  on  peut  la  fou- 
tenir  avec  dévotion  ,  &  il  ne  laifle  pas  de  la  traiter  d'occu- 
pation honnête,  quand  même  on  s'enennuieroit.  A  l'égard  du 
travail  des  mains  prelcrit  aux  Moines,  il  en  parle  comme  d'une 
chofe  qui  n'eft  ni  à  défapprouver  ni  à  louer  ,  parce  qu'il  y  a 

(«)  Epijl.  50.  I       [y)  Epift.  91. 

Fij     • 


aa8  PIERRE  DE   BLOIS; 

dans  l'Ecriture  fainte  des  pafTages  pour  &  contre.  lî  écri- 
vit deux  Lettres  au  nom  de  Richard  de  Cantorberi  (  a)  ; 
l'une  à  fes  Suffragms,  fur  la  nécefïîté  de  fecourir  la  Terre- 
fainte ,  où  les  Croifés  ie  trouvoient  réduits  à  l'extrémité  ;  l'au- 
tre au  Pape  Urbain  III.  pour  le  congratuler  fur  fon  éleélion 
au  Pontificat  (  ^  ) ,  &  le  remercier  du  Vallium  qu'on  lui  avoir 
apporté  de  fa  part. 

XLV.  Dans  fa  Lettre  à  Henri ,  Evêque  d'Oiléans  (  c)  , 
Pierre  de  B  ois  témoigne  beaucoup  de  zèle  pour  la  Croila- 
de  ;  mais  il  foutient  que  la  dépenfe  devoit  s'en  faire  aux  frais 
du  Roi  &  des  SLigneurs  qui  faccompagnoient  dans  cette 
guerre  ;  qu'allant  combattre  pour  l'Eglife ,  il  étoit  déraifon- 
nable  qu'ils  la  dépouillaffent ,  au  lieu  de  l'enrichir  des  dé- 
pouilles de  fes  ennemis-,  que  les  exactions  faites  fur  l'Eglife 
n'ont  jamais  eu  un  bon  fuccès  ;  que  pour  en  avoir  fait  dans 
la  dernière  Croiladc  ,  la  méfintelligence  fe  mit  entre  les  Chefs 
de  l'armée ,  ce  qui  en  occafionna  la  perte  ;  que  le  Roi  ne  peut 
&  ne  doit  exiger  de^  Evêques  &  du  Clergé  {d)  que  des  priè- 
res continuelles  pour  lui. 

XLVI.  Ayant  appris  qu'il  s'étoit  élevé  en  EcofTe  de  nou- 
veaux Hérétiques  (  e  )  ,  il  écrivit  à  Geoffioi ,  tils  naturel  de 
Henri  II.  Roi  d'Angleterre,  d'empêcher  qu'ils  ne  dogma- 
matifaffent ,  &  de  publier  de  l'avis  de  fon  Clergé  une  Or- 
donnance li  forte  contr'eux  ,  que  les  autres  en  foient  ef- 
frayés. 

XLVTI.  Le  compliment  qu'il  fait  à  Jean  de  Sarifberi  fur 
fa  promotion  à  l'Epifcopat  de  Chartres  (/)  ,  donne  lieu  de 
croire  que  la  Lettre  qu'il  lui  écrivit  fur  ce  fujet ,  efl  au  plus 
tard  de  l'an  1 1 80  ,  puifque  Jean  fut  fait  Evêque  de  cette 
Ville  en  1 177.  Pierre  loue  la  Vie  qu'il  avoit  compofée  de  faint 
Thomas  de  Cantorberi. 

XLVIII.  On  avoir  confulté  Pierre  de  Blois  fur  les  dégrés 
d'affinité  entre  Robert  &  Adeletie.  Pour  y  répondre  ,  il  fait 
d'abord  leur  généalogie  ,  puis  il  aécide  qu'étant  l'un  &  l'au- 
tre dans  un  degré  trcs-cloigné  d'affinité ,  leur  mariage  n'efl: 
pas  diffoluble  :  enfuite  il  r.ipporte  les  divers  empêchemens  du 


(*)  Ep^ft.  99- 
{c)  Epifl-  112.  lîi. 
(rf)  Quidallud   à   Pontificibùs ,  vel  à 
Clero ,  potefl  Yel  débet  Princeps  çxigece , 


quart!  ut  incenârter  fiât  oratio  ab  Ecclefia 
ad  Deum  pro  eo .'  Petk.  ip'ft.  îh. 

[e)  Epifl.  iij. 

(f)Epi{i.  114. 

(,g)Efip.iif. 


ARCHIDIACRE  DE  BATH.  Crt.  VIV.  229 
mariage  ,  qu'il  renferme  en  lix  vers.  Ces  cmpC-chcmcns  font 
à  peu  près  les  mêmes  qu'aujourd'hui. 

XLIX.  Pierre  de  Blois  fut  long-rems  à  refufer  d'être  pro- 
mu au  Sacc^rdoce  (  /'  )  >  <-luclque  inftance  que  lui  en  tïc  Ri- 
chard ,  E-êque  de  Londres  :  ce  n'étoic  de  la  part  ni  mépris 
ni  froideur ,  mais  une  crainte  mêlée  de  rcipcd.  Il  s'aucori- 
foit  dans  fon  éloignement  pour  ce  faint  miniflcre  par  l'e- 
xemple des  Chartreux,  qui  offrent  r.rement  le  Sacrifice  de 
l'Autel  ,  de  faint  Antoine,  de  faint  Benoit  ,  &  d-^  quantité 
d'autres  Saints  qui  n'ont  jamais  été  honor^'S  du  Sacerdoce ,  & 
qui  n'ont  pas  lai  (Té  de  fe  fauver  dans  la  fimplicité  de  leur 
état  :  mais  enfin  il  le  rendit  aux  conieils  de  fes  amis ,  comme 
on  le  voit  par  la  Lettre  à  l'Abbé  &  à  la  Communauté  de 
Chicheflre ,  dont  il  implore  les  prières  afin  qu'il  fe  trouve 
digne  d'offrir  les  Hofties  de  propitiation.  Il  dit  dans  ccrte 
Lettre  (  i  )  que  l'on  offre  fur  l'Autel  le  vrai  fang  de  l'Agneau 
fans  tache, 

L.  Plufieurs  grands  Seigneurs  vouloicnt  engager  Pierre 
de  Blois  (/)  par  leurs  préfens  &  par  Icjrs  promefles  à  dé- 
ni urer  avec  eux;  mais  il  préféroit  à  tout  une  Prébende  dans 
l'Eglife  de  Chartres ,  parce  que  cette  Ville  n'étoit  pas  éloi- 
gnée de  fon  air  natal.  On  l'acculoit  de  porter  fes  vues  au- 
delà  d'une  Prébende  (m) ,  d'en  vouloir  à  la  Prévôté ,  &  d'a- 
voir employé  pour  cela  la  recommandation  du  Roi,  du  Pape, 
des  Seigneurs  &  des  Comtes.  Il  fe  juftifia  fur  tous  ces  points 
dans  une  Lettre  à  Jean  de  Sarifberi,  Evêque  de  Charties. 

LI.  Quoique  le  Bénéfice  qu'il  poffedoit  dans  l'Eglife  de 
Sarifberi  («  )  fut  d'un  très -petit  révenu  ,  &  qu'il  ne  paffâc 
point  cinq  marcs  d'argent ,  le  Doyen  &  le  Chapitre  vouloicnt 
l'obliger  à  réfider.  Il  s'en  défendit  fur  la  modicité  de  ce  re- 
venu ;  »  Comment ,  leur  dit-il ,  pourrois-je  réfider  à  Sarif- 
»  beri  &  m'y  entretenir  ,  puifqu'à  peine  ma  Prébende  en- 
«  tiere  pourroit  fufiire  pour  les  frais  du  voyage  «.  Il  prétend 
que  la  Conflitution  des  Evêques  Ofmond  8c  Jocelin  qu'on 
lui  objeâoit ,  ne  regardoit  que  les  Bénéficiers  riches. 

LU.  Voici  les  inurutlions  (  0  )  qu'il  donne  à  des  Abbés 


{h)  Eptjl.  lij. 

(t  )  Sanf^a  Sanftorum  Juki  afFeiftu  purâ 
&  defecatâ  intentione  intrat  Sacerdos;  cum 
fanguine ,  jam  verum  languinem  Agni  im- 
molati  offerens.  Epfi.  1 33» 


(/)  £/>■/?.  iz8. 
(m)  £/;«/?.  1 50. 
(»)  Epijl.  133, 
(0)  Efift.liz^ 


230  PIERRE  DE  BLOIS, 

nouvellement  élus.  »  Il  efl:  confiant ,  félon  les  anciens  Maîtres 
de  la  vie  Monartiquc ,  que  le  vœu  de  la  profeflîon  Reiigieu- 
fe  ne  peut  être  annuUé  depuis  qu'on  l'a  fait.  Pour  avoir  été 
élu  Abbé ,  vous  n'avez  pas  celle  d'être  le  frère  de  ceux  qui 
vous  ont  choifi  pour  leur  Supérieur.  Si  vous  avez  jufqu'icî 
porté  le  joug  du  Seigneur  ,  vous  devez  le  porter  à  l'avenir 
avec  encore  plus  de  patience  ,  &  vivre  régulièrement  parmi 
ceux  que  vous  êtes  chargez  de  former  à  la  vie  Religieufe. 
Votre  clc£lion  ,  votre  dignité  ne  vous  dégagent  pas  des  pro* 
méfies  que  vous  avez  faites ,  ni  de  robfervance  de  vos  Rè- 
gles ;  au  contraire  elles  vous  y  obligent  plus  fortement  ;  fai- 
tes tout  avec  confeil ,  mais  ne  conlultez  que  ceux  qui  font 
d'une  vertu  éprouvée  ;  donnez  à  vos  Religieux  des  avertif- 
femens  falutaires,  afin  qu'ils  s'occupent  de  la  vertu  ,  &  qu'ils 
remportent  de  leurs  travaux  les  fruits  de  la  félicité.  Il  étoit 
plus  fur  pour  vous  d'être  foumis ,  que  de  prélider  (p  )  ;  mais 
vous  mériterez  fi  vous  préfidez  de  façon  à  votre  Commu- 
nauté que  vous  lui  foyez  utile  :  étant  dans  un  office  inférieur 
vous  y  trouviez  fouvent  de  l'ennui  ,  &  toujours  du  dan- 
ger. Pofé  maintenant  fur  le  Chandelier ,  vous  entrez  dans 
la  carrière  des  événemens  douteux  ;  occupé  des  foins  de  vos 
biens  temporels  &  du  falut  des  Ames,  ce  ne  fera  pour  vous 
J.  Or.  J.7.  q^jg  combats  au  dehors,  &  que  frayeurs  au  dedans.  Ren- 
dez-vous aimable  &  imitable  à  vos  frères  ;  faites  non-feule- 
ment ce  qui  vous  eft  utile ,  mais  ce  qui  l'efl;  à  plufieurs.  Il 
eft  bien  mieux  que  vous  travailliez  à  augmenter  la  bonté  des 
mœurs  de  votre  Communauté  ,  que  fes  poflefïions  ;  de  rem- 
plir le  Ciel,  que  vos  greniers  :  vous  pouvez  faire  l'un,  &  ne 
pas  omettre  l'autre. 

LUI.  Pierre  de  Blois  (q)  qui  avoir  demandé  au  Doyen 
&  au  Chapitre  de  Sarifberi  d'être  difpenlé  de  réfider ,  à  rai- 
fon  de  la  modicité  du  revenu  de  fa  Prébende  ,  écrivit  aux 
mêmes  de  la  part  de  Hubert ,  Archevêque  de  Cantorberi , 
pour  leur  fignifier  de  ne  point  inquietter  fur  la  réfidence  un 
de  leurs  Chanoines  nommé  Thomas  d'Efleben  ,  tant  qu'il 
feroit  occupé  des  affaires  du  Royaume.  11  prend  de-là  occa- 
fion  de  marquer  en  combien  de  cas  un  Chanoine  ou  tout  au- 
tre Clerc  efl  difpenfé  de  réfider  dans  fon  Eglife.  Il  en  efl 
difpenfé  lorfque  le  bien  public  l'exige  ,  étant  raifonnable  que 


ARCHIDIACRE  DE  BATH.  Ch.  XIV.  231 
celui  qui  travaille  pour  tous ,  ioit  exempt  de  la  Loi  commu- 
ne ;  lorique  le  Primat  du  Royaume  en  a  befoin  pour  le  gou- 
vernement des  Egliles ,  parce  qu'il  leur  eft  permis  de  pren- 
dre des  Clercs  pour  leur  lervice  dans  toutes  les  Cathédrales 
du  Royaume  ;  lorlque  le  Roi  en  a  befoin  pour  fcs  propres 
affaires  ;  enfin  dans  le  cas  d'infirmité ,  de  pèlerinage  ,  d'é- 
tude dans  les  Collèges ,  ou  d'infuflfifance  de  la  Prébende. 

LIV.  Dans  la  Lettre  fuivante  (r)  Pierre  fe  plaint  au 
nom  de  Henri  II.  Roi  d'Angleterre,  au  Pape  Alexandre  III. 
de  la  rébellion  de  fes  enfans  ,  &  lui  demande  fon  Iccours. 
»  Je  me  jette  ,  lui  dit  ce  Prince ,  à  vos  genoux  pour  vous 
»  demander  confcil.  Le  Royaume  d'Angleterre  eft  de  votre 
»>  Jurifdidion  ,  &  quant  au  droit  féodal  ,  je  ne  relevé  que 
»  de  vous.  Que  l'Angleterre  éprouve  maintenant  ce  que  peut 
»>  le  Souverain  Pontife,  &  puisqu'il  n'ufe  point  d'armes  maté- 
«  riclles ,  qu'il  défende  le  patrimoine  de  faint  Pierre  par  le 
»  glaive  fpirituel.  Je  pourrois  repoufler  par  les  armes  les  inful- 
»  tes  de  mes  enfans ,  mais  je  ne  puis  me  dépouiller  de  la  ten- 
}>  drefle  de  père. 

LV.  Dans  le  doute  où  étoit  un  Clerc  de  ce  Prince  (j)  , 
s'il  s'appliqueroit  à  l'étude  des  Loix  &  de  la  Jurifprudcnce  , 
ou  s'il  fe  fixeroit  à  l'étude  de  l'Ecriture-fainte  &  de  la  Théo- 
logie ,  Pierre  de  Blois  lui  fit  obferver  que  le  premier  parti 
étant  rempli  de  dangers  pour  un  Eccléfiaftique ,  il  n'en  avoit 
pas  d'autre  à  prendre  que  le  fécond  ,  qui  étoit  plus  conve- 
nable à  fa  condition  &  au  règlement  de  fes  mœurs.  "  La 
connoiflance  des  Loix  humaines,  dit- il,  enfle  le  cœur;  celle 
de  Loix  divines  l'édifie  :  ceux  qui  cultivent  les  premières 
font  induftrieux  pour  faire  le  mal ,  mais  ils  ne  fçavent  pas 
faire  h  bien  ;  les  autres  font  doux  &  humbles  de  cœur  ,  Dieu 
les  maintient  dans  la  paix«.  En  parlant  du  changement  qui 
fe  fait  du  pain  &  du  vin  au  Corps  &  au  Sang  de  Jefus-r 
Chrift,il  fe  fert  du  terme  de  tranfubftantiation.  »  Vous  voyez, 
dit-il ,  dans  un  feul  Sacrement  un  abîme  très-profond  &  im- 
pénétrable à  la  raifon  humaine  :  le  pain  &  le  vin  y  font  tran- 
lubftantiés ,  par  la  vertu  des  paroles  céleftes  ,  au  Corps  &  au 


(r)  Animo  me  veftris  advolvo  geni- 
bus,  confiliiim  falutare  depofcens.  Veilras 
Jurifdiaicnis  ert  Regnum  Angliîc,&  quan- 
tum ad  feuJatorii  Juns  obllgationem  vo- 
bis  dumtaxat  obnoxius  teneor,  Experia- 


tur  AngHa  qui!  poffit  Romanus  PoiU'fex  y 
&  quia  materialilms  armi=  non  utit  ir,  pa- 
trimonium  beati  Pétri  fpirituali  gladio  [aea- 
tur.  Petr.  'Blés.  E^'ijl.  136. 
(j)  i//j/2.  140, 


232  PIERRE    DE    BLOIS, 

Sahg  de  Jefus-Chrill  (f),  &  les  accidens  qui  y  croient  aupa- 
ravant, y  demeurent  fans  fujet  &  s'y  voient.  Quoique  le  Corps 
de  Jcfus-Chrifl:  foie  chair ,  &  non  pas  efprit ,  il  nourrit  néan- 
moins rcfprir ,  &  non  le  corps  ,  parce  qu'il  nourrit  &  vivi- 
fie fDiriruellemenc.  Le  même  Corps  fe  trouve  chez  nous  & 
en  divers  (.ndr  its  ,  parce  que  contre  h  nature  des  corps  il 
eu.  lur  divers  Autels,  &  en  même  tems  dans  le  Ciel.  Il  e(l 
vr  li  que  par  fa  nature  corporelle  il  ne  peut  être  qu'en  un  feul 
endroit  &  d'.^ne  manière  circonlcripible  ;  mais  par  fa  vertu 
&  p.r  fa  toute-puiflance  il  efl  en  plufieurs  lieux  d'une  manière 
fpiriruelle  :  ce  qui  eft  un  effet  de  l'union  intime  de  la  divinité 
&  de  la  chair. 

LVI.  La  Lettre  de  Pierre  de  Blois  à  Savarie,  Evêque  de 
Bath  (  «  ) ,  cft  pour  l'engager  à  retourner  dans  fon  Diocèfe , 
&  à  ne  pas  abandonner  fon  Eglife  fous  prétexte  de  pèleri- 
nage. "Quelle  efl:  donc,  lui  dit-il ,  l'utilité  ,  la  néceflîté,  la 
décence  d'un  fi  long  voyage  ?  La  Vérité  dit  aux  Apôtres  : 
Si  fon  vous pourfuit  dans  une  Ville ,  fuy^z  en  une  autre.  Ce  n'efl: 
pas  dans  le  tems  de  la  paix ,  miis  de  la  perfécution  ,  que  le 
Sauveur  confeille  la  fuite  à  fes  Difciples.  Souvenez- vous  , 
mon  Père  ,  que  vous  êtes  le  Vicaire  de  faint  Pierre  :  c'efl  en 
lui  qu'il  vous  a  été  dit  :  Si  vous  n^ aimez,  paijftz  mes  brebis, 
Qu'eft-ce  que  paître  les  Brebis ,  finon  annoncer  l'Evangile 
à  fes  Peuples?  Les  Laïques  pleurent  votre  abfence;  les  Reli- 
gieux en  gémiflent ,  tous  foupirent  après  leur  Pafteur  &  leur 
Evêque  «.  Pierre  étant  déjà  vieux  {x)  fe  vit  à  la  veille  d'ê- 
tre privé  de  fon  Archidiaconé  de  Bath.  Il  eut  recours  à  l'au- 
torité des  amis  qu'il  avoir  à  la  Cour,  pour  faire  tomber  les 
calomnies  répandues  contre  lui  ;  en  attendant  on  lui  offrit 
l'Archidiaconé  de  Londres.  Il  étoit  confidérable  pour  le  nom- 
bre des  pcrfonnes  qui  en  dépendoient  ;  on  y  comptoit  qua- 
rante mille  hommes ,  &  plus  de  fix-vingt  Fglifes  {y  )  ;  mais 
Pierre  n'en  tiroir  ni  dixmes ,  ni  prémices ,  ni  oblations ,  quoi- 
qu'il fût  Prêtre ,  ni  aucun  des  droits  qu'on  avoit  coutume  de 
payer  aux  Archidiacres  ,  ce  qui  Tobligea  de  fe  pouvoir  au- 
près du  Pape  Innocent  III.  pour  fe  procurer  de  plus  amples 


(  t  )  In  uno  Sacramentorum  videas  abyf- 
funi  p-ofundi(ïîmam  &  humanofenfui  ini- 
perceptibiltm  pane  &  vino  tranfubftan- 
tiatis  virtute  verboram  cœleftium  in  Cor- 
pus &  Sanguinem:  açci(l^ntia,quxprius  ibi 


fuerant,  (înefub'eâo  rémanent  &  apparent, 
&c.  Petr.  Blés.  T.piji,  140. 

(  M  )  Efip.  1 47« 

(*)  Eptji.  t49- 

{y)  EpiJ}.  iju 

revenus 


ARCHIDIACRE  DE  BATH.  Ch.  XIV.  255 
revenus  que  ceux  qu'il  pcrccvoit ,  attendu  les  grands  mou- 
vemcns  qu'il  le  donnoit  ,  tant  pour  l'inftrudion  du  Clergé  , 
que  pour  la  reformation  des  mœurs  du  Peuple.  Il  pria  le 
même  Pape  de  changer  un  Chapitre  dont  il  ctoit  Doyen  , 
en  un  Monaftere  de  l'Ordre  de  Cîteaux  (z).  Ce  Chapitre 
étoit  dans  le  Diocèle  de  Chicheftrc  ,  &  le  Décanat  ctoit  à  la 
collation  du  Roi.  Pierre  le  remit  entre  les  mains  de  ce  Prince 
dans  l'efpcrance  du  changement  qu'il  projettoit. 

LVII.  Le  Roi  Henri  II.  (a)  avoir  envoyé  vers  le  Roi  de 
France  Louis  VII.  Rotrou,  Archevêque  de  Rouen  ,  &  Ar- 
noul ,  Evêque  de  Lizieux  ,  pour  l'engager  dans  fes  intérêts. 
La  dépuration  fut  fans  fuccès.  Pierre  de  Blois  écrivit  au  nom 
des  Députés  que  le  Roi  de  France ,  &  tout  fon  Royaume , 
avoient  confpiré  contre  Henri  II.  que  la  feule  reflburce  qui 
lui  refloit  étoit  dans  la  garde  de  fes  frontières  &  de  fes  pla- 
ces fortes ,  &  à  mettre  fa  propre  Perfonne  en  fureté.  Les  rai- 
fons   de  mécontentement  du  Roi  de  France  contre  celui 
d'A  ngleterrc  font  détaillées  dans  cette  Lettre.  Pierre  de  Blois 
en  écrivit  une  au  nom  du  même  Archevêque  à  la  Reine 
Eléonore ,  femme  de  Henri  Il.'pour  l'engager  à  fe  réconcilier, 
elle  &  fes  enfans  ,  avec  fon  mari ,  autant  pour  éviter  la  perte 
de  fa  famille  ,  que  la  défolation  du  Royaume.   Pierre  de 
Blois  y  étoit  pendant  tous  ces  troubles ,  &  y  avoir  pafle  vingt- 
fix  ans.  L'amour  de  la  Patrie  le  rappelloit  en  France,  il  fou- 
haitoit  du  moins  d'y  être  enterré  :  c'efl:  le  lujet  de  fa  Lettre 
à  Odon  ,  Evêque  de  Paris  (  fe  )  ;  toutes  celles  qui  fuivent  n'ont 
rien  de  bien  remarquable.  La  167^.  eft  un  compliment  de 
condoléance  à  la  Reine  Eléonore  fur   la  mort  de  fon  fils 
Henri  III.  Il  y  efl;  dit  que  tout  le  Peuple  d'Acre  ou  Ptolé- 
maïde  ayant  appris  la  mort  de  ce  Prince  ,  qui  s'étoit  croifé 
pour  aller  à  Jérufalem  (c)  ,  affembla  les  Evêques  ,  les  Pa- 
fleurs,  les  Barons  du  Royaume  de  Jérufalem  dansl'Eglife  de 
la  Sainte  Croix  ;  qu'on  y  fit  des  obfeques  à  ce  Prince  ;  que 
le  Légat  célébra  pour  lui  le  faint  Sacrifice  ,  &  accorda  aux 
Peuples  des  Indulgences  en  leur  enjoignant  des  prières  par- 
tie ul  cres  ,  tant  pour  ce  Prince  mort ,  que  pour  la  Famille 
P.oyale.  Henri  III.  fc  voyant  en  danger  {d)  ,  envoya  d'a- 
bord à  fon  Père  ,  puis  il  confeffa  fes  péchés  en  fecrtt  aux 
-        II.       — — '  ■  •    ' 

(0  Epift.    1^1.  I     (c)  Epijl.  167. 

(a)  Epift.  i^}.  I     ('')  RooEan.  pag.  6i<a. 

(*)£/>;/?,  l'o.  J 

TomeXXllU  G  g 


^^  PIERRE   DE   BLOIS, 

Evêqucs ,  cnfuite  publiquement  ;  après  en  avoir  reçu  l'abfo- 
folution  ,  il  reçue  le  laint  Viatique ,  couche  fur  la  cendre  , 
ayant  fous  lui  deux  pierres  quarrées ,  l'une  à  fa  tête ,  l'autre 
à  fes  pieds ,  &  mourut  le  onzième  de  Juin  1 183  ,  âgé  de 
28  an5. 
Sermon,  Je  LVIIT.  Les  Difcours  de  Pierre  de  Blois  font  au  nombre 
Picne.'eBiois.  de  foixante-cinq ,  tant  fur  les  Dimanches  que  fur  les  Fêtes 
de  l'année  :  la  plupart  font  très-courts,  compofés  prefque  en- 
tièrement de  paffages  de  l'Ecriture.  Le  flyle  en  eft  coupé  & 
fententieux ,  comme  celui  de  fes  Lettres  :  mais  dans  celles- 
ci  ,  outre  les  Ecrivains  facrés  ,  il  cite  très-fouvent  les  pro- 
fanes ,  fur-tout  les  Poètes.  Il  y  a  aufll  plus  de  feu  que  dans 
fes  Difcours ,  particulièrement  quand  il  eft  queftion  de  com- 
battre les  vices  ,  de  maintenir  la  faine  do£lrine  &  les  rè- 
gles de  la  difcipline  ,  fes  propres  incèrêts ,  ceux  de  l'Etat. 
Opufcuies  de  LIX.  Des  dix-fept  Opufcules  de  Pierre  de  Blois  ,  le  prc- 
PierrecieBlois. (yjier  eft  un  Difcours  moral  fur  la  Transfiguration,  adrelTè, 
Traiwfigura-  commc  l'on  croit  ,  à  Frumald  ,  Evêque  d'Arras  ,  qui  lui 
tioofp.^oo,  avoit  ordonné  de  traiter  ce  Myftere  d'une  manière  qui  pûc 
édifier  ceux  qui  l'entendroient  ou  le  liroient.  Il  fut  voir  qu'il  a 
été  aufti  facile  à  Jefus-Chrift  de  fe  monrrrr  tout  éclatant  de 
gloire  dans  fon  corps  mortel ,  que  de  donner  à  loucher  les 
cicatrices  de  ce  même  corps  devenu  immortel  après  fa  Ré- 
furreftion ,  parce  que  l'un  &  l'autre  éroit  un  effet  de  fa  puiftan- 
ce  comme  Dieu.  Il  fait  confifter  la  glorification  du  corps  dans 
quatre  chofes  ,  la  clarté  ,  l'agilité  ,  la  fubtilité  ,  l'immorta- 
lité ,  &  dit  que  le  Sauveur  ne  parut  glorifié  à  la  Transfigu- 
ration que  par  la  première  de  ces  qualités  ,  c'eft-à-dire  ,  par 
la  clarté  ou  la  fplendeur.  Pierre  en  prend  occafion  de  parler 
de  la  blancheur  ou  de  l'innocence  que  nous  acquérons  dans 
le  Baptême ,  &  par  la  pénitence  ,  qu'il  appelle  une  féconde 
table  après  le  naufrage  ,  lorfque  cette  pénitence  eft  parfaite  ; 
que  fi  elle  ne  l'eft  pas,  il  eft  befoin,  ajoute-t-il ,  que  la  rouille 
que  la  confeftion  n'a  pas  nettoyée  ,  le  foit  par  le  feu  du  Pur- 
gatc»re  (e  ).  Il  dit  que  ce  feu  n'eft  pas  éternel ,  mais  qu'il  caufe 
des  douleurs  au-defîus  des  plus  aiguës  que  l'on  puifle  éprouver 
en  cette  vie. 


(f)  Quidquid  fqualoris  aut  rubiginis  I  sternum,  otnnes  dolores  vit*  pr^fenris 
confeffio  non  mundavit,  igné  Purgatorio  j  excedit.  Pete,  Blés.  De  Transjig. p. ^oi, 
abluatur . . .  quod  incendium ,  licetrion  fit    40*. 


ARCHIDIACRE  DE  BATH.  Ch.XIV.  23c 
LX.  Il  n'y  a  rien  de  remarquable  dans  le  fécond  Dif-  Tr/nédcU 
cours,  qui  a  pour  lujcc  la  Converlion  de  laint  Paul.  Le  Trai-  s.''p^u'i''°p"„'j!; 
té  lur  Job  cft  un  Commenrairc  fur  les  deux  premiers  Cha-  404.  &'fui 
pitres  de  ce  Livre  ,  lur  une  partie  du  troificme  &  du  qua-  ^°'^- 
rantc- deuxième.  Pierre  de  Blois  dédia  cet  Opuiculeà  Henri 
II.  Roi  d'Angleterre  ,  qui  le  lui  avoit  demande.  Il  y  décla- 
me contre  les  Prélats  qui  tiroicnt  les  revenus  d'un  grand 
nombre  d'Eglifes,  fans  s'inquietter  du  foin  des  Ames  :  con- 
tre les  Clercs  qui  ne  s'occupoient  que  d'accumuler  Prébende 
fur  Prébende  ;  contre  les  Chanoines  réguliers  8c  les  Moines 
occupés  de  procès  &  de  la  bonne  chère.  II  dit  qu'il  en  a  plus 
coûté  à  Dieu  de  racheter  l'Homme ,  que  de  créer  le  Monde  » 
étant  devenu  de  Seigneur,  efclave  ;  de  riche,  pauvre;  d'im- 
mortel ,  fujet  à  la  mort  ;  de  Fils  de  Dieu  ,  Fils  de  l'Homme. 
Cette  confidération  méritolc  de  la  part  du  Roi  Henri  de 
grandes  adions  de  grâces  envers  Dieu.  Pierre  lui  repréfente 
encore  les  bienfaits  temporels  qu'il  en  avoit  reçus;  de  Comte 
il  devint  Duc  ;  de  Duc ,  Roi ,  vainquit  plufieurs  Rois ,  ajouta 
des  Provinces  à  fon  Royaume  ,  réduifit  fes  enfans  révoltés 
contre  lui  à  l'obéifTance.Il  raconte  des  chofes  merveilleufes  d'un 
Chartreux  nommé  Gérard  ;  entr'autres ,  qu'encore  qu'il  n'eût 
jamais  étudié  ,  il  répondoit  avec  exa£titude  fur  tous  les  arti- 
cles de  la  Foi ,  comme  s'il  eût  pafTé  la  plus  grande  partie  de  fa 
vie  dans  les  Ecoles  de  Paris. 

LXI.  Le  Traité  qui  a  pour  titre  ;  ^ue  Fon  doit  Je  hâter  Traité  furie 
d'entreprendre  le  voyage  de  Jérufalem ,  efl:  une  exhortation  aux  ]'°(^^fm,  p^^ 
Princes  Chrétiens  de  fecourir  la  Terre  -  fainre.  Il  ramafle  à  42;. 
cet  effet  tout  ce  qu'on  lit  de  plus  fort  dans  l'Ecriture  contre 
la  Ville  de  Jérufalem  &  fes  Habitans  ;  les  menaces  &  les 
prédirions  des  Prophètes  contre  fes  défordres  ,  &  ce  qu'ils 
ont  dit  des  miféricordes  de  Dieu  envers  les  pécheurs  qui  ren- 
treront dans  la  voie  du  falut.  Il  parle  de  la  dixme  Saladine 
&  de  l'abus  qu'on  en  faifoit.  »  Les  ennemis  de  la  Croix , 
dit-il ,  qui  devroient  être  fes  enfans  ,  anéantiflent  leur  vœu 
par  leur  avarice ,  fous  prétexte  d'une  damnable  collc£te  ,  & 
tournent  la  Croix  en  fcandale  «.  Mais  il  ne  laiflc  pas  de  re- 
garder la  Croifade  comme  un  moyen  fuffifant  d'effacer  fes 
péchés  :  il  le  propofe  aux  riches ,  en  leur  faifant  remarquer 
que  le  délai  de  la  pénitence  leur  efl:  plus  dangereux  qu'aux 
pauvres  ,  &  que  l'on  en  trouve  peu  qui  foient  morts  comme 
on  meurt  communément  ;  fur  quoi  il  rapporte  les  exemples 

Ggij 


2^6  pierhe  de  blots; 

des  Rois ,  des'  Princes  &  des  autres  Grands  du  Monde ,'  qui 
font  péris ,  ou  par  l'épée  ,  ou  par  d'autres  morts  violentes. 
Pierre  paroîr  perfuadé  qu'en  confiant  la  Croifade  à  des  per- 
fonnes  d'un  moindre  rang ,  elle  auroit  eu  plus  de  fuccès  ,  ou 
du  moins  qu'il  convenoit  que  l'Empereur  Frideric ,  &  Phi- 
lippe ,  Roi  de  France ,  conduififlfcnt  cette  entrsprife  avec  plus 
de  difcipline ,  &  une  armée  moins  nombreufe ,  mais  compofée 
de  gens  d'élite.- 
inOruaions     LXII.  Suit  dans  le  Recueil  des  Œuvres  de  Pierre  de  Blois 
au  Sultan  d'i- une  Inflru£tion  fur  la  Foi  Chrétienne  pour  le  Sultan  d'Ico- 
conie,/,43i.^jg^  faite  au  nom  d'Alexandre  III.  en  i  i6p.  »  Nous  avons 
appris  par  vos  Lettres  ,  lui  dit  ce  Pape  ,  &  par  la  relation 
fidèle  de  vos  Envoyés  ,  que  vous  defirez  vous  convertir  à 
Jcfus-Chrift ,  &  que  vous  avez  déjà  reçu  le  Pcntatcuque  de 
Moyfe  ,  les  ÎProphéties  d'Ifaïc  &  de  Jérémie ,  les  Epîtres  de 
faint  Paul ,  &  les  Evangiles  de  faint  Jean  &  de  faint  Mat- 
thieu. Vous  demandez  qu'on  vous  envoie  un  Homme  ortho- 
doxe qui ,  de  notre  part ,  vous  inflruife  plus  amplement  de 
la  Loi  de  Jefus-Chriil.  Dans  le  deflein  de  vous  accorder 
une  demande  qui  nous  fait  tant  de  plaifir ,  nous  aurons  foin 
de  vous  envoyer  des  Perfonnes  donc  la  dodrine  &  les  mœurs 
puifTent  vous  édifier ,  &  qui  foient  en  état  de  vous  donner 
en  notre  nom  des  avis  falutaircs  ;  &  parce  que  vous  demandez 
encore  par  vos  Lettres  une  expofition  de  notre  Foi,  nous  vous 
la  donnons  ici  en  abrégé. 
,  ,  .       LXIII.  Le  Pape  lui  propofe  d'abord  à  croire  le  myftere 
Toi!^UiJ%.  ^'^  l'unité  d'un  Dieu  en  trois  Perfonnes,  dont  il  lui  donne 
*îî»  un  exemple  dans  les  chofes  créées;  fçavoir ,  dans  l'ame  hu- 

maine ,  où  l'on  diftingue  l'entendement ,  la  mémoire  ,  &  la 
volonté  ;  dans  le  Soleil ,  où  l'on  diftingue  le  rayon  ,  la  cha- 
leur, la  fplendeur:  trois  chofes  toutefois  qui,  foit  dans  l'A- 
me ,  foit  dans  le  Soleil ,  font  d'une  même  elfence.  Du  my- 
ftere  de  la  Trinité  il  pafTe  à  celui  de  l'Incarnation  ,  &  prou- 
ve l'un  &  l'autre  par  les  paflages  de  l'Ecriture  ,  de  ceux-là 
fur-tout  que  le  Sultan  avoit  entre  les  mains.  Il  fait  l'éloge  de 
la  fainte  Vierge ,  Mère  du  Médiateur  de  Dieu  &  des  Hom- 
mes ,  montrant  qu'elle  l'a  conçu  par  l'opération  du  Saint- 
Efprit ,  &  mis  au  Monde  fans  perdre  fa  virginité.  Il  vient 
-  de  -  là  à  la  néceflité  du  Baptême  ,  &  à  la  vertu  de  ce  Sa- 
crement. On  ne  fçait  pas  quel  effet  cette  Inftru6lion  pro-t 
duific. 


ARCHIDTARCRE  DE  BATH.  Ch.  XTV.  237 
LXIV.  Pierre  de  Blois  fit,  à  la  prière  d'un  Pwcqirc  qu'il  Traité  de  la 
ne  nomme  pas  ,  le  Traité  de  la  Confcffion  lacramemalcll  ^""'i'^'T/r 
commence  par  établir  le  pouvoir  des  clefs  par  l  autorité  de4}é. 
l'Ecriture  &  des  Pères,  cnibite  rucilitc,  la  ndcelTud  &  l'in- 
tégrité de  la  ConfelFion  :  non-feulemcnr  le  pécheur  doit  s'ac-  Pag.  4j8. 
culer  au  Prêtre  de  tous  fes  péchés  en  détail  ,  il  cfl:  encore 
néceflaire  qu'il  en  dife  les  circonftances ,  la  caufe  ,  le  lieu , 
le  tems ,  la  manière ,  &  tout  ce  qui  aggrave  le  péché  ;  on 
ne  doit  pas  même ,  dans  l'examen  de  fa  confcience ,  négliger 
les  péchés  véniels ,  ce  lont  des  gouttes  d'eau  qui  en  le  mul- 
tipliant font  couler  à  fond  le  vaifleau.  A  l'égard  de  la  péni» 
tence  ,  fi  nous  la  mefurons  fur  le  nombre  &  la  grandeur 
de  nos  péchés  ,  elle  ne  nous  paroîrra  jamais  fufTifanre  pour 
fatisfaire  à  Dieu:  au  refte  ,  quand  nous  avons  le  cœur  tou- 
ché de  douleur ,  &  que  nos  yeux  fe  répandent  en  Urmes , 
ne  nous  flattons  pas  auflï-tôt  d'être  réconciliés  avec  Dieu  ;  la 
vraie  pénitence  ne  confifle ,  ni  dans  une  effufion  momentanée 
de  larmes ,  ni  dans  une  compondion  d'une  heure  ;  une  affec- 
tion rriême  pieufe  n'eft:  pas  méritoire  du  falut ,  fi  elle  ne  pro- 
cède de  l'amour  de  Dieu. 

LXV.  Après  avoir  établi  les  règles  de  la  Confeflîonj  Pierre  Jf^"^ ''!'=' 
de  Blois  prefcrit  au  Confeffeur  Ta  manière  dont  il  doit  fepoféTp^'Te" 
comporter  envers  le  Pénitent.  II  exige  de  lui  en  premier  lieu  Pr^re,/».  444- 
un  fecret  inviolable ,  en  forte  qu'il  ne  découvre  le  crime  du 
Pénitent,  ni  de  vive  voix,  ni  par  aucun  figne  extérieur,  com- 
me fcroit  un  air  de  mépris  &  de  froideur.  Suivant  la  rigueur 
des  Canons  ,  un  Confeifeur  qui  déclare  les  péchés  qu'on  lui 
a  confeffés  ,  doit  être  dépofé  fans  efpérance  de  rétabliffe- 
ment  ,  &  condamné  à  d'ignominieux  pèlerinages  ,  ce  qui 
doit  s'entendre  de  la  façon  de  les  faire ,  comme  de  porter 
des  marques  de  pénitence.  Il  demande  en  fécond  lieu  qu'il 
ait  des  mœurs  &  de  la  fcience ,  foit  pour  édifier  le  Pénitent, 
foit  pour  connoître  la  qualité  des  péchés,  &  les  remèdes. 
Pierre  remarque  qu'il  étoit  d'ufage  que  les  Moines  fe  con- 
feflaffent  à  leur  Abbé ,  &  défapprouve  ,  comme  contraire 
aux  Conftitutions  des  Pères ,  la  conduite  de  ceux  qui  fe  con-  Pag.  44$^ 
feflbient  aux  Evoques  ou  à  leurs  Délégu:s  ;  mais  auflfi  il  re- 
commande aux  Abbés ,  fur-tout  à  celui  à  qui  il  adreflbit  ce 
Traité ,  de  ne  point  affe£l:er  fur  leurs  Religieux  un  air  de 
domination ,  bien  moins  un  air  de  mépris  ;  au  contraire ,  d'a- 
voir pour  eux  des  fentimens  de  bonté  ,  &  de  leur  témoigner 


2^8  PIERRE   DE   BLOIS, 

d'autant  plus  de  douceur,  qu'ils  font  plus  infirmes.     •.•  ,  * 
luuiin'S      LX VL  Le  Traité  intitulé  :  Canon  Epifcopal ,  ou  Injikmion 
Evéquc,  pag.  (i'm  Evêque ,  en  renferme  les  devoirs  :  qu'il  foie  réglé  dans 
447.  fes  mœurs ,  libéral ,  affable  _,  doux  ,  difcret  dans  fes  ordres , 

.3r| ..        modefte  dans  fes  entretiens,  timide  dans  la  profpérité,  fer- 
me dans  l'adverfité,  modéré  dans  fon  zèle,  fervent  dans  les 
œuvres  de  miféricorde ,  ni  trop,  inquiet  ni  trop  indolent  dans 
fes  affaires  domelliques ,  en  chofes  d'importance  &  d'une  exé- 
cution difficile  ;  qu'il  délibère  d'abord  en  lui-même  ,  puis 
avec  des  pérfonnes  de  probité  connue ,  qu'il  ferve  d'exem- 
ple à  ceux  qui  demeurent  avec  lui  ;  qu'ils  lifent  dans  les  ac- 
tions ce  qu'ils  doivent  faire  eux-mêmes  ;  que  tous  fes  momens 
foient  remplis  de  bonnes  œuvres ,  fur-tout  de  la  lefture  des 
divines  Ecritures  ;  qu'il  rapporte  à  Dieu  le  fruit  de  fes  tra- 
vaux fpirituels  :  s'en  glorifier  en  lui-même  ,  feroit  fe  rendre 
odieux  à  Dieu  ;  qu'il  n'imite  pas  ceux  qui,  après  avoir  paffé 
dans  la  piété  la  première  année  de  leur  Ordination  ,  fe  relâ- 
chent enfuitejufqu'à  négliger  abfolument  leurs  devoirs;  ni  ceux 
qui ,  abufant  des  libéralités  &  des  aumônes  faites  à  l^Eglife 
par  les  Rois,  prennent  par  vanité  les  titres  de  Barons  ou  de 
Seigneurs  Régaliers  :  héritier  &  Vicaire  de  faint  Pierre  ,  il 
doit  paître  Ion  Troupeau  en  lui  enfeignant  les  vérités  de 
l'Evangile  ;  s'il  affeâe  les  honneurs  de  TEpifcopat ,  c'eft  un 
mercenaire  ;  s'il  en  fupportc  volontiers  le  fardeau ,  il  efl:  au 
pouvoir  de  Dieu  d'augmenter  la  grâce  qu'il  lui  a  déjà  con- 
férée ,  &  de  le  mettre  en  état  de  tirer  de  nouveaux  avantages 
des  anciens.  Pierre  de  Blois  fe  plaint  que  fous  le  Règne  de 
Conftantin  plufieurs  Evêques  ,  pour  plaire  à  ce  Prince ,  té- 
moignoient  plus  de  refped:  pour  fes  Edits ,  que  pour  les  pré- 
ceptes de  l'Evangile.  Il  fait  des  plaintes  à  peu  près  fembla- 
bles  de  quelques  Evêques  de  ion  tems  ,  &  leur  reproche  en 
particulier  de  juger  des  caufcs  de  fang  ,  de  condamner  des 
coupables ,  ou  à  la  mort  ,  ou  à  la  perte  de  quelques  mem- 
bres ,  fe  croyant  innocents  du  fang  qu'ils  faifoient  répandre  , 
parce  qu'ils  ne  prononçoient  pas  eux-mêmes  la  Sentence.  Les 
Evêques  ont,  dit-il ,  Tintendance fur  lésâmes,  &  non  fur  les 
corps:  ils  n'ont  rien  de  commun  avec  Pilate. 
Traité  contre      LXVH.  Lcs  plaintes  de  Pierre  de  Blois  contre  les  Ecclé- 
fe" Ouvrages^  fiaftiques  &  les  Moines,  lui  attirèrent  des  cenfeurs  qui  l'ac- 
f.4;;.  cuferent  d'être  en  ce  point  un  calomniateur ,  &  de  fiatter  les 

Princes  de  la  terre.  Il  fe  juftifia  fur  ces  deux  articles  ,  en 


ARCHIDIACRE  DE  BATH.Ch.:kIV.  2^9 
difanc  que  dans  les  Ouvrages  j  dont  il  ùic  le  catalogue  ,  il 
avoit  repris  avec  liberté  le  Roi  &  les  grands  Seigneurs  du 
Royaume  ,  quand  il  en  avoic  eu  occalion  ;  mais  aufll  qu'il 
n'avoir  pas  manque  de  leur  dire  des  choies  d'édification  fans 
y  mêler  aucune  inveiSlivc.  A  l'égard  des  Ordres  Religieux  , 
il  en  témoigne  de  l'cftime  &  de  l'affcttion ,  relevant  les  œu-; 
vrcs  de  piété  que  l'on  y  pratiquoic.  Il  ajoute  que  le  Roî 
Henri  étant  entré  en  colère  contre  dcux^  Prieurs  au  fujct  du 
denier  de  laint  Pierre,  &  pcrfonne  n'ofant  appaiP.T  ce  Prin- 
ce ,  il  entreprit  &  réuflit  de  les  réconcilier  avec  lui  ;  eniuitc 
il  explique  les  endroits  qu'on  avoic  repris  dans  fes  Ouvrages. 
On  l'accufoitj  entr'autres  chofes ,  d'avoir  confondu  la  grâce 
&  le  libre  arbitre.  Il  répond  (/)  que  le  libre  arbitre  eft  tel- 
lement appuyé  &  dépendant  de  la  grâce,  que  la  bénignité  de 
Dieu  ne  porte  point  de  préjudice  au  mérite ,  ni  la  grâce  au 
libre  arbitre. 

LXVIII.  Connoiflant  combien  il  cfl'  difficile  de  conver-  Traltécon- 
tir  les  ennemis  de  la  Religion  Catholique  ,  il  voudroit  que^^g"^  ' 
ceux  -  là  feuls  l'entrepriflcnt ,  qui  en  font  capables  ,  parce 
qu'il  efl  dangereux  que  ceux  qui  ne  le  font  pas  ne  fuccom- 
bent  dans  la  difpute  ,  &  ne  ioient  entraînés  dans  l'erreur  par 
leurs  Adverfaires.  Il  cite  là-deflus  la  Loi  de  l'Empereur  Ju- 
ftinien ,  portant  défenfe  générale  de  difputer  fur  le  Myflere 
de  la  fainte  Trinité ,  &  fur  la  foi  Catholique  ,  &  renvoie  à 
rOuvrage  qu'il  avoit  fait  ,  pour  montrer  comment  un  Ca- 
tholique doit  combattre  les  blalphêmes  &  les  chicanes  des 
Hérétiques.  Ce  Livre  de  Pierre  de  Blois  n'a  pas  encore  été 
rendu  public  :  dans  celui  dont  nous  parlons ,  il  fe  contente 
de  mettre  fous  les  yeux  du  Leâ:eur  les  paflages  les  plus  for- 
mels de  la  Loi  &  des  Prophètes  ;  fur  l'unité  d'un  Dieu  en 
trois  Perfonnes  ,  le  Père  ,  le  Fils  ,  &  le  Saint- Efprit  ;  fur 
l'Incarnation  de  la  féconde  de  ces  Perfonnes  ;  fur  les  deux 
natures  en  Jefus-Chrifl ,  la  divine  &  l'humaine  ;  fur  le  lieu 
&  le  rems  de  fa  Naiffance  félon  la  chair  ;  fur  fes  miracles  , 
fa  More  ,  fa  Rélurreûion ,  &  les  autres  circonftances  de- fa 
vie  qui  prouvent  qu'en  lui  ont  été  accomplies  toutes  les  pro- 
phéties qui  regardent  le  Mefile  promis  aux  Patriarches.  Aux 


(/)  Confidenter  afTero  liberam  arbi- 
trium  iw  inniti  &  ptndere  de  gratia  ,  ut 
benigrAtas  Dei  merito  non  pr:EJudicet,&  li- 


b^erx  vôluntat!  gratia  non  prasftribat.Pf  tr. 
Bi.ts.IttveS.p.46i. 


24^  PIERRE  DE    BLOIS; 

témoignages  de  l'Ecriture  touchant  la  divinité  de  Jefus- 
Çhrifl: ,  il  ajoute  ceux  que  lui  ont  rendus  les  Gentils  &  les 
Juifs ,  Ponce-Pilate  dans  fa  Lettre  à  l'Empereur  Tibère  , 
Phiîon  &  Jofephe  ,  les  deux  plus  fameux  Juifs  du  fiécle  dans 
lequel  le  Sauveur  e<t  né,  mort  &  reffufcité.  Suivent  les  témoi- 
gnages de  l'Ecriture  touchant  la  réprobation  des  Juifs  ,  la 
vocation  des  Gentils  ;  le  retour  des  Juifs  à  l'Eglife  ,  &  le 
falut  des  refies  d'Iiraël ,  l'état  glorieux  de  l'Eglife  ,  la  venue 
de  l'Ante-Chrift ,  &  le  fécond  Avènement  de  Jefus  -  Chrifl: 
lors  de  la  réfurre£tion  générale  &  du  Jugement   dernier, 
Pierre  de  Blois  finit  ce  Traité  par  quelques  vers  de  Virgile 
&  de  la  Sybille  de  Cumes ,  où  il  cft  parlé  des  deux  Avénemens 
du  Meflîe  ,  &  de  quelques  articles  de  la  Foi. 
Ttaîté  de      LXIX.  Le  Traité  de  l'Amitié  chrétienne  ou  de  l'Amour 
î'd"neTo?dê  ^^  ^^^"  "^  ^"  Prochain  ,  eft  un  extrait  de  ce  que  Pierre  de 
rXmour  de  Blois  avoit  trouvé  de  mieux  fur  cette  matière ,  foit  dans  les 
Dieu  &  du  Livres  faints  ,  foit  dans  les  Ecrivains  Eccléfiaftiques ,  même 
^^oc  ain,  p.  ^^^^  j^g  profanes.  Il  étoit  alors  fort  avancé  en  âge  ,  &  dans 
la  crainte  que  cet  Ouvrage  ne  tombât  entre  les  mains  de  ce- 
lui qui  avoic  déjà  cenfuré  fes  Ecrits  ,  il  penfoit  à  le  tenir  fe- 
cret,  ou  à  ne  le  communiquer  qu'à  ceux  qui  pouvoient  en 
faire  un  bon  ufage  :  mais  fe  doutant  bien  qu'infenfiblemcnc 
^^  °^'       il  deviendroit  public ,  il  prévient  les  reproches  qu'on  lui  fe- 
roit  d'avoir  profité  des  travaux  d'autrui ,  en  dilant  que  fui- 
vant  ce  qu'on  lit  dans  le  Livre  des  Saturnales  ,  &  dans  les 
Epîtres  de  Séneque  ,  nous  devons  imiter  les  Abeilles  ,  qui 
avec  un  art  |admirable  tirent  les  divers  fucs  des  fleurs.  Il 
fe  fonde  encore  fur  l'exemple  d'Afranius ,  qui  répondant  à 
ceux  qui  l'accufoient  d'avoir  tranfcrit  dans  fes  Ouvrages  , 
non-feulement  les  Sentences  de  Menandre ,  mais  même  les 
propres  termes ,  difoit  :  »  J'en  ai  ufé  ainfi  ,  ne  croyant  pas 
»  que  je  pufle  trouver  quelque  chofe  de  mieux  «.  Ce  Traité 
eft  divifé  en  deux  parties  ,  ou  fi  l'on  veut  il  y  en  a  deux  fur 
la  même  matière.  Le  premier  eft  de  25  Chapitres ,  le  fécond 
de  ^5.  Il  montre  dans  l'un  &  dans  l'autre  que  la  vraie  ami- 
tié ,  (oit  qu'on  la  regarde  par  rapport  à  la  Société  humaine , 
foit  par  rapport  à  la  Religion ,  doit  avoir  fon  fondement  en 
Dieu. 
Traité  des      LXX.  Le  but  du  Traité  qui  a  pour  titre  :   De  l'utilité  des 
Tnhvladons,  tribulations  ,  eft  de  nous  engager  à  les  fupporter  avec  pa- 
f'^a^'        tience,  en  nous  fouvenant  qu'elles  nous  viennent  de  Dieu  , 

& 


ARCHIDIACRE  DE   BATH.  Ch.  XIV.       2^t 

&  qu'il  les  ordonne  pour  notre  avancement  dans  la  vertu. 
La  première  utilité  des  tribulations  eft  de  retirer  l'amc  des 
mains  de  fes   ennemis ,  c'eft-à-dirc  des  faufles  joies  &  des 
faux  plaifirs  du  monde.  La  féconde  ,  d'empêcher  qu'elle  ne 
foit  tentée  du  Démon  :  au  milieu  des  tribulations  de  Job, 
Dieu  défendit  à  cet  ennemi  de  notre  ialut  de  tenter  fon  amc. 
La  troifiéme  ,  de  purifier  les  mauvailes  mœurs  de  l'ame  , 
comme  la  médecine  purifie  les  mauvaifes  humeurs  du  corps. 
La  quatrième  ,  qu'elle  fert  de  lumière  à  l'Homme  pour  fe 
connoître.  La  cinquième  ,  que  les  tribulations  accélèrent  no- 
tre chemin  vers  Dieu.  La  fixiéme  ,  qu'elles  nous  acquittent 
de  nos  dettes  envers  lui.  La  fcptiéme  ,  qu'elles  dilatent  & 
préparent  le  cœur  de  l'Homme  à  recevoir  la  grâce  de  Dieu, 
&  ia  gloire.  La  huitième  ,  que  Dieu  nous  privant  par  les 
tribulations  des  conlolations  humaines  ,  nous  oblige  à  re- 
chercher les  céleftes.  La  neuvième  ,  que  par  elles    il  nous 
rappelle  le  fouvenir  de  ce  qu'il  efl:  pour  nous ,  c'eft-à-dire  no- 
tre falut.  La  dixième  utilité  de  la  tribulation  confifte  en  ce 
qu'elle  nous  fait  exaucer  de  Dieu  ,  qui  n'a  pas  coutume  de 
rejetter  la  prière  de  l'affligé.  L'onzième  efl: ,  qu'elle  confer- 
ve  &  nourrit  le  cœur  ,  comme  le  feu  eft  confervé  &  nourri 
fous  la  cendre.  La  douzième  ,  qu'elle  eft  un  témoignage  à 
à  l'Homme  que  Dieu  l'aime  ,  parce  que  ,  félon  le  témoi- 
gnage de  l'Apôtre  ,  Dieu  aime  ceux  qu'il   châtie  &  qu'il 
afflige. 

LXXI.  Dans  le  Traire  intitulé:  ^iiels  font-ils  ?  Pierre  de  Traité  contre 
Blois  attaque ,  non  les  Evêques  en  général ,  mais  ceux  -  là  '«mauvais 
feuls  qui  font  entrés  dans  l'Èpifcopat  par  des  voies  illégiti-  ,55!""^^' 
mes ,  ou  qui  y  ont  été  promus  fans  être  diftingués  ni  par  leur 
efprit  ,  ni  par  leur  naiiïance  ,  ni  par  aucune  des  qualités 
effentielles  à  un  Evêque  ;  qui,  dans  l'Epilcopat,  ne  fongent 
qu'à  enrichir  leurs  neveux  en  leur  donnant  les  (-hanoinies  & 
les  autres  Bénéfice^  de  l'Eglife  ;  &  qui ,  par  un  changement: 
de  fortune  ,  pafiant  d'un  état  pauvre ,  dur  &  bas  ,  à  une  di- 
gnité trcs-relevée,  vivent  aufti-tôt  dans  la  (plendeur ,  le  luxe 
&  la  molleiïe.  Il  veut  donc  que  fi  les  Evêques  les  plus  réglés 
ne  répriment  pas  les  défordres  ,  que  le  Roi ,  à  qui  il  adreffe 
fon  Ouvrage  ,  les  réprime  lui-même  par  fon  autorité  ,  &  que 
pour  les  éviter  à  l'avenir ,  l'on  examine  avec  foin  ceux  qui  fe 
préfentent  à  l'Ordination ,  &  que  l'on  prenne  le  tems  nécef- 
faire  pour  s'affurer  de  leurs  mœurs. 

Tome  XXlll.  H  h 


^4^  PIERRE   DE   BLOIS, 

Lettre  fur  le     LXXII.  Il  ne  nous  refte  qu'un  fragment  de  la  Lettre  que 
rûence,f.'!9S-  Pierre  de  Blois  avoic  écrite  lur  l'obligation  de  garder  le  fi- 
lence.  Quoique  les  inftrudions  qu'il  y  donne  regardent  les 
Moines ,  elles  peuvent  être  utiles  à  toutes  fortes  de  pcrfon- 
nes  ,  comme  lorfqu'il  dit  :  »  Ne  foyez  point  prompt  à  parler  , 
w  mais  obfervez  avec  foin  à  qui  vous  parlez  ,  ce  que  vou"^  avez 
S)  à  dire ,  de  qui  vous  parlez ,  comment  vous  en  parlez ,  ou  en 
»  quel  tems.  Si  l'on  vous  dit  du  mal  de  quelqu'un  ^  ne  le  croyez 
»  pas  facilement ,  &  ne  l'écoutez  pas  volontiers. 
Traité  des      LXXIII.  Nous  n'avons  non  plus  qu'un  fragment  du  Trai- 
Prefiiges  de  la  j^  des  Preftiffes  de  la  fortune.  Pierre  de  Blois  y  donne  les 
j^j.  définitions  des  termes  de  devin  ,  daruipice,  de  necroman- 

tie ,  de  chciromantie ,  d'augure  ,  d'horofcopc  ,  &  autres  fem- 
blables. 
Traité  de  la      LXXIV.  Le  Traité  fuivant  eft  une  Notice  des  Livres  de 
lllte^îâ^s  l'Ancien  &  du  Nouveau  Teftament ,  &  de  ceux  qui  en  font 
f.  $96.       '  les  Auteurs. 

Traité  de  LXXV.  Le  dernier  Traire  efl  un  Poëme  fur  l'Èuchariflie. 
l'Euchariftie,  i\  portoit  le  nom  de  faint  Anfclme  dans  un  manufcrit  de  la 
f.  600,  Bibliothèque  du  Prince  Charles  de  Lorraine  ,  Evêque  de 

Metz  &  de  Strafbourg  ;  mais  il  efl:  villblement  de  Pierre  de 
Blois  ,  qui  s'en  reconnoît  deux  fois  Auteur  dans  le  Prolo- 
gue ,  en  s'y  défignant  par  fon  nom.  Le  manufcrit  eft  d'ail- 
leurs de  l'âge  de  cet  Ecrivain  ;  ajoutons  qu'il  fe  mêloit  de 
Poëfie  5  &  que  dans  ce  Poëme  ,  comme  dans  q-jclques  autres 
de  fes  vers  fur  l'Euchariftie ,  il  emploie  en  parlant  de  la  ré- 
ception de  ce  Sacrement ,  le  terme  d'incorporer  ,  difant  que 
celui  qui  mange  le  Corps  de  Jefus-Chrift  fe  l'incorpore. 
Ce  qu'il  con-  LXXVI.  Ce  Traité  eft  divifé  en  neuf  Chapitres  ,  dans  le 
tientderemar- premier  defqucls  Pierre  de  Blois  enfeigne  en  termes  exprès^ 
que  le  pain  qui  eft  confacrc  fur  l'Autel  par  la  vertu  du  Ver- 
be (  fl  ) ,  eft  fait  chair  divine  ,  &  la  même  qui  eft  née  de  la 
Vierge  &  qui  nous  a  rachetés  ;  que  nul  autre  que  Jefus- 
Chrift  ne  pouvoit  fatisfaire  pour  les  péchés  d'Adam  ;  que 
Cjuoiqu'immortel  félon  l'une  &  l'autre  nature  (  ^  ) ,  il  eft  ce- 
pendant mort  volontairement  pour  nous  ;  qu'encore  qu'il  foit 
immolé  par  tout  le  Monde ,  il  eft  toujours  un  &  le  même  dans 


^uable. 


(a)  Panis  in  Akari  Verbi  virtute  facra- 
ius  fit  divina  caro,  noflri  medicina  reafîis  ; 
fit  caro ,  non  alia  quàm  Chrifli  nos  redi- 


mentis ,  eadem  caro  tune  de  Virgine  nata, 
Petr.  Blés,  de  Eucbarifi.  cap.  i. 
(i)  Cap.  2. 


ARCHmrACRE  DE  BATH.  Ch.  XIV.       24; 

fon  Royaume  (c),  tour  entier  dans  le  ciel  &  fur  la  terre  , 
quoiqu'il  femble  diltribué  aux  l''idcles  par  parties  ;  le  juftc 
n'en  reçoit  pas  plus  que  le  méchant ,  Jclus-Chrift  fe  donne 
à  tous  cni.part  égale  (d);  le  mérirc  de  celui  qui  prcfide  à 
l'Autel  ne  fait  rien  à  la  bénédiction  du  pain ,  comme  fon  ini- 
quité ne  peut  fouiller  le  Sacrifice  ;  la  vertu  de  la  parole  du 
Créateur  efl:  la  même  ,  quoiqu'il  y  ait  de  la  différence  dans  la 
vie  du  Conlécrateur  ;  ce  n'cft  pas  l'Homme  qui  crée  cette  œu- 
vre ,  c'eft  la  puiffance  de  celui  qui  crée  tout. 

LXXVII.  Le  Prêtre  qui  offre  à  l'Autel  rcpréfente  Jcfus- 
Chrift  ,  qui  efl:  lui-même  le  Sacrificateur  &  la  Viâime  :  c'cfl: 
lui  qui  confacre  &  qui  efl:  confacré  ,  &  dans  ce  Sacrifice  ce 
qui  étoit  auparavant  la  fubflance  du  pain  (  e  ) ,  paffe  en  la 
chair  de  Jefus-Chrift  par  le  don  de  la  divinité  :  c'efl:  un  My- 
ftere  inconnu  à  l'Homme  ,  &  qui  fait  l'étonnement  des  An- 
ces  (f\  Dieu  fort  d'un  élément  ,  ce  changement  efl  l'effet 
de  la  aroite  du  Très-Haut  ;  lui  qui  a  formé  les  vafes  céle- 
£les ,  peut  changer  en  mieux  le  petit  morceau  de  pain  que  l'on 
mec  fur  l'Autel ,  c'efl:-à-dire  en  la  gloire  de  fa  chair ,  comme 
il  a  rendu  la  vie  au  vafe  de  fon  corps  cuit  pour  ainfi  dire 
par  le  feu  de  fa  paflîon  (g).  La  confécration  du  pain  &  du 
vin  eft  effentielle  au  Sacrifice  de  l'Autel  :  d'où  il  fuit  que  ce 
Sacrifice  n'efl:  point  parfait  avant  la  confécration  de  ces  deux 
efpeces  ,  figurées  dans  le  facrifice  de  Melchifedech.  On  mêle 
auflî  de  l'eau  avec  le  vin  {h)  en  mémoire  de  l'eau  &  du  fang 
qui  fortirenc  du  côté  de  Jefus-Chrift.  Pierre  de  Blois  dit  que 
le  Sauveur  ,  dans  l'inftitution  de  l'Euchariftie  ,  ne  changea 
que  le  pain  &  le  vin  en  fa  Chair  &  en  fon  Sang  ;  mais  que 
les  Apôtres  &  leurs  Succeffeurs  {i)  ont  ordonné  d'y  mêler 


(  f  )  Qui  quatnvis  totum  per  mundum 
facrjficetur,  integer  in  Regno  manet,  unus 
(emper  habetur  ,  &  cùm  diftribui  per  pani- 
culas  videatur  ,  fumitur  hîc  totus  ,  cœlo 
totus  veneratur,  U^d.  cap.  y. 

(  i/  )  Non  capit  hinc  juflus  mngïs ,  aut 

minus  hine  homo  nequam Chriftus 

ramque  fui  partem  facit  omnibus  jEquam,.. 
hic  panis  dum  Prefbyteri  benedicitur  ore , 
non  efl-  in  pravo  minus  aut  magis  in  me- 
liore;  fit  licèt  immundus  qui  facrse  prifi- 
det  Ara  ,  forde  tamen  nuUâ  valet  hoc  fa- 
crum  reaculare  ;  par  Verbi  eft  virtus  ,  licèt 


cap-  6. 

(  e  )  Nam  res  qux  panis  pridem  fubftan- 
tiamanlît,  inChrifticarnem  deitatis  mu-; 
nere  t^anfit.  Ibid.  cap.  7. 

if)  Cap.  S. 

(.?)C/i/..p. 

(h)  Cap.  10. 

(  i  )  Hoc  in  narali  Calicis  non  eft  celebra- 
tum ,  quando  Pafcha  novum  vêtus  eft  poft 
Pafcha  dicatum  :  nam  p.inem  tantiim  Do- 
minus  vinique  liquorem  in  propriam  mu- 
tans  carnem ,  facrumque  crnorem  ,  Difci- 
pulis  leg'tur  cœnantibus  attribuifle ....  & 


impar  vita  facrantis ,  nec  créât  illud  opus    quoniam  lateris  de  vulnere  fanguis  &  unda 
homo  ,  fed  vis  cunda  creantis  ,   IbiJ.    effluxêre  fimul,  ablutio  noftra  fecunda,  de- 

Hhij 


244  PIERRE  DE  BLOIS, 

de  l'eau  :  quelques  anciens  Théologiens  ont  été  de  ce  fcntl- 
ment  (/),  fondés  fur  ce  que  l'Evangile  ne  dit  rien  de  ce 
mélange.  Il  croit  avec  eux  que  l'eau  mêlée  au  vin  devient  par 
la  conlécration  le  Sang  de  Jcfus-Chrin:  (m)  ;  &  dit  qu'il 
n'eft  permis  à  aucun  des  Fidèles  d'ignorer  ce  que  c'eft 
que  le  Sacrement  (  «  )  du  Corps  &  du  Sang  de  Jefus- 
Chrift  que  l'on  célèbre  dans  rEglilc  ,  de  peur  que  cette  igno^ 
rance  ne  le  rende  indigne  de  le  recevoir  ;  qu'à  plus  forte 
railon  (  o  )  les  Prêtres  doivent  avoir  connoi/Tance  de  tous 
les  Sacremens  du  Seigneur  pour  en  inflruire  les  Fidèles  con- 
fiés à  leurs  foins  :  enfuite  Pierre  de  Blois  parle  du  danger 
des  Communions  indignes  (p  ).  Il  penfe  que  ceux  qui ,  après 
un  férieux  examen  ,  ne  fe  trouvent  coupables  d'aucun  péché 
mortel ,  peuvent  s'approcher  avec  affurance  de  ce  Sacrement, 
quand  même  ils  remarqueroicnt  leur  conlcience  chargée  de 
péchés  véniels ,  puifque  nous  ne  pouvons  être  une  heure  fans 
pécher  ,&  que  l'Euchariftie  eft  un  remède  à  nos  maladies  fpi- 
rituelles, 
'Livres  de  LXXVII.  Pierre  de  Blois  compofa  divers  autres  Ouvra-» 
Pierre deBio  s  p.ç5  ^Jqj^j  j|  f^j^  mention  lui-même  dans  l'Abrégé  de  la  vie 

qui    ne     lont  H       _,  .^  .,,  ,,  ^^i  ir 

pasimprimés.  cie  JoD,  OU  qui  lonc  cites  dans  pludeurs  Catalogues  de  les 
Editionsdefes  Ecrits  ;  fçavoir,  un  Livre  de  la  vie  des  Clercs  qui  vivent  à 
uvres.  1^  Cour;  un  de  l'Etude  de  la  fagelTe,  un  de  la  célébration 
des  Synodes ,  la  Vie  de  l'Archevêque  "Wilfridc  ,  celle  du' 
ConfefTeur  Guthlac  ,  le  Dialogue  entre  un  Roi  &  un  Abbé  ; 
un  Livre  de  la  vérité  de  la  Foi  ,  un  Recueil  de  fleurs  ,  un^ 
Livre  des  Prefliges  de  la  fortune  dont  il  refte  un  fragment , 
une  Lettre  du  Silence ,  dont  nous  avons  aulTi  un  fragment  : 
aucun  de  ces  Ecrits  ne  fe  trouve  dans  les  Editions  que  l'oni 
a  faites  des  (Euvres  de  Pierre  de  Blois,  On  doit  la  première 
à  Jacques  Merlin  ,  Docteur  en  Théologie ,  &  Pénitencier 
de  l'Eglife  de  Paris  :  elle  parut  en  cette  Ville  l'an  i  j  ip  > 
in- fol.  Quatre -vingt  ans  après,  c'eft- à-dire  l'an  i^oo, 
Jean  Bufée  en  donna  une  féconde  Edition  à  Mayence  , 
avec  un  Appendice  contenant  quelques  Opufcules  de  Pierre 
de  Blois  ,  qu'il  avoir  recouvrés  depuis  peu  de  tems  :  l'Ap- 
pendice eft  in- 8°.  &  l'Edition  de   1600  in-40.  c'eft  cel- 


crevit  Patrum  veterum  Cf-nfura  modefta  , 
ut  fint  illa  duo  fimul  ad  Pafchalia  fefta.  U. 

(I)    PaSCHAS.   Lit.  de  Corpor.  ^  Sat)g. 
I>om.  ca£,  1 1 ,   Rhac.   iiiti,  caf.  28. 


(m)  Cap,  14, 
(«  )  Cap.  20. 
(0)  Cap.  21. 
(/))  Cap.  zif. 


ARCHIDIACRE  DE  BATH.  Ch.  XTV.  245 
Ic-là  que  l'on  a  rcimprimcc  d.ins  le  douzième  Tome  de  ia 
Bibliorhcquc  des  Pcics  de  Cologne.  La  troificme  Edition 
eft  de  Pierre  de  GoufTainvilIc  :  elle  fut  publiée  à  Paris  en 
j66y  in-fol.  &  copiée  dans  le  a4<^.  Tome  de  la  Bibliothè- 
que des  Percs  de  Lyon  en  1^77.  On  a  vu  plus  hautqu'In- 
gulphe  avoit  fait  l'Hiftoirc  de  TAbbaye  de  Croyland  juf- 
qu'cn  lopi  ;  Pierre  de  Blois  la  continua  depuis  cette  année 
jufqu'en  1118.  On  n'a  rien  mis  de  cette  Continuation  dans 
le  Recueil  de  fes  Ouvrages  ;  mais  elle  fut  imprimée  à  Oxforc 
en  1684  ,  in-fol.  à  la  fuite  de  l'Hilloire  d'ingulphe,  Se  par 
manière  d'Appendice  ;  on  a  été  quelque  tcms  fans  fçavoir 
de  qui  elle  étoit  ;  mais  Brienus  Turinus  ,  dans  le  premier 
Xivre  de  l'Antiquité  de  l'Académie  d'Oxtort ,  dit  avoir  vu 
plufieurs  raanufcrits  où  elle  portoit  le  nom  de  Pierre  de 
Blois. 

LXXIX.  Outre  les  Variantes  &  les  Notes  de  Jean  Bufée  Appendice 
&  de  Pierre  de  Gouffainville  dont  l'Edirion  de  166 j  efl:  en-'^'^'^  Ouvrages 
richie,  l'Editeur  a  donné  dans  un  Appendice  plufieurs  pièces  Bbis'"*^^  '^ 
îméreffantes  pour  l'intelligence  des  Lettres  &  autres  Ecrits 
de  Pierre  de  Blois;  une  Lettre  de  Henri,  Evcque  de  Bayeux; 
deux  de  Richard  ,  Roi  d'Angleterre;  une  d'Urbain  IIL  & 
une  de  Lucius  IIL  huit  Diplômes  de  Henri  II.  Roi  d'Angle- 
terre ;  une  Lettre  de  Hervée ,  Abbé  de  Ville-Loup  ;  divers 
Diplômes  de  fondations  de  Monafteres  ;  une  Lettre  de  Vau- 
thier ,  Archevêque  de  Rouen  ;  plufieurs  Lettres  des  Evoques 
de  Paris  pour  l'abolition  de  la  Fête  des  Fous  ,  &  le  réta- 
bliiïement  de  la  Fêce  de  la  Circoncifion  au  premier  jour  de 
Janvier ,  avec  le  Décret  de  la  Faculté  de  Paris  fur  la  même  ma- 
tière ;  diverfes  autres  Lettres  des  Evêques  de  cette  Ville  fur 
les  Prébendes  de  l'^glife  Cathédrale  &  autres  ^  une  Lettre 
touchant  les  limites  refpeâives  des  Eglifes  de  Paris  &  de  Beau- 
vais  ;  une  Lettre  d'Odon  de  Paris  touchant  la  légitimation 
des  enfans  que  le  Roi  avoit  eus  de  la  fille  du  Duc  de  Meranie  ; 
plufieurs  Lettres  du  Pape  Céleftin  touchant  l'interdit  de  Rouen, 
&  l'excommunication  prononcée  par  l'Archevêque  Vauthier  ; 
enfin  les  Aêles  du  Gpncile  qu'il  tint  dans  fa  Ville  Métropoli- 
taine l'an  1207, 


2^6  SAINT   THOMAS  BEQUET, 


CHAPITRE      XV. 

Saint  Thomas  JBsqmt ,  Archevêque  de  Camorberi  ; 

Êf*  Martyr, 

NaiflT.ince  de  î«  TT  L  naquit  à  Londres  l'an  1 1 17 ,  le  21  Décembre,  Fête 
s.ThomasBe-      J^  de  faint  Thomas,  Apôtre  (<?),  dont  on  lui  donna 
quet,en  1117.  j^  j^om.  Son  père  fe  nommoit  Gilbert  ;  fa  mère  ,  Mathilde. 
Dès  fon  bas  âge  on  lui  apprit  à  craindre  Dieu  ,  &  à  avoir  de 
la  dévotion  à  la  fainte  Vierge   En  état  d'étudier  les  Belles- 
Lettres  ,  il  pafla  de  Londres  à  Oxfort ,  &  de-là  à  Paris ,  où  il 
apprit  auffi  la  langue  Françoifc  (6  ) ,  alors  en  ufige  à  la  Cour 
de  Londres. 
Il  s'attache  à      IL  D'un  efprit  excellent  &  bien  cultivé,  auflfi-tôt  fon  re- 
l'Archevéque  tour  en  Angleterre  fes  amis  le  firent  ccnnoître  à  Thibaud  , 
e  antorben.  archevêque  de  Cantorberi  (  c  )  ,  qui  le  mit  dans  fon  Con- 
feil.  En  ce  tems-là  tout  le  Clergé  fe  plaignoit  hautement  de 
la  tyrannie  de  Henri ,  Evêque  de  Vinchefter ,  frère  du  Roi 
Etienne  ,  &  Légat  du  Saint  Siège.   Thomas  fut  député  à 
'     Rome  ,  &  fur  fes  remontrances  le  Légat  dépofé  :  le  Pape  Ce- 
leftin  revêtit  de  cette  dignité  l'Archevêque  de  Cantorberi. 
Thomas  fit  d'autres  voyages  à  Rome  pour  les  affaires  de  l'E- 
glife ,  &  toujours  avec  fuccès.  Pour  les  manier  avec  plus  d'ha- 
bileté j  il  étudia  le  Droit  Civil  à  Boulogne. 
Il  eft  fait      HI.  Thibaud  donna  à  Thomas  l'Archidiaconé  de  Can- 
Chanceiier     torbcri ,  vacant  parla  promotion  de  Roger  à  l'Archevêché 
&pïepteu;  d'Yorc  en  1 154  ;  &  à  l'avènement  de  Henri  II.  à  la  Cou- 
de Henri  iii.  ronne  ,  ce  Prélat  l'engagea  à  le  prendre  pour  fon  Chance- 
enii;s.       jie^  ç^y  Thomas  s'appliqua  à  gagner  les  bonnes  grâces  du 
Roi  fon  Maître,  &  par  fes  grands   fervices  il  en  mérita  la 
confiance.  AufTi  fut-ce  à  lui    que  ce   Prince   commit  l'é- 
ducation du  jeune  Henri  ,  fon  fils  &  fon   héritier    pré- 
fomptif. 

(<i)  Thom.  Vita  quaJri-parttt,  lié.  I.J      (f)  Vita,cap.i. 
cap.i.  I      Id)  Vita,  cap.  i, 

(i)  Lib,.,Ipifi.  108.  J 


ARCHEVESQUE  DE  CANTORBERT.Ch.  XV.  24^ 

IV.  Ses  occupations  toutes  Icculicrcs ,  fa  table,  les  ameu-  "bnlccîibià 
blcrricns  fomptucux ,  Ion  icjour 'à  la  Cour  (e)  ,  n'avoient  au-  Archevêque ^ 
cun  rapport  à  la  conduite  que  l'on  exige  ordinairement  dans ''*''^^"'°'^"*' 
ceux  que  l'on  veut  élever  aux  premières  dignités  de  l'Eglile. 
Cependant  TArchevcque  Thibaud  étant  mort  en  1162  ,  le 
Roi  8c  toute  la  Cour  jetterent  les  yeux  l'ur  Thomas  pour 
remplacer  le  Siège  vacant  de  Cantorberi.  Il  s'en  défendit , 
&  cntr'autreî  faifons  de  rcfufer  cette  -dignité  ,  il  allégua 
qu'elle  feroit  au  Roi  une  occafion  de  lui  ôtcr  bien-tôt  fort 
amitié.  »  Vous  faites,  lui  dit-il,  fur  TEglifc  des  entreprifes 
?>  que  je  ne  pourrai  fouffrir  ;  les  envieux  en  profiteront  & 
3->  mettront  entre  nous  une  divifion  éternelle  «.  Le  Roi  ferme 
dans  fon  deffein  le  fit  connoître  aux  Moines  de  Cantorberi 
&  au  Clergé.  On  procéda  à  l'élcâion  ,  Thomas  fut  choifi ,  & 
ordonné  Prêtre  le  Samedi  d'après  la  Pentecôte,  fécond  jour  de 
Juin  1 162 ,  &  fâcré  Evcque  le  lendemain  Dimanche ,  dans  la 
quarante-quatrième  année  de  fon  âge. 

V.  Faifânt  alors  de  férieufes  réflexions  fur  la  fainteté  de  Sa  conduite 
l'état  qu'il  venoit  d'embraffer  (/)  ,  il  renonça  à  toutes  les Elto\t°'^ 
pompes  du  fiécle  ,  fe  revêtit  de  l'habit  Monaftique  ,  porta  ^'  '°^ 
un  cilice  par-defTous  ,  &  forma  fes  mœurs  &  fa  conduite  fur 
celle  des  plus  faints  Evêques.  I!  aiïifta  en  1163  au  Condle 
de  Tours  (g)  ,  indiqué  en  cette  Ville  par  le  Pape  Alexan- 
dre III.  pour  le  ip  de  Mai ,  qui  étoit  l'Octave  de  la  Pen- 
tecôte. Le  Pape  le  reçut  avec  beaucoup  d'amitié  ,  &  ,  con- 
tre l'ufage  de  l'Eglife  Romaine  ,  les  Cardinaux  allèrent  le 
recevoir  hors  de  la  Y'Ale.  Il  y  demeura  quelques  jours  après 
le  Concile ,  &  fit  renouvéller  par  le  Pape  les  privilèges  de  fon 
JEglife. 

VI.  Par  une  coutume  abufive  les  Rois  d'Angleterre  rete-  ^^  réforme 
noient  à  leur  volonté  les  revenus  des  Evêchés  &  des  Mona-  '^"  ^^"'' 
fteres  vacans  (h),  appliquant  au  fifc  le  patrimoine  de  Jefus- 
Çhrifl:  &  les  biens  des  pauvres.  De  cet  abus  il  en  arrivoit 
un  autre  ,  qui  étoit  de  prolonger  la  vacance  de  ces  Bénéfices 
pendant  plufieurs  années.  L'Archevêque  Thomas  fit  là-deflus 
fes  remontrances  au  Roi ,  &  lui  perfuada  de  remplir  les  Evê- 
chés de  Vorcheftre  &  d'Herford  ,  vacans  depuis  quelques 
tems. 


(«)  Vita  ,cap.6.  I        ig)   Uid.  cap.  14. 


a4l  .V.>r    SAINT  THOMAS   BEQUET  ,' 

DivL/Ton  enfre  .   Vil.  Se  trouvant  trop  chargé  des  foins  que  lui  occafionnoît 
He5n.^°'fa  dignité  d'Archevêque  &  de  Primat  du  Royanme  (i)  ,  il 
•     '-"  *       renvoya  les  Sceaux  au  P^oi ,  le  priant  de  pourvoir  à  la  Char- 
ge de  Chancelier.  Ce  Prince  s'en  offenfa,  croyant  queTho- 
rnas  ne  renonçoit  à  la  Chancellerie  que  par  averfion  perfon- 
ncllc  pour  lui  :  mais  ce  qui  augmenta  Ion  mécontentement  ; 
fut  un  différend  furvenu  au  fujet  de  la  JurifJ.idion  Eccléfia- 
flique.   Dans .  une  Aflemblée  tenue  à  Londres   le  Roi  dit 
aux  Kvêqqes  ,  que  pour  réprimer  les  crimes  commis  par  des 
Clercs  ,  il  etoit  néceffaire  qu'après  avoir  été  dépofés ,  ils  fuf- 
fc!  t  livrés  au  bras  féculier,  &  foumis  aux  peines  corporelles* 
Lcs,;Ey«>ques    repréfenterent  à  ce  Prince  que  cette  Jurif- 
piu  lence  étoit  contraire  aux  Canons  &  à  la  liberté  Ecclé- 
fiallique ,  &  conjurèrent  le  Roi  de  ne  pas  l'introduire  dans 
le  Royaume.  Le  Roi  leur  demanda  s'ils  vouloicntobferverles 
Coutumes  de  fon  Royaume.  Ils  répondirent  qu'ils  les  obfer-^ 
veroient  ,fauf  leur  Ordre  ,  c'eft-à-dire  les  droits  de  l'Epifco- 
-     pat.  L'Archevêque  de  Cantorberi  (/),  qui  avoit  été  l'âme 
de  cette  AfTemblée ,  voyant  le  Roi  irrité  de  la  chu(e,fauf 
notre  Ordre ,  alla  trouver  ce  Prince  à  Oxford  ,  &  lui  promit 
.  de  (upprimer  ce  terme  qui  le  choquoit.  Le  Roi  parut  adouci  , 
mais  il  voulut  qu'on  lui  promît  l'obfervation  des  Coutumes 
dans  une  AlTembléedes  Evêques  &  des  Seigneurs.il  en  con- 
voqua une  à  Clarendon  fur  la  fin  de  Janvier   1164  ("î)i 
.  PArchevêque  fit  d'abord  diflSculté  d'approuver  les  Coutumes 
fans  y  ajouter  la  reûriOlonfauf  notre  Ordre  5  craignant  que  le 
Roi  n'étendît  trop  loin  fon  pouvoir  ;  mais  enfin  de  l'avis  des 
autres  Evêques  il  s'obligea  le  premier  à  les  obferver  de  bonne 
foi,  &  fans  aucune  reftriftion.  On  les  réduifit  par  écrit ,  & 
tous  convinrent  de  fceller  VA£te  de  leurs  fceaux. 
Cette  divifion      VIII.  Néanmoins  l'Archevêque ,  qui  n'avoit  confenti  qu'a- 
s'augmente.    vec  douleur  ,  demanda  un  petit  délai  pour  faire  la  chofe 
avec  plus  de  décence  (  «  )  ,  après  y  avoir  penfé  plus  mûre- 
ment. Il  fe  repentit  bien-tôt  de  s'être  trop  avancé  ,  &  pour 
fe  punir  ^  il  fe  lufpendit  du  fervice  de  l'Autel ,  s'impofa  de 
rudes  pénitences  ,   &  envoya  demander  l'abfolution  de  fa 
faute  au  Pape  ,  qui  étoit  alors  à  Sens.  Le  Pape  l'exhorta  à 
reprendre  fes  fondions  ;  mais  le  Roi  apprenant  que  l'Arche- 

(i)  Il>id.   c.ip.  ji^.tdi,  I       (m)Cap.  xu 22. 

ll)Cap.  19,  I      in)C>ip.ii. 

vêque 


ARCHEVESQUE  DE  CANTORBERI.Ch.  XV.  245? 
'Vcquc  rcfuloit  de  Iccllcr  l'Adc  convenu  à  Clarcndon ,  com- 
•mencj^^a  à  le  maltraiter.  Sa  colcrc  augmenta  contre  l'Àrche- 
vcque  ,  lorfqu'il  fçut  qu'il  avoit  voulu  lortir  du  Royaume  fans 
congé.  Rotrou  ,  Evêquc  d'Evrcux ,  travailla  à  les  réconci- 
lier ;  le  Pape  écrivit  à  Thomas  de  ne  rien  négliger  pour  re- 
couvrer les  bonnes  grâces  du  Roi  (  0  ) ,  lans  préjudice  néan- 
moins de  la  liberté  de  l'Eglilb. 

IX.  Mais  le  Roi ,  réfolu  de  ne  point  abandonner  fcs  pré-    L'Archevc- 
tentions  ,  cita  l'Archevêque  à  Northampton  ,  où  il  appella  ^"^  f*^  "f  * 

ml        T^     -^  o    I        c    •  J      TJ  /     \     /^       •  condamné  au 

les  Eveques  &  les  beigneurs  du  Koyaume  [pj.  Quoique  Condie    de 

Thon#s  fe  fut  juftifié  fur  tous  les  reproches  qui  lui  furent  Northampton 

faits,  Te  Roi  le  fit  condamner  comme  parjure  &  traître.  Tho-  ^"  "*'** 

mas  ne  le  croyant  pas  jufticiable  au  Tribunal  du  Roi,  étant 

inoui  qu'un  Archevêque  de  Cantorberi  eût  été  jugé  à  la  Cour 

du  Roi  d'Angleterre,  dont  il  étoit  le  Père  fpirituel ,  comme 

de  tout  le  Royaume  ,  il  déclina  fa  Jurifdidion ,  en  appella  au 

Pape ,  &  cita  au  Jugement  du  Saint  Siège  les  Evêqucs  qui 

avoient  pris  le  parti  du  Roi. 

X.  Tout  ceci  fe  paifoit  le  i  g  d'Oâ:obre  1164.,  Vers  la  nuit    n  fe  retire 
du  même  jour  l'Archevêque  averti  que  des  gens  accoutumés  s"  France. 
au  crime  s'étoient  engagés  par  ferment  de  le  tuer  (  a'  )  ,  il  fe 

déroba  fecretcement  quelque  peu  avant  le  chant  du  coq  , 
étant  accompagné  d'un  Religieux  de  l'Ordre  de  Semprin- 
gam  ,  &  du  Dofteur  Hébert  de  Bofcham  ,  en  qui  il  avoit  plus 
de  confiance.  Ceux-ci  après  bien  des  fatigues  &  des  périls 
arrivèrent  à  Compiégne  ,  où  le  Roi  Louis  le  Jeune  les  reçut 
&  leur  accorda  la  paix  &  la  fureté  dans  fon  Royaume  ;  mais 
l'Archevêque  alla  de  Graveline  à  Clairmarois  ,  Monaflere 
de  l'Ordre  de  Cîteaux  près  de  Saint-Omer ,  &  de-là  à  Saint- 
Bertin  ,  invité  par  l'Abbé  &  les  Moines  de  cette  Abbaye. 
Pendant  qu'il  y  étoit ,  fes  Envoyés  pafferent  de  Compiégne 
à  Sens  où  étoit  le  Pape.  Les  Députés  du  Roi  y  étoient  arri- 
vés la  veille  :  les  uns  &  les  autres  eurent  audience  ,  &  affi- 
fterent  au  Confiftoire  que  le  Pape  tint  le  lendemain.  Il  leur 
déclara  qu'il  ne  pouvoit  rien  ordonner  fur  cette  affaire  en 
l'abfence  de  l'Archevêque  ;  &  quelque  Lnftance  qu'on  lui  fît 
là-deffus  ,  il  ne  voulut  rien  faire  au  préjudice  de  ce  Prélat  : 
les^  Envoyés  du  Roi  ne  voulant  pas  attendre  ,  s'en  retour- 

(0)  Lih.  LEpift.  4.  ;.  42.  43.  1      (î)  Vittt    quadrip,  lib,  z.  cap.  i.  ^ 

{p  )   Vita  giiadrip.  lit.  i.  cap.  î  J,  Ç^  feq.  \feq. 
rt(/34-  l 

To7ne  XXllU  li 


3f0  SAINT  THOMAS  BEQUET  , 

nerent  en  Angleterre  ,  &  le  Pape  caflfa  la  Sentence  rendue  à 
IVorthampton  contre  l'Archevêque  par  les  bi vécues  Se  les  Sei- 
gneurs du  Royaume, 
ilaaudien-  XL  Thomas  vint  de  Saint -Bertin  à  Soiffons  ,  où  le 
Senî  ^^^^  ^  ^°^  pourvut  avec^  joie  à  tous  fes  befoins  ;  enfuice  il  alla 
trouver  le  Pape  à  Sens  (r).  Ayant  reçu  de  lui  permif- 
fion  de  s'expliquer  dans  une  AfTemblce  à  laquel  e  afli- 
ftoient  les  Cardinaux ,  il  voulut  fe  lever  ;  mais  le  Pape  lui 
ayant  ordonné  de  parler  aiïis ,  il  expofa  les  caufes  de  fon 
exil ,  puis  il  préfenta  l'écrit  des  Coutumes  que  le  Roi  d'An- 
gleterre vouloit  faire  recevoir  :  on  le  lut  ,  &  tous  ejjjj^rent 
touchés  jufqu'aux  larmes.  Le  Pape  ayant  relu  avec  attention 
chaque  article  de  ces  Coutumes ,  reprit  viv^ement  l'Archevê- 
que d'y  avoir  donné  fon  confentement  avec  les  autres  Evê- 
ques ,  difant  que  la  plupart  de  ces  articles  avoient  dt^^  con- 
damnés par  les  anciens  Conciles ,  &  qu'ils  étoif  nt  conir.nres 
aux  faints  Canons  :  faifant  néanmoins  attention  que  l'Ar- 
chevêque s'étoit  relevé  auffi-tôt  après  fa  chute ,  &  qu'il  lui  en 
avoit  accordé  l'abfolution  ,  il  la  lui  donna  une  féconde  fois, 
en  confidération  de  fes  pertes  &  de  fes  loufPrances.  L'Ar- 
chevêque lui  raconta  comment  il  étoit  parvenu  à  l'Epifcopat 
.  à  la  faveur  de  la  Puiffance  féculiere  ,  &  tirant  l'anneau  de 
fon  doigt  il  le  remit  au  Pape  ,  le  priant  de  pourvoir  à  l'E- 
glile  de  Cantorberi  d'un  Sujet  plus  digne.  Le  Pape  ayant  dé- 
libéré là"  deffus  avec  les  Cardinaux ,  lui  ordonna  de  reprendre 
de  fa  main  les  fondions  Epifcopales ,  promettant  de  ne  l'aban- 
donner de  fa  vie  ;  puis  il  le  remit  entre  les  mains  de  Guichard, 
Abbé  de  Pontigny ,  pour  relier  en  ion  Abbaye  jufqu'à  un  tems 
plus  favorable, 
iivademeu-  XIL  Le  Roi  d'Angleterre  informé  des  attentions  que  le 
reràPomigni.  Roi  de  France  &  le  Pape  avoient  eues  pour  l'Archevêque, 
fit  confifquer  tous  fes  biens  (s),&:  bannir  du  Royaume  tous 
fes  Parens,  de  quelque  âge  qu'ils  fuflent ,  fes  domeftiques  & 
fes  amis  ,  avec  ordre  à  ceux  qui  étoienr  en  âge ,  de  l'aller 
trouver  pour  Paffliger  par  leur  préfence.  Tout  ce  concours 
de  parens  ,  d'amis  ,  de  domeftiques  troubla  le  repos  l'ont 
l'Archevêque  jouiffoit  à  Pontigny  :  cependant  il  pourvut  à  leurs 
befoins  par  des  Lettres  de  recommandation  ,  &  il  y  en  eut  qui 
fe  trouvèrent  mieux  dans  leur  exil  que  dans  leur  Patrie.  On 

(r)   Vita    ,  lib.    2.  cap.  10.    11.  £;?    I     {s)  Vit.,^  çaf.  l^.l^.^  Bp'fi.  ^6.  lib.\. 


ARCHEVESQUE  DE  CANTORBERI.Ch.  XV.  251 
propofa  une  Conférence  entre  le  Pape  &  le  Roi  d'Angleterre; 
mais  elle  n'eut  pas  lieu  (f  ),  parce  que  ce  Prince  ne  vouloit 
pas  que  l'Archevêque  y  fût  préfcnt. 

XlII.  Le  Pape  ,  de  retour  à  Rome  en  r  165  ,  déclara  Le  Pape  le 
l'Archevêque  Thomas  l'on  Légat  dans  toute  l'Angleterre ,  Angleterre!" 
par  une  Lettre  datée  d'Anagni  (m)  le  7  Décembre  11^5. 
Ce  Prélat  l'ayant  reçue  ,  chargea  les  Evêques  d'Herford  & 
de  Vorcheftre  de  notifier  fa  Légation.  L'Evêque  de  Lon- 
dres en  fut  allarmé ,  parce  qu'il  ui  étoit  ordonné  de  la  part 
du  Pape  ,  non-ieulcmcnt  d'obéir  au  Légat ,  mais  de  lui  re- 
ftituer  dans  deux  mois  ,  fous  peine  d'excommunication  ,  les 
fruits  perçus  de  fes  Bénéfices  pendant  fon  abfence  ;  d'exiger 
des  autres  Evêques  du  Royaume  le  denier  de  faint  Pierre , 
8c  de  leur  faire  tenir  les  Lettres  du  Légat ,  fous  peine  de 
dépofition.  Le  Légat  écrivit  auiïî  au  Roi  &  à  l'Impératrice 
fa  mère.  Ce  Prince  craignoit  que  le  Légat  ne  prononçât: 
Tinrerdit  fur  fon  Royaume  ,  &  l'excommunication  c  ntre  fa 
Perfonne.  De  l'avis  de  l'Evêque  de  Lifieux  il  appella  au  Pape , 
&  envoya  lignifier  fon  appel  à  l'Archevêque  ;  il  étoit  forti  de 
Pontigny  pour  aller  à  Vezclai. 

XIV.  Le  jour  de  la  Pentecôte,  douzième  de  Juin  ii6(?,  '^,'^^„n'eT' 
après  avoir  fait  un  Sermon  dans  l'Eg'ife  de  la  Magdeleine  ,  détenteurs 
il  excommunia  Jean  d'Oxfort  pour  avoir  uf.rpé  le  Doyenné  d«  bûns  de 
de  Sarifteri  (x),  Richard  ,  Archidiacre  de  Poitiers  ,  &  tous  cantôrberi! 
les  détenteurs  des  biens  de  l'Eglife  de  Cantôrberi,  menaça  le 
Roi  d'excommunication  ,  condamna  les  prétendues  Coutu- 
mes d'Angleterre  ,  déclara  excommuniés  ceux  qui  les  fe- 
roient  valoir  à  l'avenir ,  &  déchargea  les  Evêques  de  la  pro- 
mefTe  qu'ils  avoient  faite  de  les  obferver.  Les  Evêques  aiïem- 
blés  à  Londres  par  ordre  du  Roi  interjetterent  appel  de  la 
Sentence  de  1^  Archevêque- Légat ,  le  lui  (ignifierent ,  &  au 
Pape  par  deux  Lettres ,  oii  ils  le  plaignoient  de  fa  conduite 
envers  eux  &  envers  le  Roi.  L'Archevêque  de  fon  côté  leur 
reprocha  l.ur  peu  de  zèle  pour  la  liberté  de  l'Eglile  ,  pour 
leurs  propres  intérêts ,  &  la  foiblcfTc  avec  laquelle  ils  l'aban- 
donnoicnt  lui-même  dans  la  perfécution  qu'il  fouffroitpour  la 
caufc  commune. 

XV.  Le  Roi  toujours  plus  mécontent  de  Thomas  C;')  obli- JHj'^^^P^J* 

(';C.>^     10.  I      (x)  Lib.  i.  Fpifl.  \z6.  iiS. 

(«)  AiExAHD. /«é.  I.  Epy?.  iiy.  116.  l      (>)  Vita  fCap.iB.xy. 
"7.  1 

T  •    •■ 
IllJ 


2^2  SAINT  THOMAS  BEQUET  , 

gea  les  Abbés  de  Cîceaux  de  le  faire  forcir  de  Pontigny  ;  mais.' 
le  Roi  Louis  lui  accorda  le  choix  d'une  Retraite  dans  fes 
Etats  :  l'Archevêque  préféra  la  Ville  de  Sens ,  où  il  fut  re- 
çu avec  honneur  par  l'Archevêque  Hugues,  le  Clergé  &  le 
Peuple.  Pendant  qu'il  étoit  en  cette  Ville  ,  fes  Députés  à- 
Rome  en  revinrent ,  &  lui  apprirent  que  le  Pape  avoit  nom- 
mé deux  Cardinaux  pour  négocier  fa  paix  avec  le  Roi  d'An- 
gleterre. Le  Pape  écrivit  par  eux  au  Roi  d'Angleterre  (z)  , 
aux  Evêques  du  Royaume  &  à  l'Archevêque.  Il  écrivit  aufll 
au  Roi  de  France  pour  lui  donner  part  de  l'envoi  des  Lé.- 
gats.  Ils  partirent  de  Rome  le  premier  de  Janvier  1 167  ,  & 
pafTcrent  à  Sens  pour  conférer  avec  l'Archevêque  Thomas  j. 
&  traiter  avec  lui  des  moyens  de  la  paix  :  de-là  ils  allèrent 
vers  le  Roi  d'Angleterre  ,,&  le  trouvant  trop  entier  dans  fes 
fentimens ,  ils  convinrent  d'une  Conférence  avec  l'Archevê- 
que :  elle  fe  tint  le  18  de  Novembre  de  la  même  année  entre 
Trie  &  Gifors.  Comme  le  Roi  n'y  avoit  appelle  que  les  Evê- 
ques d'Angleterre  les  plus  oppofés  à  l'Archevêque  ^.8c  que 
ce  Prélat  y  refufa  conflammcnt  de  recevoir  les  Coutumes  qui 
avoient  occafionné  le  trouble  entre  le  Roi  &  le  Clergé,, 
cette  Conférence  ne  fit  qu'aigrir  de  plus  en  plus  ce  Prince ,  à 
qui  les  Légats  en  firent  rapport  à  Argentan  le  ^6  de  No- 
vembre. 
Thomas  em-  XVI.  La  Conférence  de  Montmirail  ,  vers  la  Fête  de 
furesÊ^iTr"'  •^^'^^  ^'^  ^'^^  1 168  ,  n'eut  pas  un  plus  heureux  fuccès  (  «  )  : 
ffiques  ,  en  alors  l'Archevcque  voulant  effayer  d'obtenir  par  la  févérité 
«^P*  ce  qu'il  n'avoit  pu  par  la  douceur,  fufpendit  &  cxi^cmmunia 

tous  ceux  qui  agiffoient  contre  l'Eglile ,  exprimant  les  noms 
des  perfonnes  &  les  caufes  des  ceniures.  Les  Lettres  conte- 
nant ces  cenfures  s'étant  répandues  de  tous  côtés ,  le  Roi  ne 
trouvoit  prefque  plus  perfonne  qui  pût  à  la  MelTe  lui  donner 
le  baifer  de  paix.  Il  mit  tout  en  œuvre  pour  procurer  la  dé- 
pofition  ou  la  trjnflation  de  l'Archevêque  ,  qui  de  fon  côté 
fit  connoître  au  Pape  qu'il  n'avoit  pas  tenu  à  lui  qu'il  ne  fe 
réconciliât  avec  le  Roi  dans  la  Conférence  de  Montmirail, 
Quelque  tems  aprcs  le  Pape  envoya  de  nouveaux  Nonces  au 
Roi  d'Angleterre  ,  Gratien  &  Vivien.  Leur  négociation 
n'ayant  rien  opéré  >  TArchevêque  Thomas  renouvella  les 
cenfures  contre  les  détenteurs  des  biens  de  l'Eglife. 


{■J.]UL.2.  Epifl,  1.  3.  4*  («)  Gervas.  Doroe.  aii a/i.  ij68.  n6s> 


ARCHE VESQUE  DE  CANTORBERÎ.  Ch.  XV.  2^3 
f  XYIl.  D'unaucrc  côte  le  Papp  chargea  Rotrou  ,  Arche-   CtnfuresJu 
vcque  de  Rouen,  &  Bernard,  Evoque  de  Ncvers,  d'aller f/P'^,?""?'" 

I       i>      •    J.  A         1  11      1  n  I  I         V  "°'  Q  Angle- 

trouver  le  Koi  d  Angleterre  pour  ladmonclter  de  rendre  a  terre. 
l'Arclievcque  de  Cancorberi  la  paix,  de  le  rétablir  dans  la  pol- 
lelfion  de  tous  les  biens  (Z>)  ;  &  au  cas  de  refus ,  de  mettre  en 
interdit  tous  les  Etats  de  deçà  la  mer.  Il  défendit  aulfi  à  l'Ar- 
chevêque d'Yorc  ,  fous  peine  de  dépofition  ,  de  facrer  Roi 
Henri ,  fils  aîné  de  ce  Prince ,  au  préjudice  de  rArchevcquc 
de  Cantorberi ,  auquel  le  Sacre  des  Rois  d'Angleterre  ap- 
partcnoit.  Par  une  autre  Lettre  le  Pape  défendit  auiïi  à  l'Ar- 
chevêque Thomas  de  iacrcr  ou  de  permettre  à  un  autre  de 
iacrer  le  Prince  Henri ,  s'il  ne  prêtoit  auparavant  ,1c  ferment 
que  les  Rois  prêtoient  d'ordinaire  à  l'Eglile  de  Cantorberi , 
&  s'il  ne  déchargeoit  tous  les  Sujets  de  l'obfervation  des  Cou- 
tumes Se  du  ferment  qu'ils  avoient  fait  de  les  obferver.  Ces 
Lettres  furent  reçues  en  Angleterre  (c)  ,  mais  on  ne  les 
montra  à  perfonne.  Le  jeune  Prince  Henri  fut  donc  facré 
le  vingt- unième  de  Juin  par  Roger  ,  Archevêque  d'Yorc, 
affilié  des  Evêques  de  Londres ,  de  Sarifberi  &  de  Roche- 
fier.  La  nouvelle  de  ce  Sacre  affligea  l'Archevêque  Thomas  , 
qui  s'en  plaignit  amèrement  au  Pape  &  à  fes  amis  de  Rome. 
Le  Roi  de  France  s'en  plaignit  aulTi  comme  d'une  infulce  , 
parce  que  fa  fille  fiancée  au  nouveau  Roi  n'avoit  pas  été  cou-^ 
ronnée  avec  lui. 

XVHL  Cependant  îa  paix  fe  conclut  entre  le  Roi  d'An-  Paixdei'Ar- 
glererre  &  l'Archevêque ,  fuivant  le  projet  du  Pape  (  d  ).  ^J-^j^'^?"^"^ 
Pour  la  ratifier  ils  fe  rendirent  l'un  &  l'autre  au  lieu  deftiné 
à  l'entrevue  ,  le  22  Juillet  de  l'an  1 170.  L'Archevêque  fe 
plaignit  au  Roi  des  torts  qu'on  lui  avoit  faits  &  à  fon  Egli- 
le ,  foit  en  lui  enlevant  fes  biens ,  foit  en  la  privant  de  fes 
droits  ,  en  faifant  couronner  le  Roi  Henri  par  l'Archevê- 
que d'Yorc.  Le  Roi  reconnut  le  droit  de  cette  Eglife  , 
promit  de  lui  faire  rendre  fes  Terres  ,  &  reçut  à  fes  bonnes 
grâces  Thomas  &  tous  ceux  de  fa  fuite.  Il  voulut  même 
l'emmener  avec  lui  ,  d'ifant  qu'il  lui  étoit  avantageux  que 
leur  paix  fût  connue  de  tout  le  monde  5  mais  le  Prélat  le  pria  de 
trouver  bon  qu'avant  que  de  retourner  en  Angleterre  ,  il  prît 
congé  du  Roi  de  France  &  de  fes  autres  Bienfaiteurs.  Il 


(4)  Lit.  4.Epjy?.  42.45.  I     («/)  L»è  5,  ffi/î.  li. 

(c)  Vit.t ,  cap.  51,  jj.  i 


254  SAINT  THOMAS   BEQUET; 

,  V         donna  auffi-rôc  avis  au  Pape  &-aux  quatre  Cardinaux  fes 
amis ,  de  Ta  réconciliation  av£C  le  Roi.  Ceux-ci  l'en  com- 
plimentèrent ,  en  lui  témoignant  toutefois  de  la  défiance  fur 
lexécution  des  promeiTes  du  Roi,  &  en  l'exhortant  à  la  fa- 
ciliter par  fa  douceur.  Le  Pape  en  écrivant  au  Roi  pour  lui 
témoigner  fa  joie  de  cette  paix  ,  l'exhortoit  à   rendre  les 
biens  à  l'Eglife  de  Canrorbcri  ,  à  réparer  les  torts  qu'il  lui 
avoit  faic^,  &  à  faire  donner  par  le  Roi  fon  fils  fatisfadion  à 
l'Archevêque. 
L'Archevê-      XIX.  Ce  Prélat  avant  que  de  partir  vit  encore  deux  fois 
qiu-  parr  pour  jg  Roi  ,  à  Tours  ,  &  à  Châumont  entre  Blois  &  Amboife  ; 
ngeteiiL.  ^^^.^  -j  ^,^^  ^^^  ^^^  fatisfait  (e).  Il  fe  défia  beaucoup  plus 
de  la  fincérité  de  la  paix  faite  avec  lui ,  quand  il  apprit  par 
les  Lettres  de  fes  Agens  en  Angleterre ,  que  le  Roi  avoit 
fait  élire  des  Evêques  dans  les  Eglifes  vacantes  ,  &  envoyé 
les  Elus  au  Pape,  pour  erre  iacrcs  au  préjudice  de  l'Eglife 
de  Cantorberi  ;  qu'on  avoit  faifi  les  biens  de  l'Archevêque , 
&  défendu  de  laifler  fortir  d'Angleterre  aucun  des  fiens  ; 
néanmoins  fur  une  Lettre  de  ce  Prince  qui  le  prioit  de  re- 
tourner inceffamment  en  Angleterre,  il  s'embarqua  à  Guif- 
fand  le  Lundi  50  de  Novembre  1 170 ,  la  feptiéme  année 
de  fon  exil  ,  &  arriva  heureufement  au  Port  de  Sandvic. 
Les  pauvres  le  reçurent  avec  joie  ,  criant  :  »  Béni  foit  celui 
»  qui  vient  au  nom  du  Seigneur  ;  le  Père  des  orphelins ,  & 
«  le  Juge  des  veuves  «  :  mais  les  Genlilshommes  &  les  Offi- 
ciers du  Roi  croient  difpofcs  à  lui  faire  violence,  s'ils  n'en 
eufifent  été  empêchés  par  la  crainte  du  Peuple.  Le  premier 
de  Décembre  il  arriva  à  Cantorberi,  où  il  fut  reçu  avec  hon- 
neur du  Clergé  &  du  Peuple.  Quelques  jours  après  il  envoya 
à  Londres  Richard  ,  Prieur  de  faint  Martin  de  Douvres , 
donner  part  au  jeune  Roi  de  fon  arrivée  (/) ,  &  lui  faire  des 
excufes  touchant  les  cenfures   portées  contre  l'Archevêque 
d'Yorc ,  l'Evêque  de  Durham  ,  &  tous  les  Evêques  qui  avoient 
aflifté  à  fon  Sacre.  Le  Député  fut  mal  reçu  par  le  jeune  Prince. 
Thomas  ne  laifla  pas  de  fe  mettre  en  chemin  peu  de  jours  après 
pour  aller  le  voir  lui-même  :  mais  aux  approches  de  Londres 
il  lui  fit  faire  défenfe  d'entrer  dans  la  Ville,  &  ordonner  de 
retourner  à  fon  Eglife. 


(f)  Vita  ,Lib,  i.caj^.i.îS  l'i.S'EfiJi.l      {f)Vita  yLib,  ].  caf,  ^. 


/RCHKVESQUEDECANTORBERT.Ch.  XV.  255 
XX.  Le  jour  de  Nocl  T Archevêque  monta  en  Chaire  , 
parla  avec  véhémence  contre  les  ennemis  de  TEglile ,  ex- 
communia Ici  deux  frères  ,  Kaoul  &  Robert  de  Broc  ,  qui 
s'éioicnt  empares,  de  la  part  du  Roi ,  Perc  ,  des  biens  Hc 
revenus  de  l'Archevêché,  &  prédit  qu'il  mourroit  dans  peu 
de  jours  :  cela  ne  l'empêcha  pas  de  tenir  table  jprcs  la  MelTe  , 
fuivant  fa  coutume  ,  Se  d'y  être  tort  gai.  Il  eft  remarqué 
qu'il  y  mangea  delà  viande,  parce  qu'en  cette  année  1170 
Noël  tomboit  le  Vendredi.  L'Archevêque  d'Yorc  &  les  au- 
tres Evêques  fufpens  de  leurs  fondions  étant  palTés  en  Nor- 
mandie ,  excitèrent  fi  vivement  le  Roi,  Père,  contre  Tho- 
mas, que  quatre  Chevaliers  de  fa  Chambre  croyant  ne  pou- 
voir rien  faire  qui  lui  fût  plus  agréable  que  de  tuer  l'Arche- 
vêque de  Cantorberi,  en  formèrent  la  rélolution  ,  &  s'en- 
gagèrent à  ce  meurtre  par  ferment  la  nuit  même  de  Noël.  Ils 
s'embarquèrent  par  un  vent  favorable  {g) ,  arrivèrent  en  An- 
gleterre le  jour  desinnocens ,  &  le  lendemain  vingt-neuvième 
de  Décembre  à  Cantorberi. 

XXL  Le  même  jour  ils  allèrent  à  l'Archevêché  (/f),  en-  Martyre  de 
trerent  dans  la  chambre  du  Prélat ,  à  qui ,  après  quelques  ^*  Thomas. 
difcours  ,  ils  firent  beaucoup  de  menaces  ,  ajoutant  qu'il  y 
auroit  quelque  chofe  de  plus.  Thomas  fans  s'effrayer  alla  à 
l'Eglife  entendre  les  Vêpres  :  à  peine  y  étoit-il  entré  que  les 
quatre  Chevaliers  fy  fuivirent.  Renaud  ,  l'un  des  quatre  , 
donna  le  premier  coup  ,  qui  bleffa  le  Saint  à  la  tête  :  alors 
fe  recommandant ,  &  la  caufe  de  l'Eglife  de  Cantorberi ,  à 
Dieu  ,  à  la  fainte  Vierge  ,  aux  faints  Patrons  de  cette  Egli- 
fe  y  &  au  Martyr  faint  Denis  ,  il  fe  mit  à  genoux  devant 
l'Autel ,  les  mains  jointes  &  les  yeux  au  Ciel  ;  il  attendit  le 
fécond  coup,  qui  le  fit  tomber  ;  le  troifiéme  lui  fendit  la  tête, 
&  le  quatrième  répand. t  fa  cervelle  fur  le  pavé.  Le  Saint 
reçut  tous  ces  coups  lans  parler  ,  ni  faire  aucun  mouvement 
des  pieds  ni  des  mains.  Telle  fut  la  mort  de  ce  grand  Ar- 
chevêque, dans  la  cinquante-troifiéme  année  de  ion  âge  ,  le 
2^  de  Décembre -1170.  Les  pauvres  ramafTerenc  ion  lang, 
y  trempant  des  morceaux  de  leurs  habits.  On  recueillit  avec 
foin  ce  qui  en  demeura  fur  le  pavé ,  &  les  Moines  emportè- 
rent fon  corps  dans  une  Chape'le  fouterrcine ,  où  ils  le  mi- 
rent dans  un  tombeau  de  marbre  tout  neuf.  L'Eglife  demeura 
• — -■ ^  — .— ■  1 

(^;  r«»,-Lii.  j.caf.  ïi.  li.  (h)  Vita,cap.  ï). 

<•  r  r,r  ,'1- 


2Ç«  SAINT  THOMAS   BEQUET  ; 

inccrdice  pendant  près  d'un  an  :  on  couvrit  les  croix ,  on  dé- 
pouilla les  Autels,  &  les  Moines  récitèrent  l'Office  dans  leur 
Chapitre  fans  chanter.      J,,   ; 
Ses  Miracles.      XXII.  Mais  le  jour  de  faint  Thomas,  Apôtre  ,  21  de 
^;„^'"°"''"'- Décembre,  l'an  1171  ,  cette  Eglife  fut  réconciliée  par  les 
£vêques  d'Exceftre  &  de  Chicheftre  ,  avec  la  permiiïion  des 
deux  Légats  Théoduin  &:  Albert.  Il  fe  faifoit  beaucoup  de 
miracles  au  Tombeau  du  Saint ,  afin  ,  dit  Raoul  de  Dicet , 
que  l'on  connût  que  celui  qui,  pour  la  défenfe  de  la  liberté^ 
de  l'Eglifc  ,  avoit  foufîert  tant  d'années  la  profcription  de  fa 
perfonne  &  des  Tiens,  venoitde  remporter  la  victoire  fur  les 
ennemis  de  cette  Eglife.  Le  Pape  Alexandre  III.  informé 
par  le  témoignage  de  plufieurs  perfonnes  dignes  de  foi  , 
mais  fur-tout  de  fes  deux  Légats  ,  des   miracles  qui  s'opé- 
roient  par  TintercefiTion  de  ce  faint  Prélat ,  dont  il  cpnnoiiToit 
d'ailleurs  les  vertus,  le  canonifa  iolemnellcment  dans  l'Eglife 
le  jour  des  Cendres,  21  de  Février  1 173  ,  en  le  mettant  au 
nombre  des  Martyrs. 
Punition  dî-      XXIII.  La  vengeance  divine  éclata  fur  les  Meurtriers  dans 
vtne  desMeur- les  trois  ans  qui  luivirent  le  martyre  de  l'Archevêque  (  i  ), 
îners,  N'ofant  retourner  à  la  Cour ,  ils  fe  retirèrent  à  une  Terre 

qui  appartenoit  à  l'un  d'entr'eux  :  mais  l'horreur  que  tous 
les  gens  du  pays  avoient  d'eux  ,  les  contraignit  d'en  fortir  ; 
&  prcffés  du  remords  de  leur  confcience  ,  ils  allèrent  trouver 
le  Pape  Alexandre  III.  qui  leur  impofa  pour  pénitence  le 
voyage  de  Jérufalem.  Guillaume  de  Traci ,  l'un  des  quatre, 
mourut  à  Cofence  d'une  maladie  où  les  chairs  ,  fur-tout  des 
bras  &  des  mains ,  tomboient  par  pièces  laiflant  les  os  à  dé- 
couvert ;  les  trois  autres  moururent  à  Jérufalem  ,  &  furent 
enterrés  à  la  porte  du  Temple  avec  cette  infcription  (/)  :  Ci 
giffent  les  Malheineux  qui  ont  manyrifé  le  bien/ieiireux  Thomas , 
Archevêque  de  C antorberi. 
Lettres  de  S.     XXIV.  Nous  n'avons  point  d'autres  Ecrits  de  ce  Saine 
Thomas  de  que  fcs  Lettres ,  dont  on  a  fait  un  Recueil  divifé  en  cinq 
cantorberi.    L^yj-gg  :  mais  toutcs  Ics  Lettres  qu'il  renferme  ne  font  pas 
faVie.         de  l'Archevêque  de  Cantorberi.  Il  y  en  a  un  grand  nom- 
bre du  Pape  Alexandre  lil.  de  Jean  de  Sarifberi  ;  de  Jean, 
Evcque  de  Poitiers;  de  Gilbert,  Evêque  de  Londres;  des 
Evêques  de  Vorchelire ,  &  autres  Prélats  d'Angleterre  ;  des 


JEvêques 


ARCHEVESQUE  DE  CANTORBERI.  Ch.XV.  257 

Evcqucs  de  Paris ,  de  Meaux  ,  de  Noyon  ,  de  Sens  ;  des 
Rois  de  France  &  d'Angleterre  ;  des  Lcgars  du  Pape  ,  & 
des  Ddputds  de  laine  Thomas ,  &  de  quantité  d'autres  pcr- 
fonnes  :  toutes  ces  Lettres  ayant  rapport  aux  difficultés  de 
ce  Prélat  avec  Henri  IL  Roi  d'Angleterre  ,  au  fujct  des  li- 
bertés de  l'Eglifc  Anglicane.  Jean  de  Sarilbcri  prit  foin  de 
les  recueillir,  &  d'en  faire  un  corps  tel  que  nous  l'avons.  Cefl: 
un  riche  tréfor  dans  lequel  ont  puilé  tous  ceux  qui  ont  écrit 
THifloire  du  tems.  Pour  le  rendre  complet  ,  on  joignit  à  ce 
Recueil  la  Vie  de  ce  Martyr  ,  écrite  par  divers  Auteurs  , 
tous  contemporains  ,  &   quelques-uns  fes  Dilciplcs.  La  pre- 
mière efl  d'Edouard ,  dont  Surius  a  donné  l'Abrégé  au  29 
de  Décembre.  La  féconde  ell  de  quatre  Ecrivains ,  tous  fcs 
Difciples,  Heribert ,  "Willaunie  ,  Jean  deSarifbcri ,  &  Alain, 
Abbé  d'Eoche.  Cette  Vie  eft  diftribuée  en  trois  Livres  :  elle 
fe  trouve  à  la  tête  de  la  Colledion  des  Lettres  de  faint  Tho- 
mas ,  avec  l'Hifloire  de  ce  qui  efl:  arrivé  depuis  fon  martyre: 
celle  des  fçavans  Hommes  avec  lefquels  il  fut  en  liaifon  pen- 
dant fa  vie  ,  &  les  Conflitucions  ou  Statuts  du  Royaume  qui 
occafionnerent  la  divKion  entre  le  Roi  Henri  IL  &  l'Arche- 
vêque de  Cantorberi.  Le  Père  Lupus  avoit  tiré  tous  ces  mo- 
numens  de  la  Bibliothèque  du  Vatican  ,  dans  le  deflein  de 
les  rendre  publics  &   de  les  dédier  au  Cardinal  Howard. 
Prévenu  par  la  mort ,  Guillaume  "Wynants,  du  même  Ordre 
que  le  Père  Lupus ,  a  fuivi  fon  deflein ,  &  dédié  à  cette  Emi- 
nence  le  Recueil  des  Lettres  &  des  Actes  de  faint  Thomas  de 
Cantorberi ,  imprimé  à  Bruxelles  chez  Henri  Fricx,  en  deux 
Volumes  in-4^.  l'an  1682. 

XXV.  Il  efl  bon  de  rapporter  ici  les  Conftitutions  d'An-    Coutumes 
gleterre  conteflées  par  le  Clergé  (m).  Le  Roi  Hem i  II.  you-^'^j^^f"""^ 
lant  les  faire  reconnoître  ,  aflembla  les  Evêques  du  Royau-îg clergé.^" 
me  à  Clarendon   fur  la  fin  de  Janvier  1 1  ^4.  elles  et  icnt 
conçues  en  ces  termes ,  rédigées  en  16  articles  :  1°.  S'il  s'é-  i. Statut, 
meut  un  différend  touchant  le  Patronage  &  la  préfentation 
des  Eglifcs  ,  foit  entre  les  Laïques ,  foit  entre  les  Clercs  & 
les  Laïques  ,  il  fera  traité  &  terminé  dans  la  Cour  du  Roi. 
2°.  Les  Eglifes  du  Fief  du  Roi  ne  pourront  être  données  à        *• 
perpétuité  fans  fon  confentement.  3°.  Les  Clercs  cités  &  ac-       j. 
cufés  de  quelque  cas  que  ce  foit  ,  étant  avertis  par  le  Jufti- 

(m)  Tom,  ï.  Epifi,  Thom,  /?.  i^J, 

TomeXXllU  Kk 


6. 


t. 


10, 


l^i  '  SAINT  THOMAS  BEQUET  , 
cier  du  Roi ,  viendront  à  la  Cour  de  TEglife  ,  pour  voir  de 
quelle  manière  l'affaire  s'y  traitera  ;  &  li  le  Clerc  efl  con- 
vaincu ,  l'Egliie  ne  doit  plus  le  protéger.  4".  Il  n'eft  pas  per- 
mis aux  Archevêques ,  aux  Evêqucs  &  aux  Perfonries  con- 
ftituées  en  dignité  ,  de  fortir  du  Royaume  fans  la  permiflion 
du  Roi  ;  8c  en  ce  cas  ils  donneront  affurance  que  pendant 
leur  voyage  ils  ne  feront  rien  au  préjudice  du  Roi  &  du 
Royaume.  5°.  Les  Excommuniés  ne  doivent  point  donner 
de  caution  pour  le  furplus ,  afin  d'être  abfous  ,  ni  prêter  fer- 
ment ,  mais  feulement  donner  caution  de  fe  préfenter  ©u 
Jugement  de  l'Egliie.  6".  Les  Laïques  ne  doivent  être  ac- 
culés devant  l'Evêque  ,  que  par  des  Accufateurs  certains  €z 
légitimes ,  enforte  que  l'Archidiacre  ne  perde  point  fon  droit  ; 
&  fi  ceux  dont  on  fe  plaint ,  font  tels  que  perfonne  n'ofe  les 
accufer  ,  le  Vicomte  requis  par  l'Evêque  fera  jurer  douze 
hommes  loyaux  du  même  lieu  devant  l'Evêque ,  qu'ils  en 
déclareront  la  vérité  en  confcicnce.  7°.  Perfonne  qui  tien- 
ne du  Roi  en  chef  j  ou  qui  foit  fon  Oiîîcier  ,  ne  fera  excom- 
munié ,  ni  fa  Terre  mife  en  interdit ,  qu'auparavant  on  ne 
s'adreflc  au  Roi  ,  s'il  efl  dans  le  Royaume  ,  ou ,  s'il  en  efl 
dehors ,  à  fon  Juflicier  ,  afin  qu'il  en  faffe  juflice  -,  enforte  que 
ce  qui  appartient  à  la  Cour  du  Roi  y  foit  terminé  ,  &  ce  qui 
regarde  la  Cour  Eccléfiaftique  lui  foit  renvoyé. 

8°.  Les  Appellations  doivent  aller  de  l'Archidiacre  à  l'E- 
vêque ,  de  fEvêque  à  l'Archevêque  ,  &  fi  l'Archevêque 
manque  à  faire  juflice ,  on  doit  venir  enfin  au  Roi  pour  ter- 
miner l'affaire  par  fon  ordre  dans  la  Cour  de  l'Archevêque, 
fans  qu'on  puiffe  aller  plus  avant  fans  le  confentement  du 
Roi.  p".  S'il  furvient  un  différend  entre  un  Clerc  &  un  Laï- 
que ,  ou  au  contraire  pour  quelque  ténement  que  l'un  pré- 
tende être  aumône,  &  que  l'autre  foutienne  être  fief  laïque, 
fur  la  reconnoiffance  de  douze  loyaux  hommes ,  le  grand  Ju- 
flicier du  Roi  déterminera  ce  qui  en  efl  :  Ci  c'efl  aumône  ,  la 
caufe  fe  pourfuivra  dans  la  Cour  Eccléfiaftique  ;  fi  c'efl  fief  y 
elle  fe  pourfuivra  dans  la  Cour  du  Roi,  à  moins  que  les  deux 
Parties  ne  relèvent  ce  ténement  du  même  Evêque  ou  du 
même  Baron,  auquel  cas  ils  plaideront  en  fa  Cour  ,  fans 
que  pour  cette  reconnoiffance  celui  qui  en  étoit  déjà  iaifi  , 
perde  fa  failine.  1°.  Celui  qui  efl  d'une  Ville,  d'un  Bourg 
ou  d'un  Manoir  du  Domaine  du  Roi ,  s'il  efl  cité  par  l'Ar- 
chidiacre ou  par  l'Evê.jue  pour  quelque  délit  dent  il  doive 


ARCHEVESQUE  DE  CANTORBERI.  <Ch.XV.  259 
lui  répondre ,  &  qu'il  ne  veuille  pas  latisfairç  à  leurs  cira- 
rions ,  peut  bien  être  mis  en  interdit ,  mais  non  pas  excom- 
munié ,  avant  que  TOfTicier  principal  du  lieu  Tait  fait  venir 
pour  l'obliger  à  iatisfadion  ;  que  fi  l'OfHcicr  y  manque,  l'ac- 
cufc  fera  à  la  miléricorde  du  Roi ,  &  dès-lors  TEvcque  pour- 
ra réprimer  TAccufé  par  la  Juflicc  Eccléfiaftique. 

II".  Les  Archevêques ,  les  Evêques  &  les  autres  qui  tien-  n« 
nent  du  Roi  en  chef,  relèveront  leurs  Terres  du  Domaine 
du  Roi  comme  Baronies  ,  en  répondront  aux  Jufliciers  & 
aux  Officiers  du  Roi  ,  fuivront  toutes  les  Coutumes  &  les 
droits  du  Roi ,  &  affifleront  comme  les  autres  Barons  aux 
Jugemens  de  la  Cour  du  Roi  jufqu'à  Sentence  de  mort  ou 
mutilation  de  membres.  12°.  Lors  de  la  vacance  d'un  Ar-  n. 
chevêche ,  Evêché  ,  Abbaye  ou  Prieuré  du  Domaine  du  Roi , 
il  fera  en  fa  main ,  &  il  en  recevra  tous  les  revenus  comme 
domaniaux  ;  &  quand  il  faudra  pourvoir  à  cette  Eglife ,  le 
Roi  en  mandera  les  principales  perfonnes  ,  &  l'ékclion  fe 
fera  en  fa  Chapelle  ,  de  fon  confentement ,  &  par  le  confeil 
des  perfonnes  qu'il  y  aura  appellées  de  fa  part  ;  &  là  -  même 
l'Elu  fera  hommage-lige  au  Roi  avant  que  d'être  facré ,  pro- 
_iTiettant ,  fauf  fon  Ordre ,  lui  conferver  la  vie  ,  les  membres 
&  fa  dignité  temporelle,  i  30.  Si  quelqu'un  des  Grands  du  ij. 
Royaume  refufe  de  rendre  juftice  à  un  Evêque  ou  à  un  Ar- 
chidiacre, le  Roi  la  lui  doit  faire  lui-même;  &  fi  quelqu'un 
dénie  au  Roi  fon  droit ,  les  Evêques  &  les  Archidiacres  doi- 
vent l'obliger  à  y  fatisfaire. 

j',^,'.l4^,  L'Eglife  ne  retiendra  pas  les  meubles  de  ceux  qui       '4.' 
bric  forfait  au  Roi ,  parce  qu'ils  lui  appartiennent,  quoiqu'ils 
■foient  trouvés  dans  une  Eglife  où  un  Cimetière.  15''.  Les       i^,- 
aûions  pour  dettes  fe  pourfuivront  en  la  Cour  du  Roi ,  foit 
qu'il  y  ait  ferment  interpofé  ,  ou  non.  16".  Les  enfans  des        i^. 
Payfans  ne  doivent  point  être  ordonnés  fans  le  confente- 
ment du  Seigneur  dans  la  Terre  duquel  ils  font  nés.  Après 
la  reconnoiflance  de  ces  Couturnes  on  en  drefla  un  a£le ,  puis 
le  Roi  demanda  à  l'Archevêque  de  Canrorberi  &  aux  Evê- 
ques d'y  mettre  leurs  fceaux  :  l'Archevêque  témoigna  alors 
;  qu'il  étoit  réfolu  de  le  faire ,  il  demanda  feulement  un  petit 
délai  pour  agir  avec  plus  de  décence.  Il  prit  même  un  exem- 
plaire de  l'A  de  ,  &  fe  retira  pour  aller  à  Vincheftre  :  mais  il 
fe  repentit  bien-tôt  de  la  convention  faite  à  Clarendon ,  & 
rcfufa  de  fceller  l'Ade.  Le  Roi  irrité  chargea  l'Archevêque 

Kki; 


ifTo  SAINT  THOMAS  BEQUET, 

d'exa£lîons ,  le  fit  citer  &  condamner  au  Concile  de  Nor- 
thampton  ,  foJlicita  contre  lui  les  Puiffances  &  les  Villes , 
confàlqua  tous  fes  biens,  &  il  fut  contraint  de  fortir  d'An- 
gleterre. 
Ce  qu'il  y  a      XXVI.  On  s'employa  de  toute  part  à  le  réconcilier  avec 
iVZ?Ts^  Roi ,  &  de  rendre  ce  Prince  plus  favorable  à  TEglife  ;  & 
Lettres  don- telle  cft  la  matière  de  prefque  toutes  les  Lettres  contenues 
nées  par  Lu-  ^j^j^g  j^g  deuK  Tomcs  du  Pctc  Lupus.  Rotrou  ,  Evoque  d'E- 
vreux ,  perluade  qu  on  ne  reconcilieroit  point  1  Archevêque 
avec  le  Roi  fans  la  confirmation  des  Coutumes  d'Angleterre  ^ 
envoya  prier  le  Pape  Alexandre  de  les  confirmer.  Il  le  re- 
fufa  ,  mais  il  accorda  aux  inftances  du  Roi  le  titre  de  Légat 
à  Roger  ,  Archevêque  d'Yorc  (  «  )  ,  craignant  d'irriter  trop 
ce  Prince,  fi  ,  après  avoir  refufc  de  confirmer  fes  Coutumes, 
il  refufoit  encore  ce  qu'il  avoit  demandé  pour  l'Archevêque 
d'Yorc  :  cependant  il  exhorta  celui  de  Cantorberi  à  fe  con- 
duire envers  le  Roi  avec  beaucoup  de  circonfpedion ,  à  faire 
tous  fes  efforts  pour  recouvrer  fes  bonnes  grâces ,  &  à  n'ufer 
d'aucune  rigueur  envers  lui  ni  envers  fon  Royaume  ,  jufqu'à 
ce  que  Dieu  eût  rendu  la  paix  au  Saint  Siège.  Elle  lui  fut 
rendue  quelque  tems  après  par  la  mort  de  l'Antipape  0£la- 
vien,  arrivée  à  Luques  le  22  d'Avril  1164..  Les  Chanoines 
delà  Cathédrale  &  ceux  de  faint  Frigdien  refuferent  de  l'en- 
terrer chez  eux(  0  ) ,  déclarant  qu'ils  aimeroient  mieux  aban- 
donner leurs  Eglifes ,  que  d'y  mettre  le  corps  d'un  homme 
•qu'ils  croyoient  damné.  Alexandre  III.  le  pleura  ,  comme 
David  avoit  pleuré  fes  perfécuteurs ,  &  reprit  durement  quel- 
ques Cardinaux  qui  témoignoient  hautement  leur  joie  de  la 
mort  d'06tavien. 

XXVII.  Le  Pape  Alexandre  III.  eut  encore  égard  à  la 
demande  que  lui  fit  le  Roi  Henri  II.  de  transférer  de  l'Evê- 
ché  d'Erford  à  celui  de  Londres  ,  Gilbert  Folioth  (p).  La. 
raifon  de  cette  tranflation  étoit  que  le  Roi  d'Angleterre  fai- 
fant  fa  demeure  à  Londres ,  Gilbert ,  dont  la  religion  &  la 
prudence  étoient  connues ,  pourroit  y  être  utile  ,  non-feule- 
ment au  Roi,  mais  à  l'Eglife  &  à  l'Etat.  Cet  Archevêque  , 
en  répondant  à  la  Lettre  du  Pape  fur  fa  tranflation ,  tâchoit 
de  jufiifier  le  Roi  Henri  II.  des  reproches  qu'on  lui  faifoit,. 


ARCHEVESQUE  DE  CANTORBERI.  Ch.  XV.  2^1 
affurant  que  ce  Prince  n'cmpcchoit  point  les  Appellations  au 
Saint  Siège  {  q  )  pour  des  Gaules  Ecclcfiadiqucs  ;  que  s'il 
éroit  en  relation  avec  l'Empereur  Frideric  ,  c'cil  qu'il  ne  Iça- 
voit  point  qu'il  fut  excommunié  ;  qu'il  n'avoit  point  obligé 
l'Archevêque  Thomas  de  lortir  d'Angleterre  ,  &  qu'il  ne 
s'oppoi'oit  point  à  ion  retour  ;  enfin  il  prioit  le  Pape  de  ne 
point  employer  contre  Henri  II.  la  rigueur  des  ccnlurcs,  de 
peur  d'éloigner  de  l'on  obéilTance ,  non-ieulemcnt  ce  Prince , 
mais  un  nombre  infini  de  Peuples. 

XXVIII.  Thomas,  Evêquc  d'Pïcrford  (r) ,  ctoit  plein 
de  piérc  &  de  zèle,  avant  que  d'être  promu  à  i'Epifcopat  ; 
aufli-tôt  après  fa  promotion  il  tomba  dans  la  tiédeur.  L'Ar- 
chevêque de  Cantorbcri ,  qui  le  regardoit  comme  un  Dé- 
fenfeur  de  la  Loi  de  Dieu  ,  de  la  liberté  de  l'Eglife  ,  &  du 
patrimoine  du  Crucifix  ,  lui  fit  des  reproches  de  fon  indo- 
lence ,  &  il  en  reçut  auiïl  de  la  part  du  Pape  Alexandre  , 
qui  écrivit  encore  au  Roi  Henri  (  s  )  de  ne  pas  faire  de  nou- 
velles Loix  qui  ne  tendoient  qu'à  l'oppreflion  des  pauvres  & 
des  Eglifes ,  &  de  fupprimer  celles  qu'il  appelloit  anciennes  ^ 
comme  contraires  à  la  liberté  de  l'Eglife  ;  de  laifler  aux  Clercs 
la  connoiffance  des  affaires  Eccléfiafliques ,  fur-tout  les  crimi- 
nelles ,  &  de  ne  pas  confondre  les  droits  de  la  Royauté  & 
du  Sacerdoce.  Alexandre  III.  écrivit  auffi  en  faveur  de  l'Ar- 
chevêque (  f  )  à  Philippe ,  Comte  de  Flandres ,  au  Roi  d'E- 
coffe ,  au  Comte  Henri ,  &  à  plufieurs  autres  Perfonnes  de 
diftindion.  Thomas  n'abandonna  pas  fes  parens  8c  fes  amis 
bannis  du  Royaume  ,  &  dépouillés  de  leurs  biens  à  caufe  de 
lui.  Il  les  recommanda  à  Etienne ,  Chancelier  du  Roi  de 
Sicile  (  «  )  ,  à  la  Reine  Mathilde  ,  protcftant  dans  toutes  fes 
Lettres  qu'il  n'avoit  encouru  la  difgrace  de  Henri  II.  que 
pour  avoir  pris  la  défenfe  de  la  liberté  de  l'Eglife  que  ce 
Prince  vouloit  opprimer.  Il  repréfenta  au  Roi  même  combien 
cette  liberté  étoit  précieufe  (x)^  puifque  Jefus - Chrift  l'a- 
voit  acquife  à  l'Eglife  par  fon  fang  ;  que  cette  Eglife  étoit 
compofée  de  deux  Ordres ,  du  Clergé  &  du  Peuple  ;  que  du 
premier  étoient  les  Apôtres,  les  Hommes  apofloliques ,  les 
Evêques  ,  à  qui  le  gouvernement  de  cette  Eglife  eft  confié  ; 
que  dans  le  fécond  Ordre  étoient  les  Rois  ,  les  Princes ,  les 

(1)  Epift.  ^2..  j     (.t)Sp'Jl-'>^-59.^>f^q. 

(r)£p!-/î.  59.  40,  I      C»;  Ep;/?.  jtf.  57.  j8» 

(0  %y?..4*,  »       (ï)  Epi/}.  64. 


26z  SAINT  THOMAS   BEQUET  , 

Ducs  &  autres  grands  Seigneurs  ,  chargés  de  traiter  telle- 
ment les  affaires  féculieres  ,  que  leur  but  fût  de  tout  faire 
concourir  à  la  paix  &  à  l'unité  de  l'Eglife.  Il  ajoute  que  c'efl 
de  l'Eglife  que  les  Puiffances  temporelles  tirent  leur  auto- 
rité; mais  qu'elle  tient  la  fienne,  non  des  Rois  de  la  terre , 
mais  de  JefusChrifl:  ;  qu'ainfi  il  n'appartient  pas  aux  Juges 
Laïques  de  condamner  ni  d'abfoudre  les  Clercs,  bien  moins 
de  les  traduire  à  leurs  Tribunaux. 

XXIX.  L'Archevêque  Thomas  dit  dans  une  autre  Lettre 
au  même  Roi  (y)  ,  qu'il  n'y  a  aucun  doute  que  les  Prêtres  de 
Jefus-Chrifl:  ne  foient  les  Percs  &  les  Maîtres  des  Rois ,  des 
Princes  &  de  tous  les  Fidèles  ;  que  s'ils  ont  reçu  de  Dieu 
le  privilège  de  l'adminiftration  des  Loix  ,  ils  doivent  en  té- 
moigner leur  reconnoiflance  ,  en  ne  faifant  rien  contre  la 
difpofition  de  l'ordre  célefle  ,  c'efl-à-dire  de  l'Eglife.  Il  en- 
tre dans  le  détail  du  pouvoir  des  Evêques  fur  les  Rois ,  en 
rapportant  l'excommunication  de  l'Empereur  Arcade  par  le 
Pape  Innocent ,  de  l'Empereur  Théodofe  par  faint  Ambroi- 
fe  ;  &  ajoute  que  dans  l'ancienne  Loi  les  Rois  étoient  aufli 
fournis  aux  Prophètes  ,  puifque  David  ,  coupable  d'adul- 
tère ,  fut  envoyé  au  Prophète  Nathan  pour  en  être  ab- 
fous. 

XXX.  Mais  le  Roi  d'Angleterre  fâché  de  la  prote£lion 
que  le  Pape  &  les  Cardinaux  donnoient  à  l'Archevêque  Tho- 
mas (z)  ,  réfolut  d'envoyer  à  Rome  pour  leur  dénoncer  que 
s'ils  ne  ceffoient  de  protéger  ce  Prélat ,  ne  confentoient  qu'il 
en  mît  un  autre  à  fa  place  ,  &  ne  iaiflbient  en  vigueur  les 
Coutumes  d'Angleterre  ,  il  abandonneroit  l'obédience  du 
Pape  Alexandre  III.  Ce  Prince  avoit  écrie  toutes  ces  cho- 
fes  à  l'Archevêque  de  Cologne  ,  qui  avoit  communiqué  fa 
Lettre  à  l'Empereur  Frédéric  ,  &  ce  Prince  en  avoit  donné 
leflure  à  une  grande  Cour  affemblée  à  Virfbourg  en  Fran- 
conie  le  23  Mai  116^  (a).  Le  Pape  averti  de  ce  qui  s'étoit 
paffé  en  cette  Aflemblée ,  écrivit  à  Gilbert ,  Evêque  de  Lon- 
dres ,  de  faire  conjointement  avec  Robert ,  Evêque  d'Her- 
ford  ,  tous  leurs  efforts  pour  ramener  le  Roi  d'Angleter- 
re à  "la  vénération  qu'il  devoit  à  l'Eglife  Romaine  ,  &  à 
rétablir  l'Archevêque  dans  fon  Siège.  Il  le  charge  par  la 


(;)  Epifl.  6i.  I     Ca)Efiff.ij. 


ARCHEVESQUE  DE  CANTORBERI.  Ch.  XV.  16^ 

même  Lettre  de  faire  lever  le  denier  de  laint  Pierre  de  l'an- 
née courante  par  toute  l'Angleterre  ,  &  de  le  lui  envoyer 
au  plutôt.  Cette  Lettre  eft  datée  de  Clermont  le  10  Juillet 
ï  165.  Gilbert  de  Londres  en  écrivit  deux  {b)  ,  Tune  au 
Pape  en  réponfc  à  la  (ienne  ,  l'autre  au  Collège  des  Cardi- 
naux ;  dans  Tune  &  dans  l'autre  il  témoigne  qu'il  a  trouvé  le 
Roi  d'Angleterre  dans  des  Tentimens  de  refped  &  de  véné- 
ration pour  le  Pape  Alexandre,  &  rélolu  de  demeurer  dans 
fon  obédience ,  quoique  mécontent  des  refus  qu'il  lui  avoir 
faits  iur  plulieurs  demandes ,  &  de  ce  qu'il  l'avoit  traite  de 
perlécutcur. 

XXXL  Arnoul ,  Evêque  de  Lizieux  (c)  ,  alors  en  grand 
crédit  à  la  Cour  d'Angleterre  ,  mais  toujours  attaché  à  l'Ar- 
chevêque Thom.is ,  croit  en  commerce  de  Lettres  avec  lui , 
autant  pour  le  conloler  dans  Ion  exil ,  que  pour  l'avertir  de 
ce  qui  le  paiïbit  Iur  fon  fujet  en  Angleterre.  Il  lui  dit  dans 
une  de  les  Lettres  que  c|uelques-uns  devinant  fes  intentions  , 
accufoicnt  d'ambition  fa  rériltance  aux  ordres  du  Roi  j  & 
qu'en  refuHmt  d'accepter  les  Coutumes  d'Angleterre,  il  n'a- 
voit  d'autre  motif  que  d'étendre  fon  autorité,  &  d'égaler  fa 
puifllmce  à  celle  du  Roi;  mais  que  les  Gens  de  bien  ne  dou- 
toient  plus  de  la  pureté  de  (es  intentions ,  ni  qu'il  ait  préféré 
la  juftice  &  la  liberté  de  l'Eglife  à  tous  les  biens  temporels  , 
&  à  la  paix  dont  il  auroit  pu  jouir  en  confenrant  aux  vo- 
lontés du  Roi.  Arnoul  l'avertit  de  ne  plus  compter  fur  fes 
Suffragans ,  parce  qu'ils  l'avoient  tous  lâchement  abandonné 
par  complaifancc  pour  le  Roi  ;  de  ne  pas  compter  même  fur 
ceux  de  les  amis  d'un  moindre  rang  ,  qui  ,  retenus  par  la 
crainte  de  l'exil ,  fe  contentoicnc  de  faire  en  fecret  des  vœux 
pour  lui  ;  qu'il  y  avoir  bien  moins  à  compter  fur  les  Seigneurs 
d<^  la  Cour,  qui  perfuadés  que  l'Eglife  ne  s'élève  qu'à  leurs 
dépens ,  ont  fait  une  efpcce  de  conjuration  contr'elle.  L'E* 
vêque  de  Lizieux  conclut  que  Thomas  doit  donc  ufer  de 
modération  ,  ne  pas  s'opiniâtrer  par  la  confiance  en  la  bonté 
de  fa  Caufe  ;  diffimuler  pour  un  tems  ce  qu'il  ne  pouvoic 
corriger  ;  accepter  un  accommodement  fi  l'on  en  prélcnroit , 
fans  en  difcurcr  trop  les  articles  ,  &  fe  contenter  que  dans 
les  conditions  de  cet  accommodement  il  n'y  en  ait  point  de 
particulières  qui  détruifentexpreffément  la  liberté  de  l'Eglife. 


{b^Epifl.  58.  m.  11.41.  (c)  E^ip.  8,-.  a.  i.tr  8<5. 


2^4  SAINT  THOMAS  BEQUET, 

XXXTI.  Cependant  l'Archevêque  excommunia  nommé* 
ment  Jean  d'Oxford  pour  avoir  communiqué  dans  l'Aflem- 
blée  de  Virlbourg  avec  rArchcvcque  de  Cologne  ,  fchifma- 
tique  (  d)  ;  Richard  ,  Archidiacre  de  Poitiers  ,  &  générale- 
ment tous  ceux  qui  s'étoienc  emparés  ou  s-empareroient  des 
biens  de  l'Eglife  de  Cantorberi.  Il  avoit  encore  condamné 
publiquement  l''Ecrit  contenant  les  Coutumes  d'Angleterre, 
déchargé  les  Evêques  de  la  promefle  qu'ils  avoient  faite  de 
les  obferver  ,  &  donné  avis  de  toutes  ces  chofes  aux  Evê- 
ques de  la  Province  de  Cantorberi  (  e  )  ,  à  l'Archevêque  de 
Rouen  &  au  Pape ,  à  qui  il  en  demandoit  la  confirmation. 
Dans  une  autre  Lettre  à  tous  les  Evêques  d'Angleterre  (/)  , 
il  difoit  :  Que  perfonne  ne  révoque  en  doute  que  l'Eglife  Ro- 
maine ne  foit  Chef  de  toutes  les  Eglifes  ,  &  la  fontaine  de 
la  do£lrine  Catholique  ;  que  les  clefs  du  Royaume  du  Ciel 
n'aient  été  données  à  faint  Pierre  ;  &  que  tout  l'édifice  de 
l'Eglife  ne  foit  fondé  &  élevé  fur  la  foi  &  la  do£lrine  de  cet 
Apôtre.  Il  ajoutoit  que  dans  l'Eglife  Catholique  on  a  juf- 
qu'à  cette  heure  rapporté  au  Saint  Siège  le  Jugement  des  Cau- 
fes  majeures  ;  &  que ,  ce  que  l'on  ne  pouvoit  dire  fans  ver- 
fer  des  larmes ,  l'autorité  du  Siège  Apoflolique  n'étoit  pas 
a.ffez  refpeÊlée  dans  le  Royaume  des  Anglois ,  qu  elle  y  étoit 
même  en  danger. 

XXXIII.  En  répondant  à  la  Lettre  par  laquelle  les  Evê- 
ques affemblés  à  Londres  (A)  lui  notifioient  leur  appel  de 
la  Sentence  qu'il  avoit  prononcée  contr'eux  ,  il  leur  repro- 
che leur  peu  de  zele  pour  la  liberté  de  l'Eglife  &  pour  leurs 
propres  intérêts  ,  &  la  lâcheté  avec  laquelle  ils  Tabandon- 
noient  dans  ce  qu'il  fouffroit  pour  la  Caulc  commune.  Venant 
aux  reproches  qu'ils  lui  faifoient  eux-mêmes  dans  la  Lettre 
qu'ils  lui  avoient  écrite  ,  il  montre  qu'après  la  violence  & 
rinjuflice  qu'on  lui  avoit  faite  à  Northampton  ,  il  ne  pou- 
voit plus  demeurer  en  fureté  en  Angleterre  ;  qu'il  étoit  d'ail- 
leurs néceffaire  qu'il  en  forcît  pour  pourfuivre  fon  appel  au 
Pape.  Il  fe  plaint  qu'au  préjudice  de  fon  appel  on  l'a  dé- 


(f  )  EpiJ},  100. 

C/)£;-;7î.  143.-^138. 

(,?)  Q"'s  Romanam  EcclefTam  Caput 
omnium  Ecclefîarum  &  fontem  Caiholic.ç 
do&tinx  ainbigit  effe  ;  Quis  clavej  Regni 


Cœlorum  Petro  traditas  effe  ignorât  ?  Non- 
ne  in  fide  &  ào&nm  Pétri  totius  Ecclefe 
ftrudura  confurgit  !  Thom.  Lil/,  1.  Epifl, 
97. 

[h)Efip.  128.116.  117. 

pouillé 


ARCHE VESQUE  DE  CANTORBERI.Ch.  XV.  26$ 

pouillc  de  fcs  biens ,  &  confifqué  ceux  de  l'Eglifc ,  fans  qu'il 
y  cùr  aucun  Jugement  lendu  contre  lui  à  la  Cour  du  Pape, 
où  pcrfonnc  n'avoit  même  comparu  pour  lui  répondre. 
Quant  à  ce  qu'ils  lui  avoient  objc6lé  fur  l'illégitimité  de  fa 
promotionà  l'Epifcopat,  qui  s'écoit  faite ,  difoicnt-ils ,  malgré 
les  murmures  du  Royaume  &  les  gémifTemens  de  l'Eglife,  il 
leur  oppofc  les  formalités  obfervées  dans  fon  élection  ,  qui 
s'étoit  taitc  du  confentcment  de  tous  ceux  qui  y  avoient  droit; 
de  l'agrément  du  Koi  &  de  fes  CommifTaires ,  Se  les  Lettres 
que  ce  Prince  &  eux-mêmes  avoient  écrites  au  Pape  pour 
demander  le  Palikim.  A  robjedion  ,que  leRoi  l'avoit  élevé 
d'une  fortune  médiocre  ,  il  répond  :  Saint  Pierre  a  été  tiré 
de  la  pêche  :  nous  fommcs  fcs  Succefleurs ,  &  non  pas  d' Au- 
gufte.  lis  lui  reprochoicnt  fon  ingratitude  envers  le  Roi. 
C  efl: ,  répond-il  ,  l'intention  qui  fait  le  péché  :  je  prétends 
au  contraire  rendre  fervice  à  ce  Prince  ,  en  le  détournant 
de  pécher  ,  par  la  févérité  des  cenfures  ,  puifqu'il  n'a  pas 
écouté  mes  avertiffemens  paternels.  Ils  infiftoient  fur  les  me- 
naces que  le  Roi  faifoit  de  fe  féparer  de  l'Eglifc  Romaine. 
L'Archevêque  répond  :  A  Dieu  ne  plaife  que  le  Roi  renonce 
à  l'unité  pour  un  intérêt  temporel  ,  lui  dont  le  crime  feroit 
d'autant  plus  grand  qu'il  entraîncroit  plus  de  monde  après 
lui.  A  Dieu  ne  plaife  que  cette  penfée  vienne  à  aucun  de  fes 
Serviteurs  ,  pour  ne  pas  dire  à  un  Evêque.  Enfuite  il  fait 
voir  que  l'ordre  judiciaire  n'étant  pas  requis  dans  les  crimes 
notoires  ,  il  avoit  pu  ,  fans  les  formalités  ordinaires  ,  fuf- 
pendrc  l'Evêque  de  Sariiberi ,  8c  excommunier  Jean  d'Ox- 
ford ,  pour  avoir,  l'un  conféré  le  Doyenné  de  Sariiberi  con- 
tre la  défcnfe  du  Pape,  l'autre  pour  l'avoir  reçu.  Enfin  il 
montre  qu'ils  n'avoient  aucun  intérêt  d'appeller  au  nom  du 
Roi  contre  la  liberté  de  l'Eglife  ;  qu'il  ne  pouvoit  les  recon- 
noître  pour  Juges  entre  le  Roi  &  lui ,  puifque  s'agifiTant  de 
l'intérêt  commun  de  l'Eglife ,  ils  dévoient  plutôt  être  fes  Par- 
ties ,  &  qu'étant  leur  Métropolitain  il  ne  devoit  pas  être  jugé 
par  fes  Suffragans.  Il  finit  fa  Lettre  en  demandant  la  rcftitu- 
tion  des  biens  &  des  droits  de  fon  Eglife,  &  en  exhortant  les 
Evêques  à  engager  le  Roi  à  la  pénitence ,  &  à  fatisfaire  à  Dieu 
&  à  l'Eglife. 

XXXIV.  Le  Pape  Alexandre  (?)  voulant  rétablir  la  paix 


(:')  hib.  î.   Epfl.   I.  1.    s  , 

Tome  XXm.      '  L I 


^66  SAINT    THOMAS,     ,  , 

dans  rEgUfe  d'Angleterre  ,  envoya  deux  Légats  à  ce  Prin- 
ce ,  Guillaume  de  Pavie  ,  Cardinal-Prêtre  de  Saint  Picrre- 
aux-Licns ,  &  Otton  ,  Cardinal-Diacre  du  Titre  de  Saint 
Nicolas  de  la  Prifon.  Us  avoient  pouvoir  de  connoitre  de 
l'appel  interjette  par  les  Evêques ,  que  l'Archevêque  avoir  ou 
fulpendus  ou  excommuniés  ,  &  de  les  abfoudre  en  cas  de 
danger  de  mort  ;  mais  leur  commifTion  particulière  étoit  de 
rétablir  la  paix  entre  le  Roi  &  T  Archevêque.  Ces  deux  Lé-. 
gats  étoient  fufpeds  à  l'Archevêque ,  fur-tout  Guillaume  de 
Pavie  ,  qu'il  regardoit  comme  entièrement  livré  au  Roi  (  /)  ; 
c'efl:  pourquoi  il  le  récufa  pour  Juge  ;  &  en  félicitant  le  Pape 
fur  la  retraite  honteufe  de  l'Empereur  Frideric  (m)  y  qu'une 
mortalité  furvenue  dans  fon  Armée  avoir  obligé  de  lever  le 
fiége  de  Rome  ,  il  donne  les  raifons  qu'il  avoit  de  fufpeder 
ce  Cardinal  :  en  effet ,  la  Conférence  qu'il  eut  avec  ce  Lé- 
gat ,  n'eut  aucun  fuccès.  L'Archevêque  fe  plaignoit  que  le 
Roi  n'y  avoit  appelle  des  Evêques  d'Angleterre  (m)  que  ceux 
qui  lui  croient  les  plu'^  oppofés,  &  déclaroit  au  Pape  qu'il  ne 
vouloir  être  jugé  qu'en  la  préfcnce. 

XXXV.  Le  Pape  qui  fçavoit  comment  l'Archevêque  avoit 
été  reçu  en  France  de  la  part  du  Roi  Louis  (  o  ) ,  écrivit  à 
ce  Prince  de  travailler  efficacement  à  le  réconcilier  avec  le 
Roi  d'Angleterre.  II  écrivit  fur  le  même  fujet  à  l'Impératrice 
Mathilde,  &  à  Rotrou ,  Archevêque  de  Rouen  :  mais  en 
même  temps  les  deux  Légats  envoyèrent  à  l'Archevêque  Tho- 
mas un  Mandement  qui  fufpendoit  fes  pouvoirs  (/?  )  i  &  fur 
la  permiflTion  que  le  Pape  avoit  donnée  à  ces  Légats  d'ab- 
foudre,  en  cas  de  péril  de  mort,  ceux  que  cet  Archevêque 
avoit  excommuniés ,  tous  fe  firent  abfoudre  fous  ce  prétexte 
par  un  Evêque  du  pays  de  Galles  ,  fans  aucune  fatisfattion 
ni  reflitution  des  biens  ufurpés  (q).  L'Archevêque  fe  plai- 
gnit de  tou>  ces  excès  au  Pape  &  aux  Cardinaux.  Nous  fom- 
mes  ,  dit -il  au  Pape,  devenus  la  rifée  de  nos  voifins  par 
l'autorité  de  vos  Légats ,  qui  n'ont  gardé  aucune  mefure  avec 
nous  (r  ).  Pourquoi ,  Seigneur,  avez- vous  donné  la  Léga- 
tion a  un  homme  dont  l'entrée  vous  devoir  faire  juger  de 
l'ilfue  de  fa  Commiflion  ?  qui  dès  le  commencement  n'a  fongé 


(O  Epift.  lo.  19,  ao.  zj', 

(>«)   Epift.    22. 

(«)  Epijl.  zy.  i8.  jo. 


(0)%/?.  4J.4+. 


(/>)  Epift.  46.^7. 
(1)  P-P'ft'  103. 
(.'■]  EfiiL47' 


ARCHEVESQUE  DE  CANTORBERI,  Ch.XV.  2(^7 
qu'à  faire  la  cour  aux  Princes  aux  dépens  de  la  dignité  de 
TEglilc  8c  de  la  vôtre.  11  parloit  de  Guillaume  de  Pavie.  Les 
deux  Légats  furent  rappelles  fur  la  fin  de  l'an  1 1 67 ,  fans 
avoir  rcuffi  dans  leur  Légation. 

XXXVL  On  ne  laiffoit  pas  de  dire  dans  toute  la  France 
que  le  Pape  étoit  fivorablc  au  Roi  d'Angleterre  (  s)  ,  8c 
qu'il  cmpêchoit  rArchcvcquc  de  Cantorberi  d'agir  &  de  par- 
ler. Le  Roi  Louis  en  écrivit  au  Pape  même  ,  en  l'avertifiant 
que  le  Roi  d'Angleterre  montroit  fcs  Lettres  à  tous  ceux  de 
fon  parti ,  fie  que  les  Schifmatiques  mêmes  en  tiroient  avan- 
tage. L'Evêquc  dj  Chartres  (f  )  confirma  au  Pape  ce  que  le 
Roi  Louis  lui  avoit  écrit;  Jean  de  Sarifberi  &  plufieurs  au- 
tres lui  portèrent  des  plaintes  fur  le  même  fujer.  Le  Pape , 
dans  la  Lettre  qu'il  écrivit  par  fcs  Nonces ,  Gratien  &  Vi- 
vien (  a  ) ,  à  l'Archevêque  de  Cantorberi ,  lui  défendoit  en  ter- 
mes exprès  de  porter  aucune  Sentence  contre  le  Roi  ,  le 
Royaume  ,  ou  les  perfonnes  diflinguées ,  jufqu'au  retour  def- 
dits  Nonces;  avec  ordre  de  la  fufpendre,  s'il  en  avoit  por- 
té ,  jufqu'à  ce  terme  :  mais  en  même  temps  le  Pape  écrivit 
deux  Lettres  au  Roi  d'Angleterre  {x)  ,  par  lefquelles  il  lui 
enjoignoit  de  la  part  de  Dieu  ,  &  pour  la  rémiftion  de  fes 
péchés ,  de  rétablir  l'Archevêque  Thomas  dans  le  Siège  de 
Cantorberi ,  &  de  lui  rendre  fincérement  fes  bonnes  grâces. 
Le  Roi  mécontent  du  Pape ,  dit  qu'il  ne  l'écouteroit  jamais 
en  rien  ,  &  jura  par  les  yeux  de  Dieu  qu'il  feroit  autre  cho- 
fe.  Gratien ,  l'un  des  deux  Nonces  qui  étoient  préfens  {y) ,  lui 
dit  avec  politefi'e  :  Seigneur  ,  ne  faites  point  de  menaces  , 
nous  ne  les  craignons  pas  ;  nous  fommes  d'une  Cour  accoutu- 
mée de  commander  aux  Empereurs  &  aux  Rois.  Le  Roi 
s'étant  radouci ,  offrit  le  rétablifl'ement  de  l'Archevêque  &  de 
la  paix  ,  &  en  prit  à  témoins  les  Barons ,  quelques  Moines  de 
Citeaux ,  &  le  Clergé  de  la  Chapelle. 

XXXVn.  Il  fe  tint  diverfes  Conférences  entre  le  Roi  , 
les  Nonces  &  les  Evêqucs  (z),  fur  les  moyens  de  procurer 
cette  paix  ^  le  Pape  voyant  que  le  Roi  les  éludoit  tous  ,  em- 
ploya pour  ramener  ce  Prince    des  Perfonnes  d'une  vertu 


[t)  Epift.  60.  6i.  ^  fe<].  I      (x)  £/!«/?.  II.  13.  17-  53.  31.  C5  W.  4. 

(«)  Lih,  3.  Epifi.  i.  I  Epijl.  1.  i.  4.  8.  îo.  14.  ij.  16. 

(x)Epifl.z.i.  ' 

Llij 


2é8  SAINT    THOMAS, 

diftinguce  ;  Anthelme ,  Evêque  de  Bellay  ;  Simon  ,  Prieur 
de  la  Charcrcufc  de  Mont  -  Dieu  ;  le  Prieur  de  la  grande 
Charrreufe ,  &  d'autres  ;  &  voyant  que  le  Roi  s'opiniâtroic 
toujours  à  obliger  l'Archevêque  Thomas  de  promettre  l'ob- 
fervation  des  Coutumes ,  il  leva  la  lulpenfe  de  l'autorité  de 
ce  Prélat,  au  cas  que  le  Roi  ne  fatisfît  pas  dans  un  certain 
temps. 

XXXVIII.  Le  Pape  avoit  fixé  pour  terme  le  commence- 
ment du  Carême  (a)  ;  l'Archevêque  devança  de  quinze  jours, 
&  manda  à  tout  le  Clergé  de  la  Province  de  Kant ,  que  ii 
le  Roi  ne  fatisfaifoit  pas  pour  la  Chandeleur  ,  ils  euffent  à 
cefler  l'Office  divin  ,  excepté  le  Baptême  des  enfans ,  la  Pé- 
nitence &  le  Viatique ,  pour  lequel  on  diroit  la  Mefle  à  huis 
clos  fans  fon  de  cloches.  Il  leur  ordonna  encore  de  dénon- 
cer l'excommunication  à  tous  ceux  qui  retenoicnt  le  bien  des 
Eglifes  ,  ou  qui  avoient  reçu  des  Bénéfices  de  la  main  des 
Laïques.  Il  ordonna  la  même  choie  à  divers  Evcques  ,  à  fes 
Suffragans  ,  à  plulieurs  Monafteres ,  &  fit  connoître  nom- 
mément les  Evêques  qu'il  avoit  excommuniés ,  avec  d'autres 
Eccléfiaftiques  (b);  de  ce  nombre  étoit  l'Evcque  de  Londres  : 
l'excommunication  lui  fijt  fignifiée  perfonnellcmcnt ,  &  il  y 
eut  ordre  de  la  part  de  l'Archevêque  aux  Evêques  de  Norvic 
&  d'Eli  de  dénoncer  les  excommunies  dans  tous  les  lieux  de 
leurs  Diocèfes.  L'Evêque  de  Londres  regardoit  cette  Sen- 
tence comme  nulle  (c)  ,  parce  qu'on  n'y  avoit  obfervé  aucunes 
formalités  de  Juflice.  Une  laifla  pas  d'engager  le  Roi  d'An- 
gleterre à  lui  rendre  le  Pape  propice ,  afin  qu'il  empêchât  Veffet 
de  cette  Sentence  :  elle  occafionna  de  part  &  d'autre  grand 
nombre  de  Lettres  (  ^  )  ,  tant  aux  Evêques  qu'aux  Cardi- 
naux. 

XXXIX.  Le  Pape  écoutoit  les  plaintes  du  Roi  d'Angle- 
terre contre  l'Archevêque  (e)  ,  mais  il  ne  lailfoit  pas  de  re- 
garder leur  réconciliation  comme  prochaine  :  c'eft  pourquoi 
il  en  afluroit  l'Archevêque  ,  e  i  lui  difant  encore  que  dans 
fes  Lettres  à  ce  Prince  il  n'avoir  rien  dit  qui  dut  lui  donner 
occafion  de  l'infulter.  Il  fc  répandit  même  un  bruit  en  Fran- 
ce ,  que  le  Pape  porté  pour  le  Roi  d'Angleterre  (/")  ,  n'éioic 


(■»)  L'b.^.  Efijl.  33.  34.  jg, 
(h)   Elift.  59.40.41. 
(c}%y?.  44.  4;. 


C  </  )  £^  ij],  46.  47. 

(f)  Lié.4.Eiift.  1<Î.  17.  18.  ^feqi 

(f)EpiJ},  18.  i?.iQ.î^fe<j. 


ARCHEVESQUE  DE  CANTORBERT ,  Ch.  XV.  26^ 
point  aflcz  touche  de  la  recommandation  du  Roi  Louis  en 
faveur  de  rArchevêc]uc.  Ce  Prince  lui  en  écrivit,  de  même 
que  la  Reine  de  France  ;  Etienne  ,  Evêquc  de  Me.uix  ,  le 
Trcloricr  de  Sens,  les  Chanoines  &  T  Archevêque  de  Reims. 
Le  Roi  Louis  en  écrivit  encore  à  TEvêque  d'Oftic  ,  qui  té- 
moignoit  du  zelc  pour  TArchevêquc:  d'autres  interprétoicnc 
plus  favorablement  la  conduite  du  Pape,  &  tournoient  tou- 
tes les  attentions  pour  le  Roi  d'Angleterre  (^  ),  à  l'avantage 
de  l'Archevêque  de  Cantorbcri  :  mais  ils  fouhaitoicnt  qu'A- 
lexandre III  tirât  contre  ce  Prince  le  glaive  de  S.  Pierre,  ne 
voyant  point  d'autre  voie  au  rctabliflcmcnt  de  la  paix  &  de 
la  liberté  de  l'Eglife. 

XL.  Le  Pape  qui  avoit  dcja  averti  le  Roi  de  ne  plus  tour- 
ner à  ion  profit  les  revenus  des  Evêchés  &  des  Abbayes  va- 
cantes {h),  mais  de  leur  laifTer  la  liberté  de  faire  des  élc- 
èlions  canoniques ,  &  de  les  protéger  à  cet  effet ,  fans  leur 
nommer  les  pcrlonnes  qu'on  devoir  élire  ,  écrivit  à  tous  les 
Evêques  d'Angleterre  {  i)  de  s'oppofer  à  l'abus  qui  s'étoit 
introduit  à  l'égard  des  Bénéfices  ,  &  d'obliger  ceux  qui  en 
avoicnt  reçu  de  la  main  des  Laïques ,  de  les  remettre ,  avec 
tous  les  fruits  qu'ils  en  avoient  perçus,  à  ceux  à  qui  il  appar- 
tenoit  d'en  difpofer  :  il  ordonna  en  particulier  à  Jean  Cu- 
men  (  fe)  ,  qui  s'étoit  emparé  par  l'autorité  laïque  de  l'Archi- 
diaconé  de  Bath ,  de  le  reftituer  avec  les  fruits  à  celui  à  qui  il 
l'avoir  ôté. 

XLL  Enfin  le  Pape  informé  que  le  Roi  d'Angleterre  ne 
pouvoir  fe  réfoudre  à  accorder  le  baifer  c'e  paix  à  l'Arche- 
vêque deCantorberi  (/)  ,  à  caufe  qu'il  avoit  fait  ferment 
de  ne  le  lui  donner  jamais  ,  le  difpenfa  de  ce  ferment  fait  dans 
la  colère  (m),  &  députa  vers  lui  Rotrou  ,  Archevêque  de 
Rouen,  &  l'Evêque  de  Nevers,  pour  travailler  à  la  paix.  II 
donna  avis  au  Roi  de  cette  députation  ,  aux  Evêques  de  la 
Province  de  Kant ,  à  l'Archevêque  d'Yorc ,  &  à  fes  SufFra- 
gans.  L'Archevêque  de  Cantorberi  voyant  que  rien  n'avan- 
çoit  pour  fon  rétablifTcmcnt  (»)  ,  prononça  un  interdit  dans 
les  Diocèfes  d'Yorc ,  de  Londres  ,  de  Vincheftre ,  de  Sarifbe- 
ri ,  de  Cantorberi ,  &  de  plufieurs  autres  (0).  Le  Pape  Ale- 


('•■)  Ith.  i.Epijl.  II 
(»)  Lib.  4.  Epifi.  30. 
ik)    ^Pijl.  il. 


(/)  Lih.-^.Epiji.  I. 
(ot)   Epij}.  2.  j.  4.  î.  6. 

00  ^-pil^-  II.  25.  ÎJ- 
{o)Efift.  30.5?.  36  ^/fy. 


270  JEAN   DE  SARISBERI, 

xandre  priva  de  leurs  Bénéfices  rous  les  Prêtres ,  Diacres  & 
Soudiacres  qui  auroient  fait  depuis  fon  interdit  quelques  fon- 
dions de  leurs  Ordres  (p). 

XLII.  Mais  toutes  ces  tempêtes  furent  fuivies  du  calme  ; 
la  paix  fut  rétablie  entre  le  Roi  Henri  II,  &  l'Archevêque 
de  Cantorberi  (q).  Ce  Prince  en  informa  le  jeune  Roi  fon 
fils ,  &  donna  l'Archevêque  Jean ,  Doyen  de  Sarifberi ,  pour 
le  reconduire  en  Angleterre.  Ce  Prélat  en  écrivit  au  Pape 
Alexandre  (  r)  ,  &  à  plufieurs  de  fcs  amis.  Toutes  les  Let- 
tres du  cinquième  Livre  depuis  la  43^.  regardent  le  mafla- 
cre  de  l'Archevêque  ,  les  circonftances  de  fon  martyre,  la 
tranflation  de  fon  corps  fous  le  Pape  Honorius  III ,  fa  ca- 
nonifation ,  fes  miracles ,  la  réconciliation  de  l'Eglife  de  Can- 
torberi ,  &  les  bruits  qui  s'étoient  répandus  que  le  Roi  Henri 
II.  avoir  eu  part  à  la  mort  de  l'Archevêque. 

XLIII.  Un  ftyle  noble ,  élégant ,  pathétique ,  fait  le  cara- 
dere  des  Lettres  de  ce  grand  Prélat  ;  &  il  y  eft  peint  par- 
tout comme  un  homme  vrai ,  prêt  à  tout  facrifier  pour  fon 
devoir. 

^t  A  A  A.  A  A-At-A-^^  A-^-At»^ 

CHAPITRE     XVI. 

Jean  Petit ,  furnommé  de  Sarifberi ,  Evêque 

de  Chartres. 

jeaadeSr.-!.  T  L  étoit  né  en  Angleterre  ,  dans  le  Diocèfe  de  Sarifbe- 
nfbeh.  Ses  é-  1  ri ,  dont  il  porta  le  nom.  Etant  encore  jeune  (s)  ,  il 
vint  étudier  a  Pans ,  1  an  i  n  7  ,  ou  il  apprit  les  premiers  eJe- 
mens  de  la  Diale£lique  fous  Pierre  Abaillard  ,  qui  tenoit  alors 
fon  Ecole  fur  la  Montagne  de  Sainte  Geneviève  avec  beau- 
coup de  réputation.  Abaillard  s'érant  retiré  ,  Jean  s'attacha 
à  Alberic  de  Reims ,  grand  Diale£ticien  ,  &  à  Robert  de 
Melun  ,  Anglois ,  depuis  Evêque  d'Herford.  Tl  étudia  en- 
fuite  la  Grammaire  dans  l'Ecole  de  Guillaume  de  Conques  , 
&  la  Rhétorique  fous  Richard  l'Evêque.  Pour  fe  fortifier 


(  p  )  Epijl.  4t.  J       (  O  J'-P'ft-  44-  4?.  S^/fy- 

(j)Ep<yî.  43.  1      {s]Gai!i.iChTijliana,Tom,2,p.ll.{6. 


EVESQUE    DE  CHARTRES.  271 

dans  toutes  fcs  ccudes ,  il  en  donna  lui-même  des  leçons  à 
quelques  cnfans  nobles ,  qui  de  leur  côté  lui  tburnifToient  ia 
lubfilrancc  :  puis  il  érudia  de  nouveau  la  Logique  &  la  Théo- 
logie ious  Gilbert  de  la  Porrée  ,  &  la  Théologie  feule  fous 
Robert  Pullus  t*^  Simon  de  Poifly.  Jean  de  SarilK-ri  s'occupa 
de  toutes  ces  divcrfes  études  pendant  prci  de  1  z  ans,  cVil-à- 
dire  juiqu'en  1 1^(). 

II.  Il  retourna  alors  en  Angleterre,  où  Thibaud  ,  Arche-  neftfaitCli.v 
vêque  de  Cantorberi ,  le  fit  fon  Chapelain  &  Ion  Secrétaire:  peiain  &  Sé- 
cela  fc  voit  par  les  vingt-deux  premières  &  plulieurs  autres  ^^^^'^^Jj  ^^^_ 
de  fcs  Lettres  ,  qu'il  écrivit  au  nom  de  Thibaud  au  Pape  chevêque  de 
Adrien,  qui  tint  le  Saine  Siège  depuis  l'an   11 54  jufqu'en Ç^'itorberi. 
1 1 55?.  Ce  Pape  étoit  Anglois  de  nation.  Henri  II ,  Roi  d'An-  Rom"  pT/le 
gleterre,  lui  écrivit  à  ion  avènement  au  Pontificat  (f) ,  char-  Roi. 
gea  de  fa  Lettre  Jean  de  Sarifberi ,  avec  commilfion  de  lui 
demander  permifllon  d'entrer  en  Irlande  ,  de  s'en  rendre 
maître  pour  y  rétablir  leChriflianifme,iS<r  en  extirper  les  vi- 
ces. Le  Pape  Adrien  l'accorda  à  la  prière  de  Jean  de  Sarif- 
beri ,  &  envoya  avec  la  Bulle  de  conceffion  au  Roi  d'An- 
gleterre («)  ,  un  anneau  d'or  orné  d'une  émeraude  en  figne 
d'inveftiture  :  car  l'Eglife  Romaine  prétendoit  avoir  droit 
fur  toutes  les  Ules  qui  avoient  reçu  la  Foi  chrétienne.  Jean 
de  Saril"beri  demeura  avec  le  Pape  Adrien  à  Bénévent  en- 
viron trois  mois  (  .v  )  ,  converfant  familièrement  avec  lui , 
comme  en  étant  aimé  «&  fon  Compatriote.  Le  Pape  lui  ou- 
vroit  fon  cœur ,  &  Jean  de  Sarifberi  lui  répondoit  avec  liberté 
fur  les  abus  qui  régnoient  à  la  Cour  de  Rome. 

III.  Il  fut  aufTi  honoré  de  l'eftime  des  Papes  Eugène  III    Hefteftimé 
&  Alexandre  IIL  Celui-ci  fe  fervit  fouvent  de  Jean  de  Sa- ^j^^j^'^^^/q^^ 
rifberi  dans  fes  démêlés  avec  l'Antipape  Oclavien ,  &  contre  de  Chartres. 
le  Concile  de  Pavie,  que  Jean  appelle  un  Convenricule.  Api  es 
avoir  parcouru  l'Italie  &  la  France  ,  où  il   s'étoit  fait  une 
grande  réputation ,  Guillaume  aux  mains  blanches  {y)  ^  qui 
depuis  huit  ans  gardoit  par  difpenfe  l'Evêché  de  Chartres 
avec  l'Archevêché  de  Sens  ,  fit  élire  pour  Chartres  Jean  de 
Sarifberi  le  22  Juillet  117^,  tant  à  caufe  de  fon  mérite  per- 
fonnel ,  que  parce  qu'il  avoir  été  un  des  confidens  de  faint 
Thomas  de  Cantorberi ,  &  le  Compagnon  de  fon  exil  &  de 


(  t)  Ibid.fJ  Matth.  Parif.ad an,  11^5.1      (»)  Policratique  ,  Lib.  S.  cap.  23, 
( «  )  Tow.  10.  CoKC.  p.  1 144.  I      (y)  Gallia  ChrijUnna ,  Ibtd,  p^  1 147. 


272^  JEAN    DE   SARISBERI, 

fes  foufFrances.  Enfuite  de  l'élcftion  ks  Députes  de  l'Eglife 
de  Chartres  allèrent  à  Cantorberi  ,  munis  des  Lettres  du 
Chapitre  ,  du  Roi  &  de  l'Archevêque  de  Sens  ,  demander 
Jean  pour  leur  Evêque.  Il  étoit  alors  en  Angleterre.  Le  Cha- 
pitre de  Cantorberi ,  en  l'abfence  de  l'Archevêque  ,  remit 
Jean  aux  Députés ,  en  l'affranchifTant  de  tous  les  engage- 
mens  qu'il  avoit  en  Angleterre.  Arrive  en  France  ,  il  fut 
facré  à  Sens  le  8  d'Août  par  Maurice ,  Evêque  de  Paris , 
&  intronifé  folemnellcment  à  Chartres  le  quinzième  ,  Fête 
de  l'Aflomption  de  Notre-Dame.  Son  Epifcopat  fut  d'un  peu 
plus  de  quatre  ans,  étant  mort,  fuivant  l'opinion  commune, 
le  25  d'Oâobre  1181  ,  quelque  temps  après  fon  retour  du 
Concile  tenu  dans  l'Eglife  de  Latran  ,  le  5  Mars  1 179 
^^^  ^""/-      IV.  Son  premier  Ouvrage  efl:  intitulé:  Polycratique  ,  ou 
que,ou  Amu-  Amufemens des  Courtifans  {%).  Il  efl;  divifé  en  huit  Livres.  Jean 
femens  des    l'adrefTa  cn  1 1  59  au  Chancelier  Thomas  Bequet  {a)^  lorf- 
Courtifans.    ^^,-^^  ^^.^j^.  ^^^^  \{(tnx\  II  ,  Roi  d'Angleterre  ,  au  fiége  de 

Touloufe.  Il  cire  indiftinttement  dans  cet  Ouvrage  les  Ecri- 
vains facrés  ,  les  Auteurs  Eccléfiaftiques ,  les  Profanes ,  foie 
Poètes  ,  foit  Orateurs  :  preuve  bien  confl:ante  de  fa  profonde 
érudition,  &  fur -tout  qu'il  poffédoit  dans  un  grand  degré 
la  belle  Littérature.  Son  objet  efl  de  traiter  des  occupations 
ou  des  amufemens  des  Grands  du  monde  ;  d'entrer  dans  le 
détail  des  devoirs  attachés  à  leur  condition  ,  à  leurs  emplois , 
&  de  parler  de  leurs  vertus  &  de  leurs  vices.  11  fe  propofe 
encore  de  combattre  l'ambition  des  Eccléfiafliiques  trop  avi- 
des de  Bénéfices  ;  la  facilité  avec  laquelle  on  accordoit  à 
Rome  les  exemptions  aux  Moines  &  autres  Religieux.  Le  Po- 
lycratique  fait  donc  un  compofé  d'une  infinité  de  matières , 
dont  la  ledure  ne  peut  être  que  très  -  agréable  :  mais  on  re- 
proche trois  chofes  à  l'Auteur  {b)  ;  que  fon  érudition  n'eft  pas 
affez  digérée  ;  qu'il  y  a  peu  de  juftefle  dans  ies  raifonnemens; 
qu'il  y  a  beaucoup  d'affe£tation  dans  fon  ftyle  ;  qu'il  ne  fait 
pas  attention  à  la  différence  des  mœurs  &  des  temps  ;  enforte 
qu'il  parle  de  la  difcipline  militaire  &  de  l'ordre  judiciaire , 
comme  s'il  eût  écrit  du  temps  des  anciens  Romains ,  ou  que  le 
Monde  n'eût  pas  changé. 

(i)  Totn,  15.  Bibliot.  Pat.p.  i4;.  j      (*)  Fleuri,  Hift.  Ecclef.  Lit.  70.  Tom. 

(a)  Albib^icvs  in  Chron.  ad  an,  IIÎ7»  I  5-f-  7i» 

V  • 


EVESQUE  DE   CHARTRES,  Ch.  XVI.      275 

V.   En   l'uppolanc   dans  le   premier   Livre     que  chacun     AnaiyfcJu 
doit  vivre  félon  la  condition,  &  travailler  au  bien  de  la  Ré-  foiycratique. 
publique  ,  il  entreprend  de  montrer  que  les  vains  amufemcns      '^'^  '• 
dont  s'occupent  les  Princes  &  les  autres  Grands  du  (iccle ,  les 
éloignent  de  leurs  devoirs.  Il  met  parmi  ces  amulcmcns  le 
jeu  ,  la  chalTe  ,  la  mufiquc ,  les  bouffons ,  la  magie,  lartrolo- 
gie ,  les  devinations  ,  les  preftigcs  ;  8c  traite  en  particulier  de 
toutes  ces  chofcs. 

.    VI.  Il  fait  voir  dans  le  fécond  que  l'on   ne  doit  pas  mé-    Livrez, 
prifer  les  figncs  naturels  que  la  Providence  nous  donne  quel- 
quefois pour  nous  faire  connoître  les  chofes  à  venir  :  fur  quoi  iCap.4, 
il  rapporte  ceux  qui  précédèrent   &  annoncèrent  la  ruine 
de   Jérufalem.  Il  cite  le  paffage  de  Jofephe  en  faveur  de 
Jefus-Chrift ,  &  paroît  croire  que  l'Empereur  Vefpafien  gué- 
rit réellement  le  boiteux  &  l'aveugle  qui  lui  furent  préfen-      ''^'  '"* 
tés.     Il    détefte  les   Nécromantiens  &  autres  impolleurs , 
&  ne  croit  point  l'évocation  de  Samuel  par  la  Pythoniffe  ; 
mais  feulement  qu'elle  fit  paroître  par  l'art  des  Démons  l''om-  Ca;.  24. 17. 
bre  de  ce  Prophète. 

VII.  Quoiqu'il  faffc  envifager  dans  fon  troifiéme  Livre    Livre  5. 
les  flatteurs  comme  ce  qu'il  y  a  de  plus  pernicieux  dans  la  Crt/>.  4. 5,6, 
République ,  ennemis  de  Dieu  &  des  Hommes,  il  ne  laiffe^'^/^î- 
pas  d'enfeigner  qu'il  eft  permis  de  flatter  les  Tyrans ,  parce 

qu'il  eft  permi<; ,  dit-il ,  de  les  tuer  :  mais  il  entend  par  Ty- 
ran celui  qui  a  ufurpé  la  puiflance  du  glaive  ,  8c  ne  l'a  pas  c„  j- 
reçue  de  Dieu.  Il  veut  qu'on  regarde  cet  homme  comme  un 
ennemi  public  ,  dont  perfonne  ne  doit  venger  la  mort. 

VIII.  Il  enfeigne  dans  le  quatrième  Livre  que  toute  puif-    Livre  4. 
fance  légitime    vient  de  Dieu  ;  que  c'eft  en  fon   nom    & 

place  que  le  Prince  temporel  exerce  la  Juilice  ;  qu'il  reçoit  ^  ^  , 
de  l'Eglife  le  glaive  &  la  puiflance  coadive  ;  que  quoiqu'elle 
l'ait,  elle  ne  peut  s'en  fervir  par  elle-même ,  mais  feulement 
par  le  miniftere  du  Prince, à  qui  elle  donne  cette  puiflance 
fur  les  corps  ,  reiervant  aux  Evoques  le  pouvoir  fur  les  âmes 
&  les  chofes  fpirituelles.  Jean  de  Sariflseri  regarde  donc  le  Cap.  3. 
Prince  temporel  comme  le  Miniftre  des  Prêtres  ;  d'où  il 
conclut  qu'il  leur  efl  inférieur  :  il  confirme  ce  qu'il  dit  là- 
deflus  par  l'exemple  du  grand  Conftantin,  qui ,  dans  le  Con- 
cile de  Nicée  ,  céda  k  première  place  aux  Evêques ,  &  reçue 
leurs  Décrets  comme  des  oracles  de  Dieu.  Il  ajoute ,  fuivant 
les  maximes  qui  jîégnoicnt  alors  ,  que  les  Prêtres  ayant  le* 
Torm  XXIU.  Mm 


Ciip.  8. 


274  JEAN  DE  SARISBERI, 

pouvoir  de  donner  l'autorité  aux  Princes ,  ils  peuvent  confé- 
quemment  la  leur  ôter  ;  comme  Samuel  prononça  contre  Saiil 
une  Sentence  de  dépofition  ,  &  lui  fubrogea  le  fils  d'Ifaï , 
c'eft-à-dire  David  ;  enfuite  il  traite  des  vertus  &  des  devoirs 
des  Princes. 

Livre;.  IX.  Dans  le  cinquième  Livre  il  copie  la  Lettre  àTrajan, 

Ci;.  1. 2.  qui  eft  fous  le  nom  de  Plutarque,  &  l'inftruftion  qu'il  fit,  dit-on, 

à  ce  Prince  fur  les  maximes  du  Gouvernement ,  les  Loix  des 

Empereurs  contre  ceux  qui  manquoient  de  refpe£t  auxMiniflres 

c^;-  ï'  des  Autels ,  aux  Lieux  faints ,  &  aux  chofes  faintes  ;  &  après 
avoir  montre  quelle  eft  la  force  de  l'exemple  des  Princes ,  foit 

dp,  7.  pour  le  bien  ,  foit  pour  le  mal  ,  il  fait  voir  par  le  dérail  de  la 
vie  de  Trajan  ,  qu'on  peut  le  préférer  à  tous  les  Empereurs. 
Cela  lui  donne  occafion  de  rapporter  ce  qu'on  dit  de  faint 
Gregoire-le-Grand  ,  que  touché  des  vertus  de  ce  Prince  , 
il  délivra  par  fes  prières  l'âme  de  Trajan  des  peines  de 
l'enfer. 

Livres.  X.  Le  fixiéme  traite  de  la  Guerre  &  de  la  Difcipline  mili- 

taire. On  peut  y  remarquer  qu'avant  le  douzième  ilécle  de 
l'Eglife ,  il  étoit  d'ufage  que  le  jour  même  qu'un  Soldat  rece- 
voit  le  ceinturon,  il  allât  folemnellement  à  l'Eglife,  &  que  met- 

Cap.  10.  ^^^^  fo^  '^P^'^  ^"^  l'Autel  ,  &  l'offrant ,  il  s'engageât  au  fer- 
vice  ou  à  la  défenfe  de  l'Autel.  Cetre  coutume  ne  lubfiftoit  plus 
du  temps  de  Jean  de  Sarifberi. 

Livre  7.  XL  II  eft  parlé  dans  le   feptiémc   des  Philofophes  ,  & 

c.tp.i.i.'^  de  leurs  différentes  opinions  ;  de  l'utilité  delà  letlure  des 

•^^2*  bons  Livres ,  fur-tout  de  l'Ecriture-fainte,  qui  eft  comme  le 

tréfor  du  Saint  -  Efprit ,  où  font  renfermés  des  myfteres  infi- 

Cap.  10.  njs.  Jean  de  Sarifberi  parle  de  la  piété  fincerc  &  du  dé- 
fintéreiTement  dont  les  Chartreux  &  les  Moines  de  Grand- 
mont  fai (oient  profeftion  :  mais  il  défavoue  l'ardeur  des  Tem- 

M  Ctp  1%  P^^^"^^  P^"^^  obtenir  du  Saint  Siège  des  exemptions  &  des  pri- 
2ï.     '  "     "vilcges  (f). 

Livres.  XII.  Après  avoir  traité  dans  le  huitième  Livre  (d)  des  vî- 

{d)Ciip,\.^ ^ç^  &  des  vertus,  il  revient  aux  Tyrans  dont  il  avoit  déjà 
parlé  dans  le  fécond  Livre.  Il  en  donne  le  nom  à  Jules-Cè- 
far  ,  à  Au^Tufte  ,  mais  en  remarquant  qu'ils  n'en  avoient  point 
l'odieux  ni  !es  qualités  ;  qu'ils  étoient  aimés  &  dignes  de  ré- 
gner :  enfuite  il  s'explique  fur  chacun  de  leurs  Succeffcurs 

(0  Cap.  19,  dans  l'Empire  (  e  ) ,  fuivant  le  mérite  de  leur  règne ,  &  avan- 
ce cette  pernicieufe  propofition  ,  qu'il  eft  permis  de  tuer  un 


EVFSQUE  DE  CHARTRES,  Ch.  XVI.  :^75 
Tyran  public ,  pourvu  qu'on  ne  lui  loit  pas  engage  par  Icr- 
mcnr.  11  autorité  cette  docirine  condamnable  de  ce  qu'on  lit 
dans  l'Ecriture,  d'Aod  ,  de  Jaiiel  &  de  Judith. 

XIII.  En  1 155?  ,  &  lorfque  la  guerre  de  Touloufe  duroit  '^''"'°?'i"« 
encore  ,  Jean  de  Sariiberi  adrefla  un  fécond   Ouvrage  au  Sariiber"". ''" 
Chancellier  Thomas  ,  lous  le  titre  de  Alétalogique.  C'efl:  une 
apologie  de  la  bonne  dialettique  6c  de  la  véritable  éloquen- 
ce (/)  ,  contre  un  mauvais  Sophifte ,  qu'il  défigne  par  le  nom 
de  Cornificius.  Elle  efl:  diviiée  en  quatre  Livres.  L'Auteur  y 
traite  avec  efprit  les  matières  philoiophiqucs  ,  &  tout  ce  qui 
appartient  à  la  Logique ,  en  remarquant  que  quoique  cette 
partie  de  la  Philolophie  fût  fort  recherchée  de  fon  temps , 
on  ne  i'étudioit  pas  iuivant  les  bonnes  règles  ;  que  de  la  part 
des  Maîtres  (g)  ce  n'étoit  qu'oftentation  &  vanité,  &  que 
dans  leurs  Ecoles  on  n'apprenoit  qu^à  fubtilifer  fur  les  mots , 
&  à  réfoudre  des  queftions  très -inutiles.  Il  fait  grand  cas 
d'Ariftote ,  mais  il  ne  croit  pas  qu'on  doive  le  fuivre  aveu- 
glément. Il  marque  même  plufieurs  de  fes  erreurs  {h).  Parmi 
ceux  que  le  Sophifte  Cornificius  décrioit ,  Jean  de  Sarisbcri 
nomme  Gilbert  de  la  Portée ,  Pierre  Abaillard  ,  Guillaume  de 
Champeaux. 

XIV.  On  a  de  lui  30a  Lettres  écrites  depuis  l'an  1 1  54  ,  Uttres  de 
où  il  commença  à  fe  faire  un  nom  ,  jufqu'en  1 181  ,  publiées  Jean  de  Sarif- 
à  Paris  en  1611,  &  dans  les  Bibliothèques  des  Pères  j  dont''^"' 
fept  fe  trouvent  dans  le  quatrième  Tome  des  Ecrivains  Fran- 
çois ,  &:  quelques-unes  dans  la  Collection  des  Lettres  de  faint 
Thomas  de  Cantorberi ,  imprimée  à  Bruxelles  en  deux  To- 
mes par  les  foins  du  Père  Lupus  en  1(382.  Mais  toutes  ces 
Lettres ,  dont  la  plupart  regardent  les  affaires  générales  de 
l'Eglife-,  fçavoir  le  fchifme  d'Oûavien  ,  l'élcdion  d'Alexan- 
dre m  ,  ion  différend  avec  l'Empereur  Frédéric  ,  les  conte- 
ftations  de  Henri  II ,  Roi  d'Angleterre  ,  avec  faint  Thomas 
de  Cantorberi ,  ne  font  pas  toujours  au  nom  de  Jean  de  Sa- 
rifberi  :  il  y  en  a  beaucoup  qu'il  n'écrivit  que  comme  Secré- 
taire de  l'Archevêque  Thibaud  ,  ou  de  quelques  autres  per- 
fonnes  de  caraâiere  à  qui  il  prctoit  fa  plume  :  le  ftyle  en  efl 
plus  naturel  &  plus  uni  que  de  fes  autres  Ouvrages.  Il  y  fait 
de  fréquentes  allufions  aux  Livres  faints  ,  &  cite  fouvent  les 


is)  L'^-  II.  cap. </  ^  1^,. 


M  m  ij 


«7^  JEAN  DE    SARISBERI, 

profanes.  Nous  rapporterons  ici  ce  qu'elles  contiennent  de 
plus  intéreflanr. 
(0  F/»;y?.44.      XV.  Pour  engager  Henri  11,  Roi  d'Angleterre ,  à  fe  dé- 
■18.  clarcr  pour  Alexandre  111  contre  l' Anti-Pape  0£tavien  (i)  , 

Jean  de  Sarilberi  lui  écrivoit  que  dans  un  fi  grand  péril  de 
l'Eglife  ,  il  ne  devoit  point  écouter  par  refpedt  humain  l'Em- 
pereur Frédéric ,  qui  vouloic  l'attirer  au  parti  d'Oâavien ,  lui 
qui  avoit  envahi  le  Saint  Siège  ,  fans  éledion  ,  fans  voca- 
tion divine  ,  &  par  la  faveur  de  ce  Prince  feul  ;  mais  fuivre 
l'Eglife  Romaine  ,  qui  étoit  prefque  toute  du  côté  d'Alexan- 
dre III  ,  homme  fage,  prudent ,  éloquent,  reconnu  de  l'Eglife 
Gallicane;  car,ajoute-t-il,nousavonsappris  par  la  ledure  qu'en 
cas  pareil ,  ceux  que  l'Eglife  Gallicane  a  reçus  ,  ont  prévalu  ; 
comme  de  notre  temps  Innocent  contre  Pierre  de  Léon , 
Callixte  contre  Bourdin ,  Urbain  contre  Guibert ,  Pafchal  con- 
tre trois  Anti-Papes,  &  plufieurs  autres  du  temps  de  nos  Pè- 
res. Le  Concile  affcmblé  à  Pavie  au  mois  de  Février  i  i6o  , 
en  préfence  de  l'Empereur  Frédéric  ,  avoit  prononcé  en  fa- 
veur d'0£lavien  qui  étoit  aufïï  préfent.  On  craignit  en  An- 
gleterre que  le  Roi  ne  fe  laiflat  entraîner  par  l'autorité  de 
cette  AiTemblée.  Mais  Jean  de  Sarifberi  fit  voir  que  tout  ce 
()  P'P-S^'  qui  s'y  étoit  fait, blelfoit l'équité,  les  Loix  &  les  Canons (/)  ; 
qu'on  y  avoit  condamné  ,  non -feulement  des  abfens  ,  fans 
avoir  examiné  la  Caufe ,  mais  ofé  juger  l'Eglife  Romaine , 
réfervée  au  Jugement  de  Dieu  feul  ;  que  les  Jugemens  n'y 
avoient  pas  été  libres ,  ayant  été  rendus  en  préfence  d'une  ar- 
mée qui  menaçoit  &  intimidoit  les  Juges  ;  que  pour  les  fouf- 
criptions  du  Concile ,  au  lieu  d'Evcques ,  on  avoit  fait  pa- 
roître  des  Comtes ,  &  mis  au  premier  rang  des  Evêques  dont 
l'éledion  étoit  nulle ,  ou  rejettée  ,  nommément  celle  de  Rai- 
nald  ,  Chancelier  de  l'Empereur,  qui  fe  difoit  Archevêque 
de  Cologne  ,  quoique  fon  éledion  eût  été  condamnée  par  le 
Pape  Adrien. 
'(w)E/>:y?.  64.  XVI.  Il  fe  tint  fur  le  même  fujet  une  AfTemblée  en  Angie- 
*^*  terre  ,  la  même  année  1 1 6o(m) ,  où  les  Evêques ,  après  avoir 

examiné  les  pièces  fur  lefquelles  les  deux  Contendants  fe  fon- 
doient ,  lu  enfuite  les  Canons ,  &  oui  des  Témoins  de  ce  qui 
s'étoit  pafTé  dans  leur  élcdion ,  fe  déclarèrent  pour  Alexan- 
dre III.  Ils  rélerverent  toutefois  la  décifion  de  cette  affaire  au 
Roi ,  fe  contentant  de  lui  envoyer  leurs  avis.  Mais  fur  la  ré- 
ponie  du  Roi ,  Thibault ,  Archevêque  de  Cantorberi ,  fit  un 


EVESQUE   DE  CHARTRES.  Ch.  XVI.      277 

Mandement  adrcflc  à  tous  les  Evcques  d'Angleterre  ,  par  le- 
quel il  leur  déclaToit  qu'Alexandre  croit  le  Pape  légitime, 
reçu  par  l'Egliie  Anglicane  &  la  Gallicane  ,  &  qu'Odavicn 
étoit  condamné  comme  manifcftcment  ichifmacique ,  avec  les 
fauteurs  ;  qu'en  conlcquence  il  leur  ordonnoit  de  rendre  ref- 
ped  &  obciiTancc  au  Pape  Alexandre. 

XVII.  Il  eft  parlé  dans  une  des  Lettres  de  Jean  de  Sarif-  {n)Epiji,  15p. 
beri  («)  ,  de  la  dévotion  que  l'on  avoit  en  France  &  en  Lor- 
raine pour  le  Bienheureux  Dianfius  ,  dont  le  corps  repofoic 

à  Soiflbns.  Ceux-là  lurtout  qui  avoient  à  fe  battre  ,  alioienc 
l'invoquer  pour  s'affurcr  de  la  vidoire  fur  leur  Advcrfaire  , 
&  paflbient  à  cet  effet  toute  la  nuit  devant  le  Tombeau  du 
Saint.  On  y  venoit  aulfi  de  Bourgogne  &  d'Italie  ;  Robert  de 
Montfort  y  pafTa  la  nuit ,  avant  que  de  fe  battre  contre  Henri 
d'Eflcx.  Saint  Thomas  de  Cantorberi  étant  en  cette  Ville , 
fit  auiïi  fa  prière  à  ce  Saint,  pour  lui  recommander  le  dernier 
combat  qu'il  auroit  à  foutenir  en  cette  vie. 

XVIII.  Dans  la  Lettre  au  Comte  Henri  (  0  )  ,  Jean  fait  le  («)  r^A  72. 
dénombrement  des  Livres  canoniques ,  tant  de  l'Ancien  que 

du  Nouveau  Teftament,  &  de  ceux  qui  ne  font  point  dans 
le  Canon  des  Hébreux ,  mais  qu'on  liioit  dans  les  Eglifes.  Il 
fuit  en  tout  ce  qu'en  a  écrit  faint  Jérôme  ;  &  en  parlant  des 
Auteurs  de  ces  Livres ,  il  donne  le  Pentateuque  à  Moyle  ;  à 
Jofué ,  le  Livre  qui  porte  Ion  nom  ;  les  Pfeaumes  à  David  , 
ajoutant  qu'en  quelques-uns  il  s'cft  fervi  du  miniftere  de  ceux 
qui  font  dénommés  dans  le  titre  des  Pfeaumes.  Dans  une 
autre  Lettre  à  M«  Girard  (p)  ,  ille  prie  de  voir  fi  Ja  cèle- (;,)  £;,;y?.  1^4. 
bre  Hildegarde  ,  eflimée  pour  fa  piété  par  le  Pape  Eugène 
III ,  n'avoir  rien  dit  dans  les  Ecrits  du  temps  auquel  finiroic 
le  fchifme  qui  troubloit  alors  l'Egliie  Romaine.  Il  approuve 
la  Sentence  d'excommunication  prononcée  par  le  Pape  Ale- 
xandre III  contre  l'Empereur  Frideric  Barbe-rouffe  ,  &  la  fP'"''' 
vigueur  qu'il  avoit  fait  paroître  en  dépouillant  ce  Prince  de 
fa  dignité  Royale  ,  &  en  déchargeant  fes  Sujets  du  ferment 
de  fid'élité  ,  comme  Grégoire  VII  avoit  fait  à  l'égard  de  l'Em- 
pereur Henri  IV  ;  reconnoiflant  fauflementce  droit  dans  tous 
les  SuccelTeurs  de  faint  Pierre. 

XIX.  Il  rapporte  les  fommes  d'argent  que  le  Roi  Henri  II  (?)  £/";/?.i7i. 
avoit  offertes  aux  Milanois  (q),  aux  Crémonois  ,  aux  Bou-. 
lonois,&  à  pluiicurs  autres  Peuples  d'Italie,  &  au  Pape  mê- 
me ,  pour  l'engager  à  dépofer  ou  transférer  l'Archevêque  de 


278  JEAN   DE    SARISBERI, 

Canrorberi  ,  Thomas  Beket ,  &  de  lui  permettre  de  faire 
ordonner  qui  il  voudroit  pour  les  Evêchés  vacans  d'Angle- 
terre ;  ce  qu'il  ne  put  obtenir.  Dans  la  Lettre  à  Jean ,  Evê- 
(OE>'Ai8<5.que  de  Poitiers  (r),  Jean  de  Sarifberi  lui  donne  avis  du  mar- 
tyre de  TArchevêque  de  Cantorberi  ;  des  miracles  fréquents 
qui  fe  faifoient  à  fon  Tcmbeau ,  en  témoignage  de  la  bonté 
de  la  Caufe  pour  laquelle  il  avoit  fouffcrt  la  mort  ;  &  de  la 
défenfe  que  fes  Meutricrs  avoienc  faite  de  les  rendre  pu- 
blics. 

XX.  Dans  le  Recueil  des  Lettres  de  Jean  de  Sarifberi ,  il 
y  en  a  trois  qui  regardent  la  Dilcipline  de  l'Eglife.  Dans  la  pre- 
(s)Eç!li.  67.  miere  (j)  ,  on  déclare  nul  le  mariage  d'une  femme  qui,  après 
s'être  féparée  de  fon  mari  ,  fait  Prêtre  depuis  cette  fépara- 
tion  ,  s'étoit  remariée  à  un  autre  ;  &  parce  que  le  premier 
mari  avoit  donné  occafion  à  cette  féparation  ,  &  qu'il  difoit 
avoir  été  Soûdiacre  lors  de  fon  mariage  ,  il  fut  condamné  à 
rendre  à  fa  femme  la  dot  qu'il  en  avoit  reçue.  La  féconde  or- 
donne l'obfervation  des  Canons ,  &  des  Décrets  des  Papes  & 
0)Epifl  68.  '^^^  Pères  (?)  ,  à  l'égard  de  la  cohabitation  des  Clercs  avec 
des  femmes  ;  de  pourvoir  les  Eglifes  d'un  calice  décent ,  des 
ornemens  Sz  ullenciles  néceffaires  au  faint  Sacrifice  ,  &  de 
punir  un  Prêtre  acculé  d'avoir  laiffé  mourir ,  fans  les  Sacre- 
mens  de  Pénitence  &  d'Euchariflie  ,  une  femme  dont  on  di- 
foit qu'il  avoit  abufé  ;  (i  toutefois  il  eft  convaincu  de  ces  deux 
(«)£;//?. 69.  fautes.  Il  eft  défendu  par  la  troiliéme  (a)  d'exiger  des  Vicai- 
res aucune  fomme  ni  rente  annuelle,  pour  avoir  droit  de  fervir 
dans  une  Egliie. 
Autres  Ou-      XXI.  Perfonne  n'étoit  plus  en  état  que  Jean  de  Sarifberi 
deTriiï/rT."  d'écrire  la  vie  de  faint  Thomas  de  Cantorberi,  dont ,  fuivant 
PexprefTion  de  Pierre  de  Blois  ,  il  avoit  été  l'œil  &  la  main 
pendant  fon  Epifcopat.  Elle  a  été  imprimée  à  Paris  en  1611, 
avec  le  Recueil  des  Lettres  de  Jean  de  Sarilberi.  Etienne 
Langcon  s'eft  fervi  de  cette  Vie  dans  fon  Quadrilogue ,  ou  les 
quatre  Livres  de  la  Vie  du  même  Archevêque  ,  mis  à  la  tête 
de  fes  Lettres  ;  &  Jofeph  Sparkius  ,  dans  une  troilîéme  Vie 
de  ce  faint  Prélat  ,  imprimée  parmi  les  Hiiloriens  d'Angle- 
terre à  Londres  eni723  ,  in-fol.  Jean  de  Sarifberi  compofa 
auffi  ,  à  la  prière  de  faint  Thomas  ,  la  Vie  ou  plutôt  un  abré- 
gé de  la  Vie  de  faint  Anfelme  de  Cantorberi  ,  l'un  de  fes 
PrédéceiTeurs,  dont  il  vouloit  pourfuivre  la  canonifation  fous 
le  Pontificat  d'Alexandre  III.  Cette  Vie  avec  la  Bulle  de  ca- 


EVESQUE  DE  CHARTRES.  Ch.  XVI.  279 
nonifation ,  le  trouve  dans  le  fécond  Tome  de  rAngletcrrc  la- 
crée ,  publiée  à  Londres  en  i6()i ,  in-fol, 

XXII.  Trithcn-.c  lui  attribue  un  PcniccnticI  ;  mais  on  ne  .SonPfnif«n- 
1  a  pas  encore  rendu  public ,  n\  le  pctic  Traite  de  la  mauvaife  memaire  fur 
fin  des  Tyrans ,  cité  au  vingtième  Chapitre  du  huitième  Li-  ^-  P^"'- 
vre  de  Ion  Polycratique.  11  parut  fous  l'on  nom  à  Amflerdam 
en  \6^6  un  Commentaire  fur  les  Epîtres  de  laint  Paul  ,  & 
un  en  particulier  fur  l'Epître  aux  Colofliens  à  Cantbrigc  en 
1617.  On  en  cite  une  Édition  en  la  même  Ville  ,  de  l'an 
1^30.  Ses  autres  Ouvrages  non  imprimés ,  font  un  Livre  de 
l'état  de  la  Cour  de  Rome;  un  Traité  de  la  double  Mathé- 
matique {x)  \  un  de  l'amour  de  la  Mufique  ;  le  Miroir  de  la 
raifon  ;  le  Miroir  de  la  folie  ,  en  vers  ,  adrelTé  à  Nigelie 
"Wirechir  ;  quelques  autres  Pièces  en  vers  ,  des  Difcours  , 
un  Traité  fur  les  Dogmes  des  Philofophes ,  &  un  contre  la  vie 
des  Clercs. 

XXin.  Ses  Pocfies  ont  été  imprimécs,avec  celles  de  Fulbert   Editions  des 
de  Chartres ,  à  Léipfic  en  1(^55  ,  z«-8\  psr  les  foins  d'André  f  """    ^f 
Rivinus.    Son  Polycratique  fut  mis  fous  prciïe  à  Paris  enS  " 

1513  ,  z«'4°.  à  Leyde  en  1595  ««-8°.  à  Paris  en  1610 ',  à 
Leyde  avec  !e  Métalogique  en  1635»,  m-8°.  à  Amflerdam  en 
1664  i«-8°.  &  dans  les  Bibliothèques  des  Pères  de  Cologne 
&  de  Lyon.  On  avoir  une  verfion  Françaife  du  Polycratique 
dans  la  Bibliothèque  de  Menars.  Les  quatre  du  Métalogi- 
que ont  d'abord  été  imprimés  féparément  à  Paris  en  1610, 
z/z-8".  puis  avec  le  Polycratique  à  Leyde  en  i  6t^^  ,  in-'è°'.  Ses 
Lettres  n'ont  pas  toujours  été  publiées  en  nombre  égal.  Il  en 
parut  à  Paris  en  i6ïï  un  Recueil  de  302  ,  fur  un  manufcrit 
delà  Bibliothèque  de  Papyre  MafTon  ,  avec  !a  Vie  de  laint 
Thomas  de  Cantorbcri ,  &  quelques  Ecrits  de  Gerbert  ,  ou 
Sylveflre  II ,  Pape  ,  &  d'Etienne  de  Tournai.  M.  Balufe  en 
avoir  promis  une  nouvelle  Edition  dès  l'an  1686  {y^  :  on 
ne  voit  pas  qu'il  ait  tenu  fa  promefle.  Des  5*3  publiées  à  Bru- 
xelles en  1682  par  le  Père  Lupus ,  quelques-unes  avoicnt  déjà 
été  imprimées  dans  les  Recueils  précédens. 

(f)  FaeRIC.  Tom.  4.  Bibliot.Med.  Lat,  j      (  i)   BjiLUs.  Efiji.  ad  Hieron.  Ambiof. 
f .  3SÔ.  387.  1  idif.  i  Tentel.  -a  Ditilog.  menfl,  p.  673. 


a8o  PIERRE   DE   CELLE, 

CHAPITRE     XVI L 

Pierre  de  Celle  ,  Evêque  de  Chartres. 

Pierre deCel-I,  T     E  SuccelTeur  de  Jean  de  Sariiberi  dans  le  Siège  de 
le.  Ses  corn-      _L/  Chartres  ,  fut  Pierre  de  Celle  ,  fon  ami  particulier, 

mencemens,    ,1    '      •     /^i  •     j  -o-  /^      i  •     j^      r 

Ces  progrès:   H  ctoit  Champenois  de  nailiance.  On  le  mit  des  la  première 
Abbc  de  Mac- jeuneffe  à  Saint  Martin-des-Champs  ;  d'où  il  pafla  à  Mou- 
Ceurpûis^de  "^'^"^^"^^^'^  »  ^"  Diocèfe  de  Troyes,  pour  y  apprendre  les 
S. Rémi,       premiers  clémens  de  la  vie  Monaftique.   Vers  l'an  1150   il 
en  fut  élu  Abbé  :  douze  ans  après ,  c'efl-à-dire  en  1162  (a)  , 
il  quitta  cette  Abbaye  pour  pafler  à  celle  de  Saint  Renii  de 
Rheims,mais  en  confcrvant  toujours  le  nom  de  Pierre  de  Celle, 
qui  lui  eft  demeuré. 
Il  eft  fait  E-      II.  Vers  Fan  1 1 8 1    il  monta  fur  le  Siège  Epifcopal  de 
véquedeChar- Chartres  ,  ayant  été  élu  pour  fon  fçavoir  &  pour  fa  vertu, 
tresenuSr.  pj^^-f^  ^^q[^  ^jq^j  (^^^s  un  âge  très-avancé  ,  puifque,  comme 
il  le  dit  lui-même ,  il  y  avoit  déjà  trente  ans  qu'il  profelToic 
la  vie  Monaftique,  que  fes  mains  étoient  tremblantes,  &  qu'il 
fe  foutenoit  à  peine.  Audi  fon  Epifcopat  ne  fut -il  pas  de 
longue  durée  ,  étant  mort  le  vingtième  de  Février  1187  , 
après  avoir  gouverné  l'Eglife  de  Chartres  pendant  environ 
fix  ans. 
SonéJoge.        IH-  Son  mérite  le  fit  confiderer  de  ce  qu'il  y  avoit  alors  de 
plus  grand  dans  l'Eglife;  du  Pape  Alexandre  III  ,  de  faine 
Bernard  (é),  de  Jean  de  Sarifberi  fon  Prédéccffeur ,  8c  de 
plufieurs  autres  hommes  célèbres.  Il  fut  tellement  uni  d'ami- 
tié avec  la  Communauté  de  Clairvaux  fous  faint  Bernard  , 
qu'il  en  étoit  regardé  comme  un  des  principaux  Membres, 
SesEcriis.         IV.  Ses  Lettres, qui  font  en  grand  nombre  ,  &  diftribuécs 
en  neuf  Livres ,  ont  été  rendues  publiques ,  &  enrichies  de 
notes  par  le  Père  Sirmond  ,  à  Paris  en  1^13  m- 8°.  avec  celles 
du  Pape  Alexandre  III,  &  de  quelques  autres  à  Pierre.  Elles 
ont  été  réimprimées  dans  le  troifiéme  Tome  des  Œuvres  de 

(d)  Gallia  Chrijlian,  Tcm,  ?,  p,  1149.     1  Tom,  lo.  Conc,  p.  1147,  SaResb.  Epifl» 
(b)  Bernard  ,  Epijl.  29J.  Âiexand.  |  7S'  76.  i7î«  180. 

cet 


EVESQUE  DE  CHARTRES.  Ch.  XVII.  a8i 
cet  Editeur ,  à  Paris  en  i6(j6 ,  &  à  Vcnifc  en  1729  ;  dans 
la  Bibliothèque  des  Pcrcs  de  Paris ,  de  Cologne  &  de  Lyon  , 
&  dans  l'h'dition  générale  des  Œuvres  de  Pierre  de  Celle  ,  a 
Paris  en  i6yi,  par  les  foins  de  Dom  Ambroilc  Janvier ,  de  la 
Congrégation  de  Saint  Maur. 

V.  Les  Sermons  de  Pierre  de  Celle  y  tiennent  le  pre-  S(s  Sermons. 
mier  rang  ,  au  nombre  de  quatre-vingt-onze,  dont  neuf 
ont  été  prêches  dans  des  Synodes  (c).  Ils  font  placés  fuivant 
Tordre  du  Calendrier  Ecclélîaftique  ;  fept  fur  l'Avent  ,  fix  , 
tant  fur  la  Veille  que  fur  la  Fête  de  Noél ,  un  fur  la  Fcte  de 
la  Purification ,  dix-huit  fur  le  Carême ,  fept  fur  l'Anncncia- 
tion ,  huit  fur  la  Réiurreâion  ,  trois  fur  l'Afcenfion  ,  quatre 
fur  la  Pentecôte ,  deux  fur  la  Transfiguration  ,  huit  fur  l'Af- 
fomption  de  la  fainte  Vierge  ,  les  autres  fur  diverfes  Fêtes 
cdes  Saint*;.  Rien  de  plus  précis  que  fa  croyance  fur  la  pré- 
fencc  réelle  dans  l'Euchariftie.  Il  efl:  néceflaire  ,  dit-il  (d)  , 
que  vous  croyiez  véritablement  que  le  vrai  Corps  &  le  vrai 
Sang  de  Jefus-Chrill  font  fur  l'Autel  fous  une  efpece  viHble, 
&  que  cette  efpece  n'eft  pas  celle  du  Corps  ni  du  Sang  de 
Jefus- Chrift  ,  qui  efl:  là  d'une  manière  invifible ,  mais  du 
pain  matériel  &  du  vin  qui  toutefois  ne  font  pas  là  fubflan- 
tiellement.  Il  efl:  en  même  temps  dans  le  Ciel  (e)  ,  fur  l'Au- 
tel ,  &  dans  le  cœur  du  Chrétien.  Quoique  après  la  conver- 
fion  de  la  fubflance  du  pain  &  du  vin  (/)  au  Corps  &  au  Sang 
de  Jefus-Chriftpar  les  paroles  de  la  confécration ,  vous  voyiez 
encore  fur  l'Autel  le  pain  &  le  vin ,  croyez  indubitablement 
qu'il  n'y  a  plus  ni  pain  ni  vin ,  fî  ce  n'efl:  le  pain  des  An;;es, 
dont  il  efl;  écrit  :  L'homme  a  mani^é  le  pain  des.  Anges.  Pierre 
de  Celle  enfeigne  que  ceux  dont  la  confcience  n'efl  pas  char- 
gée de  péchés  confidérables  (g) ,  &  qui  ne  font  pas  dans  l'ha- 
bitude du  péché,  doivent  recevoir  rEucharitlic  au  moins  trois 


(c)  E,^!t.  Var'f.  an.  1671.  p.  r. 

'{d)  Admodum  pertinet  ut  veraciter 
credas ,  Corpus  verum  &  Sangiiinem  Cliri- 
fli  effe  in  Àltari  ûib  fpecie  vifibili ,  nec 
eiïè  illam  rpectem  Corporis  vel  Sanguims 
Chrifti,  qui  ibi  eft  invifibiliter ,  fed  panis 
materialis  &  vini ,  qiix  ibi  non  funt  fub- 
fiantialiter.  Petr.  Cell,  Serm.  in  Cœ/i.x 
Domitii. 

(  f  )  Eft  in  Ccelo  ,  in  Altnri ,  in  coide 
Chriftiani.  IJ.  Serm.  (,. 

Tome  XXllL  Nn 


(f)  De  converfione  fubflantia?  panis  & 
vini  in  fubftantiam  Corporis  &  Sangiiinis 
Chrifti,ubilicet  panem  &  vinum  poft  coii- 
fecrationem  videas  ,  certo  tamcn  certiùs 
credas  nec  panem  eilè  ibi  ,  nec  vinum  , 
ni(î  forte  panem  Angelorum  de  quo  dici- 
tur  :  Qriia  parient  Âiig^loritm  mati.incavit 
hcmo,  Id.  Ibid.  Serm.  6.  Edif,  Par!/,  p, 
109.  116.  138. 

J^g)  Serm,  7.  ir>  Cxnit. 


282  PIERRE    DE   CELLE, 

fois  l'année  ,  qu'ils  fcroient  mieux  de  s'en  approcher  tous  les 
Dimanches,  &  même  chaque  jour.  Il  croit  que  le  m.cchant 
Prêtre  ,  comme  le  bon  ,  confacrent  véritablement ,  parce  que 
la  conlccration  n'efl  pas  l'effet  du  mérite  du  Prêtre  ,  mais  de 
la  parole  du  Créateur.  Quant  à  un  Prêtre  hérétique  ,  il  penfe 
qu'il  confacre  tandis  qu'il  eft  dans  l'Eglife  Catholique  ,  mais 
non  quand  il  en  eft  dehors.  La  matière  de  l'Euchariftie  eft 
du  pain  de  froment,  &  du  vin  mêlé  d'eau  :  les  paroles  de  la 
conlécration  font  celles  que  Jefus-Chrift  prononça  :  Ceci  efi 
mon  Corps  :  C^ci  efl  mon  Snng.  Il  ne  fe  décide  point  lur  la 
manière  dont  la  fainte  Vierge  eft  montée  au  Ciel  \h)  ,  fi  c'eft 
en  corps  &  en  ame  ;  mais  il  dit  qu'on  le  croyoit  pieufement. 
11  enfeigne  qu'elle  fut  purifiée  ,  dès  le  moment  de  fa  concep- 
tion (  ?  )  ,  du  ferment  de  la  mafle  corrompue. 
Le  Livre  des  VI.  Pierre  de  Celle  adreffa  fon  Livre  intitulé  :  Des  Pains  , 
Paini,/-.  27p.  ^  ji^gi^  jj,  Sarifberi ,  Evêque  de  Chartres ,  &  fon  ami ,  en  le 
priant  d'approuver  ce  qu'il  y  avoit  d'utile  ,  de  retrancher  ce 
qui  méritoit  de  l'être  ,  &  de  fupplcer  à  ce  qui  y  manquoit.  Il 
avoit  pour  principe  de  ne  s'éloigner  en  rien  de  la  doctrine 
des  Pcrcs ,  tant  dans  les  articles  de  la  foi ,  que  de  la  morale 
chrétienne  ,  d'éviter  même  la  nouveauté  des  termes.  Il  expli- 
que dans  cet  Ouvrage  ,  en  un  fens  myftique  &  moral,  ce  qui 
eft  dans  l'Ecriture  des  différentes  Tables  que  Dieu  avoit  or- 
donné à  Moyfe  de  faire  placer  dans  le  Tabernacle ,  devant  le 
voile  &  ailleurs ,  &  des  divers  genres  de  pain  dont  elle  fait 
mention  ;  du  pain  fermenté  ,  du  pain  azyme  ,uu  pain  des  en- 
fans  ,  du  pain  des  iurts  ou  des  parfaits  ,  du  pain  des  prémi- 
ces ,  des  pains  de  propofition  ,  du  pain  de  fleurs  de  fro- 
ment ,  du  pain  d'orge  ,  du  pain  de  ceux  qui  pleurent  ou  qui 
le  réjouiiTent ,  du  pain  des  enfans  de  famille  ,  des  efclaves , 
des  mercenaires  ,  du  pain  cuit  fous  la  cendre,  du  pain  fandi- 
fié  ou  facerdotal ,  &  de  beaucoup  d'autres  efpeces  de  pain  , 
plus  différentes  par  rapport  à  la  façon  de  le  faire  cuire  ,  ou  de 
fervir,  qu'en  lui-même. 
Livres  du  Ta-  VIT.  Lcs  dcux  Livres  du  Tabernacle  conftruit  par  Moyfe 
bernacle,/'ii^.  g  l'ordre  de  Dieu  ,  font  dans  le  même  goût  que  le  précédent, 
^  ^'  c'eft-à-dire  que  Pierre  de  Celle  donne  une  explication  mo- 

rale &  myftique  de  toutes  les  parties  dont  il  étoit  compofé  , 
de  l'Arche  d'alliance  ,  du  Propitiatoire ,  de  la  Table  du  bois 

(  i  )  Senn.  i.  de  Affitmftione,  (  i  )  Snm.  5. 


EVESQUE  DE  CHARTRES.  Ch.XVH.  283 
de  Scthim ,  &  de  tout  ce  qui  ctoit  ncceflairc  pour  le  Sacri- 
fice. 

VIII.  Le  Traité  de  la  Confcicncc  ,  adrcflTc  au  Moine  Livre  c!c  la 
Alchcr  ,  qui  le  lui  avoic  demandé,  fait  voir  ce  que  c'cfl  que*^°"^'^'«"">^ 
la  confcicncc,  &  ce  que  Ton  doit  faire  pour  la  régler.  Il  la 
détinit  la  connoidince  du  cœur  ;  &  dit  que  pour  être  bien 
réglée  ,  clic  doit  avoir  la  crainte  de  Dieu  qui  l'éloigné  du  pé- 
ché; être  foumife  aux  vérités  de  la  Foi,  atîn  qu'elle  rejette 
tout  ce  qui  cft  mcnfonge  &  vanité  ;  &  aimer  Dieu  ,  ce  qui  la 
rendra  fervente  dans  l'oblervation  de  les  Loix. 

IX.  Pierre  de  Celle  étoit  Abbé  de  Saint  Rcmi  de  Rhcims,  ^J'^'l'^  '^'^  '* 
lorfqu'il  compofa  le  Traité  de  la  Difcipline  du  Cloître.  Il cidaeT/'^" 
l'envoya  à  Henri  I ,  Comte  de  Champagne  ,  à  qui  il  l'avoit^jo- 
dédié,  en  le  priant  de  n'en  pas  continuer  la  lecture  li  elle  lui 
caufoit  du  dégoût.  Dora  Luc  d'Achcri  l'a  inféré  dans  le  troi- 
ficme  Tome  de  Ion  Spicilcge ,  d'où  il  cfl:  paffé  dans  les  Edi- 
tions des  Pères ,  &  de  Dom  Janvier.  Les  deux  règles  que  fe 
propoie  Pierre  de  Celle  pour  traiter  delà  Difcipline  du  Cloî- 
tre, font  celles  de  Saint  Benoît  &  de  Saint  Auguflin.  Cette 
Dilcipline  a  pour  fondement  les  exercices  que  l'on  pratique 
dans  le  Cloître  ,  le  filence ,  la  lecture  des  bons  Livres ,  la  con- 
felfion  des  péchés'  à  Dieu  &  au  Prêtre  ,  loraifon  ,  la  médita- 
tion de  la  Mort  &  de  la  PafTion  de  Jefus-Chrift  ,  la  partici- 
pation du  Corps  &  du  Sang  du  Sauveur ,  après  s'y  être  pré- 
paré en  purifiant  la  confcience.  Pierre  s'étend  fur  cet  article, 
&  explique  l'utilité  &  la  néceflité  de  ce  Sacrement  ;  avec  quelle 
intention  &  en  quel  temps  on  doit  s'en  approcher.  Ce  qu'il 
dit  fur  la  réalité ,  mérite  d'être  rapporté.  »  Qu'y  a-t-il  fur  l'Au- 
tel (/)?  N'eft-cepas  le  corys  quia  été  pris  de  la  Vierge  Marie  ; 
le  corps  conçu  du  Saint-Eiprit  ;  le  corps  qui  a  iouPijrt  lur  la 
Croix  ;  qui  a  été  mis  dans  un  tombeau  neuf  ;  le  corps  qui  ell 
reffufcité  le  troifiémejour  d'entre  les  morts  ;  le  corps  qui  eft 
monté  au-deffus  des  Cieux ,  qui  efl:  afiîs  à  la  droite  du  Père  , 


dans  lequel  il  viendra  juger 


es  vivans  &  les  morts  ?  Avant 


de  nous  en  approcher ,  il  faut  nous  purifier  par  l'eau  de  com- 


(/■)  Quid  eft  in  Altari  ?  Nonne  corpus 
quod  fumptum  eft  de  Virgine  Maria  ,  cor- 
pus conceptum  de  Spiritu  Sanfto  ,  corpus 


nés  Cœlos ,  corpu;  quod  fedet  ad  dexte- 
ram  Patris  in  excelfis  ,  in  quo  Judex  vivo- 
rum  &  mortuorum  judicaturus  eft  vivos 


pafTum  in  cruce  ,  fepultum  in  monumento  .'  &  mortuos  ?  Petros  Cellbnsis  ,   Lib.  de 
novo  ,  corpus  quod  tertia  die  refurrexit  à  I  Difc,  clattp.  cap,  zj, 
mortuis ,  corpus  quod  afcendit  fupcr  om-  | 

Nn  ij 


284  PIERRE   DE    CELLES, 

pondion ,  par  le  feu  de  la  comparTion  fraternelle  ,  avec  l'hyf- 
lof  c  de  !a  fci,  &  d'une  humble  conflfQon,  &  avec  la  cendre 
de  l;i  mortification. 
Lettres  de  X-  Tous  Ics  Ouvragcs  dont  nous  venons  de  parler  ,  font 
igj"^"^  d'un  fl)le  affe£î:é,&  remplis  de  rcflexicns  myfliques.  C'étoic  le 
goût  de  Pierre  de  Celle ,  &  il  cfl:  rare  qu'il  donne  aux  paflages 
de  l'Ecriture  d'autre  lens  que  le  myftique  ou  le  moral.  Quoi- 
qu'il foit  plus  naturel  dans  fes  Lettres ,  il  ne  laiflTe  pas  d'y  affefter 
de  temps  en  temps  des  jeux  de  mots.  Au  refle,  elles  fournif- 
fent  peu  de  traies  intéreflans  pour  notre  fujet  ;  ce  font  ou  des 
Lettres  de  politeffe ,  ou  fur  des  affaires  particulières.  On  les 
a  divifées  en  neuf  Livres  ,  apparemment  pour  la  facilité  des 
Le£leurs.  Dans  les  anciens  Exemplaires  ,  elles  font  de  fuite 
fans  aucune  divifion  :1a  première  (felafixiemedu  premier  Li- 
vre,  l'une  adreffée  au  Pape  Alexandre  III ,  l'autre  à  Eugène 
III,  n'appartiennent  à  Pierre  de  Celle  que  parce  qu'il  les 
écrivit  au  nom  de  ceux  qu'elles  intéreflenr.  L'Editeur  lui  a 
ôté  la  Lettre  aux  Frères  du  Mont-Dieu  ,  pour  la  donner  à 
Guillaume  de  Saint- Thierry.  Il  paroît  par  la  vingt -unième 
qu'il  compofoit  des  Sermons  pour  Thibaud  (m) ,  Evêque  de 
•  Paris ,  auparavant  Prieur  de  Saint  Martin-des-Champs.  Dans 
la  vingt- troiHcme  Lettre  du  fixiéme  Livre  («  )  ,  il  traite  mal 
Nicolas ,  Moine  de  Saint-Alban  en  Angleterre,  Celui-ci  ne 
le  ménagea  pas  dans  fa  Réponfe  ,  qui  eîî:  la  neuvième  Lettre 
du  dernier  Livre  (0).  La  réplique  de  Pierre  de  Celle  efl  en- 
core un  peu  aigre  ;  mais  il  ne  laiffe  pas  fur  la  fin  de  témoigner 
au  Moine  Nicolas  de  l'amitié  &  de  l'eftime.  Il  avoit  avancé 
dans  une  de  fes  Lettres  à  Pierre  de  Celle ,  que  la  fainte  Vier- 
ge n'avoit  jamais  fcnti  le  péché  ;  enforte  qu'elle  n'avoir  eu 
aucune  occafion  de  le  combattre.  Il  prouvoit  fon  fentimenc 
par  l'autorité  de  faint  Auguftin ,  qui  défend  de  parler  de  la 
fainte  Vierge,  lorfqu'il  eft  queftion  de  péché;  par  l'établiiTe- 
ment  de  la  Fête  de  la  Nativité  ,  l'Egliie  n'ayant  inftitué  cette 
folemnité  que  parce  qu'elle  croit  que  la  fainte  Vierge  efl:  née 
fans  péché ,  &  conféquemment  qu'elle  a  aufli  vécu  fans  péché  , 
&  qu'elle  ne  l'a  pas  même  fenri  jufqu'à  fa  mort.  Pierre  de 
Ceiîe,  appuyé  du  fentiment  de  faint  Bernard,  croyoit  comme 
lui  qu'elle  avoit  été  purifiée  du  péché  d''origine  auffi-tôt  après 


(m)Lil>.  I.  Epifl.  II,  I        (0)  Lit.  9.  El ifi.  $^  10. 


PHILIPPE,  &c.   Ch.  XVIII.  185 

fa  conception  ;  qu'elle  ccoit  née  dans  la  faintcré  ,  mais  qu'elle 
n'y  avoic  pas  été  conçue  ;  nul  n'ayant  été  conçu  dans  la  lain- 
tcté ,  que  Jcfus-Chrirt  qui ,  devant  iantS^ificr  les  hommes  &  ex- 
pier le  péché  ,  en  devoit  être  leul  exempt.  C'ell  fur  ce  fonde- 
ment que  laint  Bernard ,  &  après  lui  Pierre  de  Celle  ,  trou- 
voient  mauvais  qu'on  eût  inftitué  la  Fête  de  la  Conception  , 
fans  avoir  auparavant  confuké  le  Saint-Siège.  Pierre  ajoutoit , 
que  lî  la  Gùnte  Vierge  n'avoit  rien  eu  à  combattre  pendant  fa 
vie,  elle  n'auroir  pas  eu  occafion  de  mériter  ;  que  ce  que 
Dieu  dit  au  Serpent  dans  la  Géncfc  :  Je  meixrai  des  inimitiés 
entre  toi  &  la  femme ,  devant  s'entendre  de  la  fainte  Vierge  , 
il  fuit  dc-I.i  qu'elle  a  eu  en  etïet  des  combats  à  foutenir  contre 
cet  ennemi.  Mais  dans  fa  dernière  Lettre  Pierre  de  Celle  fc 
réduiiit  à  dire  que  la  fainte  Vierge  n'avoit  fenti  les  attaques 
qu'au  dehors  &  pour  les  furmonter  ,  que  les  fuggeftions  de, 
l'ennemi  n'avoient  pas  pénétré  jufqu'à  fon  ame. 

CHAPITRE    XVIIL 

Philippe  de  Bonne-Efpérance  ,   Ordre  de  Frémontrè  j 
Adam ,  du  même  Ordre. 

I.  TT)  HiLippE  DE  Harvinge  ,  furnommé  de  Bonne -Es-    Philippe  Je 
X     PERANCE  ,  à  caufe  d'une  Abbaye  de  ce  nom  de  fOr- ^"]'"2p'^"' 
dre  de  Prémontré  ,  fituée  dans  le  Haynaur  près  de  Binche  ,  dve  des  Pré- 
dont  il  fut  Abbé ,  eut  encore  le  furnom  d'Aumônier ,  pour  fa  montrés, 
grande  charité  envers  les  Pauvres.  Il  étudia  d'abord  à  Paris  , 
puis  à  Laon  fous  le  Dodeur  Anfelme  ,  dont  l'Ecole  croit  en 
grande  réputation.  Dans  le  defTcin  de  fe  confacrer  à  Dieu , 
il  choifir  l'Ordre  de  Prémontré  ,  &  en  fit  profefîion  dans 
l'Abbaye  de  Bonne-Efpérance.  Il  ne  fur  pas  long  -  temps 
fans  entrer  dans  les  Charges.  Odon  qui  en  éroit  Abbé ,  le  fie 
Prieur. 

II.  Saint  Bernard ,  qui  l'étoic  deClairvaux  ,  y  recevoit  de 
temps  en  temps  des  Religieux  de  Clugny  &  de  Prémontré  ,  un 
entr'autres  nommé  Frère  Robert.  Philippe  ,  fon  Prieur  ,  ]e 
trouva  mauvais,  &  en  écrivit  à  faint  Bernard  avec  beaucoup 


Il  Ce  réconci 
lie  avec  lui. 


zS6  PHILIPPE 

d'aigreur  (a).  CAbbé  de  Clairvaux  prétendoir  qu'en  certains 
cas  il  pouvoir  recevoir  des  Religieux  d'un  autre  Ordre,  & 
leur  donner  l'habit,  &  il  fc  plaignit  à  l'Abbé Odon  de  la  con- 
duire de  fon  Prieur.  Odon  dépota  Philippe  j  &  l'envoya  comme 
en  exil  dans  une  autre  Abbaye ,  fous  l'agrément  de  l'Abbé  de 
Prcmonrré. 

III.  Philippe,  qui  ne  fe  croyoit  point  en  tort ,  écrivit  en 
II  51  une  Lettre  apologétique  au  Pape  Eugène  III  (,6)  ;   & 
une^  S.  Bernard,  peur  lui  demander  fon  amitié.  Toutes  ces 
démarches  ne  lui  procurèrent  point  fon  retour  à  l'Abbaye  de 
Bonne-Efpérânce  ',  il  n'y  revint  qu'en  1 1  5  5,  environ  deux  ans 
après  la  mort  de  l'Abbé  de  Clairvaux. 
ileftfaitAb-      ly.  Cependant  Odon  étant  mortvers  l'an  ii6"2  ,  Philippe 
Efpérance""^'  ^"^  choiil  pour  lui  fuccéder.  Il  gouverna  long-  temps ,  &  avec 
beaucoup  de  douceur  &  de  fageife  l'Abbaye  de  Bonne-Efpé- 
rance  ,  y  fit  fleurir  les  Lettres  _,  &  donna  plufieurs  productions 
de  fon  içavoir.  Il  vivoit  encore  en  1 187  ,  comme  on  le  voit 
par  l'Epicaphe  qu'il  fit  pour  le  Tape  Urbain  III,  mort  en  cette 
année  le  19  d'Octobre. 
S's  Ecrits.       y  _  jr^^  pgj.^  Nicoks  Chamart ,  l'un  des  Succefleurs  de  Phi- 
lippe dans  l'Abbnye  de  Bonne-Efpérance ,  fit  imprimer  fes  Ou- 
vrages à  Douai  en  1621  ,  in-fol.  Ce  Recueil  contient  vingt 
&  une  Lettres  ,  dont  plufieurs  font  adreffées  à  divers  Maîtres 
de  l'Ecole  de  Paris.  Il  demande  dans  la  première  ,  fi  l'on  doit 
prendre  à  la  lettre  ce  qui  eft  dit  dans  la  Génefe  de  l'ordre  Se 
des  jours  de  la  Création  ,  enforte  que  Dieu  ait  mis  un  inter- 
valle dans  la  création  des  différens  Etres  :  à  quoi  il  répond  que 
toutes  chofes  ont  été  créées  enlcnible,  &c  que  l'énumération 
des  fix  jours  ne  doit  pas  fe  prendre  littéralement ,  mais  dans 
un  fens  myftique.  Il  convient  toutefois  qu'en  la  prenant  à  la 
lettre  ,  on  ne  dércgeroit  point  à  la  puifiance  de  Dieu  ,  parce 
que  s'il  n'a  fait  qu'en  fix  jours  ce  qu'il  pouvoit  faire  d'une  feule 
parole,  c'cil  qu'il  l'a  bien  voulu  ainfi. 
i.pf.  2.  VI.  Dans  la  féconde  il  prouve  qu'encore  que  la  chair  de 

Jefus  Chrifi:  foit  née  d'Adam  ,  elle  a  toutefois  été  exempte  de 
péché.  Sa  raifon  efl  ,  que  le  péché  originel  ne  fe  contractant 
que  par  la  génération  ,  la  chair  de  Jefus-Chrift  ,  qui  eft  née 
d'une  Vierge ,  n'a  pas  contracté  ce  péché.  Il  fait  dans  la  troi- 


(  a)   Philippe  ,  Efifl.  to.  (*)  Idfm  ,  Ep,fl.  i  :. 


DE  BONNE  -  ESPÉRANCE ,  Ch.  XVIII.       287 

llcmc  iVlogc  de  rUnivoilicc  de  Paris  ;  &  montre  dans  la  qua-£^;yj. .  >^ 
tricmc,  par  l'exemple  de  plulicurs  Anciens,  que  les  Icicnccs 
ne  s'acquicrcnc  qu'avec  beaucoup  de  peine  Se  de  travail.  Phi- 
lippe avoic  prcié  un  Livre  de  iaint  Athanale  à  un  de  fes  amis  : 
celui-ci  n'en  approuva  pas  la  doclrine.  L'Abbi  de  Bonnc-Ef- f;^.  y. 
pérance  prit  la  défenie  de  Tendroit  que  cet  ami  critiquoic, 
&  s'autorila  de  l'approbation  que  laine  Auguftin  avoit  don- 
née à  ce  Livre.  Il  écoit  écrit  contre  les  Hérétiques  qui  atta- 
c]uoient  la  divinité  de  Jefus-Chrift,  fur  ce  qu'il  avoit  été  lujct 
aux  infirmités  humaines.  Philippe  fait  voir  que  faint  Atha- 
nafe  n'enfeigne  rien  de  contraire  à  la  doélrine  des  Pères  de 
l'Eglife  ;  qu'il  dit  comme  eux  que  Jefus-Chrifl  efl:  né  du  Saint:- 
Efprit  &  de  la  fainte  Vierge  5  ce  qui  n'empêche  pas  qu'il  n'ait 
été  fujet  aux  foibleffes  humaines,  excepté  le  péché,  n'ayant 
pas  été  conçu  de  la  Vierge  à  la  manière  ordinaire  des  hom- 
mes; qu'il  a  iouffert  dans  la  chair,  mais  volontairement  ,  & 
non  par  nécelTité.  Philippe  rapporte  plufieurs  paffages  des 
Pères  ,  de  faint  Auguftin  ,  de  faint  Hilaire  ,  du  vénérable 
Bede,  pour  montrer  l'uniformité  de  leurs  fentimens  avec  faint 
Athanafe. 

VII.  Il  fait  auffi  dans  la  fixiéme  Lettre  Tapoiogie  de  quel-  e^.-/?.  t. 
ques  exprcITions  de  iaint  Hilaire,  &  donne  le  Catalogue  de 
les  Ouvrages.  Il  y  prouve  encore  que  la  chair  que  Jefus- 
Chrifi:  avoit  prife  de  la  Vierge  ,  étoit  exempte  du  péché  ori- 
ginel. Il  n'eft  pas  furprenant  qu'il  traite  plufieurs  fois  cette 
matière  ,  parce  que  c'etoit  alors  une  queflion  fort  agitée ,  de 
fçavoir  comment  h  chair  de  Jefus-Chrift  avoic  été  exempte 
de  péché.  Sa  feptiéme  Lettre  efl:  auiïi  en  partie  fur  la  même 
queflion.  C'eft  dans  celle-là  que  nous  apprenons  qu''il  avoit  p  .«  , 
étudié  fous  le  Doéleur  Anfelme.  Philippe  y  dit  que  le  bon-         '  ' 
heur  d'un  homme  n'eft  pas  d'avoir  étudié  fous  un  tel  Maître 
à  Laon ,  ou  fous  un  autre  à  Paris  ,  mais  d'avoir  appris  la 
Loi  de  Dieu  de  lui-même.  Et  dans  fa  troifiéme  Lettre  :  Ce 
n'eft  pas  un  honneur  d'avoir  étïé  à  Paris ,  mais  d'y  avoir  acquis 
de  la  fcience. 

VIII.  La  huitième  Lettre  eft  une  inftrudion  très-folide  fur  Epijh  s. 
la  pratique  de  la  vertu  ,  qui  doit  avoir  nécelTairement  la  foi 
pour  fondement.  La  dixième  eft  une  plainte  très-vive  contre 
faint  Bernard ,  qui  avoit  reçu  à  Clairvaux  un  des  Religieux 
de  l'Abbaye  de  Bonne  -  Eipérance  ,  comme  on  l'a  dit  plus 
haut.  Il  lui  fait  l'application  du  reproche  que  Nathan  fit  à  £/-//?.  10. 


288  PHILIPPE 

David  après  l'enlèvement  de  a  f^mme  d'Urî;?,  &  fc  fert  de  la 
même  comparailon  ;  lui  rcpréicnre  le  fcandale  qu'il  avoit  c.m- 
fé  en  recevant  ce  Frère  fans  l'agrément  de  ion  Supii  icur ,  le 
trouble  qu'il  avoir  jette  dans  le  Monaftere  ,  &  comment  en 
cela  il  avoit  contrevenu  au  Décret  du  Pape  Innocent,  &  à  la 
convention  faite  entre  les  Abbés  de  TOrdrc  de  Cùeaux  &  de 
Prcmontré  ,  de  ne  recevoir  de  part  ni  d'autre  aucun  Sujet  de 
ces  deux  Ordres  fans  le  confentement  de  l'Abbé.  Il  lui  faic 
voir  les  fâcheufes  fuites  de  la  facilité  à  recevoir  les  Religieux 
d'un  autre  Ordre  ;  &  qu'en  voulant  augmenter  l'un  au  préjudi- 
ce de  l'autre ,  on  rompt  la  charité  &  la  paix  entr'eux.  Sa  Lettre 
fut  fans  effet,  &  on  le  dépofa  de  fa  place  de  Prieur. 

Sp'fl.ii.  IX.  C'eft  pourquoi  Philippe  en  écrivit  à  Eugène  III ,  non 
pour  revendiquer  le  Frère  Robert  ,  fur  lequel  il  n'avoit  plus 
d'autorité ,  mais  pour  lui  rendre  compte  de  fa  conduite  envers 
faint  Bernard ,  &  des  calomnies  dont  il  avoit  été  noirci ,  à 
caufe  de  fon  changement  de.Maifon.  li  finit  fj  Lettre  en  fup- 
plianr  le  Pape  de  le  fecourir  dans  l''ctat  de  fouffrance  où  il 

Epiji.  13.  étoit.  Dans  la  treizième  Lettre  on  donne  l'explication  des 
noms  di  Ahbé  &  à^Evêque  ;  des  marques  de  leur  dignité ,  c'ell- 
à-dire  du  bâton  Pafloral  ;  d'où  on  prend  occafion  de  defcen- 
.  dre  dans  le  détail  de  leurs  fontlions  &  des  devoirs  de  leur  mi- 
niftere.  On  ne  fçait  point  à  qui  cette  Lettre  eft  adreiTée  ,  8c 
on  n'en  connoît  l'Auteur  que  par  le  flyle  ,  qui  efl  le  même 
que  des  précédentes ,  conféquemment  de  Philippe  de  Bonne- 
Efpérance. 

E^iji.  14.  X.  La  fuivante  efl:  un  éloge  des  Martyrs.  Philippe  leur 
compare  ceux  qui  vivant  dans  un  Monaftere  fous  le  joug  de 
l'obéifTance  ,  &  dans  des  mortifications  continuelles,  meu- 
rent chaque  jour  pour  le  nom  de  Jefus-Chrift,  &  méritent, 
par  cette  mort  lente  ,  le  pardon  de  leurs  péchés,  &  la  gloire 
éternelle.  Il  relevé  dans  les  16  &  17^.  l'attention  des  perfon- 
^'nes  de  qualité  à  cultiver  les  fcicnces  ,  même  celles  qui  con- 
viennent à  un  Eccléfiaftique ,  &  fait  voir  qu'elles  ne  font 
point  incompatibles  avec  l'Art  Militaire.  Il  traite  la  même  ma- 
f>»^.  18. 19.  tiere  dans  la  dix-huitiéme.  Dans  la  dix-neuvicme  il  congra- 
tule un  homme  de  qualité  fur  fon  élévation  à  l'Epifcopat  ,  & 
l'exhorte  à  travailler  à  la  défenfe  &  au  bien  de  l'Eglife.  Les 
deux  fuivantes  ne  contiennent  rien  de  remarquable  :  elles 
font  fuivies  de  quatre  Lettres  adrelTécs  à  Philippe  par  quel- 
ques-uns de  fes  amis.  Ce  font  des  queftions  propofées  à  Phi- 
lippe 


DE  BONNE  -  ESPÉRANCE.  Ch.XVIIT.  28p 
lippe  fur  la  manière  donc  la  chair  de  Jcfus-Chrift  a  été  exempte 
de  tout  péché.  Il  y  répondit  par  les  Lettres  5  ,  ^  &  7. 

XI.  Fabricius  (a)  met  au  nombre  des  Lettres  de  Philippe  LettreauPa- 
de  Bonne- Efpérance,  celte  qu'on  trouve  dans  le  iecond  Tome  p^  Alexandre 
du  Spicilege  (l>) ,  adrelTée  au  Pape  Alexandre  III  :  mais  il  efl: 
viliblc  quelle  lui  fut  écrite  par  Philippe,  Abbé  de  l'Aumône, 
&  non  de  Bonne- Elpcrance  ,  qui  fut  un  de  ceux  qui  s'em- 
ployèrent le  plus  à  le  faire  reconnoître  pour  Pape  légitime  , 
tant  en  France  qu'en  Angleterre.  AufTi  cette  Lettre  fait-elle 
mention  de  celle  que  ce  Pape  écrivit  à  Henri ,  Roi  d'Angle- 
terre, &  que  Philippe  lui  avoir  préfentée  lui-même.  On  ne 
voit  nulle  part  que  Philippe  de  Bonnc-Efpérance  ait  été  en 
relation  avec  Alexandre  III  à  l'occafion  du  fchifmc  de  l'Anti- 
pape Victor  ;  au  lieu  que  Philippe  de  l'Aumône  sintérefTa  vi- 
vement à  le  faire  finir,  comm.c  on  l'a  dit  dans  l'article  d'Ale- 
xandre III.  Ce  qui  a  trompé  Fabricius  ,  efl  que  Philippe  de  . 
Bonne-Efpérance  avoir  aufTi  le  furnom  de  \  Aumône  ,  non  à 
caufe  du  titre  de  fon  Abbaye ,  mais  de  fes  largefTes  envers  les 
Pauvres. 

XII.  Ce  ne  fut  qu'après  des  infiances  réitérées  de  la  part  commentai- 
de  fes  amis,  que  Philippe  entrepric  de  commenter  le  Canti-  rede Philippe 
que  des  Cantiques.  Il  fcavoit  que  les  anciens  &  les  nouveaux  ^"'  '^  Cann- 
Interprètes  avoient  travaille  a  développer  le  vrai  iens  de  ce 
Livre  ,  &  il  ne  le  croyoit  pas  en  état  d'ajouter  à  leurs  re- 
cherches. Il  fe  rendit  toutefois  ,  &  donna  le  Commentaire 
qu'on  lui  demandoit.  Philippe  envifage  le  Cantique  des  Can- 
tiques dans  le  même  fens  que  tous  les  Feres  de  l'Eglife  ont 
fait ,  c'ell-à-dire  comme  un  Epithalame  fpirituel  ,  où  Salo- 
mon ,  conduit  par  l'Efpric  de  Dieu  ,  décrit  fous  les  termes  ufi- 
tés  dans  les  mariages  ordinaires  ,  l'union  facrée  de  Jefus- 
Chrifl  avec  fon  Eglife  ,  &  fon  alliance  éternelle  avec  nous 
dans  le  myfîere  de  l'Incarnation.  Il  ne  doute  point  que  ce 
Cantique  ne  foie  de  Salomon  ;  &  il  penfe  qu'il  efl  poflérieur  en 
date  aux  Livres  des  Proverbes  &  de  l'Eccléfiafle.  Ce  Commen- 
taire eCt  divifé  en  fix  Livres. 

XIIÏ.  Philippe  en  compofa  fept,  de  moralités  ou  de  réfle-  Moralités  fur 
xions  morales  fur  le  même  Cantique  ;  en  forte  qu'il  a  expii-  le  même  Can- 
que  fuivant  le  fcns  allégorique  «&:  félon  le  fens  moral.  Il  a  ^"^"^^^'  ^j^/' 
commenté  dans  le  même  goût  le  fongc  de  Nabuchodonofor.      bucliodonofor 

(/')Fabric.  Toi»,   y.  Bil/liot,Latia.i 

Tome  XXllU  Oo 


2po  PHILIPPE 

Livre  du  fa-  XIV.  Dans  le  Livre  intitulé  :  Du  falut  du  premier  Homme  ^ 
lutdu  premier  jj  ç  propofc  cectc  Queftion  ;  Que  faut-il  penfer  du  falut  du  pre- 
J44.  mier  Homme ,  puiiqu  il  eit  conltant  par  1  licnture  qu  il  a  pé- 

ché mortellement ,  &  qu'on  ne  lit  pas  qu'il  en  ait  fait  péni- 
tence ?  Il  répond  qu'il  paroît  par  le  témoignage  du  Prophète 
ofèetx.     Ofée  ,  &  par  le  Livre  de  la  SagefTe,  que  Dieu  ,  par  un  effet 
Sap.  10.     ^g  |-^  miféricorde ,  a  fait  rentrer  le  premier  Homme  dans  fon 
devoir  en  lui  infpirantdesfentimens  de  pénitence  j  que  tel  efl 
auiïi  le  fcntiment  de  faint  Auguftin,  &  telle  la  dodrine  de  tou- 
te l'Eglife  ;  que  quand  on  dit ,  par  oppofition  à  l'obéiffance 
de  Jefub-Chrift  jufqu'à  la  mort ,  qu'Adam  a  été  défobéiffant 
jufqu'à  la  mort ,  cela  ne  doit  s'entendre  que  de  la  more  tem- 
C«;.  14,1?,  P^""^^^^  •  ^^'^^  qui  n'exclut  pas  les  fcntimens  de  péftitence 
f.  3î8 ,  35P.  avant  qu'on  la  fubiffe  :  comme  elle  ne  les  exclut  pas  dans  un 
homme  condamné  au  dernier  fupplice  pour  caule  de  vol  ou 
Cap,  ^j,p.  d'homicide.  Philippe  allègue  au(fi  en  faveur  du  falut  d'Adam 
3<S0'  les  témoignages  de  faint  Grcgoire-le-Grand  &  de  faint  Chry- 

foftôme;  &  ajoute  qu'une  des  raifons  de  condamner  les  En- 
cratites  ou  Tatianifles  étoit,  félon  S.  Auguflin ,  qu'ils  croyoient 
qu'Adam  étoit  damné. 
Traité  de  la  XV.  Avant  quc  de  fe  décider  fur  le  falut  de  Salomon  , 
Sabmon"  t  Philippe  de  Bonne-Efpérance  rapporte  tout  ce  qui  eft  dit 
jôi  o/w/l.  '  dans  l'Ecriture  à  l'avantage  &  au  défavantage  de  ce  Prince  ; 
d'un  côté,  fa  fageffe,  fes  lumières,  fon  application  à  faire 
fleurir  le  culte  de  Dieu  ,  &  lui  bâtiflant  un  Temple  magni- 
fique :  de  l'autre,  fon  amour  déréglé  pour  les  femmes ,  mêrrte 
étrangères  :  fon  attachement  au  culte  des  Idoles  ,  tel  ,  qu'il 
leur  fit  conftruire  des  Temples.  Il  remarque  enluite  qu'il  n'eft: 
rien  dit  de  fa  pénitence  dans  les  Livres  faints;  qu'il  n^  eft 
pas  dit  non  plus  que  Dieu  lui  ait  fait  miféricorde  ;  que  parmi 
les  Pères  de  l'Eglife,  Origenes,  faint  Auguflin  ,  faint  Gré- 
goire-le-Grand  ,  faint  Fulgcnce,  Pafchale,  Diacre  de  l'E- 
glife Romaine ,  le  Vénérable  Bede  ,  &  plufieurs  autres ,  ont 
penfé  défavantageufement  de  la  fin  de  Salomon  ;  qu'au  con- 
traire Bacchiarius  ,  dont  nous  avons  un  Livre  de  la  Foi  , 
adreffé  au  Pape  Sirice  ,  ou  à  Anaftafe  ,  publié  au  fécond 
Tome  des  Anecdotes  de  Muratori ,  enfeigne ,  dans  fa  Lettre 
à  Janvier,  que  Salomon  a  fait  pénitence  (a)  ,  &  obtenu  le 
pardon  de  les  fautes  ;  &  il  confirme  fon  fentimenr  par  ce 

(  O  Fulbert  de  Qiartres ,  daasfa  Lettre  8i ,  cite  ce  quedh  Bacchiarius  i^  ce 
fujet. 


DE   BOiNNE-ESPÉRANCE.CH  XyiII.       ipi 
qui  cft  die  diins  l'Ecriture ,  que  Salomon  après  la  mort  fut 
enterre  avec  les  Pcres  dans  la  Cite  de  David  :  honneur  que 
l'on  rcfula  à  plufieurs  Rois  impics,  en  particulier  à  Achaz  ; 
mais  ce  raifonncment  ne  paroît  pas  concluant  à  Philippe  , 
puilque  de  très-mauvais  Rois,  comme  Roboam ,  Abias ,  Ocho- 
îlas ,  AmaHas ,  furent  aufli  inhumés  dans  la  Cité  de  David  , 
ou  de  Jcrufalcm.  Ce  Livre  apologétique  de  Salomon  citoic 
un  endroit  du  treizième  Livre  de  faint  Jérôme  lut  le  Pro- 
phète Ezéchiel ,  où  ce  Père  difoit  :  Salomon  a  péché  8c  offen- 
îé  Dieu  ,  mais  il  en  a  fait  pénitence.  Philippe  répond  que  fi 
ce  Père  a  pcnfé  ainfi  ,  &:  appuyé  fon  fentiment  de  ce  partage 
du  Livre  des  Proverbes  :  Dans  mes  derniers  jours  j'ai  fait  pé- 
nitence ,  &  confidérè  que  je  devais  vivre  félon  la  difdpUne  , 
cVft  qu'il  avoit  fuivi  quelques  anciens  exemplaires  des  Pro- 
verbes ,  où  ces  paroles  fe  trouvoient  ;  m,iis  qu'ayant  lui-même 
traduit  ce  Livre  d'Hébreu  en  Latin  ,  il  l'avoit  fupprimé ,  parce 
qu'il  ne  fe  lifoit  pas  dans  l'original  ;  enfin  qu'il  n'ell  pas  dans 
nos  Bibles ,  &  qu'il  ne  s'accorde  pas  avec  ce  que  ce  même 
Interprète  a  dit  de  Salomon  dans  fes  autres  Ouvrages.  Phi-    ^'^i-  3îî  »  ' 
lippe  rejette  comme  fabuleux  ce  que  les  Juifs  ont  écrit  de  la  ' 
pénitence  &  du  falut  de  Salomon  ,  &  prend  le  parti  de  fouf- 
crire  au  jugement  que  les  faints  Pères  cités  ci-defTus  en  ont 
porté. 

XV.  Il  examine  dans  le  Traité  fuivant ,  intitulé  :  De  la  ,^''^''}^^^ '* 
dignité  des  Clercs^  lequel  des  deux  Ordres  établis  dans  l'E-  cfer«,f.j8>. 
glife,  celui  des  Clercs  ,  &  celui  des  Moines,  eft  le  plus  di- 
gne, &  commence  par  l'examen  du  premier  ,  parce  qu'il  efl: 
le  plus  ancien.  Il  fixe  l'époque  du  Sacerdoce  à  Aaron  ,  non  ^'*^  î- 
qu'il  n'y  eût  des  Prêtres  avant  lui ,  mais  parce  qu'il  efl:  le  pre- 
mier que  Dieu  ait  honoré  de  cette  dignité.  Ceux  qui  l'ont 
eue  avant  lui ,  fe  l'étoient  donnée  eux-mêmes  ;  du  moins  on 
ne  fçait  par  quelle  autorité  ils  pofledoient  le  Sacerdoce.  L'E- 
criture ne  dit  rien  de  la  manière  dont  Melchifédech  avoit  été 
fait  Prêtre  du  Très-Haut.  Eléafar,  fils  d'Aaron  ,  fur  nommé 
Prêtre  par  le  choix  de  Dieu  même  :  &  lorfque  Moyfe  dit  dans  op.  8, 
le  Lévitique  ,  que  celui-là  offrira  au  Seigneur  en  qualité  de 
Prêtre  ,  qui  aura  de  droit  fuccédé  à  fon  père  dans  le  Sacerdo- 
ce ,  il  fait  voir  qu'outre  la  fucceffion  paternelle ,  l'cledion  de 
Dieu  intervenoit.  C'efl  pourquoi  Moyfe  ne  fçachant  qui  fuc- 
céderoit  dans  le  Sacerdoce  à  Aaron  fon  frère  ,  eut  befoin 
de  confuker  Dieu  là-deflfus  :  &  ce  fut  en  confcquence  qu'au 

Ooij 


292  PHILIPPE 

lieu  de  nommer  l'un  des  deux  aînés  d'Aaron ,  il  ne  nomma 
que  le  rroifiémc.  11  en  ufa  de  même  dans  le  choix  de  fon  Suc- 
cefleur  dans  le  gouvernement  du  Peuple  d'Ifracl  ;  quoiqu'il  eût 
des  enfans ,  il  choifit  Jofué  fils  de  Nun. 

0/>.  1.  XVI.  Ce  qu'étoient  Aaron  &  fes  fils  pour  le  miniftcre  du 

Tabernacle,  les  Clercs  le  font  aujourd'hui  par  rappcrt  au 
miniftere  de  l'Eglile.  Aaron  repréfcntoit  les  Evêques  ;  les 
enfans ,  les  Prêtres ,  qui  confacrent  de  leur.bouche  le  Corps  de 
Jefus-  Chrifl ,  &  le  donnent  à  manger  aux  Fidèles.  Dans  la  Loi 
nouvelle  comme  dans  l'ancienne  ,  c'cft  Dieu  qui  choifit  les 

Cap.  Il ,  iz.  Miniflres  de  fon  Eglife  ;  Jefus-Chrift  choifit  les  Apôtres,  & 
tous  ceux  qu'il  employa  à  TApodolat  vc'efi  le  Saint-Efpric 

3ui  c'tablit  les  Evêques  pour  gouverner  les  Eglifcs  :  aucun  ne 
oit  s'ingérer  dans  ce  degré  d'honneur  ;  il  doit  être  élu.  Phi- 
lippe fe  plaint  que  de  fon  temps  l'on  voyoic  des  Eglifes  plei- 
nes de  Chanoines ,  &  qui  manquoient  de  Diacres  &  de  Prê- 
tres ;  enforte  qu'il  falloit  recourir  à  des  Vicaires  mercenaires 
pour  faire  les  fondions  de  ces  deux  Ordres  :  qu'on  en  con- 
noiflToit  d'autres  qui  ne  fe  faifoient  ordonner  que  pour  parve- 
nir aux  dignités  Eccléfiafiiques ,  qui  demandoient  qu'on  fût 
dans  les  Ordres  avant  que  de  les  obtenir  j  que  dans  les  Mo- 

Caf.ii^xj.  nafteres  mêmes  il  fe  trouvoit  des  Religieux  qui ,  pour  y  oc- 
cuper un  rang  plus  diflingué  ,  defiroient  d'être  promus  aux 
Ordres ,  &  fe  donnoient  des  mouvemens  pour  y  arriver.  Il  blâ- 
me les  uns  &  les  autres  y  8c  généralement  tous  ceux  qui ,  dans 
leur  promotion ,  fuivent ,  non  la  volonté  de  Dieu  ,  mais  la 
leur.  Il  pafie  de  l'élcdion  des  Clercs  à  leur  habillement ,  dont  il 
fait  le  détail. 

Cap.  î3.  XVII.  Enfuite  il  traite  de  la  fcience  des  Clercs ,  &  mon- 

tre par  un  grand  nombre  de  paflages  de  l'Ecriture  qu'ils 
doivent  furtout  s'appliquer  à  l'intelligence  des  Livres  faints , 

Cff'  ^î.  en  s'y  préparant  par  la  prière.  Il  croie  qu'un  travail  modéré 
eft  utile ,  même  aux  Clercs  occupés  à  l'étude  ,  foir  pour  la 
confervation  de  leur  fancé ,  foit  à  caufe  qu'après  cectc  elpcce 
de  didlpation  on  retourne  à  l'étude  avec  plus  d'ardeur. 

Ca;.  jj.  XVIII.  A  la  fcience  il  veut  qu'un  Clerc  joigne  la  judice , 

c'efi-à-dire  la  charité,  parce  que  la  fcience  lans  la  charité 
caufe  de  l'orgueil ,  &  n'édifie  point  ;  &:  qu'il  vive  dans  une 

Cap.  ^6,  exa£le  continence  fuivant  les  Loix  de  l'Eglife.  Philippe  vient 
enfuite  à  la  quefiion  qu'il  s'étoit  propolée  d'abord  ;  fçavoir  , 
fi  la  qualité  de  Clerc  eil  fupérieuce  à  celle  de  Moine.  Il  opine 


DE   BONNE-ESPÉRANCE.  Ch.  XVIII        195 

pour  la  première  ,  &  prouve  fon  fcntimenc  par  la  dignité  des  Cap,s)^» 
fondions  attachées  à  la  Cléricature,  &par  le  témoignage  de 
ininr  Jérôme,  &  de  plufieurs  anciens  Kcrivnins. 

XIX.  Les  deux  Traités  qui  ont  pour  titre:  De  fohéijfance     Traité  de 
&  du  ftknce  des  Clercs^  peuvent  convenir  à  toutes  fortes  de ''^''^'il^"'^^ 

,.'.  .,.  '"  j  .-  .  ,,,     &  du  Silence, 

conditions.  L Auteur  traite  ces  deux  iuiets  avec  tant  de-;.48y, J4J. 
tendue ,  &  Il  peu  de  luite  ,  qu'il  n'ert  gucrcs  pofTlble  d'en 
donner  un  précis.  Il  n'y  dit  d'ailleurs  rien  que  de  très-com- 
mun. 

XX.  Ses  autres  Ecrits  font  une  Vie  de  faint  Auguflin  ,  viedcsSaînts, 
Evcque  d'Hyppone  ;  celle  de  faine  Amand  ,  Evcque  d'U-f'^^S"  ^/«'«'' 
trechc,  rapportée  au  fixiéme  de  Février  dans  Bollandus;  les 
Actesdu  martyre  de  S.  Cy  rie  &  de  Sainte  Julitte  famcrc,  dont 
reconnoît  la  faulTeté  ;  l'Hiftoire  de  la  Tranflarion  de  faine 

Cyric  au  Monaftere  de  Saint  Amand  ;  les  Aftesdela  Pafllon 
de  faint  Salvien  &  de  faint  Foillan  ;  la  Vie  de  faint  Guillain  ; 
celles  de  faint  Landelin  ,  réimprimée  à  Douai  en  1 642 ,  m-8". 
de  fainteOde,  Vierge,  que  les  Bollandifles  ont  donnée  au  20  '■ 
d'Avril;  celle  de  fainte  Waldetrude,  &  le  martyre  de  fainte 
Agnès  en  Vers  élégiaques. 

XXI.  Ses  autres  Poéfies  font  prefque  toutes  en  Vers  de  la     Poéfies  de 
même  efpece.  Il  compofa  un  Poëme  fur  la  deflrudion  de  Pl^ii'ppe. 
Rome  ;  un  fur  une  femme  accufée  d'adultère  par  fon  mari , 
quoiqu'elle  fût  innocente  ;  un  à  la  louange  de  Samfon  ;  TEpi- 

taphe  du  Pape  Urbain  III ,  celles  d'Hugues  de  Chartres,  qui 
fe  trouve  auffî  dans  les  Bollandiftes  au  vingtième  de  Mai  ; 
de  faint  Anfelme  de  Cantorberi  ,  de  Lanfranc  ,  de  faint 
Bernard ,  de  Pierre  Abaillard  5  &  de  quelques  autres  Per- 
fonnages  qui  s'étoient  rendus  célèbres.  Philippe  fît  encore 
des  Epigrammes  fur  des  fujets  de  piété ,  fur  le  Myftere  de 
rincarnation  ,  l'adoration  des  Mages ,  &  la  triple  demeure 
des  Juftes  ,  Tune  dans  l'air ,  la  féconde  fous  la  terre ,.  la  troi- 
lieme  dans  le  ciel  ;  quelques  autres  fur  des  matières  indiffé- 
rentes ,  comme  fur  la  roue  de  la  fortune  ,  fur  la  langueur  des 
Arts  par  le  défaut  d'argent  ;  lur  le  cara£lere  d'une  mauvaife 
femme,  fur  le  riche,  le  pauvre ,  l'avare  ;  des  Logogryphes  & 
des  Enigmes. 

XXII.  Philippe  avoir  de  l'érudition.  Son  flyle  eft  aifé  ;  Jugementde 
mais  fes  fréquentes  digrc-ffions  énervent  fon  difcours,  &  font       '^'"^' 
perdre  de  vue  au  Lefteur  l'objet  principal  de  la  queflion. 

XXIII.  Adam,  EcolTois  de  nation,  de  l'Ordre  de  Pré-  Adam,Eçoft 


25>4  PHILIPPE 

fois,  derOf-  montré,  fut  Abbé  ou  Evêque  de  Cafe-Blanchc  en  ÊcofTe. 
dre  de  Pré.  ^'eft  cout  cc  quc  1  on  fçaic  de  fa  vie.  D'EcofTe  il  pafTa  en 

montre.  _  ^    -i  o  v       i»  jn-  /    j 

Ses  Ecrits.  France  ,  OU  il  mourut  en  iioo  ,  après  s  être  diitingue  dans 
fon  Ordre  par  fa  piété  &  fon  fçavoir.  Nous  avons  de  lui  un 
Commentaire  fur  la  Règle  de  faint  Auguflin  ,  un  Traité  des 
trois  Tabernacles ,  un  autre  des  trois  genres  de  contempla- 
tion, &  quarante-fept  Sermons  fur  diverfes  Fêtes  de  l'année, 
îe  tout  imprimé  à  Anvers  en  i6<)^  chez  Pierre  Bélier.  Le 
Prologue  fur  les  Sermons  en  annonce  cent.  Il  en  refte  donc 
encore  cinquante-trois  qui  n'ont  pas  été  mis  fous  la  Preffe. 
Cafimir  Oudin  s'étoit  propofé  de  les  rendre  publics ,  avec 
quelques  autres  qu'il  jugeoit  par  le  ftylc  être  du  même  Au- 
teur: mais  il  n'a  point  exécuté  fon  deffein.  Il  nous  apprend, 
feulement  que  cesDifcours  regardoient  particulièrement  l'Or- 
dre de  Prémontré  ;  que  les  uns  avoient  été  prononcés  dans 
des  Chapitres  généraux  ,  les  autres  à  l'éleftion  de  quelque 
Abbé  ,  quel:jues-uns  dans  les  viiîtes  de  Monafteres,  d'autres 
les  Fêtes  &  Dimanches  (  en  préfence  de  la  Communauté.  ) 
Oudin  s'étoit  encore  propofé  de  publier  le  Soliloque  de  l'A- 
me ,  compofé  par  le  même  Adam.  Dom  Bernard  Pez  lui  a 
donné  place  dans  la  féconde  partie  du  premier  Tome  de  fes 
Anecdotes. 
SonSoHlo-       XXÎV.  L'Ouvrage  eft  divifé  en  deux  Livres,  &  dédié 

quedeiAme.  ^^^  ^^,^^^^  ^  Rcligicux  de  S.  André  en  Ecoire(^).  Il  eft  en 

Cap.  I.  forme  de  Dialogue  ,  où  la  Raifon  fait  l'oftke  d'Interlocutrice 

avec  l'Ame.  Adam  fait  voir  dans  le  premier  Livre  que  l'écat 

Caf.  i.  Religieux  n'eft  pas  exempt  de  tentations,  parce  que  la  vie  de 

l'homme  ,  en  quelque  état  qu'il  foit,  fur  la  terre  ,  eft  une 
guerre  continuelle  ,  où  il  faut  vaincre  pour  être  couronné  ; 
que  a  les  tentations  font  plus  vives  dans  la  R^eligion  que  dans 
le  Monde,  c'eft  que  l'ennemi  fe  venge  de  ce  que  par  l'état 
Religieux  l'on  a  fecoué  fon  joug ,  au  lieu  qu'il  exerce  mieux 
fon  domaine  fur  les  perfonnes  du  Monde  ;  enfin  que  la  Re- 
ligion fournit  des  armes  plus  fortes  que  le  Monde  pour  fur- 
roonter  les  tentations  du  Démon ,  fçavoir  la  prière  ,  le  chant 
desPfeaumes,  la  méditation  des  faintes  Ecritures ,  Thumble 
confeffion  des  péchés. 

0/>.  3.  XX  V.  Une  autre  peine  de  Tétat  Religieux ,  mais  particu- 

lière à  l'Ordre  de  Prémontré  ,  c'eft  qu'en  certains  jours  tous 


{^d)  Pez.  T<vw.  i  ,  Anesd.ftrt.  1 ,  /».  3J7,  Liv.  \, 


DE   BONNE-ESPÉRANCE.  Ch.  XVIir.        295 
crant  aflTemblcs  au  Chapitre  ,  l'Abbc  ou  le  Supérieur  prcfcnt , 
les  Religieux:  fe  proclament  mutuellement  &  découvrent  de- 
vant toute  l'A ffemblée  des  fautes  qui ,  fans  cette  proclama- 
tion ,  ne  feroient  peut-être  connues  que  de  celui  qui  les  pro- 
clame ,  &  de  celui  qui  les  a  commiles.  L'Ame  fe  plaint ,  &  du 
peu  de  compaiïion  que  l'Abbé  témoigne  en  cette  occafion  ,  & 
du  manciue  de  chaiité  dans  les  Proclamatcurs.  Adam  ,  lous 
Je  nom  de  la  Railon ,  répond  qu'en  cela  les  Frères  n'agiflcnt 
point  par  haine  ,  ni  par  aigreur  ,   mais   par  un  motif  de 
charité  &  d'amour  :  leur  but  étant  de  fe  corriger  mutuel- 
lement ,  afin  qu'il  n'y  ait  rien  en  eux  qui  déplaiie  à  Jefus- 
Chrifl  ;  qu'au  refte  il  y  a  de  la  témérité  à  acculer  de  dureté 
l'Abbé,  qui  ne  témoigne  une  fi  grande  attention  à  écouter  les 
fautes  de  fes  Religieux ,  que  pour  les  en  abfoudre  avec  connoif- 
fance  de  caulc. 

XXVI.  Mais ,  dit  l'Ame ,  les  Supérieurs  commandent  tant  co/».  4. 
de  chofes,  qu'à  peine  peut-on  les  retenir  :  ils  commandent 

ce  qu'ils  ne  font  pas  ,  &  fouvent  fuivant  leur  caprice ,  &  non 
félon  la  raifon  ;  ils  commandent  des  chofes  dures  &  diffici- 
les ;  ils  mettent  fur  les  épaules  des  autres  des  fardeaux  pe- 
fans,  qu'ils  ne  voudroient  pas  toucher  du  bout  du  doigt.  lî 
y  a  ,  répond  la  Raifon  ,  de  la  préfomption  à  approfondir  les 
intentions  &  la  vie  des  Supérieurs  y  SL  il  faut  fçavoir  que 
leurs  préceptes  font  les  préceptes  de  Dieu ,  dont  ils  tiennent 
la  place ,  &  de  qui  ils  ont  reçu  leur  autorité. 

XXVII.  Les  autres  peines  qu'Adam  s'obje£te,  font  la  clô-  cap,$,j,  g; 
ture,  &  les  permillîons  qu'il  faut  demander  pour  en  fortir  ,  9 -"'■.ii- 
même  pendant  une  heure;  la  lenteur  dans  léchant  des  Pfeau- 

mes  &  des  Offices  divins  ;  le  travail  des  mains ,  que  l'on  re- 
garde comme  moins  convenable  à  des  perfonnes  qui  font 
dans  les  Ordres  facrés ,  &  occupées  des  fciences  ,  qu'à  des 
gens  de  la  campagne  ;  l'abftinence  de  îa  viande  y  les  veilles 
de  la  nuit,  le  filence  continuel.  Il  répond  que  la  précipita- 
tion dans  le  chant  des  Offices  feroic  une  marque  que  nous 
n'honorons  Dieu  que  du  bout  des  lèvres  ;  &  que  félon  l'avifi 
de  faint  Auguftin  ,  nous  devons,  lorfque  nous  prions  Dieu  , 
avoir  dans  le  cœur  ce  que  nous  proférons  de  bouche  ;  que- 
le  travail  des  mains  efl  utile  au  corps  &  à  l'ame  ,  à  celle-ci 
pour  éviter  l'oifiveté  ,  au  corps  pour  la  fanté  ;  que  l'abdi- 
nence  de  la  viande  eft  du  nombre  des  vertus  prefcrites  par  la 
Règle  ,  &  qu'il  eft  mal  de  fe  plaindre  de  la  privation  d'ua 


2^6  PHILIPPE 

aliment,  pendant  qu'on  ufe  de  tous  les  autres  ;  qu'il  n'y  a 
pas  lieu  de  fe  plaindre  des  veilles  ,  lorfque  l'on  a  foin  de  fe 
coucher  aux  heures  prefcritcs  ;  que  le  filence  eft  néceflaire  à  la 
coniervation  de  la  Religion ,  de  la  paix  &  de  la  juftice. 
LîTtefeconJ,        XXVIII.  Le  fecond  Livre  efl  une  explication  de  la  for- 

'■  ^^'^'  mule  de  profeflîon  ulirée  dans  l'Ordre  de  Prémontré  ;  elle 

eft  conçue  en  ces  termes  :  »  Je  m'offre  &  me  donne  à  l'E- 

C<*f.  J*  „  glife  de  Dieu  ,  &  promets  la  converfion  de  mes  mœurs  8c 

»  la  fiabilité  dans  ce  lieu  ,  félon  l'Evangile  de  Jefus-Chrifl: 
«  &  l'inditution  Apofloliquc  ,  fuivant  la  Règle  canonique  de 
>j  faint  Auguftin.  Je  promets  auiïi  l'obéiflance  Jufqu'à  la  mort 
«  au  Supérieur  de  cette  Eglife  &  à  fes  Succeffeurs ,  que  la 
j>  plus  faine  partie  de  la  Congrégation  aura  choifls  canoni- 
»■>  quement".  Adam  dit  que  la  converfion  des  mœurs  con- 
fifte  à  fe  corriger  de  fes  défauts ,  quels  qu'ils  foient ,  8c  à  ac- 

cxp.  2.  quérir  les  vertus  oppofées ,  &  toutes  celles  de  fon  état  *,  que 

le  vœu  de  ftabilité  dans  une  même  Maifon  oblige  à  y  de- 
meurer jufqu'à  la  mort  fans  en  changer  ;  que  fon  avis  n'efl: 
pas  que  l'on  en  change  pour  aller  dans  une  autre  ,  à  raifon 
d'une  plus  grande  perfcâion  ,  &  d'y  mener  une  vie  plus  pé- 
nitente ;  qu'il  y  a  toutefois  des  cas  où  il  efl:  permis  de  quitter 
fa  Maifon  de  Profeffion  ,  comme  lorfqu'on  eft  élu  canoni- 
qucment  ^ont  en  gouverner  une  autre  ,  &  que  l'éledion  s'eft 

^^  faite  du  confentement  de  l'Abbé.  Il  met  le  vice  de  propriété 

au  rang  des  grands  péchés ,  &  cite  ce  qui  en  eft  dit  dans  la 
Règle  de  Saint  Benoît.  A  l'égard  de  l'obéiflance  promife  à 
l'Abbé  ,  il  veut  qu'elle  foit  fans  bornes  ,  fi  Ce  n'eft  que  la 
chofe  commandée  foit  contraire  à  la  Loi  de  Dieu.  Par  la  plus 
faine  partie  qui  doit  décider  d'une  cleûion  canonique ,  il 
entend ,  non  le  plus  grand  nombre  des  Elc6leurs,  mais  ceux 
qui ,  quoiqu'on  plus  petit  nombre  ,  font  ccnfés  avoir  plus  de 
connoiiïance  de  la  vérité,  plus  d'amour  de  la  vertu  ,  l'inten- 
tion plus  droite  ,  &  mieux  connoître  les  qualités  du  Sujet 
qu'on  doit  ciirc.  Parlant  de  la  confeflîon  des  péchés,  fon  fen- 

^'f-^'  timent  eft  que  les  Religieux  doivent  la  faire  à  leur  Abbé, 

fans  que  la  crainte  d'en  être  trop  connus  puifle  les  en  détour- 
ner. Il  recommande  l'amour  mutuel  entre  les  Prélats  &  leurs 
Religieux  ,  difant  qu'il  n'y  a  rien  de  plus  néceflaire  dans  la 
Religion.  A  l'égard  des  prières  particulières  ou  des  autres 
œuvres  de  pieté  &  de  dévotion  ,  il  les  croit  permifes ,  pourvu 
que  l'on  rempliffe  exa£lement  tous  les  exercices  qui  fe  font  en 
commun.  CHAPITRE 


C  -p.  6. 


2P7 


CHAPITRE     XIX. 


ï. 


Jean ,  Diacre  de  l'Eglife  de  Latran. 

IL  étoit  intéreffant  pour  l'Hiftoire  de  l'Eglife  Romaine 
que  l'on  en  connût  les  ufages  {a).  Divers  Ecrivains  en 
firent  des  recueils  avant  les  neuvième  &  dixième  fiecles  ;  & 
c'eft  à  leurs  foins  que  nous  devons  la  connoiflance  de  l'Ordre 
ancien  de  la  Mefle  Pontificale  dans  cette  Eglife,  des  céré- 
monies du  Baptême  folemnel  ,  des  Ordinations  facrées ,  & 
des  Rits  de  l'Oificc  divin.  Dom  Mabillon  fit  imprimer  en 
1689  plufieurs  de  ces  anciens  Ordres  Romains,  avec  ceux 
qui  furent  compofés  depuis  le  douzième  fiecle  par  les  Cardi- 
naux Cencius  &  Gaétan  ,  &  par  Pierre  Amelius.  Pour  ne 
rien  laifler  à  defirer  fur  cette  matière  ,  il  a  joint  plufieurs 
fragmens  tirés  des  Eclogues  d'Amalaire  fur  l'Office  de  la 
Mefle,  &  du  Livre  de  Jean  ,  Diacre,  fur  l'Eglife  de  Latran. 
Il  a  été  parlé  d'Amalaire  ,  &  des  autres  Ecrivains  Liturgi- 
ques ,  dans  les  Volumes  précédens  ;  il  faut  dire  ici  quelque 
çhofe  de  Jean ,  Diacre. 

IL  II  fe  dit  lui-même  (^)  contemporain  d'Anaftafe  IV  j 
élu  Pape  au  mois  de  Juillet  1 1 5  5  ,  &  il  remarque  qu'il  étoit 
çréfent  lorfqu'Anaftafe  confacra  l'Autel  fous  l'invocation  des 
laintes  Vierges  Ruffine  &  Seconde  ,  Martyres  ,  &  qu'il  y  mit 
leurs  reliques  ,  qu'il  avoir  trouvées  avant  qu'il  fût  élevé  fur  le 
Saint  Siège.  Jean ,  Diacre,  vivoit  encore  fous  Alexandre  III , 
qui  gouverna  l'Eglife  Romaine  depuis  1159  jufqu'en  1181- 
Ce  fut  à  ce  Pontife  qu'il  dédia  fon  Livre  de  l'Eglife  de  La- 
tran. Il  l'avoit  compofé  par  fes  ordres  ,  &  par  l'obéififance 
qu'il  devoir  au  Prieur  des  Chanoines  de  cette  Eglife  ,  du 
nombre  defqucls  il  étoit.  L'archive  de  cette  Bafilique  lui  four- 
nit des  Mémoires  :  mais  il  y  ajouta  beaucoup  de  chofes  dont 
il  avoit  été  témoin  depuis  vingt  ans  qu'il  étoit  Chanoine  de 
Latran ,  &  d'autres  qu'il  avoit  apprifes  de  ceux  qui  l'avoient 
été  avant  lui  j  par  exemple  ,  ce  qui  regardoit  la  tranflation 
des  Reliques  des  faints  Chryfante  &  Daria  ,  &  l'invention  de 


f  <i)  Mabih.  Tom.  1  Huft(i  Italich 

Tome  XXlll. 


{ b  )  Caf.  1 1 ,  p.  j 70  >  t't"-  1  Mufai  Italici, 
PP 


DîrcK  ordres 
de  la  Meflê , 
rapportés  par 
Dom  Mabil- 
lon. 


Jean ,  Diacre 
de  l'Eglife  de 
Lattan. 


298  JEAN, 

celles  des  faintes  RuiBne  &  Seconde  ,  de  faînt  Cyprîen  &  de 
fainte  Juftine. 
Livre  de  l'E-      III.  11  appelle  l'Eglife  de  Larran  Vatriarchak  &  Impériale  ; 
giife  de  La-  ^  jj^  q^g  le  Pape  Sylvcf!re  la  confacra  folemnelicmcnt  ,  ce 
Iran,/).  î6o.  ^^,^^  ^^  faifoit  pas  auparavant  ;  qu  Hélène,  mère  de  Con- 
^'Z.'  ïfi4.       fîantin  ,  l'enrichit  de  fon  tréfor  ,  c'eft-à-dire  de  ce  qu'elle 
avoit  tranfporté  de  Jérufalem  ,  fçavoir  l'Arche  d'alliance,  les 
fept  Chandeliers  qui  étoient  dans  le  Tabernacle  ,  la  verge 
d'Aaron  ,  celle  de  Moyfe ,  les  Tables  du  Teftamcnt ,  le  linge 
avec  lequel  le  Sauveur  avoit  efluyé  les  pieds  de  fes  Apôtres, 
la  Tunique  fans  couture  que  Marie  fa  mère  lui  avoit  faite  y 
la  Robe  de  pourpre  dont  on  le  revêtit  à  fa  PaflTion  ,  deux 
phioles  remplies  du  fang  &  de  l'eau  qui  forcirent  de  fon  côté  y 
&  beaucoup  d'autres  Reliques,  que  l'on  conferve  dans  la  mê- 
me Eglife  ;  une  image  d'or  repréfentant  Jefus-Chrift  &  fa 
fainte  Mère  ,   &  d'autres  d'or  &  d'argent  qui  repréfentenc 
faint  Jean-Baptifle  ,  8c  les  Apôtres  faint  Pierre  &  faint  Paul  ^ 
routes  faites  par  ordre  &  félon  les  defTeins  de  l'Empereur 
Conftantin.  Jean,  Diacre,  a  tiré  la  plupart  de  ces  faits  de  la 
donation  de  Conftantin  ,  &  des  Ades  de  faint  Sylveftre  ;  pie« 
ces  fans  autorité. 
Pi»f.  ^66 'i3      IV.  Venant  à  la  Liturgie  en  ufage  dans  la  Bafilique  de  La- 
/'"'*'•  tran  ,  il  remarque  qu'à  la  MelTe  on  ne  dit  point  le  troifieme 

Agnm  Dei,  où  l'on  demande  la  paix  à  Dieu  ,  parce  que  cette 
Eglife  cftla  figure  de  l'Eglife  célefte,  où  Jefus-Chrill  fera  la 
paix  de  tous  les  Jufles.  Que  dans  tous  les  Offices  on  récite 
rOraifon  Dominicale  ,  fuivant  qu'il  éroit  d'ufage  dans  la  pri- 
mitive Eglife  ;  que  dans  la  fuite  on  y  a  ajouté  d'autres  Col- 
lettes ,  qui  dans  l'Eglife  de  Latran  ne  peuvent  être  chan- 
tées que  par  le  Pape ,  ou  par  les  fept  Evêques  qui  font  à  fes 
côtés  ;  qu'il  n'y  a  auffi  que  le  Pape  qui  puifTe  célébrer  la  MefTe 
fur  le  Maître- Autel ,  ou  quelqu'un  des  fept  Evêques -Car- 
dinaux qui  fervent  par  femaines  ;  qu'il  y  a  dans  le  Chœur 
des  Chanoines  un  Autel  de  fainte  Marie-  Magdeleine ,  dans 
lequel  le  Pape  Honorius  III  renferma  le  corps  de  cette  Sain- 
te, mais  fans  la  tête.  Jean  fa.c  la  defcription  de  cet  Autel ,, 
&  de  tous  les  autres  qui  font  dans  cette  Baiilique  ,  &  entre 
dans  le  détail  des  Reliques  qui  y  rcpofent.  Il  fait  auffi  le  dé- 
morabrement  des  vafes  &  ornemens  précieux  que  le  Pape 
Sergius  III  mit  dans  le  Tréfor  de  l'Eglife  de  Latran  ,  après 
qu'U  l'eut  rebâtie  de  fond  en  comble  quelque  temps  avant 


DIACRE  DE  L'EGLTSE  DE  LATRAN.  Ch.XIX.  299 
l'an  5?ii ,  auquel  il  mourut.  Elle  avoit  été  dépouillée  aupa- 
ravant par  les  Parciians  de  Jean  1 X  ,  ufurpatcur  du  Saint 
Siège. 

V.  Jean  ,  Diacre ,  rapporte  les  Statuts  drefifés  par  Pierre  ,    Conftùutions 
Cardinal ,  Archiprctre  ,  Adminiftratcur  &  Commcndatairc  SrLt'rfn''»! 
de  l'Eglile  de  Latran,  &  confirmés  par  le  Pape  Grégoire  ,  J76  (?/>">'. 
pour  la  réformation  de  cette  Eglile  ,  tant  dans  le  temporel    Po"«"  l'Office 
que  dans  le   fpirituel.  Les  premiers  règlent  la  manière  de 
célébrer  l'Office  divin ,  le  nombre  des  Mcfifes  de  chaque  jour, 

&  dans  les  Solemnités,  la  rétribution  pour  le  Célébrant,  le 
Diacre  &  le  Soûdiacre  ,  le  Luminaire.  Ifs  permettent  que 
dans  les  mois  de  Juillet ,  d'Août  &  de  Septembre ,  les  Cha- 
noines, à  caufe  de  l'intempérie  de  l'air,  fafTent  chanter  la  pre- 
mière &  même  la  féconde  Meffe  par  des  Bénéficiers  ,  & 
ordonnent  que  tant  les  Chanoines  que  les  Bénéficiers,  Aco- 
lytes &  Chapelains  tenus  au  Service  du  Chœur  ,  occupe- 
ront par  moitié  les  uns  la  droite ,  les  autres  la  gauche ,  & 
que  tous  entreront  au  Chœur  avant  que  Ton  ait  fini  le  der- 
nier coup  ,  ou  du  moins  avant  la  fin  de  l'Introït ,  fi  c'efl: 
pour  la  MefTe  ;  ou  du  premier  Pfeaume  ,  fi  c'eft  pour  les 
Heures  de  l'Office  ,  avec  défenfe  de  fortir  que  l'Office  ne 
foit  achevé ,  fous  peine  d'en  être  punis.  Ils  prefcrivent  aufli 
les  différentes  fortes  d'habits  pour  l'hyver  &  pour  l'été.  Ils 
ordonnent  encore  l'exécution  exa£te  des  Fondations  faites  ou 
à  faire  dans  la  même  Eglife  ,  fous  peine  d'amende  pécuniaire 
contre  ceux  qui  en  auront  été  chargés  par  le  Vicaire. 

VI.  Les  Statuts  fuivans  défendent  de  montrer  les  Reli-    Po"rI«Re* 
ques  fans  la  permiflion  du  Vicaire  ou  du  Chapitre ,  fi  ce  n'efl        ''^' 
aux  jours  marqués  pour  cela ,  &  d'en  donner  à  perfonne 

fans  l'agrément  du  Pape  ,  ou  du  Cardinal  -  Archiprêtre  de 
Latran.  Cette  défenfe  eft  fous  peine  d'excommunication  par 
le  feul  fait.  Pour  obvier  aux  abus ,  ils  ordonnent  que  les  (la- 
tuts,  les  privilèges  ,  les  inventaires  ,  les  fceaux  de  î'Eglife  & 
du  Chapitre ,  feront  enfermés  fous  trois  clefs ,  de  même  que 
les  Reliques ,  dans  la  Sacriftie  où  l'on  met  la  Table  du  Sei- 
gneur ,  c'eft-à-dire  une  corbeille  où  ,  félon  le  Cérémonial 
d'Amelius  (  a  ) ,  l'on  confervoit  l'Euchariftie  pour  les  Mala- 


(*)  Dcinde  idem  Cardinalis  habet  in- 
cenfare  Altare  &  copliinum  in  quo  ferva- 
tur  Corpus  Chrifti.  Âmeiu'S  ,  Ord.  Rom. 
t«n$.  Z  Mufxi  Jtatici  ,  p.  47},  cap.  |l. 


Ad  Magnificat  Papa  accedit  ad  Altare  ,  & 
thurificatur ,  &  cophinum  ubi  ftat  Corpus 
Chrifti.  IbiJ.  cap.intf.szu 

Ppij 


500  RAOUL   LE   NOIR, 

des.  Il  efl  dit  enfuite  que  le  nombre  des  Chanoines  de  La- 
tran  fera  toujours  de  dix  -  huit ,  avec  une  Prébende  pour 
chacun ,  outre  celle  du  Cardinal  Adminiftrateur  ;  qu'il  y  aura 
dans  la  même  Eglife  vingt-deux  Bénéficiers  ,  dont  quatorze 
feront  Prêtres. 

VII.  Il  eft  fait  mention  au  fécond  Chapitre  du  Pape  Ale- 
xandre IV,  élu  au  mois  de  Décembre  1254,  &  ^on  le  25; 
de  Mai  126^1  ,  &  au  Chapitre  onzième  du  Pape  Boniface 
VIII ,  qui  fut  facré  au  mois  de  Janvier  1 2p  5  ,  &  mourut  le 
1 1  d'Oàobre  1 303.  Ce  qui  fait  voir  que  le  Livre  de  l'Eglife 
de  Latran  par  Jean  ,  Diacre  ,  n'eft  pas  abfolument  dans  le 
même  état  qu'il  eft  forti  des  mains  de  Jean ,  Diacre ,  &  que 
l'on  y  a  ajouté  plufieurs  chofes. 


CHAPITRE      XX. 

Raoul  le  Noir ,  Moine  de  Saint-GermeK 


kN"oir,  I.  f^  Et  Ecrivain  a  mérité  les  éloges  de  tous  ceux  quî  onr 
de  s.        v^^  lu  fon  Commentaire  fur  le  Lévitique.  Il  étoit  Moine 


Kaoul  kNoir 

Mome  de  S.        v^_y  ^  ion  i^ommentairc  lur  le  Levitique. 

de  l'Abbaye  de  Saint-Germer  de  Flaix  ,  Ordre  de  Saint  Be- 
noît ,  dans  le  Diocèfe  de  Beauvais ,  &  vivoit  ,  félon  Albcric 
de  Trois-Fontaines  {a)  ,  dans  le  douzième  fiécie.  hQs  Ou- 
vrages qu'on  lui  attribue ,  font  une  Explication  du  Lévitique  ^ 
un  Commentaire  fur  le  Cantique  des  Cantiques  ,  un  fur  les 
Epîtres  de  faint  Paul,  une  Hifloire  de  France,  &  une  Chro- 
nique. Si  ce  Commentaire  fur  le  Cantique  des  Cantiques  efl: 
le  même  que  l'on  a  imprimé  quelquefois  parmi  les  Œuvres  de 
faint  Grégoire-le-Grand ,  il  eft ,  non  de  Raoul  le  Noir  (&)  , 
mais  de  Raoul ,  Abbé  de  Fontenelles  ,  ou  de  faint  Wandril- 
le  ,  ou  bien  de  Robert  de  Tomblaine,  Abbé  de  Saint  Vidor 
de  Bayeux.  Les  autres  Ouvrages  attribués  à  Raoul  le  Noir 
ne  font  pas  venus  jufqu'à  nous.  Il  ne  nous  refte  que  ce  q.u'il  a 
fait  fur  le  Lévitique  ;  voici  quelle  en  fut  l'occafion. 
Commemaîre  II.  Etant  en  converfation  avec  fes  Confrères  (c),  quel- 
fur  le  Léviti-  qu*un  propofa  les  motifs  de  l'entêtement  des  Juifs  dans  leur 
^  "  ^.  ' 

(a)  AiBER.  tiJ  an,  1 157.  1      (c)  Tom,  17.  Bitliot,  Fat,  Edit,  Lngti. 

(t)  Fo;aTif»,  17,  f.  351,  If.  48. 


MOINE  DE  SAINT-GERMER.  Ch.  XX.  301 
Religion  ,  &  les  argumcns  dont  ils  fe  fcrvoient  pour  com- 
battre les  vérités  de  TEglile  Catholique.  Quelques-uns  com- 
battirent leurs  motifs  &  leurs  argumens  ;  d'autres  en  furent 
ébranles ,  &  feroient  demeurés  dans  l'incertitude  de  laquelle 
des  deux  Religions  ils  dévoient  embrafTcr  ,  s'ils  n'euffent  fait  ^g^'^"'"'^"'»''' 
attention  à  l'autorité  de  l'Eglife  ,  dont  ils  avoient  fucé  la 
doctrine  avec  le  lait.  Raoul  gémit  de  ces  perplexités  ;  & 
voyant  qu'elles  avoient  leur  lource  dans  l'ignorance  du  vrai 
fcns  des  divines  Ecritures ,  il  crut  qu'il  devoit  s'appliquer  à 
les  leur  développer.  En  effet ,  quoique  la  vérité  de  notre  Re- 
ligion foit  bien  conftatéc  ,  &  par  les  miracles  de  Jcfus-Chrift 
&  de  fes  Apôtres ,  &  par  le  fang  que  tant  de  Martyrs  ont 
répandu  pour  lui  rendre  témoignage ,  le  principal  argument 
de  la  Foi  Chrétienne  fe  tire  de  l'accompriliemcnt  des  prophé- 
ties de  l'Ancien  Teftamcnt  ;  dans  le  Nouveau  ,  où  l'on  a  vu 
s'accomplir  en  Jefus  -  Chrift  ce  qui  avoir  été  dit  de  lui  par 
les  Prophètes  mille  ans  auparavant.  Ceû  auffi  l'argument 
dont  fe  fert  l'Apôtre  faint  Pierre  dans  fa  féconde  Epître  , 
où  il  dit  ;  Nous  avons  les  oracles  des  Prophètes ,  dont  la  certi- 
tude' ejl  maintenant  plus  affermie  par  l'événement ,  auxquels  vous  ^^'  ^'"''  ^^ 
faites  bien  de  vous  arrêter ,  comme  à  une  lampe  qui  luit  dans 
un  lieu  obfcur ,  jufqu'â  ce  que  le  jour  commence  à  vous  e'clui- 
rer  y  &  que  r Etoile  du  matin  fe  levé  dans  vos  cœurs.  Raoul 
prouve  par  un  grand  nombre  d'exemples  tirés  des  prophé- 
ties d'Ifaïe  ,  de  Jérémie ,  d'Ezéchiel ,  &  des  autres  Livres  de 
l'Ancien  Teftament ,  que  les  myfleres  de  la  Religion  Chré- 
tienne ont  été  annoncés ,  non-feulement  par  les  oracles  des 
Prophètes  ,  mais  encore  par  différentes  figures  ,  qui  étoienc 
comme  les  ombres  de  la  vérité.  Ces  figures  lui  paroifTant 
beaucoup  plus  enveloppées  dans  le  Lévitique  ,  que  dans  les 
autres  Livres  de  Moyfe  ,  il  choidt  ce  Livre  exprès  ,  pour 
montrer  que  tout  ce  qui  efl;  dit  du  Tabernacle  &  des  Sacrifi- 
ces y  étoit  figuratif ,  &  s'ell  accompli  réellement  dans  h  Loi 
nouvelle. 

IIL  Ce  Commentaire  eft  divifè  en  vingt  Livres.  Raoul  ^•^^Tî"^5^ 

j  j  I  •  •  T  •  i-»*-^     1.        ,  ,  taire  elt  divife 

donne  dans  les  cinq,  premiers  Livres  1  explication  de  ce  en  20  Livres.} 
qu'on  Ik  du  Tabernacle  dans  le  Livre  de  l'Exode  &  dans  Livres  1,2  ?,, 
celui  du  Lévitique ,  &  fait  voir  par  le  témoignage  de  faint  ''  '  î- 
Jean,  &  de  faint  Paul  dans  l'Epître  aux  Hébreux,  qu'il  étoit 
la  figure  du  Corps  de  Jefus-Chrifl.  Il  applique  aux  différen- 
tes cicronflances  de  fa  Paflion  ce  qui  efl  dit  des  hofties  que 


?a' 


'o^  RAOUL   LE   NOIR, 

la  Loi  ordonne  d'ofFrir  au  Seigneur  ;  &  parce  (JUe  JeruS- 
Chrift  étoit  en  même  temps  Viftime  Se  Sacrificateur  ,  il  en 
trouve  la  figure  dans  les  Fils  d'Aaron ,  dont  en  effet  il  defcen- 
doit  félon  la  chair ,  étant  né  également  de  la  race  royale  félon 
David ,  &  de  la  facerdotale  félon  Aaron. 
lÀTcKit  7.      IV.  Dans  les  fixiéme  &  feptiéme  Livres  il  donne  le  fens 
allégorique  &  moral  des  cérémonies  de  la  confécration  d'Aa- 
ron &  de  fes  Fils  ;  de  la  défenfe  faite  à  ceux-ci  de  pleurer  la 
mort  de  leurs  frères  ,  &  de  boire  du  vin  avant  que  d'entrer 
dans  le  Tabernacle  ;  de  l'ordre  qui  leur  eft  donné  de  man- 
ger ce  qui  refte  des  hoflies  offertes  ,  &  de  brûler  le  Bouc  of- 
fert pour  le  péché.  Il  demande  pourquoi  toutes  les  cérémo- 
nies qui  regardent  la   confécration  d'Aaron  &  de  fes  Fils  , 
font  rapportées  dans  l'Ecriture  avant  leur  confécration  mê- 
me ,  &  répond  qu'il  étoit  convenable  que  les  Prêtres  fuffent 
informés  de  ce  qui  regardoit  le  culte  du  Tabernacle  ,  avant 
d  être  établis  dans  leurs  Offices  ;  comme  on  n'élevé  dans  l'E- 
glife  à  l'Epifcopat  que  ceux  qui  font  inftruics  de  la  manière 
dont  ils  doivent  inftruire  les  Peuples.  Il  remarque  que  la  con- 
fécration d'Aaron  devoir  fe  faire  en  préfence  du  Peuplé  af- 
femblé  à  la  porte  du  Tabernacle ,  &  dit  que  c'eft  de-là  qu'efl 
venue  la  coutume  de  demander  le  contentement  du  Peuple 
pour  l'éleflion  des  Evêques  ,  comme  l'Eglife  imite  encore 
dans  l'ondion  faite  fur  la  tête  du  Grand-Prêtre  Aaron  ,  & 
fur  les  mains  des  fimples  Prêtres ,  celle  qu'elle  fait  fur  la  tête 
des  Evêques  &  fur  les  mains  feules  des  Prêtres. 
Livres 8,  j,      V.  Lcs  diverfes  occupations  de  Raoul  l'obligèrent  à  dif- 
*"'  ^'-        continuer  fon  Ouvrage  ,  &  il  mit  entre  la  fin  du  feptiéme 
Livre  ,  &  le  commencement  du  huitième ,  un  intervalle  de 
plus  de  trois  ans.  Il  continue  dans  celui-ci  &  les  fuivans  l'ex- 
plication de  ce  qui  eft  dit  dans  le  LévitiqUe  ,  des  animaux 
mondes  &  immondes ,  des  différentes  fortes  de  lèpres  ,  de  la 
purification  des  Lépreux  ,  &  de  diverfes  autres  incommo- 
dités ,  dont  la  connoiffance  étoit  réfervée  aux  Prêtres  ,  & 
donne  fur  tout  cela  des  fens  myftiques  &  moraux. 
Livre  11.  VI.  Il  montre  dans  le  dixième  que  le  Pontife  ancien ,  qui 

entroit  une  fois  l'année  dans  le  Saint  des  Saints  portant  du 
fang  des  animaux  qu'il  offroit  pour  lui-même  ,  &  pour  les  igno- 
rances du  Peuple  ,  étoit  la  figure  de  Jefus-Chrift  qui  eft  en- 
tré dans  le  Sanûuaire  ,  non  avec  le  fang  des  boucs  &  des 
veaux ,  mais  avec  fon  propre  fang.  L'application  étoit  auffi 


MOINE  DE  S.  GERMER.  Ch.  XX.  303 

facile  que  folide  ,  fainr  Paul  l'ayant  faite  dans  fon  Epître  "^*''9.'*' 
aux  Hébreux.  Raoul  applique  de  même  à  Jclus-Chrift  &  à 
fon  Eglife  ce  qu'on  lit  dans  le  feizicmc  Chapitre  du  Lcviti- 
que.  Raoul  nous  fait  remarquer  que  la  défenfe  d'offrir  des  l;„ç 
victimes  ailleurs  qu'à  la  porte  du  Tabernacle ,  a  été  faite  pour 
cmpcxher  le  Peuple ,  qui  droit  encore  charnel,  de  fe  choifir,pour 
offrir  des  hoftics  ,  d'autres  lieux  que  celui  qui  ctoit  defliné 
de  Dieu  ,  &  le  détourner  auffi  d'inventer  à  fa  fantaifie  de 
nouvelles  Divinités ,  comme  il  le  fit  dans  la  fuite.  Il  ajoute  , 
conformément  à  la  dodrine  des  faints  Pères ,  que  le  Taber- 
nacle du  Dieu  de  Jacob  efl  l'Eglife  ,  &  le  lieu  fe^l  où  il  foîc 
permis  de  lui  facrificr  ;  ainfi  tout  homme  qui  fouffre  hors  de 
l'unité  de  l'Eglife  {d)y  peut  bien  fouffrir  ,  mais  ne  peut  être 
regardé  comme  Martyr.  A  l'occafion  de  la  défenfe  faite  par 
la  Loi  de  Moyfe  ,  de  manger  du  fang  ,  Raoul  examine  fi  les 
âmes  des  bctes  font  corporelles  ,  &  ce  qu'on  doit  penfer  de 
celle  de  l'homme  :  celles-là  font  dans  le  fang,  &  celle-ci  pa- 
roît  y  être  aufîl ,  puifque  Phommc  a  une  chair  qui  eft  le  prin- 
cipe ,  s'il  cfl  permis  de  le  dire  ainfi ,  de  la  végétation  de  foo 
ame.  Il  trouve  beaucoup  de  difficulté  à  réfoudre  cette  quef- 
non  :  mais  s'attachant  à  ce  qu'en  ont  dit  les  faints  Pères ,  it 
décide  d'après  eux  que  Tame  de  l'homme  eff  immortelle  & 
incorporelle  ,  parce  que  foa  corps  étant  mort  &  divifé  en  par- 
ties ,  elle  ne  meurt  pas  8c  ne  fouffre  aucune  divifion.  A  l'é- 
gard de  l'ame  des  bêtes _,  il  dit  que  ,  fuivant  l'Ecriture,  elle 
meurt  avec  le  corps  -,  que  par  le  nom  d'ame  ,  elle  entend  la 
vie  de  la  bête ,  qui  eff  en  effet  dans  le  fang ,  Se  fubliff c  par  le 
fang. 

VII.  Il  explique  trés-ctaîreraent  tous  les  dégrés  de  con- tîvre  rj.nï?, 
fanguinité  dans  lefqucls  la  Loi  de  Moyfe  défend  decontra-"*' 
der  mariage ,  &  répond  à  ce  qu'on  pouvoit  objctler  que  Ja- 
cob avoit  époufé  les  deux  foeurs  ;  que  ces  fortes  de  mariages 
n'étant  pas  alors  défendus,  ne  pouvoient  être  imputés  à  pé- 
ché. Dans  le  Prologue  du  quatorzième  Livre  ,  il  diffingue Livre i+i. 
les  Livres  de  TEcriture  en  diverfes  claffes,  hiftoriques,  pro- 
phétiques ,  paraboliques  ,  &  moraux.  Il  dit  des  Livres  de 
Tobie ,  de  Judith  &  des  Machabées  ^  qu'encore  qu'on  les^ 
iifc  pour  l'indrudion  de  l'Egliie ,  ils  n'ont  point  une  autorité 


(  d  )  Juxtà  Pâtrum  fententiam ,  quifquis  |  pati  poteft.  Martyr  fierinon  poteft.RAi 
urà  Ecclelîx  unitatem  pautur ,  panas  l  Lib.  1 3 ,  caf,  1,. 


extra 


304  RAOUL   LE   NOIR, 

parfaite.  Le  Chapitre  premier  du  dix-huitiéme  Livre  eft  fur 
î'Antechrift  ,  qu'il  croit  défigné  par  ces  paroles  du  Léviti- 
que  :  Un  homme  né  eFune  femme  Ifraélite  &  d'un  Egyptien  pav 
mi  les  en/ans  d'I/rael ,  entra  dans  le  Camp  ,  <ir  prit  querelle 
avec  un  Ifraélite.  Raoul  conclut  de  ce  texte  que  l'Antechrift 
naîtra  de  parens  Eccléfiaftiques ,  xju'il  recevra  les  Sac  remens 
de  la  Foi  parmi  les  enfans  de  l'Èglife  ,  qu'il  y  fera  élevé  aux 
honneurs  Eccléfiaftiques ,  après  avoir  trompé  par  un  extérieur 
de  piété  ceux  de  qui  il  fera  ordonné  ;  qu'enfin  tirant  vanité 
du  premier  degré  d'honneur  auquel  il  fera  parvenu  ,  il  s^élè" 
u.  Thejfai.  vera  au-defjhs  de  ce  qui  efl  appelle  Dieu  ,  ou  qui  efl  adoré ^  vou- 

-  »  ♦•  lam  lui-même  pajfer  pour  Dieu  ,  félon  que  le  dit  faint  Paul, 

Il  rapporte  grand  nombre  de  paflages  tirés  des  Prophètes 
Ifaïe ,  Ezéchiel ,  Daniel ,  &  autres  Ecrivains  facrés ,  qui  peu- 
vent être  appliqués  aux  blafphcmes  &  aux  cruautés  de  cet 
Enfant  de  perdition ,  &  à  la  victoire  que  les  Jufles  jremporte- 
ront  fur  lui. 
Endroits  re-      VIII.  Voici  quelques  maximes  de  morale  établies  dans  le 

marquabies    Commentaire  de  Raoul.  L'innocence  (e)  que  l'on  acquiert 

dans  ce  Com-  ,  'i'  t    •  r  iji 

mentaire.      par  le  renoncement  aux  pèches  ,  doit  renfermer  la  douleur 
de  les  avoir  commis  *,  il  ne  fuffit  pas  même  d'y  avoir  renon- 
.    ce  ,  il  faut  en  faire  une  pénitence  convenable  ,  &  les  pleurer 
lors  même  que  nous  fommes  occupés  de  bonnes  œuvres.  Ce- 
lui qui  efl  dans  le  deflein  de  faire  du  mal  (f)  ,  pèche  par  la 
feule  volonté  qu'il  a  de  le  faire  :  mais  il  efl  bien  plus  coupa- 
ble lorfqu'il  accomplit  fon  mauvais  delTein.  Celui  qui  fait  la. 
confeffion  de  fes  péchés  (g)  ,  doit  la  faire  entière ,  déclarant 
au  Seigneur  toutes  les  fautes  qu'il  peut  fe  rappellcr.  Si  elle 
n'eft  point  accompagnée  de  gémiffemens  intérieurs  ,  &  de 
bonnes  œuvres ,  il  eft  incertain  fi  elle  fera  reçue  de  Dieu. 
On  en  voit  plufieurs  qui  fe  confefTent  par  la  crainte  de  la 
mort,  mais  qui  étant  revenus  en  fanté  ,  retombent  dans  les 
mauvaifcs  habitudes  auxquelles  ils  avoient  renoncé;  lorfqu'ils 
s'en  accuicienr  ,  le  ConfcfTeur  dont  les  yeux  ne  pouvoient 
pénétrer  dans  l'intérieur ,  n'étoit  pas  en  état  de  juger  s'ils  dé- 
teftoient  fincérement  les  crimes  dont  ils  s'accufoient ,  &  s'ils 
ne  les  confefToient  que  par  la  crainte  de  la  mort  ;  mais  tou- 
tes chofes  font  connues  de  Dieu.  Saint  Auguftin  dit  dans  un 


(  e  )  Lib.  î  ,  m;.  3.  I      (^ )  i^''^'  "*e-  7' 

{f)Uid.cap.s.  I 

de 


PIERRE    COMESTOR,&c.  305 

de  Tes  Sermons  :  »  Quiconque  fc  trouvant  à  iVxtrcmité  ,  dc- 
f)  mande  la  pénitence  ,  on  la  lui  nccorde  ;  il  la  reçoit  ,  on 
))  le  réconcilie  ,  il  meurt.  Je  vous  avoue  que  je  ne  lui  refLilc- 
»  rai  pas  ce  qu'il  demande ,  mais  je  n'ai  pas  la  préibmption 
»  de  vous  dire  qu'il  cft  lorti  de  ce  monde  en  bon  état.  Vou- 
»  lez-vous  vous  ôtcr  le  doute  d'une  bonne  ou  mauvaile  mort? 
»  Faites  pénitence  tandis  que  vous  êtes  en  lantc.  Au  refle  , 
»  ce  n'eil:  point  au  pécheur  {h)  à  décider  de  la  fatisfadion 
w  qu'il  doit  pour  les  péchés  ;  c'eft  au  Prêtre  à  la  lui  impofer  , 
n  &  le  Pénitent  doit  l'accomplir  en  la  manière  qu'elle  lui  cft 
»  ordonnée. 

IX.  Raoul,  pour  rendre  fon  Commentaire  plus  exa£l,  rc-  J"ff^''"'^ î*" 
court  quelquefois  au  Texte  hébreu  (?)  ,  &  à  la  Verfion  des  de  Raoul. 
Septante;  &  dans  les  endroits  obicurs  il  y  répand  de  la  lu- 
mière par  quelques  paflages  des  autres  Livres  de  l'Ecriture , 
qui  ont  du  rapport  avec  la  même  matière.  Il  emprunte  aufli 
quelquefois  les  pcnfées  &  les  exprefTions  des  anciens  Pères , 
fur  tout  de  faint  Auguftin  &  de  faint  Grcgoire-le-Grand. 

«^^VN«  ur^^o  cr^^N*  u'-i^^j  «y'^^f^^  ur^r^j  «^-^N«  i^^h^  •«'■^^^ 

CHAPITRE     XXI. 

Fierre  Comejlor  ,  Chancelier  de  l'Eglife  de  Paris. 

I.  /^  Uelques-uns  fe  font  fauflement  imaginé  qu'e  Pierre  Pierre  Come- 
V_-i.  Comeftor  étoit  frère  de  Pierre  Lombard ,  appelle  le  c)°VÈgiife  de 
Maure  des  Semences ,  &:  de  Gratien ,  que  l'on  regarde  comme  Troyes  ,  & 
le  Prince  dcsCanoniftes,  à  caufe  de  fon  Décret;  mais  on  fçalt  ?'^i"p^1y'^j 
que  le  premier  étoit  Lombard  de  naiflance ,  l'autre  Tofcan ,  né  paris. 
à  Cludum  ou  Chiufi  ;  &  Pierre  Coraeftor ,  François  d'origine. 
La  commune  opinion  le  fait  naître  à  Troyes  en  Champagne, 
Etant  encore  jeune ,  il  fut  admis  dans  le  Clergé  de  cette  Ègli- 
ie ,  &  fait  enfuite  Doyen  de  la  Cathédrale.  Celle  de  Paris  le 
choifit  pour  fon  Chancelier  en  116^,  &  le  chargea  de  l'Ecole 
de  Théologie.  Comeflor  la  gouverna  {a)  jufqu'en  i  i6p  qu'il 
la  laiiïa  à  Pierre  de  Poitiers,  mais  fans  abandonner  fa  qualité 
de  Chancelier. 


(b)  ^hid.  cap.  9.  I       (,j)  Chronic,  Alberic,  ad  an,  1 1 69  ,  (ag, 

(  i  )  ÎJb.  f  ,  ctp.  4.  f5  ai,. 6,  cap.  I,        l  3  j  j. 

Tome  XXIIJ,  Q  q 


^o6  PIERRE    COMESTOR, 

Sa  mort  en      IT,  Surla  fin  de  fes  jours  il  fe  retira  en  l'Abbaye  de  Saint 
1178.  Vidor  ,  où  il  mourut  en  1178  ,  félon  qu'il  eft  dit  dans  la 

Chronique  de  Robert  (b)  ,  Chanoine  de  Sa.nt  Marien  d'Au- 
xcrre,  qui  ajoure  que  Comeftor  difpofa  ,  par  [on  Teftament, 
de  tous  les  biens  en  faveur  des  Pauvres  &  des  Eglifes.  11  fut 
enterré  à  S.  Vider ,  où  l'on  voit  encore  fon  Epitaphe  en  quatre 
vers  hexamètres  ,  qui  nous  apprennent  qu'il  fut  turnommé 
Comejîor  j  c'cft-a-dire  Manieur ,  furnom  dont  on  ne  connoîc 
pas  bien  la  raifon.  Celle  qu'en  donne  Tritheme  (c)  n'eft  pas 
vraifemblable.  Pierre  fe  fit  une  grande  réputation  par  îba 
fçavoir ,  furtout  dans  les  matières  de  Théologie.  Il  efl;  parlé  de 
lui  comme  d'un  des  plus  habiles  Dodeurs  de  fon  temps  ,  dans 
la  Lettre  de  Pierre,  Cardinal  de  S.  Chryfogone ,  au  Pape 
Alexande  III,  &  dans  Vincent  de  Bcauvais  (d). 
Ses  Ecrits.  ju,  Ses  Ouvrages  furent  en  effet,  reçus  du  Public  avec  un 
Scholaftigue.  applaudiflfement  prefque  général ,  furtout  fon  Hiftoire  Scho- 
laftique  ,  &  pendant  plus  de  trois  fiécles  elle  fut  regardée 
comme  ce  qu'il  y  avoit  de  plus. parfait  en  ce  genre.  C'eft  une 
Hiftoire  iuivie  depuis  le  commencement  de  la  Géncie  ,  jui- 
qu'à  la  fin  des  Ades  des  Apôtres  ,  c'cft-à-dire  jufqu'a  la  fé- 
conde année  du  féjour  de  faint  Paul  à  Rome ,  qui  revient  à 
l'an  65  de  Jcfus-Chrift.  Comeftor  entreprit  ce  travail  aux  in- 
ftances  de  fes  amis ,  qui  n'étant  pas  contcns  de  la  Gloiïe  lur 
l'Ecriture-fainte,  lui  demandèrent  une  explication  plus  claire 
&  plus  fuivie  du  Texte  de  l'Ecriture.  Il  prit  pour  guides  les 
anciens  Interprètes ,  peu  inquiet  de  flatter  les  oreilles  par  des 
nouveautés.  Son  Hiftoire  en  dédiée  à  Guillaume  ,  Archevê- 
que de  Sens  :  elle  fut  donc  écrite  avant  l'an  1 176  ,  auquel 
Guillaume'  paiïa  de  l'Archevêché  de  Sens  à  celui  de  Rheims  , 
après  avoir  pofiedé  celui  de  Sens  depuis  l'an  1169. 
iJée  âe  cet      jy^  Pierre  donne  d'abord  le  texte  de  l'Ecriture ,  puis  l'ex- 

Ouvrage.  i.        .  ^i-'i  /vu/         .  „/-  u- 

,  pucation ,  tani-ot  htterale  ,  tantôt  allégorique ,  &  iouvent  nroi- 
f,r9.°?  ^"■'*  traire.  Il  mêle  à  fes  explications  diveiles  opinions  des  Philofo- 
phes&  des  Théologiens  de  fon  temps,  fur  le  Ciel  empyrée  ,  les 
quatre  é^émens,  la  formation  du  Monde  ,  fur  l'efprit  qui  ét©ic 
porté  fur  les  eaux  ,  que  Platon  penfoit  être  l'ame  du  Monde  ; 
iur  le  firmament  qui  nous  paroît  en  forme  de  voûte.  Par  la 
divifion  de  la  lumière  d'avec  les  ténèbres,  il  entend  la  lépa- 
ration  des  bons  Anges  d'avec  les  méchans,  &  cite  d'après  les 

(h)  Ad  an.  1178,  C?  BnUus ,  Hiflor,  j       (c)  TriTH    Je  Script.  Ecclef.  c.   3.80, 
Uiiiverfiiat.  Parif.p.'i'ii,faciU,'i,  f     (./)  VjNCînt.  «</ 11  Ji, 


CHANCEL.  DE  L'EGL.  DE  PARIS.  Ch.  XXI.  307 
Hébreux,  que  Lucifer  fut  fait  Diable  le  fécond  jour  ;  à  quoi 
il  rapporte  rufagc  où  Ton  ctoit  en  quelques  Eglifes  de  célé- 
brer tous  les  Lundis  une  MefTc  en  l'honneur  des  Anges  qui 
avoient  perlcvéré  dans  la  juflice.  Il  délapprouve  le  ienni- C'»;'.4« 
ment  de  Platon  fur  la  formation  de  1,'homme.  Ce  Philolo- 
phe  diloit  que  Dieu  avoit  créé  l'ame  ,  mais  que  le  corps  d'A-  Cap.  u. 
dam  étoit  l'ouvrage  des  Anges.  Pierre  croit  que  Dieu  ,  en 
formant  les  corps ,  crée  en  même  temps  les  âmes  qui  doivent 
les  animer. 

V.  11  cite  fouvent  le  texte  hébreu ,  &  les  divcrfes  vcrfions    ^^'  '^* 
qui  en  ont  été  faites  ,  à  commencer  par  celle  des  Septante,  de 

faint  Auguilin,  Méthodius ,  &  quelques  autres  Pères  de  l'E-  f■'|^4}^J^» 
glife;  Jolephe  THiftorien  ,  dont  il  rapporte  plufieurs  hiftoi-      ^^* 
res ,  entr'autres  que  la  ftatuc  de  fel  en  laquelle  la  femme  de 
Loth  avoit  été  changée ,  fubfiftoit  encore  de  fon  temps  ,  & 
qu'il  l'avoit  vue  lui-même.  L'Hifloire  du  Livre  de  la  Génefe 
cfl:  diviiee  en  1 1  5  Chapitres.  Comeftor  divife  celle  du  Livre 
de  l'Exode  en  70.  Il  y  fait,  d'après  Pline  le  Naturalifte  ,  la 
defcription  d'Apis '^  Divinité  adorée  en  Egypte,  &  raconte  ,  Cnp.4. 
fur  l'autorité  de  l'Hiftorien  Jofephe ,  que  Pharaon  ayant  mis 
fa  Couronne  fur  la  tête  du  jeune  Moyle  ,  l'enfant  la  jetta  à 
terre  &  la  brifa,  parce  qu'elle  portoic  l'image  d'Hamon  ,  au-  ^'/"•î* 
tre  Divinité  Egyptienne  ;  que  les  Prêtres  voyant  cette  profa- 
nation ,  voulurent  le  tuer,  qu'ils  en  furent  empêché  par  Pha- 
raon même ,  de  l'avis  d'un  des  Sages  de  la  Naiion. 

VI.  Pierre  rapporte  dans  les  autres  Livres  du  Pentateuque 
plufieurs  autres  Hifloires  tirées  de  Jofephe,  qui  ne  fe  lifcnc 
point  dans  l'Ecriture.  Il  y  cite  aufli  les  Traditions  des  Hé- 
breux au  fujet  de  la  double  dixme  qu'ils  payoient  chaque  an- 
née de  tous  les  biens  ,  la  première  aux  Lévites  ,  la  féconde 
quand  ils  alloientauTemblede  Jéruialem  j  ce  qui  arrivoit  trois 
fois  l'année. 

'VII.  Dans  l'Hiftoire  des  Juges  d'Ifraël ,  8c  des  Rois ,  ilcr»;.  i;. 
met  plufieurs  traits  de  l'Hiftoire  profane  ;  les  combats  &  la  Lf^"■'•^^'»^' 
mort  d'Hercule,  l'enlèvement  d'Hélène;  la  prife  de  Troies,  ,7.'Df«.fw/. 
les  vidoires  de  Sufac,  Roi  d'Egypte,  la  conflruclion  de  Pvo-é-  5-  ^f^-/- 
me  par  Remus  &  Romulus  ,  l'enlèvement  des  Sabines ,  g^  lî»-^'"^"''** 
plufieurs  autres.  Il  donne  ordinairement  l'étymologie  des  ter- 
tres propres ,  en  quoi  il  n'eft  pas  toujours  heureux ,  quelquefois 
il  les  prend  d'Ifidore. 

VIII.  Aux  Hiftoires  de  Jofué  ,  des  Juges ,  de  Ruth  ,  8c  Cap.  10,  it. 


3o8  PIERRE    COMESTOR; 

?.  neg.  50;     des  Rois ,  il  joint  celles  de  Tobie  ,  des  Prophètes ,  de  la  cap- 
4.  Re^.is,    tivité  j  de  la  réédification  du  Temple  de  Jérufalcm  ,  de  Ju- 
dith,  d'Eflher ,  quelques  traits  de  THiftoire  des  Romiins  & 
des  Grecs,  qu'il  entremêle  de  celle  des  Macchabées.  On  voie 
par-là  ]uc  Pierre  Comeflor  ne  s'efl  arrêté  qu'aux  Livres  hi- 
ftoriques  de  l'Ancien  Teftament ,  à  l'exception  de  celui  de 
Job  d  nt  il  ne  die  rien.    Il  a  fuivi  la  même  méthode  pour  le 
NjuV'^aj ,  dont  il  réduit  Thifloire  à  ce  qu'on  lit  dans  les  qua- 
tre Evang  les  ,  &  le  Livre  des  Aêles  des  Apôtres  :  mais  de 
temps  en  temps  il  rapporte  quelque  chofe  de  l'Hidoire  des 
Romains  &  des  Juifs,  comme  ayant  trait  à  celle  de  l'Eglife: 
par  exemple ,  à  Toccafion  du  voyage  de  faint  Paul  à  Rome 
par  l'ordre  d'Agrippa  ,  il  parle  de  la  dépuration  des  Juifs  en 
cette  Ville  contre  ce  Prince ,  méconcens  de  ce  qu'il  avoir  éta- 
bli Grand-Prêtre  Ifmacl  ,  quoiqu'il  ne  fût  point  de  la  race 
d'Aaron,  &  donne  d'après  l'Hiftorien  Jofcphe  le  Catalogue 
des  Grands-Prêtres  des  Juifs. 
^  Edîtionsde      IX.  L'accueil  que  l'on  avoit  fait  à  cette  Hifloire  fcholafli- 
Schoiaîrque.  9"^  '  ^^"^"*  appellée ,  à  caufe  de  l'ufage  que- l'on  en  faifoit  dans 
les  Ecoles ,  fit  juger  qu'étant  imprimée ,  elle  auroit  encore  un 
plus  grand  cours.  Elle  fut  donc  une  des  premières  que  l'on 
mit  !ous  la  prefle,  &  on  l'y  remic  fouvent.  On  en  connok 
une  Edition  à  Reutling  en  1471  j  in-fol.  major,  une  autre  à 
Strasbourg  en  1483  &  1502  ;  une  à  Bafle  en  i48<5  ,  in-foL 
une  à  Paris  en  i  5  1 3  ,  in-^".  chc?  Jean  Frellon  ;  une  à  Ha.- 
gucnau  en  1519,  in-jcl.  ;  deux  à  Lyon  en  1 5 1(5  ,  in-^o,  Sc 
1543  >  i}^-^°'  la  dernière  efl:  de  1728  à  Vcnile  ,  elle  eft  dé- 
diée aux  Evêques  du  Concile  qui  fe  tenoit  alors  à  Bénévent. 
Guiars  de  Moulins  la  traduifit  en  françois ,  &  la  fit  imprimer 
en  cette  Langue  [e) ,  fans  date  &  fans  nom  de  lieu  ,  avec  des 
figures  imprimées  fur  des  planches  de  bois .  en  deux  volumes 
itî-fol.  L'Epîrre  dédicatoire  ,  qui  efl  à  Charles  Vllî ,  fait  voir 
que  cette  Edition  françoife  parut  entre  1483  &  145^8  ;  on  la 
réimprima  à  Paris  en  154'). 
Sermons  de      X.  Los  Difcours  de  Pierre  Comcftor  ont  été  d'abord  im- 
Pi^rre  Corne-  primés  fous  le  nom  de  Pierre  de  Blois ,  par  les  foins  de  Jean 
Bufce  à  Mayence  en  1^00  &  1605  ,  fur  un  Manufciit  qui 
lui  avoit  été  envoyé  de  Louvain.  lis  ne  portoient  pas  néan- 
moins dans  ce  Manufcrit  le  nom  de  Pierre  de  Biois ,  mais  en 


(f^  Richard  Simon,  Fow.z,  Hifl.  critiq.  du.  Nûhv.  Tejlam,  {.  1$  'i5  520. 


CH  ANCFL.  DE  LTGL.  DE  PARIS.  Ch.  XXI.  509 
général  celui  de  Maître  Pierre.  Ce  ne  fut  que  par  conjc£ture 
que  Budce  les  aniibua  à  Pierre  de  Blois.  Goufl'ainville  ayant 
tiouvé  le  nom  de  Comeftor  (y)  a  la  tête  de  (ix  anciens  Ke- 
CLcils  de  les  Senvicns ,  n'a  point  douté  qu'ils  ne  fuffcnt  de  lui  : 
c'eft  pourquoi  il  les  a  fupprimés  dans  Ion  Edition  des  Œu- 
vres de  Pierre  de  Blois  ,  publiée  à  Paris  en  1667  ^^'^'^  ^*~ 
mcon  Pigct.  Les  Auteurs  de  la  Bibliothèque  des  Pc  es  ,  à 
Lyon  en  1  6yj  ,  n'en  ont  pas  ufé  de  même  {g  )  :  mais  en  les 
donnant  à  la  iuite  des  Diicours  de  Pierre  de  Blois  ,  ils  ont 
averti  dans  une  Note ,  qu'ils  étoient  véritablement  de  Pierre 
Comeftor. 

XL  Ils  font  au  nombre  de  cinquante  &  un  ,  tant  fur  les  Hyfij'cin- 
Dimanches  que  iur  les  principales  rctes  de  i  année.  Il  y  en  aq.-eis  «n  iont 
trois  fur  les  Dimanches  de  l'Avent  ,  fix  fur  le  Carême ,  dix  esfujets, 
prononcés  dans  des  Synodes ,  deux  aux  Evû%]ues  &  aux  Prê- 
tres, Dans  le  premier  Iur  rAvenr,Comeflor  met  entre  les  li- 
gnes que  Jcfus-Chrift  donna  de  fa  naiOance  temporelle  ,  uni 
fontaine  d'huile  qui  forrir  de  terre  ce  jour  même  à  Rome  ,  & 
prit  fon  cours  vers  le  Tibre ,  &  L  chute  du  Temple  de  la  Scr-n.  i. 
Paix  ;  événement ,  dit-il ,  qui  avoit  été  annoncé  dès  le  temps 
même  que  ce  Temple  fut  condruit  :  car  les  Romains  ayant 
confulcé  fur  fa  durée  i'Oracle  d'Apollon,  il  répondit  :  »Cc 
«Temple  fubfiftera  jufqu'à  ce  que  la  Vierge  enfante".  Dans 
l'onzième  D»fcours ,  qui  eft  le  fécond  fur  le  Carême ,  il  fait 
cette  remarque  :  Il  ell  établi  que  chaque  jour  de  Carême,  les  ^"i^-'^^- 
Frères  ,  avant  de  manger,  lavent  les  pieds  aux  Pauvres,  & 
leur  donnent  à  manger.  Aux  jours  que  l'Eglife  ne  jeûne  pas, 
on  célèbre  l'Office  de  la  Meîle  entre  l'heure  de  Tierce  &  as. 
Sexte ,  étant  convenable  d'offrir  le  Sacrifice  à  l'heure  en  la- 
quelle on  croie  que  Jefus-Chrift  a  été  immolé.  Mais  aux  jours 
de  jeûne ,  on  di.lerre  l'Office  de  la  Meiïe  jufqu'a  None  ,  & 
pendant  le  Carême  julqu'après  None  ,  à  caufe  qu'on  ne  doic 
prendre  fa  ré'eftion  qu'après  Vêpres.  Durant  tout  ce  faine 
temps  on  fufpend  un  voile  entre  le  Chœur  &  le  Peuple  ,  afiii- 
que  ceux  qui  pfqlmodient  ne  foient  point  diflraits  par  des  re- 
gards fur  les  Alfiilin-'.  Pour  exciter  la  piété  des  Fidèles  ,  il 
fe  faifoit  des  Proceffibns  d'une  Eghle  à  l'autre  ;  &  à  Rome  j 
le  Pape  y  affifloit  prefque  chaque  jour  du  Carême  :   mais 
dans  L'S  autres  Eg'iles  ,  l'uiage  a'etoit  pas  uniforme  à  l'é- 


(/)  GousSAiNv,  l'r,t[,ti.!it  Op..ie4yi  Blejenf,     (^)  Tm.  24  :  Uii/lM.Pat.  p.i^Sf,. 


510  PIERRE    COMESTOR, 

Serm.  ij,  gard  de  ces  ProcelFions  :  on  en  faifoit  plus  en  quelques-unes," 
moins  en  d'autres.  Les  Moines  commençoient  le  jeûne  à  la 
Sepruagéfime. 

Serm,  if.  XII.  11  elt  parlé  dans  le  Difcours  fur  le  Dimanche  des  Ra- 

meaux ,  de  la  Rofe  d'or  que  le  Pape  portoic  à  la  ProcefTion. 

Serm.  i6.  Il  eft  dit  dans  le  luivant ,  que  dans  les  premiers  fiécles  de  TE- 
glife ,  tous  ceux  qui  alTifloie.  it  à  la  confccration  de  l'Euchai  iftie 
y  participoicnt ,  que  le  nombre  des  Fidèles  s'crant  augmenté , 
on  fe  contenta  de  les  obliger  à  communier  chaque  Diman- 
che ;  que  la  charité  s'étant  refroidie,  on  ordonna  dans  les  fic- 
elés poftérieurs  ,  que  l'on  communieroit  du  moins  trois  fois 
l'année  ,  à  Pâques ,  à  la  Pentecôte,  à  Noël.  Comeftor  ajoute 
que  de  fon  temps ,  l'ufage  s'introduifit  de  n'approcher  de  la 
Communion  qu'une  fois  Tannée  ;  &  qu'eficore  qu'il  n'y  eût 
pas  là-deffus  de  précepte  de  l'Eglifc  ,  on  ne  pouvoit  fans  pé- 

Serm.  18, 54.  ^^^  ^'^j^  dilpcnfcr.  Il  croit  que  la  fainte  Vierge  efl:  montée 
au  Ciel  en  corps  &  en  ame,  &  que  fa  félicité  furpade  celle 
de  tous  les  Saints.  Dans  le  Difcours  fur  la  Fête  de  tous  les 

em.  33.  §_jij^j5^  il  ^[^  que  1^5  Ames  qui  l'ont  dans  le  Purgatoire  n'ont 
point  de  part  à  cette  folemnité  ,  quoique  du  nombre  des 
Elus  ;  que  les  unes  y  feront  peut-être  julqu'au  jour  du  Juge- 

Serm.  58.  ment ,  d'autres  pendant  peu  de  temps ,  &  quelques-unes  plus 
long-temps  pour  y  être  purifiées  ;  que  dans  le  jour  qui  fuit  cette 
Fête,  on  fait  mémoire  des  Défunts ,  afin  que  s'ils  font  dans  le 
Purgatoire ,  ils  en  foient  délivrés  par  les  prières  de  l'Eglife ,  ou 
leur  peine  adoucie. 

S^rn,.s6.  XIlï.  Il  fait_,  dans  le  Sermon  de  la  Dédicace,  le  détail  des 

cérémonies  qui  s'y  pratiquent  encore  aujourd'hui  :  les  Dif- 
cours que  ComcRor  prononça  dans  les  Synodes  ,  regardent 
les  devoirs  des  Evêques  &  des  autres  Pafteurs ,  tant  à  l'égard 
du  foin  de  leurs  Troupeaux  ,  que  des  Offices  divins,  &  du 
facré  Miniflere.  Voici  comme  il  s'explique  fur  la  préfence 
réelle  :  »  Ils  confacrent  (â)  ,  dir-il  ,1e  Corps  de  Jefus-Chrifl: , 
5>ils  le  mangent,  &  le  diftribuent  aux  autres  pour  s'en  nour- 

Serm.  37  C5  "  ^'^^'  ^^^  ^^'-^''  miniO:erc  le  pain  &  le  vin  font  convertis  en  la 

fi<j.    '  »fubilance  de  la  chair  de  Jefus-Chriil.  Quelle  doit  être  la 

»  faintecé  de  ceux  dont  la  dignité  a  une  Ci  grande  efficace  dans 


(  A  )  Corpus  Domini  conficiunt ,  Tu- 
miint ,  fumendum  aliis  tribuunt  ;  eorum 
minifterio  pnnis  &  vinum  in  carnem  Chri- 
fli  tranfubflaniiatur.  Mai;na  débet  eorum 


fanftita?  eflè  .  quorum  dignitas  in  tam  fan- 
ftis  habet  efficaciarn,  Comestor.  Serm. 
38. 


ARNOUL,  EVESQ.  DE  LISIEUX.  Ch.XXIT.  311 
»  des  choies  ii  l.iintcs  »  !  Il  remarque  qu  anciennement  on  ne 
prioic  pas  dans  le  Canon  de  l.i  Meflb  pour  l'Evêquc  diocélain , 
ni  poir  le  Roi ,  que  cet  ulagc  s'cll  introduit  dans  les  derniers 
fiéclcs. 

XIV.  Voilà  ce  qui  nous  a  paru  de  plus  remarquable  dans  A-jtrcsFcnts 
les  Sermons  de  Pierre  Comcllor.  On  y  chcrcherLir  rn  vainaeComcftor. 
l'cloquencc  &  les  grands  mouvemensqui  caradcrillnt  les  bons 
Orateurs.  On  a  de  lui  en  diverfes  Bibliothèques  (  i  )  dj  l'Eu- 
rope ,  un  Commentaire  lur  les  Epîtres  de  laint  Paul  ,  un 
Traite  fur  la  Pénitence  ,  &  un  Volume  de  Dilcours  ,  (îont 
Henri  Warthon  a  rapporrc  quelques  fragmcns  dans  le  Sup- 
plément à  THiltoire  dogmatique  d'Ufferius  (/).  Son  Sermon 
fur  11  Conception  immaculée  de  la  fainte  Vierge  (m) ,  fut  im- 
priméà  Anvers  en  1 536.  Comeftor  fit  un  Pccrnc  en  ion  hon- 
neur, donc  nous  avons  quelques  vers  dans  Vincent  de  Beau- 
vais  (  n  )  ,  &  dans  S.  Antonin. 

Vîjsi     «>&(     v^^'     '^ft     vidUt     .jiA»,     ,^^>f^     vr^     vi»iy     vi4-<     '/^O'     '^^     ^'^^ 
ftJ'tJ,  ^t^^  ,-t^O^  >^->X»t  rtJ^^  rtjlf-,  rtJ^S,  rtTT»,  ^CKi-,  rtji^  iJt^Mi  AlSJj  tLiUh. 

CHAPITRE      XXI  L 

Arnold ,  Evêque  de  Lifieux. 

I.  y^^  E  Prélat  connu  dans  THiftoircpar  fcs Ecrits,  par  fon  Amo'ul , Eve. 
V^  expérience  dans  le  maniement  des  grandes  affaires ,  que dcLifieux» 
&  pdi  ja  fivcur  de  Henri  H  ,  Roi  d'Angleterre,  fut  premiè- 
rement Archidiacre  de  Séez_,  puis  en  i  141  Evêque  de  Li- 
fieux. Il  étoit  neveu  de  Jean  de  Lifieux  (^)  ->  fon  Prédécef- 
feur.  Pvlais  dans  fon  élection  le  Clergé  &  le  Peuple  de  cette 
Ville  n'eut  égard  qu'à  l'intégrité  de  Tes  mœurs,  &:  à.  ïa.  ca- 
pacité. Géotiroi  Plantegenell  ,  Comte  d'Anjou  ,  qui  avoir 
troublé  la  paix  8c  la  liberté  de  l'Eglife  de  Lifieux ,  fous  l'E- 
vêque  Jean ,  voulut  auili  continuer  à  l'opprimer  fous  fon  Suc- 
ceffeur ,  &  à  cet  effet  il  s'oppofa  à  fon  éle£lion  Pierre  le  Vé- 
nérable (^),  Abbé  de  Cîuni  ,  &  faint  Bernard  ,  Abbé  de 


(  i  )  Le  Lokg  ,  Billht   Sacra  ,  />.  58  5  , 
^  Fabric.  Tom.  I  ,  f .  1 1  ;(î ,  1 1  37. 

(')  P''7-4'7,  555- 

(  m  )  l  ABBE  ,  Tom.  i,  (le  Saift.  Ecilej. 

p.  ICO 

(  «)  ^(/ *»,  1  iji ,  ^  S,  Al. thon,  m 


Suwm"  ,  fit.  18  ,  cap,  8  ,  toin.  3  ,/?.  77. 
(<»;   MâBILi.  lî/>.  77   ,    Annal,    titttlhr 

99- 

ib  ]   PiTR.  veneyabl,   E^ijl.  J  y  lit.  4.. 
Beitiard,  i^î/î.  348, 


312  ^  A  R  N  O  U  l; 

Clairvaux ,  écrivirent  au  Pape  Innocent  TI ,  pour  le  prier  de 
confirmer  réledion  d'Arnoul  ,  lans  s'arrêter  aux  oppofitions 
dii  Comre  d'Anjou.  Outre  les  qual.rcs  perfonnclles  de  l'Elu, 
Pierre  le  Vénérable  fit  valoir  l'atta^hcmenr  d'Arnoul  pour  le 
Saint  Siège  ,  qu'il  prouva  en  Lii  rappellant  l'Ouvrage  que  cet 
Evêque  avoit  compolc  avant  Ion  Epilcopat  contre  l'Antipape 
Pierre  de  Laon.  Le  Pape  Innocent  II  eut  égard  aux  prières 
des  deux  Abbés  ,  &  confirma  i'éledion  &  l'ordination  d'Ar- 
noul. 
îl  faitlevoya-      ^^'  ^n  1 147  cet  Evcquc  fuivit  Louis  VII ,  Roi  de  France , 
ge  de  la  Paie- dans  fon  voy.îge  de  la  Paleftine,  d'où  il  revin:  avec  ce  Prince 
ûine en  1147. gj^  1 145?.  Il  fu:  chargé  (c),  tant  en  France  qu'en  Angle- 
terre ,  de  traiter  des  affaires  de  grande  importance  ,  comme 
Légat  du  Saint  Siège  en  1 1  59.  Audi-tôt  qu'il  eût  appris  la 
promotion  du  Pape  Alexandre  III ,  il  en  donna  connoiiïan- 
ce  au  Roi  d'Anglecerre  ,  à  qui  il  fit  promettre  de  ne  recon- 
noître  point  d'autre  Pape  que  lui ,  au  cas  qu'il  s'élevât  quel- 
que autre  parti  ;  puis  il  en  écrivit  lui-même  à  Alexandre  III 
pour  le  congratuler,  &  l'exhortera  tenir  ferme,  à  l'exemple 
du  Pape  Innocent  II ,  &  à  ne  perdre  aucune  occafion  d'en- 
voyer fes  ordres  dans  toutes  les  Provinces  ,  afin  qu'on  s'ac- 
coutumât à  lui  obéir.  Alexandre  III  fit  lire  cette  Lettre  aux 
Cardinaux  en  plein  Confiltoire.  Dans  fa  réponfc  (d)  à  Ar- 
noul ,  il  lui  donna  avis  que  l'Empereur  Frideric  prenoit  le 
parti  de  l'Antipape  0£tavien  :  ce  qu'on  ne  fçavoit  pas  encore 
en  Angleterre. 
iiafTifteau      lïl.  Ce  Pape  convoqua  en  11(^3  un  Concile  à  Tours  pour 
le  ip  de  Mai  :  l'Evêque  de  Lifieux  y  afllfla.  Il  fut  même 
chargé  de  faire  l'ouverture  du  Concile  par  un  Difcours  ,  où 
après  avoir  exhorté  les  Evêques  à  fe  déclarer  courageufemenc 
pour  l'unité  de  l'Eglife  contre  les  Schifmatiques ,  &  pour  fa 
liberté  contre  les  Tyrans  qui  la  pillent  &  l'oppriment  ,  il  die 
qu'encore  que  les  premiers  (/)  s'efforcent  de  la  détruire ,  elle 


Concile  de 
Tourseniiôj 


(c)  SammaRT.  Toi»,  z,  Gallia  Chri- 

fii.m,  p.  648  tf  feq. 

((i)ALEXAND    Epift.  Z,  Tom. 10,  CoilC. 

t\l-  1397. 

(f  )  Tarn.  10  ,  Cane.  p.  141 1. 

{f)  Ideo  Domini  &  Patres  carifTimi  ut 
Status  EcclefijE  confervetur  incolumis  , 
oportet  unitati  ejus  &  libertati  follicitè 
providere.  Utraque  enim  his  diebusmultis 
urgctut  iiicoramodis  :  quia  alteram  fcin- 


dere  nititur  fchifmaticorum  ambitio  :  alte- 
ram querit  auferre  violentia  tyrannorum  : 
utrumqiie  tamen  ois  per  gratiam  Dei  erit 
impoflibile  ....  licet  enim  à  nobis  exie- 
rint  aliqui  qui  nobilcum  erint,  fed  de  no- 
bis non  erant  :  non  eft  rciffa  tamen  veri- 
ta:proptereos  quos  fepara'  ità  uobis  pro- 
priz  ranlitia  pravitatis  ;  &  iicet  il  quos  di- 
xiinus  tyranni  terrarum  circa  temporalia 
bona  &  ipfa  etiam  corpora  noftra  àe(x- 

n'en 


EVESQUE  DE  LTSTEUX.  Ch.  XXir.  9  r  5 
n'en  cfl  pas  moins  une ,  puilqu'ils  Ibrtcnt  de  Ion  fcin  &  de- 
meurent dehors  ;  (!v<:  que  quoique  les  autres  veuillent  l'alTer- 
vir ,  elle  demeure  libre  ,  puilqu'elle  les  punit  par  la  puifiancc 
fpirituclle.Dans  le  mcmcDilcours  il  prédit  le  retour  de  l'Em- 
pereur Frideric  à  l'unité  de  l'Eglife  ,  &  preffe  les  Evêques  à 
la  recourir  dans  fes  membres  diipcrlés  &  exilés  ,  en  leur  fai- 
fant  part  de  leurs  richefîcs.  Il  ajoute  :  Si  nous  recourons  aux 
anciennes  Hiftoircs ,  nous  verrons  qu'il  cfl  certain  que  les  Pré- 
déceflcurs  de  Frideric  n'ont  reçu  l'Empire  que  par  la  icule  grâ- 
ce de  l'Eglife  Romaine. 

IV.  Cependant  l'Evéque  Arnoul  ayant  perdu  les  bonnes     Conduite 
grâces  du  Roi  d'Angleterre ,  alla  à  la  Cour  dans  le  deflein  versT.Vho- 
de  fe  réconcilier  avec  ce  Prince;  &  pour  en  venir  plus  aifé-  mas  de  Caa- 
ment  à  bout  ,  il  lui  fournit  un  moyen  qui  ne  pouvoir  que  lui  '°'''"'* 
être  agréable  ;  fçavoir,  de  divifer  les  Evoques  attachés  à  faint 
Thomas  de  Cantorberi  avec  lequel  il  étoit  en  diflendon.  La 
conduite  d'Arnoul  de  Lifieux   envers'  cet  Archevêque    lui 

attira  de  vifs  reproches  de  la  part  de  Jean  de  Sarisberi',  & 
laint  Thomas  en  fur  touché  lui-même.  Arnoul  s'en  expliqua 
avec  lui  par  une  très-longue  Lettre  (g),  où  après  lui  avoir 
donné  des  avis  fur  la  manière  dont  il  devoit  fe  conduire  pour 
recouvrer  les  bonnes  grâces  du  Roi ,  il  lui  dit  :  »  Pour  moi , 
j>  je  vous  fervirai  lidelement  &  avec  afFe£tion  ,  fçachant  que 
«  vous  facrifiez  votre  fortune  &  votre  perfonne  pour  l'intérêt 
>3  de  vos  frères:  mais  il  faudra  d'abord  témoigner  que  je  vous 
»  fuis  contraire  ,  parce  que  lî  je  paroiffois  votre  ami ,  je  ne  fe- 
*>  rois  ni  cru  ni  écouté:  la  diflimulaiion  fera  un  moyen  de  vous 
w  fervir  plus  utilement. 

V.  L'Evêque  de  Lifieux  réconcilié  avec  le  Roi  d'Angle-     Sesavîsaa 
terre,  fe  trouva  à  la  Conférence  de  Chinon  en   1 166.  Il  y  jp^re  damU 
fut  queftion  des  moyens  que  ce  Prince  devoit  prendre  pour  Conférence  de 
le  mettre  à  couvert  de  l'interdit  qu'il  craignoir  pour    fon  ^'^.'"o"  ^" 
Royaume  ^  &  de  1  excommunication  pour  la  Pcrlonne.  Ar- 
noul n'en  trouva  point  de  plus  efficace  ,  que  de  prévenir  la 
Sentence  de  F  Archevêque  de  Cantorberi  j  &  en  même  temps 

Légat  du  Saint  Siège ,  par  une  appellation  au  Pape  j  &  fon 
confeil  fut  fuivi. 


viant.  .  .  .  Ecclefi.i  tamen  Dei  qux  dif- 
ponenda  funt ,  libéra  difponit  poteftate  : 
irpmô  eiiam  ipfos  quafi  fervos  nequam , 
fpirituali   poteftate   vinciilo  anatliematis 

Tome  XXllU  R 


aflringit.  Arnulp,  Tom,\Q,  Conc. pag. 
1412. 
(^J  Tom,  z,  Spicil.p.  4SJ  ^  494. 


314  A  R  N  O  U  L, 

Il  fe  retire  à  VI.  Pîuficurs  annccs  après  il  fe  retira  à  Saint  Vi£l:or  de 
s.  Vidor  ;  y  p^j-js  ^  pour  y  vivrc  en  fimple  Chanoine.  Pendant  qu'il  y 
I  i8i.  étoit ,  quelques  Chanoines  de  la  Cathédrale  de  Lifieux  l'accu- 

ferent  devant  le  Pape  Lucius  III ,  élu  le  premier  de  Septembre 
1 18 1  ,  d'avoir  diiïipc  les  biens  de  fon  Eglife.  Ce  Pape  nom- 
ma pour  Juges  TEvcque  d'Avranches  ,  l'Abbé  du  Bec  ,  & 
l'Abbé  de  Savigni.  Arnoul  regardant  ces  Juges  comme  luf- 
peds  (  A  > ,  fe  plaignit  au  Pape  du  Jugement  qu'ils  avoienc 
rendu  contre  lui ,  &  en  obtint  la  caflation.  Il  eut  par-là  le 
moyen  de  payer  aux  Chanoines  de  Saint  Victor  la  Ibmme  dont 
il  étoit  convenu  avec  eux  pour  fon  entretien.  Il  mourut  en  cetce 
Abbaye  en  1 182  fur  la  fin  d'Août. 
Ses  Ecrit'.  ^^^'  Nous  avons  de  lui  divers  Ouvrages  ,  des  Traite's  de 
So'-i  Traité  du  Théologie  (i)  ,  quelques  Sermons ,  des  Lettres  ,  &  quelques 
Schifme.  pièces  de  Poéfie.  Après  la  more  d'Hon^rijs  II  ,  arrivée  le 
I4  Février  de  l'an  1 1  30 ,  on  lui  donna  pour  Succefleur  Gré- 
goire ,  Cardinal  de  Saint-Ange,  connu  fous  le  nom  d'Inno- 
cent II.  Son  éleftion  traverlée  par  celle  de  l'Antipape  Ana- 
clet  II ,  occafionna  unfchifme  dans  l'Egliîe.  Arnoul ,  qui  n'é- 
toit  alors  qu'Archidiacre  de  Séez ,  étudioit  en  Italie  les  Loix 
Romaines.  Son  attachement  a  l'EgUfe  ,  &  les  bienfaits  qu'il 
avoit  reçus  du  Pape  Innocent  II ,  &  de  Geoffroi ,  Evêque  de 
Chartres  ,  Légat  du  Saint  Siège  ,  l'engagèrent  à  la  défenfe 
de  l'éleclion  de  ce  Pape ,  &  à  s'élever  contre  Girard  ,  Evê- 
que d'Angoulème ,  qui  favoriloit  en  France  le  parti  d'Ana- 
c!et.  Arnoul  fait  une  peinture  très-vive  des  délordres  de  la 
vie  de  cet  Eve  ;ue  (  /)  ,  des  défauts  de  fon  élection ,  de  fes 
rapines,  de  les  exadlions  pendant  fon  Epifcopat ,  de  fes  or- 
dinations fimoniaques,  de  les  excès  dans  la  promotion  de  fes 
parens  aux  dignités  de  l'Eglife ,  dont  ils  étoient  indignes  ,  de 
fa  négligence  à  punir  les  crimes  fcandaleux  &  publics  de 
quelques-uns  de  fes  Clercs  ,  de  fon  avarice  ,  qu'il  trouvoic 
moyen  de  fatisfaire  par  Tautorité  que  lui  donnoit  fa  qualité 
de  Légat.  Il  dépeint  avec  de  ferrblables  couleurs  (m)  la  vie 
de  Pierre  de  Léon  ,  ou  de  l'Antipape  Anaclet ,  fouillée  par  tant 
de  crimes ,  qu'on  le  regardoit  comme  l'Antechrifl ,  parce  qu'il 
étoit  né  d'un  pcre  Juif. 

VIII.  Venant  au  Pape  Innocent  II  ,  il  relevé  la  probité 


(  b)  Tom.  1  ,  Sphileg.  p,  48Z  ,  484.  j       (0  ^^''J-  />.  î  3  9  ^  f^J» 


EVESQUE  DE  LISIEUX.  Ch.  XXII.  ^15 
cle  fes  mœurs  (  «  )  >  ^  iurtout  la  modeftic,  dont  il  donna  des 
preuves  éclatantes  en  refulant  conflammcnt  le  fouvcrain  Pon- 
tUicat ,  jufqu'à  ce  qu'il  fût  comme  force  de  l'accepter.  Arnoul 
fait  voir  la  canonicité  de  fon  életlion  ,  c]ue  Girard  d'Angou- 
lème  reconnut  lui-même  par  une  Lettre  qu'il  lui  écrivit  pour 
le  complimenter  fur  fon  incronifation.  Il  ajoute  qu'Innocent 
lui  ayant  refulé  de  le  confirmer  dans  la  qualité  de  Légat , 
qu'il  avoir  demandée  par  la  même  Lettre  ,  Girard  prit  occa- 
lion  de  ce  refus  pour  le  joindre  aux  Schifmatiqucs  ,  &  fe  dé- 
clarer hautement  en  Riveur  de  l'Antipape  Anaclet,  en  folli- 
citant  le  Roi  d'Angleterre  ,  les  Evoques ,  les  Peuples  princi- 
palement de  l'Aquitaine  ,  de  le  reconnoître  pour  Pape  légi- 
time. Arnoul  n'oublie  pas  de  reprocher  à  Girard  fon  intru- 
fion  dans  le  Siège  Archiépifcopal  de  Bordeaux  (  0  )  ,  oi^i  il 
n'avoit  été  appelle  ni  par  le  Clergé ,  ni  par  le  Peuple.  Entre 
ceux  qui  fe  déclarèrent  conftamment  pour  le  Pape  Innocent , 
il  met  les  Chartreux,  les  Ciflerciens  &  les  Cluniftcs,  &  fuppofe 
vifiblement  qu'il  étoit  reconnu  des  Rois ,  des  Empereurs ,  <ies 
Piinces ,  &  de  prefque  tout  l'Univers. 

IX.  Le  Sermon  fur  l'Annonciation  de  la  fainte  Vierge  a  Sermcnfur 
été  donné  au  Public  par  Dom  Luc  d'Acheri  (p) ,  fur  la  fin  J'Annoncia- 
du  treizième  Tome  du  Spicilege.  Arnoul  dit  dans  ce  Dif-  ''°"' 
cours,  qu'aufli-tôt  qu'elle  eut  donné  fon  confcntem.ent  aux 
paroles  de  l'Ange  ,  elle  fut  purifiée  du  péché  originel,  &.des 
actuels,  fi  elle  en  avoic  commis  quelques-uns ,  afin  qu'ayant 
recouvré  la  dignité  &  l'innocence  de  la  première  création , 
la  nature  divine  pût  s''unir  en  elle  avec  la  nature  humaine  , 
exempte  de  toute  tache.  Il  ajoute  ,  que  fa  virginité  ,  au  lieu 
de  fouffrir  quelcju^atteinte  par  la  conception  &  l'enfantement , 
cette  Mère  de  Dieu  fut  élevée  à  un  degré  d'honneur  d''autann 
plus  grand ,  que  fa  conception  étoit  plus  miraculcufe  :  Dieu 
ayant  ajouté  à  l'honneur  de  la  virginité  qu'elle  avoitembrafTée, 
celui  de  la  fécondité ,  par  une  merveille  qui  n'elt  poffible  qu'à 
Dieu.  Il  enleigne  que  l'union  perfonnelle  des  deux  natures 
s'efl:  faite  fans  aucun  mélange  ni  confufion  de  ces  deux  natu- 
res ;  qu'elles  font  demeurées  fubdantiellement  les  mrmcs  , 
■après  l'union  comme  auparavant  ;  que  quoique  rincarnarion 
foie  l'ouvrage  des  trois  perfonnes  de  la  Trinité  ,  la  féconde 
feule  s'efl:  fait  chair;  que  quand  on  dit  de  Jefus-ChrilT;  des 

(n)Pag.   J49.  i        (p)  Png.  557. 

io)P"S-})i.,  1      Cî)?"^.  364>  3'^^ 

Rrij 


31^  A  R  N  O  U  L, 

chofes  qui  paroiflent  incompatibles  ,  i!  faut  les  expliquer  en 
attribuant  à  la  nature  divine  ce  qui  lui  eft  propre ,  &  à  la  na- 
ture humaine  ce  qui  lui  appartient  ;  enforte  qu'on  n'attribue 
point  les  foibleffes  humaines  à  la  nature  divine ,  ni  la  majefté 
divine  ,  c'efl-à-dire  les  opérations  divines  ,  à  la  nature  hu- 
maine :  mais  que  lorfqu'il  efl:  queflion  de  la  perfonne  de  Je- 
fus-Chrifl ,  on  peut  dire  de  lui  ce  qui  efl:  de  l'une  &  de  Tautre 
nature  :  qu'encore  que  le  mariage  de  S.  Jofeph  avec  la  faintc 
Vierge  n'ait  point  été  confommé  ,  ce  ne  laiflbit  pas  d'être  ua 
véritable  mariage ,  parce  qu'il  ne  conliflie  effentiellement  que 
dans  la  feule  volonté  ou  confentement  des  époux.  Il  appor- 
te l'exemple  du  mariage  de  fainte  Cécile  avec  Tiburce  ;  tous 
deux  de  concert  vécurent  dans  le  célibat  ,  même  après  leur 
mariage. 
Lettres  d'Ar-  X.  A  la  fuite  de  ce  Difcours  on  a  mis  dans  le  même  Tome 
"°"'"  du  Spicilcge ,  cinq  Lettres  d' Arnoul  à  diverfes  perfonnes. 

iliji'  I.     Dans  la  première ,  qui  eft  au  Pape  Alexandre  III ,  il  fe  plaint 
qu'il  lui  eût  donné  pour  Juges  dans  une  affaire  deux  Doyens, 
l'un  de  Bayeux  ,  l'autre  d'Evrcux  :  ce  qui  lui  paroît  désho- 
norant pour  l'Epifcopat.  C'eft  pourquoi  il  le  prie  de  lui  en 
nommer  d'autres  qui  fulTent  d'un  âge  &:  d'un  Ordre  devant 
lefquels  il  pût  ccmparoître  fans  blefler  fa  dignité ,  &  le  refped 
dû  à  fa  vieilIefTe,  &  de  les  joindre  à  l'Evêque  d'Avranches, 
nommé  auparavant  avec  les  deux  Doyens.  U  paroît  qu'il  s'a- 
grflbit  d'Eglifes  Paroiflîales  &  de  dixmes  ,  qu'il  difoit  ufur- 
Ifiji.  1.  pécs  par  des  Moines.  Par  la  féconde ,  il  prend  la  défcnfe  de 
Regnaud ,  élu  Evcque  de  Bathon  ,  m.ais  dont  l'éleftion  étoic 
conteftée  ,  principalement  à  caufe  qu'on  le  difoit  né  depuis 
que  fon  père  avoir  reçu  les  Ordres  facrés.  Arnoul  dit  aux: 
Cardinaux  &  Légats ,  Juges  délégués  de  cette  affaire  par  le 
Saint  Siège,  que  ie  mérite  de  Regnaud  étoit  bien  connu  ,  que 
fon  élcdion  s'étoit  faite  d'une  voix  unanime  ,  &  qu'il  étoit  né 
avant  que  fon  père  entrât  dans  les  Ordres  facrés ,  qu'ils  ne  dé- 
voient donc  pas  tarder  à  l'envoyer  dans  fon  Eglifc  qui  avoir  un- 
grand  beioin  de  fa  préfence. 
Ef/ji  3.       XI.  Robert,  Archevêque  de  Rouen,  avoit  obtenu  un  Ref- 
crit  de  Rome  en  faveur  d'un  Moine  de  Cormeil  ,  qui  étoit 
forti  deux  fois  de  fon  Monaftere.  Il  y  fut  reçu  une  troineme 
fois  ;  &  s'étant  depuis  fouillé  de  divers  crimes ,  l'Abbé  lui  per- 

{t)  Ibid,  {tig,  253.  Ej'J/î.  1, 


EVESQUE  DE  LTSIEUX.  Ch.  XXIT.  317 
mît  d'aller  s'établir  ailleurs.  Il  s'adrcfla  au  Saint  Siège ,  qui 
ayant  pris  ccnnoiiTancc  de  les  mœurs ,  lui  rcfuia  les  deman- 
des. Il  apollalia ,  8c  tomba  dans  d'autres  dvMordrcs.  Arnoul 
craignant  qu'il  n'eut  de  nouveau  recours  à  rArLlievcquc  de 
Rouen  pour  le  faire  recevoir  une  quatrième  fois  à  Cormeil ,  le 
prévint ,  &  lui  ht  cnvilager  les  maux  qui  en  arriveroicnc  à  ce 
Monaflcrc. 

XII.  La  Lettre  à  tous  les  Fidèles  regarde  l'accord  fait  à  ^l'I^'^^ 
l'amiable  entre  Simon,  Abbé  de  Saint  André  ,  &  les  Frères 
Holpitalicrs  de  Saint  Jean  dé  Jérulalem ,  au  fujet  d'un  Tefta- 
mentoù  ils  étoient  rappelles.  Arnoul  ,  Commifl'aiie  du  Saine 
Siège  pour  juger  cette  difficulté  définitivement  &  fans  appel , 
la  termina  au  contentement  des  parties  intéredécs.  Dans  fa. 
cinquième  Lettre  il  lupplie  Henri  11,  Roi  d'Angleterre,  d'in- 
cerpofer  Ion  autorité  pour  obliger  Hugues  de  Nonant  ,  fon 
neveu  ,  à  reftiruer  aux  Chanoines  Régulicis  de  Saint  'Vidor 
Pliglife  Paroiffiale  de  VafFée  ,  qu'il  leur  avoit  donnée  avant 
que  de  fe  retirer  chez  eux ,  &  étant  encore  Evêque  de  Liiieux. 
Il  fe  plaint  beaucoup  de  ce  neveu ,  fils  de  fa  lœur ,  S:  lui  repro- 
che vivement  Ion  ingratitude  &  Ion  avidité  à  s'emparer  du 
bien  des  pauvres  &  de  l'Eglife. 

Xni.  Il  y  a  quelques  autres  Lettres  d'Arnoul  (  fj  dans  le    AmresLet- 
fecond  Tome  du  Spicilege  de  Dom  d'Acheri.  Nous  avons  "'"'^''^'^"°"^* 
déjà  parlé  de  la  première  ,  qui  regarde  l'accuiation  formée 
contre  lui  d'avoir  diffipé  les  biens  de  fon  Eglile  ,  &  de  la  fé- 
conde, dans  laquelle  il  fournit  à  faint  Thomas ,  Archevêque 
de  Cantorberi ,  les  moyens  de  rentrer  dans  les  bonnes  grâces 
de  Henri  II  ,  Roi  d'Angleterre.  Il  en  écrivit  une  troifiéme  r;,;/?,,  i,  2,  ji 
adi  effèe  au  Pape  Alexandre  III ,  pour  l'aiTurer  que  la  puiflan- 
ce  fécuîiere  n'avoir  eu  aucune  part  à  l'éledion  de  cet  Arche- 
vêque ,  &  que  fes  mérites  leuls  l'avoient  porté  fur  le  Siège  Ar- 
chiépifcopal  de  cette  Eglile;  il  étoit  déjà  avancé  en  âge  lorf- 
qu'il  écrivit  au  Roi  d'Angleterre,  pour  lui  redemander  fa^?'A4« 
bienveillance  ;  &  pour  y  rentrer,  il  le  fait  fouvenir  que  tandis 
qu'il  avoit  fuivi  fes  confeils ,  il  avoit  été  obéi  &  refpcfté  de  fes 
Sujets  j  Se  fon  Royaume  dans  une  tranquillité  parfaire  ,  parce 
qu'alors  la  raifon  ,  la  juftice  &  la  miféricorde  dirigeoient  tou- 
tes fes  aftions  ;  mais  que  depuis  qu'il  s'éroit  livré  aux  confeils 
des  flatteurs ,  il  n'avoit  connu  d'autres  Loix  que  fa  propre 


(J)  VoyeTiTim.  z  ,  Spcileg. [>.  481  C^ /•?, 


31^  A  R  N  O  U  L, 

volonté  ,  ou  plutôt  !a  leur  II  Li  repréfentc  que  Dieu  n'a 
donné  aux  Rois  la  puiiïancc  &  les  richefles ,  que  pour  la  garde 
&  la  dcfenle  de  leurs  peuples  ,  &  non  pour  uier  de  vioknce 
envers  eux. 

%^îi  XIV.  Sa  Lettre  aux  Légats  Albert  &  Théodin  ,  l'un  & 

l'autre  Cardinaux  de  TEglile  Romaine  ,  cfi  pour  les  engager 
à  favoriler  l'élcdi on  de  Kcgnaud  ,  à  laquelle  on  difoit  que 
le  jeu:  e  Roi  Henri  s'oppolbit  :  il  infifle  lur  la  canonicitc  de 
fon  c.edion  connu:  de  tout  le  Royaume  ;  fur  les  emprefTe- 
mens  du  Clergé  &  du  peuple  de  Bathon,  Se  fur  l'utilité  qu'il 
prccur.i  à  cette  Eglife  :  elle  étoit  dcflcrvie  par  des  Moines , 
&  non  par  des  Clercs.  Arnoul  écrivit  fur  le  même  fujet  une 

E(tji.6.  fcv.onde  Lettre,  dont  il  a  été  parlé  plus  haut.  Le  Clergé  de 
Tours  s'étoit  choid  un  Archevêque  fans  attendre  l'arrivée  des 
Suffi-cigans ,  parce  que  la  chofe  prefToit ,  &  qu'il  doutoit  qu'ils 
pulTent  arriver  à  temps.  PluOeurs  ne  firent  aucune  difficulté 
de  confirmer  l'cledion  ,  &  Arnoul  fe  chargea  de  prier  Guillau- 
me ,  Evêquc  du  Mans ,  de  donner  aufll  fon  confentemer.t  à  cette 
c'.cdion. 

^p':ft.7'  XV.  Céleftin  II.  étant  monté  fur  le  Saint  Siège  en  1 145, 

(aufll- tôt  après  la  mort  d'Innocent  II.  )  l'Evcque  de  Li- 
fieux  ,  en  le  complimentant  fur  fon  élévation  ,  fit  dans  la 
même  Lettre  l'éloge  de  fon  Prédéceffeur ,  qu'il  ne  craint  pas 
de  lui  donner  pour  modèle,  en  difanc  qu'on  ne  doutoit  pas 
qu'il  ne  dût  donner  de  l'accroilTement  à  ce  qu'Innocent  II. 
avoit  plante.  Par  une  autre  Lettre  que  nous  n'avons  pas  en- 
tière ,  il  prioit  le  Pape  Céleftin  d'achever  dans  l'Eglife  de 
Secz  le  bien  que  fes  Prédécefleurs  y  avoient  commencé.  On 
voit  par-là  qu'Arnoul ,  depuis  même  qu'il  fut  Evêque  de  Li- 
fieux ,  s'intérelToit  pour  l'Eglife  de  Seez  dont  il  avoit  été  Ar- 
chidiacre. 
Autres Let-      XVI.  Toutes  Ics  Lettres  dont  nous  venons  de  parler  ,  ne 

treid'Arnoul.  ^^  trouvent  pas  dans  le  Recueil  manufcric  d'Odon  Turne- 
be  [  r  )  ,  que  Claude  Minos  fit  imprimera  Paris  en  1585  , 
i«-8°.  avec  les  autres  Opufculcs  d'Arnoul ,  qui  faifoient  par- 
tie de^ce  Recueil.  On  a  fuivi  cette  Edition  dans  la  Biblio- 
thèque des  Pères  à  Cologne  ,  &  djins  celle  de  Lyon.  Mais 
on  lit  dans  celle-ci  un  Difcours  entier  d'Arnoul  ,  que  Dom 
Luc  d'Acheri  n'avoit  donné  qu'imparfait  dans  le  iecond  To- 


(t;  Tùtn.  il,  Bibliot.  Pat.  paj.  1 50J. 


KVE^QVE   DE  LîSîEUX.  Ch.  XXTT.        ^ip 

me  de  (un  Sj  ialege.  ArnoL.1  fut  prie  dans  fa  vicillcfie  de  re- 
cueillir coures  les  Lettres  qu'il  avoir  écrites  à  diverfes  pcr- 
lonn>  s.  Il  répondit  a  Gilks ,  Archevêque  de  Rouen  ,  qui  lui 
avoit  fait  cette  demande,  qu'il  ne  la  lui  accorderoit  qu'avec 
peine,  d>ins  la  crainte  de  s'attirer  le  mépris  du  Public  ,  qui 
î'acculcroit  de  vanité  ,  ou  reg  rdcroit  les  Lettres  comme  ne 
méritant  pas  de  voir  le  jour.-JN'en  ayant  coniervé  aucune  co- 
pie ,  il  fut  obligé  de  redemander  les  originaux.  Il  convient 
que  celles  qu'il  avoit  écrites  dans  fa  jeunefle  étoient  d'un  flyle 
plus  cliâtié,  plus  coulant  ,  plus  fleuri,  plus  fententicux,  plus 
élégant  ;  mais  que  dans  un  âge  avancé  il  s'éroit  moins  ap- 
pliqué à  orner  les  Lettres  de  figures,  qu'tà  les  rendre  utiles, 
comrre  il  convencit  à  un  Evêque  :  à  quoi  il  ajoute  que  dans 
la  vit-illefTc  l'ci!  rit  a  plus  de  peine  à  fournir  lorfau'i!  s'asit  d'é- 
crire à  des  pcrfonnes  qui  méritent  du  rcfped,  ou  qu'il  ellquc- 
Aion  de  traiter  des  affaires. 

XVII.  Parmi  fcs  Lettres  il  y  en  a  plufieurs  qui  ne  font  Pag.j^oS. 
que  de  pure  amitié.  Nous  nous  arrêterons  à  celles  qui  con- 
tiennent quelque  chofe  d'intéreffint.  Dans  la  Lettre  au  Pape 
Adrien  IV,  il  lui  recommande  un  nommé  Simon  ,  ciui ,  pour 
avoir  appelle  au  Saint  Siège  ,  avoit  été  mis  en  prifon,  d'où 
il  n'étûit  forti  qu'en  donnant  de  l'argent  à  fon  Perfécuteur , 
&  en  acquielçant  à  la  Sentence  que  l'Evêque  avoit  portée 
contre  lui.  Il  fait  remarquer  deux  chofes  au  Pape  ;  la  pre- 
mière ,  que  l'on  commençcit  dans  ces  cantons  à  n'avoir  plus 
le  même  refpeâ  pour  le  Saint  Siège  qu'auparavant  ;  la  fé- 
conde ,  que  il  l'on  fouflroit  à  Rome  qu''on  éludât  de  cette  fa- 
çon le  recours  que  l'on  pouvoir  y  avoir ,  la  proteâion  du  Siéo-e 
Apoftolique  deviendroit  inutile.  Arnoul  pria  le  même  Pape 
par  une  autre  Lettre  ,  de  renvoyer  l'Evêque  de  Bayeux  à  fon 
Diocèfe  ,  où  fa  préfence  étoit  néccffaire  pour  prévenir  les 
maux  dont  fon  Eglile  étoit  menacée.  Sa  quatrième  Lettre  au  ^'«.J-'So^^ 
Pape  Adrien  a  pour  objet  un  différend  entre  l'Abbé  &  les 
Moines  de  Jumiege.  Arnoul  l'avoit  examiné  fur  les  lieux  ,  & 
jugé  en  faveur  de  l'Abbé ,  qu'il  avoit  admis  à  fon  fermant, 
&  à  celui  des  trois  Abbés  &  de  trois  Moines  de  probité  re- 
connue ,  parce  que  fes  Accufateurs  n'avoient  produit  qu'un 
Témoin  pour  chaque  chef  d'accufation.  Les  Moines  ayanc 
demandé  à  l'Evêque  de  Lifieux  des  Lettres  de  renvoi  au 
Saint  Siège ,  auquel  ils  avoient  appelle  ,  ou  comme  il  eft 
dit  ,  aux  Apôtres ,  il  leur  en  accocda  ,  en  ordonnant  néan- 


520  A  R  N  O  U  L, 

moins  aux  Parties  |de  ne  rien  faire  qui  pût  préjudicier  à 
l'appel. 
ibid.f,  1310.  XVIII.  Arnoul  de  Lifieux  écrivit  à  l'Abbé  de  S.  Evroux 
qu'étant  obligé  d'acquitter  toutes  les  dettes  contradécs  de 
bonne  foi  par  fon  Prédéccfleur  ,  il  prononceroit  conire  lui 
une  Sentence  d'interdit  s'il  ne  fatisfailoit  tous  fes  Créanciers 
avant  la  Pentecôte  prochaine.  Il  lui  enjoignit  encore  y  fous 
peine  de  fufpenfe ,  de  recevoir  le  Moine  Guillaume  qu'il  avoit 
chaffé  de  fon  Monaftere  fans  avoir  voulu  entendre  ia  juflifi- 
cation.  Avant  d'en  venir  à  cette  cenfure,  Arnoul  s'étoic  fait 
informer  exactement  du  délit  dont  ce  Moine  étoit  accufé  , 
mais  non  pas  convaincu.  Il  avoit  même  cité  deux  fois  l'Abbé 
fans  qu'il  eût  comparu  :  d'ailleurs  Guillaume  étoit  difpofé  à 
obéir  en  tout  à  fon  Abbé. 
m^^  XIX.  Il  déclare  dans  une  Lettre  à  l'Evèque  du  Mans  , 

qu'une  des  Parties  contendantes  citée  à  jour  &  lieu  certain  , 
ne  peut  être  condamnée  pour  une  fimpîe  abfence  ,  jufqu'à  ce 
qu'elle  ait  été  citée  une  féconde  &  troifiemefois.  Arnoul  ayant 
eu  un  ditférend  avec  un  Seigneur  de  ion  Diocèle,  qui,  non- 
fculemenc  ne  vouloir  pas  reconnoître  fa  Jurifdidion ,  mais  qui 
liai  avoit  encore  enlevé  plufieurs  chofes  ,  les  Légats  du  Saine 
Siège  ordonnèrent  que  le  Seigneur  reftitueroit  ce  qu'il  avoit 
enlevé  ;  qu'il  obligeroit  ceux  de  fes  Vaflaux  qu'Arnoul  avoic 
excommuniés  à  faire  fatisfaftion ,  &  pour  reconnoître  la  Ju- 
rifdidion  de  cet  Evêque  qui  étoit  fon  Diocéfain ,  il  lui  pré- 
fenteroit  un  Prêtre  pour  gouverner  fous  fon  autorité  fEglife 
&  le  Peuple  du  lieu  où  il  étoit  Seigneur.  Celui-ci  offrit  à  Ar- 
noul de  lui  faire  préfenrer  ce  Prêtre  par  Hugues,  Archevêque 
de  Rouen.  Arnoul  le  refufa  ,  de  crainte  de  nuire  à  fon  droit.  Il 
confentit  au  furplus  à  un  accommodement  pour  finir  entière- 
ment cette  difficulté. 
Prfj.  1)12.  XX.  On  a  déjà  remarqué  qu'aufTitôt  que  l'Evêque  de  Li- 
fieux eût  appris  la  promotion  d'Alexandre  III ,  il  lui  écrivit 
pour  l'en  féliciter  &  le  reconnoître  pour  Vicaire  de  faint 
Pierre,  &  pour  le  Pafteur  &  l'Evêque  de  tous  ceux  qui  por- 
tent le  nom  de  Chrétien.  Pour  le  raffurer  contre  les  efforts 
de  l'Antipape  Octavien  ,  il  le  fait  fouvenir  dans  cette  Lettre 
qu'il  eft  fouvent  arrivé  de  ces  fortes  de  fchifmes  dans  l'Eglifc 
Romaine  ,  mais  qui  ont  toujours  tourné  a  fa  gloire;  comme 
on  le  voit ,  dit-il ,  par  les  peintures  du  Palais  de  Latran ,  où 
les  Schilmatiques  téméraires  fervent  de  marchepied  aux  Pères 

^  Catholiques , 


EVESQUE  DE  LISIEUX  ,  Ch.XXII.  321 
Catholiques  ,  c'clVà-dirc  aux  Papes.  Alexandre  ienfiblc  à 
cette  Lettre  ,  en  remercia  Arnoul ,  le  priant  de  continuer 
fes  Ibins  auprès  du  Roi  d'Angleterre  ,  des  Evcqucs  Sz  des 
Seigneurs  du  pays.  Ce  Pape  lui  donna  avis  de  Texcoramu- 
nication  qu'il  avoir  prononcée  contre  l'Empereur  Fridcric ,  Sz 
les  fauteurs. 

XXI.  Arnoul  écrivit  doncaux  Evoques  d'Angleterre  pour  ^'E/^'^  ' 
leur  flîire  connoître  la  canonicité  de  l'életlion  d'Alexandre 
III.    Il  en  détailla  toutes  les  circonftanccs ,  dont  il  fait  le 
parallèle  avec  celle  d'Oclavien.  On  trouvoit  dans  Alexandre 
toutes  les  qualités  perfonnelles  néceflaires  à  un  Pape  ;  de  la 
nailTcince,  du  Içavoir,  l'afl'emblage  de  toutes  les  vertus.  Son 
éledion  le  fit  luivant  les  règles ,  &  fa  confécration  par  l'E- 
vcque  d'Oflie,  à  qui  il  appartient  de  droit.  H  fut  reconnu 
par  les  Cardinaux  &  les  Evêques  qui  faiioient  les  fondions 
de  Légats  en  divers  pays  ;  &  toute  l'Eglile  ieroit  dans  une 
paix  parfaite ,  fi  Odavicn  ne  le  fut  mis  Tous  la  protection  de 
l'Empereur  Frideric  qu'il  fçavoit  être  difpofé  à  le  fecourir.  En 
effet  ce  Prince ,  ajoute  Arnoul ,  fut  ravi  de  trouver  cette 
occafion  ,  que  ies  Prédéceffeurs  avoient  louvent  cherchée  , 
i  de  foumettre  l'Eglife  Romaine  à  leur^  empire  ;  &  c'eft  pour 
cela  qu'ils  ont  favorifé  les  Schifmatiques  &  lufcité  des  lédi- 
tions  dans  Rome.   L'Evêque  de  Lifieux  fait  voir  qu'on  ne 
pouvoir  reconnoitre  Odïavicn  pour  Pape  ,  puilqu'il  n'avoir 
.  été  élu  que  par  un  Evcque  &  deux  Cardinaux  ;  qu'il  avoir 
••  pris  de  lui-même  les  Ornerriens  pontificaux,  avoir  employé 
la  violence  des  armes  pour  s'alTeoir  le  premier  dans  la  Chaire 
pontificale  ,  &  s'emparer  du  Palais;  qu'il  n'avoit  été  conlacré 
qu'en  préfence  d'un  petir  nombre  de  perfonnes,  &  par  des 
Evêques  qu'if'avoit  mendiés  de  tous  côtés  ;  que  n'ayant  au- 
cune confiance  dans  la  caufe  ,  il  avoit  fait  l'Empereur  le 
maître  abiolu  de  la  deftinée,  en  jettant  à  les  pieds  les  mar- 
ques de  la  dignité  pontificale  ,  dont  il  avoit  enfuite  reçu 
l'inveftiture  des  mains  de  ce  Prince  par  l'anneau  &  le  bâton, 
faifant  triompher  l'Empire  du  Sacerdoce;  qu'envain  on  fai- 
foit  valoir  pour  fon  'éiedion  le  Concile  de  Pavie  ,.  puifque 
les  Evêques  n'y  avoient  eu  aucune  liberté  ;  que  l'écrit  qu'on 
leur  avoit  produit  étoit  plein  de  faufletés ,  &  qu'on  n'avoic 
pu  y  rendre  valide  une  éleètion  vicieule  dans  ion  commen- 
cement. Il  oppofe  à  ce  Conciliabule  les  Affemblécs  tenues  en 
France  pour  li,  réception  du  Pape  Alexandre  ,  &  à  cette 
Tome  XXllI.  Sf 


322  A  R  N  O  U  L, 

occafion  il  dit  :  Béni  foit  Dieu  qui  a  fait  à  l'Eglife  Gallicane 
fa  milcricorde  ordinaire  ,  de  reconnoître  toujours  la  vérité, 
&  de  ne  pas  s'écarter  du  chemin  de  la  jullice.  Enfin  il  die 
aux  Evoques  d'Angleterre ,  qu'encore  que  le  Roi  ait  reconnu 
dès  le  commencement  le  Pape  Alexandre ,  il  ne  vouloir  point 
publier  d'Edit  fur  ce  iujet  fans  les  avoir  conlultés.  Dans  fa 
Lettre  aux  Cardinaux ,  Arnoul  les  avertit  de  ne  pas  éloigner 
ce  Prince  par  leurs  menaces  ,  mais  de  l'adoucir  ,  puifque 

Fag,j^i6,  l'obéiflance  des  Royaumes  de  France,  d'Angleterre,  d'Ef- 
pagne ,  d'Hibernie  &  de  Nortwege  dépendoit  de  fa  décla- 
ration, le  Roi  de  France  s'en  étant  rapporté  à  lui  pour  le 
jugement  définitif  de  cette  caufe. 

Sag.  1317.  XXII.  L'Evêque  de  Séez ,  parent  d'Arnoul ,  avoir  établi 
des  Chanoines  réguliers  dans  cette  Eglife  au  lieu  des  fécu- 
liers  ,  &  ce  changement  avoir  été  approuvé  par  les  Papes 
Honorius  II ,  Eugène  III ,  &  Adrien  III ,  &  par  Henri  II , 
Roi  d'Angleterre  ;  &  les  Evêques  fucceffeurs  dévoient,  avant 
leur  ordination ,  faire  ferment  de  continuer  cet  érabliffemenr. 
L'un  d'eux ,  contemporain  du  Pape  Alexandre  III ,  en  obtint 
de  conférer  les  Archidiaconés  à  des  féculiers ,  dans  la  vue 
de  placer  fes  parens.  Arnoul  s'en  plaignit  au  Pape,  &  lui 
remontra  qu'il  n'avoit  pu  détruire  ce  que  fes  Prédécefleurs 
avoient  établi ,  parce  que  les  privilèges  par  eux  accordés  font 
comme  des  teflamens  qui  ne  font  pas  annuUés,  mais  plutôt 
confirmés  par  la  mort  des  Teftateurs  ;  qu'on  avoir  bien  pu 
changer  des  Chanoines  féculiers  en  réguliers,  parce  que  l'inf- 
titution  de  ceux-ci  eft  plus  parfaite  ;  mais  qu'on  ne  peut 
changer  un  ordre  plus  flùnt  en  un  moins  parfait,  parce  que 
c'étoit  autorifer  le  relâchement.  11  exhorte  donc  le  Pape  Ale- 
xandre à  révoquer  ce  qu'il  avoir  accordé  par  furprile. 

Pax.i^io^      XXIII.  L'AbbédeGreflain,  dans  le  Dioceie  de  Lifieux, 

ï'S*^'  fous  prétexte  de  prendre  foin  des  biens  que  ce  Monafiere 

poffédoit  en  Angleterre  ,  y  paflToit  des  temps  confidérables 
occupé  à  des  procès  &  à  fe  divertir,  ce  qui  occafionnoit  de 
grandes  dépcnfes  &  divers  défordres  parmi  les  Moines.  Il 
étoit  en  ce  pays-là  depuis  quatorze  mois  ,  &  il  y  étoit  allé 
fans  la  perraiffion  de  fcn  Evêque,  lorfqu'il  lui  écrivit  pour 
s'en  plaindre,  &  lui  ordonner  en  vertu  d'obciffance  de  re- 
venir au  plutôt  à  Greftain ,  fous  peine  de  recevoir  de  fa  parc 
un  ordre  plus  lévere.  L'Abbé  ,  qui  fe  nommoit  Guillaume 
d'ExceJire ,  n'eut  aucun  égard  aux  monitions  de  i'Evêque  de 


EVESQUE  DE  LISIEUX,Ch.  XXir.  51) 
Lifieux.  Il  continua  fon  Icjour  en  Angleterre.  Le  brigandage  uu. 
fe  mit  dans  Ion  Monafterc.  Les  dciordres  éclatèrent  au-de- 
hors.  Arnoul  en  porta  les  plaintes  au  Pape  Alexandre,  lui 
demandant  d'ordonner  la  diiperfion  de  ces  Moines  indociles 
dans  des  MonaReres  bien  réglés ,  &  de  mettre  à  Grcftain  des 
Chanoines  réguliers.  La  demande  d'Arnoul  ne  fur  point 
écoutée.  Le  Pape  laifla  l'Abbaye  de  Greflain  fous  la  Règle 
de  S.  Benoît  ;  mais  l'Abbé  Guillaume  (u)  fut  transféré  à  Saint 
Martin  de  Pontoife  en  1 185  par  Gauthier,  Archevêque  de 
Koucn. 

XXIV.  En  envoyant  à  Henri ,  Cardinal  Evéque  de  Pife, 
les  Ouvrages  d'Ennodius ,  Arnoul  en  porte  un  jugement  peu 
avantageux.  Il  dit  que  quant  aux  matières  qui  y  font  trai- 
tées ils  ne  font  point  intéreffans ,  &  qu'à  l'égard  du  flyle  il 
n'a  ni  beauté  ni  clarté  ;  ce  qui  fait  qu'au  lieu  de  donner  du 
jour  aux  difficultés  qu'il  fe  propofe  d'expliquer ,  il  les  couvre 
de  ténèbres.  Il  n'eftime  pas  plus  la  poéfie  de  cet  Écrivain  que 
fa  profe.  Ses  vers  font  ians  aménité ,  &  ils  pèchent  fouvent 
contre  les  règles  :  on  y  fait  longues  les  fyllabcs  qui  font  brè- 
ves, &  brèves  celles  qui  font  longues.  Arnoul  cependant  ne 
prétend  pas  que  fon  jugement  doive  fixer  celui  du  Cardinal 
Henri ,  qui  écoit  en  état  d'en  juger  lui-même  par  la  kdure 
des  écrits  d'Ennodius. 

XXV.  Ce  que  dit  l'Evêque  de  Li(îeux  dans  fa  Lettre  à   P^»?.  ijîî; 
Arnaud,  Abbé  de  Bonneval ,  du  Sacrifice  de  la  Mefle  ,  mé- 
rite d'être  rapporté.  »  On  ne  peut  rien  offrir  de  plus  précieux 

j)  que  Jefus-Chrifl: ,  rien  de  plus  efficace  que  ce  Sacrifice ,  rien 
j)  de  plus  utile  à  celui  qui  l'offre  &  à  celui  pour  qui  il  efl:  offert, 
»  fi  l'indignité  des  perfonnes  ne  le  rend  inutile  par  l'oppofi- 
»  tion  de  leurs  mœurs  à  la  dignité  de  ce  Sacrifice  ;  car  il  faut 
»  que  celui  qui  l'offre  ait  les  mains  pures  ,  de  peur  que  ce  qui 
«  n'efl  pas  appréciable ,  &  qui  eft  digne  de  toute  vénération , 
j)  ne  foit  offert  pour  un  vil  prix  &  pour  des  motifs  encore  plus 
7»  indignes.  J 1  efl  auffi  nécefl'aire  que  celui  pour  qui  il  eft  offert 
»>  en  reconnoiffe  la  valeur  par  la  foi  ;  qu'il  l'aime  ,  qu'il  le  de- 
«  fire  ardemment,  &  qu'il  mette  en  ce  Sacrifice  la  confiance 
«  d'obtenir  de  Dieu  fa  piwpiciation  &  fa  miféricorde.  Par  la 
«  réunion  de  ces  difpofitions  faintes  dans  les  deux  parties ,  le 
«  Sacrifice  eft  utile  à  l'une  &  à  l'autre  ;  &  il  arrive  que  ceux 


(k)  Robertus  db  Monte,  ad  ann.nZj. 

Sfij 


324  A  R  N  O  U  L, 

»  qui  offrent  pour  les  autres,  offrent  pour  eux-mêmes.  Que 
«  ce  bienfait  eft  grand ,  qui  profite  à  celui  qui  le  reçoit  &  à 
s>  celui  qui  le  donne  !  Quelque  étendue  que  loit  la  charité  du 
3>  Prêtre  envers  certaines  pcrfonn^s  ,  le  Saciifîce  qu'il  offre 
j>  eft  tout  entier  pour  tous  ,  &  tout  entier  peur  chacun  en 
»  particulier.  Pour  être  communique  à  pluiieurs  ,  fon  inté- 
«  gritc  n'en  efl  pas  divifée ,  ni  fa  vertu  diminuée  Icrfquo  plu- 
»  ficurs  y  participent.  Il  eft  tout  à  vous  &  tcut  à  moi.  Je 
3J  l'ai  oîîcrt  tout  entier  pour  vous ,  &  je  l'ai  néanmoins  rcfervé 
«  tout  entier  pour  mon  utilité  particulière  «. 

F«^.  1313.  XXVI.  Lorfqu'Arnoul  prononça  un  Difcours  à  l'ouver- 
ture du  Concile  de  Tours  ,  la  plupart  des  Auditeurs,  ceux 
même  qui  étoient  auprès  de  lui,  eurent  peine  à  l'entendre  à 
cauie  du.  bruit  occafionné  par  le  grand  nombre  des  affiflans» 
Gilles ,  Archidiacre  de  Rouen  ,  le  pria  de  le  mettre  par  écrit. 
On  l'a  mis  au  rang  de  les  Lettres  ,  parce  qu'il  eff  précédé 
d'une  Lettre  à  cet  Archidiacre.  Nous  en  avons  parlé  plus  haut.. 
Arnoul  fit  un  autre  Difcours  dans  un  Concile  où  il  s'agiffoit 
de  l'éledion  d'un  évêque.  Dom  Luc  d'A chéri  n'en  a  donné 
qu'un  fragment  dans  le  fécond  tome  du  Spicilege  (x).  Il  efl 
tout  entier  dans  la  Bibliothèque  des  Pères,  à  Lyon  en  1^77» 
La  beauté,  l'unité,  la  catholicité  de  l'Eglile  en  font  la  ma- 
tière. Arnoul  s'y  déclare  ouvertement  contre  l'élcêlion  de 
Girard  ,  comme  faite  contre  les  règles. 

Tag.  1553,  XXVIL  II  approuva  &  confirma  celle  de  l'Abbé  de  Ber- 
nac  ,  mais  il  trouva  mauvais  que  le  Prieur  ne  fût  pas  vena 
lui-même  avec  quelques-uns  de  fes  Religieux  lui  demander 
le  jour  de  la  bénéditfion  du  nouvel  Abbé ,  &  qu'il  ic  fût  con- 
tenté de  lui  députer  un  jeune  Moine  fans  moeurs  &  fans  gra- 
vité. Il  ordonna  donc  au  Prieur  de  le  venir  recevoir  au  jour 
rnarqué  pour  cette  cérémonie  ,  &  de  le  faire  accompagner 
d'un  nombre  compétent  de  la  Communauté  ,  avec  celui  qu'ils 
avoient  élu  pour  leur  Abbé.    Dans  fa  Lettre  à  Albert  & 

^"g- 1338.  Theodin  ,  Légats  du  Pape  ,  il  fait  voir  qu'à  caufe  de  l'in- 
continence des  Prêtres ,  très-fréquente  dans  fa  Province  ,  il 
n'efl  pas  expédient  de  donner  des  Bénéfices  aux  fils  des  Prê- 
tres ,  de  peur  qu'à  l'exemple  de  leurs  pères  ils  ne  fouillent  le 
Sanduaire  du  Seigneur.  Il  fe  plaint  encore  au  Pape  Alexan- 

Pig'-iii?-   dre  III.  que  les  Moines  recevoient  des  Cures  &  des  dixmes 


CkJ  T»m,  z,  Sficilig,  f,  jfoj' 


EVESQUE  DE  LlSTEUX,  Ch.  XXTf.        325 

de  la  main  des  Laïques,  &  rdiiroicnt  l'obéi  (Tance  aux  Evêques. 
Cette  dernière  plainte  icgardoit  partirulicrcmcnt  TAbbc  de 
Sa  ni-Evroul  ,  qui  avoit  célèbre  la  Melle  &  tous  les  autres 
OtHces  divins,  au  préjudice  de  la  lulpcnfc  Se  de  ranathérac 
c]ue  Ion  Evcque  avoic  prononcé  contre  lui. 

XXVIII.  L'Evcque  de  Lilieux  s'occupoic  quelquefois  de  Poétîesd'Ar» 
poélies.  Ses  vers  ont  de  la  dignité.  Le  premier  Poëmc  cfl  iyr  "j",'; 
la  Nativité  de  Jcllis-Chrift  ;  les  autres  fur  différentes  matières  '^'  ' 
qui  n'ont  que  peu  ou  point  de  rapport  à  la  Religion  ,  comme 
fur  le  retour  du  Printemps,  le  changement  des  laifons.  Celui 
qui  efl  addrefîé  cà  un  jeune  homme  &  à  une  jeune  fille  qui 
s'aimoienc ,  eft  trop  libre  ;  c'ell  apparemment  un  des  fruits 
de  fa  jeunefle.  Il  compofa  divcrfes  Epitaphes,  pour  le  Roi 
Henri,  pour  l'Impératrice  Mathilde,  pour  Algar,  Evêc|ue 
de  Confiance,  &  Hugues,  Archevêque  de  Rouen,  L'Épi- 
gramme  fur  Jefus-Chrift  attaché  à  la  Croix  efl  en  quatre 
vcrsélégiaques.  Il  dit  dans  une  autre  qu'il  pafîbit  en  Norman- 
die pour  un  Poëte  célèbre,  &  qu'en  France  on  convcnoit  qu'il 
n'avoit  pas  fon  femblable  :  mais  il  faut  remarquer  qu'il  parloic 
ainfi  à  fon  neveu,  dont  il  relevé  auiïi  les  talens  pour  la  Poéfic. 
Il  en  avoit  lui-même  beaucoup  en  tout  genre  ;  &  dans  tout 
ce  que  nous  avons  de  lui  on  remarque  aifément  un  cfprit  fin , 
délicat,  pénétrant.  Ses  Lettres  font  écrites  avec  beaucoup  de 
grâce  &  d'élégance. 

CHAPITRE     XXII L 

Gratien ,  Moine  Bénédiâin,. 

I.  T  L  étoit  natif  de  Clufium  ou  de  Chiufi  en  Tofcane  (a).  Grntien,Moi. 
X  Quelques-uns  lui  donnent  pour  frère  Pierre  Lombard  ,  "« ^^■"^'^''^'^"'• 
Maure  des  Sentences ,  &  le  font  Moine  de  Saint  Procule  à 
Boulogne  :  mais  fi  l'on  a  égard  au  lieu  de  leur  naifi^ance  ,  ils 
ne  peuvent  vraifemblablement  paffer  pour  frères  ,  puifque 
Pierre  Lombard  étoit  né  près  de  Novarre  en  Lombardie,  & 
Gratien  dans  la  Tofcane  ;  &  l'on  voit  par  l'Épitaphc  qu'on 
lui  a  dreffée  dans  rEglile  de  Saint  Félix  &  de  Saint  Nabor 


(«)  Mabillon,  Aima:.  Ecncd.  tom.  0,  /iy.  7? ,  iinm.  itj.. 


j  25  G  R  A  T  I  E  N; 

a  Boulogne ,  qu'il  étoit  Moine  de  ce  Monaflere  ,  &  non  de 
celui  de  Saine  Procule  fitué  en  la  même  Ville.  L'nnnce  de  fa 
mort  n'crt  pas  marquée  dans  cette  Epitaphe  ,  &  Ton  ne  fçaic 
quand  elle  arriva. 
Son  Déciet      II.  Graticn  fît  fa  principale  occupation  de  la  ledlure  des 

ouCoiieâion  Canons  dans  les  Colleclions  deDenysle  Petit,  d'Ifidorejde 
Bouchard  de  "Wormcs  ,  d'Yves  de  Chartres ,  8c  de  quelques 
autres.  Les  défauts  8c  les  contrariétés  qu'il  y  remarqua ,  lui 
firent  naître  le  dcflein  d'en  compofer  une  nouvelle  plus  com- 
plette.  11  la  commença  en  1 1 27  ^  &;  l'acheva  en  1 1 5  i  dans 
le  Monaflere  de  S.  Félix,  fous  le  Pontificat  d'Eugène  III. 
Réputation      m.  H  donna  à  cette  Colle£tion  le  titre  de  Concorde  des 

d«  ce  Décret.  ç]jfjQj^g  difcordans ,  &  c'efl:  ainfi  qu'elle  efl:  intitulée  dans  les 
anciens  Manufcrics  (b).  Innocent  III.  l'appelle  Corps  des 
Décrets.  On  la  nomme  auflfi  le  Livre  des  Décrets ,  ou  fim- 
plement  le  Décret.  AuflTi-tôt  qu'elle  parut,  on  négligea  celles 
qui  avoient  cours  auparavant.  Elle  fe  répandit  rapidement 
dans  les  Provinces  étrangères  ;  &  dès  l'an  i  iS6  Guillaume 
de  Paflfavant  en  avoir  fait  prcfcnt  à  l'Eglife  du  Mans.  On 
donna  à  Gratien  la  qualité  de  Maître  ,  &  fon  autorité  fut 
d'un  très-grand  poids  dans  la  décifion  des  caufcs  eccléfial- 
tiques. 
Fautes  dans      IV.  On  Convient  néanmoins  que  fa  Colle£tion  n'a  pas  le 

ce  Décret,  degré  de  perfedion  qu'il  auroit  dû  lui  donner.  Il  copie  fou- 
vent  les  fautes  qui  étoient  dans  celles  de  Bouchard  &  d'Yves 
de  Chartres.  Ses  extraits  ne  font  pas  toujours  exacts  ;  & 
comme  il  ne  fçavoit  pas  le  Grec  ,  il  s'en  eft  trop  facilement 
rapporté  aux  mauvaifes  traductions  des  Ouvrages  des  Pères 
qui  ont  écrit  en  cette  langue.  L'emprcflcment  même  que  Ton 
eut  partout,  foit  avant,  loit  depuis  l'invention  de  l'Imprime- 
rie ,  à  donner  place  cà  ce  Décret  dans  les  Bibliothèques ,  oc- 
cafionna  de  nouvelles  fautes,  tant  par  l'inhabileté  des  Copifles, 
que  par  la  négligence  des  Imprimeurs. 
Correftion      V.  Lcs  Papes  Pie  IV.  &  Pie  V.  s'intcrcflcrcnt  à  donner 

Je  ce  Décret,  pj^g  corrett  le  Décret  de  Graticn ,  &  choifirent  à  cet  effet  des 
gens  habiles ,  foit  parmi  les  Cardinaux ,  foit  entre  les  fçavans 
Canoniftes  de  leurs  temps.  Grégoire  XIII.  mit  la  dernière 
main  à  ce  travail ,  qui  fut  achevé  en  1580.  Par  fcs  foins  &  ceux 
de  fes  Prédéceffcurs  le  Texte  de  Gratien  fut  revu  &  corrigé 

(*)  MaBili.  Uid. 


MOINE  BÉNÉDICTIN,  Ch.  XXTIT.  327 
fur  les  meilleurs  &  les  plus  anciens  Manufcrits.  Dans  les  ci- 
tations où  il  avoit  mis  un  Pcrc  pour  un  autre  ,  on  rcndic  le 
paflagc  cité  à  Ion  véritable  auteur ,  8c  l'en  manqua  en  mcmc- 
temps  le  Livre  ,  le  Traité  ,  le  Dilcours  d'où  ce  pallage  étoic 
tiré  i  car  il  étoit  arrivé  à  Gratien,  comme  à  Bouchard  &  à 
Yves  de  Chartres ,  de  citer  en  général  les  Ecrits  de  S.  Jérôme 
&  de  Saint  Auguftin ,  lans  déligncr  l'endroit.  Souvent  audi  il 
n'avoit  donné  que  le  précis  de  plulieurs  paflages  enlcmble  , 
fans  rapporter  les  propres  paroles  du  Père  qu'il  citoit.  Pour 
la  latisfadion  des  Lcdeurs  on  a  mis  ces  paflages  entiers ,  en 
marquant  l'endroit  d'où  ils  font  tirés.  On  en  a  uié  de  même 
à  l'égard  des  Canons  des  Conciles  de  l'Eglife  Grecque.  Le 
texte  y  eft  en  cette  langue  ,  au  lieu  que  Gratien  ne  l'avoic 
donné  que  fuivant  la  verfion  de  Denys  le  Petit ,  &  l'on  a 
iuivi  cette  méthode  dans  plufieurs  paflTages  des  Pères  Grecs. 

VI.  Le  Décret  de  Gratien  ainfi  corrigé  fut  imprimé  à     Editions  d» 
Rome  en  1580,  par  ordre  du  Pape  Grégoire  XIII ,  qui  y"    ^""* 
joignit  une  Bulle  portant  dcfenfe  à  tous  les  Imprimeurs  Ca- 
tholiques ,  fous  peine  d'excommunication  &  d'amendes  pé- 
cuniaires ,  de  s'éloigner  en  quoi  que  ce  fût  dans  les  impref- 
fions  à  faire  dans  la  fuite ,  de  celle  qu'on  avoit  faite  à  Rome 
en  ladite  année.  Sa  Bulle,  qui  eft  du  premier  Juillet  i58.o  , 
fut  exécutée  dans  les  éditions  de  Venile  en  1584,  de  Lyon 
la  même  année ,  &  en  1 55?  1  ;  de  Paris  en  1 5  84  &  1^12,  8c 
de  Francfort  en  1586  &  1 590  :  mais  il  y  en  avoit  plufieurs 
avant  cette  Bulle  ;  fçavoir,  à  Strafbourg  ,  en  grand  papier , 
fan  147 1  par  Henri  Eggeflcin  ;  à  Cologne  la  même  année,, 
chez,  Pierre  d'Ofpe  ;  à  Mayence  en  1472  ,  de  Flmprimerie 
de  Pierre  Schoiffer  de  Gcrnershcym  ,•  à  Venife  en  1474  & 
J475>,/o/.  avec  la  Préface  de  Pierre  Albignan ,  &  en  1480 
f;;-4'*.  psr  Adam  de  Rotnil.  L'édition  de  J478  ,  en  la  même 
Ville  ,  efl  enrichie  d'une  glofe  ,  de  même  que  celle  de  Bafle 
en  1476^0/.  Les  deux  autres  éditions yb/.  faites  à  Venife,. 
font  de  l'an  Jj^S6 8c  1493.  Il  y  en  a  cinq  de  Paris,  en  i  çoo 
7/2-4°  ,  1508,   1517  2/î-8° ,  1522  &  1528  ?tt-4",  &  deux 
d'Anvers, chez  Plantin,  en  1570  &  1573,  par  les  loins  d'An- 
toine Contius ,  ou  le  Conte ,  qui  avoit  fait  quelques  cor- 
redions  dans  le  Décret. 

VIL  Gratien  a  divilé  fa  Colle£lion  ou  fon  Décret  en  trois   Ce qu'il con-- 
parcies.  La  première  traite  d'abord  du  Droit  en  général ,  tient. 
puis  de  fes  différentes  efpcces  ;  le  Droit,  naturel  y,  le  Droit 


328  G  R  A  T  I  E  N, 

divin  fondé  fur  les  faintes  Ecritures  -,  le  Droit  ccclcfiaflique 
aucorifé  par  les  Canons  des  Conciles ,  les  Décrets  des  Papes, 
les  Statuts  des  Percs ,  les  Conftitutions  des  Empereurs  pour 
lEglil'e.  Gratien  cite  indifféremment  les  fauffcs  comme  les 
vraies  Décrérales.  Cette  première  partie  eft  divifée  en  cent 
&  une  Diftin£tions ,  dont  chacune  fe  fous-divife  en  Capitules. 
Il  y  cii  principalement  queftion  des  Miniftres  de  l'Egliie.  La 
féconde  contient  trente-lix  Caufes  compofées  de  plufieurs 
queftions,  fous-divifées  également  en  Chapitres ,  fuivant  les 
divers  cas  que  l'on  y  décide.  La  troifieme  cfl:  intitulée  de  la 
Confécration.  On  y  traite  de  l'Office  divin  &  des  Sacremens 
dans  cinq  Diftintiions.  Les  Canons  pcnitentiaux  font  à  la 
fuite  du  Décret,  &  ils  y  étoienc  néceflaires  pour  i'inflruclion 
des  Miniftres  de  l'Edife. 
Additions  au      VIIL  On  rencontre  de  temps  en  temps  dans  le  Décret 

Décret.  quelques  articles  qui  y  ont  été  ajoutés  fous  le  titre  de  Paleas, 
terme  dont  la  fignification  n'eft  pas  bien  fixée.  Les  uns  croient 
qu'il  faut  entendre  par -là  des  additions  de  peu  de  confé- 
quence;  d'autres,  des  remarques  anciennes  qui  ont  rapport 
à  ce  qui  efl  contenu  dans  le  corps  du  Décret.  Il  efl  plus  vrai- 
femblable  que  Paleas  fe  doit  prendre  pour  Cotta  palea  ,  Dii- 
ciple  de  Gratien ,  qui  ajouta  certains  Chapitres  à  l'Ouvrage 
de  fon  Maître. 
Remarques      IX.  Dans  le  tcmps  que  Grégoire  XIII.  faifoit  travailler  à 

fur  le  Décret.  l'édition  romaine  du  Décret  de  Gratien  ,  Antoine-AuguIIin, 
Archevêque  de  Tarragone  ,  compoia  deux  Livres  en  forme 
de  Dialogues ,  intitulés  de  Li  CorreElion  de  Gratisn.  L'Auteur 
fit  à  cet  Ouvrage  plufieurs  additions  ,  lorfqu'il  eût  lu  l'édition 
du  Décret  faite  à  Rome  en  1 580;  mais  il  ne  donna  pas  au 
Public  ce  qu'il  avoit  fait  fur  Gratien.  Ses  Remarques  ne  furent 
imprimées  qu'en  1587  à  Tarragone  ,  un  peu  après  fa  mort. 
M.  Balufe  en  fit  une  féconde  édition  en  1(^72 ,  à  Paris  chez 
François  Muguet.  Il  mit  en  tête  une  Préface  très-lçavanre, 
&  répandit  fur  tout  l'Ouvrage  de  l'Archevêque  de  Tarragone 
des  Notes  très-inftru6lives.  Ce  Prélat,  dans  le  premier  Livre 
au  feizieme  Dialogue,  rapporte  le  jugement  que  S.  Antonin  , 
Archevêque  de  Florence ,  a  fait  du  Décret  de  Gratien  ,  en 
difant  qu'il  y  a  plufieurs  chofes  dans  ce  Décret  qui  ne  font 
plus  en  ufage  ;  d'autres  qui ,  après  avoir  été  établies  par  les 
Papes  ou  pir  des  Conciles,  ont  été,  ou  révot]uécs  nommé- 
ment ,  ou  ccfle  d'être  obferYces  par  une  coutume  généralement 

contraire. 


MOINE  BÉNÉDICTIN,  Ch.  XXllT.  ^  529 
contraire.  Il  en  donne  pour  exemple  le  jeûne  du  Carême  que 
les  Clercs ,  fuivant  que  le  dit  Graticn  (c) ,  dévoient  commencer 
à  la  Scxagcfimc,  &  qu'ils  ne  commencent  aujourd'hui  qu'avec 
les  Laïques  :  les  jours  des  Rogations  ,  où  ,  félon  les  Conciles 
de  Lyon  Se  d'Orléans  cités  par  Gratien  (  ^)  ,  on  devoit  s'abf- 
tenir  de  travail  &  jeûner,  l'ont  obfervcs  tout  différemment. 
Il  en  cfl  de  même  de  la  lemainc  de  Pâques ,  que  ces  Conciles , 
cités  une  féconde  fois  par  Gratien  (e)  ,  ordonnoicnt  de  chô- 
mer. Le  travail  n'y  efl:  plus  défendu  que  dans  les  deux  ou  trois 
premiers  jours  de  l'Odavc.  Saint  Antonin  allègue  plufieurs 
autres  exemples  d'ufage  établis  dans  le  Décret  de  Gratien, 
que  l'on  ne  fuivoit  plus  dans  les  treizième  &  quatorzième 
iiécles. 

X.  Mais  il  efl:  important  de  remarquer  que  ces  changcmens  ^l^oarîne  Jd 

_  1  ri  •  j      j-V  •    r  o  Gratien    fur 

ne  tombent  que  lur  des  points  de  diiciphne ,  &  que  ce  que  pEuciiariftie , 
l'on  trouve  dans  le  Décret  touchant  les  Myfleres  de  la  Foi ,  de  Cafecrut. 
a  été  enfeigné  invariablement  jufqiùi  nos  jours.  Ce  fait  n'étant  dii^'-"^:)_y'''h 
contcite  de  pcrfonne  ,  nous  nous  contenterons  de  rapporter 
ce  qu'il  a  dit  de  la  tranflubflantiation ,  ou  du  changement  réel 
du  pain  &  du  vin  au  Corps  &  au  Sang  de  Jefus-Chrift  ,  afin 
de  continuer  la  chaîne  de  la  tradition  fur  cet  article.  Il  s'é- 
tablit par  le  témoignage  des  anciens  Pères  de  l'Eglife,  &  par 
l'abjuration  que  Berenger  fit  de  l'erreur  contraire  dans  le  Con- 
cile de  Rome  fous  le  Pape  Nicolas  II ,  en  préfence  de  cent 
treize  Evcques,  reconnoiflant  que  ceux-là  étoient  dignes  d'un 
anathême  éternel ,  qui  ne  confeffoient  pas  que  le  pain  &  le  vin 
offerts  fur  l'Autel  font,  après  la  confécration ,  non-ftulemenc 
lacrement ,  mais  aufîî  le  vrai  Corps  &  Sang  de  notre  Seigneur 
Jefus-Chrift ,  qui  eft  en  vérité  &  non  en  lacrement  ou  figure 
manié  par  les  mains  des  Prêtres ,  rompu  &  lacéré  par  les  dents  "^ 

des  Fidelles.  Enfuite  il  s'explique  lui-même  plufieurs  fois  fur 
ce  Myffcre.  Le  pain,  dit-il  (/)  ,  qui  eft  fur  l'Autel,  efl:  du 


(c)  Gratian.  ^//?.  4,  citp.  3^4.       j  titur  pro  populo,  pro  Regibus,  pro  ca:- 
(^d)  Gratian.  di/lhii.  3,  m/',  i  X^  5.      teris.  Ubi  venitur  ut  conficiatur  venera- 


àe  p^ne  fit  caro  Ciirifti.  Hoc  igitur  adftrua- 
mus  quomodo  qui  panis  efl.  Corpus  eiTe 
Clirifli  ;  confecratione.  Confecratio  aurem 
quibus  verbiî  eft  &  cujus  fermonibus  ?  Do- 
niini  Jefu.  Nam  per  cmnia  rsliqua  qua 
dicuntur,  laus  Deo  defertur,  oratione  pe- 


Erg. 

tum.  Qiiis  fermo  Chrifli  f  nempe  is  quo 
fada  funt  omnia.  Ju(Tît  Dominus ,  &  fac- 
tum  efl  Cœ!um  :  juffit  Dominus ,  &  fiifta 
eft  Terra  . ..  Vides  ergo  quàm  operatorius 
fie  fermo  Clirifti.  Si  ergo  tanta  vis  eft  irt 
fermoné  Domini  Jefu,  ut  inciperent  efle 


Tome  XXllî.  Tt 


350  G  R  A  T  I  E  N, 

pain  ordinaire  avant  que  le  Prêtre  prononce  les  paroles  faCra* 
nienccllcs  ;  mais  par  la  confccration  le  pain  eft  fait  la  chair  de 
JefLiS-Chrift.  Mais  comment  ce  qui  cil:  pain  peut- il  ctre  le 
Corps  de  Jerus-Chrid?  Par  la  confécraticn.  Par  quelles  paroles 
fc  fait  cette  conffcratlon,  &  de  qui  font  ces  paroles?  Du  Sei- 
gneur Jefus:  car  tout  ce  qui  précède  ces  paroles  dans  le  Canon 
de  la  McfTe ,  n'eil  qu'une  louange  à  Dieu  &  une  prière  pour 
le  Peuple,  pour  les  Rois ,  &  les  autres  Membres  de  l'Eglife. 
Mc!i>  1  jrfque  le  Prèire  arrive  au  moment  de  confacrer  le  vé- 
ne  a'.ile  Sacrement ,  il  n'emploie^ plus  fes  propres  paroles ,  il  fe 
ferc  de  celles  de  Jelus-Chrift.  C'eft  donc  la  parole  de  Jefus- 
Chrifl  qui  fait  ce  Sacrement.  PAais  quelle  efl:  cette  parole  ? 
Celle  par  qui  routes  chofes  ont  été  faites.  Le  Seigneur  a  com- 
mandé, &  le  Ciel  a  été  fait;  le  Seigneur  a  commandé,  &la 
Terre  a  été  faite.  S'il  y  a  tant  de  force  dans  fa  parole  ,  que 
par  elle  foient  faites  les  choies  qui  n'étoient  pas ,  à  plus  forte 
raifon  peut-elle  faire  que  celles  qui  étoient  foient  changées  en 
d'autres ,  &  que  ce  qui  étoit  pain  avant  la  coniccration  ,  foiC- 
Corps  de  Jefus- Chrift  après  la  confécration  -,  parce  que  la  pa- 
role de  jelus-Chrilf  change  la  créature  ,  &  il  arrive  que  du 
pain  efl  formé  fon Corps,  &  du  vin  mêlé  d'eau  fon  Sang, par 
la  confécration  du  Verbe  célefte.  Gratien  rapporte  les  paroles 
de  la  confécration  ,  qui  font  :  Ceci  efl  mon  corps  j  ceci  eji  mon 
fangy  en  remarquant  que  celles  qui  précédent  iont  de  l'Evan- 
gélifte  ,  &  non  de  Jcfus-Chrifl. 
rEuchariftie  XL  Gratien  ajoute  que  quoique  (g)  la  figure  du  pain  8c 
méJe^qui' eft  ^^'^  ^^^  ^'^^^  après  la  confécration  ,  on  doit  croire  toutefois 
fortie  du  fein  qu'il  n'y  a  réellement  que  la  chair  &  le  fang  de  Jefus-Chrifl, 
de  la  Vierge,  |^  même  chair,  &  non  autre,  que  telle  qui  ell  n:e  de  Marie  , 
Hf  qui  a  fouflfert  fur  la  croix  ,  &  qui  efl:  refiulcitée  du  fépuichre» 

On  mange  {/i)  tous  les  jours  le  Corps  de  Jefus -Chrift  dans 


çuï  non  erant ,  quanto  magis  operatorius 
eft,  ut  fint  quie  erant  &  in  aliud  commu- 
tentur  ;  &  fie  quod  erat  panis  ai;te  confe- 
crationem  ,  jam  Corpu-  Chrifli  eft  pofl 
confecrationem,  quia  fermo  Chrifti  mutât 
creaturain ,  &  fie  ex  pane  fitCorpu;  ('hrifti 


multisconfringetur;  &  :  Accipite  &  bibife 
ex  co  omnes ,  hic  eft  en-m  Sanguis  meus. 
Gk-atiakus  ,  de  Ccnfeiratione  ,  dijUrd,  2, 

'■'P-    5Î-  .  .    .    ,.     r 

(  g  )  Licèt  figura  pams  &  vini  lue  fit,, 
omnino  nihil  aliud  quàm  caro  ChFifti  & 


&  vinum  eum  aquâ  in  ealice  mixtum  fit  '  fanguis  ,  poft  conlecrarionem  ,  credenda 


fanguis  confecratione  Verbi  cceleflis 
Omnia  verba  funt  Evangeliftj?  ufque  ad 
Accipite  ,  five  Corpts ,  five  Sanguinem. 
In'e  vrrba  funt  Chrifti  :  Edite  ex  hoc  om- 
nes ,  hoc  efl  enim  Cornus  meum  quod  pro 


funt ...  &  ut  mirabilins  loquar  ,  non  alia 
plané  caro  quàm  qux  nata  rft  de  Maria, 
&  paiTii  in  cruce  ,  Si  refurrexit  de  fepul- 
chro.   Gratjan.  j^:i/.  CI/'.  74. 
(*)  Uid.  (ap.  7J,  77. 


MOINK  HÉNI^.DTCTIN,  Ch.  XXm.  531 
ïe  Sacrement  de  l'Autel  ,&  il  demeure  tout  entier  dans  le  Ciel. 
Fut-il  divité  par  p.irties  (  fous  les  eipcces) ,  cette  divifion ,  qui 
ne  fe  fait  qu'en  figure,  rie  nuit  point  à  l'intégrité  du  Corps  de 
Jefus-Chriiî,  que  chaque  Fidèle  reçoit  tout  entier.  Les  Prêtres 
doivent  avoir  toujours  l'Eucliariflic  en  réfervc  pour  en  com- 
inunicr  les  infirmes ,  afin  qu'ils  ne  meurent  pas  fans  com- 
munion. 

XII.  Il  ncft  parlé  dans  la  troifiemc  Partie  intitulée  de  la  Gratîentraùe 
Confécration  ,  que  des  trois  Sacremens  d'EuchariRie,  de  lîap-  (-rVméns^dans 
tcme  &  de  Confirmation.  Mais  dans  la  trente-troifieme  Caule  fon Décret, 
de  la  féconde  Partie  ,  Gratien  avoit  traité  fort  au  long  du  Sa- 
crement de  Pénitence,  du  Mariage  dans  la  Caule  vingt-fcp- 

tieme,  &  de  l'Extrcme-Ondion  dans  la  Diflindion  ^5  de  la 
première  Partie  du  Décret. 

XIII.  Apres  avoir  établi  dans  la  première  queftion  de  la 
Caufe  vingt-cinquième ,  que  les  Papes  ont  droit  de  faire  de 
nouvelles  loix ,  pourvu  qu'elles  ne  foient  pas  contraires  aux 
Statuts  des  Saints  Pères  ,  &  montré  que  les  Papes  mêmes  fe 
reconnoiflent  obligés  à  l'obfervation  des  Canons  &  des  Dé- 
crets de  leurs  Prédécefleurs  ,  &  qu'ils  ne  peuvent  accorder 
aucun  privilège  contre  les  Canons ,  Gratien  foutient  que  les 
Papes  ne  font  point  liés  par  les  Canons ,  quoiqu'ils  leur  don- 
nent la  force  &  la  vigueur,  &  qu'ils  peuvent  quand  ils  veulent 
y  déroger.  Il  le  prouve  par  trois  exemples  ;  1°.  de  Jefus- 
Chrifl:  qui ,  en  touchant  le  Lépreux  pour  le  guérir ,  fit  contre 
la  Loi  qui  défendoit  de  toucher  ces  fortes  de  malades  :  2*.  des 
Apôtres  qui  arrachèrent  des  épis  &  les  froiflferent  dans  leurs 
mains  le  jour  du  fabbat ,  quoique  cela  fut  défendu  par  la  Loi  ' 
ancienne;  tranfgrefllon  que  Jefus-Chrifl:  jufllfia  par  l'exemple 

de  David  qui ,  contre  la  défenfe  de  la  même  Loi ,  mangea 
dans  le  bcfoin  les  pains  de  propofition  qu'il  n'étoit  permis 
qu'aux  Prêtres  de  manger  :  3°.  par  l'exemple  de  Jefus-Chrifl 
qui  enfeignoit  dans  le  Temple  les  Scribes  &  les  Pharifiens , 
pour  leur  montrer  qu'il  étoit  le  maître  de  la  Loi.  Gratien 
ajoute  que  l'obfervation  des  Canons  de  la  part  des  Papes  , 
cfl:  pour  faire  voir  que  ces  Canons  ne  font  pns  à  mcprifcr  , 
&  fur  cela  il  allègue  encore  l'exemple  de  Jefus-Chrifl  ,  qui 
a  reçu  le  premier  les  Sacremens  qu'il  avoit  ordonnes  à  fon 
Eglile  ,  voulant  les  fandifier  lui-même  en  fa  perionne.  Il 
conclut  de  tout  cela  que  le  Siège  Apoflolique  doit  cbfcrver 
les  loix  qu'il  a  faites  &  dont  il  a  ordonné  l'obfervation ,  non 

Tt  ij 


332  ^  ^  THEODORE  BALSAMON, 
.  qu'il  foit  nccciTitc  à  les  oblcrver ,  mais  pour  leur  donner  plus 
d'autorirc  par  fon  exemple.  Il  die  encore  que  d  .ns  les  cas  où 
le  Pape  contrevient  aux  Cinons ,  il  le  fait  par  manière  de 
difpcnfc ,  &  que  les  Canons  mêmes  laiffenc  toujours  au  Saint 
Siège  le  droit  de  les  inrerpréter.  On  a  eu  foin  dans  l'cdition 
de  Paris  ,  en  i6i  a  ,  de  mettre  en  lettres  it.Uiques  tout  ce  que 
Gratien  dit  lur  cette  matière  ,  afin  de  faire  conno?tre  qu'il 
parle  ici  de  lui-même.  Tourefois  dans  les  trois  fiécles  fui  vans 
on  a  mis  cette  dodrinc  en  pratique,  &  l'on  a  eu  recours  au 
Décret  de  Gratien  comme  à  la  fource  de  la  difcipline  la  plus 
pure, 

CHAPITRE     XXIV. 

Théodore  Baljamon  ,  Patriarche  d'Andoche. 

Pam  i°o'!i°'^^   I.  13  Alfamon  ,  né  à  Conftantinople ,  entra  dans  le  Clergé 
Patriarche  '         |j  de  Cette  Ville ,  où,  fous  le  Patriarche  Michel  Anchia- 
d'Antioche     le ,  u  tut  fait  Garde  des  Loix  &  des  Chartes  de  Sainte  Sophie, 
'^    '        &  premier  Prêtre  des  Blaquernes ,  Eglile  bâtie  hors  des  murs 
par   l'Impératrice  Pulquerie.    Théodore   pofledoit  dans  un 
grand  degré  la  icience  des  Loix  Fxcléfiaftiques  &  Civiles, 
Sa  réputation  à  cet  égard  ,  &  fon  zele  pour  la  défenfe  de  l'E- 
glife  Grecque  contre  les  Latins,  lui  mérirerent  vers  l'an  1 18^ 
la  dignité  de  Patriarche  d'Anrioche.    Il  y  avoir  déjà  long- 
temps que  les  Latins  occupoient  cette  Ville.  Balfamon  voyant 
qu'il  ne  pouvoit  y  exercer  librement  fa  jurifdidion  ,  en  fît 
autant  qu'il  lui  fut  polTible  les  a6tes  à  Confia ntinople  ,  où  il 
fixa  fon  Icjour. 
II  ambition-      II.  Il  y  étoit  encore  lorfque  l'Empereur  Ifaac  l'Ange,  qui 
"hatl^c^^^f  ctoit  mûnté  fur  le  trône  en  1185,  avoit  deffein  de  dépofféder 
taminopie  en  Ic  Moine  Léonce,  Patriarche  deCcnflantinopIe,  &  de  mettre 
ïïi'î.  à  (a  place  Dolithée,  Patriarche  de  Jéruîalem.  Comme  il  Iça- 

voit  que  les  tranflations  étoient  défendues  par  les  Canons  , 
il  confulta  (a)  malicieufem.ent  Ballnmon  ,  en  lui  faitant  en- 
tendre que  s'il  pouvoit  montrer  &  perfuadcr  aux  autres  que 
les  tranflations  fuffent  permifes ,  il  le  placeroit  lui-même  ûir 


^  «  )  Ni^iA*  Cht^iat.  IH,  1 1  ««4.  in  //<««ro,  num,  ^ 


PATRTARCHR  D'ANTTOCHE,  Ch.  XXTV.  ^33 
le  Siège  de  Conlhintinoplc  ,  à  caufc  de  fon  grand  l'çavoir. 
Ballamon  répondic  que  la  choie  ccoic  failablc  ,  ne  doutant 
point  qu'elle  ne  réulsït  en  la  faveur.  Dès  le  lendemain  ce 
Frinee  convoqua  une  AlTcniblée  d'Kvêqucs.  La  qucllion  de 
la  tranll.ition  y  lut  agitée,  &  jugée  permiie  :  TEmpcreur  en 
fk  un  Décret  i  mais  il  transféra  à  Conilantinople  !e  Patriarche 
Dolithéc,  &  Théodore  Ballamion  demeura  Titulaire  d'Antio- 
che.  Ceci  fc  palîa  en  1 1  93.  Ces  Evoques  qui  ne  s'attcndoicnt 
pas  à  la  tranllation  de  Dolithéc  ,  qu'ils  regardoient  comme 
indigne  d'une  place  li  émincnte,  &  fâches  (h)  d'avoir  à  fon 
occalion  violé  les  Canons,  obligeront  Ifaac  l'Ange  de  lui  en 
fubflituer  un  autre  ;  &  ce  fut  George  Xiphilin,  Grand  Tré- 
forier  de  l'Eglife  de  Conilantinople. 

III.  Il  paroît  que  Théodore  fut  en  liaifon  d'amîtic  avec     Commen-s 
lui ,  puifqu'il  lui  dédia  fon  Commentaire  fur  les  Canons  des  rîj'^^n'v^f"' 
Apôtres  ,  des  fept  Conciles  œcuméniques ,  fur  le  Code  de  Cunons. 
l'Eglife  d'Afrique  ,  &  fur  les  Eoitres  canoniques  des  Pères 

Grecs ,  Saint  Grégoire  8c  Saint  Ba.'ile.  Ce  fut  par  ordre  de 
l'Empereur  Manuel  Comnene  &:de  Michel  Anchiale  qu'il  en- 
treprit cet  ouvrage.  11  le  commença  donc  avant  l'an  1 180  , 
qui  fut  l'année  de  la  mort  de  ce  Prince ,  ou  même  avant  l'an 
1175,  auquel  on  rapporte  la  mort  d'Anchiaîe.  Mais  foit  qu'il 
ne  l'eût  achevé  que  fous  !e  Patriarchat  de  Xiphilin  ,  foit  qu'il 
crût  devoir  y  ajouter  ou  corriger,  il  ne  le  rendit  public  qu'a- 
près l'éledion  de  ce  Patriarche.  Ce  Commentaire  fut  imprime 
en  Grec  &  en  Latin ,  cà  Paris  en  1620  h-j/*.  &  réimprimé  avec 
les  notes  de  Guillaume  Bcveregius  à  Oxfort  en  lèji  ,  dans 
la  pandcfte  des  Canons. 

IV.  L'Empereur  Manuel  Comnene  &  le  Patriarche  An-  Expofftiondif 
chiale  ordonnèrent  aufli  à  Théodore  Balfamon  de  faire  un  Nomocanon 
Commentaire  fur  le  Nomocanon  de  Phot'.us.  Chridophe  Juf-  ^        ""* 
telle  le  fit  mettre  fous  la  preffe  en  grec  &  en  latin  à  Paris  en 

1 61  f  ?«-4°,  &  Henri  Jufielle  ,  conjointement  avec  Gmillaume 
Voclle ,  lui  donnèrent  place  dans  le  fécond  Tome  de  la  Biblio- 
thèque du  Droit  Canoniciue  ancien,  imprimée  en  la  même  Ville 
en  ï66i ,  -n-fol.  p.  8r  j .  Dans  la  Préface  de  ce  Commentaire 
Balfamon  avertit  (c)  qu'il  marquera  les  loix  qui  étoient  en 
vigueur  de  fon  temps ,  &  celles  qui  n'y  étoient  plus  depuis  la 
dernière  corredion  du  Code  des  Loix  par  l'Empereur  ConC- 


|C^2 ICM »  '^df  Ç.'  j  trtejat,  in  Nmnoc, Plmii)  Jag,  %\ 4» 


3^4  THEODORE  BALSAMON, 

tantin  Porphyrogencte ,  &  qui  conféqucmment  auroient  été 
abrogées,  n'.iyant  pas  été  miles  dans  les  Bafiiiqucs  compofécs 
après  la  mort  de  Photius.  Il  ajoure  qu'il  cirera  les  livres  des 
Bafiiiqucs  où  fe  trouvent  les  loix  alléguées  par  Photius ,  félon 
les  titres  du  Code  &  du  Digefte.  Cette  remarque  étoit  nécef- 
faire,  afin  que  le  Leftcur  put  diftinguer  les  loix  qui  éroient  en 
aurcrité  du  vivant  de  Photius ,  &  celles  qui  n'obligeoicnt  plus 
lorfque  Ballamon  écrivoir.  Dans  fon  Commentaire  iur  le  cha- 
pitre premier  du  tirre  huitième  (  ^  ) ,  où  Photius  dit  que  Conf- 
tantinople  a  les  prérogatives  de  Tancienne  Rome ,  Théodore 
remarque  qu'il  n'en  eft  rien  dit  dans  les  BaCiUques  ;  &  après 
avoir  rapporté  comme  authentique  la  donation  deCondantin, 
où  font  contenus  les  privilèges  de  l'Egliie  de  Rome,  il  ajoute 
que  quelques  Archevêques  de  Conftantinople  ont  effayé  de  fe 
les  attribuer ,  mais  qu'ils  n'y  ont  pas  réufTi. 
Colleftion  V.  La  Bibliothèque  du  Droit  Canonique  ancien  contient 
des  Conftitu-  encotc  k  CoUeûion  que  Balfamon  a  faite  des  Conftitutions 
SLel"^^'  Eccléfiaftiques ,  nommée  quelquefois  Paraiitla ,  parce  qu'on 
y  rapporte  fous  un  même  titre  tout  ce  qui  y  a  du  rapport , 
afin  que  le  Ledeur  voie  d'un  coup  d'œil  tout  ce  qui  concerne 
une  même  matière.  Jean  Leunclavius  la  fît  imprimer  en  latin 
en  1  5^3  î  fous  le  titre  de  Faratiîh  ;  puis  elle  a  paru  en  grec 
&  en  latin  ,  &  corrigée  fur  plufieurs  manufcrits  grecs  dans 
la  Bibliothèque  de  Juflelle  ,  par  Annibal  Fabrot ,  Jurifcon- 
fulte  ,  qui  l'enrichit  auflTi  de  fes  notes  :  elles  font  fui  vies  de 
celles  de  Leunclavius,  divifées  en  deux  livres,  hçs  loix  rap- 
portées dans  la  CoUeâion  de  Théodore  Balfamon  font  tirées 
du  Code  de  Juftinien  ,  du  Digefle ,  des  Inftituts  ,  des  No- 
vclles ,  &  d'une  Novelle  de  l'Empereur  Heraclius ,  où  il  eft 
parlé  des  privilèges  des  Evêques ,  des  Clercs ,  &  de  ceux  qui 
mènent  une  vie  Jolitaire.  Les  principales  matières  de  cette 
Collc£lion  regardent  ce  que  la  Foi  catholique  nous  cnlcigne; 
la  manière  dont  on  doit  traiter  les  chofcs  îaintes,  comme  les 
Reliques  des  Saints,  les  biens  qui  appartiennent  à  i'Eglife, 
les  qualités  &  les  privilèges  de  les  Miniftres  &  leur  pouvoir; 
les  Hérétiques,  les  Apoftats  &  les  Juifs,  il  y  a  un  titre  par- 
ticulier fur  l'unité  du  ÎBaptême ,  où  il  eft  dit  quelque  chofe  du 
Baptême  conféré  par  les  Hérétiques. 
Réponfes  à      VL  Balùmon  traite  plufieurs  queftions  de  Droit,  comme 

diverles  ijuef- 

(i)  Uid.  ^.»^. 5117. 


PATRIARCHE  D'ANTrOCHE,  Ch.  XXIV.  3^5 
de  IVrcdion  des  Evc-chJs  en  Métropoles  ;  de  ceux  qui  écoienc  tlonsi'uDroft. 
élus  pour  les  Eglifes  d'Orient  ;  du  for  extérieur  ,  des  Clercs,  ^;';^^^';;;;;;^'^_"- 
8c  autres  rcmblibles  rapportées  dans  le  fécond  ,  le  cinquième  j^;  7, 
&  le  fcptieme  livres  du  Droit  Grec-Komain.  La  plupart  l'ont 
des  réponlcs  aux  queilions  de  Marc,  Patriarche  d'Alexan- 
drie. Parlant  (e)  des  Patriarches ,  il  donne  le  premier  rang 
à  celui  d'Antio'.he  ;  en  luppofont ,  mais  fans  le  prouver,  que 
S.  Evode  ,  premier  Evêque  de  cette  Ville  après  S.  Pierre  , 
avoit  été  ordonne  par  cet  Apôtre.  Il  dit  enfuite  que  S.  Pierre 
fît  S.  Marc  Evêque  d'Alexandrie,  S.  Jacques  Evêque  de  Jé- 
rufalem,  Se  S.  André  de  Tlirace  ;  qu'environ  trois  cents  ans 
après  ,  l'Empereur  Conftantin,  après  avoir  embrafTc  le  Chrif- 
tianilme,  nomma  Saint  Sylveftre  Pape  de  l'ancienne  Rome  , 
cnfortc  qu'il  fut  le  premier  Pontife  de  cette  Ville.  Il  ajoute 
que  le  Siège  de  l'Empire  ayant  été  transféré  de  l'ancienne 
Kome  à  Bylance  ,  Metrophane ,  qui  en  étoit  Evêque  ,  prit  le 
titre  d'Archevêque;  que  le  premier  Concile  de  Conflantino- 
ple  lui  accorda  les  privilèges  de  l'ancienne  Rome  ,  comme 
étant  la  nouvelle;  qu'encore  que  le  Pape  de  l'ancienne  ait  été 
retranché  des  Eglifes,  ce  retranchement  n'a  porté  aucun  pré- 
judice au  bel  ordre  établi  par  les  Canons.  Balfiimon  eft  le 
premier  qui  ait  dit  que  les  Grecs  fe  fuffent  féparés  de  la  Com- 
munion du  Pape ,  &  on  ne  connoît  point  d'ailleurs  le  Décret 
par  lequel  ils  s'en  font  féparcs.  Il  témoigne  que  cette  fépnra- 
tion.  lui.  perce  le  cœur  ,  &  qu'il  en  attend  la  fin  avec  impa- 
tience par  la  conccfTion  du  Pape.  A  l'égard  des  Patriirchcs 
d'Antioche  &  de  Jérufalem  ,  qui  par  les  incurfions  des  Gen- 
tils étoient  réduits  à  rélider  hors  de  leurs  Sièges  ,  il  prétend 
qu'ils  ne  perdent  rien  pour  cela  de  leur  dignité  &  des  hon- 
neurs qui  leur  font  dûs ,  lur  quoi  il  cire  le  ^7  Canon  du  Con- 
cile de  Trulle  Ilciteauffi  laConftitunon  d'Alexis  Comnene, 
qui  conferve  auxEvêques ,  qui  n'ont  pu  prendre  poffefFion  de 
leurs  Sièges  à  caufe  de  rincurdon  des  Barbares  ,  les  droits 
épifcopaux,  leurs  Abbayes,  &  leurs  pendons. 

VII.  Conlulcé  par  le  peuple  de  l'Eglife  d'Antioche,  fi  l'on     Lettres  au 
devoir  jeûner  la  veille  des  quatre  grandes  Fêtes  que  l'on  ce-  P'^'upie  d' \n- 
lebroit  avec  joie  ;  fçavoir ,  celles  des  Apôrres  ,  de  la  Transfi-  ^^%îZ,J^"^' 
guration  de  notre  Seigneur  Jefus-Chrifl ,  de  la  Dormition  Cff/fm,/?..^^.! 
ou  AfTomprion  de  la  Sainte  Mère  de  Dieu^,  8c  de  la  Naiflance  "^^^^ 

(  e  )  Lib,  7;  Jnrii  Craco'Ramt 


53^  THEODORE  BALSAMON, 

de  Jefus-Chiift  notre  Dieu  &  notre  Seigneur.  Balfamon  ré- 
pondit :  Que  comme  dans  la  Loi  ancienne ,  les  cinq  grandes 
Fêtes  établies  parmi  les  Juifs  étoient  précédées  chacune  d'un 
jeûne  d'autant  de  jours ,  on  doit  jeûner  avant  les  quatre  Fêtes 
dont  on  vient  de  parler.  Quelques-uns  fc  contentant  dob- 
ferver  exa£lemen:  le  jeûne  de  quarante  jours  avant  Pâques , 
croyoient  faire  un  jeûne  de  furcrogation  en  jeûnant  quatre 
jours  avant  la  Fctc  des  Apôtres  &  la  Nativité  de  Jcfus-Chrift , 
&  ne  jeûnoicnt  point  du  tout  avant  la  Transfiguration  &  la 
Fête  de  l'Affomption ,  difa^it  que  ces  jeûnes  n'étoient  ordon- 
nes ni  par  les  Canons  ,  r>,  par  la  Tradition.  BaU'amon  leur 
répond  qu'ayant  jeûné  le  Cai^êmc  à  l'exemple  de  Jefus-Chrifl, 
nous  devons  comme  de  bous  Pénrtens  multiplier  par  le  jeûne 
&  l'oraifon  nos  moyens  de  falut.  Il  fixe  les  jeûnes  de  ces  quatre 
Fêtes  à  fept  jours.  Il  efl:  fait  mention  de  ces  quatre  jeûnes  dans 
le  Droit  Grec-Romain     Cependant  (/)  le  Type  n'en  marque 
que  trois ,  &  lùâc  le  Catholique ,  dans  fa  première  invective 
contre  les  Arméniens  j  ne  dit  rien  de  celui  de  la  Transfigu- 
ration. 
Lettre  à        VÏII.  Théodofe ,  Supérieur  du  Monaftere  de  Papicïus, 
SupTrieur  de  confulta  Balfamon  fur  ce  qu'il  a  voit  à  faire  envers  quelques-uns 
Papicius. fo»w.  de  fcs  Moincs  qui  fe  plaignoient  de  fon  gouvernement.  Les 
3,  Mcmment.  y^g  trouvoicnt  mauvais  qu'il  donnât  l'Habit  monaftique  &  fît 
^^oejrit,pag.  ^^^^^  ^q^  chcveux  à  ccux  qui  venoient  pour  embralTer  la  Pro- 
fefïîon  religieufe  peu  de  temps  après  leur  arrivée  ,  &  fans  les 
avoir  éprouves  pendant  trois  ans ,  ainfi  que  le  prefcrit  Saine 
Bafile  dans  fcs  Afcétiques.  Leur  raifon  étoit  qu'étant  engagé 
par  ce  changement  d'Habit  &  par  la  Tonfure ,  qui  étoient  fui- 
vis  immédiatement  des  Vœux  ,  ils  n'a  voient  pas  eu  affcz  de 
temps  pour  examiner  lérieufement  un  engagement  de  cette 
importance  ;  au  lieu  que  pendant  un  intervalle  de  trois  ans , 
ils  fe  feroient  décidés  avec  connoifTance  de  cauie_,  ou  pour  la 
Religion ,  ou  pour  leur  retour  au  monde.  Une  autre  plainte 
de  leur  parc  étoit  que  Théodofe  faifoit  fubir  de  plus  longues 
épreuves  à  ceux  qui ,  attaqués  de  fréquentes  tentations ,  com- 
battoicnt  avec  les  ennemis  invifibles ,  qu'aux  gens  de  guerre 
qui  quirtoienc  le  fervice  des  armes  j  qui  toutefois  avoient  be- 
foin  d'être  j.'lus  éprouvés  avant  que  de  leur  donner  l'Habit  & 
la  Tonfure  monafliques. 

(/}  CoTELER.  Natù  /;;  L^ijl,  Balfam.  pag.  687, 

La.* 


PATRIARCHE  D'ANTIOCHE.  Ch.  XXIV.    y^-j 
TX.  Ballamon  repond  au  premier  article,  que  S.  B.ililc(^q) , 
Saine  P.icomc  &  Cafllcn  qu'ils  alleguoicnt  encore  pour  une 
épreuve  de  trois  ans,  ne  la  prcfcrivcnr  en  aucun  endroit  de 
Lurs  écrits  ;  &  que  les  anciens  Pcri^s  ne  demandent  autre  choie, 
finon  que  Ton   inflruilc  cxatlcmcnt  les  Novices  des  Dogmes 
de  la  Religion  ,  &  des  moyens  de  reformer  leurs  mœurs ,  & 
qu'on  exige  d'eux  des  marques  de  leur  amour  pour  Dieu.  Il 
fait  voir  enluite  que  le  cinquième  Oinon  du  Concile  deConl- 
tantinople ,  qu'il  appelle  premier  fécond  ,  n'ordonne  l'épreuve 
de  trois  ans  que  pour  ceux  qui  ne  (ont  pas  accoutumés  à  com- 
battre leurs  pa fiions  ,  &  feulement  fix  mois  pour  les  perfonnes 
de  piété  ;  que  ni  les  uns  ni  les  autres  ne  porroient  point  PHabic 
monafiquc  pendant  leurs  épreuves;  que  la  Novelle  de  Jufli- 
nien  déclare  pareillement  que  les  Novices  garHeront,  durant 
l'épreuve  de  trois  ans  ,  leurs  cheveux  &  leurs  habits  ordinai- 
res ,  &  qu'ils  ne  recevront  la  Tonlure  &  l'Habit  monaftique 
qu'après  ce  terme.  D'où  il  conclut  que  les  Moines  de  Papicius 
étoient  mal  fondes  de  s'autoriler  de  ces  Décrets  contre  la  con- 
duite de  leur  Abbé  ;  qu'il  lui  étoic  permis  de  confacrcr  (/^  )  , 
quand  il  lui  plaifoit ,  un  Moine  par  la  Tonlure  &  l'Habit.  Il 
confirme  fon  ientiment  par  le  Chapitre  troiiieme  du  premier 
titre  du  quatrième  Livre  des  Bafiliques  (  z  )  ,  où  il  eft  dit  qu'un 
Abbé  peut  donner  quand  il  lui  pi  ac  l'Habit  monafticjuj  à  ce- 
lui qu'il  fçait  être  de  condition  libre  &  de  bonnes  mœurs. 

X.  Il  eft  fait  mention  dans  les  Commentaires  de  Lambe-  Letfreàl'Ar 
citis  (  fe  )  fur  la  Bibliothèque  Impériale  ,  d'une  Lettre  de  Théo-  Cievcque   de 
dore  Baifamon  à  l'Archevêque  deGraJe  ou  d'Aquilée,  dans    "^^  ^" 
laquelle  il  entreprend  de  montrer  qu'il  n'a  aucun  droit  de 
prendre  le  titre  de  Patriarche.  Il  traite  dans  la  même  Lettre 
de  l'ulage  des  azymes  pour  le  Sacrifice  de  l'autel.  On  attribue 
(/)  encore  à  Ballamon  les  Ades  du  martyre  de  Théodore 
d'Orient  &  de  Claude. 

XI.  Baifamon  vécut  jufqu'à  la  prife  de  Conftantinople  par     jugement 
les  Latins  ,  qui  arriva  le  r  2  Avril  1 204.  Il  a  pafle  pour  le  plus  ^-^  E;crits  d» 
habile  Jurilconiulre  des  Grecs  :  mais  il  étoit  peu  vcrfé  dans  la   ^  '^'"°"' 
critique  &  dans  Thiftoire  des  premiers  fiécles  de  l'Eglife. 


{7)   lbid.p.ny6,  I      (k)  l.AMB^civs  ,  tem.  S,  Ccmmentar, 

(h)    P.'if.  489.  \'Bihli(ilh.Viii<tobcn  1  fa^.  à,gi, 

(  »  )  P'tg.  490.  J       (  /  )  Biiliat,  Bodifiaii.  tium.  3174. 

Tome  XXUI.  V  v 


358  LE  BIENHEUREUX  JOACHIM, 

CHAPITRE     XXV. 

Le  Bienheureux  Joachim  ,  Abbé  &  Fondateur  de  Flore 

en  Calabre. 

Joachim.  Sa  \^  g^^  '{^jt  fous  Ic  titre  de  Bienheureux  que  les  Bollandifles 
ii4f.  V_J  '^^  ont  donne  la  Vie  au  2y  (  a  )  Mai.  Joachim  etoit  ne 

dans  le  Diocefe  de  Coiencc  de  parens  honnêtes  &  pieux  ,  vers 
l'an  1145.  Son  père  fe  nommoit  Mnur  ^  fa  mère  Gemme.  Il 
étoit  bienfait  de  corps ,  d'un  elprit  pénétrant,  d'une  mémoire 
très-heureufe ,  &  d'une  grande  douceur  dans  fes  mœurs.  Après 
avoir  étudié  la  Grammaire,  il  pafla  au  fervice  de  la  Cour.  Il 
en  connut  bien-tôt  les  dangers,  &  prioit  Dieu  de  l'en  pré- 
ferver. 
n  fait  le  II,  La  penfée  qui  lui  vint  d'aller  vifiter  les  faints  Lieux ,  lui 
rufaiem.  ^  ^'  P^tut  un  moyen  que  Dieu  lui  infpiroit  pour  fe  fouflraire  aux 
vanités  &  aux  plaifirs  du  monde.  Il  la  fuivit ,  s'affocia  quel- 
ques perfonnes  qu'il  défraya  dans  le  voyage ,  s'habilla  de  blanc 
d^ine  étoffe  grolTiere,  &  fit  une  partie  du  chemin  pieds  nuds. 
Ayant  vifité  avec  dévotion  tous  les  lieux  que  Jefus-Chrifl  a  voit 
fandiifiés  par  fa  préfence ,  il  pafTa  dans  la  Thcbaïde  pour  s'y 
édifier  par  la  conduite  des  faints  Anachorètes,  occupés  jour 
&  nuit  des  louanges  de  Dieu.  Il  fit  quelque  féjour  à  Jérufalem, 
&  fut  quarante  jours  entiers  fur  le  Mont  Thabor ,  s'y  occupant 
du  chant  des  Hymnes  &  des  Pfeaumes,  &  de  la  méditation 
du  Myftere  de  la  Transfiguration. 
11  revient  en      III.  Sa  piété  fatisfaite  ,  il  revint  en  Calabre  par  la  Sicile  , 

fcit^Abbé  dt  P^^^  ""  ^"  "^^"^  "^  Monaftere  de  l'Ordre  de  Cîteaux  ,  & 
Corace.  prit  enfuite  l'Habit  monaflique  dans  celui  de  Corace,  dont  il 
fut  fait  Abbé.  Pendant  fon  gouvernement  ce  Monaftere  de- 
vint très-floriffjnt ,  &  obtint  de  grands  privilèges  de  la  part 
du  Roi  de  SiciK-.  Mais  Joachim  ne  pouvant  accorder  les  (oins 
que  demandoient  Tadminifiration  des  affaires  temporelles  , 
avec  fon  inclination  pour  l'étude  &  les  ordres  qu'il  avoir  reçus 
du  Pape  Clément  III.  de  continuer  fes  Commentaires  fur 
l'Ecriture ,  il  renonça  avec  fa  permilfion  au  gouvernement  du 

I  ^-— "^"^^— ^^-^ 


ARRÉ  ET  FONDATEUR,  ^c.  Ch.XXV.     339 

Monaftcrc  de  Coracc,  &  fe  retira  avec  un  nomme  R/iynier  y 
qui  étoic  venu  le  joindre  des  extrémités  du  Royaume  de 
Naples. 

IV.  Après  s'être  arrêtes  quelque  temps  en  divers  endroits,  /j'j^''!^"^,^""' 
ils  fixèrent  enfin  leur  demeure  en  un  lieu  dcfert  nomme  Florcy  terc  de  Flore? 
d;ins  le  Diocefe  de  Coicncc  ,  où  ils  bâtirent  un  Monaftere  qui 

en  a  depuis  porté  le  nom.  Ils  y  trouvèrent  beaucoup  d'oppo- 
fition  de  la  part  des  Oflkicrs  du  Roi  de  Sicile  :  mais  l'Abbé 
Joachim  ayant  fait  agréer  fon  établiffement  au  Roi  même,  le 
Monaftcre  de  Flore  prit  en  peu  de  temps  de  grands  accroif- 
femcns.  L'Abbé  Joachim  s'attira  par  fes  vertus  &  fon  fçavoir 
la  confidération  des  Princes  &  des  Grands  du  Royaume.  L'Em- 
pereur Henri  &  le  Roi  de  Sicile  firent  des  largefles  à  fon  Mo- 
naftcre ,  &  l'Impératrice  y  vint  pour  faire  à  cet  Abbé  la  con- 
feflion  de  fes  péchés,  &  en  recevoir  fabfolution. 

V.  Etant  allé  à  Pietra-Fitta  ,  petite  Ville  que  lui  avoit  Mondel'Ab- 
donnée  André,  Evêque  de  Cofence ,  vers  l'an  1202  ,  il  y  bé  Joachim  en 
tomba  malade.  Pkilleurs  de  fes  Moines  y  accoururent ,  avec 

l'Abbé  de  Corace  &  quelques  autres.  Se  fentant  près  de  fa 
fin ,  il  leur  recommanda  de  s'aimer  les  uns  les  autres  comme 
Jefus-Chrift  nous  a  aimés  ;  ce  qu'il  répéta  plufieurs  fois.  Puis 
s'étant  fait  adminiftrcr  les  Sacremens ,  il  mourut  doucement 
entre  les  mains  de  fes  Frères  le  30^  jour  de  Mars  de  l'an  1 202, 
âgé  d'environ  foixante  &  douze  ans.  Son  corps  fut  tranfporté 
dans  l'Abbaye  de  Flore.  Les  Bollandiftes  (b)  ont  rapporté 
quantité  de  miracles  qu'on  dit  avoir  été  faits  par  l'Abbé  Joa- 
chim pendant  fa  vie  &  après  fa  mort.  Il  cfl  honoré  comme 
Saint  en  Calabre. 

VI.  Il  a  laiflfé  un  grand  nombre  d'Ouvrages  ,  dont  quel-  Ses  Ecrits, 
ques-uns  ont  été  rendus  publics  ;  fçavoir,  la  Concorde  de  [■^"r'^j^ure.  ^° 
l'ancien  &  du  nouveau  Teftament,  en  cinq  Livres  ,  imprimée 

à  Venife  en  i  Ç15? ,  ^«-4°.  Il  la  compofa  par  ordre  du  Pape 
LuciusIIl ,  à  qui  il  la  dédia  :  elle  ne  fut  toutefois  achevée  que 
fous  le  Pape  Urbain  III.  Il  traite  dans  cet  Ouvrage  des  cinq 
Sceaux.  Trithême  en  cite  un  fur  les  fepr  Sceaux  de  l'Apoca- 
lypfe  contre  les  Juifs. 

VII.  Son  Pfeautier  à  dix  cordes,  divifé  en  trois  Livres,     P/eautïer  à 
fut  imprimé  à  Venife  en  1 527.  L'Abbé  Joachim  y  traite  du  '"  ^°'  "' 
nombre  des  Pfeaumes ,  des  fcns  myftérieux  &  myftiques  qu'ils 


(  t  )  BOLLAND.  loin.  6  ,  Mail  ,  p.  46  1  î5  fiiiv. 

Vvij 


340  LE  BIENHEUREUX  JOACHIM  , 

renferment  ;  de  li  piilmodie,  de  la  manicre  &  de  l'ufage  de 
1.1  pl'almodie,  &  de  ceux  qui  plalmodient.  11  y  traite  aulfi  du 
Myftere  de  la  Trinité  &  de  la  diilindion  des  Krfonnes,  con- 
formément à  la  Doctrine  catholique.  On  trouve  dans  la  même 
édition  une  Hymne  de  cet  Abbé  fur  la  Patrie  célelle. 
Comi^cntai-      VIII.    II  donne  dans  fes  Commentaires  fur  Ifaie  &  fur 
rt-sfurinuc.   quelques  Chapitres  de  Nahum  j  Habacuc ,  Zacharie  &  Ma- 
lachie ,  le  fens  caché  &  myftique  de  ces  Prophéties ,  en  y  mê- 
lant plufieurs  prédictions  fur  les  calamités  dont  la  plus  grande 
partie  des  Villes  du  monde  dévoient  être  accablées.  Ces  Com- 
mentaires furent  publiés  à  Venife  en  1517,  in-^.". 
Sur  Jéremie.      îX.  Il  écrivit  auffi  fur  Jcrémie ,  &  dédia  fon  Commentaire 
à  l'Empereur  Henri  VI.  Nous  en  avons  trois  éditions ,  deux 
à  Venife  en  151$»  &  15^5»  "3-4°  ;  &  une  à  Cologne  en  i  577, 
7«-8o.  Il  y  prédit  que  î'Eglife  charnelle  ,  appellée  la  Nouvelle 
Bahylorie,  fera  frappée  de  trois  fléaux  ;  fçavoir ,  dans  fes  biens 
temporels ,  par  la  perte  de  l'Empire  d'Allemagne  ;  dans  fa 
Doctrine ,  qui  fera  infe£tée  par  les  Hérétiques ,  fur-tout  par  les 
Patarins;  &  en  troifieme  lieu  par  le  glaive  des  Infidèles,  prin- 
cipalement des  Mahométans.    Il  ajoute  qu'après  que  cette 
Eglife  charnelle  aura  été  prefqu entièrement  détruite,  Jefus- 
Chrift  la  renouvellera. 
AurfesCom-      X.  Il  efl  fait  mention  dans  la  Bibliothèque  (c)  de  Cîteaux 
mentair.s.      ^j^g  Commentaires  de  l'Abbé  Joachim  fur  Ezechias.   Ceux 
qu'il  compofa  fur  Daniel  ont  été  imprimes  à  Venife  en  1 5  1 9. 
Nous  ne  connoiflbns  fon  explication  de  l'Evangile  de  S.  Jean 
que  par  Tritheme  (d).  Le  Commentaire  fur  les  Prophètes  , 
qui  fe  trouve  manufcrit  dans  la  Bibliothèque  Cottoniene.,  & 
qui  efl  dédié  à  Frère  Raynier  de  Ponce ,  paroit  être  le  même 
que  celui  que  l'Abbé  Joachim  écrivit  fur  Ifaïe ,  &  qui  efl  en 
effet  dédié  à  Raynier. 
Commenta;.     XI.  Le  Commentaire  fur  TApocalypfe  parut  à  Venife  en 
re  fur  l'Apo-  1^27,  ^«-40 ,  avec  le  Pfeautier  à  dix  cordes.  Clément  III.  en 
fait  mention  dans  fa  Lettre  à  l'Abbé  Joachim  ,  où  il  dit  qu'il 
l'avoit  compofé  aux  exhortations  de  Lucius  Kl  &  d'Urbain  III. 
fesPrédécefleurs.  On  trouve  dans  ce  Commentaire  diverfes 
prédictions  touchant  les  Empereurs  &  les  Rois  de  Sicile ,  véri- 
fiées en  partie  par  l'événement.  Mais  il  eft  à  remarquer  qu'en 
annonçant  les  chofes  à  venir,  il  ne  le  fait  pas  toujours  d'une 

(  c  )  pag,  lyi.  (i)  Trithem.  Je  Script.  Ecdcf.  c,  j8>. 


ABBÉ  ET  FONDATEUR,  drc.  Ch.  XXV.  341 
manière  dccifivc ,  mais  quckiuctbis  en  doutant  de  revcncmenr  ; 
d'où  vienr  que  S.  Thomas  (  e  )  a  dit  de  lui  qu'il  avoit  pré  lie 
des  choies  vraies,  &  qu'il  s'éroit  trompé  en  d'autres.  On  peut 
mettre  au  nombre  (/)  des  choies  vraies  ce  qu'il  dit  à  l'Em- 
pereur Henri  VI.  dans  Ion  Commentaire  lur  Jércmie,  fur  les 
diviiions  qui  arriveroicnr  après  la  mort  au  iujet  de  Ion  iucccf- 
leur;  Se  ce  qu'il  prédit  à  Tancrcde  ,  fils  naturel  de  Roger, 
Roi  de  Sicile  ,  qu'il  leroit  exterminé  avec  toute  la  pollérité, 
ce  qui  arriva  en  effet  quelque  temps  après.  Que  l'Abbé  Joachim 
ait  prédit  les  événemcns ,  ou  par  l'elprit  de  prophétie  ,  ou  par 
l'efprit  d'intelligence ,  comme  on  le  diloit  alors  lelon  le  té- 
moignage de  Guillaume  (g  )  ,  Evcque  de  Paris,  qui  ccrivoic 
environ  vingt  ans  après ,  c'efl  toujours  un  don  de  Dieu  à  re- 
lever dans  cet  Abbé  ;  &  l'Evêque  que  nous  venons  de  citer 
dit ,  que  ce  don  d'intelligence  cft  en  quelques-uns  d'une  fi 
grande  clarté  &  d'une  fi  grande  pénétration  _,  qu'il  reflcmble 
fort  à  l'efprit  de  prophétie. 

XII.  On  attribue  à  l'Abbé  Joachim  un  Commentaire  fur  ^  ^''P'^^''"" 
les  révélations  du  Bienheureux  Cyrille ,  Hermite  du  Mont-  cyriiiè!'^^  * 
Carmel  ,  mort  en  1225  ,  &  une  Lettre  adreffée  au  même 
Cyrille.  On  trouve  dans  la  Bibliothèque  du  Vatican  deux 
exemplaires  manufcrits  de  ces  révélations ,  avec  la  tradu6lion 
de  l'Abbé  Joachim.  On  les  a  imprimées  à  Venife  en  15 17, 
avec  la  Lettre  de  cet  Abbé.  Elles  ont  pour  objet  les  grandes 
tribulations  de  l'Eglife  jufqu'à  la  fin  des  fiécles  ,  8z  lur-touc 
ce  qu'elle  aura  à  fouîfrir  dans  le  fchifme  de  l'Antechrift  myf- 
tique ,  précurfeur  du  véritable  Antechrift.  Jean  de  Lezana  , 
Carmélite  Efpagnol ,  a  fait  des  notes  fur  ces  révélations ,  mais 
elles  n'ont  pas  encore  été  mifes  fous  preiïc.  Les  révélations 
furent  imprimées  en  Italien  avec  les  notes  d'Anlelme  _,  Evêque 
de  Morfi  ,  à  Venife  en  1589  &  en  16^6  in-^".  Le  Moine  de 
Flore  qui  a  écrit  la  Vie  de  l'Abbé  Joachim,  à\t{h)  que  l'Her- 
mite  Cyrille  lui  envoya  lui-même  fes  révélations  ,  afin  qu'il 
en  donnât  le  fens  d'une  manière  plus  claire  ,  &  qu'elles  fuf- 
fent  entendues  détour  le  monde.  Il  y  a  beaucoup  d'autres  ou- 
vrages prophétiques  fous  le  nom  de  l'Abbé  Joachim,  foit 
manufcrits  ioit  imprimés ,  qui  ne  font  pas  de  lui.  Il  faut  mettre 


(()  Thom.  in  ^  fetttent.  diJîhiS.  4;  ,  i      {g)   Guilleim.  Vixrif.cap.  1 1 ,  p.  i^i. 
q.\  yiirt.  i  ail.  j       (  i  )  BOLLAMD.  <o»J.  6»  AiiKJjfit^.  4î}, 

(  f)  BoLLAND,  tom,  6  ,  Mail  ,  f,  ^%6, 


342  LE  BIENHEUREUX  JOACHTM  ,' 

de  ce  nombre  les  quinze  prédirions  fur  les  Papes  qui  occu- 
pèrent le  Saint  Siège  depuis  Nicolas  1 1 1 ,  clu  en  1 288  ,  juf- 
qu'à  Urbain  VII.  iacré  en  1378.  L'Auteur  donne  à  tous  ces 
Papes  une  Tiare  à  trois  couronnes  ;  ce  qui  n'a  pas  eu  lieu 
avant  Urbain  V.  mort  le  iç  Décembre  1370.  11  n'y  a  pas 
plus  de  railon  d'attribuer  à  l'Abbé  Joachim  les  autres  quinze 
prédictions  qui  vont  julqu'à  Innocent  VIII,c'e(l  plutôt  l'ou- 
vrage d'un  homme  oifif ,  qui  cherchoit  à  répandre  la  terreur 
fur  les  Peuples. 
Autres  Ou-  XÏII.  L'Auteur  de  la  vie  de  cet  Abbé  lui  donne  desno- 
vrjgeïdei'Ab.  j^g  f^^  ]^  Prophétie  de  la  Sybiile  Erytréc  ;  fur  celle  de  Mer- 
w>';M,f,5.'  lin  Prophète  Anglois;  un  livre  des  Souverains  Pontifes;  un 
volume  de  Sentences  ;  un  livre  de  la  Confolation  ;  un  de  Let- 
tres à  diverfes  perfonnes  ;  deux  de  la  Vie  Solitaire  ;  un  des 
Vertus  ;  une  explication  de  la  Règle  de  iaint  Benoît ,  un  des 
dernières  Tribulations  ;  un  des  articles  de  la  Foi.  Les  BcUan- 
diftes  (k)  y  ajoutent  un  traité  des  Sentences  de  l'Ecriture  ; 
un  Commentaire  fur  le  Pfeautier  à  dix  cordes  ;  un  traité 
fur  la  Prophétie  inconnue;  des  expofitions  fur  les  Vers  étran- 
gers ;  un  livre  fur  les  préfages  Provinciaux.  On  a  lous  fon 
nom  une  Chronique  imprimée  à  Cofence  en  i(5i  2  in-^°. 
Livre  contre  XIV.  Le  livrc  qu'il  compofa  fous  le  titre  de  l'unité  ou 
le  Maître  des  effcnce  de  la  Sainte  Trinité  ,  fit  beaucoup  de  bruit  après  fa 
Semence.',  rnort.  Il  y  avoit  appelle  Pierre  Lombard  hérétique  &  infcn- 
fé,  pour  avoir  enfeigné  dans  la  cinquième  diftindion  du  pre- 
mier livre  des  Sentences ,  qu'une  chofe  fouveraine  eft  Pcre  , 
Fils  &  Saint- Efprit,  &  dit  qu'elle  n'engendre,  ni  eft  engen- 
drée, ni  procédée.  S'imaginant  que  fuivant  ce  principe  il  falloir 
admettre  quatre  chofes  en  Dieu,  trois  perfonnes,  &  uneef- 
fence  diflinguée  des  trois  perfonnes ,  il  prit  le  parti  de  fou- 
tenir  contre  le  Maître  des  Sentences ,  qu'il  n'y  avoit  en  Dieu 
aucune  chofe  qui  fût  tout  enfcmble  le  Fere ,  le  Fils  &  leSaint- 
Efprit ,  qu'autrement  ce  feroit  admettre  une  quaternité ,  plu- 
tôt qu'une  Trinité ,  fçavoir  ces  trois  Perfonnes,  &  cette  chofe 
ou  clTcnce  commune  à  ces  trois  perfonnes.  Il  fembloit  même 
dire  que  cette  unité  d'eïïence  n'ctoit  pas  proprement  &  vé- 
ritablement une  unité ,  &  qu'il  ne  la  confideroit  que  comme 
une  unité  colledive  &  de   refTemblance  ,  comme  il  efl:  dit 

(  j  )  EoLi  A ND.  tom.  7 ,  Miiii,  Jijfert.  I       (  ^  )   I"  «otis  ad  Vititm ,  tom,  6  ,  Maii 3 


ABBÉ  ET  FONDATEUR,  éT^c.  Ch.  XXV.  34^ 
dans  les  Aîlcs  dos  Apôtres,  cjuc  la  multitude  des  Croyans  Aa.4,31. 
n'avoir  qu'un  cœur  &  qu'une  amc.  Le  Pape  Innocent  III , 
avec  Papprobarion  du  quatrième  Concile  de  Latran,  fe  déclara 
pour  la  Do6lrinc  du  Maître  des  Sentences ,  <.|ui  eft  celle  de 
rp.gliic  ,  mais  ians  flJtrir  la  mémoire  de  l'Abbé  Joachim  , 
parce  qu'il  avoit  Tournis  Ion  lentimcnt  au  jugement  du  Saint 
Siège  ,  auquel  il  avoit  fait  remettre  tous  fes  écries ,  8c  que  par 
une  Lettre  que  nous  (  /  )  avons  encore ,  daté^-  de  l'an  i  200  , 
il  déclare  qu'il  fait  profeffion  de  la  foi  de  l'Eg'ile  Romaine. 

XV.  On  ne  peut  difconvcnir  que  ion  livre  contre  Pirrrc  y^^-^g  j^j.. 
Lombard  n'ait  été  condamnible ,  puifqu'il  y  condamnoit  com-  Tvine  de.  l'Ab- 
me  hérétique  unDo£teur  très-Catholique;  mais  on  peut  dire,  1^"  .•^"'^''■"l 
OU  quil  ne  comprenoit  pas  bien  le  lens  des  paroles  du  Maure 

des  Sentences,  ou  que  fon  crruir  étoit  plus  dans  la  manière  ' 
de  s'exprimer  que  dans  le  fond  de  faDo£lrine  même,  ou  enfin 
que  s'étant  expliqué  peu  corretlement  étant  jeune  ,  iur  le 
Myfterede  la  Trinité,  il  fuivit  cxadlement  dans  un  âge  plus 
avancé  la  Do6trinc  de  l'Eglife  fur  cet  article.  On  en  jugera 
par  ce  qu'il  en  dit  dans  fon  Pfeauticr  à  dix  cordes ,  qui  efl: 
un  de  fes  derniers  ouvrages.  Nous  confefTons  véritablement, 
dit-il  (w)  ,  fidèlement  &  pieufement  que  les  trois  Peif  mes 
font  une  même  fubftance ,  &  que  cette  une  &  même  fubf- 
tance  efl  les  trois  Perfonnes  ;  que  le  Père  ne  tient  pas  fon 
être  d'un  autre  ;  que  le  Fils  efl  du  Père;  que  le  Saint- Efprit 
procède  des  deux.  Les  trois  font  donc  un  ,  &  cet  un  efl  trois. 
Ces  trois  perfonnes  ne  font  point  divilées,  comme  le  font  la 
terre,  l'eau  &  le  feu  ;  elles  ne  font  point  diftinguces  entre 
elles,  comme  trois  hommes  de  même  na'ure  ,  ni  en  aucune 
autre  manière  qui  foit  fcmblable  à  la  diilinftion  de  toutes 
les  créatures  entr'elles.  Il  combat  fortement  les  hércfies  de 
Sabellius  &  d'Arius  fur  la  Trinité.  Il  leur  oppoie  l'autcrité  du 
Symbole  ,  &  conclut  en  difant  («)  :  Ne  us  croycn<:  donc  que 
cette  fubflance  divine ,  qui  efl  une  ,  efl  trois  Ff  ifonncs ,  & 
non  une  feule;  de  peur  qu'en  prenant  l'unitc  j:our  la  flngula- 
rité ,  nous  ne  tombions  dans  Thérélie  de  Sabellius ,  &  que  ces 
trois  Perfonnes  font  une  même  fubflance  •,  de  peur  que  l'on 
ne  croie  qu'il  y  a  entr'elles  de  la  divinon. 

XVI.  Le  quatrième  Concile  de  Latran  ne  fit  pas  même     Suite, 


(  /  )   DtVeiîor.  Inquifition.  fart,  i  ,  caf. 
(  m)  BoLLAND,  ad  diem  î?  Mmï,  tom. 


6  ,pag.  48% 
(n)  Ibid.  Ibul, 


344  LE  BIENHEUREUX  JOACHTM, 

un  procès  à  l'Abbé  Joachim  ,  comme  s'il  eut  nié  qu'il  y  eût 
une  unité  de  fubftancc  dans  les  trois  Perfonnes.  Il  reconnut 
(  0  )  même  que  cet  Abbé  l'admetr  it;  mais  il  lui  reprocha  d'a- 
voir dit  que  cette  unité,  n'eft  pas  propre  &  réelle,  mais  icu- 
lem.ent  fimilitudinaire.  Et  il  cft  vrai  qu'il  compare  l'unité  de 
fubftance  en  Dieu  avec  l'unité  des  cœurs  dans  ies  premiers 
Chrétiens.  Cependant  il  paroit  (p)  qu'en  cela  il  ne  préten- 
doit  pas  contcfter  la  réalité  de  l'unité  de  fubdance  dans  les 
trois  Perlonnes  ;  mais  prouver  uniquement,  que  dans  l'unité, 
foie  véritable  ,  comme  elle  efl  entre  trois  relatifs ,  comme  font 
les  trois  Perlonnes  divines,  foit  fimilitudinaire,  comme  encre 
trois  abfolus,  telle  qu'ctoit  celle  des  Tribus  dejuda,  de  Ben- 
jamin &  de  Levi  qui ,  à  caufe  de  leur  union  avec  la  mailon  de 
David ,  ne  faiioit  qu'un  Peuple ,  peut  &  doit  s'entendre  à 
l'exclufion  d'un  quatrième, 

CHAPITRE      XXVI. 

Guibertj  Abbé  de  Gemblours. 

Guibert  ,  I.  "TX  Es  fa  jeuncfTe  il  fe  confacra  à  Dieu  dans  le  Monafle- 
Gemblours.  U  ^'^  ^^  Cemblours  ,  où  il  prit  l'habit  Monaftique.  De  là 
il  pana  a  fAbbaye  de  faint  Martin  de  Tours  (a).  La  cindeur 
de  les  mœurs  le  fit  aimer  de  ies  confrères,  &  ia  dévotion  fin- 
guliere  envers  ce  Saint  lui  fit  donner  le  furnom  de  Martin.  Il 
n'y  avoit  pas  long-temps  qu'il  étoit  de  retour  à  Gemblcurs, 
lorfque  les  Moines  de  Florin  le  demandèrent  peur  leur  Abbé, 
Guibert  les  gouverna  quinze  ans,  huit  mois  en  cette  quJité. 
Mais  Jean  ,  Abbé  de  Gemblours  ,  étant  mort  ;  ceux  de  ce  Mo- 
naftere  revendiquèrent  l'Abbé  Guibert  ,  &:  le  lui  donnèrent 
pour  SuccelTeur.  Il  occupa  pendant  dix  ans  le  Siège  Abbatial 
de  Gemblours.  Pui'-  l'ayant  remis  à  la  difpoiition  de  la  Com- 
munauté ,  il  retourna  à  Florin ,  d'où  après  quelque  féjour  ,  il 
alla  à  Villier.  Sa  dévotion  à  faint  Martin  le  porta  à  faire  un 
fécond  voyage  à  Tours.  Il  offrit  aux  Moines  de  Marmourier 
la  Vie  de  ce  Saint  qu'il  avoir  compoiée  en  vers.  Fnfuite,  fur 


(o)  Uid.  I      (->)  Mabillon  ,  /rwj/eS.^fJf.  480. 

{p)  Itùi.  pa£.  ^^S'  1 


h 


GUIBERTjABBKDEGEMBLOURS.Ch.XXVI.  345 
la  rcpiication  que  lainrc  Hildcgondc  s'éroic  faire  par  fcs  ver- 
tus, il  alla  s'entretenir  avec  clic  en  fon  Monaftcrc,  &  après 
lui  avoir  louhaité  toute  Ibrtc  de  bonheurs  j  il  retourna  à 
Gemblours,  où  il  mourut  dans  une  heurculc  vicillelî'e  le  22 
de  Février,  Tan  1208. 

II.  Guibcrt  écrivit  envers  la  vie  de  S.Martin  de  Tours  (/;)  ;  s«  Fcrif>-. 
la  diviia  en  qu.ure  Livres,  &  la  dédia  à  Philippe,  Archevêque  ^'^  .''^  S--"" 
de  Cologne,  qu'il  appellcle  Vicaire  du  Souverain  Pafteur  & 
deJeius-Chrilt.  L'épitre  dédicatoire,  ou  prologue,  eft  en  vers. 
Il  y  a  onze  Lettres  du  même  Abbé  à  cet  Archevêque.  Dans 
la  première  il  traite  des  Myftercs  de  la  Création  ,  &  de  la  ré- 
paration du  Genre  humain  par  Tlncarnation  du  Fils  de  Dieu; 
il  s'excule  dans  la  féconde  ,  de  ce  que  dans  une  invettive 
contre  les  Pafteurs  de  l'Eglife  ,  il  femb'oit  l'avoir  attaqué  lui- 
même.  Il  parle  dans  la  troilîéme  de  la  coutume  de  fermer  les 
portes  de  TAbbaye  de  Marmoutier  la  nuit  de  la  Fête  de  TOr- 
dination  ou  Tranllation  de  faint  Martin  ,  &  du  bruit  qui  fe 
répandoit  alors  que  ce  faint  Evcque  célébroit  la  MefTe  cette 
nuit-là.  La  quatrième  eft  une  Lettre  d'action  de  grâces  à 
l'Archevêque  de  Cologne  de  la  part  de  l'Abbé  &  des  Reli- 
gieux de  Marmoutier ,  auxquels  ce  Prélat  avoit  envoyé  une 
vie  de  faint  Martin.  En  le  remerciant ,  ils  lui  racontent  quel- 
ques miracles  de  ce  faint  Evêque.  Guibert  dans  la  dixième 
exhorte  l'Archevêque  Philippe  à  remplir  les  devoirs  de  la 
dignité  &  à  travailler  à  la  paix  dans  l'affemblée  de  Liège  ;  Se 
parce  que  ce  Prélat  y  réuflit ,  Guibert  l'en  congratula  par  l'on- 
zième Lettre.  Quoique  cet  Abbé  eûtcompofé  en  vers  une  vie 
de  S.  Martin ,  il  employa  le  crédit  d'Hervard ,  Archidiacre  de 
Liège ,  pour  engager  un  Chanoine  de  Lyon  à  faire  un  Poè- 
me en  l'honneur  de  ce  Saint  ,  comme  il  en  avoit  fait  un  à  la 
louange  de  faint  Servat(c).  La  Lettre  d'Hervard  fe  trouve 
dans  les  Analedesde  Dom  Mabillon. 

III.  C'efl:  auflî  de  fes  notes  fur  cette  Lettre ,  &  fur  celles  §„  autres 
de  Guibert  {d) ,  que  nous  avons  tiré  tout  ce  que  nous  difons  ici  Ecrits. 
de  cet  Abbé  peu  connu  jufqu'ici  dans  l'Hifloire  Littéraire , 
parce  que  fes  Ecrits  n'ont  pas  encore  été  rendus  publics.  Il 
écrivit  plufieurs  Lettres  à  Arnoul  le  Scholatique,  où  entr'au- 
tres  matières  il  traitoir  de  l'amitié ,  de  la  folemnité  de  Pâ- 
que ,  de  la  fortie  d'Egypte  ,  c'e(l-à-dire  des  tribulations  de 

{b)  Mabili.  in  AnaUH.  fng.  480  \3  \       {c)  Ihid.  pug.  481. 
H'  \       \.i)  Ibid.par,  485. 

Tome  XXnU  X  x 


346  GUTBEIIT,ABBÉDE  GEMBLOURS.  Ch.XXVI. 
cetcc  vie  ,  &  de  la  paiicnceavcc  laquelle  on  doit  les  lufpor- 
tcr  ;  de  la  pau-reré  volontaiic,  des  tié'oisde  la  iagcHe,  de 
fainr  Vincent ,  Martyr ,  &  de  la  vercu  de  parierice.  Ses  deux 
Lccrrcb  à  Jean  ,  frerC  d'Arnoul  le   Sihohliiiuc  ,  font   pour 
Texhorter  à  le  convertir  &  i  embralFer  li  n-iilice  Ipirirueile. 
Il  écrivit  dans  le  même  goût  à  Ka^yricr,  à  roccafion  d'une 
maladie  dont  il  croit  attaque.  Ce  R  .ynicr  éroît  apparemment 
dans  les  Ordres  lacrés  ,   puirqu'il  lui  écrivit  iur  la   dignité 
Sacerdotale.  Dans  une  Lettre  Tur  la  lolemnitc  de  Pâque ,  il 
l'appelle  Schclaftique  ,  titre  que  l'on  donnoit  fouvent  à  ceux 
qui  profcflbient  publiquement  'es  Sciences. 
Salte.  IV.  Guibcrt  avoit  un  neveu  nommé  Lambert ,  trop  engagé 

dans  les  affaires  du  fiécle.  Il  'ui  écrivit  trois  Lettres  là  deflus, 
afin  de  l'engager  à  changer  d'objet,  &  lui  infpirer  l'amour  de 
la  vertu.  Dans  le  temps  qu'il  demeuroit  en  l'Abbaye  de  faine 
Martin  de  Tours  ,  on  lui  permit  de  tranfcrire  les  Livres  des 
miracles  de  faim  Jacques,  l'Hifloire  des  guerres  de  Charlema- 
gne  en  Efpagne  ,  &  les  A£tes  du  martyre  du  Duc  Roland. 
Il  témoigne  dans  la  Lettre  qu'il  écrivit  aux  Religieux  de  ce 
Monaftere  pour  les  remercier  de  ce  qu'ils  lui  avoient  permis 
de  tranfcrire  ces  Livres  ,  que  c'ctoit  à  qui  les  tranfcriroit  ; 
tant  on  étoit  curieux  alors    d'hifloires  apocryphes.   Il  leur 
demande  encore  les  Livres  de  Paulin  ,  apparemment  les  Ou- 
vrages de  faint  Paulin  de  Noie.  Dans  lemanuicric  d'où  le  Père 
JVlabillon  a  tiré  les  Lettres  dont  nous  venons  de  parler ,  neuf 
Lettres  de  Guibert  à  fainte  Hildcgonde  y  avec  autant  de  ré- 
ponfes,  &  quelques-unes  du  même  Abbé  aux  Sœurs  du  Mo- 
naflere  de  Bingue  dont  fainte  Hildegonde  étoit  Abbeffe  ;  les 
plus  intéreflantes  font  les  deux  premières.  L'une  eft  l'éloge  de 
îaint  Martin  :. l'autre    regarde  les  vifions  dont  cette  fainte 
étoit  favorilée.  Guibert  lui  demande  s'il  étoit  vrai ,  comme 
on  le  diloit ,  qu'après  les  avoir  miles  par  écrit  ,  elle  les  ou- 
blioit  auflitôt ,  en  quelle  langue  el!e  les  écrivoit ,  fi  c'étoit  en 
Latin  ;  enfin  fi  elle  avoit  appris  la  langue  Latine? 
Suite  des         V.  Guibert    écrivit  la   vie  de  fainte   Hildegonde  ,   qu'il 
EcriM    de      adrelfa  àGeoffroi,  Abbé  de  faint  Euchcr  &  de  f:3int  "SK'illi- 
brod.  Outre  la  vie  de  faint  Martin  en  vers  ,  il  compofa  un 
Difcnurs  des  vertus  de  ce  Saint ,  qu'il  envoya  à  Sigefîrid  ,  Ar- 
chevêque de  Mayence.  Il  dédia  à  Conrad ,  Archevêque  de  la 
même  Ville  ,  un  Traité  hiftorique  des  divers  progrès  de  l'E- 
glife  de  Cologne,  Voilà  tout  ce  que  Dom  Mabilion  nous  ap- 
prend des  Ecrits  de  Guibert, 


GuibTt 


ANASTASE  IV ,  ^c.  PAPES ,  Ch.  XXVTT.     347 

CHAPITRE     XXVII. 

Des  VaY&s  Anajlafe  IF,  Adrien  IF,  &  Alexandre  IIÎ. 

l'/^~^  E  SucccfTcur  d'Eugcne  III  fut  un  Vieillard  refpc£ta-  AnaA.ireIV, 

V^blc  j  ar  la  vertu,  &c  dune  grande  expérience  dans  les  l'^"'^' 
affaires,  nommé  Conrad.  H  écoit  Romain  de  nc<i(rance,&  Evo- 
que de  Sabine.  Son  cletlion  le  tir  le  p  de  Juillet,  l'an  i  1 5  5  , 
&  ne  tint  le  Saine  Siège  qu'un  an  quatre  mois  &  vingt-4ua- 
trc  jours  ,  étant  mort  le  2  de  Décembre  1154. 

II.  11  rcftc  de  lui  neuf  Lettres  imprimées  dans  les  Collée-  Ses  Lettres. 
lions  des  Conciles  (a),  dont  lept  font  pour  réprimer  les  vé-  ^^y^'-.'^^f* 
Xcitions  faites  par  les  Bourgeois  de  Vczeiay  ,  &  le  Comte  de  16,17V  ^s' 
Ivîcvcrs,  à  lAbbé  &  à  l'At-baycdc  ce  nom.  Elles  font  adref-  '""'  ^^'''"'* 
fées  aux  Archevêvjues  de  Sens  &  de  Bourges,  &  à  quelques 

autre  s  Evcques.  11  y  en  a  une  à  Louis  Vil  ,  Roi  de  France  , 
&  une  en  général  aux  Evêques  de  ce  Royaume.  La  feptiéme 
eil  à  Ponce,  Abbé  de  Vezolai ,  dans  laquelle  le  Pape  l'exhor- 
te à  (outfrir  en  patience  ,  &  lui  défend  d'accorder  dans  ibn 
Eglife  aucune  marque  de  diflincT:ion  ou  d'honneur  au  Comte 
dcNevers. 

III.  Dans  la  Lettre  à  Engclbald  ,  Archevêque  de  Tours  ,     ipm.i, 
Adrien  lui  ordon  e  de  s'informer  avec  loin  de  la  conduite  de 
l'Evêque  de  Treguier  ,  &  de  lui  en  rendre  compte  par  écrit, 

aj^rès  l'avoir  oui  lui-même  en  préience  de  perlonnes  diicretcs , 
&  de  fon  Cierge  :  voulant  qu'au  cas  qu'il  le  trouvât  coupable 
d.s  crimes  dont  il  étoit  accufé  ,  il  ie  iufpendit  d'abord  de  les 
fondions.  Si  qu'cnluire  il  l'envoyât  à  Rome,  pour  y  être  puni 
fuivant  la  rigueur  des  Cantns. 

IV.  11  y  a  une  Lettre  du  même  Pape  aux  Chanoines  régu-  Efiji.  8.  ef  p. 
liers  de  fùnr  Jean  de  Làtian  ,  dont  il  confirme  l'établiife- 

mcn  ,  les  biens  &  les  privilèges;  &  une  autre  aux  Cheva'iers 
de  iaint  Jean  de  Jérulalcm,  auxquels  il  accorde  la  poflciïion 
de  toLtes  le*<  oblations  faites  &  à  faire  à  l'Hôpital  de  cette 
Ville,  pour  l'entretien  des  Péleri.is  &  des  pauvres.  Ce  Pape 
leur  accorde  encore  l'exemption  de  dixme   pour  toutes  les 


{a  )  Tom.  10  Coiiiil,  (a^.  1131  ^ feq. 

Xx  ij 


348  ANASTASE  IV,  ADRIEN  IV, 

terres  qu'ils  cultiveront  eux-mcmes  ,  ou  feront  cultiver  par 
d'autres,  avec  défcnfe  auxEvêqucs  de  prononcer  aucune fen- 
tence  d'interdit,  defulpenic,  ou  d'exi^ommunication  ,  dans 
les  Egliies  dépendantes  de  cet  Ordre.  La  Bulle  efl:  datée  du 
12  des  Calendes  de  Novembre ,  indidion  4,  l'an  1154.  Il 
faut  lire ,  indidion  3  ;  elle  avoit  commence  dès  le  mois  de  Sep- 
tembre de  l'année  précédente. 

V.  Dom  Martenne(i^)  a  publié  une  autre  Bulle  du  même 
Pape,datée  de  la  première  année  de  fon  Pontificat ,  en  faveur 
de  l'Abbé  de  Savigny  &  de  fes  Succeffeurs ,  qu'il  confirme 
dans  la  jurifdittion  &  l'autorité  qu'il  avoit  fur  tous  les  Mo- 
nafteres  dépendans  de  cette  Abbaye.  Il  nomme  tous  ces  Mo- 
nafteres ,  parmi  lefquels  fe  trouve  celui  de  la  Trape. 
Adrien IV.  VI.  Dès  le  lendemain  de  la  mort  d'Anaflafe  (  c  )  ,on  choi- 
Pape.  fu  pour  lui  fuccéder  Nicolas  Bre, -Spere  ,  c'eft-à-dire  Brife- 

Lance.  Il  étoit  Anglois  de  naiflTance ,  &  de  parens  pauvres. 
Se  voyant  fans  reffource ,  il  pafîa  la  mer  j  vint  à  Arles  ,  s'y 
arrêta  quelques  années  pour   faire  fes  études  ;  pafTa  de-ià  à 
l'Abbaye  de  (aint  Auf  près  d'Avignon,  y  fit  profeflion  de  la 
règle  de  faint  Auguftin  ,  &  devint  Abbé  de  cette  mailon  , 
compofée  de  Chanoines  réguliers.  Nicolas ,  qu'ils  n'avoient 
.   choifi  que  pour  fon  mérite ,  leur  déplut  quelque  temps  après 
fon  éledion.  Ils  fe  repentirent  de  s'être  donné  un  Etranger 
pour  Abbé,  l'accuferent  jufqu'à  deux  fois  devant  le  Pape  Eu- 
gène III  ,  qui  connoiffant  que  le  tort  étoit  du  côté  de  ces 
Religieux ,  fit  Nicolas  Evêque  d'Albane  &  Cardinal.  Enfuite 
il  l'envoya  Légat  en  Norvège ,  où  il  convertit  plufieurs  Bar- 
bares &  les  inftruifitavec  foin  dans  la  Loi  de  Dieu.  De  retour 
à  Rome  il  fut  élevé  fur  le  Saint  Siège  ,  fous  le  nom  d'A- 
drien IV. 
Aftîonsmc-      VII.  Il  étoit  bon  ,  doux  ,  patient,  très-inftruit  de  la  lan- 
morabies  de   „^q  grecque  &  latine  ,  éloquent ,  habile  dans  le  chant  ecclé- 
lialtique  ,  excellent  Prédicateur ,  lent  a  le  hKher ,  facile  a  par- 
•      donner,  donnant  avec  joie  &  avec  largefTe  ,  cflimable  en 
tour.  Il  n'eft  pas  furprenant  que  doué  de  tant  de  vertus ,  fon 
éleftion  fe  foit  faite  d'une  voix  unanime.  Il  arriva  au  com- 
mencement de  fon  Pontificat,  qu'Arnaud  de  BrelTe  étant  à 
Rome  ,  où  il  s'appliquoit  a  répandre  fes  erreurs,  quelques-uns 
de  ceux  qu'il  avoit  féduits attaquèrent  Gérard  ,  Prctre,  Cardi- 


(i)  MiatiKHE ,  tow.  iAtie(4(>S.{,4ii.         (f  )  Tom.  10  Concii.  fa^y  114p.. 


ET  ALEXANDRE  III,  PAPES.  Ch.  XXVII.  34P 
nal  du  titre  de  laintc  Pudcuticnnc  ,  &  le  blcflcrcnt  dange- 
reulcmeni.  Le  Pape  mit  la  Ville  de  Rome  en  intcrdir,  qu'il 
ne  leva  que  quand  les  Sénateurs  prelles  par  le  Clergé  &  le 
Peuple,  lui  curent  juré  lut  les  Evangiles  qu'ils  chaireroicntde 
h  Ville  Se  de  Ion  territoire  Arnaud  &  les  ledueurs.Cc  qui 
fut  exécuté.  Arnaud  fut  livre  au  Prélat  de  Rome  ,  qui  le  fic 
brûler  (Sj  jetter  fes  cendres  dans  le  Tibre  de  crainte  cjue  les 
Dilciplcs  ne  l'honoralTent  comme  un  Saint. 

VUI.  Le  dix-huitieme  de  Juin  de  Tan  1 15:5  ,  l'Empereur   H  couronne 
Frédéric  I.  étant  à  Rome,  dans  l'Eglife  de  lainte  Marie  delà  {I^/VP""^"' 
Tour,  le  Pape  Adrien  l'ayant  fait  approcher  ,  après  que  l'on 
eut  chanté  le  Graduel  à  la  Meflc ,  lui  donna  de  la  main  l'épéc , 
le  fccptre  &  la  couronne  Impériale  (  d),  Guillaume ,  Roi  de 
Sicile,  avoir  demandé  au  Pape  la  confirmation  de  Ton  Royau- 
me. Sur  le  refus  qui  lui  en  fut  fait,  il  attaqua  les  terres  de  l'E- 
glife  Romaine  ,  alfiégca  Benevent  &  prie  pluficurs  places  en 
Campanie.  Ce  Pape  l'excommunia.  Mais  ils  s'accordèrent  en- 
fuite  ,  fur  la  condition  que  Guillaume  lui  feroit  hommage,  & 
à  fes  SuccefTeurs,  du  Royaume  de  Sicile,  du  Duché  de  Fouil- 
le, &  de  la  principauté  de  Capoue  ,  &  qu'il  payeroit  le  tribut 
annuel  comme  fes  Prédeceflcurs.  Ce  Pape  en  donna  fa  Bulle  Adrim  Epifl. 
datée  du  mois  de  Juin  1156  ,  indidion  quatrième.  Pendant  s- 
c]u'il  étoic  en  Pouille  il  reçut  la  vifite  de  Jean  de  Sarisberi  , 
Anglois  comme  lui ,  &  fon  ami  particulier  ;  &  pafferent  en- 
femble  environ  trois  mois  à  Benevent.  Nous  avons  rapporté 
dans  l'article  de  Jean  de  Sarisberi  l'entretien  qu'ils  eur.ntfur 
ce  qui  fe  paiïbic  dans  le  maniement  des  affaires  à  la  Cour  de 
Rome. 

IX.  L'Empereur  Frédéric  étant  en  Bourgogne  vers  la  mi-     Diffïrend' 
Odobre.  1 1 57  (  e  )  ,  y  trouva  deux  Légats  de  la  part  du  Pape ,  ^vec  ce  Prin- 
avec  une  Lettre  où  il  fe  plaignoit  que  ce  Prince  n'avoit  pas  puni  ^^' 
les  indignes  traitcmens  que  les  fcélerats  a  voient  faits  dans  ieS' 
Etats  à  Elquil,  Archevêque  de  Lunden,  à  fon  retour  deRome. 
Ce  Pape  diibit  dans  cette  Lettre  :  Vous  devez  vous  remettre  Adrianjfift. 
devant  les  yeux  combien  la  fainte  Egliie  Romaine  vous  reçut  ^• 
agréablement  l'autre  année  ,  &  comme  elle  vous  conféra  de 
bon  cœur  la  couronne  Impériale.  Ce  n'efl  pas  que  nous  nous 
repentions  d'avoir  en  tout  rempli  nos  delirs  :  au  contraire ,  il 


{<i)  Ihtd.  &•  Pagi  «^  /t».  1 7  3'4  ,  »,  4 ,  j       (  f  )  'Riidenic ,  lib.  i  ,  cap.  8,  9,   Cufir 
&  I.iX.d  j  lib,  7  ,  cap.  j  Ç^  4,  L  ther  ,  lib,  6  ,  fag.  y6J. 


350  ANASTASE  TV,  ADRIEN  TV," 

vous  aviez  reçu  de  notre  main  de  plus  grands  bénéfices,  nous 
nous  tn  rejouirions  en  confidéraricn  des  b'cr.s  que  vous  pou- 
vez procurer  à  rEglile  &  à  nous.  L'Empereur  &  les  Grands  de 
fa  Cour  prenant  ces  cxprcffions  à  h  rigueur,  en  furent  irri- 
tés ,  ne  croyant  pas  qu'il  dépendît  du  Pape  de  confén.  r  l'Em- 
pire de  Rome  ,  ni  le  Royaume  d'Italie.  Ce  Prince  s'éroic  déjà 
pLiint  éteint  à  Rome  en  iiçç  ,  de  la  peinture  qui  dans  le 
Palais  de  Latran  rcprélentoit  l'Empereur  Lothaire  a  genoux, 
recevant  la  couronne  de  la  main  du  Pape  ,  avec  une  infcrip- 
tion  en  ces  termes  :  Le  Roi  s'arrêce  à  la  porto,  &  après  avoir 
juré  les  droits  de  Rome,  il  devient  Vaffal  du  Pape,  de  qui 
il  recevoit  la  couronne.  Adrien  IV.  avoit  promis  défaire  ef- 
facer cette  peinture  &  cette  infcriprion  ,  &  n'avoir  point  exé- 
cuté fa  promcfïe.  Un  des  Légats  aigrit  encore  plus  les  Sei- 
gneurs Allemands ,  en  difant  :  De  qui  l'Empereur  ticnr-il  l'Em- 
pire ,  s'il  ne  le  tient  pas  du  Pape  ?  Oton ,  Comte  Palatin  ,  tira 
prefque  fon  épée ,  menaçant  de  lui  couper  la  lête  ;  mais  l'Em- 
reur  appaila  ce  tumulte,  &  ordonna  aux  deux  Lé2;ats  de  re- 
tourner à  Rome.  Cependant  il  écrivit  par  toute  l'Allemagne 
pour  fe  plaindre  du  Pape  &  de  les  Légats,  foutenanr  dans  fa 
Lettre  que  par  l'éledion  des  Seigneurs  il  ne  tenoit  l'Empire 
.  que  de  Dieu  fcul ,  &  que  quiconque  diroic  qu'il  ave  ir  reçu  du 
Pape  la  couronne  Impériale,  s'oppofoit  à  l'inftitution  divine. 
11  ne  laiflTe  pas  d'y  rcconnoîcrc  l'autorité  des  deux  gl  lives  ;  du 
fpiritucl  &  du  temporel.  Le  Pape  de  fon  côté  écrivit  aux  Evê- 
ques  de  France  &  d'Allemagne  ,  pour  fe  j-laindre  d:'  la  ma- 
nière dont  on  avoit  traité  les  Légats;  &  de  demander  qu'on 
leur  fit  fatisfaclion  (/).  Les  Eveques  dans  leur  réponfe  té- 
jtdrian.ipji. mo'ignçrent  âvon  éié  mécontens  de  fa  première  Lettre,  & 
î*  ajoutèrent  qu'ayant  félon  fon  ordre    averti  rtm.crrur,  ce 

Prince  avoit  répondu:  Nous  rendons  volontairement  au  Pape 
le  refpe6l  qui  lui  ell  dû  :  mais  nous  ne  reconnoiiTons  tenir  no- 
tre couronne  que  de  la  grâce  de  Dieu.  L'Archevêque  de 
Maycrce  a  la  première  voix  dans  l'eleâiion  ,  le^^  autres  Sei- 
gneurs enfuite  félon  leur  ran^:  hojs  recevon>  l'ondioi  Roya- 
le del'Archevêquc  de  Colgne,  rirr.pcrialcduFapc(^^). 
Ils  font  la  X.  Averti  que  TEmpereur  Frédéric  s'av^nçoit  ver  l'Iti'ie 
paix.  avec  fin  Arm6e,  le  Pape  lui  envoya  d^ux  autres  Légats,  qui 

le  joignirent  à  Aulbourg  (//).  Ps  lui  préuntcrcnt  la  Lettre 

(  f  )  Rtde/rc.  ^.1  .  1(5.  I        C  ^^  ^'^""  '  "V*  '■^' 

Ig)    Idem  ,  cap.  IJ»  i 


ET  ALFXANDRE  TTI,  PAPFS.Ch.  XXVTT.     351 

du  Fan-'.  l'Ile  portviic  en  luMtance  ^uc  rh.mpi-'ieur  n'avo  t  pas 
dût-trc  cloque  du  moc  de  héncfice  cnipicyé  dans  la  premiè- 
re Lenre  ;  que  ce  terme  n'y  eroir  mis  ,  ir  pour  ligniHer  un 
Fict ,  ni  pour  ma'qucr  que  ce  Prince  fut  vaifil  du  Pape  , 
irais  ;.  our  un  bi.nfiit,  Se  qu'en  dil  nr.  Nous  vous  avons  con- 
féré la  ouronriej  il  n  a\oii- vou'u  dire  autre  ch.  L  ,  (inon  :NolS 
vous  Tavcn"''.  iuipoléo.  L'Empereur  content  de  c  tte  Le  '.re  , 
déclara  qu'il  rendroic  Icn  amitié  au  lape  &  au  CKrgô  de 
Rome.  11  admit  ces  Légats  au  ba.fer  de  paix  &  leur  ht  des 
préicns. 

XL  Cette  paix  ne  fut  pas  de  longue  durée  (  i  ).  Le  Pape     Autre  dif- 
mécontent  de  ce  que  ce  Prince  avoit  oblige  les  Evêques  &  les  p"""^   ^""^ 
Abbés  de  Lombardie  à  reconnoùrc  quMs  tenoient  de  lui  les  ixmt-ereur. 
droits  régaliens ,  lui  en  marqua  fa  peine  djns  une  Lettre  ,  qui 
lui  fut  rendue  par  uneperlonne  inconnue.  L'Empereur  pi^ué 
du  ftyle  de  cette  Lettre,  l'imita  dans  fa  réponlc  ,  &  fuivanc 
celui  des  anciens  Romains  ,  il  mit  en  tête  Ion  nom  avant  le 
nom  du  Pape ,  &  dans  le  corps  de  la  Lettre ,  roi  ;  au  lieu  de 
"VOUS ,  contre  l'uiage  établi  depuis  long -temps  de  nommer  au 
pluriel ,  par  honneur  ,  celui  à  qui  l'on  parle  (  /).  Le  Pape  fe 
plaignit  du  manque  de  relpeèl  &  de  l'hommage  qu'il  s'étoit 
fait  rendre  par  les  Evêques ,  contre  la  foi  qu'il  lui  avoit  ju- 
rée {m).  11  concluoit  la  Lettre  en  menaçant  Frédéric  de  la 
perte  de  fa  couronne.  L'Empereur  répliqua  («)  d'un  ton  en- 
core plus  haut;  &  il  fallut  qu'Ebirand,  Evcque  de  Damberg, 
Prélat  diftingué  par  fa  dodrine  &  la  pureté  de  fes  mœurs  , 
en  qui  l'Empereur  avoit  une  confiance  particulière ,  s'entre- 
mît pour  les  reconcilier ,  comme  il  avoit  déjà  fait  à  Aulbourg 
l'année  précédente  1158. 

XJl.  Il  y  eut  encore  entr'eux  quelques  difputes  fur  des  af-   m-ninVa- 
fdres  temporelles,  dans  une  affembléeque  l'Empereur  Fréde-  p^  A'^ri^njen 
rie  tint  en  Ibn  Camp  de  Boulogne,  après  la  Fête  de  Pâque  ^ 
de  l'an  1 1  55?.  Mais  elles  furent  terminées  parla  mort  du  Pape 
Adrien  ,  arrivée  le  premier  de  Septembre  de  la  même  année 
à  Agnania  ,  d'où  fon  corps  fut  tranfporté  à  Rome.  Il  avoic 
occupé  le  Saint  Siège  quatre  ans  huit  mois  &  vingt-neuf  jours. 
Bien  éloigné  d'enrichir  fes  parens,  il  ne  laifia  àla  mère,  qui 

{')^ade>iic,  cap.  I      (m)    Apperd.  ,i.-i  R.-iiiciiic,  p.  ^6^. 

(,  l  )  FiiURY  ,  /»;•.  70  Hifl.  Ecckf.pag.    1       (»)  S,  Jhc»i.is  Cantorb,  lit,  1 ,  epijl.  24, 


352  ANASTASE  IV,  ADRIEN  IV, 

écoic  dans  l'indigence ,  que  les  charités  de  l'Eglifc  de  Can- 

torberi  (  /z  ).  Cell  le  témoignage  de  Jean  de  Sarisberi. 

Ses  Lettres.  XIII.  Ce  fut  lui  qui  le  chargea  de  demander  au  Pape 
Adrien  pour  Henri  II ,  Roi  d'Angleterre ,  permiffion  d'entrer 
en  Irlande ,  pour  en  foumertre  le  peuple  aux  loix  &  en  extir- 
per les  vices  ;  faire  payer  à  faint  Pierre  un  denier  par  an  de 
chaque  maiion ,  &  conferver  en  leur  entier  les  droits  de  TE- 
E/;7?.  i.glife.  Ce  Pape  accorda  avec  plailir  cette  perminTion  au  Roi 
Henri ,  dans  la  vue  de  l'accroifTement  de  l'Eglife.  La  Bulle  , 
qui  efl:  rapportée  par  Matthieu  Paris  &  par  plullcurs  autres 
Hiftoricns ,  efl  de  l'an  1 1 5  6.  Le  Pape  y  joignit  un  anneau  d'or 
orné  d'une  émeraude  en  (Ignc  d'invefticure  ,  &  cet  anneau 
fut  confervé  dans  les  archives. 

£/■'/?.  4r.  XIV.  Par  un  ancien  abus,  condamné  fouvcnt  dans  les  Con- 
ciles des  Gaules  (p),  les  Baillis  &  les  autres  Officiers  des 
Seigneurs  pilloient  &  enlevoient  les  biens  des  Evêques  morts , 
c'eft- à-dire  ce  qu'ils  trouvoient  dans  leurs  Palais,  leurs  Châ- 
teaux &  leurs  Terres.  Raimond  ,  Comte  de  Barcelone,  avoit 
renoncé  cà  ce  prérendu  droit  par  une  Charte  de  l'an  1 1  ^o  :  à 
fon  exemple  ,  Hemengarde,  vi-Comteffe  de  Narbonne ,  fît  une 
pareille  renonciation  en  faveur  de  l'Archevêque  par  acte  don- 
né à  Montpellier  le  15  de  Janvier  1 1 5  5  ,  au  mois  de  Décem- 
bre de  la  même  année.  Le  Pape  Adrien  confirma  cette  renon- 
ciation par  une  Bulle  adreffée  à  Berenger,  Archevêque  de  Nar- 
bonne. • 
J;«/?.  ;.  XV.  A  la  mort  d'Anfelme,  Archevêque  de  Ravenne ,  l'Em- 
pereur Frédéric  qui  fe  trouvoit  alors  en  Lombardie ,  fit  élire 
à  fa  place  Gui ,  fils  du  Comte  de  Blandrare.  Quoique  l'éleâion 
fe  fût  faite  du  confentement  du  Pape  ,  qui  y  avoit  envoyé  le 
Cardinal  Hyacinthe  pour  y  aflîfler  de  fa  pirt,  il  refufa  de  la 
confirmer,  fous  le  prétexte  que  Gui,  qu'il  avoit  reçu  dans  le 
Clergé  de  Rome  à  la  prière  de  l'Empereur  ,  pouvoic  être 
d'une  grande  utilité  à  l'Eglife  Romaine  ,  tant  par  fon  mérite 
perfonncl ,  que  par  le  crédit  de  fes  parens  ;  mais  Frédéric  le 
maintint  en  polTeflîon  de  l'Archevêché  de  Ravenne. 
Ep'rfl.7.  XVI.  Adrien  IV  ,  à  l'exemple  de  fes  Prédécefleurs  ,  fou- 
haitoit  ardemment  la  réunion  de  l'églife  de  Conftantinople 
avec  celle  de  Rome.  Il  en  écrivit  à  B^file  d'Acride,  Arche- 

(0)  Tom,  10  Candi,  p,  H45.  I  tiot^t  tiltima ,  i^  addit.  Balrif,  ihid.  pag, 

(/>)  Mircity  concord,  lib,  8  ,  cap,  18,11317,  ^  .  ' 

vêqucs 


ET  ALEXANDRE  IH  ,  PAPES.  Ch.  XXVII.  ^,55 
vcquc  de  Thcflaloniquc  ,  par  les  deux  Nonces  qu'il  cnvoyoic 
à  l'Empereur  Manuel ,  en  rcxhorcanc  à  travailler  à  cette  réu- 
nion. Il  n'y  a,  dit-il  à  Badle,  qu'une  Eglile,  qu'une  Arche 
de  landilicarion  ,  où  ch.icun  des  Fidèles  doit  entrer  pour  le 
lauver  du  déluge  ,  lous  la  conduite  de  Saint  Pierre.  Vous 
n'ignorez  pas  que  félon  la  doctrine  des  Saints  Pcres ,  l'Eglilc 
Romaine  a  la  primauté  fur  toutes  les  Eglifes  ,  &:  qu'il  en  a  été 
*ain(i  ordonne  pour  ôter  encr'elles  toute  divilion.  Revenez 
donc  premièrement  à  l'unité ,  &  enfuite  donnez  vos  foins  pour 
y  faire  revenir  votre  peuple  avec  votre  Eglife  ,  &  faites  que 
tous  ceux  qui  font  charges  du  foin  des  brebis  du  Seigneur  , 
retournent  au  troupeau  de  Saint  Pierre,  à  qui  Jcfus-Chrifl:  en 
a  confié  la  garde  ,  comme  des  autres. 

L'Archevêque  de  Theflalonique  répondit  au  Pape  qu'il  avoit 
lu  fa  Lettre ,  &  écouté  fa  voix  comme  les  brebis  écoutent  celle 
de  leurs  Payeurs ,  qu'ainfi  il  ne  devoit  pas  le  regarder  ni  lui 
ni  les  Hens  comme  des  brebis  égarées,  ou  qui  refuiaffcnt  de  le 
reconnoître  pour  Pafteur  ,  ni  d'être  fournis  à  fa  garde.  Nous 
fommes ,  ajoute-t-il ,  dans  la  confeffion  de  Saint  Pierre  ;  nous 
prêchons  &  nous  confeffons  celui  qu'il  a  confciTé.  Nous  n'in- 
novons rien  contre  les  Décrets  des  Pères  ;  nous  ne  re- 
tranchons rien  des  paroles  de  l'Evangile  ,  ni  des  Epîtres 
des  Apôtres.  Nous  prêchons  &  nous  enfcignons  la  même  foi 
que  vous  ,  &  il  en  efl  de  même  de  toute  l'Egliie  de  Conftan- 
tinople.  Nous  n'avons  avec  vous  qu'un  même  langage  fur  la 
Foi  i  le  Sacrifice  que  nous  offrons  dans  les  Eglifes  d'Orient , 
efl:  le  même  que  l'on  offre  dans  les  Eglifes  d'Occident  aux- 
quelles vous  préfidcz.  Si  quelques  petits  fujets  de  fcandale 
nous  ont  éloignés  les  uns  des  autres ,  votre  Sainteté  pourra 
les  faire  cefTer  par  fon  autorité  l\  étendue  ,  avec  le  fccours  de 
l'Empereur  ,  qui  efl:  dans  les  mêmes  intentions.  Cette  Lettre 
ne  fe  trouve  pas  dans  la  collection  des  Conciles  du  Père  Lab- 
be  ;  mais  elles  font  toutes  deux  dans  le  Code  du  Droit  Grec 
Romain ,  de  l'édition  de  Marquard  Freherus  (q),  à  Francfort 
en  159^.  i?2-fol.  6c  enfuite  des  Commentaires  de  Zonare  fur 
les  Canons  des  Conciles  ,  à  Paris  en  1618.  in-fol. 

XVII.  Le  Pape  Adrien,  bien  informé  que  Hugues  de    Epiji. 
Champ-Fleuri,  Chancelier  de  France,  avoit  travaillé  effica- 
cement à  l'union  du  Roi  Louis  le  Jeune  fon  Maître ,  &  Henri , 


(  j)  Zori.tms  ,  p.tg.  7S 5  ,  î:;  Ijb.  5  ]iirh  Grxcorum, 

Tome  XXllL  Y  y 


^4  ANASTASE  IV  ,  ADRIEN  IV, 

Koi  d'Angleterre  ,  ne  fe  contenta  pas  de  Yen  remercier  par 
une  Lettre.,  mais  il  prit  foin  de  lui  procurer  pluiicurs  Bénéfi- 
ces, &  de  !ui  confirnier  en  même  temps  ceux  qu'il  avoit.  Com- 
liiji.u.     jric  il  étoit  Chanoine  de  Paris  &  d'Orléans ,  le  Pape  ordonna 
au  Chapitre  de  Paris  de  lui  a(ïigner  fes  revenus  en  entier  d.^ns 
Ipij).  14.    quelque  lieu  où  il  fe  trouvât.  Il  donna  le  même  ordre  aux  Cha- 
noines de  Sainte  Croix  d'Orléans.  On  voit  par  la  Lettre  du 
Pape  (  r)  qu'ils  avoient  d'abord  rcfuié  d'cbéir,  &  que  parca 
que  Hugues  ne  failoit  point  de  réfidence  ,  ils  lui  avoient  ôtéla 
moitié  de  fes  revenus.  Mais  on  les  obligea  de  reftituer  le  tout. 
Epifl.  ij.    Adrien  pria  même  Thibaut,  Evêque  de  Paris,  de  donner  à 
Hugues  le  premier  Perfonnat  ou  Dignité  qui  vaqueroit  dans 
E;;ft.  14.    fon  Eglife  ;  &  aux  Chanoines  de  la  même  Eglife ,  de  lui  ac- 
corder la  première  Dignité  vacante ,  &:  les  premières  Maifons 
qui  viendroient  à  vaquer  dans  leur  Cloître.  Il  confirma  enco- 
Epij}.  10.     re  au  Chancelier  le  grand   Archidiaccné  d'Arras  ,  dont  il 
avoit  été  pourvu  par  l'Evêque  Godefroi  ;  &  parce  que  le  Pré- 
lac  lui  avoit  fait  promettre  par  ferment  de  lui  réfigner  la  Chan- 
cellerie j  le  Pape  l'abfout  de  ce  ferment  &  de  la  condition  illi- 
T.p;ft.  lï.  e?  cite  qu'on  avoit  exigée  de  lui.  Cet  Evêque ,  en  donnant  à  Hu- 
"**  gués  e  grand  Archidiaconé ,  lui  avoit  ôté  une  Eglife  dont  il 

Epift.  17.18.  étoit  en  pofTeffion;  le  Pape  ordonna  à  Godefroi  de  la  lui  ref- 
^^'  tituer  ,  &  à  Samfon,  Archevêque  de  Rheims ,  de  veiller  à  cette 

rellitution.  Ce  font  les  premiers  exemples  de  difpenfes  du 
Pape  pour  la  réfidence  &  la  pluralité  des  Bénéfices  ,  &  de 
recommandations ,  ou  mandats  ,  pour  engager  les  Ordinaires 
à  promettre  des  Bénéfices  avant  cju'ils  vaquafiTent.  Ce  Pape 
eut  recours  à  la  médiation  du  Chancelier  pour  faire  rentrer 
l'Abbé  de  Compiegne  dans  les  bonnes  grâces  du  Roi  Louis. 
ipiji.iî.  XVIII.  Ce  Prince  avoit  formé  le  parti  avec  le  Roi  d'Angle- 
terre d'aller  enfemble  en  Efpagne  faire  la  guerre  aux  Infidel- 
Ics  :  mais  avant  de  partir,  il  envoya  demander  le  confeil  & 
la  faveur  de  l'Eglife  Romaine  fa  mcrc. 

Ce  Pape ,  après  avoir  loué  fon  ze!e ,  lui  confeilla  de  ne  pas  en- 
trer dans  un  pays  étranger  fans  l'avis  des  Seigneurs  &  du  Peu- 
ple ,  parce  qu'il  leroit  à  craindre  que  fon  voyage  fût  fans  aucune 
utilité  ;  qu'il  ne  leur  devînt  à  charge,  &  qu'on  ne  l'accufât  de 
légèreté.  Il  fait  fouvenir  ce  Prince  du  m.auvais  fuccès  de  fon 
voyage  à  Jérufalem  avec  le  Roi  Conrard  ,  parce  qu^il  l'avoit 

(  r  )  Fliurv,  Hifl.  Ecdef.  liv.  70,  tom,  15  >  pag-  «4^ 


ET  ALEXANDRE  III,  PAPES.  Ch.  XXVII.  35:5 
entrepris  lans  avoir  confulcc  ceux  qui  dtoicnt  lur  les  lieux ,  ni 
pris  les  précautions  néeclîaires  ,  &  des  reproches  c]ue  s'attira 
rEglile  Romaine  pour  lui  avoir  conleillé  ce  voyage.  Ce  Pape 
ajoute  que  par  tous  ces  motifs  il  a  différé  l'exhortation  au  Pctr- 
pledeion  Royaume,  que  Rohon,  Evêqued'Evreux,lui  avoic 
demandée ,  qu'en  attendant  il  lui  accordoities  Lettres  dcpro- 
tc£lion  contre  tous  ceux  qui  voudroicnt  attaquer  Ion  Royaume 
pendant  Ion  ablencc.  Cette  Lettre  eft  du  18  Pcvrier  1 1 59. 

XIX.  Adrien  IV  s'intcrcfTa  ,  comme  avoit  fait  Anaftaie  r.-ift.i-i.i^, 
fon  Prédécelîeur ,  pour  rédimer  de  la  vexation  l'Abbé  &  l'Ab-  26, 17,  :3. 
baye  de  Vczelai  ;  &  fçachant  que  l'Abbé  avoit ,  contre  les  pri- 
vilèges accordés  à  fon  Monallere,  &  contre  le  lentiment  de 

fa  Communauté,  donné  à  Simon  de  Silviniac  une  table  de 
changeur,  il  l'obligea  de  la  lui  faire  rendre.  Il  foumit  à  l'Ab- 
baye de  Clugny  celle  de  Baulne ,  dans  le  Dioccfe  de  Befançon , 
voulant  qu'à  l'avenir  on  ne  lui  donnât  plus  le  titre  d'Abbaye ,   ^^;n  ,^^ 
mais  de  Prieuré.  • 

XX.  Jean ,  Archevêque  de  Tolède ,  fouhaitant  donner  une  •  Epip.  50. 3  r. 
nouvelle  vigueur  aux  privilèges  que  fes  PrédécelTeurs  avoient 
obtenus  des  Papes  Urbain  II,  Pafchal ,  Callixte  &  Eugène, 

luppHa  Adrien  IV  de  les  confirmer,  ce  qu'il  fit  par  deux  Let- 
tres qu'il  lui  adreffa  h  féconde  année  de  fon  Pontificat.  En 
conléquence  il  en  écrivit  une  à  l'Archevêque  de  Brague  d'o- 
béir à  celui  de  Tclede  comme  à  fon  Primat.  Par  une  troifieme  Epifi.  33. 
Lettre  à  Jean_,  le  Pape  le  chargea  de  s'informer  des  vie  & 
mœurs  de  l'Evêque  de  Pampelune  accufé  de  divers  crimes.  . 

XXI.  Les  deux  Lettres  au  Clergé  &  au  peuple   de  Plai-  E/^i/?.  34,35. 
fance  regardent  l'éledion  qu'ils  avoient  faite  de  Hugues  ,  ills 

de  Pierre  de  Léon.  Quoique  Hugues  fût  très-utile  &  même 
néceflaire  à  l'Eglife  Romaine  ,  Adrien  confentit  à  fon  élec- 
tion ,  &  la  confirma.  Il  leva  en  même  temps  l'interdit  jette 
fur  cette  Ville  ,  à  caufe  de  certaines  rapines  qu'on  y  avoit 
commiles. 

XXII.  Il  foumit  à  Henri  Dandole,  Patriarche  de  Grade,  Epifl.  5^,  57, 
l'Archevêché  de  Zara  ou  Jadera  en  Dalmatie ,  &  les  Evêchés  '^'  5?' 

en  dépendans,  avec  pouvoir  de  facrer  cet  Archevêque  ,  fauf 
le Pailium,- qu'il  continueroit  de  recevoir  du  Pape.  La  Bulle, 
qui  eft  loufcrite  de  treize  Cardinaux ,  eft  du  13  Juin  1157. 
Par  une  autre  Bulle  de  même  date  il  accorda  au  Patriarche 
de  Grade  d'ordonner  un  Evêque  à  Conftantinople ,  &  dans 
toutes  les  autres  Villes  de  l'Empiri?  Grec  où  les  Vénitiens 

Y  y  ij 


3  5^  ANASTASE  IV,  ADRIEN  TV, 

avoi  nr  des  Kglii'cs.  Cette  féconde  Bulleeflfignée  des  mêmes 
Cardinaux.  Quoique  les  Ziretins  euflcnt  bcauroup  de  peine 
do-  {"ounrir  que  leur  Archevêque  fût  loumis  au  Pairiarche  de 
Grade  ,  cet  Archevêque  étant  à  Rome  donna  tou;cfois  fa 
j/zy?.  40.  fouminion  par  écrit ,  &  l'on  en  drefla  un  Au:  public.  Le  Pape 
Adrien  informa  les  Vénitiens  de  tout  ce  qui  s'ctoit  pafTé  en 
cette  occafion. 

XXIII.  Nous  avons  deux  autres  Bulles  du  même  Pape  (  f)  ; 
Tune  tirée  du  quatrième  Tome  du  Spicilege,  l'autre  du  premier 
Tome  des  Anecdotes  de  Dom  Martenne  (f).  La  première ,  qui 
efl  aufTi  rapportée  dans  les  Conciles  du  Père  Hardouin ,  efli 
adrelTée  à  Leonat,  Abbé  du  Monaftere  de  Sair^t  Clément,  dans 
rifle  de  Cafaure ,  met  le  Monaftere  fous  la  protection  du  Saine 
Sicgc  ,  défend  à  tout  Evêque  aucune  fondion  Epifcopale  ; 
permet  aux  Moines  de  recevoir  les  Ordres  de  quel  Evêque  ils 
voudront,  &  ordonne  que  l'Abbé  fera  toujours choifi  par  les 
luffrages  de  la  plus  faine  partie  de  la  Communauté ,  ielon  Dieu 
&  la  Règle  de  Saint  Benoît.  La  féconde  confirme  aux  Cha- 
noines de  Saint  Eufebe  à  Auxerre  la  donation  qui  leur  avoic 
été  faite  par  l'Evêque  Alain  du  revenu  de  la  première  année 
des  Prébendes  de  la  Cathédrale.  Dom  Martenne  a  publié  quel- 
ques autres  Lettres  du  même  Pape  dans  le  fécond  Tome  de 
fa  grande  Collection  ,  qui  ne  contiennent  rien  de  bien  re- 
marquable. 

XXIV.  Il  confirma  en  1 1  5  5  («)  l'établiflement  des  Chanoi- 
nes Réguliers  de  Sainte  Geneviève  à  Paris ,  fait  par  l'autorité 
du  Pape  Eugène  III.  L'année  fuivante  il  écrivit  à  Berenger , 
Archevêque  de  Narbonne  &  Légat  du  Saint  Siège  ,  de  faire 
obferver  inviolablement  l'Excommunication  prononcée  par  le 
Pape  Eugène  contre  le  Comte  Geoffroi ,  pour  avoir  répudié 
fa  femme  légitime  &  en  avoir  cpoufé  une  autre ,  qu'il  tenoic 
encore. 

Ecrits  ()u  Pa-      XXV.  Adrien  IV  écrivit  en  un  Livre  THiftoire  de  fa  Lc- 
pe-Adfieniy.  gation  dans  les  provinces  du  Nord  ;  un  Traité  delà  Concep- 
tion de  la  bienheurcufe  Vierge  ,  adrelTè  à  Pierre  de  Ponti- 
gni  ,  Evêque  d'Arras  ;  des  Homélies  &  des  Catéchèlcs  aux 
Peuples  de  Norvège  &  de  Suéde.  Il  en  eft  fait  mention  dans. 


C/)  Tom.  6  Cencil.  Uardaini  ,p.  I  j^y. 

(  t  )   M.ttteii.  anecd.  tom.  i  ,  p.  440. 
iti)  BiiliiJ.  Mifcelt,  tom,  z,f,  213,  214. 


(*  )  Biiiiot.  FoHiific.  f ,  105  j    ii  P'iS.' 
ad  an,  il  SP  ■>  n»m.  8. 


ET  ALEXANDRE  HT,  PAPES.  Ch.  XXVÎI.  ^57 
la  Bibliothé.iuc  Pontificale  {x} ,  &  dans  les  Additions  d'Ol- 
doin  Ciaconius. 

XXVr.  On  donna  pour  fucccOcur  à  Adrien  TV  Roland,  Alexandre 
Cardinal  &  Chancelier  de  rKi;lirc  llomaine  ,  natif  de  Sienne  '"'  P^'P^- 
&  fils  de  Rainuce  (y  ).  Son  élection  le  fit  le  7  Septembre  1 1  S5> 
par  les  luffragcs  de  tous  les  Cardinaux ,  excepté  trois  ;  içavoir, 
Odavien,du  titre  de  Sainte  Cécile  ;  Jean  de  Morion  ,  du  titre 
de  Saint  Martin,  &  Gui  de  Crème  ,  du  titre  de  Saint  Califle. 
Ces  deux  derniers  élurent  Odavien ,  fous  le  nom  de  Vidor 
HT  ,  appuyés  par  des  gens  armés.  Les  Cardinaux  c]ui  avoicnt 
choill  Roland,  iortirent  de  la  Ville  avec  lui,  &  le  retirèrent: 
à  treize  mille  de  Rome  en  un  lieu  appelle  t'es  Nymphes  ^  où 
il  fut-  facré  par  les  mains  des  Evoques  d'Oflie ,  de  Sabine  & 
de  Porto,  alfiftés  de  cinq  autres  Evêques,  en  prélence  d'un 
grand  nombre  de  Cardinaux  ,  de  Prêtres  ,  d'Abbés  &  d'une 
grande  partie  du  Peuple  Romain  ,  fous  le  nom  d'Alexandre 
m,  le  20  Septembre  ,  qui  étoit  un  Dimanche.  Ocîavien  fut 
plus  d'un  mois  à  chercher  des  Evêques  qui  vouIuiTent  le  ia- 
crer ,  &  il  le  fut  enfin  le  premier  Dimanche  d'OiSlcbre  par 
Igmar  de  Tufculum ,  ûlîiflé  des  Evêques  de  Melfi  &  de  Tuf- 
culum. 

XXVIT.  Alexandre  s'étant  retiré  à  Terracine,  il  envoya  ,^'^"^".^''^ 
de-là  des  Nonces  à  l'Empereur  Frideric ,  qui  étoit  en  Lombar-  p^V  *Ï-Eni'p - 
die  ;  mais  il  les  reçut  mal ,  &  ne  fit  point  de  réponfe  à  la  Let-  reuiFndtric. 
tre  du  Pape.  Ces  Cardinaux  ^  au  nombre  de  vingt-deux,  écri- 
virent encore  à  ce  Prince ,  le  priant,  comme  défenfeur  Ipécial 
de  l'Eglife  Romaine  ,  d'obvier  aux  maux  dont  elle  étoit  me- 
nacée, en  ne  donnant  aucune  protection  à  Oétavien  Celui- 
ci  ,  de  fon  côté ,  avoir  eu  foin  de  prévenir  l'Empereur  ;  8c  les 
Cardinaux  ,  fes  Electeurs ,  écrivirent  à  tous  les  Prélats  peur 
fortifier  leur  parti.  Frideric ,  du  confeil  des  Seigneurs  de  fa 
Cour,  affembla  le  12  de  Février  1 1^0  un  Conciliabule  à  Fa- 
vie,  où  il  fit  reconnoïtre  pour  Pape  Oftavien.  Il  avoit  écrie 
de  Crème  le  23  d'Odobre  de  l'année  précédente  une  Lettre 
au  Pape  Alexandre  ,  ou  ,  comme  il  die ,  à  Roland ,  pour  lui 
ordonner  de  fe  rendre  à  Pavie  avec  les  Cardinaux  qui  l'avoienn 
élu.  N'ayant  pas  comparu ,  il  fut  condamné  par  contumace. 

XXVIII.  Les Pvois  de'France  &  d'Angleterre  ,  &  quelques    II efl rrcon- 
autres  Princes,  dont  les  Députés  avoient afliîlé  à  cette  AflTem-  ""  ^"  France 

^  &  en  Angle- 

~  ••  I ■  I    !■■■  ■     I ■■» w        ,       I  ^  ■  ■■ .  terre 

{y)  ASa  Alexand.tam,  10  Concil,pag.\      (Z)  Tom.  \oCoucil,  p.  i^Sj,  Radetiic. 
ïlSj.  [cup.  62,  65,72. 


,58  ANASTASE  IV,  ADRIEN  IV, 

blée,  furent  quelque  temps  en  balance  s'ils  reconnoîtroicnt 
AlexandreI[I;mais  pleinement  informés  par  les  lettres  d'Odon, 
Cardinal,dc  Philippe,  Abbé  de  l'Aumône,  Ordre  de  Citeaux  , 
homme  de  grande  vertu  ,  d'Arnoul ,  Evêque  de  Lilîcux ,  l'un 
des  plus  içavans  &  des  plus  autorifés  de  fon  temps ,  de  Jean  de 
Sarilbcri  (^)  &  de  quelques  autres ,  de  la  différence  des  deux 
Papes  &  des  deux  Elc£tions;  qu'Alexandre  avoir  été  élu  par  le 
plus  grand  nom.bre  &  la  plus  faine  partie  des  Cardinaux, &  Vic- 
tor feulement  par  deux  ;  qu'il  n'appartenoit  ni  cà  Frideric  ,  ni  à 
fon  Conventicule  de  Pavie  de  décider  de  la  validité  de  l'une  ou 
l'autre  de  ces  Eleclions,  n'étant  pas  juges  compétens  d''une  affai- 
re de  cette  nature  ;  que  d'ailleurs  tout  s'y  étoit  pafTé  par  vio- 
lence &  par  artifice  ;  que  les  Evêques  qui  la  compoloient  & 
qui  étoienr  charges  de  rendre  la  Sentence,  avoient  été  inti- 
midés par  la  préfence  d'une  armée  -,  que  l'éleâion  de  la  plu- 
part d'entr'eux  étoit  nulle  ou  rejettée ,  &  que  faute  d'Evêqucs , 
on  y  avoit  fait  paroître  des  Seigneurs  Laïques,  ils  firent  re- 
connoître  dans  leurs  Royaumes  Alexandre  III  pour  Pape  lé- 
gitime. Il  fut  encore  reconnu  en  Palcfline  ,  dans  un  Concile 
tenu  à  Nazareth  ,  où  fe  trouvèrent  Amauri,  Patriarche  de 
Jérufîlem,  &  Pierre,  Archevêque  de  Tyr(fe). 
Aiexanc^re  XXIX.  Alexandre  étoit  rentré  dans  Rome  au  commen- 
[n  France  en  cement  de  l'an  1161;  mais  n'ayant  pu  y  refier  long-temps,  à 
liéi.  caufedesSchifmatiqueSjfoutenus  de  la  fimi!led'06tavien,qui 

étoit  puiffanre,  il  fe  rerira  en  France ,  l'afyle  ordinaire  des  Sou- 
verains pontifes  perfécutés,  &  arriva  àMagueîone  l'onzième 
d'Avril  de  la  même  année ,  d'où  il  paflTa  à  Montpellier.  Il  y  fut 
reçu  par  la  NoblefTe  &  le  Peuple,  par  plufieurs  Archevêques 
&  Evêques  du  P.oyaume.  Le  Roi  Louis  le  Jeune  lui  envoya 
Thibaut ,  Abbé  de  Saint  Germain  des  Prés,  &  un  de  fes  Ele- 
vés ;  &  Saint  Thomas  de  Cantorberi  des  Députés  pour  lui  de- 
mander le  Paliium.  Pendant  fon  féjour  en  cette  Ville  (c)  il  réi- 
téra publiquement  l'excommunication  contre  Odavien  &  fes 
Complices  ,  &  écrivit  un  grand  nombre  de  Lettres,  tant  aux 
Evêques  de  France  que  d'Angleterre  ,  qui  lui  étoient  at- 
tachés. 
Il  retourne  XXX.  Sur  la  fin  du  mois  de  Juin  1 1  62  .  le  Pape  Alexan- 
à  Rome  en  jj.^  ^^^^-^  ^^  Montpellier,  &  vint  par  Alais,  Mende  &  le  Pu  y, 

(a)  Sarijbr    Epif}.  64.^  6j.  Uem.  10  Coricil,  p,  140:. 

{b  )  Guiil.  Tjr.  lib,  18,  cap,  29  ,   £5  j      (  t' )  3i.«;.  lû  Cvrnii.p.  1307. 


KT  ALEXANDRE  III ,  PAPES.  Ch.  XXVIT.  359 
à  Clcrmont  où  il  arriva  le  14  Août.  Ecanc  à  l'Abbaye  de 
B.)iirg-Dicu  ,  il  y  reçut  la  vilicc  du  Roi  d'Angleterre.  De-là 
il  palia  à  Tours  ,  &  y  célébra  la  Fccc  do  Noël.  Au  Carême  de 
l'an  r  163  il  vint  à  Paris  conférer  avec  le  Roi  Louis,  qui  alla 
deux  licucs.au-devant  de  lui.  Il  télcbra  en  cotre  Ville  la  Fête 
de  Pâques ,  &  retourna  a  Tours  le  ip  dj  Mai ,  jour  auquel 
i!  y  avoit  convoqué  un  Concile.  On  y  compta  avec  dix-iepc 
Cardinaux  ,  cent  vingt-quatre  Evêques  &  quatre  cent  qua- 
torze Abbés.  De  Tours,  ce  Pape  fe  retira  à  Sens ,  où  il  de- 
meura depuis  le  premier  Octobre  11^3  ,  jufqu'à  Pâque  de 
Tan  I  i(j5  (cri),  expédiant  en  cette  Ville  toutes  les  aiTaires,  com- 
me s'il  eût  été  à  Rome.  Cependant  l'Antipape  Odlavicn  étant 
mort  le  22  Avril  1164,  ^  ^'^^  Romains  ayant  promis  avec 
ferment  de  reconnoitre  Alexandre ,  il  partit  pour  cette  Ville, 
où  il  arriva  le  24  de  Novembre  1165. 

XXXI.  De  quatre  Cardinaux  qui  avoicnt  fuivi  l'Antipape  cui  JeCrê- 
Vi£tor  ,.il  n'en  reftoit  que  deux  après  la  mort ,  Jean  de  Saint  T^ '  Antipape 
iVL^rtin  &  Gui  de  Crêrne.  Ayant  appelle  les  Schifmatiques  j^a'fcharm.  ^ 
d'Icalie  &  d'Allemagne  qui  s'ctoient  trouvés  aux  funéraiT-cs 
d'Odavien  ,  ils  élurent  pour  Pape  le  Cardinal  Gui  de  Crème , 
qui  prit  le  nom  de  PafchalTII.  L'Empereur  Frideric  confirma 
cette  Elettion  ,  &  Pafchal  fut  facré  par  Henri  ,  Evêquc  de 
Liège,  le  16  d'Avril  11 64.  Alexandre III  ne  iaiiïa  pas  de 
rentrer  dans  Rome ,  &  de  s'y  maintenir  jufqu'au  mois  de  Juil- 
let de  l'an  1 1^7  ,  que  la  prife  de  Rome  par  Frideric  l'obli- 
gea de  fe  retirer  à  Benevent.  L'Antipape  Pafchal ,  qui  étoic 
entré  à  Rome  quelques  jours  auparavant ,  y  célébra  la  Melfe 
le  30  de  Juillet,  Se  le  jour  fuivant  il  couronna  dans  PEglifc 
de  Saint  Pierre-aux-liens  l'Empereur  Frideric  &  l'Impéra- 
trice Beatrix  fon  époufe.  Les  Romains  voyant  qu'ils  ne  pou- 
voient  plus  tenir  contre  ce  Prince ,  étoient  réfolus  de  lui  prê- 
ter ferment  de  fidélité  &  de  reconnoitre  Pafchal ,  lorfqu'un 
coup  de  foleil  ,  précédé  d'une  petite  pluie  ,  mit  la  mortalité 
dans  l'armée  de  Frideric  (ê-),  &  l'obligea  dequitrer  le  voillnage 
dePvome.Le  Pape  Alexandre  le  frappa  d'anâthême(f),luiôta 
fa  dignité  Royale  ,  &  déchargea  les  Italiens  8c  tous  les  autres 
du  ferment  de  fidélité.  L'Antipape  Pafchal  continua  toutefois 
à  faire  fon  féjour  dans  Rome,  où  il  mourut  le  20  Septembre 

((/  )  Chronic.  Sanfli  Pétri  Vivi ,  tom.  2. }       (e)  Acerbo  Morpna  ,  p.  845:. 
S^ieilsg,  p.  777.  l       If)  Tom,  îoCtmcH.p.  14JO» 


3^0  ANASTASE  IV ,  ADRIEN  IV  , 

I  i6S.  Ses  Partilans  élurent  à  l'a  place  Jean,  Abbé  de  Fim- 
me,  élu  Evoque  d'Albanc  ,  qu'ils  nommèrent  Califre  III. 
Alexandre       XXXII.  Cependant  Frideric  _,  après  la  déroute  de  fon  ar- 
a^ri-ETt'^  mée  en  Italie  au  mois  de  Juin  1176,  voyant  que  les  Sei- 
E.'urFriJer'ic.  gncurs  ,  tant  Eccléfialliques  que  Séculiers  qui  l'avoient  fuivi 
jufques-Ià ,  menaçoient  de  l'abandonner  s'il  ne  faifoic  i'a  paix 
avec  le  Pape  Alexandre,  réfolu  de  les  contenter,  fît  négo- 
cier la  réconciliation  par  des  Députés,.  Ce  Pape  qui  éroit  alors 
à  Anagni ,  fe  prêta  aux  propofitions  ^  nomma  iept  Cardinaux 
pour  traiter  en  fon  nom  dans  la  Conférence  qui  devoir  fe  te- 
nir à  Vcnife ,  &  il  y  alla  lui-même.  L'Empereur  Frideric  s'y 
rendit,  &  après  avoir  renoncé  au  Schifme  d'0£lavien ,  de  Gui 
de  Crème  ,  de  Jean  de  Strume  ,  &  promis  obéiflance  à  Alexan- 
dre III,  il  futabfousde  l'excommunication  &  réuni  à  l'Eglife 
Catholique ,  de  même  que  les  Prélats  6c  les  Seigneurs  Alle- 
mands qui  étoient  prcfens.  La  paix  fut  jurée  folemncllemenc 
fix  jours  après ,  c'efl-à-dire ,  le  premier  d'Août  1 1 77 ,  &  l'Em- 
pereur déclara  qu'il  la  rendoic  auffi  au  Roi  de  Sicile  &  aux 
Lombards  avec  qui  il  étoit  en  guerre  depuis  long-temps. 
Il  retourne      XXXIII.  De  Venife  le  Pape  revint  à  Agnani,  où  il  reçut 
a  Rome  en   ^^^  députation  de  fcpt  principaux  Citoyens  Romains,  avec  des 
Lettres  du  Clergé,  du  Sénat  &  du  Peuple  qui  le  prioient  de 
revenir.  Ce  Pape  prit  d'abord  fes  fûretés  de  la  part  des  Ro- 
mains, &  fe  rendit  à  Rome  le  12  de  Mars   11 78.  Jean  de 
Strume  vint  le  25»  d'Août  de  la  même  année  fe  jetter  à  fes 
pieds  ,  confedant  publiquement  fon  péché.  Il  en  demanda 
pardon  &  abjura  le  fchifmc.  Le  Pape  Alexandre  le  reçut  avec 
bonté,  &  le  traita  depuis  avec  honneur.  Quelques  Schifmati- 
ques  choifirent  encore  pour  Antipape  Lando  Sitino,  à  qui  ils 
donnèrent  le  nom  d'Innocent  lïL  Mais  après   l'avoir  porté 
quelques  mois ,  il  fut  obligé  de  fe  foumettre  au  Pape  Alexan- 
dre. Ainfi  finit  le  fchifme ,  l'an  1 1 80. 
Mortd'Aîe-      XXXIV.  Lcs  abus  &  les  dérangcmens  qu'il  avoir  occa- 
xandreUi.  en  fionnés,  foit  dans  Ics  moÊurs ,  foit  dans  la  difcipline,  ne  pou- 
'^  ''  voient  gueres  fe  reformer  que  dans  un  Concile  général.  Le 

Pape  Alexandre  en  indiqua  un  à  Rome  pour  le  premier  Di- 
manche de  Carême  de  l'an  1179  ,  que  l'on  compte  pour  le 
trcifiémc  Concile  général  de  Larran.  Il  en  fera  parlé  plus  au 
long  dans  l'article  des  Conciles.  Les  affaires  des  Croifés  al- 
loienr  aufïï  en  décadence,  par  raccroiflcracnt  de  la  puiiTance 
de  Saladin.  Ce  fut  une  raifon  au  Pape  d'exhorter  les  Princes. 

fidelles , 


ET  ALEXANDRE  III,  PAPES.  Ch.  XXVIT.  3^1 
fidclcs,  Se  leurs  Sujets,  à  marcher  au  Iccours,  pour  lauvcr,  s'il 
ccoit  polfililc ,  le  Royaume  de  Jcrufalcm  ,  &  de  publier  une 
Croilade,  pour  laquelle  il  accorde  la  même  indulgence  que 
les  Papes  Urbain  II.  &  Eugène  III.  avoicnt  accordée.  Ale- 
xandre m.  mourut  le  30  d'Août  1 181 ,  après  un  Pontificac 
de  vingt-un  ans  onze  mois&  vingt-trois  jours,  à  compter  du 
jour  de  fon  clc£tion.  Il  étoit  cloquent,  &  trcs-inflruit des  Let- 
tres divines  &  humaines. 

XXXV.  Ses  Lettres  qui  font  en  grand  nombre,    ont  été    S«  Lettres, 
recueillies  par  divers  Ecrivains  ,  &  placées  parmi  les  Conci-  ^°"'^'-'^'°"5 
les  dans  les  collerions  du  Pcrc  Labbe ,  du  Père  Hardouin  ,  faites, 
&  en  dernier  lieu  dans  celle  de  Venife.  Le  Pcrc  Labbe  en  a 
publié  341 ,  dont  5<5  avoient  été  imprimées  à  la  fin  des  Œu- 
vres de  Pierre  de  Celles,  de  l'addition  du  Pcrc  Sirmond  ,  à 
Paris  en  1 63 1  &  i  67 1 ,  in-^..  &  dans  le  fécond  Tome  des  Ecrits 
de  ce  Père.  Les  35)  Lettres  aux  Efpagnols  iniérécs  dans  le  rroi- 
fiéme  Tome  des  Conciles  d'Efpagne  par  le  Cardinal  d'Aguir- 
re  ,  font  aufTi  du  nombre  de  celles  que  le  Père  Labbe,  &  après 
lui  le  Père  Hardouin,  ont  données.  Il  y  en  a  dans  le  deuxième 
&  quatrième  Tomes  des  Mélanges  de  M.  Balufe,  dans  le  cin- 
quième du  Spicilege ,  dans  le  premier  de  l'Angleterre  facrée , 
qui  n'avoient  pas  encore  vu  le  jour,  non  plus  que  celles  qui 
fc  trouvent   dans  le  premier  Tome  des  Anecdotes  de  Dom 
Martenne  ,  &  dans  le  fécond  de  fa  grande  Collcdion.  Gali- 
fonius  en  fit  imprimer  trois  avec  les  Lettres  de  Léon  VII  , 
d'Innocent  III,  à  Tours  en  1(594.  Nous  ne  nous  arrêterons 
qu'à  celles  qui  nous  paroîtront  les  plus  intèrcfTantes  ;  car  la 
plupart  ne  nous  apprennent  que  les  voyages  d'Alexandre  III , 
ou  quelques  circonftances  du  Ichifme  ;  les  noms  &:  les  qualités 
de  ceux  qui  en  étoient  les  fauteurs.  D'autres  concernent  les 
affaires  particulières  d'une  Province  Eccléfiadique  :  telles  font 
les  Lettres  contenues  dans  le  Régiftre  de  celles  d'Alexandre 
III ,  rapporté  dans  le  fécond  Tome  de  la  grande  Colledion  de 
Dom  Martenne.  Elles  ne  regardent  que  ce  qui  s'ed:  pafle  dans 
la  Métropole  de  Rheims,  fous  l'Archevêque  Henri,  dont  il  y  a 
aufli  quelques  Lettres  dansceRégiflrej  &d'Amauri,  Patriar- 
che de  Jérufalem.  Il  en  contient  encore  des  Papes  Urbain  II, 
Pafchal  II ,  Eugène  III ,  8c  Adrien  IV  ;  mais  l'Editeur  a  fup- 
primé  celles  d'Urbain  &  de  Pafchal  ,  déjà  imprimées  dans 
le  cinquième  Tome  des  Mélanges  de  M.  Balulc,  ou  dans  les 
Conciles  du  Pcre  Labbe.  Celles  qu'il  a  publiées  du  Pape  Eu- 
Tome  XXllÙ  Z  z 


3^2  ANASTASE  IV  ,  ADFvIEN  IV, 

gène  ïil ,  font;  au  nombre  de  quinze  -,  il  y  en  a  vingt- deux 
d'Adrien  IV. 
Canonifation      XXXVI.  Avant  le  dixième  fiécle  de  PEglife  les  Mctropo- 
deS.Edouard.  Jitains  coniervoicnt  encore  le  droit  de   canoniicr  ceux  qui 
ctoient  morts  en  odeur  de  lainteté    dans  Tétendue  de  leur 
Métropole.  Mais  depuis  les  Souverains  Pontifes  le  relerverenc 
ce  droit  à  eux  feuls ,  &  Alexandre  III  (g)  mit  la  canonifation 
des  Saints  entre  les  caules  majeures.  Le  dernier  exemple  que  Ton 
ait  d'une  canonifation  par  un  Métropolitain  ,  cfl:  celle  de  S. 
Gautier  5  Abbé  de  Pontoife  ,  faite  en  1155  par  l'Archevêque 
de  Rouen.  Saint  Udalric  ,  Evêque  d'AuIbourg  ,  fut  canonifi- 
en  5193  par  le  Pape  JeanXV,à  la  prière  deLintulfe,  Evêque 
de  la  même  Eglife.  Richard  Abbé  de  Corbie  obtint  en  1020 
du  Pape   Jean  XX.  la  canonifation   d'Adalard  ,  Abbé  du 
même  Monaftere;&  celle  de  PafchafeRadbert  en  1075. Léon 
IX  canonifa  iaint  Gérard  ,  Evêque   de  Toul ,  en  1053  ,  & 
Pafchal  II ,  Pierre  Eugène  d'Anagni.  Ce  fut  à  Alexandre 
lil  que  le  Clergé  d'Angleterre  s'adrefla  pour  la  canonifation 
du  Fvoi  Edouard ,  mort  il  y  avoir  quatre-vingts  ans.  Ce  Pape 
raccorda  par  la  réponfe  qu'il  fit  aux  Prélats  de  ce  Royaume, 
datée  d'Anagni  le  7  Février  1161.  Il  remarque  dans  fa  Lettre 
c|ue  des  affaires  aulTi  difficiles  &  importantes  que  celles-là,  ne 
le  décidoient  ordinairement  que  dans  les  Conciles  folemnels^ 
que  toure'ois  par  égard  pour  le   Roi  &  pour   eux  il  s'étoit 
contenté  de  prendre  l'avis  de  fes  frères ,  c'ell-à-dire  les  Car- 
dinaux &  les  Evêques. 
in(\rijaion       XXXVH.  Toutcs  Ics  Lettres  fuivantes  jufqu'à  la  32  regar- 
pourie Sultan  ^^^nt  les  difficultés  de  faint  Thomas  de  Cantorbery ,  &  il  s'en 
Epipf-'i.      trouve  encore  plufieurs  dans  la  luite.  Nous  en  avons  parlé 
ailleurs,  de  même  que  de  la  Lettre  du  Pape  au  Sultan  d'Ico- 
nie  ,  dont  nous  avons  donné  le  détail  dans  l'article  de  Pierre 
de  Blois  ;  parce  que  ce  fut  lui  qui  compofa  cette  Lettre  ou 
Inftrutlion  pour  ce  Sultan  ,  qui  en  1 1 65)  avoit  prié  le  Pape 
de  lui  envoyer  une  cxpolition  de  notre  Foi.  Elle  roule  fur  les 
C?.noW\(zùon  deux  Myftcres  de  la  Trinité  &  de  ^Incarnation, 
de  S.Thomas      XXXVIII.  Sur  les  Drcuvcs  que  l'on  donna  au  Pape  Alcxan- 
ipjhT-^  ^"'  ^""^  4^  ^1  f'^  failoit  des  miracles  au  tombeau  de  l'Archevêque 
Thomas  ;  &  fur  la  connoiiTance  qu'il  avoit  lui-même  de  fes 
vertus ,  ayant  pris  le  confeil  des  Cardinaux  ,  il  le  canonifa 

»  -  I  ■-■■■!  ■—   ■         ■     ■  ■       I     ■!■■     ■!      ■  I        .  I  ■      ■■! m<—      .1       .-      ■  ■     ■■■■        ■      ■!     ■        •■    BHI^IBaiVHBSHaHMl^^ 

ig)  Alexand.  Epift,  5.  Tom.  10  Coticil.  j   Mim.  90;  ^  Vagi  ad  an.  5^1,  nnm.  1,  3, 
p*g'  115)1.  Maùilloti,  Irafut,  ittfecul,  y,   |    4,  5  &  6. 


ET  ALEXANDRE  TU,  PAPES.  Ch.  X.XVIT.  565 
jfolcmncllcmcnc  le  a  i  de  Février  i'7}  , ordonna  qu'il  fcroic 
mis  au  rang  des  Martyrs,  &  que  l'on  en  fcroit  annuellement 
la  Fête  le  25)  de  Décembre,  qui  étoit  le  jour  de  la  mort.  Les 
deux  Bulles  qu'il  donna  pour  ce  lujet  (ont  datées  de  Scgni  le 
12  Mars,  &  adreflées  Tune  aux  Moines  de  la  Cathédrale  de 
Cantorbery ,  l'autre  au  Clergé  &  au  Peuple  de  toute  l'Angle- 
terre. 

XXXIX.  Etant  à  Ripaftc  le  28  de  Septembre,  l'an  1 177  ,      Lettre  au 
il  écrivit  au  Roi  des  Indes,  nommé  vulgairement  h  Prmc' ^°' '^^M",'^'^ 
ean,  une  Lettre  ou  il  diloit  :  JNous  avons  appris  il  y  a  long-  7..^,,,  e^.a^, 
temps  par  le  rapport  de  plulieurs  pcrionnes  ,  &  par  le  bruit 
commun ,  que  faiiant  profeiïion  de  la  Religion  Chrétienne 
vous  voulez  continuellement  vous  appliquer  aux  œuvres  de 
piété  ,  &  à  tout  ce  qui  peur  être  agréable  à  Dieu.  Mais  notre 
Fils  bien-aimé  le  Médecin  Philippe  ,  qui  s'efl  fouvent  entre- 
tenu de  vos  difpofitions  avec  les  Grands  de  votre  Royaumç , 
nous  a  dit  aulfi  que  vous  louhaiteriez  être  inftruit  de  la  Doc- 
trine Catholique  &  Apoftolique  ,  &  n'avoir  d'autre  foi  que 
celle  du  Saint  Siège.  A  quoi  il  a  ajouté  que  vous  déliriez  ar- 
demment avoir  une  Eglife  à  Rome  ,  un  Autel  à  faint  Pierre  , 
&  un  dans  l'Eglife  du  faint  Sépulcre  ;  où  des  hommes  fages 
&  prudens  de  votre  Royaume  puiflent  demeurer  ,  afin  defc 
mieux  inftruire  de  la  Doctrine  Apoftolique ,  &  vous  en  inftrui- 
re  enluice  vous  &  les  vôtres.  Voulartt  donc ,  comme  nous  y 
fommes  obligés  par  les  devoirs  de  notre  miniflere ,  vous  re- 
tirer des  erreurs  dans  lefquelles  vous  êtes  à  l'égard  de  la  foi 
Chrétienne  &  Catholique,  nous  vous  envoyons  le  même  Mé- 
decin Ph'.lippe ,  homme  habile  &  difcret ,  bien  infiruit  des  ar- 
ticles de  cette  foi  dans   lefquels  vous  ne  paroiffez  pas  con- 
venir avec  nous  ,  &  fur  lefqueîs  vous  pouvez  fans   crainte 
recevoir  des  éclairciffemens  qui  vous   tireront  de   l'erreur. 
C'eft  pourquoi  nous  vous  prions  de  le  recevoir  favorablement , 
d'écouter  ce  qu'il  vous  dira  de  notre  part,  Se  d'envoyer  avec 
lui  vers  nous  des  perfonnes  confidérables  chargées  de   vos 
Lettres  fcellées  de  votre  fcel ,  par  lefquelles  nous  puiffions  con- 
noître  pleinement  vos  intentions.  Suivant  quelques  Hifloriens 
Anglois  qui  rapportent  cette  Lettre  (^)  ,  ce  Roi  des  Indes  efl: 
le  même  donc  trente-deux  ans  auparavant  Hugues  de  Cabales. 


(A)  FitUK.! ,  liv.  73  ,  Hift.  Eccléf.  1  Jom.-.Brcmptoii,  p,  ii:i. 
tom.  iî,p.  45.  Riidulp.  di  Diret<i.p.  608.  l 

Zzij 


3<54  A-NASTASE  TV,  ADRIEN  IV, 

racontoit  les  vidoires  lur  les  Pcrfans.  11  regnoic  à  l'extrémlcé 

de  rOricnt ,  &  étoic  Chrétien  ,  maisNeftorien. 

Ef^P-  49«  XL.  Le  ticizicme  de  Novembre  de  la  môme  année  1 177  , 

le  Pape  Alexandre  écrivit  de  Troyes  à  Hugues  Ece- 
rien  pour  le  remercier  d'un  Livre  qu'il  lui  avoit  envoyé 
de  Conftantinople ,  où  il  demeuroit  à  la  Cour  de  l'Empereur 
Manuel  Comnene.  Ce  Prince  lui  ayant  demandé  un  jour  fi 
les  Latins  pouvoienr  alléguer  quelques  paiTages  des  Pères  qui 
prouvaffent  que  le  Saint-Elprit  procède  du  Fils  ,  Hugues  iui 
en  cira  de  laint  Bafilc  ,  de  iaint  Arhanafe  &  de  faint  Cyrille  ; 
&  voyant  que  l'Empereur  s'appliquoir  à  approfondir  cette 
qucfiion ,  il  la  traira  lui-même  avec  étendue  dans  l'Ouvrage 
qu'il  envoya  depuis  au  Pape  Alexandre  ,  à  Léon  le  Tofcan 
fon  frère  &  à  Caciared.  Il  ell  divifé  en  trois  parties ,  dans  Icf- 
quclles  il  réfute  les  erreurs  des  Grecs,  &  les  reproches  qu'ils 
font  aux  Latins  fur  la  proceffion  du  Saint-Efprit  du  Père  8c 
du  Fils.  Ce  Traité  fut  imprimé  à  Balle  en  i  545 .  Il  fe  trouve 
dans  la  Bibliothèque  des  Pcres  de  la  Bigne  en  i  585)  ,  &  dans 
toutes  celles  de  Paris ,  de  Cologne  &  de  Lyon.  Hugues  com- 
pofa  encore  quelques  autres  Ouvrages,  dont  il  a  été  parlé  plus 
haut.  Alexandre  III  finit  la  Lettre  qu'il  lui  adrclTa  ,  en  l'ex- 
hortant à  infpirer  à  l'Empereur  Comnene  des  fentimens  d'a- 
mour &  de  refped  pour  la  faintc  Eglife  Romaine  ,  &:  le  dé- 
fit de  l'unité. 
jpij}.  5S.  XLI.  Le  Pape  confirma  certaines  conllitutions  que  Cafimir 
Duc  de  Pologne  avoit  faites  pour  laconfervation  des  biens  de 
FEglife,  celle  entr'autres  qui  portoit  défenfc  de  confilquer 
les  biens  des  Evcques  aulfitôt  après  leur  mort.  Il  écrivit  une 

Ipij}.  îî>,  60.  Lettre  circulaire  à  tous  les  grands  Seigneurs ,  Princes ,  Ducs , 
Comtes,  Barons,  pour  les  engager  au  lecours  de  la  Terre-Sain- 
te, «&  fournir  des  fubfides  aux  Croiiés  ;  &  une  fur  le  même 
fujet  à  tous  les  Prélats,  Archevêques  ,  Evêques  8c  Abbés. 
Tfi/f.  61, 61,      XLII.  Apres  qu'il  eut  fait  fa  paix  avec  l'Empereur  Fride- 

^''  rie  en  1177,  8c  réuni  ce  Prince  à  l'Eglifc ,   il  en  donna 

avis  à  Guillaume  Archevêque  de  Rheims,  à  Richard  Arche- 
vêque de  Cantorbery  ,  à  Roger  Archevêque  d'York  ,  au  Roi 
de  France  &  à  quantité  d'autres  perfonnes  pour  les  engager 
à  en  rendre  grâces  à  Dieu. 

XLIII.  Le  premier  Appendice  (;)  des  Lettres  du  Pape  Ale- 

(  ;')  ApfenJ,  i  Bfijl.  Alexmd.  lom.  lo  Ce»»'/,/.  1247. 


ET  ALEXANDRE  III,  PAPES.  Cii.  XX VIT.     365 

xandrc  en  contient  cinquantc-lix ,  la  plupart  adrcflTccs  à  l'Abbé 
de  faint  Rémi  à  Rheims,  nommé  Pierre,  qu'il  charge  de  la  dé- 
cillon  de  plulicurs  affaires  particulières  arrivées  dans  ce  Dio- 
cèle,  ou  dans  les  Evcchés  dépcndans  de  cette  Métropole,  en 
l'abrenvC  de  l'Archevêque  Henri,  qui  en  allant  à  Rome  l'a- 
voit  laiffé  fon  Vicaire  Général.  Par  la  cinquième  le  Pape  or-  Ep'Jl.  î. 
donne  à  l'Abbé  Pierre  de  taire  reftituer  par  un  nommé  Gé- 
rard une  terre  c^u'il  avoit  uiurpéc  lur  un  Bourgeois  de  laine  ' 
Thicrridc  Rheims,  qui  s'étoit  croifé  pour  !a  Terre-Sainte.  Il  E^ifl.jg. 
regnoit  plufieurs  grands  abus  en  Suéde.  Les  Laïques  don- 
noienc  pour  de  Targent  les  Egliics  à  qui  ils  vouloient  fans 
conlulter  les  Evêques  :  d'où  il  arrivoit  que  toutes  fortes  de 
Prêtres,  même  vagabonds,  failbient  les  fondions  Sacerdotales 
fans  examen  &  par  l'autorité  féculiere.  On  y  obligeoit  les 
Clercs  à  plaider  devant  les  Juges  léculiers  ,  foit  en  deman- 
dant foit  en  défendant,  &  on  les  jugeoit  félon  les  Loix  civi- 
les ;  on  les  foumettoit  même  aux  épreuves  du  fer  chaud  ,  de 
l'eau  chaude  &  du  duel,  on  les  frappoit  &  on  les  tuoit  im- 
punément. Des  femmes  corrompues  faifoient  périr  les  enfans 
qui  étoient  le  fruit  de  leur  débauche  ;  il  s'en  trouvoit  quelque-  Epiji.  22, 
fois  d'étouffés  étant  couchés  avec  leurs  père  &  mère  5  on  com- 
mertoit  des  incefles  ,  &  divers  crimes  d'impudicitc  ;  des  Prê- 
tres employoient  à  la  Mefle  de  la  lie  de  vin  ,  ou  des  miettes 
de  pain  trempées  dans  du  vin.  Des  Laïques,  quoique  Chré- 
tiens ,  fe  marioient  clandeftinement  ,  fans  la  bénédidion  du 
Prêtre;  ce  qui  occafionnoit  fouvent  des  divorces  &  des  ma- 
riages illicites.  Le  Pape  en  écrivit  à  l'Archevêque  d'Upfal  & 
à  les  Suffragans  ;  &  fâchant  que  la  plupart  de  ces  abus  ve- 
noient  d'ignorance ,  il  rapporte  fur  tous  ces  cas  des  autorités 
de  l'Ecriture  ,  des  Dec  rétaies  &  des  Ecrits  des  Pères.  Il  pref- 
crit  aux  mères  qui  auront  fait  périr  leurs  enfans ,  en  les  étouf- 
fant dans  le  lit  par  inadvertance ,  trois  ans  de  pénitence  fi  ces 
enfans  étoient  baptifés  ,  &  cinq  ans  s'ils  ne  l'étoient  pas. 
Quant  aux  autres  abominations,  il  veut  que  l'on  envoie  les 
coupables  à  Rome  vifiter  les  tombeaux  des  Saints  Apôtres , 
afin  que  la  fatigue  du  voyage  leur  ferve  à  fléchir  la  jufiice  de 
Dieu.  Il  défend  les  mariages  jufqu'au  fixiéme  degré  de  confan- 
guinité ,  en  ordonnant  toutefois ,  de  ne  pas  féparer  ceux  qui 
s'étoient*mariés  juiques-là  dans  le  quatrième  ou  cinquième  de- 
gré. Al'égard  du  facrifice  de  l'Autel,  il  défend  de  l'offrir  autre- 
ment que  Jcfus-Chrifl:  Ta  inflitué ,  &  qu'il  efl  obferyé  dans 


3^<î  ANASTASE  IV  ,  ADRIEN  IV, 

TEglifc  Romaine  ,  c'eil-à-dire  du  pain  l'eul,  avec  du  vin  mêlé 

Efijl.ï^.  d'eau.  Ce  Pape  leur  ordonne  aufïi  d'avertir  les  Fideies  de 
payer  à  l'Egliie  la  dixme  de  leurs  fruits  ,  &  s'il  eft  néceflai- 
re ,  de  les  y  contraindre  par  la  Sentence  de  l'anathcme ,  le  paie- 
ment de  la  dixme  ayant  été  ordonné  par  Notre  Seigneur 
même. 

Epj}.  25.  XLIV.  Dans  une  troifiéme  Lettre  à  l'Archevêque  d'UpCal, 
à  fes  Suffragans  j  &  au  Duc  Gurherne,  il  dit  que  l'on  avoic 
porté  au  Saint  Siège  une  plainte  très-confidé-rable  ,  favoir 
que  quand  les  Finlandois  fe  trcuvoient  preffés  par  les  armées 
de  leurs  ennemis  ,  ils  promettoient  d'embrafler  la  Foi  Chré- 
tienne ,  &  demandoient  avec  empreflement  des  Mifllonnai- 
res  pour  les  inftruire  ;  mais  qu'aufTitôc  que  l'armée  s'étoit  reti- 
rée ,  ils  renonçoient  à  la  Foi ,  &  maltraitoient  les  Miflionnai- 
res.  Le  Pape  exhorte  donc  ce  Duc  &  ces  Evêques  de  ne  plus 
expolcr  le  Chriilianifme  à  une  telle  dérifion ,  à  f e  faire  livrer 
les  places  des  Finlandois  ,  ou  à  prendre  fi  bien  leurs  fùretés  , 
que  ces  Peuples  ne  puiflent  plus  les  tromper  ,  &  qu'ils  foienc 
contraints  de  garder  la  Foi  Chrétienne,  quand  ils  l'auront  une 
fois  embraffée. 
TeitresTurla  XLV.  Foulqucs ,  Moine  de  Moullier-la-Celle  au  Diocèfe 
converfîin  de  de  Troycs,  &  dcpuis  Evêque  d'Eilonie,  Province  lltuée  fur 
i'Eftome.  j^  j^pj.  Baltique ,  alla  trouver  le  Pape  Alexandre  à  Tufcu- 
lum  en  1171  ^  pour  avoir  de  lui  des  Lettres  qui  l'autorifaf- 
fent  dans  le  minifterc  que  Efquil,  Archevêque  de  Lunden  en 

Epift.  20.  Danncraarc  &  Primat  de  Suéde  ,  lui  avoir  confié.  Dans  une 
des  Lettres  que  le  Pape  lui  accorda ,  adrelTées  à  tous  les  Fidè- 
les de  Dannemarc ,  il  les  exhorte  de  foulager  l'indigence  de 
PEvêque  Foulques  ,  &  de  le  mettre  en  état  de  pouvoir  foute- 
nir  fes  travaux  pour  la  converlion  de  la  Province  d'Eftonie. 

Ip;p.  ix.  Par  une  autre  Lettre  aux  Rois  6c  aux  Princes  de  Dannemarc, 
de  Norvège  ,  de  Gothie,  il  les  excite  à  réprimer  par  la  force 
des  armes  la  férocité  des  Eftoniens  &  des  autres  Payens  de 
CCS  quarcicrs-là,  qui  ne  ceflbient  de  molefter  les  Chrétiens 
&  les  Serviteurs  de  Dieu,  &  à  cet  effet  le  Pape  leur  accorde 
l'indulgence  d'une  année,  femblablc  à  celle  des  Pèlerins  qui 
vifîtent  le  faint  Sépulcre  ;  &  à  ceux  qui  mourront  dans  le 
combat,  &  qui  auront  reçu  la  pénitence,  la  rémiïïion  de  leurs 
péchés.  Il  paroît  par  cet  t.  Lcitre  que  ks  Egules  du  Nc-rd 
écoienr  trcs*âttachécsà  l'Eglifc  Romain?,  &■  qu'clUs  n'avoienc 

Ep!/}.  %6,    PJ^^  aucune,  part  au  fchilme.  Alexandre  ill  éciivit  encore  .à 


ET  ALEXANÎÎRE  III,  PAPES.  Ch.  ^XVIT.  ^,^7 
rAichcvcquc  de  Diôntcin  en  Noi-vegc,  &  à  l'ancien  Evcquc 
de  Scaflenger  ,  d'accoidcr  i  Fciilqucs ,  Evêquc  d'Kllonie  ,  le 
Moine  Nicolas  originaire  de  cette  Province,  homme  lagc  & 
diicrec ,  afin  de  Taidcr  dans  la  convcriion  de  ces  Peuples. 

XL  VI.  Le  Pape  Alexandre  ne  doutant  point  que  \^  Icien-  Epift.  44. 
ce  des  Lettres  ne  fût  un  don  Dieu  accordé  gratuitement,  vou- 
loit  qu'il  tùt  permis  à  quiconque  Tavoit  reçu  ,  d'en  faire  parc 
aux  autres.  C'efl:  pourquoi  ayant  appris  c^'un  Maître  des 
Ecoles  de  l'Eglife  dcChâlons,  établi  dausla  terre  de  PAbbé 
de  iainr  Pierre-Mont,  fe  Icrvoic  du  nom  de  l'Abbc  pour  em- 
pêcher que  d'autres  y  vinflent  enicigncr  les  Lettres  ,  il  en 
écrivit  à  l^Archevcque  de  Rheims,  pour  défendre,  tant  à  cec 
Abbé  cju'au  Maître  des  Ecoles ,  ci'empêcher  toute  autre  per- 
fonne  capable  d'exercer  le  même  miniftere ,  foit  dans  la  Vil- 
•  le,  foit  ddns  les  Fauxbourgs. 

XL VII.  Les  Lettres  du  fécond  Appendice  (/)  avoient  déjà  Second  Ap- 
été  rendues  publiques  dans  le  quatrième  Tome  de  la  Collée-  pe"^''ce  àes 
tion  d'André  Duchêne,  imprimé  à  Paris  eni6^ï ,  in-jol.  elles  peAiexandre" 
lont  au  nombre  de  109.  L'Ordre  de  Cîteaux  qui  s'étoit  décla- 
ré pour  Alexandre  III ,  avec  faint  Pierre  de  Tarantaife  , 
n'eut  pas  de  peine  d'obtenir  la  confirmation  de  fes  Statuts  & 
de  les  Privilèges.  La  Bulle  eft  adreflee  à  Gill^bcrr^  Abbé  de 
Cîteaux,  &  à  tous  les  Abbés  &  Moines  de  l'Ordre,  tant  pré- 
fcns  qu'à  venir ,  &  femblable  en  beaucoup  d'articles  à  celle 
qu'Eugène  III  leur  avoit  déjà  accordée.  Le  premier  porte 
que  dans  tous  les  Monaftcres  de  l'Ordre  comme  dans  celui 
de  Cîteaux ,  la  règle  de  faint  Benoît  fera  obfervée  en  tout 
temps  d'une  manière  uniforme,  &  félon  lefens  de  la  lettre , 
f9.ns  y  en  chercher  d'autre  ;  le  troifiéme  ,  que  chaque  année 
tous  les  Abbés  s'affembîercnt  à  Cîteaux  pour  y  tenir  un  Chapi- 
tre général. 

XLV in.  Il  y  a  pluileurs  Lettres  du  Pape  à  Pierre,  Cardinal  if,^.  z\- 
du  titre  de  faint  Chrylcgone  ,  Légat  en  France.  Dès  l'an 
1176  dans  Tune  il  lui  ordonne  de  preflcr  l'exécution  du 
m  itiage  accordé  entre  Richard  ,  fécond  fils  du  Roi  d'Angle- 
terre, 8c  Alis,  fille  du  Roi  de  France,  qu'il  avoit  fous  fa  puif- 
fance  ,  ou  de  la  reflitucr  à  fon  père  dans  quarante  jours  5  fi- 
non  de  prononcer  un  interdit  fur  toutes  les  terres  de  fon 
obéilfance,  avec  ordre  aux  Archevêques  de  Cantorbery  ,  de 


(,')  ^Ppoii'  i  ,  Epijl.  1  ,  p'i^.  liSc; ,  tom.  10  Cofuil, 


3(58  ANASTASE  IV,  ADRÏEN  IV, 

Bourdeaux  &  à   l'Evcque  de  Poitiers  de  le  faire  obferver, 

lf!fl.  14.    Dans  une  autre  il  lui  ordonne  de  dénoncer  publiquement  ex- 

Ejiifl,  ly.  communies  ceux  qui  avoicnt  tué  l'Evêque  de  Cambray.  Par 
une  troidéme  il  le  charge  de  renvoyer  à  Rome,  ou  de  rappor- 
ter lui-même ,  ou  enfin  de  mettre  en  dépôt  entre  les  mains  de 
l'Abbé  de  faint  Germain  de  Paris,  l'argenterie  que  le  défunt 
Evcque  de  Porto  avoit  dépofée  dans  l'Eglife  de  faint  Martial 
de  Limoges  ,  4çavoir  des  chandeliers  d'argent  pefants  24 
marcs,  8c  une  coupe  auiïî d'argent,  mais  dorée  en  dedans  & 

Efijî.  16.    en  dehors ,  pefant  quatorze  marcs.  Dans  une  quatrième  Let- 
tre il  lui  donne  commiffion  d'exhorter  le  Roi  de  France  &         , 
d'autres  Princes  à  fe  croiferpour  aider  Manuel,  Empereur  de 
Conflantinople,  à  détruire  les  Turcs  ,  &  à  l'exaltation  du 
nom  Chrétien. 

XLIX.  L'Empereur  Frideric  (m)  penfantaux  maux  que  le 
fchilme  caufoir ,  convint  avec  Louis ,  Roi  de  F'rance  ,  d'une 
affemblée  fur  la  Saône  le  jour  de  la  Décollation  de  faint  Jcan- 
Baptifle  29  d'Août  11 62,  pouravifer  aux  moyens  de  l'étein- 
dre, &  jugeant  que  la  préfence  de  Matthieu  Duc  de  Lorraine 
y  étoit  néceflaire ,  il  l'invita  à  fe  rendre  à  Beiançon  quatre 
jours  avant  ce  terme.  Mais  en  même  temps  le  Pape  écrivit  à 
Hugues ,  Evêque  de  Soiflbns ,  de  détourner  le  Roi  de  France 

ipip.  ip.  de  le  trouver  à  cette  conférence  ,  prévoyant  qu'elle  fcroic 
préjudiciable  au  bien  de  l'Eglife.  Le  Pape  écrivit  aufîî  à  ce 
Prince  une  Lettre  ,  où  il  relevé  fon  attachement  &  celui  des 

Ipifl.  30.  Rois  de  France  fes  Prédecefleurs  à  l'Eglife  Romaine  ;  les 
fervices  qu'elle  en  avoit  reçus  dans  fes  befoins  ^  &  l'amour  de 
prédilcdion  que  le  Saint  Siège  avoit  pour  lui.  Il  lui  donna 
avis  par  une  autre  Lettre  du  retour  de  l'Empereur  Frideric 
Efift.  3P,4o.  à  l'obéilTance  &  à  l'unité  de  l'Eglife  •,  &  manda  la  même  nou- 
velle à  Guillaume,  Archevêque  de  Sens  ,  &  à  fes  Suffragans. 
Parmi  quantité  d'autres  Lettres  au  Roi  Louis  VII ,  il  y  en  a  _ 

_  .„     „   une  dans  laquelle  il  explique  en  un  fcns  fpirituel  toutes  les  M 

Epijl.  io8.  •       j     1     n    r    j'  'M  1    •  •  ^ 

parties  de  la  Rôle  d  or  qu  il  lui  envoyoït.  ■ 

£p,y?_  g-       L.  On  voit  par  d'autres  Lettres  que  l'Empereur  Manuel  Cotja- 

nene  avoit  reconnu  Alexandre  III  pour  Pape  légitime  ,  furie 

Epifl.6$,si,  témoignage  feul  de  Louis  VII  ;  &  que  le  refpeâque  cet  Empe- 

■"  reur portoitau  Papc,alloic  jufqu'à  lui  faire defirer  de  participera 

fes  prières.  Ce  qui  fait  voir  que  Manuel  Comnenc  («)  comptoit 


(  m  )  Tarn,  lo  Coiic.  p.  1 504.  (  «  )  Baron.  a,l  aiiti,  1166, 

être 


ET  ALEXANDRE  III ,  PAPES.  Ch.  XXVTT.  -C') 
être  dans  la  Communion  de  l'Ei^lilc  Romaine,  on  fçaic  d'ail- 
leurs qu'il  avoit  dcfTcin  de  réunir  l'Eglife  Grecque  avec  la 
Romaine  ,  comme  elle  l'avoit  cré  anciennement ,  cnlorte  quel- 
les ne  fificnt  plus  qu'un  leul  Peuple  fous  un  fcul  Chef. 

LI.  Les  Lettres  du  troilicme  Appendice  (o)  font  recueillies     TroiiTcme 
de  divers  endroits.  Il  y  en  a  fept  à  différens  Evoques  ,  qu'il    ^^'^"  '"' 
exhorte  à  travailler  à  la  réunion  des  Schifmariqucs ,  &  dans 
lefquelles  il  rend  compte  de  la  manière  honorable  dont  il  avoic 
été  reçu  des  Romains ,  8c  du  bon  état  de  l'Eglife  ;  cinq  qui    j^,-^  ^^^^ 
regardent  les  vexations  que   fouffroit  l'Abbaye  de  Vezelai.  3,4.^)6,  y. 
Dans  la  dix-feptieme ,  il  donne  aux  Prélats  d'Angleterre  les    f^/y?.  10  e? 
raifons  qu'il  avoit  eues  de  mettre  le  Roi  Edouard  au  rang-^'?- 
des  Saints  ;  &  dans  la  dix-huitieme  ,  adreflée  aux  Evèques  & 
Abbés  de  France ,  ce  qui  l'avoit  engagé  à  y  mettre  auilî  faine 
Bernard.  11  approuve  dans  la  vingtième  les  Statuts  de  l'Or- 
dre des  Chevaliers  de  faint  Jacques  en  Eipagne  ;  elle  efl  de 
l'an  1 175  ,  &   (ignée  de  lui  &  de  treize  Cardinaux.  La  fui- 
vante  eft  de  la  même  année  ,&  la  vingt -deuxième  de  l'an 
1166:  l'une  eft  la  confirmation   de   l'Inltitut  de  l'Ordre  de 
iaintBafile  ,  l'autre  de  celui  des  Chartreux.  Celle-ci  eft  fignée 
de  douze  Cardinaux.  Le  Pape  y  prend  cet  Ordre  ,  &  toutes 
leurs  pofTeflions  j  fous  la  protection  de  TEglife  Romaine. 

Lil.  On  trouve  quatre  Lettres  du  Pape  Alexandre  (p)  dans 
la  colle6tion  des  Conciles  par  le  Père  Hardouin ,  qui  ne  font 
pas  dans  celle  du  Père  Labbe.  La  première  prefcrit  un  ho- 
noraire pour  ceux  qui  enfeignoient  dans  les  écoles  de  Paris. 
La  féconde,  en  confirmant  les  biens  de  l'Eglife  de  Paris  ,  con- 
firme aufTi  la  pofTeffion  où  étoit  l'Abbaye  de  ûiinte  Geneviè- 
ve d'en  tirer  une  Prébende.  La  troifiéme  ordonne  que  les 
prébendes  dont  l'Eglife  Cathédrale  étoit  chargée  envers  cet- 
te Abbaye ,  ou  d'autres,  foient  réglées  fur  le  pied  ancien.  La 
quatrième  exempte  de  tributs  &  de  toutes  fortes  de  charges  les 
ferviteurs  &  les  commenfaux  de  l'Evêque  ôc  de  l^Eglifed'A- 
nagni. 

LUI.  A  la  tête  du  Recueil  des  Lettres  d'Alexandre  III ,  le   invention  & 
Père  Labbe  (q)  en  a  mis  une  de  Reinole,  Archevêque  de  trannationdes 
Cologne  ,  Chancelier  de  l'Empereur  Frideric  ,  par  laquelle 
nous  apprenons  que  ce  Prince  ayant  pris  par  famine  &  réduit  à 


('o)Tom.  10  Concil.p.  i7^6i,  l       (^j)  Tom.  lo  Coticil.  f.  1186. 

(p  )  Tom.  6  Concil.  Hirduini  ,  p.  i  565.  l 

Tome  XX m,  A  a  a 


370  ANASTASE  IV,  ADRIEN  IV, 

dilcrétion  la  Ville  de  Milan,  la  ruina  entièrement,  Se  dc'trus- 
fit  jufqu'aux  Eglifes  ;  que  dans  une  dcdicc  à  faint  Euflorge 
on'prétendit  avoir  trouvé  les  corps  des  trois  Mages  qui  vin- 
rent adorer  Jefus-Chrifl;  que  Frideric  les  donna  à  Reinole, 
qui  l'accompagnoic  à  cette  guerre  ;  que  l'Archevêque  en  don- 
na avis  à  fon  Clergé  &  à  fon  Peuple  ,  à  qui  à  fon  retour  il 
donna  ces  trois  corps  avec  ceux  de  laint  Nabor  &  de  laine 
FeliXj  Martyrs  de  Milan.  La  Fête  de  cette  Tranflation  fe  cé- 
lèbre à  Cologne  le  i  2  de  Juillet.  L'invention  de  ces  Reli- 
ques s'ctoit  faite  dans  le  mois  de  Mars  1162.  Pierre  Co- 
meftor ,  qui  écrivit  vers  ce  temps-là  ,  donne  aux  trois  Rois 
les  noms  de  Gafpard  ,  Baltafar  &  Melchior  j  &  c'efl  fous  ces 
noms  qu'ils  font  honores  à  Cologne. 

LIV.  Il  avoit  été  ordonne  dans  le  Concile  de  Latran  {s) 
célébré  fous  le  Pontiiicac  d'Innocent  II,  en  1 1 3  9  ,  de  priver  de 
leurs  Bénéfices ,  &  de  l'exercice  de  leurs  fonctions ,  les  Clercs 
qui  après  avoir  été  promus  au  Soudiaconat  ou  aux  Ordres  fu- 
pcricurs ,  fe  maricroient  :  en  conféqiicnce  de  ce  Canon  ,  qui 
efi  le  fixiéme ,  &  en  vertu  des  Décrets  des  faints  Pères,  le  Pape 
Alexandre   III    donna  ordre  à  TEvique  de  Laon  d'obliger 
un  de  fes  Chanoines  à  fe  féparer  d'une   femme  qu'on  diioit 
qu'il  avoir  épouféc  ,  &en  cas  de  réfiflance  de  fa  part,  de  l'ex- 
communier. 11  ordonna  à  Henri,  Archevêque  deRheims,  de 
faire  reflituer  au  Monaflere  de  faint  Vaalld'Arras  les  reli- 
ques de  faint  Jacques ,  que  Philippe  Comte  de  Flandres  lui 
î/r/î.  151.   avoit  enlevées  par  violence.  Le  Pape  Alexandre  écrivit  au 
même  Archevêque  d'afTifter  autant  qu'il  le  pourroit  les  Croi- 
fés ,  qui  fouiTroient  beaucoup  dans  leurs  expéditions  ;  &  d'en- 
gager Louis  VII ,  Roi  de  France  ,  à  régler  dans  uneaffem- 
blée  des  Eccléfiaftiques  de  fon  Royaume  un  fubfidepour  four- 
E;»)?.  134^  nir  à  leurs  befoins.  Par  une  autre  Lettre  il  lui  ordonne  d'o- 
110-ipp.      {^jiger  le  Doyen  de  faint  Laurent  à  faire  rélîdence  dans  fon 
Epiji.  Z17.  Eglife,  étant  indécent  que  celui  qui  y  occupoic  la  principale 

dignité  s'en  abfentât,  au  lieu  delà  fervir. 

E;;,/?. 55,.       LV.  Le    Pape  Alexandre  chargea  encore  l'Archevêque 

ef  Epiji.  472.  Henri  d'empêcher  le  mariage  de  la  fille  du  Roi  Louis  VII 

avec  le  fils  de  l'Empereur  Frideric,  difant  que  cette  alliance 

avec  le  perfécuteur  de  l'Eglife  pourroit  lui  être  pernicieufe  , 


(r  )  PetRI's  Com.  H;/J,  evang.  cnp.  8,    I  timplijf,  foUeil,  Martertne  ,  f,  737  ,  ^  Epijt. 
(  i  )  AlEXAND.  Epift.  119  ,   tmn,   1  ,  I  ipf. 


ET  ALEXANDRE  m,  PAPES.  Ch.  XXVII.  371 
demcme  qu'à  l'Etat.  Il  ajoutoit  que  (i  le  Roi  vouloit  donner 
la  Princcitc  fa  fille  en  miriage  à  l'Empereur  de  Conftanti- 
noplc,  il  travailleroit  lui-même  à  faire  conclure  ce  mariage, 
qui  ne  pourroic  qu'être  avantageux.  Les  devoirs  de  l'Epif-  Epiji.  34^, 
copat  lui  paroiflant  incompatibles  avec  les  fon6lions  de  Chan- 
celier du  Royaume  de  France,  il  employa  le  crédit  du  même 
Prélat  pour  engager  l'Evêque  de  Soiflbns  à  quitter  la  Chan- 
cellerie ,  pour  ne  s'occuper  que  du  foin  de  fon  Diocèfe.  On 
croit  cjue  cet  Evêque  fuivit  le  confeil  du  Pape  ;  car  la  Chan- 
cellerie étoit  vacante  en  1171  8i  1175,  «&  Hugues  (  c'étoic 
le  nom  de  l'Evêque  de  SoifTons)  mourut  en  1175  (f). 

LIV.  L'Evêque  de  Châlons  ayant  ordonné  le  fils  d'un^^'/?.  3ir.« 
Prêtre  fans  fçavoir  qu'il  le  fùc ,  &  inftitué  dans  une  Eglife 
pour  laquelle  le  Pape  même  l'avoit  demandé,  il  écrivit  à  cet 
Evêque  de  laifTer  jouir  ce  Prêtre  de  la  place  qu'il  avoit  dans 
cette  Eglife ,  fans  que  cette  difpenfe  tirât  à  conféquence  pour 
d'autres.  Il  fit  des  reproches  à  l'Evêque  d'Arras  de  ce  qu'il  Epift.^^éi. 
avoit  accordé  une  Prébende  dans  fon  Eglife  à  un  jeune.hommc 
CjUi  n'étoit  pas  encore  Clerc. 

LV.  Croyant  qu'il  étoit  important  pour  le  bien  &  l'hon-  Ep(i.  n. 
neur  du  Royaume  de  France,  que  le  Roi  Louis  le  jeune  fit 
couronner  &  facrer  Roi  Philippe  fon  fils,  le  Pape  Alexandre 
écrivit  à  Henri  ,  Archevêque  de  Rheims ,  d'y  engager  ce 
Prince,  &  lui  donne  pour  exemple  l'Empereur  de  Conflan- 
tinople,  qui,  pour  prévenir  les  troubles  qui  pouvoient  arriver 
dans  fon  Empire  après  fa  mort ,  venoit  de  faire  couronner 
ion  fils ,  quoiqu'âgé  feulement  de  trois  ans ,  &  rendre  le  fer- 
ment de  fidélité  par  tous  fes  Sujets.  Mais  le  Roi  Louis  ne 
fit  faire  cette  cérémonie  que  quelques  années  après ,  c'c(l-à- 
dire  en  117^. 

LVI.  L'Archevêque  de  Rheims  ne  fâchant  s'il  pouvoir,  £;■/?. 41.?; 
fans  bleffer  ou  fa  confcience  ou  les  droits  de  fa  Dignité  & 
de  fon  Eglife ,  recevoir  l'hommage  de  l'Evêque  de  Liège  qui 
étoit  fchifmatique ,  confulta  là-defius  le  Pape  Alexandre, 
qui  répondit  de  ne  point  communiquer  avec  cet  intrus  &  ce 
fchifmatique ,  jufqu'à  ce  qu'il  fe  fût  réuni  à  l'Eglife  Catho- 
lique ;  mais  que  Ci  en  refufant  fon  hommage ,  les  droits  &  la 
dignité  de  l'Eglife  de  Rheims  dévoient  en  fouffrir  quelque 
atteinte  ,  if  fercit  à  cet  égard  ce  qu'il  trouveroit  de  mieux. 


(  »  )  Masill,  lil>.  1 ,  Je  re  diplomatica ,  cup,  1 1, 

A  a  a  ij 


372  LUCIUS  m,  URBAIN  III,  GREGOIRE  VIII, 

Il  l'avcnic  nJanraoins  d'ufcr  tellement  des  biens  temporels  , 
W-  44c;   qu'il  ne  perdît  pas  les  éternels.   Dans  une  autre  Lettre  il 

charge  le  même  Archevêque  d'exhorter  le  Roi  de  France  à 

travailler  à  la  paix  entre  l'Eglife  &  l'Empire  ,  &  d'engager 

Eft%  470.   ce  Roi  à  fc  reconcilier  aufli  avec  le  Roi  d'Angleterre  :  il  le 

e  +77,  47S.  prie  de  travailler  lui-même  à  cette  réconciliation  .  &  de  celle 

du  Roi  d'Angleterre  avec  fes  enfcins.  L'Archevêque  Henri 
Ifij}.  4!j.   reçut  une  Lettre  de  Jcfbert,  Maître  des  Hofpicalicrs  de  Jé- 

rulalcm  ,  par  laquelle  il  lui  demandoic  de  lui  procurer  .un 

ctabliflemcnt  dans  fon  Diocefe. 

CHAPITRE     XXVII L 

Lucius  III j  Urbain  III,  Grégoire  VIII,  Clément  III y 
&  Celejlin  III,  Papes. 

PajeciiiiSi.  ^'1      ^  vsaînt  Siège  n  avoit  vaque  qu  un  jour  depuis  la  mort 

J ^d'Alexandre  III  ,  lorfqu'on  élut  pour  lui  luccéder 

Ubaldc ,  né  à  Luques  en  Toicane ,  Evêquc  d'Oftie.  Il  étoit 
fort  avancé  en  âge  ,  d'un  fçavoir  médiocre ,  mais  très-ex- 
périmenté dans  les  affaires.  Dans  fon  éle£tion  ,  qui  fe  fit  le 
premier  de  Septembre  1 181  ,  on  mit  en  pratique  le  Décret 
du  Concile  de  Latran  fous  Alexandre  III ,  portant  que  celui- 
là  feroit  reconnu  pour  Pape ,  qui  auroit  les  deux  tiers  des  voix  ; 
&  les  Cardinaux  commencèrent  à  s'arroger  à  eux  feuls  le  droit 
d'élire  ,  à  l'exclunon  du  refle  du  Clergé  &  du  Peuple.  Ubalde 
fur  couronné  à  Velctri ,  fous  le  nom  de  Lucius  III ,  le  6  du 
même  mois ,  qui  étoit  un  Dimanche  ;  il  fut  facré  par  Técdin  , 
Evêque  de  Porto  ,  &  par  l'Archiprêtre  d'Ollie. 
SonPonti-  î[.  Les  Romains  avoient  (a)  certaines  coutumes  dont  les 
Papes  les  laiffoient  jouir  en  liberté  ,  les  gardant  eux-mêmes, 
Lucius  jura  qu'il  ne  les  obferveroit  jamais  :  ce  qui  révolta  les 
Romainscontre  lui.  Ne  pouvant  leur  réfifter,  il  fortitdeRome 
l'an  ii8a.  Il  y  revint  l'année  fuivante  t  183  ;  mais  y  ayant 
trouvé  les  Romains  plus  furieux  encore  qu'auparavant ,  il  quitta 
une  féconde  fois  cette  Ville,  &fe  retira  à  Vérone  dans  le  mois 
de  Juillet  1 184.  Il  y  fut  joint  le  3 1  du  même  mois  par  l'Em- 


(  a  )  R0C£R  HOYECEN.  pa^.  ixi. 


GREGOIRE  VIII,  CTf.  PAPES.  Ch.>:XV]IT.  373 
pcrcur  Fridcric  &  par  plulicurs  Evcqucs  &  Seigneurs  Laïques , 
avec  lelqucls  il  tint  un  (Concile,  qui  commenc^a  le  premier  jour 
d'Août  ,  &  ne  tlnic  qu'après  le  quatrième  de  ISIovembre.  Le 
Pape  mourut  en  la  même  Ville  le  25  du  même  mois  ,  l'an 
1 1 8  5 ,  après  quatre  ans  deux  mois  6c  douze  jours  de  Pontifi- 
cat ,  à  compter  du  jour  de  l'on  couronnement. 

IlL  Aprèsla  mort  de  Richard,  Evèque  de  Saint  André  en   ScsLcmcs. 
EcolTe ,  le  Clergé  choilit  un  Dodeur  nommé  Jean  ;  mais  le  Roi  i ,  nu  cicrgî 
Guillaume  lui  préféra  Hugues  fon  Chapelain,  &  lefit  lacrerpar  '^'t^'^o^e. 
les  Evêques.  Jean  en  appclla  au  Pape  Alexandre  III ,  qui  en- 
voya fur  les  lieux  AL-xis ,  Soudiacre  de  l'Eglife  Romaine.  Le 
Légat  dépofa  Hugues  ,  &  confirmant  l'éledion  de  Jean  ,  il  le 
fit  ordonner  Evéque.  Le  Roi  défendit  à  Jean  de  demeurer 
dans  fon  Royaume.  Hugues  alla  à  Rom.e  ,  emportant  avec  lui 
la  Chapelle  Epifccpale ,  avec  l'anneau  &  la  croffe.  Alexis  l'ex:- 
communia  ,  &  le  Pape  Alexandre  confirma  la  Sentence  ,  en    yî/<,v.  T^pi/i, 
ordonnant  à  Roger,  Archevêque  d'Yorc,  d'excommunier  le  5^ .  57- 
Roi  Guillaume  ik  de  mettre  fes  Etats  en  interdit ,  &  à  Jean 
de  ne  pas  abandonner  fon  Siège.  Le  Roi  ne  fut  point  eflirayé 
des  menaces  de  Rome ,  &  chafla  Jean  de  fon  Eglile.  L'Arche- 
vêque d'Yorc  prononça  donc  lafentence  d'excommunication 
contre  ce  Prince ,  &  mit  fon  Royaume  en  interdit.  Il  y  étoit 
encore  lorfque  le  Roi  Guillaume  (b)  envoya  en  Cour  de  Ro- 
me pour  le  faire  lever.  Le  Pape  Lucius  III  lui  accorda   fa 
demande  par  une  Bulle  datée  de  Veletri  le  dix-feptieme  de 
Mars  de  l'an  1 182.  Elle  eft  adrefiee  à  tous  les  Evêques  «& 
au  Clergé  d'Ecoffc,  à   qui    il  ordonne  de  rendre  les   hon- 
neurs &  les  refpeds  dus  à  fa  dignité  ,  comme  étant  dans  la 
Communion  du  Siège  Apoftolique. 

IV.  Le  Pape  Lucius  avoic  en  1 183  (  c)  obtenu  des  Rois  £.;«  ^ 
&  des  Seigneurs,  tant  Laïques  qu'Eccléfiafliques ,  des  fubfi- 
des  en  argent  pour  faire  fa  paix  avec  les  Romains.  En  1185 
Baudouin  IV  ,  Roi  de  Jérufalem  ,  voyant  les  progrès  de  Sa- 
ladin  &  les  cruautés  qu'il  exerçoit  contre  les  Chrétiens  ,  en- 
voya en  Occident  Héraclius,  Patriarche  de  cette  Ville  ,  Ar- 
naud ,  Maître  des  Templiers,  8c  Roger ,  Maître  des  Hofpita- 
liers  ,pour  demander  dufecours.  Ils  trouvèrent  le  Pape  & 
l'Empereur  Frideric  à  Vérone.  Lucius  III   n'étant  pas  en 

(i)  Tom.  10  Concil.  fag.  I73J'«  1       (  «^  )  ^og<r,  Hoved,  fag,  6^1, 

(  c ]  Roger.  HoveJ.  (ag.  615,  ( 


374  LUCIUS  III,  URBAIN  III, 

écac  de  leur  procurer  par  lui-même  aucun  fecours  cffc£tif ,  leur 
donna  deux  Lettres  de  recommandation  pour  les  Rois  de  Fran- 
ce &  d'Angleterre.   De  ces  deux  Lettres  on  n'a  mis  dans  le 
Recueil  des  Conciles  que  celle  qui  ctoit  adrcffceà  Henri  II , 
Roi  d'Angleterre.  Les  AmbafTadeurs  la  lui  préfenterenc  au 
mois  de  Février  r  185.  Le  Pape  y  fait  la  peinture  de  l'état 
déplorable  auquel  la  Terre-Sainte  écoit  réduite  par  les  victoi- 
res de  Saladin  ,  &  parla  maladie  du  Roi  Baudouin.  Il  recom- 
mande le  Patriarche  de  Jérufalem  &  le  Maître  de  l'Hôpital , 
&  ne  dit  rien  du  Maître  des  Templiers ,  parce  qu'il  étoit  more 
à  Vérone;  &  fait  fouvenir  à  Henri  II  de  la  promefTe  qu'il 
avoit  faite  de  donner  du  fecours  à  la  Terre-Sainte ,  lorfqu'il 
reçut  rabfolution  du  meurtre  de  Saint  Thomas  de  Cantorbery, 
Les  AmbafTadeurs  qui  étoient  chargé^  de  demander  un  Prince 
pour  commander  l'armée  des  Croifés,  prièrent  le  Roi  d'An- 
gleterre de  venir  lui-même  ou  du  moins  d'envoyer  fon  fils.  Il 
refufa  l'un  &  l'autre  ,  fuivant  l'avis  de  fon  Confeil ,  &  f e  con- 
tenta d'offrir  de  l'argent,  &  d'en  aider  ceux  qui  voudroient  fai- 
re le  voyage  de  Jérufalem  :  ce  qui  mécontenta  le  Patriarche. 
Epfi.  5.         V.  La  troiiieme  Lettre  du  Pape  Lucius ,  efl:  le  Décret  qu'il 
fit  faire  contre  les  Hérétiques  dans  le  Concile  de  Vérone  ,  en 
préfence  de  l'Empereur  Frideric  ,  de  l'avis  des  Cardinaux, 
des  Patriarches ,  Archevêques  &  Evêqucs  ,  de  plufieurs  Sei- 
gneurs qui  fe  trouvèrent  à  cette  Affemblée  de  diverfes  par- 
ties du  monde.  On  condamna  par  ce  Décret  toutes  les  Héré- 
fics  connues  jufqu'alors ,  nommément  les  Cathares  &  Pata- 
rins,  les  Paflagins ,  les  Humiliés,  ou  Pauvres  de  Lyon.  Tous 
font  fournis  à  un  anathcme  perpétuel ,  &  l'on  comprend  fous 
cette  cenfure  tous  ceux  qui  ofent  prêcher  en  public  ou  en  par- 
ticulier fans  avoir  mifTion  &  autorité  du  Pape  ou  de  l'Evê- 
que  Diocéfain  ,  &  tous  ceux  qui  penfent  ou  cnfeignent  autre- 
ment que  l'Eglife  Romaine  touchant  le  Sacrement  du  corps 
&  du  lang  de  Jefus-Chrift ,  le  Baptême  ,  la  rémiiïion  des  pé- 
chés, le  Mariage  &  les  autres  Sacremens  ;  &  en  général  tous 
ceux  qui  auront  été  jugés  Hérétiques  par  le  Saint  Siège  ,  par 
chaque  Evêque  dans  Ion  Diocèfe  avec  le  confeil  de  fon  Cler- 
gé ,  ou  par  le  Clergé  même,  le  Siège  vacant,  avec  le  confeil , 
s'il  eft  bcfoin  des  Evêques  voifms.  Sont  compris  dans  la  mê- 
me condamnation  tous  ceux  qui  donneront  retraite  ou  protec- 

(f  J  P.r^.  1737. 


GREGOIRE  VIII ,  &€.  PAPES.  Cn.  XX  VI II.  :;75 
tion  à  CCS  Hâcciqucs ,  loic  qu'on  les  nomme  Conlolcs,  Croyans, 
Partaics  ,  ou  de  ijuclquc  autre  nom  luperlliiieux. 

V'I.  La  peine  impoléc  aux  Clercs  ou  Religieux  convaincus 
de  quelques-unes  de  ces  erreurs,  efl  d'être  dépouilles  de  tout 
Ordre  &  Bénéfice,  &  abandonnés  à  la  PuifTancc  Icculierc  pour 
recevoir  la  punition  convenable,  fi  ce  n'cft  que  le  coupable^ 
foit  Clerc ,  loit  Laïque,  fafiTe  aufii-tôt  après  qu'il  lera  décou- 
vert ,  Ion  abjuration  entre  les  mains  de  l'Evcque  du  lieu.  On 
punira  de  même  ceux  qui  font  lufpe£ls,  s'ils  ne  prouvent  leur 
innocence  ;  &  ceux  qui ,  après  avoir  abjuré  ,  ou  s'être  jufti- 
fiés,  retomberont  ,  Icront  laiffés  au  jugement  fcculier,  fans 
être  plus  écoutés.  A  l'égard  des  Clercs  condamnés ,  on  ap- 
pliquera leurs  biens  aux  Eglifes  qu'ils  fervoient;  &  afin  que 
l'excommunication  prononcée  contre  tous  les  Hérétiques  foit 
connue  ,  elle  fera  renouvellée  par  tous  les  Evêqucs  aux  pran* 
des  folemnités,  fous  peine  d'être  fufpens  des  fondions  Epif- 
copales  durant  trois  ans. 

VII.  Par  le  conicil  des  Evêqucs ,  &  fur  la  remontrance  de 
l'Empereur  &  des  Seigneurs  de  fa  Cour ,  il  fut  ordonné  que 
les  Evêques  vifitcroient ,  ou  par  eux-mêpcs ,  ou  par  des  Cojn- 
miiïaircs  ,  les  lieux  de  leurs  Diocèfes  où  l'on  fçavoit  par  le 
bruit  public  que  des  Hérétiques  y  faifoient  leur  demeure, 
que  d'autres  tenoient  des  Conventicules  fecrets,  oumenoient 
une  vie  différente  du  commun  des  Fidèles.  Dénoncés  à  l'E- 
vêque  ou  cà  l'Archidiacre  ,  ilsfe  pugcront  fuivant  la  Coutume 
du  Pays ,  ou  s'ils  retombent ,  ils  feront  punis  par  le  jugement 
des  Evêques  :  s'ils  refuient  de  jurer ,  ils  feront  dès-là  iuo-és 

Ht      f    *  '  >      îD 

erotiques. 

VIII.  Il  efl:  encore  ordonné  aux  Comtes ,  aux  Barons ,  aux 
ReQcurs  8c  Confuls  des  Villes  &  autres  lieux  de  promettre 
fous  ferment ,  fuivant  la  monition  des  Evêques ,  d'aider  effi- 
cacement l'Eglife  dans  toutes  fes  procédures  contre  les  Héré- 
tiques, fous  peine  d'être  dépouillés  de  leurs  Charges  ,  &  de 
n'être  plus  admis  à  aucune  autre  ;  &  en  outre  d  être  excom- 
muniés ,  &  leurs  terres  mifes  en  interdit.  Le  Décret  ajoute 
que  la  Ville  qui  négligera  de  punir  les  contrevenans ,  fera  pri- 
vée du  commerce  des  autres  Villes ,  &  perdra  la  dignité  Epif- 
copale;&que  tous  les  fauteurs  d'Hérétiques  feront  notés  d'in- 


3  7^  LUCIUS  m,  URBAIN  III, 

^  famie  perpétuelle  ,  &  comme  tels  exclus  d'être  Avocats  St 

Témoins,  &  des  autres  fonctions  publi.jues;  enfin  que  ceux 
qui  font  exempts  de  la  jurilditlion  de  TEvcque,  &  fournis 
immédiatement  au  Saint  Siège ,  ne  laifTcront  pas  ,  dans  tous 
les  cas  dont  on  vient  de  parler  ,  de  fubir  le  jugement  des 
Evéques ,  comme  délégués  du  Siège  apoftolique ,  nonobftanc 
leurs  privilèges.  Il  n'elt  pas  furprcnant  que  le  Décret  du  Pape 
Lucius,  ou  du  Concile  de  Vérone  auquel  il  prcfidoit ,  faiïe 
concourir  les  deux  Puiflances  pour  l'extirpation  des  hérélies, 
puiique  ce  Concile  fut'  tenu  en  préfence  de  ces  deux  Puif- 
lances ,  du  Pape  ,  des  Cardinaux  ,  des  Evèques  ,  de  l'Em- 
pereur,  &  des  Seigneurs  de  fa  Cour. 
Quels  font      IX.  Sous  le  nom  de  Cathares  ou  Vaiarins  mentionnés  dans 
Jonjamnéi"" ^^  Décret,  il  faut  entendre  les  nouveaux  Manichéens,  dont 
d.iiis  le  Décret  la  fefte  fc  répandoit  en  beaucoup  d'endroits.  En  1 183  Guil- 
liuiPape    oiijp^jt^ç     Archevêque  de  Rheims  ,   &  Philippe,  Comte  de 

o'u  Concile  de  T-,,        ,  ^,  '        ,  \  r 

Vérone.  rlandres,  en  condamnèrent  un  grand  nombre  au  feu,  avec 
confifcation  de  leurs  biens  ,  après  les  avoir  convaincus  par 
leur  propre  confefTion  d'une  dodrine  très-impure.  Les  Paf- 
figins  obfervoient  à  la  lettre  la  Loi  de  Moyfe  touchant  le 
Sabbat  &  la  Circoncifion  ,  nioient  la  trinité  des  perfonnes 
en  Dieu,  &  condamnoient  les  Pcres'&  toute  l'Eglife  Ro- 
maine. Il  y  avoit  deux  fortes  d'Humiliés  :  les  uns  vivoient 
d'une  manière  édifiante  ,  &  leur  InÛitut  avoit  été  approuvé 
par  le  Saint  Siège  ;  les  autres  vivant  fans  aucune  foumiflion 
à  l'Egife ,  prêchoient  fans  mifuon  ,  entendoicnt  les  confef- 
fions,  &  dirigeoient ,  s'attribuant  d'eux-mêmes  le  Miniflere 
eccléfiaftique.  Les  Pauvres  de  Lyon  furent  nommés  ainfi ,  à 
caufe  que  leur  fede  commença  en  cette  Ville  en  1160;  mais 
ils  font  plus  connus  fous  le  nom  de  Vaudois ,  qui  leur  fut 
donné  depuis  que  Pierre  Valdo  fe  mit  à  leur  tête.  Il  leur 
expliquoit  le  texte  du  nouveau  Teflament  en  langue  vulgaire, 
&  leur  faifoit  embralTer  la  pauvreté  volontaire  à  l'imitation 
de  Jefus-Chriit  &  des  Apôtres.  Mais  voyant  que  les  Ecclé- 
fiaftiques  le  traitoient  de  téméraire,  il  invedivoit  conrr'eux , 
difant  à  fcs  Difciples  que  le  Clergé  corrompu  dans  fes  mœurs 
envioit  leur  fainte  vie  &  leur  dodrine.  On  ne  leur  attribue 
d'autre  erreur  que  la  pratique  d'une  pauvreté  oifive  ,  &  le 
mépris  du  Clergé.  Il  efl  auiïi  parlé  dans  le  Décret  de  Lucius 
III  des  Jefepins  &  Arîiaudifles.  On  ne  connoit  pas  les  pre- 
miers j  mais  les  ArnaudiRes ,  difciples  d'Arnaud  de  Brefle , 

prétendoienc 


GREGOIRE  VIII ,  &c.  PAPES.  Ch.  XXTVtir.     577 

pTcccndoienc  que  les  Clercs  Se  les  Moines  ne  pouvoicni,  lans 
péril  de  l.iliic ,  pofTcder  aucuns  biens  fonds  ,  regardoienc 
comme  nul  le  Baptême  des  cnfans  ,  &  ne  rcconnoifToicnt 
point  la  prcicnce  réelle  dans  le  Sacrement  de  TAurel. 

X.  11  y  a  une  quatrième  Lettre  du  Pape  Lucius  III,  en  Epiji.^apuà 
forme  de  Bulle  ,  dans  les  notes  de  Dom  Luc  d'Achcri  fur  ^;;;J™;';; 
Guibcrc  de  Nogent ,  datée  de  Vcletri  le  8  d'Avril  1 181  ;  il 

faut  lire  1182,  puilque  Lucius  III  ne  fut  élu  que  le  premier 
de  Septembre  de  cette  année.  Cette  Bulle  eft  adrclléc  à  l'Abbé 
^  aux  Religieux  du  Mont  Saint-Quentin,  &  (Ignée  du  Pape, 
de  deux  Evéques  ^  &  de  fept  Cardinaux.  On  y  met  ce  Mo- 
naflerc  &  tous  les  biens  fous  la  protcftion  du  Saint  Siège,  &: 
l'on  y  confirme  la  poffcnion  de  fes  biens  a£tuels.  Il  y  ell  or- 
donné qu'aucun  de  ceux  qui  auront  f.îit  ProfcfTion  dans  ledit 
Monaflere',  ne  pourra  en  fortir ,  i\  ce  n'efl;  pour  paflTer  à  un 
Ordre  plus  févere,  fans  la  permllfion  de  fon  Abbé;  que  per- 
fonne  ne  pourra  exiger  d'eux  la  dixme  des  novalcs  qu'ils 
cultiveront  par  leurs  mains,  ou  qu'ils  feront  cultiver  à  leurs 
frais  ;  qu'il  leur  fera  libre  de  choi(ir  des  Prêtres  pour  la  del- 
ferte  de  leurs  Eglifes,  en  les  préfcntant  à  TEvêque  diocéfain; 
qu'ils  ne  pourront  aliéner  ni  terres ,  ni  Bénéfices  ,  ni  Eglifes 
de  leur  dépendance,  fans  le  confenrcment  de  tout  le  Chapitre, 
ou  de  la  plus  grande  &  plus  faine  partie  ;  &  qu'à  la  mort  de 
l'Abbé  on  ne  pourra  lui  donner  pour  Succeffeur  que  celui  qui 
aura  été  élu  félon  Dieu  &  la  Règle  de  faint  Benoît  ,  par  le 
confentement  unanime  de  la  Communauté ,  ou  par  la  plus 
faine  partie. 

XI.  Le  jour  même  de  la  mort  de  Lucius  lîl,  25  de  No-  Urbain  lir, 
vcmbre  1 185 ,  les  Cardinaux  nommèrent  tout  d'une  voix  pour  ^^i'^- 

fon  Succefieur  Hubert  Crinelli  ,  né  à  Milan  ,  Archevêc[ije  de 
cette  Ville ,  &  Cardinal  du  titre  de  faint  Laurent  in  Damafo. 
Il  fut  couronné  le  Dimanche  fuivant ,  premier  de  Décembre, 
fous  le  nom  d'Urbain  III,  &  garda  rÂrchevêché  de  Milan. 

XII.  Le  12  de  Janvier  1186  (0  il  donna  avis  de  fon ,  ^.■""'^  ^''^'■■ 

'in-  ^  ^        T7     "  AIL'        n     ^  1       T»    '1         bain  a  tojs  ics 

élection  a  tous  les  Eveques ,  aux  i^bbes,  &  a  tous  les  Frelats  Evèqu 
des  Eglifes,  demandant  les  futiragcs  de  tous  les  Fidèles  pour 
fon  Prédéceffeur  ,  &:  le  fccours  de  leurs  prières  pour  lui-même. 
IMccontcnt  du  mariage  (  /  )  que  l'Empereur  Frideric  avoic 


ques. 


(»■  )  To:ii.  lo  Caiicil.  p.  nui.  I  17  ,  /;.  513  ,  J:z. 

(/)   GoDEFRiD.   Vterb.  Chroak,  par.  I 

Tome  XXlll,  B  b  b 


378  LUCIUS  III,  URBAIN  III, 

conclu  entre  Henri  fon  fils  &  Confiance  fille  de  Roger  ,  Rot 
clc  Sicile,  &  célébré  à.Mibn  le  27  Janvier  de  la  môme  année, 
&  plus  encore  de  ce  que  dans  ccitc  cérémonie  l'Empereur 
Fiideric  avoir  été  couronné  par  l'Archevêque  de  Vienne,  le 
Roi  Henri  par  le  Patriarche  d'Aquiîée  ,  &  la  Reine  Coni- 
tance  par  un  Evéque  Allemand  ,  il  fulpendit  tous  ks  Evc- 
ques  qui  y  avoient  aiïlilé. 
.  ^^.^  /?'".*        XIII.  Le  Pape  Urbain  eut  divers  autres  démêlés  avec 
i\ic!s.  Sa  mort  1  Empereur  r  nderic ,  le  plaignant  entr  autres  que  ce  Pnnce 
en  1 187.       s'étoit  emparé  injurtcrnent  des  biens  que  la  PrincelTe  Mathilde 
avoit  légués  à  l'Eglile  Romaine  ;  qu'il  s'cmparoit  aufll   des- 
dépouilles des  Evêques  morts ,  êc  diiïipoit  les  biens  de  plu-- 
fleurs  Monafteres  de  Filles ,  lous  prétexte  que  les  Abbeflcs 
en  abuloient.  Il  fit  dans  la  fuite  fa  paix  avec  ce  Prince,  m.ais 
il  ne  vint  pas  à-bour  de  porter  du  feccurs  aux  Chrétiens  dans-- 
la  Terre-Sainte,  quoiqu'il  fe  fût  donné  à  cet  égard  de  grands 
mouvemens.  Il  étoit  en  chemin  pour  Venife,  dans  le  deflein 
d'y  faire  équiper  une  flotte,  lorfqu'il  apprit,  étant  à  Ferrare,, 
que  Jérufalem  avoit  été  rendue  à  Saladin  le  2  Oclobre  1 187. 
La  nouvelle  de  cette  prife  ,  qu'il  prévoyoit  devoir  entraîner 
la  perte  de  la  Terre -Sainte  ,  lui  caufa  une  maladie  dont  il 
mourut  le  15;  Oclobre  de  la  même  année  ,  n'ayant  tenu  le 
Saint  Siège  qu'un  an  dix  mois  &  vingt-cinq  jours ,  en  comptant" 
du  jour  de  fon  élettion. 
Ses  Lettrer.      XIV.  U  nous  refle  de  lui  cinq  Lettres  (?»).  Dans  la  pre- 
Bp;fi.  I,      rniere  il  donne  part  de  fon  élection  à  tous  les  Évêqucs ,  ainfi 
E/Ji.  1.     qu'on  l'a  dit  plus  haut.  Dans  la  féconde,  adrcilée  à Guillaumcj,. 
Roi  d'Ecofie ,  il  informe  ce  Prince  du  jugement  qu'il  avoit 
rendu  en  faveur  de  Jean  ,  Evcque  de  Donqueld  ,  à  qui  il 
avoit  rendu  l'Evcché  de  Saint  A^ndré  ,  poffédé  par  Hugues 
^Pfl'  3-     fon  compétiteur.  Il  charge  par  la  troifieme  Lettre  Jocelin  , 
Evoque  de  Glaicow ,  &  quelques  autres ,  de  protéger  l'Evê- 
que  Jean  &  fes  amis,  &  d'empêcher  qu'il  ne  leur  fût  fait  aucun 
m.al.  Jean  &  Hugues  avoient  auparavant  remis  leurs  intérêts 
ou  Pape  Lucius  III,  qui  avoit  rendu  à  Hugues  l'Evêché  de 
Saint- André  ,  &  donné  à  Jean  celui  de  Donqueld  ,  avec  tout 
ce  que  le  Roi  d'Ecoffe  lui  avoit  ôté.  Mais  ce  Prince  n'ayant 
pas  voulu  faire  cette  reftitution  ,  Jean  continua  à  difputer 
à  Hugues  l'Evcché  de  Saint -André;  le  Pape  Urbain  III. 

j_.  -  -  — ■*- ■ ^^i»^— — «— —  I  ■■    Il        — — ^^»*- 

(m)  Tonu  lo  ConciL  ^ag,  1741  ^  ff£* 


GREGOIKE  Vm,&c.  PAPES.  Ch.XXVITT.  379 
fivoriia  les  prccentions  de  Jean,  comme  il  cil  dit  ici,  if^  cica 
Hugues  à  comparourc  à  jour  ccrcain  devant  fon  Tribunal. 
Par  la  quatiicnie  ,  le  Pape  Urbain  permet  à  Baudouin  ,  Ar-!  P-ii'Jl.  4- 
cheveque  de  Cantorberi ,  de  bâtir  une  Egliie  en  riionncur 
de  laint  Etienne  8<  de  faint  Thomas ,  d'y  mettre  des  per- 
lonncs  en  état  de  la  dcflcrvir  avec  décence  ,  &  de  leur  ai- 
iigner  une  portion  canonique  pour  leur  lubdilance.  A  cet 
effet  il  lui  ordonne  de  partager  en  quatre  parties  les  offrandes 
que  Ton  apportoit  au  tombeau  de  faint  Thomas ,  Martyr  ;  d'en 
donner  une  aux  Moines  qui  defferviroient  l'Eglife  des  faints 
Etienne  Se  Thomas,  Martyrs  ;  une  à  la  Fabrique  de  l'Eglife, 
une  pour  les  Pauvres ,  &:  la  quatrième  pour  quel  ufage  il 
voudroit.  Par  la  cinquième  il  prend  fous  la  protection  du  Epip.  ;. 
Saint  Siège  la  Maifon  que  les  Frères  Hofpitaliers  avoicnc 
bâtie  dans  le  territoire  de  Boulogne ,  avec  une  Eglife  donc 
le  Pape  Alexandre  avoit  mis  la  première  pierre.  Il  leur  ac- 
corde auffi  divers  privilèges,  les  mêmes  à-peu-près  que  Lu- 
cius  III  avoir  accordés  à  l'Abbaye  du  Mont  Saint-Quentin, 
dont  on  a  parlé  plus  4iaut. 

XV.  Le  Succeffeur  d'Urbain  III  fut  Grégoire  VIII,  natif  Grégoire 
de  Benevenc,  Catxiinal ,  Chancelier  de  l'Eglife  Romaine.  Son  VIII,  Pape, 
élection  fe  fit  le  20  d'0£lobre  1 187  ,  &  fa  confécration  le  2  5 

qui  étoit  un  Dimanche.  Il  prit  le  nom  de  Grégoire,  au  lieu 
de  celui  d'Albert  qu'il  portoit  auparavant.  Hugues  d'Auxerre 
nous  le  dépeint  comme  un  homme  favanc ,  cloquent ,  d'une 
vie  pure  &  auftere ,  &  d'un  grand  zèle.  Dès  le  commencement 
de  fon  pontificat  il  envoya  des  Légats  aux  Princes  Chrétiens 
pour  les  animer ,  Se  les  autres  Fidèles  ,  au  recouvrement  de 
la  Terre- Sainte;  &  fâchant  combien  les  Pifans  &  les  Génois, 
très-puiffans  les  uns  &  les  autres  par  terre  &  par  mer,  pou- 
voient  contribuer  à  la  réuflîte  de  cette  cntreprile ,  il  alla  lui- 
même  à  Pife,  où  il  fit  venir  les  Génois.  Il  commença  par  tra- 
vailler à  leur  réconciliation  ,  &  cette  œuvre  falutaire  écoic 
prête  à  fe  confommer  ,  lorfqu'il  fut  attaqué  d'une  fièvre  donc 
il  mourut  le  17  de  Décembre  1 1 87  ,  après  avoir  tenu  le  Saine 
Siège  un  mois  &  dix-fept  jours. 

XVI.  Nous  avons  de  lui  trois  Lettres  (n).   Dans  la  pre-   Ses  Lettres. 
micre  à  tous  les  Fidèles ,  il  témoigne  une  très-vive  d(aileur 

de  la  prile  de  Jérufalem  ,  particulièrement  de  la  vr.ae  Croix 

{ti)Tom.  ioConcil.  pa^,  1748, 

B  b  b  ij 


58o  LUCIUS  m,  URBAIN  III, 

dans  la  ^araillc  de  Tibcriade  ,  où  on  l'avoin  portée  fclon  Id 
coutume.  Quoiqu'il  ne  doutât  point  que  tous  ces  malheurs  ne 
fuffcnt  arrives  en  punition  de  leurs  péchés ,  il  les  exhorte  à 
ne  pas  perdre  courage,  mais  à  appaifer  Dieu  par  des  larmes 
de  pénitence  ,  &  par  toutes  fortes  de  bonnes  œuvres ,  &c  à 
retourner  enfuite  à  l'Ennemi,  en  imitant  lesMachabées  pour 
la  défcnre  de  laRclieion  &  la  délivrance  de  leurs  frères.  Ccil 
pourquoi  il  promet  a  ceux  qui  feront  le  voyage  de  la  Terre- 
Sainte  l'indulgence  pleniere  &  la  protedion  de  rEglife  R.o- 
maine,  pour  eux  ,  leurs  familles  ,  &  leurs  biens  temporels  , 
dès  le  moment  m.ême  qu'ils  le  feront  croifés. 

^È'P-  -'  XVII.  Il  marque  dans  fa  féconde  (o),  aufli  ach-efTcc  à 
tous  les  Fidèles  ,  la  pénitence  que  chacun  devoir  faire  pen- 
dant cinq  ans;  fçavoir,  qu'au  moins  les  vendredis  ils  jeûne- 
roient  en  viandes  de  Carême,  &  que  ces  jours-là  la  Mcffe  ne 
fe  célébreroit  qu'à  None  ;  qu'ils  s'abftiendroient  de  manger 
de  la  chair  le  m.crcredi  &  le  famedi ,  excepté  les  malades  ; 
que  quiconque  y  mahqueroit,  feroit  traire  comme  s'il  avoit 
rompu  l'abftinence  du  Carême.  Le  Pape  ajoute  ,  en  parlant 
de  lui-mcm.e  &  de  la  Cour  :  Pour  nous  &  nos  Frères  ,  nous 
nous  en  abrtiendrons  encore  le  lundi ,  avec  nos  Domefîiquesii, 

Jyj/f.  3.  XVÎII.  La  troifieme  Lettre  ed  aux  Prélats  de  l'Eglife  , 
auxquels  il  donne  avis  que  pour  ne  point  occafionner  de  nou- 
veaux frais  à  ceux  qui  avoient  obtenu  des  Lettres  dn  Pape 
Urbain  fon  PrédécelTeur  pour  faire  juger  leurs  affaires  lur 
les  lieux  ,  il  valide  8c  confirme  toutes  les  CommifTions  don- 
nées par  lui  trois  mois  avant  fa  mort.  Cette  Lettre  eil  datée 
de  Ferrare  le  27  d'Ottobre  1 187.  C'eft  que,  félon  les  règles 
du  Droit  j  les  CommiiTions  ceifent  par  la  mort  de  celui  qui 
les  a  données. 

îfifi.  4.  XIX.  M.  Balufe  (p)a  fait  imprimer  dans  le  feptieme 
tome  de  fes  Mélanges  une  Lettre  fous  le  nom  de  Grégoire 
VIII,  mais  en  remarquant  qu'elle  ell:  plutôt  de  l'Antipape 
Bourdin ,  qui  prit  aufli  le  nom  de  Grégoire  VIII.  En  effet, 
dans  cette  Lettre ,  qui  eft  adreflée  à  l'Empereur  Henri  V  , 
l'auteur  fe  plaint  que  ce  Prince ,  qui  étoit  fon  plus  grand  appui 
dans  le  fchilme,  ne  le  foutcnoit  pas  affez  dans  fes  prétentions 
fur  le  Siège  Apoftolique  de  Rome  j  &  que  les  fecours  mili*- 
taires  qu'on  lui  avoit  promis,  lui étoient  plus  nuifibles  qu'utiles. 

(0)  lùidjipag,  1751.  (/)  ToiH,  7  Mifidlan.  BMnf, p.iij^. 


GRFGOIRE  VTIT,  &c.  PAPES.  Ch.  XXVIIT.  381 
Tout  cela  convient  à  Bouidin  ,  &  n\i  aucun  rapport  à  Thif- 
toiie  de  Grégoire  VIII. 

XX.'  Il  eut  pour  SuccclTeur  Paul,  ou  Paulin,  Romain  Cicmcntnrj 
de  nailTancc ,  Cardinal ,  Evoque  de  PrencRe  ou  Paleftrine.  ''''P'^* 
Son  élcdion  Te  fit  à  Pile  le  15?  Décembre  1 187 ,  &  ion  cou- 
ronnement le  Dimanche  fuivant  20  du  même  mois.  On  lui 
donna  le  nom  de  Clément  II l.-  Ses  premiers  loins  après  fon 
couronnement  furent  de  traiter  avec  les  Romains  à  roccafion 
de  la  ville  de  Tuiculum  qui  ctoit  de  fon  domaine  ^  mais  quo 
les  Romains  travailloient  cà  le  ioumettre  depuis  le  Pontificat 
d'Alexandre  111.  Les  Députes  fie  Clément  IH  (7)  tranfi- 
gerent  avec  le  Sénat  &  le  Peuple  ,  aux  conditions  que  la  ville 
&  les  deux  tiers  de  la  monnoic  ieroient  rendues  au  Pape  ; 
que  l'Eglife  de  laint  Pierre  &  les  autres  qui  étoicnt  engagées 
pour  la  guerre,  feroient  déchargées  ;  que  les  murs  de  la  ville 
&  de  la  forterelie  deTufculum  feroient  détruits  dans  fix  mois  ; 
que  TEglile  Romaine  en  auroit  comme  auparavant  les  domai- 
nes 8c  les  mouvances ,  &  que  les  Romains  y  donneroieni:  fu- 
reté ,  tant  au  Pape  qu'aux  Evoques  &  aux  Cardinaux  qui  y 
féjourncroicnt  ou  en  reviendroient.  Le  Traité  ayant  été  con- 
clu le  dernier  jour  de  Mai  1188,  Clément  III  fongea"au 
voyage  de  Rome  ,  où  il  n'arriva  toutefois  que  le  i  3  de  Mars 
1  iHf^. 

XXI.  Avant  que  de  fortir  de  Pife,  il  reprit  la  négociation  n  travaille 
du  recouvrement  de  la  Terre-Sainte  commencée  par  fon  Pré-  ^u  recouvre- 
décelTeur.^  11  y  exhorta  les  Pifans ,  &  donna  l'étendard  (  r)  de  Terr'e-Shife. 
S.  Pierre  à  leur  Archevêque  Ubalde,  avec  la  qualité  de  Légat, 

Le  Pape  confirma  l'indulgence  accordée  aux  Croifcs  par  Gré- 
goire VIII,  compofa  (/)  une  formule  des  prières  qu'ils  dé- 
voient réciter  chaque  jour ,  &  en  ordonna  de  particulières  par 
route  l'Eglife  pour  la  paix  ,  la  délivrance  de  la  Terre-Sainte 
&  des  Chrétiens  détenus  captifs  chez  les  Sarrafins.  Il  bâtit  le 
Monaftere  de  faint  Laurent  (r)  hors  des  murs  de  Rome,  & 
répara  le  Palais  de  Latran.  A  peine  avoit-il  achevé  ces  ou- 
vrages, qu'il  mourut  le  27  de  Mars  ii^i,  après  trois  ans  &: 
trois  mois  &  demi  de  Pontificat. 

XXII.  La  conieflation  au  fuiet  de  l'Evêché  de  S.  Andrc    SesEettres,. 

ibid. 

.  .1 — ,     £pîyî.  î.- 


(7)  Baronius,  ad  i»«.ii88. 
(r)  Cbron,  l'if.  tout.  3,  Uni.  fticr.% ,  p. 
88S, 


(/)  Roger  ,  pag.  f  51. 

(  t  )  Vitu  Clem.  tom,  10  Cuncil.p,  lyj.J»- 


582  LCJCIUS  III,  URBAIN  III, 

en  EcofTc  duroic  toujours  entre  Jean  &  Hugues.  Ccluî-ci  cité 
au  Tribunal  du  Pape  Urbain  III ,  avoir  refulë  de  comparoîtrc. 
Clément  III  voyant  fa  contumace,  lui  ôra  l'Evêché  de  Saint- 
André  ,  le  luipendir  des  fondions  épircopalcs,  déchargea  les 
Sujets  de  l'obéiffance  qu'ils  lui  avoient  promife  ,  fit  ordonner 
au  Chapitre  de  S.  André  de  choifir  un  nouvel  Evcque  comme 
fi  le  Siège  étoit  vacant,  &  engagea  les  Evoques  d'Ecofle  à 
faire  réulTir  rélection  en  faveur  de  Jean  de  Donqucld  ,  donc 
il  leur  fait  l'éloge.  La  Lettre  qu'il  leur  écrivit  elt  datée  de 
Pile  le  16  Janvier  i  188. 
Epifi.i,  3,      XXIII.  Le  Pape  écrivit  le  même  jour  &  fur  !a  même  af- 

4>  5-  faire  à  Guillaume,  Roi  d'Ecofle,  pour  Texhorter  à  recevoir 

l'Evêque  Jean  en  fes  bonnes  grâces;  à  Henri ,  Roi  d'Angle- 
terre ,  pour  y  contraindre  ce  Prince  par  l'autorité  qu'il  avoic 
fur  lui  ;  &  au  Cierge  de  Saint-André ,  de  reconnoître  Jean 
pour  leur  Evêque  cz  de  lui  obéir  en  tout.  Par  une  cinquième 
Lettre ,  de  même  date ,  il  ordonna  à  tous  les  Evêques  d'Ecofle 
d'aller  à  la  Cour  du  Roi  Guillaume,  pour  l'engager  à  oublier 
tous  les  fujets  de  mécontentement  qu'il  prétendoit  avoir  contre 
TE.yêque  Jean  ,  &  à  le  laifl"er  jouir  paifiblement  de  l'Evêché 
de1Sflint-André  ;  d'aller  aulFi  à  cette  Eglife,.d'en  aflcmbler 
le  Chapitre  ,  &  d'examiner  avec  foin  fi  tout  y  étoit  dans  le 
devoir  &  dans  un  état  convenable.  Le  Pape  leur  donne  pou- 
voir de  prononcer  des  cenfures  contre  quiconque  leur  réfif- 
teroit,  fût-ce  même  le  Roi  d'Ecofle. 

.  Bpifl.  6.  XXiy.  Ce  Prince  rendit  («)  fa  bienveillarce  à  l'Evêque 
Jean  ,  le  laifla  jouir  paifiblement  de  l'Evêché  de  Donqucld  , 
&  lui  en  reflitua  les  fruits  ,  mais  à  condition  quil  renonceroic 
à  l'Evêché  de  S.  André,  qu'il  donna  à  fon  Chancelier  Roger, 
fils  de  Robert,  Comte  de  Lciccftre.  L'Evêque  Jcân  coniéntic 
à  tout  pour  le  bien  de  la  paix.  Le  Roi  ayant  donné  cette  !a- 
tisfaction  au  Pape  ,  en  obtint  un  privilège  par  lequel  il  or- 
donne qu'à  l'avenir  l'Ecofl^e  fera  immédiatement  foumife  au 
Saint  Siège  ;  que  le  Pape  feul ,  ou  fon  Légat  à  laiere ,  aura 
droit  d'y  publier  un  interdit  ou  une  excommunication  ;  qu'au- 
cun ne  pourra  y  exercer  les  fondions  de  Légat ,  s'il  n'eft 
Écoflbis ,  ou  tiré  du  Corps  de  TEglife  Romaine  ;  &  que  les 
différends  pour  les  biens  fitués  dans  le  Royaume  ne  pourront 
être  évoques  à  aucun  Tribunal  du  dehors ,  (mon  à  Fvome  par 


(«)  RoGîR,  fag.  C49. 


GREGOIRE  VIII,  &€.  PAPES.  Ch.  XXVIII.  385 
appel.  Le  Pape  nomme  clans  la  Bulle,  qui  eft  du  1  3  de  Mars 
II 88,  les  neuf  Evct liés  de  l'Eglile  d'Ecoflc  ;  l'avoir,  Saint- 
André  ,  Glafcou  ,  Dunqucld  ,  Dumblain  ,  Brcchim  ,  Aber- 
don  ,  Mourai,  Roirc  &:  Catnc.  ^^'  ''' 

XXV.  Le  Pape  Clément  III  informé  par  les  Lettres  d'un  Canonifation 
grand  nombre  de  perfonnes ,  que  Dieu  ,  par  rinrcrccfllon  'j'-'  x?'  9"°" 

(Jeton  de  Bamberg,  Apôtre  de  la  romcranie,  opcroit  di- &dcS. Eiien- 
vcrs  miracles,  principalement  dans  cette  Province,  écrivit  "f^ ''''<^f='"'l- 
aux  Evoques  de  Merfbourg  &  d'Eifchtet ,  aux  Abbés  de  S.  "'°'"' 
Emmirant ,  de  Ratilbone  &  de  Suvartzen  ,  &  aux  Doyen  & 
Scholaftique  de  "Wirtzbourg  ,  d'examiner  avec  foin  la  vérité 
de  ces  miracles ,  &  l'hiftoirc  de  la  vie  d'Otton  de  Bambcrg  ; 
&  au  cas  qu'ils  trouvcroicnt  vrais  les  rapports  qu'on  lui  en' 
avoit  faits,  de  le  déclarer  canonifé  par  le  Siège  Apoftoliquc^ 
&  de  fixer  la  fête  au  jour  de  fa  mort.  Le  même  Pape  canonifa 
encore  laint  Etienne  de  Grandmont, 

XXVI.  Deux  jours  après  la  mort  de  Clément  III  on  lui   CekfiinllL 
donna  pour  Succelfeur  le  Cardinal  Hyacinrhe,  Diacre  du  titre 

à<:  Sainte  Marie  en  Cofmedin,  que  l'on  nomma  Cèleflin  lïî. 
11  étoic  Diacre  depuis  environ  65  ans.  Il  fut  élu  le  30  de  Mars 
1  ic)i ,  ordonné  Prêtre  la  veille  de  Pâque  1 3  d'Avril ,  &  con- 
facré  le  jour  de  cette  fêre.  Le  lendemain  il  couronna  Empe- 
reur le  nouveau  Roi  d'Allemagne,  Henri  VI ,  avec  la  Reine 
Confiance  fa  femrfte  ,  qui  éroicnt  pafi'és  en  Italie  pour  faire 
valoir  leurs  droits  fur  le  Royaume  de  Sicile,  &  en  même  temps 
pour  le  faire  couronner  par  le  Pape.  Celefîin  III  le  voyant 
Itiivi  de  troupes,  comme  fe  tenant  alTuré  de  la  couronne  Im- 
périale ,  différa  fon  facre  de  quinze  jours ,  pour  différer  aufîi.. 
celui  de  ce  Prince  ;  mais  à  la  prière  des  Romains ,  qui  fe  plai-^- 
gnirent  que  ion  armée  ravageoit  leurs  moiffons ,  il  le  couronna 
auffl-tôt  qu'il  l'eut  été  lui-même.  Un  Ecrivain  Apgiois  (a") 
remarque  que  le  Pape  étant  afîis  dans  fa  Chaire  pontificale 
pour  faire  cette  cérémonie,  pouffa  du  pied  la  couronne  qu'il 
tenoit  entre  fes  pieds,  &  ia  fit  tomber  à  terre ,  pour  montrer 
qu'il  avoit  le  pouvoir  de  dépofer  l'Empereur  s'il  le  mériroit  ; 
mais  qu'auffitôt  les  Cardinaux  prirent  la  couronne ,  &  la  mirent 
fur  la  tête  de  l'Empereur. 

XXVII.  Il  ne  s'étoit  rien  paffé  de  femblable  dans  le  cou- 
ronnement des  Empereurs  précédens ,  &  il  fe  fit  auffî  dsns 


(*)  ROGEa  Hovede/i.  pig.  62i>, 


384  LUCIUS  ITT,  URBATN  TTT  ; 

le  même  flccle  des  innovations  dans  le  couronnement  des 
Papes,  comme  on  le  voit  dans  TOrdie  (y)  Romain  que  le 
Camciicr  Cencius  écrivoit  ious  le  Pontificat  même  de  Ccleftin 
m,  qui  y  efi:  nommé.  Lors,  dit  Cencius  ,  que  le  Pape  eft 
élu  p.ir  la  plus  grande  &  la  plus  laine  partie  des  Cardinaux , 
le  premier  des  Cardinaux-Diacres  le  revêt  aullitôt  de  la  Chape 
rouge,  &  lui  donne  le  nom  :  cnfuite  deux  des  anciens  Car- 
dinaux fc  mettant  à  cote  de  lui  le  conduilent  à  l'Autel  ,"où 
étant  il  le  profterne  pendant  que  l'on  chante  le  Te  Dewn ,  le- 
quel achevé,  les  Cardinaux-Evcques  le  conduifent  à  fon  ficge 
derrière  l'Aurcî ,  &  l'y  placent  comme  il  convient.  Là  il  re- 
çoit tous  les  Evêques  ,  tous  les  Cardinaux,  &  tous  ceux  qu'ii 
lui  plaît ,  à  fes  pieds,  puis  il  leur  donne  le  bailer  de  paix.  Se 
levant  enfuite  de  fon  liège  ,  l'élu  eft  conduit  par  les  Cardi-^ 
naux  à  une  Chaire  de  pierre  pofce  devant  le  Portique  de  la 
Bafilique  du  Sauveur,  du  Patriarchat  de  Lairan.  Cette  Chaire 
le  nommoic  dès-lors  llercorr.ria  ,;  il  n'en  efl;  fait  aucune  men- 
tion avant  le  douzième  fiécle  (  s  )  :  ainfi  ceux-là  fe  trompent 
qui  en  rapportent  l'origine  à  la  prétendue  Papefle  Jeanne. 
C'efl  encore  par  erreur  que  quelques-uns  ont  avancé  qu'on 
la  nom'cCiOit  jlercoraria  ,  parce  qu'elle  efl:  percée  au  fond  ,  & 
qu'elle  fervoit  autrefois  à  quelque  bain  pour  égoutter  l'eau. 
Dom  Mabillon  qui  l'a  examinée  étant  à  Rome,  dit  qu'elle  eft 
de  marbre ,  qu'elle  n'eft  percée  en  aucun  endroit ,  &  qu'on 
ne  lui  a 'donné  le  nom  de  Jîercorûrim ,  que  parce  que  pendant 
que  le  Pape  nouvellement  élu  y  eft  aihs ,  l'on  chante  le  verfec 
du  Pfeaume  112:  Sufcitat  de  puhere  egemun  ,  &  de  {lercore 
erjgit  fauperem,  pour  marquer  que  Dieu  tire  le  pauvre  de  la 
pouflîcre  &  du  fumier,  pour  le  faire  aflcoir  avec  les  Princes 
lur  un  trône  de  gloire. 

XX  VIIL  Quelque  temps  après ,  l'élu  reçoit  du  Camericr  (a) 
trois  poignées  de  monnoie ,  qu'il  jette  au  Peuple  en  diiant: 
Je  n'ai  ni  or  ni  argent  pour  mes  plaifirs ,  ce  que  j'ai  je  vous 
Aiior.  3 ,  f.  le  donne.  Conduit  cnfuite  devant  la  Bafilique  de  S.  Sylveftre 
on  le  fait  aflcoir  fur  un  fiége  de  porphyre,  &  on  lui  met  en 
main  la  férule  ou  bâton  paftora!  pour  marque  du  gouverne- 
ment ,  &  les  clefs  de  la  Bafilique  &  du  Palais  de  Latran.  Puis 
s'étant  aflTis  dans  une  autre  Chaire  de  même  matière ,  on  lui 


(y)    Madulon,  Mufxiim  h  die  h  m  ,  |      (s.;  UH.  innons,  fag.  i;i. 

met 


GREGOIRE  Vm ,  ^c  PAPES.  Ch.  XXVIIL  ^85 
tncc  une  ceinture  de  Ibic  rouge  où  pend  une  bourle  de  pourpre 
contenant  douze  cachets  de  pierres  précieufes  &  du  mule  ,  que 
Cent-ius  explique  airili  ;  La  ceinture  [U)  lignifie  la  continence, 
la  bourle  l'aumône,  les  douze  pierres  prccieules  les  douze  Apô- 
tres ,  le  mule  la  bonne  odeur  de  Jelus-Chrin:.  La  plupart  de  ces 
CLtcmonies  ne  furent  point  pratiquées  daiis  le  couronnement 
de  Paich.d  II  en  1095).  1'  ^Y  ^^  ''^^'^  '^'^  ^^  '^  C>haire  appcllce 
J}ercorarin  ,  quoiqu'il  y  eût  dès -lors  à  la  porte  méridionale 
de  la  Balilique  du  Sauveur  un  liège  où  le  Pape  devoir  s'afleoir. 
Au  lieu  d'une  bourle  de  douze  cachets ,  on  pendit  à  fa  cein- 
ture iept  clefs  &  lept  Iccaux  pour  fignifier  les  iept  dons  du 
Sainc-Efprit.  L'Ordre  Romain ,  compoié  depuis  Cencius  par 
Jean  Gaétan ,  ed:  encore  différent  &  plus  ample  ;  m.ais  il  y  eft 
fait  mention  de  la  Chz'nc  Jlercoraria  (c),  où  le  Pape  s'afleoic 
devant  le  Palais  de  Latran. 

XXIX.  Le  Pape  Celeftin  III  mourut  le  8  de  Janvier  1 1558,  Mort  6e 
après  fix  ans  neuf  mois  &  dix  jours  de  Pontificat ,  8c  fut  en-  Sg's'^Léttres 
terré  dans  la  Balllique  de  Latran.  Il  refte  de  lui  plufieurs 
Lettres ,  dont  la  plupart  ont  été  iniérécs  dans  les  collcâions  des 
Conciles  {d).  Il  eit  dit  dans  la  première,  adrefleeà  tous  les  Epifl,  n 
Prélats  d'Angleterre,  que  le  Pvoi  Richard  s'étant  croifé  pour 
aller  au  fecours  de  la  Terre-Sainte  ,  le  Comte  de  Mortain  & 
quelques  autres  attentèrent  contre  ce  Royaume  &  contre  Guil- 
laume ,  Evêque  d'Eli  &  Légat  du  Saint  Siège  ,  à  qui  le  Roi 
Richard  avoit  laiflc  la  régence  de  fes  Etats.  Le  Pape  qui  les 
avoit  lui-même  pris  fous  la  protection  du  Saint  Siège  ,  or- 
donna à  tous  les  Évêques  de  s'afTembier,  &  de  dénoncer  ex- 
communiés ,  au  fon  des  cloches ,  les  cierges  allumés ,  le  Comte 
&  fes  complices  ;  d'interdire  aulTi  tout  Office  Divin  dans  les 
Terres  des  coupables  ,  jufqu'à  ce  qu'ils  fe  préfentaflent  au 
Saint  Siège  pour  fe  faire  abioudre,  avec  des  Lettres  tefrimo- 
niales  du  Légat  &  de  ces  Evêques  ,  &  que  le  Légat  fut  en 
liberté  &  L'  Royaume  en  fon  premier  état.  Cette  Lettre  efl: 
du  2  Décembre  i  ipi.  L'Evêque  d'Eli  avoit  été  dépouillé  de 
fa  Dignité  de  Chancelier  &  de  Régent  du  Royaume,  &  l'on 
en  avoit  confié  la  Régence  à  l'Archevêque  de  Rouen.  L'Evê- 
que d'Eli  envoya  des  Députés  à  Rome  ;  le  Pape  plus  touché 
de  fa  fituation ,  que  fes  ennemis  avoient  mis  en  prifon,  que 

■  I, 

(b)  UU.pag.  zïi.  J       ((/)  Tow.  10  Concil,  p.-iv.  1768. 

(c)  Ibid.  p.xg.  i<;9,  1 

Tome  XXllI,  G  c  c 


5S^  LUCIUS  m  ,  URBAIN  ITT, 

des  plaintes  qu'ils  formoicnt  contre  lui ,  écrivit  en  fa  faveuf 
la  Lettre  dont  on  vient  de  parler  ,  mais  on  n'y  eut  aucun 
égard  en  Angleterre.  Le  fucccs  (e)  des  deux  Cardinaux- 
Légats  que  Je  Pape  envoya  en  Normandie  pour  y  moyenner 
la  paix  entre  le  Chancelier  Guillaume  &  Gauthier  ,  Arche- 
vêque de  Rouen  ,  ne  fut  pas  plus  heureux,  &  on  leur  refufa 
conflamment  l'entrée  en  Normandie. 
Ep'F-i'  XXX.    Geoffroi ,  Archevêque  d'Yorc  ,  frcre  naturel  du 

Roi  Richard  ,  avoit  excommunié  Hugues ,  Evoque  de  Du- 
nelme  ,  &  quelques  autres  perfonnes.  Leur  caule  ayant  été 
examinée  à  Rome  ,  le  PapeCeleftin  cafTa  la  Sentence,  &  fie 
Ip'H.  s-  publier  fon  Décret  dans  toute  l'Ecolfe.  L'Archevêque  d'Yorc 
éroit  accufé  de  négliger  fes  fondions  ,  de  s'occuper  de  la 

Ipiji.  6,11.  chaffe ,  &  d'autres  vains  amufemens  ;  de  ne  faire  ni  Ordina- 
tions, ni  Dédicaces  d'Eglifes  ,  ni  Bénédidions  d'Abbés  ;  de 
ne  point  tenir  de  Synodes,  de  n'avoir  aucun  égard  pour  les 
Appellations  à  Rome,  pour  les  Jugcmens  du  Saint  Siège, 
ni  pour  les  Privilèges  accordés  par  les  Papes ,  &  de  tomber 
dans  d'autres  excès.  Celeflin  III  nomma  des  Commiiïaires 
fur  les  lieux  pour  s'informer  de  tous  ces  chefs  d'accufnion  , 
&:  d'en  faire  le  rapport  au  Saint  Siège.  L'information  le  fit 
le  8  de  Janvier  n^')  dans  l'Eglifc  Cathédrale,  en  préfence 
du  Clergé.  L'Archevêque  Geonroi  ayant  appelle  de  la  Ccm- 
milTion  ,  &  pris  le  chemin  de  Rome ,  les  CommifTaires  y  en- 
voyèrent les  informations  j  après  avoir  donné  à  l'Archevêque 
un  délai  de  fix  fcmaincs  au-delà  des  trois  mois  accordés  par 
le  Pape.  Ce  Prélat  toutefois  ne  fe  préfenta  point  au  Pape  ,  ce 

lpij).zj,zi,  qui  engagea  Celeftin  III  à  charger  Simon,  Doyen  de  la  Ca- 

ïj-  thédrale  d'Yorc,  de  la  conduite  du  Diocèfe  ,   &  à  priver 

Geotfroi  de  fexercice  des  fondions  épifcopales. 

Jpj/î. 3.  XXXI.    La  première  année  de  fon  Pontificat,  le  Pape 

Celeflin  mit  au  nombre  des  Saints  révérés  dans  i'Eglife,  faine 
Ubalde,  Evêque  d'Eugubio.    La  fuivante  ,  c'eft-à- dire  en 

Ififl.  4,  1 1^2  ,  il  écrivit  aux  évêques  d'Angleterre  de  travailler  à  la 
corredion  des  mœurs  dans  leurs  Diocèfes,  en  leur  répréfen- 
tant  que  la  Terre-Sainte  n'étoit  tombée  fous  la  domination 
des  Infidelles ,  que  parce  que  la  plupart  de  ceux  qui  étoienc 
allés  pour  la  défendre,  avoient  déplu  à  Dieu  par  leurs  mau- 
vaifes  adions.  Il  donna  pouvoir  aux  Evêques  d'uler  des  cen- 


(f)   JoAN.  BrOMPT.  p>1g.  1131, 


GREGOIRE  VIÎIjCÎT'r.PAPF.S.  Ch.  XX Virr.  3R7 
Turcs  contre  ceux  qui  par  des  inimitiés  &  des  guerres  parci- 
culicrcs  cnipcchcruicnr  le  lucccs  de  la  Croilade. 

XXXIL  En  1195  le  10  de  Mars  le  Pape,  à  la  prière  du  ^i"fl-7^^' 
Roi  Richard  ,  accorda  à  Hubert,  Archevêcjuc  do  Cantorbcri, 
la  Lcgarion  en  Angleterre  ,  avec  ordre  à  tous  les  Evêques 
du  Royaume  de  lui  rendre  le  relpe£t  &  l'obéiffance  dans  tout 
ce  qu'il  ordonncroit  klon  Dieu  ,  en  vertu  de  l'autorité  de  la 
Légation.  CcleRin  III  lui  écrivit,  &  aux  Evêques  d'Angle- 
terre ,  une  Lettre  commune  pour  les  engager  à  prêcher  la  Epifl.  10. 
Crcàlade  ,  en  faifant  connoître  à  ceux  qui  fe  croiferoienr , 
qu'ils  participeroient  aux  indulgences  accordées  par  lui  & 
par  (es  PrédécefiTcurs.  Il  arriva  que  plufieurs  de  ceux  qui  Epift.  14; 
s'étoient  croilés  refulerent  d'accomplir  leurs  vœux,  quoiqu'ils 
le  puflcnt  ;  que  d'autres  fe  trouvèrent  hors  d'état  de  faire  le 
voyage,  faute  d'argent  ou  de  lanté.  Hubert  ayant  confulté 
là-delfus  le  Saint  Siège,  le  Pape  repondit  que  li  les  premiers 
r.e  fourniifount  point  une  excufe  légitime  ,  il  falloit  les 
contraindre  par  les  cenfures  eccIéliaOiques  à  accomplir  un 
vœu  qu'ils  avoient  fait  avec  liberté  ;  que  pour  les  autres  on 
devoir  fe  contenter  de  leur  impoler  .juel^^ue  pénitence  ,  8c 
les  laifiir  dans  leurs  pays.  Il  y  a  une  autre  Lettre  de  Celef-  Epift.  16. 
tin  III  à  l'Archevêque  de  Cantorbcri  ,  par  laquelle  il  lui  or- 
donne de  rétablir  dans  le  Mcnaftcre  de  Covenrri  les  Moines 
Bcnédidins  que  l'Evêque  de  Chicellre  en  avoir  fait  lordr  fous 
l'autoriié  d'une  Lettre  iurprife  ou  fupoolée  au  Pape  Clément 
II [,  peur  y  mettre  des  Chanoines,  &  d'ufer  de  cenfures  envers 
tous  ceux  qui  s'oppoferoient  à  ce  rétahliffcment. 

X  X  X 1 1 1.  Le  Roi  de  France  Philippe  Augude  ,  après  la  Epiji.  5; 
mort  de  fa  première  femme  Ifabelle  de  Hainaur  ,  époufa  le 
14  d'Août  I  ip3  Ingeburge  lœur  de  Canut,  troifieme  Roi  de 
Dannemarck.  Le  jour  même  de  fes  noces  il  conçut  de  l'c- 
loignement  pour  cette  Princcffe,  &  longea  à  s'en  féparer  fous 
prétexte  de  parenté.  Il  indiqua  à  ce  fujet  un  Parlement  à 
■  Compiegne,  où  des  Témoins  affiirerent  par  ferment  qu'il  y 
avoir  parenté  entre  la  défunte  Reine  Ifabelle  &c  Ingeburge. 
Les  Evêques  jugeant  cette  parenté  luffifante  pour  empêcher 
le  mariage ,  l'Archevêque  de  Rhcims  prononça  la  Sentence 
de  nullité.  Ingeburge  en  appella  à  Rome.  Le  PapeCcleflin  lit 
envoya  un  Légit  en  France  avec  une  Lettre  pour  I  Archevê- 
que de  Sens  :  il  n'en  relie  cui^un  fragment,  où  il  cil:  dit  que 
la  Sentence  de  divorce  rendue  par  ks  Eyêqucs  étant  contre 

Ceci] 


-^U  LUCIUS  III,  URBATN  m, 

les  règles  du  Droit ,  le  Pape  l'a  annullée  de  l'avis  des  Car- 
dinaux ;  qu'en  conléquence  il  ordonne  à  l'Archevêque  de 
Sens  de  dc'fcndrc  par  l'autorité  du  Saint  Siège  au  Roi  Phi- 
lippe, au  cas  qu'il  voudroit  conti-acter  un  nouveau  mari.ige, 
de  le  faire  du  vivant  d'Ingcburge. 

If-.ji.  15.  XXXIV.  Quelque  temps  après,  &  au  mois  de  Mai  de 
l'an  iipiî,  Philippe  de  Dreux,  Evêque  de  Bcauvais ,  petit- 
fils  de  Louis  le  Gros,  voyant  les  Anglois  s'avancer  julqu'aux 
portes  de  cette  Ville  pour  piller  ,  en  iortit  pour  les  repouffer 
acccmpagné  de  plufieurs  Nobles  &  du  Peuple  :  il  fut  pris  & 
mis  en  prifon.  il  s'en  plaignit  au  PapeCelcftin ,  dont  la  ré- 
ponfe  fut  qu'il  n'avoit  que  ce  qu'il  mcritoit,  pour  avoir  voulu 
faire  le  guerrier  contre  le  devoir  de  fa  profeltîon,  &  pris  part 
à  la  guerre  injude  que  le  Roi  de  France  failoit  au  Roi  d'An- 
gleterre pendant  qu'il  étoit  abfent  pour  la  Croifade.  Le  Pape 
toutefois  écrivit  à  ce  Prince  en  faveur  de  l'Evêque  de  Beau- 
vais.  Richard  ne  fe  laiiTa  point  toucher  ,  mais  il  envoya  à 
Celcflin  III  la  cotte  de  mailles  avec  laquelle  Philippe  de  Dreux 

Gencf.iy.'yz.  avoit  été  pris,  &  lui  fit  dire  :  Foyez  fi  c'efi  la  robe  de  votre 
père  ^  faifant  allufion  à  ce  que  les  enfans  de  Jacob  dirent  à 
leur  père  en  lui  préfentant  la  tunique  de  Joleph  toute  en- 
fanglantéc. 
Epiji.i^.  XXXV.  La  dernière  Lettre  du  Pape  Ccleflin  dans  le 
Recueil  des  Conciles  ,  eft  une  confirmation  des  libertés  de 
l'Eglile  d'Ecoffe.  Par  une  autre  Lettre  datée  de  la  première 
année  de  fon  Pontificat,  le  2a  Juillet,  &  qui  fe  trouve  au 
fécond  Tome  des  Mélanges  de  M.  Balufe  (/) ,  il  approuve 
la  rranflation  de  Berenger ,  Evêque  de  Lerida ,  à  l'Archevêché 
de  Narbonne.  La  railon  de  cette  tranflation  étoit  que  le  Dio- 
cèfe  de  Narbonne  avoit  befoin  de  l'Evêque  Berenger  ,  pour 
réfifter  à  divers  Hérétiques  qui  l'infedtoient  par  leurs  erreurs  , 
&  pour  terminer  les  guerres  &  les  divifions  qui  s'augmcntoienr 
de  jour  en  jour  parmi  les  Peuples  dépcndans  de  cette  Métro- 
pole. Le  Pape  dit  dans  cette  Lettre,  qui  eft  adreffée  au  Cha- 
pitre de  Narbonne,  que  les  Canons  de  l'Eglife,  tant  anciens 
que  nouveaux,  autorilent  ces  fortes  de  tranflations  quand  il 
y  a  utilité  ou  nccelfité.  Il  en  cite  plufieurs  exemples  ,  celui 
de  S.  Pierre  qui  fut  transféré  d'Antioche  à  Rome,  d'Euiebe 
à  Alexandrie  ,   de  Félix  à  Ephefe.   Le  Cardinal  d'Aguirre 

■  -    ■  -  ■  .  Il 

{f)  Balus.  Mifeel^  ïom.  z,/'«^.  241, 


liNNOCENT  m,  PAPE,  Ch.  XXtX.  38^? 
a  donne  place  à  cette  Lettre  dans  !c  troificmc  tome  (g)  des 
Conciles  d'Eipngnc.  On  cite  (  h  )  trois  I5ullcs  de  Celcftiii  III  ; 
l'une  pour  la  canonilation  de  faint  L'baldc,  dont  on  a  parlé 
plus  haut  ;  l'autre  pour  la  canonilation  de  S.  Jean  Gualhert  ; 
la  troilîcmc  pour  la  confirmation  de  la  Congrégation  de  Monc- 
Vierge ,  Ordre  de  faint  Benoit. 

CHAPITRE      XXIX. 
Innocent  III ,  Pape. 

^'  I    J  Uoiqu'à  la  mort  de  Celeflin  III  plufieurs  Cardinaux  Innocent  m. 

V^  prétendirent  à  la  Papauté  ,  le  Saint  Siège  ne  vaqua  ^'^"  ^-^e&icn 
néann^ouis  que  quelques  heures  ;  &  après  de  légères  conre(ia-  ^"  "^  ' 
tions  fur  l'âge  de  Lothaire  (a),  qui  n'avoir  que  37  ans,  tous 
fe  réunirent  à  le  choiiir,  à  caufe  de  la  probité  de  fes  mœurs 
&:  de  fon  fçavoir.  Son  éledionfe  fit  le  8  de  Janvier  i  ï()8  , 
&  on  le  nomma  Innocent  III.  Il  étoit  fils  deTrifimondde 
la  famille  des  Comtes  de  Segni,  &  de  Clarine  noble  Romai- 
ne. D'un  efprit  pénétrant  &  d'une  mémoire  tenace  ,  il  fit  de 
grands  progrès  dans  les  Lettres  divines  &  humaines.  Il  étudia 
d'abord  à  Rome ,  puis  à  Paris ,  enfuite  à  Bologne.  De  retour 
à  Rome  il  fut  fait  Chanoine  de  Saint  Pierre.  Grégoire  VIII 
l'ordonna  Soudiacre.  Clément  III  le  fit  Diacre-Cardinal  fous 
le  titre  de  Saint  Serge. 

II.  Il  rétoit  encore  lorfqu'il  fut  élu  ,  c'efl  pourquoi  l'on  Son  facre, 
différa  fon  facrejufqu'aux  Quatre-Temps  de  Carême  (B).  Le 
Samedi  qui  étoit  le  2 1  Février  il  reçut  l'Ordre  de  la  Prêtri- 
fe ,  &:  le  lendemain  Dimanche  il  fut  facré  dans  l'Eglife  de 
Saint  Pierre ,  &  intronifé  dans  fa  Chaire.  Le  Lundi  il  reçut 
(c)  le  ferment  de  fidélité  &:  l'hommage-lige  du  Préfet  de 
Rome ,  qu'il  invertit  de  fa  charge  en  lui  donnant  un  man- 
teau. Jufques-là  le  Préfet  Tavoit  tenue  de  l'Empereur,  à  qui 
il  prêtoit  ferment  de  fidélité. 


(.s)  ■Pa^.400.  I       {a]  Gefta  Innée,  t.  I  Op.  n.  i,z,  ^ fur, 

(  b  )  Cherubiiius ,  tom.  j  ,  pag,  ■J'^  ;   ^  \       (b)  Uid.  num.  7  ©   S, 


Ludovicus-hcobus,  fug.  41.  \      i' )  Lii'.  I  Epflol.  Eplp.  ij. 


3<?o        ^  INNOCENT   HT, 

Commence-      HI.  Dès  Ic  Commencement  de  Ion  Pontificac  il  s'appliqua 
?omWit/°"  ^  recouvrer  les  Domaines  de  l'Eglife  (ci)  ,  à  bannir  de  la  Cour 
de  Rome  la  vénalité  &  les  autres  défordrcs  qui  y  regnoienr, 
&  à  régler   par  lui-même  les  affaires  les  plus  importantes , 
écoutant  attentivement  les  raifons  des  Parties  ,  &  pronon- 
çant après  une  mûre  délibération,  &  fans  aucun  cg^rd  aux 
perfonnes.  Les  plus  fçavans  Jurifconfultes  venoient  a  Rome 
pour  l'entendre  &  s'inftruire  ;  &  on  lui  écrivoic  de  toutes  les 
parties  du  monde  pour  juger  les  plus  grandes  caules ,  comme 
on  le  verra  dans  Tanalyfe  de  fes  Lettres. 
Son  zè!e pour      IV.  Zélé  autant  qu'aucun  de  fes  PrédecefTeurs  pour  le  recou- 
hCroiiade.    yrcment  de  la  Terre-Sainte  (e)  ,  il  voulut  que  la  Cour  de 
Rome  y  contribuât  elle-même.  A  cet  effet  il  choilit  deux  Car- 
dinaux, Soffrid,  Prêtre  du  titre  de  fainte  Praxede  ,  &  Pierre 
de  Capoue,  Diacre  du  titre  de  (ainte  M2t.rie  in  via  lata ,  aux- 
quels il  donna  la  Croix,  afin  qu'ils  invitaffent  les  autres  à  la 
Croifade  autant  par  leur  exemple  que  par  leurs  difcours  ;  il  fit 
payer  au  Clergé  le  quarantième  de  fes  revenus  ,  fe   taxa  lui- 
même  &  les  Cardinaux  au  dixième ,  &  publia  une  Lettre  cir- 
culaire adrcfféc  à  tous  les  Evêques,  les  Seigneur- ,  le  Clergé, 
le  Peuple  de  France  ,  d'Angleterre  ,  de  Hongrie  &  de  Si- 
cile ,  pour  les  exhorter  à  procurer  du  lecours  à  la  Terre-Sainte. 
Il  convoque       V.  Dans  Ic  même  dcffein  il  convoqua  un  Concile  général 
un   Coiiciie    p^^j.  upg  p.xillc  du  lO  Avril  121  3  ,  &  en  publia  une  autre  au 
gcnew  .         ^^.^  j^  j^.^  j^  j^  même  année  ,  datée  de  Viterbe.  Mciis  il 
avoir  auffi  d'autres  vues  dans  la  convocation  de  ce  Concile  , 
fçavoir  la  correftion  des  mœurs,  l'extindion  des   héréiies  , 
l'affermifTement  de  la  foi. 
Si  mort  en      VL  Le  Pape  Innocent  III  mourut  le  16  ouïe  17  de  Juillet 
1116.  1 21 6 ,  après  avoir  occupé  le  Saint-Siège  dix-huit  ans  (ix  mois 

&  neuf  jours,  à  compter  depuis  le  jour  de  fon  élcètion.  Outre 
un  trcs-grand  nombre  de  Lettres,  il  laifTa  plulieurs  Ecrits  , 
des  ScrmonSjdes  Traités  de  piété,  &  quelques  autres  dont  nous 
allons  parler.  S'il  eut  des  Admirateurs,  il  eut  auffi  des  Ccn- 
fcurs.  Exaft  &  févere  dans  fes  jugemens  il  ne  pouvoir  guère 
éviter  le  blâme  de  ceux  qui  fe  voyoient  lézés  dans  la  déeilion 
des  caufes  portées  à  fon  tribunal. 


(J)  llid. num.  9,10,^  feg,^  ««»».  j      C '  )  ^^-i-  ««*'•  4^' 


PAPE,  Chap.  XXIX.  391 

Article     premier. 
Des  Lettres  d'Innocent  lîl, 

VII.  Il  eut  foin  à  rimication  de  fes  PrcdecclTeurs  de  faire  Lctrrcs  JTn- 
iin  Rcffiftrc   ou  Recueil,  non  -  feulement  de  fes   Lettres  ,"""'"' '"• 
quand  la  matière  en  ctoit  importante ,  mais  encore  de  celles 

qu'on  lui  ccrivoit.  Par  cette  fage  précaution  les  Papes  ont 
confervéà  l'Eglife  quantité  demonumens  trcs-intércITans,  foie 
pour  l'Hilloire,  foit  pour  la  Difcipline ,  foit  pour  la  règle  de 
la  foi  &  des  mœurs.  Le  Rcgiftre  des  Lettres  d'Innocent  lU 
étoit  divifé  en  dix-neuf  Livres  ,  publiés  en  partie  par  M.  Ba- 
lufe ,  à  Paris  chez  François  Muguet  en  1 682  ,  2  vol.  in-foL  Le 
premier  Tome  commence  par  les  Celles  d'Innocent  III,  écrits 
fuivant  l'ordre  chronologique  par  un  Anonyme  ,  mais  con- 
temporain. L'Auteur  paroît  avoir  été  bien  informé  des  faits 
qu'il  raconte ,  &  avoir  eu  en  main  quantité  de  Lettres  d'In- 
nocent III ,  8c  d'autres  monumens  qui  regardent  l'hiftoire  de 
fon  Pontificat ,  celles  de  la  Croifade ,  de  France ,  d'Angle- 
terre ,  d'Italie  ,  &  d'Allemagne.  Ces  Geftes  font  divifés  en 
trois  Livres ,  &  finiffent  par  un  détail  des  libéralités  de  ce 
Pape  ,  tant  envers  les  Pauvres  &  les  Orphelins ,  qu'envers  les 
Monafteres  &  les  Hôpitaux  ;  ce  que  nous  remarquons  pour 
faire  connoître  le  peu  d'équité  de  ceux  qui  l'ont  acculé 
d'avarice. 

VIII.  Enfuite  des  Geftes  d'Innocent  III,  M.  Balufe  a  mis    Et?; tiens  des 
les  deux  premiers  Livres  de  fes  Lettres.  Ils  avoient  été  im-  Lettres  d'in- 
primés  à  Rome  en  i  543  par  les  foins  de  Guillaume  Sirlec ,  "^'^'■"'  '^'* 
Garde  de  la  Bibliothèque  du  Vatican  ,  &  depuis  Cardinal. 

11  s'en  fit  une  féconde  édition  à  Cologne  en  1575,  chez  Ma- 
terne Cholin  ;  une  troifieme  à  Veniie  en  1578  ,  par  la  So- 
ciété des  Imprimeurs,  &  une  quatrième  à  Touloufe  en  1625  : 
Paul  Dumay  en  prit  foin  &  l'enrichit  de  fes  Notes.  Monfieur 
Bofquet ,  Evêque  de  Montpellier  ,  ayant  découvert  quatre 
autres  Livres  des  Lettres  du  même  Pape  dans  la  Bibliothèque 
du  Collège  de  Foix  à  Touloufe  ;  fçavoir ,  les  treizième ,  qua- 
torzième ,  quinzième  &  feizieme ,  les  fit  imprimer  en  cette 
Ville  en  163  5  ,  avec  les  Gefles ,  qui  depuis  ont  été  réimpri- 
més dans  le  troifieme  tome  du  Tréfor  d'Italie  de  Muratori , 
&  dans  la  Bibliothèque  de  Sicile  de  Canifius.  Ces  quatre  Li- 
vres j  avec  les  deux  premiers  publiés  par  le  Cardinal  Sirlet , 


7c,2  INNOCENT  ITT, 

ne  faifoicnt  qu'une  colleîiion  très-imparfaite  des  Lettres  d'In- 
nocent III.  M.  Balufe  y  ajouta  le  dixième,  l'onzième  &  dou- 
zième Livre  ,  avec  une  partie  du  cinquième.   II  fupplca   air 
troificme  &  au  quarrierne  par  la  première  colleftion  des  Dé- 
crétales  de  ce  Pape  ,  faite  des  trois  premiers  Livres  du  Re- 
giltre  par  Rainier,  Diacre  &  Moine  dePompe(ie,  fous  qua- 
rante titres  ,  8c  mit  à  la  fuite  du  cinquième  Livre,  qui  étoic 
imparfait,  le  Rcgiflre  ou  Recueil  des  pièces  qui  ccnccrnenc 
l'affaire  de  l'Empire.  Les  6^,  7^,  8^  &  9^  Livres  manquent 
dans  l'édition  de  M.  Balufe ,  quoiqu'ils  le  trouvent  parmi  les 
manufcrits  du  Vatican  ;  mais  il  a  donné  dans  le  fécond  tome 
ks  iC^ ,  1 1,  12  ,  T  3  ,  14,  I  5  &  16^  ;  les  trois  fuivants  font 
perdus ,  ou  n'ont  pas  encore  été  mis  fous  la  Preffe.  Venons  à 
i'anaîyfe  de  fes  Lettres, 
livre  I  des      IX.  Dcs  le  lendemain  de  fon  éle£tîon  Innocent  TU  écrivit 
""^"■'        une  Lettre  circulaire  (/)  aux  Evêques  pour  les  en  informer  , 
'  *   '  &  demander  le  fecours  de  leurs  prières.  Il  écrivit  en  parti- 
T/.^.  î.     culicr  à  Philippe ,  Roi  de  France ,  &  il  en  allègue  deux  motifs 
très-remarquables  :  l'un ,  que  le  Royaume  de  France  efl:  tou- 
jours demeuré  dans  l'unité  de  TEgliie  ;  l'autre,  que  le  Prince 
qui  le  gouverne  étant  le  Fils  fpécial  de  l'Eglife  Romaine,  il 
ctoit  convenable  qu'il  lui  adreiîât  les  prémices  de  fes  Lettres. 
Le  Pape  l'y  exhorte  à  honorer  tellement  cette  fainte  Eglife 
fa. mère,  qu'il  ne  s'éloigne  en  rien  des  traces  que  le  Roi  Louis 
£  ; ,      fon  père  lui  avoit  marquées  par  fon  exemple.  Sa  troifiemc 
Lettre  efl:  aux  Abbés ,  aux  Prieurs ,  &  aux  Religieux  du  même 
Royaume  ,  auxquels  il  demande  des  prières  alTiducs  pour  le 
bon  gouvernement  de  l'Eglife ,  en  leur  promettant  de  défendre 
leurs  droits  contre  tous  ceux  qui  voudroient  les  attaquer. 
Tpif}.  4.       X.  Dès  l'an  115)3  '^  ^°^  Philippe  avoir  fait  divorce  avec 
^71.        Jâ  Reine  Ingeburge  fon  époule  ;  &  quoique  le  Pape  Celeftin 
in  eût  annullé  la  Sentence  des  Evcqucs  de  France  qui  au- 
toriloit  ce  divorce,  ce  Prince  étoit  toujours  (éparé  de  la  fem- 
me. Innocent  III  écrivit  à  l'Evêque  de  Paris  de  travailler  à 
les  remettre  enfemble  ,  &  en  paix, 
f/l/?.  5.  E^  (?.      XI.   L'Archevêque  de  Sti'igonie  avoit  fait  vœu  d'aller  à  la 
Terre-Sainte  ;  mais  Henri  Roi  de  Hongrie  avoit  bcioin  delà 
préfence   de  ce  Prélat  pour  nppaifer   les  troubles  dont  ce 
Royaume  étoit  agité.  Il  en  écrivit  au  Pape  ,  qui  défendit  à 


(/)  Tom.  1  B^luf.  fag.  I.  •  .  „  ,       ,      ■  . 

1  Archevêque 


PAPE,  Chap.  XXIX.  35.^ 

rArd-icvcc|iie  d'enrrcprcndrc  Ion  voyage  ,  que  la  paix  & 
la  nanquillité  ne  fuircnr  rétablies  en  Hongrie.  Par  une  fé- 
conde Lettre  il  le  chargea  de  la  réforme  du  Monaflerc  de 
Telequi.  L'Ab'oé  de  laine  Martin  écoic  acculé  de  favorifer  les  Epifl.  7. 
troubles  de  Hongrie  ,  &  de  s'être  uni  pour  cet  effet  au  frère 
du  Roi  cj'.ii  les  avoit  excirés.  Innocent  IH  fait  fouvcnir  cet 
Abbé  de  la  peine  d'excommunication  donc  le  Pape  Ccleftin 
III  avoit  frappé  tous  ceux  qui  prendroient  le  parti  du  frerc 
du  Roi,  loit  par  leurs  confeils  ,  loit  en  lui  prêtant  fecours  ; 
&  lui  ordonne  de  le  rendre  à  Rome  pour  la  Fête  de  l'Exal- 
tation de  la  lainte  Croix ,  afin  d'y  rendre  raifon  de  fa  con- 
duite. Par  l'a  Lettre  à  l'Evêque  de  Ferrare  ,  il  le  charge  de  ^f'fi-  8- 
remettre  le  bon  ordre  dans  l'Abbaye  de  Nonantule ,  &  de  pu- 
nir l'Abbé  qui  l'a  voit  dérangée  ,tant  dans  le  temporel  que  le 
fpiriruel. 

XII.  Un  Seigneur  Hongrois  avoit  commencé  un  ?^onafle-    ^P'fi-  ^' 
re;  mais  étant  mort  avant  que  les  bâcimens  en  fuOcnc  ache- 
vés,  le  Pape  permit  au  Roi  de  le  transférer  en  un  lieu  plus 

fur  &  plus  convenable,  néanmoins .^vec  l'agrément  de  l'Evê- 
que Diocélain.  Il  déclara  au  Duc  frère  du  Roi  que  s'étant  Epip.  10. 
engagé  volontairement  à  accomplir  le  voeu  que  fon  père  avoit 
fait  quelque  temps  avant  fa  mort,  d'aller  à  la  Terre-Sainte 
contre  les  ennemis  de  la  Croifade,  il  ne  pouvoir  i:  difpenfer 
de  faire  ce  voyage.  Il  le  menaça  même  d'excommunication 
en  cas  de  réliftance  de  fa  part,  &  de  privation  de  fon  droit 
à  la  Couronne,  s'il  arrivoit  que  le  Roi  fon  frère  mo'urût  fans 
enfans.  Ce  Pape  lui  reprocha  d'avoir  pris  les  armes  centre  ce 
Prince  ,  &  d'avoir  mis  par-là  le  trouble  dans  le  Royaume  de 
Hongrie.  Cette  Lettre  qui  efl  du  ip  Janvier  i  15^8  ,  fut  fans 
effet.  Le  Duc  André  ne  partir  pour  la  Croifade  que  vingt  ans 
après ,  &  le  Roi  Emeric  fon  frère  étant  mort  le  50  de  Novembre 
1201  ,  &  Ladiflas  lonfils  fix  mois  après  ,  André  fucreconnu 
Roi ,  &  couronné  au  mois  de  Juin  1201  :  le  Pape  même  lui 
écrivit  depuis  plu(îcurs  Lettres. 

XIII.  En  faifant  parc  au  Patriarche  de  Jerufalem  &  à  fes   ipip.  n, 
Suffragans  de  fon  éledion,  le  Pape  leur  témoigne  un  defir 
fincere  de  fecourir  la  Terre-Sainte  ,  &  de  travailler  efficace-. 

ment  à.  délivrer  la  Province  de   Jérufalcm    de  Toppreffion  ; 
mais  il  les  exhorte  en  même  temps  à   appaifer  la  colère  de 
Dieu  par  des  œuvres  de  pénit.nce  ,  &  en  les  priant  d'empê- 
cher que  fon  héricage  ne  devienne  l'opprobre  &  le  domaine  £/>'/?. ",15. 
Tome  XXni.  Ddd 


394  I  N  N  O  C  E  N  T    I  I  I, 

des  Nations.  Ses  deux  Lettres  ,  l'une  à  T  Archevêque  de 
Maycncc  &  nux   autres  Evêques  d'Allemagne  ^  l'autre   au 
Landgrave  de  Turingc  &  aux  Allemands  qui  fe  trouvoienc 
dans  les  pays  d'Outremer ,  font  pour  les  exhorter  à  la  défenfe 
de  la  Terre- Sainte. 
Epift.  14.        XI  y.  On  avoir  porté  au  Saint  Siège  par  appel  le  jugement 
d'un  diiférend  entre  l'Abbaye  de  Prurn ,  &  celle  de  Prémon- 
tré. Le  Pape  Innocent  nomma  des  Commiflalrcs  fur  les  lieux, 
en  ajoutant  dans  l'acte  des  commilTions ,  que  fi  quelqu'une  des 
Parties,  après  avoir  été  citée  légitimement,  refufoit  decompa- 
roître,  ou  méprifoit  leur  jugement ,  ils  ne  laiiferoient  piis  de 
juger  l'aBaire  autant  qu'ils  pourroient  connoitre  le  droit  des 
Parties ,  &  recevoir  les  preuves  de  la  Partie  préiente.  Ces  ter- 
mes :   Chiamiim  de  jure  poteriris ,  mis  avant  ceux-ci  :  Etproba^ 
ïioiies  priefcntis  Partis  recipere  ,  fembîoient  infinuer  que  le  Juge 
pourroit  juger ,  même  avant  d'avoir  entendu  les  preuves  de  la 
Epijî.  6i.     Partie  préiente.  C'cft  pourquoi  le  Pape  s'expliqua  plus  claire- 
ment dans  une  autre  Lettre,  où  il  dit  que  cette  claufe,  qiiantàm 
de  jure  poteritis  ,  doit  iuivre  &  non  précéder  celle-ci  :  Et  pro- 
hr.îiones pr^fentis  Fnrtis  reiipere,  enfcrteque  les  CommilTaires 
dévoient  d'abord  écouter  les  raifons  de  la  Partie  prélente  , 
Epifl.  ij,34,  puis  juger  fuivant  qu'ils  connoîtroient  fon  droit. 
55.  XV.  Il  y  a  trois  Lettres   d'Innocent  III    au  fujet  d'une 

confédération  que  les  Evêqucs  de  Tofcane  avoieîit  faite  avec 
les  Confuls  des  Villes.  Ce  Pape  leur  écrivit  qu'ils  n'avoienc 
pu  la  faire  à  ion  infçu  ,  la  Tofcane  étant  du  dom.^ine  du  Saint 
Siège  ;  &  parce  que  dans  plufieurs  de  fes  articles  elle  n'étoic 
ni  utile  ni  décence.  C'cft  pourquoi  il  ordonna  à  fes  Légats 
d'en  empêcher  l'exécution  ,  lous  peine  d'interdit  contre  les 
Villes  où  elle  feroit  exécutée. 
Epift.  16,  XVI,  Après  avoir  pofé  pour  principe  dans  la  Lettre  au  Cha- 
pitre de  Sainte  Anaftalie  ,  que  les  caufes  m.ijcures  doivent 
être  portées  au  Saint  Siège  pour  en  juger  ,  il  annulle  l'élec- 
tion que  ce  Chapitre  avoitérè  contraint  de  faire  par  l'autorité 
de  la  Puiffance  féculierc ,  &  ordonne  aux  Chanoines  de  choifir 
un  autre  Evêque  ,  qui  ait  moins  d'cmprefl'emenc  pour  les  Di- 
gnités, que  dedefir&  de  capacité  pour  en  remplir  les  fondions» 
Epift.  17- 18.  Innocent  III  écrivit  aufil  aux  Archevêques  de  Capouejde  Reg- 
gio  ,  &  de  Palerme,  &  à  l'Impératrice  ,  de  n'apporter  aucun 
obftacle  à  cette  élctlion,  mais  même  d'en  procurer  la  liberté. 
^p^ft.  19.  XVII.  Dans  fa  Lettre  à  l'Evêquc  de  Paris ,  il  décide  con  - 
formèment  aux  Canons,  qu'un  Prêtre  qui',  fuivant  le  confeil 


"^        PAPE,  Cm  A  p.  XXIX.  595 

des  Médecins  ,  s'ctoic  fait  mutiler  pour  éviter  le  danger  de  hi 
Icprc  ,  pouvoif  continuer  les  fonctions  de  fon  Ordre.  Par  une 
autre  Lettre  il  commit  TEvêquc  &  l'Abbé  de  Saint  Loup  de  ^/"^' *^« 
Troycs  pour  abloudrc  un  Prêtre  acculé  d''homicidc,  pourvu 
qu'il  le  purgeât  canoniquemcnt,  qu'il  ne  parûtaucunaccufa- 
teur  légitime  ,  &  que  le  crime  ne  fut  pas  public;  mais  il  leur 
ordonne  de  le  punir  luivant  les  Canons ,  i\  ce  Prêtre  confelTe 
fon  crime,  ou  qu'il  en  loit  convaincu.  Il  chargea  l'Archevê-  Fptfl.  n. 
que  &  l'Archidiacre  de  Trani  d'informer  contre  l'Evcque  de 
Vefli,  acculé  par  llx  Chanoines  devant  le  Pape  Celellin  d'a- 
voir délapidé  les  biens  de  fon  Eglife  ,  &  négligé  enfuite  de 
reftitucr ,  félon  qu'il  en  étoit  convenu  avec  eux  par  une  tran- 
fadion  ;  8c  d'envoyer  enfuite  au  Saint  Siège  l'atîe  d'informa- 
tion fcellé  de  leurs  fceaux.  Il  permit  à  l'Archevêque  de  Mi-  ^f'fl'  ii. 
lan,  à  caule  du  befoin  que  fon  Eglife  avoir  de  Minières , 
d'ordonner  Diacres  &  Prêtres  ceux  que  le  Souverain  Pontife 
avoir  admis  à  la  Cléricature. 

XVIIL  Le  PapeCcleftin  avoir  menacé  d'excommunication  Epijl.  24. 
yn  Seigneur  Allemand  ,  s'il  ne  mettoit  en  liberté  i'A.rchcvê- 
c\-.'.5  de  Salcrne,  qu'il  détcnoit  en  prifon.  Ses  menaces  n'ayant 
produit  aucun  effet ,  Innocent  III  fon  SuccefTeur  en  ordonna 
l'exécution  par  les  Evêquts  de  Spire  ,  de  Strafbourg  ik  de 
Wormes,  &  leur  ordonna,  en  cas  de  réfiRance  de  la  part 
de  ce  Seigneur,  de  mettre  les  terres,  &  même  le  Diocèfe  où 
il  demeure,  en  interdit.  C'étoit  l'Empereur  Henri  qui  avoit 
envoyé  prifonnier  en  Allemagne  l'Archevêque  de  Salerne  , 
fils  de  Matthieu  Chancelier  de  Sicile;  c'efl;  pour-juci  le  Pape 
menaçoit  dans  la  même  Lettre  de  mettre  toute  l'Allemagne 
en  interdit.  Philippe  Duc  de  Suabe  ,  frère  de  ce  Prince,  avoir  Efiji.  zy, 
déjà  été  excommunié  pour  le  m.ême  fujet  par  le  Pape  Celef- 
tin  ;  ne  pouvant  être  abfous  que  par  le  Pape  même  ,  il  auroit 
été  obligé  d'aller  à  Rome.  Innocent  III  manda  à  l'Evêque 
de  Sutri ,  &  à  l'Abbé  de  Saint  Anadafe,  fcs  Nonces  ,  que  Ci  le 
Duc  Philippe  délivroit  l'Archevêque  de  Salerne  ,  ils  pour- 
roient  lui  épargner  le  voyage,  &  lui  donner  l'abfolution  par 
l'autorité  du  Saint  Siège.  Il  les  chargea  aulfi  iie  travailkr  à  la  ^p'fl-  i^. 
liberté  de  pluGeurs  autres  Prifonniers  de  Sicile  ,  &  d'employer 
s'il  étoit  befoin  les  cenfures  contre  les  Princes  Allemands 
chez  qui  ils  étoicnr  détenus. 

XIX.  Le  Pape  confulré  par  l'Evêque  de  Ferentino  au  fu-     ipifl.  2p. 
jet  d'un  homme  qui  avoit  promis  au  père  d'une  fille  de  l'é- 

Dddij 


39^  INNOCENT    TU, 

poufcr ,  &  à  qui  le  pcre  avoic  auiïi  juré  de  la  lui  donner  pour 
époufe  ,  enforce  qu'il  ne  dcpendoit  plus  que  de  la  fille  de  con- 
tracter ce  mariage,  quatre  ou  cinq  ans  après  elle  fe  maria 
avec  un  autre  homme ,  en  donnant  Ion  conicntemcnt  par  les 
paroles  du  prèfent.  Innocent  111  décida  que  fi  le  fécond  maria- 
ge avoit  été  fait  par  les  paroles  du  prèjent  ,  il  devoir  fubCifler  ; 
mais  que  s'il  n'avoit  éié  conçu,  comme  le  premier  ,  que  par  des 
paroles  du  futur  ,  ce  premier  devoir  avoir  lieu. 
!>//?.  35.        XX.  Un  Citoyen  de  Pife  avoit hy^^othc-qué  fa  maifon  &  fon 
jardin  peur  deux  cents  cinquante-deux  livres,  avec  ferment 
que  s'il  ne  redemandoit  pas  ce  qu'il  avcit  hypothéqué,  dans  un 
temps  limité,  il  l'abandonneroit  à  fon  Créancier.  Le  Débi- 
teur renvoya  la  fomme  au  terme  convenu  ;  mais  leCommif- 
fionnaire qu'il  en  avoit  chargé,  ne  la  rendit  pas.  Il  arriva  pen- 
dant ce  temps  que  le  Citoyen   de  Pile  fut  mis  en  prifon  par 
l'Emp  reur  ,  &  qu'il   fe  trouva  hors  d'état  de  fatisfaire  ion 
Engagiile.  Mais  aufîî-tôt  qu'il  eut  recouvré  fa  liberté  ,  il  lui 
offric  ia  fomm.e  prêtée.  Celui-ci  ne  voulut  pas  la  recevoir  :  le 
Pape  informé  du  fait,  ordonna  à  deux  Chanoines  de  Pife  de 
faire  vendre  au  Citoyen  de  cette  Ville  les  biens  qu'il  avoit 
engagés  ,  en  payant  le  fort  principal  de  la  fomme  empruntée, 
fur  laquelle  on  mettroic  en  compte  les  revenus  que  l'Enga- 
gifte  avoit  perçus. 
Tpili.  56.         XXI.  Le  Pape  confuîté  fi  un  Prêtre  qui  a  l'article  de  la 
mort  avoit  reçu  l'habit  Monaflique  de  la  main  d'un  fimple 
Moine,  &  qui  étant  revenu  en  fanté  î'avoit  quitté  avec  l'a- 
grément de  l'Abbé  ,  pouvoit  rentrer  dans  le  monde  &  y  re- 
prendre fes  fondions  ordinaires ,  décide  qu'il  le  peur,  &  n'efl 
i-fiff.  58.    nullement  obligé  de  mener  la  vie  Monaftique  ,  s'il  n'en  a  fait 
volontairement  profefiion.  Dans  fa  Lettre  aux  Evêques  de  la 
Marche,  il  confirme  l'excommunication  portée  par  les  Légats 
contre  Marcouald,  ufurpateur  des  biens  de  l'Eglife ,  &  défend 
à  tous  fcs  Sujets  de  lui  obéir,  les  difpcniant  du  ferment  de  fi- 
délité qu'ils  pourroient  lui  avoir  prêté. 
l^</î.  41,42.-,,   XXII.  En  confidérarion  des  mérites    pcrfonnels  de  G. 
Evêque  deLunen,  le  Pape  fournit  cà  fa  juritdidion  le  Monaf- 
tere  d'Abolen ,  qui  auparavant  dépendoit  de  celle  du  Saint 
ipfi.41.  'Siège.  Il  ordonna  à  l'Archevêque  de  Gneine ,  &  à  les  Suffra- 
'gans,  d'ufcr  des  cenfures  Eccléfiafliques  contre  tous  ceux  qui 
molefleroient  Bolcflas  Duc  de  Pologne  :  averti  que  l'Evêque 
de  'Wormes  ne  faifoit  pas  célébrer  dans  fon  Diccèfe  la  fête 


PAPE,  Chap.  XXIX.  yjj 

de  la  Convcrfion  de  Saine  Paul,  il  lui  écrivit  de  la  faire  folcm- 
nilcr  comme  celle  de  Ion  Martyre,  c]uc  l'on  y  célébroit,  at- 
tendu que  ces  deux  circonftanccs  de  la  vie  de  cet  Apôtre 
lont  également  reipedablesaux  Chrétiens. 

XXIII.  Il  décide  dans  la  Lettre  à  l'Evêcjue  de  Morfi  le  cas     ^i'?-  4^. 
fuivant.  Un  homme  avoit  cpoulé  une  femme  avec  laquelle  il 

avoit  eu  auparavant  un  commerce  charnel.  Depuis  fon  maria- 
ge il  ne  la  connut  plus,  mais  il  en  époula  une  autre  dont  il 
eut  des  enfans.  La  première  demanda  qu'il  habitât  avec  elle, 
ou  qu'il  lui  fur  permi'i  de  le  marier  à  un  autre.  La  décifiondu 
Pape  porte  que  li  cet  homme  l'a  cpoulée  perverbti  de pr-^'fenti  , 
il  doit  retourner  avec  elle  ;  mais  que  fi  ce  n  ert  que  per  verhci 
defiiîiiro ,  on  cfoit  leur  impofer  à  tous  deux  une  pénitence ,  & 
permettre  à  cette  femme  d'en  époufer  un  autre. 

XXIV.  Par  la  Lettre  adreflee  à  l'Abbé  &  aux  Religieux    Épijf.^g. 
de  Riom,  dont  le  Monailere  écoir  fournis  au  Saint  Siège,  le 

Pape  cafle  &  annulle  toutes  les  aliénations  faites  par  l'Abbé 
Gui, l'un  de  fcs  Prédeceffeurs.  lien  donne  deux  railons;  l'une 
que  cet  Abbé  avoit  agi  en  cela  contre  le  ferment  qu'il  avoit 
lait  dans  Ion  élcdion,  de  ne  pas  aliéner  les  biens  de  ion  Ab- 
baye; l'autre  ,  qu'il  les  avoit  aliènes  étant  dans  le  fchlime.  Il 
écrivit  même  aux  Confuls  de  R.iomde  contraindre  les  décen- 
teursde  ces  biens  à  les  reilituer. 

XXV.  La  tranllacion&  la  dépolkion  des  Evêques,  ou  leur  ^-..j^^^.^^ 
changement  de  Siège, étant  une  des  caufes majeures  dévolues 

au  Pape,  Innocent  Ht  lurpendit  le  pouvoir  que  le  Patriarche 
d'Antioche  avoit  de  ccniirmer  les  Evêques  ,  à  cauie  qu'il 
avoit  transféré  à  Tripoli  &  ordonné  Evêque  de  cette  Ville  , 
celui  qui  étoit  élu  pourTEvêché  d'Apamée  ,  fans  en  avoir  eu 
auparavant  la  permiffion  du  Saint  Siège.  Le  Pape  fufpen- 
dit  auffi  cet  Evêque  de  ics  fonctions.  Il  coniiTma  comme  fes  Lsi^^.^i. 
Prédeceffeurs  à  Hubald,  A  rchevêque  de  Piie ,  le  droit  de  I\ié- 
tropole  fur  les  Evêchés  de  l'Ifle  de  Corfc  ,&. celui  de  Pri- 
matie  fur  les  Provinces  de  Sardaigne. 

XXVLDedeux  Coîlateurs  d'un  Bénéfice  à  charge  d'ames,  Ef/j?.  59. 
l'un  l'avoir  conféré  à  un  Soudiacre  qui  n'avoir  pas  encore 
vingt  ans, l'autre  à  un  Prêtre.  Quoiqu'ils fuffent  l'un  &  l'autre 
recommandables  par  leurs  bonneï  qualités  ,  le  Pape  à  qui  la 
conteriation  intervenue  fur  ces  nominations  fut  envoyée  pour 
la  terminer  ,  décida  ,  conformément  aux  Canons  ,  en  fa- 
veur du  Prêtre.  Il  commit  l'Evêque  deLuques ,  un  Abbé  Se  f/»/^.  60,115. 


3p8  I  N  N  O  C  E  N  T    I  1 1 , 

un  Archidiacre  pour  examiner  &  juger  le  diiiërend  entre  l'E- 
vêque  d'Orcnic  en  El'pagne,  &  l'Abbé  de  Ccllc-Neuve.  Ce- 
lui-ci prétcndoic  que  ion  Monaflcre  croit  des  fa  fondation 
exempt  de  la  jurildidion  de  l'Evêque  Diocciain.  L'Evêque 
au  contraire  le  regardant  comme  de  fa  dépendance  ,  appclla 
l'Abbé  au  Synode  ;  &  voyant  qu'il  n'y  écoit  pas  venu  ,  il  alla 
au  Monaflcre  peur  efTayer  de  vaincre  l'Abbé  par  douccyr. 
Perionne  ne  fe  prclcnta  pour  recevoir  l'Evêque  :  on  lui  ferma 
même  les  portes.  L'Evêque  fufpcndit  l'Abbé  de  fes  fondions, 
&  interdit  le  Monadere.  Ils  envoyèrent  l'un  &  l'autre  à  Rome , 
l'Evêque  pour  demander  la  confirmation  de  fa  Sentence  , 
l'Abbc,  celle  de  (on  exemption.  Les  Commiflaircs  du  Pape 
furent  charges  d'en  examiner  les  preuves ,  8l  d'y  maintenir 
l'Abbé  Se  ion  Monaftere,  au  cas  qu'elles  fuflent  bien  confian- 
tes, ou  fondées  fur  une  préiompcion  légitime,  (inonde  décla- 
rer !e  Monaftere  dv-pcndanc  de  la  Juriidièlion  de  TEvcque 
d'Orcnfe,  dans  le  Diocèle  duquel  il  étoic  enclavé, 

tfiji.61-  XXVII.  Innocent  III  révoqua  le  privilège  que  l'Evêque 
de  Chartres  difoit  avoir  obtenu  du  Pape  Ccleflin  III ,  por- 
tant que  l'Archevêque  de  Sens  ne  pouvoir  abfoudre  ceux  que 
cet  Evêque  auroit  excomm'jniés.  Il  déclare  dans  une  de  ies 

Epfi.  6s-  Lettres  que  les  Chrétiens  n'étant  pas  adreints  aux  cbfervan- 
ccs  de  la  Loi  de  Moyfe  ,  les  femmes  peuvent  entrer  dans  l'E- 
glife  peu  de  temps  après  leur  accouchement  pour  y  ren-» 
dre  grâces  à  Dieu  ,  mais  que  fi  par  refpc£fc  elles  veulent  s'en 
abilenir  plus  long- temps  ,  on  ne  doit  pas  les  condamner.  Il 
^piji.64,éi.  annulla  dans  les  deux  Lettres  luivantcs  ,  toutes  les  collations 
de  Bénéfices  faites  dans  les  Dioccfes  d'Averfe&  de  Salerne, 
par  la  Puiflance  féculiere.  Le  Monafîere  de  Galdo  étoit  (itué 
au  milieu  d'une  ncUion  perverfe  qui  en  inquiétoit  fans  ceffe  les 
i.pft.66,6-.  Moines.  Le  Pape  leur  permit  d'aller  s'établir  dans  un  lieu  où 
ils  f  uOent  s'acquitter  avec  plus  de  tranquillité  des  devoirs  de 
leur  état.  Il  commit  à  l'Evêque  de  Poitiers  la  réforme  de 
l'Abbaye  de  faint  Maixant,  tant  dans  le  chef  que  dans  les 

tpf  6Z.  l'ncmbres  ;  mais  en  le  chargeant  de  s'informer  auparavant  fur 
les  lieux  de  la  réalité  des  plaintes  formées  contre  l'Abbé.  Il 
avertit  l'Evêque  de  Lodi  de  n'avoir  aucun  égard  aux  Lettres 
par  lefquelles  il  avoit  cafle  l'é'edion  que  le  Chapitre  de  No- 
varre  avoit  faite  d'un  Evêque  ,  parce  qu'il  s'étoic  apperçu  de- 
puis ,  que  ces  Lettres  étoient  fubreptices. 

H/»;^.  69.       XXYin.  Le  Pape  permit  à  l'Evêque  de  Troyes  de  rache- 


PAPE,  Chap.  XXIX.  5r?9 

rcr  le  vœu  qu'il  avoir  faic  d'aller  à  la  Terre-Sainte  ,  en  y  en- 
voyant par  une  per Tonne  rcligicufe  les  fommes  qu'il  auroic 
dépenlccs  dans  ce  voyage.  Les  railons  que  l'Evcque  avait  al- 
léguées pour  obtenir  cette  difpcnlc,étoient  les  befoins  que 
fon  Egliie  avoif  de  fa  prélence,  à  caulo  des  troubles  donc 
elle  étoit  aj;i:ée  ,  &  la  crainte  de  ne  pouvoir  à  Ion  âi^a  ibu- 
rcnir  les  fatigues  du  voyage,  &  furmonter  la  crainte  acs  dan- 
gers delà  navigation.  Comme  il  avoit  dû  prévoir  toutes  ces 
dilTicultés  avant  que  de  s'engager  par  vœu,  le  Pape  ne  l'en 
dilpcnfa  qu'en  lui  impofant  une  peine  pécuniaice  pour  le  fc- 
cours  de  la  Terre-Sainte,  lls'autorile  d'un  décret  du  Pape 
Alexandre  III,  fon  Prédecefrcur,où  ilelldit  que  le  vœu  de 
la  Terre-Sainte  peut  être  commué. 

XXIX.  La  Lettre  à  l'Evcque  de  Liège  ,  à  l'Abbé  de  faint     Epip.  70. 
Tron,  &  au  '''revôtd'Utrecht,  ed  une  commiflion  d'informer 
contre  l'Archevêque  de  Trenis ,  avec  pouvoir  de  le  fufpendre 

de  fes  fondions  ,  s'il  fe  trouve  coupable  des  crimes  dont  le 
Doyen  de  fon  Eglife  l'avoir  accufé.  Il  permit  à  l'Evêquc  d'ex-  Epiji. 71. 
communier  ceux  d'encre  fes  Clercs  qui  oferoient  le  traduire 
devant  les  Juges  Laïques.  Il  confentit  auffi  que  l'Evêque 
d'Anagnia  hypotéquât  les  biens  de  fon  Eglife  pour  l'acquill- 
tion  d'un  Château  ,  donc  cile  pouvoit  retirer  dos  avantages  ; 
mais  à  condition  que  tout  hp  Chapitre ,  ou  la  plus  grande  &  ^^'^'  '''^' 
la  plus  faine  partie, y  confentiroir. 

XXX.  A  la  more  de  Guillaume  ,  Evêque  de  Poitiers ,  le    i-ip^  y^. 
Chapitre  fit  un  compromis  entre  les  mains  de  fix  Chanoines 

pour  i'éleâion  d'un  SuccefTeur.  Ayant  laifTé  écouler  Ox  mois 
îans  faire  l'életlion,  le  compromis  fut  renouvelle  en  pr.éfence 
de  l'Archevêque  de  Bourdeaux  ;  les  'fuifrages  comberent  fur 
Ademar ,  &  l'Archevêque  confirma  fon  élection.  Le  Doyen  , 
le  Sous-Doyen  &  quelques  autres  Chanoines  prétendirent 
qu'elle  étoit  nulle,  à  caufe  que  le  temps  du  compromis  éroic 
expiré  lorfqu'clle  fut  faite;  &  qu'encore  qu'on  l'eût  renouvellée, 
on  n'y  avoit  pas  procédé  le  jour  marqué  dans  le  fécond  com- 
promis ;  que  d'ailleurs  l'éleclion  s'étoit  faite  en  fecrec ,  fans 
l'avoir  notifiée  au  Chapitre  ,  &  au  préjudice  de  l'appel  eue  le 
Doyen  avoit  interjette  au  Saint  Siège.  Appuyés  de  toutes  ces 
raifons  IcsOppofans  élurent  l'Evéque  de  Nantes  ;  8c  ils  furent 
fécondés  dans  leur  prétention  par  quelques-uns  de  ceux  ciui 
■a voient  choifi  Ademar ,  fâchant  qu'ils  feroient  plaifir  au  Com- 
te de  Poitiers,  Les  Partifans  d' Ademar  foutenoienc  au  con- 


400  I  N  N  O  C  E  N  T    1 1 1  , 

traire  que  fon  clcdion  s'ctoit  faite  au  jour  marqué',  que  TAr- 
chevcquc  de  Bourdcaux  l'avoir  déclarée  au  Chapitre  ,  &•  que 
Il  on  ne  l'avoit  pas  rendue  publique  ,  c'écoit  à  caufe  du  Comte 
de  Poitiers ,  dont  la  crainte  avoit  obligé  les  Eledeurs  à  fe  reti- 
rer en  un  lieu  lùr  peur  publier  l'clcclion  qu'ils  avoient  faite 
da'ns'la  Ville;  au  furplus,  l'Eglifc  de  Poiriers  n'étoit  pas  dans 
l'ufsge  de  demander  le  conientement  du  Prince.  Les  deux  Par- 
ties ouies  par  leurs  Députés  dans  un  Confiiloire  public  ,  le 
Pape  jugea  en  faveur  d'Ademar ,  qui  fut  en  elfec  facré  Kvê- 
que  de  Poitiers. 

XXXI.  Quelques-uns  des  Papes  fes  Prédeceiïcurs  avoient 
déclaré  nulles  les  Ordinations  des  Clercs  qui  n'avoient  ni  ti- 
tre, ni  patrimoine.  Innocent  III  voulant  traiter  ces  Clercs 
avec  plus  de  douceur ,  déclara  que  ceux  de  qui  i^  avoient  reçu 
les  Ordres,  ou  leurs  SuccefTcurs ,  pourvoiroient  a  leur  fublifîan- 
ce  jufqu'à  ce  qu'ils  euffent  des  Bénéfices.  C'efl  ce  qu'il  ordon* 
na  en  particulier  à  l'Evêque  deZamora,  h  l'égard  d'un 
Clerc  qu'il  avoit  fait  Soudiacre  ,  quoiqu'il  n'eût  rien  pour 
lublifler.  Il  ordonna  encore  à  l'Archevêque  de  Magdebourg 
de  châtier  celui  qui  avoit  été  intrus  dans  l'Evêché  de  Prague 
par  la  Puiiïance  léculiére,  &  d'accorder  au  Chapitre  la  liberté 
d'en  élire  un  autre  iuivant  les  formes  canoniques. 

XXXÎI.  Dans  les  quatre  Lettres  à  l'Archevêque  d'Auch , 
le  Pape  lui  mande  de  punir,  luivanc  les  Canons,  les  Clercs  de 
fon  Diocèfe  qui  recouroient  à  la  PuiiTance  Laïque  pour 
avoir  des  Bénéfices,  lorfquils  ne  pouvoicnt  en  obtenir  des 
Evêques  ;  de  contraindre  les  Moines  vagabonds  de  retourner 
à  leurs  Monafteres,  de  travailler  de  tout  fon  pouvoir  à  faire 
iortir  delaGafcogne,&  des  Provinces  voifines  ,  les  Héréti- 
ques qui  les  infeftoicnt  ;  &  d'employer,  s'il  étrit  befoin  ,  le 
lécours  du  bras  féculier  ;  d'obliger  auiïi  les  Clercs  qui  avoient 
plufieurs  Bénéfices  en  divcrfes  Egliles  ou  dans  la  même  , 
comme  Archidiaconés ,  Dignités  &  Per'onnats  ,  de  les  réfi- 
gner  &;  de  fe  contenter  d'un  feul.  Par  une  cinquième  Lettre 
au  même  Archevêque  il  lui  défendit  encore  de  fcurïrir  cju'une 
mêmeperfonne  pofledât  plufieurs  Abb.iyes. 

XXXIÎI.  Depuis  fon  éle£iion  ,  mais  avant  fon  facre,  le 
Pape  avoit  fait  expédier  plufieurs  Bulles  pour  le  règlement  des 
affaires,  furtoutdes  Pauvres;  mais  ces  Lettres  n'avoient  qu'une 
demi-Bulle,  c'eR-à-dire  un  demi-fccau  ;  8c  pour  épargner 
aux  Parties  les  frais  d'en  faire  expédier  de  nouvelles  ,  il  dé- 
clara 


PAPE,  Chap.  XXIX.  401 

clara  quelque  temps  aprl^s  la  coniccration  ,  que  ces  Lettres  ipifi.  84. 
nVtoicnt  p.iS  de  moindrcautorité  que  celles  qui  avoicnt  la  Bulle 
entière.  De  deux  Benclicicrs  qui  avoient  voulu  permuter  ,  Tun 
avoir  trompé  l'autre  en  lui  failant  réllgner  ion  Bénéfice  à  un  de 
les  parcns ,  &:  eniuice  ne  lui  avoit  pas  voulu  donner  le  lien.  Le 
Pape  informé  du  fait,  déclara  d'abord  que  fuivant  les  régies 
du  droit  ils  n'avoient  pu  permuter  ;  enfuite  il  ordonna  que  ,  la  ^p'C-  '?• 
fraude  ne  devant  favoriler  pcrfonne  ,  le  Bénéfice  fcroit  rendu 
à  celui  qui  l'avoit  ré/ignc  de  bonne  foi.  11  obligea  fous  peine 
d'excommunication  un  Avocat  qui  avoit  mal  parlé  publique- 
ment d'un  jugement  qu'il  avoit  rendu  en  faveur  de  l'Abbé 
de  Scozula ,  de  donner  dans  la  quinzaine  alTurance  de 
lui  faire  latisfadion.  Le  Pape  dit  qu'en  cela  il  ne  chcrchoic 
point  à  le  venger  de  l'injure  que  l'Avocat  lui  avoit  faite  à  lui- 
même,  mais  le  maintien  de  la  difcipline  Eccléfiaflique ,  par- 
ce que  ielon  les  régies  canoniques  il  y  a  des  fautes  qu'on  ne 
peut  laifTer  impunies. 

XXXIV.  L'Evêque  de  Chartres  refufoit  fouvent  fans  rai-     ^pifi.  sr. 
fon  des  provifions  aux  Clercs  de  fon  Diocèfe  qui  le  préicn- 

toient  pour  des  Bénéfices. Ils  en  portèrent  leurs  plaintes  au  Pa- 
pe, qui  ordonna  à  l'Archevêque  de  Sens  leur  Métropolitain  de 
les  leur  accorder.  Un  Clerc  de  l'Eglife  d'Anvers  y  avoit  ob-     Ep-ft  99. 
tenu  une  Prébende  par  une  Supplique  au  Pape  Celeflin  III; 
mais  n'ayant  pas  exprimé  qu'il  avoit  déjà  plufieurs  Bénéfices 
dont  il  pouvoir  fubliiler ,  le  Chapitre  donna  cette  Prébende 
à  un  autre,  &■   Innocent  IIÏ  confirma  cette  collation.  Il  or- 
donna au  Cardinal  Rainier  de  rompre  le  mariage  inceiiueux 
de  la  fille  du  Roi  de  Caftille  avec  le  P».oi  de  Léon ,  &  d'em- 
ployer même  à  cet  eflfct ,  s'il  étoic  befoin  ,les  ceniures  de  l'E- 
glife. Ses  Lettres  aux  Archevêques  d'Aix  ,  de  Narbonne,  de  Epijî.<)i,ç^, 
Vienne,  deTarragone,  &  à  leurs  Sufîragans,Iont  pour  les  ex-  >4î  ij^^- 
horter  à  féconder  les  Commiffaires  du  Saint  Siège  dans  leurs 
procédures  centre  les  Hérétiques,  qui  infe£l:oient  ces  Provin- 
ces. Il  en  écrivit  de  iemblables  aux  Princes,  aux  Barons,  aux 
Comtes,  &  à  tous  les  Peuples  de  ces  lieux.  Il  recommanda  à  E/"7?-py>i'~. 
tous  les  Prébts  l'Hôpital  du  Saint-Efprit  fondé  à  Monrpel-  ''^' 
lier,  &  lui  donna  divers  privilèges.  Il  ordonna  que  les  qua- 
tre Chanoines  créés  au-delà  du  nombre  ordinaire ,  auroient 
part  comme  les  anciens  à  l'augmentation  des  revenus  de  ce 
Ch..  pitre. 

XXXV.  Alphonfe  Henriquès,  Duc  de  Portugal,  ayant  en     Epijl.  99, 
Tome  XXilU  "K  e  e  44^ ,  44^'- 


402  r  N  N  O  C  E  N  T  Iir, 

1 1 3  5,  le  2-^  de  Juillet,  rcmporré  une  vi£îoire  (îgnalée  fur  cinq 
Rois  des  Maures,  fut  proclame  Roi  par  les  Soldats,  &  cou- 
ronné peu  de  temps  après  à  Lamago.  CcR-là  l'cpoque  delà 
Monarchie  de  Porcug<il,.  Mais  il  paroît  par  une  Lettre  d'In- 
nocent III ,  que  la  qualité  de  Roi  ne  fut  généralement  recon- 
nue dans  A  Iphonfe  ,  que  loriqu'ellc  lui  eut  été  donnée  &  à  fes 
Succeilcurs  par  Alexandre  III ,  élu  Pape  su  mois  de  Septem- 
h-e  1 1 55?.  Ce  Prince  en  reconnoiflance  s'obligea  à  payer  à  PE- 
gliie  un  cens  annuel  de  mille  écus  d'or.  C'cft  ce  cens  qu'In- 
nocent III  chargea  le  Cardinal  Rainier ,  fon Légat,  de  répé- 
ter à  Sanche  I,  filsd'Alphonfe. 
^pifl.  loi.  ^  XXXVI.  L'Abbé  de  Faverncy  dans  la  Franche-Comté 
étant  mort  ,  il  y  eut  conteftation  fur  la  nomination  dé  fon 
Succcflcur.  Le  Chapitre  prétendit  avoir  droit  de  l'élire,  & 
l'Axbbé  delà  Chaife-Dieu  ,  de  le  nommer.  L'affaire  portée  au 
Tribunal  du  Pape  Celcftin  III  ,  ne  put  être  terminée  fous 
fon  Pontificat.  Innocent  III  ,  fon  Succeffeur ,  nomma  des 
Commiflaires,&  ordonna  à  l'Archevêque  de  Vienne  démet- 
tre en  pofTefïion  de  l'Abbaye  de  Faverney ,  celui  que  l'Abbé 
de  la  Chaife-Dieu  avoit  nommé ,  s'il  trouvoit  que  le  droit  de 
Iffft.  102,  cet  Abbé  fût  bien  établi.  Il  décide  dans  une  Lettre  au  Cha- 
pitre de  Spolette  ,  que  le  mariage  d'un  homme  avec  une  con- 
cubine qu'il  avoit  eue  du  vivant  de  fa  femme  ,  efl  valide  ,  à 
moins  que  l'on  ne  prouve  que  l'un  ou  l'autre  air  contribué  à  fa 
mort,  ou  qu'ils  s'étoient  donné  mutuellement  des  promeffcs  de 
mariage  du  vivant  de  cette  femme. 
^P'fl-  1=4 ,      XXXVII.  Il  répond  à  un  Abbé  de  l'Ordre  de  faint  Benoît 

*^'  '  '^^'      qu'un  jeune  homme  qui  s'éroic  fait  Moine  dans  fon  Mcnaftcrc^ 

&  en  étoit  forti  à  railon  de  fes  infirmiiés  pour  pafler  dans  un 

autre  plus  mitigé  ,pouvoit  y  exercer  les  fondions  des  Ordres 

qu'il  y  avoit  reçus,  pourvu  qu'il  n'en  eût  aucun  empêchement 

!>>■/?.  lo;,  canonique.  Il  ordonna  à  l'Archevêque  de  Mont-Real  dere- 

««É.  |;jj-er  tous  les  biens  de  fon  Eglife   aliénés  mal-à-propos  ,  & 

lui  défendit  d'en  aliéner  à  l'avenir,  principalement  ceux  qui 
étoient  de  la  Menfe  Epifcopale.  Dans  la  première  à  l'Arche- 
vêque de  Rouen ,  le  Pape  lui  ordonna  d'obliger  tous  les  Bé- 
néficiers  à  réfider  dans  les  Eglifcs  où  ils  avoicnt  des  Bcncfi- 
Ipifl.  ic7t  ces  ,  &  dans  la  féconde  ,  il  confirme  les  échanges  qu'il  avoit 

'°**  faits  avec  le  Roi  d'Angleterre. A  près  s'être  inllruitexaclcment 

Epip.  10?,  ^"J  Procès  entre  la  Comteffe  de  Flandres  &  les  Chanoines  de 

lie.  Seclin  ,  au  fujet  du  patronage  de  cette  Eglife  ,  il  décida  ^uc 


PAPE,  Chap.  XXIX.  405 

Id  nominarion  du  Prévôt  faite  par  cette  Princciïc ,  auroit  lieu  , 
£c  que  le  reicrit  que  les  Chanoines  avoicnt  obtenu  du  Pape  Ion 
PrédecelTeur,  étoit  obrcptice.  Il  fit  détlnle  à  l'Archcvc-iue  de  l'rl>>  m-i 
Oantorbcry  de  bàrir  une  nouvelle  Chapelle,  qui  ne  pouvoic '*^"' ^■^i'* 
qu'être  préjudiciable" à  la  Cathédrale,  parce  qu'il  en  prenoit 
les  fonds  pour  y  établir  un  des  Chanoines.  Les  Papes  Urbain 
III  &  Clément  III  avoicnt  déjà  fait  les  mêmes  défenfes  à 
rArchevêque. 

XXXVIII.  Par  une  Lettre  circulaire  adreffee  à  tous  les    Epifl.iiu 
Fidèles  ,  datée  de  la  première  année  de  fon  Pontificat ,  Inno- 
cent III  leur  déclare  que  c'eft  une  œuvre  méritoire  de  la  ré- 
mifïïon  des  péchés ,  que  de  retirer  des  femmes  de  la  débau- 
che ,  &  de  les  cpouler.  Les  dérangemens  arrivés  au  Monai- 

tcre  de  la  Baume  ,  tant  dans  le  temporel  que  le  fpiritucl ,  l'o- 
bligèrent à  le  ioumettre  de  nouveau  à  celui  de  Clugny  ,pour     £."»/'•  "Ç» 
y  rétablir  le  bon  ordre,  avec  le  fecours  de  l'Archevêque  de  '"■'^'  "^" 
Befançon  &  l'Evcque   de  Mâcon.  Il  ordonna  au  Prévôt  & 
aux  Chanoines  de  faint   Juvence  à  Pavie    de  recevoir  dans 
leur  Chapitre  un  Clerc  auquel  fon  Prédecefleur  avoit  donné 
un  Mandat  pour  y  être  admis.  Il  fe  plaignit  à  l'Archcvcc]ue    £/>//?.  né. 
de  Bourges  que  celui  de  Tours  eût  permis,  fans  l'autorité  du 
Saint  Siège ,  la  tranflation  de  l'Evêque  élu  d'Avranchcs ,  à 
l'Evêché  d'Angers ,  &  lui  ordonna  de  retirer  tout  ce  qui  éroic 
de  défedueux  dans  cette  tranflation  ,  qui  félon  les  Canons     Epifl.nju 
n  avoit  pu  fe  faire  fans  en  communiquer  avec  le  Saint  Si 'ge , 
la  rranilation  des  Evêques  étant  une  des  caufes  majeures  dont 
il  doit  connoître  particulièrement  ;  &  afin  qu'on  ne  l'accufâc 
point  d'une  entrcprife  nouvelle  fur  les  droits  des  Métropoli- 
tains, il  renvoie  à  ce  qui  avoit  été  fait  en  pareil  cas  par  le 
Siège  Apofloliquecontrele  Patriarche  d'Antioche. 

XXXIX.  Il  cfl:  encore  queftion   de  Mandat  Apoftolique     Epijf.  nJi 
dans  la  Lettre  à  l'Archevêque  de  Paris.  Le  Pape  le  commet  '2.7»  «4î« 
avec  le  Chantre  &  un  Chanoine  de  cette  Eglile  pour  faire 
exécuter  celui  que  fon  Prédeccffeur  avoit  donné  à  Bernard 

de  l'ille  pour  un  Canonicat  de  Tournai,  dont  il  avoir  écé  in- 
verti par  le  Doyen  de  l'Eglife  de  Paris,  du  conrentemcnt  du 
Chapitre  de  Tournai ,  &  avec  les  formalités  ordinaires,  dans 
la  réception  des  Chanoines,  fçavoir  en  leur  marquant  leur 
pLice  au  Choeur  &  au  Chapitre.  On  avoir  changé  un  Monaf-  Epi/i.  114; 
tcre  en  Chanoines  iéculiers  ,  &:  donné  ce  Monadcre  en  Bé- 
néfice a  un  Clerc,  Sur  les  remontrances  que  l'Evêque  d'O- 

Ë  e  c  ij 


404.  INNOCENT     III, 

vicdo,  de  qui  ce  Monallere  dcpendoii,  en  fit  à  Innocent  III, 
ce  Pape  lui  permit  de  rétablir  les  choies  en  leur  premier  état  , 
ipiji.iu,  &  d'y  remettre  un  Abbé  6/  des  Moines  II  permit  à  l'Ai  chevc- 
que  de  Tanagone ,  dont  TEglil   étoit  réduite  prefque  à  rien , 
de  la  rétablir  par  des  Bénéfii.es  alTignés  fur  fes  revenus,  tant 
au  dedan'^  qu'au  dehcs  du  Diocèie  ,  de  laiflcr  pendant  lepc 
ans  les  Bénéfices  qui  viendront  à  y  vaquer,  fans  les  i;cmplir, 
s'il  n'y  a  nécefTité  ou  utilité  pour  l'Fglile  même.  Il  confirma  , 
i(i[i.  ijo.  à  la  demande  de  Philippe  Roi  de  France,  le  traite  d'alliance 
que  ce  Prince  avoit  fait  avec  le  Comte  de  Flandres  ;  défendit 
à  l'Archevêque  de  Rouen  de  rien  entreprendre  contre  le  Roi 
au  préjudice  de  fon  appel  au  Saint  Siège  ;  il  commit  les  Abbés 
de  Cîteaux  &  de  Clairvaux  pour  terminer  leur  différend.  Le 
ïpifi.  131.  Pape  dit  dans  cette  Lettre  adreffée  à  ces  deux  Abbés  ,  que  les 
Rois  de  France  fe  font  toujours  rendus  plus  recommandables 
que  les  autres  par  l'intégrité  de  leur  foi  &  par  leur  attache- 
ment à  l'Eglife  Romaine. 
£;</?.  151-        XL.  L'Evêque  de  Tofcane  ayant  eu  des  raifons  de  mettre 
en  interdit  tout  Ion  Diocèie  ,  quelques  Religieux  refufcrenc 
de  l'oblerver  dans  la  célébration  des  OfBces.  Il  s'en  plaignit 
au  Pape  ,  qui  îui  écrivit  de  les  y  contraindre  ,  fauf  les  privi- 
lèges de  l'Eglife  Romaine.  Il  accorda  à  l'Abbé  &aLix  Moines 
Lpili.  154.   de  Belle- Ville,  fous  l'agrément  de  l'Evêque  Diocéfain ,  de  bâ- 
tir des  Oratoires  dans  les  lieux  où  ils  auroient  un  nombre fuf- 
fifant  de  Religieux  pour  faire  l'Office.  Les  deux  Lettres  iui- 
ipifi.  1^6,  vantes  contiennent  la  confirmation  des  Statuts  &  anciennes 
'  Coutumes  des  Abbayes  de  faint  Vaaft  d'Arras ,  &  de  celle  de 
Vezelay.  Il  accorde  de  nouveau  à  celle-ci  de  chanter  le  G/o- 
ria  in  excelfis  le  jour  de  la  TranOation  de  fainte  Marie-Mag- 
deleine  en  Carême,  àcauie  delà  folemnité  de  cette  Fête  dans 
ce  Monaflere. 
ipijî.1^0.       XLI.  Quoique  le  troifiéme  Concile  de  Larran  eût  règle  le 
x:»?.'.  +.       nombre  des  domefliques  que  les  Evêques,  les  Archidiacres  , 
les  Archiprctres  &  les  Doyens  pouvoient  avoir  à  leur  fuite  , 
ce  décret  n'étoit  point  ejçécuté  en  plufieurs  endroits.  Innocent 
III  le  confirma,  en  autorifant  ceux  de  qui  l'on  voudroit  exi- 
ger au-delà  de  ce  qui  y  efl  porté ,  à  le  refufer.  Un  Clerc  s'é- 
toic  vanté  d'avoir  abufé  d'une  femme  :  fur  cette  déclaration  le 
Ipili.  T^;.  mari  fc  lépara  d'elle.  Le  Pape  ordonna  qu'au  cas  qu'il  fût  conf- 
iant que  le  Clerc  eût  dit  ce  dont  on  l'accufoit ,  il  feroit  fuf- 
pens  des  fondions  du  Diaconat  &  de  fon  Bénéfice ,  mais  qu'oo 
o  bligeroit  le  mari  de  retourner  avec  la  femme. 


137  ,  14S 


PAPE,  Chap.  XXIX.  405 

XLII.  Il  permit  à  celui  qu  on  avoir  élu  Kvêque  de  Cambrai     ipi/}.  i  ji. 
de  renoncer  à    Ion  droii  ,  &  enjoignit  à   l'Archevcquc  de 
Klieims  d'en  faire  élire  un  autre  dans  le  mois ,  linon  d'en  nom- 
mer un  par  l'autorité  du  Saint  Sicge.  11  donna  aufTi  à  cet  Ar- 
chevêque la  pcrmilllon  d'ériger  en  Evéchc  l'Abbaye  de  Mou- 
zon ,  lirucc  dans  ion  Diocèic,  &  d'y  faire  bucir  une  Eglife     rpip.  1^1. 
Cathédrale,  comme  Celeftin  III  lui  avoir  accordé,  mais  aux 
conditions  que  les  Moines  n'en  i'eroient  pas  chalTés  ;  parce 
que  luivant  les  règles  canoniques,  les  Monaflcres  conlacrés  à 
Dieu  doivent  toujours  être  des  Monaftercs.  Le  Roi  confcntit 
à  cette  érc£lion  ,  &  le  projet  en  fut  fait  de  l'avis  des  Evcques 
d'Arras  &  d'Amiens.  Néanmoins  elle  n'eut  pas  lieu,  &;  cette 
Abbaye  iublii^e  encore  fous  la  règle  de  faint  Benoît.  Innocent     EfSji,  166. 
III  autorila  l'Abbé  de  faint  Vaafi  d'Arras  cà  rétablir,  de  l'a- 
vis de  la  plus  faine  partie  de  fa  Communauté,  les  Chanoines 
féculiers  dans  une  Egliie  où  il  y  en  auroit  eu  auparavant  que 
d'y  mettre  des  Moines.  Il  décide  que  ceux  qui  a  voient  eu    rpiji.  167. 
part  au  meurtre  d'un  Evêque,  ne  pouvoicnt  être  abfous  que 
parle  Pape,  iinon  en  cas  de  mort.  Quoique  le  Saint  Siège 
eût  prononcé  fur  les  difficultés  entre  l'Archevêque  de  Tours 
&  l'Evêque  de  Dol  en  Bretagne,  que  l'on  prétendoit  indé- 
pendant, la  difcorde  entre  ces  deux  Prélats  durcit  coujcurs.     Epift.iCf. 
Le  Pape  les  cita  l'un  &;  l'autre,  pour  terminer  leur  différend. 
11  écrivit  àPhilippe-Augu(lc_,  Roi  d,e.  France  ,  en  des  termes 
très-prefl'ans  de  reprendre  la  Reine  fa  femme  qu'il  avoir  répu- 
diée ,  &  de  chafTer  la  concubine  qu'il  cntretcnoit.  Il  prit  fous     ^pfl- 1?». 
la  protection  du  Saint  Siège  l'Abbaye  de  iaint  Gcrniain-des- 
Prés,  lui  accorda  de  nouveaux  privilèges ,  confirma  les  anciens, 
&  chargea  Guillaume  Archevêque  de  Rhcims,  &  Cardinalj  de     E?;/}.  171 , 
veiller  à  leur  confervation.  Il  confirma   aui'îi  ceux  de  l'Abrr    i~5  >  '74, 
baye  de  Saint-Denis,  &  l'élctlion  d'un  Abbé  de  ce  Mcnifle-    ''^  ' 
re.  Informé  des  difficultés  qu'il  y  avoit  entre  l'Evêque  d'Au- 
xerre  &  les  Moines  de  l'Abbaye  de  faint  Germain  en  la  même 
Ville ,  il  leur  permit ,  en  cas  de  refus  de  la  part  de  cet  Evêque  , 
de  recevoir  les  iaintes  huiles  de  tout  autre  Evêque  Catholi- 
que, la  bénédiclion  Abbatiale,  les  Ordres,  &  de  leur  faire  > 
contacrcr  les  Eghfes  dépendantes  dudit  Monafterc.              , , 

XLIÎI.  Il  déclara  encore  qu'au  cas  que  l'Evêque  d'Auxcr-     Fp;ft.  184,, 
re  les  excommunieroit  fans  une  caule  évidente,  raifonnable  ,  ^^'' 
&  lans  avoir  obfervé  les  formalités  ;de  droit  ,  l'excomm.HP.i- 
lion  içtoit  nulle  _,  &  ne  les  obligeroic  pas.  Enfin  il  leur  ac^ 


4o5  INNOCENT    HT, 

cordi  de  s'adreflcr  àFArchevêque  de  Sens  pour  fefoufiraire 

Sfip.  187.  aux  inju'lices  &  aux  vexations  de  leur  Evêquc.  Le  Pape 
Ccleflin  en  conlldi-racion  des  mérites  perfonnels  de  l'Evcque 
de  Tortoncjlui  avoir  permis  de  conl>.rvcr  pendant  trois  ans 
les  Bcncficcs  qu'il  pcfTcdoit  lors  de  fon  élévation  à  TEpilco- 
pat  de  cette  Ville.  Il  jouir  pendant  quelque  temps  de  cette 
dilpcnfe,  &  en  qualité  de  Prcbendaire  de  l'Egliie  de  Milan 
il  eut  part  à  l'ciedion  de  l'Archevêque,  comme  un  des  Cha- 
noines. Néanmoins  le  Chapitre  donna  la  Prébende  &  fa  mai- 
fon  à  un  autre.  L'Evêque  deTortone  s'en  plaignit  au  Pape 
Innocent ,  qui  obligea  les  Chanoines  à  lui  rendre  la  Prében- 
de &  fa  raaifon  ,  pour  en  jouir  paifiblcment  jufqu'au  terme 

f;/^.  i?o.  marqué  par  le  Pape  Celeftin,  Innocent  III  maintint  aufTI  en 
poffeirion  de  fon  Bénéfice  un  Clerc  qui  avoir  tué  involon- 
tairement un  enfant  en  tirant  une  flèche  contre  un  arbre  ,  & 
qui  s'étoit  fait  abfoudre  de  cette  faute  par  fon  Archevêque, 
&  en  avoir  obtenu  pcrmifTion  de  conlcrver  fon  Bénéfice. 

tp!jf.  191.  XL1\^  Il  donna  pouvoir  à  l'Evcque  de  Troyes  d'obliger 
les  Clercs  de  fon  Dioccfe  qui  poflTédoicnt  plufieurs  Bénéfices, 
à  le  contenter  d'un  fcul  dont  ils  pulTcnt  fe  fuftenter  décem- 
ment ;  &  de  contraindre  ceux  de  les  Clercs  qui  en  font  capa- 

Bpijf.  191.  bles,  Cl  les  bcfoins  de  (on  Eglife  le  demandent,  à  recevoir  les 
Ordres  facrés.  Les  Chanoines  de  la  même  Eglife  de  Troyes 
avoi(?nt  ù.n  cntr'cux  un  règlement  portant  que  ceux  qui  com- 
pofoicnt  actuellement  le  Chapitre  ,  tireroient  tous  leurs  reve- 
nus ^  foit  qu'ils  fudenr  préfens  ou  abfens  j  mais  que  ceux 
qu'on  recevroit    dans  la  luite  ,  n'en  jouiroicnt  que  lorfqu'ils 

Ifiji.  196.  Icroicntprélens.  Innocent III annuUa  cette  convention,  par  la 
raifon  que  nous  devons  fubir  la  loi  que  nous  impofons  aux 
autres ,  &  déclara  en  confcquence  que  la  manière  de  percevoir 
les  revenus  feroit  égale  entre  les  anciens  Chanoines  &  les 
nouveaux.  Il  confirma  à  l'Abbé  &  aux  Religieux  de  Prémon- 
tré le  privilège  <à  eux  accordé  par  fcs  PrédecefTeurs  ,  de 
chalTer  de  leur  Ordre  les  incorrigibles  qu'ils  auroient  fenren- 

ipip.  ip7,ciés,&  de  ne  pas  même  déférer  aux  Lettres  qu'ils  auroient 
:i78,  i04.  obtenues  du  Saint  Siège  pour  rentrer  dans  ledit  Ordre.  Il 
confirma  encore  le  Satut  que  l'Abbé  de  Prémontré  &  les 
autres  Abbés  du  même  Ordre  avoicr;t  fait  entr'euXjqui  por- 
roit  défenfe  à  tous  de  porter  la  Mitre  &  le"^  gants  comme  les 
Evêques,  depeur  qu'ils  n'en  prilTent  occafion  de  vanité.  Il  y  a 
plufieurs  autres  Lettres  d'Innocent  111  concernant  les  ulages 
&  les  privilèges  de  cet  Ordre, 


^  PAPE,  Chap.  XXIX.  407 

XLV.  11  défendit  ,  conformcmcnc  au  décret  du  Concile     r.^'ff.  10;; 
de  Tours,  à  rEvc(.|ue  de  Scnlis  de  diviler  les  Prébendes,  avec 
ordre  de  donner  le  premier  Canonicar  vacant  à  celui    à  qui 
il  n'avoit  donné  t]u'une  dcmi-Prcbende.  En  envoyant  au  Roi     ypif.  zoe; 
d'Angleterre  quatre  anneuix  d'or  ornés  de  pierres  précieulcs, 
il  lui  en  donna  une  explication  myftique  &  morale.  11  écrivit 
.TU  Roi  de  Navarre  de  rellitucr  au  Roi  d'Angleterre  quel- 
ques Châteaux  qu'il   lui  avoit  pris;  finon  ,  il  le  menace  de 
procéder  contre  lui  p.ir  les  cenlures  de  l'Kglife.  Dans  la  Let-     Epifi.ziu 
trc  à  l'Evêque  de  Berg,  le  Pape  Tautorife  ci  fe  faire  donner 
la  di'mc   ancienne  &  accoutumée  par  les  Marchands  de  ion 
Diocèfe  qui  alloient  négocier  en    Irlande.  Par  la  fuivante    Epip.  zi^^ 
adreflce  aux  Evèques  de  Kirchval  &  de  Roffe,  il  leur  donne 
pouvoir    de   contraindre    par   les   cenfures    Eccléfiafliques 
l'Evcque  de  Conthnes  à  laifler  payer  le  dernier  annuel  que 
chaque  famille  de  fon  Diocèle  étoit  en  ufage  de  payer  au  Saint      ^'^'  ^'*' 
Siège. 

XL VI.  Dalmarfe  Chapelain  de  Ville-Franche  exigcoit  de     Epip.  no. 
fes  ParoifTiens    des  fommes  d'argent  pour  la  fépulture  des 
morts ,  &  la  célébration  des  mariages  ;  &  quand  les  Parties  in- 
téreflees  refufoient  de  les  lui  payer,  il  prenoit  divers  prétextes 
pour  fe  difpenfer  d'enterrer  les  morts  &  de  bénir  les  maria- 
ges. Le  Pape  le  fit  réprimander  par  un  Abbé ,  à  qui  il  ordon- 
na de  le  punir  s'il  continuoit  dans  ce  défordre.  Il  y  a  plulieurs   r-  .« 
Lettres  d  Innocent  III  pour  le  maintien  des  droits  de  1  Eve- 14,  ij ,  zû, 
que  de  Conimbre,  une  entr'autres,oij  il  ordonne  aux  Religieux  ^7- 
du  Monaflere    de  fainte   Croix  à    Argenil  ,   de  fe  fou- 
mettre  k  fa  Jurifdi£lion  ,    dont    ils    ne  s'étoient   fouflraits 
que    par    un    privilège     obtenu     fubrepricement   du    Pape 
Clément.    Il  écrivit  à  l'Archevêque  de  Rouen    de  ne  pas 
ah  foudre  les  perfonnes  que  fEvêque    de  Lilieux  avoit  ex- 
communiées. Il  en  excepte  le  cas  auquel  cet  Evêque  auroit 
refulé  de    les   abfoudre.   Alors ,   dit  le  Pape  ,  en  recevant 
d'eux  leur  caution  juratoire,  vous  pourrez  leur  donner  l'abfo-    ipi/i.  ng. 
lution ,  mais  en  les  obligeant  de  faire  fatisfaftion  à  l'Evêque  , 
pourvu  toutefois  qu'il  n'ait  pas  porté  contre  eux  une  excom- 
munication injufte.  Dans  une  autre  Lettre  il  permit  à  l'Evê- 
que de  Lifieux  de  ne  pas  comparoître  devant  l'Archevêque 
de  Rouen,  comme  Juge  délégué  du  Siège  Apoftolique,  s'il  lui 
étoit  fufpett ,  à  moins  que  les  Lettres  de  commilTion  adrei-     ^^-^  "^' 
fées  à  cet  Archevêque  ne  le  portent  en  termes  exprès.  Sa  136, 


4c8  I  N  N  O  C  E  N  T    I  T  I , 

Lettre  au  Kci  d'Angleterre  eil  pour  lui  rendre  compte  de  ce 
qu'il  avoir  fait  pour  obliger  le  fils  du  Duc  d'Autriche  à  lui 
reftiruer  la  Tomme  que  Ion  père  avoit  exigée  de  lui  a  Ion  rt- 
tour  de  la  Terre  lainte.  La  raiion  de  cette  reftitution,  eft  que 
le  père  de  ce  jeune  Duc  d'Autriche  ,  touche  de  regrec  à  la 
mort  de  Tinjuilice  qu'il  avoit  commile  envers  le  Roi  d'An- 
gleterre à  fon  retour  de  la  Tcrre-lainte  ,  ordonna  à  fon  fils 
de  reftiruer  à  ce  Prince  l'argent  qu'il  en  avoir  tiré  par  violen- 
ce pour  la  rançon.  Le  Papa  détailloit  dans  la  même  Lettre 
au  Roi  d'Angleterre  les  loins  qu'il  s'éroit  donnés  pour  lui  faire 
rendre  les  Châteaux  dont  le  Roi  de  Navarre  s'étoit  emparé; 
&  après  avoir  rapporté  les  plaintes  mutuelles  de  ces  deux  Prin- 
ces ,  &  leur  différend  ,  il  aflure  qu'en  voulant  mettre  la  paix 
entr'eux ,  il  a  agi  fans  partialité. 

tpiji.  Î35.        XL  VIL  II  déclare  que  les  Chanoines  peuvent  fervir  de  té- 
moins dans  les  affaires  civiles  de  leurChapitre,  &  qu'ondoie 
^/i^-  »35-  ajouter  foi  à  leurs  dépodtions.   Le  Pape  détenoit  en  prifon 
quelques  fauflaires  des  Bulles,  tant  de  lui  que  de  Celeftin  III 
Ion  Prédecefîcur  ;  &  afin  que  celles  qu'ils  avoient  fabriquées 
fuflent  fans  autorité,  &  qu'à  l'avenir  d'autres  n'en  fabriquaffenc 
plus,  il  ordonna  premièrement  que  les  Bulles  feroient reçues 
de  la  main  du  Pape  ou  de  ceux  qu'il  auroit  commis  pour  les 
délivrer  ;  en  fécond  lieu,  que  dans  un  Concile  Provincial  af- 
femblé  en  France  par  les  Archevêques  &  Evoques  du  Royau- 
me, on  feroitun  Statut  cjui  feroit  publié  dans  tous  les  Dioccles, 
portant  ordre  a  tous  ceux  qui  prérendoient  avoir  des  Bulles  du 
Pape  ,  de  les  rapporter  à  l't^vêque  Diocéfain  ,  ou  cà  quelqu'un 
de  fa  part,  pour  être  confrontées  avec  les  véritables  ;  qu'au  cas 
qu'elles  ic  trouveroient  faudes ,  ceux  qui  les  avoient  luppolées 
leroient  punis,  fçavoir,  les  Laïques  par  l'excommunication, 
les  Clercs  par  la  fuipenfion  de  leurs  fondions.    En  troifiéme 
lieu  il  ordonna  la  peine  d'excommunication  contre  tous  ceux 
qui  ayant  Iciemment  des  fauffcs  Bulles ,  ne  les  lacercroicnc  pas, 
ou  ne  les  rapporteroicnt  pas ,  quinze  jours  après  la  publication 
de  cette  Ordonnance.  Cette  Lettre  cfl  aarcffée  à  Guillaume 
Archevêque  deRheims,  Cardinal  de  iaincc  Sabine  ,  &  à  fes 
Sufrragans. 

Epii.  1J7,  XLVIII.  Dans  celle  que  le  Pape  Innocent  écrivit  à  TEvê- 
que  de  Tarantaife,  il  lui  donne  pouvoir  d'abfoudre  les  Incen- 
diaires qui  ne  pouvoicnt  de  itiiis  ans  aller  à  Rome,  en  étant 
empêches  ou  par  quck]ue  maladie,  eu  par  la  crainte  de  leurs 

ennemis. 


PAPE,   Ch  A  p.  XX  TIC.  409 

ennemis.  TI  exempta  de  dixmcs  les  terres  de  l'Eglife  de  Hcy-  Epifl.  138. 
tracht ,  que  l'Evêque  taifoic  valoir  par  lui-même.  On  a  vu  plus 
haut  qu'innocent  III  avoir  accordé  à  l'Evêque  de  Lilieux  de 
ne  pas  répondre  devant  l'Archevêque  de  Rouen  ion  Métropo- 
litain. Il  révoqua  ce  privilège,  &  ordonna  que  l'Archevêque  Lpifî.  z^o,- 
ne  pourroit  procéder  contre  rEvêcjue  de  Lilieux  ,  qu'après 
trois  Monitoircs  ;  &que  celui-ci  ayant  appelle  àfuturo  2java^ 
mine  ,  l'Archevêque  ne  pourra  rien  entreprendre  contre  lui, 
•ni  contre  i">n  Rglil'e,  le  remède  de  l'appel  ayant  été  inftitué 
four  la  défenfe  des  opprimés.  Le  Pape  a]oute  que  (i  l'Arche- 
vêque prononce  la  peine  de  lulpenle ,  ou  d'interdit,  avant  les 
monitions,  ou  après  l'appel  juilement  interjette,  fa  Sentence 
•fera  nulle  &  de  nul  eifet. 

XLIX,  Dans  la  Lettre  à  l'Evêque  &  au  Chapitre  d'An-  E/.y?.  i^tV' 
goulême  ,  le  Pape  déclare  que  les  Chanoines  qui  ne  réfident 
pa*^ ,  pendant  la  plus  grande  partie  de  l'année  ,  fans  en  avoir 
de  cauk'S  raifonnablcs ,  ne  peuvent  s'oppofer  aux  réglcmens 
faits  en  leur  abience ,  &  que  le  Chapitre  n'efl:  point  obligé  d'a- 
voir égard  à  leur  oppolidon,  ni  à  l'appel  par  eux  interjette, 
L'Evêque  de  Chefler  avoir,  en  vertu  d'un  Bref  (urprisau  Pape 
Clément ,  chaflTé  les  Moines  de  l'Eglile  de  Convencri ,  &  mis  F/.;/?.  145,- 
à  leur  place  des  Chanoines.  Innocent  III  l'obligea  d'y  rétablir 
les  Moines  ,  qui  avoient  été  établi?  dès  la  première  fondation 
de  la  Religion  Chrétienne  en  Angleterre,  &  qui  par  la  régu- 
larité de  leur  obfervance  avoient  mérité  les  grâces  du  Saine 
5iége  &  des  Rois. 

L.  Il  décide  que  les  a£les  des  Juges  ne  peuvent  avoir  £/>')?.  ije» 
aucune  force  en  quelque  caufe  que  ce  ioit,  s'ils  ne  fe  font  fait 
autorifcr  de  deux  ou  trois  témoins.  A  l'exemple  de  fes  Pré- 
deceflfeurs ,  il  confirme  les  Rcglemens  que  les  Confuls ,  les  Ju-  Ei^y?.  îJS^ 
ges  &  le  Peuple  de  Bcnevcnt ,  avoient  faits  pour  les  droits  des 
Officiers  de  Juftice.  Mais  informe  que  le  Chapitre  de  cette 
Eglife  refufoit  d'admettre  les  prières  du  Pape  Celeftin  en  fa- 
veur du  Soudiacre  Albert ,  il  ordonne  de  les  mettre  en  exécu- 
tion ,  &  de  donner  en  conléquencc  un  Canonicat  à  cet  Ecclé- 
liaftique.  Il  ordonne  pareillement  l'exécution  d'une  conven- 
tion du  Chapitre  de  Rouen  touchant  la  réparation  de  l'P^glifc 
Cathédrale.  Cette  convention  (Ignée  de  la  plus  grande  &  la 
plus  faine  partie  des  Chanoines ,  portoit  que  chacun  y  contri- 
bueroit  de  fes  revenus  :  quelques-uns  refufercnt.  Le  Pape  veut  tfift.  kî©,- 
qu'on  les  contraigne  j  au  contraire  il  défend  à  l'archevêque 
Tome  XXllL  Fff 


410  I  N  N  O  C  E  N  T   TTT, 

de  cette  Ville  de  conlcnrir  à  la  convention  faire  entre  les  Rois 
de  France  &  d'Angleterre,  parKiquelle  ils  vouloient  obliger 
ce  Prélat,  fous  peine  de  laifie  de  fon  temporel ,  à  n'exécuter 
aucune  Sentence  contre  leurs  Sujets, qu'auparavant  quatre  Ec- 
cléliaftiqucs  choins  par  ces  deux  Princes ,  n'euflent  reconnu  la 
validité  de  la  Sentence. 
Bpij>.  id-       1^1.   Le  Pape  confultc  par  le  même  Archevêque  ,  fi  un 
Clerc  qui  a  droit  de  patronage  peur  un  Bénéfice, peut,  quand 
il  vient  à  vaquer,  fe  prétenter  lui-même  pour  le  pofTéder,  ré- 
pond qu'il  ne  le  peut,  quelque  capable  qu'il  foit  de  le  remplir, 
parce  qu'il  n'efl:  permis  à  perfonne  de  s'ingérer  dans  l'office 
de  laPrélature  Eccléliadique,  ni  de  fe  préfenccr  foi-même 
7p'fl-  -^5  »  P^'J^  ^^  Bénéfice.  Il  déclare  encore  à  cet  Archevêque  que  fin- 
^fî.<î-  terdit  prononcé  par  lui  fur  fon  Dioccfe  ,  doit  être  obfervéde 

tous  fes  Diocéfains ,  à  moins  qu'ils  ne  produifent  un  privilège 
fpécial  qui  les  en  exempte  ;  &  qu'il  peut  contraindre  ,  foit  les 
Clercs,  foit  les  Laïques  de  fon  Diocèfe  qu'il  aura  ou  interdits 
ou  excommuniés ,  de  iubir  ces  Sentences,  nonobflant  l'appel , 
E'-'P  267.  j'J^<-]>j'^  ^^^  entière  fatisfadion  de  leur  part.   Il  dit  dans  fa 
Lettre  à  l'Evéque  de  Maguelone  ,  que  les  Jugemens  du  Siège 
Apoflolique  peuvent  être  changes  &  révoqués  lorfqu'il  y  a 
eu  fubrcption.  L'Evêque  de  Véradin  avoir  commis  certaines 
fautes,  pour  lefquelles  fon  Métropolitain  l'excommunia:  il  les 
Ifiji.  26<}.    avoua  même  dans  un  Ecrit  fcellé  de  fon  fceau.  Le  Métropo- 
litiin  lova  l'excommunication,  mais  en  lui  ordonnant  d'aller 
à  Rome  dans  un  temps  limité ,  pour  recevoir  du  Pape  la  péni- 
tence. Innocent  III  lui  écrivit  de  venir  au  temps  marqué  par 
le  Métropolitain. 
Bpifl- 170.        LU.  Il  permit  au  Roi  de  Hongrie  de  retenir  un  Comte 
&  vingt  Croifés  dont  il  avoit  beioin  pour  entretenir  la  paix 
tff}.  273.    dans  fon  Royaume.  Le  Monaflere  de  Lerins ,  autrefois  fi  célè- 
bre par  l'obfervance  de  la  difcipline  &par  fes  grands  biens, 
étoit  réduit  à  un  état  fi  dépjorable  ,  que  l'on  n'y  pratiquoit 
plus  les  exercices  Monadiques ,  &  que  les  Frères  y  manquoienc 
des  chofes  néceflTairesà  la  vie.  Le  Pape,  de  qui  Lerins  dépen- 
doit  immédiatement ,  chargea  l'Archevêque  d'Arles  d'y  met- 
tre la  réforme,  &  au  cas  que  les  Moines  qui  y  étoicnt  enco- 
re ,  ne  voulurent  pas  la  recevoir  ,  ou  ne  pufl^ent  la  ioutenir  , 
ll!ji.z-!$.   d'y  en  mettre  de  l'Ordre  de  Cîrcaux.  Il  ordonna  à  l'Arche- 
vêque &  à  l'Archidiacre  de  Narbonne  de  déclarer  rul  tout  ce 
que  l'Abbé  de  faint  Sauveur  de  Lodcvc  avoit  fait  contre  fes 


PAPE,  Chap.  XXTX.  4ir 

IWoincs  &  d'autres  pcrlonncs ,  depuis  leur  nppcl  r.u  Saine 
Siège.  LcTréiorier  de  l'Eglilc  de  Bdançon  ne  rélidoic  pas,  E^iji. '.-/%. 
parce  cju  il  écoitcn  même  temps  A  pprcbcndé  dans  les  F.glilcs  de 
Trêves  &  de  Spire.  Le  Pape  nomma  les  Abbés  de  Cîtcaux& 
de  Toul  pour  procéder  contre  lui ,  &c  l'obliger  à  rcfider  à  Be- 
fançon ,  étant,  dic-il,  conforme  à  la  railon  &  à  l'équité  ,  que 
celui  qui  a  l'honneur  8c  le  profit  des  Dignités  Ecclélialiiqucs, 
enlupportela  charge,  puilqu'on  ne  les  a  inftituées  qu'afin 
que  ceux  qui  en  font  pourvus ,  fervent  le  Seigneur. 

LUI.  La  première  année  de  fon  Pontificat  le  Pape  confirma    T.pifi.  184. 
le  nouvel  Inftitut  des  Chanoines  de  l'Eglife  de  fainte  Ofytc, 
la  poiTclfion  de  tous  les  biens  qui  en  dépendoient ,  &  leur  ac- 
corda divers  privilèges.  Ils  fuivoient  la  règle  de  faint  Auguf- 
tin.  Un  Diacre  nommé  Pierre  fe  voyant  dépouillé  de  fon  Ca-   E^i?.  îpr. 
nonicat  &  de  fcs  revenus  par  violence,  en  devine  fou.  Pen- 
dant ce  temps-là  on  le  mit  dans  un  Monaftere ,  &  on  lui  don- 
na l'habit  Monaflique.  Revenu  à  Ion  bon  fens ,  il  protefta  con- 
tre tout  ce  qui  avoit  été  fait  contre  lui ,  &  appella  au  Pape  con- 
tre le  Détenteur  de  fon  Canonicat  &  de  fes  revenus.  Innocent 
III  ordonna  à  l'Evêque  &  à  l'Archidiacre  de  Chefler  d'exa- 
miner la  vérité  de  fes  plaintes ,  enfuite  de  le  rétablir  dans  fon 
Bénéfice  ,  &  de  lui  faire  reflituer  ce  qu'on  lui  avoit  enlevé. 
11  déclare  conformément  à  ce  qui  avoit  été  arrêté  par  fon  Lé-  Epifl.  z^t. 
gat  en  Lombardie,  que  les  Hérétiques  ne  peuvent  avoir  voix 
palTîve  ni  aclive  dans  les  élections  pour  les  Dignités  de  cette 
Province.  Il  admit  la   réfignation  volontaire  de  l'Abbé  de   W-  i°i' 
Telefe,&  permit  à  la  Communauté  de  ce  Monafleredechoi- 
fir  pour  Abbé  un  d'entr'eux,  s'il  y  en  avoit  de  capable  ;  finon 
d'un  autre  Monadere,  s'offrant  de  le  bénir  lui-même.  Il  or-  £/»7?.  307. 
donna  la  dcpolition  d'un  Abbé  qui  avoit  été  choifi  fans  qu'on 
fçût  qu'il  n'avoit  point  de  main  gauche,  ayant  lui-mêmeaf- 
fedé  de  cacher  ce  défaut  dans  fa  promotion.  La  raiion  du 
Pape  efl ,  qu'en  cet  état  il  ne  pouvoit  être  promu  aux  Ordres 
facrés.  Il  réferve  au  Saint  Siège  l'abfolution  de  ceux  qui  ont  E^ifi.  31  a, 
maltraité  des  Eccléfiaftiques  ,  &  qui  par  cette  violence  ont 
encouru  l'excommunication.  Le  motif  de  cette  réferve  eil  de 
punir  par  la  peine  ,  les  dépenfes  &  la  fatigue  du  voyage,  ceux 
que  le  relped  dû  aux  Clercs  n'empêche  pas  de  févir  contre 
eux. 

LIV.  La  Lettre  à  l'Abbé  &  aux  Moines  de  Bourgueil  con-  Epi/?.  311; 
tient  les  devoirs  d'un  Abbé.  Elle  ell  prefque   entièrement 

Fff  ij 


412  I  N  N  O  C  E  N  T    TÏT, 

tirée  de  la  rcglc  de  (aine  Bjnoit.  Le  Pape  y  dit  qu'en  cas  d'în»- 
fir mité, l'Abbé  pourra  manger  de  la  viande  dans  la  chambre 
des  Hôres,&  y  appclier  quelques  Moines ,  mais  ni  Clercs  m 

Ip'fl.  1:9.  Laïques.  Il  décide  dans  d'autres  Lettres,  qu'un  Archidiacte 
excommunié  pour  deux  cauics  ,  &  qui  n'avoit  obtenu  l'abfo- 
lution  du  Saint  Siège  que  lur  l'expcfé  d'une,  demeure  excom- 
munié jufqu'à  ce  qu'il  aura  fatisùit  pour  l'autre  à  fon  Eglife  ; 
qu'un  iils  né  d'une  femme  qui  paflbit  pour  concubine  ,  mais 
qui  en  etfet  croit  femme  légitime ,  doit  aufiTi  être  regarde  com- 

Sfip.  3Zî.  me  légitime;  qu'un  Diacre  dont  les  parensavoient  à  fon  infçu. 
tué  r  Abbé  qui  l'avoit  privé  de  fon  Bénéfice ,  pouvoit  exercer 

Ipifl.  515.    fes  fondions  de  Diacre  ,  &  être  même  promu  au  Sacerdoce  , 

Ipifi.  31;.    comme  étant  innocent  de  ce  meurtre  ;  qu'une  fille  qui  n'avoit 
pas  encore  fcpt  ans,  n'a  pu  vaiidemenc  contraftcr  mariage, 
ni  en  donnu;r  des  promeffcs;  qu'encore  que  le  mariage  ipiri>- 
tuel  d'un  Evêquc  avec  Ion  Fglife  ,  paroifle  aufli  indiffoluble 
que  le  mariage  charnel,  néanmoins  la  coutume  interprète  des- 
Loix  &  les  iainrs  Canons  autorifent  le  Saint  Siégea  accorder 

2fr/?.  516.  la  tranflation  des  Evêques  d'une  Eglife  à  une  autre,  à  raifon 
de  la  nécellité  &  de  l'utilité  de  l'une  &  de  l'autre  ;  comme 
auffi  de  recevoir  la  ceffion  d'un  Evêque,  ou  d'ordonner  fa 
dépofition. 

^'?-  331-        LV.  Le  Pape  Innocent  III  confirma  l'inffitut  de  l'Ordre 
de  Prémontré  félon  la  règle  de  iaint  Auguftin  ,  avec  tous  les; 
privilèges  qui  lui  avoient  été  accordés  uiques-li ,  &  ordonna 
que  PAbbé  de  Frémontré  feroit  regardé  comme  Père  de  cet 
Ordre  ;  que  tous,  tant  les  Abbés  que  les  Frères,  lui  rendroicnc 

^P'P-3Vv  obéifi"ance,  &  que  chaque  année  les  Abbés  s'aiTcmbleroient 
pour  tenir  un  Chapitre  général.  Conlulté  par  l'Archevêque 
d'Arles  fi  un  fourd  &  muet  pouvoir  contradcr  mariage,  il 
répondit  affirmativement,  difant  que  ce  lourd  &  muet  pou- 
voit donner  fon  confcntement  par  figne.  Il  fufpendit  l'Evê- 

^'?-  3îî-  que  d'Hildcsheim ,  parce  qu'il  étoit  palTé  à  l'Evêché  de  Wirtz- 
bourg  fans  la  permiffion  du  Saint  Siège.  Sa  Lettre  àrArche- 
vêque  de  Narbonne ,  à  fes  Suffragans ,  aux  Abbés  &  Seigneurs 
Laïques  de  fa  Métropole  ,  eil:  pour  les  autorifer  à  la  guerre 
contre  les  SarraHns  pour  le  recouvrement  de  la  Terre-Sainte, 

■^àf'^'A^^  '  Il  déclare  dans  fa  Lettre  à  l'Archevêque  de  Sens  que  fi  le 
Doyen  &  le  Chapitre  avoient  fixé  par  ferment  le  nombre  des 
Chanoines  dont  il  devoir  être  compoi'e,  avant  le  Mandat  qu'il 
avoir  accordé  à  un  Clerc  fur  cette  Egiilc,  le  Mandat  feroic 


PAPE,  Chap-  XXTX.  413 

LVT.  Pierre  de  SdintcMarie,  Cardinal  IDi.icre  ,  8^  Légat  ^l'P  h7^ 
Apoftolique  en  France,  fur  charge  de  deux  commiflions,  l'une  ■^''^* 
de  procurer  la  paix  entre  le  Rot  de  France  &  celui  d' Angle- 
terre, &  de  les  porter  à  donner  du  lecours  aux  Chrétiens  con- 
tre les  Sarrallns:  l'autre,  d'obliger  le  Roi  Philippe,  en  mettant 
un  interdit  lur  tout  Ion  Royaume,  à  renvoyer  Agnès  de  Mcra- 
nie  qu'il  avoir  épouléc  du  vivant  de  l'a  femme  légitime  ,  In- 
gcburge  de  Danncmarc,  &  de  reprendre  cette  Princeffe  au- 
près de  lui.  Le  Pape  en  écrivit  au  Roi  Philippe  ,  mais 
fans  fuccès.  L'interdit  dura  huit  mois,  &r  s'étendit  par  toute 
la  France  ;  &  le  Roi ,  au  lieu  de  rappellcr  la  Reine  Ingeburge , 
la  fit  enfermer  dans  le  Château  d'Etampes.  Il  chafTa  plufieurs 
Evêques  de  leurs  Sièges  (g) ,  des  Curés  de  leurs  Paroiiïes,  ban- 
nit du  Royaume  des  Chanoines  &  des  Clercs,  &  confirqiia 
leurs  biens  ,  pour  s'être  adrelTés  au  Saint  Siège  ,  &  avoir  grir- 
dé  l'interdit.  Touché  néanmoins  des  clameurs  de  fon  Peuple , 
il  envoya  une  dépuration  au  Pape,  &.promit  de  fe  foumcttre 
à  ju'^ice  devant  d'autres  Lf-gats.  Innocent  lîl  inlifla  lur  le 
renvoi  d'Agnès ,  &  le  retour  d'Ingcburge.  Les  Prélats  que  le 
Roi  confulta ,  lui  répondirent  qu'il  falloir  obéir.  L'Archevêque 
de  Rheims  fon  oncle  qui  avoit  d'abord  opiné  pour  la  cafTa- 
tion  du  mariage  d'Agnès,  changea  de  fentiment.Le  Roi  lur 
fit  des  reproches  de  la  Sentence  qu'il  avoit  prononcée  fur 
fon  mariage  avec  Ingeburge  ,  &  fe  fournir  enfin  au  Juge- 
ment du  Pape.  Innocent  III  envoya  un  autre  Légat ,  Oda- 
vien ,  Cardinal,  Evêque  d'Ortie ,  qui  par  fes  ordres  obligea  le 
Roi  à  faire  d'abord  fatisfaciion  aux  Eglifes  &  aux  Eccléliafti- 
ques  ,  &  enfuite  à  reprendre  Ingeburge,  avec  ferment  qu'il 
la  traiteroit  comme  Reine,  &  ne  la  quirtcroit  plus  fans  juge- 
ment de  l'Egîife.  Ceci  fe  palTa  le  fepticme  de  Septembre  1 200. 
Agnès  retirée  à  PoLffy  y  mourut  l'année  fuivante.  Le  Roi' 
effaya  une  leconde  fois  de  faire  déclarer  nul  fon  mariage  avec 
Ingeburge.  Il  fe  tint  là-defius  un  Concile  àSoiflbns.  Le  Roî; 
&  la  Reine  Ingeburge  s'y  trouvèrent  avec  quantité  de  Sei- 
gneurs &  d'Evêques  ,&  deux  Légats:  maisperfonne  ne  vou- 
lut plaider  la  caufe  de  cette  Princeffe ,  qu'un  pauvre  Clerc 
inconnu.  Néanmoins  le  Cardinal  Jean  de  Saint  Paul,  Collè- 
gue Légat  d'Odavien  ,  étoit  prêt  à  prononcer  qu'il  n'y  avoic 
point  de  caufe  de  féparation  ,  lorfquele  Roi  qui  en  fut  averti^, 


414  INNOCENT    HT, 

déclara  qu'il  prenoir  Ingcburge  pour  l'a  femme.  Il  l'emmena , 
&  la  renvoya  au  Château  d'Ecampcs  où  il  la  fie  enfermer. 

T^rf'  5^?-  LVir.  Les  Archiprêrre  ,  Archidiacre&  Chanoines  de  Mi- 
lan ,  doutant  que  la  Bulle  que  le  Pape  leur  avoic  adreflce 
pour  recevoir  un  Clerc  dans  leur  Chapitre, fût  authentique  , 
la  lui  renvoyèrent  fans  l'avoir  mile  à  exécution.  Innocent 
m  l'examina  lui-même,  &  reconnut  par  le  cordon  attaché  à 
cette  Bulle  qu'il  avoit  été  coupé ,  &  le  Iceau  arraché  d'une 
autre  Bulle  pour  être  attaché  à  la  faufTe  Bulle.  Il  ordonna 
que  celui  qu'on  loupçonnoic  de  cette  fraude,  fcroit  puni,  Se 
marqua  en  même  temps  les  diverfes  faulTetés  qu'il  avoit  dé- 
couvertes dans  les  Bulles  des  Papes.  La  première  cft ,  d'appo- 
fer  un  faux  iccl  aux  Lettres  du  Pape.  La  féconde  eft,  d'arra- 
cher le  fcel  d'une  Bulle  authentique,  &  de  l'attachera  une  faufle 
Bulle  en  y  paflant  un  autre  cordon.  La  troi()eme,de  couper 
un  des  côtés  du  cordon  de  la  Bulle,  &  de  l'attachera  une  au- 
tre Lettre  ,  en  rejoignant  le  cordon  avec  de  la  filaflc  de  mê- 
me couleur.  La  quatrième,  de  fendre  le  plomb  &  d'en  déta- 
cher  un  côté  du  cordon  ,  &  enfuite  le  rejoindre.  La  cinquiè- 
me, de  gratter  l'écriture  des  Lettres ,  &  d'y  faire  des  change- 
mens.La  lixieme  ,  de  porter  de  fauffes  Lettres  &  de  les  mêler 
adroitement  parmi  d'autres  authentiques ,  afin  qu'elles  foienc 
toutes  huilées  ou  fcelléec  enfcmble.  On  ne  peut  découvrir  cette 
dernière  fiuITeté  que  par  le  flyle  ,  ou  par  la  forme  de  l'écritu- 
re ,  ou  par  la  qualité  du  parchemin.  On  connoît  les  autres  par 
l'inlpedion  de  la  Bulle ,  quand  on  eft  bien  au  fait  de  la  ma- 
nière dont  elles  font  ordinairement  conçues  &  plombées. 

iriji.  j;^.  LVIII.  Innocent  III  écrivit  à  l'Empereur  de  Conftantinople 
pour  l'exhorter  à  recevoir  les  Croifés ,  à  le  joindre  à  eux  pour 
la  délivrance  de  la  Terre-Sainte  ,  &  à  travaillera  la  réunion 
des  deux  Eglifes ,  la  Grecque  &  la  Latine  ,  fous  l'obéifTance 
du  Siège  Apoftoiique  leur  mère  commune  ,  afin  qu'elles  n'euf- 

E/'/?-  5y4-  lent  plus  qu'un  feul  &  même  Partout.  Il  envoj'a  à  ce  Prince 
des  Légats  pour  traiter  avec  lui  les  affaires  qui  pouvoient  le 
regarder  ou  TEglife  Romaine.  Sa  Lettre  au  Patriarche  de 
Conftantinople  a  égaljmcnt  pour  objet  de  ramener  les  Grecs 
à  l'unité  de  i'Eglife  Romaine,  comme  étant  la  merc  déroutes 

ipiU.  555.  les  Et^li'ics.  Celle  qu'il  adrefla  au  Roi  de  France  ,  étoit  pour 
l'engagera  faire  fa  paix  avec  le  Roi  d'Angleterre,  &  de  com- 

E/>(/?.  5î8.  battre  de  concert  les  Sarrafins.  Le  Pape  écrivit  aux  Abbés 
de  Cùeaux  afiemblésau  Chapitre  général,  de  faire  peur  lui 


PAPE,  Chap.  XXTX.  415 

une  pricre  particulière,  outre  celle  qui  le  fait  dans  toute  FE- 
gllle  ;  tK:  de  trouver  bon  c]u'un  de  leurs  Confrères  à  qui  il  avoic 
donné  commifTion  de  prêcher  Li  parole  de  Dieu  aux  Peuples 
de  la  Sicile,  fût  difpenlé  d  adiftcr  à  leur  afTcml^léc. 

LIX.  Quoiqu'il  n'ajoutât  p.is  une  foi  entière  à  l'avis  qu'un  E^jyj.  ^^q. 
Prêtre  lui  avoir  donne,  enfuitc  d'une  vifion  ,  qu'il  y  avoit  dans 
Ion  Fglile  plulicurs  Autels  non  conficrés,  nommément  ceux 
de  fainr  Pliilippe,  faint  Jacques,  faint  Simon  ,  laint  Jude, 
f.iint  Grégoire  &  fainr  André,  il  ordonna  à  TEvêque  d'Ollie 
de  les  conlacrer  ,  ou  de  les  faire confacrcr  par  d'autres,  aux- 
quels pour  cet  effet  il  en  donnoit  le  pouvoir.  Il  décide  au  fu-  E^/y?,  562; 
jet  d'une  plainte  d'adultère  formée  par  une  femme  contre  fon 
mari ,  que  l'on  ne  pouvoir  prononcer  Sentence  contre  lui  fur 
les  informations  fciitcs  avant  le  Procès  intcnré ,  mais  feulement 
excommunier  le  mari  pour  n'avoir  pas  voulu  comparoître. 

LX.  Le  Pape  avoit  donné  la  Chancellerie  de  l'Rglife  de  £.'/?•  s^B, 
Milan  à  un  Soudiacre  qui  en  étoit  Chanoine  ,  &  adrcfié  le 
Mandat  à  l'Archevêque.  Le  Prélat  répondit  d'abord  qu'il  ne 
l'avoit  pas  donnée ,  ayant  befoin  des  revenus  de  cet  Otïlce  ;  il 
dit  enfuite  qu'il  l'avoit  donnée  il  y  avoir  plus  de  dix  mois. 
Cité  devant  le  Pape  ,  il  comparut  par  fon  Procureur  avec  des 
témoins  j  il  prouva  qu'à  la  mort  du  Chancelier  il  avoit  don- 
né fecrettement  dans  fa  chambre  la  Chancellerie  à  Henri  de 
Lampune  ,  à  la  follicitarion  de  fcs  parens,  qui  avoient  ccn- 
fenti  qu'il  en  tirâr  lui-môme  les  revenus  ;  qu'il  avoit  invcfli 
Henri  de  cet  Office  en  lui  donnant  le  Livre,  &  recevant  fon 
ferment  de  fidélité,  mais  qu'il  ne  lui  en  avoit  donné  les  pro- 
vifions  qu'après  avoir  reçu  le  Mandat  du  Pape.  Les  témoins 
affirmèrent  tous  ces  faits,  &  Henri  de  Lampune  ne  contcfla 
pas  le  fait,  mais  dit  qu'il  n'avoir  pas  été  inverti  folemnelle- 
ment.  Le  Pape  nomma  des  CommifTaires  fur  les  lieux ,  qui 
informés  de  la  vérité  des  faits  ,  interdirent  à  Henri  le  droit 
du  fceau.  Il  appella  au  Pape,  à  qui  il  demanda  avant  toutes 
chofes  d'être  rétabli  dans  fon  droit;  puis  il  foutint  qu'il  avoit 
eu  fcs  provifions  de  l'Archevêque  avant  l'arrivée  du  Al  mdir  ; 
qu'il  n'étoir  intervenu  aucune  limonie  dans  I1  conceffion  de 
la  Chancellerie  ,  puifque  ce  n'cfl  pas  un  Office  fpiriruel,  &  qu'il 
n'a  aucune  fontîion  fpiritucUe  annexée;  que  les  revenus  & 
les  fruits  en  avoient  été  cédés  par  fes  parens  à  l'Archevê.jUe 
avant  qu'il  eût' été  invefli  de  la  Chancellerie  ;  qu'au  lur,'!Lis 
il  n'avoit  eu  aucune  part  à  ce  paûe  ;  enfin  qu'il  étoit  capable 


4t5  innocent  îtt; 

de  cet  Office,  énnc  Chanoine  de  l'Eglife  de  Milan.  Le  Pape 
en  confcqucnce  de  ces  allégations  priva  l'Archevêque  de  la 
collation  de  la  première  Prébende  vacante  dans  fon  Eglife  , 
premièrement  pour  avoir  varié  dans  les  réponfcs  ;  feconde- 
fiicnc  pour  n'avoir  pas  pourvu  de  la  Chancellerie  une  perfon» 
ne  capable  ;  troifiemement,  pour  s'en  être  réfervé  pour  tou- 
jours les  revenus  avant  que  de  la  donner.  A  l'égard  de  Henri 
de  Lampune,  voyant  qu'il  n'étoit  intervenu  aucun  pafte  de 
fa  part ,  &  qu'il  n'étoit  pas  bien  prouvé  que  la  Chancellerie 
ait  des  fondions fpi rituelles, puifque  iuivant  l'ufage  le  Chan- 
celier de  l'Eglife  ne  faifoit  que  propofer  les  Ordinans ,  les 
examiner ,  mettre  en  poirefTion  les  Abbés  8c  Abbeflcs  ,  & 
qu'il  ne  faifoit  même  ces  fondions  que  par  un  ordre  fpécial 
de  l'Archevêque ,  étant  dévolues  de  droit  commun  à  l'Archi- 
diacre, il  leva  l'interdit  que  les  CommifTaires  avoient  pro- 
noncé contre  lui,  luiconferva  la  Chancellerie,  &  jugea  que  les 
deux  voyages  que  fon  appel  lui  avoir  occaficnnésà  Rome  , 
étoient  une  peine  fuffifante  pour  les  foutes  qu'il  Douvoit avoir 
commifes  dans  l'acquifition  de  fon  Office.  ' 

^pip.  iju  LXI.  Dans  la  Lettre  à  Hubert,  Archevêque  de  Cantor- 
hcri ,  il  confirme  la  déclaration  de  Richard  Roi  d'Angleterre, 
où  ce  Prince  dit  que  les  iubfides  à  lui  accordes  par  le  Clergé 
d'Angleterre  ne  pourront  porter  aucun  préjudice,  ni  alors 
ni  en  quelque  occallonque  cefoir,  aux  immunités,  aux  digni- 

ïpifl.  374.  tes  ni  aux  libertés  Eccléfiafliques.  Le  Pap^  rapporte  les  pro- 
pres termes  de  cette  Déclaration.  En  envoyant  à  rArchevêque 
d'Upfal  le  Pallium  ,  il  lui  marque  comment  il  devoit  en  ufcr, 
en  quels  jours  il  devoir  le  porter  ,  &  les  fentimens  d'humilité, 
de  miléricordc  ,  de  charité,  que  l'ornement  d'une  fi  grande 

Epp.  17$.  dignité  devoir  lui  inlpirer.  Il  accorde  à  un  homme  de  condi- 
tion qui  avoit  formé  le  deflcin  de  le  faire  Hofpiralier  de  Jé- 
rulalcm  ,  mais  fans  en  avoir  fait  vœu  ,  d'entrer  dans  l'Ordre 
de  faint  Benoît  dont  la  difcipline  étoit  plus  auftere.  Il  décla- 
^''  *  '  °'  re  nul  le  mariage  contradé  entre  un  homme  &  une  femme  , 
à  Cc'ufe  que  cette  femme  avoit  tenu  fur  les  fonts  de  Baptême 
un  fils  naturel  que  cet  homme  avoit  eu  d'une  autre  femme 
avant  fon  mariage. 

Cfift.  381.  LXIL  Confultépar  l'Archevêque  de  Nidrofie  j  ou  Dron- 
theim  ,  C\  un  Autel  iur  lequel  un  excommunié  avoit  célébré, 
devoir  être  confacré  de  nouveau  ',  fi  Ton  pouvoir  communi- 
quer avec  un  excommunié  qui  avoit  donné  caution  d'obéir 

au 


PAPE,  Chap.  XXIX.    ^  4T7 

au  cofnm.indcmenc  de  l'Eglifc  ,  mais  qui  n'avoir  pas  encore 
été  ablous  ;  quelle  peine  on  doit  impoler  à  ceux  qui  commu- 
niquent volont.iirement  avec  les  excommuniés  ,  &  à  ceux  qui 
y  communiquent  malgré  eux?  S'il  y  en  a  qui  peuvent  commu- 
niquer avec  des  excommuniés ,  ou  qui  y  font  même  obligés  ? 
Comment  l'on  doit  le  comporter  avec  les  Prêtres  qui  gouver- 
nent les  vailTeaux  pour  le  combat,  &  avec  ceux  qui  combat- 
tent &  excitent  les  autres  au  combat?  Le  Pape  répond  qu'il 
ne  faut  pas  confacrer  de  nouveau  un  Aurel  lur  lequel  un  ex- 
communié a  célébré;  qu'on  ne  doit  point  communiquer  avec 
un  excommunié  avant  fon  abfolution ,  quoiqu'il  ait  donné 
caution  d'obéir  ;  que  les  perfonnes  qui  peuvent  ou  doivent 
communiquer  avec  les  excommuniés,  l'ont  dénommées  dans  le 
Chapitre  qiton'iam  mnltos  \  que  ceux  qui  communiquent  avec 
des  excommuniés  nomrnément,  s'ils  ne  cefTent  de  communi- 
quer avec  eux,  étant  avertis,  doivent  être  excommuniés  ;  qu'on 
encourt  la  peine  d'excommunication  en  communiquant  avec 
une  pcrfonne  qui  a  été  excommuniée  avec  fes  complices  ;  que 
les  Prêtres  dont  il  efl  parlé  ci-delTus,  pèchent  énormément,  & 
doivent  fuivant  la  rigueur  du  Droit  être  dépolés.  Le  Pape 
décide  d'autres  cas  non  propofés  par  l'Evêque,  fçavoir  que 
ceux  qui  réfignent  leurs  Bénéfices  à  des  Laïques  ,  de  même 
que  ceux  qui  en  reçoivent  de  leurs  mains  ,  doivent  en  être 
prives;  qu'une  table  d'Autel  conlacrée  par  le  miniftere  Pon- 
tifical ,  perd  la  confécration  ,  fi  on  la  change  de  place ,  ou  fi 
elle  a  reçu  une  fradure  confidérable  ;  qu'il  eft  permis  de  mê- 
ler de  Thuile  non  conlacrée  avec  celle  qui  efl:  confacrce  ;  que 
l'on  doit  dépofcr  de  leur  ordre  les  Clercs  excommuniés  ,  & 
ceux  qui  ont  été  ordonnés  par  un  excommunié  connu  d'eux 
pour  excommunié. 

LXIII.  Les  trois  Lettres  fuivantes regardent  les  vexations   F;»]?.  ;8i  c? 
que  l'on  faifoit  fouffrir  à  l'Eglife  de  Nidrofie  &  à  celles  de-^'î- 
Norvège  ;  le  Pape  s'y  inrérefie  pour  leur  procurer  du  fe- 
cours,  &  fufpend  l'Evêque  de  Bergens  qui'favorifoit  ces  no- 
vations.  Il  ordonne  à  TEvêque  de  Vérone  de  priver  de  fon    £^//?.  jSj. 
Bénéfice  ,  &  de  dénoncer  excommunié  ,  un  Clerc  qui  avoit  tué 
de  fes  propres  mains  un  Arcliiprêtre  ,  m.ais  que  les  parens 
avoicnt  trouvé  le  moyen  de  délivrer  de  la  mort,  en  p.iyant 
une  fomme  d'arsient  à  ceux  du  défunt.  Les  Eçrliies  de  Hon- 
grie  jouiffoient  autrefois  d'une  fi  grande  liberté  &  d'une  telle 
immunité,  qu'un  voleur  qui  s'y  retiroir,  pouvoit  y  être  en  lùre-     • 

i orne  XXI IL  Ggg 


4i8  T  N  N  O  C  E  N  T    T  T  T» 

té.  Dair:  la  fuite  des  temps  ,  il  n'ctoit  pas  même  fur  cTy  fau- 
r.v/i.  388,  ver  1  s  chofes  lacrccs  &  les  pcrlonnes  innocentes.  Le  Pape 
'  sVn  pla'gnit  a  l'Ar  hevêque  de  Srrigonic ,  avec  ordre  de  ré- 

tablir les  chofes  comme  elles  ctcicrt  aup uavant.   Il  déclare 
que  fappel  interjette  par  celui  qui  a  promis  par  ferment  de 
défendre  l'Eglife  ,  n'empêche  pas  qu'on  ne  procède  contre 
lui ,  comme  parjure. 
Tp;/}.  ?9o,      LXIV.  Le  Pape  décide  qu'une  caufe  donc  le  jugement  efl 
5^'  >  39i.      commis  à  trois  Juges ,  ne  peut  être  définie  par  deux ,  lorfque- 
la  commiflîon  porte  qu'ils  doivent   juger  conjointement.  Il 
permet  au  Cardinal  Foulques  qui  alloit  prêcher  en  Orient, 
lurtout  pour  le  fecours  de  h  Province  de  Jérufalem  ,  de  fe 
faire  aider  des  Moines  noirs  &  blancs ,  c'eft-à-dirc  des  Béné 
diclins  &  des  Chanoines  réguliers  qu'il  jugera  être  propres 
î^^'       au  miniftere  de  la   Prédication.  Il  ordonne  aux  Prélats  de 
France  de  faire  punir  les  ufuriers   publics  ,  nonobftant  leur 
appel.  Le  Doyen  de  l'Eglife  de  Troyes  lui  a  voit  demandé  de 
changer  une  Eglife  Collégiale  qui  dcpendoit  de  lui  ,  en  un; 
Monaflere  de  Chanoines  Réguliers.  Comme  cette  Fglife  croie 
4CO,       dans  le  Diocèfe  de  Siponto,  Innocent  III  donna  pouvoir  à 
l'Archevêque  de  faire  ce  ch.ngtment,  à  deux  conditions;  la 
première,  que   les   Prêtres  Séculiers  qui  deficrvcicnt   cette 
Eglife  ,  y  confcntiroient  *,  h  féconde,  que  les  revenus  feroienc 
fuffil^ms  pour  l'entretien  du  Monaflere. 
l£jfi,  4ra..        LXV.  II  confentit  à  rcconnoître  pour  R  oi  de  Sicile  le  jeune 
FrideriCjHls  de  l'Impératrice  Confiance  ,  à  cond.ticn  d'en 
rendre  foi  &  hommage-lige  au  Saint  Siège,  &  de  lui  payer 
une  redevance  annuelle  d'une  certaine  quantité  de  lequins,, 
&  de  maint  nir  dans  ce  Royaume  la  liberté  des  élections  Ca- 
4ir.       noniques.  Il  prefcrit  lui-même  la  forme  de  ces  éledtions    en 
4ii..      cette  manière  :  lorlque  le  Siège  Epifcopal  fera  vacant^  le  Cha- 
pitre en  donnera  avis  au  Roi  ;  puis  il  procédera  à  léledion 
d'Lin  nouvel  Evêque  ,  &  demandera  au  Roi  ion  confentement 
pour  l'élu,  qui  ne  fera  intronifé  qu'aprbs  que  le  Prince  aura 
conienri  à  ion  éledion ,  &  ne  fera  aucune  fon£lion  épifcopa— 
le  ,  qu'après  qu'elle  aura  été  confirmée  par  le  Papr* 
ï-')?.  415,      LVI.    Un  Clerc  de  l'Eglife  de  Naples  avoir  obtenu ,  par 
^^*  le  crédit  de  fon  père,  des  Bénéfices  dans  plus  de  vingt  Egli— 

fcs  de   la  Ville,  &  un  trcs-confidérable  dans  la  Cathédrale.. 
Le  Pape  en  ayant  été  informé  ordonna  à  l'Archevêque  de  le 
dépouiller  de  ces  Bénéfices  ,  en  ne  lui  lailîant  des  revenus  Ec» 
■     elélialliques  qu'autant  qu'en  pofledoit  le  plus  riche  des  Clercj^ 


PAPE,  Chap.  XXîX.  479 

Je  cette  Eglifc  ;  &  donner  les  autres  à  des  perfonncs  CT^a- 
bles  de  faire  TOilke  Divi.i.  Il  défi.'ndir  aux  Abhés,  aux  AbbcUls        4,^. 
&  aucresPrclars  des  Egliles  dépendances  de  la  Métropole  de  Na- 
ples,  de  vendre,  de  donner,  de  louer,  &  d'hypothéquer  les  biens 
de  leur  dépendance  ,  fans  1 1  permillion  de  l'A  rchevêvjue ,  fous 
peine  de  nullité  ;  fi  ce  n'eft  que  cela  fût  nécelTaire  pour  libérer 
<]uelque  Eglife  de  les  dettes.  Il  confirma  la  primatic  de  l'Ar-         ^,7^ 
chevêque  de  Lundon  fur  toutes  les  Eglifes  de  Suéde  ;  or. ton- 
na aux  Evêques  d'Ullande,  ou  à  leurs  Vice-gérents,  de  réfor-         41"» 
mer  l'abus  de  ne  payer  qu'une  pièce  d'argent  pour   tous  les         410. 
crimes  que  l'on  auroit  confefles  publiquement  ;  confirma  l'u- 
fageoù  l'on  étoit  en  Dannemarck  de  donner  du  bien  aux  Egli- 
fes en  prenant  un  peu  de  terre,  &  la  mettant  fur  T Autel  en 
prcfeni.e  de  témoins  ;  nomma  pour  Commiflaires  les  Evêques 
de  Paris  &  d'Arras  pour  examiner  s'il  ctoit  vrai  que  le  nou- 
vel élu  par  le  Chapitre  de  Cambrai,  eût  époufé  un-"  veuve  & 
en  eût  eu  un  fils  ;  &  fi  ce  fils  lui  avoit  luccedé  immédiatement         41s  (^ 
dans  la  Prévôté  de  faint  Pierre  de  Douai ,  voulant  que  dans       ■^"^' 
le  cas  l'éleclion  fût  nulle. 

LXVII.  11  prit  fous  la  prote£lion  du  Saint  Siège  Aymcric    Epiji.^i-;. 
Roi  de  Jérufalem  ,  &  fon  Royaume.  Ce  Prince  étoit  frère  de 
Gui  de  Lufignan.  Il  fut  couronné  en  1 197  ,  &  mourut  à  Pto- 
lémaïde,  l'an  1205.  La  guerre  fainte  durant  toujours,  le  Pape 
ordonna  pour  fubvenir  aux  frais ,  que  ceux  qui  feroient  dif- 
penfés  du  vœu  qu'ils  auroient  fait  d'aller  à  Jérufalem  en  per-         4s,, 
fonne ,  payeroient  une  femme  d'argent.  Sur  les  remontrances 
de  i'Evéque  d'Acre  il  défendit  d'augmenter  le  nombre  des         440. 
Chanoines  de  cette  Eglife,  at:";ndu  que  fes  revenus  attuelsne 
pouvoient  en  foutenir  un  plus  grand.  L'Archevêque  de  Lun-         ^^^^ 
den  avoit  fait  tous  fes  efforts  pour  maintenir  l'oblervation  du 
décret  du  Concile  de  Latran  qui  porte  défenfes  de  promou- 
voir aux  Ordres  facrés,  &  d'élever  aux  Dignités  Etcléfiafli- 
ques  ,  les  enfans  illégitimes  :  il  avoit  même  lufpendu  de  leurs 
fonctions  deux  Evêques  qui  avoient  contrevenu  à  ce  décret , 
en  conficrant  Evêques  deux  enfans  illégitimes. 

LXVIII.  Innocent  IlIautoriferEvêquedePcrigucux à vifi-   ^/{/f.  445". 
ter  une  Eglife  &  un  Moraftere  pour  y  rétablir  le  bon  ordre,  '^■*^* 
avec  l'avis  de  la  plus  granle  partie  du  Chapitre  ;  à  contrain- 
dre aufTi  les  Moines  &  les  Chanoines  Réguliers  qui  demeu- 
roit-nt  fculs,  dans  une  Celle  ou  dépendance  de  leur  Monai- 
tere  j  d'y  retourner  pour  y  vivre  en  communauté ,  ou  de  prcn- 


420  I  N  N  O  C  E  N  T    I  T  I , 

dre  avec  eux  dans    ces  Celles  trois  ,  ou  au   moins  deux  de 
leurs  Conficrcs,  fuivant  le  décret  du  Concile  de  Latran.  Sur 
les  plaintes  de  rArchevéque  de  Lunden  que  l'on  employoic 
quelquefois  des  Clercs  ou  des  Laïques  fcandaleux  pour  re- 
l[jft.  ^s->.    cueillir  les  aumônes  deflinces  à  la  guerre  de  la  Terre- Sainte, 
le  Pape  lui  ordonna  d'employer  les  Cenfurcs  Ecclcfiaftiques 
contre  tous  ceux  qui  à  l'avenir  abuferoient  de  la  commifTion 
donnée  à  cet  effet  par  les  Frcres  de  l'Hôpital  defaint  Jean  , 
ioit  en  mettant  d'eux-mêmes  la  croix  fur  leurs  habits ,  foiten 
ufant  des  aumônes   pour  contenter  leurs  pafTions. 
!;('.  4;?.      LXIX.  Il  décide  dans  la  Lettre  à  l'Archevêque  de  Pife 
qu'encore  qu'il  foit  défendu  d'admettre  à  U  Profciïion  Monaf- 
tique  avant  l'année  de  probation  ,  néanmoins  elle  cft  valide 
dans  celui  qui  du  confentcmenc  de  l'Abbé  l'a  faite  avant  ce 
temps.  La  raifon  que  le  Pape  en  donne,  cft  que  l'année  de 
probation  ayant  été  ordonnée,  tant  pour l'uciliié  du  Novice,' 
que  du  Monaftere  ,  ils  peuvent  l'un  &  l'autre  renoncer  à  cec 
avantage  ;  &  qu'alors  l'engagement  mutuel  devient  ferme  & 
fiable  ,  luivant  cette  maxime  :  (h)  U  y  a  plufieurs  ch'  fes  que 
l'on  défend  défaire,  mais  qui  étant  faites,  doivent  ccre  ob- 
fervées.  Le  Pape  défend  toutefois  aux  Abbés  de  recevoir  à 
ProfcHion  avant  l'année  de  probation  ,&  ordonne  de  les  pu- 
nir, nu  cas  qu'ils  contreviennent  à  cette  dcfcnfe.  Il  décide  aufîi- 
qu'c  n   ne  doit  point  recevoir  la  profelfion  d'une  perfonne 
mariée  ,  à  moins  que  celle  qui  lui  efl:  unie  par  le  mariage,  ne 
faffe  vœu  de  continence  perpétuelle,  ou  qu'elle  ne  foit  d'un 
âge  qui    ôte  en  elle  tout  foupçon  d'incontinence, 
j/)/^.  4«o.       LXX.  Les  Papes  Prédeceffeurs  d'Innocent  I!I  voulant  em- 
pêcher les  abus  qui  provenoient  de  la  vacance  des  Bénéfices , 
&  obliger  les  Collateurs  à  les  remplir,  avoientfixc  un  temps 
au-delà  duquel  la  collation  en  étoit  dévolue  au  Supérieur,  & 
le  Concile  de  Latran  avoit  ordonné  la  même  chofe.  En  con- 
féquence  le  Pape  accorde  à  Philippe ,  Evêque  de  Dunelmc ,  de 
pourvoir  aux  Bénéfices  de  Ion  Diocèfe  qui  n'auroienr  pas  été 
remplis  dans  le  temps   prefcrit  ;  mais  il   veut  qu'avant  d'y 
nommer  ,  il  avertiflfe  le  Collateur  ordinaire,  &  qu'après  cette 
monition  celui-ci  ne  puiflTe  fe  pourvoir  par  voie  d'appel.  Dans 
une  autre  Lettre  il  déclare  que  les  Laïques  ne  doivent ,  fous 


(  Zi  )  I\Ii!hn  fieri  proliibcntur  ,  qux  fil  cent  III ,  Epift.^^f, 
i^xCu  fuetint  obtinent  firmicatem,    Inno-l 


PAPK,  Chap.  XXTX.  421 

Quelque  prétexte  que  ce  Ibit ,  exiger  des  dixmes  des  Ecclcli:!!-    r.^ij}.  ^a. 
tiques,  tous  peine  d'interdit  envers  les  Laïques  qui  uferont  de 
violence  pour  s'en  emparer.  Il  permet  n  l'Arclievcque  d'Ar- 
les de  procéder  ^vir  la  voie  des  cenlurcs  contre  l'Abbé  de  S. 
Gcrvais  de  Foy  ,   qui  admettoit  aux  Ollices  Divins  Se  don-   £;//?.  454. 
noit  la  icpulture  à  ceux  que  ce  Prélat  avoir  interdits  ;  &  à  l'E- 
vêque  de  Chonard  en  Hongrie  d'abloudre  des  cas  rélcrvcs  au 
Saint  Siège  ,  les  malades  ou  les  vieillards  de  fon  Diocèfe , 
à  condition  qu,e  quand  ces  malades  auront  recouvré  la  lanté  , 
ils  viendront  à  Rome;&  que  les  vieillards    rachèteront  ce     £/-;y?.  4^7. 
voyage  par  cpclque  compcnfation.  Cet   Induit  n'étoit  que 
pour  trois  ans.  Il  ordonne  à   ce  même  Evêque  d'obliger  les     Ep'f-  4(^5. 
Diacr<;s  &  Soudiacres  mariés  de  quitter  leurs  femmes  ;  &  en 
cas  de  rciiftaricc  ,  de  les  priver  des  revenus  Eccléfiaftiques. 

LXXI.  Au  mois  de  Décembre  de  l'an  1 15)8  ,  le  Pape  In-  ipili.  43ii 
nocent  III  confirma  la  règle  de  l'Ordre  de  la  Trinité  pour  la 
Rédemption  des  Captifs,  par  une  Lettre  adreffécci  Jean  de 
Matha  qui  en  fut  le  premier  Miniflre  ,  gu  Général ,  &  à  tous 
les  Frères  de  l'Ordre.  Cette  Lettre  ou  Bulle  renferme  la  Rè- 
gle qu'ils  dévoient  fuivre.  Jean  l'avoir  compofée  avec  l'Evê- 
quc  de  Paris  &  l'Abbé  de  faint  Vi^Ior.  Elle  porte  que  les 
Frères  vivront  fous  l'obéifTance  du  Miniftre  ou  Supérieur  de 
la  Maifon  ;  qu'ils  garderont  lachafteté,  &  n'auront  rien  en 
propre  ;  que  tous  leurs  biens ,  de  quelque  côté  qu'ils  leur  vien- 
nent, feront  divilés  en  trois  parcs ,  Tune  pour  leur  entretien  ; 
l'autre  pour  leurs  domcftiques  &  pour  les  pauvres;  la  troifié- 
me  pour  la  rédemption  des  Captifs  ;  que  toutes  leurs  Eglifes 
feront  dédiées  à  la  Sainte  Trinité  ,  &  bâties  fimplcment  ; 
qu'en  chaque  Maiion  ils  ne  feront  que  trois  Clercs  &  crois 
Laïques  ,  outre  le  Supérieur  ,  nommé  Minière  ;  que  celui-ci 
fera  Prêtre ,  &  le  ConfefTeur  de  la  Communauté  ;  qu'au-defais 
des  Miniftres  particuliers  il  y  en  aura  un  nommé  Grand  Mi- 
nière, ou  Général  ;  qu'ils  feront  vêtus  de  blanc  &  porteront 
fur  leurs  Chapes  une  marque  pour  les  diftinguer  des  autres 
Ordres  Religieux  ;  qu'ils  ne  mangeront  de  chair  &  de  poif- 
fon  que  ce  cju'on  leur  en  donnera  ,  ou  qu'ils  prendront  chez 
eux  fans  l'acheter,  fi  ce  n'cfl  en  voyage.  Leurs  jeûnes  écoienc 
fréquens.  La  Régie  en  marque  les  jours  8c  le  temps  ;  outre 
ceux  qui  font  prefcrits-  par  l'Eglife ,  ils  en  obfervoient  trois 
fois  la  femaine,  le  Mercredi,  le  Vendredi  &  le  Samedi ,  de- 
puis le  14  de  Septembre  .juiqu'à  Pàque.  Pendant  l'Avent  & 


422    ^  INNNOCENT    ITI, 

le  Carême ,  qu'ils  commençolenc  à  la  QuinquagcHme ,  ils  ne 
mangeoicnt  que  ce  qu'on  a  courume  de  manger  en  Carême. 
Ils  tcnoienc  en  chaque  Maifon  un  Chapitre  particulier  tous  les 
Dimanches,  &  le  Chapitre  génêr.il  le  tcnmt  tous  les  ans.  Cet 
Ordre  fit  tant  de  progrès,  que  quarante  ans  après  Ion  infticu- 
tion  on  y  comptoir  déjà  Hx  cens  Mailons  (?)  ;  tant  en  France 
qu'en  Lombardie  ,  en  Eipagne  &  ailleurs  :  celle  de  Cerfrot 
en  fut  le  chef.  Elle  fut  donnée  .iux  Triniraircs  par  Marguerite 
Comtefle  de  Bourgogne.  Ils  font  quelquefois  nommés  Ala^ 
tkurins ,  à  càufe  d'une  ancienne  Eglile  dédiée  à  laint  Mathu- 
rin ,  que  le  Chapitre  de  Paris  leur  donna  en  cette  Ville.  La 
Régie  leur  défend  de  recevoir  un  Novire  avant  1  âge  de  vingt 
ans  complets ,  &  de  l'admettre  à  Profcflion  qu'après  une  an- 
née de  p'-ohation. 
ipji.  477.  LXXJ I.  Peur  arrêter  le  fcandale  que  la  Hmonie  caufoit  dans 
le  Diocèfe  de  Conventri ,  Innocent  lil  ordonna  à  celui  qui 
cnétoit  Evèque,  de  priver  de  leurs  Bénéfices  ceux  qui  feroient 
convaincus  canoniquement  d'y  être  entrés  p,ir  (îmonie  ;  & 
d'obliger  Ic^  autres ,  qu'on  n'en  pouvoir  convaincre ,  mais  qui 
en  étoient  accuiés  par  le  bruit  public  ,  de  s'en  purger  félon 

E]>;ji.^co.    l;_.s  règles  de  l'Eglile.  Il  écrivit  au  Roi  de  Hongrie  de  con- 
traindre les  Sciaves  à  payer  les  dixmes  à   l'Archevêque  de 
•  foi.       Colocz;  défendit  à  l'Abbé  &  aux  Religieux  de  laint  Pierre 
de  Chartres  de  promettre  des   Bénéfices  avant  qu'ils  fufi'enc 
vacans  ;  fufpendit  de  fes  fondions  l'Evêque  de  Langres,  juf- 
f04.       qu'à  ce  qu'il  eût  reftitué  à  Ion  Eglife    les  biens  meubles  Se 
immeubles  qu'il  lui  avoir  enlevés ,  &  qu'il  en  eut  rendu  compte 
à  Ton  Chapitre  ;  &  ordonna  au   Patriarche  d'Antioche  de 
févir  par  les  cenfurcs  Eccléfiaftiqucs  contre  les  Laïques  qui 
?'-•       cxigeroient  desEgliles ,  des  Clercs,  &  des  hommes  à  leur  fcr- 
vicc  ,  la  taille,  dent  félon  l'ancienne  coutume  il  doivent  être 
exempts. 

^pP'  n5«  LXXIII.  Le  Pape  déclare  que  quand  des  témoins  ne  fontaf- 
fignés  cjue  pour  dépofer  fur  les  exceptions  d'un  procès  ,  ils 
ne  peuvent  être  entendus ,  ni  obligés  de  dépofer  fur  le  prin- 
cipal ,  n  ce  n'efl  que  les  deux  Parties  le  demandent  ;  que  le 
514.  mariage  contradi  entre  les  Infidèles  qui  font  parens,  ne  doit 
pas  être  dilTous  après  qu'ils  auront  leçu  le  Baptême;  que  les 
Patriarches  &  les  Primats  n'ayant  d'autres  privilèges    au- 


(j^  Albethui  trium  faatium  ,  ad  an,    119%, 


PAPE,  Chap.  XXIX.  425 

«îeiïus  âa  Evoques,  que  ce  que  les  Canons  leur  en  donncnr ,        yiy, 
ils  ne  peuvent  s'actriLxier  en  première  inftnnce  le  jugement 
des  Clercs  qui  confentent  à  être  jugés  par  leur  Evêquc  ;  que        J"?. 
ceux  qui  quictenr  une  Ville  pour  aller  fixer  leur  domicile  en 
une  autre ,  ne  doivent  point  payer  les  dixmes  à  TEvêque  de 
la  Ville  qu'ils  ont  quittée  ,  mais  à  celui  du  lieu  où  ils  vien- 
nent demeurer  ;  que  l'on  doit  contraindre  celui  qui  s'efl  en-        517» 
gagé  par  voeu  dans  un  Ordre,  à  demeurer  dans  le  Monaile- 
re  où  il  a  fait  profefTion ,  &  en  reprendre  l'habit ,  s'il  l'a  quit- 
té. 11  accorde  à  l'Abbé  de  Corbiedont  le  Monaftere  ctoitim-        v9i 
mcdiatement  fournis  au  Saint  Siège,  de  porter  l'anneau.  Il  or- 
donne que  dans  le  cas  de  conteftation   entre  les  Patrons 
d'une  Eglife ,  fur  le  droit  de  préfentation  ,  fi  elle  n'ell  pas        fin 
terminée  dans  les  quatre  mois  de  vacance ,  l'Evcque  Diocéfain 
y  mettra  un  Vicaire»  il  annulle  l'éledion  d'un  Laïque  pour        S^ii 
l'Abbaye  de  Luxeu  ;  défend  aux  Moines  de  lui  obéir,  &  calfe 
tout  ce  qu'il   auroit  pu  faire  dans  le  gouvernement  du   Mo- 
naflcre,  puifqu'il  n'éroit  pas  Moine  avant  fon  éledion.  C'cft: 
dans  cette  Lettre  que  le  Pape  Innocent  III  déclare  qu'on  ne 
doir  point  (/)  faire  Moine  celui  qui  ne  demande  de  l'être, 
que  fur  l'cfpérance  qu'il  a,  ou  fur  la  promeffe  qu'on  lui  a  faite  y 
d'être  Abbé.  Il  décide  que  celui  qui  étant   malade  fait   vœu 
entre  les  mains  d'un  Prêtre  de  le  faire  Moine ,  doit  y  être 
contraint ,  quoiqu'il  n'en  ait  pas  pris   l'habit ,  parce  que  ce 
n'eft  pas  l'iiabit  qui  fait  le  Moine  j^  mais  la_  profeffion    régu- 
lière ► 

LXXIV.  Innocent  III  canoni fa  un  Laïque  nommé  Homo-  e0.  jj-er. 
bon  ,  célèbre  à  Crémone  par  la  fainceté  de/a  vie,  &  par  fes 
miracles  ,  &  en  adreffa  l'ade  à  l'Evcque  ,  au  Clergé  &  au  Peu- 
ple de  cette  Ville.  Dans  fa  Lettre  à  l'Evêque  de  Confiance  il 
décide  que  celui  qui  a  pris  le  terme  de  vingt  jours  pour  exé-  5-43^ 
cuter  une  Sentence  ou  pour  en  appellcr  ,  n'eft  pas  reçu  à  l'ap- 
pel ,  pafTcce  terme  f  parce  qu'encore  qu'il  foit  ordinaire  d'ac- 
corder un  plus  long  délai  pour  les  appellations ,  cet  homme 
s'eft  refireint  volontairement  à  celui'  de  vingt  jours.  Il  donne 
dans  la  Lettre  aux  Evêques:-  de  Portugal  la  difiinélion  entre 
Tinterdit  général ,  &  îe  particulier.  Ce  qui  occafionna  cette 
explication ,  fut  que  certaines  Eglifes  qui  avoientdes  prîvilé- 


5Î4» 


("/)  Nullus,   Tpem  vel  promifïîonein  j'r««of.  Epijl'.  ^zy,- 

•     i.  ii 


liabens  ut  Abbas  fiât ,   débet  monadiari. 


424  I  N  N  O  C  E  N  T    T  I  T  , 

ges  du  Saint  Siège  ,  prcrcndoienr  que  dans  un  interdît  pnrtî- 
culier  elles  pouvoienc  célébrer  hjutemenc  TOffice  Divin  & 
fonncr  les  cloches  ;  au  lieu  que  dans  un  interdit  général  elles 
ne  le  célébroient  qu'à  huit  clos  &  fans  fonner  les  cloches.  Mais 
il  reflûit  à  fçavoir  quand  l'interdit  étoit  général ,  ou  quand  il 
n'étoit  que  particulier  ,  &  ce  douce  formoit  diverfcs  contefta- 
tions ,  qui  tournoient  au  détriment  de  la  Juftice  ,  &  au  mépris 
des  Sentences  rendues  par  les  Evêques.  Le  Pape  déclare  donc 
qu'un  interdit  eft  général ,  quand  il  efl:  porté  non-feulement 
lur  un  Royaume ,  ou  une  Province ,  mais  aufli  fur  une  Ville, 
eu  un  Château. 
Ipijl.  570.  LXX  V.  Par  la  Lettre  au  Maître  &  aux  Frères  de  l'Hôpi- 
tal ,  il  confirme  les  réglemens  de  l'Ordre  Teutonique ,  com- 
po!é  de  Clercs  Se  de  Militaires  à  l'exemple  des  Templiers,  & 
deftinés,  à  l'imitation  des  Hofpitaliers,  au  ioulagement  des 
Pauvres  &  des  Malades.  Voilà  ce  qui  nous  a  paru  de  plus  remar- 
quable dans  les  Lettres  d'Innocent  III  rapportées  au  premier  Li- 
vre du  Régiilre.  La  dernière  eft  du  17  Février  1 15;^.  Celles 
que  M.  Balufe  y  a  ajoutées  ,  font  des  atles  de  ferment  prêté 
au  Pape  par  le  Préfet  de  Rome  &:  le  Comte  Ildebrandin;  la 
confirmation  d'un  Traité  entre  l'Ealife  de  Pcnna  &  le  Mo- 
nailere  de  faint  Vit  de  Fourche  ;  deux  Lettres ,  l'une  du  Pape 
au  Roi  d'Angleterre  ;  l'autre,  des  Suffragans  de  l'Eglife  de 
Cantorberi  au  Pape,  au  fujet  de  la  Chapelle  que  l'Archevê- 
que vouloit  bâiir,  &  dont  il  a  déjaété  parlé  plufieurs  fois  ; 
6z  une  troifiéme  des  Mnincs  de  Canrorbcri  au  Pape  ,  donc 
ils  re:L:ment  la  protedion  dans  les  vexations  qu'on  leur  fal- 
loir fouftrir,  comme  par  ordre  du  Roi. 

V\-re  fécond      I.  Les  Lcttres  du  fécond  Livre  commencent  par  une  dé- 
•dfsLett  esdu  £-^j^fç  générale  à  toutes    perlonnes  de  recevoir,  de  défcn- 
cent^  I  Tl  ,    dre  ,   eu  de  favorifcr  en  aucune  manière  les  Hérétiques  , 
pag-  35J-      fous  peine  d'être  notées  d'infamie,  privées  de  voix  a£live  & 
^/'^'  '*     paOi  ve  dans  les  éledions,  déchues  du  droit  de  fuccéder,&  dé- 
clarées inhabiles  à  tcutcs  fortes  de  fcn6ïions.  Il  y  cfl  dit  que 
ceux  qui  communiquent  avec  les  Hérétiques  ,  encourent  la 
peine  d'anathèm.e,  &  que  l'on  doit  confifquerles  biens  de  ces 
Hérétiques.  On  y  décide  cnfuite  que  le  mariage  d'une  fille  , 
déclaré  nul  d'abord  pour  avoir  été  contradé  avant  l'âge  nu- 
bile ,  peut  être  réhabilité  par  fon  confentement ,  lorfqu'elle  efl 
Fj.if>.  r,     parvenue  à  cet  âge  5  qu'un  Chanoine  régulier  ne  peut  paiïcr 

de 


PAPE,  Chap.  XXIX.  42^ 

de  fon  Monaflcrc  A  un  autre  fans  le  conlenrcmcnt  de  Ion     Epip.u, 
Abbé;  que  rappcllation  d'un  criminel  notoire  ne  doit  point 
empêcher  l'exécution  du  jugement  de  TOrdinaire  ,  parce  que 
la  voix  de  l'appel  n'a  point  été  établie  pour  donner  moyen     Epij},  ,5. 
aux  coupables  d'éviter  la  peine  ,  mais  pour  fccourir  ceux  qui 
lont  injullemcnt  opprimés  ;  que  les  incendiaires  excommuniés 
ne  peuvent  être  ablous  que  par  le  Saint  Siège  ;  &  que  s'ils  ne 
iont  pas  en  état  de  faire  le  voyage  de  Rome  ,  ils  doivent  du    Epifî.  14. 
moins  obéir  à  ce  qui  leur  fera  ordonné  de  la  part  du  Pape. 

II.  Le  Roi  d'Arragon  avoir  fait  ferment  de  continuer  le     Epift.  i8. 
cours  à  la  monnoic  du  Roi  fon  père.  Il  fe  trouva  que  cette 
jnonnoie  avoit  été  altérée  &  diminuée  de  poids.  Ce  Prince  en 
doute  s'il  étoic  obligé  à  fon  ferment  ,  confulta  le  Pape  ,  qui 
décide  qu'en  cas  qu'il  içût ,  lors  de  fon  ferment,  que  la  mon- 
noie  de  fon  père  étoit  altérée  &  diminuée  de  poids  ,  c'étoit 
une  faute  dont  il  devoir  fe  confeffer ,  &  faire  pénitence  ;  ôc 
que  s'il  n'avoit  pas  fçu  alors  cette   altération ,  il  n'étoit  pas 
moins  obligé  d'interdire  le  cours  de  cette  monnoie.  Il  ordon-     £^,-0.  jj, 
ne  la  peine  de  prifon  contre  les  FaulTaires  des  Lettres  Apof- 
toliques.  Il  déclare  que  quand  on  ne  connoît  pas  les  motifs 
du  Juge  ,  ni  de  la  Sentence  ,  on  doit  toujours  préfumer  en  fa        48. 
faveur  ;  qu'un  Prêtre  ne  peut  célébrer  l'Office  Divin  ,  ni  ad- 
miniftrcr  les  Sacremens  dans  un  Diocèfe  ,  lans  la  permiffion 
de  TEvêque;  qu'un  Métropolitain  n'a  pas  droit  de  mettre  des        '*^' 
Prêtres  dans  le  Diocèfe  d'un  de  fes  Suffiagans  fans  fa  per- 
miflion  ;  que  le  mariage  cft  diiïous  entre  des  Infidèles  ,  lorf-        jo, 
que  l'un  d'eux  fe  convertit  à  la  Foi;  &  que  celui-ci  peut  con- 
voler à   de  fécondes  noces ,  s'il  ne  peut  habiter  avec  l'autre 
Partie  fans  danger  évident  de  péché  mortel  :  ce  qu'il  prouve  1.  C  r.  -,  i; 
par  ces  paroles  de  faint  Paul  :  Si  le  mari  infidèle  fe  fépare  d'/z- 
vec  fa  femme  qui  efî  fidèle  ,  qu'elle  le  laiffe  aller  ,  parce  qu'un 
frère  ou  une  fœur  ne  font  plus  ajfiijenis  en  cette  rencontre.  l\  dé- 
cide au  contraire  que  le  mariage  contracté  entre  deux  Fidè- 
les ,  fubilfte,  quand  même  l'un  d'eux  tomberoit  dans  l'héréfie. 
La  raifon  qu'il  donne  de  cette  difparicé ,  eft  qu'encore  que  le 
mariage  entre  les  Infidèles  foit  véritable  ,  il  n'efl  pas  ratifié  : 
au  lieu  qu'il  l'efi:  entre  des  Fidèles  ,  par  le  Sacrement  de  la 
foi  ,  qui  ne  fe  perd  jamais. 

lit.  Par  fa  Lettre  au  Maîrre  &  aux  Frères  de  Calatrana  , 
Innocent  IIl  les  prend  fous  la  proteîlion  du  Saint  Siège  ,  & 
leur  permet  de  vivre  fuivant  les  Statuts  de  l'Ordre  de  Cîteaux. 
Tome  XXllI,  Hhh 


IpiJ}.  J3 


42<5  I  N  N  O  C  E  N  T  III, 

Il  approuve  la  conduite  d'un  Chanoine  régulier  ,  qui  après 
s'être  fliit  Chevalier  de  l'Hôpital ,  vouloit  retourner  à  fonpre- 
5*^*  micr  Ordre  :  parce  qu'il  n'cft  pas  permis  de  pafler  d'un  Ordre 
plus  auftere  dans  un  plus  relâche  ,  mais  qu'on  peut  fortir  d'un 
plus  relâché ,  pour  entrer  dans  un  plus  étroit.  Il  ne  veut  pas 
qu'on  prive  de  la  fcpulture  Eccléfiaftique  un  homme  more 
excommunié ,  mais  qui  avant  de  mourir  avoit  reconnu  fa  fau- 
te, &  avoit  conçu  le  deffein  d'aller  à  Rome  pour  fe  faire  ab- 

Ipijf.  éi,  foudre.  Le  Pape  en  donne  la  raifon  en  ces  termes  :  Le  juge- 
.  ment  de  Dieu  ,  qui  eil:  toujours  appuyé  fur  la  vérité,  ne  peut 
tromper  ni  être  fujet  à  erreur  :  mais  le  jugement  de  l'Egliie 
peut  y  être  lujet ,  n'étant  fouvent  appuyé  que  fur  une  opinion  ; 
d'où  vient  qu'il  atri  e  quelquefois  que  celui  qui  eft  lié  devant 
Dieu  ,  esl  dcHé  devant  l'Eglilc ,  &  que  celui  qui  efl  délivré  de 
fes  liens,  efl.  lié  par  une  Sentence  Eccléfiaftique.  Le  lien  donc 
qui  lie  le  pécheur  devant  Dieu  ,  tfl  diflbus  dans  la  rémifllon 
du  péché  :  mais  le  lien  dont  il  efl  lié  devant  l'Eglife,  n'efl:  dif- 
fous  à  l'égard  de  l'Fglife  que  quand  elle  prononce  la  Senten- 
ce d'ablùlucion  Cela  paroît  évidemment  dans  la  réfurreilion 
de  Lazare  :  le  Seigneur  le  reffulcite  d'abord  :  cnfuite  il  or- 
d'nneà  fes  Apôtres  de  délier  le  reffufcité.  Ainfi  quoique 
l'homme  dont  il  efl:  queflion,  ait  promis  avec  ferment  d'obéir 
à  l'Egliie,  qu'il  fe  foit  humilié,  &  ait  donné  des  marques  de 
repentir  pendant  ù  vie  ,  néanmoins  prévenu  par  la  mort  iln'a 
pu  recevoir  TabioUnion  de  ion  crime  ;  &  encore  qu'il  y  ait 
lieu  de  croire  qu'il  en  efl  abfous  devant  Dieu  ,  l'Egliie  ne 
duit  pas  le  regarder  comme  abfous.  Elle  doit  t(  utefois  ,  fur 
les  lignes  conftans  Cjue  cet  homme  a  donné  de  fa  pénitence, 
lui  accorder  après  la  mort  le  bénefxe  de  i'abiolution.  lî 
n'importe  qu'on  life  quela  puilTance  de  lier  &  de  délier  n'a  été 
accord 'e  à  PEglife  que  fur  ks  vivans  ,  puifque  dans  le  cas 
préfent  il  n'a  pas  dépendu  du  Pénitent  de  s'en  faire  abfou- 
dre ,  ayant  été  prévenu  par  la  mort.  Le  Pape  ajoute  qu'on 
lit  dans  quek]uos  Canons,  que  l'Eglife  en  certains  casa  lié 
&  délié  les  morts  :  &  afin  d'obfcrver  en  même  temps  la  vi- 
gueur &  la  douceur  de  la  difcipline  .  il  erdonne  qu'on  de- 
mandera pour  ce  mort  I'abiolution  au  Saint  Siège,  duquel  il 
auroit  dû  la  recevoir  ctani  en  vie. 

Ipji.66.  IV.  Il  décide  qu'on  doit  regarder  comme  bigames,  non- 
feulement  ceux  qui  ont  été  mnriés  deux  fois  vali  Jcmcnt ,  mais 
aufli  ceux  qui  après  avoir  contradléun  mariage  déclaré  nul , 


PAP  R,   Chap.  XXIX.  427 

en  ont  contraiftc  un  légitime ,  parce  qu'encore  qu'ils  ne  foionc 

f)as  rccllcmcnt  bigames  à  caule  du  dcfiuic  de  Sacrement  dans 
e  premier  mariage,  ils  ont  eu  rintcntion  de  l'être  ;  que  les 
Laïques  qui  mettent  en  priion  ,  ou  dans  les  liens ,  des  Clercs, 
encourent  l'excommunication  par  le  ieul  tait ,  de  même  que 
ceux  qui  les  frappent  avec  violence;  que  celui  qui  communi- 
que avec  des  excommunies  nommément,  Ibit  en  participant 
à  leurs  aciionscriminelles  ,  foit  cnleslcurconfcilîant,  encourt 
aulFi  l'excommunication  ,  dont  il  ne  peut  être  ablous'que 
par  celui  qui  a  excommunié  ceux  avec  qui  il  a  communiqué, 
ou  par  Ion  Supérieur;  mais  que  s'il  n'a  communiqué  avec  eux 
qu'en  mangeant  ou  en  priant,  ou  de  quelque  autre  manière, 
lans  participer  à  leurs  crimes  ,  il  pourra  être  abious  par  ion 
Evêv|UC,  ou  par  fon  propre  Prêtre. 

V.  Les  Sarra(ins  s'étoient en  plufieurs  endroits  emparé  des     £.;«_  „ 
terres  pofTedées  par  des  Chrétiens,  &  refufoient   d'en  p.^yer  114. 

la  dixme  ,  ce  qui  mettoit  les  Minières  des  Eglifes  hors  d'é- 
tat de  fubliller.  Innocent  III  veut  qu'on  les  y  oblige  ,  en  dé- 
fendant aux  Chrétiens  des  lieux  d'avoir  avec  eux  aucun  com- 
merce dans  les  affaires  civiles ,  comme  celles  de  négoce.  II  > 
ordonne  à  l'Archevêque  de  Compotîelle  d'ufer  des  cenfures 
Eccléfiaftiques  pour  obliger  le  Roi  de  Léon  à  fe  féparer  de 
la  fille  du  Roi  de  Caftille,  qu'il  avoit  époufée  dans  un  degré 
de  parenté  prohibé.  Depuis  un  grand  nombre  d'années ,  TE- 
vêque  de  Dol  en  Bretagne  fe  prétendoit  exempt  de  la  Jurif- 
diciion  de  l'Archevêque  de  Tours.  Le  Pape  Innocent  lïircr-  g,  .^p„^ 
mina  cette  affaire  à  l'avantage  de  l'Archevêque  ;  déclara 
l'Evêque  de  Dol  Suffragant  de  Tours,  &  le  priva  du  Pallium. 
Il  déclara  nulle  Téleflion  d'un  Evêque  de  Cambrai ,  parce 
que  l'élu  n'étoir  qu'un  (Impie  tonfuré ,  &  qu'il  avoit  époufé  ^J"* 
une  veuve,  de  laquelle  il  avoit  eu  un  enfant.  Il  donna  ordre 
à  fon  Légat  en  France  &  à  l'Archevêque  de  Paris  de  faire 
le  procès  à  l'Abbé  de  faint  Martin  de  Nevers,  accule  d'hé- 
réfie ,  &  les  chargea  ,  au  cas  qu'il  en  feroit  convaincu  ,  de  le  ^j^ 
dépofer  ,  &  de  l'enfermer  dans  un  Monaftere  pour  y  f-iire 
pénitence.  Les  erreurs  dont  il  croit  accufé  conlittoient  à  !ou- 
tenir  que  le  Corps  de  Jefus-Chrifl;  va  au  retrait  ;  &  que  tous 
fans  exception  feront  fauves  :  mais  on  l'accufoit  aufli  de  di- 
vers déreglemens  dans  fcs  mœurs. 

VI.  En  1199  Bernard  Evêque  de  Metz  informa  le  Pape     Epiji.  141, 
que  dans  fa  Ville  Epifcopale,  &  en  d'autres  endroits  de  fon  "*^'  ^-Jî* 

Hhh  ïj 


428  INNOCENT    HT, 

Diocèfc,  grand  nombre  de  Laïques,  &  même  des  femmes  y 
dans  le  delTein  d'entendre  l'Ecriture  fainte  ,  avoit  fait  tradui- 
re en  François  les  Evangiles  ,  les  Epîtrcs  de  faint  Paul ,  le 
Pfeautier  ,  les  Livres  Moraux ,  Job  ,  &  plufieurs  autres  ;  qu'ils 
liloient cette  verfion  avec  tant  d'ardeur,  qu'ils  tenoient  des 
a>Temb!ces  fccrettes ,  où  ils  en  confcroient ,  &  fe  prêchoienc 
les  uns  les  autres.  Ils  mépriloient  ceux  qui  ne  prenoient  au- 
cune part  à  cette  étude  ,  &  ne  les  fréquentoientpas.  Quelques 
Curés  blâmèrent  leur  conduite  :  mais  ils  n'écoutèrent  point 
leurs  remontrances ,  prétendant  qu'ils  n'étoient  pas  en  pouvoir 
de  les  empêcher  de  lire  l'Ecriture  fainte;  ils  alloient  jufqu'à 
méprifcr  la  (implicite  de  quelques-uns  de  leurs  Pafteurs ,  &  fe 
vanter  qu'ils  Tcmportoient  fur  eux  dans  la  minière  de  prê- 
cher. Le  Pape  fur  cet  avis  écrivit  au  Peuple  de  la  Ville  &  du 
Diocèfe  de  Metz,  qu'encore  c]ue  le  dchr  de  comprendre  lefens 
des  divines  Ecritures, &  d'en  tirer  des  fujets  d'exhortation, 
fût  plus  louable  que  repréhenfible ,  ces  Particuliers  étoient 
blâmables  de  tenir  leurs  conventicules  en  fecret,  d'ufurpcrle 
minillere  de  la  Prédication  ,  de  fe  moquer  de  la  (implicite  des 
Prêtres  ,  &  de  méprifer  la  compagnie  de  ceux  qui  ne  les  imi- 
w.»if.  lo.  17.  toient  pas  ;  que  fuivant  l'ordre  établi  par  Jcfus-Chrifl:  &  par 
joa».  18.  10.  l'Apô-tre  faint  Paul ,  ceux-là  feuls  peuvent  prêcher,  qui  font 
^t/.'  ""  iV'  cî^voycs  ;  qu'en  vain  ils  le  vantoient  d'avoir  reçu  de  Dieu  une 
mifTion  invilible  plus  excellente  que  la  vidble ,  puifque   tout 
hérétique  en  pouvoit  dire  autant  ;  &  qu'il  falloii  prouver  leur 
miiTion,  ou  par  des  miracles  comme  Moyfe,  ou  pur  des  témoi- 
ivoi.  4. 5.  gnages  de  l'Ecriture  comme  faint  Jean-Baptifle  ;  que  les  Sça- 
"'  ^'  ''  vans  même  dévoient  honorer  dans  les   Prêtres  le  minillere 
Sacerdotal ,  fans  tourner  en  dérifion  leur  (implicite  ;  qu'il  ap- 
partenoir  à  PEvêque  de  corriger  avec  douceur  les  Prêtres  qui 
lui  font  foumis ,  &  non  au  Peuple,  l'Evêque  ayant  feul  le  pou- 
voir d'inflituer  les  Prêtres  &  de  les  dépoier.  Le  Pape  conclut 
fa  Lettre  en  exhortant  ces  Peuples  à  revenir  de  cet  égare- 
ment, &  à  ne  pas  fe  laiiïcr  féduire  par  une  vaine  apparence 
J/»;/?.  Hi,  de  vertu  &  de  piété.  Il  en  écrivit  une  autre  à  l'Evccjue  &  au 
Chapitre  de  Metz,  par  laquelle  il  leur  ordonna  de  s'appliquer 
à  découvrir  les  Hérétiques  ;  d'employer  les  voies  de  douceur 
pour  ramener  ces  Peuples  &  les  empêcher  de  s'attribuer  la 
fondion  de  prêcher  ;  de  s'informer  avec  foin  de  l'Auteur  de 
cette  verfion  de  l'Ecriture  ,  de  l'intention  qu'il  a  eue  en  la 
i;»/?.  i3îefaLfant  j  &  delà  foi  de  ceux  qui  s'en  fervent.  Cette  Lettre  ell 


172. 


PAPE,  Chap.  XXTX.  42r? 

du  12  de  Juillet  1199.  i^c  neuvième  de  Décembre  fui v.int , 
l'Evèquede  Metz  titrcponleau  Pape,  que  quelques-uns  d'eux 
refuloient  d'obéir  aux  ordres  du  Saine  Siège  ,  &  difoienc  les 
uns  en  fecrct,  les  autres  publiquement  ,  qu'il  ne  faut  cbiir 
qu'à  Dieu  ;  qu'ils  continuoicnt  à  s'aiTembler,  &  à  prêcher  fé- 
crettement;  qu'attaches  opiniâtrement  à  leur  verfion,  ils  pro- 
tertoient  que  la  Ripprellion  même  que  le  Saint  Siège  ,  le  Mé- 
tropolitain, ou  l'Evèque,  en  pouvoient  faire  ,  ne  les  cmpê-' 
cheroit  pas  de  s'en  fervir.  Sur  cela  le  Pape  écrivit  aux  Abbés 
de  Citcaux  ,de  Morimond  &  de  la  Crefîe,  d'appellcr  conjoin- 
tement avec  l'Evêque  de  Metz  ceux  qui  étoienc  dans  ces  fen- 
timcns,  d'effayer  de  les  corriger  ,  &  en  cas  deréfiilance,  de 
s'informer  exadement  des  plaintes  formées  contre  eux  dans 
la  Lettre  de  l'Evêque  de  Metz  ;  d'en  faire  le  rapport  au  Saint 
Siège  ,  afin  de  procéder  en  règle  dans  une  affaire  qui  inté- 
reffoit  TEglife  univerlelle.  Il  paroît  que  le  Prêtre  Crilpin  fa- 
vorifoit  ce  dérèglement  :  le  Pape  ordonne  auxCommiffaires 
de  le  punir, s'il  fe  trouve  coupable,  appcliât-il  de  la  Sentence. 

VII.  Voulc  ou  Vutcan;  RoideDioclée  &deDaImatie,vou-     ï??/?.  176; 
lant  mettre  fes  Etats  fous  la  protedion  de  l'Eglife  Romaine  ,  ^77  > 
envoya  à  cet  effet  à  Innocent  III  des  Députés.  Le  Pape  dcfon 
côté  lui  députa  deux  Religieux  ,  Jean  &  Simon  ,  en  qualité 
de  Légats.  Ceux-ci  tinrent  un  Concile ,  où  ils  publièrent  douze 
Canons  tendants  à  retrancher  dans  le  Royaume  de  ce  Prince 
les  abus  qui  y  rcgnoient ,  &  à  y  établir  les  ufages  de  l'Eglife 
Romaine.  Ces  douze  Canons  furent  foufcrits  par  les  deux  Lé- 
gats, par  l'Archevêque  de  Dioclée  &  d'Antivari,  &  par  dx 
Evêques  fes  Suffragans.  Vulcan  en  fait  mention  dans  fa  Let- 
tre au  Pape  ,  en  remarquant  que  le  Concile  s'étoit  tenu  au 
même  endroit  où  l'on  avoit  coutume  autrefois  d'en   affem- 
blcr.  Il  lui  donne  avis  par  la  même  Lettre,  qu'il  fe  répandoit 
une  hérélie  dans  une  Province  de  la  dépendance  du  Roi  de 
Hongrie ,  fçavoir  la  Boffine,  que  le  Ben  lui-même  ,  nommé 
Culin ,  la  profclToitavec  la  femme  &  fa  fœur  ;  &  qu'ils  a  voient 
attiré  dans  cette  héréue  plus  de  dix  mille  Chrétiens.  Vulcan 
ajour.  :  Le  Roi  de  Hongrie  en  étant  irrité ,  les  a  obligé  à  fe 
préfenter  devant  nous  pour  être  examinés  ;  mais  ils  font  re- 
venus avec  de  fauffes  Lettres ,  difant  que  vous  leur  aviez  per- 
mis leur  Loi.   C'efi  pourquoi  nous  vous  prions  d'avertir  le 
Roi  de  Hongrie  de  leschafTer  de  Ion  Royaume  ,  comme  on 
fépare  la  zizanie  du  bon  grain,  Etienne ,  grand  Jupande  la 


430  1  N  N  O  C  E  N  T    ITT, 

Servie ,  frcre  de  Vulcan ,  écrivit  auiïi  au  Pape  ,  pour  lut  mar- 
quer qu  a  l'exemple  de  ion  pcre  il  avoir  toujours  été  fournis 
aux  ordonnances  du  Saint  Siège,  &  qu  il  avoit  chargé  les  Légats 
de  lui  expliquer  fes  fentimens.  La  Lettre  de  TArchevêque  de 
Diocléeau  Pape  eft  pour  le  remercier  du  Pallium  qu'il  lui  avoic 
envoyé;  témoigner  la  foumiflion  envers  l'Eglife  Romaine,  & 

Epiji.  178.  lui  faire  part  des  douze  Décrets  qu'il  avoit  faits ,  conjointement 
,  avecles  Légats,  pour  la  réformation  des  mœurs  &  de  la  dilci- 
pline  dans  la  Dalmatie.  La  fimonic  y  cft  défendue ,  le  mariage 
des  Prêtres  condamné  ;  l'interflicc  d'un  an  ordonné  pour  le 
Diaconat  &  la  Prêtrile  ;  l'âge  pour  celle-ci  fixé  à  trente  ans, 
&  les  enfans  des  Prêtres  &  les  bâtards  exclus  des  Ordres  fa- 
crés.  On  y  défend  aux  Laïques  de  juger  les  Clercs ,  &  de  les 
loumctrre  aux  épreuves  de  l'eau  &  du  fer  chaud  ;  on  y  ordon-- 
ne  à  ceux-ci  de  fe  rafer  &  porter  la  tonfure  ;  on  défend  les 
mariages  entre  parens  jufqu'au  quatrième  degré  j  &  aux  Dal- 
matiens ,  de  retenir  des  Latins  eiclaves. 

Ej,ij}.  185.  Vin.  Le  Pape  informé  que  l'Evcque  de  Penna  s'étoit  mis 
en  poflcflion  de  fon  Evêché ,  avant  que  fon  éleélion  eût  été 
confirmée,  le  priva  de  ion  Evêché  ;   &  déclara  un  Moine  qui 

Epfl.  194.  pénétré  de  douleur  d'avoir  fouvent  négligé  de  fuivre  l'ordre 
de  la  Liturgie  dans  la  récitation  du  Canon  de  la  MeiTe  ,  s'é- 

ipiji.  2o3 ,  toit  coupé  le  doigt  appelle  index  ,  incapable  de  la  célébrer  à 
Z09-  l'avenir.  Dans  fa  Lettre  au  Patriarche  de  Conftantinople  ,  qui 

ne  concevoir  pas  comment  on  donnoit  à  TEgUle  de  Rome  la 
qualité  à'EgUfe  univerfeUe  ,  ni  pourquoi  on  accufoit  les  Egli- 
fes  d'Orient  d'être  fchifmatiqucs ,  puiiqu'elles  croyoient  la  foi 
de  Nicée ,  &  que  le  Saint-Eiprit  procède  de  la  fubftance  du 
Père,  le  Pape  prouve  d'abord  parles  témoignages  de  l'Ecri- 
ture que  la  primauté  de  faint  Pierre  &  de  l'Eglife  de  Rome 
efl  de  droit  Divin.  Enfuite  il  dit  qu'on  ne  lui  donne  le  titre 
à''Eglife  univerfeUe,  que  parce  que  toutes  les  Egliles  particuliè- 
res font  au-delTous  d'elle  ;  qu'elle  en  efl;  la  première  &  la  prin- 
cipale, &:  que  dans  elle  eft  la  plénitude  du  pouvoir  ;  &  que 
d'elle  découle  une  partie  de  ce  pouvoir  dans  les  Egliies  par- 
culieres  ;  mais  que  fi  on  la  confidcre  comme  fliifant  elle-même 
une  partie  de  l'Eglife  Catholique  ,  comme  les  autres  EgHlcs , 
on  ne  peut  l'appeller  L7/zzvi?r/}//e.  Il  ajoute  c]ue  Ç\  l'on  donne 
à  rÉolife  de  Rome  la  qualité  de  Mère ,  ce  n'eft  pas  à  raifon 
du  temps  de  fon  établilTement ,  puifque  celle  de  Jérufilem  eft 
plus  ancienne  j  mais  à  raifon  de  fa  dignité  ,  qui  lui  donne  le 


P  A  P  E,  Chap.  XXIX.       _        45  r 

rang  fur  les  Fidclos  ;  comme  iaint  Pierre  n'a  pas  ctc  établi  le 
premier  des  Apôtres  ,  pour  avoir  cré  appelle  le  premier  à 
l'Apollolac,  puilque  lùnc  André  le  fut  avant  lui ,  mais  par  le 
choix  de  Jeius-Chrift.  Le  Pape  Innocent  III  fait  part  au  Pa- 
triarche du  deil'ein  qu'il  avoit  d'afïembler  un  Concile  géné- 
ral pour  les  di^'eri  beioiris  de  l'Eglile  ,  nommém  nr  pour  la 
réunion  Se  la  paix  entre  toutes  les  Eg'.iles:  auquel  il  invite  le 
Patriarche  ,  le  priant  d'y  venir  en  pcrlonne  ,  ou  par  des  Pro- 
cureurs, &  d'y  envoyer  des  Prélats  des  plus  grandes  Eglifcs. 
L'Empereur  Alexis  en  était  convenu:  c'cfl  pourquoi  le  Pape 
dit  au  Patriarche  c]ue  (i  lui  &  les  autres  Prélats  ne  viennent 
pas  au  Concile  général  ,  il  fera  obligé  de  procéder  contre 
l'Empereur  même  j  de  qui  cela  dépendoit ,  &  contre  l'Eglifc 
Grecque. 

IX.  Le  Pape  avoit  déjà  écrit  à  ce  Prince  &  au  Patriarche    ^P'fl-  ^ro  » 
fur  l'uniré  de  l'Fglife,  fur  la  primauté  de  faint  Pierre,  &  lur  f/,*',''^^'^'' 
lebeloindc  leccurir  la  Terre- Sainte.  L'Empereur  Alexis  ré- 
pondit fur  le  dernier  article  que  le  temps  n'étoit  pas  venu  de 

ie  prêter  au  recouvrement  des  Lieux  faints ,  Dieu  étant  encore     ^pifl.  no, 
irrité  pour  les  péchés  des  Chrétiens  _,  &  la  divifion  qui  regnoit  ''*'  '* 
entr'eux  *,  que  l'on  n'ignoroit  pas  les  ravages  faits  fur  fcs  terres 
par  le  Roi  Fridcric  ,  après  les  fermens  les  plus  folemnels  d'y 
pafler  paifiblemenr  ;  qu'il  ne  lui  étoit  pas  poflible  d'aider  des 
gens  il  mal  intentionnés,  ni  de  marcher  avec  eux.  Sur  la  réu- 
nion des  Eglifes ,  il  diioit  qu'elle  fcroit  facile  ,  fi  les  efprirs 
étoient  réunis ,  &  fi  les  Prélats  renonçoicnt  à  la  prudence  de 
la  chair.  Néanmoins  il  exhortoit  le  Pape  à  aflembler  un  Con- 
cile ,  avec  promefîc  que  les  Evêqucs  de  l'Eglife  Grecque  s'y 
trouveroient.  Jean Camatere  Pairiarche  de  Condantinople  ac-    Epijï.  io8. 
cufoit  dans  fa  réponfe,  mais  en  termes  couverts,  les  Latins 
d'être  les  Auteurs  de  la  divifion  qui  regnoit  entre  les  deux 
Egliles. 

X.  Les  raifons  que  l'Empereur  Alexis  alléguoît  pour  ne     i/'T?.  m. 
point  fecourir  la  Terre-Sainte  ,  ne  parurent  pasluffifantes  au 

Pape.  Il  répondit  à  ce  Prince  que  ce  n'étoir  pas  à  lui  à  déci- 
der du  temps  auquel  Dieu  avoit  réfolu  de  délivrer  fon  Peu- 
ple', qu'il  n'en  connoiflbit  point  les  deffeins  ;  qu'en  fuppofant 
qu'il  connût  le  moment  de  cette  délivrance ,  il  n'auroic  pas 
grand  mérite  de  donner  alors  du  fccours  ,  Dieu  pouvant  fans 
lui  retirer  ion  héritage  des  mains  des  Sanafins.  Il  le  prefTe  , 
de  nouveau  d'accomplir  fa  promeffe  touchant  la  tenue  d'un 


452  T  N  N  O  C  E  N  T    TII  , 

Concile  général ,  promcrtnnt  d'y  recevoir  avec  joie  comme 
fon  très-cher  frcre  ,  &  le  Membre  principal  de  TfLglife,  le 
Patriarche  de  Conflantinople  ,  qui  par  cette  démarche  fe 
réuniroit  à  l'Eglife  Romaine,  comme  la  fille  à  la  mcre  ,  &lui 
rendroit  le  relped&l'obéifTance  qu'elle  lui  doit. 

XI.  L'Auteur  desGeftes  d'Innocent  III  (w),  aprè;  avoir 
rapporté  les  Lettres ,  remarque  que  l'Empereur  &  le  Patriar- 
che fe  les  étant  fait  expliquer, fe  repentirent  de  ce  qu'ils  avoient 
écrit  au  Pape  ;   l'Empereur ,  de  s'être  engagé  à  envoyer  les 
Grecs  au  Concile  que  le  Pape  devoir  convoquer,  &  de  leur 
en  faire  obferver  les  décrets  :  le  Patriarche  ,  parce  que  parles 
réponfes  du  Pape  à  fes  confultations  il  fe  trouvoit  convaincu 
tant  par  les  autorités  de  l'Ecriture,  que  par  des  raifons ,  de 
l'obéilTance  qu'il  lui  devoit  rendre.  Ce  Prince  donc  après  une 
longue  délibération  avec  les  Grecs ,  écrivit  au  Pape  que  s'il 
faifoir  tenir  un  Concile  en  Grèce,  oij  les  quatre  premiers  Con- 
ciles avoient  été  affemblés ,  l'Eglife  Grecque  y  cnverroit  les 
Députés  :  puis  changeant  de  matière ,  il  s'efforça  de  prouver 
que  l'Empire  étoit  au-defîus  du  Sacerdoce.  11  apportoit  en 
I.Pet.i.ï^.  preuve  ces  paroles  de  faint  Pierre  :  Soyez  fournis  pour  Dieu  à 
toute  créature  humaine  qui  a  du  pouvoir  fur  nous  ,  foit  au  Roi 
comme  au  Souverain  ,fott  aux  Gouverneurs  comme  à  ceux  qui  font 
envoyés  de  fa  part  four  punir  ceux  qui  font  mal  ,  Ù"  pour  traiter 
favorablement  ceux   qui  font  bien.  De  ces  mots  ,  foye%  fournis  , 
l'Empereur  inféroit  que  le  Sacerdoce  efl:  au-deflbus  de  l'Em- 
pire. :  de  ceux-ci,  nu  Roi  comme  au  Souverain.,  il  concluoic 
que  l'Empire  eft  plus  éminent  ;  des  fuivans ,  pour  punir  ceux  qui 
font  mal ,  <ÙX  favorifer  les  gens  de  bien  ,  il  tiroit  la  conféquence  ^ 
que  l'Empereur  a  jurifdidion  &  même  puiifance   du  glaive 
fur  les  Prêtres ,  comme  fur  les  Laïques.  Le  Pape  («)  en  répon- 
dant à  la  Lettre  de  ce  Prince ,  lui  fait  voir  qu'il  n'avoit  pas 
pris  le  fens  des  paroles  de  faint  Pierre  ;  que  cet  Apôtre  par- 
îoit  à  ceux  qui  lui  étoient  foumis,  dans  le  delTein  de  les  aver- 
tir avec  humilité  ;  que  s'il  avoit  voulu  foumcttre  le  Sacerdoce 
à  toute  créature  humaine  ,  il  s'enfuivroit  que  le  moindre  ef- 
clave  dcvroit  commander  aux  Prêtres  ;  que  par  ces  paroles  , 
au  Roi  comme  au  Souverain ,  faint   Pierre  prétend  feulement 
que  le  Roi  a  la  fouvcraineté  fur  ceux  qui  reçoivent  de  lui  les 
chofes  temporelles  ;  que  le  pouvoir  qu'il  a  de  punir  les  mal- 

(m)  Gefli}  Iniioc.lll y  num,  6l>  («)  ttid. 

faiteurs, 


PAPE,    Chap.  XXTX.  4:!3 

faircur,  doit  être  rcftrcinc  à  ceux  qui  ulanc  du  glaive,  loue 
loLimisà  fa  Jurildiiition,  fuivant  ceccc  ll-ntcnce du  Sauveur  :0_i:i- 
cor.'pw  prendra  le  glaive  ,perira  par  le  glaive  :  car  peiionne  ,  M.iit.  zg.  ^i. 
dit  lainr  Paul,  ne  doit  juger  le  fervitcur  d'autrui.  Le  Pape  ne 
nie  donc  pas  la  iouveraineté  du  Roi  pour  le  temporel  ;  mais 
il  montre  que  le  Pontife  eft  louverain  pour  le  fpirituc! ,  au- 
tant au-dcllbs  du  temporel,  que  l'ame  cft  au-defl"us  du  corps. 
Il  allègue  en  preuve  ce  que  le  Seigneur  dit  à  Jércmie.  Je  vous 
ai  établi  fur  les  nations  &  les  Royaumes, pour  arracher  & 
difliper  édifier  &  planter.  Or  ce  Prophète  n'étoit  pas  Roi  ni 
de  la  race  Royale,  mais  Prêtre  Se  de  la  race  Sacerdotale.  Il 
allègue  encore  les  deux  grands  luminaires  que  Dieu  a  faits  dans 
le  Ciel ,  l'un  pour  prclider  au  jour  ,  l'autre  à  la  nuit  :  figure 
des  deux  grandes  dignités  qu'il  a  miles  dans  l'Kgli'e,  la  Pon- 
tificale &  la  Royale;  l'une  pour  préfider  aux  choies  f(-)iritucl- 
îesj  l'autre  aux  corporelles:  ce  qui ,  dit-il,  metentr'elles  autant 
de  différence  qu'entre  le  Soleil  &  la  Lune.  11  dit  à  l'Empe- 
reur :  Si  vous  y  aviez  fait  réflexion  ,  vous  ne  permettriez  pas 
que  le  Patriarche  de  Conllantinople  fût  aflis  à  gatichc  près 
votre  marche-pied  ,  tandis  que  les  autres  Rois  le  levcnr  de- 
vant les  Evêques,  &  les  font  aflcoir  auprès  d'eux.  Il  cite  l'e- 
xemple de  l'Empereur  Conftantin. 

XII.  Sur  l'avis  qu'on  lui  donna  qu'à  Confia ntinople  de  fim-     ^i''fl-  iit« 
pies  Prêtres  donnoient  le  Sacrement  de  Confirmation  ,  il  le 

leur  fit  défendre  par  fon  Vicaire  réfident  en  cette  ViHe,  Mais 
cette  défenfe  ne  regardoit  que  les  Pr^^tres  Latins  ,  qui  fe 
croyoient  lufnfamment  autorifés  dans  cet  ufage  par  la  cou- 
tume des  lieux.  Le  Pape  veut  qu'à  cet  égard  ils  ne  conful- 
tent  pas  une  coutume  abufive,  mais  ce  qui  s'eft  fait  dans  l'E- 
glife  depuis  les  Apôtres,  où  le  Sacrement  a  étéadminiftrépar 
les  Evêques  (culs, 

XIII.  Des  l'an  1145  les  Arméniens  avoienc  témoigné  au    Fpifl,  117, 
Pape  Eugène  III  leur  dcfir  de  fe  réunir  à  l'Eglife  Romaine.  î'8,ii5?,22o. 
Mais  en  1 170  ils  fe  réunirent  aux  Grecs  &  au  Patriarche  de 
Conftantinople.  Sous  le  Pape  Innocent  III ,  Lcon  leur  Roi 

lui  écrivit  une  Lettre  datée  de  Tarfe  le  2  3  Mai  i  I5?y  ,  où  il 
difoit  que  fuivant  les  avis  de  l'Archevêque  de  Mayence  il  dc- 
firoit  réunira  l'Eglife  Romaine  fon  Royaume  &  tous  les  Ar- 
méniens. Le  Pape  lui  envoya  une  Couronne,  donc  l'Arche- 
vêque couronna  Léon.  Il  expliqua  aulTi  aux  Arméniens  la 
doctrine  de  l'Eglife  Romaine.  Tous  les  Archevêques  &  Evc- 
Tome  XXllI.  l  i  i 


454  I  NNOC  ENT    I  I  I, 

cjucs  du  Royaume  promirent  de  rcmbraffer.  Maïs  en  même 
temps  Grégoire,  Catholique  d'Arménie,  écrivant  au  Pape 
au  nom  de  tous,  lui  demanda  du  fecours contre  les  Infidèles. 
Innocent  III  félicita  le  Roi  &  les  Arméniens  fur  leur  retour 
à  l'obéiflance  du  Saint  Siège ,  &  lui  envoya  fuivant  fa  prière 
letendard  de  faint  Pierre  pour  s'en  fervir  aux  combats  con- 
tre les  Infidèles.  Il  lui  accorda  aufTi  que  ni  lui  ni  aucun  de  fes 
Sujets  ne  pourroic  être  frappé  d'excommunication,  ou  d'inter- 
dit ,  que  par  le  Pape  ou  par  ion  Légat,  &  envoya  à  l'Archevê- 
que de  Sil  j  Chancelier  du  Roi  j  les  ornemens  qu'il  avoir  de- 
mandés ,  fçavoir  l'anneau ,  la  mitre  &  le  pallium  ,  avec  la  per- 
mifTion  de  donner  l'Indulgence  de  la  Croilade  à  ceux  qui 
combattroient  contre  les  Infidèles  fous  les  ordres  du  Roi 
Léon. 

E;//?.  i27.  XIV.  Dans  fa  Lettre  à  l'Evêque  de  Nevers, Innocent  III 
l'autorife  à  rétablir  dans  fes  fon6tions  un  Prêtre  de  l'Ordre  de 
Cîteaux,  auquel  l'Archevêque  de  Bourges  avoir  interdit  la 
célébration  de  la  McfTe,  fur  ce  que  ce  Religieux  étant  encore 
Laïque,  avoir  indiqué  à  des  voleurs  un  homme  qu'ils  cher- 
choicn: ,  &  qu'ils  avoient  enfuite  fait  mourir.  La  raifon  de 
croire  ce  Prêtre  innocent  de  ce  meurtre  ,étoit  qu'il  ne  favoic 
à  quelle  fin  ces  voleurs  cherchoient  cet  homme.  Il  déclare 

Ifift.z^u  ^^j^g  ^gjj^,  q^^'jj  écrivit  à  l'Evêque  de  Verceil,  que  des  Clercs 
interdits  de  leurs  fondions  ne  peuvent  être  promus  î  des  Bé- 
néfices eccléliaftiques ,  parce  qu'on  ne  donne  des  Bénéfices 
Efift.iSi.  qu*?  pc>ur  en  remplir  les  charges.  Confulté  par  l'Evêque  de 
RofTane  fur  divers  cas  arrivés  dans  fon  Diocèle,où  entr 'au- 
tres le  père  &  le  fils  avoient  époufé  la  mère  &  la  fi'le,  l'on- 
cle &  le  neveu  les  deux  fœurs ,  il  répond  que  les  parens  du 
mari  &  les  parens  de  la  femme  ne  contractant  par  le  maria- 
ge aucune  affinité  entr'eux  ,  les  parens  d'une  femme  peu- 
vent époufer  les  parens  de  fon  mari  ;  que  quoique  le  mari  & 
la  femme  tiennent  fur  les  fonts  de  Baptême  un  enfant  étran- 
ger, ils  ne  contraftent  point  enfemble  de  compaternité  qui 
doive  leur  interdire  l'ufage  du  mariage  ,  parce  que  par  le 
mariage  ils  ne  font  qu'une  chair.  Il  décide  dans  la  même  Let- 
tre qu'il  n'eft  permis  aux  Prêtres  Latins  d'avoir  ni  femme,  ni 
concubine;  que  l'Evêque  peut  contraindre  les  Abbés  &  les 
Prêtres  de  venir  à  fon  Synode  ;  que  les  Chapelains  d'un  Châ- 
teau n'ont  pas  droit  de  juger  de  la  validité  ou  de  l'invalidité 
des  mariages» 


PAPE,  Chap.  XXIX.  4^ 

XV.  Le  fécond  Livre  du  Régillre  des  Lettrjs  d'Innoccnc   r/-//?.  loi. 
III  finit  à  la  285;'  Lettre  :  mais  on  ne  peut  douter  qu'il  n'y  en 

aie  eu  un  plus  grand  nombre ,  puifque  Roger  Hovcdcn  en  cite 
une  d'Innocent  ill  de  l'an  1 1(^9,  adredecà  Hubert,  Archevê- 
que de  Canrorbcri ,  au  fujec  de  la  dignité  de  Métropole  de 
l'Egliic  de  faint  David  ,  &  écrite  dans  ce  Régiftre.  Pour  le 
rendre  plus  complet,  M.  Baluic  a  ajouté  plulicurs  autres  Let- 
tres à  ce  lecond  Livre,  tirées  de  divers  endroits.  Celle  qui 
porte  défenfes  de  contraindre  les  Juifs  à  fe  faire  baptiler,  & 
de  leur  faire  aucun  tort,  avoit  déjà  été  imprimée  dans  l'édi- 
tion de  Materne  Cholin  à  Cologne  en  1575.  Par  la  303  le  r^TJ.joj. 
Pape  accorde  à  l'Abbé  &  aux  Religieux  de  Vezelay  des  In- 
dulgences de  quarante  jours  ,  chaque  année  ,  pour  tous  ceux 
qui  le  jour  de  la  Fête  de  fainte  Magdeknne  ,  ou  pendant  l'Oc- 
tave, iront  par  dévotion  en  l'Egliie  de  ce  Monaftcre  ,  où  le 
corps  de  cette  Sainte  repofe  (0)  ,  &  fait  une  infinité  de  mira- 
cles. La  Lettre  efl  de  la  féconde  année  du  Pontificat  d'Inno- 
cent III ,  aux  Nones  de  Novembre  ,  c'efl-à-dire  le  5  de  No- 
vembre 11515?. 

XVI.  Nous  avons  déjà  remarqué  que  le  troifiéme  &  qua-  Troifieme 
triéme  Livre  d'Innocent  III  étoient  perdus ,  &  que  M.  Ba-  1-^^^"%^^ 
lufe  y  avoit  fuppléé  ,  par  la  première  collc£lion  des  Décré-  Lettres  d'in- 
tales  de  ce  Pape,  faite  des  trois  premiers  Livres  du  Régif-  "°""'  ^''' 
tre  par  Rainier,  Diacre  &  Moine  de  Pompofie  ,  fous  qua-^^^'  '' 
rante  titres  ,  qui  traitent  chacun  d'une  matière  particulière  , 
relativement  à  ce  qui  en  ell  dit  dans  les  Lettres   d'Innocent 

III.  La  Lettre  à.  Pierre  Archevêque  de  Compodelle  forme  le 
premier  titre.  Le  Pape  y  réfout  quelques  diflficultés  de  cet 
Archevêque  fur  des  termes  dont  on  fe  fert  en  parlant  des 
myfteresde  la  Trinité  &  de  l'Incarnation.  11  dit  que  ceux  de 
Père  ,  de  Fils,  &  de  Saint-Efpt  it ,  défignent  les  propriétés  re- 
latives dcsPerionnes  divines,  qui  Icsdiftinguent  l'une  de  l'au- 
tre ,  fous  le  nom  de  Père  ,  de  Fils ,  &  de  Saint-Efprit  ;  que 
celui  de  Seigneur  exprime  la  nature  divine  ,  commune  aux 
trois  Pcrfonncs  ;  qu'elles  ont  chacune  des  propriétés  ou  no- 
tions particulières  ;  qu'ainfi  l'on  diftingue  dans  le  Père  fin- 
nafcibilité ,  la  paternité,  l'afpiration.  Enfuite  il  examine  en 
Théologien  Scholaftique  en  quel  fens  on  dit  que  Jefus-Chrifl: 


(0)   Ubi   veneratidiim   corpus  Beats  1  miraculis ,  fub  celebri  cuflodia  venera-. 
Maria;- Magdalenx  ,  innumeris  corufcans  1  biliter  coiiiervatur.  Epifl.  joj, 

1  i  i  ij 


4?<^  I  N  N  O  CENT    I  II  , 

elt  homme  ,  &  répond  qu'en  diftinguant  en  lui  la  nature  hu- 
maine de  h  nature  divine,  il  eft  facile  de  montrer  comment 
il  ell  homme,;  Içavoir  parce  cjue  le  Verbe  par  l'Incarnation  a 
pris  rhumanitc,  ou  la  nature  humaine.  Mais  répondant  plus 
limplement,&  d'une  manière  Apoftolique  ,  fur  toutes  ces  quef- 
tions,  il  dit  que  ne  pouvant  comprendre  en  cette  vie  la  na- 
ture de  Dieu,  nous  n'avons  aucun  terme  propre  pour  l'expri- 
mer comme  elle  ell:  en  elle-même  ,  mais  ieulemcnc  des  noms 
relatifs;  que  nous  n'en  trouvons  pas  même  dans  1'.'  criture  ; 
&  que  tout  ce  que  l'en  peut  conclure  des  noms  qv.'clle  donne 
à  Di'u  ,  c'efi:  qu'ils  lui  font  propres,  de  façon  qu'on  ne  peut  les 
donner  aux  créatures,  ccmm.e  cdui  à^Adonaï.  Les  autres  ti- 
tres de  cette  collcilion  rraitent  des  matières  pour  la  plupart 
déia  dilcutèes  ians  ks  Le  res  des  deux  premiers  Livres  dont 
nous  venons  ce  donner  l'dnalyfe. 

Cinquième       XVII.  Le  dnquiuiie  Livre  du  Régiftre  ne   contient  que 

Livrc,p.607.  i5i  Lettres.  M.   Baluleyen  a  ajouté  quelques-unes  d'inno- 

cenc  III,  8r  un  p!u   grand  nombre  de  divers  Particuliers,  qui 

peuvcnc  foun  ir  des  éclaircifïcmens  lur  l'hilioire  de  Ion  Pon- 

j/).^.  I.  tihcat.  Il  y  d  cidc  que  les  Fveligiculcs  qui  le  lont  battues,  ou 
qui  ont  frappé  leurs  Sœurs  Ccnvcrfes  ,  ou  les  Clercs  qui  les 
delTcrvent,  peuvent  en  recevoir  l'abfolution ,  au  nom  du  Pape, 

^p'-fl-  7-  P''^  l'Eve. jue  Diocéfain  ;  que  le  fils  d'un  compare  ne  peut  épou- 
icr  la  Hlle  de  fa  commcre  ^  fût  il  né  avant  qu'ils  euffent  tenu 
un  enfant  fur  les  fonts  du  Baptême  ;  que  dans  le  cas  qu'ils  fe 
feroient  mariés  enfemble  ,  on  d.  it  les  fcparer  ;  &  que  ceux 
qui  ont  connoilfance  de  ce  mariage,  font  obligés  d'en  aver- 

Epî/î.  22.  '■•'^  '  'l"^  quand  ks  per'onnes  dont  le  Pape  a  commis  le  juge- 
ment à  des  Commilfaires  ,  ne  peuvent  aller  en  fureté  au  lieu 
indiqué,  elles  peuvent  en  appellerau  Saint  Siège,  quoique  les 
Lettres  de  la  commilTion   aient  exclu  l'appeU  que  l'on  peut 

l.pij}.  40.  juger  le  pétitoire  fans  s'arrêter  au  poflelToire  ,  quand  cek  i  qui 
55».  eft  dé[ ouille  veut  bien  conilure  fur  le  fond  ;  que  les  fugitifs 
de  l'Ordre  de  Cîteaux  ne  feront  pas  reçus  ,  quoiqu'ils  aient 
obtenu  des  Lettres  de  rétablifllmcnt  de  la  part  du  Saint  Siège , 
Il  ce  n'eft  que  ces  Lettres  portent  qu'ils  Icront  reçus,  fauf  la 
difcipline  de  l'Ordre  ;  qu'il  n'eft  pas  permis  de  donner  des 
Bénéfices   aux  enfans  ni   sux   neveux  de  ceux  qui  les  rof- 

^4.  ^î-  fedoicnt.  Cet  abus  regnoit  dans  le  Monaftcre  de  Remiremont, 
où  les  Clercs  qui  le  delTcrvf)ieni ..  faifoienr  paft'cr  à  leurs  enfans, 
ou  à  leurs  neveux  ,  les  Bénéfices  qu'ils  avoicnt  obtenus  de 


PAPE,    Chap.  XXTX.  457 

l'Abbcfïc  ,  comme  par  droit  de  iucccdion,  s'cflorçantdc  tour- 
ner en  hcrcdité  IcSanduairc  de  Dieu.  Cet  abus  cil  décrit  fore 
au  long  dans  la  Lettre  qu'Innocent  III  adrciïa  à  rAbbelfc 
&  aux  Moniales  de  Remircmont,  avec  ordre  de  le  réformer 
entièrement.  Le  Pape  en  écrivit  aull'i  à  rArchcvêquc  de  Trê- 
ves &  à  rKvêquede  Toul,  en  les  chargeant  d'employer  les 
cenfures  Eccléiiaftiques  contre  ceux  qui  s'oppoieroienc  à  la 
reformation  de  cet  abus. 

XVIII.  Il  arriva  que  danslaprife  d'une  forrereflc ,  quel-     Epip.yj. 
ques-uns  de  l'Armée  qui  l'avoir  adiégée  ,  fe  failîrcnt  de  l'E- 

vêque  de  Catnes  en  Ecofle  _,  qui  avoit  été  fait  prifonnier ,  6c 
cbligerenc  un  d'entr'tux  nommé  Lumberd  de  lui  couper  la 
langue.  Ce  coupable  alla  à  Rome  pour  être  ablbus  dcfon  cri- 
me. Le  Pape  lui  donna  l'ablolution  ,  &  lui  ordonna  de  re- 
tourner au  plutôt  dans  Ton  pays ,  &  de  s'y  montrer  de  même 
que  dans  c.lui  de  l'Evêque  mutilé  ,  pendant  quinze  jours, nus 
pieds,  en  caiçons,avec  up.  habit  de  laine  court  &  fans  manches, 
la  langue  liée  d'une  petite  corde  dont  les  deux  bouts  feroienc 
attachés  au  cou ,  cnforte  que  la  langue  parût  un  peu  hors  de 
la  bouche.  Il  devoir  aufTi  tenir  des  verges  à  la  main ,  &  venir 
en  cet  équipage  fe  préfencer  à  la  porte  de  l'Eglife,  s'y  prof- 
terner  en  dehors,  s'y  faire  fouetter  par  quelqu'un,  demeurer 
jufqu'au  foir  en  filence  &  à  jeun  ;  puis  prendre  pour  nourri- 
ture du  pain  &  de  l'eau.  Après  les  quinze  jours  il  devoir  fe 
préparer  pour  fe  mettre  dans  un  mois  en  chemin  pour  la 
Terre-Sainte,  &y  fervir  pendant  trois  ans  ,  &  ne  jamais 
porter  les  armes  contre  les  Chrétiens;  enfin  jeûner  au  pain& 
à  l'eau  tous  les  Vendredis  pendant  deux  ans,  (i  ce  n'ell  qu'il 
en  fut  empêché  par  quelque  maladie  ,  ou  difpenfé  par  quelque 
Evêque  difcret. 

XIX.  Un  autre  homme  nommé  Robert  étant  Captif  chez  ^p'P.  78. 
les  Sarrafins  avec  fa  femme  &  fa  fille,  il   furvint  une  famine 
pendant  laquelle  l'Emire  ordonna  que  tous  les  Captifs  qui 
avoient  des  enfans  ,  les  tuaffent.  Robert  preffé  de  la  faim 

tua  fa  fille  ,  &  la  m.angea.  Sur  un  nouvel  édir  il  fit  mourir  fa 
femme  ,  mais  en  ayant  fait  cuire  la  chair  ,  il  n'en  put  manger. 
Délivré  de  l'efclavage  il  alla  fe  préfentcr  au  Pape  ,  qui  lui 
donna  pour  pénitence  de  ne  jamais  manger  de  viande  ;  de 
jeûner  au  pain  &:  à  l'eau  tous  les  Vendredis ,  &  les  Lundis  & 
Mercredis  des  deux  Carêmes  de  Nocl  &  de  Pâque  ;  de  fe 
contcnrer  les  autres  jours  d'un  mets  cuit  j  d'aller  nuds  pieds 


4î8  I  NNO  C  E  NT    I  II, 

avec  une  tunique  de  laine ,  un  fcapulaire  irès-court,  &  un  bâ- 
ton long  d'un  coudcc  en  la  main,  demandant  l'aumône  ,  & 
ne  recevant  que  de  quoi  vivre  un  jour  ,  fans  coucher  deux 
niits  en  un  même  lieu;  de  faire  ainfi  des  pèlerinages  pendant 
trois  ans ,  fe  profternanr  devant  l'Eglife  ,  fans  y  entrer  ,  qu'a- 
près avoir  reçu  la  dikipline.  Le  Pape  lui  défendit  au(T)  de  fe 
marier,  &  d'aiïîllcr  aux  jeux  publics  ,  lui  ordonna  de  dire 
le  Pater  cent  fois  par  jour,&  de  faire  cent  génuflexions  ;  Se 
de  revenir  au  bout  des  trois  ans  à  Rome  demander  miféri- 
corde.  Il  donna  à  Robert  une  Lettre  circulaire  adreffce  à  tous 
les  Archevêques ,  Evêques  ,  Abbés  &  Prieurs  ,  pour  recom- 
mander ce  miférable  à  leurs  charités. 
^p!{i.  i\<  XX.  Les  Bulgares  après  avoir  été  fournis  aux  Grecs  plus 
tï/fy.  décent  cinquante  ans,  fe  révoltèrent  fous  Ifaac  l'Ange,  ayant 

pour  chefs  Pierre  &  Afan,  frères,  delccndus  de  leurs  anciens 
Rois.  Ils  aflbcierent  au  Royaume  leur  frère  Jean  ,  ou  Joan- 
nice.  Celui-ci  fe  trouvant  feul  pofl'ciTcur  de  la  Bulgarie  après 
la  mort  de  fes  deux  frères ,  crut  que  pour  affermir  la  puifîan- 
ce  il  lui  feroit  avantageux  de  fe  foumcttre  au  Saint  Siège,  & 
d'en  recevoir  la  couronne.  Il  envoya  donc  à  Rome  en  1 15)7  ; 
mais  il  n'en  reçut  de  réponfe  que  deux  ans  après  ,  la  féconde 
année  du  Pontificat  d'Innocent  III.  Ce  Pape  lui  députa  Do- 
minique ,  Archiprêtre  des  Grecs  à  Bundufe.  Joannice  le  retint 
jufqu'en  1202  ,  puis  le  renvoya  avec  un  Prêtre  nommé  Blaife, 
clu  Evêque  de  Brandizubere,  chargé  d'une  Lettre  pleine  de 
Bpi/i.  116.    refped:  &  de  foumillîon  pour  le  Pape.  Bafile  Archevêque  de 
Zagora  y  en  joignit  une  de  fa  part ,  écrite  dans  le  même  iens. 
Le  Pape  dans  fa  réponfe  à  Joannice  lui  indique  les  Rois  des 
Bulgares  qui  avoient  reçu  la  couronne  du  Saint  Siège.  Il  ajouta 
que  fous  le  Pontificat  de  Nicolas,  Michel  Roi  de  ces  Peu-^ 
pies  avoit ,  aux  exhortations  de  ce  Pape,  reçu  le  Baptême  ;  que 
le  Pape  Adrien  lui  ayant  envoyé   un  Soudiacre  avec  deux 
Evêques  ,  les  Bulgares  gagnés  par  les  préfens  8c  les  promefles 
des  Grecs  ,  chaflcrent  les  Romains  ;  que  cette  L'gcrcté  ne  lui 
permectoit  pas  de  lui  envoyer  le  grand  Nonce  qu'il  dcman- 
doit ,  c'cll-à-dirc  quelque  Cardinal  ;  qu'il  fe  contcntoit  pour 
le  préfcnt  de  lui  députer  Jean  fon  Chapelain  ,  avec  la  qualité 
de  Légat  du  Saint  Siège  ,  &  le  pouvoir  de  réformer  &  ordon- 
ner dans  la  Bulgarie  ,  quant  au  fpiritucl,  tout  ce  qu'il  jugera  à 
propos.  Il  donnera  de  notre  part ,  dit  le  Pape,  le  pallium  à 
l'Archevêque  du  pays,  fera  ordonner  les  Clercs,  &  facrer 


PAP  E,  Chap.  XXIX.  439 

les  Evoques  pnr  les  Evoques  Catholiques  du  voifinagc  ;  s'in- 
formera exattemcnr,  tanc  par  les  anciens  Livresque  par  les  au- 
tres documens ,  de  la  Couronne  donnée  à  vos  Ancêtres  par 
l'Eglile  Romaine,  &  traitera  avec  nous  de  tour  ce  qui  convien- 
dra. Dans  Ta  réponi'eà  Balile,  Archevêque  de  Zigora  ,  il  ex-  ^/''•/'-  '"• 
horce  ce  Prélat  à  reconnoîtrc  la  primauté  de  l'Eglile  Romai- 
ne ,  à  recevoir  comme  la  propre  perlonne  le  Légat  Jean  ;  à 
écouter  fes  inflructions ,  &:  à  faire  accepter  fes  Ordonnances 
par  tous  les  Bulgares.  Le  rcftc  de  la  Lettre  contient  les  mêmes 
chofes  quecelleà  Joannice.  (p) 

XXI.  Avant  que  ce  Prince  l'eût  reçue ,  il  en  écrivit  une  au 
Pape  Innocent  III ,  par  laquelle  il  difoit  :  Depuis  que  les  Grecs 
ont  Içu  que  j'ai  envoyé  vers  vous ,  le  Patriarche  &  l'Empe- 
reur m'ont  envoyé  dire  :  Venez  à  nous  ;  nous  vous  couronne- 
rons Empereur,  &  vous  donnerons  un  Patriarche:  car  votre 
empire  ne  fubrifleroit  pas  fans  cette  dignité.  Mais  je  n'ai  pas 
voulu ,  parce  que  je  veux  être  fervitcur  de  faint  Pierre  &  de 
votre  Sainteté.  Joannice  accompagna  cette  Lettre  de  pré- 
fens  en  argent  monnoyé ,  en  vaifTelle,  en  étoffes  de  foie,  en 
cire ,  en  chevaux ,  en  mulets ,  &  la  fcella  de  bulles  d'or ,  à  la 
manière  des  Grecs.  L'Archevêque  Balile  fut  porteur  de  cette 
Lettre  (^),  mais  les  Grecs  l'ayant  empêché  depaflcrà  Rome, 
il  revint  en  Bulgarie.  Le  Légat  Jean  lui  donna  le  pallium  , 
&  reçut  de  lui  le  ferment  de  fidélité  au  Pape  dans  l'Eglife, 
en  préfence  de  plusieurs  Evêques.  De  concert  avec  Joanni- 
ce, le  Légat  établit  en  Bulgarie  deux  Archevêchés  ,  qu'il 
fournit  à  l'Archevêque  Balile  (r  )  comme  à  leur  Primat ,  & 
mit  le  Siège  Primatial  dans  la  Ville  de  Ternoue ,  alors  Capi- 
tale de  ce  Royaume.  Bafile  en  écrivant  au  Pape,  lui  deman- 
da deux  palliums  pour  ces  deux  Archevêques  ,  &  le  pria  de 
lui  apprendre  comment  ils  dévoient  avoir  le  faint  Chrême 
pour  baptifer  leurs  Peuples  ,  afin  qu'ils  ne  fuffent  pas  privés 
de  cette  on£tion.  Joannice  demanda  aufli  au  Pape,  en  ren- 
voyant le  Légat ,  d'accorder  à  l'Eglife  de  Ternoue  le  pouvoir 
de  faire  le  faint  Chrême  à  l'ufage  du  Baptême  ;  d'élire  &de 
facrer  le  Patriarche  après  la  vacance  du  Siège  ,  &  de  lui: 
envoyer  un  Cardinal  avec  un  fceptre  &  une  couronne,  pour 
k  facrer  &  le  couronner.  On  voit  par  cette  Lettre  qu^e  le» 

(p)  Lit.  6  ,  Epift.  141,  |.     (  r  J  Gefi.  Innoc,  num.  70,71,  Ji» 

Cî)  ii/V.  %/?.  143.  \ 


440  I  N  N  O  C  E  N  T    1 1  I , 

Evcques  Bul;:^'ares  ne  faifoicnt  point  eux-mêmes  le  faint  Chrê- 
me ,  qu'ils  le  recevoicnr  des  Grecs  ,  &  que  ne  voulant  plus 
leur  être  foumis ,  ils  demandoicnt  au  Saint  Siège  le  pouvoir 
de  le  faire  eux-mêmes. 
£/»/?.  lii.        XXLI.  Jean  de  Belles-Mains  s'éranr  retiré  à  Clairvaux  vers 
l'an  1 15^5  ,  écrivit  quelques  années  après  ,  de  fa  retraite  ,  au 
Pape  Innocent  II L  pour  avoir  des   éclairciffcmens  fur  trois 
difficultés  ,  dont  les  deux  premières  regardoient  l'Euchariflie, 
la  troifiéme,  le  changement  fait  dans  une  Collede  au  jour  de 
la  Fête  de  faint  Léon.  L'Archevêque  demandoit  en  premier 
lieu,  pourquoi  dans  la  confécrarion  du  Calice  l'Eglife  a  ajou- 
té ces  mots  :  Alyjltre  de  la  Foi.  Innocent  III  répond  qu'en  exa- 
minant le  Canon  de  la  Mefle ,  on  trouvera  que  l'Eglife  y  a 
ajouté  d'auties  mots  que  ceux-là  ;  par  exemple  ,  que  ]e'us-C1irijl 
èltva  les  yeux  au  Ciel  ;  &  à  l'épithete  du  Nouveau  Tefîament  , 
celle  d Eternel ,  quoique  ni  l'une  ni  l'autre  ne  fe  lifent  pas 
dans  l'Evangile  ;  que  ceux  qu'elle  a  ajoutés ,  ont  pu  lui  être 
connus  par  la  tradition  des  Apôtres  ,  foit  orale  ,  foit  par 
écrie  :  car  les  Evangéliftes  n'ont  pas  rapporté  toutes  les  paro- 
les &  toutes  les  actions  de  Jefus-Chrift.  Ce  n'cft  que  dans  S. 
>)i7.io.  55;    p^^j  q^jg  j^Qjjg  lifons  que  le  Sauveur  a  dit  :  Il  vaut  mieux  don- 
ner ,  que  de  recevoir  ;  &  qu  après  la  reiurrection  ,    il  apparut 
A  plus  de  cinquante  Difciples  à  la  fois.  Il  réfute  ceux  qui  de  ces 
paroles  :  Alyjîere  de  la  Foi  ,  concluoient  que  l'Euchariflie 
n'efl  le  Corps  de  Jefus-Chrift  qu'en  figure  :  &  fait  voir  qu'el- 
le efl  tout  enfemble  figure   &  vérité ,  &  qu'on   n'appelle  le 
Sacrement  de  l'Autel ,  un  Myjîere  de  foi ,  que  parce  que  l'on 
y  voit  des  apparences  de  pain  &  de  vin  ,  &  que  Ton  y  croit  la 
vérité  de  la  chair  &  du  fang  de  Jefus-Chrift  (i).  Il  ne  doute 
point  que  les  Apôtres  n'aient  reçu  de  Jefus-Chrift  la  forme 
de  la  Confécrarion  ,  comme  elle  fe  dit  dans  le  Canon_,  &  qu'ils 
ne  l'aient  tranfmife  à  leurs  SuccelTeurs  (?).  A  la  féconde  quef- 
tion  de  l'Archevêque  Jean  :  fçavoir  fi   l'eau  eft  changée  au 
précieux  fang  avec  le  vin  ,  le  Pape  après  avoir  rapporté  les 
différentes  opinions  des  Théologiens,  regarde  commue  la  plus 
probable  celle  qui  foutient  que  l'eau  eft  changée  au  lang  a>-ec 
le  vin ,  afin  que  la  propriété  du  Sacrement  paroifle  plus  clai- 


(/)  Cernitur  fpecies  pflnls  &  vini ,  & 
creditur  veritas  carnis  &  fanjuinis, 


rum  ,  ficut  in  canone  reperitur ,  &'  à  Clirif- 
to  Ap  Tloli  ,  &ab  ipfîs  eorum  acceperunt 


{t)  Credimus  quoi  formam  verbo- 1 Succeflorts. 

rement. 


PAPE,  Chap.  XXIX.  441 

rcmont  :  cirl'cnu  cfl  mêlée  au  vin  pour  roprcfcnrcr  le  Peuple 
uni  à  JcUis-Chrilt ,  en  ce  que  comme  il  a  pris  notre  nature, 
nous  le  recevons  lui-même  en  ce  Sacrement ,  &  nous  lui  lom- 
mcs  icllcmcnt  unis,  que  par  lui  nous  devenons  un  avec  le  Pcre. 
L'orailon  lecrette  do  la  Meffe  de  faint  Léon  avoit  donné  lieu 
à  la  troilicmc  qucftion.  On  y  liloitccs  paroles  :  Àor.ordez-nous  ^ 
Seigneur  ,  que  cette  oblation  fait  utile  à  l'ame  de  votre  ferviteur 
Léon.  On  mit  à  la  place  de  ces  mots  ,  ceux-ci  :  ^ue  cette  obla- 
tion nous  fait  utile -par  rintercejjion  du  bienheureux  Léon.  La  pre- 
mière formule  le  lit  encore  dans  le  Sacramentairc  de  iaint 
Grégoire:  mais  la  féconde  ne  fe  trouve  plus  dans  le  MifTei 
Romain,  fi  ce  n'eft  à  la  Fête  de  faint  Grégoire.  Le  Pape  die 
qu'il  ne  fçait  qui  a  fait  ce  changement,  ni  en  quel  temps  il  a 
été  fait  ;  mais  que  c'a  été  fans  doute  parce  que,  félon  la  doilri- 
nc  de  l'Eglilc ,  établie  dans  faint  Auguflin  ,  c'eft  faire  injure  à 
un  Martyr ,  de  prier  pour  lui  ;  &  que  l'on  doit  dire  la  même 
chofe  des  autres  Saints.  Venant  au  fond  de  la  queflion  ,   qui 
efl:  de  fçavoir  comment  on  doit  entendre  les  prières  que  l'on 
fait  pour  les  Saints ,  il  répond  que  c'eft  de  notre  part  un  fou- 
hait,  que  les   Saints  foient  de  plus  en  plus  honorés  fur  la 
terre,  ou  que  leur  gloire  augmente  dans  le  Ciel  julqu'au  jour 
du  Jugement  dernier;  qu'au  refte  les  Saints  étant  parfaitement 
heureux  ,  c'eft  plutôt  nous  qui  avons  befoin  de  leurs  prières , 
qu'ils  n'ont  befoin  des  nôtres. 

XXIII.  Guillaume  Comte  de  Montpellier  voulant  faire  lé-  ^  ^.^ 
gitimer  les  enfans  qu'il  avoit  eus  d'une  femme  du  vivant  de  fa 
femme  légitime  qu'il  avoit  répudiée  ,  employa  ,  pour  obtenir 
cette  grâce  du  Saint  Siège,  la  médiation  de  l'Archevêque 
d'Arles.  Le  Comte  fe  fondoit  fur  ce  que  le  Pape  en  avoit  ac- 
cordé une  femblable  au  Roi  Philippe,  en  légitimant  les  en- 
fans  que  ce  Prince  avoit  eus  d'Agnès  de  Méranie ,  après 
avoir  renvoyé  Ingeburge  de  Dannemarc.  Innocent  III  fait 
voir  d'abord  dans  fa  réponfe  que  le  Saint  Siège  a  l'autorité  de 
légitimer  des  enfans  ;  que  cette  légitimation  vaut  non-feule- 
ment pour  le  fpiritucl,  mais  aufli  pour  le  temporel.  Il  dit  en- 
fuite  que  la  grâce  accordée  aux  enfans  du  Roi  Philippe,  croit 
fondée  fur  des  motifs  qui  ne  pouvoient  avoir  lieu  à  l'égard 
de  ceux  du  Comte  de  Montpellier;  que  le  Roi  Philippe  avoit 
d'Yfabclle  fa  femme  légitime  un  fils  aîné  ,  héritier  préfomptif 
de  la  couronne,  au  lieu  que  le  Comte  n'avoit  aucun  enfant 
mâle;  que  le  Roi  n'étoit  fournis  au  Saint  Siège  que  dans  le 
Tome  XXllU  K  kic 


442  INNOCENTIII, 

fpirituel  ;  tandis  que  le  Comte  en  dépendoir ,  tant  dans  le  fpi- 
rituel  que  dans  le  temporel  ,  puilqu  il  tcnoit  une  partie  de  la 
terre  de  l'Eglile  de  Magiielone ,  qui  en  devoir  elle-même  une 
reconnoiflance  aUvSaint  Siège; que  Ci  le  Roi  Philippe  s'étoit: 
icparé  de  la  Reine  Ingeburge  ,  ce  n'ctoit  qu'enluite   d'une 
Sentence  rendue  par  l'Archevêque  de  Rheims,  Légat  Apoflo- 
li-jue  ;  au  lieu  que  le  Comte  de  Montpellier  s'étoit  iéparé 
de  la  Tienne ,  au  mépris  de  l'Eglife  &  fans  aucune  formalité  •, 
enfin  ,  qu'il  avoit  été  au  pouvoir  du  Roi  de  légitimer  fes  en- 
fans  quant  au  tem.porel  ,  &  que  fi  à  cet  égard  il  avoit  eu  re- 
cours au  Saint  Siège ,  c'cft  qu'il  l'avoit  bien  voulu ,  mais  que 
le  Comte  dépendant  d'autres  Souverains ,   il  n'avoir  pas  la 
même  autorité  pour  la  légitimation  de  fes  enfans  quant  au 
temporel.  Le  Pape  conclue  qu'il  ne  lui  accordera  pas  fa  de- 
mande ,  qu'il  n'ait  fait  voir  auparavant  _,  ou  que  fa  faute  dans 
le  divorce  avec  fa  femme  légitime  ,  n'eîl  pas  ii  confidérable  , 
ou  que  la  puiffance  efl;  plus  indépendante.  L'acie  de  légitima- 
tion des  enfans  du  Roi  Philippe ,  furnommé  Augufte ,  cil  rap- 
porté dans  l'Appendice  du  cinquième  Livre  avec  plufieurs  au- 
tres A£les  &  Lettres  d'Innocent  lïl  qui  n'a  voient  pas  encore 
.      été  rendus  publics. 
iestênresTui      XXIV.  Monfieur  Balufe  a  fait  imprimer  à  la  fuite  du  cin- 
concernent'ia  qiiicme  Livre  des  Lettres  d'Innocent  II I  ,  le  régidre  de  ce 
conteftation    p^      touchant  Ics  conteflaùons  de  l'Empire  d'Allem.ao;ne.  IL 
&  Othon  lur  écrivit  fur  ce  fujet  grand  nombre  de  Lettres,  &  il  en  reçue 
TEmpi  e.      dg  bcaucoup  dc  pcrlonnes.  Aucune  de  ces  Lettres  ne  fe  trou- 
''^'  ^  ^*      ve  parmi  celles  que  l'on  a  recueillies  en  dix-neuf  Livres ,  fui- 
vant  les  années  de  fon  Pontificat,  parce  que  prévoyant  que 
le  Ichifme  qui  divifoit  l'Allemagne  ,  occafionneroit  divers 
grands  événemens ,  il  avoit  réfjlu  de  les  rapporter  dans  une 
Collection  particulière.  Le  détail  en  feroit  trop  long.  Il  nous 
fuffira  de  marquer  ici  en  quoi  confiftoit  ce  fchifme  ,.  quelle 
en  fi:t  t'occDiion  ,  &  le  parti  que  le  Pape  y  prit. 
Surqiiolrou-      XXV.  Henri  VI  un  an  avant  fa  m.orr,  qui  arriva  le  28  de 
«61131"^  Dé-  Septembre  i  '  97  ,  avoit  fait  élire  pour  fon  Succeffeur  Fride- 
cifionduPape.  ric  II,  âgé  feulement  de  trois  ans.  Cette  élection,  qui  fefit  en 
1 15?*^,  fut  d'abord  mép-iféc  en  Allemagne;  mais  en  1 198  cite 
fut  confirmée  à  Erford  par  l'Archevêque  de  Maycnce  &  la 
plupart  des  Princes   Allemands.   L'année  précédente  n*?/ 
Philippe  de  Souabe  fon  oncle  ,  frerc  de  Herri  VI,  fjt  inftitué 
Ion  Tuieur ,  &  élu  Roi  dc  Germanie  par  une  autre  partie  des 


PAP  E,  Chap.  "XXTX.  44? 

Seigneurs.  D'autres  clin  cnc  la  même  année,  à  Cologne,  Orhon 
Duc  de  Saxe  ,  fils  de  Henri  le  Lion  ,  qui  fut  couronné  Roi  à 
Aix-la-Chapelle  le  jour  de  la  Pentecôte.  Philippe  de  Souabe 
Tavoit  été  ,  mais  en  qualité  de  Roi  des  Romains,  à  Mayencc, 
rOdavc  de  Pàquc  ;  &  c'cfl:  l'époque  de  fon  règne  dans  les 
monumcns  du  temps.  Le  Pape  Innocent  écrivit  plu  (leurs  Let-  ^^v'?-  li- 
tres au  lujet  de  ces  trois  élevions.  La  plus  remarquable  eft  la 
vingt-ncuvicme ,  dans  laquelle  après  avoir  rapporte  les  rai- 
ibns  que  Ton  pouvoir  alléguer  pour  &  contre  les  prétentions 
de  chacun  de  ces  trois  Princes  ,  il  décide  en  faveur  d'Ochon  , 
&  conclut  à  ce  qu'il  ibit  reconnu  pour  Roi ,  &  appelle  à  la 
couronne  Impériale.  Il  fit  part  aux  Princes,  tant  Eccléfiafli-  E^t/?.  jj, 
ques  que  Laïques  d'Allemagne,  desraifons  qui  Tavoient dé- 
terminé pour  Ochon  ,  &  leur  enjoignit  de  lui  rendre  le  ref- 
ped  &  l'obéiflance,  en  t]ualité  de  Roi  des  Romains  &  d'Em- 
pereur élu,  promettant  de  mettre  en  fiâreté  leur  réputation 
&  leur  conicience  touchant  les  fermens  qu'ils  pouvoienc 
avoir  faits  auparavant.  Il  conclut  en  ces  termes  la  Lettrequ'il  ppjji,^^,  : 
écrivit  à  Othon:Par  l'autorité  du  Dieu  tout-puiiTant  qui  nous 
a  été  donnée  en  la  perfonne  de  faint  Pierre,  nous  vous  rece- 
vons pour  Roi ,  &  nous  ordonnons  qu'à  l'avenir  on  vous  ren- 
de en  cette  qualité  relpctl  &  obéiffance;  &  après  les  préli- 
minaires accoutumés,  nous  vous  donnerons  folemnellement  la 
Couronne  Impériale.  Ces  deux  Lettres  font  du  2  Mars  120 1. 
Le  règne  d'Othon  ne  fut  pas  tranquille.  Défait  en  1 206  par 
Philippe  de  Souabe  ,  excommunié  en  1210  par  le  Pape 
Innocent  III ,  défait  entièrement  en  12 14  par  le  Roi  Philip- 
pe-Augufle,  &  abandonné  de  tout  le  monde  ,  il  mourut  fans 
poflérité  au  Château  d'Horzbourg  le  ij>  Mai  121 8. 

XXVI.  Après  la  mort  de  Hugues,  Evêque  d'Auxcrre  en  Livre  dixîe- 
1206,  les  Officiers  du  Roi  faifirent ,  fuivant  la  coutume  ,  les  "^^  ^'^l  L"- 
Régales ,  c'cft-à-dire  les  Fiefs  mouvans  de  la  Couronne  :  mais  ]!ç^^^  t3m?°' 
fous  ce  prétexte  ils  commirent  des  exaâions  violentes,  dé-  pag-  '-. 
graderent  les  bois  ,  épuiferent  les  étangs  ,   pillèrent  les  biens     ^^'^'  ^^' 
de  l'Eglife ,  dépouillèrent  les  fermes  ,  en  enlevèrent  les  bei- 
tiaux,  les  bleds,  les  vins  &  autres  denrées;  contraignirent, 
à  force  de  mauvais  traiteraens ,  les  hommes  de  la  même  Eglife 
à  leur  payer  des  fommes  d'argent,  &  emportèrent  tous  les 
meubles  de  la  Maiion  Epilcopale.  Ils  confisquèrent  même  ce 
que  Hugues  avoir  légué  aux  Eglifes  &  aux  Pauvres  par  fon 
Tcftament.  Le  Roi  fc  faific  encore  de  deux  Prébendes  qui 

K  k  K  ïj 


444  INNOCENT    ITT, 

virrenrà  vaquer,  &  les  donna  aies  Clercs.  LcIU  i  Louis,  pcrc 
de  Pnilippe-Auguftc,  n'avoir  rien  commis  de  fcmblablc  pen- 
dant fon  r.gne  ,  ni  aucun  de  fes  Prédccefi'eurs  :  mais  à  la  va- 
cance du  Siège  ,  le  Df:^yen  &  TArchidiacrc  fc  faifirent  des 
revenus  d^'  l'Egliie ,  &  les  adminiftrercnr  pendant  la  vacance , 
pour  les  remettre  à  celui  qui  Icroitclu  Evoque.  Ce  fut  Guil- 
laume de  Seignclai  :  auflirôr  après  fon  eledion  il  envoya  de- 
mander au  Koi  la  levée  de  la  Régale,  &  ne  l'ayant  pas  obte- 
nue ,  il  y  alla  lui-même.  Ses  remontrances  ne  fur;  nr  pas  écou- 

_  tées.  Le  Pape  en  fit  parler  au  Roi  par  deux  Evéques.  Ce  Prin- 

'  ce  fe  laifTa  enfin  Héchir,  &  par  un  Aâe  de  l'an  i  icy  il  rcftitua 
ce  qui  avoit  été  légué  par  l'Evcque  Hugues  ,  fit  la  remife  de  la 
Régale  à  Guillaume  fon  Succefleur  ,  &  donna  à  perpétuité  à 
l'Eglife  d' Auxene  tous  les  droits  qu'il  avoit  fur  la  Régale  pen- 
dant la  vacance  du  Siège  ,  conlentant  que  le  Doyen  &  le  Cha- 
pitre les  gardafTent  pour  l'Evcque  futur,  de  même  que  les  Pré- 
bendes qui  pourroient  vaquer  alors. 

Efiftl  I  lo.  XX  VIL  Dans  une  Lettre  à  l'Evêque  de  S.uagofle ,  le  Pape 
déclare  que  par  le  terme  de  Novaks  mentionné  dans  les  Bul- 
les des  Papes ,  il  faut  entendre  une  terre  nouvellement  cul- 
tivée ,  &  donc  on  n'a  point  de  mémoire  qu'elle  l'ait  été  aupa- 
ravant. Dans  une  autre  il  accorde  à  un  Seigneur ,  qui  pour 
obtenir  le  pardon  de  fes  péchés  s'étoit  engagé  au  fer  vice  de 
r  .      ,     la  Terre-Sainte  ,  de  choifir  avant  fon  départ  un  Prêtre  dilcret 

Ipijl.   117.  ■      .  r    fy/  ,  ...      ,  1  /     1     /         1        r-  • 

pour  lui  conicUer  avec  humilité  tous  les  pèches  de  la  vie  ,  & 
en  recevoir  une  pénitence  falutaire.  Un  Evêque  exilé  de  fon 
Diocèle  avoit  défendu  à  tous  fes  Clercs.de  fe  faire  promou- 
Tpiji.  ijy.  voir  aux  Ordres  facrés  par  d'autres  Evêques  ,  fans  fa  partici- 
^Epm.''ii.  P'^"^"*  Plufieurs,  fans  avoir  égard  k  fa  défenfe  ,  fe  firent  or- 
donner en  d'autres  Diocèfes.  Sur  fes  plaintes  ,  le  Pape  inter- 
dit de  leurs  fondions ,  tant  les  Ordonnés  que  les  Evêques 
qui  leur  avoient  conféré  les  Ordres ,  en  fuppofant  toutefois 
qu'ils  avoient  eu  connoiffjnce  de  la  défenfe  faite  par  l'Evê- 
E/.;/?.  F4tf.  qjjg  Diocéfain.  Un  Clerc  qui  n'étoic  qu'Acolyte,  s'étoit  fait 
ordonner  Diacre  ,  fans  avoir  reçu  le  Soudiaconat.  II  fit  péni- 
tence de  cette  faute  dans  un  Monaftere;  puis  s'adrcfla  à  un 
Evêque  pour  fçavoir  comment  il  dcvoit  fe  comporter.  L'Evê- 
que le  renvoya  à  l'Archevêque  de  Lunden  ,  qui  lui  défendit 
de  faire  les  fondions  de  Diacre  jufqu'à  ce  qu'il  eût  confulté 
là-delTus  le  Saint  Siège.  Innocent  III  répondit  que  fi  ce  Clerc 
avoit  d'ailleurs  du  mérite ,  il  pouvoit  lui  permettre  hi  fondions 


PAPE,  Chap.  XXTX.  445 

du  Diaconat,  mais  Iculcment  apics  .ju'il  l'uuroic  ordonne  Sou- 
diacre. 

XXVIII.  Voyant  que  tout  ce  que  l'Eglifeavoit  fait  pour  p^/y?.  ^^^^ 
détruire  l'hérélie  des  Albigeois ,  étoic  inutile  ,  le  Pape  eut  re-  s  /'*.  n. 
cours  au  Bras  Tcculier  pour  les  extirper  de  la  France  ,  où  ils  ^^'^''  ^^' 
fe  rcpandoicnt ,  &■  en  écrivit  au  Roi  ,  &  à  pliilieurs  Seigneurs 

du  Koyaume,  accordant  à  tous  ceux  qui  prendroicnt  les  ar- 
mes contre  ces  Hérétiques  ,  les  mêmes  indulgences  qu'aux 
Croiiés  pour  la  Terre-Sainte.  Il  fixa  <à  huit  le  nombre  des  £^,y?.  jj^ 
Maîtres  de  Théologie  dans  l'Univcrfité  de  Paris  ,  à  moins 
que  la  néccfTitc  ou  l'utilité  n'en  demandairent  davantage  ;  dé- 
clara qu'un  Soudiacre  pouvoir  être  élu  E>/êque,  le  Soudiaco- 
nat  éiaiit  à  préfpnr  ;îii  nombre  des  Ordres  lacrés,  8c  les  Sou-  ^f'^'  ^^^' 
diacres  obligés  à  la  contincnct. 

XXIX.  Dans  la  réponfe  à  diverfcs  Confultations  de  l'Ar-     Livre  on-» 
chevêque  de  Befançon  ,  il  décide  que  les  Clercs  dans  les  Or-  ^'^'"^'  P^S* 
dres  mineurs  qui  ont  du  patrimoine  en  fuffifance  pour  s'entre- 
tenir décemment ,  peuvent  être  promus  aux  Ordres  fupérieurs^ 

quand  mêinc  ils  n'auroient  point  de  Bénéfices  Eccléfiafliques; 
que  les  Moines  affignésen  témoignage  dans  la  caufe  de  leurs 
Frères ,  ne  le  peuvent  rendre  fans  avoir  prêté  ferment ,  fi  ce 
n'eft  que  la  Partie  adverfe  les  en  dilpenfe  ;  que  les  Religieux 
qui  ont  acquis  des  terres  fujettes  à  la  dixme  ,  doivent  la 
payer ,  à  moins  qu'ils  n'aient  obtenu  des  privilèges  là-defTus  ; 
qu'il  n'efl;  pas  permis  d'employer  l'épreuve  de  l'eau  bouillan- 
lante  ,  foit  dans  les  caufes  Matrimoniales ,  foit  dans  les  Ec- 
cléfialliques.  Confulré  fi  l'on  devoir  féparer  deux  perfonnes  ^^'^'  '°^' 
coupables  l'une  &  l'autre  d'adultère  ,  le  Pape  répondit  que 
non  ,  parce  que  l'égalité  des  crimes  faifoit  une  compenfation 
entr'clles  ;  que  dans  ce  cas  le  mari  &  la  femme  étoient  obli- 
gés de  le  rendre  mutuellement  le  devoir.  Il  permit  à  un  hom- 
me qui  du  vivant  de  fa  première  femme  en  avoit  époufé  une  ^P'-ft-  -77î 
autre  dans  un  pays  éloigné ,  de  demeurer  avec  celle-ci  depuis 
qu'il  avoit  appris  la  mort  delà  première,  pourvu  qu'il  n'eûc 
contribué  en  rien  à  cette  mort.  La  raifon  du  Pape  eii ,  qu'é- 
tant libre  par  la  mort  de  la  première  femme,  il  a  pu  contrac- 
ter de  nouveau  avec  la  féconde  ,  d'autant  qu'elle  n'avoit  au- 
cune co  nnoifiance  qu'il  fûimarié  à  une  autre  quand  elle 
l'épousa. 

XXX.  Le  Pape  réfute  dans  la  Lettre  à  l'Evcque  de  Fer-   .'-■^e  don- 
rare,  l'opinion  de  quelques  Théologiens  qui  foutcnoient  que^^,™^'  ^^^' 


44^  I  NNO  C  EN  T    I  II, 

Teau  que  faint  Jean  dit  ctre  fortie  du  côré  de  Jefus-Chrift  avec 

Epip,  7.  le  fang,  n'ctoit  que  du  phlegme  ou  une  humeur  aqueufe  de  fon 
corps.  Premièrement,  l'on  doit  là-dcflTus  s'en  rapporter  àTE- 
vangclifte  ,  qui  avoit  vu  lui-même  couler  cette  eau  :  fi  c'eût 
été  une  humeur  aqueufe  ,  il  l'auroit  marqué.  Secondement  , 
on  a  toujours  regardé  dans  l'Eglife  cette  eau  comme  la 
figure  du  Baptême  ,  &  comme  une  raifon  de  mêler  l'eau  avec 
le  vin  dans  le  Sacrement  de  l'Euchariftie.  Il  ordonna  la  dif- 
folution  d'un  mariage  vingt  ans  après  qu'il  avoit  étécontradé  , 
parce  qu'on  découvrit  que  les  conjoints  étoient  parens  ,  & 
que  la  femme  tombée  dans  l'hérélîe  des  Cathares ,  failoit  tous 

f>//î.  ip.  fes  efforts  pour  infeder  de  fes  erreurs  toute  fa  famille  &  fes 
voifines.  Il  permit  à  un  Clerc  qui  en  badinanr  avec  un  de  fes 
rnmpatrnnnc  rl'otud».  lui  avou  ucLiifionné  une  chûte  ,  dont  il 
mourut  le  quatrième  jour,  de  retenir  fon  Bénéfice  &  de  fe  fai- 
fr  if'iô'  ^^  promouvoir  aux  Ordres  fupérieurs ,  après  que  fon  Evêque 
Mfift.'j^.'es.  lui  auroitimpofé  pour  cette  faute  une  pénitence  convenable. 
Il  diipenfa  du  défaut  de  naifi!ance  un  jeune  homme  qui  le 
réparoit  par  fes  bonnes  mœurs  ,  &  déclara  que  quoique  né 
d'une  concubine  &  d'un  Diacre  ,  il  feroit  habile  à  pofTédcr 

Livre  trei-  yj^  Bénéfice  qui  n'auroit  point  charge  d'amcs. 
7.^eme,  pag.        ;5^xxr .  A  la  requête  des  Abbés  de  l'Ordre  de  faint  Benoît 

£^7/?.  114.  dans  la  Province  de  Rouen  ,  Innocent  III  leur  accorda  d'af- 
fembler  chaque  année  un  Chapitre  Provincial ,  où  fous  la  di- 
rection d'un  Abbé  Religieux  &  humble  ils  puflcnt ,  en  confé- 
r.int  tous  enferable,travailler  à  la  réformation  des  mœurs, tant 
des  Abbés  que  des  Moines;  &  s'affermir  par  la  pratique  exaèfe 
de  leurs  Statuts,  dans  le  fervice  qu'ils  doivent  à  Dieu.  Confulté 

Epiji.117.  par  l'Archevêque  de  Rouen  fi  la  tonfure  que  les  Abbés  confè- 
rent à  leursMoines,lesconfi:itue  dans  l'Ordre  de  la  Cléricature, 
le  Pape  répondit  que  ce  privilège  avoit  été  accordé  aux  Abbés 
par  le  fcptième  Concile  général  ,  mais  feulement  dans  leur 
propre  Monaflere  ,  pourvu  que,  fuivant  la  coutume  ^ces  Ab- 
bés aient  été  bénits  par  l'Evêque,  qu'ils  fuffent  Prêtres  ,  & 
frJi.  1S7.  q^i'i's  conférafi"ent  cette  tonfure  fuivant  la  forme  de  l'Eglife. 
Il  reforma  un  abus  introduit  dans  quelques  Maifons  de  Filles 
de  l'Ordre  de  Citeaux  ,  où  les  Abbelfcs  béniffoient  elles-mê- 
mes leurs  Religieufes,  entendoient  leurs  Confeffions,  iiloicnt 
l'Evangile,  &  l'expliquoient  en  public.  Quoique  la  très-fainte 
Vierge  Marie  ait  été  ,  dit-il,  plus  digne  &  plus  excellente 
que  tous  les  Apôtres ,  ce  n  eft  pas  à  elle,  mais  à  eux  ,  à  qui 


P  APE,  Chap.  XXTX.  447 

le  Seigneur  a  donne    les  clefs   du  Ciel.  Il   décide  que  le     ^^^y,  jj,^^ 
patrimoine  d'un  Clerc  appartient  après  fa  mort  à  fes  héri- 
tiers. Livre   qua- 

XXXII.  Il  défend  aux  Moines  de  fe  cautionner  pour  pcr-  tormme,  p. 
fonne ,  fans  le  confcnrcment  de  l'Abbé  &  de  la  plus  grande  ''^^],;yî.  ^j. 
partie  du  Chapitre  ;  &  au  cas  que  quelque   Moine  fcroic  le 
contr.iire,  il  décharge  le  MonaRere  du  cautionnement.  11  dé- 

fend  auifi  aux  Clercs  conftitucs  dans  les  Ordres  facrés,  de      P'I'-''-^' 

faire  l'Oflke  de  Tabellion  ,  fous  peine  de  privation  de  leurs 

Bénéfices  ;  &  aux  Prêtres,  de  rendre  des  Jugemcns  touchant 

les  épreuves  de  Teau  froide,  ou  du  fer  chaud,  ou  du  duel;     Spifl.  ij8. 

TEglife  n'admettant  point  de  Jugemens  iemblables ,  quoiqu'ils 

foient  ufirés  dans  les  Tribunaux  léculicrs. 

XXXIII.  L'Abbé  de  faintc  Colombe  à  Sens ,  eut  avec  l'Ab-     Livre  quJn- 
bé&  les  Moines  de  faint  Pierre-le-Vif  en  la  même  Ville  une  zieme  p.j??. 
difficulté  au  fujet  du  corps  de  faint  Loup,  Archevêque  de  Sens.      ^'■'" 
Ceux-ci  prétendoient  en  avoir  la  tête  &  quelques  membres 

de  l'on  corps  ;  l'Abbé  de  fainte  Colombe  montroit  l'autenti- 
que  ou  procès-verbal  de  la  viiîte  faite  du  corps  de  ce  Saint, 
qui  portoit  que  Hugues,  Archevêque  de  cette 'Ville  ,  dans  une 
affeniblée  d'Evêques  invités  exprès,  y  avoit  montré,  en  pré- 
fence  du  Clergé  8c  du  Peuple,  le  corps  entier  de  faint  Loup 
&:  la  tête  dans  l'Eglife  de  fainte  Colombe.  L'affaire  portée 
au  Saint  Siège ,  le  Pape  jugea  en  faveur  du  Monaftere  qui 
porte  le  nom  de  cette  Sainte  ,  avec  défenfes  aux  Abbés  &  Moi- 
nes de  faint  Pierre  de  s'attribuer  à  l'avenir  les  Reliques  de  ^P>fi'  88. 
faint  Loup.  Il  y  a  plufieurs  Lettres  d'Innocent  III  au  fujet  des  ^' 
portions  congrues  des  Prêtres  qui  dcflervent  les  ParoilTes.  Il 
veut  que  les  Patrons  aient  foin  de  leur  faire  aflTigner  une  par- 
tie des  revenus  de  l'Eglife  pour  leur  fubriilance.  Il  décide  Epifi.  toi. 
qu'un  homme  qui  a  commis  un  adultère  avec  une  femme  ^  du 
vivant  de  fcn  mari  ,  peut  l'époufer  après  la  mort  du  mari , 
pourvu  qu'il  n'ait  point  donné  promeffe  de  mariage  à  cette 
femme  avant  la  mort  de  fon  mari ,  &  qu'il  n'y  ait  pas  con- 
tribué. 

XXXIV.  Le  Pape  écrivit  à  l'Archevêque  de  BeHinçon  ,  ipifl.  \6i, 
dont  l'Fglifeavoit  été  incendiée ,  quefi  les  murailles  n'avoienc 
pas  étéendcmmagées;li  la  table  du  Maître  A utel  n'avoir  fouf- 
fcrt  que  quel  ;ues  légères  fraètures  dans  le'^^  extrémités ,  &  n'a- 
voir point  été  remuée  3^  fa  place ,  on  n^  devoir  pas  confacrer 
de  nouveau  l'Eglife.  Il  répondit  à  l'Evêque  de  Beauvais ,  que    Epiji.  n^ 


448  I  N  N  O  C  E  N  T     T  T  I  ; 

les  terres  dont  la  dixme  a  autrefois  appartenu  aux  gros&  me- 
nus Dccimatcurs  ,  mais  qui  ont  été  long-temps  ians  êtreculti- 

Livre  feizîe- '^^''^■^  »  ^'^^^  doivent  la  même  dixme  ,  quand  on  les  remet  en 

me,pag.75  5.  culrure, 

Epift.  i6.  XXXV.  L'Evêque  de  Slcfvic  lui  avoit  demandé  fi  un  Prê- 
tre qui  a  une  Eglife  dans  un  Diocèfc,  &  qui  y  demeure,  mais 
donc  le  patrimoine  eft  dans  un  autre  Diocèi'e  ,  doit  être  jugé 
par  l'Evêque  du  Diocèlc  où  ce  patrimoine  eft  fituc ,  pour  un 
crime  qui  y  auroit  été  commis  par  ce  Prêtre.  Innocent  III  ré- 

£/»/?.  84.  por'<Jic  que  la  Sentence  devoir  être  publiée  par  l'Evêque  du 
Diocèfe  où  le  délit  a  et  ■  i  ommis ,  mais  exécutée  dans  le  Dio- 
cèfe  où  le  coupable  demeure. 

Ipii.^o:  XXXVI.  La  Lettre  à  l'Archevêque  de  Sens  contient  l'hif- 
toire  de  la  converfion  d'un  Juif  à  Rome,  par  le  miniftere  de 
l'Evêque  de  Tufculum.  Il  défend  dans  celle  qui  eftau  Patriar- 
che de  Jerufalem ,  de  rien  recevoir  pour  l'entrée  dans  la  Re- 

ipifi.ijî.  ligion.  Il  déclare  dans  la  Lettre  à  l'Archevêque  de  Lunden, 
qu'un  Prêtre  qui  a  eu  une  ou  deux  concubines ,  foit  fucceflive- 
mcntjfoit  en  même  temps,  n'en eft  pas  devenu  pour  cela  irré- 

£p>Jf- 148.  guliçr  j  comme  s'il  étoit  bigame  ,  parce  que  le  concubinage  cft 
réputé  pour  la  fimple  fornication  ;  qu'ainli  on  peut  fans  dif- 
penfe  le  rétablir  dans  fes  fondions. 

XXXVII.  Sur  le  doute  qu'avoit  un  Chanoine  s'il  avoic 
reçu  les  Ordres  de  Soudiaci  e  &  de  Diacre  ,  le  Samedi  des 
Quatre-Temps,  ou  feulcmert  le  Dimanche  fuivant  ,  le  Pape 
répondit  qu'on  devoit  toujours  préfumer  que  l'Evêque  a  fuivî 
dans  l'Ordination  les  règles  de  l'Eglife ,  à  moins  que  le  con- 
traire ne  foit  Trouvé  évidemment  ;  qu'ainfi  ce  Chanoine 
pouvoit  fans  fcrupule  faire  les  fondions  de  fes  Ordres.  D'un 
grand  nombre  de  Lettres  que  le  Pape  Innocent  III  écrivit 
'^f'J*'  pour  la  convocation  du  Concile  général  de  Latran  ,  on  n'a 
rapporté  dans  cette  coUeclion  que  celles  qui  font  adrefTées  à 
l'Archevêque,  aux  Evêques,  Abbés  &  Prieurs  de  la  Province 
de  Vienne ,  aux  Patriarches  d'Alexandrie  &  de  Jerufalem ,  & 
es  d'inno-  ^  l'Archevêque  de  Lunden,  Légat  Apoiloliquc. 
cent  m.  XXXVIIÎ.  Outre  les  Lettres  de  ce  Pape  rapportées  dans 

la  Colledion  de  M.  Balufe  ,  il    s'en   trouve  deux  dans  le 
quatrième  &  le  fixiéme  Tome  de  fes  Mélanges  ,  l'une  pour 

Pag.  467.  l'Eglife  d'Albi,  &  l'autre  pour  la  confécration  de  Foulques  , 

Pag.  4j8.  EvêquedeTouIoufe.  Pierre  Ludevig  en  rapporte  une  iroiliéme 

touchant  le  droit  que  l'on  a  en  Allemagne  d'appeller  au  Saint 

Siège 


rres 


PAPE,  Chap.  "XXT'X.  44<) 

Sîcgc,  m.ilgrc  l'EmpcTcur  (a-)  ;  en  une  quatrième  à 'Waulcicr , 
AbbidcMonc-Screin.  LesLcttres(y)  qui  concernent  l'Elpagnc 
ont  crc  imprimées  dans  le  troificmc  Tome  des  Conciles  du 
Ordinal  d'Aguire.Goldafl:  dans  Ton  Traité  de  la  Monarchie 
rapporte  l'Flpùre  Décrétale  d'Innocent  III  pour  le  droit  du 
Roi  de  France  &  de  Ion  Royaume.  Celle  que  ce  Pape  écrivit 
au  Roi  Philippe  pour  l'engager  à  ne  pas  fouffrir  Tulure  dans 
fcs  Etats  ,eft  imprimée  dans  lefixiémcTome  (z)  du  Spicilcge. 
On  imprima  à  Tours  en  i6^^h  Lettre  qu'Innocent  III  adref- 
fa  à  rÈvêque  du  Mans  pour  faire  la  vifice  de  l'Eglife  defaint 
Martin  de  Tours,  avec  celles  de  Léon  VII  &  d'Alexandre 
m.  Il  y  en  a  une  dans  le  deuxième  Tome  (a)  delà  Bibliothè- 
que des  Manulcrits  du  Père  Labbe,  qui  efl:  à  l'Archevêque  de 
Bourges  ;  il  y  efl  qucftion  de  la  Canonifation  de  Guillaume 
de  Bourges  ,  cjui  d'Abbé  de  Chailli  avoir  été  fait  Archevêque 
de  cette  Ville,  &  ctoit  mort  en  odeur  de  fainteté.  On  peut 
voir  plufieurs  Lettres  du  même  Pape  au  Roi  Philippe,  aux 
Princes,  aux  Evêques,  touchant  l'affaire  des  Albigeois,  &  le 
voyage  de  la  Terre-Sainte,  dans  le  cinquième  Tome  (i^)  de  la, 
€olleû;ion  des  Hifloriens  de  France  par  André  du  Chêne, 

ARTICLE    IL 

Des  Optifcules  d'iriftocem  Ilh 

Î.T     A  première  Colleaion  de  fes  Opufcules  efl  de  Colo- ,„^^'''"°"* 

■  ,    ,      I         HT  ^1     1-  1     I-.  r    a  Innocent 

P  jgneen  l'y^z,  fol.  chez  Materne  Cholin  ,  de  i  imprcl- m. 
fioii  ac  Jean  Novefien.  II  s'en  tit  une  féconde  chez  le  même 
€n  1 575  ,  &  une  troifiéme  à  Venife  en  i  578.  On  a  mis  à  la 
tête  la  vie  de  ce  Pape,  tirée  de  divers  Ecrivains  dignes  de  foi. 
Suivent  les  Homéhes  fur  l'Avent  ,  fur  le  jour  des  Cendres  , 
fur  les  Quatre-Temps,  &  plulicurs  SoitTiinités  &  Dimanches 
de  Tannée  ;  puis  fur  les  Fêtes  des  Saints ,  enfuite  fur  le  com- 
mun des  Apôrres  ,  des  Martyrs  ,  des  Confefleurs  ,  &  des 
Vierges  ;  &  fur  la  conlécrat.ion  d'un  Evêque  ,  même  du  Pape. 
Tous  ces  difcours  font  femés  de  pafTages  de  l'Ecriture.  On  y 


(«)  Ludevig,   tom.   1  Reliquiar.  Mff 
fag    îOl. 

()-)  P...?.  40?  ,  48f. 
(  K.)  Tom.  1  ,  p.T^.  86, 

Tome  XXllI. 


(  t)  Pig.  464. 
894. 

LU 


4^o 


INNOCENT    TU 


> 


explique  la  principaux  dogmes  de  la  Foi,  les  grandes  maxi- 
mes de  la  Morale  (.  hrcriennc,  les  motifs  des  grandes  folem- 
nités   de  l'Eglile  ,  8c  les  raiions  du  culte  qu'elle  rend  aux 
Saints. 
Ce  qu'on       Yl.  Quand  il  eft  oueflion  des  Myllcres  de  la  P  eli^ion ,  Tn- 

peut  y  reiiiar-  ^  '       ,-       j-  -il  J  r 

qier.  Hocent  lU  ne  les  approtondit  pas ,  mais  il  les  adore,  le  con- 

tcncanc  de  nous  les  rendre  croyables  par  Pautoriic  de  l'Ecritu- 
re, ou  par  des  raifons  de  convenance.  Il  avoue  ,  par  exemple, 
que  Dieu  feul  içait  pourquoi  le  Fils  s'cil:  incarné,  plutôt  que  le 

Mvlvlity^'  Père  &  le  Saint- Efprit  :  mais  en  même  temps  il  en  apporte 
cette  railon ,  que  Y)ïei\  qui  a  tout  fait  par  fa  Sagcffe  ,  qui  eftie 
Fils,  a  auiïi  réparé  par  la  même  Sagefll',&  comme  créé  de  nou- 
veau rhomme  tombé  dans  le  péché.  Il  ajoute  que  le  Fils  ne 
s'cfl  pas  uni  à  la  nature  angélic]uc  pour  racheter  Thomme ,  mais 
Ja  nature  humaine,  parce  qu'il  n'y  a  qu'une  partie  des  Anges 
qui  loit  tombée  dans  le  péché;  au  lii^u  que  tous  les  hommes 
ont  péché  dans  Adam. Dans  l'Homélie  lur  le  quatrième  Diman- 
che de  Carême,  il  parle  de  laRofe  d'or  que  Ton  préfcntoic 
^•""'-  '•  »"  3yx  Fidèles  dans  l'Eslife  ,  en  rciouiflance  de  la  iolemnité  du 
jour  annonce  par  le  premier  mot  de  I  Introu  de  la  Mené  , 
Latare  ;  Se  il  remarque  que  la  coutume  de  préfenter  cette 
Rofe ,  étoit  ancienne  dans  l'Eglile  Romaine  ;  que  cette  Rofe 
étoit  d'or ,  &  que  par  le  moyen  d'un  baume  on  l'empreignoit 
de  mufc ,  afin  qu'elle  répandît  une  bonne  odeur.  L'explication 
qu'il  en  donne  e(l  morale  &  allégorique.  Dans  l'Homélie  fur 
la  Cène  du  Seigneur,  il  diftingue  trois  lortes  de  Baptême , 
d'eau  ,  de  larmes ,  de  fang.  Ce  jour-là  c-n  ôtoit  la  table  de 
deffus  TAutel  de  l'Eglife  de  Latran ,  &  le  Pape  confacroit 
l'Euchariftie  au  bas  de  l'Autel.  Le  fécond  Dimanche  d'après 
Pâque,  (ri)  la  dation  fe  falloir  dans  TEgliie  de  faint  Pierre  , 

D^'""'ort''"  ^  caufe  que  dans  l'Evangile  il  eft  parlé  du  bon  Pafleur  &  des 

rlf'ba.'       brebis  qui  écoutent  fa  voix  ,&  que  Jefus-Chrift  a  confié  fon 

troupeau  à  faint  Pierre.  Il  remarque  dans  le  difcours  fur  la 

Dédicace  de  l'Eglife,  que  l'on  y  conferve  les  Reliques  des 

Hom.  I.  in  Saints,  qui  par  leurs  prières  nous  obtiennent  ce  que  nous  ne 

djdicas.Eccie-  pouvons  obtenir  par  nos  mérites  ;  qu'ainfi  nous  devons paroî- 

tre  devant  ces  Reliques  avec  beaucoup  de  dévotion. 

Hom.  I.  in      III.  Dans-  le  premier  difcours  fur  la  confécration  d'un  E ve- 
to»'i-crat,  ro«- 

((/}  Hodie  remotâ  tabula  Lateranen/îs  [  chariftjam.  Hom.  in  Cana  Domitii, 
Altarti ,  iofra  ipfuin  Âiuie  CQnûcil  Eu-  i 


PAPR,  Chap.  XXTX.   ^  4ÇI 

tjiic  ,  îc  "Pape  Innoccnr  dcm.mdc  autant  de  (inccrîtc  dans  le 
Pcnircnt  qui  confclfc  les  péchés,  que  de  prudence  &  de  fe- 
crct  dans  le  Prêcr^  qui  reçoit  cette  Confcdlon.  Le  péch.-ur 
ne  doit  pis  partager  la  ContcfTion,  ni  en  révéler  une  partie  à 
un  Confcn'cur,  &  une  partie  à  un  autre:  mais  la  faire  entière 
au  même  Prêtre.  Il  ne  doit  pas  non  plus  fe  contenrer  de  dé- 
clarer Ion  crime,  il  faut  qu'il  en  rapporte  les  circonftances  & 
l'intention  qu'il  a  eue  en  le  commettant,  &  qu'il  ne  cherche  ni 
à  en  diminuer  Ténormité,  ni  à  l'exculer.  A  l'égard  du  Prêtre, 
fon  devoir  e'\  de  tenir  tellement  lecrets  les  péchés  de  Ion  Pé- 
nitent, qu'il  ne  fafie  connoître  ni  par  des  fignes ,  ni  par  des 
paroles  ,  qu'il  en  eft  informé.  Le  péché  qu'il  feroit  en  les  ré- 
vélant, ieroit  plus  conlidérable  que  ceux  du  Pénitent. 

IV.  Il  enfeigne  dans  le  fécond  difcoursfur  le  même  fujer,     Uom.t.  ;» 
que  c'eft  Jeluv-Chrifl  même  qui  a  établi  la  primauté  du  Siège  ""„^-r"* 
Apoftolique  ,  enforre  que  (on  établiiïement  ne  peut  être  con- 
certé de  perionn.^  ;  qu'il  a  donné  à  faint  Pierre  la  plénitude  de 
puiffan.e,  donc  les  autres  Apôtres  n'ont  eu  qu'une  partie  ;  que     ^J"'"-  3-  "* 
TEgli  e  Romaine  cft  la  mère  &  la  maîcrefle  de  tous  les  Fide-  ''  ""' 

les  ;  que  deux  chofes  font  elTentielles  à  un  Evêque  :  la  cha- 
rité, principe  de  la  bonne  vie  ;  &  la  fcience  pour  inrtruire  les 
autres  de  la  vraie  Foi. 

V.  Dans  le  Livre  de  l'Aumône,  Innocent  HT  fait  voir  par     Livre    de 
les  témoignages  de  TEcriture  ,  combien  elle  eft  utile  pour  le  ''^""^""e, 
falut,  l'avantage  que  les  riches  lurtout  en  retirent  ^  qu'encore     Cap.\. 
qu'elle  n'opère  pas  la  rémidion  des  péchés  dans  un  homme     ^  ,  , 
qui  elt  dans  des  habitudes  crimmelles,  elle  le  prépare  a  r.^ce- 

voir  la  grâce  de  Di.u  ;  que  fon  effi'.acité  ert  fupérieure  à  celle 
du  jeûne  &  de  la  prière  ;  que  perlonne  neft  exempt  de  faire  ^"f"  ■*' 
l'aumône  en  la  manière  qu'on  le  peut  ;  ju'on  la  d  )it  à  tous 
ceux  qui  ont  beloin  ,  aux  bons  ,  aux  michans ,  aux  amis  ,  aux 
ennemis  ;  qu'elle  doit  toutefois  le  faire  avec  ordre  ,  enforte 
que  dans  l'égalité  des  befoins  on  peut  préférer  les  parens  aux  €«/>.  j. 
étrangers;  qu'il  y  a  de^  cas  où  il  faut  la  faire  plutôt  a  un  mé- 
chant qu'a  un  bon,  comme  brique  le  Pénitent  efl  dans  un 
plus  prefTant  befoin  ,  &  qu'on  ne  peut  fans  danger  différer  de 
le  fecourir  ;  qu'en  général  l'aumône  doit  fe  faire  des  biens  ac- 
quis jugement  ;  qu'à  l'égard  des  biens  acquis  injuflcment ,  il 
faut  confidérer  11  la  minière  dont  on  les  a  acquis,  en  donne 
la  propri  té  j  l' Acquéreu- ,  ainli  que  cela  fe  fait  dans  le  com- 
merce &  dans  la  guerre  j  ou  li  c'eit  par  d'autres  voies  qui  ne 

L  11  ij 


45i  î  N  N  OC  E  N  *r    IIÎ, 

donnent  pas  le  domaine  de  U  chofe,  comme  le  vol,  la  rapine  j. 
le  laciilcgc  j  l'ulure.  Dans  le  premier  cas ,  quoiqu'on  a,c  fait 
quelque  rauce  en  acquérant  ces  biens,  ils  font  devenus  propres 
à  l'Acquéreur ,  &  il  peut  en  faire  l'aumône  :  mais  non  pas  dans 
le  fécond  cas  ,  parce  que  les  biens  du  voleur  ,  de  l'iilurier ,  lui 
étant  étrangers  ,  il  doit  les  rcftituer. 
Es-p'icatJoii      VI.  Le  Commentaire  fur  les  fepc  Pfcaumes  delaPénkence 
des feptPfeau- f^t  imprime  à  Anvers  en   l'Ç'Co  ,  à  Cologne  en  MSi»  à  Ve- 
nitencc/'.jg.  "''^  en  1570  ,  &  eiKore  ?.  Cologne  la  m:'me  année  ,  puis 
S7'  dans   les   éditions   générales  des    Œuvres   d'Innocent    III. 

Le  Pape   le  compofa   pour    fe  rappeller    lui  -  même    aux 
grandes  vérités  de  la  Religion  ,  &  aux  fentimens  de  pieté 
que  ces   Pleaumes   infpirent.   Mais   il  fidiut  pour   cela  qu'il 
'  fe  dérobât  de  tem.ps  en  temps  aux  affiires  dont  il  étoit  acca- 

blé. Il  traite  dans  la  Préface  de  la  nécelFité  &  de  l'utilité  de 
la  Prière  ;  de  l'effet  qu'elle  a  dans  les  bons  ,  de  Ion  inutilité 
dans  les  méchans  ;  &  dit  qu'aprcN  l'Oraifon  Dominicale,  cer? 
tains  Pfeaumes  nous'  fourniffent  les  formules  de  prières  les 
plus  propres  pour  obtenir  les  effets  delà  miléricorde  du  Sei- 
-gneur.  Il  veut  que  la  prière  foir  perlévérante,  parce  que  Dieu, 
qui  ne  nous  exauce  pas  au  commencement  ,  le  fait  quelque- 
fois au  milieu,  &  tarde  fouvenc  jufqu'àla  fin  à  nous  exaucer; 
qu'elle  foit  lidele ,  c'eft^à-dire  animée  de  la  foi  ,-humble,  pieu- 
fe ,  attentive ,  précife,  affidue ,  &  difcrette ,  en  demandant  â 
Dieu  fon  Royaume  &  fa  juftice,  dans  la  perfuarion  que  les 
beioins  de  la  vie  nous  feront  donnés  par  furcroit.  Il  di'linguz 
trois  fortes  de  prières  ;  de  bouche,  de  cœur,  d'aûions  ;  &  plu- 
fieurs  façons  de  prier,  debout,  aiTis ,  profterné,  courbé,  les 
bras  étendus ,  &  donne  des  exemples  de  ces  poflurcs  dans  la 
prière ,  tirés  des  Livres  faints;  de  même  que  des  heures  de  la 
prière  ;  en  remarquant  que  TEglife  dans  les  Heures  Canonia- 
les a  imité  le  nombre  defept,  que  David  s'croit  prefcrir. 
R-emarçues  VII.  Le  Pape  Innocent  III  explique  les  fept  Pfeaumes  ds 
fur  lexpiica-  la  Pénitence  dans  un  fens  moral  &  allégorique  ,  &  defcend 
Ffe" urnes.  "^^^  dans  le  détail  de  ce  que  doit  faire  le  pécheur  pour  obtenir  le 
In  pf.  I.  pardon  de  fes  fautes.  La  Pénitence  doit  avoir  trois  parties  •,  la 
Contrition ,  la  ConfelTion,  laSarisfaclion.  La  Contrition  dort 
renfermer  la  crainte  de  la  peine,  la  douleur  du  péché  ,  l'amour 
de  la  grâce ,  qu'il  foubaite  &  qu'il  efpere^  Dans  la  Confeffion 
il  doit  exprimer  le  fait  fans  déguifement,le  nombre  des  fautes, 
ia  manière  dont  il  les  a  commiles.  La  Satisfaâion  exige  de 
Eli  q_u"il  adicffe  des  prières  à  Dieu  ;  qu'il  faffe  l'aumône  à  foa\ 


P  A  P  E,  Chap.  XXTX.  455 

Prochain,  qu'il  fe  puniflTc  lui-même  par  le  jeune.  Le  pécheur 
ne  doit  pas  acccndre  à  la  more  pour  faire   pénitence ,  parce 

3u'il  arrive  louvenc  que  dans  cette  extrémité  ,  les  douleurs 
u  moribond  (ont  (i  aiguës ,  qu'elles  lui  ôrent  la  mémoire  de 
fes  fautes.  Si  Ton  rougit  de  confi-lfer  fes  péchés  à  un  homme, 
qui  néanmoins  tient  la  place  de  Di-'u  ,  combien  doit-on  plu- 
tôt rougir  de  les  commettre  devant  Dieu,  à  qui  rien  n  eil  caché! 

VHI.  Quoique  le  péché  originel  l'oit  remis  quant  à  la  coul-  ^"  ^f"^"''  5» 
pe  par  le  Bapiémc,  il  lailïe  en  n  us  un  foyer  qui  efl  la  fource 
de  nos  tentations,  &  des  combats  que  nous  avons  à  foutcnir 
en  cette  vie.  Quelquefois  le  péché  mortel  cfl  remis  quant  à  la 
coulpe,  mais  non  entièrement  quant  .à  la  peine.  Il  y  a  deux 
peine?;  l'une  temporelle,  l'autre  éternelle. Dieu  remit  cà  David 
la  peine  éternelle  due  à  Ion  péché,  mais  il  l'en  punit  de  pei- 
nes temporelles.  Si  la  Contrition  n'ell  pas  telle  ,  qu'elle  ob- 
tienne la  remife  de  ces  deux  peines,  on  doit  alonger  la  tem- 
porelle. Innocent  lîl  dit  que  le  péché  n'efl  jamais  remis  fans 
qu'on  l'ait confefTé  de  ccieur  à  Dieu;  mais  qu'il  arrive  auffi 
quelquefois  que  cette  confeiîion  intérieure  produit  la  rémifTion 
du  péché,  avant  qu'on  la  faffe extérieurement  au  Prêtre  ;  que 
cette  confelTion  cft  néanmoins  néceflaire ,  parce  qu'elle  cft 
commandée,  &  que  £i  on  la  négligcoit  par  mépris,  le  péché 
revivroit. 

IX.  Il  diftingue  trois  effets  dans  le  Baptême,  la  rémilTion  hiVfaim.  4* 
du  péché,  la  relaxation  de  la  peine,  l'infulion  de  la  grâce. 

La  foi  dans  un  adulte  vaut  fans  le  Sacrement  de  Baptême  , 
dans  le  cas  de  nécelîité,  mais  ce  Sacrement  lui  eft  inutile  fans 
la  foi ,  parce  que  Jefus-Chrifl  dit:  Q-tiiconque  croira  &  rece- 
vra le  Baptême,  fera  fauve.  Il  y  a  cette  différence  entre  la  foi 
Chrétienne  &  le  Baptême  ,  que  la  foi  qui  juftilie  l'impie  ,  re- 
met fon  péché ,  mais  ne  le  décharge  pas  de  la  peine  duc  à  fon 
péché:  au  lieu  que  le  Baptême  remet  le  péché  &  la  peine. 
Perfonne  n'efî  juftifié  que  par  un  don  de  la  grâce  ,  &  non  par  in  Pfaim.  y, 
le  mérite  de  fa  vie:  car  l'infufion  de  la  grâce  cfl  proprement 
la  juflilkation ,  que  Dieu  n'accorderoit  à  perfonne  par  l'attcn- 
lion  feule  à  fes  mérites» 

X.  Innocent   III  joio-nit  à  fon  Commentaire  fur  les  fcpt  „,^":'''f  '^^  '^ 

vir  I      1     -r.  '    •  /i  I      1        1       ■    '  ^    -1  Chante,  pag-,- 

ïieaumes  de  la  Pénitence ,.  un  éloge  de  la  chante  ,  ou  u  en  jjg. 
montre  la  nécelTité  &  les  avantages;  la  nécefiité,  parce  que 
Dieu  nous  en  a  faît  un  précepte  indifpenfable  ;  l'utilité ,  parce 
que  cette  vertu  rend  les  bonnes  œuvres  agréables  à  DieUj.&- 
profit3x)îes  à  l'homme,. 


454  INNNOCENT   ITT, 

Livre  des  Xf.  Sous  îe  nom  dcs  Myftcrcs  de  la  Loi  Evangélique,  le 
Loî'EvangélU  ^^P*^  Innocent  enrend  particurerement,  dans  le  Traité  qu'il 
que,/»..j.  1J7.  en  fait,  celui  de  l'Euchariilie.  Il  le  divil'c  en  (Ix  Livres ,  dont 
le  premier  nous  apprend  quels  font  les  Minières  d^  ce  Sa- 
la  Prxfat.  cfemcnc ,  8c  les  foni^ions  de  chacun.  Il  rapporte  rinftirucion 
de  l'Euchariflie  à  la  dernière  Cène  que  Jelus-Chrift  fit  avec 
fes  Apôtres,  après  laquelle  il  leur  donna  fon  Corps,  en  leur 
enfcignant  la  forme  de  le  conlacrer  eux-mêmes ,  iousrefpece 
du  pain  ,  par  ces  paroles:  Ceci  cjl  mon  Corps.  Les  Ai:ôtres  fe 
conformèrent  à  cette  inftitution.  Saint  Pierre  célébri  le  pre- 
mier la  Méfie  à  Antioche,  qui  à  la  naiflance  de  l'Eglile  ne 
conlîfloit  que  dans  trois  orailons.  A  la  fuite  des  temps,  on  y 
a  ajoute'  divcrfes  autres  prières  &  diverles  cérémonie  s  pour  la 
célébrer  avec  plus  de  décence.  Mais  en  tous  les  points  l'office 
delà  Méfie  a  été  ordonné  de  telle  façon,  qu'on  y  a  repréfcnté 
pour  la  plus  grande  partie  ce  que  Jefus-Chrifl:  a  fait  depuis 
qu'il  cft  delcendu  du  Ciel ,  jufqu'au  jour  de  Ion  Af.enfion. 
t<i!^^'^^^'  X^f-  Apres  ces  remarques  préliminaires  ,  le  Pape  Inno- 
cent parle  des  fix  Ordres  de  la  Cléricature ,  fçavoir  des  Evê- 
ques,  des  Prêtres,  des  Diacres,  des  Soufdiacres, des  Acolytes  & 
des  Chantres  ,  de  leurs  fondions,  de  leur  pouvoir,  de  leurs 
habillemens;  des  orneraens  particuliers  au  Souverain  Pontife, 
de  la  primauté  dans  toute  l'Eglife  ;  des  quatre  couleurs 
principales  ufitèes  dans  les  ornemens ,  le  blanc,  le  rouge,  le 
verd  ,  le  noir,  fuivant  la  pro^-riété  &  difiinftion  des  jours 
folemncis  confacrés  aux  Fêtes  des  Saints ,  ou  des  Myfieres. 

Xlil.  Il  décrit  enfuite  comment  le  Pontife  va  à  l'Autel  , 
accompagné  de  fes  Minifires  ;  quels  font  leurs  ornemens;  la 
manière  des  encenfemens ,  la  confefiion  que  le  Célébraiit  fait 
avant  de  commencer  la  Méfie  ;  les  ornemens  que  l'on  met  fur 
l'Autel  ;  &  donne  de  toutes  ces  chofcs  des  expli  ations  myfii- 
ques.  Au  milieu  de  l'Autel  étoit  la  Croix  entre  deux  can- 
délabres. Suivant  les  Canons  le  Célébrant  devoir  erre  afiîflé  au 
moins  de  deux  Prêtres  ,  pour  lui  répondre  dans  le  talut  qu'il 
donnoit  au  Peuple ,  &  dans  les  CoUedes  qu'il  difoit  fecrette- 
mcnt.  Le  Soufdiacre  chantoit  l'Epître,  le  Diacre  l'Evangile. 
A  la  Méfie  d'un  Evêque,  iis  baifoient  l'un  &  l'autre  fa  main 
droite;  quand  le  Pape  célébroit ,  ils  lui  baifoi.nt  les  pieds. 
On  voit  dans  ce  Livre  toutes  Ls  cérémonies  qu'ils  obfcrvoient 
dans  leurs  fondions ,  &  ce  que  le  Thœur  devoir  chanter  pen- 
dant toute  la  Méfiée.  Innocent  111  rapporte  deux  Symboles  _, 


Livre  2 
pag.  166. 


PAPE,  C»A?.  XXÏX.  455 

celui  des  Apôtres  ik  Cvlui  de  Condannnoplc  ,  avec  la  puti- 
culc  Filio'jiie^  la  Préficc  commune,  &  dcciic  toutes  les  ccrc- 
moni'.'s  <\u\  le  prati^uoienc  juLju  .m  Canon  de  la  Méfie. 

XIV.  Il  le  rapporte  tout  entier,  &  en  donne  l'explication,     j-^^^  ^^^-^ 
Comme  il  n'y  cil  pas  fait  mention  des  Co  fL-fleurs ,  mais  leu-  fifme,  p.g. 
Icment  des  Apôtres  Se  des  Martyrs,  il  en  donne  pour  railon  ,  '79' 

qu?  le  Canon  a  été  fait  avant  que  l'Eglile  eût  déclare  un  cul- 
te public  aux  Çcnfefleurs. 

XV.  Ce  fut  le  quatrième  de  la  Lune  que  Jefus-Clirift,    .^'^'■*  ''"3" 

1-  I       c  J      I      r     •  J      R/T       1-       triemt,i  .184. 

après  avoir  accompli  t(.ufes  les  hgures  de  la  Loi  de  Moyle  ,  cap.  1.6.7. 
inflitui  le  Sacrement  de  Ion  Corps  &  de  fon  Sang  ,  &  qu'il 
le  laifia  à  fon  Eglife  ,  pours'er\  nourrir,  comme  elle  failoic 
auparavant  lorfqu'elle  mangeoit  l'Agneau  Paichal  ,  qui  étoit 
la  figure  de  ce  Sacrement  :  car  nous  Ce)  mangeons,  dit  le 
Pape  ,  la  chair  de  l'Agneau  ,  lorfque  dans  le  Sacrement  nous 
recevons  le  vrai  Corps  de  Jefus-Chrift  :  quelque  (/)  partie 
que  nous  recevions  de  l'Eucharilne ,  nous  la  recevons  toute 
entière ,  comme  cela  le  faifoit  dans  le  défert  à  l'égard  de  la 
manne.  Quoique  le  Prêtre  (g)  bénifle  à  la  fois  plulieurs  hof- 
tles ,  il  n'en  tient  qu'une  entre  fes  mains ,  parce  qu'elles  font 
toutes  changées  en  même  temps  au  Corps  de  Jefus-Chrift, 
Innocent  III  foutient  contre  les  Grecs,  que  Jefus-Chrift  a 
eonfacré  avec  du  pain  azyme  ,  &  que  nous  devons  le  faire 
à  fon  imitation.  Quelques  Théologiens  enleignoicnt  que  Je- 
fus-Chrifl:  avoir  confacré  fon  Corps  par  fa  bénédiction  ,  &  ils 
prétendoicnt  le  prouver  par  la  fraftton  du  pain ,  qui  fuivic 
imtriédiitement  la  bénédidion.  Le  Pape  ne  s'éloigne  pas  de 
ce  fentiment  j  &  il  dit  que  Jcfus-Chrifl;  opéra  par  fa  vertu 
divine  le  changement  du  pain  en  fon  Corps  ,  mais  qu'il 
prefcrivit  la  forme  fous  laquelle  on  confacreroit  l'EuchariRie 
dans  la  fuite  ,  en  difant  :  Ceci  ejl  mon  Corps.  Il  s'explique 
nettement  fur  la  réalité  du  changement,  en  difant:  Ce  qui 
étoit  {h)  du  pain ,  lorfque  Jefus-Chriil  le  prit  entre  fes  mains  , 


(c)  Carnes  agni  comedimii? ,  c.\m  in 
SKcrnmerto  veruni  Chrifci  corpus  fufci- 
pimus.  Lib.  4 ,  cap.  1. 

(/)  Quantanilibet  quiTque  paricm  ac- 
cipit ,  totam  peicipit  Eiicharifliam  ,  iicut 
evenit  de  m:inna.  Ibidem. 

(?)  Cùm  Sacerdos  plures  fimul  bene- 
ncit  obbtis,  unam  pro  omnibus  in  ma- 
nibus  accipit  ;  nam  &  in  unum  Chrifti 


corpus  oranes  /fmal  Ijûftix  convertuiitur, 
Ihid.  c-p.  5. 

{h  j  Panis  fuerat  cîim  accep't ,  corpus 
fuum  erat  cùm  cîeHit.  Panis  itaqu?  miitatus 
erat  in  corpus  ipfius  ,  S:  (îmillter  vinum 
in  fanguinem.  Non  tnim  lit  H.vreticus 
fapit ,  !ed  Jtfipit ,  ita  c'ebet  intelligi  quod 
Dominus  ait .'  Uoc  cft  Corpus  mcitin  ,  id  eft 
hoc  fîgMt  corpus  mcuni,  fîcui;  (^tod  iLiàt 


45<î  INNOCE  NT    TTT, 

étoic  fon  Corps,  lorlquil  le  donna  à  fes  Apôrres.  Le  pain 
àvoic  donc  été  changé  en  Ion  Corps,  &  de  méire  le  vin  en 
l'on  Sang.  Il  ne  faut  pas  s'imaginer,  comme  font  les  Héréti- 
ques,  c[ue  lorfuu'il  dit:  Ceci  ell  mon  Corps  ,  c'elt  la  même 
chofe  que  s'il  difoit  :  C'eft  la  figure  de  mon  Corps  ;  puifqu'il 
détermine  le  fens  de  fa  propolition  en  ajoutant:  Qui  fera  livré 
à  la  mort  pour  vous.  Il  rapporte  plusieurs  paiïages  de  TEcri- 
ture  pour  confirmer  la  vérité  du  changement  du  pain  au  Corps 
de  Jefus-Chrift.  Puis  il  ajoute  :  Pour  moi  (i)  qui  defire  fin- 
cerement  la  vie  éternelle  ,  je  déclare  que  je  mange  vérita- 
blement la  Chair  de  Jefus-Chrirt ,  &  que  je  bois  véritablement 
fon  Sang  :  la  même  Chair  qu'il  a  tirée  de  la  Vierge  ;  le 
même  Sang  qu'il  a  répandu  fur  la  Croix.  Lorfque  je  man- 
ge fon  Corps  fous  le  Sacrement,  il  n'cfl  point  divifé  ni  lacé- 
ré comme  la  viande  que  l'on  vend  au  marché  ;  mais  il  de- 
meure entier  &  fans  divifion  :  il  vit  après  avoir  été  mangé  , 
comme  après  avoir  été  mis  à  mort.  Ce  n'eft  point  (  /)  du  pain 
&  du  vin  que  fe  forment  matériellement  le  Corps  &  le  Sang  de 
Jefus-Chrifl:,  mais  la  matière  du  pain  &  du  vin  eft  changée 
en  la  fubftance  de  fa  Chair  &  de  fon  Sang  ;  &  l'on  n'ajoute 
rien  au  Corps  ,  mais  le  pain  eft  transfubftantié  au  Corps. 

Ci^8.  i>  XVI.  Le  Pape  refont  enfuite  plufieurs  qucflions  fcholadi- 
qucs  fur  la  manière  de  la  transfubfiantiation ,  &  donc  le  Corps 
de  Jefus-Chrid  eft  dans  l'Euchariflie  ;  &  dit  qu'il  eft  plus  fur 

C,,p_  jQ  de  croire,  que  d'approfondir  ce  Myftcre.  Il  rapporte  la  con- 
fefllon  que  Bercnger  fit  après  l'abjuration  de  Ion  héréile  dans 
le  Concile  auquel  préfidoit  le  Pape  Nicolas  ;  prouve  par  la 
combinaifon  des  paroles  des  divers  Ëvangélifles,  que  Judas 
n'étoit  pas  préfcnt  lors  de  l'inflitution  de  l'Euchariftie,  &que 

^"f-  'î*  conféquemmcnt  il  ne  reçut  pas  le  Corps  de  Jefus-Chrift  com- 
me les  autres  Apôtres.  Cependant  il  ne  condamne  pas  ksThéo- 


Apoftolus  :  Petra  autem  erat  Chriftus,  id  1       (  i  )  Ego  vero  quîa  vitam  ïternam  ha 
eft  petra  (tgnificabat  Chri' um.  Hoc  enim  j  bcre   defidero  ,  carnefii   Ch'ilii  veraciter 


potius  dixiflft  de  agno  pafthdli ,  quàm  de 
azymo  pane  ;  nam  pafchnlis  agnus  abfque 
dubio  figurabat  Corpus  Dominiciim  ,  fe. 
azyrnii?  panis  opu?  finerum.  Scut  aute'- 
Joanre  Baptiftaquod  dixerat  rEcceagmi 
Dei  ,  per  adjunâ^iim  deierminavit  :  Ecct 
qui  toUit  peccata  miindi  :  fie  &  Chr!fti:> 
quod  dixerat ,  hoc  eft  corpi;s  meum  ,  per 
aJjunduni  deierminavit  ;  Quod  pro  Vi^bi: 
tradetur.  inuoc,  lib,  4  ,  ca[.  7. 


comedo ,  &•  fanguinem  ejus  veratitr  r  bibo  : 
liaoi  utique  carnem  quam  traxit  de  Vir- 

gine,  &  illum  fangiiii  era  quem  fudit  in 

i-ruce,  Ihid. 

>  I  )    Non  de  pane  vel  de  vino  mate- 

"•ialittfr  formatur  caro    ?tl  fanguis ,   fed 

materia  panis  &  vini  mita:urin  fubftan- 

tam  carn  s    &  fanguinis  ,    n:  c  adjicitur 
iliquid  corpori  ,  fed  tranfiibftantiatar  in 

corpus.  Ibid.  caf,  7. 

logiens 


P  AP  K,    Chap.  XXTX.  457 

logions  qui  ctoicnc  d'une  opinion  contraire.  En  la  fuppofant 
vraie  ,  il  die  qu'à  l'exemple  de  Jefus-Chrift,  un  Prêtre  duc 
accorder  l'Eucharillie  au  pécheur  qui  la  lui  demande  publi- 
quement ,  mais  dont  le  péché  n'efl  connu  que  de  lui,  &  non 
du  Public  ,  de  peur  de  le  publier  lui-même  par  fon  refus.  On 
peut  voir  dans  la  iuice  de  l'explication  du  Canon  la  folurion 
de  qumcicé  de  qucflions  que  l'on  a  coutume  d'agiter  dans 
les  Ecoles  de  Théologie    au  fujet  de  l'Euchariftie. 

XVII.  Le  cinquième  Livre  donne  la  fuite  de  l'explication     -^  '^'"' 
du  Canon julqu al  Orailon Dominicale  inclulivement:  lelixie-  1^7,  &  fixie- 
me  commence  par  l'explication   de  la  fraction  de  l'Hoftie ,  "'''»P^g**°4' 
dont  le  Prêtre  met  une  partie  dans  le  Calice.  Le  Pape  y  ex-       "'''  *' 
plique  enfuite  la  cérémonie  du  baiier  de  paix  que  les  Fidè- 
les le  donnent  mutuellement  en  ligne  d'union;  la  communion 
de  l'Evêque  avec  fcs  Minières,  &  les  autres  rits  de  la  Meiïe 
julqu'à  la  dernière  Orailon  &  la  bcnédidion  du  Peuple,  que 
le  Diacre  congédie  par  l'Ile ,  AJiJfa  ejl.  Il  diftingiie  la  Aïefle  en 
deuxparries;  des  Fidèles  ,&  des  Catéchumènes.  Ceux-ci  n'af- 
fifloient  à  rOffiv.e  que  jufqu'après  la  le£ture   de  l'Evangile, 
parce  qu'ils  ne  dévoient  pas  être  préfens  lors  de  la  confécra- 
tion  del'Euchariftie.  C'efl: pourquoi  le  Diacre,  après  avoir  lu 
l'Evangile ,  leur  ordonnoit  de  fortir  de  l'Eglife.  Ainfila  JVIeffe 
des  Catéchumènes alloit  julqu'à  l'Offertoire  ;  &  celle  des  Fidè- 
les depuis  l'Offertoire  jufqu'àla  Pofl;-Comrnunion.  En  ligne  de 
la  révérence  due  à  l'Evêque,  au  commencement  de  la  Mcffe 
le  Primicier  lui  baifoit  l'épaule  droite  ;   le  Diacre  en  faifoic 
autant  au  milieu  de  la  Melfe  ;  &  le  Prêtre  afllflantà  la  fin  :  le 
tout  pour  marquer  la  principauté  de  Jefus-Chrifl  ,  dont  il 
elî  parlé  au  neuvième  chapitre  d'Ifaïe. 

XVIil.  Le  llxiéme  Livre  eft  fuivi  d'un  éloge  de  la  Sainte     pîo.^e  Je 
Vierge  ,  de  deux  Profes  en  l'honneur  de  Jefus-Chrifl  &  de  Jeius-ciuifi 
fa  Mère  ,&  de  plulleurs  Oraifons  pour  le  pardon  des  péchés ,  '^,j^^.jg_""'® 
&  la  paix  de  l'Eglife  Catholique.  Les  fix  Livres  des  M  y  fie  tes 
ont  été  imprimés  féparément  à  Léiplîc  en  1 5  3  4,  &  à  Anvers 
en  I  540. 

XIX.  Innocent  III  n'étoit  encore  que  Diacre  lorfqu'ilcom-     Livres  cîn 
pofales  trois  Livres  intitulés  ,  du  mépris  du  Monde  ^  ou  de  la  jviQf,"^  ^^^^^ 
mifire  de  la  corruption  humaine.  Il  les   dédia  a  l'Evêque  delà  Mlfcrchu- 
Porto  ,  &  ne  prit    point  d'autre  nom  que  celui  de  Lothai- '"^'"^  •  P';g- 
re.  Son  but  dans  cet  Ouvrage   ef!:  de  rabattre  l'orgueil  de       ' 
l'homme ,  en  lui  remettant  ious  les  yeux  toutes  IcS  miferes 
To.ne  XXIÎL  M  m  m 


458  I  N  NO  CENT    III, 

auxquelles  il  cfl:  fujct  des  fa  naiffimcc  ,  &  dans  tous  les  temps 
de  fa  vie  ;  les  incommodités  particulières  à  chaque  âge  ,  à  cha- 
'  '^'       que  condition ,  aux  bons  comme  aux  mcchans  ,  aux  riches 
comme  aux  pauvres  ;  les  divcrfes  cupidités  dont  il  eft  agité  , 
fans  pouvoir  fe  fatisfaire  entiercment;les  pèches  dont  il  efl  fouil- 
lé depuis  fa  naiffance  juiqu'à  fa  mort,  les  horreurs  du  tom- 
i-'*-  5*      beau  où  il  efl:  réduit  en  pourriture  ;  les  tourmens  qu'il  foufire 
dans  l'enfer  pour  fes  péchés  ;  l'éternité  des  peines  auxquelles 
il  fera  condamné  au  Jugement  dernier  ,  s'il  les  a  méritées  par 
les  défordres  de  fa  vie.  Nous  avons  plufieurs  éditions  de  ces 
trois  Livres,  fçavoir  à  Cologne  en  1496,  en  1 68 1,  à  An- 
vers en  1 540,  à  Venife  en  i  5  58,  à  Lyon  en  1554,  1641  , 
Difcoursduà  Paris  en  1482  ,155*4,  &  164c  ,  à  Douai  en  1633. 
Pape  au  con-      XX.  11  fera  parlé  ailleurs  des  difcours  que  le  Pape  Inno- 
ciie deLniran,  ^^^^  prononça  dans  le  Concile  de  Latran  en  lai";  ,  &  des 

Décret  de  ce  Dccrets  qui  y  rurent  taits. 
Concile.  XXI.  Le  Pape  régla  lui-même  la  marche  des   Croifés , 

Confiitunon  leur  ordonna  de  fe  rafTembler  en  Sicile,  les  uns  à  Brindes  „ 
touchant  la  j^^  ^m-^es  à  MefTiDe ,  ou  en  d'autres  Villes  voifines  ;  &  pro- 
i.4i.  mit  de  le  rendre  lui-même  lur  les  lieux  pour  mettre!  Armée 

en  ordre  ,  &  la  bénir  avant  fon  départ.  Comme  elle  étoic 
compofée  de  Laïques  &  de  Clercs ,  les  uns  pour  combattre 
les  [nfideles  ,  les  autres  pour  exhorter  les  Croifés  à  mériter 
le  fecours  de  Dieu  par  leur  bonne  vie ,  &  lui  offrir  eux-mê- 
mes leurs  peines  à  ce  fujet ,  il  accorda  aux  uns  &  aux  autres 
des  Indulgences  &  divers  privilèges.  Il  permit  aux  Eccléilaf- 
îi-jues  de  tirer  pleins  les  revenus  de  leurs  Bénéfices,  comme 
s'ils  euffent  réfidé  dans  leurs  Eglifes ,  &  même  de  les  enga- 
ger pour  trois  ans.  Il  fournit  une  groffe  fomme  d'argent  pour 
les  frais  du  voyage ,  &  obligea  tous  les  Clercs  qui  ne  le  fe- 
roicnt  pas ,  de  donner  pendant  trois  ans  la  vingtième  partie 
de  leurs  revenus  Eccléfialtiques.  Il  fe  taxa  lui  &  les  Cardi- 
naux au  dixième.  Il  déchargea  les  Croifés  des  ufures  qu'ils 
auroient  promifes,  même  par  ferment,  aux  Juifs.  Quoique  les 
Tournois  euffent  été  défendus  en  divers  Conciles  ,  il  en  réi- 
téra la  défenfe  fous  peine  d'excommunication  pendant  trois 
ans,  de  peur  que  cet  exercice  ne  nuisît  à  la  Croifade.  Mais 
voyant  apparemment  la  difficulté  qu'il  y  auroit  d'empêcher 
^;-/?'/  t%.  ^blolument  ces  divcrtiflemens  de  la  Nobleffe  ,  il  permit  au 
aj.  Cardinal  Robert  de  Courçon  de  régler  fuivant  ùl  prudence 

ce  qui  regardoit  les  Tournois.. 


PAP  E,    Chap.  XXTX.  459 

XXII.  On  a  fait  à  Cologne  en  160^  une  édition  pnrticii-    Uvrcs  des 
licrc  des  cinq  Livres  des  Conftitutions  décrétales  du  Pape  In-^P,"'^*^"""^'" 
nocent  III.  Ils  le  trouvoicnt  déjà  dans  l'Edition  générale  de  p.g.  i ,;.  ' 
fes  Œuvres  faite  en  1552.  Nous  la  devons  aux  Chartreux  de 
cette  Ville  ,  qui  pour  la  rendre  plus  complette  ,  ont  ajoute 
aux  Opulculcs  d'Innocent  III.   ces  cinq  Livres  de  Conllitu- 
tions  décrétales,  tirés  principalement  des  Lettres  de  ce  Pape. 
C'ell  proprement  un  Code  de  Jugement  &  de  Loix  Ecclé- 
Haftiqucs ,  auquel  on  peut  recourir  pour  la  déciiion  des  cas 
qui  arrivent  journellement  dans  l'Eglife  Catholique.  Nous 
avons  dans  l'analyfe  de  fes  Lettres  rapporté  les  décidons  les 
plus  intéreflantes  ,  &  il  feroit  inutile  de  les  répéter  ici. 

XXtII.  Il  efl  parlé  dans  le  premier  Livre  de  la  Bibliothe-    Autres  ou» 
que  (i)  Pontificale,  d'un  Commentaire  d'Innocent  III  fur  le  vraies   d'in^ 
Maître  des  Sentences  i  d'un  Opufcule  fur  la  fcience  des  Prin-"°'^"'^''' 
ces ,  d'un  fur  le  Sacrement  de  Baptême  ,  d'un  autre  fur  le  Pur- 
gatoire,   &:  d'un   quatrième  qui  a  pour  titre.    Le  Cloître  de 
fÂwe.  Aucun  de  ces  Ecrits  n'a  encore  vu  le  jour.  Il  en  compo- 
ia  un  cinquième  furies  quatre  efpeces  de  mariage,  mention- 
né au  commencement  des  geftes   de  fon  Pontificat.  L'Ou- 
vrage intitulé  y  Entretien  Moral  fur  le  jeu  d'Echecs ,  n'eft  pas 
du  Pape  Innocent  III  ,  quoique  cité  fous  fon  nom  dans  la 
même  Bibliothèque  ,  mais  d'un  Moine   (/)  Anglois  nommé 
Innocent.  Il  fut  imprimé  à  Oxfort  en   1^57  in-8".  avec  les 
Opulcules  de  Jean  Prideaux. 

XXIV.  On  reconnoît  dans  tous  les  Ecrits  du  Pape  Inno-  ,  •î^sr'"^"' 

TTT  '■  no  rii-  !•/  /  desEcrits  d  la- 

cent fil  un  génie  vaite  &  protond  ,  bien  cultive,  &  ne  pour  nocent lll. 

les  grandes  affaires;  un  homme  plein  de  prudence ,  de  fagcffe 
&  de  piété  ;  un  Canonifte  profond,  un  Pontife  plein  de  cha- 
rité &  de  zèle ,  appliqué  à  la  défenfe  de  la  Foi  orchodoxe  ,  & 
à  la  réformation  des  moeurs  &  delà  difcipline.  Père  des  Prin- 
ces ,  comme  de  tous  les  autres  Fidèles  ,  il  leur  parle  avec 
fermeté  le  langage  de  la  Religion ,  &  n'oublie  rien  pour  les 
faire  rentrer  dans  les  voies  du  (iilut ,  &  rétablir  entr'eux  l'u- 
nion &  la  concorde.  C'eft  ce  que  l'on  peut  voir  dans  un  grand 
nombre  de  les  Lettres,  également  fortes  ,  tendres  &  polies  -, 
il  y  annonce  partout  l'autorité  de  fon  Siège  ;  mais  il  y  fait  voir 
en  même  temps  qu'il  efl  le  père  de  tous  ceux  qui  y  font  loumis 


(.')  ^"S'  'î3.  (/)  Biblieth,  Latin. i  ,  p.ij.  p^î. 

M  m  m  ij 


4^0  I  N  N  O  C  E  N  T    1 1 1 , 

Juge  éclairé  &  cxatl  ,  il  ne  décide  les  difficultés  portées  de- 
vant Icn  tribunal ,  qu'après  avoir  pcfé  mûrement  ,&  avec  une 
prccifion  admirable  ,  les  raifons  pour  &  contre  ;  &  il  le  fait 
de  façon  ,  que  l'on  eft  porté  infenfiblcment  à  juger  comme  lui. 
Dans  les  jugemens  qui  regardent  les  mœurs  &  la  diicipline  , 
il  en  donne  toujours  les  raifons.  ?»lais  dans  les  caufes  de  fait , 
lorfque  les  preuves  n'ont  pas  l'évidence  néceffaire,  il  en  renvoie 
l'examen  fur  les  lieux ,  avant  d'en  juger  définitivement. 
Suite.  XXV.  Le  ftyle  de  les  difcours  eft  concis,  mais  chargé  de 

figures ,  particulièrement  d'antithefes.  Les  Théologiens  li- 
ront avec  farisfaction  fon  Traité  des  Myfteres ,  furtout  l'article 
du  Sacrement  de  l'Euchariftie.  Il  traite  cette  matière  enCon- 
trovcrfifte  ;  &  après  y  avoir  établi  la  préience  réelle  par  l'au- 
torité de  l'Ecriture,  il  répond  folidemcnt  à  toutes  les  chica- 
nes des  Hérétiques  de  fon  temps  contre  le  dogme  de  la  Tran- 
fubftantiation.  Son  Commentaire  fur  le  Canon  de  la  MefTe 
eft  littéral  &  moral.  Celui  qu'il  a  fait  furies  fept  Pfeaumes  de 
la  Pénitence  ,  eft  moral  &  allégorique  ;  on  ne  peut  lire  fans 
erre  touché  les  Livres  du  Mépris  du  Monde  ,  tant  la  defcrip- 
tion  qu'il  y  fait  des  mifercs  de  l'homme ,  eft  énergique  &  na- 
turelle. 

CHAPITRE     XXX. 

Guillaume  d'Auvergne ,  Evêque  de  Paris. 

Gni!lauire  j .  A  pj-gs  le  décès  de  l'Evêque  Barthelemi,arri vé  le  20  d'Oc- 
E,equ'edeP\  JLjL  tobrc  1227  ,  le  i(^  de  ce  mois  félon  {a)  fon  épitaphe,. 
ri-spag.  54.  on  Ili  donna  pour  SucceiTeur  Guillaume  d'Auvergne  ,  natif 
d'Aurillac.  Il  eut  un  grand  {h)  nombre  de  Compétiteurs  ; 
mais  fon  mérite  l'emporta  ,  &  il  fut  élu  canoniquem.cnt  en 
1228.  Guillaume  avoitfaitfes  études  à  Paris  ,  &  s'y  étoit 
rendu  habile  ,  tanr  dans  les  Sciences  facréesque  profanes.  On 
le  rcgardoit  comme  un  des  plus  cultivés  entre  les  Docteurs 
de  l'Académie  de  Paris.  Sa  piété  &  fon  éloquence  le  firent 
admirer  dans  le  Clergé,  Il  n'y  a  prefque  aucune  année  de  fon 


(fl)  Gallia  Cbriftiana,  tom,  7«/"»J.  54.  (  ^  )  Cronichon  Alberici ,  fag.  517, 


E  VE  s  QUE  DE  PARTS,  Ch  A  p.  XXX.     4^1 

Epifcopat  qui  ne  foie  darce  de  quelque  a£lion  mémorable  de 
la  parc.  Les  Auteurs  de  la  Gaule  Clirécicnnc  ont  pris  foin  ii.ij, 
de  les  relever.  Ils  mettent  la  mort  au  Mardi  de  la  grande 
icmaine  de  Tan  124S  ,  &  fa  fcnulture  dans  l'Eglilb  de  l'Ab- 
baye de  iaint  Vidor ,  en  la  ClwpcUc  de  faint  Denis ,  où  l'on 
voit  Ion  épiraphe.  Son  nom  ie  lie  dans  le  Martyrologe  de 
l'Eglile  de  Paris,  avec  le  dt.'nombrcment  de  les  donations  à  cette 
Egliib,  &  un  Statut  par  lequel  il  ordonna  qu'à  laMefl'edesMorts 
on  allumeroic  deux  cierges  ,  au  lieu  qu'auparavant  on  n'en 
allumoit  qu'un. 

II.  Le  premier  des  Ecrits  de  Guillaume  d'Auvergne  ,  dans  „^f',^T"- 

t  •  j     i>T-  I-   •         j     Ti      •  ^  a         4-      •    '  iraite    de  la 

le  premier  tome  de  i  iioitiondcrans  en  1674,  ^^^  ^'^  A  faite  Foi, lom.  i. 
de  la  Foi  Se  des  Loix.  Il  y  fait  voir  que  la  plus  excellente  &:  p-  <^'^''-  P^ns» 
en  même  temps  la  plus  utile  de  toutes  les  connoiffances ,  cfl^"'  "^^'^' 
celle  de  la  vraie  Religion,  parce  qu'elle  produit  la  félicité  éter-     Cap.  i. 
nelle  ;  que  la  Foi  eft  le  fondement  &  la  première  racine  de 
cette  Religion,  qui  n'eft  autre  que  le  culte  de  Dieu  ;  quec'efl: 
une  vertu  par  laquelle  on  croit  fermement  tout  ce  qui  appar- 
tient à  la  vraie  Religion  ;  c'ell-à-dire  les  vérités  que  Dieu 
nous  a  révélées  ,  &  qui  ne  font  ni  évidentes ,  ni  probables  , 
parce  qu'autrement  notre  foi  n'auroir  pas  le  mérite  de  la  fou- 
miffion  &  de  l'obéiflance  aux  ordres  de  Dieu. 

m.  Guillaume  fait  l'énumérâtion  des  caufes  de  l'erreur  &       '^^'~* 
de  Timpiéré  des  ditîerentes  fefles  de  perdition  ,  ou  d'héréti- 
ques. La  première,  eft  l'ignorance  de  la  mefureou  de  l'étendue 
&  de  la  capacité   de  l'entendement  humain.  Quiconque  en 
effet  fe  croit  capable  de  tout  concevoir  ,  ne  croit  pas  qu'il  foie 
néceffaire  de  croire  ce  qu'il  ne  conçoit  pas.  La  féconde  efl,  l'a- 
verfîon  des  chofes  que  l'on  doit  croire.  Un  Seâaire  opiniâ- 
tre dans  fes  fcntimens ,  craint  même  de  penfer  aux  opinions 
contraires  aux  fiennes.  Comment  un  homme  qui  détourne  fes 
yeux  d'un  objet  qu'on  lui  préfente  ,  pourroit-il  le  voir?  La 
troifieme  eft,  la  fublimité  des  vérités  que  la  Foi  propofe,  beau- 
coup au-defTus  de  l'intelligence  des  hommes  vulgaires  &  igno- 
rans.  La  quatrième  ,  le  défaut  d'application  à  s'inftruire  de 
ces  fortes  de  vérités.  La  cinquiem.e  ,  la  folie  des  hommes,  qui 
s''imaginent  pouvoir  comprendre  par  les  feules  forces  de  la  lu- 
mière naturelle  ,  ce  qui  de  lui-même  eft  incompréhenfible» 
Neblâmeroit-cn  pas  l"norame  qui  prétcndroit  avoir  la  vue 
auffi  perçante  que  l'aigle  ?  La  lixieme  eil: ,  le  défaut  de  la  re- 
cherche des  preuves..  Les  preuves  des  vérités  de  la  Religion 


4^1  GUILLAUME  D'AUVERGNE, 
font  comme  les  degrés  d'une  échelle  qui  lert  à  monter  fur  uii 
lieu  élevé.  Négliger  ces  preuves  ,  on  ne  parviendra  pas  à 
la  connoiflance  de  la  vérité.  La  lepticme  eft,  la  négligence  de 
recourir  à  Dieu  pour  obtenir  les  lumières  néceflaires  à  cette 
connoilTance. 
Jbtd.  ^  j  ^^  L'Auteur  montre  cnfuite  que  la  Foi  doit  être  une  effen- 

tiellemcnt,&  qu'elle  ne  peut  varier  à  railon  du  nombre  des 
croyans ,  qui  au  contraire  doivent  être  réunis  en  une  même 
foi.  Il  diflingue  néanmoins  deux  fortes  d'articles  de  foi  :  les 
uns  qu'il  appelle  les  racines  primitives  ,  &  les  premiers  fonde- 
mens  :  les  autres ,  qu'il  dit  être  comme  des  branches  qui  naif- 
fent  des  racines  primitives.  Les  premiers  font  la  créance  de 
l'éxiftence  d'un  Dieu  &  de  la  trinité  des  Perfonncsen  Dieu  : 
les  féconds  font  tous  les  articles  de  foi  que  Dieu  a  révélés  à 
fon  Eglife.  Le  nombre  en  eli  fixe  :  &  il  y  auroit  de  l'incon- 
gruité à  fonder  une  religion  fur  une  infinité  d'articles,  puif- 
que  l'homme  ne  pourroit  les  fupporter. 
^T'^"^^''"  V.  Dans  le  Traité  des  Loixil  diflingue  fept  parties  de  la 
ï8.  '  '  Loi  ;  les  témoignages ,  les  commandemens  ,  les  jugemens  , 
Ciip.  I.  les  exemples,  les  promelTes ,  les  menaces,  les  cérémonies.  De 
ces  fept  parties  il  y  en  a  quatre  qu'il  dit  n'être  pas  de  rcffen- 
ce  de  loi ,  fcavoir ,  les  témoignages  ,  les  exemples ,  les  pro- 
mciïes  ,  les  menaces  ,  parce  qu'en  effet  elles  ne  commandent 
&  ne  défendent  rien.  Par  témoignages  il  entend  les  faits  hiilo- 
riques,  propres  à  appuyer  la  vérité,  il  dillingue  plufieurs  Loix  ; 
la  Loi  naturelle  ,  qui  gravée  de  Dieu  dans  le  cœur  des  hom- 
mes,  les  oblige  de  droit  naturel  à  faire  le  bien  &  à  éviter  le 
mal  ;  les  divcrles  loix  données  dans  l'Ancien  Teftamcnt;  & 
la  Loi  Evangélique.  Il  cnleigne  que  la  Loi  publiée  par  Moyfe 
n'éroit  pas  parfaite  ,  mais  feulement  une  introduftion  à  la  pcr- 
fcflion;  ce  qu'il  entend  des  préceptes  moraux;  que  la  Loi  de 
Mahomet  l'étoit  beaucoup  moins,  puiique  le  peu  de  précep- 
tes moraux  qu'elle  renferme ,  font  couverts  de  la  laideur  des 
vices  &  des  rêveries  du  Légiflateur  ;  quela  Loi  de  l'Evangile 
Cil  donc  la  fcu'equi  contienne  les  préceptes  &  les  règles  de  ia 
O;.  1.  e?  perfection.  11  entre  dans  le  détail  de  toutes  les  loix  de  l'Ancien 
Teltament ,  &  montre  que  Dieu  les  a  prefcrites  pour  de  bon- 
nes railons,  entr^iutres  pour  détourner  les  lîraélites  de  l'I- 
ç  i8  c^  dolàtrie;  qu'elles  n'ont  rien  d'abfurde  ni  de  ridicule  ;  qu'elles 
fej.  '  '  ont  plufieurs  iens,le  littéral  ,  le  fpiiitucl  ,  l'allégorique,  le 
moral.  Venant  à  celle  de  Mahomet,  il  montre  que  la  félicité 


EVES  QUE  DE  PARIS,  Chap.  XXX.       4^3 

qu'elle  promet  à  ics  oblervatcurs ,  ne  confiftanc  que  dans  les 
voluptés  &  les  autres  plaifirs corporels,  elle  convient  plusaux 
animaux  qu'aux  hommes  railonnablcs.  Enluite  il  combat  l'er- 
reur que  l'on  a  vu  renaître  de  nos  jours  ;  que  chacun  peut  le 
fauver  dans  la  Loi ,  s'il  la  croit  bonne.  La  railon  des  infciSlés 
de  cette  erreur,  étoit  qu'il  y  avoit  de  l'ablurditc  à  croire  que 
Dieu  ait  choifi  les  Chrétiens  fculs  ,  &  reprouvé  les  autres. 
Guillaume  d'Auvergne  répond  qu'on  doit  croire  que  la  mifé- 
ricorde  de  Dieu  cil  toujours  prête  à  ouvrir  à  celui  qui  frappe; 
mais  auflî  que  ceux  qui  pcrrévérent  dans  l'erreur ,  ou  par  opi- 
niâtreté ,  ou  par  négligence ,  ou  faute  de  fe  faire  inftruire  ,  7.  Cor.  14"; 
font  dignes  de  punition  ,  félon  qu'il  efl:  écrit  :  Celui  qui  ignore  ^S- 
fera  ignoré,  &  rejette  de  Dieu. 

VL  L'Auteur  vient  enfuke  à  l'Idolâtrie  ,  dont  il  attaque  Cap.  2.6,  îS 
toutes  les  différentes  efpeces  ;  puis  il  paffc  à  la  Religion  Chré--^'?- 
tienne,  dont  il  fait  voir  la  nécenîtc,  l'efprit  &  le  culte  ,  les 
Sacremens,  les  Sacrifices  fpirituels,  plus  agréables  à  Dieu  que 
le  fang  des  viâimes.  Il  dillingue  deux  Temples  confacrés  à 
Dieu  ;  l'un  vivant  ,  qui  cft  la  congrégation  des  Saints  fur  la 
îer:e  ,  &  chacun  d'eux  :  l'autre  mort  &  purement  matériel  , 
compofé  de  bois  &  de  pierres.  Il  rapporte  les  cérémonies  qui 
fe  font  dans  la  Dédicace  de  cette  féconde  forte  de  Temple. 

VII.  Le  Traité  des  Venus  efl:  divifé  en  pluficurs  parties.     Trahé  ^es 
Dans  la  première ,  Guillaume  d'Auvergne ,  après  avoir  parlé  '^"'"S  pag- 
des  vertus  naturelles,  qui  font  les  puiflances  &  les  facultés  de    c'ap.  1.  ^ 
l'ame ,  l'entendement ,  la  volonté ,  le  libre  abritre,  fe  pro-/*?- 
pofe  démontrer  qu'elles  ne  fuflifent  pas  d'elles-mêmes  pour 
nous  procurer  le  falut,  comme  les  Pélagiens  l'enfeignoient  ; 
qu'il  eft  encore  befoin  du  fecours  de  la  grâce    pour  faire  le 
bien ,  éviter  le  mal ,  combatti-e  contre  foi-même,  &  vaincre     ^     ^^  ^ 
l'ennemi,  qui   cherche  à  donner  la  mort  à  notre  ame  ;  que/^j. 
toutes  les  vertus  fpirituelles ,  &  tous  les  dons  des  grâces  né- 
cefl.nres  au  falut,  font  données  par  le  baptême  aux  enfans  ; 
que  nous  les  acquérons,  par  le  fecours  de  la  grâce  ,  dans  la 
participation  des  Sacremens  &  des  chofes  facramen telles.  Il 
définit  la  vertu  ,  avec  faint  Auguftin  ,  une  bonne  qualité  de 
l'ame  ,  par  laquelle  on  vit  bien  ,  &  dont  perfonnc  n'ufe  mal  ; 
que  Dieu  opère  dans  l'homme,  fans  l'homme.  Après  quoi  il 
traite  en  particulier  de  la  tempérance  8c  de  fes  efpeces ,  de  la  c^'*^"  '^ 
foi,  de  l'amour  de  Dieu  &  des  autres  vertus  ,  des  diverfes 
affedions  de  l'ame  ;  des  pafTions  d'ambition ,   d'orgueil  Se  au;- 
très ,  dont  elle  efl  fufceptible. 


4^4  GUILLAUME  D'AUVERGNE, 

Cap.  îi.         Vin.  Il  fait  voir  que  la  force  de  la  vertu  efl:  plus  gran^' 
que  celle  du  vice  ;  &  lamour  que  la  grâce  infpire  ,  plus  puif- 
lant  que  Tamour  qui  vient  de  la  nature  ;  qu'il  y  a  entre  le*. 
22.^25.   vraies  vertus   une  connexion   li  intime,  qu'on  ne  peut  er 
avoir  une  fans  les  avoir  toutes  ;  qu'elles  font  néanmoins  fufccp- 
tiblcs  de  divers  degrés  ;  &  que  plus  on  en  poflede  de  degrés, 
plus  on  approche  de  Dieu  ,  qui  efl  la  vertu  fuprême. 
mJuTs'"^  f "      IX.  Guillaume  change  de  flyle  dans  la  féconde  Partie ,  qui 
isi.cl^.  I.    efl:  intitulée,  des  Mœurs,  l\  y  fait  paroître  fuccelTivement  tou- 
tes les  vertus,  &  faire  à  chacune  leur  propre  éloge  ,  par  le 
détail  de  leurs  avantages  &  de  leurs  effets.  La  foi  fe  montre  la 
première ,  comme  la  vie  de  l'ame ,  la  colonne  de  la  vérité  ,  le 
fondement  de  toutes  les  autres  vertus ,  le  cafque  du  falut,  l'é- 
toile qui  éclaire  fans  ccfTe  l'Eglife ,  &  dilTipe  les  ténèbres  de  la 
''^'  *'      nuit.  Vient  enfuite  la  crainte  du  Seign.ur.  Elle  efl:  la  fontaine 
de  vie.  Par  elle  on  s'éloigne  du  mal ,  on  évite  la  mort  ;  c'efl: 
un   tréfor   dont  la  valeur  furpalTe  la  fagelTefe  la  fcience.Sui- 
Cap.  j.  -d  vent  l'efpcrance ,  la  charité ,  la  piété ,  le  zèle  ,  la  pauvreté 
^^1'  évangélique ,  Thumilité  ,  la  patience  ,  qui  font  chacune  leur 

T,  .,.    .    panégyrique. 
ViccV&des        ^'  ^^  troiiieme  Partie  traite  des  vices  &  des  pécheurs. 
Péchés,  paT.  Sous  le  nom  de  vice ,  Guillaume  entend  une  habitude  mauvai- 
zco.  Cap.  I.    f e  ^  ^  p^i-  le  péché  ,  un  adede  cette  mauvaife  habitude.  Com- 
me les  enfans  contradent  en  naiflant  le  péché  originel,  &  qu'à 
Q      ,       cet  âge  ils  ne  font  capables  d'aucun  a£le  de  péché,  il  appelle 
le  péché  originel  un  vke  originel  ,  une  pervcrjtré  ,   une  tnalice 
innée.  Il   en    prouve  l'éxiftence  ,  répond  aux  objedions  de 
Julien  le  Pélagicn,  qu'il  confond  avec  Julien  TApoilat.  Il  don- 
Cap.  î.  ^  ne  les  folutions  de  faint  Auguftin  ,  &  explique  aurant  qu'il 
'^'  eft  poiTible  la  transfulion  du  péché  originel ,  &  comment  il  efl: 

le  même  dans  tous  les  defcendans  d'Adam.  Il  dit  encore  d'a- 
près faint  Auguflin  que  la  concupifcence  qui  demeure  dans 
les  baptifés,  après  la  rémiflîon  de  la  cculpe  ,  eft  comme  un 
feu  fur  lequel  on  a  verfé  de  l'eau  ;  qu'il  refte  dans  la  matière 
de  ce  feu  quelques  degrés  de  chaleur  qui  le  font  rallumer,  fa- 
cilement. 
Traîté  des      XI.  Telle  cfl  la  caufe  des  tentations  auxquelles  l'homme  efl: 
^j"'q'^^'"j^' expofé,  mêpie  depuis  le  baptême.  Guill-ume  diftiiigue  rrois 
V   chofes  dans  la  tentation  ,  la  penf.e ,  la  délecbrion ,  le  confen- 
tement  \  8c  dit  que  toute  pcrlonnepeut  furmonter.la  t&ntation  , 
quelque  force  qu'elle  foit  ,iCi  elle  le  v^uc  véritablement  y  rr-ais 


EVEQUE  DEPARTS,  C  h  a  p.  XXX.        455 

3UC  pour  qu'elle  le  veuille  purement,  elle  a  bcloin  du  fccours 
e  la  grâce.  Il  démontre  par  divers  exemples  combien  il  cfl 
difficile  de  rcliftcr  aux  tentations ,  &  de  les  vaincre  -,  qu'elles  "''''' 
font  néanmoins  utiles,  foit  pour  reprimer  notre  orgueil  par 
la  vue  de  notre  fcibleffe ,  foit  pour  nous  exercer  dans  la  pra- 
tique de  la  vertu,  &  nous  purifier  ,  comme  on  ôte  la  rouille  du 
fer  par  le  travail. 

XII.  Il  prefcrit  plufieurs  remèdes  pour  furmontcr  les  tcn-  cap.4, 
tations  ;  la  fidélité  que  nous  devons  à  Dieu  ;  fes  invitations  à 
foutenir  fortement  la  guerre  contre  fes  ennemis;  la  couron- 
ne qu'il  nous  promet  après  la  victoire  ',  l'attention  de  la  Milice 
célefte  à  nous  voir  combattre ,  &  leurs  prières  à  Dieu  pour  le 
fuccès  ;  la  fuite  des  objets  capables  de  nous  féduire  ;  la  confi- 
dcration  des  peines  de  l'enfer  j  le  fouvenir  de  la  mort ,  la  mor- 
tification de  la  chair. 

XIII.  Parlant  des  mérites ,  il  enfcigine  que  nul  ne  peut  mé-  ..T.™'^ .  *!" 

,  .  >  11    "n.     '    •  •  o    Mérite  &c!e  la 

ruer  la  première  grâce ,  parce  qu  elle  elt  toujours  gratuite  ;  &  Récompenfe , 
que  fans  le  fecours  de  Dieu  nous  ne  pouvons  ni  mériter  une  p^g-sio- 
féconde  grâce,  ni  la  gloire  éternelle.  Il  demande  trois  condi- 
tions pour  la  perfeûion  d'une  bonne  œuvre  ;  la  droiture  d'in- 
tention ;  la  bonté  &  l'utilité  de  l'adion ,  &  la  vérité ,  qui  ex- 
clut toute  fimulation  ou  hypocrifie.  Les  bonnes  œuvres  font 
nôtres  ,  &  les  dons  de  Dieu.  Elles  font  les  dons  de  Dieu  , 
parce  qu'il  les  opère  en  nous.  Elles  font  les  nôtres,  parce  que 
nous  ne  fommes  pas  feulement  les  coopérateurs  de  Dieu ,  mais 
que  nous  opérons  nous-mêmes.  D'où  vient  que  nos  bonnes     p.,^,  jj-, 
œuvres  font  méritoires,  &  nous  obtiennent  la  béatitude,  com- 
me une  rétribution  due  aux  Saints ,  en  vertu  de  la  promeffe 
que  Dieu  leur  en  a  faite.  L'Auteur  la  fait  confifler  avec  faint 
Auguflin  dans  la  vifion  intuitive  de  Dieu. 

XIV.  Il  prouve  l'immortalité  de  l'Ame  par  desraifonne-  .Traité  Je 
mens  Philofophiques  ,  renvoyant  fes  Le6leurs  à  des  preuves  îiIrT^I"''"^ 
derait,  comme  ionc  les  témoignages  de  ceux  qui  iont  rcve-  313. 

nus  de  l'autre  vie  en  celle-ci.  Saint  Grégoire  en  rapporte  plu- 
fieurs dans  fes  dialogues.  Voici  la  première  preuve  ,  qui  fait 
en  même  temps  pour  la  fpiritualité  de  l'Ame  :  Toute  fubllance 
dont  l'opération  ne  dépend  pas  du  corps ,  a  auffi  une  effence 
qui  n'en  dépend  pas.  Or  l'opération  de  l'ame  humaine  ,  de 
fon  entendement,  ne  dépend  pas  du  corps:  donc  fon  effence 
n'en  dépend  pas  non  plus.  Si  l'on  objedteque  la  vertu  intellec- 
tuelle efl;  empêchée,  affoiblie  ,  par  les  embarras  &  les  mala- 
Tome  XXlll,  Nnn 


45<î         GUILLAUME    D'AUVERGNE, 

dics  du  corps ,  on  repond  que  l'efTcncc  de  la  vertu  intel!c£luel- 
le  ne  louffrc  rien  des  cmi'Cchcmcns  ni  des  infirmités  ^.^u ce rps; 
que  les  opirations  ordinaires  en  lonc  feulement  arrêtées ,  par- 
ce qu'elle  s'occupe  de  ces  cmpcvhcmens  &  de  ces  infi imités; 
comme  elle  s'occupe  des  phancomcs  du  fommeil.  Il  n'en  efl 
pas  ainfi  de  l'ame  des  bêtes.  Entièrement  matérielle  ,  elle  dé- 
pend de  la  matière,  quant  à  ion  être  &  à  fon  opération  :  cn- 
Ibrte  qu'elle  ne  fubliftc  plus  après  la  deftrudion  de  la  matière. 
Rhétorique  *      XV.  Le  Traité  qui  a  pour  titre  :  La  Rhétorique  divine,  a. 
divine,  pag.  pour  objct  la  prière  ,  fes  vertus  ineftimables,  ks  fruits  que  l'on 
î^l"  en  peut  retirer.  La  prière  en  général  efl  une  demande  faite  à 

Cap.   I.  *  ^  ,  f^  .  »  ,,  r~  .       .     .  , 

Dieu,  ou  a  quelque  perionne  pour  elle-même  ;  mais  ici  on  la 
reftreint  à  Dieu  feul ,  ou  à  fes  Saints.  Guillaume  l'appelle  Rké' 
torique  divine  ,  parce  qu'à  la  manière  des  Orateurs,  qui  com- 
mencent leurs  difcours  par  captiver  la  bienveillance  de  l'Au-- 
diteur ,  nous  devons  commencer  notre  prière  d'une  manière 
G/»..  5.       qui  foit  agréable  à  Dieu,  en  lui  avouant  d'abord  qu'on  efl  in- 
digne de  fe  prcfenter  devant  lui.  I3'où  il  fuit  que  la  première- 
Cap.  4.      difpofition  à  la  prière  ,  efl  l'humilité.   Il  faut  enfuire  rendre 
grâces  à  Dieu  de  fes  bienfaits  ;  puis  lui  confclTer  les  péchés  que 
C0P.7.  8,  l'on  3  commis;  louer  fa  clémence;  témoigner  de  la  confiance 
'  en  fes  miiéricordes,  &  un  vrai  defir  d'entrer  dans  les  voies- 
de  la  juflice.  Voilà  une  partie  des  préceptes  qu'il  donne  pour 
la  prière.  Les  effets  qu'il  lui  attribue  iont  le  pardon  des  pé- 
Cup.  1^    chés,  la  guérifon  du  malade.  Il  donne  une  formule  de  prière 
*^'  '^'         à  Dieu  ,  une  à  la  fainte  Vierge  ,  une  particulière  à  Jefus- 
Chrid.  Quand  on  ne  peut  obtenir  le  don  des  larmes,  iicon- 
feille  de  le  demander  par  l'intercefTion  dos  Martyrs  &  des 
Cap.  17.     autres  Saints.  Il  confeille  encore  la  pratique  du  Jeûne,  de  l'au- 
^f'i-  mône,  de  fréquens  a£tcs  de  foi,  ceux-là  furtout  qui  peuvent 

exciter  en  nous  des  fentimcns  de  gratitude  &  de  dévotion. 
Traité  des      XVI.  Après  avoir  traité  des  Sacremensen  général,  de  leur 
Sacremens ,   utilité ,  de  leur  néceflîté  ,  il  parle  de  chacun  en  particulier  ,  Se 
femeVcon-  décide  Ics  qucftions  qui  ont  rapport  à  la  morale  ou  à  la  pra- 
firmation.       tique  ,  par  l'autorité  de  l'Ecriture  &  des  Pcrcs.  Ils  ont  enfei- 
gné  unanimement  qu'outre  la  grâce  &  la  rémifTion  de  tous 
^''^■^'       les  péchés, tant  originels  qu'aâucis,  le  Biptcme  imprime  un 
caradere  qui  ne  s'efface  point  :  mais  ils  n'ont  pas  dit  en  quoi 
il  confule.  Guillaume  d'Auvergne  le  compare  à  la  conlécra- 
îion  des  Egîifes  &  des  vafes  facrés.  Il  fe  plaint  que  l'on  n'a- 
voir plus  la  même  confiance,  nile  même  rcfpeû  ,  pour  le  Sa- 


EVESQUE  DE  PARIS, Chap.  XXX.    457 

cremcnc  de  Confirmation  ,  qu'autrefois  ;  que  tout  l'iionneur  ,  P.tg.  41?,. 
&  toute  la  révérence  qu'on  lui  porcoic  ^  fe  réduiloic  à  en  per- 
mettre l'adminirtration  aux  Evêques  leuls.  Il  met  pour  matiè- 
re de  ce  Sacrement,  l'ondion  du  front  {c)  avec  le  Chrême ,  & 
rimpofition  des  mains  de  l'Evêque  :  pour  la  forme  ,  les  paro- 
les qui  accompagnent  l'onclion  &  rimpofition  des  mains. 

XVII.  Il  donne  pour  certain  ce  c]u'on  lit  dans  quelques  An-     Sncrement 
ciens ,  que  plulieurs  Fidèles  ont  vu  &  mangé  le  Corps  de  Je-  d'Euchanftie , 
fus-Chrill:  fous  une  forme  humaine.  Il  cnfeigne  que  la  iub-  ^'f-/\^* 
fiance  du  pain  matériel  Se  viiible  ne  refle  plus  dans  ce  Sa- 
crement après  la  defcentedu  Pain  céleftc  &  vivifiant,  n'étant 
plus  nécefTaire  à  aucun  ufige ,  li  ce  n'cfl  pour  être  le  fujet  des       '^'  '^* 
accidens  ;  qu'il  efl:  au  pouvoir  de  Jefus-Chrifl;  de  rendre  pré- 
fent  Ion  Corps  en  autant  d'endroits  qu'il  veut;  que   pouvant 
faire  les  fonètions  de  fon  Sacerdoce  dans  le  Ciel ,  il  voulut 
defcendre  fur  fAutel  &  être  immolé  par  les  mains  des  Prê-       '''^'  ^' 
très  ,  afin  de  foutenir  l'efpérance  des  Fidèles ,  nourrir  leur  dé- 
votion &  les  fantlifier. 

XVIIt.  La  partie  delà  Pénitence  fur  laquelle  l'Evêque     Sacrement 
Guillaume  s'étend  le  plus,  eft  la  Confeffion  des  péchés.  H  .L.^45^"'^^* 
prouve  qu'on  doit  la  faire  au  Prêtre ,  parce  que  fi  on  la  faifoit     (;„„  j^ 
à  Dieu  feul ,  le  Pénitent  feroit  toujours  incertain  de  la  maniè- 
re dont  Dieu  l'auroit  jugé.  Il  dit  qui!  y  a  certains  cas  (d)  où  le 
pénitent  peut  ne  pas  fe  confefie  à  fon  propre  Prêtre ,  ou  Curé , 
comme  lorfqu'il  efl  convaincu  d'avoir  révélé  ce  qui  lui  avoir  été 
dit  en  confefiion  ;  ou  que  le  Pénitent  a  pcnfé  ou  formé  le  deffein 
d'attenter  à  fa  vie.  Son  fentiment  efl:  que  dans  ce  cas,  8c  dans 
quelques  autres  qu'il  propofe ,  le  Pénitent  lui  demande  ,  ou  à 
l'Evêque ,  permifiion  de  s'adrefler  à  un  autre  ConfefTeur. 

XIX.  Il  eft  d'avis  que  l'on  fe  confefiTe  aufiî-tôt  après  le  pé-     C-»/».  ij. 
ché ,  foit  à  caufe  du  danger  de  l'oublier  en  retardant  trop  la 


{  f  )  Forma  con veniens  huic  Sacramento 
efl: . .  .  ut  primiira  orationj  luperConfir- 
mandos ,  pingatur  fignum  crucis  de  Chrif- 
mate  in  frontibus  eorum  ;  &  impofitis  ma 
nibus  (uper  capita  eorum,  dicatur  eis  :  Fax 
tecum.  Siquidem  ad  impofîtionem  ma- 
nuum  Apoftolorum  folebat  dari  Spiritus 
San.tus ,  &  datur  modo  ad  im.pofitionem 
manuum  Epilcoporum.  Quod  autemdicit 
PontJfex  piiigendo  cataâerem  :  Configno 


te ,  &  cruce  confirmo  ;  întellîgenda  efl: 
confiijnatio  ,  ut  metum  incutut  dariioni- 
bus.  Pug.  42  9- 

l  d  )  Apparat  autem  ex  hoc  rubftantiam 
panis  materialjs  atque  vifil  lis  in  il'o  Sa- 
cramento, poft  adventum  Cocleftis  ac  vî- 
vifici  Panis  nuUatenus  ffmanere.  Nulli, 
enim  u'ui  feu  frudui  necef'aria  eft  ibi,  nifi 
propter  fuflentationein  acc-dentium  ipfius, 
P'»i.  434- 

Nnn  ij 


4';8        GUILLAUME  D'AUVERGNE, 

Confcfnon  ;  foie  dans  la  crainte  de  mourir  lans  Confe(îîon  ; 
ou  d'être  puni  de  Dieu  de  notre  négligence  ;  que  l'on  peut 
divilcr  la  ConfefFion  ,  enforte  que  l'on  ic  confcfîe  à  l'un  pour 
en  recevoir  confeiI&  une  pénitence  falutairc,  &  à  l'autre  pour 
en  recevoir  la  bénédidion  &  l'ablolution  ;  qu'il  n'y  a  point 
d'obligation  de  réitérer  toute  une  confeflion  ,  pour  être  retom- 
bé dans  un  péché  mortel  déjà  confefle.  Il  veut  que  le  Con- 
";•  i*-  fcncur  entende  les  péchés  du  Pénitent  dans  un  lieu  faint,  s'il 
cft  pollible ,  orne  de  fon  étole. 
Sacrement       ^X.  Son  Traité  fur  le  Mariage  eH  une  inve£tive  continueî- 

deJ\latiage,      ,  i       j  t     j  •  r        °  .  „. 

Je  contre  les  delordresqui  le  commettent  en  matière  d  impu- 
reté; &  il  n'exempte  pas  dépêché  ceux  qui ,  dans  l'ufagedu 
mariage  ,  ne  recherchent  que  le  plaifir  :  la  fin  du  mariage  étant 
d'avoir  des  enfans. 

Sacrement  XXL  II  remarque  fur  le  Sacrement  de  l'Ordre,  que  quel- 
pag  yis.      ques-uns  comptoient  neur  Ordres,  au  heu  de  icpt,  mettant  de 

C)/!.  3.4.  ce  nombre  la  première  Tonfure,  &  l'Epifcopat  ;  qu'il  y  en  a 
trois  de  facrés,  le  Soudiaconat,  le  Diaconat  &  la  Prêtrife  , 
dont  il  détaille  les  fonètions  ;  que  la  principale  des  Prêtres 
eft  le  miniftere  de  l'Autel  ;que  la  malice  du  Prêtre  n'empêche 
point  la  Confécration  de  l'Euchariflie  ,  comme  elle  n'empêche 
pas  l'effet  des  prières  de  l'Eglile  ;  que  dans  les  Prêtres  fuf- 
pens  ou  excommuniés  le  pouvoir  refte ,  &  que  leur  office  n'eft 
que  iulpendu  pour  un  temps  ;  au  lieu  que  ceux  qui  font  dépo- 
'■*  "  lés&  dégradés,  en  font  privés  totalement  ;  que  c'eft  pour 
marquer  ce  dépouillement  entier  ,  qu'on  leur  ôre  fucceiïive- 
mcnc  les  ornemens  Sacerdotaux  en  les  métrant  à  l'envers. 

c.ip,  8.  XX  IL  Guillaume  fait  voir  que  l'exercice  du  pouvoir  de  lier 

&  délier  dans  les  Prêtres,  ne  dépend  pas  de  la  probité  du  Mi- 

Cap,Q.  10.  niftre;  que  l'on  doit  craindre  la  Sentence  duPafteur,  quand 
même  elle  feroit  injufte;  que  l'excommunication  lie  du  moins 

€»2,  11,  ^  Textérieur  les  bons  comme  les  méchans  ,  qui  le  font  aulîi 
dans  l'intérieur  ;  que  toutefois  les  juftes  excommuniés  ne  font 
pas  privés  du  fruit  de  la  Communion  qu'ils  ont  intérieure- 
ment avec  l'Eglife.  Il  paroît  qu'alors,  c'eft-à-dire  dans  le  trei- 
zième fiecle,  il  étoit  encore  d'ufage  que  les  Evêques  chaffaf- 
fent  de  l'Eglife  les  grands  pécheurs  au  commencement  du 
Carême  ,&  qu'ils  ne  leur  permettoientd'y  rentrer  que  le  Jeudi 
Saint. 

Cap.  13.  XXI  IL  II  étoit  encore  d'ufage  de  diminuer  le  temps  de  la 
févéricé  des  pénitences ,  par  des  aumônes  3  ou  des  libéralités  „ 


EVESQUE  DEPARTS, Chap. XXX.  4îp 
envers  rRgUle.  Quelques-uns  le  trouvèrent  mauvais ,  dil.inc 
que  c'étoit  ouvrir  la  porte  au  libertinage  ,  Se  vendre  les  indul- 
gences. Guillaume  julliHe  cette  pratique  ,  fur  ce  que  ce  n'cfl: 
qu'une  commutation  d'une  œuvre  fatisfatloire  avec  une  autre 
d'une  efpece  différente  ;  &  fur  ce  qu'il  cfl  au  pouvoir  des  Evê- 
ques  d'alonger  ou  de  diminuer  le  temps  de  la  Pénitence, 
comme  d'en  adoucir  ou  d'en  augmenter  la  fcvérité,  félon 
qu'ils  le  jugent  bon  pour  la  gloire  de  Dieu,  &  l'utilité  publi- 
que &  particulière. 

XXIV.  Guillaume  dit  de  l'Extrême-Onftion  ,  que  dans  les     Le  Sacre- 
commenccmcns  de  fon  inftitution  elle  ctoit  un  remède  pour  |||^"''|'*''''^'^" 
le  rétabliflemcnt  de  la  fanté  ,  comme  on  le  lit  dans  les  Actes  pag.  553. 
des  Apôtres  &  dans  l'Epître  de  faint  Jacques. 

XXV.  La  caufe   principale  de  l'Incarnation    du  Fils  de     '^''^'"^  .''^^ 
Dieu  ,efl  la  Rédemption  du  Genre  humain.  Les  Hérétiques,  cammion   "' 
les  Mahomctans  ,  les  Juifs  obje6tent:  Si  Jefus-Chrift  a  fatis-  pag-^rj. 
fait  pleinement  par  fa  mort  pour  tous  les  péchés  du  monde,     Cap.  i,  & 
la  damnation  originelle  ,  &  toute  la  mifere  de  la  vie  préfente,  ^^'^' 

doit  donc  cefler.  Cet  Evêque  répond  ,  que  comme  la  Ré- 
demption de  Jefus-Chrifl  n'a  lieu  que  dans  ceux  qui  font  ré-  ^^'  ^' 
générés  par  le  Baptême  ,  la  damnation  originelle  ne  doit 
cefler  qu'à  l'égard  de  ceux  qui  ont  reçu  ce  Sacrement.  Il  ajou- 
te que  li  les  pénalités  qui  font  les  fuites  du  péché  originel  , 
reftent  en  nous^  même  depuis  qu'il  eft  remis  par  le  Baptême  , 
ce  n'efl:  point  comme  une  peine  du  péché  ,  mais  pour  aider  à 
nous  détacher  de  cette  vie ,  nous  lervir  de  mémorial  de  la 
vengeance  que  Dieu  tire  du  péché  ,  &  nous  imprimer  une 
crainte  lalucaire  de  la  divine  juflice. 

XXVI.  On  trouve  dans  le  Traité  delà  Pénitence  les  rai-    yraltêdeis^ 
fons  que  Dieu  a  de  punir  le  pécheur;  l'obligation  du  pécheur  p^^""^^"^^' 
de  confefler  fes  péchés  au  Prêtre,  foit  pour  en  recevoir  l'ab-     Cap.  5 , 4^, 
folution  ,  foit  pour  apprendre  de  lui  à  les  détefter,  à  s'en  cor-  ^'/'  ^  '  **' 
riger ,  &  en  faire  pénitence.  On  y  trouve  aufli  des  conicils 
falutaires  pour  ceux  qui  font  chargés  du  foin  des  Ames  ;  les 
queftions  qu'ils  doivent  faire  au  Pénitent ,  pour  connoître  la 

vraie  diipofition  de  fon  coeur  ;  &  comment  ils  doivent  enga-    ^"P-  r^^ 

ger  par  leurs  remontrances  les  pécheurs  a  rentrer  dans  la  voie 

du  falut.  Ce  Traité  n'eft  point  entier ,  on  en  verra  la  fuite  dans 

îe  Supplément  de  fes  Œuvres.  _,  ^.  , 

XXVII.  Le  Traité  de  l'Univers  eft  divifé  en  deux  parties,  runivers,, 
Dans  la  première  ^^  qui  efl  (ous-divifée  en  crois  autres ,  il  prou-  p-j-^s-  part.  r.. 


4(5o        GUILLAUP^E   D'AUVERGNE, 
ve  contre  les  Manichéens  qu'il  n'y  a.  qu'un  Icul  principe  de  ce 
Monde,  qui  eft  Dieu  ;  &  contre  quelque-.  Philolophcs  ,  qu'il 
n'y  a  qu'un  fcul  Monde  &  qu'il  ne  peut  yen  avoir  plulîeurs; 
non  par  défaut  de  puiffance  en  Dieu  ,  mais  par  i'impoiïibi- 
licé  de  pludcurs  Mondes  cnfemble;  que  le  Monde  a  été  fait 
par  le  Verbe  de  Dieu.  Il  parle  de  l'Arbre  de  vie  qui  éroit  au 
milieu  du  Paradis  terreftre  ,  &  après  avoir  dit  que  luivant 
les  plus  iages  des  Hébreux  &  des  Chrétiens  ,  on  l'appelloic 
C4j>.  J7.     Arbre  de  vie ,  parce  que  fon  fruit  avoit  la  vertu  de  confervcr 
la  vie  à  tous  ceux  qui  en  mangcroient ,  il  rapporte   pluiieurs 
opinions  ridicules  des  Rabins  touchant  cet  Arbre  ,  qu'ils  di- 
foicntêtrefi  haut,  qu'il  auroit  fallu  cinq  cens  ans  pour  parve- 
nir au  fommet ,  &  plus  gros  que  toute  la  Terre.  A  l'occafion 
delà  fituation  du  Paradis,  &  de  l'Enfer,  il  s'explique  fur  ce 
que  l'Eglife  enfeigne  du  Purgatoire,  dont  il  montre  l'éxiften- 
cepar  les  apparitions  de  ceux  qui  y  étant  pour  expier  les  pei- 
nes dues  à  leurs  péchés,  ont  demandé  à  leurs  Amis  fur  la  terre 
■C.Ï/!.  tfi.     le  fecours  de  leurs  fufifrages.  Il  s'explique  auffi  fur  la  manière 
dont  les  corps  des  damnés  fouffriront  le  feu  dans  l'Enfer  fans 
en  erre  confumés ,  &:  propofc  l'exemple  de  la  Salamandre,  qui 
vit  dans  le  feu. 
ptTi^^^'^'      XX Vin.  Il  pafTe  de  la  création  du  Monde  ,  à  fa  durée,  & 
réfout  les  difficultés  des  Philofophes  qui  l'ont  dit  éternel.  Il 
Caf.  14.    combat  aulTi  le  fcntiment  de  Pythagore  fur  le  paffage  des 
'!>•  âmes  d'un  corps  à  un  autre ,  que  nous  appelions  IWéremp/ycO" 

fe  ;   celui  de  Platon  ,  qui  enfeignoit  qu'au  bout  de  36  mille 
ans  toutes  chofes  revicndroient  à  leur  premier  état;  celui  d'O- 
iot/yi?/^'   rigène touchant  l'anéantiflement  des  corps.  lien  prend  occa- 
fion  d'établir  le  dogme  de  la  réfurrcftion  des  Morts  \  la  glori- 
fication des  âmes  des  Saints ,  &  de  leurs  corps  après  la  réfur- 
re£tion  ,  &  l'éternité  des  peines  des  damnés.  Quoiqu'il  ne  croie 
pas  qu'on  doive  prendre  à  la  lettre  ce  qui  efl  dit  du  Jugement 
dernier  dans  la  vallée  de  Jofaphat ,  parce  qu'elle  ne  pourroit 
comprendre  tous  les  hommes  nés  depuis  la  création  jufqu'à  la 
fin  du  Monde ,  il  penfe  qu'on  peut  donner  ce  fcns  aux  paroles 
du  Prophète  :  fçavoir  ,  que  le  Jugement  fe  fera  dans  la  vallée 
de  Jofaphat ,  c'efl-à-dirc  que  le  Souverain  Juge  defceodra 
dans  une  nuée  qui  fera  fufpcndue  fur  la  vallée  de  Jolaphat  , 
&  que  delà  il  jugera  tous  les  hommes. 
3c.Part.pag.      XXIX.  Guillaume  d'Auvergne  traite  enfuitc  de  la  Provî- 
754.  Ca?.  1.  ^gj^j-g  jg  £)ieu  fm-  i-Qus  j^s  hommes,  de  quel  état  &  condition 


EVESQUE  DE  PARTS,  C  ha  p.  XXX.  lU 
qu'ils  loicnt ,  p.iuvrcs  ou  riches  ;  des  peines  doni  il  punit  ceux 
qui  abulcnc  des  biens  qu  il  leur  a  confies  ;  des   récompenles 
qu'il   préparc  aux  bons.  Il  montre  que  la  Providcn(  e    &   U 
prcrcicnccdc  Dieu  n impolcnt  au.une  ncccdlté  aux  Agens  li-     O;.  19.  î^ 
bres  de  leur  nature  ;  &  rejette  comme  extrêmement  dangereu-/';- 
le  l'errcLir  qui  fait  dépendre  les  évenemcns  du  dertin. 

XXX.  La  féconde  Partie  a  pour  objet,  le  MondelpiritucI,  ^'■^-  ''c.[/''f; 
les  Anges  ,  les  Démons ,  les  Ames,  leurs  opérations.  !l  fedé-  ti /<.'/.  &  pag, 
clare  pour  rimmatérialité  de  tous  ces  êtres  ;  avoue  qu'on  ne  244- 
peut  décider  fi  le  nombre  des  Angcsapoftats  cftplusou  moins  y   ''^*    ' 
grand  que  celui  des  Saints  Anges,  ni  à  quel  degré  monte  la 
connoidance  naturelle  des  uns  &  des  autres.  Il  parle  des  neuf 
ordres  des  Anges  &  des  trois  Hiérarchies  ,  dans  le  goût  du  m.  ^^  }j. 
faux  Denis  i'Aréopagice  ;  marque  les  noms  &  les  offices  des 
Anges  envers  les  hommes,  &  tout  ce  qui  peut  regarder  leur 
nature  &  leurs  qualités.  Il  agite  à  peu  près  les  mêmes  quel-    ^''^•i°5ï' 
tions  fur  les  démons.  Tout  ce  Traité  n'eil  appuyé  que  fur  des 
raifonnemcns  Philofophiques.  L'Auteur  n'y  fait  entrer  ni  l'au- 
torité de  l'Ecriture  ,  ni  celle  des  Pères  ;  mais  c'cfl:  toujours  la 
Doftrine  de  l'Egliie  qu'il  fuit,  &  dont  il  prend  la  dtfenfe. 

XXXL  Le  fécond  Tome  des  Ecrits  de  Guillaume  d'Auver-    Sermons  de 
Sine  comprend  fcs  Sermons.  Ils  avoient  déjà  paru  fous  fon  Çuiibume 

-T-i-  ■        «o-Ts-  \^    o   •      L   I    nfs    ■    d'Auvergne  , 

nom  a  lubingeen  145^5^,  ?«-4°.&  a  ransen  163b  ^w-p'.  Mais  to^^  ;^_|ag.i. 
l'Edition  de  Paris  en  1 45^4  chez  Gcring&  Bemblold,  de  même 
que  celles  de  Lyon  en  1567  2«-8'^.&  de  Cologne  en  1^25? /K-40. 
les  donnent  à  Guillaume  Perrault,  Dominicain,  mort  avant  l'an 
1250.  Ils  lui  font  encore  attribués  en  divers  Manufcrirs,  & 
dans  l'apoftille  de  Guillaume  de  Paris, aufTi  Dominicain  ,  fur 
les  Epures  &  les  Evangiles  ,  écrite  vers  l'an  1488.  Mais  le 
plus  grand  nombre  des  Manufcrits  décide  en  faveur  de  Guil- 
Idume  G  Auvergne   *.  Il  s  en  trouve  ]ulqua  huit  dans  les      „^^.  iq,. 
Bibliothèques  d'Angleterre,  dans  lefqucls  ces  Sermons  (ont  lie Scripw.Ec 
infcrits  du  nom  de  Guillaume  de  Paris.  Quelques-uns,  pour '^''^' 
réunirces  deux  fencimens,  ont  conjecturé  avec  affez  de  vrai- 
femblance  que  Guillaume  Perrault  avoit  abrégé  les  Difcours  de 
Guillaume  d'Auvergne.  En  effet,  quoiqu'ils  commencent  de 
même,  ceux  de  Perrault  font  plus  couris.  En  attendant  de 
plus  grands  éclairciffemens,  nous  les  laiderons  à  l'Evéque  de 
Paris.  Le  Recueil  de  fcs  Sermons  eu  en  deux  parties  :  la  pre- 
mière contient  les  difcours  fur  les  Epîtres  du  jour;  la  fécon- 
de ceux  qui  font  fur  l'Evangile. 

XXXII.  Il  y  en  a  treize  fur  les  quatre  Dimanches  de  l'A- 


4^^!        GUILLAUME  D' A  U  V  E  R  G  N  E , 

Di'l-our?  fur  vcj.t,  OÙ  il  fxpliqu-'  les  endroits  des  Epîtrcs  de  fainr  Paul 

FAvent,  pre- aux  Romairs  &  aux  Fhilippicns  qui  ont  du  rapport  au  Myf- 

furiesEpitre..  tere  de  1  Incarnation.  11  le  plaint  quau  heu  de  le  préparer 

c  ditinc-mcnt  à  la  célébration  de  la  NailTance  du  Sauveur ,  par 

Serin,  l.  h  .  ,    ,  .  .       ^i. 

des  œuvres  de  picte  &  de  milencorde  ,  les  uns  ne  s  appli- 
quoient  qu'à  y  paroître  avec  des  habits  iomptueux  ;  les  au- 
tres à  faire  payer  en  ce  jour ,  avec  ulure ,  ce  qui  leur  étoit 
dû;  Se  plufieurs  à  en  paffer  une  partie  à  des  jeux  de  hazard  , 
paflant  en  une  joie  profane  le  jour  auquel  Jefus-Chrifl:  avoit 
commencé  à  pleurer  pour  eux. 

XXXIIL  C'efl  encore  fur  Pexplication  des  Epîtres  de  S. 
Difcours  fur  Paul  quc  roulent  les  huit  Difcours  fur  les  Dimanches  d'après 
^^^^I.™^^^;]"  Noël  ;  8c  les  vingt-lîx  fur    les  Dimanches   depuis  la  Sep- 
tuagéiime  jufqu'au  premier  d'après  Pàque.  Guillaume  remar- 
17.  Co'.é;.  1.  que   dans  le  fécond  fur   le  Carême  ,    que   ce  faint  temps 
Sirm.  33.   étoit  félon  faint  Paul  le  plus  favorable  de  l'année  pour  le  fa- 
lut ,  parce  que  les  Confeffeurs  fe  tenoient  toujours  prêts  pour 
entendre  les  Confeffions  des  Pénitens  ;  que  l'on  prêchoic  la 
parole  de  Dieu  plus  fouvent  ;  que  les  veilles ,  les  jeûnes  ,  les 
prières  étoicnt  plus  fréquens.  Dans  les  dix  Sermons  fuivants  , 
Guillaume  prend  fon  texte  dans  les   Epîtres  Catholiques.  Il 
parle  dans  THom-élie  fur  le  premier  Dimanche  d'après  Pâque 
Serm.  48.  jgg  qualités  effentielles  de  la  Foi ,  qui  font  d'être  fimple,  vive 
&  entière,  enforte  que  l'on  croie  tous  les  articles  du  Symbo- 
le ,  fans  aucune  exception  ;  que  la  Foi  foit  accompagnée  de 
bonnes  œuvres ,  &  animée  par  la  charité;  &  qu'elle  croie  à 
Dieu  pour  lui-même ,  parce  que  lui  feul  fe  connoît.  Il  remarque 
que  le  Symbole  des  Apôtres  iedifoit  à  voix  baffe  dans  l'Eglife 
aux  Heures  de  Primes  &  de  Complies,qu'on  chantoit  à  la  Mefîe 
celui  de  Nicéc,&  à  Prime  celui  qu''on  attribue  à  faint  Athanafe. 
Difcours  fur      XXXIV.  Les  trois  Difcours  fur  la  Pentecôte  en  expliquent 
&  les'^Diman-  le  Myfterc  ,  &  les  difpofitions  néceiïaires  pour  recevoir  le 
ches  d'après  la  Saint-Efprit  :  l'unité,  la  concorde  ,  l'humilité.  Il  appelle  les 
"^'^7^""^'  Dimanches  fuivans  ,  non  d'après  /a  Pentecôte  ,  comme  nous 

faifons  ;  mais  d'après  la  Trinité.  Ses  Difcours  fur  cesDiman-  1 

ches  font  au  nombre  de  quarante-quatre.  Sur  le  feiziéme  Di-  J 

manche  il  exhorte  fes  Auditeurs  à  fecourir  par  leurs  fuffrages 
&  leurs  autres  bonnes  œuvres ,  les  Ames  qui  font  dans  le  Pur- 
gatoire :  les  motifs  qu'il  leur  fuggere ,  font  l'ardeur  du  feu  qui 
les  tourmente  ;  la  pauvreté  dans  laquelle  elles  font.  Sur  quoi 
T''^'  I3Î-  il  leur  dit  :  On  donne  volontiers  l'aumône  aux  Lépreux  ,  &  à 

ceux 


EVESQUEDE  P  ARIS,  Ch  a  p.  XXX.      475 

ceux  qui  font  tourmentes  du  feu  de  S,  Antoine.  Cette  maladie 
fit  de  grands  ravages  dans  l'onzième  &  le  douzième  Siècles  ;  & 
ce  fut  pour  foulagcr  ceux  qui  en  étoicnt  attaques ,  qu'on  établit 
dans  le  Viennois  l'Ordre  Religieux  de  S.  Antoine  en  105^3. 

XXXV.    La  féconde  partie  des  Dilcours  de  Guillaume  Seconde prir- 
d'Auvcrgne  en  contient  cent  trente-quatre ,  tous  fur  les  Evan-  "^    '''l  '^^'? 

•I  J  r-»-  in  /  Ti  I  l>  1       .^  cours  de  CïUll- 

giles  des  Dimanches  de  1  année.  Ils  ont  plus  lair  de  Com-  laume  d'Au- 
mentairc  moral  &  ipirituel ,  que  de  Sermon  ,  dont  ils  n'ont  X,^''S"«./"'' i« 
ni  les  monumcns  ni  la  méthode  :  on  y  cite  fouvent  la  Glofe 
fur  l'Ecriture;  furtout  faint  Bernard  &  faint  Auguftin.  Guil- 
iaume  avoit  moins  lu  les  autres  ;  mais  il  pofledoit  bien  les  Li- 
vres faints ,  &  il  en  fait  un  grand  ufage. 

XXXVI.  A  la  fuite  d«s  Homélies  ou  Difcours  fur  lesDi-     Panégyri- 
manches  de  l'année ,  on  a  mis  quatre-vingt-treize  Panégyri-  ^9    '*" 
<^ues,  &  un  Sermon  fur  la  Dédicace  de  l'Eglife.  Le  premier  559"s.'AiKite} 
•eft  en  l'honneur  de  faint   André.  Guillaume  dit  que  l'on  a 
coutume  d'en  célébrer  la   Fête  vers  le  premier  Dimanche 
d'Avent ,  parce  qu'appelle  à  l'Apoflolat  par  Jefus-Chrifl  ,  il 
s'appliqua  furtout  à  faire  connoîcre  fa  venue  fur  la  terre.  Il  y  dit 

d'après  faint  Bernard  que  l'obéifTance  doit  avoir  fept  degrés. 

Obéir  volontiers,  avec  fimplicité ,  avec  joie ,  avec  jufteffe,  avec 

courage ,  avec  humilité  ,  avec  perfévérance.  Dans  le  fécond 

Sermon  fur  le  même  Apôtre ,  il  traite  des  deux  qualités  cflen- 

îielles  à  la  Foi ,  croire  de  cœur  &  confefler  de  bouche.  Le  troi-         "•  ^'^* 

fiéme  efl  fur  ces  paroles  :  Fenez  après  moiy  je  vous  ferai  pêcheurs 

d'hommes. 

XXXVII.  Il  fonde  l'éloge  de  faint  Nicolas  fur  fes  miracles,     s.  Nicolas, 
fur  fes  vertus  ,  fur  fon  Epilcopat.  Dans  l'un  il  efl  admirable  ;  Sainte  Lucie, 
dans  l'autre,  imitable  ;  &  dans  le  troiliéme  ,  refpeftable.  Les   *     °'^^' 
aâ:es  que  nous  avons  de  fainte  Lucie ,  font  la  matière  de  fon 
Panégyrique.  On  y  relevé  fa  confiance  ,  fon  amour  pour  la 
virginité.  Il  y  a  trois  difcours  en  l'honneur  de  faint  Thomas. 
Guillaume,  entre  divcrfes  raifons  qu'il  allègue  pour  montrer 

que  Dieu  permit  l'incrédulité  de  cet  Apôtre  ,  dit  que  ce  fut 

pour  en  prendre  occafion  de  confirmer  l'Eglife  dans  la  foi  ; 

&  à  cet  égard  il  répète  ce  qu'a  dit  faint  Grégoire  le  Grand , 

que  l'infidélité  de  Thomas  nous  a  été  plus  utile  que  la  foi  des  j^  'r^°"itj;."^ 

autres  Apôtres.  ,s.  Etienne,  s, 

XXXVIII.  Dans  les  Sermons  fur  la  NaifTancc  temporelle  f,^;,"  ;'^"  ^5* 
de  Jefus-Chrifi: ,  il  inlifle  fur  l'adoration  que  l'on  lui  doit  des  Th  masde 
le  moment  de  fa  naiffance ,  Se  pour  le  prouver ,  outre  les  té-  Cantorberi. 

Tome  XXILU  O  o  o 


'474  GUILLAUME  D'AUVERGNE:, 

moio'nngcs  de  l'Ecriture,  il  allègue  l'exemple  des  Mages,  Tu-* 
facre  de  l'adorer  dans  Tlnvitatoirc  à  Matines  le  jour  de  Noël  j 
&  celui  où  l'on  ell  de  fe  proftcrner  dans  le  Chapitre  ,  lorf- 
qu'en  Idant   le  Martyrologe   l'on  annonce    la  NaifTance  du 
Sauveur.  ïi  attribue  a  la  prière  de  faint  Etienne,  l'Apoflolat 
de  fainr  Paul.  Il  dit  lur  laint  Jean ,  qu'étant  prêt  à  fe  marier-, 
il  préféra  au  mariage  de  fuivre  Jefus-Chrifl;  qui  rappelloit-, 
&  que  ce  fut  une  des  caufes  de  fon  amitié  particulière  pour  cet 
Apôtre,  Il  ne  doute  pas  que  les  Saints  Innocens  n'aient  été 
baptiiés  aufïï  efhracement  dans  leur  fang  ,  que  s'ils  culTent  été 
régénérés  dans  l'eau.  Les  trois  motifs  de  l'éloge  de  faint  Tho- 
mas de  Cantorberi ,  font  l'exil  qu'il  fouffrit  pendant  fept  ans 
de  la  p>irt  du  Roi  d'Angletcrr(î,  la  confifcation  de  fes  biens, 
fa  mort  pour  la  juflice ,  c'eft-à-dire  pour  la  libertéde  l'Eglife. 
Sur  la  Cir-      XXXIX.  La  folfmnité  de  la  Circoncifion  a  deux  objets; 
l'Epiphanie,   la  Circoncilion  du  Sauveur  a  imiter  par  une  ventabJe  circon- 
cifion de  cœ^ir ,  qui  renferme  le  retranchement  de  tous  les  dé- 
fordres ,  &  la  pratique  de  la  vertu  ;  le  iccond  objet  eft  la  pu- 
blication du  Saint  Nom  de  Jefus  ;  nom  digne,  félon  Origçne, 
'  d'adoration  &  de  culte.  Les  quatre  Sermons  fur  l'Epiphanie 

font  employés  àl'cxplication  du  Myfîere  du  jour,  &à  marquer 
les  diffcrens  effets  des  Sacrcmens  de  la  Loi  nouvelle.  Le  Bap- 
tême efface  le  péché  originel  ;  la  Pénitence,  le  mortel",  l'Extrê- 
me-OricHon ,  le  véniel  ;  l'Ordre  chaffe  l'ignorance,  par  la  clef 
de  la  fcience  qu'il  confère  aux  Prêtres  ;  TEuchariflie  nous 
purifie  des  affections  qui  vont  à  corrompre  le  cœur  ;  la  Con- 
firmation fortifie  notre  foibleffe  ;  le  Mariage  nettoie  les  ta- 
ches qui  déshonorent  la  partie  concupiicible  de  l'ame. 
futS.An-  Lx.  Les  Sermons  fuivants  font  pour  la  Fête  de  faint 
bit'rr&  s. i,e-  Antoine,  des  faints Fabien  &  Sebaftien,  de  fainte  Agnès, de 
baOien  ,  &c..  faint  Vincent,  &  delà  Convcrfion  de  faint  Paul.  Guillaume 
fur  la  Purif-^^j  ^^j^g  celie-ci ,  que  le  pécheur  nouvellement  converti  doit 
s'approcher  foi4vcnt  de^Savrcmcns  de  l'Eglife,  parce  qu'ils 
font  des  fontaines  de  grâce.  Suivent  les  Dilcours  fur  la  Puri- 
fication; fur  la  Chaire  defainr  Pierre,  fur  faint  M.ithi  s  Apô- 
tre, lur  fiint  Grégoire  le-Grand,  fur  laint-Benoît ,  fur  l'An- 
nonciation j  fur  faint  Ambroile ,  fur  fiint  George,  fainr  Marc,- 
faine  Pierre  Martyr,  faint  Philippe  Plaint  Jacques,  l'Inven- 
tion de  la  fainte  Croix ,  fur  faint  Jean  devant  la  Porte  La- 
tine, faint  Dominique  ,  faine  Barnibé.  Il  avoit  couiume  de 
porteravcc  lui  l'Evangile  de  faint  Matthieu  j  &  en  impofaat 


EVESQUE  DE  PARTS, Chap.XXX.  475 
■fcs  mains  &  ce  Livre  fur  les  Malades  ,  il  les  gucriflbic  :  c'ellcc 
•que  Cniillaumc  d'Auvergne  rapporte  de  la  vie  de  cet  Apôcrc. 

XLl.  Lesaucres  Panégyriques  lonr,  des  laines  Martyrs Gtr-    Sermonsfur 
-vais  &  Protais ,  de  lainr  Jean-Baptille,  de  laint  Jean  &  Gîint  ^^^J"' ^"vais> 
•  Paul ,  de  laint  Pierre  &  de  laint  Paul.   Les  Palpeurs  doivent 
•donner  d'abord  tout  ce  qu'ils  poiïiident  pour  leurs  troupeaux, 
cnluiteleur  propre  vie,  s'il  ell  nécelîaire.  Tous  ces  Panégy- 
riques ne  contiennent  rien  de  remarquable  ,  ni  pour  le  dog'*- 
me ,  ni  pour  la  diicipiine,  &  peu  de  choies  pour  l'hiftoire  :  ce 
ne  lont  que  des  moralités  pour  l'inflrudion  des  Fidèles.  lien 
faut  dire  autant  des  luivans  ,  que  Guillaume  prononça  à  la 
louange  de  lainte  Marguerite ,  fainte  Magdeleine ,  faint  Pier- 
re aux-Iiens ,  l'Invention  de  faint  Etienne  ,  laint  Laurent.  Il 
•penle  avec  laint  Bernard  qu'il  eft  de  la  piété  de  croire  que  la 
fainte  Vierge  eft  montée  au  Ciel  en  corps  &  en  ame.  Il  a 
deux  Sermons  fur  cette  (olemnité  ,  &  un  fur  la  Fête  de  faint 
Bernard ,  fur  celles  de  S.  Barthelemi,  de  faint  Auguftin ,  de  la 
Décollation  de  laint  Jean-Baptifle  ;  deux  fur  la  Nativité  de  la 
fainte  Vierge  ;  un  fur  l'Exaltation  de  la  fainte  Croix, dont  il 
rapporte  l'cccafion  ;  deux  fur  faint  Matthieu  ,  un  fur  faine 
JMaurice  ;  un  fur  faint  Michel  ;  un  fur  laint  Jérôme  &  fur  faint 
-François  ;  un  lur  faint  Denys;  un  fur  faint  Luc;  un  fur  faint 
Simon  &  faint  Jude  ;  un  fur  la  Fête  de  tous  les  Saints  ;  un  fur 
-la  Commémoration   des  Fidèles  Trépaffés  ;  deux  fur  faint 
Martin  ;  un  lur  fainte  Cécile,  un  fur  faint  Clément  Pape  ;  un 
fur  fùnte  Catherine  ,  &  un  fur  la  Dédicace  d'une  Egiife, 
•Dans  le  dilcours  fur  la  Commémoration  des  Fidèles  Trépaf- 
fés ,  il  établit  l'obligation  de  prier  pour  les  Morts,  par  le  té»- 
-moignage  ordinaire  du  fécond  Livre  des  Machabées  ;  &  par 
rattcntion  que  nous  devons  à  nos  parens  &  à  nos  amis,  qui 
%foutfrcnt  dans  le  Purgatoire. 

XLII.Dans  l'Edition  de  l'an  i6j:^à  Orléans  chez  Hotor,    Traité  ci?  k 
:OU  à  Paris  chez  André  Pralard  ,  on  a  mis  cà  la  fin  du  fécond  Tnnité  ,.pag. 
•Tome  un  Supplément  contenant  quatre  Traités  de  Guillau-  '" 
■me  d'Auvergne  ,  qui  n'avoicnt  pas  étéimprimés  dans  l'Edition 
de  Venife  en  1 551 1 .  M.  le  Feron  Chanoine  de  Chartres ,  les 
-mit  au  jour  fur  un  Manufcrit  de  la  Bibliothèque  de  cette  Eglilë. 
Lepremiercft  un  Traité  de  la  Trinité;  le  fécond,  de  l'Ame;  le 
troifieme  ,  de  la  Pénitence  -,  le  quatrième ,  de  la  Collation  des 
Bénéfices.  Guillaume  fait  mention  du  premier  dans  le  2,:??. 
-Chapitre  de  la. première  partie  de  l'Univers.  Il  cft  aulîi  fous 

O  0  o  ij 


476       GUILLAUME   D'AUVERGNE; 

fon  nom  dans  le  dcnombrcment  de  les  Ouvrages  par  Trithe* 
me.  Lntin  il  efl  dans  le  goût  de  ceux  cju'on  ne  lui  contefle 
pas.  L'Auteur  y  parle  d'abord  de  Texiilcnce,  de  la  fimplicité 
&  de  la  toute-puilTance  de  Dieu,  qu'il  prouve  par  desargu- 
mcns  mécaphyliques  réduits  à  la   façon  des  dcmonftrations 
géométriques.  Il  emploie  des  raifonnemens  ftmblables  pour 
prouver  la  rrinité  des  Perfonncs  en  Dieu  ,  donr  il  apporte 
encore  des  exemples  tirés  des  chofes  créées ,  pour  rendre  ce 
inyftcre  plus  croyable.  Lame  humaine  vit ,  elle  s'aime,  elle  fe 
conçoit  :  ces  trois  chofes ,  la  vie ,  l'entendement ,  l'amour ,  ne 
font  pas  dans  l'ame  comme  des  parties  différentes  d'elle-même^ 
ni  comme  des  accidens ,  mais  une  &  même  effence  avec  l'ame» 
Il  traite  enluite  des  notions  &  des  attributs  de  Dieu,  tant 
cfTentiels  que  relatifs ,  &  s'explique  en  peu  de  mots  fur  la  vo- 
lonté &  la  prédcftination  divine. 
Tmtédei'A-      XLIIL  En  pluHeurs  endroits  de  fes  Ouvrages,  maisfurtout 
Blé ,  pag.65.  dans  le  rroifieme  Chapitre  de  la  féconde  partie  de  l'Univers, 
&  dans  le  Chapitre  5  5;  de  la  première  partie  ,  il  fe  reconnoîc 
Auteur  du  Livre  de  l'Ame  ,  connu  dans  Tritheme  &  dans 
Bellarmin  fous  le  titre  des  Ames  hutraines.  Il  y  emploie  de 
temps  en  temps  ces  façons  de  parler  :  Comme  vous  l'avez  oui  : 
Ainfi  que  je  vous  l'ai  dit  ;  ce  qui  prouve  qu'avant  de  mettre 
ce  Traité  par  écrit  ,  il  Tavoit  déjà  expliqué  à  fes  Difciples. 
Prtrf.^.pa?-.  Son  deffein  eftd'y  montrer  que  l'Ame  ell  fpiriruelle  &  immor- 
'5  '  ^  ^%['  ^^^^'^  '^^  ^^  nature;  que  fouillée  par  le  péché,  elle  a  été  rétablie- 
\3  p.rj^.  J47  »  ^^^^  ^^  pureté  par  la  grâce.  Il  parle  aufli  de  fon  état  après  fa 
17»  >  177-     féparation  d'avec  le  corps»  Son  fentiment  fur  l'ame  des  bê- 
tes, n'efl:  pas  fort  différent  de  celui  de  Defcartes.  11  foutient 
Turi.i^.fiig.  q^'-|  j^?y  ^  aucune  liberté  dans  leurs  opérations  différentes,  au 
lieu  que  celles  de  l'ame  humaine  font  entièrement  libres  ; 
d'où  il  conclut  qu'il  peut  y  avoir  du  péché  dans  celles-ci,  & 
Vag.   iq6.  rio"  "^^ï^s  celles  des  brutes.  11  réfute  l'opinion  de  ceux  qui 
&•/(•?.  mettent  pîufieurs  âmes  dans  un  même  homme  ,  ou  qui  la  font 

defcendre  des  pcres  &  mères  par  la  voie  de  la  génération  ^ 
foutenant  qu'elle  eft  de  Dieu  feul ,  qui  l'unit  au  corps  au  mo- 
Tn.g.wu'^â  ment  que  les  organes  en  font  formés,  Les^  miferes  auxquelles 
/"'î*  les  hommes  font  fujets  dès  leur  naiffance ,  lui  fervent  de  preu- 

ves pour  la  transfudon  du  péché  originel  de  père  en  fils,  de- 
p     j       puis  que  notre  nature  a  été  corrompue  par  le  péché  d'Adam» 
^/f^,'         Il  reprend  l'argument  déjà  employé  dans  fes  autres  Ouvrages. 
goiir  prouver  i'imniortalité  de  l'Ame  j  fç^avoir  la  réfurreûioa 


EVESQUE  DEPARTS, Chap. XXX.        477 

des  Morts,  dont  on  avoir  une  infinicc  d'exemples,  tant  dans 

rF.cricuiccjue  dans  ksHilluires  p.irticulicres.  Il  cite  avec  trop 

de  confiance  ce  qu'on  lit ,  que  S.  Grégoire  retira  par  Tes  prières     ^"^^  ^^9' 

l'amc  de  l'Empereur  Trajan  des  enfers;  qu'elL-  fur  réunie  à 

fon  corps  ,  &  que  ce  Prince  vécut  ^lulieurs  années  après ,  fai- 

Tant  pénitence  de  les  crimes. 

XLI V.  Le  Supplément  du  Traité  de  la  Pénitence  cfl  la  fui-    Traité  de  la 
te  de  ce  qui  manquoit  dans  l'Edition  de  Vcnife  &  d'Orléans,  Péiittnce, 
ou  de  Paris ,  en  i  ^74  ,  depuis  le  Chapitre  18.  C'eft  une  prie-  ''  cU.  18. 
re  que  le  Pénitent  fait  à  Dieu  depuis  fon  retour  vers  lui  :  cet- 
te prière  eft  accompagnée  de  la  confcfTion  de  fes  péchés ,  & 
d'une  grande  douleur  de  les  avoir  commis.  Après  les  avoir 
pleures  devant  Dieu  ,  il  les  confefle  en  fecret  au  Prêtre ,  qui 
lui  fait  fur  chaque  péché  des  remontrances  falutaires.  Il  inf-     ^     ^ 
truit  aufÏÏ  le  Pénitent  fur  la  nécefllté  de  confeffer  les  circonf- 
tances  aggravantes  du   péché  ,  &  l'examine  fur  les  péchés     0^.21.^5 
capitaux.  On  trouve  de  fuite  les  motifs  qui  doivent  engager  f^-i- 
le  pécheur  à  fe  convertir  à  Dieu ,  les  conditions  d'une  bonne 
Confeflion,  les  queftions  que  le  Confeffcur  doit  faire  au  Péni- 
tent, fur  l'inobfervation  des  Commandemens  de  Dieu  &  de 
l'Eglife  ,  les  pénitences  qu'il  doit  lui  impofer ,  &  les  avis  qu'il 
doit  lui  donner  après  avoir  oui  fa  ConfelTion. 

XLV.  Le  but  du  Traité  qui  a  pour  titre  :  De  la  Colla-     Traité  de  la 
tion  des  Bénéfices ,  efl:  de  faire  connoitre  quels  font  les  de-  c?^'c"°"  ^^* 
voirs  des  Prélats  &  autres  Benehciers,  &  avec  quelle  pure-  148. 
té  d'intention  on  doit   donner  ou   accepter  des  Bénéfices. 
Guillaume  d'Auvergne  fut  engagé  à  cet  Ouvrage  par  la  con-     ^'V-  »- 
fidération  des  abus  qui  régnoient  dans  la  collation  ,  dans  la 
recherche ,  &  dans  l'ufage  des  Bénéfices.  Les  Prélats  à  qui  la 
Collation  appartenoir ,  ne  favoicnt  que  trop  que  ,  comme 
Archite6les  delà  maifon  du  Seigneur,  ils  ne  dévoient  em- 
ployer que  de  bons  matériaux ,  c'eil-à-dire  conférer  les  Bé-^ 
néfices  de  leur  dépendance   à  des  Sujets  capables  &  méri- 
tans  :  mais  ils  ne  pouvoient  réfifter  aux  prières  des  grands 
Seigneurs  ;  &  ceux-ci  connoifToient  la  foibleffe  des  Prélats.: 
Delà  la  multitude  de  Clercs  indignes  de  ce  nom  ,&  la  dépré- 
dation des  revenus  de  l'Eglife.  Les  Bénéfices  fe  trouvoientr 
entre  les  mains  des  petits-neveux,  ou  d'autres cnfans. 

XLVL  Les  faints  Evêques  avant  d'appellcr  quelqu'un  au    ^"^'2. 
Clergé,  fe  mettoient  en  prières  :  celui  qui  étoit  appelle ,  corn- 
mençoit  par  confeffer  fes  péchés  ^  &  s'en  purifier  ;.  ces  ufages 


478         GUILLAUME   D'AUVERGNE, 

s'obfcrvoicnt  généralement  dans  la  réception  de  ceux  qui  en- 
troicnt  en  religion.  Mais  à  l'égard  des  Chanoines _,  il  fuffifoic 
pour  y  être  admis  d'avoir  laTonfure:  on  négligcoic  tout  le  refte. 
On  les  inveflilToit  de  leur  qualité,  en  leur  mettant  en  main  un 
Pain  &,un  Livre;  le  Pain  pour  marquer  les  revenus  tempo- 
rels, ou  leur  prébende;  le  Livre  en  ligne  du  fervice  qu'ils 
dévoient  rendre  à  l'Eglife.  Guillaume  diilingue  quatre  défauts 
dans  la  Collation  des  Bénéfices  ;  de  les  donner  à  un  indigne 
dans  la  vue  de  l'enrichir  ou  de  l'honorer  ;  par  un  motif  d'ava- 
rice ,  ou  d'une  affeèlion  cTiarnellc  ;  &  de  faire  cette  collation 
lans  aucune  marque  extérieure  de  révérence  pour  le  faine 
miniflere. 
''^'  ^'  XLVIL  II  fait  voir  que  les  Prélats  n^ayant  de  pouvoir  que 

pour  conférer  les  Bénéfices  à  des  perlonnes  qui  en  foient  di- 
gnes ,  lorfqu'ils  les  confèrent  à  un  indigne  ,tout  ce  qu'ils  font 
à  cet  égard  eft  nul  de  droit ,  comme  ayant  paffé  leur  pouvoir; 
qu'un  Chapitre  de  Chanoines  n'efl  point  obligé  de  .recevoir 
celui  dont  la  vie  ,  ou  les  qualités  ,  le  rendent  indigne  d'être 
leur  Confrère  ;  enfin  que  le  droit  de  Collation  dans  les  Pré- 
lats, n'eft  pas  arbitraire  ,  mais  lim.ité  fuivant  les  Canons  ; 

^"f-  4-  qy'ji  y  a  abus  de  la  part  du  CoUateur ,  lorfqu'il  confère  un  Bé- 
néfice fans  autre  intention  que  d'enrichir  la  pcilonne  ;  qu'il 
doit  avoir  {"pécialcmcnt  en  vue  de  la  charger  du  fervice  atta- 
ché à  fon  Bénéfice. 

<^''^  î*  XLVIII.  Venant  enfuite  à  celui  que  l'on  appelle  au  MiniC- 

tcre,  foit  de  Chanoine,  foit  d'Archidiacre,  ou  de  tout  au- 
tre Office  ,  il  déclare  que  fon  confentement  efi:  néceflaire  ; 
d'où  il  luit  que  des  enfans  ne  peuvent  être  promus  ni  à  des 
Canonicats  ,  ni  a  aucunes  Dignités  Eccléllaftiques ,  puifqu'ils 
ne  font  pas  en  âge  de  donner  leur  confentement.  Il  en  efl:  à 
cet  égard  comme  dans  le  Contrat  de  mariage  :  on  ne  peut 
k  faire  fans  le  confentement  des  Parties.  Mais  dès-lors  qu'il 
eft  donné,  le  Chanoine,  comme  le  Moine,  eft  obligé  à  rem- 
,plir  tous  les  devoirs  de  fon  état.  Autrement  ils  agiroicnt  di- 
rectement contre  l'intention  des  Fondateurs  ,  qui  n'ont  don- 
né leurs  biens  aux  Eglifes  ,  qu'afin  qu'on  y  enrretînt  de 
vrais  Servîteurs  de  Dieu  ,  &  pas  d'autres. 

Cap. 6,  XLIX.  Guillaume  dit  fur  la  pluralité  des  Bénéfices,  que 

le  partage  des  fcntimens  fur  cette  matière,  formant  un  dou- 
te ,  s'il  efl:  permis  d'en  pofleder  plufieurs  ,  ou  de  n'en  avoir 
qu'un ,  doit  détourner  de  la  pluralité  àzs  Bénéfices  ;parce  qu'il 


EVESQUE  DE  PARTS,  Chap.XXX.     475 

ncft  jamais  permis  de  s'cxpoler  au  danger  de  fc  perdre  ;  & 
que  celui-là  s'y  cxpofc ,  qui  fait  une  choie  qu'on  douce  erre 
un  péché  mortel.  11  ajoute  que  ceux  qui  font  pour  la  plurali- 
té des  Bénéticcs,  ne  penlent  ainfi,  qu'à  caufe  qu'ils  en  pof- 
lédont  aducllemcnt  plulicurs  ,  ou  qu'ils  ont  incenrion  d'en 
pcfTédcr  ;  que  l'on  doit  donc  compter  pour  nul  leur  témoigna- 
ge ,  puifqu  ils  font  intérefles  dans  la  caulc  ;  que  fuivant  hn- 
tcntion  des  Fondateurs  des  Prébendes  ,  chacune  doit  être 
ponédée  en  titre  par  un  feul  Clerc  ;  d'où  vient  qu'il  eft  dé- 
fendu d'avoir  deux  Prébendes  dans  une  même  Églife  ;  qu'il 
l'cft  bien  plus  d'en  poflcder  plufieurs  en  différentes  Eglifes  , 
à  caufe  de  rimpoïïibilité  de  fatisfaire  en  même  temps  aux  de- 
voirs attachés  à  ces  diiicrentes  Prébendes  ;  que  la  pluralité  des 
Bénéfices  dans  une  même  pcrionne  retranche  quantité  de 
membres  d'une  Egîife ,  8c  la  prive  conféquemmcnt  d'un  grand 
nombre  de  Minillrcs  :  ce  qui  ôte  le  luflre  &  la  décence  au 
Service  Divin;  que  ce  n'efl:  que  la  cupiditéou  l'ambition  qui 
porte  à  pofleder  plufieurs  Bénéfices  à  la  fois  ;  qu'il  efl:  monf- 
rrueux  dans  l'Eglife ,  comme  dans  la  nature  ,  qu'un  même 
membre  foie  attache  à  deux  corps ,  &  un  même  arbre  planté 
dans  deux  jardinSé 

L.    Il   s'objede  qu'y  ayant   des  Bénéfices   plus    confidé-     Cap.  e, 
râbles  du  double  ou  du  triple  que  les  autres  ,  on  peut  ce  fem-  ^s-^^^' 
ble  en  pofféder  plufieurs  qui  équivalent  à  celui  qui  en  vaut 
trois,  &:  même  dix.  A  quoi  il  répond  que  cette  objeclion  n'eft 
fondée  que  fur  ce  que  l'on  ne  confidére  dans  les  Bénéfices 
que  le  revenu  ,  &  non  les  Offices  &  les  charges  attachés  aux 
Bénéfices",  que  chaque  Bénéfice  a  un  Office  particulier  qui 
doit  être  rempli  par  celui  qui  le  pofiede  ;  qu'il  eft  contre  le- 
bon  ordre  qu'une  même  perfonne  en  poffèdc  plufieurs  ;  que 
s'il  y  a  quelques  Bénéfices  dont  les  revenus  ne  fuffifcnt  pas  pour 
l'entretien  d'un  Clerc,  ou  ils  ne  demandent  pas  ordinaire- 
ment  un  fervice  particulier,  où  l'on  en  augmente  les  revenus 
parfunion  de  quelqu'aucre  Bénéfice. - 

LI.  Quelques-uns  difoicnt  (e)  que  certains  Bénc'fices  ne     uu,-  ■ 


(  e  )  Si  guis  vero  adjecerit  nobîs  ex  Eé- 
cli  fiis  ,  i  ■.  quibiii  non  conipellitïir  fieri  le 
fidfnii.i ,  dn:im;^s  quia  non  eft  iiberias    ex 
coniiitutiolie   vel   fundatione  ,   fedmigii 
ex  longa  confiietudine  S;  Clericoruin  m:: 
Jitiâ  iif  :rr^ta  ;  (î  t^nien   in  aliquibus   eO 


DirpenfationibusApoftolicis,  fêrppnifemus 
guod  illx  Tupri  lios  funt ,  &  quod  dilioen- 
tiùs  confiderat.c  irritx  funt,  &  de  omni 
lifpfrnfatione  faifla  idem  fentinius ,  nec  in- 
tfi-pretari  prsfimimus  E  co;itr.irio  tnmen 
indubitantër  fciindum'eft  qiio'cf  Rornanus 


in  puudJTimis.  Quod  fi  adjecerit  nobis  de  1  Pontifex  quantumcuraiiue  largam  difpen- 


480         GUILLAUME  D'AUVERGNE, 

dcmandoient  pas  réfidencc.  Guillaume  fouticnt  que  tous  la 
demandent  par  leur  ccabliflemenc  &par  leur  fondation^  que  fi 
l'on  s'en  dilpenlc  en  quelques  Eglifes ,  c'efl;  par  une  mauvaife 
coutume  ,  qui  ne  s'efl  établie  que  par  la  malice  des  Ecclédafti- 
ques. Que -fi l'on  nous  oppofe,  dit-il,  les  Difpenres  Apofloli- 
ques ,  nous  répondons  qu'elles  font  au-deflus  de  nous ,  &  qu'à 
les  bien  confidérer ,  elles  font  nulles  :  &  nous  penfons  de  mê- 
me de  toutes  difpenfcs ,  fans  prétendre  les  examiner.  Mais 
quelque  étendue  que  foit  la  difpenle  que  le  Pape  accorde  à 
certaines  perfonnes,  de  poiTéder  pluficurs  Bénéfices ,  il  ne  peut 
leur  donner  dilpenfe  pour  leur  avarice ,  ni  pour  leur  cupidi- 
té ,  ni  pour  leur  ambition ,  ni  leur  accorder  des  difpenfes  pour 
ces  vices  ,  ni  pour  de  femblables.  Son  intention  n'eft  pas  de 
nourrir  ces  Prêtres  des  biens  temporels  de  l'Eglife,  deflinés 
à  l'entretien  des  Serviteurs  de  Dieu&  confacrés  au  Seigneur. 
'^""■j^^""  LU.  C'efl  fur  ces  principes  que  l'Evêque  Guillaume  fondoic 
Giliiaunfe.  la  décifion  qu'il  fit  faire  en  1238  ,  dans  une  AfTemblée  (/) 
célèbre  des  plus  habiles  Docteurs  de  la  Faculté  deParis,  tou- 
chant la  pluralité  des  Bénéfices.  La  queftion  avoit  déjà  été 
agitée  en  1225  dans  le  Couvent  des  Dominicains  :  on  la  re- 
prit au  même  endroit  trois  ans  après  5  &  par  l'autorité  de  Guil- 
laume &  le  plus  grand  nombre  des  Do£teurs  préfens ,  il  fut 
décidé  que  perfonne  ne  pouvoir ,  fans  péché  mortel ,  pofféder 
cnfemble  deux  Bénéfices ,  dont  l'un  vaudroit  quinze  livres  pa- 
riiis ,  fomme  alors  fuffifante  pour  l'entretien  d'un  Clerc.  Hu- 
gues de  rOrdre  des  Prêcheurs,  &  depuis  Cardinal,  confirma 
cette  décifion  avec  pluficurs  autres  Maîtres  en  Théologie. 
Cenfure  des    j^jj j  ^  j^^j^g  ^^^^  ^^^^^  Afiêmblée  de  Do£teurs  à  Paris  en  1 240, 

erreurs  detel-   _    ...  i      t,      ■     ,-  j  i     r  i 

tables  ,  tom.  Guillaume  de  Pans  ht  condamner  pludeurs  erreurs  contre  la 
2,-.  Bii'Uot.    vérité  Catholique.  La  cenfure  qui  en  fut  faite  ,  eft  im<primée 
l'at.p^g.  0^9.  ^^^^  le  25e  tome  de  la  Bibliothèque  des  Pères  ,  fous  le  titre 
des  Erreurs  deteflaLles  condamnées  par  cet  Evêque.  Ces  er- 
reurs font  au  nombre  de  dix  ;  fçavoir,  que  les  Bienheureux  ne 
verront  pas  l'cfTence  de  Dieu  ;  qu'à  raifon  de  la  forme,  l'effen- 


(àiionis  gratiam  vîdeatur  fecere  in  Benefi- 
ciis  cum  aliquibus  perfonis,  tamen  ron 
difpenfat  ,  cum  avaritia  ,  cupidiiate  vel 
anibiiione  earum,  nec  indulget  eis  indul- 
gentiis  fuis ,  &  bis  vel  aliis  vitiis  :  non 
enim  intendit  pafcere  vel  nutrire  Paftor 
vitiorum  de  bonis  temporalibus  Ecclefiaf- 


ticis  ,  quar  plenè  novit  ad  fuftentationem 
fervoruniDei  in  ejus  fervitio  certificata  efTe 
Domino  &  oblata.  Lili.  de  Collât,  Ci/).  6. 
p.tg.  l(So. 

(y  )  Thomas  Cantiprati.  lib,  i.  de  Api- 
bm  ,  i.xf.  19.  num,  5.  ^  Gallig  Chrijliana, 
tom,  7.  pa^,  S>7, 

ce 


EVESQUE  DE  PARIS,  Chap.XXX.  481 
ce  divine  nVft  pas  la  mcmc  d;inslc  Sainr-Elprit  que  d.ins  le 
Pcre  &  le  FiN;  que  leSainc-Elpric,  comme  amour  &  lien  de 
l'amour  mutuel  du  Pcre  &  du  Fils,  ne  procède  pas  du  Fils  ; 
qu'il  y  a  pludcuis  Vérités  éternelles  qui  ne  font  pas  Dieu  mê- 
me ;  que  le  principe  n'cft  pas  Créateur;  que  le  mauvais  Ange 
a  été  mauvais  dès  le  premier  inftantde  la  création  ;  que  le  lé- 
jour  des  Ames  &  des  Corps  glorifiés  cft  le  Ciel  aqueux  ou 
cryftallin;  qu'un  Ange  peut  être  en  même  temps  en  divers 
endroits ,  &  même  partout  ;  que  ceux  qui  ont  les  meilleurs 
talens  naturels  ,  auront  néccflaifemcnt  plus  de  grâce  &  de 
gloire;  que  le  mauvais  Ange  &  le  premier  homme  n'ont  pas 
eu  dans  l'état  d'innocence  de  quoi  le  ioutenir.  A  ces  erreurs 
on  oppofa  autant  de  vérités  Catholiques. 

LI V.  Triiheme  (g)  compte  entre  les  Ecrits  de  Guillaume  fci"  <?« 
d'Auvergne,  diverles  Lettres  ,  un  Livre  des  Démons;  un  du  ^"''.'^'"^.^ 
Cloître  de  1  Ame  ;  du  don  delà  Science  ;  de  la  Profeffion  des 
Kovices  ;  du  Bien  &  du  Mal  ,  &  du  Premier  principe  ;  des 
Commentaires  fur  le  Plcautier ,  lur  les  Proverbes  de  Salomon, 
fur  l'Eccléliafle  ,  fur  le  Cantique  des  Cantiques  ,  fur  TEvaa- 
gile  de  faint  Matthieu.  Sixte  de  Sienne  (h)  ajoute ,  un  Livre 
ou  Commentaire  lur  l'Ouvrage  des  fix  Jours.  Il  reconnoît  com- 
me Tritheme,  que  Guillaume  d'Auvergne  a  expliqué  l'Evan- 
gile de  laint  Matthieu,  &  il  y  a  apparence  que  c'eftle  Com- 
mentaire que  l'on  trouve  dans  les  anciennes  éditions  des  Œu- 
vres de  faint  Anfelme  :  outre  l'autorité  des  Manufciits  ,  on 
juge  qu'il  cfl:  de  cet  Evêque ,  par  la  conformité  du  ftyle  ,  & 
de  plulieurs  expreffions  qui  fe  liient  dans  fon  Traité  des  Ver- 
tus. Dans  le  dixième  Chapitre  de  celui  des  Mœurs,  il  f'm-  P,ij.  15?. 
ble  renvoyer  à  ce  Commentaire.  Théophile  Rainaud  le  croit 
néanmoins  de  Pierre  Babion ,  Anglois  ,-  qui  écrivoit  vers  l'an 
I  3<5o.  11  en  a  fait  imprimer  la  Préface  dans  le  douzième  tome 
de  fes  Ouvrages  ,  fur  un  Manufcrit  de  Lyon. 

LV.   Guillaume  d'Auvergne  étoit  d'un  efpritvif&  péné-     Jugement 

tranr;  d'un  jugement  folide,  bien  inftruit  des  Mathématiques,  GuiUa'ume 
&  de  la  Philofophie  naturelle.  Très-verfé  dans  celle  de  Pla-  d'Auvergne. 
ton  &  d'Ariftoc?,il  les  fuivoit  dans  ce  qu'ils  avoient  de  bon;  & 
réfutoit  avec  feu  ce  ^ui  lui  paroiifoit  de  contraire  à  la  vérité. 


(  »  )  Triiheme  ,  cap.  4R0.  I  mine  Gltillelmus  ahern, 

(é)  Slxtu^  S,;ie'if.  tiiBililht,  facraf MO-  | 

TomeXXllI.  Ppp 


482         GUILLAUME  D'A  UVERGNE, 

Mais  fon  z^le  ned  jamais  plus  animé  que  loilqu'il  combat  les 
Hcrctiques.  Ses  preuves  ordinaires  font  tirées  de  l'Ecriture 
faince  ,  qu'il  pofiédoit  bien ,  &  de  la  railon  humaine  -,  rare- 
ment des  Pères  de  l'Egliie  ,  quelquefois  des  dém  jnflrations 
Mathématiques.  Dai^s  fes  Œuvres  Morales  il  emploie  les  fi- 
militudcs  &  les  exemples,  pour  rendre  fes  inftrudi' ns  plus 
pathétiques.  Son  ftyle  eft  (impie  &  naturel ,  mais  il  traite  fes 
matières  avec  trop  d'étendue  ;  on  a  peine  a  le  luivre. 
Edinons  LVL  La  premier.  Edicim  générale  de  fes  Œuvres  eft  due  à 

qu'onenafai-  Jean-Domini^jue  Trajani,  Na[  olitain  ;  elle  parut  à  Venile  en 
1  591  in-fol.  On  doit  la  ieccnde  à  Banhclemi  le  Perron.  Plus 
ample  que  la  précédente ,  il  l'a  diftribuée  en  deux  volumes 
in-fol.  ,  &  fait  imprimer  à  Orléans  en  1674  ,  ou  à  Paris  :  car 
cette  Edition  efl:  datée  de  ces  deux  Villes ,  apparemment  par- 
ce qu'imprimée  à  Orléans,  on  la  débitoit  aultl  à  Paris.  Les 
Opufcules  rapportés  dans  le  Supplément  avoient  été  publiés  à 
Strafbourgen  i  507,  &  celui  de  la  Collation  des  Bénéfices, 
à  Paris  en  1490  in-j\.°.  Le  Livre  de  la  Rhétorique  divine  vicie 
jour  à  Paris  en  1516  ««-4°.  On  en  connoît  une  Edition  plus 
ancienne  ?«-8°.  avec  le  Traité  de  faint  Ephrem  ,  fous  le  titre 
de  la  ComponElîon  du  Cœur  ;  mais  le  lieu  &  l'année  ne  s'y  li- 
fent  point.  Il  parut  encore  à  Paris  en  1517  ?«-8o.  une  partie 
des  Ecrits  de  Guillaume  d'Auvergne,  par  les  foins  d'Antoine 
Sylvefl:re,avec  un  fommaire  delà  vie  de  l'Auteur. 

Jfc,  A,  A  A.  A.  A.X.A.  A,  A.A.  A,  A.  A  A.  +  A,  A  A  A  A  A  A  A  A,  A  A,  A  A.^ 

CHAPITRE     XXXL 

Colkâion  des  Aéîes  des  Martyrs  d'Orient  &• 

d'Occident  ; 

Par  Etienne  AJfemani ,  Archevêque  d'Apamée» 

Raifons  de  p  T  L  3  été  aifé  à  tous  ccux  qui  font  verfés  dans  la  ledure  des 
Afte"'"  "^  M.  Bibliothèques  Eccléliafliques  du  Père  Labbe,  de  Cave, 
dOuJin,  de  M.  Dupin  &  de  quelques  autres ,  de  remarquer 
que  nous  avons  pafle  fous  lilence  pluHeurs  Ecrivains  des  d  xie- 
me  ,  onzième  &  douzième  fiécles,  mentionnés  dans  ees  Bi- 
bliothèques,  ou  connus  d'ailleurs.  JNous  avons  cru  en  ceiafer- 


CO  LLECTION,  ^:c.  Chap.  XXXf.  ^^^ 
vir  le  Public  ,  ioic  en  lui  cvinnc  une  dcpciilb  inuiilc,  loit 
en  lui  épargnant  des  \cS:htcs  aulfi  infruèlucuicsquc  dérigrca- 
blcs.  Lcccrcs  d'amiti.s;  (Commentaires  myftiqiics  lur  quelques 
Livrei  de  l'Ecriture  ;  Chroniques  peu  intéreflanccs  ;  Hilloires 
particulières  des  Monaftcres  ;  Légendes  de  quelques  Saints 
peu  connus;  quelques  Dilcours  (ans  force,  fans  cloqu.-ncc  , 
fans  fentimcns  ;  Poedcs  fans  aménité  &  ians  chaleur  ;  tels  i'ont 
les  monumens  fur  lelqucls  on  a  donné  place  dans  les  Biblio- 
thèques Eccléiiaftiqucs  à  plufieurs  Ecrivains  des  fiécles  donc 
nous  venons  de  parler.  Le  treizième  fiécle  en  a  produit  un 
plus  grand  nombre  qui  ne  valoient  pas  mieux,  ^^uffi  M.  Du- 

Î)in  (./)  s'eft  contenté  de  donner  leurs  noms,  leurs  emplois, 
a  lifte  de  leurs  Ouvrages,  &de  faire  quelques  réflexions  gé- 
nérales lur  les  matières  qui  ont  occupé  les  Auteurs  de  ce  iié- 
cle,  &  lur  la  manière  dont  ils  ont  écrit.  Nous  prendrons  un 
autre  parti  pour  compléter  ce  Volume.  Nous  n'avons  fait 
qu'ébaucher  dans  le  quatrième,  ce  qui  regarde  la  perlécution 
de  Sapor  II  dans  la  Pcrfe;  parce  que  nous  n'avions  alors  d'au- 
tres lumières  que  ce  qu'on  en  trouve  dans  Solomene  &  dans 
les  Ades  iinceres  de  Dom  Ruinart.  Mais  les  A  des  des  Mar- 
tyrs qui  fouffrirent  alois  ayant  été  recouvrés  depuis  peu  ,  & 
imprimés  à  Rome  en  1748  par  les  foins  d'Etienne-Evodius 
Aflcmani,  Archevêque  d'Apamée ,  nous  fommes  en  état  de 
traiter  ce  point  d^'hiltoire  avec  plus  d'étendue.  Elle  intéreiTe 
l'Eglife  arrofée  &  cimentée  dans  la  Pcrfe  du  fang  de  ces 
Martyrs.  Le  Ledeur  ne  pourra  donc  qu'en  être  édifié. 

II.  Nous  dev^^ns  aux  foins  du  Pape  Clément  XI  la  décou-     A(aes    des 
verte  de  ces  Attcs.  Curieux  d'enrichir  la  Bibliothèque  du  Va-  M^nvrs  fbu 
tu  an  des  Manufcrits  les  plus  précieux  de  l'Orient ,  il  donna  ^jp^rfe'*  ^° 
en  170^  à  Elle  Affemani ,  Archiprêtre  d'Antioche,  commif- 
fion  d'en  acheter  à  quelque  prix  que  ce  fût.  Elie  parcourut  les 
Bibliothèques  d'Egypte  ,  qu'il  trouva  bien  garnies.  Mais  quoi- 
que muni  de  Lettres  de  recommendation  ,   &  de  grandes 
fommes  d'argent ,  il  n    put  obtenir  des  Moines  de  l'Egypte 
inférieure  que  quarante  Manufcrits  ,  qu'il  fit  auditôt  partir 
pour  Rome.  Ce  foible  fuccès  ne  découragea  pas  Clément  XI. 
En  1715  il  députa  en  Egypte  Joleph  AfTemani  ,  qui   faifoit 
alors  fon  féjour  à  Rome.  Sorti  de  cette  Ville  le  30  de  Juin 


s 
Roi 


(  »  )  Dupin,  hifl^ire  des  Aiiieun    dtttreiz,ieme  Siècle  >  chup,  4. 

P  p  p  ij 


484  COLLECTION  DES  .'ACTES  DES  MARTYRS 
avec  un  vent  favorable,  il  arriva  à  Alexandrie  iur  la  fin  de 
Juillet,  d'où  il  pafla  au  Caire,  &  de  là  dans  les  dcferts  de 
JNitrie.  La  Bibliothèque  du  Monaftere  de  Scté  lui  fut  ouver- 
te. 11  y  trouva  deux  ceni.  Manulcrits  très-anciens  &  de  bonne 
note,  &  en  choifitcent,  qu'il  jugea  les  meilleurs.  On  difputa 
autant  iur  le  nombre  que  iur  le  prix  ,  &  on  né  lui  permit  d'en 
emporter  que  très-peu  pour  une  fommc  confiderable.  Affe- 
mani  fut  néanmoins  content  de  fon  emplette  ,  ayant  eu  ce  qu'il 
croyoit  de  plus  précieux.  Sa  moilfon  fut  plus  abondante  en 
Syrie  par  la  protedion  de  Jacques-Pierre  Evodius,  Patriarche 
des  Maronites  d''Antioche.  11  rapporta  à  Rome  grand  nom- 
bre de  Manulcrits  Syriaques,  qui  font  aujourd'hui  l'honneur  de 
la  Bibliothèque  du  Vatican. 

Ma^i'ff rits  "  11^'  C<^^^  ^^^'  '■'^^  Manufcrits  que  Jofeph  Simonius  AfTema- 
d'Orient.  ni  3.  formé  la  Bibliothèque  Orientale  imprimée  à  Rome  en 
1725,  où  il  n'a  fait  entrer  que  des  Ecrivains  Syriens.  Nousen 
avons  rendu  compte  dans  les  Volumes  précédens.  Etienne 
Aiïemani  a  compofé  des  Manufcrits  de  Nitrie  ou  de  Sété ,  la 
Collection  des  Acles  des  Martyrs  dont  nous  allons  parler. 
Elle  fut  imprimée  à  Rome  en  1748  in-JvL  chez7oieph  Collini , 
en  deux  colonnes  :  l'une  donne  le  texte  Chaldaïque;  l'autre 
la  verfion  Latine,  qui  eft  de  l'Editeur.  Le  texte  original  eft 
chargé  de  quantité  de  notes  &  d'obfervarions ,  très-curieufcs 
&  très-inflructives.  L'Edition  eft  en  deux  Volumes ,  6c  dédiée 
à  Jean  V.  Roi  de  Portugal. 
dtJ'Marms'^  IV.  Monlicur  Aiïemani  (&5  ne  doute  pas  que  les  Aflesdes 
fous  Sapor  Martyrs  de  Perle  n'aient  pour  Auteur  faint  Maruchas  ,  Evê- 
font  de  lajnt  q^ç  ^jg  Tagritc  dans  la  Mèfopotamie.C'cft  le  fenrimcnr  com- 
mun  des  Ecrivains  Orientaux  ,  &  toutes  les  circonltancesde 
la  vie  de  cet  Evêque  le  confirment.  Il  alla  en  404  h  Conflan- 
tinoplepour  engager  l'Empereur  Arcade  à  prier  I fd egcrd  , 
Roi  de  Perle  depuis  deux  ans,  à  être  plus  doux  envers  les 
Chrétiens  de  fes  Etats.  Arcade  étant  mort,  Theodoie  le  jeune 
Ion  fils  députa  faint  Maruthas  à  Ifdegcrd  pour  négocier  au- 
près de  ce  Prince  une  alliance  avec  les  Romains ,  dont  le  but 
ctoit  delaiiler  aux  Chrétiens  la  liberté  de  Religion.  Il  fit  une 
féconde  fois  levovage  de  Pcrfedans  le  même  dclfcin  ,  mais  les 
Mages  le  traverlerent  touj- urs.  Cependant  il  obtint  du 
R.oi  la  permiflion  de  réparer  les  Egli'es  que  l'on  avoir  dé- 


^h)  Li  Vrefatione  geiMrali  ,    fag.  ^.iS  feq^ 


D'ORTENT  ETD'O^CIDKNT,Chap.  XXXT.     485 
tiLiitcs  pendant  la  perfeciuion  de  S.ipor  ,  &  d'en  bâtir  de  nou- 
velles. II  tint  mên.c  deux  Conciles  à  Cteliphon,  où  ilconfir- 
m.i  la  foi  de  Nicée  ,  i'\:  le  Roi  li'degcrd  lui  alundonna  plu- 
licurs  Reliques  des  Martyrs  Tous  Sapor  ,  qu'il  ropporta  à  Ta- 
grice ,  ia  Ville  Epilcopale  j  ce  qui  lui  fit  donner  le  nom  de 
Aîcnyropolis  ,  ou  l^il'e  des  Al.inyrs.  De  ce  zèle  pour  Thon- 
ncur  des  Reliques  des  Martyrs,  &  de  k  liberté  dont  il  jouif- 
Ibit  en  Perfe  en  qualité  d'AmbafTadeur  de  l'Empereur  ,  ne 
peut-on  pas  conclure  que  laint  Maruthas  ne  fut  pas  moins 
zélé  pour  recueillir  les  Attes  de  leur  Martyre,  d'en  appren- 
dre les  circonllances  de  ceux  qui  en  avoicnt  été  témoins  ocu- 
laires, &  de  les  mettre  par  écrit  ?  Cette  confcquence  efl  d'au- 
tant plus  jufle,  qu'en  faifint  le  parallèle  deces  A£lcs  avec  les 
autres  Ecrits  de  faint  Maruthas,  on  y  trouve  le  même  ftyle  ,     ^^''i.  p^tg. 
le  même  tour  de  phrafe,  les  mêmes  termes ,  la  même  élétj-an-  ^^' 
ce.  Il  a  été  parlé  dans  les  volumes  précédens  des  autres  Eaics 
de  faint  Maruthas  ,  &   nous  en  avons  donné  des  extraits, 
tels  que  nous  les  a  vons  trouvés  dans  le  premier  (c)  Volume  de 
la  Bibliothèque  Orientale  de  Jofeph  Afiemani.  On  peur  y  re- 
courir pour  le  convaincre  que  c'eft  le  même  génie  qui  règne 
dans  ces  Ecrits  &  dans  les  Attes  des  Martyrs  de  Perfe. 

ARTICLE    I. 

Des  Adîes  des  Martyrs ,  recueillis  dans  le  premier  Tome  de  la 
ColleBion  d'Ajjemani, 

1.  I  Ji  premier  lome  eltdivile  en  cinq  parties.  On  trouve  tient  le  pre- 
1  A  dans  la  première  la  Vie  de  faint  Simcon  Stvlite,  écrite  "^jf  "■ '"me des 
par  v^oime  lo!  ami.  L.  liditeur  1  a  néanmoins  renvoyée  a  la  fin 
du  lecond  Tome.  La  deuxième  contient  les  A£les  des  Mar- 
tyrs ious  Sapor  II,  Roi  de  Perfe.  La  perfccution  qu"ilexerca 
contre  les  Chrétiens,  fut  des  plus  cruelles  ,  depuis  la  3  i*'  an- 
née de  fon  âge  &  de  fon  règne,  car  il  fut  couronné  Roi  par 
les  Mages  étant  encore  dans  le  ventre  de  fa  mère,  &  régna  juf- 
qu'.î  la  loixante  &  dixième,  en  laquelle  il  mourut  :\nforte 
que  cette  perfécution  dura  pendant  quarante  ans ,  c'eft-à-dire 
depuis  l'an  340  jufqu'en  380.  Ce  Piince  étoit  né  fur  la  fin 
de  ^509.  Latroifieme  partie  renferme  les  Ades  des  Martyrs 
qui  louffrirent  dans  une  autre  perfécution  fous  le  même  Sapory 
la  dix-huitierae  &  trentième  année  de  fon  règne.  Il  ne  fe 

"  '  ' 1"  t  I       II  ■      m  ■  . 


48^    COLLECTION  DES  ACTES  DES  M  \TITYRS 

trouve  dans  la  quatrième  partie  uue  deux  Aè^es  des  Mar- 
tyrs dans  la  pcrlécutiond'Iidegerd  &  de  Varanrie  l'on  fils.  On 
voit  dans  la  cin^,uicme  ks  A6tcs  de  plufieurs  Martyrs  d'Oc- 
cident, fous  divers  Empereurs  Romains.  Ces  cinq  parties 
font  la  matière  des  deux  tomes  de  la  Colleclion  d'Etienne 
Allemani.  Nous  en  fuivrons  l'ordre  &  la  difpolition. 
R^'ç^f"  .  ï^'  ^^  premier  commence  par  les  A£tes  de.iaint  Simeon 
qu[  iWroit:  fumommé  Bar-Saboë,  c'eft-à-dire  fils  deFoullon  ,  Archevê- 
fonEpiicopat,  que  des  deux  Villes  Royales  de  la  Perfe ,  Seleucie  &  Ctc  fi- 
phon  ,  Villes  afTez  proches  Tune  de  l'autre  pour  n'avoir  qu'un 
îcul  Evêque.  Il  avoir  été  auparavant  Archidiacre  de  Papas 
d'Arache ,  Evêque  de  ces  deux  Eglifes.  Celui-ci  ayant  été  dé- 
pofédans  un  Concile  de  Seleucie  ,  l'an  314  ,  Simeon  fut  mis 
en  fa  place,  du  confentement  unanime  des  Percs  de  cette af- 
fembl.e;  &  occupa  ce  fiége  jufqu'en  34  i.  Il  fut  inviré  en  325 
au  Concile  de  Nicée  ;  mais  les  troujjles  qui  s'ctoicnt  élevés  fur 
les  confins  de  la  Perfe  ne  lui  ayant  pas  permis  de  i'e  rendre  à 
cette  affembléc ,  il  y  envoya  un  de  fes  Prêtres  ,  chargé  d'une 
Fag.i.  Lettre,  où  il  difoit  aux  Evêqucs  du  Concile:  Si  je  nacrai- 
gnois  la  fureur  desPayens  qui  ne  cherchent  qu'à  répandre  no- 
tre fang  ,  j'irois  volontiers  à  Nicée  recevoir  votre  bénédiction 
&  vos  ordres.  Mais  je  ne  lailTe  pas  de  me  Icumettre  à  tout 
{d)  ce  qui  aura  été  décrété  par  le  confentement  unanime  des 
Evêques  qui  ont  louffett  avec  conftance  perfécution  pour  la 
vrrtie  Foi.  Les  Orientaux  citent  un  Canon  de  Niiée  où  il  fut 
décidé  que  le  Siège  Epilcopal  de  Seleucie  tiendroit  le  pre- 
mier rang  après  les  Patriarchats  d'Alexandrie  ,  d'Antioche  , 
de  Conftantinople  &  de  Jerufalem,  &  ce  Canon  fut  mis  en 
exécution  lors  de  la  confécration  du  Succeflcur  de  Simeon. 
Pendant  ion  Epifcopat  il  fit  une  Ordonnance  portant  que 
P(»f. 4.  dans  toutes  les  Eglifes  d'Oiient  de  fa  Jurildidion  on  chan- 
teroic  lOffice  à  deux  chœurs ,  comme  en  Occidc  nt ,  &  que  les 
Clercs  chante roient  de  mémoire  fs  Pleaumes  de  David, 
coutume  qui  s'obferve  encore  dans  toute;  les  Egliles  de  Syrie 
par  les  Maronites,  les  Jacobites  &  les  Neftoriens.  Simeon  eft 
P^.  ^      mis  au  rang  des  Ecrivains  Eccléliaftiques  dans  le  Catalogue 


(</)  Nihilo  fecius  tamen  qiiiJquifl  una-  [  fragio  decretum  fuerit,  id  ego  lubentiflî- 
nimi  Fpifcoporumqtivor.ilanîi  animipcr-  j  mus  ampleflor.  Pa^,  3, 
fecutionem  pio  vera  Fide  pertulete ,  fuf-  1 


D'ORIENT  F.T  D'OCCIDENT  ,  Chap.  XXXT.  487 
des  Auteurs  Syriens;  &  on  lui  attribue  trois  Cantiques  que 
Ton  récito  dans  les  OtHccs  divins. 

11  [.  Pendant  qu'il  ne  s'occupoit  que  de   fon  miniftore  ,  il     Aùcsde  (on 
fut  déféré  au  Roi  i>aporll,ran  341,  comme  ennemi  delà  Re-  '^^'"'  '^^^  P^S* 
li^ion  du  Pays ,  &  détournant  les  Peuples  de  payer  les  tri-     '    '  ' 
bues.  Simcon  écrivit  au  Roi  qu'il  ne  pouvoir  rcnireà  la  Créa- 
ture,  c'e(l-à  dire  au  Soleil  ,  adoré  parles  Perlas,   le   même 
honneur  qu'au  Créateur  ;  qu'à  l'égard  du  joug  qu'il  vouloic 
impof-T  aux  Chrétiens,  ils  ne  le  lupporteroient  pas ,  ayant  ctc 
mis  en  lilierté  par  Jefus  Chrift  ;  que  pour  l'or  &  l'argint  qu'il 
cxigeoit  d'eux ,  ils  ne  pouvoienc  lui  en  donner  ,  parce  qu'ils 
n'en  avoient  point.  Quelques-uns  ont  cru  que  Simeon  avoic 
agi  en  cette  occadon  contre  l'eff  rit  de  faint  Paul ,  qui  ordonne 
le  paiement   des  tributs ,  &  l'obéifiTance  aux  Princes  ,  même 
difcoks.  Mais  il  faut  remarquer  que  Sapor  par  fon  Edic  or- 
donnoit  de  mettre  en  efclavage  tout   homme  qui  fe  diroic 
Chrétien  ;  qu'à  cet  effet  on  les  traîneroit  enchaînés  au  lieu  de 
leur  1er  vitude;  qu'on  les  chargeroit  d'impôts  infupportables; 
que  l'on  feroit  mourir  les  Prêtres  &  les  Lévites  ,  qu'on  em- 
ploieroit  les  \afcs  lacrés  à  des  ufages  profanes  ,  &  qu'on  dé- 
truiroit  les  Egliles.  C'eft  contre  la  liberté  naturelle  à  l'hom-     .^      .  . 
me  que  Simeon  reclame  ;  &  il  ne  refuie  pas  au  Roi  les  tributs  mtis.pag.  38, 
ordinairos  ,  mais  ceux  qui  étoienc  infupportables.  Le  Roi  ir- 
ricé  delà  Lettre  de l'Evêquc,  le  menaça  de  mort  lui  &  fon     fnr.i^i 
Peuple  i  &  voyant  fa  confiance ,  il  rendit  i'Edit  dont  nous 
venons  de  parler. 

IV.  Les  Juifs  furent  des  premiers  à  favorifer  les  deiïcins  du     ?ag.  m 
Roi .  Ils  n'omirent  rien  pour  lui  rendre  odieux  Simeon  &  les 
Chrétiens  ,  &  accuferent  l'Evêque  d'être  d'intelligence  avec 
les  Romains  contre  lui.  Sapor  fe  le  fit  amener  chargé  déchaî- 
nes, avec  deux  Prêtres  de  fon  Eglife.  Simeon  ne  fe  profîerna 
pas  devant  lui,  comme  il  étoit  ordinaire  aux  Perles.  Le  Roi 
en  voulant  fçavoir  la  railon,  l'Evêque  lui  dit  :  Jufqu'ici  on  ne     ^'^^'  ^*' 
m'avoit  pas  amené  devant  vous  chargé  de  chaînes  pour  me 
faire  trahir  le  vrai  Dieu.  Les  M:iges  qui  étoient  préfens ,  l'ac- 
cuferent  d'avoir  conjuré  contre  le  Royaume  ;  mais  il  fit  re- 
tomber fur  eux  la  perte  de  l'Etat.  Adorez  le  Soleil  ,  lui  dit  le 
Roi  :  c'efl;  pour  vous  &  les  vôtres  un  moyen  de  falut.  Simeon 
répondit:  Je  ne  vous  adore  pas  vous  qui  êtes  Roi, &;conféquem- 
ment  plus  excellent  que  le  Soleil ,  puilque  vous  êtes  doué  de 
raifon&  de  fageffe  i  comment  adorciai-je  cette  vaine  divinité 


488    COLLECTION  DESACTESDKS  MARTYRS 

qui  cft  Tans  niton?  Nous  autres  ChrJciens  n.'U>  ne  connoilTons 
qu'un  Seigneur,  qui  cft  Jc.us-Chrift  attache  a  h  Croix.  Vous 
feriez  exculables  dans  votre  folie,  répliqua  le  Roi,  (i  vous  ado- 
riez m  Dieu  vivant.  Jefus  eft  mort  ,  dit  Simeon  ,  mais  il  efl: 
rcfTukité  le  troiliemc  jour  ,  &  moncé  au  Ciel  :  étant  entre  les 
mains  des  bourreaux  ,  !e  Soleil  le  pleura,  coiume  un  fcrviteur 
pleure  la  mort  de  Ion  Maître. 
r«^.  23.14.  y.  L'Evêque  reprélenta  au  Roi  qu'au  dernier  jour  il  ren- 
droit  compte  du  fang  des  Chrétiens  qu'il  vouloir  répandre  ; 
que  la  vie  qu'il  préctndoit  leur  ôter  ,  leur  1^  roit  rendue  par 
Jefus-CIhrirt  ;  que  cela  lui  étoic  facile,  puilqu'ilavoit  tout  créé 
de  rien.  Le  Roi  fit  mettre  en  prilon  Simeon  chargé  de  chaî- 
nes. Commeon  l'y  conduifoit,  LKlhazade,  premier  Officier  de 
Saper  ,  mais  qui  après  avoir  embraffe  la  Religion  Chrétienne 
l'avoit  abandonnée  par  la  crainte  des  tou''mcns,  fe  leva  &  j[e 
proflerna  devant  le  Roi.  Le  Saine  s'en  apperçut,  &  l'en  reprit 
févcrcmcnt. 
i.T^.f,"''''^,  VL  Ullhazade  connoifTant  aufïïtôt  la  grandeur  de  fa  faute, 

p.  25.  voyez  '^  n^ft  a  pleurer  ,  &  quittant  les  riches  vetemens  dont  il  etoïc 
tom.  4.  pag.  couvert,  il  prit  une  robe  Boire  pour  marque  de  fa  pénitence,  & 
''■''■  '-  alla  en  cet  érat  s'aflTeoir  à  la  porte  du  Palais  ,  en  gémilTanc 

de  Ion  crim.e.  Le  Roi  averti  de  ce  changement  fubit,  l'atrri- 
bua  aux  charmes  des  Chrétiens.  Uftazade  l'afliira  que  les  mau- 
vais Elprits  n'avoient  aucune  part  à  fa  converfion  ;  que  fon 
chagrin  venoit  d'avoir  abandonné  la  foi  de  la  vérité  ;  &  pre- 
nant à  témoin  le  Seigneur  du  Ciel  &  de  la  Terre  ,  il  protefla 
qu'il  n'adoreroit  plus  la  créature  au  lieu  du  Créateur,  &  qu'il 
étoit  Chrétien.  Le  Roi  entrant  en  colère  commanda  qu'on  lui 
tranchât  la  tête  dans  le  moment.  Uflhjzade  lui  demanda  pour 
toute  récompenle  de  fes  fervices,  de  faire  crier  par  un  Hé- 
raut qu'Uflhazade  n'étoit  condamné  que  parce  qu'il  étoit  Chré- 
tien ,  &  qu'il  n'avoit  pas  voulu  renoncer  à  fon  Dieu ,  lorfque 
le  Roi  le  lui  avo't  ordonné.  Uflhazadcen  ufa  ainll  pour  répa- 
rer le  fcandale  qu'il  avoir  donnép^r  fon  apoftafie,  &afin  d'a- 
voir des  imitateurs  de  fon  Martyre.  Sapor  lui  accorda  fa  de- 
mande dans  une  autre  vue  ,  perfuadé  que  la  mort  \iolenre 
d'un  de  fes  plus  fidèles  Officiers,  qu'il  aimoir  &  p.n  qui  il  a  voit 
été  élevé,  jctceroic  la  frneur  parmi  les  Chrétiens.  Ullhaz^de 
fut  décapité  le  treizième  jour  de  la  Lune  d'Avril ,  le  Jeudi  de 
la  femaine  des  Azymes  ;  c'eft-a-dire  le  jour  du  Jeudi  Saint  de 

•   l'an 


D'ORTKNT  ET  D'OCCIDENT  ,  Chap.  XXXT.    489 
Fan  ^41  (  e  ),  auquel  Pàqiic   tomboic  le  dix-neuf  d'Avril.     Martyre  de 

VI.  Simcon  informe  dans  fa  prifon  du  Martyre  d'Uflha-  p'g! ^^,'"30."' 
2adc,  en  rendit  grâces  à  Dieu,  lui  demandant  avec  de  gran- 
des inflancos  de  l'enlever  lui-même  de  ce  monde  ,  afin  qu'il  ne 
fut  plus  témoin  des  calamités  de  fon  Peuple ,  de  la  ruine  des 
Eglifes ,  &  du  renverfcment  des  Autels.  11  fouhaitoit  furtout 
de  foulfrir  le  Martyre  le  même  jour  que  notre  Sauveur  a  fouf- 
fert  la  mort  pour  nous  :  &  il  fur  exaucé  à  l'heure  de  Tierce 
du  Vendredi.  Simeon  fut  mené  devant  le  P  oi,  à  qui  il  rcfufa 
une  féconde  fois  l'adoration.  Ce  Prince  lui  dit  d'adorer  au 
moins  une  fois  le  Soleil  ,  lui  promettant  qu'à  l'avenir  il  ne 
l'inquietteroit  plus  fur  ce  lujct.  Simeon  répondit  qu'il  ne  vouloic 
pas  donner  occafion  à  fes  ennemis  de  répandre  parmi  le  Peu- 
ple ,  que  la  crainte  de  la  mort  lui  avoir  fait  préférer  une  ido- 
le à  Dieu.  Cependant  un  air  de  majefté  répandu  fur  tout  Ton 
corps,  tenoit  Sapor  en  admiration  j  mais  cela  ne  l'empêcha  pas 
de  le  condamner  à  mort. 

VII-  Il  condamna  en  même  temps  cent  autres  Chrétiens  ,-  ^'^"'  p^*"' 
qui  etoient  en  prilon  ,  tous  du  Cierge,  les  uns  Eveques  ,   les  frent  le  M^r- 
autres  Prêtres ,  Diacres  ou  Clercs.  Conduits  au  lieu  du  fuppli-  tyreavecki, 
ce ,  le  grand  Préteur  ,  après  leur  avoir  donné  ledure  de  l'Edit  ^^^'  ^^' 
du  Roi ,  leur  dit  qu'il  étoit  en  leur  pouvoir  d'éviter  la  mort , 
s'ils  vouloient  adorer  le  Soleil  :  tous  refuferent.  Sim.eon  étoit 
préfent  par  ordre  du  Roi ,  qui  s'étoit  imaginé  que  la  crainte 
des  tourmcns  qu'il  verroit  fouffrir  aux  autres  ,  afFoibliroit  fa 
confiance.  Maïs  il  fut  le  premier  à  les  exhorter  à  la  mort, 
par  la  vue  d'une  rcfurredion  glorieufe  avec  Jefus-Chrill.  Aind 
ils  la  fouffrirent  tous ,  remplis  de  joie  &  de  confiance.  Simeon 
eut  enfuice  la  tête  tranchée ,  avec  fes  deux  Prêtres  Abedecales 
&  Hananies  qu'on  avoit  mis  en  prifon  avec  lui.  Le  dernier  fe 
voyant  entre  les  mains  des  bourreaux  ,  &  au  moment  de  rece- 
voir le  coup  de  la  mort,  trembla  de  tous  fes  membres  ,  mais 
fans  perdre  courage.  L'Intendant  des  Ouvriers  du  Roi ,  nom- 
îné  Poufique  ,  s'en  étant  apperçu  ,  lui  dit  :  Prenez  courage ,  & 
fermez  un  peu  les  yeux  ,  vous  verrez  bientôt  la  lumière  de 
Jefus-Chrifl  :  auflitôt  l'Intendant  fut  déféré  au  Roi. 


(  e  )  Nou?  avons  dit  ailleurs  qu'il  avoif  j  celui  d'Etienne  Aiïèmani ,  E  jiteur  de  ces 
été  martvrifé  en  344.  &  c'eft  le  lent  mer    j  Atfles, 
de  quel  lies  Hii^oriens.  Nous  fuivons  ii,i  [ 

Tome  XX LU.  Q  q  q 


490   COLLECTION  DES  ACTES  DES   M^RTYP^S 
Martyre  de      VIH.  Cc  Ptince  ^qui  l'avoir  depuis  peu  honoré  d  unechar- 
linteniant  confidcfablc ,  &  fait  afTifitr  exprès  auxfurpliccs  des  Mar- 

des  Ouvriers,  b  '  r  ij-  Jin 

pag.  ^y.  tyrs  donc  nous  venons  de  pjricr  ,  pour  le  dctourncr  de  la  Re- 
ligion Chrétienne  ,  lui  reprocha  ion  ingratitude.  Poullque  ré- 
pondit qu'il  quittoit  volontiers  un  emploi  qui  Taccabjoit  de 
foins  &  de  chagrins;  &  que  ne  voyant  rien  de  plus  heureux 
que  la  mort  que  les  Martyrs  venoient  d'endurer ,  il  la  fou- 
haitoit  &  la  demandoit  ,  ayant  mis  toute  fon  efpcrance  au 
Dieu  des  Chrétiens.  Le  Roi  extrêmement  offenlé  de  cette  ré- 
ponfe  ,  ordonna  aux  bourreaux  de  lui  faire  fouffrir  des  tour- 
mens  extraordinaires ,  qu'il  prelcrivit  lui-même  en  leur  dilant  : 
Arrachez  jufqu'a  la  racine  cette  langue  impudente,  en  perçant 
la  gorge  :  ce  qui  ayant  été  exécuté  avec  cruauté  ,  Poufique 
mourut  à  la  même  heure. 
Martyre  de      jx.  H  avoit  une  Fille,  que  Letherius  dans  le  Menologe 

j6,'  '  '^^^"  nomme  Puficcn.  Elle  étoit,  fuivant  l'exprclTion  du  texte  origi- 
nal des  atles  ^  fille  de  falliance  ^  terme  dont  les  Chaldéens  & 
les  Syriens  fe  fervent  pour  dciigner  les  Vierges  confacrées  à 
Dieu.  Nous  parlerons  fur  fainte  Tharbedcs  diverfes  fortes  de 
Vierp;es  en  Orient.  Puficen  déférée  comme  Chrétienne  ,  fut 
auflitôt  mife  à  mort. 
D'fficultcf       y^   Nous  avons  (/")  dit  d'après  Sozomene  ,  Nicephore  & 

fur  l  année  ce  x^■a      ■  V  '     i    •  '   A    ^     J- 

Japerfécution.  quelques  autres  H  iltoriens ,  que  1  année  luivante  ,  c  eit-a-dire 
la  féconde  de  la  perfécution  deSapor  ^  ce  Prince  fit  publier 
dans  toute  la  Perfe  un  Edit  qui  condamnoît  à  mort  non-feu- 
lement les  EccléfiaRiqucs,  mais  tous  les  Chrétiens,  &  que  de 
ce  nombre  fut  Azad  :  mais  il  ci\  viiible  par  les  AQ.cs  mêmes 
JrK   t^g.  q^e  cet  Edit  fut  {g)  publié  le  jour  duMartyre  de  faint-Simeon, 

^^"^  c'cfl- à-dire  le  jour  de  la  Paralceve  ou  du  Vendredi-Saint, 

qui  en  341  tomboit  au  14  de  la  Lune  d'Avril  ;  au  lieu  qu'en 
542  le  Vendredi-Saint  tomboit  dans  la  Lune  de  Mars  , 
Pâque  étant  l'onzième  d'Avril.  Les  Ades  ajoutent  :  Depuis  la 
fixieme  heure  du  Vendredi -Saint  où  l'on  rendit  public  l'E- 
dit  de  Sapor  ,  on  ne  cciïa  pas ,  jufqu'au  Dimanche  de  la  fé- 
conde femaine  de  la  Pentecôte,  de  faire  mourir  les  Chrétiens. 
Par  le  fécond  Dimanche  de  la  Pentecôte,  il  faut  entendre  le 


(/)  Tnm.  4.  pa^.  449, 

(^g)  EiUâum  promulgatum  fuit  ferit  j 'exta  ad  alferam  Dominïcamh?bdomaJae 
fèxta  qu2  in  Jec  m.imquartam  L',  nx  Apri-  j  fecundc  Pentecofies,  à  cJrJibiis  nanquan». 
iii  dicm  cadebat  ;  ab  ejus  autem  feriar.faora  |.  fuit  cefTatura.  Ad.  Ir-Uriyr, pug.  44,. 


D'ORTENT  ET  D'OCCIDENT ,  Chap.  XXXT.  49 r 
Dimanche  que  ncus  appelions  In  alhis,  parce  c]Lie  les  Chaldcens 
&  les  Syriens  entendent  ious  le  nom  de  Pentecôte  tout  le  temps 
qui  s'écoule  depuis  la  Fètc  de  Pàquc  lulqu'à  celle  de  li  Pen- 
tccôte.  Ainfi  le  Dimanche  de  la  féconde  lemainc  de  la  Pente-  "-^"^■^■i' 
côte,  cft,  félon  eux ,  le  Dimanche  de  l'Odavc  de  Pâquc.  Sozo" 
mené  compte  lei/.c  mille  Martyrs  dans  ce  coure  intervalle  ; 
le  Mcnologe  de  Badle  Porphyrogcnctc  n'en  met  que  mille; 
l'hilloire  des  Perles  deux  cent  mille.  Le  nombre  en  cft  in- 
certain. 

XI.  On  connoît  entre  ces  Martyrs  Azad,  Eunuque  du  Pv.oi  Mirtyre 
Sapor  ,  qui  Thonoroit  de  ion  amitié.  Il  a  voit  c*té  exécuté  avec  ^,  "'  '  ^^^' 
beaucoup  d'autres  Chrétiens  par  l'ordre  des  Préfets,  fans  au- 
cunes formalités  de  Juftice.  Le  Roi  ayant  appris  fa  mort ,  en 
fut  très-;iffligé,  &  par  un  fécond  Edit  il  arrêta  le  carnage 
que  l'on  failoit  indiftindement  de  tous  les  Chrétiens, ordon- 
nant que  l'on  ne  feroic  plus  mourir  que  leurs  chefs. 

XIL  Cependant  la  Reine  étant  tombée  malade,  les  Juifs  c&uùeTiZbo, 
en  qui  elle  avoir  une  entière  confiance  ,  lui  perfuadercnt  quepag-ji)  54« 
fon  mal  étoit  l'effet  des  lortileges  des  Sœurs  de  faint  Simeon  , 
irritées  de  la  mort  de  leur  frère.  L'une  fe  nommoit  Tharbe  , 
ou  Tharbule;  l'autre  ell  appellée  Pherbute  dans  le  Martyrolo- 
ge Romain  :  celle-ci  avoir  été  mariée  ;  l'autre  étoit  Vierge,  & 
conlacrée  à  Dieu.  Elles  avoient  une  Servante  qui  faifoit  auffi 
profelFion   de  continence.  L'état  de  virginité  a  commencé 
avec  l'établifTement  de  l'Eglife.  Il  efl:  parlé  dans  le  Livre  des     ja.  n: 
Ades,  des  quatre  Filles  du  Diacre  Philippe,  qui  s'étoient 
dévouées  à  Dieu.  Le  nombre  des  Vierges  dans  l'un  &  l'autre 
fexe,  étoit  grand  du  temps  deTcrtulIien.  Les  Vierges  croient  ^^^./^  '  '"■'"'' 
de  trois  clalfes  ,  les  unes  en  fe  confacrant  à  Dieu  fe  revêtoient 
d'un  habit  brun  &  modefte  ,  qui  les  diftinguoit  des  perfonnes 
ordinaires.  Leur  profeflion  étoit  irrévocable.  Celles  de  la  le- 
conde  claffe  recevoient  le  voile  de  la  main  de  l'Evêque  en 
prélence  de  tout  le  Peuple.  Les  Vierges  de  la  troifiemeclaffe 
fail'oient  dans  l'Eglife  les  fondions  du  Diaconat  :  c'efl:  pour- 
quoi on  les  nommoit  Diacoveffes.  C'efl  de    cette  claffe  qu'é- 
toient  parmi  les  Chaldéens  &  les  Syriens  ,  les  Vierges  qu'ils 
appelloicnt  les  Fil/es   de  roHiance  ,  Se  les  hommes  que  l'on 
élevoit  au  miniftcre  Eccléiiaftique.  Saint  Ephrem   établit  le 
premier  dans  la  Méfopotamie  des  chœurs  de  Vierges  de  cet- 
te dernière  clafie  pour  chanter  des  Hymnes  dans  l'Eglife. 
Ces  Vierges»  n'étoient  pas  encore  alors  enfermées  dans  des 

Q  q  q  ij 


492   COLLECTION  DES  ACTES  DES  MARTYRS 

Monaftercs  ,  comme  elles  font  aujcurd'hui.  Leurs  propres 
maifons  leur  fcrvoient  de  Monadere.  Elles  y  vivoient  dans  la 
retraice,  s'occupant  à  la  pfalmodie ,  à  l'orailon  ,  à  la  mortifi- 
cation des  lens ,  &  aux  autres  bonnes  œuvres. 

XIIL  La  Reine  ajourant  foi  à  ce  que  les  Juifs  lui  difoient , 
on  fc  faifit  des  deux  Sœurs  &  de  la  Servante  ,  &  on  les  mie 
entre  les  mains  du  Préfet  &  de  deux  autres  Officiers  confidé- 
rables  ,  pour  être  jugées.  Le  Préfet  les  interrogea  fur  l'empoi- 
fonncmentde  la  Reine.  Tharbe  répondit  que  cette  queftion. 
n'avoit  aucun  rapport  à  la  vie  dont  elle  failoit  profeflion  j 
que  la  Religion  des  Chrétiens  non-fculcment  ne  leur  per- 
mcttoit  pas  d'ufer  de  maléfices ,  mais  de  nuire  à  perfonne  en 
la  moindre  chofe;  qu'clUs  avoient  autant  en  horreur  les  ma- 
léfices, que  le  violement  de  la  Loi  de  Dieu.  C'cft  en  vain,  dit 
le  Préfet ,  que  vous  vous  faites  gloire  de  votre  Religion ,  puif- 
qu'il  ell:  confiant  que  vous  avez  mieux  aimé  la  violer,  que  de 
ne  pas  venger  la  mort  de  votre  frère.  Nous  n'avons,  répliqua 
Tharbe,  eu  aucune  raifon  de  venger  fa  mort.  Quoique  vous- 
la  lui  eLiïicz  fait  fcutTrir  par  haine  &  par  envie,  il  n'a  pas 
pour  cela  ceffé  de  vivre.  Il  s'efl  acquis  une  vie  immortelle 
dans  le  Royaume  de  Jefus-Chrifl. 

i>ag.  56.  XIV.  Le  Préfet  les  fit  conduire  en  prifon.  Mais  étant  épris 
de  la  beauté  de  Tharbe  ,  il  lui  propofa  dès  le  lendemain  de 
Pépoufer  ,  avec  promclîe  de  la  mettre  en  liberté  ,  elle  &  fes 
deux  compagnes.  Les  deux  autres  Officiers  qui  avoient  conçu 
la  même  paffion  pour  Tharbe,  lui  firent  chacun  en  particulier 
la  même  pr;  pofition.  Mais  elle  la  rejetta  avec  indignation, 
difant  qu'elle  vouloit  garder  fa  foi  à  Jefus-Chrifl ,  à  qui  elle 
avoit  confacré  fa  virginité.  Le  Roi  ne  pouvant  fe  periuader 
qu'elles  euffent  attenté  à  la  vie  de  la  Reine  par  le  poifon  ,  dé- 
fendit de  les  condamner  à  mort,  pourvu  qu'cl'es  adoralTent 
le  Soleil.  Elles  le  refulcrent  ;fur  quoi  le  Roi  confentit  qu'on 
leur  fit  fouftrir  les  fupplices  qu'on  leur  dcflinoit.  On  les  mena 
hors  de  la  Ville  ,  &  après  les  avoir  fciées  en  deux,  &  ks  avoir 
atcachéesà  deux  poteaux^  les  Mages  firent  paffer  la  Reineau 
milieu,  comme  pour  vaincre  les  charmes  qui  cauloient  (a  ma- 
ladie. Leur  Martyre  arriva  le  cinquième  jour  de  la  Lune  de 

iaS.-')5.     ;Mai^  qui  en  l'année  ^41  croit  le  huitième  jour  Solaire  de  ce 
mois..  Le  Ménologe  de  Bafile  Porphyrogenet  mec  la  Fête  de: 

Reirraroue  CCS  Saintes  au  Cinquième  d'Avril.. 
ttir.fainij\iiiej,     XY»  Sozomene  ne  dit  qu'un  mot  de  faint  Milej  les  Menées 


D'ORTENT  ET  D'OCCrDFNT,  Chap.  XXXT.  493 
des  Grecs  en  parlent  plus  au  long  ,  de  mcmc  que  le  Synaxai-  Evéquede 
re  des  (".optes.  Nous  avons  entière  riliftoire  de  la  vie  <fc  les  ^"^'■'* 
Atlcs  de  Ion  Maityre  dans  la  Colledion  d'Eiiiennc  Kvodius , 
écrits  en  Chddéen  par  laint  Marutha»».  C'efl:  un  monument: 
précieux  de  l'Antiquité  qui  manquoit  a  l'hifloire  de  l'Kglile  de 
Perle.  Nous  apprenons  (k)  d'hulebe  de  Celaréequc  faint  Mile 
afTirta  au  Concile  qui  le  tint  à  Jerutalcm  en  335  ^  ta  l'occa- 
fion  de  la  Dédicace  de  TEglile  du  laine  Sépulcre.  L'Auteur 
de  la  Bibliothèque  (;')  Orientale  l'a  confondu  avec  faint  Jacqtes 
de  Nilibe  :  mais  ce  dernier  ne  fut  jamais  Evêquc  da'is  la 
Perle,  &  Fulebe  parle  d'un  Evêquc  qui  étoit  l'orncmenc 
des  Evcques  de  Perfe ,  c'eft-à  dire  de  faint  Mile. 

*C  VI.  Né  dans  le  pays  des  Razichitcs,  dont  la  Ville  capitale  Vie  <?<?  S. 
efî  Maheldagdor ,  peu  éloignée  de  Suie  ,  il  luivit  dans  fa  jeu-  ^^''^'  P'^S-^^- 
nèfle  la  Cour  du  Roi.  Mais  infpiré  de  Dieu  ,  il  la  quitta ,  fe 
fit  baptifer,  &  remplit  avec  foin  les  devoirs  de  la  Religion 
Chrétienne  ;  mortifiant  la  chair  par  les  jeûnes  &  les  veilles. 
Etant  allé  à  Ilam  ,  ancienne  Métropole  des  iJamiics  ,  il  y  fit 
aux  Habitans  des  exhortations  publiques  &  particulières  pour 
les  engager  à  la  pratique  de  la  vertu  ;  mais  ce  ne  fut  pas  fans 
de  grandes  contradictions  de  leur  part:  ceux  de  Sufe  le  mal- 
traitèrent ,  &  le  chalTerent ,  après  l'avoir  frappé  avec  tant  de 
violence,  qu'ils  l'avoient  lailféà  demi-mort. 

XVI.  Mile  fâchant  que  l'intérêt  de  l'Eglife  demandoit  qu'il    ^  ^^  f^'f 
fût  élevé  à  la  dignité  d'Evêque  ,  pafla  par  tous  les  dcgrJs  du  -o.^^"^'  ^^^° 
faint  Miniftere  ,  lelon  l'ufage  des  Egliles  de  Chaldée  &  de 

Perfe,  comme  de  toutes  les  autres  Eglifes  du  Monde  Chré- 
tien. Il  fut  facré  par  Gadiabe,  Evêque  de  Lapeta.  En  fortant 
de  Sufe  ,  il  prédit  à  cette  Ville  qu'elle  refllcntiroit  bientôt  les 
effets  de  la  vengeance  divine.  Sa  prédidion  fut  accomplie. 
A  peine  trois  mois  s'étoient  écoulés,  que  le  Roi  offlnfé  delà 
confpiration  que  la  NoblefTe  des  Ilamites  avoit  formée  contre 
lui ,  envoya  à  Sufe  trois  cents  éléphans  avec  une  armée  qui 
mit  à  mort  les  Habitans ,  &  ruina  la  Ville  de  telle  lorte  , 
qu'on  labouroit  &  qu'on  iemoit  à  l'endroit  où  elle  avoit  été 
bâtie. 

XVII.  De  Sufe  il  alla  à  Jerufalem  ,  n'emportant  avec  lui  JliZ^p'Z 
que  le  Livre  des  Evangiles.  Il  y  alTifla,  commeonl'a  dit ,  au  71. 


(b)  Eitfeb,  lib,  4.  de  vita  Confta/iti/ii ,  j      (i  )  To>n,  i.part.i,  pag,  jj;. 


M/>.  4j. 


45?4  COLLECTION  DES  ACTES  DES  MARTYRS 
Concile  qui  s'y  tcnoic,  &  après  y  avoir  adoré  Dieu  ,  il  palîa 
à  Alexandrie  pour  rendre  viiice  à  Ammonius,  Difciple  de  faine 
Antoine.  Pendant  Ton  réjour  en  cette  Ville,  qui  fut  de  deux 
ans  ,  il  vilita  les  Monaflcres  d'Egypte  ;  puis  il  revint  en  fa 
patrie  ,  où  il  demeura  quelque  temps  auprès  d'un  Moine  qui 
n'avoit  pour  cellule  qu'une  caverne.  Ils  récicoient  enfemble 
les  Offices  divins.  De-Li  il  alla  à  Nilibe,  Ville  de  MéfopotJmie, 
où  il  trouva  faint  Jacques,  qui  en  ctoicEvcque  ,  occupé  à  bâ- 
tir une  Eglife.  Il  en  admira  la  grandeur  &  la  ma'efté,  & 
ét.mt  pafTé  de  Nilibe  à  Hadiab  dans  l'AfTyrie  ,  il  envoya  par 
préfent  à  faint  Jacques  une  quantité  de  fil  de  foie  pour  lui  ai- 
der à  foutcnir  les  dcpenfes  de  fon  Eglilc. 
cJIciiedr''  XVIII.  Eteint  à  Stlcucie  ,  il  en  trouva  l'Fglife  divifce 
Seieucie,pag.  P^^  ""  fcliifme  ,  &  Ics  Evêques  aflcmblés  pour  l'ctcindre.  S'il 
7^'  n'y  a  pas  de  tranfpofition  dans  les  actes  de  l'Evcque  Mile,  il 

faut  dire  que  ce  Concile  de  Scleucie  fe  tint  vers  l'an  338, 
trois  ans  après  celui  dejerufalem ,  auquel  il  afllfta,  ainfi  que  le 
dit  (  /c  )  Eufebe  de  Céfarée.  Mais  com.ment  accorder  cette  épo- 
que avec  celle  de  la  dcpofition  de  Papas,  faite  dans  le  Con- 
cile de  Scleucie  en  314,  &  l'élcdion  de  faint  Simeon  dePcrfe 
qu'on  lui  donna  pour  SuccefTeur  la  même  année,  lelon  qu'on  l'a 
dit  plus  haut,  d'après  les  Hiftoriens  Syriens  ?  C'eft  une  difficulté 
que  l'Editeur  n'a  ni  propofée  ni  diicurée.  On  ne  peut  la  ré" 
foudre  qu'en  diijnu  que  Papas  ,  quoique  dépofi  en  314,  s'é- 
toit  maintenu  dans  quelque  degré  d'autorité  jufqués  vers  Pan 
338,  &  qu'ayant  caufé  par-là  un  fchifme  aîircux  dans  les 
Eglifes  de  Ctefiphon  &  de  Seleucie,  comme  le  difent  les  Ac- 
te- ,  les  Evéques  avoient  été  obligés  de  s'aiTemblcr  une  fécon- 
de fois  à  Seleucie  pour  le  dépofcr.  Quoi  qu'il  en  foit  ,  l'Evê- 
que  Pilile  ,  après  avoir  reproché  vivement  à  Papas  fon  fchif- 
me &  les  crimes  ,  tira  de  fa  beiace  le  Livre  des  Evangiles,  & 
lui  dit  d'apprendre  des  paroles  mêmes  du  Seigneur  le  juge- 
ment qu'il  devoit  attendre.  Papas  méprifa  le  Livre  8t  ce  qu'il 
conrenoit,  le  frappant  indécemment  de  les  mains.  M  ile  le  re- 
prit,  le  baifa  ,  l'app-'ochi  de  fcs  yeux,  &  élevant  fa  voix  en 
prélcnce  de  toute  l'AiTemblée  ,  lui  dir:  L'Ange  du  Seigneur 
va  te  frapper  ,  &  fera  fechcr  la  moitié  de  ton  corps,  fans 
toutefois  te  faire  mourir  ;  afin  que  ton  exemple  ferve  long- 


(  !;  )  Lib.  4.  de  vita  Conji^tatini  ,  c.ip.  45. 


D'ORTKNT  ET  D'OCCIDENT, Chap.  XXXT.     495 

temps  a  Miiprinicr  de  la  terreur. La  choie  arriva  dans  lo  vx)- 
mciu  n.ême.  lapas  fut  fiappc  du  Ciel,  &  la  moitié  de  ion     p.ij.  75.  ^ 
coipsfécha.  L'Kvc\|ue  Mile  lit  chez  les  Mailanitcs  un  ii;rimd/'"«- 
nomore  de  guérilons  miraculcufes ,  qui  engagèrent  plulieurs  à 
cmbrafllr  la  Religion  Chre-ticnnc. 

XIX.  Cependant  le  Gouverneur  de  la  Province,  ncmmé   p,,^.  75. 
Hermifdas  Guphiilius,  ayant  appris  que  cet  Kvèc,ucle  fai'oit 
pludeuis  Dilciples,  le  lit  prendrez  conduire  à  MahJdagdor 

près  de  'uie..  On  le  laiiit  en  même  temps  de  deux  de  les  Dit- 
ciples  ,  Abroiime  Prêtre,  &:    Sina   Diacre.  On  les  mit  tous 
dans  les  fers;  &  après  les  avoir  fufligés  deux  fois  ,  on    les 
preiTii  d'adorer  le  Soleil.  Au  lieu  d'obéir ,  ils  fe  mirent  à  clian- 
tcr  les  louanges  du  vrai  Dieu.  Renfermés  dans  la  prifon  pu- 
blique, ils    n'en  lortircnt  que  le  jour  d'une   grande   chaiTc 
qu'Hormifdas  avoit  fait  préparer  à  deux  Princes  de  ces  quar- 
tiers là  pour  le  premier  de  l'année,  qui  chez  les  Syriens  &  les   , 
Chaldécns  ccmmençoit  au  mois  d'Oétobre.  Il  y  lit  amener 
l'Evcque  avec  les  deux  Dilciples ,  charges  de  chaînes ,  pour 
les  interroger.  L'un  d'eux  que  les  A£tcs  appellent  Tyran, &  qui 
avoit  la  principale  autorité  dans  le  pays ,  s'adrcfiant  à  JVÎiie, 
lui  dit  d'un  ton  railleur:  Etes  vous  Dieu  ,   ou  un  homme  ï 
Quelle  cft  votre  Religion  ?  quels  font  vos  dogmes?  L'Evê- 
que  répondit  :  Je  fuis  homme,  &  non  pas  Dieu.  Quant  aux  au- 
tres queftions  que  vous  me  faites ,  je  ne  crois  pas  devoir  mê- 
ler les  Myfl:eres  delà  vraie  Religion  avec  vos  badincries,  ni 
faire  entendre  à  des  oreilles  âufn  impures  que  les  vôtres,  des 
myfteres  très-purs.  Enfuitc  il  le  menaça  des  peines  dont  Dieu 
le  puniroit  en  l'autre  vie. 

XX.  Le  Tyran  en  fureur  defcendit   de  fon  Siège  ,  &    Martyre  Je- 
frappa  de  fon  épée  l'Evêque;  Norsès  Ion  frerc  en  lit  autant. 'f"^  ^""^^^f  ^ 

c  laint  Eveque  ,  près  d  expirer  des  coups   qu  il  avoit  re- oifcipies , 
çus  ,  prédit  aux  deux  frères  une  mort  prochaine,  qui  arriva pag- 7<5» 
en  effet  le  lendemain.  Ecant  à  la  chaff.^ ,  ils  enfermèrent  entre 
eux  une  biche  &  tirèrent  fur  elle.  Mais  leurs  traits  portans  fur 
eux-mêmes,  ils  fe  donnèrent  l'un  &  l'autre  un  coup  dont  i!s< 
moururent.  Quant  à  fes  deux  Difciples  Abrollme&  Sina,  le 
Tyran  les  fit  aflcmmer  à  coups  de  pierre  ,   au   même  lieu  ou 
rÉvcque  Mile  étoit  mort.   Les  Chrétiens  enlevèrent  de  nuit 
les  Corps  des  trois  Martyrs ,  &  les  mirent  dans  un  tombeau  ,, 
afin  de  les  fouflraire  aux  Arabes  qui  faifoient  de  continuelles- 
incurfions  de  ces  côtés-là.  Les  A«Sles  fixent  le  jour  du  rriom- 
£ihe  de  faine  Mile  &.  de  (es  Compagnons^  au  treizième  jour 


4P^   COLLECTION  DES  ACTES  DES  MARTYRS" 

de  la  Lune  de  Novembre  ,   c'cfl-à-dire    au  cinquième  de 
ce  mois  ,  auquel  le  1 3  de  la  Lune  tomboir  en  341. 

faSlif  ^^-  E^l'^'bc  de  Ccfarce  dit  (/)  que  laine  Mile  pofrcdoic  trcs- 
bicn  les  divines  Ecritures.  Il  eft  parlé  de  fes  Lettres  &  de  fes 
Dilcours  dans  la  Bibliothèque  (m)  Orientale  d'Ailemani; 
mais  l'Auteur  n'en  rapporte  rien  ,  parce  qu'il  n'avoic  pas  pu  les 
recouvrer. 
Remarques      XXI.  Nous  n'avons  rîcn  à  ajourer  à  ce  qui  a  e'té  dit  du 

furiçMartvre  j^gr^vre  de  faint  Sadoth  dans  le  (n)  quatrième  Volume.  Les 

doth.  Aftcs  qu  en  a  donnes Dom  Kuinart,  lont  contormcs  aux  ori- 

ginaux donnes  par  Etienne  Evodius.  Nous  remarquerons  feu- 
lement que  Sadoth  étoit  neveu  de  faint  Simeon  de  Perfc,  que 
ce  fuc  lui  que  cet  Evêque  envoya  de  fa  part  au  Concile  de 
Nicée  ,  &  que  lui  ayant  fuccédé  dansl'Evêché  de  Ctefiphon 
&  de  Seleucie  ,  il  n'occupa  ce  Siège  que  jufqu'au  mois  de  Fé- 
vrier de  Tan  342,  qui  étoit  le  fécond  de  la  perlecution  de 
Sapor  ;  auquel  Sadoth  répandit  fon  fang  pour  la  foi  de  Jefus- 
Chrifl: ,  avec  un  grand  nombre  d'autres  Chrétiens. 

.  \r  ^^'j       XXII.  Les  Ades  du  Martyre  de  faint  Barfabias  &  de  fes 

du  Murtvre  de  „  _  .  _.  ■'  .  ri 

famt  Raria-    CompagnoHS  foumillent  une  preuve  certaine  que  lous  le  règne 
bins  &  de  Tes  ^Q  Sapor  II  l'Ordre  Monaflique  étoit  établi  depuis  long-temps 
Compagnons,  ^^^^^  j^  Méfopotamic ,  l'Affyrie &  la  Pcrfe;  que  les  Moines 
ne  fe  contentoient  pas  de  vaquer  à  leur  propre  fandifîcation  ; 
qu'ils  montroient  encore   aux  autres  les  voies   du  falut,  & 
qu'en  effet  ils  retirèrent  un  grand  nombre  de  Perfans  &  de 
Sarafins  du  culte  fuperftitieux  des  Idoles,  comme  ledifent(o) 
Theodoret&  Sozomene.  Ce  fut  la  plainte  que  les  Perfes  por- 
tèrent au  Préteur  d'Aftechara  contre  Barfabias,  Abbé  d'un 
Monaflere  dans  ce  Royaume  ,  où  il  avoit  fous  la  conduite  dix 
Moines.  Cet  homme  ,  difoienc  les  Perfes  à  ce  Magiftrat,  cor- 
rompt les  mœurs;  il  enfeigne  l'art  magique,  &  établit  infen- 
fiblemcnt  fa  doctrine  parmi  nous ,  en  renverfant  celle  de  nos 
Mages. 
Barfnbîas        XXIII.  Le  Prêteur  fît  prendre  Barfabias  &  fes  élevés  ,  avec 
gncns  fo^r   ordre  de  les  faire  comparoître  enchaînés  devant  fon  Tribunal, 
mis  .T  mort,  ]ls  confefferent   conflamment  la  foi  de  Jcfus  Chrift.  On  leur 
pag-  54.        £j.  f^jj^-j.  toutes  fortes  de  fupplices ,  &  entr'autres  on  leur  brifa 


(  /  )   Eufeb.    lil>.  4.  lie  vita  Conjlantini , 


(»)   f''f-  4??. 

{o)The.d'--n^  lih.   i.  V.lf^or.  Eel'g, 


(m)  l'i^m,  3.  pnrt,  i.  i  ^  SAoïmti.  lit.  6.  Hiftor,  mp.  j  + 

tous 


^  D^0RTENTETD'OCCTDRNT,CHAP."XXXr.  497 
ous  les  os ,  on  leur  déchira  les  narines  &  les  oreilles  ;  on 
*eiir  creva  les  yeux  ,  Se  le  Préteur  voyant  leur  fermeté  dans  la 
foi  du  vr  li  Dieu  ,  les  fit  conduire  hors  de  la  Ville  ,  où  ils  louf- 
frircntla  mort,  enchantant  des  Hymnes  &  dcsPleaumes. 

XXIV.  Un  certain  Magus  qui  ctoit  déjà  Chrétien  palTant  ..'^^'"y'^  ''<' 
avec  ia  femme  ,  deux  de  fcs  tils  Si  un  domefliquc  ,  s'approcha  ^^"'* 
du  lieu  de  l'exécution.  Frappé  d'un  rayon  de  lumière  en  for- 
me de  croix  qu'il  voyoit  lur  les  corps  des  Martyrs,  &  voyant 
l'Alihc  Bariabias  livrer,  en  chantant  des  Pfeaumes  ,  chacun  de 
fes  Moines  tour  à  tour,  pour  erre  égorgés  ,  il  defccndit  de 
cheval,  chmgea  d'habit  avec  fon  domeftique,  raconta  à  l'Ab- 
bé ce  qu'il  avoit  vu  ,  lui  témoigna  fon  defir  de  mourir  avec 
eux  pour  la  même  foi  qu'ils  iourenoient ,  &  le  pria  de  le  pré- 
fenter  au(Tî  comme  Chrétien  au  bourreau.  Cela  le  fit  ainfi  , 
fans  que  pcr'onne  s'apperc^ùtquc  Magus  n'étoit  pas  du  nom- 
bre des  Diiciples  de  l'Abbé.  Celui-ci  fut  exécuté  le  dernier. 
Les  têtes  des  douze  Martyrs  furent  portées  dans  la  Ville 
d'Aaftachara,  &  miles  dans  le  Temple  de  la  Décffe  Venus,  ado- 
rée par  les  Perles ,  &  leurs  corps  expofés  à  la  pâture  des  bêtes 
&  des  oifeaux.  Le  martyre  de  Magus  fut  fuivi  de  la  conver- 
llon  de  fa  femme,  de  fes  enfans  &  de  fes  domefliques.  Tous 
reçurent  le  baptême ,  &  perfévererent  conflamment  dans  la 
Religion  du  vrai  Dieu.  Les  Ades  mettent  le  martyre  de  ces 
Saints  au  dix-feptiéme  jour  de  la  Lune  de  Juin,  qui  en  342 
«toit  le  troificme  de  ce  mois. 

XXV.  Il  avoit  été  défendu  par  le  60^   Canon  du  Concile  . '^^^g"' P^ut- 
d'Elvirc  de  recevoir  au  nombre  des  Martyrs  ceux  qui  auroicnt  n„  pourjvTa"' 
été  tués  par  les  Payens  en  brifant  des  Idoles  ;  &  faint  Auguf-  tyr.' 
tin  dans  Ion  premier  Livre  de  la  Cité  de  Dieu  ,  foutient  qu'il 
n'efl;  jamais  permis  de  fe  donner  la  mort ,  même  pour  fauver     ^^"^'^  '<""• 
fa  chaftetc.  C'efl:  dans  ces  principes  que  Menfurius ,  Evêque  e;,om?if^^' 
de  Carthage  ,  ne  permit  pas  qu'on  honorât  comme  Martyrs /"«i- 5x6. 
ceux  qui  dans  la  perlécution  de  Diocletien  s'étoient  préfentés 
d'eux-mêmes  au  Martyre.  Mais  faint  Auguflin  en  excepte  le 
cas  où  les  Martyrs  auroient  été  poufles  par  TEfprit  de  Dieu 
à  fe  livrer  aux  Perfécuteurs   ;  &  dit  que  c'eft  peut  être  auflî 
par  l'inlpiration  du  même  Efprit ,  que  l'Egiife  leur  a  rendu 
(p)  l'honneur  du  Martyre.  Ce  Saint  propofe  l'exemple  de 
-Samfon  ,  qu'il  ne  doute  pas  avoir  été  animé  de  l'Efprit  de 


J/»)  AupiHinti!  ,    lib.  1.  de  Civit,  cap,  ZV,  l6. 

Tome  XXilU  R  r  r 


49S    COLLECTION  DES  ACTES  DES  MARTYRS 

Dieu,  loilquil  ie  de  nna  la  moïc ,  pour  la  donner  en  même 
temps  aux  Philiflins.  Magus  ne  ie  livra  au   martyre  qu'après 
une  vifion  miraculeule  ,  &:  ce  ne  fut  qu\n  luite  de  la  con- 
noiiTance  qu'il  en  donna  à  Ba^  fabias ,  que  cet  Abbé  le  pré- 
Martyre  de  ^^'^^^  ^^  bourreau  pour  être  égorge  en  témoignage  de  fa  foi. 
Na-sès  &  de      XXVL  La  quatrième  année  de  la  perfécurion  de  Sapor  , 
jofeph  fon^  le  dixième  jour  de  la  Lune  de  Novembre  ,  c'eil: -à-dire  lencu- 
^^1  cjp  e,pc.g.  ^jçj^g  jç  ^^  j^j^jg  j^  l'^j^  ^^,^  Narsès  Evêque  de  Sciaharca- 

dace  dans  la  Province  de  Beth-Garmée  ,  dans  l'AiTyrie  _,  & 
Jofeph  fon  Difciple  ,  furent  pris  comme  Chrétiens,  8c  conduits 
devant  le  Roi ,  qui  fe  trouvoit  alors  dans  le  pays.  ï-.e  Prince 
effaya  d'abord  de  les  engager  par  des  carcfles  à  adorer  le  So- 
leil. Narsès  répondit  qu'étant  attaché  depuis  quatre-vingt  ans 
au  culte  du  vrai  Dieu ,  il  ne  pouvoit  l'abandonner  pour  adorer 
facréa'.ure.  Le  Roi  paffant  des  careffes  aux  menaces  leur  dit, 
que  s'ils  n'obéifîbient  au  plurôc ,  il  ordonneroit  qu'on  les  me- 
nât au  fupplice.  Quand  vous  pourriez  ,  lui  répliqua  Narsès  , 
nous  rendre  la  vie  lept  fois  après  nous  l'avoir  ôtée ,  vous  n'ob- 
tiendriez pas  de  nous  de  nous  féparcr  de  notre  Dieu.  Sur  cette 
réponfe  ils  furent  condamnés,  &  conduits  au  lieu  du  fupplice» 
Jofeph  eut  le  premier  la  tête  tranchée  ,  puis  Narsès  ;  Jeaa 
Evêque  de  Beth-Scleucie  fouffrit  le  même  traitement  par  or- 
dre du  Préfet  d'Hadiabe.  Sapor  Evêque  d'une  Ville  du  mê- 
me nom,  mourut  en  prifon  accablé  par  les  mauvais  traitemens 
qu'on  lui  avoit  fait  fourfrir.  D'autres  en  grand  nombre,  Clercs 
&  Laïques  des  deux  fexes ,  furent  auffi  martyrifés  dans  le 
même  temps.  De  ce  nombre  fut  Guhfciatazadès ,  Evêque  de 
la  Cour  du  Roi  d'Hadiabene.  Il  fc  trouvoit  en  cette  Cour  un-. 
Prêtre  nommé  Vartrane  ,  qui  avoit  abjuré  la  foi  de  Jefus- 
Chrid.  Le  Tyran  le  chargea  de  mettre  à  mort  l'Evêque,  par- 
ce qu'il  avoit  refuié  d'adorer  le  Soleil.  Vartrane  s'étant  pré- 
fenté  pour  faire  cet  office  ,  l'Evêque  lui  dit  :  Comment  vous 
difpofczvous  à  me  frapper,  vous  qui  êtes  Prêtre?  Mais  je  me 
trompe  en  vous  appellant  Prêtre ,  vous  qui  êtes  déchu  des 
avantages  du  Sacerdoce,  comme  Judas  deTApollolat.  Ayant 
dit  ces  mots,  Vartrane  l'égorgea  de  fa  propre  main. 
Martyre  des  XXVIL  On  n'avoit  point  connu  juiqu'ici  ie  martyre  des 
&  Varde-'"'  ^^^^^^  Daniel  &  Varde  ,  ou  Rôle,  Vierge.  Il  n'en  efl  rien  dit 
Vierge,  pag.  dans  Ics  Ecrjvains  Grecs,  ni  Latins.  C'efl  du  Manufcrit  feul 
^°y  de  Nitrie ,  aujourd'hui  du  Vatican  ,  que  nous  l'apprenons  : 

encore  T Auteur  n'a  donné  que  le  précis  de  icurs  Ades.  Une 


D'OKTKNT  ET  D'OCCIDENT,  Chap.  XXXT.  49^ 
rapporce  ni  \cs  cjucflions  du  Juge,  ni  les  réponlcs  des  Mar- 
tyrs. F.IIes  devuienrêrrc  en  grand  nombre  ,  puilqu'il  dit  quils 
furent  incerrogés  tr>  is  mois  de  fuite.  Daniel  étoic  Prêtre,  & 
Varde  ,  qui  en  Chaldéen  cft  le  même  nom  que  Rofe  ,  fairoic 
profeflTion  de  viri^inité.  Ils  furent  pris  par  ordre  du  Préfet 
de  la  Province  des  Razichitcs  ,  deux  ans  après  le  martyre 
de  liint  Simcon  de  Perle,  cVfl: -à-dire,  en  344.  Le  Préfet  em- 
ploya les  plus  cruels  rourmcns  pour  les  contraindre  à  renon- 
cer à  la  Rcligicm  du  vrai  Dieu  :  cncr'autres  tourmcns  ,  il  leur 
fît  percer  les  pieds  avec  des  tarières ,  ce  qu'il  réitéra  cinq 
jours  de  luite ,  les  foifant  mettre  chaque  fois  dans  une  eau 
glacée.  Mais  voyant  que  les  Martyrs  nétoient  point  ébranlés 
parla  dilfolution  de  leurs  membres,  il  Icurfircoupe  rla  tête  le 
21.de  Février  j  44  ,  la  53^.  année  du  règne  de  Sapor. 

XX Vin.  L'Hadiabene,  Province  de  l'ÂiTyrie  ,  faiioitpar-  Martvrs  Je 
tie  des  états  de  ce  Prince  ;  la  Religion  Chrétienne  y  fut  éra-  '''^»<'>'>bene  ^ 
blie  (y)  dès  le  premier  fiécle  de  l'Egliie  ;  elle  y  fit  de  grands 
progrès ,  &  dans  la  pei  fecution  dont  nous  parlons ,  elle  don- 
na un  plus  grand  nombre  de  Martyrs  que  les  autres  Provin- 
ces qui  dépcndoient  de  la  Perfe.  Nous  avons  les  Ades  de 
cent-vingt,  Martyrs,  dont  neuf  étoient  des  Vierges  confa- 
crées  à  Dieu, les  autres  Prêtres,  Diacres  ,  &  Clercs.  On  ne 
connoît  le  nom  d'aucun  d'eux.  Les  Martyrologes,  le  Syna- 
xaire&  les  Menologes,  ne  parlent  que  de  leur  nombre,  lans 
les  nommer. 

XXIX.  Sapor  fe  trouvant  à  Seleucie  en  ^44,  la  cinquième  I-eursAL^es, 
année  de  la  perfécution ,  on  fe  laifit  dans  les  Viiles  voifines^^^" '°^* 
de  cent-vingt  Chrétiens,  que  Ton  mit  auiïitôt  en  prifon.  Ils 
y  palTerenr  lix  mois  ,  plus  tourmentés  par  la  puanteur  du  lieu, 
que  par  les  befoms  de  la  vie;  car  une  femme  noble  &  riche 
nommée  Jazdundodli ,  ou  née  de  Dieu  ,  qui  étoit  de  la  Ville 
d'Arbale  dans  THadiabene,  fourni(ïï)it  à  la  nourriture  de 
cette  compagnie  ,  &  à  toutes  leurs  auires  nécclTités.  Cepen- 
dant les  Mages  employaient  divers  tourmens  pour  les  enga- 
ger à  adorer  le  Soleil.  Le  Préfet  les  voyant  condans  dans  la 
foi  ,  K's  menaça  du  dernier  lupplice:  t  'US  tinrent  ferme.  Jaz- 
dundoûa  avertie  de  la  froximiré  de  leur  mort  ,  ccurut  à  la 
prilon  le  foir,  lava  les  pieds  des  Mar.yrs ,  leur  donna  à  chacun 


{  <l)  B  iron.  ai  an,  t^.^.  ifim-   66.Btfnj-i  cap.  iz, 

R  r  r  i  j 


gaon 


joo     COLLECTION  DES  ACTES  DES  MARTYRS 

une  robe  blanche,  leur  fit  apporter  à  foupcr,  les  fervit  elle- 
même,  &  les  exhorta  au  combat.  Le  lendemain  de  grand  matin 
elle  retourna  à  la  prifon  ,  &  après  qu'elle  les  eut  exhortés  de 
nouveau  à  fe  rendre  Dieu  propice  par  de  ferventes  pr  ères  ,1e 
Préfet  les  fit  mener  hors  de  la  Ville,  au  lieu  du  fupplice.  Au 
fortir  delà  prilon  cette  pieufe  Dame  fe  mit  à  leurs  pieds  ,  leur 
prit  la  main ,  &  ne  craignit  point  de  leur  donner  le  baifer  de 
paix.  Le  Préfet  leur  promit  le  pardon,  s'ils  vouloicnt  adorer 
îe  Soleil  :  tous  répondirent  d'une  voix  unanime  qu'ils  ne  fe- 
roient  point  injure  à  l'augufle  nom  du  Créateur.  Le  Préfet 
prononça  la  Sentence  de  more ,  qu'ils  fouftrirent  avec  confian- 
ce, le  2  1  d'Avril  545.  Jazdundoda  prit  foin  de  leur  fépui— 
ture. 
Mortv-re  de      XXX.  Saint  Barbafccmc,  ou  Barbafyme  ,  comme  l'appel- 
cerne,  Evêque  'c  (''J  Sozomenc,  avoit  ete  place  lur  le  Siège  Epiicopal  de 
de  SeLeucie,&  Scleucie  &  de  CtellphoD  en  342  ,  après  le  martyre  de  faine 
defêsCompa-  s^joch  fon  frère.  Il  fut  déféré  au  RoiSapor,  îa'fixiemxan- 
née  de  la  perfécution  ,  Tan  345,  avec  feizc  autres  Chrétiens  5 
dont  les  uns  étoient  honorés  du  Sacerdoce,  les  autres  delà  Clé- 
ricature.Onl'avoit  dépeint  au  Roi  avec  des  couleurs  fi  noires, 
qu'il  frémit  au  rapport  qu'on  lui  en  fit.  Conduit  devant  lui ,  il 
Papoftropha  avec    les  termes  les  plus  durs.   Barbafceme  fie 
l'apologie  de  lli  Religion.  Sapor  n'en  fut  que  plus  irrité,  &  pre- 
nant le  Soleil  fon  Dieu  à  témoin ,  il  proteRa  qu  ildétruiroit  la. 
fetle  des  Chrétiens  &  leurs.  Temples.  Barbalceme  lui  dit  en 
fouriant  :  Pourquoi ,  en  invoquant  le  Soleil,  omettez-vous 
Peau  &  le  feu,  que  vous  auriez  autant  de    railon  d'adorer 
que  le  Soleil  ?  Le  Roi  fe  fentant  piqué  de  cette  raillerie  ,  re-^ 
pliqua  :  Vous  cherchez  à  mettre  fin  à  vos  peines    par  une 
prompte  mort  ;  je  veux  les  alonger.  Il  commanda  qu'on  le- 
mic  en  prifon  chargé  de  chaînes  :  fes  Compagnons  furent  con- 
damnés au  même  traitement.  Tous  y  refterent  pendant  onze 
mois  :  pendant  ce  temps  les  Mages  les  faifoient  fuftiger  8c 
frapper  a  coups  de  bâtons ,  &  leur  refufoient  de  quoi  étancher 
leur  foif  &  appailcr  leur  faim» 
?a^.  114.       XXXI.  L'année  fuivante  on  les  transféra  à  Ledan  dans  fav 
Province  des  Huzites,  où  étoit  le  Roi.  Il  employa  les  caref- 
fes  &  les  m.naces  pour  les  poner  au  culte  du  Soleil.  Barbaf— 


Çr)  Sezj»taea,lit.  s,  eaf,  13., 


D'ORIKNT  ET  D'OCCIDRNT,  Chap.  XXXL  5or 
cerne  repondit  au  nom  de  tous  ,  que  leur  eipérance  Se  leur  re- 
fuge écoic  dans  leur  Religion  &:  dans  la  vraie  foi  ;  qu'ils 
ccvjient  prt'ts  à  louffrir  la  mort  pour  leur  Dieu  ;  qu'envain  il  fe 
flactoit  de  détruire  la  nation  des  Chrétiens  ;  que  plus  il  févi- 
roic  contre  eux,  pluS' leur  nombre  augmenteroit.  Le  Roi  en 
colère  di*fta  cet  édit:  Quiconque  m'aime  &  lo  ialut  de  mon 
Royaume,  ait  loin  qu'aucun  attaché  au  nom  Chrétien  ne  de- 
meure dans  la  Perle  ,  ou  dans  les  terres  de  mon  Domaine  ,à 
moins  qu'il  ne  foit  contraint  d'adorer  le  Soleil,  de  rendre  un 
culte  au  feu  Sz  à  l'eau  ,  &  de  manger  du  fang  des  animaux. 
Si  quelqu'un  refufe  de  faire  ceschofes  ,  il  fera  déféré  aux  Pré- 
fets, enfuite  tourmenté  fuivant  leur  Sentence,  &  enfin  puni 
du  dernier  fupplice.  On  voit  par-là  qu'autrefois  les  Perfes 
adoroient,  non-feulement  le  Soleil,  mais  le  feu  &  l'eau,  8c  A[l.ifi- 
que  les  Chrétiens  oblervoienr  encore  la  Loi  Apoflolique 
touchant  la  défenfe  de  manger  du  fang.  Le  Martyre  defaint 
Parbalceme  &  de  £es  Compagnons  arriva  le  14  de  Janvier 
346. 

XXXII.  Cet  Edit  de  Sapor  occafionna  un  nombre  infini  ^ ^"'5'/*  ^" 
de  Martyrs  en  divers  endroits  de  la  Perfe,  &  de  fes  dépen-  plg^M^"^" 
dances.  Ce  que  faint  Maruthas  en  dit ,  a  plus  l'air  d'un  élo-  118. 

ge,  que  d'une  hifîoire:  ce  qui  vient  apparemment  de  ce  que 
l'on  faifoit  mourir  les  Chrétiens  par  troupes  ,  &  fans  aucu- 
ne formalité  de  Juftice  ,  eniorte  qu'on  nedreffoit  aucuns  Pro- 
cès-verbaux de  l'interrogatoire  des  Préfets ,  ni  des  réponfes 
des  Martyrs  ,  Se  qu'on  ne  leur  demandoit  pas  même  leurs 
nomSo. 

XXXIII.  Le  Manufcritdu  Vatican  contient  les  Atles  de    Martyre  de 
deux  Martyrs ,  Jacques  Prêtre  &  Marie  fa  fœur  qui  fouffri-  p^'"^'^/^'^!.""' 
renc,  la  feptierae  année  de  la  perfécution  de  Sapor ,  l'an  3415  ,  Marie  vierge  3 
ié  22  de  Mars.  On  ne  leur  commanda  pas,  comme  aux  autres  P^g-  '^^» 
Martyrs ,  d'adorer  le  Soleil ,  mais  de  manger  du  fang  des  ani-  ^^*' 
maux  ;  en  manger  ,  c'étoit  parmi  les  Chrétiens  d'Orient  une 
marque  d'Apoftafie,,  &  il  étoit  égal  aux  perfécuteursde  les  y 
contraindre  par  les  fupplices,  ou  d'adorer  les  faux  Dieux.  La    An.  i;.  ^ 
Loi  Apoilolique  qui  en  défendoit  Tufase  ,  obli<>;ea  d'abord  ^"■/''^""'^'*' 
tous  les  Chrétiens  :  mais  comme  ce  n  etoit  quune  Loi  de  dil- 

cipline  établie  pour  empêcher  decaufer  du  fcandaie  aux  Juifs, 
s'ils  avoienr  vu  manger  du  fang  par  les  nouveaux  convertis,, 
elle  s'cfl:  abolie  infeniiblemcnr  en  Occident,  maisl'Eglife  n'a 
jamais  trouve  mauvais  qu'elle  fût  obfervce  ailleurs.  Elle  fut 


*ii 


502     COLLECTION  DES  ACTES  DES  MARTYRS 

au  contraire conHrmcc  dans  ks  Conciles  de  Gan^rcs  (/,  de 
Trullc,  d'OrIcans  &  de  Vormcs  ,  &  elle  eft  encore  en  vi- 
gueur chez  Icç  Orientaux.  Jaciucs  &  Mjrie  la  fœur ,  Fille  de 
l'Alliance,  c'ell  à-dire  Vierge  conCîcrce  à  Dieu,  refufcrenc 
de  manger  du  fang  :  en  vain  on  voulut  les  y  contr,nndre  par  les 
plus  cruels  fupplices  ;  ils  demandèrent  à  Dieu,  les  mains  élevées 
au  Ciel ,  la  force  de  fouffrir  pour  lui.  Le  1  yran  ne  pouvant 
les  vaincre ,  leur  fit  trancher  la  tête. 
Martyre  de      XXXIV.  Environ  trois  mois  après,  c'eft-à-dire  le  fixieme  de 

Ta  n  e  Thecle  -    .       ■     ,,  .        ,  c  i      C  -r  J'  t.    ■> 

&  d'autffs  Juin  de  1  an  346  ,  les  pcrlecuteurs  le  iaidrcnt  d  un  Prêtre 
Vierges ,  pag.  nomme  Paul ,  delà  Ville  de  CaUiaz.  Le  motif  qu'ils  en  cu- 
rent, fut  d'avoir  fon  argent.  Les  Satellites  envoyés  par  le  Pré- 
teur ,  s'emparèrent  de  la  maifon,  la  pillèrent,  en  emportè- 
rent une  granic  fomme  d'argent,  &  menèrent  Paul  en  pri- 
fon.  Ils  prirent  dans  la  même  Ville  cinq  Vierges,  Thcde  , 
Marie  ,  Marthe,  une  autre  Marie,  &  Ama,  que  l'on  enferma 
enchaînées  dans  le  même  Château  que  Paul.  Celui-ci  fut 
traduit  le  premier  au  Tribunal  du  Tyran  ,  qui  lui  propofa 
d'adorer  le  Soleil  ,  &  de  manger  du  fang.  Si  vous  obéiiTez, 
ajouta-t-il  ,  vous  ferez  mis  en  liberté,  &  Ton  vous  rendra  vo- 
tre argent.  Paul  flatté  par  ces  promcffes  obéit  fur  le  champ, 
mais  le  Tyran  auffi  avide  d'argent  que  lui,  trouva  un  moyen 
de  le  garder.  Il  ordonna  au  Prêtre  d'égorger  de  la  propre 
main  les  cinq  Vierges  ,  ne  doutant  pas  qu'il  ne  reiecrât  une 
propofition  qui  tcndoità  le  couvrir  d'infamie  ,  s'il  l'acceptoir. 
Il  fit  donc  comparoître  ces  Vierges,  leur  propofa  d'adorer  le 
Soleil ,  Si.  de  fe  marier.  Elles  refuerent  l'un  &  lautre  ;  le  Ty- 
ran les  fit  fouetter  avec  tant  de  cruauté,  que  leurs  corps  furent 
couverts  de  plaies.  Pendant  ce  lupplice  elles  crioicnt  à  haute 
voix  qu'elles  ne  préfereroient  jamais  rien  à  Dieu.  Condamnées 
à  mort,  le  Prtfet  chargea  Paul  de  l'exécution  de  la  Sertence. 
Il  s'approcha  des  Vierges,  le  glaive  à  la  nTain.  Les  Vierges  le 
voyant,  lui  dirent  :  Efl  ce  ainfi,  lâche  Paffeur  ,  que  tu  te  levés 
contre  ton  troupeau,  &  que  tu  immolestes  brebis  .'  Ell-cc ainfi 
que,  changé  enbup,  tu  dévores  ta  bergerie?  Efl-ce-là  le  laine 
(r)  (  Corps  de  Jefus-Chrift  )  que  noùS  recevions  dcrnie- 


(/)  G.i»^.  can.  1.  Tn-llanwn  ,  caii.  6' . 
Atireli.merjJ.  1.  K  li^oun'tiftfe,  eau.  64. 

(  »  )  Hoccine  ft  fdnftiim  '^iio  pr  ritiuE 
Deus  rediiiiur ,  quod  ex  tuii  munibus  nu 


ncr  percipit-bamus  ?  Hiccine  ef(  (anguit 
itam  imperiicns ,  qutm  ori  noflro  offere- 


D'ORIENT  ET  D'OCCIDENT,  Chap.  XXXI.  505 
remt-nt  de  tos  mains  ,  &  par  qui  Dilu  cft  rendu  propice  ?  Klt- 
ce-h  le  lang  v.jui  donne  la  vie  ,  que  tu  prélencois  à  notre  bou- 
che ?  Nous  allons  à  Jcius ,  qui  ell  notre  partage  :  mais  tu  es 
defliné  à  un  fort  bien  différent  ;  Se  il  efl;  certain  que  tu  ne  recou- 
vreras jamais  l'argent  que  ru  chéris.  Mets  le  comble  à  ton  crime 
en  nous  failant  mourir.  Inébranlable  à  ces  dilcours ,  il  trancha 
la  téce  à  ces  Vierges  avec  autant  d'adrelTc  que  s'il  eût  affeâc 
de  la  faire  paroître.  Mais  le  même  jour  le  Tyran  craignant 
qu'en  rcfufant  de  lui  rendre  fon  argent ,  il  ne  fe  pourvût  au- 
près du  Roi,  fit  venir  les  Satellites  qui  le  lui  avoicnt  volé,  & 
leur  ordonna  de  faire  mourir  Paul.  Ils  entrèrent  la  nuit  dans 
la  prifon,  &  le  pendirent. 

XXXV.  Les  Atles  des  Martyrs  dont  nous  venons  de  par-     Martyre  Ju 
1er  font  tires  des  Manufcrits  de  Nitrie  ,  de  même  que  ceux  V'^"i.  ?f'' 
du  Diacre  Barhadbefciabé.  Le  Préfet  Tam-Sapcr  le  fit  arrê- pjg/125/  ' 
ter  dans  la  Ville  d'Arbel ,  où  il  faifoit  les  fon£lions  de  fon 
miniftcre  ,  &  tourmenter  par  de  cruels  fupplices.  Adorez,  lui 
difoit  le  Tyran ,  le  feu  &  l'eau  ,  mangez  du  fang  ,  &  fur  le 
champ  on  vous  laifTera  aller  librement.  Qui  êtes-vous ,  im- 
pie ,  lui  répondit  le  Diacre,  pour   me  faire  abandonner  ma 
Religion?  Je  jure  par  le  Dieu  que  je  fers  de  toute  mon  ame,  8c 
fon  Chrift  en  qui  je  mets  toute  mon  efpérance,que  ni  toi,  ni  ton 
Roi,  ne  me  fépareront  point  de  la  charité  de  Jcfus-Chrift  que 
j'ai  aimé  depuis  le  commencement  de  ma  viejufqu'à  ma  vieil- 
îcfle.  Le  Préfet  le  condamna  à  mort.  Il  y  avoit  alors  un  no- 
ble Laïque  détenu  dans  les  prifons  pour  avoir  à  fon  premier 
interrogatoire  déteflé  le  culte  du  Soleil  :  11  confervoit  encore 
le  nom  de  Chrétien.  Le  Préfet  lui  fit  ôter  fes  chaînes ,  &  lui 
commanda  d'exécuter  la  Sentence  de  mort  rendue  contre  le 
Diacre.  Il  fe  mit  en  devoir  d'obéir ,  mais  rempli  de  crainte  , 
&  comme  hors  de  lui-même,  il  frappa  iept  fois  le  Diacre  fans  . 
pouvoir  lui  enlever  la  tête.  Voyant  les  Affifians  indignés  con- 
tre lui ,  il  enfonça  fon  glaive  dans  le  ventre  du  Martyr ,  qui 
mourut  aufiitôt.  Aghée  ,  c'étoit  le  nom  de  ce  bourreau ,  fut  à 
la  même  heure  attaqué  d'une  maladie  violente  dont  il  mou- 
rut quelques  jours  après.  Les  AQ.es  mettent  le   martyre  de 
Barhadbefciabé  au  troifiéme  de  Juillet  de  l'an  354)  le  quinziè- 
me de  la  pcrfécution  de  Sapor.  On  ne  voit  pas  que  dans  les 
autres  perfécutions  de  l'Eglife  ,  les  Empereurs  ni  leurs  Offi- 
ciers aient  obligé  des  Chrétiens  à  répandre  le  fang  des  Mar«- 
ryrs,  C'eft  une  circonllance  particulière  de  celle  de  Sapor, 


504   COLLECTIONDËS  ACTES  DES  MARTYRS 

raim'Kaf,      XXXVf.  CePrince  s'ctanc  empare  de  la  Ville  de   Beth- 
Evcqiie ,  &  de  zabde ,  qui  apparcenoir  aux  Romains  ,  &  en  ayant  renverfé 
piufieurs   au-  \q^  murs,  fic  mourir  les  principaux  des  Citoyens  ,  8c  tous  ceux 
*    '    qui  pouvoient  porter  les  armes,  &  emmena  les  autres  Captifs: 
c'étoit  en  ^62  ,  la  cinquante-troinéme  année  du  règne  dcSa- 
por.  Quoique  le  nombre  des  Captifs  fût  de  plus  de  neuf  mil- 
le ,  il  n'eft  fait  mention  que  de  deux  cent  foixante  &  quinze 
dans  les  A£les,  la  plupart  étant  morts  en  chemin,  foit  de  fati- 
gue ,  foit  de  mifere  ;  &  les  autres  ayant  été  relégués  en  di- 
verles  Villes  de  laPerfe.  Les  275  furent  tranfportés  vers  le 
Mont  Malebden  dans  la  Ville  de  Gaphct,  en  la  Province  de 
Daven.  Les  plus  diftingués  entre  ces  Captifs  étoient  PEvê- 
que  Heliodore  ,  Daufas,  Mariabus. 
^.134.      XXXVII.  Heliodore  étant  tombé  malade  en  chemin,  fitap- 
pellcr  Daulas,  l'ordonna  Evêque  par  l'impolition  des  mains  , 
lui  donna  l'autorité  fur  tous  ceux  qui  avoient  échappé  au  fac 
■de  la  Ville  de  Bethzabde  ,    lui    remit  T Autel  portatif  qu'il 
avoit  emporté  avec,  lui ,  &  l'exhorta  vivement  à  remplir  le 
faint  miniflere  qu'il  lui  confioit.  Heliodore  mourut  quelques 
momens  après,  &  fut   enterré  à  Stacata  avec  les  honneurs 
tels  que  le    pcrmettoit  la  circonftance  du  lieu  &:  du  temps. 
Suivant  les  Canons,  l'Ordination  d'un  Evêque  devoir  fe  faire 
par  trois  Evêques  ;  mais  dans  le  cas  de  nécelTité  ,  un  fufHfoit 
pour  l'Ordination.   Nous  en  avons  rapporté  plufieurs  exem- 
ples dans  le  cours  de  cette  Hiftoire.  Il  a  aufll  été  parlé  des 
Autels   portatifs.   Les  Evêques  Orientaux  avoient  coutume 
d'en  porter  en  voyage  ,  afin  qu'ils  pudent  célébrer  tous  les 
jours  la  MefTe  en  des  lieux  éloignés  où  il  n'y  avoit  point 
d'Eglife;  &  ils  font  encore  dans  cet  ufage  chez  les  Syriens  : 
l'Autel  portatif  efl  une  petite  table  de  bois  confacrée  par 
î'Evêque  ,  ailleurs  elle  efl  de  pierre  ou  de  marbre. 
P^S'  ijî'      XXXVIII.  Les  Captifs  pendant  le  chemin  fe  joignoient 
dans  les  lieux  qui  leur  paroiflbient  commodes  pour  l'Office 
divin  ;  ils  y  chantoicnt  des  Pfeaumes  à  ralrernative  ,  &  céle- 
broicnt  les  divins  Myfteres.  Ces  Collèges  ou  AlTemblées  des 
Chrétiens   pendant  les  voyages  avoient  lieu  dès  les  premiers 
fiécles  de  l'Eglife  ,  comme  on  le  voit  par  la  Lettre  de  faint 
Denis,  Evêque  d'Al»  xandrir.à  Jerace.  Les  Mages  voyant  que 
les  Chrétiens  captifs  en  faifoient  chaque  jour ,  en  conçurent 
de  la  méfiance    &  ayant  répandu  contre  eux  diverfes  calcm- 
fîies  auprès  du,Prince  des  Préfets  ,  celui-ci  fit  entendre  au  K  oi 

que 


D'ORIENT  ET  D'OCCIDENT,  Chap.  XXXI.  ^05 
que  dnns  ces  Aflemblccs,  dont  D.uj/as  co  c  le  chef,  les  deux 
lexes  s'y  trouvoicnc ,  &  que  tous  cnlcmblc  vominbienc  en  fu- 
reur des  imprécations  contre  la  Majcfté  Royale.  Le  Roi  ctoit 
alors  dans  la  Province  de  Daren  ,  en  la  Ville  de  Durfac. 
Ayant  pris  confcil  du  Prince  des  Préfets,  &  de  quelques  autres, 
il  les  chargea  de  le  faifir  de  TEvêquc  Daufas  &  de  toi  s  ceux 
cju'ils  trouveroicnt  afTcmblés  avec  lui ,  de  leur  faire  des  promef- 
les  avantageufcs  touchant  les  commodités  de  la  vie,  cnluitc  de 
les  conduire  tous  en  un  même  lieu  pour  y  être  interrogés. 
Le  Roi  donna  à  cet  effet  aux  Satrapes,  &  au  Prince  des  Pré- 
fets ,  cent  hommes  de  cheval ,  &  deux  cens  hommes  de  pied. 

XXXIX.  Le  dcfl'ein  du  Roi  ctoit  de  porteries  Captifs  au  ^"^•13'^» 
culte  du  Soleil ,  ou  en  cas  de  refus  de  le  punir  de  mort.  Lors 
donc  que  l'Evcque  Daufas,  Mariabus  ,  co-Evêque,  les  Prê- 
tres,  les  Diacres,  &  les  autres  Clercs  avec  les  Laïques ,  au 
nombre  de  trois  cents ,  étoient  aflemblés  pour  la  Prédication , 
les  Procureurs  du  Roi  fe  préfenterent,  &  déclarèrent  aux 
Captifs  que  fa  volonté  étoit  qu'ils  allaflcnt  tous  à  la  Monta- 
gne de  Mafebdan,  &  à  la  Ville  de  Gaphet.  Ils  obéirent  fans 
méfiance,  mais  aux  approches  de  la  Ville,  Adarpharès  Prince  ' 

des  Préfets  leur  ordonna  de  s'arrêter  un  moment  ,  &  leur 
notifia  que  le  Roi  étant  informé  des  malédi6l:ions  dont  ils  l'a- 
voient  chargé  ,  ilseuflfent  ou  à  embrafl^erfa  Religion  ,  &  ado- 
rer fes  Dieux,  ou  à  fouffrir  les  plus  cruels  fupplices.  L'Evê- 
que  Daufas  prenant  la  parole,  lui  dit  :  Nation  cruelle,  qui 
non  contente  du  fang  des  tiens ,  es ,  encore  altérée  du  fang  des 
Etrangers  !  Le  fang  des  Chrétiens  d'Orient  déccule  encore 
de  tes  doigts  ,  &  tu  verras  auffi  répandre  celui  des  Cl. retiens 
d'Occident.''  C'efl:  donc  afin  que  le  nôtre  verféen  témoigna- 
ge de  la  Foi  Chrétienne,  ierve  de  cédule  de  ta  condamnation. 
Puis  s'adreflant  aux  Compagnons  de  fa  captivité  :  Courage, 
leur  dit-il ,  penfons  que  nous  fommes  délivrés  du  joug  de 
l'efclavage  ,  &que  nous  allons  être  rétablis  dans  notre  patrie. 
Et  vouSj  bourreaux ,  vous  n'avez  pas  à  différer;  rempliiïez 
les  fondions  de  votre  office.  Celui  qui  nous  a  condamnés  à 
la  mort,  va  venir  :  nous  le  prierons  de  ne  point  fe  relâcher  de 
fa  cruauté ,  &  de  ne  rien  changer  à  fa  Sentence.  Nous  n'a- 
vons tous  qu'un  même  Dieu,  qui  nous  exerçant  par  des  pei- 
nes que  nous  avons  méritées  (  pour  nos  péchés  ) ,  nous  a  fournis 
d'abord  à  votre  puiflance,  mais  enfuite  nous  a  réconciliés  avec 
lui  par  un  effet  de  fa  miléricordc ,  en  nous  faifant  mourir  par  vos 
Tome  XXUL  S  i  f 


^o6    COLLECTION  DES  ACTES  DES  MARTYRS 

mains ,  pour  la  propre  cauic.  Nous  le  prions  de  ne  pas  pcr- 
mctue  que  nous  rendions  au  Soleil  &  à  la  Lune  un  culte  di- 
vin, ni  que  nous  obéillions  à  cet  égard    au  Roi,    homme 
d'une  cruauté  inouie.  Nous  iommes  décidés  de  dcmeuri.  r  conf- 
tamment  dans  notre  Religion,  de  tcut  fcutirir  ,  d'adorer  le 
vrai  Dieu  ,  que  l'Empereur  adore,  &  en  qui  il  met  toute  Ion 
eipérancc. 
fag.  139.       XL.  AuflTitôt  que  l'Evêque  D^ufas  eut  ceffé  de  parler  , 
les  Satellites  du  Prélident  menèrent  au  lupplice  cinquante  des 
Captifs ,  hommes  &  femmes  f.ins  diftindion  ,  &  les  égorgè- 
rent. Ils  en  firent  aurant  des  autres  Chrétiens  captifs,  jufqu'au 
nombre  de   deux   cens  foixante-quinzc.  Il  en  refloit  vingt- 
cinq,  qui  par  crainte  de  la  mort   s'offrirent   d'être   inities 
aux  myfleres  du  Soleil.  Le  Roi  fuivant  fa  promeilc  leur  don- 
na autour  de  la  Montagne  Mafebdan  ,  des  terres  à  cultiver  , 
&  où  fixer  leur  habitation.  Il  manque  quelque  chcfe  à  la  fin 
des  Ades  de  ces  Martyrs.  Ce  qui  fait  qu'en  ne  fçait  qu'une 
partie  de  l'Hifloire  du  Diacre  Ebcdiefu.  Quoique  les  bour- 
reaux reuiïent  laifTé  comme  mort    fur  la  place  ,  il  furvêcut 
toutefois  à  fa  bleffure  ;  &  ayant  recouvré  fes  forces  ,  il  alla  le 
lendemain,  avec  un  homme  du  voifinage  qui  lui  avoit  ban- 
dé &  panfé  les  plaies,  au  lieu  du  lupplice  ,  d'où  ils  enlevèrent 
les  corps  de  l'Evêque  Daufas  ,  de  Mariabus  &  de  quelques 
Prêtres ,  qu'ils  renfermèrent  dans  un  antre  au  pied  de  la  Mon- 
tagne ,  dont  ils  fermèrent  l'entrée  avec  des  pierres. 
A<5îes  r^ps        XLI.    Quoique  l'on   n'aie  qu'en  Chaldéen  les  Ades  des 
°."^7^'p'J j^""'  quarante  Martyrs  de  Perle  ,  dont  les  premiers  font  les  Evê- 
141.'  ques  Abdas  &  Ebedjefu ,  il  paroit  cependant  qu'ils  ont  été 

connus  des  Grecs  (17),  puilqu'il  en  eft  fait  mention  dans  la 
vie  de  l'Abbé  Baderne  ,  donnée  par  Lipoman  ious  le  nom 
de  Métaphrafle,  dans  le  Ménologe  des  Grecs  fait  par  l'ordre 
de  Bafile  Porphyrogcnete  ,  dans  les  Menées  &  dans  un  Sy- 
naxaire  Grec  que  l'on  trouve  parmi  les  manufcrits  delà  Bi- 
bliothèque du  Collège  de  Clermont  à  Paris.  On  met  le  Mar- 
tyre de  ces  Saints  au  vingtième  de  Mai  de  l'an  375  ,  la  tren- 
,,„  ,         te-fixieme  année  delà  perfécution  de  Sapor. 
Eiedjefuaccu.      XLII.  Le  premier  dans  ces  Atles ,  cfl:  Ebedjefu  ,  Evêquc 
fé  par  fon  ne-  d'unc  Ville  dcs  Cafcateniens ,  qui  n'eft  pas  nommée.  Il  avok 

veu,pag.  151 

lïi.  ——-«.«-«.^ . 

(3)  lipoma»,  Tom,  7» 


D'ORIENT  F.T  D'OCCTDFNT  ,  Chap.  XXXI.     507 
toutes  les  qualités  rcquiics  pour  l'Epifcopat.  Ayant  pris  chez 
lui  un  de  les  neveux,  il  Téleva  avec  loin,  &  le  rendit  habile 
dans  la  fciencc  des  divines  Ecritures,  le  mit  dans  le  Clergé, 
&  l'ordonna  Diacre  par  l'impolltion  des  mains.  Le  neveu  dé- 
mentit bientôt  la  bonne  opinion  que  Ion  oncle  avoit  de  lui. 
Il  tomba  dans  un  crime  d'impureté  ,   lequel  devint   public. 
Son  oncle  l'interdit  des  fondions  du  Diaconat.  Le  neveu  pour 
fe  venger  alla  trouver  le   Roi,  accuCi  l'Evêque  8c  un  de  fes 
Prêtres ,  nommé  Abdallaham  ,  de  recevoir  chez  eux  les  Ef- 
pions  des  Romains  ,  de  leur  découvrir   tous  les  fecrets  du 
Royaume  de  Pcrfe  ;  d'être  en  commerce  de  Lettres  avec  l'Em- 
pereur ,  qu'ils  informoient  de  tout  ce  qui  fe  pafToit  en  Orient  ; 
de  mépriier  les  édits ,  &  de  tourner  en  dcridon  le  Soleil  &  les 
Divinités  de  la  Perfe.  Le  Roi  ajoutant  foi  à  ces  accufations, 
commanda  à  Artafcir,  Gouverneur  d'Hadiabe  ,  de  fe  faifir 
d'Ebedjefu  &  de  fon  Prêtre  ,  &  de  les  interroger  iur  tous  les 
chefs  d'accufations.  L'interrogatoire  fut  prêté  dans  la  maifon 
que  ce  Gouverneur  avoit  dans  le  Fauxbourg  de  Lapeta.  Les 
Accufés  fe  juftifierent  du  crime  de  trahifon  ;  mais  à  l'égard 
du  culte  du  Soleil  &  de  la  Lune, ils  convinrent  qu'ils  ne  les 
adoroient  pas.  Le  Gouverneur  les  fit  lier  en  trois  endroits  du 
corps ,  &  ferrer  les  cordes  avec  tant  de  violence ,  qu'il  y  eut 
luxation   dans  tous  les   membres  &  dans  les  nerfs.  La  ri- 
gueur du  tourment  ne  les  empêcha  pas  de  crier  à  haute  voix 
qu'ils  n'adoreroient  jamais  le  Soleil ,  &  ne  rendroient  pas  le 
même  honneur  à  la  créature  qu'au  Créateur.  Après  avoir  fouf- 
fert  la  même  torture  jufqu'à  feptfois,  on  les  mit  en  prifon, 
avec  défenfe  de  leur  donner  d'autres  alimens  que  ceux  que 
les  Payens  avoient  fouillés  par  leurs  cérémonies  profanes.  Ils 
les  refuferent,  &  paflerent  Hx  jours  fans  boire  ni  manger.  Prêts 
à  expirer  ,  une  Veuve  dont  la  maifon  étoit  contiguê  à  la  pri- 
fon ,  leur  fit  paiïer  pendant  la  nuit ,  par  la  fenêtre,  une  corbeille 
oià  il  y  avoit  du  pain  &  de  l'eau.  Les  regardant  comme  un 
don  du  Ciel,  ils  burent  &  mangèrent.  La  fainte  Veuve  leur 
procura  ce  foulagement  tout  le  temps  qu'ils  relièrent  en  pri- 
fon. Les  Gardes  ignorant  ce  qui   fe  paflbit,  ne  pouvoient 
concevoir  comment  des  hommes  ,  les  os  brifés,  &  manquant 
de  tout,  vivaient  fans  fe  plaindre.  Ils  en  firent  leur  rapport 
au  Gouverneur ,  ou  au  petit  Roi ,  comme  l'appellent  les  Ac- 
tes ;  celui-ci  en  parla  au  Roi,  «&  lui  perfuada  de  renvoyer  la 
caufe  des  Prifonniers  à  un  autre  temps. 

S  ffij 


508    COLLECTION  DES  ACTES  DES  M  ARTYRS 

ff^.  t57.        XLIL  Ce  Prince  demanda  au  neveu  de  TEvcque  Ebed- 
jefu  ,   s'il  y  avoir  encore  d'autres  Chr.^tiens  dans  la  Province 
desCafcircnicns.  Il  y  a,  répondit  ce  traître,un  Evêque,des  Prê- 
tres, &  pluHeurs  Diacres  ;  je  m'offre  de  vous  les  amener.  Le 
Roi  lui  donna  dix  Cavaliers  &  vingt  hommes  de  pied  pour 
exécuter  les  ordres.  Ils  allèrent  à  Calcore,  prirent  Abdas  qui 
en  ctoit  Evêque,  &  avec  lui  vingt  hommes  &  fcpt  Vierges, 
les  enchaînèrent ,  &  les  amenèrent  à  Ledan  dans  le  pays  des 
Hufites  ,  où  le  Roi  fe  trouvoit  alors.  Le  Préteur  accompa- 
gné de  deux  Mages  leur  reprocha  leur  erreur,  &  leur  témé- 
rité de  Tenfeigner  aux  autres.  Abdas  répondit  :  Nous  ne  nous 
fommcs  jamais  éloignés  du  vrai  chemin ,  &  ceux  qui  pcnfent 
comme  nous,  après  avoir  abjuré  leur  mauvailc    dottrine, 
penfent  fagement.  Le  Préteur  répliqua:  Le  Roi  vous  ordonne 
d'adorer  le  Soleil.  Ni  ton  Roi,  ni  tes  ordres ,  répondit  Ab- 
das ,  ni  ton  pouvoir ,  ni  tes  tourmens ,  ne  pourront  nous  fé- 
parer  de  l'amour  de  notre  Dieu ,  ni  de  notre  foi  en  Jefus- 
Chrift: ,  &  tu  ne  nous  obligeras  pas  àpréférer  linechofe  créée  , 
à  Dieu  qui  a  fait  le  monde. 
foz- 1;^-        XLIV.   Le  Préteur  indigné  de  la  liberté  avec  laquelle 
Abdas  lui  avoit  parlé ,  le  fie  étendre  par  terre  ,  avec  tous  fes 
■   Compagnons,  &  ordonna  aux  bourreaux  de  leur  donnera 
chacun  cent  coups  de  fouet.  Abdas  fut  plus   maltraité  que 
les  autres  ,  parce  qu'il  avoit  parlé  au  nom  de  tous.  Je  luis 
furpris,  leur  dit  le  Préteur,  que  vous  infultiez  Sapor,  Roi  des 
Rois  ,  Dieu  &  Modérateur  de  toute  la  terre.  Sapor  n'eft  pas 
un  Dieu ,  mais  un  homme ,  répondit  Abdas ,  puifqu'il  a  befoin 
de  boire  &  de  manger ,  &  d'habits  pour  fe  couvrir,  comme  en 
ont  befoin  tous  les  hommes.  Le  Préteur  fit  donner  des  fouf- 
fiers  à  l'Evcque  ,  mais  ayant   rapporté  au  Roi   la  réponfe 
d'Abdas  :  En  cela,  dit  ce  Prince,  les  Chrétiens  ont  raifon  : 
je  fuis  un  homme,  &  non  pas  un  Dieu.  Il  renvoya  le  Préteur 
avec  mépris ,  &  commit  à  d'autres  la  caufe  des  Martyrs.  Ces 
nouveaux  Juges  vinrent  avec  grand  appareil  au  lieu  où  ils 
dévoient  les  interroger.  L'interrogatoire  ne  fut  pas  long.  On 
propofa  à  Abdas  &  à  fes  Compagnons  d'adorer  le  Soleil  ;  & 
fur  le  refus  qu'ils  en  firent,  on  les  condamna  à  mourir  par  le 
glaive.  Ce  qui  fut  exécuté.  Deux  frères ,  dont  l'un  fe  nom- 
moic  Barhadbefcibias ,  l'autre  Samuel ,  du  nombre  des  Cap- 
tifs, étant  arrivés  au  lieu  du  Martyre,  environ  une  heure 
après  l'exécution  ,  furent  pénétrés  de  douleur  de^  n'avoir 


D'ORIFNT  ET  D'OCCIDENT,  C  H  Ap.  XXXT.  509 
point  répandu  leur  langavcc  Abdas  &  les  autres  Chrétiens. 
Us  le  jctterent  lur  Ion  cadavre,  rembrafTcrcnr,  le  bailercnt,  & 
prenant  de  ion  iang  &  de  celui  des  autres  Martyrs  ,  ils  en 
frottèrent  leurs  habits.  S'adrellant  cnluiteaux  bourreaux ,  ils  les 
conjuroicnt  de  leur  procurer  la  couronne  du  Martyre.  Les 
Juges  informés  de  ce  qui  le  paiFoir,  délibérèrent  iur  ce  qu'ils 
avoient  à  f  tire  ;  &  voyant  que  les  noms  des  deux  frères  n'étoient 
pas  inlerits  lur  la  lirtc,  ils  conlulrcrentle  Roi ,  qui  ordonna  de 
leur  faire  fubir  le  même  fupplice,  &  au  même  lieu. 

XLV.  Le  Roi  fe  louvint  alors  d'Ebedjefu  ,  Evêque  des  p,,!r.  ^(i, 
Cal'careniens,  &  d'Abdallaham  Prêtre^  dont  le  jugement  avoir 
été  différé.  Il  demanda  s'ils  étoient  prélens.  Les  Appariteurs 
.  ayant  répondu  qu'oui ,  il  dit:  S'ils  perléverent  dans  leur  con- 
tumace ,  qu'on  les  fafTe  mourir.  Ils  étoient  fi  confumés  de 
faim  &  de  maladie  ,  qu'il  fallut  les  porter  au  lieu  du  fupplicc. 
Le  Préteur  leur  propola  de  nouveau  d'adorer  le  Soleil.  Us 
répondirent  qu'ils  ne  croyoient  qu'en  un  leul  Dieu.  Sur  cette 
réponfe  on  les  décapita  ,  au  même  endroit  où  leurs  Compa-- 
gnons  avoient  fouffert  le  martyre. 

XLVI.  11  y  avoir  dans  le  voifinage  des  Romains  emme-     verm  du 
nés  auflTi  en  captivité.  Comme  ils  étoient  Chrétiens  &  pieux  ,  fangdes  Mar- 
ils  prirent   foin  de  la  lépulture  des  Martyrs  ,  enlevèrent  la  ly^^'F^g-i^i. 
pouflierc  teinte  de  leur  Iang,  &  l'emportèrent.  Elle  fervojc 
encore  à  guérir  les  malades  du  temps  de  l'Auteur  des  Ades. 

XLV II.  Les  fept  Vierges  qui  avoient  été  prifes  &  mi-   Martyre  d?s 
fes  en  prifon  à  Ledan  ,  furent  conduites  par  ordre  du  Roi  à  f^pt  Vierges,, 
Lapetha ,  avec  ordre  au  Préteur  de  la  Ville  de  les  juger.  ^^^'  '*"" 
Les  Habitans  à   leur  arrivée  crioient  dans  les  places  publi- 
ques que  ces  filles  étoient  innocentes  ,  &  que  mal-à-propos 
on  les  menoit  au  fupplice.  Le  Préteur  les  interrogea  hors  des 
murs  de  la  Ville  ,  le  Vendredi  d'après  la  mort  des  Martyrs 
dont  nous  venons  de  parler  ,  &  les  ayant  trouvées  confiantes 
dans  leur  foi,  il  les  fit  décapiter.  Les  Chrétiens  de  Lapetha 
enlevèrent  leurs  corps,  &  leur  donnèrent  la  fépulture. 

XLVIII.    Nous  n'avions  avant  la  Colleftion   d'Etienne    .Martyre  de 
Evodius  Affemani  ,  les  Atles  du  martyre  de  faint    Baderne  p^g'  j^"'^' 
qu'en  Grec  8c  en  Latin  ,.  &  l'on  convenoit  que  ce  n'étoit  fV^-  f'^"'-  •>- 
point  en  ces  langues  qu'ils  avoient  été  écrits  originairement.  P"^"  ■*^'^" 
On  içait  à  préfent  que  c'a  été  en  Chaldcen  ,  &  que  l'Auteur 
efl  faint  Maruthas  ,  Evêque  de  Tagrit,  le  même  dont  nous, 
avons  les  autres  A£tes  des  Martyrs  de  Perfe.  Il  eft  parlé  de 
faint  Bademe  dans  le  Synaxaire  de  l'Eglife  de  Con(T'.n^ino. 


5 10    COLLECTION  DES  ACTES  DES  MARTYRS 
pic  ,  dans  les  Menées  des  Grecs  &  dans  le  Ménologe  de  Ba- 
ille Porphyrogenerc.  Nous  ajourerons  à  ce  que  nous  en  avons 
dit ,  qu'ayant  bâti  un   Monaftere  dans  les  Fauxbourgs  de  la 
Ville  de  Bethlapeta,  d'où  il  étoit  originaire  ,  il  s'y  occupoit  à 
foulager  les  bcfoins  de  tous  ceux  qui  fe  préfentoient  à  lui  ; 
qu'il  jcûnoit  iouvent  toute  la  femaine  au  pain  &  à  l'eau, qu'il 
avoit  coutume  de  prier,  les  mains  étendues  au  Ciel,  depuis 
le  coucher  du  Soleil  lulqu'au  lendemain  à  (on  lever.  Les  Adcs 
donnent  aux  fept  Moines  qui  fouffrirent  le  Martyre  avec  lui 
en  3 7  5 ,  la  trentc-fixieme  année  de  la  pcr fccution  de  Sapor ,  le 
nom  de  Frères.  C'eft  ainfi  que  les  Chaldéens  &  les  Syriens 
appclloient  les  Moines  Cénobites  ou  Conventuels. 
Afies  d'i       XLX.  Les  BoUandiftes  ont  donné  au  vingt-deuxième  d'A- 
martvre  de  S.  ^j-jj  j^g  Aftcs  du  martyre  de  faint  Acepdme,  Evêque,  de  Jo- 
àque'î&dèa-s  feph  Prêtre,  &  d'Aitilah  Diacre,  ne  doutant  point  fur  leté- 
Comp'ignons,  moignage  de  Léon  AUatius  qu'ils  ne  fuiïent  de  Metaphrafte. 
pag.  168.       j-j^^  Ruinartqui  s'étoit  propofc  de  ne  mettre  dans  ia  Col- 
ledion  que  des  anciens  A6les  des  Martyrs,  n'y  a  pas  inféré 
ceux  de  faint  Acepfime.  Il  s'ell:  contenté  d'en  donner  un  lé- 
ger précis.  On  ne  peut  douter  qu'il  ne  les  eût  donnés  entiers 
s'il  eût  vu  les  originaux  ,  qui  lui  auroient  fait  connoitre  qu'ils 
ont  été  écrits  en  Chaldéen  par  faint  Marutiias,  fepc  cent  ans 
avant  Metaphrafle.  Quoique  l'Interprète  Grec  les  ait  rendus 
aflez  fidèlement ,  il  y  a   néanmoins  quelques  endroits  où   il 
s'eft  éloigné  de  l'original.  C'efl:  par  ces  A6tes  que  faint  Ma- 
ruthas  finit  l'hiftoire  des  Martyrs  qui  ont  fouffcrt  danslaper- 
fécution  de  Sapor  II.  En  effet,  quoique  pris  dès  la  trente-fep- 
tiéme  année  de  cette  perfécution,  Acepfime  &  fct  Compa- 
gnons ne  reçurent  la  couronne  du  Martyre  que  la  dernière 
année  du  règne  de  ce  Prince,  l'an  380  do  l'Ere  Vulgaire. 
Martyre  de      l^  l,^  raifon  de  ce  délai ,  eftque  depuis  qu'ils  furent  ar- 
me,  pag.  171.  retcs,  on  les  retint  trois  ans  &  demi  en  pnlon  ,  ou  chaque 
J7««  jour  on  leur  faifoir  fouffrir  de  nouveaux  tcurmens.  L'Edit  du 

Roi  de  Pcrfc  rendu  en  cette  trente-feptiéme  année  de  la  per- 
fécution, avoit  enchéri  (ur  les  précédens.  Il  portoit  ordre  aux 
p  .  Préfets  de  les  faire  mourir,  ou  de  mifcre ,  ou  à  coup  de  bâtons , 
^'  '  '"  ou  en  les  accablant  de  pierres.  Quoique  l'Edit  fût  générai 
contre  toi^  les  Chrétiens ,  on  s'attachoit  à  fe  faifir  des  Evo- 
ques &  des  Miniftres  de  IFglife.  AcepHme  fut  pris  un  des 
premiers.  Il  étoit  né  dans  un  Village  nommé  Phaaca ,  &  étoit 
Evêque  d'Honite,  Ville  EpiftopaledansrAfTyriejfousla  Métro- 


D'ORIENT  ET  D'OCCIDENT ,  Chap.  XXXT.     ^  1 1 

polo  de  l'Adicibcnc  ;  âge  déplus  de  quatre-vingt  ans,  il  ne 
laiiîoit  pas  de  jouir  d'une  fanté  parfaite.  Connu  pour  i;n  hom- 
me miiéricordicux  ,  il  ctoit  le  refuge  des  pauvres  &  des  étran- 
gers. Mais  ce  qui  devoir  le  rendre  plus  odieux  qu'un  autre 
au.N  Payens  ,  c'efl  qu'il  en  avoir  converti  pinlieurs  à  la  Foi 
Chrétienne. Il  fut  conduit  à  la  Ville  d'Arhclle,  &prér(ntéà  p^.  ,g,^ 
Adarcurcalciar  Préfet,  qui  lui  demanda  s'il  ctoit  Chrétien. 
Jcle  fuis, répondit-il, à  haute  voix, &  j'adore  le  vrai  Dieu.  Le 
Préfet  répliqua  :  Pourquoi  n'adorezvous  pas  le  Feu,  que  toutes 
les  Provinces  d'Orient  adorent  ?  C'ed  de  leur  part  une  folie, 
répondit  Aceplime,  de  préférer  le  culte  des  choies  créées  au 
culte  du  Créateur.  Le  Préfet  le  fit  lier  par  les  pieds,  coucher 
parterre,  &  fouetter  cruellement.  Enfuite  il  lui  dit:  Où  eft 
donc  ton  Dieu  ?  qu'il  vienne  te  tirer  de  mes  mains.  Il  le  peut , 
répondit  Accpfime  ;  mais  ne  vous  élevez  pas  par  de  vains 
diicours:  reconnoilTez  que  vous  êtes  une  fleur  caduque  ,  qui 
périra  bientôt.  Par  Sentence  du  Préfet ,  Aceplime  fut  chargé 
de  chaînes  &  mis  dans  une  obfcure  pril'on. 

LI.  Vers  !e  même  temps  on  fe  faiiir  d'un  Prêtre  nommé  Pag.  iSî." 
Jofeph  ,  d'un  Village  de  l'Adiabcne  ,  &  d'Aithilah  ,  Diacre. 
Le  premier  étoit  feptuagenaire ,  le  fécond  (cxagenaire.  Pré- 
fenté  au  Préfet,  Jofeph  fit  l'apologie  des  Chrétiens ,  &  réfu- 
ta toutes  les  calomnies  dont  le  Préfet  les  chargeoit.  Le  Ma- 
g^ilrat  le  fit  fouetter  avec  des  baguettes  de  grenadiers  plei- 
nes de  piquans.  Cela  fe  fit  avec  tant  de  cruauté  ,  qu'on  crut 
que  Jofeph  expireroit  entre  les  mains  des  l^ourreaux.  Alors 
élevant  les  yeux  au  Ciel  ,  il  demandai  Dieu  la  force  de  fou- 
tenir  la  rigueur  de  ces  tourmens ,  &  voyant  le  fang  couler 
de  toutes  les  parties  de  ion  corps  ,  il  rendoit  grâces  à  Jefus- 
Chrifl:  de  lui  avoir  procuré  le  baptême  de  lang  ,  pour  effa- 
cer une  ieconde  fois  les  taches  de  fes  crimes.  Ses  paroles  mi- 
rent les  bourreaux  en  fureur  :  ils  le  fouettèrent  une  féconde 
fois,&  encore  avec  p!us  de  cruauté  ,  puis  le  traînèrent  en 
prilon  ,  chargé  de  chaînes. 

LU.  Le  Diacre  Aithilah  mis  enfuite  à  la  quefîion  ,  le 
Préfet  lui  ordonna  d'obéir  à  l'Edit  du  Rci ,  d'adorer  le  So- 
leil Si  de  manger  du  fang  ,  en  lui  promettant  de  le  délivrer, 
s'il  obéifioir.  llrefufa  l'un  &  l'autre,  en  difànt  à  haute  voix 
qu'il  lui  étoit  plus  expédient  de  mourir  pour  vivre  écernelle- 
cnent ,  que  de  vivre ,  pour  être  puni  d'une  mort  éternelle.  Le 
Préfet  par  un  nouveau  genre  de  fupplicc  lui  fit  caiïcr  tous  les 


5 1 2  COLLECTION  DES  ACTES  DES  MARTYRS 
os  &  didoquer  toutes  les  jointures,  en  l'attachant,  les  mains 
lices  fous  les  genoux  ,  à  une  poutre  que  douze  hommes,  fixa 
chaque  bout,  prcflbicnt  fur  Ion  corps.  Hors  d'état  de  fefervir 
de  les  membres,  on  le  porta  en  prilonavec  fes  Compagnons. 
Cinq  joursaprcs  on  leur  fit  fouffrir  un  nouveau fuppiice  ,  avec 
"i'  ï  ^'  f^(,^  cordes  dont  on  leur  lia  le  milieu  du  corps  &  les  principaux 
membres  ,  que  l'on  ferra  l\  fort  avec  des  bâtons ,  qu'on  ent en- 
doit  de  loin  le  bruit  de  leurs  os  qui  fe  brifoient.  Pendant  ces 
tourmens  ces  trois  Martyrs  difoient  à  haute  voix  :  Nous  avons 
confiance  au  feul  vrai  Dieu  :  nous  n'obéirons  point  à  l'Edic 
du  Roi.  On  les  remit  en  prifon  ,  avec  défenleà  qui  que  ce  fût, 
fous  peine  de  cent  coups  de  fouet,  &  d'avoir  le  nez  coupé, 
de  leur  donner  ni  habits ,  ni  lit ,  ni  à  manger.  Ils  ne  furent 
foulages  dans  leurs  befoins  que  par  ceux  qui  étoient  en  pri- 
fon avec  eux ,  auxquels  les  Gardes  permirent  d'aller  deman- 
der de  porte  en  porte. 

P,>s.  190.  LUI.  Ils  avoient  pafTé  trois  ans  en  prifon  lorfqu'on  reçut 
la  nouvelle  que  le  Roi  Sapor  étoitvenu  en  Médie.  Le  Préfet 
prit  cette  occafion  pour  faire  fortir  les  Martyrs  de  prifon.  On 
ne  voyoit  prefque  plus  en  eux  de  vertige  de  la  figure  humai- 
ne. Conduits  au  Palais  du  Roi  devant  Adarfapor,  Prince 
de  tous  les  Préfets  d'Orient  ,  il  leur  demanda  s'ils  étoient 
Chrétiens.  Ils  répondirent  :  Nous  le  fommes ,  &  nous  adorons 
le  ieul  Dieu  Créateur  de  l'Univers.  Penfez  plus  laincment  à 
votre  falut,  leur  dit  Adarfapor  :  obéifi^ez  à  l'Edit  du  Roi 
qui  vous  ordonne  d'adorer  le  Soleil.  C'cfl:  en  vain  ,  répondit 
Aceplime ,  que  vous  voulez  nous  pcrfuader  votre  erreur. 
Pourquoi  différez-vous  notre  fuppiice?  Le  Prince  des  Préfets 
le  fit  battre  tellement  à  coups  de  nerfs  de  bœuf  iur  le  dos  &  fur 
la  poitrine,  qu'il  expira  au  milieu  des  tourmens ,  le  dixième 
de  la  Lune  d'Octobre  de  l'an  380,  fuivant  la  fupputation  des 
Syriens,  qui  commencent  l'année  au  premier  de  ce  mois.  Son 
corps  fut  jette  hors  de  la  Ville ,  d'où  trois  jours  après  la  fille 
du  Roi  d'Arménie,  alors  en  otage  dans  une  fortcrcffe  delà 
Médie  ,  le  fit  enlever. 

Ta^.is].  LIV.  Adorfapor  interrogea  enfuite  le  Prêtre  Jofeph  , 
&  lui  ordonna  d'adorer  le  Soleil ,  fuivant  l'Edit  du  Roi  :  Je 
n'adore,  répondit  Jofeph,  ni  le  Soleil,  parce  qu'i!  n'eft  pas 
Dieu ,  &  n'obéis  point  aux  Edits  du  Roi ,  parce  qu'ils  lont  in- 
jures. On  le  fouetta  Ci  cruellement  avec  des  lanières ,  que  la 
•peau  de  ion  corps ,  coupée  de  tous  les  côtés  ,  ne  préientoit 

qu'une 


D'ORIENT  ET  D'OCCIDENT ,  Chap.  XXXr.  513 
C[u'iinc  feule  plaie.  Les  bourreaux  le  croyant  more ,  le  jettercnc 
hors  de  la  Ville.  On  s'appcrçuc  queLjuc  temps  après  qu'il  rcf- 
piroit  encore  ,  &  on  le  remit  en  prilon. 

LV.  On  vint  au  Diacre  Aithilah  :  mais  le  Prince  des    ra^-a^i. 
Préfets  ne  pouvant  vaincre  fa  confiance  par  les  plus  cruels 
luppliccs,  le  fit  mettre  en   prifon  avec  le  Prêtre  Joicph  ,  &: 
donna  ordre  au  Préfet  d'Hadiabe  ,  au  cas  qu'ils  lurvivroient  à 
leurs  tourments,  de  les  faire  reporter  ci  Arbelle,  d'où  on  les 
avoir  tirés  avec  AccpCime  ,  pour  les  emmener  en  Médie.  11  y 
avoit  à  Arbelle  une  Dame  Chrétienne  de  grande  vcrru ,  nom- 
mée Jazdundoda  ,  dont  il  a  cré  parlé  plus  haut.  Informée  de 
l'arrivée  des  deux  Martyrs,  elle  gagna  par  prières  &  par  ar- 
gent le  Préfet  de  la  prilon,  &  obtint  de  lui  de  les  avoir  feu- 
lement pendant  une  heure  dans  fa  maifon.  On  prit  le  temps 
de  la  nuit  pour  les  y  tranfportcr.  Elle  panfa  leurs  plaies ,  & 
baifcint  leurs  mains  Se  leurs  bras  difloqués ,  elle  ne  pouvoir  re- 
tenir les  Lirmes ,  voyant  qu'ils  ctoient  près  d'expirer.  Jofeph 
la  voyant  pleurer ,  lui  dit  :  Ce  n'eft  point  aéle  de  vertu  de  vo- 
tre part,  fi  vous  pleurez  notre  mort.  Je  ne  la  pleure  pas ,  ré- 
pondit-elle; au  contraire  ,  je  vous  congratulerois  fi  ayant  été 
condamnés  à  mort ,  vous  l'euffiez  foufiferte  enfemble  :  mais 
ce  qui  m'afflige ,  c'eft  de  vous  voir  dans  le  pitoyable  état  où 
vous  êtes.  Le  lendemain  dès  le  matin  on  les  reporta  en  pri- 
fon ,  où  ils  demeurèrent  jufqu'au  mois  d'Avril  ,  c'eft-à-dirc 
fixmois. 

LVI.  Il  arriva  qu'Adar-Sapor  fut  defiitué  de  fa  charge.  Fag.i^fi 
Mais  celui  qui  lui  fuccéda  étoit  encore  plus  cruel  :  fe  trou- 
vant à  Arbelle,  il  entra  dans  le  Temple  pour  adorer  le  So- 
leil. Les  Gardes  en  prirent  occafion  d'accufer  les  deux  Mar- 
tyrs d'être  empoiionneurs  ,&  de  la  fetle  qu'on  appelle  Chré- 
tienne. Zarulciate,  c'étoit  fon  nom ,  fe  les  fit  amener  ,  les 
chargea  de  reproches,  &  les  tourmenta  cruellement,  mais  il  ne 
put  les  vaincre.  Ilyavoic  alors  dans  la  même  prifon  un  Ma- 
nichéen; le  Préfet  le  mit  à  la  qucftion  ,  &:  aufilcôt  le  Mani-  ''^' 
chéen  abjura  la  Religion.  Le  Préfet  prefTa  le  Diacre  Aithilah 
d'en  faire  de  même.  Mais  fe  moquant  du  Manichéen  &  de 
fon  Dieu  qui  abandonnoit  ainfi  les  fiens  ,  il  dit  :  Que  je  fuis 
heureux,  puilque  j'ai  vaincu  ,  &  que  le  Chrift  faine  Fils  de 
Marie ,  qui  a  toujours  été  &  qui  fera  éternellement ,  a  vaincu 
en  moi  !  Aces  paroles  on  recommença  à  le  tourmenter ,  puis 
on  le  renvoya  en  prifon  avec  le  Prêtre  Jofeph. 

Tome  XXlll,  T  t  c 


514  COLLECTION  DES  ACTES  DES  MARTYRS 
fog-  i04.  LVII.  On  les  en  tira  cinq  jours  après  pour  comparoîtrc  de- 
vant Thamlapor  &  devant  le  Préfet.  On  prcffa  les  Martyrs 
de  manger  du  lang  &  de  la  viande  d'animaux  fuiroqués  ; 
mais  iK  le  refulerent  :  après  divers  tourmens  on  les  condamna 
à  être  lapidés  par  les  Chrétiens  mêmes.  11  y  en  eut  un  grand 
nombre  que  Ton  conduilit  à  cet  effet  au  lieu  du  lupplice  ,  fans 
diflin£tion  de  conditions ,  nobles ,  &  de  la  lie  du  Peuple.  Jaz- 
dundoda  cette  Dame  vertueufe  dont  on  vient  de  parler ,  fut 
contrainte  ,  comme  les  autres,  de  fe  joindre  à  ceux  qui  dé- 
voient lapider  les  Martyrs.  Elle  s'en  défendit,  difant  qu'on 
n'avoit  jamais  obligé  les  femmes  de  mettre  à  mort  les  hom- 
mes ,  ni  de  faire  l'office  deS  bourreaux.  Si  vous  vous  faites 
un  point  de  Religion ,  lui  dit-on  ,  de  jetter  des  pierres  fur  cet 
homme ,  on  fe  contentera  que  vou>  le  piquiez  de  votre  aiguil- 
le, afin  que  vous  paroiflîez  avoir  obéi  aux  ordres  du  Roi.  Il 
feroit,  répondit-elle ,  plus  avantageux  pour  moi  de  m'en  per- 
cer moi-même,  que  le  fdint  Athlète  de  Jcfus-Chrifl.  Au  refle, 
fi  vous  voulez  m'ôter  la  vie  ,  vous  en  avez  le  pouvoir  :  je  fuis 
prête  à  mourir  avec  lui.  Quoiqu'on  l'eût  couvert  de  pierres,  il 
relpiroit  encore.  Un  des  affiflans  ému  de  compafTîon  dit  à  un 
des  Gardes  de  lui  jetter  une  greffe  pierre  fur  la  tête  ;  &  aulîî- 

Pag.zo;.  tôt  le  bienheureux  Martyr  rendit  l'ame.  G'éroit  le  Vendredi 
de  la  première  femaine  de  la  Pentecôte  ,  ou  de  l'Otlave  de 
Pâque,qui  en  380  tomboitau  douzième  d'Avril.  Les  Orien- 
taux, comme  on  l'a  déjà  remarqué,  appelloicnt  Pentecôte, 
les  cinquante  jours  depuis  Pâque,  julqu'à  la  Pentecôte.  Le 
Diacre  Aithilah  ne  fut  pas  lapidé  au  même  lieu  ,  mais  à 
Beth-Ouhadram,  Ville  confidérable ,  où  on  le  transporta.  Il 
y  reçut  la  couronne  du  Martyre,  le  Mercredi  de  la  dernière 
icmaine  de  la  Pentecôte ,  le  2.7  de  Mai  de  la  même  année 
380. 

^"3-  io7.  LVIIT.  Ce  quefaintMaruthas  a  dit  de  ces  Martyrs  ,&  des 
autres  qui  fouffrirent  dans  la  perfécution  de  Sapor ,  il  Tavoit 
tiré  des  difcours  que  les  Pères  avoient  faits  en  leur  honneur  , 
&  d'une  hiftoire  pa  ticuliere  de  leur  Martyre  ,  écrite  d'un 
flyle  lim^le,  quoiqu'un  peu  confus.  Mais  il  a. oit  connu  aufli 
quelques  uns  cie>  Martyrs  dent  il  a  rapporté  les  Adcs  judi- 
ciaires. Il  remarque  que  ceux  qui  étoient  jugés  au  Palais  du 
Roi ,  avoient  ordinairement  la  tête  tranchée  ;  mais  que  les 
Préfets  des  Provinces  tourmentoicnt  comme  ils  jugeoicnt  à— 
propos  les  Chrétiens  qu'on  leur  déféroit. 


D'ORIENT  ET  D'OCCIDENT, Chap.  XXXT.      51c 

LIX.  Oucrcla  pcrlccucion  de  qunrancc  ans  donc  nous  ve-     ^^'^^  ''<? 
nons  de  parler,  il  paroù  qu'il  yen  eue  deux  autres  lou>  le  re-  ^^ç^  '^"Mam"^ 
gne  de  Sapor  II ,  Içavoir  en  la  dix -huitième  8c  trcnticmc  an-  qui  ont  fou'- 
née  de  Ion  règne ,  &  de  ion  âge.  La  preuve  s'en  trouve  dans  p,!|,-/^^  p '* 
deux  Ades  des  Martyrs  d'Orient,  recueillis  avec  ceux  des  m.  ' 
Martyrs  de  la  perlécution  de  Varannes  V,  fils  d'Isdegcrde, 
dansunManulcrit  deNitrie  en  Langue  Chaldéenne.  Etienne 
Evodius  AlTemani  lésa  rapportés  à  la  fin  du  premier  Tome 
de  f  I  Colledion ,  par  manière  de  Supplément. 

LX.  Les  premiers  font  les  Aètes  des  faint  Jonas  ,  Bri- j^,^^"^'^'^^^^!- 
chiefus ,  &  de  neuf  autres,  lis  furent  écrits  en  Chaldéen  par  Compagnon^l 
l'Ecuyer  même  du  Roi  Sapor  II.  Métaphrafte  les  a  traduits  '^'''^ 
en  Grec,  ma:s  avec  beaucoup  de  liberté.  François  Zinus  les 
a  mis  en  Latin  fur  un  Manufcrit  de  la  Bibliothèque  de  Ve- 
nife;  &  c'efl:  fur  fa  tradudion  qu'ils  ont  été  placés  dans  le 
Recueil  des  Vies  des  Saints  par  Lipoman,  Surius  &  Bollan- 
dus.  Dom  Ruinart  ne  les  a  point  rapportés.  Il  penfe  ,  &  M. 
de  Tillemont  avec  lui ,  qu'au  lieu  de  l'an  1*8  de  Sapor ,  il  faut 
lire  38,  &  mettre  le  martyre  de  faint  Jonas  &  de  fes  Compa- 
gnons au  plutôt  en  34*5.  Mais  les  A£les  originaux  portent, 
non  en  notes  numérales ,  ni  en  Lettres  Alphabétiques  qui  t e- 
noient  lieu  de  chiffres  &  pouvoient  aifément  être  altérées  , 
mais  tout  au  long  ,  la  dix-huitiéme  année  de  Sapor.  C'efl: 
donc  à  cette  année  que  l'on  doit  fixer  leur  martyre ,  c'efl -à- 
direà  l'an  327  de  Jefus-Chrifl. 

LXI.  Le  Roi  Sapor  ayant  conçu  le  deiïein  d'obliger  les  Pag.u-^, 
Chrétiens  à  quitter  le  culte  du  vrai  Dieu  pour  adorer  le  Feu  , 
le  Soleil ,  l'Eau ,  renveria  les  Eglifes ,  les  Autels  ,  les  Monaf- 
teres  ;  &  fit  fouffrir  aux  Chrétiens  de  cruels  tourmens.  Deux 
frères  nommés  Jonas  &  Brichicfus ,  c'eft-à-dire  bénit  de  Je- 
fus  ,  établis  1  un  &  l'autre  dans  la  Ville  de  Beth-Afa  ,  ayant 
oui  dire  qu'en  plulieurs  lieux  ,  nommément  à  Hubaham ,  on 
tenoit  des  Chrétiens  en  prifon ,  où  l'on  employoit  les  plus 
cruels  fupplicespour  leur  faire  abjurer  la  foi  ,  y  allèrent,  les 
vifiterent  dans  la  prifon ,  &  les  exhortèrent  fi  eflftcacemenc 
au  martyre  ,  que  la  plupart  le  fouffrirent  ,  neuf  entr'autres 
dont  voici  les  noms  :  Zebin  ,  Lazare,  Maruthas,  Narsès, 
Elie,  Maharis,  Habibus ,  Sabas  &  Scembaitas. 

LXII  On  fçut  bientôt  les  mouvemens  que  les  deux  Frères     Pig.  ué, 
s'étoient  donnés  pour  confirmer  ces  Martyrs  dans  la  rcfolution 
où  ils  étoient  de  répandre  leur  fang  pour  la  Foi.  Traduits  de- 

Ttt  ij 


5  y6    COLLECTION  DES  ACTES  DES  MARTYPvS 

vant  le  Préfet ,  ils  rcfufercnt  d'adorer  le  Soleil,  la  Lune,  le  feu 

6  l'eau ,  &  répondirent  qu'ils  n'avoienr  point  d'autres  Dieux 
à  adorer  ,  que  celui  qui  a  fait  le  Ciel  &  la  Terre.  On  les  fit 
fouetter  avec  des  baguettes  de  grenades ,  armées  de  leurs  pi- 
quans ,  puis  on  les  mit  en  prilon ,  chacun  féparémcnt  ,  afin 
qu'ils  nelçulfens  pas  ce  qui  fe  paffoit  vis-à-vis  l'un  de  l'autre. 

?ag.  iij.  ^^^  Juges  commencèrent  par  queftionner  Jonas.  Il  ne  vou- 
lut offrir  de  l'encens  ni  au  Soleil ,  ni  à  la  Lune  ,  ni  au  feu ,  & 
fut  ferme  dans  la  confeffion  du  Nom  de  Jefus-Chrifl.  On  le 
fouetta  une  féconde  fois  avec  de  ftmblables  baguettes,  jufqu'à 
ce  que  l'on  vît  fes  côtes  à  nud  ;  &  en  cet  état  on  le  jecta  dans 
un  étang  glacé.  Brichiefus  ayant  enfuite  comparu  devant  les 
Juges ,  les  Princes  des  Mages  lui  firent  entendre  que  Jonas 
avoit  embralTé  la  Religion  des  Perfes.  Il  n'en  crut  rien,   & 

litg.  np.  prouva  que  ce  n'eft  point  au  feu  ,  mais  au  Dieu  qui  l'a  créé  , 
que  Ton  doit  l'adoration.  On  lui  mit  des  lamraes  d'airain 
toutes  brûlantes  fous  les  ailTelles  ;  on  lui  coula  du  plomb  fon- 
du dans  les  narines  &  dans  les  yeux ,  puis  on  le  reconduifit  en 
prifon  ,  où  on  le  fufpendit  par  un  pied. 

lag.  211.       LXIII.  Jonas  fut  tiré  de  l'étang  glacé  où  il  avoit  palTc  toute 
la  nuit,  &  préfenté  aux  Mages.  Ceux-ci  le  prenant  fur  un 
ton  railleur ,  lui  demandèrent  comme  il  fe  portoii  î  Je  vous 
jure  par  Dieu  ,  répondit-il ,  que  depuis  le  jour  de  ma  naiffan- 
ce  je  n'ai  point  paffé  de  momens  plus  agréables.  Le  fouvenir 
de  Jeus-Chrift  fouffrant  m'a  recréé  d'une  manière  admirable. 
Les  Mages  voulurent  lui  perfuader  que  fon  Compagnon  avoit 
renoncé.  Je  le  Içavois  déjà,  répliqua  Jonas,  maisc'ell  au  Dia- 
ble &  à  fes  Anges  qu'il  a  renoncé.  Les  Juges  le  voyant  intré- 
pide, ordonnèrent  de-lui  couper  les  doigts  des  mains  &  des 
pieds  ;  puis  ils  le  firent  jetter  dans  une  chaudière  de  poix  bouil- 
lante ,  après  lui  avoir  arraché  la  peau  de  la  tête ,  &  coupé  la 
langue  :  enfin  ils  commandèrent  de  le  fcier  en  deux ,  &  c'eft 
ainii  qu'il  confomma  fon  martyre.  Brichiefus  après  avoir  été 
tourmenté  par  des  roleaux  aigus  fur  lefquels  on  rouloit  foa 
corps  ,  fut  étouffé  par  de  la  poix  bouillante  &:  du  f  ufre  ar- 
dent qu'on  lui.  jetta  dans  la  bouche.  Ces  deux  Martyrs  fu- 
rent couronnés  le  vingt-neuvième  de  la  Lune  de  Décembre^ 
c'eft-à-dire  le  vingt-quatrième  du  même  mois^l'an  327.  L'E— 
cuyer  de  Sapor  ,.  nommé  Haïe  ,  qui  avoit  été  prèfent  aux.  in- 
rogatoires ,  fe  chargea  de  les  tranfmettre  à  la  Poftérité  ,  avec 
les  circonflanees  de  leur  martyre ,  qu'il,  avoit  aufTi  vues  Iiil-^ 


D'ORTKNT  ET  D'OCCIDENT,  Chap.  XXXT.  .^17 
mômo.  Un  nomme  Abculciatas ,  ami  des  deux  S.iints  ^  achcra 
leurs  corps  cinq  cent  drachmes  &:  trois  habits  de  loic  ,  de  ceux 
qui  en  avoient  la  garde ,  leur  promctrant  lous  la  foi  du  ler- 
menrque  perlonne  n'en  leroic  informé. 

LXl  V.  La  trentième  année  du  règne  de  Sapor  11 ,  qui  rc-  Aar$  cîe» 
vient  à  la  5  ^(j  de  l'Ere  Vulgaire  ,  ce  Prince,  aux  inftances  réi-  M^t/is  Snpor 
térces  des  Mages,  fe  déclara  encore  hautement  contre  lesNa-  !,n^,'^'ff,'^"'^^^' 
zarecns  ;  ceit  lous  ce  nom  que  les  Chrétiens  etoient  connus  pig.  no.  ^ 
en  Perfc  8<.  dans  les  autres  Provinces  d'Orient ,  &:  qu'ils  le 
font  encore  aujourd'hui.  Il  diiféra  même  un  voyage  qu'il  avoit 
projette  à  Afpharefe,  afin  de  prendre  les  mcfures  defc  faifir 
d'eux.  Les  Gardes  &  les  Couriers  du  Roi  prirent  d'abord 
^'ïahanès ,  Abraham  &Simeon-,  cnfuite  Sapor,  Evêque  de 
Beth-Ni6tor,  &  Ifaac,  Evêque  de  Carcha  Beth-Seleucie.Pic- 
fentés  tous  au  Roi ,  il  leur  dit  :  N'avez-vous  pas  oui  dire  que 
je  fuis  né  du  fang  des  Dieux  ,  &  que  toutefois  je  rends  les 
honneurs  divins  au  Soleil  &  au  feu  ?  Vous  autres  qui  cces-vous 
pour  rcfifter  à  mes  loix ,  &  méprifer  le  Soleil  &:  le  feu  ?  Ils  ré- 
pondirent d'une  voix  unanime  :  Nous  reconnoiflbns  un  Dieu, 
&  nous  l'adorons  feul.  Et  quel  efl  ,  répliqua  le  Roi ,  le  Dieu 
meilleur  qu'Hormifdate,  &  plus  fort  qu'Hormanne  lorfqu'il 
efl  fâché  ?  Les  Perfes  appelloient  Hormifdate  créateur  du  bien, 
&  Hormanne  auteur  des  maux;  en  quoi  l'on  voit  qu'ils  étoienr 
infedés  de  la  principale  erreur  des  Manichéens  qui  admet-^ 
toient  deux  principes ,  l'un  du  bien  ,  l'autre  du  mal.  Les  Con- 
feffeurs  répondirent  ;  Nous  ne  connoifTons  d'autre  Dieu  que  ce- 
lui qui  a  fait  le  Ciel  &  la  Terre ,  le  Soleil  &  la  Lune  &  tout 
ce  que  nous  voyons  des  yeux  ,  ou  que  nous  concevons  par 
l'efprit.  C'eft  de  ce  Dieu  qu'cfl  engendré  Jefus  qu'on  appelle 
Nazaréen.  Par  ordre  du  Roi  on  donna  des  foufflets  à  l'Evê- 
que  Sapor ,  avec  tant  de  violence  que  toutes  fes  dents  tom- 
bèrent. Ce  Jefus ,  ajouta  TEvcque ,  s'adreflant  au  Roi ,  m'a 
confié  des  chofes  fecrettes  que  vous  ne  pourriez  compren- 
dre. Pourquoi ,  demanda  ce  Prince  ?  C'eft,  répliqua  le  Prélat ,, 
que  vous  êtes  un  impie.  Le  Roi  en  colère  le  fit  frapper  à  coups. 
de  bâtons ,  jufqu'à  ce  que  le  voyant  à  demi-mort ,  il  l'envoya; 
en  prifon  chargé  de  chaînes. 

LXV.  On  traduifit  enfuite  devant  lui  l'Evêque  Ifaac.  Le     p^,^,  2-^. 
Roi  lui  fit  ôter  fon.  manteau  ,,«&  lui  dit  :  Es-tu  auiïi  infecté  cîe 
l'erreur  de  Sapor ,  afin  que  je  mêle  ton  fang  avec  le  lien  ?  Ce 
que  vous  appeliez  erreur,  répondit  Ifaac ,  eiî  la  vraie  fagclfe^ 


5iS   COLLECTTON  DES  ACTES  DES  MARTYRS 

Mais  comment,  ajoura  le  Roi  ,  as-tu  commencé  de  bâtir  des 
Eglifcs?  Ifaac  répondit  :  En  ai-jc  jamais  eu  le  loifir  ?  Le  Roi 
commanda  aux  premiers  de  la  Ville  qu'il  favoit  être  Chré- 
tiens ,  de  lapider  Ifaac.  Saifis  de  crainte  ils  fe  profternerent 
devant  le  Roi ,  &  obéirent  à  fes  ordres.  L'Evcque  Sapor  in- 
formé du  martyre  d'Ifaac,  en  rendit  grâces  à  Dieu  ,  &  deux 
jours  après  il  mourut  en  prifon  de  la  douleur  de  les  plaies. 
Le  Roi  pour  fe  certifier  de  fa  mort ,  ordonna  qu'on  lui  tran- 
chât la  tête,  &  qu'on  la  lui  apportât, 
i'^j.  iz^.        LXVL  Manahcs,  Abraham  &  Simeon  furent  enfuite  mis  à 
la  queftion  ,  &  ayant  répondu  qu'ils   n'adoroient  que  Jefus- 
Chrifl: ,  le  Roi  décerna  contre  eux  des  fupplices  diflférens.  Oa 
arracha  à  Manahès  la  peau  depuis  le  haut  de  la  têre  jufqu'au 
nombril,  &  il  mourut  dans  ce  fuppiice^  On  perça  les  yeux  à 
Abraham   avec  des  doux  ardens.  11  en  mourut  deux  jours 
après  ;  Simeon  enfoncé  dans  une  foffe   jufqu'à   la  poitrine  , 
fut  percé  de  fiéches.  Les  Chrétiens  enlevèrent  lécrcttcmenc 
les  corps  des  Martyrs,  &  les  enterrèrent.  Les  Ailes  ne  parlent 
ni  du  jour  ni  du  mois  de  leur  martyre.  Il  efl  dit  dans  le  titre 
que  leurs  reliques  font  à  Edeffe  dans  la  nouvelle  Eglifc  ,  que 
les  Mahométansont  changée  depuis  en  Mofquée;  maisiln''cn 
efl:  rien  dit  dans  les  Partes  de  l'Eglife  d'EdefTe  ;  &  l'on  fçait 
que  cette  nouvelle  Eglife  fut  bâtie  ju  commencement  du  qua- 
trième nécle  ,  en  l'honneur  des  faints  Martyrs  Gurie,  Samon 
&  Habibus. 
Pe'fe^dans  k      LXVII.  Les'Ecrivains  Syriens  ou  Chaldéensnous  ontlaifle 
jerfécution     dcux  Colle£lions  dcs  Ades  des  Martyrs  ;  l'une,  de  ceux  qui 
d'ifdegerde  ,  ont  fouffcrt  dans  les  diverfes  perfécutions  de  Sapor  II  ;  l'au- 
*3g-*5°>       fj.^,^  jg5  Martyrs  qui  ont  répandu  leur  fang  dans  la  perfécution 
d'Ifdegcrdel,  &  celle  de  Varannes  V  fonfils.  LesAdes  delà 
première  Collection  ont  pour  Auteur  S.  Maruthas,  Evêquede 
Tagrit  ,  qui  vivoit  dans  le  temps  même  de  ces  perfécutions. 
Ceux  de  la  féconde  paroiffent  être  d'une  autre  main ,  que  l'on 
ne  connoîr  pas,  mais  digne  de  foi,  comme  on  peut  en  juger 
par  la  fimplicité  de  fon  ftyle  ,  &  parce  que  l'Aureur  étoit  con- 
temporain. Théodoret  («)  attribue  laperlécuticn  d'Ifdcgcrde 
au  zèle  indifcret  de  l'Hivêque  Abdas,  qui  détruifit  le  Temple 
coniacré  au  Feu, que  les  Ptrfes  adoroient  comme  un  Dieu.  Se* 
crate  {b)  dit  que  Ifdegcrde  &  Varannes  l'excitèrent  par  le 

(  a  )  Thiodorett  lib.  J .  Hiji.  cap.  jp.     {b)  SecrJil.  lit.  7.  cap.  1 8. 


D'ORTENT  ET  D'OCCIDENT,  CHAP.XXXr.     519 

conloil  des  Mages.  ïhcodorei  le  dit  encore  ;  Se  en  cela  il  n'eft  "" 

p.is  (.ontraire  à  lui-même,  puifauclcs  Mages  pouvoicnt  avoir 
pris  occalion  du  renvcrlemcnc  du  Temple  par  l'Evêque  Ab- 
das  ,   d'engat2;cr  le  Roi  à  pcriécutcr  les  (Chrétiens. 

LXVIII.  Onneeompre  la  pcrlécution  d'lldcgi.rdc&  deVa-     ji^^^^.^    ^^ 
ranncs  que  pour  une  ieule.  Le  père  la  commença  ,  le  fils  la  cette  pciféau- 
continua.  Théophanes  mot  fon  commencement  à  l'an  418  ,  &  •'°"- 
cette  époque  revient  à  ce  que  Théodorot  die  de  cette  pcrfc- 
cution.  Les  Ades  qu'Etienne  Evodius  Aflcmani  nous  a  don- 
nes appartiennent  au  règne  de  Varanncs,  qui  félon  les  A£tes 
du  Martyr  M-iharlapor  commença  en  420. 

LXIX.  Quoique  d'une  condition  très-illuftrcyil  n'eut  rien     a^çj   j^ 
plus  à  cœur  que  de  conformer  fa  foi  &  fcs  mœurs  aux  règles  martyre  de 
de  la  vérité.  Déféré  au  Roi  Varannes  comme  ennemi  de  la  ^^^'"'^^''f°^' 
Religion  de  l'Etat ,  ce  Prince  le  fit  jettcr  dans  un  cachot  af- 
freux, ne  doutant  pas  que  la  puanteur  du  licu,&  les  autres  mau- 
vais traitemens  qu'on  lui  feroit,  ne  le  fiffcnt  changer  de  fenti- 
m-'ns.   L'Edit  de  la  perfécution  ayant  cnfuite  été  promulgué 
dans  les  Provinces  d'Orient ,  Maharfapor  fut  pris  le  premier. 
Hormifdavarus  lui  fit  foufirir  divers  toui  mens  auxquels  il  fur- 
vêquit.  Narsès  &  Sabucata   périrent  par  les  premiers  fuppli- 
ces  que  Hormifdavarus  leur  fit  endurer.  Ils  avoicnt  été  pris 
eniemble  comme  Chrétiens  par  les  Gardes.  Ce  Magiflrat  en- 
treprit Maharfapor  une  féconde  fois  ,  &  le  tourmenta  trois 
jours  de  iuite.  Le  Tyran  fut  vaincu,  &  le  Martyr  pcrfévera 
dans  fa  fermeté  à  foucenir  la  foi  de  Jefus-Chrift.  On  le  jetta 
dans  une  foflTe  ténébrcufe  dont  on  fit  murer  &  fceller  la  porte, 
Se  Ton  y  mie  des- Gardes  pour  empêcher  que  l'on  apportât  de 
la  nourriture  au  Martyr.  Il  y  demeura  depuis  le  mois  d'Aoïic 
julqu'au  dixième  d'Odobre ,  qu'il  mourut  de  faim  &  de  foif ,  ; 
l'an  411. 

LXX.Le   Martyr  dont  nous  allons  parler  avoit  d'abord     Martyre  d*' 
profefi'é  la  Religion  Chrt. tienne  ,  mais  voulant  fe  ménager  ^^^"'-'^''^'î""» 
l'amitié  d'Ildegerdc  Roi  de  Perfe  ,  qui  le  corabloit  d'honneur  ^^^■*^** 
&  de  bienfaits,  tant  à  caufe  de  la  nobleffe  de  fa  naiflance  , 
que  parce  qu'il  l'aimoit,  abandonna  la  foi  dans  laquelle  fon 
p-ere  l'avoit  élevé.  Sa  mcre  &  la  femme  qui  étoicnr  Chrétien- 
nes lui  firent  de  violcns  reproches  de  fon  apofiafie.  Il  fut  vi- 
vement touché  des  Letties  qu'elles  lui  écrivirent  à  ce  fujet,  & 
faifant  réflexion  fur  ce  qu'elles  le  menaçoient  de  l'abandon- 
ner pour,  toujours ,  il  diibit  «n  lui-même  :  Si  ma  mère  &  ma 


5^^    COLLECTION  DES  ACTES  DES  MARTYRS 

femme  qui  m'a  jure  fidélité,  me  menacent  de  me  quitter  en 
ce  monde  ,  comment  me  traitera  Dieu  que  j'ai  abandonné 
hontcufement  après  lui  avoir  engagé  ma  foi  ?  Comment pour- 
rai-je  foutcnir  au  dernier  Jugement  la  prcfcnce  de  ce  ven- 
geur des  crimes  ?  Dans  cette  agitation  il  fe  retira  dans  fa 
tente ,  &  fe  mit  à  lire  les  Livres  faints.  Son  efprit  reprit  fcs 
forces,  fon  amc  fut  éclairée  d'une  lumière  divine ,  &  il  fe  trouva 
c'nangé  en  un  autre  homme.  Des  Payens  qui  l'avoient  vu  ,  le 
Livre  de  l'Ecriture  en  main,  &  entendu  fes  difcours  ,  en  fi- 
rent rapport  aux  Courtifans,  qui  en  avertirent  le  Roi.  Il  le  le  fie 
amener  ,  &  lui  demanda  s'il  étoit  Nazaréen  ?  Jacques  répon- 
dit :  Je  le  fuis.  Ne  penicz  pas ,  ajouta  le  Fvoi ,  que  votre  crime 
ne  doive  être  puni  qu'en  vous  tranchant  la  tête  :  ce  fupplice 
cfl:  trop  léger,  (i  vous  refulezdc  changer  de  fentiment  &  de 
refpe£lcr  les  Edits  des  Rois.  Apres  quelques  autres  difcours 
le  Roi  ne  doutant  plus  qu'il  n'eût  abandonné  la  Religion  des 
Perfcs  ,  ordonna,  de  l'avis  de  fon  confeil,  que  Jacques  feroit 
attaché  par  les  mains  &  les  pieds  à  un  chevalet ,  &  qu'en  cet 
écat  on  lui  couperoit  d'abord  les  doigts  des  mains  ,  enfuite  les 
mains  même  ;  puis  les  pieds ,  les  bras ,  les  genoux  ,  les  cuif- 
fes,  enfin  la  tête.  Conduit  au  lieu  du  fupplice,  il  pria  en  che- 
min les  Gardes  de  s'arrêter  un  moment.  Il  fe  mit  à  genoux  , 
pria  Dieu  de  lui  être  propice,  &  de  lui  donner  la  force  de 
loutenir  le  comabat.  Sa  prière  finie  ,  les  Gardes  lui  dirent  de 
prendre  fon  parti  avant  de  le  mettre  entre  les  mains  des  bour- 
reaux. Cependant  les  Chrétiens  étoienr  en  larmes  ,  &  les 
Payens  mêmes  en  verfoient.  Quelques-uns  de  ceux-ci  lui  di- 
foient  de  diiïlmulcr  pour  un  moment  fa  Religion ,  &  d'obéir 
au  Roi.  Mais  prenant  la  parole  ,  il  harangua  le  Peuple  iur  les 
récompenfes  éternelles  promifes  à  ceux  qui  foufifrent  pour 
Dieu.  Auiïitôt  qu'on  lui  eut  coupé  le  pouce  de  la  main  droi- 
te, il  dit  à  Dieu  :  Recevez  avec  bonté  cette  branche  de  l'arbre  ; 
&  pendant  le  refte  de  l'exécution  il  récitoit  quelques  verlcts 
des  Pfeaumes.  Par  l'amputation  portée  dans  la  Sentence ,  fon 
corps  fe  trouva  coupé  en  deux,  &  en  cen  état  il  louoit  encore 
Dieu  ,  &  il  ne  cefla  que  lorfqu'on  lui  eut  tranché  la  tête.  S. 
p,,^.  JJ7,  Jacques  reçut  la  couronne  du  Martyre  le  27  de  Novembre 
de  l'an  41 1 .  Ce  jour  même ,  les  Chrétiens  ayant  gagné  par 
argent  quelques-uns  des  Gardes  ,  recueillirent  les  membres 
ciipcrfés  du  Martyr  ,  &  les  mirent  avec  le  tronc  de  fon  corps 
dans  une  caille.  Ils  mirent  aulli  fon  fang  dans  un  vafe ,  après 

l'avoir 


^  D'ORIENT  ET  D'OCCIDENT.  Chap.  XXXI.  521 
l'avoir  recueillis  avec  des  linges.  Cela  fait,  ils  chantèrent  le 
Pleaume  cinquantième,  Miferere  met  ^  D«/y.  Pendant  qu'ils  le 
chancoient ,  un  feu  delcendu  du  Ciel  environna  l'urne  où  la 
cailTe  où  ccoicnt  les  membres  du  Martyr  ,  &  fuça  tant  le 
fang  qui  écoit  dans  le  vafe  ,  que  celui  qui  étoit  fur  les  linges  & 
lur  la  terre.  Efirayés  par  ce  prodige,  dit  l'Auteur  des  Ades 
qui  écoit  prélent ,  nous  nous  proilernames  tous  à  terre  ;  & 
dans  la  crainte  que  ce  feu  célede  ne  nous  enveloppât ,  nous 
réclamâmes  i'intcrceflion  du  bienheureux  Jacques.  Les  mem- 
bres de  fon  corps  furent  teints  par  cette  flamme  d'une  couleur 
de  pourpre  ,  fcmblabic  à  la  couleur  de  rôle.  Enfuiteavecle 
lecours  de  Jcius-Chrilt  notre  Seigneur  nous  enterrâmes  fc- 
crctement  le  corps. 

ARTICLE    II. 

Des  A6îes  des  Martyrs  recueillis  dans  le  fécond  Tome. 

I.T     E  fécond  Tome,  ou  la  féconde  partie  de  IaCoIle£lion     Aftes  des 

J i  d'Etienne  Evodius  Affemani,  contient  les  A£les  des  '^j^l^"''^'^' 

Martyrs  d'Occident  écrits  en  Chaldéen ,  &  tels  qu'ils  fe  trou-  1.  inPrafat,' 

vent  dans  les  Manufcrits  de  Nitrie,  aujourd'hui  du  Vatican. 

Sous  le  terme  d'Occident  il  faut  entendre  ici  la  Méfopotamie  , 

la  Syrie ,  la  Paleftine ,  8c  les  autres  Provinces  en  deçà  de  la 

Chaldée.  Ces  Aûes  font  au  nombre  de  quatorze  :  ou  ils  n'a- 

voient  pas  encore  écé  rendus  publics ,  ou  ils  font  fi   diifé- 

rens  de  ceux  que  Ton  a  déjà  publiés ,  qu'en  les  comparant  avec 

les  imprimés ,  ils  ne  font  pas  reconnoiffables.  Quoique  ces 

A£tes  foient  fans  nom  d'Auteur,  ils  font  très-dignes  de  foi , 

ayant  été  rédigés  par  des  Ecrivains  contemporains,  &  confé- 

quemment  plufieurs  fiécles  avant  Métaphrafl;e  ,  dont  le  nom 

rend  ordinairement  fufpeâ:s  les  A6tes  qui  ont  paffépar  fes 

mains. 

II.  Ils  font  même  plus  anciens  qu'Eufcbe  de  Cefarée,  à  qui      Colledîon 
quelques-uns  les  ont  attribués ,  en  fuppofant  à  cet  Hillorien  j^^^^^^^^p^^^* 
une  collettion  des  A£les  des  Martyrs  des  premiers  fiécles.  Mais  Fu'ebe  de Cc- 
onneconnoît  de  fa  façon  queles  Aftesdes  Martyrs  de  laPa-  ^^''^^y  ^^'^' 
lefline,  depuis  l'an  303  de  Jefus-Chriiljufqu'en  311, dont  il  a 
donné  k  précis  au  huitième  Tome  de  fon  Hiftoirc  Ecciéfiafli- 
que.  Il  eft  vrai  que  depuis  le  fixieme  fiécle  jufqu'à  nos  jours  , 
l'opinion  commune  a  été  qu'Eufcbe  avoic  fait  auffi  l'fliftoire 
Tome  X^in.  V  vv 


J22    COLLECTION  DES  ACTES  DES  MARTYRS 

des  anciens  Martyrs  ,  &  qu'il  y  avoir  joint  leurs  Adles.  Eu- 
logc  Archevêque  d'Alexandrie,  après  l'avoir  cherchée  en  vain 
dans  les  Bibliothèques  d'Orient,  la  demanda  à  laint  Grégoi- 
re le  Grand  ,  ne  doutant  pas  qu'un  monument  fi  précieux  ne 
fe  trouvât  dans  la  Bibliothèque  de  Rome.  Mais  ce  faint  Pape 
lui  fit  réponfe  {a)  qu'il  n'avoit  point  cette  colleûion  ,  &  qu'il 
ne  fçavoic  pas  même  qu'Eufebe  en  eût  fait  une.  Ce  qui  a  don- 
né lieu  à  l'erreur ,  c'eft  que  cet  Hiilorien  en  parlant  des  com- 
bats du  Martyr  Pionius  mentionnés  dans  la  Lettre  de  TEgli- 
fe  de  Smyrne  ,  renvoie  à  cette  Lettre  ceux  qui  voudront  les 
connoître,  &  ajoute  qu'il  a  aufll  inféré  la  même  Lettre    dans- 
le  Recueil  qu'il  avoit  fait  des  A6tcsdes  anciens  Martyrs.  Il  die 
la  même  chofe  des  A£tes  des  Martyrs  de  Lyon;  mais  il  ne  re- 
marque nulle  part  qu'il  ait  écrit  l'Hiiloirc  de  ces  Martyrs  ,  fe 
contentant  de  recueillir  leurs  Ades  quand  il  pouvoit  les  trou- 
ver. Une  colleâion  de  cette  nature  ne  devoit  point  pafi"er 
pour  un  ouvrage  d'Eufebe  :  aufiî  ne  fe  trouve-t-elle  jamais 
fous  fon  nom  dans  les  Catalogues  de  fes  Ecrits.  On  objede 
qu'il  ell  dit  dans  la  Préface  des  Ades  de  faint  Sylveftre,  qu'Eu- 
febe avoit  fait,  en  onze  ou  vingt  Livres,  l'Hifioire  des  divers 
tourmens  de  prefque  tous  les  Martyrs  ;  &  que  dans  une  Let- 
tre de  faint  Jérôme   à  Chromace   &àHeliodore,  on  lit  que 
l'Empereur  Confiantin  étant  à  Céfarée,  Eufebe  qui  en  étoit 
Evêque  lui  demanda  un  ordre  à  tous  les  Juges  de  l'Empire 
Romain  de  faire  la  recherche  des  A£tes  des  Martyrs ,  &  de 
les  lui  adrefi'er,   pour  en   faire  une  Hifioire  Eccléfiaftique. 
Mais  on  a  montré  fur  faint  Jérôme  que  la  Lettre  à  Chroma- 
ce &  à  Heliodore  eft  une  pièce  fuppofée  ;  ce  qu'on  en  cite  eft 
d'ailleurs  incompatible  avec  la  vérité  de  rHifioire.  Eufebe 
parle  plufieurs  fois  de  fa  Colledion  des  Ades  des  Martyrs  , 
dans  fon  Hiftoire  Eccléfiaftique:  elle  eft  donc  pofl;érieure  à 
cette  Collection.  Or  Conftantin  ne  vint  à  Alexandrie  qu'a- 
près qu'Eufebe  eut  achevé  fon  Hiftoire  Eccléfiaftique  ;  ainfi 
tout  ce  que  l'on  dit  de  l'ordre  donné  par  ce  Prince  pour  une 
Collc£tion  des  A£tcs  des  Martyrs ,  &  du  projet  de  leur  Hif- 
toire, paroît  abfolumenc  fabuleux.  Les  A6tes  de  faint  Syl- 
veftre  font  fans  autorité  ,  &  ne  peuvent  être  allégués  ca 
preuve. 


Ça)  Cregor,  lib,  7,  Efif,  zp,  i/ldiS,  1 . 


D'ORIENT  ET  D'OCCIDENT,  Chap.  XXXI.     525 
III.  Les  Atlcs  des  laints  Mnrcyrs  Lucien  &  Marcicn  ,  pu-   ^^g  d-sss. 
bliés  enKuin  par  Momhritius  8c  parDom  Ruinart  ,  ne  diffc-iucicn&Mir- 
rcnr  gucres  de  l'origin.il  Chaldccn  que  dans  la  barbarie  du  ^î^"''"8'*'^^* 
ftylc  ,  qui  les  rend  obleurs  :  faure  que  l'on  doit  rcjetter  fur  png.  ^cô.  ' 
le  Traducleur ,  qui  apparemment  n'étoit  pas  bien  au  fait  de 
la  langue  originale.  îlparoïc  qu'ils  n'ont  point  été  connus  des 
Grecs ,  puifqu'il  n'en  eft  rien  dit  dans  les  Menées,  ni  dans  le 
Menologe  de  Bafile.  Mais  la  plupart  des  Martyrologes  La- 
tins en  font  mention   au  26   d'Odobre.  Dans  la  Collcdion 
d'Evodius  Affemani ,  le  jour  de  leur  Martyre  efl  fixé  au  26 
de  Novembre  ,  &  fous  l'Empire  de  Dcce  vers  l'an  250.   Le 
Martyrologe  de  Florus  dit  qu'ils  fouffrirent  à  Nicomcdic,  fous 
le  Proconful  Sabin.  Aflemani  fuir  ce  fentiment.  Nicomédie 
étoit  une  Ville  de  Byrhinic  fur  la  Propontide,  entre  Byfance 
&  Nicée»  Lucien  &  Marcien   s'étoient  avant  leur  converfion 
adonnés  à  la  magie  ,  croyant  cet  art  utile  pour  fatisfaire  leur 
pafTion  impure,  pour  fe  venger  de  leurs  ennemis  ,  &  pour  fc 
rendre  terribles  à  tous  ceux  qui  oferoient  les  molefter.  Il  y 
avoir  à  Nicomédie  ,  où  ils  faiioient  leur  demeure  ,  une  Vier- 
ge Chrétienne  d'une  grande  beauté.  Ils  employèrent  pour  la 
féduire  tous  les  preftiges  des  démons  ;  mais  cette  Vierge  les 
diflipoit  par  le  feul  (Igne  de  la  croix.  Ils  demandèrent  aux 
démons ,  pourquoi  étant  fi  habiles  à  vaincre  les  autres,  ils  ne 
pouvoient  rien  fur  cette  fille  ?  Les  démons  répondirent  qu'il 
ne  leur  étoit  point  difficile  de  furmonter  celles  qui  ignoroienc 
Je  vrai  Dieu  ,  mais  qu'ils  n'avoient  aucun  pouvoir  fur  cette 
Vierge  qui  étoit  fous  la  garde  de  Jefus-Chrift.  A  cette  répon- 
fe  ils  réfolurent  d'abandonner  l'arc  magique ,  brûlèrent  tous 
les  Livres  qu'ils  avoient  fur  cette  matière  ,  fe  retirèrent  dans  la 
folitude  pour  faire  pénitence,  embrafferent  lafoi  Chrétienne  ;  & 
après  s'en  être  bien  inftruits  ,  ils  allèrent  la  prêcher  aux  autres. 
Arrêtés  par  ordre  du  Préfet ,  ou  du  Proconful ,  ils  comparu- 
rent devant  fon  Tribunal.  Ce  Magiflrat  les  fit  étendre  lur  un 
chevalet ,  &  tourmenter  en  diverfes  manières  pour  les  obliger 
à  retourner  au  culte  des  Idoles.  Nous  méritions ,  lui  dirent  les 
Martyrs,  tous  ces  fupplices ,  &  même  la  mort ,  lorfqu'il  y  a  peu 
de  jours  nous  nous  fouillions  dans  la  Ville  par  toutes  fortes 
de  crimes ,  &  vous  les  avez  laiffes  impunis.  Maintenant  que 
nous  nous  fommes  retirés  de  ces  défordres,  &  que  nous  fai- 
fons  profeflion  de  la  vraie  piété ,  vous  nous  tourmentez  cruel- 
lement. Continuez ,  Tyran  impie ,  faites-nous  fouffrir  tout  ce 

V  v  Y  ij 


524    COLLECTION  DES  ACTES  DES  MARTYRS 

que  votre  paffion  vous  fuggere ,  nous  femmes  prêts  à  tout  en- 
durer. Le  Proconful  irrité  les  condamna  au  feu.  lis  fe  jette- 
rent  eux-mêmes  dans  le  bûcher ,  &  y  confommerent  leur 
martyre. 
Les  Adcs  IV.  On  ne  trouve  pas  dans  les  Bollandifles,  ni  dans  tous  les 
dn  Martyre  de  Colle£teurs  des  Aftes  des  Martyrs  ,  ceux  des  faints 

Jaint  Victorin  tt-o  ht  /^i        j-  t^-     j  r^ 

&def?sCom-  Victonn ,  Victor ,  JNicephore,Clauaicn  ,  Diodore,  Serapion 
pagnonî,  pag.  ^  Papius.  Etienne  Affemani  efl:  le  premier  qui  les  ait  fait  con- 
*'*  noître,  furrautorité  d'un  manufcrit  de  Nirrie.  C'ellilui  aufîî 

qui  les  a  traduits  du  Chaldéen  en  latin.  Il  en  efl  néanmoins 
dit  quelque  chofe  dans  les  Menées  des  Grecs  &  dans  les  Mar- 
tyrologes latins.  L'opinion  qui  paroît  la  mieux  fondée ,  efl; que 
ces  Martyrs  furent  arrêtés  à  CorinthejComme  Chrétiens,  dans 
la  perfécution  de  Dece  ;  enfuice  envoyés  en  exil  dans  l'Egyp- 
te, où  ils  demeurèrent  jufques  fous  le  règne  de  Numericn;  car 
ce  Prince  fit  aufli  des  Martyrs  en  plufieurs  endroits  de  l'Em- 
pire ,  parmi  lefquels  on  compte  les  laints  Chryfanthe  Se  Darie  ,, 
vers  l'an  285  &  284. 
Paj.eo.  V.  Le  Tyran  qui  interrogea  les  fept  Martyrs,  efTaya  d'a- 
bord de  les  gagner  par  carefles  ;  mais  n'y  ayant  pas  réufli ,  if 
en  vint  aux  tourmens ,  &  le  fit  gloire  d'en  inventer  de  nou- 
veaux. Il  fit  mettre  Viftorin  dans  un  mortier  de  marbre  fait 
tour  récemment  ,  &  piler  tous  fes  membres  avec  violence. 
Les  bourreaux  commencèrent  par  les  pieds  ,  &  à  chaque 
coups  ils  lui  difoient:  Malheureux  j  que  n'as-tu  pitié  de  toi- 
même  ?  Tu  es  le  maître  d'éviter  ces  tourmens.  Renonce  à  ton 
Dieu  que  tu  as  depuis  peu  introduit  dans  le  monde.  La  conf- 
l»g.6i.  tance  de  Vi3:orin  déconcertant  le  Tyran,  il  lui  fit  écrafer  la 
tête  dans  le  même  mortier.  Vi<^or  finit  fa  vie  par  le  même 
genre  de  fupplice.  Nicephore  fauta  de  lui-même  dans  le  mor- 
tier ;  ce  qui  ayant  ému  le  Tyran  ,  il  multiplia  le  nombre  des 
bourreaux  pour  le  faire  fouffrir  plus  que  les  deux  autres.  Clau- 
dien  fut  haché  par  petits  morceaux,  que  l'on  jettoit  par  terre 
pour  répandre  fa  terreur  dans  l'eiprit  de  fes  Compagnons.. 
AufTitôt  qu'on  lui  eut  coupé  les  mains  &  les  pieds,  il  rendit 
l'ame.  Diodore  fut  condamné  au  feu ,  Serapion  à  avoir  la  tête- 
coupée,  &  Papius  à  être  jette  dajis  la  mer. 
Martyre ^oe  yj^  Qn  voit  dans  Ics  Ades  de  fainre  Stratonice  &  de  Se- 
nice  &  de  Se-  Icucus  fon  mari  ,  l'exécution  de  la  promefle  faite  par  J.  C. 
leucusfonma-  à  fes  Difciples  en  ces  termes  1  Lorfque  fon  vous  fer  a  cotnparoitre 
"Mat'tficl'i?.  devant  les  Gcuverneun  &  les  Rois ^^  nejoye-x.  ^oim  en  ^eine  ni. 


D'ORIENT  ET  D'OCCIDENT,  Chap.  XXXT.     çij 

de  la  m.Jhiere  dont  vous  parlerez ,  m  de  ce  que  vous  direz  :  car  ce  que 
vous  aurez  à  dire  vous  Jera  donné  à  P heure  même.  11  n'y  avoit 
que  rrcs-peu  de  temps  qu'ils  cioicnt  pafles  de  l'Idolâtrie  au 
culte  du  vrai  Dieu,  lorlqu'on  les  arrêta  comme  Chrétiens  ;  & 
toutefois  ils  confondirent  le  Préfet  de  Lyfiepar  près  de  (ix  cens 
palTagcs  de  l'Ecriture  pendant  leur  interrogatoire  :  cnforce 
qu'on  eût  dit  qu'ils  avoient  pafTc  toute  leur  vie  à  l'étude  des 
Livres  faints. 

VII.  Stratonice  étoit  fille  d'Apollonius ,  Patrice,  &  depuis  p^^  ^^ 
long-temps  Prél'ct  de  la  Ville  de  Lyfie  ,  qui  la  maria  à  un 
homme  de  fa  condition.  Voyant  un  jour ,  des  murailles  de  la 
Ville,  des  Chrétiens  courir  à  la  mort  avec  gaieté,  &  lever  au 
milieu  des  fuppliccs  les  yeux  au  Ciel  ;  fe  congratuler  mu- 
tuellement iur  leur  hcureulc  fin  ;  le  munir  du  figne  de  la  croix 
contre  la  mort  prochaine ,  &  nommer  fouvent  avec  de  pieu- 

fes  larmes,  &  de  fré^quens  gémiiïemens  ,  le  nom  de  Jésus  , 
elle  admira  leur  courage  ;  &  leur  conduite  dans  ces  derniers 
momens  lui  parut  tenir  du  miraculeux.  Nous  voyons ,  difoit- 
elle,  les  autres  hommes  trembler  à  la  nouvelle  de  la  mort ,  & 
faire  tout  leur  poflible  pour  l'éviter  ;  les  Chrétiens  au  contrai- 
re, lorfqu'ils  font  arrêtés  par  les  Gardes  ,  confcrvent  fur  leur 
vilage  la  même  tranquillité  ,  que  s'ils  avoient  évité  la  mort , 
&  témoignent  de  la  joie  au  milieu  des  fupplices.  Occupée  de 
ces  réflexions  elle  cherchoit  quelqu'un  qui  pût  lui  rendre 
compte  de  toutes  ces  choies.  Il  le  trouva  là  un  jeune  Chré- 
tien que  la  crainte  de  la  perfécution  avoit  engagé  à  diiïimu- 
1er  fa  Religion.  Il  en  inftruifit  Stratonice,. lui  apprit  qu'après 
cette  vie  il  y  en  a  une  immortelle  ,  &  un  Royaume  célelle  , 
que  ceux  qui  fouffrent  pour  la  juftice  les  tribulations  de  cette 
vie,  efpérent  acquérir.  Mais  comment  ,  dit-elle  à  ce  jeune 
homme,  me  mettra-t-on  devant  les  yeux  cette  vie  bienhcu.- 
reufe  dans  le  Ciel  dont  vous  roe  parlez  ?  Si  vous  croyez ,  ré-^ 
pondit-il,  en  Jefus-Chrifl  notre  Seigneur  qui  a  été  attaché  au 
la  Croix  pour  notre  falut  ,  il  éclairera  votre  efprit  d'une  divi- 
ne lumière  ,  qui  en  diffipant  les  ténèbres  attachées  à  votre  con- 
dition &  nées  avec  vous ,  vous  fera  voir  l'appareil  de  cette 
gloire  célefle.  Si  je  profefTe,  ajouta-t-elle ,  la  doârineque  les; 
Chrétiens  prêchent  quand  ils  vont  à  la  mort ,  jouirai-je  de' 
cette  gloire  célefte  ï  Le  jeune  homme  l'en  aflura.. 

VIII.  Repaflant  dans  fon  efprit  tout  ce  qu'il  lui  avoit  dit ,.    ^''■?-  î^""- 
fille  leva  les  yeux  au  Ciel ,,  fit  fur  fon  front  le  ligne  de  la  eroixj^ 


j  2^     COLLECTION  DES  ACTES  DES  MARTYRS 

pria  Jcfus-Chrifl  de  lui  ouvrir  les  yeux,  &  de  lui  faire  con- 
noître  la  vérité  de  ce  qu'elle  venoic  d'apprendre  ;  &  jettant  les 
yeux  iur  les  corps  des  Martyrs  elle  les  vit  couverts  de  lumiè- 
re. Auiïi-tôc  elle  court  au  lieu  du  fupplice  ,  fe  jette  fur  les 
corps  de  ceux  qui  avoient  déjà  été  mis  à  mort ,  &  élevant  fa 
voix  elle  demande  à  Jefus-Chrift,  en  pleurant,  de  lui  accorder 
la  même  fin  de  vie  qu'à  ces  Martyrs.  Les  domeftiques  qui  l'a- 
voient  fuivie  ,  la  contraignirent  de  retourner  à  la  maiibn 
d'Apollonius  fon  pcre,  qui  voyant fes  habits  teints  du  fang 
des  Martyrs,  lui  en  fit  des  reproches.  Mais  en  vain  il  lafolli- 
cita  de  renoncer  à  Jefus-Chrift  ,  en  lui  difant  qu'il  y  avoitde 
la  folie  à  quitter  le  culte  des  Dieux  pour  adorer  un  homme 
mis  à  mort  par  les  Juifs  par  un  fupplice  affreux.  Je  crois  au 
contraire,  lui  rcpondit-elic  ,  qu'il  y  a  de  l'équité  à  rendre  les 
honneurs  divins  au  Chrift  qui  a  fini  fa  vie  fur  la  Croix  pour 
mon  falut  &  pour  tout  le  genre  humain.  Elle  perfuada  à  Se- 
leucus  fon  mari  la  Religion  Chrétienne ,  6c  le  prenant  par  la 
main  elle  le  mena  au  lieu  où  les  Martyrs  avoient  fouftert  la 
mort.  Tout  cela  fe  paffa  en  l'abfence  d'Apollonius ,  qui  étoit 
allé  faire  part  de  fon  ch.igrin  à  Jules,  Préfet.  Ils  étoicnr  encore 
enfemblc  lorfqu'on  vint  déférera  ce  Magiftrat ,  Stratonice& 
Seleucus.  Le  Préfet  &  Apollonius  s'étant  transportés  fur  les 
lieux  ,  les  trouvèrent  l'un  &  l'autre  priant  à  genoux.  Le  Pré- 
fet croyant  qu'Apollonius  étoit  d'intelligence  avec  eux  ,  l'ac- 
cufa  d'infidélicé  envers  les  Dieux  des  Princes  Romains.  Apol- 
lonius jura  par  la  vidoire  des  Empereur  squ'il  avoic  igno- 
ré jufques-là  ce  que  fa  fille  avoit  fait.  Par  ces  Empereurs  il 
entendoit  Maximilien-Hercule,  Conftance-Chlore ,  &  Maxi- 
mien-Galerc,  qui  tenoient  enfemble  les  rênes  de  l'Empire. 
P»^.  77.        IX.  Apollonius  employa  tous  les  moyens  qu'il  put  imagi- 
ner pour  gagner  fa  fille  &  Seleucus  fon  mari  ;  mais  inutile- 
ment. Le  Préfet  fe  joignit  à  Apollonius ,   mais  lans  fuccès. 
II  commanda  donc  qu'on  les  attachât  à  un  chevalet ,  &  qu'on 
les  fouctiât  avec  des  baguettes  de  grenade  ,  chargées  d'hor- 
ribles épines.  On  commença  par  Stratonice,  dont  le  corps  fut 
mis  en  pièces.  Seleucus  ayant  perdu  tout  fon  fang  par  le  mê- 
me fupplice  ,  tomba  à  terre.  Stratonice  le  voyant  tout  trem- 
blant entre  les  mains  des  bourreaux ,  l'exhorta  à  prend' e  con- 
fiance en  Jefus-Chrift.  Le  Préfet  le  fit  mettre  en  prilon.  Le 
lendemain  ils  comparurent  devant  fon  Tribunal.  Le  Préfet 
leur  demanda  s'ils  avoient  changé  de  fcntimens.  Ayant  ré- 


D'ORTENT  ET  D^OCCIDENT  ,  Chap.  XXXT.     527  '' 

pondu  que  non,  &  qu'ils  y  pcrlcvcrcroicnt  jufqu'à  la  fin,  je  n'en 
ai  point  changé  non  plus ,  répliqua  ce  Magillrat ,  &  je  fuis 
dtcidc  de  vous  punir  par  des  luppliccs  atroces,  Ci  vous  n'o- 
bciiïezà  TEmpereur.  Il  ordonna  qu'on  les  i'uipendît,&  qu'on 
allumât  Tous  eux  une  maffe  de  foutre  ,  a  tin  qu'ils  en  fufTcnc 
luflbqucs.  Les  Martyrs  élevant  les  yeux  au  Ciel  implorèrent  le 
fecours  de  Jefus-Chrift,&:  dans  le  moment  la  puanteur  dufou- 
frc  fut  changée  en  une  odeur  agréable.  Le  Préfet  n'en  de-  pag.Sr, 
vint  pas  plus  doux  ;  il  tit  dépouiller  les  Martyrs  ,  ordonna 
qu'on  leur  liât  les  mains  derrière  le  dos,  &  qu'on  leur  appli- 
quât des  lammes  ardentes.  Le  peuple  en  rumeur  demanda  à 
haute  voix  qu'on  les  fît  mourir  par  le  fer.  Le  Préfet  fans 
écouter  perlbnne  fit  continuer  le  fupplice  des  lammes  arden- 
tes. Les  Martyrs  implorèrent  le  fecours  de  Jefus-Chrift,  & 
aufiitôt  les  lammes  couvertes  d'une  efpece  de  glace ,  fc  trou- 
vèrent refroidies.  Cette  merveille  enflamma  de  plus  en  plus  la- 
colère  du  Préfet.  Il  fit  fufpcndre  les  Martyrs  au  chevalet, 
avec  ordre  de  les  fouetter  cruellement ,  &  de  les  rcmener  en- 
fuite  en  prifon. 

X.  Quoiqu'il  les  crût  morrs  de  la  rigueur  destourmens,  il  P«i.  f9r 
ne  laitla  pas,  quatre  jours  après ,  de  les  faire  citer  à  Ion  tribu- 
nal. Les  Gardes  les  trouvèrent  rétablis  de  leurs  blcflures , 
chantant  des  Pfeaumcs ,  &  fe  promenant  dans  la  prifon.  Ils 
en  donnèrent  avis  au  Préfet ,  qui  croyant  que  le  Geôlier  avoic 
introduit  des  Médecins  dans  la  prifon,  lui  ordonna  de  venir 
rendre  compte  de  fa  conduite.  Le  Geôlier  prouva  par  témoins 
que  perfonne  n'étoit  entré  dans  la  prifon;  mais  que  la  dernière 
nuit  y  ayant  entendu  une  voix  inconnue ,  il  avoit  examiné  par' 
le  verrouil  de  la  porte ,  &  apperçu  dans  la  prifon  une  lumiè- 
re plus  brillante  que  celle  du  midi,  &  un  homme  d'une  figu- 
re majeftucufe,  le  vilage  aufii  éclatant  qu'un  éclair  ,  aflUs 
auprès  de  ces  Chrétiens  &  converfant  avec  eux  amiablement,- 
Le  Préfet  voyant  que  tout  alloit  contre  fes  defirs,  voulut  s'af- 
furer  du  fait ,  fe  fit  amener  les  Martyrs ,  les  trouva  fains ,  fans 
aucun  veflige  des  coups  qu'ils  avoicnt  reçus.  Il  ordonna  à 
Stratonicede  lui  nommer  les  Médecins  qui  l'avoient  guérie. 
Quel  homme ,  lui  répondit-elle ,  auroit  pu  opérer  une  guérifon 
de  cette  nature  i  Sachez  que  l'Auteur  de  ce  miracle  cil  Jefus- 
Chrift ,  en  qui  nous  croyons.  Si  vous  pouvez  quelque  chofe 
contre  lui ,  aspirez . 

XL  Par  ordre  du  Préfet  on  la  fouetta  avec  tant  de  cruau-   P-»^.n.p3i 


5  28    COLLECTION  DES  ACTES  DES  MARTYRS 

té,  qu'elle  tomba  épuifcede  lang  &  de  forces;  enfuiceon  l'atta- 
cha avec  Seleucu^  à  un  chevalet ,  &  avec  des  peignes  de  fer 
on  leur  déchira  tout  le  corps.  Pendant  ce  tourment,  qui  dura 
plus  de  trois  heures,  les  Martyrs  ne  failoient  aucune  plainte  , 
m  lis  levant  leurs  yeux  vers  le  Ciel ,  ils  répétoient  fou  vent  ces 
paroles  :  Jefus-Chrifl ,  Fils  de  Dieu  ,  fécourcz  notre  infirmité 
dans  cette  cruelle  boucherie.  On  les  remit  en  prilon.  Le  Pré- 
''^'  '  fet  confulta  les  premiers  de  la  Ville  fur  ce  qu'il  y  avoir  à  faire 
pour  les   vaincre.  Ils  lui  confeillerent  les  voies  de  douceur  , 

6  de  les  faire  conduire  en  quelque  Temple,  pcrfuadés  que  la 
préfcnce  des  Dieux  feroit  une  lalutaire  imprcfTion  fur  eux. 

r»»!.  97-  XII.  Arrivés  au  veflibule  du  Temple ,  les  plus  confidéra- 
bles  delà  Ville  les  prefTcrent  d'obéir  au  Préfet.  Stratonice 
répondit:  Nous  nefommcs  point  encore  dans  le  Temple  ;lorf- 
que  nous  ferons  en  préfence  des  Dieux  ,  nous  ferons  ce  qui 
convient  ;  &  fi  les  Dieux  veulent  bien  nous  ordonner  quelque 
chofc,  nous  leur  répondrons.  Introduits  dans  le  Temple,  on 
leur  ordonna  d'adorer  les  Dieux.  Alors  Stratonice  regardant 
ces  Simulacres  bien  ornés  &  debout,  éleva  fa  voix  j  &  les  ap- 
pellanr  par  leurs  noms ,  dit  :  Jupiter,  fimulacre  muet  ;  Cybele, 
de  bois  cifelé  ;  Bel ,  aveugle  ;  Artemis  ,  vaine  fidion  ,  je  vous 
.  prie  de  nous  dire  fi  nous  devons  vous  adorer  ou  vous  mépri- 
fer.  Efl-ce  donc  ainfi  qu'aucun  de  vous  n'exauce  celui  qui  les 
prie,  ne  le  voit  &  ne  lui  parle  ?  Deviennent  lemblables  à  vous 
ceux  qui  vous  ont  faits  &  qui  ont  confiance  en  vous  ;  qu'ils 
foient  confondus  par  les  Idoles  qu'ils  ont  eux-mêmes  fabri- 
quées ! 

Fag.  100.  XIII.  Le  Préfet  confus  leur  fit  fouffrir  une  féconde  fois 
les  fupplices  du  fouet  &  des  lammes  ardentes  :  on  les  jetta  dans 
un  fépulcre  rempli  de  cadavres  pourris,  puis  dans  un  bûcher 
ardent  ;  on  les  expofa  aux  morlures  des  vipères,  des  afpics 
&  des  ferpens  ;  on  leur  perça  les  narines  avec  des  tarières 
rougies  au  feu;  on  leur  enfonça  des  doux  ardens  depuis  la 
plante  des  pieds  jufqu'aux  cuilles  ;  on  leur  coupa  les  mains. 
Supérieurs  à  tous  ces  iupplicespar  une  protettion  miraculeufe 
de  Dieu  ,  le  Préfet  les  condamna  enfin  à  avoir  la  tête  tran- 
chée. Ils  reçurent  l'un  &  l'autre  le  coup  de  la  mort ,  en  difant  : 

Vag.  m.  Seigneur  Jelus,  recevez  mon  cfprit.  On  met  leur  martyre  dans 
la  cinquième  année  du  rcgne  de  Maximien-Galere,  l'an  2517  de 
l'Ere  Vulgaire.  Les  Chrétiens  embaumèrent  leurs  corps  &les 
mirent  dans  un  même  tombeau. 

XIV. 


D'ORIENT  ET  D'OCCIDENT,  Chap.  XXXI.     529 

XIV.  L'Auteur  des  Actes  die  qu'après  que  la  paix  l\it  rcn-    Piz-  «lU 
duc  à  l'Eglile  d'Orient  ,  (   par   l'Empereur   Conftantin  )  ce 
Prince  Ht  bâtir  une  Eglile  lurleur  tombeau.  Cet  Ecrivain  n'a- 

voit  donc  pas  été  prélcnt  au  martyre  de  Stratonice  8c  de  Se- 
Icucus  ;  mais  il  alTure  que  ce  qu'il  en  rapporte,  il  l'avoit  appris 
de  témoins  oculaires  ,&  que  leurs  témoignages  étoient  vcri-  p  ^^^ 
tables.  Nous  connoidons  peu  d'A£tes  des  Martyrs  où  il  y  ait 
tant  de  miracles  que  dans  ceux-ci  ;  mais  ces  lortcs  de  prodi- 
ges étoient  nécellaires  alors  pour  l'établifTemcnt  de  la  Reli- 
gion Chrétienne ,  &  ce  n'eu,  pas  à  nous  cà  en  fixer  le  nombre. 

XV.  Il  fliut  rapporter  au  même  tcmps,c'eft-à-direà  lacin-  (-ep^^^grfj" 
quiémc  année  du  rcgne  de  Maximien-Galcre,  de  l'Ere  Vul-de  Samofate  , 
gaire  25>7  ,  le  martyre  de  ceux  qui  fouffrirent  à  Samofate  ,  P^S- ^'î* 
Métropole  de  la  Syrie-Comagene ,  fur  l'Euphrate.  Ces  Mar- 
tyrs étoient  au  nombre  de  fept ,  &  fe  nommoient  Hypparch , 
Philotée,  Jacques  ,  Paregre,  Habibus,   Romain  &  Lollien. 

Leurs  Atles  furent  écrits  par  deux  témoins  oculaires ,  fçavoir 
par  le  Prêtre  de  qui  ils  reçurent  les  Sacremens ,  &  par  le  Pé- 
dagogue de  Gallus  ,  de  la  première  nobleflfe  de  la  Ville  de 
Samofate  ,  qui  furent  l'un  &  l'autre  préfens  aux  combats  de 
ces  Martyrs. 

XVI.  Maximien-Galereavoit  fait  publier,  la  cinquième  an-    P^g-ii-u 
née  de  fon  Empire  ,  un  Edit  portant  ordre  de  faire  dans  tou- 
tes les  Villes  qui  en  dépendoient ,  des  facrifices  aux  Dieux  & 

des  fupplications  folemnelles.  Il  le  fit  exécuter  lui-même  étant 
à  Samoiate  ,  oii  il  ordonna  au  Peuple  de  s'aflembler  dans  le 
Temple  de  la  Fortune  ,  ficué  au  milieu  de  la  Ville.  Quelques 
jours  avant  la  publication  de  cet  Edit,  Hypparch  &  Philotée 
avoient  embraflc  la  Religion  Chrétienne  ,  &  conflruit  dans 
Tintérieur  de  leur  maifon  un  Oratoire,  où  ils  prioient  fept  fois 
le  jour  devant  l'Image  de  la  Croix  qu'ils  avoient  attachée  à  la 
muraille.  Jacques,  Parégre  ,  Habibus,  Romain  &  Lollien, 
étant  allé  leur  rendre  vifite,  les  trouvèrent  en  prières  dans  cet 
Oratoire,  vers  l'heure  de  None.  Ils  demandèrent  à  Hypparch 
&  à  Philoteé  pourquoi  ils  n'alloient  pas ,  fuivant  l'ordre  de 
l'Empereur,  au  Temple  de  la  Fortune ,  &  pourquoi  ils  aimoient 
mieux  prier  feuls,  qu'avec  le  Peuple  ?  Ils  répondirent:  C'eft  ' 

ainfi  que  nous  adorons  le  Créateur  de  l'Univers.  Croyez-vous 
donc,  leur  dit  Jacques ,  que  cette  Croix  de  bois  efl:  le  Créateur 
du  monde?  Car  il  me  paroît  que  vous  l'adorez.  Non  ,  répon- 
dit Hypparch  ,  nous  ne  l'adorons  pas,  mais  celui  qui  y  a  été 
Toms  XXllI.  Xxx 


550    COLLECTION  DES  ACTES  DES  MARTYRS 

attaché.  C'efi:  lui  que  nous  rcconnoifTons  pour  Dieu  ,  &  pour 
Fils  de  Dieu  ,  engendré ,  non  créé ,  coelTenticl  au  Pcre  ,  par 
qui  ce  Monde  a  éié  créé  &  le  fouticnc.  Il  y  a  déjà  trois  ans 
que  nous  avons  reçu  le  Baptême  au  nom  du  Père  ,  Se  du  Fils. 
&  du  Sainr-  Efprit,  par  les  mains  de  Jacques, Prêtre  de  la  vraie 
foi ,  qui  de  temps  en  temps  nous  donne  aulTi  le  Corps  &  le 
Sang  de  Jefus-Chrifl.  C'efl:  pour  cela  que  pendant  ces  trois 
jours  nous  ne  fortirons  pas  de  la  maifon  ,  afin  de  ne  point  par- 
ticiper à  Fodeur  des  Hoflies  profanes  dont  la  Ville  efl  rem- 
plie. 

Tai^i^é.  XVII.  Après  quelques  difcours  fur  la  vérité  du  culte  des 
Idoles,  &  la  vérité  de  la  Religion  Chrétienne ,  Jacques  &  les 
quatre  autres  convinrent  d'envoyer  chercher  le  Prêcre,  pour 
leur  adminiftrer  le  Baptême.  Hypparch  &  Philotée  lui  écri- 
virent une  Lettre  qu  ils  fccUerent  de  leur  anneau  ,  le  priant 
de  venir  au  plutôt ,  &  d'apporter  {b)  le  vafe  d'eau  (  préparée 
pour  le  Baptême  )  l'Hoftie  &  l'Huile  d'onction.  Le  Prêtre  par- 
tit à  rinftant ,  &  enveloppant  le  tout  de  fon  manteau,  il  vint 
à  la  mailon  &  les  trouva  tous  en  prière.  Ils  fe  proftcrnerenc 
à  fes  pieds,  &  lui  demandèrent  le  Baptême.  Le  Prêtre  les  inf- 
truifit  de  la  Religion  Chrétienne  ,  &  après  avoir  prié  avec 
eux  pendant  environ  une  heure  ,  il  leur  fit  faire  (c)  profcflion 
de  lafoi  en  un  feul  Dieu  ,  puis  les  baptifa  au  nom  du  Père  ,  & 
du  Fils ,  &  du  Saint- Efprit ,  &  leur  donna  de  fuite  le  Corps 
&  le  Sang  de  Jefus-Chrift. 

^<^'.  1*9-  XVIII.  Hypparch  &  Philotée  étoient  très-confidérés  dans 
la  Ville ,  &  y  jouilfoient  des  premiers  honneurs.  Les  autres  y 
étoient  auiïi  traités  avec  dillindion.  Trois  jours  après  leur  Bap- 
tême, l'Empereur  demanda  au  Préfet  fi  quelques-uns  des  Ma- 
giflracs  ne  s'étoicnt  point  abfentés  par  mépris  pour  lesDieux^ 
11  répondit  que  depuis  trois  ans  Hypparch  &  Philotée  nes'é- 
toient  point  trouvés  aux  fupplications  publiques,  ni  aux  fa- 
crifîces  en  l'honneur  des  Dieux.  Maximien  ordonna  dans  le 
moment  de  les  contraindre  à  venir  au  Temple  de  la  Fortune,, 
&  d'être  préfens  aux  facrifiices.  Ils  demandèrent  à  ceux  qu'oni 


(  ^  )  Tu  vero  quantociùs  ad  nos  venire 
»e  graveris  >  fimulque  urceum  aqux ,  hof- 
lUam,  &  cornu  olei  un(^ionis  tecum  per- 
ftrre  memineris.  P.i^.  i  %j. 

(  «  )  Et  poftquam  fe  in  Deum  vivum 


credere  profeflî  funt ,  &  manufados  Deos," 
qui  dii  non  funt  ,  ejurarunt,  baptilavit  eos, 
in  nomine  Patris,  &Fili],&Spiritûs  Sandi, 
eifque  Corpus  8c  Sanguinem  ChrifU  con- 
tinue) iragertivit.Pa^.  12g.. 


D'ORTENT  ET  D'OCCTDENT ,  Chap.  XXXT.     y^i 

avoir  envoyas,  s'ils  avoicnt  ordre  de  n'en  emmener  tjuc  deux, 
ou  tous  e-ar  ,  dirent-ils,  nous  lommes  (ept.  Les  Envoyés 
répondirent  que  l'Empereur  ne  demandoit  pour  le  prelent 
qu  Hypparch  &  Philotée.  Alors  Philotée  dit  à  Jacques  &  aux 
quatre  autres  :  Mes  Frères  &  mes  enfans  dans  le  Seigneur,  je 
crains  que  vous  ne  puifllcz  pas  foutenir  le  combat  auquel  nous 
lommes  provoques  nous  deux  pour  la  défenfc  de  la  caufe  de 
notre  Seigneur  Jefus-Chrift.  Dès  le  moment  que  nous  avons 
embradc  la  Religion  Chrétienne,  nous  avons  pris  le  parti  de 
fouffrir  pour  le  nom  de  Jefus-Chrift.  Mais  TEmpereur  igno- 
re ce  qui  vous  rcgarde;cherchez  donc  unazyle  dans  les  Vil- 
lages voi(ins ,  julqu'à  ce  que  la  tempête  s'appaife  un  peu. 
Jacques,  Paregrc&  les  trois  autres  repondirent  qu'ils  ctoicnt 
difpoiés  à  foutirir  la  mort  pour  Jefus-Chrifl:  ,  &  qu'ils  ne 
craignoient  rien. 

XIX.  Ils  ibrtirentdonc  tous,  &  conduits  par  les  Gardes ,     p„^,  ,joi 
ils  furent  préfentés  à  l'Empereur  ,  à  qui  ils  ne  donnèrent  pas 

même  le  falut  par  l'inclination  de  tête,  comme  il  étoit  d'ufa- 
ge.  Maximien  le  croyant  mcprifé,  en  fit  des  reproches  à  Hyp- 
parch,  &  lui  ordonna  de  facrifieraux  Dieux.  Vous  me  faites 
pitié  ,  lui  dit  Hypparch  ,  de  donner  le  nom  de  Dieux  à  des 
pierres  &  des  bois  deftinés  aux  ufages  des  hommes.  L'Em- 
pereur irrité  lui  fit  donner  cinquante  coups  de  lanières  plom- 
bées ,  c'ell-à-dire  qui  étoient  garnies  à  l'extrémité  de  glandes 
de  plomb  ,  &  l'envoya  en  prifon.  On  produifit  enfuite  Philo- 
tée ,  à  qui  Maximien  dit  :  Votre  nom  fignifie  que  vous  aimez 
les  Dieux.  Il  répondit  :  Je  m'appelle  avec  juftice  Philothée  , 
parce  que  j'aime  un  Dieu  ,  &  non  plufieurs.  Quittez,  répliqua 
l'Empereur ,  ces  difputes  de  mots  :  Sacrifiez  aux  Dieux ,  &  je 
vous  élèverai  aux  plus  grands  honneurs.  Philotée  dit:  Ce  que 
vous  appeliez  honneur  ,  eft  pour  moi  ignominie.  L'Empe- 
reur l'envoya  ,  les  mains  liées  derrière  le  dos  ,  en  une  priion 
différente  de  celle  d'Hypparch. 

XX.  Jacques ,  Parégre,  Habibus, Romain  &  Lollienayant     Pa^.  13;. 
-enfuite  comparu,  Maximien-Galere  leur  dit  :  Ces  deuxinfen- 

-iés  visillards  Hypparch  &  Philothée  font  las  de  vivre  :  mais 
vous  qui  êtes  jeunes  ,  je  ne  doute  pas  que  vous  n'obéiiïîez  à 
mesordres.  Ils  répondirent:  Vous  vous  trompez,  Empereur:  la 
vie  nous  eft  moins  précieufe  que  notre  foi  en  Dieu  ,  père  de 
notre  Seigneur  Jefus-Chrift  ,  qui  envoyé  de  lui  vers  nous  , 
nous  a  rappelles  de  la  mort  à  la  vie,  en  mourant  lui-même  fur 

X  X  X  ij 


531     COLLECTION  DES  ACTES  DES  MARTYRS 
la  Croix.  L'Empereur  les  menaça  du  mcmc  fupplice  ,  s'ils  ne 
facrifioient  aux  Dieux.  Ils  mcprifercnt  fes  menaces ,  &  furent 
mis  tous  dans  des  prifons  féparées  ,  les  mains  liées  derrière  le 
dos. 
Pag.i^ô.        XXI.  Au  bout  de  quinze  jours,  Maximien   fitdrelTerun 
Tribunal  fur  les  rives  de  l'Euphrate  pour  leur  faire  fubir  le 
dernier  interrogatoire.  11  commença  par  s'informer  du  Geô- 
lier fi  perfonne  ne  leur  avoir  porté  à  boire  &  à  manger.  Le 
Geôlier  jura  par  fes  Dieux,  que  depuis  quinze  jours  les  fept 
prifonniers  n'avoient  ni  bu  ni  mangé.  Il  ajouta  qu'ayant  ap- 
proché fon  oreille  de  la    porte  des  prifons  ,  il    les  avoir  oui 
dire  de  temps  en   temps  :  La  Croix  nous  donnera  du  Jecours  ; 
mais  d'une  voix  qui  s'affbibliffoit  chaque  jour..  Amenez-les  ici, 
dit  Maximien. 
P/i^.  137.       XXII.  Ce  Pcrfécuteur  leur  démanda  s'ils  avoient  changé 
de  fentimens.  Non,  répondit  Hypparch.  Nous  avons  dit  fix 
cens  fois  que  nous  ne  voulions  pas  facrifier  aux  Dieux  :  ufez 
de  votre  droit.  Etes  vous,  répliqua  l'Empereur,  l'Interprète 
de  vos  Comgagnons.  Tous  répondirent  :  Vous  devez  vous 
fouvenir  de  ce  que  nous  vous  avons  dit  dernièrement ,  que  rien; 
ne  pourra  nous  féparer  de  l'amour  de  Jefus-Chrill  notre  Sei- 
gneur. Maximien  commanda  qu'on  lesfufpendît  au  chevalet; 
qu'on  les   frappât  chacun  vingt  fois  fur  les  côtés ,  &  fur  le 
ventre  ,avec  des  nerfs  de  taureaux  ;  qu'enluitc  on  les  remît  en 
prifon  ,  avec  ordre  de  ne  leur  donner  qu'autant  de  pain  qu'il 
en  faîloit  pour  ne  pas  mourir  de  faim.  Ils  y  demeurèrent  de- 
puis le  15  d'Avril  julqu'au   25  de  Juin.  Alors  par  ordre  de 
l'Empereur  ils   furent  conduits  au  Prétoire  ;  le  vifage  &  tout 
le  corps  fi  déffechés,  qu'ils  refi!"embloient  à  des  cadavres.  Il  leur 
offrit  la  liberté  &  des  honneurs,  s'ils  vouloient  offrir  de  l'en- 
cens aux  Dieux.  Ils  s'écrièrent  tous  :  Que  ta  bouche  foit  à  ja- 
mais fermée ,  «&  que  tes  yeux  périfTent,  malheureux  qui  nous 
donnes  de  fi  mauvais  confeils  ,  &  qui  veux  par  tes  artifices 
nous  détourner  de  la  voie  fainte  que  Jefus-Chrift  notre  Sau- 
veur, Fils  deDieu  vivant, nous  a  ouverte  !  L'Empereur  en  co- 
lère les  condamna  au  fupplice  de  la  Croix.  Cette  conformité 
de  mort  avec  celle  de  leur  Maître  combla  de  joie  ces  Martyrs, 
Pfl^.i}8..      XXIII.  Conduits  au  lieu  de  l'exécution  à  la  vue  de  leurs 
parens  &  de  leurs  alliés ,  tous  en  larmes,  plufieurs  hommes  no- 
bles auxquels  TEmpereur  avoir  confié  l'adminifiration  de  la: 
Ville  de  Samofate  ,  lui  demandèrent  de  trouver  bon  qu'ils. 


D'ORTFNT  ET  D'OCCIDFNT ,  C  h  a  p.  XXXT.    5  3  3 

euiïcnc  ,  avaiit  de  mourir,  la  liberté  de  parler  pendant  une 
heure  à  leurs  parens,  afin  de  leur  faire  connoîcre  leur  der- 
nière volonté  ,  Si  de  régler  par  teftament  leurs  affaires  domef- 
tivjues.  Hypparch,  Philotce,  font,  difoient  -ils  ,  lu  ^Collègues, 
&  ces  cinq  jeunes  hcmmes  ont  rang  parmi  les  Patrices  de 
notre  Ville.  Maximien  accorda  cctregrace,  &  l'on  incrodui- 
fit  les  Martyrs  dans  le  veftibulc  du  Cirque.  Mais  ils  en  prirent 
occalion  de  haranguer  le  Peuple  qui  croit  préienc ,  &  de  prier 
Dieu  à  h.mte  voix  de  détruire  dans  Samolate  le  culte  des 
Idoles,  &  d'y  établir  la  Religion  Chrétienne,  enforre  qu'au  lieu 
des  Temples ,  on  y  bâtir  des  Eglifes  ;  qu'on  détruisit  le  Sacer- 
doce de  Satan ,  pour  lui  fubftituer  celui  de  JelusChrifl  ;  que 
la  divine  pfilmodie  prît  la  place  des  Sacrifices  impics  ;  les 
faints  Autels,  celle  des  Idoles  muettes  ;  &  que  la  Ville  fûc 
décorée  par  des  Collèges  de  Prêtres ,  de  Diacres ,  de  Vierges. 
Hypparch  &  Philotée  demandèrent  la  liberté  de  tous  les  Ef- 
claves,  difant  que  fuivant  les  divines  Ecritures  il  n'y  a  point 
d'autre  fervitude  que  celle  du  péché. 

XXIV.  Le  Peuple  à  ce  difcours  ne  pouvoir  retenir  feslar-     ""^"  '4^' 
mes  ;  le  Prêtre  de  qui  les  Martyrs  avoient  reçu  le  Baptême, 

éroir  préfenr ,  fous  la  figure  d'un  pauvre  ,  pour  n'être  pas 
connu.  Il  écrivoir  rour  ce  qui  fe  paflbir ,  de  même  que  le  Pé- 
dagogue de  Gallus  ,  comme  on  l'a  déjà  dir.  Cependanr  le- 
Peuple  voyanr  les  Marcyrs  s'avancer  au  lieu  du  fupplice ,  il 
s'éleva  un  tumulte  cjui  tenoit  de  la  fédition.  L'Empereur 
averti  y  accourut  avec  fes  Gardes.  Il  prcfTa  de  nouveau  les 
Martyrs  de  facrifier  aux  Dieux,  &  les  voyant  inébranlables- 
dans  la  foi ,  il  fir  dreflcr  fept  Croix  hors  de  la  porte  nommée 
Faiibuhire.  Hypparch  fut  attaché  le  premier  à  la  Croix  avec 
des  doux  très-aigus  :  on  lui  avoir ,  comme  par  dérifion  ,  cou- 
vert la  tète  d'une  peau  de  bouc.  En  cet  état  l'Empereur  l'in- 
fultoic  j  &  le  prclToir  encore  de  facrifier.  On  voyoit  par  le 
mouvement  de  fes  lèvres  qu'il  avoir  deflein  de  lui  répondre  ;, 
mais  il  expira  dans  le  moment. 

XXV.  Philotée  &les  cinq  autres  Martyrs  furent  aufTi  atta-     j),^,  j^y. 
tachés  féparément  à  des  Croix  ;  mais  ils  y  vécurent  jufqu'ciu; 
lendemain.  Pendant  cet  intervalle  les  bourreaux  par  ordre  ce: 
l'Empereur  enfoncèrent  dans  la  tête  de  Philothée ,  de  Pare- 

gre  &  d'Habibus,  des  doux  de  fer  :  mais  ils  étranglèrent  Jac- 
ques, Romain  &  Lollien,&  leurs  corps  furent  jettes  dans  l'Eu»- 
phrate.  Un  Chrétien  nommé  BalTus ,  Citoyen  de  Samofa te  j^Sa. 


534  COLLECTION  DK5  ACTFS  DES  MARTYRS 
l'un  des  principaux  Officiers  de  la  Ville  ,  les  acheci  des  bour- 
reaux pour  la  lommc  de  fcpt  cent  deniers ,  &  leur  donna  la  ic- 
pulturc. 
Les  Aaes  XXVI.  Le  nom  de  fainte  Agnes  croit  célèbre  dans  toutes 
du  Martvre  du  1^5  E^Ufes  dès  le  tcmps  de  faint  Jérôme  ,  comme  ce  Père  le 
pjg.  lia.  remarque  dans  Ion  Epure  a  Demctnadc  ,  &  i!  1  a  toujours  eie 
depuis.  Mais  les  louanges  qu'on  lui  a  données  ont  quelque- 
fois été  fondées  fur  les  Actes  apocryphes  de  fon  Martyre  , 
auxquels  on  ajoutoit  d'autant  plus  de  foi ,  qu'ils  portoient  le 
nom  de  faint  Ambroife.  Le  Cardinal  ((i)  Baronius  a  décou- 
vert Terreur ,  &  montré  que  ces  Aftes  étoient  la  production 
d'un  Auteur  inconnu ,  qui  pour  leur  donner  cours  avoit  mis 
en  tète  le  nom  de  faint  Ambroife.  Premièrement  ces  A£les 
s'éloignent  en  plufieurs  endroits  de  ce  que  faint  (  e  )  Ambroife 
&  (f)  Prudence,  ont  dit  de  fainte  Agnès,  llsdifent  que  cette 
Sainte  fut  jettée  dans  un  bûcher  ;  que  les  flammes  s'écant  di- 
vifces  en  deux  parties,  confumerent  les  Peuples  féditieux  qui 
étoient  autour  du  bûcher  ;  &  que  s'étant  éteintes  ,  la  Martyre 
n'en  reçut  aucune  impreffion.  Saint  Ambroife  &  Prudence 
ne  difent  pas  un  mot  de  ce  miracle  ,  qui  devoit  leur  paroître 
la  circonflance  la  plus  relevée  de  fon  Martyre.  Les  mêmes 
Acles  donnent  aux  Enfans  de  Conflantin  ,  les  titres  d'Au- 
guftes  &  d'Empereurs ,  avant  qu'ils  euffent  été  affociés  à 
l'Empire,  &  proclamés  A  ugufles  &  Empereurs:  faute  que 
faint  Ambroife ,  trop  au  fait  des  ufages  de  fon  fiécle ,  n'auroit 
pas  faite.  Ils  racontent  queConflantia  fîlle  de  Conftantin  alla 
au  tombeau  de  fainte  Agnes  pour  être  guérie  d'un  mal  qui  la 
tcnoit  depuis  la  tcte  julqu'aux  pieds  ;  qu'elle  y  recouvra  en 
effet  la  fanté  ,  après  qu'elle  eut  cmbraffé  la  Religion  Chré- 
tienne, &  que  depuis  elle  vécut  dans  la  virginité  ,  &  y  enga- 
gea plufieurs  filles  de  toutes  conditions.  Rien  de  plus  fabu- 
leux. LesHiftoriens  du  temps  ne  donnent  à  l'Empereur  que 
deux  Filles, Conftantia  &  Hélène.  La  première  fut  mariée  deux 
fois,  d'abord  à  Hannibal ,  enfuiteà  Gallus  :  la  féconde  à  Julien 
l'Apoflat.  On  n'en  connoît  pas  une  troifiéme  de  même  nom ,  & 
qui  ait  confacré  fa  virginité  à  Dieu,  tn  vain  on  cite  une 
infcription  qui  fe  trouve  dans  l'Abfcide  de  l'Eglife  de  fainte 


(  (/  )  Baron,  ad  a».  3  24.  1 07.  |       (^J  Prudentius,  de  Coronis,  Hymn.  14, 

(f)  AmbroJ.  lib,  i.de  yirgin.Caf.  z,     [ 


à 


D'ORTENT  ET  D'OCCIDENT  ,  Chap.  XXXT.  535 
AgiiC's  a  Rome,  où  il  cil  die  que  cctce  BalilLiuc  a  été  bâtie 
par  Conllantinc  ,  vouco  à  Jcius-Chrift.  L'inlcription  ne  die 
point  que  cette  Conftantine  fiir  Hlle  de  l'Empereur  Conftan- 
tin  ,  ni  qu'elle  ait  été  guérie  par  rincercellion  de  iaintc  Agnès. 
Ce  pouvoit  être  quelque  Dame  Romaine,  qui  par  dévotion 
pour  ccrre  Sainte  lui  avoir  fait  ériger  cette  Ba(ilique. 

XXVII.  Les  Atles  publiés  par  Etienne  Affcmani  n'ont  f^^.  150. 
aucun  de  ces  vices.  Us  ont  au  contraire  tous  les  caractères 
d'authenticité.  Leur  antiquité  fe  prouve  par  celle  du  Manuf- 
crit  de  Nitrie  d'où  ils  ont  été  tirés ,  que  Ton  adure  être  de 
plus  de  douze  cens  ans.  Ce  qu'on  y  dit  de  lainte  Agnès  efl: 
conforme  à  ce  qu'on  en  lit  dans  les  Menées  des  Grecs  ,  & 
dans  le  Ménologc  de  Bafile  Porphyrogcnete  ;  enfin  l'Auteur 
paroît  avoir  été  contemporain  ,  comme  on  le  voit,  en  ce  que, 
pour  donner  de  l'autorité  à  fa  narration  ,  il  appelle  (g)  en 
témoignage  ceux  qui  avoient  été  préfens  au  Martyre  de  la 
Sainte ,  &  dont  plulicurs  vivoient  encore. 

XXVIII.  Ce  martyre  arriva  félon  l'opinion  la  plus  commune  p^,.  ,j_ 
vers  l'an  304  ou  305  ,  fous  Dioclétien  ou  fous  Galère;  car  ^V^'j.  t^m, 
l'Empire  étoit  alors  partagé  entre  pluficurs.  Les  A  des  fixent  le  î'/'-'i-î^^* 
jour  de  fa  mort  au  21  de  Janvier.  Elle  étoit  originaire  de 
Rome.  Sa  beauté  lui  occafionnoit  de  fréquentes  vilîtes  de  la 
part  des  Dames  Romaines  ;  qui  fâchées  la  plupart  de  la  voir 
profefler  la  Religion  Chrétienne,  firent  ce  qu'elles  purent  pour 
Ten  détourner.  Elle  au  contraire  parloit  avec  liberté  de  fa  foi, 
&  exhortoic  ces  Dames  à  l'embrafler.  On  publioit  tous  ks 
jours  de  nouveaux  Edits  contre  les  Chrétiens.  Agnès  fut  dé- 
férée au  Juge,  &  conduite  devant  fon  Tribunal.  LeMagifliac 
épris  de  fa  beauté  ,  épargna  fon  corps,  non  par  un  mouvement 
de  mifcricorde  ,  mais  de  peur  que  déchirée  par  les  coups  de 
fouets ,  il  ne  pût  plus  contenter  les  yeux  des  impudiques.  IL 
lui  propoia  de  facrifier  aux  Dieux ,  linon  qu'il  la  feroit  traî- 
ner en  un  lieu  de  débauche.  Elle  répondit  qu'elle  ne  facrifie— 
roit  point  à  des  Dieux  inanimés ,  &  qu'elle  efpéroit  que  Dieu; 
la  délivreroit  de  l'infamie  dont  il  la  menaçoit.  Son  elpérance 
ne  fut  pas  vaine.  Tous  ceux  qui  entrèrent  dans  ce  lieu  infâme 
dans  le  deffein  de  fatisfaire  leurs  pallions  brutales  ,  ne  purent 


(g)   Illud  percommodè  cadit  qiiod  in-  [ /lus    Agnetis    geila  &   viderint   &  couik 
finiia  fit  eorum  muldtudo ,  gui pra;dara ip-  |mendayerint.  Pag.  ijo,  &  153^. 


53^    COLLECTION  DES  ACTES  DES  MARTYRS 

approcher  d'elle.  L'un   d'eux    plus  impudent  que  les  autres  , 
voulut  les  furpalTcr  d-ins  le  crime:  mais  à  peine  étoic-il  entré 
dans  le  vcflibule ,  qu'il  tomba  mort. 
r^s-  i(5î-       XXIX.  Le  Juge  informé  de  l'évcnement,  ne  voulut  point 
y  ajouter  foi ,  Se  pour  fe  convaincre  du  vrai ,  il  alla  lui-même 
au  lieu  où  ctoit  Agnès.  Il  y  trouva  le  corps  de  cet  homme, 
jette  par  terre  &  fans  ame.  En  ayant  demandé  la  raifon  à 
Agnes ,  elle  dit  que  Dieu  lui  avoit  envoyé  fon  Ange  pour  la 
préferver,  &  la  venger  des  infultcs  que  l'on  vouloit  faire  à  fa 
pureté.  J'ajouterai  foi,  dit  le  Juge,  à  tout  ce  que  vous  dites.  Ci 
vous  obtenez  de  Dieu  la  vie  de  ce  malheureux.  Elle  pria  ,  les 
mains  étendues  vers  Dieu,&  auffitôt  ce  jeune  homme  fe  kva. 
Le  Juge  &  tous  ceux  qui  étoient  préfens  furent  iurpris  d'ad- 
miration :   mais  au  lieu  de  reconnoître   dans  ce  prodige  la 
vertu  de  Dieu ,  ils  l'attribuèrent  à  l'art  magique. 
Prfj.  i64-       XXX.  Ils  demandèrent  donc  qu'elle  fût  condamnée  à  mort: 
le  Juge  y  confentit,  &  la  condamna  au  feu.  Pendant  ce  fup- 
plice  elle  rcndoit  grâces  à  Dieu  de  ce  qu'il  l'avoit  confervée 
pure  ,  &  jugée  digne  de  lui  être  immolée.  Les  Aétes  Latins 
{h)  difent  qu'elle  eut  la  tête  tranchée.  Les  Chrétiens  recueil- 
lirent fes  cendres ,  &  tout  ce  que  les  flammes  avoient  épargné, 
&  les  placèrent  honorablement. 
Aftes    des      XXXI.  Nous  avons  donné  dans  le  troifieme  Tome  de  cette 
J^^^^'^^^'^'^P"- Hifloire  le  précis  des  Aftes  des  Martyrs  de   la  Paleftine  , 
iblT  '  ^^^'  compofés  par  Eufebe  de  Céfarée,  &  mis  à  la  fin  du  huitième 
Tom.  j.  pa^.  Livre  de  fon  Hiftoire  Ecclénaftique.  Ce  qu'il  en  a  ditfe  trou- 
'^^^  ve  conforme  aux  Actes  des  mêmes  Martyrs,  publiés  en  Chal- 

déen  dans  la  CoUedion  d'Etienne  Evodius  AfTemani  ;   mais 
ceux-ci  font  plus  étendus  &  plus  détaillés.  Eufebe  ne  fit  que 
les  abréger  ;  nous  y  fupplcerons,  en  ajoutant  ce  que  ces  Ades 
renferment  de  plus  intéreffant. 
Martyre  de     XXXII.  Le  premier  des  Martyrs  de  Palefline,  félon  Eufebe, 
^i'uT^'^  cfl  faint  Procope  ,  Lcdcur  de  l'Eglife  de  Scytophe  fur  le  Jour- 
Tom.  i.'liiJ.  dain.  C'étoit  fuivant  les  A£les  originaux   un   homme  divin  , 
appliqué  dès  fajeuneffc  aux  jeûnes  &  autres  mortifications  du 
corps,  à  la  letture  des  divines  Ecritures  ,  inflruit  non-feule- 
ment de  la  Théologie  ,  mais  aufTi  des  Belles-Lettres.  II  faifoit 
dans  l'Eglife  de  Scytophe  trois  fondions  différentes  ,  de  Lec- 


(  /;  _)  Prudentiiis ,  de  Coronis ,  Hymn.  14, 

teur 


D' ORIENT  ET  D'OCCIDENT,  Chap.XXXT.  537 
tcur'dos  Livres  l'jints ,  d'inccrprocc  de  la  Langue  Grecque  & 
Syriaque,  &  d'Plxorcille  ,  ch.iflant  les  démons  des  corps  qu'ils 
poll'cdoienc.  11  étoic  de  lielc.n  ou  Jii-tlan  ,  Ville  de  la  Tribu  de 
IVIanaflfé. 

XXXIII.  Les  faints  Martyrs  Alphéc,  Zachéc&  Romain  Marnredei 
fourtrircnc  la  mort  en  un  même  jour,  quoiqu'cn  divers  en- ^^'"'■^^^l^^'^" 
droits ,  Içavoir  le  1 7  de  Nov.  303  ùir  la  fin  de  la  première  an-  pag.  171. 
née  de  la  perrécution  de  Dioclctien.  Alphéectoic  Le£leur  de 
l'EglifedeCélaréc,  Exorcifle& Prédicateur;  Zachée,  Diacre 
de  Gadare;  &  Romain,  Diacre  &  Exorcifte  dans  un  Village 
dépendant  de  Céiarée.  On  célJbroit  en  cette  Ville  les  Viccn- 
Jialles  de  Dioclétien,  ou  la  vingtième  année  defon  règne.  Le 
Préfet  de  la  Province  mit ,  fuivant  la  coutume  tous  les  pri- 
fonniers  en  liberté;  mais  il  fit  arrêter  plufieurs  Chrétiens.  De 
ce  nombre  fut  Zachée_,  Diacre  de  Gadare,  amené  chargé  de 
chaînes  à  fon  Tribunal ,  il  y  confeffa  la  foi  de  Jefus-Chrift, 
Le  Préfet  le  fit  déchirer  à  coups  de  lanières  &  avec  des  pei- 
gnes de  fer  ;  puis  Tcnvoya  en  prifon,  où  on  lui  mit  le  col  & 
les  pieds  dans  une  numellc  jufqu'au  quatrième  trou.  C'étoitun 
inftrument  de  bois  deftiné  à  tourmenter  les  malfaiteurs.  Al- 
phée  ioutfrit  les  mêmes  fupplices  pour  la  même  caufe.  Tra- 
duits enfuite  ïun  8c  l'autre  devant  le  Préfet,  il  leur  ordonna 
de  facrifier  aux  Empereurs.  A  peine  eurent-ils  répondu  qu'ils 
n'adoroient  qu'un  leul  Dieu  ,  Empereur  de  toutes  choies,  que 
les  bourreaux  leur  tranchèrent  la  tête, 

XXXIV.  Le  même  jour  le  Diacre  Romain  fouffrit  le  mar-    Aaes  du 
tyre  à  Antioche.  Il  étoic  oridnairedePaleftine.  Ilavoitcou-^?"!5^  ^? 
tume,  comme  Al phee,  d  exhorter  ceux  que  la  crainte  des  tour- pag.  u^. 
mens  faifoit  apoftaiîer  ,  à  rentrer  dans  la  véritable  Religion  ,    '^7f~  toni- 
en  les  faifanc  fouvenir  du  terrible  jugement  de  Dieu  ,&  alloit  ''P^S-^iï.' 
fans  être  invité,  dans  les  affemblées  des  Chrétiens  qui  crai- 
gnoient  la  mort ,  pour  les  raUurcr.  Il  alla  aufli  de  lui-même 
le  prélenter  au  Juge  Afclepiade  ,  &  voyant  qu'il  ordonnoic 
aux  Chrétiens  conduits  devant  fon  Tribunal ,  d'immoler  aux 
Idoles ,  il  employa  toute  Ion  éloquence  pour  les  en  détourner. 
Le  Juge  ordonna  aux  Gardes  de  l'arrêter  ,  &   le  condamna 
au  feu.  Mais  Dioclétien  qui  étoit  alors  à  Antioche ,  changea 
cette  Sentence ,  &  commanda  que  l'on  coupât  la  langue  à  Ro- 
main. Cependant  il  parloit  avec  autant  de  facilité  qu'aupara- 
vant. Il  fut  mis  en  prifon ,  &  dans  la  numelle,  les  pieds  éten- 
dus ,  jufqu'au  cinquième  trou  j  &  enfuite  étranglé.  Eufebe  de 
Tome  XXllL  Y  y  y 


•538   COLLECTION  DES  ACTES  DES  MARTYRS 

Ccfarce,  dans  Ton  fécond  Livre  de  la  Réiurrcdion  &  de  l'Af- 
cendon  de  Jefus-Chrift,  publié  par  le  Pcre  Sirmond  avec  les 
autres  Opulcules  de  cet  Hiiloricn  ,  a  donné  une  hiftoire  plus 
étendue  de  faint  Romain,  mais  en  ftyle  d'Orateur.  Prudence 
y  a  joint  le  martyre  d'un  enfant  nommé  Barulas  ,  dans  la  di- 
xième Hymne  des  Couronnes.  Cela  a  donné  lieu  de  diftm- 
guer  deux  Martyrs  du  nom  de  Romain  ,  l'un  Dicarede  Cé- 
iarée  ,  mis  à  mort  à  Antioche  fous  Dioclétien  ;  l'autre  Moine 
&  Citoyen  d'Antiochc,  martyriféen  cette  Ville  fous  Galère. 
Mais  cette  diftinftion  n'eft  pas  fondée  ,  &  il  efi;  viiihle  qu'Eu- 
febe  &  Prudence  ne  parlent  que  d'un  même  &  leul  Romain  , 
que  l'on  peut  dire  également  avoir  été  martyrifé  fous  Dioclé- 
tien &  fous  Galère,  puifque  ces  deux   (i)  Empereurs  pou- 
voient  être  à  Antioche.  On  peut  voir  dans  le  troiliéme  (  /) 
Tome  le  précis  des  Ades  du  martyre  de  l'Enfant  dont  on 
vient  de  parler. 
Les   Aftes     XXXV.  La  fecondc  année  de  laperfécution  de  Dioclétien, 
rrim^^Timo'-^  ^ui  étoit  l'an  ^04  de  l'Ere  Vulgaire  ,  l'Empereur  Dioclétien 
thée,p3g.i8i.  publia  un  fécond  Edit  contre  les  Chrétiens ,  beaucoup  plus  fé- 
vere  que  le  premier.  Celui-ci  ne  regardoit  que  les  Minières  de 
l'Eglife  ;  l'autre  ordonnoit  à  tous  les  Chrétiens  ,  fans  diftinc- 
tion  de  fcxe  &  de  condition  ,  de  facrifier  aux  Idoles.  Il  y  avoir 
à  Gaza  ,  Ville  de  la  Paleftine  ,  un  nommé  Timothée,  hom- 
me d'une  grande  intégrité  de  mœurs,  connu  pour  Chrétiert 
par  fes  Concitoyens,  quiétoient  de  tous  les  Peuples  les  plus 
attachés  au  culte  des  Idoles  :  ils  lui  faiioient  toutes  fortes  d'in- 
fultcs,  jufqu''à  le  frapper.  Enfin  il  fut  déféré  au  Préfet  Urbain^ 
qui  lui  fit  effuyer  les  plus  rigoureux  tourmens.  Enfuite  il  le 
condamna  à  être  confumé  à  petit  feu ,  dans  le  dcHein  de  pro- 
longer fon  martyre.  Mais  il  iortit  de  cette  épreuve  comme  l'or 
le  plus  pur.  Le  même  jour,  c'eft-à-direle  20  de  Novembre 
de  l'an  304,  &  dans  la  même  Ville,  Agapius&  Thecle  fu- 
rent expofés  aux  bêtes  par  ordre  du  Préfet.  Le  Ménologe  de 
Baille  dit  qu'ils  furent  arrêtés  &  condamnes  aux  bctcs,  parce 
qu'ils  avoient  converti  plulieurs  Payens  à  la  foi   de  Jefus- 
Chrift. 
Martyre  de     XXXVI.  Nous  n'avons  rien  à  ajouter  à  ce  que  nous  avons 


(  i  )  AJJimani ,  net,  in  bunc  locum ,  fag.  ]      (  /  )  Pag.  45  j , 
Ï7Î-I76. 


D'ORIENT  ET  D'OCCIDENT  ,  Chap.XXXT.     5^9 

dit  des  Actes  du  martyre  de  iaint  Apphicn  dans  le  troilie- raiiitA->i>hieii, 
me  Tome  (  w  )  de  cet  (  )ii  vragc.  Ce  Ibnc  les  mêmes  dans  Eu-  P'S-  JS?- 
fcbe  ,  que  dans  la  Colledion  d'Affemani.  Il  faut  dire  la  même 
choie  des  Adcs  du  martyre  de  faint  Edele  ,  frère  («)  d'Ap- 
phien,  &de  ceux  de  iaint  Agapius  (0),  qui  fut  cxpofc  une 
ieconde  fois   aux  bètes  fous  le  rcgne  de  Maximin  en  30^. 
Nous  remarquerons  feulement  qu'il  étoic  d'ulagc,  quand  on 
conduifoit  un  Chrétien  au  fupplice,  de  le  faire  précéder  d'une     An,  pag. 
tablette  ,  où  pour  toute  caufe  de  mort  on  fe  contentoit  d'é-  i^p. 
crire  le  nom  de  Chrétien. 

XXXVII.  En  parlant  de  fainte  Theodofie  ,  nous  avons  Martyre  as 
dit  qu'elle  avoit  confommé  fon  martyre  le  fécond  jour  d'A-  fti'jte  fheo- 
vril,  l'an  307,  auquel  en  cette  année  tomboit  la  fête  de  Pâque.  pa^g^'^'j^J,'"^®' 
Cela  cft  marqué  ainft  dans  le  texte  grec  d'Eufebe ,  mais  c'efl; 

une  faute.  Pâque  en  307  étoit  le  iixieme  d'Avril,  mais  en 
3 10  il  étoit  le  deuxième  de  ce  mois. 

XXXVIII.  Etienne  Affcmani  efl:  le  premier  qui  nous  ait    LesAaesJu 
fait  connoitre  le  Martyre  de  fainte  Theodote,  &  qui  en  ait  jî^.^'y^^  |''^ 
publié  les  A6tes.  Il  n'en  efl  pas  même  parlé  dans  les  Martyro-  jote  ,  pig.  " 
loges.  Le  Romain  fait  bien  mention  d'une  Theodote  marty-  ^i'- 

riféc  le  1 7  de  Juillet  à  Conflantinoplcjfous  Léon,  Iconoclafte  ; 
Se  d'une  autre  Theodote ,  qui  fouffrit  le  martyre  avec  fes  trois 
enfans  à  Nicée  en  Bythinie  le  8  d'Août.  Mais  elles  font  l'une 
&  l'autre  différentes  de  la  Martyre  Theodote  •  dont  nous  al- 
lons parler.  Celle-ci  fouffrit  fous  Licinius  en  3  18 ,  au  lieu  que 
Theodote  martyrifée  à  Conftantinople,  ne  le  fut  que  dans  le 
huitième  fiécle  pour  le  culte  des  Images.  Celle  que  l'on  fît 
mourir  à  Nicée  avec  fes  trois  enfans,  étoit  mariée;  au  lieu 
que  Theodote  mife  à  mort  fous  Licinius  ,  étoit  une  femme 
publique. 

XXXIX.  La  fix  cent  quarante-deuxième  année  depuis  la    J'-'i-iii. 
mort  d'Alexandre ,  l'an  de  Jefus-Chrift  318,1!  s'éleva  dans 

la  Ville  de  Philippe  une  perfécution  contre  les  Chrétiens.  Le 
Préfet  Agrippa  en  prit  occafion  d'une  Fête  folemnelle  qu'il 
fit  célébrer  en  l'honneur  d'Apollon.  Par  un  Edit  public  il 
ordonna  que  tous  participeroient  aux  facrifices  que  l'on  offri- 
roit  à  cette  divinité.  Theodote  n'eut  aucun  égard  à  l'Edit. 


(  »  )  tag.  46 1 .  l 

,     Y  y  y  ij 


540   COLLECTION  DES  ACTES  DES  MARTYRS 

Le  Préfet  ordonna  de  l'amener.  Elle  repondit  :  N'eft  ce  pas 
alTcz  que  je  paflTe  chez  tout  le  monde  pour  une  femme  de 
mau\  aile  vie  ,  fans  m'expoier  encore  à  me  voir  reprocher  au 
jour  du  Jugement  dernier  le  crime  d'apoftafie?  Le  Préfet  la  fit 
mettre  en  priion  ,  où  elle  refta  vingt-un  jours  (ans  qu'on  lui 
donnât  à  boire  ni  à  manger.  Elle  paflbit  le  jour  &  la  nuit  en 
prières.  Sept  cent  cinquante  hommes  admirant  la  fermeté  de 
Theodote ,  refuferent  comme  elle  de  participer  aux  facrificcs 
des  Dieux.  Ils  diloient  entr'eux  :  Si  une  femme  débauchée 
les  a  en  horreur,  ferons -nous  alfez  infenfés  pour  nous  priver 
de  la  véritable  vie  ? 
Bi^.iii.       XL.  Les  vingt-un  jours  écoulés,  elle  comparut  devant  le 
Juge,  qui  lui  demanda  quelle  étoit  fa  condition.  Je  fuis,  dit- 
elle,  de  fait  une  femme  publique,  mais  Chrétienne  de  Reli- 
gion ,  fî  toutefois  je  iuis  digne  du  nom  de  Jefus-Chrift.  Pour- 
quoi,  répliqua  Agrippa  ,  rcfufezvous  de  facrifîer  à  Apollon. 
C'efl:,  die  Theodote,  qu'il  n'eft  ni  jufte  ni  raifonnable  de  facri- 
fîer à  des  Idoles  de  bois  ou  de  pi^'rr^,  faites  de  la  main  des- 
hommes. On  la  tourmenta  cruellement,  &  les  affiflans  l'ex- 
hortoient  à  obéir  au  Préfet.  Elle  difoit  :  Je  n'abandonnerai 
jamais  le  vrai  Dieu  ,  &  n'adorerai  point  de  vains  (imulacres. 
Les  bourreaux  par  ordre  d' A  grippa  la  fufpendi  renc  au  chevalet, 
&  la  déchirèrent  avec  des  peignes  de  fer.  Pendant  ce  fuppli- 
ce  elle  difoit  à  haute  voix  :  Jefus  Chrifl ,  je  vous  adore  ,  8c 
je  vous  rends  grâces  de  ce  que  vous  méjugez  digne  de  fouf- 
frir  pour  votre  nom.  N'as-tu  pas  honte,  lui  dit  le  Préfet^  d'ap» 
peller  Dieu  un  homme  mort  iur  la  Croix  ?  Elle  répondit  que 
fi  Jeiusr- Chrifl  étoit  mort ,  c'étoit  pour  racheter  le  Genre  hu- 
main ;  mais  qu'il  étoit  rcflufcicé  ,  &  vivoit  immortel  dans  le 
Ciel  avec  fon  Père.  Le  Juge  fit  réitérer  le  tourment  des  pei- 
gnes de  fer,  &  jetter  du  tel  &  du  vinaigre  dans  f:s  plaies. 
Le  Dieu  tour- puiifant,  lui  dit  Theodote,  me  donnera  des  for- 
ces pour  fupporter  tout  ce  que  vous  me  faites  fouffrir  ;  &  fes 
récompenles  feront  au-deffus  de  la  cruauté  de  vos  tourmens. 
Le  Préfet  ordonna  enfuite  qu'on  lui  arrachât  toutes  les  dents; 
elle  en  rendit  grâces  à  Dieu.  Enfin  Agrippa  la  condamna  à^ 
être  lapidée  hors  de  la  Ville  de  Philippe.  Pendant  que  cela- 
s'exécutoit ,  elle  prioit  Dieu  de  lui  faire  miléricordc,  comme 
à  Rahab  lacourtifane,  &  au  Larron.   Je  vous  la  demande, 
ajoutoit-elle,  en  s'adreflTant  à  Jefus-Chrift  ,  parce  que  je  vous 
ai  aimé  comme  ©on  vrai  Dieu  :  recevez  maintenant  mon  cf- 
prit* 


D'ORTENT  ET  D'OCCIDENT ,  Chap.  XXXT.     541 

XLI.  A  la  luitc  des  Attos  des  Martyrs  d'Occident,  M.  VieJeralne 
A (Tcmani  a  fait  imprimer  la  ViedeSaint  Simcon  Srvlitc,  com- ^''"''°"  ^'^''' 
polee  par  le  Prêtre  Colmc  Ion  ami  ;  elle  navoit  pas  encore 
paru.  L'Editeur  l'a  donnée  lur  un  Manufcrit  de  Nitrie  en 
Chaldcen.  Thcodoret  avoit  compofc  la  Vie  de  ceSaint,  mê- 
me de  fon  vivant.  On  la  trouve  au  chapitre  26  de  Ion  Phi- 
lothce  parmi  fcs  autres  Ouvrages  ,  dans  Surius  &  dans  Rof- 
Weide.  Antoine,  Dilciple  delaint  Simeon,  en  écrivit auiïi  la 
Vie  quelque  temps  après  fa  mort,  mais  très- fuccintemenr, 
L'Anonyme  qui  Ta  traduite  du  Grec  en  Latin  y  a  ajouté  quan- 
tité de  choies  qu'il  avoit  apprifcs  lur  des  bruits  communs,  ou 
trouvées  dans  des  Mémoires  fur  la  Vie  du  Sajnt.  Bollandus 
l'a  donnée  traduite  du  Grec  par  Guillaume  Grotius  ,  au  cin- 
quième de  Janvier. 

XLIL  Le  Prêtre  Cofmc  étoit  de  Phanire  dans  la  Céléfi-  jm^ 
rie  ,  &  ce  fut  aux  infiances  des  Principaux  de  cette  Ville  qu'il 
écrivit  la  Vie  de  faint  Simeon,  pour  l'édification  de  fes  Con- 
citoyens. Elle  eft  écrite  avec  tant  d'ingénuité  &  d'exactitude, 
qu'on  ne  peut  refulcr  d'y  ajouter  foi.  Cofme  étoit  d'ailleurs 
contemporain  du  Saint,  &  nous  avons  encore  la  Lettre  qu'il 
lui  écrivit  au  nom  du  Clergé  &  du  Peuple  de  Phanii-e.  Il  nous 
aflTure  même  qu'il  avoit  vu  ce  qu^il  nous  apprend  de  ce  Saint , 
&  que  ce  qu'il  n'avoit  pas  vu  de  fes  yeux  ,  il  le  fçavoit  de 
Lt^ttres  écrites  à  faint  Simeon  même. 

XLIII.  Monfieur  AfTemani  a  mis  à  la  tête  de  la  Vie  de  ce  Pag.iioi 
Saint,  une  Homélie  faite  à  fa  louange  par fdint  Jacques,  Evê- 
que  de  Sarruge  en  Méfoporamie  fur  la  fin  du  cinquième  fié- 
cle.  Il  donne  cnfuite  le  précis  de  quekjues-uncs  de  fes  Let- 
tres. Simeon  en  écrivit  une  à  l'Empereur  Theodofc  le  jeune  "^^  ^+'^- 
pour  ie  plaindre  de  ce  que  ce  Prince,  à  la  folliciration  du  Pré- 
fet Alclepiade  ,  ou  Afcicpiodote ,  avoit  rendu  auK  Juifs  les 
Synagogues  qu'on  leur  avoit  ôtéfs  autrefois.  Il  écrivit  deux 
Lettres  pour  la  défenle  du  Concile  de  Chalcedoine  ,  l'une  à 
l'Empereur  Léon,  l'autre  à  Bafile ,  Evêque  d'Antioche.  Nice- 
phore  en  cite  une  troiiieme  à  l'Impératrice  Ludocie  ,  fur  le 
même  lujet.  Sa  Lettre  à  Bafile  d'Antioche  étoit  une  répon- 
le  à  celle  qu'il  en  avoit  reçue  ;  il  y  difoit  :  J'ai  fait  connoîtreà 
l'Empereur  mon  fentiment  fur  la  foi  des  Cik  cens  trente  Pères 
affcmblés  à  Chalcedoine.  Je  perfifle  dans  cette  foi,  qui  a  été 
révélée  par  le  Saint- Efprit.  Le  dilcours  lur  la  féparation  de 
l'idme  d'avec  le  corps,  imprimé  fous  lenom-de  faint  Simeon- 


542  COLLECTION  DES  ACTES  DES  MARTYRS 
dans  le  lepciemc  Tome  de  la  Bibliothèque  des  Pcres,  y  efi: 
aufli  attribué  à  faine  Macaire  d'Egypte,  &  fait  le  vingt-deuxic- 
me  entre  les  cinquante  qui  portent  Ton  nom.  Dans  quelques 
Manulcrits  il  eft  attribué  à  faint  Ephrem.  M.  AfTemani 
penie  qu'il  eft  de  Théophile  d'Alexandrie  ,  fous  le  nom  du- 
quel il  le  trouve  dans  un  Manulcrit  de  Nitrie. 
Pag.z^ô.  XLIV.  L'Editeur,  pour  ne  rien  laiflfer  à  défirer au Le£i:eur  , 
a  fait  graver  une  table  repréfentant  la  figure  de  la  colomne 
de  faint  Simeon  ,  furmontée  d'un  grillage  qui  l'empêchoit  de 
tomber.  Il  a  repréfenté  à  côté  la  Mandre  ou  Monaftcre  dont 
faint  Simeon  étoit  Supérieur ,  &  où  logeoient  fes  Difciples. 
Cette  Mandre  avoir  été  bâtie  avant  qu'il  élevât  une  colomne 
pour  y  demeurer.  M.  Aflfemanifait  voir  enfuite  par  les  té- 
moignages de  Theodoret ,  d'Evagre  &  de  quelques  autres 
anciens ,  que  faint  Simeon  eft  le  premier  qui  ait  vécu  fur  une 
colomne  ;  que  pendant  les  fept  premières  années  cette  co- 
lomne étoit  fort  bafte  ;  &  que  l'ayant  augmentée  infenfible- 
ment ,  elle  étoit  haute  de  quarante  coudées  à  fa  mort  ;  que  ce 
genre  de  vie  a  été  imité  dans  les  fiécles  fuivans  par  un  grand 
nombre  de  perfonnes.  > 
Tag.  r6%.  XLV.  Saint  Simeon  étoit  né  dans  un  Bourg  nommé  Sifa, 
Voyex.tom.1^,  de  patcns  Chrétiens,  qui  le  firent  régénérer  dans  les  eaux  du 
fag.ni.  Baptême.  Elevé  dans  la  vie  champêtre,  il  menoit  paître  les 
brebis  de  fon  père ,  &  paflbit  ainfi  fes  jours  dans  les  bois  & 
les  montagnes.  11  étoit  d'un  efprit  doux  &  gai ,  fobre  ,  robufie 
&  d'une  agilité  finguliere.  Ses  parens  étant  morts ,  il  refta 
feul  avec  Semfés  fon  frère.  Occupé  jufques-là  à  la  campagne, 
il  n'avoit  ni  entendu  lire  les  Livres  faints,  ni  appris  les  pré- 
ceptes de  la  Religion  Chrétienne.  Voyant  fes  Concitoyens 
aller  à  l'Eglife  les  jours  de  Dimanche  ,  il  les  fuivit.  La  pre- 
mière fois  qu'il  y  alla  on  lifoit  les  Epîtres  de  faint  Paul,  &  quel- 
que autre  partie  de  l'Ecriture.  Il  demanda  ce  que  contenoienc 
ces  Livres.  Ses  Compagnons  lui  dirent  ;  Ce  font  les  paroles  de 
Dieu  qui  habite  le  Ciel ,  &  fes  oracles.  Le  Dimanche  fuivant 
il  les  écouta  très-attentivement ,  enforte  qu'il  entendoit  très- 
bien  ce  qu'on  avoir  dit  &  ce  qu'on  avoit  lu.  Dès  ce  jour  il 
s'appliqua  à  ramaffer  de  l'encens ,  &  à  l'offrir  au  Seigneur , 
comme  s'il  eût  été  initié  dans  les  rits  facrés. 
^»g-  17Î'  XLVI.  Semfés  fon  frère  lui  propofa  de  partager  enfemble 
la  fucceftion  paternelle.  Simeon  le  laifla  le  maître  du  parta- 
ge &  du  choix  ,  en  l'affurant  qu'il  ne  l'inquictteroit  jamais 


D'ORTENT  ET  D'OCCIDENT,  Chap.  XXXI.  543 
fur  ce  fujct.  Quelque  temps  auparavant  ils  avoicnc  hérité  de 
leur  tante  ,  qui  étoit  trcs-riche.  Simeon  diftribua  le  mobilier  , 
partie  à  un  Monallere  ,  partie  aux  Pauvres,  &  abandonna 
les  fonds  à  fon  frerc.  Il  paroîc  que  ce  Monaftere  étoic  celui 
de  lainte  Eulcbone ,  (Itué  dans  un  Village  nommé  Telede ,  où 
il  avoit  un  oncle.  Il  olïrit  tout  ce  qu'il  avoir  à  l'Abbé  Helio- 
dore,  &  fut  reçu  au  nombre  di'S  Moines.  Le  troilieme  jour 
l'Abbé  le  prélenta  a  iaint  Maras,  Evéque  deGebeles,  ou  Ga- 
bules ,  dans  le  Patriarchat  d'Antioche  ,  qui  lui  coupa  les  che- 
veux. Semfés  à  l'imitation  de  fon  frère,  prit  audi  Thabic  Mo- 
naftique,  &  reçut  la  toniure  de  la  main  du  même  Evêquc, 
Cinq  mois  après ,  Semiés  retourna  à  Sifa  la  patrie ,  vendit 
tout  ion  bien  ,  &  en  donna  le  prix ,  partie  aux  Pauvres ,  partie 
au  Monaftere  de  Telede ,  où  il  demeura  avec  Simeon. 

XLVII.  Celui-ci  dépouillé  de  tout,  s'appliqua  tout  entier  ?ag.  275?» 
aux  exercices  de  la  vie  Religieule  \  aux  jeûnes  ,  aux  veilles  , 
à  une  prière  continuelle.  Enflamme  de  l'amour  divin  ,  il  fe 
crcufa  lui-même  une  foITe  dans  le  jardin ,  dans  laquelle  ilpaffa 
tout  l'Eté  ,  enfonce  jufqu'à  la  poitrine.  Il  en  fit  une  autre  fous 
un  amas  de  bois,  où  il  demeura  trente  jours,  &  pour  s'em- 
pêcher de  dormir  ,  il  appuyoic  fes  pieds  fur  un  bois  rond. 
Il  paiTa  quarante  jours  dans  un  antre  ténébreux  qui  n'étoic 
pas  loin  du  Monaftere.  Enfin  il  portoit  fur  lui  une  corde  gar- 
nie de  nœuds,  qui  s'enfonçant  dans  la  chair,  en  failoirforrir 
le  fang.  Toutes  ces  pratiques  fingulieres  lui  attirèrent  des  re- 
proches de  la  part  de  fes  Confrères.  Ils  en  portèrent  leurs 
plaintes  à  l'Abbé,  &  lui  demandèrent,  ou  d'obliger  Simeon 
à  fuivre  la  vie  commune  du  Monaftere,  ou  de  l'en  faire  for^ 
tir.  L'Abbé  fit  fur  cela  des  remontrances  à  Simeon  avec  beau- 
coup de  douceur  &  de  charité  ;  mais  n'ayant  pu  le  vaincre, 
&  le  voyant  prêt  à  partir ,  il  lui  offrit  quatre  deniers  pour  fon 
voyage.  Simeon  les  refula  ,  &  au  lieu  d'argent  demanda  à. 
l'Abbé  des  prières  ;  l'Abbé  en  fit  pour  lui  ,  &  le  bénit ,  en  lui 
dilant  ce  qu'Ifaac  dit  à  Jacob  :  Allez  en  paix ,  que  le  Seigneur 
foit  avec  vous. 

XLVIII.  Simeon  prenant  Dieu  pour  guide  de  fa  route,  ar-  f^g.  iZ6. 
riva  vers  le  foir  à  la  porte  du  Monaftere  de  Meras.  Elle  lui 
fut  ouverte  par  un  enfant  ,  qui  le  conduilît  au  Supérieur  , 
dont  il  fut  reçu  comme  s'il  en  avoit  été  connu  depuis  long- 
temps. Il  pafla  la  nuit  dans  la  chambre  des  hôtes,  mais  dès  le 
matin  il  pria  le  Supérieur  de  lui  donner  une  cellule  féparée  5 


544  COLLECTION  DES  ACTES  DES  MARTYRS 
où  iPpût  païïer  fcul  le  Carême.  A  la  prière  un  faint  Prêtre  nom- 
.me  BafTus  mura  la  porte  de  la  cellule,  après  y  avoir  mis  (Ix 
pains  ,  &  un  vafe  plein  d'eau.  Baffus  inquiet  de  la  fanré  de 
Simcon  ,  ouvrit  fa  cellule  au  bout  de  la  quarantaine.  Il  le 
trouva  priant  à  genoux  (p) ,  les  pains  entiers ,  &  le  vafe  plein 
d'eau.  BaOïis  lui  donna  le  Corps  de  Jefus-Chrift ,  dont  il  fur 
fi  fortifié,  qu'il  rcrournaà  pied  au  Monaftere, 

Tsg.  i88.  XLIX.  L'année  fuivante  ,  BafTus  vint  vers  le  même  temps 
ï-  cap.  13.  voir  Simcon  ,  a  qui  1  on  avoit  bati  une  cellule  lur  la  monta- 
gne voillne.  Il  en  ferma  la  porte  au  commencement  du  Carê- 
me, &  revint  l'ouvrir  lui-même  à  la  fin  du  jeûne.  Il  avoit 
amené  quelques  Prêtres  de  fon  Mçnaflere.  Ils  entrèrent  tous 
enfemble  ,  &  lui  firent  part  de  la  fainte  oblation.  Le  Prêtre 
Colme  rapporte  un  grand  nombre  de  miracles  &  de  vifions 
dont  Dieu  favorila  Simcon  ;  puis  il  ajoute,  que  ce  Saint  n'en 
eut  que  plus  d'ardeur  pour  le  jeûne ,  pour  la  prière  &  les  au- 
tres exercices  de  piété;,  cnfuite  il  parle  de  la  colomne  de  qua- 
rante coudées  lur  laquelle  il  demeura  le  relie  de  fa  vie.  Selon 
Evagre  il  avoit  auparavant  pafTé  neuf  ans  dans  le  Monaflere 
€11  il  fut  d'abord  inllruit  des  grandes  vérités  de  la  R  eligion 
Chrétienne.  Il  en  palîa  47  dans  la  Mandre  avec  fcs  Dilci- 
plcSjfur  de  petites  colomnes,  &  trente  lur  celle  qui  avoic  40 

^»g-  504.  coudées  de  hauteur.  Elle  n'avoir  félon  le  Prêtre  Colme  qu'une 
coudée  de  large:  d'autres  lui  en  donnent  deux.  Dans  un  ef- 
pace  fi  étroit,  &  où  il  étoir  obligé  de  fe  tenir  droit  jour  & 
nuit ,  il  ne  laifToir  pas  de  faire  de  fréquentes  adorations ,  ap- 
prochant autant  qu'il  le  pouvoit  fa  tète  de  fcs  pieds  ;  ce  qui 
kiicaufa  de  très-grandes  incommodités.  Une  maladie  de  neuf 

Tag.  30J.  mois  le  réduifit  prefque  à  la  mort.  L'Empereur  Theodofe  lui 
écrivit,  &  lui  envoya  trois  Evêques  pour  l'engager  à  quitter 
fa  colomne  pour  un  temps,  ou  du  moins  à  en  diminuer  la 
hauteur.  Il  lui  offrit  même  de  lui  envoyer  des  Médecins  pour 
le  guérir.  Simeon  reçut  les  Evêques  avec  toutes  les  marques 
d'honneur  qui  dépendoienrdelui  ,  &  fit  une  réponle  à  l'Em- 
pereur dans  laquelle  il  lui  donnoit  &  à  fes  fœurs  des  avis  fa- 
taires  pour  leur  conduite  particulière  ,  &  le  bon  gouverne- 
ment de  l'Empire.  Mais  il  ne  voulut  ni  quitter  fa  colomne. 


(p)  Théodoret  raconte  la  chofe  un  peu  différemment.  Voye>^  tom,  i^-f^fg.  1 14. 

ni 


D'OKTENT  ET  D'OCCIDENT.  Chap.  XXXT.     ^45 

ni  voir  les  Mcdccins  ,  dilant  aux  Evêqucs  :  Dieu  connoîc 
quelle  a  été  mon  intention  en  cmbrafTanc  cet  état.  Il  ne  per- 
mettra pas,  comme  je  l'eiperc,  que  j'aie  bcfoin  de  remède  ,  ni 
du  lecoursdes  hommes  pour  me  guérir  :  il  a  lui-mcme  le  pou- 
voir de  chaflcr  ma  maladie  quand  il  voudra. 

L.  Elle  ne  l'empCxha  pas  de  pafTer  le  Carême  fans  manger  ;  Pa^.  50?, 
6c  au  trente-huitième  jour  il  (e  trouva  parfaitement  guéri  ,  & 
J'ulccre  qui  lui  avoit  rongé  la  moitié  du  pied  ,  entièrement 
dilfipé.  Le  bruit  de  cette  guérifon  miraculeufe  fc  répandic 
bientôt  :  les  Evéqucs  Se  les  Prêtres  accoururent  pour  en  erre 
témoins  ;  Se  à  cette  occadon  Domnus  ,  Evêquc  d'Antioche  , 
étant  monté  fur  la  colomne,  lui  adminiftrarEuchariftic.  '''^'  '"** 

L[.  Il  fc  faifoit  un  grand  concours  de  Peuples  à  la  co-  Pag.^ij. 
lomne  de  Simeon  ;  les  Arabes  furtout  y  vcnoicnt  en  grand 
nombre.  Naamancs  leur  Prince  craignant  que  par  les  exhor- 
tations de  ce  Saint  ils  n'embralTaffent  le  Chriftianifme  ,  & 
ne  livrafTent  enfuite  l'Arabie  aux  Romains  ,  publia  un  Edic 
portant  défenfe ,  fous  peine  de  la  vie ,  d'aller  à  la  colomne  de 
Simeon.  Mais  une  vifion  célefle  que  Naamanès  eut  la  nuit 
luivantc ,  lui  fit  révoquer  fon  Edit.  Il  témoigna  même  qu'il 
iroit  volontiers,  comme  les  autres,  voir  Simeon,  &  qu'il  fefe- 
roit  Chrétien ,  s'il  n'étoit  foumis  au  Roi  de  Pcrfe.  Ainfi  la  Re- 
ligion Chrétienne  fit  de  nouveaux  progrès  dans  l'Arabie.  On 
y  bâtit  des  Eglifes  ;  les  Evêques  &  les  Prêtres  y  exerçoient  en 
paix  leurs  fùn£tions. 

LU.  Dieu  avoit  accordé  à  Simeon  le  don  des  miracles  :  le    Tag,  ^ii 
Prêtre  Cofme  fon  Hiftorien  en  rapporte  un  grand  nombre. 
Il  guérit  avec  de  l'eau  bénite  un  noble  Sabéen ,  attaqué  de- 
puis long-temps  d'une  douleur  aiguë  dans  le  cerveau  ,  à  la- 
quelle les  Médecins  n'avoient  pu  apporter  aucun  adoucifle- 
nient;  le  Fils  d'un  petit  Roi  de  Perfe  ,  paralytique  de  tous     ^'*£''i^7* 
les  membres  depuis  quinze  ans  ;  un  noble  Arménien,  Fils  du 
Satrape  de  toute  l'Arménie ,  privé  de  l'ufage  d'une  partie  de     ^"i-  34?^ 
fes  membres  par  une  apoplexie  ;  &  le  Légat  de  l'Empereur 
au  Roi  de  Perfe ,  qu'une  maladie  avoit  tellement  défiguré  y 
que  fon  vifage  étoit  tourné  derrière  fon  dos. 

LUI.  Il  y  avoit  cinq  ans  que  Simeon  demeuroit  fur  fa  co-    Tag.  jiS^. 
lomne ,  lorfque  Semfés  Ion  frère  mourut,  en  odeur  de  vertu. 
Simeonavoitconnulejourtroismoisauparavanr.il   pré.vit    Pis->7'' 
lui-même  fa  mort  dans  une  vifion  ;  &  il  ne  douta  pas  qu'elle 
ne  fût  proche  lorfqu'Antioche  &  les  Villes  voifines  furent  ren- 
Tome  XXlll.  Zzz 


54^    COLLECTION  DES  ACTES  DES  MARTYRS 

verfées  par  un  tremblement  de  terre  ,  arrivé  en  41^9 .  Alors  il 
appclla  le  premier  de  fes  Dilciples,  &  lui  dit:  Depuis  le  grand 
nombre  d'années  que  nous  converfonsenlemble,  vous  Içavez 
que  je  ne  me  fuis  couvert  que  de  ces  peaux  que  je  porte  ac- 
tuellement. Je  vous  conjure  de  m'en  couvrir  encore  après  ma 
mort.  Au  mois  de  Juillet  de  la  même  année  459  ,  il  fe  fit  au- 
tour de  fa  colomne  une  AfTemblée  de  perfonnes",  en  fi  grand 
nombre,  qu'il  fembloic  que  Dieu  y  en  eût  envoyé  de  toutes  les 
Nations  de  l'Univers  ,  pour  faire  au  Saint  leurs  derniers 
adieux.  Simeon  s'adrefiant  aux  Prêtres  &  aux  Peuples  ,  les 
confola,  &  les  exhorta  àobferver  exa«Stement  lesCom.mande- 
mens  de  Dieu ,  puis  les  renvoya  chacun  à  leurs  occupations. 
Le  25?  d'Août  il  fut  attaqué  d'une  langueur  mortelle,  qui  dura 
depuis  le  Dimanche  jufqu'au  Mardi.  Le  lendemain,  quiétoit 
le  fécond  de  Septembre  ,  fes  Difciples  étant  tous  préfens  ,  il 
en  nomma  deux  d'entr'eux  pour  Supérieurs ,  &  les  recomman- 
da tous  à  Dieu.  Enfuite  il  fléchit  trois  fois  les  genoux  ,  &  en 
fe  relevant  il  regardoitle  Ciel.  Un  Peuple  nombreux  quiétoit 
préfcnt,  cria  à  haute  voix  de  tous  côtés  :  Béniffez,  Seigneur.  Le 
Serviteur  de  Dieu  tournant  les  yeux  vers  les  quatre  parties 
du  Monde ,  les  bénit  de  fa  main ,  &  les  recommanda  à  Dieu 
par  trois  fois.  Puis  levant  une  féconde  fois  les  yeux  au  Ciel  , 
il  frappa  trois  fois  fa  poitrine  de  fa  main  droite ,  &  mettant 
fa  tête  fur  l'épaule  de  fon  premier  Difciple,  il  expira  le  deu- 
xième de  Septembre  à  l'heure  de  None ,  l'an  45p. 
^"S-  385.  LIV.  Ses  Difciples  craignant  qu'on  ne  leur  enlevât  fon 
corps ,  portèrent  au  haut  de  la  colomne  un  tombeau  dans 
lequel  ils  l'enfermèrent  jufqu^à  ce  qu'ils  puflTent  lui  donner 
une  plus  honorable  fépulture.  Il  fut  regretté  de  tout  le  mon- 
de ,  furtout  du  Clergé.  Mais  les  larmes  étoient  dans  la  plu- 
part mêlées  de  joie  ^  ne  doutant  pas  que  Dieu  ne  l'eût  mis  dans 
fa  gloire.  Un  Seigneur  de  la  première  qualité,  nommé  Arda- 
burius ,  fut  prié  par  les  Citoyens  de  la  Ville  d'Antioche  de 
demander  que  le  corps  de  faint  Simeon  y  fût  tranfporté.  La 
tranflation  s'en  fit  avec  une  pompe  extraordinaire.  Les  Evê^ 
ques  &  les  Prêtres  le  portèrent  alternativement  fur  leurs 
épaules  à  une  diftance  d'environ  quatre  mille  pas  de  fa  cellu- 
le. Enfuite  on  le  mit  fur  une  voiture  ,  que  les  Soldats ,  les 
Princes  &  les  Magiftrats  accompagnèrent  de  chaque  côté.  Les 
Romains  fuivoicnt  avec  le  Peuple.  Le  convoi  dura  près  de 
cinq  jours  j  c'efl-à-dire  depuis  le  Lundi  jufqu'au  Vendredi  , 


D'ORTENT  ET  D'OCCIDENT  ,  Chap.  XXXT.  547 
qu'il  arriva  à  Anciochc.  On  mit  le  corps  du  Saint  dans  la 
principale  Eglifc,  qui  avoit  ctc  bâtie  par  l'Empereur  Conf- 
tanùn,  &  dans  laquelle  on  n'avoit  julqucs-là  inhume  pcrl'on- 
ne ,  pas  même  des  Martyrs.  Les  obicques  fe  firent  au  ciianc 
des  Pfeaumcs  &  des  Hymnes.  L'Evêquc  d'Antioche  célébra 
pendant  plulleurs  jours  les  divins  Myllercs  fur  Ton  tombeau. 
Un  Encrgumene  y  fut  délivre  du  démon,  dont  il  ctoitpofTédé 
depuis  plulieurs  années. 

L  V.  L'Empereur  informe  de  la  mort  de  faint  Simcon ,  en-  T»g.  5^4^ 
voya  le  Préfet  de  la  Milice  avec  des  Députés  chargés  de  fcs 
Lettres  à  l'Evêquc  d'Antioche,  par  lefquelles  il  demandoic 
que  le  corps  de  ce  Saint  fut  transporté  à  Conflantinople  ,  affu- 
ranr  que  ion  interceflTion  fcroit  d'un  grand  fccours  à  l'Empire 
&  à  toute  h  République.  Ceux  d'Antioche  frappés  vivement 
de  cette  demande  ,  employèrent  les  remontrances  les  plus 
humbles  &  les  plus  pathétiques  auprès  des  Députés,  &  écrivi- 
rent en  ces  termes  à  l'Empereur  :  Les  murailles  de  notre  Ville 
étant  tombées  depuis  long-temps  ,  par  l'effet  de  l'indigna- 
tion de  Dieu ,  nous  avons  apporté  ici  le  très-faint  corps  (  de 
Simeon  )  pour  nous  tenir  lieu  de  muraille  &  de  défenfe ,  afin 
que  par  fon  interceflîon  nous  puiflions  être  en  fureté.  L'Em- 
pereur fe  laifia  fléchir,  mais  avec  peine,  &  le  corps  du  Saint 
refia  à  Antioche. 

LVI.  Il  a  été  parlé  plus  haut  de  la  Lettre  que  le  Prêtre  ïbîd. 
Cofme  écrivit  à  faint  Simeon  au  nom  du  Clergé  &  du  Peuple 
de  Phanire.  On  l'a  imprimée  à  la  fuite  de  la  Vie  de  ce  Saint. 
C'efl:  un  éloge  de  fes  vercus  éclatantes.  Il  y  efl  comparé  à 
Abraham  pour  fa  foi  ;  à  Moyfe  pour  fa  douceur ,  à  Jofué  pour 
la  probité  de  fes  mœurs, à  Élie  &  à  Elifée  pour  la  grandeur 
&  le  nombre  de  fes  miracles ,  à  Job  pour  fa  patience.  Colme 
lui  promet  au  nom  de  fcs  Concitoyens  qu'ils  obiervcront  ce 
qu'il  leur  avoit  prefcrit  touchant  la  fanctilication  du  Dimanche 
&  du  Vendredi  ;  qu'ils  n'auront  qu'une  mefure  &  qu'un 
poids  ;  qu'ils  fe  contiendront  dans  les  bornes  de  leurs  polfcf- 
fions,  fans  empietcer  fur  le  terrein  d'aucrui  ;  qu'ils  rendront  les 
promelTcs  à  ceux  qui  en  payeront  le  montant  ;  qu'ils  banniront 
de  leur  lociété  les  voleurs  &  ceux  qui  ufent  de  mdétices  ;  & 
qu'ils  fréquenteront  l'Eglife  pour  y  vaquer  aux  œuvres  de  leur 
falut.  On  voit  par-là  que  faint  Simeon  avoit  donné  aux  Pha- 
niricns  diverfes  inftrudlions ,  foit  de  vive  voix,  foit  par  écrit, 

Z  z  z  ij 


54»       t>ES   CONCILES  DE  PAMIERS, 

CHAPITRE     XXXII. 

Des  Conciles  de  Pamîers ,  de  Lavaur ,  Ç^c. 

Concîle  (3e  j,  A  p^^j  les  conquêtes  faites  par  les  Croifés  dans  les  pays 
iiTî^om?!!.  xV  nfcftcs  dc  Ihéréfic  des  Albigeois,  Simon  de  Montforr, 
Conc.  png.  ruii  uc.  Chcfs  de  Cette  Croifade ,  aflembla  à  la  fin  de  No- 
j°r'  ^  ^a!!'  vcmbre  1 2 1  2  une  aflemblée  nombreufe  à  Pamiers ,  où  il  ap- 
tom.  3.  pag.  petla  les  JtLvcques ,  les  JN'obles  &  les  principaux  Bourgeois; 
>ii'  enferre  qu'elle  fut  compofée  des  trois  Etats  de  fes  Domaines. 

Son  deifein  éioit  d'y  faire  des  r.gîcmcns  pour  le  rétablifle- 
incnt  de  la  Religion  ,  de  L  paix  &  des  bonnes  mœurs.  On 
chcifit  poi:r  rédiger  ces  réglemcns  douze  Ccmmiiïaircs ,  fça- 
voir  les  Evcqucs  de  Touloufc  &  de  Conférans ,  un  Templier, 
un  Hofpitalier,  quatre  Chevaliers  François  &  quatre  Habi- 
tans  du  Pays ,  dont  deux  étoicnt  Chevaliers  &  deux  Bour- 
geois. Ils  convinrent  d'abord  de  quarante-fix  articles,  puis 
ils  y  en  ajoutèrent  trois.  Simon  de  Montfort  &  tous  les  Che- 
valiers firent  ferment  de  les  obferver.  L'atle  elt  du  premier 
Décembre  12 12. 
ce  Condîe  ^      H*  ^^  ^^  P^^"'^  ^'^  c^ttc  aflemblée  dans  les  Collei^ions  or- 
tom.  i.Anec  dinaîrcs  des  Conciles ,  mais  on  n'y  en  trouve  pas  les  régle- 
p°[;^g''''""^'  mens.  Dom  Marrenne  &  Dom  Durand  les  ont  donnés  dans 
le  premier  Tome  de  leurs  Anecdotes.  On  peut  remarquer 
"'  '■        ceux-ci.  Défenfcs ,  tant  aux  Laïques  qu'aux  Evêques,  de  laif- 
fcr  fubfiO.er  les  Châteaux  ou  Forccreflcs  confignés  aux  Egli- 
fes,  &  d'en  bâtir  de  nouvelles.  Les  prémices  &  les  dixmes  fe 
payeront  dans  les  pays  conquis  comme  de  coutume.  On  n'im- 
pofera  pas  la  taille  aux  pauvres  Veuves,  ni  aux  Clercs,  à  moins 
'  '  ^'       qu'ils  ne  foient  mariés ,  &  qu'ils  n'exercent  le  négoce  ,  ou  ne 
^^^  foient  ufuricrs.  1!  nefe  fera  aucune  foire  ni  marché  les  jours  de 

Dimanche.  Un  Clerc  pris  en  quelque  déiir  que  ce  foit  fera 
Art.  5.  remis  entre  les  mains  de  fon  Fvéque  ou  de  l'Archidiacre  ;  ce 
Clerc  n'eût  il  d'auire  marque  de  c  Icricaturc  que  la  Couronne. 
ért.ç.  Les  ParoilTiens  feront  contraints  d'alfiikr  à  l'Eglifc  les  jours 
de  Fêtes  &  de  Dimanche  ,&  d'y  entendre  la  Prédication  & 
la  MelTe  entière.  Celui  qui  aura  donné  retraite  dans  fa  terre 


DE    LAVAURj&c.Chap.XXXII.         54^ 

à  un  Hcrcciquc,  en  fera  prive  pour  toujours.  Dans  les  Villa-  ^^^^  g^ 
gcs  où  il  n'y  a  point  d'Eglilc  ,  on  choifira ,  pour  en  faire  une  , 
la  inaiion  la  plus  propre  occupée  auparavant  par  un  Héréti- 
que, &  l'on  commettra  un  Prêtre  pour  la  delTervir.  Les  au- 
tres articles  regardent  la  police  des  Etats  de  Simon  de  Mont- 
fort  ,  &  de  quelques  autres  Seigneurs,  qui  avoient  confirquc 
à  leur  profit  les  terres  de  la  Nobleflc  qui  avoir  cmbraflc  ou 
favorilé  rhéréfie  ,  ou  qui  s'étoit  déclarée  contre  Simon  de 
Montforr. 

III,  Pierre  II  Roi  d'Arragon,  mécontent  des  vexations  que     Concile  de 
ce  Scieneur  cxcrçoit  dans  les  Provinces ,  &  auxquelles  il  ne  Lavaur   en 

J  •  II'  ^      rr  J       -ni'  m;.  7i;./. 

doutou  pas  que  les  Lcgats  n  eulienr  part ,  envoya  des  Dcpu-  '  g^_  ^^ 
tés  à  Rome  pour  y  foutenir  les  intérêts  des  deux  Comtes  de/^?.  &  hift.  d« 
Touloufe  fcs  beaux-frcres ,  des  Comtes  deFoix  &  de  Corn-  Jf,";^"^''^°^' 
iTiinges,  &  du  Vicomte  de  Béarn.  Le  Pape  Innocent  III  écou-  ^'fèj[  '  ^ 
ta  fes  plaintes,  en  (a)  écrivit  à  fes  Légats  ,  &  à  Simon  de 
Montfort.  Il  ordonna  aux  Légats  d'aflembler  un  Concile  , 
où  les  demandes  &  les  deflrsdu  Roi  d'Arragon  fcroient  exa- 
minés, afin  que  fur  l'avis  des  Pères  de  cette  Affemblée  le 
Saint  Siège  pût  ftatuer  ce  qui  feroit  convenable.  Le  Concile 
fut  d'abord  indiqué  à  Avignon  pour  la  fin  de  l'an  1212.  Mais 
les  maladies  qui  regnoient  en  cette  Ville,  l'obligèrent  de  l'in- 
diquer à  Lavaur,  où  il  fe  tint  en  effet  au  mois  de  Janvier 
1215.  Les  Archevêques  de  Narbonne  &  de  Bourdeaux  y 
aflifterent  avec  plufieurs  Evêques  &  Abbés.  Le  Roi  d'Arra- 
gon y  réitéra  les  mêmes  plaintes  &  les  mêmes  demandes  qu'il 
avoir  faites  à  Rome  par  fes  Envoyés.  Le  Concile  rejetta  fes 
propofitions,  &  refufa  de  recevoir  le  Comte  de  Touloufe  à 
fe  purger  canoniquement  du  crime  d'héréfie  &  de  la  mort  de 
pierre  de  Caftelnau.  Le  Roi  d'Arragon  appella  au  Saint  Siè- 
ge du  refus  que  les  Evêques  du  Concile  faifoient  d'écouter  fes 
propofitions  :  mais  les  Prélats  ne  firent  aucun  cas  de  cet  ap- 
pel ,  &  paflferent  outre.  Ce  Prince  voyant  qu'il  ne  pouvoit  rien 
gagner  fur  le  Concile  ,  fe  déclara  Protecteur  du  Comte  de 
Touloufe  &  de  fes  Alliés.  L'Archevêque  de  Narbonne  cffaya 
de  l'en  détourner  par  une  Lettre  fort  vive ,  où  il  le  menaçoic 
d'excommunication,  au  cas  qu'il  prît  ce  parti.  Mais  ces  mena- 
ces ne  firent  qu'aigrir  le  Roi  d'Arragon ,  qui  felia  au  contr^i- 


|[(i)  la/ioeeat,  III,  lib,  i  j,  Epp,  z\i,  2IJ. 


550       DES  CONCILES  DE  PAMIERS, 

re  plus  étroiccment  avec  les  Comtes  dcTouloufe,  deFoix,  de 
Coi-nminges,&  le  Vicomte  de  Béarn. 
Lettre    du      jy^  j^çg  Prélats  du  Concile  avant  que  de  fe  féparcr  rcndi- 

Concile  au  t>  j  ■    ■<      '      •  rr'      J  a  v 

Pnpe  inno-  reoc  compte  au  Pape  de  ce  qui  s  y  etoit  pâlie ,  &  tirent  1  apo- 
cent ,  lih.  i6.  logie  de  la  conduite  qu'ils  avoient  obfcrvée  à  l'égard  du  Com- 
^F'J  •  4t.  j.^  jg  Touloufe.  Ils  difoient  dans  leur  Lettre ,  que  ce  Seigneur 
depuis  fon  retour  de  Rome,  n'avoir  exécuté  aucune  de  ies  pro- 
meiïes  ;  qu'il  avoir  continué  à  favorller  les  ennemis  de  l'E- 
glife  ;  qu'il  avoir  menacé  de  chaffer  de  fes  Etats  TEglife&le 
Clergé  ;  que  dans  le  temps  que  l'Armée  Catholique  attaquoic 
la  Ville  de  Lavaur ,  où  écoit  le  fiége  de  Satan  &  la  primatie 
de  l'erreur,  il  avoir  envoyé  des  Chevaliers  &  des  Soldats  au 
fecours  des  aiïiégés  ;  qu'il  avoir  charte  l'Evêque  d'Agen  de 
Ion  Siège,  fait  prifonnier  l'Abbé  de  MoiflTac  ,  &  détenu  cap- 
tif, pendant  plus  d'un  an,  l'Abbé' de  Montauban  ;  qu'il  faifoic 
tout  le  mal  qu'il  pouvoit  contre  l'Eglife,  foit  par  lui-même  & 
par  fon  fils ,  foit  par  les  Comtes  de  Poix  &  de  Comminges  ,' 
&  par  Gadon  de  Béarn ,  fes  confédérés  ,  hommes  fcélérats 
&  pervers.  Les  Prélats  ajoutent  que  Simon  de  Montfort  ayant 
occupé  prefque  toutes  leurs  terres  ,  parce  qu'ils  font  ennemis 
de  Dieu  &  de  l'Eglife  ,  ils  ont  eu  recours  en  dernier  lieu  au 
Roi  d'Arragon  ,  &  l'ont  amené  à  Touloufe ,  pendant  la  tenue 
du  Concile  de  Lavaur ,  afin  qu'il  y  entrât  en  conférence  avec 
les  Evêques.  Vous  verrez,  continuent- ils^  ce  que  le  Roi  a  pro- 
pofé  &  ce  que  nous  lui  avons  répondu  par  nos  Lettres  fcel- 
lées.  Nous  envoyons  aufil  à  votre  Sainteté  le  confeil  que 
nous  avons  donné  à  vos  Délégués ,  après  en  avoir  été  requis  , 
fur  le  fait  du  Comte  de  Touloufe.  Ils  finiffent  en  priant  le 
Pape  de  terminer  une  affaire  qui  avoit  fi  heureufement  com- 
mencé, de  mettre  la  coignée  à  la  racine  de  l'arbre,  &  de  le  cou- 
per pour  toujours,  afin  de  l'empccher  de  nuire.  Soyez  ccrrain, 
difent-ils ,  que  fi  l'on  reflitue  à  ces  Tyrans  ou  à  leurs  héritiers 
les  domaines  qu'on  leur  a  enlevés  avec  tant  de  peine  &  par 
rcffufion  du  fang  de  tant  de  Chrétiens  ,  outre  le  fcandale  qui 
en  arrivera  ,  l'Eglife  &  le  Clergé  feront  dans  un  péril  émi- 
nent.  Plufieurs  Evêques  écrivirent  aufTi  au  Pape  contre  le 
Comte  &  les  P'abitans  delbuloule.  Ces  Lettres  eurent  leur 
cnct.  Le  Pape,  quoique  prévenu  en  faveur  du  Rià  d'Arra- 
gon, lui  ( /> }  enjoign;t  d'abandonner  les  Touloufaii.s  ,  leur 

■ ■ ■     1       !■       I  —  I  — — P.^^— ^ 

(*)  Imioteiit.  lu.  Epijl.  48.  W.  I^. 


DE  LAV  AUR,&c.Cha  p.  XXXTT.  ç^-i 
offrant  néanmoins  de  les  réconcilier  à  l'Eglilc  p.ir  leminiftere 
de  Foulques,  Kvê^ue  de  Touloulc  ,  s'ils  vouloicnt  y  revenir 
finccrcmenc  ,  ainfi  que  Tavoienc  aduré  les  Députes  du  Koi 
d'Arragon.  Le  Pape  révoqua  aulTi,  comme  obtenu  parfurprifc, 
le  Relcric  qu'il  avoit  donné,  portant  ordre  de  rcliituer  aux 
Comtes  dcFoix  ,  deCommingcs,  &  à  Gaflondc  Kéarn,  leurs 
domaines  ,  &  les  renvoya  pour  leur  abfolution  à  l'Archevêque 
de  Narbonnc  ,  Lcgnt  du  Saint  Siège.  Il  déclara  même  que  (i 
les  Touloulains  Sz  les  Comtes  leurs  Protcttcurs  pcrdftoicnt 
dans  leurs  erreurs  ,  il  fcroit  publier  une  nouvelle  Croifade 
contre  eux. 

V.  Le  Roi  d'Arragon  n'eut  aucun  égard  aux  ordres  du    ""e'"*   <?« 
Pape,  &  s'avança  avec  les  Comtes  deTouIoufe  les  alliés  vers  femoiés\  jvî^" 
Muret  ,  petite  Ville  du  Diocèfe  de  Comminges  fur  la  gau-reten  mj. 
chc  de  la  Garonne,  au  confluent  de  la  rivière  de  Longe  dans 
ce  fleuve ,  &  en  fit  le  fiége  au  mois  de  Septembre  12 1 3 .  Si- 
mon de  Montfort  le  fit  lever  ,  livra  enfuire  la  bataille  aux 
Princes  confédérés ,  remporta  la  viûoire,  &  les  mit  en  déroute. 
Le  Roi  d'Arragon  fut  tué  fur  la  place  ,  avec  plufieurs  Sei- 
gneurs Arragonois.  Sept  Evêqucs  &  trois  Abbés  qui  étoientà 
la  fuite  de  Simon  de  Montfort ,  &  qui  demeurèrent  pendant 
l'attion ,  adreflx^rent  le  lendemain  à  tous  les  Fidèles  (c)  une 
Lettre  pour  leur  faire  part  d'une  fi  glorieufe  viîtoire.  On  don- 
ne cette  Lettre  dans  la  colledion  des  Conciles  pour  une  Epître 
Synodale. 

VL  En  Angleterre  le  Légat  Nicolas  ,  autorifé  du  Pape  Tn-     r    -t    , 

I-     I       T-    '>   1    '    n     1        Ail  .  ^ .  Concile  de 

nocent  a  remplir  les  Evcches  &  les  Abbayes  qui  vaquoient ,  DuneftabJeen 

après  avoir  demandé  le  confentement  du  Roi ,  &  pris  con-  ^'i4.toiiiii. 
feil  pour  n'en  pourvoir  que  des  Sujets  méritans  ,  les  conféra  ,0^'  '  ^^^' 
au  contraire  à  des  perfonnes  peu  capables ,  fans  prendre  le 
confeil  de  l'Archevêque  de  Cantorberi.  Il  diflribua  auflî  à 
fes  Elèves  des  Cures  fans  l'aveu  des  Patrons  :  ce  qui  lui  atti- 
ra beaucoup  de  reproches.  L'Archevêque  ne  pouvant  fouffrir 
ces  abus  aitembla  après  l'Oclave  de  l'Epiphanie,  l'an  12 14, 
un  Concile  à  Dunefl:able  ,  où  de  concert  avec  fes  Sutfragans 
il  interjetta  appel  au  Saint  Siège  de  tout  ce  que  le  Légat 
avoit  fait  en  cette  occafion.  La  raifon  de  l'appel  éroit 
que  la  provifion  des  Eglifes  vacantes  appartenoit  à  l'Ar- 
chevêque. En  conféquence  le  Concile  envoya  deux  Clercs 


f,c)  Petrus  Valli  ftrti,  Mp.yj,  ^  tom,  il  .Concil. pxg,  ^, 


5«:2      DES   CONCILES  DE  PAMIERS; 

défendre  au  Légat  d'établir  des  Prélats  dans  ces  EglifcS. 
Le  Légat  ne  déféra  point  à  l'appel  ,  &  du  confentemcnc 
du  Roi  Jean  dont  il  droit  appuyé ,  il  députa  Pandofle  en 
Cour  de  Rome  pour  s'oppofer  au  dcffein  de  l'Archevêque.  Ce 
Prél.u  y  envoya  de  fon  coté  le  Dodeur  Simon  de  Langton 
fon  frère.  Pandofle  fe  rendit  le  Pape  favorable,  &  Simon  ne 
fut  pas  écouté. 
Concile  de  YK.  Le  Roi  Jean  ,  furnommé  Sans  terre ,  dtoit  excommunié 
ir^r^i^M- ^<^P"^^  long-temps  j  à  caufe  de  la  violente  perfécution  qu'il 
ji.i.^,.^.  103.  exerçoit  contre  les  Eccléllafliques ,  &  le  Pape  Innocent  III 
avoit  mis  fon  Royaume  en  interdit.  Ce  Prince  ayant  accepté 
en  II  I  5  la  forme  de  fatisfaiStion  que  le  Pape  lui  avoit  pref- 
crite,  lui  demanda  un  Légat  i  Latere.  Le  Pape  choiilt  Nico- 
las ,  Evêque  de  Tufculum  ,  qui  étant  arrivé  à  Londres  fur  la 
fin  de  Septembre  de  cette  année,  y  tint  dans  la  Cathédrale 
de  faint  Paul  une  affemblée  à  laquelle  affifterent  le  Roi  Jean 
avec  deux  Cardinaux  ,  le  Légat  Nicolas  ,  l'Archevêque  de 
Cantorberi ,  les  Evêques  &  les  Grands  du  Royaume.  Le  pre- 
mier jour  fut  employé  à  difcuter  le  dédommagement  que  le 
Roi  donneroit  au  Clergé  ;  &  il  offrit  de  payer  comptant  cent 
mille  marcs  d'argent,  &  le  furplus  à  Pâque,  fi  le  dommage 
montoit  plus  haut.  Il  fut  qucflion  au  fécond  jour  de  la  levée 
de  l'interdit.  Le  Roi  renouvella  devant  le  grand  Autel  l'aâie 
par  lequel  il  avoit  foumis  au  Pape  l'Angleterre  &  l'Irlande. 
La  charte  de  cette  donation  eft  du  3  O£lobre  121 3.  Elle  fut 
fcellée  en  or,  &  portée  au  Pape  Innocent  III  qui  accepta  cette 
donation  des  Royaumes  d'Angleterre  &  d'Irlande  par  une 
Bulle  rapportée  au  feiziéme  {d)  Livre  de  fes  Lettres.  Néan- 
moins le  dédommagement  des  Prélats  ne  fe  fit  qu'après  le 
Concile  ,  Se  la  levée  folemnelle  de  l'interdit  ne  s'exécura  que 
le  jour  de  la  Fête  des  Apôtres  faint  Pierre  &  faint  Paul  de 
l'année  fuivante  1214.  Il  avoit  duré  fix  ans  fix  mois  &:  qua- 
torze jour?. 
Concile  de  Vill.  Le  Cardinal  Robert  de  Corçon  étant  à  Rhcims  le 
en^t\^.\tid.  7  de  Décembre  1 214  ,  convoqua  un  Concile  à  Montpellier, 
frtj-.  103. 104.  auquel  il  appella  les  Archevêques  de  Bourges  ,  de  Narbonne, 
& hift.de Lan-  j'^^fcb  &  de  Bourdcaux,  avec  les  Evêques ,  les  Abbés ,  &  les 

K"edoc,tom.  -n         •  ti  ^     tj  c-      - 

3.pag,  265.    Archidiacres  de  ces  Provinces.  11  ne  prelida  pas  toutefois  a 


(  </  )  Innocent.  III,  lit.  1 6,  E^ijl.  1 3  r , 

cette 


DE  L  A  VAUR,  &ç.CHAP.XXXrri.  553 
cette  aflcmblcc  ,  ce  fut  le  Cardinal  Prieur  de  Bcncvcnr,  com- 
me Légat  dans  la  Province.  Pierre  en  fit  l'ouverture  le  8  de 
Janvier  12 15,  &  Ton  y  drcfla  quarante-llx  canons  pour  la 
réformarion  de  laDilcipline  ccckliaftic^ue  ,  la  dénonciation 
des  Hérétiques  8c  de  leurs  T'autcurs,  &c. 

IX.  Les  quatre  premiers  concernent  la  modcfîic  qui  doit    Canons  de 
régner  dans  les  habits  des  Evêques  6c  des  Clercs,  que  Ton  ne  "^''"'■'^'^ 
dillinguoit  prefque  plus  des  Laïques  ,  (Inon  qu'ils  étoientpius    c>«.  i. 
déréglés.  Le  Concile  ordonne  donc  que  les  Evêques  porte- 
ront des  habits  longs  ,&  par-defllis  un  rocher,  foit  lorl'qu'ils 
fortiront  à  pied  de  chez  eux ,  foit  lorfqu'ils  donneront  dans 
leur  maifon  audience  aux  étrangers.    Que  les  Chanoines  & 
autres  Clercs  ne  porteront  ni  habits  rouges  ni  habits  verds  ;     Can.  j. 
que  leurs   habits  de  deflus,  foit  de  laine  ,foit  de  lin  ,  feront 
fermés  &  defcendrontjufqu'aux  talons;  qu'allant  à  cheval  ils 
ne  porteront  point  d'éperons  dorés  ,  &  ne  mettront  pointa     Can.i: 
leur  monture  de  brides  dorées  ;  que  la  forme  de  leur  couronne 
fera  ronde.  Il  efl  dit  dans  les  trois  fuivans,  que  les  Clercs  ne       ''"'  '** 
prêteront  point  à  ufure  ;  qu'ils  ne  trafiqueront  point  ;  qu'ils     o».  y. 
n'auront  point  d'oifeaux  de  chaffe  &  ne  les  porteront  pas  fur     c.i«.  7, 
leur  poing;  &  que  jufqu'à  ce  qu'ils  aient  réformé  leur  maniè- 
re de  fe  vêtir,  ils  ne  pourront  obtenir  de  Bénéfice  ,  ni  lire 
Iblemnellement  l'Epître  ou  l'Evangile. 

X.  Le  Concile  défend  de  recevoir  des  Laïques  pour  Cha-     c.w.  s, 
noines  ou  Confrères,  &  de  leur  donner  la  Prébende  ou  dif- 
tribution  canoniale  du  pain  &  du  vin ,  ces  fortes  de  confra- 
ternités étant  préjudiciables  aux  Eglifes.  II  enjoint  aux  Eve-     ca».  m 
ques  de  donner  gratuitement  les  Bénéfices  à  des  perfonnes 
capables  de  les  poffédcr ,  &  leur  défend  de  pourvoir  de  Cu-     *-""•  "• 
rcs  des  jeunes  gens  quine  font  que  dans  les  Ordres  Mineurs.  îi'   '  ^' 
Il  y  a  plufieurs  Canons  fur  la  modertie  que  les  Moines  8c  les 
Chanoines  Réguliers  doivent  garder  dans  leurs  habits  &  dans 
leurs  équipages  ;  fur  l'obfervation  du  vœu  de  pauvreté,  dont 
le  Concile  dit  que  les  Supérieurs  mêmes  ne  peuvent  pasdif-     Can.  17, 
penfer.  Il  ne  veut  pas  même  qu'on  donne  à  un  Religieux  une 
certaine  fomme  pour  ion  nêceflaire,  &  ordonne  qu'il  y  aura     c««.  18. 
dans  les  Monafteres  des  perfonnes  prépofées  pour  donner  à 
chacun  les  befoins  à  cet  égard.  Afin  que  la  propriété  foit  ban-     Cw.  19; 
nie  des  Cloîtres ,  tant  chez  les  Moines  que  chez  les  Chanoines 
Réguliers ,  il  ordonne  d'excommunier  ,  chaque  Dimanche  au 
Tome  XXUI,  A  a  a  a 


554    DES    CONCILES  DE    PAMTERS, 

Chapitre ,  tous  les  Propriétaires.  Il  défend  aux  uns  &  aux  au- 
Can.  10.     ^^^g  d'exiger  quelque  chofe  pour  l'entrée  en  Religion  ;  de  fai- 
re la  fondion  d'Avocat  dans  des  caufes  étrangères  ,  s'il  n'y 
C.W.  II.     a  nécefTué  ou  grande  utilité  ,  &  qu'il  ne  foit  ordonné  par 
l'Evéque,  ou  par  leur  Abbé  ;  de  paffer  d'une  Eglifc  ou  d'un 
Monaftere  à  un  autre ,  fi  ce  n'eft  pour  quelque  caufe  approu- 
CaH.  i^.     vée  par  les  Canons  ;  de  faire  profcfllon  en  deux  Eglifes  ou  en 
deux  Monaftercs  ;  avec  ordre  à  ceux  qui  l'auroient  faite  ,  de 
demeurer  dans  l'Eglifc  eu  dans  le  Monaftcre  où  ils  ont  d'a- 
bord fait  profefTion ,  &  d'être  privés  de  voix  dans  l'autre.  Le 
Cim.  îi.     Con  ile  approuve  le  chargement  d'un  Monaftere  à  un  autre, 
quand  c'eft  pour  paffer  à  un  obfcrvance  plus  étroite.  11  or- 
d>-nne  que  Ks  Prieurés  qui  ne  peuvent  entretenir  trois  Reli- 
gieux ,  Lront  réunis  à  d'autres.  Les  Canons  fuivans  ont  rap- 
port à  la  ccnfervation  de  1 1  paix  ou  lûreté  publique,  que  l'on 
faifoir  jurer  à  tout  le  monde  f  us  peine  d'excommunication. 
Il  f  ft  ordonné  par  le  dernier  Canon  que  les  Archevêques  & 
Cait.AC.     Evcques  auront  en  ch.ique  Paroifle  un  Prêtre,   &  deux  ou 
trois  Laïques,  qui  frront  obligés  ious  lermenr,  s'il  eflbefoin, 
de  leur  déclarer ,  ou  aux  Juges  des  lieux ,  les  Hérétiques  qu'ils 
découvrirot  t. 
Décet  du      XI.  Pendant  la  tenue  du  Concile,  le  Cardinal  Pierre  de 
Conaieenri-  génévent ,  ._ui  favorifoit  les  intérêts  de  Simon  de  Montforr, 
deMonif.rt.    fit  un  grand  dikours  pour  dilpoler  les  tveques  a  donner  a 
ce  Comte,  en  récompenfe  de  tes  fervices,  la  Ville  de  Tou- 
loufe  qui  avoit  été  polfedée  par  le  Comte  de  Ra)mont  ,  & 
tous  les  autres  domaines  que  les  Croilés  avoicnt  conquis  dans 
les  ■,  ays  Hérétiques.  Ayant  enfuite  appelle  chez  lui  les  Pré- 
lats, il  leur  demanda  là-defîus  leur  confeil.  Ils  demandèrent 
du  temps  pour  délibérer,  &  après  s'eft communiqués  mutuel- 
leme  t  leurs  lumières  ,  ils  mirent  leur  avis  par  écrit ,  &  con- 
vinrent unanimement  de  choilir  le  Comte  de  Montforc  pour 
Prince  &  pour  Monarque  de  tout  le  pays.  Ils  prièrent  en 
même   temps   le  Légat  de  l'inveflir  de  tous  ces  domaines  : 
mais  fâchant  qu'il  n'en  avoit  pas  le  pouvoir  ,  le  Concile  prit 
le  parti  de  députer  à  Rome  l'Archevêque  d'Embrun   pour 
prier  le  Pape  de  leur  donner  Simon  de  Montfort   pour  Sei- 
gneur &  Monarque  du  Pays.  Le  Légat  fit,  en  attendant  la 
réponfe  du  Pape,  prendre podefTion  de  Touloule  au  nom  de 
l'Églife  Romaine,  par  Foulques  Evêque  dans  cette  Ville. Le 


DE    LAV  AUR,  &c.  Cfiap.  XXXII.       55^ 

Pape  Innocent  III.  donna  provifionncllcmcnt  le  Comté  de 
Touloufc  à  Simon  de  Montfort ,  jufqu'à  ce  qu'il  en  eût  été  dé- 
cide autrement  au  Concile  général  qu'il  avoit  convoqué  à 
Rome  pour  le  premier  de  Novembre  fuivant. 

A.  A.  A,  A.  A.  A.  A.  A,  »y  A,  A.  A  A  A  A  +  A  A  A  A  A  A  A  A  A.  A  A  A  A  A, 

CHAPITRE     XXXIII. 

Quatrième  Concile  de  Latran ,  iou':(iéme général. 

I.T     E  Pape  Innocent  III.  -occupé  depuis  long-temps  des     Convoca- 
I    J  moyens  de  recouvrer  la  Terre-Sainte  ,  &  de  réfcr-  Jj?:"^^  co^nd" 
mcr  les  mœurs  de  l'Eglife  univcrfelle,  crut  pouvoir  y  réulîir  ledc- Latran 
par  la  tenue  d'un  Concile  général.  Il  le  convoqua  par  une  ^'"  '^' /•  ''*• 
Bulle  datée  du  19  Avril  121 3.  Elle  fut  envoyée  par  toute  la  ]^' ,!m.'iï.^' 
Chrétienté,  &  adreflee  aux  Archevêques  &  Evêques  de  cha-  ConcH.  pag. 
que  Province,  même  au  Catholique  ou  Métropolitain  d'Ar-  ''■5* 
menie  &  à  l'Archevêque  des  Maronites.  Il  y  invira  audi  le 
Patriarche  d'Alexandrie  ,  c'efl-à-dire  celui  des  Melquites  : 
caries  Jacobites  regardoient  les  Latins  comme  Hérétiques. 

II.  Outre  le  recouvrement  de  la  Terre-Sainte  Se  h  réfor-     Motîfs  de 
mation  des  mœurs,  il  fe  propofoit  encore  d'éteindre  les  hé-  cation fi""^"' 
réfies,  d'affermir  la  foi  ,  d'appaifer  les  diiTentions.  C'efl  pour-  i.  Novembra 
quoi  il  pria,  tant  les  Evêques  que  les  Chapitres  des  Cathedra-  ^^'î* 

les ,  de  s'informer  exa£tement  de  ce  qui  avoit  befoin  de  cor- 
reâion ,  &  d'en  dreffer  des  Mémoires  pour  être  apportés  au 
Concile.  Il  fut  fixé  au  premier  jour  de  Novembre  1215.  Mais 
l'ouverture  ne  s'en  fit  que  le  jour  de  faint  Martin  ,  onzième 
du  même  mois. 

III.  II  s'y  trouva  quatre  cens  douze  Evêques ,  en  y  com-     Nombre  cî« 
prenant  deux  Patriarches,  foixante-onze  Primats  ou  Métro-  ceux  qui  yaf- 
polirains  ;  plus  de  huit  cens,  tant  Abbés  que  Prieurs  ,  &  un  '  "^"'* 
grand  nombre  de  Députés  pour  les  abfens.  Fridcric  Roi  de 

Sicile,  élu  Empereur,  Henri  Empereur  de  Conflantinople  , 
les  Rois  de  France,  d'Angleterre,  de  Hongrie,  de  Jerufa- 
lemjde  Chypre, d'Arragon,&  plulleurs  autres  Princes  y  avoienc 
leurs  AmbalTadeurs.  Les  deux  Patriarches  qui  y  aflTiflerent  , 
étoient  Latins,  IçavoirGervais  de  Conftantinople  ,&  Raoul 
dejerufalcm. 

A  a  a  a  ij 


55^       QUATRIEME  CONCILE  DE  LATRAN, 

Difficultés       IV.  Un  mois  ou  environ  avant  le  Concile,  Rodrigue  Chi- 
terminées  g  ArchevcGUC  de  Tolcdc  ,  ayanr  obtenu  du  Pape  la  pcr- 

ciie.iiij.pag.  miffion  de  propoier  les  prétentions  de  la  pnmatic  iur  les  Ar- 
*jî'  cheveques  de  Brague,  de  Compoftelle^  de  Tarragone  &  de 

Narbonnc,  en  préfence  des  Evoques  déjà  arrivés  ^  expliqua 
fes  raifons  &  fes  autorités  à  chacun  en  leur  langue  vulgaire  , 
en  Italien  ,  en  Allemand  ,  en  François ,  en  Anglois ,  enNa- 
varrois  ou  Bafque,  &  en  Efpagnol,  ce  que  l'on  regarda  com- 
me un  prodige  inoui  depuis  le  temps  des  Apôtres.  Il  allégua 
entr'autres  1  s  p.iviléges  des  Papes  Honorius  III ,  Gelafe  II, 
Lucius  II,  Adrien  IV,  &  la  Sentence  du  Cardinal  Hyacinthe, 
Légat  d'Alexandre  III, en  faveur  de  la  Primatie  de  Toled»; 
contre  Jean  de  Brague.  Cet  Archevêque  refufa  de  répondre,, 
difant  qu'il  n'avoit  pas  été  cité  pour  ce  fujet.  L'Archevêque 
de  Compoflelle  fe  défendit  fur  l'antiquité  de  fon  Eglife,  qui 
reconnoilToit  pour  fon  Apôtre  particulier  faint  Jacques  ,  pa- 
rent du  Seigneur.  Rodrigue  nia  le  fait,  &  foutint  que  cet  Apô- 
tre n'étoit  jamais  entré  en  Elpagne  ,  ayant  été  mis  à  mort  par 
Hérode  ,  dans  le  temps  qu'il  annonçoit  l'Evangile  dans  la 
Judée  &  la  Sam^irie.  Les  Archevêques  de  Tarragone  &  de 
INarbonne  n'ayant  rien  produit  pour  leur  défenfe ,  le  Pape 
laifla  la  conreflation  indécife  jufqu'àceque  les  Parties  cuflenc 
fourni  leurs  preuves.  Mais  il  accorda  à  l'Archevêque  de  To- 
lède la  Légation  en  Efpagne  pour  dix  ans ,  &  lui  accorda  di- 
vers privilèges.. 
d'ffi^T''^-^'^"      V.  Les  Députés  d'Angleterre  fe  plaignirent  qu'Etienne  de 
Matth.  Paris ,  hangton  avoit  confpiré  avec  les  Barons  du  Royaume  pour 
ad  an.  1215,  détrôner  le  Roi,  &  qu'ayant  été  fuipens  par  l'Evêquede  Vi- 
cheftre  &  les  autres  CommifTaires  du  Pape  ,  il  n'avoit  tenu 
aucun  compte  de   cette  cenfure  ;  qu'il  étoit  même  venu  au 
Concile  en  cet  état.  L'Archevêque  qui  étoit  préfent ,  deman- 
da l'abfolution  de  la  fuipenfe.  Le  Pape  ,  au  lieu  de  la  lui  ac- 
corder ,  confirma  la  fufpenfe  &  la  dénonça  aux  Evêques  fes 
Suffragans,  avec  défenfe  de  lui  rendre  obéiffance  tant  qu'elle 
dureroit.  II  cafTa  auffi  l'éledion  que  les  Chanoines  d'Yorc 
avoient  faite  de  Simon  de  Langton ,  &  ces  Chanoines  ayant 
poflulé  Gautier  de  Grai,  Evêque  de  Vorchefter  >  le  Pape  le 
leur  donna  pour  Archevêque, 
du  Condie^le      ^^-   ^^  Concile  s'aiTembla  dans  TEglife  Patriarchale  de 
II.  Novem- Latran  le  jour  de  faint  Martin  11  de  Novembre  12 15.  Inno- 
^'°'^'^'"""'cent  III  en  jfit  l'ouverture  par  un  Difcours ,  où  il  prit  ^^— 


/ 


DOUZIEME  GENERAL,  Cfï  ap.  XXXIIT.     557 
texte  ces  paroles  de  Jelus-Chrift  :  Y  ni  defnè  ardemment  de  té-  ii.Co«w/./>-Tf, 
léhrer  cette  Pdque  avec  vous.  11  y  diflinguc  trois  fortes  de  Pa-  '^'' 
qucsoii  palTagcs;  l'un  corporel,  d'un  lieu  à  un  autre  ;  l'autre    '""'  "' 
Ipirirucl,  d'un  état  à  l'autre  par  la  réformation  des  mœurs  ;  le     ' 
troillcmc  éternel ,  qui  cfl  de  cette  vie  à  la  gloire  célefte.  11 
explique  le  premier  pafTage,  du  voyage  de  la  Terre-Sainte 
pour  la  délivrer  des  mains  des  Infidèles.  Il  s'offre  d'aller  lui- 
même  en  perfonne  chez  les  Rois,  les  Princes  &  les  Peuples , 
pour  les  exciter  à  combattre  pour  le  Seigneur,  &  venger  l'in- 
jure du  Crucifié ,  qui  pour  nos  péchés  eft  chafîc  de  fa  terre  & 
de  {^  demeure  qu'il  a  acquile  par  fon  fang  ,  &  où  il  a  accom- 
pli tous  les  Myfleres  de  notre  falut.  C'cf!;  nous,  ajoute-t-il,  com- 
me Prêtres  du  Seigneur,  que  cette  expédition  regarde  fpécia- 
lement.  Nous  devons  contribuer  de  nos  perfonnes  Se  de  nos 
biens  aux  nécefTités  de  la  Terre-Sainte.  En  un  cas  femblabic 
Dieu  a  fauve  Ifraëlpar  les  mains  des  Machabées,  fils  du  Prê- 
tre Mathatias. 

VII.  Le  fécond  paflage  eft,  des  abominations  du  ficelé,  à     ^i'''^-  P-^» 
la  réformation  des  mœurs.  Le  Pape  dit  que  pour  le  procurer ,  '^^° 

il  faut  non-feulement  le  don  de  la  fcience ,  mais  encore  la  pro» 
bité  de  vie  dans  ceux  qui  en  font  chargés;  &  qu'après  avoir 
reconnu  l'énormitc  des  fautes  ,  ils  emploient  la  fcvérité  des 
peines  contre  les  coupables  ,  pour  les  ramener  au  devoir.  Il  ne 
diflimule  pas  que  la  corruption  des  mœurs  dans  le  Peuple  eft 
occafionnée  par  les  déreglemens  du  Clergé  ;  que  pour  cette 
raifon  on  doit,  félon  la  qualité  des  fautes  des  Clercs,  employer 
contre  eux  les  cenfures ,  les  interdire ,  les  fufpendre  ,  les  ex- 
communier, lesdépofer  ;  pour  empêcher  que  la  Foi  ne  périfTe, 
que  la  Religion  ne  foix  défigurée,  que  la  juflice  ne  foit  fou- 
lée aux  pieds ,  que  le  fchilme  &  Théréfie  ne  prévalent.  En 
parlant  du  troifieme  paflage,  qui  eft  de  cette  vie  à  la  célefte 
patrie ,  il  dit:  C'eft  cette  Pâque  furtout  que  je  defire  de  man- 
ger avec  vous  dans  le  Royaume  de  Dieu. 

VIII.  Le  Pape  fit  un  fécond  Difcours  dont  il  prit  la  ma-    Djfcoursrfà. 
tiere  du  Pfeaume  ôj.  Il  roule  fur  la  fcience  nécefl"aire  à  ceux  ^''p^  '  ^^'^' 
qui  font  chargés  du  foin  des  âmes,  &  fur  le  bon   exemple''"'^'' *'^" 
qu'ils  doivent  donner  à  ceux  qu'ils  inftruifent.  Cen'eft  qu'une 
exhortation  morale  ,  qu'il  fit  apparemment  à  la  fin  du  Con- 
cile. 

IX.  On  y  drefla  foixante-dix  Décrets  ou  Canons ,  qui  înrenz Q^l^°J\y^^' 
traduits  en  Grec  dans  le  même  temps  j.afin  que  les  Députés  des^"^.  142I-  '  ' 


558     QUATRIEME  CONCILE  DE  LATRAN , 

Patriarches  d'Antioche  &  d'Alexandrie  puiïent  les  reporter 
en  leur  pays ,  en  une  langue  intelligible ,  à  ceux  de  leur  na- 
tion. Ces  Canons  commencent  par  rexpcfition  de  la  Foi 'Ca- 
tholique ,  &  cela  étoit  néceffaire  par  rapport  aux  hcréfies  des 
Albigeois  &  des  Vaudois ,  qui  infedoient  alors  diverfes  Pro- 
vinces. Cette  formule  de  foi  eft ,  qu'il  n'y  a  qu'un  feul  Dieu  en 
trois  perlonnes,  lePcre,  le  Fils,  &  le  Saint-Efprit  ;  mais  une 
feule  elTence ,  une  fubftance  &  une  nature  très-fimple  ;  que  le 
Père  ne  tient  fa  fubftance  de  perfonne;  que  le  Fils  la  tient  du 
Pere,&  que  le  Saint-Efprit  procède  de  l'un  &  de  l'autre  fans 
commencement  &  fans  fin  ;  que  le  Père  engendre;  que  le  Fils 
cft  engendré ,  que  le  Saint-Elprit  procède  ;  qu'ils  font  con- 
fubllantiels  &  égaux  en  tout ,  également  puiflants ,  également 
éternels ,  un  feul  principe  de  toutes  chofes ,  Créateur  descho- 
fes  invifibles  &  vifibles ,  des  fpirituellcs  &  des  corporelles  ;  qui 
par  fa  vertu  toute  -  puifTante  a  ,  dès  le  commencement  du 
temps ,  fait  de  rien  l'une  &  l'autre  créature  fpiriruelle  &  cor- 
porelle ,  &  les  démons  même  ,  qu'il  avoit  crées  bons  ,  &  qui 
fe  iont  faits  mauvais  ;  que  c'ell:  par  la  fuggedion  du  diable  que 
l'homme  a  péché. 
liid.  -^^  Cette  fainte  Trinité  indivifible  félon  fon  cfTcnce  com- 

mune, &  diftinguée  félon  les  propriétés  perfonnelles,  a  doniié 
au  Genre  humain  la  dodrine  laluraire ,  par  le  minificre  de 
Mcyfe  ,  des  Prophètes,  &  defes  autres  Serviteurs ,  fuivant  la 
difpolltion  des  temps  ;  &  enfin  le  Fils  unique  de  Dieu  Jefus- 
Chrifl  incarné  par  la  vertu  commune  de  toute  la  Trinité ,  & 
conçu  deMarie  toujours  Vierge,  par  la  coopération  du  S.  Ef- 
prit,  qui  s'efl;  fait  homme  véritable  ,  compofè  de  l'ameraifon- 
nable  &:  du  corps  humain,  une  perfonne  en  deux  natures, 
nous  a  montré  plus  clairement  le  chemin  de  la  vie.  Immortel 
&  impAiïible  félon  la  Divinité ,  il  s'efl  fait  pafTible  &  mortel 
félon  l'humanité.  Il  a  même  fouffert  fur  le  bois  de  la  Croix 
pour  le  falut  du  Genre  humain.  Il  efi:  mort ,  defcendu  aux 
Enfers,  relTufcité  d'entre  les  morts,  &  monté  au  Ciel.  Mais 
il  efl:  defcendu  en  amc  ,  &  refrufcité  en  corps  ,  &  efl:  monté 
au  Ciel  en  l'un  &  en  l'autre.  Il  viendra  à  la  lin  des  Siècles 
pour  juger  les  vivans&  les  morts,  &  rendre  à  chacun  félon  fes 
œuvres,  tant  les  Réprouvés  que  les  Elus,  qui  reffufcireront 
tous  avec  leurs  propres  corps ,  afin  qu'ils  reçoivent  Iclon  leurs 
mérites,  bons  ou  mauvais  ;  les  réprouvés,  la  peine  éternelle 
avec  le  diable  ;  les  Elus, la  gloire  éternelle  avec  Jefus-Chrift, 


1 


DOUZIEME  GENERAL,  Chap.  XXXllT.  5^9 
XL  II  n'y  a  qu'une  feule  Kglifc  Univcrfelle  dos  Fidèles,  md.  par. 
hors  de  laquelle  nul  n'eft  abfolumcnt  fauve;  &:  dans  laquelle  i-fs* 
Jelus-Chrifl  cÙ.  le  Prêtre  Se  la  Vidimc  ,  dont  le  corps  &  le 
lang  font  véritablement  dans  le  Sacrement  de  l'Autel  fous  les 
cfpcccs  du  pain  &  du  vin;  le  pain  étant  (a)  tranfubflantié 
au  Corps  de  Jeius-Chrift  ,  &:  le  vin  en  fon  Sang  par  la  puif- 
fance  divine,  afin  que  pour  rendre  le  Myftere  de  l'unité  par- 
fait ,  nous  recevions  du  fien  ce  qu'il  a  reçu  du  nôtre.  Pcrlon- 
ne  ne  peut  confacrcr  ce  Myftere,  que  le  Prêtre  ordonné  légi- 
timement, félon  la  puifîcince  des  clefs  de  l'Eglife  ,  que  Jelus- 
Chrill:  a  donnée  aux  Apôtres  &:  à  leurs  SucceflTeurs.  Quant 
au  Sacrement  de  Baptême  ,  qui  cfl:  confacré  par  l'invocation 
de  la  Trinité  individuelle  ,  fçavoir  du  Pcre  ,  du  Fils  &  du 
S.  Efprit  fur  l'eau ,  il  procure,  tant  aux  enfans  qu'aux  aduhes , 
le  falut,  quand  il  leur  efl  adminiftré  iuivant  la  forme  de  l'E- 
glile,quel  qu'en  foit  le  Miniftre.  Si  après  l'avoir  reçu,  quelqu'un 
tombe  dans  le  péché ,  il  peut  recouvrer  fon  innocence  par  une 
vraie  pénitence.  Non-feulement  les  Vierges  qui  vivent  dans  la 
continence  ,  mais  audi  les  perfonnes  mariées ,  qui  plaifent  à 
Dieu  par  une  foi  pure  &  par  leurs  bonnes  œuvres  ,  méritent 
de  parvenir  à  la  vie  éternelle. 

Xll.  En  conféquence  de  cette  expofition  de  la  Foi  Catho-     o».  2, 
lique  ,  le  Concile  condamna  le  Traité  de   l'Abbé  Joachim 
contre  Pierre  Lombard  lur  la  Trinité  ,  où  il  l'appelle  héréti- 
que &  infenfé,  pour  avoir  dit  dans  fon  premier  Livre  des  jiÂi,'c!\:Zll 
Sentences  qu'une  choie  fouveraine  efl  Père,  Fils,  &  Saint-Ef-  j. 
prit  &  qu'elle  n'engendre  ,  n'eft  engendrée,  ni  en  procède. 
L'Abbé  J  oachim  prétendoit  qu'il  fuivoicdecettedoftrine  qu'il 
y  avoit  une  quaterniti  en  Dieu ,  fçavoir  les  trois  Perfonnes  de 
la  Trinité  &:  leur  cfpece  commune  ,  &  foutenoit  que  l'union 
des  pcrlonncs  n'eft  pas  propre  &  réelle  ,  mais  feulement  fi- 
militudinaire ,  comme  celle  des  Croyans,  dont  il  efl  dit  aux 


(a  )  Tn  qua  Eccle/ia  idem  ipfe  Sacercfos 
&  Sacrificium  Jefus  Chrjdus  :  cuiiis  Cor- 
pus &  Sangiiis  in  Sacramento  altaris  (ub 


me  de  Tr.wfuhftantiation  confacré  dans 
ce  C mon  ,  a  toujours  été  depui-.  employé 
pir  les  Théologiens  Catholiques   pour  R- 


fpeciebus  panis  &  vini  venciter  continen-  )  gnifier  le  changement  que  Dieu  opère  au 
lur  ;  tranfubftantiatis  pane  in  Corpu'  &  ■  Sacrement  df  l'Kuch.uiftie, comme  le  ter- 
^ino  in  ^anguinem  poteftite  divinâ  ,  ut  I  me  Ae  Cnnfihjl^iniiel  fut  confacré  au  Coiï- 
ad  perficiendum  Mvfterium  unititis  acci  I  cile  de  Nicée  pour  exprimei  le  Myftei» 
piamus  ipfî  de  fuo  quod  a  cepit  ipfe  de  i  de  la  Trinité, 
noftro.  Co«f.  Lateraii,  4.  Can,  i.  Le  ter-  i 


^  5^0       QUATRIEME  CONCILE  DE  LATRAN, 

'  or.  4.  II.  ^£^^5  Jpg  Apôrres  ,  qu'ils  n'avoienc  qu'un   cœur  &  qu'une 
Toa„.    X-,.  ame  ;  &  comme  die  Jcfus-Chrift  dans  faint  Jean  ,  en  par- 
^^  -l-  knc  des  Fidèles  à  fon  Père  :  Je  veux  qu'ils  Ibient  un  comme 

nous.  Pour  nous,  dit  le  Pape,  nous  croyons  avec  l'approba- 
tion du  faine  Concile ,  &  nous  confefTons  qu'il  y  a  une  chofe 
fouveraine  ,  qui  efl  le  Père ,  le  Fils  &  le  Saint- Efprit  ,  fans 
-qu'il  y  ait  de  quaternirc  en  Dieu  ;  parce  que  chacune  de  ces 
Perfonncs  eft  cette  chofe ,  c'eft-à-dire  la  fubflance ,  l'efTcnce 
eu  la  nature  Divine ,  qui  feule  eft  le  principe  de  tout.  Le  Con- 
cile déclara  donc  hérétiques,  tous  ceux  qui  défendroicntouap- 
prouveroient  la  doftrine  de  l'Abbé  Joachim  fur  cet  article  ; 
mais  il  déclara  auffi  qu'il  ne  prétendoit  pas  par  ce  Décret 
porter  aucun  préjudice  au  Monaftere  de  Flore  établi  par  cet 
Abbé,  &  où  l'oblervance  régulière  étoit  en  vigueur  ,  vu  fur- 
tout  qu'il  avoit  ordonné  de  remettre  tous  fes  Ecrits  au  Saint- 
Siège  pour  en  fubir  le  jugement,  &  que  dans  une  Lettre  fouf- 
crite  de  fa  main  il  faifoit  profeflion  de  fuivre  la  foi  de  l'E- 
glife  Romaine,  Le  Concile  condamna  auiïi  la  doârine  d'A- 
mauri ,  qui  foutenoit  que  chaque  Chrétien  eft   obligé ,  fous 
peine  de  privation  de  falut ,  de  croire  qu'il  eft  membre  de 
Jefus-Chrift.  Amauri  avoit  déjà  été  condamné  à  Paris  par 
rUniverfité  en  12 10. 
Cj».  3.  XIIL  Le  Concile  prononça  anathême  contre  toutes  les 

héréHes  dont  les  erreurs  étoient  contraires  à  la  formule  de  foi 
précédente, &  ordonna  que  les  Hérétiques, après  avoir  été  con- 
damnés, feront  livrés  aux  Puiflances  féculieres  ou  à  leurs  Baiî- 
lifs  pour  être  punis ,  en  dégradant  néanmoins  les  Clercs  avant 
que  de  les  livrer  au  Bras  féculicr  ;  que  les  biens  des  Laïques 
feront  confifqués ,  &  ceux  des  Clercs  appliqués  aux  Eglifes 
dont  ils  tiroient  leurs  rétributions  ;  que  l'on  frappera  au/Ti 
d'anathême  ceux  qui  feront  fufpeds  d'héréfie ,  s'ils  ne  fe  juf- 
tifient  d'une  manière  convenable,  fuivant  la  qualité  de  laper- 
fonne  ;  que  s'ils  demeurent  un  an  excommuniés ,  on  les  con- 
damnera comme  hérétiques.  Le  Concile  ajoute  que  l'on  aver- 
tira les  Puiffanc^s  féculieres,  qu'on  les  contraindra  même  par 
cenfures  de   prêter  ferment  en  public  qu'elles  chafleront  de 
leurs  terres  tous  les  Hérétiques  notés  par  TEglife  ;  que  fi  les 
Seigneurs  temporels  négligent  de  le  faire  ,  ils  feront  excom- 
muniés par  le  Métropolitain  &  les  Evêques  de  la  Province  ; 
que  s'ils  ne  fatisfont  dans  l'an,  l'on  en  donnera  avisauPape, 
qui  déclarera  leurs  vaftaux  abfous  du  ferment  de  fidélité  ,  & 

expofera 


DOUZIEME  GENERAL,  Chap.  XXXITT.  5^1 
expofcra  leurs  terres  à  la  conquccc  des  Catholiques  pour  les 
poffeder  pailiblcment,  après  en  avoir  chaflélcs  Hérétiques  , 
&y  conlervcr  la  pureté  de  la  foi,  lauf  le  droit  du  Seigneur 
principal  ;  pourvu  que  lui-même  ne  motte  aucun  obrtaclc  à 
l'exécution  do  cette  Ordonnance.  La  même  chofc  lera  ob- 
servée cà  l'égard  de  ceux  qui  n'ont  point  de  Seigneur  dont  ils 
relèvent,  c'ell;-à-dire  de  ceux  qui  ont  des  Fiefs  allodiaux  qui 
ne  relèvent  de  pcrionne.  Il  icmbloroit  que  le  Concile  entre-     r;    •  »  « 

•       r         1       r.    -rr  r-      i-  r-   p  i      r  •         Fleuri, Ihp, 

prentMt   iur    la  Fuiliance  iecuhere,  ii  ion  ne  [q  \o\\  'cnoxx.  vui-f.  t.j. 
que  les  Ambafladeurs  de  pluficurs  Souverains  étoicnt  préfens,  77-  '»»».  is, 
&  qu'ils  conientoient  à  ces  Décrets  au  nom  de  leurs  Maîtres.  ^''■^'  ''^^' 
On  accorde  aux  Catholiques  qui  le  croiferont  pour  extermi- 
ner les  Hérétiques,  la  même  indulgence  qu'à  ceux  qui  font  le 
voyage  de  la  Terre-Sainte;  on  excommunie  ceux  qui  reçoi- 
vent, qui. protègent  ou  reccllent  les  Hérétiques  ;  &  on  déclare 
cjue  fi  dans  l'an  depuis  qu'ils  auront  été  dénoncés  ,  ils  ne  fa- 
tisfont,  dès-lors  ils  feront  infâmes  de  plein  droit ,  &  comme 
tels  exclus  de  tous  offices ,  ou  confeils  publics ,  &  privés  de 
•voix  dans  les  élcdions  ;  qu'ils  ne  feront  pas  même  admis  à 
témoignage,  à  faire  teftamcnt  ,  ni  à  recevoir  fuccelTion.  Si 
c'efl  un  Juge  ,  fa  Sentence  fera  nulle,  &  on  ne  portera  point 
de  caufcs  a  fon  Audience. S'il  eft  Avocat,   il  ne  fera  point 
admis  à  plaider.   S'il  efl  Tabellion ,  les  ades  par  lui  dreflés 
feront  nuls.  Si  c'efl  un  Clerc ,  il  fera  dépofé  &  privé  de  tout 
Bénéfice.  Quiconque  n'évitera  pas  ces  excommuniés  depuis 
qu'ils  feront  notés  par TEglife,  fera  lui-même  excommunié. 
Les  Clercs  ne  leur  donneront  ni  les  Sacremens  ,  ni  la  fépul- 
ture  Excléfiaflique ,  &   ne  recevront  ni  leurs  aumônes  ,  ni 
leurs  offrandes ,  fous  peine  de  dépofition,  &  les  réguliers  fous 
peine  de  ne   p-as  jauir  de  leurs  privilèges  dans   le  Diocèfe. 
Le  Concile  défend  fous  peine  d'excommunication  à  qui  que  ce 
foit,  de  prêcher,  foit  en  particulier,  foit  en  public,  fans  une  pér- 
miflîon  du  Saint-Siège ,  ou  de  l'Evêque  Catholique  du  lieu. 
Ce  Décret  efl  fpécialement  contre  les  Vaudois  ,  qui  foute- 
noient  que  tout  Laïque  devoit  prêcher  ,  même  les  femmes. 
Enfin  il  ordonne  à  l'Evêque  de  vifiterau  moins  une  fois  l'an 
par  lui-même  ou  par  autre  perfonne  capable  ,  la  partie  de  fon 
Diocèfe  où  l'on  dira  qu'il  y  a  des  Hérétiques  ;  de  faire  jurer 
trois  hommes  de  bonne  réputation  ,  que  s'ils  iavent  en  quel 
lieu  il  y  a  des  Hérétiques  ou  des  gens  tenant  des  conventicu- 
ics  fecrets ,  ils  auront  foin  de  les  lui  indiquer  ;  de  faire  enfuite 
Tome  XX m.  Bbbb 


5'5^     QUATRIEME  CONCILE  DE   LATRAN, 

venir  les  accules  en  fa  prcfence ,  &  de  les  punir  canonique- 
ment,  au  cas  qu'ils  ne  le  juftifient  pas,  &  de  les  traiter  comme 
hérétiques.  Une  des  erreurs  des  Albigeois  étoit  de  condam- 
ner toute  forte  de  ferment  :  c'eft  pourquoi  le  Concile  l'ordonne 
plulicurs  fois  dans  ce  Canon,  il  finit  par  une  menace  de  dcpo- 
fition' contre  les-  Evcqucs  qui  négligeront  d'éliminer  de  leurs 
Dioccfes  tous  les  Hérétiques. 

Cfw..  4,  XIV.  Quoique  le  Concile  voulût  favorifer  &  honorer  les 
Grecs  réunis  à  l'Eglife  Romaine  ,  en  fupportant  autant  qu'il 
le  pouvoir ,  félon  Dieu  ,  leurs  mœurs  &  leurs  rits  ,  il  ne  put 
s'empêcher  de  blâmer  ceux  qui  après  s'être  fouftraits  à  l'o- 
béifiance  du  Saint-Siège,  pouflbient  leur  averfion  jufqu'à  la- 
ver les  Autels  où  les  Prêtres  Latins  avoient  célébré ,  &,  rébap- 
îifer  ceux  qu'ils  avoient  baptifés.  Il  défend  de  commettre  à 
l'avenir  de  fcmblables  excès,  fous  peine  d'excommunication 
&  de  dépcfition  En  plufieurs  pays  des  Peuples  de  diverfes 
langues  fe  trouvoicl^t  mclés ,  &  dificroienc  non-feulement 
dans  Jes  mœurs ,  mais  dans  les  cérémonies  de  la  Religion  , 
quoiqu  Habitans  d'une  même  Ville  ,  ou  d'un  même  Diocèfe. 
Ge  mélange  fc  rencontroic  à  Confia ntinople  &  dans  toute  la 
Romanie,  où  les  Latins  ctoient  répandus  parmi  les  Grecs  ;  & 
en  Orient,  à  Antioche,  à  Tripoli,  à  Acre  ,  où  les  Latins 
étoieni  mêlés  avec  les  Syriens  ,  les  Grecs ,  &  les  Arméniens. 
Pour  éviter  la  conrufion  que  pouvoir  pro^'uire  cette  diverfité 
de  langues  &  de  rits  entre  les  Chrétiens  de  la  même  croyan- 
ce ,  le  Concile  fit  un  Décret  qui  fera  rapporté  en  fon  lieu. 

€gn,,S':  Xy .  Il  régla  l'ordre  &  les  prérogatives  des  quatr.  Patriar- 
ches d'Orient ,  mettant  après  l'Eglife  Romaine  qui  a  la  prin- 
cipauté fur  toutes  les  autres  5  comme  mère  de  tous  les  Fidè- 
les 5  celui  de  Conflantinople  ,  puis  ceux  d'Alexandrie,  d'An= 
tioche  &de  Jerufalem.  Après  qu'ils  auront  re^u  du  Pape  le 
Pallium  5  en  lui  prêtant  ferment  de  fidélité  ,  ils  pouront ,  dit  le 
Concile ,  donner  le  Pallium  à  leurs  Suftragans  en  recevant  la 
pfQfcfïÎGn  d'obéifTance  pour  eux  &  pour  l'Eglife  Romaine.  Ils 
feront  porter  la  Croix  devant  eux  partout ,  excepté  à  Rome, 
&  dans  les  lieux  où  fera  le  Pape  ou  fon  Légat.  Dans  toutes 
ko -Provinces  de  leur  Jurildidion  ,  les  appellations  feront 
portées  devant  eux,  fauf  l'appel  au  Pape. 

C^«.^.  XVL  On  renouvelle  les.anciens  Décrets fouchanria  tenue 

des  Conciles  Provinciaux 3  &,  afin  qu'on  ;puifre  y  renfermer 
f^Giiemen':  ks  abus 5  ii.cft  ordonne  qu'oc  établira  en.  chaque^ 


DOUZIEME  GENERAL,  CHAP.XXXnr.  $<^_^ 
Diocci'e  des  pcrlbnncs  capables  ,  qui  pendant  toute  Tannée 
s'informeront  exadcmcnr,  mais  fans  exercer  aucune  JuiiU 
didion,  des  choies  dignes  de  reforme  ,  po\ir  en  faire  leur 
rapport  au  Concile  fuivant. 

XVir.  Il  cft  enjoint  aux  Ordinaires  de  veiller  h  la  correc- 
tion des  mœurs  de  leurs  Diocélains,  furtout  des  Clercs  ;  & 
afin  qu'ils  le  puilTent  faire  plus  librem.ent,  le  Concile  déclare 
qu'on  ne  pourra  les  empêcher  fous  prétexte  d'un  ufige con- 
traire ou  par  quelque  appellation  ,  à  moins  qu'ils  n'aient  ex- 
cède dans  la  forme  qui  doit  s'obfervcr  en  cas  pareils.  Quant 
aux  excès  commis  par  les  Chanoines  de  la  Cathédrale,  que  le 
Chapitre  a  coutume  de  punir,  il  efl:  dit  qu'il  les  corrigerai 
l'ordre  de  l'Evêque  ,  dans  un  terme  par  lui  limite  ;  lequel 
étant  pafTé  ,  il  les  corrigera  lui-même ,  en  employant  les  cen- 
■fures  Eccléfiaftiques  ;  que  fi  les  Chanoines  ceffent  de  faire 
l'Office  dans  leur  Eglife  fans  une  caufe  évidente  ,  l*Evêque 
ne  kiffera  pas  d'y  célébrer;  &  fur  fa  plainte  ,  le  Métropoli- 
tain ufera  contre  eux  des  cenfures  Eccléfiaftiqucs  ,  après  s'ê- 
tre afluré  de  la  vérité  du  fait. 

XVIII.  Voici  quelle  efl  la  manière  de  procéder  pour  la 
punition  des  crimes,  non-feulement  contre  les  Particuliers , 
mais  encore  contre  les  Supérieurs  de  moindre  rang.  Le  Pré- 
lat fur  la  diffàm.ation  publique  doit  informer  d'office:  mais  ce- 
lui contre  lequel  il  informe  ,  doit  être  préfent ,  fr  ce  n'eft  qu'il 
fe  foit  abfenté  par  contumace.  Le  Juge  lui  expofera  les  arti- 
cles fur  lefquels  il  doit  informer  ,  afin  qu'il  ait  la  faculté  defe 
défendre,  &  lui  déclarera  non-feulement  lesdépofitions,  mais 
les  noms  des  témoins  ,  &  recevra  fes  exceptions  &  fes  dé- 
•fenfes  légitimes.  Le  Concile  diftingue  trois  manières  de  pro- 
céder en  matière  criminelle ,  par  forme  d'accufation  ,  de  dé- 
nonciation 8c  d'inquifition  ou  d'enquête.  L'accufation  doit 
être  précédée  d'une  plainte  de  la  part  de  l'accufatcur  ;  la  dé- 
nonciation précédée  d'une  admonition  charitable  *,  l'inquifi- 
tion  précédée  d'une  diffamation  publique;  mais  il  déclare  qu'il 
n'eft  pas  néceffaire  de  fu ivre  fi  cxa£lement  cet  ordre  de  pro- 
cédure à  l'égard  des  Réguliers ,  &  que  l'on  peut ,  quand  il  efl 
àpropôs ,  leur  ôter  leur  charge  fans  toutes  ces  formalités. 

XIX.  Il  a  été  remarque  plus  haut  qu'en  diverfes  Provin- 
ces de  l'Orient,  il  fe  rencontroit  un  mélange  de  Chrétiens, 
dont  la  langue  &  les  rits  étoient  différens:  c'eft  pourquoi 
le  Concile  ordonne  que  les  Evêques  de  ces  Diocèfes  écabli- 

Bbbbij 


C/«H, 


Qitttf  0. 


'Cl 


(«.  3o 


Cm,  lei 


Ca/t,  II. 


5^4      QUATRIEME  CONCILE  DE  LATRAN, 

ronc  des  hommes  capables  pour  célébrer  à  chaque  nation. 
l'Office  divin ,  lui  adminiftrer  les  Sacremens  ,  &  l'inftruire 
chacune  félon  fon  rir  &  en  fa  bngue  ;  avec  défenfes  route- 
fois  de  mettre  deux  Evêqucs  dans  un  Diocèle  ,  mais  feule- 
ment un  Vicaire  Catholique,  fournis  entièrement  à  l'Evêque, 
pour  ceux  qui  font  d'un  autre  rit. 

XX.  Le  pain  de  la  parole  de  Dieu  étant  néceflaireau  Peu». 
pie  Chrétien  ,  les  Evcques  ne  pouvant  pas  toujours  la  dif- 
tribucr  par  eux-mêmes,  furtout  dans  les  grands  Diocèfes  , 
auront  foin.de  choifir  des  perfonnes  éclairées  pour  s'aquittec 
avec  fruit  de  ce  miniftere,  &  de  leur  fournir  les  chofes  né- 
cefiaircs  à  la  vie  ,  afin  qu'ils  ne  foient  pas  obligés  d'abandon- 
ner l'ouvrage  qu'ils  auroienc  commencé.  Ils  en  choifiront  de 
même  pour  entendre  les  Confeiïîons ,  impofer  des  pénitences, 
&  faire  tout  ce  qui  convient  pour  le  îalut  des  Ames. 

XXI.  On  renouvelle  l'Ordonnance  du  Concile  de  Latran 
fous  Alexandre  III,. portant  qu'il  y  aura  dans  les  Eglifes  Ca- 
thédrales un  Maître  de  Grammaire  &  des  autres  Sciences  , 
qui  infiruira  gratuitement  les  Clercs  de  ces  Eglifes  &  les  au? 
très  pauvres  Ecoliers,  auquel  on  donnera  le  revenu  d'un  Bé- 
néfice ;  que  la  même  choie  s'oblervera  dans  les  autres  Eglir 
fes;   mais  que  dans  la  Métropolitaine  ,  outre  ce  Maître  de 
Grammaire  on  établira  un  Théologal  ,   pour  enfeigner  aux 
Prêtres  &.aux  autres  Eccléfiaftiques  l'Ecriture  fainte  ,  &  ce 
qui  regarde  le  foin  des  Ames  ;  qu'à  cet  effet  il  lui  fera  donné 
le  revenu  d'un  Bénéfice,  dont  il  jouira  pendant  tour  le  temps 
qu'il  enfcignera  ,  fans  toutefois  qu'il  foit  pour  cela  Chanoine  j 
que  s'il  arrivait  que  l'Eglife  Métropolitaine  fût  furchargée 
pat  l'entretien  de  ces  deux  Maîtres  ,   l'on  pourvoiroit  à  la 
penfion  du  Maître  de  Grammaire  par  le  moyen  de  quelque 
autre  Eglifc  de  la  Ville ,  ou  du  Diocèfe. 
€sa.  lu        XXII.  La  réforme  n'étoit  pas  moins  néceflaire  dans  les 
Monaftcres  que  dans  le  Clergé  féculier.  Peur  y  remédier,  le 
Concile  crdcnna  que  dans  chaque   Royaume  ,  ou   chaque 
Province.,  les  Abbés  ou  les  Prieurs  qui  n'étoienc  pas  dans 
l'ufagc  de  tenir  Chapitres  généraux,  en  ticndroient  tous  les 
trois  ans  '5.  qu'ils  y  appellcroient  dans  ces  commtncemensdcux 
Abbés  de  Cîteaux  pour  les  aider ,  comme  étant  accoutumés 
depuis  long-temps  à  tenir  de  pareilles  aflTemblées  ;  qu'on  yv 
irajtercît  de  la  réforme  &  de  fobfervance  régulière  ;  que  cev 
ifdi  y  fçroiî  ilaïué  ayecT  approbation  des  quatre  PréîîdenSi 


DO-UZI  E  M  E  G  E  NER  A  L,  Chap.  XXXîIT.  jfTy 
du  Chnpicio ,  Icroir  oblcrvc  inviolablcmcnt  &  fans  appel; 
qu'on  y  prclcriroit  le  lieu  du  Chapirrc  luivanr ,  &  que  le  tout 
fe  fcroit  lans  préjudice  du  droit  des  tvêques ,  dont  alors  il 
n'y  avoic  pas  beaucoup  de  Monaftcres  qui  fudcnt  exempts  de 
leur  Juriididion.  Il  fut  encore  ordonne  qu'au  Cliapitrc  gé- 
néral on  députcroif  des  pcrfonncs  capables  pour  viiitcr  au 
nom  du  Pape  tous  les  Monaftcres  de  la  Province  ,  même 
ceux  des  Religieuies  ,  pour  y  corriger  &  réformer  ce  qu'il 
convicndroir  •,  que  s'ils  jugcoient  ncccifaire  de  dépofcr  le 
Supérieur  ,  ils  en  avcrtiroicnt  l'Evcque,  ou  le  Saint-Siège, 
au.  cas  que  l'Evcque  s'oppolâc  à  cette  dépofition.  Parce  i3é- 
cret  le  Concile  ne  prétendit  pas  décharger  les  Evoques  du 
foin  de  li  bien  réformer  les  Monafteres  de  leur  dépendance, 
que  les  Vifiteurs  ne  trouvaflcnt  rien  à  corriger.  Il  prcfcrivic 
également  la  tenue  des  Chapitres  à  un  Chanoine  régulier  ; 
&  ordonna  aux  Evêques  &  aux  Préfidens  des  Chapitres 
d'employer  les  cenfures  Eccléfiaftiques  contre  les  Séculiers. 
qui  feroient  quelque  tort  aux  Monafteres,  lans  que  ces  Sé- 
culiers puiifentfe  pourvoir  par  appel. 

XXIII.  Il  fut  défendu-  à  qui  que  ce  fût  d'inventer  de  nou-     cw.  13, 
■veaux  Ordres  Religieux,  &  ordonné  que  ceux  qui  voudroient 

entrer  en  Religion,  embrafferoient  un  des  Ordres  approuvés.. 
On  défendit  aufti  à  une  même  perfonne  d'avoir  des  places  de 
]VloiQe  en  divers  Monafteres,  &  d'être  Abbé  en  même  temps 
en  plufieurs  Maifons.  La  défenfe  d'inftituer  de  nouveaux  Or- 
dres fut  mal  obfervée  ;,&  il  s'en  établit  plus  depuis  ce  Conci-. 
le,  qu'il  n'y  en  a  voit  auparavant.- 

XXIV.  Un  Clerc  convaincu  d'incontinence  fera  puni  fui-     c»».  14, 
vant  la  rigueur  des  Cancns  ,  &  plus  grièvement  encore  celui 

qui  demeure   dans  un  pays  oij  il  eft   de   coutume    que  les    ç,,^ 
Clercs  fe  marient.  Ils  vivront  aufE  félon  les  règles  de  la 
tempérance  ,  &  celui  qui  fera  fujet  à  l'ivrognerie  ,  s'il^  ne  fe 
corrige  étant  averti  par  fon  Evcque ,  fera  fufpens  de  fon 
Bénéfice  ,  ou  de  fon  Oftice.  En,  général  il  eft  défendu  aux     Cj«.  kj». 
Clercs  d'aller  à  la  chaftc,  &  d'avoir  des  oifeaux  pour  ce  fu- 
jet.   On  leur  défend  encore  les  trafics  féculiers,  lesfpeda- 
cles,  les  cabarets,  fixe  n'eft  en  voyage  ,  &  les  jeux  de  ha- 
zard.  Ils  doivent  porter  une  couronne  6c  une  tonfure  con- 
venable à  leur  état  ,  avoir  des  habits  fermés ,.  qui  ne  foientr 
ni  trop  longs  ni  trop  courts  ,,  &  fans  parures  ;  porter  à  l'E— 
gUfe  des  chapes  fans. manches ,  fans  agraphes  &  fans  rubans-. 


s 


ç6^      QUATRIEME  CONCILE  DE  LATRAN, 

d'or  ni  d'argent.  Ils  ne  porteront  point  de  bague,  à  l'excep- 
tion de  ceux  à  qui  leur  dignité  donne  droit  d'en  porter.  Les 
Evoques  porteront  dedans  &  dehors  de  TEglife  des  furplis 
de  toile  :  leurs  manteaux  feront  attachés  ,  ou  fur  a  poitrine 
avec  des  agraphes ,  ou  après  le  col. 

Cm.  17.  XXV.  Le  Concile  fe  plaint  que  quelques  Clercs ,  &  même 
des  Prélats  ,  paflbicnr  une  partie  de  la  nuit  dans  des  feftins 
ou  des  entretiens  profanes  ;  que  dormant  jufqu'au  jour  ,  ils 
récitoient  les  Matines  avec  précipitation  ,  enpafîantia  moi- 
tié ;  qu'à  peine  célébroient-ils  la  Mcfle  quatre  fois  l'an  ,  & 
l'entcndoient'  rarement.  Il  les  menace  de  iufpenfe ,  &  les  ex- 

Cv;.  rs.  horte  à  célébrer  affiducment  &:  avec  dévotion  l'Office  du 
jour  &  de  la  nuit»  Il  leur  défend  de  di6ler  ou  de  prononcer 
ime  Sentence  de  mort ,  ni  de  rien  faire  qui  ait  rapport  au  der- 
nier fupplice  ;  d'exercer  aucune  des  parties  de  la  Chirurgie 
où  il  faut  employer  le  fer  ou  le  feu  ;  ni  de  donner  la  bénédic- 
tion pour  faire  l'épreuve  de  l'eau  chaude  ou  froide,  ou  du 
fer  chaud.  Quelques  Clercs  avoient  fi  peu  de  refpefl  pour  les 
Egliles,  qu'ils  y  mettoient  leurs  propres  meubles  &  ceux  des 

c».  i}.  autres  ,  enforte  qu'elles  reffcmbloient  plus  à  des  maifons  de 
Laïques  ,  qu'à  des  Bafiliques  de  Dieu  :  le  Concile  défend 
-d'y  porter  des  meubles ,  fi  ce  n'eft  dans  des  cas  de  néceïïité  , 
comme lorfqu'il  y  a  du  danger  de  les  perdre  parles  incurfions 
des  ennemis.  Il  blâme  la  mal-propreté  des  vafes  facrés  &  des 
linges  deftinés  au  facré  Miniftere  ,  qui  étoit  telle  qu'on 
ne  rauroit'  pas  fouffcrte  dans  des  meubles  deftinés  à  desufa- 

Cî».  10,  ges  profanes.  Il  ordonne  que  dans  toutes  les  Eglifes ,  le  faint 
Chrême  &  l'Euchariftie  feront  enfermés  exactement  fous  la 
clef,  &  fufpend  pendant  trois  mois  de  leur  office  ,  ceux  qui 
auront  été  négligens  à  cet  égard  ,  en  les  menaçant  d'une  pei- 
ne plus  confidérable  ,  s'il  arrive  quelque  profanation  de  l'un 
&  de  l'autre. 

Cm  2ï.  XXVI.  Nous  avons  rapporté  dans  le  cours  de  cette  Hif- 
toire  plufieurs  Décrets  des  Conciles  ,  qui  pour  ranimer  la 
ferveur  des  Fidèles  dans  la  participation  de  l'Euchariflie,  les 
obligeoient  de  la  recevoir  au  moins  trois  fois  l'année  ,  à  Pâ- 
quc  ,  à  la  Pentecôte  &  à  Noël.  Mais  ces  Canons  ne  furent 
pas  long-temps  en  vigueur  ;  &  dans  le  douzième  fiécle ,  la 
plupart  des  Chrétiens  ne  communioient  plus  qu'*une''foisl'an  , 
à  fçavoirà  Pàque.  D'ailleurs,  les  Albigeois  &  les  Vaudois  ré- 
pandus en  plufieurs  Provinces  5  méprifoient  ce  Sacrement ,  8c 


DOUZIEME  GENER  AL,  Chap.XXXIÎT.     567^ 
préccndoicnc  recevoir  la  rémifTion  de  leurs  pèches  Tans  con- 
Icllion  ni  lacistadion  ,  par  la  l'cLile  impolition  des  mains    de 
de  l'un  de  ceux  c]U  ils  appclloicnt  Frevôis ,  Eveques  ou  Diacres. 
Le  Concile  fît  donc  un  Canon  qui  porte  que  tous  les  Fidèles 
parvenus  à  Tàgc  de  dilcretion  ,   confciTcront  tous  leurs  pè- 
ches au  moins  une  fois  Tan  à  leur  propre  Prêtre  ;  accompli- 
ront la  Pénitence  qui  leur  fera  impofée ,  &  recevront  le  Sa- 
crement de  l'Euchariflie  avec  refpciSl ,  au  moins  à  Pâquc,  ,  ii 
ce  n'cfl  qu'ils  croient  s'en  devoir  abftcnir  pour  une  caufe  rai- 
fonnablc ,  &  de  l'avis  de  leur  propre  Prêtre ,  pendant  quelque 
r^mps  ;  que  ceux  qui  ne  s'acquitteront  pas  de  ce  devoir  ,  le- 
ront  condamnes  à  être  privés  ,  de  leur  vivant-,  de  l'entrée  de 
l'Eglile  ,  &  de  la  fépulture  Eccléfiaftique  après  leur  mort  ; 
que  ce  ftatut  Icra  publié  fouvcnt  dans  TEglife  ,  afin  que  pcr- 
fonne  n'en  prétende  caufe  d'ignorance.  Le  Canon  ajoute  que 
fi  quelqu'un  veut  confcfler  fes  péchés  à  un  Etranger  ,  c'eft-à- 
dire  ou  à  un  Curé  voifin  ou  à  tout  autre  Prêtre  approuvé,  il  ; 
en  demandera  &  en  obtiendra  la  permilTion  de  fon  propre  Prê- 
tre ,  parce  qu'autrement  (cet  Etranger  )  ne  pourroic  le  lier 
ni  le  délier  ;  qu'au  refle  le  Prêtre  à  qui  ils  confeflfent  leurs 
péchés  ,  doit  être  difcret  &  prudent ,  panfer  comme  un  bon 
Médecin  les  blefTures  des  malades  ;  y  mettre  de  l'huile  &  du 
vinaigre ,  en  s'informant  exaâement  du  pécheur ,  &  des  cir- 
conflances  du  péché,  pour  f^ivoir  quel  confeil  il  lui  doit  don= 
ner ,  &  de  quels  remèdes  il   doit  fe  fervir  pour  le  guérir  ; 
qu'il  doit  aufll  prendre  garde  de  ne  pas  découvrir  par  quel- 
que parole  ou  par  quelque  figne   les  péchés  de  ceux  qui  fe 
confefient  ;  s'il  a  befoin  de  confeil ,  il  doit  le  demander  fans 
désigner  la  perfonne  qui  s'efl  confefTée.  Le  Concile  ordonne. 
que  celui  qui  aura  fait  connoître  un  péché  qui  lai  aura  été  ■ 
révélé  eit'ConfelTîon ,  foit  condamné  non-feulement  à  être  dé- 
pofé ,  mais  encore  à  être  renfermé  toute  fa  vie  dans  un  Mo- 
naftere  pour  y  faire  pénitence.  On   peut  remarquer  que  ce  : 
Ganon  ne  détermine  que  le  temps  de  la  Communion,  qu'il  fixe 
àPâque,  &  non  celui  de  la  ConfeflTion  ;  parce  qu alors  (è  ) 
on  devoir  la  faire  au  commencement  du  Carême.  Nous  re- 
marquerons encore  que  quoique  par  le  terme    de  propre  Piê'.r- 
tre ,  l'on  entende  communément  le  Curé ,  on  peut  néanmoins^- 


ib)  Petrits  Covtejlor.  Serm.  i6» 


«5ro8      QUATRIEME  CONCILE  DE  LATRAN, 

iuivant  le  cinquième  Concile  de  Latran  (  c  )  ,  fatisfaire  au 
Canon  que  nous  venons  de  rapporter,  en  confeflant  fes  pé- 
chés à  tout  autre  Prctre  approuvé  par  l'Ordinaire  ,  mais  non 
pas  recevoir  de  lui  TEuchariftie  à  Pâque. 

Cfl«.  îî.  XXVII.  Lorlqu'un  Malade  fera  venir  les  Médecins,  ils 
l'aveitironc  avant  de  lui  rien  ordonner  pour  le  rétablifTemenc 
de  fa  fanté,  de  pourvoir  au  falut  de  fon  ame;  cette  précau- 
tion étant  même  néceflaire  pour  l'eflicacicé  des  remèdes  ; 
parce  qu'il  arrive  quelquefois  que  le  danger  de  mort  efl  plus 
grand ,  lorfqu'on  attend  à  l'extrémité  à  avertir  le  malade 
de  fonger  au  falut  de  fon  ame.  Le  Concile  ordonne  que  les 
Pv'lédecins  qui  auront  failli  en  ce  pointj  foicnt  privés  de  l'en- 
rrée  de  l'Eglife  jufqu'i  une  facisfadlion  convenable.  Il  leur 
défend  encore  fous  peine  d'anathème  de  rien  confeiller  au 
Malade  pour  la  fanté  de  fon  corps  qui  puiffe  nuire  au  falut 
de  fon  arrre. 

^^^^  XXVIîI.  Béfcnfe  de  laifler  vaquer  plus  de  trois  mois  un 

Evêché  ou  une  Abbaye.  Autrement  ceux  qui  avoient  droit 
d'élire  ,  en  feront  privés  pour  cette  fois  ,  &  il  fera  dévolu  au 
Supérieur  auquel  il  appartient  de  pourvoir  à  la  vacance ,  le- 
quel ne  pourra  différer  de  la  remplir  dans   trois  mois  ,  en 

C«//.  14.  pœnant  pour  cet  effet  le  confeil  de  fon  Chapitre.  L'éleftion 
doit  fe  faire  en  préfence  de  tous  ceux  qui  doivent  &  peuvent 
commodément  y  affifler.  Elle  peut  fe  faire  en  trois  manières, 
par  fcrutin ,  par  compromis  ou  par  infpiration.  En  la  premiè- 
re ,  les  Vocaux  doivent  choifir  trois  perfonnes  du  corps  pour 
recueillir  fécrettement  les  fuffrages  de  chacun  en  particulier, 
Jes  rédiger  par  écrit ,  &  les  publier  aufiTi-tôt  en  commun  ;afîn 
que  celui-là  foit  élu  en  qui  s'accorde  la  plus  grande  ou  la  plus 
faine  partie  du  Chapitre.  La  féconde  fe  fait  en  remettant  le 
pouvoir  à  quelques  perfonnes  capables ,  qui  élifetit  au  nom  de 
tous  :  &  la  troifieme  ,  lorfque  tous  s'accordent  à  nommer  un 
même  Sujet ,  comme  par  infpiration  divine.  Toute  autre  for- 
me d'éledion  eft  déclarée  nulle.  Perfonnene  peut  donner  fon 
fuffrage  par  Procureur,  à  moins  qu'il  ne  foit  abfenr  pour  empê- 
chement légitime;  &  auffi-tôt  que  l'éieclion  cfl:  faite,  on  doit 
la  publier  folemnellemenr.  Si  elle  fe  fait  par  l'autorité  de  Ja 
>Cat>.  ij.  Puiflfance  féculiere ,  elle  fera  nulle  de  plein  droit  :  l'Elu  qui  -y 
aura  confenti ,  n'en  tirera  aucun  avantage  ,  &  deviendra  inca- 


(  f  )  Tom,  14.  Concil.  Lahb,  in  Balla  Lttnis,  Dum.  iinra  ;  f.tg,  316. 

pable 


DOUZIEME  GENF.RAL,  Chap.  XXXIIL  ^6p 
pable  d'ctrc  du  :  les  Elc£lcurs  leronc  iulpcns  pendant  trois 
ans  de  tout  Office  &  Bcncfice  ,  &  privés  pour  cette  fois  du 
pouvoir  d'élire. 

XXIX.  Celui  à  qui  il  appartient  de  confirmer  l'clcclion  ,    Cai.  16. 
doit  auparavant  en  examiner  ioigncufemcnt  la  forme  ,  ainfi 

que  les  qualités  de  l'Elu ,  fes  mœurs  ,  fa  fciencc  ,  &  fon  âge. 
S'il  confirme  l'clcdion  d'un  Sujet  qui  n'a  pas  les  qualités  rc- 
quifcs  ,  ou  dont  l'éledion  n'eft  pas  dans  les  règles ,  il  perd  le 
droit  de  confirmer  le  premier  SuccefiTeur  ,  êc  l'élu  fera  privé 
de  la  jouiflance  de  fon  Bénéfice.  Les  Prélats  fournis  immé- 
diatement au  Saint-Siège  fe  préfenteront  au  Pape  en  per- 
fonne  pour  faire  confirmer  leur  élection.  S'ils  ne  le  peuvent 
commodément ,  ou  qu'ils  foicnt  hors  de  l'Italie  ,  ils  enver- 
.  ront  des  hommes  capables  de  donner  au  Pape  les  informa- 
tions néceflaires  ;  &  dans  ce  cas  ils  pourront  avoir  par  dif- 
penfe  l'adminiftration  de  leurs  Eglifes ,  tant  au  fpirituel  qu'au 
temporel  :  mais  ils  fe  feront  conlacrer  ou  bénir  fuivant  l'ula- 
ge  des  lieux. 

XXX.  Les  Evêques  ne  conféreront  les  Dignités  Eccléfiaf-     C//.  17. 
tiques  ou  les  Ordres  facrés  qu'à  des  perfonnes  capables  ,  & 
auront  foin  d'infl:ruire,  foit  par  eux-mêmes  ,  foit  par  d'autres , 

ceux  qu'ils  voudront  ordonner  Prêtres ,  tant  fur  les  divins 
Offices,  que  fur  fadminidration  des  Sacremens  j  puifqu'il 
vaut  mieux  que  l'Eglife  ait  peu  de  bons  Miniftres  ,  furtout 
des  Prêtres,  que  plufieurs  mauvais.  Celui  qui  aura  demandé 
&  obtenu  la  permiffion  de  quitter  fon  Bénéfice  ,  fera  tenu  &  c,i«.  28. 
même  contraint  de  le  quitter ,  attendu  qu'il  n'a  pris  cette  ré- 
folution  que  pour  l'utilité  de  fon  Eglife ,  ou  pour  fes  intérêts  Ca>,.  19* 
propres.  Une  même  perfonne  ne  pourra  poflféder  deux  Béné- 
fices à  charge  d'Ames  _>  &  celui  qui  en  recevra  un  fécond  de 
même  nature ,  fera  privé  du  premier  -,  que  s'il  veut  le  retenir , 
il  fera  auffi  dépouillé  du  fécond.  Le  CoUateur  du  premier 
Bénéfice  le  conférera  auffi-tôt  qu'un  Clerc  en  aura  un  fécond. 
Si  le  Collatcur  diffère  trois  mois  de  donner  le  premier  ,  il 
fera  dévolu  au  Supérieur.  La  même  chofe  s'obfervera  à  l'é- 
gard des  Perfonnats  &  des  Dignités  en  une  même  Eglife  , 
quoiqu'elles  n'aient  point  charge  d'Ames.  Le  Saint-Siège 
pourra  néanmoins  difpenfer  de  cette  règle  les  perfonnes  dif- 
tinguées  par  leur  grande  naiffance ,  ou  par  leur  fcience. 

XXXI.  Ceux  qui  conféreront  des  Bénéfices  à  des  perfon- 
nes incapables  de  les  pofféder ,  après  une  première  &  fecon- 

Tome  XXllL  C  c  c  c 


Ccm. 


€an.  5  I. 


34 


Ç70  QUATRIEME  CONCILE  DE  LATRAN  , 
de  monition  ,  feront  fufpens  du  droit  de  conférer  ,  &  ne 
pourror.r  être  relevés  de  cette  fulpenfe  que  par  le  Pape  ou 
le  Patriarche.  On  s'informera  foigneufement  dans  le  Concile 
Provincial  annuel  des  fautes  commifes  à  cet  égard  ,  &  l'on 
y  aura  loin  de  fubflituer  des  perfonnes  fages  &  difcrcttes  , 
pour  luppléer  au  défaut  de  celui  que  le  Concile  aura  fufpen- 
du  de  ion  droit  de  collation.  Les  enfans  des  Chanoines  ,  fur- 
tout  les  bâtards ,  ne  pourront  pofleder  des  Canonicats  dans 
les  mêmes  Eglifes  où  ces  Chanoines  en  ont.  On  aflignera  au 

c.vi.  ;:.  Curé  une  portion  congrue.  Il  deffervira  fa  Paroiffe  par  lui- 
même  ,  &  non  par  un  Vicaire ,  à  moins  que  fa  Cure  ne  foit 
annexée  à  une  Prébende ,  ou  à  une  Dignité  qui  l'oblige  à  fer- 
vir  dans  une  plus  grande  Eglife  :  en  ce  cas  il  aura  un  Vicai- 
re perpétuel  ,  qui  recevra  une  portion  congrue  fur  les  re- 
venus de  la  Cure.  Ce  Canon  fut  fait  pour  reprimer  l'abus 
des  Collateurs ,  qui  s  sttribuoient  prefque  tout  le  revenu  des 
Cures,  &  en  laiflbient  fi  peu  aux  Titulaires^  qu'elles n'étoienc 
deflervics  que  par  des  ignorans. 

Cm.  II.  XXXII.  11  eft  défendu  aux  Evêques,  à  leurs  Archidiacres 
&  aux  Légats,  de  rien  prendre  pour  frais  de  vifice  que  quand 
ils  la  font  en  perfonne  ,  &  de  chercher  d.  ns  leur  vifite  plu- 
tôt leur  profit,  que  ce  qui  regarde  Jefus-Chrifl:  &  la  réfor- 
mation des  mœurs ,  qui  en  doit  être  le  principal  objet.  Défen- 
fes  d'appeller  avant  la  Sentence.  La  caufe  d'appel  doit  être 

Cm.  3 y.  propofée  au  Juge ,  &  être  telle  ,  qu'étant  prouvée  elle  foit  ré- 
putée légitime.  Si  le  Juge  fupérieur  ne  trouve  pas  l'appel  rai- 
lonnable  ,  il  doit  renvoyer  l'Appellant  au  Juge  inférieur,  & 
le  condamner  aux  dépens;  le  tout  fans  préjudice  des  Confli- 
rutions  qui  ordonnent  que  les  caufes  majeures  feront  portées 
au  Saint-Siège.  Si  le  Juge  révoque  une  Sentence  commina- 
toire ou  interlocutoire  prononcée  par  lui  ,  cette  révocation 
ne  lui  ôre  pas  le  pouvoir  de'continuerl'inftrudion  du  Procès, 
quand  même  on  auioit  appelle  de  cette  Sentence  ,  pourvu 
qu'il  n'y  ait  point  de  caufes  Icg'times  de  le  fufpeder.  On  dé- 
fend de  fe  pourvoir  en  Cour  de  Rome  pour  obtenir  desLer- 

ç.^^  très  afin  d'appelîer  une  Partie  en  jugement  a  deux  journées 

au-delà  de  fon  Diocèfe,  de  peur  que  le  Défendeur  fatigué 
par  les  imporrurïités  du  Demandeur  &  par  de  grands  frais, 
n'abandonne  fon  droit.  Il  arrivoit  quelquefois  qu'un  méchant 
Juge  prétendoit,  en  caufe  d'appel ,  avoir  fait  toute  la  procé- 
dure néccflaire ,  quoiqu'il  en  eût  omis  quelque  ade  important  p 


à 


DOUZIEME  GENERAL,  Cha  p.  XXXIIT.  571 
Se  qu'il  ccoit  impolFiblc  à  la  Partie  de  prouver  le  contraire. 
Le  Concile  ordonne  donc  que  le  Juge  fera  écrire  par  une 
perionne  publique  tous  les  Adesdu  Procès;  fçavoirles  cita- 
tions, les  délais  ,  les  réculations  ,  les  exceptions  ,  les  deman- 
des ,  les  réponfes,  c'eft-à-dire  les  défenfes  ,  les  interroga- 
tions &  les  confefTions;  les  dépolirions  des  témoins,  les  pro- 
ductions des  pièces:  les  interlocutoires,  les  appellations ,  les 
renonciations  cà  produire  ,  les  conclurions.  Le  tout  doit  être 
écrit  par  ordre  ,  en  marquant  les  lieux,  les  temps  &  les  per- 
fonnes.  On  en  donnera  copie  aux  Parties  :  Les  originaux 
demeureront  par-devers  les  Ecrivains  *,  afin  que  s'il  arrive 
quelque  difEculté  fur  la  procédure  du  Juge  ,  elle  puifTe  être 
levée  par  le  vu  des  pièces. 

XXXIIL  Le  PofTeficur  d'un  bien  qu'il  a  acquis  de  celui    ^""'39' 
qu'il  fçait  l'avoir  ufurpé ,  doit  le  rcftituer  au  PofTefTeur  légi- 
time. La  poffcffion  d'un  an  fera  comptée  du  jour  qu'elle  efl:     Can.^o. 
adjugée  par  Sentence  ;  quoique  celui  au  profit  duquel  elle  efl 
rendue,  n'ait  pu,  par  la  malice  de  fon  Adverfaire ,  fe  mettre  en 
pofTefiîon  de  lachofe,  ou  qu'il  en  ait  été  dépoffedé  par  lui.     ^ 
La  prelcnption  doit  être  de  bonne  toi  :  autrement  elle  ne 
doit  pas  avoir  lieu;  &  il  efl:  néceffaire  que  celui  qui  fe  fertde 
la  prefcription  ,  n'ait  fçu  en  aucun  temps  que  ce  qu'il  retient 
ne  lui  appartient  pas.  Les  Eccléfiaftiques  ne  pouvant  fouffrir 
que  les  Laïques  étendent  leur  jurifdiftion  fur  eux  ,  ils  ne  doi-     C'«»-4-« 
vent  pas  non  plus  étendre  la  leur  fur  les  Laïques.  En  confé-     c.i«.  4;. 
quence  le  Concile  défend  à  ceux-ci  d'exiger  des  fermens  de 
fidélité  des  Eccléfiafliques  qui  ne  pofTédent  aucun  bien  tempo-     Cn,i.  44. 
rel  qui  relevé  des  Laïques.   On  ne  doit  pas  non  plus  ob- 
ferver  lesConftitutions  des  Puiflances Laïques,  faites  au  pré- 
judice des  droits  de  l'Eglife  ,  foit  pour  l'aliénation  des  Fiefs, 
foit  pour  l'ufurpation  de  la  Jurifdi£tion  eccléfiaftique  ,  foit 
pour  tout  autre  bien  annexé  au  fpirituel ,  fi  ce  n'eft  que  ces 
Conftitutions  aient  été  portées  du  confentement  de  l'autorité 
Eccléfiaftique. 

XXXIV.  En  quelques  Provinces  les  Patrons,  ou  Vidâmes,  o,-».  4?. 
avoués  dcsEglifes,  négligcoient  non-feulement  de  pourvoir 
aux  Eglifes  vacantes  ;  ils  difpofoient  encore  du  revenu  des 
Bénéfices,  &  attentoient  à  la  vie  des  Prélats.  Le  Concile; 
ordonne  que  fi  à  l'avenir  ils  tombent  dans  de  pareils  excès , 
ils  feront  privés  de  leur  droit  de  patronage  &  d'advocation  , 
même  leurs  héritiers  jufqu'à  la  quairierae  génération  ,  &  ne 

C  c  c  c  i j 


572       QUATRIEME  CONCILE  DE  LATRAN  ,' 
pourront  ccrc  admis  dans  aucun  Collège  de  Clercs ,  ni  dans 

Cvi.  4(5.  des  MaKons  ReligieuTes.  Les  Officiers  des  Villes  ne  pourront 
exiger  des  railles  ni  d'auircs  taxes  des  Eccléfiaftiques  ,  fous 
peine  d'excommunication  :  mais  les  Evêques  font  autorifés 
d'engager  les  Eccléfiafliques,  en  cas  de  néceflîtéou  d'utilité,  à 
donner  des  feccurs ,  après  en  avoir  pris  confeil  du  Pape. 

G»«.47.  XXXV.  On  ne  prononcera  la  Sentence  d'excommunica- 
tion contre  perfonne,  qu'après  la  monition  convenable  faite 
en  préfence  de  témoins  :  qui  fera  le  contraire ,  fera  privé  de 
l'entrée  de  TEglife  pendant  un  mois.  L'excommunication 
doit  être  fondée  fur  une  caufe  publique  &  raifonnable.  Celui 
qui  fe  prétendra  excommunié  injuflement,  portera  fa  plainte 
au  Juge  Supérieur  ,  qui  le  renverra  au  premier  Juge  pour 
être  abfous  ,  s'il  n'y  a  point  de  péril  dans  le  retardement. 
S'il  eft  craindre  qu'il  ait  de  fàcheufes  fuites,  le  Juge  Supérieur 
lui  donnera  lui-même  Fabfolucion  après  avoir  pris  fes  iùretés.^ 
L'injuflice  de  l'excommunication  étant  prouvée  ,  celui  qui 
l'aura  portée  fera  condamné  aux  dommages  &  intérêts,  fans 
préjudice  d'autre  peine  félon  que  le  Juge  Supérieur  pourra 
lui  impofer,  fuivant  la  qualité  de  la  faute.  Mais  fi  l'excommu- 
nié ne  fe  trouve  pas  bien  fondé  dans  fa  plainte ,  il  fera  con- 
damné aux  dommages  &  intérêts  envers  le  premier  Juge,  8c 
à  telle  autre  peine  que  le  Juge  Supérieur  eflimera  ;  &  iatis- 
fera  pour  la  caufe  de  l'excommunication,  linon  il  retombera 
dans  la  même  cenfure.  Si  le  premier  Juge  reconnoilTant  fa 
faute,  révoque  fa  Sentence,  &  que  celui  pour  qui  elle  a  été 
rendue  ,  en  appelle ,  demandant  quelque  fatisfa£lion  ,  le  Juge 
Supérieur  ne  déférera  point  à  l'appel,  &  abfoudra  l'excom- 
munié, à  condition  qu'il  fubira  le  jugement  de  celui  à  qui  il  a 
appelle. 

-Ç.W.  48.  XXX VL  On  peut  recufer  un  Juge  fufpeft  ,  en  aîlcguanc 
les  raifons  defulpicion  pardevant  des  Arbitres  convenus.  S'ils 
'  les  trouvent  raifonnables,  le  Juge  recufé  enverra  le  Procès 
à  un  autre  Juge  ,  ou  au  Juge  Supérieur.  Si  celui  à  qui  l'on 
fait  une  monition  ,  appelle  ,  &  que  toutefois  fon  défordre 
foit  connu  certainement,  on  n'aura  point  d'égard  à  fon  ap- 
pel ;  mais  au  cas  que  le  crime  foit  douteux  ,  l'accufé  fera  tenu 
en  appellant  d'expofer  devant  le  Juge  la  raifon  de  fon  appel , 
qui  doit  être  telle,  que  fi  elle  étoir  prouvée  elle  feroit  légiti- 
me. Il  fera  encore  obligé  de  pourfuivre  fon  appel  dans  le 
iem.ps  prefcritj  autrement  le  premier  Juge  procéd(,ra  contre 


DOUZIEME  GENERAL,  Chap.  XXXTTT.  57^ 
lui  nonobftant  ion  appel.  S'il  a  mal  appelle,  il  kra  renvoyé 
devant  Ion  premier  Juge.  Au  rcfte,  ce  qui  vient  d'être  die 
dans  les  deux  derniers  Canons ,  ne  s'ctcnd  pas  aux  Ré  uliers, 
parce  qu'ils  ont  leurs  maximes  particulières  de  juger  les  cou- 
pables. Le  iuivant  défend  d'excommunier  ou  d'abloudrc  par 
intérêt, &;  ordonne  que  fi  l'injufticc  de  l'excommunication cH: 
prouvée ,  le  Juge  fera  condamné  à  reftitucr  au  double  l'amen- 
de pécuniaire  qu'il  aura  perçue. 

XXXVIL  Dans  les  ficelés  prccédens  ,  la    défenfe   de    c<i«.  jo. 
contrader  mariage    s'ctendoit  jufqu'au    feptiéme  degré  de 
pnrenté  &  d'afiinicé ,  &  l'on  comproit  trois  genres  d'affinité  ; 
le  prerrvier  entre  le  mari  &:  les  parons  de  fa  femme ,  &  réci- 
proquement ;  le  fécond  entre  le  m;iri  &  le&  parens   du  pre- 
mier mari  de  fa  femme  ;  le  troifiéme  entre  le  fécond  mari 
&  les  alliés  du  prem.ier.  Tous  ces  diifcrens,  degrés  d'affinité 
fourniflbient  fouvent  des  difficultés ,  qui  mettoient  les  Con- 
traîlans  en  danger  de  falut.  Le  Concile,  pour  obvier  à  ces 
inconvéniens ,  retranche  le  fécond  &  troifiéme  degré  d'affir-    '      I 
nité,  reftreintau  premier  l'empêchement  de  Mariage;  &  re- 
xluit  au  quatrième  degré  de  parenté ,  la  défenfe  de  contrac- 
•ter  entre  parens.  11  condamne  les  mariages  clandeflins  ,  6î     c.ï«.  51. 
ordonne  à  cet  effet  que  les  Mariages,  avant  d'être  contraftés, 
feront  annoncés  publiquement  par  les  Prêtres  dans  les  Egli- 
fes ,  avec  un  ternVvi  fuiïîfant  dans  lequel  on  puifie  propofer 
les  empêchemens  légitimer  ;'  que  ceux  qui  auront  contrafté 
un  Mariage  clandeftin,  mên:c  en  un  degré  permis,  feront 
mis  en  pénitence  ;  &,  que  le  Prêtre  qui  y  aura  affifté,  fera  fuf- 
■  pcns  pour  trois-  ans.  Dans  les  temps  où  le  Mariage  étoit  pro-     C.j«.  jz, 
hibé  jufqu'au  feptiéme  degré  de  parenté  ,  il  étoit  d'ufage  de 
prouver  la  parenté  par  témoins,  &  l'on  admettoit  ceux  qui 
ne  prouvoient  que  par  oui-dire  ,  n'étant  pas  poflible  de  trou- 
ver des  hommes  afiTez  âgés  pour  être  témoins  oculaires  de  la 
parenté  dans  ces  degrés.  En  rcduifantccs  degrés  au  quatriè- 
me ,  le  Concile  abolit  auffi  cet  ancien  ufage  ,  &  veut  qu'on 
ne  reçoive  plus  en  cette  matière  que  des  témoins  oculaires. 

XXXVIIL  11  y  avoit  en  certaines  Provinces  un  mélange  can.yi, 
de  Peuples  dont  les  uns,  fuivant  leurs  coutumes,  ne  payoient 
.  point  de  Dixmes ,  tandis  que  les  autres  en  payoient.  Les  Par- 
ticuliers d'entre  ceux-ci  laiffoient  leurs  terres  à  ceux-là  pour 
en  tirer  de  plus  grands  profits  ,  à  raifcn  du  non-paiement 
-de  la  Dixme.  Le  Concile  défend  cet  abus,  &  veiu:  que  l'on 


574      QUATRIEME  CONCILE  DE  LATRAN, 

contraigne   pcir  les  cenfures  Ecclcfiaftiques ,  ceux  qui  pour 
frauder  h  dixme  donnent  aux  premiers  leurs  terres  à  cuki- 

c*».  î4-  ycr.  11  déclare  que  la  Dixme  efl  due  de  droit  divin  à  TEgli- 
fe  ;  qu'elle  doit  le  prendre  fur  toute  la  récolte  avant  qu'on  en 
ait  rien  levé  pour  les  cens  &  les  tributs  ;  que  les  terres  acqui- 
fes  aux  Moines  de  Cîreaux  ou  à  d'autres  ,  depuis  la  tenue  de 

Ctrn.  f  5.  ce  Concile ,  doivent  payer  la  dixme  ,  foit  qu'ils  cultivent  ces 
terres  par  eux-mêmes,  foit  par  des  étrangers. Il  défend  aux 
Clercs  tant  Séculiers  que  Réguliers  de  louer  leurs  héritages  , 

€an.^6.  Q^^  (Je  les  donner  à  titre  de  Fief,  à  condition  que  la  Dixme 
leur  en  fera  payée  ,  &  que  ceux  à  qui  ils  les  donnent  fe  feront 
enterrer  chez  eux  ;  ce  pa£le  marquant  un  fonds  d'avarice  de 
leur  part ,  dont  les  fuites  font  préjudiciables  aux  Eglifes  Pa- 
roi flîales. 

c,w.  57.  XXXIX.  L'Eglifc  Romaine  avoit  accordé  aux  Confrères 
de  quelques  Ordres  d'être  toujours  inhumés  en  terre  fainte, 
pourvu  qu'ils  ne  fuflent  pas  nom>némcnt  excommuniés  ,  ou 
interdits.  Le  Concile  informé  que  ce  privilège  avoit  occa- 
iionnéides  abus,  le  redrcignit  aux  Confrères  quiétoient  Oblats 
&  avoient  pris  l'habit  de  l'Ordre,  ou  à, ceux  qui  avoient don- 
né tous  leurs  biens  aux  Monafteres ,  en  feréfervant  l'ufufruit. 
Il  reftreignit  aufii  à  une  feule  Egiifc  du  lieu  le  privilège  que 
les  Réguliers  avoient  obtenu  pour  cJ'-^x  de  leurs  Ordres  qu'ils 
envoyoient  pour  faire  des  CoUeSes ,  d'enfi^ire  ouvrir  les  por- 
tes ,  &  d'y  célébrer  les  Offices  divins,  mais  en  refufant  l'en- 
trée de  cette  Eglife  aux  excommuniés.  Il  accorde  de  même 

^"«•SS.  ^yjj  Evêques  de  pouvoir  célébrer  les  Offices  divins  à  voix 
baffe  ,  les  portes  fermées  &  fans  fon  de  cloches  y  dans  les 
Eglifes  même  interdites  par  un  interdit  général;,  à  moins  que 
ceux  de  ces  Eglifes  n'aient  donné  occafion  à  l'interdit  ;  &  à 
condition  que  les  interdits  &  les  excommuniés  n'y  affilieront 
pas. 

c»n.  îp;  XL.  Il  efl  défendu  à  un  Religieux  de  fe  rendre  caution 
pour  quelqu'un ,  &  d'emprunter  une  fomme  d'argent  fans  la 
pcrmifïion  de  fon  Abbé  &  de  la  plus  grande  partie  du  Cha- 

Can.6o.  pitre  ;  &  aux  Abbés  d'entreprendre  fur  les  droits  des  Evê- 
ques ,  en  prenant  connciffance  des  caufes  de  Mariages  ;  en 
imposant  des  pénitences  publiques;  en  accordant  des  Indulgen- 
ces j  ou  en  faifint  d'autres  fon£lions  épifcopales  ,  à  moins 
Qu'ils  n'en  aient  obtenu  un  privilège ,  ou  qu'ils  ne  foient  fon- 
dés fur  quelqu'autre  raifon  légitime.  On  défend  encore  aux 


à 


DOUZIEME  GENERAL,  Chap.  XXXIir.  575 
Rcgiilicrs  de  recevoir  des  Eglilcs  ou  des  Dîxmes  des  mains  c.iw.  cti 
des  Laïques  lans  le  confcntemenc  de  l'Evêquc  ,  &  il  leur  cil 
cnjoinc  de  préicnrer  aux  Evêques ,  des  Prêtres  pour  deflervir 
des  Eglifes  qui  ne  dépendent  pas  d'eux  de  plein  droit;  avec 
défenles  de  retirer  de  ces  Egliles  les  Prêtres  inftitués  par  l'E- 
vêquc, lans  en  avoir  obtenu  auparavant  la  pcrmidion. 

XLl.  Souvent  on  déshonnoroit  la  Pvcligion  en  expofant  Cm.ei, 
en  vente  des  Reliques ,  &  les  montrant  à  tout  le  monde  :  Pour 
remédier  à  cet  abus ,  le  Concile  défend  de  montrer  hors  de 
leurs  cliades  les  anciennes  Reliques ,  &  de  rendre  à  ccJles 
que  Ton  trouve  de  nouveau  aucune  vénération  publique,  qu'el- 
les n'aient  été  approuvées  par  autorité  du  Pape.  Les  Quêteurs 
lurtout  ctoient  depuis  long-temps  dans  l'ufage  de  porter  des 
Reliques  partout  où  ils  alloienr,  &  de  les  montrer  aux  Peuples 
pour  en  tirer  des  aumônes  pour  l'entretien  des  Hôpitaux ,  ou 
par  d'autres  motifs  de  piété.  Le  Concile  défend  de  les  rece- 
voir ,  à  moins  qu'ils  ne  foient  munis  des  Lettres  du  Pape  ,  ou 
de  l'Evêque  Diocéfain.  Il  défapprouve  auiïi  l'indifcrétion  de 
quelques  Prélats  dans  la  conceflioni  des  Indulgences  ;  ce 
qui  tournoit  au  mépris  des  clefs  de  l'Eglife ,  &  à  T'aftciblifle- 
ment  de  la  Difciplinedans  l'adminiflration  du  Sacrement  de 
Pénitence.  Il  déclare  que  dans  la  Dédicace  d'une  Eglife,  l'E- 
vêque ne  pourra  accorder  plus  d'un  an  d'Indulgence,  &  feu- 
lement quarante  jours  pour  î'anniverfaire. 

XLII.  Les  Décrets  contre  la  fimonie  ,  fi  fouvent  réitérés  cm.  e^i 
dans  les  Conciles,  nommément  dans  letroifiéme  deLatran  , 
font  renouvelles  dans  celiji-ci.  On  y  abolit  les  taxes  établies 
par  une  mauvaife  coutume  pour  le  Sacre  des  Evêques  ,  la 
Bénédiftion  des  Abbés, &  l'Ordination  des  Clercs.  On  y  dé- 
fend aux  Curés  d''exiger  de  l'argent  pour  les  fépultures  ,  les 
mariages  &  les  autres  fonélions  de  leur  miniflere  ;  mais  on  y  can.  66, 
mainti.  nt  les  louables  coutumes  de  donner  aux  Eglifes;  cS^  on 
ordonne  aux  Evêques  de  s'oppofer  aux  maximes  répandues 
par  les  Vaudois  &  les  Albigeois ,  qui  détournoient  de  rien 
donner  aux  Eglifes  ni  au  Clergé.  Ce  Concile  fe  pLunt  que  la  ^'"''  ^'*' 
fimonierégnoit  cellem-nt  dans  les  Monalieres  de  Filles,  qu'on 
n'y  en  recevoir  prefque  plus  fans  argent,  fous  prétexte  de  la 
pauvreté  de- ces  MonaReres.  C'efl:  pourquoi  il  condamne  cel- 
les qui  feront  coupables  de  cette  fciute,  à  être  renfermées  en 
d'aucres  Maifons  d'une  obfervance  plus  régulière,  pour  y  paiïer 
le  reile  dcleur  vie  en  pénitence;  &  à  i'égard'de  celles  qui  auront 


576  QUATRIEME  CONCILE  DE  LATRAN  , 
été  reçues  pour  de  l'argent  avant  ce  Décret  ,  il  ordonne 
de  les  transférer  dans  un  autre  Couvent  du  même  Ordre  ; 
ou  qu'elles  leront  reçues  de  nouveau  dans  le  même ,  à  condi- 
tion qu'elles  n'y  auront  d'autre  rang  que  celui  de  leur  féconde 
réception.  La  même  chofe  cft  ordonnée  pour  les  Monafteres 
d'hommes. 
çan.  6j.  XLIIL  A  la  mort  des  Curés  ,  quelques  Evêques  mettoient 
les  Eglifesen  interdit  ,  &  ne  permettoient  pas  qu'on  leur 
donnât  des  SuccefTeurs  jufqu'à  ce  qu'on  leur  eût  payé  une  cer- 
taine fomme.  Ils  exigcoient  aufli  des  préfens  d'un  Militaire 
ou  d'un  Clerc,  pour  leur  permettre  l'entrée  en  Religion,  & 
de  fe  choifir  la  fépulture  dans  une  Maifon  Religieufe.  Toutes 
ces  exactions  font  défendues,  fous  peine  de  reflitution  du  dou- 
ble. 
€aii.  67.  XLI V.  On  défend  aux  Juifs  les  ufures  exceffives  contre 
les  Chrétiens ,  avec  menaces  de  leur  interdire  tout  commer- 
ce avec  eux,  &  il  leur  eft  ordonné  de  payer  la  Dixme  &  les 
autres  obiations ,  à  caufe  des  maifons  ou  des  héritages  qu'ils 
poffédent ,  de  la  même  manière  que  les  payoient  les  Chrétiens 
avant  que  les  Juifs  les  euffent  achetés  d'eux.  En  quelques 
Çan.6^.  Provinces  les  Juifs  portoient  un  habit  différent  des  Chré- 
tiens .:  dans  d'autres  il  n'y  avoir  aucune  différence  dans  les 
habillemcns  des  Juifs  &  des  Chrétiens  :  d'où  il  arrivoit  des 
conion6lions  illicites  entre  des  Chrétiennes  &  des  Juifs.  Le 
Concile  obvie  à  ces  inconveniens,  en  ordonnant  que  les  Juifs 
des  deux  fexes  porteront  quelque  marque  fur  leurs  habits  qui 
les  diftingueronr  des  Chrétiens.  Ce  Concile  défend ,  confor- 
Çan.69,  mément  à  celui  de  Tolède,  de  donner  aux  Juifs  des  charges 
&  des  emplois  publics  ;  &  il  étend  cette  défenfe  aux  Payens. 
Enfin  il  ordonne  que  les  Juifs  convertis  à  la  foi  Chrétienne, 
&  baptifés  volontairement ,  renonceront  abfolument  aux  rits 
o».  70.  anciens  des  Juifs  ,  afin  de  ne  pas  faire  un  mélange  du 
Chriftianifme  &  du  Judaïfme,  qui  ne  feroit  propre  qu'à  ter- 
nir la  beauté  de  la  Religion  Chrétienne. 
la^CrSe''!  ^^^ '  ^^  Concile  publia  enfuite  un  Décret  pour  la  Croî- 
lom.  1.  Cor.'  fade,  dont  il  fixa  le  rendez-vous  au  premier  de  Juin  de  l'an 
cji.pag.  214.  1217.  Ceux  qui  vouloient  paffer  par  mer  ,  reçurent  ordre 
de  s'aflfembler  dans  le  Royaume  de  Sicile ,  les  unsà  Brindes , 
les  autres  à  Mefllne,  où  le  Pape  promit  de  fe  trouver.  Il 
promit  aulTi  à  ceux  qui  prendroient  leur  route  par  terre  ,  de 
leur  envoyer  un  Légat,  Ils  dévoient  également  être  prêts 

à 


DOUZIEME  GENERAL,  Chap.  XXXIIL  ^-jy 
.1  marciicr  pour  le  nicme  jour.  Il  exhorte  les  Prêtres  &  autres 
Ecclcliadiques  de  l'armée  de  s'appliquer  à  la  prière  &  à  la 
Prédication  ;  &  à  inftruire  autant  par  leur  exemple  que  par 
leurs  ditcours  ,  afin  qu'il  ne  fe  commît  rien  de  la  part  des 
Croii'és  qui  pût  oticnler  Dieu;  ou  du  moins,  qu'ils  effaçai- 
fent  leurs  péchés  par  la  pénitence.  Il  accorde  aux  mêmes 
Eccléiiaftiques  de  percevoir  les  revenus  de  leurs  Bénéfices 
pendant  trois  ans ,  comme  s'ils  éroicnt  préfens  à  leurs  Eglifes  ; 
ordonne  aux  Evoques  ,  &  autres  Prélats  d'avertir  tous  ceux 
qui  le  font  croifés  ,  de  s'acquitter  de  leurs  vœux  ;  même  de  les 
y  contraindre  par  cenlures  Eccléiiaftiques  ;  d'exhorter  les 
Princes  &  les  Peuples  à  fournir  des  Soldats ,  des  armes,  des 
vivres  &  les  autres  chofes  néceflaires  pour  cette  expédition , 
fous  la  promeflc  de  la  rémiffion  de  leurs  péchés.  Le  Pape 
déclare  qu'il  fournira  lui-même  trente  mille  livres  de  les 
épargnes ,  outre  trois  mille  marcs  d'argent  d'aumônes  qu'il 
avoit  en  main,  &  de  payer  les  frais  des  Croifés  depuis  Rome 
&  les  lieux  circonvoilins.  Il  ordonne  au  Clergé  de  payer  pen- 
dant trois  ans  le  vingtième  de  fes  revenus  ,  &  aux  Cardi- 
naux le  dixième  ;  il  excommunie  tous  ceux  qui  en  quelque  ma- 
nière que  ce  loit  porteront  obftacle  à  l'expédition  de  la  Croi- 
fade  \  défend  les  Tournois  pendant  trois  ans  ;  enjoint  aux 
Princes  qui  font  en  guerre ,  de  faire  la  paix  ,  ou  au  moins  une 
trêve  de  quatre  ans  ;  accorde  aux  Croifés  une  Indulgence 
pleniere  de  tous  leurs  péchés  ,  après  qu'ils  s'en  feront  con- 
fcITés,  &  dont  ils  auront  la  contrition  ;  &  déclare  partici- 
pans  des  fufirages  du  Concile  tous  ceux  qui  contribueront  au 
progrès  de  la  Croifade. 

XLVI.  A  la  fin  du  Concile  on  agita  la  caufe  de  l'Empi-     Autres  Dé- 
re:  &  le  Pape  ayant  entendu  les  raifons  des  Députés  d'Othon  cretsduCon- 
&  de  Frideric,  jugea  en  faveur  de  celui-ci,  parce  qu'O  thon  ^^^^  ^îbu^' 
n'avoit  pas  gardé  le  ferment  qu'il  avoit  fait  à  l'Eglife  Ro-pag.'iji.'ç^ 
maine ,  &  qu'il  retenoit  encore  les  Places    pour  lefquelles  il/"''-'- 
avoit  été  excommunié.  Il  ordonna  aufli  que  les  terres  de  Ray- 
mond Comte  de  Touloufe ,  dont  la  poIfcITion  provifionnelle 
avoit  été  accordée  à  Simon  Comte  de  Montfort ,  parce  qu'il 
avoit  plus  travaillé  qu'aucun  autre  dans  la  Croifade  contre  les 
Hérétiques  ,  luirefleroient,  &  que  pour  les  autres  terres  de  ce 
Comte  qui  n'avoient  pas  été  conquifes  par  les  Croifés  ,  elles 
feroient  gardées  aux   ordres  de  l'Eglife  par  des  perfonnes 
capables  de  maintenir  la  paix&  la  foi,  pour  être  rendues  en 

Tome  XXni.  Dddd 


578     QUATRIEME  CONCILE   DE  LATRAN , 
rout  ou  en  partie  au  Fils  unique  du  Comte  Raymond  ,  s'il 
s'en  rendoit  digne  lorfqu'il  leroit  parvenu  à  un  âge  compé- 
tent. Quant  au  Comte  ,  il  lui  fut  ordonné  de  fe  retirer  en 
quelque  lieu  pour  y  faire  pénitence  ;  &  le  Pape  lui  aflTigna  une 
penlion  de  quatre  cens  marcs  d'argent ,  laiftant  la  Comtefîe 
l'a  femme  ,  iœur  du  Roi  d'Arragon ,  jouir  paifiblemcnt  des 
terres  de  fa  dot.  Le  Pape  excommunia  encore  tous  les  Ba- 
rons d'Angleterre  pour  avoir  perlécuté  le  Roi  Jean ,  quoi- 
qu'il fût  croifc  &  vafTal  de  l'Eglife  Romaine.  Il  prononça  la 
même  Sentence  contre  l'Archevêque  de  Cantorberi ,  qui  avoit 
été  d'intelligence  avec  ces  Barons ,  &  contre  tous  ceux  qui 
.        travaillcroient  à  enrichir  le  Fvoyaume de  ce  Prince. 
dc'MaronLs      XL  VIL  Le  Patriarche  des  Maronites,  qui  fous  le  Ponti- 
le  réunit  à  l'E- ficat  dc  Lucius  III  s'étoicnt  réunis  à  l'Eglife  Romaine,  af- 
g''^^  ^o°?,^''  fifta  au  Concile ,  où  s'étant  fait  inlîruire  pleinement  de  la 
"'"■''  Foi  &  des  faintcs cérémonies,  il  promit  non-lculement  de  les 
obfcrver ,  mais  encore  de  les  faire  obferver  par  fa  nation  ; 
&  malgré  les  perfécutions  qu'ils  eurent  à  fouffrir  de  la  part  des 
Infidèles ,  ils  perfévererent  conllamment  dans  la  Foi  Catholi- 
que jufques  fous  Léon  X  ,  comme  on  le  voit  par  les  Let- 
tres {b)  qu'ils  lui  adreflerent. 
C^j'cii'-^  ^"       XLVIil.  Le  quatrième  Concile  général    de  Latran  dura 
depuis  l'onzicme  de  Novembre  1215,  jufqu'au  trentième  du 
même  mois.  Les  troubles  qui  furvinrent  enltaUe  obligèrent 
le  Pape  de  furfeoir  aux  affaires  de  l'Eglife,  &  de  diffoudre 
le  Concile.  Matthieu  Paris  (  c)  dit  que  les  foixanre-dix  Dé- 
crets qui  y  furent  faits  ,  parurent  tolérables  aux  uns,  &à 
chargea  d'autres.  Il  paroît  que  le  Pape  \es(d)  drefla  lui- 
même,  mais  aulTi  qu'ils  furent  approuvés  (e  )  du  Concile  ; 
qu'ainfi  on  doit  les  regarder  comme  des  Décrets  de  l'Eglife 
Ùniverfelle.  AulTi  (/)  ont-ils  lervi  de  fondement  à  la  difci- 
pline  qui  s'efl:  obfcrvée  depuis  ,  c'efl-à-dire  depuis  le  com- 
mencement du  treizième  fiécle. 
Pnpe  Benoift      XLIX.  Jc  finirai  l'Hiftoire  des  douze  Siècles  précédens 
XIV.  avec     en  mettant  fous  fcs  yeux  du  Lcftcur  la  Lettre  par  laquelle  je 

la  rtponfe. 


(  b  )  Barofiius  nd  an.  \  7i8.  ««>«.  4.       1       (  e  )  C<»«.  2.  4.  8.  41.  4T. 
{  c  )  M.atth.eHS  Paris  ad  an.  \iM.pag.  1       (/)  Fleuri,  Hifi,  Ecclrf,  liv,  77.  pig, 
188.  j  409*  '("»•  i^' 


DOUZIEME  GENERAL,  Chap.  XXXTIT.  579 
Pai  foumile  au  jugement  de  notre  très-Saint  Perc  le  Pape 
Benoit  XIV  ,  &  la  réponle  dont  Sa  Sainteté  a  bien  voulu 
m'honorer.  J'y  ajouterai  une  fecondcLctcre  de  fa  part,  où  elle 
continue  à  s'explitjuer  fur  cet  Ouvrage ,  &  fur  un  autre  que 
j'ai  mis  au  jour  lous  le  titre-  d'/lpologie  de  la  Morale  des 
fainîs  Pères. 

»  L.  Beaciffime  Pater ,  SanÊlitati  Vedrse ,  pedibus  cjus  ad-     I-ettre    de 
»  volutus  ,  feptemdecim  priora  Bibliothecse  mea^  Eccleliafli-  ^."'^a^g  Be- 
n  cae  Volumina,  doncc  plura  in  lucem  edantur,  oflfcro  :  fup-  noîtXiV. 
»  plex  orans  ut  Isetâ  quâ  foies  fronce  Littcracorum  fœtus  fuf- 
»  cipcre  ,  hofce  mecs  excipias  ,  fumme  Pontifex;  dodrinam 
»ï  in  cis  deprehenfurus  ,    quam  à  Beato  Pctro  ,   ejulquc  in 
»  fan£ta  Sede  SuccelToribus  acceptam ,  etiamnum  univcrfalis 
»  tenct  Ecclefia.  Is  namque  fuit  laboris  à  me  fufccpti  fcopus , 
»  ut  Catholicee  fidem  Ecclefia;,  inconcuffam  per  tôt  fecu- 
j>  lorum  curricula  ,  confra6tis  inferi  viribus  ,  pcrmanfilTe  , 
»  fummorum  Pontificum  dccretis  ,  &  Patrum  Conciliorum- 
»  que  teflimoniis  comprobarem  ,  quatenùs  Catholici  in  fide 
»  firmarentur  ,  hcterodoxi  ad  fidei  unitatem  redirent. 

»  Quo  in  opère ,  BeatifTime  Pater ,  fi  contigerit  me ,  quod 
»)  abfit ,  à  via  vcritatis  aberrando  peccaffe  ,  lubens  fan£ta3 
»  Apoftolicsequc  Sedis  emendationi^corredionique  me  fub- 
«  mitto  ;  cujus  fidem  &  do6lrinam  à  prima  cctate  edo£tus, 
«  ufque  in  fenedtam  &  fenium  profiteri  gloriabor.  DabatFla- 
»  viniaci  Kalendis  Januarii  1751  in  teftimonium  devotifTimi 
«  erga  Sanditatem  Veftram  animi  fui  Servus  humillimus  Re- 
«  migius  Ceillier  ,  Monachus  Benedidinus  è  Congregatione 
»  San£lorum  Vitoni  &  Hydulphi. 

»  LI.  Benediaus  P.P.  XIV.  Dile£tc  Fili,  falutem  &  Apof-     Lettre   du 
»  tolicam  Benedidionem.    Per  manus  diledi   Filii    noftri  ^'jP^^  .^^"°^' 
«  Cardinalis  Paflîonei  feptemdecim  recepimus  Volumina  tuse  Ceillier. 
»  Bibliothecae  Ecclefiaflicse  ,  meritafque  ex  corde  referimus 
»  gratias.  Non  erat  opus  nobis  incognitum ,  cùm  honorifi- 
»  cam  ejufdem  mentionem  fecerimusin  nonnullis  noftris  Ope- 
>}  ribus  pr3elo  datis  ,  &  fignanter  in  Epiftola  noflra  praefixa 
»  editioni  Martyrologii  Romani.  Opus  tuum  nobis  vifumeft 
«  perpolitè  fcriptum  ,  &  ex  his  quse  hue  ufque  in  eo  legimus  , 
»  fano ,  non  infano  criterio  abundans  _,  medelafque  parans 
»  vulneribus  Apoftolicaî  Sedi  ,  &  veritati  impiftis  in   aliis 
»  quibufdam  Bibliothecis  prrecedenter  editis.  Sexdecim  Volu- 
»  mina  nobis  commodata,  Domino  reftituemus ,  &  feptemde- 

Ddddij^ 


5Go       QUATRIEME  CONCILE  DE  LATRAN. 

»  cim  à  te  nobis  dono  daca  in  noftra  Bibliothcca  privata  re- 
î)  poncmus;  idcmque  fiet  de  aliis  voluminibus  à  te  edendis , 
3>  fi  ea  nobis  dono  dcdcris.  Agemuscum  Cardinali  PafTiGneo 
»  de  modo  ad  te  tranfmittendi  Volumina  à  nobis  édita,  quse 
»  pro  animi  tui  ingcnitâ  bonitate  fperamus  tibi  grata  cfTe  fu- 
»  tura  ;  &  dùm  te  plenis  ulnis  amplcdimur  ,  tibi  Apoftoli- 
}■>  cam  Benedi£lionem  peramanter  impertimur.  Datum  Ro- 
»  mse    apud  Sandam    Mariam  Majorem,  die  4  Sepcembris 
»  1751  )  Pontificatûs  noftri  anno  duodccimo. 
Seconde^        „  LU.  Benediclus  P.  P.  XIV.  DilefteFili,  falutcm&  Apof- 
p^^gg^^ij^^"  «  tolicam  Bencdictioncm.  Nous  avons  reçu  par  les  mains  du 
XIV.  à  Doni  Cardinal  PalTionci  le  dix-huitieme  Tome   de  votre  lavante 
ÇeiUier.        Hilloire  générale  des  Auteurs  Sacrés  &  Eccléfiaftiqucs,  ac- 
compagné aufli  de  l'Apologie  delà  morale  des  Pères  de  l'E- 
glife  ;  deux  Ouvrages  heureulement  fortis  de  votre  plume,  dont 
nous  vous  rendons  très-diftintlement   nos  remercicmens , 
vous  afifurant  que  nous  admirons  toujours  de  plus  en  plus  vo- 
tre vrai  mérite,  loutenu  &  fortifié  par  votre  infatigable  appli- 
cation aux  études  facrées  &  profitables  au   bien  de  TEglife. 
C'eft  pour  vous  marquer  cette   (incere  diCpoOtion  de  notre 
part,  &  procurer  en  vous  la  continuation  de  votre  zèle,  que 
nous  vous  donnons  avec  une  tendreffe  paternelle  notre  Bé- 
nédiction Apoftolique.  »  Datum  Romœ  apud  Sanctam  Ma- 
«  riam  Majorem  die  4.  Julii  17^3.  Pontificatûs  noftri  anno 
13.    L'infcription  de  ces  deux  Lettres  eft   en  ces  termes  : 
»  Diletlo  FilioRcmigioCeillier,Monacho  Bcnedi£lino  cCon- 
»  gregatione  Sanûorum  Vitoni  &  Hydulphi, 

CHAPITRE     XXXIV. 

Conciles  depuis  l'an  looi.jufquen  1031. 

ïeCoa?!ie.'^''^T     'Empereur  Othon  III  étant  paffé  en  Italie  en  l'an  1000, 

P    A  célébra  à  Rome  la  Fête  de   Noël  au  mois  de  Janvier 

fuivant.  Bernouard,  Evêque  d'Hildesheim,  qui  ivoit  été  fon 

Précepteur,  vint  lui  porter  ks  plaintes  &  au  Pape  Sylyeflre 


DES    CONCILES,  &c.  Chap.  XXXIV.     581 

contre  Xv'illigifc  Archevêque  de  Mayencc  (/7  )  ,  au  iujct  d'un 
]Monallere  de  Filles  nommé  Gandenshcm  ,  qui  avoir  toujours 
reconnu  l'Evêque  d'Hildcsheim  pour  Diocclain.  Cette  pof- 
ielîion  fut  interrompue  par  Sophie  Fille  de  l'Empereur  Othon 
II.  Voulant  fe  conl.icrcr  à  Dieu  dans  ce  Monaflcre,  elle  fe 
fit  donner  le  voile  par  Willigife ,  ne  croyant  pas  qu'il  con- 
vint à  la  naiffancc  de  le  recevoir  d'un  Evêquc  qui  ne  por- 
toit  pas  le  Pallium.  L'Ëvcque  d'Hildeshcim  s'y  oppofa  ;  & 
pour  terminer  cette  difficulté  ,  il  fut  convenu  que  rÀrchcvê- 
que  &  rEvêuuc  feroicnt  en  commun  la  cérémonie.  L'Evcque 
d'Hildeshcim  ne  laiiTa  p.is  de  proteftcr  publiquement  que 
l'Archevêque  de  Mayence  n  avoir  aucun  droit  dans  ce  Mo- 
naftcre.  Il  arriva  que  Saphic  en  fortit  malgré  l'AbbelTe,  pour 
aller  à  la  Cour ,  où  elle  relia  un  an  ou  deux.  Bernouard  alors 
Evéque  d'Hildcsheim  l'avertie  doucement  de  rentrer  :  elle  le 
refufa,  difanc  qu'elle  ne  dépendoit  point  de  lui.  Elle  y  retour- 
na néanmoins  quelque  temps  après  ;  mais  elle  fçut  fi  bien  alié- 
ner les  Religieulcs  de  l'Evêque,  que  lorfqu'il  fut  queftionde 
faire  la  Dédicace  de  l'Eglile  du  Monaftere,  elles  appellcrenc 
l'Archevêque  de  Mayence,  &  avertirent  feulement  l'Evêque 
d'Hildcsheim  d'y  afTider. 

II.  Willigiie  pouffa  les  chofes  plus  loin  ;  fâchant  que  Ber-     Décret  âw 
nouard  étoit  allé  à  Rome  ,  il  tint  un  Synode  dansl  e  Monafle-  &°om.'^9. 
re  même  de  Gandenshem.  Le  Pape  Sylveftre  pour  juger  ce  Concii.  pag. 
différend  affemblaà  Rome  un  Concilede  vingt  Elvêques,  dix-  ^'"^^ 
fept  d'Italie  &  trois  d'Allemagne  ,  en  préfencc  de  l'Empe- 
reur Othon  III ,  &  du  Duc  Henri.  Bernouard,  qui  étoit  pré- 
fent,  expliqua  fon  afïaipe,  &  prouva  que  le  Monaftere  de- 
Gandenshem  avoir  toujours  été  de  fon  Diocèfc.  Sur  cela  le 
Concile  déclara  nul  &  fchifmatique  le  Synode  que  l'Arche- 
vêque de  Mayence  y  avoit  tenu.  Le  Pape  rendit  à  Bernouard 
l'inveftiture ,  c'eft-à-dire  le  bâton  paftoral  que  l'Archevêque 
lui  avoit  ôté.  On  écrivit  à  Willigife  de  fe  défifter  de  fes  pré- 
tentions, &  il  fut  décidé  que  les  Evêques  de  Saxe  affemble- 
roient  un  Concile  à  Polden  le  2  i  de  Juin  ,  auquel  Frideric, 
Prêtre  Cardinal  de  l'Eglife  Romaine ,  préfideroit  en  qualité. 

^1L  Le  Concile  fe  tint  le  22  de  Juillet   roor.  L' Archevê^^ p^f^^f ',„^^' 


0»  )   Mabillofi ,  tcm  4,  aritial.  ad  iiw.iooi,  «kw.  4.  f>-ig.  147.  S/f?.  . 


582  DES    CONCILES 

hAV'nibu'-  qi-iede  Mayence  &  TEvcque  d'Hildcshcim  y  affifterenr.  On 
/»  ^i«.i  Btr-  y  lut  la  Lettre  du  Pape  à  Willegife  ;  les  Evêques  du  Conci- 
tioard.  tom.  Iq  ^  furtout  l'Archevcque  de  Hambourg ,  lui  confeillerent  de 
8^Mor,num.  ^^^^^^  facisfatlion  à  Bernouard.  Les  Partifans  de  l'Archevê- 
que firent  grand  bruit ,  menaçant  le  Légat  &  l'Evêque  d'Hil- 
desheim.  Le  Légat  voyant  que  l'Archevêque  s'étoit  retiré 
fans  avoir  voulu  fe  rendre  à  l'avis  du  Concile ,  le  fufpendit 
de  toute  fonction  épifcopale  jufqu'à  ce  qu'il  fe  préfentcàt  au 
Concile  que  le  Pape  devoit  tenir  à  Rome  aux  Fêtes  de  Noël. 
rfnT^^-^^      IV.  Cependant  l'Evêque  Bernouard  alla  au  Monaftere 
Mabiiion ,"      de  Gandenshcm  pour  y  remédier  à  quelques  abus.  L'entrée 
ii>id.   num.    lui  en  fut  refufée  par  la  PrincefTe  Sophie,  foutenue  d'une  trou- 
*°*  pe  de  gens  armés ,  que  fa  famille  8c  l'Archevêque  deMayen- 

ce  lui  avoient  fournis.  L'Evêque  contraint  de  fe  retirer,  trou- 
va le  moyen  de  faire  aflembler  un  Concile  à  Francfort ,  après 
l'Aflbmption  de  la  fainte  Vierge.  Les  Archevêques  de  Mayen- 
ce ,  de  Cologne  &  de  Trêves,  s'y  trouvèrent  avec  quatre  Evê- 
ques. Mais   Bernouard   n'ayant  pu  y  affifler  ,  parce   qu'il 
ctoit  tombé  malade ,  on  n'y  jugea  point  définitivement  fon 
affaire ,  &  on  fe  contenta  de  convenir  que  ni  lui  ni  Willigife 
n'exerceroit  aucune   Jurifdiction  fur  l'Abbaye  de  Gandes- 
hem  jufqu'au  Concile  qui  devoit  fe  tenir  à  Friflar  pendant 
rO£tave  de  la  Pentecôte  de  l'an  1002, 
Concile  de      y^  j^^  Cardinal  Léffat  de  retour  à  Rome  fit  rapport  au 
looi.tora.é.  Pape  &  a  1  Empereur  de  ce  qui  s  etoit  pâlie  a  rolden.  Ils  en 
Coricii.  Har-  furent  indignés,  &  donnèrent  ordre  aux  Evêques  d'Allcma- 
yéT.'êf  Ma-  gnc  de  fe  rendre  en  Italie  vers  la  Fête  de  Nocl.  Bernouard 
i>ii.  in  vita  hors  d'état  d'en  faire  le  chemin,  à  caufe  que  fa  maladie con- 
Bernoard.       tinuoit ,  y  cnvoya  Ic  Prêtrc  Tangmar  ,  qui  avoit  déjà  aflîfté 
de  fa  part  au  Concile  de  Francfort.  Il  trouva  l'Empereur  du 
côté  de  Spolete,  qui  lui  ordonna  d'attendre  le  Concile  indi- 
qué à  Todi  pour  la  Fête  de  faint  Jean   l'Evangélifte.  Tang- 
mar  raconta  au  Pape  ce  qui  s'étoit  pafTé  à  Francfort  :  le  Car- 
dinal Fridcric ,  nommé  depuis  peu  à  l'Archevêché  de  Raven- 
ne  ,  fit  enfuite  le  récit  de  fa  légation.  Le  Concile  déiaprouva 
le  procédé  de  l'Archevêque  de  Mayence  ,  mais  on  convint 
d'attendre  l'Archevêque  de  Cologne  &  les  autres  Evêques 
d'Allemagne.  Comme  ils  tardoient  trop,  Tangmar  s'en  re- 
tourna avccjla  permi.Tion  du  Pape  &  de  l'Empereur.  Ainfi  la 
conteftation  au  fuiet  de  la  Jurifditlion  fur  le  Monaflere  de 
Gandeshem  demeura  indécife.  Quoique  ce  Concile  fe  foit 


num,  30, 


Depuis  l'an  iooi  jusqu'en  1031 ,  Chap.  XXXIV.  «^85 
tenu  ,  Iclon  notre  manicrc  décompter,  le  jour  de  laine  jcan 
riwangclillc  en  Jooi  ,  Tangmar ,  auteur  de  la  vie  de  faine 
Bernouard  ,  le  met  en  1002  ,  parce  que  de  fon  temps  Tannée 
commcnçoitcn  beaucoup  d'endroits  à  Noël. 

VI.  Le  troificme  de  Décembre  de  Tan  1002  ,  Sylv-efirete-     Condlp  de 
nnnt  un  Concile  à  Rome.l'Abbi  defaint  Pierre,  près  de  Pe-  ^^"^^  >  ^" 

A  *  looî.torn.  9. 

roule ,  fe  plaignit  queConon  ,  Eveque  de  cette  Ville ,  l'avoir  Concii.,  ùu. 
chafle  de  ion  Monaftere  ,  &  abandonné  au  pillage  tout  ce  P^S-  '^'>'^* 
qui  y  nppartcnoit  aux  Moines.  L'Evêque  s'offrit  cà  prouver 
cju'il  n'avoit  eu  aucune  part  à  cette  violence:  mais  il  foutint 
que  ce  Monaltcre  étant  de  fa  dépendance  ,  c'étoit  à  lui  à  en 
maintenir  les  droits.  On  fit  lecture  des  privilèges  accordés  au 
JMonallcre  de  laint  Pierre ,  &  il  fut  démontré  que  du  con- 
fentement  même  du  Prédeceflcur  de  TEvêque  Conon ,  il  avoic 
été  foumis  immédiatement  au  Saint  Siège.  L'Evêque  renonça 
donc  à  fes  prétentions ,  &  donna  à  l'Abbé  le  baifer  de  paix, 
avec  promeffe  de  l'aider  dans  la  fuite  en  fes  bcfoins. 

Vn.  L'Empereur  Othon  III  étant  mort  fans  enfahs  en  D^r°"^'|f'^'^ 
1001,  Henri  Duc  de  Bavière,  fon  plus  proche  parent ,  lui  1005.    rht". 
fuccéda  dans  le  Royaume  de  Germanie.  La  féconde  année  de  """■•  ''*•  6. 
fon  règne,  c'efl-à-dire  en  1005  ,  il  aiïembla  un  Concile  nom-  {g^/  ]l^/ 
breux  à  Dormund,  Ville  Impériale  dans  la  Veftphalie,  où  il  Script.  F.',,,^/- 
exhorta  les  Evêques  à  réformer  grand  nombre  d'abus  glifles  wceuf.  &  mm. 
dans  la  difcipline  de  l'Eglife.  11  fe  fit  là-defîus  divers  décrets ,  ^'  ^'"^'  ^'  *' 
que  les  Hifloriens  du  temps  ne  nous  ont  point  tranfmis.  Dit- 
mar  nous  apprend  feulement  qu'on  y  établit  une  confrater- 
nité de  prières  entre  tous  ceux  qui  affifterent  à  ce  Concile, 
portant  qu'à  la  nouvelle  de  la  mort  de  quelqu'un  d'entr'eux , 
chaque  Evêque  diroit  une  Meffe  pour  le  défunt ,  les  Prê- 
tres, trois  Méfies  ;  les  Diacres  &  autres  Minières  inférieurs^ 
dix  Pfeautiers;  que  le  Roi  &  la  Fv.einedonneroient  aux  Pau- 
vres quinze  cent  deniers  ,  &  en  nourriroicnt  autant;  que  les 
Evêques  donneroient  à  manger  à  trois  cents  Pauvres  ,  &  à 
chacun  trente  deniers  ,  &  autant  de  luminaires  à  l'Eglife  ; 
qu'on  jeûneroit  au  pain  ,  au  fel  &  cà  l'eau  les  veilles  de  faint 
Jean-Baptifle ,  de  faint  Pierre  &  de  faint  Paul ,  &  de  tous  les 
Saints;  que  le  jeûne  de  la  veille  de  l'AfTomption  &  de  tous 
les  Apôtres   fe  jeûneroit  comme  le  Carême  ;  qu'il  en  feroit 
de  même   des  Quatre -Temps  ,  excepté  le  Vendredi  avant 
I^cël,  oùl'on  jeûneroit  au  pain,  au  fel  &à  l'eau. 

VIII.  Le  Roi  Henri  avoit  aimé  dès  fon  enfance  la  Ville    Conciîe  de 


5^4  D  E  S     C  O  N  C  T  L  E  S 

Rome,  en     de  BatTiberg.  Quand  il  fut  Roi  ,  il  forma  le  deflein  d'y    cri- 
loo/.tom.  0.  'ggj.    pj  Evcché.  Il   prit  fur   cela   l'avis  des  Evoques  de  fon 

Concil.    pag.   &  rrii'^Ti/r  1  in/r-  ^  /wi 

724.  Royaume  afiembles  a  Mayence  le  25  de  Mai  pour  célébrer 

avec  lui  la  Fcte  de  la  Pentecôte  ,  &  ayant  obtenu  le  confen- 
tcment  de  l'Evêquc  de  Virfbourg  ,  il  envoya  deux  de  fes 
Chapelains  à  Rome  demander  au  Pape  Jean  XVIII  la 
confirmation  de  cette  cre£lion.  La  Bulle  efl  datée  du  mois  de 
Juin  de  l'an  1G07  ;  elle  fut  accordée  en  un  Concile  tenu  dans 
la  Baiiliquc  de  iaint  Pierre ,  &  le  Pape  en  écrivit  à  tous  les 
Evêques  de  Gaule  &  de  Germanie. 
Francfort!  en  ^^'  ^^  retour  dcs  Chapelains  du  Roi ,  ce  Prince  convo- 
1007.  tom.p.  qua  un  Concile  nombreux  à  Francfort  pour  le  premier  de 
C°"'^l];  P^S-  Novembre  de  la  même  année.  L'Evêque  de  VirroQurg  ne 
voulut  point  y  venir ,  tache  qu  on  ne  lui  eut  point  donne  le 
titre  d'Archevêque.  Mais  il  y  envoya  Bcrniger  fon  Chape- 
lain, avec  charge  de  s'oppofer  au  démembrement  de  Ton  Dio- 
cèfe  :  fon  oppofition  fut  fans  effet.  Tagmon,  Archevêque  de 
Magdebourg ,  opina  pour  l'éredion  de  l'Evêché  de  Bamberg , 
fuivant  les  dellrs  du  Roi.  Son  avis  fut  fuivi ,  &  tous  les  Evê- 
ques foufcrivirent  la  Bulle  de  confirmation  donnée  par  le 
Pape.  Le  Roi  nomma  à  ce  nouvel  Evêché  Ebcrard  fon  Chan- 
celier ,  qui  fut  facré  le  même  jour  par  l'Archevêque  de 
Mayence  j  c'étoit  "Willigife.  Il  foufcrivit  le  premier  ;  trente- 
^     .,    ,   quatre  Evêques  foufcrivirent  enfuite. 

Concile  de    *-vti  ■>  •  /^M  -Di^u- 

Cheiies  ,  en      X.  11  ne  S  en  trouva  que  treize  au  Concile  que  Robert  Koi 

loos.tom.p.de  France  tint  à  Chelles  en  fon  Palais  le  17  de  Mai  1008  , 

^si^^iM-  ^°""-  Ji^pt-emicr  dans  les  foufcriptions  ell:  Leutherie,  Archevê- 

iuftjib.  Si.    que  de  Sens.  Il  relie  de  ce  Concile  une  charte  en  faveur  de 

aumii.nuw.u  pAbbaye  de  Saint  Denis.  Vivien  à  qui  le  Roi  en  avoir  don- 

^*       né  le  gouvernement ,  y  avoit  rétabli  la  dilcipline  régulière  : 

mais  elle  avoir  perdu  beaucoup  de  fes  biens  8c  de  fes  droits 

dans  la  décadence  de  la  régularité.  Vivien    fe  préfenca  au 

Concile,  &  demanda  au  Roi  Robert  de  nouveaux  privilèges , 

Conci'leJe  qui  lui  furent  accordés. 

îoo^i.'"      X^-  L'année  fuivante  locp  il  fe  tint  un  Concile  à  Barce- 

Concii.  pag.  lonc ,  donc  nous  ne  favons  autre  chofe  ,  (inon  que  Ton  y  con- 

1248.  iîrma  les  donations  f^iiies  à  l'Eglifc  de  cette  Ville. 

Concile  XII.  Le  Concile  d'Anham  en  Angleterre  fut  affemblé  en 

AnnleteiTc  ,  îOo^  par  le  Roi  ^iheirede  ,  à  la  prière  d'^Ifeage  de  Can- 

enioop.  tom.  torberi  &  de  Wulflan  d'Yorc.  On  y  appella  les  Evêques  &  les 

j2^°'''"^'  ^'  grands  Seigneurs  du  Royaume ,  &  on  en  fit  l'ouverture  le 

jour 


Depuis  l'an  iooî  jusqu'en  1051.  Chap.  XXXIV.   jSj 
jour  de  la   Pentecôte.  Les  Décrets  de  ce  Concile  lent  au 
nombre  de  trente-deux  ;  mais  dans  quelques  Exemplaires  il 
ne  s'en  trouve  que  vingt-huit.    Voici  les  plus  remarquables. 
Defenfe  aux  Minières  de  Dieu,furtout  aux  Prêtres, de  le  ma- 
rier ,  fous  peine  d'être  ioumis  aux  charges  publiques  &  aux  tri- 
buts ;  éU  on  promet  à  ceux  qui  garderont  la  continence ,  d'ê- 
tre traites  comme  les  Nobles.  Les  iorcicrs,  les  enchanteurs , 
les  femmes  débauchées,  les  parjures,  feront  bannis  du  pays. 
Aucun  Chrétien  ne  fera  vendu  hors  de  fa  patrie,  principale- 
ment pour  le  fervice  d'un  Payen.  On  ne  punira  pas  non  plus      Ct,t,.6. 
de  mort  un  Chrétien  pour  une  faute  légère.  Les  Chrétiens  ne     cj».  7. 
pourront  contratter  mariage  jufqu'au  (ixiéme  degré  de  con»     Can.8. 
fanguinité.  Chacun  payera  exadement  la  dixmede  fes  fruits,     ç,^^  ^^ 
Se  le  Dénier  de  laint  Pierre  aux  jours  marqués.  On  payera     Ca,,.  u, 
aufTi  trois  fois  l'année  les  cens  pour  l'entretien  des  luminai-     C""*  '3- 
res  ,  &  le  droit  de  fépulcure  à  l'ouverture  de  la  foffe  j  &s'il 
arrive  que  le  corps  foit  inhumé  hors  de  la  Paroifle  ,  on  ne 
lain'era  pas  de  payer  ce  qui  efl:  dû  à  l'Eglife  d'où  dépendoic     C»».  14. 
le  déliint  pendant  fa  vie.  On  jeûnera  la  veille  de  l'AfTomp- 
tion  de  la  Vierge  &  des  Fêtes  des  Apôtres  ,  à  l'exception 
de  celle  de  faint  Jacques  &  fainr  Philippe  ,  à  caufe  qu'elle  fe  'î* 

rencontre  dans  le  temps  Pafchal;  les  jours  des  Quatre-Temps , 
&  tous  les  Vendredis  de  l'année ,  fi  ce  n'eft  qu'il  y  ait  une     c.j«.  kj. 
Fête  en  l'un  de  ces  jours.  Le  Dimanche  fera  fantlifié  de  façon  '7'  &  50* 
qu'il  ne  fe  tienne  ni  foire  ,   ni  marché  ,  ni  alfemblée  du 
Peuple  ,    qu'on  n'aille  point  à  la  chafle ,  &  qu'on  nefafle 
aucune  œuvre  mondaine.  Tous  les  Chrétiens  confefferont 
{b  )  fouvent   leurs   péchés  ,  feront  la  pénitence  qui  leur 
fera  enjointe  par  le  Prêtre,  &  s'approcheront  de  l'Eucharif- 
tie  au  moins  trois  fois  l'année,  &  plus  fouvent,  s'ils  le  jugent     Cm.  51; 
néceflaire.  Les  amendes  pour  des  crimes  commis  contre  Dieu, 
feront  appliquées  à  l'Eglife ,  quoique  décernées  parle  Juge     Concile  de 

Lajqyg^  Barnberg^en 

XIU.  L'Eglife  Cathédrale  de  Bamberg  ayant  été  achevée  Concii.pag.  ' 
€n  1012  ,  le  Roi  Henri  choifit  pour  en  faire  la  Dédicace  le  socî.  &Dmw«. 
jour  de  fa  naiffance,  qui  étoit  le  fixieme  de  Mai.  Jean  Pa-  j"o'.  '  '  '^' 
triarche  d'Aquilée  en  fit  la  cérémonie  ,  aiïifté  de  trente-fix 


(  J  )  Unufquifque  Chriftianus . . .  fre- 
qu^  ter  adeat  Confeflionem  ,  &  pudore 
polï'O  fua  confiteatur  peccata  ,  &  quam  ei 
impûfuerit  Sacerdos  emendationem  fedu- 

Tome  XXni.  E  e  e  e 


lus  exequatur.  Reverenter  etiam  prspa- 
ratDs  quifque  adeat  facram  Euchariftiam  , 
faltèm  ter  quotannis.  Can.  20. 


^U  DESCONCILES 

Évêques.  Enfuice  ils  tinrent  un  Concile ,  le  Roi  préfent ,  où 
l'on  termina  quelques  difficultés  perlonnelles  entre  les  Evê- 
ques de  rAflemblcc.  Ditmar  y  fit  des  remontrances  au  fujet 
des  biens  que  l'on  avoit  enlevés  à  ion  Eglife  ;  on  lui  en  pro- 
mit la  reftitution.  Il  éroit  Evêque  de  Merftourg.  Le  Roi  y 
alla  pafTerla  Fête  de  la  Pentecôte.  Tagmon  Archevêque  de 
Magdcbourg  devoir  chanter  la  Mefle  ce  jour-là:  mais  étant 
tombé  malade ,  Ditmar  eut  ordre  de  le  fuppléer. 
LoîxEcclé-      XIV.  Vers  le  même  temps  Ethelrede  Koi  des  Anglois  fit 
iheirede^oni'  ^  Haba  un  Codc  de  Loix  ,   divifc  en  quatre  parties,  donc  la 
9.  Concil.  p.  quatrième  concernoit  les  matières  Eccléliaftiques.  Il  y  cft  or- 
^°7-  donné,  entr'autres  chofes  :  Que  tous  les  Chrétiens  en  âge  de 

jeûner  ,  jeûneront  trois  jours  avant  la  Fête  de  faint  Michel  , 
le  Lundi,  le  Mardi  &  le  Mercredi ,  en  ne  mangeant  ces  jours- 
là  que  du  pain  &  des  herbes  crues ,  &  ne  buvant  que  de  l'eau  ; 
qu'ils  iront  à  TEglife  nuds  pieds  pour  fe  confefler  ;  qu'il  le 
fera  pendant  ces  trois  jours  des  Procefllons  ,  auxquelles  les 
Prêtres,  comme  le  peuple  ,  afîiftcront  nuds  pieds.  Il  y  a  un  au- 
tre Règlement  qui  porte  que  l'on  chantera  chaque  jour  dans 
toutes  les  affemblées  du  matin  la  Meffe  intitulée  ;  Contre  les 
Payens ,  dans  laquelle  on  priera  en  particulier  pour  le  Roi  j 
&  que  à  chaque  heure  de  l'Office  on  chantera  ,  le  corps  éten- 
du iur  la  terre,  lePfeaume,  Domine,  quidmultip lie atifunt^  avec 
la  CoUede  contre  les  Payens  ;  ce  que  l'on  continuera  de  faire 
tant  qu'il  y  aura  néceffité. 
Diplômes  XV.  Suivent  dans  la  Colledion  des  Conciles  ,  une  Lettre 
tom.T.'con-  ^^  ^^P^  Benoît  VIII  aux  Evêques  de  Bourgogne  ,  d'A- 
cii.  pag.  8io.  quitaine  &  de  Provence  ,  contre  les  ufurpateurs  des  biens  de 
l'Abbaye  de  Clugny  ;  un  Diplôme  de  l'Empereur  Henri ,  par 
lequel  ce  Prince  confirme  toutes  les  donations  faites  par  fes 
PrédécefTeurs  à  l'Eglife  de  Rome  ,  figné  de  lui ,  de  douze 
Evêques,  de  plufieurs  Abbés  &  grands  Seigneurs  de  l'Empire; 
&  un  autre  Diplôme  de  Canut, Roi  d'Angleterre  ,en  faveur 
de  l'Eglife  de  Cantorberi  ,  figné  de  fa  propre  main  ,  de  la 
Reine  Emme  ,  de  plufieurs  Evêques  &  Ducs.  La  date  eft  de 
l'an  1018  de  l'Incarnation.  On  peut  rapporter  au  même  temps 
le  Concile  où  prélida  Hedor  Archevêque  de  Befançon  ,  au- 
quel afllifîerenr  Brunon  de  Langres ,  Vaurhier  d'Autun  ,  & 
Goflen  de  Mâcon.  Ce  qu'on  en  fç.ut,  clique  l'on  y  afTura 
la  liberté  de  certaines  perfonnes  qui  dépendoient  du  Monaf- 
'<!£.  îîs-  tere  de  Beze.  Il  en  eft  parlé  dons  le  quatrième  Tome  de 


y. 

6, 


DEeinsL'AN  100 1  jusqu'en  io^i.Chap.  XXXIV.    587 
la  nouvelle  Gaule  Chrccicnnc.  On  trouve   au  même  endroit 
des  fragmcns  de  deux  Lettres  du  Pape  Benoi't  VIII  à  Brunon, 
Evêcjue  de  Langrcs ,  qui  lui  avoit  demandé  la  confirmation 
des  privilèges  de  l'Abbaye  de  iaint  Bénigne  à  Dijon. 

XVI.  Ce  Pape  prélida  au  Concile  de   Pavie ,  &  y  fit  un  „  Concile  .!c 

I  j-r  1        •      r  •      r     j       /'^i  /~\      \  •    ravie,  toiii.  g. 

long  dilcours  contre  la  vie  licencieule  des  Clercs.  On  le  mitconcii.  pa^. 
à  la  tête  des  Ades  du  Concile  ,  qui  confident  en  fcpt  Décrets  819. 
ou  Canons.  Ils  portent  en  iubftance  que  les  Clercs  n'auront    c.i«,  i. 
ni  femmes ,  ni  concubines  ;  que  les  cnfans  nés  d'eux  feront         ^• 
ferfs  de  l'Eglife    en  laquelle  leurs  pères  fervent  ,  quoique         4. 
leurs  mères  foient  libres  ;  qu'il  ne  fera  point  permis  aux  Juges 
Laïques  de  les  affranchir;  que  les  ferfs  de  l'Eglife  ne  pour- 
ront faire  aucune  acqui(ition  fous  le  nom  d'un  homme  libre  ; 
que  l'homme  libre  qui    aura  prêté  fon  nom  ,  donnera  à  l'E- 
glife fcs  fùretés  ;  &  que  l'on  frappera  d'anathcme  le  Juge  ou        ''" 
Tabellion  qui  aura  écrit  le  Contrat.  Ces  Décrets  font  fouf- 
crits  de  fcpt  Evcques  ,  y  compris  le  Pape  Benoît.  La  date  efl:    Voyez  l'ar- 
du premier  d'Août,  on  ne  dit  pas  de  quelle  année.  L'Empe-  îi'^'^  ^",^?f,^ 

'^u        •  r  ^  ^  -JT)  •  .//V-    Benoit  V  m, 

reur  Henri  confirma  a  la  pnere  du  râpe  ce  qui  avoit  cte  fait 
dans  le  Concile  ,  &  fon  autorité  étoit  néceffaire  ,  parce  que 
quelques-uns  de  fes  Décrets  regardoient  le  temporel. 

XVII.  L'Eglife  de  Ravenne  ayant  été  pendant  onze  anso  ^°"^''^^  -^e 
lans  Eveque,  ,  il  le  commit  dans  la  Province  plufieurs  delor- 1014. tom.  9. 
dres,  foit  à  'égard  des  Ordinations  ,  foit  par  rapport  aux  c°"'=''- P^g- 
Dédicaces  des  Eglifes.  L'Empereur  Henri  nomma  ArnoulllV  ;^  f'*' 
Ion  rrere  pour  remplir  le  Siège  vacant ,  mais  il  eut  a  difpurer  400. 
contre  Adalbert  qui  l'avoit  ufurpé.  Arnoul  demeura  paifible 
poffeflreur,  &  Adalbert  le  vit  au  moment  d'être  dépoié.  On 
intercéda  pour  lui  auprès  du  Pape  ,  qui  lui  donna  l'Evêché 
d'Aricie.  Arnoul  affembla  un  Concile  le  dernier  jour  d'Avril 

1 0 1 4.  Il  y  eut  trois  féances.On  régla  dans  la  premiere,que  ceux 
qui  avoient  été  ordonnés  illicitement,  feroientfufpens  jufqu'à 
un  plus  ample  examen  -,  dans  la  féconde  ,  que  les  Eglifes con- 
facrces  par  Adalbert  demeureroient  interdites  ;  &  dans  la 
troifiéme  il  fut  défendu  fous  peine  d'anathême  d'exiger  de 
l'argent  pour  le  Iaint  Chrême,  la  recommendarion  de  l'ame, 
&  la  fépukure  ;  &  aux  Archiprêtres,  de  donner  au  Peuple  la 
bénédidicn,  ou  la  Confirmation  par  le  faint  Chrême  ,  ces 
fondions  étant  réfervées  aux  Evêques. 

XVIÏÎ.  Il  ne  reRe  rien  du  Concile  de  Rome  en  1015,  que  RomT  en  ^^ 
le  privilège  accordé  par  le  Pape  Benoît  VIII  à  l'Abbaye  de  i^iî-tom.?. 
Frutar ,  par  laquelle  elle  eft  déclarée  exempte  de  la  Jurifdic-  ^']"f' '  ^'s* 

E  e  e  e  ij 


588  D  E  S    C  O  N  C  I  L  E  S 

tion  cpifcop.ile.  Ce  privilège  cfl  (Igné  du  Pape,  de  quarante- 
cinq  Êvcques,  de  pludeurs  Cardinaux-Prêtres ,  de  quelques 
Diacres  &  de  quelques  Abbés  qui  avoient  afTifté  au  Concile. 
Concile  XIX.  En  France  deux  Clercs  en  réputation  de  doftrine  & 
loiiTom,  y"  de  piété  5  s'étoient  laifTc  léduire  par  une  femme  veuve  d'Italie, 
Concii.  png.  &  infedée  de  l'hérélie  des  Manichéens.  Us  rejcrtoicnt  l'An- 
hï^'^?l^^l'^'  ^^^^  &le  Nouveau  TeRament,  en  ce  qui  y  eit  dit  de  la  Tri- 
nité &  de  la  création  du  Monde;  nioient  que  Jefus-Chrift  fut 
né  de  la  Vierge  Marie  ;  qu'il  eût  loufFerc ,  qu'il  fût  reffufcité. 
Que  le  Baptême  eût  la  vertu  d'etiacer  les  péchés ,  que  le  pain 
&  le  vin  fuflent  changés  au  Corps  &  au  Sang  de  Jefus-Chriiî 
par  la  confécration  du  Prêtre.  Ils  rcgardoicnt  les  bonnes  œu- 
vres &  rintercefTion  des  Saints  comme  inutiles  ,  condam- 
noient  le  Mariîge  &  défendoient  de  manger  de  la  chair.  Ils 
s'affembloientla  nuit  pour  la  célébration  de  leurs  Myftercs;  & 
après  avoir  éteint  les  lampes ,  ils  fe  livroicnr  à  toutes  fortes 
d'impuretés.  Un  homme  de  condition  nommé  Arefaftc  ayant 
découvert  cette  pernicieufe  fecle,en  fit  donner  avis  au  Roi 
Robert  par  Richard  Duc  de  Normandie.  On  indiqua  un  Con- 
cile à  Orléans,  l'an  (c)  1022.  Le  Roi  &  la  Reine  Confiance 
fon  époufe  s'y  rendirent  avec  plufieurs  Evêqucs  ,  du  nombre 
defqucls  étoic  Leutherie,  Archevêque  de  Sens.  Etienne  &  Li- 
foye  ,  c'cfl  le  nom  des  deux  Clercs  qui  le  lailTerent  féduirc  les 
premiers ,  furent  amenés  au  Concile  ,  avec  ceux  qu'ils  avoienc 
engagés  dans  leurs  erreurs.  On  efTaya  de  les  en  tirer  dans 
une  conférence  qui  dura  depuis  la  première  heure  du  jour  , 
juiqu'à  trois  heures  après  midi.  Comme  on  les  vit  endurcis  , 
on  les  menaça  du  feu.  Ce  fupplice  ne  les  effraya  point.  Us  y 
allèrent  gaiement ,  maislorfqu'ils  commencèrent  à  lencirl'im- 
preflïon  des  flammes  ,  ils  fe  mirent  à  crier  &  à  détefler  leurs 
erreurs.  On  fe  mit  en  devoir  de  les  retirer  du  feu  :  mais  on 
les  trouva  réduits  en  cendres.  De  treize  qu'ils  ctoient,  quand 
on  fe  faifit  d'eux  pour  les  faire  comparoître  devant  le  Conci- 
le ,  il  n'y  eut  qu'un  Clerc  &  une  Religieufe  qui  fe  conver- 
tirent. Glaber  Rodulphe  (d)  rapporte  cet  événement  à  l'an 
1017  ,  en  quoi  il  a  été  iuivi  de  Baronius,  du  Père  Labbe  & 
de  plufieurs  autres.   Mais  on  voit  par  un  (e)  Diplôme  de 


i.num,  }   l      (f  )  Mu 


(r)  Matillonylib,  jj.  anu.il, tiunt.  ^    l       (f  )  M--mion,tom.  4,  m/i.il.  in  afjim' 
fag.  184.  I  dite  ,  pa^.  708. 

{d)GUktr,iHd. 


Depuis  l'an  looi  jusqu'en  io^i.Chap/XXXIV.  5S9 
l'Abbaye  de  laint  Mcrmin  pics  d'Orlcans ,  que  le  Concile 
tcniicn  cette  Ville  à  roccadon  de  ces  nouveaux  MaDJchéi'ns, 
cil  de  Tan  1022  ,  la  ^ingt-lcptic'mc  année  au  rcgnc  de  Ro- 
bert. Ccb  paroît  encore  par  le  témoignage  (/)  d'Adcmar, 
oui  dit  que  cette  hérclie  fut  dccouvcrrc  lous  iépifco^-at  d'O- 
dolric  d'Orléans.  Or  on  ne  peut  en  mettre  le  commencement 
avant  l'an  1022,  puilque  ce  fut  en  cette  année  que  Thcodo- 
ric  fon  Prcdcccfleur  fe  démit  de  fon  Evcchc  pour  fe  retirer 
au  Monaflere  de  faint  Pierre  à  Sens. 

XX.  L'on^jcrne  d'Août  de  la  même  année  ,  Aribon  Ar-  SeiT°gaad  t 
thevcque  de  Mayencc  adcmbla  un  Concile  à  SclingHad  ,  oij  1022. 
afTifterent  les  Evcques  de  Strafbourg,  d'Aufbourg ,  deBam- 
berg  &  de  Wirzbcurg,  les  Suflragans.  Ce  qui  l'engagea  à  le 
convoquer  ,  fut  (g)  de  rétablir  l'uniformité  de  la  difcipline 
d  ins  toutes  les  Eglifes  dépendantes  de  fa  Métropole  ,  &  de 
fupprimer  quantité  de  Décrets  Synodaux  &  d'ufages  dont  la 
contrariété  caufoit  du  trouble  &  de  la  confufion.  Pour  obvier 
aux  inconvéniens  qui  en  réfultoient  ,  le  Concile   fit  vingt 
Canons  ,  que  Burchard  de  Wirzbourg,  l'un  de  ces  Evêques,  a 
rapportés  à  la  fin  de  fon  Décret,  &  qui  fe  trouvent  dans  la 
Vie  de  laint  Mcinvcrc,  Evcque  de  Paderbonne,  au  premier 
Tome  des  Ecrivains  de  BruniVic.  Il  efl:  dit  dins  ces  Canons     c.w.  u 
que  tous  les  Chrétiens  s'abftiendront   de  la  chair  &  de  la 
graiffe  quatorze  jours  avant  la  faint  Jean-Baptifle  ,  autant 
avant  Noël  ;  qu'ils  garderont  la  même  abflinence  les  veilles 
de  l'Epiphanie,  des  Fêtes  des  Apôcres  ,  de  l'AfTomption  de 
la  faintc  Vi:rge  ,  de  iaint  Laurent  &  de  tous  les  Saints ,  & 
qu'ils  referont  qu'un  repas  :  on  en  excepte  les  infirmes.  L'ob- 
fervance  fera  la  même  pour  les  jeûnes  des  Quatre- Temps.     Can.  2. 
Il  ne  fera  permis  à  perfonne  de  contra6ter  mariage  en  au- 
cun de  ces  jours,  ni  depuis  l'Avent  jufqu'à  l'Oflave  de  l'E-     c<i«.  j, 
piphanie  ;  &  l'on  ne  fe  mariera  pas  non  plus  depuis  la  Scp- 
tuagédme  jufqu'à  l'Odave  de  Pâque.  Le  Pictre  qui  aura  bu 
après  le  chant  du  coq ,  ne  pourra  célébrer  la  MeflTe  le  jour     Cnu.  4. 
fuivant.  Défenfe  fous  peine  d'anathême  de  jetter  un  corporal 
conlacré  par  l'attouchement  du  Corps  du  Seigneur  ,  dans  le     ^""^  ^ 
feu ,  pour  éteindre    un  incendie ,  de  porter  une  cpée  dans 


f /)  M.ab;Uon  ,  lib,  5 y.  atitiah  num.  I.  1  BrNtifvtc.  fag,  i^l,i5tcm.?.  Ctnùl.fagi 

^  ?.  I  844- 

{g)  Meinverii  Vit» y  totn,  1.  Stripior, 


^po  DESCONCILES 

Cm.  7. 8.  l'Eglife  ,  fi  ce  n  cd  celle  du  Roi ,  &  de  caufer  dans  le  vefli- 
bule  de  rEgUic.  Si  de  deux  perfonnes  accufccs  d'adultcre , 
Cm.  6.      Yane  avoue  «&  l'autre  nie  ,  on  mettra  en  pénitence  celle  qui 
s'avoue  coupable  ;  l'autre  fera  obligée  de  donner  des  preuves 
de  fon  innocence.  On  retranche  l'abus  qui  régnoit  parmi  les 
Laïques ,  en  particulier  parmi  les  femmes ,  de  faire  dire  par 
■    Ca/1.9.     fuperftition&  pour  deviner,  le  commencement  de  l'Evangi- 
le defaint  Jean,  &  des  Méfies  de  la  Trinité  ou  de  faint  Michel. 
Il  eft  ordonné  de  fuivre   dans  l'cnumcration  des  degrés  de 
Can.io.    confanguinité ,  non  les  loix  Civiles  ,  mais  les  Canons.  On 
abattra  les  bàtimens  des  Laïques  attenant  aux  Eglifes,  & 
Can.  1 1.     on  ne  permettra  qu'aux  Prêtres  de  loger  dans  le  parvis.  Les 
On.  12.    Laïques  Patrons  de  quelque  Eglife  préfcnteronc  à  l'Evêque 
un  Prêtre  pour  la  defi'crvir  ,  afin  qu'il  s'affure  de  fa  capacité  , 
de  fes  mœurs  &  de  fon  âge.  Celui  qui  n'aura  pas  oblervé  le 
Can.  14.    jeûne  prefcrit  par  l'Evêque ,  nourrira  un  Pauvre  le  même  jour. 
Aucun  ne  pourra  aller  à  Rome  fans  la  permidion  de  l'Evê- 
o».  ly.    que  ou  de  Ion  Vicaire.  Le  Prêtre  ne  partagera  point  au  Pé- 
Cait.  16.    nitenc  fa  pénitence  ,  hors  le  cas  d'infirmité.  Le  Pénitent  doit 
Ca».  17.    d'abord  accomplir  la  pénitence  qui  lui  eO:  impofée  par  fes 
Pafleurs;  fi  enfuite  il  veut  aller  à  Rome,  il  le  pourra  en  pre- 
nant des  Lettres  de  fon  Evêque.  Le  Concile  déclare  qu'au- 
trement l'abfolution  que  le  Pénitent  obtiendroit  à  Rome,  ne 
lui  ferviroit  de  rien.  Il  veut  donc  que  le  Pénitent  pendant  le 
Can.  18.     cours  de  fa  pénitence,  demeure  dans  le  lieu  où  il  l'a  reçue  , 
afin  que  fon  propre  Prêtre  puifle  rendre  témoignage  de  fa 
conduite  ;  &  que  s'il  ne  le  peut  à  caufe  de  l'incurfion  des  en- 
nemis, le  Prêtre  le  recommande  à  quelqu'un  de  fes  Confre- 
Cw.  19.     J.Ç5  ^  pQ^j^  1^  lyj  f^jj-ç  obferver.  Il  efl:  défendu  au  Prêtre  d'in- 
troduire dans  l'P^glife,  fans  la  pcrmiflïon  de  l'Evêque  ,  celui 
à  qui  l'entrée  en  eft  défendue  pour  quelque  crime.  L'Auteur 
de  la  vie  de  faint  Meinvcrc  ne  rapporte  que  ces  dix-neuf 
Canons,  parce  qu'il  n'avoit  pas  dans  les  exemplaires  le  cin- 
quième ,  qui ,  félon  Burchard  ,  porte  défenfe  à  un  Prêtre  de 
dire  plus  de  trois  Méfies  par  jour.  On  trouve  à  la  fuite  de  ces 
Canons  un  formulaire  des  ccrcmonics  que  l'on  doit  obferver 
en  commençant  le  Concile,  &  des  prières  qu'il  faut  réciter 
Concile      Pendant  fa  tenue. 
d'Airy,  tom.      XXI.  Lc  Roi  Robctt  voulant  rétablir  dans  la  Bourgogne 
î'  ^°1^'l-':*  J^  paix  qui  y  a  voit  été  croublée  depuis  Ki  mort  du  Duc  Henri, 
convoqua  en  1030  un  Concile  a  Airy  dans  le  Diocefed  Au- 


Depuis  l'an  iooi  jusqu'en  io:ti.  Chap.  XXXIV.  çpi 
xcrrc.  Gauzclin  Archevêque  de  Bourges,  &  Lcuthcric  de  Ion,  fib.  t^. 
Sens,  y  airillcrcnt,  apparemment  avec  les  Evcqucs  compro-  '"""''•  ""'"■ 
vinciaux.  Céroit  alors  Tulagc  de  porter  les  Reliques  dos  Saints  ''''''"^'  ^^^' 
à  ces  Ibrrcs  d'afTcmblécs.  On  porta  donc  du  Monafti^re  de 
faint  Pierre  de  Sens,  celles  de  laint  Salvicn,  IVlaitjr  ;  &  de 
Montier-en-Der  celles  de  faint  Berchaire.  Quelques  uns  de- 
mande refit  aufll  celles  de  laint  Germain  d'Auxcire.  L'Evê- 
que  Hugues  s'y  oppol'a.  Les  Moines  de  Montier-en-Der  for- 
mèrent devant  les  Evoques  du  Concile  des  plaintes  contre 
le  Comte  Landrie,  qui  avoit  ulurpé  des  terres  dépendantes 
de  l'Abbaye.  Le  Comte  pour  s'en  venger  rcfolut  d'arrêter  les 
Reliques  de  faint  Berchaire,  au  recour  des  Moines  qui  les 
reportoicnt.  II  les  fît  attendre  à  un  Pont  fur  lequel  ils  dé- 
voient pafler  :  mais  ils  évitèrent  ce  danger  en  palfant  la  ri- 
vière cà  pied.  C'efl:  tout  ce  que  l'on  fçait  de  ce  Concile,  que 
le  Roi  Robert  honora  de  fa  préfcnce. 

XXII.  Les  A£les  des  Evêques  d'Auxerre  en  parlant  du     Concîi^  de 
Concile  d'Airy  font  mention  de  trois  autres,  le  premier  àTouiouie, 
Dijon  ,  le  fécond  à  Beînc  ,  le  troifiéme  à  Lyon.  Il  n'en  efl  'T*  ^*  ^°"' 

.''.,-,.  '  •'  cU.  pag.  84. 

rien  venu  juiqu  a  nous.  ^      * 

XXIII.  Le  jour  de  Nocl  de  l'an  102 1 ,  le  Roi  Canut  tint    ConcHe  de 
un  Concile  à  Vincheflcr  ,  où ,  de  l'agrément  des  Evêques  ,  winchefteren 
des  Seigneurs  &  des  Abbés  préfens,  il  exempta  le  Monaf- ^■^^':,''^'"'^- 
tere  de  faint  Edmond  &  fes  dépendances  de  la  Jurifdiâion  S43'.'  *  ^^^* 
des  Evêques.  Cette  exemption  fut  confirmée  par  le  Roi  Har- 
dicanut  fon  fils  &  fon  SuccefTeur. 

XXIV.  Il  fe  tint  vers  l'an  1023  un  Concile  à  Aix-Ia-  ^^^^■, 
Chapelle,  en  préfence  du  Roi  Henri  ,  où  l'on  difcuta  lesd'Aix-ia'-Cha- 
prétentions  de  l'Archevêque  de  Cologne  &  de  l'Evêque  de^^''^  '  'o^s* 
Liège  fur  le  Monaftere  de  Borcet.  Pilequin  de  Cologne  fou- diTpat'.^^"" 
tenoit  qu'il  étoit  de  fa  Jurifdiètion  ;  &  Durand  de  Liège  ,  &  Mabiiion'i 
de  la  fienne.  La  caufe  de  cet  Evêque  prévalut,  parce  que ''^'■^^' """"'• 
Gérard  Archevêque  de  Cambrai  rendit  témoignage  que  les  287. 
Evêques  de  Liège  avoient  béni  cinq  Abbés  de  ce  Monafle- 

re  ,  fans  aucune  oppoiition  de  la  part  des  Archevêques  de 
Cologne  ;  &  que  lui-même,  à  la  prière  d-e  l'Empereur  &  de 
Baudric  ,  Evêque  de  Liège  ,  avoit  ordonné  des  Moines  de 
Borcet ,  &  confacré  leur  Eglife  avec  Poppon  de  Trêves  & 
Heymon  de  Verdun.  Pilequin  fâché  qu'on  eût  donné  gain 
de  caufe  à  l'Evêque  Durand,  fortit  brufquement  du  Concile. 

XXV.  Le  Roi  Henri  après  avoir  célébré  à  Merfbourg  la     ConcîU'rie 

°^       Mayence  en 


J92  DESGONCILES" 

lOiî.fom.  9.  Fête  de  Pâque  de  Tan  lOij  ,  vint  à  Mayence  célébrer  celle 
Concii.pa^.   jg  1^  Pcntccôre.  L'Archcvcque  Aribon  Tavoic  invite  au  Con- 

B?4.  «:  i  om.      ,,,  •I^TA-».  r  Jn 

artor.  Mabii-  cile  indiquc  pour  ce  jouu-Ia.  Les  Actes  en  lont  perdus ,  &  nous 
lon.pag.  56J.  j^'gp  fçavons  que  ce  que  TAuteur  de  la  vie  de  faine  Gode- 
*deb"rd.  "^°  hand,  Eyêque  d'Hilde^heim ,  en  a  confcrvc.  Il  diten  général 
que  l'on  y  corrigea  plufieurs  dcfordres  ;  &  que  l'on  voulut 
entr'autres  féparer  Otton,Comte  d'Hamerftein,  d'avec  Irmen- 
garde  qui  n'étoit  point  fa  femme  légitime  ;  que  le  Comte  le 
promit,  autant  par  crainte  de  l'Empereur ,  que  par  égard  aux 
remontrances  des  Evêques  ,  mais  qu'Irmcngarde  méprifa 
ouvertement  tout  ce  qui  lui  fut  ordonné  de  la  part  du  Con- 

Concile        ^^^^' 

d'ArraTen  XXVI.  La  rechcrche  des  Sedateurs  de  l'héréfie  décou- 
ioiî.tom.15.  verte  à  Orléans  en  1022  ,  ne  fe  fît  point  il  cxatlement ,  qu'il 
Spi"ieg''  '»'-  ^ç^  échappât  quelques-uns.  On  en  trouva  à  Ar  rascn  102'?. 

ita  ;  ce  JVlabil-  ,r'T'„  ,  „  J/^l-i 

Ion,  lib.  jî.  Gérard  qui  en  ecoit  Eveque  ,  de  même  que  de  Cambrai  ,  le 
ariTMi.  tiKin.  \ç^  £f  amener ,  les  interrogea  fur  leur  dodrine  ,  &  les  voyant 
l-p"!-  3'3  .  j^^^  l'erreur  les  fit  mettre  en  priibn  ,  où  il  les  retint  pendant 
trois  jours.  Pendant  ce  temps  il  ordonna  aux  Clercs  &  aux 
Moines  un  jeûne  8c  des  prières  pour  la  converfion  de  ces 
hérétiques.  Après  quoi  il  les  fit  venir  à  l'Eglifeun  jour  de  Di 
manche  ,  &  leur  demanda  en  préfence  du  Clergé  &  du  Peu- 
ple ,  qu'elle  étoit  leur  créance,  &  l'Auteur  de  leur  fe<Ste.  Ils 
répondirent  que  c'étoit  un  nommé  Gandulphe,  d'Italie;  qu'ils 
avoient  appris  de  lui  à  ne  reconnoître  d'autre  écriture  que 
l'Evangile  &  les  écrits  des  Apôtres  ;  que  la  dodrine  de  l'E- 
vangile confiftoit  à  quitter  le  monde ,  à  réprimer  les  dcfirs  de 
la  chair,  à  vivre  du  travail  de  fes  mains  ;  à  ne  faire  tort  à 
perfonne  ;  qu'en  obfervant  ces  préceptes  ,  le  Baptême  n'étoit 
point  néceflaire  au  falur.  Ils  donnoient  plufieurs  raifons  de 
l'inutilité  de  ce  Sacrement  ,  la  mauvaife  vie  des  Minières ,  la 
rechute  dans  le  péché ,  &  le  peu  d'apparence  que  la  volonté 
d'autrui  puifle  fcrvir  au  falut  d'un  enfant  qui  ne  fçait  pas  mê- 
me ce  que  c'efl  que  le  Baptême.  Ils  ne  faifoient  pas  plus  de  cas 
del'Euchariflic  &  de  la  Pénitence.  Ils  rejettoient  le  Mariage, 
&  ne  rcconnoifi^^oientpourfaints  que  les  Apôtres  &  les  Martyrs. 
L'Evêque  Gérard  réfuta  ces  erreurs  par  un  difcours  donc 
nous  avons  donné  ailleurs  le  précis.  Puis  fe  tournant  vers  ces 
hérétiques,  il  leur  demanda  s'ils  avoient  quelque  réplique  à  fai- 
re. Ils  reconnurent  qu'on  les  avoit  abufés,  anathcmatifercnc 
leurs  erreurs ,  &  foufcrivirent  à  la  profeflion  de  foi  qui  leur  fut 

,  préfenté  e 


Depuis  l'an  iooi  jusqu'en  io^i.  Chap.XXXIV.  55^3 
prcfcnrcc.  Ainli  finit  le  (Concile  d'Arras  ,  donc  l'Evcque  de 
Cambrai  envoya  les  Ados  à  un  Evcque  voifinpour  le  précau- 
tionner contre  qucIqiKS-uns  de  cette  fc6tc  ,  qui  l'avoicnt 
trompe  en  déguilant  leur  mauvaifc  do£lrine.  La  profcfTionde 
foi  qu'on  leur  ritlouicrire,  porte  fur  TEuchariftie ,  qucc'eftia 
même  chair  qui  efl  née  de  la  Vierge,  qui  a  fouffert  fur  la 
Croix  ,  qui  cft  iortic  du  tombeau  ,  qui  a  été  enlevée  au  Ciel , 
qui  cft  à  la  droite  du  Père  dans  la  gloire. 

XXVII.  Quelque  temps  après  on  afTembla  un  Concile  à  j,^°j?l'^^'^'^ 
Anle  près  de  Lyon  dans  l'Eglile  dcfaint  Romain  ,  auquel  loîf.tom,  • 
fe  trouvèrent  les  Archevêques  de  Lyon  ,  de  Vienne  ,  de  Ta-  ^"""^î,';,'',^?' 

•  r         «  r  T^     "  >  r^       n-         rr-    "  J      8^9,  &Mabil- 

rantaile,  &  neuf  Eveepes ,  entr  autres  Gaullin,  Evequc  CLQ\on,ibid.^ig, 
Mâcon.  Il  fe  plaignit  que  Bouchard,  Archevêque  de  Vienne,  jij. 
avoir  contre   les  Canons   ordonne  des  Moines  dans  le  Mo- 
naftere  de  Clugni ,  qui  étoitdu  Diocèfe  de  Màcon.  L'Arche- 
vêque donna  pour  garant  de  ces  Ordinations  l'Abbé  Odilon  , 
qui  étoit  préfent ,  avec  quelques-uns  de  fes  Moines.  L'Abbé 
produilk  un  privilège  de  Rome  qui  lui  permettoit  d'appcller 
quel  Evêque  il  voudroit  pour  ordonner  fes  Religieux,  aufTi- 
bien  que  pour  la  Dédicace  des  Eglifes  dépendantes  de  fon 
Monaftere.  On  lut  les  Canons  de  Calchédoine  ,  Vautres  qui 
foumettent  les  Abbés  &  les  Moines  aux  Evêques  Diocéfains , 
&  qui  défendent  à  un  Evêque  de  faire  dans  un  autre  Diocèfe 
ni  ordinations,  ni  confécrations ,  fans  la  permiflionde  l'Ordi- 
naire :  d'où  les  Evêques  du  Concile  inférèrent  que  le  privi- 
lège allégué  étant  formellement  contraire  à  ces  Canons  ,  il 
devoir  être  regardé  comme  nul  ;  qu  ainfi  l'Abbé  Odilon  n'é- 
toit  pas  un  garant  fuffifant  du  procédé  de  l'Archevêque  de 
Vienne.  N'ayant  rien  à  répliquer  à  ces  raifons,  il  fit  des  ex- 
cufes  à  l'Evêque  de  Màcon,  à  qui  il  promit  par  manière  de 
fatisfadion  de  fournir  chaque  année  l'huile  d'olives  néceffai- 
re  pour  le  faint  Chrême.  Mais  le  jugement  {h)  de  ce  Con- 
cile n'eut  lieu  que  pour  un  temps  :  les  Souverains  Pontifes  , 
nommément  Jean  XIX  ,  Urbain  II  8c  Callixte  II ,  confirmè- 
rent le  privilège  de  l'Abbaye  de  Clugni  ,  &  dans  un  Concile 
deRheims  on  reconnut  qu'iljétoit  au  pouvoir  de  l'Abbé  de 
faire  ordonner  fes  Moines  par  quelque  Evêque  que  ce  fût. 

XXVIII.  La  Chronique  d'Hildesheim  met  en    1027  un    Concile  de 
Concile  de  treize  Evêques  à  Francfort ,  où  en  préfence  de  ^^^^^y^°%y'^j 

,  nie.      HildeJ^ 

beim- 
(h)  Mabillon  ,  /tt.  j  j.  amtal.  num,  75.  pag,  313, 

Tome  XX m,  F  f  ff 


5j?4  D  E  S    C  O  N  C  I  L  E  S 

1017.  tom.i.  l'Empereur  Conrard  ,  il  fut  ordonné  que  Godchand  Evêquc 
Sî'ar^T^'  d'Hildcshcim  conferveroit  fa  Jurifdidion  fur  le   Monafterc 

'  de  Gandeshera.  Dans  le  même  Concile  le  jeune  Godehand  , 
frère  de  l'Empereur  ,  reçut  la  tonfure  Cléricale.  On  rapporte 
(?)  à  la  même  année  le  Concile  tenu  à  Elne  ou  Perpignan  y 
dans  lequel  on  traita  de  la  paix  &  de  la  trêve ,  &  de  quelques 
points  de  difcipline.  Mais  il  ne  faut  le  mettre  qu'en  1047, 
comme  on  le  dira  ci-après. 
iviayencêen''      XXIX.  11  s'cD  tînt  un  à  Maycncc  en  1028  auquel  TArche- 

1018.  tcm.  9.  vêque  Aribon  préfida  ,  afliflé  de  fes  Suffragans.  On  y  termi- 
Concii.  pag.  j^^  plufieurs  affaires  Eccléfiaftiqucs  ,    entr'autres  celle  d'un 

860.  (^broute,  I  ,  ,  r'      11  '    i      ^  f         r  -k-i 

midesh.ubi    homme  libre,  accule  d  avoir  tue  le  Comte  Sigefroi.  j\  ayant 
fuira.  py  £.fj-£  convaincu  par  témoins,  le  Concile  ordonna  qu'il  fe 

juflifieroit  par  l'épreuve  du  fer  chaud  ;  cela  lui  réulfit. 
Karotfe/n''^      XXX.  Lcs  gucrtcs  particulières  continuoicnt  en  France  , 
1018. tom.  9,  &  occafionnoient  des  meurtres  &  des  pillages.  Pour  y  remé- 
Concii.  pag.    (^\qx,  Guillaume  IV,  Duc  d'Aquitaine ,  affembla  un  Concile  à 
Karoftc  ^  auquel  il  appella  les  Êvêqucs  &  les  grands  Seigneurs 
de  fes  Etats.  On  y  ordonna  à  ces  Seigneurs  de  travailler  à  la 
tranquillité  publique,  &  de  refpeder  l'Eglife.  Il  paroît  par  la 
chronique  d'Ademar  qu'on  s'y  occupa  aulTi  à  éteindre  les  er- 
reurs que  les  nouveaux  Manichéens  femoient  partout  où  ils 
fe  trouvoienr.  Quoique  le  père  Labbe  rapporte  ce  Concile  à 
l'an  1C28  ,  il  croit  toutefois  qu'il  ne  fut  tenu  qu'en  105 1.  En. 
effet  on  en  aflembla  plufieurs  en  France  pour  le  rétablif- 
...   fcment  de  la  paix. 
Limogel    en      XXXI.  Odolric  Abbé  de  faint  Martial  de  Limoges  ayanr 
ioi8.&io;i.  fait  faire  la  Dédicace  de  l'Eglife  de  faint  Sauveur  en    1028  ,, 
'T'^?^  sT^"  les  Evêques  qui  y  aflifterent ,  tinrent  enfuite  delà  ccrémo- 
&pag.8(;9.    nie  un  Concile  ,  où  ils  agitèrent  la  queffion  de  rApoltolatde 
&  ivkbiiion.   ^^jj^^.  jviartial.  Elle  avoit  déjà  été  agitée  dans  une  conférence 
«um.lç.'pag.  tenue  à  Paris  dans  le  Palais  du  Roi  Robert  ,  mais  elle  fut 
34^.  369.       une  troifiéme  fois  difcutée  ,  &  avec  plusd'exa£lirudc,  dans  un 
autre  Concile  qui  fe  tint  à  Limoges  en  103 1 .  L'Abbé  Odol- 
ric y  affifta  avec  neuf  Evêques  :  Aimon  Archevêque  de  Bour- 
ges, Préfident  de  rAficmbléc,  faifoit  le  dixième.  Jourdain 
Evêque  de  Limoges   fe  plaignit  d'abord  des  violences  que 
les  Seigneurs  de  ion  Diocèfe  exerçoient  contre  TEglile  & 


(^iyitibriiius  ,  tom,  u.  Bibltot,  GrAot ,  pag,  ^-jC-tom.ç,  CcHfi/. /4j.  1049. 


Depuis  i.'an  iooi  jusqu'en  1051.  Chap.  XXXIV.  595 
contre  les  Pauvres.  Mais  l'Abbé  Odolric  prenant  la  parole  ,  cJmil'.fàs. 
pria  qu'avant  toute  autre  atfairc  ou  finît  la  contcflacion  de  870. 
l'Apollolat  de  faint  Martial ,  qui  ctoit  le  motif  de  la  convo- 
cation du  Concile.  Les  preuves  que  l'on  produifit  en  faveur 
de  l'Apodolar  du  Saint,  ctoient  tirées  d'une  Hiftoirede  fa  vie 
compoiée  fous  le  nom  d'Aurelien  fon  Difciplc,  &  reconnue 
aujourd'hui  pour  apocryphe  ,  &  fe  reduifoicnt  à  montrer  que 
fon  nom,  tant  chez  les  Latins  que  chez  les  Grecs,  fc  trouvoic 
dans  les  Litanies  entre  les  Apôtres  ;  qu'il  étoit  aufïi  qualifie 
Apôtre  dans  de  très-anciens  Livres  ;   enfin  que  telle  étoit 
l'ancienne  Tradition  du  pays.  Toutes  ces  preuves  firent  im- 
prefllon  fur  le  Roi  Robert ,  qui  étoit  préfent ,  &  fur  les  Evo- 
ques du  Concile,  enfortc  que  l'Apodolat  de  faint  Martial  y 
fut  reconnu  unanimement  contre  ceux  qui  le  contefteroienc 
à  l'avenir.  Mais  Jourdain  de  Limoges  demanda  du  délai.  On 
lut  dans  le  même  Concile  les  Canons  de  celui  de  Bourges ,       ^' 
tenu  quinze  jours  auparavant  ;  ils  furent  acceptés,  à  la  rélerve 
du  fécond,  portant  ordre  derenouveller  TEuchariftie   tous 
les  Dimanches.  On  dit  qu'il   fuffifoit  de  la  faire  douze  fois 
l'année  &  aux  principales  Fêtes  :  mais  on  laifla  aux  Monaf- 
teres  que  l'on  favoit  obferver  avec  plus  de  foin  &  de  pro- 
preté ce  qui  regarde  le  fcrvice  de  l'Autel ,  de  la  renouveller 
plus  fouvenr.  Sur  la  plainte  des  Moines  de  Beaulieu  ,  qu'ils 
avoient  pour  Abbé  un  Clerc  féculier ,  qui  avoir  iuccedé  à  fon 
oncle  par  l'autorité  des  Seigneurs  du  Pays ,  l'Evêque  de  Li- 
moges fut  chargé  de  leur  donner  un  Abbé  félon  la  règle,  Se 
l'Abbé  féculier  fe  démit  volontairement,  priant  les  Evêques 
de  réformer  cet  abus.  Ils  décidèrent  qu'un  Moine  pouvoir 
quitter  un  Monaftere  relâché  pour  paffer  à  un  plus  régulier  ; 
que  l'on  ne  toucheroit  point  au  privilège  dont   jouiflbit  le 
Monaftere  de  faint  Martial  ,  d'y  adminiflrer  le  Baptême  à     fag.  joj, 
Pâque  &  à  la  Pentecôte ,  &  d'affranchir  des  ferfs.  A  la  char- 
ge que  ceux  qui  y  auroient  été  baptifez  ,  fe  préfenteroient  le 
jour  même  devant  l'Evêque  à  la  Cathédrale ,  pour  recevoir 
la  Confirmation  ;  qu'un  Clerc  ou  un  Moine  ayant  l'ordre  de 
Le£teur,  pourroit  prêcher  dans  toutes  les  Eglifes  ;  qu'un  ho-    ^''s-po7', 
micide  volontaire  ,  fe  fût-il  fait  Moine ,  ne  pourra  erre  pro- 
mu aux  Ordres ,  puifque  félon  la  réponfe  du  Pape  à  l'Abbé 
Odilon  ,  un   tel   homme  ne  doit  pas  même  offrir  entre  les 
mains  des  Prêtres,  ni  recevoir  la  Communion  ,  Il  cen'eftàla 
mort  ;  &  que  perfonne  ne  doit  recevoir  du  Pape  la  péniten- 

Ffffij 


55)6  DESCONCILES 

ce  &  l'abfolution  fans  ragrcmcnc  de  fon  Evcque  ,  parce  qu'il 
arrivoic  Ibuvcnt  que  l'on  furprcnoit  la  Religion  des  Papes, 
On  en  produific  des  exemples  dans  le  Concile.  L'Evcque  de 
Limoges  prêcha  pendant  la  Méfie  qui  fut  célébrée  dans  l'E- 
glile  du  Sauveur,  &  exhorta  tous  les  Seigneurs  à  fe  rendre  le 
lendemain  au  Concile  pour  y  traiter  de  la  paix ,  &  à  la  gar- 
der. Les  Chevaliers  du  Diocèle  ayant  refuié  de  la  promettre 
par  ferment  à  cet  Evêque , comme  il  lavoit  exigé  d'eux  ,  ils 
furent  excommuniés  ;  &  pendant  qu'on  prononçoit  contre  eux 
la  Sentence  d'excommunication  ,les  Evêques  jctterentà  terre 
'Big.  $01.  les  cierges  qu'ils  tenoient  allumés  ,  &  les  éteignirent.  Il  y  eut 
quelques  plaintes  contre  l'Abbé  d'Uferche,accufé d'avoir  en- 
terré dans  fon  Monaflere  le  Vicomte d'Aubudon,  mort  excom- 
munié. Mais  la  plainte  fe  trouva  dépourvue  de  preuves.  On 
convint  que  li  les  Seigneurs  du  Limouiîn  continuoient  à  s'op- 
pofer  à  la  paix,  l'Evêquejetteroit  une  excommunication  gé- 
nérale fur  tout  le  Dioccfe,  dont  la  iuite  feroit  qu'on  n'accor- 
deroic  la  fépulture  qu'aux  Clercs,  aux  Pauvres  mendians,  aux. 
pafians ,  aux  enfans  de  deux  ans  &  au-defîous  ;  que  l'Office 
Divin  fe  feroit  en  fecret  dans  toutes  les  Eglifcs ,  que  les  Mcf- 
fes  fe  diroient  les  portes  fermées  ;  que  les  Autels  ne  leroient 
revêtus  que  lors  de  la  célébration  des  Myfleres  ;  que  l'on  ne 
contra£teroir  point  de  mariage  ;  qu'on  n'uferoir  d'autre  nour- 
riture que  de  celle  qui  efl:  permife  en  Carême ,  que  vers  l'heu- 
re de  Tierce  on  fonneroit  toutes  les  cloches  dans  toutes  les 
Eglifcs;  &  qu'alors  tous  proflcrnés  fur  le  vifage ,  pricroienc 
pour  la  paix.  On  déclara  toutefois  que  l'on  donneroit  pen- 
dant le  temps  que  dureroit cette  excommunication,  le  Baptê- 
me à  ceux  qui  le  demanderoient ,  &  la  Pénitence  &  le  Viati- 
que à  la  mort.  Il  manque  quelque  chofe  à  la  fin  des  Aftes 
du  Concile  de  Limoges  de  l'an  105 1  :  le  refle,  qui  fait  la 
plus  grande  partie ,  fe  trouve  dans  la  Colle£lion  des  Conciles 
de  l'an  1 644  au  Louvre  ,  dans  celles  du  Père  Labbe  &  du  Père 
Hardouin  ;  &  dans  le  fécond  volume  de  la  Bibliothèque  des 
Manufcrits,  par  le  premier  de  ces  Editeurs. 
d'Od"an^  Il  XXXII.  Il  y  eut  au  mois  de  Juin  de  l'an  10251  une  afilem- 
ïoi^.toni.  p.blée  nombrcule  d'Evêqucs  &  d'Abbés  à  Orléans  pour  la  Dé- 
Concii.  prg.  dicace  del'Eglile  de  faint  Agnan.  Le  Roi  Robert  &  la  Rei- 
•  ne  Confiance  y  aflifterent,  &  n'omirent  rien  pour  la  pompe  & 

la  magnificence  de  cette  cérémonie.  Mais  on  ne  voit  pas  qu'il 
s'y  foit  fait  aucun  règlement  fur  les  matières  Eccléfiaftiques» 


Depuis  l'an  looi  jusqu'en  1031.CHAP.  XXXTV.  597 
XXXJll.  La  mcmc  année  les  Evoques  d'Allemagne  ,  au     Conàie  âe 
nonVnrc  de  douze,  s'ccanc  aircmblcs  àPalithprcsdc  Mayencc,  ^''''"'^.,5" 

,,,,  T  A      1  Al"  J  \r\t  1019.  il)id.  p. 

I  empereur  prelcnt  _,  Aribon  Archevêque  de  cette  Ville  rc-  861.  &  en 
nouvella   les   prétentions  fur  le  Monartcre  de  Gandcshcm  ;  i'^3o- 
mais  l'année  l'uivante  il  s'en  délîfta  pour  toujours ,  reconnut 
que  ion  droit  n'étoit  pas  fondé  ,  Se  le  réconcilia  lincéremcnt 
avec  fainrGodchand,  Evoque  d'Hildcshcim. 

XXXI V.  Le  Concile  de  Bourges  dont  il  cft  parlé  dans  les     Concile  de 
A6tcs  de  celui  de  Limopcs,  fut  alTemblé  le  premier  jour  de  f°"','^"^", 
Novembre  de  l'an  103 1  par  Aimon  fiicccffcur  de  (laudin  dans  Concii.  pag. 
cet  Archevcché.  Les  Evoques  du'Puy  ,    de  Clcrmont ,  de  ^'"î- 
Mcnde  ,  d'Albi  8c  de  Cahors,  y  affiflcrent.  Voici  les  Décrets 
de  cette  Allemblée.  On  ne  fera  plus  mémoire  de  fjint  Mar-     Cra.  i, 
tial ,  Dodeur  d'Aquitaine ,  entre  les  Confeflcurs ,  mais  entre 
les  Apôtres ,  fuivant  qu'il  a  été  réglé  par  le  Saint  Siège  & 
par  les  anciens  Pères.  Il  y  avoit  là-defTus  une  Lettre  de  Jean 
XIX.  On  en  fit  lefture.  Sur  les  plaintes  qu'on  négligeoit  dans 
les  Paroiffes  de  renouveller  les  Hofties  confacrécs ,  il  fut  or- 
donné qu'on  les  renouvelleroic  d'un  Dimanche  à  l'autre.  Dé-     ^ 
fentes  aux  Evequesde  recevoir  aucun  prelent  pour  les  ordina-    c,!«,  -. 
tiens,  &  à  leurs  Officiers  de  rien  prendre  pour  écrire  les 
noms  de  ceux  qui  font  propofés  pour  l'Ordination.  Aucun  ne 
Icra  nommé  à  un  Archidiaconé,  qu'il  ne  foie  Diacre.  Les  Prê-       ""'  ^' 
très ,  les  Diacres,  les  Soudiacres  n'auront  ni  femmes  ni  con- 
cubines. Ceux  qui  en  ont  les  quitteront  au  plutôt ,  &  ceux  qui 
ne  voudront  pas  s'en  féparer  ,  feront  interdits  de  leurs  fonc-    Ca».  fi 
tions ,  &  n'auront  plus  que  le  rang  de  Ledeurs  ou  de  Chan- 
tres. Les  Evoques  n'auronr  plus  de  Soudiacre  qu'il  ne  pro- 
mette à  Dieu  devant  l'Autel  de  n'avoir  ni  femme  ni  concu- 
bine, ou  de  renvoyer  celle  qu'il  pourroit  avoir  au  moment  de 
fon  Ordination.  Tous  ceux  qui  feront  employés  aux  fonctions 
Eccléfiaftiques  porteront  la  tonfure  ,  &  auront  la  barbe  rafe. 
On  n'admettra  point  dans  le  Clergé  les  cnfans  des  Prêtres , 
des  Diacres  ou  des  Soudiacres  ;  &  ceux  qui  font  aciuellemenr     o».  g. 
Clercs  ne  pourront  être  promus  aux  Ordres  facrés.  Les  fcrfs 
ou  efclaves  ne  ferorit  point  reçus  dans  le  Clergé  ,  qu'ils  n'aient 
obtenu  de  leurs  Maîtres  une  entière  liberté,  en  préfence  de  té-     c.m.  9. 
moins  dignes  de  foi.  On  ne  doit  point  regarder  comme  enfants 
des  Eccléfiaftiques ,  ceux  qui  en  font  nés  depuis  leur  retour  à     Can.  10.. 
l'état  de  Laïque.  Les  Evêques  déclareront  dans  le  temps  de 
l'Ordination  qu'ils  ne  veulent  ordonner  ni  les  enfans  des  Prê- 


Ca».  g, 
Can.  7, 


Cfl».  Ll* 


5^8  DES     C  O  N  C   I  LE    S 

très  ,  des  Diacres ,  des  Soudiacres ,  ni  les  Efclaves  qui  n'ont 
pas  été  en  liberté  ;  &  fi  par  furprife  ils  en  ordonnent  quel- 
qu'un ,  &  qu'il  vienne  à  être  connu ,  l'Archidiacre  le  dcpofcra 
comme  ayant  été  ordonné  illicitement. 

C«».  îi.  XXXV.  Le  Concile  défend  de  rien  recevoir  pour  le  Bap- 
tême, pour  la  Pénirence  ,  pour  la  Sépulture  ;  mais  il  permet 
de  recevoir  ce  que  les  Fidèles  offriront  volontairement.  Il  ac- 
corde aux  Prêtres  la  propriété  des  offrandes  &  des  luminaires 
qu'on  leur  donne  ;  mais  il  veut  que  le  cierge  Pafchal  refte 
dans  l'Eglife  pour  éclairer  l'Autel.  Défenfe  de  mettre  fur  l'Au- 

Can.  14.  tel  les  draps  qui  ont  fervi  à  couvrir  les  morts ,  &  de  faire  des 
voitures  le  Dimanche ,  foit  par  charroi  ,   foit   par  bêtes  de 

Can.  I?  fomme,  finon  par  charité,  par  la  crainte  des  ennemis,  ou  en 
grande  néceflité.  Celui  qui  aura  quitté  fa  femme  légitime, 
lans  y  être  autorifé  par  le  cas  de  fornication  ,  n'en  prendra 

Cl».  16.  pQjnt  une  autre  ,  tant  que  la  première  vivra  ,  &  il  en  fera  de 
même  de  la  femme  qui  aura  quitté  fon  mari  :  ils  doivent  fe 

Ca».  17.  réconcilier.  Perfonne  n'époulera  fa  parente  jufqu'au  fixiéme 
ou  feptiéme  degré  ,  ni  la  femme  de  fon  parent ,  parce  que  le 

Ca/i.  18.     fii^i-i  &  la  femme  unis  légitimement  font  une  même  chair;  ne 

donnera  fa  fille  en  mariage  à.  un  Prêtre,  à  un  Diacre ,  à  un 

^  ^'^"'  '^'     Soudiacre ,  ou  à  quelqu'un  de  leurs  enfans  ,  &i  n'époulera  la 

fille  d'aucun  d'eux.  Il  eft  défendu  aux  Laïques  de  prendre 

Cl».  21,  droit  de  fiefs  fur  les  Prêtres  pour  les  biens  eccléfiaftiques  , 
que  Ton  appelloitjÇe/}  Prejhytercux  ;  &  de  mettre  des  Prêtres 

Cm.  11.     dans  leur  Eglile  fans  l'approbation  de  l'Evêque.  Les  Clercs 

Can.  ij.  qui  quitteront  la  cléricature,  feront  féparés  des  autres  Clercs. 
Si  un  Moine  quitte  fon  habit,  il  fera  privé  de  la  Communion 
de  l'Eglife ,  jufqu'à  ce  qu'il  le  reprenne ,  &  fi  l'Abbé  ne  veut 

Ca».  24.  pgg  jg  recevoir  ,  il  demeurera  avec  des  Clercs  dans  l'Eglife  , 
ou  dans  un  Monaflere  ,  en  habit  de  Moine  &  en  oblervant 
la  règle.  Les  Chanoines  ni  les  Moines  ne  pafferont  pas  d'une 
''"'  "^'  Eglile  ,  ou  d'un  Monaftere  à  un  autre  ,  fans  la  permifiion  de 
l'Evêque  ou  de  l'Abbé.  Les  Canons  font  fuivis  d'une  décla- 
ration de  l'Archevêque  Aimon,  portant  ordre  de  donnera 
faint  Martial  la  qualité  d'Apôtre  dans  tous  les  Offices  de  ]'£-' 
glife. 

Concile  de  XXXVI.  Au  mois  dc  Janvier  de  l'an  1027  ,  Alexis  Pa- 
pie"en"i'o27.tr*'arche  de  Conffantinople  tint  un  Concile  avec  les  Evê- 
Aiexii  n-.onu.  qucs  qui  fc  trouvoientà  la  Cour.  Avant  d'être  élevé  à  cette 
me,it.fymd.  ^jjgnité ,  il  gouvcmoic  le  Monaflere  de  Stude.  Etant  venu 


Depuis  l'an  iooi  jusqu'en  1051.  Chap. XXXIV.  çp^ 
vificcr  TEmpcroiir  BililcdangorL'ulcmcnr  malade  ,  il  lui  (  k)  „p„j  Zo»»' 
apporta  le  Clicf  de  laine  Jcan-Baptiflc.  Ce  Prince  le  nomma  rant.  pag. 
Patriarche  de  Conftantinople  à  la  place  d'Euftachc ,  mort  J-^'^"  ^  •'"* 
quelques  jours  auparavant ,  &  le  ht  introniler  lur  le  champ,  ub.  4.  fi,g. 
Ceroit  en  1025  ,  8;  Alexis  occupa  ce  Siège  jufqu'cn  1042.  ^Jo- 
li nous  apprend  lui-même  dans  ia  Lettre  Synodale  ce  qui 
fut  réglé  dans  ce  Concile.  Plulieurs  Evct]ues  failoicnt  retom- 
ber lur  les  Métropolirains  les  charges  de  leurs  Diocèfes, 
c'ell-à- dire  ,  les  (/')  contributions  que  l'Empereur  exigcoit 
d'eux  ,  &  pour  le  dilpcnrer  du  paiement  ,  ils  détournoicnc 
leurs  revenus ,  &  s'ablcnroient  dans  le  temps  de  la  levée  des 
deniers.  Comme  les  Métropolitains  étoicnt  rcfponfables  des 
non-valeurs  ,  ces  contributions  tournoient  prcfquc  entière- 
ment à  leur  charge.  Pour  obvier  à  cet  abus  ,  il  fut  ordonne 
que  les  Métropolitains  érabliroient  des  (Economes  dans  les 
Diocèfes  dont  les  Evêques  n'avoient  pas  fourni  leur  contin- 
gent, jufqu'à  ce  que  les  Métropolitains  fuflent  indemnifés  ; 
&  que  dans  les  Diocèfes  dont  ils  avoient  à  craindre  un  fem- 
blable  dommage,  ils  nommeroient  des  Commiflaires  pour  pren- 
dre connoiflance,  avec  les  Evêques,  du  revenu  des  Eglifes , 
en  faire  rendre  compte  tous  les  ans,&  employer  le  revenant 
bon  a.  l'indemnité  du  Métropolitain  ,  ou  le  confcrvcr  à  l'E- 
glife.  Les  Evoques  du  Concile  difent  que  leur  Décret  à  cet 
égard  eft  conforme  aux  Canons  5  &  ao  d'Antioche,  &  à  l'on- 
zième du  feptiéme  Concile.  Ils  rapportent  ces  trois  Canons.       "^788. 

XXXVII.  Ils  fe  plaignent  enfuite  des  Evêques  qui  diffi-  ibi^. 
poient  les  biens  de  leurs  Eglifes,  quiprenoient  des  terres  d'au- 
trui  à  ferme  ,  &  fe  mêloient  indécemment  d'affaires  tempo- 
relles ,  en  négligeant  celles  de  l'Eglife  confiée  à  leurs  foins. 
Le  Concile  les  menace  de  dépofition ,  en  casd'incorrigibiiitc. 
Il  menace  auffi  des  cenfures  ,  les  Evêques  qui  fans  aucune 
raifon  légitime  s'abfentoient  des  Conciles  Provinciaux  ,  ou 
qui  entreprenoient  fur  les  droits  de  leurs  Confrères  ,  en  or- 
donnant des  Clercs  étrangers ,  ou  en  recevant  chez  eux  des 
Clercs  d'une  autre  Province  fans  permiffion  par  écrit  de  leur  "^'^  ^' 
Evêque.  Ce  règlement ,  qui  avoir  été  fi  fouvent  renouvelle 
dans  le  Concile  précédent,  regardoit  parriculierement  Conf- 
rantinople  ,  ou,  comme  le  dit  le  Patriarche  Alexis  ,  il  vcnoit 


(/)  ?agi  ttd  an.  1025.  num.  7.     (  i^)  F.euri  ,  iiv.  ^$.png.  481,  tom,  ii. 


6co  D  E  S    C  O  N  C  I  L  E  S 

de  tous  côtés  des  Clercs  coupables,  ou  innocents,  ordonnes  ou 
non  ,  &  qui  y  failoicnt  impunément  leurs  fondions ,  fans  que 
perfonne  les  en  empêchât.  II  voulut  apparemment  y  être  au- 
torifé  par  le  renouvellement  de  la  défenfe  aux  Clercs  de  paf- 
fer  d'une  Province  à  l'autre  fans  une  permiffion  expreflc  de 
l'Evêque  Diocéfain. 
'  •  XXXVIII.  Le  Concile  défendit,  fous  les  mêmes  peines  , 

aux    Evêques  d'admettre  au  Sacerdoce   ceux   qui   avoient 
contratlé  de  fécondes  noces ,  ou  qui  avoient  commis  des  cri- 
mes qui  félon  les  Canons  excluent  des  Ordres  facrés  ;  les  im- 
pubères ;  ceux  dont  la  probité  n'eft  pas  conftatée  ;  ou  qui 
après  avoir  été  fiancés  à  une  fille,  en  ont  époufé  une  autre. 
Il  ordonne  que  les  différends  des  Clercs  &  des  Moines  feront 
terminés  par  les  Evêques;  ceux  des  Evêques  par  le  Métro- 
politain ,  ou,  en  cas  de  récufation ,  par  le  Patriarche  ,  &  foa 
Concile  ;  avec  défenfe  aux  Clercs  &  aux  Moines  de  s'adref- 
fcrà  des  Juges  féculiers  ,  nonobftjnt  les  privilèges  prétendus 
par  les  Monafteres  qu'on  nommoit  Impériaux  ,  &  aux  Ëvê- 
"Z-r'-'O'  q^gg  jgj^g  jg  Dioccfe  defquels  ces  Monafleres  étoient  fitués, 
d'impofcr  les  mains,  de  donner  la  bénédiclion  ou  la  Com- 
munion aux  Moines   qui   refuferoient  d'obéir  aux  ordres  du 
Concile.  Mais  il  prend  en  même  temps  la  défenfe  des  Mo- 
nafleres  donnés  à  des  étrangers ,  fuivant  l'abus  dont  on  rap- 
porte l'origine  à  Conftantin  Copronyme  ,  ennemi  déclaré  des 
Moines  &  des  Images.  II  permet  aux  Moines  qui  fe  trouve- 
ront Iczés  dans  leurs  biens  par  ces  Donataires  ,  de  fe  pour- 
voir devant  le  Concile  du  Patriarche  pour  fe  faire  reflituerce 
tag.  79U  qu'on  leur  aura  enlevé.  La  raifon  de  ce  règlement ,  c'efl;  que 
ceux  à  qui  on  donnoit  quelque  Monaftere  ,  jouiffoient  des 
revenus  fans  en  rendre  compte ,  négligeoienr  les  réparations  , 
les  aumônes ,  enlevoient  aux  Moines  leur  fubriftance  ,  ou  la 
confumoient  en  faifant  loger  dans  le  Monafterc  grand  nombre 
de  Séculiers. 
"g'  jn.     XXXIX.  Il  fut  ordonné  que  la  féance  des  Evêques,,  foit  dans 
la  célébration  des  Myftcres,  foit  dans  les  Conciles,  foit  dans 
les  repas,  feroit  réglée  fuivant  le  rang  de  leurs  Métropolitains. 
On  condamna  l'abus  des  Oratoires  domefliques,  en  quelques- 
uns  defquels  les  perfonnes  puiflantes  afTedoient  de  faire  fon- 
ner ,  d'affembler  le  Peuple ,  de  célébrer  l'OfiRce  ,  &  de  faire 
adminiftrer  le  Baptême,  fous  prétexte  que  le  Patriarche  ou 
l'Evêque  avaient  permis  d'y  planter  une  Croix.  Le  Concile 

défendit 


Depuis  l'an  looi  jusqu'en  1051.  CpiAP.  XXXIV.  601 
défcndir  aux  Evcqucs  de  donner  à  l'avenir  de  Icmblablcs  pcr- 
tnilllons,  Se  aux  Prccrcs  lous  peine  de  dcpo/îtion  de  ccicbrtr 
en  CCS  Oratoires  d'autres  Ollices  que  la  MefTe  ,  Se  leulcmenc 
aux  jours  de  Fêtes  avec  la  pcrmidion  de  TEvéque.  Les  Laï- 
ques qui  refuferont  de  le  loumettre  à  cette  ordonnance,  font 
menacés  d'anathêmc.  Vingt-deux  Métropolitains  &  neuf 
Archevêques  iouicrivirent  à  ce  qui  avoit  été  ordonné  dans 
ce  Concile  ,  &  les  A6tcs  en  furent  fcellés  en  plomb  luivant 
la  coutume.  Ils  font  rapportés  dans  les  Commentaires  du 
Moine  Zonare  fur  les  Canons  des  Conciles ,  à  Paris  en  1  (j  1 8 , 
&  dans  le  quatrième  Livre  du  Droit  Grec  Romain. 

XL.  Zonare  rapporte  cnfuite  le  Décret  d'un  autre  Concilcdif  de  Conf' 
<îc  Conilanrinople,  tenu  dans  le  mois   de  Novembre  de  lataminopie  en 
même  année  par  le  Patriarche  Alexis,  avec  feize  Méfrcpo-/^°JJ*  ^''"'"■* 
litains  &  cinq  Archevêques.  Ce  Décret  regarde  l'abus  que 7^4. 
faifoient  des  Monafteres,  les  étrangers  à  qui  on  les  donnoit , 
appelles  pour  cela  donataires  &  quelquefois  Charifticaires.  On 
en  donnoit  à  desEvêques  ,  ci  des  Laïques,  à  des  hommes  ma- 
riés, à  des  femmes ,  &  il  arrivoit  fouvent  qu'une  femme  avoic 
un  Monaflcre  d'hommes ,  &  un  homme  un  Monaftere  de  fil- 
les ;  &  une  même  perfonne  en  avoic  quelquefois  plufieurs  :  ce 
qui  occafionnoit  la  ruine  des  Monafteres ,  &  le  relâchement 
des  Moines  ou  des  Religieufes,  parce  qu'on  les  laiffoit  ou 
manquer  de  fubfiflance ,  ou  que  les  Donataires  les  obligeoienc 
à  recevoir  des  Sujets  peu  propres  à  la  vie  Religieufe.  lis  fai- 
foient encore  paffer  leurs  Monafteres  à   d'autres  ,  après  en 
avoir  joui  autant  qu'ils  le  vouloient ,  &  on  en  alienoir  les  biens. 
Le  Concile  défend  à  toute  perfonne ,  de  quelque  condition 
qu'elle  foit,  de  pofTéder  un  Monaftere  d'un  autre  fexe,  &  veut 
qu'il  foit  donné  à  quelques-uns  de  la  Communauté  même.  Il 
défend  encore  d'en  aliéner  les  fonds  fans  l'autorité  du  Pa- 
triarche ,  ou  du  Métropolitain  ;  &  parce  que  quelques  Evê- 
ques  avoient  reçu  des  Monafteres ,  de  la  parc  des  Métropo- 
litains ,  il  ordonne  qu'ils  leur  feront  rendus ,  lorfque  les  Mé- 
tropoles feront  réduites  à  l'indigence,  parles  contributions 
néceffaires  aux  befoins  de  l'Etat. 

XLI.  Suit  dans  Zonare  la  folution  d'un  cas  concernant  le  chanfia"v!fnl 
mariage  de  deux  coufins  ;  Tun  avoic  contra£té  avec  une  fille  dite  d'un  ma- 
qui  n'avoit  pas  encore  atteint  l'âse  nécelTaire  à  cec  engase-  "'ÎS^.  Zomr, 
mène.  C^ecte  fille  cranc  morte  quelque  cemps  après  ,  laucrcy^g. 
£oufin  époufa  la  mère  de  cette  iilie.  11  fut  décidé  de  l'avis  de 
Tome  XXllU  G  g  g  g 


^02  DES     CONCILES 

Michel  Métropolitain  d'Athènes,  &  ce  iemble  du  Patriarche 
Alexis ,  que  ce  lecond  mariage  étoit  valide  ,  8c  que  le  pre- 
mier étoit  nul,  par  défliuc  d'âge  du  côté  de  la  fille.  Le  Mé- 
tropolitain Michel  avoit  affilié  aux  deux  Conciles  précédens. 
Ainil  l'on  peut  rapporter  vers  le  même  temps  la  folution  de 
cette  difficulté. 

CH   A  P  I  T  R  E     XXXV. 

Des  Conciles  depuis  l'an  jo^i  jufqu' en  1062, 

Fran°e'^en    ^I-T     E  dérangement  de  faifons  vers  l'an  1030  occafionna 

1051.  tom.  9.     j j  une  famine  fi  affreufe  ,   qu'en    pluficurs   endroits  on 

Concii  pig.    ni^n^ea  de  la  chair  humaine.  Les  coupables  furent  punis;  & 

5010.  GU'ei:  P,         ,      r  ,  •      -    i  -r  ]   r  J  1 

iib.  4.  hiftor.  on  tacha  de  lubvenir  a  la  miierc  publique ,  en  vendant  les  or- 
M/'.4.  y  5-     nemens  des  Eglifes ,  &  en  vuidant  leur  rréfor.  La  ftérilité  fut 
fuivie  de  l'abondance  Alors  les  Evêques  &  les  Abbés  com- 
mencèrent premièrement  en  Aquitaine  à  aflemblcr  des  Con- 
ciles, dans  raffurance  que  la  mémoire  toute  récente  des  cala- 
mités, &  la  confidération  des  bienfaits  de  Dieu,  engageroient 
les  hommes  à  la  converfion  de  leurs  mœurs.  On  en  affembla 
enfuite  dans  la  Province  d'Arles ,  dans  celle  de  Lyon  ,  par 
toute  la  Bourgogne,  &  jufqu'aux  extrémités  de  la  France.  On 
portoit  à  toutes  ces  aflemblées  les  Reliques  des  Saints.  Les  Sei- 
gneurs furent  invités  de  s'y  trouver ,  &  les  Peuples  y  accou- 
roient  avec  joie,  parce  qu'il  s'opéroit  plufieurs  miracles  par 
la  vertu  de  ces  Reliques.  Tous,  grands  &  petits^  témoignèrent 
erre  difpofcs  à  écouter  les  Evcqucs  ,  &  à  exécuter  leurs  or- 
dres, comme  s'ils  venoient  du  Ciel.  On  déclara  par  articles 
tous  les  crimes  que  l'on  devoit  éviter  ,  &  les  bonnes  œuvres 
que  chacun  s'engageoit  de  faire.  L'article  principal  regardoit 
îa  paix  que  l'on  dévoie  oblcrver  inviolablemcnt,  &  il  y  étoit 
dit  que  les  hommes,  foitlibres  foit  ferfs,  marcheroient  fans  ar- 
mes,quelques  différends  qu'ils  euffenteus  enfemble  auparavant;, 
que  les  voleurs,  ou  uiurpateurs  du  bien  d'autrui ,  fcroient  pu- 
Décret  de  ^'^  ?  félon  les  loix  ,  de  peines  pécuniaires  ou  corporelles, 
ces  Conciles,     II,  Il  fut  Ordonné  que  les  Eglifes  feroient  des  lieux  defjîr- 


Depuis  l'an  105  i  jusqu'en  1062.  Chap.  XXXIV.  ^03 
rccé  pour  ceux  qui  s'y  rcfugicroienr ,  pour  quelque  crime  que  (om.  9.  Con- 
ce  fùc,  hors  celui  de  violcmcnt  de  la 'paix,  dont  les  coupables  ^''X^^"  ^,'.'' 
pouvoicnt  être  pris  même  à  TAurcl  ;  qu'il  ne  leroit  fait  aucu- 
ne iniulte  aux  Clercs,  ni  aux  Moines,  ni  aux  Religicufcs , 
ni  à  ceux  qui  les  accompagneroienc  dans  leurs  voyages;  que 
chaque  lemainc  on  s'abfliendroic  de  vin  le  Vendredi  ,  &  de 
chair  le  Samedi  ,  finon  en  cas  de  maladie  confidérablc ,  ou 
de    fèce   lolemnclle  ;  &  que  celui  qui  enferoit  dilpcnfé  pour 
caufe  d'intirmitc,nourriroit  trois  Pauvres.  Vers  le  même  temps 
un  Evêquc  de  France  qui  difoit  avoir  reçu   des  Lettres   du 
Ciel  pour  le  renouvellement  de  la  paix ,  envoya  à  fes  Confrè- 
res les  Statuts  fuivans  pour  les  publier  à  leurs  Peuples.  Per-    BaUerk.iih. 
fonne  ne  portera  les  armes  ,  Toit  pour  répeter  ce  qui  lui  aura  ;■  '"?•  5^- 
été  pris  ,  foir  pour  venger  le  fang  de  fon  parent;  mais  il  par-     'h^'ad^an!' 
donnera  aux  meurtriers.  On  jeûnera  tous  les  Vendredis  au  «»w,  lojz. 
pain  &  à  l'eau  ,  &  le  Samedi  on  s'abftiendra  de  chair.  Ceux 
qui  réfuteront  d'accomplir  cette  ordonnance  ,  feront  excom- 
muniés ;  on  ne  les  vifitera  point  à  la  mort,  &  ils  icront  prives 
de  la  fépulture.  Ces  rcglemens  paroiffant  trop  féveres,  divers 
Evêques  refuferent  de  les  recevoir ,  entr'autres  Gérard  Evê- 
que  de  Cambrai ,  comme  on  l'a  remarqué  dans  fon  article. 

III.  Cet  Evêque  affirta  au  Concile  que  l'Empereur  Conrad  ^,^1°"^^'^  °'« 

-   T-   -u  c-    T7-1I      -D  I  -     J      inbur   en 

convoqua  en  1031  a  Iribur ,  autreiois  Vuie  Koyale  ,  près  de  1031.  tom.  9. 
Mayence.  Il  s'y  trouva  plufieurs  autres  Evêques  de  diverfes  t:oncii.  png. 
Provinces ,  dans  le  deflein  de  conférer  enfemble  fur  ce  qui  ^jll\  chroiîiê. 
pouvoir  être  utile  à  l'Eglife  &  à  la  Religion.  On  y  propofa  de  w.  3.o«;.5;i. 
ii\\xc  le  jeûne  desQuatre-Temps  de  Mars  au  commencement 
du  Carême  ,  lorfqu'ils  fe  rencontroient  enfemble ,  comme  il 
arrive  fouvenr.  L'Evêque  Gérard  fut  d'avis  de  le  renvoyer  à 
la  femaine  fuivante,  félon  l'ancienne  coutume  de  l'Eglife,  & 
fon  fentiment  prévalut. 

IV.  L'année  fuivante  1032,  Guillaume  V.  furnommé  le  p  9°""=''^  ^^ 

J'  .  n-11  roi  tiers   en 

Grand  ,  Comte  de  Poitiers  &  Duc  d  Aquitaine,  aliembla  un  1031.  tom.  9. 
Concile  en  cette  Ville.  Trois  Evêques  y  afliflerent  ;  Ifembert  t:ûncii.  pag. 
Evêque  de  Poitiers  ,  Jourdain  de  Limoges  ,  &  Arnaud  de^^'^' 
Périgueux,  avec  plufieurs  Abbés ,  Moines  &  Clercs.  Il  y  fut 
ordonné  entr'autres  chofes ,  que  ceux  qui  fe  feroient  emparés 
frauduleufement  ou  par  violence   des  biens  de  l'Eglife  ,  les 
refticueroient ,  &  que  l'on  laifleroit  libres  &  entières  les  ter- 
res appartenantes  aux  Moines. 

V.  Le  Roi  Canut,  fils  de  Suenon  Roi  de  Dannemarc  étant  fiaJi°'ifef"u" 

Ggggij 


Qw,  I. 


4- 


604  DES    CONCILES 

Roi  Canut  ,  devenu  feul  maîcre  de  l'Angleterre  après  la  mort  d'Etheîved 
'T'  fc^^'-"   ^^  ^0^7  ï  s'appliqua  à  rétablir  la  difcipline  dans  l'Eglife  Sa 
ssryfj."'^'  '  dans  l'Erat.  Dans  cette  vue  il  fit  avec  le  fecours  des  gens  ha- 
biles un  Code  de  Loix  à  Vincheflre ,  dont  il  prefcrivit  Tob- 
fervation  dans   tout  le  Fvoyaume.  On  les  trouve  de  diffé- 
rentes verlions  dans  les  collections   générales  des   Conciles 
fur  l'an  103  2 .  L'année  précédente  le  Roi  Canat  étant  à  Ro»» 
me  ,  écrivit  (a)  aux  grands  Seigneurs  de  fes  Etats  pour  leur 
donner  part  de  la  manière  gracieufe  dont  il  avoit  été  reçu  du 
Pape  Jean  XIX,  de  l'Empereur  Conrad  &  du  Roi  Rodulphe, 
&  pour  les  exhorter  à  l'équité  envers  l'Eglife  &  envers  TEtar. 
Ses  Loix  tendent  au  maintien  du  bon  ordre  dans  l'une  & 
dans  l'autre.  Il  défend  toute  divifion  en  matière  de  Religion; 
ordonne  le  refpeâ  pour  les  lieux  faints  &  les  Miniflrcs  des 
''^[       Autels  ;  &  à  ceux-ci  de  vivre  conformément  à  la  fainteté  de 
"*"  ^'*      leur  état  ;  le  paiement  des  dixmes;  l'oblervation  des  Diraan- 
^^'        ches&  des  Fêtes  ;  des  jeûnes  du  Carême,  des  Quatre-Tcmps, 
&  de  tous  autres  jeûnes  prefcrits  par  l'Eglife  ;  exhorte  les  Fi- 
dèles à  confefTer  leurs  péchés,  à  en  faire  pénitence,  &à  s'ap- 
procher de  l'Euchariftie  au  moins  trois  fois  l'année;  à  aimer 
Dieu  de  tout  leur  cœur,  &  toujours  ,  à  apprendre  par  cœuD 
rOraifon  Dominicale  &  le  Symbole  des  Apôtres  ;  &  les  Eve- 
ques  à  prêcher  la  vertu  à  leurs  Peuples,  de  vive  voix  &  par 
leur  bonne  vie.  Ce  font  là  les  principaux  articles  de  la  pre- 
mière table  des  Loix  de  ce  Prince.  La  féconde  renferme  les. 
peines  corporelles  dont  on  puniflbic  les  Prévaricateurs  de  ces- 
Loix. 
RiJSîîl^  en      VI'  Le  Concile  de  Ripouille  ne  nous  préfente  rien  que  la^ 
1031.  tom,  9.  confirmation  des  privilèges  de  ce  Monaflere  ,  par  les  Evê- 
Con.:i.   pag.  ^.^^5  qui  s'y  affemblcrent  au  mois  de  Janvier   1032  pour  la 
^^'  Dédicace  de  l'Eglife.  Les  Evêques  qui  y  affiflerent  font  Oli- 

ba  d'Aufone  ou  de  Vie  ,   Wifride  de  Carcalfone  ^  Berenger 
Concii"  de  ^'^'^"^  5  Ameli  d'AIbi ,  Wadad  de  Barcelone, 
Pamp  luneen      VIL  L'Eglife  dc  Pampelunc  ayant  été  détruire  par  les  Bar- 
1031.  toni.  9,  bares  ,  le  Siège  Epifcopal  fut  transféré  au  Monaftere  de  Ley- 
^oncii..  png,  j,g.gj^  Efpagne.  Quelques  années  après  ,  le  Roi  Sanchea/Tem- 
bla  un  Concile  à  Pampelunemême,  où  l'on  réfolut  d'y  réta- 
blir ce  Siège,  &  l'on  en  donna  le  foin  à  l'Evêque  Sanche  & 
à-  l'Abbé  de  Leyrc.  Il  fut  ordonné  en  même  temps  ,  qu'afin 


18. 
19. 

10. 
21. 

16. 


(a)  JbU.pag.  SâU 


Depuis  l'an  105  i  jusqu'en  10^2.  Chap.  XXXV.  ^oy 
que  cet  Evêchc  fiit  toujours  occupe  à  l'avenir  par  des  Perfonna- 
ges  de  mérite,  6c  que  le  bon  ordre  établi  dans  ce  Monnftcre 
s'y  maintînt ,  Se  le  communiquât  aux  autres  Monafteres  du 
Royaume  ,  l'Evêque  de  Pampelunc  l'eroit  pris  d'entre  les 
Moines  de  Leyrc ,  &  choifi  par  les  Evcques  comprovinciaux  ; 
qu'avant  ion  ordination  l'Evêque  promcttroit  à  Dieu  &  à  la 
lainte  Vierge,  Patrone  de  l'Eglilb  de  Pampclune,  de  profef- 
1er  la  Foi  Catholique  ,  de  la  prêcher  conflamment  ;  de  caté- 
ehifer  &  de  baptiler  conformément  aux  faints  Canons  ;  de 
conférer  les  Ordres  lacrés  gratuitement ,  de  remplir  fiJélc- 
mcnt  tous  les  devoirs  d'Evêque  ;  de  célébrer  de  nuit  &  de 
jour  les  divins  Offices ,  &  de  garder  fidélité  au  P\.oi,  Le  Con- 
cile que  Baronius  &  le  Père  Labbe  rapportent  à  l'an  1032  , 
futrenu,  félon  le  Cardinal  (^)  d'Aguire&  DomMabillonjau 
mois  de  Septembre  del'an  1025.  Sept  Evcques  y  affiftcrent 
avec  le  Roi  Sanche ,  la  Reine  fon  époufe ,  &  quatre  de  leurs 
Enfans. 

VIII.  La  Chronique  d'Hildesheim  met  un  Concile  nom-    Condle  de 
breuxà  Tribur  en  1056,  l'Empereur  Conrad  préfent.  On  v  '^"^^'^  ^'^ 
confirma  les  Décrets  raits  précédemment ,  &  Ion  en  fit  quel-  Condi.   pag. 
ques  autres,  qui  parurent  nécelTaires  pour  le  maintien  de  la  dif-  cc/;ro«rV./ii7. 
opiine.  L'Hiftorien  ne  les  rapporte  pas  ,  mais  il  ajoute  que  les  f"*'.  "LZl 
Evêques  obligèrent  Otton  de  Sumvord  de  promettre  par  ier-pa^.  728.' 
ment  qu'il  fe  fépareroit  de  Mathilde  fille  du  Duc  Boleflas  ; 

avec  qui  il  s'étoit  marié.  Concile  de 

IX.  On  ne  fcait  rien  du  Concile  de  Poitiers  de  103  (^  fous  Llîtom?^ 
l'Epifcopat  d'Ifembert,  finon  que  l'on  y  établit  une  paix  folide  Condi.  pagi 
entre  les  Particuliers  qui  étoient  auparavant  en  guerre.  ^^~" 

X.  On  a  parlé  ailleurs  du  Concile  tenu  à  Rome  en  1037,     Concile  du 
dans  lequel  André,  Evêque  de  Perufe  en  Ombrie,  renonça  à  '^°'"®  ■,^", 
toutes  les  prétentions  iur  le  Monalterede  faint  Pierre.  On  enpag.  izjo;de 
tint  trois  de  fuite  dans  la  Gaule  Narbonnoife  ;  les  deux  pre-  Narbonne  en 
miersen  1038  ,  le  troifiéme  en   1040  à  l'occafion  de  trois ^r/.jVsj'&cJe 
Dédicaces  d'Eglifcs  ,  fçavoirde  Girone,  d'Aufone  &  d'Ur-  Vendôm'e  en- 
gelle.  11  ne  paroît  aucun  Ade  de  ces  aflemblées  :  mais  nous  '°'^°'  '*"** 
avons  celui  de  la  Dédicace  de  lEglife  du  Monaftere  de  Ven- 
dôme,  faite  la.  même  année  1040.  Il  porte  qu'Arnoul  Arche- 


(b  ]  D^Aguire,tom.  ;.  Concil.  hijl,  an.  T  ^l-fg,  297. 

i;>  1 


î^i'  3^5'  ^abilloa.,  lih.  55.  atmul,  nnnii  [ 


6o6  D  E  S    C  O  N  C  I  L  E  S 

vcque  de  Tours,  en  fit  la  cérémonie  ,  accompagné  de  fept 
Evêques  ,  de  vingt-trois  Abbés  &  de  plufieurs  Seigneurs  ; 
que  le  Monaftere  de  Vendôme  fut  bâti  &  fondé  parGeoffroi 
Comte  d'Anjou  &  Agnes  fon  époufe  -,  &  donné  du  confen- 
tement  de  l'Evêque  de  Chartres ,  dans  le  Diocèfe  duquel  il  efl: 
fitué ,  à  faint  Pierre  &  \  l'Eglife  Romaine. 
Concile  de      ^I.  On  lit  dans  la  Chronique  d'André  Dandolo  fur  l'an 

Venife   en  ,.,  ^  \t      T  •  /^         -i         v   i 

J040.  des      1040  ,  qu  il  y  eut  a  Venue  en  cette  année  un  Concile  ou  le 
Gaules  en      Dogc  Flabanicus  alTifta,  &  qucTon  y  régla  divcrs  Doints  de  dif- 
ifv,lr;/°"!,",2'  cipline  ccclédaftique.  La  difficulté  de  faire  recevoir  les  régle- 
mens  pour  letablilieraent  delà  paix  en  1031   ,  engagea  les 
Evêques  dix  ans  après  ,  c'efl-à-dire  en  1041  ,  de  fe  réduire  à 
une  trêve  pour  certains  jours.  On  la  nomma  la  Trêve  de  Dieu  , 
foit  parce  que  les  jours  qui  y  furent  deftinés ,  avoicnt  été  ho- 
norés de  l'accompliffement  de  quelques  Myfteres  ;  foit  à  caufe 
que  Ton  croyoit  qu'elle  avoit  été  approuvée  de  Dieu  par  plu- 
fleurs  punitions  exemplaires   fur  ceux  qui    l'avoient  violée. 
Cette  Trêve  comraençoit  au  foir  du  Mercredi ,  &  ne  finiflbit 
qu'au  Lundi  matin;  &:  pendant  tout  ce  temps  ,  perfonne  ne 
devoit  tirer  vengeance  d'aucune  injure  ,  ni   en  prendre  par 
force ,  ni  exiger  de  gage  d'une  caution  ,  fous  peine  d'excom- 
munication &  d'être  banni  du  Pays  ;  ou  de  payer  la  compo- 
fition  des  Loix  comme  ayant  mérité  la  mort.  11  fc  tint  là-def- 
fus  divers  Conciles  en  France  ,  dont  on  n'a   pas  d'autres  dé- 
tails. 
CeSl^ïn'^^      XIL  A  Ccfcna  dansla  Métropole  de  R^vcnne,  il  fe  tint 
Î041.  tom.    un  Concile  en  1042,  auquel  Gebehard  Archevêque  de  cette 
9.  Concii.      Ville  préfida.  Plufieurs  Evêques  y  alTiflercnt,  avec  des  Abbés , 
pag-  941-      jgg  Prêtres  &  des  Diacres.  Jean  Évêque  de  Ceicna  y  fit  approu- 
ver le  deffein  d'établir  parmi  les  Clercs  de  la  Cathédrale  la  vie 
commune  &  régulière.  Il  leur  affigna  à  cqi  effet  les  fonds  né- 
ceflaires  pour  fubfifter.  lis  ne  dévoient  s'occuper  que  du  fer- 
vice  de  Dieu  ,  manger  en  un  même  Refedoire  ,  &  dormir 
dans  un  même  Dortoir. 
Concile  de      Xlll.  Il  efl  parlé  dans  l'Hiftoire  de  deux  Conciles  de  Co- 
fo7fT&"    xane  ,  l'un  en  103  5  ,  l'autre  en  1C43.  Dom  Mabillon  (c  )  dit 
to43.*  du  premier,  que  l'Archevêque  de  Narbonne  y  afTifta  ,  avec 

neuf  Evêques,  &  Hugues  Légat  du  Pape  Benoît  ;  &  qu'ils 


("  f  )  Mabillm  in  Dij^lom,  pag.  6iJ,   î3  Hb.  $7-  annal. niim.  ^%.pag,  4O4. 


*«->v* 


Depuis  l'an  io^i  jusqu'en  10(^2.  Chap.  XXXV.  607 
rcglcivnc  que  la  Celle  ou  Prieuré  de  Tremcs-Aigucs  dépcn- 
droic  du  Monadere  de  (^oxane.  L'autre  Concile  écoit  com- 
polc  de  deux  (d)  Arclievt\]ues  ,  &  de  dix-huit  Evoques.  II 
futallcmblé  contre  les  ufurpateurs  des  biens  de  cette  Abbaye. 
Guifroi  Archevêque  deNarbonne,  qui  prclidaà  ces  deux  Con- 
ciles, comme  Métropolitain,  en  aflembla  (  c)  un  troisième 
en  1045,  où  avec  les  Evêqucs  de  Conlcrans  ,  de  Vie,  de 
Maguelonc  &  quelques  autres  il  confirma  les  privilèges  de  i'E- 
glile  de  laint  Michel  dans  le  Lampourdan.  r     "i    h 

XIV.  En  i044leRoi  Henri  fe  trouva  au  Concile  deConf- Contonce  en 
tance ,  où  il  quitta  tout  ce  qu'on  lui  dcvoit ,  fe  réconcilia  avec  i°44.  tom.  9. 
tous  fcs  ennemis,  &  établit  une  paix  inouie  jufques-là  ,  tancP^^'^^^' 
dans  la  Suabc  ,  que  dans  les  autres  Provinces  de  fon  Royau- 
me. 

XV.  Hermann  Contrat  dit  que  ce  Prince  tint  en  1045  _  Concile 
un  Concile  à  Pavie.  On  ne  fçait  ce  qui  s'y  pafla  ;  nous  n'avons  lo'^^^^tom" 
pas  non  plus  les  A£tes  du  Concile  tenu  à  A  ru  le  dans  la  Ca-  CondJ.  pag.° 
ralogne  au  Dioccfe  d'Elne,  la  même  année.  On  fçait  feule- 945-  ^  tier- 
ment  que  les  Kvcques  qui  s  y  etoient  afiembles  pour  la  Dedi-  ad  an.  10^6. 
cace  de  l'Eglifedu  Monaftere  d'Arule,  en  confirmèrent  l'im- 
muniié.  C     '1   j 

XVI.  Le  Roi  Henri  étant  pafîe  d'Allemagne  en  Italie  pour  Sutrien  jo4(î, 
travailler  à  la  réunion  de  l'Eglife  ,  fit  tenir  vers  la  Fête  de'?.™'^*  ^°"" 
Noél  1046  un  Concile  à  Sutri  près  de  Rome.  Grégoire  VI  ^  if/rm.,«.t^ 
occupoit  alors  le  Saint  Siège.  Mais  Benoît  IX  &  Sylveflre  chronuMan, 
III  continuoientde  prendre  le  nom  de  Pape.  Efperant  d'être  ^°'^^'' 
reconnu  pour  feul  Pape  légitime  dans  ce  Concile  ,  il  y  vint  ; 

mais  fa  promotion  ayant  été  prouvée  irréguliere,  il  renonça 
au  Pontificat ,  après  en  avoir  fait  les  fondions  pendant  en- 
viron vingt  mois.  Quelques-uns  difent  (/)  qu'il  abdiqua  vo- 
lontairement. On  élut  à  fa  place  TEvêque  de  Bamberg,  con- 
nu fous  le  nom  de  Clément  II,  qui  fut  facré  le  jour  de  Noê!.        Concile  As 

XVII.  Au  commencement  de  l''année  fuivante  IC47  11^°'"^  ^n 
affembla  un  Concile  à  Rome  ,  où  il  termina  la  conteftation  m°t!êoofrl'7. 
pour  la  préféance  entre  l'Archevêque  de  Ravenne,  celui  (^q  i»  cf>ro?iic.  ad 
Milan  ,  &  celui  d'Aquilée.  Tous  les  trois  prétendoient  s'af^  fl  Tc:Jj 
ieoir  a  la  droite  du  Pape,  Mais  cette  prérogative  fut  adjugée  p"^-  1151.^ 

— —  . 

(  </  )  Tom.  15,  QancH.  pag.  542,  F       (^f)  Baron,  ad  mi,  1046,. 

(  !  ]  lb:d.  Ji 


6o8  DESCONCTLES 

à  l'Archevêque  de  Ravcnne.  On  travailla  dans  le  même  Con- 
cile à  bannir  la  fimonie  desEgliles  d'Occident,  où  elle  failoic 
de  grands  ravages. 
ConcileJ'El.      XVIII.  Le  Concilc  de  Telujes  au  Dioccfe  d'Elne  cfl  rap- 
"oni!"9.'con'  ^^^^'^  dans  la  Colledion  générale  des  Conciles  à  Tan  1027. 
cil.  pag*.  4S9!  Mais  l'Auteur  delà  nouvelle  Hiftoire  du  Languedoc  fait  voir 
124^.  1250.  qu'il  ne  fut  afTcmblé  qu'en  1047,  la  dernière  année  de  la  vie 
d'Oliva  ,  Evêque  d'Aufonne  ou  de  Vie,  qui  préfida  à  ce  Con- 
cile en  l'abfcnce  de  Berenger  Evêque  Dioccfain ,  qui  écoit  allé 
vifiter  les  Saints  Lieux.  M.  Balufecn  a  donné  des  Adles  dans 
fes  Additions  au  24^  chapitre  du  quatrième  Livre  de  la  Con- 
corde du  Sacerdoce  &  de  l'Empire;  (Sdc^crt  de-Ià  qu'ils  ont  pafle 
fous  le  nom  de  Recueil  des  Conciles.  CesAQcs  portent  que  dans 
tout  le  Comté  de  Rouffillon ,  perfonne  n'attaquera  fon  enne- 
mi depuis  l'heure  de  None  du  Samedi  jufqu'au  Lundi  à  l'heu- 
re de  Prime  ,  afin  que  chacun   puiffe  rendre    au  Dimanche 
l'honneur  convenable;  qu'il  ne  fera  permis  non  plus  à  per- 
fonne d'attaquer  en  quelque  manière  que  ce  foit  un  Clerc  ou 
un  Moine,  marchant  fans  armes,  ni  un  homme  allant  à  l'E- 
glife,  ou  en  revenant ,  ou  marchantavec  desTemmes;  ni  une 
Eglife  ou  les  maifons  d'alentour  à  trente  pas.  Cette  défenfe 
cil  convertie  en  anathême.  Il  eft  défendu  fous  la  même  pei- 
ne de  s'emparer  des  biens  des  Eglifes  ou  des  Monafteres  : 
d'époufer  fa  parente  jufqu'au  fixiéme  degré,  &  de  communi- 
quer avec  des  excommuniés  ;  c'eft-à-dire  de  leur  parler,  de 
boire  &  manger  avec  eux,  &  de  leur  donner  le  baifer  de  paix;  & 
au  cas  qu'ils  meurent  dans  l'excommunication ,  de  leur  donner 
la  fépulture  &  de  prier  pour  eux.  Mais  le  Concile  ordonne 
des  prières  publiques  pendant  trois  mois  pour  la  converfion  des 
d'AHe"m!^ne  ^-^^ommuniés. 

enio-^T.Pagi     XIX.  La  même  année  1047  l'Empereur  Henri  aflembla  en 
aJ  «».  1047.  Allemagne  un  Concile  nombreux  contre*Ies  Simoniaques.  Gla- 
num.  3.  fa^.  ^^^  ^^  -^  Rodulphc  ne  dit  pas  en  quel  endroit ,   ni  li  le  Pape 
Clément  II  y  fut  prefent;  mais  il  efl: certain  qu'il  fuivif  ce  Prin- 
ce en  Allemagne  cette  année-là ,  &  qu'il  y  mourut  le  neuvié- 
Concilede  j^g  d'Odobre  après  neuf  mois  &  demi  de  Pontificat. 
MMtm°]Ji>'.     XX.  Il  y  eut  deux  Conciles  à  Caen  fur  la  Trêve  &  la  Paix  ; 
59.  annal,     l'un  en  1047  avant  la  mort  de  Gradufle,  Abbé  de  Fontcnelle  j 
pum.14.        l'autre  en  lo^i  ,  f^us  Maurille  Archevêque  de  Rouen. 

(^)  Tom.  ff.pag,  60S.  12  Maiilhn  ,  lib,  5?,  lutnaLtium,  23". /c^.  48^. 

XXL 


Depui<;  i.'an   ic^^i  jusqu'en  lo^^i.  Chap.  XXXV.     6o(} 

XXI.  Cxlui  de  .Sens  en  1048,  la  dix-lentiémc  année  du  Roi     Concile  de 
Henri  ,  confirma  la  fondation  du  Monalterc  de  faint  Ayoul  ^ubmlnjib'. 
de  Provins,  faite  par  Thiebaud  Comte  de  Champagne  ,  en  jy.  atwai. 
déclarant  qu'il  dépendroit  de  l'Abbaye  de  Montier-laCelle  ,  ;j^'^'-  5».  /"V- 
(Ituéc  dans  les  Fauxbourgs  deTroies,  dépendance  qui  fubdfte 

encore  aujourd'hui.  L'attc  fut  foulcrit  par  Gilduin  Archevê- 
que de  Sens  &  les  Suffragans  ,  Se  par  les  Comtes  Thiebaud , 
Ârnaul ,  Rodulphe  &  Villcrmc. 

XXII.  Le  Pcre  Labbe  rapporte  fur  l'an  1049  divers  Re-     loixEcdé- 
cucils  de  Loix  ouRéglemens  Ecclcfiaftiqucs.  Le  premier  eftde  J^'^^^S^™* 
Maccabéc,  Roi  d'Ecoffe.  Il  ne  contient  que  quatre  articles,où  p'ag.'iooj*. 
l'on  ordonne  de  renvoyer  aux  Juges  Eccléfiaftiquesle  Chré- 
tien qui    aura  été   traduit   devant  les   Juges  Laïques  ;    de 

payer  aux  Fadeurs  la  dixmc  des  fruits  de  la  terre  :  de  regar- 
der comme  ennemi  de  la  République,  celui  qui  aura  méprifé 
pendant  un  an  l'autorité  de  fon  Evêque  ,  &  de  le  priver  de 
tous  fes  biens ,  s'il  l'a  méprifée  durant  deux  ans.  Le  fécond 
efl:  une  Lettre  d'Elfic  Archevêque  de  Cantorberi  à  l'Evêque 
Vulfin.  On  a  remarqué  en  fon  lieu  qu'elle  ne  contenoit  rien 
qui  ne  fut  dans  les  anciens  Canons.  Le  troifieme  ,  qui  efl  ano- 
nyme ,  efl  divilc  en  quarante-cinq  articles.  Voici  les  plus  in- 
térefTans.  Les  Prêtres  auront  dans  les  Villes  &  les  Villages 
des  Ecoles  publiques  ,  où  ils  enfeigneront  tous  les  enfans  des 
Fidèles  qu'on  y  enverra.  Les  Pénitens  s'accuferont  dans  la 
Confeflion  de  tous  leurs  péchés  en  particulier ,  même  de  pen- 
fées,  &  le  Prêtre  aura  foin  de  les  interroger  fur  les  huit  vices     c-»«.  ji. 
principaux  ;  fur  Toccafion  8c  les  circonflances  des  péchés  , 
afin  qu'il  puiffe  proportionner  la  pénitence  à  la  griéveté  delà 
faute.  On  payera  la  dixme  non-feulement  des  fruits  de  la^^c*».  3^.- 
terre ,  mais  encore  des  biens  acquis  par  le  commerce.  On  fe 
confeffera  aux  Prêtres  la  femainc  d'avant  le  Carême  ,  &  on     Can.  ^6, 
recevra  d'eux  la  pénitence.  Tous  jeûneront  pendant  le  Carê- 
me, à  l'exception  des  enfans  &  des  infirmes.  Ne  pas  jeûner    o«,  57. 
en  ce  temps ,  c'efl  tranfgreffer  le  précepte  de  Dieu.  Il  faut 
donner  aux  pauvres  ce  qu'on  fe  retranche  aux  jours  de  jeûne,    ^'"''  ^^^ 
&  attendre  après  l'heure  de  Vêpres  à  prendre  fon  repas.  Les    can.i'). 
Fidèles  doivent  communier  tous  les  Dimanches  de  Carême, 
le  Jeudi-Saint,  la  veille  &  le  jour  dePâque;  mais  il  ne  faut     C4«.4i. 
pas  qu'ils  s'approchent  de  l'Euchariflie  avec  indifférence.  Ils    O».  4+. 
doivent  s'y  préparer  par  l'expiation  de  leurs  péchés  ,  par  la 
pratique  de  la  vertu ,  par  l'aumône ,  par  la  prière.  Les  Prê- 
Tome  XXllU  H  h  h  h 


^îo  DES    CONCILES 

très  qui  diront  des  MefTes  particulières  les  Dimanches  ,  le 
feront  de  façon  qu'ils  n'empêchent  pas  le  Peuple  de  (e  trou- 
-,  ver  à  la  Melfe  publique  &  iblemncUc  qui  fe  dit  à  Theure  de 

Tierce,  pour  y  entendre  la  parole  de  Dieu.  Le   quatrième 
Recueil  eildes  loix  que  faint  Edouard  Roi  d'Angleterre  fit  , 
avec  le  fecours  des  plus  fages  de  fon  Royaume  ,  pour  y  réta- 
blir le  bon  ordre.  Guillaume  le  Conquérant,  fon  SucccfTeur  , 
les  confirma.  Il  y  en  a  une  contre  les  ufuriers  ,  à  qui  il  défend 
de  demeurer  dans  les  Etats  ;  voulant  que  l'on  en  banniHTe 
tous  ceux  qui  feront  convaincus  d'ufure ,  &  qu'on  les  prive 
de  tous  leurs  biens.  Le  Roi  Edouard  en  donne  pour  raifon, 
Ta^.  1014.  cfu'étant  à  la  Cour  de  France  ,  il  avoit  oui  dire  que  l'ufureeft 
.,    ,  ^3-  racine  principale  de  tous  les  vices. 
Rome  &  de        XXIIL  En  1029  ,  la  femaine  d'après  Pâque,  le  Pape  Léon 
Pavie,toni.  9.  IX  tint  un  Concile  à  Rome  avec  les  Evêques  d'Italie  &  de 
^r^'^'  rt  Caule  ,  dans  lequel  il  déclara  nulles  les  Ordinations  fimonia- 

1017.    I0l8.  '         .        V    ,,    T  1         J       r-l  TT        1  •  ' 

ques  ;  mais  a  1  exemple  de  Clément  II  il  permit  a  ceux  qui 
dvoient  été  ordonnés  par  des  Simoniaques  ,  d'exercer  leurs 
fondions  après  quarante  jours  de  pénitence.  Il  ordonna  aufli 
que  les  Clercs  qui  abandonneroient  le  parti  des   Hérétiques 
pour  fe  réunir  à  l'Eglife  ,  conferveroient  leur  rang  ,   mais 
fans  pouvoir  être  promus  à  des  degrés  fupérieurs.  Il  approu- 
Leo  IX.     va  dans  le  même  Concile  la  tranllation  de   Jean  Evêque  de 
^pifi.  lô-Fi^Tofcanelle  à  l'Ëvêché  de  Porto  ,  avec  le  droit   de  faire  les 
^  '  fondions  épifcopales  au-delà  du  Tibre.  De   Rome  le  Pape 

alla  à  Paris ,  où  il  affembla  un  Concile  pendant  la  femaine 
de  la  Pentecôte.  Les  A£les  en  font  perdus.  Puis  après  avoir 
paffé  le   Montjou  il  vint   en   Allemagne  ,  &  célébra  avec 
l'Empereur  Henri  la  fête  de  faint  Pierre  à  Cologne.  De  là  il 
Condi»  de  ^'^^  ^  '^^'^'  »  ^  ^'^  rendit  à  Rheims  le  29  de  Septembre. 
Rheims  en         XXI V.  Il  fit  la  Dédicacc  de  l'Eglife  de   faint   Rémi  les 
104;;.  tom.^p.  (j^ux  premiers  jours  d'Oflobre.  Le  troifiéme  il  tint  un  Con- 
io3"5.'&tom.  ciîe  dans  la  même  Eglife.  Vingt  Evêques  y  afllftercnt  ,  cin- 
8.  Ador.  M,t.  quante  Abbés  &  grand  nombre  d'autres  Eccléfiafliques.  La 
»»,  t:i  fine.  /],,^Qp)jg  régnoit  en  France  ;  les  Laïques  y  faifoient  des  fonc- 
tions qui  n'appartenoient  qu'aux  Clercs  ;  ils  s'emparoienrdes 
Egliies,  ou  les  vexoicnr  par  des  exadions.  Les  mariages  in- 
celtueux  ou  adultérins  étoient  communs.  On  voyoir  des  Moi- 
nes &  des  Clercs  quitter  leur  habit  &  leur  profeiïîon  ,  &  por- 
ter les  armes.  Les  pillages  étoit-nt  fréquens;  diverfes  hércfies 
commençoient  à  fe  répandre.  Le  Pape  fe  propofa  dans  ce 


Depuis  l'an  105  i  jusqu'en  io<;i.Chap.  XXXV.  ()ii 
Concile  de  remédier  à  tous  ces  nbus.  Il  ordonna  aux  Evcqucs 
prclens  de  déclarer  11  quelqu'un  d'entr'cux  avoit  donné  ou 
reçu  les  Ordres  par  limunie.  PluHeurs  protégèrent  publique- 
ment de  leur  innocence.  L'Archevêque  de  Rheims  accufc 
de  (unonie  &  de  plulicurs  autres  crimes  demanda  un  délai 
pour  l'a  juflilication  ,  &  on  lui  accorda  jui'qu'au  Concile  qui 
dévoie  lé  tenir  à  Rome  à  la  mi-Avril  de  l'année  luivante.  s 

L'Abbé  de  Pouthieres  convaincu  d'incontinence,  fut  dépofc 
de  l'a  dignité.  Il  fut  prouvé  que  l'Evcquc  de  Langres  avoit  ob- 
tenu l'on  Evêché  par  llmonie,  &  en  conféquence  on  l'excom- 
munia. Celui  de  Nevers  avoua  que  fcs  parens  avoient  donné  de 
l'argent  pour  le  faire  Evêque,  mais  à  fon  infçu.  Il  s'offrit 
de  renoncer  à  fon  Evêché,  &  jetra  fa  crolTc  aux  pieds  du  Pape. 
On  le  fît  jurer  que  cet  argent  avoit  été  donné  fans  fon  con- 
fentement.  Sur  cela  le  Pape,  de  l'avis  du  Concile,  lui  rendit  les 
fondions  épifcopales  ,  avec  une  autre  crofle.  L'Evêque  de 
Coutance  qui  étoit  dans  le  même  cas ,  fit  aufli  ferment  que 
fes  frerss  à  fon  infçu  lui  avoient  acheté  l'Evêché ,  &  on  jugea  ^ 
qu'il  n'écoit  point  coupable  de  fimonie.  L'Evêque  de  Nantes 
s'en  avoua  coupable.  On  le  priva  des  fondions  épifcopales,  en 
luiôtant  l'anneau  &  la  crolfe;  mais  on  lui  laifla  l'exercice  des 
fondions  de  Prêtre.  Les  Evêques  qu'on  avoit  invités  au  Con- 
cile ,  &  qui  n'y  étoient  pas  venus ,  furent  excommuniés ,  de 
même  que  l'Abbé  de  faint  Médard  qui  en  étoit  forti  fans  con- 
gé,  &  l'Archevêque  de  faint  Jacques  en  Galice ,  qui  prenoit 
le  titre  d'Apoftolique  ,  réfervé  au  Pape.  Léon  IX  avoit  con- 
fervé  fon  Evêché  de  Toul.  II  fe  plaignit  que  l'on  avoit  fouf- 
trait  de  fon  Eglife  l'Abbaye  de  Montier-en-Der  ,  &  fit  faire 
ledure  de  fes  titres.  Mais  l'Archevêque  de  Rheims  en  produi- 
fit  de  plus  anciens ,  &  on  le  laiifa  en  poffeflion  de  fcs  droits 
fur  cette  Abbaye. 

XXV.  Pour  obvier  aux  autres  abus  dont  on  avoit  fait  des    canons  du 
plaintes  au  Concile ,  on  renouvella  les  anciens  Décrets  qui  y  Concile  ^e 
avoient  du  rapport,  &  il  fut  ordonné  que  les  promotions '^^^'^""^' P^^* 
d'Evêques  fe  feroient  par  l'éledion  du  Clergé  &  du  Peuple  ; 
que  perfonne  ne  vendroit  &  n'acheteroit  les  Ordres  facrés  ,     Can.  i. 
les  minifteres  Eccléfiaftiques  ,  ni  les  Eglifes ,  fous  peine  d'en    ^^^^^  ^^ 
être  puni  par  fon  Evêque  ;  que  les  Laïques  ne  pofTéderoient    c.««.  3. 
point  d'Eglifes ,  &  ne  s'ingereroient  point  dans  le  facré  Mi- 
niftere.  On  défendit  de  rien  exiger  pour  la  fépulture  ,  pour    cun.  j. 
le  Baptême,  l'Euchariftie,  &  la  vilite  des  malades  ;  aux  Clercs 

Hhhhij 


6i2  DES    CONCILES 

Can.6.       de  porter  les  armes  &  de  fervir  à  la  guerre  ;  les  ufurcs  aux 

Ca/i.  7.      Clercs  &  aux  Laïques  ;  aux  Clercs  &  aux  Moines ,  de  quitter 

Cil».  8.      leur  habit  &  profeflion  *,  à  tous ,  de  faire  violence  aux  Ecclé- 

c«./.  9.      fiaftiques  qui  font  en  voyage  ;  les  détentions  injuftcs  du  bien 

Cau.  10.     des  pauvres  ;  les  conjonftions  inceftueufes.  Il  fut  aufli  défen- 

II.  Si.  li.      du  de  quitter  fa  femme  légitime  pour  en  époufer  une  autre. 

Les  Comtes  Engelrai  &  Ëuftachc  furent  excommuniés  pour 

caufe  d'incefte ,  &  Hugues  de  Braine  pour  avoir  quitté  fa  fem- 

p,i^.  1041.  rr.e  légitime  &  en  avoir  époufé  une  autre.  Le  Comte  Thi- 

baud  fut  cité  pour  avoir  ciuitté  la  (ienne  ,  &  on  fit  défenfe  à 

Baudouin  Comte  de  Flandres  de  donner  fa  fille  en  mariage  à 

Guillaume  Duc  de  Normandie ,   &  à  ce  Duc  de  l'époufer. 

On  excommunia  les  nouveaux  Hérétiques ,   avec  défenfe  de 

recevoir  d'eux  quelques  fervices ,  ou  de  les  protéger.  Géofroi 

Comte  d'Anjou  tenoic  en  prifon  Gervais  ,  Êvêquedu  Mans  : 

en  le  cita  au  Concile  de  Mayence  pour  y  être  excommunié  , 

s'il  ne  remettoit  cet  Evêque  en  liberté. 

Autres  cir-      XXVL  Dès  la  première  felTion  du  Concile  de  Rheims  il 

conltances  de  n      •  1      /-->i  /    j  t/-ii       «  1    • 

ce  Concile.  Y  cut  une  conteltation  entre  le  Cierge  de  cette  Ville  &  celui 
de  Trêves  fur  la  préféance.  Le  Pape  ne  croyant  pas  devoir 
entrer  alors  dans  la  difcuffion  de  ce  différend  ,  ordonna  que 
les  Sièges  des  Evêques  fuffent  mis  en  rond ,  &  le  fien  au  mi- 
lieu, &  que  l'Archevêque  de  Rheims  réglât  les  places.  Le 
Pape  fe  trouvoit  au  milieu  du  Chœur  ,  tourné  vers  l'Orient , 
ayant  vis-à-vis  de  lui  l'Archevêque  de  Rheims  à  fa  droite  , 
&  l'Archevêque  de  Trêves  à  fa  gauche.  Les  places  des  autres 
''■^'  *  '  Evêques  font  marquées  dans  les  A£les  du  Concile.  Dans  la 
même  SefTion  ,  où  il  fut  ordonné  fous  peine  d'anathême ,  que 

P'^i-  1038- f,  quelqu'un  foutenoit  qu'un  autre  que  le  Pape  ,  fût  chef  de 
l'Eglife  Univerfelle,  il  eût  aie  déclarer  tous  étant  demeurés 
dans  le  filence,  on  lut  les  autorités  des  Pères  Orthodoxes  fur 
la  primauté  du  Pape.  A  la  fin  de  la  troifiéme  Selfion  le  Pape 

Pag.  IC41-  fit  lire  le  privilège  qu'il  avoit  accordé  à  l'Eglife  de  faint  Rémi , 
après  quoi  il  congédia  le  Concile ,  en  donnant  fa  bénédic- 
tion. 

Concile  de      XXVII.  Arrivé  à  Mayence,  il  y  célébra  celui  qu'il  avoit 

Mayence  en.,.       ,  .  .■'.'  /^  '    r     •    j->  \     ■  '-.— 

1049.  t^jm.  9.  iridique:  mais  on  ne  voit  point  que  Geofroi  d  Anjou,  quon 

Ccncil.  pag.  y  avoit  cité  ,  s'y  foit   rendu.  Adam   de  Brème  donne  à  ce 

'*"**•  Concile  le  titre  de  Général^  parce  qu'il  fut  affemblé  de  toute 

l'j^llemagne.  Il  y  vint  près  de  quarante  ,  tant  Archevêques  , 

qu'Evêques.  L'Empereur  Henri  l'honora  de  fa  préience ,  ac~ 


Depuis  l'an  1031  jusqu'en  io<i2.  Chap.  "XXXV.  61-^ 
compagne  des  gr^mds  Seigneurs  de  l'Empire.  Ce  Prince  s'y 
réconcilia  par  la  médiation  du  Pape  avec  Godcfroi  Duc  de 
Lorraine.  11  demanda  l'approbation  du  Concile  lur  la  légen- 
de de  iaint  Servais  Evéque  de  Liège  ,  &  clic  fut  accordée. 
Sibicon  Evcque  de  Spire  accufé  d'adultère,  s'en  purgea  par 
l'examen  du  Iaint  SacriHcc.  Mais  Vibert  Auteur  de  la  vie 
de  Léon  IX ,  dit  que  cet  Evêc]ue  s'étant  parjuré ,  il  en  fu:  pu- 
ni miraculcufcment ,  la  bouche  lui  étant  demeurée  tournée 
depuis  ce  moment.  La  fimonie  &  l'incontinence  des  Clercs 
furent  condamnées,  6c  l'on  fit  d'autres  réglemens  pour  l'uti- 
lité de  l'Eglile,  que  nous  ne  lifons  point  dans  les  Ecrivains 
du  temps.  Adalbert  Archevêque  de  Hambourg  fut  des  plus 
exatts  à  exécuter  le  Décret  contre  le  concubinage  des  Prê- 
tres. 11  excommunia  leurs  concubines  ,  &  les  chafla  de  la 
Ville ,  afin  d'ôter  même  le  fcandale  que  leur  vue  pouvoit  oc- 
cafionner. 

XXVIIL  La  difcipline  avoit  fouflfert  de  grands  affoiblifTe-  p  ^"""^'^^  ^^ 
mens  dans  la  Province  de  Rouen  ,  autant  par  la  vie  déréglée  lojo.tom.  9. 
de  fes  Archevêques ,  que  par  les  guerres  civiles  dont  elle  fut  ^oncii.   pag, 
agitée  fous  le  règne  de  Richard  III:  &  la  minorité  de  Guil-^°fco^^H!^' 
laume  le  Bâtard.  L'Archevêque  Mauger  ,  quoique  peu  réglé  s-otom-igm-: 
dans  fes  moeurs ,  fongca  à  rétablir  le  bon  ordre ,  &c  tint  à-^"""* 
cet  effet  avec  Hugues  d'Evreux  &  Robert  de  Coutances  , 
deux  de  fes  Suftragans  ,  un  Concile  à  Rouen  vers  l'an  1045» 
ou  1050  ,  où  ils  firent  dix-neuf  Canons,  la  plupart  contre  la 
fimonie  ,  qui  régnoit  jufques  dans  les  Cloîtres.  On  défendit     ^""'^n 
de  briguer  l'Epifcopat  en  faifant  des  préfens  au   Prince  &  à 
ceux  quiavoient  de  l'accès  auprès  de  luij  &  de  paffer  d'une 
Eglife  à  une  autre  par  un  motif  d'ambition.  Les  Evêques  s'au-     can.  u 
rcrifoient,  dans  ces  fortes  de  tranflations  ,  fur  un  paffage  de 
de  l'Evangile  mal  entendu,  où  Jefus-Chrifl  ordonne  à  fes 
Apôtres  de  paffer  d'une  Ville  à  une  autre  pour  éviter  la  per-     c.i».  4, 
lécution.  Défenfes  aux  Moines  de  donner  de  l'argent  pour 
parvenir  à  la  dignité  d'Abbé  ;  aux  Evêques  &  aux  Abbés,  de     ^'»"'  f » 
Supplanter  leurs  Confrères  pour  ufurper  leurs  places  :  aux  Eve-     c^».  6» 
ques,  de  vendre  les  ordinations  ;  aux  Archidiacres  &  aux  No- 
taires, d'exiger  quelque  chofe  de  ceux  qui  fe  préfentent  pour 
l'Ordination.  On  n'admettra  perfonne  aux  Ordres  facrés  avant    Cn».  7i 
l'âge  prefcrit  par  les  Canons ,  &  qui  ne  foit  bien  inftruit. 
L'Evêque  ne  pourra  ordonner  un  Clerc  d'un  autre  Dioccfe  ,     Can,% 
ians  lettres  de  recommcndation ,  qu  dimiffoire  de  l'Evêque 


Can,  19. 


6r4  D  E  S    C  O  N  C  I  L  E  S 

C.tn.ç.      Diocéfain.  Il  lui  cil  également  défendu  de  donner  en  Fief  à 

Ca».  10.  ^^5  Laïques  les  rétributions  ou  les  ferres  deflinées  à  l'entretien 
des  Clercs  ;  de  vendre  le  faint  Chrême  ;  d'exiger  des  pré- 
t;.  i'".  '^*  f<^"S  pour  la  Dédicace  des  Eglifes  &  pour  le  Baptême.  Le 
Concile  permet  en  ces  deux  cas  de  recevoir  des  Fidèles  ce 
qu'ils  offriront  d'eux-mêmes.  Il  paroît  qu'outre  leurs  offran- 
des particulières ,  ils  abandonnoient  aux  Miniflres  de  l'Egli- 

CaH.  17.  ^^  ^^  cierge  &  le  voile  de  lin  dont  ils  fe  couvroient  la  tête 
pendant  les  huit  jours  qui  fuivoient  leur  baptême.  Ils  étoient 
obligés  pendant  tout  ce  temps  de  fe  préfenter  chaque  jour  , 
vécus  de  blanc  ,  avec  des  cierges  allumés ,  dans  l'Eglife  oij  ils 

Ca».  18.  ^^'oicnt  reçu  le  Baptême.  L'avarice  des  Prêtres  les  portoic 
quelquefois  à  diminuer  ou  à  aggraver  les  pénitences ,  à  pro- 
portion de  l'argent  qu'ils  tiroient  des  Pénitens.  Le  Concile 
défend  cet  abus  fous  peine  de  dépofition ,  &  ordonne  de  ré- 
gler la  Pénitence  fuivantla  grieveté  de  la  faute  ,  &  les  forces 
de  la  nature. 

Concile  XXIX.  L'héréfie  de  Berenger  occafionna  la  tenue  de  plu- 

gcr  en  lOfo""  ^"^^''S  Conciles  pendant  le  cours  de  l'an  10  5: o.  Il  y  en  eut  à 
Rome  ,  à  Brione  ,  à  Verceil ,  à  Paris  ;  un  à  Tours  en  105-5  , 
un  autre  à  Rome  en  1059  ,  un  à  Rouen  en  106^ ,  un  à  Poi- 
tiers &  à  Saint-Pvlaixent  en  1075  ,  un  à  Bordeaux  en  1080. 
Ses  erreurs  furent  condamnées  dans  toutes  ces  Alfemblées, 
On  peut  voir  ce  que  nous  en  avons  dit  dans  l'article  de  Hu- 
gues Evêque  de  Langres  ,  le  premier  qui  combattit  cette  hé- 
réfîe  dans  fa  naiffance.  L'Anonyme  publié  par  le  Père  Chif- 
flet  à  Dijon  en  i6'^6 ,  2/2-40.,  &  imprimé  dans  le  18^  Tome 
de  la  Bibliothèque  des  Percsà  Lyon  en  1677,  V'^ë'^^5i^'^^^ 
aufli  mention  des  divers  Conciles  où  elle  fut  condamnée. 

Concile  de      XXX.  Ferdinand  I ,  furnommé  le  Grand  ,  Roi  de  Léon 

ioî^o.^tom.9,  &  de  Caftille,  fit  affembler  en  1050  un  Concile  de  neuf  Evê- 

Concil.  pag,  qucs  à  Coyac  dans  le  Diocèfe  d'Oviedo.  Il  y  affifta  lui-même 

»o53.  ^yçç.  j^  Reine  Sancha  fon  époufc  ,  plufieurs   Abbés  &  les 

Grands  du  Royaume.  Des  treize  Canons  de  ce  Concile  ,  il  y 

en  a  quelques-uns  pour  le  temporel  ;  la  préfence  du  Roi  & 

des  Seigneurs  leur  donnoit  autorité.  Il  eft  ordonné  aux  Evê- 

Cmt.  I.  ques  de  réfider  en  leurs  Eglifes,  &  d'y  faire  exaélemcnt  leurs 
fondions  avec  leurs  Clercs  ;  aux  Abbés  &  aux  AbbcfTcs ,  de 
faire  obferver  dans  leurs  Monafteres  la  régie  de  faint  Benoît, 
d'être  foumis  aux  Evêques ,  &  de  ne  recevoir  ni  Religieux  ni 
Religieufe  d'un  autre  Monaftere  fans  la  permiflîon  de  l'Abbé 


Dupuis  l'an  lo^i  jusqu'en  10^2.  Chap.  XXXV.  615 
ou  de  rAbbcH'c.  Toutes  les  pjglifes  &  les  Clercs  qui  les  def- 
lervenc,  leront  lous  la  jurildidion  de  l'Evêque  :  les  Laïques 
n'auront  aucun  pouvoir  lur  ces  Eglircs  ni  fur  ces  Clercs.  On  c<i».  j. 
n'offrira  point  le  Sacrifice  dans  un  Calice  de  bois  ni  d'argile. 
l^ans  la  célébration  des  Myllcrcs  les  Prêtres  porteront  l'a- 
micl ,  l'aube,  la  ceinture,  l'école,  la  chalUble  ,  le  manipule  ; 
les  Diacres ,  l'amid ,  l'aube,  la  ceinture,  l'étolc ,  la  dahnatique, 
le  manipule.  L'Autel  fera  eniicrement  de  pierres,  &  confacrc 
par  l'Evêque  ;  THoflie  de  pur  froment  ;  le  vin  &  l'eau  nets  ; 
âc  l'Autel  couvert  d'un  linge  propre  ,  fur  lequel  on  mettra 
un  Corporal  pour  y  poler  le  Calice.  Dcfenfe  aux  Prêtres  & 
aux  Diacres  de  porter  des  armes ,  des  habits  indécens  &  de 
différentes  couleurs  ;  &  de  loger  avec  des  femmes  ,  autres 
que  celles  qui  font  permifes  parles  Canons.  Ils  fe  feront rafcr 
la  barbe  &  les  cheveux  en  forme  de  couronne.  Les  Clercs 
font  chargés  de  l'inffruftion  de  la  Jeuneffe.  On  avertit  les  Ar- 
chidiacres &  les  Prêtres  d'inviter  à  la  pénitence  les  adultères  ,  ç,^^ 
les  homicides  &  les  autres  pécheurs ,  avec  menace  de  féparer 
de  l'Eglife  Se  de  la  Communion  les  impénitens. 

XXXL  Aux  Quatre-Temps  les  Archidiacres  préfenteront  c««.  j. 
pour  l'ordination ,  des  Clercs  qui  fâchent  parfaitement  tout  le 
Pfeautier  ,  les  Hymnes ,  les  Cantiques,  les  Epîtrcs,  les  Evan- 
giles &  les  Oraifons.  Les  Prêtres  n'iront  point  aux  feflins  des 
noces  ,  linon  pour  les  bénir.  Les  Clercs  &  les  Laïques  invi- 
tés au  repas  qui  fe  donne  après  les  Obféques,  mangeront  tel- 
lement le  pain  du  défunt ,  qu'ils  falTent  quelques  bonnes  œu- 
vres pour  le  repos  de  fon  ame ,  comme  d'inviter  à  ce  repas 
les  pauvres  &  les  infirmes.  L'obfcrvation  du  Dimanche  com-  Ca«.  e. 
mencera  aux  Vêpres  du  Samedi  ;  les  Fidèles  afFifleront  le  len- 
demain à  la  Mefle  &  à  toutes  les  Heures  ;  s'abfliendront  de  tou- 
te œuvre  fervile ,  &  de  voyager ,  fi  ce  n'efi:  poiir  raifon  de 
prières ,  de  vifite  des  malades ,  de  fépukure  des  morts,  pour 
le  fervice  du  Roi ,  ou  pour  combattre  les  Sarrafins.  Un  Chré- 
tien qui  demeurera  ou  mangera  avec  un  Juif,  fera  pénitence 
pendant  fepc  jours.  S'il  ne  veut  pas,  s'y  foumettre  ,  on  le  pri- 
vera de  la  Communion  pendant  un  an  ;  fi  c'eft  une  perfon- 
nc  de  condition  ,  ou  il  fera  puni  de  cent  coups  de  verges ,  s'il 
eft  du  commun.  On  fera  fubir  aux  faux  témoins  Ja  peine  ^'"■7' 
prefcrite  dans  le  Livre  des  Juges;  &  aux  homicides  le  fuppli-  Can.s. 
ce  porté  par  les  Décrets  du  Roi  Alphonfe.  En  cas  de  contef- 
tation  fur  la  propriété  d'une  vigne  ou  d'une  terre  ,  celui  qui    ^*"''  ^' 


.6\6  DE  S    CONCILES 

l'a  cultivée  en  percevra  les  fruits,  en  attendant  le  jugement  dé- 
-,  finitif  du  procès  ;  alors  s'il  eft  évincé  ,  il  rendra  les  fruits  aux 

Propriétaires.  Il  eft  ordonné  de  jeûner  tous  les  Vendredis. 
Cau.iu    On  autorife  le  droit  d'azyle  dans  les  Eglifes  ,  pour  quelque 
crime  que  ce  foit ,  &  on  recommande  la  fidélité  &  le  refpe£l 
pour  le  Roi. 
Concile  de      XXXII.  On  ne  connoît  le  Concile  de  Siponto,  Ville  fituée 
Sipomo  en     autrefois  aux  pieds  du  Mont  Gargan  ,  &  préfentement  dé- 
truite ,  que  par  Vibert,  Hiftorien  de  Léon  IX.  11  rapporte  que 
ce  faint  Pape  y  dcpofa  deux  Archevêques,  qui  par  envie  de 
fe  furpaïïer  l'un  l'autre,  avoient  acheté  ces  Dignités.  Ce  que 
dit  cet  Ecrivain,  peut  fe  confirmer  par  le  témoignage  de  Léon 
d'0ftie(/2),  de  qui  nous  apprenons  que  Léon  IX  alla  en  1050 
vifiter  l'Eglife  de  faint  Michel  Archange  ,  &  que  de  là  il  vint 
au  Mont-CaflTin  ,  où  il  célébra  la  Fête  des  Palmes. 
Condle  de      XXXIII.  De  retour  à  Rome  il  y  tint  un  Concile ,  où  il  mit 
Rome  en      ^^^  nombre  des  Saints   le  bienheureux  Gérard  ,  l'un  de  fes 
Pagilibu.  *  Prédécefleurs  dans  le  Siège  épifcopal  de  Toul.  Dans  un  au- 
Z.&-  Hm»j».  tre  Concile  tenu  l'année  fuivante  ,  après  Pâque  ,  il  excom- 
^^o*fi'°^°*  lï^unia  Grégoire  Evêque  de  Verceil ,   coupable  d'adultère 
avec  une  veuve  fiancée  à  fon  oncle,  &  de  plufieurs  parjures. 
L'Evêquc  étoit  abfent.  Informé   de  cette  cenfurc ,  il   vint 
à  Rome ,  &  ayant  promis  fatisfa£lion ,  le  Pape  le  rétablit  dans 
fes  fondions.  Pierre  (?)  Damien  dit  que  Léon  IX  fit  dans 
le  même  Concile  un  Décret  pour  la  continence  des  Clercs  ; 
&  un  autre  portant   que    les  femmes  qui  dans  l'enceinte  de 
Rome  fe  feroient  proflituées  à  des  Prêtres  ,  appartiendroient 
dans  la  fuite  au  Palais   de  Latran  comme  cfclaves;  &  qu'il 
fut  d'avis  que  l'on  en  ufât  de  même  pour  les  autres  Eglifes. 
Co«dIe  de    XXXI V.  Dans  le  deffein  d'empêcher  la  guerre  entre  l'Em- 

Mantoue  en  .  »       i    <•  n  i     tt  i   <-■ 

lon-tom.  9.pereur  Henri  &  André  Roi  de  Hongrie  ,  il  fit  un  voyage  en 
Concii.  pag.  Allemagne  l'an  1052  ,  &  célébra  à  Vormes  la  Fête  de  Noël, 
«w.^jo/f."  celle  de  la  Purification  à  Auftjourg  en  1053  ,  &  la  Quinqua- 
mtm.t.^j.  géfime  à  Mantoue.  Il  y  afiembla  un  Concile,  mais  qui  fut 
troublé  par  la  fa£lion  de  quelques  Evêques  qui  rcdoutoicnt 
fa  févérité.  Le  Perc  Labbe  rapporte  ce  Concile  à  l'an  1052  ; 


(  6  )  0/?;V«/.  lié.  i .  cap,  8i  ;  C^  F  agi  ad  \      (i)  Ofufcal.  18.  cap.  7.  ^  ton,.   9. 
.i050.««/».i.  IO„J.;4,067.  . 

mais 


Depuis  l'an  toîi  jusqu'en  io(?2.  Chap.  XXXIV.  Cij 
Mais  Hcnfchcniiis  (  ^'  )  le  mec  en  l'année  luivantc  ;  en  quoi  il 
éfl  appuyé  de  Vibi-TC,  d'Hermann  Contrat  &:  de  l'Hiltoricn 
de  Aiantouc.  Ce  dernier  raconte  que  Léon  IX  vint  en  cette 
Ville  pour  y  adorer  le  fang  de  Jellis-Chrift  qu'on  difoit  y  être 
conlcrvé  ;  qu'il  le  demanda  pour  l'emportera  Rome  ;  mais 
qu'il  fc  défirta  de  la  demande ,  voyant  le  zèle  du  Peuple  pour 
la  conl'ervation  de  ce  gage  précieux  de  notre  l'alut. 

XXXV.  Le  Pape  arriva  à  Rome  pendant  le  Carême ,  &  „  ^'3"C''le  de 
convoqua  un  Concile  après  raque.  Henkhcnius  %c  le  Pcrc  ,o';^.Pagiad 
Pagi  croient  que  l'on  y  agita  la  queflion  des  azymes  ,  qui"»-  1055- 
donnoient  aux  Grecs  un  prétexte  de  calomnier  l'Eglifc  Ro-  "'""•'^  ^  '^' 
maine  &  toutes  les  Eglifes  d'Occident.  Nous  renvoyons  le 
Le£teur  à  ce  qui  en  a  été  dit  dans  les  articles  de  Léon  IX  & 

de  Michel  Cerularius ,  Patriarche  de  Conllantinople. 

XXXVI.  Apres  la  mort  de  Jourdain  Evêque  de  Limoges,  Limoges^an 
arrivée  en  1052  ,  l'Eglife  de  cette  Ville  fut  agitée  de  beau-  lofi.tom.  9, 
coup  de  tempêtes.  Pour  les  appaifer,  les  Evêques  de  la  Pro-  ^°'^^\  f^^' 
vincc  s'aflemblerentj  &:  choifirentlterius,  homme  noble  &  de  1.  a.,ii,a 
grande  vertu.  Il  fut  ordonné  auflltôt  par  Aimon  Archevêque  C'"'¥''^"'pog. 
de  Bourges  ,  Métropolitain.  Avant  de  procéder  à  l'élection  ,  ^''' 

le  Clergé  de  Limoges  en  avoit  demandé  tla  permiflion  à 
Guillaume  Comte  d'Aquitaine.  Il  ne  refle  de  ce  Concile  que 
la  Lettre  Synodale  adreflee  à  tous  les  Fidèles  d'Aquitaine  ,  à 
qui  les  Evêques  rendent  compte  d(?réIe£lion  d'Iterius. 

XXXVII.  Les  Moines  de  faint  Emmeran  avoient  foutenu  s.Se"nyl'  t 
en  préfence  de  Léon  IX,  lorfqu'il  étoitàRatiftonneen  1052,  10^3.  tom.;»; 
qu'ils  poflédoient  les  Reliques  de  faint  Denys  l'Aréopagite.  ^°g^''^  ^f; 
Au  mois  de  Juin  de  l'année  fuivante,  Henri  Roi  de  France  aiio»',  iib.6o: 
envoya  Odon  fon  frère  au  Monaflere  de  faint  Denys  ,  où  en  atwai.nwn. 
préfence  de  Gui  Archevêque  de  Rheims ,  de  Robert  Arche-  ''^' 
vêque  de  Cantorberi ,  de  cinq  Evêques  ,  de  fix  Abbés,  &  de 
plufieurs  Seigneurs ,  on  fît  la  reconnoilTance  des  Reliques  de 

ce  Saint ,  que  l'on  trouva  enveloppées  d'une  étoffe  fi  ufée  de 
vétufté ,  qu'elle  s'en  alloit  en  poudre  lorfqu'on  la  touchoit. 
Les  Reliques  de  faint  Denys  étoient  enfermées  dans  un  coffre 
d'argent  ;  celles  de  fes  Compagnons  dans  un  autre  de  même 
métal ,  fermés  l'un  &  l'autre  avec  grand  artifice  ,  &  placés 
dans  une  grotte  derrière  l'Autel. 


{k)  Henfch.  in  vitam  Leonis,  hijl,  mimt,  lit,  ^-pag,  zoJ. 

Toms  XXlîl,  '  I  i  i  i 


6jS  desconciles 

Na^bonne  en      XXXVIIÏ.  A  Narbonnc   l'Archevêque  Guifroi   afTembla 
lo^^.tom.  9.un  Concile  le  2  5  d'Août  1054,  où  fe  trouvèrent  dix  Evè- 
Concii.  pag.  qygg  ^  grand  nombre  d'Abbés  ,  de  Clercs,  de  Seigneurs.  Le 
Comte  Pierre  F  aimond  &  le  Vicomte  Berengcr  l'aidèrent 
dans  la  tenue  du  Concile,  &  il  ctoit  befoin  de  leur  proteftion  ; 
parce  qu'il  s'agiflbit  principalement  de  confirmer  la  trêve  de 
Caii.  i.      Dieu.  On  y  fit  vingt-quatre  Canons ,  où  l'on  renouvelle  la  dé- 
fi nfe  à  tous  les  Chrétiens  de  fc  faire  aucun  mal  depuis  le  Mer- 
credi au  foir  jufqu'au  Lundi  matin  après  le  lever  du  Soleil; 
Ça/;,  j.      depuis  le  premier  Dimanche  d' A  vent  jufqu'à  l'Oftave  de  l'E- 
piphanie ;  depuis  le  Dimanche  de  la  Quinquagéfime  jufqu'à 
rOdave  de  Pâque  ;  depuis  le  Dimanche  qui  précède  l'Àf- 
cenfion ,  jufqu'à  l'Oètave  de  la  Pentecôte  ;  aux  jours  des  Fêtes 
de  la  fainte  Vierge ,  de  faint  Pierre  ,  de  faint  Laurent ,  de 
C.j«.  4.  î-  ^'  Michel ,  de  tous  les  Saints ,  de  S.  Martin  ;  &  pendant  tous 
les  jours  de  jeûne  de  l'année,  fous  peine  d'anathcme  &  d'exil 
perpétuel.  Ceux  qui  auront  fouffèrt  quelques  dommages,  fe 
pourvoir  nt  devant  l'Evêque  ,  oupardevant  les  Juges  qu'il 
Ci«.  6.      aur^-j  commis  ;  &  fuivant  la  griéveté  delà  faute,  on  ordonnera 
contre  les  coupables ,  ou  le  jugement  de  l'eau  froide  ,  ou  l'é- 
xil.  Celui  qui  voudra  bâtir  une  fortereffe,  ne  le  pourra  que 
Cav    7.     ^"Jinze  jours  avant  le  temps  marqué  pour  la  trêve.  Les  Débi- 
teurs qui refuferont  de  payer,  feront  chalfés  de  l'Eglife  ,  & 
Cmi.  8.      l'oii  n<^  f^ra  aucun  office  dans  leur  Paroilfe  jufqu'à  ce  qu'ils 
aient  acquitté  leurs  dettes.  Il  cfl  défendu  de  couper  les  oliviers, 
Ca.'i.  9.      à  caufe  qu'ils  fournilfent  la  matière  du  faint  Chrême  &  du 
Can.  10.    luminaire  des  Eglifes.  En  tout  temps  &  en  tous  lieux  lesPaf- 
teurs  &  leurs  brebis  jouiront  de  la  iûretè  de  la  trêve.  Il  en  fera 
-,  de  même  des  Eglifes.des  Maifons  fituées  à  trente  pas  à  l'entour, 

II.  des  biens  ^  des  terres  &  revenus  dcpendans  de  ces  Lgiiies.  De- 

c.î«  14.    f'^'^f^s  aux  Laïques  de  s'emparer  des  prémices  des  oblations 
16.17!         &  rétributions  des  Clercs,  en  quoi  qu'elles  puiffent  être;  de 
piller  les  Marchands  &  les  Pèlerins  ;  &  de  faire  tort  à  qui  que 
""•M-     çg  {o\t,  fous  peine  à  ceux  qui  auront  commis  ces  dèfordres 
pendant  la  trêve,  d'être  (êparès  de  l'Eglife  jufqu'à  une  en- 
tière fatisfaûion ,  &  de  reftituer  au  double. 
Concîle  de      XXXIX.  Tout  ce  qu'on  fçait  du  Concile  de  Barcelone  en 
10)4.  tc"ni.  p.  io>4  5  <^'^^  l'J^  Guifroi  de  Narbonne  &  Raimbald  d'Ar'cs  y 
Concii.pag.    afiTillerent  avec  trois  Evêques,  Guillebert  de  Barci  lone ,  Guil- 
^°77-  laume  d'Aufone,  &  Berenger  deGirone;  &  que  l'on  y  lut  le 

Décret  de  Guillaume  Comte  de  Barcelone  &  de  la  Comteffe 


Depuis  l'an  1051  jusqu'en  10^2. Chap.  XXXV.    (^19' 
Adalmond  >  contre  les  ulurpatcurs  des  biens  àç  rEglile  de 
cerrc  Ville. 

XL.  Nous  n'avons  rien  à  ajouter  à  ce  que  nous  avons  die    Concil«Je 
dans  l'article  de  Michel  Cerularius ,  du  Concile  de  Conftan-  ^onftnntino- 
tinoplc  en  1054  ,  &  dans  celui  du  Pape  Vidor  II,  des  Con-  ^''^''ïpî';;: 
ciles  de  Mayence  &  de  Florence  en  1055.  Il  a  aufFi  été  parlé  ronce ,  de 
dans  l'article  de  Grégoire  VII ,  des  Conciles  qu'il  tinta  Lyon  L^""^  ^'^ 
&a  lours  la  même  année,  en  qualité  de  Légat  du  Saint-  1054.    lojy. 
Siège. 

XLI.  Le  Pape  Vi6lor  II  adifta  en  io<i6  à  l'Afrcmblcc  génc-  p  ^""^'''^  ^^ 
raie  de  Cologne,  ou  il  réconcilia  Baudouin  Comte  de  l'ian-  10^6.  tom.  9. 
dres  avec  Godefroi  Duc  de  Lorraine,  «&  il  y  a  apparenceP^.?-. '°3i' & 
uc  conlentit  dans  ce  même  Concile  a  reprendre  la  ,iji.  &  de  Lan- 
Duchefle  Béatrix  fon  époufe.  Vingt-deux  Evêques  de  la  Pro-  àaff.  pag. 
vince  de  Narbonne  &  des  Provinces  voifines  s'aiïemblerent  '^^^* 
la  même  année  à  Saint-Gilles ,  où  ils  firent  trois  Canons  pour 
la  confirmation  de  la  Paix  &  delà  Trêve.  Les  A6les  du  Con- 
cile de  LandafF  dans  le  Pays  de  Galles ,  portent  que  le  Roi 
Catgucan  y  fijt  excommunié  avec  toute  fa  famille ,  pour  avoir , 
étant  ivre ,  ufé  de  violence ,  le  jour  de  Noël ,  contre  le  neveu 
de  l'Evêque  Hergaud  ,  &  contre  le  Médecin  de  la  Ville  ;  & 
que  ce  Prince  ayant  enfuite  demandé  pardon ,  les  larmes  aux 
yeux,  reçu  la  pénitence  canonique  &  fair  des  aumônes  à  l'E- 
gliie ,  on  le  rétablit  dans  la  Communion. 

XLII.  Maugcr  Archevêque  de  Rouen  continuant  dansj"es     Concfle  dé 
défordres ,  on  affembla  contre  lui  un  Concile  à  Lifieux  en  ^'''^ux  &  de 
1055  ,  auquel  préfida'Hernenfroi  Evêque  de  Sion  en  Valais,  loîj.tom,  9. 
Légat  du  Pape.  On  accufa  Mauger  d'avoir  dépouillé  fon  Concii.    Ro^ 
Eglife  5  d'en  avoir  diflîpé  les  biens  par  fes  prodigalités  ;  de  'î^'''^/"^' 
vivre  dans  l'incontinence  ;  de  manquer  de  refpe£l  pour  le 
Saint-Siège.  En  elîèt  il  avoit  été  fouvent  appelle  à  Rome 
pour  y  aflîfler  à  des  Conciles ,  &  il  ne  s'étoit  trouvé  à  aucun. 
Mauger  avoit  encore  irrité  contre  lui  le  Duc  Guillaume  fon 
neveu ,  en  l'excommuniant ,  à  caufe  de  fon  mariage  avec  la 
Princefle  Mathilde  fa  parente.  Il  fut  donc  dépofé  par  le  con- 
fentement  unanime  des  Evêques ,  &  Maurille  mis  à  fa  place. 
Le  nouvel  Archevêque  tint  quelque  temps  après  un  Concile 
à  Rouen,  où  il  tâcha  de  remédier  aux  ab.rsqui  s'étoient glif-» 
fés  dans  la  difcipline  de  l'Eglife  fous  fes  i  lédécefleurs.  Mau- 
rille affembla  pluficurs  autres  Conciles  pendant  fon  Epifcopac 
Il  en  a  été  parlé  dans  fon  article, 

1 1 11  ij 


6^o  DESCONCILES 

Concile  de  XLTII.  Le  Cinquième  de  Septembre  io5<î,  le  Pape  Vitlo? 
Touioufe  en  jj  ^^  aflembler  par  fcs  Lcffats,  Raimbaud  Archevêque  d'Ar- 
Concii.  pag.  Ics  &  Ponce  Archevequc  d  Aix  ,  un  Concile  a  louloule  ,  ou 
io84.&j2;4.  fe  trouvèrent  Guifroi  de  Narbonne  ^  Arnaud  de  Touioufe  & 
quatorze  autres  Evcques.  Bcrenger  Vicomte  de  Narbonne 
forma  fes  plaintes  contre  TArchevcque ,  difant  qu'encore  qu'il 
eût  contribué  à  lui  faire  avoir  rArchcvêchc  pour  une  fomme 
de  cent  mille  fous,  il  l'avoit  depuis  traité  indignement  ,  & 
levé  contre  lui  une  grande  armée  ;  qu'il  avoit  donné  les  ter- 
res de  l'Eglile  &  celles  des  Chanoines  à  des  Laïques  qui  por- 
toient  les  armes  pour  lui  \  acheté  à  Guillaume  fon  frère  l'E- 
vêché  d'Urgel  pour  cent  mille  fous  ,  &  que  pour  acquitter 
cette  fomme  il  avoit  vendu  à  des  Juifs  d'Efpagne  les  vafes 
d'or  &  d'argent ,  les  livres,  les  chapes  ,  &  autres  ornemcns 
de  fon  Eglile.  Il  accufa  encore  l'Archevêque  d'avoir  violé  la 
trêve  de  Dieu  après  l'avoir  jurée  ;  de  fe  faire  payer  de  tous 
ceux  à  qui  il  donnoitdes  Ordres  ,  &  de  la  confécration  des 
Eglifes  ;  enfin  de  l'avoir  excommunié  ,  lui,  fa  femme,  fes  en- 
fans,  &  routes  les  terres.  On  ne  fçait  point  ce  que  produilit  la 
plainte  du  Vicomite  :  mais  le  Concile  fît  treize  Canons ,  donc 
quelques-uns  ont  du  rapport  à  la  mauvaife  conduite  de  Guifroi. 
Le  premier  ordonne  privation  de  dignité  contre  ceux  qui 
c,r,;.  ■!.  recevront  l'Ordination, ou  qui  la  conféreront  pour  de  l'argent. 
Le  troifiéme  défend  aulfi  de  rien  prendre  pour  la  Dédicace 
d'une  Eg;life.  Le  fécond  fixe  à  trente  ans  l'Ordination  d'un 
Cm.  1.  Evêque ,  d'un  Abbé ,  d'un  Prêtre ,  &  celle  d'un  Diacre  à 
-,  vingt-cinq.  11  cft   défendu  par  le  quatrième  de  rien  donner 

pour  avoir  un  Bénéfice.  Celui  qui  fe  fera  Moine  dansledef- 
Cn„  fein  d'avoir  une  Abbaye,  ne  pourra  jamais  être  promu  à  cet- 

O/;.  /      re  dignité.  Les  Abbés  f(.ront  obferver  dans  leurs  Monjfteres- 
la  règle  de  laint  Benoît;  nourriront  &  habilleront  leurs  Moi- 
nes fuivant  cette  r.-gle  ,  empêcheront  qu'ils  n'aient  rien  en 
propre  ;  &  un  Moine  ne  polfédera  point  une  Prévôté,  fans  la 
volonté  de  fon  Abbé.  On  privera  de  leur  degré  d'honneur 
&  de  leur  Office  les  Prêtres,  les  Diacres  &  les  autres  Clercs 
qui  ne  voudront  pa^  vivre  dans  le  célioat.  Défenfj  aux  Lai- 
C«n.  7.      ques,  fous  peine  d'excommunication,  de  pofféder  ou  de  retirer 
c«».  8.     les  fruits  d'aucun  Bénéfice  Eccléiiafti  ;ue,  pas  même  de  Sa- 
criftain  ou  de  •'Vî.aure  d'école  ,  &  de  s'emparer  des  biens  des 
C»n.9.      Défunts.  On  doit  les  partager  fuivant  leur  dernière  volonté; 
ou  s'ils  meurent  fans  avoir  fait  de  tertaraent,  fclon  qu'il  en  fera 


.un.  I. 


Can.  lo. 


Can.  Il, 


Depuis  l'an  1031  jusqu'en  10^2.  Chap.XXXV.  621 
décidé  par  les  héritiers.  Les  Eglilcs  dépendances  de  la  Ca- 
thédrale payeront  les  droits  ordinaires  à  rE'vcquc&:  auK 
Clercs,  c'ert-à-dirc  le  tiers  de  leur  revenu  ;  &  celles  qui  ne  le 
payeront  point,  donneront  à  rEvcque  &  aux  Clercs  le  tiers 
de  leurs  dixmcs  &  des  oblations  qui  leur  feront  faites  pour 
les  morts.  Si  ces  Eglilcs  font  dans  l'alcu  des  Seigneurs  Laï-  Ca».  n 
qucs,  le  tiers  des  dixmes  &  des  offrandes  icra  pour  le  Prê- 
tre &  les  Clercs  qui  les  deffervenc.  On  excommunie  dans  les 
deux  derniers  Canons  les  adultères,  les inccftucux  ,  les  par- 
jures ,  Sz  ceux  qui  ont  commerce  avec  les  excommuniés. 

XLIV.  Le  Cardinal  d'Aguire  met  en  1031  un  Concile  à  ^o"''''^  de 
Compoftellc,  dont  les  Statuts  font  à  peu  près  les  mêmes  que  en°To°Jtom. 
de  celui  qui  y  fut  tenu  en  105^.  Il  cft  le  premier  qui  les  ait  9.  Concil.  p. 
donnes  au  Public  dans  le  troifîéme  Tome  de  fa  Colledion  '°^''' 
des  Conciles  d'Efpagne.  Maison  remarque  (  /)  qu'il  a  fjic 
une  faute  avec  Baronius,  en  appellant  Crcfconius  Préfidenc 
du  Concile,  Archevêque  de  Compoilelle.  Crefconius  n'eut 
jamais  d'autre  Siège  que  celui  d'iria  ,  ou  de  Pradonen  Ga- 
lice :  &  au  Concile  de  Coyac  en  1050  ,  il  efl  qvialifié  Evêque 
d'iria.  D'ailleurs,  Compoilelle  ne  fut  érigé  en  Archevêché 
que  fous  Callixte  II.  Mérida  éroit  auparavant  le  Siège  Ar- 
chiépifcopal.  Les  Prélats  aiïemblés    à  Compoftclîe    ordon- 
nèrent, entr'autres  chofes  ,  que  les  Evêqucs  &  IcsPrêcres  di- 
roieni  chaque  jour  la  Meffe  ;  &  que  toutes  les  fois  que  l'on 
îndiqueroit   des  jeûnes  &  des  Proceffions  publiques    pour 
l'expiation  des  péchés ,  les  Clercs  le   revêtiroient  de  cili- 
ées. 

XLV.  Au  Concile  tenu  à  Rome  le  18  d'Avril  de  l'an  Ro^T  en ''^ 
1057  ,  dans  la  Bafilique  de  Latran ,  le  Pape  Victor  II  réta-  1057.  tom. 9. 
blit  dans  fon  premier  état  l'Evêché  de  Marfi,  que  l'on  avoit  ^"g'^'^*  I^S- 
depuis  divifé  en  deux;  &  il  donna  à  l'Evêque  Aâon  qui  en  los^. 
occupoit  injuftement  une  partie,  la  Ville  de  Thiete. 

XL VI.  En  10 î  8  on  tint  deux  Conciles  dans  la  Province  vr^?"'^''^  ^^ 
de  Narbonne,  1'  :n  à  la  Dédicace  de  l'Eglife  de  cette  Ville,  d'Eine""en 
l'autre  à  celle  de  l'Eglife  d'Elne.  Les  Evêqucs  firent  en  ces  '058.  f.'Z"- 
deux  occalîons  quelques  réglemens  de  Difcipline.  On  lut  dans  'bul]""Gnicl" 
îe  Concile  de  Barcelone  le  Décret  du  Duc  Haie  touchant  les /"i^.' 5 §3. 
Iflcs  Baléares  dépendantes  de  ce  Diocèfe. 

(/  )  P«j/  ad  an,  1050.  iitim.  3. 


Can.  i,z« 
Ca».  J, 


<^22  DES    CONCILES 

Concile  de      XLVII.  L'année  fuivance  il  s'en  tint  un  à  Sutri  ,  où  l'Ar- 
Sutri  &  de    chevêque  Benoît,  furnommé  Mincius,  fut  dcpofé  &  prive  des 

Rome    en        -^.^        joj  r^w.  -jt         ■    ^    r        , 

loîp.  tom.9.  fondtions  du  Sacerdoce.  Cetoir  au  mois  de  Janvier  ,  fous  le 
Concii.   pag.  Pontificat  de  Nicolas  IL  Ce  Pape  en  aflcmbla  un  à  Rome  le 
.10»  .  10??.  ^^jg  d'Avril  fuivant,  compofé  décent  treize  Evêques.  On  y 
Vojetl'arti-  fit  trcizc  Canons ,  qui  portent  en  iubRance  que  l'élcttion 
ïîifo'las^'n     ^'""  ^âpe  doitfe  faire  du  confentement  unanime  des  Cardi- 
naux ;  que  ce  que  le  défunt  aura  laiffé ,  fera  rcfervé  à  fon  Suc- 
ceflcur  ;  qu'il  ne  fera  pas  permis  d'entendre  la  Meffe  d'un 
Prêtre  que  l'on  fçait  avoir  une  concubine  ;  qu'il  fera  défendu  à 
tout  Prêtre,  Diacre  &  Soudiacre,  qui  depuis  la  Conflitution  du 
Pape  Leqn  IX  aura  pris  ou  gardé  une  concubine ,  de  célébrer 
la  Meiïe  ,  d'y  lire  l'Evangile  ou  l'Epître,  de  demeurer  dans 
le  San£tuaire  pendant  l'Office  ,  &  de  recevoir  fa  part  des  re- 
venus de  l'Eglife;  que  ceux  des  mêmes  Ordres  qui,  fuivant 
Cai>.4,      1^  même  Conflitution  ,  ont  gardé  la  continence,  mangeront 
enfemble  ,  coucheront  en  un  même  lieu  ,  &   mettront  en 
commun  tout  ce  qui  leur  vient  de  l'Eglife  ;  que  les  dixmes  , 
Ci«.  j.      les  prémices  &  les  oblations  des  vivans  &  des  morts  ,  feront 
rendues  exadement  à  l'Eglife  par  les  Laïques ,  pour  être  en  la 
difpofition  de  l'Evêque  ;  qu'un  Clerc  n'emploiera  point  un 
Ca».  6.      Laïque  pour  obtenir  une  Egliie ,  ni  gratuitement  ni  par  ar- 
gent ;  qu'un  Laïque  ne  prendra  pas  l'habit  de  Moine ,  dans 
l'efpérance  ou  fous  la  promefTe  d'être  Abbé  ;  qu'un  Prêtre 
n'aura  pas  en  même  temps  deux  Eglifes  ;  que  les  Laïques  ne 
jugeront  aucun  Clerc,  de  quelque  Ordre  qu'il  foit.  Le  Concile 
défendit  encore  les  ordinations'&  promotions  fimoniaques;  les 
mariages  entre  parens  jufqu'à  la  feptiéme  génération  ;  d'a- 
voir en  même  temps  une  femme  &  une  concubine ,  fous  pei- 
ne d'être  privé  de  la  Communion  de  l'Eglife  ;  &  de  promou- 
voir un  Laïque  aux  degrés  eccléfwfliques  fubitcm.ent,  &  avant 
de  l'avoir  éprouvé  long-temps  parmi  les  Clercs.  Ces  Canons 
font  fuivis  du  Décret  publié  en  ce  Concile  par  le  Pape  Nico- 
las contre  les  fimoniaques ,'  portant  qu'on  les  dépofera  fans 
miféricorde  i  mais  on  l'accorde  pour  cette  fois  à  ceux  qui  ont 
été  ordonnés  gratuitement  par  des  Evêques  qu'ils  connoif- 
foient  pour  fimoniaques.  Suit  encore  la  profelfion  de  foi  que 
Eerengcr  fouTcri.it  dans  cette  même  afil'emblée,  &  le  Décret. 
Corcile      pour  l'élcdion  du  Pape. 
a'Am  iphi  &      XLVLII.  On  a  déjà  parlé  des  Conciles  qu'il  convoqua  à 
is  Béncvent   ^malphi  dans  laPouille,  Se  à  Bénévcnt  en  105p.  Nousajour 


Ca». 

7. 

Can, 

.8. 

Ca». 

10. 

Ca». 

9. 

Can. 

II. 

Chu. 

12, 

Depuis  l'an  103  t  jusqu'en  10^2.  Chap.  XXXV.    61"^ 
terons  ici  qu'il  clcpof.i  d.irs  lo  premier  ,  rf'.vè(.;uc  de  Trani;  en  loj'p.tom'j 
&  qii:  dans  le  fccond  il  lîr  vendre  à  i'Abbc  de  l'aini  Vincer.t  ''  ^°"cii.  p, 
une  Celle  ou  Prieuré  de  la  dépendance,  donc  le  Moine  AdeU 
bcrr  s'éroic  emparé. 

XLIX.  Les  Légats  afliftcrent  la  même  année  au  couron-     Concile  cfe 
nement  de  Philippe  lils  aine  de   Henri   Roi  de  France  ,  &  ^hei""  en 
donnèrent  leur  luffrage  pour  l'élection  de  ce  jeune  Prince.  Concii!°p!ipf* 
Cette  cérémonie  le  fit  à  Rheims ,  &  les  A£les  en  font  rap-  1107.   nog. 
portés  dans  la  collcdion  des  Conciles  fijr  l'an  1055).  Le  Pape  j^  xlfùl"^-^;V 
Nicolas  II.  fie  afîembler  l'année  fi.iivante  1060  ,dcux  Conci-  &  tom.  'é. 
les  en  France  par  l'on  Légat  Etienne  ,  l'un  à  Vienne  le  3  i  de  ^°'^"^-  ■""''- 
Janvier,  l'autre  à  Tours   le  premier  de   Mars.  Les  Canons  ,0"'^'/  ^"^^ 
de  ces  deux  Conciles  font  les  mêmes,  mot  pour  mot  ;  de  mê- 
me que  la  Préface  quiyeftà  la  tête.  Dom  Luc  d'Achcri  les 
a  rapportés  dans  fes  Notes  (  m  )  fur  Lanfranc ,  fous  le  nom 
d'un  Concile  d'Angers  •,  apparemment  parce  que    le  Légat 
Etienne  les  publia  de  nouveau  dans  cette  Ville  ,  où  il  fe  trou- 
voit  («)  en  106 j.  Dom  Martenne  (  0  )  n'en  a  donné  que  la 
Préface  avec  les  trois  premiers  Canons  &  le  commencement 
du  quatrième  ,  mais  comme   étant  du  Concile  de  Vienne.  ^ 

L'entière  conformité  de  ces  Canons  dans  les  différens  Con- 
ciles où  ils  furent  publiés ,  fait  conjefturer  que  le  Légat  les 
avoir  apportés  de  Rome  tout  dreffés ,  ou  qu'il  les  compofa  lui- 
même  fur  ce  qui  avoir  été  prefcrit  dans  le  Concile  de  Rome 
fous  le  Pape  Nicolas  II  ;  car  ils  roulent  fur  les  mêmes  points 
de  difcipline.  Ils  font  au  nombre  de  dix  ;  tous  contre  la  Si- 
monie, l'incontinence  &  autres  défordresfi  fouvenr  condam- 
nés dans  les  Conciles  précédens.  Ce  qu'il  y  a  de  particulier 
dans  le  fécond  Canon ,  c'eft  qu'il  y  eft  dit  que  fi  un  Evêque 
confère  par  fimonic  quelque  miniflere  cccléfiaftique  ,  ou  la 
penfion  qui  y  eft  attachée  ,  il  fera  permis  au  Clergé  de  s'y  op- 
pofer;  d'avoir  recours  aux  Evêqucsvoifins,  ou  même  au  Saint 
Siège.  Avant  la  tenue  du  Concile  de  Tours  le  Légat  Etienne 
y  cita  par  écrit  Johon,  qui  fe  difoit  Archevêque  de  Dol ,  ou 
à  celui  qui  devoir  fe  tenir  à  Rome  après  Pâque.  On  ne  voit 
point  qu'il  ait  comparu  à  l'un  ni  à  l'autre.  Il  eît  dit  à  la  fin  du 
Concile  de  Tours  que  les  Canons  en  furent  foufcrits  premiè- 
rement par  le  Légat  Etienne ,  comme  préfident  au  nom   du 

(ffi)  lijj.  1}  .  1.       (0)  Marten  vinriim  Scriptor,  fart.  ï, 

4»)  MaI>!Uon,tib.6i,  annal, num,  14,  l  fag.  214., 


t" 


624  DES   C  O  NC  I  LE  s 

Pape,  cnfuîtepar  dix  Prélats,  tant  Archevêques  qu'Evêqucs, 
Ils  ne  font  point  nommes. 

L.  On  connoît  les  neuf  Evêquesqui  afTillerent  au  Concile 
Concile  de  de  Yacca  en  Arragon  l'an  1060. 11  y  avoit  entr'aurres,  Pater- 
Ï060.  tom.  9.  "<^J  Evêque  de  SaragofTe,  Guillaume  d'Urgct,&  Sanchc  d'Ar- 
Concii,   pag.  ragon.  Le  Roi  Ramir  y  afTifla  avec  fes  Entans  &  les  Seigneurs 
'*"■  du  Royaume.  Le  Concile  s'appliqua  à  remettre  en  vigueur  les 

cérémonies  de  l'Eglife,  négligées  pendant  les  guerres,  à  réfor- 
mer les  mœurs ,  à  faire  revivre  les  Statuts  des  Pères.  Il  fut 
ordonné  aux  Prêtres  de  fuivre  le  Rit  Romain  dans  les  prières 
eccléfiafliqucs ,  au  lieu  du  Gothique  ,  que  l'on  rejetta  comme 
étranger  à  l'Eglife  d'Efpagne ,  &  l'on  transfera  à  Yacca  le 
Siège  Epifcopal  d'Huefca  ,  parce  que  cette  Ville  étoit  pafTée 
au  pouvoir  des  Infidèles  :  mais  on  mit  pour  condition  ,  que  Ci 
Huefca  venoit  à  être  délivrée  de  leur  domination  ,  le  Siège 
Epifcopal  d'Yacca  feroit  fournis  à  l'Eglife  d'Huefca  ,  comme 
la  fille  à  fa  mère.  Depuis  ce  temps  les  Evêques  qui  portoienc 
le  nom  d'Arragon  ,  prirent  auiïî  celui  d'Evêques  d'Yacca. 
Paterne  de  SaragofTe  fit  du  bien  à  cette  nouvelle  Cathédrale, 
k,  avec  le  confentement  du  Concile  ,  &  fes  donations  furent 

confirmées  par  Grégoire  VII.  Pierre  I.  Roi  d'Arragon  ayant 
repris  Huefca  fur  les  Infidelles ,  on  y  rétablit  le  Siège  Epif- 
copal en  105)7,  &  Araat  Archevêque  de  Bourdeaux  en  dé- 
dia la  Mofquée  pour  en  faire  une  Eglifc. 
Bénéver.t  en     ^^-  ^^  Y  ^"^  ^^  ^'^^^  ""  Concile  à  Bénévcnt ,  &  un  autre  en 
io6\.sc  1061 Î062,  tous  deux  pour  terminer  un  différend  entre  l'Evcque 
^T'm'rdi",'^^  Dragonara,  &  l'Abbé  du  Monaftere  de  fainte  Sophie. 
pag.  107;.  é  Celui-ci  répétoit  deux  Eglifes  de  fa  dépendance ,  ufurpées  par 
1 1 1 8,  l'E vêque  Léon ,  (  c'étoit  fon  nom)  ;  il  s'en  défifta ,  &  le  Concile 

confirma  le  droit  de  l'Abbé. 

B^fioet     ^^^-  ^^  ^^P^  Nicolas  II  étant  mort  fur  la  fin  de  Juin  de  l'an 

Harduin.ibid.  io6i ,  Guibcrt  dc  Parme,  que  l'Impératrice  Agnès  avoit  fait 

f.^g.  1117-^  Chancelier  d'Italie,  excita  les  Evoques  de  Lombardie ,  la  plû- 

^ fa  Baron,  tui  P^r^  fimoniaques  &  concubinaires ,  à  fe  choifir  un  Pape  d'en- 

Itt.  1061.      tr'eux  ,  qui  eût  de  la  condefccndance  pour  leurs  foible/Tcs. 

1061.  ^""''- Les  Evêques  paffcrcnt  les  Monts,  prièrent  l'Impératrice  de 

'•^""'"'•/■'"' faire  choifir  un  Pape,  l'alTurant  que  Nicolas  II  avoit  décidé 

qua  1  avenir  on  ne  reconnoitroïc  pour  Pape  que  celui  quiau- 

roit  été  élupar  les  Cardinaux  du  confentement  du  Roi.  La 

Cour  ordonna  qu'il  fe  tiendroit  une   afi'cmblée  à  Bafle.  Les 

Evêques  de  Lombardie  y  aflifterent  i  8c  fur  l'avis  qu  Anfel- 

nie 


Depuis  l'an  105  i  jusqu'en  10^2.  Chap.  XXXV.  ^25 
me  de  Luqucs  avoic  éré  élu  P.ipe  à  Rome,  fans  attendre  le 
confcntenient  de  TEmpcreur.  L'Impératrice  &  fon  Confcil 
firent  élire  à  lîaile  (^adaloiis,  connu  fous  le  nom  d'Honorius 
II.  Il  ctoit  Evêque  de  Parme ,  &  concubinaire  ,  de  même  que 
les  Evêqucs  de  Verceil  &  de  Plailancc  ,fcs  Elcfleurs. 

LUI.  Cependant  on  chargea  Annon  ,  Archevêque  de  Co-     Concile 
logne,  de  l'éducation  du  jeune  Roi  Henri ,  &  de  l'adminiftra-  'j^Oihor  en 
lion  de  les  Etats.  Annon  commença  par  deflitucr  Guibcrt  de  Hadu'in't'ol^ 
Parme;  &   ayant  indiqué  un  Concile  à  Ofbor  en  Saxe  en  ^- pag.  mp. 
îo6i,i\  y  tk  dépofer  Cadaloiis ,  &  confirmer  réledion  d'An-  %';'°lf"'^- 
felme  de  Luqucs,  c'cft-à-dire  d'Alexandre  II.  Saint-Pierre  f<itom.i).'cou- 
Damien  avoit  compofé  pour  la  défenfe  de  ce  Pape  un  Ecrit  '''•  ^-'^-  fi* 
en  forme  de  Dialogue  entre  l'Avocat  du  Roi   Henri  ,  &  le"^  ' 
Défcnfcur  de  rEglife  Romaine,  comme  s'ils  parloient  dans 
îe  Concile  ;  &  il  eft  vraifcmblable  que  cet  Ecrit  y  fut  lu.  Les 
Pères  Labbe  &  Hardouin  l'ont  rapporté  tout  entier.  Ce  Con- 
cile fe  tint  le  27  d'Odobre.  Le  Roi  Henri  y  aflTifta  avec  tous 
les  Evêques  d'Allemagne  &  ceux  d'Italie  qui  fe  trouvoient 
alors  à  la  Cour  de  ce  Prince. 

LIV.  Le  Siège  Epifcopal  de  Pampelune  ayant  été  tranf- ,.  p"^''* 
féré  en  1032  en  l'Abbaye  de  Leyre,  le  Roi  Sanche  ordonna  loiSi.fom.  ?" 
dans  un  Concile  tenu  cette  année-là,  que  l'Evêque  de  ce  Siège  Concii.  pag, 
icroit  à  l'avenir  choifi  d'entre  les  Moines  de  ce  MonaRere.  "'''• 
Ranimir  fon  Fils  fit  un  femblable  règlement  au  Concile  d'Ar- 
ragon ,  dont  l'époque  n'eft  pas  certaine  ,  mais  que  l'on  fixe 
ordinairement  à  l'an  lo^ji.  Il  porte  que  les  Evêques  d'Arra- 
gon  feront  pris  du  Monaftere  de  faint  Jean  ,  avec  de  grandes 
menaces  aux  Rois  fes  Succefleurs,  au  cas  qu'ils  vicndroient  à 
changer  cette  difpofition. 

CH  AP  I  T  R  E    XXXV  L 

Des  Conciles  depuis  Van  10^3  jufjuen  lopp, 

I-TVTOus  avons  donné  dans  l'Hifloire  du  Pontificat  d'A-    Conciles  Je 

X^  lexandre  II  le  précis  des  Canons  qu'il  fit  avec  les  Eve-  Rome,deCiii- 

qu>.s  du  Concile  de  Rome  en  1065  ,  &  des  Conftitutions  que  ^deMoiirac! 

les  Légats  dreiTcrent  à  Milan  en  1067  pour  la  réformarioneniosj.tora. 

TomeXXilU  Kkkk 


62<5  D  E  s     C  O  N  C  I  L  E  s 

f.  Concil.  p.  dco  abus  du  CLrgc  de  cette  Viile.  Hugues,  AbbédeClugny  ^ 
i^V'.  ^  I"''  s'étoit  plaine  au  Concile  de  Rome  des  entrepriies  de  Dro- 
loiji'f"  "  'gon  Evoque  de  Mckon  fur  les  droits  &  les  privilèges  de  fon 
Monafccre.  Pierre  Damien,  Légat  en  France  ,  fut  ^  hargé  de 
vérifier  ces  plaintes,  &  indiqua  à  cet  cfflr  un  Concile  à  Châ- 
lons  fur  Saône.  On  y  lut  les  privilèges  de  Clugny ,  &  les  Eve- 
ques  après  les  avoir  bien  examinés ,  ordonnèrent  unanime- 
ment qu'ils  demeureroient  en  vigueur.  Drogon  en  reconnue 
lui-même  l'authenticité ,  demanda  pardon  de  les  avoir  com- 
battus ,  &  reçut  pour  pénitence  de  jeûner  au  pain  &  à  l'eau. 
On  traita  dans  le  même  Concile  quelques  autres  affaires  con- 
cernant la  diicipline  de  l'Eglife ,  &  de  deux  Evêques  acculés 
de  fimonie,  fçavoir  Haderic  d'Orléans,  &  l'Evêquede  Char- 
tres. Foulques  Evêque  de  Cahors  convaincu  du  même  crime, 
fut  exclus  du  nombre  des  Evêques  qui  alTifterent  au  mois  de 
Décembre  de  la  même  année  1065  à  la  Dédicace  de  l'Eglife 
du  Monaflere  de  MoiiTac  fitué  dans  fon  Diocèfe.   Moiffac 
avoit  (  a  )  alors  trois  Abbés  ;  Ponce,  Comte  de  Touloufe,  qui 
l'avoit  reçu  du  Roi  de  France  à  titre  de  Bénéfice  \  Gaufberc 
Prince  féculier  ,  qui  l'avoit  acheté  du  Comte  pour  la  fomme 
de  trente  mille  fols;  &  Durand  qui  de  Moine  de  Clugny  étoic 
devenu  Evêque  de  Touloufe  ,  à  qui  Ponce  avoit  donné  le 
foin  de  cette  Abbaye.  Il  fe  trouva  à  ce  Concile.  On  croit  que 
ce  fut  lui  qui  fit  remarquer  à  Ponce  &  à  Gaufbert  qu'ils  étoicnt 
l'un  &  l'autre  coupables  de  fimonie.  Gaujl^ert  rendit  l'Abbaye 
à  Ponce,  afin  qu'il  la  remît  à  Hugues, Abbé  de  Clugny, pour  y 
mettre  la  réforme,  &  un  Abbé  régulier  au  choix  des  Moines. 
Conclitide      II.  Nous  ne  répéterons  point  ce  que  nous  avons  dit  du, 
Rouen, de     Concilc  de  Roucn  en  1063  contre  l'héréfie  de  Berenger ,  &■ 
Barcelone,     dc  cclui  dc  Mantouc  où   en  10^4  Alexandre  II  fut  recon- 
îom.  iP.  Con-  nu  pour  feul  Pape  légitime,  &  l'Antipape  Cadaloiis  condam- 
ai.png.  1179.  ^   j^  g  Evêques  d'Èfpaene  qui  a  voient  aflîfié  à  ce  Concile,. 
io<S4.  »«w.  1.  en  luivu'ent  le  jugement  dans  le  Concile  quils  tinrent  aBar* 
3^,3. 6,         celone  la  même  année.  Telle  eft  l'époque  de  ces  deux  Conci- 
les dans  là  Colleclion  générale  du  Père  Labbe  Se  du  Père 
Hardouin.  Mais  le  Père  Pagi  foutient  qu'ils  ne  furent  tenus,. 
le  premier  qu'en  1067  ,  &  le  fécond  qu'en  1068  ;  &  il  a  pour 
fon  fentiment  le  témoignage  de  Sigebert ,  Auteur  contcmpo» 


(^a)  Maiilhu.y  lib.6l.annal.nmn.  no.  pag.  É17» 


Depuis  l'an  10^5  jusqu'en  lopp.  Chap.XXXVT.  (^27 
riin  ;  Landulphc,  d.ins  la  vie  de  lain:  Arield;  &  François 
Maria  dans  les  Remarques  fur  rHifloirc  de  la  Comteflle  Ma- 
thilde.  Il  convient  que  le  Continu  itcur  d'Hcrmann-Con  ta£l 
met  le  Concile  de  Mantoue  en  10^4,  mais  il  prouve  que  ce 
Chronologillc  n'ell  rien  moins  qu'exaél  ;  &  pour  répondre 
au  témoignage  de  Lambert  de  Sciuifnabcurg  ,  qui  afTure  que 
l'Archevêque  de  Mayence  fit  en  1064  un  voyage  en  Italie, 
il  répond  qu'il  y  alla  encore  en  1067,  &  que  ce  fut  en  cette 
année-là  qu'il  alfifla  au  Concile  de  Mantoue.  Puis  donc  que 
celui  de  B.ircelone  ne  fut  tenu  qu'un  an  après  ,  il  faut  le  met- 
tre en  1068.  Hugues  le  Blanc,  Prêtre  Cardinal  ,  envoyé  en 
Efpagnc  avec  la  qualité  de  Légat  par  Alexandre  II ,  prélida 
à  ce  Concile,  abrogea  les  loix  gothiques  en  ufagc  chez  les  Ca- 
talans, introduilît  le  Rit  Romain  dans  les  Offices  divins,  & 
fit  rcconnoître  Alexandre  pour  iéul  Pape  légitime.  Il  avoit 
déjà  été  réglé  dans  le  Concile  d'Yacca  en  1  c  60,  que  l'on  quit- 
teroit  le  Rit  gothique  pour  fuivre  le  Romain  dans  les  prières 
de  l'Eglife. 

III.  L'héréfie  des  inceflueux,  c'eft-à-dire  de  ceux  qui  ap-  Ronie"e^n  ° 
prou  voient  le  mariage  dans  les  degrés  de  parente  où  il  n'efl  ioiîs.  tomp. 
point  permis  d'en  contrader  ,  donna  lieu  aux  deux  Conciles  ^°"'^''*  P''S' 
que  le  PapeAlcxandre  II  tint  à  Rome  en  106  5 .  Cette  nouvelle 

héré(ie  fut  vivement  combattue  par  faint  Pierre  Damien  ;  8c 

on  défendit  ces  fortes  de  conjonàions  en  ces  deux  Conciles  , 

fous  peine  d'excommunication.  On  peut  voir  dans  l'analyfe    Voyetfarti- 

de  la  Lettre  d'Alexandre  II  au  Clergé  de  Naples,  la  manière 'j;^/^;;^'"'"- 

de  compter  les  degrés  de  parenté  ,   fuivant  les  loix  de  l'E-  zz. 

glife. 

IV.  Baronius ,  Du  Chêne  &  quelques  autres  mettent  le  Concile 
Concile d'Autun en  io<î5  ,  d'autres  le  reculent  lufouen  1072. '^'V''""  ^" 
J-  une  &  1  autre  de  ces  opmions  ne  peut  le  loutenir  ,  puilque  ,066  tom.  9. 
D;ogon  Evêque  de  Maçon,  l'un  des  Evêques  de  ce  Concile ,  ^o'"^'';  P^g-. 
ne  fut  promu  à  l'Epifcopat  qu'en  1060,  &  que  Hugues  I  Ar-Jîj'*j„\^jo^|' 
chevêque  de  Beiançonqui  y  alhrta,  mourut  en  1060  ou  \o6'j,n"m.z.  3.4,» 
En  ce  Concile, Hugues  Abbé  de  Clugny  réconciliaRcbert  Duc 

de  Bourgogne  avec  Aganon  Evêque  d'Autun.  Etienne  de 
Tournai  cite  dans  la  Lettre  71  à  Robert,  Moine  de  Ponrigni, 
un  Canon  de  ce  Concile  où  il  efl  défendu  aux  Abbés  &  aux 
Moines  de  détourner  les  Chanoines  réguliers  de  leur  profef- 
fion  ,  &  de  les  admettre  dans  leur  Monaftcre,  en  leur  don- 
nant 1  habit  Monaflique,  tout  le  temps  qu'ils  auront  une  Egli- 

K  K  K  K  ij 


628  D  E  S    C  0  N  C  I  L  E  S 

fe  de  leur  Or  Jre  où  ils  puiffent  m  ncr  la  vie  de  Chano'n:  ré^- 
gulier.  Cette  défcnfc  efl.  faice  fous  peine  d'anathcme. 

d'Emr'e^n  ^^'  ^"  ^'•'°''^  ^^i^  ^^^^  ^  Tulujes  dans  le  Diocèfc  d'EIne 
io6;.  tcm.  p.  un  Concile  en  1047  pour  la  confirmation  de  la  trêve  &  de 
Con;ii.  pag.  j^  p^ix.  On  la  confirma  de  nouveau  dans  le  Concile  qui  y  fue 
afiemblé  en  1065.  Guifioi  Archevêque  de  Narbonne  y  pré- 
fida  ,  alTifté  des  Evcques  de  Girone  &  d'Elne.  Il  s'y  trouva 
plufieurs  Laïques  de  la  première  condition  ;  &  de  concerc 
avec  eux  les  Evêques  réglèrent  comment  cette  paix  &  cette 
trêve  feroient  oblervées.  Les  articles  ont  beaucoup  de  rap- 
port à  ceux  qui  avoient  été  drefles  dans  les  Conciles  précé- 
dcns  5  mais  ils  font  en  plus  grand  nombre.  Ils  ont  été  donnés 
par  M.  Balufe,  &  depuis  par  les  Colletteurs  des  Conciles. 
weftminne?  VI.  L'Eglife  de  "Weftminfter  près  de  Londres  étant  ache- 
eniostf.toni.  vée  ,  le  Roi  Edouard  en  fit  faire  la  Dédicace  le  jour  des  In- 
l'ilû"'^'''  ^*  "ocens  de  l'an  i  c66;  car  en  Angleterre  Panncc  commençcis 
à  la  Fête  de  Noél.  Il  avoit  affemblé  pour  cela  une  Cour  ple- 
niere,afin  que  la  cérémonie  s'en  fit  plus  folemncUement.  Lo 
jour  même  il  fit  expédier  un  Diplôme  dans  lequel  il  dit  qu'il 
a  employé  la  dixième  partie  de  tout  fon  bien,  tant  en  or  qu'en 
argent  &  en  autres  efpcces,  pour  le  rétabliiïemenr  de  cette  Ba- 
filique  ;  qu'il  y  a  mis  quantité  de  Reliques  qui  lui  venoientdu 
Roi  Alfrede  &;  de  Carloman  Roi  des  François  ,  c'eft-à-dirs 
de  Charles  le  Chauve,  dont  Alfrede  ou  Echelvelf avoit  épcu» 
fé  la  fille  en  fécondes  noces.  Entre  ces  Reliques  il  y  avoit  deux 
morceaux  de  la  vraie  Croix  ,  un  morceau  d'un  clou  ,  &  uno 
partie  de  la  tunique  fans  couture.  En  conféquence  des  Bulles 
des  Papes  Léon  IX  &  Nicolas  II ,  il  confirma  les  biens  &  les 
privilèges  de  W^eflminfter ,  même  l'exemption  de  la  Jurif- 
didion  cpifcopale,  avec  la  faculté  aux  Moines  de  fe  choifir 
un  Abbé  fuivant  la  régie  de  faint  Benoît.  Il  y  ajouta  le  droit 
d'azyle ,  le  tout  du  confentement  des  Evêques  &  des  Sei- 
gneurs. Le  Diplôme  fut  foufcrit  par  le  Roi,  la  Reine  Ead- 
githe  fon  époufe  ,  Stigand  Archevêque  de  Cantorbcri ,  Eal- 
red  d'York ,  huit  autres  Evêques  &  fept  Abbés  ;  puis  par  plu- 
iieiirs  Seigneurs,  donc  le  premier  efl:  le  Duc  Harole  qui  fuc- 
ceda  à  ce  Prince  dans  le  Royaume  d'Angleterre.  On  lut  dans 
la  mêiTie  Aflemblée  les  Bulles  de  Léon  IX  &  de  Nicolas  II , 
&  la  Lettre  du  Roi  Edouard  à  ce  dernier  Pape,  parlaqucl- 
le  il  lui  demandoit  la  confirmation  de  tous  les  biens  &  des 
droits  du  Monallere  de  Ni'ellrainfter.  Le  Diplôme  de  ce. 


Depuis  l'an  10^3  jusqu'en  lopp.  Chap.  XXX VT.  (^29 
Prince  dans  les  Imprimés  cil  daté  de  la  vingt-cinquicmc  an- 
née de  ion  régne.  C'ell  une  faute:  on  doit  lire  la  (a)  vingc- 
qu.itriémc  ,  Edouard  n'ayant  régné  que  trois  ans  lix  mois  8c 
vingt-fept  jours, félon  Hoveden  &  les  autres  Ecrivains  An- 
glois.  11  mourut  le  quatrième  de  Janvier  1066. 

VII.  Le  Cardinal  Hugues  le  Blanc,  en  revenant  de  fa  Le-     Corxiies 
gation  d'Efpagne,tint  un  Concile  à  AuchavecrArchevcque  Touîoùfe  tw 
Auftind  ,  fes  Suffragans ,  les  Abbés  &  les  Seigneurs  déroute  lofîs.tom.  9. 
laGafcognc.  On  y  fit  divers  réglcmcns  ,  donc  le  plus  remar-  ^''"'=''-  f^s- 
quable  fut ,  que  toutes  les  Eglifes  du  pays  payeroicnt  à  la 
Cathédrale  le  quart  de  leurs  dixmes.  Mais  Raymond  Abbé 

de  faint  Oreus  ayant  remontré  que  les  Eglifes  dépendantes 
de  Ion  Monaflere  n'avoicnt  jamais  payé  de  dixmes  à  la  Ca- 
thédrale, tout  le  Concile  confirma  cette  exemption  en  l'hon- 
neur de  laint  Oreus,  un  des  plus  célèbres  Archevêques  d'Auchj>. 
&  Patron  de  la  Ville  comme  de  l'Abbaye.  La  même  exemp- 
tion fut  accordée  à  plufîcurs  autres  Eglifes  dénommées  dans 
les  Ades  du  Concile.  Ce  Cardinal  en  affembla  un  la  même 
année  par  ordre  du  Pape  Alexandre  II  à  Touloufe.  Auftind 
Archevêque  d'Auch  y  aflifta  avec  Aymond  de  Bourges  , 
plyfieurs  Evêques ,  Abbés  &  Seigneurs  Laïques.  Divers  Ec- 
cléfiafliques  accufés  de  fimonie  y  furent  traités  fuivant  la  ri- 
gueur ^cs  Canons ,  &  l'on  vint  à  bout  d'extirper  ce  vice. 
Puis  il  ^^^  ordonné  que  l'Eglife  de  Leftoure ,  que  l'on  avoir 
chanc^ée  ^^  Monaftere  fans  aucune  caufe  légitime ,  feroit  ren- 
due à  R'iimond  fon  Evêque,  &  que  l'on  y  remettroit  des 
Clercs  cà  la  place  des  Moines,  à  qui  l'on  permit  de fe  retirer 
où  bon  leur  fembleroit ,  avec  leur  Abbé..  ^^^^^.j^ 

VIII.  Les  tentatives  que  l'on  avoit  faites  en  divers  Con-  d'Ffpagne  en- 
ciles  d'Efoasne  n'ayant  pas  eu  tout  le  fuccès  que  l'on  en  at-  lo*»;  tom.  9;- 
rendoit  ,  on  fit  fur  ce  fujet  de  nouveaux  reglemens  dans  les  np7.P«^;,fi- 
Conciles  d'Aufch  &  de  Girone  ,  tenus  en  cette  même  année  ««■    1064. 
1068.  Il  fallut  encore  de  nouveaux  efforts  pour  obliger  les  '"""'^' 
Eglifes  d'Efpagne  à  quitter  le  Rit  gothique,  &  l'uniformité 

fur  l'ufage  du  R  it  Romain  n'eut  lieu  qu'en  107 1 .  ç,^^^.^^  ^^, 

IX.  Henri  Roi  d'Allemagne  avoit  époufé  en  1066  Berthe  Maycnce  en 
fille  d'Oth  n  .  Marquis  d'Italie.  Ce  mariage  n'étoit  point  de  ip^?  tom.?.- 
fon  choix  ,  il  namia  jamais  ion  Epoule,  &  chercha  tous  les  ,153.     *^  *■ 


(^b^Pagi  ad  an,  lOG-),  tium,  6.  C^  adiw.  1066.  nttm.  x<. 


6-^0  D  E  S    C  O  N  C  I  L  E  S 

moyens  de  s'en  fe'parer.  Trois  ans  après  il  fir  pnrt  defondef- 
fein  à  Sigcfroi,  Archevêque  de  Maycnce  ,  en  lui  prometranc 
récompenle,  s'il  le  faifoit  rcuflfir.  L'Archevêque  le  prêta  à  la 
paffiondu  Prince;  mais  pour  le  faire  avec  décence,  il  voulut  y 
engager  le  Pape  Alexandre  par  une  Lettre  équivoque  qu'il 
lui  écrivit  fur  ce  fujct.  Le  Pape  ne  donna  point  dans  le  piè- 
ge. On  tint  un  Concile  à  Maycnce  ,  où  Pierre  Damicn  fon 
Légat  obligea  le  Roi  de  fe  réunira  la  Reine  Berthe.  On  trou- 
vera toute  cette  affaire  plus  détaillée  dans  les  articles  d'A- 
lexandre Il ,  de  Grégoire  VII ,  &  de  Sigefroi. 
Concile  y^  jj  y  avoir  eu  autrefois  dans  le  Diocèfe  de  Châlons  fur 

1070.  tom. 9.  Saône  un  Monaflere  bâti  par  faint  Gratus,  Evv.qne  de  cette 
Concii.  pag.  Ville,  fous  le  nom  de  faint  Laurent  ;  mais  les  Evêqucs  fes 
Iml'i  lib.e'.  Succeffeurs  en  avoient  ulurpé  les  biens  ,&  laifTé  les  barimcns 
annal,  niim.  tomber  cn  ruinc.  L''Evêque  Achard  fongeaà  les  réiablir,  & 
^"**  à  rendre  à  ce  Monaflere  les  biens  dont  les  Prédéceffeurs  s'é- 

toienc  emparés.  Il  prit  là-deffus  l'avis  de  les  Chanoines,  &  de 
concert  avec  eux  il  foumit  le  Monaflere  de  faint  Laurent  à 
celui  de  faint  Martin  en  Tlfle  Barbe,  dont  Ogerétoit  alors 
Abbé.  Cette  union  fut  propolée  &  ratifiée  par  le  Concile  qui 
fe  célébra  à  Anfe  en    1070.  Humbert  Archevêque  de  Lyon 
y  préfidoif.  Les  aurres  Prélats  du  Concile étoicnt  Hugues  de 
Befançon  ,  Agane  d'Autun ,  Achard  de  Châlons ,  Drogon  de 
Mâcon.  Il  s'y  trouva  ai. ifi  plulicurs  Abbés.  La  condition  de 
l'union  fut  ,  que  l'Abbé  de  Tlflc  Earbe  cntretiendroit  dans 
le  Monaflere  de  faint  Laurent  une  Communauté  régulière. 
L'acte  qui  en  fut  drefle,  &  figné  par  l'Evêque  Achard  &  fes 
Chanoines,  efl  daté  du  26  de  Janvier  de  l'an  107c. 
Conciles  àe     XI.  En  Angleterre   les  trois  Légats  envoyés  par  le  Pape 
d^wfn'dfoV  Alexandre  II,  a  la  prière  du  Roi  Guillaume  ,  prélidercnt  de 
de  Londres  &  fa  part  au  Concilc  qui  fe  tint  à  NV^inchellre  pendant  l'Oda- 
de  PeiireJa  en  yg  ^jg  Pâqucs  de  l'an   1070.  Ccs  Légats  étoienc  Emenfroi 
tom°9.  CoV-  Evêque  de  Sion  en  Italie  ,  Jesn  &  Pierre  Prêtres  de  TEgli- 
cil.pag.iioi.  fe  Romaine.  Le  Roi  fut  prélent  au  Concile.  On  y   dcpofa 
•'^^*  Stigand  Archevêque  de  Cantorberi,  &  plufieurs  de  fes  Suf- 

fragans ,  à  caufe  de  leur  ienorance  &  de  leurs  mauvaifes 
mœurs.  Stigand  étoit  accuféde  parjures  &  d'homicide;  m.)is 
on  inOfla  fur  ce  qu'il  avoir  gardé  l'Evcché  de  Winchcftre 
avec  l'Archevêché  de  Cantorberi;  qu'il  s'étoit  emparé  de  ce 
dernier  Siège  du  vivant  même  de  l'Archevêque  Robert  ,  & 
qu'il  avoit  reçu  le  Pallium  de  l'Antipape  Benoît.  Saint  "^"ul- 


Depuis  l'an  10^3  jusqu'en  1095?.  Chap.  XXXVT.  6)î 

tan  rcpâa  les  terres  de  fon  Eglifequ'Hlfredc  avoir  retenues  en 
pallmt  de  TEvcché  de  Worchellrc  à  l'Evêchc d'York.  Mais ccn 
Archevêque  ctoit  mort ,  &  les  terres  qu'il  avoir  ulurpces  fur 
TEvèquc  de  "Worchcftre  ,    écoient  fous  h  puilfancc  du  Roi  : 
ainfiTon  ne  décida  rien  furcctt.'a[Faire.  AlaPenrccôtcfuivante, 
le  Roi  étant  à  Windfor ,  y  tic  tenir  un  Concile,  auquel  le  Légac 
Emenfroi  préfida  fcul ,  les  deux  autres  Légats  ayant  repris  le 
chemin  de  Rome.  Elgcric  Evêquc  de  Suflcx  fut  dcpofé,  avec 
plufieurs  Abbés.  Le  Roi  donna  l'Evcchc  de  Suflcx  à  Stigand, 
auparavant  Archevêque  de  Cantorberi,  &  cet  Archevêché  à 
Lanfranc  Abbé  de  faint  Etienne  de  Caen.  Orderic  Vital  rap- 
porte la  dépodtion  de  Stigand  au  Concile  de  Windfor ,  &  ne 
dit  rien  de  celui  de  Winchcflre;  mais  l'Hiftoricn  Roger  dif- 
tingue  nettement  ces  deux  Conciles  dans  fes  Annales.  Lan- 
fr.  me  fut  facré  Archevêque  de  Cantorberi  le  ip  d'Août  1070 1 
la  même  année  ilaflcmbla  un  Concile  à  Londres,  oli  il  fut  or- 
donné que  les  Chaires  épifcopales  établies  dans  des  Villages 
ou  en   des  Bourgs,  feroient  transférées  dans  des  Villes.  En     Mahuto»; 
ce  Concile  Lanfranc  à  la  follicitation  du  Roi  Guillaume ,  vou-  i'i>-  6s.a»nai. 
lut  obliger  faine  Wulftan,Evêque  de  Worcheftre  à  fe  démettre  "^l^^^]^J^ 
de  l'Epifcopat  fous  prétexte  d'incapacité.  Le  faint  Evêque  m«?  ,  tom.  9, 
avoua  qu'il  en  étoit  indigne  ;  qu'il  ne  l'avoit  accepté  que  mal-  "'^'"■-  /"'i- 
gré  lui ,  &  par  ordre  du  Saint  Siège  &  du  Roi  Edouard  ; 
mais  il  ajouta  qu'il  ne  remetcroit  le  Bâton  Pafloral  qu'à  celui 
de  qui  il  l'avoit  reçu.  Sur  le  champ  il  alla  au  tombeau  de  ce 
Prince,  &  après  l'avoir  fait  fouvenir  de  la  façon  dont  il  l'a- 
voit charge  de  l'Epifcopat,  &  lui  avoir  expofé  comment  on 
vouloir  l'en  dépouiller  ,  il  ficha  fon  Bâton  fur  le  tombeau  ,  '^ 

mit  bas  fes  ornemens  pontificaux  ,  reprit  fes  habits  de  Moi- 
ne, &  s'afljt  avec  les  Moines.  Gundulfe  Evêque  de  Aoife 
envoyé  pour  rapporter  le  Bâton  Paftoral ,  ne  put  l'arracher. 
Lanfranc  étonné  accourut  au  tombeau  avec  le  Roi,  &  les  Evo- 
ques firent  des  efforts  aufli  vains.  On  pria  faint  Vulllan  de 
l'arracher  ,  &  il  le  fit  dans  le  moment.  Lanfranc  fe  jetta  à  fes 
pieds,  lui  demanda  pardon  ,  &  le  traita  depuis  avec  beau- 
coup d'honneur.  On  convient  qu'en  cette  occafion  Lanfranc 
fe  reffentit  de  la  foibleflTe  humaine  ,  moins  en  écoutant  trop 
la  volonté  du  Roi ,  à  qui  il  réfifta  plus  d'une  fois  en  de  pareil- 
les rencontres  ,  qu'en  ne  faifant  pas  affez  d'attention  à  la- 
fcience  eccléfiaflique  néceflaire  à  un  Evêque.  Carencorcque 
feint  Vulflan  ne  fût  point  inftruit  des  fcicnces  profanes  ,  il 


fJ32  DESCONCILES 

reçoit  de  la  difciplinc  de  l'Eglife  ;  &    ce  fut  à  lui  que  faînt 
Anlelmc,  SuccefTeur  de  Lanfranc,  s'adreffa  dans  une  contefta- 
tion  qu'il  eut  avec  l'Evcque  de  Londres  au  fujet  de  la  confé- 
crarion  d'une  Eglife  dans  ce  Diocèfe.  Lanfranc  termina  avec 
les  Rois  &  les  Evêques  du  Concile  de  Pedrada ,  la  difficulté 
qui  avoit  été  mue  au  Concile  de  Vincheftre  couchant  les  ter- 
res que  le  défunt  Archevêque  d'York  avoit  ufurpées  fur  î'E- 
vêché  de  Worcheftre  ,  que  Thomas  confacré  nouvellement 
Archevêque  d'York  vouloir  apparemment  revendiquer.  C'eft 
Concîlesde  tout  ce  que  l'on  fçait  de  ce  Concile. 
Rouen  ^^' de      ^^^'  ^^  ^  P^^^^  ailleurs  des  procédures  contre  Charles 
Vindfor/en     Evêque  de   Confiance  ,  faites  au  Concile  de   Mayence  en 
1071.  I07Z.  iQy-2_  j  des  Canons  du  Concile  de  Rouen  fous  Jean  de  Bayeux 
cTpt'iio!}'  Archevêque  de  cette  Ville,  &  des  difficultés  mues  en  Angle- 
\iS  tom.  Con-  terre  en  1072  au  fujet  de  la  Primatie   de  l'Archevêque   de 
r:7   Ko;W  Cgn^Qj-beri  fur  l'Archevêque  d'York.  Jean  de  Bayeux  af- 
Voyez  itsar-  lembla  cn  1074 un  lecond  Concile  a  Rouen,  ou  Ion  ht  en- 
ticies  d'Aie-  ç^q^^  quatorze  Canons.  Nous  avons  rapporté  les  plus  remar- 

xandre  II  ,  de  1  1  ti  •  i  "  ir-il         1'  ' 

sigefroi  de    quablcs.  11  yen  avoit  eu  un  autre  cn  la  même  ViUe,  l  année 
Mayence,  &  précédente,  au  fujet  du  tumulte  arrivé  dans  l'Eglife  de  faint 
Rou/nT  ^^  ^"^"-  L'Hiftoire  du  Pontificat  de  Grégoire  VII  nousa  auffi 
engagé  à  parler  d'un  grand  nombre  de  Conciles  auxquels  il 
eut  part ,  ou  par  lui-même  ,  ou  par  fcs  Légats,  ou  dont  il  fut 
l'occafion.  Tels  font  ceux  de  Lyon  ,  d'Erford,  de  Rome  ,  de 
Vormes ,  de  Pavie  ,  de  Tribur,  de  Forchcim,  de  Mayence  , 
de  Brixen  ,  &  il  efl;  inutile  de  répéter  ce  que  nous  en  avons 
dit.  Dans  fa  Lettre  (  «)  à  Girald,  Evêque  d'Oflie,  fon  Légat 
en  France,  il  fe  plaint  qu'il  ne  lui  a  pas  envoyé  le  dérail  de 
ce  qui  s'étoit  palté  en  un  Concile  de  Gafcogne  tenu  dans  la 
Métropole  d'Âuch  en  1075.  Il  paroîc  que  ce  Concile  fut 
nombreux,  &  qu'on  y  traita  bcaucotip  d'affaires.  Plufieurs  Evê- 
ques y  furent  excommuniés,  d'autres  dépofés.  Ils  en  portèrent 
leurs  plaintes  à  Rome.  Le  Pape  informé  que  Guillaume  Ar- 
chevêque d'Auch  n'avoit  encouru  l'excommunication  que  pour 
avoir  communiqué  avec  des  Excommuniés ,  le   rétablit  dans 
fes  fondions. 
Concile  de      XIII.  Le  Légat  Girard  avoit  convoqué  la  même  année  par 
iaonrVs   ordre  du  Pape  Alexandre  un  Concile  à  Châlons  fur  Saône. 


(f)  Cre^or,  m.  j.  Epifl,  lé.  ^  tcm,  10,  CtiiiciU  pag.  1811, 

Rccicn 


Depuis  l'an  io<^3  jusqu'en  lopp.  Chap-XX^VT.    (^35 
Roclcn  qui  en  croit  Evoque,  paflbit  pour  trcs-in{lruit  dansGencs.tfeBs- 
Ics  l'ainrcs  Lettres.  Les  Hiftoricns  du  temps  fc  font  moins  ap-  "'^■^^"'  '^" 
pliqucs  a  rapporter   les  Atlcs  de  ce  Concile,  que  ce    qui  le  107y.tom.10. 
luivit  y  c'cft-à-dire  le  choix  que  l'on  fit  de  Hugues  Chambrior  ^'"":''-  P'g- 
de  Lyon  pour  Evêque  de  Die  ,  à  la  place  de  l'Evêquc  Lan- j/'pàg.j'^j"^ 
celin  convaincu  de  (îmonic.  On  peut  voir  dans  l'article  de  >8i3.m.i/'<7/. 
faint  Anlelme  de  Luqucs  ce  qui  fe  palTa  à  fon  occaliondans  ''t'  ^'^'  e"' 
le  Concile  tenu  a  Saint-Cenes  en  1074.  Il  avoit  ctc  rcglc  dans 
les  Conciles  de  Bénévent  fous  l'Archevêque  Udalric  en  1061, 
&  1062  ,  que  les  deux  Eglifcs  ufurpces  par  TEvêque  deDra- 
gonara  lur  le  Monaftere  de  fainte  Sophie  ,  lui  fcroient  ren- 
dues. Cet  Evèquc  ne  s'en  étant  point  tenu  à  ce  règlement , 
Milon  SuccefTeur  d'Udalric  prit  la  défenfe  des  droits  de  ce 
Monallere  dans  un  troifiéme  Concile  afîcmblé  à  Bcnévenc 
en  107  5  ;  on  les  Ht  confirmer  par  un  Décret  Synodal  ,  au- 
quel onze  Evoques  foufcrivircnt  avec  plufieurs  Abbés.  ConcHes 

XIV.  Après  que  Guillaume  le  Conquérant  fe  fut  mis  en  (^'Angleterre 
poflefTion  du  Royaume  d'Angleterre  ,  plufieurs  de  ceux  qui  ^"^^?J^*i!°j'^' 
î'avoienc  aide  à  le  conquérir,   voulant  partager  avec  lui  les  pag.  346.  W 
fruits  de  la  vi£loire,  s'emparèrent  des  terres  des  vaincus  ,  &  ^'^'"^''''    ''*• 
attentèrent  à  l'honneur  des  Matrones  &  des  Vierges.  Elles  »t„t'"îo^, 
prirent  le  parti  de  fe  réfugier  dans  les  Monafteres  de  Filles , 
&  y  demeurèrent  jufqu'au  rétablificment  de  la  tranquillité  & 
du  bon  ordre  dans  cet  Etat.  Il  fe  tint  alors  un  Concile  géné- 
ral ,  où  l'on  agira  la  quefiion  fi  l'on  devoir  obliger  celles  qui 
ne  s'étoient  retirées  dans  les  Monafieres  que  pour  y  mettre 
leur  honneur  à  couvert ,  à  prendre  le  voile  j  &  il  fur  décidé  , 
de  l'avis  de  Lanfranc,  qu'on  ne  le  pouvoir  ,  à  moins  qu'elles 
ne  le  demandaffent  elles-mêmes.  L'année  de  ce  Concile  n'efl 
point  marquée,  mais  on  ne  peur  le  mertre  avant  l'an  1070  , 
puifque  Lanfranc  ne  fur  fait  Archevêque  de  Cantorberi  qu'au 
mois  d'Août  de  cette  année-là.  Il  en  fit  tenir  un  à  Londres 
en  1075,  où  fe  trouvèrent  quatorze  Evêques  &  plufieurs  Ab- 
bés. L'Evcché  de  RofFou  Rochefter  étoir  vacanr ,  &  l'Evêque 
de  Dunclme  ou  Lindisfarne  ne  pur  y  venir.  Celui  de  Cou- 
tances  ,  quoiqu'étranger  ,  y  fut  admis  à  caufe  qu'il  poffédoiç 
quantité  de  terres  en  Angleterre.  On  travailla  dans  ce  Conci- 
le au  rétablificments  de  la  Difcipline  ,  qui  avoit  ;  fouffert  de 
grands  aftoiblinemcnt  depuis  l'interruption  des  Conciles  j  & 
parce  qu'on  ne  fc  fouvenoit  pas  du  rang  que  dévoient  tenir 
les  Evêques,  il  fut  ordonné  que  chacun  feroit  aiïis  fuivant  le 

Tome  XXllL  LUI 


6i4-  DES    CONCILES^ 

temps  de  fon  Ordination  :  ce  qui  fu:  oblcrvé  même  à  l'égard 
de  l'Evêquc  de  Courances.  Mais  on  en  ufa  autrement  envers 
ceux  qui  firent  preuve  de  leurs  privilèges.  Dans  ce   nombre 
d'Evêqucs  il  y  en  avoir  trois  qui  tenoient  leurs  Sièges  dans 
des  Villages  :   on  leur  permit  de  pafler  dans  des  Villes.  Le 
Concile  renouvella  plufieurs  anciens  Canons  touchant  les  ma- 
riages dans  les  degrés  de  conianguinitc.  Il  défendit  diverfes 
fuperflitions ,  encr'autres  de  fufpendre  en  certains  lieux  les  os 
des  bêtes,  feus  prétexte  de  préferver  les  autres  de  contagion  ; 
aux  Clercs  de  prendre  part  à  un  Jugement  tendant  à  la  mort 
ou  à  la  mutilation  des  membres  ;  aux  Moines  de  pofTéder 
quelque  chofe  en  propre  ,  fous  peine  d'être  privés  de  la  fé- 
pulture,  au  cas  qu'ils  ne  l'euflcnt  pas  rendue ,  &  ne  fe  fuffenc 
point  confefles  de  cette  faute   avant  leur  mort.  Le  Concile 
ordonna  que  la  Réglede  laint  Benoît  feroitobfervée  dans  les 
Monafteres  ,  8c  qu'il  y  auroit  des  Maîtres  pour  enfeigner  la 
Jeunelfe. 
v/°nd'e"re'^^      XV.  La  colledion  générale  des  Conciles   préfente  trois 
en  1 07 6.  t.    Exemplaires  différens  des  A£tes  de  celui  de  Londres,  mais 
ïo.  Concil.    q^j  f-Qj^j.  ]çg  mêmes  pour  le  fond.  Elle  en  met  deux  pour  celui 
53-3.^    *      de  \vincheflre  en  1076.  L'Archevêque  Lanfranc y  préfida, 
&  Wulftan  Evêque  de  Worcheftre  fut  du  nombre  des  Pré- 
lats qui  y  aiïifterent.  Les  Canons  de  ce  Concile  font  divifés 
en  trois  parties,  &  précédés  d'un  Décret  portant  dcfenfe  aux 
Chanoines  &  aux  Prêtres  de  la  campagne  d'avoir  des  fem- 
mes; &  aux  Evêques  d'ordonner  ni  Prêtres, ni  Diacres,  qui 
ne  faffenc  auparavant  profeflîon  de  continence ,  dans  les  ter- 
mes qui  y  font  rapportés.  Les  treize  Canons  de  la  première 
Partie  défendent  la  fimonie  dans  les  élections  d'Evêques  8c 
d'Abbés,  &  dans  les  Ordinations  ;  ils  prefcrivent  la  tenue 
des  Conciles  deux  fois  l'année  ,  le  paiement  des  dixmes,  le 
refpciSl  pour  les  Clercs  &  pour  les  Moines.  Il  eft   défendu 
dans  la  féconde  Partie  de  pofleder  en  même  temps  deux  Evê- 
chés  ;  d'avoir  d'autres  Autels  que  de  pierres  ;  de  célébrer  la 
MclTe  avec  de  la  bierre  ou  de  l'eau  feule  ;   d'adminiftrer  le 
Baptême  en  d'autres  temps  qu'à  Pâque  &  à  la  Pentecôte  , 
s'il  n'y  a  danger  de  mort  ;  de  célébrer  la  MefTe    dans  une 
Eglife  non  confacrée  par  l'Evêque;  d'enterrer  dans  lesEgli- 
fes  ;  de  fonner  la  cloche  pendant  la  récitation  du  Canon  ,  de 
fe  fervir  de  calices  de  bois  ou    de  cire.  La  troifiéme  Partie 
contient  les  réglemens  pour  la  pénitence  de  ceux  qui  ont  tué 


Depuis  l'an  10^3  jusqu'en  109p.  Chap,  XXXVI.  6]^ 
des  hommes  à  la  guerre.  Celui  qui  en  avoit  tué  un ,  dévoie  fai- 
re pénitence  pendant  un  an;  c'efl-à-dirc  qu'on  lui  impoloit 
autant  d'années  de  pénitence  qu'il  avoit  tué  d'hommes. 

XVÏ.  On  a  mis  à  la  luitc  de  ce  Concile  la  formule  du  fer-  Ro^oTEvé- 
ment  que  Robert  Evoque  de  Chartres  fit  au  mois  d'Avril,  Tan  que  de  Char- 
107^,  fvir  le  corps  de  faint  Pierre,  qu'il  rcnonceroit  à  cet  ""» '*'''• 
Evêché  qu'il  avoir  envahi  par  ambition.  Etant  de    retour  en 
France  il   refufa  d'accomplir  fa  promcfTe  ,   quoiqu'il  en  fût 
admoneftc  par  le  Légat  Hugues.  Le  Pape  Grégoire  VII,  pour 
punir  Robert  de  fon  parjure  ,  écrivit  (  ^  )  au  Clergé  8c  au 
Peuple  de  Chartres  de  ne  le  plus  reconnoître  pour  Evêque  , 
&  d'en  élire  un  autre  à  fa  place  ;  par  une  autre  Lettre  il  ordon- 
na càRicher,  Archevêque  de  Sens  ,  de  facrer  celui  que  le 
Clergé  &  le  Peuple  auroient  choiO. 

XVn.  Le  même  Légat  en  exécution  des  ordres  de  ce  Pa-  j^^^""^''^* 
pe  affembla  en  France  pluficurs  Conciles.  Hugues  de  Flavi-  1077. 
gni  en  compte  jufqu'à  quatre  en  1077,1e  premier  à  Anle,donc 
les  Ades  font  perdus.  Il  femble  que  ce  fut  dans  ce  Concile 
qu'il  promut  aux  Ordres  Jarenton,  qui  de  Prieur  de  la  Chaife- 
Dieu  j  devint  Abbé  de  faint  Bénigne  de  Dijon.  Le  fécond  à 
Clermont  en  Auvergne  ,  où  Etienne  Evêque  de  cette  Ville 
fut  dépofé  pour  avoir  abandonné  fon  Eglife  &  s'être  emparé 
de  celle  du  Puy;  on  y  dépofa  aufli  Guillaume  qui  avoit  en- 
vahi le  Siège  épifcopal  de  Clermont ,  &  avoit  donné  de  l'ar- 
gent pour  y  parvenir  :  Durann  Abbé  de  la  Chaife-Dieu  fut 
fait  Evêque  à  fa  place.  Le  troifiéme  fe  tint  à  Dijon  *,  le  Légat 
y  dépofa  les  Simoniaques,  &  leur  fubflitua  des  Clercs  ortho- 
doxes. Le  quatrième  fut  tenu  à  Autun  du  confentement  de 
Hugues  I,  Duc  de  Bourgogne.  Il  s'y  trouva  grand  nombre 
d'Evêques  ,  de  Clercs  ,  d'Abbés ,  de  Moines.  Manafsès  Ar- 
chevêque de  Rheims  y  fut  accufé  par  fon  Clergé  comme  fi- 
moniaque  &  ufurpateur  de  cette  Eglife.  On  l'appella  au  Con- 
cile pour  répondre  aux  accufations.  N'ayant  point  comparu  , 
on  le  fufpcndit  de  fes  fondions.  Pour  fe  venger  de  fes  accu- 
fateurs,iî  brifa  leurs maifons ,  pilla  leurs  biens  ,  &  vendit 
leurs  Prébendes.  Le  Siège  de  Lyon  étoit  vacant  par  la  retrai- 
te de  l'Archevêque  Humbert;  on  élut  pour  le  remplir  Ge- 
bouin  Archidiacre   de  Langres ,  qui  avoit  accompagné  fon 


(  d  ]  Cregor,  1 1.  Hl,,  4.  Bpijl.  X^î^  Ij, 

L  111  ij 


6^6  DESCONCTLES 

Evêqueen  ce  Concile.  L'Abbaye  de  faint  Bénigne  de  Dijonr 
étoic  aufTi  vacante  par  la  mort  d' Adalberon  ,  &  elle  avoir  be- 
foin  d'un  homme  de  poids  pour  y  rétablir  les  biens  &  Pobfcr- 
vance.  L'Evêquc  de  Langres  propofa  Jarenton  Prieur  de  la 
Chaile-Dieu  i  il  fut  accepté  des  Moines  de  faint  Bénigne.  Di- 
vers Evêqiies  de  France  accufés  de  iimonie ,  ou  promus  ir- 
régulièrement à  l'Epifcopatjfurent  jugés  dans  le  même  Concile, 
&  Ton  y  traita  plulîcurs  affaires  pour  l'utilité  de  l'Eglife.  Hu- 
gues rendit  compte  au  Pape  Grégoire  VU  de  tout  ce  qui  s  e- 
toit  palTé  dans  ces  Conciles ,  &  il  eut  foin  de  l'avertir  que 
l'Archevêque  de  Bourdeaux  n'étoit  venu  nia  celui  de  Cler- 
mont ,  ni  à  celui  d'Autun  ;  que  l'ayant  fufpendu  de  fes  fonc- 
tions ,  parce  qu'il  ne  s'étoit  point  excufé  canoniquement  ,  il 
n'avoit  pas  laiflc  de  les  exercer ,  au  mépris  de  fa  cenfure. 
Concile  de      XVIII.  Il  rendit  auflTi  compte  au  Pape  du  Concile  tenu  à 
loTfora  0  l'oi^ers  le  quinzième  de  Janvier  1078  ,  des  oppofitions  que 
Conc'il.  p'ag.'  Philippe  Roi  de  France  y  forma  ;  de  la  conduite  irrégulierc 
366.  qy^y  tinrent  l'Archevêque  de  Tours  &  l'Evêque  de  Rennes  , 

&  de  l'infulte  qu'ils  lui  firent.  Comme  l'Archevêque  refufoic 
de  lui  en  faire  fatisfaftion  ,  il  le  fufpendic  de  fes  fondions  : 
mais  l'Archevêque  en  appella  au  Saint  Siège.  Le  Concile  dé- 
pofa  l'Abbé  de  Bergues  convaincu  de  fimonie.  On  en  accufa 
auin  l'Evêque  de  Beauvais  &  celui  de  Noyon.  Le  Légat  ren- 
voya au  Pape  le  jugement  de  leur  caufe ,  &  de  ceux  qui  les 
avoient  ordonnés.  II  fe  plaignoit  dans  Hi  Lettre ,  qu'au  lieu  de 
punir  ceux  qui  avoient  été  condamnés  dans  les  Conciles  pré- 
cédens ,  Grégoire  VII  leur  faifoit  grâce:  ce  qui  les  rendoit 
plus  infolens.  En  effet  le  Pape  (e)  rétablit  dans  fon  grade 
&  dans  fes  fondions  Manalsès  Archevêque  de  Rheimsj  il 
en  ufa  de  même  à  l'égard  de  l'Archevêque  de  Befançon , 
quoiqu'il  ne  fût  venu  ni  au  Concile  d'Autun  ni  à  celui  de  Poi- 
tiers ;  &  à  l'égard  de  Richer  Archevêque  de  Sens ,  &:  de  quel- 
ques autres  condamnés  comme  coupables  par  le  Légat.  Il  efl 
parlé  du  Concile  de  Poitiers  dans  (/)  les  Lettres  de  Grégoire 
VII }  ainfi  on  ne  peut  le  mettre  avec  Baronius  &  Binius  à  l'an 
1 1 00.  On  y  fit  dix  Canons.  Le  premier  défend  aux  Evêques, 
aux  Abbés  &  autres  Eccléiiafliques ,  de  recevoir  les  invefîitu- 
res  des  Rois  &  des  autres  Laïques  ;  &  aux  Laïques  de  les 


Cun.  I. 


(  t  )  Grej.  lib.  ;.  £/>./?.  17.     (  /)  ÏJ,  lib.  6.  Epifî.  8  ij  40, 


Car). 

^ 

Cm. 

5- 

C.,n. 

4. 

Caii, 

5' 

Depuis  l'an  io6-^  jusqu'en  lopp.CHAP.  XXXVI.    ^-^y 
donner  ,  Ions  peine  d'excommunication  8c  d'interdit    des 
Eglilcs  ;  le  fécond  de  pofl'éder  deux  Bcnéllces  à  la  fois  ,  & 
d'en  acquérir  par  argent;   le  troificmc  ,  de  prétendre  à  des 
biens  eccléliaftit]ucs   par  droit  de  conlannuinlté   ou  d'héré- 
dité i  le  t]u.uriéme  de  recevoir  des  préiens  pour  l'Ordination 
&  pour  la  bénéditlion  d'une  Eglile  eu  de  toute  autre  chofc.  Par 
le  cinquième  il  c(l  défendu  aux  Abbés  &  aux  Moines  d'impo- 
fcr  des  pénitences ,  fi  ce  n'ed:  par  commidion  de  l'Evêcjue. 
Le  lîxiémc  défend  aux  Moines  &aux  Chanoines  de  fe  pro-     (-^„^  ^^ 
curer  une  nouvelle  Eglile  par  argent ,  ou  aurrem.cnt ,  fans  le 
confentement  de  l'Évcque  Diocéfain.  Le   feptiéme  ordonne     Cau.y, 
aux  Abbés  &  aux  Doyens  de  fe  faire  promouvoir  à  la  Prctri- 
fe  ;  aux  Archidiacres  de  prendre  le  Diaconat,  8c  aux  Archi- 
prêtres  laPrêtrife,  fous  peine  de  perdre  leur  dignité.  Le  huitie-     C.w.  8. 
me  défend  de  promouvoir  aux  Ordres  facrés  les  fils  des  Prêtres 
&  ceux  qui  font  nés  de  fornication  ,  s'ils  ne  fe  font  Moines 
ou  Chanoines  réguliers  ;  mais  ils  ne  pourront  être  élevés  à  la 
Prélature.  Le  neuvième  interdit  les  concubines  aux  Prêtres  ,     <-     „ 
aux  Diacres ,  aux  Soudiacres ,  &  la  demeure  avec  des  pcrfonnes 
du  fexe  capables  de  répandre  fur  eux  de  mauvais  foupçons. 
On  excommunie  dans  le  dixième  les  Clercs  portant  armes  ,  &     c.w.  lo. 
les  ufuricrs. 

XIX.  Il  y  eut  en  107p.  un  Concile  à  Bourdeaux  ,  au-     condies 
quel  préfiderent  Amé  Evcque  d'Oleron  &  Hugues  de  Die  ,  ''e  Bourdeaux 
Légat  du  Pape:  il  s'y  trouva  plufieurs  Evêques,   des  Abbés  ^''o'°''^'   ^ 
&  des  Clercs,  (juillaume  Comte  de  Poitiers  &  Duc  de  toute  10.  Concii. 
l'Aquitaine  fe  préfenta devant  l'Afl^emblée  ,  &  demanda  qu'il  p^^- .  ?^ '•  ^ 
lui  fut  permis  de  fonder  un  Monafîerc  où  l'on  fît  des  prières  i^.'uu'm!  l-j. 
pour  fon  fallir.  Les  Evêques  approuvèrent  fon  deffein  ,  &  il 
fut  convenu  que  l'on  prendroic  pour  cela  une  Eglife  du  Dio- 
cèfe  de  Saintes  entièrement  négligée,  où  repofoit  le  corps  de 
l'Evêque   faint  Eutrope.  On  y  mit  des  Moines  de  Clugni , 
mais  ce  ne  fut  que  deux  ans  après.  Le  Duc  Guillaume  fonda 
aufi!î  le  Monaftere  de  Scaune-Majour ,  qu'il  exempta  de  tou- 
te fervitude.  Il  fit  confirmer  cette  fondation  dans  un  Conci- 
le de  Bourdeaux  en  1080.  On  en  tint  donc  deux  de  fuite  en 
cette  Ville.  L'Anonyme  de  Maillezaisen  parle  dans  fa  Chro- 
nique fur  cette  année,  &  dit  que  Berenger  y  rendit  compte  de 
fa  dodrine ,  &  que  Hugues  Abbé  de  faint  Léger  y  fut  dépo- 
fé.  Dès  le  Pontificat  d'Alexandre  II ,  les  Moines  de  Sainte 
Croix  de  Bourdeaux  ayoient  difputé  à  ceux  de  faint  Sévère 


^■^S  D  E  s    C  O  N  C  I  L  E  s 

la  poflenion  de  l'Eglife  de  fainte  Marie  de  Solec.  Grégoire 
VII  chargea  fes  deux  Légats  Amé  &   Hugues  de  terminer 
cette  conteftation  ,  &  ils  adjugèrent  gain  de  caufe  aux  Moi- 
nes de  lainte  Croix  dans  le  premier  de  ces  dvux  Conciles,' 
On  a  (  g)  encore  la  Sentence  qu'ils  rendirent  iur  ce  fujet. 
Concile  de      XX.  Le  Légat  Amé  fut  envoyé  h  même  année  1075?  par 
io79^tom.io  '"^  P^P^  ^^  Baffe- Bretagne,  pour  y  réformer  certains  abus  fur 
Concii.  pag.  l'adminiftration  de  la  Pénitence.  On  donnoit  fans  aucun  dé- 
^^r'iiù  ^!''  '^^  l'abfolution ,  même  aux  pécheurs  publics   ,  quoiqu'ils  per- 
Ep'jh  10,      féveraffent  dans  leurs  mauvaifes  habitudes.  Grégoire  VII  en 
écrivit  lui-même  aux  Bretons,  leur  fit  voir  qu'une  telle  pé- 
nitence étoit  illufoire,  &  que  pour  obtenir  la  rémifllon  de  fes 
péchés ,  il  falloit  recourir  à  l'origine  de  la  foi ,  c'efl-à-dire  ac- 
complir ce  qu'on  avoit  promis  dans  le  Baptême,  renoncer  au 
diable  &  à  fes  pompes  ,  croire  en  Dieu  ,  &  accomplir  fes 
commandemens. 
Concile  de      XXI.  Il  avoitété  réfoluau  Concile  de  Rome  en  1078  d'en- 
Wiribourg     Yoyer  des  Légats  en  Allemagne,  afin  d'y  rétablir  la  paix  par 

en    1080.     t.      ,        ;'.p  1  1         •  1  1  ^  -r.  .  I        T-i,  .  I        tT 

10.  Concii.     la  ailcuilion  du  droit  des   deux   Partis  de  Henri  &  de  Ro- 
pag.  j8;.      dolphe.  En  conféquence  le  Pape  Grégoire  VII  écrivit  (A) 
aux  Evêques  &aux  Seigneurs  du  Royaume  Teutonique,  de 
tenir  une  affemblée  ,  où  il  fe  trouvât  de  part  &  d'autre  des 
perfonnes  favorables  à  ces  deux  Princes.  Les  Légats  nom- 
més pour  s'y  rendre,  étoientles  Evêques  de  Padoue&  d'AI- 
bane.  Ils  tinrent  le  Concile  à  Wirzbourg.  On   ne  fçait  pas 
bien  ce  qui  s'y  paffa  :  mais  il  paroît  (?)que  le  Roi  Henri 
trouva  le  moyen  de  rendre  cette  conférence  inutile  ;  &  que 
ce  fut  une  raifon  au  Pape  de  déclarer  qu'il  avoit.encouru  l'ex- 
communication dont  on  l'avoit  menacé  dans  le  Concile  tenu 
5  Rome  au  commencement  de  l'an  1080.  Cette  cenfure  fut  fi 
fenfible-à  ce  Prince  &  à  fes  Partifans, qu'ils  ne  balancèrent 
plus  à  choifir  un  autre  Pape.  Ils  s'affemblercnt  (  fe  )  d'abord 
à  Mayence,  puis  à  Brixen,  où  ils  élurent  Guibert  Archevêque 
Con-ilec  (le  ^^  Ravcnne  fous  le  nom  de  Clément  III. 
Lyon^  d'Avi"-      XXII.  Grégoire  VII  avoit  renvoyé  à  Hugues  de  Dié ,  fon 
gnon  &  de    Légat,  le  jugement  d'une  conteftation  entre  l'Archevêque  de 
joRo!  fom.   Lyon  &  l'Abbé  de  Clugni.  Hugues   indiqua  cà  cet  effet  en 
10  Concii.     I  080  un  Concile  à  Lyon,  ou  Manafscs  de  Rheims  fut  appelle 


p<ig.  390. 


(g")  M-'l'ill.  in  Appeiid,  tom.  <;.  animl.  fng.  6^1.    (i)Tom.^.  C^ncil.^  p.jj.  384. 
ik  )  Grf^or.  lib.  ;.  Efiji.  i  y.  (  1^)  Tom.  19.  Concii.  prtg.  jSi.  jSp, 


Dkputs  i.'an  10^3  jusqu'en  10519.  Chap.  XXXVI.  ^39  ' 

{jour  ic  julUficr.  Cet  Archevêque  fit  offrir  au  Légat  trois  cens 
ivres  d'or ,  &  des  prcfens  confidcrablcs  à  fes  Domcftiqucs  , 
pour  obtenir  de  fc  juftificr  par  ferment  avec  lix  de  les  Sulfra- 
gans  ,  promettant  que  pcrlbnne  ne  fcroit  informe  de  cette 
convention.  Mugues  ayant  rejette  toutes  ces  oihes,  Manaffès 
ne  crut  point  devoir  aller  au  Concile  de  Lyon,  &  fe  conten- 
ta d'envoyer  une  apologie  au  Légat.  Il  y  fut  dcpofé  ,  8c  le 
Pape  confirma  ce  jugement  au  feptiéme  Concile  de  Rome. 
Hugues  dépofa  aufli  dans  un  Concile  tenu  à  Avignon  la  mê- 
me année  ,  Achard  ulurpateur  du  Siège  d'Arles  ,  &  Gibelin 
fut  élu  à  fa  place.  On  élut  dans  le  même  Concile  de  Lyon 
Lantelme  Archevêque  d'Embrun ^  Hugues  Evêque  de  Gre- 
noble &  Didier  de  Cavaillon:  le  Légat  les  mena  à  Rome,  où 
ils  furent  facrés  par  le  Pape.  On  met  vers  le  même  temps  un  ^^.^ 
Concile  à  Sens  fous  l' Archevêc^uc  Richer ,  les  Actes  n'en  font  1816.  ' 
pas  venus  julqu  à  nous. 

XXIIL  Ce  fut  encore  en  1080  que  fe  tint  le  Concile  ^^  j..C°|^"^':^J^^^^^ 
Lillebonne  en  Normandie  par  ordre  de  Guillaume  Roi  d'An-  ,^80, 
gleterre.  Ce  Prince  y  aflifta  avec  les  Comtes  &  les  autres  Sei- 
gneurs du  Pays.  Guillaume  Archevêque  de  Rouen  y  préfida  ; 
il  s'y  trouva  plufieurs  Evêques  &  plufieurs  Abbés ,  &  on  y  lit 
treize  Canons.  Les  Evêques  &  les  Seigneurs  maintiendront     ^''"'  '"' 
la  Trêve  de  Dieu  ,  en  employant  les  ccnfures   &  les  autres 
peines  contre  les  prévaricateurs.  Ils  feront  exécuter  les  Ca-     Cnn,.i/ 
nons  cà  l'égard  de  ceux  qui  ont  époufé  leurs  parentes.  Tous     cm.  ;. 
ceux  qui  font  engagés  dans  les  Ordres  ,  les  Chanoines  &  les 
Doyens  ,  n'auront  aucune  femme  avec  eux.  Il  eft  défendu  aux     ç^^^_ 
Laïques  de  rien  prendre  des  revenus  des  Eglifes,  des  Dix- 
mes  &  des  Sépultures ,  ni  d'exiger  d'un  Prêtre  des  fervices 
qui  le  détournent  de  fon  miniftere.  On  défend  pareillement     Can.  j. 
aux  Evêques  &  à  leurs  Minières  d'obliger  les  Prêtres  à  d'au- 
tres redevances,  qu'à  celles  qui  leur  font  dues  juftement,  & 
de  les  condamne?  à  des  amendes  à  caufe  de  leurs  femmes. 
Les  Archidiacres  vifiteront  une  fois  l'année  les  vêtemens  ,     c.î«.  ér 
les  calices  &  les  livres  des  Curés  de  leur  dépendance  :  une 
fois  chaque  année  vers  la  Pentecôte  ,  les  Cure's  viendront  en 
procelTion  à  TEglife  Cathédrale,  où  ils  offriront  de  quoi  en- 
tretenir le  luminaire.  11  n'efl:  point  permis  à  un  Laïque  de     Cru. 7* 
commet. re  un  Prêtre  à  la  defferte  d'une  Eglile  ,  ni  de  la  lui 
ôterfansle  conlcntement  del'Evêque.Si  l'on  donne  une Eglife    o».  8. 
à  des  Moines ,  le  Prêtre  qui  la  deflervoit  n'en  fouffrira  aucua 


<^4o  D  E  S   C  O  N  C  r  L  E  S 

Cun.  9.      préjudice  :  il  tirera  pendant  fa  vie  ce  qu'il  en  tiroît  avant  CQt^ 
c»«  II.     ^^  donation  ;  mais  après  fa  mort  l'Abbé  aura  droit  de  préfcn- 
ter  à  l'Evcque  un  Prêtre  capable,  à  qui  il  fournira ,  des  biens 
de  l'Eglife ,  de  quoi  s'entretenir  décemment  8c  pour  faire  fon 
fcrvice.  Si  l'Abbé  lui  refufe  fa  fubliflance,  il  y  fera  contraint 
par  l'Evêque.  Le  dernier  Canon  règle  les  cas  dans  lefquels 
les  amendes  impofées  aux  coupables  ,  appartenoient  aux  Êvê- 
ques.  Suit  le  Décret  du  même  Concile  où  font  marquées  les 
pénitences  que  l'on  impofoit  à  ceux  qui  rompoient  la  trêve  de 
Dieu  depuis  le  foir  du  Mercredi  jufqu'au  Lundi  matin.  On  a 
mis  enfuite  l'Afte  de  l'élcdion  de  Vauthier  Evêque  de  Châ- 
Conciies     ^°"^  ^""^  Saône ,  en  1 080. 
deLangrcs,ce      XXIV.  Quclqucs-uns  mettent  un  Concile  à  Langres  la 
Meaux  '  dt^    même  année ,  auquel  ils  difent  que  le  Légat  Hugues  préfida  ; 
Bargos  en      "lais  la  Chronique  de  Verdun  qui  rapporte  aflez  exactement 
1080.  tom      les  Conciles  tenus  par  ce  Légat ,  ne  dit  rien  de  celui  de  Lan- 
pa?.  3°97.'  '    g''ss,  11  eft  toutefois  parlé  d'un  Concile  en  cette  Ville  en  1 080. 
jîjS.iSij-.     dans  les  additions  à  la  Chronique  de  Beze  imprimée  dans  le 
premier  Tome  du  Spicilege  ;  mais  ce  n'étoit  qu'un  Synode  du 
Diocèle  aiïemblé  par  Rainaud  Evêque   de  Langres.   Neuf 
Evoques -âffifterent  à  celui  de  Saintes,  avec  plufieurs  Abbés. 
Il  y  fut  décidé  que  le  Monaftere  de  la  Réole  ,  nommé  alors 
Squirs ,  que  l'Evêque  de  Bazas  prétendoitlui  appartenir,  dé- 
pendroit  de  l'Abbaye  de  Fleuri.  Le  Concile  de  Meaux  fut 
ïelon  Sigebert  aflemblé  par  l'autorité  du  Légat  Hugues.   On 
y  dépofa  Urcion  Evêque  de  SoifiTons  ,  &  l'on  mie  à  fa  place 
Arnoul  Abbé  de  faint  Medard  en  la  même  Ville  ,  homme 
rcfpe6lable  par  fa  vertu.  Lambert  de  Tcrrouane  y  fut  auflï 
dépoté  ,  comme  on  le  voit  par  une  Lettre  du  Pape  Grégoi- 
w.p.  re  VII  aux  Flamands.  Il  nous  apprend  par  la  vingt-unième 

du  cinquième  Livre,  que  Richard  Moine  de  faint  Victor  de 
Marfeille  en  fut  fait  Abbé  en  1 079  ;  &  dans  la  fixiéme  Lettre 
•du  feptiéme  Livre ,  qu'il  l'envoya  la  même  année  Légat  en 
Efpagnc  vers  le  Pvoi  Alphonfe.  Il  faut  donc  rapporter  à  ce 
temps  le  Concile  que  Richard  tint  à  Burgcs  pour  le  change- 
ment du  rit  Gothique  au  Romain  ,  qu'on  avoit  déjà  tenté 
plu'leurs  fois ,  &  qui  trouvoit  toujours  de  la  rcilftance  de  la 
part  de  quelques-uns.  Quoique  le  Roi  Alphonle  fût  d'accord 
fur  ce  point  avec  le  Légat  dans  ce  Concile  ,  ils  ne  purent 
abroger  entièrement  le  rit  Gothique  dans  le  Royaume  de 
Cafliile  j  &  il  fe  tint  encore  fur  ce  fujet  d'autres  Conciles. 

XXV. 


Dkpuisl'an  io(<3  juîqo'en  1099.  Chap.XXXVI.  541 
XXV.  Le  Moine  Clarius  &  la  Chronique  d'Auxerrc  en  ^,^^°^^^';^ ^^ 
mettent  un  à  Iiroudun  dans  le  Dioeère  de  Bourges,  le  pre-  ,„8,.tom. 
mier  jour  d'Avril  io8i;mais  ils  ncn  rapportent  point  les  .0.  Concil.^ 
Décrets ,  ni  les  noms  des  Kvêques  qui  y  alTifterenr.  Nous  les  ^s- .^^    -^.^^ 
avons  dans  une  Lettre  de  Richard  Archevêque  de  Bourges ,  66.  annnu 
rapportée  au  lixicme  Tome  du  Spicilege,  où  nous  liions  que  '"""•9' 
cet  Archevêque  ayant  retire  des  mains  des  Laïques  TEglife 
de  faint  Martin-des-Champs  proche  les  murs  de  Bourges,  la 
donna  h.  l'Abbaye  de  NLirmoutier  ,  &  qu'il  fit  confirmer  cet- 
te donation  par  les  Légats  Hugues  de  Die  &  Amé  d'Olc- 
ron,  préfens  au  Concile  d'Iflbudun.  Ils  en  loufcrivirent  rA6le> 
&  après  eux  Richard  de  Bourges ,  Richer  de  Sens ,  Roduiphe 
de  Tours,  Gaufcelin  de  Bourdeaux,  avec  douze  Evêques.         Conciles 

XX  VL  Les  mêmes  Légats  préfiderent  au  Concile  de  Meaux  de  Menux  & 
de  l'an  1082.  Richard  Archevêque  de  Bourges  y  afliila  avec  j„%^J^~ 
neuf  Evêques  &  le  Comte  Thibaud.  Ce  Comte  avoit  déchar-  10.  Con'di. 
gé  l'Abbaye  de  Montier-en-Der  de  certaines  redevance<î.  Le  KK'f^^h^ 
Comte  de  Brienne  ne  laifla  pas  de  les  exiger.  On  lui  défen-  66.  mmci.  ' 
dit,  fous  peine  d'anathême,  de  continuer  à  les  demander.  Le  «'""•  "^^  ^' 
Concile  confirma  quelques  donations  faites  au  même   Mo-  "^* 
naftcre.  Il  fut  tenu,  félon  la  Chronique  de  Sens  ,  fur  la  fin 
d'Octobre.  Vaurhier  Evêque  de  Meaux  étoit  mort  quelques 
jours  auparavant  :  on  lui  donna  pour  Succefieur  Robert  Abbé 
de  Rebais,  qui  fut  ordonné  par  les  Légats.  Cette  ordination 
s'étant  faite  en  l'abfence  de  Richer  Archevêque  de  Sens,  &: 
fans  fon  confentement ,  il  prononça  avec  fes  Suffragans  une 
Sentence  d'excommunication  contre  Robert  ,  &   deux  ans 
après  il  ordonna  un  autre  Evêque  de  Meaux  ,  ne  voulant  pas 
reconnoître  Robert.  On  ne  fçait  pourquoi  l'on  a  compté  en- 
tre les  Conciles  l'aflemblée  de  Charonne  en  1082  ,  le  troifié- 
me  de  Novembre,  puifqu'il  ne  s'y  trouva  aucun  Evêque,  & 
qu  elle  n'eut  d'autre  motif  que  de  montrer  aux  Fidèles  les 
Reliques  de  ce  Monaftere.  r     m   <î 

XXVII.  On  cite  un  Concile  tenu  à  Saintes  en  préfence  des  Saintes"  tenu 
deux  Légats  Hugues  &  Amé  en  1 08 1 ,  où  Guillaume  Com- «"  i^^s--^^'- 
te  de  Poitiers  &  Duc  d'Aquitaine  remit  le  Monaftere  de  faint  îti/?'  Im 
Emrope  à  Hugues  Abbé  de  Clugni  pour  y  rétablir  le  fervice  14.  ^  f°»»- 
de  Dieu,  négligé  pendant  que  les  Laïques  le  pofledoienr.  Le  '°-  ^"l"^' 
Duc  exempta  en  même  temps  le  Monaftere  de  toutes  chirges,  ^'^^'  '*°*' 
à  la  réfcrve  de  cinq  fous  qu'il  devoir  payer  à  l'Eglife  Cathé- 
drale. La  Chronique  de  Maillefais  met  un  autre  Concile   à 
Tome  XXnu  M  m  m  m 


num. 


(?4i  D  E  S   C  O  N  C  I  L  E  S 

Saintes  en  1083  ;  où  Ramnulfe  fut  ordonné  Evêque  de  cette 
Ville  à  la  place  de  Bofon  qui  avoit  été  dépofé  l'année  précé- 
dente au  Concile  de  Charonne. 
Condle  Je      XXVIII.  En  1C85  Rainauld  Archevêque  de  Rheims  in- 
«nioâj.tom.  Cliqua  un  Loncile  a   Compiegne  ,  pour  y  travailler  avec  les 
10.  Concii.    Sunragans  au  rétablifTcment  de  la  Difcipline   EcclcHaftique 
^hUhu^^'iiK    ^"^  s'étoit  extrêmement  relâchée.  Les  Décrets  n'en  ont  pas 
66.  annal,    cncorc  été  rcndus   publics.    On  fçait   feulement  que  l'on  y 
"'""'  V  .  e?  confirma  les  privilèges  de  l'Eglife  de  faint  Corneille  de  Com- 
î-^£.  ;i8.      piegne>  &  qu  on  en  déclara  les  Chanoines  exempts  de  la  Ju- 
rifdidion  de  l'Evêque  de  SoifTons ,  qui  les  avoit  attaqués  fur 
ce  fujet  dès  le  commencement  de  fon  Epifcopat  ,  &  même 
de  la  Jurifdidion  du    Métropolitain  de  la  Province.  Cette 
Eglife  avoit  été  fondée  par  Charles  le  Chauve ,  &  confacrée 
par  le  Pape  Jean  aflifté  de  72  Evêques.  Ce  fut  lui  apparem- 
ment qui  lui  accorda  le  droit  d'exemption  de  l'Ordinaire   Se 
du  Métropolitain.  Le  Roi  Philippe  autorifa   le  Décret    du 
Concile  par  un  Diplôme  daté  de  la  vingt-quatrième  année  de 
fon  règne.  Ce  Concile  efl  cité  dans  l'Ade  de  dotation  faite 
la  même  année  1085  en  faveur  del'Eglifc  des  faints  Martyrs 
Acée  &  Achéal  par  Roric  Evêque  d'Amiens, 
Capoueî-  de      ^XIX.   On  a  parlé  dans  l'article  deOebehard  Archevê- 
Bénévent  en  quc  de  Salzbourg  des  Conciles  de  Capouc  ,  de  Berchach,  de 
1087  tom.    Quedlimbourg,  de  Mayence.  L'Antipape  Guibert  en  tint  un 

10.  Concil.       V   ri  °'  -ICI  •     -1  '  J  r-    IT 

pjg.4i8,4ip.  3  Kavenne,  ou  il  confirma  les  privilèges  de  cette  tgliie  en 
410.  1086.  L'année  fuivante  on  en  affembla  un  à  Capoue  ;  l'Ab- 

bé Didier  s'y  trouva  avec  les  autres  Cardinaux  ,  le  Confu! 
Cencius  ,  Jourdain  Prince  de  Capoue ,  Roger  Duc  de  Cala- 
bre  ,  &  plufieurs  Seigneurs.  II  avoit  été  élu  Pape  l'année  pré- 
cédente ,  mais  il  avoit  refufé  d'accepter ,  quelques  inftances 
qu'on  lui  en  fît.  On  les  réitéra  au  Concile  de  Capoue  ,  &  il 
céda  aux  prières  &  aux  raifons.  Le  Prince  de  Capoue  &  le 
Prince  de  Salerne  le  conduifirent  à  Rome  ,  &  chaflcrent  Gui- 
bert de  l'Eglife  de  faint  Pierre.  L'Abbé  Didier  fut  facré  le 
neuvième  de  Mai  1087  fous  le  nom  de  Viâor  III  par  les  Eve* 
ques  d'Oflie ,  de  Tufculum ,  de  Porto ,  &  d'Albane.  Au  mois 
Q  Août  fuivant  il  affembla  un  Concile  à  Bénévent  des  Evê- 
ques de  Pouille  &  de  Calabre,  avec  qui  il  prononça  une  Sen- 
tence de  dépofition  &  d'anathême  contre  l'Antipape  Guibert» 
Hugues  Evêque  de  Die,  Légat  en  France  fous  le  Pape  Gré- 
goire VII 5  étçit  devenu  Archevêque  de  Lyon ,  &ce  Pape  ea 


Depuis  l'an  10/13  jusqu'en  lopp.  Chap.XXXVT.  ^45 
mourant  l'avoit  dcllgnc  avec  Ochon  &  Didier  pour  lui  fuccc- 
dcr.  Hugues  voyant  la  rcdftancc  de  Didier,  efpcroit  de  deve- 
nir Pape,  mais  quand  il  vit  que  l'Abbc  Didier  avoit  accepte, 
il  fe  repentit  de  l'avoir  prefTé  à  ce  fujct ,  8z  d'avoir  confcnti  à 
fon  cle£lion.  Il  en  écrivit  cà  la  Comtcirc  Mathilde,  à  qui  il  fe 
plaignit  que  Didier  avoit  ufc  d'artifices  dans  le  Concile  de 
Capoue  pour  exciter  le  Prince  de  cette  Ville  à  le  contrain- 
dre d'accepter  le  Pontificat ,  qu'il  en  avoit  pris  les  marques 
fans  avoir  auparavant  fubi  l'examen  canonique  fur  certains 
cas  contraires  à  fa  réputation  ,  &  dont  on  n'avoit  eu  con- 
noiflfance  que  depuis  fon  élection.  Richard  Abbé  de  Marfeille 
croit  venu  au  Concile  de  Capoue  avec  l'Archevêque  Hugues, 
&  avoit  élu  l'Abbé  Didier  avec  les  Evcques  &  les  Cardinaux 
préfens  au  Concile  :  mais  donnant  dans  les  fentimcns  de 
Hugues ,  il  s'oppofoit  comme  lui  à  l'intronifation  de  l'Abbé  , 
quoiqu'ils  l'euffcnt  reconnu  l'un  &  l'autre  pour  Pape.  Après 
que  Vi£tor  III  eut  expofé  au  Concile  de  Bénévent  toutes 
leurs  faufles  démarches,  il  dit  aux  Affiftans:»  Puifqu'ils  fe  font 
»  féparés  de  la  Communion  de  nos  Frères  ,  &  de  la  nôtre  , 
«  nous  vous  ordonnons  de  vous  abflenir  de  la  leur  &  de  n'a- 
»  voir  aucune  communication  avec  eux  « .  Il  défendit  enfuite  de 
recevoir  aucune  dignité  Eccléfiaftique  de  la  main  d'une  per- 
fonne  Laïque  ;  &  aux  Séculiers ,  de  quelque  condition  qu'ils 
fuffcnt,  d'en  donner  l'invcfliture;  d'entendre  la  Mefle  d'aucun 
de  ceux  qui  auroicnt  contrevenu  à  cette  Ordonnance ,  ou  de 
recevoir  d'eux  la  Pénitence  8c  la  Communion.  Tous  ces  Dé- 
crets ayant  été  autorifés  par  les  Evêques  du  Concile ,  on  en 
fit  des  copies  que  l'on  envoya  de  tous  côtés  ,  en  Orient  & 
en  Occident.  Viâor  III  tomba  malade  pendant  le  Concile  , 
qui  dura  trois  jours ,  &  ayant  repris  le  chemin  de  Mont- 
Caiïin,  il  y  mourut  le  feizieme  de  Septembre  de  la  même  an- 
née 1087. 

XXX.  Urbain   II  fon  Succefleur  convoqua  un  grand  nom- 
bre  de  Conciles  ,  dont  nous  avons  parlé  dans  l'Hiftoire  de  fa  jg  Saintes  en 
vie.  On  ne  fçait  autre  chofe  de  celui  de  Saintes  en  1080 ,  fi-  10S9.  &  de 
non  qu'Ame  Evêque  d'Oleron  y  fut  nommé  à  l'Archevêché  lf^°^\^„^^'* 
de  Bourdeaux.  Renaud  Archevêque  de  Rheims  préfida  au  10.  Condi*. 
Concile  deSoilTons,  affemblé  en  1092  contre  les  erreurs  deP^'g-  4/;. 
Rofcelin  Clerc  de  Compiegne.  Il  enfeignoit  que  les  trois  Per-  "^  "*" 
fonnes  divines  étoient  trois  chofes  féparées  l'une  de  l'autre  , 
comme  le  font  trois  Anges  ;  qu'elles  n'avoienc  néanmoins 

M  m  m  m  ij 


544  D  E  S    C  O  N  C  I  L  E  S 

qu'une  même  volonté   &  qu'une  même  puiflance  ;   enforte 
qu'on  pourroit  dire  que  ce  font  trois  Dieux  ,  fi  l'ufage  le 
pcrmetcoit.  Il  appuyoit  cette  do£brine,  en  difant  que  fi  on  ne 
î'admettoit  pas,  il  faudroit  dire  que  le  Père  &  le  Saint-Efprit 
fe  font  incarnés  ;  &  ajoutoit  qu'en  ce  point  il  penfoit  com- 
me Lanfranc  &  comme  faint  Anfelme,  l'un  Abbé  du  Bec, 
l'autre  Archevêque  deCantorberi.  Saint  Anfelme  l'ayant  ap- 
pris, écrivit  à  Foulques  Evêque  deBeauvais,  qui  devoit  afTif- 
ter  à  ce  Concile  ,  que  ni  lui  ni  Lanfranc  n'a  voient  jamais 
rien  dit  de  femblable  ;  qu'il  difoit  en  fon  particulier  anathê- 
me  à  Rofcelin  &  à  fon  erreur.  Rofcelin  l'abjura  lui-même  en 
prcfence  des  Evcques  j  mais  ne  l'ayant  condamnée  que  dans 
la  crainte  d'être  aflbmmé  par  le  Peuple ,  il  continua  de  l'en,- 
Con-ile  de  f^igner  après  être  forci  du  Concile. 
Paris  "  en         XXXI.  Il  y  en  cut  un  à  Paris  en  iop2  ,  où  aflfiderent  Ma- 
io9i.  tom.  naffès  de  Rheims ,  Richard  de  Bourges,  Roger  de  Châlons  , 
lo.pag.  4    .  QgQfj-oi  de  Paris ,  &  fept  autres  Evêqucs.  Tous  foufcrivirent 
au  Diplôme  que  Philippe  Roi  de  France  accorda  à  l'Abbaye 
de  faint  Corneille  de  Compicgne ,  dont  il  confirma  les  biens 
&  les  droits. 
Conciles         XXXII.  L'année  fuîvante  tous  les  Evêques  d'Angleterre  ,• 
iir.'/"y 493'!  excepté  Vulftan  de  Vorcheflre  &   Ofberne   d'Exccflre  qui 
494.  4P5.  &  étoient  malades ,  fe  rendirent  à  Cantorberi  pour  le  Sacre  de 
5^7*  faint  Anfelme.  Dans  l'Afte  d'éle£tion ,  l'Eglife  de  Cantorberi 

éroit  qualifiée  Métropole  de  toute  la  Grande-Bretagne.  Tho- 
mas Archevêque  d'Yorc  dit  que  s'il  en  étoit  ainfi ,  fon  Eglife 
n'étoit  point  Métropole.  Sa  remontrance  fut  trouvée  raifon- 
nablc.  On  corrigea  le  Décret  d'éle£lion ,  &  au  lieu  de  don- 
ner à  l'Eglife  de  Cantorberi  le  titre  de  Métropole  ,  on  lui 
donna  celui  de  Primatiale  de  toute  la  Grande-Bretagne.  Le 
Sacre  de  faint  Anfelme  fe  fit  le  fécond  Dimanche  del'Avent, 
quatrième  jour  de  Décembre.  Quelques  mois  après,  le  Roi 
Guillaume  le  Roux  étant  de  retour  de  Normandie  en  Angle- 
terre ,  le  nouvel  Archevêque  lui  demanda  permifïion  d'aller 
demander  le  Palliumau  Pape  Urbain.  Le  Roi  s'y  oppofa,  di- 
fant qu'il  n'avoit  pas  encore  reconnu  Urbain  pour  Pape  ,  & 
qu'il  ne  fouffriroit  pas  qu'on  le  reconnût  dans  fon  Royaume 
fans  fa  permiffion  ,  ajoutant  que  c'étoit  lui  manquer  de  fidé- 
lité, de  demeurer  contre  fa  volonté  dans  l'obédience  du  Pape, 
L'Archevêque  demanda  une  aflemblée  d'Evêques  où  l'on  dé- 
cidât s'il  pouvoir ,  fans  préjudice  à  la  fidélité  due  au  Roi , 


Depuis  l'an  10^3  jusqu'en  io<?p.  Chap.  XXXVI.  ^45 
endrc  robcifTancc  au  Sicgc  Apoftoliquc.  Le  Roi  yconfcntit 
&  ordonna  raflembliic  à  Rochingham  pour  ronzicmc  jour  de 
Mars,  qui  ctoic  un  Dimanche.  Elle  le  tint  de  grand  matin. 
L'Archcvèqu:  expofa  aux  Evoques,  en  prJlence  d'une  grande 
multitude  de  Clercs  &  de  Laïques,  qu'il  n'avoir  accepté  l'Epif- 
copat  qu'à  condition  de  demeurer  dans  l'obédience  du  Pape 
Urbain  ;  Se  qu'étant  rciolu  de  ne  pas  s'en  départir  d'un  mo- 
ment ,  il  avoit  beioin  de  leur  conléil  pour  lavoir  comment  il 
pouvoir  en  même  temps  garder  la  fidélité  au  Roi.  Les  Evo- 
ques s'étant  cxculés  de  lui  donner  confeil ,  fur  ce  qu'il  étoic 
aflcz  fage  pour  le  prendre  de  lui-même,  il  agréa  qu'ils  fiflenc 
rapport  au  Roi  de  les  dilpofitions.  Le  lendemain  il  parla  en- 
core aux  Evêques ,  leur  cita  les  pafTages  de  l'Evangile  fur 
l'autorité  de  faint  Pierre  8c  de  fcs  Succeffeurs,  &  fur  l'obéif- 
fance  due  aux  Princes.  11  conclut  en  déclarant  qu'il  rendroit 
en  ce  qui  regarde  Dieu  ,  l'obéiflance  au  Pape  ;  &  qu'en  ce  qui 
concerne  la  dignité  temporelle  du  Roi  fon  Seigneur,  il  lui  don- 
neroit  fidcllcment  aide  &  confeil  félon  fon  pouvoir.  Les  Evê- 
ques lui  confeillerent  de  renoncer  à  l'obéiflance  d'Urbain. 
Guillaume  Evêque  de  Durham  fit  ce  qu'il  put  pour  perfuader 
au  Roi  de  le  cbaffer  de  fon  Royaume.  Rien  n'ébranla  l'Ar- 
chevêque. Dans  une  troiliéme  féance  on  lui  accorda  un  délai 
jufqa'à  la  Pentecôte  ;  &  les  Evêques  fe  retirèrent  fans  avoir 
décidé  la  queflion  pour  laquelle  ils  s'écoient  affemblés. 

XXXIII.  Les  Conciles  de  Brioude  &  de  Dol  affembléspar    Condie  de 
Hugues  Archevêque  de  Lyon  &  Amé  de  Bourges,   Légats  ^"°"''^''°.'"' 
du  i>aint-Siége  ,  levèrent  l'excommunication  portée  injufle-pag.  ^o""^' 
ment  par  Rodulphe  Archevêque  de  Tours  contre  les  Moines 

de  Marmoutier  ;  &  l'excommunièrent  lui-même  pour  diverfes 
fautes  dont  il  ne  put  fe  juftifier. 

XXXIV.  Le  Roi  Murchertac.Ie  Clergé, les  Nobles  &  le  ,S°""^^ 

PI      jiTT'i  ./..  a     J  '  -r.°  Irlande    en 

euple  d  liibernie  écrivirent  &  députèrent  en  1097  ^  faint  lojj.p.  éi?. 

Anfelme  pour  le  prier ,  en  fa  qualité  de  Primat  de  toute  la 

Grande-Bretagne,  d'ériger  un  Evêché  à  "Waterford  ,  &  d'en 

ordonner  Evêque  le  Prêtre  Malch ,  Moine  de  Wincheftre.  Il 

le  tint  là-deflus  un  Concile  j  &  Malch  fut  facré  à  Cantorbcri, 

le  28  de  Décembre  de  la  même  année  105?/. 

XXXV.  Il  ne  refte  rien  des  A£les  du  Concile  tenu  à  Concile  de 
Bourdeaux  en  iO(?8  par  l'Archevêque  Amé,  Légat  du  Saint  Js'^Omer* 
Siège.  Manafsès  Archevêque  de  Rheirns  préfida  à  celui  de  lom.  io.Con- 


646  DES    CONCILES 

cil.  pag.  éi4.  Saint- Omcr  ,  afTcmblc  à  la  prière  de  Robert  le  jcure,  Comte 
'^'^'  de  Flandres ,  &  des  Seigneurs  de  fa  Cour ,  en  i  o<?9.  Comme 

ils  étoient  prêts  de  partir  pour  la  Croifade,  il  leur  parut  nc- 
ceffaire  de  pourvoir  à  la  fûretc  de  leurs  biens  &  à  la  paix  de 
l'Etat  pendant  leur  abfcnce.  On  fit  donc  cinq  Canons  ,  les 
mêmes  à  peu  près  qui  avoient  été  publiés  dans  les  Conciles 
précédens  ,  où  l'on  avoit  traité  de  la  Trêve  de  Dieu  ,  nom- 
mément en  celui  de  Soiflbns.  Le  premier  regarde  la  fûrcté 
*'"'^*      des  Eglifes  &  de  leurs  Parvis.  Le  fécond  défend  de  s'em- 
c.»«.2.      parer  des  terres  appartenantes  aux  Evêques,  aux  Abbés,  aux 
Clercs  aux  Moines  ;  de  les  ravager  ,  &  de  molefter  ceux  qui 
Cr»,  3,     lescultivent.il  efl:  défendu  par  le  troifiéme  d'attaquer,  de 
dépouiller,  d'arrêter  les  Evêques  ,Ies  Abbés,  les  Clercs  ,  les 
Moines ,  les  femmes  en  voyage ,  &  ceux  qui   les  accompa- 
Catt,  4,'     gnent.  Le  quatrième  prefcrit  la  même  chofe  à  l'égard  des 
Pèlerins  &  des  Marchands  ,  à  moins  qu'il  ne  foit  prouvé 
qu'ils  ont  refufé  de  payer  les  tributs  ordinaires.  On  ordonne 
Ç'rt.  5.     dans  le  cinquième  aux  Seigneurs  des  Villes ,  des  Châteaux , 
des  Fortereffes ,  de  jurer  l'obfervation  de  la  Trêve  de  Dieu , 
fous  peine  d'excommunication  contre  ceux  qui  le  refuferonr , 
&  d'interdit  de  l'Office  Divin  dans  les  terres  de  leur  dépen- 
dance. Permis  néanmoins  d'adminiftrer  le  Baptême  aux  en- 
fans  ,  dans  le  cas  même  de  cet  interdit. 
Concile  de     XXXVI.  La  Ville  de  Jerufalem  fut  prife  par  l'Armée  des 
Jerufaiem  en  Croifés  le  Vendredi  quinzième  de  Juillet  de  Tan  10519  à  trois 
i°^'con"ù    ^^'^''^s  après  midi  ;  ce  que  l'on  remarqua  comme  étant  le  jour 
pag.  520.  è?&  l'heure  de  la  mort  de  Jefus-Chrifl.  Huit  jours  après  ,  les 
GhHui.  Tyr.  Scigncurs  &  les  Evêques  procédèrent  à  l'éleâion  d'un  Roi  & 
{â'uh^f.cap'.^^^  Patriarche.  On  élut  pour  Roi  Godefroi  de  Bouillon  Duc 
1,  i«.  éf  19.  de  Lorraine  ,  &  pour  Patriarche  Arnoul  Chapelain  du  Duc 
de  Normandie.  Godefroi  étoit  un  ï'rince  vertueux  ;  Arnoul  , 
un  homme  d'une  vie  infâme ,  décrié  dans  toute  l'Armée ,  qui 
ne  devoir  fon  intronifation  qu'à  la  proteélion  du  Duc  de  Nor- 
mandie. Indigne  de  l'Epifcopat ,  il  en  fut  dépofé  dans  uni 
Concile  d'Evêques  &  de  Seigneurs ,  &  l'on  mit  à  fa    place 
Théobcrt  ou  Daimbert ,  Evêque  de  Pife  &  Légat  du  Saine 
Siège  Apoflolique. 

\_Les  Conciles  du  XIV  Siècle  font  à  la  fuite  du  XXI  ^  Tome. 2 
Fin  du  vingt-troifiéme  Volume. 


&f  JXùKùK^  olX-K^-nc£  Jv'<fi'<Kk  ^ 

^  \:iK'':::K':îf  ^j^-K^-^f^^  iXJ*-X%^xr  ^ 

TABLE 

DES     MATIERES 

Contenues  dans  ce  vingt-troifiéme  Volume. 


A. 

ACtes  (3es  Martyrs,  recueillis  dans 
le  premier  Tome  de  la  Colleftion 

il'Aflcmani.  485 

Simcon  Bar-S^boë  :  qui  il  étoit ,  fon 

Epifcopat.  4S6 

Ades  de  fon  iVIartyre.  487 

Martyre    d'Uftliazade.  488 

Martyre  de  faint  Simeon.  48? 

Cent  perfonnes  foufFrirent  le  martyre 

avec  lui  ,  ibid. 

Martyre  de  l'Intendant   des  Ouvriers. 

490 
Martyre  de  fa  fille.  itid. 

Difficultés  fur  l'année  de  la  perfécution. 

ibid. 

Martyre    d'Azad.  Martyre   de    fainte 

Tharbe.  491 

Remarques  fur  faint  Mile  ,  Evoque  de 

Suiiïe  :  fa  vie  ;  il  va  à  Jerufalem. 

493 
Il  aiïiile  au  Concile  de  Séleucie  , 
Martyre  de  faint  Mile  &  de  ks  deux 
Difciples.  49?' 

Ecrits  de  faint  Mile.  Remarques  fur  le 
Martyre  de  faint  Sadotli,  495 

Aàes  du  Martyre  de  faint  Barfabias  &  de 
fes  Compagnons.  Barfabias  &  fes 
Compagnons  mis  à  mort.  ibid. 

Martyre  de  Magus  :    peut-il  être  recon- 
nu pour  Martyr  .'  497 
Martyre  de  Narsès  &  de  Jofeph  forj 
Difciple,  de  faint  Daniel,  &  deVarde 
Vierge,  498 


Martyre  de  faint  Hadiabene ,  FeurS 

Aftes.  499 

Martyre  de  S.  Barbafceme ,  Evêque  de 

Séleucie,  &de  fes  Compagnons,  ^o» 

Martyrs  en  divers  lieux.  iVIartyre  de  Si 

Jacques  Prêtre   &  de  Marie  Vierge. 

Martyre  de  fainte  Thecle  &  d'autres 
Vierges.  yoi 

Martyre  du  Diacre  Barhadbefcidé.yoj 
Martyre  de  faint  Daufas  Evêque  &  da 
plufieurs  autres.  ^04 

Ades  des  40  Martyrs ,  l'Evêque  Ebde- 
jefu  accufé  par  fon  Neveu.        joiJ 
Vertu  du  fang  des  Martyrs.  Martyre 
des  fept  Vierges.  Martyre  de  faint 
Badence.  ^09 

Aâes  du  Martyre  'de  faint  Acepfirae 
Evêque  &  de  fes  Compagnons.  ^  lo 
Martyre  de  faint  Acepfime.  ibid, 

Ades  de  quelques   Martyres  qui  ont 
foutFert  dans  la  Perfe.  yiy 

Aâes  de  faint  Jonas  &  de  fes  Compa- 
gnons, ibid. 
Aifies  des  Martyrs  Sapor,  Ifaac  &  quel- 
ques autres,  y  17 
Aftes  des  Martyres  en  Perfe  dans  la  per-»  . 
fécution  d'Isdegarde.                  518' 
Année  de  cette  perfécutlon.  Aâes    di» 
Martyre  de  Maharfapar.            j  19 
Martyre  de  faint  Jacques.                ibid^ 
Aftes  des  Martyrs  d'Occident.  Collec- 
tion des  Ades  des  Martyrs  parEufebe^ 
de  Cefarée.                                  j2i 
Aites  des  SS.  Lucien  &  Marcien.  j  i  j 


^48  D  E  S    M  A 

Ades  Ju  Martyre  de  faint  Viâorin  &  de 

Tes  Compagnons»  <24 

Martyre  de  lainte  Stratonice  &  de  Se- 
leucus  (on  mari.  ibid. 

Ees  Martyrs  de  Samofate.  529 

Du  Martyre  de  fainte  Agnes.  554 
Des  Martyrs  de  Palefline.  Martyre  de 

faint  Procope.  5?* 

Des  fiiints  Alphée  &  Zachée  ,  de  faint 

Romain.  Î57 

Du  Martyre  de  faint  Timothée.  5  3  8 
De  faint  Apphien  ,  de  fainte  Theo- 

dofie  Vierge,    de  fainte  Tlieodote. 

'Adrien  IV.   Pape  ,    adions   mémorables 
de  fon  Pontificat.  348 

11  couronne  l'Empereur  Frédéric.  34? 
Différend  avec  ce  Prince.  ilid. 

Ils  font  la  paix.  Î50 

Autre  différend  entre  le  Pape  &  l'Em- 
pereur. Mort  du  Pape  Adrien  en 
IIÎ9.  3ÎI 

Ses  Lettres.  351 

Ecrits  du  Pape  Adrien  IV.  ^n 

'Mlrede  Abbé  de  Riedval ,  mort  en  1 1 66. 

Ses  Ecrits  Hifîoriques.  ihid. 

Autres  Ecrits  Hifloriques.  Sermons  fur 
le  Prophète  Ifaie.  136 

Sermons  du  Temps  &  fur  les  Saint?.  Le 
Miroir  de  la  charité.  157 

Traité  de  l'Amitié  fpirituelle.         143 

Difcours  fur  Jefus  âgé  de  J  i  ans.     141 

Hiftoire  d'Angleterre.  ibid. 

Ouvrages  attribuées  à  jClrede.  Juge- 
ment des  Ecrits  d'jïlrede.  141 
'Alexandre  m.  Pape.  Il  eft  rejette  par 
l'Empereur  Frédéric.  357 

Il  efi  reconnu  en  France  &  en  Angle- 
terre, ibid, 

Alexandre  III  fe  retire  en  France  en 
1 161 ,  il  retourne  à  Rome  en  !  i6y. 

Gui  de  Crème ,  Antipape  fous  le  nom 
de  Pafch.,1  III.  3JS» 

Alexandre  fe  réconcilie  avec  l'Empe- 
reur Frédéric.  360 

Il  retourne  à  Rome  en  1178.  Mort 
d'Alexandre  m  en  11 81.  ibid. 

Ses  L-,  ttres  ,  colleétions  qu'on  en  a 
f.îites.  361 

Canonifation  de  faint  Edouard.  Inf- 
truftion  pour  le  Sultan  d'Iconie-    561 

Canonifiîion  de  faint  Thomas  de  Can- 
torberi.  ibid. 

Lettre  au  Roi  des  Indes  nommé  Pr'etre- 


Jea/t, 


3^3 


TIERS 

Lettres  fur  la  converfion  de  l'EftoniV; 

36tî 
Second  Appendice  des  Lettres  du  Pape 
Alexandre  III.  367 

Troifiéme  Appendice  :  Invention  & 
tranflation  des  trois  Rois.  3159 

Amédéc ,  Evtque  de  Conftance.  Ses  Ser- 
mons, ibid, 
Anajlafe  W.  Adrien  IV.  &  Alexandre  IIL 
Papes,  Anaftafe  IV  ,  Pape.  347 
Articittd  ,  Abbé  de  Bonneval ,  ami  de  faint 
Bernard.  118 
Il  eft  fait  Abbé  de  Bonneval.          ilid. 
Il  quitte  fon  Abbaye  ,  fa  mort.       ibid. 
Ses  Ecrits ,  vie  de  S.  Bernard.        1  8p 
Traité  des  oeuvres  Cardinales  de  J.  C. 

ibid. 
Ce  qu'il  contient  de  plus  remarquable, 

IJO 

Sermon  fur  la  Paillon  :  des  fept  paroles 
de  J.  C.  fuf  la  Croix.  13s 

Sermon  fur  les  louanges  de  Marie. 
Traité  de  l'Ouvrage  des  C\-x.  Jours. 

I3Î 

Autres  Ecrits  de  l'Abbé  Arnaud ,  Lettres 

d'Arnaud.  13^ 

Arnout ,  Evéque  de  Lifieux.  311 

Il  fait  le  voyage  de  la  Paleftine  en  1 1 47, 
il  affifte  au  Concile  deTours  en  I  i(î;. 

Conduite  d'Arnoul  envers  feint  Tbomns 

de  Cantorberi.  5 1  3 

Ses  avis  au  Roi  d'Angleterre  ,  dans  la 

Conférence  de  Chinon  en  II 6é.  ih. 
Il  fe  retire  à  faint  Vidor  ;  y  meurt  en 

I  loi  :  fon  Traité  du  Schifme.  514 
Sermons  fur  l'Annonciation.  3  i  > 

Lettres  d'Arnoul.  311$ 

Autres  Lettres  d'Arnoul,  3  1 7 

Autre^  Lettres  d'Arnoul.  3 1  î 

Poefies  d'Arnoul.  31^ 

Auvergne  ,  (Guillaume  d'  )  Evéque  de 
Paris.  4^0 

Ses  Ecrits.  Traité  de  la  Foi ,  tom.  i. 

Edit.  de  Paris  en  i6'74.  461 

Traité  des  Loix.  462 

Traité  des  Vertus.  4^3 

Traité  des  Mœurs.  Traité  des  vices  Se 

des  péchés.  4*4 

Traité  des  Tentations.  ibid. 

Traité  du  Mérite  &  de  la  Récompenfe. 

Traité    de    l'immortalité    de   l'Ame. 

ibid. 
Traité  de  la  Rhétorique  divine ,      j.5  6 
Traité  des  Sacremens.  Baptême  &  Con- 
firmation, ibid. 
Sacrcmens 


DES    MAT 

Sacremenj    d'Euchariftie  &  do  Péni- 
tence. 4V7 
Sacremens  de  Mariage  &  de  l'Ordre  , 

Sacrement  d'Extrême-Onftion.    4^9 

Traité  des   caufes    de  l'Incarnation  , 

ibi,l. 

Traité  de  la  Pénitence.  iU'i. 

Traité  de  l'Univers.  ihiJ, 

Sermons   de  Guillauntc  d'Auvergne, 

461 

Difcours  fur  l'Avent,  première  Partie, 
fur  les  Epitres.  4S2. 

Difcours  fur  les  Dimanches  d'après 
Nocl,  U'd, 

Difcours  fur  la  Pentecôte  &  fur  les 
Dimanches  d'après  la  Trinité,     iiid. 

Seconde  partie  des  Difcours  de  Guil- 
laume d'Auvergne  fur  les  Evangiles. 

"*'? 
Panégyrique  des  Saints  ;  Saint  André, 

ibU. 

Saint  Nicolas  ,    fainte  Lucie,   faint 

Thomas.  il>id. 

Sermons  fur  la  Nativité,  faint  Etienne  « 

faint  Jean  ,  les  SS.  Innocents,  faint 

Thomas  de  Cantorberi.  HiJ- 

Sut    la  Circoncifîon    &    l'Epiphanie. 

474 

Sur  faint  Antoine,  faint  Fabien  &  faint 

Sebaftien  ,  &  fur  la  Purification.  ibiJ. 

Sermon  fur  faint  Getvais,  &c. Traité 

de  la  Trinité.  475 

Traité  de  l'Ame.  476 

Traité  de  la  Pénitence,'  (477 

Traité  de  la  Collation  des  Bénéfices. 

ibid. 

Autres  Ouvrages  de  Guillaume  :  cen- 

fures  d'erreurs  déteftables.  480 

Ecrits  de  Guillaume  non    imprimés. 

481 

Jugement   des  Ecrits    de    Guillaume 

d'Auvergne.  ibid. 

Editions  qu'on  en  a  faites.  481 


6. 


B 


Alsamon ,  (Théodore)  Patriarche 
d'Antioche  en  1186.  pagejji 

Il  ambitionne  le  Patriarchat  de  Conf- 
tantinople  «n  I  ipi.  ibid. 

Commentaire  de  Balfamon  fur  les  Ca- 
nons. 3}j 

Expoiîtion  du  Nomocanon  de  Photius. 

ibid, 

Colleftion  desConftitutions  Eccléfîafti. 
ques.  Réponfes  à  diverfes  queftions 
du  Droit.  J3y 

Tome  XXIIL 


I  E  R  E  S.  <?4^ 

Lettres  au  Peuple  d'Antîoclie.       Ibid. 

Lettre  à  Theodofe,  Supérieur  Je  P:ipi- 
ciiis.  }j(> 

Lettre  à  l'Archevêque  de  Grade,     557 

Jugement  desEcrits  de  B.ilfamon.  'H l. 
Blois ,  (  pierre  de  )  Archidiacre  de  Batli 
en  Angleterre,  fa  nailfance,  fes  étu- 
des. zo6 

Il  s'applique  à  la  Théologie.  ibid. 

Il  va  en  Sicile  ,  il  retourne  en  F'rance  , 
puis  en  Angleterre.  207 

Il  refufe  l'Evcchc  de  Rocherter.      ibid. 

Sa  mort  vers  l'an  1 100.  io8 

Ecrits  de  Pierre  de  Blois.  ibid. 

Sermons  de  Pierre  de  Blois.  154 

Opufcules  de  Pierre  de  Blois.  Traité  de 
la  Transfiguration.  ih-d. 

Traité  de  la  Converfion  de  faint  Paul , 
&  fur  Job.  2.  if 

Traité   fut  le  voyage    de  Jerufalem, 

ibid, 

Inftruftion  au  Sultan  d'Iconie.Abregé  de 

la  Foi.  i5<î 

Traité  de  la  Confertion  factamentale. 

Ï37 
Traité  de  la  Pénitence  impofée  par  le 
Prêtre.  itid. 

Traité  de  l'Inftitution  d'un  Evêque.  238 
Traité  contre  un  Cenfeur  de  fes  Ouvra- 
ges, ibid. 
Traité  contre  les  Juifs.  139 
Traité  de  l'Amitié  Chrétienne  ,  ou  de 
l'Amour  de  Dieu  &  du  Prochain. 

240 
Traité  des  Tribulations.     _  ibid. 

Traité    contre   les  mauvais  Pafteurs. 

Lettres  fur  le  filence.  Traité  des  prefti- 
ges  de  la  fortune.  241 

Traité  de  la  divifion  des  Livres  facrés. 

ibid. 

Traité  de  l'Euchariftie;  ce  qu'il  contient 
de  remarquable.  ibid. 

Livres  de  Pierre  de  Blois  qui  ne  font 
point  imprimés.  Edition  de  fes  Œu- 
vres. i44 

Appendice  des  Ouvrages  de  Pierre  de 

Blois.  _  24? 

Bonne-Efpérance ,  (  Philippe  de  )  Ordre  de 

Prémontré  ;  Adam  du  même  ordre. 

Philippe  de  Harvinge  entre  dans  l'Or- 
dre des  Prémontres.  ibrd. 
Il  fe  réconcilie  avec  S.  Bernard;  il  eft 
fait  Abbé  de  Bonne-Efpérance.    286 
Ses  Ecrits ,  fes  Lettres.                   ibid. 
Lettres  au  Pape  Alexandre  III.       289 
Commentaire  de  Philippe  fut  leCanù-? 
N  nnn 


6^0  T    A 

quet^.es  Cantiçii''s.  iiiil. 

Moralité;  fvr  le  nieme  Cantique.  Son- 
ge JeN.  buchoi'cnoror.  ibiJ. 

Livre  du  Salut  du   frtmier  Homme. 

290 

Conr!rmn:uion  de  Salomon.  »/•/'//. 

Traié  de  la  D  gnitc  des  Clercs,       291 

Traité  de  l'Cbéiilarce  &  du  Silence. 

293 
Vie  des  Saints,   Poëfîes   de  Philippe. 

il'iJ. 
Jrgement  de  Tes  Ecrits.  ibid. 

Adain  Ecoiïois  de  l'Ordre  de  Prémon- 
tré ;  Tes  Ecrits.  Z94 
Son  Soliloque  de  l'Ame.                Uid. 
livre  fécond.                                256 


'L-'Elîstin  III,  fa  mort  en  iip8.  Ses 
Lettres.  page  ^Sf 

Celle  ,  (  Pierre  )  Evéque  de  Chartres.  Ses 
comm(  ncemt  ns  ,  fe?  progrès  :  Abbé  de 
Ma  moutier -la- Celle  ,  puis  de  faint 
Rémi.  2S0 

Il  eft  f  lit  Evéque  de  Chartres  en  1 1 8 1. 
fon  Eloge ,  les  Ecrits,  Md. 

Ses  Sermons.  281 

Le  Livre  des  Pains.  282 

Livre  de  la  Confcience.  Traité  de  la 
Difcipline  du  Cloître.  i8j 

Lettre  de  Pierre  de  Celle.  z8+ 

dririam  ,  (  Jean  J  &  plufiears  Ecrivains 
Grecs  du  douzième  fiécle.  Son  Hif- 
toire  des  Comnenes.  166 

IVIichel  Glrcas>.  i6j 

Conftantin  Manafsès.  1^8 

Nicephore  Brienne.  Ifaac ,  Catholique 
de  la  grande  Arménie.  169 

Inveflives  d'Ifaac  contre  les  Armé- 
niens, Analyfg  de  la  première.    170 
Seconde  inveiSive  d'Ifaac.  174 

Nicetas  deConftantinople.  17^ 

Analyfe  de  fon  Apologie.  176 

Autres  Ecrits  de  Nicetas.  Conflandn 
Harmenopule  ,  Jean  Patriarche 
d'Antioche.  17S 

Traité-  des  donations  des  Monafteres 
aux  Laïques.  ihid. 

Arfenne  ,  Moine  du  Mont  Athos.  Sa; 
collefticn  des  Canons.  AutiesCol- 
ledions  d'Arfenne.  i8i 

Ge  que  contient  la  colleéi  on  d'Arfen- 
ne.  Andronic  Camatere.  185 

Son  Traité  de  la  Proceflion  du  Saiat- 
Eftrit.  184 

Bafile  d'Acride,  Archevêque  de  Thcf- 
faloni^ue^i  fa  Lettre  au  Pape  Adrien. 

ibtd,. 


BLE 

Luc  Chryroberge.Pattiarthede  Cônf- 
tantinople.  18^ 

Antoine  MelilTe.  Son  Recueil  de  Maxi- 
mes. ï%6'' 

Georges  Métropolitain  de  Corfou. 
Georges  eft  député  au  Concile  de 
Rome.  i8r' 

Michel  de  Theflalonique.  r8? 

Alexis  Arifterre.  Ses  Scholies.  190 

Siméon  Logotliete.  Sa  Synopfe.  Nil  ou 
Nicolas  Doxapater.  Son  Traité  des 
Sièges  patriarchaux.  19! 

Son  Monocanon  &  autres  Ecrits.  Théo» 
phanes  Cerameus.  ipi 

Ses  Homélies.  Alexandre  ,, Moine  de- 
Chypre.  19  J; 

Manuel-Comnene.  Lettre  de  Manuel. 

Conftitutions  fur  les  Fêtes.  Hugues 
Eierien.  19* 

Annlyfe  de  l'Ouvrage  du  Retour  des 
âmes  de  l'Enfer.  197  • 

Traité  de  Hugues  Eterien  touchant-  la 
Proctflion  du  Saint-Efprit.  ipp 

Livre  premier.  Livre  fécond.  s-aa 

Livre  truifiéme. .  ioi 

Clouent  I JJ ,  Pape,  il  travaille  au  recou- 
vrement de  la  Terre-Sainte.   Ses  Let- 
tres. 381 

Canonifation  de  faint  Othon  de  Ba^m- 
berg  &  de  laint  Etienne  de  G.and- 
mont.  ySj- 

ColUtlion  des  Aâ:es  des  Martyrs  d'Orient 

&  d'Occident,  par  Etienne  Aflemini , 
Archevêque  d'Apamée.  482, 

Raifon  de  donner  ici  ces  Afts.        iiid. 

Aâes  des  Martyrs  fous  Sapor  1 1.    Roi 

de  Per  e.  485  ; 

Ufage   des   Manufcrits    d'Orient.    Les 

Ades  des  Mar-yrs  fous  Sapor    fant 

de  Saint  Maruthjs.  4S4 

Comeffor  ,  (  Pierre  )  Chancelier  de  l'Eglife 

de  Paris  &  Doyen  de  celle  de  Troies. 

Sa  mort  en  T178.  Ses  Ecrits,  fbn  Hiftoi^ 
toire  Scholaftique.  Idée  decet  Ouvra- 
ge. io6 
Editiorrde  l'Hifloire  Scholaftique.  Ser- 
mons de  Pierre  Comeftor             :;o8 
Il  y  en'a  cinquante-un  ;  qiiels  en  fjnt 
lesfujet:.                                         309 
Autres  Ecrits  de  Comeftor.               jn 
CoMtle  de  Pamiers,  de  Lavaur,  en    laii. 

548 

Lettre  de  ce  Concile  au  Pape.  lettre 

des   Evéques    alTen  blés    à    Muret. 

Candie  de  Duneftable  en  izi4>      ibU, 


DES    MATIERES. 


6^1 


Concile  lie  Londres  en  1115-1214.  Con- 
cile Je  Montpellier  en  ii  1  j.     jyi 

Qanons  de  ce  Concile.  554. 

Décret  de  ce  Concile  en  faveur  de 
Simon  de  Montrort.  î'î4 

Concile  de  l.ntr.in  douîiéme  général. 
Convocation  de  ceConcileen  11  ij. 
Motif  de  cette  convocation  fixée  au 
premier  Novembre  111  y  :  nom- 
bre de  ceux  qui  y  affiflerent.       j  j'y 

Dilficuhcs  terminées  avant  ce  Conci- 
le. Suite  de  ces  difficultés , ouverture 
de  ce  Concile  le  11  Novembre  iiiy. 

Difrours  du  Pape.  Canon  de  ce  Con- 
cile, yjy  ^fuiv. 

Décret  pour  la  Croifade.  ^76 

Autre  Décret  du  Concile  de  La- 
tran.  577 

Le  Patriarche  des  Maronites  fe  réunit 
à  l'Eglife  Romaine.  Durée  de  ce 
Concile.  Lettre  au  Pape  Benoît  XIV 
avec  fa  riponfe.  •i-ji 

Lettre  de  Dom  Ceiilier  au-  Pape  Be- 
noît XIV.  Réponfedu  Pape  à  Dom 
Ceiilier.  579 

Seconde  Lettre  du  Pape  à  Dom  Ceii- 
lier. î8o 
Concile  de  Francfort.  Concile  de  Todi  en 
looi.  fSx 
Concile  de  Rome  en   looi.  Concile  de 

Labe.    Concile  de  Dormand  en  looy. 

Concile  de  Rome  en  1007.  Concile  de 
Francfort.  Concile  de  Chelles,  de 
Barcelone,  d'Anham  en  Angleterre. 

f84 
Canons  de  ce  dernier  Concile.       jSf 
Concile  de  Bamberg.  itid. 

Loix  Eccléfiaftiques   d'Ethelrede.  Di- 
plômes &  Privilèges.  ^Stf 
Concile  de  Pavie.  Vcfex.  l'article  du  Pape 
Benoît   VIII.  Concile  de  Ravenne. 

^       .  5*7 

Concile  d'Orléans.  Concile  de  Selingftade 

&  Canons  de  ce  Concile.  585 

Concile  d'Airy,   590.  Concile   de   Tou- 

loufe,  Î9I.  Concile  de  winchefter. 

ihiJ. 
Concile  d'Aix-la-Chapelle  ,  ibiJ.  Conci- 
le de  Mayence.  ibid. 
Concile  d'Arras,  591 

Concile  d'Anfe  en  loiy.  Concile  de 
Francfort  en  T027.  J9j 

Concile  de  Mayence  en  1028.  Concile 
deKarofFeen  loiS.  Concile  de  Li- 
moges en  1028&  1031.  JP4 


Concile  d'Orléans  en  1019.  î»6 

Concile  de  Palitli  en  1019.  Concile  do 
Bourges  en  loj  1.  Î97 

Conciles  de  ConKantinople  en  1017. 
y  98  &'  60  t.  Décret  touchant  la  vali- 
dité d'un  Mariage.  ^01 

Concile  de  France  en  103  i.  Décret  de 
ce  Concile.  '•o* 

Concile  de  Triburen  toji.  Concilede 
Poi tiers  en  1031.  Loix  Eccléliaitiques 
du  Roi  Canut.  ^0} 

Concilede  Ripouilleen  loji.  Iilem  de 
Pampeluneen  1051 .  6O4 

Concile  de  Tribut  en  io3f>.  Idem  de 
Poitiers  en  i05rt.  îr/ft«  de  Rome  en 
1037.  Idem  de  Narbonne  en  1058. 
7(/fw  de  Vendôme  en  1040.  605 

Concile  de  Venife  en  1040.  Idem  de 
Cefena  en  1042.  Idem  de  Co.xane  en 
10;  f.  &  104?.  ^oS 

Concile  de  Conftance  en  1044.  Lient 
d'Arule  en  104e.  Idem  de  Sutri  en 
104(7.   /(/fOT  de  Rome  en  1047-    <j07 

Concile  d'Elne  en  1047.  Wcot  d'Alle- 
magne en  1947.  iJe.n  de  Caen  en 

1047'  ^O^ 

Concile  de  Sens  en  1048.  Loix  Ecclé- 
fiaftiques. Canons  de  ce  Concile.  6oçf 
Concile  de  Rome  &  de  Paris  en  1029. 
Concile  de  Rheims  en  1049.         610 
Canons  du  Concile  de   Rheims.  Autres 
circonflances  de  ce  Concile.  611  & 

Concile  de  Mayence  en  1 049.  611 

Concile  de  Rouen  en  lojo.  Canons  de 
de  ce  Concile.  613,514 

Concile  contre  Berenger  en  loyo.  ibid. 

Concile  de  Coyac  en  lojo.  Canons  de 
ce  Concile.  6t^Si6i^ 

Concile  de  Siponto  en  lo^'o.  Conciîe 
deRomeen  1050.  &  1051.         616 

Concile  de  Manioueen  ioj-3.         iiid. 

Concile  de  Rome  en  1053.  /''"«de  Li- 
moges en  1052,  Idem  de  S.  Denis  en 
1053.  6J7 

Concile  de  Narbonne  en  10J4.  Canons 
de  ce  Concile.  6ï8 

Concilede  Barcelone  en  10^4.        ihid. 

Concile  de  Conftantinople  ,  de  Mayen- 
ce ,  de  Florence,  de  Lyon  &  de  Tours 
en  10J4,  105  j'.  Idem  de  Cologne  en 
10^6.  /(/emdeSnint-Gilles  &  de  Lan- 
daff.  Idem  de  Lyfi-ux  &  de  Rouen  en 
10^5.  619 

Concile  de  Touloufe  en  1056.  Canons 
de  ce  Concile.  6zo 

Concile  de  Compoftelle  en  10^6,  idtm 
N  n  n  n  ij 


652  T  A   B 

de  Rome  en  1057.  Idem  de  Narbon- 

ne  &  d'E'.ne  en  1058.  6i\ 

Concile  de  SutriSf  de  Rome  en    1059. 

Idem  d'Almaphl3c  de  Béncvent.  6îi 
Concile  de  Rheims  en   10J9.  Idem  de 

Vienne  &  de  Tours.  623 

Concile  de  Yacca   en   1060.  Idem    de 

Bcnévrnten  106 1.&  io6i,IJctn  de 

Bafle  en  1061.  614 

Conciled'Orboren  Saxeen  ïo6i.  Idem 

d'Arrrgon  en  \c6i.  Idem  àeRctne, 

de  Câalons  fur  Saône  &  de  Moiflac. 

en  lof^j.  6zî 

Concile  de  Rouen  ,  de  Mantoue,  de 

Barcelone  en  10^4.  6i6 

Concile  de  Rome  en  106  f..  Idem  d^Au- 

tun  en  11,65  ou  1066.  627 

Concile  d'Elneen  1065,  Ji»»;  de  Veft- 

niinfter  en   1066.  6i3 

Concile  d'Aufch    &    de  Touloufe  en 

1068.  hlem  d'Efpagne  en  1068.  de 

Mayenceen  io6^,  é29 

Concile  d'Anfe  en  1070.  Idem  de  Wm- 

cheflre,  de  Windforjde  Londres ,  de 

Pedreda  en  1070  71.  <^o 

Concile  de  Mayence  ,    de  Rouen  ,  de 

Windfor  en  1071  ,  io7z.  631 

Concile  de  Châlons  fur  Saône,  de  S. 

Genès,  de  Bénévent, en  1 07 3,74, 7^. 

Idem  d'Angleterre  en  1075.       63  j 

■  tZoncile  de  Wincheftreen  1076.     6,4 

■ferment  de  Robert  Evêque  de  Chartres. 

Conciles  de  France  en  1077.      63  f 

Concile  de  Poitiers  en  1078.  Canons  de 

ce  Concile.  £]6 

Concile  de  Bourdeaux  en  1079.      637 

Concile  de  Bretagne  en  1079.  Uem  de 

Virzbourg  en  io3o.  Idem  de  Lyon  , 

d'Avignon  &  de  Sens  en  to8o.     638 
Concile  de  Lillebone  en  io8o.  Canons 

de  ce  Concile.  é39 

Conciles  de  Langres  ,  de  Saintes  ,     de 

Meau-i  ,  de  BuJgos ,  en  1080.  ^40 
Concile  d'IlToudun  en    1081.  Concile 

deiVIeaux&de  Cliaronne  ,  en  1081, 

Concile  de  Saintes  en  1083.  ^41 

Concile  de  Compiegne  en  loSj.  Con- 
cile  de  Capoue  ,  de  Bénévent ,  en 

108-'.  ^41 

Conciles  de  Saintes  en  1085  &de  Soif- 

fons  en  i  rpi.  643 

Concile    de  Paris    en    1091.  Concile 

d'Angleterre  en  1093.  644 

Concile  de  Brioude  ,  d'Irlandeen  1097. 

Concile  de   Bourdeaux  &  de  Saint- 

Omer  Ame.  64^ 

Concile  de  Jerufalem  en  1099-       <4<$ 


LE  ' 

Cvnjérence  de  Théorîen  arec  les  Armé- 
niens. Théorien  enToyé  en  Arnr.eni» 
en  1170.  157 

Erreurs  des  Arméniens.  ibij. 

Première  Conférence  de  Théorien  avec 
les  Arméniens.  158 

Seconde  Conférence ,  troifîéme  Con- 
férence, lyj) 
Quatrième  Conférence.  161 
Cinquième  Conférence,  16* 
Edition  du  Ttaité  de  Théorien.      16 j 


D 


D. 


IscocRS  fur  la  Théologie  Pofîtive  ft 
Scholaflique.  page   I 

Etabliffement  de  la  Religion  révélée, 

iHd, 
Comment  il  s'eft  fait.  il'idt 

Théologie  Pofitive.  Son  utilité.  t 

Moyens  qu'elle  emploie  pour  prouver 
les  vérités  de  la  Religion.  La  Loi  de 
Aloyfe.  »*»i. 

Les  Prophéties  &  leur  accomplifTement. 

ihid. 
L'autorité  de  l'Evangile  &  des'MJiades. 

3 

Les  Aâes  des  Martyrs.  4 

La  Tradition  Apoflolique.  f 

Le  confentement  de  toutes  les  Eglifes, 

ibid . 

L'autorité  des  Conciles,  des  Décrets  d« 
Rome  ,  &  des  Ecrits  des  Pères,  ibid. 

Théologiens  du  moyen  âge.  Leur  Mé- 
thode. < 

Ufage  de  la  Philofophie  dans  les  Ecrits 
des  Père?.  iHd, 

Commencement  de  la  Théologie  Scho- 
laflique. Ses  progrès.  7 

Oppolîtions  à  cette  nouvelle  Méthode. 

8 

Elle  prévaut ,  puis  elle  efi  co»damnée. 

ibid. 

Idée  de  cette  Méthode.  Hid, 

Inconvéniens  de  la  Méthode  Scholafli- 
que. 9 

La  Méthode  des  Pères  de  l'Eglife  a  plu» 
de  grâce  &  plus  de  force.  10 

E. 

Il  TiHNNE  de  Muret  (  Saint  )  Inflituteuf 
de  l'Ordre  de  Grandmont  ;  il  inflitua 
un  Ordre  Religieux.  page  66 

La  BuUede  Grégoire  Vil  pour  Etienne 
cft  fuppofée.  Etienne  ie  retire  dans  le 
défert  de  Mureit  .    <7 


D  E  S    M  A 

Sa  minière  lïe  vivre.  Il  re(;oit  la  vifite 
de  ilou/e  CiirJjnaux.  63 

Sa  m  irt  en  :  1 14.  i!>iJ. 

Piofe  lion  de  faint  Etienne.  Ri  gle  de 
faint  Etienne.  Preuves  qu'elle  eft  de 
lui.  69 

Cette  Re^Ie  eft  différente  de  celle  de 
faint  Benoit.  70 

Analyfe  de  la  Règle  de  faint  Etienne. 

7' 

Maximes&  Sentences  de  fitintEtiennei 

7î 

InftruâJons  des  Novice».  77 


VJAuTiïR.  de  Mauritanie  ou  de  Morta- 
gne ,  Evêque  de  Laon.    Ses  Lettres. 

pag.  X02 
Donation  de  Gautier.  zo6 

Çeroih  ,  Prévôt  de  Reichefperg  ,  &  Ar- 
nou  fon  frère,  fa  naiiïance  Si  Ces  études. 

-    .  «  144 

11  eft  fait  Prévôt  de  Reiclierfperg  en 

1 1  51.  Ecrits  de  Gerocli.  lùiJ, 

Traité  fur  l'ctat  corrompu  de  l'Eglife. 

Analyfe  de  ce  Livre.  145' 

Traité  contre  les  Si moniaquej,        147 

Traité  de  la   glorification  du  Fils   de 

l'homme.  ihiJ. 

./nalyfe  de  ce  Traité.  ihùi. 

Traité  contre  deux  héré/îes.  Queflions 

entre  les  Grecs  &  les  Latins.       149 

Autres  Lettres  de  Gerocli.  Vies  des 

faints  Abbés  de  Formbach,  Livre  de 

l'édifice  de  Dieu.  150 

Livre  Epiftolaire  de  Geroch.  151 

Folmar  ,    Prévôt  de  Triefenftein    en 

Francosie.Sa  Lettre  à  l'Archevêque 

de  Salzbourg.  tl^iii. 

Lettre  de  Geroch  â  l'Abbé  d'Ebrach. 

lettre  de  l'Abbé   d'Ebrach   à  Geroch. 
Lettre  de  Folmar  à  l'Abbé  d'Ebrach. 

Arnon  écrit  contre  tolmar.  Idée  de  cet 

Ecrit.  itid. 

Traité  de  l'Ante-Chrift.  1  s  y 

Concile  de  Francfort  en    11 30.   Livre 

d'Arnon.  lyé 

Codefroi  ,  Abbé  des  Monts.  Ses  aftions , 

fa  mort  en  i  i6f.  00 

Ses  Ecrits.  Sa  méthode.  Sesfentimens. 

pi 

Homélies  du  premier  Tome  fur  les 
Dimanches  de  l'année.  si 


•  les  Fc- 


T  I  E  R  E  S. 

Homélies  du  fécond  Tome  fur  ] 

tci  de  l'année.  jj 

Sur  divers  Sujets.  Opufculei  des  Béné- 

diftions  de  Jacob.  94 

Livres  des  dix  Calamités  prédites  pat 

Ifaie.  Lettre  de   l'Abbé  Godefroy. 

iM, 

Cr.if(V»,  Moine  Bénédidin,  jij 

Son  décret  ou  collciftion   des    Canons. 

Réputation  de  ce  Décret.  316 

Fautes  dans  ce  Décret.  Corredion  dans 

ce  Décret.  ikiJ. 

Editions  de  ce  Décret. Ce  qu'il  contient. 

Additions  au  Décret.  Remarques  fur  le 

Décret.  5 : 8 

Dodrine  de  Gratien  fut  i'Euchariftie. 

L'Euchariftie  eft  la  chair  même  qui  eft 
foyie  du  fein  de  la  Vierge.  j  )o 

Gratien  traite  de  tout  les  Sacreinens  dan» 
fon  Décret.  331 

Grégoire  VU  I.  Pape.  Ses  Lettres.        379 
GwjTifrf  ,  Abbé  de  Gemblours.  344 

Ses  Ecrits.  Vie  de  faint  Martin,  Ses  au- 
tres Ecrits.  54  f 
Suite  des  Ecrits  de  Guibett.  ^^6 


H 


H. 


.  IiDicARDi  ,  (  Sainte  )  Vierge,  Ab- 

belfedu  Mont  faint  Robert.  Eiilabeth 

de  Schnauge.  P^ge  çf 

Sainte  Hildegarde  bâtit  le  Monafteredu 

Mont  faint  Rupcrt.  ihid. 

Elle  devient  célèbre  par  fes  révélations. 

ikiJ, 
Eli  e  eft  en  grande   con/îdération  darw 
l'Eglife  &  dans  l'Etat.  ihU, 

Elle  eft  confultée  par  les  Sçarans,  Se» 
Ecrits  font  approuvés  par  le  Pape  Eu- 
gène III.  9Ô 
Il  eft  douteux  que  faint  Bernard  ait  ren- 
du vifite  à  fainte  Hildegarde.  97 
Ses  miracles.  Sa  mort.  Sa  fcience  étoit 
infufe.                                             ibiJ» 
S  s  Lettres.  98 
Lettres  d'Elifabeth   Schnauge.  Lettres 
au  Clergé  de  Mayence.  99 
Lettres  aux  Moines -G/is.                   100 
Autres  Lettres  de  Set  Hildegarde.      101 
Lettres  de  l'Empereur  Frédéric.  Solu- 
tion de  fainte  Hildegarde  au.x  quef- 
tions  de  Guibert  de  Gimblou.     loj 
Explication  de  la  Règle  de  faint  Benoît. 
Explication  du  Symbole.                104 
Autres  Ouvrages  de  fainte  Hildegarde, 

105 


<554  T   A   B 

Elifabfth  ie  Schnauge.  Ses  Révélations. 

io6 

Ce  qu'elles  contiennent.  107 

Lettres  de  fainte  Elifabeth.  108 

Hugues ,  Archevêque  de  Rouen.  Sa  naif- 

fance  ,  fes  études  ,  il  fe  fait  Moine  , 

devient  Abbé.  109 

II  eft  fait  Archevêque  de  Rouen  en 

1118.  ibiJ. 

L  affifte  au  Concile  de  Rheims    en 

I131  ,   &  de  Montpellier  en  iij4- 

1 10 
Il  fe  trouve  au  Concile  de  Vinchefler 

en  1139.  '^"^• 

Il  érige  en  Abbaye  l'Eglife   d'Aumale 

en  1 1  30.  itiii. 

Il  affifte  au  Concile  de  Pife  en    1 1 34. 

Zèle  de  Hugues.  Sa  mort  en   iijf. 

112 

Ses  Ecrits.    Ses    Dialogues,  Annales 

ie    fes  Dialogues.  Livre  premier. 

Livre  feconJ.  Livre  troifîeme.  114 
Livre    quatrième.    Livre   cinquième. 

Livre  fixi?me.  Livre  Teptieme.  117 
Commentaire  fur  l'Ouvrage    des  Six 

Jours.  Livre  delà  Mémoire.  118 
Explication  du  Symbole  &  de  l'Orai- 

fon  Dominicale.  1 1  9 

Lettres  de  Hugues  de  Rouen.  110 
Vie  de  faint  Adjuteur.  izî 

Livre  de  Hugues  contre  lesHcrétiques. 

Analyfe  de  ces  Livres.  Livre  pre- 


mier. 113 

Livre  fécond.  ii< 

Livre  troifîeme.  I16 

Jugemens  des  Ecrits  de  Hugues.  12.7 

J. 

J  Fan>  Diacre 'de  l'Eglife  de  Latran, 

Divers  ordres  de   la  MelTe  rapportés 

par  DomMabillon.  page  197 

Jean    Diacre  de  l'Eglife   de  Latran. 

iùiJ. 
Livre  de  l'Eglife  de  Latran.  198 

Conftitutions  pour  l'Eglife  de  Latran. 
pour  l'Office  Divin.  2^9 

Pour  les  Reliques.  ibid. 

Joachim,  Abbé  &  Fondateur  de  Flore  en 
Calabre.  Sa  naifiance  en  I I4Î.        538 
Il  fait  le  voyage  de  Jerufalem.  Il  re- 
vient en  Calabre  ;  cft  fait  Abbé  de 
Corace.  ibid. 

Joachim  fonde  le  Monaflere  de  Flore. 


L   E 

Mort  de  l'Abbé  Joachim  en  1101; 

Ses  Ecrits.  Concorde  :!e  l'Ecriture.* 
Pfeautier  à  dix  cordes.  ibii. 

Commentaire  fur  If  11°,  Sitr  Jéremie. 
Autres  commentaires,  340 

Commentaire  fur  l'Apocalypfe,       ibil. 

Explication  d'un  Livre  de  Cyrille.    ^41 

Autres  Ou\'Tagts  de  l'Abbé  Joachim. 
Livre  contre  le  Maitre  des  Sentences. 

Vraie  Doôrine  de  l'Abbé  Joachim  fur 

la  Tr'niîé  .-fuite.  343 

Innocent  UI ,  Pape,  fon éleâion  en  115)8: 

Ton  Sacre.  ?89 

Commencement  de  fon  Pojitifîcat.  Son 
zèle  pour  la  Croifade.  390 

Il  convoque  un  Concile  général.  Sa 
mort  en  \zi6.  ibid. 

Article  i-remier.  Lettre  d'Innocent  III. Ses 
geftes.  Editions  des  Lettres  d'Inno- 
cent III.  391 

Livre  premier  des  Lettres.  39» 

Livre  feco  nd  des  Lettres  du  Pape  Inno- 
cent IIL  424 

Troifîeme  &  quatrième  Livre  des  Let- 
tres d'Innocent  III.  43J 

Cinquième  Livre.  43^ 

Colledion  des  Lettre»  qui  concernent  la 
conteftation  entre  Philippe  &  Oton 
fur  l'Empire.  441 

Sur  quoi  rouloit  cette  conteftation.  Dé- 
ci  (Ion  du  Pape.  ibij. 

Livre  di.\ieme  des  Lettres  d'Innocent 
III.        ^  443 

Livre  douzième.  44^ 

Livre  treizième.  446 

Livre  quatorzième.    Livre  quinzième. 

Livre  fei7iéme.  Autres  Lettres  d7nno- 
cent  III.  448 

article  deuxième.  Des  Opufcules  d'Inno- 
cent III.  Sermons  du  même  Pape.  449 

Ce  qu'on  peut  y  remarquer.  4J0 

Livre  de  l'Aumône.  4J1 

Explication  des  fept  Pfeaumes  de  la 
Pénitence.  4jî 

Remarques  fiir  l'explication  de  ce» 
Pfeaumes.  ibfd. 

Livre  de  la  Charité.  4  5'j 

Livre  des  Myfleres  de  la  Loi  Evangéli- 
que.         _  _  4î4 

Livre  premier.   Livre  feconcf.  ibiJ. 

Livre     troifîeme.      Livre     quatrième. 

Livre  cinquième  &  lîxieme.  457 

Eloge  de  J.  C.  &  de  la  fainte  Vierge. 


DES     MAT 

livre  clii  Mf^pris  du  Monde  ou  de  la 
Miffte  luimnne.  4J'7 

Diicours  du  Pape  au  Concile  de  La- 
tran  ,     Dt-cret  de  ce  Concile.     4^8 

Conllitution  toiiclianc  la  Croilade. /*/</. 

Livre   des    Conliitutions    décrétait  s . 

S? 

Autres  Ouvrages  d'Innocent  III.  Juge- 
ment des  Ecrits  d'Innocent  III.    iHd. 


I  ER  E  S.  içjy 

ge  des  Ecrits  de  Pierre  Lombard. 
Son  Pontifi- 


L. 

jLy  Enoir.  ,  (  Raoul  )  Moine  de  faint 

Germer.  Commentaire  fur  le  Léviti- 

que,  page    300 

Ge  Commentaire  eft  divifé  en  io  Li- 

_  vres,i,  2,5  ,4,5.  301 

Livres  6,7,  8,9,  10,  ii>  &   12- 

301 
Livrps  rj.  14.  303 

Endroits  remarquables  dans  ce  Com- 
mentaire. 3°+ 
Jugement  du  Commentaire  de  Raoul. 

Lomt.uJ ,  (  Pierre  )  Evêque  de  Paris , 
fumommé  le  Maître  des  Sentences. 

12 

Hiftoire  de  fa  vie.  Ses  études.  Il  va  à 
Paris.  'J>i^- 

Ses  progrès  dans  fes  études.  Il  enfei^ne 
à  Paris,  &  eft  fait  Chjnoine.      il/-tl. 

Son  voyage  à  Rome  vers  l'an    1 149. 

Il  e^  fait  Evèqu9  de  Paris   en   11  57. 

Sa  mor'  en  i  \6o.  1  ^ 

Elo^e  donné  à  Pierre  Eombnrd.     14 

Artich   T.    def  Ecrits    de    Pierre  Lom- 

b''rl.  Livres  des  Sentences.  ly 

§.  I.  Du  premier  Livre  des  Sentences. 

An  iiyferle  ceLivre.  17 

48   diftindions  depuis    la  page   17 

jlifqu'.î  la   2  7. 

§.  Tl.  Du  fécond  I  ivre  des  Sentences. 
DifPrentPf  'liftinftions.     27  ^  frtiv, 

§.  III  TroilT  me  Livre  de?  Sentences. 
Différentes  difiin<Sions.   5^  "^5  f'tiv, 

g.  IV  Ointrieme  Livre  dç s  Senten- 
ces. Différentes  diftindions.    41   Ç^ 

/"»V. 
Jugement  -^e»  Livres  de?  Sentences, 
Comment  iir"  fur  ces  Livres.  cq 
E'itions  dpq  Livres  des  Sentences. 
Suite  des  Edi'ion^,  ^i 

§.  V.  A"»  fs  Petits  de  Pierre  Lom- 
bard. Lettres,  Commentaires,  Dif- 
cours.  ^I 

Editions  de  ces  Commentaires.  Elo- 


3" 


Imc/wj- nr.Pape  en   ii3i. 

cat. 

Ses  Lettres  au  Clergé  d'EcofTe,        J73. 

Quels  font  les  Hérétiques  condamnés 
dans  le  Décret  du  Pape  ou  du  Con- 
cile de  Vérone,  yj^ 

P. 


X^Etit  ,  (  Jean  )  fumommé  de  Sarif- 
beri  ,  Evêque  de  Chartres.  Ses  études. 

page  270 
Il  eft  fiiit  Clupelain  &    Secrétaire  de 
Thibaud,Archevêque  de  Cantorberi: 
eft  envoyé  à  Rome  par  le  Roi.     171 
Il  eft  eftimé  des  Papes,  &choifi  Evê- 
que de  Chartres.  ,>,-^. 
Ses  Ecrits.  Le  Policratigue,  ou  Amufe- 
mens  des  Courtifans.  271 
Analyfe  du  Policratigue.  Livre  l  ,  Li- 
vre 2,  Livre  3.  Livre  4,  273 
Livre  cinquième.  Livre  fixieme,  Livre 
fi'ptieme  ,  Livre  huitième.          274 
Métalogique  de  Jrande  Sa  ri  ftjeri.  Let- 
tres de  Jean  de  Sa  rift>eri.             17J 
Autres  Ouvrages  de  Jean  de  Sarifberi. 

178 
Son   Pénitentiel.    Son   Commentaire 
fur  faint  Paul.  ^^f. 

Editions  des  Œuvres  de  Jean  de  Sa/if- 
„      '''"'■;;.  ihid. 

Pierre,^  Diacre  &  Bibliothécaire  deMont- 
Caftin.  Ses  commencements  en  ijif. 
Il  eftenvoyéen  exil  en  iiiS.  Il  revient 
à  Mont-Cadin.  -g 

Il  eft  choifi  pour  défendre  les  droits  de 
Mont-CafiTin.     Reconciliation   des 
Moines  de  iVlont  Caffin.  Difputede 
Pierre  Diacre  avec  un  Philofophe 
Grec.  ■  yj 

Il  accompagne  l'Empereur,  80.  Ses 
Ecrits.  Catalogue  des  hommes  il- 
luftres  de  iVlont-Caflin.  Sv 

Chronique  de  fvlont-Caftin.  Difficultés- 
fur  quelques  Chapitres.  Réponfesaux 
diflîcuhés.  3j 

Editions  de  cette  Chronique,  83.  Rela- 
tion de  l'Invention  du  Corps  de  faint 
Benoît.     SVdtiits     de     Mont-Caftîn.  • 
Commentaire  d?  Pierre  Diacre.      84 
Traité  des  Sigles.  Vie  de  faint  Placide. 

Livre  des  Lieux  Saints.  gg 

Livre  de  l'origine  &  de  la  vie  des  JuC- 

tes  de  Mout-Caflin.  Lettres  à  l'Em* 


6$6         TABLE   DES 

pereur  Lothaire.  Lettres  à  l'Impé- 
ratrice Richife.  gy 
Ecrits  de  Pierre,  Diacre  ,  qui  refont 
point  imprimés.                             gg 
Foitiers  (  Pierre  de  )  Chancelier  de  l'E- 
glife  de  Paris ,  &  quelques  autres  Ecri- 
vains du  même  nom.  Il  éioit  Difciple 
de    Pierre    Lombard.    Il   enfeigne    la 
Théologie  à    Paris.  Sa  mort  en   i  zoj. 

Ses  Ecrits.  Livres  des  Sentences.  Ce 
qu'ils   contiennent  :  premier  Livre. 

ibiJ. 
Edition  de  Paris ,  léjj.  Livre  fécond. 

..  .  .      .        54 

Livre  troiiieme,quatricme,cmquieme.  f 

Fropofiiions    rejettées    dans  Pierre   de 

Poitiers.  Autres  Ecrits.  56 

pierre   de  Poitiers  ,  Grand-Prieur  de 

Clugny.  Ses  Ecrits.  Bibliothèque  de 

Clugny.  57 

Pierre  de  Poitiers,  Chanoine  &  Chantre 

de  l'Eglife  de  Paris,  élu  Evêque  de 

Tournay.  58 

Ses  Ecrits.  Analyfe  de  la  Somme  de 

Pierre  le  Chantre.   Edit.  de   16^9. 

Montib.  5^ 

Jugement  de  cet  Ouvrage,  64 

T. 

X  HoMAS  (  Saint  )  Archevêque  de 
Cantorberi ,  &  Martyr.  Sa  naiflance 
en  1 1 17.  page  241? 

Il  s'attache  à  l'Archevêque  de  Can- 
torberi. ibiit. 

Il  eft  fait  Chancelier  d'Angleterre,  & 
Précepteur  de  Henri  III  en   11 58. 

ibid. 

On  le  choilît  Archevêque  de  Cantor- 
beri, i47 


MATIERES, &c; 

Sa  conduite  pendant  Ton  Epifcopat.  Il 

réforme  des  abus.  iHd, 

Divi/ion  entre  lui  &  le  Roi  Henri  II. 

Cette  divi/ion  augmente.  148 

L'Archevêque  eft  cité  &  condamné  au 

Concile  de  Northampton  en  ii(;4. 

î49 
Il  fe  retire  en  France,  ibi/i. 

Il  a  audience  du  Pape  à  Sens.  Il  va 

demeurer  à  Pontigny.  zjo 

Le  Pape  le  fait  Légat  en  Angleterre. 

Thomas  excommunie  les  Détenteurs 
des  biens  de  l'Eglife  de  Cantorberi, 

ibiJ. 

Il  quitte  Pontigny  ;  va  à  Sens.         ibid. 

Thomas  emploie  les  cenfures  Ecclé- 
/îaftiques  en  11 69.  ly^ 

Cenfures  du  Pape  contre  le  Roi  d'An- 
gleterre. Paix  de  l'Archevêque  avec 
le  Roi.  ijj 

L'Archevêque  part  pour  l'Angleterre, 

Martyre  de  faint  Thomas.  ijy 

Ses  miracles.  Sa  canonifation  ,  puni- 
tion divine  de  fes  Meurtriers,       1^6 

Lettres  de  faint  Thomas  de  Cantor- 
beri, Ecrivains  de  fa  vie.  ibiJ, 

Coutumes  d'Angleterre  conteflées  par 
le  Clergé.  z^y 

Ce  qu'il  y  a  de  remarquable  dans  les 
Lettres  données  par  Lupus,         z6q 


U 


V. 


Rbain  III.  Pape.  Lettre  d'Urbain 
à  tous  les  E  vêqufs.  P^ge  ^'/7 

Ses  foins  pour  la  Croifade.  Sa  mort  en 
II 87.    Ses  Lettres.  57g 

Vie  de  faint  Siméon  Stylite.  541. 


Fin  de  la  Table  des  Matières. 


*  y^^M 


■•ï.-'-€ 


\^.:  y^9\ 


À 


>    ^ 


>\ 


Po^lV 


c 


.JTf^ 


i^'  ^-u.  «WH/* 


\lj^i    . 


»  :^ 


* 
^ 

r^